DR + ds . pt are + 1 . r » ds C2 AR Te + vi .,e Ü dut . <* # BULLETIN SCIENTIFIQUE DE LA FRANCE EP 'DE-EA BELGIQUE PUBLIÉ PAR ACER ED Cr LA RD: Chargé de cours à la Sorbonne (Faculté des Sciences), Maître de Conférences à l'École Normale Supérieure. LONDRES, n DULAU & C", | Soho - Square, 37. PARIS, Georges CARRÉ, BERLIN, Rue St-André-des-Arts, 58 ; a FRIEDLANDER & SOHN, et N.-W., Carlstrasse, 11. Paul KLINCKSIECK, Rue des Écoles, 52. TABLE. BONNIER (P.) — Le sens auriculaire de l'Espace (37 fig. dans le texte ). nn nn nn — Les sens chez les animaux inférieurs d'après Jour- CANU (E.) -— Les Copépodes marins du Boulonnais : V, Les semi-parasites : 1° Sur le dimorphisme sexuel des Copépodes ascidicoles. — 2° Sur le développe- ment des Copépodes ascidicoles. — 3° Sur les relations des Copépodes ascidicoles. — 4° Les Copépodes semi-parasites recueillis dans le Bou- ROMAIS vi nimes one NT CNTTMPPAT PURE AT Er n DALL (W.-H.) — A propos des Pleurotomaria des Musée Pete io NSRRRQANS 7 ORNE ASE PE APS NE CU FISCHER (H.) — Recherches anatomiques sur un Mollusque nudibranche appartenant au genre Corambe (1 fig. dans le texte et Planches IX-XII). ............. FOWLER (G.-H.) — Sur un remarquable Crustacé parasite et sur ses rapports avec la phylogénie des Ento- mostracés (3 fig. dans le texte)........................ Pages. 467 — VI — GIARD (A.) — Observations sur quelques types d’Ascotho- racida (1 fig. dans le texte). ................. NPA. HECKEL (E.) — Sur le mimétisme de Thomisus onustus WALCKENAER (Planches VII-VIIT)........... ........ HOUSSAY (F.) — Études d’embryologie sur les Vertébrés ; IV : Les fentes branchiales auditive, hyo-mandi- bulaire, spiraculaire et les somites mésoblas- tiques qui leur correspondent chez l'Axololl (Planches II) EP SRE Te MERE KUNSTLER (J.) — Projet de réglementation de la pêche du Saumon... RÉ PEER SEE — Le développement des Poissons osseux d’après HENNEGOT PA es Rae ire CE CROIS LAMEERE (A.) — Prolégomènes de Zoogénie................ LE DANTEC (F.) — Recherches sur la digestion intracellu- lairechez les Protozoaires....7., "#2" LO BIANCO (S.) — Méthodes en usage à la Station zoolo- gique de Naples pour la conservation des ani- AUX MATINS LL OR PRE EEE RERS MAGNIN (A.) — Observations sur le parasitisme et la cas- tration chez les Anémones et les Euphorbes {1 fig. dans le texte et Planche XIII)..-................ MONTICELLI (F.-S.) — Un mot de réponse à M. Lünx- BÉRG 80 ce ne ET A DER UE É NORMAN (A.-M.) — Sur Synagoga mira.................... PELSENEER (P.) — Sur l’Épipodium des Mollusques | Trot- sième nole]. (3 fig. dans le texte et Planches XIV- Pages 96 347 261 100 AR 909 95 VI — Pages. VON JHERING (H.) — Sur les relations naturelles des Cochlides et des Ichnopodes (4 fig. dans le texte et RO es | MN D'OR ER ER SERRE 148 WILLEM (V.) — Sur les perceptions dermatoptiques (Re- sumé historique et critique) ............ .... .... 329 La première partie du tome XXIII du Bulletin scientifique , de la page 1 à la page 260, est sortie des presses le 21 février 1891 ; la seconde partie, de la page 261 à la fin, est sortie des presses le 18 Août 1891. LE SENS AURICULAIRE DE L'ESPACE, PIERRE BONNIER. Cette étude ne repose que sur des faits déjà interprétés maintes fois ; elle ne peut se recommander de l'autorité que donnent l’expé- rimentation et la théorie, car nous n'avons aucune expérience, aucune induction théorique; les faits que nous rappelons ne nous sont, en aucun cas, personnels et nous ne les tenons le plus souvent que de seconde main, exploités antérieurement par des hypothèses entièrement opposées à la nôtre, et revêtus d’une signification d’em- prunt dont il nous a fallu les dénuder. Aussi ne trouvera-t-on dans cette recherche qu'un simple essai de dialectique physiologique, appuyée sur un peu d'anatomie com- parée . visant plus à détruire des conceptions théoriques trop long- temps accréditées, et devenues absolument insuffisantes, qu'à créer une théorie vivace. C'est une manière personnelle de concevoir un sujet qui a toujours été interprété différemment. Il y a dans tout le domaine scientifique actuel plus de faits qu'il n'en faut pour établir des conceptions générales totalement étran- gères à celles qui ont cours. L'école du Fait, qui a enrichi lascience, a — a, peu à peu, atrophié chez nous les facultés dialectiques que l’on s’attachait autrefois à développer trop exclusivement : l'observation objective est arrivée à une supériorité de méthode et à une puis- sance d'analyse chaque jour plus fécondes; mais quel merveilleux degré de clairvoyance n'avait pas atteint l'observation subjective, la Dialectique des anciens ? Deux exemples mesureront l'écart : d'un côté, LEIBNITz définis- sant l’espace, « l’ordre des choses coexistantes », observation toute objective faite par un dialecticien ; de l’autre, un expérimentateur, DE Con, localisant le sens de l'espace dans une fonction mal définie d’une partie de l'appareil périphérique du nerf auditif. Le plus grand, le plus compréhensif de tous les sens, celui qui nous révèle le non-moi et le moi lui-même , l'opération fondamentale de toute connaissance objective et de toute conscience , se trouve fixé par une expérience dans laquelle on ne constate, en dernière analyse, « qu'un trouble dans l'ordre de cerlains mouvements organiques coëxistants ». N'’est-il pas évident que le sens de l’espace est plus large que la fonction d'équilibre, et que tous nos sens ne sont que des appareils se partageant l'analyse de l’espace, révélé par le mouvement de toute modalité. Est-ce que l'œil ne possède pas un sens merveilleux de l’espace ; est-ce que la vue et le toucher ne nous révèlent pas l’espace sous des notions de forme et de mouvement, de couleur et de surface, notions bien plus objectives que celles que fournissent l'oreille et l’'odorat ? Le chien flaire l’espace et s’y dirige ; on peut donc dire que le sens de l’espace appartient à teus les organes des sens, car dès qu’à la perception de nature s’adjoint la notion d'orientation, il y a analyse d'espace et tous les sens, les plus sublils comme les plus obtus, orientent. Tout le sensus est compris dans une opération dont les limites sont, en quelque sorte, étendues à deux sphères concentriques s'éloignant sans cesse l’une de l’autre , la connaissance objective et la connaissance subjective. Toutes deux ont l'infini pour limite, ou l'absolu. Nous crcyons sans cesse que l'absolu est du domaine de notre révélation , et cet optimisme, cette foi psychique pure nous fixe à tout moment à des synthèses qui règnent un instant, le temps d'un arrêt, et qui tombent bientôt. Toutes les opérations du sensus SE NE A se réduisent finalement à des appréciations de mouvement ou de force, à des révélations d'espace : la matière étant une des nom- breuses manières d'être de l'espace, la force étant le conflit entre deux ou plusieurs manières d'être de l'espace et le mouvement étant le résultat de ce conflit, c’est-à-dire la substitution d’une manière d'être à une autre: aucune définition n'est réellement possible objectivement, et ce serait vouloir être à plaisir dupe desoi- même que de chercher à établir la fixité d’une définition objective, dans cette investigation métaphysiologique où l’on ne possède aucun terme irréductible. Quand nous nous servons du titre de sens auriculaire de l’espace, nous ne parlons donc que de la révélation de l’espace par l'appareil auriculaire et ses ascendants dans la série organique, depuis l’appa- rition même de la sensibilité. L'audition fait partie , un peu tard, de la fonction auriculaire, et elle appartient au sens de l’espace dont elle analyse certains ébranlements rythmés. Nous avons, dans cette étude, réduit à des schémas très simples des appareils parfois très complexes , et nous avons pensé ainsi en faire suivre plus aisément la filière. Une bibliographie complète eût été considérable, on la trouve, d’ailleurs, dans bien des ouvrages classiques. Les auteurs que nous citons et à qui nous faisons des emprunts sont trop connus de ceux qui s’altachent à notre sujet, pour qu'il soit nécessaire de multiplier les indications. I. IRRITABILITÉ. La propriété fondamentale de toute matière protoplasmique élé- mentaire, au point de vue qui nous occupe, est ce qu'on a appelé irrilabililé. Il semble que ce soit une forme spéciale d’élasticité moléculaire propre à la matière vivante, une élasticité qui serait sentie par la matière elle-même. La combinaison de la double faculté d’être susceptible d'une action et capable d'une réaction caractérise l’élas- ticité : si la réaction égale l’action, il y a élasticité simple; si, pour — 4 — des raisons de structure moléculaire, la réaction ne peut égaler l'action, celle-ci progresse : il y a conduction. D'autre part, toujours par un effet de la composition moléculaire, la conduction peut être particulièrement favorable à la transmission de tel ou tel agent, ou bien lui refuser son élasticité et provoquer ainsi une transformation de force. Il est enfin des cas où une puis- sance de réaction, latente jusque-là, se révèle soudainement sous une action très faible. Si nous examinons la matière organisée et vivante, nous trouvons de même des cas où une action se voit immédiatement neutralisée: d’autres aussi dans lesquels le proto- plasma réagit comme une simple matière non organisée ; il semble d'autres fois non seulement accueillir l'agent en présence, mais encore lui offrir une élasticité remarquable, et devenir pour lui un conducteur excellent. Cette conduction centripète caractérise la sensibilité, spécialisée plus tard peu à peu pour les différentes modalités de l'impression. Puis, il se fait dans la matière une sorte de réserve où la puissance réactionnelle s’accumule pour se dépenser ensuite en conduction centrifuge, dite molricilé. Les deux grandes manifestations physi- ques de la matière vivante peuvent ainsi se ramener à une organi- sation toujours supérieure de l’élasticité protoplasmique. Capitalisation. Mais il ne suffit pas que l’élasticité soit organisée pour que la matière vivante subsiste, car l’élasticité ne dépasse pas les limites de l'échange : il faut discipliner cette force et l'organiser surtout de façon à multiplier et à étendre son pouvoir ; la condition de persis- tance des êtres vivants, sujets à usure, mais aussi à reconstitution, sera donc la réalisation d’un maximum de force acquise ou de masse, et d'un minimum de dépense ou d'usure. Il s'agira donc pour la matière animée, et c'est à ce prix que nous existons, de garder pour elle une dime prélevée sur les échanges, et de rendre moins qu’elle ne reçoit. Cette capitalisation des forces AY RE nécessaires à la vie constitue l'absorption, qui repose sur une rupture d'équivalence dans les échanges, et ne peut être entretenue que par une exploitalion incessante du milieu extérieur, le maintien d'une organisation et d’un accroissement de masse toujours plus puissants, car il se fait forcément de toutes parts une sorte de gravi- tation vers la masse absorbante, mieux organisée pour ce qu’on appelle la creulalion, autrement dit la mise à profit. La loi de capitalisation va devenir le pivot de toute l’évolution individualiste de la matière organisée, et l'absorption, chimique ou physique, étant la condition primordiale de l'évolntion biologique, la sensibilité et la motricité vont se soumettre à cette exigence, et créer les appareils de la &te de relalion, dont la vie dite végetalive n'est qu'une transformation, une sorte d'involution physiologique analogue à l'invagination d'un ectoderme devenant entoderme. Il n'y a pas de distinction formelle entre ces deux modalités de la vie organique ; la vie intérieure est une vie toute de relation, mais de relation intra-individuelle, interélémentaire chez les êtres pluricel- lulaires, intra-élémentaire chez le protozoaire libre, ou l'élément organique d’une collectivité. Au début, la vie de relation et la vie végétative ne sont pas dis- tinctes l’une de l’autre : quand une amibe éprouve le contact d’un corps étranger, elle l'englobe, s'en fait pénétrer et le dirige à tra- vers sa propre masse ; et, tout en continuant sur lui son action digé- rante, commencée dès le premier contact, elle ne cesse de le sentir dans tout son parcours, et palpe le corps étranger absolument comme s'il lui restait constamment extérieur. Nous n'avons pas à étudier l’action digérante ni l’action motrice, mais l'action purement sensitive. La loi de capitalisalion fait évoluer les organismes vers une acti- vité d'absorption toujours croissante avec la masse absorbante ; elle est modérée par une autre loi de sens directement opposée, tendant, au contraire, vers l’inertie comme limite extrême : c’est la loi du moindre effort. C'est à cette dernière que le parasitisme doit ses régressions rapides , et c’est à la prédominance de la loi de capita- lisation que la marche en avant s'est faite dans toute l’évolution biologique , par l'adaptation au milieu naturel d'abord, puis ensuite au milieu artificiel capitalisé lui aussi. Nous avons dit que le phénomène essentiel de l'exercice de la 0 — sensibilité était le conflit entre une action et une réaction, la réac- tion appartenant à l’organisme sensible. Mais il est évident que toute action appréciable est la cessation d’un état antérieur diffé- rent, et il est moins légitime de croire que la sensibilité s'exerce dès qu'elle réagit contre une action modifiante , que d'admettre simple- ment que, loin d'apparaître en ce moment, elle n’a fait que changer d'exercice, et réagir différemment contre des actions différentes. En d'autres termes, s'il surgit une action de contact , la sensibi- lité cesse de percevoir le non-contact et réagit différemment en percevant une pression ; il y a une sorte de sensibilité statique et une dynamique, la première étant l'équilibre maintenu entre l’action et la réaction, la seconde étant la perception d’une rupture de cet équilibre. Une masse de protoplasma plongée dans un milieu liquide exerce d’une façon continue sa sensibilité vis-à-vis de ce milieu liquide, et si un corps solide vient au contact, il y a rupture de léquilibre périphérique, dépression de la surface, et exercice d’une réaction sentie. Contact immédiat. La forme élémentaire du sens de l'espace se réduit donc à la per- ception périphérique d’une modification immédiate du milieu ; ce qni se schématise ainsi (Fig. 1) : Palper passif. — Dans l'exemple de la per- ception du contact d’un corps solide, il est très vraisemblable que l'imminence du contact était annoncée par une modification appré- ciable du milieu liquide interposé, car il est fréquent de voir la matière protoplasmique émettre une sorte de promontoire dans la direction du corps appro- chant et sembler aller ainsi au devant du contact (Fig. 2). S'agit-il, dans ce cas , d’une sensation prémonitrice de la modifi- cation dans l'équilibre d’une fine couche de liquide interposée entre EG: 1: Hat deux corps qui en diffèrent par leur consistance ; s'agit-il d’une simple attraction passive exercée par cet état du liquide sur la masse molle du proto- plasme; nous penserions plus volontiers à une sensation véritable et à un palper rudi- mentaire, dont les exemples sont fréquents Me 2. dans l'observation des phénomènes de conju- gaison. Palper actif. — Mais, d’ailleurs, il existe un véritable palper spontané, destiné à un inventaire perpétuel de l'espace ambiant. L'émission de prolongements doués de mou- vements et de sensibilité amæboïdes est un fait général, et les diverticules protoplas- miques peuvent atteindre une ténuité et une division extrêmes, dont l'expansion périphé- rique, remarquable chez les Foraminifères, enceindra la masse animale d’une sphère de tactilité parfois énorme, relativement aux dimensions de l'animal au repos (Fig. 3). LS Le protoplasma garde son homogénéité jusqu'à l'extrémité de ces palpes rudimen- taires, et le point où le contact avec un corps étranger a lieu, peut devenir le centre de toute la masse, qui s'écoulera vers lui progressivement, ou mieux encore, si le corpuscule est mobile, enverra vers lui une masse suffisante pour l’attirer. | Cette faculté d'émettre des prolongements d'une longueur et d’une ténuité si remarquables est encore offerte par des individus monocellulaires modifiés par la vie collective et par la spécialisation fonctionnelle ; la cellule nerveuse, unie à ses voisines par des pro- longements ramifiés, envoie de la profondeur de l'organisme un prolongement jusqu’à la périphérie de l'individu. A un degré peu élevé de différenciation ce prolongement est d'autant plus court que la cellule est plus périphérique; nous la retrouverons telle dans l'appareil ectodermique qui constitue la couche papillaire des orga- nes sensoriels les plus parfaits et les plus divers; plus loin, la Fra. 3. D es cellule à prolongement siègera dans une couche sous-épithéliale, formant un large ganglion diffus, et plus nous nous élèverons dans la série, plus le système nerveux, quittant la distribution métamé- rique, adoptera un type d'organisation plus centralisé; plus ces cellules s’éloigneront de la périphérie, plus leurs prolongements terminaux, réduits à de simples filets variqueux quand ils flotteront librement dans un canevas de fibres conjonctives, devenus cylindre- axes engainés quand ils traverseront des tissus compacts. plus ces prolongements deviendront longs et prendront un aspect caracté- ristique de leur haute différenciation morphologique. Les cellules, amassées en ganglions ou en chaînes grises des centres, (cornes de la moelle) seront en contact avec le palpe d’une autre cellule ana- logue située plus haut, et ainsi s’établira la hiérarchie des fonctions cellulaires du tissu nerveux, chaque cellule analysant par son pro- Jongement le changement d'état de la cellule sous-jacente, et la plus périphérique palpant directement l'espace extérieur. Chez le protozoaire, il n'y a pas de différenciation entre les par- ties à fonction sensitive et celles à fonction motrice. Et en effet, la conductibilité y est indifférente; mais il est un fait remarqué et assez curieusement interprété par certains observateurs ; ce fait est le suivant. Quand un rotifère, par exemple, est atteint par un prolongement amæboïde, la vie semble immédiatement suspendue chez lui : est-ce une action tétanisante, comme celle du cylindre- axe sur la fibre musculaire, est-ce une action digérante, profondé- ment modificatrice de la vitalité, agissant chimiquement par contact (certains animaux s’'agitent et se débattent encore partiellement alors que déjà ils sont À moitié digérés) ? physique ou chimique, il y a dans ce cas une action centrifuge pour laquelle nous retrouverions la même hiérarchie cellulaire, chaque cellule de la chaîne agissant sur celle qui se trouve au bout de son prolongement, et la puissance nouvelle ajoutée par chaque cellule déterminant une augmentation de l'énergie spécifique des conducteurs, analogue à ce qui est connu sous le nom de phénomène de l’avalanche en physiologie. Polper par intermédiaire rigide : Flagellum, Crin, Cil. — Mais si l'extension d’un prolongement variqueux ou engaîné est possible dans une grande étendue à l'intérieur de Porganisme et au travers des üissus, elle atteindra forcément très vite certaines limites (DS quand il s'agira de pénétrer le milieu extérieur. Il faudra que ces prolongements nus se transforment et que leur protoplasma prenne une certaine consistance et leur assure une rigidité et une solidité grâce auxquelles leur longueur pourra se maintenir. Ainsi apparaît le flagellum rigide, ou crin. ou ci. Nous n'avons pas à faire l’his- toire du cil, c'est une formation si générale et si répandue dans toute la série animale, que nous ne chercherons pas à énumérer les conditions multiples de sa présence. C'est la forme tactile monocel- lulaire. celle des éléments terminaux du système neuroépithélial. Mais il faut cependant, dès l'apparition de la formation ciliée, signa- ler une double fonction : l’une motrice, servant à la propulsion, à la natation, à la protection de la surface par une sorte de balayage continuel, et à la formation active des courants d'absorption ou l'expulsion près des orifices ; l’autre sensitive, que nous analyserons seule. Plus loin, nous trouverons dans l'ectoderme des individus pluricellulaires, et dans les organes qui en dériveront, une distri- bution du travail très nette, plaçant l’une près de l’autre la cellule protectrice et la cellule sensitive fortement différenciées. On conçoit très bien que la transformation d'un protoplasme mou en une masse plus solide permette une transmission plus intégrale des pressions, la partie rigide du protoplasme présentant par sa consistance une élasticité moindre et une plus grande facilité de déplacement total. Nous trouverons fréquemment par la suite, à des degrés très différents de l'organisation du sens auriculaire tactile, ce même procédé de l’interposition d’une masse solide destinée au transport intégral d'un ébranlement, soit dans l'appareil cuticulaire des cellules, soit dans l’otolithe, soit dans les plaques formées par des cils conglomérés, soit dans les membranes immergées au milieu d'un liquide ébranlé, soit encore dans la plaque rigide de l’étrier, soit enfin dans la suspension totale de la chaine des osselets dans la masse aérienne de la caisse. Pour l'appareil ciliaire, les avantages qu'il presente sont d’abord une augmentation de résistance au mi- lieu, en laissant de côté sa motilité qui en fait une sorte de palpe rigide (Fig. 4) ; mais le rôle important du cil est de transmettre intégralement au reste du proto- plasme les ébranlements et les contacts qu’il éprouve, faisant office de baliste pour les chocs qu'il reçoit par —"{t) == son extrémité, et de levier pour ceux qui l’atteignent sur le reste de sa longueur. Un tel appareil est surtout excellent pour l’appré- ciation des contacts avec des corps solides, et c’est lui qui plus tard percevra les mouvements de la masse otolithique. Palper par intermédiaire flexible. — Mais si le corps solide est mou ou petit, il sera préférable, l'action étant moindre, qu'il soit palpé par un prolongement moins rigide ; c’est ainsi que nous ver- rons les pots dis audilifs devenir moins durs dans les macules saupoudrées de petits otolithes légers ; — si d'autre part, il n’y a plus contact avec des solides, même très mous, mais avec un liquide à qui un ébranlement ou une pression confère momentanément une action dynamique , il faudra que le cil perde encore de sa rigidité (Fig. 5), et s’il s’agit de percevoir non seulement les ébran- lements, mais même les déplacements du liquide sur la paroi protoplasmique, ou les déplacements actifs de l'animal dans son milieu liquide, il y aura avantage pour la perception à ce que le cil diffère aussi peu que possible du liquide lui-même, de façon à suivre ses moindres ondulations (Fig. 6). Ce long flagellum est en quelque sorte un flot- teur vivant, palpant les ébranlements et les dé- placements du liquide ; nous le verrons prédominer dans l'appareil des ampoules des canaux semi-circulaires où il y a, en réalité, des courants et, d’après HELMHOLTZ , de véritables tourbillons liquides. Palper à distance. — Cette faculté de s’accommoder à la perception des ébran- lements du liquide est, en outre, très propre à rendre compte des modifications qu'un corps étranger, trop éloigné pour être perçu par le contact direct, détermine dans le milieu intermé- diaire à lui-même et à la surface sensible. Cette perception constitue en réalité encore un palper indirect, plus délicat et aussi moins signi- ficatif, que nous nommerons le /act à distance. Mais cette distance pour laquelle l'extension du palper direct se Le TES voit dépassée par le palper indirect, c’est-à-dire le palper du milieu intermédiaire modifié, et d'autre part les deux modes d’appréciation par le poil rigide ou le flagellum flasque, ayant des limites assez restreintes, tout l'effort organique, chez les animaux pluricellu- laires, va tendre à ce but : multiplier les conditions accessoires de la transmission et discipliner les milieux interposés, soit en allant au devant de l'ébranlement liquide, soit en l’attirant et en le tra- duisant en une série de modifications adaptées à une organisation de plus en plus différenciée. C’est ainsi que, ne voulant pas ou ne pouvant pas aller vers la montagne , nous la faisons venir à nous, au moins à notre vue, par le télescope : et de même nous allons voir se modifier peu à peu les milieux interposés entre la sensation et son objet, ou à défaut de l'objet lui-même, le milieu commun modifié par lui. Tact périphérique. — Ces modifications organiques se manifes- tent dès l'apparition des individus pluricellulaires et tout naturelle- ment c'est à la périphérie que le tact se localise, sous la forme de cellules différenciées au milieu de cellules ectodermiques formant l'épaisseur de la paroi. Quand l’ectoderme est libre, il est sensible sur toute sa surface, quand :l ne l’est que partiellement, comme chez les Spongiaires incrustés, le tact se localise aux parties libres, c’est-à-dire à l'orifice des pores, comme dans le cas des synoculs figurés par LENDENFELD chez les éponges cornées. Formations neuro-épithéliales. Nous devons ici laisser un moment l'étude de l'élément devenant de plus en plus exclusivement sensitif, avecla différenciation progressive des organismes, et étudier dans son ensemble la formation ectoder- mique dont il fait partie. On a donné à cette formation le nom de neuro-épithélèum ; ce nom est absolument justifié, mais nous devons laisser presque entièrement la fonction protectrice de l'épi- thélium pour le considérer plutôt dans la fonction spéciale qu'il remplit par rapport à l'appareil sensitif. Is Disons seulement que les cils, qui couronnent le plateau des cellules épithéliales cylindriques, restent des cils vibratiles libérant sans cesse la surface tactile, et persistant dans ce rôle jusqu’à ce que des changements organiques importants les rendent inutiles et les transforment en appareils ou à un rôle que nous aurons à analyser plus loin. D'autre part, nous ne reviendrons pas sur le prolongement vari- queux que la cellule, devenue décidément nerveuse, envoie vers les centres, représentés d'abord par une couche de cellules nerveuses à prolongements constituant une sorte de ganglion diffus et étalé sous l’épithélium de l’ectoderme ; puis, par des amas ganglionnaires distincts, formant des centres métamériques plus localisés comme siège et plus élevés comme fonction; ensuite , le plan du système nerveux de- venant toujours plus concentré, les centres seront représentés par deux chaînes parallèles constituant, chez les derniers échelons de la série organique, l'être nerveux double, droit et gauche, que nous sommes. l’ectoderme peut se figurer d’une façon schématique de la manière suivante (Fig. 7): Il est constitué par trois sortes d’élé- ments : d’abord une couche de cellules ciliées à plateau cuticulaire que nous nom- merons Cylinderzellen (M. SCHULTZE), Zahnzellen où Isolalionszellen (HASsE); puis, au-dessous des cellules rondes à noyaux , qui seront les Basalzellen (M. ScHuLTzE) ; et, enfin, l'élément tac- tile essentiel, S/achelzellen (LeypiG) ou Fig. 7. encore Släbchen. Hürzellen (HAssE). La cellule sensitive est étroitement logée entre les cellules épithé- liales, et nous allons la voir se modifier dans loutes les formations ectodermiques qui vont suivre et nous mener aux appareils neuro- épithéliaux des sens chez les animaux supérieurs. Nous devons trouver une très remarquable uniformité et dans la disposition organique et dans la fonction. Le sens de l’espace extérieur, celui qui révèle les diverses moda- lités du non-moi, va toujours garder pour organe périphérique une partie de l’'ectoderme plus ou moins invaginé, mais toujours un ecto- ae = derme à fonction tactile unique, variant peu du schéma originel , et vivant toujours dans un milieu liquide, très peu différent du milieu pélagique où nous l’étudions d’abord. Il estremarquable, en effet, de voir ce milieu salin, pélagique, dont l'entretien peut être considéré comme la fonction fondamentale de la nutrition et de la circulation, baigner constamment toutes les formations ectodermiques des organes des sens, plus peut-être que les autres éléments de l'éco- nomie. Toutes les différenciations que nous allons voir survenir dans la structure de l'appareil tactile du sens auriculaire de l’espace ont lieu au sein d’un liquide qui ne diffère pas essentiellement du milieu marin et dont le renouvellement sera activement assuré par des aqueducs spéciaux. La cellule à fonction sensorielle , auditive pourra-t-on dire plus tard, tactile dirons-nous toujours, va perdre d'abord son aiguillon, auquel elle devait le nom donné par LeyniG , et s’effiler de plus en plus de façon à devenir un mince cordon (Fadenzellen de ScHULTZE) effacé par les cellules épithéliales qui l'entourent. Vue par trans- parence à travers l'épaisseur d'une cellule d'isolation, elle semble s’y enfoncer par la base, ou se perdre dans le noyau, ou dans la cuticule terminale, ou encore parmi les cils ou leurs correspondants ultérieurs. Mais un fait reste constant, c'est que la cellule nerveuse, qui peut s'isoler singulièrement de ses voisines, les cellules cylindriques, leur reste toujours unie par la partie supérieure, comme dans le schéma suivant (Fig. 8), inspiré par un dessin de O. et R.' HERTwIG, dans une des planches de leur Mémoire sur les Actinies, 1879. Cette disposition fait pressentir l'adaptation réciproque du filet nerveux et des cellules à cuticule dans l'organe de Corri. — « Nous serions tenté, dit Pauz MEYER, d'admettre que ces fibrilles d'axe passent entre les cellules auditives, se glissant Le long de leur corps pour arriver au plateau terminal sans entrer en rapport direct avec leur partie centrale » (Etudes histologiques sur le labyrinthe mem- braneux des reptiles et des oiseaux, p. 129). Pour Hasse, le filet nerveux terminal traverse et dépasse la cellule, qui ne joue qu'un rôle accessoire, mais nous savons quelle est la transparence des Fic. 8. Eyps cellules de soutien. et combien il est facile de suivre à travers leur substance un filet osmié contigu à leur paroi opposée. Nous verrons, après avoir étudié les transformations des cellules épithéliales, les conditions de ce contact et le rôle qu'on peut lui attribuer. Excitant tactile. Mais auparavant, nous devons faire remarquer que le mode d’ex- citation d'un filet nerveux le plus appréciable est une sorte de broiement léger, de pincement. VuLPIAN comprimant dans les mors d'une pince à disséquer les filets blancs des cordons de la moelle ne faisait qu'employer l’excitant naturel que nous voyons comme trans- formation ultime de toutes les impressions tactiles périphériques. Partout la terminaison nerveuse se trouve entre une enclume et un marteau, soit que sa propre substance y soit intéressée, soit aussi parce que l’enclume est le point où la force (marteau) voit naître d'elle un {ravail effectif, directement appréciable. Il faut, en effet, une appréciation de travail pour faire reconnaitre une force, et tel organe, comme les terminaisons nerveuses de la rêtine, sera resté insensible à la lumière qui le traverse, et ne la percevra qu’au point Fra. 9 précis où l’interposition d’un écran noir, la lamina fusca des cel- lules pigmentaires de la choroiïde, arrête cette force et la transforme a — en un travail appréciable à la matière nerveuse présente au conflit. De même, l'appareil périphérique du sens du tact aura toujours une enclume et un marteau ; dans l’un, la pression transmise par l’épi- derme sera le marteau et une masse résistante jouera le rèle de l'enclume, comme dans le corpuseule tactile, ou bien le filet terminal sera inclus dans la masse plus dense qui forme à la fois enclume et marteau, comme dans les appareils de Pacini, de KRAUSE, de GrANDRY, etc. (Fig. 9). Il n’est pas nécessaire de faire remarquer combien le schéma de l'ectoderme rappelle la terminaison oflactive, et nous passons à l'étude des modifications de l'appareil accessoire de la perception tactile périphérique. Formalions accessoires. — Tout d’abord les cellules ciliées présentent vers leur extrémité libre un épaississement en forme de plateau sur lequel sont fixés les cils. Cet épaississement cuticulaire se forme par un procédé de condensation protoplasmique et est tout à fait semblable au cil rigide avec lequel d’ailleurs sa substance se confond ; la cuticule peut offrir une grande épaisseur et bomber fortement vers l'intérieur de la cellule, et de plus sa face libre, la face ciliée, peut se déprimer en cupule et former une véritable collerette cuticulaire dont les analogies ne manqunt pas dans toutes les varialions des cellules cylindriques. D'autre part, la couronne de cils vibrants peut se fusionner en un bàâtonnet compact (HAssE), ou sortir du fond de la cupule sans se fusionner et former une petite houppe qui semble issue du noyau lui-même (WALDEYER); DEITERs avail remarqué que le bâtonnet formé de cils agglomérés (Key et RerTzius) dans toute la série, pouvait occuper non le centre mais le bord du plateau; LeypiG montra qu'il s'agissait non plus d'un bâtonnet rond et conique, mais d'une plaque, peut-être vibrante, vue de profil; enfin PauzL MEYER figure des cellules isolées où la plaque de cils fusionnés semble former une voile triangulaire, pla- Fig. 10. cée vers l’un des bords du plateau, et résultant de l'union de cils paral- lèles de hauteur croissante (Fig. 10). Ses Chacune de ces formations jouit, de par l'épaisseur et la dureté de son plateau, du pouvoir d'exercer une pression latérale sur les filets nerveux qui viennent affluer à sa surface. HENSEN qui voyait dans ces formations, purement épithéliales selon nous, une sorte de cellule ganglionnaire directement impressionnable sous la compres- sion de sa coiffe cuticulaire, en faisait des cellules auditives, ainsi que la grande généralité des auteurs. Mais n’est-il pas évident que si l’on peut faire jouer un rôle au déplacement compresseur de la plaque terminale, ce sera celui de broyer légèrement les cellules effilées, nerveuses, dont l'extrémité est incluse dans leur agence- ment en pavé. Ajoutons que l'agglomération des cils en fait up bâtonnet rigide qui jouera de son côté le rôle d’un levier coudé très sensible à l’égard de la plaque cuticulaire, qu’il déplacera latérale- ment en comprimant le filet nerveux entre deux plateaux consécu- tifs (Fig. 11). Et si, au lieu d’un bâtonnet formant levier, nous avons une plaque perpendiculaire aux ébranlements ordinaires d’un liquide, cette plaque formera un écran bien plus sensible qu'un bâtonnet, et communiquera à la plaque comprimante de la cellule épithéliale une action très délicate et très vive à la fois. Les bâtonnets des cellules à plateau sont autant de petits leviers formant avec ces plateaux des systèmes coudés, dont nous ver- rons le principe utilisé plus tard par le petit os étrier pour un fonctionnement assez différent. C’est grâce à ce dispositif que la percertion tactile devient une perception de pincement d'une fibrille d’axe par deux plateaux cuticulaires, faisant enclume et mar- teau. Nous n'insisterons pas davantage sur la déli- catesse de cette formation dont nous verrons plus loin la raison d'être physiologique. Si nous abandonnons la plaque ciliée des cellules cylindriques, nous retiendrons que son extrémité interne s’est allongée en même temps que la cellule nerveuse devenue simple filet terminal. Nous trouvons figurée par HERTWIG la cellule ciliée s’effilant par sa base et allant, très loin de la surface, affecter une forme qui a toute l'apparence d’un organe franchement conjoncüf (Fig. 12). La base triaugulaire des cellules rappelle une formation analogue du prolongement interne des cellules à bâtonnet et à cônes de la rétine. Il règne une grande obscurité sur ces formes épithélio-con- MAT e- jonctives à caractère assez indécis ; et si nous trouvons dans les macules et les crêtes acoustiques de la pars superior des organes auditifs chez les vertébrés supérieurs une distinction assez nette entre les tissus franchement nerveux et épithéliaux, ou conjonctifs, en bien des points l’histoire des adaptations morphologiques est com- plètement à faire. Signalons seulement pour le limaçon, la formation cuticulaire spéciale (WALDEYER) des piliers de CoRTiI, provenant de deux cellules cylindriques jumelles ; pour la membrane réticulaire, Pauz MEYER y voit simplement « l’exa- » gération du rebord cuticulaire signalé sur tous les neuro-épithéliums et déjà très considérable chez les reptiles. » Fi. 12. Les cellules basales qui formaient ma- telas sous l'appareil tactile se retrouve- ront, jouant le même rôle de cellules molles à noyaux , remplis- sant les interstices des fibres de MuELLER dans la rétine, et très petites, tandis qu'elles seront énormes comme des cellules adi- peuses dans Ja rampe moyenne du limaçon, formant deux coussins de part et d’autre de la région spécialement tactile. Si nous refaisons, en la complétant , la comparaison de l'appareil terminal dans la rétine et dans l'organe de Corri, nous devons pousser les analogies un peu plus loin que ne l’a fait PAUL MEYER, et faire les homologations suivantes. Nous avons vu que la force, pour être appréciable, devait se trans- former en un travail qui, pour le sens du tact, sera une compres- sion. Dans la rétine (Fig. 13, A), l’ondulation lumineuse, après avoir traversé toute la masse interposée, rencontre une couche de cellules pigmentaires, la lamina fusca de la choroïde (a), et devant cet écran noir qui ne la laisse pas progresser, se transforme en un travail que nous ne connaissons pas, pas plus que la structure intime du bâtonnet et du cône, plongés précisément dans le milieu où le conflit entre l’onde lumineuse, faisant marteau, et l’écran noir, faisant enclume, se produit constamment. Dans bien des formations oculaires, l’ap- pareil nerveux se laisse traverser par le mouvement lumineux qui n'agit pas sur lui, et c'est seulement à la surface d'un écran pigmen- taire, là où ce mouvement, ne pouvant persister sous sa forme spéciale, doit subir une modification tolale et produire un travail, que l'organe tactile, développé en conséquence, pourra le percevoir. Dans le limaçon, les cellules ciliées, agent direct de la compression au moyen de leurs plateaux broyant les filets nerveux, portent ces filaments à l'encontre de l’action compressive d'une masse mal définie (Fig. 13, B, a’), qui a, d’après P. MEYER, la consistance de la matière cérébrale fraîche , très capable d'exercer une pression douce , mais persistante , sur les cils logés dans ses petites cavités inférieures et de tétaniser ainsi en quelque sorte les extrémités des cellules ner- veuses. Nous verrons plus loin que c'est en cet endroit précis que les ébranlements sonores auront leur plus grande intensité, et que la masse de la membrane de CorrTi, analogue à la cupule terminale des ampoules, ébranlée dans un sens ou dans l’autre , rencontrera dans son déplacement les petites voiles rigides qui sillonnent la surface polie de la membrane réticulaire . et exercera sur certaines d’entre elles des pressions traduites en broiements intercuticulaires des filets nerveux. Il y a donc, là encore, une transformation de mouvement en tra- vail perçu par les terminaisons nerveuses. La membrane limitante externe (b) a déja été comparée à la membrane réticulaire (b”), la limitante interne (c) se rapportera éga- lement à la membrane basilaire (c’); les deux membranes sont unies et maintenues à distance, d’une part, au moyen du canevas délicat des fibres de MuELLER (d) et de l’autre, soit par la formation spéciale des arcs de Corri (d’) dont chaque pilier provient d'une cellule modifiée , soit par la division des cellules cylindriques , reli- quat de l'épithélium ectodermique. Les unes restent fixées et sus- pendues à la membrane réticulaire, et les autres s’allongent en fuseau (d/’) avec un prolongement inséré sur la basilaire et l’autre (Phalangen vorsaetze de ScHWALBE) allant vers la membrane réti- culaire, alternant avec les cellules ciliées et jouant un rôle très différent, diminutif de celui que jouent les arcs de CorTi, et que nous aurons à interpréter plus join. Nous avons vu ce qu'étaient devenues les cellules basales. Nous ne reviendrons pas davantage sur l'appareil terminal constitué, d'une a) © part, par des filets affleurant au milieu de cellules épithéliales peu transformées (cellules de Corri (e”) et, d'autre part, représenté par la formation difficile à interpréter des cônes et des bâtonnets (e). Il s’agit vraisemblablement, dans la perception de la lumière , d’une opération chimique, mais sur laquelle nous ne savons rien de positif : nous retiendrons seulement que la lumière pénètre le tissu nerveux saus l'impressionner et n'agit que quand l'interposition d’un écran noir modifie cette modalité du mouvement en un travail appréciable chimiquement ou physiquement. Mais immédiatement après, les analogies réapparaissent. Sous la chaîne des cônes et des bâtonnets , les filaments nerveux s'effilent encore, présentant de petites dilatations : c'est la couche granuleuse externe (/). Nous la trouvons également (f) entre les cellules de Corri et le pilier externe de l'arc de Cort; vient ensuite une couche intermédiaire (g) formée dans la rétine par des entrecroisements et des ramifications de filets nerveux allant en tous sens ; dans l’organe de Corri, elle est remplacée par les filets (g) qui passent, suspendus entre les deux piliers , mais affectant une disposition radiale, due a la structure analogue des arcs de Corri. Dans la rétine, la couche granuleuse interne (}) correspond à une couche de fibres flexueuses (4) en dedans du pilier interne et formant aussi de petites varicosités et des intrications. Plus bas , dans la couche dite moléculaire (7), nous avons affaire à des prolongements multiples des grosses cellules ganglionnaires (k), s’entrecroisant en tous sens et faisant supposer que le domaine d’une cellule est, sur une grande surface , confondu avec celui des cellules ganglionnaires voisines, et que deux bâtonnets voisins peuvent appartenir à des cellules très distantes , chaque cellule ganglionnaire devant pouvoir aller analyser l'impression colorée aussi loin que l'exige la réfraction. Sous la couche des cellules nous trouvons les filets nerveux différenciés (/), les cylindres-axes qui forment l'épanouissement du nerf optique (#1). De même, à la sortie du canal de la lame spirale nous trouvons une couche granuleuse (7”) formée de fibres radiales entrecoupées de fibres obliques dont la section donne à la masse son aspect granuleux ; au-dessous , la masse ganglionnaire (k’) des grosses cellules envoyant des proisngements en tous sens pour étendre leur domaine tactile. Enfin ces cellules émettent vers l'in- — 20 — térieur de gros filets nerveux (7) qui appartiennent à l’épanouisse- ment du nerf acoustique (7°). A. Rétine. a. cellules pigmentaires. b, membrane limitante exlerne. c, membrane limitante interne. d, fibres de MUELLER. e, bâtonneis et cônes. f, couche granuleuse externe. g, couche intermédiaire. h, couche granuleuse interne. 73, couche moléculaire, k, couche ganglionnaire. L. épanouissement du nerf optique. nerf optique. B. Appareil de Corri. membrane de CORTI. membrane réliculaire, membrane basilaire. piliers de Corri; d’”, cellules à pha- langes. cellules de CoRTI. couche granuleuse externe. couche intermédiaire. couche granuleuse interne. couche moléculaire. ganglion spiral. épanouissement du nerf acoustique. nerf acoustique, I. FORMATIONS PRÉ-AURICULAIRES. Nous avons suivi, assez sonmairement il est vrai. et sans nous écarter du schéma, le sens du tact à travers ses modifications intimes. Il faut maintenant laisser de côté la sensation proprement dite CE ES pour étudier les conditions mécaniques et organiques de cette sen- sation. Nous avons vu quelie était la distribution du sens tactile dans l’ectoderme et dans les formalions qui en dérivent, il reste à faire surgir peu à peu le sens auriculaire de l’espace tel que nous le voyons chez l'homme. Sur un animal complètement immergé dans un milieu liquide , toutes les régions de la superficie ne sont pas également favorables à l’appréciation des modifications de ce milieu et nous voyons se généraliser la spécialisation déjà signalée pour les éponges, c'est-à- dire que dans les concavités, à la base des parties déclives , les ébranlements seront sinon toujours renforcés , au moins mieux perçus. C’est ainsi, que chez les Hydroméduses , la convexité du casque est moins riche en cellules à poil tactile, qui s'agglomèrent vers la marge dans un repli circulaire et sous la lèvre périphérique du casque. Il est évident que la distribution d'organes tactiles dans le fond d’une cavité, est peu propre à un toucher, mais très propre à l'analyse d’un ébranlement du mi- lieu : il se fait dès lors une différenciation que nous formulerons brièvement ainsi : le toucher direct ou tact immédiat est convexe : le palper médiat, ou tact à distance est toujours concave. Le toucher direct va prendre la forme de papille, devenue tactile, de palpe mobile, de tentacules toujours réductible à ce schéma (Fig. 14). Formalions convexes. — Nous laissons le tentacule, qui ne nous intéresse pas comme appareil de tact à distance, mais nous verrons plus loin une intéressante adaptation du tentacule à la formation du sens de l’espace qui deviendra le sens auriculaire, Formalions concaves. — Pour le palper médiat, ou analyse d’un ébranlement du milieu, apprécié dans sa nature, son inten- sité et sa direction, la disposition concave . 45, prévaudra (Fig. 15). En effet, quelles que soient la nature et l'intensité de l’ébran- en. lement, elles s’affirmeront davantage en pénétrant dans la concavité, et sa direction trouvera toujours une surface plus directement opposée que les autres parties de la concavité. Quant au rythme de l’'ébranlement, les rythmes rapides, comme ceux du son, n'existent guère dans les milieux où vivent les animaux dont nous nous occu- pons , et ils ont toujours affaire à des oscillations lentes et d’une impression assez molle, comme celles d'une vague à une certaine distance de la surface, ou celles qu'imprime le remous d’un animal se déplaçant dans le voisinage. Il peut même se faire que la distribution régulière d'organes concaves à la surface du corps, ou sur certaines lignes définies de sa périphérie, ou des points métamériques, détermine l’exagération de la concavité et la spécialisation de la fonction tactile à la percep- tion d’ébranlement d'une seule direction : l'animal jugeant de la provenance de l'ébranlement par l'orientation de celui de ses appa- reils qui Paura éprouvé. C’est ce que nous voyons dans les organes latéraux des poissons et des amphibiens (adultes ou larves ne vivant que dans l’eau) (Fig. 16). Au fond d’un tube se trouvent des organes tac- tiles qui évidemment n’apprécieront que des ébranlements venant dans la direction de l'axe du tube : ce sont autant d'appareils de tact à Fic. 16. distance braqués sur tous les points de l'espace, et distribués soit sur la tête, soit sur les flancs. Ces appareils tubaires sont excellents pour une direction donnée, mais absolument impuissants à en apprécier d’autres ; aussi sont-ils nultipliés à la surface, et leur ensemble forme-t-1l un appareil périphérique d’une grande délicatesse et d’une précision analytique remarquable. Appareils conveses flexibles. — Mais nous avons vu, lors de la* formation du cil, que le prolongement, quand il était assez tlexueux pour suivre passivement les oscillations de la masse liquide qui le baignait, pouvait apprécier ces oscillations. Le même principe va se répêter pour l'organe pluricellulaire , flexueux et flottant, qui est le tentacule, Il est chez l'individu métazoaire l’analogue du cil chez le protozoaire. Au lieu d'accueillir l'ébranlement dans une se concavité, l’animal utilise la flexibilité de son palpe pour ne palper que le liquide ébranlé. Palper par intermédiaire inerte. — Il est évident d'autre part qu'un appareil aussi mobile et actif qu'un tentacule, qui doit jouer des rôles multiples, n'offre pas toujours l'inertie exigée d’un appareil destiné au rôle spécial defloiteur. Cette nécessité d’une adaptation à la recherche de la plus grande inertie possible semble avoir été comprise dans le plan organique de certaines Méduses (Awrelia aurila), si richement dotées à tous égards par leur vie libre. Un tentacule, au lieu de se terminer en pointe, va se raccourcir, et se tasser à son extrémité, de manière à affecter la forme d'une massue. Il gardera son canal gastro-vascuiaire, mais perdra en motilité ce qu'il gagne naturellement en inertie (Fig. 17). Fc. 17. Massue otolithique. — Une telle massue peut osciller dans tous les sens, car la tige n’est pas rigide et la tête formant une masse solide au milieu d'un liquide ébranlé obéit comme un index révéla- teur de cet ébranlement. Cette masse solide en régression physio- logique , prend une consistance rigide due à des dépôts calcaires ; et nous voyons ainsi se développer sous le rebord du casque des méduses, êtres essentiellement flotteurs, des appareils qui leur révèlent les ébranlements du liquide d'une manière très-délicate: la finesse de l'appareil tactile condensé à la base analysera subtilement le sens du déplacement et déduira forcément la direction de la cause modificatrice de l'équilibre ; ces organes les renseignent en outre sur les mouvements de transport total de la masse liquide ambiante, quand ils s'approchent de la surface des vagues, et quand la faiblesse de leur vue, qui manque totalement chez certaines, ne leur permet qu'une grossière apprécialion de la clarté croissante ; ces appareils mesurent la vitesse de propulsion de leur appareil locomoteur, abso- lument comme un ruban inerte indique la rapidité de l'ascension =R— d’un aérostat; enfin, ces animaux, qui vivent en troupes, doivent vraisemblablement se reconnaître à distance, et rien n'indique que ce ne soit pas à l’aide de ces organes appréciateurs des ébranlements produits par les déplacements d'animaux voisins trahis par leur mode de locomotion. Ainsi, de même que chez l'individu monocellulaire le cil flexueux, l’'ambulacre-palpe présageait le tentacule, ainsi le ceil rigide inau- gurait, au point de vue tactile, l'application de l'inertie que suivra l'appareil en massue des méduses. Mais les avantages de la masse otolithique inerte ne sont pas sitôt révélés, que différentes ten- tatives d'une exploitation plus physiologique ont lieu dans cette même classe des méduses. La forme convexe va le céder encore à la forme concave : Formation de l'otocyste. — La tige de la massue va se réduire, elle va en quelque sorte s'invaginer, et autour delle vont s’a- vancer en toit circulaire soit le rebord du = casque. soit les parties sensibles du pied de re l'otolithe, qui montant en couronne (fig. 18), vont l’inclure peu à peu dans leur involu- tion et finir par former une cavité fermée (fig. 19). En même temps d'au- tres modifications vont survenir. La masse otoli- thique devient plus uni- formément calcare,etne formera plus qu'un bloc sphérique compact; son Fi6. 19. revêtement pavimenteux va l’abandonner; son pédicule délaissé par le liquide gastro-vasculaire, va s’atrophier et disparaître, et la masse calcaire sera libre. Les cellules ectodermiques armées de cils assez longs tant que l’otolithe était maintenu, vont maintenant les raccourcir et former un revête- ment solide isolant la cellule sensible du contact de l’otolithe, tout en permettant d'apprécier ses moindres déplacements soit par l'analyse de ce déplacement actif, soit par l'excitation de certaines cellules à l'exclusion de toutes les autres. La pesanteur intervient Lei 7-0 donc ici comme révélatrice du mode de station. C’est donc la nou- velle forme ‘iu sens de l'équilibre, la première étant donnée par la massue flottante et inerte. On comprend facilement que la pesanteur mettra l’otolithe en contact avec une certaine partie de la surface tactile concave, toujours la même: que les changements dans la station modiñe la distribution de la pesanteur et la fasse intéresser d’autres parties; nous comprendrons de même que si la masse se déplace, l'inertie de l’otolithe suspendu dans le liquide (que nous nommerons dès maintenant endolymphique) le fasse s'appliquer sur la paroi qui s’avance et révèle ainsi à l'animal la valeur et la direc- tion de son déplacement actif. Mais tout ceci forme le sens de la station, en équilibre ou non, et le sens de la progression ; pour ce qui est de la perception de la force et de la direction des ébranle- ments venus du dehors, nous rappellerons cette expérience de physique qui consiste à frapper à l’une des extrémités d'une série de billes disposées en chaîne : aucune d'elles ne bouge sauf la dernière qui a toute la iberté passive de son inertie et se déplace dans le sens du mouvement transmis ; d'autre part nous invoquerons aussi le procédé qui sert à révéler la vibration d'un corps dur ou mou, c'est-à-dire la mise au contact du corps vibrant d’un petit corps léger et inerte qui rendra perceptibles, par sa propre oscillation, les vibrations du corps à étudier. | Grelot otolithique. — L'otolithe est cette boule de liége ou ce sable qui sert d'index. Un ébranlement, mollement transmis par la substance qui entoure l'otocyste, communiquera à l’otolithe suspendu dans le liquide des oscillations appréciées, er c'est ainsi que le moindre ébranlement qui traversera sans l'impressionner la masse de l'animal et les cellules tactiles qui tapissent l'otocyste, sera révélé à ces mêmes cellules par le travail réalisé sur l’otolithe inerte, et capable à son tour d'impressionner les cellules nerveuses par son contact. Je n'ai pu m'expliquer par quelle singulière interversion des rôles, des expérimentateurs ont voulu que ce fût l'otolithe qui obéit à l'impulsion des cils ou poils auditifs; sans doute les connexions sont parfois intimes entre la masse inerte et les crins rigides des cellules ectodermiques, mais si ces crins aident à la suspension de la massue dans l'endolymphe, ils n’en sont que plus propres à ap 2 percevoir ses ébraniements, loin de lui en communiquer. Aïnsi, dans l'appareil décrit par P. et G. SarAsIN sous le nom d oreille accessoire ou cutanée chez Epicrium glulinosum, nous trouvons avec la forme de massue otolithique, la même disposition en tube des organes latéraux vue plus haut, permettant une analyse subtile mais limitée, nécessitant la présence d’un grand nombre de ces organes orientés vers tous les points de l’espace. (Fig. 20). Un appareil de cette nature apprécie parfaitement un ébranlement dans l'axe du tube, maïs laisse igno- rer les autres. L’otocyste sphérique est plus parfait et plus complet, mais moins délicat peut-être. Il est curieux de signaler en passant chez une 4 algue (Closterium) qui se déplace dans son milieu Fr. 20. liquide un appareil otolithique assez remarquable et double, l'individu se divisant par moitiés. Circulalion endolymphique. — La forme sphérique de l'otocyste, qui peut sembler parfaite à certains égards (et beau- coup d'êtres relativement bien dotés n'ont pas autre chose) est excellente pour transmettre les trépidations et les ébranlements, mais il y a mieux à chercher pour la perception de la direction de l’ébranlement. Une re- marquable disposition se Fi. 21. trouve réalisée par l’organe central des Cténophores, tel que le figure et le décrit HerrwiG (Fig. 21). Sur un coussinet concave que nous devons regarder comme sen- sitif bien que les nerfs restent à trouver, est suspendue la masse otolithique sur quatre ressorts formant dais ; au-dessus . constituant une cloche, un voile formé par des cils soudés. La cloche rap- pelle le grelot otolithique que nous connaissons, mais si sensible que soit l'appareil, il est rendu plus délicat encore par l’existence d’un -71— certain nombre d'orifices percés à la base de la cloche, et par où l’eau de mer pénètre librement. On conçoit avec quelle netteté le moindre ébranlement extérieur ou intérieur sera perçu par cet appareil, où l'otolithe est non seulement suspendu en équilibre dans la cavité, mais reçoit par ses faces latérales les courants d'eau péné- trant par les orifices. Il ne peut se faire le plus petit déplacement du milieu ambiant ni de l'animal dans son milieu, sans qu'apparaisse à chaque orifice du voile une petite veine liquide dont le courant et l'intensité seront appréciés par les mouvements de l'otolithe sur la surface du coussinet. Remarquons que les trous de communication ne sont pas indiffé- remment placés, et que tout l'appareil réside au fond d'une conca- vité assez prononcée. Sans chercher à analyser et à interpréter davantage le fonctionnement de ce délicat appareil, nous nous con- tenterons d'y voir la première tentative d'analyse du déplacement du liquide non par un ébranlement normal à une surface, mais par celle d'un courant produit par cet ébranlement dans le liquide endo- lymphique. Il faut maintenant, pour renouer l'enchainement toujours schéma- tique des formations préauriculaires, laisser de côté une énorme quantité d'êtres appartenant aux classes les plus différentes, vers, échinodermes, mollusques, crustacés et insectes, chez qui nous ne trouvons dans l'appareil du sens de l'ébranlement, quand il existe, à notre connaissance, que des variations de forme ou de siège. Les arthropodes seront très instructifs au point de vue du siège précisément, et nous y reviendrons plus loin. Mais nous devons, avant de quitter les mollusques, nous arrêter au sommet de cette classe, chez les céphalopodes, si admirablement organisés et semblables aux vertébrés supérieurs par certains caractères, quoique l’organisation en soit toute différente. Quand nous examinons l'appareil décrit comme auditif chez la Sepia, nous constatons immédiatement de grands progrès sur ce que nous avons vu jusqu ici. La forme de l'otocyste ne ressemble plus en aucune façon à ce que nous connaissons : elle est irrégulière, des bourgeonnements en forme de crêtes le subdivisent en plusieurs loges secondaires juxtaposées, laissant des sillons empreints sur la paroi. Les auteurs de la description (KowaLewsky et OWwsJANNIKOW) out vu, dans les saillies une esquisse de canaux semi-circulaires, ee ce qui, nous le verrons, est à peu près la vérité, car ce sont, non les saillies, mais les sillons entre les saillies qui deviendront des ca- naux semi-Ccirculaires. D'autre part l’otolithe, fortement réduit, ne semble plus jouer qu’un rôle très secondaire, et enfin, preuve d'un travail divisé, nous n'avons plus dans la paroi otocystique un revêtement tactile uniforme, nous (rouvons une macule acoustique et un bourrelet auditif isolés et séparés par toute l'épais- seur du liquide; la macule étant sur la paroi supérieure et le bourrelet sur l’inférieure, distribué en éventail. Enfin, remarquons que l’ap- pareil complet du céphalo- pode est constitué par deux otocystes adossés, chacun ayant un champ opératoire Me. 22. distinet et par conséquent ana- lysant toute une moitié de l'espace (Fig. 22). L'otolithe et la macule ne peuvent être figurés sur notre schéma. Nous allons voir désormais l’otolithe, qui jouait le rôle important dans l’otocyste sphérique tapissé d’un revêtement sensible sur toute sa surface, se réduire à de fort petites dimensions, se fragmenter et former une poudre calcaire chez les reptiles, et un véritable lait calcaire chez certains poissons. L’épithelium auditif figuré par les auteurs cités ne diffère pas de la formation ectodermique ordinaire, sauf peut-être par une plus grande division des filets nerveux fibril- laires, et une distinction plus tranchée entre l'épithehum cylindrique à cils vibratiles, et les terminaisons du nerf dit acoustique. Il est dificile tout d'abord de se rendre compte de la destination phy- siologique de cet appareil de forme assez complexe, et nous regrettons de ne pas posséder les formations qui l'ont précédé dans la série. C’est une lacune qui se comblera. Néanmoins nous pouvons pré- juger par induction de la fonction d’un organe dont nous connaissons la disposition. Nous avons vu que l'otolithe, encore prépondérant chez le cténophore, subordonnait néanmoins ses mouvements à ER" NS l'action de courants liquides déterminés dans l’endolymphe par la formation de veines liquides dans Les orifices du voile. Si nous pouvons démontrer, d'abord que l’otolithe abdique de plus en plus, ce qui est fait, et ensuite que les courants intra-endolym- phiques persistent et s’affirment toujours davantage, nous attri- buerons à ces courants le rôle prépondérant dans la traduction de l'ébranlement. Quand le liquide endolymphique communiquait direc- tement avec l'extérieur, on s'explique facilement la production de courants, puisque c'était l'eau de mer elle-même qui faisait irruption sous le voile. Mais ici la cavité est fermée, et le liquide n'a plus d'autres conditions de déplacement et de rupture de son équilibre statique que dans une modification, fut-elle extrèmement légère, de la forme du sac endolymphique. La paroi de l’otocyste est molle et peut être assez dépressible : si la cavité de l’otocyste était sphérique, comme nous l'avons vue jusqu'ici, les ruptures d'équilibre du liquide seraient toujours peu considérables , dans quelque sens qu'elles aient lieu: mais elle n'est précisément pas sphérique, et l’on conçoit que lorsque la masse du liquide se déplace, elle trouve dans les sillons, au moins dans certains, une voie d'échappement toute tracée. Ces sillons et ces saïllies de la paroi canalisent en quelque sorte les oscillaiions de la masse liquide et ce qui n’aurait été qu'un dépla- cement leut et en masse contre une paroi sphérique devient un courantrapide et de direction constante dans un sillon. De même une masse d’air, qui se déplace à la surface du sol, rencontrant sur son passage une vallée ou un ravin encaissé, s’y engoufire s'ils sont dans le sens du déplacement, et passe au-dessus dans le cas con- traire. Aïusi le courant d'air qui parcourt une vallée révèle la direc- tion du déplacement total de la masse aérienne, et l’on dit, par exemple, que le vient vient du nord si la vallée où il se fait sentir est orientée pour le recevoir : le mistral balaiera certaines rues et n’en- trera pas dans les autres. De même une masse d’eau ravine toujours davantage les passages encaissés de son parcours, parce que dans ces parties le courant est plus actif. Une masse liquide, contenue dans une cavité fermée à parois molles, reprendra son équilibre en fuyant vers les. espaces non déprimés, et parcourra les sillons favo- rables à son déplacement, laissant les autres. Les creux disposés sur la paroi de l'appareil otocystique nous semblent donc une sorte ne en de canalisation offerte à l’échappement en tous sens du liquide endo- lymiphique dont l'équilibre sera rompu par un refoulement de la paroi. Cette canalisation est déjà de la sorte une analyse de ce dépla- cement, tous les sillons n’offrant pas une issue favorable au liquide oscillant. Et c'est précisément parce qu'il y a analyse de l'ébranlement liquide et non de l'ébranlement des masses calcaires , que celles-ci abandonnent la partie médiane de la cavité, pour venir jouer, au contact des papilles sensitives , le rôle d'intermédiaire solide , com- plétant la fonction du plateau cuticulaire ; et c'est pour la même raison d'analyse possible, qu'il y a, non plus un appareil sensitif diffus et total , mais deux localisations bien tranchées dans chaque otocyste symétrique, la macule et le bourrelet, formant le point de départ d'autres formations que nous retrouverons chez les ver- tébrés. Formalion des canaux. — Nous avons vu que les auteurs de la description précédente voyaient dans les saillies un rudiment de canal semi-circulaire. Si nous supposons que deux saillies se joignent, et forment, comme chez la Myxinme, un pilier carti- FN 22 lagineux (Fig. 23), nous compren- drons immédiatement que c’estle sillon qui est devenu canal semi-circulaire isolé de la masse endi- lymphique par le pilier décrit par RerTzius. Ce canal court ne communique plus que par deux orifices dilatés irrégulièrement, et s'abouchant avec la cavité-mère par une am- poule où nous trouvons le bourrelet sensitif formant une crête transversale (Fig. 24). Pour toute rupture d'équilibre ayant lieu FiG. 24. dans le plan de notre dessin, on conçoit que le liquide trouvera une issue immédiate dans l'un des orifices du canal et y déterminera un courant plus ou moins violent, dans un sens ou dans l'autre, apprécié par tel ou tel ver- sant de la crète ampullaire, suivant le sens du courant; et qu'un tel ETES dispositif, excellent pour analyser les ébranlements d'une certaine direction, reste indifférent à tous les autres. Et cependant, nous ne voyons qu'un canal chez Myxine, deux chez les Pétromyzontes et les Ammocètes (BRESCHET); mais, dans la suite , il y aura toujours trois canaux perpendiculaires , c'est-à-dire qu'il ne pourra se faire dans la cavité de l’otocyste le moindre déplacement du liquide qui ne donne naissance à trois appréciations coordonnées, dont les ganglions des nerfs ampullaires feront la synthèse, justifiant ainsi leur nom de nerfs de l’espace (DE Cxon). Nous savons, d'ailleurs , (ESLITZKY) que le nerf de l'espace est rempli de cellules MG. 25. ganglionnaires, très différent en cela du uerf auditif dont les ganglions sont tous inclus dans le canal de RosENTHAL, correspondant à la couche gan- glionnaire de la rétine. Les canaux semi-circulaires présentent (voir les deux planches de H4sse) de grandes variations dans leur épaisseur et leur lon- gueur. Certains sont très contournés. Chez les reptiles, la crête des ampoules affecte une disposition cruciale, mais toujours avec une notable prédominance des branches transversales. Nous ne rappellerons pas la structure de ces crêtes: c'est toujours un ectoderine formant papille sensitive. Les cellules spécifiques (P. MEyEr) y sont beaucoup plus étroites et plus longues que sur les macules ; disons encore que macules et crêtes présentent , outre un un magma otolithique , une coiffe , nommée cupule terminale , ana- logue de la membrane de CorTr, plus ou moins considérable, de consistance assez ferme , vitreuse (PauL MEYER), niée par les uns, formée, selon les autres, de cils soudés en bloc ; présentant, d'après Hasse, sur sa face inférieure , des cavités tout à fait semblables à celle de la membrane de Corri, et dans lesquelles les houppes de cils s'engagent ; rappelons , enfin, que P. M£yEr décrit une sorte de membrane réticulaire dans les macules de ce que nous appellerons utricule plus tard, et que nous ne connaissons encore que sous le nom et la forme d’otocyste. Cette fonction analytique de l’espace avait été attribuée depuis longtemps aux canaux semi-circulaires par FLOURENS (1825), qui en faisait l'organe périphérique dans lequel résident les forces modé- AS ratrices du mouvement: par Gozrz qui leur attribuait les sensations d'équilibre ; par BREWER pour les sensations de mouvements ; par Macx qui y localisait la perception de l'accélération ; par DE CYoN qui en fait l'organe périphérique de nos représentations de l'espace, conception qualifiée d'éfrange par M. Y. DELAGE et admise par tous les physiologistes ; historique de cette question a été fait maintes fois, nous indiquerons seulement, pour la partie pathologique, la thèse d'agrégation de M. RoBin (Paris 1883), où la question est complètement résumée Jusqu'à cette date: nous citerons encore l'étude de MM. DuvaL et LABORDE à la société d'Anthropologie, les expériences et les théories de M. DEraGe et les travaux de STEINER. M. DELAGE, après d'intéressantes expériences sur les organes audi- tifs chez les céphalopodes, est arrivé à une singulière conception de la physiologie des canaux semi-circulaires , qu’il associe plus au sys- tème oculaire qu'à l’auriculaire : il refuse toute fonction d'orienta- tion à l'appareil labyrinthique, et nie même toute circulation effective de Pendolÿmphe. Son argumentation présente des pétitions de prin- cipe et des contradictions que nous ne nous arrêlerons pas à relever. S'il y a une assez grande uniformité dans l'appréciation de la fonc- tion , il se présente une grande divergence dans celle du mécanisme physiologique. Les uns admettent que la pression du liquide distend inégalement les parois flasques des canaux et que le sens de l'équi- libre relève d’une appréciation de pesanteur, ce qui est légitime. D'autres pensent que les ébranlements, communiqués par la paroi crânienne , arrivent à tel canal plutôt qu'à tel autre. Mais nous savons que les vibrations communiquées par le cràne ne réalisent pas le mode normal de transmission et l'analyse de cette direction ne justifierait pas la formation des canaux semi-circulaires, avec une papille sensitive disposée sur une seule des terminaisons de chaque canal. Si la perception de la direction du son ou de l’ébran- lement eût dû se faire aussi directement, on n'eût guère été plus loin que les tubes latéraux des amphibiens , ou des organes ana- logues pour les animaux aériens. Il nous semble, au contraire , que la disposition des canaux et des transformations de l’utricule, inclus dans une masse solide, réserve la prédominance fonction- nelle à la circulation effective de l'endolymphe. Dans quelles limites et de quelle façon s’effectue cette circulation , tel est le problème qu'il nous reste à résoudre. III. APPAREIL AURICULAIRE. Jusqu'ici nous avons étudié des otocystes à parois molles for- mées par la substance même de l'animal; et tant que les parois étaient dépressibles, la décomposition mécanique des ébranlements du liquide ne s'imposait pas. mais en passant des animaux flasques ou à fine cuticule à des organismes enveloppés d'un squelette externe, d’une carapace ajustée (arthropodes) ou aux individus qui possèdent un squelette interne, mais englobant néanmoins les organes du sens auriculaire, cette différence se produit. Utricule, périlymphe. — Tout d'abord l'otocyste s’isole dans la paroi devenue plus dense , des vacuoles apparaissent qui le séparent du tissu cartilagineux ou calcaire et finalement, l'otocyste réduit à n'être plus qu'un utricule avec tache sensitive adhérente à un point de sa loge, est complètement baigné par un liquide interposé entre son sac membraneux et la paroi solide. [n'est plus en contact avec la paroi rigide que sur un point, l'entrée du nerf tactile, et flotte suspendu dans la masse liquide périlymphique, incluse de toutes parts, elle aussi, dans la masse solide, sauf sur un point où la paroi de la cavité périlymphique n'est ni cartilagineuse , ni osseuse, mais persiste dans la forme membraneuse, seule communication désormais entre le milieu extérieur et la périlymphe. Sans doute, les ébranlements parviendront au liquide à travers la masse osseuse ou cartilagineuse, mais bien moins nettement que par la membrane, susceptible de toutes les modifications de forme rapides ou lentes, rythmiques ou irrégulières. Ici apparaît la double formation du labyrinthe cartilagineux ou osseux, et du labyrinthe membraneux. L'utricule d’abord entouré de vacuoles, finit par être complètement libre (Fig. 26). Fic. 26 ui Les canaux semi-circulaires ne s’isolent jamais complètement (Fig.27) dans leur loge osseuse et sont loin d'en occuper la totalité. Dans un troisième ordre de forma- tion membraneuse, issu du saccule comme les canaux seront sortis de l’utricule, c'est-à-dire le limaçon, l'analogue du canal membraneux affectera une disposition très remarquable. Il occupera le milieu du cône limacéen, formant Fi. 27. la rampe moyenne par ses parois tendues en membranes de REISSNER et en membrane basilaire. Les vacuoles seront représentés par les deux rampes, libres dans toute leur étendue (Fig. 28). Cette double transformation , osseuse et membraneuse, n'est en communication avec l'extérieur que par la membrane que nous appellerons membrane de la fenêtre ovale ; on s’expliquerait mal la constance de cette membrane si la pars superior de l'oreille interne n'était, suivant l’expression de Pauz MEYER, que l’aboutissant des vibra- tions simplement transmises par les os de ic. 28. la tête et plus spécialement par ceux de la voûte du cràne. D'autre part, on comprend mal, au premier abord, non pas com- ment les ébranlements traversent la membrane , mais comment ils provoquent des impressions différentes pour des directions diverses. Chez des animaux doués d’appareils latéraux , l'inconvénient n’est pas grand, car il y a une remarquable suppléance dans l'appré- ciation de la direction et dans l’orientation. Chez les poissons l’au- dition proprement dite ne semble guère développée, et ils sont vraisemblablement aussi sourds que muets ; en revanche, ils appré- cient très bien la trépidation et l’ébranlement qui, pour nous, serait analysé comme un son. JOHANNES MUELLER avait déjà établi cette distinction, en 1851, à propos des invertébrés. « On ne connait pas, dit il, de parties comparables à l'organe auditif chez la plupart des auimaux sans vertèbres, et l’on peut même douter, chez certains d'entre eux, qu'ils entendent ; car de ce qu’un être réagit à l’occasion de vibrations, il ne s'ensuit pas qu'il a perçu un son puisque ces ES =: vibrations peuvent être senties aussi par le toucher, comme ébran- lement. » M. DELAGE faisait, en 1886, sur les Rhabdocæles acœæles, une observation analogue. Ce n’est que chez les poissons osseux, et chez certains, que la membrane de la fenêtre ronde se double d'une plaque rigide. Ce n'est pas la première fois que nous voyons cette substitution d’un milieu rigide à un milieu mou. Le cil, la cuticule, le plateau des cel- lules en sont déjà des exemples ; il est évident que , s’il s’agit d’une pression, l'interposition d’une partie solide la transmettra plus inté- gralement qu'une masse molle qui l'absorbera en partie. Mais, sans insister sur ce premier avantage, un autre point doit être mis en lumière. Une membrane, étant fixée par ses bords, se laisse toujours déprimer plus en son centre sous Frhal une pression. Il en résulte que la pression trans- Ps __Æ mise au liquide sous-jacent émane d’une surface / | \ convexe (Fig. 29), d'où diffusion de la force trans- mise, la membrane jouant le rôle d’une surface Fi. 29, convexe à action divergente. Mais si cette membrane s’'adjoint une plaque rigide, les conditions sont renversées : toute la membrane se déplace également, sauf sur ses bords qui supportent toute la traction. (Fig. 30). Pit La diffusion de l'ébranlement ne se produit plus, et la plaque joue le rôle d’un piston plat. [bl 7 I y alà un double avantage, car d'une part l’é- Fc. 30 branlement n’est pas altéré dans sa forme, et la membrane n'offre plus à l'extérieur des surfaces obliques qui décomposaient les forces incidentes. Enfin, une plaque suspendue par ses bords flexibles est moins pate à vibrer par elle-même qu’une membrane homogène : l'appa- reil est donc plus passif encore. Inertie plus grande, absence de diffusion et condensation, tels sont les trois grands avantages de cette formation. Mais à cause de cette passivité même, on concevra que la mem- brane de la fenêtre ovale pourra d'autant mieux déplacer le liquide périlymphique, que celui-ci trouvera une paroi flasque sur un autre re point. C’est la raison d'être de la fenêtre ronde et de sa membrane. La masse du liquide sera donc maintenue entre deux membranes et ses dimensions étant très petites par rapport à la longueur d’une onde condensante, on peut la considérer comme se déplaçant en totalité d'un mouvement de va-et-vient limité par la résistance alter- nante des deux membranes. Revenons à la membrane foulante. Elle est normalement dirigée vers une partie de l'utricule. La paroi de l'utricule, très souple et très fine, est tendue par le liquide endo-lymphique, mais il existe aussi sur certains points de sa paroi des orifices par lesquels le liquide trouvera une issue rapide en cas de rupture d'équilibre ; bien plus, si une partie du liquide utriculaire s'engage dans un des orifices d'un canal semi-circulaire, il faudra qu’une quantité égale de liquide sorte par l'orifice opposé , d’où production d’un déplacement circulaire dans ce canal, où la colonne liquide joue quelque peu le rôle d'un volant. Mais cette circulation n’est possible que si une place est faite au liquide qui sort du canal, et comme nous savons que grâce à la fenêtre ronde la périlymphe peut céder à une pression, le liquide endolymphique est, non pas comprimé (vertige), mais modifié dans sa forme. Les modifications de forme de Putricule déterminent done des courants dans les canaux et une analyse par les nerfs ampul- laires. Nous n’y revenons pas. Comment donc se produisent ces changements de forme ? Toute la paroi du liquide périlymphique est ferme, sauf sous la fenêtre ovale. C’est donc là qu'il faut chercher l'agent modificateur. Quand la plaque de l’étrier se présente norma- lement, l’ébranlement transmis s'adresse à un des sommets de la surface convexe de l’utricule, et tend à le déprimer dans ce sens (Fig. 31). Fi. 31. Mais le propre d'une paroi convexe est d'être normale à un grand nombre d'incidences. Si donc la platine de l’étrier ne se présente plus de la même façon, la transmission de l’ébranlement s'adressera à un autre sommet et la dépression sera différente (Fig. 32). = — Ces deux schémas, où les déformations sont très exagérées, mon- trent assez de quelle façon les modifications de forme du liquide endolymphique sont liées au mode de présentation de la base de l’étrier. C’est donc à ce mode de présentation que nous rapportons la formation des courants dans les canaux. Cette plaque de l'étrier constitue l'unique osselet des poissons : il est donc difficile, nous le reconnaissons, d'expliquer comment la direction de l’ébranlement influe sur sa présentation, et cependant l’appareil des canaux y est d’une extrême finesse, peut-être par suppléance physiologique. Chez les ophidiens, l'étrier prend un pédicule qu'on appelle columelle, ainsi que chez les chéloniens, les crocodiles, les lézards, etc. La plupart de ces animaux présentent une membrane du tympan visible ou à peine cachée par la peau. Chez les oiseaux, dont l'appa- reil squelettique est aussi léger que possible, la caisse du tympan est très étendue et communique avec les sinus. Remarquons que ces classes de vertébrés sont exposées à des variations considéra- bles de pression extérieure, les uns en passant d'un milieu gazeux brusquement dans l’eau et inversement, les autres en s’élevant rapi- dement à des hauteurs où la pression diminue très vite. De plus, dès que l'appareil de circulation aérienne se montre, d'abord comme vessie natatoire, puis comme poumon, il est utilisé pour une distribution accessoire, interposant un milieu gazeux entre la pression extérieure et la fenêtre ovale , tandis que la suspension de parties solides dans la masse gazeuse permet l'intégrité des ébranlements transmis. La caisse tympanique est un diverticule de l'arbre aérien. Ce fait, signalé d'abord par E. H. WeBer en 1825, est d'une importance très grande pour la physiologie de cet appareil intermédiaire, qui va se modifier par la suite avec le développement de la circulation aérienne, puis les transformations paravertébrales de la loge crànienne. — La caisse du tympan, et par suite la mem- brane et la trompe d'Eustache, manquent chez certains batraciens ; chez d'autres la membrane est plus ou moins visible à l'extérieur, les uns ont les trois osselets, d'autres n’en ont que deux. Ici (Pipa) les deux trompes d'Eustache se réunissent pour s’ouvrir par un ori- fice dans le palais; chez les dauphins, la trompe s'ouvre dans le nez (J. MUELLER). Nous aurons à revenir plus loin sur le rôle des muscles de la trompe d'Eustache et des osselets, ce groupe des muscles de la caisse PSE 0e aérienne réglant les rapports des deux fonctions de respiration et de déglutition, et ne servant que d’une façon très secondaire à l’au- dition. Fonction des Osselets. — Sans nous arrêter à des formations anatomiques antérieures à l'appareil auriculaire humain, étudions directement celui-ci. On conçoit qu'un ébranlement parvenant à la plaque de la fenêtre ovale y trouve un bon intermédiaire pour la transmission avec son rythme et son intensité, la membrane et la plaque formant un système tout à fait passif, dont les déplacements ne sont que ceux que permet la circulation du liquide périlymphique ; mais on voit qu’une plaque est mal faite pour s’incliner beaucoup sous des ébranlement obli- ques. Si cette plaque est surmontée d’une tige simple ou double, formant avec elle un système de levier coudé rappelant la plaque cuticulaire de la cellule sur- montée de son bâtonnet rigide, l'ébranlement sera PF An toujours intégralement transmis, mais plus il : s'adressera à un point élevé au-dessus de cette Fic. 33. base, plus il déterminera des oscillations sensi- bles dans le sens de sa direction (Fig. 33). C’est donc à la tête de l’étrier que s'adressent maintenant les directions. Cette tête est liée par une double articulation, au moyen du petit os lenticulaire, à l'extrémité de l’enclume, dont la tête est unie à celle du marteau. Tout ce système est suspendu en l'air par des tiges osseuses, mo- biles, des ligaments et des muscles. Ii peut être soumis, vu la com- plexité de cet appareil de maintien, à deux modes de déplacements : 4° D'abord les longues branches de l’enclume et du marteau, déterminent en se coupant un plan dans lequel le levier coudé qu'ils forment peut accomplir ce qu'on appelle des mouvements de son- nette , transmettant au moins intégralement les déplacements de l'extrémité libre-du marteau à la tête et à la base de l’étrier. « Le problème mécanique résolu par les appareils des cavités tym- paniques consiste, dit HELMHOLTZ, à transformer un mouvement d’une grande amplitude et d’une petite force, celui de la membrane du tympan, en un autre mouvement d’une plus faible amplitude et d’une ni — plus grande force, qu’il s'agit de communiquer au liquide du laby- rinthe. » Cette fonction n’est plus à démontrer. 2% Le plan dans lequel oscille la masse des osselets est déterminé par trois points : la pointe du manche malléaire ou sommet du cône tympanique, l'articulation de la tête du marteau et de l'enclume, et l'extrémité de la longue branche de l’enclume. Or, ces trois points sont mobiles, non seulement dans le plan d'oscillation déjà vu mais encore plus ou moins dans tous les sens, car les extrémités des branches sont presque libres, et quant à la grosse articulation, la délicatesse de son appareil de suspension justifie également noire dire. D’où il résulte que le plan d’oscillation peut varier dans son inclinaison, et que dans ce plan, tout l'appareil oscillant lui- même peut se déplacer. Dans tout ce système suspendu, tous les mouvements passifs sont liés aux oscillations et aux déplacements latéraux d'un seul point : le sommet du cône tympanique. C’est donc là maintenant qu'il faut nous adresser pour trouver des déplacements liés à la direction de l’ébranlement. Le probième devient simple à résoudre en quelques mots. Si nous coupons le cône tympanique par un plan qui passe par sa hauteur, chaque génératrice du cône est fixée par une de ses extrémités, c’est donc le sommet quise _ 2 te CAE ati déplacera (Fig.34), et son déplacement aura pour limite l'extensibilité des deux généra- Fig. 34. trices opposées si l'ébranlement se présente dans le sens de la hauteur ; mais s’il tombe dans une autre direction oblique, il s'adressera à une des deux géné- ratrices plus directement qu'à l’autre. C’est la génératrice qui se rapproche le plus de la perpendiculaire à la direction de l'ébran- lement qui en supportera le poids, et retenue par son insertion au cadre de la membrane formera pour cet / ébranlement un levier de troisième genre, _ dont l'effet sera de déplacer le sommet de sa position d'équilibre (Fig.35) et avec lui la pointe malléaire et tout le système oscillant. Lastructure de la membrane se prête parfai- tement à ce rôle, au moins autant qu’à tous ceux qu’on lui a fait jouer. Fic. 35. Ne Quel que soit le déplacement du sommet du cône tympanique, ce point sera toujours le plus mobile de la membrane, et les oscillations ne seront en rien troublées, mais elles auront lieu dans des plans qui varieront avec ces déplacements. Plus l'angle de la membrane conique sera ouvert, plus les oscil- lations seront intégralement transmises, mais moins les directions différentes détermineront de déplacement du sommet. Il faut donc un certain angle qui concilie les exigences de l'acuité et de l’orien- tation auditives, déterminant un accomodement naturel. D'ailleurs, plus le tympan sera profondément situé dans le conduit auditif externe, plus les incidences qui pourront l’atteindre devront se rapprocher de la hauteur du cône et faire avec elle des angles plus aigus. Mais ici interviennent les courbures de la paroi du conduit auditif externe, multipliant les surfaces de réflexion, depuis la conque jusqu’au tympan : et un grand nombre d’incidences peuvent ainsi parvenir au cône membraneux: et l'y / pour en accueillir d'avantage et les perce- tee voir mieux, nous voyons les parois du cône concave devenir convexes, d’après le prin- Fic. 36. £ 2: nr AT LU cipe utilisé déjà par l’utricule (Fig. 36). Si l’on accorde aux mammifères, outre un conduit auditif très riche en surfaces de réflexions orientées en tous sens, un cornet externe, mobile et très grand chez les animaux qui doivent être prévenus de loin du danger, parce que souvent la fuite est leur seule voie de salut, et qui palpent constamment l’espace sonore dans toutes les directions, et si nous voyons cette oreille externe se ratatiner et se réduire chez les animaux à station verticale et à tête très mobile et mieux armés que les quadrupèdes coureurs, nous arriverons à l'oreille externe de l’homme, de moins en moins utile dans la sélec- tion naturelle et souvent d'un faible appoint esthétique dans la sélection sexuelle. Nous verrons que la chaîne des osselets joue ainsi un double rôle : un rôle de transmission, de là l'ébranlement pour lequel la délicatesse de ses articulations n’est pas un avantage, car l'ankylose n'exclut pas l'audition ; en plus, un rôle d'orientation et c'est dans ce cas que l'ankylose ne doit plus être indifférente, selon notre théorie. Mais n'oublions pas que la mobilité de la tête visant tous les points du nr — champ auditif, supplée à la faiblesse de l'orientation et peut la dissi- muler; n'oublions pas, d'autre part, que l'audition bi-auriculaire contribue beaucoup à l'orientation et supplée conséquemment aux défectuosités de l'appareil articulé. IV. AUDITION TONALE. Quand un ébranlement, venant d’un point de l'espace, s'est com- muniqué au liquide endolymphique, par lui aux otolithes, à la cupule et finalement aux prolongements tactiles que les cellules scus-ecto- dermiques envoient vers le contact, nous savons que la direction de son incidence agit après que cette incidence se sera réfléchie sur des surfaces appropriées, sur la convexo-concavité de la membrane tympanique, et refoule son sommet en le déplaçant en outre latérale- ment. Le sommet en se déplaçant latéralement modifie l'inclinaison du plan d’oscillation du levier coudé, constitué par le marteau et l'en- clume. La partie la plus reculée du système oscillant, déplacée avec le plan de l'appareil coudé, transmet son déplacement à la tête de l'étrier qui s'incline et la base de l'étrier se présente sous une cer- taiue inclinaison au liquide périlymphique ébranlè, déprimant le sommet correspondant de la convexité utriculaire, et rompant l'équilibre du liquide endolymphique d’une quantité et dans un sens déterminés. Ce liquide, selon le sens du déplacement, cherche et trouve un dégagement dans les canaux semi-circulaires plus parti- culièrement dans un ou deux d’entre eux et y détermine des cou- rants qui révèlent à l'appareil nerveux des crêtes ampullaires, dont les impressions sont combinées et synthétisées par la chaîne gan- glionnaire qui constitue le nerf de l’espace, la direction primitive de l'ébranlement extérieur. Voici donc l'orientation réalisée pour l'ébranlement, quelque soit son système et quelle que soit son intensité, à la condition qu’il se trouve dans le champ de la conque externe. Saccule. — Mais cette décomposition des forces transmises par la paroi utriculaire en courants adressés aux nerfs des ampoules, absorbe ao une certaine quantité de ces forces et les enlève à l’appréciation de l'intensité. En outre, l'ébranlement qui a traversé la fenêtre ovale ne rencontre pas que la paroi utriculaire : il se répand dans la péri- lymphe. C’est ici que nous rencontrons la nécessité d’un autre appa- reil complet, rond et tendu, c'est le saccule. Le saccule sous sa forme la plus élémentaire apparaît chez les Pétromyzontes ; le limaçon s esquisse à ses côtés ; chez les Téléos- téens le saccule très développé refoule le limaçon ; chez le lézard, il devient la partie la plus considérable de tout l'appareil et se montre presque rempli par une grosse masse otolithique ; tandis que les ampoules des canaux semi-circulaires sont barrées par une crête saillante, la macule du saccule forme, dit MEYER , une sorte de pla- teau excavé. Chez la tortue et le crocodile il est très réduit et presque absent chez l'oiseau. Nous ne le décrirons pas. Sa paroi, tendue entre deux liquides, est très apte à colliger tous les ébranlements et à Les diriger concen- triquement vers la tache auditive du nerf sacculaire. Mais la tension de cette membrane convexe a des limites et si l'intensité des ébranle- ments y est toujours perçue, dès qu'ils se répètent à intervalles un peu rapprochés, les impressions se confondent en une tension con- tinue, où l’analyse est impossible. Limaçon. — C’est alors que part du saccule un diverticule membraneux, et dela loge sacculaire un canal osseux, d'abord ouvert comme les sillons qui ont donné naissance aux canaux semi-cireu- laires, puis fermé et couvert comme eux. Mais tandis que dans les premiers le canal revenait s'ouvrir par le saccule, l'extrémité termi- nale du canal limacéen est formée par un membrane qui en sépare le liquide de la masse gazeuse de la caisse. On conçoit par suite que la membrane de la fenêtre ovale, ou la plaque de l'étrier, ne pour- ront refouler le liquide incompressible, que quand la membrane de la fenêtre ronde pourra céder à la pression : il y a donc dans toute la masse du liquide périlymphique un déplacement total à chaque oscillation de l’étrier. Cette masse liquide, suspendue en quelque sorte entre deux membranes oscillantes, comme la masse solide des osselets entre le tympan et la fenêtre ovale, oscille en totalité dans une cavité qui ne présente une forme et des dimensions trop régulières pour n'avoir pas une signification physiologique en rapport avec sa constance mor- phologique. Laissons de côté la cavité vestibulaire, et ne considérons que la partie de la masse comprise dans le cône limacéen. Nous pouvons en effet, après tant d’autres, l’assimiler théorique- ment à un cône; mais à un cône double, divisé sur presque toute sa hauteur par le limaçon membraneux qui y délimite deux rampes, analogues aux vacuoles qui isolent les canaux semi-circulaires mem- braneux. C’est la rampe vestibulaire qui sert de porte d'entrée à l'onde condensante, et celle-ci, arrivée presque instantanément au sommet du cone, revient, mais surtout par la rampe tympanique qui lui offre une paroi flexible, refoulable (fenêtre ronde). Il y a donc en réalité deux cônes opposés par le sommet ; cepen- dant, la propagation de l'onde condensante emplit rapidement les deux rampes également, elle s'installe dans la totalité du cône osseux, mais l’onde de retour ne trouve d’issue rapide que par la fenêtre ronde. Que ce soit directement ou indirectement que l'onde déplace le liquide, il se produit dans le cône osseux un mouvement de va et vient de la masse liquide, à chaque passage de l’onde condensante. Le liquide , par son incompressibilité même , ana- logue physiologiquement à la masse compacte et rigide des osselets, ne dépend, comme elle, pour l'amplitude et la rapidité de ses oscillations, que de celles des membranes entre lesquelles il se dé- place. Ainsi nous admettons que chaque ébranlement, après avoir déplacé intégralement la chaîne des osselets, déplace également la masse incompressible du liquide suspendu entre les deux fenêtres, comme si c'était une masse rigide. Nous verrons tout à l'heure quel correctif nous devons ajouter à cette assertion. Les membranes vibrant à peu près également pour tous les rythmes, il en sera de même de la chaîne des osselets et de la masse liquide qui la continue. I! s’agit maintenant de trouver dans ce milieu vibrant des parties telles que pour un rythme donné animant le liquide, elles puissent vibrer comme elles vibreraient d'elles-mêmes si on les abandonnait . à la recherche libre de leur équilibre. ee Historique. — Laissant de côté les théories très anciennes (DuverNay, LECAT, CARUS), qui peut-être s’approchent plus de ce que nous croyons la réalité que les théories encore en crédit, nous ferons rapidement l'analyse critique des théories qui se sont succé- dées. Nous renverrons, pour le détail de cet exposé historique, au livre de PauL MEYER. Nous laissons complètement de côté l'hypothèse d'HeLMHOLTz sur la vibration des piliers de CorrTi. Elle avait à peu près pour elle tout ce que la physique peut donner à une interprétation, quand la physio- logie et l'anatomie comparée n’y interviennent pas ; mais elle tomba devant une simple remarque de Hasse : les piliers manquent chez les oiseaux, et d'ailleurs les terminaisons nerveuses n'entrent pas directement en rapport avec eux. Survint alors la théorie encore régnante aujourd'hui et qui est pourtant passible d'objections aussi importantes. HEXSEN et HELMKHOTLZ virent dans la disposition radiale des fibres de la membrane basilaire, et dans ses dimensions qui la font douze fois plus large au sommet du cône qu’à la base, une assimilation pos- sible avec un appareil de cordes tendues et accordées pour tel ou tel son. Cette théorie séduisante fut admise presque aussitôt par tous les auteurs. HASsE, qui avait attribué, on ne voit guère pourquoi, à la membrane de CorTi un rôle analogue, repoussa l'hypothèse de HENSEN, défendue brillamment par HELMHOLTZ; puis renonçant à son idée, iloctroya la fonction de vibrer par influence aux cils terminaux; enfin il adopta ensuite pleinement la théorie de HENSEN. WALDEYER s'attacha, avec ses élèves, à la seconde hypothèse de HASsE, et la fit sienne. BAER repousse absolument l'hypothèse HENSEN-HELMHOTLZ : la membrane basilaire est loin d'être bien connue dans sa structure chez les animaux, et ensuite d'être si assimilable qu'on l’a cru à une série de cordes radiales tendues. Chez les mammifères, l’homme compris, la partie striée n’occupe qu'une partie de l’épaisseur totale : « Elle constitue une sorte de revêtement plus ou moins superficiel d'une couche amorphe beau- coup plus considérable qui, elle-même tapissée sur la face tympa- nique de fibres spirales connectives, forme la masse principale de la membrane basilaire (P. MEYER). » En somme, une membrane fort peu élastique, d’une épaisseur très ER 70 appréciable, superficiellement striée, composée de diverses couches, dont, disons-le en passant, l'épaisseur relative varie avec l’âge, tel est, en dernière analyse, l'appareil auquel on voudrait rapporter nos plus fines sensations auditives. HENSsEx lui-même dit que chaque pilier repose sur quatre de ces cordes basilaires ; certains animaux ont un pilier posé sur onze cordes. Et n'est-il pas curieux et instructif de voir cet appareil si délicat des piliers de Corri et des cellules cylindriques réduit au simple rôle de masse indifférente servant d’étouffoir pour les vibra- tions exagérées , par HELMHOLTZ qui avait si rigoureusement démontré combien il y avait de raisons d'y voir l'appareil vibrant par excellence ? La membrane basilaire apparaît dès que la fenêtre ronde com- mence à recevoir les ondes de retour revenant par la rampe tympa- nique ; chez Les oiseaux, cette membrane est aussi peu importante que possible. Mais même en acceptant tout ce que HENSEN et HELMHOLTZ croyaient capable de justifier leur théorie, une corde vibre surtout dans le plan de son déplacement. L'onde venant longi- tudinalement selon la hauteur du cône, déplaçant les cordes radiales dans le sens de la membrane basilaire , et non dans un sens trans- versal à cette membrane, on les faisait vibrer dans le plan où elles étaient le moins libres de le faire, maintenues en place par les fibres voisines. Nous verrons, sans insister davantage, qu’elles ne jouent là qu'un rôle secondaire de paroi membraneuse du limaçon. Pour WALDEYER et PAUL MEYER, la fonction auditive appartien- drait essentiellement aux crins des cellules auditives. « Les cils seraient, d'après ce dernier, raides, vitreux, cassants , semblables en quelque sorte à des verges de fer ou d’acier. » Nous devons remarquer que ces cils sont les plus petits éléments figurés du limaçon ; il faut beaucoup de complaisance pour permettre que leur faible consistance puisse les faire assimiler, même de très loin, et avec un fort grossissement, à des verges de fer. D’autre part, si la perception se faisait grâce à la différence de hauteur des cils, et que ce füt là le dernier mot physiologique de toute cette merveilleuse disposition anatomique, si régulière , si visiblement appropriée à quelque chose de plus que de permettre à de petits cils surmontant un plateau cuticulaire de vibrer spontanément sous un ébranlement qui passe, il n’était vraiment pas besoin de tout ce dispositif, ces p — mêmes cellules eussent pu se trouver sur une macule très ordi- naire, et non précisément dans l'axe du cône osseux vestibulo- tympanique. « Ne constituent-ils pas, dit P. MEYER, un appareil de résonnance presque mathématique, une sorte de diapason, infiniment supérieur dans tous les cas, à ces cordes basilaires auxquelles la théorie de HENSEN voulait faire jouer le même rôle? > Nous avons rejeté l'hypo- thèse de HENSEN, mais nous ne trouvons pas celle-ci infiniment supérieure : elle nous montre qu'on a cette fois épuisé tout ce qu'on pouvait attendre de la vibration par influence des éléments suspendus dans le liquide endo-périlymphique. Nous devons, à propos de cette dernière hypothèse, entrer dans une courte discussion à propos de certaines expériences qui nous semblent avoir complètement égaré, et pendant longtemps, les recherches entreprises sur la physiologie de l'audition. De ce que certains cils vibrent ou se cassent quand certains sons ébranlent l'eau (et l'on connaît l'expérience de HENsex faisant jouer du cornet à piston devant un réservoir où étaient des Mysis, qui ne s'étaient jamais trouvées à pareille fête), on ne peut conclure que ces cils jouent un rôle direct ou indirect dans l'audition. L'expérience eût donné des résultats semblables si l’on avait joué devant un fauteuil de velours dont on eût examiné les crins. Tous n’eussent pas vibré, ni vibré de même. Il se passe des phénomènes purement physiques qui peuvent ne pas entrer dans la physiologie des êtres qui y prennent part. D'autre part, les chromatoblastes si sensibles de certains animaux miméti- sants ne constituent pas un appareil de vision, et nous voyons chez certains individus, des conduits auditifs externes littéralement feutrés de poils raides, qui ne jouent aucun rôle dans la perception des sons, et qui cependant sont aptes à vibrer par influence. Qu'un son communiqué à un milieu y réalise une trépidation, la trépidation sera appréciée peut-être très nettement par des organismes qui ne soupçonnent pas l'audition des sons. Quand HENSsEN plaçait dans un aquarium des Palæmons , et agitait le vase, les animaux ne remuaient pas ; puis, qu’un bruit ou un son un peu fort se produisissent, l'observateur les voyait bondir et s’agiter ; mais la situation de ces Palæmons, enfermés dans une armure rigide et articulée, n’était-elle pas intolérable quand une A trépidation, comme celle communiquée au vase, les secouait l’un contre l’autre et faisait vibrer les articles de leur revêtement? Il n’y a encore rien là d'esthétique , c’est simplement une exaspérante trépidation. Si l’araignée possède des otocystes (HALLER et Dœur.) sur le bord postérieur de la dernière articulation de la première paire de ses pattes, n'est-il pas évident que l'animal ne pouvait mieux mettre sa sensibilité au contact des fils vibrants de sa toile et mieux analyser la propagation et la nature de la trépidation qui ébranle toute sa toile et lui indique immédiatement à quelle proie ou à quel danger elle a affaire. Mais la vie de l’araignée n'est-elle pas liée à l'intégrité de ce sens de la trépidation, et ne doit-il pas être extrêmement développé chez elle? S'étonnera-t-on de la voir se diriger vers les points d'où un ébranlement sonore fera entrer en trépidation le sol sur lequel elle marche, ou le vase dans lequel on l'a placée ; bien des légendes attendrissantes sur l’esthétique mu- sicale des animaux n'ont aucunement la portée qu'on leur donne gratuitement. L'araignée a ses organes percepteurs de l’ébranle- ment dans ses pattes antérieures, car c'est par elles qu'elle palpe sa toile vibrante : de même, l’écrevisse percevra par ses antennules, les Mysis par la partie caudale, les mollusques rampants par leur pied (1), en contact avec le terrain rigide sur lequel ils rampent et les mollusques fixés n'auront pas d'otolithes. Leurs autres sens, quand ils existent, sont très bornés. D'autre part, les insectes ont, soit sur le métathorax, soit dans les pattes, des organes qu'on a nommés auditifs. Forez s'élève contre la facilité avec laquelle on accordait l’audition aux araignées : LuBBock l'a cher- chée vainement chez les insectes, fourmis et guêpes. Ils chantent, donc ils entendent : mais qu'une abeille bourdonne , elle produit, pour nous un son, une vibration seulement pour l'insecte qui le perçoit; que le grillon, ébranle l'air et le sol où il repose , par son frottement strident, et ainsi pour d'autres espèces, s'ensuit-il que d'autres insectes , mâles ou femelles , y perçoivent autre chose que la propagation de la trépidation, du frémissement propre au grillon ? Les insectes sont en contact avec le sol par leurs pattes faites d’ar- (1) Les otocystes sont néanmoins innervés par les ganglions cérébraux : Voir KOREN et DANIELSSEN, 1856 ; OwsJANNIKOW et KOWALEwSKY, 1867; DE LacAzE-DUTHIERS, 1868. Voir aussi les expériences de H.-V. JHERING. — 419 ticles rigides, ils connaissent très bien ce qui se passe de vibrant dans le sol, mais il ne s’ensuit pas qu’ils y perçoivent un son, c'est-à-dire une sensation continue dont on peut déterminer la place dans une série de sensations continues de même nature. L'appréciation d'une trépidation sous la forme d'une sensation conti- nue, pleine, constitue seule l'audition tonale, autrement il n’existe que trépidation analysée, ébranlement caractérisé par sa forme, son rythme. Il y a entre ces sensations tout l'intervalle qui sépare la notion du rythme, de vitesse dans la succession des chocs, de la notion unie de hauteur. Pour celle-ci, il faut l'apparition du limaçon etla production, non de pressions isolées et répétées, toujours distinctes, mais d'une pression unique, persistante et localisée à une région, toujours la même, de l'échelle tactile. Les cils terminaux des cellules ectodermiques, qui contribuent à former la papille acous- tique, ne peuvent certainement pas remplir la fonction qu'on leur attribue , plusieurs cils d’une même plaque cuticulaire étant de lon- gueur différente pour une même terminaison nerveuse. Ce sont des : adaptations de l'appareil tactile, et rien de plus. Nous allons voir bientôt quel rôle ils jouent dans notre hypothèse. Réduisons par la pensée le limaçon au cône théorique des auteurs. Nous avons admis que le liquide se déplace en totalité par un rapide mouvement de va-et-vient à chaque passage de l'onde conden- sante. Mais un déplacement en totalité, dans un tuyau conique, n'implique pas nécessairement que toutes les molécules du liquide sont animées d'un mouvement homogène. Ainsi, les parties qui sont voisines de la paroi, toujours de plus en plus rétrécie, sont soumises au frottement, et les plus rapprochées de la paroi se déplacent moins que les parties du cône liquide qui se trouvent dans l’axe du tuyau conique. Un cône peut offrir une infinité de sections droites. Examinons l’une d’elles. Sa partie centrale située dans l’axe et dans le lieu des points où les oscillations, où le déplacement, le va-et-vient sont les plus accusés ; sa périphérie est le lieu des points où les oscillations sont nulles ou presque nulles. Une telle section ne peut-elle s’assi- miler à une membrane liquide tendue à cette hauteur du cône ; et le cône liquide ne peut-il être comparé à une superposition de mem- A0 branes liquides, toutes de même substance, toutes de même tension (la substance et la tension du liquide périlymphique) et ne différant entre elles que par le diamètre ? Le liquide, se déplaçant en totalité, est soumis à des oscillations plus amples dans l'axe que sur ses parois, et l’on peut admettre que le cône liquide est fait d'une infinité de membranes liquides super- posées, oscillant toutes dans le même temps, d’une façon passive. Isolons par la pensée une de ces membranes liquides déterminée par une section droite à une hauteur donnée du cône : supposons qu'aussitôt déplacée d’une certaine quantité de sa position d’équi- libre, elle devient libre, elle se mettra à osciller suivant la formule du vendule : t=r\/7 9 dans laquelle x et g nous sont indifférents ; / sera le rayon de la membrane liquide, et la durée de l'oscillation sera donc en raison directe de la racine carrée du rayon de la membrane, c'est-à-dire que cette durée d'oscillation (en chute libre) diminuera quand nous aurons des sections plus rapprochées du sommet du cône. Cette for- mule n’est pas absolument appropriée en ce sens que le rayon d'une membrane varie de longueur en raison de l’extensibilité nécessaire à l'oscillation. La chute serait libre s'il n'y avait pas une onde de retour (passant, ilest vrai, surtout par la rampe tympanique) mais rétablissant l’équi- libre du liquide plus rapidement que ne le faisait l’élasticité propre de la membrane de la fenêtre ronde. Mais aussitôt que l'équilibre est momentanément rétabli une nou- velle onde condensante arrive plus ou moins immédiatement, sui- vant la hauteur du son et le rythme oscillatoire. Toute la masse du liquide est donc reprise du même déplacement un grand nombre de fois et très rapidement, et cela quelle que soit la rapidité des alternatives, car si l'on admet qu'une membrane peut vibrer pour tous les sons, une chaîne rigide comme celle des osselets, suspendue entre deux membranes, fera de même, et si cette chaîne rigide osseuse est continuée immédiatement par une chaîne liquide incompressible également suspendue entre deux membranes, ne nous admettrons que l’ensemble forme un système continu, en deux parties, la première rigide, la seconde incompressible, le tout oscil- lant entre deux membranes, le tympan externe et le tympan interne ou membrane de la fenêtre ronde. Ce qui revient à dire que dans tout le cône liquide, animé d’une oscillation en masse, chaque membrane liquide oscillera passivement à chaque passage d'une onde condensante. Le temps qui sépare deux oscillations successives sera supérieur, égal ou inférieur à {, temps d’une oscillation pendulaire pour une membrane donnée laissée libre; et nous savons que quand un corps est animé passivement d'un mouvement oscillatoire de rythme iden- tique à celui qui l’animerait s’il était abandonné à sa propre élas- ticité, à la recherche spontanée de son équilibre , ce corps vibre par influence et d’une façon durable. Cette durée d'oscillation propre à la vibration par influence, on l'avait attribuée aux piliers de CorrTi, aux cordes radiales de la mem- brane basilaire, aux crins des cellules ; nous croyons au moins aussi légitime de l’attribuer à telle ou telledes membranes liquides dont nous avons parlé, déterminées par une série de sections droites. Il suffit qu'à un rythme oscillatoire donné corresponde une section dont le rayon donne à la formule d’oscillation libre de la membrane une valeur égale pour la durée de l'oscillation, ou pour le rythme, si l’on veut. C'est-à-dire que si l’on pouvait connaître la valeur de g pour la membrane liquide, et la durée de l’oscillation communiquée, on pourrait évaluer à quelle section du cône sera située la membrane liquide de rayon tel qu'elle vibre sous les oscillations de la masse liquide comme elle vibrerait librement. C’est le seul point du limaçon où s'établissent des oscillations pendulaires pour une hauteur donnée; c’est aussi celui où le rythme de l’oscillation totale prendra un caractère de constance et de régularité appréciables. Il devrait nous suffire de supposer dans les différentes sections du cône liquide, des localisations constantes pour chaque rythme vibra- toire; mais nous devons poursuivre un peu plus. Il nous faut d'abord rectifier l'assimilation trop théorique de limaçon osseux à un cône. C’est bien un cône, mais sa section n’est pas irculaire, se hauteur décrit plusieurs tours de spire ; il ne peut être question de sections droites parallèles, mais de sections formant éventail, et ayant toutes une partie confondue, du côté de la lame spirale. oh Nous n’oserions point, pour des raisons faciles à concevoir, pous- ser trop loin l'assimilation d'une section dans un cône liquide à une membrane liquide ; il nous semble pourtant admissible que pour des ébranlements d’un certain rythme, une section de liquide soit plus spécialement intéressée, et que le liquide y soit dans un état de tension permanente, ou d’oscillation autonome (1) capable de déter- miner des modifications appréciables dans la disposition respective des éléments anatomiques qui occupent le centre de la section. Quelle que soit cette modification, et c’est ici que nous nous arrê- tons dans notre hypothèse, on peut, du dispositif anatomique, préjuger du mécanisme physiologique, induire de l'organe à la fonction. Des schémas rendront notre interprétation du mécanisme tactile dans le centre de la section d'impression (Fig. 37). F1G. 31. Le temps / de l’oscillation libre, celle qui produit des chocs régu- liers, variant avec la racine carrée du rayon de la membrane liquide, les sons aigus seront perçus au sommet, les graves vers la base, contrairement encore à l'hypothèse de HENSEN: et nous ne nous étonnerons pas de voir les dimensions du canal membraneux aug- menter à mesure que le cône osseux se retrécit, les pressions ayant leur plus grande force vers le sommet, et la petitesse croissante des sections forçant la masse liquide à y circuler plus vite. (1) Nous sommes loin d’attacher une importance exagérée à la forme de notre hypo- thèse, et nous y reconnaissons, à côté d'éléments rationnels, certaines impossibilités. Il nous a suffi de transporter le problème du fonctionnement auditif du terrain de l’acous- tique dans celui de l'hydrodynamique , qui nous semble avoir un certain avenir, et de supposer qu'à différents systèmes oscillatoires correspondent des zones de tension dispo- sées en différentes hauteurs dans le cone liquide. D Muscles de la caisse. — Il nous reste à dire quelques mots de la physiologie des muscles de la caisse : quand il agit seul, le muscle du marteau attire la membrane et la chaîne des osselets en dedans, et l'étrier pénètre dans la masse liquide du labyrinthe périlym- phique ; quand le muscle de l’étrier agit seul, l’effet est contraire : ils sont antagonistes. Supposons que la pression extérieure change, le tympan se déplace, en dedans si elle augmente, et c’est alors le muscle de l'étrier qui, fléchissant les articulations de la chaîne osseuse, protège le liquide contre une compression ; si la pression diminue au dehors, c'est le muscle tenseur qui rétablit la membrane en sa place, s’oppo- sant à une traction sur l'étrier. Mais nous avons vu aussi que la caisse était un diverticule de l'arbre aérien, dans lequel nous réglons la pression soit d'une manière reflexe, dans la déglutition par exemple, soit volontairement en ouvrant puis en fermant la trompe d'Eustache pendant que la pression aérienne est plus ou moins grande. Ces muscles appartiennent à l'innervation reflexe et à la volon- taire ; ce sont des muscles de la face (facial externe et facial interne) et ce sont aussi des muscles de la déglutition. À chaque mouvement de déglutition, nous entendons ce même petit cliquetis que nous produisons volontairement soit dans les deux oreilles, soit dans l’une ou l’autre. Dans ce cas, c’est au système réflexe de la déglutition qu'il faut rapporter leur mouvement; si la pression diminue subitement dans la caisse, les membranes y bombent immédiatement, mais ne dépassent pas la limite fixée par la rigidité relative de la chaîne des osselets. Quand elle augmente aussitôt après, les membranes sont refoulées de chaque côté de la caisse ; c’est vraisemblablement en ce moment que les deux muscles agissent. L'innervation spéciale des muscles de la caisse et de la trompe sont loin de faire repousser l'idée d’une synergie qui les rattacherait au réflexe compliqué de la déglutition. L'idée de l’accommodation aux sons aigus ou graves, tombe devant ce fait, que nous ne pouvons analyser un timbre sans percevoir à la fois des harmoniques aiguës et graves, d'’intensités variables , et il est impossible d'accommoder avec le même muscle pour deux ten- sions inverses. + RE L'accommodation d'intensité semble plus réelle, bien que nous ne puissions prévoir quelle intensité va nous parvenir. Ce serait, dans ce cas, non le muscle du marteau , mais celui de l'étrier qui nous préserverait des compressions exagérées , à la condition toutefois qu’il soit prévenu. CONCLUSIONS. Nous résumerons en quelques mots, les points saillants de notre hypothèse. Dans une première partie, nous avons cherché à suivre les trans- formations élémentaires du sens tactile depuis la masse protoplas- mique simple jusqu'à l'appareil sensoriel terminal du tact auricu- laire. Nous avons dû considérer comme épithéliales des cellules que l'on regarde comme nerveuses , et passer souvent à des genres très éloignés pour ressaisir notre filon morphologique. IL nous a fallu refuser le sens auditif à une foule d'animaux à qui le besoin d'é- tendre à toute l’animalité, à défaut d'un autre anthropomorphisme, nos besoins et nos facultés, avait fait décerner des appareils auditifs, poils ou otocystes. Ces êtres, très élevés parfois dans la série, ne jouissent, en réalité, que du sens de l’espace révélé par contact, puis par ébranlements communiqués au milieu : ébranlements régu- liers ou irréguliers, lents ou rapides, provoquant l'impression d'une trépidation plus ou moins délicate et rythmée, mais jamais celle d’un son tonal, d’une hauteur caractérisée. Ce n'est que plus tard , chez les animaux aériens surtout , que l'adaptation à l'analyse des ébranlements délicats et ténus, et surtout l'apparition du limaçon, ont permis l'acquisition de cette notion nouvelle. Nous avons vu la fonction du prolongement, cil rigide ou flagel- lum mou; la formation des récepteurs concaves, des palpes convexes, du tenlacule , de la massue oscillante, sa transformation en appareil otolithique ouvert, puis clos ; le rôle du grelot otoli- thique, sa rétrocession devant un nouvel agent, le courant, le tourbillon endolymphique et tout l'appareil compliqué auquel la nécessité d’une appréciation de courant liquide donne lieu : canaux os semi-circulaires, ampoules, crètes ; le jeu de la masse utriculaire, de l’étrier, les inclinaisons du plan d’oscillation de la chaîne des osselets, et la relation directe entre l’incidence des ébranlements extérieurs et les appréciations des nerfs ampullaires. Enfin , notre dernière hypothèse s’adressait au mécanisme de la plus récente des acquisitions du sens auriculaire, celle du son, et nous avons cherché dans une route absolument différente des routes frayées avant nous. Tout ce qui n’est pas l'organe périphérique a été laissé de côté, comme n'appartenant plus strictement au sens auriculaire, mais à des opérations d’une nâture déjà très complexe. D'ailleurs la prudence la plus élémentaire nous interdisait ce terrain, où l'hypothèse elle- même ne peut se définir, faute d’un substratum anatomique suffi- sant. Nous avons en outre fait de l'appareil musculaire de la caisse et de Ja trompe d'Eustache, une annexe des muscles de la déglutition, dont la synergie préserve l'appareil membraneux et l'oreille interne des inconvénients du changement brusque de la pression aérienne. Paris, le 19° Mai 1890. ÉTUDES D'EMBRYOLOGIE SUR LES VERTÉBRES. PAR FRÉDÉRIC HOUSSAY, Maître de Conférences à l'Ecole normale supérieure. IV. LES FENTES BRANCHIALES AUDITIVE, HYO-MANDIBULAIRE., SPIRACU- LAIRE ET LES SOMITES MÉSOBLASTIQUES QUI LEUR CORRESPONDENT CHEZ L'AXOLOTL (1). Planches I-III. Tous les embryologistes admettent actuellement que les fentes branchiales des Vertébrés naissent d'avant en arrière, autrement dit que la plus antérieure, l'hyoïde, est la plus âgée, que la seconde en âge est la première branchie vraie, et ainsi de suite. En sorte que, si l’on considère , avec GEGENBAUR , la tête préorale (1) Voir Archives de Zool. exp. et gén., 2° série, t, VIII, 1890, p. 143, PI. x-x1v. ET fes comme non segmentée, on peut supposer qu'elle constitue une sorte de prostomiuwm, comparable à celui des Annélides. En arrière de ce prostomium existe une région bien définie (la limite postérieure de la région branchiale) qui donne des métamères nouveaux. Ils sont accusés au dehors par leur fente branchiale, et le dernier formé est toujours le plus voisin de la région productrice. Ce fait semblant très net pour cette partie du corps, il pouvait paraître légitime de l’étendre au tronc, où les phénomènes sont moins apparents, et d'admettre que là aussi existaient en petit nombre des places où étaient produits les métamères nouveaux. Le corps du Vertébré était ainsi comme une chaîne de zoonites, produits par l’activité de quelques zoonites bourgeonnant. De telle sorte que, non seulement, un segment de Vertébré était comparable à un segment d’Annélide, mais encore, le Vertébré somme de segments, devenait comparable à l’Annélide somme de segments, parce que dans les deux cas la même mécanique avait présidé àda formation des parties constituantes de l'individu. « Le corps (des Vertébrés) se décompose en trois régions, la tête, > le tronc et la queue, qui se comportent toutes trois au point de » vue de l'accroissement, comme autant d'individus distincts, et » pendant la période embryonnaire, peuvent former de nouveaux > segments vertébraux à leur extrémité postérieure (1). » Ep. PERRIER, qui résume ainsi sa manière de concevoir le Verté- bré, s'exprime là d’une façon trop absolue et trop simple. Les faits que nous allons rapporter vontnous montrer queles centres de production des métamères sont en réalité beaucoup plus nombreux. Néanmoins, la conception précédemment énoncée peut, avec quelques change- ments, être fort utile pour interpréter les phénomènes compliqués de la formation de la tête. Dans tout ce qui va suivre, nous réservons complètement la ques- tion de savoir si les métamères représentent des individus associés pour former une individualité d’un ordre supérieur, ou s'ils ne sont pas purement et simplement un mode de complication d'un orga- nisme qui s’allonge, aussi bien chez le Vertébré que chez l’Annélide. Pour l'instant les faits nous paraissent tout aussi compréhensibles (1) Epmonp PERRIER, Les Colonies animales. Paris, 1881. PET dans l’une et dans l’autre hypothèse. Nous n'avons donc pas à opter. Cette réserve faite, j'espère montrer que dans la tête il faut distinguer au moins deux zones formatrices de métamères. L'une déjà connue, en arrière de la région branchiale ; l'autre qui se trouve au niveau de la bouche. Et dans ce dernier point les métamères se forment aussi bien vers l’avant que vers l'arrière. La propriété d'une région de donner des métamères nouveaux dans deux directions opposées est d'autant moins extraordinaire chez les Vertébrés qu'elle se rencontre aussi chez les Annélides, par exemple chez le Dero obtusa, pour ne citer qu'un seul cas (1). ORDRE D'APPARITION DES FENTES BRANCHIALES. Dans une étude antérieure (2) j'ai indiqué dans quel ordre se for- maient les métamères de la tête, en accord avec l'apparition des neurotomes cérébraux et la segmentation des cordons ganglionnaires latéraux, dont les épaississements séparés doivent devenir les gan- glions crâniens. J'avais trouvé que les métamères ne se produisent pas suivant une loi aussi simple qu'on l’admettait généralement : je concluais même au manque de loi simple. Si l'on persiste, en eflet, à vouloir retrouver un seul lieu de pro- duction pour les segments céphaliques, les faits que j'apportais alors sont incompréhensibles. En d'autres termes, si l’on fait une seule série longiludinale de tous les métamères céphaliques et que lon compare entre eux les temps d'apparition, on n’aperçoit aucune loi simple. Représentons chaque métamère par le rang de son apparition dans le temps, qui ressort des faits décrits plus loin. Nous avons la première colonne de chiffres du tableau suivant; elle paraît inco- hérente. (1) E. PERRIER. Loc. cil., pages 434 et suivantes, (2) Arch. de Zool. eæp. et génér., 2° série, t. VIII, p. 190. NEA RIRE RES RTS RS SENS CES A LS A EEE LS PA SRE À 1 1 EIvpophySe se Re CR Ludo 2 2 Bouche ....... NPA —— cc ——, , AAA 11 4 Brent (A), Re ER NE Eee PRET AN à UP AA | 10 24 Hyo-mandibulaire ............... neencires nn ee ….s 6 1% Ÿ YO ATCEC ERP PEEREE —— ocoesse.e — . 3 144 ‘ Oreillers DL LS se dontele se ST LAS D de 4 GA 4er brAN CALE EE RES LEE LR NET LAS ES el 5 72 DB brANCRIAlE ER NE EL Re en ee et A Te ES 7 477 De DrANCATAIR ES ent eee Cruel SE SE See ie 8 77 Hebranchial ee ER EEE EME ee A RO Un OO 0 o 9 6’’ À Si, au contraire, nous faisons de cette colonne trois séries séparées par deux traits, l'un en face de la bouche, l’autre en face de l’hyoïde, nous voyons que dans chaque série les nombres croissent régulière- ment soit dans un sens, soit dans l’autre , mais le même dans chaque série. Adoptons trois notations pour les trois séries ; nous avons la deuxième colonne du tableau. Elle est beaucoup plus facile à inter- prêter et nous montre trois files de segments formés respectivement dans le sens des flèches. Il y a deux zones productrices, l’une à la fin de la région bran- chiale. Elle donne les métamères que nous pourrions appeler péri- cardiques où posthyoïdiens. La deuxième zone donne, en deux sec- tions, les métamères préhyoïdiens. Il est fort intéressant de remarquer que les métamères cépha- liques se trouvent classés d'après ce caractère en deux groupes exactement concordants avec ceux de RaBL (2). Mais RAgL éloigne (1) On remarquera que dans ce tableau j’admets une branchie de plus que dans mes précédentes études, C’est l’évent, que j'ai pu retrouver depuis leur publication. (2) C. Ra, Theorie des Mesoderms. Morph. Jarhb., 1889. T. 15, p. 228. PR) ces deux catégories, au point de considérer la postérieure seule comme formée de parties homodynames aux myotomes du tronc, tandis que la première ne l’est pas. Je ne vois au contraire qu'une différence fort légère entre tous ces métamères, et je leur attribue à tous la même valeur morphologique. Ils sont constitués identique- ment sur le même type, et ne se distinguent que par l’ordre dans lequel ils ont été produits. Il s'agit maintenant d’exposer les faits observés, pour montrer que ces interprétations ne sont pas uniquement des combinaisons de symboles. N'ayant rien appris de plus sur la tête préorale, je la considère ainsi que précédemment comme formée d'au moins deux segments. L'un, situé entre le nez et l'œil, est limité à sa partie postérieure par la fente branchiale que j'ai appelée cristallo-hypophysaire. Celle-ci a possédé une évagination entodermique, la première formée, qui a disparu sans entrer en rapport avec l'épaississement épiblastique correspondant ; et ce dernier s'est diflérencié plus tard à sa partie supérieure en cristallin, à sa partie inférieure en hypophyse. Le second segment est situé entre la branchie cristallo-hypophy- saire et la bouche. Il sera peut-être possible d'en trouver d’autres encore ; pour l'instant tenons-nous-en au minimum assuré. Portons maintenant notre attention sur les segments postoraux. L'embryon le plus jeune que j'ai examiné pour cette étude est repré- senté PI. 1, fig. 1. Il possède deux gouttières entodermiques bran- chiales, et compte 11 myotomes au tronc. Un embryon de Sélacien avec deux gouttières entodermiques branchiales posséderait au contraire, d’après RABL (1), 23-24 myotomes , c'est-à-dire beaucoup plus. Ceci nous fait comprendre que la marche de la métamérie est moins rapide chez l'Axolotl que chez les Sélaciens. On pouvait pré- voir cela à la longueur du temps employé par le premier de ces types pour parcourir son évolution. Comme résultat pratique, on doit admettre que la lenteur du phénomène est une bonne condi- tion pour en permettre l'étude. Le système nerveux périphérique est divisé en quatre paquets de racines et de ganglions : (1) C. RaBL., loc. cil., p. 216. EN 1° Olfactif et ciliaire (1), qui commencent à se séparer l’un de l'autre ; 2° Trijumeau ; 3° Facial-acoustique ; glosso-pharyngien (accolé ou très voisin) ; 4 Le vague. En exceptant la masse antérieure que RaBL laisse de côté, mon embryon est, au point de vue du système nerveux périphérique, au même stade que le plus jeune dont il fasse mention. Mais j'ai déjà indiqué plusieurs stades antérieurs à celui-là et montré qu'il n’était pas initial (2). C’est assez dire que je ne puis en aucune façon adopter l'inter- prétation de RABL (3). Les deux premiers nerfs, dit-il, trijumeau et acustico-facialis sont en opposition avec les autres, parce qu'ils ne naissent pas d’une crête neurale (Nervenleisle), mais sortent isolés du bord supérieur du cerveau. Au contraire, le glosso-pharyngien et le vague se placent sur une même ligne avec les nerfs spinaux purs. Chez l'Axolotl, j'ai vu que tous les nerfs naissaient de la même manière , en accord au reste avec ce que BEARD (4) avait décrit chez les Élasmobranches et les Oiseaux. Je crois donc que RABL commet l’erreur de prendre pour primitif un état trop avancé déjà. Quoi qu’il en soit, il y a deux gouttières endodermiques branchiales disposées. Dans l'état actuel de nos connaissances tous les embryo- logistes les nommeraient respectivement chez l’Axolotl « Hyoïde et 1" branchiale ». La plus postérieure est certainement la 1" branchiale vraie (PI. 1, fig. 1, 1 B) parce que derrière elle on voit descendre un prolonge- ment cellulaire, qui sera son rameau posthbranchial et qui est manifes- (1) Je donne’ le nom de ciliaire à la seconde section du cordon ganglionnaire latéral. L'identification est-elle absolument prouvée ? Ultérieurement , cette masse se fond avec le trijumeau. Toutefois, je ne puis pas dire expressément qu'elle représente un seul nerf, plutôt que tous les nerfs du complexe antérieur au trijumeau. Je laisse pour l'instant ce point indéterminé (Voir DonrN, XV® étude, Mitheil. aus. d. Zool. Station zu Neapel, 9€ vol., 1890, pages 342 et suivantes). (2) Arch. Zool. exp. et génér., 2° série, t. VIII, 1890, p. 178 et suivantes. (3) RABL, Loc. cil., p. 222-228. (4) Bearp, The Development of the peripheral Nervous System of Vertebrates. Elas- mobranchiïi et Aves. Q. J. of Micr. Sc., t. 29, 1888.? ere tement issu du glosso-pharyngien. Quant à la gouttière antérieure, il faut également rechercher si elle répond bien à l'hyoïde. Derrière elle s’allonge une masse cellulaire qui deviendra un rameau post- branchial. Il paraît prolonger la partie moyenne de l'épaississement ganglionnaire, celle où se creusera l'oreille, bien plutôt que la partie antérieure qui deviendra le ganglion facial. Toutefois, l'affirmation est impossible : les deux parties de l’épais- sissement ganglionnaire sont encore si peu différenciées qu'il est fort difficile de tracer entre les deux une limite, même approximative. Mais du moins, si l’on ne peut pas dire avec certitude : ce rameau postbranchial prolonge l'oreille , il y a encore moins de raisons de croire qu'il vienne du facial. On ne peut donc pas être assuré que cette gouttière endodermique marque la place de l'Hyoïde. Sur ce même embryon (PI. 1, fig. 1) une autre circonstance eloigne encore cette détermination. Le fragment de mésoblaste qui précède la gouttière antérieure se réunit par sa partie ventrale à la parlie ventrale du somite postérieur. Donc, il prend part à la constitution du mésoblaste ventral dans lequel se creusera le péricarde. Or, quand la fente hyoïde apparaît sans ambiguité, le somite qui la pré- cède n'est jamais intéressé dans la formation du péricarde. Il résulte de là que la gouttière considérée (A, PL 1, fig. 1) est en arrière de l'hyoïde, en même temps que devant la première branchie vraie. Nous devons done conclure qu’elle appartient à la région de l'oreille. Au reste, prenons l'étude de ce premier embryon comme une simple indication ; admettons que rien n'est encore prouvé; la con- viction va se faire par l'étude des stades un peu plus avancés. L'embryon immédiatement suivant (PL. 1, fig. 2) a trois gouttières branchiales disposées. Cet état correspond à 12 myotomes dans le tronc. Un Sélacien au même stade branchial aurait (d’après RABL) entre 31 et 36 myotomes. A cet âge, l’Axolotl présente une disposition très remarquable et très inattendue. Je ne me suis pas contenté de la rencontrer une seule fois ; j'ai étudié cinq embryons à ce degré de développement et j'ai toujours obtenu des résultats identiques, aussibien par des coupes transversales que sagittales ou longitudinales. Le système nerveux périphérique a subi quelques modifications. Le ganglion ciliaire s'est nettement séparé de l'olfactif. Le ganglion HO cilaire envoie un rameau (postbranchial ?) qui, vu la courbure de la tête et le refoulement par la vésicule optique, est dirigé vers le gan- glion trijumeau. La masse faciale-acoustique est tout à fait séparée en deux, et juste derrière, tout au contact, se trouve le ganglion glosso-pharyngien. Le vague est encore indivis. Dans la région qui nous intéresse plus spécialement, nous voyons la partie antérieure de l’épaississement épiblastique (gv. PI. 1, fig. 2) qui donnera les différents ganglions du vague, proliférer et envoyer derrière la troisième gouttière endodermique (2 B, PI. 1, fig. 2) un prolongement ou rameau posthbranchial. Cette gouttière est done le début de la seconde fente branchiale vraie. Les deux évaginations antérieures sont les mêmes qu'au stade précédent. La seconde est immédiatement suivie par un prolonge- ment du glosso-pharyngien. La première au contraire (A, PI. 1, fig. 2) a pour postbranchial un rameau qui descend de l’épaississement (au) où l'oreille commence à se différencier, et le ganglion facial gf envoie un rameau qui passe au devant de cette première fente. De plus, le somite qui la précède prend part à la formation du pé- ricarde, qui se manifeste déjà par l’écartement entre la somato- pleure et la splanchnopleure. Toutes ces circonstances concor- dantes nous montrent sans ambiguite que: lorsque trois goullières endodermiques sont disposées, la plus antérieure n'est pas l’hyoide mais bien une branchie auriculaire. Elle est située au- dessous de l'oreille, et ce dernier organe n’est autre chose que la transformation de l'organe sensitif branchial de cette fente , ainsi que l'avait déjà dit Bear (1), bien qu'il n’ait pas eu connaissance de l'existence réelle de la fente, et qu'il supposät seulement sa pré- sence virtuelle. C'est un peu plus tard seulement que va se former la gouttière endodermique de l’hyoïde, au stade représenté (PL. 1, fig. 3). Cet embryon possède 13 ou 14 myotomes au tronc, tandis qu'un Sélacien avec 4 gouttières branchiales aurait de 38 à 48 segments (2) suivant l'état de développement de cette 4° fente. (1) Bearp, The System of branchial Sense Organs and their associated Gangjlia in Icthyopsida. Q. J. of Micr. Sc.., XX VI. 1885. (2) Ragz, Loc. cit., p. 216. —0— Le système nerveux périphérique n'a presque point subi de modi- fication. C’est vers ce moment qu’apparait l’épaississement épiblas- tique, le long duquel aurait dû prendre contact la 1" évagination branchiale apparue. C’est la partie épidermique de la branchie Cristallo-hypophysaire (Fig. 3. PI. 1, CHy). Les deux coins de la bouche sont également prolongés par deux épaississements épiblas- tiques semblables {même figure B). La fente antérieure H est bien, dans ce cas, l'hyoïde. Le post- branchial issu du facial (9f PI. 1, fig. 3) passe bien derrière elle. Le somite mésoblastique situé en avant n’est pas uni au péricarde. Cette gouttière antérieure est la plus rudimentaire des quatre, ce qui serait tout à fait incompréhensible si on la supposait la première formée. et ce qui est au contraire tout naturel dans notre interpré- tation. Elle est un peu plus jeune que la seconde branchie vraie, et lui est à peu près comparable comme état de développement. Je sais que ceci est tout à fait en contradiction avec les faits tels qu'ils semblent se présenter chez les Elasmobranches, en particulier tels que RaBz les énonce dans son récent travail. Je le cite parce qu'il suit d'assez près la genèse des gouttières branchiales : comme les auteurs antérieurs, il nomme évent la 1" branchie qui se montre, hyoïde la 2°, etc.Au reste, l'attention n'ayant pas encore êté appelée sur ce point, personne ne met en doute la simplicité de l'ordre d’ap- parition, et ne songe à déterminer rigoureusement, pour chaque stade, l'identité de chaque fente, ce qui exige des vérifications ditfi- ciles et ingrates. Je les crois pourtant nécessaires ; autrement la détermination ne se fait que d’après le rang occupé par les fentes ; c'est-à-dire qu'on admet à priori le point que précisément je conteste. Je veux appuyer mon doute relatif aux Elasmobranches sur les données de RaBL (1) lui-même. Je reproduis le tableau qu'il donne de l’ordre d'apparition des branchies. a. — Bei Embryonen mit 18 Urwirbeln erscheint die erste innere Kiemenfurche. b. — Bei Embryonen mit 23-24 Urwirbeln ist die erste innere (1) Morph. Jahrb., 1889, p. 216. Her Kiemenfurche scharf begrenzt und die zwetle in Büdung (1) begriffen. ce. — Bei Embryonen mit 26-27 Urwirbeln ist die zweite innere Kiemenfurche gut ausgebildet und scharf begrenzt. a. — Bei Embryonen mit 51-32 Urwirbeln ist die drille Kiemen- furche angedeutet erreicht aber das Ektoderm noch nicht. e. — Bei Embryonen mit 34-36 Urvwirbeln ist die dritte Kiemen- furche gut entwickelt. f. — Bei Embryonen mit 38-40 Urwirbeln sind drei scharf begrenzte innere Kiemenfurchen vorhanden, und die viertle În Bildung. g. — Bei Embryonen mit 45-46 Urwirbeln ist die vierte innere Kiemenfurche scharf begrenzt; diezweite in Durchbruch begriffen. h. — Bei Embryonen mit 54-56 Urwirbeln ist die fünfte Kie- menfurche angedeutet ;............ i. — Bei Embryonen mit 66-68 Urvwirbeln sind fünf scharf begrenzte Kiemenfurchen vorhanden, de sechsle in Buüldung....… Il est évident que l’embryon reste avec deux branchies depuis l'apparition de la deuxième jusqu'à l'apparition de la troisième ; avec trois branchies depuis l'apparition de la troisième jusqu'à l'appa- rition de la 4° et ainsi de suite. Ceci remarqué, le tableau précédent nous enseigne que l'embryon reste avec 1 branchie pendant que se forment dans le tronc 5 myotomes. su? > » > 8 > > RME > » > 2 > DNA » » » 16 > 15 > > » 12 » Donc l'embryon reste avec 4 gouttières branchiales pendant un temps relativement très long. Or, c'est justement pendant le stade où l'embryon paraît ainsi avoir 4 gouttières branchiales que se passent les phénomènes que je vais rapporter maintenant. C'est la raison pour laquelle je suppose que la loi d'apparition des gouttières (1) Les italiques ne sont pas dans le texte allemand ; elles indiquent les stades que je retiens pour composer le tableau suivant. EN; VE branchiales n’est peut-être pas plus simple chez les Élasmobranches que chez l'Axolot]. Chez l’'Embryon dont je parlais précédemment, la gouttière bran- chiale auriculaire, après avoir pris contact avec l’épiderme, présente des caractères très spéciaux, que je décrirai d’une façon détaillée un peu plus loin, et qui semblent indiquer une régression en train de s’accomplir. La fente auriculaire derrière laquelle passe encore un petit prolongement de l'oreille est sur le point de disparaître. Un peu plus tard, sur un échantillon qui possède un myotome de plus, c'est-à-dire 15, cette disparition est effectuée. Il reste pourtant une petite trace encore de la présence d'une gouttière endoder- mique dans cette région. Entre la fente hyoïde et la 1° branchie vraie, dans l'intervalle occupé autrefois par deux somites méso- blastiques, il n’y en a plus qu'un à l’heure actuelle. Mais on reconnait aisément que ce somite unique est relié à l’entoderme dans sa partie supérieure et médiane. Ce fait est tout à fait extraordinaire, et ne peut, à cette période du développement, être aperçu qu’en ce point (PL. 1, fig. 4 A.). Je vois dans cette liaison, et j'espère justifier cette interprétation, le reste de l’évagination entodermique, maintenant évanouie, et qui au stade précédent séparait en deux ce morceau de mésoblaste. Si l’on s'était borné à compter purement et simplement les gout- tières endodermiques on n’aurait pas été averti de la suppression de l'une d'elles, parce que, en même temps, une nouvelle se formait à la partie postérieure de la région branchiale (PI. 1. fig. 4, 3 B.). Ces 2 embryons à 4 gouttières branchiales ne sont pas au même stade. Le 1” possède : Hyoïde, Auriculaire, 1" et 2° branchiales vraies. Le 2° possède : Hyoïde, SL ARRET ASS N - » Parmi les faits qui accusent cette différence, on peut citer l’état de division du ganglion vague, unique dans le 1” cas (9 fig. 3, PL. 1) et déjà divisé en deux dans le second {gv,. ga. fig. 4, PI. 1). Cette soudure du 1” somite posthyoïdien avec l’endoderme ne tarde pas à disparaître, et l'on n’en trouve plus de traces dans un embryon. à 17 myotomes (PI. 1. fig. 5). Celui-ci est à peu près dans le même état que le précédent sauf cette liaison ; le ganglion ci- liaire (gc) s’est notablement rapproché du trijumeau (gt). Il se fond ER = complètement avec lui au stade suivant (PI. 1, fig. 6) chez un em- bryon à 21 myotomes. Dans ce dernier, deux nouvelles gouttières branchiales ont apparu. L'une, très nette à l'arrière de la région branchiale, a déterminé une nouvelle section dans la masse du vague (gv3 PL 1, fig. 6), de laquelle part maintenant en arrière le nerf latéral n{ . La seconde gouttière branchiale s’est formée en avant de l'hyoïde ; elle est moins accusée en tant que saillie endodermique mais tout aussi net- tement indiquée par les circonstances connexes (PI. 1. fig. 6) : appa- rition d’un nouveau somite mésoblastique et division en deux du ganglion facial (9f, gf:) jusque-là indivis. Enfin un peu plus tard, dans un embryon à 23 myotomes, une nouvelle saillie de l’endoderme est visible en arrière de la bouche (PL nr fig. 43 sp); elle représente l'évent, et un nouveau somite mésoblastique lui correspond (P1. x, fig. 12, fig. 15, II). Après avoir ainsi indiqué l'apparition successive des différents métamères, nous avons justifié notre tableau de la page 58, qui met en pleine évidence l'irrégularité dans le temps, c’est à dire l’hétéro- chrontie dans la formation des métamères. Nous avons dit déjà que cette hétérochronie apportait dans la conception métamérique de la tête un désordre plus apparent que réel. Il était néanmoins très important de le faire ressortir, puisqu'il nous à conduit à retrouver d’une façon précise deux centres de pro- duction des métamères. D'autre part, cette hétérochronie est d'autant moins surprenante chez les Vertébrés, que l’on trouve chez beaucoup d’Annélides des régions où plusieurs centres producteurs fonctionnent ainsi sans alternance régulière entre eux, et produisent des segments tantôt dans un sens tantôt dans l’autre. Il nous reste à préciser un peu plus quelques-uns des faits nouveaux sur lesquels s'appuie l'exposé précédent. — 67 — EXISTENCE ET DISPARITION DE LA GOUTTIÈRE BRANCHIALE AURICULAIRE. D’après les indications sommaires que je viens de donner, il est facile de se rendre compte que le stade où trois gouttières bran- chiales sont disposées est de beaucoup le plus important pour appuyer mon interprétation. Les autres faits se comprennent à cause de celui-là, s’y relient très bien ; mais sans lui ils sembleraient n'avoir point de conséquence et passeraient inaperçus. Aussi, comme je l'ai déjà dit, est-ce sur des embryons de ce stade, que j'ai porté mon attention surtout. Je n'ai accepté les faits que si diffé- rentes séries me les montraient identiques; je me suis efforcé, en un mot, d'écarter dans la limite du possible les erreurs d'observation. J'ai représenté quelques figures prises dans deux séries de coupes, afin de montrer dans quelle mesure les faits sont apparents et qu’il est difficile d'en contester la netteté. Les figures 1, 2, 3 de la planche nr, reproduisent trois coupes lon- gitudinales, allant de la périphérie vers le plan médian. Dans la figure 1, on aperçoit le ganglion facial g/, le ganglion auditif ga et le glossopharyngien ggp. Les deux premiers sont intimement accolés et ne se laissent distinguer que par la direction de leur mitose ; le troisième est très peu en arrière ; mais cependant distinct. Le ganglion facial envoie un rameau pbf qui passe en avant du somite S, le plus antérieur de ceux qui prennent part à la formation du péricarde. Il n'existe aucune gouttière endodermique qui soit plus en avant que ce rameau postbranchial. Donc l’hyoïide n'existe pas encore, et pourtant trois gouttières sont disposées en arrière de cette région : la fente hyoïde n'est pas la 1" disposée. On peut voir (fig. 2, fig. 3, PI. x) le rameau pbf, toujours antérieur au somite S, qui lui-même précède (fig. 3)la première des gouttières branchiales A. Cette gouttière À n’est pas l’hyoïde, d'après ce que nous avons dit ; ce n’est pas non plus la 1" branchie vraie, déter- minée { B (P1. x, fig. 1) par le postbranchial du glossopharyngien qui passe en arrière d'elle. A est bien la fente qui répond à l'oreille. Un fait direct appuie cette déduction. On voit (fig. 2 et fig. 3) un petit rameau pba, qui CS = descend comme un postbranchial auditif pour innerver le somite placé derrière cette fente À. Les figures 4-11 de la planche 11, sont faites d’après une série de coupes transversales. L'orientation n’est pas rigoureusement trans- versale ; le plan de section s'incline un peu vers le plan sagittal, et grâce à cette disposition plusieurs gouttières sont intéressées par une même coupe. Cette orientation n’a d’ailleurs aucune influence sur la netteté des résultats à apercevoir. La 1" coupe représentée passe par le ganglion gf et son post- branchial pbf ; aucune gouttière endodermique n’a encore fait son apparition dans les coupes ; donc ce posthranchial est en avant de toutes celles qui sont actuellement disposées. Fait de tous points concordant avec celui que montrait la série longitudinale que nous venons de décrire. Il conduit à la même conclusion, il n’y a point encore de branchie hyoïde. Dans une coupe suivante (PI. 1, fig. 5) le postbranchial facial est dépassé, le ganglion existe encore gf, déjà distinct du ganglion auditif ga où l'oreille commence à se différencier. À est la partie distale de la première évagination endodermique. Au-dessus d’elle dans la coupe (c'est-à-dire en arrière d’elle dans Pembryon vu l'orientation de la coupe) se trouve un prolongement du ganglion auditif, nettement distinct du facial, et qui s’en montrera de plus en plus indépendant à mesure que le ganglion facial disparaîtra. Dans la fig. 6 (PI. x) À est relié à l’endoderme, le ganglion facial diminue de plus en plus gf, en même temps que l'on voit mieux encore le ganglion auditif ga envoyer son postbranchial pba au- dessus (c'est-à-dire en arrière) de la première gouttière branchiale disposée, qui est ainsi la fente auriculaire. Dans les quatre figures suivantes on voit peu à peu se réduire le ganglion ga et apparaître le glossopharyngien ggp,dont le postbran- chial pbgp passe derrière la deuxième gouttière branchiale 1 B, qui fait son apparition dans la coupe fig. 7 pour devenir plus évidente encore fig. 8. Ces faits sont donc rigoureusement concordants et nous pouvons, avec toute la certitude que permet la difficulté de ces détermina- tions, arriver aux conclusions suivantes : l° La fente hyoïde n’est pas la première formée. Il° Il existe à un certain stade une gouttière branchiale située entre se l'hyoïde et la 1° branchie vraie. Elle est innervée par un rameau posthbranchial descendant de l'oreille. Nous avons dit que cette fente disparaissait ;: nous pouvons de plus fixer deux étapes de sa dégénérescense. Dès que la fente hyoïde a fait son apparition (PI. 1, fig. 2) la fente auriculaire entre en ré- gression. La planche 111 reproduit les plus importantes coupes d'une série transversale suffisamment bien orientée. La figure 1 montre la gouttière hyoïde A arrivée au contact de l'épiblaste, gf est la partie antérieure du ganglion facial. Les fig. 2, 3, 4, 5, représentent des coupes à travers le 1” somite mésoblas- tique postérieur à l’hyoïde. On voit comment il forme le péricarde. On voit aussi le postbranchial du facial pbfbien apparent juste quand on a dépassé l’hyoïde : puis il disparaît un peu plus loin. La masse du ganglion persiste encore pendant quelques coupes. Les figures 6, 7, 8, 9 nous montrent une fente branchiale plus en arrière. Il est facile de voir quels caractères particuliers elle présente en la com- parant aux deux entre lesquelles elle se trouve Æ (fig. 1. PI. mr) et 1 B (fig. 14 et 15 PL. mm). Ces deux-ci largement ouvertes dans le tube digestif prennent un large contact avec l’endoderme. L'autre au contraire, À, (fig. 6-9) n’a pas de lumen ; loin de s'ouvrir largement dans le tube digestif elle n’est rattachée à sa paroi que par un mince pédoncule, comme si, ce pédoncule venant à se rompre, elle devait former un massif de cellules isolées, destinées à se fondre avec celles des deux so- miles mésoblastiques qu'elle a pour un lemps séparés. Au reste, dès maintenant, il est déjà difficile de tracer une limite nette entre son contour et celui des deux somites voisins, tandis que pour les autres gouttières branchiales, la limite est très tranchée et qu'il y a même toujours un petit intervalle entre les deux catégories d'éléments. Cette gouttière branchiale, avec ces caractères si spéciaux, est bien celle que dans le stade précédent nous avons déterminée aur1- culaire. On peut, en effet, voir dans les figures 6, 7, 8, 9 apparaître le ganglion auditif ga à mesure que s’efface le facial gf. En même temps le ganglion auditif envoie un prolongement pba, assez bien marqué aussitôt que la gouttière cesse de se montrer (fig. 10). Et il n’y a point à craindre de confusion avec le glosso-pharyngien, car celui-ci est visible un peu plus loin ggp (fig. 12-16, pl. ur) et il = — possède un postbranchial net pbgp (fig. 16) associé à la gouttière branchiale 1 B. La fente auriculaire, quoique bien déterminée encore, est donc en dégénérescence. Il est difficile de nier absolument que cette dispa- rition puisse avoir lieu par retrait pur et simple de l’évagination dans les parois du tube digestif, dont elle est sortie. Pourtant l’appa- rence pédonculée que j'ai décrite plus haut , fait naître une autre hypothèse, celle que j'exprimais tout à l'heure. Il n’est point impos- sible, en effet, que les éléments endodermiques séparés de la paroi intestinale dont ils sont issus, soient absorbés et digérés par les éléments mésoblastiques qui les environnent. Il est possible que, par ce processus, se trouve ainsi formé aux dépens de deux somites et d'une masse endodermique régressée, le fragment de mésoblaste situé au-dessous de l'oreille entre l'hyoïde et la première branchie. Celui-ci, pendant quelque temps encore, est beaucoup plus gros que chacun des autres somites branchiaux. Je serais porté vers cette dernière hypothèse par le fait que, après la disparition de l’'évagination entodermique auriculaire, une liaison, comme je l’ai dit, persiste quelque temps encore, entre l’endoderme et le somite posthyoïdien maintenant unique.Elle paraît indiquer que des éléments endodermiques sont contenus encore, quoique méconnaissables, dans l’intérieur du massif mésodermique. Ce mode de disparition d’un groupe de cellules qui n’ont point d'avenir et qui sont absorbées par leurs voisins est d'autant plus compréhensible qu’il ne choque en rien les idées modernes d'his- tolyse et de phagocytose. Dans un organisme aussi peu différencié encore que cet embryon, tout groupe de cellules n'est-il pas apte à remplir une fonction, qui plus tard sera réservée aux seuls leucocytes. Quoi qu'il en soit, la fente auriculaire a disparu, ainsi qu’un seg- ment de mésoderme, etle ganglion auditif où se différencie l'oreille reste seul pour témoigner de l'existence fugitive d'un métamère de plus. Pour terminer cette question de la branchie auriculaire, il me reste à retirer une critique que j'adressais à BEARD dans mon dernier travail et à montrer au contraire à quel point mes données sont CA, TR d'accord avec les siennes et les confirment en les complétant. Je m'exprimais de la façon suivante (1). BEARD (2) est conduit par la genèse du nerf auditif et de son gan- glion, pareille à celle des autres nerfs segmentaires, à reconnaître dans ce nerf l'indice d'un segment de plus. Seulement l'oreille comme le nez, dit-il, ne sont pas des restes de branchies; ce sont les organes branchiaux correspondants. Si je saisis bien l’idée de BEARD qui n’a jamais été sur ce point extrêmement explicite, cela veut dire que, en ces deux endroits, des branchies ont existé autrefois puis- qu'il y a des organes sensoriels branchiaux ; mais qu’elles ont si bien disparu qu’il est inutile d'en chercher aucune trace, et que les invaginations épiblastiques de la fossette olfactive et de l'oreille ne sont pas comparables aux invaginations épiblastiques des fentes branchiales, mais sont uniquement des productions nouvelles, sur- venues pour faire un organe des sens plus complet avec l’ancien organe branchial. Je ne vois pas d’autres façons de comprendre : ou bien cela, ou bien l'hypothèse de la branchie transformée ; mais BEARD repoussant cette seconde manière de voir, c’est donc la pre- mière qu'il adopte. Or, elle me paraît tout à fait hypothétique et ne peut avoir qu'un unique appui, à savoir: que le ganglion épiblas- tique de ces deux branchies ne s'enfonce pas dans l'intérieur et demeure épiblastique, et je ne vois pas du tout en quoi cela empêche les deux invaginations désignées d’être des restes de branchies. Au reste, l'observation directe va trancher le doute théorique et va nous montrer que si le ganglion auditif est bien homodyname à un gan- glion crânien, il n’en est pas moins vrai que la branchie qu'il innervait primitivement persiste en partie, e{ s'associe à lui pour changer avec lui de fonction el devenir un organe audilif. Je reproduis ce passage pour bien montrer le point où je pensais être en désaccord avec l’embryologiste anglais. Or, ce désaccord aujourd'hui n'existe plus. C'est à tort que je croyais la fente bran- chiale auditive en rapport de continuité avec le ganglion. Cette fente auriculaire existe très réellement, j'espère l'avoir montré dans les pages qui précèdent; mais elle est située ventrale- ment par rapport au ganglion auditif et n'a avec lui d’autres liens (1) Arch. de Zool. exp. et genér., 2° série, t. VIII, p. 234. (2) Bearo, The Systera of branchial Sense Organs, etc... Q. J. of Micr. Sc., 1885. — D — que l’innervation par son postbranchial. La branchie étant disparue, le ganglion auditif persiste et se transforme en oreille. C'est un des « branchial sense organs » de BEARD. Je tiens à préciser cette homo- dynamie d'autant mieux que j'en ai contesté le détail. Do également se rattacherait plus volontiers aujourd'hui à cette manière de voir : « Auch die grosse Ausdehnung der Obrblase, » als des zu diesem Kiemencomplex gehôrenden Seitenorgans, »> wird deutlicher, und die hypothese BEARD’S, das Gehürorgan nur > als ein stark vergrüssertes Seiten — oder Kiemensinnesorgan in > Anspruch zu nehmen, liesse sich vertheidigen » (1). L'accord paraît donc près de se faire sur ce point de l'histoire du développement. GOUTTIÈRE ENDODERMIQUE HYO-MANDIBULAIRE. Je veux au sujet de ce métamère, que Doxrx a déjà mis en évidence chez les Sélaciens, ajouter quelques mots sur la présence d’une gouttière endodermique représentant sa branchie. Elle apparaît non pas d’une façon précoce, mais assez tardi- vement ; je l’ai reconnue pour la première fois sur un embryon qui possédait 21 myotomes au tronc (PL. 1, fig. 6). Jusqu'à ce moment le ganglion facial était encore simple, et il n’y avait qu'un seul somite mésoblastique entre la bouche et la fente hyoïde. J'ai assez insisté sur cette hétérochronie dans l'apparition des segments, pour qu'on soit convaincu qu’elle n’a point d'importance relativement à la valeur morphologique. Le métamère hyo-mandibulaire, bien que tardivement formé, est homodyname à l’un quelconque des métamères céphaliques, au même titre, par exemple, que le dernier de la région branchiale. Je prends à dessein celui-ci parce qu’il se forme à peu près aussi tardivement que l’hyomandibulaire. (1) Doarn, Neue Grundlage zur Beurtheilung der Metamerie des Kopfes (MWitth. a d. Zool. St. zu Neapel, 9° vol., 1890). =" — L'évagination endodermique de ce segment est parfaitement nette (P1. 1. fig. 13 HM). Elle s'insinue entre les deux somites 1v et v. Elle est moirs développée dans le sens dorso-ventral que la bran- chie postérieure H, qui est l’hyoïde. Celle-ci d’ailleurs l’est moins que la suivante 1 B, et cette réduction, continue vers l'avant, peut bien tenir à ia fois à la courbure de la tête et au développement du cerveau. qui comprime les autres éléments constituants de cette région. Les gouttières endodermiques hyomandibulaires s'écartent peu du plan médian et sont, par conséquent, très loin d'atteindre l'épi- blaste. J'avais cru autrefois voir un épaississement épiblastique faisant face à ses saillies; mais je ne l'ai aperçu qu'une fois, en sorte que je doute si sa présence est bien typique. Quoi qu’il en soit, la partie la plus importante de la fente branchiale est présente : à savoir la saillie endodermique. Le ganglion facial : (9/1. PL 1, fig. 6) appartient à ce métamère, ainsi que je l’ai indiqué déjà. GOUTTIÈRE ENDODERMIQUE ET MÉTAMÈRE SPIRACULAIRE. Très peu de temps après que le somite situé entre la bouche et l'hyoïde s’est divisé en deux, on le trouve divisé en trois, par l'appa- rition d’une nouvelle paire d'évaginations endodermiques latérales. Entre la bouche et l'hyoïde, nous avons donc à ce stade trois somites séparés par deux ébauches de fentes branchiales. Sur une coupe longitudinale (PI. x, fig. 13) on aperçoit nettement ces trois somites 111, IV et v. À leur partie supérieure, les somites 1x1 et 1v ainsi que le somite 11 situé entre la bouche et l'hypophyse sont amincis, Comme étirés en biseau de façon à tenir la moindre place. Malgré cette compression, il n'est pas malaisé de voir qu'ils demeu- rent distincts. Cette apparence particulière est due, à n’en pas douter, au développement de la vésicule optique, qui les refoule en arrière et les presse les uns contre les autres. A leur partie ventrale ils sont en quelque sorte plus à l'aise. ne La paire d'évaginations endodermiques nouvelle présente à peu près l'aspect de celles que nous avons décrites précédemment. Comme elles, elle est peu écartée du plan médian et est encore un peu plus réduite dans le sens dorso-ventral. Malgré cela, on voit sans ambiguité (sp, fig. 13, PL. 11) qu'elle se glisse entre les somites III et IV. La fente branchiale dont elle est le représentant et l’ébauche correspond à la fente spiraculaire ou évent des Sélaciens, par sa position entre la bouche et la fente hyo-mandibulaire. Je n'ai point su découvrir quel nerf ni quel ganglion lui étaient associés. Je préfère, pour l'instant, constater purement et simple- ment cette lacune, et ne point émettre quelque supposition pour la dissimuler sans la combler. Sur une coupe sagittale (PI. 11, fig. 12), les différents somites de cette région sont on ne peut plus évidents : I, situé entre le nez et l'épaississement épiblastique qui prolonge le cristallin (c). IT, entre cette même saillie et celle qui prolonge la bouche. HI, IV, V, situés entre la bouche et l'hyoïde et séparés l’un de l'autre, à un plan plus ventral que celui de la coupe, par les saillies endodermiques spiraculaire et hyo-mandibulaire. Puis viennent les somites péricardiques, d’abord VI et VII soudés ensemble comme il résulte de cette étude, et les suivants IX, X, XI, qui sont très nets. Comme on le voit, ces deux paires d'évaginations branchiales, les dernières nées, subissent une évolution beaucoup moins com- plète que la fente auriculaire, la première née ei la première dispa- rue. C'est proprement un de ces faits d'accélération embryogénique, qui se rencontrent si fréquemment. Un organe qui doit disparaître accomplit d'autant plus rapidement son évolution particulière qu'il est plus tardif par rapport à l'évolution générale de l'être auquel il appartient. En sorte que, si dans le type ancestral vertébré, il devait y avoir encore d’autres branchies plus tardives que celles-là, il est possible qu’elles n'apparaissent plus du tout dans l’ontogénie. Cette notion de l'hétérochronie, jointe à celle de l'accélération embryogénique peut nous conduire aux conséquences suivantes : Une branchie typiquement précoce se développe complètement et régresse. Ne = Une branchie typiquement plus tardive va moins avant dans son développement. Une branchie qui devrait apparaître plus tard encore puis dispa- raître ne se forme plus du tout, et sa présence peut n'être plus révélée que par des circonstances connexes. Dans l’état actuel de ces études, il nous faut reconnaître dans la tête des Batraciens onze métamères au moins, qui, tous, concordent avec ceux que l’on connaît actuellement chez les Sélaciens. Ce nombre 11 est naturellement un minimum. Sera-t-il possible d’en découvrir davantage ? Je ne le nie en aucune façon. Ces métamères sont tous équivalents entre eux, tous homotypes : ils ne diffèrent que par le temps, l'ordre et le lieu de leur produc- tion. Il nous est impossible de reconnaître, parmi tous ces segments, devenus plus ou moins cohalescents pour constituer la tête, un segment particulier comparable à celui qui termine en avant un corps d'Annélide. Au reste, les nombreux travaux , poursuivis dans ces dernières années sur les Vertébrés, montrent bien que si la comparaison entre ceux-ci et les Annélides demeure très indiquée dans les grandes lignes, elle devient de plus en plus obscure si l'on pénètre dans le détail. C’est ainsi que l’on a dû renoncer à retrouver la trace de l'ancien tube digestif dans l’épiphyse et l’hypophyse, par suite, renoncer à voir des ganglions cérébroïdes dans le cerveau antérieur. De même aussi, il faut aujourd’hui reconnaître à la tête préorale, et jusque dans sa partie la plus antérieure, la même constitution segmentaire qu'à la tête postorale. Et l'idée d'un prostomium com- parable à celui des Annélides s’évanouit par là même, En voyant ainsi croître les difficultés lorsqu'on veut préciser les rapports que le premier examen fait supposer entre les deux types, on est conduit à se demander si l’on ne fait pas fausse route dans la recherche de cette précision. Les échecs répétés dans l’identifica- tion ne doivent-ils pas faire songer que l’on a tort peut-être de s’obstiner à mettre en parallèle morphologique les deux parties cépha- lisées ? Tête et queue sont des spécialisations physiologiques ou méca- A te niques résultant des habitudes de progression d'un être, tout comme le ventre et le dos. Ce n'est pas ventre à ventre, mais bien ventre à dos que l'on com- pare le Vertébré à l’Annélide ; et l’on a raison.— On a bien pu ten- ter de les comparer, tête à tête, le rapport était possible, mais il n'est pas nécessaire ; et devant les difficultés chaque jour crois- santes, il faut peut-être y renoncer et essayer si la comparaison tête à queue serait plus facile. Elle a pour elle, à priori, autant de chances de réalité que la première ; n'en aurait-elle pas davantage en étudiant les choses de plus près ? On peut, dans la tête du Vertébré, renoncer assez facilement à retrouver les ganglions cérébroïdes ; car chez les Annélides, ils se développent, comme on sait, indépendamment de la chaîne ner- veuse; leur présence parait relativement accessoire par rapport à cette longue chaîne métamérique ; ils ont, par suite, fort bien pu disparaître chez les Vertébrés sans laisser de traces , et cela n'a point de conséquence grave. Mais dans le premier segment des Annélides, si les ganglions cérébroïdes sont indépendants de la chaîne ventrale , il n’en est pas ainsi du collier æœsophagien, c’est-à-dire des connectifs qui entourent le tube digestif. Ils sont produits par le premier ganglion métamé- rique , et ont une importance morphologique plus considérable que les ganglions cérébroïdes auxquels ils se rendent. Je sais bien encore que si l’on n’en retrouvait pas de traces, leur disparition pourrait se concevoir comme corollaire de celle des gan- glions cérébroïdes ; mais leur perte serait un fait plus considérable que la perte de ceux-ci. BEARD (1) a très bien senti cette diffé- rence, aussi, prenant son parti de la suppression des ganglions cérébroïdes, il a néanmoins cherché à retrouver le collier nerveux. Je dois dire que je ne suis guère convaincu par son ingénieuse hypo- thèse. Il voudrait voir dans la partie ventrale de l’hypophyse le reste de l'ancienne bouche, et dans la partie nerveuse de l'organe le reste de l’ancien collier œsophagien. En vérité, je ne vois qu'un seul point dans tout le corps du Ver- tébré où le système nerveux entoure le tube digestif, C'est le blaslopore, et là ill'entoure bien nettement pour constituer un canal (1) Bearo, The old mouth and the new. Anal. Anzciger, 1888. 71 — neurentérique. C’est le contour nerveux du canal neurentérique qui me paraît le reste du collier œæsophagien. Je voudrais donc comparer le Vertébré et l'Annélide région blastoporique à région blastoporique, c'est-à-dire tête à anus. Je n'émets ici qu'une hypothèse. Elle me paraît la plus probable de celles qu’on peut donner actuellement et vaudra, en tous cas, d’être précisée et soutenue par des faits. Que l’on remarque la précocité de ce canal neurentérique, sa généralité dans le groupe des Vertébrés, et, par suite, son impor- tance, qu'au reste j’ai méconnue moi-même (1), et l'on pensera peut- être que ce n'est point un phénomène négligeable pour la recherche de l’archétype Vertébré. Pour pénétrer les rapports entre les deux groupes, il y a dans la comparaison différents degrés. Le premier terme, et le plus important, est la comparaison d'un segment de l'un à un segment de l’autre. Puis il faut voir si les métamères se produisent dans les deux types d'après les mêmes lois. Nous avons vu que dans la tête des Vertébrés, ils se formaient en deux points différents. Quelques faits observés m'autorisent à dire qu’il existe aussi dans le tronc un certain nombre de rêgions bourgeonnant (?) soit dans un sens, soit dans l’autre. La différence la plus considérable entre les deux types est que, chez les Aunélides, tous les centres producteurs des métamères sont d'un même côté de la trochosphère primitive, tandis que chez les Vertébrés il y aura des centres producteurs des deux côtés de la Gastrula. les uns donnant le tronc et la tête. les autres , la queue. La différence n’est pas sans signification phylogénique, nous nous proposons d'en étudier et d’en développer les conséquences. La première, que nous signalons aujourd'hui, est que les têtes dans les deux cas seraient seulement analogues et non point homo- logues. Paris, 25 Juillet 1890. (1) Arch. Zool. exp. el génér., 1. VIII, 2° série, p. 177. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. ENTRE EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres communes à toutes les fiqures : Ganglions nerveux : go, Ganglion olfactif. gcs = ciliaire gt, — trijumeau. CIE — facial. ga, — auditif. 99P, = glossopharyngien. gv; > vague. Fentes branchiales : CHy, Fente cristallo-hypophysaire, B, — bouche. H, — hyoïde. À, — auditive, 1B, 2B,3B, — 1re, 2me, 3me branchiales vraies. PLANCHE I. 4. — Enbryon à 11 myotomes reconstitué d'après des coupes sagittales. nt, racine du trijumeau ; nf, racine du facial acoustique ; nv, racine du vague ; O, vésicule optique; p, péricarde. 2. — Embryon à 12 myotomes reconstitué d’après des coupes transversales. p, péricarde ; O, vésicule optique. 3. — Embryon à 13-14 myotomes (d’après des coupes trans- versales). (Lettres comme précédemment). 4. — Embryon à 15 myotomes (d’après des coupes sagittales). gvs, gva, les deux premières sections du vague. 5. — Embryon à 17 myotomes (d’après des coupes transver- sales). ER, su Fig. 6. — Embryon à 21 myotomes (d’après des coupes longitudi- nales et sagittales). O, œil; C, cristallin ; Æy, hypophyse. gv4, gv2, gvs, les trois sections du vague; n[, nerf latéral ; gf; 9f les deux sections du ganglion facial (hyomandibu- laire et hyoïde). PLANCHE Il. Fig. 1-2-3. — Trois coupes longitudinales dans un embryon à trois gouttières branchiales. gt, ganglion trijumeau ; gf, ganglion facial; ga, ganglion auditif ; ggp, ganglion glossopharyngien ; pbf, postbranchial facial ; pba, posthranchial auditif; pbt, postbranchial triju- meau ; $, premier somite péricardique. Fig. 4-11. — Coupes transverso-sagittales d'un embryon à trois gouttières branchiales. (Lettres comme précédemment). Fig. 12. — Coupe sagittale d'un embryon à 23 myotomes. C, épaississement épiblastique qui prolonge ventralement le cristallin ; B, prolongement épiblastique de la bouche ; I-XI, les somites mésoblastiques. Fig. 13. — Coupe longitudinale d'un embryon à 23 myotomes. Sp, évagination entodermique spiraculaire ; AM, évagina- tion entodermique hyomandibulaire. PLANCHE Ill. ( Voir les lettres communes à toutes les figures). Fig. 1-16. — Diverses coupes transversales dans un embryon à 13 myotomes, prises entre la fente hyoïde et la i"* branchie vraie, pour montrer la régression de la gouttière auriculaire. œ € de SUR DEUX TYPES NOUVEAUX D'ASCOTHORACIDA. SUR PETRARCA BATHYACTIDIS, PAR G.-H. FOWLER (1). Dans un exemplaire décalcifié de Bathyaclis symmetrica, dragué dans l'expédition du Challenger par un fond de 2,300 brasses [Lat. 38° 41° N. — Long. 157° 42” E, station 241], j'eus le bonheur de trouver le remarquable parasite pour lequel je pro- pose le nom de Petrarca bathyactidis, gen. et sp. nov. Son intérêt morphologique, et le peu de chances qui existent d'obtenir de long- temps d’autres matériaux, justifient suffisamment la publication d’un mémoire, nécessairement incomplet, étant donnée la petite taille de l'animal, dont je n’ai eu que trois exemplaires à ma disposition. Petrarca est un membre de la curieuse famille de crustacés dont Laura gerardiæ de Lacaze-Duraiers | Mém. de l’Acad. des Sciences, XLII, 1883], et Synagoga mira de NorMAN [Rep. Brit. (1) Traduit par L. BERTRAND du Quaterly Journal of Microscopical Science, n° 118, vol. XXX, 2e parlie, juillet 1889 : Sur un remarquabie crustacé parasite et sur ses rapports avec la phylogénie des Entomostracés par G.-HERBERT FOWLER, B. A., Ph. D., Assistant to the Jodrell Professor of Zoology, University college, London. Re — Assoc., 1887, p. 86], sont les seuls autres exemples, famille de parasites ou semi-parasites sur les Anthozoaires, généralement considérée comme faisant partie de la classe des Cirrhipèdes. Pour fixer sa position zoologique. je vais faire une description de tout ce qu'il m'a été possible de voir de son anatomie. Les trois exemplaires furent trouvés dans la chambre mésenté- rique d’un seul Bathyactis ; leur présence avait produit une certaine déformation du corail, visible à l'extérieur, et consistant surtout en un développement exagéré des cloisons en ce point. Dans aucun autre individu de Bathyactis, tant de la même localité que d’autres, je ne pus trouver trace de nouveaux spécimens de ce crus- tacé. D’après le contenu et l'apparence du canal digestif de Petrarca, il paraît probable que sa relation avec son hôte n’est pas un cas de parasitisme véritable, mais qu'il aspire le fluide nourricier produit par la digestion et la macération des aliments de Bathyactis, et ne fait pas dériver directement sa nourriture des tissus du polype. C’est en fait un cas de commensalisme, dans le sens défini par DE Bary [Tagebl. Vers. Deulscher Nalurforsch. und. Aertze, 1878, p. 121, (voir note) |. FiG. 1. — Petrarca bathyactidis FowLer; l'animal (1) vu par la face ventrale, renfermé dans la carapace bivalve. De la région céphalique partent (en bas dans la figure) les deux antennes en arrière desquelles se trouve le cône buccal creusé d'un sillon. Deux minces filaments, placés en arrière de ce dernier, représentent la première paire d'appendices thoraciques; entre les quatre paires suivantes d'appendices , qui sont flabelliformes, se projette en avant le pénis terminal bilobé, à la base duquel on voit deux petits lobes représentant l'abdomen réduit. A l'extérieur (fig. 1), l'animal paraît à peu près sphérique et pré- sente 1,5 à 1,8" de diamètre. Les rapports généraux du corps, membres et carapace, sont ceux d'un Lepas sans pédoncule, avec le pénis terminal dirigé en avant sous le thorax, les membres plus réduits et le manteau, non revêtu de plaques calcaires, mais forte- ment gonflé par l'extension des organes internes dans son intérieur. (1) L'animal , dans les fig. 1, 2 et 3 , est représenté dans la position des Cirrhipèdes , c'est-à-dire avec la surface dorsale en bas, — 52 — La carapace ainsi formée est une excroissance dorsale et latérale de la partie antérieure du thorax (et non simplement du col comme dans Zepas), laissant libres l'extrémité de la tête et la partie posté- rieure du corps. Entre les deux valves de la carapace se voient ventralement, à l'extérieur, la tête, quelques-uns des appendices et le pénis. La partie ventrale de la carapace est épineuse , la partie dorsale lisse. FiG. 2. — Petrarca bathyactidis FowLer ; l'animal vu du côté gauche mon- trant le système digestif, le système nerveux, les organes reproducteurs et les appendices ; la moitié gauche de la carapace avec son contenu (ovaire, testicule et diverticule hépatopancréatique) ayant été enlevée : les deux antennes, droite et gauche, sont représentées, tandis que les appendices sui- vauts sont seulement ceux du côté gauche. Le système nerveux est figuré en noir. ant. g, ant. d, les deux antennes, droite et gauche, — b, cône buccal, — st, stomo- dæum, — int, intestin. — intl, cœcum céphalique médian, — int?, cœcum dorsal (médian). — int d, cœcum hépatopancréatique droit, — int g, cœcum hépatopancréa- tique gauche coupé près de son origine, — ov, ovaire, — ov 1, espace occupé par l'ovaire au maximum de développement, — {, testicule, — (1, espace occupé par le testicule au maximum de développement. — vd, vas deferens. — p, pénis. — «bd, ab- domen, — 7 à V1, les six appendices thoraciques, — gl, glande de fonction inconnue. En enlevant la carapace d’un côté, les appendices deviennent visibles (fig. 2). Une paire d'appendices préoraux ou antennes (ant. g., ant. d.) s'étendent en avant dans la fig. 1; tous les deux sont visibles dans l'exemplaire dessiné dans la fig. 2 (les autres CSC Se appendices existant dans cette figure sont seulement ceux du côté gauche). Ils sont terminés par deux forts crochets dirigés dorsale- ment, l’un d'eux {le plus fort) étant articulé avec le membre. Entre eux se projette du côté ventral une épine délicatement articulée. Outre ces articulations terminales, l’appendice est divisé en trois articles qui se replient en forme de Z, le dernier étant dirigé dorsa: lement. Eu arrière des antennes est situé le cône buccal (cb) sur lequel s'ouvre la bouche , et dans lequel se trouvent une paire de faibles mandibules broyantes, qui sont très reconnaissables en section transversale, mais dont je ne puis affirmer la forme exacte. Le cône buccal est profondément creusé d’un sillon médian, de façon à faire penser qu'il résulte de la fusion de deux pièces latérales. En arrière du cône buccal se trouvent six paires d'appendices thora- ciques (I-VI), ceux de la première paire étant longs, grêèles et uniramés , et ceux des cinq paires postérieures réduits à de simples mamelons en forme de feuilles ; ils sont complètement dépourvus de poils ou d'épines. Le corps se prolonge ensuite en un pénis (p) en forme de trompette, légèrement bifide à son extrémité libre, et dirigé en avant le long de la surface ventrale entre les deux rangées d'appendices. A sa base se trouve un mamelon bilobé dirigé en arrière, qui représente probablement l'abdomen (abd) ; en ce point commence la courbure dorsale, où se reœænnaît une légère segmen- tation avant qu'on n'ait atteint la jonction postérieure de la carapace avec le thorax. L'épiderme, formé d'une seule couche de cellules aplaties, est: recouvert sur toute la surface du corps, de la carapace et des appendices par une mince cuticule chitineuse ; s’il y avait eu une couche calcaire, elle aurait été enlevée par l’action du liquide décal- cifiant dans lequel avait été placé le Bathyaclis, mais il n'y a aucune apparence histologique d’un semblable dépôt. Les épines de la carapace sont de simples excroissances de la cuticule et de l’épi- derme, ne montrant aucune trace d'une fonction nerveuse ou nutritive. L'espace périviscéral, situé au-dessous de la paroi extérieure du corps, ne paraît pas s'étendre beaucoup au-dessus des surfaces parié- tales. Il est traversé par des muscles striës, des fibres musculaires isolées et des plaques de tissu connectif ; en quelques points. les surfaces pariétales paraissent être doublées d'une façon discontinue PEL UE par de larges cellules arrondies, avec un contenu teinté d’un jaune particulier et très granuleux; il est possible que la discontinuité de cette couche soit due simplement au mode de conservation. Les surfaces splanchniques sont revêtues de petites cellules aplaties : aucune couche épithéliale semblable n'entoure les muscles ou les organes génitaux. Dans l’exemplaire représenté dans les fig. 2 et 3, l’espace périviscéral est très large, mais quand les organes géni- taux ont leur développement maximum, il s’oblitère presque com- plètement. FiG. 3. — Petrarca bathyactidis FowLer ; l'animal est supposé avoir été coupé transversalement et les deux moitiés écartées. La moitié antérieure est celle qui est à droite sur la figure. (Les lettres ont la même signification que dans la fig. 2). Le canal digestif (fig. 2-3) commence par un long stomodæum (s{) qui se dirige en haut et en arrière jusque vers le centre du corps, où il rencontre la partie hypoblastique du tube digestif, dans lequel il projette comme une papille sans continuité directe avec les couches embryonnaires. De ce point part le représentant probable de l'intestin véritable, qui se termine en cul-de-sac à la base du pénis (nf): il se continue aussi en avant dans la région de la tête (int.1) et envoie un troisième bourgeon en haut et en arrière sous la paroi dorsale de la carapace (int. ?); ces trois cœcums sont situés dans le plan médian du corps. Juste en arrière du point de pénétra- tion du stomodæum dans l'intestin se terminent, à angle droit, les "5e diverticules hépatopancréatiques (inf. 3), se dirigeant en dehors et en arrière dans la carapace et s’y divisant en lobes cœcaux plus petits (la glande du côté gauche (znf. * g) a naturellement été en- levée avec cette moitié de la carapace dans la fig. 2). La membrane qui revêt l'hépatopancreas et le tube digestif est partout formée de cellules cubiques bien accentuées, ne présentant de spécialisation dans aucune région particulière. Le système nerveux (en noir dans les fig. 2-3) est formé d’une petite masse sus-æsophagienne, constituée par des fibres nerveuses transversales et dépourvue de cellules nerveuses (c’est un curieux résultat de la dégradation due au mode de vie), de deux commis- sures circumæsophagiennes avec des cellules nerveuses, et d’un cordon ventral relativement épais, bien pourvu de cellules. Ce der- nier n'est pas différencié en ganglions d'une façon apparente , mais envoie dorsalement des nerfs aux tissus qui l'entourent. Les appen- dices ne reçoivent aucune branche d'importance ; on ne reconnaît ni les yeux, ni d’autres organes des sens. Cet animal est hermaphrodite. Les testicules (t) sont pairs et con- sistent en un ou plusieurs lobes de chaque côté, situés postérieure- ment dans la carapace, au milieu des cæcums hépatiques. La figure schématique 2 est faite d'après un exemplaire dans lequel les organes génitaux n'avaient pas atteint leur maximum de dévelop- pement, bien que les canaux déférents (vd) fussent remplis de sper- matozoïdes paraissant mûrs; dans un autre exemplaire, les testicules remplissaient complètement l'aire ponctuée marquée ft, oblitérant la partie dorsale et postérieure de l'espace périviscéral. Chaque lobe de ces testicules est divisé en lobules, et tout le contenu de chaque lobule est au même état de développement sper- matogénétique. L'organe tout entier, ainsi que chaque lobule sépa- rément, est entouré d’une mince capsule anhiste de tissu conjonctif et non revêtue d’un épithélium périviscéral à l'extérieur. On voit généralement un épithélium testiculaire, formé de cellules cubiques avec de gros noyaux arrondis , sur la face interne et dans la partie proximale de l'organe : c’est de lui que dérivent probablement les amas de cellules spermatiques ; il n’est pas visible à l’intérieur ni dans le voisinage des lobules. Dans l'organe lui-même, la position des lobules n'a aucun rapport avec l’état de développement de son contenu , el le nombre des cellules spermatiques qu'il renferme — 86 — paraît aussi très variable. Dans le premier stade, un certain nombre de cellules germinatives sont déjà encapsulées; dans le stade suivant, elles ont proliféré ; les cellules paraissent ensuite s'agrandir, et les granules du noyau, qui représentent probablement les nœuds du reticulum nucléaire, se colorent plus vivement. Le noyau rond est remplacé ensuite par des anses chromatiques, et leur division paraît finalement donner naissance à des cellules pourvues de petites anses nucléaires fortement chromatiques. En ce point se trouve dans la série, une vaste lacune dont je suis malheureusement incapable de relier les deux extrémités, le stade qui suit représentant déjà des spermatozoïdes formant un réseau lâche de minces filaments. Le réseau devient plus serré, les spermatozoïdes grossissent et se colorent plus vivement, et ils se placent ensuite de façon à avoir leurs axes plus ou moins parallèles. Dans le canal déférent, ils res- semblent au dernier stade indiqué, et on les trouve avec leurs axes parallèles entre eux et à l'axe du canal. Les canaux déférents de chaque côté se rendent directement à l'extrémité du pénis (p), où ils s’ouvrent séparément. Les ovaires (ov) forment une masse lobée de chaque côté de l’in- testin, s'étendant beaucoup dans la carapace, dans une position antérieure et ventrale à celle des testicules. Les deux moitiés sont réunies par un cordon qui passe sur la face dorsale de l'intestin , juste en arrière du point où se termine le cœcum dorsal. Dans cette région ont été trouvés les œufs les plus jeunes, qui passent à droite et à gauche dans les parties périphériques de l'organe, pour y mürir. Ils paraissent provenir du bourgeonnement de l’épithélium folliculaire qui revêt l’organe entier. Quand ils ont atteint leur maximum de développement, les ovaires s'étendent en avant, en remplissant l’espace périviscéral, et occupent l’espace ponctué marqué o0v! dans la fig. 2. Quant à l’oviducte, il ne m’a pas été pos- sible d'en constater l'existence avec certitude, mais j'ai vu un tissu, qui paraît être de sa nature, partant du bord proximal de l'ovaire au voisinage du cordon médian, et se dirigeant ventralement vers la région du premier appendice thoracique. L'oviducte n’est proba- blement visible d'une façon certaine que pendant le passage d’un œuf ; d’ailleurs, les vaisseaux déférents auraient été de même invi- sibles s'ils n'avaient été remplis de spermatozoïdés dans presque toute leur longueur. ot Quant aux autres parties du corps, on trouve une grosse masse de cellules (g/ dans la fig. 3) de chaque côté de l'intestin, entre le point d'union du stomodæum et celui des diverticules hépatiques avec l'intestin. Cette glande (on peut la nommer ainsi) n’est pas enveloppée par une capsule de tissu conjonctif ou par une couche d'épithélium périviscéral; elle est formée de cellules avec un gros noyau arrondi, et ressemblant beaucoup par leur apparence histo- logique à des cellules germinatives. Mais il y a, contre la vraisem- blance de cette hypothèse, le fait que ces corps ne sont en contact avec l'ovaire par aucun point, et que les œufs les plus jeunes ont été trouvés dans le cordon médian réunissant les deux moitiés de l'ovaire. Il ne paraît y avoir aucun canal en connexion avec ces « glandes », et elles ne sont pas en continuité l'une avec l’autre par dessous l'intestin. Une masse glandulaire occupant à peu près la même position, a été indiquée par Lacaze-DurTHieRs chez Laura (1). On trouve aussi, naissant dans le cône buccal, apparemment dans un réseau lâche de tissu conjonctif, un canal avec une lumière très nette, qui va en arrière s'ouvrir à la base du second (ou du premier) appendice. Je n'ai pu jusqu’à présent faire aucune hypothèse sur les fonctions ou l’homologation de ce canal. Un large muscle adducteur digastrique se trouve à la face ven- trale du stomodæum, près de son point d'entrée dans l'intestin et juste en avant de la glande (?) mentionnée plus haut. [Il à été omis dans les diagrammes pour ne pas nuire à leur clarté]. RAPPORTS DE PETRARCA AVEC LAURA ET SYNAGOGA : LES ASCOTHORACIDES. Pour Synagoga, nous avons seulement la courte description préli- minaire de Norman (Rep. Brit. Assoc., 1887, p.86 (2) ),qui ne renferme que les caractères extérieurs, desquels il résulte qu’elle ressemble (1) Ces glandes sont probablement les homologues des glandes collétériques de Sacculina (Note de A. GARD). (2) Voir ci-dessous page 95 la traduction de cette note, —— fortement à Laura, mais avec une dégradation moins considérable des appendices. Laura Gerardiæ (1) (Mém. Ac. Sci. Instit. France XLIT, 160 pages, avec 8 pl.) est parasite sur les polypes de Gerardia, un Antipathaire de la côte africaine de la Méditerranée, et en même temps recouverte par eux. Elle adhère au tronc de son hôte par un développement remarquable d’appendices sur sa carapace, qui pénètrent au milieu des tissus de Gerardia, et ont probablement un rôle dans la nutrition. La carapace est un sac allongé, à l’intérieur duquel est situé l’a- nimal (pl. 1, fig. 12), et ainsi formé : une étroite excroissance cylin- drique de la tête (2) devient presque tout à coup une énorme expansion flabelliforme (pl. n, fig. 15; pl. 11, fig. 25), mesurant jusqu’à 4 cm. de long, et les deux expansions se soudent le long des bords dorsal et ventral, excepté suivant une petite ouverture. Le corps de l'animal, généralement long de moins d'un centimètre, se trouve près de cette ouverture, vers laquelle sont dirigées les deux régions céphalique et anale ; il se divise en plusieurs régions qui sont les suivantes : 1° Une grosse saillie en forme de dôme, que LacAzE-DUTHIERS considère comme la tête [mais qui est probablement un cône buccal exagéré]; elle est creusée d’un sillon ventral et antérieur, et, au sommet du sillon, se trouve l’armature buccale, formée d’un ensemble de pièces styliformes [? — mandibules + 1° ma- æilles | de quelque complexité ; 2° Un segment complet annulaire [a lête véritable], sur lequel s’insèrent les antennes, et duquel proviennent les pédoncules qui s'étendent pour former la carapace. [La position des antennes et du ganglion sus-æsophagien (pl. IV, fig. 44) semble laisser hors de doute que celte partie correspond à la tèêle vérilable]. A sa face ventrale, cet anneau [/a tête] porte une paire de mamelons [en (1) Les matières additionnelles à la description originale de LAGAZE-DUTHIERS sont entre crochets carrés et en italiques. (2) De chaque côté? Ni d’après les figures, ni d’après la description, il ne m'a été possible de savoir avec certitude si la carapace doit son origine à une excroissance médiane dorsale ou à deux excroissances dorsolatérales. DL Ho forme de suçoirs] sur la nature desquels le professeur français exprime lui-même des doutes; dans un endroit (p. 70), il dit que ceux-ci, « morphologiquement peut-être, représentent quelques paires, ou « pièces buccales, ou appendices supérieurs » ; dans un autre endroit (p. 149), il les appelle « antennules ou tubercules sous- céphaliques ». [ Placés en arrière de la bouche et ventralement, ils peuvent difficilement passer pour des anlennules, et doivent probablement correspondre à la 2° paire de mailles] ; 3 La région suivante est formée de six segments complets | {ho- raciques]|, chacun portant une paire d’appendices uniramés. A la base de ceux de la première paire, s'ouvrent les oviductes ; à la base des quatre paires suivantes se trouvent les testicules, qui débouchent à l'extérieur sur l’article basal par de nombreux petits tubes ; les appendices de la sixième paire n'ont pas de connexion avec les organes génitaux ; 4° En arrière de cette région [thoracique], viennent trois seg- ments apodes [abdominaux], et une paire de fortes épines cau- dales s’articulant avec le dernier. Dans la carapace se trouve un fort muscle adducteur, ainsi que les cœcums hépatopancréatiques et ovariens, ceux-ci s'ouvrant, comme il a été vu plus haut, à la base des premiers appendices [thoraciques], et réunis l'un à l’autre par un cordon passant au- dessus de l'intestin [comme dans Petrarca]. L'œsophage | stomo- dœum]| s'ouvre sur une papille en saillie dans l'intestin (pl. 1v, fig. 44); celui-ci, après avoir émis de chaque côté un cœcum hépa- topancréatique pénétrant à l’intérieur de la carapace, se rend dans la région caudale, où Lacaze-DUTHIERS n’a pu démontrer la présence d'un anus. [Le système nerveux est formé des mèmes parties que celui de Petrarca décrit plus haul]. On rencontre dans le développement un nauplius et probablement aussi une larve cypris (p. 137, pl. vin, fig. 102). En comparant Petrarca à cette description, il est tout de suite évident que le nouveau type a subi une dégradation plus considé- ft jp rable. Il n'y a aucune région céphalique qui apparaisse nettement comme telle ; une paire seulement d'appendices buccaux est recon- naissable, les appendices thoraciques sont réduits à un caractère beaucoup plus simple, la région abdominale a presque disparu, et la segmentation ne se rencontre que dans la région postérieure du COTPS. D'un autre côté, il y a entre les deux formes des ressemblances si marquées, qu'il est impossible de douter d'une étroite relation génétique. L’habitat semblable sur des Anthozoaires, la présence d'une grande carapace latérale dans laquelle pénètrent les organes digestifs et reproducteurs, la construction semblable des antennes avec flexion dorsale, la présence de six paires d’appendices thora- ciques et d'un abdomen plus ou moins réduit, l’hermaphrodisme (un fait rare chez les Crustacés), sont des caractères ordinaux de ces deux types, ainsi que de Synagoga, et ne se rencontrent dans aucun autre groupe. Nous pouvons les réunir sous le nom d’Asco- {horacida, inventé par Lacaze-DuTHiIERS et accepté par NoRMAN dans sa description de Synagoga. Les principales différences entre Laura et Petrarca, à ajouter à celles mentionnées plus haut comme indiquant une plus grande dégradation, sont : 1° l'extension de la carapace sur un grand nombre de segments chez Pelrarca; 2° le développement chez celle-ci de deux cœcums médians additionnels de l'intestin ; 3° la position des testicules. En ce qui concerne ce dernier point, il est intéressant de noter que, tandis que chez Petrarca les testicules sont dans le thorax, et chez Laura à la base de certains de ses : pieds, ils se rencontrent chez les Cirrhipèdes adultes dans l'une et l’autre régions, situés au-dessus de la chaîne nerveuse et remplis- sant aussi le protopodite des cinq premières, et quelquefois aussi de la sixième paire de pattes (1). (1) LACAZE-DUTHIERS a rencontré une fois sur Laura et il a décrit et figuré (PI. vin, fig. 10-105), sous le nom d'animal indélerminé, en ajoutant : Est-ce la forme « cypri- dienne ? » un animal curieux, dont la comparaison avec Petrarca est très instructive, Les appendices que LACAZE-DUTHIERS a appelés palles ravisseuses sont des antennes et ces antennes diffèrent à peine de celles décrites et figurées par FowLEeR chez Petrarca. Cet animal pourrait bien être un mâle complémentaire ou un embryon progénétique mâle. [Note de A. GraARD.] RAPPORTS DES ASCOTHORACIDES AVEC LES CIRRHIPÈDES ET LES OSTRACODES. Il était admis au début que les caractères des Ascothoracides ne se rencontrent dans aucun autre groupe, mais ils sont aussi par- tagés entre les Cirrhipèdes et les Ostracodes d'une façon assez marquée pour suggérer l'idée d'une parenté génétique entre ces deux groupes. Quoiqu'il soit d'usage d'admettre que la dégra- dation est une conséquence nécessaire du parasitisme, il peut se rencontrer peu de conditions plus favorables à la conservation des caractères ancestraux, que celles d’un animal qui a adopté, à une époque précoce de la série phylogénétique , un habitat semi-parasite (commensalisme) sur un hôte qui n'est soumis à aucun danger spécial (1), et ne doit, par suite, être soumis à aucune lutte violente pour l’existence, pourvu qu'il conserve, pendant au moins toute la durée de la vie larvaire, des moyens pour atteindre son hôte. De telles conditions sont réalisées par les Ascothoracides. Une existence larvaire libre {en se basant sur le développement de Laura) les amène à un Antipathaire ou à un Bathyaclis, tous deux bien protégés par leur squelette et leurs nématocystes, et par suite, dans un milieu où la concurrence ne paraît pas être consi- dérable. La ressemblance des Ascothoracides avec les Lépadidés {les moins modifiés des Cirrhipèdes) est très fortement marquée. Tandis qu'il est impossible de donner du premier groupe une définition qui renferme tous ses caractères, on doit toutefois admettre que la pré- sence d’une seule paire d'antennes chez l'adulte, d'un thorax mé- diocrement segmenté, portant six paires d’appendices (biramés dans »*Synagoga), d'un abdomen rudimentaire, à la face ventrale duquel naît un énorme pénis, d'un oviducte s’ouvrant à la base du premier membre thoracique (Hozk, Cirrhipèdes, partie anatomique. — Chall. Rep. Zool., vol. X), et la position des testicules à la base des appendices thoraciques, sont tous des faits de première impor- (1) Si l'hôte est modifié par suite de conditions variables ou défavorables, il doit y avoir aussi probablement des modifications corrélatives dans le parasite. — tance au point de vue morphologique caractérisant les Lépadidés et partagés par les Ascothoracides. La présence de pièces dures dans le manteau des premiers, ainsi que la réduction des parties buccales et la simplification des appendices chez les autres, sont des carac- tères de valeur secondaire dépendant de leurs modes de vie différents. Si les points de ressemblance des Ascothoracides avec les Cirrhi- pèdes sont si nombreux, d’un autre côté la présence d'une carapace bivalve, qui n’est pas une simple lame composée principalement de tissu épidermique, mais une excroissance latérale et spacieuse du corps lui-même, dans laquelle se continuent les organes reproduc- teurs et digestifs, est un fait limité chez les Crustacés aux Ascotho- racides et aux Ostracodes. C’est une délimitation des plus remar- quables, depuis que, dans presque chaque groupe des Malacostracés et des Entomostracés, se présentent des exemples de développement d'une carapace protectrice. En accordant à ce fait la valeur que je veux lui assigner, les Cirrhipèdes et les Ostracodes sont ramenés à des relations pa intimes que celles admises jusqu'ici. Comme la signification phylogénique de la larve nauplius, et plus spécialement la valeur de ses caractères accessoires , sont encore en discussion, il suffira de dire ici qu'il n’y a pas de bien grande diffé- rence centre le nauplius primitif de la Balane (le plus typique parmi les Cirrhipèdes) et celui de Laura ; seulement, les Ascotho- racides, par leur développement, ont nécessité une séparation entre les deux groupes. Le nauplius des Ostracodes présente une apparence très différente de celle des deux qui viennent d’être mentionnés ; il est déjà, à l'état libre, enfermé dans une carapace bivalve, et présente l’aplatissement latéral caractéristique de l’a- dulte. D'un autre côté, le prétendu stade cypris des Cirrhipèdes indiquerait une grande proximité entre les deux groupes ; quant à sa valeur phylogénique, « il est clair que le stade cypris représente » plus ou moins exactement une forme ancestrale des Cirrhipèdes, > et que la large coquille bivalve et les grands yeux compo- > sés sont des caractères ancestraux. Ces caractères semblent > exclure la parenté avec les Copépodes, mais point la dérivation » indépendante des Cirrhipèdes de quelque forme ancestrale bivalve > de Phyllopode ». (Bazrour, Comp. Embryol. I, p. 424). La men- — 99 — tion faite par BaALrour des Copépodes se rattache aux vues de Craus sur la matière, qui sont plus simplement exprimées par la repro- duction de son tableau de descendance des Entomostracés (1). | Les Protostraca sont les Urphyllopoda de ses anciens écrits] : Ostracoda. Phyllopoda. Argulidæ. Copepoda. Cirrhipedia. Protostraca. A l'égard de la parenté intime entre les Cirrhipèdes et les Copé- podes, si clairement indiquée par CLaus dans ce tableau, je cite encore un passage de BALFOUR qui, je crois, exprime les idées de beaucoup de zoologistes sur la question : « Les Cirrhipèdes sont » considérés par CLAUS comme appartenant au même phylum que les Copépodes. Cette opinion ne paraît pas complètement ressortir de leur histoire larvaire. Le nauplius diffère d’une façon très marquée de celui des Copépodes, et ceci est encore plus vrai pour le stade cypris. Les appendices de ce stade, analogues à ceux des Copépodes, sont le principal argument en faveur de cette opinion, mais cette forme d'appendices était probablement primitive et générale, et leur nombre ne correspond pas à celui qui existe chez les Copépodes. D'un autre côté, les yeux pairs et la coquille bivalve sont de grandes difficultés pour admettre les » vues de CLaus. » (Comp. Embryol. I, p. 423). Les appendices sur (1) Cette phylogénie est indiquée dans les « Untersuchungen zur Erforschung der genealogischen Grundlage des Crustaceen-systems » (Wien, 1876, 410), et le tableau pris dans les « Neue Beiträge zur Morphologie der Crustaceen » (Arb. Zool. Instit. Wien, VI, p. 105). — JA — lesquels se base CLaus consistent en protopodite, exopodite et endo- podite, et sont du type primitif et {rès répandu, sur lequel MILNE- Epwarps et HuxLey insistèrent d'abord, et que Ray-LANKESTEK a montré avoir dérivé à une certaine époque du membre encore plus primitif des Protophyllopodes (Protostraca). Tandis que CLaus et Bazrour regardent tous deux les Ostracodes comme ayant une origine indépendante de celle des autres phylums dérivés de la souche des Protostraca, je pense que la remarquable organisation des Ascothoracides et l'existence de la larve Cypris, inexplicable autrement , indiquent plutôt une filiation qui peut être exprimée ainsi : Copepoda. Phyllopoda. Ostracoda. Ascothoracida. Cirrhipedia. À RE Synagoga. Laura. Pelrarca. Larve cypridiforme. è Protostraca. Le point de divergence entre le phylum des Ostracodes et celui des Cirrhipèdes peut être caractérisé par un organisme bivalve avec six paires d’appendices thoraciques et quelques segments abdomi- naux (Laura), la réduction de ceux-ci ayant encore fait plus de progrès dans les Ostracodes que dans les autres groupes (BALFOUR, Comp. Embryol. I, p. 425). La larve cypridiforme actuellement existante doit approximativement représenter le type ancestral (hermaphrodite ?) des Cirrhipèdes et des Ascothoracides, tandis que ES Pelrarca peut être considérée comme ayant divergé de la souche principale à une époque plus tardive que ses deux congénères, lorsque le développement d’un pénis terminal avait êté déjà acquis comme caractère secondaire. Je tiens à exprimer au chanoine A.-M. Norman et au Prof. E. Ray-LANKESTER, ma reconnaissance pour leurs précieux rensei- gnemenis. Nota. — Le rapport de Petrarca avec son hôte est un cas qui peut être nommé à la fois commensalisme ou parasitisme. D'un côté, un Tænia, qui est assurément parasite, ne tire pas directement sa nourriture de la substance de son hôte; d'autre part, beaucoup d'Amphipodes, ne présentant aucune trace de dégradation, vivent dans les Anthozoaires et sont généralement considérés comme commensaux. FE SUR SYNAGOGA MIRA, PAR LE RÉV. A.-M. NORMAN (1). Le parasite napolitain pour lequel je propose le nom de Synagoga mira est comme Laura gerardiæ, parasite d’un Antipathaire , Anlipathes larix ELris. Mais tandis que Laura est enfoncé dans les tissus de son hôte, de telle façon qu'il est complètement couvert, excepté en un petit point, par le sarcosome de Gerardia, Syna- goga est, au contraire, un parasite externe fixé à la surface de l'An- lipalhes. À première vue, Synagoga semble très différent de Laura, et à l'œil nu on pourrait facilement le prendre pour une (1) Traduit par A. Gianp de Rep. Brit. Assoc., 1887 (Rep. on the zoological station at Naples, p. 86). — on — Cypridinide, parce que le corps de l’animal est couvert par deux valves à peu près circulaires. Ces valves (carapace de Lacaze-Du- THIERS), sont chez Laura de taille énorme et trois fois aussi longues que le corps; elles sont bien plus courtes chez Synagoga et n'at- teignent pas la longueur du corps. Chez Laura, les antennes sont des organes faibles et sans vigueur; chez Synagoga, elles sont fortement développées en crochets adhésifs. Chez l’un et l’autre parasite, les organes buccaux sont conformés pour percer et sucer, et construits sur le même type. Dans les deux genres aussi, le muscle adducteur qui passe du corps dans les valves présente le même aspect. Comme chez les Ostracodes, les organes reproduc- teurs s'étendent de part et d’autre dans et sous les valves. Les deux genres présentent six paires de membres situés derrière les pièces buccales et une fourche caudale. Mais tandis que chez Laura, les membres paraissent simples, inarticulés et en quelque sorte rudi- mentaires, chez Synagoga ils sont biramés, articulés et garnis de soies. De plus, les lames de la fourche caudale sont beaucoup plus longues, épineuses sur leurs bords et munies de longues soies. Il ressort de tout cela que Synagoga est évidemment un type beau- coup moins dégradé que Laura. Quant à ses affinités, je me bor- nerai à dire pour le moment que si, d'une part, l'organisation de Synagoga nous rappelle le stade cypris des larves de Cirrhipèdes, elle présente aussi des particularités qui font songer à Nebalia, cette forme qui a donné lieu à tant de discussions. IT OBSERVATIONS SUR LES NOTES PRÉCÉDENTES, PAR A. GIAR D. Dans les notes dont nous venons de donner la traduction, H. FowLer et NorMax ont surtout cherché à mettre en évidence les NY = caractères qui rattachent les Ascothoracides aux Ostracodes et aux autres Crustacés inférieurs. FowLeR a, de plus, insisté avec raison sur la parenté étroite qui unit ces animaux aux Cirrhipèdes. Au point de vue de cette dernière parenté, il me paraît utile de rappeler ici un travail fort intéressant de SLUITER sur un type excessivement curieux de Rhizocéphales (1). Ce travail n'a pas attiré, comme il l'aurait dû, l’attention des zoologistes. Le Sphærothylacus polycarpæ étudié par SLUITER est un Rhizo- céphale aberrant qui vit à l'état grégaire fixé sur la branchie d'une Cynthiadée (Polycarpa sp.) de l’île Billiton. C'est un animal de très petite taille, si on le compare aux autres Suctoria. Il est sphérique et le diamètre ne dépasse pas 2,5"". Il fait saillie dans le sac péri- branchial de l’Ascidie, et adhère au tissu branchial par un pédon- cule analogue à celui des Sacculina, Peltogaster, etc. Le Sphærothylacus est bien moins dégradé que les autres Rhizo- F1G.4.—Sphærothylacus polycarpæ SLUITER. Animal ouvert. b, bouche et cône buccal. — ov, ovaire, — ({, testicule. — ont, intestin. — om, ouverture du manteau. — p, pédoncule, — gl, glande. — œ, œufs dans la cavité incubatrice. La figure originale de SLUITER a été renversée et orientée un peu différem- ment pour la rendre comparable à la fig. 2 de Petrarca (page 82). céphales : s’il est dépourvu de membres et d'organes des sens, il a conservé un tube digestif complet. Il y a deux ovaires bilobés et deux testicules. Si on compare la figure de Sphærothylacus à celle de Petrarca, après l'avoir orientée de façon à rendre cette compa- raison plus facile (fig. 4), on est immédiatement frappé des homo- (1) Szurrer. Ueber einen in Ascidien schmarotzenden Wurzelkrebs, Natuurkundig Tijdschrift voor Nederlandsch Indie, Band. XLIII. 1884. NS — logies qui s’établissent entre ces deux types. Le glande gl est évi- demment une glande colléterique homologue de celle de Petrarca et de celle de Sacculina. Le nauplius de Sphærothylacus n’est pas moins intéressant que l'animal adulte. Son abdomen est segmenté et rappelle celui des embryons de Phyllopodes. (Ce qui rattache phylogénétiquement les Sucloria aux Urphyllopoda ou Protostraca). Les cornes frontales si caractéristiques du nauplius des Cirrhipèdes et des Rhizoce- phales, font complètement défaut; mais elles paraissent manquer également chez le nauplius de Laura, d'après LacAzEe-DUTHIERS. À ce point de vue encore, Sphærothylacus établirait le passage entre les Ascothoracida et les Rhizocephala (1). L'existence d’un tube digestif avec bouche et anus parle également dans le même sens. On sait que le tube digestif est compiètement atrophié chez les embryons naupliens de tous les Rhizocéphales antérieurement connus. Sans doute, les divers types d’Ascothoracida et Sphærothy- lacus sont encore trop imparfaitement connus pour que nous puissions tirer des conclusions définitives de la comparaison de ces animaux. Il me paraït toutefois qu’on s’est peut-être un peu trop hâté de considérer les Rhizocéphales comme des Zepadida dé- gradés par le parasitisme. Il est très possible et même probable que les ancêtres des Rhizocéphales n’ont jamais atteint un degré d’orga- nisation aussi élevé que les Lépadidés. Ils ont dû plutôt constituer des types voisins des Ascothoracidés et s'adapter à la vie parasitaire sans avoir jamais pris la forme du Cirrhipède typique. Pour résu- mer notre pensée, le rameau Rhizocephala aurait émergé de la souche commune à une époque aussi précoce que les phylums des Lepadida et des Balanida. Ce n'est pas le lieu d'insister ici sur l'importance de Sphærothy- lacus au point de vue de la théorie fantaisiste de la migration des embryons de Rhizocéphales ; la seule connaissance de ce type inté- ressant suffit à démolir le roman échafaudé par DELAGE avec une (1) Il est possible aussi que ces cornes frontales aient échappé à SLUITER et à DE LACAZE-DUTHIERS. Il faut souvent une certaine attention pour les découvrir sur le pre- mier aauplius de certains Rhizocéphales (Pellogaster par exemple). — 9 — mise en scène qui a pu en imposer à beaucoup de zoologistes. Nous aurons occasion de revenir prochainement sur cette gigantesque mystification. Paris, 1% Décembre 1890. MÉTHODES EN USAGE A LA STATION ZOOLOGIQUE DE NAPLES POUR LA CONSERVATION DES ANIMAUX MARINS (1) PAR SALVATORE LO BIANCO. Remarques préliminaires. La publication des méthodes de conservation qui ont été employées depuis des années à la station zoologique de Naples sera accueillie avec plaisir par de nombreux travailleurs. Avec la nécessité tou- jours croissante où l'on se trouve de faire rentrer les faunes océa- niques dans le domaine des recherches zoologiques, le besoin se fait sentir chaque jour davantage de rapporter chez soi en bon état de conservation les nombreuses formes nouvelles. Mais, la grande extension qu'a prise la faune du golfe de Naples ainsi conservée a montré à beaucoup de savants le contraste qui existait entre nos méthodes actuelles et celles qui ont été employées jusqu’à ce jour ; il en est résulté que partout le désir a dû se produire de voir ces mêmes méthodes tomber dans le domaine de tous. On en croira sûrement sur parole l’auteur de ces lignes : il s’inté- resse au progrès de la science autant que tout autre et il lui a été permis de rendre des services à la biologie plus importants que la (1) Mittheilungen aus der Zoologischen Station zu Neapel, IX Band, III Heft, s. 435, 1890. — 101 — publication des nouvelles méthodes de conservation ; si donc il s'est abstenu en dépit des demandes et des sommations réitérées qui lui ont élé adressées, de publier ces méthodes, c'est qu’il avait pour cela de sérieuses raisons ; il était en droit d'attendre qu'on eût assez confiance en lui, même sans connaître ces raisons, pour croire qu'il agissait non par capricce, mais guidé par des théories bien déter- minées. Il avait, depuis des années, attendu, pour le moment de cette publication, une autre circonstance : mais celle-ci se fit attendre et a ainsi retardé la publication des méthodes. Enfin en janvier 1889, j'ai acquis l'assurance dont j'avais besoin, et j'ai aussitôt confié à M. Lo Braco le soin d'exposer les méthodes sous la forme où elles vont maintenant paraître. Puissent-elles rendre maintenant tous les services que l’on en attend. ANTON DOHRN. Naples, 11 Avril 1890. Préface. Occupé depuis plusieurs années à la conservation des animaux marins à la station zoologique de Naples, j'ai cherché continuel- lement à améliorer ia technique dans le but d'obtenir les formes animales autant que possible dans leurs dimensions et dans l'aspect qu'elles ont à l'état vivant, de manière qu’elles puissent se conser- ver dans l’alcool pendant un temps relativement long. J'ai été amené à cela en voyant l’état misérable, et bien diffé- rent de l'état naturel, où sont généralement les animaux marins des collections conservées pour l'étude et aussi ceux qui se trouvent dans les musées. Les premiers résultats heureux obtenus, la grande quantité des matériaux et les facilités qui m'ont été offertes continuellement par la Station, m'ont amené à perfectionner et à étendre de plus en plus les méthodes que l'expérience m’a démontrées être le plus conve- nables. — 102 — Comme il a été dit plus haut par le professeur DonrN, j'ai dû pendant longtemps garder une certaine réserve au sujet des résultats auxquels j'arrivais progressivement. Cependant depuis quelques années je les communique à divers officiers de marine, pour qu’ils puissent en profiter et faire, au cours de leurs voyages, des collections zoologiques dans les meilleures conditions pour l'étude. Il a été déjà parlé dans plusieurs publications des méthodes usitées à la Station zoologique ; cela a été fait sans aucune autorisation et à notre insu, et je n'assume aucune responsabilité de ce qui a été im- primé. Les méthodes que je publie maintenant sont destinées prinei- palement à conserver l'aspect général des animaux qui doivent figurer dans les musées, ou servir à des démonstrations dans les cours ; par suite elles ne sont pas faites pour les études histologiques , mais dans beaucoup de cas la conservation des éléments se trouve réalisée en même temps que celle de la forme du corps. Quoique je n’aie fait d'expériences que sur les animaux de notre golfe, je déclare que ces méthodes peuvent s'appliquer avec des résultats également satisfaisants aux formes voisines des autres mers, et la preuve en est du reste dans la variété des collections faites par les officiers de marine. J'espère donc que ces notes pourront être utiles à ceux qui s'occu- pent de la conservation des animaux marins, mais je n'ai en aucune facon la prétention d’avoir réalisé la perfection et d'avoir épuisé un aussi vaste sujet; ce que je puis dire seulement, c'est que les mé- thodes exposées ici sont celles qui, dans une longue pratique, m'ont donné les meilleurs résultats et dans beaucoup de cas ont des avan- tages indiscutables sur celles qui ont été en usage jusqu'ici. Naples, Mars 1890. USTENSILES ET RÉACTIFS. Verrerie. Les animaux préparés, après avoir subi un traitement préventif avec des réactifs quelconques, sont conservés définitivement dans — 103 — l'alcool dans des vases de verre fermés avec un bouchon à l’émeri ou un bouchon de liège. La forme la plus convenable et sans doute la plus élégante est celle des vases cylindriques avec une petite base et à bouchon à l’émeri plan à sa partie supérieure. Ils servent, dans les dimensions voulues, mieux que tout autre récipient, pour conser- ver les animaux de toute forme avec une grande économie de liquide. Si cependant ces vases de verre coûtent un peu cher pour les usages communs et pour les manipulations, on peut encore se servir des bocaux ordinaires à col bas et un peu resserré. Les petits bocaux plutôt bas, à couvercle excavé à l'intérieur, avec un col très peu resserré, se recommandent pour les petits animaux à forme globuleuse ou très aplatie. Les tubes à fond arrondi, à bord tourné au feu, à parois peu épaisses sont d'une grande utilité. Ceux d’un calibre supérieur à 30°”, doi- vent avoir leurs bords légèrement recourbés en dehors pour qu’on puisse y attacher facilement un morceau de peau. Tous indistincte- ment se ferment avec un bouchon de liège ; celui-ci doit être plutôt bas, cylindrique, de manière à s’adapter parfaitement à la paroi du tube, et la face interne doit être aplanie avec un tranchant bien net pour qu'il ne puisse arriver qu'il se détache de petits fragments de liège qui viendraient troubler le liquide. On doit avoir bien soin de choisir des bouchons bien compacts sans crevasse ni trou. Pour conserver de petits animaux, des œufs, des larves, etc., il est utile de mettre les petits tubes qui les contiennent, bouchés avec du coton, dans un vase bien clos, avec de l'alcool de sorte que l'alcool des petits tubes ne s'évapore pas et reste liquide : les bou- chons de liège coloreraient à la longue les préparations en brun, par l'acide tannique qui se dégagerait. Pour les animaux larges et plats comme les Astéries, les Pleuro- nectes et d'autres analogues, on se sert de récipients à faces rectan- gulaires, étroits, plutôt élevés, qui se ferment par une lame de verre au moyen d'un mastic quelconque : ces récipients ont l'avantage de mieux laisser observer la préparation. Pour les formes déliées, allongées etrigides, comme par exemple Funiculina, je coupe, suivant la longueur nécessaire, des tubes de verre de pipette, en fermant une extrémité à la flamme et l’autre avec un bouchon de liège. Dans les manipulations préalables, on se sert souvent de cristal- — 104 — lisoirs qui, ayant un fond plat et des parois basses, peuvent contenir dans une petite quantité de liquide, un grand nombre d'exemplaires sans qu'ils se touchent ou se compriment. Ils permettent aussi de placer les animaux vivants dans l’eau de mer, pour les laisser repo- ser ets ‘étaler, après quoi l'on peut les tuer par les méthodes rapides ou lentes, et les pénétrer par différents liquides, jusqu’à ce qu'on les transporte dans les récipients définitifs. Ces cristallisoirs ont les bords rodés à l’émeri, de manière à pouvoir se couvrir avec des disques de verre. Pour contenir les Vers ou d’autres animaux allongés, nous avons de petits vases rectangulaires couverts d’une lame de verre. Il va sans dire qu'il est nécessaire d’avoir une quantité de verres communs sans pied, de dimensions variées, qui puissent servir pour conserver les animaux vivants; puis des tubes de verre pour recueil- lir de petits animaux, des pipettes compte-gouttes, des baguettes de verre, des flacons à col étroit pour les réactifs, des entonnoirs de verre de diverses grandeurs, des vases cylindriques gradués, etc. Ustensiles divers. Pour conserver des animaux, et spécialement des poissons, d'une grandeur supérieure aux récipients de verre ci-dessus mentionnés, pous avons fait construire des caisses de zinc rectangulaires avec une petite gouttière au bord. Le couvercle est aussi de zinc, avec les bords repliés qui s'adaptent à la gouttière. On empêche l'évapo- ration en remplissant la gouttière avec de l’eau et une couche d'huile. Le couvercle a un trou au milieu, pour servir au passage de V’air comprimé par la clôture et qu’on ferme ensuite avec un bouchon. Cependant ces caisses ont l'inconvénient que le zinc se corrode au bout d’un certain temps (probablement par l'action des substances acides que l’alcool dissout des tissus animaux). La caisse métallique est revêtue d’une doublure extérieure de bois pour la garantir des chocs. Outre les petits vases rectangulaires de verre pour durcir les animaux de forme allongée, nous avons des petites caisses rectangulaires de zinc avec une couche de cire sur le fond pour — 105 — fixer les épingles destinées à maintenir distendues les préparations. Quand on sesert de liquides qui attaquent les épingles de métal(acides, sublimé, etc.) il sera utile d'employer des aiguilles de hérisson ou de cactus. Pour porter les objets d’un récipient à l'autre ou changer le liquide, on se sert de spatules de diverses grandeurs, préférablement de corne, qui ne sont pas altaquées par les liquides. Une grande pince de fer ou de laiton est très commode pour prendre les animaux dans les récipients profonds. On aura encore de petites pinces, des ciseaux, des couteaux de diverses grandeurs et des seringues. Pour enfumer les Actinies, je me sers de l'appareil suivant : à l'ex- trémité d'un petit soufflet on adapte la bouche d'une pipe métallique remplie de tabac coupé dont le tube, recourbé en S, s’introduit là où se trouve l'animal que l'on veut anesthésier par le tabac. Réactifs. L'alcool est sans aucun doute le liquide le plus indispensable. L'alcool rectitié, limpide, pouvant être mêlé à l’eau distillée sans donner aucun précipité doit être préféré pour la préparation et la conservation des animaux délicats et transparents, tandis que pour les espèces volumineuses on peut se servir d'alcool ordinaire, et même de celui qui provient de la redistillation de l'alcool ayant déjà servi, pourvu qu'il soit neutralisé par l'addition de chaux s'il est acide, ou d'acide chlorhydrique alcalin. Nous avons toujours sous la main une quantité d'alcool à 70°}, qui est employé d'ordinaire pour la conservation des animaux, seulement dans quelques cas spéciaux on prend l'alcool à 90 °/,. Avant de se servir d'alcool faible fait au moment en additionnant d’eau, il faut le laisser bien reposer pour éviter que l'air contenu dans l’eau et mis en liberté en petites bulles ne s'attache à la préparation et, en la soulevant, ne lapplique contre la surface du liquide. Les animaux fixés avec un liquide quelconque se conservent ensuite dans l'alcool; pour ceux qui sont mous et gélatineux on commence par les laisser 2 à 6 heures dans l'alcool à 35 ou à 50°}, 2 106 suivant la plus ou moins grande consistance, puis on les transporte dans l’alcoo!l à 60 °/, ou directement dans celui à 70°. Quand les manipulations précédentes peuvent endommager les préparations, on change l'alcool en enlevant une portion du plus faible où elles se trouvent et en ajoutant du plus fort jusqu’au degré voulu; et pour éviter toute secousse, on peut faire ce changement au moyen de siphon. Pour que les animaux puissent se conserver définitivement il est nécessaire que l'alcool à 70° soit changé une fois après 12-24 heures, et, si le fragment est un peu épais, une autre fois après deux autres Jours. Les formes d’une certaine consistance sont plongées directement dans l’alcoo! à 70°, que l’on change comme nous l’avons dit. Il arrive parfois, quoique rarement, que même après ces changements néces- saires, l'alcool se colore encore au bout de quelque temps ; dès lors il devient nécessaire de le changer de nouveau. Quand on met dans un récipient des animaux qui ne sont pas en- core pénétrés par l'alcool, il est nécessaire de l'agiter pour éviter qu'il ne se forme dans le voisinage du fond une couche d'alcool très faible où l'animal pourrait venir à macérer. J'ai essayé un grand nombre de liquides pouvant être substitués à l'alcool, mais j'ai toujours eu de mauvais résultats. Les uns, comme le liquide de Goapgy, et celui d'OwEN employés par le passé pour la conservation des formes gélatineuses, réduisent leur taille à la lon- que et les déforment complètement. Le liquide de WIiCKERSHEIMER , tant préconisé dans son temps et usité pour les animaux marins, les déforme et les macère. L'alcool à 70° est préférable pour conserver définitivement les animaux, pourvu que ceux-ci en soient suffisam- ment pénétrés par des changements réitérès. L'alcool plus fort, non seulement n’est pas nécessaire dans la grande majorité des cas pour la bonne conservation, mais finit aussi par devenir nuisible, car un long séjour dans ce liquide rend le fragment fragile. L'alcool est utile aussi pour anesthésier et tuer lentement ou rapidement. , Acide chromique. — Après l'alcool, cet acide en dissolution aqueuse est un réactif des plus utiles et sert principalement pour tuer et durcir les animaux gélatineux et mous. Mais ceux-ci doivent res- — 107 — ter juste le temps nécessaire, autrement ils se colorent trop et de- viennent fragiles. Il faut ensuite, comme on le sait, laver les frag- ments à l’eau douce pour éviter que, placés dans l'alcool ils ne produisent un précipité et acquièrent, avec le temps, une teinte trop verdâtre. L’acide chromique s'emploie en mélange avec l'acide osmi- que, acétique, picrique, avec le sublimé, et rarement avec l'alcool. Les solutions peuvent se faire dans l'eau ordinaire et exceptionnel- lement aussi dans l'eau de mer: il est bon de les tenir dans des endroits frais. Celles qui ont servi une fois peuvent être employées encore, si elles n’ont pas été trop diluées dans l'eau que contenaient les animaux et s’il ne s’est pas passé un temps trop long : du reste il est facile de s'apercevoir si le liquide est altéré, par le changement de couleur qui tourne au vert. Acide acétique.— C'est un réactif qui a Le pouvoir de pénétrer instantanément dans les tissus et de les fixer, et c’est le moyen le plus efficace pour tuer rapidement les animaux contractiles, mais il a l'inconvénient de les ramollir s'ils y restent trop longtemps. Ils res- tent relativement transparents. Dans certains cas il est nécessaire de se servir de l'acide en solution concentrée, et souvent on le mêle à l'acide chromique pour tuer et durcir les animaux transparents non contractiles. Acide osmique. — En général on ne l'emploie pas autant que par le passé, parce qu'il présente divers inconvénients. Je me suis appliqué à lui substituer divers réactifs et, dans beaucoup de cas, J'y ai réussi parfaitement. Il durcit bien les formes gélatineuses et en conserve suffisamment longtemps la transparence, mais si son action - dure trop longtemps, il noircit beaucoup les préparations et Les rend fragiles, par suite celles-ci doivent rester seulement jusqu'à ce qu'elles aient acquis une légère teinte brune (1). Avant de Les passer dans l'alcool on lave pendant quelques minutes dans l’eau douce ou distillée et il est de même pour celles qu'on a traitées avec un mélange osmiqué quelconque. (1) La méthode de PauzL MAYER pour décolorer les fragments trop noircis (Voir Milt. Z. Stat. Neapel, 2 Bd.,1880, p. 8), ne peut être adoptée pour les animaux mous qui seraient trop amollis. = 16 Le liquide de Kleinenberg (1) a êté l’un des premiers employés à la station pour la conservation des formes marines. L’inconvénient qu'il présente de jaunir l'alcool même après des lavages réitérés, et de ne pas durcir suffisamment, l'a fait peu à peu abandonner, si bien qu'aujourd'hui on ne s’en sert que rarement, et presque uniquement dans un but histologique. Acide lactique. — En solution à 1 ”/,, dans l’eau de mer, il sert assez bien à fixer les larves et les petits organismes gélatineux. Les acides chlorhydique, nitrique, pyroligneux et sulfu- rique sont employés rarement. Sublimé corrosif. — Recommandé par À. LanG, il s'emploie très souvent comme fixateur parce qu'il a la propriété de pénétrer vite et de durcir beaucoup. Il sert en solution concentrée soit dans l’eau douce, soit dans l’eau de mer, à chaud ou à froid. Dans les manipulations au sublimé, on ne doit pas se servir d'instruments en métal, car ils décomposent la solution et détériorent les prépara- tions. Les solutions peuvent aussi se faire à chaud, par économie de temps, dans le récipient de verre ou de porcelaine. On doit avoir la précaution d'éviter l’ébullition dans des récipients ouverts, pour ne pas respirer les vapeurs, et de ne pas se salir les mains si elles ont quelque écrochure. Presque tous les animaux préparés par ce réactif peuvent servir encore à des recherches histologiques. Souvent on s’en sert aussi en mélange avec l'acide acélique, chromique, ou avec le sulfate de cuivre. Les animaux fixés au sublimé, après le lavage à l’eau douce, doivent rester, suivant l'indication de P. MAYER, dans l'alcool iodé jusqu'à ce qu’ils cessent de le décolorer en y restant pendant quelque temps sans quoi la préparation devient fragile ei il s’y forme un précipité noir contenant du mercure ; quelquefois elles noircissent même les parois internes du récipient. (1) Le liquide de KLEINENBERG se prépare de la manière suivante : on mélange 100 cc. d'une solution aqueuse concentrée d'acide picrique avec 2 ct. d'acide sulfurique concentré ; on filtre et on ajoute 3 fois le même volume d’eau distillée. == 409 — Bichromate de potasse.— On s’en sert en solution à 5°}, pour durcir lentement quelques animaux gélatineux sans les rendre trop fragiles. ce qu'on ne peut obtenir avec l’acide chromique. A cause de l'abondant précipité que donnent en passant par l'alcool les objets traités par le bichromate, l'usage de ce réactif n’est pas à recomman- der. Pour décolorer les préparations qui se trouvent déjà dans l'alcool j'ajoute à celui-ci quelques gouttes d’acide sulfurique concentré. Sulfate de cuivre.—On emploie des solutions de 5 à 40 0j, faites à chaud dans l’eau douce ; il sert soit seul, soit mélangé au sublimé pour tuer les larves et les animaux délicats. Les objets traités avec ce réactif doivent ensuite être lavés plusieurs fois à l’eau jusqu'à ce que celle-ci demeure parfaitement limpide, autrement il se forme, dans les tissus, des cristaux qui les rendent opaques. On peut abréger le lavage quand les fragments doivent être traités successivement avec un autre acide. Hydrate de chloral. — En solutions très faibles à 1 ou 2°}, faites à froid dans l'eau de mer, il nous sert pour anesthésier divers animaux avant de les fixer (1). Cette méthode a l'avantage que, si l'animal après un certain temps ne reste pas dans les conditions voulues pour être préparé, on peut le remettre dans l’eau de mer, où il reprendra ses mouvements et continuera à vivre.On l’emploiera de plus pour faire mourir, afin de les préparer, les animaux qui vi- vent dans les pierres, dans les incrustations d'algues calcaires, dans les colonies de Serpules et de Madrépores : nous les laissons dans la solution de 6 à 12 heures. Outre les réactifs cités, nous nous servons en petites quantités de chloroforme, de l'éther et de la teinture alcoolique d'iode. Mélanges principalement employés. AGO AIO LE n | Acide chromique 1 ‘/,.. parties égales. Alcool et acide chromique : (1) Il est inutile d'employer une qualité fine. — 110 — Alcool. à SO seen 100 REC MNT 7 | Ac. chlorh. concentré... DAT late Alcool à 35° ou à 70° ......... 100 **- Alcool iodé..5 acétique concentré ................ PE » chromo-acétique N° 2 : Acide acétique concentré.......... ..... 100: > ChromiIquent PEN RErTE 10: » chromo-osmique : Acide. chromiqueil.9662.02 Aa ter 100 > +» OSMque er seb RSR PE » chromo-picrique : Acide chromique à 1 °f............ | D Liquide de KLEINENBERG.......... | PATES CEE > de cuivre et sublimé : Sulfate de Cuivre 4400/7720 ete 100% Sublimé en solution saturée .............. LOS » de bichromate de potasse et d’acide osmique : 3ichromate de potasse à 5 °f,............. 100 Acide oSMiIqué AE. 00.7. 7 » de sublimé et d'acide acétique : Sublimé, solution concentrée............. 100 *: Acide acétique concentré ......... res e 90 — 111 — Mélange de sublimé et d'acide chromique : Sublimé, solution concentrée ............ 100 **- Aeide, chrome ah... OÙ MÉTHODES DE PRÉPARATION ET DE CONSERVATION. PROTOZOA. Les Protozoaires étant des animaux très petits et pour la plupart invisibles à l'œil nu, leur préparation rentre dans le champ «le la microscopie, et par suite je ne me suis occupé que des espèces les plus grandes. Quelques Grégarines qui habitent le nucleus intestinal de Salpa maxima africana ont été bien réussies par le liquide de KLEINENBERG, en y restant pendant une heure environ avant d'être transportées dans l'alcool faible. Radiolaires. La Thalassicolla se fixe bien par l'acide chromique à 1/2 °/, où on la laisse pendantune heure environ, après quoi, on la transporte dans l'alcool à 70°. Les Aulacanthidae etles Acanthometrae sont mis directement dans l'alcool à 50°, et après quelques heures dans l'alcool à 70°. On a encore de bonnes préparations en ajoutant à l’eau de mer qui contient ces animaux quelques gouttes d'acide osmique à 1 ‘/,, puis en les lavant dans l’eau douce, avant de les porter dans l’alcool. Pour quelques espèces fixées ensemble à d'autres petits organismes péla- giques, on obtient de très bonnes préparations microscopiques dans une solution concentrée de sublimé dans l'eau de mer. — 112 — Sphærozoidae (1). — Les diverses espèces du genre Sphæro- zoum et Collozoum qui ont une forme sphérique ou cylindrique se fixent dans l'alcool à 35 ‘/, iodé, en les y laissant de 15 minutes à une heure environ et en ayant soin d'agiter le liquide, parce que, en restant trop longtemps sur le fond du récipient, les animaux s’apla- tissent. Si l'on veut en préparer une grande quantité à la fois, il est nécessaire de mettre le liquide fixateur dans un large cristallisoir pour qu'ils ne se compriment pas réciproquement. Après le temps établi, ils passent dans l'alcool à 35°, où ils restent deux heures ; le changement peut se faire en portant avec une spatule les colonies dans un autre cristallisoir de la même grandeur ou aussi en enlevant lentement l'alcool iodé et en y substituant l'alcool à 3°, mais sans les laisser dépourvues de liquide. De la même ma- nière on les fait passer dans l’alcool à 50° et 12 heures après dans l'alcool à 70° qui doit être renouvelé après 24 heures. De cette manière on obtient des préparations incolores qui peuvent servir aussi pour des recherches histologiques. IL n’y a pas lieu de recom- mander l'acide osmique qui noircit trop. Dans les colonies de Sphærozoum avec des formations isospori- ques, la forme n’est pas fixée avec l'alcool iodé, de sorte qu'il faut opérer avec le sublimé concentré. Les genres Myxosphæra, Acros- phæra et Collosphæra sont tuées dans l'acide chromique à 1 °/,, en employant la même forme de récipient et en prenant les mêmes pré- cautions que pour Collozoum. On les laisse d’une demi-heure à une heure, après quoi en versant tout de suite l'acide, on y substitue de l'eau douce pour laver les colonies, mais de manière qu'elles flot- tent dans le liquide, car autrement elles se rompraient. De la même manière elles passent graduellement dans l'alcool. Acinetidae. — Trichophrya salparum a donné de belles pré- parations microscopiques avoc le sublimé concentré dans l’eau de mer. Inversement avec l'Acineta fœlida qui vit communément sur les Hydroïdes, on a obtenu de meilleurs résultats avec l'acide osmi- que. (1) Ces méthodes ont été décrites par K. BRANDT aux pages 7-11 de sa monographie : Die Kolonienbildenden Radiolarien (Sphærozoëen) des Golfes von Napel : in Fauna und Flora Golf. Neap., 13. Monogr. 1885. — 113 — Vorticellidae. — Les colonies de Zoothammium sont tuées d’une manière satisfaisante par le sublimé concentré bouillant. PORIFERA. Pour les Éponges qui doivent faire partie de collection il suffit d'immerger directement dans l'alcool à 70° en le renouvelant comme il a été dit plus haut. Pour éviter la contraction chez les Hahsarcidæ je les fixe ou bien dans l'acide chromique à 1°/,, en les y laissant une 1/2 heure, ou bien dans le sublimé concentré pendant 15 minutes. Les éponges qui devront servir à l'étude, si elles ne sont pas trop volumineuses, c'est-à-dire si elles n’ont pas une épaisseur supérieure à 10 cent., sont plongées dans l'alcool à 90° ou absolu, renouvelé une fois après 3 ou 4 heures et une seconde fois après 24 à 48 heures; si au contraire, elles sont plus grandes , on les coupe en petits morceaux avec un scalpel bien affilé et on les traite de la même manière. Pour les faire sécher on les lave d'abord à l’eau douce pendant 2 heures, puis on les laissera une journée dans l'alcool ordinaire, puis à l’air ou au soleil ; ainsi elles ne conservent aucune mauvaise odeur. Sion veut conserver pendant plusieurs jours la couleur rouge de quelques éponges (Suberiles, Axinella) il suffit de les mettre dans l'alcool à 40° sans le changer. ANTHOZOA. La première chose à faire quand on a pêché un Anthozoaire, est de le mettre dans un récipient avec de l’eau de mer fraîche. Il arri- ve toujours que les animaux, troublés soit par la pêche soit par le transport, se contractent ou se retirent complètement. Pour les faire étendre, ou bien il suffit de les laisser dans un vase avec de l’eau de mer limpide, ou bien il est nécessaire de les maintenir pendant un. temps plus ou moins long dans l’eau courante. J'ai souvent observé qu'ils ne s'ouvrent qu'après plusieurs jours de séjour dans la même eau, quand celle-ci commence déjà à se corrompre. — 114 — Les méthodes suivantes, spécialement celles du mélange chromo- acétique N° 2, servent à conserver les animaux pour les musées, et tout au plus pour les recherches de grosse anatomie. Presque tous les Alcyonnaires, contenant de petits spicules cal- caires qui servent de caractères spécifiques, doivent rester dans le mélange acide le moins longtemps possible pour que l'acide n’attaque pas les spicules. Dans les cas où le mélange chromo-acétique N°? ne donne pas de bons résultats, on pourra essayer à la place le mélange de sublimé et d'acide acétique, mais seulement pour tuer les animaux, en les portant ensuite rapidement dans l'alcool faible. Une méthode usitée par V. Kocx est l'immersion rapide des ani- maux distendus dans l'alcool à 90° ou absolu, en injectant ensuite dans l’intérieur même de la colonie. Aussitôt que les colonies de Cornularia, Clavularia, Rhizoæe- nia et Sympodium sont étendues, on fait sortir avec un petit siphon toute l’eau de mer qui est dans le récipient, en en laissant seulement assez pour couvrir la colonie. Cette opération doit être faite avec beaucoup d'attention pour éviter toute secousse qui pourrait faire contracter les polypes : pour cela on met dans le verre le siphon d’eau en en tenant l'ouverture inférieure fermée avec un doigt, pour pouvoir régler l'écoulement. Puis on verse rapidement dans le réci- pient un volume du mélange chromo-acètique N°2 double de celui de l’eau où sontles animaux, qui sont transportés dans l’alcool à 39° ou 90, en imprimant à la préparation quelques légères secousses qui souvent ont pour effet de mieux faire sortir les tentacules. Une autre bonne méthode consiste à tuer avec le sublimé concentré chaud, employé dans les mêmes proportions que le mélange chro- mo-acétique, et en lavant les animaux aussitôt morts, dans l’eau douce. Les grands A/cyonium peuvent aussi être tués d'une autre ma- nière, qui consiste à les immerger rapidement dans l'acide chromo- acétique N°2 et à les suspendre aussitôt morts, dans un vase conte- nant de l’alcool faible, de manière que les polypes ne touchent pas les parois ; et si les polypes sont restés bien étendus, le changement dans les divers alcools se fera tout à fait graduellement. Souvent il arrive que dans l’alcool faible il reste adhérent aux polypes des bulles d’air qui, par leur tendance à monter, les compriment au point — 115 — de les déformer, on peut éviter cela en donnant de petits coups au récipient. Pennatula phosporea et Kophobelemnon. Ces animaux étendus sont saisis par la base nue et immergés très rapidement dans un cy- lindre profond contenant le mélange chromo-acétique N°2 ; au bout de quelques secondes on les met dans un cristallisoir avec de l'al- cool à 50°, où ils se disposent le dos étendu au fond. Alors avec une petite seringue à canule très fine on injecte de l'alcool à 70° par un petit trou qu'on pratique à l’extrémité de la base. De la sorte lalcool entre dans les polypes. les gonfle et en distend les tentacules ; et pour éviter que l’alcool ne sorte, on fait une ligature. Après quelques heures on transporte Kophobelemnon dans l'alcool à 70° et dans les récipients définitifs en suspendant la tête en bas à un flotteur de verre. Pennatula rubra, Pteroides spinulosus, Veretillum, Funicu- lina se tuent comme les Pennatules précédentes, mais ensuite on transporte dans l'alcool faible sans opérer l'injection. Les formes molles, comme Veretillum, devront être suspendues dans le réci- pient définitif. Les petits exemplaires de Pennatulides peuvent être tués sans être enlevés du verre où ils sont distendus, en opérant comme pour les Cornulaires. Les ramifications d'assez grande taille de Gorgonia, Gorgonella, Primnoa, Muricea, Isis, etc., doivent être tuées avec le mélange chromo-acétique N°2 dans le même récipient où elles sont étendues, à cause de la grande sensibilité de leurs polypes. On recommande toujours de laisser les animaux au moment où l’on va les tuer, dans la plus petite quantité possible d'eau et d'y verser un volume du mélange double de celui de l'eau où elles sont. J'ai pu observer à diverses reprises que les Gorgones qui s'étendent dans l’eau de mer qui commence à se corrompre, sont celles qui se fixent le mieux. Les petites colonies ou fragments de colonies restent avec les polypes étendus, si on les tue dans le sublimé bouillant. Isis se conserve très bien aussi dans le mélange de sublimé et d'acide acétique. Corallium rubrum. \ s'étend dans l’eau de mer courante, et est tué par le sublimé concentré bouillant (moitié du volume de l’eau de mer) et ensuite est transporté dans l'alcool faible. Avec cette — 116 — méthode la couleur se conserve parfaitement, tandis qu'avec le mé- lange chromo-acétique, elle s’efface beaucoup. L'alcool qui a servi pour la manipulation du corail ne doit pas être employé ensuite pour la préparation d'animaux délicats. (Une colonie d'Antipathes mise dans cet alcool était, au bout de 24 heures, toute colorée en rouge.) Zoantharia. — Toutes les espèces d'Antipathes , se fixent avec le sublimé concentré, et, à cause de la faible contractilité des poly- pes, leur préparation réussit toujours. Le sublimé concentré employé froid doit représenter un volume égal à celui où sont contenus les polypes. Actiniaria. — La préparation de ce groupe présente de grandes difficultés ; la grande contractilité et la résistance du système mus- culaire dans la grande majorité des espèces constituent souvent pour le préparateur un obstacle insurmontable. La plupart du temps, tandis que l’on croit que l'animal est déjà fixé et privé de toute sensibilité, l'immersion dans un réactif à action rapide suffit pour déterminer la contraction subite des tentacules, et tout le corps devient méconnaissable. Chez quelques formes par exemple, en traitant divers exemplai- res par la même méthode et dans les mêmes conditions, une por- tion reste distendue et le reste contracté; et la bonne réussite dépend dans certains cas de raisons tout à fait ignorées. Malgré tout, avec une grande attention on arrive, au moins pour beaucoup d'espèces, à une conservation parfaite. Anemonia sulcata |Anthea cereus) est la plus facile à préparer. Bien distendue dans l'eau courante, elle est tuée par le mélange chromo-picrique (en volume égal à l’eau qui s’y trouve) en versant ce mélange rapidement dans le récipient qui contient l'actinie, après avoir enlevé autant d’eau qu'il est possible, sans que l’animal cesse d’être immergé. Au bout de 5 à 10 minutes, quand l'animal est mort, sa base se détache des parois où elle était fixée, et alors on la trans- porte dans un autre récipient avec de l'acide chromique à 1/2°% ou on la retourne en les suspendant par le bord de la base avec un ou plusieurs crochets, et en cherchant par de légères secousses à don- ner aux tentacules leur disposition naturelle. Au bout d'une demi- heure on met de l'alcool faible; il est bon que dans le récipient — 117 — définitif l'animal flotte retourné, ce qui est d’ailleurs inutile pour les petits exemplaires. Je tue les Actinies suivantes avec le sublimé concentré bouillant : Eliactis, Sagartia Dohrnii, Paranthus, Corynacts, et de petits exemplaires d'Aiplasia ; avant de les transporter dans l'alcool, je les laisse durcir pendant quelques minutes dans l'acide chromique à 1/2 °/. Quand Heliactis bellis, Bunodes gemmaceus et B. rigidus sont bien étendus, on enlève du verre les 2/3 de l’eau de mer, et on y subs- titue de l'hydrate de chloral à 2°”°/,. Au bout de 2 minutes on enlève de nouveau le liquide, en en laissant juste ce qu'il faut pour couvrir les animaux , et on les tue en y versant du sublimé concentré froid. Adamsia Rondeleli se narcotise avec la fumée de tabac (1) de la manière suivante : | On chasse le Pagure de la coquille où sont fixées les Actinies, pour éviter de troubler celles-ci; puis on suspend la coquille par un fil à une baguette de bois posée sur les bords d’un verre avec de l'eau de mer : on arrive ainsi à maintenir les Actinies en parfaite expansion, sans que leurs tentacules touchent les parois. On place ces verres, aussi nombreux qu’on le peut, dans un très large cris- tallisoir ou bien dans un grand plat à paroi basse, rempli à moitié d'eau, et on recouvre avec une cloche de verre qu’on fait tremper dans l'eau du cristallisoir. Avec l'appareil décrit plus haut , on com- mence à remplir de fumée d'un tabac, qui doit être de qualité très forte, l'espace compris dans la cloche, et on suspend l'opération seu- lement quand la cloche est pleine d’un nuage de fumée épaisse et opaque. Pour faire sortir de la cloche l'air introduit avec la fumée, avant de commencer la fumigation, on metun tube de verre recourbé en U avec une ouverture dans l’espace clos et l’autre au dehors. Pour régler la durée de l'opération, il est nécessaire de faire la première fumigation vers les 2 heures du soir. Peu à peu l’on verra la fumée se dissiper, l’eau commencer à absorber les substances narcotiques, et les animaux distendre pour la plupart leur couronne de tentacules. Vers les 5 heures, on fait la seconde fumigation comme la première et on laisse ainsi durant toute la nuit. Le matin suivant on enlève avec précaution la cloche de verre et on touche (1) Les frères HERTWIG qui ont publié cette méthode l'ont vue au laboratoire de la Slation Zoologique, comme eux-mêmes le disent (voir Jena. Zeit. f. Nalurw. 13, Bd. 1819, p. 467 ) — 118 — les tentacules avec une aiguille, pour savoir dans quel état de sensi- bilité ils se trouvent. S'ils ne se contractent pas, on place parmi les verres un petit tube ouvert, contenant quelques centimètres cubes de chloroforme et on replace la cloche pour laisser agir pendant 2 à 3 heures les vapeurs de chloroforme. Finalement, les animaux sont tués par le mélange chromo acétique N° 2, durcis par l'acide chro- mique à 1/2°, et ensuite par l'alcool où ils doivent demeurer sus- pendus. Si au contraire les tentacules donnent encore signe de sen- sibilité, on fera une troisième fumigation, et au bout de 2 heures les animaux seront traités de la même manière. C'est par ce seul pro- cédé que j'ai pu obtenir de très beaux exemplaires, avec la colonne bien étendue, et le disque et les tentacules en pleine expansion. Adamsia palliala peut être traitée par le même procédé sans suspension de la coquille ; j’ai obtenu de bons résultats en anesthé- siant lentement l'animal avec de l’eau de mer alcoolisée et puis en le tuant avec le mélange chromo acétique N°2, ou le sublimé con- centré chaud. Cladactis, Cereactis et la petite Bunodeopsis strumosa sont tuées par le mélange chromo acétique N°2 et aussitôt après durceies dans l'acide chromique au 1 °/,; on les suspend avec un crochet de verre introduit dans le bord de la base, et on les retourne dans le liquide durcissant et fixateur. Cela n’est pas nécessaire pour le Bunodeopsis. Pour les deux premières formes il est utile que les exemplaires soient complètement sains, c'est-à-dire ne présentent ni lésion, ni rupture , autrement, en transportant dans l'alcool, le liquide contenu dans le corps de l'animal sort et celui-ci reste rata- tiné. Les grands Cerianthus se fixent avec l'acide acétique con- centré ; aussitôt après, en les liant avec un fil autour de la colonne près de la base, on les suspend dans l'alcool faible et par quelques légères secousses on cherche à bien disposer les tentacules. La suspension est inutile pour les petits. Actinia equina et À. Cari se traitent par le mélange bouillant de sublimé et d'acide acètique, suivi d'acide chromique à 1/2 °/, pour le durcissement. J'ai pu souvent conserver la première espèce en la retirant doucement du verre où elle était étendue avec une spatule et en la plongeant dans une solution concentrée de sublimé. Edwardsia s'anesthésie lentementen versant peu à peu de l’al- cool à 70° dans l’eau de mer où elle se trouve, et on la tue ensuite — 119 — avec le sublimé concentré chaud. La bonne réussite dépend de ja perte complète de sensibilité, que l’on peut vérifier en touchant les tentacules avec une aiguille. La préparation des diverses espèces de Polythoa est très difficile ; avec les réactifs à action rapide , on a au moins la colonne étendue et parfois une portion des tentacules hors du disque. Un Polythoa qui vit sur les éponges et sur les algues calcaires (probablement une variété de P. axinellæ) se prépare très bien par le sublimé con- centré bouillant. Les larves d’Actinies se tuent avec le sublimé concentré ou avec le mélange chromo-acétique N° 2. Madreporaria.— As/roïdes calycularis doit être laissée toute une nuit dans des verres pleins d’eau de mer limpide. Ordinai- rement , le matin suivant, on trouve les polÿpes en pleine expan- sion ; alors on enlève une portion de l'eau sans que pourtant les animaux restent découverts ; on les tue par une solution bouillante de sublimé et d'acide acètique en volume égal à celui de l'eau de mer. Immédiatement après on transporte la colonie dans l'alcool à 39° dont on fera une injection dans la bouche des polypes pour les maintenir étendus ; ensuite on augmente graduellement la force de l'alcool, et, en répétant les injections, on porte finalement dans l'al- cool à 70°, ou on lave bien avec la teinture d'iode. Caryophyllia, Dendrophyllia et Cladocora se fixent au sublimé concentré et bouillant, mais il esttrès difficile de les préparer avec les polypes en parfaite expansion, et cela tant à cause de leur grande contractilité, qu'à cause de la délicatesse extrème des parois du corps. HYDROMEDUSAE. Les Hydroméduses sont en général des formes très délicates qui meurent facilement et se décomposent ; par suite, il est nécessaire de procéder à leur préparation le plus vite possible aussitôt après qu'elles ont été pêchées. Spécialement quelques Campanularidæ, comme par exemple Aglaophenia, Plumularia, Serlularia et les formes semblables, — 120 — qui vivent dans l'eau profonde, arrivent au laboratoire presque toujours détériorées ou mortes, et, plus facilement que les autres formes, endommagées par la drague, par les filets de fond. ou les autres engins de pêche. Le meilleur parti qu'on puisse tirer de ces exemplaires consiste à les mettre directement dans l'alcool pour conserver au moins le perisarc. D’autres formes qui vivent à une faible profondeur et qu’on peut pêcher en prenant toutes les précautions pour ne pas les maltraiter, nécessitent une manipulation rapide, sans quoi au bout de peu de temps, les polypes se rétractent et il n’est plus possible de les faire sortir des cellules. En général ces formes sont les plus contractiles des Tubularidæ. Tous les Hydroïdes, c'est-à-dire les formes polypoïdes fixées, sauf de très rares exceptions, se tuent avec le sublimé concentré chaud, bien entendu quand les polypes sont en complète extension, ce qui s'obtient en les plaçant aussitôt reçus dans de l’eau de mer fraîche. Aussitôt après qu'on a versé le liquide fixateur sur les ani- maux, on reverse le tout dans un cristallisoir où il y a déjà de l’eau douce, pour refroidir les animaux qui sont ensuite transportés dans l’eau douce pure, pour être lavés, et au bout de 5 minutes dans l'alcool faible. Si l’on veut éviter l’échauffement , on peut employer le sublimé concentré froid, mais seulement pour les Tubularidæ. Pour les grandes colonies de T'ubularia et de Pennaria, on peut tuer avec le mélange de sublimé et d'acide chromique en volume égal à celui de l’eau qui contient les polypes. Au bout de quelques minutes on passe à l'alcool. Méduses de Tubularidae.— Les petites formes d'£leutheria (Clavatella), Cladonema, Podocoryne et autres analogues sont tuées par le mélange de sublimé et d'acide acétique employé en grande quantité: Eleutheria est bien fixée aussi par le liquide de KLEINENBERG. Lizzia Kolliheri et Oceania pileala, aussitôt après qu'elles ont bien étendu leurs tentacules, sont tuées par l’acide acétique concen- tré, et aussitôt après on fait tomber dans.un tube qui contient le mélange d’alcool et d'acide chromique; en agitant lentement le liquide, l'animal reprend sa forme ; il reste dans le mélange une quinzaine de minutes, et ensuite on le met dans l'alcool à 35° qu'on ART" Me porte peu à peu à 70°. A la place du mélange d’alcool et d'acide chro- mique, on peut prendre comme liquide durcissant le mélange chromo- osmique, mais les animaux ne restent pas aussi transparents et les tentacules se contractent un peu. \ Le durcissement se fera, surtout si les méduses à préparer sont nombreuses, en tenant le tube dans la position horizontale, de manière que l'ombrelle renversée monte sur la paroi latérale du tube et que les individus ne se touchent pas. Pour la conservation définitive de quelques Méduses (Zizzia), j'ai l'habitude d'en mettre une seule avec de l'alcool dans un petit tube fermé avec du coton. Océania conica et Tiara pileala avant d'être traitées comme Lizzia, etc., sont anesthésiées dans l'eau de mer alcoolisée à 3 °,. Méduses de Campanularidae. — Æucope, Gastroblasta et Obelia se fixent par le mélange de sulfate de cuivre et de sublime : au bout de deux minutes, on lave à l’eau douce jusqu'à ce que toute trace de précipité ait disparu. Milrocoma et Aequora sont tuées par l'acide acétique et immé- diatement après transportées dans le mélange chromo-osmique, où on les laisse de 15 à 30 minutes, suivant la grandeur de l'animal. Les petits Aequorea peuvent être fixées directement par le mélange chromo-osmique. Tima flavilabris est tuée par l'acide chromique à 5 ?/, qu'on verse en volume égal à celui de l'eau qui contient l’animal. Au bout de 5 minutes on le place dans le mélange chromo-osmique, où on le laisse au moins une demi-heure, puis on lave avec soin dans l'eau douce et on transporte progressivement dans l'alcool. Olindias Müllerii : On fixe avec l'acide acétique ; immédiatement on passe dans l'acide chromique à 1 %,, où avec une petite pince on étale les tentacules marginaux. Trachymedusae. — ARhopalonema, Cunina, Æginola, Ægti- nopsis, Liriope et Carmarina: On fixe avec le liquide chromo- osmique pendant 5-20 minutes, suivant la grandeur, puis on lave dans l'eau douce et on passe graduellement dans l'alcool. Cunina réussit souvent mieux quand on la tue avec l’acide acétique concen- tré et quand on la durcit ensuite avec le mélange chromo-osmique. Pour empêcher l'aplatissement de la cloche des grandes hydro- = hop 2 méduses (Carmarina, Tima), il est nécessaire de mettre sur le fond du récipient où elles sont à durcir, un verre de montre concave où on fera poser la méduse renversée. ACALEPHAE. Les Charybdea sont fixées rapidement par le mélange chromo- acétique N° 2, et aussitôt après sont traitées par l'acide chromique à 1/2 °/, ; au bout d'une demi-heure, quand on transporte dans l’alcool, on a soin de les suspendre par les tentacules. Les Nausethoe, les Ephyra de Pelagia et les Rhizostoma , sont tuées en ajoutant à l’eau de mer, dans laquelle elles nagent, 3°, d’une solution d'acide osmique à 1°/,, et aussitôt qu'elles commencent à prendre une légère teinte brune, on lave à l'eau douce pendant deux minutes et on met dans l'alcool à 35°. Pour éviter l’aplatis- sement de l’ombrelle du Rhizostome, on tue celui-ci dans un bocal à col légèrement rétréci, et quand l'animal se trouve dans l'alcool, on enlève le bouchon et on ferme l'ouverture avec une vessie, de telle sorte que, en retournant le bocal avec la méduse, le bord de l’om- brelle arrivera aux bords du col du récipient, tandis que la partie couverte restera libre dans le col. La méduse restera dans cette position jusqu’à ce que l'alcool soit porté à 70°, et que tout le corps soit imprégné de ce liquide. Pelagia nocliluca : On laisse dans le liquide chromo-osmique pendant près d’une heure, puis on lave à l’eau douce; on lie alors un fil autour de l'extrémité de chaque tentacule sans le détériorer, et quand l'animal est passé dans l'alcool faible , on suspend de telle façon que la cloche ne touche pas le fond du récipient ; de cette manière, il peut rester jusqu’à ce qu'il soit durci complètement. Colylorhiza tuberculala (Cassiopeia) : On fixe à l'acide osmique comme pour les Rhizostomes, et aussitôt que l'animal commence à prendre une légère teinte brune, on substitue au liquide du bichro- mate de potasse à 5 °/, qui sera renouvelé au bout de 2 jours ; l'ani- mal doit rester dans ce réactif au moins une semaine, mais peut y rester davantage sans inconvénient. Puis l'alcool à 35 ‘/, est subs- titué au bichromate, et comme il s’est déposé un très grand nombre de cristaux dans les tissus de l'animal, et en outre qu'il s’est formé 49 un épais précipité au fond du récipient, il est nécessaire de renou- veler souvent l'alcool, auquel on peut ajouter d’abord quelques gouttes d'acide sulfurique concentré. Les larves d'Acalèphes (Scyphistoma, Strobila), se tuent par le sublimé concentré chaud ; les strobiles se fixent aussi bien par un mélange d’acide acétique concentré (9 parties) et d'acide osmique à 1 °/, (4 partie) ; immédiatement après, on lave à l'eau douce. SIPHONOPHORA. Comme pour les Hydroméduses, la préparation se fera aussitôt après la pêche, et on choisira les exemplaires qui sont dans de bonnes conditions vitales. Spécialement pour les Physophorides, il suffira souvent de laisser 2 heures dans le même récipient où l'eau aura subi un changement de température, pour que toute la colonie s'en aille en morceaux, ou devienne fragile au point de se diviser aussitôt qu'elle vient en contact avec le liquide fixateur. On doit aussi avoir grand soin de nettoyer parfaitement les récipients qui contiendront les animaux avant de les tuer ; j'ai pu observer souvent qu'il suffit d'une légère trace d’un acide ou d’un autre réactif pour dissocier toute la colonie. Athorhybia rosacea, Y'unique représentant de la famille des Atho- rhybiadae, qui se trouve dans notre golfe , est très rare , et ce n'est qu'avec un exemplaire que j'ai pu le préparer, en le tuant avec le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé ; l'animal subit quelque contraction, mais reste entier; je l'ai lavé à l’eau douce et l'ai plongé dans l'alcool. Pour les espèces très délicates (Physophoridae, Agalmidae, etc.), il est bon de ne pas verser directement les animaux, avec l'eau, du récipient où ils nagent dans le cristallisoir où l'on doit les tuer, mais de les faire passer avec la plus grande précaution en immergeant dans l’eau les deux récipients dans une terrine. On laissera dans le cristallisoir la quantité d'eau suffisante pour que l'animal puisse flotter, et on attendra quelques instants pour que les polypes et les filaments pêcheurs soient bien étalés. Les genres Physophora, Agalma, Halislemma, Forskalia, sont — 124 — tués avec le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé (1), en volume égal à celui de l’eau de mer que contient le cristallisoir, ou en volume double ; le mélange doit être versé rapidement et non sur l’animal. Celui-ci, au bout de quelques minutes, quand il est mort, est transporté avec une large spatule , dans le liquide durcis- sant qui d’ailleurs n’est pas le même pour toutes les espèces. a). Physophora, Agalma, Halistemma, sont durcis directement dans lalcool à 35°, et au bout de 2 heures, portés dans l'alcool à 70°. Aussitôt que Physophora est passé dans lalcool à 35°, avant que les filaments pêcheurs soient rigides, on les étend le plus pos- sible avec une petite pince. Pour changer le liquide qui est contenu dans les cloches natatoires, il est bon de faire des injections par l'ouverture de chacune d’elles avec une pipette. Presque toujours il se forme dans les cloches de petites bulles d'air qui, par leur ten- dance à monter à la surface, peuvent altérer la position naturelle des cloches, ou bien, en soulevant toute la colonie, peuvent l’é- craser contre la surface du liquide. Pour faire sortir ces petites bulles, il suffit de comprimer légèrement les cloches. b). Le genre Forskalia est transporté du mélange de sulfate de cuivre et de sublimé , dans le liquide de FLEMMING (2), où il peut rester de 2 à 6 heures suivant la grandeur de la colonie; on lave ensuite pendant quelques heures dans l'eau douce, et on porte graduellement dans l'alcool à 70°. Le durcissement des grandes colonies se fait mieux dans le mélange de bichromate de potasse et d'acide osmique, car on peut les y laisser plus de 24 heures sans qu'elles se durcissent trop ; comme le bichromate dépose dans les tissus des cristaux qui les rendent opaques, quand lanimal est passé dans l'alcool, on peut ajouter à ce liquide, quelques gouttes d'acide sulfurique concentré qui dissout les cristaux ; après quoi la colonie peut passer dans l’alcool pur. (1) Je me suis servi de cette méthode pour la première fois en 1885, comme l'indique une note du Prof. LEUCKART insérée dans le Zoolog. Anzeiger, 8 Bd., p. 333, et depuis lors personne n'en a fait mention, sinon récemment le Dr M. Bepor qui a décrit une méthode presque semblable (in : Arch. Sc. Physiqg. Nat., Genève (3), t. 21, 1889, p. 556). | (2) Acide chromique au 100€ : 25 ©. : acide osmique au 100° : 10 tt. ; acide acétique glacial : 5 CC. ; eau distillée : 60 ce. — 125 — Pour conserver définitivement les Physophorides , après qu'ils sont restés à durcir dans l'alcool à 70° dans des cristallisoirs pendant 2 jours, on mettra en tube, en adaptant l'ouverture du tube à l’ex- trémité antérieure de la colonie, en immergeant lentement dans le liquide et en faisant pénétrer avec précaution l'animal et le liquide ensemble. Les petites Agalma et Halistemma peuvent s’enlever de l'alcool en les saisissant avec une pince par l'extrémité postérieure . et en les faisant entrer, les cloches en avant, dans un tube complè- tement plein d'alcool à 70°, qui doit être d'un calibre tel qu'il ne per- mette pas à l'animal de se plier sur lui-même : le tube est bouché avec de l'ouate et, pour éviter l’évaporation de l'alcool, on met dans un autre tube d'un calibre plus grand, aussi plein d'alcool, et qu'on fermera avec le bouchon de liège habituel. Ce système du double tube, pouvant éviter les mouvements que fait le liquide dans un réci- pient non complètement plein, est très utile pour l'expédition et spécialement pour la démonstration des objets préparés, et je le recommande pour tous les animaux très délicats et pourvus d'appen- dices pouvant se détériorer facilement. Apolemia uvaria : Tuer comme pour les précédentes espèces ; durcir par l'acide chromique au 100°, qu'on substitue dans le même récipient au mélange de sulfate de cuivre et de sublimé. Celui-ci est enlevé avec un siphon. Dans l'acide on laisse une vingtaine de minutes : on lave ensuite à l'eau douce : on substitue ensuite à l’eau de l'alcool par le moyen d'un siphon. Rluzophysa : On laisse l'animal s'étaler dans un verre avec un peu d’eau et on tue au sublimé concentré chaud. Physalia caravella : Pour bien laisser les appendices et les polypes s’étendre , on transporte l'animal dans un vase. cylindrique rempli d’eau de mer limpide, en ayant soin de le saisir par le pneu- matophore, pour éviter la forte action urticante. La préparation réussit d'autant mieux que le cylindre est plus élevé, parce que les filaments sont très extensibles. Quand l'animal est bien étendu, on en versant dessus le mélange de sublimé et d'acide acétique (un quart du volume de l'eau de mer), et aussitôt qu'il est mort, on le fait passer, de la même manière que la première fois, dans un vase cylindrique semblable contenant de l'acide chromique à 1/2 °], et ensuite, pendant 20 minutes environ, dans l'alcool à 50°, et finale- ment dans l'alcool à 70°. 22PADE = Hippopodius, Galeolaria, Abyla : On tue par le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé, puis on transporte directement dans l'alcool faible. La cloche d’Abyla se prépare aussi avec le liquide chromo-osmique. Praya se fixe comme Hippopodius, mais doit ensuite durcir avec le mélange de bichromate de potasse et d'acide osmique, où il doit rester un ou deux jours. Diphyes : Sublimé chaud pour tuer avec la chaîne des individus étendus. Velella se tue par le mélange chromo picrique ou le mélange d'a- cide chromique et de sublimé , et au bout de quelques minutes, on transporte dans l'alcool faible. Pour Porprta, on la tue lentement en faisant tomber avec une pipette quelques gouttes de liquide de KLEINENBERG dans le verre où elle est étendue, et quand la belle couleur bleue de la colonie commence à devenir rouge, par l’effet de l'acide, on transporte dans le liquide de KLEINENBERG , et on laisse 15 minutes avant de mettre dans l'alcool faible. CTENOPHORA. Beroe ovata, Hormiphora. Callianira, Lampetia, Euchlora et les formes jeunes de Cestus, Eucharis et Bolina : On tue en fai- sant tomber l’animal dans le mélange chromo-osmique , où on laisse de 15 à 60 minutes suivant la grandeur. Ensuite on fait passer dans l'alcool qu'on porte graduellement à 70°. Beroe ovala se durcit dans l'alcool en faisant pénétrer par la bouche, dans la cavité gastrique, un tube de verre de grandeur suf- fisante pour maintenir l’animal gonflé. L'animal sera tenu suspendu dans le liquide en laissant dans le tube retourné la quantité d'air suffisante pour le faire flotter. Cette opération sera faite avec beaucoup de soin pour que les séries longitudinales de palettes vibratiles ne soient pas lésées. Après que l'animal est resté 1 ou 2 jours dans l'alcool à 70°, on enlève le tube et l'animal durcit en conservant sa forme. Pour que Beroe Forskali, qui est naturellement comprimée, puisse mourir à l'état d'expansion, il est nécessaire de la laisser immergée dans le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé ; et, TO — aussitôt après la mort, de la durcir dans le liquide chromo osmique pendant une heure au moins. Pour cette espèce , il n’est pas néces- saire d'introduire dans le tube. Callianira peut être préparée par la méthode déjà indiquée, et en outre, en fixant par le mélange suivant : Acide pyroligneux concentré............. 1 vol. Sublimé concentré ......... PRE ER LR Te 1 vol. Aeide Chronique 1/8") RSR 1 vol. Cestus Venertis : L'animal est laissé dans un peu d’eau, et rapide- ment on y verse le mélange chromo acétique N° 1, qui doit remplir le récipient aux trois quarts ; alors l’animal se disposera en spirale, en faisant poser sur le fond le côté opposé à la bouche. Au bout de 10 minutes, on lavera à l’eau douce et on effectuera avec grand soin le changement des divers alcools. Les exemplaires à préparer de- vront être dans de très bonnes conditions ; autrement on les verra se gonfler dans le liquide fixateur. Dans le mélange chromo osmique, on pourra aussi bien fixer, mais beaucoup d'exemplaires seront dé- tériorés et seront trop colorés, tandis que par la méthode précé- dente, ils deviendront blancs et assez transparents. Vexillum peut être préparé par les méthodes précédentes. ECHINODERMA. Crinoïdea. — Antedon rosacea (Comatula) s'immerge direc- tement dans l'alcool à 70°, tandis que l'A. phalangium s'y frag- mente, et par suite doit être tuée dans l'alcool à 90°, Les formes larvaires pentacrinoïdes s'anesthésient par l'hydrate de chloral au 1000, en les laissant de 2 à 4 heures ; on les durcit ensuite à l'alcool, et elles restent avec les bras parfaitement éten- dus. Les stades très avancés se tuent très bien au sublimé concentré, où on les laisse seulement quelques instants pour éviter que la chaux de l'animal ne se dissolve. Asteroïdea. — Pour préparer les Stellérides, avec les pieds am- bulacraires en état d'extension, on fait mourir l'animal dans l'alcool — 128 — de 20 à 30°/,, en le disposant dans le récipient avec les aires ambu- lacraires par dessus. Luidia, munie de pieds ambulacraires très développés, est re- tournée dans un cristallisoir avec un peu d’eau de mer, et quand les pieds sont étalés , on y verse le mélange chromo acétique N° 2. Im- médiatement après l'animal est mis dans l'alcool faible. Chez Brisinga les bras se détachent facilement. Pour éviter cela, on immerge rapidement dans l'alcool absolu. J'ai obtenu de belles préparations de Bipinnaria, en fixant par le mélange chromo acétique N° 1, ou bien avec le mélange chromo osmique, mais en faisant rester quelques minutes. Les autres formes larvaires se traitent au sublimé concentré. Les Ophiurides meurent dans l'eau douce, car elles y restent étendues et entières. D'autres petites formes (Amphiura, Ophiactis), peuvent être fixées directement dans l'alcool faible. Ophiomyxa penlagona, qui a le corps mou, est durei à l’acide chromique à 1/2°,. Ophiopsila annulosa, qui se rompt dans l’eau douce, sera tuée directement dans l’alcool absolu. Echinoidea. — Pour préparer les Oursins avec les pieds ambu- lacraires étalés, on les met dans un peu d’eau de mer et on y verse le mélange chromo acétique N° 2. Le transport dans l'alcool doit être fait aussitôt après, pour éviter que l'acide n’attaque la chaux de l'animal. Si l'on veut conserver l'oursin pour l'anatomie , ou même seulement pour la forme, on devra pratiquer deux petits trous op- posés sur le squelette dermique, de manière à faire sortir tout le fluide contenu, et ensuite immerger dans l’alcool, en faisant remplir la cavité générale de ce liquide. En faisant passer l'animal dans l'alcool plus fort, on aura soin de changer encore le liquide à l'inté- rieur de la cavité. Les petites formes s’immergent directement dans l'alcool à 70°, sans ces précautions. Si l'on veut conserver les oursins 4 sec, après les avoir débar- rassés de Peau qu'ils contiennent, on les laissera pendant un ou plusieurs jours dans l'alcool à 70° ordinaire, puis on fera sécher à l'air ou au soleil. Holothurioidea.— Ces animaux réclament plus de soin que les autres Echinodermes, parce qu'ils ont le corps mou et contractile, = — mais aussi de plus parce que tous sont munis de tentacules, qui, au contact des réactifs se contractent ou se retirent à l’intérieur du corps. De plus, diverses espèces, aussitôt plongées dans le liquide fixateur, rejettent tout leur intestin et se déforment complètement, ce qui, du reste, se fait aussi dans l’eau de mer si celle-ci subit de légères altérations. On remédie à tous ces inconvénients de la manière suivante : Tout d’abord,on met, comme toujours, l'animal dans l’eau de mer limpide. On recommande, pour les espèces qui doivent être fixées dans les acides, de les y laisser le temps strictement nécessaire pour les tuer, afin de ne pas laisser dissoudre les corpuscules calcaires cutanés. Les grands exemplaires d’Holothuria et de Stichopus , aussitôt qu'ils ont leurs tentacules buccaux en pleine extension, sont saisis avec deux doigts ou avec une petite pince un peu au-dessous des tentacules, et enlevés de l’eau de mer; on plonge ensuite toute la partie antérieure dans un récipient un peu profond contenant de l'acide acétique concentré. En même temps, une autre personne doit injecter de l'alcool à 90° avec une seringue dont la canule est , introduite dans l'ouverture anale de l'animal. On introduit l'alcool sans grande pression, pour ne pas trop faire gonfler le corps; et aussitôt que l'Holothurie est morte, on l’immerge dans l'alcool à 70° en fermant l'ouverture anale avec un petit bouchon de liège pour empêcher la sortie du liquide et le dégonflement du corps. L’injec- tion doit être répétée à tout renouvellement successif de l'alcool. Pour quelques espèces, par exemple, Holothuria Poli, les opéra- tions doivent être#aites avec la plus grande précaution, parce que la peau se détache facilement. Holothuria impatiens , qui a le corps délié et allongé, doit être serrée par le cou pour empêcher la contraction des tentacules , et par l'extrémité postérieure, pour empêcher la contraction du corps, et de cette manière tout l'animal est plongé dans l’acide acétique concentré. Quand il est mort, on transporte rapidement dans l’al- coo! sans qu'il soit besoin d’injecter. Thyone, Thyonidium, Phyllophorus. On saisit sans grande force par le cou et on immerge tout le corps dans l'acide acétique, et aussitôt après on transporte dans l’alcool faible. Si les individus — 130 — sont très petits, la pression sur le cou se fait par le moyen d’une pince et non avec les doigts. Cucumaria Planci se prépare comme les grandes Holothuries , seulement l'injection d'alcool se fait par la bouche, dans le but de laisser les tentacules gonflés, et il n’est pas nécessaire de fermer avec un bouchon. Les autres espèces de Cucumaria sont tuées de la même manière ; les petites ne nécessitent pas d'injection. Les grandes Synapla, dont la préparation est très difficile à cause de leur tendance à se couper, se fixent par immersion dans un tube avec de l’eau de mer et de l’éther en parties égales : elles y meurent complètement étendues ; on lave bientôt après dans l’eau douce, et, passant dans l'alcool, on aura soin d'opérer graduellement pour ne pas causer de contraction. A l’éther on peut substituer le chloroforme. | Le durcissement peut encore se faire en mêlant à l'eau douce, au moment où on lave, 2? à 3 cm. cubes d'acide chromique à 1 °/,, et au bout de quelques secondes, on passe dans l'alcool faible. Par cette méthode, j'ai fixé Mol/padia musculus, qui est rare, et la petite Chirodota venusla. Auricularia se tue bien par le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé, ou de sublimé seul. ENTEROPNEUSTA. Le Balanglossus se fixe bien par le liquide de KLEINENBERG ou par l'acide chromique à 1/2°/,. En l’anesthésiant par l'eau de mer alcoolisée, on obtient des exemplaires bien étendus et droits. La Tornaria se tue par le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé , et peut être bien fixée aussi par le sublimé concentré ou par le mélange chromo osmique. VERMES. Les Cestodes sont fixés par le sublimé concentré froid; les Trématodes par le sublimé concentré chaud. Si l’on veut en avoir des préparations éclaircies pour les monter pour le microscope, on EH — doit mettre l’animal entre les deux lames de verre qu'on comprime en les fixant ensemble, ou bien en le mettant dans un cristallisoir sous un léger poids. Quand les animaux seront suffisamment com- primés par les verres mis sur le fond du cristallisoir avec un peu d'eau de mer, on tue en versant dessus du sublimé concentré bouil- jant, ct en les y laissant, jusqu’à ce qu'ils ne donnent plus signe de contraction. Puis, en enlevant les lamelles, on laisse les vers se fixer par le sublimé concentré froid, parce que le sublimé bouillant, ne pénétrant pas bien entre les deux lames, ne fixe que les parties périphériques. Par ce procédé, j'ai eu des préparations bien étendues et aplaties de Tristomum, Acanthocotyle, Distomum, Calicotyle, et de beau- coup d’autres Distomes et Polystomes. Rhadocœæla et Dendrocœæla. — Aussitôt étendus dans un peu d’eau, ils sont tués par le sublimé concentré bouillant, et immé- diatement versés dans un récipient plus grand contenant de l’eau douce pour refroidir le liquide et les animaux. De ce mélange on transporte dans l’eau douce, et quelques minutes après dans l'alcool. Pour quelques Polyclades (Æurylepta, Pseudoceros), il est néces- saire que le sublimé soit peu échauffé, sans quoi le corps se dissocie. Les larves de MuELLER se tuent aussi bien par le sublimé froid ou bouillant. Nemertini. — J'ai rencontré de grandes difficultés pour la préparation de ces vers qui, dès qu'ils se trouvent dans de mau- vaises conditions ambiantes, se contractent beaucoup en rejetant furieusement leur trompe, et en se réduisant souvent en morceaux. Parfois j'ai réussi à anesthésier diverses espèces en ajoutant petit à petit à l’eau de mer de l'alcool qui, en se mélangeant à l’eau , agis- sait lentement et tuait les animaux ; cette opération réclamait beau- coup d'attention, et souvent même, après que les vers ne donnaient pas signe de vie, en les transportant dans le liquide fixateur, ils se contractaient et se déformaient. Pour les grands exemplaires de Cerebralulus marginatus que je ne réussissais pas à tuer entiers par la méthode précédente, j'im- mergeais rapidement dans un mélange de liquide de MuELLER (7 par- 2 ties) et d'acide chlorhydrique concentré (1 partie); je laissais quel- ques minutes, et quoique les animaux, à peine dans le liquide, aient chassé leur trompe à l'extérieur, ils ne se coupaient pas en morceaux. Finalement, après des expériences réitérées, j'ai réussi en juin 1884, à anesthésier les Némertiens dans une solution d'hydrate de chloral dans l’eau de mer à 1 ”/,, (1), où ils doivent rester de 6 à 12 heures ; après quoi je durcis dans l’alcool dans une petite caisse de zinc allongée, à fond de cire. Les animaux anesthésiés pendant un temps insuffisant, portés de nouveau dans l’eau de mer, ne tardent pas à reprendre leurs mouvements et reviennent en pleine vitalité. Par cette méthode, j’ai pu obtenir de bonnes préparations des genres Carinella, Cerebratulus, Drepanophorus, Nemertes, Po la, etc., en parfait état d'extension et avec la trompe en place ; pour les genres plus résistants (Langia, Amphiporus, etaussi Drepano- phorus), après l'anesthésie dans la solution au 1000°, il sera bon de passer pendant quelques heures dans la solution au 2/1000° avant de tuer. La forme larvaire Pilidium se tue ou avec le mélange de sulfate de cuivre ou de sublimé, ou avec le sublimé concentré. Les Nématodes libres et parasites sont toujours tués par le sublimé concentré ou le liquide de KLEINENBERG. Chaetognatha. — On fixe très bien par le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé, et par le mélange chromo osmique. Gephyrea. — Les Sipunculus sont tués par l'acide chromique à 1/2 °/, ou encore plus faible ; la plus grande partie d’entre eux y meurent avec la trompe étalée ; anesthésiés par l’hydrate de chloral (1) Quelque temps après, le D' A. FŒTTINGER , dans une note ( Renseignements techniques dans Arch. de Biol., t. 6, 1885, p. 115), où il parle de l'usage de l'hydrate de chloral pour l’anesthésie de quelques animaux marins , conseillait de faire tomber les cristaux au fond du verre où ils sont contenus, Mais, comme le font justement observer LEE et HENNEGUY dans leur « Traité des méthodes techniques de l'anatomie micros- copique », cette méthode appliquée aux Némertiens ne donne pas de bons résultats, parce que l’animal chasse sa trompe au dehors. = — à 14/1000° dans l’eau de mer, ils meurent parfois étendus; mais il arrive souvent avec les deux méthodes, ou bien qu'une partie des animaux reste contractée, ou bien que chez quelques-uns , pendant l’'agonie, la peau se rompt à la partie antérieure du corps avec sortie de tout le liquide périviscéral, de sorte que le corps se déforme en partie. Les Phascolosoma réussissent bien dans l’eau de mer alcoolisée, en laissant jusqu’à la mort (3 à 6 heures). Phoronis doit être laissée 2 heures dans l’eau de mer alcoolisée, après quoi l’on tue par le sublimé concentré bouillant. Pour tuer les grandes Bonellia, on attend qu’elles aient bien éten- du leur trompe, et alors on maintient le corps de l'animal d’une main, et avec une pince on saisit l'extrémité de la trompe pour la tenir étendue, et rapidement on plonge dans une cuvette allongée à fond de cire contenant le liquide de KLEINENBERG ; et, en tenant l'animal toujours étendu , pour empêcher la contraction, on attend qu'il soit mort. Alors on laisse encore pendant une heure dans le liquide avant de passer dans lalcool. Les petites Bonellies sont anesthésiées par l’eau de mer alcoolisée, et fixées dans l'alcool faible. Les mâles pygmées de ces Géphyriens se fixent très bien par le sublimé chaud. Les larves pélagiques d'Echiurus se fixent bien en les laissant quelques minutes dans le mélange de sulfate de cuivre et de sublime. Hirudinei. — Les Pontobdella et les Branchellion se tuent dans l'alcool chromique à 1/2 °/. Le sublimé concentré chaud m'a donné de bons résultats dans la préparation d'un nouveau genre qui sera décrit sous peu par APATHY sous le nom de Pseudobranchel- lion, et qui a été trouvé sur Thalassochelys corticala. Une méthode usitée par APATHY pour fixer les Hirudinées consiste à les étendre dans le liquide fixateur dans une cuvette à fond de cire par le moyen de deux épingles enfoncées aux extrémités du corps. Chaetopoda. — Plusieurs d'entre eux, après être immergés dans un liquide fixateur trop énergique, se contractent énormé- ment, se contournent, et souvent se coupent, et donnent ainsi une idée tout à fait fausse de leur forme naturelle. J'ai remédié tout d'abord à cet inconvénient en versant peu à peu sur la surface de — 154 — l'eau de mer contenue dans un eristallisoir, une couche d’un mé- lange ainsi formé : glycérine, 1 partie; alcool à 70°, 2 parties, et eau de mer, ? parties. Graduellement cette couche se mêle à l’eau de mer, et les animaux, au bout de quelques heures, étaient anes- thésiés, au point de se laisser étendre dans l'alcool plus fort, où ils restaient parfaitement droits et la plupart du temps avec la trompe étendue. L'expérience m'a démontré que l’alcool suffit à lui seul pour atteindre ce but; par suite, au lieu du mélange précédent, je me borne à mélanger à l’eau de mer 5 °/, d'alcool absolu, et j'y immerge les formes à tuer, en Les y laissant jusqu’au moment où elles perdent tout mouvement , ce qui arrive au bout d’un temps qui varie, pour les diverses espèces, de 2 à 12 heures. ILest bon que les animaux ne meurent pas complètement dans l'eau de mer. Le durcissement se fait dans l’alcoo!l à 70°, dans les cuvettes allongées, à fond de cire, en redressant, quand il est nécessaire, à l’aide d'épingles ; on laisse dans les cuvettes pendant 2 heures, après quoi l’on met en tube, en aisant rester dans la position horizontale pendant 1 ou 2 jours; puis, comme l'alcool à 70° ne pénètre pas bien à l’intérieur de l'ani- mal, pour empêcher la macération, il est nécessaire de conserver définitivement dans l'alcool à 90°. Pour les espèces plus grandes, il est utile de suspendre dans le tube avec un fil à un petit flotteur. Par la méthode précédente, on prépare bien les Annélides appar-. tenant aux familles suivantes : Polygordüdæ, Opheliadæ, Capitel- lidæ, Telethusidæ, Maldanidæ, Aricüdæ, Cirratulidæ, Spionidæ, Terebellidæ (à l’exception des genres Polymnia et Lanice, qui sont tués par le mélange de sublimé et d'acide chromique) ; — des Apbroditidæ, quelques Polynoïnæ et tous les Sigalioninæ ; les Am- phinomidæ qui peuvent aussi être bien fixés par le sublimé concentré; des Eunicidæ, les Staurocephalinæ, les Lysaretinæ et les Lumbri- conereinæ. De même, les Nereidæ, Glyceridæ, Syllidæ, Hesionidæ et Phyllodocidæ. De plus, dans la famille des Chloremidæ, les genres Stylarioides et Trophonia sont anesthésiés par l’eau de mer alcoolisée ; Sipho- nostomum diplochailos , de la même famille, se tue dans une solu- tion d'hydrate de chloral à 5 °},, en durcissant ensuite par l'acide chromique à 1°}. Cet animal, traité avec les liquides ordinaires, se coupe avec la plus grande facilité. R — Les Hermionidæ s’immergent directement dans l'alcool à 76°, en ayant soin de les empêcher de mourir courbés. Les Chætopteridæ, Sternaspidæ, les grands Spirographis et les grands Serpulinæ du genre Protula (ces deux derniers doivent être tirés d’abord avec le plus grand soin de leur tube), se tuent dans l'acide chromique à 1 ‘/,, en laissant au moins une demi-heure ; après avoir bien lavé, on passe dans l'alcool à 70°, puis dans l’al- cool à 90°. Avec le sublimé concentré froid, en faisant rester 15 minutes au plus, on tue les Annélides suivantes : Tous les Amphictenidæ , les Hermellidæ, les Serpulidæ, quelques-unes d'entre elles doivent être laissées d'abord quelques heures dans une solution d'hydrate de chloral à 4/1000° ; puis on les fait sortir en partie ou entièrement de leur tube: des Aphroditidæ, quelques Polynoïnæ, Polyodontes mazxillosus ; des Eunicidæ : toutes celles du groupe des Eunicinæ. Quelques-unes de celles-ci, comme la Diopatra, se fixent bien par anesthésie dans l'eau de mer alcoolisée. Les Alciopidæ se préparent très bien en les tuant par le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé , en laissant au maximum 5 mi- nutes ; on aura soin de bien laver dans l’eau douce avant de passer dans l’alcool. Les Tomopteridæ se conservent par la méthode précédente . ou par le sublimé concentré froid. CRUSTACEA. Les Cladocères marins ( Podon, Evadne) sont lués par le su- blimé concentré, ou par quelques gouttes d'acide osmique à 1 °/, dans Peau de mer où ils se trouvent, jusqu'à ce qu'ils deviennent légèrement bruns. Les Ostracodes sont mis directement dans l'alcool à 70°. Copepoda. — Les Copépodes libres sont tués dans une solu- tion de sublimé concentré dans l’eau de mer, et on y laisse de 5 à 10 minutes ; les parasites sont tués, ou dans le sublimé concentré comme les libres, ou directement dans l'alcool faible. — 156 — Cirripedia. — Pour préparer Lepas, Conchoderma, etc., avec les cirrhes étendus, on tue dans l'alcool à 35", et si quelques espèces se contractent, il est facile de les tirer au dehors avec une petite pince. Les Balanus, etc., s'immergent directement dans l'alcool à 70°, en ayant soin de bien changer le liquide. Les Rhizocéphales ( Sacculina. Pellogaster, etc.), sont laissés pendant 15 minutes dans un mélange d'alcool à 90° et de sublimé concentré à parties égales, après quoi l’on passe dans l'alcool à 70°. Amphipoda. — Tous les Lémodipodes, Crevettines et Hy- perines, se préparent directement dans l'alcool à 70°. Les formes transparentes de la dernière division (Phronima, etc.) dans le su- blimé concentré. Isopoda. — Dans l'alcool à 70° directement, à l'exception des Bopyridæ et des Entoniscidæ, qu'on met dans le mélange d'alcool à 90° et de sublimé concentré à parties égales, comme les Rhizocé- phales, ou bien dans le sublimé concentré. Cumacea, Stomatopoda. — Dans l'alcool directement. Les larves transparentes des Stomatopodes dans le sublimé concentré pendant quelques minutes. Schizopoda. — Dans l'alcool directement ou dans le sublimé concentré. Decapoda. — Pour éviter que les appendices ne se détachent, faire mourir dans l’eau douce avant de transporter dans l’alcool, et laisser seulement le temps nécessaire, sans quoi les appendices membraniformes se gonfleraient. Pour les Pagurides, avoir soin de bien changer l'alcool et de conserver définitivement dans l'alcool à 90°, car l'abdomen est revêtu d’un tégument peu perméable. Les larves des Décapodes (Zoe, Phyllosoma, etc.), se fixent ou dans le sublimé concentré, ou avec quelques gouttes d'acide os- mique à 1 °/, dans l’eau de mer où elles se trouvent. AIT E PANTOPODA. On tue dans l'acide chromique à 1/2 °/, pour que les pattes restent étendues. Comme ces animaux sont toujours couverts de corps étrangers, il est nécessaire de les laisser vivre pendant quelques jours dans des verres avec de l’eau de mer fraiche pour qu'ils s’en dépouillent. MOLLUSCA. Pour préparer les Lamellibranches avec les valves ouvertes, on narcotise dans l’eau de mer alcoolisée, et on laisse de 6 à 12 heures ou plus encore, suivant les diverses espèces. Les Sipho- nés ne doivent être transportés dans l'alcool qu'après avoir été bien anesthésiés, autrement les siphons se contractent. Pour plus de pré- caution, il sera bon de mettre de petits morceaux de bois entre les deux valves pour en empêcher le rapprochement. La Lima, qui a, au bord du manteau, une quantité de tentacules qui tombent par la méthode de l’eau alcoolisée, sera tuée par l'acide chromique à 1/4°/,. Scaphopoda.— Dentalium s’anesthésie par l'hydrate de chloral à 2/1000°, en y laissant l'animal de 12 à 24 heures ou plus, et en passant ensuite dans l'alcool à 70°. Gastropoda Prosobranchia. — Les Placophores et les fa- milles de Patellidae, Fissurellidae, Haliotidae, se préparent étendus avec l'eau de mer alcaolisée. Pour éviter que les Prosobranches à coquille spirale, qui s’éten- dent dans l’eau de mer alcoolisée, ne se retirent de nouveau quand on passe dans l'alcool à 70°, il est bon, quand ils sont en partie anes- thésiés dans l’eau de mer alcoolisée, de les maintenir au plus grand état d'extension possible, en liant le bord même de l’opercule à la coquille. | Nalica Josephinia peut être fixée à l’état d'extension complète par l'addition graduelle à l’eau de mer de l'alcool à 70°, jusqu'à ce = LIBRARY z LR Gun DER S7 UD = que l'animal ne réagisse plus aux stimulants, ce qui arrive au plus tard, au bout de 2 à3 jours. Puis l'on tue en versant rapidement de l'acide acétique concentré, et en transportant rapidement dans l’al- cool faible. Si l’on veut être sûr d'obtenir au moins quelques indi- vidus bien préparés, il est nécessaire d'essayer avec plusieurs exemplaires, parce que quelques-uns restent toujours plus ou moins contractés. Natica millepunctata et hebrea. préparées par cette méthode, restent parfaitement contractées ; au contraire j'ai obtenu de bons résultats, en laissant ces animaux pendant quelques jours dans le mélange d'eau de mer et d’eau douce en parties égales, et en les fixant ensuite par l'acide acétique. Par le même mélange j'ai pré- paré à l’état d'extension diverses espèces de Nassa, Columbella , Conus, Trochus. Heteropoda. — Les Atlantidae s’anesthésient par l'eau alcoo- lisée, en y restant de 6 à 12 heures ; de là on met directement dans l'alcool. Pterotracheidæ : On tue par immersion dans le mélange chromo acétique N° 1 pendant 10 à 30 minutes, suivant la grandeur. On lave ensuite dans l’eau douce et on passe graduellement dans les divers alcools. Ces animaux se préparent bien aussi par le mélange chro- mo osmique, et les petits exemplaires de Carinaria réussissent très bien par le mélange de sulfate de cuivre et de sublimé. Les grandes espèces sont suspendues dans le récipient définitif, par un ‘fil lié à l’extrémité de la trompe. Opisthobranchia. — Les Bullidæ s’anesthésient lentement dans le mélange d'eau douce et d’eau de mer en parties égales, en laissant jusqu’à ce qu'ils ne réagissent plus à l'excitation ; on tue finalement dans l'acide acétique concentré et on transporte immédiatement après dans l'alcool. Gastropleron Meckelii se fixe bien dans le liquide de KLEINEN- BERG en conservant assez bien sa couleur naturelle rouge, qui dis- paraît dans les liquides ordinaires. Doridium et Scaphander : On anesthésie dans l’eau de mer al- coolisée, on tue dans l'acide acètique concentré et on transporte aussitôt après dans l'alcool. ho Philine : On laisse dans un peu d’eau de mer, et, quand l'animal est bien étendu, on tue en versant dessus brusquement de l'acide acétique concentré ou de l'acide pyroligneux concentré. Pleurophyllidia : On anesthésie par l’eau de mer alcoolisée , et ensuite on tue à l'acide acétique concentré. Aplysia limacina et punclata : On fixe dans l'acide chromique à 1°/,, et on laisse de 15 à 60 minutes, suivant la grandeur. Ap/ysia depilans est laissé pendant 12 heures dans l'hydrate de chloral à 1/1000° et ensuite fixé comme les espèces précédentes. Pleurobranchea Meckelii : On prépare par l'acide chromique à 1°, en laissant environ une heure. Pleurobranchus Meckelii et testudinarrus : On tue dans lacide chromique à 5 °/, et aussitôt après la mort on transporte dans l'acide chromique à 1 °/,. On y laisse de 15 à 60 minutes , suivant la gran- deur. Les petits exemplaires peuvent aussi être bien préparés par l'hydrate de chloral à 1/1000° et fixés ensuite par l'acide chromique à 1/100°. Umbrella : On tue lentement dans l'eau de mer alcoolisée et on passe ensuite dans l'alcool faible. Elysüdae et Æohidudae : On laisse étendu dans un peu d’eau el ensuite on tue en versant dessus rapidement de l'acide acétique concentré, ou à même volume ou à volume double de celui de l'eau. On fait ensuite passer l'animal, à peine mort, dans l'alcool faible. Phyllirhoe bucephalum : On fixe dans le mélange chromo os- mique pendant quelques minutes, ou dans le mélange chromo acé- tique N° 1. Doris, Chromodoris, etc...: On anesthésie les formes les plus grosses de ces animaux, en ajoutant peu à peu à l’eau de l'alcool à 70°, et quand, en touchant les appendices branchiaux du dos, ils ne se contractent pas, alors il est temps de les tuer avec de l'acide acélique concentré ou avec du sublimé concentré bouillant. Pour les petites formes il suffit souvent de tuer rapidement. Triopa, Idalia et Polycera : On les fixe bien avec l'acide acétique concentré comme les Elysiidés. Trilonia : On immerge les grands exemplaires dans l’eau douce, en y joignant quelques gouttes d’acide acétique, jusqu'à ce qu'ils meurent; puis on les fait durcir dans l'acide chromique à 1/2 °/,. Avec cette méthode, ils restent bien étendus, et la forme ne subit — 140 — aucune altération. On anesthésie la Marionia dans l’eau de mer alcoolisée, et on la tue par l'acide acétique. Tethys : Pour la préparer avec les appendices dorsaux en place, on la laisse bien s'étendre dans un récipient bas et large , avec une quantité d'eau aussi petite que possible, mais suffisante pour couvrir l'animal : puis on le tue, en versant dessus de l'acide acétique con- centré en quantité au moins égale à celle de l’eau de mer, et peu après l'animal meurt en état de légère contraction. Alors, par le moyen d'un siphon, on enlève le liquide et on lui substitue de l'acide chromique à 1 ‘/,; puis, avec prudence , on cherche à donner à l'a- nimal sa forme primitive, en étirant le pied que l'on fait poser sur le fond lisse du récipient, et les lobes céphaliques qui restent faci- lement. De cette façon il se durcit: et, une demi-heure après, on substitue avec un siphon à l'acide chromique de l'alcool faible. Il est nécessaire que l’animal soit suspendu dans le récipient définitif. Pteropoda. — On dispose les Hyaleidæ dans un peu d'eau; quand l'animal a bien étendu ses deux ailes, on verse dessus du sublimé concentré; et, 2 minutes après, on lave. Quant à Cresers acicula, on la prépare bien avec de l'eau de mer alcoolisée. On fixe fort bien les Cymbulidæ dans le liquide de PErENyI (1), en les y laissant 15 minutes, puis en les passant à l'alcool à 50°; si on les prépare avec le mélange chromo osmique , leur forme se fixe par- faitement, mais ils perdent en partie leur transparence. On laisse les Gymnosomes dans Phydrate de chloral à 1/1000”, de 6 à 12 heures, puis on les tue rapidement par l'acide acétique ou le sublimé. Souvent j'ai obtenu de bonnes préparations de Clopsis en la tuant dans l’acide chromique à 1/4 °. Cephalopoda. — Les préparations réussissent très bien quand les animaux sont plongés vivants dans les liquides ; ceux qui sont déjà morts depuis quelque temps et qui sont restés à sec, doivent être laissés une petite heure dans l’eau de mer, où ils reprennent (1) 4 volumes d'acide nitrique à 10 °}, 3 ù ” chromique à 1/2 °/o 3 » d’alcoo!l à 90°, — 141 — un peu leur forme ; et ensuite il sera bon de fixer dans l'acide chro- mique à 1 ‘/,, en laissant de 15 à 60 minutes, suivant la grandeur. Les petits Octopodes doivent être anesthésiés dans l'hydrate de chloral à 2/1000°, et ensuite immergés directement dans l'alcool où parfois ils se contractent en cachant leur corps entre leurs bras, mais après qu'ils sont morts il est facile de leur rendre la forme naturelle. Pour les animaux plus gros (de 15 cent. de long et plus), on fixe dans l'acide chromique à 1°} en laissant une demi-heure, et s'ils sont plus grands, plus de 2 heures. Ensuite on lave dans l'eau douce et après on passe dans l'alcool à 70°, qu'on aura soin de renouveler plusieurs fois. Ocythoe calenulala ( Philoniris), femelle, quelle que soit sa grandeur, peut être immergée directement dans l'alcool à 70°, en étendant les bras. Scaeurgus letracirrhus (Oclopus) est tuë dans le mélange d'alcool et d'acide chromique, et au bout de 20 minutes transporté dans l'alcool. Les Décapodes peuvent être fixés directement dans l'alcool à 70° ; il faut avoir soin , aussitôt qu’ils sont morts, de tirer les deux bras tentaculaires qui se contractent généralement. Pour les petites espèces il sera bon d’anesthésier d'abord dans l'hydrate de chloral à 2/1000°, et ensuite dans Peau de mer alcoolisée, et ensuite d'im- merger directement dans l'alcool. Pour mieux faire pénétrer l'alcool dans les viscères des très grands exemplaires , on fait une petite fente dans la partie ventrale du corps. Pour les formes pélagiques transparentes (Loligopsis, Verania), on immerge directement dans le liquide de KLEINENBERG et au bout d'une heure on transporte dans l'alcool faible. Les œufs, qui forment des grappes ou de petits groupes et qui sont munis chacun d'une enveloppe propre , sont fixés dans l'acide chromique à 1/2°/,, et au bout d’une heure sont plongés dans l'alcool faible qu'on porte graduellement à 70°. Ceux qui sont contenus dans une substance gélatineuse commune, après la fixation par l'acide chromique à 1/2 ‘,, sont portés dans# l'alcool à 50°, où ils resteront définiti- vement. — 142 — BRYOZOA. Les genres Pedicellina el Loxosoma sont laissés pendant une heure dans l'hydrate de chloral à 1/1000°, tuës ensuite par le su- blimé concentré froid ou chaud, et lavés immédiatement après. Quelques espèces de Bugula (purpueotincta, lurbinata), après avoir été bien étendues dans un peu d’eau de mer, sont tuées rapi- », remplaçant fonctionnellement la branchie, peut être aussi bien une branchie qu'une fausse branchie. En outre, son insertion diffère complètement de celle de la branchie des Zeugobranches ou des Anisobranches, tandis qu'elle ressemble à celle de la pseudo-branchie de Asmnpullaria, auprès du bord du manteau, pseudo-branchie qui est aussi munie de deux rangs d'appendices comme l'organe en question de Valvala. L'embryologie pourra probablement mieux débrouiller cette question. Et si, comme le croit GARNAuLT (22), une partie du manteau de Valvata cor- respond à la pseudo-branchie, qui serait ainsi sans limites dis- tinctes, ce serait pour moi une preuve de plus qu'il faut être sévère dans la critique du prétendu organe olfactif de SPENGEL. Car l’exis- lence de quelques cellules sensorielles ou d’un tubercule pigmenté n'est pas encore la preuve de l'existence d'une pseudobranchie. Rien, non plus, ne prouve que l'organe de LacazEe-DUTHIERS des Limnæus, ete., soit homologue à la pseudobranchie, organe dont on voit le développement se faire dans la classe des Cochlides où il est très peu développé chez les formes les plus primitives, et où il n'existait probablement pas chez les formes ancestrales orthoneures, de même qu'il n'existe pas chez les Orthoneures actuels. I n'y a, entre le système nerveux des Ichnopodes (Zimnæus, etc.) et celui des Cochlides, que des analogies vagues, qui ne permettent de tracer des homologies de ce genre, ainsi que je le ferai voir. C'est encore la théorie des types qui a arrêté le progrès ici, parce que SPENGEL et les partisans de l'unité de la classe des « Gastro- podes >» croient que la cavité branchiale des Cochlides est homo- HAST 2 logue à celle des Ichnopodes et Ptéropodes, erreur fondamentale sur laquelle je reviendrai plus loin (p. 231). Ainsi que je l'ai déjà déclaré, j'avais commis une erreur en pre- nant les Zygoneures pour des Orthoneures. Ce qui m'en a surtout convaincu, c'est la circonstance que, chez tous les Chiastoneures, la branchie reçoit ses nerfs du ganglion supra-intestinal, c’est-à-dire qu'elle est innervée par le système nerveux du côté opposé, tandis que chez les véritables Orthoneures, comme Bouvier l’a prouvé, la branchie est innervée par le ganglion palléal de son côté : c'est là une différence très importante et fondamentale. Bouvier affirme que, malgré tous ses efforts, il n'a pu découvrir aucun vestige de chiastoneurie chez les Orthoneures. Il ne s'ex- plique qu'avec beaucoup de réserve sur les relations entre ces der- mers et les Chiastoneures ; mais il croit que j'ai eu tort d’éloigner les Orthoneures des autres Rhipidoglosses. Cette opinion de Bouvier n'est pas logique. Pour croire que les Orthoneures dérivent des Chiastoneures, il faudrait les considérer comme des formes très modifiées, à zygoneurie double et concen- tration extrême et absolue de tous les centres de la commissure vis- cérale croisée. Or, il n'y a aucun argument que l'on puisse faire valoir en faveur de cette idée ; il y en a au contraire beaucoup qui la réfutent. Par leurs ganglions cérébraux, la saillie et la commissure labiale, les cordons pédieux, etc., les Neritidæ, ete. (ou les Ortho- neures) se rattachent, en effet, aux Rhipidoglosses, de même que par le cœur, l'appareil génital et les autres systèmes d'organes. Il est donc impossible de croire que les Orthoneures représentent l'extrême de la zygoneurie double. Si Bouvier, conduit probablement par les mêmes considérations, croit que les Orthoneures sont dérivés des Trochidæ, il ne peut donner aucune raison à l'appui de cette idée, qui est contestée par le fait que la zygoneurie n'existe pas chez les Rhipidoglosses, mais se manifeste seulement chez les Tænioglosses. Mais en admettant même que les Neritidæ aient un système ner- veux concentré à zygoneurie double, jamais la partie viscérale n y pourrait offrir l'aspect qu'il a en réalité. Les Orthoneures ont, en ° PP CE De = effet, un système nerveux absolument symétrique, et le ganglion palléal gauche, qui, d’après Bouvier, devrait contenir Le ganglion supra-intestinal, est absolument identique au ganglion correspondant du côté droit. Comme là, le nerf columellaire est situé à l'extrémité médiale du ganglion palléal, montrant ainsi que le ganglion palléal gauche est, en effet, et seulement, le ganglion palléal. Il faudrait donc ajouter à toutes ces présomptions hasardées, l'hypothèse que le nerf branchial a changé d'origine en sortant du ganglion palléal gauche au lieu de naître du ganglion supra-intestinal, confondu en une masse unique avec les centres sous-intestinal et abdominal. Il serait, en effet, assez radical de résoudre la question de l'or- thoneurie par l'hypothèse que toute la commissure viscérale croisée s'est concentrée dans un seul ganglion. Mais j'ai montré que, même avec cette hypothèse, on ne peut pas expliquer les faits, parce que le nerf branchial naît du ganglion palleéal gauche. Si, au lieu de se servir d'hypothèses aussi hasardées à l'appui desquelles il n'y a aucun argument, on préfère envisager les faits comme ils se présentent, par l'étude comparative, il devient évident que, parmi les Rhipidoglosses il y a des Orthoneures et des Chiasto- neures, ainsi que je l'avais indiqué, et comme Bouvier l’a confirmé, et que c’est seulement des Chiastoneures que se sont détachés les Tænioglosses et Sténoglosses ; il n'y a aucune raison de trouver cela extraordinaire. Je crois que personne ne peut douter que la chiastoneurie’'des Cochlides, disposition particulière du système nerveux qui n’a pas de pendant dans tout le règne animal, a été acquise par les formes les plus primitives des Zeugobranches. L’on peut, en effet, démon- trer que la Cluasloneurie des Zeugobranches est beaucoup moins developpee que celle des Slènoglosses el de la plupart des Tænio- glosses. Il est donc bien manifeste que la Chiastoneurie s'est formée chez les Zeugobranches, et que les ancêtres des Zeugobranches actuels les plus archaïques avaient la commissure viscérale non croisée. Ces formes — vers lesquelles l'anatomie'de Pleurolomaria mon- trera peut-être un rapprochement — se sont modifiées en Ortho- neures actue]s. Il est donc bien naturel que ceux-ci soient aussi Rhi- pidoglosses, qu'ils aient conservé les caractères primitifs tant dans le système nerveux que dans le reste de l’organisation, ayant le = 159 = cœur diotocarde et traversé par le rectum, au moins dans leurs formes marines. Il n’y a là rien d'étonnant; c'est seulement la preuve que les formes les plus primitives des Cochlides avaient les branchies symétriques et innervées symétriquement par le ganglion palléal de leur côté, qu'ils étaient Rhipidoglosses et Diotocardes. Chez la plupart des Zeugobranches, et des Diotocardes en général, il n'y a pas de ganglion supra et sous-intestinal, mais il a toujours un ganglion abdominal. Il y a donc chez les Orthoneures comme chez les Zeugobranches, dans la partie viscérale du système nerveux, une paire de ganglions palléaux et le ganglion abdominal ou viscéral de Bouvier, qu'il n'y a aucune raison de ne pas considérer comme homologues, malgré les différences secondaires que l’on observe naturellement. Bouvier prend le ganglion sous-intestinal, présomp- tion que l'on ne peut pas admettre, comme je l'ai expliqué, et comme le prouve l'origine du nerf génital. Si l’idée que j'ai émise est exacte — c'est-à-dire si les ganglions intestinaux (supra et sous-intestinal) sont une formation plus nou- velle que le ganglion abdominal, et que la chiastoneurie est moins développée chez les Diotocardes et chez quelques Monotocardes dialyneures que chez les autres Monotocardes, — il est alors évident que les parties innervées par les ganglions intestinaux chez les Monotocardes devront encore, chez les Zeugobranches , rece- voir quelques nerfs des ganglions palléaux. Je l'ai démontré pour les nerfs palléaux et chiastopalléaux (dont les derniers jouent un rôle beaucoup plus important chez les Monotocardes que chez les Zeugobranches), résultat que Bouvier a confirmé avec quelques moditications. Il est alors certain que, chez les Zeugobranches, le manteau est essentiellement innervé comme chez les Orthoneures, recevant surtout ses nerfs du ganglion palléal de son côté, tandis que chez les Monotocardes, le nerf chiastopalléal est plus développé. Les mêmes parties du manteau sont donc innervées d’abord par le ganglion palléal gauche, puis par le ganglion intestinal du côté droit. La même chose s’observe pour la pseudobranchie, qui, d'après Bouvier, est en général innervée par le ganglion supra-intes- linal, mais qui, chez les Strombidæ, etc., où elle est allongée et en partie située dans le siphon, reçoit aussi des nerfs du ganglion palléal. C’est sans doute de la même manière que la branchie gauche, — 157 — innervée par le ganglion supra-intestinal, était d’abord innervée par le ganglion palléal gauche, comme chez les Orthoneures ; et peut- être y a-t-il encore des Zeugobranches où la branchie reçoit, outre les nerfs, issus du ganglion intestinal du côté opposé, quelques filets du ganglion palléal de son côté, c’est-à-dire qu'il y aurait aussi, outre l'innervation hétéropleure des branchies qui est la règle chez les Monotocardes, des nerfs homopleures des branchies. En tout cas, nous connaissons maintenantle remplacement des nerfs palléaux homopleures par des nerfs hétéropleures, pour le manteau des Chiastoneures, ce qui rend probable cette hypothèse que les bran- chies étaient primitivement innervées par des centres homopleures. Sur ce sujet, j'ai encore à faire une remarque. BouviER (12, p. 392) prend le ganglion branchial décrit par Lacaze-DuTHIERS chez Haliotis, pour le ganglion supra-intestinal. C'est ce que SPENGEL a déjà contesté, et certainement avec raison. Les ganglions intes- tinaux sont, en effet, des centres développés dans la commissure viscérale croisée, au point d'origine des nerfs chiastopalléaux : et il est impossible de les homologuer avec des ganglions développés dans le trajet du nerf branchial ou chiastopalléal. Je suis d’ailleurs convaincu que les résultats de BOUvIER sur ce point sont inexacts ; car Fissurella présente des ganglions intestinaux rudimentaires. PELSENEER (49, pl. xv, fig. 2, d) a trouvé le ganglion supra-intes- tinal chez Patella vulgata et BERNARD (9 à) a indiqué la coexistence du ganglion supra-intestinal et branchial ou olfactif pour Valvala. Et l'on trouvera certainement plus d'exemples de cette coexistence, en étudiant histologiquement ces parties. J'ai à peine besoin de déclarer, après ce qui précède, que je n’ac- corde pas à l'innervation toute la valeur que lui attribuent beaucoup d'autres anatomistes ; et je maintiens complètement ce que j'ai déjà dit sur ce sujet (26, p. 96). J'accepte, jusqu'à un certain degré, la « loi des connexions » ; maisil n’en faut pas exagérer l'application. Pour moi, l'innervation n’a pas unesignification décisive dans le cas du pénis et des parties du corps situées entre le bord palléal et le pied. Pour ce qui est des cordons « palléo-pédieux », BouviER a confirmé mon opinion que chez les formes primitives, les ganglions palléaux sont accolés aux pédieux, et que l'isolation des ganglions palléaux représente un stade plus avancé. Mais d’un autre côté, je crois que SPENGEL (60) et PELSENEER (49) considèrent avec raison — 158 — mon prétendu « nerf palléal primaire » des Zeugobranches, comme une partie intégrante du cordon pédieux. Je n'ai pas fait d’ailleurs de nouvelles recherches sur cêtte question, mais je remarque que c'est seulement chez Haliolis et Fissurella que j'ai méconnu le « nerf palléal primaire », en suivant LacAZE-DUTHIERS dans son erreur ; et je suis convaincu que le système nerveux des Zeugobranches est encore loin d’être parfaitement connu. Il semble, par exemple, qu'il pourrait y avoir des différences entre certains Fissurellidæ. Aïnsi toutes les espèces de Fissurella exa- minées par moi et par BouTan (1 1) nous ont montré la masse palléo- pédieuse régulière et concentrée, tandis que dans une forme exo- tique, j'avais trouvé un centre viscéral non encore soudé à la masse palléo-pédieuse primaire. Peut-être cette disposition dont je ne pus bien élucider les relations avec le système viscéral, pourrait-elle donner des renseignements importants. — Il pourrait encore en être de même avec d’autres points de l'anatomie des Fissurella. puisque BouTAN (11, p. 51.39) soutient qu'il n’y a qu'un seul rein, le droit, tandis que j'y avais rencontré (28, p. 586, pl. xxxv, fig 8, 9) le rein gauche rudimentaire, mais assez bien développé, et que mon obser- vation a été confirmée par RAy-LaANKESTER, HALLER,. etc. S'il y a dans le genre Fissurella des différences de cette nature, il est d'autant plus nécessaire d'étudier l’organisation des Fissurel- lidæ plus intéressants pour la phylogénie, c'est-à-dire des genres Rimula et Emarginula. Pour les Haliotidæ on ne connait guère aussi que l’organisation de Haliotis. Il serait done de la plus haute importance de connaître l’anatomie, et surtout le système nerveux des autres genres de Zeugobranches, tels que Scissurella, Propi- hidium et avant tout de Pleurolomaria ! On sait qu'il existe quel- ques spécimens, conservés avec l'animal (1). de ce dernier genre ; mais on ne connait rien jusqu'ici sur son organisation intérieure. Il semble impossible qu'un zoologiste, directeur d'un musée, se voyant dans la possibilité d'enrichir la science, par la connaissance d’un des types les plus anciens et les plus intéressants qui existent parmi les Mollusques, soit capable de refuser la permission de faire la dissec- tion des exemplaires, en confiant, bien entendu, ce matériel précieux à un anatomiste compétent. Mais, conserver cette rareté sans profit (1) DaLz, Report on the Mollusca, Bull. Mus. comp. Zool., vol. XVIIL. — 159 — pour la Zoologie, serait un attentat contre la Science ! Nous deman- dons donc aux naturalistes du Musée national de Washington et du Musée de Zoologie comparée de Cambridge : Que deviennent vos Pleurotomaria ? Avant que paraissent de nombreuses études sur l'anatomie des Zeugobranches, il est impossible de discuter, avec succès, les rela- tions entre le système nerveux des Amphineures et des Cochlides. Quels sont les nerfs viscéraux des Chitons, qui vont au rein, au cœur et à l'appareil génital ? N'y a-t-il peut-être pas une commis- sure viscérale des Chitons que l’on n’a pas préparée jusqu ici ? Il y a beaucoup de ressemblances entre le système nerveux des Chitonidæ et celui des Zeugobranches. Chez ces deux groupes tout différents, iln’y a pas de séparation distincte de commissures et de ganglions, comme chez les Monoto- cardes ; il y a la commissure buccale comme la labiale : il y a les cordons pé- dieux avec leurs anastomoses transver- sales, etc. Mais il existe des différences qui ne sont pas encore élucidées, relati- vement au système nerveux viscéral. Parmi les Vers qui montrent des rela- tions avec les ancètres des Mollusques, il faudra probablement compter aussi les Chaetognathes. Leur système nerveux est, en eflet, pareil à celui de beaucoup de Mollusques, j'en donne, ci-contre, une figure combinée d’après les recher- È | hes € : Fig. 1. Système nerveux de ches de LANGERHANS (41) Sagitta. Le système bucco- Les ganglions cérébraux donnent, en labial est indiqué par des arrière, de forts connectifs aux ganglions traits noirs pleins; ce, gan- ventraux et les nerfs optiques, en avant, glion cérébroïde , pe + vi, 2 : Dhal: | les cominissures pédieuses Un Connectif au ganglion céphalique la- et viscérale réunies, se di- téral (Schlundganglion de LANGERHANS). rigeant vers les ganglions Les deux ganglions céphaliques sont réu- ventraux ; bu, ganglion buc- ; ; nis entre eux par une commissure, du cal; 1h, ganglion labial ou F2. céphalique latéral. milieu de laquelle se détache un nerf — 160 — pour la masse buccale (d’après Grassr)} Il y a, en outre, deux ganglions buccaux, dont le connectif prend son origine du connectif cérébro-céphalique. Il existe aussi trois anneaux périæsophagiens. Il serait très séduisant de comparer le moyen de ces derniers à la commissure pédieuse et le postérieur à la commissure viscérale ; mais les nerfs buccaux s’y opposent, en rendant plus probable que les deux anneaux céphaliques correspondent aux mêmes anneaux développés chez Chilon et les Zeugobranches. Dans ce cas, en com- parant le système nerveux de Chiton à celui de Sagilta, la diffé- rence réside dans l’absence d'anastomoses transversales des cordons pédieux et la concrescence de la commissure sous-pharyngienne avec ces cordons, tandis que les cordons latéraux, puissants chez les Amphineures, sont peu développés chez les Chaetognathes. Comme les cordons pédieux de Chiton, avec la commissure sous- pharyngienne, correspondent à la chaîne ganglionnaire ventrale des Annélides, il en serait de même avec les ganglions ventraux des Chaetognathes. En acceptant cette comparaison, la différence principale entre le système nerveux des Chaetogna- thes et des Annélides est le système nerveux buccal, qui, chez les premiers, est identique à celui des Cochlides à commissure labiale et qui, d'après ce que je sais, ne Fig. 2. Système nerveux de Chiton. correspond pas au système ie Lettres comme dans la fig. { veux stomato -gastrique des An- (page 159). La commissure labiale nélides. Peut-être y a-t-il encore correspond à la commissure Sub- es Annélides à système stomato- linguale et la commissure viscé- s RS : rale (vi) à la commissure sous-pha- gastrique pareil à celui des Am- ryngienne. phineures, Zeugobranches et Chae- tognathes ? 1l est remarquable que les Chaetognathes, dont la masse buccale possède quelque ressemblance avec celle des Mollusques, n'ont pas de reins ; mais il est probable que les canaux déférents, peut-être — 161 — aussi les oviductes, sont des néphridies modifiés. Comme les Arthro- malakia primitifs et les Annélides, les Chaetognathes ont la glande génitale sans connexions avec les conduits excréteurs, qui seraient des néphridies. Chez les Platydes {abréviation de Platycochlides, comme Cochlides, de Arthrocochlides), comme chez les Platyhel- minthes, ces deux organes sont en rapport de continuité. Cette dif- férence, une des plus importantes chez les Mollusques, paraît donc déjà bien marquée aussi chez les Vers. Quant au système nerveux, l’idée que j'ai défendue est l’homo- logie des ganglions cérébraux chez les Mollusques et les Vers, tandis que la chaîne ganglionnaire des Annélides correspond aux nerfs longitudinaux principaux des Platyhelminthes et aux cordons pédieux, plus la commmissure sous-pharyngienne des Amphineures (ct, Fig. 2). Il en résulte que les ganglions sous-æsophagiens des Annélides ne sont pas homodynames aux autres paires de ganglions de la chaîne ventrale, puisqu'ils correspondent à la « première paire » (de cette chaîne) réunie à la commissure sous-pharyngienne. Chez les Mollusques, d'autre part, cette dernière commissure devient la commissure viscérale (la plupart des Arthromalakia), ou la proto-commissure (Platydes). Les formes extrêmes sont très différentes ; mais les formes pri- mordiales montrent des relations intimes. Ces idées, relativement au système nerveux des vers, déjà souvent répétées par d’autres zoologistes, depuis que je les ai publiées dans mon livre sur le système nerveux des Mollusques (26, p. 53), ne me paraissent pas ébranlées par les recherches sur la morphologie comparée du système nerveux des Vers, publiées pendant les 15 ans quisuivirent l'apparition de mon livre susmentionné. Je crois que c'est à GEGENBAUR que revient la priorité de cette théorie du système nerveux. GEGENBAUR n’a commis qu’une erreur, en comparant la commissure péri-æsophagienne des Némertiens à la commissure infra-æsophagienne des Annélides ; et je crois avoir été le premier à montrer l'importance de la commissure sous-pha- ryngienne. Pour les Mollusques, il n’y a pas, que je sache, d'autre essai sérieux, à part le mien, pour établir l'homologie des centres et commissures avec les parties correspondantes chez les Vers, ce ce qui s'explique, puisque je fus le premier à reconnaître l’origine polyphylétique des « Gastropodes ». 11 — 162 — II. — Les organes génitaux des Cochlides. l,.-Le Pénis: Une question embrouillée est celle de l'innervation et de l’homo- logie du pénis. Bouvier me paraît exagérer l'importance de l'innervation pour cet organe, par exemple, lorsqu'il accorde une signification différente au pénis de Tropidophora, genre de Cyclostomatidæ, parce qu'il est innervé par le ganglion sous-intestinal. Au contraire, GARNAULT (21) a indiqué que, chez Cyclostoma, le nerf du pénis a deux racines, une naissant du ganglion pédieux, et l’autre hors du ganglion palléal droit. Or, malgré cette différence d’innervation, on ne contestera pas l’homologie du pénis des différents Cyclostomatidæ, ni l'homo- logie de ce pénis avec le même organe des Littorinidæ, innervé par le ganglion pédieux. Il y a différents cas où un résultat analogue est atteint: l’origine d’un nerf peut changer d’un ganglion à l’autre, comme Bouvier l’a montré pour Zätlorina, où un nerf palléal naît du ganglion pédieux, ou pour les Cérithiidæ où il est très probable que le nerf colu- mellaire, issu en général du ganglion palléal gauche, naît du gan- glion sous-intestinal. Un autre cas possible est celui où l’une des deux racines d'un nerf se développe de plus en plus. tandis que l’autre s’atrophie. Enfin, un troisième cas est celui où l'organe, changeant de position, entre dans la sphère d'innervation d'un autre ganglion, étant de plus en plus innervé par celui-ci. Je rappelle ce que j'ai dit sur l’innervation de la pseudobranchie qui, en s’allon- geant en arrière, comme chez les Cerithiidæ, reçoit de nombreux nerfs de la commissure viscérale, tandis qu’en s'étendant dans le siphon, domaine du nerf palléal, elle reçoit uu nerf du ganglion pal- léal gauche. Il est très possible que le pénis, qui subit des déplace- ments très considérables, reçoive ainsi des filets nerveux d'un autre ganglion dans le domaine duquel il entre. Tel est, à mon avis, le cas, pour le pénis de Ampullaria, qui occupe une position anormale sur le bord du manteau : c'est pour moi un pénis dorsal déplacé vers le bord du manteau. — 163 — Ce pénis est très curieux {voy. PI. 1, fig. 1 et 2) : il y a là un grand lobe charnu (p), sur le bord du manteau, avec une rainure dans laquelle peut entrer un appendice filiforme (ap). Ce dernier est la prolongation libre du canal déférent et il est contenu dans un sac situé à la base du corps du pénis, sac constituant la gaîne (9) de cet appendice. Cette gaîne ou sac n’a qu’un orifice situé à la base, vers le corps du pénis, dont la rainure (ra, fig. 1) se prolonge dans la base de la gaîne, comme le montrent les fig. 1 et 2. Je crois important de bien signaler ces faits, car je pense qu’on reconnaîtra, dans l'appareil génital des Ampullaria, des différences qu'il faudra étudier avec soin, pour apprécier leurs relations systé- matiques. Outre À. canaliculata, j'ai étudié une autre espèce assez curieuse, A. plalæ Mar., sur l'animal duquel »'ORBIGNY a déjà publié quel- ques observations, en signalant surtout l’absence de siphon, point que je puis confirmer. J'ai examiné deux femelles qui avaient l'utérus comme À. canaliculala, mais sans vestiges de clitoris. Le poumon est très petit, ce qui n’est pas surprenant, car nous n'avons pas vu l’animal hors de l’eau. Aussi la ponte ne se fait pas hors de l’eau, comme c’est la règle chez les autres espèces dont l'œuf a une coquille calcaire. Ampullaria plalæ n’a pas cette coquille cal- caire autour de l'œuf, qui est très grand (3 millim.), mou, à enve- loppe fine et pellucide. J'ai trouvé des grappes d'œufs de cette espèce attachées à des coquilles de Unio, dans le Guahyba et surtout dans la cavité de coquilles de Unio dépourvues d'animal et que j'avais retirées du fond à des endroits toujours couverts d’eau. Ces œufs forment là une masse de 20 millim. de long sur 14 millim. de diamètre, conte- nant de deux à trois douzaines d'œufs. J'en ai rencontré avec gas- trula, et d'autres avec l'embryon déjà pourvu de coquille et de radula, ce qui m'a fourni le moyen de la détermination. La radula n'a pas de valeur pour la création de sous-genres chez les Ampul- larïidæ ; mais chez les A. plalæ, les dents latérales sont plus grêles et élégantes que chez les autres espèces. On voit donc que le genre Asolene créè par D'ORBIGNY pour À. plalæ ne peut pas être consi- déré comme sous-genre de Ampullaria ainsi que Lanistes et Cera- todes, mais que les différences sont assez considérables pour que — 164 — Asolene soit reconnu comme un genre distinct de la famille Ampul- lariidæ. Nos connaissances sur cette famille, malgré les recherches de Bouvier et les miennes propres, sont encore très peu satisfaisantes, parce que l'anatomie de l'appareil génital n’est pas assez bien connue. Je ne suis pas encore en situation d'éclaircir la disposition des organes mâles, ne pouvant me procurer d'animaux adultes cet été. Je trouve chez le mâle de À. canaliculala un organe dont je ne connais pas la signification, au côté interne du rectum (0. gl. fig. 2). Cet organe correspond tellement, par sa position, à l'utérus de la femelle, que je ne doute pas qu'il lui soit homologue; mais d’un autre côté, le dimorphisme sexuel est très bien prononcé, quant au développement ou à l'absence du pénis. Je ne crois pas d'ailleurs que cette question soit restreinte aux Ampullaria. L'appareil génital des Cochlides est encore peu étudié, surtout quant aux modifications qu'il subit pendant le développe- ment. Je crois qu'iln'y a pas actuellement d'hypothèse plus vraisem- blable que celle suivant laquelle l’épitænia, existant aussi chez Asolene, serait le reste, plus ou moins modifié , du pli longitudinal de l'épiderme qui forme la rainure génitale et qui se conserve, chez quelques genres ou familles, pendant la vie post-embryonnaire, sans fonction apparente, et qui, finalement, n’est même plus Enr au conduit génital excréteur. Chez À. canaliculata, le corps du pénis est, comme je l'ai dit, développé sur le bord du mantéau ; et, fait curieux , il y en a aussi, comme je l'ai déjà mentionné, une représentation chez la femelle, où c'est d’ailleurs un simple lobe sans rainure, que l’on peut appeler le clitoris. Je crois que c’est là un signe de plus que les ancêtres de Ampullaria étaient hermaphrodites, comme Bouvier en a rencontré un cas et comme TROSCHEL (61) l'avait déjà signalé. Or, je trouve important qu’une autre famille, chez laquelle il existe, à côté de genres dioïques, d’autres hermaphrodites , c’est-à- dire la famille des Marseniidæ , soit de toutes la plus voisine des Ampullaria, à mon avis. Nous connaissons cette famille mieux que d'autres, grâce à la monographie de BEerGH (3, Suppl. HeftIll et IV). Le pénis des Marseniidæ n’est pas situé très près du manteau, sous lequel il est caché, mais il se trouve sur la nuque et est innervé par le ganglion cérébral. Ce pénis offre à peu près les mêmes relations — 10 — que celui de Ampullaria, et, comme chez ce genre, il peut être retiré dans une gaîne. La partie libre du corps du pénis est pourvue d’une rainure dans laquelle l’appendice peut se placer. La différence avec l'état représenté chez l'Amnpullaria est seulement graduelle , puisque , chez ce dernier genre, l’appendice ou la partie libre du vas deferens est beaucoup plus long, sa gaine plus développée et sa partie sillonnée plus grande ; mais je dois observer que dans de jeunes Ampullaria de 8 millim. de diamètre, le corps du pénis est de la même grandeur que la gaîne. Je crois donc qu'il y a une homologie complète, malgré la diffé- rence de l’innervation du reste bien explicable par la situation très rapprochée. des ganglions palléaux ou des cérébraux. Comme la radula des Ampullaria et celle de quelques genres de Marseuiidæ sont très semblables , comme le système nerveux chez ces deux familles présente une zygoneurie double peu répandue chez les Tænioglosses, je crois que l’idée de leur affinité correspond mieux aux faits anatomiques que celle d'après laquelle les Ampul- laria seraient plus voisins des Naticidæ (Bouvier). Si nous possé- dons un jour une monographie du système urogénital des Cochlides, il sera certainement plus facile de décider cette question. Il me paraît possible que ces trois familles : Valvatidæ, Marseniüdæ et Ampullariidæ, les seules chez lesquelles on ait jusqu'ici rencontré des vestiges d'hermaphroditisme, pourront être reconnues comme des branches différentes d'une même série phylogénétique. Quant au pénis, il restera donc à rechercher si cet organe est homologue chez tous les genres ou s'il y en a plusieurs types. Le type du pénis représenté par les Ampullariidæ et Marseniidæ n’est Jusqu'ici connu que chez ces deux familles ; il serait important d'exa- miner la répartition de ce type dans d'autres familles de Tænio- glosses. Il est intéressant que le pénis ne soit pas un organe d'origine monophylétique. Pour les Strombidæ , Bouvier a fait connaître son origine chez Sfruthiolaria, et il apparaît aussi indépendamment dans d’autres séries d'évolution, comme il se montre aussi chez les Orthoneures. BouviER ne tient pas compte de mes observations sur le pénis ; j'avais observé que, chez tous les genres où je le connais, cet organe apparaît d’abord comme un appendice charnu du corps, avec une rainure dorsale dans laquelle se prolonge le canal déférent. — 106 — Chez les Sténoglosses, cette rainure, représentée encore dans le développement, se ferme, et, au lieu du pénis sillonné , nous avons un pénis perforé. Les Chiastoneures Rhipidoglosses n'ont pas de pénis, et, chez les Chiastoneures Tænioglosses (1). il manque chez les genres Capulus, Hipponyx, peut-être Zitiopa (SouLexer), chez tous les Pténoglosses et dans les familles Vermetidæ, Cerithüdæ, Turri- tellidæ et Melanüdæ. Il est à noter que GUERIN (20) a signalé l’exis- tence d’un pénis pour une espèce de Melaniidæ. Mais on ne sait rien d'exact sur ces deux cas : tous les autres observateurs, comme moi- même, n’ont pas vu de pénis ni chez les Cerithiidæ ni chez les Mela- niidæ. Le pénis sillonné apparaît chez les Tænioglosses ; il est toujours tel chez les Struthiolariidæ , Chenopodidæ , Strombidæ , Xenophoridæ , Tritoniidæ et Doliidæ. Chez beaucoup d’autres familles, le pénis est tantôt sillonné, tantôt perforé : c’est ainsi que chez les Littorinidæ à pénis simple (L. peru- viana , d'après D'ORBIGNY) ou pourvu d'excroissances glandulaires (les autres espèces), il est sillonné, tandis que , chez Zitloridina gaudichaudi (d'après SouLeyer), il est perforé. Le Trochus pagodus de Quoy et GarmARD, à pénis sillonné, est un T'eclarius. Chez les Calyptræidæ qui, à cet égard , sont très différents des Hipponycidæ privés de pénis, on ne connaît jusqu'ici que le pénis sillonné ; et on l’a vu chez les genres Crucibulum, Infundibutum, Crepidula et Calyptræa. Parmi les Naticidæ, j'ai observé le pénis perforé chez N. mille- punclala ; mais il y a aussi des espèces à pénis sillonné, d’après SOULEYET, Quoy et GaimARD. Il en est de mème chez les Cypræidæ, où le pénis est sillonné chez quelques espèces d’après Quoy et Gaï- (1) Dans un récent mémoire de DaALL (Preliminary Report on the Collection of Mol- lueca, etc., obtained en 1887-88, by the steamer Albatross, Proc. U. S. Mus., t. XII), on trouve (p. 349) que cet auteur a rencontré un pénis chez des Rhipidoglosses (Nerila, Rimula, Margarita, Trochus infundibulum) et chez quelques Patellidæ (Addisonia, Cocculina : « Curious deep Sea Limpets »). Le pénis de Trochus (Solariella) infundi- bulum est très curieux : fort petit et s’ouvrant à la base d’un grand lobe épipodial sil- lonné longitudinalement et destiné apparemment au transport du sperme. Il est donc déjà du même type que celui sur lequel j’ai attiré l'attention à propos de Ampullaria et Marsenia. Il semble que tantôt ce lobe charnu persiste, tantôt se confond avec le reste du pénis ou s’atrophie ; mais nos connaissances actuelles sont insuffisantes pour le décider. HR AGT = MARD, perforé chez Cypræa pyrum (Por) et Trivia europæa (Von JHERING). Chez Modulus (Souceyer) et Tectarius, il est sillonné. Comme j'avais observé que Péeopsis hungaricus (Capulus) n’a pas de pénis, il pouvait paraître étonnant que DELLE CHIAJE ait décrit cet organe chez Prileopsis garnoli; mais cette espèce appartient au genre Gadinia. J'ai déjà dit ce qui en est du pénis de Ampullaria. Quant à l'appareil génital des Cyclophoridæ, il n’est pas connu. Pour ce qui est du pénis perforé et fermé, je l’ai vu chez Velulina, Marsenia et Sycotypus. Les autres genres de Tænioglosses à pénis perforé sont les Cyclostomatidæ (C'yclostoma, Pomatias, etc.), Val- vatidæ, Hydrobiidæ et Paludinidæ. La morphologie du pénis chez la plupart de ces genres est encore obscure, surtout la signification du flagellum des Bithynia et l'existence de ce même flagellum chez d’autres familles voisines. Srimpson a publié quelques observations à ce sujet. Le genre issoia, à pénis simple, grand, perforé, et à otolithe ronde, me paraît être le point extrême de cette série de familles et de genres voisins. Chez les Sténoglosses, le processus de la formation du pénis per- foré est terminé. Il n'y a que deux familles qui y fassent exception : Harpidæ et Volutidæ. Le pénis est, en effet, sillonné chez Vo/uta scapha (Souceyert) et chez Lyria (FiscHEeR, 19). Probablement, il y a aussi des espèces de Volutidæ à pénis perforé, comme c’est le cas chez le genre Harpa où, d'après Quoy et GarmarD, H, minor a le pénis sillonné, tandis que A. ventricosa a une rainure tantôt ouverte, tantôt fermée. Ce sont donc ces deux familles qui, à cet égard, se rapprochent le plus des Tænioglosses, parmi lesquels il me semble que ce sont surtout les deux groupes représentés par les Strombidæ, les Tritoniidæ et les familles voisines, qui sont les plus rapprochées des formes intermédiaires probablement éteintes. Il est, en tout cas, à noter que ces Volutidæ, sur lesquels je viens d'attirer l'attention, sont aussi, par leur système nerveux peu con- densé (d'après BouviER), par la trompe et le siphon court, ceux qui se rapprochent plus que les autres Rhachiglosses des Tænio- glosses. Il est, d'ailleurs, très probable que les Sténoglosses ont une ori- gine multiple. N'est-il pas vraisemblable que l'échancrure du man- teau observée chez les Pleuroloma soit homologue à la même échancrure connue chez les Zeugobranches et constatée aussi chez — 1089 — quelques Tænioglosses, Cerithiidæ, Turritellidæ, Vermetidæ (chez une espèce méditerranéenne de Vermelus, j'ai vu l’échancrure chez une femelle, tandis qu’elle faisait défaut chez deux mâles) ? Comme ces genres sont les descendants des Loæonema, Cheilo- toma et Murchsonia, il n'y a rien d'étonnant à ce que dans quelques genres ou sous-genres, la fente rubanée du Murchisonia se soit conservée. Les paléontologistes commencent à étudier avec beaucoup plus de soin les traits caractéristiques des coquilles paléo- zoïques, et, pour cette raison, grâce aux progrès que la zoologie a déjà faits dans la connaissance des Cochlides, il est évident que, avec le temps, on comprendra beaucoup mieux qu'on ne le peut maintenant, les relations de ces coquilles paléozoïques avec les Mollusques actuels. Je renvoie surtout à l'important travail de KoKkEx (38), qui a montré, entre autres, que Naticopsis, précurseur des Néritidæ, dérive de Platyceras du Silurien, lequel est voisin des Zeugobranches. 2. Les Spermatozoïdes. Il y a un autre fait qui nous montre la spécialisation progressive qui s’est opérée dans l'appareil génital des Cochlides : c’est l'exis- tence de deux formes de spermatozoïdes chez ces animaux. Toutes les recherches faites sur ce sujet (les plus exactes sont celles de VON BRUNN (14) et BRock (16)) ont étudié la question seulement au point de vue histologique. J'ai voulu, de mon côté, suivre la distribution de ce fait, chez les | Cochlides, et j'ai trouvé que chez les Diotocardes, les éléments du sperme sont toujours petits et uniformes (chez les Néritacés aussi, d'après Brocx). Parmi les Monotocardes, ce sont les genres et les familles les plus spécialisés, les Proboscidifères, etc., qui montrent le mieux le phénomène du dimorphisme des spermatozoïdes, tandis que, parmi les Tænioglosses qui représentent les formes transitoires, il y a des familles à spermatozoïdes uniformes et d'autres à sperma- tozoïdes dimorphes : filiformes et vermiformes. Les genres qui ne présentent pas de dimorphisme sont, d'après ré itiétiirete = = von Brunn: Natica, Cyclostoma, Biüthynia, Luiorina. Pour ce quiest de Naftica, je n’en suis pas sûr, mais pour Z#{lorina, j'ai observé la même chose que vox BRUNN, ainsi que chez Rissoa et Capulus hungaricus. Le dimorphisme est complet chez Paludina (Levi), Murex (ScHexx), Cypræa, Strombus, Plerocera (Brock), Ampullaria, Marsenia, Aporrhais, Trilon, Dolium, Cassidaria (von BRUNN), et je l’ai observé encore plus fort chez Turritella, Cerilhium, Vermetus, Cassis, Nassa, Marginella, Fusus syra- cusanus, Mitra, Defrancia et Crepidula. Il y a seulement deux genres de Sténoglosses chez lesquels je n'ai pu me convaincre de l'existence du dimorphisme : Euthria et Pisania, genres à étudier de nouveau; probablement la différence des deux formes y est-elle peu prononcée. D'après leur conformation, on peut diviser les spermatozoïdes vermiformes en plusieurs catégories. Chez Murex trunculus, les cils de l'extrémité postérieure, aplatie avec membrane ondulante, disparaissent finalement tout à fait, tandis que chez Murex erina- ceus, il en reste un. La grande cellule qui se transforme en sperma- tozoïde vermiforme a toujours plusieurs cils généralement vibra- tiles ; mais quand la cellule s'allonge en devenant plus étroite, ces cils disparaissent comme ceux du centre. J'ai observé cette dispari- tion des cils terminaux chez Murexæ, Nassa, Milra, Marginella, Fusus, Cassilaria. Au contraire, ces cils sont énormément déve- loppés et ne disparaissent pas, chez Turrilella et Cerilhium, comme je l’ai montré (33, p. 510), (voir PI. vi, fig. 23). Chez ces deux genres, les spermatozoïdes vermiformes consistent en un corps de 0,013 millim. de long chez Turrilella, de 0,014, chez Cerithium vulgatum, qui porte, à l'extrémité, de 5 à 8 cils vibratiles très longs, de 0,07 millim. J'ai représenté (fig. 23 d), le spermatozoïde filiforme de Cerilhiwm : il se compose de trois par- ties que l'on peut nommer tête, corps et queue. Cette dernière est très petite et insignifiante ; le corps avec la tête est de 0.07 millim. de long, la tête, de 0,007. Chez Turrilella, la tête a 0,006 millim., tandis que le corps y est plus allongé, de sorte que la tête et le corps ensemble ont 0,118. Comme les deux sortes de spermato- zoïdes sont si ressemblants dans ces deux familles, je ne doute pas que ce soit une preuve de leur affinité systématique, surtout que je — 170 — n'ai rencontré cette formation singulière dans aucune autre famille Jusqu'ici. Peut-être les Melaniidæ viendront-ils s’y joindre. Le spermatozoïde filiforme de Chenopus pes pelecani (fig. 23, c) a le corps plus petit, mais la tête a la même longueur (0,007) ; tète etcorps ensemble mesurent 0,055 millim. Le spermatozoïde ver- miforme de cette espèce (qui a 0,2 millim. de long sur 0,007 de diamètre) est très curieux, A son extrémité postérieure se conservent le noyau et les cils, qui sont courts. J'ai vu, chez Murex truncu- lus, des spermatozoïdes aussi grands avec les mêmes dimensions, la partie antérieure élargie et déprimée, les cils de l'extrémité pos- térieure disparus. Chez Murex erinaceus, il en reste un (fig. 23, a), qui est à peu près de la même longueur que la tête et le corps (0,011 millim.). La formation de la partie antérieure élargie et déprimée, munie d’expansions latérales aliformes, s’observe bien chez Cassidaria echinophora. 1] en résulte qu'il existe deux sortes de mouvements de ces corps : des mouvements lents du corps entier, et, plus rarement, d'autres, produits par les expansions ptéry- goïdes qui agitent violemment les spermatozoïdes en les secouant. Une petite espèce de Crepidula, rencontrée sur la coquille de Cassidaria echinophora, avait aussi des spermatozoïdes très curieux. Outre les éléments filiformes, il y avait de grandes cellules pyriformes à noyau volumineux et à cils vibratiles vers l'extrémité postérieure, qui se transforment en spermatozoïdes vermiformes dont j'en ai représenté un (PL. 1v, fig. 4). Le noyau terminal s'était partagé et avait formé un amas moruliforme, encore muni de cils. Outre ces formes, j'en trouvais d’autres dans lesquelles l'extrémité postérieure s'était isolée, de manière qu'il est probable, pour moi, qu'il s’en forme des spermatozoïdes. J’ai trouvé un cas identique chez Vermetus. Il y a là des cellules- mères de spermatozoïdes vermiformes, comme chez les autres genres : mais elles se transforment en un corps très curieux déjà signalé par von BRuNN. On voit (fig. 5, a) un corps fusiforme allongé aux deux extrémités en un filament assez long qui est immobile. La cellule-mère est d’abord pyriforme, avec 5 ou 6 cils et un nombre restreint de noyaux. Dans le stade suivant, la cellule est déjà à peu près fusiforme avec 4 ou 5 cils vibratiles à l'extrémité, corres- pondant à la postérieure des autres genres et un filament simple à l'autre extrémité Le nombre des noyaux est plus élevé, — 171 — les cils vibratiles présentent rarement des mouvements assez lents. Dans le stade qui suit, les noyaux sont orientés en série, et mesurent 0,003 millim. La capsule a 0,042 de long sur 0,009 de large. Comme j'ai rencontré des corps correspondant en grandeur aux corps nucléiformes de la capsule, chez lesquels on observe le commencement de la formation du spermatozoïde, je crois que cette capsule n’est pas autre chose qu'un spermatoblaste modifié. De deux ou trois exemplaires de Vermelus que j'avais étudiés à Naples pendant l'hiver de 1879-80, le dernier, à la fin de mars, ne contenait pas ces capsules. Il résulte de tout cela qu'il ne suffit pas d'étudier le testicule, ni de l’étudier à un seul moment. Chez Nassa multabilis, dont les spermatozoïdes vermiformes ressemblent beaucoup à ceux de Murex erinaceus, jai trouvé au mois de février, seulement, des cellules- mères de spermatozoïdes vermiformes dans le testicule, tandis que dans le canal déférent, les deux formes étaient bien développées. Dans l'utérus d'un animal où se formaient des capsules d'œufs, j'ai retrouvé les éléments filiformes ; mais au lieu des spermatozoïdes vermiformes dont la tête mesure 0,029 mill., j'observais des corps en forme de massue, avec un point brillant à l'extrémité obtuse. Comme ces deux formes se mouvaient, je crois que la dernière correspond aux spermatozoïdes vermiformes. Je n'avais pas l'intention de publier ces observations incomplètes, mais, voyant que les travaux parus jusqu'ici sur ce sujet n'éclair- cissaient pas la signification des spermatozoïdes vermiformes, je les ai données ici, principalement parce qu'elles sont de nature à com- pléter ce qu'on sait sur la distribution de ce singulier dimorphisme. Comme ce dimorphisme n'existe pas chez les Cochlides archaïques (dont les spermatozoïdes très petits et uniformes ressemblent à ceux des Lamellibranches), et nous représente une modification acquise chez les Tænioglosses et répandue généralement chez les Sténo- glosses, il est évident que l'hypothèse de vox BRüNN n'est pas bien fondée, d'après laquelle les spermatozoïdes vermiformes représen- teraient des œufs modifiés, dont le rôle physiologique resterait iuexplicable. Pour moi, il est probable que chez Vermetus et Cre- pidula, les spermatozoïdes vermiformes sont des spermatoblastes. Peut-être, dans beaucoup de cas, leur métamorphose se fera-t-elle seulement dans l'utérus de la femelle, ou après quelques mois, — 172 — quand les spermatozoïdes filiformes ont déjà perdu leur activité. En tout cas on doit mieux étudier ce que deviennent ces prétendus spermatozoïdes et voir s'ils existent seulement avant ou pendant la période de la ponte. Peut-être leur signification chez Vermetus est- elle autre que chez Murex, où les spermatozoïdes filiformes seraient destinés à donner naissance à l'un des sexes, et ceux issus des ver- miformes, à produire l’autre ? D'ailleurs, je dois remarquer que déjà en 1863, FRiTz MüLLER (45) a décritles spermatozoïdes vermiformes de Janthina, qu'il a considérés aussi comme spermatoblastes. En tout cas, je suis d'accord avec BRocKk pour penser que ces corps doivent jouer un rôle physiologique qu'il faut reconnaître non par des hypothèses, mais par des observations. 3. Les Conduits génitaux. L'évolution de l'appareil génital des Cochlides doit être exposé de la facon suivante. Le cas le plus primitif est représenté par Haliotis où existent deux reins bien développés et où les produits génitaux sont transportés au dehors en passant par le rein. Cette observation, publiée par moi en 4877 (28), fut contestée par HALLER (25), mais elle est bien exacte comme l'a déjà reconnu WEGMANN (65). Chez Fissurella, le rein gauche cest rudimentaire, et la papille génitale s'ouvre dans le rein droit, mais déjà bien près de son orifice. Il en est de même chez Palella où DaLL a reconnu le pre- nier la relation entre le rein et la glande génitale, en corrigeant les explications de Ray LanKESTER, qui croyait les « capito pedal orifices » destinés à l'expulsion des produits génitaux. Chez les Trochidæ, la séparation de l'orifice du rein et de celui de l'appareil génital est complète. Les produits génitaux sont poussés dans la cavilé palléale. I n'y a ni utérus, ni canal déférent ow penis. Nous ne savons encore si les mêmes conditions n'existent pas peut-être aussi chez quelques-uns des genres de Tænioglosses dé- pourvus de pénis. Les familles dont l'anatomie n’est pas encore bien connue et chez lesquelles il faut observer si peut-être n'existent 48 — point ces canaux accessoires de l'appareil génital, sont surtout le Pileopsidæ et Cyclophoridæ et peut-être une partie des Pténo- glosses. Le stade suivant est caractérisé par l'existence d'une gouttière formée par un ou deux plis longitudinaux, situés au côté médian du rectum et destinés au transport des produits génitaux ; il n'y a pas de pénis. C’est comme je l'ai fait voir, le cas des Cerithüdæ, Turri- tellidæ, Vermetidæ et probablement aussi des Melaniidæ (33. p.509 el suiv.). Cette gouttière se ferme plus tôt chez la femelle que dans l’autre sexe. Il peut donc exister un utérus fermé alors que le canal défé- rent est ouvert de même que la rainure du pénis. J'ai observé cette conformation de l'appareil génital chez Chenopus pes pelecani, Cassis, Cassidaria, Trilon ; et elle existe probablement aussi chez Crepidula, Lillorina, Voluta, Lyria et autres genres à rainure péniale ouverte. Comme on ne connait jusqu'ici d’autres genres à utérus ouvert, que ceux que j'ai mentionnés, il est probable que les autres Tænioglosses ont toujours l'utérus fermé. J'ai déja montré que du pénis sillonné naît celui de presque tous les Sténoglosses et d'une grande partie des Tænioglosses, chez lesquels la rainure péniale s'étant fermée, le pénis est perforé. C'est ainsi que se présente la morphologie de l'appareil génital des Cochlides, d’après les recherches que j'ai publiées successive- ment. Elles nous montrent non seulement que les conduits génitaux situés dans la cavité palléale sont une acquisition des Monotocardes, mais aussi qu'il existe une relation intime chez les familles archaï- ques des Divtocardes et Docoglosses, entre l'appareil génital et le rein qui est double dans ces familles. On peut désigner l'appareil génital s'ouvrant dans le rein comme entotrème, et celui qui s'ouvre indépendamment du rein, comme eclotrème. Le résultat de mes recherches est donc que es Zeugobranches el Docoglosses sont enlotrèmes, les autres Cochlides, ectotrèmes, et que ce sont les formes les plus archaïques que nous connaissions parmi les Cochli- des, qui sont entotrèmes et pourvues de deux reins symétriques, dont l'un, le gauche, est rudimentaire dans la plupart des genres, tandis que chez les Trochides et les Pectinibranches, il a disparu. Depuis longtemps déjà, j'ai aussi attiré l'attention sur le fait que le même processus de développement de l'appareil uro-génital se — 174 — montre chez les Lamellibranches. Chez eux également, ce sont les types primitifs, sans siphons, etc., qui sont entotrèmes, tandis que les formes les plus modifiées, à manteau plus ou moins fermé, à siphons, etc., sont ectotrèmes. Il y a là toujours deux reins ou organes de Bojanus et deux glandes génitales. Il en est de même chez les Solénoconques, pourvus de deux reins et d’une glande génitale seulement, comme chez les Cochlides, s’ouvrant dans le rein droit, ainsi que pour les Cochlides entotrèmes. Les Solénoconques sont considérés par LacazE-DUTHIERS, comme plus voisins des Lamellibranches, tandis qu'ils sont rapprochés des Céphalopodes par GROBBEN (23) et des Cochlides par PLATE (47). Pour moi, toutes ces idées sont plus ou moins correctes, parce que toutes ces classes de Mollusques sont issues des mêmes groupes de Vers. Quaut à appareil génital, les Solénoconques se rapprochent beaucoup plus des Cochlides et des Lamellibranches que des Cépha- lopodes. Au contraire, par l'appareil circulatoire, les Solénoconques se distinguent assez de tous les autres, soit qu'ils aient conservé l'état primitif de cet appareil, soit qu'ils soient dégénérés à cet égard, comme je le crois. Les relations de l'appareil uro-génital des Céphalopodes sont très compliquées. J'ai essayé (29) d’en élucider les homologies, mais je ne puis plus conserver une hypothèse que j'ai émise alors. J'avais montré que la cavité viscéro-pericardique (« appareil aquifère »\ de Nautilus s'ouvre dans la cavité branchiale à côté de l’uretère, tandis que chez les Dibranches elle s'ouvre dans le rein. Je croyais alors que Naulilus présentait Le stade primitif ; mais je pense main- tenant que c'est une erreur. La communication du péricarde avec le rein se trouve en effet chez tous les Céphalopodes, tantôt plus au fond du sac rénal, tantôt (Æledone) près de l’orifice de l’uretère ; et Nautilus représente seulement un stade plus avancé où cette ouver- ture se trouve déjà au côté de l’orifice rénal au lieu d’être dans l'intérieur même du rein. Mais les idées sur l’organisation de Nau- lilus se sont déjà très modifiées. Il est certainement vrai qu'il pré- sente beaucoup de traits d’une organisation inférieure : mais il serait très peu exact de croire qu'il en est ainsi pour tous ses organes. C’est ainsi que la branchie ventrale de Nautilus correspond à la branchie unique des Dibranches (voN JHERING, 29, p. 14) et — 175 — que la seconde paire de branchies et de reins de Nautilus est une acquisition propre à ce genre. Les Tétrabranches dérivent des Dibranches chez lesquels il n'y a aucun vestige d'une paire de branchies et de reins atrophiés ; et c'est une erreur de croire que les Céphalopodes paléozoïques soient : tous tétrabranches : cela a été prouvé par des recherches z0olo- giques et paléontologiques. J'avais donné (29) la preuve que l’apty- chus des Ammonitidæ et des Goniatidæ est l’'homologue de la plaque cartilagineuse nuchale des Dibranches, résultat adopté par STEIN- MANN et quelques autres paléontologistes, tandis que BARRANDE, BRanco, etc. ont prouvé que la protoconque des Aminonites et Goniatiles est très différente de celle des Nautilidæ, de sorte qu'il est évident que ces Céphalopodes paléozoïques et secondaires étaient des dibranches. Quant aux bras des Céphalopodes, PELSENEER (48) a combattu mes idées ; mais je crois qu'il accorde trop d'importance à l’em- bryologie des Dibranches. Pour moi, dans cette question, le système nerveux est décisif et je crois que l'interprétation du système nerveux de Naulilus dont j'ai donné la première description complète, et les homologies que j'ai établies entre lui et les Dibranches, ne sont pas altérées par PELSENEER, et je crois que des observateurs futurs les reconnaitront exactes. D'ailleurs, pour la question qui m'occupe ici, cette controverse n’a guère d'importance. Je me borne donc à insister sur ce fait que la cavité coelomique des Céphalopodes est très grande et qu'elle consiste non seulement dans la cavité viscéro-péricardique, mais que la capsule génitale en fait aussi partie et que la communication entre le rein et la cavité coelomique existe. La glande génitale est développée dans la cavité coelomique sans avoir de canal déférent. Les produits génitaux sont par conséquent évacués dans la cavité coelomique. La signification morphologique des canaux excréteurs génitaux n’est pas encore connue, que je sache. Il y a, à cet égard, une différence importante entre les Céphalopodes, et les autres classes de Mollusques, puisque les conduits génitaux ne sont pas constitués par leurs reins, dont l'homologie avec les reins ou organes de Bojanus des Lamellibranches, etc., fut prouvée par BOBRETZKY, à l’aide d'études embryologiques. Mais, en tous cas, les glandes gé- nitales n'ont pas de conduit excréteur direct et leurs produits — 176 — entrent dans la cavité coelomique qui donne libre passage de la capsule génitale à la cavité viscéro-péricardique et au rein. Un cas analogue à celui des Céphalopodes existe seulement chez une partie des Amphineures. Chiton, à cet égard, est déjà très mo- difié, puisque les conduits génitaux sont déjà détachés des reins, qui, de même que l'appareil génital, présentent deux orifices symé- triques. Au contraire, chez Proneomenia et Dondersia, il existe une franche communication entre la cavité de l’appareil génital, le péricarde et le rein ; chez ces formes, les produits génitaux sont évacués dans la cavité coelomique, déjà réduite ici à la cavité péri- cardique, qui est en libre connexion avec les reins par lesquels les produits génitaux sont amenés au dehors. Ces homologies ont été discutées presque dans le même sens par Ray LANKESTER (42), mais j'avais déjà donné la même explication du coelome des Céphalopodes, huit ans plus tôt (29, p. 11 et suiv.) et déjà en 1877 (28, p. 591, 599 et suiv.) j'ai comparé le péricarde des Mollusques à la cavité coelomique des Vers, en me basant sur les communications entre les reins et le coelome chez les Vers, entre les reins et le péricarde chez les Mollusques. À la même époque, j'ai détruit le mythe de la relation de l'appareil circulatoire et du péricarde, en montrant que ce dernier n'a pas d'ouvertures pour l'entrée du sang, mais qu'il est complètement fermé, à part l'ouverture conduisant au rein. Je peux donc réclamer pour moi le mérite d'avoir le premier compris la relation entre le coelome, le péricarde et les reins, et j'avais exprimé l'espoir que l'embryologie confirmerait ce résultat. C'est ce qui est arrivé : Les observations de ZIEGLER sur le déve- loppement de Cyclas, de SALENsKY sur celui de Vermelus et de SCHIMKEWITSCH sur celui de Zimaæ, ont montré que le péricarde se forme dans le mésoderme entre les deux couches de celui-ci dont la couche splanchnique donne naissance au cœur. On ne trouvera pas surprenant que dans les diverses classes de Mollusques les relations du cœur et du coelome soient les mêmes, puisqu'elles sont telles chez les Vers segmentés. On sait que les grands vaisseaux de ces Vers ne sont qu'un sinus sanguin développé autour de l'intestin ; et cette disposition s’est conservée chez une partie des Mollusques où le cœur est développé à la circonférence de l'intestin, ou, comme on le dit de préférence, — 171 — où le cœur est perforé par le rectum. En même temps, l'embryo- génie nous a ouvert une nouvelle perspective pour la comparaison des organes des Mollusques et des Vers, puisque KowaLEwsky chez Dentalium, SArAsiN chez Helix, ont montré l'existence des tubes cérébraux, que ces auteurs ont comparé avec raison, à mon avis, aux « Seitenorgane » des Némertiens et Annélides. III. — Les Otocystes; les Coquilles sénestres. Je crois qu’au sujet des otocystes , il n'y a pas de désaccord entre Bouvier et moi, puisque je savais comme lui que l'otocyste des Tænioglosses n'a pas la même valeur que chez les Rhipidoglosses et Sténoglosses. Mais l'existence de familles transitoires n'empêche pas d'apprécier un caractère qui est très particulier chez les autres : il en est de même avec le pénis et les autres organes employés pour la classification. J'avais démontré qüe les formes primitives ont des otoconies nombreuses, et les formes les plus modifiées, comme les Sténo- glosses, une seule otolithe. Bouvier confirme ce résultat et attire l'attention sur ce fait que, contre toute attente, c’est l’otolithe qui prédomine dans l'embryogénie. Ce fait peut pourtant n'être pas aussi répandu qu’on le pensait, puisque Bouran (11) n’a pas signalé l'otolithe unique pour l'embryon de Fissurella où il en rencontra plusieurs. Mais, pour les genres où l'observation a été exacte, je crois que l'interprétation doit être celle que j'ai donnée autrefois (26, p. 18). Je crois que, dans le principe, l’otolithe apparaît comme organe embryonnaire, adapté à la vie larvaire qui diffère tant de celle de l'adulte. L'otolithe larvaire disparaît plus tard, remplacée par un nombre élevé d’otoconies que nous rencontrons chez les Diotocardes, etc., mais, chez les Sténoglosses, au contraire, elle per- siste toute la vie, sans qu'il se forme d'otoconies. Il n’y a pourtant rien d'étonnant dans le fait que chez quelques familles de Tænio- glosses nous rencontrions un stade transitoire à otolithes déjà per- sistantes, où la formation des otoconies n’est pas encore supprimée. Je crois donc que l’embryologie, au lieu de contredire les résultats 12 — 178 — donnés par l'anatomie comparée, ne fait, au contraire, que les con- firmer. Dans beaucoup d’autres cas, l'embryologie, à l'encontre de la loi fondamentale biogénétique de HAECKEL, ne peut servir en rien pour l'étude de la phylogénie. Ce sont les cas que HAEGKEL nomme céno- génétiques. Il est difficile de dire, dans bien des cas, si un fait embryogénique doit être considéré comme cénogénétique ou palin- génétique. C’est pourquoi j'avais déclaré (26, p. 48 et suiv.) que l'embryogénie n’est pas à même de donner sur la phylogénie du système nerveux des Mollusques les mêmes renseignements que l’anatomie comparée. Et si Bouvier (12, p. 475) est arrivé main- tenant au même résultat, comme aussi BERGH (9 , p.176). ce n’est pas là un hasard, et la même chose se reproduira pour tous ceux qui, comme nous l'avons fait, étudieront la morphologie comparée des Mollusques. En tout cas, il faut toujours un examen très sérieux, pour savoir si un fait embrvologique peut être interprété comme palingénétique ou cénogénétique. On ne peut pas dire que les savants qui se sont adonnés à des études embryologiques exclusives, ont toujours tra- vaillé avec assez de prudence, surtout chez les Mollusques, j’appuie ici les remarques de Bouvier (12, p. 475) sur les travaux de Fo, Bourax et SaRAsIN, dont les résultats sont en opposition avec tout ce que l'anatomie comparée et la paléontologie nous apprennent d'une façon identique, sur la phylogénie des Cochlides. Mais j insisterai aussi sur une question d’un intérêt tout particulier. Il n’y a aucun autre groupe de Mollusques qui m'’ait autant occupé tant au point de vue morphologique que systématique, que les Nudi- branches. Dans mon livre sur le système nerveux, j'ai montré qu'il y a une série continue dans l’évolution du système nerveux, des Nudibranches jusqu'aux Pulmonés. De même que, chez les Cochlides, les Zeugobranches sont les formes les plus inférieures, ce sont, chezles Ichnopodes,les Nudibranches et une partie des Tectibranches. On a combattu ce résultat en déclarant que les Nudibranches, pos- sédant une coquille à l’état larvaire, dérivent de Gastropodes tes- tacés. C’est là une argumentation très sommaire, mais sans trace de raisonnement logique. Car personne ne doute que les Mollusques ne soient dérivés des Vers, qui n’ont point de coquille larvaire ; il est donc évident que chez les ancêtres des Ichnopodes, il s’est formé, — 179 — à une certaine époque, une coquille larvaire, qui disparait après la vie larvaire. C’est là le cas des Nudibranches ; alors qu’au contraire chez les Tectibranches la coquille larvaire se conserve en général au delà de la vie de l'embryon. On peut m'objecter que chez les genres qui en sont dépourvus, la coquille peut être réduite. Cela est certain : le cas existe chez les Pulmonés où j'ai signalé depuis longtemps le fait que Zimax pos- sède le muscle colamellaire comme Vifrina, tandis que Arion (pour lequel je ne vois pas de raisons de le ranger encore parmi les Hélicidæ, au lieu d’en faire une famille à part, comme pour les Philomycidæ) a les muscles isolés, c’est-à-dire non confondus en un muscle columellaire, et dont les embryons ne possèdent point de coquille larvaire. Le cas est donc bien différent chez les Nudibranches. Il n’y a ni muscle columellaire ni aucun autre fait montrant que ces animaux dérivent de Mollusques testacés. Il n’est pas probable que les Nudi- branches nous représentent les formes desquelles se sont détachés les autres Ichnopodes, mais, en tous cas, ils ont gardé beaucoup de traits primitifs dans leur organisation. J'y reviendrai plus loin et je dirai seulement ici que la coquille larvaire n’a pas la signification qu'on a voulu lui donner. Elle peut, en effet, aussi bien être un organe exclusivement larvaire qu’un indice de l'origine des Ichno- podes testacés. C’est seulement la morphologie comparée de tous les Ichnopodes qui peut élucider les relations existant entre les diffé- rents sous-ordres et nous montrer quelles sont les formes les plus modifiées et les plus primitives. Parmi les points sur lesquels Bouvier et moi nous différons d'opi- nion, il y en a encore un dont je dois parler : c’est la question des Ampullaria sénestres. Bouvier a fait connaître ce fait très curieux que, malgré leur coquille sénestre, ces Mollusques présentent l’or- ganisation normale des Ampullaria dextres ; et il en conclut qu'il y a à cet égard une différence entre les Cochlides et les Ichno- podes. Mais les faits, comme l'explication, sont bien différents. Je ren- voie ici à une notice que j'ai publiée sur cette question (27). Un conchyliologiste danois, M. Con, étudiant les Mollusques marins — 180 — de son pays, fut frappé par le fait que dans une certaine localité il trouva beaucoup d'exemplaires de Buccinum undatum à coquille sénestre. Il conserva plusieurs exemplaires des deux formes, en alcool, et me les montra : sans pouvoir en faire l'anatomie, je pus me convaincre qu'il y avaitsitus inversus viscerum, car le siphon, la branchie et la pseudobranchie, au lieu de se trouver à gauche, étaient situés à droite, et les organes ordinairement situés à droite, comme le rectum, le pénis, etc. étaient développés au côté opposé. j'était donc le même cas que chez les Pulmonés, où les animaux à coquille dextre sont toujours dextres, et sénestres ceux à coquille sénestre. Comment alors s'expliquer le cas des Ampullaria « sénestres » ? Tout simplement parce que ces coquilles ne sont pas sénestres, mais ultra dextres ! Si la spire d’un Ampullaria dextre se raccourcit de plus en plus, il en résulte finalement la coquille planorbiforme de Ceralodes; et, si le même processus se continue encore, la spire se développe au côté opposé. Pour s'expliquer ce phénomène, il suffit de faire une spirale plane à l’aide d’un tube de caoutchouc: l'on verra alors, qu'en tirant la spire un peu d’un côté, elle devient dextre, tandis qu'en la poussant au côté opposé, elle devient sénestre. Et il est bien évident que, par ces modifications de l’enroulement, l'animal ne subit pas de changement, et que l’on ne rencontrera de coquilles ultra-dextres ou ultra-sénestres, que dans les genres ou familles où existent des coquilles planorbiformes; or, si je ne me trompe, parmi les Cochlides récents, la famille Ampullariidæ seule, nous offre l'exemple de coquilles à spire plane et planorbiforme (Ceratodes). Le raccourcissement de la spire, qui, dans ce dernier genre, en est arrivé au stade planorboïde, est poussé plus loin et au pôle opposé dans ZLanistes, où la coquille est ultra-dextre et l'animal dextre. Il faudrait de nouvelles études pour savoir sile même cas se répète chez d’autres Gastropodes. Actuellement, je ne connais plus qu'un seul cas analogue, c'est celui de Planorbis. On a beaucoup discuté sur la question de savoir si ce genre est dextre ou sénestre ; mais une discussion sérieuse scientifique n’est plus possible sur ce point, comme je l'ai répété et comme l’a prouvé depuis longtemps LacAzE-DuTHiERs. Je signalerai, à cet égard, un fait curieux : si Planorbis est sénestre, on croirait que les formes scalaires , qui sont — 181 — moins rares dans ce genre que dans la plupart des autres Gastro- podes, vont nous offrir comme cas atavique, une coquille sénestre ; et c’est, en effet, ce que l’on a observé, CAILLIAUD (18) ayant figuré un exemplaire scalaire sénestre de PJ. leucostoma (un autre cas intéressant me fut communiqué récemment par M. STERKI, mais je ne sais à quelle espèce il se rapporte). Mais dans la plupart des cas, comme surtout dans ceux de PIRE, les formes scalaires de P/. com- planatus (46) sont dextres. Or, bien que l'animal ne fut pas exa- miné, on ne doutera pas qu'il était bien normal et sénestre et que la coquille était ultra-sénestre. La façon dont la forme plane de Planorbis se change en forme ultra-sénestre nous est très bien connue par les études de HizGenporr, sur P/. multiformis de Steinheim. On a voulu émettre l'hypothèse (CLESSIN) que les formes scalaires ont pour cause une épaisse couche de Lemna à la surfacede l’eau. Je ne crois pas nécessaire de combattre l'hypothèse qui n’est pas admise généralement et qui, à part toutes les objections qu'on peut lui faire, est combattue par Les résultats que nous possédons mainte- nant sur les coquilles ultra-sénestres, etc., qui ne sont pas la consé- quence de phénomènes traumatiques ou pathologiques, mais qui représentent le stade extrême du raccourcissement de la spire. On a appelé héférostrophes les coquilles à spire perverse, con- traire à celle qui constitue la règle dans l'espèce, et orthostrophe, la coquille normale. Cette dernière est en général dextre, mais chez certaines espèces elle est sénestre ; et, si dans une espèce sénestre apparaît une coquille dextre, celle-ci est hétérostrophe. Mais on n'a pas distingué jusqu'ici le cas des coquilles hypers- lrophes, ainsi qu'on peut appeler celles dont j'ai parlé tantôt. Les cas connus, jusqu'ici, de coquilles hyperstrophes sont seulement ceux des Ampullaires et des Planorbes; peut-être faudra-t-il y joindre les Bellerophontidæ et d'autres genres paléozoïques. Primitivement, tant chez les Cochlides que chez les Ichnopodes, toutes les coquilles étaient dextres. Chez les Cochlides, c’est probablement par le développement asymétrique des organes uro-génitaux que s’est confirmée cette condition, dejà rencontrée chez les Zeugobranches. Mais. chez les Ichnopodes, on peut dire qu'il estprobable que la situation dextre de l’anus-rein et appareil génital était, dès le principe, le facteur décisif pour l'enroulement de la spire. Dans le principe, toutes les coquilles étaient donc ortho- — 182 — strophes et dextres, chez les Cochlides et Ichnopodes. S'il y a déjà, à l’époque silurienne, des Zuwomphalus sénestres, il reste à étu- dier s'ils sont hétérostrophes ou hyperstrophes, ce que la compa- raison des espèces voisines peut décider. Jusqu'ici on a confondu ce que j'appelle maintenant hétérostrophe et hyperstrophe ; c’est ainsi que, par exemple, les paléontologistes parlent de la partie initiale de la spire chez quelques genres de Cochlides paléozoïques, comme hétérostrophe: Solarium, Malhilda, Agnesia, Turbonilla, eic. Ce commencement de spire est hétéros- trophe d’après Kokex. Je trouve très remarquable ce que cet auteur dit sur ce sujet (38, p. 355 et suiv.), mais je ne puis accepter l'em- ploi de ce terme hétérostrophe, pour les changements que la spire subit chez le même individu. Les relations entre l’animal et la coquille sont si constantes qu'il faut tout d’abord les apprécier. C'est ce qu'on fera si l'on accepte ma proposition d'appeler hétérostrophe un individu dont l’animal, avec sifus inversus viscerum, a produit une coquille inverse à la direction normale de la spire chez l'espèce à laquelle il appartient; et de même on parlera d'espèces et de genres hétérostrophes relativement aux autres espèces ou genres de la même famille ; mais, en tout cas, l'hétérostrophie est un phéno- mène qui se manifeste entre individus différents. Au contraire, les modifications de la spire dans une même coquille appartient toujours à la même spirale, que celle-ci soit positive, plane ou négative, comme dit KokEN, ou qu’elle soit orthostrophe, plane ou hyperstrophe, dans la terminologie proposée. La coquille peut être tout de suite orthostrophe, ou bien dans le commen- cement hyperstrophe et ensuite orthostrophe. KokEN croit néces- saire une terminologie plus complexe pour les modifications de la partie initiale de la coquille; je n'en suis pas convaincu, mais je suis d'avis que la question doit être reprise, en expli- quant, à l’aide de figures, ces modifications de la spire. Mon intention était seulement de repousser toute discussion purement conchyliologique, qui, en ne considérant pas les relations intimes de l'animal et de sa coquille, se trouve dans l'impuissance de donner des résultats satisfaisants. L'importance qu'il y a à bien saisir, dans la discussion morpholo- gique, la question de l'hétérostrophie, est rendue évidente par la divergence qu'il y a, à cet égard, entre Bouvier et moi, ainsi que AS — par une erreur de SPENGEL, qui, voyant l'organe de LAGAZE à droite chez les Limnées et à gauche chez les Physes, croyait devoir en tirer la conclusion que, dans le principe, il y avait, chez les Bran- chiopneustes, deux organes de Lacaze, dont l'un persistait chez les genres à coquille dextre, l’autre chez ceux à coquille sénestre. La discussion sur la cavité branchiale nous montrera que cela est inexact. En effet. le cas de situs inversus s’observe aussi chez d'autres animaux. Ce n'est qu'une de ces anomalies que la nature produit quelquefois dans le développement, par exemple en échan- geant les valves droite et gauche chez des Lamellibranches, en divisant le corps d’un échinoderme en 6 rayons au lieu de 5, ou en divisant la région cervicale (1) chez Bradypus, en 9 segments au lieu de 7 chez les autres mammifères. En terminant cette question, je dois remarquer que je n'ai pas tenu compte de la nombreuse littérature sur ce sujet, car je crois que le temps des discussions purement conchyliologiques est passé. J'ai donc examiné seulement les faits importants, et je renvoie, pour les autres, aux nombreuses publications sur la question, de RECLUZ, Baupon, CLESsIN, et surtout Mürcx (Journ.de Conchyl., t. II, 1863, p. 239 et suiv.) . IV. — La Classification des Cochlides. 1.— Si nous nous occupons finalement de la classification des Coch- lides, il me faut tout d'abord protester contre l'abus que l’on a fait souvent des noms que j'ai proposés pour les nouveaux groupes de la classification que j'ai établie. J'avais, le premier, démontré que les Hétéropodes, souvent com- parés aux Ptéropodes, ne sont en réalité que des Cochlides péla- giques. Le système nerveux des Hétéropodes n'est jusqu'ici qu’in- (1) Voy. von JHERING, Das peripherische Nervensystem der Wirbelthiere. Leipzig, 1878. — L'école de GEGENBAUR n’a pas accepté cette manière de voir, qui ne me paraît cependant pas réfutée par FÜRBRINGER à l'aide de son hypothèse de transformations répétées des plexus, hypothèse qu'il faudrait accepter de confiance, car elle ne peut être prouvée, Mon hypothèse de l'intercalation ou de l’excalation de segments me semble être beaucoup plus d'accord avec les faits anatomiques. — 184 — complètement connu; et il faudrait de nouvelles recherches anatomiques et embryologiques pour juger des modifications que Les ganglions pleuraux ont subies, et pour savoir si les idées de SPENGEL et de BouviER, qui constituent le meilleur de nos connaissances actuelles sur ce point, sont correctes, ou s'il faut les modifier et comment. J'ai ainsi réuni les Hétéropodes de Lamarck aux Proso- branches de H. MizNE Epwarps, dans une classe des Arthrococh- lides, ou, comme je l'ai dit plus tard, en abrégé, de Cochlides. J'ai employé ce dernier nom, pour la première fois, dans un guide de SELENKA, publié en 1878, et pour lequel j'avais donné quelques notes sur les Mollusques. J'ai traité plus tard de la classification de ces animaux (33, p.929) et établi des groupes systématiques bien naturels. Si plus tard SPENGEL a changé le nom de Cochlides en celui de Streptoneures, je dois protester contre ce remplacement d’un nom proposé par moi pour une classe créée par moi. Siles représentants de la « Zoologie scientifique » sentent le désir ou le besoin d'entrer dans le domaine de la systématique, 1l leur faut aussi respecter les lois de nomenclature et de priorité acceptées par cette branche de la science. SPENGEL, à ce point de vue, ne s'y est guère conforme vis-à-vis de moi; il a changé les noms Zeugobranches et Aniso- branches en Zygobranches et Azygobranches. S'il pensait que ces noms sont plus appropriés, c’est un avis que je ne partage point. On peut d’ailleurs différer d'opinion sur une question de ce genre, mais en tout cas, comme les noms que j'avais créés sont formés correc- tement et ont la priorité, il n’est pas permis de les remplacer par d'autres. Où en arriverions-nous si chacun se croyait autorisé de changer les noms proposés par d'autres, alors qu'il accepte le grou- pement pour lesquels ils sont créés ? R 2. — Quant à la position des Hétéropodes, je ne trouve pas qu'on doive les réunir aux Tænioglosses, bien que ce soit en réalité leur place naturelle. Mais le système zoologique ne peut être complète- ment identique avec les tableaux phylogénétiques, et ce n’est pas son but. Le système doit être un guide pour la détermination, et, par ce motif, il faut laisser à part les ordres spécialisés au lieu de les réunir à ceux dont ils dérivent. On peut diviser les Chiastoneures, d'après Pr te leur anatomie, en des sections très naturelles et faciles à distinguer; mais, si l'on veut inclure les Hétéropodes dans la diagnose, on devrait faire , au sujet de la branchie , du système nerveux, etc., la description si générale et si vague, qu’elle n'aurait que très peu de valeur pour ceux qui désirent s'occuper des Mollusques. Je crois donc que les différences essentielles qui caractérisent les Hétéro- podes aussi bien que des raisons d'opportunité , recommandent de conserver ce groupe comme un ordre spécial des Cocblides. 3. — Quant aux Orthoneures, ils représentent un ordre distinct des Cochlides, dont j'ai déjà parlé. En résumant ce que j'ai exposé ici, je dirai que c’est le mérite de SPENGEL el Bouvier d’avoir corrigé deux erreurs essentielles que j'avais commises : l'interprétation de la pseudo-branchie comme une branchie rudimentaire, et celle des Zygoneures comme Orthoneures. Au contraire, SPENGEL (60), HALLER (24) et PELSENEER (50), en niant l'existence de deux groupes distincts : Orthoneures vrais et Chiastoneures, parmi les Rhipidoglosses , sont tombés de leur côté dans l’autre extrême. Si Bouvier n’a pas accordé à la différence entre Chiastoneures et Orthoneures la valeur que je leur attribue, je doute qu’il puisse persévérer dans cette opinion qui ne peut être défendue contre les arguments que j'ai exposés. Cet auteur ne paraît pas, d'ailleurs, accorder à mes travaux l'importance qu'on leur reconnaitra sans doute plus tard; si on laisse de côté les deux erreurs que j'ai reconnues, on se convaincra facilement que mes résultats et ceux de Bouvier sont identiques dans tous les points essentiels. C’est ainsi que j'ai parfaitement bien indiqué les caractères propres du système nerveux des Zeugobranches et les modifications qui se sont produites chez les formes plus spécialisées ; de même, j'ai reconnu les changements qu'a subis le mufle et le mode de formation de la trompe ; j'avais compris la radula des Rhipidoglosses comme le type primitif duquel s'est développé successivement celle des Tænio- glosses et des Sténoglosses et j'ai signalé les différences très impor- tantes qui existent entre les formes primitives et les plus spécia- lisées , au point de vue de l'appareil génital. Enfin, en indiquant les principaux traits de la phylogénie, j'ai montré que les faits paléon- tologiques concordent bien avec ceux tirés de la morphologie, et — 186 — d'autres faits (Bellerophon, par exemple) sur lesquels Bouvier appuie aussi, sans dire que nos résultats sont identiques. En un mot, cet auteur insiste plus sur les désaccords qu'il y a entre nous que sur l'identité de nos résultats. Sans doute mes recherches présentaient des inexactitudes que Bouvier a corrigées ; mais les siennes mêmes ont aussi été corrigées et complétées par les monographies parues depuis la publication de son travail. Le but de mes études n’était pas de donner une série de mono- graphies minutieuses, mais d'arriver à une idée générale des mo- difications que subit le système nerveux central chez les Mollusques, de voir combien la théorie, dominante, d'une identité de compo- sition dans les différentes classes correspondait aux faits et enfin de rechercher si l'anatomie comparée et celle du système nerveux pou- vaient donner de nouveaux renseignements sur les affinités des diverses classes et sur leur classification. Pour les Cochlides surtout, le matériel suffisant me manquait pour bien des genres ; et, si l'étude d’un exemplaire unique, souvent mal conservé, ne donne pas des résultats complets et définitifs, cela ne méritait pas une censure aussi sévère. En outre, je travaillais , pen- dant si longtemps, sur toutes les classes de Mollusques, alors que la plupart de mes contradicteurs se bornaient à des divisions res- treintes. Je suis d’ailleurs , comme l’a remarqué Bouvier, habitué d’être censuré rigoureusement, surtout par mes compatriotes, pour chaque point de désaccord avec ceux qui m'ont suivi dans la voie que j'ai ouverte, alors que jusqu'ici on ne m'a pas rendu justice pour les germes de progrès contenus dans mes travaux. Cela suffira pour expliquer que maintenant j'insiste plus sur les nombreux et impor- tants points de concordance de nos résultats, que sur les différences secondaires qui existent entre nous. Il est naturel que ceux qui m'ont suivi aient ajouté aux résultats de mon travail de nombreux faits nouveaux, en dehors des données spéciales sur le système nerveux. Mais je crois que, d'un autre côté, on reconnaîtra qu'en dehors de ce dernier système, il ne peut y en avoir d'autre plus important que l’appareil génital, dont j'ai fait con- naître peu à peu les traits généraux de l'évolution, résultats qui seront certainement fertiles pour les travaux futurs. Plus encore que sur la concordance de nos résultats, j'insisterai DRE JT (in — sur l'identité de notre méthode de travailler, à Bouvier et moi. J'ai toujours proclamé la nécessité d'examiner les séries d'évolution dans les différentes classes. Il n’est pas, en effet’, d'une méthode scienti- fique de comparer le système nerveux d'un Cochlide à celui d’un Ichnopode, comme cela a été fait. On sait que pour moi ces deux classes sont absolument différentes; on peut soutenir que ce n'est qu'une hypothèse non prouvée, mais on ne peut pas davantage faire admettre le cas opposé comme prouvé, et parler de l'unité de la classe des Gastropodes, puisqu'il n'existe ni formes intermédiaires entre les Cochlides et les Ichnopodes, ni fait sanatomiques qui rendent une telle connexion probable. Celui qui, sans égard pour les connexions naturelles, comparerait Paludina à Limnæus, ne pourra jamais juger des homologies ou analogies existant entre ces animaux, puisqu'il n'y a pas une forme typique ni une identité d'organisation, soit chez les Cochlides, soit chez les Ichnopodes. Les formes extrêmes n’ont que peu de ressem- blance avec les primitives, dans leur organisation. Si l’on veut donc connaître la valeur morphologique d’un certain stade, il faut étudier comparativement les familles voisines. Et l'on verra alors que ce qui unit les divers groupes systématiques d'une classe n’est pas l’or- ganisation selon un {ype imaginaire, comme le pensait Cuvier et le pensent encore aujourd'hui les derniers représentants impuissants de son école, mais l'identité de la direction dans l’évolution phylo- génétique. C’est seulement quand on connaît cette évolution dans la série des genres et familles voisins, que l’on peut juger de l’homo- logie des organes : c'est ainsi que les ganglions pédieux des Cochlides et des Ichnopodes sont très différents, celui des Cochlides les plus spécialisés représentant la partie antérieure , concentrée , des cor- dons pédieux unis par des anastomoses transversales chez les Zeugo- branches, tandis que le ganglion pédieux des Ichnopodes est la partie latérale , déplacée vers la sole pédieuse, d’une masse ganglionnaire dorsale , qui est fermée, ventralement , par cinq commissures, une buccale et quatre autres, dont deux, la pédieuse et la subcérébrale, sont entrées dans la formation de la commissure pédieuse: je reviendrai d’ailleurs sur ce sujet. L'homologie des organes apparemment identiques, pourvu qu'ils soient toujours bien comparables dans leurs conformation, position et relations, n'est prouvée que par leur concordance morphogé- — 188 — nétique qui prouve l’unité phylogénétique : c’est ce que j'ai soutenu depuis longtemps (26, p. 10 et suiv., 30, p. 260 et suiv.) et ce qu’on n'a pas accepté pour l'étude des Mollusques, en Allemagne et en Angleterre, où l’on continue de discuter les relations de la Trochos- phère au « mollusque primordial », et de comparer la pseudo- branchie à l'organe de Lacaze des Pulmonées. Il est bien naturel que dans ce cas on ne puisse être disposé à examiner sérieusement mes explications sur la différence fondamentale entre les Cochlides et les Ichnopodes. On comprendra donc que j'ai accueilli avec satis- faction le travail de Bouvier et que j'espère voir les recherches ultérieures de Bouvier, PELSENEER et autres qui acceptent une partie des idées pour lesquelles j'ai longtemps combattu sans succès, contribuer beaucoup à ce que l’on puisse s'entendre, non pas à l’aide de considérations vagues sur l'embryogénie des « Mollusques » et des « Vers », mais grâce à des études morphologiques étendues portant sur les séries évolutives des différents ordres et classes . puis sur les convergences ou divergences existant entre les séries phylogénétiques observées chez les Mollusques. 4.— I] n’est pas besoin de dire ici que les théories de SPENGEL (67), BürscHLI (17) et autres, sur la torsion du système nerveux des Coch- lides, ne méritent plus d’être discutées, parce que l'existence des Orthoneures démontre que les changements dans la position de l'anus n’ont rien à voir dans la formation de la Chiastoneurie. Les Orthoneures sont symétriques dans leur système nerveux et dans l'innervation de la branchie ; ils sont enroulés comme les Chiasto- neures et ont sans doute la même origine que les autres Rhipido- glosses. Il est évident, pour cela, que la Chiastoneurie est, comme je l’ai expliqué , indépendante de ces torsions. Cette explication est moins séduisante que celle de la torsion, mais elle résulte, au moins, de faits connus. On ne peut douter que la Chiastoneurie est une organisation par- ticulière, dérivant de l’Orthoneurie. 11 est alors de la plus grande importance de voir que la formation de la Chiastoneurie n'est pas encore terminée chez les Cochlides archaïques. En effet, la commis- sure viscérale, très longue chez les Monotocardes, est courte chez les Fissurella et Palella; le croisement n'y est pas complet, puisque — 189 — le ganglion supra-intestinal n’est pas situé au côté droit, mais dorsa- lement, près de la ligne médiane ; comme chez les Orthoneures, il n’y a, dans la commissure viscérale, que trois ganglions, les palléaux et abdominal. Il n'y a pas encore de ganglion supra-intes- tinal et sous-intestinal à l’origine des nerfs chiastopalléaux ou bien s’il y en a un vestige, ces renflements ganglionnaires sont encore presque insignifiants. Aussi ces nerfs chiastopalléaux n'ont pas l’im- portance qu'ils ont chez les Pectinibranches, parce que les nerfs symétriques des ganglions palléaux sont encore très bien développés, et peut-être même y a-t-il des genres où ils participent à linner- vation de la branchie. Dans la fig. 3, je donne la com- position hypothétique du système nerveux des formes intermédiaires entre les Orthoneures et les Chiastoneures. Il ne diffère de celui des Orthoneures que par le dérangement de la commissure vis- cérale, abstraction faite naturelle- ment de la disparition de la branchie droite et de différences secon- daires dans la longueur de la com- missure. Nous aurions, au contraire, le type chiastoneure, si aux points cp et cp” naissaient des nerfs chiastopalléaux (je reviendrai plus TE de an loin sur cette figure). Il s’en suit cêtres des Chiastoneures, combi- UE chez les Zeugobranches, la naison hypothétique : cp, points branchie était primitivement inner- où naissent les nerfs chiastopal- vée par le nerf palléal homopleure léaux des Chiastoneures ; pl, wan- : ; glion pleural : autreslettres comme et par le nerf chiastopalléal : et dans fig 1,p 159. si les nerfs chiastopalléaux n'ont pas encore la sphère d'innervation complète des autres Chiastoneures, la conclusion naturelle en est que ces nerfs sont une acquisition des Chiastoneures, chez les- quels les branchies étaient, dans le principe, innervées par les ganglions palléaux homopleures, comme c’est encore le cas chez les Orthoneures actuels. Lu Il me semble impossible d'arriver à quelque résultat, dans la com- paraison du système nerveux des Cochlides avec celui des autres Mollusques, si l'on ne veut pas admettre les conclusions que nous avons exposées. Le développement de la chiastoneurie est bien facile à suivre chez les Chiastoneures étudiés jusqu'ici; mais il est bien naturel que les stades que nous en connaissons ne soient pas les seuls et que ce développement présente, chez les Zeugobran- ches paléozoïques, d’autres conditions qu'il faut reconstituer en comparant les parties homologues chez les différentes classes de Mollusques. 5.— Si l'on compare le système nerveux des Orthoneures avec celui des Solénoconques et des Lamellibranches, on est frappé par une différence fondamentale : l'absence de connectifs cérébro-viscéraux et viscéro-pédieux (pleuro-pédieux) chez ces derniers. Si on consi- dère leur commissure viscérale comme leur connectif cérébro vis- céral, il reste toujours cette grande difficulté que chez les Lamel- libranches, il n’a pas de connectif viscero-pédieux et que le système nerveux, si bien fermé chez les « Gastropodes », reste ouvert : il consiste seulement en deux anneaux divergents et simples, sans connectifs de réunion; le système nerveux est alors ouvert : lyloneure, tandis que chez les Gastropodes, il est fermé par les connectifs viscéro-pédieux ou kleistoneure. De même que les Solé- noconques et les Lamellibranches, les Céphalopodes et les Amphi- neures sont aussi lytoneures; pour ce qui concerne les Céphalopodes, jem’en rapporte aux conditions primitives représentées par Nautilus. Nous avons vu que les Cochlides archaïques se rapprochent beaucoup des Mollusques lytoneures, tant par la duplicité des reins que par le rectum perforant l'intestin et les relations du cœlome. IL faudra donc expliquer comment le système nerveux kleistoneure des Cochlides correspond à celui des Lytoneures. J'ai déjà (26) parlé de ces différences du système, mais j'ai laissé en doute les homologies du système viscéral, et les recherches ultérieures ont modifié mes idées d'autrefois. Il me semble que maintenant on peut essayer avec plus de chances de succès, d'expliquer la correspon- dance du système nerveux kleistoneure des Cochlides avec celui des Lamellibranches, qui est lytoneure. Une observation importante — 19 — de PLATE vient y aider. Cet auteur a trouvé (47) que chez Denta- liwm, le connectif viscéro-pédieux existe, mais intimement lié au connectif cérébro-pédieux. La partie du ganglion supra-æsophagien qui donne naissante à ce connectif viscéro-pédieux est un peu séparée du ganglion cérébral et est par conséquent considérée par PLATE comme le ganglion « pleural » (Fig. 4). C'est là une obser- vation qui nous mène du domaine des hypothèses dans le champ des faits. Peu importe que la séparation des deux connectifs existe tou- jours chez les Solénoconques ou si chez d'autres genres ou espèces, ils sont confondus comme dans les Lamellibranches, car il est prouvé ainsi que le ganglion cérébral des Solénoconques et Lamelli- branches contient aussi le ganglion palléal. Il n’y a donc pas de connectif viscéro- pédieux apparent chez les Lytoneures, parce qu'il est confondu avec le con- nectif cérébro-pédieux. Il est très pro- bable que cette relation représente l'état primitif, parce que les connectifs sont complètement confondus. Chez les Co- chlides , nous avons trop souvent le ganglion palléal accolé au ganglion céré- bral, mais jamais les connectifs n’y sont confondus. Si l’on fait abstraction des commissures labiale et buccale, il n'y a donc, entre les systèmes nerveux des La- mellibranches et des Orthoneures, d'au- tres différences que dans la position du ganglion palléal, confondu avec le cé- | rébral chez les Lytoneures, avec le gan- Fig. 4. — Système nerveux lion pédieux chez les Zeugobranches. de Dentalium. Lettres ©? comme dans la fig. 3 (page Il S'en suit que la disposition présentée 159). par les Zeugobranches connus jusqu'ici et par les Orthoneures, dérive d’un stade plus primitif où le ganglion palléal était accolé au ganglion cérébral. 6.— Un système nerveux bien pareil à ce stade encore inconnu chez — les Zeugobranches, est celui des Amphineures. Nous ne savons pas encore si, chez les Solénogastres, existent les deux commissures antérieures de Chiton : la buccale et la sublinguale (labiale), et il faudrait les rechercher ; pour Proneomenia, HuBREcuT a seulement décrit la commissure sublinguale. Les autres différences entre les Solénogastres et Chion sont seulement graduelles, comme par exemple le développement d'un ganglion impair supra-œsophagien chez Proneomenia, tandis que chez Chiton, il n’y a pas de différen- ciation en ganglions cérébraux et commissure cérébrale. L'origine du nerf latéral (nerf palléal primaire von Jhering) correspond, chez Chaton, au ganglion palléal, et la commissure infra-æsophagienne y sera l’homologue de la commissure viscérale, si, bien entendu, la connaissance du système nerveux de Chion n'est pas incomplète et si l'on ne trouve pas une commissure viscérale inaperçue jusqu'ici. En tout cas, on ne sait pas encore nettement d'où viennent, chez Chilon, les nerfs du rein, du cœur et de l'appareil génital : et il fau- drait rechercher si ces nerfs naissent de la commissure sous-pharyn- gienne. Les nerfs issus de cette commissure doivent, d’ailleurs, être étudiés de nouveau. C'est seulement lorsqu'on connaîtra l'innerva- tion des viscères que l’on pourra déterminer où est la commissure viscérale des Amphineures : quant aux ganglions sublingaux, ils correspondent à la commissure labiale. Et HaLrEer a montré que l'organe que j'ai décrit chez Chiton comme organe subradulaire, est aussi représenté chez les Patella et les Trochidæ. Les nerfs latéraux de Chilon sont considérés comme l’homologue de la commissure viscérale des Lamellibranches par SPENGEL, qui a conservé ainsi une erreur que j'avais commise, avant d’avoir dé- couvert l’anastomose terminale de ces cordons. Cette anastomosese trouvant au-dessus de l'anus, il est impossible, comme l'a aussi déclaré BürscxLr, de comparer les nerfs latéraux à la commissure viscérale, même au cas où se détacheraient de ces cordons des nerfs pour les viscères. Il me semble que ces nerfs latéraux sont homologues aux nerfs palléaux primaires, issus chez les Cochlides, des ganglions palléaux. L'énorme développement de ces nerfs chez les Amphineures, paraît, d’après ce qu'on sait aujourd'hui, une particularité de cette classe. L'importance de ces quatre cordons longitudinaux est démontrée aussi par les observations de KowaLewsxy sur l’embryogénie de — 193 — Chiton. I1 me semble donc, comme l’admet aussi HUBRECHT, que la classe des Amphineures est très naturelle. Il est vrai que la diffé- rence entre Chiton et les Solénogastres est grande, surtout quant à l'appareil génital ; mais nous rencontrons les mêmes différences chez les Lamellibranches et les Cochlides, où il y a aussi des genres ectotrèmes et entotrèmes. Depuis surtout qu'on a découvert la radula des Solénogastres, il n'y a aucune raison de ne pas accepter une classe dont les divers genres ne diffèrent pas plus entre eux que ceux des Cochlides. 7.— Nous avons vu que les quatre classes de Mollusques lytoneures ont beaucoup de rapports avec les Cochlides, de manière que l'on ne peut douter que le système nerveux kleistoneure de ces derniers ne dérive du système lytoneure, ce qui n'exige pas de grandes mo- difications : le déplacement du ganglion palléal allant du cérébral des lytoneures vers le pédieux, suffisant pour produire le système kleistoneure des Orthoneures. Il serait donc anti-naturel de séparer les Kleistoneures et les Lytoneures, vu qu’ils forment ensemble une division naturelle que j'ai appelée Arthromalakia, par opposition aux Platymalakia où Platycochlides qui montrent plus de relations avec les Vers Platyhelminthes, et qui sont représentés par les Ichnopodes (— Opisthobranches + Pulmonés) et les Ptéropodes. Si l'on accepte que les Ptéropodes sont plus voisins des Ichnopodes et que les Cochlides montrent plus de relations avec les Solénoconques et les Lamellibranches, on reconnaîtra que la classe des Gastro- podes ne peut être conservée, comme je l'avais soutenu depuis qua- torze ans. Il résulte donc de mes études, que le système nerveux des Cochlides dérive de celui des Lytoneures. Parmi les faits connus chez les différents Arthromalakia, il faut citer le système nerveux buccolabial. Nous le connaissons comme un caractère primitif des Cochlides, où ilest dégénéré chez les Pec- tinibranches par dissolution de la commissure labiale. Une dégé- nération semblable existe chez les Lamellibranches, où elle s'explique par la réduction et l’atrophie de la masse buccale, ce qui correspond 13 — 194 — à la manière de vivre de ces animaux, qui ne saisissent pas leur nourriture avec la bouche. Néanmoins, le système buccolabial exis- terait encore, d’après Mayoux (44). chez Meleagrina, et on le trou- vera peut-être encore chez d'autres espèces. Ce système existe aussi chez les Solénoconques et chez Chüon et peut-être dans d'autres genres d’Amphineures ; je crois enfin qu'il existe chez Nautilus, où j'ai préparé le ganglion buccal et les nerfs corres- pondant à la commissure labiale, sans pouvoir suivre leur anas- tomose qui existe probablement. À tous ces mollusques à système buccolabial se joignent, comme j’ai dit, les Chaetognathes (comparer les figures dans le texte : 1, 2, 3 et 4). Chez les Platycochlides, il n'existe rien du système buccolabial ; il n'y a que les ganglions buccaux. Il faudra, à l'avenir, étudier si l'anatomie ou l'embryologie des Vers montre aussi d’autres familles avec masse buccale et système buccolabial. 11 paraît que ce dernier manque aux Géphyriens. Je ne doute pas que, une fois que l'on aura reconnu l'exactitude de mes recherches sur l'origine polyphylétique des Gastéropodes, ma découverte se révèlera aussi comme très utile et importante pour l'étude de la phylogénie des Vers, où il y a aussi bien des Pla- tyscolicides et des Arthroscolicides, que des divisions correspon- dantes chez les Mollusques. En dehors du système nerveux, ce sont les appareils excréteurs et génitaux qui serviront à bien les dis- tinguer. Tandis que maintenant l’on accepte un grand nombre d'ordres ou classes réunies parmi les Vers, plus tard on réunira parmi les Arthroscolicides, ceux dont les glandes génitales sont dé- pourvues de conduits excréteurs spéciaux ou bien chez lesquels les néphridies servent à l'expulsion des produits génitaux,comme chez les Arthrocochlides. Au contraire, chez les Platyscolicides, comme chez les Platycochlides, la glande génitale toujours impaire, est pourvue d’un appareil excréteur spécial, indépendant des néphri- dies. De même que chez les Mollusques, ces différences doivent être appréciées chez les Vers. Il est bien naturel que, comme chez les Arthromalakia, il peut se développer des oviductes ou spermatoductes secondaires, ou qu’un conduit excréteur peut disparaître, comme chez certains Rotateurs, de même qu'il est probable que toutes ces différences ne s'opposent pas à une origine commune. Mais en étudiant ces modifications eten 19 suivant les séries évolutives, je crois qu'on reconnaîtra, chez les Vers comme chez les Mollusques, que l'un des faits morphologiques les plus importants se trouve dans la nature de l'appareil excréteur des organes génitaux. Je suis disposé à accorder plus d'importance à ces faits qu'à la segmentation , qui peut se produire dans différentes classes de Vers et dont l’origine mono ou polyphylétique n'est pas encore élucidée. L'importance de cette hypothèse est manifeste aussi, si l'on considère l’origine des Vertébrés, dont on peutexclure les animaux à glandes génitales sans relations avec les néphridies. De cette façon il est probable que la Phylogénie des Mollusques, une fois qu'elle sera connue dans ses traits principaux, ne peut rester sans influence sur les recherches phylogénétiques portant sur les Vers et sur d’autres phylums du règne animal. EE LES ICHNOPODES. I. — Le Système nerveux. Sous ce nom j'ai réuni les Opisthobranches et les Pulmonés. Si SPENGEL (60) a dit, et PELSENEER (52) et BOUVIER (12) ont répété, que j’ai donné ce nouveau nom aux Opisthobranches, il suffit d'un coup d'œil sur la table des matières de mon livre, pour se con- vaincre que c'est inexact. Chez les Ichnopodes, il y a des formes à système nerveux très pareil à celui des Orthoneures ; mais l'étude comparative montre que la valeur morphologique des centres est tout autre que chez les Cochlides. J'ai donné dans mon livre (26) les homologies et le développement successif du système nerveux, comme il se présentait à moi. Chez les genres les plus primitifs des Opisthobranches, il n’y a que trois paires de ganglions : les cérébraux, pédieux et viscéraux. C’est une erreur de croire, comme l’a fait De Lacaze-DuTHiIERS pour Tethys (40, a) que le ganglion viscéral des Nudibranches est composé de AD tous les centres du « système asymétrique » qui existent chez les Pulmonés. L'étude comparative prouve que la commissure viscérale des Nudibranches est simple et privée de ganglions chez beaucoup de Nudibranches, et que chez quelques-uns d’entre eux et chez les Tectibranches, le nerf génital dont l'origine se déplace du ganglion viscéral à un certain point de la commissure chez quelques genres, sort de cette dernière sans y former de ganglion (Gastropleron, et beaucoup d'Æolidiidæ), tandis que chez d’autres, le ganglion gé- nital existe simple ou double, et les ganglions font encore défaut à l'origine des nerfs palléaux, comme chez Philine et Doridium. Les études de VAYSSsIÈRE ont confirmé ce résultat, et cet auteur a insisté sur le fait que les nerfs issus, chez d’autres genres, de la commissure viscérale, sortent encore chez Gastropleron, etc. du ganglion protoviscéral. Celui-ci n’est pas toujours simple et repré- sente quelquefois deux ou trois parties confondues ou séparées, mais c’est là un fait sans importance, parce que le déplacement des nerfs pariétaux et branchial se fait sans que les parties du ganglion viscéral primitif (ou protoviscéral, comme je l’ai appelé) y prennent part. Chez Philine, où le nerf branchial sort de la commissure sans y former un ganglion, le ganglion protoviscéral droit est divisé en deux parties, comme chez Doridiuwm où ce nerf sort du ganglion. Il est donc évident que les ganglions formés dans la commissure, à l'origine des nerfs, sont, chez les Opisthobranches, des formations secondaires, des ganglions deutoviscéraux, comme je les ai appelés. Au contraire, le ganglion protoviscéral, privé de neris qui se sont déplacés sur la commissure, devient le ganglion commisural (tandis que j'ai adopté, pour les Cochlides, la terminologie de BouviER, quant au ganglion palléal, pour les Platycochlides ou Platydes, je conserve la signification de ganglion commissural). Nous rencontrons le même cas chez les « Nudibranches » des trois sous-ordres de cet ordre, les Sacoglosses possèdent déjà toujours, comme je le crois, deux ou trois ganglions deutoviscéraux. Au contraire, les autres Nudibranches typiques présentent seulement les trois parties (cérébrale , pédieuse, viscérale plus ou moins séparées, dans chaque moitié du système nerveux central ou du proto-ganglion. Le ganglion protoviscéral est intimement accolé au ganglion cérébral, et M. VayssièREe dit, ar exemple, que chez Tylodina il — 41917 — n'existe pas de ganglion viscéral (d’après le « referat » du Jahres- bericht de 1883), cela veut dire qu'il n’y a pas de séparation distincte dans la masse cérébro-viscérale. Les nerfs viscéraux sortent du ganglion viscéral: seulement, le nerf génital naît déjà souvent de la commissure viscérale, quelquefois encore assez près du ganglion, dans d'autres cas, plus ou moins au milieu de la commissure. En général, il n'y a pas de ganglion à l'origine du nerf génital, mais, chez Facelina drumondi, j y ai trouvé une cellule ganglionnaire (26, PL 1, fig. 4) et chez Rizzolia, BERGH en a rencontré deux (8, PL. 1, fig. 4). Dans d’autres cas, il y existe un petit ganglion, comme par exemple, chez Polycera quadrilineala, d'après BERGH (32, PI. fig. 6), tandis que chez d’autres espèces de Polycera, ce ganglion deutoviscéral fait défaut. On voit donc que chez les Nudi- branches, comme chez les Tectibranches, le ganglion génital de la commissure viscérale est une formation secondaire. bien différente du ganglion génital développé sur le lrajet du nerf génital.» Si nous faisons abstraction de ce ganglion génital de la commis- sure viscérale, la composition du système nerveux central est la même chez les Nudibranches typiques (excl. Sacoglosses) que chez les Pleurobranchides et chez une partie des Tectibranches, sinon chez la plupart. Les genres de Tectibranches qui nous appa- raissent comme les plus archaïques : Umbrellidæ, Tylodina, Pel- tidæ, ont un système nerveux de la même composition que les Pleu- robranches et les Nudibranches typiques; c’est-à-dire qu'il n’y a que trois paires de ganglions : cérébraux, pédieux et protoviscé- raux, confondus en un protoganglion uni à celui de l’autre côté par une commissure très courte; les commissures sont aussi les mêmes : en dehors des commissures buccales, j'en ai décrit trois, pour les Nudibranches, dont l’une, que j'ai appelée subcérébrale, n'était pas connue jusque-là. Mais actuellement, je sais (et j'ai déjà indi- qué, 32, p. 18 et suiv.) qu'il y en a quatre, dont je vais m'occu- per ici. 1° Dans beaucoup de cas et même dans la règle chez les Nudi- branches typiques, la commissure viscérale est simple : dans d'autres cas, elle donne naissance au nerf génital, originairement issu du ganglion protoviscéral droit. Chez une partie des Nudi- branches (la plupart des Dorididæ, etc.), la commissure viscérale est unie aux autres commissures dans une gaîne névrilemmatique com- TO — mune, où les commissures sont quelquefois distinctes, quelquefois plus ou moins confondues. Dans d’autres cas, la commissure viscé- rale est séparée des autres, surtout quand le nerf génital s'est déjà déplacé sur cette commissure : c'est le déplacement de ce nerf sur la commissure viscérale qui est la cause pour laquelle cette der- nière se sépare des autres. La réunion complète de toutes les commissures, très fréquente chez les Dorididæ, se rencontrerait aussi, d’après les travaux de BerGn, chez certains Phanérobranches , par exemple chez les genres Bæolidia, Fenrisia etquelques Tritonia (plebeia et lineata). On voit done que chez les Nudibranches et chez les Tecti- branches, le processus de la formation des ganglions deutoviscé- raux est complètement le même, et l’on doit en conclure que le système nerveux « notoneure » à commissures réunies et confon- dues, et avec yeux et otocysles sur la face dorsale de la masse proto- ganglionnaire, représente le stade le plus primitif connu jusqu'ici pour les Ichnopodes. Mais ces différences au sujet de la commissure viscérale n'ont pas d'importance pour la classification, puisqu'il y a des espèces à commissure sans nerf ou à nerf génital avec ou sans ganglion génital deuto-viscéral, tant chez les Æolidiidæ que chez les Dori- didæ, etc. Il est facile de se convaincre de ces faits, qui ont été décrits de la même façon par BERGKH et par moi; 2 Des trois autres commissures infra-æsophagiennes, la pédieuse est toujours la plus forte, assez variable, du reste, en longueur ; % A côté d’elle se trouve, chez les Nudibranches la commissure que j'ai appelée subcérébrale, presque toujours rapprochée de la pédieuse et quelquefois confondue avec elle. Chez les Nudibranches, elle sort du ganglion pédieux, mais elle n’y a pas son origine, qui se trouve dans le ganglion cérébral. VAyssiÈRE a découvert cette commissure chez les Tectibranches. Elle existe aussi chez les Branchiopneustes, où elle a été décrite pour Zimnœæus par DE Lacaze-Duriers et BœumiG (10), et chez les Néphropneustes, où je l'ai signalée pour Peronia et Vaginulus, et SIMROTH, BŒHMIG et AMaAuUDRUT (1) pour les Helicidæ. Chez les Tectibranches, j'ai découvert une autre commissure reliant les deux ganglions pédieux et qui donne naissance à un nerf pédieux impair : c'est la commissure parapédieuse. Elle est tou- — jours plus longue et moins grosse que la commissure pédieuse et située en arrière d'elle. C’est évidemment une fausse commissure, formée par l’anastomose des deux nerfs, et l'artère pédieuse s’en- fonce dans le pied, entre elle et la commissure pédieuse proprement dite. Elle fut trouvée par moi et VayssiÈRe chez tous ies Tecti- branches examinés, et VAYyssieRE l’a rencontrée aussi chez Umbrella. Il serait intéressant de savoir si les Peltidæ la possèdent déjà. Elle existe aussi chez Auricula (VON JHERING) et Limnœus (DE LACAZE- DuTHIERS), donnant ainsi une preuve de plus des relations intimes qui existent entre les Tectibranches et les Branchiopneustes. Mais on ne l'a rencontrée ni chez les Nudibranches et Pleurobranches, ni chez les Néphropneustes ; 4 La quatrième commissure infra-æsophagienne des Ichnopodes paraît surtout développée chez les Nudibranches. Elle ne donne pas origine à des nerfs. Je l'ai observée chez Polycera (32) où elle sort du ganglion protoviscéral : il semble que BERG« l'a vue aussi chez un autre genre de Polyceridæ, Zdalia (5, p.17, PI. x, fig. 2 et 5), où elle sort aussi du ganglion viscéral, tandis que la commis- sure subcérébrale, toujours en relations avec les ganglions pédieux, paraît y être confondue avec la commissure pédieuse. Je propose de nommer cette quatrième commissure la paracérébrale. BERG l'a observée chez Acanthopsole lugubris (6, p.31, PI. vr, fig. 12), où il dit que la commissure subcérébrale est double. I1 n’a pas examiné l’origine de ces commissures, mais il est probable que la paracébrale sort du ganglion pédieux. Le même auteur l'a encore vue chez Melibe (7, PI. x. fig. 5e), où il la décrit comme une « com- missure sympathique ». Il me semble que là où cette commissure paracérébrale n'existe pas d’une façon apparente, elle est confondue avec la viscérale. Jusqu'ici elle n’a été observée que chéz les Nudibranches, mais il serait possible qu'elle existât aussi chez les Néphropneustes. C’est ainsi que Wymanx indique grossièrement, chez Glandina, trois connectifs reliant la masse ganglionnaire infra-æsophagienne aux ganglions cérébraux (66, p. 419, PI. xxur, fig. 4). Les recherches de AMAUDRUT (1) paraissent plus exactes. Cet auteur a observé une commissure subcérébrale unissant les ganglions cérébraux en dessous de l'æsophage, située en avant des ganglions pédieux et accolée au connectif cérébro-pédieux. Comme je n'ai pas vu cette = EU — commissure, je n’en puis rien dire ; mais je trouve remarquable que DE LACAZE-DUTHIERS, en étudiant les connectifs et le nerf acoustique, chez les Pulmonés, ne l’ait point aperçu. Ne possédant d'ailleurs pas le travail de AMauDRuT, je ne saisis pas la relation de cette com- missure avec l'aorte céphaliqne. Si celle-ci passe en dessous d’elle, cette dernière ne correspond pas à la commissure paracérébrale, car celle-ci, comme les trois autres commissures qui lui sont plus ou moins réunies, formeune anse par laquelle passe l’œsophage et l'aorte. AMAUDRUT croit que la commissure qu'il a trouvée chez les Pul- monés est la subcérébrale et que je me trompe en croyant que cette commissure subcérébrale est plus ou moins confondue avec la pédieuse ; mais c'est là une erreur. L'explication du système ner- veux des Pulmonés nous est donnée par celui des Opisthobranches, chez lesquels il est prouvé par mes recherches, celles de BEerGx et VAYSSIÈRE, que la commissure subcérébrale est toujours accolée à la pédicule ou même confondue avec le connectif cérébro-pédieux. Il est possible que la commissure paracérébrale , sortant du gan- glion viscéral, ait son origine réelle dans le ganglion cérébral et naisse par conséquent tantôt du ganglion proto-viscéral, tantôt du cérébral. La commissure décrite par AMAUDRUT correspond donc peut-être à la paracérébrale des Nudibranches, ou peut-être à la commissure labiale, c’est-à-dire à l’anastomose entre deux nerfs labiaux que l’on ne connaît jusqu'ici seulement chez Archdoris, Limnus et Vaginulus, mais qui est probablement beaucoup plus répandue. Je ne puis donc pas, pour le moment, me faire une idée sur l'homo- logie de la commissure décrite par AMAUDRUT, mais il est certain pour moi, que cet auteur a fait erreur en la prenant pour la subcérébrale. Il faut, en tout cas, de nouvelles recherches sur cette question des commissures. On voit bien cependant qu'il faut distinguer entre les commissures véritables et primitives et les secondaires. Chez quelques genres de Dorididæ, etc. (1), les commissures sont plus ou (1) D'après DE LACAZE-DUTHIERS (40 a) les recherches de BERGH et les miennes ne seraient pas exactes quant aux commissures de Thelys, genre qui est déjà célèbre par les erreurs que certains savants ont commises sur son organisation (40 b, etc). L'étude que j'ai faile de sectious transversales de prétendus Phœnicurus (ou Verlumnus), m'a montré quelquefois, au milieu, le petit tube hépatique qui manque dans d'autres cas. Je crois que les papilles où il manque sont des papilles régénérées. EN) DE moins confondues. Nous avons suivi les modifications que subissent ces commissures, dont le nombre peut s’élever à quatre, et que je propose d'appeler les archi-comgmissures. Outre la commissure paracérébrale, les archicommissures sont alors la pédieuse et la sub- cérébrale, qui sont plus ou moins intimement accolées ou unies, tandis que la viscérale est celle qui se détache des autres la pre- mière. Les commissures accessoires ou secondaires sont le para- _ pédale et la labiale. Je ne crois pas que l'on puisse étudier le système nerveux des Ichnopodes sans arriver au résultat que j'ai exposé ; et, si l'on peut encore en douter, j'appellerai l'attention sur un fait curieux sur lequel j'ai déjà insisté une fois. La masse ganglionnaire sous-œso- phagienne des Helicidæ, même chez les genres où s'observe la plus grande concentration des centres, est toujours perforée au centre par l'artère pédieuse. Je crois qu’il est impossible de donner de ce fait une autre explication que celle d’après laquelle cette artère pédieuse se serail formée chez des genres où ces centres étaient bien éloignés, comme par exemple chez les Tectibranches. D’après mes recherches et celles de VAyssiëRE, l'artère pédieuse passe, chez les Mollusques, entre les commissures pédieuse et parapédale. Si alors se produit la concentration des ganglions de la commissure viscérale, l'artère passera nécessairement entre les centres pédieux et viscéraux, comme c'est, en effet, le cas chez les Helicidæ. D'un autre côté, il est évident que la réunion des commissures chez les Nudibranches ne représente pas le cas d'une concentration secondaire, puisque l'artère pédieuse ne passe pas entre les commis- sures viscérale et pédieuse. Ce fait prouve donc que l'artère pédieuse des Tectibranches et Pulmonés s'est formée seulement depuis la séparation des commissures viscérale et pédieuse, étant jusque-là fonctionnellement remplacée par cinq autres rameaux. Je ne comprends pas comment Bouvier peut dire que ce sont là des considérations que l'on peut admettre « si l’on veut ». Pour moi, au contraire , c’est la seule explication des faits découverts par moi, et que moi-même ai seul discutés. C'est, à mon avis, une lacune très sensible, dans presque tous les travaux modernes sur le système nerveux, de n'avoir pas observé les relations des artères aux centres nerveux et aux commissures. VayssiÈRE seulement s’est occupé de cette question. BouvIER n’a Dj malheureusement observé ces relations que chez Buccinum, où l’artère pédieuse passe, comme chez les autres Cochlides que j'ai observés, en avant du ganglion pédieux , tandis que chez les Ichno- podes elle passe en arrière de ces ganglions. Il serait possible que, parmi les Cochlides les plus modifiés, comme les Sténoglosses , il y ait des genres où se forment déjà de nouveaux rameaux artériels passant en arrière des ganglions pédieux ; mais, jusqu'ici, il ne semble pas qu'un tel cas ait été observé ; ce serait d’ailleurs une exception à la règle constatée jusqu'ici pour les Cochlides. Il est donc évident que les observateurs futurs doivent étudier avec plus de soin les relations des centres nerveux avec les intestins et les artères. Ainsi, par exemple, PELSENEER (51) a donné de nouvelles recherches sur le système nerveux des Ptéropodes ; mais, comme il n'a pas observé les relations de l'artère pédieuse, on ne peut juger de la valeur morphologique de la seconde commissure pédieuse qu'il a découverte. Est-ce la commissure parapédale existant chez tous les Tectibranches et Branchiopneustes, ou la commissure subcéré- brale ou encore celle-ci confondue avec la pédieuse ? Si elle corres- pond à la parapédale déplacée un peu en avant, l'artère pédieuse passera entre elle et la commissure pédieuse. On voit donc bien qu'il est possible de poursuivre toutes les modi- fications que subit le système nerveux dans la classe des Ichno- podes : et il n’y aura que ceux qui se rendent compte de ces diffé- rences et de leur développement qui seront capables de juger les homologies des centres nerveux. Quelle différence n'y a-t-il pas entre la formation du ganglion pédieux des Cochlides et celle du même ganglion des Ichnopodes , entre les ganglions intestinaux (les Orthoneures et pariétaux des Helicidæ ? S'il y a néanmoins encore des tentatives de comparer entre eux les ganglions viscéraux des « Gastropodes », ce sont des anachronismes, comme la théorie que les sept premières plaques de Chiton correspondent à la coquille des Neritacés et Ja dernière à l’opercule , celle que les Lamellibranches correspondent à deux Gastropodes confondus, et autres réminis- cences du temps de la « Natur-philosophie ». Comparer le système nerveux de Ampullaria à celui de Limmnæus, à l'encontre de tous les résultats de l'anatomie comparéc, chercher l'homologie des gan- Ha — glions intestinaux chez les Ichnopodes, etc., n’est pas d'une méthode scientifique, et ne vaut pas la peine de s’en occuper. Les observations sur l’embryologie du système nerveux sont encore assez douteuses. Tandis que , d'après Foz , les centres sous- œæsophagiens naissent du mésoderme chez les Pulmonés , les autres observateurs ont contesté ce résultat, en laissant naître ces centres de l’ectoderme , mais indépendamment des ganglions cérébraux. Il serait très curieux de savoir si quelque chose dans l'embryogénie rappelle les différences que l'anatomie comparée a fait voir entre le système nerveux des Cochlides et des Ichnopodes. Si l’embryologie répétait toujours le développement phylogénétique, l'origine des ganglions devrait être unique , un ganglion naissant âe chaque côté de l’ectoderme du vertex, ganglion qui donne alors, par séparation, naissance aux différents centres. Mais on sait bien que ce n'est pas là le cas. Au contraire, chez les Nudibranches, d’après RHo (53), les proto-ganglions se développent isolément au lieu où ils se trou- vent plus tard. Il est donc évident que , dans la série des Ichnopodes , l'embryo- logie subit des modifications importantes. Nous savons que, ni chez les Mollusques, ni chez les Vers, iln’y a un système nerveux central de ganglions isolés, sans contacts. Or, comme dans le développe- ment, les centres apparaissent séparés et se mettent seulement plus tard en connexion par des commissures , il est certain que, dans ce cas, l'embryologie n'est pas la récapitulation de la phylogénie. L’ana- tomie comparée et la paléontologie nous donnent des informations plus positives sur la phylogénie , tandis qu'il faut beaucoup de pru- dence dans la discussion des faits embryogéniques. Rien n'est plus étonnant que la hardiesse de certains auteurs, qui, en étudiant wne seule espèce au point de vue embryologique, croient pouvoir démon- trer les relations naturelles et la phylogénie des Mollusques. II. — Le Foie. Parmi les organes qui montrent les relations entre les Néphro- pneustes et les Opisthobranches , il y en a un qui me paraît digne LOL d'être étudié avec plus de soin: c’est le foie. Chez la plupart des Néphropneustes, il y a deux foies. Il me semble qu'on ne peut saisir les homologies de cet appareil sans tenir compte des annexes du tube digestif des Nudibranches. Chez les Dorididæ, etc., il n’y a qu'un foie unique ; mais ces animaux ne présentent probablement pas un état primitif, puisqu'ils ont l’appa- reil génital triaule. Chez les autres Nudibranches que BERGH a nommés « Cladohépatiques », il n'y a pas de foie compact; cet organe est formé de tubes ramifiés, comme chez les Planaires den- drocèles. La partie stomacale se prolonge en arrière comme un cul- de-sac impair énorme à nombreuses ramifications ; et l'intestin se détache de l'estomac au point de jonction entre le grand cul-de-sac el la partie antérieure de l’estomac qui est pourvue de deux foies antérieurs que je nommerai les foies accessoires. Pour ne pas répéter ici des choses bien connues, je renvoie au travail de BERGH (4) qui traite bien des trois foies et des canaux biliaires des Phanérobranches. Je fais seulement remarquer que même le genre Phyllirhoe, avec ses deux paires de foies, a trois canaux biliaires s’ouvrant dans l'estomac. Nous trouvons la même disposition chez les Néphropneustes les plus inférieurs, ceux qui sont encore opisthobranches, qui n'ont pas encore la rétractilité complète des tentacules ni l'uretère secon- daire et qui ont encore l'appareil génital triaule: c’est ainsi que Peronia a les trois foies bien développés (PI. 1v, fig 6). L'estomac de ce genre est composé de deux parties : l’une qui est membra- neuse dans laquelle s'ouvrent l’œsophage, l'intestin et les deux foies accessoires, l’autre qui est formée d’un sac très fort à parois épaisses et musculeuses à l'extrémité duquel s'ouvre le conduit excréteur du foie principal. Chez Vaginulus (PL 1v, fig. 7), les deux foies secondaires sont rapprochés mais non confondus. Il y a comme chez Peronia un estomac musculeux où débouche le foie principal, tandis que les foies secondaires s'ouvrent sur la partie membraneuse, entre le cardia et le pylore. De ces deux derniers foies, qui sont inégaux en forme et en grandeur, l'un a deux lobes et l’autre trois. Les deux lobes du premier débouchent l'un près de l’autre dans un diver- ticule commun qui ne diffère pas du reste de l'estomac, tandis que les trois lobes de l'autre foie accessoire s'ouvrent dans un sac qui est — 205 — séparé, par une saillie circulaire, du reste de l'estomac dont il se distingue par ses parois plus minces. L’œsophage est d'abord étroit, puis très vaste, en forme de jabot. Les deux espèces que j'ai étu- diées (V. {uberculosa et V. angustipes) sont identiques à ce point de vue. La seule différence entre Peronia et Vaginulus, au sujet du tube digestif, consiste donc en ce que les deux foies secondaires ont leurs canaux biliaires rapprochés chez Vaginulus, éloignés chez Peronia. Chez les autres Néphropneustes, la partie musculeuse de l'estomac a disparu, de sorte qu'il n’est plus possible de dire quel est celui des deux foies qui est homologue des foies secondaires confondus. Comme chez les Tectibranches, les trois foies n'existent jamais aussi bien séparés — les Limnées et les Planorbes n'en ont qu'un seulement — il est évident que les Peroniüidæ et les Vaginulidæ donnent l'explication des relations des foies des Néphropneustes, et que ces deux inêrnes familles montrent, au sujet de leurs foies, des dispositions que l’on peut seulement comparer à celles des Phané- robranches. IT. — Organes génitaux et urinaires des « Pulmonés ». On a conservé jusqu'ici un ordre de Pulmonés, réunissant les Pulmonés aquatiques ou basommatophores et les Pulmonés ter- restres ou stylommatophores. J'ai émis, de mon côté, l'opinion que cet « ordre » est un groupe entièrement anti-naturel, parce que les Pulmonés basommatophores ne sont que des Tectibranches modi- fiés, tandis que les Pulmonés stylommatophores sont plus voisins des Nudibranches. Le poumon des uns, mes Branchiopneustes, correspond à la cavité branchiale des Tectibranches, tandis que celui des Helicidæ, etc., représente une portion modifiée du rein ou de son uretère, soit la partie terminale dilatée, soit un diverticule de celui-ci. Je ne crois pas devoir insister ici sur les relations des Branchiopneustes et des Tectibranches ; je renvoie pour cela à mes travaux antérieurs. Les Auriculidæ ont la même larve que les Opisthobranches(SEMPER; EL 46 = voyez aussi BERGH, 9, p. 175). Leur système nerveux est identique, jusque dans les détails caractéristiques, comme la commissure para- pédale et Le nerfimpair de la commissure buccale des Tectibranches qu existent aussi chez les Auriculidæ et les Lymnæidæ. Chez une espèce de Awricula, j'ai trouvé les plaques stomacales si communes chez les Tectibranches et qui manque habituellement aux Auricu- lacés ; et, d'autre part, l'estomac des Limnæidæ, bien que dépourvu de ces plaques, est fort et musculeux à l'encontre de celui des Heli- cidæ. L'organe sensoriel décrit par Lacaze-DUTHIERS est pareil à celui situé chez les Tectibranches dans la cavité branchiale. Hormis la perte de la branchie, iln’y a de différence importante que dans l'appareil génital, pourvu de gouttière ciliaire chez les Tectibran- ches. et de vas deferens chez les Limnæidæ. Maïs ce vas deferens est d’une énorme longueur, parce que le pénis, comme chez les Tectibranches, est très éloigné de ouverture femelle. Il est donc très probable que ce vas deferens s’est développé phylogénétique- ment, aux dépens de la gouttière ciliaire des Tectibranches et que ce processus, sinon chez les Z2mmæus, au moins chez les Auricu- lidæ, est répété encore dans le développemont. Cette hypothèse n'est pas hasardée, puisque nous voyons ce phénomène se produire parmi les Néphropneustes : chez Peronia il y a encore une gouttière ciliaire, mais, au fond de cette goultière, s’est déjà détaché le vas deferens situé dans la paroi du corps, tandis que chez Vaginulus, le vas deferens, également situé dans la paroi du corps, est sans connexion avec une gouttière ciliaire, qui, au moins à l’état adulte, n'existe plus. La gouttière ciliaire de Peronia est déjà un organe rudimentaire, sans fonction chez l'adulte. | Je ne comprends pas comment SEMPER et BERGH ont pu mécon- naître cette signification de la gouttière ciliaire. Chez les Néphro- pueustes, comme chez les Branchiopneustes, se produit le même processus, qui transforme la gouttière cilaire en canal mettant en relation, avec l’orifice génital, le pénis qui en est assez éloigné. Chez les deux sous-ordres, la formation de ce vas deferens aux dépens de la gouttière ciliaire est prouvée par sa situation dans la paroi du corps, comme nous l’avons vu pour Vaginulus et Peronia,et comme c'est la règle chez les Branchiopneustes. Les Ancylus font déjà exception, puisqu'ils possèdent un vas deferens libre; etil est de même chez quelques espèces de Planorbis (PI. nalidus et fontanus, AT — d'après LEHMAN, 48, p. 223-227), tandis que chez les autres, il est situé dans la paroi du corps. Le même processus s’effectue donc dans les deux sous-ordres, et il n'y a pas d'hypothèse qui soit capable d'expliquer ces faits si ce n'est celle d'après laquelle ce canal situé dans les parois du corps, entre les deux orifices géni- taux, correspond à la gouttière ciliaire et que c'est d'elle que s'est détaché le vas deferens. Si nous voyons encore cette gouttière exister chez Peronia, n'est-ce pas la preuve de l'exactitude des résultats tirés de l’anatomie comparée ? La meilleure démonstration en est que j'avais exposé ces résultats pour Zannœæus (80, p. 279) longtemps avant que le développement de l'appareil génital de cet animal füt étudié par KLoTz, qui les a confirmés. D’après les recherches de KLorz (37) sur le développement de l'appareil génital de Zimnæus, le pénis y a une origine toute diffé- rente et indépendante du reste de l'appareil ; il se forme comme une invagination ectodermique, qui n'entre que secondairement en rela- tions avec les autres parties de l'appareil, qui se forment dans l’inté- rieur du corps, aux dépens du mésoderme. C'est la confirmation par l'embryologie, du même résultat que j'avais depuis longtemps obtenu par l'anatomie comparée (30, p. 279). Chez les Tectibran- ches, le pénis est aussi complètement indépendant de l'appareil génital avec lequel il est réuni par la gouttière ciliaire, qui font cependant encore défaut chez quelques familles (Peltidæ, Umbrel- lidæ). Si l'on tient tous ces faits en considération, il est impossible de nier les affinités des Branchiopneustes et des Tectibranches, dont la cavité branchiale est alors homologue à la cavité palléale ou pul- monaire des Branchiopneustes. Il paraît, d’après les recherches de For, que le développement de la cavité pulmonaire n’est pas complè- tement le même chez les Helicidæ et les Limnæidæ; mais il faudrait de nouvelles recherches sur ce sujet, principalement pour les Bran- chiopneusles. La cavité pulmonaire des Néphropneustes, d'après BEHME (2) est indépendante de la formation du manteau. BEHME a observé que la cavité pulmonaire ct le rein se forment chez Helix aux dépens d'une invagination qui paraît ectodermique et dont le fond forme le rein, et la partie distale, le poumon. Nous connaissons un genre de Néphropneustes où le sac pulmonaire ne dépasse jamais cet état pri- mitif : c'est le genre Philomycus. Le poumou est là une poche libre, DD à parois minces, sans relations avec le manteau et située entre celui- ci et les intestins. Vers l'ouverture de cette poche se trouve l’orifice du rein. Chez Vaginulus et Peronia, le poumon est aussi bien diffé- rent de celui des Heliæ, etc.. étroit et situé dans la paroi du corps. J'ai démontré (30) que l'uretère des Helicidæ n'existe pas tou- jours, et qu'il se forme dans ce sous-ordre, où quelques genres de Bulimides en sont complètement privés, tandis que chez d’autres genres ou espèces, la rainure urétrale est à moitié fermée ou fina- lement tout à fait. BEHME a entièrement confirmé ces observations. qu'il faudrait étendre à tous les genres de Néphropneustes. Sur quelques points je ne puis m'accorder avec les conclusions de BEHME. Il me paraît que son expression de «uretère primaire » n'est pas bien choisie et qu'elle ne correspond pas à ce que j'ai appelé ainsi. Chez Borus et Philomycus, 1 n'y a pas d'uretère pri- maire, qui n'existe que quand le rein est plus allongé. Il n'y a pas de séparation distincte entre le rein et la partie de celui-ci que BEHME appelle « uretère primaire ». Pour moi, ce dernier n'est que la partie antérieure du rein lui-même, un peu modifié dans son épi- thélium, etil n'y a là d’homologie qu'entre les orifices primitifs des reins, que celui-ci s'ouvre au fond du poumon ou près du pneumo- stome. La signification du « rein accessoire » ne paraît pas toujours la même. La cavité pulmonaire est beaucoup plus réduite chez les formes archaïques que chez les Helicidæ s. sr., et chez Vaginulus elle est très étroite, mais dans la ligne de continuation de ce qui correspond au rein accessoire, tandis que chez Philomycus,le poumon est déve- loppé à côté du rein. Mais je ne vois là rien qui puisse donner à BRAUN et à BEHME, de raison pour contester ma théorie des Né- phropneustes. La position de l’orifice primaire du rein peut varier depuis les environs du pneumostome jusqu’au fond de la cavité pul- monaire, et nous nesavons pas encore quel est l’état Le plus archaïque. Le développement montre l'unité du rein et du poumon ; et dans quelques cas le poumon peut être l’uretère primitif modifié, comme dans d’autres cas il peut représenter un diverticule, comme chez* Philomycus. Une des questions capitales est la signification de cette poche pulmonaire du Philomycus. Il faudra étudier, par la méthode des sections, les relations avec les autres organes, chez les Néphro- paeustes comme chez les Branchiopneustes, et étudier le dévelop- LUE. — pement de la cavité pulmonaire, en continuant le travail de BEHME dans les autres familles. En tous cas, ces études ont confirmé que l’uretère de Helix, etc., est une formation secondaire, comme je l'avais déclaré. La différence la plus importante qui existe entre les Branchio- peustes et les Néphropneustes, est celle de l'appareil génital. L’ana- tomie comparée, comme je l’ai montré (33, p. 517 et suiv.), nous montre trois différents stades, quant aux conduits génitaux issus de la glande hermaphrodite. L'appareil génital des Monaules a ce conduit simple ; il y a seulement une rainure avec des plis longitu- dinaux pour la séparation des conduits mâle et femelle, mais cette séparation est incomplète. Je ne sais pas si elle est déjà complète chez les Actæonidæ comme chez les Branchiopneustes. Tous les genres étudiés par VAYSsiÈRE et par moi (Umbrella, Gastropteron, Philine, Doridium, Aplysia, Bulla) nous ont montré la même conformation. Chez les Tectibranches, le pénis est très éloigné de l'orifice génital, et, dans la règle, en communication avec lui par la gouttière ciliée. On ne peut douter que l'embryogénie prouve l’in- dépendance complète du pénis et de l'appareil génital, puisque cette indépendance fut démontrée pour les Limnæidæ. Chez les Nudibranches et les Pleurobranches, il n’y a pas de pénis séparé de l'appareil génital. Le pénis n’est pas autre chose que la partie terminale du vas deferens, qui peut être dévaginé, ou rentré dans le corps par son muscle rétracteur. Le conduit génital est d'abord simple, mais dans sa partie moyenne, il se divise en deux conduits recteurs, mâle et femelle, qui se rapprochent et se con- fondent de nouveau à l'orifice extérieur : j'ai appelé ce stade : diaule. Je pense que la formation de la diaulie est ici différente de celle des Branchiopneustes comparativement aux Tectibranches. Il n’y a pas de plis longitudinaux pour la séparation des conduits, mais les deux parties se séparent seulement par étranglement, formant une rainure pour le transport du sperme. qui se ferme plus tard et se sépare du reste du conduit. Au contraire, chez les Tecti- branches il n'y a pas d'étranglement du canal primitif; mais les deux plis s'y élèvent de plus en plus. Il faudra étudier si cette diffé- rence est conservée dans la formation embryogénique de l'appareil 14 — 210 — génital des Helicidæ et des Branchiopneustes. Nous n'avons jus- qu'ici aucune notion sur le développement de l'appareil génital des Nudibranches, mais il est très probable que les recherches futures démontreront que cet appareil diaule se forme par différenciation d'un appareil excréteur monaule, comme chez les Limnées. Parmi les Nudibranches, il y a un groupe de familles : les Do- rididæ ou Anthobranches, et les Phyllidiidæ, dont l'appareil génital est différencié en trois canaux : le vagin, le canal des spermatocystes et le vas deferens ; j'ai nommé ces familles à appareil compliqué, les Triaules. Le pénis y est conformé comme celui des Nudibranches diaules ; la différence consiste en une nouvelle division longitudinale qui partage le conduit femelle en deux canaux, de nouveau réunis à l'extrémité du vagin (33, p. 518, fig. c). Nous avons déjà vu que les Branchiopneustes à appareil diaule se rapprochent tellement des Tectibranches, que leur appareil génital doit être considéré comme homologue de celui de ces derniers. quoique ceux-ci soient Monaules. Mais dans le principe, l'appareil diaule des Lymnæus est aussi monaule, d'après KLoTz (3), et il y a peut-être déjà des Tectibranches diaules. L'appareil génital des Néphropneustes n'est pas en apparence très différent de celui de Lymnæus , mais en réalité il en diffère beaucoup. En général, l'ap- pareil génital des Néphropneustes est diaule, mais on a déjà depuis longtemps signalé l'existence d’un appareil triaule chez certaines espèces : C’est ainsi que d’après LEHMAN (43), chez Clausilia biplicata, cana, plicala et plicaltula le conduit du receptaculum seminis a une longue branche copulatrice aboutissant à l'utérus. Chez d’autres espèces, celte branche n’a pas de rapport avec l’utérus, . comme chez les Helicidæ. En tout cas les recherches de LEHMAN, SCHMIDT, MOQUIN-TANDON ne sont pas assez précises et doivent être contrôlées. D’après LEerpy et BINNEY, cette communication existerait aussi chez quelques Héliciens des États-Unis ; mais leurs recherches manquent aussi de précision sur ce point. SEMPER, au contraire, à observé la communication du receptaculum avec l'utérus chez Ario- phanla rarogutllata (57, p. 53, plu, fig 17), tandis qu'elle n'existe pas chez les autres espèces. Il serait très étonnant de voir des différences aussi importantes dans l’appareil génital d'espèces réunies dans le même genre, si l'on — 211 — ne savait maintenant que l’appareil génital diaule des Helix passe, dans son développement, par le stade triaule. Rouzaup (55) et BrocKk (15) (1) ont, en effet, montré que chez Limax, Helix, etc., l'appareil génital entièrement formé par le mésoderme et monaule dans le principe, devient triaule par la division longitudinale de la partie moyenne, par deux sillons. BRock n'avait pas bien interprété tous les faits nouveaux qu'il avait observés, et ses erreurs ont été aussitôt corrigées par moi, SEMPER et SIMROTH. Il n'y a plus aucun doute que de ces trois conduits embryonnaires, l’un est le vas deferens, un autre l'utérus, et le troisième, le recep- taculum seminis réuni à l'utérus par un conduit provisoire qui dis- paraît bientôt, mais persiste quelquefois, comme SEMPER (58) l'a montré pour un individu anormal de Helix pomatia. Brock a plus tard reconnu lui-même son erreur ; il insiste sur une observation intéressante de MANGExOT sur l’atrésie génitale d’un Helix pomatia où l'appareil reproducteur complètement développé se trouvait retenu dans l'intérieur du corps, sans communication avec l'extérieur, parce que l'invagination ectodermique ne s'était pas faite. Cette observation confirme les recherches de Brock, prouvant l'origine mésodermique de l'appareil génital, comme aussi celles de KLorz sur Limnœus. SEMPER a observé chez Peronia (58) contrairement aux obser- vations de Joyeux LAFFUIE (36) et chez Vaginulus, que l'appareil génital est triaule, possédant un canal qui fait communiquer le re- ceptaculum avec l’uterus. En étudiant V. fwberculatus j'ai reconnu l'exactitude de cette observation. Je représente PI. v, fig. 10, les organes génitaux de cette magnifique espèce, qui n'ont presque pas besoin de description, et sur lesquelsje reviendrai pour les comparer à ceux de Bulimus. Je ne doute pas que plus tard on retrouvera cette communication receptaculo-utérine dans beaucoup de cas. On sait que, chez beau- coup de Helir, Bulimus, Clausilia, Zonitidæ, etc., le canal du receptaculum seminis ou de la poche copulatrice possède un long diverticule, la branche copulatrice. Elle sert généralement ou - (1) Le travail de RouzAUD fut corrigé, pour certains points importants, par BROCK ; mais il me semble que, parmi les points essentiels dont il est question ici, il y a une concordance remarquable entre les deux auteurs , sur l'existence de deux fentes longi- tudinales qui produisent l’appareil triaule, et sur la formation d’un bourgeon pénial, — 212 — toujours, pour recevoir le spermatophore. Je ne sais s’il existe sur ce dernier corps des recherches exactes qui me sont inconnues, mais les miennes propres (31) m'ont prouvé qu'il n’y a pas du tout d'appareil expulsif, comme dans ceux des Céphalopodes. Ce que j'en dis est parce que SIMROTH (59, p. 229) croyait que le sperma- tophore de Amnalia est explosif, ce qui n’est pas exact. Je crois qu'il faudra de nouvelles études histologiques sur le capreolus ou sper- matophore des Néphropneustes. Je connais bien le corps que SIMROTH a décrit comme capreolus chez Amalia marginata, mais je l'ai pris pour un organe excitateur. Lorsque j'ai voulu, plus tard, en étudier l’histologie, je ne l’ai plus retrouvé, fait qui semble en faveur de l'opinion de SimroTH que ce serait le capreolus. Mais il est possible qu'il existe chez ce genre un dimorphisme sexuel, ce qui ne serait pas étonnant d’après les recherches de SImRoTH sur Agriolimax et les miennes (von JHERING, Zur Kenntniss des Ameri- canischen Limax Arten, Jahrb. d. deutsch. Mal. Ges. XII, 1885, p. 207) : nous avons trouvé que chez Agriolimaæ, il y a, à côté d’in- dividus normaux, d'autres qui sont femelles, puisque le pénis et le vas deferens font défaut, et d’autres qui, présentant seulement l’ap- pareil mâle bien développé, doivent être considérés comme de ce sexe. SIMROTH croit que ce sont les phases successives du dévelop- pement génital, qui serait tantôt protandrique, tantôt protogyne ; mais je crois que cette hypothèse ne peut pas expliquer toutes les modifications rencontrées, et qu'il faut reconnaître qu'il y a là dimorphisme sexuel, à côté d'exemplaires normaux hermaphrodites. Chez Anodonla riograndensis, v. JHER, qui est hermaphrodite, j'ai rencontré des individus mâles, tandis que l'on ne voit pas de femelles. Ce serait donc un cas plus surprenant de voir, parmi les limaciens, des exemplaires de Amalia, pourvus du corps excitateur qui man- querait à d'autres individus. La raison pour laquelle je suis de cette opinion est non seulement que je n'ai pas vu de sperme, dans ce corps, mais aussi que je l'ai vu fixé, par sa base, à la paroï du receptaculum. SrMrorH a fait la même observation, mais il dit que le spermatophore s’était « fixé solide- ment par succion » (59, p. 219) à la paroi du receptaculum. Mais cela n’est pas possible, le spermatophore étant un corps cuticulaire, sans vie et sans muscles, comme aussi sans appareil expulsif. Dans Cionella lubrica, j'ai observé que , dans le receptaculum, cinq plis — 213 — longitudinaux, dont deux plus développés, sont munis d’excrois- sances élevées, en forme d’anneau ; en haut, ils sont réunis, mais fixés. On peut facilement s’imaginer que ces corps peuvent produire un corps excitateur, comme celui de Amalia, que je crois être homologue. J'ai noté une fois que ce corps se trouvait libre dans la cavité du receptaculum ; probablement il s'était détaché de son insertion pendant l'accouplement et peut-être les individus qui n’en possèdent point l'ont-ils perdu par l’accouplement, comme Helix perd son dard. C'est donc bien un corps excitateur et non un capreolus. J'ai représenté (PI. v, fig. 11 B.) le capreolus du grand Bulimus (Borus) oblongus. C'est un rouveau type de capreolus pour les Néphropneustes, puisqu'il n’est pas fermé. Il se trouvait dans le diverticule (dé, fig. 11 A) du receptaculum ; il avait 24 millim. de long; la partie renflée, qui contient le sperme, mesure 8,5 millim. de long et 5 millim. de haut. Tout le capreolus n'est qu’une lame cuti- culaire un peu enroulée, fermée seulement en avant de la partie renflée. L’extrémité antérieure est formée par deux petites cornes courbées. Est-ce là la forme primitive du capreolus des Néphro- pneustes ? Nous connaissons déjà des types de ce corps, lisses, ornés ou pourvus d’épines, à paroi simple et à cavité unique ou à cavité divisée par des cloisons en de nombreux compartiments, enfin une foule de différences, qui présenteront peut-être, avec le temps, de l'importance pour la classification, si l’on étudie mieux que jusqu'ici, c’est-à-dire par des coupes microscopiques, la structure de ces corps. J'ai trouvé un spermatophore assez simple chez Polycera (32, PL. 1, fig. 4); mais je ne sais s'il y en a aussi chez les Tectibranches et les Branchiopneustes. La figure 11 A représente l'appareil reproducteur du même Bulimus. Ce qui y est surtout remarquable est la séparation des deux orifices génitaux et la position du vas deferens près de la paroi du corps, entre les deux orifices. IL est intéressant de comparer cette figure avec celle de l'appareil génital de Vaginulus tubercu- losus (fig. 10), qui se distingue surtout par l'existence du canal anas- tomotique (an) qui s'ouvre dans le diverticule du receptaculum seminis : ici ce canal se détache du vas deferens. Néanmoins, il est, à mon avis, homologue de celui des Héliciens, la différence s’expli- quant par le déplacement de l’origine. On constate qu'il y a eu de — 214 — tels changements, en comparant les deux figures et en voyant la position différente du talon et de sa glande ({ et g), qui sont réunis chez Bulimus et assez éloignés chez Vaginulus, où, outre l’origine du canal anastomotique, la glande aussi est déplacée sur le vas deferens. En comparant l'appareil génital de ces deux genres, il est évident que la partie supérieure du vas deferens , très longue chez Vaginulus, est entièrement raccourcie chez Bulimus, où, en outre, la branche anastomotique n'existe plus chez l'animal adulte, de même que la partie inférieure du vas deferens est aussi raccourcie chez le Bulimus. Une particularité spéciale de l'utérus de Vaginulus est la disposition de sa partie moyenne en un corps enroulé en spirale. La branche copulatrice est quelquefois énormément développée, comme chez les Campylæa et les Pentalænia surtout; dans d'autres cas, elle finit en un appendice filiforme , qui est probable- ment le reste de la communication receptaculo-utérine. En tout cas, il faudrait étudier l’embryogénie de cette branche pour savoir si cette hypothèse est exacte. Il ne semble pas que cette branche puisse servir pour la classification basée , non pas sur cet appareil, mais profitant des renseignements qu'il fournit. Qu'est-ce que le genre elix? Un assemblage de coquilles plus ou moins pareilles ! Je ne crois pas que, pour la séparation des sous-genres de /elix, on puisse faire usage du développement de l'uretère secondaire, puisqu'il est tantôt ouvert ou fermé en partie, tantôt complètement fermé, comme chez les Bulimidæ ; mais je crois qu’il faut exclure tous les sous-genres où, comme chez Vallonia, n’existe pas du tout d’uretère secondaire. Je propose de restreindre le genre Helix aux formes à urelère secondaire plus ow moins ferme, à poches du dard el glandes mullifides. Pour résumer les différences dans l'appareil génital, nous avons donc trouvé deux facteurs d’une importance capitale pour la classi- fication naturelle des Ichnopodes : l’état monaule , diaule ou triaule du conduit excréteur et l’homologie du pénis. Chez les Nudibranches et les Pleurobranches, le pénis n'est jamais que la partie terminale, plus ou moins modifiée du vas deferens , quelquefois un peu distant de l'orifice femelle, mais jamais très éloigné de ce dernier. Ce pénis est toujours une partie du conduit excréteur, et, comme il ne pré- sente qu’un renflement du vas deferens , je propose d'appeler cette disposition de l’appareil génital : pyxikaule (pénis renflé). Le pénis — 215 — des Tectibranches, au contraire, est une formation tout à fait indé- pendante de l'appareil génital, issu d'une invagination ectodermique, très éloigné de l’orifice femelle ; on peut nommer cette disposition : éréemokaule (pénis éloigné ou isolé [de l'appareil génital] ). Les Tec- tibranches, Branchiopneustes et Ptéropodes sont érémokaules. Mais on sait que chez les Branchiopneustes, la communication entre l'orifice génital et le pénis se fait par une gouttière qui s’est trans- formée en canal. Néanmoins, le développement du pénis est le même, c’est-à-dire ectodermique et indépendant. Si maintenant nous voulons déterminer la position des Néphro- pneustes, nous avons déjà vu qu'ils sont triaules, et que par l'atro- phie, à l’état adulte, de la branche anastomotique receptaculo utérine, la plupart des espèces ont un appareil génital diaule. Cette diaulie n’est donc pas comparable à la diaulie primitive des Nudi- branches : elle est secondaire ou acquise : nouveau signe que l'iden- tité de conformation anatomique ne prouve pas nécessairement l’homologie, qui n’est démontrée que par l'identité morphogénétique. Aussi, l’appareil génital diaule des Branchiopneustes n'est-il pas homologue à celui des Néphropneustes; mais c'est là, pour le moment, tout ce que nous pouvons dire sur celui de ces derniers. La question du pénis n'est pas encore éclaircie. SCHIEMENZ (56) a cri- tiqué Brock parce qu'il n'admet pas l’homologie du pénis de Limnæus et des Helicidæ ; cependant, si l’on tient en considération l'embryologie seulement, on doit reconnaître que le pénis ectoder- mique des Branchiopneustes érémokaules est bien différent de celui des Pyxikaules , auquel, d’après l’embryogénie des Helicidæ, on attribuera un pénis mésodermique. Mais les résultats de l'embryo- génie et de l'anatomie comparée ne sont pas concordants ici, comme nous le verrons. Les Peronia et Vaginulus sont triaules, aussi à l’état adulte, mais ils sont érémokaules, et non pyxikaules comme les Nudibranches. Vaginulus correspond, quant au pénis, au stade de Zimnæus, parce que la communication entre l'orifice génital et le pénis s’y est déjà transformée en canal ; mais, chez Peronia, où l'appareil génital est presque le même, il y a encore une gouttière ciliaire, comme chez les Tectibranches. Néanmoins l'appareil de Peronia ne peut être comparé à celui de ces derniers, parce qu'il est triaule au lieu d'être monaule. Il est bien naturel de comparer les Peroniidæ aux — 216 — Nudibranches triaules, mais il y a aussi des différences trop grandes, pour qu'on puisse prendre les concordances pour l'expression l'une affinité directe. Chez tous les Nudibranches triaules, il y a aussi deux spermatocystes au lieu de la poche copulatrice unique des Néphro- pneustes. En outre, les Triaules ont une ou deux glandes hématiques (Blutdrüse, BeRGH) comparables au thymus qui n'existent ni chez les Néphropneustes, ni chez les autres Nudibranches ; en outre, le pénis des Peroniidæ est érémokaule. Il est donc évident que les Néphro- pneustes triaules ne sont pas des Nudibranches triaules ; mais on peut supposer qu'il y avait, à l’époque paléozoïque, un grand nombre de familles éteintes de Nudibranches triaules, dont les Dorididæ se sont détachés comme les Peroniidæ. Mais alors nous avons cette nouvelle difficulté que les Nudibranches, excepté les Triaules, sont pyxikaules et que les Peronüdæ et Vaginulidæ sont érémokaules. À cet égard les genres cités concordent avec les Zinnœæus ; mais il y a, comme je l'ai déjà dit, cette grande différence que ces dernières sont diaules, et nous savons, par KLorz, qu'il n'existe jamais chez eux de stade triaule. Cette différence entre les Néphropneustes et les Branchiopneustes est incontestable; mais l'homologie du pénis, pour le moment du moins, ne peut être décidée. Il faut de nouvelles recherches sur l'embryogénie de l’appareil génital des Nudibranches et des Néphropneustes et surtout de ceux qui sont dépourvus d’ure- tère, comme les Bulimus, Pupa, Daudebardia, Philomycus, etc. Pour le moment, il n’est pas possible de saisir complètement la relation qui existe entre les Peronïidæ et Vaginulidæ d’une part, et les Helicidæ, d’autre part. D'après les données de l'anatomie com- parée, on doit soupçonner que le stade représenté par Vaginulus s’est transformé en celui de Helicidæ par des modifications et par le déplacement de l'orifice génital femelle, ce qui donne lieu au rap— prochement des orifices génitaux. D'après les données de l’embryo- génie, on dirait que le pénis ectodermique des Branchiopneustes ne peut être homologue de celui de Helicidæ qui est d'origine méso- dermique ou pixykaule. Dans ce cas, les Peroniidæ et Vaginulidæ ne seraient pas les ancêtres des Helicidæ, ni des formes plus ou moins voisines de ces ancêtres, mais ils représenteraient un groupe aber- rant. Vaginulus est en tout cas un peu aberrant, car son poumon ne correspond pas complètement à celui des Helicidæ. Mais d'un autre côté, il n’est pas certain que l'étude embryologique des * = 5 — organes génitaux de Pupa, Bulimus, etc., donne le même résultat que chez Limax et Helix.Il y a même, dans l’'embryogénie de Limazx, une observation quant à l’origine pyxikaule du pénis des Néphropneustes : c'est celle faite par Rouzaun et Brocx que le pénis naît par bourgeonnement de l'extrémité distale de l'appareil génital et se confond seulement plus tard avec la partie prostatique du vas deferens. N'y a-t-il pas là un processus cénogénétique (1) qui fait naître au point de sa position définitive, sans répétition des dépla- cements phylogénétiques, le pénis d'abord ectodermique? Tout en reconnaissant que la question ne peut pas être décidée maintenant, il me paraît probable que c'est de cette manière que vont s'expli- quer les discordances qui existent entre les résultats donnés par l’'embryologie et l'anatomie comparée. Je rappelle l'observation, rap- portée plus haut, des deux orifices génitaux séparés et d'un vas deferens joignant ces deux orifices, comme chez les Limnæidæ. Je crois que l'on ne peut étudier tous ces faits sans se con- vaincre de ce que j'ai déclaré depuis quatorze ans : que l’ordre des Pulmonés est aussi anti-naturel que la division des Pulmonés oper- culés. On sait maintenant que des représentants de familles très différentes de la classe des Cochlides se sont adaptés à la vie ter- restre et je ne crois plus nécessaire de combattre comme autrefois l’ «ordre des Pulmonés operculés », surtout que l'étude comparée de la radula avait déjà démontré que c'est un groupement artificiel. Quant aux Pulmonës, on n'a pas jusqu'ici suffisamment tenu compte de mes travaux sur eux. Ils ont cependant démontré que les Branchiopneustes, dans leur configuration générale : tentacules non invaginables, à yeux sur leur base, système nerveux à commissure parapédale, organe de LacazE-DUTHIERS, armure à l'estomac mus- culeux de quelques Auriculidæ, conformation de la mandibule, etc. sont tout à fait différents des Héliciens, mais voisins des Tectibran- ches. D'un autre côté, les paléontologistes accordent beaucoup de valeur à la résorption des parties internes de la spire chez les (1) Si le même organe, le pénis, des Branchiopneustes et des Néphropneustes naît de l'ectoderme chez les uns, du mésoderme chez les autres, c'est preuve que dans cette question, l’embryologie a moins d'importance que l’anatomie comparée, comme je l’ai toujours soutenu, Un même cas se présente chez les Vertébrés, où la corde dorsale naît tantôt de l'endoderme, tantôt de l'ectoderme. L'identité anatomique est incontestable, même s'il n'existe pas d'identité embryogénique. — 218 — Aclæonina, et, chez les Auriculidæ, j'ai vu la même disposition dans Pylhia pollex, Melampus fasciatus, Cassidula crassiuscula. Si maintenant on tient compte des différences considérables exis- tant dans l'appareil génital, je ne crois pas qu'il y ait des zoologistes qui soutiennent encore l'ordre des Pulmonés: il ne peut être main- tenu, non plus, par conséquent, que ses subdivisions : Pulmonés stylommatophores et P. basommatophores.Comme j'ai été lepremier à reconnaitre la différence fondamentale entre les deux groupes de « Pulmonés », ce sont les noms proposés par moi qui ont la priorité. et que l'on doit appliquer, si même on ne partage pas mes idées sur la valeur morphologique du poumon. Quant à cette dernière question, les faits que j'ai mentionnés rendent au moins très probable que la théorie émise par moi est exacte. Il est démontré que l’uretère des Helicidæ est une formation secondaire et l'embryologie a prouvé l'unité génétique du poumon et du rein chez Helix. La participation du manteau à la formation du poumon est secondaire: chez Philomycus qui représente la per- sistance d'un état développé chez Hehx cans l’'embryogénie seule- ment, l'appareil néphropneustique n'a jamais aucune relation avec le manteau. J'ai représenté (80. fig. 12) les poumon et rein de Phë- lomycus australis, mais j’ai observé aussi que le poumon, plus grand que le rein, dans cette espèce, est plus petit chez Ph. caroli- nensis (80, p. 9). Chez Triboniophorus, le poumon est aussi plus petit, à peu près de la longueur du péricarde. Je ne reviens plus sur ce que j'ai dit sur les poumons de Peronia et Vaginulus. Tous ces genres sont beaucoup plus voisins que les Helicidæ, des ancêtres des Néphropneustes, et tous ces genres sont privés de coquille, ou, comme Triboniophorus, en ont seulement l'équivalent composé de quelques pièces rudimentaires. On pourrait m'objecter que les Néphropneustes nus, les Lima- ciens, dérivent des Héliciens à grande coquille ; mais ce ne pourrait être que l'idée de ceux qui ne savent rien de l’organisation de ces genres. Nous savons, en effet, que dans presque toutes les grandes familles de Néphropneustes, il existe des genres devenus secondai- rement nus, et nous pouvons, comme l’a fait FISCHER, réunir tous les stades successifs de ce processus. D'après Fiscner, les Amphibu- lina sont des Bulimidæ devenus nus, et j'ai démontré la même chose pour Pellella. Celui-ci a néanmoins conservé son muscle columel- — 219 — laire, comme aussi Parmacella, Limaæ, ete. L'existence du muscle columellaire nous prouve que ces formes dérivent de genres tes- tacés. Je renvoie à ce que j’ai dit sur la différence de musculature de Limazx et Arion (Ueber die systematische Stellung von Peronia. Erlangen, 1877, p. 33), et que SIMRoTH a confirmé. Il faut donc réunir les genres devenus nus secondairement, aux Testacellidæ, Succineidæ, Zonitidæ, Bulimidæ, etc., et lorsqu'on a fait cette répartition, il reste un certain nombre de familles, dis- üinctes des Limaciens, sans relation avec des genres testacés, et dont le défaut de muscle columellaire et la répartition régulière et symétrique des muscles montrent qu'ils ne dérivent pas de formes à coquille. C'est le cas des Arionidæ, Vaginulidæ et Peroniidæ. Trouvant alors, chez ces familles, des caractères archaïques tels que : poumon petit, sans relation avec le manteau, appareil génital triaule, tentacules peu ou pas rétractiles, absence d'uretère, opis- thobranchie, etc., on reconnaîtra que les genres en question sont plus voisins que les autres des ancêtres opisthobranches et nudi- branches des Néphropneustes. Certains savants, occupés de l'étude des Néphropneustes limaciformes (BINNEY, HEYNEMANN, etc.) tendent à retirer des Néphropneustes les Peroniidæ, parce qu'ils ont l'habitat marin ; mais l'étude anatomique montre, entre Vaginulus et Pe- ronia, des relations qui s'opposent à une telle idée. IV. — Phylogénie des Ichnopodes. On voit donc bien que Branchiopneustes et Néphropneustes se rapprochent des Opisthobranches ; mais, tandis que les premiers ne sont que des Tectibranches modifiés d’eau douce, les Néphro- pneustes dérivent de formes éteintes à appareil génital triaule, inter- médiaires entre les Tectibranches et les Nudibranches, et se rap- procheunt de ceux-ci par l'absence de coquille. Parmi les Tectibran- ches, il y a quelques formes sans gouttière ciliée, que l’on est obligé de regarder comme les plus inférieures: Umbrellidæ et Peltidæ. Les premiers sont déjà pourvus de coquille, mais Pella en manque, tandis que dans le second genre de Peltidæ, Z/dica, Bercu (3, Heft XVI, p. 868), il existe une coquille rudimentaire de 0,4 millim. de long, = 990 = attachée à la partie postérieure du corps. C’est pour moi, la preuve que ce sont des genres où la coquille larvaire commence à être con- servée à l’état adulte. Lorsque cette coquille lavaire commence à être conservée, elle ne peut aussitôt présenter toutes les dispositions connues et typiques. C'est en effet ce que nous observons : comme chez les Peltidæ, la coquilie existe où manque chez les Pleurobranchidæ, où Pleuro- branchæa en est dépourvu, de même que Posterobranchæa parmi les Philinidæ, où Gastropleron en possède une, membraneuse, rudi- mentaire. Chez les Aplysiidæ, il y a généralement une coquille élastique, qui manque dans d’autres genres : elle est souvent rudi- mentaire, souvent interne, tantôt calcaire, tantôt élastique ou mem- braneuse. Ce n’est donc pas un effet du hasard, si, dans ces mêmes genres, on trouve le système nerveux composé par les trois paires de centres du proto-ganglion, les ganglions deutoviscéraux faisant défaut ou étant représentés seulement par un petit ganglion génital. Quant aux Tectibranches plus élevés et typiques, ils ont d’une façon bien évidente les ganglions deutoviscéraux, la gouttière ciliée, la coquille bien développée et calcaire, etc., tandis que chez les Pel- tidæ et Umbrellidæ, la coquille est plus ou moins petite et variable ou manquant, la gouttière ciliée absente et le système nerveux très simple. Si j'ai cru autrefois pouvoir réunir les Umbrellidæ aux Pleuro- branchidæ, je dois reconnaître maintenant que VAYSSIÈRE a prouvé que Umnbrella est un Tectibranche. La branchie, il est vrai, est à peu près la même dans les deux familles, mais l'appareil génital est assez différent; pour cette raison, l’on ne peut considérer les Umbrellidæ comme intermédiaires entre les Tectibranches et les Pleurobranches. La famille des Lophocercidæ occupe une position singulière dans le système. Comme ils ont la radula des Sacoglosses, je les avais réunis à ces derniers, malgré les différences dans l'appareil génital et l'existence de la coquille; mais ultérieurement je les ai retirés des Sacoglosses et réunis aux Tectibranches (38. p. 523). J'ai vu seulement depuis, que VAyssiÈRE avait déjà exprimé cette opinion avant moi: mais je ne m'explique pas bien la différence qu'il y a entre VAYSSIÈRE et moi, au sujet de la gouttière ciliée, que j'ai vue chez Lobiger krohni et qui y manquerait d'après VAyssiÈRE. Cet A organe serait-il variable dans ce genre ? BERGH (4) considère main- tenant les Lophocercidæ ou Oxynoeidæ, comme intermédiaire entre les Sacoglosses et les Tectibranches, reprenant ainsi la vieille idée de l’affinité des Ælysia et des Aplysia. Je ne puis accepter cette idée, que contredit la morphologie de l'appareil génital, de même que je crois que c'est une erreur de BERGH de faire dériver les Æolidiidæ des Sacoglosses et les Néphropneustes des Branchio- pneustes. L'anatomie très difficile des Sacoglosses n'est pas encore aussi bien connue que celle des autres Nudibranches, et il faudra y consacrer de nouvelles recherches, surtout à l'aide des séries de coupes microscopiques. Je crois qu'alors les affinités des Lophocer- cidæ avec les Sacoglosses paraîtront moins intimes que ne le pense BERGH.L'origine commune (les Sacoglosses et Tectibranches explique d'ailleurs les ressemblances partielles. Mais pour faire dériver les Néphropneustes et les Nudibranches de formes testacées, comme le veut BERGH, il faut nier toutes les relations que j'ai exposées ici et les séries phylogénétiques démontrées jusqu'ici par la morphologie comparée. 3ERGH qui a si bien réussi, à l’aide de ses coupes génériques, à établir l'arrangement actuel des Nudibranches, est beaucoup moins heureux dans ses idées sur l’affinité des familles et sous-ordres. Il a divisé les Nudibranches en Holohépatiques et Cladohépatiques , c'est-à-dire à foie coripact ou ramifié. Précédemment, il compre- nait seulement les Æolidiidæ dans le second groupe (Die Pleuro- leuriden, Zoo!. Jahrb. 1888, p. 348), tandis que maintenant, il donne, au terme Cladohépatiques, une signification bien plus géné- rale, puisqu'il y comprend les Tritoniidæ, qui, d'après leur foie, seraient holohépatiques. Il n’est pas du tout exact que les Trito- niidæ soient, comme BEerGx l'explique, une famille intermédiaire entre les Æolidiidæ et les Dorididæ, puisque ces Tritoniidæ sont des formes voisines des Æolidiidæ, mais privées de tubes ramifés du foie. Il est donc juste que BEerGx les réunisse maintenant à cette deruière famille ; mais alors c'est preuve que le foie ne donne pas le moyen de distinguer les différents groupes de Nudibranches, et sic'est d'après ce caractère qu'on veut arranger ces animaux, on ne peut réunir dans les Nudibranches cladohépatiques des formes cladohépatiques et holothépatiques. Cette classification imparfaite ne peut donc être admise, d'autant — ir plus que l’appareil génital suffit parfaitement ici pour le classement: tous les genres de Phanérobranches, vON JHERING (qui corres- pondent aux Cladohépatiques) ont l'appareil génital diaule, tous les Triaules, VON JHERING, l'ont triaule, et cette règle ne présente pas une seule exception. Je renvoie, sur ce point, à un travail où j'ai donné plus d'explications (88, p. 517 et suiv.). Quant aux Sacoglosses, c'est une erreur de BERGK de les croire intermédiaires aux Tectibranches et Phanérobranches. Il n'existe pas un seul genre qui y soit plus ou moins intermédiaire, car la ressemblance extérieure que quelques-uns des Sacoglosses ont avec les Æolidiidæ, aussi bien que celles des Ælysia et Aplysia, est une de ces simples analogies comme nous en rencontrons à tout moment chez les Mollusques. Les Sacoglosses et les Tectibranches ont probablement des ancêtres communs dont la masse buccale s’est conservée chez les Saco- glosses, chez les Lophocercidæ et quelques Dorididæ (les Dori- didæ phanérobranches de BerGx, dont le « Saugkropf » correspond à la partie dorsale de la masse buccale primitive). L'anatomie com- parée et l’embryologie de cet organe nous donneront des éclaircis- sements. Il est donc à remarquer, d'après ce que j'ai dit sur les Lophocercidæ , que les Sacoglosses, tels que je les entends, ne correspondent plus à ceux de BERG où les Lophocercidæ se trouvent compris. Quant aux Néphropneustes, BERGH ne peut continuer à les faire dériver des Branchiopneustes, ainsi que je l’ai démontré d’après l'appareil génital. Celui-ci est, en effet, toujours diaule chez les derniers, tandis que dans la plupart des Néphropneustes, il est triaule dans le développement, passant ainsi par le stade que les Peroniidæ, les Vaginulidæ et peut-être d'autres Néphropneustes, ont conservé à l'état adulte. Pour suivre les différences plus loin, il sera nécessaire d'étudier la morphologie comparée des mandi- bules, formées par des bâtonnets cuticulaires chez les Tectibranches et probablement chez les Branchiopneustes, où ils sont évidents chez Ancylus, par exemple, tandis que les Phanérobranches et les Néphropneustes ont les mandibules formées de masses cuticulaires homogènes qui ne sont jamais composées de bâtonnets isolés. La question sur laquelle PELSENEER (52 «a, p. 84-87) a attiré l'attention est très compliquée, parce que chez les Æolididæ, il y a, = outre les mandibules, des plaques cuticulaires que BERGH a nom- mées le « disque labial » et dont il faudra examiner la valeur mor- phologique, — nouvelle preuve de ce que j'ai dit sur la nécessité d’études exactes de la masse buccale des Cochlides et des Platydes, parce qu'il est probable que cet organe, bien qu’il existàt déjà chez les ancêtres des Mollusques, a subi des modifications assez diffé- rentes dans les divers ordres et classes. Si, jusqu'ici, on était dis- posé à interpréter chaque ressemblance chez les Mollusques comme signe d’affinité, dans l'avenir, on n'admettra plus cinq homologies apparentes avant qu'elles n'aient été prouvées. Une hypothèse défendue avec opiniâtreté par BERGH, et cependant inexacte, est l’idée que Peronia ne serait pas un genre plus ou moins archaïque de Néphropneustes, mais une forme dérivée des Pulmonés testacés et adaptée secondairement à la vie marine. Main- tenant que nous savons que les Peroniidæ conservent dans leur organisation à l’état adulte, une disposition des organes génitaux qui, chez les autres, ne se voit que dans le développement, il n’est plus probable que BERGH trouve d'approbation pour son idée. C’est pourquoi je ne crois pas nécessaire de défendre mon opinion, à l'appui de laquelle j'ai donné tant d'arguments, et je me borne à insister sur un désaccord particulier qui existe entre nous : BERGH trouve « à peu près incompréhensible » que j'aie pu trouver le sys- tème nerveux des Peroniidæ intermédiaire à ceux des Néphro- pneustes et des Nudibranches. Comme BERG n'explique pas les dif- férences entre ces sous-ordres, je dois les exposer ici, en faisant abstraction des Peroniidæ et des Vaginulidæ, et en considérant seulement les faits qui sont communs à tous les autres Néphro- pneustes ; cest ainsi, par exemple, que je ne parlerai pas de la longueur de la commissure cérébrale, qui est assez variable chez les Néphropneustes. La disposition générale du système nerveux est la même chez les Néphropneustes et les Phanérobranches : chez tous, il y a les trois paires de centres (cérébraux, pédieux et protoviscéraux), toujours réunis entre eux de la même façon par des commissures et des con- nectifs. La principale différence réside dans le développement des ganglions deutoviscéraux, dont les Phanérobranches, quand ils er: ont, ne possèdent qu'un seul (tout comme Peronia) : le ganglion génital, tandis que les Néphropneustes, en règle générale, en ont — 9204 — trois. Le développement de ces ganglions se fait, comme je l'ai prouvé, par le déplacement des nerfs viscéraux, qui quittent les ganglions protoviscéraux pour naître sur la commissure viscérale, où se développent alors de nouveaux centres, les ganglions deuto- viscéraux. Le même processus que chez les Phanérobranches et les Néphropneustes a été reconnu chez les Tectibranches par moi et Vayssière. Le résultat est partout le même: tous les nerfs du gan- glion protoviscéral naissant de la commissure viscérale, ce gan- glion, alors complètement ou presque complètement dépourvu de nerfs, est devenu le ganglion commissural. En même temps, les ganglions pédieux etprotoviscéraux reliés aux cérébraux, chez les Phanérobranches par des connectifs très courts, s’éloignent de plus en plus des centres supra-œæsophagiens, de sorte que se développent alors les deux connectifs latéraux accolés paral- lèlement, qui relient ces derniers centres aux infra-œæsophagiens. Les deux commissures développées entre les ganglions pédieux se raccourcissent de manière à ce que ces derniers se touchent sur la ligne médiane, ce quine s’observe jamais chez les Phanérobranches. Les connectifs cérébro-viscéraux s’allongent aussi. Les différences qui distinguent le système nerveux des Néphropneustes de celui des Phanérobranches.sont donc : 1° Le développement de trois ganglions deutoviscéraux. au lieu d'un seulement chez les Phanérobranches ; 2° Le changement du ganglion protoviscéral en ganglion com- missural duquel ne naissent apparemment plus de nerfs ; 3° L'allongement des connectifs cérébro-pédieux et cérébro-viscé- l'AUX ; % Le raccourcissement des commissures pédieuses, qui fait joindre les ganglions pédieux sur la ligne médiane. Si nous comparons alors le système nerveux des Peroniidæ à celui des Néphropneustes et des Phanérobranches, nous voyons que chez Peronia ne se voient pas les deux connectifs parallèles sur les côtés de la masse, parce qu’ils sont courts et irréguliers ; que les ganglions pédieux ne se touchent pas, mais sont réunis par deux commissures très bien développées et assez longues ; que les ganglions protoviscéraux donnent naissance à des nerfs et ne sont pas changés en ganglions commissuraux; qu'il n'y a qu’un seul ganglion deutoviscéral, le génital. C’est donc aux Phanérobranches et non aux Néphropneustes que ressemble Peronia, par son sys- tème nerveux, et il n'y a que cette seule différence, que les con- nectifs latéraux sont déjà plus longs chez les Phanérobranches, mais c’est là un point encore douteux. En effet, d’après moi et Joyeux LAFFUIE (36), ces connectifs sont très courts, tandis que d’après BERGH (9), Onchidium longanum aurait le ganglion protovis- céral accolé au cérébral du côté droit et réuni à lui par un connectif très court au côté gauche. Il y a certainement, à cet égard, des différences entre les espèces ; je ne doute pas, d’ailleurs, que BERGH, en voulant donner une des- cription beaucoup meilleure que la mienne et celle de Joyeux, qu'il trouve « à peine convenable », a commis une confusion très grande. On sait par Joyeux et par moi, que la commissure pédieuse de Pero- nia est double. BEerGux le nie, mais il décrit la commissure viscérale comme double. Or, cette prétendue commissure viscérale supplé- mentaire, n’est autre chose que la pédieuse. Dans la figure de BERGH (9, p. 178), les centres h et g sont les ganglions pédieux, comme le prouve aussi leur position en arrière des autres centres; tandis que f'et d, à gauche, sont les ganglions protoviscéraux, et d, au milieu, le ganglion génital. Ces erreurs, une fois corrigées, je ne vois pas de différence entre la description de BERG«H et la mienne, sauf que, d’après moi, le nerf génital sort de la grosse commissure viscérale, et de cellules ganglionnaires, à mon avis, tandis que d'après BERGH, il existe au milieu de la commissure, un ganglion distinct. Je ne doute pas de l'exactitude de l'observation de BERGux sur ce point, mais cette différence est de peu d'importance. Il reste donc hors de doute que sur tous les points mentionnés, Peronia est plus comparable aux Phanérobranches qu'aux Heli- cidæ. Il en estde même pour les Vaginulidæ ; et, chezies Philomy- cidæ et les Janellidæ aussi, il n'y a pas de connectifs latéraux appa- rents, ni de ganglion commissural bien séparé. Chez les Helicidæ, etc., alors même que les ganglions pédieux soit en contact sur la ligne médiane, les deux commissures pédieuse et subcérébrale restent néanmoins séparées. Que l'on examine donc le foie ou le poumon, le système nerveux, l'opisthobranchie ou les organes génitaux, il reste toujours évident 15 oo que les Peronïidæ et Vaginulidæ sont intermédiaires aux Héliciens typiques et aux Opisthobranches ; qu'il n’y a chez eux, ni dans l’ana- tomie comparée, ni dans l’'embryogénie, aucun vestige d’une branchie atrophiée ou d’une cavité branchiale ; que l'orifice du pouvoir de ces familles correspond à l'ouverture du rein des Phanérobranches et que le poumon des Néphropneustes n’est que la partie terminale et modifiée de l’uretère ou un diverticule de cet appareil, formé par invagination ectodermique. Bien que les Perontüidæ offrent beaucoup de relations avecles Phanérobranches, il n'y a pas, parmi les repré- sentants vivants de ceux-ci, de formes auxquelles ils puissent être comparés; cela a déjà été prouvé ci-dessus par les relations de l'appareil génital. BERGH à figuré un nerf impair médian de la com- missure buccale. Je croyais auparavant que ce nerf se trouvait seulement chez les Tectibranches et les Branchiopneustes ; mais depuis, je l’ai vu chez Pleurophyllidia undulata, et BEerGx chez différents Trilonia. En tous cas, il n’est que peu répandu chez les Phanérobranches et il paraît manquer toujours chez les Triaules et les Sacoglosses. Quant au système nerveux, les Tectibranches archaïques dé- pourvues de gouttière ciliaire (Umbrellidæ et Peltidæ) ont la même organisation que les Pleurobranchidæ et la plupart des Nudibran- ches. C’est donc preuve que les ganglions deutoviscéraux manquant entièrement chez Umbrella comme chez la plupart des Nudi- branches, constituent une acquisition secondaire chez les Ichnopodes plus modifiés. Dans son état primitif, le système nerveux forme donc, de chaque côté, une masse ganglionnaire supra-æsophagienne, le protoganglion, plus ou moins confondu dans beaucoup de genres, divisé distincte- ment chez d'autres en trois ganglions, et trois ou quatre commis- sures. Celles-ci ne sont que les parties différenciées d’une seule, la protocommissure, comme le prouve leur réunion dans une seule névrilemme. Chez quelques Nudibranches — Tethys, Dorididæ, — les parties du protoganglion sont si confondues qu'il y a, au milieu, des cellules mpaires sans symétrie. Les otocystes sont situés sur la ace dorsale du protoganglion, comme les yeux, qui sont placés devant. Dans ce stade simple, le système nerveux central des Nudi- branches correspond exactement à celui de Rhodope et des Pla- naires, pourvu l’une protocommissure chez Mesostomum et Micros- OT = tomum (28, p. 584), et portant l’otocyste et les yeux sur la face dorsale de la masse ganglionnaire. On ne peut donc pas trouver, dans le système nerveux, de raison pour repousser l’affinité des Ichnopodes et des Turbellariés. Je ne répéterai pas ici ce que j'ai déjà publié sur ce sujet, etje rappellera seulement que dans ces deux classes, l'épiderme vibratile muni quelquefois d’organes urticants, l'intestin dendritique, le rein tubu- leux et l'appareil génital, offrent de nombreuses analogies. Mais j'insisterai sur le fait que, chez les Turbellariés comme chez les Ichnopodes, il y a toujours un appareil génital hermaphrodite, que jamais le rein ne joue aucun rôle dans le transport des produits génitaux et que le rein des Ichnopodes est toujours impair. Ce sont là des différences très importantes entre les Cochlides et les Ichno- podes, et on se convaincra toujours plus de ces différences en étu- diant systématiquement les prétendues homologies. On m'objectera que la radula existe comme organe homologue dans les deux groupes ; mais la prétendue homologie n’est plus sou- tenable, depuis que RôssLER (54) a montré que la formation de la radula est plus ou moins identique chez les Cochlides, Hétéropodes, Céphalopodes et Chitonidæ, tandis qu'elle est tout à fait autre chez les Opisthobranches et Pulmonés, c'est-à-dire chez les Ichnopodes. Chez les premiers groupes de Mollusques, la radula est formée par des saillies ou compartiments, dont chacun forme une dent, à la for- mation de laquelle participe en outre l’épithélium dorsal de la poche radulaire. Ces compartiments sont pavés avec un épithélium de petites cellules, peu différentes de celles du reste de l’épithélium du sac radulaire. Au contraire, chez les Ichnopodes, chaque dent est formée par quatre ou cinq cellules très grandes, disposées en séries longitudinales dont les premières forment la membrane basilaire et les autres les dents. Je propose de nommer odonlophyle le groupe de quatre ou cinq grandes cellules qui forment les dents d’une série longitudinale, pour les distinguer des petites cellules épithéliales odontoplasliques qui composent en grand nombre les comparti- ments formateurs de la dent, chez les Cochlides. Il faudra encore étudier, à ce point de vue, les Solénoconques et les Ptéropodes, bien qu’il soit probable que les premiers ressemblent aux Cochlides et les derniers aux Ichnopodes, par la formation de leur radula. On 908 voit donc que ce résultat intéressant n’est pas en faveur de l’unité du groupe « Gastropodes ». Il me paraît bien évident que tous les faits ici mentionnés confir- ment l’hypothèse que les Opisthobranches dérivent de formes sans coquille. BErGx et les autres naturalistes qui ont combattu cette idée paraissent convaincus de l'unité du groupe des Gastropodes. Or, nous venons de voir ce qu'est cette unité. Si BERGH, FoL et autres, considèrent les Nudibranches comme des Gastropodes qui ont perdu leur coquille, ils croient pouvoir le prouver par le fait que les larves de ces animaux ont une coquille nautiloïde; mais ce n’est pas là un argument réel. Puisque, en tous cas, les Mollusques dérivent de de Vers, il est évident qu’il y a eu de leurs ancêtres qui étaient sans coquille ; et, comme la coquille larvaire est beaucoup plus répandue que la coquille définitive, on ne peut douter que cette coquille était seulement, à l’origine, une acquisition de la larve. J’ai déjà fait quelques remarques sur ce sujet. Il me paraît impossible de méconnaître les dispositions spéciales des larves des Mollusques, qui, vivant à cette période à l'état libre, sont soumis à tous les facteurs d'évolution qui sont la cause de la transformation des espèces. Il est done bien possible que la larve acquière des organes n'ayant une valeur et une signification que pour la vie larvaire. Tel est pour moi le cas des reins primitifs de ces larves. Chez les Lamellibranches, il y a deux yeux cépha- liques, comme organes larvaires, qui se perdent avec la métamor- phose ; c'est le cas aussi pour les Chitonidæ et probablement pour les Lepetidæ, Patelles aveugles. Les ancêtres des Cochlides étaient aveugles, comme le sont encore les Lamellibranches, les Amphi- neures, les Solénoconques et les Lepetidæ. Chez les Zeugobranches, la formation de l’œil n’est pas terminée. Nous savons maintenant, par BRAUN, FRAISSE et HILGER, qu'ils ont l'œil ouvert et dépourvu de corps lenticulaire, comme il l’est aussi chez Palella. Et même les Rhipidoglosses les plus modifiés, les Trochidæ, et Neritidæ, qui ont l'œil fermé, sont encore dépourvus de lentille cristalline. On sait que, chez les Céphalopodes, le même cas se prséente, l'œil de Nautilus ne possédant pas de corps lenti- culaire et étant ouvert comme celui de Jaliohis et Palella. La tor- mation de l'œil est donc commencée chez Nautilus et les Zeugo- AU branches, et leurs ancêtres étaient aveugles comme les Lamelli- branches, les Chitonidæ et les Solénoconques. Si les larves des deux premières de ces classes possédent des yeux céphaliques, il me paraît évident que ce sont simplement des organes larvaires, et qu'ils ne peuvent être considérés comme la preuve que leurs ancêtres étaient munis d'yeux à l’état adulte. L'œil des Ichnopodes, toujours muni de lentille, paraît représenter un type assez diffé- rent. Si nous examinons l'appareil génital des Ichnopodes, nous voyons que l’état primitif est l’état monaule. A ce point de vue, les Tecti- branches sont les plus archaïques, et parmi eux, le stade le plus pri- mitif est représenté par les Umbrellidæ et les Peltidæ privés de gout- tières ciliaire. Le stade précédent, sans pénis, de l'appareil génital monaule (et pyxikaule ?) n’est pas encore connu ; probablement il ne se trouve plus représenté chez les Ichnopodes actuels. Au con- traire, les Nudibranches ont conservé le stade pyxikaule, de même qu'ils ont conservé dans leur système nerveux des conditions plus primitives que la plupart des Tectibranches. Mais nous ne connaissons pas de formes intermédiaires. BERGH a, avec raison, réfuté la po- sition que j'avais assignée à Telhys, mais le fait de la conformation très simple de son système nerveux n’est pas altéré par cela, quoi- qu'il n’y ait que des différences graduelles avec les autres genres de Phanérobranches. Auparavant, j'avais aussi rapproché Rhodope des Nudibranches, m’accordant en cela avec KôüLLIKER et von Grarr. Mais je suis main- tenant, avec BERGH, de l'avis que ce genre ne peut être réuni aux Nudibranches. Les observations de TRINCHESE sur le développement de Rhodope montrent qu'on ne peut l’admettre parmi les Ichnopodes. C’est, d’ailleurs, de peu d'importance, la question capitale étant de savoir si Rhodope est une forme intermédiaire aux Ichnopodes et Turbellariés. L’anus latéral, le système nerveux et les organes des sens, la position latérale des orifices génitaux, etc., l’éloignent des Turbellariés, comme Grarr l’a démontré, tandis que le défaut de cœur et de péricarde ne permet pas de le joindre aux Ichno- podes. En allant plus loin, et en disant qu’il est impossible de l'ad- mettre parmi les Mollusques {Protocochlides, mihi), on ne serait plus logique, car on admet parmi ces Mollusques, les Solénoconques, — 2 — qui sont également dépourvus de cœur et de péricarde. Je crois que si l’embryogénie de Rhodope avait révélé une coquille nautiloïde, personne n'aurait rejeté ce genre hors des Mollusques, malgré les différences anatomiques, plus importantes à mon avis. Il me semble bien possible qu’une coquille larvaire a pu se former deux fois chez des Vers, et je ne donne pas à ce fait la même im- portance que beaucoup d’autres zoologistes ; mais je suis convaincu. au contraire, que les Ichnopodes dérivent de Vers à coelome déve- loppé, parce que de cette manière seulement s'explique l’orifice pé- ricardique du rein. Il se peut donc qu’au temps prépaléozoïque, il y avait des Vers intermédiaires entre les ancêtres des Ichnopodes et les ancêtres des Arthromalakia, et que les traits qui sont généraux à tous les Mollusques s'expliquent ainsi, et de ces mêmes Vers déri- veraient d’un côté les Annélides, de l’autre les Turbellariès. Mais je trouve hasardé, dans l’état actuel de nos connaissances, de discuter cette question, ce que j'ai évité déjà dans mon livre sur le système nerveux. Je crois impossible aussi de discuter la phylogénie des Vers, et je n'ai donné à ce sujet que des indications vagues, auxquelles je n'ac- corde pas une valeur définitive. Ce que j'avais déclaré à propos de la phylogénie des Mollusques, c’est que des Vers s'étaient développés en deux sens différents pour former deux groupes de Mollusques (26, p. 51) ; les Arthromalakia (Géphalopodes, Lamellibranches, Soleroconques, Amphineura, Cochlides) et les Platymalakia (Ichno- podes et Ptéropodes) et que, par conséquent, une classe de Gas- tropodes, ayant une origine polyphylétique, ne peut être conservée. Tout ce que nous avons appris de nouveau depuis a confirmé ce résultat. D'un autre côté, il devient déjà plus probable qu'avec le iemps on pourra établir la convergence de ces deux phylums de Mollusques. Si la commissure sous-pharyngienne des Amphineures correspond à la commissure viscérale, la différence entre les deux groupes consiste surtout dans le sort de cette commissure qui reste simple chez les Arthromalakia et se divise en trois ou quatre com- missures chez les Ichnopodes, dont les ganglions pédieux, comme nous l’avons vu, ont une origine très différente de ceux de l’autre groupe. 2e, gs V. — La Cavité branchiale des Cochlides et des Ichnopodes. Parmi les tentatives de sauver l'unité de la classe des Gastro- podes, la plus remarquable fut celle de SPENGEL. qui en identifiant la pseudobranchie à l'organe de Lacaze, croyait pouvoir démontrer l’homologie de cet organe chez tous les Gastropodes. J'ai déjà réfuté cette manière de voir, en démontrant que l’innervation hétéropleure de la pseudobranchie est bien différente de l’innervation homopleure de l’organe de LACAZE, qui est toujours impair, tandis que la pseudo- branchie était originairement double et symétrique chez les Chias- toneures. Comme la pseudobranchie n’est bien développée que chez les Pectinibranches, et qu'elle représente, chez les Zeugobranches, un organe naissant, très peu développé (ce qui est prouvé aussi par l'opposition que les idées et observations de SPENGEL pour les Rhi- pidoglosses ont trouvé auprès de BERNARD, GiBsoN, Davis et autres), il est évident qu’elle représente une acquisition des Chiastoneures, et qu'elle manquait aux ancêtres orthoneures de ceux-ci, comme elle manque encore aux Orthoneures actuels. Il est donc évident que l'organe de LacazE ne peut être identique à la pseudobranchie. Mais l'hypothèse que la cavité branchiale des Cochlides el des Platydes soient homologues est aussi inexacle. Pour le prouver, je représente quelques coupes et d'autres figures montrant les relations des organes qui aboutissent à la cavité branchiale. La fig. 12 (PI. v), représente une section sagittale de Patella : on y voit que le bord du manteau, muni postérieurement de feuillets branchiaux (br), se joint directement au muscle columellaire, dé- veloppé ici en forme de fer à cheval et interrompu en avant. Là se trouve une large cavité s'étendant sur la nuque entre la tête et le manteau. Au fond de cette cavité branchiale, qui chez Palella à perdu la branchie cervicale, et que j'appellerai Trachélome pour rappeler sa position nuchale, on trouve le cœur, tandis que le rein et l’anus déplacés à droite chez Patella, ne sont pas intéressés par la coupe ; mais en arrière du péricarde, on voit le rectum (re). 2 9% 2 La figure 13 est une coupe transversale passant par le traché- lome d'un F'ssurella de la Méditerrannée que j'ai déterminé F. cos- laria. On y remarque l'anus (a) et, se détachant du tube anal, une membrane qui est, de chaque côté, en connexion avec le septum horizontal de la branchie (br). L'orifice rénal droit (servant aussi pour l'appareil génital entotrème) est situé sous la membrane qui attache, au tube anal, le septum de la branchie. La fig. 14 se rapporte à Cerithium vulgatum. Le rectum et l’ap- pareil génital étant déplacés au côté droit, il n'existe plus que la branchie gauche (br), au côté externe de laquelle est la pseudo- branchie (ps), tandis qu’à son côté interne se trouve la glande mu- cipare formée de plis épithéliaux, dont la signification physiologique n'est pas encore bien connue. Au côté externe du rectum, s’observe une lamelle qui limite un sillon dans lequel sont transportés les produits génitaux. Le rein s’ouvrant plus en arrière, entre la branche et le rectum, ne se voit pas dans cette figure. Chez la femelle, la membrane (ge), que je crois identique à l’épitænia, existe aussi, mais est plus forte, et son extrémité antérieure est fendue, se con- tinuant postérieurement par un canal. Un second canal, s'ouvrant aussi en avant, se trouve à la base de la membrane, qui est munie de nombreux plis transversaux dont la secrétion semble être trans- portée par les canaux susmentionnés ; l'un de ceux-ci est peut-être le précurseur du receptaculum seminis. En tous cas, le vas deferens, comme l'utérus, est ouvert, formé seulement par une membrane un peu enroulée. Ampullaria canaliculata (fig. 17 et 18, PI. vi) nous montre les conduits génitaux situés aussi dans la cavité branchiale ou traché- lome, mais déjà fermés. La fig. 17, représentant la coupe antérieure, montre la branchie déplacée à droite jusqu'au rectum et fort éloignée de la pseudobranchie qui est courte mais haute et située au bord antérieur, comme chez Valvala. L’utérus est fermé, avec un pl longitudinal : mais, à son côté interne, on voit la crête épitæniale. Je soupçonne qu’elle participe, dans le développement, à la formation du conduit génital, de sorte que chez l'adulte, elle ne serait qu'un organe rudimentaire, sans fonction ; mais ce n’est là qu'une hypo- thèse. Chezles jeunes individus que j'ai examinés, l'utérus a déjà, comme chez l'adulte, croisé l’épitænia, en se rendant dans le milieu du trachélome (sous l’épitænia) vers la cavité intestinale, où la FPonaUUL glande de l’albumine (41. fig. 18) est excessivement développée. Au contraire, l'épitænia se continue en arrière jusquà la fin du trachélome, conservant toujours la même position quant au rectum. Si cette hypothèse est juste, on peut s'attendre à voir l'épitænia reconnu comme organe embryonnaire, par des recherches sur le développement du trachélome des Pectinibranches. Dans la fig. 18, on voit le péricarde, le poumon et de rein, qui est situé entre le rectum et la branchie. L'ouverture du rein chez le mâle est repré- sentée fig. 3 ; chez la femelle, cette ouverture paraît un peu diffé- rente ou au moins plus petite. Contrairement à BouvIER, je crois, je ne {rouve pas grande différence, à cet égard, avec les autres Pec- tinibranches. "4 La cavité branchiale des Ichnopodes est très différente. On voit (fig. 19) la formation de cette cavité chez Aplysia, sp. « depilans L. » de la Méditerranée. Cette cavité est développée à droite et renferme la grande branchie dont l'insertion à droite est coupée dans la figure. Accolé à son côté dorsal, on voit le rein qui s'ouvre là au fond de la cavité, près de la branchie. Le rectum est situé en arrière de la branchie ; s'ouvrant à côté d’elle, en arrière et inférieurement. La fig. 20 (Gas/ropteron) où le bord du manteau ({), qui couvre la branchie , se trouve relevé , montre encore mieux ces dispositions. En avant de la branchie, on voit l'ouverture génitale avec la rainure ciliée. En arrière, la branchie est insérée sur une membrane ou un fort pli, de sorte qu'elle possède une face inférieure ventrale et une autre dorsale ou supérieure. Le rein, comme chez Aplysia, corres- pond à la face ventrale, le rectum et l’anus à l’autre. C'est à peine si l’on peut ici parler d'une cavité branchiale ; la branchie elle-même est petite et située tout à fait de côté. Mais chez Aplysia , elle est non seulement plus grande, mais aussi plus enfoncée dans le corps, s'étendant jusqu'au côté opposé. La fig. 21 est une section transversale de Zimazx. On y voit, à droite, traversés près leur orifice, le rectum et l’uretère, et puis la cavité pulmonaire interrompue dans son milieu, sur une certaine étendue, par le rein (r) que touche à gauche et inférieurement le péricarde où le bulbe de l'aorte (La) est traversé. L'ouverture bien étroite du poumon ne peut pas être vue de cette section. TR Les fig. 8, 15, 16 et 22 se rapportent à une espèce brésilienne de Ancylus. Dans la figure 22, j'ai représenté un animal conservé en alcool et choisi entre beaucoup d’autres, parce que les contractions y ont poussé en dehors le péricarde (pe) dans lequel on aperçoit le cœur ; celui-ci étant situé en avant de la branchie, l'animal est opisthobran- che. En avant de la branchie (br) on voit l’orifice génital(o. ge); et en arrière du cœur, le rein (r), constituant un tube replié en plusieurs branches dont deux communiquent à l'extrémité postérieure. A la face dorsale de la branchie, on voit s'étendre le rectum dont l’ouver- ture (a) est située au bord antérieur de la branchie. Au-dessous de celle-ci, on voit l'entrée assez large du poumon (cbr). Si j'appelle cette dernière cavité « poumon », c'est pour me conformer à l'expression habituelle, qui s'explique probablement par le fait que les Ancylus d'Europe peuvent se servir de cette cavité comme d'un poumon. Ancylus moricandi, au contraire, alors même qu'il s'élève un peu au-dessus de l’eau en rampant sur les plantes, n’a jamais d'air dans cette cavité, qui est remplie d'eau et n'est pas autre chose qu'une cavité branchiale correspondant à celle des Tectibranches ou à une partie de celle-ci. Il me semble aussi que cette espèce a la branchie mieux développée que celle des espèces européennes. On voit, par la fig. 22, que cette branchie est située à gauche. La conformation de cette cavité et de la branchie se comprennent bien par la coupe transversale, fig. 15, où l'on observe le rectum (re), à la base de la branchie, et le rein (7). Enfin, la fig. 16 représente une coupe sagittale, dirigée un peu à gauche pour rencontrer le poumon el le rein. Ce que je trouve surtout remarquable, c’est l'existence de la cavité palléale (Tr), qui correspond au trachélome des Cochlides, sans lui être homologue. En effet, ce trachélome reçoit le rectum et l'appareil urogénital , et le cœur lui est accolé ; ici tout est disposé autrement et la cavité branchiale est située latéralement : c'est pourquoi je l'appellerai pleuwrome. Dans la fig. 8, j'ai représenté , sur la coquille de Ancylus mori- candi, les insertions musculaires. On voit que , du côté anal, il y a deux muscles au lieu d'un qu'il y a sur l’autre côté. Comment cela s'explique-t-il ? C’est pour moi la preuve que la cavité pleuromique se formait chez les ancêtres de Ancylus lorsque le muscle columel- laire constituait une masse unique en forme de fer à cheval ; c’était donc le cas de Siphonaria. Lorsque plus tard la concentration du Pr. muscle s’est produite, rien nes’y opposait au côté antianal : mais, au côté anal, le muscle restait divisé par la cavité branchiale. De cette façon il est facile de comparer la musculature de Ancylus et Sipho- naria. Une forme un peu aberrante paraît être le genre Gadinia, assez voisin de Siphonaria. Chez G. garnoti, dont je ne connais que la coquille, l’asymétrie du muscle columellaire n'est pas facile à voir ; peut-être la partie antérieure en est-elle peu développée à droite. Au contraire, chez G. peruviana, dont je connais l'animal, la partie antérieure droite, détachée, du muscle est très bien développée. comme on l'observe dans la fig. 9. De ce muscle antérieur s'étend un ligament jusqu'à l’autre côté, à l'extrémité du muscle gauche. Il y a donc, à droite, une ouverture assez large menant dans la cavité branchiale qui est un pleurome. Je ne saurais dire s'il y a une bran- chie, mais j'ai très bien vu cet organe chez deux espèces de S2pho- naria. La disposition du pleurome et de la musculature concorde absolument avec Siphonaria, et la radula est aussi pareille. Chez G. peruviana, les nombreuses dents latérales sont bicuspides et portent à la base trois ou quatre denticules étroits, de chaque côté. Les dents bicuspides de Siphonaria leucopleura possèdent aussi un ou deux de ces denticules à la base, mais seulement au côté externe. Ces faits, joints à l’'hermaphroditisme de l'appareil génital, qui est pourvu d'un pénis invaginable, ne permettent pas de douter que Gadinia, comme Siphonaria, est un vrai Ichnopode, dont la posi- tion naturelle ne sera pas très éloignée de Ancylus. La proso- branchie et la coquille operculée sont d’ailleurs représentées chez les Ichnopodes. Siphonaria est tantôt prosobranche, tantôt opis- thobranche ; la coquille de la larve de Auricula est opereulée. Le genre Ancylus me paraît prouver que la position des Branchio- pneustes est bien celle que j'ai exposée. L'appareil génital de ce genre, avec vas deferens libre, est semblable à celui des autres Branchiopneustes dont Ancylus est un représentant un peu aber- rant. La coexistence du trachélome et du pleurome chez Ancylus est un fait qui ne permettra plus . à l'avenir, de confondre la cavité branchiale des Cochlides avec celle des Ichnopodes. La discordance consiste non seulement dans la situation différente de ces cavités mais aussi dans les différences importantes quant aux organes qui s y ouvrent. — 936 — Nous avons vu que, chez les Tectibranches, la branchie est située entre le rectum et le rein , tandis que chez les Pectinibranches elle est placée en dehors du rectum et du rein, ce dernier se plaçant entre les deux autres. Les différences dans l'appareil génital sont encore plus importantes. Chez les Aspidobranches, l'organe génital s'ouvre dans la cavité branchiale et chez les Pectinibranches il en est de même, mais il y a, en outre, un conduit formé par l’épithélium et la paroi de la cavité branchiale, et servant au transport des pro- duits génitaux. Chez les Ichnopodes et les Ptéropodes, l’oritice génital est situé complètement hors de la cavité branchiale, avec laquelle il n'a aucune connexion. Il est donc bien évident que Le trachelome des « Cochlides » et le pleurome des Platydes sont. des organes complèlement diffe- rents. On n’a pas, jusqu'ici, reconnu cette différence. On a remarqué que l'ouverture du poumon est large chez les Pulmonés operculés , étroite chez les Pulmonés proprement dits; mais c’est une diffé- rence secondaire. Chez Ancylus, le pneumonostome est encore assez large, et chez les Tectibranches l’entrée du pleurome est tou- jours large. Seulement, le pneumonostome des Néphropneustes, correspondant à l'orifice primitif du rein ou à une invagination de l'épiderme au point de son orifice, ne peut être qu'étroit. Où est donc l’homologie de la cavité branchiale des Gastropodes ? Sera-t-il plus juste de tirer de toutes ces différences les résultats que j'en ai tirés ou de continuer, — en proclamant l'unité des Gas- tropodes au lieu de la prouver, s’il est possible — de déclarer qu'on n'admet pas mes idées parce qu’elles sont contraires à ce qui est admis généralement. Quand le temps en sera venu, on appréciera plus justement les résultats de mes recherches sur les Mollusques, dont il semble que j'étais ou que je suis jusqu'ici le seul partisan. EE LE SYSTÈME NATUREL DES MOLLUSQUES. Il est curieux que, malgré cette opposition, les nouvelles modifi- cations, qui ont été proposées pour la classification des Mollusques, ST ; den se sont rapprochées du système que j’ai proposé. C'est ainsi que Hurron, en 1882, a proposé de diviser les Gastropodes en Monæca et Diœca, dont les premiers correspondent exactement aux Co- chlides , les derniers aux Ichnopodes. De son côté, SPENGEL (60) proposait de diviser les Gastropodes en Streptoneura et Euthy- neura. Dans cette classification SPENGEL a commis une singulière con- fusion en comprenant dans ses Euthyneura mes Ichnopodes ef Pul- monés, alors que mes Ichnopodes sont créés pour les Opistobran- ches et Pulmonés. Si l’ordre des Euthyneura devait être conservé, il entrerait en synonymie des Platymalakia, mihi, comme les Strep- toneures, dans la synonymie de mes Cochlides ; mais la question est encore plus compliquée ! SPENGEL, en généralisant ses observations trop peu nombreuses, croyait que tous les Cochlides étaient Chias- toneures, et il proposait alors de diviser les Gastropodes en formes à commissure viscérale croisée — Streptoneures —, et à commissure simple — Euthyneures. Or, nous avons vu que la généralisation de SPENGEL est exagérée, puisque Bouvier et moi avons prouvé qu'il existe, parmi les Aspidobranches, des Chiastoneures et des Ortho- neures. Et, d’après la classification de SPENGEL, les Orthoneures devraient entrer dans l’ordre des Euthyneures, résultat inadmissible. Plus tard, DE LACAZE-DUTHIERS (39) a accepté et modifié la classi- fication de SPENGEL. Il conserve les Streptoneures et divise les Euthyneures en trois sections : les Pulmonés, qu'il appelle Gas- troneura, les Nudibranches ou Notoneura, et les Tectibranches ou Pleuroneura. De toutes ces divisions, la plus mal choisie me paraît être celle des Pleuroneura. Il n’y a pas d'importance morphologique dans le fait que les ganglions viscéraux soient situés bien symétri- quement ou un peu déplacés à droite ou à gauche. D'ailleurs, PELSENEER (52) a montré qu'il y a des Aplysiidæ, etc., qui pré- sentent la symétrie de ces centres. En outre, le système nerveux des Branchiopneustes, et surtout des Auriculidæ, n’est pas différent de celui des Tectibranches. Je ne répète plus ce que j'ai déjà dit sur la valeur de l'ordre des Pulmonés, mais j'insiste sur l'absence de la commissure parapédale chez les Néphropneustes, el sa présence chez les Branchiopneustes et Tectibranches. DE LAcAzE-DUTHIERS n’a pas tenu compte du processus de développement que mes recherches et celles de VAYssIÈRE ont fait connaître; et il a ainsi ER. réparti les Tectibranches dans trois sous-ordres. En réalité, les Tec- tibranches, comme VayssiÈRE et moi nous les comprenons, c'est-à- dire avec les Umbrellidæ et sans les Pleurobranches, représentent un ordre assez naturel, tant par le système nerveux que par l'appa- reil génital monaule et érémaukaule. Les différences peu impor- tantes entre cette classification et celle de Cuvier ne me paraissent plus suffisantes pour justifier le remplacement du nom Tectibranches par celui de Stéganobranches que j'avais donné autrefois. La subdivision des Cochlides dans le système de pe LAGAZE, n'est pas plus propre à servir dans la classification, ainsi qu'on le voit bien en examinant mes recherches et celles de Bouvier. En outre, on ne peut admettre qu'il soit toujours proposé de nouveaux noms pour des ordres ou sous-ordres déjà créés. La classification de DE LACAZE-DuTHIERS est plutôt une classifi- cation des systèmes nerveux que des Gastropodes. Et, bien qu'à ce point de vue, elle ne corresponde pas à ce que j'ai expliqué, je crois qu’elle peut arrêter l'attention, dans ce sens, puisque, si les noms proposés dans ce système ne correspondent pas à des subdivisions naturelles, ils sont néanmoins significatifs comme termes de descrip- tion du système nerveux. Ainsi, d'après mes recherches et celles de Bouvier, les Aponoto- neurés se sont développés hors des Epipodoneurés, par déplacement du ganglion palléal, et que les Gastroneurés et Pleuroneurès repré- sentent le stade extrême des modifications subies par le système nerveux des Ichnopodes, lequel commence par le stade notoneure. SCHIEMENZ m'a censuré pour avoir proposé de nouvelles expres- sions anatomiques, dans mes travaux malacologiques: je crois que c'est à tort. Car la terminologie. lorsqu'elle correspond à des dispo- sitions morphologiques caractéristiques, est toujours avantageuse, comme je crois que l'est celle que j'ai proposée pour l'appareil génital des Ichnopodes. Et il me paraît que cela est juste aussi pour le système nerveux. Mais, ce qu'il faut censurer, c’est la création de nouveaux termes pour cles conceptions déjà faites et nommées, car l'accumulation des synonymes n’est pas moins embarrassante dans la morphologie que dans la systématique. Pour terminer, je donne ici l'exposé du système des Mollusques, tel qu'il résulte de mes recherches, avec les nouvelles moditica- ET pe tions qui ont été rendues nécessaires, et j'y ajoute les diagnoses modifiées. J. ARTHROMALAKIA, V. JHERING (1876). Animaux pseudocæliens, symétriques, à l'exception des Cochlides dont l’asymétrie est acquise. Respiration par des branchies ou par la cavité branchiale transformée en poumon. Cavité branchiale représentée par un trachélome chez les Cochlides. Coquille calcaire, presque toujours operculée, disparue par métamorphose rétrograde chez quelques Hétéropodes et Céphalopodes, toujours développée, à l'exception des Amphineures. Coelome spacieux, contenant le cœur et le rectum, communiquant avec les reins et recevant les pronuits génitaux (Amphineures, Céphalopodes, etc.), réduit au péricarde (souvent traversé par le rectum) chez les autres, chez lesquels l’appa- reil génital s'ouvre dans les reins ou dans l’un d'eux (entotrèmes) ou, en se déplaçant, au dehors, à côté de l'orifice du rein (ectotrème) Système nerveux lytoneure, à ganglions palléaux confondus avec les cérébraux, devenant kleistoneure chez les Cochlides, par dépla- cement du ganglion palléal. Système nerveux buccolabial développé et quelquefois régénéré. Appareil digestif à radula, qui manque seu- lement aux Lamellibranches, pourvu de foie et d’anus. Radula formée par des compartiments pavés par l'épithélium buccal odon- toblastique. Reins pairs, redoublés chez Nautilus, réduits à un chez la plupart des Cochlides. Deux glandes génitales dont une peut être atrophiée (Cochlides). Sexes séparés ou réunis. Représentants connus dès l’origine de l'époque paléozoïque. Parmi les classes de ce Phylum, nous nous sommes occupés ici de celle des Cochlides, v. JHERING, 1878 (Arthrocochlides 1876.) Arthromalakia asymétriques, ou à symétrie bilatérale incomplète (Zeugobranches), à coquille calcairespirale dextre, rarement sénestre ou patelliforme, manquant à quelques Hétéropodes. Pied rampeur , modifiéennageoire chezles Hétéropodes.Systèmenerveux orthoneure ou chiastoneure. Respiration branchiale, rarement pulmonaire, bran- — 240 — chies logées dans une vaste chambre palléale (trachélome) dans laquelle s'ouvrent le rein et l'appareil génital. Cavité palléale parfois changée en poumon, par disparition de la branchie et s’ou- vrant alors dorsalement sur la nuque, par une très large ouver- ture. Un organe sensoriel (pseudo-branchie) de la cavité branchiale, développé chez les Chiastoneures et les Hétéropodes , à innervation hétéropleure. Oreillettes et veines branchiales situées en avant du cœur (sauf chez Ampullaria). Sexes séparés (à l'exception des Valvatidæ, quelques Marseniidæ et Ampullaridæ). Coquille nau- tiloïde de la larve véligère, toujours présente. Pénis constituant, lorsqu'il existe, un organe extérieur, solide, non invaginable. Il. PLATYMALAKIA, V. JHERING (1876). Platycochlides ou Platydes, v. JHERING. Animaux pseudocæliens asymétriques, avec ou sans cavité bran- chiale, nus ou à coquille presque toujours sans opercule (excepté Tornatellidæ et Limacinidæ) ; pourvus de coquille nautiloïde à l’état larvaire. Respiration cutanée, branchiale ou pulmonaire. Cœlome réduit au péricarde, qui communique avec le rein et renferme le cœur. Système nerveux notoneure ou gastroneure avec ganglions deutoviscéraux sur la commissure viscérale. Cavité branchiale ou poumon, représentés lorsqu'ils existent, par un pleurome. Appareil digestif avec radula, foie et anus. Radula formée par des odonto- phytes (? Pléropodes). Appareil génital toujours hermaphrodite, sans relation avec le rein (qui est simple) et s’ouvrant hors de la cavité branchiale ou du poumon. Des représentants testacés connus dès le Dévonien. 1. Ichnopoda, v. JHERING (1876). Platydes à pied rampeur ventral et à tête bien développée, nus ou à coquille presque toujours inoperculée. Système nerveux notoneure ou gastroneure plus ou moins asymétrique. Respiration dermique, branchiale ou pulmonaire. Poumon, lorsqu'il existe, formé d’un ot — pleurome, à pneumonostome latéral et étroit. Branchies logées dans une cavité branchiale latérale (pleurome) ou développées librement sur le dos ou les côtés du corps. Un organe sensoriel {organe de Lacaze-Durxiers ) développé dans la cavité branchiale chez les Tectibranches et Branchiopneustes, à innervation homopleure. Oreillette située en avant ou en arrière du ventricule. Appareil génital hermaphrodite monaule, diaule ou triaule. Pénis formé par le vas deferens et invaginable (pyxikaule) ou éloigné de l'orifice génital (érémokaule). Développement à coquille nautiloïde et vélum chez les marins. modifié chez les autres. Les ordres de cette classe qui nous ont surtout occupés ici sont ceux dont les diagnoses suivent : 1° Nephropneusta, v. JHERING. Ichnopodes terrestres (à l'exception de Feronia), nus ou testacés sans opercule. Tentacules rétractiles, portant l’œil au sommet. Poumon formé par une invagination cloacale, jointe intimement au rein, qui est souvent muni d'un uretère. Système nerveux à deux commissures pédieuses et sans commissure parapédieuse : oreil- lette en arrière, ou généralement, en avant du ventricule. Màchoire simple. Estomac membraneux (sauf chez Peronia et Vaginulus). Appareil génital triaule, à pénis érémokaule, ou diaule à pénis pseudo-pyxikaule, provenant, dans le développement, d'un appareil triaule ; 2° Branchiopneustla, v. JHERING. Ichnopodes aquatiques, à coquille inoperculée, tentacules ré- tractiles, portant l'œil à leur côté interne. Poumon consistant en une cavité branchiale modifiée. Branchie présente ou absente. Oreillette en arrière ou généralement en avant du ventricule. Sys- tème nerveux avec deux commissures pédieuses et une commissure parapédieuse. Màächoire simple ou composée de plusieurs pièces. Estomac musculeux, quelquefois armé de plaques. Appareil génital à pénis érémokaule. 16 — 242 — 2. Pteropoda, CUVIER. Platydes pélagiques, à pied modifié en nageoires aliformes, situées aux côtés ou en arrière de la bouche ; à tête peu séparée et dève- loppée, munie quelquefois d'appendices buccaux ; nus ou testacés. Système nerveux gastroneure {insuffisamment connu quant aux commissures pédieuses). Branchies manquant ou développées dans une cavité branchiale ventrale. Oreillette en arrière du ventricule. Appareil génital monaule à pénis érémokaule. Développement à coquille nautiloïde et vélum, quelquefois avec un second stade larvaire bien différent. Au sujet du tableau du système naturel des Mollusques, je dois ajouter que je ne comprends dans les Orthoneures que les Neri- tidæ et Helicinidæ. Quant aux Ptéropodes, bien que dérivés probablement des Tecti- branches, ils ne doivent pas y être réunis plus que les Branchio- pneustes. Les relations des Gymnosomes aux Tectibranches sont assez problématiques, et le procédé réservé de Boas (9 b) me paraît plus acceptable que l'opinion de PELSENEER (52 à p. 94, 95) qui fait dé- river les Gymnosomes de Nolarchus et des genres voisins. Consi- dérant l'origine non définie et probablement polyphylétique des Ptéropodes, et la possibilité que les Tectibranches et Ptéropodes dérivent d'ancêtres communs éteints, et en l'absence de formes in- termédiaires, il me paraît plus justifié de réunir seulement les Ichno- podes et les Ptéropodes dans un groupe commun, que de réunir plus intimement encore ces derniers aux Tectibranches.Une classification faite de cette façon ne pourra être contestée, tandis que la relation phylogénétique des Ptéropodes et des Tectibranches pourra être jugée d'une façon assez différente par les différents savants. Les Ptéropodes offrent d’ailleurs des particularités caractéristiques à eux, et non représentées chez les Ichnopodes, ce qui est un motif suffisant pour ne pas les réunir avec ces derniers. Parmi les Tectibranches, je range aussi les Umbrellidæ, Peltidæ et Lophocercidæ. ER JC Les Nudibranches triaules comprennent les Dorididæ et les Phyl- lidiidæ ; les Phanérobranches sont tous les autres Nudibranches à l'exception des Sacoglosses. | Ces choses notées, on peut représenter comme suit le système naturel des MOLLUSCA, CuviEr. I. Phylum Arthromalakia, VON JHERING. Classe Amphineura, VON JHERING. Classe Acephala, Cuvier. Classe Cephalopoda, Cuvier. . Classe Solenoconchæ, LAcAZzE-DUTHIERS. . Classe Cochlidæ, VON JHERING. ÿJ D ND ne = NL 1. Ordre Orthoneura, VON JHERING. 2. Ordre Chiastoneura. VON JHERING. 3. Ordre Heteropoda, LAMARCK. IL. Phylum Platymalakia, VON JHERING. 1. Classe Zchnopoda, VON JHERING. 1. Ordre Nudibranchia, Cuvier. 1. Sous-ordre Phanerobranchia, VON JHERING. 2. Sous-ordre Triaula, VON JHERING. Ordre Sacoglossa, VON JHERING. Ordre Pleurobranchia, VON JHERING. Ordre Tectibranchia, Cuvier. Ordre Branchiopneusta, VON JHERING. Ordre Nephropneusta, VON JHERING. a Ot& w N 2. Classe Pteropoda, Cuvier. L'opposition que l’on fit dans les premiers temps, à ma conception du système naturel des Mollusques paraît s’affaiblir. La réunion des Hétéropodes avec les Prosobranches, que j'avais proposée, n’a pas rencontré beaucoup d'opposition. Bouvier l’accepte aussi; mais il commet la faute de nommer mes Cochlides, des Prosobranches. Il AR ges est bien évident que ce qu'on a entendu, d’après la proposition gé- néralement acceptée de H. Mizxe Epwarps, comme Prosobranches, n'a rien à faire avec les Hétéropodes. Et, si on les réunit main- tenant, on ne peut appeler le nouveau groupe « Prosobranches », pas plus qu'on ne peut représenter 4 + b par a. Par conséquent, si l'on accepte ma proposition de réunir les Hétéropodes aux Proso- branches, on doit aussi accepter mon nom de Cochlides pour ce nouveau groupe. On sait d’ailleurs que la division des « Gastropodes » en Proso- branches et Opisthobranches ne fut conservée, incorrecte comme elle est, que faute de mieux. Chez Ampullaria canaliculala, on trouve le cœur au côté gauche où l'oreillette occupe la situation la plus postérieure, le ventricule le milieu et le bulbe aortique la si- tuation antérieure. Ampullaria est donc « opisthobranche », et n'est certainement pas le seul cas d’opisthobranchie parmi les « Prosobranches ». D'un autre côté, les anatomistes qui se sont occupés des Ptéro- podes dans ces dernières années, Boas et PELSENEER surtout, ont accepté la position que j'ai assignée (34) aux Ptéropodes en les réunissant avec les Ichnopodes. Il est donc assez difficile d'admettre pourquoi on s’opposerait encore à la dissolution du groupe « Gastro- podes ». Les Mollusques de ce groupe étaient jusqu'ici répartis en trois classes : Ptéropodes, Hétéropodes, Gastropodes. Maintenant, J'ai divisé les Gastropodes en Cochlides et Ichnopodes, et réuni les Hétéropodes aux premiers, les Ptéropodes aux derniers. Pour continuer l'exemple choisi plus haut, on se trouve dans le FE a cas où — + b et — 4 + c représentent maintenant ce qui autre- fois était représenté par à, b, c. Et, si l’on veut continuer à désigner a O (+ b) + (+ c) sous le nom de Gastropodes, je ferai observer que le terme Gastropodes correspond seulement à a. On sera donc forcé, ou bien de conserver simplement la vieille méthode, ou bien, reconnaissant les progrès que la science a faits, d'accepter les nouvelles combinaisons. Et comme celles-ci sont basées sur mes recherches, je puis aussi réclamer que, pour les divisions proposées par moi, on accepte les dénominations que j'ai créées. — 245 _— . Pour terminer ce travail, je représente, par le tableau suivant, la façon dont j'entends les relations phylogénétiques des Mollusques : Stenoglossa. Heteropoda. . | É. Docoglossa. Tænioglossa. Branchiopneusta. Nephropneusta. eobranchie. / Orthoneura. Zeugobranchia. | "ppp es de DEA ne Le (Chiastoneura). Sacoglossa. Pteropoda. Lamellibranchia. Cochlidæ. N Solenoconchæ. \ Amphineura. Platymalakia Cephalopoda. ï Chætognatha. Rhodope, # \ Turbellaria. \ Arthromalakia. Il est intéressant d'observer la distribution paléontologique des Ichnopodes. Les Ptéropodes ne sont connus que depuis le Tertiaire; les prétendus « Ptéropodes » paléozoïques sont des restes d’Arthro- malakia, dont la nature de l'animal n’est pas connue et que j’ai pro- posé de nommer ZLeploceratiles (35, a, p. 88). Au contraire, les Annelida. = ordres d'Ichnopodes pourvus de coquille sont connus depuis-le car- boniférien (A ciæonina parmi les Tectibranches, Physa et des Auri- culidæ, d'après WaLcorT, plusieurs espèces de Pupa, Zoniles, d'après Dawson, qui a aussi décrit un Néphropneuste dévonien, sous le nom de S{rophiles grandæva). Si les divers ordres principaux des Ichnopodes sont ainsi déjà représentés à l'époque paléozoïque, c’est pour moi la preuve qu'ils sont aussi anciens que les Cochliides, etc.: mais qu’on n’en trouve pas de représentants dans les périodes plus reculées parce qu'ils étaient nus. Ces questions seraient mieux élucidées si la position systématique des Pyramidellidæ était connue,’ce qui est un desi- deratum urgent de la Malacologie ; lorsqu'elle sera déterminée, les erreurs que les paléontologistes commettent aujourd’hui dans la dis- cussion des relations de cette famille deviendront impossibles. En finissant ce travail, je prie encore mes honorés collègues qui contribuent par leurs études à augmenter nos connaissances sur la Morphologie et la Phylogénie des Mollusques, de vouloir bien me favoriser par l’envoi de leurs travaux, vu qu’il m'est assez difficile de suivre convenablement les progrès de la science. Post-scriptum. — Dans un travail que M. J. Taxe vient de publier (Zeëlschr. f. wiss. Zool., Bd XLIX, 1890, p. 385-432) sur le système nerveux des Mollusques, il croit pouvoir prouver que le nerf circulaire palléal des Lamellibranches est l’'homologue du nerf palléal primaire des Amphineures, en identifiant les papilles du bord du manteau des premiers aux branchies des Chilon. On sait que les branchies que j'ai appelées épipodiales, et que SABATIER et moi avons reconnu chez les Mytilidæ, sont pour moi homologues à celles de Chilon. Mais je crois que la question, telle qu’elle est traitée par THIeLE, doit être poursuivie. THiee prend , comme base de ses conceptions théoriques , l’'axiome que les Amphineures sont les Mollusques les plus primitifs ; et il dit, en conséquence, que chez tous les Mollusques, les nerfs — 947 — avaient, à l’origine, le caractère ganglionnaire. Mais cette hypo- thèse ne peut être défendue que pour les Arthromalakia, tandis qu’elle n’a plus de valeur pour les Ichnopodes. Au sujet de ces deux groupes, THIELE remarque (p. 412) qu'on ne peut les faire dériver l’un de l’autre, et que, pour les Ichnopodes, le point d'origine reste inconnu. Néanmoins, THIELE n’accepte pas l'origine polyphylétique des Gastropodes, ce .qui n'est pas consé- quent. Si cet auteur avait étudié mes publications avec plus de soin, il serait probablement plus d'accord avec moi. C'est ainsi qu'il croit que les yeux des Arthromalakia sont une formation ectodermique issue des organes et tentacules latéraux, tandis que les yeux céré- broïdes des Polyclades seraient sans homologues chez les Mol- lusques. On sait que je regarde comme homologues de ces yeux, ceux des Nudibranches, qui sont, comme les otocystes, des forma- tions en relation intime avec la face dorsale des ganglions cérébraux. Cette remarque faite, les idées de THELE et les miennes, sur la valeur différente des yeux des Ichnopodes et des Arthromalakia, sont identiques. Tandis que sur ce point et sur d’autres , nos idées concordent, je signalerai certaines différences. Malheureusement, THIELE n'a pas accepté la terminologie proposée par Bouvier et moi; et comme il parle de « Schlundring », « Bauchstränge der Acephalen », « Ven- tralganglien », « Eingeweideganglien >», etc., il est très difficile de saisir nettement ce qu'il veut dire, surtout qu'il représente des coupes sans figure schématique indiquant leur direction et leur hauteur. Il semble que TieLe veut confirmer mes données et celles de Bouvier sur la commissure labiale, contre HALLER ; mais dans la figure très schématique qu'il donne du système nerveux de Haliolis, il représente trois commissures buccolabiales, ce qui correspondrait en effet au système nerveux de Chiton, comme il l’affirme, mais ce qui, je crois, n’est pas exact; car la commissure sous-pharyngienne de Chilon n'existe pas chez les Cochlides, où elle est transformée en commissure viscérale ou confondue avec le ganglion pédieux , question non encore décidée. Nous ne connaissons chez les Coch- lides, que la commissure buccale, siluée sur la radula, mais sous l'æœsophage, et Ja commissure découverte par moi chez Fissurella Me OR et Patella, et nommée commissure pharyngienne (Bouvier qui l’a trouvée chez tous les Rhipidoglosses,. l'appelle commissure labiale). Je crois donc que THIELE n’a pas raison de trouver la commissure sous-pharyngienne de Chiton représentée chez Haliotis. C'est cette. commissure que THIELE croit homologue à la pédieuse des Lamelli- branches, alors que leur viscérale correspondrait aux cordons pédieux primaires des Amphineures. Or, pour moi, les ganglions pédieux des Lamellibranches sont homologues aux pédieux des Cochlides et aux nerfs pédieux primaires de Chiton. THIELE a aussi représenté le système nerveux de Notomastus avec un système buccal pareil à celui des Ichnopodes, et peut-être de quelques Amphineures (?) (peut-être non encore étudié exacte- ment à cet égard); mais cela ne correspond pas aux faits, car il n’y a là qu'un « plexus ». En tout cas, le travail de THIELE montre que les données connues sur le système nerveux des Annélides, quant au système bucco- labial et aux nerfs primaires palléaux, sont encore extrêmement incomplètes. Rio-Grande do Sul, 28 Juillet 1890. 210 — INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1. AMAUDRUT. Le système nerveux de quelques Mollusques pulmonés, Bull. Soc. Philom. Paris (7), t. X. 1886, p. 107-119. 2. 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RHO, F., Studiüi sullo sviluppo della Chromodoris elegans, Atti Acad. Napoli (2), vol. I, append. n° 3, 1888. 54. RÜSSLER, R., Die Bildung der Radula bei den Cephalo- phoren Mollusken, Zeëlschr. f. wiss. Zool., Bd. XLI, 1885, p. 441- 482, pl. xxiv et xxv. 55. ROUZAUD, H., Recherches sur le développement des or- ganes génitaux des Gastropodes hermaphrodites, Montpellier, 1885. 56. SCHIEMENZ, P., Die Entwickelung der Genitalorgane bei den Gastropoden, Biol. central Blatt., Bd. VII, 1888, p. 748-761. 57. SEMPER, C., Landmollusken, in SEMPER Reisen im Ar- chipel des Philippinen, Bd. I, Wiesbaden, 1870, p. 53. 58. — Ueber Brock's Ansichten über Entwicklung des Mollus- ken Genitalsystemes, Arb. Zool. Zoot. Inst. Wurzburg, Bd. VIT, 1887, p. 213-222. 59. SIMROTH, H., Versuch einer Naturgeschichte der deutschen Nacktschnecken, Zeëschr. f. wiss. Zool., Bd. XLII, 1885, p. 203- 306, pl. vur-xI. 60. SPENGEL, J.-W., Die Geruchsorgane und das Nervensys- tem der Mollusken, Zeëlschr. f. wiss. Zool., Bd. XXXV, 1881, P. 333-383, pl. XVII-XIX. de QUE 61. TROSCHEL, Ueber Ampullaria urceus, Arch. f. Naturg.…. 1845, p. 197 et suiv. 62. VAYSSIÈRE, A., Recherches anatomiques sur les Bullidés, Ann. d. Sci. Nat. (Zool.), (6), t. XI, 1880. 63. — Recherches anatomiques sur les genres Pella et Tylo- dina, Ann. d. Sci. Nat. (Zool.), (6!, t. XV, 1883. 64. — Recherches zoologiques et anatomiques sur les Mol- lusques opisthobranches du golfe de Marseille. I, Tectibranches, Ann. Mus. Marseille, t. II, 1885. 65. WEGMANN. H., Contributions à l’histoire naturelle des Haliotides, Arch. Zool. Exper. (2), t. II, 1884, p. 289-378, avec 5 pl. 66. WYMANN, J., On the anatomical structure of Glandina truncata, Boston. Journ. Nat. Hist., vol. IV. 1844, p. 416-422, pl. xx. EXPLICATION DES PLANCHES. Lettres communes : a, anus. @, æsophage. br, branchie. op, opercule. c. br, cavité branchiale. p. pénis. co, cœur. pe, péricarde. col, muscle columellaire. pl, pleurome, coq, coquille. pin, poumon. ep. epitænia. ps, pseudobranchie. gl, glande de l’albumine. r, rein. £: intestin. re, rectum. ñn, nerf, tr, trachélome. 0.T, orifice du rein. vd, vas deferens. 0. ge, orifice génital. ul, utérus, PLANCHE IV. Fig. 1. — Pénis de Ampullaria canaliculata. 9, gaîne de l'appendice filiforme /ap) ; dr, une glande du pénis ; rai, rainure commençant à la base de l'appendice et se continuant dans le sillon sur la surface de ». Fig. 2. — Pénis d'un exemplaire plus jeune; il est coupé à sa base ; la gaîne (g) est fermée. A côté de l’anus est un orifice (ogl) qui correspond à l'ouverture de l’u- térus de la femelle. Fig. 3. — L’orifice (0/{) du rein chez la même espèce d'Ampul- laria, mâle. Fig. 4. — Spermatozoïde vermiforme {b) et son stade primitif de développement chez Crepidula sp. de la Méditer- 300 r'anée. —. Fig. 5. — Spermatozoïde vermiforme et spermatozoïdes filiformes (b-d) en formation, de Vermetus gigas. — Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. 6. =] 10. 11. 12. 13. = 19 416; 3h. — — Tube digestif de Peronia verruculala, avec les foies accessoires (f a, f a”) et le foie principal ( f p), s'ou- vrant, les premiers dans la partie membraneuse , l’autre dans la partie musculaire (vw) de l'estomac. . — Les mêmes organes chez Vaginulus tuberculosus. . — Coquille d'Ancylus moricandi, du Brésil méridional, vue par dedans et montrant les trois insertions de muscles columellaires. — Gadinia peruviana: l'animal retiré de sa coquille, pour montrer le muscle columellaire hippocrépi- forme, avec la partie isolée (u”) à droite en avant de l'entrée du pleurome (e). PLANCHE V. — Appareil génital de Vaginulus tuberculosus. dh, conduit hermaphrodite ; t, talon ; 4, glande accessoire ; o ®, orifice femelle ; rs, receptaeulum seminis; di, diverti- dla du receptaculum ; an, conduit anastomotique du diver- ticule ; 4 p, glandes du pénis. — Appareil génital (A) et capreolus (B) de Bulimus (Borus) oblongus. Lettres comme pour fig. 10. pr, prostate ; r p, retractor penis. — Section sagittale du corps de Patella vulgala. br, les branchies palléales. — Section transversale du corps de Fissurella coslaria. br, les branchies cervicales ; wg, la papille commune de l'appareil urogénital. . — Section transversale du corps de Certthium vulgatum, passant en arrière du pied. gla, glande de la glaire ; ge, pli génital (épitænia ?). — Section transversale de Ancylus moricandi. — Section sagittale du même, un peu oblique. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. ET PATTANNICHH EP VAT. 17. — Section transversale du corps de Ampullaria canali- culata, passant par la partie antérieure de la cavité branchiale et la masse buccale. 18. — Section passant plus en arrière que la précédente. 19. — Coupe transversale un peu oblique du corps de Aplysia depilans. L'insertion de la branchie est coupée. gt 4, glande en grappe. 20. — Vue latérale de Gastropteron meckeli, le bord du man- teau relevé en haut. 0. g., orifice génital avec la gouttière ciliée. 21. — Section transversale du corps de Limax variegatus. u, uretère ; b. a, bulbe aortique. 8r. — Ancylus moricandi. I ‘animal retiré de sa coquille et vu en dessous. pd, le pied. 23. — Spermatozoïdes vermiformes (a, b, e) et filiformes (c, d), de Murex erinaceus (a), de Chenopus pes pelecani (b, cet de Cerithium vulgatwm (d, e). 2%, sauf 4 (+)] A PROJET DE RÉGLEMENTATION DE LA PÈCHE DU SAUMON, PAR J. KUNSTLER, Professeur-adjoint à la Faculté des Sciences de Bordeaux. Depuis quelques années déjà, l'importante corporation des pêcheurs de saumon fait de nombreux efforts pour obtenir la révi- sion de la réglementation de la pêche qui constitue leur gagne-pain. Une satisfaction partielle leur a été accordée, et une commission technique a été nommée pour élaborer une législation définitive. Je rappellerai ici d’une manière succincte les mœurs des saumons telles que je les ai établies par diverses publications. Les saumons, venant de la mer, remontent nos cours d’eau, depuis le mois de novembre jusqu'au mois de juillet suivant, en diminuant progressivement et régulièrement de dimensions. Leur corps est alors brillant, argenté, et leur chair rouge, de première qualité. On les a pris à tort pour les reproducteurs. Jamais un saumon de fraîche monte n'a d'œufs développés. Ces poissons, contrairement à ce qu’on croyait, séjournent longtemps dans les eaux douces, dans lesquelles ils passent la saison chaude. Pendant DE ER ce temps, ils se métamorphosent progressivement, et finissent par présenter un aspect bien différent de ce qu’ils étaient d’abord; ils deviennent « bécards ». Ils sont alors maigres; leur ventre est orangé-verdètre, et leur chair décolorée, de mauvaise qualité et de mauvais goût. Les bécards sont les saumons arrivés à leur maturité sexuelle, les seuls qui reproduisent l'espèce. La ponte a lieu à la fin d'octobre et au commencement de novembre. C’est aussi à cette époque que pondent les saumons de Norvège, et même les individus captifs à l'aquarium du Trocadéro. Après la reproduction, les bécards retournent à la mer : en décembre, on n’en prend plus, si ce n’est tout à fait exceptionnellement. Ils séjourneront à la mer pendant tout l'hiver et l'été suivant; ils reprennent leur aspect brillant, et remontent de nouveau le cours des fleuves pour subir la métamorphose sexuelle. Ils ne pondent donc que tous les deux ans. L'ancienne réglementation de la pêche des saumons (Décret du 10 août 1875), dont le but était naturellement de protéger leur période reproductrice, interdisait cette pêche du 20 octobre au 1" février. Par la concession récente faite aux désirs légitimes des pêcheurs, on a reporté la période d'ouverture de la pêche au 10 jan- vier. Cette modification est imparfaitement adaptée aux mœurs des saumons. En effet, les individus qui montent en novembre et dé- cembre, sont encore plus éloignés de la période du frai que tous les autres, et de plus, ils sont les plus gros et les plus beaux. Empê- cher de les prendre, c’est priver nos pêcheurs , sans profit pour le bien général, des produits de l'époque la plus lucrative, et favoriser la concurrence étrangère au détriment de l’industrie nationale. Il y a là un intérêt économique important, lésé par une interdiction sans but. Pour les raisons énoncées ci-dessus — et d’autres trop longues à énumérer ici — on pourrait modifier la réglementation actuelle de la manière suivante : I. Interdiction absolue de la pêche des saumons de tout âge, au moyen d'engins quelconques, du 15 juin à la fin de novembre. II. En général, interdiction de la pêche des bécards et même des demi-bécards, quelle que puisse être la saison. — 260 — III. Interdiction de la pêche des saumoneaux se rendant pour la première fois à la mer (smolts), dont on fait une destruction consi- dérable en diverses régions. IV. Création de réserves près des barrages — qui arrêtent tou- jours une foule d'individus reproducteurs — en aval desquels la pêche serait interdite jusqu’à 500 ou 1000 mètres. Organisation de frayères en ces points. V. Extension considérable de la reproduction artificielle. Ense- mencement méthodique, en des espaces régulièrement espacés, au moyen des produits de la pisciculture (1). Bordeaux, le 20 Novembre 1890. * (1) En publiant cette note, nous avons pour but de compléter un petit travail rédigé pour le Ministère des Travaux publics, auquel, faute du temps nécessaire, nous n'avons pas pu ajouter les conclusions qui en découlaient. (Voir : Ministère des Travaux publics. Navigation, 2 bureau; Commission de la Pêche : Notice sur le Saumon de la Dordogne.) Lille mp. L.Darel, Bulletin scientifique, TOME xxuri. PLANCHE 1. F. Houssay del. Glyptographie Silvestre et Ce, Paris, Bulletin scientifique, TOME xx. P LANCHE II. \ 1/UUNY vw F. Houssay del. , Glyplographie Silvestre et C'°, Paris. { { 1 Bulletin scientifique, rome xx. PLANCHE ur. F. Houssay del, Glyptographie Silvestre et C'°, Paris, Or va” 1 C'RTT 0 116 Lo { 1% 1 CAD : + _ sv vu We » « Bulletin scientifique, TOME xxni. PLANCHE 1v. Von Jhering del. Glyplographie Silvestre et C'°, Paris. 4 = : ’ N: 1114 Bulletin scientifique, TOME xx. PLANCHE v. Von Jhering del. Glyptographie Silvestre et Ce, Paris, Mr DAUT “ ie APT ETC PAT s «1 MM st CT SEVRES RDS Ma” 2/2 ‘À Ù Li | i 7. E. "J ” f. » è à + A y fu / « } LE AT) À : 2U} - de: Un LEE NP L , 6 Ê - or \an à # Bulletin scientifique, TOME xxu. PLANCHE vi. Von Jhering del. Glyptographie Silvestre et C°, Paris. RECHERCHES SUR LA DIGESTION INTRACELLULAIRE CHEZ LES PROTOZOAIRES, PAR FÉLIX LE DANTEC, Préparateur à l’Institut Pasteur. INTRODUCTION. L'ingestion de substances solides par les Protozoaires est un phé- nomène connu depuis fort longtemps. Il a été étudié expérimenta- lement depuis le siècle dernier, et les procédés d'investigation employés par les naturalistes du commencement du XIX° siècle n'ont guère été perfectionnés jusqu'à ces derniers temps. Cette fonction cellulaire n’a été observée que beaucoup plus tard chez les Méta- zoaires ; elle a d’abord été découverte comme propriété des cellules endodermiques de plusieurs espèces possédant une cavité gastro- vasculaire considérable, et qui, néanmoins, ne présentent pas de phénomènes de digestion en dehors des cellules ; chez ces espèces, la digestion intracellulaire est le seul mode de nutrition. Chez les Métazoaires supérieurs, on a trouvé également des exemples de digestion intracellulaire , mais ici, cette fonction n'existe plus dans les cellules endodermiques ; elle est, au contraire, localisée exclusivement dans des cellules d’origine mésodermique. 18 4: Ce Or, chez ces espèces supérieures où la nutrition se fait par une digestion d'aliments dans de vastes cavités spéciales, digestion sui- vie d'une absorption, les cellules fixes ou mobiles capables d'ingé- rer et de digérer des matières solides, semblent jouer un rôle nouveau sans rapport avec la nutrition générale, mais d'une importance extrême pour la conservation de la vie de l'animal. M. Mercunikorr à montré en eflet, que les cellules jouissant de cette fonction, ou phagocytes, défendent l’organisme contre linva- sion des microbes, et les différences entre l'action de ces phago- cytes chez les animaux sensibles et leur action chez les animaux réfractaires permettent seules actuellement d'expliquer d'une façon satisfaisante les phénomènes d'immunité. Je me suis occupé uniquement du mécanisme de la digestion à l'intérieur de la cellule des matières ingérées, et non des transfor- mations chimiques des substances déjà incorporées au protoplasma. Je vais passer en revue les diverses observations faites sur ce sujet, avant que j aie commencé mes recherches. Le procédé, très commode pour observer les phénomènes d'in- gestion et de digestion, qui consiste à nourrir un animal avec des grains colorés, a déjà été employé en 1777 par le comte de GLEICHEN RüsswurM (1) : « Après avoir vu des globules colorés par le carmin à l'intérieur des Infusoires, il en tira une conclusion absurde. Il > avait voulu, disait-il, constater une déglutition effective de la > nourriture, et après avoir reconnu que le carmin avait passé > dans l'intérieur, il regarda les globules colorés comme des œufs, > attendu que, quand ils sont séparés par des interstices, on les » voit entourés d'un anneau clair, comme les œufs de gre- > nouille. » Cet observateur ne sut done pas interpréter son expérience très concluante après laquelle il ne pouvait plus être question de nier la déglutition comme cela avait été fait avant lui par MULLER ; aussi, malgré cette expérience, on continua à donner aux globules inté- rieurs des significations morphologiques très variables. C'est en 1830 seulement qu'EHRENBERG (1) (2) établit par des 2 () Cité par DusarDiN, Hist. nat. des Infusoires, p. 60. (2) Les chiffres en caractères gras placés entre parenthèses reportent à l'Index biblio- graphique, page 326. LR expériences de coloration artificielle, la réalité de la déglutition chez les Protozoaires. Cet observateur s’efforça principalement d'obtenir, par l'introduction du carmin au milieu du protoplasma incolore, des renseignements sur l’organisation interne des Infu- soires, organisation qu'il considéra comme très complexe. On sait qu’il décrivit dans ces animaux une grande quantité de vessies sto- macales pendant en forme de grappe à un boyau très élastique et très difficile à apercevoir : il basa sur la conformation de ce boyau une classification des Infusoires. Il annonça même que dans ce sys- tème intestinal se faisait uue sécrétion de bile ; enfin, il s’efforça de trouver chez ces petits êtres une complexité comparable à celle des animaux supérieurs. BORY DE SAaINT-VINCENT nia la présence d’un intestin, en se basant sur les mouvements constants des vésicules stomacales dans le protoplasma ; mais il refusa aussi d'accepter les résultats sérieux obtenus par EHRENBERG, et affirma, d’après ses propres expé- riences, que ce ne sont pas les globules internes ou prétendus estomacs qui se pénètrent de teinture. DuyarDIN a fait justice des erreurs et des contradictions d'EHREN- BERG (ans plusieurs mémoires dont il a groupé les résultats dans son « Histoire nalurelle des Infusoires >(2). Ce livre est resté longtemps le document le plus précieux sur ce sujet ; telle a été la perspicacité de son auteur que l'on doit revenir aujourd'hui pour beaucoup de points à ses descriptions, malgré les résultats con- traires obtenus par des observateurs ultérieurs. C’est ainsi que, par exemple, il insiste beaucoup sur l'existence des vacuoles dans les- quelles sont placées les matières solides ingérées. Il ne parle jamais du contact direct de la nourriture et du protoplasma, fait erroné qui a, au contraire, été décrit dans bien des travaux plus récents : il donne, par exemple, comme matière constituante des Amibes (p. 38) : « Une substance qui, dans les animaux du bas de l’échelle, reste toujours une simple gelée vivante, contractile, exteusible et susceptible de se creuser spontanément de cavités sphériques ou de vacuoles occupées par le liquide environnant qui vient toujours , soit directement, soit par imbibition, occuper ces vacuoles. » Il va très loin dans l'explication du phénomène de l'ingestion chez les Amibes, phénomène qu'il considère comme un simple effet de la LS Ni —'9f4 — fusion de deux parties d'une même substance visqueuse. Un peu plus loin. il dit, au sujet des Rhizopodes : « En niant la pré- > sence d’un tégument propre, je ne prétends pas du tout nier > l'existence d'une surface ; j’admettrai même que cette surface > peut, par le contact du liquide environnant, acquérir un certain » degré de consistance. » En disant cela, il a devancé tous les observateurs ultérieurs ; ila décrit aussi, avec une très grande net- teté, l'ingestion chez les Infusoires ciliés, mais il ne s’est pas occupé du rôle nutritif de l’ingestion et des modifications que subissent les substances ingérées, quoiqu'il ait suivi avec beaucoup d'attention le sort des vacuoles (p.79) : « Les vésicules stomacales ou vacuoles, à > l'instant où elles se forment, sont sphériques et gonflées de >» liquide ; elles conservent ce caractère pendant un certain temps, > et quelquefois durant tout leur trajet...; elles finissent par dispa- > raître comme vésicules, laissant les matières colorantes simple- > ment interposées en petits amas irréguliers dans la substance » charnue glutineuse. » Il semble que DusaRDIN ait cru que les Protozoaires se nourrissent uniquement par osmose, quoiqu'il parle, à un certain moment, du pouvoir digestif des parois vacuo- laires. A partir de DuyaRpin, il faut arriver à ces dernières années pour trouver des recherches entreprises systématiquement sur la diges- tion intracellulaire des Protozoaires ; dans l'intervalle, on trouve çà et là quelques observations sur ce sujet au milieu de travaux ayant plus spécialement pour but la morphologie. Les plus importantes de ces observations relatives aux Rhizopodes sont citées avec des détails très suffisants dans l'introduction du premier mémoire de M. GR£ENW00D (832). Il est inutile que je répète ici cette énuméra- tion et je vais me contenter d'exposer brièvement l'état de la ques- tion au moment où M. GREENWOOD a commencé ses recherches. A cette époque, il était déjà hors de doute que les matières ingé- rées par un Rhizopode subissent des modifications et servent à la nourriture de l’animal: mais les opinions les plus contradictoires avaient été émises sur la façon dont la digestion a lieu. KÔLLIKER. HæckeL, Leipy, considéraient cette digestion comme se produisant dans une vacuole; d'autres, comme GRüBER, croyaient à une certaine action broyante des cristaux internes, s’effectuant sur une nourri- ture en contact direct avec le protoplasma ; WaLLica attribuait aux ÿY — 9265 — Rhizopodes un pouvoir de sélection pour le choix de leur nourriture ; CarTER décrivait un Actinophrys guettant une proie. La plupart des observateurs admettaient l'existence de vacuoles autour des matières solides ingérées, mais le mode de formation de ces vacuoles était décrit de façons très variables. L'idée de la possi- bilité d’une digestion diastatique des matières ingérées s’est présentée à la suite des recherches de DE Bary et KRUKENBERG sur la présence de la pepsine chez les Myxomycètes; c'est la découverte de ce ferment qui a montré l'importance de l’étude de la réaction des vacuoles d’ingestion et les travaux de M. GREENWOOD sont les pre- miers qui aient été conduils dans ce sens, car, si ENGELMANN a décou- vert la réaction acide dans les vacuoles de certains Protozoaires, il l'a fait avec l'intention d'étudier la réaction du protoplasma lui- mème et a mal interprété ses résultats. M. GREENWOOD n'a pas considéré les Rhizopodes comme capables de choisir leur nourriture, mais a admis qu'il y avait une différence importante dans la façon dont sont traités dans les vacuoles d'inges- tion les corps nutritifs ou non nutritifs. D'après ses observations, les corps semblent toujours au début entourés d'une vacuole qui est remplie d'un liquide inconnu : eau extérieure ou sécrétion? Si la substance n'est pas nutritive, la vacuole disparaît ; dans le cas con- traire cette substance subit des changements, effectués, non par le contact direct avec le protoplasma, mais par l'intervention d'une matière émise par le protoplasma dans lequel s'est formée la vacuole digestive et qui peut s'appeler une sécrétion. Après avoir établi que les grains d'amidon et probablement les globules gras ne sont pas digérés par les Rhizopodes, M. GREENWOOD ajoute que la formation d'une sécrétion n’est pas déterminée par l'ingestion de ces substances qui sont sans usage pour la nourriture, et que par conséquent il ne faut pas considérer l'absence de réaction acide autour des grains de tournesol ingérés, corps non nutritifs, comme suffisante pour démontrer que la sécrétion de la vacuole n'est pas acide. Nous nous proposerons d’éclaircir cette question de la possibilité d’une sécrétion différente dans les diverses vacuoles d’in- gestion suivant la nature des matières alimentaires ingérées, car il importe desavoir si, comme les animaux supérieurs, les Protozoaires digèrent les graisses et les albuminoïdes dans des milieux de réac- tions différentes. — 266 — Les conclusions de M. GREENW00OD sont en contradiction avec une observation antérieure d'ENGELMANN, qui, sans savoir interprèter son résultat, a vu rougir le tournesol ingéré par une espèce d’Amibe. M. METCHNIKOFF (3) a repris les expériences de digestion intra- cellulaire avec le tournesol, et il a montré la réaction acide des vacuoles chez les Myxomycètes, plusieurs espèces de Protozoaires, etles leucocytes de certains Vertébrés. Ce sont les seules observa- tions faites jusqu'à ce jour sur la réaction des vacuoles: mais d'autres naturalistes ont étudié la digestion intracellulaire au point de vue des modifications apportées dans les vacuoles à la constitu- tion des substances ingérées. M. MEISsSNER (34) a étudié des Rhizopodes et des Infusoires ciliés : il a démontré que chez les Rhizopodes on ne peut voir aucune mo- dification des grains d'amidon ou des globules gras, quelque temps que ces matières aient séjourné dans la vaçuole, mais qu’au contraire il y a digestion des albuminoïdes animaux ou végétaux ; que beaucoup d'Infusoires transforment, quand toute nourriture leur est enlevée, l’amidon ingéré en une substance qui devient rouge quand on la traite par l’iode , tandis que les corps gras restent inat- taqués; enfin que l’albumine animale ou végétale est facilement absorbée par les Infusoires. M. FABRE DOMERGUE (35) donne à la suite de son intéressant travail sur l’organisation des Infusoires ciliés, quelques résultats ayant trait à la digestion chez ces animaux. Il a constaté nne modification de l’amidon, et considère comme probable une action analogue sur les corps gras quoiqu'il n’ait pu la mettre en évidence; il considère la chitine, la cellulose et la chlorophylle comme échap- pant à l’action de la digestion dans les vacuoles des Infusoires. Enfin, je ne puis pas manquer de citer les travaux de M. Maupas qui ont démontré d'une manière irréfutable quoiqu'indirecte, l’uti- lité pour l’Infusoire de la digestion intracellulaire, c'est-à-dire l'action nutritive des matières solides ingérées. J'aurai occasion de revenir plus tard sur la classification qu'il a faite des Ciliés, en Jnfu- soires à tourbillon et chasseurs d’après le mode de préhension. Je dois dire aussi quelques mots de la digestion intracellulaire chez les Métazoaires : elle a été vue pour la première fois par LIEBER- KüEN (1) sur les Spongilles. Beaucoup plus tard, elle fut observée (1) LiEBERKÜEN, Müllers Archiv., 18517. Di — chez des animaux plus élevés par ALLMAN. puis METCHNIKOFF, PARKER et Ray LANKEsTER; enfin elle a été étudiée au point de vue de la réaction des vacuoles par M. GREENVOOD chez l’'Hydre, au moyen de l'ingestion expérimentale de grains de tournesol. Le brefexposé que je viens de faire de nos connaissances actuelles sur la digestion intracellulaire chez les Protozoaires suffit pour donner une idée des faits qu'il est nécessaire de mettre en évidence. Je me suis efforcé d'élucider la question de l'existence des vacuoles autour des substances ingérées par les Rhizopodes et les Infusoires et d’avoir des renseignements précis sur la nature du contenu de ces vacuoles au début de l’ingeslion. J'ai étudié ensuite la réaction de ces vacuoles aux différents instants, et j'ai cherché si les phéno- mènes différaient suivant que l'animal avait ingéré une substance non nutritive, un aliment albuminoïde, amylacé ou gras. J'ai aussi repris les observations sur le sort des aliments de diverses natures dans les vacuoles d'ingestion et J'ai pu obtenir des renseignements nouveaux sur toutes ces questions par l’emploi de réactifs sensibles non encore utilisés dans ce genre de recherches. I. — ÉTUDE DE LA DIGESTION INTRACELLULAIRE AU MOYEN DU TOURNESOL. L'emploi du tournesol permet de résoudre une partie des questions que nous nous sommes posées, mais ce réactif est difficile à manier, et les observateurs qui s’en sont servis jusqu’à présent ont obtenu peu ou pas de résultats. C'est ainsi qu'ENGELMANN (18) a attribué au protoplasma lui- même la réaction acide qu'il a découverte au moyen du tournesol dans les vacuoles d'une espèce d'Amibe et de plusieurs espèces d’In- fusoires (S/ylonychia, Paramecium aurelia), erreur qui a été rec- tifiée par M. Mercunixkorr (37) pour les S/ylonychia et la Vorti- cella convallaria. Ce savant a en effet démontré par l’emploi du tournesol, que le Le: NE protoplasma est alcalin et les vacuoles acides, mais il n’a obtenu aucun résultat en appliquant le même procédé aux Æuplotes et aux Noctiluca miliaris; de même M. GREENWOOD (32, 33) n'a pu déceler au moyen du tournesol aucune réaction acide ou alcaline chez les Amæba proleus et les Aclinospherium Eichhornii. Enfin, M. FABRE DOMERGUE (35) a en vain cherché à mettre en évidence la présence d’une zone acide autour des globules gras ingérés par les Infusoires. A part ce dernier savant qui ne s’est servi du tournesol qu'après la mort de ses Infusoires, tous les autres ont employé le tournesol en pains du commerce sans lui faire subir aucune modification préli- minaire ; or, le tournesol du commerce a un excès d’alcalinité variable, mais toujours très notable. et le grain ingéré dans une vacuole ne peut virer au rouge qu'après avoir été amené à la neutralité, ce qui exige une production d'acide déjà fort considérable dans le liquide de la vacuole, puisque le volume de cette vacuole et le volume du grain sont du même ordre de grandeur. Ceci soit dit en supposant que le grain de tournesol est ingéré seul etse trouve en contact avec un liquide sorti uniquement du protoplasma. Mais plusieurs natura- listes ont déjà supposé, et nous le démontrerons plus tard, qu'un corps solide n’est jamais ingéré sans être accompagné d'une certaine quantité de l’eau ambiante; pour mettre en évidence l'addition d’une quantité d'acide à cette eau toujours alcaline au moyen du tournesoi qui ne vire qu'après avoir atteint la neutralité, il faut, dansla mesure du possible, diminuer d'avance l'alcalinité de l'infusion. Pour cer- tains Infusoires bien résistants, on peut ramener le liquide de l’aqua- rium à peu près à la neutralité par l'addition de doses ménagées d'acide chlorhydrique ; dans ces conditions l'ingestion de tournesol sensibilisé par ces espèces décèlera une production d'acide même très faible, mais pour les espèces qui ne peuvent supporter cette manipulation le tournesol ne mettra en évidence qu’une production d'acide très notable. Dans tous ces cas, où la manifestation de l’aci- dité est possible, elle est très nette, car le contraste est frappant entre les grains ingérés qui sont rouge clair, et les grains restés extérieurs à animal, qui sont bleu opaque. Le Stlentor polymorphus remplit les deux conditions précédentes, à savoir, supporter une neutralisation progressive du liquide de l'aquarium et produire lui-même dans ses vacuoles digestives une SD — quantité d'acide très notable, aussi est-ce sur cette espèce que j'ai fait le plus d'expériences avec le tournesol. Il est possible de suivre au microscope l'ingestion par un Stenlor d’un grain de tournesol bleu sensible, et d'assister au virage de ce grain, mais cette observation demande quelquefois un temps très long. Pour se rendre compte simplement de la production d'un acide dans les vacuoles digestives, il est plus commode de mettre d'avance dans un verre de montre plusieurs S{enlors en présence de grains de tournesol sensible dans une eau très alcaline. De temps en temps, on pêche au moyen d’une pipette quelques-uns de ces animaux qui sont visibles à l’œil nu, et l'on isole sur un porte-objet l’un de ceux qu une première observation rapide au microscope a montré porteur d'une vacuole rouge. Si l'on veut ensuite étudier cette vacuole à un fort grossissement, il faut poseravecprécaution sur la goutte d’eau qui ne doit pas être trop considérable, une lamelle couvre-objet dont on a soutenu un bord par un corps peu épais. De cette façon on aplatit légèrement le S{enlor sans l’écraser, et on a l’avantage de ralentir beaucoup son mouvement de translation. En opérant ainsi on n’a observé ni l’ingestion ni le virage, il faut donc démontrer que le grain rouge contenu dans la vacuole et qui n'a pu être ingéré que bleu si c’est du tournesol, est réellement un grain de cette subs- tance ; on le vérifie très élégamment en écrasant l'animal sous la lamelle par une pression plus forte ; la vacuole se rompt et le tour- nesol rouge devient bleu. Qu'il le devienne par contact avec le pro- toplasma alcalin, commele pense M. METCHNIKOFF (37) ou parimmer-- sion dans l'eau alcaline extérieure, cela n’en démontre pas moins qu'il était auparavant en contact avec un liquide différent , c’est-à- dire qu'il était enfermé dans une vacuole. La rapidité toujours grande avec laquelle se fait le virage au bleu, même quand l’eau extérieure est amenée presque complètement à la neutralité, plaide en faveur de l'hypothèse de l’action du protoplasma. Au lieu d’écraser l'animal, ce qui est impossible, par exemple, quand on opère sans couvre-objet, on peut déposer sur le bord de la préparation une goutte d’ammoniaque ; le corps du Stentor s’éclaircit et finit par se désagréger pendant que le grain rouge devient brus- quement bleu. Quand on observe longtemps un Stentor porteur d’une vacuole rouge, on peut éviter l'application de ces deux procédés si l’on a la 290 = chance de voir l’animal rejeter le grain coloré ; ce grain devient bleu dans l’eau extérieure; on a l'avantage d'observer en même temps le phénomène de l'éjection, mais il faut quelquefois attendre très long- temps pour être témoin de ce phénomène. J'ai vu des grains rouges non accompagnés de matière nutritive rester {2 ou 13 heures dans le corps d’un S{entor sans être rejetés, d’autres fois ils ont été rejetés très rapidement. Je viens de parler de grains rouges observés dans des vacuoles ne contenant aucune matière nutritive, j'en ai en effet vu très souvent; la formation d’acide semble donc indépendante de la valeur alimen- taire de la substance absorbée. On peut objecter que, dans l'observation précédente, je n'ai pas suivi le phénomène dès le début et que j'ai pu ne pas voir dans la vacuole une matière nutritive déjà dissoute au moment de mon observation. Pour répondre à cette objection, je reviens à la première façon d'observer que j'ai décrite. En opérant directement sur le porte-objet en goutte suspendue , j'ai vu des Stentors avaler des grains de tournesol bleu sans aucune matière alimentaire, et ces grains ont rougi. Cette observation est très instructive et donne de nouveaux ren- seignements sur le phénomène ; en effet, le tournesol reste bleu plus ou moins longtemps suivant que sa neutralité avait été plus ou moins parfaitement obtenue, mais jamais bien longtemps chez le Stentor dont les vacuoles ont une acidité très nette. Et puis, brus- quement, en quelques secondes, il devient rouge par des états inter- médiaires peu sensibles ; on peut dire que de noir il devient rouge. Le temps nécessaire pour que le tournesol bleu rougisse, est variable avec les cas, et on constate aisément qu'ilest de plus en plus long quand on opère avec du tournesol de plus er plus alcalin : ceci démontre que nous assistons à une sécrétion lente d'un acide dans la vacuole digestive. Cette sécrétion passe inaperçue tant qu’elle sert seulement à salurer l’alcalinité préexistante, mais elle fait virer brusquement le tourneso] dès que l'acidité apparait. On peut ajouter que ce virage rapide restreint le champ des hypo- thèses à faire sur la nature de l'acide sécrété. Un virage rapide du tournesol caractérise les acides forts, minéraux ou organiques ; nous sommes donc déjà autorisés à éliminer de nos hypothèses les Lo — acides élevés de la série grasse qui ne donnent pas de virage brusque, et nous pouvons conclure : 1° Que chez le Stentor polymorphus les corps ingérés, nutritifs ou non, se trouvent au bout de quelque temps dans ur milieu acide. 2° Que cette acidité est progressive comme si elle était due à une sécrétion. 3° Que l’acide produit est un acide fort. Après le Slentor polymorphus, qui est certainement le type don- nant le plus facilement des indications par l'emploi du tournesol, j'ai fait des observations sur un grand nombre d'Infusoires ciliés. Le Slentor cœrulœus et le Slenlor Rœselii présentent les mêmes phénomènes que le S. polymorphus, mais la production de l'acide est plus lente : avec du tournesol de même alcalinité, il faut, par exemple, environ trois fois plus de temps pour obtenir le virage rouge après l'ingestion, chez le S. Ræselii que chez le S. polymor- phus, ce qu'il est très facile de constater puisque ces deux animaux vivent très souvent dans les mêmes aquariums. Des Paramecium, des Amphileptus, des Leucophrys,etc., m'ont donné également la réaction acide que j'ai pu mettre en évidence avec du tournesol sensible, même chez les Æuploles à qui elle était refusée jusqu'à présent. À part la Vorlicella microsloma, aucun péritriche ne m'a mani- festé, par ce procédé, une sécrétion acide dans ses vacuoles diges - tives ; il m’a même semblé que le tournesol était nuisible à ces animaux ; des Carchesium, des Epislylis, préparés en goutte sus- NO e- pendue avec du tournesol, ont montré, au bout de peu de temps, un ralentissement dans le mouvement des cils et sont morts avec les vacuoles et le noyau bleus. Chez les Infusoires cités plus haut, qui m'ont donné des résultats positifs, comme les Slentor, Paramecium, Stylonychia... etc.…, j'ai pu remarquer, par la juxtaposition de deux animaux différents sur un même porte-objet, que les vacuoles rouges de ces animaux avaient la même nuance; il est assez difficile de faire la comparai- son chez les animaux colorés comme les Slentors verts et bleus, mais c'est au contraire très facile chez les animaux hyalins. Or, le tournesol présente, faiblement il est vrai, cette particularité pré- cieuse de donner des teintes rouges différentes avec les différents acides : il est donc probable que dans tous les cas où nous avons obtenu des résultats posilifs, l'acide sécrêté est le même, et nous pouvons ajouter, pour les Infusoires étudiés, les conclusions sui- vantes à celles que nous avons déjà établies pour le S. Polymor- plus : 1° Chez plusieurs espèces d’Infusoires, il se produit une sécrétion d'acide fort dans les vacuoles digestives. %k x *X 2° La sécrétion de Pacide est plus ou moins rapide sui- vant les espèces. *k *k % 3° L’acide semble le même pour toutes les espèces observées. Malheureusement, il faut en ajouter une quatrième : chez plu- sieurs espèces, l'emploi du tournesol ne met en évidence aucune sécrétion acide, les grains ingérés étant rejetés bleus ou même tuant rapidement l'animal. Car, si le tournesol a des avantages et ET de donne des indications sur la nature des acides, il a aussi des incon- vénients. Il arrive lentement à la neutralité et ne donne aucune indication avant de l'avoir atteinte ; c'est pour cela que son emploi a fait obtenir des résultats peu complets. Ainsi, M. METCHNIKOFF (37) a vu, dans les leucocytes de la larve du Triton tœniatus, que : « dans quelques-uns de ces macrophages, il se trouvait, à » côté d'un grain rouge de tournesol, plusieurs grains bleus de la > même substance, ce qui prouve que la production du suc acide » intracellulaire peut se localiser dans une partie restreinte de La » cellule. » C'était peut-être plutôt que les grains de tournesol observés ayant été ingérés à des époques différentes, l’un d'eux pouvait déjà être rouge tandis que les autres n'avaient pas encore été amenés à la neutralité. C'est encore à cette absence d'indications avant la disparition complète de l’alcalinité qu'est due l'erreur de M. GREENWOOD (32). Ayant toujours vu les Amibes rejeter le tournesol à l’état bleu, cet observateur a naturellement été amené à méconnaître chez ces êtres la production d'un acide. L'emploi, au lieu de tournesol, de la tropéoline et du violet de méthyle ne lui a pas donné de meilleurs résultats. Aucun des inconvénients que je viens de signaler au sujet de l'emploi du tournesol ne se présente quand on se sert de l’Alizarine sulfoconjuguée. Cette matière colorante est très précieuse pour l'étude des solutions alcalines faibles, et, par conséquent, des sécré tions acides dans les vacuoles des Protozoaires qui ne se mani- festent au début que par une diminution d’alcalinité. Cette substance a êté fournie par M. Exruicx à M. Mercanikorr qui me l’a procu- rée et auquel j'exprime ici ma reconnaissance pour les conseils bienveillants qu'il m'a donnés dans le cours de ces expériences. IL — ÉTUDE DE LA DIGESTION INTRACELLULAIRE AU MOYEN DE L'ALIZARINE SULFOCONJUGUÉE. À. — Propriétés de l’Alizarine sulfoconjuguée. L'Alizarine sulfoconjuguée se présente à l’état solide sous l'aspect d'une poudre brune ; son pouvoir colorant est considérable ; l’eau LOT distillée en dissout environ un cinq centième de son poids et cette solution saturée a une couleur brun orangé assez foncée. Elle conserve très longtemps sa limpidité dans un flacon bien bouché à l'abri de l'air impur du laboratoire. | Cette liqueur neutre brun orangé vire au violet en présence des bases alcalines ou alcalino-terreuses ; elle vire au jaune clair en présence des acides sulfurique, chlorhydrique, azotique...… ete. parmi les acides organiques, des acides oxalique, lactique... etc., et des sels acides. Il faut faire une exception pour l'acide urique qui donne une coloration rose vague. Pour étudier d'une façon précise les propriétés du réactif, j'ai fait deux solutions équivalentes à volumes égaux, d'acide sulfu- rique et de potasse, renfermant chacune 18 centièmes d'équivalent par litre. Dans un vase de verre à fond plat posé sur une feuille de papier blanc, j’ai introduit d'abord 200 centimètres cubes d'eau dis- tillée et 10 centimètres cubes de la solution titrée d'acide sulfu- rique, puis, quelques gouttes de la solution d'alizarine sulfo-conju- guée. J'ai obtenu ainsi un liquide jaune limpide. Ce liquide est resté jaune quand j'y ai fait couler goutte à goutte la solution de potasse, jusqu'au moment où j'en ai ajouté 9,9. Une goutte d'environ un dixième de centimètre cube de plus fait passer la liqueur au brun orangé ; une de plus, au rose. Voilà, en ce point, un virage très net dont peuvent se servir les chimistes, mais ce n’est pas cette propriété commune au tournesol et à l’alizarine sulfoconjuguée qui fait de ce dernier corps un réactif très précieux pour nous. Continuons àlaisser tomber goutte à goutte la solution de potasse : nous voyons la couleur passer petit à petit par des nuances inter- médiaires très nombreuses, du rose au violet : les nuances intermé- diaires qui se succèdent sans interruption se distinguent très facile- ment l’une de l’autre par juxtaposition. Au bout de 10 à 11 gouttes, nous arrivons à un violet que nous ne pouvons plus dépasser quelque grande quantité de potasse que nous ajoutions. J'appellerai cet intervalle du rose au violet la zone sensible de l'alizarine. Dans tout cet intervalle, nous avons un moyen très sûr de suivre une sécrétion alcaline dans le voisinage de la neutralité à condition de conserver toujours comme terme de comparaison une des nuances intermédiaires rose violacé. no 2 Opérons maintenant en sens inverse ; partons du violet et laissons tomber goutte à goutte la solution titrée d’acide sulfurique ; dès que nous aurons atteint la limite inférieure de la zone sensible de l’ali- zarine, nous verrons l'addition d’une goutte modifier légèrement la teinte, et une dizaine de gouttes nous ramènera à la teinte rose limite par toutes les nuances intermédiaires dont nous avons tout à l'heure parcouru la série en descendant. Une goutte de plus donnera la teinte orangée qui est très passagère et est simplement du rose jaune ; une dernière goutte donnera du jaune. Je partage cette gamme du violet au rose obtenue en versant une douzaine de gouttes d'acide en six teintes : Violet, 1, 2, 3, 4, Rose, dont chacune correspond à l'addition de deux gouttes de notre solu- tion acide. L'expérience montre qu'elles sont distinctes et facilement reconnaissables par juxtaposition, et pourtant le poids d'acide contenu dans les deux gouttes de solution qui permettent de passer de l’une à l’autre est bien faible. Examinons, en effet, notre première expérience du passage du jaune au violet. Au moment où nous arrivons à la teinte orangée, il y a dans le vase d'expérience 200 °° d’eau et 10° de chaque liqueur titrée, soit 220 «©. Les deux gouttes dont l'addition fait passer du rose à la teinte 4 contiennent un poids de potasse équivalent au poids : 2 2 X 0,720 INA ES" 2, 1000 X X 1000 sulfurique anhydre. grammes (acide Nous versons ces deux gouttes dans un liquide dont le poids est 220 grammes. La proportion des poids est : 2 X 0,720 , —— = environ 220000 150000 1 AP ; DETTTTM d'acide sulfuri- que anbhydre à une liqueur contenant de l'alizarine dans la zone c’est-à-dire qu’il suffit d'une addition de - 16 — sensible, pour en faire passer la nuance à la nuance immédiatement supérieure. Voici. dès lors, d'une manière générale, le procédé que j'ai suivi pour utiliser l’alizarine sulfoconjuguée dans l'étude de la réaction des vacuoles digestives des Protozoaires ; je ne parle pas des dispo- sitifs spéciaux à chaque cas que j’exposerai ultérieurement. L'eau dans laquelle vivent les Protozoaires est le plus souvent légèrement alcaline et donne à l’alizarine sulfoconjuguée une teinte de la zone sensible. L'alizarine forme dans cette eau, quand on l'abandonne dans un verre de montre, de petits grumeaux qui, en peu de temps, deviennent tout à fait violets par l’action de l'ammo- niaque de l'air du laboratoire. Quand on conserve ce verre de montre pendant deux ou trois jours recouvert d'un verre semblable, la matière colorante y forme de longues aiguilles violet foncé. Sui- vant le cas, ce sont ces grumeaux rose violet, ou ces aiguilles violettes qui sont ingérées par les Protozoaires. Qualité très précieuse, les variations de couleur de l’alizarine sont au moins aussi sensibles au microscope qu'à l’œil nu. Ainsi, voici une expérience qui rend compte des résultats énoncés plus haut, sans qu’il soit besoin de grand soin pour la faire. Sur une lame porte-objet, on dépose une goutte d’alizarine violette à côté d'une goutte d'acide chlorhydrique étendu : les deux gouttes se mélangent lentement par diffusion, et l'on constate au microscope l'existence, de droite à gauche : 1° D'une région jaune limitée par une mince ligne orangée ; 2° D’une large région rose à teintes dégradées vers le violet quand on la parcourt de droite à gauche ; 3" D'une région violette qui s'étend à gauche jusqu’à l'extrémité de la goutte. Cette simple préparation montre donc le virage brusque du jaune à l'orangé et au rose, et au contraire le virage successif du rose au violet, c'est-à-dire la zone sensible. L'alizarine sulfoconjuguée teint en violet les Infusoires morts, et le noyau se colore alors plus fortement que le reste du proto- plasma. — 2717 — Quand on fait une préparation de Carchesium en goutte sus- pendue avec de l’alizarine sulfoconjuguée, le pied ramifié se colore très vite en violet, sans que l’animal en souffre le moins du monde. Le protoplasma du corps reste d'ailleurs incolore (en dehors des vacuoles d'ingestion, naturellement). La coloration est peut-être encore plus rapide chez les Æpistylis. Je me contente de signaler en passant ces faits qui viennent s'ajouter aux phénomènes déja nombreux de coloration des Infu- soires vivants décrits par M. CERTES. Le pouvoir colorant de l'alizarine sulfoconjuguée pour les êtres vivants ne se borne pas aux Protozoaires. La membrane basale de l'Hydre grise se colore aussi très fortement en violet, sans que l'animal semble souffrir. Enfin, dans une préparation contenant de l’alizarine sulfoconjuguée violette, j'ai vu les deux fentes latérales du petit turbellarié sans yeux appelé Sfenostomum fortement colorées en rose clair. Je vais maintenant passer en revue les différents phénomènes que l'emploi de l’alizarine sulfoconjuguée permet de mettre en évidence chez les Rhizopodes et les Infusoires ciliés; la sensibilité de ce réactif nous permettra de répondre à toutes les questions que nous nous sommes posées à la fin de l'introduction, etmême de découvrir de nouveaux phénomènes intéressants. Je commencerai l'exposé des résultats par ceux que j'ai obtenus chez les Rhizopodes. B. — Rhizopodes. J'ai étudié la digestion intracellulaire chez deux espèces d'Amibes ; l'une à pseudopodes courts et massifs, Amæba spumosa GRUBER (1), existant dans une infusion de foin ordinaire, l’autre ayant de longs pseudopodes très extensibles et très fins répondant à la description de Amæba tlentaculala Leiny (2), dont j'ai trouvé un très grand (1) Grüger. Zeit. f. wiss. Zool., 1885, p. 218. (2) Leipy. Proc. roy. Acad. of. Nat. hist. Philadelphie. 1874, p. 168, 19 — 278 — nombre dans une infusion de débris organiques exotiques que m'a obligeamment procurée M. CERTES ; cette dernière infusion m'a été d'autant plus précieuse que, comme je le montrerai tout à l'heure, les études à faire sont très difficiles avec une infusion pauvre en Amibes. Je vais m'occuper particulièrement de cette espèce sur laquelle j'ai pu faire des observations réitérées. J'ai repris d'abord la question de la réaction des vacuoles, car les inconvénients que j'ai signalés plus haut dans l'emploi du tour- nesol ne permettaient pas de considérer comme définitifs les résul- tats, d’ailleurs négatifs, de M. GREENWO00D (32, 33). Le procédé le plus simple pour élucider cette question consiste à faire absorber aux Amibes de l’alizarine violette, ayant à peu près l’alcalinité de la base de la zone sensible; pour cela, il suffit de mettre en contact avec une solution d’alizarine devenue violette par la simple exposition à l'air, quelques gouttes de l’infusion à Amibes qui est d'ordinaire assez alcaline pour que le violet persiste: si l'addition de ce dernier liquide rendait rosée la solution initiale, on ramènerait rapidement au violet par l'approche d'un bouchon de flacon à ammoniaque. Puis, de temps en temps, on puise une goutte du mélange au moyen d’une pipette, on la place sur le porte-objet et au microscope on y cherche une Amibe. Au début, toutes celles que l’on trouve sont claires et dépourvues de vacuoles colorées au milieu de la solution violette. Au bout de quelques heures, au contraire, presque toutes les Amibes présentent des vacuoles d'une couleur rose très distincte de la couleur violette de la goutte. Ceci démontre qu'il y a production d'acide autour du grumeau d’alizarine ingéré, car nous sommes certains, dans les conditions où nous nous sommes placés, que l’ali- zarine était violette au moment où elle a été ingérée. Cette façon de procéder permet d'éviter une observation longue et fastidieuse, nécessaire si l’on partait d’une teinte de la zone sensible ; il fau- drait en effet, dans ce cas, observer l'ingestion , car l’'ammo- niaque de l’air, se dissolvant dans la goutte, pourrait faire rappro- cher du violet l’alizarine extérieure, pendant que celle de la vacuole soustraite à la même action resterait plus rose et pourrait faire croire à une sécrétion acide, même s’il n’y en avait pas. Cette cause d'erreur est éliminée quand on part du violet, mais il faut bien se garder quand on opère ainsi, en nêgligeant, pour ainsi dire, les —— qualités les plus précieuses de l’alizarine, d’alcaliniser de façon à dépasser trop notablement la limite de la zone sensible. Par rapport à cette limite, l'alizarine se comporte en effet comme le tournesol par rapport à la neutralité et présente les mêmes inconvénients. Pour être bien sûr que la matière rose incluse est de l’alizarine, il suffit d’écraser l’Amibe, ou de déposer au bord du couvre-objet une goutte d'ammoniaque. Voilà donc un procédé bien simple et qui réussit toujours quand on prend la précaution que j’ai indiquée d'atteindre sans la dépasser la limite de la zone sensible. Il est bon de conserver deux ou trois jours à l'abri de l'air l’infusion colorée : au bout de ce temps, l'aliza- rine se trouve presque entièrement rassemblée au fond du verre de montre sous forme de longues aiguilles violettes formant çà et là des enchevêtrements bizarres. En prenant avec une pipette une goutte du liquide du fond de la préparation, on trouvera les Amibes rassemblées aux environs des amas aciculaires, ce qui évitera une longue recherche. De plus, à ce moment, presque tous les indivi- dus possèderont des vacuoles roses. Je dis des vacuoles roses, et non pas jaunes, car en partant du violet comme nous l'avons fait, il est rare que l'Amibe conserve assez longtemps l’alizarine ingérée pour que celle-ci devienne jaune. Et ceci nous prouve combien les observateurs qui se servaient de tournesol avaient peu de chances de ne pas constater la production d'acide, puisque, dans tous Les cas, nous constatons cette production sans que Ja neutralité soit dépassée ou même atteinte dans la vacuole. Il est bien établi actuellement que l’alcalinité diminue dans un grain ingéré. Ici se pose la question de savoir si une matière non nutritive, ingérée, amène une sécrétion et Ja formation d’une vacuole autour d'elle. M. GREENwWOOD (32) prétend qu’il n’en est jamais ainsi: ces deux questions sont facilement résolues par l'emploi de l’alizarine sulfoconjuguée dans sa zone sensible. Tout à l'heure il suffisait d'observer un instant pour constater la présence d’une vacuole rose, et l'Amibe n'avait pas le temps d’être gênée par le couvre- objet; maintenant, nous devons suivre un phénomène pendant longtemps ; il faut donc observer l'Amibe en goutte suspendue de façon à avoir des résultats normaux et non pathologiques. Dans un verre de montre, nous versons quelques gouttes de RD — l'infusion contenant nos Amibes, et nous ajoutons une goutte de la solution neutre d’alizarine au cinq centième. Le liquide tout entier prend la teinte 2. Il s’agit de conserver cette teinte sensible comme point de départ dans la préparation en goutte suspendue ; pour cela, il faut laver, avec de l’eau acidulée à l'acide chlorhydrique, une lame à cuvette et un couvre-objet; on dépose sur le couvre-objet une goutte de l'infusion colorée, on le retourne brusquement et on le place sur la lame à cuvette, après avoir enduit de vaseline les bords de cette dernière : l'air emprisonné autour de la goutte est ainsi débarrassé de son ammoniaque, et, par conséquent, il n’y a pas à craindre que la nuance se rapproche du violet ; quelques vapeurs d'acide chlorhydrique peuvent, s’il y en a beaucoup, ame- ner la teinte de la nuance 2 à la nuance 3, mais on peut, en essuyant bien, éviter cet inconvénient qui n’est pas sérieux puis- qu'il s’agit simplement d’avoir une teinte sensible dans la goutte. Ceci fait, cherchons une Amibe et suivons-la au microscope : au bout d’un temps plus ou moins long, nous la voyons entourer de ses pseudopodes un grumeau d’alizarine. Ici, il faut être attentif : quel- quefois ce phénomène n’a pas de suites, mais quelquefois aussi, sans qu'on puisse bien suivre le phénomène optiquement, on voit que brusquement, le corps extérieur a passé dans l’intérieur de l’Amibe et y est situé dans une vacuole, {oujours très nette à ce moment. Il est probable que les pseudopodes, s’étant touchés en un point, se sont anastomosés brusquement, enfermant le grain de matière colorante dans une vacuole parfaitement ronde et remplie, en appa- rence, d'eau empruntée au milieu extérieur. Dans cette vacuole, le grumeau conserve, quelquefois assez longtemps, 2 à 3 minutes au moins, la couleur qu'il avait dans le. liquide extérieur, et cela, quelle que soit cette couleur, car nous pouvons répéter l'expérience en partant de l’une quelconque de nos teintes sensibles, et nous arrivons au même résultat. La réac- tion du liquide de la vacuole, au début, est donc toujours la même que celle du milieu extérieur. Ceci ne peut s'expliquer que par deux hypothèses : ou bien, ie liquide de la vacuole est de l'eau introduite avec le grumeau coloré, ou bien le protoplasma a la propriété de sécréter en son intérieur un liquide ayant toujours au début la même réaction que le liquide ambiant, Cette seconde hypothèse est peu vraisemblable, et d’ailleurs nl — une expérience très simple permet de la rejeter: en effet, si elle était vraie, on devrait, en changeant la réaction du liquide extérieur, faire également changer celle de la vacuole. Or, si lon refait l'expé- rience précédente en remplaçant par de l'eau acidulée à l'acide sul- furique la vaseline qui borde la cuvette, on peut, dès que la vacuole est formée, rendre violette l’alizarine de la goutte en saturant l'acide sulfurique qui entoure la chambre par un excès d'ammoniaque. Le liquide de la vacuole reste parfaitement rose, ce qui réduit à néant l'hypothèse d'une sécrétion initiale de même alcalinité que le liquide extérieur. Il ne reste donc plus que la première hypothèse, et l’on ne peut nier par conséquent que le contenu de la vacuole au début soit de l’eau extérieure ingérée avec le grumeau coloré. Il n’y a pas de raison pour que le phénomène soit autre avec un grain d’alizarine qu'il ne l’est avec un grain quelconque, et il faut admettre que l’eau extérieure est toujours ingérée en certaine quantité avec les aliments. Revenons à notre première préparation bordée à la vaseline, et observons-la attentivement; au bout de deux à trois minutes, un lèger virage vers le rose devient constatable grâce à la constance de l’alcalinité extérieure qui nous donne une coloration fixe comme terme de comparaison. Pendant plusieurs heures, on constate une modification de la coloration dans la vacuole, modification qu'il devient de moins en moins facile de distinguer à mesure que l’on s'approche du rose, car on y est plus loin du point de repère qui est voisin du violet. Il m’a été donné, quelquefois, de voir cette coloration passer à l'orangé et au jaune, après quoi, aucune nouvelle modification de nuance n'a plus lieu; mais en général, l'expulsion de la matière colorante arrive avant que la neutralité complète soit atteinte ; alors il est très intéressant de voir, surtout quand on opère en milieu violet, la matière rejetée reprendre brusquement la couleur de l'alizarine extérieure. Dans cette expérience, nous avons assisté à une diminution pro- gressive de l’alcalinité dans la vacuole, diminution qui peut aller jusqu'à la neutralité complète, et même aboutir à une acidité réelle ; nous pouvons même faire un calcul approximatif de la quantité d'acide sécrétée dans une vacuole pendant le passage du violet à l'orangé ou à l’un des états intermédiaires. Soit d le diamètre de la vacuole; il varie de 1 à 7 ou 8u; le — 282 — volume de la vacuole est — dd: or, la quantité d'acide sulfu- rique anhydre nécessaire pour faire passer une liqueur du violet limite au rose limite est Donc la quantité d'acide sécrétée 5) 150000" pendant les plusieurs heures que dure le virage progressif est : 3 Lens sNte d Er "221 Venviron 6 150000 c’est-à-dire une fraction infiniment petite de milligramme, que la sensibilité de notre réactif nous permet d'apprécier, et jusqu'à un certain point de mesurer. Dans le cas où elle n’est pas interrompue par une expulsion, la sécrétion se manifeste pendant plusieurs heures par le passage progressif de l’alizarine de sa couleur initiale au jaune ; mais une fois la coloration jaune atteinte, nous ne pouvons plus suivre la sécrétion, car la couleur du grumeau ne change plus quelle que puisse être l'acidité. En observant plusieurs fois le phénomène que je viens de décrire et que chacun peut reproduire aisément, j'ai remarqué que la couleur de l’alizarine se modifie de la même façon, qu’elle soit ou non accom- pagnée de matières nutritives. Je me trouveici en contradiction absolue avec M. GREENWOOD (32) qui dit en insistant sur ce fait que les matières solides non nutritives ingérées, ne déterminent pas de sécrétion : il est vrai que cet auteur n’a pu avec le tournesol brut obtenir aucune indication de réaction, même dans le cas de l’ingestion d'une matière alimentaire ; les phé- nomènes optiques, les seuls qu'il ait pu observer, l'ont conduit à affirmer qu'il n’y a pas de vacuole autour des substances ingérées non nutritives. Je crois pouvoir affirmer qu'il y a toujours sécrétion, au moins d'acide. Que la sécrétion soit plus complète quand il y a des subs- tances nutritives dans la vacuole, aucun fait ne m'autorise jusqu’à présent à le nier, mais au point de vue de l'acidité, les sécrétions sont identiques dans les deux cas. Quant à l’existence d’une vacuole autour de tous les grains ingérés quels qu'ils soient, elle est indéniable au moment où l’on vient d'observer l'ingestion, car ses bords sont excessivement nets, ce 99 — qui est naturel puisque nous avons démontré la présence constante de l'eau extérieure à ce moment. Par conséquent la vacuole est une sphère d’une réfrangibilité notablement distincte de celle du proto- plasma ambiant ; mais nous savons que pendant le séjour de cette vacuole au milieu du protoplasma, il se fait dans son intérieur des modifications dont nous avons mis l’une en évidence par le virage progressif de l’alizarine sulfoconjuguée : dans ces conditions, il n’y a rien d'étonnant à ce que les propriétés physiques du contenu de la vacuole se modifient aussi, et, en effet, j'ai constaté fort souvent que ses bords deviennent de moins en moins nets, jusqu'à ne plus pouvoir être distingués, ce qui prouve que la réfrangibilité de son contenu se rapproche de plus en plus de celle du protoplasma. Ceci explique en même temps l'erreur commise par les observateurs qui voyant des corps englobés depuis longtemps non entourés d'une aire circulaire claire, ont cru que ces corps étaient en contact direct avec le protoplasma. L'emploi de l'alizarine prouve la persistance de la vacuole ; en effet, un grumeau ingéré qui est devenu rose, ne redevient jamais violet pendant son séjour dans l’Amibe, comme cela arriverait s'il se trouvait fortuitement en contact avec le proto- plasma alcalin. Au contraire, le grumeau présente toujours la teinte la plus voisine du rose qu'il ait acquise dans l'intérieur de l'Amibe, au moment où il est rejeté par elle. Ce phénomène de l'éjection est très intéressant, et va nous donner de nouveaux renseignements sur les modifications physiques du contenu de la vacuole. M. GREENWOOD a considéré ce phénomène et d’ailleurs tous ceux de la digestion intracellulaire comme régis par une certaine sélec- tion. De même que cet observateur a considéré les matériaux non nutritifs comme dépourvus de vacuoles et par conséquent, d'après les idées anciennes, comme ne déterminant pas de sécrétion autour d'eux, de même il a vu dans l’éjection un acte voulu par l'Amibe : « Une Amibe prit des grains d’amidon ; quatre jours après elle ingéra > des Monades, et peu après avoir ingéré les Monades elle rejeta » les grains d’amidon non modifiés, lesquels n'avaient jamais été » entourés de vacuoles marquées et ne furent pas accompagnés » le fluide quand ils furent expulsés ». Voilà donc une Amibe qui, après avoir ingéré des matières certainement alimentaires s’'empresse d’en rejeter d'autres d’un caractère nutritif douteux. — 284 — Un peu plus haut, M. GREENWoOD constate avec Leipy (20), que l'éjection des matières solides non nutritives, n’est pas accompagnée de ce fluide visqueux qui est rejeté avec les substances nutritives. Je crois que ces diverses observations ne sont pas convenablement interprétées, parce qu'iln'y est pas tenu compte de l’âge des diverses vacuoles au moment de l'éjection. D'ailleurs, il n’était guère possible d'avoir d'indications sur cet âge sans l'emploi de colorants sensibles, sauf dans les premières heures de l’ingestion, où la netteté des bords de la vacuole décroït rapidement. Au milieu d’un bain d’alizarine sulfoconjuguée violette, on peut au contraire constamment juger de l’âge des vacuoles d’une même Amibe d’après leur couleur. J’ai vu, dans une Amibe, une vacuole d’un rose presque violet, rejetée avant une autre d'un rose très vif: je ne sais pas si la vacuole violette contenait des matières nutritives, mais j'ai observé que la vacuole rose en contenait. Il y avait entre ces deux vacuoles une différence caractéristique : la première était à bords bien nets, on voyait que c'était encore presque une goutte d'eau: l'autre, au contraire, avait une réfrangibilité voisine de celle du protoplasma. Ces deux vacuoles furent rejetées de deux façons bien distinctes. La première creva pour ainsi dire à la surface du protoplasma et laissa sortir son contenu comme un grain isolé ; l’autre, au contraire, fut abandonnée très doucement: ses bords tout à l’heure peu visibles, le devinrent brusquement beaucoup ; l'Amibe sembla avoir abandonné une sphère glutineuse contenant des débris de bacilles avec un grain d'alizarine, sphère qui se délita petit à petit. L'explication de ce phénomène me semble simple. Si j'appelle & la tension superficielle du liquide de la vacuole au contact du proto- plasma, et r le rayon de la vacuole qui est sphérique, le liquide contenu subit et résiste à une pression : r étant très petit, cette pression peut être très grande si « a une valeur non négligeable. Or, à doit varier avec la composition du liquide de la vacuole, et précisément, le phénomène que nous avons observé nous indique le sens de cette variation. DE) — La vacuole jeune, contenant un liquide si voisin de l’eau que le grain coloré semble rejeté seul et sans liquide, est expulsée avec éclat, ce qui indique qu'elle est le siège d'une forte pression. La vacuole vieille, contenant un liquide à réfrangibilité voisine de celle du protoplasma, et qui, rejeté dans l’eau, forme une sphère visqueuse autour du grain coloré, est abandonnée doucement, ce qui indique qu'elle est le siège d'une pression insensible. Le rayon étant sensiblement le même dans les deux cas, nous voyons que a a considérablement diminué du premier au second cas. Ce phénomène, rapproché de celui de la variation de réfrangi- bilité, nous porte à admettre que les sécrétions dont la vacuole digestive est le siège transforment son contenu en une substance de plus en plus voisine du protoplasma, puisqu'elle s'en rapproche par sa réfrangibilité et sa tension superficielle. J'explique maintenant facilement l'observation de Leipy confirmée par M. GREENWOOD que j'ai citée plus haut. Ces deux observateurs ont assisté à l’éjection de substances non nutritives récemment ingé- rées, et il est tout naturel que dans ces conditions, ils aient vu ces substances rejetées sans accompagnement de fluide visqueux. D'ailleurs, un simple raisonnement montre que les corps non nutritifs ont plus de chance d'être rejetès que ceux qui le sont. Je compare, en effet, au cas de l'ingestion d'un simple grain d’alizarine ou de tournesol, l'un des cas très simples qu'a observés Lerpy (1). Dans le premier cas, la variation de tension superficielle est due seulement aux sécrétions dont la vacuole est le siège ; dans le second intervient en outre la désagrégation et la dissolution dans la vacuole des matières albuminoïdes ingérées, ce qui doit faire plus rapidement rapprocher la tension superficielle du liquide de celle du protoplasma, c’est-à-dire faire plus rapidement diminuer la pression. Or, ce doit être un danger très sérieux, que cette pression interne, pour le (1) Leiny (2%). 11 a observé deux cas : 1° Capture d’un Urocentrum par l'Amibe. Il fut d'abord reconnaissable pendant quelque temps dans la vacuole par ses caractères de structure ; au bout de quelque temp toute trace d'individualité avait disparu. 2 Ingestion d'une Amæba verrucosa par une Amœba proteus bien plus grande. Apparence d’une vacuole autour de l’Amibe et division de celle-ci en 4 parties. Obser- valion non terminée, CE maintien de la vacuole à l’intérieur de l’Amibe. Il est tout naturel que, poussée par les mouvements du protoplasma au voisinage de Ja limite extérieure du corps, cette vacuole se crève plus facilement quand elle est le siège d'une forte pression. Il faut d’ailleurs remarquer que c'est surtout quelques instants après l'ingestion que l'Amibe abandonne les matières ingérées, ce qui s'explique maintenant très bien. Si une matière nutritive ou non reste quelques heures dans l’Amibe elle a des chances pour y pro- longer fort longtemps son séjour. CARTER cite même le cas d’un Infusoire ingéré vivant dans une vacuole très nette, et abandonné encore vivant dans le liquide externe. Je reviendrai sur le phénomène de sécrétion d’acide après que J'aurai passé en revue ce qui se passe dans les vacuoles des Infu- soires ciliés. J'établis dès à présent certaines conclusions relatives aux Amibes : l° Les Amibes ingèrent indistinctement les matières solides, nutritives où non, ce qui n’est pas étonnant, si l’on admet comme DE Bary pour les Myxomycètes, que l’ingestion est le résultat normal du stimulus au point de contact. 2° Ces matières ne sont jamais en contact direct avec le protoplasma , mais sont contenues dans des vacuoles. 9° Le contenu des vacuoles est, au début, de l’eau du milieu extérieur ; il s’y produit dans tous les cas, même sans que la vacuole contienne de matières nutritives, une sécrétion acide qui neutralise l’alcalinité de Peau. et finit même par lui donner une acidité constatable. 4° Le liquide de la vacuole est aussi le siège de modifi- cations physiques. Sa réfrangibililé et sa tension super- ficielle se rapprochent de celles du protoplasma. * x * 9° L’éjection est un phénomène purement physique et accidentel, mais elle est plus facile et plus fréquente pour les corps non nutritifs que pour les véritables aliments. C. — Infusoires ciliés. Les Infusoires ciliés sont bien plus faciles à étudier que les Amibes; beaucoup d’entre eux sont visibles à l’œil nu et faciles à isoler, et d'autre part, les phénomènes de digestion intracellulaire sont généralement bien plus marqués chez eux. J'ai étudié ce qui se passe dans les vacuoles d'un grandnombre de Ciliès, je me propose d'exposer d'abord pour un type spécial la solution des questions que nous avons déjà élucidées chez les Rhizopodes, puis de considérer systématiquement les variations de ces phénomènes dans la série des Irfusoires. Alors que le tournesol nous a presque toujours donné des résul- tats négatifs ou nuls avec les Péritriches, l'alizarine sulfoconju- guée donne avec les animaux de ce groupe des indications très claires, et j'ai choisi l'un d'eux comme type. Les Carchesium sont des Péritriches coloniaux à pied ramifé et rétractile ; un individu ou un groupe d'individus vit très bien déta- ché da reste de la colonie et peut être conservé bien vivant en goutte suspendue pendant plusieurs jours. Je me propose d'abord d'étudier la réaction des vacuoles digestives chez ces animaux. Pour cela, j'introduis dans un verre de montre quelques rameaux bien vivants de Carchesium et j'ajoute à l'eau de ce récipient 2 quelques gouttes de la solution d’alizarine : je prends, comme pré- cédemment, les mesures suffisantes pour que la liqueur ait, au début de l'expérience. la teinte violette, limite de la zone sensible. Au bout de quelques minutes, j’aspire un des rameaux avec une pipette et j'en fais une préparation en goutte suspendue. Il peut se présenter deux cas : Ou bien, par suite de la présence d’une quantité considérable de bactéries dans l'eau de l’aquarium, les échantillons de Carchesium observés sont depuis assez longtemps bourrés de vacuoles pleines de ces bactéries et présentent ainsi une opacité caractéristique ; dans ce cas, on peut attendre parfois très longtemps sans voir se former dans la préparation en goutte suspendue aucune vacuole colorée, quoique le mouvement ciliaire continue à produire un tourbillon préoral très net : il y a une sorte de pléthore ; l'animal repu ne peut plus prendre de nourriture, phénomène très intéressant qui sera expliqué par d’autres. Ou bien, ces animaux, ayant eu à leur disposition une petite quantité de nourriture, ont un protoplasma très clair ; dans ce cas, un rameau puisé au bout de 7 à 8 minutes dans le verre de montre et préparé en goutte suspendue présente, au contraire, un spectacle très curieux. Chaque individu possède déjà, en son intérieur, trois ou quatre vacuoles d'un rose différent, quelquefois disposées à partir du fond de l’œsophage en ligne qui se courbe le long des parois, la plus rose étant Ja plus éloignée de l'æsophage devant lequel tourbil- lonne un grumeau violet qui attend l’ingestion. Cette disposition linéaire des vacuoles, facile à constater à cause de la coloration de ces dernières, fait bien comprendre l'erreur d'ÉRRENBERG (1) qui, guidé par une idée préconçue, a cru voir toutes ces vésicules stomacales pendre à un tube intestinal. Mais cette disposition ne dure pas longtemps, on ne peut la remarquer que chez un être affamé où les vacuoles se forment successivement très vite. Si l’on attend, au contraire, 40 à 50 minutes avant de transporter le rameau plongé dans l’alizarine en goutte suspendue, on assiste à un spectacle différent. Chaque individu est porteur d’un plus ou moins grand nombre de vacuoles colorées dispersées dans sa masse; j'en ai vu jusqu'à septà la fois, colorées de diverses teintes sen- sibles, ou jaunes; il peut y en avoir plusieurs roses et plusieurs Ps jaunes, si l'on a attendu assez longtemps; il y a rarement une vacuole orangée et il n’y en a jamais plus d'une à la fois, ce qui s'explique par la faible augmentation d’acidité nécessaire pour pas- ser de l’orangé au jaune. Cette grappe d'animaux à vacuoles bigarrées, avec le pied ramifié coloré, est réellement curieuse à voir. On peut conserver la préparation plusieurs jours à la chambre humide (ce qui vaut mieux que d’enduire de vaseline les bords de la cuvette), cependant, il m'a semblé qu'à la longue l'alizarine ingé- rée devient nuisible à l’animal : au bout de deux ou trois jours, en effet, un certain nombre d'individus, précisément ceux qui conte- naient le plus de vacuoles colorées, sont rétractés sur leur pied, arrondis en boule et colorés en violet rosé. [ls sont morts, tandis que d’autres individus du même rameau, ayant ingéré l’alizarine plus tardivement ou en moins grande quantité, ont encore un proto- plasma très clair avec quelques vacuoles roses et jaunes. Cepen- dant, la nocuité de l’alizarine est bien moindre pour ces espèces que celle du tournesol bleu, puisqu'elles donnent très facilement le jaune en partant du violet, tandis que je n'ai jamais pu y mettre en évidence la réaction acide avec le tournesol bleu qui amène, au contraire, la mort assez rapide des individus. Une observation patiente au microscope permet de voir le phé- nomène de l'ingestion et de suivre le sort d’une vacuole colorée ; il ne faut guère que 25 à 30 minutes pour qu'un grumeau d’alizarine ingéré avec la teinte du violet limite, devienne jaune dans une vacuole. Voilà une sécrétion d'acide très rapide, en comparaison de celle que nous avons observée chez les Rhizopodes. Ici, nous avons sous les yeux des grumeaux dont la couleur varie constam- ment avec une vitesse assez considérable : il est donc bien certain que c'est de l’alizarine, même si l’on n'a pas observé l'ingestion, car le virage progressif dans la zone sensible est aussi caractéris- tique que le virage brusque au violet par un excès d’ammoniaque. Comme nous l'avons fait pour les Amibes, nous pouvons nous assurer que l'eau extérieure est toujours ingérée en même temps que les aliments; pour cela, il suffit de préparer un rameau de Carchesium avec de l’alizarine à teinte sensible en goutte suspen- due dans une chambre fermée à la vaseline ; tout grumeau ingéré conserve environ une demi-minute la teinte de l’alizarine exté- = rieure, et cette teinte ne se modifie pas, si, brusquement, on rend violette l’alizarine extérieure par l'introduction d'ammoniaque dans la chambre. C’est donc bien l’eau extérieure qui remplit, au début, la vacuole d’ingestion, le fait est démontré expérimentalement. L'ingestion de l'eau extérieure que l'expérience précédente met hors de doute, a été niée par beaucoup d'observateurs, quoique depuis fort longtemps DusarDiN (2) l'ait admise comme la seule chose possible ; ila décrit le phénomène de l'ingestion par les Ciliès d'une façon saisissante et très caractéristique que je reproduis ici, car il est impossible de le raconter plus fidèlement : « Le courant produit dans le liquide (par le mouvement vibra- » tile) vient heurter incessamment le fond de la bouche qui est > occupé seulement par la substance gélatineuse vivante de l’inté- > rieur ; illa creuse en forme de sac ou de {ube fermé par en bas » et de plus en plus profond, dans lequel on distingue par le tour- > billon des molécules colorantes le remous que le liquide forme au > fond. Les particules s'accumulent ainsi visiblement au fond de ce > tube, sans que l'on puisse voir en cela autre chose que le résul- » tat physique de l'action même du remous. En même temps que > le tube se creuse de plus en plus, ses parois formées, non par » une membrane, mais par la substance glutineuse seule, tendent > sans cesse à se rapprocher en raison de la viscosité de cette > substance et de la pression des parties voisines; enfin, elles >» finissent par se rapprocher tout à fait et se soudent vers le milieu » de la longueur du tube, en interceptant toute la cavité du fond » sous la forme d'une vesicule remplie d'eau el de matières colo- » ranltes. C’est une véritable vacuole, une cavité creusée dans une » substance homogène , mais puisqu'elle renferme les aliments » entrés par la bouche, et que ses parois, formées d’une substance > vivante, ont la faculté de digérer le contenu, on peut, si l’on » veut, la nommer estomac. » À part cette erreur, que la digestion des matières ingérées est faite par le contact des parois protoplasmiques, cette description est aussi satisfaisante que possible. Revenons à notre préparation ; l’eau extérieure est ingérée con- tenant généralement des bactéries en même temps que l'alizarine, mais il arrive assez souvent aussi que le grumeau coloré est ingéré seul, et dans ce cas, j’ai constaté que les variations d’alcalinité sont : HO — les mêmes; le grumeau devient jaune aussi vite qu’en présence de substances nutritives. Nous sommes en présence d'animaux bien plus compliqués que les Rhizopodes, et voilà néanmoins deux conclusions communes aux deux groupes : 1° L'eau extérieure est ingérée avec les matières solides. 2° Une sécrétion acide a lieu dans la vacuole, que celle-ci contienne ou ne contienne pas de substances nutritives. Nous trouvons une première différence dans la forme des vacuoles : chez les Rhizopodes, quels que fussent les changements de position de l'être, la vacuole d'ingestion présentait toujours un contour apparent circulaire; elle était sphérique, parce que la pression également exercée partout sur ses parois rencontrait de tous côtés une résistance identique; le protoplasma était homogène. Chez le Carchesium, pendant que la vacuole reste dans le voisinage du fond de l’æsophage elle n’est pas absolument sphérique. Son contour apparent, quand l’animal est vu de profil est une ellipse peu allongée mais ayant cependant nettement comme grand axe le prolongement de celui de l'entonnoir œsophagique; au contraire, au bout de quelque temps, quand la vacuole s’est éloignée du fond de l’œæso- phage, elle est bien nettement sphérique jusqu’à ce que ses bords deviennent peu apparents. Cette remarque, appuyée du fait que plusieurs vacuoles formées à peu d'intervalle sont disposées en file par rang d'ancienneté à partir du fond de l’œsophage, tend à faire croire que dans cette région le protoplasma n’est pas une substance homogène, mais qu’il a subi une différenciation puisqu'il ne présente pas les mêmes pro- priétés dans toutes les directions. Les vacuoles semblent d’ailleurs chez les Carchesium assujetties nr — à parcourir un certain trajet déterminé dans l’intérieur du corps, etiln’arrive jamais de les voir rejeter accidentellement au bout de très peu de temps comme cela avait lieu chez les Amibes. Nous reviendrons sur ce phénomène et sur celui de l'éjection après avoir parcouru la série des Ciliés chez lesquels il y a cer- taines différences importantes à signaler dans les phénomènes de digestion. J'ai fait des observations sur un grand nombre de Péritriches. L'Epislylis, qui est un Péritriche colonial comme le Carchesium, mais qui en diffère par la non rétractilité des pédoncules, est encore bien plus remarquable que le précédent par les phénomènes de pléthore. Le corps de certains individus est tellement rempli de vacuoles digestives qu'il devient presque complètement opaque. On se demande comment cet animal qui continue à faire tourbillonner l’eau avec ses cils (probablement plutôt pour sa respiration que pour sa nutrition) pourrait ingérer de nouveaux aliments. Les observations que j'ai relatées plus haut font comprendre que la présence d’une grande quantité de vacuoles s'oppose à de nouvelles ingestions ; en effet, une vacuole nouvellement formée doit suivre, au moins dans les premiers temps, un parcours déterminé; s’il y a un trop grand nombre de vacuoles, il y a encombrement, et, la dernière vacuole formée restant trop près de l'æsophage, le {ube de DusaRDIN ne peut plus acquérir une longueur suffisante, et par conséquent pas isoler sa partie profonde. Il est à remarquer que, chez l’Æpistylis, les vacuoles récentes sont moins allongées que celles du Carchesium. Dans tous les cas, la pléthore, beaucoup plus fréquente chez l'Æpistylis, fait de cette dernière espèce un type moins bon pour l'étude de la digestion. En partant de l’alizarine violette, on obtient avec cette espèce facilement la teinte rose mais rarement la teinte jaune ; la sécrétion acide y est certainement moins intense que chez le Carchesium. Son intensité est variable chez les Vorticelles. La V. convallaria et la V. microstoma donnent une coloration jaune à l’alizarine vio- lette, à peu près aussi vite que le Carchesium. Il n'en est pas de même de la V. nebulifera chez laquelle je n’a jamais pu voir de = 99 — vacuole jaune en partant du violet; l'animal meurt au bout d'un à deux jours n’ayant eu que des vacuoles roses. Chez les espèces où cette particularité se présente, on pourrait croire que la sécrétion acide dans la vacuole cesse dès que son contenu est devenu trop peu alcalin, c'est-à-dire que de l’eau non alcaline n’excite plus la sécrétion. Je me suis facilement assuré que ce n’est pas vrai, en nourrissant ces animaux avec de l’alizarine teinte 4: dans ces conditions, j'ai obtenu des vacuoles jaunes, ce qui prouve que le contenu de la vacuole peut devenir effectivement acide , il faut donc attribuer le résultat obtenu en partant du violet à la lenteur de la sécrétion qui permet à l’alizarine ingérée de tuer l'animal avant d’avoir dépassé la neutralité. J'ai été conduit à adopter pour l'exposition des phénomènes observés dans la série, la classification des Infusoires en Cities à tourbillon et Ciliés capteurs proposée par M. Maupas (36). Les Cilies à tourbillon sont ceux qui, comme les Vorticelliens, produisent au moyen de leurs cils un mouvement de l'eau voisine de leur extrémité orale, et obtiennent ainsi deux résultats, celui de renouveler l'eau autour d'eux et d'assurer ainsi leur respiration, et celui d’ingérer comme nous l'avons expliqué plus haut les matières solides suspendues dans le liquide. On conçoit facilement que ce mode d'existence soit le seul possible pour les espèces fixes, et, en effet, toutes les espèces fixes l'emploient, mais il y a aussi des espèces mobiles dans cette catégorie. Parmi les espèces fixes autres que les Vorticelliens, nous trouvons les Stentors, qui, s'ils se meuvent quelquefois à travers le liquide, vivent en réalité presque toujours collés aux parois des vases, et, préparés en goutte suspendue, prennent généralement au bout de peu de temps un point d'attache pour pouvoir étendre leur long corps tubulaire. C’est surtout le Stentor Ræselii qui se fixe rapide- ment en goutte suspendue; grâce à cette particularité, on peut facilement observer l'ingestion et étudier le contenu des vacuoles. On peut ainsi compléter les résultats déjà donnés chez ces êtres par le tournesol et voir que la diminution d'alcalinité dans les vacuoles est progressive et due à une sécrétion ; le S{. polymorphus et le St. cœrulœus ingèrent moins bien l’alizarine que le tournesol el en semblent d'ailleurs incommodés. Les changements de couleur de l’alizarine, qu'il est nécessaire de 20 NU — suivre quand on ne se propose pas seulement de constater l’exis- tence d'une sécrétion acide, sont bien plus difficiles à observer chez les Ciliés mobiles. J'ai constaté l'existence d'une sécrétion acide chez tous les Giliés mobiles à tourbillon que j'ai étudiés, en examinant en goutte suspendue ces animaux mis au préalable en présence d'alizarine violette ; j’en ai toujours vu traverser le champ porteurs d’une ou plusieurs vacuoles roses, ce qui suffit à la démonstration. Mais pour me rendre compte de la rapidité de la sécrétion chez les différentes espèces, j'ai dû isoler en goutte suspendue un'individu de chacune d'elles, ce qui n’est possible que pour les espèces de forte taille visibles à l'œil nu. L'animal isolé, 1l est facile de se rendre compte du temps nécessaire pour que l’alizarine ingérée passe d'une teinte à une autre. Chez le Paramecium bursaria, 1 faut environ une heure pour qu'un grumeau violet limite devienne jaune ; il faut un peu moins de temps chez le P. aurelia, mais il en faut beaucoup plus, trois heures environ, chez le Colpoda cuculilus. [l est très difficile d'observer la sécrétion acide chez le Spirostomum ambiguum, quoique cette sécrétion soit très rapide (environ trois quarts d'heure pour passer du violet au jaune); mais ces animaux portent très peu de vacuoles même dans un milieu très nutritif, et dans un bain d’alizarine violette il faut en observer un très grand nombre pour en trouver un qui possède une vacuole colorée. Ces animaux se colorent uniformément d'une teinte violette légère, sans paraître en souffrir; j'ai pu en conserver plusieurs jours dans cet état. Je n'ai jamais suivi le sort d'une vacuole chez le S/rombidium sulcatum et les ÆEuploles ; j'ai simplement constaté chez ces Infu- soires l'existence d’une sécrétion acide. ILest encore nécessaire d'examiner longuement les vacuoles roses pour savoir si la sécrétion acide se produit en dehors du cas de la présence de matières nutritives. Chez les animaux sédentaires celte étude est facile ; pour ceux qui se meuvent rapidement, il faut em- ployer des dispositions particulières. Si l'animal est assez gros, on le place sur un porte-objet dans une goutte d'eau suffisante pour = — qu'il ne soit pas écrasé par une lamelle posée avec précaution ; puis on aspire une partie de cette eau avec un morceau de papier buvard, et on arrive tout doucement à aplatir l'animal et à ralentir suffisamment son mouvement sans le tuer. On peut ainsi observer à un fort grossissement les vacuoles de l'animal vivant. Quand on ne tient pas à réaliser cette dernière condition, ou quand on a affaire à un Infusoire de petites dimensions, il est plus simple de tuer brus- quement l'animal en exposant un instant la goutte à des vapeurs d'acide osmique, et de recouvrir ensuite d'une lamelle avec précau- tion. L’acide osmique qui se dissout en très faible quantité dans la goutte, ne modifie pas la couleur de l’alizarine extérieure, et l’on peut tout à son aise observer le contenu des vacuoles roses. Chez toutes les espèces précédentes, j'ai constaté que la sécrétion acide a lieu même quand la vacuole ne contient pas de matière nutritive, et toujours avec la même rapidité. On ne peut donc attri- buer aux Infusoires à tourbillon, une sélection particulière, pour sécrèter ou ne pas sécréter d'acide dans les vacuoles qui con- tiennent ou ne contiennent pas d’aliment. Quant à l'ingestion, je crois pouvoir affirmer qu'elle se fait égale- ment sans choix; souvent, à la vérité, on voit chez un Paramecium, un Stenlor, une Vorticella, toutes les vacuoles du corps contenir des bactéries, des diatomées ou des morceaux d’oscillaire, mais il faut remarquer qu'alors, le milieu liquide dans lequel vivent ces animaux ne contient pas en suspension d’autres espèces d'éléments solides que celles dont nous voyons des échantillons dans les vacuoles ; introduisons dans ce milieu des grains de tournesol, des grumeaux d'alizarine sulfoconjuguée, ou des globules gras, nous constatons immédiatement l’ingestion de ces diverses matières, pêle-mêle ou isolément dans des vacuoles nouvelles. J'insiste sur ces remarques pour montrer que l'on ne doit pas donner une valeur absolue aux classifications faites au point de vue des aliments chez les Infusoires à tourbillon, et considérer les uns comme des herbivores, les autres comme omnivores, les autres comme carnassiers. Il est hors de doute, d’après les expériences de M. Maupas (38), que les différentes espèces se développent mieux et plus vite dans des milieux contenant certaines algues ou certains animaux, et que telle nourriture est plus profitable à telle espèce d’Infusoire. Mais, = — cela n'empêche pas les animaux de cette espèce d’ingérer des maté- riaux de nature différente quand il s’en trouve dans le liquide où ils vivent. Par exemple, tout le monde sait avec quelle voracité les Paramécies, considérées à un point de vue général comme herbivores par M. Maupas, ingèrent les globules du lait. Il n’en est pas de même des Infusoires classés par M. Maupas dans le groupe des Capteurs, qu'il décrit ainsi qu'il suit : « La bouche est presque toujours dépourvue d'appendices vibra- » tiles spéciaux, et quand il en existe ils ne jouent qu'un rôle acces- » soire ; ils sont remplacés souvent par des appareils de préhension » de natures diverses tels que les lèvres mobiles et prenantes des > Ophryogiènes, des Glaucomes, des Leucophrys, ou bien les » armatures dentaires en nasse des Chilodon, des Nassules et des > Prorodon, tantôt par des armes de projection (trichocystes) » servant à immobiliser les proies qui sont ensuite englouties par » dilatation de la bouche... Lorsqu'il leur arrive de rencontrer » une proie ou un objet quelconque, ils le saisissent, l’avalent rapi- >» dement et reprennent leur course. » J’ai eu occasion d'observer des Glaucomes, des Prorodon, des Nassules et des Coleps. Contrairement à ce qui se passe chez les Infusoires à tourbillon quand ils sont mobiles, on peut ici observer souvent l'ingestion, car l'animal s'arrête pour manger ; on peut ainsi assister à une véritable préhension des aliments. Mais les animaux de ce groupe avalent très rarement la nourriture qu'on leur présente quand elle ne leur plaît pas, c'est ainsi qu'il est difficile de leur faire avaler l’alizarine sulfoconjuguée. J'ai néanmoins pu vérifier l'existence d'une sécré- tion acide chez les quatre genres que j'ai étudiés. Les vacuoles du Coleps hirtus sont d’ailleurs le siège d'une formation d'acide très prononcée ; l’alizarine violette y devient jaune en une demi- heure. En tuant brusquement à l’acide osmique les animaux porteurs de vacuoles roses et les examinant à un fort grossissement, je n'ai jamais vu que les grumeaux d’alizarine sulfoconjuguée aient été ingérés seuls. Dans toutes les vacuoles qui en contenaient il y avait en outre soit une diatomée, soit un morceau d'oscillaire, soit un 7 Flagellate, et, dans tous les cas, que l’aliment concomitant fût de nature animale ou végétale, le virage au rose ou au jaune de la matière colorante prouvait l'existence d'une sécrétion acide. Pas plus que les animaux moins élevés en organisation étudiés jusqu'à présent, les Capteurs ne jouisseñt donc de la proprièté de digérer les aliments de diverses natures dans des milieux de réaction diffé- :ente. Puisque je n’ai jamais vu l’alizarine seule dans une vacuole, je suis en droit de conclure que l’ingestion chez les Capteurs est régie par une certaine sélection. Voici la première fois que nous constatons un phénomème de ce genre, qui indique une organisa- tion plus élevée. Une matière non nutritive n’est pas ingèrée seule : mais cette observation n'est pas du même genre que celie de M. GREENWOOD (32), qui a émis l'idée qu'une matière non nutritive ingérée seule ne détermine pas de sécrétion chez un Rhizopode. Au contraire, dans tous les cas où nous avons pu le constater, nous avons remarqué, chez tous les Protozoaires, qu'une matière quel- conque, ingérée dans une vacuole, détermine dans cette vacuole une production d'acide. Chezles Capteurs, la classification en Herbivores, Omnivores et Carnassiers sera possible, puisque nous avons constaté que ces animaux choisissent leur nourriture. La présence d’un anus fixe chez les Infusoires ciliés, fait de l'éjection, chez ces animaux, un phénomène moins simple que chez les Amibes. Les travaux de MM. BürscuLi, BALBIANI et FABRE DOoMERGUE ont montré, à ce propos, une grande complexité d'orga- nisation chez les Ciliés : « Chez les Oxytriches, les bols alimentaires se rapprochent peu à peu de l’anus pour être expulsés au dehors à un moment donné. Chez le Didinium nasulum, le bol alimentaire suit un trajet toujours le même etse rapproche peu à peu de l'anus. M. BALBIANI, qui à fait cette observation, n’a pu déceler de parois au tube digestif ainsi tracé. » (35). Nous avons décrit une différenciation partielle du même genre, manifestée par l'allongement des vacuoles récentes chez les Péri- triches. Dans tous les cas, l'éjection n’est plus ici un phénomène de RE De: Di de, ED — hasard comme chez les Rhizopodes et ne peut avoir lieu qu'après un séjour minimum assez considérable de l'aliment dans le corps de l'animal; il y a ici une véritable deéfécation, dans laquelle M. FABRE DOMERGUE ne voit qu'un processus dû simplement à un stimulus produit par le contenu desvacuoles sur le Protoplasma. Jusqu'à présent, nous nous sommes occupés d'Infusoires vivant librement dans l’eau. Je n’ai jamais pu déceler nettement les phéno- mènes de sécrétion dans les vacuoles digestives chez un Infusoire parasite, le Nyclotherus cordiformis, qui vit en troupes nombreuses dans les mucosités du rectum de la grenouille, en compagnie de l'Opalina ranarum, espèce sans bouche. Les Nyctotherus etles Opalina vivent bien pendant deux ou trois : jours quand on dilue dans de l’eau le contenu du rectum de la gre- nouille. Leur mouvement ciliaire n’est pas ralenti, et cependant, il est impossible dans ces conditions de faire avaler au Nyciotherus des grumeaux d’alizarine ou des grains de tournesol. Si on remplace l'eau par du bouillon de grenouille concentré, fait à chaud, il n'y a pas non plus ingestion ; dans le bouillon fait à froid additionné de tournesol bleu, j'ai puisé certains individus con- tenant des corps qui ressemblaient beaucoup à du tournesol rougi ; une addition d’ammoniaque à la préparation ne ramenait pas au bleu ces corpuscules brun rouge. Enfin, j'ai injecté dans le rectum d'une grenouille vivante du tournesol ou de l’alizarine ; le lendemain de l'injection du tournesol, je trouvais dans le rectum, des Nyclolherus portant des corpuseules brun rouge dans des vacuoles à contenu gras ; une addition d’am- moniaque ne donnait pas de virage bleu et je n'avais pas pu obser- ver l'ingestion. Le lendemain de l'injection d’alizarine, je trou- vais des individus porteurs de vacuoles roses et même jaunes, qui, évidemment, contenaient de l’alizarine, mais il était impossible de savoir avec quelle teinte ces grumeaux avaient été ingérés, puisque dans la masse glaireuse (rès peu fluide où grouillaient les Nyclolhe- rus, on voyait des grumeaux d’alizarine de toutes les couleurs, du violet jusqu'au jaune. Toutes ces couleurs persistaient si l'on ajou- tait de l’'ammoniaque à la préparation , il est donc probable que cette = 30p —… matière visqueuse ne se laisse pas pénétrer par ce réaetif, ce qui expliquerait le résultat négatif obtenu avec le tournesol. Cette espèce échappe par conséquent à nos procédés d'investi- gation ordinaires ; une chose intéressante facile à constater, c'est que le Nyclotherus ingère directement la matière visqueuse dans laquelle il vit, absolument comme les Infusoires libres ingèrent l'eau, et dans les vacuoles, cette matière glaireuse vient en contact direct avec le protoplasma comme l’eau ingérée chez les autres espèces. Quand on transporte des Nyclotherus dans l’eau, ils n'y ingèrent plus rien ; jamais on n'y trouve une vacuole contenant un aliment quelconque entouré d’eau. C'est donc seulement pour les espèces libres que nous pouvons poser ici les conclusions suivantes : 1° Chez tous les Infusoires étudiés, les matières solides ingérées sont toujours accompagnées dans la vacuole d’in- gestion d’une certaine quantité de l’eau extérieure. . 2° Les Infusoires à tourbillon ingèrent indistinctement toutes les matières solides existant en suspension dans le liquide où ils vivent. [’ingestion est limitée par une sorte de pléthore qui, dans certains cas, semble s'opposer méca- niquement à la formation de nouvelles vacuoles. Les Infusoires capteurs semblent au contraire faire un choix dans leur ingestion ; ils n’avalent de substance non nutritive qu'avec une matière alimentaire quelconque, à laquelle la première était peut-être adhérente. 3 Dans lous les cas, chez lous les Infusoires étudiés, la vacuole digestive est le siège d’une sécrétion acide qui SEND — neutralise d’abord l’alcalinité de l’eau ingérée et qui conti- nue quand la neutralité est atteinte, de façon à donner au contenu de la vacuole une acidité effective. Cette sécré- tion acide se manifeste avec la même intensité dans Les vacuoles contenant des matières solides animales, végé- tales ou minérales. * *X *X 4° Il y a des différences très considérables dans la rapi- dilé de la sécrétion de l’acide chez les diverses espèces, et dans la nocuité pour chacune d’elles des substances chimiques ingérées, ce qui paraît indiquer l’existence de différences notables dans la constitution des protoplasmas. Chez toutes Les espèces pour lesquelles le tournesol nous a donné des résultats, on peut ajouter que l’acide sécrété semble le même et que c’est un acide fort. * %X *% 9° La vacuole d’ingestion n’est pas toujours sphérique , mais s’allonge quelquefois dans le prolongement de l’en- tonnoir œsophagique. * *k *# 6° Il est possible d’établir dans la série des [nfusoires un ordre de complexité croissante d'organisation, d’après l’in- gestion, et d’après le séjour et le parcours de la vacuole dans l’organisme, jusqu’à la défécation. Le fait général chez les Rhizopodes et les Infusoires, de l'inges- lion de l’eau dans une vacuole et de la sécrétion d’un acide dans PM cette vacuole, est très remarquable; en effet, au moins chez les Rhizopodes, la vacuole est une simple cavité creusée dans la masse du protoplasma, et qui doit sa forme sphérique à la tension super- ficielle au contact de cette substance et de l’eau. Or, le protoplasma est alcalin. Il est donc très curieux de voir une eau primitivement alcaline le devenir de moins en moins, puis même acquérir une réaction acide caractérisée par le simple contact du protoplasma qui borde la vacuole. Comme ce phénomène se passe dans une vacuole quelconque, creusée à un endroit quelconque du proto- plasma, au moins chez les Rhizopodes, on ne peut y voir uue pro- priété locale, et le phénomène ne peut s'expliquer que par une dialyse. Rien n'empêche de concevoir dans le protoplasma alcalin la présence d'un sel quelconque, ayant comme les sels en général un acide beaucoup plus rapidement difusible que la base. La paroi de la vacuole, formée simplement d'une surface protoplasmique nue au contact de l’eau sert de membrane dialysante, et dans ces conditions une vacuole creusée en un point quelconque du protoplasma est le siège d’une sécrétion acide. Ceci explique parfaitement que tout se passe de la même façon, que la vacuole contienne une matière solide animale, végétale ou minérale, pourvu qu’elle soit pleine d’eau, puisque c’est le seul contact de l’eau avec le protoplasma bordant la vacuole qui détermine la dialyse. Cette dialyse qui se fait dans la vacuole n’a pas lieu à la surface extérieure du Rhizopode, ce qui est facile à expliquer, car la vacuole de dimensions toul à fait capillaires présente des conditions de diffusibilité très spéciales comme nous le prouveront tout à l'heure plusieurs phénomènes. Il ne faut pas s'étonner non plus si des Infusoires vivant dans un milieu gras ou glaireux comme les Nyctotherus, et ayant dans leurs vacuoles, au lieu d'eau, cette matière visqueuse en contact direct avec le protoplasma, présentent des phénomènes de dialyse diffé- ren{s. Maintenant que nous avons constaté la réaction acide de la sécré- tion des vacuoles, nous allons chercher à obtenir sur cette sécrétion d'autres renseignements par l'étude des phénomènes de digestion que l’on peut y observer chez les Protozoaires, soit de leurs aliments naturels soit de substances nouvelles expérimentalement introduites dans les infusions. II. — MODIFICATIONS GÉNÉRALES DES SUBSTANCES INGÉRÉES PAR LES PROTOZOAIRES. Je vais passer en revue séparément les phénomènes de digestion chez les Amibes et chez les Infusoires ciliés; dans chaque groupe, je commencerai par l'examen des résultats d'observation pure, puis j'exposerai ceux de la nutrition artificielle. A. — Amibes. Plusieurs observateurs ont décrit l’ingestion par des Amibes de matière protoplasmique dépourvue de membrane de cellulose. J'ai déjà cité le cas rapporté par Lerny (20). « Un Urocentrum imgéré » complètement fut d'abord visible dans une vacuole et reconnais- > sable par ses caractères de structure ; au bout de quelque temps, » toute trace d'individualité avait disparu. » CARTER (10) mentionne des cas analogues ; dans toutes ses obser- vations on le trouve préoccupé de l’idée que les Rhizopodes ont une volonté ; il décrit ainsi les mouvements raisonnés d'un Actinophrys privé de nourriture, qui guette, pour les dévorer, les spores de Pythium et de Spirogyra à leur sortie de la cellule mère. Il décrit d’une façon assez peu claire l'ingestion d'un jeune Acinétien par une Amibe ; il dit que l'Acinétien est divisé en deux et que chaque partie est entourée par une vacuole, mais il semble ressortir de sa descrip- tion que cette division a suivi l’ingestion, et qu'il s’est alors formé deux vacuoles, et cela est contraire à toutes mes observations. Au contraire, WALLICH (1 1) qui accorde également aux Rhizopodes un instinct fort développé et ne voit qu’un accident dans la présence des corps inorganiques à l'intérieur de leur protoplasma, a vu une Amibe déchirer d'avance un‘grand Actinophrys et en ingérer sépa- rément les divers fragments. Dans l’infusion de débris exotiques dont j'ai parlé plus haut, exis- taient une grande quantité de petits Acinêtiens et j'ai à rapporter trois observations d’ingestion de ces êtres par l’Amibe étudiée. Deux fois j'ai pu suivre dans la vacuole alimentaire la déformation du —38— corps ingéré dont les contours sont restés assez nets près de deux heures ; puis, les bords de la vacuole devinrent moins visibles, en même temps que son contenu prenait une apparence plus homogène , si bien qu'ayant interrompu l'observation dans le premier cas, je ue pus retrouver l'Acinétien. En observant sans interruption j'ai dû, au bout d'environ cinq heures, renoncer à suivre le sort de la vacuole car ses bords étaient très effacés et d’ailleurs son contenu ne se distinguait pas facilement du protoplasma. La poursuite de l'observation eût été possible si l'être protoplasmique ingéré avait lui-même été porteur de vacuoles contenant des matières insolubles, ce qui n'a jamais lieu chez les Acinétiens. Je n'ai jamais eu l'occasion de voir les Amibes engloutir des Ciliés ou des Flagellates : je ne puis donc pas affirmer qu'il n'y a pas à un moment donné expulsion d’une partie réliquate quelconque, mais il me semble possible que cela n'ait pas lieu. Nous avons vu, en effet, que non seulement la réfran- gibilité, mais encore la tension superficielle du liquide de la vacuole se modifient profondément, et que par conséquent à un moment donné il peut y avoir mélange de son contenu avec le protoplasma ambiant quand la tension au contact des deux substances devient nulle. Dans tous les cas, ce qui nous intéresse actuellement, nous constatons une transformalion évidente de l'être ingéré, transfor- mation qui ne peut être attribuée à un acide agissant seul. Les Prolococcus verts deviennent bruns quelque temps après l'ingestion, sans que l’on puisse constater aucune modification dans leur forme extérieure : ils conservent celte coloration brune jusqu'à leur éjection. Cette modification de la chlorophylle a été déjà cons- tatée par Leipy qui a vu une diatomée ingérée verte devenir brune dans les vacuoles d'un Dinamoeba mirabilis. Elle ne donne d’ail- leurs aucune indication nouvelle sur la nature de la sécrétion dans la vacuole, car la coloration brune de la chlorophylle s'explique par la simple action d'un acide. Mais l'observation de l’ingestion d’une diatomée m'a donné un autre résultat plus intéressant. Le corps de la diatomée s’éclaircit, pendant que le liquide environnant s’épaissit et que les bords de la vacuole deviennent moins nets. Le phènomène se termine par l'expulsion de la coque siliceuse vide non modifiée. Voici encore une digestion du protoplasma par le liquide de la vacuole, lequel, pénétrant dans la diatomée, a dissous son contenu. re — Sauf quant au mode d’ingestion, je rapproche cette observation de celle de HAECKEL (12): « Un Prologenes primordialhs prit un » Ceralium vivant et l’entoura complètement: le lendemain, la > coquille du Ceratium était vide, le Rhizopode, sphérique, rempli > d’une substance granuleuse sombre restait à quelque distance de » cette coquille. » L M. GREENWO00OD (32) a observé des phénomènes du même genre: « La sécrétion n’est probablement pas acide ; elle ne peut apparem- > ment pas agir sur les membranes de cellulose, mais, par diffusion » à travers la tunique d'organismes inclus, elle agit sur le proto- > plasma contenu dans cette tunique. » La manière dont la diatomée dont je parlais plus haut est rejetée, est très remarquable. Elle est abandonnée lentement pendant la reptation de l'Amibe, comme si elle restait adhérente au corps solide sur lequel rampe l'animal, et elle paraît d’abord entourée d’une sphère visqueuse qui disparaît bientôt. Il me semble probable que cette sphère glutineuse se compose des substances de la vacuole qui sont restées le plus adhérentes à la coquille, et qu'avant cette expulsion, une partie des substances dissoutes a pu être diffusée dans le corps protoplasmique. Quant à la cellulose, il est bien difficile de constater chez elle une modification quelconque, et presque tous les observateurs sont d'avis qu'elle n’est pas attaquée dans la vacuole digestive; une observation très longue ferait peut-être découvrir des modifications, car M. METCHNIKOFF a vu des bactéries disparaître complètement dans le corps des leucocytes ; le protoplasma était d’abord attaqué, puis la membrane se déformait, et le contour de la bactérie finissait par s’effacer complètement. Des expériences de nutrition artificielle des Rhizopodes ont déjà été faites par plusieurs expérimentateurs, principalement avec des grains d'amidon et des globules gras. M. MEIssNER (34) a vu que l’amidon ingéré reste inattaqué ; M. GR£ENWOOD (32), dit dans la conclusion de son premier mémoire, que : « la formation de la > sécrétion n'est pas déterminée par les corps tels que les grains » d’amidon, qui semblent sans usage pour la nourriture. » J'ai facilement démontré que la première partie de cette affirmation n'est pas acceptable, en ajoutant à l'infusion d’Amibes une goutte de solu- tion d’alizariue violette, tenant en suspension des grains d'amidon EE — de riz. Les vacuoles digestives contiennent au bout de peu de temps des groupes de 4 à 5 grains d'amidon baignés dans un liquide qui devient rapidement rose. Quant aux grains d'amidon eux-mêmes, je n'ai jamais pu constater la moindre déformation de leurs bords, et d’ailleurs, à n'importe quel moment. l'addition d’eau iodée au bord de la préparation colore ces grains en bleu violet, au milieu de l'Amibe qui devient d’un jaune brun. Il me semble donc que ces grains ne subissent aucune modifi- cation dans les vacuoles des Amibes; mais cette expérience est intéressante par un autre côté: d'abord elle montre que les Rhizo- podes absorbent en très grande abondance des matières qui semblent sans usage pour leur nourriture, par le seul fait que leur forme en rend l'ingestion facile, ensuite elle permet d’observer aussi souvent que l'on veut le phénomène de l'ingestion ; les pseu- dopodes s'étendent vers un groupe de quelques grains d’amidon qui semblent s’enfoncer par eux-mêmes dans l’Amibe marchant vers eux, puis, brusquement il y a anastomose des pseudopodes et l'on voit les grains dans une vacuole sphérique ; j'insiste sur ce phénomène que j'ai déjà décrit, car il est très important ; la formation brusque de cette vacuole dès qu'il y a anastomose des pseudopodes, dépend évidemment de la valeur de la tension superficielle au contact du protoplasma et de l'eau. Pour les globules gras, MM. MEIssNER et GREENWOOD ont obtenu également des résultats négatifs; cependant, M. GREENwooD dit que ces corps subissent peut-être un commencement de modification chez l'Achinospherium. Quoique cette nourriture ne soit pas habi- tuelle aux Rhizopodes, il est très important de savoir si la sécrétion acide a lieu dans une vacuole qui en contient. car un alcali peut agir tout seul sur elle. En refaisant l'expérience par l’alizarine comme nons l'avons fait pour l'amidon, avec une goutte de lait, nons voyons que la sécrétion acide a lieu. Mais il est essentiel de remarquer que dans la vacuole les globules gras sont groupés par 4 ou 5, au milieu d'une goutle d'eau, ot que par conséquent le liquide en contact avec le protoplasma bordant la vacuole, est de l’eau et non une substance grasse, ce qui différencie ce cas de celui du Nyctotherus. Dans tous les cas, les Amibes n'ont pas, comme les animaux supé- rieurs, la propriété de sécréter un liquide alcalin autour des aliments de nature grasse. = 906 — Les observations précédentes nous démontrent donc que : 1° Les Rhizopodes étudiés, transforment profondément dans leurs vacuoles le protoplasma d’origine animale ou végétale. 2° Ils transforment la chlorophylle en une substance brune; mais leur action sur la cellulose, si elle existe, est trop lente pour être observée facilement. 3° Ils semblent n'avoir aucune action sur les grains d’amidon et les globules gras, quoiqu’ils les ingèrent en orande abondance, mais une sécrétion acide se fait autour de ces matières dans leurs vacuoles. B. — Infusoires ciliés. C’est un fait connu depuis longtemps que beaucoup d’Infusoires peuvent digérer des matières albuminoïdes. Parmi les observations récentes faites à ce sujet, je citerai celles de MM. Mrissner et FABRE-DOMERGUE. M. MEISSNER (34) se contente de constater que l’albumine ani- male ou végétale est facilement absorbée par les Infusoires. M. FABRE-DOMERGUE (35) donne une observation plus détaillée du phénomène : « A peine la proie est-elle tuée que la digestion > commence, et l'on voit peu à pou la masse du corps prendre, sous 1 C7 > l’action des liquides digestifs qui l'imbibent, une coloration grise » et une opacité caractéristique. Les parois de la vacuole alimentaire » se resserrent progressivement sur le bol qu’elles contiennent et, » au moment de la défécation, celui-ci se trouve réduit à plus d’un > dixième du volume primitif et composé de granules réunis par un magma muqueux et filant. » 2 J'ai fait moi-même plusieurs observations d’ingestion d'Infusoires par des Infusoires: le type le plus commode pour cette étude est le Stentor Rœæseli, car sa transparence et sa fixité permettent de suivre facilement chez lui le sort d'une vacuole: de plus, il ingère souvent des Flagellés ou des Ciliés. Dans le cas de l'ingestion d'une proie dépourvue de matières solides internes, il est très difficile de suivre jusqu'au bout le sort de la vacuole, car ses bords deviennent rapidement peu distincts, quoique jamais autant que chez les Rhizopodes. Mais le plus sou- vent, j'ai vu l'animal ingérer des proies dont les vacuoles conte- naient des débris de bactéries ou de diatomées : la forme spéciale de ces débris permet toujours de reconnaître la vacuole, même après une interruption dans l'observation, et de suivre son sort jusqu’à la défécation. J'ai vu, dans ces conditions, le Séentor rejeter une masse globuleuse, petite, contenant les débris alimentaires qui existaient dans les vacuoles de la proie. Je pense que ce sont les granules de M. FABRE-DOMERGUE. Dans tous les cas, cetle masse globuleuse muqueuse avait des bords moins nets avant qu'après l'éjection, et son volume était inférieur à celui de la vacuole initiale. J'ai également vu plusieurs fois des Infusoires chasseurs rejeter de semblables petites masses visqueuses contenant des débris orga- niques, et quoique n'ayant jamais pu suivre le sort d'une vacuole chez ces êtres rapides, je crois pouvoir conclure, par analogie, que ces petites sphères de dimensions exiguës sont l'excrément prove- nant de l'ingestion d’un Protozoaire. La chlorophylle d’une diatomée verte devient rapidement brune dans une vacuole de Paramecium, de même. les Prolococcus ingérés par des Infusoires sont rejetés avec une coloration brune. J'ai déjà fait remarquer, à propos des Rhizopodes, que cette modi- fication de la chlorophylle ne donne aucune nouvelle indication sur — 308 — la nature de la sécrétion dans les vacuoles, puisqu'elle s'explique par la seule production d'acide. M. FABRE-DOMERGUE (35) n'admet pas cette modification qui m'a semblé très générale et considère la chlorophylle comme restant inattaquée dans les vacuoles des Infusoires : « La chlorophylle des » algues vertes, celle des diatomées également, ne subit guère de > modification : le protoplasma seul, qui se trouve en connexion > avec elle, est assimilé, et la chlorophylle est précipitée sous la > forme de globules werts qui sont rejetés sans altération au > dehors. » Je n’ai jamais constaté de cas semblable: j'ai vu des cellules vertes de Prolococcus rejetées sans avoir été modifiées, étant restées trop peu de temps dans la vacuole pour que l'acidité de celle-ci soit devenue suffisante : mais je n'ai jamais vu la chloro- phylle rester inattaquée, quand le protoplasma de la cellule verte était assimilé. Le même savant ajoute d’ailleurs : « Il n’en est pas de même de > la matière colorante vert bleuâtre des oscillaires ; STEIN (8) a > observé qu'elle passe du vert au bleu et du bleu au rouge ; à cette > phase, elle n’est point dissoute, mais rejetée sous forme de flo- > cons et de granulations très abondants. » Je crois le phénomène plus complexe que cela et je vais le prouver en exposant tout au long une observation que j'ai faite un grand nombre de fois sur des Glaucoma, des Nassules, des Amphileplus, etc. Dans la mare carrée du Jardin des Plantes où M. le Professeur Cornu a bien voulu m'autoriser à recueillir des débris végétaux, j'ai trouvé un très grand nombre d'espèces de Ciliés avec des oscil- laires et des diatomées. La plupart des individus que j'y ai puisés étaient bourrés de vacuoles appartenant à plusieurs types. Les unes contenaient un fragment d’oscillaire vert bleu dans une eau inco- lore ; d’autres un fragment d’oscillaire vert dans un liquide bleu clair ; d’autres un fragment d’oscillaire brun en liquide incolore ; enfin, d'autres se composaient d’une sphère brun rougeâtre lormée d'un amas de corps à forme assez indistincte; je ne parle pas de celles qui contenaient des diatomées toujours reconnaissables à leur enveloppe siliceuse inattaquée. Je me suis rendu compte de la signification de ces diverses appa- rences en observant l'ingestion d’un fragment d’oscillaire par un Stentor hyalin et en suivant le sort de la vacuole. DRE". EE Je décris d'abord le phénomène de l'ingestion. Le filament, entraîné par le courant du tourbillon œsophagien, vint se lancer avec force contre le fond du tube de DusarpN 2) et se trouva immédiatement inclus dans une vacuole à contours très nets, rem— plie d'une eau incolore. Chose curieuse, que j'ai observée souvent chez tous les Infusoires de cette mare, le filament ingéré était incurvé. quelquefois fortement, dans cette vacuole, et la déformait jusqu'à lui donner une forme ellipsoïdale irrégulière, due à l’équi- libre entre deux forces antagonistes, l’élasticité du fragment d’oscil- laire et la tension superficielle de la paroi. Si, interrompant à cet endroit l'observation, j'écrasais le corps de l'Infusoire, je voyais le filament se redresser, ce qui était une nouvelle preuve de l’exis- tence d’une tension non négligeable dans la vacuole. Je reprends ma première observation: très rapidement, l'eau incolore de la vacuole prend une belle coloration bleu clair, pen- dant que le fragment d'oscillaire devient vert; c’est la phycocya- nine de l’algue qui s'est répandue par diffusion dans le liquide de la vacuole, laissant la chlorophylle au protoplasma. Ceci nous prouve deux choses : 1° que chez les Cyanophycées, quoique non localisée dans des chromoleucites, la chlorophylle fait, bien plus que la phycocyanine, corps avec le protoplasma, et que celle-ci mérite bien, par conséquent, le nom de pigment surajouté ; 2° que, ce que j'ai avancé plus haut, les conditions de diffusion sont très particulières dans la vacuole d'ingestion, puisque la phycocyanine s'y sépare de l’oscillaire beaucoup plus vite que dans les conditions ordinaires. La vacuole reste dans cet état pendant un temps variable avec les espèces : environ une heure chez le Glaucoma ; puis, petit à petit, le liquide de la vacuole se décolore, pendant que la chlorophylle de l’algue brunit ; cette décoloration de la phycocyanine et cette modi- fication dans la couleur de la chlorophylle se manifestent lorsque l'acidité devient sensible dans la vacuole ; il faut, en effet, plus de temps pour cela que pour voir devenir jaune l’alizarine qui avait, au début, l’alcalinité du milieu extérieur. La chlorophylle continue à brunir et conserve définitivement une couleur brun rougeâtre : elle reste toujours cantonnée dans les cel- lules de l'oscillaire et ne diffuse jamais dans le milieu ambiant. Au bout d’un temps assez long, le filament d’oscillaire se dissocie 21 — 310 — par suite de la dissolution de la matière qui maintenait ses cellules adhérentes les unes aux autres. Maintenant, l’ensemble de toutes ces cellules forme une masse sphérique dans laquelle les contours de chacune d'elles conservent un grand nombre d'heures une grande netteté ; mais plus tard, les contours deviennent de moins en moins distincts, etiln'y a plus dans la vacuole qu'une sphère brune à peu près homogène au moment de la défécation. La chlorophylle n’a servi, pendant le phénomène, que de témoin à la sécrétion acide : elle est rejetée sans être absorbée. Ceci posé, je reviens à l'observation de STEIN rapportée par FABRE-DOMERGUE : « STEIN a observé qu'elle passe du vert au bleu.» Il faut plutôt dire que le pigment se dédouble en chlorophylle qui reste dans la cellule et en phycocyanine qui est diffusée dans la vacuole. « Puis du bleu au rouge. » Ceci ne me semble pas exact; le pigment bleu est décoloré, et c'est la chlorophylle pure, qui, sous l’action de l'acide secrété, devient brun rouge. Je considère donc comme bien établi que la chlorophylle subit une modification de couleur et n’est pas absorbée. De plus, dans l'observation précédente, nous avons constaté d'a- bord une digestion de la matière réunissant les cellules et l’oscil- laire, ensuite une déformation allant jusqu'à la disparition complète, des membranes cellulaires de cette algue. Ce résultat m’empêcke d'adopter la manière de voir de M. FABRE- DoMERGUE, qui considère la cellulose comme complètement inat- taquée : « J'ai nourri, dit cet observaleur , des Paramécies avec >» des Micrococcus prodigiosus, et j'ai toujours vu les bactériacées » sortir intactes de la vacuole alimentaire ; au contraire, la masse » muqueuse qui les entoure est digérée rapidement. » Je rapproche cette digestion du mucus zoogléaire,que j'ai d'ailleurs observée moi-même en colorant ce mucus, de celui de la dissolu- tion de la matière qui relie entre elles les cellules de l'oscillaire. Quant à la membrane même des bactéries, je crois qu'il faut une observation très longue pour affirmer qu’elle ne subit pas de modi- fication, car cette modification, si elle existe, doit être lente. Dans des Æpislylis bien nourris, présentant cette pléthore dont j'ai parlé, j'ai comparé le contenu des vacuoles à bords nets et celui des vieilles vacuoles ; ces vacuoles ne renferment généralement que des bactéries, et la netteté des contours de ces bactéries semble — 311 — différente dans les diverses vacuoles; mais l’opacité des masses bactériennes enlève toute précision à cette observation. J'ai au contraire observé des phénomènes très clairs de transformation dans un aquarium contenant des Stentors bleus, qui avait été envahi par une Sulfobactérie , le Thaocystis violacea de WiNoGRADsKY (1). Cette algue était devenue la seule nourriture des Infusoires du bocal ; chaque Slentor portait 10 à 12 vacuoles contenant chacune un assez grand nombre de ces Thiocystis, formant une masse sphé- rique au centre de la vacuole. Les plus récemment ingérés pré- sentaient au milieu d'une eau limpide la couleur vineuse caracté- ristique de cette plante, et chaque individu conservait ses contours très nets. On sait que cette sulfobactérie se présente généralement en groupes de quatre. Dans les vacuoles un peu plus anciennes, les contours de ce groupe carré restaient assez nets, mais les quatre individus devenaient de moins en moins distincts les uns des autres ; en même temps, la couleur devenait rose jaunâtre et se répandait dans tout le liquide de la vacuole. Enfin, dans d’autres vacuoles dont le contenu était encore plus jaune, non seulement les corps des quatre bactéries groupées avaient conflué, mais encore le contour extérieur du groupe devenait très peu net, à peine distinct, il finissait même par disparaître complètement. Le même phénomène se passait chez des Paramecium aurelia vivant dans le même bocal. Nous avons constaté deux faits : 1° le changement de couleur du pigment de l’algue, qui se diffuse petit à petit dans le liquide de la vacuole, phénomène qu’il est facile de reproduire én vitro avec des acides diluës et qui rentre par conséquent dans ceux dont l'expli- cation nous est devenue très facile ; 2° la digestion complète de la membrane d'enveloppe des sulfobactéries, phénomène bien plus important pour nous. Que la digestion du protoplasma intérieur ait lieu d’abord, par passage du liquide de la vacuole à travers la mem- brane cellulaire, comme le croient plusieurs auteurs pour toutes les cellules végétales, cela est fort probable, mais nous ne pouvons plus nier une action énergique quoique lente du liquide sécrèté sur (1) WinoGrapsKY, Beiträge zür Morphologie und Physiologie der Bacterien. — Leipzig, 1888. — 312 — les matières cellulosiques, puisque nous avons constaté des modifi- cations profondes dans la membrane cellulaire de l’oscillaire et du. Thiocystis. Les matières grasses ne sont pas l'aliment ordinaire des Iniu- soires vivant librement dans l’eau ; néanmoins, comme je l’ai déjà exposé pour les Rhizopodes, leur ingestion peut donner des indica- tions sur la nature de la sécrétion dans les vacuoles. M. Meissxer (34) a vu les globules d’une émulsion d'huile rester inattaqués dans le corps des Infusoires. M. FABRE-DOMERGUE (35) a également nourri des Paramécies avec du lait, et a constaté que ces êtres rejettent les globules gras sans modification apparente : néanmoins, il considère comme probable le dédoublement d'une partie de la graisse en acides gras et glycérine : « Je ne doute pas, ajoute-t-il, que l’on arrive à déceler une zone acide autour des bols » alimentaires graisseux. » J'ai, en effet, décelé cette zone acide, mais je ne la considère pas le moins du monde comme provenant d'un dédoublement de la graisse. J’ai nourri des Infusoires avec du lait étendu, additionné d’alizarine sulfoconjuguée, comme je Pai déjà décrit pour les Amibes, et j'ai obtenu le même résultat ; chaque vacuole contient 8 à 10 globules gras baignés dans an liquide aqueux dont la couleur varie peu à peu du violet au rose, absolument comme dans le cas d’un aliment quelconque ou d’alizarine ingérée seule. La marche de la réaction me fait conclure par analogie qu’elle est due à une sécrétion acide du protoplasma ambiant, et non à un dédoublement du corps gras dans un milieu alcalin. Au contraire, cette formation d’acide autour des globules gras semble diminuer les chances de digestion de ces globules, quoique ne ren- dant pas cette digestion complètement impossible. Dans tous les cas, je n’ai observé optiquement aucune modification dans la nature des globules ingérés et mon observation corrobore celles de MM. ME:rss- NER 6t FABRE-DOMERGUE. C'est sur les Paramécies que j'ai obtenu ce résultat, et il est excessivement remarquable chez ces animaux ; en effet, les Para- mécies ingèrent une telle quantité de ces globules gras qui leur semblent inuliles, qu'il n'y a peut-être pas de moyen plus pratique que le précédent pour montrer les modifications de l’alizarine dans les vacuoles. J'ai vu l’un de ces êtres contenir au bout d’une heure 27 vacuoles colorées de teintes intermédiaires entre le violet et le — 313 — rose. De même que chez les Amibes, la conformation et le poids de l'aliment semblent influer beaucoup plus sur l'ingestion que sa valeur nutritive; et il paraît que les globules du lait réalisent au plus haut point les conditions qui rendent l’ingestion facile ; cette observation corrobore par conséquent les raisons que nous avons déjà de considérer l’ingestion comme un simple phénomène phy- sique et non comme le résultat d’un acte volontaire. Les Stentors fournissent à ce que je viens d'avancer une preuve nouvelle ; car ils ingèrent en quantité considérable les globules de lait qui leur sont non seulement inutiles, mais même nuisibles ; ils meurent rapidement quand ils en ont ingéré beaucoup. Je répète que les résultats précédents sont applicables aux Infu- soires de l’eau seuls, et je mets à part le Nyctotherus chez lequel la vacuole est pleine de graisse. Il nous reste à étudier l’action du liquide des vacuoles sur l’ami- don. MM. MEeissner et FABRE-DOMERGUÉ se sont déjà occupés de cette question. M. MEIssNER a constaté que: « un grand nombre > d'Infusoires changent, quand toute nourriture leur est ôtée, » l’amidon ingéré en une substance qui rougit par l’iode, » et les figures de son mémoire montrent en effet des grains d'amidon teints en rose violet uniforme. J'ai étudié ces phénomènes chez le Stentor cœrulæus, le St. polymorphus et le Paramecium aurelia. Avec l'amidon de riz, même au bout de quatre à cinq jours, je n'ai pu constater aucune modification des grains; ces grains étant toujours en fort grand nombre dans une vacuole et les vacuoles étant très nombreuses, je répète, à ce propos, l'observation que je faisais tout à l'heure ; voilà des corps inutiles qui sont ingérés en très grande quantité proba- blement parce que leurs dimensions sont favorables, et cela est d'autant plus croyable que les grains d’amidon de riz ont, à très peu près, en moyenne, le même diamètre que les globules du lait. Il n’en est pas de même des grains d’amidon de pomme de terre qui, beaucoup plus gros, sont ingérés en moins grand nombre et semblent attaqués par le suc vacuolaire. Au bout de 24 heures, chez le Stentor, l’iode m'a donné la coloration violet rose que figure M. Meissxer. Cette coloration n’est caractéristique que par compa raison avec la teinte violet bleu que prennent les grains d'amidon non ingérés. Au bout d’un certain temps, j'ai constaté un crevas- — 314 — sement du grain, sans diminution dans ses dimensions, ce qui s’explique par une action plus lente sur la couche superficielle plus résistante. M. MEIssNER a observé des phénomènes du même genre. La modification de l’amidon semble. d’ailleurs. avoir intéressé toute la masse du grain, puisque ce grain ne donne plus la croix noire de polarisation chromatique quand on l’observe entre un polariseur et un analyseur ; le grain tout entier a, par conséquent, perdu sa biréfringence. Il est possible que la digestion de l’amidon ait lieu d’une façon différente chez les diverses espèces d’Infusoires. M. FABRE DoMERGUE a, en effet, vu chez d’autres espèces le grain d’amidon se dissoudre progressivement de la périphérie au centre et diminuer peu à peu. Il a, d’ailleurs, eu aussi des résultats différents par l'emploi de l'Iode : « Les grains d’amidon étaient colorés en bleu > foncé, et autour de chaque bol alimentaire apparaissait une zone » rouge qui indiquait manifestement une réaction chimique entre le > protsplasma et le bol alimentaire. » Je n'ai jamais rien observé de semblable chez les espèces que j'ai étudiées. Enfin, je me suis assuré, en nourrissant plusieurs Infusoires avec de l’amidon en suspension dans une solution’ d'alizarine, que la sécrétion acide a lieu dans les vacuoles à amidon, comme en général. Voici, en résumé, ce que nous avons observé chez les Infusoires vivant en liberté dans l’eau : 1° Une digestion incontestable des matières albumi- noïdes animales et végétales. * * * 2° Une transformation de la chlorophylle qui devient brune et est rejetée dans l’acte de la défécation, sans s’être jamais répandue dans le liquide vacuolaire. 9° Une diffusion suivie de décoloration, de la phycocya- ne =: nine des oscillaires dans la vacuole d’ingestion, et une transformation en jaune du pigment du Thiocystis violacea qui se diffuse dans la vacuole. 4 Une dissolution de la matière gélatineuse qui forme la zooglée des bactéries, et de celle qui réunit entre elles les cellules de l’oscillaire. 9° Une digestion de la membrane cellulaire de l’oscillaire et du Thiocystis violacea. 6° Nous avons constaté que les globules du lait sont inattaqués, et que leur vacuole est le siège de la sécrétion ordinaire d’acide. 1° Les grains d’amidon de riz restent inattaqués, même quand ils restent trois ou quatre jours dans une vacuole ; les grains d’amidon de pomme de terre perdent assez vite leur biréfringence, et sont transformés en une substance qui devient rose violet par l’iode. Les vacuoles à amidon sont également le siège de la sécrétion d’acide ordinaire. 5° L’ingestion très abondante des grains d’amidon de riz et des globules du lait, matières inutiles, semblent prouver — 316 — que l’ingestion des corps étrangers dépend plutôt des pro- priétés physiques de ces corps que de leur valeur comme aliment. Ces résultats ne me permettent pas d'adopter la première conclu- sion de M. FABRE-DOMERGUE : « La digestion des substances alimen- » taires s'effectue chez le Cilié parle même processus chimique » que chez tous les animaux étudiés jusqu'ici à ce point de vue. » La digestion des graisses, par exemple, se fait, en général, chez les animaux supérieurs au moyen d’une sécrétion spéciale dans un milieu alcalin, tandis que chez les Infusoires, nous assistons à une sécrétion acide dans tous les cas. IV. — NATURE DE LA SÉCRÉTION EFFECTUÉE DANS LES VACUOLES DES PROTOZOAIRES. Nous avons observé des phénomènes très complexes dans les vacuoles des Protozoaires. Si quelques-uns de ces phénomènes, par exemple la modification de la chlorophylle et des fragments des algues ingérées, peuvent s'expliquer par la seule formation d’un acide dans la vacuole d’ingestion, il en est d’autres, comme la digestion du protoplasma et de la cellulose, qui prouvent l’existence dans cette vacuole, concurremment avec l’acide, d'une ou plusieurs diastases. Nous ne possédons pas de réactifs colorés sensibles aux diastases el nous ne pouvons par conséquent pas démontrer leur existence par un virage comparable à celui que nous avons employé pour les acidés ; mais comme chacune d’elles est caractérisée par les phénomènes de dissolution et de dédoublement qu’elle produit sur certains corps, nous pouvons affirmer leur présence là où nous constatons ces phénomènes de dédoublement ou de dissolution. L'existence d'une ou plusieurs diastases dans la vacuole d’inges- tion est démontrée par les observations du chapitre précédent’; il est même possible que ces diastases soient différentes avec les — 317 — espèces. Par exemple, à propos de l’amidon, M. FABRE DOMERGUE à décrit des phénomènes différents de ceux que M. MEISSNER et moi avons constatés en opérant sur d’autres Infasoires. Je me propose maintenant de savoir d’où viennent ces diastases. Nous avons vu un acide se déverser petit à petit dans le liquide vacuolaire, de façon à saturer ce liquide et à le rendre ensuite réel- lement acide. Or, cet acide vient d’un protoplasma dont la réaction est franchement alcaline, et, par conséquent, dans lequel il ne préexistait pas à l’état libre; c’est donc la formation d'une vacuole au milieu du Protozoaire qui a déterminé la mise en liberté d’une certaine quantité d'acide probablement combiné auparavant. Je me propose de rechercher s'il en est de même pour les diastases, c'est-à-dire si elles se forment seulement quand une vacuole se creuse dans le Protozoaire, ou si elles font constamment partie des albuminoïdes dont le mélange constitue le protoplasma. Il existe déjà dans la science des données à ce sujet, chez les Myxo- mycètes. DE Bary (28) y a démontré la présence d’une diastase avant que l'on eût soupçonné l'acidité des vacuoles digestives. M. KRUKENBERG (1) ayant vérifié que cette diastase pouvait digérer des albuminoïdes en milieu acide, et seulement en milieu acide, considéra sa présence comme inutile dans un protoplasma qu’il savait alcalin. C’est M. MErcaniKorr (37) qui a démontré l'utilité de cette diastase en mettant en évidence la sécrétion d'un acide dans les vacuoles d’ingestion. Il a montré en même temps que ces vacuoles d’ingestion étaient à proprement parler des vacuoles digestives, en faisant absorber par un plasmode de Physarum fixé sur le porte-objet, la poudre rouge du selérote de Phlebeomorpha rufa. Ges cellules rouges deviennent orangées, jaunes, puis incolores, et leurs contours de plus en plus diffus ; il y a donc véritablement digestion. Mais chez les Myxomycètes, il y a dans le plasmode à certains moments des vacuoles si nombreuses que l'extrait glycérique de ce plasmode peut contenir en quantité constatable une diastase prove- nant uniquement du suc vacuolaire, et nullement du protoplasma lui-même. Or, M. Mercanixorr désirant montrer que la diastase (1) KRUKENBERG, Untersuchungen des physiologischen Instituts der Un. Heidelberg, Bd. 11, 1882. — 318 — n'apparaît point comme un corps de luxe et sans fonction, a fait l'observation suivante : « Avant de former ses sporanges, le plasmo- > dium cesse de prendre des corps étrangers et rejette ceux qui > étaient englobès auparavant. Pendant cet arrêt dans la fonction > digestive, la production de pepsine cesse complètement, ainsi que > j'ai pu m'en convaincre sur la Spumaria. » Cette observation qui peut prouver une variation avec l’époque, dans la composition du protoplasma de la Spumaria peut aussi s'expliquer, il me semble, par le fait que la diastase existe seulement dans les vacuoles digestives, et non dans le protoplasma, et ne peut par conséquent pas être mise en évidence dans l'extrait glycérique d'un plasmode dépourvu de vacuoles. J'ai fait sur le Stentor cæœrulæus une expérience qui ne peut s’expli- quer que par cette seconde hypothèse de l'absence de la diastase dans le protoplasma dépourvu de vacuoles. J'ai choisi dans un groupe de ces Stentors plusieurs individus dépourvus de vacuoles digestives, condition souvent réalisée dans un bocal où la nourriture était peu abondante. Étant données les fortes dimensions de ces animaux, ilm’a été facile, après en avoir plongé un dans une goutte de glycérine acidulée de le transporter sur une lamelle couvre-objet, accompagné d'une gouttelette liquide n'ayant que trois à quatre fois son volume. J'ai fait une autre préparation semblable mais avec une forte goutte du même liquide autour du Sfentor, et deux autres identiques aux précédentes avec de la glycérine neutre. J'ai retourné les quatre lamelles sur des lames à cuvette induites de baume de Canada et j'ai porté à l’étuve. Si la diastase qui dissout les albuminoïdes existait dans le proto- plasma dépourvu de vacuoles, elle devrait y exister en quantité notable, puisqu'un Infusoire peut digérer à la fois dans un très grand nombre de vacuoles dont le volume total est souvent au moins aussi considérable que celui du protoplasma interposé ;: par consé- quent, dans l'expérience précédente, cette diastase répandue dans une goutte de glycérine acide ayant seulement 3 à 4 fois le volume de l'Infusoire, aurait été capable de digérer cet Infusoire au moins partiellement , tandis que la digestion aurait été moins accusée dans la goutte plus grosse de la deuxième préparation et nulle dans les deux autres où la glycérine était neutre. Or, j'ai conservé ces quatre préparations à l'étuve pendant plusieurs semaines sans constater — 319 — dans aucune d'elles la moindre modification du protoplasma du Stentor. 11 ne semble donc pas probable que la diastase peptique soit répandue uniformément dans le protoplasma, car on ne peut songer à admettre chez un Protozoaire une complication assez grande pour que le ferment digestif d’un de ces animaux soit impuissant à en digérer la propre substance. Nous verrons d’ailleurs que ce n’est pas vrai. Seulement, ce qui enlève de sa valeur à expérience précédente, comme à toutes les expériences in vilro que nous pourrons faire, c’est que nous n’y réalisons pas les conditions toutes spéciales de la vacuole, et que cela seul peut suffire à expliquer notre résultat négatif. Dans la vacuole, il y a deux choses à considérer : l’eau extérieure ingérée comme nous l'avons démontré, et la sécrétion provenant du protoplasma ambiant. C'est dans ce mélange que les phénomènesde : digestion décrits au chapitre précédent nous ont prouvé l'existence de diastases. Nous pouvons nous proposer de chercher la part qui revient à chacun des deux éléments dans l’accomplissement de la digestion intracellulaire. L’eau extérieure contient un grand nombre d'algues, bactériacées ou autres, et nous savons que plusieurs d’entre elles sécrètent des diastases ; il est probable par conséquent que le rôle digestif de cette eau varie avec les cas: ce qui est intéressant pour nous, c'est de rechercher la valeur digestive de l'eau des bocaux contenant les Infusoires chez lesquels nous avons vu des phénomènes de digestion intracellulaire. J'ai fait l'expérience suivante avec le liquide d'un bocal contenant une très grande quantité de Paramécies. En faisant passer, par aspiration, un peu de l’eau de ce bocal sur un tampon de coton serré placé dans un tube de verre, j'ai obtenu un liquide dépourvu de Paramécies : c’est sur ce liquide acidulé que j'ai opéré; mais comme il fallait toujours observer par comparaison, j'ai mené de front avec l'expérience faite sur l’eau, l'expérience faite sur les Paramécies elles-mêmes. Je me suis proposé d'obtenir un extrait glycérique aussi concentré que possible des corps de ces Infusoires. Voici le procédé qui m'a donné le meilleur résultat. Je prends un tube de verre, cylindrique, de 60 à 70 centimètres de long, et je fais un étranglement à 2 centimètres environ de l’une de ses extrémités. Par l'extrémité la plus rapprochée, je tasse dans 22 000 — cet étranglement un tampon de coton bien serré, et je place devant lui un petit tampon plus lâche de la même substance. Par l'extrémité opposée, j'aspire rapidement le liquide de l'aquarium ; les corps des Paramécies adhèrent au petit tampon; je vide l’eau aspirée par l'extrémité la plus éloignée du tampon et je recommence à faire passer l'eau de l'aquarium sur le coton; je refais la même chose jusqu’à ce que, l'obturationse produisant, l'aspiration devienne pénible, ce qui arrive au bout de 7 à 8 opérations. J'extrais avec une pince fine le petit tampon surajouté et je le dépose dans un verre de montre à l'abri des poussières. En changeant les deux tampons, je recommence la même pratique huit fois. J’obtiens ainsi 8 tampons chargés de Paramécies déposés en ordre dans 8 verres de montre. A la fin de cette opération, les premiers tampons obtenus sont déjà secs. Je répands sur le premier une goutte de glycérine fortement acide; je presse plusieurs fois ce tampon avec une pince à bords plats. puis je reprends le liquide exprimé, et ainsi de suite jusqu'à ce que je puisse croire que j’ai extrait tout ce qu'il y a de soluble dans le coton. Je mouille alors avec ce premier liquide le second coton, auquel je fais subir la même opération qu'au premier, et ainsi de suite jusqu'au huitième. J'ai ainsi exprimé dans une goutte de liquide peu considérable le suc d’une quantité très grande de Para- mécies, c'est-à-dire les parties solubles du protoplasma et le liquide des vacuoles. Dans l'expérience que j’ai faite, ces vacuoles étaient très nombreuses, comme cela a toujours lieu chez les Protozoaires vivant en grande abondance dans un milieu très riche en aliments. La goutte d'extrait glycérique observée au microscope se mon- trait chargée d'un grand nombre de débris de corps de Paramécies. C’est encore sur des corps de Slentor cœærulæus que j'ai éprouvé l’action digestive de mes différents liquides ; j'ai fait comme précé- demment en goutte suspendue sur des lames à cuvette bordée de baume de Canada les préparations suivantes : a. — Un Stentor dans une goutte du liquide filtré du bocal, acidulé à l’acide chlorhydrique. b. — Un Stentor dans la goutte d'extrait glycérique acidulé dont je viens de décrire la préparation. RC. NE c. — Un Stentor dans une goutte d'extrait glycérique acidulé de coton propre. d. — Un Stentor dans une goutte de glycérine acidulée pure. _ Dès le lendemain, on constate une différence entre la prépara- tion b et les autres ; de plus, les débris de corps de Paramécies de la goutte, deviennent de moins en moins nets: dans la suite des jours la modification du Stentor de cette préparation s'accentue mais ne dépasse pas une certaine limite, et les corps des Paramécies disparaissent presque complètement. On constate une digestion moins accentuée dans la préparation à, mais cette digestion est assez facilement constatable, par compa- raison, avec les préparations c et d, dans lesquelles le S{entor n'a subi aucune modification. Cette expérience très grossière prouve que l'eau extérieure joue dans certains cas un petit rôle dans l’apport des diastases à la vacuole digestive. De plus, on voit que le suc digestif d’une espèce n'est pas incapable de digérer la substance de cette même espèce. Je ne donne pas une grande importance au résultat obtenu dans la prépa- ration b, dont les défauts sautent aux veux. Cette expérience in vuro ne nous donue pas sur les diastases d'aussi bons renseigne- ments que lobservation microscopique de ce qui se passe dans les vacuoles de l’Infusoire vivant. V. — CONCLUSIONS GÉNÉRALES. J'ai établi à la fin de chaque chapitre le résumé des faits princi- paux qui y sont démontrés , je vais maintenant tâcher de coordonner tous les résultats obtenus. Ingestion. — Chez les Amibes, la formation de pseudopodes et leur anastomose brusque par contact en un point, englobe le corps étranger dans une vacuole, remplie au début de l’eau extérieure, En — qui est à ce moment le siège d’une pression proportionnelle à la tension superficielle du protoplasma au contact de cette eau. Cet acte de l’ingestion est déterminé par la présence au voisinage de l’'Amibe d’un corps de composition chimique quelconque, dont les dimensions seules et non la valeur nutritive semblent avoir une influence sur la plus ou moins grande facilité d’accomplissement du phénomène. Ainsi, l'Amibe ingère des grains solides de certaines dimensions, inutiles à sa nourriture, en quantité plus considérable que d’autres plus grands qui lui seraient utiles. La façon dont se passe le phénomène montre que la facilité d’in- gestion dépend de la tension superficielle au contact du protoplasma et du liquide. De cette tension superficielle dépend également le sort du corps ingéré pendant les premiers instants qui suivent son ingestion : c'est-à-dire, en résumé, que si cette tension est faible, les corps étrangers en suspension dans l’eau ont plus de chances d'être ingérés et d'être conservés dans le corps de l’Amibe, au moins pendant les premiers instants, et qu'ils en ont moins dans le cas contraire, quelle que soit leur valeur nutritive. Or, nous avons vu dans la vacuole, que la simple sécrétion d’un acide et d’une dias- iase fait décroître rapidement la tension superficielle du protoplasma au contact du liquide intérieur ; il est donc permis de penser que la présence de certaines diastases dans le liquide ambiant peut être favorable ou défavorable à l'ingestion et qu'il y a une analogie entre ce phénomène et l’action des diastases vaccinales sur la phagocytose. Chez les Infusoires à tourbillon, comme chez les Amibes, les di- mensions des corps suspendus dans l’eau semblent seules intervenir dans l'acte de l'ingestion ; d’ailleurs, les phénomènes qui se passent dans le tube à parois gélatineuses de DuyaRDIN, et la formation d’une vacuole par suite de l’anastomose qui survient entre les différents points de la région moyenne de ce tube, ont une grande analogie avec ceux que nous avons constatés chez les Amibes : le courant déterminé par les cils apparaît comme un perfectionnement destiné a rendre l’ingestion plus facile, en déterminant sur la matière gélatineuse du fond de l’æœsophage une pression antagoniste de celle qui résulte de la tension superficielle. Chez les Infusoires capteurs, au contraire, nous trouvons une complexité beaucoup plus grande ; il y a une véritable préhension RS régie par un instinct qui se traduit par la non ingestion des subs- tances indigestibles. Vacuoles. — Dans tous les cas, la vacuole apparaît au début comme le résultat de l'introduction dans le protoplasma d’une goutte liquide du milieu extérieur contenant en suspension certains corps solides ; cette vacuole n’a, par conséquent, pas plus de parois propres qu'une goutte d'eau englobée dans l'huile, et elle mérite bien par cela même le nom de vacuole. Les phénomènes dont cette vacuole est le siège sont peut- -être différents suivant que le milieu extérieur n'est pas aqueux comme chez le Nyclotherus cordiformis chez lequel nous n'avons obtenu aucun résultat bien net, ou que ce milieu est au contraire aqueux, comme chez tous les autres Protozcaires que nous avons étudiés : nous ne nous occuperons que de ce dernier cas. Formée comme nous venons de lexpliquer, la vacuole remplie d'un liquide ayant à peu près la même densité que le protoplasma, est naturellement sphérique quand le protoplasma est homogène, et cela a lieu chez les Amibes; chez les Infusoires, au contraire, on constate une différenciation progressive , un tracé de plus en plus complet de la marche à suivre par la vacuole, et dans certains cas nous avons vu la vacuole prendre une forme ellipsoïdale. Il faut remarquer que l'ellipsoïde est allongé dans le sens de l'axe de l’œæso- phage, et que, par conséquent, la tension est plus faible dans la direction de cet axe que dans toute autre direction, ce qui est une bonne condition pour l'ingestion. La vacuole, gràce à ses petites dimensions, constitue un milieu où la diffusion est très particulièrement rapide : la phycocyanine de l'oscillaire s'y répand avec une vitesse étonnante. C’est un phéno- mène du même genre qui détermine la sécrétion d'acide dans la vacuole, sécrétion absolument générale chez tous les Protozoaires étudiés, vivant dans l'eau. Cette sécrétion neutralise peu à peu Pal- calinité de l'eau ingérée, et finit par donner au liquide de la vacuole une acidité constatable, quand cette vacuole est conservée assez longtemps sans êlre rejetée. La formation de cet acide a lieu dans les vacuoles contenant, outre l’eau d'ingestion, des matières albu- minoides, cellulosiques, amylacées, grasses ou minérales. Ce phé- LA nomène si général s'explique fort bien si l’on considère la surface de contact de l’eau et du protoplasma, comme une membrane dialy- sante qui, grâce aux conditions particulières de diffusibilité existant dans la vacuole, laisse passer rapidement dans celle-ci l'acide d’un ou plusieurs sels existant dans le protoplasma alcalin. Peut-être doit-on considérer comme un phénomène de même nature la sécrétion des diastases dont nous avons constaté la pré- sence par leurs effets dissolvants ; les expériences que j'ai relatées à ce sujet ne me permettent pas. par leurs résultats négatifs, d'émettre une opinion foudée. L'expérience faite sur le Stentor bleu est moins probante chez cet être qu'elle ne l'aurait été sur une Amibe (où elle est impossible), car il y a peut-être chez le Stentor une localisation de la fonction peptogène, comme il y a une spéciali- sation du trajet de la vacuole alimentaire chez certains Ciliés. Dans tous les cas, sans entrer dans aucune considération théo- rique sur l’origine des diastases chez les Infusoires, nous pouvons affirmer les résultats positifs suivants : Tous les Protozoaires étudiés digèrent les albuminoïdes animaux et végétaux; leur sécrétion vacuolaire brunit la chlorophylle sans la dissoudre . Quelques Infusoires modifient profondément dans leurs vacuoles l'amidon de pomme de terre, digèrent la matière zoogléaire et les membranes cellulaires de certaines bactériacées et cyanophy- cées, décolorent la phycocyanine et transforment en matière jaune bien soluble le pigment du Thiocystis. La vacuole subit aussi des modifications physiques importantes dépendant des modifications chimiques que nous venons d’énu- mérer. La réfrangibilité du contenu devient de plus en plus voisine de celle du protoplasma : il en est de même de sa tension superfi- cielle. Ces deux phénomènes sont plus rapides quand il y a dans la vacuole des substances albuminoïdes. Assimilation. — Elle est peut-être directe dans le cas de l’in- gestion d'une substance albuminoïde pure sans partie insoluble chez tous les Protozoaires étudiés ; c’est-à-dire que dans ce cas, la vacuole finit peut-être par faire complètement corps avec le proto- plasma, après que par suite des modifications chimiques dont elle a DS 2 été le siège. les propriétés physiques de son contenu lui ont per- mis de se mélanger complètement avec ce dernier. Dans ce cas, en effet, il est impossible de dire qu'une partie du corps ingéré reste non dissoute et est rejetée, car on ne peut pas suivre le phénomène jusqu’à la fin. Il n'en est pas de même d'un corps albuminoïde accompagné de substances insolubles, comme, par exemple, une cellule végétale, ou un Infusoire contenant des matières minérales dans ses vacuoles. Dans ce cas, il semble qu’une partie de la substance dissoute se mélange au protoplasma voisin, et qu'une autre partie, moins bien liquéfiée, reste adhérente aux parties solides indigestes et est reje- tée avec elles. Défécation.— On ne peut pas donner ce nom au phénomène de rupture brusque chez une Amibe d’une vacuole récente, qui, étant le siège d’une forte pression, est amenée par les courants proto- plasmiques au voisinage de la paroi extérieure du corps. Il n’y a même pas, à proprement parler, défécation des résidus solides des malières ingérées depuis longtemps; ces matières semblent abandonnées simplement, par un phénomène d’adhérence, par l’Amibe qui rampe à la surface d’un corps quelconque; elles sont entourées, au moment de leur abandon, d’une sphère gluti- neuse qui se délite petit à petit. Il n'en est pas de même des Infusoires ciliés chez lesquels il y a un anus fixe et une véritable défécation. Cette défécation est peut- être quelquefois déterminée par les phénomènes de pléthore que J'ai décrits, mais elle peut, dans tous les cas, avoir lieu, même quand le corps de l'Infusoire est peu chargé de vacuoles. Enfin, je dois dire en terminant que la digestion intracellaire est véritablement pour les Protozoaires un moyen de nutrition: l'obser- _vation directe nous a prouvé, dans certains cas, une véritable assi- milation, mais la démonstration la plus nette de la valeur de ce pro- cédé nutritif a été donnée par M. Maupas dans ses essais de culture des Infusoires. Paris, le 1% Février 1891. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. Je donne ici une liste des ouvrages dans lesquels on peut trouver, non pas, sauf dans les derniers, des études systématiques en vue de la digestion chez les Protozoaires, mais quelques résultats épars ayant rapport à cette question. 10. Cure. FR. EHRENBERG. Die Infusionsthierchen als vollkom- mene Organismen. Leipzig, 1838. F. DuyarniN. Histoire naturelle des Infusoires. Paris, 1841. G.-W. Focxe. Physiologische Studien. Brême, 1847-54. À. KôLLIKER. Das Sonnenthierchen, Aclinophrys Sol, Zeit. [. w. Zool. 1. 1848. M. Perry. Zur Kenntnis der Kleinsten Lebensformen. Berne, 1852. L. AuerBacH. Uber die Einzelligkeit der Amôüben. Zeit. f. vw. Zool. VII. 1856. CLAPAREDE et LAGHMANN. Etudes sur les Infusoires et Rhizo- podes. Genève, 1858-61. FR. STE. Der Organismus der Infusionsthiere. Leipzig, 1859-78. Herrwia et Lesser. Uber Rhizopoden und denselben nahes- tehenden Organismen. Zeit. f. w. Zoo. Vol. X. Suppl. 1860. H.-J. Carrer. On Amæba princeps and its reproduction cells compared with Æ{halium, Pythium, Mucor and Achlya. Ann. of. Nat. Hist. V. XII. 1865 11. 12. 13. 14. 15. 16. 17. 18. 19. 20. 21. 22. 23. 24. 25. San = G.-C. WazucH. On the value of distinctive characters in Amæba. Ann. of. Nat. Hist. XII. 1863. E. HxcKkez. Uben den Sarkodekürper der Rhizopoden. Z. f. w. Zool.. XV, 1865. E. Hæcker. Monographie der Moneren. Jen. Zeit. Vol. IV. 1867. O. 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Halle, 1883. 26. 2": 28. 29. 30. 31: 32. 33: 34. 35. 36. 37. Lo A. GrüBer. Uber die Einflusslosigkeit des Kerns...., etc... Biol. Centr. 1883. Fromanx. Untersuchungen über Struktur.., etc... des Pro- toplasma. Jen. Z. 1884. DE Bary. Pilze Mycet. u. Bacterien. 1884. A. GRüBER. Die Protozoen des Hafens von Genua. Halle, 1884. A. GRüBER. Studien über Amôben. Ze. f. ww. Zool. 1885. BRANDT. Faune et Flore du golfe de Naples. 1885. M. GREENwWoOOD. On the digestive process in some Rhizopods. Journ. of. phys., VII, 1886. M. GREENWOOD. On the digestive process in some Rhizopods. Journ. of. phys., VIIT, 1887. M. Meissxer. Beitrage zur Ernährungsphysiologie der Pro- tozoen. Zeit. f. w. Zool. 1888. Farre-DoMERGUE. Études sur les Infusoires ciliés. Ann. Sc. Nat. 1888. E. Maupas. Arch. Zool. exp. et gen., 1888, p. 186. E. Mercanikorr. Recherches sur la digestion intracellulaire. Ann. Inst. Past., 1889. SUR LES PERCEPTIONS DERMATOPTIQUES, RÉSUME HISTORIQUE ET CRITIQUE, PAR VICTOR WILLEM, Docteur en Sciences, Assistant de Zoologie à l'Université de Gand I. — Fréquence des perceptions dermatoptiques chez les animaux aveugles. Des phénomènes démontrant une perception de la lumière par des animaux privés d'organes visuels ont attiré, depuis longtemps, l'at- tention des naturalistes. Déjà en 1744, TREMBLEY remarquait que les Hydres se rassemblent dans les régions éclairées des vases où on les renferme (1). Depuis cette époque, de nombreuses observations, sur des animaux appartenant à presque tous les groupes zoologiques, se sont ajoutées aux anciennes expériences de TREMBLEY et ont mis hors de doute qu'il peut exister une sensibilité pour la lumière en l'absence d'organes visuels différenciés. C'est ainsi que les déplacements des Protozoaires sous l'influence (1) TREMBLEY. Mémoires pour servir à l'histoire d'un genre de polypes d’eau douce, etc. 1% Mémoire, pages 11 et 66. Leyde, 1744. 0 — des rayons lumineux ont été signalés par HAECKEL (1), par PoucHeT (Glenodinium) (2) et ont été soigneusement étudiés par W. ENGEL- MANN (Paramæcium, Euglena) (3). D'après Loeg (4), la direction des rayons lumineux a une influence prépondérante sur l'orientation des colonies de Sertularia. W. Rapp (Verelillum) (5), H. G. BronN (Ædioarsia, Cerianthus) (6), JourDAN (Paraclis Striata) (7) ont observé la contraction rapide que provoque la lumière chez des Alcyonaires et chez plusieurs formes d'Actinies. Sars (8) a vu les larves de Cyanea se rassembler de préférence du côté éclairé d’un aquarium. Suivant W. MARSHALL, (9) les larves d’un Spongiaire, la Reniera filigrana , se groupent, au contraire, dans les endroits les plus obscurs. D'après GRABER (10), certains Bryozoaires d'eau douce, comme les Crislatella, recherchent la lumière, tandis que d'autres formes, comme les Paludicella, paraissent Péviter. W. HorFMEISTER (11), CH. DARwIN (12), BriGpMax et NEwManN (15) (1) HagckeL. Ueber Ursprung und Entwickelung des Sinneswerkzseuge. (Kosmos, Bd. IV, 1880 ; cité par GRABER. (2) Poucuer. D'un œil véritable chez les Protozoaires. (Comptes rendus de la Société de biologie, 8° série, t. I, 1884). (3) ENGELMANN. Ueber Licht und Farbenperception niederster Organismen. (Archiv für die gesammte Physiologie de Pflüger, Bd. XXIX, 1882). (4) Loes. Weitere Unlersuchungen über den Heliotropismus der Thiere und seine Uebercinstimmung mit dem Heliotropismus der Pflanzen. (Idem, 47 ter Band, 1890). (5) RapP. Untersuchungen über den Bau ciniger Polypen des Mitlelandischen Meeres. (Nova Acta Academiæ Naturæ Curiosorum, t. XIV, Pars II. Bonnæ, 1829). (6) Broun. Die Klassen und Ordnungen des Thier-Reichs, 2er Band, page 2. Leipzig, 1859. (7) JourpAN. Recherches zoologiques el histologiques sur les Zonnthaires du Golfe de Marseille. (Annales des sciences naturelles, Zoologie, 6° série, t. X, 1880). (8) D'après GRABER. Fundamentalversuche über dic Helligkeits- und Farbenemp/find- lichkeit augenloser und geblendeter Thicre. (Sitzungsberichte d. K. Akad. d. Wis- sensch. Wien, 1883). (9) MarscHALL Die Ontogenie von Reniera filigrana. O. Scnm. (Zeitschrift f. wiss. Zoologie, 27 ter Bd, 1882). (10) GRABER. Fundamentalversuche... etc., p. 205. (11) Horrmeisrer. Die bis jelzt bekannten Arlen aus der Familie der Regenwürmer, p. 18. Braunschweig, 1845 (d’après GRABER). (12) CH. DaRwIN The formation of Vegetable Mould through the Action of Worms, with Observations on their Habits. London, 1881. (13) BRIDGMAN and NEWMANN. (The Zoologist, Vol. 7, 1874), d’après GRABER. EN — et GRABER (1) ont constaté que le lombric est sensible à la lumière et cherche à la fuir. LoEg (2) a démontré que l'orientation des tubes de Spirographis et de Serpula est une conséquence de l’action prolongée des rayons lumineux. Successivement PoucHerT (3) (larves de Diptères), F. PLATEAU (Myriopodes) (4) et LoeB (larves de Muscides) ont démontré, chez des Arthropodes aveugles, l’existence de perceptions lumineuses. H. pe Lacaze-DuTHiERs (5) a observé la rétraction du pied du Dentale sous l'influence d'un rayon de soleil ou de la lumière d'une bougie ; J. A. RyDpER signale la rétraction du bord du manteau d'Ostrea (6) ; B. Sxarp, celle du siphon de So/en vagina (7), quand une ombre passe sur ces organes ; R. DuBois, celle du siphon de Pholas dactylus dans des conditions analogues (8). Beaucoup de ces phénomènes n'ont été signalés qu'incidemment par des auteurs qui, ordinairement, ne se sont pas préoccupés d’en faire une étude approfondie. C’est principalement après les recher- ches de Poucxer (1871-72) et surtout après les expériences de GRABER (1883-84), que la question des perceptions lumineuses par les animaux aveugles, — perceptions dermatoptiques, ou encore (1) GRABER. Fundamentalversuche.... etc. Id. Grundlirien zur Erforschung des Helligkeits- und Farbensinnes der Tiere. Prag und Leipzig, 1884. (2) Poucaer. De l'influence de la lumière sur les larves de Diptères privees d’or ganes exlérieurs de la vision. (Revue et Magasin de Zoologie pure et appliquée, 1871-72). (3) K. PLATEAU. Recherches sur la perception de la lumière par les Myriopodes aveugles. (Journal de l'anatomie et de la physiologie de Pouchet, t. XXII, 1886). Id. Observations sur les mœurs du Blaniulus guttulatus. (Comptes rendus de la Soc. entom. de Belgique, 1887). 4) Los. Untersuchungen über den Heliotropismus der Thiere und seine Ucbereins- timmung mit dem Heliotropismus der Pflansen. Würzburg, 1890. (5) De LAcAZze-DUTHIERS. Histoire de l'organisation et du développement du Dentale. Troisième partie. (Ann. des Sciences nat. Zoologie. 4° série, t. VIII, p. 25, 1857). (6) Ryper. Primitive visual organs. Science. Vol. II, 1883, (d'après SHARP). (7) SHARP. On the visual organs in Lamellibranchiata, Mittheilungen a. d, zool. Station zu Neapel, 5ter Band, 1884. (8) R. Dugois. Sur le mécanisme des fonctions photodermatique et photogénique dans le siphon du Pholas dactylus. (Comptes rendus de l’Académie de Paris, T,. CIX, n° 6, 5 août 1889. ee photodermatiques, comme on les a appelées — a fait l’objet de travaux spéciaux d’une importance remarquable. C’est, en grande partie, de ces travaux que résultent les connaissances que nous possédons ac- tuellement sur ces sensations spéciales. Je me propose de résumer ces notions dans les pages qui vont suivre. En 1871-72, comme je l'ai dit plus haut, G. Poucer publia ses observations sur la sensibilité que présentent vis-à-vis de la lumière quelques larves de Diptères privées d'organes extérieurs de la vision (1). Dans la plupart de ses essais, l'expérimentateur déposait au centre d’un carré de papier collé sur une table horizontale placée devant une fenêtre, un certain nombre d’asticots, ou de larves d'Eristalis lenax. Dans ces conditions, la grande majorité des ani- maux circulant sur le papier, du centre vers la périphérie, progres- sent vers l’intérieur de la chambre et atteignent la limite du carré du côté opposé à la fenêtre. En opérant avec la lumière d’une lampe mobile, l'observateur constate que le déplacement de la source lu- mineuse est chaque fois suivi d’un changement correspondant de la direction primitivement suivie par les animaux en expérience. Après l'amputation des deux proéminences céphaliques qui, de chaque côté, portent à leur sommet les deux organes antenni- formes (2), — les seuls organes sensoriels différenciés connus chez ces larves, à l'époque où écrivait PoucaeT — les asticots montrent la même répulsion pour la lumière. Il y a lieu, dans ces conditions, de se demander, avec l’auteur, « sila perception de la lumière se fait par les bourgeons oculaires flottant dans la cavité viscérale ou par quelque organe ignoré ou bien si toute la couche hypodermique n'est pas sensible à la lumière ? » L’auteur ne conclut dans aucun (1) G. Poucer. De l'influence de la lumière, etc. L'auteur signale aussi, en note, quelques expériences faites avec des Balanes, en observant des animaux chez lesquels le mouvement de protraction et de retrait des appendices flabelliformes était bien rhythmé. J1 suffisait d'avancer la main au-dessus du Crustacé pour voir le mouvement s'arrêter pendant un certain temps. (2) Ces organes antenniformes — antennes et palpes maxillaires, d’après WEISMANN — sont deux papilles sensorielles surmontant la portion distale de chaque maxille (proéminence céphalique, de POUcHET); chaque papille est terminée par un « eye-like organ », que Newport et THOMPSON-LONWE considèrent, probablement à tort selon moi, comme des yeux sans pigment. (Voir THOMPSON-LOWNE. Analomy, physiology, morphology and development of thé Blow-fly, Part. I, London, 1890, page 71). LR sens, mais fait remarquer à, la fin de son travail, que si l’on place le siège de ces sensations lumineuses dans les bourgeons oculaires du futur insecte parfait, encore plongés dans la cavité viscérale. on peut donner, à larigueur, une explication satisfaisante des phéno- mènes signalés par lui. Les deux mémoires de PoucHET ne paraissent pas avoir fait grande impression sur ses contemporains, car la question soulevée par cet expérimentateur est restée intacte, jusqu'au moment où la publication des travaux de GRABER (1883-84) a ramené l'attention des natura- listes sur ce genre de recherches nouvelles et intéressantes. Entre temps, néanmoins, avaient paru (1882) les remarquables recherches d'ENGELMANN sur la perception de la lumière et des cou- leurs chez les organismes inférieurs (1), qu'il convient de signaler et de résumer ici. Laissant de côté l'action de la lumière sur les mouvements des Diatomacées et des Oscillarinées, qui ne touche que fort indirectement à notre sujet, je rendrai seulement compte des résultats obtenus par ENGELMANN dans ses études sur Paramc- cium bursaria et Euglena viridis. Quand, dans le milieu où vit Paramaæcium bursaria, la tension de l'oxygène est normale, ces Protozoaires se montrent relativement tranquilles et ne réagissent pas sous l’action de la lumière. Mais la tension de l'oxygène vient-elle à diminuer, aussitôt s'observent des déplacements plus ou moins rapides des Paramæcies ; leur significa- tion devient compréhensible, si l'on admet que ces organismes pou- vus de chlorophylle cherchent, pour s’y cantonner, une région où l'éclairage provoque une production interne d'oxygène suffisante pour combler le déficit de l'oxygène extérieur. Présentant des mou- vements rapides dans une lumière faible, les Paramæcies s’arrê- tent lorsque l'éclairage devient assez intense; exposées à la lu- mière d'un spectre microscopique, elles se rassemblent dans la zone où a lieu la plus grande production interne d'oxygène, c'est-à-dire dans la région rouge. Quand, au contraire, la tension de l'oxygène extérieur augmente, on observe les phénomènes inverses : les Para- mœæcies fuient la lumière, les rayons rouges et se réfugient dans l'obscurité ou dans les zones du spectre où la production interne d'oxygène est plus faible que dans la région rouge. (1) ENGELMANN. Ueber Licht- und Farbenperception niederster Organismen, op. cit. En Les réactions de Paramæcrum bursaria ne sont donc pas la conséquence immédiate de sensations lumineuses, mais le résultat de perceptions chimiques déterminées par le besoin respiratoire. Tout autre est la cause des réactions provoquées chez Æuglena viridis. Ce protozoaire recherche la lumière et manifeste une préférence fort accusée pour les rayons bleus ; le sens des déplace- ments provoqués par la lumière est indépendant de la tension de l'oxygène extérienr, bien que la vitesse des mouvements varie avec ce facteur. Engelmann, d’ailleurs, en faisant mouvoir le long du corps de l'Euglena la ligne de séparation entre la zone éclairée etla zone obscure du champ de son microscope, est parvenu à observer que la sensibilité pour les rayons lumineux ne réside pas dans la région chlorophyllienne , ni -dans le flagellum, ni même dans le point oculiforme. mais dans la région transparente située à la base du flagelle. 11 s’agit donc bien, dans ce cas-ci, d’une per- ception spécifique de la lumière semblable à la vision. J’aborde maintenant les observations de GRABER sur Le lombric (1). Ayant fait une série d'expériences en plaçant un certain nombre d'animaux dans une boîte allongée, présentant une moitié éclairée et une moitié obscure. il constata que, après un laps de temps déter- miné, les vers s'étaient distribués d’une façon fort inégale dans les deux compartiments : pour un individu, en moyenne, quise rencontrait dans la zone éclairée, il s’en trouvait cinq dans l'obscu- rité. Cette sensibilité du lombric pour la lumière est même très développée, comme le prouve une série d'essais effectuës en expo- sant les animaux à deux éclairages d'intensité peu différentes. Elle ne réside pas exclusivement dans l'extrémité antérieure du corps, comme le soutenaient Horrmeister et DaRwIN ; des individus aux- quels on ampute l'extrémité orale manifestent encore une percep- tion de la lumière. Deux années après, parurent les recherches de F. PLATEAU sur (1) GRABER. Fundamentalversuche über Helligkeits- und Farbenempfindlichlkeil. etc. Id. Grundlinien zür Erforschung des Helligkeits- und Farbensinnes der Tiere. Je parlerai plus loin des autres résultats obtenus par l’auteur relativement à la ques- tion qui nous occupe. RS — les Myriopodes aveugles (1). Cet habile expérimentateur démontra, en observant les allures d'animaux placés dans un cristallisoir par- tiellement obscurci, et en faisant usage, dans d’autres expériences, de la méthode photokinétique employée par GRABER, que les Myrio- podes Chilopodes aveugles (2) perçoivent la lumière du jour et savent choisir entre cette lumière et l'obscurité. Par des procédés simples et ingénieux, en comparant les résultats fournis par Cryp- lops punclatus et Geophilus longicornis à ceux donnés par Zi{ho- bius forficatus, il reconnut que chez les Myriopodes Chilopodes munis d'yeux et chez les Chilopodes aveugles, il faut, en général, un temps assez long pour que ces animaux s'aperçoivent qu'ils ont passé d'une obscurité relative ou complète à la lumière du jour : la durée de cette période latente n’est pas plus longue chez les Myrio- podes aveugles que chez les autres. Il me reste à signaler, dans ce chapitre, les recherches récentes de J. Log (3). Ce n’est pas ici le lieu de discuter ni les conclusions émises par ce naturaliste, ni l’ensemble de ses expériences, dont certains résultats semblent au premier examen en contradiction avec les idées généralement admises sur les réactions provoquées par la lumière chez les animaux. Le sens de ces réactions, d’après lui, serait déterminé, d’une manière fatale, non par l'intensité de la lumière, mais par la direction des rayons lumineux. Dans un ensemble de recherches incontestablement originales et intéres- santes, l'auteur cherche à démontrer une identité complète entre les phénomènes qui se manifestent chez les animaux sous l'influence de la lumière et l'héliotropisme des végétaux. Étudiant ces phénomènes chez les larves de Muscides, il rapporte une expérience où ces animaux, considérés comme préférant l'obscurité à la lumière, quittent cependant, sous l'influence d’une cause qui les pousse à se diriger dans le sens des rayons lumineux, la région la moins éclairée d’un vase pour pénétrer dans une zone (1) F. PLATEAU. Recherches sur la perception de la lumière par les Myriopodes aveugles, op. citat, (2) 11 démontra plus tard qu'il existe, de même, des perceptions dermatoptiques chez un Myriopode Chilognathe, le Blaniulus quttulatus. (3) J. Los. Untersuchungen über den Heliotropismus der Thiere.... op. citat. Id. Weilere Untersuchungen über den Heliotropismus der Thiegre.... op. citat. = 38 — soumise à la lumière directe du soleil. Cette sensibilité réside dans le pôle oral et est surtout développée chez la larve adulte. C'est aussi la direction des rayons lumineux qui détermine l'orientation des tubes des Annélides tubicoles : une fois fixé par son extrémité postérieure à un objet solide, le corps de Spirogra- phis Spallanzanii se fléchit de façon à exposer à la lumière, per- pendiculairement à la direction des rayons, la couronne tentaculaire. Le même phénomène s’'observe chez Serpula uncinala; mais comme le tube calcaire habité par ce ver est rigide, c’est la portion antérieure du tube seule qui s'incurve pendant Le temps que dure sa production. Au point de vue de l'influence de l'éclairage, les colonies de Sertularia se comportent identiquement comme des organismes végétaux qui présenteraient la même forme extérieure. Que l’on accepte ou non, dans leur intégrité, les idées émises par Lors, il reste acquis néanmoins, par ses expériences, qu'un certain nombre d'animaux aveugles sont sensibles à la lumière. II. — Les perceptions dermatoptiques chez les formes pourvues d'organes visuels. Les perceptions dermatoptiques n'existent pas seulement chez les animaux dépourvus d'organes visuels différenciés : ellesse mani- festent encore chez les espèces qui possèdent des yeux distincts. C’est un fait intéressant que GRABER a mis le premier en lumière par des expériences sur des blattes et des tritons aveuglés (1). GRABER étudiait, par la méthode photokinétique, de jeunes Trilon crislatus, auxquels, après avoir arraché les yeux, il emplissait les orbites et recouvrait toute la tête de cire noire ; malgré cette muti- lation, les animaux manifestaient encore une préférence fort accu- sée pour l’obscurité. Il en était de même pour des Blalla germa- nica, dont la tête avait été recouverte d’un épais capuchon opaque de cire noire. (1) GRABER. Ouvrages cités. Le = F. PLATEAU 1) a cherché à expliquer, par les sensations derma- toptiques, le vol vertical ascendant des Insectes (Hyménoptères, Diptères et Lépidoptères) que l’on aveugle, soit en recouvrant tous les yeux de couleur noire, soit en coupant les cordons nerveux qui aboutissent à ces yeux. Ces animaux, qui se laissent ordinairement attirer par l'éclat d'une source lumineuse, seraient entraînés à s'élever d'une manière anormale par la perception, dermatoptique, de la clarté qui émane du ciel. L'auteur s'appuie sur les deux faits ” suivants : 1° dans le jour, et à l'air libre, quelque soit l'état du ciel, la lumière vient d'en haut: 2° la nuit, les lépidoptères nocturnes aveuglés ne s'élèvent pas verticalement, mais plongent vers le sol ou fuient horizontalement. GRABER avait suggéré l'hypothèse que la perception de l’ultra- violet, reconnue par LuBBock (2) chez les fourmis, rentre dans la catégorie des sensations dermatoptiques. Forez (3), dans le but de vérifier cette supposition, fit un certain nombre d'essais comparatifs avec des fourmis (Camponoltus ligniperdus et Formica fusca) normales et des individus dont il avait enduit les yeux d’un vernis presque opaque. Il conclut de ces expériences que les fourmis aux yeux vernis se montrent presque indifférentes aux rayons ultra- violets, évités par les exemplaires intacts et que les perceptions der- . matoptiques sont plus faibles chez ces fourmis que chez les animaux étudiés par GRABER. Moi-même (4), j'ai démontré, par la méthode photokinétique, l'existence de semblables perceptions chez un certain nombre de Gastropodes Pulmonés : Helix aspersa, Helix nemoralis, Arion emprricorum, Limax agrestis, Limazx variegatus, Limax arbo- rum, Limnæa slagnalis. La grandeur des réactions produites par (1) F. PLATEAU. Recherches expérimentales sur la vision chez les Arthropodes, IIT° partie. Bullet. de l’Acad. de Belgique, 3° série, t. XV, 1888, et Ve partie, ibid., t. XVI, 1888. (2) LugBock. Observations on ants, bees and wasps. Part V, ants. (Linnean Socie- ty's Journal-Zoology. Vol. XIV). (3) ForgL. Expériences el remarques critiques sur les sensalions des insectes. II° Partie, Recueil zoologique suisse, IV, n° 2, 1887. (4) Je n’ai pas encore publié l’ensemble de mes recherches sur la vision des Gastro- podes Pulmonés ; il en est paru un résumé dans les Comptes rendus de l'Acad. de Paris : V. WiLLEM. La vision chez les Gastropodes Pulmonés. C R., tome CXII, n° 4 26 janvier 1891. ER — la lumière chez des individus auxquels on ampute les yeux varie suivant l'espèce considérée. J'ai tenté d’estimer approximativement la valeur des perceptions dermatoptiques comparée à celle des sen- sations dues aux organes visuels. Ayant fait pour cela des expé- riences comparatives avec des individus normaux et des animaux auxquels j'avais amputé les yeux, j'ai trouvé que, chez Helx aspersa, mollusque lucifuge, les perceptions dermatoptiques pro- voquent, en une période de quinze minutes, une réaction photoki- nétique d’une valeur égale sensiblement à la moitié de celle que produirait l’ensemble des perceptions lumineuses chez les mêmes individus normaux. Chez Helix nemoralis, mollusque leucophile, dans les mêmes conditions, le rapport de ces réactions n'est que de 1/8. Ce résultat tend à faire préjuger, ce qui n'est aucunement absurde, que les téguments sont plus sensibles à la lumière chez les animaux leucophobes que chez les espèces leucophiles. Il ressort de ce qui précède qu'on a constaté des perceptions der- matoptiques chez des animaux appartenant à presque tous les groupes zoologiques (1) ; chez toutes les formes à téguments minces, (1) Voici la liste des animaux chez lesquels on a nettement reconnu l'existence de ces perceplions : Protozoaires : Protozoaires indéterminés (HAECKEL) ; Euglena (ENGELMANN) ; Gleno- dinium (POoucHET). Cœlentérés : Larve de Reniera filigrana (MARSHALL) ; Hydra (TREMBLEY) ; Veretil- lum (Rapre) ; Edwarsia (BRONN) ; Cerianthus (BRONN); Paractis striata (JOURDAN) ; Sertularia (LOEB) ; larves de Cyanea et d’autres Méduses (SARS). Bryozoaires : Cristatella (GRABER ?) ; Paludicella (GRABER ?). Vers : Spwrographis Spallansanii (LoeB) ; Serpula uncinata (LOEB); Lum- bricus agricola (HOFFMEISTER, DARWIN, GRABER). Arthropodes : Balane (PoucHert); Cryplops punctatus ; Geophilus longicornis ; Blaniulus guttulatus (PLATEAU) ; larves de Diptères (POUCHET, Lo); Camponotus ligniperdus ; Formica fusca (FOREL) ; Blatta germanica (GRABER). Mollusques : Ostrea (RYDER, PATTEN); Solen vagina (SHARP) ; Mactra, Pinna, Avicula, Cardium (PATTEN); Pholas (VAILLANT, R. DuBois) ; Dentalium (be LACAzE-DuTRiERS); Helix aspersa, H. nemoralis ; Arion empiricorum ; Limax agrestis, L. variegatus, L. arborum ; Limnaea stagnalis (WILLEM). Vertébrés : Triton cristatus (GRABER). 130 — pourrait-on dire, qu'on s'est donné la peine d'étudier à ce point de vue. FoREL a même cherché leur existence chez l’homme, mais avec un résultat négatif : « un homme aveugle, passant de chambres claires à des chambres obscures, remarque le moindre air, la moindre différence de température, mais au point de vue de la lumière, se montre de l’ineptie la plus complète »: (1). III. — Siège et nature de ces perceptions. Les recherches que j'ai résumées succinctement démontrent que chez beaucoup d'animaux s’observent des perceptions de la lumière indépendantes de l'existence de tout organe qu'on puisse assimiler à un œil, si rudimentaire qu'il soit : perceptions qui peuvent coexis- ter avec celles que fournissent des appareils optiques différenciés, et qu'on doit forcément admettre comme se produisant par l'inter- médiaire de la totalité des téguments. D'où le nom qu'on leur a donné, de perceptions dermalopliques ou photodermaliques. Cela n'exclut pas d’ailleurs, à mon avis, la possibilité d'une certaine localisation de cette sensibilité dans des régions spéciales de la sur- face de la peau. Quels sont, dans les téguments, les éléments excités par les rayons lumineux ? Sont-ce les cellules de l’épithélium superficiel, les terminaisons nerveuses périphériques ou les cellules pigmen- taires qui, grâce à leur contenu, paraissent plus capables physi- quement d'absorber la lumière? Nous en sommes, actuellement encore, à ce sujet, réduits à des hypothèses. Seules, les observations de R. Dugoïs sur la fonction photodermatique du siphon de Pholas (2) apportent un appoint à la résolution expérimentale du problème. (1) FoREL. Expériences et remarques critiques. ... II° Partie. (2) R. Dugois. Sur le mécanisme des fonctions pholodermatique et photogénique dans le siphon du Pholas dactylus. SHARP aussi attribue la perception de la lumière à des cellules pigmentées qu'il décrit dans l'épithélium superficiel de beaucoup de Lamellibranches. Mais si on admet comme exacte la description donnée par VV, PATTEN des ommatidies répandues dans certaines régions du manteau des Lamellibranches, ce sont des cellules incolores (retino- O0 D'après cet auteur, il existe à la surface du siphon de Pholas dactylus, sous la cuticule, une couche continue d'éléments épithé- liaux pigmentés qui se continuent intérieurement par des fibres musculaires. Ce système se met en rapport, plus ou moins direc- tement, avec les éléments sensitifs de la périphérie. Quand un rayon lumineux tombe à la surface du siphon, il traverse la cuti- cule et exerce son action sur le protoplasma des éléments pigmen- taires. Les modifications produites à ce moment par la radiation lumineuse déterminent aussitôt une contraction des fibres muscu- laires continues à ces éléments. Et c'est cette contraction de « l'appareil avertisseur > qui ébranle les éléments nerveux périphériques, comme si on excitait mécaniquement le siphon en touchant sa surface. Ici se pose une question délicate : ces excitations que produisent les rayons lumineux sur les téguments des animaux sont-elles perçues par eux comme des sensations optiques? Ou bien, venant peut-être de terminaisons nerveuses périphériques destinées à recevoir les impressions de toucher, de chaleur, donnent-elles naissance dans le sensorium à des sensations analogues à celles de douleur, de chaud, de froid (1)? Il est évident que cette question, cômme toute autre qui touche à la nature des sensations éprouvées par un être distinct de nous, est pratiquement insoluble. GRABER, à la fin de son grand travail, établit que les réactions qu'il a observées chez des animaux aveugles ne proviennent pas pbores), entourées par des éléments pigmentés (rétinules), qui jouent le rôle principal dans la perception des rayons lumineux, (W. PATTEN. Eyes of Molluscs and Arthropods. Mittheil, a. d. zool St. Neapel, 6ter Band, 1886). Il n’est pas inutile de faire remarquer que ces ommatidies sont déjà des organes spécialisés et que les téguments de beaucoup d'animaux à perceptions dermatoptiques, comme les Arthropodes par exemple, ne présentent pas de trace d’organe visuel aussi différencie. (1) 11 peut venir à l'esprit du lecteur, qui vient de lire quelques ligues plus haut l'explication du mécanisme des excitations photodermatiques dans le siphon de Pholas, de supposer la question résolue et de croire que les excitations lumineuses sont suivies des mêmes sensations que certaines excitations mécaniques. Ce serait confondre une sensalion avec une excitation. D'ailleurs, R. Dugois et RENAUT expliquent de la même manière que chez Pholas la production des perceptions lumineuses dans la rétine des Vertébrés. (R. Dugois et J. RENAUT, Sur la conlinuilé de l'épithélium pigmenté de la réline avec les segments externes des cônes el des bâtonnets, et la valeur morphologique de cette disposition chez les Vertébrés. (C. R., 1. CIX, n° 20, 11 Nov. 1889). A de l’action de la chaleur, ni d’une modification dans la composition chimique du milieu ambiant sous l'influence d’un changement d’in- tensité de la respiration cutanée, phénomène qui serait analogue à celui qu'Engelmann a constaté chez Paramæcium bursaria. I en conclut que ces réactions sont bien la conséquence d’une perception immédiate de la lumière. Cette perception immédiate de la lumière par la peau, fait-il remarquer, n'est rien qui doive étonner. Les organes visuels n'étant que des régions spécialisées des téguments, il n’est pas absurde d'admettre que la propriété caractéristique des éléments récepteurs de l'œil existe en germe dans des cellules semblables à celles qui Jeur donnent naissance. Ces considérations réservent toutefois la question que j'ai indiquée plus haut. Aussi est-ce avec raison que FoREL fait remarquer : « GRABER n'a point démontré que les sensations produites par la lumière sur la peau soient d'une qualité particulière, spéciale, différente des sensations de douleur, de chaleur, de froid, de tou- cher. Il n'a pas démontré que l'animal puisse à leur aide reconnaitre quoique ce soit, qu’il distingue un objet bleu d'un objet rouge, par exemple. La qualité de ces sensations pourrait bien être voisine de nos sensations de froid et de chaud, et tout à fait différente de nos sensations optiques. » Et le même auteur ajoute « C'est ce qui me paraît le plus probable... En un mot, l'animal ne voit pas par la peau, il sent seulement la lumière, ses degrés et la longueur de ses ondes. » (1). Il me paraît cependant rationnel d'admettre, contrairement à l’opi- nion émise par FoREL, que les excitations lumineuses, excitations normales des téguments; différant essentiellement des ébranlements dûs au contact, à la chaleur, donnent naissance dans le sensorium à des sensations qui, par le fait même que leur apparition est une conséquence fatale de ces excitations lumineuses, possédent un caractère propre, qui les distingue des sensations de douleur, de chaud, de froid. Ce caractère en fait, en d’autres termes, de vérita- bles sensations optiques. On ne doit pas perdre de vue que les sensations dermatoptiques ue peuvent fournir à l'animal aucune donnée précise sur les détails, (1) ForgL. Op. citat , page 177 du tiré à part. Ep — ni même la forme générale des objets: l'absence d’appareil dioptrique exclut la possibilité de semblables perceptions. Elle ne peuvent donner à l'individu que la notion de l'intensité de la lumière, peut- être aussi la connaissance de sa qualité. PLATEAU a comparé ces sen- sations à celles que nous éprouvons quand, les paupières fermées, nous nous tournons vers une source lumineuse ou vers une région obscure : nous percevons jusqu’à un certain point les différences d'éclairage, sans pouvoir apprécier la forme des objets lumineux. Cette compréhension des perceptions dermatopliques éclaire d’un jour nouveau la question de l’origine des organes visuels. Nous pou- yons ainsi nous représenter que, pendant l’évolution progressive des animaux, la sensibilité lumineuse, primitivement distribuée sur toute la surface du corps, s’est graduellement localisée dans des ré- gions spéciales où, en même temps, se sont formés des appareils diop- triques de plus en plus compliqués. Et nous ne sommes plus surpris de rencontrer des organes de la vision en nombre variable, en des points divers des téguments : sur la tête, comme chez la plupart des animaux munis d'yeux, sur les bords du manteau, comme chez Pecten, sur la face dorsale du corps, comme chez des Chaton et Onchidium. Avec l'apparition d'organes spéciaux de la vision, ne disparaît pas complètement la sensibilité générale, comme le montre l'existence de perceptions dermatoptiques chez la blatte, les Pulmonés, le triton ; il est permis de supposer néanmoins qu'elles diminuent d'importance au fur et à mesure qu'on s'élève dans l'échelle animale, pour dispa- raître chez les animaux supérieurs où s’observe le plus haut degré de la spécialisation fonctionnelle des tissus. IV. — Perception des couleurs par les téguments. Les perceptions dermatoptiques fournissent à l’animal non seule- ment la notion de l'intensité de la lumière, mais aussi celle de sa qualité. Nous possédons peu de données sur la perception des cou- leurs par les animaux aveugles; nous les devons presque entière- SUOES — ment aux observations de GRABER sur le lombric, la blatte et le triton (1). ; GRABER a établi que le triton aveuglé est sensible aux rayons ultra- violets, qu’il cherche à éviter. Il a démontré par des séries d’expériences faites d’après la mé- thode photokinétique et en tenant compte de l'intensité des couleurs employées, que les trois formes étudiées, toutes trois lucifuges, fuient la lumière bleue et montrent une préférence manifeste pour la lu- miège rouge. Mis en demeure de choisir entre deux éclairages de nature différente et d'intensité assez égale, ces animaux optent tou- jours pour celui qui correspond aux rayons les moins réfrangibles. Plus considérable est la différence des indices de réfraction, d’autant plus intense est la réaction observée. Si, d’autre part, on rapproche de ces données le fait, constaté par ENGELMANN qu'Euglena, protozoaire leucophile, préfére les rayons bleus aux autres rayons du spectre visible, on reconnaît que tous les résultats obtenus jusqu'ici par l’étude des perceptions dermatop- tiques concordent pour prouver l’existence, chez les formes aveu- gles, d’une relation identique à celle que GRABER à constatée, chez les animaux voyants, entre ce que l’on peut appeler la « préférence pour plus ou moins d'intensité lumineuse » et le « goût pour une couleur déterminée. » Cette relation, mise en évidence par GRABER, n’est pas le produit d’une coïncidence fortuite, puisque, sur près de quarante espèces étudiées (2), il n’a rencontré que deux exceptions. Elle jette un jour intéressant sur un caractère de la perception de la lumière, tant par les téguments que par la rétine et elle a suggéré à HANDL une hypo- thèse séduisante sur la nature du sentiment des couleurs chez les (1) R. Dugois a bien étudié l'influence des couleurs du spectre sur la contraction du siphon de Pholas ; mais, outre que l'énoncé qu'il donne de ses résultats est trop peu explicite pour qu'on puisse les comparer avec ceux de GRABER, l’auteur, si je comprends bien, s'est uniquement servi des couleurs de certains spectres de diffraction et a, de la sorte, opéré avec des lumières colorées d'inégale intensité. (R. DuBois. Sur l’action des agents modificateurs de la contraction photodermatique chez le Pholas dactylus. C. R., t. CIX, n° 8, 19 août 1889). (2) Outre les deux mémoires déjà cités, voir: V. GRABER. Ueber die Helligkeits- und Farbenempfindlichkeit einiger Meerthiere. Sitzungsb. d. k. Akad. d. Wissensch, Wien, 91 ter Band, 1885. oh — animaux. C’est pourquoi je veux tenter d’esquisser sa signification et sa portée. GRABER, par de nombreuses expériences faites au moyen de la méthode photokinétique. a mis en évidence les faits suivants : 1° Les animaux qui, à la lumière blanche, se montrent soit leucophiles, soit leucophobes, manifestent les mêmes tendances quand ils sont exposés à une lumière colorée: mis en demeure de choisir entre deux espaces éclairés par des rayons d’une même couleur, mais d’inten- sités différentes, les premiers se rassemblent dans la région la plus claire, les seconds dans la zone la plus obscure : 2° Les animaux leucophiles choisissent, entre deux éclairages d'intensité sensiblement égale, mais de qualités différentes, celui qui correspond aux rayons les plus réfrangibles : ils préfèrent le bleu au vert, le vert au jaune et délaissent surtout le rouge. Inversement, les animaux lucifuges évitent les rayons de plus grande réfrangi- bilité et préfèrent le rouge à toutes les autres couleurs ; 3° Dans les deux cas, les réactions observées sont d’autant plus grandes, que les deux couleurs comparées ont des indices de réfraction plus différents. Graber, qui admet chez les animaux un sentiment des couleurs (Farbengefühl) nettement distinct du sentiment de l'intensité lumi- neuse (Helligkeïtsgefühl), se montre fort embarrassé pour concilier les deux premiers principes formulés ci-dessus. Et en effet, si pour un animal leucophile, le rouge est par lui-même une couleur désa- gréable (Unlustfarbe), un rouge vif doit provoquer chez lui une sensation plus pénible qu'un rouge plus sombre et l’on s'attend à lui voir préférer le second au premier. C’est cependant l'inverse qu on observe. La même contradiction apparente se manifeste dans les réactions provoquées par les rayons rouges chez les formes leucophobes. Aussi GRABER lui-même, après avoir hasardé à ce sujet une explication bien peu satisfaisante, conclut-il en reconnais- sant que la queslion reste encore pour lui fort obscure (1). HANpL (2), après avoir signalé cette contradiction qu'entraîne l’in- terprétation admise par GRABER, fait remarquer qu'on peut, sans (1) GRABER. Grundlinien zur Erforschung ..... , page 246. (2) Hanbz. Ueber den Farbensinn der Thiere und die Vertheilung der Energie in Spectrum. Sitzungsb. d. k, Akad. d. Wissensch, Wien. 94 ter Band, 1886. PIS — difficulté aucune, expliquer tous les résultats obtenus par cet auteur, en adoptant l'hypothèse qu'il développe dans son travail. Les espèces étudiées ne seraient pas douées d'un sens des cou- leurs spécial (Farbensinn), mais elles posséderaiert un sens de la lumière (Felligkeitssinn) d’une nature telle que l'intensité de leurs perceplions est à peu près proportionnelle à la quantité d'énergie contenue dans les rayons lumineux qui les affectent. Cette quantité d'énergie est proportionnelle — l’auteur le démontre mathématique- ment {1} — à l'intensité de la lumière employée et de plus, toutes choses égales d’ailleurs, elle croit 2t décroît avec la réfrangibilité des rayons considérés. Cette interprétation permet de comprendre pourquoi les animaux leucophiles, c'est-à-dire ceux quirecherchent la plus grande somme d'énergie lumineuse, choisissent toujours, entre deux éclairages de même nature, le plus intense et témoignent, d’autre part, une (1) Voici, pour plus de précision, légèrement modifiée, la démonstration que HanpL donne de ce principe : Considérons un faisceau de lumière homogène, dont la durée de vibration est T, la vitesse de propagation C et la longueur d'onde x — CT. Chaque par- ticule d’éther, de masse y, est animée d'un mouvement vibratoire d'amplitude « et : $e à 2xa possède, en passant par sa position moyenne, une vitesse 0 — T Son énergie o] uv? __ 2ur?a?C? RUE] x Ce faisceau, dans sa propagation, engendre dans l'unité de temps et par une unité de surface de section un volume égal à C. Si nous désignons par p le nombre de particules d'éther contenues dans l'unité de volume, l'espace C renfermera 5 C particules en vibra- 2pur?a2C3 nm pa de vibration e — tion, possédant une quentité totale d'énergie lumineuse E — pCe — Soit n l'indice de réfraction de ces rayons pénétrant du vide dans le milieu considéré et c — nC, leur vitesse de propagation dans le vide. L'expression ci-dessus pourra s’écrire 2our?a?C3 , Pr a? ni: °UEen remplaçant par D le produit eonstant 2pun?2C%, E — na , Comme les variations de n, quoique dépendant de celles de x, sont très faibles vis-à- vis de celles-ci, on peut, avec une approximation suffisante, en faire abstraction, et écrire la formule : nl Cette expression montre que l'énergie d'une quantité de lumière donnée varie propor- tionnellement au carré de l'amplitude vibratoire el en raison inverse du carré de la longueur d'onde. L'énoucé qui se trouve dans le texte, moins mathématique, est aussi moins exact, 0 — préférence manifeste pour les rayons les plus réfrangibles du spectre. Elle explique de la même manière comment la lumière provoque des réactions inverses chez les espèces leucophobes. Une remarque néanmoins. Il ne faut pas se méprendre sur la portée de l'hypothèse ingénieuse et fort plausible, émise par HanDL. Elle ne vise pas à expliquer la nature intime de la sensation optique provoquée par une couleur déterminée. Tout concorde, nous l’admet- tons volontiers, à faire supposer que l'intensité du sentiment agréable où désagréable provoqué chez les animaux par la lumière est en quelque sorte proportionnelle à la quantité d'énergie que possède l'agent excitateur. Nous pouvons facilement nous représenter deux éclairages différents, obtenus en combinant pour chacun d’eux d'une manière convenable l'intensité et la qualité de la lumière, qui posséderaient la même énergie lumineuse. Du fait que le contraste de ces deux éclairages ne provoquerait pas, d’après l'hypothèse de HanpL, de réaction photokinétique chez un animal mis en expérience ; du fait que les sensations produites chez cet animal par les deux lumières lui seraient également agréables ou désagréables, on ne pourrait pas conclure à l'identité de ces sensations. En d'autres termes, on ne pourrait pas s’appuyer sur l'absence de réaction exté- rieure pour admettre que l'individu ne perçoit pas la différence des deux lumières et est affecté d’une espèce de daltonisme. Savoir si les animaux, soit au moyen des téguments, soit au moyen de la rétine, distinguent ou ne distinguent pas les couleurs en elles- mêmes, est une question excessivement ardue qui, à cause de la difficulté qu'on rencontre pour donner à deux éclairages de couleurs différentes une même intensité absolue (1), attendra probablement longtemps encore une solution définitive. Arrivé au terme de cette étude critique, qu'il me soit permis d'adresser mes remerciements à mon professeur, M. F. PLATEAU, pour les conseils précieux qu'il m'a donnés dans le cours de ce travail. Gand, Laboratoire de Zoologie de l'Université, 10 Février 1891. (1) Et non une intensité jugée telle par n0$ yeux, SUR LE MIMÉTISME DE THOMISUS ONUSTUS WALCKENAER, PAR ÉDOUARD HECKEL , Professeur à la Faculté des Sciences de Marseille, Planches VII - VIII. « On a beaucoup trop négligé jusqu'à présent, pour l'étude de ces questions difficiles, nos insectes indigènes dont les mœurs sont cepen- dant plus aisément observables que celles des espèces de la Malaisie, de l'Afrique ou de l'Inde. » A. GIARD. CCR Les phénomènes de mimétisme, qui, non seulement enlacent dans un réseau morphologique très étroit, les animaux et les végétaux respectivement entre eux, mais encore unissent dans des besoins communs de protection, les représentants de ces deux règnes, paraissent être sans limite. On peut dire, en effet, qu'ils se ren- contrent partout où la vie se manifeste, soit sous une forme simple soit sous une forme complexe, à partir du moment où des indi- vidualités diverses se disputent la vie dans un milieu quelconque,sur un espace donné (1). Ces phénomènes nous révèlent une des mani- festations les plus intéressantes de la corrélation qui existe entre (1) Les études du professeur GiARD sur le mimétisme (Arch. de zoologie expé- rimwntale el générale. — Vol. I, 1872, p. 56) nous ont montré, avec une grande hauteur de vue et une grande précision de détails, que ces phénomènes peuvent se rencontrer dans les termes les plus inférieurs de l’animalité : les exemples cités par SCHWEINFURTH vont, d'un autre côté, nous montrer que l’homme lui-même n'y échappe pas, même dans sa nature physique. — 40 — les deux règnes animés et des réactions du milieu animé ou inanimé sur les formes vivantes. Quoique cotoyant de très près les phénomènes parasitaires dont l'influence morphologique ne peut plus être contestée, le mimélisme n’a jamais été étudié dans ses conséquences au point de vue de la production des formes. Cette étude jeune encore n’est pas sortie de la période des constatations et de l'inventaire des faits mimétiques en eux-mêmes : il convient cependant de ne pas perdre de vue que le problème de la morphologie générale doit. d’après des prévisions qui ne sont pas trompeuses, s'enrichir de trois chapitres nouveaux : 1° l'influence mimétique, 2° l'influence parasilaire, et 3° l'influence tératologique. J'ai montré ailleurs (Revue scientifique, 1880, Téralo- logie ettéralogénie générales), et je n’y reviendrai pas, toute l'étendue de cette dernière influence morphogénique. Il ne paraît pas douteux, pour tous les esprits dont la vue dépasse l'horizon borné des simples constatations, que la symbiose vitale si bien établie et si bien connue pour quelques grands groupes végétaux (Lichens), ne sera que le point de départ de l'étude du parasitisme dans ses conséquences morphologiques. On peut prévoir déjà, par exemple, que grâce à la connaissance mieux assise dès lois de l’irritabililé parasitaire et de la similitude de cette action avec l’érritabilile fécondatrice, il pourra être établi des rapprochements de forme, de constitution et de coloris, entre les galles (pseudofruits) et les véritables fruits. Ce n’est évidemment là qu'un des côtés de cette étude, qui, ainsi comprise, promet du reste, d'être très féconde. Quant à l'influence mimétique, on sent, d'après ce que l’on connaît déjà très bien, qu'un grand nombre de formes lui doivent leur existence. Ce n’est pas ce large côté de la question que je désire traiter aujourd’hui. Mon but est plus modeste : je veux montrer seulement quelques manières d'être nouvelles des rapports mimé- tiques connus entre les araignées et les organes floraux des plantes qu’elles fréquentent ou mieux qu'elles exploitent. IL s’agit d’un mimétisme de coloris et non de forme. On peut diviser les animaux, au point de vue des relations de coloris qu’ils peuvent avoir avec leur milieu,1° en mimétiques immé- diatement variables avec la couleur de leur milieu ou avec la fonction qu'ils remplissent, 2° en mimétiques variables seulement dans certains de leurs stades évolutifs (Larve, chrysalide, animal —949— parfait) ; 3° en mimétiques fixés dans une couleur invariable (qui s'accompagne alors le plus souvent d’une forme protectrice spéciale) Les faits relevant de cette dernière catégorie abondent (Phyllies, Phasmes, Proscopies, etc.) et l'homme lui-même semble avoir subi cette réaction du milieu sur le coloris de la peau. comme du reste les animaux les plus inférieurs. Bien que chez lui, le mimétisme ne soit pas protecteur dans toute son évidence, il n'en existe pas moins. Voici ce que dit ScaweinrugTx sur ce sujet (1): « Les >» » >» >» Bongos ont la peau d’un brun rouge pareil à celui du terrain qu'ils occupent ; les Dinkas (peuple voisin) d'autre part, sont noirs comme l'alluvion de leur sol natal, Ce fait rappelle la théorie de DARWIN sur la « ressemblance protectrice » qui existe entre l'aspect des » animaux et celui de leurs habitations ou de leurs refuges. Bien » que, dans le cas dont il s’agit, la ressemblance soit purement » accidentelle,nous croyons cependant qu’elle mérite d'être signalée. 86, An, ei on. Tout voyageur qui a traversé le pays des Chilloueks, celui des Noërs et celui des Dinkas, reconnaîtra tout de suite, en arrivant chez les Bongos, le commencement d'une nouvelle série de peuplades d'autre race, série qui s'étend vers le Sud. De même que les arbres et les plantes sont les enfants du sol qui les porte, de même ici l’espèce humaine parait être en rapport extérieur avec le terrain qui prédomine autour d'elle. Les Chilloueks, les Noërs et les Dinkas, nous le répétons, originaires d'un pays alluvial où le sol est très sombre, présentent une différence marquée avec les habitants du plateau ferrugineux, qui, malgré la diversité de langage et de manière de vivre, sont reliés par les mêmes traits caractéristiques ». Plus loin, l’'éminent explorateur s'exprime ainsi : « Parmi les quelques arbustes qui fleurissent ici pendant l'hiver, se trouve un Æchinops avec fleurs d'un rouge pourpre, formant un magni- fique capitule de la grosseur du poing et dont j'ai gardé un vif souvenir. On le rencontre dans les éclaircies de la forèt, où il sort de l'herbe et arrive à la hauteur d'un homme. Ainsi que la rainette au milieu du feuillage et le ptarmigan (Tetrao lagopus) trouvent dans la couleur qui les entoure une similitude protec- (1) Au cœur de l’Ajrique, Trad franc. LOREAU, 1875, T. I, p. 190. (2) 13 d° chap. VIII, p. 336. 2 060 — » trice, de même un insecte bizarre, espèce de mante, dont tout le > corps est du même rouge que celui des fleurs de notre Æchinops, > choisit pour habitat ces capitules splendides et confondue avec eux, > trompe le regard le plus exercé. Cette partie de l'Afrique très » riche en insectes de ce genre, m'en a offert une série complète, > et chaque fois que j'ai trouvé l'un ou l’autre des membres de la > famille, j'ai été confirmé dans l'opinion qu'ils s'efforcent tous »> d'assortir la couleur du milieu qu'ils habitent à celle de leur > vêtement ». Ces citalions ont leur importance : elles nous montrent d'une part l'universalité du phénomène, sa diffusion sous toutes les latitudes, et, d'autre part, elles nous enseignent, au moins, par l'exemple tiré de l’homme, que la manifestation des couleurs mimétiques, c’est-à- dire protectrices, a ses premiers débuts dans une réaction réciproque. entre le milieu et l'être vivant, qui tend à les confondre en un tout de coloris harmonique. \ Le changement de couleur coïncidant, chez certains animaux, avec les diverses phases de leur évolution réalisées dans les milieux différents, ne fait aucun doute. Aux exemples connus, je puis ajouter Cochylis roserana dont la première génération, au prin- temps, est à l’état de chenille verte parce que la grappe de raisin sur laquelle elle vit est de cette couleur, tandis que la deuxième géné- ration automnale est rougeâtre parce que les fruits du raisin sont mûrs et rouges. Le Papihio Machao fait sa chrysalide, en général, d'un gris verdàtre; mais cette chrysalide est complètement grise sur papier gris, verdàtre sur papier vert, et, tirant fortement sur le jaune quand elle est sur un papier de cette couleur. Entre ces diverses catégories de couleurs fixes, rapidement ou lentement changeantes, se trouve la forme de mimétisme que j'ai observée dans une araignée remarquable par la facilité avec laquelle elle revêt la livrée du milieu qu'elle fréquente. Ce n’est pas la première fois que des phénomènes mimétiques ont été remarqués parmi ces arachnides. M. le prof. PAVESsI, dans un mémoire très intéressant (Cenni solle colorazioni el forme mimetiche utili nelle ragni (1) ), en a relevé de nombreux, sans qu'aucun d’entre eux, toutefois, se (1) Extrait des actes de la Société italienne des Sciences naturelles, vol. XVIN, 14 pages. Es" pes rapproche de celui que je vais faire connaître ; ils appartiennent tous, en effet, à la catégorie des couleurs fixes protectrices, et ce doivent être évidemment les faits mimétiques qui, chez les arai- gnées, constituent la catégorie la plus nombreuse (1). Toutefois, M. Simon, le savant arachnologue, me déclare (2n literis) avoir observé le changement rapide de couleur dans les araignées, et parti- culièrement dans Dictyna viridissima, dont le mâle, au moment même de l’accouplement, passe du jaune verdâtre au vert vif. Nous allons voir dans Thomisus onustus WALCKENAER, un phénomène comparable quoique réalisé plus lentement. Cette araignée exploite si assidûment nos fleurs de Convolvulus arvensis L. qu'il serait difficile à une certaine époque (août et septembre) de trouver, dans certains lieux, un pied de liseron qui n’eût pas sa Thomise. Elle vit tantôt intérieurement au fond de la corolle, tantôt extérieurement, au con- fluent du calice et de la corolle, mais toujours dans une attitude chasseresse. Ces fleurs, on le sait, sont fréquentées par de nom- breux insectes (2); mais l’habileté de notre Thomise s'exerce surtout à capter deux diptères (Nomioides minulessimus Rossr, Melithreptus Origani Mec.) qu’elle recherche avec avidité. C'est son gibier préféré, et elle peut choisir, la chasse étant fructueuse et le lieu toujours giboyeux (voir PI. vu, fig. 2 et 5). Or, dans nos régions, le liseron des champs très abondant et dont (1) Aux faits déjà connus, M. A. VILLOT (de Grenoble), a bien voulu en ajouter un nouveau absolument inédit résultant de son observation personnelle, Ce naturaliste a vu en 1877 (juin), dans les bois de Vouillant, sur un épi floral de Cephalanthera uni- folia, un Thomisus de couleur blanche avec une tache jaune citron sur les mandibules, A la faveur de ce mimétisme il venait de capturer un diptère du genre Empis. Mais M. Vizcor ignore s'il s’agit dans cette adaptation miméiique d’une espèce, d'une variété ou enfin d'un simple individu. J'ai tout lieu de croire qu'il s’agit ici de mon Thomisus onuslus revêtant une livrée voisine de celle que je signale sous le nom de la variété incolore du Convolvulus arvensis. (2) HERMANN MüLLER dans son Befrüchtung der Blumen durch Insecten, p. 263. cite les espèces suivantes comme fréquentant ces fleurs : “ Hyménoptères : Apis mellifica L.; Halictus Morio F ; H. nitidiusculus K.; Che- » lostoma Campanularum K. » Diptères : Æmpis livida L.; Helophilus floreus L.; Eristalis arbustorum L ; Syr- » phus nitihcollis MGnN.; S. balteatus DeG.; Medithreptus scriplus L.; M. » tœæniatus MGN.; Sepsis...... ” Coléoptères : Meligethes..... ; Œdemera virescens L.; Leplura livida L. » Hémiptéres : Nabis D = la floraison dure de juillet à fin septembre, présente trois variétés remarquables par la différence du coloris de la fleur. L'une d'elles a sa corolle d'un blanc uniforme (PI. vi, fig. 1); l’autre est douée d'une couleur corolline d'un rose clair général avec des traces de taches d’un rouge vineux à l’extérieur sur les points de torsion pré- florative (PI. vir, fig. 3 et 4); enfin, la troisième est rose plus pâle, légèrement teintée de verdàtre à l'extérieur (PL. vu, fig. 1). Ces variétés vivent côte à côte et entremêlées, sans prédominance accusée de l’une sur l’autre (sauf en quelques lieux spéciaux) ; elles s’augmentent de quelques termes de passage formant toutes les tran- sitions plus ou moins sensibles qui conduisent de la variété rose clair à celle que j'ai considérée dans mes recherches de Morphologie, de Téralologie et de Téraltogénie (Bulletin de la Soc. de botanique el d'horliculture de Provence, 1880) comme dérivée d'elle par auto- fécondation et conduite par le procédé autogame, de dégradation en dégradation. jusqu'à l’état complètement incolore. Cette autofécon- dation, j'ai à peine besoin de le dire, est le résultat de la voracité de notre Thomise qui, à certains moments, sacrifie tous les insectes visiteurs indistinctement. Or, ces trois variétés de liseron reçoivent, comme hôte assidu, trois Thomises de couleurs différentes qui revêtent très exactement celles de la corolle du liseron. J'avais con- sidéré d’abord ces diverses Thomises comme autant de variétés, et c'était aussi l'opinion des arachnologues les plus compétents. La Tho- mise, propre au Convolvulus verdàätre extérieurement, occupe le plus souvent les parties externes de la fleur, aussi en emprunte- t-elle le coloris vert sale légèrement teinté de rouge (PI. vu, fig. 1); la Thomise qui vit dans la fleur incolore est elle-même blanche avec une croix bleue sur l'abdomen et l'extrémité de ses pattes légère- ment teintées de bleu également (PI. vu, fig. 1) : enfin, la Thomise qui vit sur la variété à couleur rosée franche est elle-même fran- chement et nettement rosée sur la totalité du dos de son ahdomen et de ses pattes. | Mais là ne se bornent pas les couleurs que peut revêtir notre araignée. D'abord, j'ai remarqué qu’elle peut accentuer encore sa couleur rouge en passant, par exemple, sur le Dahlia versicolor (variété à fleurs rouge vineux) elle devient elle-même d’un rouge très rutilant (PI. vin, fig. 2). Enfin, elle devient jaune quand elle habite (et le fait n’est pas rare) les fleurs de l'Andirrhinum majus, L. (variété luleum). 0 — Je le répète, j'avais cru avoir affaire dans chacune de ces araignées revêtues d'une livrée différente à des variétés du Thomisus onustus. Une observation fortuite me mit sur la trace de mon erreur. J'avais renfermé dans une boîte, pour les expédier à un arachnologue, quelques-unes de mes Thomises en vue d’en faire confirmer la détermination. D’autres occupations intervenant, je les oubliai et elles restèrent là, quinze jours. Au moment de leur incarcération, elles étaient du rouge indiqué (PI. vu, fig. 2); au moment où je rouvris la boîte, elles étaient complètement décolorées (PL. vin, fig. 3). J'en pris alors une que je remis sur un Dahlia rouge, une autre sur un Anlirrhinum jaune, et un troisième sur un Convol- vulus incolore, en pleine campagne aux environs de Marseille au mois d'août, après avoir au préalable marqué mes sujets d'un point noir à l'encre sur leur dos blanc. Quatre jours après. elles avaient pris les couleurs de la plante dans laquelle elles habitaient ; mais les points à l'encre noire avaient disparu, peut-être sous l'influence d’une forte pluie d'orage qui eut lieu entre temps. Ce qu'il y a de remar- quable c’est de voir les araignées, dont la couleur rouge est la livrée dominante, passer avec la facilité la plus grande, à des couleurs de la série bleue (1). Il restait à rechercher par quelle adaptation organique se réalise ce mimétisme surprenant. Je laisse aux spécialistes le soin de nous renseigner sur ces points délicats de l'ordre purement anatomique qui ne sont pas de ma compétence. Mais ce que je tiens à bien mettre en évidence, c’est que les trois variétés du Convolvulus, allant de l'état très coloré à l'état incolore, sont l'œuvre de l’animal qui les mime si fidèlement. A la faveur de ce déguisement rapidement acquis, il peut satisfaire sans efforts sa voracité, et, en faisant sa proie journalière des insectes fécondateurs, il assure une perpétuelle autofécondation, qui, nous le savons, finit par décolorer l'espèce et la rendre stérile dans quelques-uns de ses représentants. Marseille, le 17 Décembre 1890. (1) Ce changement n'est pas instantané : il demande quelques jours pour se produire. Il y a dès lors tout lieu de supposer que, pour Thomisus onustus, ce n’est là qu’une faculté dont elle use peu. Une fois adaptée à une couleur florale, elle doit s'y fixer, à moins d'urgente nécessité, EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE VII. Fig. 4. — Thomisus onustus WaLck., couleur verte jaunâtre adaptée à la couleur extérieure jaune verdâtre de la corolle du Convolvuius arvensis L. 1” grandeur naturelle du Thomisus. Fig. 2. — Nomioides minultissimus Rosst % ; 2’ sa grandeur na- turelle. Fig. 3. — Varièté de Convolvulus arvensis L. à pétales rose pâle. Fig. 4. — Thomisus onustus WaLck., couleur rose pâle adaptée à la variété précédente du Convolvulus et grossi pour montrer l'intensité et la disposition de bande de cou- leur rose pâle. Fig. 5. — Melithreptus Origani Mec. 9, insecte qui fréquente le plus cette fleur ; 5”, sa grandeur naturelle. PLANCHE VIll. Fig. 1. — Thomisus onustus, couleur blanche adaptée à la variété blanche (incolore) du Convolvulus arvensis. Fig. 2. — Thomisus onustus, couleur rose très accentuée adaptée à celle des pétales du Dahlia versicolor fréquenté par cette araignée. Fig. 3. — Aspect de l’araignée séparée de la fleur depuis quinze jours. UN MOT DE RÉPONSE A M. LONNBERG, PAR FR. SAV. MONTICELLI. M. le D'Einar LONNBERG, dans un article (1) qu’il a eu l’obligeance de m'envoyer avec la dédicace : « sine ira et studio » montre au contraire une certaine mauvaise humeur de ce que je ne partage pas ses conclusions. Pour éviter une polémique, que d’ailleurs je n’aime pas, j'ai écrit à M. LONNBERG une lettre lui démontrant que sa critique était sans fondement et le priant de rectifier certaines assertions complètement fausses dans un prochain numéro du Biologiska Füreningens Fürhandlingar. J'ai attendu vainement pendant deux mois, sans que M. LÔNNBERG ait daigné publier un mot de réponse. Je me vois donc forcé de lui répondre par la présente note, d'autant plus que M. LüNNBERG m'attribue une erreur d'identification que je n'ai jamais ni pensée ni écrite. Je me bornerai cependant, pour être bref, à reproduire simple- ment ici ce que je lui ai écrit. M. LôNNBERG me reproche principalement de ne pas avoir tou- jours bien compris ou bien traduit son suédois (2). Je dois avant tout (1) Bemerkungen zum « Elenco degli Elminti studiati a Wimereux nella primavera del 1889 » dal Dott. FR. Sav. MONTICELLI, in : Biologiska fôreningens Fürhandlingar, Bd. III, oct. 1890, n° 1. — Voir ce Bulletin, T. XXII (4), p. 417-444, tav. XXII. (2) Bidrag till Kännedomen om i Sverige fôrekommande Cestoder, in : Bihang till Kongl. Vetensk. Akad. Handl., Bd. 14, Afd, IV, n° 9, — 50 — lui démontrer que ce reproche est absolument faux : en effet, dans tout son article, je ne trouve aucune indication des passages de son travail que je n’aurais pas compris ou que j'aurais mal traduits : je vois seulement qu’il se plaint que je ne partage pas sa manière de voir sur le genre P{hychobothrium et sur le Déscobothrium fallax. Pour le premier cas, il n'est pas autorisé à croire que je n’ai pas lu sa Molitirung pour la création du nouveau genre : s’il s'était donné la peine de lire la page 429 de mon travail incriminé, il aurait pu s'assurer que je l'avais lue, car jJ'expose les raisons pour lesquelles je crois « non gruslificala a mio parere la creazione di un nuovo genere » et je considère le cestode de Belone tout sim- plement comme un Bothriocephalus. Pour le Discobothrium, la chose se passe dans les mêmes termes. Dans l’un et l’autre cas, M. LôNNBERG pourra bien facilement com- prendre qu'il s’agit tout simplement d'appréciations personnelles sur l'importance des caractères spécifiques et génériques, mais Je n’y vois aucun malentendu de ma part et l’on ne peut dire que j'ai mal compris ou mal traduit son suédois. Je défie M. LôNnBERG de m'indiquer où je ne l'ai pas compris ou mal traduit. Moi, au contraire, je dois lui reprocher d'avoir fait une confusion à propos de la larve du Bothriocephalus belones, confusion qu'il n'aurait, Je Crois, certainement pas faite s'il eut daigné lire mon texte et l'explication de la planche et jeter un coup d'œil sur cette planche, ce qui lui aurait épargné l'occasion d’une critique assez aigre. En effet, la figure que j'ai reproduite et que je considère comme larve du Bothriocephalus belones (voir mon article, page 428 explication de la Planche, p. 442, fig. 13) est la figure 76 de la. Planche VII de WaGexEer (1) que cet auteur, dans son travail, indique ainsi à la page 68 : « Dibothriuin belones Du. aus Belone, 16 mal v. » 6 M. LôNNBERG écrit et affirme que j'ai reproduit la figure de la larve de Dibothrium (Belones ?) aus Scyllium canicula que WaA- GENER a décrite à la page 44 et 68 et figurée dans la Planche VI, fig. 74, larve que je n’ai jamais cru devoir être rapportée au Bolhrio- (1) Entwicklung der Cestoden, Harlem 1851. — cephalus Belones et à propos de laquelle je partage les conclu- sions de M. LÜNNBERG. M. LoünnBERG voudra donc bien m'accorder que dans ce cas aussi je n'ai pas mal traduit et compris son suédois, mais que c’est lui qui m’attribue une chose que je n'aijamais ni pensée ni écrite dans mon travail ! M. LüNNBERG aurait aussi bien pu s’épargner « eine Lanze zu brechen $ pour le D° OLssox. Si j'ai écrit Phyllobothrium au lieu de Phyllobothrioideum, c'est par un simple lapsus calami et M. LônNBERG n'avait pas en tout cas le droit d'écrire que je ne connaissais l'ouvrage d'OLSSON que par sa citation. Si M. Lônx- BERG avait seulement pris la peine de réfléchir avant d’écrire sa note, qu’on reconnaît d’ailleurs avoir été faite avec une grande précipitation, et de lire un peu mieux mon travail ou plutôt mes travaux, il aurait bien pu s’apercevoir que je connaissais bien avant qu'il commençât à publier sur les cestodes, le travail en question d'Ozssox et dans le cas actuel, il aurait pu voir qu’à la page 434 je discute les opinions de M. OLssox et je cite en note quelques lignes de son texte, prises à la page 42, lignes 19 et 20. J'espère que M. LôNNBERG sera convaincu par cette réponse publique provoquée par son silence, que je ne l’ai ni mal compris ni mal traduit et que par suite sa critique manquait totalement de base sérieuse. Naples, le 24 Mars 1891. RECHERCHES ANATOMIQUES SUR UN MOLLUSQUE NUDIBRANCHE APPARTENANT AU GENRE CORAMBE (1), H. FISCHER , A Agrégé-Préparateur à l'École Normale supérieure. Planches IX-XII. HISTORIQUE. Le genre Corambe (2) a été créè par A. BerGx en 1871 (3) pour un Nudibranche de la mer des Sargasses , bien différent par son aspect extérieur des autres représentants de ce groupe. Ses caractères sont même tellement particuliers que cet auteur a placé ce genre dans une famille spéciale, celle des Corambiadæ. Cette famille et ce genre sont fondés sur une seule espèce, (1) Travail commencé au laboratoire de la Société scientifique d'Arcachon et terminé au laboratoire de Zoologie de l'Ecole Normale supérieure. (2) M. BERGH a bien voulu m'informer qu'il a trouvé ce nom dans un ouvrage de G. SA». (Histoire de ma Vie, tome IV, chap. xv, p. 140. Édition CALMANN Levy} . un personnage fantastique appelé Corambé (nom sans signification aucune, dont les syllabes s'étaient rassemblées dans le hasard de quelque rêve) .... » (3) Rupozpx BERGH : Beiträge zur Kenntniss der Mollusken des Sargassomeeres, Verhandlungen des k. k. z00l. bot. Gesellschaft in Wien. 1871. Band XXI, p. 1293- 1297. Tef. xI, XII. | — JU — Corambe sargassicola, représentée par un exemplaire unique, dont la découverte est due au capitaine danois ANDRÉA. L'animal, d’après R. BERGKH, est de petite taille (longueur 3°): il ressemble dans sa forme générale à une Doris : le notæum déborde le pied de toutes parts; il est percé de deux ouvertures livrant passage à des rhinophores complètement rétractiles ; en arrière, il est fortement échancré sur la ligne médiane. Les branchies, pré- sentes seulement dans la région postérieure du corps, sont attachées sous le notæum. L'anus est médian, ets’ouvre au-dessous de l’échan- crure du notæum, entre ce dernier et le pied. Tels sont les principaux caractères extérieurs de cet animal. L'échancrure postérieure et médiane du notæum est un fait extrê- mement rare chez les Nudibranches. La disposition des branchies est aussi tout à fait spéciale : ce genre Corambe constitue donc un type bieu distinct des autres Nudibranches. R. BERGH donne un certain nombre de renseignements sur l'ana- tonie du Corambe : il décrit la radule, dont chaque rangée serait formée d’une dent médiane et d’autres dents plus petites au nombre de quatre de chaque côté. Je ne m'étendrai pas davantage pour le moment sur ce travail, car j'aurai occasion d'y revenir à propos de la description de chaque organe. Depuis sa découverte par R. BERGH, le genre Corambe a êté signalé en Europe en 1886 par le professeur KERBERT, d'Amster- dam (1). Cet auteur donne un nom spécifique (Corambe batava) à la forme qu'il a trouvée dans le Zuyderzée , mais sa description est trop peu détaillée pour permettre de juger si cette espèce est dis- tincte de la précédente et de celle que j'ai décrite ultérieurement : il indique seulement la coloration de l'animal et la forme de la ponte (2). Les échantillons trouvés par KERBERT sont d’ailleurs en très petit nombre. (1) Tiÿdschrift der Nederlandsche Dierkundige Vereiniging. ?° série, DI. 1, Afl. 2, p. 5-6. (2) « Cette espèce vit dans l'Y du Nord, au voisinage du Pampus, sous les pierres... Les individus ont une longueur de 3 à 5 ww, La plupart sont ornés de taches blanches ; quelques-uns entièrement d’un brun sombre. Les œufs se trouvent abondamment sous les pierres, où ils sont déposés dans une gaîne gélatineuse en forme de spirale. ..... Cette forme est assez différente du Corambe sargassicola pour en faire une espèce nouvelle sous le nom de Corambe batava ». (Analyse du mémoire de KERBERT, in : Bulletin scientifique du Nord, 1886, 2° série, 9, p. 136). AD = J'ai rencontré, au contraire, en très grande abondance , des spé- cimens de Corambe dans le bassin d'Arcachon (1), en septembre 1888. Ce fait a été signalé par mon père, le D'P. FiscHeR (2). J'ai publié moi-même (3), en 1889, une courte note sur l'organisation de ce nudibranche : j'en ai indiqué les caractères extérieurs, j'ai décrit et figuré la radule, enfin j'ai donné la diagnose, que je reproduis ici, de cette forme d'Arcachon. Corambe testudinaria H. FiscHER. Animal ellipticum, fuscum; nolæum convexum, crassum , undique pedem excedens, posleriore medio margine incisum. Rhinophort retractiles, vaginis 2 postice fissis instruch ; aæis rhinophori appendice cylindrica productus. Orificium genilale in latere dextro, antice inter nolæum el pedem situm. Anus medianus el posticus, infra incisuram nolcæi situs. Branchiæ utrinque seplem (in speciminibus majoribus),posticæ- laterales, infra nolœum siæ. Lamellæ branchiales numero variabiles ; in branchia poshica 4 utrinque. Cor medianuwm, posticum. Ololithi plures, ovoidei. Formula radulæ |4 + 1 +0 +1 + 4] x 30. Dens medianus deficiens; dens lateralis major, basi emarginalus ; parte reflexa incurva, acula, margine inlerno 5 — 6 denticulis brevibus, aculis, instruclo. Longiludo maxima 4". Latitudo maxima 3""5. Habitat : in fohiis Zosterarum (Arcachon, Gironde). (1) Qu'il me soit permis d'exprimer, à ce propos, toute ma gratitude à M. HAMEAU, Président de la Société scientifique d'Arcachon, et à M. DURÈGNE, Directeur du Labo- ratoire de cette station, pour les facilités qu’ils m'ont accordées pendant mon séjour dans cette localité; j'ai pu, grâce à eux, me procurer en abondance les matériaux d'étude. (2) Bull, Soc. Zool. Fr., XIII, pp. 215 et 216, 1888. (3) Bull. Soc. Zool. Fr., XIV, p. 319-881, 1889. — 361 — On voit que par ses organes extérieurs, cet animal présente des caractères mixtes : ses rhinophores complètement rétractiles dans une cavité du notæum rappellent ceux des Anthobranches (Dorts) ; la disposition des branchies situées de chaque côté du corps le rap- proche plutôt des Inférobranches. Pour décider si le genre Corambe a réellement des affinités mul- tiples, ou bien s’il doit être rangé dans une des familles déjà décrites des Nudibranches, il était nécessaire d’en étudier l’ana- tomie. Je n'ai pas entrepris une monographie, mais j'ai restreint ce travail à l'étude des organes les plus importants, ceux qui sont examinés d'ordinaire par les auteurs pour fixer la position systé- matique des divers Mollusques. Toutefois, même réduites à ces pro- portions modestes, ces recherches peuvent présenter un intérêt immédiat, en raison du très petit nombre des faits que nous connais- sons en ce qui concerne l’organisation des mollusques du genre Corambe, si ditférent des autres types de Nudibranches. PROCÉDEÉES DE RECHERCHES. J'ai poussé aussi loin que j'ai pu l'examen de l'animal vivant, et j'en airetiré déjà quelques renseignements anatomiques. Par la dissection j'ai étudié le système nerveux, une partie de l'appareil génital, et le bulbe buccal. J'ai préparé la radule en dis- solvant la masse buccale dans la potasse concentrée. Pour les autres organes, j'ai dû employer la méthode des coupes. Le sublimé concentré dans l’eau, ou simplement l'alcool à 90° sont les deux réactifs fixateurs qui m'ont donné les meilleurs résultats. Les animaux ont été colorés par le picrocarmin de RANVIER. J'ai aussi employé la double coloration au carmin et au bleu de mé- thylène qui a été indiquée dans les recherches récentes de R. PER- RIER et F. BERNARD. Après deshydratation par l'alcool absolu, l'animal a été plongé quelques heures dans le toluène , porté ensuite pendant cinq ou six ENS — heures dans de la paraffine fusible à 50°, maintenue constamment à cette température, et enfin débité en coupes de 1/200"° de milli- mètre. Les coupes ont été collées sur les lames suivant le procédé à la gélatine décrit par les auteurs que je viens de nommer. Pour l'examen histologique du notæum, j'ai pratiqué directement des coupes à la main sur l'animal simplement fixé par l'alcool à 90°. ASPECT GÉNÉRAL. Le Corambe d'Arcachon se rencontre en abondance dans la zone qui affleure à marée basse : il se tient sur les Zostères incrustés de Membranipora pilosa; jamais je ne l'ai rencontré dans d'autres conditions. Les individus sont très nombreux, et forment de petites saillies ovales, brunâtres, peu distinctes, au premier abord, des organismes (éponges ou algues) qui se rencontrent fréquemment sur ces Membranipores. Ils restent d’ailleurs à peu près immo- biles, et c’est, je pense, pour ces divers motifs qu'ils n'avaient pas été remarqués dans cette localité, où je les ai toujours rencon- trés en aussi grand nombre durant trois années consécutives. Je n’ai pas pu déterminer exactement la raison de cet habitat: on pourrait penser que cet animal se nourrit de Membranipores; cepen- dant je n’ai pas trouvé dans son estomac de débris qu'onpuisseattri- , buer avec certitude à un Bryozoaire ; mais on y remarque en abon- dance les mêmes Diatomées que sur les cellules des Membranipores:: il est donc probable que le Corambe broute, en se déplaçant très- lentement, les petits organismes qui se développent sur le Bryo- zoaire, Caractères extérieurs. — L'animal, détaché de son substra- tum et placé dans l’eau de mer se montre au contraire très vif dans ses mouvements. Il est assez transparent; sa coloration générale due aux pigments du notæum et au foie, varie d'un brun assez foncé à un brun clair lavé de jaune. Au microscope on distingue très bien nn — les deux pigments; l’un brun, l’autre vert: le premier forme de petits îlots disposés superficiellement sur toute l'étendue du notæum ; le pigment vert se montre au contraire dans les parties profondes, où il constitue une couche continue limitée à la région centrale, d’où partent des arborisations qui rayonnent vers le pourtour du notæum, à l’intérieur de son bord libre (pl. IX, fig. 1.) Les rhinophores sont incolores. Les tentacules buccaux (fig. 5, { et fig. 3) et le pied sont également incolores , mais on aperçoit en examinant l'animal par sa face ven- trale, une tache trilobée fortement teintée de jaune : c’est le foie vu par transparence à travers le pied (fig. 3). Face dorsale. — Le notæum déborde le pied de tous les côtés. Tout au plus aperçoit-on parfois la pointe des tentacules buccaux qui peuvent le dépasser en avant, et une petite partie du pied visible à travers l’échancrure postérieure. La surface du notæum est cou- verte de petits tubercules (fig. 7) : j'indiquerai plus loin leur signi- fication. Dans la région antérieure du notæum sont pratiquées les ouver- tures qui donnent passage aux rhinophores. Chacune d’elles est à l'extrémité d'un manchon cylindrique légèrement proéminent (fig. 4, :) formé par les téguments redressés en cet endroit. Les rhinophores sont rétractiles, de sorte que leur forme doit être étudiée sur l'animal vivant. L’axe du rhinophore (fig. 4, 5) se ter- mine par un prolongement cylindrique e; il porte de chaque côté deux gaïînes cylindriques 5, emboîtées l’une dans l’autre et large- ment fendues en arrière. La gaine interne ÿ s'attache sur toute sa longueur, par sa ligne médiane, à l’axe du rhinophore ; au contraire la gaine externe 6 est libre à son extrémité distale sur une petite longueur : elle n’est donc pas soudée au prolongement cylindrique. Les diverses régions du rhinophore sont revêtues de cellules abondamment ciliées. Dans la figure 39 (PI. XII) j'ai représenté de chaque côté la section de cet organe rétracté dans sa cavité. On y voit les deux gaïnes concentriques, qui en ce point sont réunies par leur face antérieure aux parois de la cavité. J'ai figuré le muscle rétracteur du rhino- phore + qui est logé dans l'axe de cet organe. 'E — Face ventrale. — La partie libre du notæum offre, sur sa face ventrale, un aspect tout différent de celui de la face dorsale. Au lieu d'une cuticule parsemée de tubercules, on trouve une surface lisse divisée en polygones irréguliers (fig. 8) : ces figures sont détermi- nées par les limites des cellules épithéliales. De place en place on distingue des cellules plus grandes que les autres, munies de longs « cils vibratiles bien visibles sur le vivant, dont le rôle est probable- ment de renouveler l’eau qui baigne les branchies et le notæum. Ce revêtement cellulaire, composé d'éléments ciliés et d'éléments non ciliés (fig. 10) est en quelque sorte intermédiaire entre l’épithélium du notæum totalement dépourvu de cils, et celui de la sole pédieuse dont toutes les cellules sont ciliées. La présence de grandes cellules ciliées au milieu de cellules plus petites non ciliées est un fait assez rare chez les mollusques. F. BERNARD a observé la même disposition sur les lamelles respira- toires des Patelles (1), c’est-à-dire dans une région analogue. Le pied, très développé, est séparé du notæum par un sillon cir- culaire profond (fig. 39-44). Il est arrondi en arrière ; en avant il présente sur la ligne médiane une forte échancrure (fig. 3), au milieu de laquelle on trouve la bouche, sous la forme d’une fente iongitudinale située au point de confluence des tentacules buccaux. Lorsque le pied est légèrement contracté, on aperçoit dans la région postérieure du corps les extrémités des branches br. Celles-ci sont en nombre variable : sur de petits individus de 1°” de long, j'en ai trouvé quatre de chaque côté ; sur les grands exem- plaires de 4°”, j'en ai compté jusqu’à sept. Elles sont attachées sous le notæum et pendent entre cet organe et le pied. La figure 44 montre l'insertion des branchies br. Chaque branchie (fig. 6) est formée par une lame portant de chaque côté des lamelles « qui alternent sur ses deux faces : les lamelles les plus développées sont les plus éloignées du point d'insertion. La dernière branchie, c’est-à-dire la branchie postérieure, est la plus longue de toutes ; elle porte, chez les grands individus, jusqu’à quatre lamelles sur chacune de ses faces. L’avant-dernière est moins grande et a moins de lamelles, et ainsi de suite. La branchie (1) F. BernaR». Recherches sur les organes palléaux des Gastéropodes prosobranches. Ann. des Scienc. nal., 1° série, IX. 1890. — 35 — la plus antérieure, réduite à une petite lame, est située à peu près au milieu du corps. Toutes sont abondamment pourvues de cils vibratiles ; un muscle rétracteur (fig. 6, 5) existe sur le bord interne de chacune d'elles. Entre les deux branchies postérieures, au fond du sillon qui sépare le notæum et le pied, sur la ligne médiane, s'ouvre l'anus. Immédiatement au-dessus se trouve le pore rénal. À droite, en avant des branchies, au-dessous du rhinophore droit, on aperçoit les orifices génitaux, au nombre fe deux. L'intérieur (fig. 5, ?) est destiné à la ponte ; le supérieur ve situé au sommet d’une papille conduit dans le vestibule génital. Avant d'aborder l'étude anatomique, je vais comparer, en quel- ques mots, cette description à celle qu'a donnée R. BERGH du Corambe sargassicola : la taille (longueur 3°"), la couleur, la forme générale , l'aspect du notæum et des tentacules buccaux sont les mêmes. Il ne signale pas de tubercules sur le notæum ; il décrit et figure un rhinophore, lequel serait cylindrique et porterait laté- ralement un petit tubercule ; mais la figure montre que cet organe était très contracté par l'alcool. Il indique la position de l'orifice génital, qui est légèrement proéminent et s'ouvre en avant et du côté droit. Le pied présenterait une échancrure postérieure corres- pondant à celle du notæum : ce dernier fait, que je n'ai jamais observé chez le Corambe d'Arcachon, est peut-être le résultat de la contraction causée par l'alcool. La description des branchies me paraissant peu claire , je ne puis établir une comparaison à ce point de vue. DESCRIPTION ANATOMIQUE. Histologie des téguments. — Le notæum est revêtu d'une cuticule (fig. 9, 6) très épaisse (18 y) qui se détache avec la plus grande facilité, de telle sorte que ces animaux ont des mues. J'ai constaté ces mues chez des animaux récemment capturés : je pense 00 — donc que ce phénomène est physiologique, d'autant plus qu’il s’ex- plique très bien par la structure du notæum. Une coupe transversale (fig. 9) pratiquée dans cet organe montre qu'il est constitué par une substance fondamentale hyaline, à cellules rares, bordée extérieurement par un épithélium + et intérieurement par du tissu conjonctif ordinaire 7. Les cellules de l’épithélium forment une seule couche; leur pro- toplasme présente des granulations disposées en files perpendicu- laires à la surface ; le noyau est voisin de la base, qui est assez irré- gulière. Ces cellules sécrètent vers l'extérieur une cuticule anhiste, dont l'épaisseur n’est pas uniforme : en certains points on distingue des saillies coniques y : ce sont les sections des tubercules décrits plus haut et qui couvrent la surface dorsale. Ces saillies se colorent plus vivement par le bleu de méthylène que le reste de la cuticule, sauf en un endroit où cette cuticule est même souvent fendue. Ces régions de moindre résistance se correspondent d'un tubercule à l’autre et sont situées au même niveau ; il est probable que l’appari- tion de ce clivage, qui se continue ensuite dans les parties non en saillie de la cuticule (à), est le début du mécanisme de la mue. Entre les cellules épithéliales , s’insinuent de place en place les cols de glandes uni-cellulaires e en forme de bouteilles. Le noyau, situé au fond de la cellule, est entouré d’un protoplasme peu abon- dant. Au-dessus s’accumule la sécrétion sous la forme de petits amas allongés, que le carmin colore vivement. Le col de la cellule traverse toute l'épaisseur de la cuticule. Le rôle de ces glandes est imparfaitement connu : il est possible qu'elles sécrètent une subs- tance analogue ou identique au mucus, car le notæum du Corambe est toujours recouvert de débris de toute espèce. | Au-dessous de la cuticule on trouve un tissu constitué par une substance fondamentale amorphe, consistante, transparente, se colorant faiblement en rose par le carmin , dans laquelle sont noyés des éléments cellulaires peu nombreux. Ces éléments sont de plu- sieurs sortes : on trouve des ilots de cellules à courts prolon- sements, fréquemment associées &. Il existe aussi des cellules très ramifiées n, à protoplasme finement granuleux; enfin, de grandes cellules ramifiées 6 dont les prolongements , disposés per- pendiculairement à la surface dorsale, sont plus ou moins ondulés PL oRT — suivant l’état de contraction de l'animal. L'aspect de ces prolonge- ments, semble indiquer qu'ils sont formés par une substance de nature conjonctive. On trouve dans le notæum d’autres catégories d'éléments anato- miques: dans larégion externe on remarque des cellules plus ou moins étoilées À chargées de grains de pigment rouges : elles forment par leur réunion les îlots pigmentés rouges décrits plus haut. Dans les parties profondes du notæum , il existe de nombreuses granulations vertes, qui produisent les traînées que l’on observe sur le vivant. Ces granules pigmentaires sont répartis sur des cellules z parfois très ramifiées, possédant un gros noyau. Cette disposition est très visible sur le bord du notæum, où le pigment est peu abondant : elle est moins nette dans la partie centrale, où il forme une couche continue très dense. Le notæum est un organe contractile , susceptible de mouvements assez étendus. On trouve, en effet , sur les bords supérieur et infé- rieur de cet organe, des fibres musculaires très allongées, disposées les unes transversalement #4, les autres longitudinalement #1. Le notæum est abondamment pourvu de terminaisons nerveuses identiques à celles qui ont été découvertes par LEeypiG et CLAPA- RÈDE en 1857, décrites avec soin par FLEMMING chez les Gastro- podes et les Acéphales, et récemment étudiées par P. GARNAULT chez le Cyclostome (1) et par F. BERNARD dans les organes palléaux des Prosobranches (2). J’ai observé des dispositions absolument conformes à la fig. 6 de la pl. VI de ce dernier auteur : on trouve des cellules multipolaires réunies entre elles par des pro- longements protoplasmiques assez forts et donnant naissance vers la périphérie aux cellules neuro-épithéliales ou cellules de FLEM- MING. Ces dernières sont très étirées en longueur ; elles présentent | un corps fusiforme contenant le noyau, réuni par une partie effilée à la tête qui s'insinue entre les cellules épithéliales. J'ai représenté sur la figure 9 quelques cellules multipolaires ; je n’ai dessiné que le corps » des cellules de FLEmmIN&G. Celles-ci sont (1) GARNAULT (P.). Recherches anatomiques et histologiques sur le Cyclostoma ele- gans. — Thèse de doctorat. 1851. (2) F. Bernaro. Recherches sur les organes palléaux des Grastéropodes prosobranches. Ann. des Scienc. nat., 1° série, IX. 1890. TN — fréquemment associées par groupes; je ne sais pas si une cellule multipolaire peut être rattachée à plusieurs cellules de FLEMMING. On remarque enfin dans le notæum un grand nombre de canaux s cheminant dans son épaisseur. Ce sont des lacunes sanguines qui s'y ramifient. Parfois, on observe sur les parois de ces lacunes des ornements annulaires + qui les font ressembler à des trachées. Sur la face inférieure, la cuticule du notæum diminue graduelle- ment d'épaisseur ; les cellules deviennent beaucoup plus aplaties et quelques-unes d’entre elles, plus grandes que leurs voisines, portent de longs cils (fig. 10). Ce revêtement se retrouve avec les mêmes caractères sur la surface supérieure des expansions latérales du pied, ainsi que sur la base des branchies ; sur la partie active de ces organes, les cellules sont toujours aussi plates, mais le nombre des cellules ciliées devient beaucoup plus considérable. Ces caractères histologiques permettent de considérer les bran- chies comme de simples dépendances des téguments ; ils montrent aussi que la face inférieure du notæum et la face supérieure du pied, ayant la même structure histologique, doivent être envisagées comme deux parties d’une seule et même surface, comparable, dans son ensemble, à la paroi latérale du corps des Nudibranches qui ne présentent pas, comme le Corambe, un notæum pourvu d'expan- sions latérales. Le pied est un organe très riche en fibres musculaires. Celles-ci sont diversement orientées. De chaque côté de la ligne médiane, elles sont cependant assez bien groupées et forment deux muscles longitudinaux (fig. 39 — 42 mn). Les cellules épithéliales de la face inférieure du pied (fig. 11) sont cylindriques, ciliées, et possèdent un plateau très développé dont les striations sont bien marquées. Je n’ai trouvé, dans l'intérieur du pied, aucune glande à mucus compacte : mais il existe un grand nombre de glandes unicellulaires + analogues à celles du notæum, quoique présentant un col plus court: on trouve, en outre, des cellules beaucoup plus grandes, se colorant vivement par les réactifs, s’ouvrant à l'extérieur par un col plus allongé. Je ne sais pas si ces deux sortes de glandes uni- cellulaires appartiennent ou non à la même catégorie. La sécrétion du mucus se fait donc par toute la surface de la sole pédieuse. Appareil digestif. La disposition du tube digestif (pl. X, fig. 12) est très simple. La partie antérieure se compose : 1° du bulbe buccal b.b très musculeux, où débouchent les canaux excréteurs d’une paire de glandes salivaires gs ; 2° de l'æsophage æœs, qui est un conduit cylin- drique régulièrement calibré. La partie moyenne reçoit par une large ouverture (fig. 15, y) la sé- crétion du foie /, puis, en s'évasant, forme un estomac e recourbé en anse. L'intestin 2 suit un trajet à peu près rectiligne et débouche à Panus. La bouche a été bien décrite par R. BERGH. Au point de confluence des tentacules buccaux on aperçoit un sillon longitudinal (fig. 3 b) : c'est la bouche, qui conduit dans un vestibule circulaire (fig. 13 et 14,4) dans lequel fait saillie le bulbe buccal. L'orifice de ce dernier (fig. 13 et 17, b’) présente deux lèvres très minces, et donne accès dans la cavité du bulbe. Cette cavité, à l’état de repos, est très étroite dans le sens transversal (fig. 14, &), mais peut être augmentée considérablement par la contraction des fibres musculaires radiales + qui forment les parois latérales du bulbe. Dans le sens vertical et dans le sens antéro-postérieur les parois du bulbe sont plus minces (fig. 17) et les diamètres correspondants de sa cavité sont par suite plus considérables. Toute la masse du bulbe peut être mise en mouvement sous l'ac- tion de muscles rétracteurs (fig. 14, 5) situés latéralement. Ces mou- vements de la masse buccale sont facilités par la présence d'une lacune & située dans la région dorsale. La cuticule qui tapisse intérieurement la cavité du bulbe est assez épaisse (14, 7) et se colore vivement par le bleu de méthylène ; elle est sécrétée par des cellules épithéliales de forme assez irrégulière. Dans sa partie inférieure, elle prend une consistance plus grande, et forme une plaque cornée impaire relativement épaisse (2 à 38 u), se colorant par le carmin. La coupe transversale de cette pièce cornée est représentée dans la fig. 14 (4). Ellene paraît pas corres- — 310 — pondre à des mâchoires : celles-ci sont, en effet, chez les Nudi- branches, disposées en toit au-dessus de la radule, et appliquées sur le bord antérieur de la cavité du bulbe. Au contraire, la plaque cornée dont il s’agit forme plancher : elle est située entre l’ouverture buccale et la radule, dans la partie inférieure et postérieure du bulbe. R. BERGH décrit des màchoires qui seraient situées dans la région antérieure de la masse buccale. La radule (fig. 17, ra) occupe la région postérieure du bulbe ; elle repose sur une surface convexe; cette disposition détermine deux sillons latéraux (fig. 39) où s'ouvrent les glandes salivaires gs. La partie de la radule en voie de croissance est située dans le sac radulaire (fig. 17, «), qui se trouve au-dessous de l'œsophage æs. Les mouvements de la radule sont produits par des fibres muscu- laires + dont la plupart montrent des striations transversales très accusées. J'indiquerai plus loin (1) un autre exemple de striation musculaire. Ces fibres forment plusieurs muscles que je n'ai pas étudiés en détail. La radule ne présente aucune trace de dent médiane. Il existe de chaque côté une dent latérale (fig. 15 et 16) dont le crochet est mum) de 6-7 deuticules à sa face interne, et dont la base est profondément incisée. La dent latérale droite et la gauche sont très rapprochées et se touchent. Elles ne sont pas toujours exactement au même niveau: elles chevauchent plus ou moins (fig. 15) ou peuvent même alterner; certaines rangées sont, au contraire, symétriques. On trouve de chaque côté quatre dents marginales. Pour bien voir leur forme, il faut examiner la partie de la radule non usée, dans le sac radulaire: on constate alors que les dents marginales pos- sèdent une plaque et un crochet; et que les dents latérales ont leur pointe et leurs denticules très aigus. Dans la partie moyenne de la radule, les dents latérales commencent à s'émousser, et les crochets de la première et de la deuxième marginales se brisent ou disparais= sent par l'usure. La première figure que j'ai donnée d’une rangée de la radule (2) a été exécutée d’après cette région moyenne, et les deux premières marginales y sont réduites à leurs plaques. La for- (1) Pag. 381. (2) Bull. Soc. Zool. France, t. XIV, p. 381. — Ji — mule d’une série transversale de la radule est donc 4-+ #8 +0+ A +4. Le nombre des séries oscille entre 30 et 35. Les glandes salivaires, au nombre de deux, sont formées par des acini contenant des cellules volumineuses, remplies de vacuoles plus ou moins arrondies, et renfermant un énorme noyau. Les granula- tions protoplasmiques sont disposées en files longitudinales. Les lobes de ces glandes sont placés à droite et à gauche du pharynx ; on en trouve aussi sur la ligne médiane, en avant des ganglions cérébroïdes. Les canaux excréteurs des glandes salivaires sont revêtus d'un épithélium de cellules cubiques ; ils sont très courts et s'ouvrent largement de chaque côté de la radule (fig. 13 et 17, 8). L'æsophage débute par une gouttière ciliée qui se trouve au-dessus de la radule (fig. 39, æs.). Il remonte ensuite (fig. 13), traverse le collier nerveux, et descend obliquement vers le foie. Dans tout ce trajet, c'est un canal cylindrique (fig. 18) tapissé de cellules ciliées, à plateau mince et arrondi, entouré de fibres musculaires longitu- dinales «, et d’une gaîne conjonctive £. Le foie est un organe compact, trilobé (fig. 3), qui s’étend très loin en arrière (fig. 12 et 13). Il ne pénètre pas dans les branchies et ses lobules ne sont jamais dissociés. D'après la terminologie de R. BerGn, le Corambe est donc un Nudibranche holohépatique. Les cellules hépatiques (fig. 19, &) sont très granuleuses, homo- gènes, volumineuses par rapport à leur noyau, qui possède un nucléole très distinct: elles sont disposées en une seule couche dans les acini du foie. Le canal excréteur du foie est très large (fig. 13, y). La figure 19 représente une coupe transversale prati- quée à ce niveau : on y voit des cellules hépatiques normales £ qui tapissent intérieurement le canal excréteur : ce dernier n’est donc pas distinct, au point de vue histologique, du reste du foie. La partie supérieure de la figure représente Ja section du tube digestif «, qui possède en cet endroit la même structure que l’œsophage. En arrière du point où s'ouvre le foie, les fibres musculaires du tube digestif deviennent beaucoup plus abondantes, et paraissent constituer une sorte de sphincter. En même temps le tube digestif change de direction : il remonte, puis, s’évasant considérablement, forme l'estomac qui décrit une anse dont la convexité est dirigée en avant (fig. 12). — 390 — La limite entre l’estomac et l'intestin n’est pas nette. car après la dilatation stomacale, le tube digestif ne se rétrécit que graduelle- lement. Les fibres musculaires, qui existent en abondance autour de l'estomac, ne se retrouvent plus autour de l'intestin. Le revêtement épithélial de ce dernier est formé par une couche de cellules à pla- teaux bien distincts, rectilignes, munis. de cils courts et serrés. Dans l'estomac, on trouve un revêtement analogue, et aussi, en certains points, des cellules à plateaux minces et arrondis, et à ciis vibratiles peu nombreux, qui rappellent celles de l'œsophage. L'intestin continue son trajet en ligne droite jusqu’à l'anus qui se trouve sur la ligne médiane (fig. 32, a). Il existe dans cette région un grand nombre de fibres musculaires x qui forment sphincter autour de l’anus et du pore urinaire. R. BERGH donne de l'intestin une description qui est d'accord avec la mienne. ” Système nerveux central. J'ai étudié le système nerveux central au moyen de dissections contrôlées par la méthode des coupes (fig. 20, 21, 22). Il est relati- vement peu concentré, et par suite d'une interprétation facile. Le triangle latéral est encore reconnaissable : on peut distinguer les uns des autres les ganglions cérébroïdes, palléaux et pédieux. Les deux premiers sont, à vrai dire, presque confondus, et forment une masse cérébro-palléale présentant un léger étranglement en son milieu, dans la région de la soudure. Le ganglion pédieux P est, au contraire, bien séparé : il est uni à la masse cérébro-palléale par deux cordons laissant entre eux un léger intervalle (fig. 22, 6) : ce sont les connectifs cérébro-pédieux et palléo-pédieux. | Six commissures unissent ces trois ganglions à leurs symétriques. Ce sont les commissures : cérébroïde principale, cc buccale, cb pour les ganglions cérébroïdes. cérébroïde inférieure, cc? pédieuse principale, Cp pédieuse postérieure, … Cpp pour les ganglions pédieux. viscérale, co | pour les ganglions palléaux. mo — A l'exception de la première, ces commissures passent toutes sous l’æsophage. Je les décrirai en détail à propos des ganglions correspondants. Les ganglions cérébroïdes C sont bien distincts l'un de l’autre : la grande commissure cérébroïde cc est, en effet, dépourvue de toute cellule ganglionnaire et ne se compose que de fibres. Au contraire, dans l’étranglement qui sépare le ganglion cérébroïde du ganglion palléal, on trouve des cellules nerveuses à la périphérie, ce qui montre que ces deux parties ont contracté une soudure assez intime. Les nerfs émis par les ganglions cérébroïdes sont très nombreux. En avant, on trouve le ganglion olfactif OI, qui est nettement pédonculé. Le nerf olfactif aboutit à un renflement ganglionnaire situé à la base des rhinophores. Au- dessous du ganglion olfactif, un gros tronc commun fournit plusieurs nerfs « se rendant à la partie antérieure du tube digestif et aux tentacules buccaux, et donne naissance à la commissure buccale cb, que je vais décrire en détail. Elle se compose de plusieurs parties : les ganglions buccaux B très développés, sont placés en avant et en dedans des ganglions pédieux (fig. 22) et appli- qués contre la face postérieure du bulbe buccal, auquel ils fournis- sent de gros nerfs. Ils sont réunis entre eux par une assez forte commissure, et avec chaque ganglion cérébroïde par le connectif cérébro-buccal. Ce dernier (fig. 22, cb) au sortir du ganglion buccal, passe au-dessous du canal excréteur de la glande salivaire, remonte un peu, puis revient en arrière et se perd dans le gros tronc ner- veux que j'ai décrit plus haut. Chaque ganglion buccal est uni par un court cordon nerveux à un petit ganglion suprabuccal S.B placé au-dessus de lui. En avant de chaque ganglion cérébroïde, sur sa face externe, on trouve le ganglion oplique Op, qui est un peu moins gros que le ganglion olfactif : il se continue par un nerf optique assez grêle o qui s'épanouit pour pénétrer dans l'œ@7 æ. Cet organe (fig. 23) se compose d'une cupule nerveuse ganglionnaire entourant un cristallin sphé- rique plongé dans un amas de granulations pigmentaires opaques ; il est appliqué contre le tissu conjonctif profond du notæum. De la région postérieure et interne de la masse cérébroïde se détache un cordon grêle (fig. 21, ccé) qui descend un peu en avant 25 LR ZE du connectif cérébro-pédieux, passe sous l’æsophage en longeant la commissure pédieuse, et remonte à l’autre ganglion cérébroïde en suivant un trajet symétrique. Cette formation paraît correspondre à une commissure cérébroide inférieure. Immédiatement derrière la racine de cette commissure se trouve l'otocyste ot, attaché directement au-dessous du ganglion cérébroïde (fig. 23 bis). Cet organe est donc sessile : il n’y a pas de nerf acoustique. L'examen de l'animal vivant montre l’otocyste sous la forme d'une vésicule ovalaire contenant plusieurs otoconies ovoïdes. Les otocystes indiquent la limite postérieure des ganglions céré- broïdes ; immédiatement en arrière commencent les ganglions pal- léaux. Is sont moins développés que les précédents, mais ils four- nissent aussi des nerfs très importants : sur la face externe et en avant on trouve un gros nerf palleal antérieur (fig. 20, 21, 22, pa) qui ne tarde pas à se bifurquer en deux branches se rendant à la partie antérieure du notæum ; du côté droit ce nerf prend naissance par plusieurs racines. En arrière, les ganglions palléaux donnent deux paires de nerfs pallèxux postérieurs pp, qui innervent le reste du notæum (fig. 45, pp). Les ganglions palléaux sont unis entre eux par la commissure viscérale cv. Celle-ci part du ganglion palléal gauche, en arrière de l’otocyste, longe la commissure pédieuse, et remonte au ganglion palléal droit au voisinage duquel elle porte un renflement V qui est le ganglion viscéral. Les nerfs issus de ce dernier se rendent aux divers organes de la vie végétative. Les ganglions peèdieux P irès développés fournissent au pied un grand nombre de nerfs. Les plus gros p,, au nombre de deux paires, partent de la région inférieure ; de la partie supérieure et externe se détache de chaque côté un filet assez grêle p, ; dans la même région, mais seulement à droite on trouve l'origine d’un nerf assez volumineux p. La grande commissure pédieuse cp est assez longue ; c'est la plus grosse après Ja commissure cérébroïde. En arrière, les ganglions pédieux sont encore unis par une commissure pédieuse poslé- rieure cpp longue et grêle. Organes reproducteurs. Le Corambe est hermaphrodite. La glande génitale (fig. 45 g ) déverse ses produits dans le canal hermaphrodite (fig. 45, z ; fig. 24, z et h; qui se renfle bientôt en une grosse ampoule 4, d'où sort un canal qui ne tarde pas à se diviser en canal déférent cd et en oviducte ov. Le canal déférent se rend au pénis pe qu'il traverse dans toute sa longueur. Dans la figure 24 j'ai représenté cet organe rétracté dans sa gaîne gpe. Cette gaîne aboutit au vestibule génital ve où s'ouvre aussi le canal copulateur. L'oviducte débouche dans la glande albuminipare al, dont la cavité communique par deux canaux courts æ avec la cavité de la glande de la glaire gl; cette dernière s'ouvre au dehors par un orifice destiné à l'évacuation des œufs (9). Le canal copulateur présente près de son orifice dans le vestibule génital une dilatation va qui est le vagin: à l'autre extrémité, il débouche dans la poche copulatrice pe, qui communique avec l'ovi- ducte par un canal assez grêle y, le conduit eflérent de la poche copulatrice. Le mode de fécondation le plus probable , étant donnée cette dis- position, me paraît être le suivant : les spermatozoïdes de l’autre in- dividu, mis en réserve aprèsl'accouplement dans la poche copulatrice, sont expulsés de cette dernière par le canal qui la fait communiquer avec l'oviducte, et dirigés ainsi à la rencontre des œufs. La fécon- dation aurait donc lieu dans l’oviducte; les œufs passent ensuite dans les glandes de l'albumine et de la glaire, où se constitue le cordon de la ponte. Je vais maintenant décrire plus complètement chacun de ces organes. La figure 24 représente l’aspect réel de ces parties, que j'ai figurées toutefois plus écartées qu’elles ne le sont, pour mieux en montrer les rapports. La glande hermaphrodile présente à l'époque de la reproduction un développement considérable : c’est l'organe le plus volumineux de l’économie (fig. 40-45, ÿ ). Cette glande est constituée par un grand nombre d’acini qui pro- AR duisent les uns des ovules, les autres des spermatozoïdes. Ces acini sont entremêlés : iln‘y a pas dans la glande une partie mâle et une partie femelle. Les ovules jeunes (fig. 29, x) sont des cellules à contenu homogène et à petit noyau, disposées en une seule couche autour de Pacinus. Dans les ovules arrivés à l'état de maturité 6, le protoplasme se charge de grosses granulations , le noyau se déve- loppe beaucoup, et son nucléole devient très visible. Dans les acini mâles, on trouve des éléments séminaux à divers états de dévelop- pement : les cellules-mères des spermatozoïdes (fig. 28, «) se divisent et donnent des grappes de spermatoblastes 8. Ceux-ci s’allongent graduellement (+, à, «) et se transforment de cette manière en sper- matozoïdes & groupés en faisceaux. Les œufs et les spermatozoïdes se rassemblent dans le canal excréteur de la glande (fig. 45, 2). Ce canal, d'abord très large, débute du côté droit de l'intestin, immédiatement eu arrière de la poche copulatrice ; il descend , en se rétrécissant beaucoup, entre les lobes postérieurs de la glande albuminipare (fig. 42, h) et se jette dans le renflement en forme d’ampoule (fig. 41, ah) situé à peu près sur la ligne médiane , en avant du foie. Ce réservoir est volumi- mineux, irrégulièrement ovalaire: on y trouve des œufs et des spermatozoïdes en abondance. De sa région dorsale et antérieure se détache un canal revêtu intérieurement de cils vibratiles , qui des- cend vers la région ventrale, où il se dédouble en oviducte et canal déférent. Appareil mâle. — Le canal déférent cd remonte au-dessus de l’ampoule ; il présente , depuis sa naissance jusqu’à ce point, des parois très glandulaires. Une section transversale (fig. 26) montre un revêtement de cellules sécrétrices, à noyau et protoplasme basilaires. La substance sécrétée prend naissance dans ce proto- plasme et s’y dépose en formant de petites vacuoles arrondies , se colorant légèrement par le carmin, mais non par le bleu de méthy- lène. Ces vacuoles s’agrandissent, se juxtaposent et remplissent toute la région de la cellule située vers Le centre du canal déférent. De place en place, eutre ces éléments sécréteurs, on trouve des cellules ciliées à plateaux , dont le noyau est refoulé à la périphérie. Leur rôle est de mettre en mouvement le produit de la sécrétion. — 311 — Cette division du tissu glandulaire en éléments sécréteurs calici- formes et éléments ciliès à plateaux a été mise en lumière, dans les embranchéments les plus différents du règne animal, par un très grand nombre d'observateurs. Fr. E. Scauzze (1), en 1867, décrit le premier, dans toute la série des Vertébrés . des éléments ciliés et des cellules caliciformes non ciliées, à noyau et à protoplasme basilaire , laissant échapper par une ouverture la substance sécrétée réunie en une masse bien dis- tincte du protoplasme. Parmi les auteurs qui ont étudié la sécrétion chez les Mollusques, je citerai principalement FLEMMING en 1870, BELA HALLER en 1884, Rawrrz en 1888 qui signalent ces élèments dans différents organes ; R. PERRIER (2) les décrit dans le rein des Prosobranches ; F. BEr- NARD (3) dans les organes palléaux des Prosobranches, et aussi dans les organes génitaux de la Valvée (4). Ces faits prennent donc actuellement une grande généralité ; cependant, comme ils ne sont pas encore universellement admis, on doit signaler avec soin tous les exemples nouveaux qui peuvent les confirmer : c'est pourquoi j'ai insisté sur leur description chez le Corambe. Je serai amené d’ailleurs à en parler de nouveau quelques pages plus loin. Parmi les travaux les plus récents qui conduisent à une concep- tion différente du mécanisme de la sécrétion, je citerai ceux de LETELLIER (5) sur la Pourpre et de vaN GEHUCHTEN (6) sur la sécré- tion chez certains insectes. Le canal déférent perd ensuite tout caractère glandulaire ; on ne trouve plus comme cellules de revêtement que des éléments ciliés à plateaux. Il présente d’abord plusieurs convolutions quise montrent (1) Fr. E. Scuuze. Epithel-und Drüsenzellen. Arch. f. mikr. Anat., 1867, p. 137. (2) R. PERRIER. Recherches sur l'anatomie et l’histologie du rein des Gastéropodes prosobranches. Ann. des Scienc. nat., 7° série, VIII, 1889. (3) Loc. cit., p. 296. (4) F. BerNarp. Recherches sur Valvata piscinalis. Bulletin scientifique, t. XXII, 1890. (5) A. LereLrter. Recherches sur la Pourpre. Archives de Zoologie expérimentale, VIII, 1890. (6) A. van GEHUCHTEN. Le mécanisme de la sécrétion. Analomischer Anseiger, 1891, p. 12. SR = très nettement dans les préparations, mais s'effacent peut-être au moment de l’exsertion du pénis; puis il suit un trajet à peu près rectiligne, et aboutit à l’extrémité du pénis, qu'il traverse dans toute sa longueur. Le pénis est un organe cylindrique dont la surface extérieure, complètement lisse, est dépourvue de cils vibratiles. J’ai représenté dans la figure 27 la section de cet organe et de sa gaine, dans laquelle il est contenu à l’état de contraction. Cette gaine, revêtue de cellules ciliées, s'ouvre dans le vestibule génital ; entre ses parois et celles du pénis il existe un espace circulaire qui s’étend jusqu’au voisinage de la région où le canal déférent présente des circonvolu- tions (fig. 24). Il me reste à mentionner, pour terminer la description de l’appa- reil génital mâle, le muscle rétracteur du pénis #r, dont l'extré- mité fixe s’insère, sur une grande longueur, à la surface dorsale du rein, tandis que l'extrémité mobile s'attache au canal déférent, à l'endroit où le revêtement glandulaire fait place au revêtement exclu- sivement cilié. Appareil femelle. — L'oviducte ov est un canal très extensible, cilié intérieurement, contenant fréquemment des spermatozoïdes qui proviennent de la poche copulatrice. Ce canal, après un petit nombre de circonvolutions, s'ouvre dans la glande de l’albumine. De chaque côté de son point d’arrivée naissent deux canaux ciliés assez courts qui font communiquer la glande de l’albumine avec la glande de la glaire, dans laquelle ils débouchent au même point. Ils sont représentés en pointillé (x) dans la figure 24. La glande de l’albumine est bien distincte de la glande de la glaire : cette dernière sécrète la substance mucilagineuse qui réunit les œufs en cordons pour former la ponte: ses cellules se gonflent énormément sous l’action de l’eau, et leur sécrétion est teintée en bleu pâle par l’action combinée du bleu de méthylène et du carmin. Les mêmes réactifs colorent au contraire la glande de l’albumine en rouge, et l’eau la modifie beaucoup moins. Ces deux glandes sont cependant très analogues par leur structure histologique. Chacune d'elles est constituée essentiellement par un sac tapissé d’une seule couche de cellules ; ce sac n’a pas une forme HO — simple : mais ses parois présentent des replis qui divisent la cavité de la glande en plusieurs parties. La glande de l’albumine (fig. 40- 42, al) offre un grand nombre de ces replis; la glande de la glaire gl en a beaucoup moins : une partie fait cependant exception à ce point de vue : c’est la région très contournée où aboutissent les canaux (fig. 41, x) qui proviennent de la glande de l’albumine. La figure 25 représente un fragment de la glande de la glaire : les cellules sécrétrices montrent, au-dessus d’un noyau et d’un protoplasme basilaires, des vacuoles qui grossissent vers la péri- phérie et se juxtaposent, ce qui donne à la cellule un aspect spongieux. Les cellules ciliées comprimées par les précédentes sont effilées ; leur noyau s’est réfugié au-dessous du plateau. Les cellules de la glande de l’albumine sont presque identiques : les éléments ciliés et sécréteurs s'y retrouvent ; les vacuoles sont plus petites et plus arrondies, de sorte que les cellules sécrétrices ont un aspect plus granuleux. J'ai indiqué plus haut l’action des réactifs colorants et de l'eau sur ces vacuoles. La glande de la glaire occupe un volume considérable (fig. 45, gl) et recouvre la glande à albumine. Elle s'ouvre au-dessous de la papille génitale par un large orifice (fig. 5 Ÿ), près duquel ses parois présentent des replis très riches en fibres musculaires, qui ont pro- bablement un rôle à jouer pendant la ponte. Dans la figure 39, j'ai représenté l'orifice de la glande de la glaire ?, et la section d’un de ces replis. La poche copulatrice (fig. 24, 41, 45, pc), située en arrière du ganglion palléal droit, est à peu près sphérique, un peu moins volu- mineuse que l’ampoule du canal hermaphrodite. Son revêtement épithélial interne est formé par de grandes cellules polygonales (fig. 24), signalées dans le travail de R. BerGx, visibles sur l’animal vivant légèrement comprimé sous une lamelle. Le canal copulaleur cop, est un large conduit cilié qui décrit une courbure très marquée, et communique avec la poche copula- trice par un orifice entouré de fibres musculaires. Cette disposition, ainsi que la courbure du canal, ont sans doute pour objet d'empêcher le reflux des spermatozoïdes vers l'extérieur. Le canal de communication avec l’oviducte y est très étroit et dépourvu de cils vibratiles ; à sa sortie de la poche copulatrice, sa — 1380 — lumière est presque complètement oblitérée, par suite de l'existence en ce point d'un anneau de fibres musculaires. La ponte (fig. 30) a été décrite par KERBERT, ainsi que je l'ai indi- qué plus haut. Je l’ai observée en abondance à Arcachon : elle forme une spirale aplatie, déposée à la surface des Zostères, décrivant un tour et demi ou deux tours. Les œufs y sont disposés par rangées de quatre ou cinq, plus ou moins régulièrement : leur nombre total paraît atteindre cinq cents. La taille moyenne de la ponte est repré- sentée au-dessous de la figure 30. Rein. L'appareil rénal du Corambe (fig. 31) est très simple et absolu- ment typique : c'est un sac 7 en communication avec l'extérieur par le pore urinaire «, et avec le péricarde per par un conduit assez long, le canal réno-péricardique crp. Le pore urinaire, placé immédiatement au-dessus de l’anus (fig. 32), est le point de sortie d’un canal très court entouré de fibres musculaires «. La cavité du rein 7, très spacieuse dans le voisinage du pore urinaire, se rétrécit beaucoup en avant et se ter- mine dans la région de l’estomac où elle présente deux petits diver- ticules antérieurs. Deux autres diverticules (fig. 31 +) existent dans la région moyenne du rein. Les parois ne présentent, d’ailleurs, aucun repli (fig.33) ; elles sont tapissées d’une seule couche de cel- lules cylindriques, assez élevées, à noyau basilaire. Dans la partie postérieure du rein, qui paraît jouer le rôle de réservoir urinaire, ces cellules sont beaucoup plus aplaties. Le canal réno-péricardique se détache du rein dans sa région antérieure ; 1l suit un trajet à peu près rectiligne contre sa face inférieure (fig. 31 et 33, crp), passe entre les deux diverticules z, remonte le long de la surface latérale droite du rein, puis s'’inflé- chit en avant pour s'ouvrir dans Je péricarde par un entonnoir très développé ep tapissé de cellules cubiques munies de longs cils vibratiles (Fig. 34). Appareil circulatoire. L'appareil de la circulation est d’une étude très difficile, car les injections ne peuvent être faites qu'au hasard, en raison de la peti- tesse de la masse viscérale. En outre, la plupart des canaux san- guins sont de simples lacunes, ou des sinus dont les parois très minces se déchirent avec la plus grande facilitée. Dans ces condi- tions, j'ai dû me contenter d'examiner les parties les plus impor- tantes, que j ai reconstituées en combinant les résultats d’injections partielles avec ceux que m’a fournis l'étude de plusieurs séries de coupes. Le cœur se voit très facilement sur l'animal vivant ; on le recon- naît à ses battements réguliers qui ont lieu dans une région située sur la ligne médiane, en avant de l’échancrure du notæum, entre les branchies. La figure 35 représente le cœur et ses principaux vaisseaux ({). L'oreillette or est un sac à parois assez minces, recevant du sang de diverses provenances : en avant débouchent une paire de grands sinus latéraux s/ ramenant à l'oreillette le sang qui a circulé dans le notæum. Ce système est facile à observer à l’aide d’injections poussées dans la région de l'oreillette : on voit alors un vaisseau circulant tout autour du corps, au fond de la gouttière qui sépare le pied du notæum (fig. 40-43 s/) et se ramifiant abondamment dans ce dernier organe (fig. 35). Il est évident que le sang qui revient ainsi du notæum s'est oxygéné exactement comme dans une branchie, car cet organe est très mince et les cils vibratiles qui existent à sa face inférieure entretiennent un courant d'eau continuel. En arrière de ces vaisseaux, on trouve les conduits efférents des branchies VÆ., qui se rendent également dans l'oreillette. A l'intérieur de l'oreillette, sur ses paroïs, sont tendus de place en place des faisceaux musculaires. J'ai remarqué parmi ceux-ci des fibres présentant une striation très nette et très régulière (Fig. 38). La striation musculaire chez les Mollusques a déjà été signalée par un grand nombre d'auteurs, dont je ne citerai que les (1) L’entonnoir péricardique n’est pas figuré : il est caché par l'oreillette. —_ 0 — suivants : les premières observations exactes paraissent dues à LegerrT (1850) : elles portent sur le muscle adducteur des valves du Pecten maæimus : WaAGENER (1863) fait la même constation dans le genre Zima; Docrez (1877) indique la striation dans le cœur du Pecten maximus. R. BLANCHARD (1) en 1888 complète les observa- tions de LEBERT et donne l'historique détaillé de la question. A la liste dressée par cet auteur j'ajouterai les noms de DaLL (2) qui décrit en 1871 la striation des muscles de la radule dans le genre Acmæa, de TRINCHESE (3) qui décrit et figure en 1880 des fibres musculaires striées dans l'oreillette de divers Nudibranches (Facelina Drum- mondi, Janus cristatus), et de MARSHALL (4) qui figure en 1887 la striation dans le cœur de la Patelle et dans la masse buccale de l'Helix pomalia. Les recherches de ces auteurs montrent que la striation se ren- contre dans les muscles qui accomplissent des contractions rapides (muscles adducteurs des valves du Peclen, fibres musculaires du cœur et de la masse buccale, nageoires des Ptéropodes et des Hété- ropodes d'après PAnxETH (5)). Il existe donc chez les Mollusques comme chez les Vertébrés une relation entre la fonction physiologique et la structure histologique des fibres musculaires. En avant de l'oreillette, on trouve le ventricule v, dont les fibres musculaires sont aussi parfois striées, mais avec moins de netteté. L’aorle ao possède des parois extrêmement minces; je n'ai pas pu étudier ses branches. Vaisseaux afférents de la branchie. — J'ai figuré en poin- tillé, au-dessous du cœur, le système afférent branchial. Le sang (1) R. BLANCHARD. A propos des muscles striés des Mollusques Lamellibranches. Bulletin de la Soc. Zool. de France, t. XIIT, p. 48. 1888, () Dazz. Note on transversely striated muscular fiber among the gastropoda. Silli- man's American Journal of Science and Art. 1871. (3) Trincaese. Per la fauna marittima Italiana, Æolididæ e famiglie affini. A{ti della R. Accad. dei Lincei. Série III, vol. X, pl. 24 et 51. (4) MARSHALL. Observations on the structure and distribution of striped and unstriped musele in the animal Kingdom Quart. Journ. of Micr. Science. Vol. 28, pl. V. 1887-88. (5) J. Paxera. Beiträge zur Histologie der Pteropoden und Heteropoden. Arch. f. Mikr Anat.,t. XXIV. 1884. 08 2 qui a circulé entre les lobes du foie se réunit dans une lacune (fig. 43, «) située au-dessous durein. Cette lacune se rétrécit beaucoup en arrière, acquiert des parois propres, et devient une véritable veine (fig. 44 et35, VA). C'est la veine afférente branchiale , située à gauche du canal ex- créteur du rein, au-dessous de cet organe. Elle se divise en deux sinus très larges, l’un à droite, l’autre à gauche, quise rendent aux branchies. Celui de droite passe en arrière du rein, au-dessus du pore urinaire. Chacun d’eux se jette à angle droit dans un canal lon- gitudinal br2 cheminant dans l'épaisseur du notæum, tout près de sa surface inférieure, le long du bord interne des branchies (fig. 43, 44, bri). Un autre vaisseau bre parallèle au précédent court le long du bord externe des branchies; il communique avec le conduit efférent de la branchie VÆ, qui se jette dans l'oreillette. Pour la commodité de la description, j'appellerai ces deux canaux parallèles vaisseau branchial interne bri et vaisseau branchial externe bre. Chaque branchie est à cheval sur ces deux vaisseaux. J’ai repré- senté cette disposition en pointillé sur le côté gauche de la figure 39, en supposant chaque branchie réduite à une lame : une anse vas- culaire, qui longe le bord de la lame branchiale, fait commuriquer le vaisseau branchial interne avec le vaisseau branchial externe. La plupart des branchies étant constituées par une lame munie de lamelles sur ses deux faces, cette disposition se complique (fig. 36) par l’adjonction de vaisseaux qui se détachent de l’anse vasculaire principale et longent le bord des lamelles. C'est ce que l'on peut facilement observer sur les branchies de l’animal vivant. Les anses vasculaires ne sont pas parfaitement endiguées : mais le sang peut circuler dans l'épaisseur des lamelles à travers un tissu spongieux qui unit làâchement ses deux faces. Il existe dans toute la longueur du corps,immédiatement au-dessous des téguments un grand sinus dorsal (fig. 39-44 sd), qui envoie des ramifications dans le notæum. J'ai constaté que les lacunes du corps sont fréquemment en rapport avec des vaisseaux qui se ramifient également dans le notæum. Le cours du sang est maintenant facile à comprendre : le sang ar- tériel, chassé par le cœur dans les différents organes, retourne au cœur par plusieurs chemins: une partie du sang renfermé dans les lacunes passe dans le notæum, où l’hématose se produit, puis 4: revient à l'oreillette par les grands sinus latéraux. Une autre partie passe par le foie, s'engage dans le sinus situé au-dessous du rein, y subit la dépuration urinaire, arrive dans la veine branchiale, puis dans les branchies où se fait l’hématose, et de là au cœur. Glande hématique. — 11 me reste à signaler un organe situé en arrière des ganglions cérébroïdes et palléaux (fig. 45 et 31 gh), occupant sensiblement la même position que la glande hématique des Doris. C'est une masse spongieuse présentant des noyaux petits et nombreux (fig. 37). Si cette formation est bien réellement une glande hématique, sa présence a quelque intérêt, car cet organe est actuellement utilisé dans une certaine mesure pour la elassifica- tion des Nudibranches. Glande postérieure médiane. — Il existe au-dessus du pore urinaire une glande médiane, en cul-de-sac, constituée par des cel- lules très allongées (fig. 32). DÉVELOPPEMENT. Je vais indiquer rapidement les quelques faits que J'ai pu réunir en ce qui concerne le développement. | Les pontes contiennent des œufs à des stades de développement très divers. L'œuf pondu est fécondé et rétracté dans sa membrane vitelline (fig. 46). Les stades 2 (fig. 47) et 4 (fig. 48) ressemblent aux stades correspondants des Doris et des Æols. Les embryons véligères, considérés à un état avancé de leur développement (fig. 49-51), ont une coquille sénestre munie d’un opercule. On distingue dans la masse pédieuse les deux otocystes of ; chacun d’eux ne contient qu'une otoconie sphérique. Le tube digestif est visible par transparence : l'œsophage conduit dans un grand sac divisé en deux par un étranglement: l'intestin, nn qui fait suite, présente une anse très nette; l’anus s'ouvre du côté droit et en avant. Au voisinage du rectum, on distingue sur des embryons plus avancés (fig. 50) deux masses réfringentes « qui représentent peut- être le rudiment de l'organe dont je vais parler maintenant. Chez les embryons les plus développés, qui sont sur le point d'éclore, on observe auprès de l'anus un amas de granulations pigmentaires (fig. 51 zx) ordinairement séparées en deux masses plus ou moins distinctes : une partie se trouve sur un corps plus ou moins ovoïde ; le reste forme une traînée pigmentée disposée parallèlement au rectum. Le pigment est très foncé : sa couleur est violacée. Des organes de cette nature ont déjà été vus dans les larves d'Opisthobranches : R. LANKESTER (1) en 1875, signale la présence, chez les embryons de Pleurobranchidium, d'un corps brunàtre qu'il compare à un rein, situé près de l’anus. TRINCHESE (2), en 1880, décrit un organe très pigmenté, occupant la même position, chez les larves d'Ercolania Siotlii : il observe chez le Berghia cœrulescens et chez l'Amphorina cœrulea des corps réfringents sans pigment, et doune à toutes ces formations, qui lui paraissent homologues, le nom de glandes anales. HappoN (3), en 1882, retrouve cet organe pig- menté chez l'ÆElysia viridis et le Philine aperta ; il le signale aussi, avec les mêmes connexions, chez un Prosobranche, le Janthina fragilis. En 1887, DE LacazE-DUTHIERS et PRUVOT (4) démontrent son existence chez la plupart des Opisthobranches (Aplysie, Philine, Bulle, Pleurobranche, Doris, Æolidiens): ils étudient son développe- ment chez le Philine aperta et trouvent qu'il dérive de l’épiblaste. Is l'interprètent comme un œil larvaire, qui serait morphologique- ment comparable à l'organe des sens connu actuellement sous le nom d'organe de DE Lacazs-DUTHIERS, et décrit par cet auteur chez les Pulmonés. (1) R. LANKESTER. On the developmental history of the Mollusca. Phil. Trans. Vol. 165, p. 25, pl. 8. 1875. (2) TRINCHESE. Per la fauna marittima Italiana. Æolididæ e famiglie affini. 4{ti della R. Accad. dei Lincei, série III, vol. X, pag. 74-78. 1880. (3) Hanpox. Notes on the development of Mollusca. Quart. Journ. of micr. Scienc. Vol. XXII. 1882. (4). H. ne Lacaze-Durmiers et G. PRuvOT. Sur un œil anal larvaire des Gastéro- podes opisthobranches, C. rendus Acad. Scienc., 105. 1887. — 386 — Il serait intéressant d'établir la destinée de cet organe, afin de savoir s’il disparaît chez l'adulte, ou bien s’il n’a pas quelque rapport avec la glande postérieure médiane dont j'ai parlé plus haut. DISCUSSION DES ESPÈCES DU GENRE CORAMBE. J’ai signalé, au fur et à mesure de la description anatomique, les différences de quelque importance que j'ai pu constater entre le Corambe sargassicola et le Corambe tesltudinaria : je les réunis ici : Le Corambe sargassicola présente les particularités suivantes : 1) Echancrure postérieure du pied. 2) Présence de màchoires comparables à celles des Æolidiens. 3) Présence d’une dent médiane à la radule. Le premier caractère est peut-être dû à l’action de l'alcool ; il ne peut donc pas être invoqué pour décider si les deux espèces sont réellement distinctes. En ce qui concerne les mâchoires, R. BERGH n’est pas très affir- matif (1) : il ne les décrit qu'avec une grande réserve. Le troisième caractère paraît au premier abord beaucoup plus précis ; mais l’auteur a pu prendre les deux dents latérales, vues de profil, pour une seule dent médiane : une erreur de cette nature est d’ailleurs bien facile à commettre en raison de la petite taille de cette radule, qui rend la préparation d'une grande délicatesse, surtout d’après un seul individu. Les différences que je viens de signaler ne me paraissent donc pas irréductibles ; telle est aussi, d’ailleurs, la conclusion de M. R. BerGx qui a bien voulu me communiquer son avis sur cette question. Les deux espèces sont, sans aucun doute, très voisines ; mais on (1) Die Natur der Kiefer liess sich an dem einzigen vorliegenden Individuum nicht bestimmen. oi — ne peut pas affirmer qu'elles soient absolument identiques. R. BERGH ne signale pas de tubercules sur le notæum : or ils sont extrême- ment nets dans l'espèce d'Arcachon. On voit que la question ne peut pas être tranchée avec les documents que nous possédons actuellement (1), et que de nouvelles recherches pourront seules décider si les trois formes de la Mer des Sargasses, du Zuyderzée et d'Arcachon doivent constituer des espèces distinctes, ou bien être réunies en une seule sous le nom de Corambe sargassicola. AFFINITÉS DU GENRE CORAMBE. Il existe un certain nombre de formes insuffisamment décrites qui ont probablement quelque parenté avec le genre Corambe. La plus anciennement connue a été mentionnée par les frères ADAMS, qui ont créé pour elle le genre Hypobranchiæa (2) repré- senté par une espèce de très grande taille (6 pouces anglais de long) : A. fusca. La diagnose de ce genre (3) et les quelques notes qui l'accom- pagnent sont très sommaires et ne fournissent aucun détail anato- mique. Dans le fascicule paru en 1854 de leur « Genera of recent mol- lusca » (4), ces auteurs donnent une courte description (5) et figu- (1) Le Corambe n’a pas été retrouvé lors de l'expédition du « Talisman » en 1883 dans la mer des Sargasses, (2) Proc. Zool. Soc. London, XV, 1847, p. 24. (8) Branchiis ano circumdatis, sub posteriore pallii margine positis. Pallio lato, ultra pedem extenso ; duobus tentaculis claviformibus ; corpore depresso. (4) H. et A. Apams. The genera of recent mollusca arranged according to their orga- nisation. London, 1858, p. 45. (5) Genus Hypobranchiæa. A. ADams. Body ovate, depressed, tentacles clavate, dorsale, ? non retractile. Mantle broad, extending beyond the foot, the margin thin and flexuous ; gills under the mantle at the hind part. Vent posterior in the grove between the mantle and foot. H, fusca A, Abams. Hab. Koo Kieng-San (Yellow Sea), pl. 68, fig. 6. — 38 — rent l'animal. Leur dessin montre très nettement une échancrure postérieure du manteau, dont le texte ne fait pas mention. La position systématique du genre Hypobranchiæa est mdiquée par ces auteurs : ils le rangent avec les Fryeria et les Phyllidia dans leur famille des Phyllididæ, dont ils signalent les caractères et notamment l'absence de radule (1). Ils admettaient donc que le genre Hypobranchiæa était dépourvu de radule, quoiqu’ils ne paraissent pas avoir examiné l’animal à ce point de vue. Il est à regretter que ces auteurs aient laissé de côté ce point très important; néanmoins, la disposition des branchies, la situation médiane de l'anus, la forme du notæum sont des caractères suffi- samment nets pour nous permettre d'établir un rapprochement entre les genres Hypobranchiæa et Corambe, malgré leur: diffé- rence de taille. Une forme décrite en 1870 par VERRILL (2) sous le nom de Doridella obscura parait encore pius voisine, au moins par la taille, du genre Corambe. Je reproduis ici la figure qu'en donne l’auteur; il est difficile d'en conclure s’il existe ou non une échancrure postérieure au no- tæum. La ponte, qui est figurée à droite, ressemble beaucoup à celle du | L Corambe : le dernier tour est un peu EU ei déroulé, mais cette différence n'a ponte. aucune importance. Le texte explicatif est très court : les rhinophores sont rétractiles ; le corps est couvert de petites taches foncées plus ou moins confluentes. Les rhinophores, le disque oral et le pied sont incolores ; le centre du pied est jaune clair. Cet animal a été trouvé en 1868 à Savin-Rock, près de New- Haven. Les trois genres Hypobranchiæa, Doridella, Corambe sont donc probablement très voisins, peut-être identiques, et la même difficulté de synonymie, que j'avais éprouvée pour les espèces de Corambe, se représente ici pour ces trois genres. R. BERGH (1) Phyllidiüdæ : Tongue and jaws none...... , etc. (2) VERRILL. Description of some new-England Nudibranchiata. Siliman’s American Journal of Science and Art, 2° série, tome 50, 1870, p. 405. En ES signale cette difficulté à propos des genres Hypobranchiæa et Corambe et, en attendant qu'une meilleure description du pre- mier vienne résoudre la question, il crée la famille des Corambiadæ pour le genre Corambe qu'il a décrit. Je pense que nous devons provisoirement conserver les trois genres Hypobranchiæa, Corambe, Doridella, réunis dans une même famille, pour laquelle le D'P. Fiscner (1) a proposé en 1883 le nom de Hypobranchiæidæ. POSITION SYSTÉMATIQUE DU GENRE CORAMBE. La question des affinités du Corambe a été abordée par BERGH : il le rapproche des Dorididæ d'une part, à cause des rhinophores et de la forme générale, des Phyllidiüidæ d'autre part, et en particu- lier du genre Fryeria, chez lequel l'anus est disposé comme chez le Corambe. Je vais examiner si les faits anatomiques confirment cette manière de voir, et s'ils peuvent apporter des éléments nouveaux dans la discussion. Une étude de ce genre doit porter sur le plus grand nombre pos- sible de caractères : tous les organes qui sont suffisamment connus dans les divers groupes de Nudibranches doivent entrer en ligne de compte. J'examinerai surtout à ce point de vue : Le notæum et ses dépendances ; Les branchies ; Le tube digestif et ses annexes ; Le système nerveux ; L'appareil génital ; tels sont, je crois, les organes qui, dans l’état actuel de nos connais- sances, nous permettent de faire le plus sûrement des comparaisons. (1) Dr P. Fiscegr. Manuel de Conchyliologie, p. 530. 1887. —1300 — Le nolœum ressemble beaucoup à celui des Doris et des Phyllidia ; il est traversé, comme dans ces deux types de Nudibranches, par des Rhinophores rétractiles ; il faut cependant noter l'absence de spicules chez le Corambe. Les branchies sont au contraire absolu- ment spéciales. À première vue, elles semblent conformes à celles de Phylhidia, mais il faut remarquer que chez ces dernières, les branchies existent sur toute la longueur du corps, et ne sont pas attachées sous le notæum ; cette différence dans le point d'insertion des branchies est toutefois plus apparente que réelle, car j'ai dé- montré plus haut que la face inférieure du notæum et la face supé- rieure du pied ont la même structure histologique. Les téguments ne présentent pas de nématocystes. Le /ube digestif fournit des points de comparaison très importants, car c’est généra- lement l'appareil le mieux étudié dans les divers groupes.L'absence de dent médiane à la radule éloigne immédiatement le Corambe des Po- lybranches(_Æolis)et des Pellibranches (Æ/ys1a) ainsi que des Plzuro- phytllidüidæ parmi les Inférobranches, et le rapproche des Antho- branches (Doris, Goniodoris). La dent médiane est, en effet, Loin d’être constante dans ce dernier groupe. et chez un grand nombre de Doris, elle manque totalement ; il n’est pas rare de trouver parmi les Anthobranches des espèces ayant pour formule radulaire n + À +0 + + n, chez lesquelles on observe une grande dent latérale denticulée sur sa face interne, et plusieurs marginales beaucoup plus petites (Goniodoris nodosa ; Idalia aspersa ; Acan- thodoris subquadrata). Dans cette dernière espèce, la formule est la même que chez le Corambe, 4 + € + 0 + À + 4 et les dents présentent une ressemblance frappante avec celles du Corambe (1). L'absence de mâchoire proprement dite nous permet également de séparer le Corambe des Pleurophyllidiidæ, et des Polybranches. Le foie, dont les lobes sont rapprochés en une seule masse, rappelle celui des Anthobranches et des Phyllidiidæ et diffère absolument de celui des Pleurophytlidiidæ qui émet des ramifications dans les branchies. Il est bien clair qu’à ce point de vue le Corambe s'éloigne de tous les Nudibranches groupés par R. BERGH sous le nom de cladohépaliques, dont le foie est divisé en nombreux (1) J. ALDER et A. HANCOCK. À monograph of the british nudibranchiate Mollusca. London, 1845, pl. 46. Supplementary, fig. 14. 0 — lobules disjoints : la présence de la glande hématique chezle Corambe est un argument de plus pour le ranger parmi les Nudibranches holohépatiques de BERGH. La forme de l'estomac, le mode d'ouverture du foie dans le tube digestif, la naissance de l'intestin rappellent tout à fait ce qu'on observe chez le Doris tuberculata (1), et se rapportent également bien aux figures du tube digestif des Phyllidia (2). La situation de l’anus, telle qu'on l’observe chez le Corambe, est exceptionnelle dans le groupe des Nudibranches, et ne se retrouve que chez quelques types de la famille des Phylhididæ, réunis pour cette raison par GRrAY dans le genre Fryerta. Le système nerveux doit être examiné en détail : les yeux ne four- nissent guère de caractères, car la longueur du nerf optique est très variable à l'intérieur d’un même groupe de Nudibranches. Je ne parlerai pas non plus des otocystes, pour la même raison. Le ganglion olfactif a une importance beaucoup plus grande : il est presque sessile chez les Anthobranches et les Phylhdiidæ, très éloigné au contraire du ganglion cérébroïde chez les Polybranches ; chez le Corambe le pédoncule du ganglion olfactif est un peu plus long que chez les Anthobranches, mais considérablement moins que chez les Polybranches, qui s'éloignent par conséquent du Corambe à ce point de vue. La commissure viscérale rappelle, par la présence d'un ganglion viscéral, celle des Anthobranches : chez les Polybranches, le gan- glion viscéral n'est pas différencié. Nous avons vu jusqu'ici les différents caractères éloigner cons- tamment le Corambe des Polybranches : un seul, emprunté à l'appareil génital, fait exception : la poche copulatrice est unique comme chez la plupart des Polybranches, tandis que les Antho- branches'et les Phyllidiidæ en possèdent deux. (1) ALper et Hancock, loc. cit., pl. 2, fig. 1. (2) Cuvier. Mémoires pour servir à l'histoire et à l'anatomie des Mollusques. Paris, 1817. R. BERGH. Bidrag til Kundskab om Phyllidierne, Naturh. Tidsskrift, 1869. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. En résumé, on voit que le Corambe ne peut se ranger dans aucune des familles des Anthobranches ni des Inférobranches, à cause de quelques caractères importants qui lui sont spéciaux ; ce genre, qui rentre dans la famille des Hypobranchiæidæ, doit peut- être former le type d’un groupe spécial équivalent aux précédents, présentant des affinités assez étroites avec les Anthobranches, et avec la famille des Phyllidiidæ parmi les Inférobranches, s'éloignant au contraire des autres Inférobranches (Pleurophyllidiidæ), des Polybranches, et des Pellibranches. Ce résultat nous montre que le groupe des Inférobranches, tel qu'il existe aujourd'hui, est composé d'éléments dissemblables, et qu'une révision sérieuse des genres qui le constituent est actuellement nécessaire, ainsi que R. BERGu j'a pressenti. Paris, 25 Janvier 1891. EXPLICATION DES PLANCHES. pied. tentacules buccaux. branchies. muscles longitudinaux du pied. muscles longitudinaux du no- tæum. muscles transversaux du no- tæum. vestibule génital. bouche. orifice du bulbe buccal. glandes salivaires. bulbe buccal. radule, æsophage. foie. estomac. intestin, anus. ganglions cérébroides. ganglions pédieux. ganglions palléaux. ganglion viscéral. ganglions olfactifs. ganglions optiques. ganglions buccaux. ganglions supra-buccaux. grande commissure cérébroïde. commissure cérébroïde inférieure commissure buccale. grande commissure pédieuse, commissure pédieuse postérieure, commissure viscérale. œil. nerf optique. otocyste. nerfs palléaux antérieurs. nerfs palléaux postérieurs, Les lettres suivantes ont dans toutes les planches la même signification : Pi, D», ps, nerfs pédieux. Système nerveux central. glande hermaphrodite. début du canal hermaphrodite. canal hermaphrodite. ampoule du canal hermaphro- dite. canal déférent. oviducte. pénis. gaîne du pénis. glande albuminipare. glande de la glaire. canaux de communication entre ces deux glandes. orifice femelle. poche copulatrice. conduit efférent de la poche co- pulatrice. ; canal copulateur. vagin. rein. pore urinaire. canal réno-péricardique. entonnoir péricardique. péricarde. oreillette. ventricule. aorte. veine branchiale afférente. vaisseaux branchiaux efférents. vaisseau branchial interne. vaisseau branchial externe. sinus latéral circulaire. sinus dorsal. glande hématique. glande postérieure médiane, Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. PLANCHE IX. — Animal vu par la face dorsale. A travers l'échancrure postérieure du notæum on distingue une partie du pied. — Animal vu latéralement, en grandeur naturelle. . — Face ventrale, montrant les tentacules buccaux. la bouche b et le foie trilobé aperçu par transparence. Le pied est supposé contracté pour laisser voir les branchies br. — Rhinophore, vu par sa face postérieure. 2, manchon du notæum ; B, gaîne externe ; y, gaîne interne : à, axe du rhinophore, suivant lequel les deux gaines sont soudées par leur ligne médiane ; e, prolongement cylindrique de l'axe. — Côté droit de l’animal. Le notæum est supposé soulevé pour montrer les branchies br, le tentacule buccal droit {, l’orifice génital femelle © et l’orifice du vesti- bule génital ve. — Une branchie. 2, lamelles branchiales : 6, muscle rétracteur de la branchie, situé sur son bord interne. — Portion de la surface dorsale du notæum parsemée de tubercules. — Fragment de la face inférieure du notæum (représenté en section dans la fig. 10); j'ai figuré deux grandes cellules ciliées. — Section transversale du notæum intéressant surtout son bord libre. «, Cellules épithéliales ; 8, cuticule du notæum ; y, section des tubercules dus aux épaississements de cette cuticule ; à, ligne de clivage de la cuticule ; :, glandes unicellulaires ; {, cellules groupées en îlots ; n, cellule conjonctive étoilée ; 5, cellule conjontive à prolongements parallèles ; à, cellules à pigment rouge superficielles ; y, cellules à pigment vert pro- fondes ; x, tissu conjonctif ordinaire ; p, cellules de FLEM- Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. UE — MING pouvant s'associer par groupes, en rapport avec un réseau de cellules nerveuses multipolaires; 5, lacune sanguine du notæum ; +, lacune présentant des ornements annulaires ; mt, ml, muscles transversaux et muscles ‘longitudinaux du notæum. 40. — Grandes cellules ciliées et cellules non ciliées de la 11. 42. 15. 14. 15. 16. face inférieure du notæum, dans sa partie libre. Cellules épithéliales de la sole pédieuse. «, glande unicellulaire. PLANCHE x. Tube digestif. bb, bulbe buccal; gs, glandes salivaires ; æs, œsophage ; e, estomac : f, foie : ?, intestin. Appareil digestif vu de côté. Les glandes salivaires ont été enlevées. Les lettres comme dans la fig. 12, et en outre : x, vestibule buccal ; D”, orifice du bulbe buccal ; 8, canal excréteur des glandes salivaires ; y, canal excréteur du foie. Section du bulbe buccal par un plan sagittal passant un peu en arrière de l’orifice du bulbe buccal. b, bouche ; x, vestibule buccal ; 8, cavité du bulbe : y, fibres musculaires radiales du bulbe; ë, muscles rétracteurs ; =, lacune ; &, section de la plaque cornée médiane. Une rangée transversale de la radule. Pour faciliter le dessin, les portions réfléchies des dents latérales ont été figurées plus écartées qu'elles ne le sont en réalité. La même rangée vue de profil, pour montrer les cro- chets des quatre dents marginales. 17. — Coupe optique du bulbe par le plan médian. 2, Sac radulaire ; &, ouverture du canal excréteur de la glande salivaire droite ; y, muscles de la radule ; à, paroi du vestibule buccal ; b”, orifice du bulbe ; ra, radule ; œs, œs0- phage. Fig. 148. — Coupe de l’œsophage, montrant son revêtement de cellules ciliées. «, sections des fibres musculaires longitudinales ; 8, cellules conjonctives. Fig. 19. — Coupe montrant l'ouverture du foie dans le tube digestif. x, tube digestif avec ses cellules ciliées et ses fibres mus- culaires ; 6, cellules hépatiques. Fig. 20. — Système nerveux, vu par la face supérieure. «, troncs nerveux issus du ganglion cérébroïde ; cb, con- nectif cérébro-buccal, unissant les ganglions cérébroïdes aux ganglions buccaux. Pour les autres lettres, voir au commen- cement de l'explication des planches. Fig. 21. — Système nerveux vu par la face postérieure. Pour la signification des lettres, voir au commencement de l'explication des planches. Fig. 22. — Système nerveux vu par le côté gauche. 6, espace séparant le connectif cérébro-pédieux du connectif palléo-pédieux. Les autres lettres comme dans la fig. 20. Fig. 23. — Œil. Fig. 23 bis. — Otocyste attaché sous le ganglion cérébroïde C. P, ganglion pédieux ; «, connectif cérébro-pédieux. PLANCHE XI. Fig. 24. — Appareil génital, dont les parties sont légèrement écartées. La glande hermaphrodite n’est pas figurée. Voir page 393, l'explication des lettres. Fig. 25. — Cellules sécrétrices et cellules ciliées de la glande de la glaire. Fig. 26. — Coupe du canal déférent dans sa région glandulaire, pour montrer les cellules ciliées et les cellules sécrétrices. Fig. 27. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. Fig. "JE = — Section du pénis contenu dans sa gaîne : la surface externe du pénis est complètement lisse. Acinus mâle de la glande hermaphrodite. x, cellules mères des spermatozoïdes ; B, grappe de sper- matoblastes ; y, à,e, les mêmes, de plus en plus allongés : {, spermatozoïdes adultes. Acinus femelle. «, cellules ovulaires très jeunes ; 6, ovule mûr prêt à se détacher, montrant un protoplasme très granuleux et un noyau nucléolé. Ponte de l'animal; j'ai figuré au-dessous sa grandeur réelle. Rein, cœur, et glande hématique. a, anus; #, pore urinaire ; 7, rein; cp, Canal réno-péri- cardique ; ep, entonnoir péricardique ; per, péricarde ; «, diverticule du rein ; or, oreillette ; v, ventricule ; 4o, aorte ; e, section de l'estomac ; yh, glande hématique ; sn, système nerveux central. Coupe par le plan médian de la région postérieure du COrps. w, pore urinaire ; &, anus ; gp, glande postérieure médiane; r, rein ; 4, fibres musculaires autour de l'anus et du pore urinaire. Section du rein. r, cavité du rein; crp, section du canal réno-péricardique. Communication du péricarde per avec l'entonnoir péri- cardique cilié. Appareil circulatoire (voir pour les lettres page 393). Le système afférent branchial VA, figuré en poin- tillé, est situé sous le cœur. L'entonnoir péricar- dique, non figuré. est caché sous l'oreillette. Circulation dans une branchie. Le vaisseau branchial interne br est relié au vaisseau branchial externe bre par des anses vasculaires longeant le bord des lamelles branchiales. OR — Fig. 37. — Glande hématique. Fig. 38. — Fibres musculaires striées de l'oreillette. Fig. Fa Qt PLANCHE XII. Les fig. 39, 40, 41, 42, 43, 44, représentent des coupes transversales de l'animal à des niveaux indiqués sur la figure 45 par les chiffres corres- poudants. On trouvera page 393 la signification des lettres romaines. «, muscle rétracteur du rhinophore ; 8, section de la partie supérieure du bulbe ; y, muscles de la radule. x, début d'un faisceau conjonctif unissant le pied au no- tæum. De tels faisceaux se rencontrent de place en place. «, Sinus veineux situé entre les lobes du foie, sous le rein. — Animal ouvert par le dos, pour montrer la disposition générale des organes. La glande hermaphrodite Ÿ occupe un espace considérable ; la glande de la glaire gl cache la glande albuminipare. Œuf non segmenté. . — Œuf au stade 2. . — Œuf au stade 4. . — Embryon véligère avancé muni d'une coquille senestre operculée. ot, otocyste. — Embryon véligère au même stade, vu du côté droit. «, Sphères réfringentes. . — Embryon très avancé, au moment de l’éclosion, vu du côté droit, l’opercule étant fermé. 2, corps pigmenté homologue de l'œil anal des Philines. PROLÉGOMÈNES DE ZOOGÉNIE, PAR AUG. LAMEERE , Professeur à l’Université de Bruxelles. Les idées que j’émets ici sur la classification générale des Animaux constituent le résumé très succinct du cours de Zoologie systéma- tique, inauguré en 1890 à l'Université de Bruxelles : elles m'ont également servi de guide dans l'exposé de l’Anthropogénie que j'ai fait en même temps à l'École des Sciences sociales. Toute classification n'étant que l'expression synthétique des con- naissances du moment, cet essai ne doit être considéré que comme œuvre de critique et de coordination scientifique. On n'y trouvera par conséquent aucun fait nouveau, et il est certain que bien des opinions énoncées par moi existent déjà dans l'esprit de beaucoup de Naturalistes, sans qu'elles aient été formellement exprimées. I. — QU'EST-CE QU'UN ANIMAL ? 1. La Science s’est trouvée impuissante à consacrer la division du monde organique en Animaux et Végétaux établie par le sentiment — 400 — populaire. La découverte d'un nombre considérable d'êtres vivants unicellulaires pour la plupart et soi-disant intermédiaires aux deux règnes, a amené la conviction de l'unité de la matière organisée, mais n’a point permis de spécifier ce qu'il faut entendre par un Végétal ou un Animal, malgré l'énorme différence existant entre les termes supérieurs de ces deux catégories. 2. Les Naturalistes se sont retranchés généralement dans des définitions purement physiologiques des deux règnes : Les Animaux sont les êtres qui se nourrissent de substances organisées, qui enlèvent l’oxygène de l'air et lui rendent de l’anhydride carbonique, et chez lesquels la motilité et la sensibilité sont hautement déve- loppées ; les Végétaux sont les êtres qui en général réduisent l’an- hydride carbonique de l'air et lui rendent de l'oxygène, et chez les- quels la motilité et la sensibilité offrent une minime intensité (HATSCHEK). 3. Une ciassification des organismes ne peut être basée que sur leur généalogie respective : elle ne peut en conséquence reposer sur des caractères physiologiques, et elle doit être fondée uniquement sur la Morphologie. 4. HAECKEL, conformément à ce principe, a limité le règne Animal aux organismes offrant des feuillets et pouvant tous être ramenés à la gaslrula, et il a aggloméré tous les êtres qui ne sont ni des Ani- maux ni de véritables Végétaux en un règne intermédiaire des Pro- tistes. 5. Cette division estcommode, mais elle n’est point strictement natu- relle. Les Protistes ne peuvent pas être considérés comme formant un tout homogène : ils comprennent un certain nombre de groupes dont nous pouvons saisir les liens généalogiques, mais qui actuel- lement sont bien séparés les uns des autres, et offrent autant de différence entre eux qu'avec l'ancêtre des Animaux ou des Végé- taux. 6. I n'y a donc pas dans la Nature trois grands troncs organiques, mais un plus grand nombre ; nous pouvons en énumérer provisoi- rement douze : les Sarcodés, les Myxomycètes, les Sporozoaires, les Champignons, les Flagellates, les Schizophytes, les Infusoires, les — 40 — Diatomées, les Végétaux, les Conjuguées, les Siphonées et les Animaux. 7. Il n'y a par conséquent pas à introduire de prétendus Proto- zoaires dans le règne Animal : celui-ci comprend seulement tous les êtres qui ont les caractères fondamentaux des Animaux supérieurs et qui proviennent d'un ancêtre commun, d'un Protiste qui n'existe plus à la surface du globe. 8. Les caractères fondamentaux de l’Animal sont : 1° la pluricel- lularité avec différenciation cellulaire ; 2° la gastrulation, qui donne lieu à l'existence d'une cavité digestive interne. 9. Le cycle biologique du Protiste ancestral des Animaux se retrouve dans l’évolution de leurs gonocytes ; les œufs et les sperma- tozoïdes passent successivement par trois phases : {° une phase de multiplication représentant les divisions du Protiste libre ; 2° une phase d’'accroissement : 3° une phase de division à l’intérieur d'un kyste consistant d’une part en la formation des spermatocytes, de l’autre en l'expulsion des globules polaires (1). Ce dernier phéno- mène a pour résultat de donner naissance à quatre gonocytes dont trois avortent au profit d'un seul, l'œuf définitif (2). 10. La fécondation s'opère chez les Animaux après réduction ka- ryogamique des gonocytes, phénomène observé chez les Végétaux, mais non chez les Protistes unicellulaires (3). 11. Les parois cellulaires ne sont jamais chez les Animaux formées de cellulose, ce qui donne libre jeu aux mouvements protoplas- miques. 12. Aucun Animal ne possède eu propre de la chlorophylle, et cette absence exclut la possibilité d’une nutrition inorganique. (1) A. LAMEERE. Études sur la Reproduction, I. A propos de la maturation de l'œuf parthénogénélique. Bruxelles, 1890. (2) La pseudokaryokinèse, caractéristique de la formation des globules polaires et de la division des spermatogonies en spermatocytes, se retrouve dans la division des zygotes des Desmidiées (H. KLEBAHN. — Studien über Zygoten I. — Pringsheim’s Jahrb. f. wissens. Botanik, XXII, 1890). (8) A. LAMEERE. Études sur la Reproduction. II. Recherches sur la réduction karyogamique. Bruxelles, 1890. — 40 — 13. Les Spongiaires ne peuvent, par le seul fait de leurs cellules endodermiques choanoflagellées, être considérés comme formant un règne à part (Bürscxzr), ou comme étant des Choanoflagellates (Kewr) ; ces cellules ne prennent que tardivement ce caractère dans le développement, lequel offre un stade de gastrula, et le cycle bio- logique des gonocytes de ces organismes n'est celui d'aucun Choano- flagellate : il est semblable à celui des autres Animaux (1). 14. Les Animaux peuvent être définis : Organismes pluricellu- laires à cellules différenciées, en contact avec leur milieu par deux surfaces, l'une exlerne, l'autre inlerne constituant une cavile digestive, à gonocytes naissant en télrades el subissant la réduction kharyogamique, à cellules dépourvues de chlorophylle et de membrane de cellulose. 45. Cette définition comprend donc tous les êtres connus sous le nom de Métazoaires, et auxquels on pourrait appliquer la dénomi- nation de Gastrobionles. II. — ORIGINE DU RÈGNE ANIMAL. 4. Avant la gastrulation, les Animaux passent par un stade de blastula qui se retrouve chez tous ceux d’entre ces organismes dont le développement n’a pas été altéré, soit par accélération embryo- génique, soit par la présence d'un deutoplasme abondant. 2. La morphologie de cette blastula rappelle la structure des Flagellates du groupe des Volvocinées, et principalement des Volvoxæ, formés également d'une sphère creuse limitée par une unique couche de cellules. 3. Les phénomènes de la reproduction des Vo/vox sont tout à fait semblables à ceux des Animaux : différenciation des gonocytes en œuf fixe eten spermatozoïdes mobiles, division cellulaire à lin- (1) E. Korscaezr u. K. Heiper. Lehrbuch der vergleichenden Entwicklungsge- schichte der Wirbellosen Thiere, p. 1. Iena, 1890. Et — térieur de l'œuf après la fécondation, viviparité s'observantégalement chez les Eponges. 4. L'Animal aurait par conséquent pour ancêtre un organisme ayant la structure générale d’une Volvocinée. 9. Les Volvocinées nous apparaissent comme pouvant être ramenées, par l'intermédiaire des Chlamydomonadines, à la forme simple d'Euglena dont le cycle biologique n’est point différent de celui des Animaux. 6. L'Euglena elle-même, et d'une façon générale le règne des Flagellates, provient vraisemblablement d’une forme amiboïde du règne des Sarcodés : les Flagellates peuvent être considérés comme ayant conservé la structure de la spore flagellée des Sar- codés, les Monadines formant la transition entre les deux groupes. 7. Inférieur aux Amæba, nous connaissons encore un organisme, Protomyxa pallida GRu8ER (1), chez lequel les éléments nucléaires sont dispersés dans toute l'étendue de la masse sarcodique,et qui est une véritable Monère, au sens dans lequel ce terme peut être employé aujourd'hui : organisme dont les éléments chromatiques ne sont pas encore concentrés en une portion spécialisée du sarcode. 8. De ia Monère nous passerions ainsi aux Sarcodés et de là aux Flagellates dont certaines formes ont évolué en Volvocinées. 9. De la Volvocinée à l'Animal intervient la gastrulation dont nous pouvons découvrir la cause dans le développement d'un Myxospon- giaire, Oscarella lobularis (2). La blastula de cet organisme se fixe, et sa partie inférieure s'invagine ; apparaissent alors les pores qui amènent l’eau au contact de l'endoderme, et plus tard l'oscule, en même temps que se ferme le blastopore. 10. L'origine de la gastrulation pourrait être supposée dans la fixation d'un organisme semblable à un Vo/vox : la portion des cellules ainsi séparée du milieu nutritif aurait été refoulée à l'in- (1) A. GRUBER. Ueber einige Rhizopoden aus dem (Crenueser Hafen. Bericht. Naturf. Gesells. Freiburg 1. B., IV, 1888. (2) K. Heiner. Zur Metamorphose der Oscarella lobularis. Arb. Zool. Inst. Wien, VI, 1886. — 04 — térieur de la sphère, et la cavité produite de cette façon se serait mise en communication avec l'extérieur par des pores permettant l'accès des aliments. III. — POLYSTOMES ET MONOSTOMES. 1. L'individu Éponge doit être considéré comme une gastrula fixée par le blastopore; celui-cise ferme et Ja nourriture de l'Animal arrive dans la cavité digestive par les pores inhalants, charriée avec l’eau qui s'échappe par l’oscule, lequel est situé au pôle opposé à l'orifice blastoporique. 2. Un Hydroïde est au contraire constitué par une gastrula fixée par le pôle opposé au blastopore : à celui-ci correspond la bouche. 3. L'Éponge et l’'Hydroïde sont donc caractérisés par une orien- tation diamétralement opposée, par la présence de nombreux orifices amenant les aliments chez la première, par l'existence d'une seule bouche chez l’autre. 4. Tous les Animaux autres que les Spongiaires n'étant que des différenciations du type Hydroïde, le règne Animal peut être partagé en deux grands troncs auxquels on peut conserver les dénominations de Huxzey : Polystomes et Monostomes. 5. Les Polystomes ne constituent qu'un seul embranchement, celui des Porozoaires. 11 se pourrait que les Physémaires, Spon- giaires dépourvus de pores et dont l’oscule sert d'orifice buccal, dussent en constituer un autre, mais l’organisation de ces Animaux n’est pas encore suffisamment élucidée. Si, d'autre part, le Tri- choplax adhærens F. E. Scaurze (1) est un organisme adulte, il y aurait probablement lieu de le considérer comme une Paren- chymula d'Éponge pædogénétique et d’en constituer un troisième embranchement. 6. Tous les autres Animaux constituent le groupe des Monostomes: (1) F.-E. Scauzze. Ueber Trichoplax adhærens. Zoolog. Anz., VI, 1883. — M — ils sont supérieurs aux Polystomes par la présence de cellules nerveuses et musculaires parfaitement différenciées. 7. Nous pouvons faire l'hypothèse que l’origine du type Monostome se trouve dans la fixation par le pôle antiblastoporique d’une larve de Polystome primitif. < IV. — ACŒLOMATES ET CŒLOMATES. 1. Les Cœlentérés, dont il faut exclure les Spongiaires et les Cténophores, forment un embranchement très caractérisé par la présence des nématocystes, et auquel on peut donner le nom de Cnidozoaires. Leur symétrie est rayonnée, par suite de l'état de fixation du Polype qui est leur forme primitive, la Méduse en étant secondairement dérivée. Ces Animaux possèdent un ectoderme et un endoderme entre lesquels se trouve intercalé un meésenchyme lamellaire ou pourvu de cellules : ils n'ont point de cavité générale du corps ni d'appareil circulatoire, et ils doivent constituer un groupe des Acælomales à opposer à tous les autres Monostomes qui sont Cæœlomates. 2. Les Cnidozoaires se répartissent en deux classes bien tran- chées : les uns ou Hydrocnidaires ont la cavité digestive simple et sont dépourvus de stomodæum, les autres ou Scyphocnidaires (Actinozoaires et Acalèphes) possèdent un stomodæum et des loges mésentériques. 9. Les Scyphocnidaires peuvent être considérés comme dérivant de la forme Hydrocnidaire par un plissement de l’endoderme aug- mentant la surface assimilatrice. 4. Tous les Cœlomates descendent d’une forme comparable à un Scyphocnidaire du groupe des Actinozoaires dont les loges mésen- tériques se seraient détachées de la portion axiale de la cavité diges- tive (hypothèse d’Apam SEDGwICK) (1). (1) A. Sepawick. On the origin of metamerie segmentation and some other mor- phological questions. Quart. Journ. of Microscop. Science, 1884, — 406 — 5. L'ensemble des loges mésentériques constitue le cœlome limité par le mésoderme ; l'endoderme de PActinozoaire ancestral devient la pariétopleure, et les cloisons mésentériques les dissépi- ments; l'endoderme ei la splanchnopleure des Cœlomates consti- tuent les deux feuillets caractéristiques de ces Animaux. 6. Chez les Entérocæliens (1), le mésoderme conserve le caractère épithélial de l'endoderme des Acœlomates (Amphioxus, Sagilla, etc.); chez les Schizocæliens (Mollusques, Plathelminthes, etc.), les cellules du mésoderme se séparent les unes des autres pour se répandre dans le blastocæle, et le mésoderme prend secondairement le caractère d'un mésenchyme, en même temps que le cœlome tend à disparaitre ; le développement embryonnaire des Tuniciers nous montre que ce second processus dérive du premier (Ep. Van BENEDEN) (2). 7. Le système nerveux de tous les Cœlomates dérive originai- rement de l'anneau nerveux circumbuccal des Actinozoaires (3) déjà indiqué chez les Hydroïdes (4). 8. Les Cœlomates comprennent trois embranchements dérivant d'Actinozoaires différents, les Astérozoaires ou Hydrocæhens, les Helminthozoaires ou Aplocæliens et les Chordozoaires ou Myo- cœliens. V. — ASTÉROZOAIRES OU HYDROCŒLIENS. 4. L’embranchement des Astérozoaires comprend les Echino- dermes et les Entléropneusles. 2. Les Echinodermes peuvent être tous ramenés à la forme em- (1) O. u. R. HEr1wIG. Die Cœlomtheorie. Iena, 1881. (2) En. VAN BeNEDEN et CH. JuLin. Recherches sur la Morphologie des Tuni- ciers. Archives de Biologie, VI, 1885. (3) O. u. R. HERTWIG. Die Actinien. Iena, 1879. (4) K.-C. Scanginer. Histologie von Hydra fusca, mit besonderer Beruchsichti- gung des Nervensystems der Hydropolypen. Arch. f. mikr. Anat., XXXV, 1890, Mg = bryonnaire Pentactula (1) qui se montre constituée comme un Actinozoaire dont les loges mésentériques séparées du tube digestif el ayant perdu leurs cloisons constituent un cœlome : celui-ci est divisé par un plan transversal en une partie supérieure s'étendant dans les tentacules, l'hydrocæle. et une partie inférieure , la cavité générale proprement dite. 3. Leur système nerveux forme un collier circumbuccal comme chez les Actinozoaires. 4. La persistance de la symétrie rayonnée chez ces Animaux nous montre qu’ils proviennent d'un Scyphocnidaire ayant subi son évo- lution sans cesser d’être fixé à l’état adulte ; leurs formes larvaires sont des adaptations passagères à la vie pélagique pour la dispersion des individus. 9. Il suffit de mettre en regard une coupe sagittale du Balano- glossus et une larve d'Holothurie pour se rendre compte que les Entéropneustes dérivent d'une forme larvaire d'Holothuroïde s étant adaptée, avant d’avoir subi ses dernières transformations, au fouissement de la vase. VI. — HELMINTHOZOAIRES OU APLOCŒLIENS. 1. Les Arthropodes et les Vers de tout genre, y compris les Cténophores et les Mollusques, ne sont que les variations d’un même thème : ils proviennent tous d'un Actinozoaire retourné, rampant sur son disque tentaculaire et ayant acquis un cœlome qui reste simple (Aplocæliens). 2. La segmentation, caractère primordial de tous ces Animaux, est le résultat de la disposition des loges mésentériques chez l’Acti- nozoaire ancestral. (1) R. Semon. Die Entwickelung der Synapta digilata und ihre Bedentung für die Phylogenie der Echinodermeu. Jen. Zeilschr. f. Naturwissensch., XXII, 1888. — 408 — 3. Les organes segmentaires existent déjà chez les Actinozoaires sous forme d'ouvertures faisant communiquer chaque loge mésenté- rique avec l'extérieur. 4. Le plan de symétrie bilatérale des Aplocæliens correspond au plan ventro-dorsal des Actinozoaires. o. Le système nerveux des Helminthozoaires est représenté dans sa forme primitive chez les Archiannélides et chez le Peripatus : il provient de l'allongement du collier nerveux circumbuccal des Actinozoaires. 6. Les appendices des Arthropodes représentent les tentacules de leurs ancêtres perfectionnés. 7. Les Onychophores semblent, après élimination de nombreux caractères secondaires, réaliser le mieux la structure primordiale de tout l’embranchement ; celui-ci se présente comme extrêmement touffu, la forme d'Helminthozoaire étant la plus susceptible d'adap- tations multiples et complexes. 8. D'un cœlome segmenté et primordial comme celui du Ver de terre, nous passons, par la disparition des dissépiments, à celui des Arthropodes et de la plupart des Annélides. 9. La transformation du mésoderme en mésenchyme a produit des formes comme les Mollusques et les Plathelminthes. 10. Les Cténophores ne sont point la souche des Turbellariés ainsi que le pense LanG (1), mais, retournant l'hypothèse de ce dernier, nous devons les considérer comme la forme la plus élevée des Plat- helminthes : ils peuvent être définis, des Turbellariés pélagiques. 41. La fixation d'une forme larvaire d'Annélide a produit des types tels que les Bryozoaires et ies Brachiopodes. 12. Les Rotifères sont des larves d’Annélides pædogénétiques. 13. Les larves Nauplius et Trochosphère n'ont aucune valeur phylogénétique : leur bourgeonnement rappelle la formation succes- (1) A. LANG. Sur les relations des Platyelmes avec les Cœlentérés d'un côté et les Hirudinées de l'autre, Archives de Biologie, II, 1881. D — sive des paires de loges mésentériques chez les larves des Actino- zoaires du groupe des Cérianthides. 14. Les Mésozoaires peuvent donner lieu à diverses interpréta- tions : 1° ils constituent un règne à part et ne sont point des Animaux : 2° ce sont de vrais Mésozoaires, c’est-à-dire des formes intermédiaires entre les Protistes et les Animaux véritables ; 3° ce sont des P/anula de Cnidozoaires pædogénétiques (HATSCHEK (1) ) ; 4 ce sont des Plathelminthes déviés. Nous nous arrêtons à cette dernière hypothèse, et nous les considérons comme des larves de Trématodes pædogénétiques, à raison : 1° de leur développement embryonnaire compliqué et très semblable à celui de certains Plat- helminthes; 2° de leur structure rappelant celle des embryons des mêmes Animaux; 3° de leur parasitisme ; 4° de l'alternance de leur génération, l’une de leurs formes femelles pouvant être considérée peut-être comme un Sporocyste produisant des spores agames ; l’autre forme femelle et le mâle sont probablement des Rédies devenues secondairement sexuées par transformation des spores en gonocytes : ces derniers ne sont sans doute pas homologues aux gonocytes des autres Animaux puisque les œufs des Mésozoaires ne semblent pas expulser de globules polaires. x * + VII — CHORDOZOAIRES OU MYOCŒLIENS. 1. Les Chordozoaires sont caractérisés par un épaississement de la partie supérieure médiane de l’endoderme constituant la corde dorsale et par la division du coelome en deux parties superposées, l'une supérieure ou myocæle (protovertèbres), l'autre inférieure ou splanchnocæle (lames latérales). 2. Leur segmentation, leurs organes segmentaires, leur bilatéralité se trouvent déjà chez les Actinozoaires leurs ancêtres, et leur sys- tème nerveux provient comme celui des Helminthozoaires de l’élon- gation du collier circumbuccal des Polypes. (1) B. HatTsCHex. Lehrbruch der Zoologie. lens, 1888. — 140 — 3. Ils proviennent sans doute d’un Actinozoaire flottant la bouche en haut, comme le font certaines larves de ces Cnidozoaires (1). 4. Cette hypothèse rend compte de l’origine de la corde dorsale, tuteur d’un corps primitivement mou et sans appui, et du myocœæle, appareil de locomotion. 5. Ils comprennent les Vertébrés, chez lesquels la corde dorsale s'étend sur toute la longueur du tube digestif, et deux autres groupes qui semblent dériver de Vertébrés très primitifs, les Céphalochordes (Amphioxus) chez lesquels la corde dorsale s'étend secondairement jusqu’à l'extrémité antérieure du corps, et les Urochordes ou Tuni- ciers, formes qui se sont fixées, et dont la corde dorsale, représentée seulement à l’état larvaire, n’est développée que dans la partie pos- térieure du corps. L’arbre généalogique du règne Animal peut donc être représenté de la manière suivante : HYDROCŒLIENS. APLOCŒLIENS. MYOCŒLIENS. Il Il ] III. ASTÉROZOAIRES. IV. HELMINTHOZOAIRES. V. CHORDOZOAIRES. CŒLOMATES. ACŒLOMATES. —= II. cNIDozOAIRES. MONOSTOMES. POLYSTOMES. — I. PoRoZoAIRES. ANIMAUX. FLAGELLATES : VOLVOCINÉES. (1) A. LameEre. L'Origine des Vertébrés, Bull, Soc. belge de Micrescop., XVII, 1891. .— A1 — La classification que nous proposons est basée sur la particularité essentielle des Animaux ou Gastrobiontes, celle de la présence de cavités internes qui n'existent chez aucun autre organisme pluricel- lulaire. Elle semble par ce fait plus naturelle que celles qui ont été adoptées jusqu'ici, puisque les meilleures classifications que nous possédions dans les groupes secondaires d'organismes sont précisé- ment celles qui reposent sur les variations des caractères les plus saillants de ces êtres : la fleur chez les Anthophytes, le pied chez les Mollusques, les ailes chez les [nsectes. Bruxelles, août 1890 — avril 1891. OBSERVATIONS SUR LE PARASITISME ET LA CASTRATION CHEZ LES ANÉMONES ET LES EUPHORBES, PAR ANT. MAGNIN, Professeur à la Faculté des Sciences de Besançon. — Planche XIII. — Cette note a pour objet les effets biologiques produits par le parasitisme sur quelques espèces d’Anémones et d'Euphorbes, no- tamment les phénomènes de castration de l'appareil reproducteur qui peuvent en être la conséquence ; ces observations faites, pour la plupart, dans le cours des printemps de 1889 et 1890, confirment généralement, en ce qui concerne les Anémones, celles antérieures mais inédites alors, de M. VuILLEMN ; un résumé de ces dernières ayant paru depuis nos recherches et la publication sommaire d'une partie d’entre elles dans les Comptes-rendus (1), nous en profiterons pour comparer les résultats obtenus à Nancy et à Besançon et les faits dus à quelques autres observateurs. (1) Cf. Sur la castration parasitaire de l’Anemone ranunculoides par l'OŒEcidium léu- cospermum (Comptes-rendus, 28 avril 1890). — Sur la castration parasitaire des Eu- phorbes (Comptes-rendus, 2 juin 1890).— VuizLemn. Effets biologiques du parasitisme chez les Anémones (Société des Sciences de Nancy, 2 mai 1890, n° du 1° juin, p. 28). _— 413 — PARASITISME ET CASTRATION CHEZ L’ANEMONE NEMOROSA. L’Anemone nemorosa L. est une plante très répandue partout et fréquemment envahie par les œcidiospores et les téleutospores du Puccinia fusca REL. ; on peut y rencontrer aussi Urocystis Ane- mones, Peronospora pygmæa, Synchytrium Anemones: ces parasites affectent diversement la plante nourricière, soit dans son développement général, soit dans son appareil reproducteur. 1° Œcidiospores du Puccinia fusca REHL. ( Œcidium ‘: leucospermum D. C.). — La plante chargée d'œcidies est, en général, plus élevée que les plantes voisines saines (1); les feuilles de l'involucre sont pew déformées dans leur contour général, un peu plus épaisses et subcoriaces ; leur face inférieure, où s'ouvrent les œcidies, est ordinairement dépourvue des poils qui sont fréquents sur les feuilles des Anémones saines ; la face supérieure a pris une coloration vert-pâle, légèrement olivâtre, tachée de blanc aux points correspondants aux pseudopéridies et ponctuée par de nombreuses spermogonies. La structure a subi peu de modifications : les cellules de l’épiderme inférieur se prolongent rarement en poils, la chloro- phylle est altérée au voisinage des pseudopéridies et le parenchyme sous-jacent à l'épiderme inférieur est beaucoup moins lacuneux que dans les feuilles saines. La plante à œcidiospores est ordinairement stérile (2); c’est ce que j'ai coustaté sur 11 pieds récoltés au bois de la Ratte et sur la plupart de ceux observés dans la forêt de Chailluz; j'ai cependant rencontré, dans une station de cette dernière localité, un individu remarquable par sa taille et sa floraison : il est figuré, réduit environ de 1/5", dans l'aquarelle accompagnant ce mémoire (voir Planche xrr1). (1) Cf. RosTRuP, VUILLEMIN. (2; Cf. RozE, RoSTRUP, GIARD, VUILLEMIN, — 4 — La hauteur totale de la plante était de 30 centimètres, soit 20 du sol à l'involucre et 10 de l’involucre à la fleur. L'involucre était constitué par trois feuilles à long pétiole (3 à 5 centimètres), à limbe un peu plus rigide que d'habitude, portant des spermogonies sur leur face supérieure et de nombreuses œcidies à leur face inférieure, laquelle était absolument dépourvue de poils. La fleur unique, lon- guement pédonculée, normalement constituée, ne différait d’une fleur ordinaire que par ses dimensions, la présence d'œcidies et de sper- mogonies sur ses sépales et l'aspect élégant que ces parasites et les macules vertes sur lesquelles ils reposaient et qui se détachaiïent sur le fond rose de la fleur, donnaient à toute la plante; chaque œcidie était, en effet, placée sur une petite tache, virescence locale, due à l’apparition de la chlorophylle dans les points où les appareils reproducteurs du parasite s'étaient développés; comme pour les feuilles, les œcidies s’observaient surtout sur la face inférieure ou dorsale des sépales et les spermogonies sur leur face supérieure ou ventrale. Ce cas intéressant se rapporte assez bien à ceux analogues obser- vés par M. VUILLEMN; ce botaniste attribue, avec raison, la production de ces tiges vigoureuses et fleuries, malgré la présence du parasite, « à une hypertrophie du rhizome ayant amené la con- crescence de deux bourgeons (1) >»: ordinairement, la réalité de cette concrescence se manifeste par la présence de six feuilles à l'involucre ; d’autres fois cependant, on peut n'observer que cinq, quatre et même trois feuilles involucrales ; mais dans ce dernier cas, on trouve une feuille radicale supplémentaire à la base de la tige; notre plante se rapporte à cette dernière modification : aux trois feuilles de l'involucre, représentant une collerette normale, s'ajoutait certainement une feuille non pas radicale, mais portée par un renfiement très net et bien visible à une certaine distance au- dessus de la base de la tige (2). La plante qui fait l’objet de notre observation diffère, d'autre part, des cas décrits par M. VUILLEMIN, en ce que, non seulement « elle avait atteint le développement des pieds normaux, » mais qu’elle l'avait de beaucoup dépassé. (1) Société des Sciences de Nancy, loc. cit. (2) Je reviendrai sur ces faits de concrescence dans une autre note où je décrirai les cas d'Anémones bifères, mais saines, que j'ai observées. — A15 — 2° Téleutospores du Puccinia fusca REHL. — L’altération est ici bien plus profonde : les plantes sont plus petites, les feuilles moins développées, à pétiole plus court, à folioles moins profondé- ment divisées, peu dentées ou seulement vers le sommet, prenant souvent la forme d’un coin renversé ; ces feuilles se distinguent au milieu des feuilles saines, non seulement par leurs dimensions plus petites et leur déformation, mais aussi par la coloration de leur face supérieure devenue vert foncé et tachée de blanc ; ces décolorations locales, dues à l’altération de la chlorophylle, correspondent aux pulvinules de Puccinies qui apparaissent surtout à la face infé- rieure ; celle-ci n’a plus l'aspect blanc-argenté de la face inférieure des feuilles saines, mais peut conserver les poils qu'on y observe ordinairement. Si ces feuilles sont réduites dans leurs dimensions superficielles, elles présentent au contraire un épaississement notable et une consistance spéciale. Ces modifications correspondent à des altéra- tions dans la structure, augmentation de dimension des cellules de l’épiderme et du parenchyme, hypertrophie de ce dernier tissu, dissociation et feutrage de ses cellules par les filaments du thalle du champignon. L'action stimulante, excitatrice, du parasite est donc différente dans chacun des deux stades, à œcidiospores et à téleutospores : le thalle œcidiogène excite faiblement tous les tissus, en provoquant une croissance anormale de la plante entière, tandis que le thalle pucciniogène agissant avec plus d'intensité sur les élé- ments mêmes des tissus, les altère plus ou moins fortement, et détermine en fin de compte, l'arrêt de croissance de l'appareil vé- gétatif et l'avortement de l'appareil reproducteur. La stérilité des pieds téleutosporifères est, en effet, la règle : tous les observateurs sont d'accord sur ce point (RosTRUP, GARD, VUIL- LEMIN, et nos observations dans les bois de Chalezeule, de Chailluz, de la Ratte, etc. ! )} Une fois cependant (1888), un de nos élèves nous a apporté un pied fructifié d'Anemone nemorosa dont les feuilles portaient un parasite paraissant être le Puccinia fusca? Mais il était dans un si mauvais état de conservation que nous n’avons pas songé à l’examiner avec soin de suite; nous le regrettons mainte- nant, car l'échantillon a été égaré avant qu'on ait pu pratiquer l'examen des spores et s'assurer qu’il s’agissait bien d’une Puccinie ; — 16 — le souvenir vague qui m'en est resté peut se rapporter aussi bien à un Urocystis : ce point mérite donc de nouvelles recherches ; en tous cas, la rencontre possible de quelques pieds, accidentellement fleuris, quoique envahis par les Puccinies, ne peut détruire le fait général, absolument certain, de la castration habituelle de l’Ane- mone nemorosa par le thalle téleutosporifère du Puccinia fusca. Il convient cependant d'examiner encore une objection qui m'a été faite récemment (M. Roze, 2n lil.) et qui repose sur cette ob- servation, parfaitement exacte, que les plantes saines peuvent nor- malement ne pas fleurir chaque année. On remarque, en effet, aisément, au printemps, qu'à côté de pieds fleuris, d’autres ne sont que foliés : la stérilité d'un pied téleutosporifère peut donc ne pas être nécessairement provoquée par la présence du parasite ; il faut certainement tenir compte de cette possibilité ; mais elle ne peut influencer que les résultats des dénombrements faits, en comptant dans une surface donnée, les pieds sains fleuris ou non et ceux pa- rasités habituellement stériles, notamment les pieds porteurs d’œcidies ; elle n’a plus la même valeur pour les plantes chargées de téleutospores : la s/érilité absolue de tous ces individus, au milieu des plantes saines fleuries ou non, le nombre considérable des sujets sur lesquels on observe cette stérilité, comparativement aux pieds sains, fleuris ou stériles, croissant dans la même localité, toutes ces circonstances ne peuvent laisser subsister aucun doute sur la réalité de l’action castrative du parasite. Un autre fait intéressant concerne la fugacité du thalle œcidio- gène et la pérennité du thalle téleutosporigène des Puccinies. D'une part, je n'ai jamais observé l'Œcidium leucospermum sur Ane- mone nemorosa que d’une façon, pour ainsi dire erratique, dans les environs de Besançon ; au contraire, dans certaines stations, par exemple dans les bois frais, à sol argileux, de Chalezeule, je ren- contre chaque printemps, depuis plusieurs années, de nombreuses tiges chargées de téleutaspores, toujours aux mêmes endroits, et sans jamais y voir de pieäs porteurs d’œcidies. Cette observation s’ac- corde avec les résultats d'expériences déjà anciennes dues à M. Roze (1) : ayant cultivé des pieds d'Anemone nemorosa char- gés, les uns d'ŒÆcidium leucospermum, les autres de Puccinies (1) Bull. de la Soc. botan. de France, 1872, p. 165. — 417 — (Puccinia compacla DE Bary?), M. Roze a vu les premiers ne produire, les années suivantes, que des feuilles absolument dépour- vues de parasites, tandis que les seconds donnaient naissance, chaque année, à des tiges sans fleurs et dont les feuilles étaient chargées de téleutospores. 3° Urocystis anemones SCHRŒTT. — Cette Ustilaginée . qu'on reconnaît facilement à ses grandes sores bullées, noires, s’ou- vrant par une fente longitudinale de l’épiderme et disséminées à la face inférieure des feuilles, ne provoque ordinairément que des dé- formations locales, boursoufflures, décoloration blanchâtre de la partie correspondante de la face supérieure, etc., amenant cepen- dant à la fin le ratatinement de la feuille ou, du moins, de la portion envahie par le parasite. Cette action surtout locale explique pourquoi on trouve à la fois des pieds stériles et des pieds fleuris parmi Jes individus porteurs d'Urocystis ; la stérilité paraît cependant avoir été plus fréquem- ment observée par M. VuILLEMN : « les effets de l’envahissement de l'Urocystis anemones, dit-il, sont assez analogues à ceux du Puccinia fusca arrivé à la période des téleutospores » (/oc. cit.). J'ai, pour ma part, rencontré un nombre à peu près égal de pieds fleuris, normalement développés, chez lesquels le parasite n'avait du reste déterminé aussi qu'une déformation tout à fait locale de la partie envahie de la feuille. Les pieds stériles, observés au bois de la Ratte, au nombre de deux seulement, présentaient une singulière déformation des feuilles de l'involucre : par suite du raccourcissement des pétioles et de la division d'au moins deux d’entre eux en pétiolules assez allongés, l'involucre avait pris l'aspect d’une collerette à 5-6 folioles simples ; les sores, cause de cette déformation, étaient, du reste, placées à la base des folioles, à l’origine des pétiolules. 4 Peronospora pygmæa UNG. — Ce parasite ne déforme pas la plante ; les parties atteintes des feuilles de l’involucre sont simplement décolorées, jaunâtres à la face supérieure, blanchâtres (conidies) à la face inférieure ; l'envahissement peut être très va- — 118 — riable : je n’ai pas observé d’involucre complètement envahi, mais seulement quelques folioles ou parties de feuilles. Aussi, contrairement aux observations de M. VUILLEMIN, j'ai ren- contré un nombre égal de pieds fleuris et de pieds stériles parmi les plantes atteintes par le Peronospora : sur 12 plantes examinées, 6 étaient fleuries, une un peu déformée avait une fleur atrophiée, 9 étaient absolument stériles. 95° Le Synchytrium anemones m'a donné des résultats sem- blables à ceux obtenus par M. VuILLEMIN : parmi les pieds atteints, j'ai trouvé à la fois des individus stériles et des florifères. En résumé, de tous les parasites qui attaquent l’Anemone nemo- rosa et dont j'ai pu étudier les effets, c'est le Puccinia fusca, à sa phase téleutosporifère surtout, qui provoque les altérations les plus considérables et détermine toujours une castration complète : Jes autres parasites, ainsi que la phase à œcidies de la même Puccinie, altèrent moins profondément et d’une façon plus variable la plante nourricière, et, encore, faut-il tenir compte, dans l'interprétation à donner des pieds stériles, de la possibilité d'une non floraison indé- pendante du parasite, que ce soit un phénomène normal ou qu’il soit dû à certaines causes encore peu connues, comme la castration épharmonique. GR PARASITISME ET CASTRATION CHEZ L'ANEMONE RANUNCULOIDES. L'An. ranunculoides porte assez fréquemment soit l'ŒÆcidium leucospermum Dc. du Puccinia fusca ReLx., soit l'Œcidium punclatum PERs., Urédinée dont on ne connaît pas encore les téleu- tospores : je n’ai, du moins, jamais pu étudier, jusqu'à ce jour, que l'action des thalles œcidiogènes sur cette plante, et c’est aussi cette phase du développement des Puccinies qui paraît avoir été seule l'objet des remarques des autres observateurs (MATHIEU, VUILLEMIN, — 419 — etc.); le stade à téleutospores du Puccinia fusca, ainsi que les autres parasites signalés sur Anemone ranunculoidies [Urocystis Anemones SCHROET., etc.) doivent se rencontrer rarement ; il ne m'a pas été donné de les examiner. Bien que l'A. ranunculoides soit une plante assez inégalement distribuée en France et qu’elle soit rare dans plusieurs régions, j'ai eu l’occasion de l’observer souvent dans plusieurs localités des en- virons de Lyon et de Besançon; c'est sur les bords des ruisseaux de Chalins et de l'Iseron, dans la banlieue lyonnaise, que, vers 1872, je l'ai vue pour la première fois, les feuilles chargées d'œci- dies, avec mon confrère M. MaTHieu ; c'est alors qu'il remarqua que les pieds envahis par l'Œcidium leucospermum Dec. (1) étaient toujours dépourvus de fleurs : et, rapprochant ce fait d'un autre analogue souveut observé sur l'£wphorbia cyparissias, il en con- cluait déjà, que « la non floraison de l’Anemone ranunculoides » était due à la présence du champignon qui envahit ses feuilles (2) ». Depuis lors, sous l'influence des travaux de M. GraRb, mon atten- tion ayant été rappelée sur cette question, j'étudiai pendant les prin- temps de 1889 et 1890, les diverses stations où croît l'A. ranun- culoides dans les environs de Besançon (Fontaine-Argent, bois de Chailluz, bois de la Ratte, etc.), notamment une vigne située à Fontaine-Argent, où ces Anémones sont très abondantes et où elles présentent, chaque année, de nombreux pieds chargés des pseudo- péridies de l'Œcidium punclatum Pers. (3). Le parasite produit dans l'appareil assimilateur une excitation trophique semblable à celle que détermine chez l'An. nemorosa, le Puccinia fusca au même stade de développement : les pieds œci- difères se reconnaissent aisément, à distance, au milieu des touffes (1) C'est du moins ainsi que je l’avais déterminé à cette époque ;: mais il pourrait se faire aussi que ce fut l'Œc. punctatum PERS.? 1! (2) Soc. botan. de Lyon, séance du 2 avril 1874, t. II, p. 70-71. (3) L'examen plus attentif que j'ai fait cette année du parasite qui envahit les Ané- mones à fleurs jaunes de Fontaine-Argent m'a prouvé qu'il faut le rapporter à l’OŒEcidium punclatum Pers, bien reconnaissable au bord de ses pseudopéridies régulièrement 4-lacinié, à ses œcidiospores brunes-violacées ; il est probable que c'est le même parasite que j'ai observé les années précédentes, dans cette station, et dont les eflets ont été attri- bués, à tort, dans ma note à l’Institut (28 avril 1890), à l'Œc. leucospermum Dc. ; on doit donc rectifier la dénomination du parasite dans ce sens. (Note ajoulée pendant l'impression). = — saines, à leur taille plus élevée (1), à la teinte plus pâle de la face supérieure des feuilles, lesquelles sont parsemées de taches blan- châtres, un peu boursoufflées, correspondant aux pseudopéridies ouvertes sous la face inférieure, et de petits points noirs formés par les spermogonies. Les feuilles de l’involucre conservent leur mode normal de ramification latérale, quoiqu'elles soient plus rarement trifoliolées que dans les plantes saines, et souvent réduites à 1 ou 2 folioles, suivant le degré d'infection parasitaire; elles sont, d’autre part, un peu plus élargies et un peu plus épaisses. Ces modifications, surtout appréciables lorsqu'elles affectent des parties ou des folioles voisines d’une même feuille partiellement envahie, sont accompa- gnées d’altérations correspondantes dans la structure : parenchyme plus développé par augmentation du nombre et des dimensions des cellules, épiderme à cellules plus épaisses et plus larges, etc. Ces altérations, dues à une excitation passagère, retentissent sur la vita- lité des pousses annuelles ; les tiges œcidifères résistent bien moins que les pieds sains à l'arrachement ; même conservées dans une boite, elles se fanent avec d'autant plus de rapidité qu’elles sont plus envahies par le parasite. Du côté de l'appareil reproducteur, le parasite produit fréquem- ment l'avortement complet de la fleur; cependant je dois dire de suile qu’on peut trouver des pieds œcidifères fleuris, en assez grand nombre, si l’on a l’occasion d'examiner une quantité suffisante d’in- dividus; lors de nos premières observations, faites en parcourant trop rapidement les stations (Lyon, 1872, 1873, etc. ; Besançon, 1889), tous les pieds parasités, sauf de très rares exceptions, nous avaient paru stériles ; dans les recherches plus minutieuses, prati- quées en 1890 sur les Anémones de Fontaine-Argent, j'ai pu compter 31 pieds fleuris parmi 306 plantes parasitées, soit environ 10 pour 100 ; la proportion, quoique faible, n’est pas négligeable; elle confirme du reste ce que nous savons déjà, par la possibilité de la floraison de VA. nemorosa atteint d'œcidies, de l’action plus faible- ment castrative du stade à œcidiospores. Mais l'étude de ces fleurs, développées sur les Anémones malgré la présence du parasite, nous a révélé des altérations remarquables (1) On peut aussi observer des individus œcidifères de petite taille : mais ils appar- tiennent à des rhizomes appauvris, comme on en voit parmi les pieds sains voisins, 4 — de toutes leurs parties, qu'on doit mettre sur le compte du parasi- tisme ; nous avons à examiner les modifications survenues dans l'inflorescence, dans l’organisation de la fleur, et les singulières fleurs mâles déjà signalées dans les plantes saines. 4° Inflorescence : Contrairement à ce qui se passe chez l'A. nemorosa qui ne possède jamais qu'une seule fleur (1), l'A. ranun- culoides peut avoir fréquemment, à côté de la fleur terminale, 1 à 2 fleurs latérales, groupées en une cyme ombelliforme sessile au centre de l’involucre. Le nombre de ces fleurs paraît en rapport avec la richesse du sol et le développement de la plante; en effet, dans la vigne de Fontaine-Argent, dont le sol est meuble, souvent travaillé et probablement fumé, j'ai vu un assez grand nombre de plantes saines pluriflores (188 biflores et 31 triflores), j'en ai très rarement rencontré dans les autres stations, notamment dans les bois de Chaïilluz ou de la Ratte, où presque tous les pieds examinés, même les plus vigoureux, étaient uniflores (2). Or, les pieds œcidifères fleuris, observés dans la localité de Fon- taine-Argent, c’est-à-dire dans une station où les plantes saines pluriflores sont fréquentes, ne m'ont jamais donné que la fleur ter- minale plus ou moins développée; dans un cas, une des fleurs laté- rales était constituée par un bourgeon sessile, sorte de fleur rudi- mentaire réduite à de petits sépales membraneux et à quelques étamines ; dans les autres cas, les fleurs latérales n'étaient plus représentées que par de petits bourgeons, munis de leurs bractéoles propres, mais absolument dépourvus de tout organe floral. On peut déjà considérer cet avortement constant des fleurs laté- rales comme un acheminement vers la castration complète. 2° Mais la fleur terminale persistante subit elle-même des phéno- mènes d'atrophie dans toutes ses parties : cet avortement partiel est d'autant plus significatif que son intensité est certainement en rapport avec le degré d'envahissement de la plante par le parasite. (1) Les pieds bifères ont une origine spéciale, à laquelle il a déjà été fait allusion plus haut à propos de la concrescence possible de deux bourgeons, et sur laquelle je revien- drai ailleurs. (2) Je n'ai jamais rencontré d’inflorescences formées de plus de 3 fleurs, contrairement à l'indication de 1 à 5 fleurs donnée par plusieurs floristes : cf, GREN. et Gop., FI. de Fr., I, p. 18, etc. — 1422 — On observe, en effet, les diverses gradations suivantes, depuis les fleurs qui ne sont presque pas altérées, jusqu’à celles réduites à de petits sépales et à quelques étamines stériles : I. Dans les pieds les moins envahis, dont l’involucre a peu de pseudopéridies ou sur une partie seulement de ses feuilles, la fleur ne diffère de la terminale des plantes saines que par les dimensions de ses sépales, notablement moins longs et moins larges (11 pieds observés dans cet état). II. A un degré plus avancé, la fleur est encore assez longuement pédicellée, mais les sépales sont devenus beaucoup plus petits, inégaux et souvent décolorés sur les bords (7 pieds). II. L’avortement plus marqué se traduit par des fleurs à pédicelle très court, à sépales de plus en plus réduits et inégaux, quelques- uns transformés en languettes ou même en cornels, plus nombreux par dédoublement ou par pétalodie des étamines extérieures (1); ces modifications ont été constatées sur huit pieds, dont trois avaient les sommets de ces languettes virescents et garnis de spermogonies. IV. Dans quatre plantes, la fleur était absolument sessile au centre de l’involucre, les sépales réduits à de petites écailles mem- braneuses, blanchâtres ou rosées, les carpelles complètement avor- tés ; les étamines, quoique atrophiées, renfermaient cependant des grains de pollen normalement conformés. V. Enfin, le dernier terme de l’atrophie est représenté par de petits boutons sessiles formés de 4 à 5 sépales membraneux, conte- nant d'assez nombreuses étamines dont les anthères étaient dépourvues de pollen; ces boutons manquaient aussi de carpelles (19 pieds); 9° Ges fleurs terminales dont les carpelles ont avorté (modifica- tion IV), rappellent les fleurs mâles qu'on a signalées sur les plantes saines, mais qui sont toujours des fleurs latérales. L'observation de ces fleurs mâles latérales remonte à ANTOINE-LAURENT DE JUSSIEU qui, dans son Mémoire sur les Renoncules, s'exprime ainsi : « quand l'Anemone ranunculoides a plus d’une fleur , la surnumé- » raire est mâle. L'avortement du pistil ou des étamines est la seule (1) Cette déformation des sépales a été aussi observée sur des An. nemorosa atteintes d'Œcidiun. G. BONNIER dans Rev. gén. de botanique, 1889, p. 894. — 193 — » cause de cette singularité. (1) >» Cette modification des fleurs latérales doit être rare: en effet, sur 229 pieds pluriflores examinés par moi, j'ai constaté que les fleurs latérales dont le périanthe était normal, possédaient toujours des carpelles ; mais ces organes y sont moins nombreux que dans les fleurs terminales et la diminution s’accentue dans le sens de l’évolution de la cyme, comme le montre le tableau ci-dessous : A. Plantes triflores : Fleur terminale, grande, longuement pédonculée, en TT LI TC OPA OMR PÉRERORTNE E AS 40 carpelles. 1'e fleur latérale, un peu plus petite et à pédicelle plus 1 ES r A P E A AT RE a 25-30 — 2° fleur latérale, encore moins développée ........... 15-20 — B. Plantes bifores : FR noie LE SO Co EEE 30-35 — PP AI En msn eine ue net gen due à Aer 20-25 — (La 2° fleur latérale est transformée en un petit bourgeon). Seules les fleurs sessiles, à périanthe atrophié, m'ont paru pou- voir manquer de carpelles; mais j'ai constaté bien rarement de semblables fleurs latérales mâles sur les pieds sains : les 229 pieds plurifiores ne m'en ont donné que 7 exemples, 5 pieds parmi les 188 plantes biflores et 2 cas parmi les 31 pieds triflores (2); la pré- sence du parasite détermine donc assez fréquemment dans la fleur terminale, seule développée, (23 fois sur 50 pieds fleuris), une alté- ration qui se présente rarement dans les fleurs latérales des plantes (1) Examen de la famille des Renoncules dans Histoire de l’Académie royale des Sciences , année 1773 , page 229. Je dois la citation exacte du texte et de la source, à l'obligeance de M. DUCHARTRE, qui a bien voulu faire les recherches nécessaires dans la bibliothèque de l'Institut. M. BAILLON les a donnés peu fidèlement dans son Histoire des Plantes, 1, p. 47, note 1°: « JUSSIEU a depuis longtemps remarqué (Mém. Académ., ann. LXXIII, 229) que l'une de ces deux fleurs peut ne posséder que des organes mâles. » (2) C'est ainsi qu'il faut rectifier les chiffres donnés dans ma note à l'Acad. des Sc. où j'avais à tort compté les pieds à deux fleurs, — mais dont une fleur était atrophiée, — parmi les plantes uniflores. "ui — saines et qu'on peut expliquer par une tendance à la castration épharmonique. Ainsi, en résumé, pour l'An. ranunculoides chez qui je n'ai pu observer que l’action d’un thalle œcidigène (Œ. punctatum Pers. ! et peut-être Œ. leucospermum Dc.?) (1), le parasite produit : 1° l'hypertrophie constante de l'appareil assimilateur ; 2° une castra- tion plus ou moins marquée de l'appareil reproducteur, se manifes- tant par: a, l'avortement complet assez fréquent de toutes les fleurs ; b, l'avortement du moins, des fleurs latérales, lorsque la terminale s’est développée ; c, l'atrophie plus ou moins intense des diverses parties de cette fleur terminale, d'abord des carpelles, puis des étamines et enfin des sépales et du pédicelle, avec virescence et pétalodie, et production d’une fleur mâle sessile, semblable à celle qu'on observe quelquefois dans certaines fleurs latérales des plantes saines. On pourrait rechercher les causes de ces modifications de cer- taines fleurs des plantes saines, dans l’action d’une influence exté- rieure, d’une sorte de castration épharmonique, agissant comme un parasite : M. VuILLEMIN (Loc. cit.) rapporte, en effet, à l’état physique du sol et à l'exposition, les altérations analogues à celles produites par la castration parasitaire (inflorescence constamment uniflore, fleur sessile, absence de carpelles), qu'il a observées sur les Ane- mones ranunculoides saines des environs de Nancy. La castration parasitaire ne serait qu’un cas particulier d’un phé- nomène général, dont les autres facteurs pourraient être l'épharmo- nisme et la culture. Ajoutons, à ce sujet, le renseignement suivant : dans les environs de Besançon, les bois couverts, arides, secs ou humides (Chailluz, la Ratte, etc.) m'ont donné surtout des pieds uni- flores ; tandis que la vigne de Fontaine-Argent , terrain cultivé et découvert, renferme chaque année de nombreux pieds pluriflores ; ce dernier fait milite, pour les pieds uniflores, en faveur, non de la castration culturale, mais de la castration épharmonique. Une autre observation intéressant aussi le développement du para- site mérite encore d'être rapportée : dans la localité de Fontaine- (1) C'est à l’action de l'Œcidium leucospermum Dc. que M. VUILLEMIN rapporte les phénomènes de castration parasitaire , absolument semblables aux nôtres , qu'il observe, depuis plusieurs années , sur An. ranunculoides , dans les environs de Nancy (Soc. Sc. de Nancy, mai 1890, p. 28). — 195 — Argent, l'An. ranunculoides croît à la fois dans une vigne et dans une luzernière adjacente ; or, en 1889, les pieds parasités, qui étaient fort abondants, ont été à peu près tous arrachés, dans la vigne, par les nombreux herborisateurs qui m'accompagnaient ; aussi, l’année suivante, les touffes d'Anémones de la vigne étaient abondamment fleuries et relativement pauvres en pieds parasités : c'était certaine- ment le résultat de l'enlèvement presque complet des pieds malades, opéré l’année précédente. Dans la luzernière où l’on n'avait pas pratiqué cette opération, on observait, au contraire, de nombreux pieds parasités, stériles ou florifères, dans la proposition suivante : Vigne 1:01 55 pieds parasités dont 45 stériles, 10 fleuris. Luzerne. . ..… 251 — 230 — 241 — Ces observations montrent quelle est l'influence de la culture et des autres conditions extérieures sur le développement du parasite et ses effets (1). III, PARASITISME ET CASTRATION CHEZ LES EUPHORBES. La déformation de l'Æwphorbia cyparissias L; sous l’influence d'un champignon parasite est connue depuis longtemps ; les anciens botanistes, ignorant leur véritable nature, avaient fait de ces pieds déformés une espèce distincte : c’est ainsi qu’on la trouve mention- née sous les noms de Téthymalus cyparissias foliis punctis croceis notatis C. Baux., Tühymalus scilophyllos Taauus, Euphorbia (1) Dans une visite que je viens de faire (mai 1891), à la même station, j'ai constaté de nouveau et d'une façon encore plus remarquable, le résultat de l’arrachement des pieds malades sur l’arrêt de l'extension du parasite : les nombreuses touffes d'Anémones de la vigne sont toutes composées de tiges saines, la plupart fleuries, fréquemment à deux et même trois fleurs ; dans une demi-heure de recherches, je n'ai pu trouver que trois pieds porteurs d OŒcidium punctatum, dont un fructifié ! La luzernière adjacente est dans un état trop avancé pour qu'on puisse y voir ce que sont devenus l’Anémone et son parasite, (Note ajoulée pendant l'impression). LE degener Riv., etc. On a reconnu depuis, que les ponctuations, déjà bien indiquées par G. BAUHIN, n'étaient autre chose qu'une espèce d’'Urédinée (1). Les parasites qu'on observe le plus fréquemment sur les Euphorbes déformées, notamment sur Æuphorbia cyparissias L., sont les æœcidies des Uromyces pisi DE Bary et Ur. Striatus ScHrœr., les téleutospores de l'Ur. scutellatus LEv., le Melampsora heliosco- piæ Casr., puis l’'Endophyllum euphorbiæ silvaticæ Winter, etc. Les Euphorbes peuvent du reste porter d’autres Urédinées, telles que Uromyces præminens LEév.. Œcidium euphorbiæ Gmer., Œcidium lobatum KærN., sans compter un certain nombre de formes croissant sur des espèces exotiques, et qu'on a encore peu étudiées au point de vue des phénomènes de castration qu'elles peu- vent déterminer sur les plantes nourricières (2). I. L’œcidium de l'Uromyces pisi provoque sur Euphorbia cypa- rissias la déformation, fréquente et bien connue, caractérisée par : 1° l'absence de ramification de la tige , 2° l’avortement de l'inflores- cence ; 3° la déformation des feuilles, qui, au lieu d’être plus ou moins étroites ou linéaires, sont devenues plus courtes, plus larges et plus épaisses. L'action du thalle œcidigène est donc ici bien plus marquée que dans les Anémones, la déformation plus considérables, la castra- tion de l'appareil reproducteur plus constante: cependant mes observations me permettent de signaler quelques particularités d’or- ganisation dues au parasitisme et encore peu étudiées, à ce que je crois. 1° En fait, le parasite œcidifère provoque encore, dans le cas des Euphorbes, plutôt une hypertrophie qu’une atrophie de l'appareil (1) Pour J. BAUHIN, ces Euphorbes sont des avortons du Tithymalus cyparissias ordinaire. GIROD-CHANTRANS, au commencement de ce siècle, rapporte déjà cette alté- ration « à une maladie qui fait avorter les fleurs et ne développe à la place que de petites feuilles jaunâtres au sommet des tiges. » Essai sur la Géogr. phys. et l'Hist. natur. du Doubs, 1810, p. 121. (2) M. GraRD nous annonce qu'il a observé une castration curieuse causée par deux cécidomyes. GILIBERT parle aussi d'une déformation de même origine : « il se produit , dit-il, souvent, par la morsure des insectes , une masse arrondie , inextricable , renfer- mant les ombelles, » Hist. des pl. d'Europe, 2° édit., 1806, t. I, p. 549, LES assimilateur : les tiges atteintes sont un peu plus élevées et un peu plus épaisses, comparées aux tiges saines voisines : si les feuilles ont perdu en dimensions longitudinales, elles ont gagné en largeur et en épaisseur, surtout celles qui sont réunies et rassemblées au sommet des tiges, à la place de l'inflorescence; on peut y observer aussi une décoloration plus ou moins marquée, due à l’alté- ration de la chlorophylle, altération amenant l’étiolement et la mort plus hâtive de la tige. 2 L'avortement de l'inflorescence est, on peut l’affirmer, la règle (1); de nombreuses recherches, pour lesquelles j'ai été aidé par quelques-uns de mes élèves, m'ont cependant fait trouver des Euphorbia cyparissias plus ou moins atteintes par l'Œci- dium et dont les inflorescences n'étaient pas complètement avor- tées (2) ; les individus observés présentaient du reste de nombreuses variations tant du côté de l'intensité de l'infection parasitaire que du côté du développement de l'inflorescence ; en général, ces inflo- rescences plus ou moins modifiées, ne s’observent que sur des Euphorbes partiellement (ou tardivement?) envahies par le para- site et leur degré de développement est en raison inverse de celui du parasitisme; il est intéressant d'analyser ces variations avec quelques détails. Il est d’abord nécessaire de rappeler que la conformation normale de l'inflorescence est une cyme ombelliforme, à nombreux rameaux, semblables entre eux, simples ou 1-2 fois bifurqués en fausses dicho- tomies égales ; les rayons de l’ombelle, les pédicelles des dichoto- mies sont munis à leur base de bractées cordiformes-triangulaires, obtuses ; enfin, on observe ordinairement au-dessous de l’ombelle terminale un ou plusieurs rameaux florifères provenant de la trans- formation de rameaux assimilateurs. Or, parmi les pieds d'£Ewphorbia cyparissias parasités et flori- fères, j'ai observé : A. Un pied à feuilles et inflorcscence à peu près normales, urédi- (1) CF. tous les observateurs anciens et parmi ceux qui s'en sont récemment préoc- cupes au point de vue de la castration : CLOS, RosrRuP, GiARD, VUILLEMIN, etc. (2) On trouve assez souvent, même dans le cas d’avortement de l’inflorescence, une fleur terminale constituée normalement, mais avec les altérations signalées dans les inflo- rescences des pieds parasités, Et el nisé seulement dans sa partie supérieure, ne présentant (au moment de l'observation) que des spermogonies ou des œcidies peu déve- loppées ; on les voyait sur : 1° quelques feuilles non déformées, au voisinage de l’inflorescence {ces feuilles avaient cependant subi l’al- tération locale habituelle, décoloration et épaississement au niveau des points attaqués) ; 2° à la face inférieure des bractées de l'invo- lucre et des glandes en croissant, sur les parois externes de l’ovaire et des stigmates. B. Une plante peu attaquée etfleurie, mais rabougrie, à feuilles étroites-linéaires, à inflorescence très-ramifiée ; elle portait cepen- dant des spermogonies et des œcidies peu développées sur les feuilles des rameaux, sur les bractées, les glandes, les ovaires et les stig- males. C. Une autre plante peu attaquée et fleurie, à feuilles normales, mais dont l’inflorescence était très contractée ; on voyait aussi des spermogonies (et de petites œcidies) sur les bractées (bractées plus développées que les autres), les glandes, les ovaires et les stig- mates. D. Le pied dont la description suit est le plus intéressant de tous par les altérations qu'il présentait. La plante était en général peu déformée ; cependant la tige était allongée, épaissie et dépourvue de ramifications (stériles) ; les feuilles étaient, les unes saines et nor- males, d’autres atteintes localement avec décoloration et légère déformation au niveau des parties parasitées, d’autres enfin chargées de spermogonies et d'œcidies et déformées. Inflorescence anormale, peu ramifiée, formée de branches simples, espacées, terminées par une fleur et d'une ombelle terminale, à rameaux uniflores ; Bractées couvertes d'œcidies sur les deux faces ; Pédoncule floral, allongé, fortement épaissi, surtout à la base même de la fleur; Sépales déformés, chargés de spermogonies et de quelques œcidies ; Glandes avortées complètement dans quelques fleurs, déformées dans d’autres, supportant des spermogonies, même sur leur surface glanduleuse ; Étamines plus ou moins avortées : quelques fleurs en sont complètement dé- pourvues ; d'autres possèdent 1-2 étamines à court filet par faisceau, stériles ? Ovaire à pédicelle long, mais épais et rigide (ne devenant pas pendant comme dans les fleurs saines) ; ovaire plus ou moins avorté, à paroi externe couverte — 49) — de spermogonies; stygmates raccourcis et épais, à 2 branches courtes, difformes, pouvant aussi porter des spermogonies (1). Ainsi dans ces plantes, où les modifications causées par le para- site se sont, pour ainsi dire, dissociées, son action atrophiante semble se manifester le plus fortement, d’abord sur les étamines, puis sur les styles ; les autres parties de l’inflorescence se comportent comme les organes de l’appareil assimilateur auxquels elles se rapportent morphologiquement : les parois de l'ovaire, les glandes, les sépales et les bractées se chargent plus ou moins de spermogonies (et rare- ment d’œcidies) mais subissent peu de modifications, probablement à cause de leur forme déjà raccourcie et se rapprochant de celles des feuilles modifiées ; les pédicelles des ovaires, les pédoncules flo- raux, les parties axiles en un mot de l'inflorescence, s'allongent et s'épaississent plus manifestement encore que les tiges. 3° Un fait qui frappe lorsqu'on examine à certains moments de la journée et dans certaines conditions les Euphorbes abondamment chargées d'œcidies et de spermogonies, c’est l'odeur miellée très intense qui s'en dégage ; si l’on cherche à se rendre compte de son origine, on constate facilement qu'elle est le produit d’une secrétion des appareils sporifères du parasite ; cette secrétion et cette odeur sont surtout manifestes le matin, par les temps couverts, c'est-à-dire dans les conditions qui favorisent la chlorosudation et la production du nectar. (1) Depuis la rédaction de cette note, j'ai eu l'occasion d'observer un certain nombre de pieds d'Euphorbes parasitées portant des inflorescences plus ou moins développées : le phénomène paraît plus fréquent que je ne l'avais cru tout d’abord ; ces exemples assez nombreux m'ont donné, du reste, toutes les modifications intermédiaires entre des inflo- rescences à peu près normales et celles presqu'entièrement atrophiées. Je conserve quand même la description des premiers faits observés, me bornant à ajouter, parmi les nou- veaux cas : 1° Inflorescence de forme et de disposition normales, quoique toutes ses par- ties soient chargées de spermogonies, mais avec les modifications dans les pédicelles, les glandes, les sépales, les étamines, les ovaires et les stigmates, décrites dans le texte ; 2° Inflorescence dont les rameaux, au lieu d'être florifères, sont devenues foliacés (et parasités), le fleur centrale (terminant l'axe primaire) persistant seule, mais avec les alté- rations habituelles ; 3° Diverses plantes présentant des altérations partielles aussi bien pour l'appareil assimilateur que pour l’inflorescence : feuilles presque normales (linéaires, minces, vertes) mélangées avec des feuilles parasitées et modifiées ; rameaux de l'inflo- rescence les uns terminés par des fleurs, à divers degrés d'invasion parasitaire , d'autres restant à l’état de rameaux foliacés, soit du type sain, soit du type parasité, etc. { Note ajoutée pendant l'impression ). 2408 — Or, la même secrétion et la même odeur miellée s’observent chez les Euphorbes saines, notammentl'Æuph. cyparissias mais en pleine floraison, et dans les mêmes circonstances extérieures; cette secrétion est produite, dans ce cas, par les glandes nectarifères de la fleur ; comme on n'observe rien de semblable dans les Euphorbes saines, non fleuries, la secrétion par les organes reproducteurs du parasite chez les plantes châtrées, remplace donc celle des glandes absentes qui la produisent dans les plantes saines : cette fonction peut d'autant mieux être remplie par les œcidies et les spermo- gonies du parasite que les exsudations à la surface des appareils sporiferes. lorsque la transpiration est ralentie, sont des phéno- mènes fréquents chez les champignons les plus divers (1). L'odeur émise soit par les glandes nectarifères des Euphorbes fleuries, soit par les œcidies et les spermogonies des plantes parasi- tées, est assez forte, dans quelques circonstances, pour être sentie à distance : c’est grâce à elle que la présence des rares pieds d'Æ. Cyparissias parasités et florifères nous a été révélée dans le bois de Chailluz où nous les avons trouvés. Cette odeur attire, dans l’un et l’autre cas , les insectes (2); enfin, elle change de nature suivant les circonstances : de miellée et suave qu’elle est à certains moments, elle devient vireuse, nauséeuse, surtout chez les plantes arrachées et conservées quelque temps dans une boîte, à l'obscurité et dans une atmosphère confinée (3). 4 En examinant avec quelque soin les touffles d'E. cyparissias présentant des tiges saines et des tiges parasitées, on constate faci- lement, par l’arrachement complet de la plante opéré avec quelque précaution, que des tiges parasitées peuvent sortir du même rhi- zome que les tiges absolument saines ; la figure ci-contre représente un fragment d’une semblable plante, et montre en même temps la différence de taille des tiges saines et des tiges malades. Or, ce fait est intéressant en ce qu'il touche à un point encore obscur du développement du parasite. Différents observateurs ont (1) Cf. Van TieGnem, Trailé de botanique, 2 édit., p. 155, etc. (2) CF. G. Bonnier, Nectaires (thèse sur les), p. 40, pour l'Euph. amygdaloides visitée par des Abeilles, etc. (3) Je regrette de n'avoir pas encore pu analyser le liquide sécrété par le parasite, de façon à pouvoir le comparer avec celui sécrété par les glandes de l’inflorescence ! — 431 — déjà remarqué que les plantes parasitées peuvent n'être affectées que localement, dans quelques-unes de leurs parties: c’est ainsi que M. Roze a présenté récemment à la Societé botanique de France une tige de Lychnis vespertina dont l'un des deux rameaux nés d’un même nœud, CA était sain, tandis que l’autre était en- vahi par le parasite (1). À ce propos, M. Roze se pose avec raison, ces deux questions : Ou bien l'Us{ilago pénètre A: dans le ZLychnis au moment de la ZE germination comme le font supposer \) 7 nos connaissances actuelles, mais se \ MZ localise dans un certain nombre de | A fleurs de la plante nourricière ; ou En mn \ NAS bien il a la faculté de pénétrer éga- 2 lement dans cette plante par un de ses bourgeons et de ne se développer que dans les fleurs du rameau naissant de ce bourgeon contaminé. » Le fait ob- servé sur Æ. cyparissias est aussi susceptible de ces deux interpréta- tions; mais dans ce cas particulier, il paraît difficile de com- prendre, — si le parasite a d'abord envahi le rhizome, — pourquoi il ne pénètre pas dans toutes les tiges qui en naissent; il semble donc plus vraisembable que le parasite doit pénétrer dans la jeune tige aérienne, encore à l'état de bourgeon à la surface du rhizome et probablement lorsqu'elle commence à sortir du sol ; l'époque pré- coce ou tardive de cette infection expliquerait aussi les différences qu'on observe dans les effets du parasitisme, notamment dans l’atro- phie ou l'avortement si variable de l’inflorescence : mais cene sontlà que des hypothèses ; comme Je dit M. Roze, ce n’est que par des expé- riences précises qu’on pourra espérer fournir une réponse probante à ces questions. II. Des faits analogues ont été constatés soit sur d’autres espèces d’Euphorbes, soit sous l'influence d'autres espèces d’Urédinées. (1) Soc. bot. de France, 14 novembre 1890, t. XXX VII, p 233. —_ 417 — 4° L'Euphorbia cyparissias peut être, en effet, châtrée par les téleutospores de l’'Uromyces scutellatus LÉv., d'après les observa- tions de MM. PrILLEUX et DELACROIX ; sous l’action du parasite «les feuilles sont déformées, l’inflorescence avorte la plupart du temps par un processus identiques à celui que l’on observe pour l'Uro- myces Pisi (1) ». 20 L'ŒÆcidium lobatum décrit par KærNer en 1877 et observé en Allemagne, déforme aussi Æ. cyparissias comme l'Œcidium de l'Uromyces Pisi (2). 3° Sur une Euphorbe assez commune dans les régions calcaires, et très répandue dans les environs de Besançon, l’'£. verrucosa Lamx., j'ai constaté fréquemment des déformations et une castration tout à fait semblables à celles qu'on rencontre sur l’Æ. cyparissias, mais produites par les urédospores et les téleutospores de l'Uromyces scultellatus LÉV. LE. verrucosa normal possède une souche vivace qui donne de nombreuses tiges annuelles simples, à feuilles sessiles, molles, d’un vert fonce, denticulées sur les bords et plus ou moins pubescentes en dessous ; les feuilles inférieures sont plus petites et obovées, les moyennes et les supérieures plus grandes, plus allongées ; les feuilles formant l’involucre ombellaire sont, d’autre part, plus élargies à la base, moins longues, absolument glabres, et jaunâtres au moment de la floraison : ces différences s’accentuent encore dans les bractées des divers degrés de l’inflorescence. Or, les pieds d'Æ. verrucosa envahis par l'U. scutellatus donnent des tiges annuelles toujours plus grandes, quelquefois plus épaisses, que les tiges saines ; les feuilles qui portent les appareils reproduc- teurs du parasite sont modifiées de telle sorte, qu'elles se rapprochent des feuilles inférieures des tiges saines ou plutôt des feuilles de l'involucre ombellaire : elles deviennent oblongues, élargies à la base, glabres en dessous, et d'une coloration jaune d'autant plus intense que l'organe est plus envahi par le parasite ; vers le sommet de la tige, les feuilles modifiées et chargées de sores à urédospores jaunes-orangées, d'abord, puis de téleutospores lisses, brunes- noires, se rapprochent pour former une sorte de bourgeon terminal, (1) Bull. de la Soc. mycol. de France, t, VI, 3° fasc., 1890, p. 137. (2) KŒRNER, Hedwigia, 1811, p' 83 ; d'après SAGCARDO, Sylloge, t. VII, p. 82 . — 43 — comme dans les Æ. cyparissias complètement châtrées. Ces feuilles déformées ont subi des altérations analogues à celles déjà signalées dans les feuilles des Anémones; leur épaisseur totale est, en moyenne, de deux à trois fois plus considérable que celle des feuilles saines ; la couche palissadique, au lieu de constituer la moitié de l'épaisseur du mésophylle, n’en forme plus que le tiers ; ses cellules sont déformées, et ne présentent plus leur allignement régulier ; la couche inférieure (correspondant au parenchyme lacuneux) a doublé ou triplé d'épaisseur : ses cellules sont plus nombreuses, dissociés par les filaments du thalle du parasite ; les cellules de l'épiderme inférieur ne se prolongent jamais en poils. Les tiges d’Æ. verrucosa ne sont ordinairement envahies que dans leur moitié supérieure ; les feuilles situées au-dessous ont les carac- tères des feuilles des tiges saines (forme, coloration, pubescence), mais paraissent être un peu plus petites. Il y a généralement avortement complet de l’inflorescence : j'ai cependant observé une fois, sur une plante qui avait donné nais- sance à 16 pousses annuelles : 1° 14 tiges complètement châtrées et dont la moitié supérieure était chargée des sores du parasite ; 2° une tige absolument saine, mais plus courte que les autres, à feuilles et inflorescence normale ; 3° une dernière tige, saine aussi, mais dont l'ombelle terminale était constituée par 4 rayons sains et normale- ment conformés, et un rayon à pédicelle beaucoup plus allongé et plus épais, à bractées et à organes floraux, plus ou moins avortés et couverts d'urédospores. La présence sur la même souche de tiges saines et de tiges malades doit être rapprochée du fait semblable rencontré sur l’Æ. Cyparissias ; elle est susceptible des mêmes remarques. Les tiges chargées des appareils reproducteurs de l'Uromyces pro- duisent, dans les circonstances favorables, une sécrétion odorante identique à celle déjà signalée sur l’Æ. cyparissias (1). 4° J'ai observé, enfin, plus rarement, dans les environs de (1) L'Œcidium euphorbiæ GMEL., détermine sur l'Euphorbia verrucosa une castra- tion absolument semblable, avec les mêmes altérations que celles que je viens de décrire à propos de la même plante châtrée par l'Uromyces : taille plus élevée, déformation et décoloration des feuilles, avortement de l’inflôrescence. etc, EUR — Besançon, l'Euphorbia amygdaloides L. (E. sylvatica JAcQ. non L.), complètement châtrée par l'Endophyllum Evuphorbiæ-silva- ticæ WINTER (1). Les pieds parasités sont tout à fait transformés ; ils n’ont plus Le port si caractéristique de la plante saine, avec ses feuilles obovales- oblongues, assez allongées, molles, velues, vert-foncé, rapprochées au milieu de la tige florifère. Dans les pieds parasités, la tige, simple, porte des feuilles également espacées, arrondies-obovales, plus courtes, colorées en jaune plus ou moins vif (2), et absolument gla- bres; seules, les feuilles partiellement atteintes, conservent dans les points non envahis par le parasite la coloration vert-sombre et la pubescence des feuilles saines, ce qui permet l'identification certaine de la plante. Les feuilles sont garnies sous leur face inférieure de pseudo-péridies arrondies, disséminées, remplies de téleutospores jaune-orangées. Cette modification dans la forme et la couleur des feuilles des plantes châtrées tend à leur donner l'apparence que les feuilles prennent lorsqu'elles se transforment, dans la partie supérieure de la tige saine florifère, en bractées axillantes des rameaux fleuris sous-jacents à l’ombelle terminale : ces bractées sont, en effet, courtes, obovales et d’une coloration vert-jaunâtre, mais conser- vent plus ou moins leur pubescence. Dans les feuilles déformées de l'E. cyparissias, on trouve aussi cette tendance à passer à la forme (1) C'est l’ancien Œcidium Euphorbiæ-silvaticæ Dc., F1. fr ., II, p. 241, rapporté par WINTER, Die Pilze, p. 251, au genre Endophyllum. Voy. SACGARDO, Sylloge, VII, p. 867. Les Endophyllum ressemblent, extérieurement, aux Œcidium , paraissent se comporter comme eux vis-à-vis des plantes nourricières et y déterminer des altérations analogues. Une autre espèce d'Endophyllum, VE. sempervivi DE BARY, dont j'ai eu l’occasion d'étudier le développement en 1876-1877, d’après des échantillons communiqués par M. LorTET et récoltés dans sa propriété de la Cadière, à Oullins près Lyon, détermine aussi la castration des Joubarbes dans cette station ; le parasite y existait depuis peu de temps ; il s'y répandit avec une telle intensité que depuis lors il a détruit à peu près entièrement les nombreux pieds et les différentes espèces de Sempervivum qui existaient dans les vignes de la Cadière. D'après mon excellent ami et correspondant, « l’Endo- phyllum empêche absolument le développement de l’inflorescence ; les pieds atteints deviennent maigres, ne conservent que quelques feuilles centrales, ne fleurissent point et finissent par se dessécher entièrement. » (/n lilt., 1891). (2) Cf. « Partes plantæ infectæ pallescentes, flavoviridi coloratæ. » SACGCARDO, loc. cit. LS — élargie qui caractérise les bractées de l'inflorescence de la plante saine. Les pieds porteurs de parasites sont toujours stériles ; je n'y ai pas même observé de rudiments d'inflorescence. La parasite est, aussi, le siège d’une sécrétion odoriférante absolument identique, comme caractères et circonstances de production, à celle observée à la surface des appareils sporifères et des glandes de l’inflorescence de Æ. cyparissias et verrucosa. M. LiGnier a fait, de son côté, des constatations analogues ; le botaniste de Caen m’écrit, en effet : « qu'ila bien souvent rencontré l'Euphorbia silvatica atteinte par des champignons, présentant des faits de castration et une odeur miellée excess/vement intense. » En résumé, dans les Euphorbes, l’action du parasite, même à son stade œcidifère, est très caractérisée : l'appareil assimilateur des plantes nourricières est toujours profondément modifié, avec ten- dance à l’hypertrophie {élongation des parties axiles, raccourcisse- ment mais épaississement des organes appendiculaires), altération des tissus, dégradation de la chlorophylle (décoloration de l’'Æ. cy- parissias, coloration jaune d'or des Æ. amygdaloides et verrucosa); notons aussi les modifications apportées à la croissance des cellules épidermiques qui ne se prolongent plus en poils dans les feuilles des E. verrucosa et amygdaloides, phénomène que nous avons aussi constaté chez l’Anemone nemorosa ; enfin il y a toujours castration ordinairement complète de l'appareil reproducteur. Les phénomènes se produisent donc, en général, et sauf des varia- tions d'intensité, avec une remarquable analogie. chez les diffé- rentes plantes étudiées dans cette note, quelle que soit la diversité des formes d'Urédinées qui y provoquent la castration parasitaire. Besançon , le 25 Mai 1891. EXPLICATION DE LA PLANCHE XIII. Anemone nemorosa infesté par l'Œcidium leucospermum (4/5° de la grandeur naturelle). [Cette planche a été exécutée d'après une aquarelle due au talent de M. Henry MicueL, professeur à l'École des Beaux-Arts de Besançon, à qui j'adresse ici tous mes remerciements]. SUR L'ÉPIPODIUM DES MOLLUSQUES, Troisième Note, PAR PAUL PELSENEER, Docteur agrégé à la Faculté des Sciences de Bruxelles, Professeur à l’École normale de Gand. Planches XIV-XVI. Depuis le temps où fut imprimée ma deuxième note sur l’épipo- dium, plusieurs travaux ont paru qui m'obligent à revenir encore sur cette question : ce sont ceux de HERDMAN, GARSTANG, THIELE, Bou- TAN et DE LACAZE-DUTHIERS. Tous ces mémoires, je le répète, ont paru depuis l'impression de ma deuxième ou dernière note sur l’épipodium (1). Néanmoins, M. DE LacAZEe-DUTHIERS, dans la publication visée ci-dessus (2), a fait imprimer ceci : « On remarquera d’ailleurs, que la dernière » note du professeur belge est de 1890, et qu'il ne parle pas du » travail de M. Ter » (il faut lire THIELE) « qui est de 1889. >» Or cette dernière assertion est absolument inexacte. (1) Bulletin scientifique, t. XXII, p. 138 (1890). (2) Arch. d. Zoo!l, expér., sér. 2, t. VIII, p. 664, 29 — 43 — En effet, la couverture du fascicule (1) où se trouve contenu le travail en question, aussi bien que celle de ses tirages à part, porte la date de publication effective 1890, preuve qu’ n’est pas de 1889, quoi qu’en dise à trois reprises différentes, avec une insistance par- ticulière, M. pe LAcAzE-DUTHIERS (2). D'autre part, ma dernière note. visée par ce dernier auteur, a aussi paru en 1890, et a même été adressée au Bulletin scientifique en août 1889. Il est donc naturel que je n'y aie pu parler du Mémoire de THELE, publié l’année suivante : c’est le contraire qui eût été remarquable. « Cela suffira à montrer combien M. DE LACAZE-DUTHIERS, non content de dénaturer les noms des auteurs, sait aussi dénaturer volontairement les dates de publication de leurs travaux, dans le but de faire croire à l'ignorance préméditée ou à la mauvaise foi de ses contradicteurs. Je m'occuperai d'abord des deux premiers travaux visés plus haut, puis, séparément des trois autres. Les publications de HERDMAN (3) et de GARSTANG (4) portent sur des Nudibranches, dont ces auteurs tiennent les saillies dorsales et latérales pour des papilles épipodiales, homologues de la ligne épi- podiale des Trochus et des autres Rhipidoglosses. (1) Zeitschr. f. wiss. Zool., Bd XLIX, Heft 3, 1890. (2) Loc. cit., p. 635, 663, 664. (8) HERDMAN, On the Structure and Functions of the Cerata or dorsal Papillæ in some Nudibranchiate Mollusca, Quart. Journ. Micr. Sc., t. XXXI, p. 42. — HERDMAN and CLUBB, Third Report on the Nudibranchiata of the L. M. B. C. District. Trans. Biol. Soc. L'’pool, vol. IV. p. 147. (4) GARSTANG, Report on the Nudibranchiate Mollusca of Plymouth Sound, Jowrn. Mar. Biol. Assoc,, vol. I, p. 181. HD — D'après HERDMAN, il y aurait même homologie entre les papilles des Nudibranches (Cerata), l’épipodium des Rhipidoglosses, et les lobes natatoires des Aplysies. Or, il y a là trois choses essentiellement différentes : 4° Les lobes natatoires de Aplysia (et ceux des Ptéropodes), qui constituent les bords de la face plantaire du pied (b, B, fig. ci-après) etqui sont innervés par les centres pédieux proprement dits. A E æ& (a Fig. 1. — Sections transversales : A, d’un Bulléen ; B, d'un Aplysien. a, Surface plantaire du pied; b, bords de cette surface, constituant les lobes natatoires. 2. L’épipodium des Rhipidoglosses, saillie latérale du pied, in- nervée par le connectif cérébro-pédieux et le cordon pédieux, où ses nerfs naissent soit par une racine unique au-dessus du sillon latéral, soit par une double racine, au-dessus et au-dessous du sillon. 3. Les cerata des Nudibranches, qui sont des saillies des tégu- ments dorsaux, toujours innervées par les centres pleuraux (exemple : Janus crislalus, fig. ci-après x, x1). nv LU vu “vil 1 D Fig. 2. — Système nerveux central de Janus, vu dorsalement. 1, Ganglion stomato-gastrique ; 11, œil; 11, nerf buccal; 1v, ganglion cérébral; v, nerfs pédieux; vi, ganglion pédieux; vit, commissure pédieuse ; vi, commissure viscérale ; 1x, nerf génital ; x, nerf palléal (branchial) innervant le dos et ses papilles ; x1, ganglion pleural ; x11, otocyste ; Xi, nerf buccal ; x1v, nerf radulaire ; Xv, commis- sure stomato-gastrique ; XVI, nerf labial ; xvI1, ganglion stomato-gastrique accessoire ; XVIN, origine du réseau intestinal ; x1x, nerfs olfactifs médians ; xx, ganglion et nerf du rhinophore. IT: Tage (1), en se basant sur un nombre restreint de faits observés, établit, sur la morphologie des Mollusques des théories encore plus anti-monistiques que celles de von JHERING : il dénie notamment, sans preuve positive, l’homologie de parties correspondantes du (1) Taeze, Ueber Sinnesorgane der Seitenlinie und das Nervensystem von Mollus- ken, Zeilschr. [. wiss. Zool. Bd. XLIX, p. 385. Rey : ERA système nerveux de différents Mollusques, ainsi que celle du man- teau dans différentes classes. Pour ce qui concerne spécialement la question dont il s’agit ici : 4. Il homologue à l’épipodium des Rhipidoglosses : 4° Le bord du manteau et même le manteau entier des Lamelli- branches (1), celui des Prosobranches n'étant pas, pour lui, homo- logue à ce dernier (2); 2° Les branchies de Chiüton (3), affirmant ainsi, positivement, ce que VON JHERING avait seulement supposé (4). 2. Il identifie au nerf palléal des Lamellibranches, le « nerf » latéral des Chitons et le réseau ganglionnaire de la base de l'épipo- dium des Rhipidoglosses (5). 3. Tout en reconnaissant avec SPENGEL, HALLER et moi-même, que les cordons pédieux sont simples (6), il décrit, à leur partie anté- rieure, une « commissure pleurale » (7). Or : 4. — 1° * Le manteau des Prosobranches, comme celui des La- mellibranches, est situé dorsalement, recouvrant les viscères et les branchies, sécrétant une coquille, qui, dans les deux groupes, naît par une glande coquillière unique, identique par sa situation et son mode de développement; en outre, le ganglion pleural prend une part prépondérante à l’innervation du manteau, dans les Lamelli- branches (8) comme chez les Prosobranches. (1) Loc. cil., p. 407, #30. (2) Ibid., p. 407. (8) Jbid., p. 410, 411. (4) Vox JHERING. Vergleichende Anatomie des Nervensystemes und Phylogenie der Mollusken, p. 82. (5) THIELE, loc, cit., p. 396 et 407. (6) Jbid., p. 4071. (7) Ibid., p. 401, pl. xv1, fig. 3 c-f. (8) PELSENEER, Contribution à l’étude des Lamellibranches, Arch. d. Biol., t. XI, pl. vi, fig. 8, II ; pl. x, fig. 20, IV. SAR = ** ['identification d’une partie du bord du manteau (« lobe ophthalmique » ) avec l'épipodium des Rhipidoglosses a déjà été affirmée (4), d’après la présence d'organes « visuels » sur l'épipodium de Margarita. J'ai voulu m'assurer de ce qu'étaient ces prétendus yeux acces- soires épipodiaux, et, après bien des démarches, j’ai pu obtenir des exemplaires de plusieurs espèces groenlandaises de ce genre (2). Or, les taches pigmentées situées à la base des tentacules épipo- diaux (sauf du premier) (PI. xvi, fig. 14, 16), n’ont absolument rien de la structure des yeux palléaux des Lamellibranches (Pectinidæ ou Arcidæ), ni d'aucun organe visuel quelconque. Le pigment qui forme régulièrement les taches précitées, est répandu irrégulièrement sur les côtés du pied (fig. 17, 1v), où les cellules pigmentées sont identiques à celles des taches épipodiales (fig. 15); 20 * Les branchies de Chalon ne sont pas insérées sur les côtés du pied, comme les tentacules épipodiaux des Rhipidoglosses, mais à l'intersection du manteau et du pied (comme dans les Lamelli- branches, par exemple). ** Elles sont identiques par leur structure histologique (3)et leurs rapports morphologiques (avec les oreillettes), aux branchies des autres Mollusques. Si les formes habituellement étudiées ont de très nombreuses branchies, on en connaît où ces organes ne sont qu'au nombre de 6 paires (4) ; eton connait aussi d’autres Mollusques polybranchiès (Nautilus). *** Quand la rangée branchiale des Chitonidæ se réduit, c’est la partie antérieure qui en disparaît (5). — Inversement, quand l’épi- podium seréduit, c'en est la partie antérieure qui persiste (exemple : Calyptræa). 2. — * Les éléments ganglionnaires situés dans l’épipodium ne (1) Fiscuer, Manuel de Conchyliologie, p. 12 et 72. (2) M. groenlandica, CHEMN., M. helicina, FABR., M. cinerea, GOULD. (3) PELSENEER, Contributions à l'étude des Lamellibranches, loc. cil., pl. XXI, fig. 100. (4) Hemiarthrum selulosum. (5) Chiton lævis, Chitonellus, etc. _— À43 — constituent pas les centres d’innervation de cette dernière région et ne sont à aucun litre des « centres >» à individualité propre : les fibres nerveuses allant à la ligne épipodiale naissent du cordon nerveux ventral (peédieux), et les éléments ganglionnaires de l’épi- podium qui se trouvent sur leur trajet sont des relais ou petits gan- glions de renforcement. ** Ilen est de même pour le bord du manteau des Lamelli- branches, comme l’a déjà indiqué Rawzrz (1), et pour lequel les centres d’innervation sont les ganglions cérébral (— cérébro- pleural) et viscéral. Il n’y a donc aucune homologation possible entre ces deux parties : épipodium des Rhipidoglosses et manteau des Lamellibranches. *** Pour ce qui concerne les cordons latéraux ( « branchiaux » ) des Chitons, je suis arrivé (2) à cette conclusion qu'ils représentent les ganglions pleuraux avec les nerfs palléaux antérieurs des Anisopleures et des Lamellibranches, interprétation assez voisine de celle qui a été émise presque simultanément par VON JHERING (3). 3. — Ce que THIELE décrit comme commissure pleurale est la commissure pédieuse proprement dite des auteurs : et ce qu'il tient pour commissure pédieuse est la première anastomose des cordons pédieux (4). Or, dans la première (prétendue commissure pleurale), il n’y a pas de fibres provenant des ganglions pleuraux, mais seulement des fibres venant de la partie dorsale antérieure des cordons pédieux (fig. 8, 9, 1v; fig. 10, 11, 11), partie dont naissent des nerfs pédieux proprement dits (fig. 6 et 9). La série de sections sagittales (fig. 6-11) passant par la tête des cordons pédieux de Haliotis montre que le ganglion pleural dispa- (1) RawiTz, Bemerkungen zu der Abhandlung von J. THIELE..., Zool. Anzeiger, n° 339, 1890. (2) PELSENEER, Contributions à l'étude des Lamellibranches, Arch. d. Biol., t. XI, p. 286. (3) Vox JHERING, Sur les relations naturelles des Cochlides et des Ichnopodes, Bull. Scient, France et Belg., t. XXIII, p. 192. « Il me semble que ces nerts latéraux sont homologues aux nerfs palléaux primaires, issus chez les Cochlides, des ganglions palléäux ». (4) THIELE, loc. cil., pl. Xv1, fig. 8. — 44h — raît peu à peu, de dehors en dedans, envoyant seulement des fibres (connectives) au cordon pédieux. La même chose s’observe chez Trochus, dont la commissure pédieuse (fig. 5) ne renferme que des fibres venant des cordons pédieux proprement dits. 4. Enfin, incidemment dans une note de bas de page (1), THIELE déclare considérer « als eine durch die Zusammenziehung der Fusses bewirkte Faltung », la saillie épipodiale que j’ai décrite chez Pectunculus, et qu'y avaient vue avant moi, Porr, DESHAYES, etc. THIELE se borne à cette simple affirmation, sans prouver qu’il en est réellement ainsi. Je me borne à renvoyer à une section trans- versale du pied de Pectunculus (fig. 18 du présent travail), assez claire par elle-même, avec son explication, et à une section corres- pondante (fig. 19) du pied d’un autre Lamellibranche, dans le même état, donnée pour comparaison. ILr 4. — Le travail de M. Bourax (2) apporte un argument nouveau ou supposé tel : l'existence de nerfs dits « palléaux » sortant de la moitié dorsale des cordons pédieux, sur toute leur longueur, ce qui est représenté notamment par y, fig. 7, pl. 1x de cet auteur, figure reproduite icisous le n° 12, et dont M. pe LacAzE-DUTHIERS dit (3) qu'elle est : « bien autrement démonstrative que celles données par nos contradicteurs. » * Or, M. Bouran dit tout d’abord (4) : « 4 est probable qu'il » (ce nerf y) donne des rameaux aux trois lobes » (palléaux) « que je » viens de nommer, mais à ma elé impossible de suivre ces » branches jusqu'à leurs lerminaisons. — …. Je l'ai figuré aussi (1) THIELE, loc. cil., p. 430. (2) BouTAN, Le système nerveux du Parmophorus (Scutus) dans ses rapports avec le manteau, la collerette (manteau inférieur) et le pied, Rev. biol. Nord, t. Il, p. 449. (3) DE LAcAzEe-DUTHIERS, Arch. d. Zool. Expér., sér. IX, t. VIII, p. 679. (4) BouTAN, loc. cit., p. 456, us — » schématiquement, mais je n'ose affirmer que le nerf innerve > réellement le lobe supérieur du manteau M. » (M. BouTax n'a pas vu d'avantage que ce nerf innervât le lobe palléal infra-coquillier). Et c’est cette figure schématique, accompagnée de réserves aussi graves, que M. DE LacazE déclare néanmoins démonstrative ! ** Voyons ce qu’elle montre en réalité. J'ai refait pour cela la dissection de cette partie du système ner- veux de Scutum (— Parmophorus) (1), etrevu les nerfs y décrits par M. BourTax. Leur existence n’est donc pas mise en doute. Mais il n’en est pas de même de leur prétendue nature palleale : jamais, dans aucun cas, je n'ai vu un de ces nerfs pénétrer dans l’un des trois lobes palléaux, ni dans le lobe M{fig. 12), ni dans celui sous la coquille (dans aucun desquels M. Bourax ne l’a vu non plus, d’ailleurs) ni dans le lobe M” (voir fig. 13). Ces nerfs y innervent la paroi latérale du corps (qu’ils ne longent pas seulement, mais dans laquelle ils pénètrent, voir fig. 13), c'est- à-dire les côtés du pied; car la partie où M. Bourax représente, par une photographie un peu obscure, l'entrée d’un de ces nerfs, dans la paroi du corps, n’est pas déjà le manteau, mais encore le pied. *** Ce que prouve cette figure est donc que de la moitié dorsale (pré- tendument palléale) du cordon, sortent, outre des nerfs épipodiaux, des nerfs pédieux proprement dits; ce qui avait déjà été constaté (1) Dans une note récemment publiée [Le manteau et la coquille du Parmophorus australis (Scutus), Rev. biol. Nord, 3° année, p. 271], M. BouTaN a mis en doute la réalité d’une disposition que j'ai décrite [Sur le manteau de Scutum ( — Par- mophorus), Mém. Soc. Malacol. Belg., t. XXIV], chez le Scutum étudié : extension de la cavité coquillière dans le manteau en arrière de la coquille. 1. — Contrairement à ce que dit M. BourTan (p. 274 et 275) : 1° la coquille appartient au Scutum étudié, car elle a du être détachée de son muscle columellaire ; 2° la cavité postérieure (x1r1 dans ma figure) n'est pas artificielle et communique avec l'espace sous-coquillier par une étroite interruption du columellaire, sur la ligne médiane. 2. — Ilest possible que M. BouTAN et moi, nous ayons étudié deux formes diffé- rentes (quoique de la même famille) ; en effet : 1° la forme décrite par M. BOUTAN a la coquille aussi longue que le corps. 2° le muscle columellaire ne s’y étend que sur la moitié postérieure de la coquille. AD — d’ailleurs par la naissance, dans cette moitié, de racines de nerfs se rendant à la face pédieuse plantaire (1). La conclusion tirée par M. Bouran (2) : « Nous avons donc chez » Parmophorus, une série de nerfs qui partent de toute la longueur » de la chaîne nerveuse ventrale et se rendent dans l’intérieur du >» manteau » est par conséquent inexacte. 2. — D'autre part, M. BouTan fait, dans son travail, quelques observations sur mes résultats : 1° Il prétend (3) que seulement les plus antérieurs ( «supérieurs ») des nerfs que j'ai décrits sortant du connectif cérébro-pédieux de Sculum, innervent l'épipodium. Je maintiens”’absolument que les postérieurs sont dans le même cas que les antérieurs, et je présume que M. Bourax n’a pu les suivre comme ces derniers. Le fait de l'innervation de l’épipodium antérieur par des nerfs naissant du connectif cérébro-pedieux étant toutefois admis (4), il est difficile d'expliquer comment ces nerfs viendraient du centre pleu- ral, tandis qu'il est tout naturel qu'ils proviennent du centre pedieux. Et ce fait a d'autant plus d'importance que M. BouTan, ni aucun auteur, n’a vu de nerf épipodial sortir du connectif cérébro-pleural. 2° M. Bouran ne peut non plus contester que les nerfs pedieux proprement dils naissent souvent par deux racines, recevant des fibres simultanément de la partie dorsale {dite « palléale ») et de la partie ventrale des cordons nerveux, de même que des nerfs épipo- diaux. Il affirme (5) que dans la partie antérieure (« supérieure » ), cette naissance par deux racines s'effectue aussi bien qu'en arrière. M. Bourax veut dire par là que, du ganglion pleural (renflement ganglionnaire à la naissance de la commissure viscérale : vi, fig. 2), naîtraient aussi des racines de nerfs pédieux : c’est là une affirma- tion que M. Bourax ne peut appuyer d'aucune figure; car il nesort (1) PELSENEER, Sur l’épipodium des Mollusques (2° note), loc. cit., fig. 8. (2) BouTaAN, loc. cil., p. 462. (3) BouTAN, loc. cit., p. 461. (4) Reconnu aussi par BOUVIER chez Turbo et par M. pe LAGAZE-DUTHIERS chez Haliolis [voir plus loin). (5) Loc. cil., p. 461. — 447 — du ganglion pleural que les fibres des deux connectifs (cérébro-pleu- ral et pleuro-pédieux), le nerf palléal et la commissure viscérale. Malgré cela, mon contradicteur persiste à considérer les deux « moitiés » du cordon nerveux ventral comme morphologiquement distinctes et exclusivement palléale ou pédieuse. 3° Enfin, au sujet de la saillie épipodiale de Pectunculus, M. BourTan dit (1) que THIELE (que mon contradicteur ne cite pas lorsque cet auteur : ‘firme, à la page 407 de son travail, que les cor- dons nerveux vent: aux sont simples et exclusivement pédieux) « a montré que c’est le yro luit de la contraction de l'animal. » Or THIELE n’a rien montré et s’est borné à émettre une opinion, dans les termes que j'ai rapportés plus haut (p. 444). Je renvoie, pour cette saillie, à ce que j'en dis plus loin (p. 460) et a mes figures 17 et 18. 4 Le travail de M. px LAcaze (2) est remarquable : 1° Par la malveiliance et la violence du langage, auxquelles je ne prendrai pas la pei 1e de prêter attention, non plus qu’à ses plaisan- teries d’un goût douteux (3), laissant au lecteur le soin de s'étonner en voyant un homme de l’âge et de la situation de M. DE LACAZE- Durxiers en arriver là ; 2° Par le procédé même de discussion, qui consiste : À. à ne pas souffler mot des arguments les plus gènants du con- tradicteur ; B. à détourner le débat sur des points qui r’étaient pas en litige. (1) Loc. cil., p. 463. (2) DE LAcaze-DUTHIERS, De la valeur relative de quelques procédés d'investigation en anatomie comparée, Arch. de Zool. expér., sér. 2, t. VIII, p. 618. (3) « Pays de la schlague », « Contrefaçon belge », etc. En effet : À. — M. DE Lacaze-DurHiers déclare (1), en terminant, qu'il ne reviendra plus « sur une question qui est jugée. » Or, de la 1" à la 70°" et dernière page de son travail, il ne s’inquiète nullement de faits dûment constatés, absolument incompatibles avec sa manière de voir, et dont certains (b) ont déjà été reconnus bien fondés par un de ses élèves, M. BouTan; tels sont, notam- ment : a. L'existence d'un épipodium innervé par le cordon pédieux, chez Helcion lun des Patellidæ), où le ganglion pleural ( = 1" asymé- trique) est {out à fait distinct de ce cordon (à). b. La naissance, chez les Rhipidoglosses, de certains nerfs épipo- diaux par deux racines, l’une au-dessus, l’antre au-dessous du sillon latéral du cordon nerveux ;: la même chose pour des nerfs pédieux proprement dits (3), etc. B. — D'autre part, comme l'a dit lui-même M. DE LaCaze (4) : « lorsque dans une discussion, les arguments sont peu nombreux, il » faut bien en trouver coûte que coûte. » C'est pourquoi, M. DE Lacaze-DUTHIERS, n'ayant rien à répondre aux faits ci-dessus et à: d’autres encore, détourne le débat sur des points qui sont en dehors de la discussion : a. Sur le nerf otocystique ; b. Sur les centres nerveux des Céphalopodes ; c. Sur les ganglions viscéraux de Teredo. Il ne conviendrait peut-être point que je le suive sur ce terrain; je m'y arrêterai cependant sommairement ci-après, parce que cer- (1) Loc. cit., p. 681. (2) PELSENEER, Sur l’épipodium des Mollusques (2° note), loc. cit., pl. vu, fig. 8, 9. (3) PELSENEER, /bid., fig. 3, 5. (4) DE LAcAZzE-DUTHIERS, loc. cit., p. 652. — À49 — tains de ces points apportent des arguments précisément contre la manière de voir de M. DE LACAZE. A. Nerf otocystique. 2. Chez Patella. — M. ne Lacaze-Durmers fait longuement (p. 628-637) dévier le débat sur une figure du système nerveux de Patella, où le nerf otocystique serait inexactement représenté. Il y a en effet, dans un travail de M. le Professeur H. Lacaze- DuTxiers, portant spécialement sur le nerf olocystique (1), une figure (que la 1" de la PI. xrv du présent travail reproduit exacte- ment), où le nerf en question est représenté passant dans l'inte- rieur du collier œsophagien, c'est-à-dire au côte dorsal du connec- tif (7) : ce qui est, pour employer une expression mise en usage par M. DE Lacaze-DUTHIERS (2), une « erreur morphologique gros- sière ». Cariln’y a pas là d'erreur du graveur (elle eût pu être cor- rigée sur la planche gravée dont il s'agit) : le tracé du nerf otocys- tique y est en effet entièrement différent de ce qu'il devrait être sur un dessin exact, le montrant dans sa position réelle, hors du collier œsophagien, et au côté ventral du connectif (/). Une telle figure, portant spécialement sur le nerf otocystique, ne saurait être utile aux anatomistes. « Elle les induit au contraire en erreur, car elle montre'le nerf de laudition passant dans l'intérieur du collier œsophagien, ce qui n’est pas ». Ainsi s'exprime M. DE LacAZE (3). On pourrait croire que c’est à cette figure si inexacte, publiée par lui, qu’il fait allusion; que c’est d'elle qu'il s'occupe si longuement pour en expliquer l'inexactitude. Il n’en est rien : le dessin auquel il réserve ses critiques est une figure parfaitement exacte du système nerveux de Patella (4), ne (1) H. Lacaze-DUTHIERS, Otocystes ou capsules auditives des Mollusques (Gasté- ropodes), Arch. de Zool. Expér., sér. 1, t. I, pl. 1v, fig. 16. (2) DE LACAZE-DUTHIERS, De la valeur relative ete., loc. cit., p. 629. (3) Loc. cil., p. 630. (4) PELSENEER, Sur l’épipodium des Mollusques, (Bull. Scientif,, 1888, pl. xv, fig. 2). 2= ED — portant pas spécialement sur le nerf otocystique, et dans laquelle l'artiste chargé de la reproduire pour la glyptographie (1), a simple- ment indiqué ce dernier nerf par un trait continu, alors que sur l'original il n’était que légèrement indiqué (vu par transparence) sous le connectif (/) : ce qui n’eût pu y être modifié, les planches glypto- graphiques ne permettant aucune correction. A part ce point, qui ne se rapportait d’ailleurs nullement au sujet du travail, je maintiens absolument ce que j’ai dit de cette figure : qu'elle pourrait être utile aux anatomistes ; la preuve en est que M. DE LAcAzE, malgré son désir trop visible d'y relever des erreurs, n'y trouve plus à critiquer. — M. DE LacazE-DUTHIERS n'en pour- rait dire autant de sa figure du système nerveux de Patella ici repro- duite (PI. xiv, fig. 1). 6. Chez Trochus et Haliotis. — Dans ma deuxième note (2), j'ai incidemment représenté le nerf otocystique de Trochus, passant dans le ganglion pleural, et je disais (3) qu’il y traverse le revête- ment cortical. M. DE LacazEe-DUTHIERS, malgré la figure précitée, où cette disposition est nettement visible, met mon affirmation en doute, sans pouvoir rien indiquer qui l'infirme, et il Le fait dans ces termes, que le lecteur qualifiera lui-même : « Est-ce bien l'expression de la vérité ? » (4). Je ferai remarquer d’abord que mon travail en question ne porte nullement sur le nerf otocystique de Trochus, et que je ne me suis pas, pour ce motif, étendu plus longtemps sur ce point. Je ne me serais même pas arrêté cette fois à l’apostrophe de M. pe LACAZE, (1) Ce que M. DE LACAZE dit à ce propos (loc. cit:, p. 631) avec la plus grande légèreté : « le dessin original a été reproduit tel qu’il a été donné » est parfaitement inexact. On peut très bien voir, en effet, que la planche dont il s’agit n’est pas de la même main que les planches glyptographiques que j'ai faites moi-même (Sur l’épipodium des Mol- lusques, Bull. Scientif., t. XXII, pl. vi, vn. — Contribution à l'étude des Lamelli- branches, Archives de Biologie, t. XI, pl. vi à xxu1) : les dessins en avaient été faits au graphite, sur bristols séparés, et envoyés à la rédaction du Bulletin, qui les a fait reproduire, en les amplifiant (pour annuler la réduction photographique), à l'encre de chine, sur une feuille unique. (2) Loc. cit., pl. vi, fig. 1, vi. (3) Jbid., p. 146, 147. (4) Loc. cit., p. 632. A — et j'aurais laissé à un prochain travail sur certains organes des sens des Mollusques, la description du parcours de ce nerf, — si ce par- cours ne venait démontrer, contrairement à l'opinion de M. DE Lacaze, l’identité de ce que j'appelle le ganglion pleural de Trochus avec le centre pleural de Patella, et par suite l'identité du cordon nerveux ventral de Trochus avec le centre pédieux de Patella. Et puisque M. pe Lacaze-DUTHIERS « serait heureux de voir » fournir des figures éclairant l'obscurité qui règne encore sur la » marche du nerf acoustique après sa sortie des otocystes, chez » l'Haliotide et le Trochus » (1) — je ne puis me refuser à lui pro- curer cette satisfaction. * Trochus. Si l’on examine le système nerveux central dorsale- ment (fig. 2), on voit le nerf otocystique se porter en dehors et dis- paraître (v) dans la masse du ganglion pleural (vr) où l'on ne peut le suivre par dissection. La série des coupes sagittales permet de le poursuivre: j'ai repré- senté précédemment une d'elles (2), où le nerfest déjà encastré dans le revêtement cellulaire du ganglion. Une section voisine de la sur- face extérieure de ce dernier (fig. 3), montre le nerf (rv), qui s’est recourbé en avant, se dirigeant vers la tête, où il gagne le ganglion cérébral par le connectif cérébro-pleural (v), comme le nerf homo- logue de Patella. Le trajet du nerf, dans le revêtement cellulaire, est représenté en pointillé, dans ma fig. 2 (v). “* Hahotis. La disposition qui existe chez ce genre est pareille à celle observée chez Trochus. La série des sections sagittales montre successivement, de dedans vers le dehors : l’otocyste {v, fig. 9), le nerf otocystique encore hors du ganglion pleural (v, fig. 8), contre ce dernier (ux, fig. 7), puis dans son revêtement cellulaire (vi, fig. 6) ; enfin, après avoir fait un coude en avant, comme chez T'rochus ci-dessus, le nerf otocystique gagne le ganglion cérébral par le connecuf cérébro-pleural. (1) Loc. cit., p. 632 (2) PELSENEER, Sur l’épipodium des Mollusques, 2° note, loc, cit., pl. vi, fig. 1, DD — B. Système nerveux central des Céphalopodes. « Où sont donc ici >» demande M. pe LacazEe-DuTHiERs (1), « les connectifs qui doivent unir le ganglion appelé pleural au ganglion pédieux et au ganglion cérébral ? Quelles sont les préparations, les coupes démontrant clairement l'existence, la distinction et la sépa- ration de ces centres ? ». Or, deux ans avant le mémoire d’où sont extraites les lignes ci- dessus, j'ai publié un travail traitant spécialement de cette question (2), dans lequel, par des coupes dans les trois directions (dont toute une série a été représentée), j'ai montré l'existence, sous le revé- tement cellulaire commun du système nerveux central, de noyaux sanglionnaires parfaitement distincts et dont sortent respectivement des nerts d'ordre morphologique différent. Fig. 3. — Section sagittale du système nerveux central de Oclopus, passant dans la moitié gauche. 1, Ganglion cérébral ; 11, ganglion pédieux proprement dit ou épipodial (innervant lentonnoir ; 11, ganglion brachial ; 1v, ganglion pleural ; v, connectif cérébro-pédieux ; vi, connectif cérébro-pleural ; vIr, connectif pleuro-pédieux ; VIII, connectif pleuro-bra- chial ; 1x, connectif pédio-brachial ; x. nerfs brachiaux. (1) Loc. cit., p. 626 (2) PeLSENEER, Sur la valeur morphologique des bras et la composition du système nerveux central des Céphalopodes, Archives de Biologie, t. VIT, p. 723-156, pl. XXXVII et XXXVIN, IE Une de ces coupes est reproduite ci-dessus (fig. 3): elle montre que la question de M. DE Lacaze est venue trop tard, puisque les connectifs cérébro-pleural (vi) et pleuro-pédieux (vir, vin) y étaient déjà indiqués. C. Ganglions viscéraux de Teredo. Dans certaines sections transversales de ces centres, d’après M. De Lacaze-DUTHIERS (1), il ne serait « plus possible de recon- naître le ganglion droit du ganglion gauche ». M. De LACAZE, qui trouve cependant la précision nécessaire (2), n'en a guère mis dans ses figures des ganglions viscéraux de Teredo (3), comme le reconnaîtront tous ceux qui ont examiné, si peu que ce soit, la structure des centres nerveux : c’est le cas surtout pour sa figure 29, pl. xxxIv, qui consiste en un cercle dont la périphérie présente 34 petits cercles de même grandeur et équi- distants, disposés sur un seul rang. Or, il se trouve que j'avais étudié spécialement ces centres viscéraux de Teredo, en même temps que M. DE Lacaze (4); et les sections transversales dans lesquelles la fusion des deux ganglions est au maximum, m'ont montré un aspect (fig. 4) tout différent de la figure à 34 petites cellules de M. DE LacazEe-DUTHIERS, puisqu'il y est parfaitement « possible de reconnaitre le ganglion droit (1) du ganglion gauche » (11). Re Le point essentiel en litige est l’étendue du ganglion pleural (« premier asymétrique » de M. pe LacazE-DUTHIERS), et par conséquent la situation du connectif pleuro-pédieux. (1) Loc. cit., p. 639, pl. xxxIv, fig. 29. (2) Loc. cit., p. 644. (3) 1bid., pl. xxxIv, fig. 24-29. (4) PELSENEER, Contribution à l'étude des Lamellibranches, Archives de Biologie, . XI, p. 209, 210, pl. xvi. — A. Ganglion pleural. M. DE Lacaze-DUTHIERS (1) affirme que le ganglion pleural se prolonge sur toute la longueur du cordon nerveux ventral, dont il constituerait la moitié située dorsalement au sillon latéral. L'’argu- ment qu’il apportait autrefois à l'appui de cette opinion était que chaque cordon est double, composé de deux « nerfs > (« palléal inférieur » et « pédieux »), distincts et séparables. Mais depuis qu’il a été démontré que le cordon nerveux ventral est un centre ganglionnaire unique, sans nulle trace de séparation, M. DE LAcaze-DUTHIERS prétend qu'il y a là deux centres (pleural et pédieux) « soudés et unis, morphologiquement et physiologi- quement différents par leurs attributions >» (2): la partie dorsale (située au-dessus de l'épipodium) serait palléale , parce qu'elle innerve l’épipodium. C’est là le point capital de l'argumentation de M. DE Lacaze- DuTHIERS. Or, personne n'a jamais pu montrer que l'épipodium fut de nature palléale ! Au contraire, dans {ous les Mollusques, les côtés du corps (correspondant à P, fig. 13), depuis la face ventrale jusqu'à la naissance du manteau, sont pédieux (innervés par les centres pédieux), avec tous les appendices ou saillies qu'ils peuvent présenter (exemple : chez Helcion, Janthina, etc.). * SPENGEL, HALLER et moi, avons toujours soutenu que dans le cordon nerveux ventral proprement dit des Rhipidoglosses, il ny a pas deux centres soudés. D’autre part, nous n'avons pas prétendu qu'un septum névrilématique tût nécessaire pour séparer deux centres accolés : c'est, au contraire, M. DE LACAZE-DUTHIERS, malgré ses dénégalions (3), qui a soutenu cela, ainsi que le montre sa phrase : « Mais en supposant que le rapprochement des deux » bandelettes » (les deux moitiés du cordon nerveux ventral) « fût > tel que, dans une section mince, on ne pûüt distinguer les mem- (1) Loc. cit., p. 649, etc. (2) Loc. cil., p. 649. (3) Loc. cit., p. 661. CMS — » branes névrilématiques qui doivent séparer et différencier les » nerfs... », par laquelle il répondait à SPENGEL. Ce que nous soutenions, c’est qu’il n’y avait pas dans le cordon, la séparation histologique que MM. DE Lacaze et WEGMANN pré- tendaient autrefois y trouver. Et en cela, M. bE LACAZE a reconnu (1) que nous avions raison. ** Malgré cette absence d'un caractère structural quelconque qui l'y autorise, M. pe LacazE persiste néanmoins à soutenir que le cordon nerveux ventral des Rhipidoglosses renferme deux centres soudés, et comme preuve il montre les ganglions viscéraux de Teredo et le nerf otocystique de Patella. Or : a. Les fibres du nerf otocystique de Patella, accolées, sans sépa- ration, à celles du connectif cérébro-pleural, ne s’y mélangent aucunement et en restent distinctes, parallèles qu'elles leur sont. Au contraire, dans le cordon nerveux ventral des Rhipidoglosses les fibres des deux moitiés se mélangent en tout sens et forment une masse centrale commune. b. Les ganglions viscéraux soudés de Teredo laissent encore voir distinctement les deux centres, comme le montre ma fig. 4. Tous les centres (homolypes ou non) accolés, chez les Mollusques, le sont d'ailleurs par une petite surface. Il n'y a aucun exemple d'acco- lement sur une longueur pareille à celle des cordons ventraux des Rhipidoglosses. Et lorsque l'accolement a lieu, il se reconnaît toujours par la présence de fibres perpendiculaires à la surface de jonction (fibres commissurales pour les ganglions homotypes, connectives pour les non homotypes). Or, ces fibres, qui devraient être dorso-venirales et exister sur toute la longueur, dans le cordon ventral de Rhipido- glosses, y font défaut ! *** La preuve que les deux moitiés (dorsale et ventrale) du cordon ne sont pas de nature distincte ni « morphologiquement el physio- logiquement différentes », c’est que des nerfs sortant de la moitié supérieure (épipodiale) ou iuférieure (pédieuse proprement dite) (1) Loc, cil., p. 624, 625, 675, — 46 — reçoivent des fibres simullanément de ces deux moitiés (1), fait auquel M. DE LACAZE-DUTHIERS n'a rien trouvé à répondre. De plus, outre les nerfs épipodiaux, la moitié supérieure du cordon donne naissance à des nerfs pour le côté du pied, chez Parmo- phorus, fig. 3, y. **** Une autre preuve que le cordon nerveux ventral est d’une seule et même nature, et exclusivement pédieux, se trouve dans l'innervation de la partie antérieure de l’épipodium. On sait, en effet, que la saillie épipodiale s'étend en avant, plus loin que le cordon nerveux ventral. Il est donc évident que, si la moitié dorsale (innervant l’épipodium) du cordon, était pleurale, les nerfs de la partie antérieure de l'épipodium sortiraient du connectif cérébro- pleural (« cérébro asymétrique >», Lacaze-Duruiers), le plus dorsal des deux longs connectifs qui viennent du centre cérébral; mais que, si tout le cordon est pédieux, ce sera du connectif cérébro- pédieux que naîtront ces nerfs. Or, j'ai fait voir (2) que chez Scutum, (Parmophorus), les nerfs épipodiaux antérieurs naissent du connectif cérébro-pedieux ; et la même chose a été reconnue chez Turbo, par Bouvier (3), et chez Haliotis, par M. pe Lacaze lui-même (4). *###* J'ai, pour ma part, toujours affirmé que le centre pleural des Rhipidoglosses se trouve au point correspondant à celui de Patella : c'est-à-dire à l'extrémité céphalo-dorsale du cordon nerveux ventral, en avant de la commissure pédieuse proprement dite (fig. 2, 11) ; ce centre constitue là un renflement ganglionnaire allongé (fig. 2, vi), dont naît la commissure viscérale (fig. 2, vi) (5) et auquel aboutit le plus dorsal des deux longs connectifs qui viennent du ganglion cérébral : le connectif cérébro-pleural (6). (1) PELSENEER, Sur l’épipodium des Mollusques, 2° note, loc, cit., fig. 3, 5. (2) PELSENEER, Sur l'épipodium, 2° note, loc. cil., p. 150, pl. vi, fig. 4, xI. (3) Bouvier, Système nerveux, morphologie générale et classification des Gastéro- podes Prosobranches. Ann. d. Sci. nat. Zoologie, sér. 1, t. II, p. 36. (4) Loc. cit., p. 675. (5) Qui ne naît nullement du dos du cordon nerveux ventral proprement dit, comme l'indique M. De LAGAZE-DUTHIERS (loc. cil., p. 642). (6) M. ne Lacaze-DUTHIERS, en diverses occasions (notamment p. 676), considère le fait que deux connectifs (1 et vis de ma fig. 2) se rendent au cordon ventral, comme démontrant qu'il y a deux centres dans ce dernier, Or, aucune fibre du connectif 1 — Hi — On peut voir ce centre pleural notamment en vi, fig.? ; m1, fig.3; u, fig. 6 ; et fig. 7, 8, 9, 10, 1. A de très nombreuses reprises M. DE Lacaze-DUTHIERS prétend qu'on n’a jamais montré où s'arrête le centre pleural, et qu'on ne le pourrait pas (1) : ce qui revient à dire qu'on ne pourrait déterminer la position du connectif pleuro-pédieux qui les sépare en même temps qu'il les joint. Nous allons voir ce qui en est. B. Connectif pleuro-pédieux. 2. Chez Trochus. — J'ai indiqué précédemment (2) que: « Le ganglion pleural est accolé au cordon pédieux par une large surface, qui représente le connectif pleuro-pédieux réduit à sa plus simple expression ». N'ayant guère à répondre sur les faits, M. DE Lacaze, pour employer les termes dont il se sert (3), « épilogue sur tout et cherche à trouver des erreurs dans le sens des mots», sur ce point (4) comme sur d’autres (5). Et malgré les plaisanteries les plus gracieuses sur ce qu’il appelle le « conneclif-surface », il paraît n'avoir pu comprendre cette chose si simple : que le cylindre plus ou moins long, constitué par un connectif joignant deux centres, peut, par le rapprochement de ceux- ci, se raccourcir infiniment et voir ses deux bases se confondre, de façon à être lui-même réduit à une surface, la surface d’accolement des deux centres | M. DE Lacaze a dû pourtant reconnaître ce fait, pour le connectif cérébro-pleural de certaines formes (6)]. (cérébro-pleural) n'arrive dans le cordon proprement dit ; toutes ses fibres se rendent dans le centre pleural (vi). Il n’y a donc qu’un seul connectif allant du ganglion cérébral au cordon ventral : ce dernier ne renferme donc qu’un seul centre. (1) Loc. cit., p. 642, 649, 659, 677. (2) PELSENEER, Sur l'épipodium des Mollusques (en note), loc. cil., p. 184. (3) Loc. cil., p. 625. (4) Ibid., p. 659, 660. (5) Ibid., p. 682. (6) Loc. cil., p. 643. I — M. pe Lacaze-Duraiers prétend (1) que « c’est là une affirmation > à l'appui de laquelle nul dessin ne vient donner une confir- > mation. » > Est-ce bien là », pour parler comme mon contradicteur, « l’ex- > pression de la vérité? » J'ai, en effet, déjà représenté, dans le travail cité par M. DE Lacaze, deux sections (sagittale et longitudinale), où l'on voit parfai- tement les fibres connectives, perpendiculaires au plan de jonction des centres pleural et pédieux, qui unissent ceux-ci tout en les sépa- rant (2) : il est inutile de reproduire encore ces figures suffisamment claires. 8. Chez Haliolis. — M. ne Lacaze-Duraiers « attend avec grande curiosité la figure du connectif pleuro-pédieux distinct des Haliotides. » (3). On trouvera ce connectif sur les figures de ma pl. xv : v, fig. 6; fig. 7, les fibres entre 1 et; 8et 9, entre r et ir; 10 et 11, 1. C. Commissure « pleurale ». * Comme je l'ai déjà fait remarquer par mes travaux antérieurs sur la question, M. DE Lacaze-DuTHiERs, dans la figure théorique où il cherche à expliquer sa manière d'interpréter la constitution du cordon nerveux ventral, est obligé de faire commissurer les gan- glions pleuraux, contrairement à ce qui est observé chez tous les Mollusques. Aujourd’hui, il dit pouvoir distinguer dans la réalité, cette com- missure « pleurale » ; et il décrit et figure (4) dans la commissure antérieure des cordons ventraux, une moitié dorsale, pleurale (pal- léale) et une moitié ventrale, pedieuse, assignant ainsi à la com- missure des cordons une composition identique à celle qu’il attribue à ces derniers eux-mêmes. (1) Loc. cit., p. 660. (2) PELSENEER, Sur l'épipodium, 2° note, loc, cit., pl. vi, fig. 1 et 2, 11. (3) Loc. cit., p. 660. (4) Loc. cit., p. 661, pl. xxxm0, fig. 5 ; fig, 6, ca ; fig. 9, cp. — 459 — En outre, il prétend (1) trouverun appui à sa manière de voir dans le travail déjà cité de THIELE, qui, dit-il, « admet comme lui une >» commissure entre les ganglions pleuraux. » Or, le désaccord de M. DE Lacaze avec THIELE est encore plus grand qu'avec moi, puisque (voir p. 443 ci-dessus) THIELE tient {oute la commissure antérieure pour pleurale, tandis que M. DE Lacaze- DuTiers en considère la plus grande partie comme pédieuse, et que de mon côté je la regarde {out entière comme pédieuse. ** Reconnaissant tacitement qu'il n’y a rien, chez les autres Mollusques, de comparable au prétendu bourrelet postéro-dorsal de la commissure antérieure des cordons, bourrelet qu'il décrit comme commissure pleurale, M. DE LacazEe-DUTHIERS cherche à l'expliquer en le comparant à des anastomoses joignant, directement ou non, deux points de la commissure viscérale des Prosobranches. Il y a, en effet, chez un certain nombre de ceux-ci, un ou deux de ces cordons anastomotiques plus ou moins longs. Mais ces cordons ne sont : ni des commissures, puisqu'ils ne joignent pas deux centres homo- types ; ni des connectifs (2), car ils n'unissent pas deux centres non homotypes, appartenant à un même côté du corps. Ce sont de simples anastomoses secondaires, directes ou non, unissant deux centres homotypes qui n’appartiennent pas au même côté du corps : 1. L'une située au-dessus du tube digestif, joint le ganglion pleural gauche au centre supra-intestinal (« 2° asymétrique de droite »); 2. L'autre, qui est en dessous du tube digestif, unit le centre pleural droit à l’infra-intestinal (« 2° asymétrique gauche » ), ou à la branche infra-intestinale de la commissure viscérale. (1} Loc. cil., p. 663. (2) On attribue généralement à M. Lacaze-DuTmiERs l'introduction du terme « connectif » pour distinguer des « commissures » proprement dites , les cordons ner- veux unissant des centres non homotypes. Or, ce terme était déjà employé dans le même sens, une dizaine d'années avant les premiers travaux malacologiques de M. LACAZE , par M. E. BLancHarD (Observations sur le système nerveux des Mollusques Acéphales Testacés ou Lamellibranches), Ann, d. Sci. Nat. Zoologie, sér. 3, 1. III, 1845, p. 340. — 460 — [l n’y a donc rien de commun entre la prétendue commissure pleurale de M. pe Lacaze et ces deux cordons; et ce qui le prouve, c'est qu'ils existent aussi chez les Rhipidoglosses. *** D'ailleurs, l'existence même de la commissure pleurale décrite et figurée par M. DE LacazEe-DUTHIERS (1) est purement illusoire : il suffit pour s’en assurer, d'examiner les sections sagit- tales médianes du cordon nerveux ventral : On verra alors, chez Trochus (fig. 5) que la commissure anté- rieure des cordons (11) est parfaitement indivise, comme des cordons eux-mêmes, et que le prétendu bourrelet postéro-dorsal (« connectif pleural de M. pe Lacaze) est formé par du {issu conjonctif ! (). Les sections sagittales correspondantes de ÆHaliotis montrent la même chose : et nulle part on ne voit de fibres provenant des centres pleuraux, passer dans la commissure : celle-ci est entièrement formée de fibres sortant du cordon ventral proprement dit (fig. 8 et Div 4011; an): D. Saillie épipodiale de Pectunculus. Pour finir, M. DE LacAzEe-DUTHIERS, qui n’a garde de citer THIELE, lorsque celui-ci est d’une opinion contraire à la sienne (2), trouve (3) que cet auteur a « fait justice, » par la phrase citée plus haut p. 444, de l’argument trouvé dans la saillie épipodiale de Pectunculus. * M. pe Lacaze tient pour la nature artificielle de cettesaillie. Il importe de citer textuellement ce qu'il dit à ce sujet, pour que les malacologistes jugent bien d'après cet exemple, de la valeur des arguments que produit notre contradicteur : « Quand le pied est violemment contracté, les fibres musculaires » sur le bord de la limite de la masse viscérale font une saillie, un > bourrelet longitudinal. Eh ! c’est ce bourrelet qu’on prend pour un » épipodium! » (4). (1) Loc. cit., pl. xxx, fig. 5. (2) Par exemple lorsque THIELE se rallie (p. 407) à la manière de voir de SPENGEL, HALLER et moi-même, sur la constitution des cordons nerveux ventraux. (3) Loc: cit., p. 681. (4) Loc. cil., p. 680. — 461 — Or il n’y a aucun rapport entre la situation de l’épipodium et l’ex- tension, dans la masse du pied, des viscères qui ne s'étendent pas, et de beaucoup (notamment à la partie postérieure, où l’épipodium rejoint peu à peu la face ventrale), jusqu’à la saillie épipodiale. Quant à l'existence de cette dernière, je ferai remarquer d’abord qu’elle avait déjà été constatée et représentée autrefois, notamment par Poui {1) et par DESHAYES (2). ** D'autre part, ceux qui croient que cette saillie est due à la con- traction, n’ont qu'à jeter un coup d'œil sur ma fig. 8, PL. xvr; ils y verront : 4. Que les fibres musculaires (1), qui se contractent dans la rétrac- tion du pied, sont rectilignes et ne font nullement saillie ; 6. Que la saillie épipodiale (v) possède ses muscles transversaux (extenseurs, 1v) et dorso-ventraux (extenseurs, 1), propres ; 7. Et que loule la surface du pied est plissée (v1) par la contrac- tion, y compris celle de l'épipodium : celui-ci a par conséquent subi la contraction ; il n’en est donc pas le produit ! E. Conclusions. Pour résumer : a. — M. DE Lacaze part d’un axiome inexact, et qu'il n’a jamais essayé de démontrer : que l'épipodium des Rhipidoglosses serait palléal {c'est-à-dire une partie du manteau) ; et il en tire cette con- clusion inexacte a fortiori : que la partie dorsale des cordons ner- veux ventraux des Rhipidoglosses serait pleurale ( « palléale » ) parce que les nerfs qui innervent l’épipodium en naissent. b. — M. pe Lacaze-DuTHiERSs base son opinion sur l'examen d'un petit nombre de formes voisines (Haliotidæ, Trochidæ, Fissurel- (1) Pour, Testacea utriusque Siciliæ, t. II, pl. xxvi, fig. 1, 2, 7, 8. (2) DesnaYEs, Histoire naturelle des Mollusques (Exploration de l'Algérie), pl. Cxxv, fig. 7,8; pl. CXxXvI, fig. 1. — À62 — lidæ), d'abord imparfaitement étudiées (puisqu'on trouvait deux nerfs distincts là où il n’y a qu'une masse ganglionnaire unique), puis inexactement interprétées. Ces genres constituentune exception parmi tous les Gastropodes : car ils joignent à la présence d’un épipodium, le caractère d’avoir le centre pédieux en forme de cordon, à la partie antérieure duquel est accolé le ganglion pleural. Et, si l'on étudie d'autres formes pourvues d’un épipodium, mais à centres pleural et pédieux non accolés (Helcion, Janthina, etc.), ou bien des formes à centres pédieux en cordon, mais dépourvues d'épipodium (Chitonidæ, Patel- lidæ, Neritidæ, Paludinidæ , Cypræidæ, Cyclophoridæ, etc.), on constate : «. Que chez celles-ci, le cordon pédieux a la même composition structurale que le cordon ventral des Rhipidoglosses : 6. Que chez celles-là, l’épipodium est innervé par le centre pédieux et nullement par le ganglion pleural. c. — Tout indique donc : 1° Que le cordon nerveux ventral des Rhipidoglosses est iden- tique au cordon pédieux des Chitonidæ, Patellidæ, etc., c’est-à-dire exclusivement pédieux . 2° Que l'épipodium des Rhipidoglosses, comme celui de Æelcion, Janthina, etc., est de nature pédieuse. Gand, 1° Juin 1891. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE XIV. Fig. 1. — Gelte figure est copiée sur la fig. 16, pl. iv, Archives de Zoologie expérimentale, sèr. 1, t. I, Otocystes ou capsules auditives de Mollusques (Gastropodes), par le Prof. Her: Lacaze-DUTHIERS. Système ner- veux central de Palella vulgala L. 1, œil; n, ganglion pédieux ; m1, ganglion pleural ; 1v, gan- glion supra-intestinal; v, ganglion viscéral; o, otocyste; vi, nerf otocystique ; /, connectif cérébro-pleural ; vr, ganglion cérébral. « Cette figure montre le nerf acoustique partant de l'otocyste (0) et passant en arrière » (— au côté dor- sal) « du connectif (/). Ce qui est une erreur, ce nerf ne passant pas dans le champ du collier œsophagien. » Fig. 2. — Partie antérieure des cordons pédieux de Trochus um- bilicalus L., la commissure viscérale étant un peu écartée en dedans et le connectif cérébro-pleural en dehors, pour rendre visible le connectif cérébro-pé- dieux ; X 8. 1, Connectif cérébro-pleural ; 11. nerf palléal ; m1, commissure pédieuse ; 1v, cordon pédieux ; v, nerf otocystique enfoncé dans le revêtement cellulaire du ganglion pleural ; vi, ganglion pleu- ral; vu, connectif cérébro-pédieux ; vin, commissure viscérale ; IX, otocyste. Fig. 3. — Section sagittale de la partie antérieure du cordon pé- dieux droit de Trochus wmbilicalus , presque tan- gentielle à la face externe ; X 60. 1, nerf palléal; 1, ganglion pleural; 11, cordon pédieux ; iv, nerf otocystique ; v, connectif cérébro-pleural ; vi, commis- sure viscérale. RES Fig. 4. — Section transversale des ganglions viscéraux de Teredo navalis L., par le plan où la fusion est au maximum ; X50: 1, Ganglion droit ; n, nerf osphradial ; 1, ganglion gauche. Fig. 5. — Section sagittale de la commissure pédieuse de Tro- chus umbilicatus , passant à peu près par la ligne 11 de la fig. 2; X 75. (Orientation, comme la fig. 3). 1, Tissu conjonctif pris par M. DE LACAZE-DUTHIERS pour une commissure pleurale (Arch. d. Zool. Expér., sér. 2, t. VIII, pl. xxx, fig. 5); 11, commissure pédieuse ; mm, otocyste. PLANCHE XV. Fig. 6. — Haliolis tuberculatu L., section sagittale de la partie antérieure du cordon pédieux gauche , presque tan- gentielle à la face externe ; X 30. 1, Connectif cérébro-pleural ; 1, ganglion pleural : m1, nerf pédieux naissant de la partie supérieure (dite « palléale ») du cordon pédieux (sans lettre sur les fig. 7, 8 de M. DE LACAZE, Arch. d. Zool. Expér., sér. 2, t. VIII, pl. xxx; et marqué faussement ep”, sur ses fig. 6 et 9) ; 1v, cordon pédieux : v, fibres du connectif pleuro-pédieux ; vi, nerf otocystique ; vir, commis- sure viscérale. Fig. 7. — Section plus médiane que la précédente. 1, Connectif cérébro-pleural ; 11, cordon pédieux ; m1, nerf otocystique. Fig. 8. — Section plus médiane que la précédente. 1, Ganglion pleural ; 11, nerfs pédieux ; 1, cordon pédieux iv, fibres de la commissure pédieuse, Fig. 9. — Section plus médiane que la précédente. 1, Ganglion pleural ; n, nerf pédieux naissant de la partie supérieure (dite « palléale ») du cordon pédieux (pa dans les fig. 7,8, 9, pl. xxx du travail déjà cité de M. ne Lacaze-Du- THIERS) ; 111, Cordon pédieux ; 1v, fibres de la commissure pé- dieuse ; v, otocyste. & 16 = Fig. 10. — Section plus médiane que la précédente. 1, Ganglion pleural; u, cordon pédieux; 11, fibres de la commissure pédieuse ; 1v, otocyste. Fig. 11. — Section plus médiane que la précédente. Chiffres comme dans cette dernière. Fig. 12. — Reproduction d'une figure de M. BourTan, Revue bio- logique du Nord de la France, t. WU. pl. 1x, fig. 7, déjà reproduite dans A7ch. de Zoo!. Expér., sér. 2, t. VIII, p. xzv, avec la légende suivante : Coupe schématique de Parmophorus passant par le milieu de la masse nerveuse ventrale (cordons palléaux-pédieux). c, coquille ; M, lobe supérieur du manteau ; M”, lobe infé- rieur du manteau ; M1, collerette (épipodium) ; d, portion pal- léale de la masse nerveuse ventrale : e, portion pédieuse de la même ; «, nerf pédieux ; 8, nerf de la collerette ; y, nerf palléal (dont les terminaisons n'ont pas été suivies par M. BOUTAN, loc. cit., p. 458). Fig. 13. — La même figure, avec les nerfs naissant de la masse nerveuse ventrale, tels que je les ai suivis jusqu’à leurs terminaisons. y, nerf pédieux supérieur ; 6, nerf pédieux moyen (épipodial); «, nerf pédieux ventral (plantaire) ; A, cordon pédieux : P, par- tie latérale du pied ; M, manteau. PLANCHE XVI. Fig. 14. — Margarila groentandica, vu du côté gauche : X 4. 1, Lobe épipodial antérieur ; 17, tubercule pigmenté à la base d'un tentacule épipodial. Fig. 15. — Section d'un tubercule pigmenté précité ; x 200. LR — Fig. 16. — Margarila helicina, vu du côté gauche, ventralement ; NA: 1, Tubercule pigmenté ; n, lobe épipodial antérieur. Fig. 17. — Section transversale du pied de Margarila helicina ; X 40. 1, Tubercule pigmenté ; 11, face ventrale du pied ; 117, cordon pédieux ; 1v, cellules pigmentées du pied ; v, tentacule épi- podial. Fig. 18. — Section transversale du pied de Pectunculus glyci- merts, L.; x 10: 1, Fibres dorso-ventrales superficielles (si la saillie épipo- diale v était un produit de contraction, ces fibres ne seraient pas rectilignes, et s’infléchiraient dans la saillie); x, fibres dorso-ventrales propres à la saillie épipodiale, dont elles peuvent rapprocher les deux faces dorsale et ventrale ; 117, face ventrale du pied ; 1v, fibres transversales, rétractrices de la saillie épi- podiale ; v, saillie épipodiale ; vi, plissements produits par la contraction, tant sur la saillie épipodiale que sur toute la sur- face du pied, preuve que cette saillie a subi la contraction, mais n'en est pas un produit. Fig. 19. — Section transversale du pied de Nucula nucleus L., qui est conforme à celui de Pectunculus, et dans le même état de rétraction, mais ne montrant néan- moins aucune saillie comparable à la saillie épipodiale de ce dernier ; X 15. 1, Face ventrale du pied ; 11, cavité du byssus. LES COPÉPODES MARINS DU BOULONNAIS (1), PAR EUGÈNE CANU. Le Les semi-parasites. 1. — SUR LE DIMORPHISME SEXUEL DES COPÉPODES ASCIDICOLES. Les nombreuses espèces de Copépodes qui vivent en commensales ou parasites dans les Tuniciers, appartiennent à plusieurs familles. Les formes les plus élevées, beaucoup mieux connues, grâce aux recherches de THoRELL, BUCHHOLZ, KERSCHNER et GIESBRECHT, se rangent parmi les Notodelphyidés. On les trouve plus spécialement dans les Ascidies simples : les mâles sont plus petits que les femelles adultes et en diffèrent par quelques caractères morphologiques qui les rapprochent des jeunes femelles immatures. J'ai déjà insisté sur ces faits, signalés antérieurement par GIESBRECHT, chez Noto- plerophorus, pour les interpréter comme un phénomène de progénèse dans le sexe mâle (2). Les Copépodes parasites des Synascidies appartiennent en général (1) Bulletin scientifique, tome XIX, pp. 78, 228, 402 ; t. XXII, p. 469. (2) Bulletin scientifique, tome 22, p. 484. UT à d’autres familles : dans la plupart des espèces, les femelles seules ont été soigneusement étudiées par les carcinologistes. Rarement des Copépodes mâles ont été observés dans ces Tuniciers, et décrits comme des espèces distinctes ou bien rapprochés d'exemplaires femelles recueillis sur le même hôte; mais ces déterminations ne reposent sur aucune base sérieuse, et les nombreuses descriptions publiées par Hesse laissent subsister sur ce point une complète incertitude. Il existe, en effet, entre les deux sexes, des différences considérables, et c'est en suivant avec soin les métamorphoses de ces parasites, qu’il est possible de saisir le lien unissant les deux formes sexuées. Je prendrai comme type Enterocola fulgens van BEN. commun à Wimereux, dans Polyclinum Succineum. La femelle se rencontre très abondamment, durant toute la belle saison, dans la plupart des cormus de son hôte, et se distingue faci- lement par la belle coloration rouge des œufs mûrs. Elle est vermi- forme et ses mouvements très limités sont d’un parasite définitif. Comme on le sait par les descriptions de van BENEDEN, CLAUS et DELLA VALLE, elle ne possède plus d'appendices natatoires. Les pattes thoraciques, très réduites, ne portent pas de soies, mais des épines recourbées en crochet : elles ne servent qu’à ramper. Contrairement à l'opinion de CLaus et de DELLA VALLE, le genre Entlerocola est dépourvu de mandibules. Ces appendices (dernière paire du nawplius) entrent en régression durant le passage du dernier stade nauplien au premier stade cyclopoïde, et disparaissent dans le deuxième stade cyclopoïde. Dans l’évolution de la femelle, c’est le deuxième stade cyclopoïde qui est le dernier stade mobile, et c'est à cet état que le parasite recherche son hôte définitif. À la mue suivante, l'embryon femelle perd tous les attributs des Copépodes libres ; les antennes se sim- plifient, les soies et les bätonnets sensoriels disparaissent, les pattes se transforment en moignons armés de crochets, En résumé, le deuxième stade cyclopoïde est suivi du premier stade entérocolien, ce qui constitue une curieuse condensation embryogénique, limitée au sexe femelle. D'autre part, après le deuxième stade cyclopoïde, l'embryon mâle continue à se développer suivant le mode normal des Copépodes = Mb nageurs, par un accroissement graduel des appendices et des organes des sens. Le mâle d'Enterocola s'éècarte donc totalement de la femelle et ressemble plutôt aux formes semi-parasites comme Notodelphys. Il est très commun dans Polyclinum, à la fin de l'été et moins abon- dant au printemps. Sa taille dépasse un millimètre; les cinq seg- ment thoraciques sont libres, et l'abdomen compte aussi cinq segments, plus la furca. Les antennules comptent huit articles dont le dernier porte un long bâtonnet sensoriel réfringent que l’on voit déjà sur l’antennule 5-articulée du deuxième embryon cyclo- poïde. Comme dans ce même embryon, les antennes ont trois articles, dont le dernier se termine par une épine en crochet et quelques soies fines. La bouche est située au sommet d'un cône plissé, fonctionnant peut-être comme organe de succion. Les man- dibules manquent. En arrière de la bouche, viennent deux paires d'appendices impropres à la mastication : ce sont les maxilles et les maxillipèdes, dépourvus de prolongements masticateurs et portant, les premières, six soies en éventail, les dernières, une seule soie. Les quatre paires de pattes sont biramées, triarticulées, sauf dans la première paire où la rame externe a deux articles ; elles portent des épines denticulées du côté externe et des soies barbelées. Le cinquième segment thoracique est court, et porte une paire d'appen- dices réduits. Les pièces furcales sont courtes et pourvues à leur extrémité de quatre grosses soies richement barbelées. L’éthologie et l'ontogénie s'accordent bien pour caractériser ainsi les formes sexuelles d'Enterocola fulgens. Le dimorphisme sexuel des Entérocoliens est des plus remarquables, parce qu’il se mani- feste très tôt au cours des métamorphoses embryonnaires. Les Enteropsidæ (AURIVILLIUS) nous présentent des faits Ju même ordre, qui ont échappé aux naturalistes. Les Haligryps leres et aculeatus, décrits par AURIVILLIUS d’après des exemplaires recueil- lis dans Molgula ampulloides, ne sont que les mâles adultes et très jeunes d'Enleropsis sphynæ signalé par cet auteur dans la même Ascidie (1). () C.-W.-$. AuURIVILLIUS, Krustaceer hos arktiska Tunikater, Vega-Expeditionens Vetenskapliga Jakttagelser, Bd, IV, Stockholm, 1885, p. 242-246. 3 — 470 — 2, — SUR LE DÉVELOPPEMENT DES COPÉPODES ASCIDICOLES. Le développement des Copépodes vivant dans les Ascidies a été peu étudié et les métamorphoses de ces Crustacés n'ont pas encore été suivies entièrement. L'influence des habitudes éthologiques sur l’évolution embryon- naire se manifeste, chez ces animaux, par une remarquable conden- sation de l’embryogénie. 4° Commensaux (genres Notodelphys, Doropygus, Bonnie- rilla — Paryphes, Doroixys). Le premier nauplius — expulsé de la cavité incubatrice à sa sortie de la membrane de l'œuf — pré- sente, avec les trois paires d’appendices caractéristiques, l'indica- tion de quatre paires de membres, à savoir : les deux paires de maxilles et les deux premières paires de pattes thoraciques, repré- sentées par de simples replis exodermiques recouverts par la cuti- cule. L'œil nauplien en forme d’x est placé sur la ligne médiane, en avant des deux lobes dorsaux du cerveau qui se séparent de l’exo- derme. L'endoderme forme une masse cellulaire compacte, vive- ment colorée, qui subira ultérieurement d’importantes modifications de structure pour la constitution du tube digestif. À la face dorsale de l'endoderme, vers le tiers postérieur de l'embryon, viennent s'attacher les muscles doubles, qui font mouvoir les appendices naupliens: Les organes mésodermiques du premier nauplius dérivent des cellules mésodermiques primitives (« Urmesodermzellen » de Harscnex). Dans la région postérieure de l'embryon où se forment les segments nouveaux, apparaissent des cellules mésodermiques polaires (« Polmesodermzellen ») destinées à fournir les organes mésodermiques des somites en formation. L'embryon subit plusieurs mues sans quitter la forme de nauplius typique. Dans ces stades naupliens, la formation des appendices céphaliques et thoraciques s'opère graduellement. Les deux maxil- lipèdes dérivent d’une seule paire de replis appendiculaires corres- pondant à la deuxième maxille des Malacostracés. Le nawplius se transforme ensuite en melanawplius par l'appa- — À — rition, à l'extérieur, d'une soie rigide fixée au sommet du repli tégu- mentaire composant la première maxille. C'est alors qu’apparaît l'œil tripartite de l’adulte, ainsi que le troisième somite thora- cique, avec sa paire de bourrelets appendiculaires. Au-dessous de la cuticule, viennent ensuite les limites de deux nouveaux segments sans traces d’appendices et les deux pièces furcales. L'encoderme se transforme peu à peu en canal digestif. L'’embryon quitte alors la forme métanauplienne pour entrer dans le premier stade cyclopoïide. Le corps compte six segments et la furca, l’antennule comprend cinq articles, l’antenne n’a pas perdu sa rame externe, la troisième patte thoracique est encore empri- sonnée sous la cuticule, la soie furcale interne est la plus longue. Le deurième stade cyclopoïde diffère du précédent par le nombre sept des segments, par l’antennule de six ou sept articles, par l'antenne sans rame externe, par la troisième patte thoracique libre et mobile, par la soie furcalé interne plus courte que sa voisine. A ce moment, les embryons nagent encore vivement vers la lumière et leur musculature est composée de faisceaux compacts et bien développés. Après le deuxième stade cyclopoïde, dès qu’appa- raissent les rudiments de la quatrième paire de pattes thoraciques, les faisceaux musculaires s’allongent et s’effilent et, par la flexion ventrale de l'abdomen sur le thorax, les jeunes copépodes perdent l'allure des formes libres. Ce passage est particulièrement net chez Doroixys, où la perte immédiate des longues soies furcales indique mieux encore l’adaptation à la vie sédentaire. C'est au deuxième stade cyclopoïde que les jeunes Copépodes rentrent dans le Tunicier qui les abrite, pour terminer leur métamorphose. 2” Parasites (genres Enlerocola VAN BEN, Aplosloma CAN). La métamorphose des parasites des Synascidies est plus abrégée. Je n'ai pas vu de stade melanauplius. La première maxille se montre toujours à l’état de bourrelet tégumentaire au-dessous de la cuticule; chez Aplostoma, elle n'est jamais libre à l'extérieur. La seconde maxille reste indivise. J'ai déjà signalé précédemment les divergences curieuses qui existent dans l’évolution des mâles et des femelles de ces animaux ainsi que la transformation graduelle des appendices buccaux, avec l’interprétation morphologique qu'elle impose. — 472 — 3. — SUR LES RELATIONS DES COPÉPODES ASCIDICOLES. Parmi toutes les formes des copépodes commensaux ou parasites que j'ai recueillies dans le Boulonnais, la famille des Ascidicolidæ (Notodelphyidæ, THoRELL + Buproridæ, THoRELL + Kosmechtridæ, DELLA VALLE — Schizoproctidæ, AURIVILLIUS + Enterocolidæ, DELLA VALLE + Enteropsidæ, AuRiviLLius) est des plus intéressantes, par ce fait qu’elle présente de grandes variations dans la forme extérieure avec une conformation anatomique et des caractères biologiques d’une constance parfaite méconnus par la majorité des naturalistes. 1° Le genre Notodelphys, l’un des mieux connus, présente une forme très peu modifiée avec une mobilité presque égale à celle d’un copépode libre. J'ai pu étudier les caractères de l’adulte et de l'em- bryon sur trois espèces décrites avec assez d'exactitude par THoreLLz: N.agilis, N. elegans; N. Allmanni. 2 Du genre Doropygus, j’airecueilli en grande abondance, dans les Phallusies et les Molgules, D. gibber THoRELL; dans les Cynthia, D. pulex THoRELL, espèces déjà étudiées par THORELL, KERSCHNER, GIESBRECHT et AURIVILLIUS. Une espèce très rare, D. psyllus THORELL, recueillie dans Ascidia virginea, m'a permis de rectifier quelques-unes des données anciennes d'un grand intérêt pour l'établissement des rapports entre les différentes espèces du genre. 3% Notopterophorus elatus O. G. Cosra, est la seule espèce de ce sous-genre que j'aie pu étudier. 4 De même que le genre Doropygus, l'unique espèce connue du genre Doroixys KERSCHNER, présente une cavité incubatrice rela- tivement peu étendue et limitée aux trois derniers somites thoraci- ques. Elle est très commune dans les Amarouques ; le développe- ment des ovules de deuxième génération a lieu très nettement aux dépens de l'ovaire, et montre la formation des cordons ovulaires signalés par BucaHoLz, KERSCHNER et GIESBRECHT, chez Doro- pygus. 5 Sur tous les points de la côte boulonnaise, dans un petit Cynthia à test grisâtre et coriace (C. lurida, THoRELL), j'ai retrouvé en abondance un copépode étudié seulement par KERSCHNER, sur un spécimen unique. Je lui donnerai le nom générique de Bonnie- rilla (1), puisque Paryphes, employé par KERSCHNER en 1879, avait déjà servi pour un insecte hémiptère (BURMEISTER, 1835). La cavité incubatrice de B.longipes recouvre les 2°, 3°, 4 et 5° somites thoraciques, le repli dorsal incubateur partant du deuxième somite et s’étendant jusqu’à l'abdomen. 6° Il en est encore ainsi chez Gunenotophorus globularis O. G. Cosra, que je trouve dans le même Cynthia et qui est carac- térisé par la régression des appendices thoraciques et particulière- ment de la cinquième paire, presque entièrement disparue. 7° Une espèce très intéressante habite la branchie de Zzhone- phria eugyranda, petite Molgulide si abondante des rochers du Boulonnais. Elle se rapporte au genre Botryllophilus HESSE, 1864 (— Kosmechtrus DELLA VALLE, 1883 — Schuzoproctus AURI- VILLIUS, 1885), suffisamment reconnaissable, après la ponte, au sac ovigère sphérique attaché dorsalement, et aux cinquièmes pattes thoraciques latéro-dorsales qui le protègent. Je l’appellerai B. ma- cropus, et je signalerai la réduction de l’exopodite mandibulaire, la forme ramassée et élargie de la première maxille, le développe- ment en griffe solide et résistante de la seconde maxille interne, etc. Rien dans l’organisation de ce copépode ne me paraît autoriser la création d'une famille Kosmechtridés ou Schizoproctidés, Botryl- lophilus présentant tous les caractères d’un Ascidicolidé par ses appendices et son appareil reproducteur. Dans tous ces genres, le corps conserve la segmentation normale, et les régressions morphologiques sont reconnues comme très res- treintes, spécialement en ce qui concerne les pièces buccales. Deux formes curieuses et entièrement nouvelles, dont je ne con- nais que le sexe mâle, me permettent d'établir le passage des espèces encore normales aux formes plus étroitement adaptées au (1) Dédié à mon ami JULES BONNIER. — ÀTk — parasitisme : je les nomme Agnathaner typicus, n. g. et sp. (de Cynthia rustica) et Agnathaner minutus, n. g. et sp. (de Circi- nalium concrescens). La bouche y est un orifice relativement étroit, situé au sommet d'une saillie en bouton de l’enveloppe tégumentaire chitineuse : sur ce bulbe buccal, les ièvres ne sont guère faciles à reconnaître, alors qu’elles le sont encore sur la plupart des siphons de Copé- podes parasites. A l'intérieur, le pharynx chitineux et plissé, subit des contractions et dilatations rhytmiques, capables de produire des aspirations amenant les sucs nutritifs dans le tube digestif. Mais la particularité la plus intéressante réside dans la dégradation corréla- tive des appendices buccaux; car leurs articles basilaires (pièces mas- ticatrices de Notodelphys) sont raccourcis et réduits à de simples saillies presque dépourvues d'épines et incapables de triturer des aliments solides. Par tous les autres caractères, le genre À gnathaner ressemble étroitement à Notodelphys, et représente, à mon avis, l'un des premiers termes de dégradations successives qui ont modifié les Ascidicolidæ à mandibules broyeuses en Ænterocola sans mandi- bules et Aplostoma sans maxilles avec mandibules extraordinaire- ment réduites. En effet. les formes véritablement parasites dans les femelles et semi-parasites dans le sexe mâle, dont on a fait trop légèrement Les familles des Enterocolidæ (Dezca VALLE) et Enteropsidæ (AURIVIL- LIUS), montrent la même organisation buccale, avec quelques degrés en plus dans la dégradation des appendices. A la liste actuelle des parasites des Synascidies, je puis ajouter encore une curieuse espèce nouvelle du genre Ænterocola, que je suis heureux de dédier à mon ami ALFRED BÉTENCOURT. Elle se dis- tingue de Enterocola fulgens, van BEN., par l’allongement plus grand du thorax, de l'abdomen et spécialemerit de la furca, ainsi que par celui des pattes thoraciques (particulièrement de la 3° paire), et par le développement relativement considérable des épines distales de la cinquième patte thoracique adaptée à la protection des sacs ovigères. De même que Æ. fulgens, Enterocola Betencourti habite Polyclinum succineum, plus particulièrement dans une variété foncée des Roches Bernard et des fonds côtiers. Rien, dans les diverses descriptions de Hesse (1864-1878) ne peut indiquer ni même AS faire supposer que Ænterocola Betencourtr ait été vu par ce natura- liste. Je l'ai pourtant recueilli en Bretagne, dans une Synascidie (Aplidium zostericola) très commune dans la baie de Concarneau et et aux îles Glénans. A l'encontre des autres naturalistes, je réunis dans wne seule famille des Ascidicolidæ, les divers copépodes parasites ou semi- parasites des Tuniciers, qui appartiennent aux genres: Nolodelphys, Doropygqus, Goniodelphys, Botachus, Bonnierilla, Doroixys, Gunenolophorus, Botryllophilus, Ascidicola, Buprorus, Agna- thaner, Enterocola, Enteropsis, Aplostoma. Cette famille, parfai- tement naturelle, est caractérisée par la morphologie des appen- dices, par l'appareil génital et les habitudes éthologiques. Elle tire son nom de Ascidicola, type morphologiquement intermédiaire entre les deux séries commensale et parasite — , et ce nom présente l'avantage de rappeler l'habitat commun à foules les formes aux- quelles il s'applique. En résumé les Ascidicolidæ dérivent de Copépodes normaux à mandibules broyeuses, par des types tels que Notodelphys, Doro- pygus, etc. Mais il n'existe, contrairement à l'opinion de CLaus (1889), aucune parenté immédiate, ni même d’origine commune entre les « Notodelphyidæ » (Ascidicolidæ, pars) et les Lichomol gidæ. 4. — LES COPÉPODES SEMI-PARASITES RECUEILLIS DANS LE BOULONNAIS. L’éthologie des Copépodes semi-parasites donne à ces animaux un intérêt spécial par le fait qu'elle permet aux naturalistes de comprendre les modifications des formes complètement parasites et de saisir les facteurs qui régissent ces variations. Dans les semi-parasites viennent se ranger toutes les formes capables de quitter facilement leur hôte, de vivre parfois longtemps à l’état d'indépendance avant de rejoindre leur habitat primitif. En somme, ces habitudes de liberté passagère (qui se retrouvent fré- — 176 — quemment chez les mâles des formes parasites ou commensales incapables de mobilité dans le sexe femelle) ne sont qu'une persis- tance, chez l'adulte, des propriétés éthologiques communes aux embryons de tous les animaux fixés par le parasitisme. À ce titre, on peut considérer le semi-parasitisme des deux sexes comme un caractère primitif, quand il s’agit de comparer entre eux deux Copé- podes voisins dont l’un serait semi-parasite et l’autre parasite vrai au sexe femelle ou aux deux sexes. 1° Parmi les Copépodes semi-parasites que j'ai recueillis sur divers Invertébrés du Boulonnais, je citerai d’abord, pour l'intérêt spécial qu’elle présente, la petite famille des Hersiliidæ, établie par moi en 1888 (1). Hersiliodes Pelseneeri Canu vit dans le tube d’un Cly- ménien du banc de sable de la Pointe aux Oies. Je ne crois pas pouvoir admettre comme certaine l'identité de cette espèce avec Antaria lalericia GRuBE (également commensal d’un Clyménien), forme si insuffisamment décrite qu'on ne pourrait actuellement déterminer à quel genre elle se rapporte. Puisque trois Hersiliidæ voisins vivent sur le même Callianassa sublerranea, l'habitat commun sur des Clyméniens ne suffit point à prouver l'identité. Antaria lalericria reste donc provisoirement dans le nombre déjà grand des formes problématiques. Les Hersiliens commensaux des Crustacés sont beaucoup mieux connus et je puis leur rattacher en toute certitude Nicothoe astaci Aup. et Epw., après l'étude nouvelle que j'ai faite de ce parasite du Homard. La dégradation croissante de ces formes, par le parasitisme de plus en plus intime, est particulièrement manifeste : Hersiliodes Thomsoni Canu et Giardella callianassæ Can vivent en commensaux dans les galeries de Callianassa sub- lerranea. Clausidium (Hersilia) apodiforme PaxpPr adhère à la carapace du même Crustacé et se loge jusque dans la cavité branchiale. En conséquence Clausidium est un parasite plus intime (11 E. CANU, Sur les Hersiliidæ. . .. Comptes rendus Acad. d. Sci., t. CVIII, n° 20, séance du 12 nov. 1888. — KE. Canu, Les Copépodes marins du Boulonnais, III, les Hersiliidæ, famille nouvelle des Copépodes commensaux, Bull. scientifique, t. XIX, p. 402-432, pl. XXVIII-XXX. #7 — et la dégradation qu'il a subie est plus profonde. Plus intimes encore sont les rapports qui unissent la femelle de Nicothoe à son hôte, ce Copépode étant un véritable parasite, fixé sur la branchie sans pouvoir quitter la place ni glisser à la surface des téguments. La spécialisation de tous les appareils de Micothoe est en conséquence : ° . °» . plus parfaite, sans toutefois s'écarter du type moyen de la famille des Hersiliidæ, puisque toute l'organisation morphologique concorde dans : A. Les antennes quadriarticulées (et non triarticulées : CLAUS 1860), à bord interne adhérent dans le troisième article ; B. L’atrium buccal transformé en disque-suçoir avec lèvre supé- rieure et paragnathes encore reconnaissables (CLAUS 1875) ; C. Les premières maxilles bilobées, presque superposables aux appendices homologues de Giardella et Hersiliodes ;: D. Les secondes maxilles construites sur le même type ; E. L'appareil génital. Malheureusement le mâle de Nicothoe reste inconnu — l'unique échantillon décrit par CLaus en 1860, n'étant qu’une femelle imma- ture — ; les importants caractères taxonomiques fournis par ce sexe nous manquent donc pour confirmer la position systématique de ce Crustacé. 2° — Les Lichomolgidæ sont certainement les Copépodes les moins connus, malgré les recherches déjà anciennes de nombreux naturalistes. Tout récemment (1889), CLaus insista sur la nécessité de décrire méthodiquement et de disséquer avec le plus grand soin les appen- dices céphaliques de ces petits Copépodes, avant d'établir les dia- gnoses génériques et spécifiques. Les nombreuses erreurs de des- cription commises par des naturalistes comme KossMANN, BRADY, DELLA VALLE, etc., montrent la difficulté d'une pareille étude, et rendent la synonymie des formes actuellement décrites pleine d'obstacles. Après l'observation approfondie que j'ai pu faire des divers appen- dices de huit espèces distinctes de Lichomolgidæ, je me rallie Hi = entièrement aux dernières données de CLAUS sur la morphologie de ces animaux, contre KossMANN, DELLA VALLE et autres. A.— Le genre Lichomolgus THORELL me paraît caractérisé par sa forme cyclopoïde, ses antennules 7-articulées, ses antennes préhensiles 4-articulées, terminées par des crochetserecourbés et quelques soies, ses mandibules et ses secondes maxilles effilées et falciformes, ses quatrièmes pattes thoraciques à endopodite biarticulé. a. —TLichomolgus doridicola LEypiG est très abondant sur les branchies de Doris tuberculata, D. Johnstoni, D. millegrana, sur les papilles dorsales de Antiope hyalina, Kolis coronala ; je l'ai recueilli dans la baie de Concarneau (1886) aussi bien que dans le Boulonnais. b. — Lichomolgus albens THoreLL habite la cavité péribran- chiale et le cloaque de diverses Ascidies: Ciona intestinals, Molqula socialis, Cynthia lurida. La mandibule est effilée et finement barbelée sur les deux bords La cinquième paire de pattes porte, à la face interne de son extrémité distale, une saillie légè- rement incurvée qui l'élargit au niveau de l'insertion de l’épine pectinée. Pour ces caractères, L. furcillatus, var. medilerranea, décritet figuré par Kossmanx (1877), me semble se rapporter à Z. albens. Les soies terminales de la furca présentent une conformation spéciale, méconnue jusqu’à présent: elles sont cylindriques, arrondies à leur extrémité ; la moitié proximale, revêtue d’une paroi chitineuse épaisse, est seule barbelée, tandis que la région distale se compose d’un axe médian réfringent, soutenant une mince paroi externe hyaline et complètement nue. c. — Lichomolgus Poucheti, n. sp., habite à la surface des colonies de Morchellium argus et de Fragarium areolatum de la baie de Concarneau. J'ai pu recueillir la femelle de cette espèce en 1886, durant mon séjour au Laboratoire de Concarneau, grâce aux moyens de recherche qu'a bien voulu mettre à ma disposition M. le Professeur G. POoucHErT. Cetie espèce se rapproche du Z. f'urcillatus THoRELL par la dis- position des segments abdominaux, par la forme auriculaire des =D — ouvertures génitales femelles, par la réduction des cinquièmes pattes thoraciques et des pièces furcales. Elle s’en distingue nettement : . Par la forme générale plus allongée, puisque THoRELL dit Z. furcillatus un peu plus élargi que les autres espèces, et que l'inverse est vrai pour Z. Pouchetr. 6. Par les appendices céphaliques, et en particulier l'armature du 4° article de l'antenne, composée de trois fortes épines recourbées, et de deux longues soies, ce qui rappelle plutôt Sabelliphilus Sarsi CLAPARÈDE. y. Par la mandibule, bien différente de celle décrite par THORELL. 5. Par la maxille, pourvue d'une soie terminale et non de deux soies, comme chez Z. furcillatus. . Par la 2° maxille externe, dont l'extrémité falciforme porte vers la base quatre grandes épines subégales et diffère ainsi de Z. furcillatus, puisque dans ce dernier THORELL ne décrit en ce point qu'une seule épine plus grande, comme chez ZL. albens. De plus, la grande soie interne est richement garnie de fortes épines dans Z. Poucheli, tandis qu'elle est nue chez Z. furcillatus. {. Par la 2° maxille interne, à griffe terminale plus courte. n. Par la longueur du dernier segment abdominal, supérieure à la largeur (inférieure chez L. furcillalus, d'après THORELL). 9. Par les pièces furcales dont la longueur contient presque trois fois la largeur. :. Par les soies furcales plus longues. x. Par l'habitat, puisque L. furcillatus vit dans Ciona inlesthi- nalis, d'après THORELL et AURIVILLIUS. B.— J’établirai un nouveau genre, pour une belle forme de Licho- molgide dont j'ai recueilli ‘es deux sexes en semi-parasites sur Mactra stullorum, dans les bancs de sable de la Pointe aux Oies, à Wimereux. Je dédie ce genre ; Herrmannella, à mon ami G. HERRMANN. De même que les genres Sabelliphilus M. Sars, Anthessius DELLA VALLE, Paranthessius CLaus, Myico'a WriGar, Modiolicola Auri- VILLIUS, Diogenidein Cu. Ebwarps, Herr mannella se distingue des autres Lichomolgides par l’endopodite triarticulé de la quatrième — A80 — paire de pattes thoraciques. L’antennule 7-articulée atteint les bords du premier segment thoracique, indépendant du céphalon. L'antenne, 4-articulée, porte à son extrémité une forte griffe recourbée aussi longue que les deux derniers articles, et trois soies flexibles ; le troisième article porte également trois soies courtes, assez grêles. La mandibule falciforme est très allongée et effilée à son extré- mité ; elle porte de petits denticules sur ses deux bords, mais il n'existe pas de soie à son bord concave. La maxille, presque cylin- arique et de forme régulière, se termine par deux soies flexibles. La seconde maxille externe se termine par un prolongement falciforme garni d'épines ; la grande soie interne est bien développée et porte aussi des épines ; la petite soie accessoire interne est mince et rigide. La seconde maxille interne est relativement très développée : la griffe terminale, chez la femelle, est de forme allongée; dans ls mâle, elle est aussi longue que l’appendice entier, comme dans les genres Anthessius et Myicola. Les cinquièmes pattes thoraciques comprennent une base soudée avec le tronc et munie d’une courte soie vers l'extérieur et d’un articie allongé terminé par une soie flexible à l'extérieur et une épine denticulée à l'intérieur. En résumé, Hermannella se distingue : a. de Sabelliphilus, par l'antenne et les pièces buccales ; b. d'Anthessius et Myicola par la mandibule, la première maxille, la seconde maxille externe; c. de Myicola femelle, par la présence de la seconde maxille interne : d. de Modiolicola, par l'antenne et les pièces buccales ; e. de Diogenidium , par la forme de la région moyenne du corps et par les pièces buccales. Herrmannella rostrata, n. sp., vit sur les branchies des Mactres. Le prolongement frontal est particulièrement développé : ses bords sont formés d’une chitine très épaisse : l'extrémité forme une épine solide et pointue qui s'étend, à la face ventrale, jusqu'à la base des antennes. C. — Le genre Pseudanthessius CLAUS comprend des formes dans lesquelles le 1” segment est soudé au cephalon, l’antennule 7- RL articulée pourvue de longues soies, l'antenne terminée par plusieurs épines coudées et articulées et quelques soies, la mandibule sans prolongement terminal falciforme, une épine adhésive sur le 2° article de la seconde maxille interne, l’endopodite monoarticulé à la quatrième paire de pattes thoraciques, la cinquième paire de pattes thoraciques imparfaitement séparée du segment qui la porte. Comme Czaus l’a fait observer, deux espèces de Zichomolqus décrites par BRapy, se rapprochent de Pseudanthessius par leur quatrième paire de pattes. En l'absence d'exemplaires types, les descriptions de Brapy paraissent ici difficiles à utiliser, en raison de leur insuffisance. En tout cas, Z. Thorelli Brapy est certainement un Pseudanthessius très voisin de l'unique échantillon décrit par CLaus comme P. graciuis. Par suite des analogies qu'il présente avec une nouvelle espèce de Pseudanthessius que j'ai recuillie, je rapprocherai encore de ce genre Z. liber Brapy et ROBERTSON. Divers caractères très saillants et faciles à observer, qui ne sont pas signalés par Bray, me portent à séparer d’ailleurs ces deux formes. Pseudanthessius Sauvagei, n. sp., vit en commensal sur l'oursin irrégulier, Echinocardium cordalum, des bancs de sable de la Pointe-aux-Oies, à Wimereux, et du Port en eau profonde de Boulogne. Je dédie cette espèce à M. le D" SAUVAGE, directeur de la Station aquicole de Boulogne-sur-Mer. Elle est caractérisée par la forme ramassée du màle et de la femelle; par la division de l'abdomen en 5 segments chez le mâle et en 4 (et non 5, comme dans ?. liber Brapy) chez la femelle ; par la forme de sa mandibule, constituant une lame solide et dentelée à son bord médian, par la deuxième maxille interne, dont le deuxième article porte vers l'ex- térieur, chez la femelle, une petite épine’ et une grande soie barbelée aussi longue que l’appendice entier, et, chez le mâle, deux petites épines, dont l’une remplace cette soie, et une riche garniture (le denticules triangulaires. Ces ornements de la seconde wmaxille interne, très faciles à distinguer, n'existent pas dans P. Liber BRaDY et Ro. La griffe terminale de la seconde maxille interne atteint, dans le mâle, la longueur de l'appendice entier. La cinquième patte forme une lame saillante sur le côté du 5° somite thoracique, et porte une forte épine effilée et denticulée sur les bords, avec deux soies flexibles, — AB D. — Le genre Modiolicola AURIVILLIUS ne comprend qu'une seule espèce, M. insignis AURIV., que j'ai recueillie en grande abon- dance sur les branchies des gros Modiola modiolus dragués entre le Varne et le Colbart durant les sondages faits à bord du vapeur l'Ajax pour les études du Pont sur la Manche. Les caractères différentiels du genre Modiolicola sont très nets : a. l'abdomen compte, dans les deux sexes, cinq segments plus la furca ; b. la limite du céphalon et du premier somite thoracique est très visible dans les deux sexes ; c. l'antenne compte quatre articles dont le 3° est plus long que le premier et égal au 2° et au 4°; elle se termine par quatre soies en grifte et deux soies grêles ; le 3° article est inerme ; d. La seconde maxille externe porte une extrémité falciforme épineuse, et une soie interne lisse; il n'existe pas de grande soie interne épineuse ; e. la seconde maxille interne 3-articulée dans les deux sexes, se termine par un article arrondi chez la femelle et par une forte griffe, aussi longue que l’appendice entier, chez le mâle ; {. l'endopodite des quatrièmes pattes thoraciques est 3-articulé; g. les cinquièmes pattes thoraciques se composent d'une base saillante pourvue d’une soie au côté dorsal, et d'un article terminé par une soie fine vers la face dorsale et par une longue épine effilée vers la face ventrale. Cette épine, beaucoup plus développée que dans les autres Lichomolgides, atteint aux 2/3 du segment génital. Les épines qui garnissent le bord postérieur des 2°, 3° et 4 segments abdominaux chez M. insignis, n'existent qu'a la face ventrale. Les Lichomolgidæ sont, sans nul doute, de proches parents des Sapphirinidæ d’une part, et des Ergasilidæ d'autre part. J'ai pu me convaincre de cette dernière parenté par l'étude attentive de Ther-- siles gasteroslei PAGENSTECHER, espèce recueillie dans le vieux port de Wimereux, sur Gaslerosleus aculeatus. Mais on ne connait encore aucun type de passage ni de disposition anatomique permet- SEE tant de les rattacher à une forme ancestrale quelconque. Le Copé- pode gnathostome actuel le plus voisin des Lichomolgides reste à déterminer, et on ne peut le supposer parmi les Notodelphyidæ plutôt que dans toute autre famille. 3° De même que les différents auteurs qui ont recherché les Copé- podes marins, j'ai recueilli, isolément on en compagnie de leurs hôtes, plusieurs individus d’Ascomyzontidæ qui se rapportent à six espèces distinctes, et j'ai pu étendre ainsi les observations récentes de CLAUS sur ces intéressants Crustacés. A. — Le genre Dermatomyzon décrit par CLAUS sur un spéci- men femelle recueilli en liberté à Trieste, se distingue d’Ascomy- z0n THORELL : a. par son abdomen 4-segmenté dans la femelle, et 5-segments chez le mâle ; b. par ses antennules 13 articulées dans la femelle, et 13-articulées chez le mâle, où les 18° et 19° articles sont soudés et où les articles 11 à 13 et 14 à 17 ne forment respectivement qu'une seule pièce ; c. par le siphon court, aminci vers l'extrémité qui ne dépasse point la base de la seconde maxille ; d. par la lame mandibulaire solide, dentelée à son extrémité amincie en stylet ; e. par la lame maxillaire courte et dirigée vers la ligne médiane ; [. par les cinquièmes pattes thoraciques foliacées, portant deux épines et des soies vers leur extrémité. J'ai pu recueillir, dans les dragages de l'Ajaæ (1890), plusieurs exemplaires de Dermatomyzon elegans CLAUS appartenant au sexe mâle, non encore décrit ; et je suis convaincu, grâce aux renseignements complémentaires que m'a communiqués le Prof. Brapy, que Cyclopicera nigripes, rapporté au genre Ascomyzon par CLAUS, n'est qu'une autre espèce de Dermalomyzon. Dans l’état actuel des descriptions, la différence spécifique la plus nette consiste dans la coloration foncée des pattes thoraciques et du corps, chez D. nigripes Brapy et Rog. — 484 — B. — Le genre Asterocheres Boeck (1859), supprimé par BRADY (1880) et par CLaus (1889), doit être conservé, comme j'ai pu m'en convaincre en étudiant à nouveau l'espèce de Bogcx pour laquelle ce genre fut créé. Contrairement à l'opinion de CLAUS, qui a soumis les espèces décrites avant lui à une critique minutieuse, ce genre est parfaitement distinct : a. d'Ascomyzon TaoreLL (type : À. Lilljeborgr TH. = Arlo- trogus Boecki Brapy), par l'organisation et le développement du siphon, étendu chez A. Zalljeborgi d'après THoRELL, jusqu'au 5° somite thoracique et chez À. Boecki, d'après le dessin de BRrADY, jusqu’au delà du céphalon ; b. de Cyclopicera Bray (type : C. nigripes Brapy et RoB.) qui présente les caractères du genre Dermalomyzon Craus (abdomen, 5's pattes thoraciques, siphon) ; ce. de Cyclopicera Bray (type : C. lala, Brapy — Ascomyzon echinicola NorMaN) qui possède les caractères du genre Æchino- cheres Craus (antennules 17-articulées du mâle et 21-articulées de la femelle ; première maxille). Et il peut se reconnaitre : a. aux antennules 17-articulées de la femelle (où Boeck a omis l'avant dernier article) : b. aux antennules 17-articulées du mâle, avec le 12° article égal au 13° et au 14° ; c. au siphon court, ne dépassant pas la base des secondes maxilles, plus court, plus large et plus fort que chez Aytotrogus, comme le dit BOECK ; d. par les mandibules à base styliforme atteignant jusqu’au bout du siphon, légèrement denticulée à son extrémité et suivie d’un fouet biarticulé terminé par deux soies ; « e. aux cinquièmes pattes thoraciques réduites à deux articles, dont le dernier ne porte que deux soies ; f. a l'abdomen 3-segmenté de la femelle. Je rapporte à Asterocheres Lilljeborgi Boeck, type du genre, un céphalothorax de Copépode ascomyzontide mâle, recueilli au ET: fond d'un bocal contenant des produits de dragages faits à bord de l'Ajaæ, par M. le D' SauvAGE, un peu au large du Cap Gris-Nez (dans ce dragage abondaient Molgula socialis et aussi Psammechinus miliaris). Le premier article du fouet mandibulaire est très allongé et double du second. Étant donnée l'imperfection des dessins de Boeck, je noterai seulement une différence dans l’ornementation du 2 #1ticle Cela 5° patte thoracique qui, dans mon échantillon, est ciliée sur les deux bords, tandis que, d’après le dessin et la des- cription de Boeck, elle ne porterait que 4 épines sur le bord interne. Sur une éponge gluante, Renteria sp., draguée à l’accore du Colbart, j'ai trouvé un exemplaire femelle d'une nouvelle espèce que je dénommerai Asterocheres Renaudi (1). Elle se distingue de la précédente par la briéveté du fouet mandibulaire 2-articulé, dont les deux articles sont égaux : par la grande réduction de la 5° patte thoracique qui a les bords lisses ; par la cuticule ornementée de stries ondulées, dans les appendices céphaliques. C. — Du genre Artotrogus Bock, caractérisé : a. par des antennules 9-articulées chez la femelle ; b. par des antennes 4-articulées, pourvues d'un exopodite très réduit avec 2 soies ; c. par un siphon renflé à sa base, très effilé et fendu sagitta- lement, vers son extrémité, pour former une sorte de bec laissant poindre l'extrémité des mandibules. d. par des mandibules styliformes, denticulées à l'extrémité, aussi longues que le rostre, et dépourvues de fouet ; e. par la 4° paire de pattes biramée, à endopodite 3-articulé et porteur de soies très réduites. Dans la zone des Laminaires, j'ai recueilli un bel exemplaire femelle, que je rapporte, pour l’ornementation de sa cuticule dorsale richement ponctuée de tubercules terminés par une petite soie, à A. Normani Brapy et Rog. Celte espèce se sépare encore (1) En souvenir de la gracieuse hospitalité que M. Juces RENAUD, ingénieur-hydro- graphe de la Marine, nous a offerte à bord de l’Ajaæ et de l’'empressement qu'il a mis à nous faciliter les recherches zoologiques, au cours des sondages effectués sous sa direc- tion dans le Pas-de-Calais en Juillet et Août 1890. Z 1862 nettement des Ayrtotrogus orbicularis Boecx et À. magniceps BraDy par sa forme allongée, spécialement dans la région abdo- minale. D. — Le genre Dyspontius THORELL est représenté à Wi- mereux par l'espèce type D. striatus THORELL dans les petites Ascidies de la zone des Laminaires. L’antennule du mâle porte de très longs hâtonnets sensoriels sur les articles 2 à 8, et un autre beaucoup plus gros, sur 1e 9°. L'antenne présente encore des traces évidentes de la séparation des premier et deuxième articles ; elle peut donc passer pour 4- articulée. Son exopodite est tres réduit. Le siphon, étendu jusqu'au milieu du thorax, est fendu à son extrémité et laisse voir le bout denticulé des mandibules. Le fouet mandibulaire manque totalement. Il n'existe pas d’endopodite dans les 4* pattes thoraciques uni- ramées. La cinquième paire de pattes existe parfaitement ; et bien qu’elle soit extrêmement réduite, on y reconnaît un article basilaire soudé au thorax et porteur d’une soie externe, et un article distal, terminé par deux longues soies. E. — Du genre Acontiophorus Brapy — très remarquable par l'organisation du siphon en tube capillaire dans lequel les mandi- bules effilées n’atteignent plus l'extrémité et ne jouent plus de rôle térébrant — j'ai recueilli au milieu des Eponges et des Ascidies de la zone des Laminaires et des dragages de l’Ajaæ, plusieurs spé- cimens d'A. scutatus Brapy et RoB, qui se distingue de son congénère À. armatus BRADY, par la briéveté des antennules et par la longueur du siphon, dont l'extrémité arrive jusqu’à la furca. 4, — Trois exemplaires du curieux parasite d'Amphiura squa- mala signalé par Grarp en 1879 ont été recueillis à Wimereux. Comme l’a fait remarquer Grarp, Cancerilla tubulata DALYELL est très voisin de Caligidium vagabundum CLaus (1889). En effet, dans les deux genres, les deux premières pattes thoraciques sont seules propres à la natation, la 3° patte est très réduite, la 4° manque totalement et la 5° présente un article basilaire soudé au LAS = thorax et un article terminal porteur de plusieurs soies. Les antennes préhensiles sont identiques. L'organisation de la bouche concorde assez exactement : elle est assez spéciale pour que, avec CLaus, on puisse attendre d'une connaissance plus approfondie (développement, etc), la nécessité d'établir pour ces formes une nouvelle famille bien distincte des Ascomyzontides. Les différences sexuelles si curieuses de Cancerilla, et spécialement la réduction des deux paires de pattes natatoires dans la femelle, distingueraient nettement les deux groupes (1). Wimereux, le 5 Juillet 1891. (1) Les espèces que j'ai signalées brièvement ici seront décrites en détail dans un mémoire accompagné de trente planches , actuellement sous presse, et qui formera le tome VI des Travaux du Laboratoire maritime de Wimereux. A PROPOS Nous recevons de l'éminent malacologiste américain W.-H. DaLL, la lettre suivante que nous nous faisons un devoir de publier. Washington D. C., 29 Mai 1891. A Monsieur le Professeur A. GIARD , Paris. « Cher Monsieur, » J'ai reçu un exemplaire de l’intéressant mémoire publié dans le Bullelin scientifique de la France, par mon ami le D°H. vox JHERING « Sur les relations naturelles des Cochlides et des Ichno- podes (1) ». Dans ce remarquable travail, VON JHERING fait allusion à l'existence supposée de spécimens de Pleurolomaria contenant les parties molles, dans le Museum national des États-Unis et dans le Museum de Zoologie comparative de Harvard College. Il ne faut (1) Voir le présent volume, p. 148. — AS — pas s'attendre à ce que le D" von JHERING puisse consulter une bibliothèque bien garnie dans sa résidence si lointaine du Brésil, mais s’il avait lu ce qui a été publié sur ce sujet (1), il aurait sans doute évité des remarques (/. c., p. 159), qui sont tout au moins une critique indirecte des autorités de ces deux Museums. En fait, aucun spécimen de Pleurotomaria n’est parvenu jusqu'ici dans ce pays, avec ses parties délicates bien conservées. En raison des moyens défectueux de préparation et de la chaleur excessive du climat des Antilles, tout ce qui restait des exemplaires envoyés en Amérique était le bord du manteau et les parties externes solides du pied et de la tête; tout le reste était dans un état de décomposition ab- solue. Sans cela, une dissection aussi complète que possible aurait été faite depuis longtemps. » Je puis ajouter aux remarques du D'von JHERING sur Gadinia que, depuis plus de vingt ans, j'ai publié en détail la grosse anato- mie de cette forme ( Am. Journ. Conch., v. pp. 8-22, 1870), mon- trant que Gadinia est un vrai Pulmoné et n’a pas de branchies ; que l'impression antérieure sur le côté droit qui, chez Siphonaria marque l'insertion de la partie antérieure de l’adducteur, est absente chez Gadinia ou reçoit seulement une portion du bord du manteau et n’est la marque d'aucun muscle. Ces observations ont été faites sans l'emploi des ruéthodes perfectionnées de ces der- nières années , mais elles sont suffisamment démonstratives et concluantes. Et cependant, le Professeur LANKESTER, dans la der- nière édition de l'Encyclopædia Brilannica, ne place pas encore les Gadinüdæ parmi les familles des Pulmonés ! » Veuillez agréer l'assurance de ma parfaite considération, W.-H. DALL, Hon. Curator Dept. of Mollusks U. S. Nat. Museum Washington. D. C. (1) Voir Bull. Mus. Comp. Zool., VI, p. 79. (l \\ Lau BIBLT0OGRAPHTE: Recherches sur le développement des Poissons osseux, par HENNEGUY (1). Malgré les travaux nombreux qui ont été publiés sur l’embryo- génie des poissons osseux, beaucoup de points importants du développement de ces animaux sont encore entourés d'obscurité, par suite du désaccord qui existe entre les auteurs. À ce point de vue, un mémoire récent de M. HENNEGUY, qui fournit de nombreux détails sur ces phénomènes, présente un grand intérêt. Cet auteur, mettant à profit les matériaux que lui ent fourni les aquariums de pisciculture établis par Cosre au Collège de France, a repris, à l’aide des procédés de la technique moderne, létude détaillée du développement de la Truite, depuis la fécondation jusqu'à la formation des principaux organes. L’œuf ovarien de la Truite, arrivé à maturité, a une constitution tout à fait différente de celle de l’œuf pris dans la cavité abdomi- nale. Son contenu est formé de vésicules pressées les unes contre les autres ; autour de la vésicule germinative, dans la région micro- pylaire, les vésicules sont remplies de fines granulations ; leur ensemble constitue le vitellus plastique. Dans le reste de l’œuf, on ne trouve que de grosses vésicules transparentes, renfermant quelques vacuoles et de petits globules huileux. Après la délivrance (1) Journal de l’Anatomie et de la Physiologie, de ROBIN, 1888, p. 413. 2 du follicule ovarien, la vésicule germinative a disparu, et les vésicules plastiques se sont fusionnées en une masse protoplasmique finement granuleuse, irrégulièrement étalée au-dessous du micro- pyle. C'est le germe. Les grosses vésicules se sont également fusionnées en une masse visqueuse, homogène, le vitellus de nutrition. Les petits globules huileux se sont rassemblés à la périphérie de l’œuf, en de gros globules plus nombreux dans la région micropylaire que dans le reste de son étendue. Moins heureux que C. K. HorFMANN, HENNEGUY n'a pu suivre la transformation de la vésicule germinative en noyau femelle, ni observer la formation du noyau mâle aux dépens du spermatozoïde. Après la pénétration du spermatozoïde, le germe se concentre et ne tarde pas à se segmenter. Le premier sillon de segmentation apparaît généralement sur l’un des bords du germe, rarement au milieu. Le second sillon est perpendiculaire au premier, et le stade VIII se forme, comme chez les autres poissons osseux, par deux sillons parallèles au premier. À partir du stade XVI, la segmen- tation devient irrégulière ; chaque segment se divise également ou inégalement. Le germe finit par être constitué par un amas de cellules semblables entre elles, sauf celles de la couche superficielle qui sont plus petites et pressées les unes contre les autres. Cette couche est la Zame ou couche enveloppante.Il n'existe pas de cavité de segmentation dans l'intérieur du germe. De l'étude de la division indirecte des noyaux pendant cette segmentation, il ressort que le mécanisme de karyokinèse ou cyto- diérèse a pour point de départ le protoplasma, et que la figure achromatique est extra-nucléaire. Sur ce point, un certain nombre d'auteurs, tels que, par exemple, Ep. VAN BENEDEN et BOVERI, sont d'accord. Tout le protoplasma germinatif n'entre pas dans la constitution du germe. Autour de celui-ci, à la surface du vitellus, existe une couche protoplasmique, la zone périphérique, qui se concentre peu à peu, pendant la segmentation, pour constituer le parablasle. Des noyaux, provenant des sphères de segmentation, persistent dans son intérieur et s’y multiplient par division indirecte. Le parablaste, une fois différencié, est donc une couche proto- plasmique plurinucléée, ayant la forme d'une sorte de cratère à bords très nets, dans lequel est enchâssé le germe segmenté. Du — HD — côté du vitellus, le parablaste est mal délimité. Bientôt, autour d’un certain nombre de noyaux du parablaste, se différencient des cellules qui viennent s'ajouter aux cellules de segmentation. Mais la genèse de ces cellules est très limitée et cesse dès que le jeune commence à s’étaler à la surface du vitellus. Le parablaste suit le germe dans cette extension, et ses noyaux ne se multiplient plus alors que par division directe et ne prennent aucune part à la formation des feuillets embryonnaires. Le germe segmenté se soulève au-dessus du vitellus et ne repose plus sur celui-ci que par son bord circulaire qui est plus épais et plus large d’un côté que de l’autre. Entre le germe et le vitellus se trouve la cavité germinative. Le bourrelet blastodermique est le siège d’une prolifération active des cellules ; il en résulte que les bords du germe s’infléchissent vers l’intérieur de la cavité germi- native. La couche enveloppante ne prend pas part à cette réflexion. Dès ce moment,les deux feuillets primaires du blastoderme sont cons- titués. L’ectoderme est la portion du germe qui forme le toit de la cavité germinative ; la portion réfléchie du germe est l'endoderme primaire. HENNEGuY décrit les modifications extérieures de forme pendant la formation de l'embryon. Il établit un certain nombre de stades, qu'il désigne par les lettres À, B, C, D, E, F,G,H, depuis l’appa- rition de l'écusson embryonnaire jusqu’à la fermeture du blasto- derme qui finit par entourer complètement le vitellus. Les descriptions de l’auteur précité concordent à peu près entièrement avec celles données avant lui par OELLACHER. HENNEGUY étudie ensuite l’aspect des coupes longitudinales et transversales correspondant à chacun de ces stades, en suivant un ordre chronologique. Il montre comment se différencient peu à peu les différents organes de l'embryon aux dépens des deux premiers feuillets. : Dans la seconde partie de son mémoire, il expose l'évolution de chaque système et de chaque organe en particulier, et discute, à propos de chacun d'eux, Les opinions des différents auteurs. J. KUNSTLER. Les Sens chez les Animaux inférieurs, par JourDaN (1). Sous cetitre, M. Jourpan a publié un intéressant et complet résumé des connaissances actuelles et des dernières théories sur l’anatomie et la physiologie des organes sensoriels chez les inver- tébrés. Nous nous empressons tout d’abord de présenter, en le résumant à notre tour, ce livre du savant professeur de Marseille. Débutant par un exposé rapide de la constitution générale des êtres organisés, destiné à préciser la signification des termes qu'il aura à employer et à faciliter l'intelligence de la structure des animaux, l’auteur caractérise nettement les propriétés de chacun de nos sens et définit la nature des sensations qu'ils nous procurent, en insistantsur les distinctions à établir et à sauvegarder dans l'im- portance relative des difiérents organes des sens chez les animaux et chez nous, eu égard aux différences de milieu, aux types anato- miques obligés de fournir les adaptations organiques à des fonction- nements analogues. Il insiste sur les conditions spéciales qui, comme la vie aquatique, favorisent chez certains l'exercice du sens du goût et s’opposent plus ou moins à celui de l'olfaction, sur la puissance visuelle de certains insectes, qui perçoivent des couleurs que nous ne pouvons que soupçonner physiquement. M. JourpaAN passe ensuite à l'étude isolée de chaque sens et des organes qui lui sont attribués. Pour le /oucher, après avoir signalé l'existence de cellules sen- sitives et de cellules à cil tactile chez les Eponges et les Célentérés, (1) Les sens chez les animaux inférieurs , par M. JOURDAN , dans la Bibliothèque scientifique contemporaine, J,-B. BAILLIÈRE et fils, éditeurs, Paris, 1889. — 194 — il décrit le plexus périphérique et la structure des appendices tactiles tels que tentacules, ambulacres, pédicellaires des Echinodermes ; l'existence de cellules sensitives dans les couches épithéliales de ces appendices permet de faire de quelques-uns d’entre eux de véritables organes du toucher actif. Les vers offrent dans leurs organes tactiles une grande diversité de structure et l'auteur accorde une certaine importance à la description de ceux des Annélides: Ce sont les antennes, les cirres dorsaux , les élytres. Le tact chez les Arthropodes s'exerce à l’aide d'un appareil construit sur un type presque uniforme dans ses parties essentielles, le poil tactile. Les Mollusques ne possèdent pas d'organe du toucher, mais leurs téguments sont parcourus par des plexus nerveux dont les rameaux vont souvent aboutir à des bâtonnets sensitifs dispersés au milieu des cellules cylindriques des téguments et plus nombreux au milieu de certains appendices. Le sens du goût et celui de l'o/faction, qui se complètent chez nous, sont presque confondus chez les Invertébrés. M. JouRDAN rapporte à un sens semblable à notre goût les organes que quelques auteurs appellent olfactifs chez les invertébrés à vie aquatique. Le sens du goût doit être chez tous ces animaux d’une application beaucoup plus générale que chez nous ; il sert sans doute à les aider dans le choix des aliments, mais il leur révèle aussi toutes les modifications d'ordre chimique qui s'effectuent dans le milieu ambiant. L'olfaction est très développée chez tous les Arthropodes à vie aérienne ; les insectes sont en effet remarquables par la délicatesse de leur odorat. On rapporte à ce sens la faculté qui permet à ces animaux de reconnaître l'existence des femelles de la même espèce, des substances qui servent à leur alimentation, à des distances énormes ou à travers des obstacles qui s’opposeraient chez nous à la perception de toute odeur. Aussi a-t-on quelque peine à rapporter toujours à l'olfaction ces sensations si délicates. Ce sens siège dans les antennes, ainsi que le démontrent les expériences de FoREL et PLATEAU. | Le sens de l’ouie est attribué chez les Invertébrés à des organes qui rappellent par leur disposition générale l'oreille interne des Vertébrés. Onles désigne en anatomie comparée sous le nom en es d’otocystes : leur interprétation physiologique laisse place à quelques doutes. Le plus important chapitre est consacré à la vue. M. Jourpan rappelle l’action si remarquable que la lumière exerce sur la vie de tous les êtres organisés. Les rayons lumineux peuvent être perçus chez quelques animaux unicellulaires à l'aide de simples taches de pigment ; d’autres plus élevés dans la série, des Cœlentérés, des Vers, sont sensibles à la lumière bien que dépourvus de tout organe pouvant passer pour un œil; enfin, beaucoup ont des yeux véritables comprenant toutes les parties essentielles des nôtres. Certains Mollusques Lamellibranches, les Arches, les Peignes, possèdent des yeux fort intéressants à divers points de vue. Les Arthropodes ont des appareils visuels construits sur un. type anatomique tout parti- culier. Les recherches récentes de W. PATTEN ont modifié beaucoup nos idées sur la structure de ces yeux. Les expériences de LuBBock, FOREL et PLATEAU nous ont révélé des faits physiologiques du plus haut intérêt, tels que la perception de l’ultra violet, la faculté de distinguer les couleurs. Il est regret- table que des observations semblables n'aient pas été réalisées sur les animaux marins. Sans doute les conditions ordinaires de la vie de ces êtres sont difficiles à réunir dans les laboratoires, mais les observations physiologiques sur les organes des sens de ces animaux sont encore si peu nombreuses que le naturaliste qui se livrerait à ces recherches serait sans doute largement récompensé de ses peines. Ce trop court résumé est bien insuffisant pour faire apprécier l'ensemble de l'ouvrage, mais on conçoit que l'analyse d’un travail de cette nature ne peut entrer dans la matière même de l'étude, car celle-ci comprend la totalité des organes sensoriels connus chez les animaux inférieurs et tous sont également intéressants. L'intérêt principal du livre de M. Jourpax est la réunion, dans une exposition extrémement claire et facile à suivre, de touts les connaissances actuelles sur ce sujet encore si neuf et qui restera longtemps un des plus délicats de la physiologie. Touten reconnaissant que le plan adopté par l'auteur, c'est-à-dire le groupement en cinq organes des sens, facilite singulièrement les recherches parmi les documents que sa vaste érudition nous LRO procure, nous eussions préféré cependant une interprétation plus complète et plus large de ce sujet si étendu. Mais M. JourpanN n'a en réalité fait que se conformer aux habitudes prises. Il y a en effet dans toute opération sensorielle une double fonction d'analyse : une fonction élémentaire qui caractérise l'attribution spéciale de l'organe de sens, qui fait que l'œil voit, que l'oreille entend, que le toucher perçoit des contacts, des températures, etc. ; — et une fonction organique, liée au dispositif général de l'appareil, à son accommodation statique et à ses accommodations dynamiques, qui lui permettent de localiser les impressions élémentaires et de percevoir suivant quelle économie elles luiparviennent.La fonctionde l'œil n'est pas seulement d'être impressionnable à la lumière, aux couleurs, elle est encore de localiser les impressions et de connaître la disposition de ces couleurs, de ces lumières entre elles et par rapport à nous. De même pour les sons, les contacts. Cette fonction si importante de localisation dans l’espace qui varie avec les formations sensorielles planes, concaves, convexes fixes ou mobiles, semble totalement dédaignée par les physiologistes naturalistes. Et pourtant elle joue un rôle capital dans les investigations sensorielles, car elle fait de la vision de la lumière la perception d’un espace lumineux, de l’audition des sons la connaissance d’un espace sonore, c’est le sens de Pespace à proprement parler, bien plus général et plus complet que celui dont parle Cyow, qui n’a vu après FLOURENS et les autres, que sa particularité auriculaire. C'est cette analyse de l’espace par les sens qui intervient dans toutes les adaptations mo- trices de l'animal, y compris le maintien de son équilibre. Mais laissant de côté cette forme si importante des opérations : sensorielles, ne serait-il pas du plus haut intérêt de rechercher, à travers les formations si simples qui inaugurent les organes des sens à peine définis, comment la tactilité s’est adaptée peu à peu à la perception des ébranlements sonores ou lumineux, et comment on retrouve, avec une analyse déductive, les organes tactiles au sein des appareils auditifs ou visuels ? En mettant à part le goût et l’odorat, quiapprécient chimiquement la matière à l’état de dissolution dans des liquides soit extérieurs soit fournis par l’économie, ou à l’état de division dans les gaz, et cela au moyen de modifications infimes que la formule moléculaire du protoplasme des cellules gustatives ou olfactives subit sous les — 497 — sollicitations électives plus ou moins pressantes des molécules au contact, il est remarquable que si loin que l’on recherche le mode d'excitation des cellules sensibles des organes sensoriels,on retrouve une adaptation tactile. Tous les neuro-épithéliums peuvent par simplification se réduire à une colonie de cellules infusoriformes, à cuticule, à plateau, à couronne ciliée, à cupules, à peignes de cils, etc., affectant toutes les formes et toutes les transparences suivant leur rôle, et au milieu de ces cellules, d’autres éléments monériens s'intercalent, émettant de véritables prolongements pseudopodiques soit entre les cellules isolées, soit au sein des cellules accolées et soudées comme dans les ommatidies, soit enroulés autour d'une gangue compacte ou emprisonnés dans son intérieur, comme pour les organes tactiles de l'homme. Le mode d'excitation adopté est la compression, le pincement du filet amæbien qui plonge dans l’inti- mité de la colonie de cellules épithéliales infusoriformes. Pour le toucher proprement dit, on conçoit immédiatement comment se fait la compression. Pour ce toucher plus délicat qui s’adresse constamment aux masses otolithiques où se résument les ébranlements qui parcourent le corps de l'animal, il n'était pas nécessaire de modifier beaucoup la distribution du neuro-épithélium; ainsi reste-t-il tactile. Mais pour l'œil, il faut remonter un peu plus haut. L’ondulation lumineuse avec la forme que les conceptions purement théoriques ai attribuent, ne peut agir sur le protoplasme d’une façon appéciable. fout au plus, chez les organismes tout à fait inférieurs et homo- gènes, peut-on admettre que les échanges dans la circulation protoplasmique intracellulaire, nécessaires à la nutrition et à la reproduction, étant favorisés par l'éclairage, les individus sont naturellement amenés à la rechercher. Mais ce n’est pas une perception sensorielle à proprement parler. Il est nécessaire qu'un mouvement se trouve forcé de se transformer en un travail effectif pour que le protoplasme, indifférent à ce mouvement, perçoive le travail. En d'autres termes, il faut sous le marteau une enclume. Le pigment joue ce rôle pour l'ébranlement lumineux, qui s’y transforme évidemment en travail, puisque la lumière est par lui absorbée, ce qui constitue un travail. Quelle que soit la nature de ce travail, nous reconnaitrons facilement que le protoplasme au sein — 4% — duquel il surgit, ne peut y rester indifférent. Il est facile de s'en rendre compte en examinant des éléments très nettement diffé- renciés. les cellules pigmentaires des organes des sens, qui se déplacent, se contractent ou se dilatent selon la quantité de lumière qu'ils reçoivent. Une cellule surchargée de pigment doit être au plus haut degré sensible au travailirritatif produit par l'absorption de la lumiere, et se contracter ou se dilater en conséquence de cette irritation. Si nous supposons maintenant des filets monériens ou amœæbiens, prolongements de cellules ganglionnaires plus profondément situées, emprisonnés dans des amas de cellules irritables par la lumière, nous avons un mode d’excitation oculaire simple qui se trouve réalisé dès les premiers Métazoaires. Plus haut dans la série, le filet nerveux est retenu sur toute sa longueur entre deux cellules épi- théliales très réfringentes qui distribuent par réfraction totale la lumière sur des cellules noires qui les entourent de toutes parts. Celles-ci, recevant de la lumière. s’irritent, changent de forme et le filet médian se trouve plus ou moins comprimé. La vue est donc une perception tactile indirecte, et l'agent de la compression est le chromatoblaste, irrité par le travail que la lumière produit en se transformant au contact de son pigment. Nous aurions de même souhaité que M. Jourpan élucidàt la question de savoir si les Invertébrés possèdent comme nous la perception de sons, ou s'ils se contentent d'analyser la trépidation, l’ébranlement comme tels. Nous pensons pour notre part que la perception de son, comme sensation continue, qu'on peut classer parmi d'autres sensations continues de même nature, doit être refusée absolument non seulement à tous les Invertébrés, mais encore aux Vertébrés dépourvus de formations cochléaires. Aucune des expériences faites à ce sujet ne démontre la perception réelle de son proprement dit. Il nous est enfin impossible d'admettre, après CLAUDE BERNARD et M. JourDAN, que la sensibilité soit définie l'aptitude à réagir. Ge n’est que l'aptitude à percevoir, à sentir. Un paralytique, un hypno- tisé peuvent perdre l'aptitude à réagir, sans cesser de percevoir. L’aptitude à réagir comprend l’irritabilité et la motricité, tandis que la sensibilité, surtout dans son action cérébrale, outre qu’elle peut — 199 — déterminer la motricité, peut encore, par inhibition, l'interdire ou la modifier, la diriger en tous cas. Ces quelques critiques, on le voit, ne s'adressent pas tant à M. Jourpax qu’à l’universalité des physiologistes et des naturalistes, et l'auteur n'aurait d’ailleurs pu les éviter sans dérouter complè- tement les habitudes de ses lecteurs, ce qu'on eût critiqué davan- tage. Pour notre part, nous ne pouvons que louer sans réserve la clarté dans les expositions si délicates, le sens critique qui préside aux comparaisons et surtout la netteté de description qui font de ce compendium un ouvrage précieux et indispensable, permettant plus que tout autre de saisir les éléments de la physiologie humaine, en quelque sorte, à l’état naissant. PIERRE BONNIER. sx AY + a N \\! NL ÉBRE \\ Na. Nr WW 467 = D Me Ÿ À LUS F2 1 NF "0 AE = ) you LS - TR & S a > — NE La Q » = D à =, = ; TW y Lille Imp.L.Danel, PLANCHE vil Bulletin scientifique, TOME xx. Glyplographie Silvestre et C\e, Paris. l'ellissier pinxit. Bulletin scientifique, TOME xx. PLANCHE vil ) l'ellissier pinxit. Glyplographie Silvestre et C\<, Paris. , ALSMENT AO | | AA LA : ACT RE | il POI "4 PUR Bulletin scienmtilique. Tome ZZXNI. Planche [X. b Clyplographie Silpestre & C* Parts Bulletin scrermdilique, Tome ZZXIII. Glyptographie Silewstrr 4 C!, Püris \# Bulletin sciemtilique, Tome XZUL. Planche XI Glyptographie Silvstre & C' Paris: Le X Bulletin scient ilique, Tome ZA. Plonehe NE g$ sdæs fra \ 1 £ Cyptographie Siloestre & C“ Paris Bulletin scientifique, TOME xXXuI. PLANCHE x RP LE Cor LS KL V H. Michel del,et pinx. Glyplographie Silvestre et C\°, Paris } ! qe , Du AT _ à Et T Planche XI\ Bulletin sciendilique, Tome XXII. GN Parts Cyptographie Stlvestre &C Paul Pr Paul Priscureer dl Planche XV. Clyptographie Stlustre & C"* Paris Bulletin scéendilique. Tome XXII. Planche XVI. AN ATEN MERS Nr , F + à onne (Faculté des Sciences), " XIV rt en nn nee à AR Ste US — » XV RTS DES ELA M NET C7 D SAR NN Sa _ D NV SSSR A ent à A L'oE D — », OX NER 25 "1980 ASSET (Quelques volumes). 20 fr. » XVNE: 1882440 ne un Id. . — TROISIÈME SÉRIE, Dirigée par ALFRED GIARD. Tome XIX 2 ABS NE HAN AU On INeS 30 fr >» XX PE. à 2 à EE RE (CN PAG QE LRO EN A — »> XXI — 1890 {avec la Table des trois premières séries. TOME LR XT jure nee 0 RES LR EEE — OUATRIÈME SÉRIE, Dirigée par ALFRED GIARD. Tome: XXIE, 12 1800. LR RE CAN RERO ARR 30 fr. > XXI AS ENT TR. NON Re — Lille lmp. 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