puis CE + Re ss 0 Ra 2: “ivre RES Fa TE SR = ÿo (AI be À ÿ * one * BULLETIN SCIENTIFIQUE DE LA FRANCE ET DE LA BELGIQUE. — fr — TOME XXXVII. ixième Série. — Sixième Volume. 19075: AIT LR PREUE à La Ur AE” k D s | AE . BULLETIN SCIENTIFIQUE DE LA FRANCE EE DE MN BELGIQUE PUBLIÉ PAR NArerep. Gi RD, MEMBRE DE L'INSTITUT ; PROFESSEUR A LA SORBONNE (FACULTÉ DES SCIENCES). PARIS, LABORATOIRE D'ÉVOLUTION DES ÊTRES ORGANISES, 3, RUE D'ULM. 1903 ce ce EE IPN TEL "à &: 1# « Ù L' LEE « ANA pi nm PTE ep, PR V A) b5 LEA (0 ER tà VAS LUN an 4 4 CE X A {4) A x # d rl} T4 } % ) L = f 77 ZIK 2 AIN TABLE CAUSARD (M.) — Recherches sur la respiration branchiale chez les Myriapodes diplopodes (Planche XI... 428 COUTAGNE (G.) — Recherches expérimentales sur l'Héré- dité chez les Vers à soie (7 fig. dans le texte et Planches LE DANTEC (F.) — Le mouvement rétrograde en biologie. 428 LOISEL (G.) — La précocité et la périodicité sexuelles chez LOU RER ARR ER QE LR ERNST DEEE TR 480 PÉREZ (C.) — Contribution à l'étude des Métamorphoses (30 fig. dans le texte et Planches X à XII) ................... 195 AR ER ee UT à D ee ce à 426 RABAUD (E.) — Fragments de Tératologie générale ÉÜmoen de parles Similaires. 7... 436 Le Tome XXXVII du Bulletin Scientifique est sorti des presses le 3 Janvier 1903 Red ER % CUS M e ONE de ERRATA DU TOME XXXVII P. 437, ligne 6, au lieu de : interprétation erronnée, un processus, lire : interprétation erronnée d'un processus. P. 439, 2 alinéa, ligne 3, au lieu de: embryons résuinés, lire: embryons 'ÉUNIS. ligne 7, au lieu de griffe, lire : greffe. P. 441, ligne 3, au lieu de : entre un jour, lire : entre en jeu. ligne 7, au lieu de: fusion de leurs organes, lire: fusion de deux organes. ligne 9, au lieu de : ox est bien un arrét, lire : en est bien un arrét. ligne 10, au lieu de : succès de développement, lire : excès de dévelop- pement. P. 445, ligne 8, au lieu de : xe présente pas des traces, lire : ne présente que des traces. P. 447, 3° alinéa, ligne 3, au lieu de: éléments entourés, lire : éléments cutanés. P. 449. 4° alinéa. lignes 2 et 3. au lieu de: le développement massif n ‘est 9 pas, lire : le développement massif n'est que. P. 451, ligne 1, au lieu de : développement moins vrar, lire : développement massif vrai. 3° alinéa, ligne 4. au lieu de : wn hile causé, Lire : un hile creusé. P. 453, 3° alinéa, ligne 2, au lieu de : deux orqanes nullement indépendants. lire : deux organes réellement indépendants. 4° alinéa, ligne 3, au lieu de : Danste. lire : Dareste. P. 455, ligne 8, au lieu de : fentadymes, Lire : téralodymes. 4 alinéa, ligne 5, au lieu de : confrère, lire : congénère. P. 457, ligne 4, au lieu de : #ance, lire : lance. 2e alinéa, ligne 6, au lieu de : quoique au contact, lire : presque au contact. PRE tt 38 6 + \ 1 UE UT RE CE PAU TES A AN PORT NRA ES PE fe CE, DL AUL a Ê TUE TRE AS AA CN MH rer 4, à LAON Ê RER AR RE à " " re sp S + . , PPT ( U ù de | 4 Xi) à mn + "x DAT pee RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE GEORGES COUTAGNE. Planches I à IX. CHAPITRE PREMIER NOTATIONS. MÉTHODES ET lPROCEÉDES. Dans la plupart des recherches sur l'hérédité, et en particulier dans celles dont je vais rendre comple, on est dans la nécessité d'étudier comparalivernent un grand nombre d'individus de plusieurs générations successsives et de parentès réciproques exactement définies. Il importe donc essentiellement d’organiser les expériences, et d'établir les catalogues ou registres généalo-, giques destinés à l’enrégistrement des menus faits constatés pendant le cours de ces expériences, de manière à éviter toutes les confusions ou complications qui risqueraient de rendre difficile, ou même impossible, la mise en évidence des faits généraux, ou lois, qui doivent être la conclusion synthétique de ce genre de recherches. Celle obligation de notations claires el précises, et de méthodes sinples quoique rigoureuses, est d'autant plus grande que le nombre des sujets étudiés est lui-même plus grand, et que le nombre des généralions successives auxquelles ils appartiennent est lui-même plus élevé. 2 GEORGES COUTAGNE. L'importance du choix des notalions et des méthodes étant dès lors bien justifiée, je consacrerai ce premier chapitre à l'exposé des méthodes que J'ai suivies, depuis 1888, pour cataloguer et comparer entre eux, à différents points de vue, un très grand nombre, quelques dizaines de mille, de vers à soie appartenant à onze géné- rations successives issues les unes des autres. Chaque année mes études ont portés sur différents lots de vers à soie, un lot élant un groupe d'individus eleves à part, tous Les individus d'un même lot étant Soumis aux inêmes influences de inilieu, et tout melange avec les lots voisins étant soigneusement évilé. Le plus souvent chaque lot était constitué par les différents sujets, tous frères el sœurs, issus d’une même ponte de l’année précédente. D'autrefois un lot était simplement un groupe d'individus contemporains, provenant d’une levée de jeunes vers, au moment de l’éclosion, sur les graines d’une race ou d'une variété particulière que je me proposais d'étudier. Les soins à prendre pour éviter loul mélange d’un lot avec les” lots voisins sont très minutieux, et commencent dès la ponte des graines qui formeront les lots de l’année suivante. Cerlaines races ont des œufs non adhérents ; si les cellules sont mal fermées ou à mailles trop larges (cellules en tarlalane), où à trous trop grands (cellules en papier percé), quelques œufs peuvent s'échapper d'une cellule et tomber sur un lot de graines d’une autre provenance qu’on aurait eu l’imprudence de placer au dessous. Même dans les races à œufs adhérents, il y a parfois dans quelques pontes des graines non adhérentes, et le même accident est à éviler. Lorsqu'on détache par le lavage à l’eau les œufs d’une cellule, il peut arriver qu'un œuf, rendu adhérent par l'humidité, reste fixé aux doigts ou à la main, et passe de celle-ci au robinet, d’où la main pourra de nouveau le détacher quelque temps après, au moment du lavage des graines d’un autre lot. Lorsque des graines sont entreposées el maniées sur une feuille de papier, un pli de celle-ci, en se détendant brusquement peut lancer une ou plusieurs graines au loin, c'est-à-dire sur un autre lot placé à trop petite distance. Lorsqu'on donne à manger aux très jeunes vers, une feuille de mürier qu'on laisserait involon- tairement tomber, et qui séjournerait quelques secondes sur un groupe de vers, pourrait emporter quelques-uns de ceux-ci, sion reprenait celte feuille sans précaution, pour la donner à celuides autres lots à qui elle était destinée. Bien entendu on ne doit guère L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 3 songer à élever des vers de différents lots sur des claies super- posées (1) ; chaque lot doit être placé sur une claie isolée, et tout ver qu’on voit à terre doit être immédiatement sacrifié, à moins qu'on ait assisté à sa chute, et qu’on soit dès lors sans aucune incertitude au sujet du lot auquel il appartient. La surveillance doit être surtout rigoureuse au moment de la montée, car alors les vers parcourent de grandes distances, et l’un d’eux, tombé à terre, peut très bien che- miner {, 2 ou 3 mètres, rencontrer le pied du support de la claie d'un autre lot, remonter en suivant ce pied, et venir se mêler aux : — 0, 189) ». Ces notations abrégées sont fort commodes ; elles permettent de simplifier beaucoup les registres d'observation. Le centigramme a été adopté comme unité de poids, afin d'éviter le plus possible les décimales. L’indication de la date de l’'observalion, et du nombre de jours écoulés depuis une (1) Sur l'amélioration des races européennes de vers à soie, 1891, p. 9, 6 GEORGES COUTAGNE. époque conventionnelle fixe (celle du décoconnage, par exemple, ou encore en sens inverse celle de l’éclosion), est absolument nécessaire, pour qu’on puisse comparer des cocons d’un âge différent. On sait. en effet, que pendant tout Le temps de la nymphose, par suite de la transpiration et de la respiration de la chrysalide, le poids P diminue progressivement, el par suite le rendement 7 augmente. D’après Dandolo, 100 kilogs de cocons, pesés le jour même de la récolte, et tenus à 22° cenligrades environ, se seraient réduits successivement, el jour par jour, à 99, 1 — 98, 2 — 97, 5 — 97, 0 — 96, 6 — 96, 0 — 95,2 — 94, 3 — 93, 4 — et 92,5; en dix jours ils perdraient donc en moyenne 0,75 pour cent de leur poids (1). J'ai trouvé, de mon côté, en effectuant des pesées individuelles des mêmes cocons, à plusieurs jours d'intervalle, que ces cocons, qui pesaient de 200 à 280 cenltigrammes, perdaient 1 et demi, 2, 3, et même parfois 4 cenli- grammes par jour. Cette variation de poids et très irrégulière selon les individus ; elle semble dépendre de la texture de la coque, de sa porosité, de l’état plus ou moins sec de la chrysalide, sans parler bien entendu des conditions extérieures, très importantes, tempéra- ture, élalt hygrométrique de l’air, aération des cocons, etc. Mais en somme, mes observations ont confirmé les chiffres de Dandolo, et on peut compler qu'ex moyenne les cocons perdent, dans les conditions ou j'opérais moi-même, environ 0,75 pour cent de leur poids par jour. Lorsqu'il s'agit de comparer des cocons d'âge différent, il convient donc de faire subir une correction aux coeffi- cients Pet r. C'est ainsi que la formule, précédemment donnée comme exemple, du mâle 349 de 1889, deviendra, ramenée au divième jour après le décoconnage : mâle 349 (216 — 39 — 18, 0), en supprimant la dale pour indiquer qu'il s'agit de coefficients calculés, et non observés, l'écart des époques étant d'autre part mentionné, pour qu’on puisse juger de l'importance de la correction effectuée. Lorsqu'on veut examiner un grand nombre de cocons au point de vue de la richesse en soie, il importe de ne pas perdre de temps, car du décoconnage à l’éclosion des papillons on ne dispose que () Voir: E. Maillot, 1885, Leçons sur le ver à soie du mürier, page 188. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 7 d'un petit nombre de jours. On peut gagner un temps précieux en se servant, pour déterminer le coefficient 7, au lieu du simple calcul, d'un tableau graphique facile à établir, représentation topogra- phique par courbes de niveau équidistantes (un faisceau de droites) du paraboloïde hyperbolique p — 7 P, le plan des p et P étant horizontal, el l’ordonnée verticale étant 7. Quand on a p et P, r S'oblient par inlerpolation avec une approximation plus que suffisante, et par simple lecture pour ainsi dire, pour une échelle convenablement choisie des p et P: par exemple deux millimètres par centigramme pour les abeisses P, et dix millimètres par centi- gramme pour les ordonnées horizontales p. On peut également se servir de barèmes préalablement calculés au moyen des tableaux graphiques définis ci-dessus: c'est de beaucoup le procédé le plus expéditif, et celui dès lors qui doit être adopté dans le cas de la sélection industrielle des cocons les plus riches en sole. Si les lots doivent être isolés avec soin pendant toute la durée de l'élevage, 1l en est de même, au moment du papillonrage, des cocons que l’on conserve comme reproducteurs. En 1888 je m'étais servi, pour isoler les cocons sélectionnés, de cellules en tarlatane. Mais dés l’année suivante, 1889, j'ai adopté des casiers tels que celui qui est figuré sur la planche page 278, tome I, des Études sur la maladie des vers à soie de Pasteur. Chaque cocon est fixé dans chaque case, sur une des parois, au moyen d’une épingle qui ne pénètre pas, bien entendu, à l'intérieur du cocon. Les papillons peuvent dés lors sorlir aussi commodément que sur les filanes, les cocons étant parfaitement immobilisés, et ils ont tout l’espace nécessaire pour ne pas souffrir de leur emprisonnement ; ils n'abiment point leurs ailes en volelant, tandis que dans les cellule en tarlatanes, tous les papillons ne tardent pas à ressembler beaucoup aux papillons malades ou souffreteux, qu'il convient de ne pas conserver. Chaque case de ces casiers est de forme exactement cubique, et à 8 centi- mètres de côté ; chaque casier a 50 cases. Le fond et le dessus de chacune d’elles est en tarlatane, en sorte que l’aération est parfaite, et qu'on peut surveiller chaque cocon sans ouvrir la case qu'il occupe, jusqu'au moment où le papillon étant éclos, on peut disposer de lui pour la reproduction. Enfin, chaque année, les différentes pontes en cellule obtenues, ou du moins celles de ces pontes dont les parents ont été étudiés 8 GEORGES COUTAGNE. individuellement, et qu'il importe de conserver pour constituer les lots de l’année suivante, reçoivent également des numéros d'ordre, une seule série pour chaque année, quelle que soit l'origine de chaque ponte. Les accouplements des papillons se font dans les cases des casiers dont je viens de parler ; chaque femelle fécondée est placée aussitôt après la fécondation dans une cellule en tarlatane, qui porte le numéro d'ordre de la ponte qu'elle va faire. Le mâle et les deux cocons sont placés dans une autre cellule semblable qui reste épinglée à la première: il y a un intérêt réel, en effet, à conserver les cocons vides comme pièces de conviction à l'appui du registre généalogique, véritable sud book, qu’on est bien obligé d’instituer pour ces modestes insectes, du moment qu'on veut étudier compara- tivement leurs caractères pendant une série plus ou moins longue de générations successives. Pour la détermination des poids P et p définis ci-dessus, je me suis servi, jusqu’en 1895, d’un simple trébuchet sensible au centi- gramme. À partir de 1896, j'ai employé une balance spéciale, sorte de peson très sensible, qui permet d’eflectuer les pesées au centi- gramme près avec une beaucoup plus grande rapidité. Le principe Ÿ de cette balance est Hem le suivant. Soient M et M + m FiG. 1 (fig. 1), les deux poids appliqués aux extré- mités À el B d’un fléau AB de poids y, dont le centre de gravité G est silué au-dessous du centre O de suspension, lui-même placé exactement sur la ligne AB. Dans ce cas l'angle « dont le fléau aura tourné lorsqu'ilse sera mis en équilibre, est défini par la relation: lan my ang & — du? dans laquelle / = OB—=O0A, 74 — peul donc servir à mesurer le poids 7, OG. La langente de angle L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 9 J'ai réalisé pratiquement ces conditions de la manière suivante. Un fléau AB, en acier, porte en B un petit panier en aluminium qui reçoit le cocon ou la coque qu'il s’agit de peser (fig. 2). Une ai- guille en aluminium OR, fixée normale- ment au fléau, se déplace devant un arc gradué UV. Pour la gradualion de cet are, une droite UV”, tan- gente au milieu W de l'arc UV, a été divisée en 100 parties égales, et chacun de ces points de division équidistants a été réuni au centre O de l'arc par des droites, qui ont recoupé l'arc UV en des points de plus en plus serrés à mesure qu'on s'écarte de part et d'autre du milieu W de l'arc, et qui constituent dés lors précisément la gradualion proportionnelle à {ang « qu'il fallait réaliser. L'are UV ainsi divisé ne porte aucun chiffre gravé. En effet pour que les pesées soient rapides el exactes, la sensibilité de la balance doit être telle qu'à w#x centigramme corresponde un déplacement de l'extrémité R de l'aiguille de deux à trois millimètres, lorsqu'on opère du moins dans le voisinage de la position verticale de l'aiguille. Il en résulte que la balance wne fois réglée, par exemple, pour peser comparativement les cocons mâles d'un lot détermine, doit être réglée à nouveau pour peser les cocons femelles de ce même lot, ou même pour peser les cocons mâles de tout autre lot dont le poids moyen P s’écarterait notablement du poids moyen P du premier lot. En d’autres termes, à chaque réglage successif de la balance, il faut inscrire à l'encre, sur lare UV, les chiffres nécessaires, Quant au réglage, voici comment il s'effectue. On détermine au préalable, avec une balance ordinaire, le poids moyen des cocons (ou des coques) que l’on se propose de peser comparalivement. Supposons que ce poids moyen soil 200 centigrammes. On inscrit à l'encre, sur l’are UV, le nombre 200 au point W, puis ceux 210, 220, 230, 240 el 250 à gauche, el ceux 190, 180, 170, 160 el 150 à 10 GEORGES COUTAGNE. droile. Ceci fait, il s'agit d’obliger la balance à se conformer, dans ses mouvements sous l'influence du poids des divers cocons, à cette gradualion préalablement fixée. Deux opérations sont nécessaires à cet effet. 1° On place dans le panier en aluminium, en poids marques, le poids moyen des cocons à peser, soit 200 cenligrammes dans l'exemple choisi ci-dessus. Le fléau prend aussitôt une posilion inclinée quelconque, mais qu'on ramène peu à peu à l'horizontalité (c'est-à-dire à la verticalité de l'aiguille OR) en déplaçant, à la main, un petit écrou taraudé en cuivre sur l'extrémité B, convena- blement filetée, du fléau. Dès lors la balance marquera bien 200 centigrammes lorsqu'on lui donnera à peser un cocon de 200 centigrammes. 2° Si on ajoute alors, ex poids marqués, A0 cenligrammes, dans le panier, qui portera dès lors 240 cenligrammes, l'aiguille OR s'arrêtera, à gauche de l'arc UV,en un point quelconque, par exemple à celui marqué 225. Mais on ramènera l'aiguille en face de la division 240, en déplaçant, à la main, un second petit écrou taraudé en cuivre, placé dans le prolongement de l'aiguille OR, au-dessus du fléau, ce qui a pour effet de déplacer le centre de gravité G du fléau (fig. 1). En effet la formule précédemment donnée pour {g x montre qu'en diminuant d, distance du centre de gravilé G au centre de suspension O, on augmente 4. Aussitôt que l'aiguille OR marque bien 240 lorsque le panier porte 240 cenli- grammes en poids marqués, la balance est réglée pour peser des cocons entre 150 et 250 centigrammes, au centigramme près. On opérerait absolument de même, si on voulait peser des cocons allant de 160 à 260, ou de 170 à 270, et ainsi de suite. Pour les coques, la balance est réglée de la même façon : mais:il faut changer l’'écrou mobile du bras À du fléau, et le remplacer par un autre bien plus léger. L'arc UV est alors gradué pour des poids variant de O0 à 50, ou de 10 à 60, ou de 20 à 70, et ainsi de suite. La balance que je viens de décrire a été établie, sur mes indications, en 4895, par feu Trenta, constructeur d'instruments de précision à Lyon. De nombreux tâtonnements ont été nécessaires avant d'avoir réalisé un outil simple, suffisamment sensible, et suffisamment rapide, c'est-à-dire à oscillations s’éteignant rapidement. Celle balance, dont on voit deux spécimens sur la planche II, est L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 11 construite actuellement par M. L. Collot, à Paris. Elle permet d'effectuer, par heure, de 100 à 150 pesées de cocons, ou de coques, au centigramme près, et cela même entre les mains des simples ouvrières microscopistes dans les ateliers de grainage, c'est-à-dire entre les mains de toute ouvrière déjà quelque peu familiarisée avec le maniement des outils délicats. Aucune descrip- Lion n’en a encore élé publiée, à ma connaissance du moins. Mais je l'ai fait connaitre successivement, depuis 1895, à MM. Bertoglio et Jaume, sériciculleurs à Velleron, à M. Foex, inspecteur général de la sériciculture, à M. Daniel Truphème, sériciculteur à Laragne ; et enfin, trois exemplaires de celte balance ont figuré à l'Exposition universelle de Paris 1900, classe 42. Il est probable que son emploi va se généraliser rapidement, sous l'influence du Syndicat des filateurs et mouliniers de France, qui depuis l’an dernier s'efforce enfin de vulgariser, parmi les graineurs, la méthode de sélection des cocons riches en soie que j'étais seul à préconiser depuis dix ans environ. Mais indépendamment de l'application de ma balance à la sélection industrielle des cocons riches en soie, son emploi peut rendre de grands services dans le cas de recherches purement scientifiques sur l’hérédité des caractères P, p, et >, et c’est à ce litre que j'ai cru devoir en donner une description complète dans le présent lravail. Depuis 1888 jusqu’en 1898 j'ai étudié, à Roussel en Provence, dans les conditions qui viennent d’être définies, un nombre lolal de 487 lots. La plupart de ces lots ont été l’objet de déterminations numériques et de notes couvrant, pour chacun d'eux, de nombreuses pages de mes registres annuels d'observations. Je ne publierai, bien entendu, qu'une très faible partie de cette masse énorme de maté- riaux, dont l’accumulation était cependant nécessaire, les résultats négatifs, c'est-à-dire sansintérêt scientifique, étant malheureusement, dans ce genre de recherches, en beaucoup plus grand nombre que les résultats positifs, et l'inutilité de certaines observations ne devenant manifeste qu'après plusieurs années de marche dans une direction déterminée, qu’en fin de compte on est trop souvent obligé de reconnaître sans issue. Je me bornerai, dans ce chapitre, à donner la définition abrégée de ces 487 lots. Une astérique désignera en outre ceux dont j'aurai l'occasion de reparler plus en détail au cours des chapitres suivants. 12 GEORGES COUTAGNE. Premiere année, 1888. Je n'ai étudié en 1888 que trois lots (1). + Lol À de 1888. — Deux cents cocons de choix (2) de la chambrée Gauthier Joseph, à Galinet. Lol B de 1888. — Deux cents cocons de choix de la chambrée Gauthier Frédéric, à Galinet. Lot C de 1888. — Quelques cocons de choix de la chambrée Négrel Paul, à Roussel. Deuxième année, 1889. J'ai élevé en 1889 huit lots différents. Lot A de 1889. — Cinquante vers élevés cellulairement (par le procédé décrit page 279 du tome If des Études sur les maladies des vers à soie de Pasteur) de la cellule n° 1 de 1888 (femelle de choix B X mâle de choix B). x Lol B de 1889. — Quelques vers, trois cents environ, prélevés à la naissance sur dix pontes non corpusculeuses du lot B de 1888. . Lot C'de 1889. — Cinquante vers élevés cellulairement (comme le lot À de 1889) de la cellule n° 8 de 1888 (femelle 47 À X mâle 9 A) (3). + Lol D de 1SS9. — Le reste de la ponte n° 8 de 1888. + Lot E de 1889. — Cellule n°9 de 1888 (femelle 24 À X mâle 9 A). Lot F de 1889. — Quelques vers, 150 environ, levés sur deux pontes non corpusculeuses du lot C de 1888. 1) Les comptes rendus détaillés des observations et des élevages des trois premieres années, 1888, 1889 et 1890, ont été publiés en 1891, dans les « Rapyorts à la Chambre de Commerce de Lyon sur les travaux du laboratoire d’études de la soie », &. V, pages 1 à 42, sous le titre : « Sur l'amélioration des races européennes de vers à soie ». (2) Par cette expression « de choix » il faut entendre : « choisis bien réguliers, bien durs, non satinés, paraissant riches en soie autant que la vue et le toucher peuvent renseigner ñà cel égard ». Nous reviendrons au Chapitre IT sur ce genre de choix, et nous verrons ce que l'examen au doigt et à l'œil peut donner, ou dissimuler au contraire, comme sélection. (3) IT convient de lire cette parenthèse : femelle n° 47 du lot À de 1888, fécondée par le male n° 9 du lot À de 1888. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 13 Lot G de 1889. — Cinquante vers élevés cellulairement (comme pour les lots À et C de 1889) levés à l’éclosion sur le lot H de 1889. Lot H de 1889. — Cinq grammes de graine, race Jaune Cévennes, adressés par Maillot, directeur de la Station séricicole de Montpellier, sous l'étiquette « lot n° 114 ». Troisième année, 1890. J'ai élevé en 1890, dix-neuf lots, savoir 7 issus des lots de l’année précédente, et 12 de provenances diverses. Lot À de 1890. — Ponte n° 16 de 1889 (fem. 296 E X m. 278 E). Lot B de 1890. — Ponte n° 17 de 1889 (fem. 293 E X m. 278 E). + Lot C de 1890. — Ponte n° 19 de 1889 (fem. 258 E x m. 293 E). x Lot D de 1890. — Ponte n° 20 de 1889 (fem. 350 D X m. 278 E). Lot E de 1890. — Ponte n° 21 de 1889 (fem. 352 D X m. 278 E). x Lot F de 1890. — Ponte n° 22 de 1889 (fem. 321 B X m. 349 D). x Lot G de 1890. — Echantillon de « Jaunes Gros Var », graine adressée obligeamment par M. Berger Germondy, et provenant d’une maison de grainage de Cogolin. x Lot H de 1890. — Echantillon de « Jaunes Gros Var >; mème provenance que le lot précédent. Lot I de 1890. — Echantillon de « Blanc Pays >; même prove- nance que les deux lots précédents. + Lot J de 1890. — Cinq grammes environ de graines de « Jaunes 3asses Alpes », adressés de Paillerols par M. Raïbaud l'Ange. Lot K de 1890. — Treize cellules du lot E de 1889. + Lot L de 1890. — Echantillon de « Blanc Pays », graine adressée par M. Valéry Mayet, de la Stalion séricicole de Montpellier. Les cinq lots suivants sont de la même provenance. Lot M de 1890. — « Italiens croisés avec Pays ». Lot N de 1890. — « Jaunes Cévennes ». x Lot O de 1890. — « Jaunes Var ». Lot P de 1890.— « Italiens ». Lot Q de 1890. — « Jaunes Var ». Lot R de 1890. — Portion de la ponte n° 7 de 1889 (femelle 77 H x mâle 109 H). Lot S de 1890. — Quelques vers prélevés après la première mue sur la chambrée Delaye à Peynier. 14 GEORGES COUTAGNE. Quatrième année, 1891. J'ai élevé en 1891 cinquante lots (1). Lot À de 1891. — Cell. n° 1 de 1890 (fem. 26 S x m. 18 S). Lot B de 1891. — Cell. n° 2 de 1890 (fem. 2 S x m »5S). Lot-Cide 1891. —"Cell:n°-Ade 1890 (em 223$ x m BIS x Lot D de 1891. — Cell. n° 5 de 1890 (fem. 135 L x m. 139 L). Lot E de 1891. — Cell. n° 7 de 1890 (fem. 214 J X m. 246 N). Lot F de 1891. — Cell. n° 8 de 1890 (fem. 324 M X m. 33 M). Lot G de 1891. — Cell. n° 9 de 1890 (fem. 204 H x m. 212 H). Lot H de 1891. — Cell. n° 10 de 1890 (fem. 159 J X im. 226 J). Lot 1 de 1891. — Cell. n° 11 de 1890 (fem. 333 Q x m. 246 N). ). Lot K de 1891. — Cell. n° 43 de 1890 (fem. 196 G x m. 193 G}. x Lot L de 1891. — Cell. n° 14 de 1890 (fem. 345 O X m. 241 J). Lot M de 1891. -— Cell. n° 45 de 1890 (fein. 348 O X m. 64 J). Lois N, 0, P,.:7Y, Z, AA, BP, CC LDD ASIE CEA ont tous été formés chacun par une cellule de 1890, de même que les précédents. Afin d'abrèger, je ne donnerai pas la définition de ces 17 lots, dont aucun, d’ailleurs, n’a eu sa descendance conservée au delà de 1892. Lot EE de 1891. — Cell. n° 33 de 1890 (fem. 44 J X m. 58 J). Lot FF de 1891. — Cell. n° 34 de 1890 (fem. 262 D x m. 301 C). x Lot GG de 1891. — Cell. n° 35 de 1890 (fem. 155 J X m.183 F). Lot HH de 1891. — Cell. n° 37 de 1890 (fem.176F X m. 433 A). Lot IT de 1891. — Cell. n° 38 de 1890 (fem. 109F x m. 309 C). ( ) ENT (fem Lot J de 1891. — Cell. n° 12 de 1890 (fem. 208 H xX m. 346 O ( à Lot JJ de 1891. — Cell. n° 39 de 1890 (fem. 438 A x m. 431 A). Lot KK de 1891. — Cell. n° 40 de 1890 (fem. 179F x m.177F). Lot LL de 1891. — Cell. n° 42 de 1890 (fem.185F x m.177 F). * Lot MM de 1891. — KEchantillon de « Bagdad », graine reçue de M. Raibaud-l'Ange. Lot NN de 1891. — Echantllon de « Sarik-Pila Jaunes >, graines reçues du Laboratoire d’études de la soie de Lyon, et provenant d'un envoi de Tiflis (Caucase). (1) Les comptes rendus détaillés des élevages des années 1891 et 1892 ont été publiés en 1893, dans les « Rapports à la Chambre de commerce de Lyon sur les travaux du laboratoire d'études de la soie », t. VII, pages 1 à 44, sous le titre : « Nouvelles recherches sur l'amélioration des races européennes de vers à soie ». 15 L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. Lot 00 de 1891. — Echantillon de « Sarik-Pila Blancs », même provenance que le lot précédent. Lot PP de 1891. — Echantillon de « Naichachoumi Jaunes », même provenance que le lot précédent. Lot QQ de 1891. — Echantillon de « Neichachoumi Blancs », même provenance que le lot précédent. Lot RR de 1891. — Échantillon de « Roussillon Jaunes », graine reçue de M. Domenach, à l'Ille-sur-Tet. Lot SS de 1891. — Echantillon de « Roussillon Jaunes », graine reçue de M. Michel Formé. Lot TT de 1891. — Échantillon de « Roussillon Jaunes » , graine reçue de M. Canredon, à Estagel. Lot UU de 1891. — Autre échantillon de graine de M. Canredon, sous l’éliquette « croisement de Roussillon Jaune, ou race pyré- néenne ». Lot VV de 1891. — Échantillon de « Roussillon vers ne S », graine reçue de M. de Gonsalvo, à Estagel. Lot WW de 1891.— Echanlillon de « Roussillon vers noirs », graine recue de M. de Gonsalvo. Lot XX de 1891. — Quelques vers, trois cents environ, levés à l'éclosion, sur la graine issue du lot F de 1890. Cinquième année, 1892. J'ai élevé, en 1892, dix-huit lots différents. Lot À de 1892. — Cell. n° 2 de 1891 (fem.159 L x m.146 L). Lot B de 1892. — Cell. n° 3 de 1891 (fem. 160 L x m. 74 M). Lot C de 1892. — Cell. n° 4 de 1891 (fem.155 L x m.145 L). *x Lot D de 1892. — Cell. n° 10 de 1891 (fem. 127 FF X m. 222 GG). *x Lot E de 1892. — Cell. n° 13 de 1891 (fem. 61 D x m. 49 D). Lot F de 1892. — Cell. n° 14 de 1891 ce TOO me 26 0): Lot G de 1892. — Cell. n°18 de 1891 (fem. 64 M X m.142 L). Lot H de 1892. — Cell. n° 23 de 1891 (fem. 180 K x m.196 T). x Lot I de 1892. — Cell. n°24 de 1891 (fem. 169 K X m. 118 FF). x Lot J de 1892. — Cell. n°25 de 1891 (fem.122FF x m.177 K). x Lot K de 1892. — Cell. n° 26 de 1891 (fem. 129 FF X m.144 L). x Lot L de 1892. — Cell. n° 28 de 1891 (fem. 226GG x m.142 L). 16 GEORGES COUTAGNE. Lot M de 1892.— Quelques-uns des vers, 250 environ, éclos sur o cellules du lot D de 1891. x Lot N de 1892. — Quelques-uns des vers, 250 environ, éclos sur » cellules issues de 8 cocons vers noirs du lot MM de 1891, Bagdad à gros cocons blancs. x Lot O de 1892. — Quelques uns des vers, 250 environ, éclos sur 6 cellules du lot MM de 1891, Bagdad vers blancs. Lot P de 1892. — Une cellule du lot VV de 1891. Lot Q de 1892. — Moitié environ des vers d’une autre cellule du lot VV de 1891. + Loi R de 1892. — Quelques vers, 300 environ, levés sur S cellules, 4 du lot RR de 1891 et 4 du lot SS de 1891. Sixième année, 1893. J'ai élevé dix-sept lots en 1893 (1). x Lot À de 1893. — Cell. n° 9 de 1892 (fem. 131 D X m. 123 D). x Lot B de 1893. — Vingt cellules du lot N de 1892. x Lot C de 1893. — Vingt cellules du lot O de 1892. *x Lot D de 1893. — Quelques-uns des vers, 700 environ, éclos sur dix cellules du lot E de 1892. Lot E de 1893. — Cell. n° 5 de 1892 (fem. 178 I X m. 167 I). Lot F de 1893. — Cell. n° 6 de 1892 (fem. 220 I x m. 74 I). x Lot G de 1893. — Cell. n° 10 de 1892 (fem. 161 J X m. 29 K). Lot H de 1893. — Cell. n° 11 de 1892 (fem. 158 J x m. 37 K).. Lot I de 1893. — Cell. n° 15 de 1892 (fem. 152 J X m. 189 I). Lot J de 1893. — Cell. n° 16 de 1892 (fem. 206 I X m. 74 Î). x Lot K de 1893. — Cell. n° 18 de 1892 (fem. 135 D X m. 166 I). Lot I; de 1893. — Cell. n° 19 de 189 (fem. 100 L x m. 213 D. x Lot M de 1893. — Cell. n° 20 de 1892 (fem. 94 L x m. 61 I). Lot N de 1893. — Cell. n° 21 de 1892 (fem. 113 L X m. 86 I). *x Lot O de 1893. — Cell. n° 22 de 1892 (fem. 114 L X m. 4K). Lot:P dc 1893: — Cell. n727de4892fem.. 1:K°x m."861). Lot Q de 1893. — Cell. n° 28 de 1892 (fem. 96 L x m. 213 I). (1) Le compte rendu détaillé des élevages de cette année 1893 a été publié en 1895, dans les CRapports à la Chambre de commerce sur les travaux du Laboratoire d’études de soie », t. VIT, pages 61 à 72, sous le titre : « Sélection des vers à soie pour l'amélioration du rendement en soie des cocons ». L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 17 Septième année, 1894. J'ai élevé, en 1894, trente lots différents. x Lot À de 1894. — Cell. n° 1 de 1893 (fem. 233 L x m. 278 M). x Lot B de 1894. — Cell. n° 2 de 1893 (fem. 66M X m. 276 M). x Lot C de 1894. — Cell. n° 3 de 1893 (fem. 162 K X m. 271 M). x Lot D de 1894. — Cell. n° 4 de 1893 (fem. 74M x m. 275 M). *x Lot E de 1894. — Cell. n° 6 de 1893 (fem. 237 L X m. 63 M). + Lot F de 1894. — Cell. n° 7 de 1893 (fem. 239 L x m. 283 M) x Lot G de 1894. — Cell. n° 10 de 1893 (fem. 293 M X m. 277 M) x Lot H de 1894. — Cell. n° 13 de 1893 (fem. 296 M X m. 177 K) x Lot 1 de 1894. — Cell. n° 14 de 1893 (fem. 70 M X m. 164 K) * Lot J de 1894. — Cell. n° 16 de 1893 (fem. 121 O X m. 273 M). x Lot K de 1894. — Cell. n° 19 de 1893 (fem. 161 K X m. 275 M). *x Lot L de 1894. — Cell. n° 21 de 1893 (fem. 188 Q X m. 63 M). * Lot M de 1894. — Cell. n° 22 de 1893 (fem. 365 G x m. 4K). k Lot N de 1894. — Cell. n° 32 de 1893 (fem. 291 M X m. 211 L). + Lot O de 1894. — Cell. n° 34 de 1893 (fem. 200 Q x m. 346 G). Lot P de 1894. — Un gramme de graines reçues de M. Lambert, de la Stalion séricicole de Montpellier, sous l'étiquette « Bagdad COCONS jaunes ». *x Lot Q de 1894. — Quelques graines de la race « Papillons noirs » de M. Laurent de l'Arbonnet, reçues obligeamment de ce dernier, en même temps que les graines des trois lots suivants : Lot R de 1894. — Échantillon de la race « Arbousset à gran rendement ». Lot S de 1894. — Échantillon de « Gros Var des Maures ». Lot T de 1894. — Échantillon de la race « Arbousset ». Lot U de 1894. — Échantillon de graines reçues de M. Ronchelli, à Milan. Lot V de 1894. — Quelques vers, levés à l’éclosion, sur un mélanges de graines issues des lots G, L el N de 1893. *x Lot X de 1894. — Quelques graines, mille environ, issues de 30 cocons de choix du lot À de 1895. x Lot Y de 1894. — Quelques graines, issues de 100 cocons de choix du lot B de 1893 (Bagdad vers noirs). + Lol Z de 1894. — Quelques graines issues de 150 cocons de choix du lot C de 1893 (Bagdad vers blancs). 18 GEORGES COUTAGNE. Lot AA de 1894. — Echantillon de race « Jaune des Alpes » adressé par la Station séricicole de Manosque. x Lot BB de 1894. — Echantillon de race « Blanc des Alpes », même provenance que le lot précédent. x Lot CC de 1894. — Quelques centaines de vers issus de 40 cocons de choix du lot D de 1893 (Blanc pays). Lot DD de 1894. — Quelques grammes de graines de race « Jaune Défends », issues des lots E, F, H, I et J de 1893. Lot EE de 1894. — Une ponte à œufs adhérents du lot C de 1893 (Bagdad vers blancs), la seule observée présentant ce caractère, sur plusieurs milliers. Lot FF de 1894. — Lot de cocons, non élevés sous mes yeux, reçus de Vinezac (Ardèche). Lot GG de 1894.— Lot de cocons : petit groupe de 83 cocons, les plus précoces, sur une chambrée de demi-once de race « Var des maures » de M. Laurent de l’Arbonnet, chambrée élevée à Roussel. Lot HH de 1894. — Lot de cocons: échantillon moyen de la chambrée Magnan, à Puyloubier, 37 kilos race Jaune Défends. x Lot IT de 1894. — Lot de cocons : une filane d’un lot n° 46 de MM. Bertoglio et Jaume, à Sommières (Gard), 180 cocons. x Lot JJ de 1894. — Lot de cocons: une filane d’un lot n° 55 de MM. Bertoglio et Jaume, à Sommières (Gard), 172 cocons. Huitième année, 1895. J'ai élevé, en 1895, trente et un lots différents. Lot À de 1895. — Cell. n° 26 de 1894 (fem. 150 D X m.143 Lot B de 1895.— Cell. n° 43 de 1894 (fem. 153 D X m.154 « Lot C de 1895. — Cell. n° 45 de 1894 (fem. 97 J x m. 94 Lot D de 1895. — Cell. n°50 de 1894 (fem. 87 J x m.100 Lot E de 1895. — Cell. n°51 de 1894 (fem. 89 J X m. 114 x Lot F de 1895. — Cell. n° 56 de 1894 (fem. 148 D X m. 96 + Lot G de 1895. — Cell. n° 61 de 1894 (fem. 135 M X m.114 ô Lot H de 1895. — Cell. n° 18 de 1894 (fem.175 K x m. 191 AA). Lot I de 1895. — Cell. n° 32 de 1894 (fem. 173 K X m. 183 AA). Lot J de 1895. — Cell. n°33 de 1894 (fem.157 D X m.186 AA). Lot K de 1895.— Cell.n° 3de1894 (fem. 8FFxm. 3 FF). x Lot L de 1895. — Cell. n° 7 de 1894 (fem. 59 JJ x m. 45 Il). K- _ CCM ENS Se D) D) J) Ë L ) J) ) L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 19 x Lot M de 1895. — Cell. n° 9de1894 (fem. 74 JJ x m. 43 TI. Lot N de 1895. — Cell. n°13 de 1894 (fem. 26 GG x m. 18 GG). x Lot O de 1895.— Cellule n° 15 de 1894 (femelle BB X mâle Q). Lot P de 1895.— Quelques graines issues de 50 jolis cocons de choix du lot X de 1894. x Lot Q de 1895. — Quelques graines issues de 15 cellules du lot Y de 1894 (Bagdad vers noirs). x Lot R de 1895. — Quelques graines issues de 10 cellules du lot Z de 1894 (Bagdad vers blancs). x Lot S de 1895. — Quelques graines issues de 10 cellules du lot Q de 1894 (Papillons noirs). x Lot T de 1895. — Quelques graines issues de 40 cocons de choix du lot CC de 1894 (Blanc pays). + Lot U de 1895. — Quelques graines issues de 9 cellules du lot BB de 1894 (Blanc des Alpes). Lot V de 1895. — La plus jolie des 9 pontes de 20 cocons de choix du lot EE de 1894. Lot X de 1895. — Quelques vers levés sur deux pontes issues de 4 cocons de couleur jaune ordinaire du lot P de 1894. Lot Y de 1895. — Quelques vers, trois cents environ, levés sur deux pontes issues des cocons jaunes citron du lot P de 1894. Let Z de 1895. — Quelques vers, trois cents environ, levés sur 3 pontes issues des cocons blanc pur du lot P de 1894. x Lot AA de 1895. — Un gramme de graines du croisement femelle Shangaï blanc X mâle Jaune Var, graines reçues de M. Théodore Frizzoni, de Bergame. *x Lot BB de 1895. — Un gramme de graines du croisement femelle Jaune Var X mâle Schangaï blanc, graines reçues de M. Th. Frizzoni de Bergame. Lot CC de 1895. — Un gramme de graines reçues de M. Sylvain Moyroud, de Buis-les-Baronnies, sous l’éliquelte « Blanc Séon ». * Lot DD de 1895. — Une jolie cellule du lot Z de 1894. Lot EE de 1895. — Quelques vers, six cents environ, du grainage sur toile de quelques jolis cocons du lot S de 1894. * Lol FF de 1895. — La plus jolie des pontes issues du lot Y de 1894. 1Ù Lot AA de 1896. — Cellule n° 1 de 1895 (femelle L x mâle T) Lol AB de 1896. — Cellule n° 2de 1895 (femelle U x mâle L). Lot AC de 1896. — Cellule n° 3 de 1895 (femelle U X mâle L) Lot AD de 1896. — Cellule n° 4 de 1895 (femelle U X mâle L) Lot AE de 1896. — Cellule n° 6 de 1895 (femelle S” X màäle Q) x Lot AF de 1896. — Cellule n° 7 de 1895 (femelle Q x màle S’) x Lot AG de 1896. — Cellule n° 8 de 1895 (femelle U x mâle L) + Lot AH de 1896. — Cellule n° 9 de 1895 (fem. 07” x m. O0”). x Lot AT de 1896. — Cellule n° 10 de 1895 (fem. 07” x mâle 0”). x Lot AJ de 1896. — Cellule n°11 de 1895 (femelle Q x m. S”). + Lot AK de 1896. — Cellule n°12 de 1895 (femelle Q x mâle L). + Lol AL de 1896. — Cellule n°15 de 1895 (fem. ee X'n-0 26), x Lot AM de 1896. — Cellule n°16 de 1895 (fem. 077” x mâle S”) Lot AN de 1896. — Cellule n° 17 de 1895 (fem. 07” X m. S”). * Lot AO de 1896. — Cellule n° 21 de 1895 ae S” x mâle S”). Lol AP de 1896. — Une des 4 cellules des cocons jaune citrin GEORGES COUTAGNE. Neuvieme année, 1896. J'ai élevé, en 1896, cent dix-sept lots différents. du lot CC de 1895, la seule qui ne soit pas corpusculeuse. # à La LOI _ À Lot Lol Lot AU def AV de 1 Lot : Lot Lot Lot blancs). + Lot AZ de 1896. — Quatre cellules du lot vers noirs). À Lot BA de 1896. — Cell. Lot BB de 1896. — Cell. Lot BC de 18906. — Cell. + Lol BD de 1896. — Cell. x Lol BE de 1896. — Cell. de 18906. — Cell. Lot BG de 1896. — Cell. Lot 5F n° 13 de 1895 (fem. n° 14 de 1895 (fem. n° 18 de 1895 (fem. : n° 20 de 1895 (fem. 2 n° 22 de 1 1895 (fem. n° 23 de 1895 (fem. n°25 de 1895 (fem. AQ de 1896. — Huit cellules du lot P de 1895. AR de 1896. — Sept cellules du lot O de 1895, section O”. AS de 1896. — Huit cellules du lot O de 1895, section 07. AT de 1896. — Sept cellules du lot O de 1895, section 077. 1896. — Six cellules du lot O de 1895, section 077. 1896. — Six cellules du lot S de 1895, section S”. AX de 1896. — Six cellules du lot $ AY de 1896. — Cinq cellules du lot R de 1895 Rasta vers S de 1895, section S7 Q de 1895 (Bagdag ) M X m. Lx m: 65 M x m. AC CM: 10 G X m. 26 7e A À > QE LT 41 Al) 349 366 I 208 M 169 G). ee M). . 10 >< mr NE): Ja M). ) ) M). M) L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 21 Lol BH de 1896. — Cell. n° 28 de 1895 (fem. 127 G x m. 208 M). Lot BI de 1896. — Cell. n° 29 de 1895 (fem. . Gxm312 I): Lot BJ de 1896. — Cell. n° 30 de 1895 (fem. 140 G& x m. 204 M + Lot BK de 1896. — Cell. n° 33 de 1895 (fem. 249 M x m. 67 G x Lot BL de 1896. — Cell. n° 34 de 1895 (fem. 267 M x m. 9 G Lot BM de 1896. — Cell. n°35 de 1895 (fem. 270 M X m. 94 G Lot BN de 1896. — Cell. n°36 de 1895 (fem. 271 M x m.185 G Lot BO de 1896. — Cell. n°37 de 1895 (fem. 274 M x m. 162 G Lot BP de 1896. — Cell. n° 39 de 1895 (fem. 381 F x m.377 I Lot BQ de 1896. — Cell. n° 42 de 1895 (fem. 23 G x m.353 1] Lot BR de 1896. — Cell. n° 45 de 1895 (fem. 121 G X m.257 M Lot BS de 1896. — Cell. n° 49 de 1895 (fem. 260 M x m. 96 Lot BT de 1896. — Cell. n° 50 de 1895 (fem.385 F x m. 184 G Lot BU de 1896. -— Cell. n° 52 de 1895 (fem. 394 F x m. 165 G Lot BV de 1896. — Cell. n°53 de 1895 (fem. 161 G x m.271 C + Lot BX de 1896. — Cell. n°57 de 1895 (fem. 259 M x m.164 G Lot BY de 1896. — Cell. n°58 de 1895 (fem. 410 E X m. 83 Lot BZ de 1896. — Cell. n° 59 de 1895 (fem.382 F x m. 88 G). Lot CA de 1896. — Cell. n° 60 de 1895 (fem Lot CB de 1896. — Cell. n°61 de 1895 (fem. 311 C X m. 188 G). Lot CC de 1896. — Cell. n° 67 de 1895 (fem. 404 E x m.308 C). Lot CD de 1896. — Cell. n° 68 de 1895 (fem. 411 E X m.303 C). Lois CE, CF... 02: DAFDE;; DZ Ab 4 “Else EJ de 1896.— Ces 56 lots étaient constitués chacun par une cellule de choix, provenant des différents lots de grainage de MM. Berloglio et Jaume, à Sommières, en 1895. Aucun de ces lols n'a eu sa descendance conservée. + Lot ZA de 1896. — Six cellules du lot AA de 1895. + Lot ZB de 1896. — Six cellules du lot BB de 1895. x Lot ZC de 1896. — KEclosion du 2 mai sur cinq cellules du le! FF de 1895 à œufs adhérents. + Lot ZD de 1896. — Quelques vers, sept cents environ, provenant de six cellules du lot T de 1895 (Blanc Pays). Lot ZE de 1896. — Quelques vers, sept cents environ, provenant de quatre cellules du lot Z de 1895. + Lol ZF de 1896. — Quelques vers, mille environ, levés sur cinq cellules du lot U de 1895 (Blanc des Alpes). Lot ZG de 1896. — Cellule du lot BD de 1896 qui a bivolliné spontanément ; éducation du 16 juillet au 22 août. m. 313 G x m.197 G). 22 x Lot HA de 1897. — Cell. Lot HB de 1897. — Cell. Lot HC de 1897. — Cell. - Lot HD de 1897. — Cell. x Lot HE de 1897. — Cell. - Lot HF de 1897. — Cell. x Lot HG de 1897. — Cell. Lot HH de 1897. — Cell. Lot HT de 1897. — Cell. < Lot HJ de 1897. — Cell. Lot HK de 1897. — Cell. Lot HI de 1897 (CRIE Lot HM de 1897. — Cell. Lol HN de 1897. — Cell. Lot HO de 1897. — Cell. Lot PE 1897 Cell: LotUQ\ de 1897 Cell: Lot HR de 1897. — Cell. Lot HS de 1897.— Cell. n Lot HT de 1897. —=\Cell: Lot HU de 1897. — Cell. Lot HV de 1897. — Cell. Lot HX de 1897. — Cell. Lot HY de 1897. — Cell. Lot HZ de 1897. — Cell. Lot:TA de 1897.—Cell.x Lot IB de 1897. — Cell. Lol IC de 1897. — Cell. Lot 1D de 1897. — Cell. Lot IE de 1897. — Cell. va Br 2 “2 SL + EN _- GEORGES COUTAGNE. Dixième année, 18917. J'ai élevé, en 1897, cent vingt et un lots différents. n° 1 de 1896 (femelle ZF x mâle DO). n° 2 de 1896 (femelle AH X màle AJ). n° 3de 1896 (femelle ZF x mâle AJ). n° 4 de 1896 (femelle ZF x mâle DO). n° 5de 1896 (femelle ZF x mâle DO). n° 6de 1896 (femelle AO x mâle ZF). n° 7 de 1896 (femelle AO X mâle ZF). n° 8 de 1896 (femelle AO x mâle ZF). n° 9 de 1896 (f. 187 BM X m. 138 BX). n°40 de189%6(f 1BD/Xm 1 1BD); n° 11 de 1396 ( n° 12 de 1896 ( n° 13 de 1896 ( n° 14 de 1896 ( n° 15 de 1896 ( n°17 de 1896 n°21 de 1896 n°22 de 1896 ( ) °:23 de 1896 (F. ) n° 2» de 1896 (£. X) n° 26 de 1896 (f. 13 BD X m. He : x). n°27 de 1896 (f.° 12 BD'X m.2401 BP): (E. L) ) (£. ) (E ( ( (£. (L. f. 188 BE X m. 127 BX). ÉIBD me BD) ÉS BD me2108D) f 92BX x m.256 BE). f.244 BE Xm-:207BP); f.225 BE X m.140 BX): 226 BE Cm AA1S BK): f.197 BE X m..269 BE). 180 BL x m. ) ee : LO66 BE X m1 n° 28 de 1896 (f. 15 BD X m.153 B n° 29 de 1896 (f. 18 BD X m. 54 BK). n° 30 de 1896 (f. 245 BF X m. 135 BX). n°31 de 1896 (f. 202 BE X m. 155 BL). n°32 de 1896 (f. 199 BE x m.207 BE). n°33 de 1896 (F. 200 BE x m.26$ BF). n° 34 de 1896 (f. 196 BE X m. 124 BX). n°35 de 1896 (£. 190 BE X m.254 BF). Lots TF,,. AG 112 KA KE". KZ, LA NDP ELLE CAE 1897. — Ces 48 lots ont tous été formés, de même que les précédents et les suivants, par une cellule particulière de 1896. Afin d'abrèger je menlionnerai seulement les deux suivants : x Lot IH de 1897.— Cell.n° 39 de 1896 (f. 179 BL x m. 132 BX). L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 23 x Lol KJ de 1897.— Cell. n° 84 de 1896 (f. 46 BK x m. 146 BL). Lot LD de 1897.— Cell. n° 115 de 1896 (f. 164 BL X m.142 BX). *x Lot LE de 1897. — Cell. n° 119 de 1896 (f. 176 BL X m. 248 BF). Lot LF de 1897. — Cell. n° 122 de 1896 (f. 220 BF x m. 261 BF) Lot LG de 1897.— Cell. n° 124 de 1896 (f. 177 BL X m. 143 BX). Lot LH de 1897. — Cell. n° 125 de 1896 (f. 75 BX x m. 213 BE). Lot LI de 1897. — Cell. n°126 de 189,6 (f. 174 BL x m.271 BF). Lot LJ de 1897.— Cell. n°127 de 1896 (£. 171 BL x m. 64 BK). Lot LK de 1897. — Cell. n° 128 de 1896 (f. 90 BX x m. 130 BX). Lot LL de 1897.— Cell. n° 129 de 1896 (f. 99 BX X m. 266 BF). Lot LM de 1897. — Quelques vers éclos les 25 et 26 avril sur 7 cellules du lot CG de 1896. + Lot LN de 1897. — Vers éclos le 25 avril sur 4 pontes du lot AQ de 1896. Lot LO de 1897. — Vers éclos Le 24 avril sur 6 pontes du lot ZF de 1896 (Blanc des Alpes). + Lol LP de 1897. — Vers éclos le 22 avril sur 5 pontes du lot AY de 1896 (Bagdad vers blancs). + Lot LQ de 1897. — Vers éclos du 22 avril sur 6 pontes du lot AZ, de 1896 (Bagdad vers noirs). Lot LR de 1897. — Vers éclosle 23 avril sur 6 pontes du lot AP de 1896 (cocons jaune citron). + + Lot LS de 1897. — Vers éclos le 22 avril sur 4 pontes du lot ZB de 1896 (Frizzoni cocons jaunes). + Lot LT de 1897. — Vers éclos le 23 avril sur 4 pontes du lot ZC de 1896 (Bagdad vers blancs, œufs adhérents). + Lot LUde 1897. — Vers éclos le 23 avril sur 5 pontes du lot ZD de 1896 (Blanc pays). Lot LV de 1897. — Vers éclos les 20 et 21 avril sur 6 cellules du lot ZE de 1896 (vers blancs lunules foncées, très pelits cocons blancs). *x Lol LX de 1897. — Vers éclos le 23 avril sur 4 cellules du lot AF de 1896, section AF”. + Lot LY de 1897. — Vers éclos le 22 avril sur 5 cellules du lot AF de 1896, section AF°. Lot LZ de 1897. — Vers éclos le 22 avril sur 5 cellules du lot AJ de 1896, section AJ”. 24 GEORGES COUTAGNE. Lot MA de 1897. — Vers éclos le 23 avril sur 5 cellules du lot AJ de 1896, section AJ”. Lot MB de 1897. — Vers éclos le 24 avril sur 2? cellules du lot AL de 1896, section AL. Lot MC de 1897. — Vers éclos le 24 avril sur une cellule du lol AL de 1896, section AL”. Lot MD de 1897. — Vers éclos le 24 avril sur une cellule du lot AL, de 1896, section AL. + Lol ME de 1897. — Vers éclos le 25 avril sur 5 cellules du lot AM de 1896, section AM’. x Lol MF de 1897. — Vers éclos le 24 avril sur 10 cellules du lot AM de 1896, section AM”. x Lol MG de 1897. — Vers éclos le 24 avril sur 10 cellules du lol AM de 1896. seclion AM”. x Lot MH de 1897. — Vers éclos le 23 avril sur 10 cellules du lot AM de 1896, section AM”. Lot MI de 1897. — Vers éclos le 23 avril sur 6 cellules du lot AN de 1896, section AN”* Lot MJ de 1897. — Vers éclos le 23 avril sur 6 cellules du lot AO de 1896. x Lot MK de 1897. — Vers éclos le 23 avrilsur 3 cellules du lot AT de 1896, section AT”. x Lol ML de 1897. — Vers éclos le 33 avril sur 4 cellules du lot AU de 1896, seclion AU. Lot MM de 1897. — Vers éclos le 24 avril sur? cellules du lot AX de 1896. Lots MN, MO, ..…. MR et MT de 1897. — Ces 6 lols ont été constituës chacun par une des cellules issues des cocons de choix d'une chambrée de Jaune Défends élevés en 1896 à Sisteron. Lot MU de 1897.— Eclosion du 33 avril sur 6 cellules du lot ZG de 1896 (bivoltins spontanés). Lot MV de 1897. — Un millier d'œufs environ de graines issues d'une chambrée Peloulier à Puyloubier, en 1896 ; ces graines élatent restées six jours dans l’eau en décembre 1896. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 25 Onzième année, 1898. J'ai élevé, en 1898, soixante-treize lots différents. Lois OA, OB, ...…. ON et 00 de 1897. — Ces 15 lots ont été constitués chacun par une des cellules de choix obtenues en 1896 par les Blanc Sélim croisés entre eux (lots HA, HD et HE de 1897). Lot OP de 1898. — Eclosion du 2 mai sur 16 cellules de choix des Jaune Défends de 1896 croisés entre eux (lots HO, HQ, HT, ID, IH et KJ de 1897). + Lot OQ de 1898. — Eclosion du 4 mai sur 5 cellules du lot LN de 1897. x Lol OR de 1898. — Kclosion du 29 avril sur 8 cellules du lot LQ de 1897 (Bagdad vers noirs). Lot OS de 1898. — Eclosion du 2 mai sur 4 cellules du lot LR de 1897 (cocons jaune citron). | Lot OT de 1898. — KEclosion du 2 mai sur 7 cellules du lot LT de 1897 ( agdad vers blancs à œufs adhérents). Lot OÙ de 1898. — Eclosion du 2? mai sur 6 cellules du lot LU de 1897 (Blanc pays). Lot OV de 1898. — Eclosion du 1° mai sur 2 cellules du lot LX de 1896. Lot OX de 1898. — Eclosion du 2 mai sur 6 cellules du lot LY de 1897. + Lot OY de 1898. — Eclosion du 30 avril sur 8 cellules du lot LP de 1897 (Bagdad vers blancs). Lot OZ de 1898. — Eclosion du 1% mai sur cellules du lot LO de 1897 (Blanc des Alpes). Lot PA de 1898.— Eclosion du 3 mai sur > cellules du croisement: femelle HA x mâle HV de 1897. *x Lots PB, PC, ..…. PX, PY et PZ de 1898. — Ces 24 lots ont élé constitués chacun par une cellule du croisement : femelle HE x mâle LL de 1897 (Blanc Sélim x Jaune Défends). + La Q A, QB, QE, QF et QG de 1898. — Ces 7 lots ont été constitués chacun d’une cellule du croisement : femelle IX x mâle HE de 1897 (Jaune Défends X Blanc Sélim). + Lots QH, QI, QJ el QK de 1898. — Ces 4 lols ont élé conslilués chacun par une cellule de croisement Jaune Défends X Blanc des Alpes, ou inversement. 26 GEORGES COUTAGNE. x Lols QL el QM de 1898. — Ces deux lots ont été constitués chacun par une cellule du croisement Jaune Défends x Petit Blanc Pays. x Lots QN et QO de 1898. — Ces deux lots ont été constitués chacun par une cellule du croisement Jaune Défends x Bagdad. Lot QP de 1898. — Cellule du lot HB de 1897. Lot QQ de 1898. — Eclosion du 5 mai sur 8 cellules du lot ME de 1897. Lot QR de 1898. — Kclosion du 5 mai sur 8 cellules du lot MG de 1897. x Lol QS de 1898. — Eclosion du 4 mai sur 6 cellules du choix du lot LS de 1897 (Frizzoni cocons jaunes). Lot QT de 1898. — Eclosion du 5 mai sur 8 cellules du lot MF de 1897. Lot QU de 1898. — Eclosion du 5 mai sur 8 cellules du lot MA de 1897. Lot QV de 1898. — KEclosion du 6 mai sur 6 cellules du lot MK de 1897. Lot QX de 1898. — KEclosion du 5 mai sur 8 cellules du lot LI de 1897. Le nombre {otal des cocons examinés individuellement, en vue de l'étude des caractères P et p, a été de 4 585, savoir, respectivement pour chaque année de 1888 à 1897 : 55, 354, 446, 246, 220, 465, 200, 420, 1108 et 1 071. L'examen de ces 4 585 cocons représente 9 170 pesées au centigramme près; en outre un grand nombre d’autres pesées ont été effectuées pour l'étude des richesses en soie moyennes de lots, ou d’autres groupes spéciaux de cocons, et pour l'étude des stellaires (voir Chapitre VI). Jusqu’en 1895, la surveillance des lots et toutes les observations, y compris les pesées (au trébuchet ordi- naire) ont été faites par moi seul, sans autre aide que celle des ouvrières qui récollaient la feuille, la donnaient aux vers, et qui procédaient, sous mes yeux, aux délilages, à la mise de la bruyère, aux décoconnages, elec. Depuis 189% j'ai été secondé par M. Pierre Vieil, ancien élève de l'Institut national agronomique, à qui je suis heureux d'exprimer publiquement toute ma reconnaissance pour sa collaboration intelligente et dévouée. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 27 CHAPITRE II. SÉLECTION DES CARACTÈRES INNES. La sélection artificielle est Popération zootechnique (ou horticole) par laquelle l’homme qui élève plusieurs générations successives d'un animal (ou d’un végétal) choisit comme reproducteurs, parmi tous les individus contemporains d’une même génération, ceux-là seuls qui présentent une certaine qualité, c’est-à-dire un certain ensemble favorable de caractères particuliers. La sélection artificielle n’est réalisable que parce que dans la même espèce, dans la même race, et Jusque dans la même famille, les différents individus d’une même génération sont dissemblables. En effet, les differents enfants d'un même couple, Soumis aux mêmes influences extérieures pendant toute leur evolution, pre- sentent pendant le cours et jusqu'à la fin de cette évolution, «des caractères très differents les uns des autres. C’est là un fait général, dont le présent travail fournit de nombreux exemples. Et ces différences pourront être & fortiori plus grandes encore, si les sujets à comparer ont eu leurs ascendants de la génération précé- dente eux-mêmes déjà très différents. Quant au but de la sélection artificielle, il est de provoquer la réapparition de la qualité considérée dans les générations suivantes, aussi élevée que possible, et chez le plus grand nombre possible d'individus. La qualité particulière que nous allons considérer chez les vers à soie, est celle précisément qui constitue la raison même de leur exploitation zootechnique : la richesse en soie des cocons. Comment convient-il de pratiquer la sélection, pour qu'elle soil le plus efficace possible? Quelle est l'amplitude de l'amélioration réalisable ? Quel est le degré de fixité qu'on peut obtenir? Telles sont les différentes questions que je vais examiner dans ce chapitre, relativement à l'amélioration de la richesse soyeuse des Cocons. Indépendamment de l'importance pratique de ce sujet au point de vue des applications à l’industrie séricicole, les expériences que Je vais relater contribueront à l’étude générale de la sélection. On 28 GEORGES COUTAGNE. ne pourrail, assurément, étendre les conclusions relatives à tel caractère particulier, dans telle race particulière, à tous les autres caractères de toutes les autres espêces animales ou végétales. Certains caractères sont très malléables, d’autres le sont fort peu. Mais néanmoins, il est bien évident que toute sélection, naturelle ou artificielle, est régie par des lois générales, que l'examen précis et minutieux d’une sélection particulière peut aider à découvrir. Le caractère « richesse en soie » dont nous allons nous occuper, doit tout d’abord être rigoureusement défini. J’appelle richesse en soie d'un individu, le rapport > du poids p de la coque au poids P du cocon ; et richesse en soie moyenne d’un lot de plusieurs cocons, le rapport du poids total des coques au poids total des cocons. Ce rapport étant variable d’un jour à l’autre, par suite de la respiration et de la transpiration de la chrysalide, il va de soi que toute déter- mination de ce rapport n'aura de valeur que lorsque, en même lemps, on connaîtra avec une certaine exactitude l’âge de la chrysalide, c’est-à-dire le nombre de jours écoulés depuis la montée, ou à écouler encore jusqu'à l’éclosion du papillon, afin que dans toute comparaison avec d’autres individus ou d’autres lots, on puisse éliminer, par des corrections convenables, l'influence de ce facteur accessoire. Il faut éviter de confondre la « richesse en soie > ainsi définie avec le « rendement en grège >». Ce rendement, qui seul intéresse en définitive l'industriel, a bien pour facteur principal la richesse en soie des cocons, mais il dépend aussi d’un grand nombre d'autres facteurs, tels que : la ténacité et l’élasticité de la bave, la proportion de grès, la répartition plus ou moins régulière de la bave sur toute la surface du cocon, et aussi l’habileté de l’ouvrière fileuse, la vitesse de translation du brin filé, la température de la bassine, etc. Il eût été désirable, à certains égards, d'étudier, non pas la richesse en soie du cocon, mais le poids relatif des glandes soyeuses d’un ver mür; cela eût été un caractère simple, tout à fait analogue aux Caractères morphologiques que le naturaliste a l'habitude de considérer. Mais ce caractère ne peut être définit que par une dissection : d’où longueur de témps, impossibilité d'étudier compa- ralivement un grand nombre de sujets, et surtout impossibilité de conserver pour la reproduction les sujets sur lesquels on a opéré. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 29 D'ailleurs, si quelques vers à grosses glandes soyeuses peuvent perdre une notable partie de leur soie en blaze (1), et donner en définitive des cocons à faible richesse en soie, ce fait est excep- lionnel ; et les vers à soie nous offrant la possibilité d'opérer sur de très grands nombres de sujets ou de lots, ces exceptions ne pourront guère fausser les résultats d'ensemble. Pour sélectionner, il n’est pas nécessaire de déterminer numéri- quement la valeur absolue du caractère spécial qu'on a en vue chez tous les individus parmi lesquels il s’agit de choisir. Il suffit de déterminer la valeur relative de ce caractère, et de mettre à part, de sélectionner, les individus chez lesquels ce caractère présente au plus haut degré la qualité recherchée. La pesée individuelle des cocons et des coques donne en loule rigueur la richesse en soie de tous les sujets examinés, et c'est là le procédé que j'ai imaginé, et employé pendant dix années successives, pour obtenir des reproducteurs d'élite, de plus en plus améliorés d'une année à l’autre, comme nous le verrons tout à l'heure. Mais, ce procédé est long et pénible ; ne pourrait-on pas choisir, dans un lot de cocons, plus rapidement que par les pesées individuelles de tous les cocons et de toutes Les coques, un groupe de cocons, sinon les plus riches en soie en toute rigueur, du moins plus riches que la moyenne du lot, en sorte que ce petit groupe de cocons de choix étant seul conservé pour la reproduction, il s’en suivrail une véritable sélection ? Il semble bien, au premier abord, qu'une telle sélection puisse ètre réalisée par le simple examen attentif des cocons, l'œil montrant d’une part la constitution du grain du cocon, et le doigt permeltant, d'autre part, d'apprécier la dureté de la coque. C’est une idée assez répandue parmi les graineurs, qui s’imaginent de bonne foi pouvoir, de la sorte, distinguer, dans un lot de cocons, ceux qui sont les plus riches en soie. Je citerai seulement, comme preuve à l'appui, le témoignage de J. Raulin, qui, dans sa note de juillet 1893 (2), expri- (1) « On voit des vers perdre ainsi de côté et d'autre toute leur soie ou en revêtir des surfaces planes ; ces vers irréguliers sont appelés vers tapissiers ; ils deviennent courts et se chrysalident à nu ou bien périssent..... 2 (NES AN ARE EE ge ver à soie du mürier, p. 87). Sans perdre foute leur soie, il arrive parfois que certains vers en perdent une notable partie, dans leurs travaux préliminaires, (2) Pelation entre les propriétés des cocons, p. 2. 30 GEORGES COUTAGNE. mait l'opinion que, dès 1871, la sélection au point de vue de la richesse en soie füt pratiquée, soit dans ses propres grainages de Pont- Gisquet, de 1871 à 1876, parce qu'il sélectionnait « les cocons d’après leur forme, leur couleur, /4 résistance de la coque », soil dans les grainages des sériciculteurs qui suivirent les préceptes formulés par le Congrès de Montpellier, 1874. Ce Congrès avait recommandé de choisir les cocons destinés au grainage « parmi ceux qui sont les mieux conformés et les plus riches en soie, ces conditions étant des indices de vigueur » ; et Raulin ajoutait à ce propos : « Mais qu'importe la raison d'être de ce conseil? Le bul pratique de la sélection au point de vue de l’industrie élait atteint, si Loutefois l’hérédité joue un rôle dans la richesse en soie des COCONS >». J'avoue que moi-même, au début de mes recherches, en 1888, 1889 et 1890, je partageais également ces illusions. Avant de chercher, avec la balance, les meilleurs sujets d’un lot, je commençais toujours par choisir, au doigt et à l'œil, les meilleurs cocons, croyant faire, par là même, une véritable sélection préliminaire, non seulement au point de vue des qualités du cocon et de la soie, mais aussi, et là était l'erreur, au point de vue de la quantité relative de soie, c’est- à-dire de la richesse soyeuse. Mais j'eus bientôt l’occasion de déterminer comparativement, pour un certain nombre de lots, d’une part la richesse en soie d’un échantillon moyen, trente ou cinquante cocons prélevés au hasard, sans choix, et d’autre part la richesse en soie du groupe de tous les cocons de choix, seuls jugés dignes après un minutieux examen à la vue et au toucher, d’être pesés individuellement, pour la recherche des sujets exceptionnellement soyeux. Je donne ci-joint le tableau de loutes les déterminations de ce genre, que j'eus l’occasion de faire pendant les trois années consécutives 1890, 1891 et 1892. Lorsque les deux coefficients à comparer furent déterminés à plusieurs jours d'intervalle, ce nombre de jours est indiqué entre parenthèses dans la première colonne, et le chiffre de la troisième colonne, a été corrigé, en comptant une perle de 0,75 pour 100 et par jour sur le poids moyen des cocons. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. Be Moyenne } Moyenne générale du lot. des cocons de choix. Différences. Lot À de 1890.. 1520 15 + 0.4 Lim ee. @) 15.2 14.2 2600 — F...... Fo 15.9 14.6 — 1.3 — 22.6 (L) 15.9 15.2 — 0.7 ee oies 15 k 14.6 — 0.7 2H s RARES 14.9 15 SM + 0.4 lala eis ere 14.0 131 — 0.3 ace Te 13.8 14.0 + 0.2 —N "5: do 13.9 13.9 0.0 — Kde1891 (5) 16.5 45.0 — 1.3 Li... (©) 16.3 15% — 1.0 AE Éobe co 5.0 14.3 — 1.3 EPA 1) 15.8 15.2 O6 — GG..... (7 15.3 14.8 — 0.5 — Dde1892 (5) 16.0 15.8 — 0.2 — (Gi :: (0) 151 14.9 — 0.8 SI ESS (2) 16.2 16.6 104 LA A ET) Re (CU 15.5 D Rene. (4) 16.4 15.7 er — 1h .-.-+(0) 16.6 15°2 — 1.4 On voit que dans quatre cas seulement, sur vingt, il est arrivé que la richesse en soie moyenne des cocons de choix a été supérieure à la richesse en soie moyenne du lot. Ce résultat, assez paradoxal au premier abord, est cependant facile à expliquer. Le toucher et la vue renseignent assez exacte- ment sur la régularité et la dureté des coques, caractères dont dépend bien, il est vrai, le rendement en grège, mais nullement sur le poids relatif de ces coques, c’est-à-dire sur la richesse en soie, caractère qui est un facteur bien autrement important de ce même rendement en grège. Un cocon mâle dont la coque pèser: 26 centigrammes, par exemple, mais sera très serrée, très carleuse, suivant l'expression des filateurs, sezblera plus riche en soie, à la vue et au toucher, qu'un autre cocon mâle dont la coque, à tissu moins serré, pèsera au contraire 35 centigrammes et aura par conséquent un tiers de soie de plus, en valeur absolue. Deux cocons, à coque de texture et de poids identiques, pourront avoir des chrysalides de poids très différent, et dans ce cas encore, la main étant inapte à apprécier des différences de poids de quelques centi- grammes, On ne pourra choisir celui des deux cocons qui aura le plus de soie, en valeur relative. € 32 GEORGES COUTAGNE. En 1888, mon lot À a été formé par 58 cocons, minutieusement choisis un à un sur 200 jolis cocons, qui eux-mêmes avaient été choisis avec grand soin sur plusieurs milliers, dans une chambrée de demi-once. Tous ces 58 cocons très durs, très fins, très réguliers, semblaient également bons, également riches en soie: mais la balance mit en évidence des différences considérables, qu’on n’eûl jamais soupçonnées sans son aide ; la richesse en soie variait de 13.9 à 18.4 pour 100 chez les mâles, et de 11.2 à 15.1 pour 100 pour les femelles ! On voit donc bien, par cet autre exemple précis, que s'il est possible de sélectionner, à la vue et au toucher, les cocons qui donneront de faibles déchets en filature, il est impossible de sélectionner, par le simple examen, ceux qui ont une richesse en soie plus forte, c’est-à-dire ceux qui ont été tissés par des vers ayant proportionnellement de plus grosses glandes soyeuses. Le conseil donné par le Congrès de Montpellier en 1874, de choisir les cocons destinés au grainage parmi ceux qui sont le mnieux conformes et les plus riches en Soie, avait surtout pour but, semble-t-il, de blâmer les auteurs qui comme Boissier de Sauvages, le D' Capra, et d’autres encore, recommandent de tirer la semence des cocons faibles dits peaux (1). À cet égard le conseil élait bon, et pouvait être suivi. Mais en ce qui concerne la sélection des plus riches en soie, il en est tout autrement, et le conseil formulé n’a pas été et ne pouvait pas être suivi, faute de l'indication d'un procédé permettant: d'effectuer réellement cette sélection. Les membres du Congrès de Montpellier ont certainement partagé l’erreuc si répandue que je viens de signaler, et ont cru qu'il était possible de choisir, au doigt et à l'œil, les cocons les plus riches en soie. En fait, personne avant 1888, et avant moi, n’a pratiqué, à ma connaissance du moins, cette sélection; et c'est là une remarque très importante. Si, en effet, cette sélection avait été déjà pratiquée depuis de longues années, du fait incontestable que les cocons récollés de nos jours ne donnent pas en filature des rendements en orège sensiblement différents de ceux qu'on obtenait il y a dix ou vingl ans, on pourrait très légitimement conclure que cette sélection est pratiquement inefficace. Mais, au contraire, cette sélection n'ayant jamais été pratiquée, on ne peut rien préjuger de défavorable à son égard, et on peut espérer qre cette nouvelle méthode, qui a (1) Duseigneur, 1875, Wonographie du cocon de soie, 2° édition, p. 16. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 33 été si féconde en heureux résultats dans l'industrie de la betterave sucrière, pourra pareillement rendre les plus grands services en sériciculture. Mais, dira-t-on peut-être, si les cocons les plus riches en soie n’ont jamais été sélectionnés individuellement, les lots de cocons à rendement en grège supérieur ont élé très fréquemment choisis et conservés pour le grainage, à l’exclusion des autres lots inférieurs à ce point de vue. Ce choix des meilleurs lots ne doit-il pas être regardé comme une véritable sélection des cocons les plus riches en soie? Nullement. En effet, de ce qu'un lot donne proportion- nellement plus de grège qu'un autre à la filature, il n’en résulle pas nécessairement que les cocons du premier soient plus riches en soie que ceux du second ; il suffit pour cela que les cocons du premier soient mieux faits, plus réguliers, moins riches en grès ; il suffit, en un mot, qu'ils donnent un moindre déchet à la bassine. Mais supposons même que le premier lot ait réellement ses cocons plus riches en soie que ceux du second, et qu’on s’en soit assuré en pesant les coques et les cocons d’un échantillon moyen, comme le faisait Maillot en 1887 (1) et même Robinet dès 1848 (2). Cette supériorité d'un lot sur un autre, si les deux lots comparés sont de races différentes, et si ces deux lots ont été rigoureusement soumis pendant l'élevage aux mêmes conditions de milieu, indique simplement que la race du permier lot est supérieure à celle du second ; la préférence donnée à la race du premier lot n’est donc pas une sélection ; dira- t-on qu'un éleveur de vaches laitières fait de la sélection, si après avoir étudié le rendement en lait des vaches hollandaises, suisses et bretonnes, il donne la préférence aux hollandaises ? Enfin, si les deux lots comparés sont de même race, et pour préciser, s’ils sont issus d’un même lot de graines, la supériorité du premier sur le second ne peut provenir que de l'influence des conditions particu- lières de l'élevage, température, genres de feuilles distribuées aux vers, nombre des repas, etc. ; garder le premier lot pour la repro- duction, à l'exclusion du second moins riche en soie, n’est pas à proprement parler faire de la sélection ; c’est là un autre procédé d'amélioration que nous étudierons en détail au chapitre suivant ; c’est employer les influences de milieu à modifier les caractères (1) Wouvelles races de vers à soie du muürier, 1889, p. 25. l (2) Wanuel de l'éducateur de vers à soie, 1848, p. 265. 34 GEORGES COUTAGNE. acquis, chose toute différente de la sélection des caractères innés dont nous nous occupons ICI. S'il est impossible d'apprécier, au doigt et à l'œil, la richesse en soie de cocons intacts, l'examen de la fente pratiquée avec un canif sur la coque d'un cocon pourrait-elle donner une idée de l’épaisseur de celle-ci, et par suite de la richesse en soie relative des cocons ainsi fendus et examinés? En ouvrant un grand nombre de cocons pour la déterminaison des coefficients P et p, j'avais remarqué que l'épaisseur de la coque présentait des différences très notables et très facile à saisir à l'œil. Je m'étais donc tout naturellement demandé si l’on ne pourrait pas, au moyen de cetexamen sommaire, sélectionner rapidement les cocons les plus riches en soie. Pour élucider la question, je fis, le 20 juin 1892, l'expérience suivante. Je choisis, dans le lot R de 1892, qui avait fourni 284 cocons, les plus jolis de ces cocons ; il y en eut 94, qui paraissaient tous également riches en soie, à en juger par l'œil et le toucher. Ces 94 cocons pesaient 170 grammes, soit 181 cenligrammes en moyenne. Au moyen de la balance, tarée à 181 centigrammes, je séparai les mâles des femelles ; il y eut 48 mâles (cocons pesant moins de 181 centigrammes), 42 femelles (cocons pesant plus), et 4 de sexe douteux (cocons pesant exatement 181 centigrammes). Tous ces cocons furent ouverts successivement, et séparés, d’après l'aspect de la fente, en cocons jugés à fort rendement, et cocons jugés à faible rendement. Les 4 cocons de sexe douteux avaient été laissés de côté ; trois autres furent aussi éliminés, parce qu’en les ouvrant leurs chrysalides avaient été blessées. Il resta donc 87 cocons, 47 mâles et 40 femelles, qui donnèrent les résultats suivants : Je p ? / 21 màles jugés à fort rendement; :5 grammes les 21 cocons; 547 centig. les 21 coques, soit: | 157 26 | 16,6 47 ER : 26 mâles jugés à fuible rendement ; 38 grammes les 26 cocons ; 593 centig. les 26 coques, soit: | 146 29 AS | 20 femelles jugées à fort rendement ; 43 grammes y les 20 cocons ; 653 centig. les 20 coques, soit: | 215 32 010145,2 40 : RAPRE 3 . 20 femelles jugées à faiblerendement; 42 grammes les 20 cocons ; 557 centig. les 20 coques, soit : | 210 28 | 13,3 L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 39 On peut donc conclure de cet essai qu’il est possible, et même facile, de séparer très rapidement, dans un lot de cocons, d’une part les plus riches, d'autre part, les moins riches en soie. En réservant les premiers pour la production de la graine destinée à perpétuer la race, landis que les seconds produiraient la graine destinée aux sériciculteurs qui vendent à la filature, on arriverait ainsi, par celte sélection en masse, et non pas individuelle, à améliorer progressive- ment, d'année en année, le rendement en soie des cocons. Je me suis rendu compte qu'on peut ouvrir, et examiner de la sorte, 10 cocons à la minute, soit 500 à l'heure, soit 3 à 4 mille dans la journée. Mais la sélection par groupe de sujets doit être vraisemblable- ment très inférieure comme efficacité à la sélection individuelle. D'une part, en effet, si dans un lot de cent cocons, nous sélection- nons les 20 plus riches en soie, le coefficient moyen > de ce groupe s’écarlera moins du coefficient moyen 7 de tout Le lot, que le coeffi- cient 7 du sujet le plus riche en soie de tout le lot; la descendance du groupe des 20 cocons sera donc moins différente de la descen- dance du lot primitif non sélectionné, moins améliorée en un mot, que la descendance du sujet le plus riche en soie. D’autre part, il ne suffit pas de choisir des reproducteurs très riches en soie eux- mêmes, mais il faut encore que ces reproducteurs exceptionnels par rapport à leurs compagnons aient une grande puissance de trans- mission de ces caractères exceptionnels. Deux sujets également riches en soie pourront avoir, l'un une descendance peu ou très peu améliorée par rapport au lot primitif, l’autre une descendance très améliorée ; si ces deux descendances sont mélangées, la richesse en soie du lot hétérogène ainsi formé sera inférieure à celle du lot qu'aurait formé la seule descendance du meilleur des deux sujets considérés. Au surplus, je n’ai pas à examiner ici cette méthode de sélection par groupes, que je n’ai pas expérimentée (1), et qui est certainement moins efficace au point de vue pratique que la sélection individuelle. Comme le disait L. de Vilmorin, il y a plus de quarante ans, à propos de végétaux, « la puissance de transmission des caractères étant le point essentiel à déterminer, on conçoit combien il est (1) C'est au contraire cette méthode que Raulin a pratiquée et étudiée, de 1893 à 1895 (Xelations entre les propriétés des cocons du Bombyx mori, 27 juillet 1893 ; Étude du cocon du Bombyx mori, 12 août 1894; Étude des qualités industrielles du cocon, expé- riences de 1895), 36 GEORGES COUTAGNE. nécessaire de récolter séparément les graines de chaque plante », c'est-à-dire de sélectionner individuellement les sujets exceptionnels et d'élever séparément la descendance de chacun de ces sujets exceptionnels, Et le savant botaniste ajoutait: « Cela m'a amené à posséder un élat-civil et une généalogie parfaitement correcte de toutes mes plantes depuis le commencement de l'expérience. Cette méthode un peu minulieuse, mais qui ne présente aucune difficulté quand une fois on à adopté un mode bien régulier, est la seule qui permette de voir clair dans les faits qui se rapportent à l'hérédité» (1). La PI. sv donne précisément un tableau généalogique qui résume l'expérience de sélection que j'ai réalisée de 1888 à 1897. Chaque étage du tableau correspond à une année. Les lettres dans un carré représentent les lots, et les flèches indiquent les relations de parenté, avec cette convention que les deux flèches aboutissant à chaque lot représentent les deux sujets, celle de gauche la femelle, et celle de droite le mâle, qui ont donné la ponte qui a constitué le lot considéré. Ce tableau doit être complété par celui, que je transeris ci-après, des nombres de lots (pontes isolées) et de cocons, qui ont été conservés ou éliminés chaque année. k ONT ÉTÉ SÉLECTIONNÉS : ANNÉES Es gai Lors lpontes isolées) Cocons et MO El DATES 7 sur 55 AR SO RP T RER 2 SUR Ki — 304 SOUDE rte sctrte D f 80 — 4146 SDL ren EEE Ha N,50 Di — 246 SOS SES RE M te D — 12 KG — 220 LSODE Streets ee G — 14 64 — 469 Re ne 4 — 15 108 — 200 IRD re De D 7T — 1! 105 — 420 A 6 — 2 239 — 1.108 SO re rec CL) 47 sur 210 741 sur 3.914 soit 22 sur 100 soit 21 sur 109 (1) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1856, 2€ semestre, p. 871, note, L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 317 Voici comment doivent èlre compris les nombres du lableau précédent. Considérons par exemple l’année 1890 : sur 7 lots 2ssus des sélections de l'année précédente, 5 seulement ont été conser- vés pour fournir des cocons aux sélections de cocons, indépendan:- ment des autres lots de 1890, non issus des seleclions de 1889, qui ont fourni également des cocons à ces mêmes sélection de 1890 (voir la PI. 1v, année 1890, les lots J, O, et G). Les sélections de cocons ont porté en 1890 sur 446 cocons, c’est-à-dire que cette année-là les coefficients ?, p, et r, ont été déterminés pour 446 cocons, sur lesquels 80 seulement, les plus riches en soie dans chaque lot, ont été conservés pour la reproduction. Ces 80 cocons ont donné un cerlain nombre de cellules (exactement 45, certains mâles ayant élé employés pour féconder successivement plusieurs femelles), dont 38 formérent 38 des 50 Dis de l'année suivante, 1891. Et ainsi de suite, d'année en année. Il ressort du tableau précédent, que la sélection a été, en moyenne, de 21 pour cent sur les cocons, et de 22 pour cent sur les lots. Mais souvent des lots ont été éliminés, non pas à cause de leur richesse soyeuse inférieure, mais à cause de leur mauvaise santé, ou de quelque autre défaut sans rapport avec le caractère « richesse en soie ». Inversement, toutes les cellules obtenues des cocons sélec- tionnés n’ont pas été conservées pour constituer des lots de l’année suivante, et dans cette réduction du nombre des cellules, réduction faite surtout pour éviter l'encombrement, les cellules conservées ont été toujours celles qui dérivaient des sujets les plus riches en soie. Du fait de ces deux sélections complémentaires, j'estime qu'on peut compter que la sélection, au point de vue du caractère « richesse en soie », dans l’ensemble de mes opérations de 1888 à 1897, a été, en moyenne, de 10 pour cent pour les cocons, et de 50 pour cent pour les Lots. Comme autre imperfection de mes expériences, et celle-ci est corrélative d’ailleurs du premier des deux défauts que je viens de signaler, j'indiquerai encore l'obligation où je me suis trouvé d'introduire, à différentes reprises, en 1889, 1890 et 1894 (voir la PI. 1v) du sang nouveau dans ma race à richesse soyeuse améliorée, race que j'ai appelée « Jaune Défends ». En effet, soit à cause de l'insuffisance, comme robusticité, du lot A de 1888, qui m'avait servi de point de départ, et que j'avais pris à peu près au hasard, étant alors sériciculteur novice, et dès lors inexpérimenté, 38 GEORGES GOUTAGNE. soit peut-être à cause de l'imperfection des soins donnés aux vers ou aux graines pendant les premières années, je ne tardai pas à constater dans mes élevages des éclosions imparfaites, de nombreux vers retardataires restant petits (sans que la pébrine y fut pour rien, bien entendu), de la tendance à la grasserie, tous défauts qui risquaient, par leur exaltation sous l'influence de la consanguinité, de compromettre rapidement le succès de mon expérience. Toutefois ces introductions de sang nouveau, non amélioré au point de vue du caractère « richesse en soie », ne semblent pas avoir eu d'influence retardatrice, comme je le montrerai tout à l'heure, en ce qui concerne la rapidité de l'amélioration de la race. Quoi qu'il en soit, d'ailleurs, des imperfections incontestables que présentent mes expériences sur la sélection, au point de vue de la parfaite similitude, d'année en année, des opérations effectuées, il faut bien se résoudre ici à discuter ces expériences telles qu'elles ont été réellement, et non telles qu’il eût été désirable qu’elles fussent. La voie restera du moins facilitée pour d’autres expériences plus rigoureuses, que moi même, ou d’autres, entreprendront peut-être bientôt. Le choix d'une race parfaitement robuste comme point de départ, la collaboration d’un personnel ouvrier complé- tement familiarisé avec les bonnes méthodes d'élevage, et une situation topographique entièrement favorable au maintien facile de la bonne consütulion de la race (1), permettraient d'opérer en consan- guinité rigoureuse pendant plusieurs années, et les résultats qu’on obliendrait de la sorte seraient assurément des plus intéressants au point de vue théorique. Mais mes expériences, tout imparfaites qu'elles soient, n’en sont pas moins déjà, si je ne me lrompe, assez instructives, et les conclusions qu'on en peut déduire, indépen- damment de leur portée pratique comme applications à l'industrie séricicole, ne laissent pas de fournir quelques matériaux utilisables pour la théorie biologique de la sélection. Nous allons donc aborder l'examen de la seconde des trois questions que nous nous sommes posées au début de ce chapitre : quelle est l'amplitude de l’amélioralion réalisable par la sélection individuelle pratiquée comme nous venons de lindiquer ? (1) I serait désirable, par exemple, de réaliser la température opfimum, e’est-a-dire la plus avantageuse à la santé des vers, suns chauffage artificiel : cela n’est pas possible a Rousset-en-Provence, et serait facile au contraire dans la région de l’oranger, c'est-a- dire dans le sud du massif des Maures. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 39 Pour apprécier l'amplitude de l'amélioration réalisée dans mes expériences, je donnerai d’abord le tableau des richesses en soie moyennes de chacun des groupes constitués, chaque année, par les dix cocons les plus riches en soie rencontrés, cinq de chaque sexe, parmi lous les cocons dont les coefficients P, p et r ont ëté indivi- duellement déterminés. La dale exacte de l'éclosion de tous les cocons les plus remarquables ayant élé loujours soigneusement curegistréce dans mes cahiers annuels de notes, il m'a élé facile de ramener toutes mes déterminations de P et 7, p élant d'autre part invariable, par des corrections convenables, à être rigoureusement comparables. J'ai choisi le septième jour avant l'éclosion comme époque moyenne, et j'ai supposé une perte de poids de 0,75 pour cent par Jour, pour le poids P, conformément à ce que j'ai déjà indiqué précédemment. Celle correction a été faite au préalable, dans un tableau auxiliaire que je ne transcrirai pas ici, pour les 12 ou 15 meilleurs cocons de chaque sexe, rencontrés chaque année ; je pus dés lors classer avec équité tous ces cocons, et choisir les cinq réellement les plus riches en soie, que les coefficients P et 7, non corrigés, n'auraient pas mis en évidence sans erreur. Je dois dire également que J'ai éliminé systématiquement, dans ces tableaux, les cocons très riches en soie dont les papillons ont été reconnus, à l’éclosion, impropres à la reproduction. C’est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, que dans le petit tableau de 1895 ne figure pas un cocon vraiment remarquable, le mâle 402 du lot E de 1895, qui aurait du être classé second : (245 — 60 — 24,5 — 6 juillet), soit après correclion : (243 — 60 — 24,6), mais dont est sorti le 14 juillet, d'après mes notes, un « mâle affreux »,qui à été immédiatement réformé, c’est- à-dire sacrifié. Afin de montrer, dans les tableaux ci-après, que l’époque « 1:- septième jour avant l'éclosion » est bien choisie de telle sorte que les corrections soient, comme il convient, les plus peliles possible, et à peu près en égal nombre posilives et négatives, j'ai mis en évidence, entre parenthèses, avec le signe + ou le signe —, Île nombre de jours sur lequel à porté la correction relative à chaque cocon. Le jour de l’éclosion a été également inscrit pour les cent sujets d'élite énumérés dans les dix tableaux relatifs chacur à l'une des années 1888 à 1897. 40 GEORGES COUTAGNE. Première année, 1888. 9 de A (190--3 re ,4 — 11 juil.) éclos 15(—3)[194 —35 —18,0] D8. — (130—23—17,6— — ) — 12(—6)[136 —23 —16,9|] 49 — (165—28—16,9— — ) — 17(—1)[166 —28 —16,8] 97 — (179—30—16,7— — ) — 17(—1)[180 —30 —16,6| 44 — (160—27—16,8— — ) — 16(—2)[162 —27 —16,6] Moyenne des 5 meilleurs mâles : [167,6 — 28,6 — 17,1] 47 de À (192— 29 — 15,1 — 11 juil.) éclos16(—2)[195 —29 —149] 23 — (276—41—148— — ) — 15(—3)[282 —41 —145] 24 — (264—39—14,7— — ) — 17(—1)[266 —39 —14,6] 19 — (241—382—1532— — ) — 16(—2)[245 —32 —130] 22. — (243—32—181— —- ) —- 17(—1)[245 —32 —13,0] Movenne des 35 meilleures femelles : [246,6 — 34,6 — 14,0 >. ? 3 ? Moyenne du groupe des 10 cocons : [207,1 — 31,6 — 15,2] Deuxième année, 1889. 292 de E (199—39— 19, DM 3) [203 —39 —19,2 DB = (003-240 180 6) A) ON 2 NA Ne re Ace ee en ne 217208 0) 349 de D (206—39—18,9— 14 — |} 17(—4)[212 —39 —18,4] 215 de E (209—35—16,8— 29 juin) — 14(+8)(197 —35 —17,7] 21 de B (270— 43— 16,0 — 11 juil.) éclos 18 (+ 0)[270 —43 —16,0| 238 de E (300—44—14,7— 1 — ) — 16 CL 8)[282 —41 —15,6| 230 — (290—41—141— 1 — ) — 13(+6)[277 —41 —149] 293 — (288—41—15,3—10 — ) — 14(—3)[294 —41 —14,9] 296 — (278—42—15,1— 10 — ) — 14(—3)[281 —42 —14,8| Moyenne des 5 meilleures femelles : [281,4 — 42,8 — 15,2 Moyenne du groupe des 10 cocons : [246,2 — 41,1 —- 16,7] L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. Troisième année, 1890. 1835 de F (185 —36— 19,5 — 3 juil.) éclos 16(+ 6)[177 392 de O (1610—33—20,5— 7 — ) — 8(—1)|[162 177 de F (231— 42— 18,2 — 3 or 19 (4-9) [216 193 de G (196 —38—19,4— 5 — ) — 12(+0)[1%6 239 de J (175—34— 19,1 — 6 — ) — 12(—1)[1%6 4! Sy as Lei: = MB OA << + 19;4] 3% 495] Moyenne des 5 meilleurs màles : [185,4 — 36,6 — 19,8] 176 de F (254— 40 — 15,7 — 3 juil.) éclos 18 (4-8) [239 179 — (261—41—153— 3 — ) — 19(49)1246 185 — (258—39—15,1— 3 — ) — 18(+8)[28 298 de C (228—531—15,0— 7 — ) — 14(+7)[216 313 de F (237—36—15,2— 7 — ) — 18(+ 4)[230 LA 216,7] APCE] 16:01 SR 497] 360-156] Moyennes de5 meilleures femelles : [2 34,8—38,0 — 16,1] Moyenne du groupe des 10 cocons : [212,1 — 37,5 — 17,6] Quatrième année. 1891. 142 de L (170 —33— 19,4 — 143 juil.) éclos a 1)[171 145 — (172—33—192— — ) — 18(—2)|1174 173 de K (168—32—19,0— -- )} — ou 1) F6 146 de L (160 —30—18,8— — ) — 17(—3)[163 158 — (160—30—18,8— — ) — 17(—3)[163 105] Sn 1801) 180) 48.9) =S0e 184 39) —18,4] Moyenne des 5 meilleurs màles : [168 129 de FF (197 — 32 — 16,2 — 13 juil.) éclos 22 (+ 2) [194 135 — 200 — 33 — 16,5— — }) — 19(—1)[201 127 — (194—32—16,6— — ) — 19(—1)[1% 180 de K (224—34—151— — ) — 21(+1)[22 159 de FF (215—33—15,4— — ) — 19(—1)[216 — 31,6 — 18,6] So ee 165] 2 'i64] 3 © 416,3] SD NE AS ee Moyenne des 5» meilleures femelles : [203,8 — 32,8 — 16,0] Moyenne du groupe des 10 cocons : [185,9 — 32,2 — 17,3]. 42 GEORGES COUTAGNE. Cinquième année, 1892. re 86 de TI (204— 42 — 20,6 — 20 juin) éclos ne )1197 —42 —21,2 166 — (196—40—20,4— — ) — 2(+4-5)[189 —40 —21,1]| EU =? (fl Ra. O— — ) — 1(+4)[189 —39 —20,6| TA one â1 — 19,9 — 2e JSTOR RE 213 — (20 42—20,3—24— ) — 2(+41)[206 —42 —20,3] Moyenne des 3 meilleurs mâles : [196,4 — 40,8 — 20,8] 1 de K (249 — 41 — 16,5 — 22 juin)éclos 3(+4 4)[242 —41t —16,9] 112 de L (254—42—16,6—23 — ) — 2(42)|250 —42 —16,8| 100 "(268 44246,1 203 =) Moro) Eee) 25 de K (240 — 39 — 16,3 — _ — )— 2(4+3)[2835 —39 —16,6| 44 — (241—39—16,2—22 — ) — 2(+3)[236 —39 —165] Moyenne des 5 meilleures femelles : [245,1 — 41,0 — 16,7] Moyenne du groupe des 10 cocons : [221 — 40,9 — 18,5]. 283 63 — 10de M (228 — 2de K 296 de M (2 364 de G (2 6Sde M _… ( DRE MSG 50 01 pee ( ( Sixiéme année, 1893. 1(—1)[177 —39 —220] 172 — 3621 ,D — 26 — )— 1(—2)[174 —36 —20,8] )— 1(—2)[188 —39 —20,7] 167—35— 21,0 —26 — ) — 1(—2)1169 —35 —20.7] 180 — 37 — 20,6 —25 — ) — 1(—1)[181 —57 —20,4] Moyenne des 5 meilleurs màles : [177,8 —37,2— 21,0] 49 — 18,1 — 25 juin)éclos 2(+40)[228 —412 —18,1] — 45—17,8—23 — ) — 3(4-3)[247 —15 —18,2| 44—17,6—26 — ) — 2(—1)[253 —14 —17,4] — 39 —17,0—27 — ) — 3(—1)[231 —39 —16,8] 39 — 16,9 —25 — ) — 30(—2)[235 —39 —16,6] Moyenne des 5 meilleures femelles : [238,8 — 11,8 — 17,5] Moyenne du groupe des 10 cocons : [208,3 — 59,5 — 18,9] 9Yde J l24de K 143 de 156 de 15ide 110 de M 97 de J 138 de M 149 de D 176 de K L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. Septième année, 1894. (256 — 61 —23,8— 2juil.)éclos 9(+0)[256 OA OS ER ON 90) gs BAIE DA 1 Re es) re6 Hein 0 Re) 00e BA A0 4e ef E)hoos (297 —52— 18,9 — 3 juil.) éclos 10 (+ 0) [273 (318 — 58 —18,2— 2 — ) — 10(+1)[316 (288 — 53 —18,3— 3 — ) -— 10(+0)[288 (314 — 58 — 18,1— 4 — Ge: 9(— 2) [518 (273—50—18,2— 4 — ) — 11(40)[27 Moyenne des 3 meilleures femelles : ie » » meilleurs mâles : [232,2 — 52,2 43 ONE s] SE 00) —54 —21,9] 14 —2,7] 19) OR A) oE) pt 2180) EM 5 18,3) A CA ES € 0 454,2 — 18,4 | Moyenne du groupe des 10 cocons : [263,3 — 53,2 — 20,2] 303 de 308 de ISide G 164 de 94 de 399 de 401 de E 126 de sde F 391de F Moyenne du groupe des 10 cocons : [ 238, Huitieme année, 1895. (210—51—21,3— 5 juil.) éclos 15 (+ 3)[205 (210 — 50 —33,8— 5 — ) — 15(+3)[205 (210 — 49 — 23,3 — 4 — ) — 12(+-1)[208 (216 — 50 — 23,1 — 4 — ) — 12(+1)[214 x (180— 42— 23,3 — 4 — ) — 11(+0)[180 (256—54—21,0— 5 juil.) éclos 14 (+ 2)[252 (270 — 57 — 21,1 — ce ) — 14(4+1)[268 (282 —56 —19,9— 4 — ) — 12(+41)[280 (287—57— 19,9 — 6 — ) — 12(—1)[289 (279 —55—19,7— 6 — ) — 12(—1)[281 Ep os) 0) on Hg ms] 50) 2] ÉS40T 228.3) — 54 21,4] OI) ele 56 -:20,0] 57 197] —55 —19,5] Moyenne des » meilleures femelles : [274,0 — 55,8 — 20,3] de 250.1. 241,8] 44 GEORGES COUTAGNE. Neuvième année, 1896. | he de BX(226—52--25,0— 3juil.) éclos 10 (— 2) [229 2 de BX (200 — 16—33,0— 5 — ) — 9(—3)[201 de EX ES — D0—22,3— 4 — ) — 10(—1)[226 138 de BX (213 — 19—3,0— 5 — ) — 7(—5)|221 254 de BF (207—47—22,8— 7 ) — 6) [215 Moyenne des 5 meilleurs mâles : [219 179 de BL (282— 53 —18,9 — Gjuil.) éclos 9(—4)[291 39 de BK (275 — 51 —18,5-— 4 — ) — 9(—2)[279 102 40BX 5 00105 } 10 (— 2) [330 16 de BK (320 — 58 — 18,1 — 4 — ) — 10(—1)[322 94 de BX (300 — 55 — 18,3— 5 — ) — 9(—3)[306 — 49 D2 — Hi 16 22/91 D) me; | Hs | 47 ES) AS SPP) —»1 D3 — 18,2] — 18,2 60 —18,0] »8 —18,0] Do —17,9] Moyenne des 5 meilleures femelles : [5305 Moyenne du groupe des 10 cocons : [262,0 — 5 Dixième année, 1897. 67 de IH (218 — 54 — 24,7 — 22 juin) éclos 30 (+ 1) [216 15 de IH (194—47 —24,2—18 — ) — 29(+4)[188 100 de ID (180 — 45 — 25, a 23 — ) — 29(—1)[I8I 68 de (188 — 46—24,4—-22 — ) — 29(+0)[188 106 de ID (210 — 50 — 23. s— 23 — ) — 30(+0)[210 125 de ID (252 56— 22,2 — 23 juin) éclos 1 (+ 1)[250 1 Hire Tee euT ee) 29 (+ 5) [257 6 de: IF (277582 00,947 0) he 2 de . (2032 6000 AT AE) fers 8 de IH (24651 —20,7— 17 — ) — 28(44)[239 Moyenne des 3 meilleures femelles : [257 Moyenne du groupe des 10 cocons : [227 D 1e 08) — 52,4 — 230] EE « 29,4 — 18,1 | 04 — 240] AT — SN 45 —2418| 46 —24,1| D0 23,8 | 48,4 — 24,0] 56 —22,4| 57 —22,1| 58 —220| 60 —21,6|] D —2153] 56,4 — 21,9] L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 45 Comme tableau récapitulatif nous aurons : ——————————_—_—_—_—— RICHESSE EN SOIE MOYENNE DES : ANNÉES A FR 10 meilleurs cocons D meilleurs mâles D meilleures femelles Es 5 de chaque sexe a ——— ML ma 17,1 p. 100 14,0 p. 100 15,2 p. 100 | FISTRORPNIEEER 1 GR Ho IGN SN SC 198 — IG TO UE DER En, HE 160 VE ee LATTES PDU CE TREEE (Dee MR ere is SUR | St (902 HORS PAR DAS fan uuEe 20 CNE IAUTA PARA ER EURE POSE PISE RÉODRR TE. oe TRES PMR (TAC SUR ee ne. cr 24,6 — 21,9 — 2) Ve La planche v fournit un résumé synthétique de tous les nombres des lableaux précédents. Les lignes verticales équidistantes repré- sentent les années successives, de 1888 à 1897 ; et sur chacune de ces lignes verticales, les différents cercles ou étoiles plus ou moins élevés, représentent les richesses en soie corrigées des dix meilleurs cocons de chaque année. L’échelle des ordonnées (richesses en soie) est de environ 15 millim. pour une augmentation de w# pour cent de la richesse soyeuse. J'ai réuni par des lignes, d'une part en haut, les éloiles représentatives des cinq meilleurs mâles de chaque année, el d'autre part en bas, les cercles représentalifs des cinq meilleures femelles ; au milieu une ligne pointillée réunit les points représen- lalifs des richesses en soie moyennes. Celle planche mel parfaitement en évidence une amélioration progressive considérable. Les deux retours en arrière qui se sont produils en 1891 et 1896, ont manifestement pour cause le croisement, en 1890 et 1895, de la race améliorée avec des lots non sélectionnés encore (lots J, O et G de 1890: voir la PI. 1v), ou sélectionnés depuis une année seulement (lot M de 1895). Mais il est à remarquer que dans l’un et l’autre de ces deux cas, le croisement avec une race peu ou pas améliorée semble n'avoir eu qu'une influence momen- lanée : dès l’année suivante (1892 et 1897) la richesse en soie reprend 46 GEORGES COUTAGNE. son mouvement ascensionnel, et même se relève brusquement au point qu’elle semblerait avoir dû atteindre, si l'année précédente aucune action retardatrice ne s'était produite. Ce fait est fort intéressant, et on doit le rapprocher d’un autre fait très analogue, que nous aurons à étudier dans le Chapitre V, le mélange homogène, chez tous les sujets croisés de certains croisements, des deux caractères dislincts des parents (ici richesse en soie de tous les sujels croisés intermédiaire entre les deux richesses en soie très différentes des deux races, l’une améliorée, l’autre non améliorée), el l'année suivante, chez les sujets issus du premier croisement, variation désordonnée, c'est-à-dire réapparilion chez cerlains sujels des caractères ancestraux non atlenués (ici réapparilion chez certains sujets que la sélection conserve seuls, de la richesse en soie très améliorée de l’une des deux races ancestrales). Mais poursuivons l'étude de la question que nous nous sommes posée: quelle est l'amplitude de l'amélioration réalisée par la sélection individuelle pratiquée comme elle l’a été dans mes expé- riences ? Les sujets exceptionnels que nous venons de considérer ne sont pas les seuls intéressants, et on doit se demander si {oute la descendance des sujets sélectionnés a été réellement améliorée, et de combien. C'est ce que nous allons rechercher maintenant, en comparant la richesse soycuse moyenre des lots issus de sujets sélectionnés, à la richesse soyeuse moyenne du lot ou des deux lots dont sortaient ces sujets sélectionnés. Assurément des lots élevés à une année d'intervalle ne sont pas rigoureusement comparables ; mais sur un ensemble de dix années conséculives, et avec les précaulions minulieuses que j'ai prises pour que mes élevages soient toujours placés dans des conditions aussi identiques que possible, les influences mésologiques favorables ou défavorables doivent s'équilibrer, et on peut considérer comme parfaitement justifiées les conclusions, en quelque sorte moyennes, que nous induirons de l’ensemble des phénomènes observés. Considérons par exemple le lot G de 1895, qui a présenté, en moyenne : (230 — 41,4 — 18,0 — 2 juillet). Il était issu de la femelle 135 du lot M de 1894, fécondée par le L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 47 mâle 114 du lot J de 1894. Or ces deux lots M et J de 1894 ont présenté en moyenne : M de 1894 (243 — 44 — 18,1 — 29 juin), J de 1894 (269 — 47,1 — 17,5 — 2 juillet). Les éclosions moyennes des papillons ont été, pour G de 1895 le 13 juillet, pour M et J de 1894 le 9 juillet. En ramenant les coeffi- cients au septième jour avant l’éclosion, on a donc: M de 1894 (239 — 44,0 — 18,4), J de 1894 (269 — 47,1 — 17,5). Moyenne : (254 — 45,5 — 17,9, G de 1895 (223 — 41,4 — 18,5). L'amélioration de la richesse en soie a donc été en moyenne, pour le lot G de 1895, de 17,9 à 18,5. Ces calculs, que je viens de faire, très explicitement, pour le lot G de 1895, le tableau suivant les donne, en abrégé, pour ceux de mes lots, de 1889 à 1897, au nombre de {rente-huit, qui étaient issus de sujets sélectionnés individuellement, et qui figurent tous sur le tableau généalogique de la PL 1v. Ado 1e 0 0 109 2# = 190] RAR RSg ASS 149) LE 44] TER Le CPC (A9 —25N ©4129) eee 1RR0 e n Se) RE CRC RE EU) HS RO PnDue (244 — 35 — 143) PRABASOON 0 He 97 Je 155 EL D et E de 1889... (236 — 34,5 — 14,6) de SOL ie (166 — 26 — 15,6) [+ 1,0] B et D de 1889... (233 — 34,5 — 14,8) Hide 19007 Aix (195 — 31 — 15,9) |+ 1,1] 48 GEORGES COUTAGNE. E°de: 1869 ARMES (224— 35112 448) À de 1800 PP (16 "280 AMEL Oct I de TDR e HOT 76) L: de ASE ER AEE (ON RACE M EE 0) Del Code eue HD PES net) HU de ASIE ee (HG TEE PA ES Jet Fde 1890:%1.2: (18000 EME 6) Gérde ASPIRE (164 — 26 :— 15,8) | + 0,2] Code ASODÉEREE TES (189 — 29 — 15,3) Ke TROIS (ra Do 276 7) EE EFet GG de 1891, 164 — 26,5 — 16,1) Die EE RS HUB SE MGOMENOE FFoet: Lide 1891". LT Es ROSE MICA) Kude AS ORNE. (POS Sn MA) ot] GG et L de 1891... (1706 109 16,2) EH PNR (CORRE RMS) ea K'et FF de 18910. HORS rt) Je SUN RES (PIS CE Su A6 8 Eee) FF et K de 1891... HE ES 16:56) JNUE 69 FOMENE. PE LE 7 tete. 1)5 Lret Ki dede 2 COS) Gide 1603 er Lee 0050 1165) ME) D et de dB02 re NIORT ME) Kde ASSURE AR (CODES = AT 0) MO L étT de 1802008 (COS 4 A1) M «de ABOU (200233; = 46,9 0$] L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 49 Del deflonirt. me (201 — 34,5 — 17,1) MOOD CT RSS RE (187 30,7 — 16,4) |— 0,7] O et M de 1893... (200 — 33 — 16,5) RAA OR NE AL 2 (269 — 47,1 — 17,5) [+ 1,0] Get de. 1893:::;::. (193 — 32,3 — 16,7) MAG ISA, NH re (239 — 44 — 18,4) |+.1,7] Iret M de 1893:::::..: (200 — 33,7 — 16,8) RCE RE SC L'RRRRAREe (244 — 42,5 — 17,4) [+ 0,6] Me ER (200 — 33,4 — 16,7) D de 1894... LR RÉDAMR Sr Aa 17,4) [+ 0,7 Mretclede 18992; (294 — 45,5 — 17,9) Le SD met la (223 — 41,4 — 18,5) [+ 0,6] SIN LORS L'ÉRRRERRRETE (269 — 47,1 — 17,5) EUENTODR ART SALAIRE (248 47,4 = 14193) [+ 18] C'ÉNTT LORS LE 0 RPC (269 — 47,1 — 17,5) RO EN Le EPP (249 — 45,9 — 18,4) [+ 0,91] Dretiide MST rs (253 — 44,2 — 17,4) Bride 1S08. een tr (243 — 46,7 — 19,2) [+ 1,8] Jet Alvtde,1894.::1.::. (4 RS CES 7 NME ARDENNE ES (248 — 42,2 — 17,0) [+ 3,3] G. et M de 1895... (235 — 41,8 — 17,7) BEtde/"1800.:%.:7.14, (264 — 44,6 — 16,8) [— 0,9] Get M'de-1895:.:...... (235 — 41,8 — 17,7) 3 LM. | PAM Le: MM RARES (258 — 44,53 — 17,1) |[— 0,6] Net :G'de ASS: NT (235 — 41,8 — 17,7) ERP UB AOOD EE TRR (254 — 45,0 — 17,7) [+ 0,0] 90 GEORGES COUTAGNE. Met G de 180 GE te PL de:1806 RE (248 — 42,6 — 17.1) 106] M et G de 1895... (235 — M,8 — 17,7) BX de 18062050 (88 RG Reg 3L et BX de 1896... (265 — 45,6 — 17,1) He der Ne ON 2H = 58189) 24e 3F de 1896... A NNRES US ra) HO MEME ENS CSA = 006 NEED BL et BX de 1896... (265 — 45,6 — 17,1) HE de den er (243 — 43,9 — 18,0) [+ 0,9] BE et BX de 1896... (273 — 46,6 — 17,0) ID TE SO TR NN Cu er rie Vs: BK et BL de 1896... (268 — 46,6 — 17,3) KJ do A0. eu Ho es) A0) Les 38 opératious des élections qui sont analysées ci-dessus sont assurément assez nombreuses et assez concordantes pour qu'on puisse considérer comme parfaitement établie la loi qu'elles manifestent. L'amélioration de la richesse en soie, mesurée en calculant, pour chacune de ces 38 opérations, la différence entre les richesses en soie des lots améliorés et celle des lots d'où sortaient les sujets sélectionnés, est représentée par des nombres tels que : + 1,4, + 2,0, + 1,2, etc., dont la moyenne générale, en y com- prenant bien entendu les différences négatives, est : + 0,75. Ces différences négatives, au nombre de 7, sont faciles à inter- prêter. Nous verrons, au chapitre suivant, que la richesse en soie peut se modifier sous l'influence des conditions particulières du milieu, par exemple sous l'influence de la température à laquelle les vers sont soumis pendant leurs différentes phases. Quoique je me sois efforcé de réaliser, le plus possible, d'une année à l'autre, pour lous les lots que j'élevais, l'identité complète des conditions de L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 51 milieu, je n'ai pu éviter, par exemple, l'influence de la tempé- rature si variable d’une année à l’autre, et cela d'autant plus que ma magnanerie n'était pas chauffée. Le dernier âge de mes vers a donc coïncidé, suivant les années, tantôt avec une période de jours chauds, tantôt avec une période de jours froids. Il en est résulté que la richesse en soie, dans une même race, el indépen- daminent de toute sélection, a varié d’une année à l’autre, tantôt en plus, tantôt en moins, suivant que les circonstances ont éfé favorables ou défavorables au développement de ce caractère particulier. Voici par exemple les richesses en soie observées chaque année, de 1890 à 1897 pour la race « Pelit blanc pays >» que j'avais reçue cn 1890 de M. Valéry Mayet, alors directeur de la Slalion séricicole de Montpellier, et chez laquelle je ne fis jamais aucune sélection relativement à la richesse en soie. Les coefficients sont corrigés en les ramenant au septième jour avant l’éclosion. En outre, pour chaque année, l'écart de la richesse en soie, en plus où en moins, par rapport à la moyenne vénérale des huil années, a élé calculé et inscrit au regard de chaque lot. Made 1800 (592 2200214528) 00 D de 1891 (185 — 26 — 14,0) + 0,0 E de 1892 (186 — 26 — 13,9) — 0,1 D de 1893 (156 — 19,8 — 12,6) — 1,4 CC de 1894 (185 — 27,4 — 14,8) + 0,8 T de 1895 (483 — 28,4 — 145,5) + 1,5 ZD'de 1806 (P3L — 30,32 194) = 0,9 LU de 1897 (158 — 22,6 — 14,3) + 0.3 Moyenne : 14,0. Nous voyons done qu’en 1890 et 1892, #7ais principalement en 1893 et 1890, les influences générales de milieu ont lé défa- vorables à la richesse en soie, landis qu’en 1894, 1895 et 1897, elles ont été au contraire favorables. Les 38 lots de race « Jaune Défends > que nous venons de considérer ‘ont élé évidemment influencés d'une facon analogue, malgré les soins spéciaux qui leur élaient donnés, et dès lors les différences négatives que les lots 52 GEORGES COUTAGNE. sélectionnés de 1893 et 1896 nous ont présentées se trouvent tout naturellement expliquées. La moyenne générale + 0,75 des différences positives et négatives que donnent les 38 sélections représente l'augmentation moyenne de la richesse en soie, en valeur absolue. Mais il convient de calculer d’une facon plus précise l’amnelio- ralion, c’est-à-dire l'augmentation relative du rapport 7 de pa P. Il ne faut pas confondre le rendement en soie (quantité de soie que tournit un kilog. de cocons) avec la entrée (quantité de cocons nécessaire pour fournir un kilog. de soie). Ces deux coefficients sont exactement l'inverse l’un de l’autre. Dans le cas d’un caractère simple, tel que le poids p de la coque, laugmentalion (ou amélioration) À de ce caractère, lorsqu'il est devenu p”, est donné par la formule : Il en est de mème dans le cas où le caractère considéré est un rapport entre deux caractères simples {ous deux variables. D'une manière générale, qu'il s'agisse du rendement en soie des cocons, du rendement en sucre des belteraves, du rendement en fécule des pommes de lerre, elc., si dans un premier lot, un poids brut P fournit un poids net p de la substance dont on étudie le rendement, , « D) me É Æ 1: , ce rendement 7: est égal à 2 ; et si dans un second lot, amélioré, on à respeclivement P”, pet 7”, l'amélioration À du rendement esl donnée par la formule : { À ds Ppi Re Re ; ° DA PA Re Î Dans cetle dernière expression, À et R° représentent les rentrées Je IRC : ; — et — , inverses der et7”. P 2 Si rous appliquons la formule précédente aux 38 sélections que nous venons de considérer, en groupant les calculs par années L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. D3 successives, et en rapportant tous les résultats au lot imtial À de 1888, nous aurons le tableau suivant : Q 2 lots de 1889: À — 0,131, soit 13,1 ? , AO RTE 217 Ac ISO EN OI" 07 QE SCT DES NI NN ER Eee ANT 180) UE HR Ed 6 AR ISO orme a SE NOR ue SUNRER TT: Men) ee Dee ii DL SO ED sg END Un calcul analogue appliqué aux richesses en soie moyennes des 10 meilleurs co ons de chaque année, et en rapportant également tous les résultats au lot initial À de 1888, nous donnera le tableau suivant : 1889: À — 0,098, soit 9,8‘ 57) ORNE CURE Fate (ASS VE 148 8e Ro Tamer or 1893 — 0,243 — 21,3— RDS 0; 5007 7 39 ge OT USE tn re NE 1 180 NDS NES = Ces deux derniers tableaux sont fort intéressants à comparer. 1ls nous montrent clairement que les mêmes influences n'agissent pas de la même manière sur l’ensemble des lots et sur les sujets exceptionnels de ces lots : les influences mésologiques qui ont été si nuisibles aux quatre lots O, K, M et G de 1893, ne l'ont pas été aux sujets exceptionnels de ces mêmes lots ; et par contre, le croisement avec des sujets non améliorés, qui n'a êté nuisible que momenta- nément (pendant l’année 1896 seulement) aux sujets exceptionnels, l'a été beaucoup plus profondément à l’ensemble des lots, comme en témoigne l’infériorité relative de la moyenne des 5 lots de 1897. Quant au taux annuel de l'amélioration du caractère 7, nous voyons par l’ensemble des calculs qui précédent qu'il paraît être de Dp4 GEORGES COUTAGNE. environ » à 6°), en moyenne, el de 8 à 10°/,, c'est-à-dire notablement supérieur à celle moyenne, pendant les deux ou trois premières années. Rappelons tout de suite qu'il ne faudrait pas généraliser, el -que celte amélioration de 5 à 6 ‘/, par an se rapporte exclusivement aux conditions très spéciales dans lesquelles j'ai opéré: sélection à raison de 10 ‘/, pour les individus, et de 50°}, pour les familles (pontes) issues des individus sélectionnés, celle sélection s'exerçant d'autre part sur un caractère très variable, comme était la richesse en soie du lot A de 1888. La variabilité du caractère sur lequel on fait porter la sélection est en eflet trés essentielle à considérer. Il est bien évident que les caractères très variables, c'est-à-dire à grand écart moyen, seront plus facilement modifiables que les caractères peu variables, c’est- à-dire à écart moyen faible. Et ceci nous amène lout naturellement à rechercher si la sélection à pour effet, indépendamment de son action sur la valeur moyenne du caractère sélectionné, de modifier l'écart moyen et la variabilité de ce caractère. L'écart moyen de 7, el la variabilité de 7, apportde l'écarlinoyen de r à la valeur moyenne de r, Sont donnés pour quatre lots dans le tableau suivant. Les deux premiers lots, À de 1888 et DD de 1895 n'élaient pas sélectionnés ; les deux autres, G de 1895 et BL de IS96 élaient au contraire des lots de race « Jaune Défends » trés améliorés. Les deux sexes doivent, bien entendu, être considérés indépendamment l'un de l'autre. VALEUR ÉCART VARIABILITÉ | MOYENNE DE ? MOYEN DE # DE ? A de 1888 ( 26 femelles)....... 12,8 0,60 451 °, — (C29Mmales):5-.re. 15,8 0,82 D,2 — DD de 1895 (100 femelles)... 14,9 0,53 3,5 = — (100 males t) "2." 18,1 0,88 LS — G de 1895 ( 37 femelles)....... 16,7 0.86 54 — — (OTMMAlES SR) EEE 19,7 1,78 9,0 — BL de 189% ( 92 femelles)....... 17,0 0,64 sy — — (780 Pmâles DORE 19,9 0,90 45 — L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. D) Il ne semble donc pas que la sélection modifie d'une façon appréciable la variabilité : nous montrerons au Chapitre VII toute l'importance de cette observation. Notons aussi, en passant, que la variabilité de 7° est loujours nota- blement plus grande chezles mâles que chez les femelles : le fait est intéressant, et nous montre que les deux sexes constituent des groupes d'individus qui différent entre eux, non seulement par la valeur moyenne de certains caractères, tels que 7, mais aussi par la variabilité de ces mêmes caractères, à peu près comme le feraient deux espèces voisines distinctes. Quelle est la fixité des nouveaux caractères ainsi réalisés par la sélection ? La facilité avec laquelle, dans mes expériences, chaque amélioralion partielle annuellement obtenue a été conservée, avec augmentation nouvelle apportée par la sélection de l’année suivante, peut être considérée comme une preuve de fixité de même ordre que celle de tous lescaractères ordinaires, fixés depuis un (rès grand nombre de générations. D'autre part les sériciculteurs-graineurs à qui j'ai remis en 1894 et 1895 de la graine de différents croisements ayant pour facteur ma race « Jaune Défends », déclarent que la richesse en soie exceptionnelle qu'ils ont constatée dès la première annéc dans ces croisements s'est parfaitement conservée depuis lors, conjointement d’ailleurs avec la tendance à la grasserie qui les rend industriellement inutilhisables. Raulin avait exprimé la crainte que l'amélioration obtenue par ma nouvelle méthode ne persistàt pas, et diminuât peu à peu, d'année en année, par une sorte de relour spontané aux caractères ancestraux. Mais cette hypothèse n’a été appuyée par aucune expérience sérieuse. Le seul fait expéri- mental objecté, que la descendance des sujets sélectionnés avait en moyenne une richesse en soie moindre que celle de ces suiets sélec- tionnés (1), ne prouve absolument rien. Il aurait fallu établir que la richesse en soie de la descendance des sujets sélectionnés n’est pas sensiblement supérieure à celle des lots dans lesquels on a sélec- lionné l'année précédente. Or, d’une part, mes expériences, très nombreuses, et parfaitement concordantes, prouvent nettement le contraire ; et d'autre part, les expériences commencées par Raulin ne pouvaient guère être démonstratives, ni dans un sens, ni dans l’autre, parce qu’au lieu de sélectionner individuellement les sujets (1) Laboratoire d'etudes de la suie, Rapports, etc., tome VIII, p. 23. 56 GEORGES COUTAGNE, exceplionnement riches en soie, il se bornait à sélectionner x groupe de sujels à richesse en soie supérieure à la moyenne: les améliorations réalisées à chaque généralion auraient été si faibles, qu'elles auraient été absolument masquées par les influences de milieu tantôt favorables tantôt défavorables (comme il est arrivé en 1893 et 1896 dans mes propres expériences), ou que, lout au moins, un très grand nombre d'années aurait élé nécessaire pour rendre nettement appréciable les résultats de la sélection. Au surplus. le degré plus où moins grand de fixité des amélio- rations réalisées par la sélection des caractères innés reste encore à étudier, j'en conviens volontiers. I pourra paraître exagéré de le croire analogue, comme je viens d'en exprimer l'opinion, à celui de la fixité des caractères spécifiques ordinaires ; mais cela paraitra sans doute plus vraisemblable après que j'aurai montré, au chapitre suivant, que bien souvent on à cru praliquer la sélection des caracléres innés, alors qu'on ne faisait qu'uiliser lhérédié des caractères acquis, procédé d'amélioralion assurément bien moins officace. CHAPITRE III. HÉRÉDITÉ DES CARACTÈRES ACQUIS. Les différents enfants d'un même couple, soumis aux mêmes influences extérieures pendant toute leur évolution, présentent à l'état adulte des différences très notables ; et par suite de ces diflé- rences innees la sélection artificielle, et aussi bien entendu, la sélection naturelle, peut constituer des races à caractères très différents de ceux de la race primitive. Telle est, en quelques mols, la loi que j'ai appliquée, et par suile confirmée, dans des expériences dont j'ai rendu compte au chapitre précédent. Nous allons considérer maintenant, non plus les caractères innés, mais les caractères acquis, c'est-à-dire les #nodificalions des carac- lères qui ont pour cause les influences exlérieures du milieu pendant l'évolution individuelle des sujets consideres. Quels sont chez les vers à soie, les caractères qui peuvent être de la sorte modifiés? De combien peuvent-ils être modifiés? Comment 1 Qt L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. E les modificalions peuvent-elles être réalisées expérimentalement ? Et enfin, les qualités ainsi acquises sont-elles plus où moins héré- ditaires ? Tels sont les différents points que nous allons examiner successivement. Personne, avant ces dernières années, n’a entrepris d'expériences méthodiques pour l'étude de ces différentes questions. Raulin a bien comparé, en 1891 (1) différents lots de cocons obtenus en 1893 avec les Lots de 1892 dont ils dérivaient: « Ainsi, en général en 1893, les cocons ont été plus pesants, les coques plus pesantes, les cocons plus riches en coques, la perte au décreusage un peu plus grande, et la tenacilé un peu plus faible qu'en 1892 >. Mais aucune compa- raison n'a été faite entre les circonstances extérieures de ces élevages de 1892 et 1893, en sorte qu'aucune conclusion précise n’a pu être tirée de cette étude très sommaire. Tous les praticiens savent depuis fort longtemps que, dans une même race, les différents caractères des cocons, grosseur, poids, proportion des doubles, richesse en soie, ténacité et élasticité de La soie, elc., varient dans de certaines limites, d’une année à l’autre, et même d’une chambrée à une chambrée voisine, une même année, sous l'influence des conditions mêmes de l'élevage, température, humidité de l'air, espacement des vers, nombre el nature des repas, elc. Je m'occuperai plus spécialement, ici encore, de la richesse soyeuse des cocons. Dans quelles limites ce caractère particulier varie-t-1l? Duseigneur, dans son ouvrage Le cocon de soie, a donné la rentrée (qu'il appelle /« rente) de 181 races, sous-races, ou variétés. Il mdique : 1 fois une rentrée de 9 à 10, soit 9,5, NeG et 10 à 41, — 10,5, 11 Es plie 10 à 12, — 11,0, 7) PONT RNT ER 11 à 42, — 415, Me DIE COS RRERT EN 21 SRE [1 à 13, = 42,0, pie + ne LS 12 à 18, — 42,5, DRM EM de 13 44e 1418.0! (1) Etude du cocon du Lombyx mori au point de vue des qualités industrielles de la soie, expériences de 1893, p. 20 (note du 12 août 1894), D0 GEORGES COUTAGNE. 14 fois une rentrée de 13 à 14, soit 13,5, 1 — — 14 , — 14,0; il —— — 13 à 15, — 14,0, 2 — — 131à 46, .="4%5; À — — 14 à 45° = 445; 11 — — 14 à 16, 045,0, pe — — 16 à 18, — 17,0, l — —= 18 à 20, — 19,0, ! — — OA RS, = 0225: D La plus faible rentrée, 9 à 10, est celle de la race « Bione »; la plus forte, 20 à 25, est d’une race à trois mues du Japon (n° 185, p. 61). Pour les races de France, Corse et Algérie non comprises, il indique 24 rentrées dont la moyenne est 12,66. Pour lIlalie, Sicile comprise, il indique 47 rentrées, dont la moyenne est 11,7. Les Étals romains (11 rentrées, moyenne 11,2) sont remarquables par leur richesse en soie très manifestement supé- rieure à celle de toutes les autres provinces de lfalie : nous verrons tout à l'heure à quoi Duseigneur attribue celle supériorité. Enfin, pour l'Espagne et le Portugal réunis, il indique 9 rentrées, dont la moyenne est 11,9. Tous ces chiffres sont fort intéressants, mais ils ne sont pas accom- pagnés des renseignements qu’on désirerait avoir, soit sur l’ampli- tude de variation de la richesse en soie, dans chaque race, soit sur l'influence exacte des facteurs climatériques susceptibles de modifier ce caracère. Toutefois Duseigneur a donné, avec grands détails, les résultats d'une expérience particulière: l’acclimatation en Italie, dans la Brianza, par Frapolli, de la race blanche « Sina >» que Robinet élevait aussi, simultanément à Poiliers. Après treize années, 1818 à 1861, la race « Sina-Frapolli > différait notablement de la race mère « Sina-Robinet ». Quatre caractères avaient été modifiés (1). A. La proportion des cocons doubles avait un peu diminué: 4 à 9 ‘/, au lieu de 5 à 6°/,. (1) Duseigneur, Monographie du vocon de soie, 1'° édition, 1867, pages 68 à 72 2° édition, 1875, pages 42 à 45. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 9 B. Le grain du cocon était devenu plus grossier, el la soie avait dès lors plus de duvet. C. Le poids moyen P des cocons avait beaucoup augmenté. D. Le rendement en soie grège avait été amélioré de 8 pour cenl : rentrée égale à 12, au lieu de 13. Duseigneur attribuait ces modificalions au genre d'élevage que Frapolli pratiquait, en ne chauffant que pendant les premiers âges, et en aérant beaucoup. Il attribuait également la richesse en soie supérieure des cocons des Etats romains à ce que dans cette région les élevages étaient pareillement peu chauffés et très aérés. Dans un travail antérieur (1), après avoir rappelé dans tous ses détails l'expérience de la race « Sina-Frapolli », j’ai proposé l'énoncé suivant pour exprimer la loi de l'influence de la température sur la richesse en soie: « Pour des vers de même race, également bien nourris, avec une même feuille donnée à discrétion. tout ce qui à pour effet de restreindre la durée des deux derniers âges diminue le poids P et le rendement moyen 7. Ou plus brièvement: les longues éducations, peu ou pas chauffées, donnent des cocons plus pesants, et améliorent la richesse en soie ». Les faits dont je pensais formuler la synthèse, par cet énoncé, étaient d’une part les résultats de l'expérience « Sina-Frapolli > rappelée ci-dessus, et d'autre part différentes remarques faite par moi-même, au cours de mes expé- riences, qui m'avaient paru corroborer les idées de Duseigneur, el sur lesquelles je reviendrai un peu plus loin. J'avais en outre esquissé un programme d'expériences à entreprendre pour vérifier la justesse de l'énoncé que je proposais. Ces expériences ont élé tentées, d’une part par moi-même, en 1896 et 1897, et d’autre part, d'une façon bien plus complète, par M. Lambert, à Montpellier, en 1897 et 1898. En 1896, mon lot DO était constitué par une ponte de 627 œufs ; l’éclosion des vers se fit du 1” au 4 mai, et le lot resta en chambre chaude jusqu’au 20 mai. Ce jour-là, la moitié DO du Lot fut portée dans la grande salle non chauffée où tous les autres lots avaient été déjà portés aussitôt après la seconde mue, tandis que l’autre moitié DO” était laissée dans la chambre chaude, à une température de 21° centigrades environ. Les vers de DO” montérent (1) 1895. Xemarques sur l'hérédité des caractères acquis (Laboratoire d’études de la soie, Rapports, etc:, t. VIII, p. 27. 60 GEORGES COUTAGNE. di à la bruyère du 8 au 10 juin, et ceux de DO” du 13 au 16 juin. A parlir de la montée le feu de la chambre chaude ne fut plus entrelenu, el les températures auxquelles les deux lots furent soumis devinrent dès lors à peu près semblables. Les richesses en soie moyennes des deux lots furent prises le premier jour de l'éclosion des papillons, soit le 30 juin (5 papillons éclos) pour DO”, el le 6 juillet (2 papillons éclos) pour DO”. DO” de 1896 (2: 19 — 4 — 90 juin). DO de 1896 (252 — 4 RE tre 2,0 — 16,7 — 6 juillet). Ce résultat, inverse de celui que j'attendais, me surprit beaucoup, et l'expérience fut reprise l’année suivante. En 1897, mon lot LE, cellule n° 119 de 1896, fut traitée comme le lot DO de 1896. L'éclosion des vers, en chambre chaude, eut lieu du 23 au 25 avril. Le 21 mai, au sortir de la troisième mue, la moilié LE du lot fut portée dans la grande salle. Les vers de LE’ (chambre chaude) montérent du 5 au 7 juin, et ceux de LE” du 7 au 10 juin. Les décoconnages furent faits exactement sept jours après le dernier jour de la montée, soit les 14 et 17 juin, et les richesses en soie moyennes furent déterminées le même jour. LE’ de 1897 (247 — i 14 juin). LE” de 1897 (256 — 4: 17,7 — ,0 — 16,4 — 17 juin). Le résultat ne fit donc que confirmer celui de 1896. En 1897, M. F. Lambert (1) soumit quatre lots (2) à des abais- sements de température de 1 à 4 degrés centigrades, pendant le cinquième âge, ou pendant les derniers jours seulement de ce cinquième àge. Les cocons obtenus, comparés à ceux des lots témoins, furent plus lourds de 6 à 7°}, pour un abaissement de 3 à 4 degrès, même lorsque cet abaissement n'avait commencé que la veille ou le jour même de la montée des vers les plus hâlifs. Quant à la richesse en soie, elle ne parut pas sensiblement modifiée. 1) Influence d’une faible diminution de la chaleur pendant les derniers jours de l’éle- vage sur les cocons du ver à soie du mûrier (Annales de l'Ecole nationale d'agriculture de Montpellier, 1899). ) Aucune indication sur l'importance de ces lots n'a été donnée par l’auteur. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 6I En 1898, M. Lambert étendit ses expériences sur 15 lots de diverses races. Les résultats obtenus furent très intéressants. Une diminution de température de 3 à 4 degrés eut encore pour effet d'augmenter le poids moyen P dans des proportions très notables ; dans un cas, même, 3 degrés d’abaissement depuis les derniers jours du cinquième àge, produisirent une augmentation de poids de 18 pour cent. Quant à la richesse en soie, elle semble avoir été tantôt améliorée, tantôt diminuée ; voici en effet les chiffres donnés à cel égard par M. Lambert dans son mémoire. RICHESSE SOYEUSE ANT mr A St — RS —— ABAISSEMENT DE TEMPERATURE DE : VERS VERS . témoins d'expérience SOON HO DUIS EL AMIMUE dede metie sem 0 ce 14,0 14,1 + 07°, 3° depuis les 4° et 5° jours du 5° âge.. 15,9 14,7 — 175 — 6° depuis les derniers jours du 5° âge. 13,8 13,9 + 0,7 — 3° depuis les derniers jours du 5° âge. 14,9 15,3 + 2,6 — 6° depuis la montée des {er vers... . DAT 13,0 + 11,1 — 3° depuis la montée des 1°" vers... ... 15,9 15,9 + 0,0 — Ce qui ferait une amélioralion moyenne de 1,2°/, environ. En outre M. Lambert indique que «les cocons des vers d'expériences sont généralement plus gros, à grain plus fin et, par conséquent, à texture plus serrée, ce qui est conforme à l’opinion exprimée par xeynaud et citée plus haut (1). IS m'ont paru aussi, chez trois lots de sortes indigènes jaunes (deux des Alpes et une de la Corse), de nuance plus claire et plus homogène ». (1) La citation de Reynaud à laquelle M. Lambert fait allusion est relative au rendement en soie grège des cocons. D'après cet auteur la rentrée serait de 18 kilos lorsque le ver est chauffé de manière à filer son cocon le 7€ jour du 5€ âge, et de 11 kilos au contraire lorsque la température est conduite de telle sorte que le ver file son cocon le 92 ou 10° jour du 5° age. Ce meilleur rendement des cocons retardés est attribuable, soit à une plus grande richesse en soie, soit à une texture plus serrée, donnant moins de déchets à la bassine. C’est cette seconde explication que semble admettre M.Lambert ; mais c'est plutôt la première qui correspond au texte de Reynaud : « Des chaleurs considérables pressent encore davantage le ver de filer, et alors on le voit quelquefois faire son cocon dès le septième jour, d’après sa quatrieme mue. Mais ces cocons sont d'ordinaire légers de soie, et de faible qualité. ... » (Des vers à soie et de leur éduvation selon la pratique des Cévennes, 1812, p. 116 ; réimpression de 1824, p. 116 également). 62 GEORGES COUTAGNE. Enfin, pour terminer l’exposé des faits que nous allons avoir à discuter, il me reste à mentionner les quatre observations suivantes que j'ai faites au cours de mes élevages de 1888 à 1898. 1° Le grain des cocons de ma race « Jaune Défends » avait grossi spontanément, c'est-à-dire sans que je me sois occupé le moins du monde de ce caractère particulier lorsque je choisissais chaque année les reproducteurs ; 2° De même aussi, le nombre des cocons doubles m'a paru avoir diminué spontanément ; 3° Chaque année les cocons les plus riches en soie de chaque lot élaient pour la plupart parmi ceux des sujets les plus tardifs de leurs lots respectifs ; 4 La -race « Jaune Défends > à richesse en soie améliorée présentait, Loules choses égales d’ailieurs, une évolution plus lente que celle des autres races non améliorées: l'élevage durait 5 à ä jours de plus. Nous allons maintenant reprendre l’un après l’autre chacun des quatre caractères que Duseigneur avait considérés comme modifiés dans la race « Sina-Frapolli >, et nous chercherons à préciser ce que les faits ci-dessus énumérés nous apprennent relativement aux varialions de ces caractères. A. Proportion des cocons doubles. — (Cette proportion diminue-l-elle réellement, comme le pensait Duseigneur, sous l'influence des élevages alla rustica, c'est-à-dire sans chauffage artificiel pour les derniers àges, et avec grande aération? Il semblerait plutôt que ce soit en donnant aux vers un plus grand espacement, et une plus grande quantité de bruyère, que le nombre des cocons doubles puisse être réduit. Peut-être celte condition a-t-elle été remplie par Frapolli, sans que Duseigneur s'en soil douté, et peut-être aussi, la légère diminution dans le nombre des cocons doubles que j'ai cru remarquer moi-même dans ma race «Jaune Défends > est-elle due au très grand espacement que je donnais chaque année aux vers de tous mes lots. Cette diminution acquise du nombre des cocons doubles est-elle héréditaire ? Cela est probable, mais aucune expérience n’a été faite encore à cet égard. Il est certain que la proportion des cocons doubles est une sorte de caractéristique pour chaque race. Dusei- L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 63 gneur à signalé certaines races ayant normalement jusqu’à 30 pour cent de cocons doubles (1). Ce serait en opérant sur de telles races que l’on pourrait le plus facilement rechercher, par l'expérience, si la diminution acquise du nombre des doubles est héréditaire. Et inversement il faudrait opérer sur une race présentant peu de cocons doubles, si l’on voulait essayer d’augmenter expérimentalement la proportion des doubles en obligeant les vers, au moment de la montée, à se loger en grand nombre dans un espace très restreint. Mais l’une ou l’autre de ces expériences ne serait pas faciles ; d’une part il faudrait un grand nombre d'années, la différence certainement très légère qu'apporterait chaque génération ne pouvant être mise en évidence que par intégration, pour ainsi dire ; et d'autre part les reproducteurs devraient être gardés en évitant tout choix assimilable à une sélection de caractères innés. L'instinct qui porte un ver, soil à s'écarter de tout autre ver pour faire son cocon, soit au contraire à se rapprocher d’un camarade quelconque, pour filer avec lui une même coque, peut être considéré en effet comme un instinct inné. La remarque d’ailleurs est générale: si un caractère acquis esl héréditaire, il est inné pour la génération suivante dans la proportion où il lui à élé (ransmis héréditairement. Et c’est là, précisément, ce qui rend si difficile, dans ia plupart des cas, les expériences vraiment démonstratives de l’hérédité des caractères acquis. Il serait fort intéressant, également, au point de vue des appli- cations à l’industrie séricicole, d’instituer l'expérience suivante. Dans une race initiale quelconque on garderait exclusivement, chaque année, comme reproducteurs, d'une part des cocons doubles, et d'autre part, dans une autre série de lots, des cocons simples. On verrait, au bout de plusieurs années, si la proportion des cocons doubles aurait augmenté dans la première série, et diminué dans la seconde, ces deux séries de lots étant bien entendu traitées de la même manière, en ce qui concerne l’espacement des vers el la quantité de bruyère (2). Mais au point de vue théorique ce serait là une expérience manifestement mixte, la sélection des caractères (1) N° 185, page 104, Monog. du cocon de soie, 1'° édition, 1867. (2) Cette expérience semble avoir été faite partiellement par M. Lambert, qui signale une race chinoise dont le nombre des doubles aurait baissé entre ses mains de 15 à 3 pour cent, en huit ans (Æevue de viticulture, 4 mai 1895, page 447). 64 GEORGES COUTAGNE. innés y paraissant employée beaucoup plus que l’hérédité des caractères acquis. Relativement à la formation naturelle des races et des espèces, le caractère « proportion des cocons doubles > peut avoir été déter- miné soit par les influences de milieu, l'espacement des vers à la montée élant lui-même une condition déterminée par la nature de la ramure spéciale servant de « bruyère > aux insectes considérés, soit par la sélection naturelle des caractères innés, le cocon double ou multiple pouvant être, suivant les circonstances, nuisible ou avantageux à l’espèce. La concordance obligatoire de l’évolution des chenilles qui filent un cocon multiple est une complication assu- rément désavantageuse ; la texture plus serrée du cocon mulliple peut être une gêne, au moment de la sortie, ou au contraire un avantage, en ce qu'il n'oblige pas, pour chaque individu et pour une même épaisseur de coque à réaliser, à une aussi grande pro- duction de matière soyeuse, et en ce qu'il fournit une meilleure défense contre les intempéries et les ennemis. Ces observations s'appliquent non seulement au Bombyx mori, mais à tous lesinsectes qui s'associent pour se construire une demeure soyeuse, tels que les processionnaires d'Europe, les Zypsoides de Madagascar, ete. B. Grosseur du grain du cocon. — (Ce caractère est difficile à bien définir, et seuls les praliciens filateurs ou sériciculteurs graineurs, habilués à comparer des cocons de toutes races et de toutes provenances, peuvent dire, au premier coup d'œil, si le grain d'un cocon qui leur est présenté est fin ou grossier. La surface extérieure des cocons, lorsqu'ils ont été bien « débavés », présente une quantité de petits mamelons contigus, séparés les uns des autres par des sillons sinueux, dont l’ensemble constitue un réseau à mailles plus ou moins serrées. Si ces mamelons sont larges, bien saillants, et séparés par des sillons profonds, le grain est gros ; inversement, le grain est fin lorsque ces mamelons sont petits, serrés, el peu saillants. Au point de vue de la valeur industrielle des cocons, la finesse du grain est préférable, toutes choses égales d'ailleurs, c'est-à-dire pour une même quantité de malière soyeuse el une même forme de cocon, le cocon à grain fin se dévidant mieux que celui à grain gros, el donnant une soie moins duveleuse. Mais lorsque la finesse du grain est exagérée, le cocon devient plus ou moins satiné, ce L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 6 qui est également un défaut grave: la surface du cocon est lisse, presque brillante, les différentes « vestes > sont moins adhérentes les unes aux autres, et à la filature les cocons donnent une forle proportion de « bassinés ». Le grain que demandent les filateurs, et qu'ils qualifient de fin, tient donc le milieu entre deux défauts: le grain grossier d’une part, el le cocon saliné, d'autre part. Comment les influences de milieu réagissent-elles sur le grain du cocon ? Duseigneur a développé longuement celte idée que « cerlains usages, lels que celui d’abréger la durée des éducations à l’aide de la chaleur arlüficielle.... ont apporté wne modification notable dans le sens de l’amoindrissement du grain, en mème temps qu'ils altéraient la robusticité ». Il divisait les races de vers à soie en deux catégories, celles que caractérisait la finesse du grain du cocon, qu'il appelait cévilisées, et celles qui étaient douées d'un gros grain, qu'il appelait rustiques. L'espoir qu'il avait manifesté de voir ces dernières résister à la pébrine (c'était en 1856) ne fut pas réalisé, bien entendu. Mais les observations faites par Duseigneur, qui était un pralicien connaissant admirablement toutes les races de cocons, méritent d’être prises en sérieuse considération. On doit seulement modifier l’interprélalion donnée par lui aux faits qu'il avait observés : en effet, il n’a considéré que la température, sans tenir compte de l’espacement des vers et du climat de la région. Si les éducalions alla rustica pratiquées dans cerlaines provinces de lIlalie grossissent le grain du cocon et améliorent la robusticité, cela peut provenir d'une meilleure aération, par un air plus sec, qui favorise la respiration et la transpiralion des vers. En somme les expériences méthodiques sur le déterminisme du caractère que nous considérons en ce moment restent encore à faire. Et même, les simples observations qui pourraient tout au moins nous donner quelques indications sur ce déterminisme, nous manquent presque totalement, quoique les éléments de ces obser- valions puissent se recucillir en grand nombre chez les sériciculleurs- graineurs. Ceux-ci en effet expédient de la graine d’une même race dans différentes régions, et dans chacune de celles-ci les cocons récoltés présentent des différences de grain ou de coloration qui résultent manifestement des influences de milieu, tempéraiure, sécheresse de l'air, espacement des vers, méthodes d'élevage, nourriture, etc., et qu'il serait dès lors bien intéressant de noter ee D 66 GEORGES COUTAGNE. exactement. IL en est à cet égard comme pour les horliculteurs : bien des faits très connus des praliciens qui exploitent les êtres vivants, animaux ou végétaux, et qui font dès lors, sans le savoir, de la véritable biologie expérimentale, demanderaient à être soigneusement recherchés, notés, et discutés, par les biologistes théoriciens. En outre des observations de Duseigneur, si peu utilisables, comme nous venons de le voir, celles de M. Lambert, sur la finesse plus grande des cocons de ses lots de 1898, ne fournissent pas non plus de données bien précises. Quant à mes propres observations sur la grosseur plus grande du grain de la race « Jaune Défends », elles ne font que confirmer les remarques de Duseigneur : certaines conditions, qui étaient réalisées dans les élevages de la race « Sina- Frapolli >, et qui l'ont été aussi, vraisemblablement, dans les expériences qui ont donné naissance à la race « Jaune Défends », ont pour effet de grossir le grain du cocon; mais ces conditions son! encore indélerminées. C. Poids moyen des cocons. — (Ce caraclère est bien manifes- tement influencé par la tempéralure. À cet égard les expériences de M. Lambert sont parfaitement démonstralives, et les miennes, touies imparfaites qu'elles soient, ont donné des résultats concor- dants. L'augmentation du poids des cocons secs est tout parliculiè- rement intéressante à considérer, car elle montre bien que l’augmentalion du poids du cocon frais n’est pas attribuable sim- plement à une plus grande quantité d’eau. Voici les nombres trouvés par M. Lambert. POIDS MOYEN DES COCONS SECS ABAISSEMENT DE TEMPÉRATURE DE: mme re Cocons Cocons témoins d'expérience AUGMENTATION 3 depuis laZe/mue. Rene. ec. 4,2 89,7 15,4 3° depuis les 4° et 5° jours du 5° âge.. 14.2 81,4 9,8 — 6° depuis les derniers jours du 5° âge. 64,2 69,9 8,8 — 3° depuis les derniers jours du 5° âge. 75,4 81,0 7,h — | 6° depuis la montée des 1°" vers. ..... Sd 60,0 5,0 — 3° depuis la montée des 1°rs vers... ... 80,4 90,7 4,9 — L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 67 Ce qui fait une moyenne de environ 8,5°/, d'augmentation pour l’ensemble de ces expériences. Comment se fait-il qu'un abaissement de température de quelques degrés, pendant quelques jours, ait une aussi grande influence? Le mécanisme de ce phénomène mériterait d'être étudié très minutieuse- ment. On voit tout d’abord que l’ancienne théorie, assez générale- ment admise, de la température influant sur la durée de l'évolution des insectes, mais non sur la nature de cette évolution, n'était qu'une approximation grossière. Un abaissement de la température pendant toute la durée de la vie larvaire du ver à soie, serait à comparer à l’abaissement de la température pendant les derniers Jours seulement de cette vie larvaire, qui a seul été expérimenté par M. Lambert ; mais le ver à soie prenant pendant les 8 à 10 jours du 5° âge, près des neuf dixièmes de son développement final, il est probable que l'influence de l’abaissement de la température pendant les premiers âges, s’il en existe une, sur le poids P, sera masquée par celle beaucoup plus grande qui se produit pendant le D° âge. Il serait également intéressant de soumettre des vers à soie pendant les 4 premiers âges à une température plus basse que celle des vers témoins, l'égalité de température entre les vers d'expérience et les vers témoins étant au contraire réalisée pour le 5° àge. Mais la température n’est pas le seul facteur pouvant influer sur la vitesse évolutive pendant les derniers jours qui précèdent la nymphose. Rappelons une expérience fort intéressante, quoique bien sommaire, de M. Bataillon (1)... « Des vers pris dans les mêmes conditions ont été exposés, soit à l'air ordinaire, soit à l'air sec, soit à l’air humide. »> Les vers placés dans l’air ordinaire et privés de nourriture se vident lentement, coconnent et subissent la transformation chrysali- daire en huit jours environ. > Six vers sont placés dans un courant d’air desséché par le chlorure de calcium. Le second jour les cocons sont bien formés, et le cinquième on a déjà quatre chrysalides. (1) La métamorphose du ver à soie et le déterminisme évolutif, 1893, Bull. scient. de la France et de la Belgique, t. XXV, p. 48. Réaumur, en 1726 (Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, 1. II. premier mémoire, Ve la durée de la vie des chrysalides), avait déjà remarqué qu’en gênant la transpiration des insectes, on retardait leur évolution, tout comme en les refroidissant. 6$ GEORGES COUTAGNE. > Six vers sont Soumis à un courant d'air humide obtenu par la trompe. À la fin du huitième jour trois sont morts. Les autres sont soumis à l'air. Huit jours plus tard ils ne sont pas encore transformés: ils sont arrivés, en présentant les mêmes caractères que dans les observations précédentes, à cet état de chrysalides imparfaites auxquelles ils restent plusieurs jours encore avant de mourir. « Le rôle de la transpiration cutanée dans la métamorphose ressort nettement du fait que les conditions qui favorisent l’une favorisent l’autre, et inversement » (1). On pourrait donc reprendre les expériences de M. Lambert, mais en essayant d'employer, non plus un abaissement de tempéra- ture, pour retarder la montée, mais une atmosphère plus humide gènant la transpiralion cutanée, la température restant la même pour les vers d'expérience et les vers témoins (2). M. Bataillon ayant également montré que la nymphose était accompagnée de modifications importantes dans les phénomènes de la circulation et de la respiration (3), on pourrait aussi essayer d'accélérer ou de retarder l'évolution au moyen d’atmosphères artificielles à teneurs anormales en oxygène ou en acide carbonique. Mais de toutes les expériences qu'on peut imaginer pour l'étude de la variation du caractère P, la plus intéressante, assurément, consisterait à rechercher si la modification acquise que l’on obtient par une diminution de température de quelques degrés pendant le o° âge, est plus ou moins héréditaire. Cette modification étant très importante, puisqu'elle atteint en un an 8 pour cent environ du poids sec, et en outre très facile à mesurer exactement, puisqu'elle est donnée par de simples pesées, il suffirait de ? ou 3 années d’élevages (1) M. Bataillon ne semble pas avoir tenu compte de la température, et les vers soumis à un «Courant d'air humide obtenu avec la trompe » ont été sans doute quelque peu refroidis, ce qui assurément n’a pas contribué à accélérer leur évolution. (2) M. Levrat, directeur du Laboratoire d'Etudes de la soie, à Lyon, s'était proposé de réaliser précisément cette expérience en 1900. Des circonstances indépendantes de sa volonté l’en ont malheureu:ement empêché ; mais nous espérons qu'il pourra bientôt reprendre ce projet, et le mettre à exécution. (3) M. Bataillon croit que ces phénomènes physiologiques « président » à la métamorphose du ver à soie. Mais cette opinion est bien discutable, Peut-on dire, dans une machine à vapeur pourvue d’un régulateur à force centrifuge, que le mouvement du régulateur préside à celui du piston, ou bien que celui du piston préside à celui du régulateur ? Les deux mouvements sont assurément corrélatifs ; mais on ne peut dire que l’un des deux préside à l’autre, L'HÉRÉDITÉ CHEZ LÉS VERS A SOIE. 69 comparalifs à parlir d’une même ponte prise comme point de départ, les lots témoins issus les uns des autres élant tenus à 21° pendant le 5° âge, et les lots d'expérience, également issus les uns des autres, étant tenus à 17 ou 18° pendant ce même 5° âge. Il est probable que les deux races ainsi formées, différeraient quant au caractère P, même lorsqu'ensuite elles seraient élevées l’une à côté de l'autre, dans des conditions de milieu identiques. L'hérédité des caractères acquis serait nettement prouvée par cette expérience qui répondrait assurément aux légilimes exigences de Weismann déclarant, pour jus'ifier ses doutes vis-à-vis de l'hypothèse de l'hérédité des carac- tères acquis: « Jusqu'à présent on n’a pas encore une seule expérience capable de faire la preuve de cètte hypothèse (1) ». L'augmentation du poids P n’est pas une amélioration au point de vue industriel. En effet les races à gros vers sont toujours délicates, et bien plus sensibles à la flacherie que les races à petits vers. La raison en est fort simple : lorsqu'un ver devient plus grand, sa surface croit comme le carré de ses dimensions, et son volume comme le cube, en sorte que le rapport de sa surface à son volume diminue progressivement (2), et que dès lors sa {ranspiration cutanée s'effectue dans des conditions de plus en plus défavorables. L'impor- lance physiologique de celte fonction a été signalée depuis longtemps par Pasteur, qui disait à propos de la flacherie : « Cette maladie serait accidentelle, principalement dans le cas où, soit par suite de la dispo- tion des locaux, soit par l'effet des conditions atmosphériques, telles que l’abaissement de pression et de l’état hygrométrique au moment d’un orage, la transpiration si nécessaire au ver à soie se trouve arrêtée pendant un temps plus ou moins long, surtout au moment où son appélit augmente considérablement, entre la quatrième mue et la montée à la bruyère. Alors, le ver à soie doit assimiler une quantité énorme de nourriture très aqueuse, et comme il n’urine pas, il faut de toute nécessité que le grand excès d’eau de ses aliments s'évapore par transpiration cutanée. Cela exige un renouvellement continuel de l’air dans lequel il se trouve... (3) ». (1) Essais sur l'hérédité, ad. franc. de H. de Varigny, 1892, p. 515. (2) C’est pour une raison du même genre, comme on en a fait depuis longtemps la remarque, que les cellules de forme sphérique ou ovoïde ont leur accroissement exactement limité. (3) Lettre à l'Académie des Sciences, du 21 mai 1867. 70 GEORGES COUTAGNE. L'exagération du poids du ver est d'autant moins nuisible que l'air est plus sec au moment de la montée. Le caractère P est donc dans une étroite dépendance vis-à-vis des deux principales conditions climatériques du milieu, température et état hygrométrique de l’air. La température agit directement, en quelque sorte, sur le caractère P, par un mécanisme encore énigmatique, mais, vraisemblablement, en retardant ou en accélérant l’évolution individuelle; l'état hygrométrique de l'air agit indirectement, par le jeu de la sélection naturelle, une grosseur limite au delà de laquelle le ver serait mal adapté, correspondant à chaque climat particulier, mdépendamment bien entendu des autres conditions non climatériques, qui ont pour effet de limiter également la grosseur du ver, telles, par exemple, que l'obligation de se soustraire aux recherches des oiseaux Imsec- tivores, condition qui est peut-être la principale de celles qui s’opposent, dans nos pays, à l’acclimation en plein air du Bombyx mort. D. Richesse en soie. — En allongeant l'éducation par une dimi- nulion de la température, améliore-t-on réellement la richesse en sole ? L'opinion de Reynaud, que M. Lambert à rappelée dans son mémoire de 1899, est que la rentrée serait bien plus faible, et dès lors le rendement en soie grège bien plus grand, lorsque le cin- quième àge dure 9 à 10 jours au lieu de 7. Mais 1l ne dit pas expli- cilement si cette amélioralion du rendement en soie grège provient d’une plus grande richesse en soie des cocons, ou d’une texture de la coque occasionnant moins de déchet à la bassine. Pour Duseigneur, la supériorité comme rendement en grège, de la race « Sina-Frapolli >» sur la race « Sina-Robinet », el des races de la Romagne sur celles de la Lombardie, provenait d'une plus grande richesse en soie ; il indique en effet que la coque des cocons « Sina- Frapolli > était « forte, corsée », el qu'elle pesait « net en matière soyeuse 32 centigrammes », landis que celles des cocons « Sina- Robinet > était « carteuse et mince», et qu’elle pesait « net en malière soyeuse 21 centigrammes ». L'augmentation du poids p avait donc été de 50 pour cent; ilest bien regrettable que Duseigneur n'ait donné aucun renseignement précis sur le poids P. Les expériences de M. Lambert n'ont pas manifesté une amélio- ralion nolable du caractère 7 sous l'influence d’une diminution de L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. ga la température pendant le dernier âge ; mais il faut remarquer que ces expériences n'ont duré qu'un an, en sorte que si l'augmentation annuelle de 7 esttrès faible, il ne serait pas surprenant qu'elle puisse difficilement être mise en évidence par une expérience de courte durée, tandis que, au contraire, par accumulalion successive d'année en année, elle aboutirait finalement, si elle est héréditaire, à une modification importante. Mes deux expériences de 1896 et 1897, dont j'ai rendu compte précédemment, ont donné l’une et l’autre un résultat en apparence contraire à la théorie de l'amélioration du rendement en soie, sous l'influence d’une diminution de la température. Mais il faut noter que je n'avais pas tenu compte, dans ces expériences très accessoires et dès lors un peu négligées, de l’état hygrométrique de l'air. Or il est très probable que les lots chauffés et qui ont évolué plus vite, élaient en outre dans un air plus sec; cela paraît résulter de la comparaison faite, après coup, c'est-à-dire dès que mon attention fut appelée sur ce point, entre l'exposition et la disposition des deux sallés où étaient placés, d’une part le lot chauffé, d’autre part le lot non chauffé. En tout cas, faute d’avoir observé soigneusement l'état hygrométrique de l'air, mes expériences, de même d’ailleurs que celles bien plus complètes cependant de M. Lambert, ne fournis- sent aucune donnée vraiment utilisable pour l'étude de l'influence de la température sur la richesse en soie des cocons. Puisque l'intensité plus ou moins grande de la respiration cutanée agit manifestement, comme l’a montré M. Bataillon, sur la vitesse évolutive, il conviendrait, pour'étudier rationnellement l'influence de la température sur la richesse en soie, qui elle-même dépend vraisemblablement aussi de la vitesse évolutive, d’instiluer des expé- riences où toutes les conditions pouvant influer sur le caractère dont on étudie le délerminisme seraient identiques de part et d’autre, sauf le facteur dont on veut reconnaitre l'influence. Il ne suffirait pas de maintenir les deux lots mis en expérience comparative, l'un chauffé, l’autre moins chauffé, dans des atmosphères de même degré hygrométrique : la transpiration cutanée des vers se développant dans de l'air à degré hygrométrique 0,75, par exemple, s'effectuera moins bien que dans un air plus humide, à degré hygrométrique 0,80, si ce dernier est renouvelé plus fréquemment. En d’autres termes, il faut lenir compte de l’aéralion plus ou moins intense des vers. On peut remarquer que le pouvoir desséchant de l'air, pour un même 72 GEORGES COUTAGNE. degré hygrométrique, est d'autant plus grand que sa température est plus élevée ; en sorte que si les deux lots en expérience sont soumis à une même aéralion, par un air de même degré hygrométrique, mais à des températures différentes, on ne saura pas s’il faut attribuer les modifications qui apparaîtront dans le lot le plus chauffé à l’in- fluence de la température, ou à l'influence de l'amélioration de la transpiration cutanée, qui aura permis au ver d’assimiler une plus grande quantité de nourriture, ces deux influences pouvant d’ailleurs, et cela est en effet probable, agir en sens inverse l’une de l’autre. Il conviendrait donc d'étudier au préalable l'influence des facteurs qui favorisent ou entravent la transpiration culanée: deux lots, exposés à une mêine température, seraient aérês l’un avec de l’air très sec eten abondance, l’autre avec de l’air moyennement humide (1) et moins souvent renouvelé. Il est probable que le premier lot filera plus tôt et plus vite, sera plus lourd (augmentation de P) et donnera des cocons plus soyeux (augmentalion de 7). Quant à l’influence de la température, le seul moyen d’écarter, dans les expériences qui auront pour but de l’étudier, les deux facteurs 2ntensité de l’aération el élat hygrométlrique de l'air cinployé à l'aération, consisterait, ce me semble, à placer l'un el l’autre des deux lois à comparer, el qui seraient soumis à des températures différentes, dans les conditions les plus favorables à la transpiration cutanée, c'est-à-dire qu'ils devraient l'un et l’autre èlre aërès abondamment et avec de l’air très sec. De l'analyse qui précède il nous faut conclure que toutes les observations et toutes les expériences publiées jusqu'à ce jour ne permettent pas encore d'établir définitivement la théorie de l'influence de la température sur les caractères P et p. Il semble toutefois qu'on peut admettre, tout au moins à titre d'hypothèse probable, et en attendant le contrôle des expériences qui seront inslituées à ce sujet, que le ralentissement de l'évolution vers la fin du 5° âge, tel que celui qui est causé par une diminution de température, a pour effet de prolonger la période d'activité fonctionnelle des glandes de la soie, qui pourront dès lors sécréter une plus grande quantilé de matière soyeuse. Nous voyons déjà, en effet, par l'exemple du caractère P, que la diminution de la tempé- 1) L'air /rès humide, comme celui qu'avait employé M. Bataillon, serait fatal aux vers, et ne permettrait pas d'obtenir des cocons. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. ÿ 5) rature n'a pas pour effet de ralentir dans une même proportion et simultanément tous les phénomènes de l’évolution individuelle : tandis que les phénomèmes inlimes qui déterminent la nymphose sont pour ainsi dire arrêlès, ou du moins très ralenlis, puisque la nymphose est retardée de plusieurs jours, la nutrition n'est pas sensiblement modifiée, puisque le ver continue à manger, à assimiler, et à croître (augmentation du caractère P). La fonction « sécrétion de la matière soyeuse », qui cst une fonction tout particulièrement active vers la fin de la vie larvaire de l’insecte, peut donc, elle aussi, être affectée d'une façon particulière, différente de celle de la fonction « nutrition et assimilation ». Il doit se passer, chez les vers à soie, quelque chose d’analogue à ce qui se passe chez les animaux de boucherie dont l'évolution est accélérée par les méthodes zootechniques qui ont pour but de réaliser la precocileé. Chez ces animaux la proportion de viande et d'os est très différente de celle que présentent les animaux de même race mais non précoces. On pourrait dire, par parallélisme, que les vers à soie à précocité arlificiellement réalisée (accéléralion de l'évolution par le chauffage) sont z2oin$s riches en Soie, el que les bovidés à précocité arlificiellement réalisée (accéléralion de lévolulion par une alimentalion et une gymnastique fonctionnelle convenables) sont 72oëns riches en os. Bien entendu, au point de vue de la pratique industrielle, la richesse en os élant un inconvénient (1), et la richesse en soie un avantage, on cherche à rendre les animaux de boucherie précoces, et il semble que l’on devrait rendre les vers à soie tardifs. Mais aurait-on vraiment intérêt à rendre les vers à soie plus soyeux, s’il fallait payer cet avantage par l'obligation de les rendre plus lardifs ? C'est ici qu'il nous faut revenir sur les deux fails, déja signalés précédemment, qui ont élé mis en relief par mes expériences sur la sélection : d’une part les cocons les plus riches en soie élaient pour la plupart ceux de sujets tardifs ; et d'autre partla race « Jaune Défends >» que j'avais réalisée par la sélection des cocons les plus riches en soie, était lente à évoluer. Ce second fait a été constaté unanimement par les nombreux sériciculteurs qui ont essayé cette (1) Sans parler des autres inconvénients que présente l'exploitation zootechnique des bêtes de boucherie tardives. 74 GEORGES COUTAGNE. race, et qui non moins unanimement, lui en ont fait, avec raison, le vif reproche. En d’autres termes, dans la race « Jaune-Défends » les deux caractères richesse en soie et lenteur de l'évolution semblent corrélatifs. Ceci nous amène à examiner ce qu’on doit entendre par « corré- lation des caractères ». Tout d’abord il faut remarquer que les biologistes emploient le plus souvent le mot corrélation exactement dans le sens que les mathématiciens donnent au mot fonction (1). Ces derniers disent en effet, que deux grandeurs variables sont fonction l’une de l’autre, lorsqu'à toute valeur particulière de la première correspond une valeur particulière de la seconde, et réciproquement. Et de même les biologistes disent que deux phénomènes sont corrélalifs l'un de l'autre lorsqu'à tout mode particulier de l’un correspond un mode particulier de l’autre, et réciproquement. En d'autres termes, dire que deux phénomènes biologiques sont corrélatifs, c'est dire tout simplement qu'il y a une certaine dépendance entre eux (2). La corrélation, ainsi définie, n'est donc pas une calégorie de phénomènes spéciaux à la biologie (3). Tous les phénomènes étudiés par la biologie sont évidemment corrélatifs de leurs causes, d’une part, et de leurs effets, d'autre part, en sorte que le cadre tout entier de la biologie pourrait rentrer dans celui de la corré- lalion (4). i Il convient donc de restreindre ce sens {rop général, et d'appeler correlation de deux caractères variables « et b le phénomène SUIVANTE SSI ie Mas a e.e sont les différents modes distincis que peut présenter le caractère 4, et pareillement Dis ONU EE les différents modes distinctes que peut présenter le caractère b, nous (1) Le mot fonction a done deux significations très différentes dans le langage scientifique, suivant qu'il est employé par les mathématiciens ou les biologistes. Dans les théories qui participent à ces deux groupes de sciences, cela ne laisse pas d’être quelquefois fort gènant. (2) Voir Pearson, Mathematical contribution to the Theory of Evolution, 111, Regression, Heredity and Panmixia (Phil. Trans., 1896). (3) « Il est bien certain que ce principe de la corrélation n’est pas plus spécial aux êtres vivants qu'aux substances brutes... ». Le Dantec, 1898, £volution individuelle et hérédité, p. 50. (4) On a essayé de restreindre le sens du mot corrélation aux seules relations qui sont de nature énigmatique (Année biologique, 2° année, 1898, p. 265); mais une pareille définition, résiduelle en quelque sorte, n’est guère philosophique. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 75 dirons que @, est corrélatif de D;, par exemple, lorsque l'apparition de a, coïncide toujours avec celle de D, et inversement. On peut distinguer deux sortes de corrélation. 1° Certaines corrélations semblent résulter de la dépendance physiologique des deux organes dont les caractères considérés expriment la manière d’être. C’est la corrélation véritable, ou proprement dite. Lorsque la corrélation est telle que l'augmentation de l’un des deux caractères semble entrainer la diminution de l’autre, on a ce que Geoffroy-Saint-Hilaire appelait le balancement des organes. Dans cette même catégorie rentrent les corrélations entre les caractères sexuels secondaires, et les corrélations encore émignatiques, comme celle, si souvent citée, de la surdité des chats blancs aux yeux bleus. 2° Certaines corrélations, qu'on pourrait appeler /ortuates (1), résultent simplement de la coïncidence des deux caractères considérés chez les principaux ancêtres d'une race constituée par sélection ou ségrégation, naturelle ou artificielle. Si les deux modes corrélatifs des deux caractères 4 et b sont, par exemple, #, eth,,1lest bien évident que dans ce cas 4, aurait pu tout aussi bien être associé corrélativement à D,, ou &, à bn. De ces deux sortes de corrélation la premiére seule semble inéluctable. Mais en allant au fond des choses, on s'aperçoit bien vite qu'il n’y a pas entre elles de différence vraiment essentielle. Les corrélations fortuites, lorsqu'elles sont anciennes, sont parfaitement inéluctables ; on ne pourrait s'en affranchir qu'en revenant en arrière par un travail tout aussi long, mais en sens inverse, que celui qui les à instituées. D'autre part, les corrélations véritables sont vraisemblablement, dans un grand nombre de cas, des corréla- tionsfortuites d’origine très ancienne, ou, ce qui revient au même, des corrélations instituées par l'effet de très longues et très anciennes sélections (caractères sexuels secondaires). Au surplus, dans le cas qui nous occupe en ce moment, il suffit de rechercher les corrélations qui peuvent exister actuellement entre les modes &, et 4, du caractère «, d’une part, et les modes b, et b, du caractère b, d'autre part: si «, n’est pas déjà étroitement corrélatif de l’un des deux modes D, et b,, il sera évidemment (1) Année biologique (2° année, 1896), 1898, p. 272. 76 GEORGES EOUTAGNE. possible de créer, à volonté, soit la race «4, D, dans laquelle «, sera rendu corrélatif de D,, soit la race «, D, dans laquelle 4, sera rendu corrélatif de D,. Les deux caractères que nous avons en vue sont : | Courte dans le mode &,. a — durée de l’évolution larvaire.. | Longue dans le mode &,. , \ Faible dans le mode D. b — richesse en soie des cocons.....…. : | Forte dans le mode b,. Puisque dans mes élevages j'ai constaté que les cocons les plus riches en Soie élaient pour la plupart ceux de sujets lardifs, une certaine corrélation existe assurément entre @, et b,; mais celte corrélation n’est pas inéluctable, puisque tous les sujets D, n'étaient pas &,, et que, parmi les sujets D, ils s'en présentaient tout au moins quelques-uns qui étaient «,. On peut déduire de celle remarque les deux conclusions sui- vantes : 1° In sélectionnant les sujets D, sans S'occuper du caractère «, la race formée peu à peu doit présenter une association des deux caractères 43 et b,, par suite de la corrélation actuellement déjà existante entre ces deux caractères. Et c'est bien effectivement ce qui s’est produit pour la race « Jaune-Défends », et ce qui a empêché que celle race soit pratiquement utilisable dans l’industrie sérici- cole. 2" En sélectionnant non seulement b, mais aussi et simultanément “4, il sera possible de former une race dans laquelle les deux caractères D, el , seront associés corrélativement. Et c’est là le bul que doivent se proposer les sériciculteurs praticiens qui voudront améliorer par la sélection la richesse en soie, sans rendre en même temps les vers plus lardifs, défaut qui réduirait beaucoup, ou même annihilerait enlicrement, les avantages de la richesse en soie réalisée d'autre part. Ainsi done la diminution de la température semble améliorer la richesse en soic, mais comme conséquence indirecte du ralentisse- ment de l'évolution larvaire, el par le jeu de la corrélation existant cutre la richesse en soie et la longueur de durée de cetle évolulion. L'expérience, il est vrai, n’a pas éncore démontré d’une façon L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 77 indiscutable cette amélioration de la richesse en soie ; mais celle-ci ne peut être que très faible pour une seule année, en sorte qu'il n’est pas étonnant qu’elle soit difficile à mettre en évidence. Toutefois l'expérience inverse semble avoir élé faite souvent par les sériciculteurs des pays chauds. Voici par exemple un extrait d'un rapport de M. A. Klobukowski, consul général de France à Calcutta, sur la sériciculture dans l'Inde anglaise. « Le gouvernement anglais s’est occupé à différentes reprises d'améliorer la qualité de la soie en envoyant il y a dix ans environ un filateur indigène à Lyon, dans la région avoisinante, ainsi qu'en Italie, y étudier l'élevage et le filage. Cet indigène est revenu d'Europe apportant avec lui des graines de cocons d'Italie et de France ; avec ces graines le gouvernement anglais a fait faire des essais qui ont donné d'assez bons résultats, mais les produits de ces cocons ont été moins heureux, et les graines obtenues avec res premières chrysalides ont produit des cocons déjà moins épais que les cocons d'Europe, el les générations suivantes sont allées en s'affaiblissant. Ce qui prouve que la chaleur, les feuilles, la mulliplicité des récoltes qui sont de 11 par an, sont trois causes qui empêchent d’avoir aux Indes des cocons aussi épais qu’en Italie, en France, en Espagne et dans le reste de l'Europe... Il y a aussi des élevages à Mysore, au Cachemire ; c’estmème dans ce pays que l'élevage a le mieux réussi; on y a obtenu avec des graines d'Italie des cocons ressemblant absolument à ceux de ce pays, ce qui prou- verait que pour avoir des cocons aussi bons que ceux d'Europe il est de première nécessite de faire l'élevage dans une région ayant autant que possible la température de l'Italie et du midi de la France. C’est le Cachemire le pays le mieux à même d'obtenir ce sésultat » (1). La richesse en soie serait donc un caractère très nettement influencé par le climat, et ce que nous avons dit précédemment des avantages ou inconvénients pour les insectes sauvages des coques plus ou moins épaisses pourrait se répéler ici: ces avantages ou inconvénients ont élé vraisemblablement les facteurs des sélections naturelles qui ont façonné, dans chaque pays, et pour les différentes espèces d'insectes séricigènes, la richesse en soie particulière des races régionales sauvages correspondantes. (1) Moniteur Ofjiciel du Commerce, 8 avril 1897, p. 442. 78 GEORGES COUTAGNE. Quant aux races de vers à soie domesliquées, la sélection artificielle a dû intervenir, très vraisemblablement, pour modifier elle aussi, en l'améliorant, la richesse en soie, mais une sélection séculaire et inconsciente qui consistait simplement à-choisir pour les répandre et les mulliplier, les races reconnues par les filateurs les plus riches en soie. Et par race de vers à soie il faut entendre « la résultante très instable d’un ensemble de conditions et de pratiques, telles que : la race primitive de la graine, le genre de nourriture, le mode de chauffage, le climat naturel de la région, les sélections conscientes ou inconscientes, les croisements avec d’autres races, etc., elc. Tout sériciculleur qui élève plusieurs générations successives de vers à soie façonne par cela même une race particulière >» (1). Cette amélioration progressive est très différente de celle qu’on peut obtenir par la sélection des différences individuelles innées, et que j'ai décrite dans le chapitre précédent ; elle peut être qualifiée d’inconsciente, car en la pratiquant les sériciculleurs croyaient plutôt choisir entre différentes races à caractères fixés et invariables celle qui était d’un meilleur rendement en soie, parce que, en d’autres termes, ils faisaient de la sélection sans le savoir; elle peut être qualifiée de séculaire parce que l'amélioration annuelle qu'elle produisait à été assurément très faible, et que ce n'est que par une longue suite de siècles que la coque des Bonbyx sauvages qui ont élé les premiers domestiqués, et qui élait peut-être aussi peu étoffée que celle de T'heophila inandarina, en est arrivé peu à peu au degré de perfection des races actuellement cultivées dans toutes les régions séricicoles de l'Europe occidentale. | En résumé, on doit dislinguer deux méthodes différentes d'amélioralion de la richesse en soie des cocons. Par la sélection des caractères innés, on choisit comme reproducteurs, dans un groupe de Sujets de même hérédilé et soumis tous aux mêmes influences de milieu, ceux qui sont les plus riches en soie. Par la sélection des caractères acquis, on choisit comme reproducteurs, entre plusieurs groupes de sujets de même hérédité, mais soumis chacun (chaque groupe) & des influences de milieu difjérentes, celui (le groupe) qui présente la plus grande richesse en soie (1) Remarque sur l’hérédité des caractères acquis, 1895, p. 41 (Zaboratoire d'études de la soie Rapports, ete., t. VIII). L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 979 moyenne. L'efficacité très grande de la première méthode est incontestable : je crois l'avoir suffisamment montré dans le chapitre précédent. Quant à l’efficacité de la seconde méthode, elle n’a pas encore été neltement démontrée par l'expérience, mais cela tient vraisemblablement à ce que l'amélioration annuelle qu’elle réalise est très faible, et par suite très difficile à manifester. Il va sans dire que ces deux méthodes peuvent être appliquées séparément, ou simullanément, ou combinées l’une à l’autre de différentes manières. Dans la première méthode le défaut «lenteur plus grande de l’évolution des vers > se développe corrélativement à la richesse en soie lorsqu'on sélectionne Les sujets riches en Soie sans se préoc- cuper de la durée de l'évolution des vers. Mais si l’on adjoint à la sélection des plus riches en soie la sélection des sujets à évolution la plus rapide, on pourra bien vraisemblablement réaliser une très notable amélioration de la richesse en soie sans développer en même temps ce grave défaut, qui a été le principal obstacle à l’utilisation industrielle de la race « Jaune-Défends ». C’est dans cette voie nouvelle que je me suis engagé depuis 1898, avec le concours de plusieurs sériciculteurs-graineurs désireux de faire progresser leur industrie par l'application pratique des recherches théoriques dont le présent travail est l'exposé. D'ici à peu d'années je donnerai probablement, comme suite aux deux chapitres que je viens de consacrer à la sélection chez les vers à soie, un compte rendu de ces nouvelles expériences zootechniques,inaugurées depuis deux ans, mais qui n’embrassent pas encore, actuellement, un nombre suffisant de générations pour qu'il y ait un intérèt réel à les publier. CHAPITRE IV. POLYMORPHISME ET POLYTAXIE Quand on compare entre eux un certain nombre d'individus appartenant à plusieurs espèces voisines, la grande ressemblance de tous les individus de même espèce est l'impression qui résulte tout d'abord d’un premier examen sommaire. 80 GEORGES COUTAGNE. Mais si l’on compare entre eux avec plus d'attention les différents enfants d’un même couple, on s'aperçoit bien vite qu'il est impos- sible de trouver deux individus exactement semblables l'un à l’autre. Chacun des caractères qu'on prend la peine d'étudier soigneusement se montre variable entre des limites plus ou moins écartées. En d’autres termes, loutes les espèces sont polymorphes, et le polymorphisme de chaque caractère de chacune d'elles est plus ou moins étendu. Poursuivant encore cette analyse, on peul se proposer d'étudier le degré de fréquence et l'amplitude des variations de chaque carac- tère. Supposons, par exemple, qu'on s'adresse à un caractère simple, c'est-à-dire à un caractère pouvant être défini complètement par un seul nombre. Ce nombre exprimera, soit une longueur, une surface, un volume, un poids, ou toute autre qualité susceptible de mesure précise, soit encore un rapport entre deux quantités de même ordre, c’est-à-dire entre deux longueurs, deux surfaces, deux volumes, etc. Comme exemple j'indiquerai la taille, en millimètres, des individus de même àge et de même sexe d'une population humaine (taille des conserits d’une région déterminée), le rapport entre les longueurs respectives des pistils et des élamines chez la Priniula grandiflora, a « richesse soyeuse », rapport r de p à P de tous les cocons d’un même lot de vers à soie, etc. Appelons # le nombre variable qui définit le caractère simple que nous envisageons. Chacun des individus étudiés supposés tous numérotés. 2, 3,.:.:.. ñ, Sera Caraclérisé par une valeur particu- lière du nombre #. Si l'instrument qui sert à mesurer la grandeur æ ? Le A l © » permet d'effectuer celte mesure à FR près, les différentes valeurs » » ù S t de æ trouvées seront échelonnées, par exemple, entre — aie = : . As S [ 2 t— 1 en passant par les intermédiaires SR a Landes p P P Si on examine un nombre suffisamment grand d'individus, . L « S un certain nombre d’entre eux auront leur æ égal à pr Ut e æ » S e = L « S + Î e . certain nombre, différent du premier, l'auront égal à ,etainsi de suite. On peut appeler y le nombre des individus ayant æ pour valeur particulière du caractère considéré, et construire la courbe géométrique représentant les variations de y par rapport à æ: aux différents points d'une ligne horizontale, axe des æ, on élévera des L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. SL ordonnées égales respectivement aux valeurs correspondantes de 7. Nous appellerons cette courbe la synoptique du caractère æ. Deux cas peuvent se présenter : 1° La courbe ainsi construite présente un seul maximum. Comme exemple la fig. 3 donne la synoptique de la taille de mille soldats blancs de l'Amérique du Nord, pendant la guerre de Sésession (1863). L'échelle des abcisses est de un millimêtre pour 1/2 pouce, et celle des ordonnées est de un millimètre pour 5 soldats sur mille (1). Taille Nembres sur en pouces 1000 soldats GAS ET AE TE 11 (CARO RS TR Avi DD RER ot CARS ARR 69 COST RE 104 OBS PE MEUUUNS 139 CEA AAA EE 158 COR RE NT 161 GORE TA EM 122 AO AN RUE 89 TRES AE TT 47 TA Ma Ab SIA 28 D RNA DS Ta 14 UE ES ANR RER 9 2° La courbe présente au contraire plusieurs maximums. Comme exemple la fig. 4 donne la synoptique du caractère « longueur moyenne des étamines pour 1 000 individus de Préimula grandiflora (2). L’échelle des abcisses est de quatre millimètres pour un millimètre, et l'échelle des ordonnées est de un millimètre pour un individu. Dans le premier cas le caractère æ oscille, chez tous les individus considérés, autour d’une moyenne, les sujets à æ plus grand ou (1) Les nombres qui ont servi à construire la courbe de la fig. 3, sont reproduits dans le tableau à droite de cette figure. Ils résument les observations faites sur près de 13 000 soldats par la Conmission sanitaire de l’armée des Etats-Unis, et ils sont extraits du Cours d'astronomie professé à l'Ecole polytechnique en 1875-1876 par M. Faye (feuilles des élèves, supplément, p. 38). (2) On trouvera au début du chapitre VI quelques indications précises sur la provenance des nombres qui ont servi à établir cette synoptique. 82 GEORGES COUTAGNE. plus pelit que la moyenne étant d'autant moins nombreux que x s’écarte plus, dans un sens ou dans l'autre, de celte moyenne. Entre deux individus très differents (à ne considérer que le caractère æ) on trouve tous les intermédiarres. Fic. 4 Dans le second cas, au contraire, les différents sujets considérés forment plusieurs groupes distincts entre lesquels on n'obserte pas d'intermédiaires, el ils semblent dès lors appartenir à plusieurs espèces différentes (à ne considérer que le caractère 2). J'appellerai laæies (1) ces groupes distincts, et polytaxique le polymorphisme qui nous est offert dans ce second cas. La définition de ces nouveaux termes est donnée dans la proposition suivante. « Une espèce est dite polymorphe lorsque ses divers individus différent morphologiquement beaucoup entre eux. Le polymorphisme d'une espèce est diffus, où monolaxique, lorsque les différentes formes que présentent celte espèce sont reliées entre-elles par un nombre indéfini d'intermédiaires ; le polymorphisme est polylaxique au contraire, lorsque ces différentes formes constituent plusieurs groupes distincts, plusieurs laxies, sans intermédiaires les reliant Les unes aux autres (2) >. Le Primula grandiflora nous a fourni un exemple de dilaxie ; la diécie, soit celle d’un grand nombre de végétaux, soit celle que (1) De tab, arrangement. (2) Recherches sur le polymorphisme des mollusques de France, 1895, p. 24. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. S9 nous présentent tous les animaux supérieurs, les vertébrés, les insectes et quelques mollusques céphalopodes, est encore un cas très fréquent de ditaxie. Le Lythrum salicaria est trilaxique, et on aurait trois branches distinctes, sans intermédiaires, analogues à chacune des deux branches de la fig. 4, si on construisait, pour un nombre suffisamment grand d'individus, la synoptique du rapport entre la longueur du pistil et la longueur moyenne des douze élamines. Mais dans ce cas, déjà plus compliqué, il n'est pas avan- tageux de recourir aux représentalions géométriques, et il est préfé- rable de s’en tenir aux figures classiques, si souvent reproduites (1), qui montrent très clairement la tritaxie florale de cetle curieuse plante. Il en est encore de même pour le polymorphisme ornemental de la coquille de certains mollusques terrestres ; j’ai montré que ce polymorphisme était {étrataxique chez l'Helir sylvatica, et que celui de l’Helix nemoralis présentait jusqu’à 16, et peut-être même 18 ou 19 taxies distinctes (2). Tout le monde sait que les chenilles, les cocons et les papillons du Bomnbyx mori sont très polymorphes. Nous allons énumérer brièvement toutes les variations morphologiques ou physiologiques que présentent ces insectes. |’ Nombre des mues. — Les vers à soie ont généralement quatre mues. Toutefois certaines races ou variélés n’en ont que trois, et celles-ci ont été souvent louées, à tort ou à raison, pour leur grande rusticité. Ajoutons, puisque l’occasion s’en présente, qu'il y a lieu de supposer que les races à trois mues, dont l’évolution est plus rapide, donneraient des cocons peu riches en soie ; cela résulle des considérations que nous avons développées au chapitre précédent. 2% Races annuelles, bivoltines, polyvoltines. — Dans les races dites annuelles, telles que le sont toutes nos races européennes, les graines ne sont susceptibles d’éclore qu'après avoir subi l'influence du froid. Dans les races polyvollines, au contraire, les graines éclosent peu de jours après avoir été pondues, et plusieurs élevages successifs peuvent être faits chaque année, sept, par exemple, dans (1) Darwin, Des différentes formes de fleurs dans les plantes de la même espèce, édition franc. par M. le D' Heckel, 1878, p. 145; Van Tieghem, Traité de Botanique, 1884, p. 440 ; R. Baron, Méthodes de reproduction en soolechnie, \888, p. 367. (2) Aecherches sur le polymorphisme des mollusques de France, 1895, chapitre VIII. 81 GEORGES COUTAGNE. les environs de Canton (1). Certaines influences de milieu transforment les races annuelles en races polyvollines, où inver- sement. 9° Cocons doubles. — (Certaines races de Chine et du Japon ont une grande tendance à former des cocons doubles, où même mulliples. Duseigneur à cité des races qui lui ont donné jusqu’à 25 ou même 30 ‘/, de cocons doubles (2). Dans les bonnes races euro- péennes, au contraire, il n'y en a que 3 au 4°, ou même moins. Ce caraclère à une assez grande importance pralique en séricicullure, car les cocons doubles sont indévidables, et ne se vendent par conséquent qu'à un prix très réduit comparalivement aux cocons ordinaires. 4 Couleur des cocons.— Les cocons sont blancs, ou jaunes de différentes nuances, ou verls, c'est-à-dire jaune verdàlre. J'ai même eu l’occasion d’oblenir des cocons d’un blanc beudtre assez carac- térisé (lots O0, PP et QQ de 1891), mais très fugace : au bout de quelques semaines, même à l'abri de la lumière, ces cocons étaient devenus d’un blanc franc. La nuance n’est pas toujours la même à l'extérieur et à l'intérieur des cocons ; parmi les cocons jaunes il en est qui ont l’intérieur plus ou moins blanc, ou au coniraire d’un jaune plus foncé. 5° Forme et texture des cocons.— (Ce caractère si variable à été minutieusement étudié el très soigneusement représenté par Duseigneur, dans son bel ouvrage Le cocon de soie. Le cocon est lantôt ovoïde à étranglement plus ou moins accusé, tantôt sphérique, tantôt cylindrique, lantôt pointu à un ou aux deux bouts. La grosseur du cocon varie en outre beaucoup: certaines races, Lelles que celles du Schirwan, du Daghestan, de la Géorgie, ont des cocons de plus de 50mm, de longueur, landis que certains Japonais ont moins de 25 mm. La grosseur du cocon est en outre assez indé- pendante du poids du ver, celui-ci ayant, pour ainsi dire, Suivant la race à laquelle il appartient, l'habitude héréditaire de tisser son cocon, soit très près, soit au contraire plus ou moins loin, de lui- (1) Rapport sur les travaux du Laboratoire d’études de la soie en 1888, Lyon, 1889, p. 129 (notes de MM. Arnhold, Karberg et Cie. (2) N° 186, Japon Jetsisen, p. 67; et n° 185, même provenance, p. 61. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. fs) même. C’est ainsi que pour un même poids moyen du cocon, et toutes choses égales d’ailleurs (c'est-à-dire à une même époque par rapport à la montée), les cocons de la race Blanc-Bagdad (lots MM de 1891, O de 1892, C de 1895, elc.) sont bien plus gros que ceux de la race Blanc-Pays (lots L de 1890, D de 1891, E de 1892, elc.). 6° Ornementation des vers. — Sur ce point les varialions sont considérables. Le corps des vers peut être blanc, sans taches, les lunules simplement cendrées et à peine visibles ; parfois les lunules sont au contraire d'un noir très vif ; le masque peut êlre três accen- tué, ou au contraire à peine esquissé, pour ainsi dire. En outre de ces vers blancs, on rencontre des vers uniformément brun-noirâtre, dits moricauds, ou rayés (raies en long), ou zébrés (raies en travers) ; tous ces caractères nous sont présentés par les différentes races européennes. Mais si on passe aux races de l'Extrême-Orient, on voit apparaître encore d’autres caractères très singuliers. Certains vers ont des taches symétriques rougeàtres sur chacun de leurs anneaux ; parfois ces taches sont de vérilables ocelles, c’est-à-dire sont entourées’ elles-mêmes d'une bordure de nuance différente. Parfois les vers ont chacun de leurs anneaux ornés de deux tubéro- silés symétriques : ils sont dits « à bosses >. En outre, la couleur de leur peau présente un grand nombre de nuances inconnues en Europe: gris perle, noir velouté, jaune soufre, blanc bleuâtre, etc. 7° Papillons.— Leurs caractères morphologiques ont été déclarés invariables par Maillot (1), qui n’a pu trouver aucune différence entre les papillons des soixante-dix-neuf lots de toutes provenances qu'il a élevés en 1888 (52 de Chine, 11 du Japon, 5 du Levant el 11 d'Europe). En fait, les papillons, outre des grandes différences de taille, et quelques légères différences dans la forme des ailes, ont celles-ci ornées de dessins plus ou moins foncés, et la couleur de ces ailes varie depuis le blanc pur jusqu'au marron très foncé. Nous examinerons tout à l'heure d’une façon plus détaillée les variations de ce caractère particulier. 8° Graines. Les œufs présentent différentes nuances, et les ponctuations foncées qui les ornent différents arrangements, qui (1) «Vouvelles races de vers à soie du muürier, in: Compte rendu des travaux de la Chambre de Commerce de Lyon, 1888, p. 28. 86 GEORGES COUTAGNE. ont fait l’objet d’études très minutieuses, à un moment où l’on espérait trouver dans ces caractères des indices de la santé plus ou moins bonne des jeunes vers, et même de leur résistance future plus ou moins grande aux maladies épidémiques. Les graines de nuance rouge brique sont considérées, parfois, par quelques graineurs, comme des graines mal conformées ; mais MM. Bertoglio et Jaume, de Velleron, m'ont dit avoir constaté, en 1895, par une expérience directe, que ces graines donnent des vers tout aussi vigoureux que les autres. 9° Enfin les graines sont tantôt adhérentes, tantôt non adhérentes, suivant les races. Après avoir constaté, en 1892, que mes lots à graines non adhérentes (N et O de 1892) avaient fourni des cocons à grèges bien moins riches en grès (19,2 °/, de perte au décreusage au lieu de 23,3 qu'ont donné, en moyenne, les 16 autres lots, de 21,4 à 24,9), j'ai émis l'idée que ces deux caractères, non adhérence des œufs, et soie peu riche en grès, élaient peut-être corrélatifs l'un de lautre (1). Il y aurait lieu de rechercher par de nouvelles expériences si cette corrélation existe réellement, car l’industrie sérique pourrait tirer grand profit de celte corrélation. En présence d'un polymorphisme aussi intense, il est bien naturel qu'on se soit demandé si les vers à soie domestiques du mürier sont issus d’une espèce unique, ou s'ils appartiennent au contraire à plusieurs espèces de Bombyx. Les opinions les plus différentes ont élé émises à cet égard. M. Moore, non seulement a cru devoir partager les vers à soie en plusieurs espèces (m07i, sinensis, fortunatus, textor, Hulloni, elc.), mais encore en plusieurs genres: le genre T'heophila à élé créé par lui pour les chenilles à peau épineuse, le genre Sericaria restant réservé aux chenilles à peau lisse ou à bosses. Dans le genre Sericaria ainsi réduit M. Moore distingue en outre 8 ou peut-être 12 espèces (2). M. Lambert, au contraire, autant du moins qu'on en peut juger par ce qu'a rapporté de ses opinions Natalis Rondot, dans son mémoire de (1) Nouvelles recherches sur l'amélioration des races européennes de vers à soie, mars 1893, in : Compte rendu des travaux du Laboratoire d'études de la soie, 7° volume, 1895, p. 40. (2) N. Kondot, L'industrie de la soie en France, 1894, p. 156. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 87 1894 (1), tendrait à réunir en une seule espêce toutes les variétés différentes « au nombre de plus de deux cent > qu'il étudie à Montpellier depuis 1891. Je n’ai pas à me prononcer encore entre ces différentes manières de voir, d'autant plus que je n'ai pas eu l’occasion, jusqu’à ce jour, d'observer, même sommairement, les si nombreuses sortes de vers à soie du mürier, espèces, races ou variétés, que possède la Station séricicole de Montpellier. Mais je vais montrer que parmi les différents caractères variables énumérés précédemment, il en est plusieurs qui sont polytaxiques. Or il est assez facile de prendre les différentes laxies d’une même espèce pour des espèces différentes, puisque dans l’un et l’autre cas on se trouve en présence de groupes d'individus à caractères bien tranchés et sans intermédiaires. En signalant le premier, chez les vers à soie, l'importance de ces phénomènes si curieux de polytaxie, j'apporterai donc indirectement quelque lumière dans cette question encore bien obscure de l'origine des vers à soie domes- tiques du mürier, sans compter l'importance que possède en elle-même l’étude de la polytaxie, au point de vue de la biologie générale. Vers moricauds.— En 1891 je reçus, de M. Raïbaud l’Ange, une petite pincée de graines de la race Bagdad, dont j'avais admiré les gros cocons blancs, à Paillerols, l’année précédente. J'élevai cette graine (lot MM de 1891), et fort occupé de l’examen comparatif des D0 lots que j'avais simultanément à l’étude cette année-là, je n'observai pas d'une façon bien attentive ce petit loi de Bagdad. Toutefois je vois dans mes notes que ce lot ne comprenait que des vers blancs, sauf onze qui étaient moricauds, et qui furent mis à part. Tous les cocons étaient blancs, gros, un peu irréguliers. Je fis grainer séparément les papillons des vers moricauds, et je conservai pour l’année suivante ? cellules non corpusculeuses de < Bagdad (1) Ibid., p. 137: « M. F. Lambert.... est arrivé à cette conclusion que les vers à soie domestiques du mûrier, à cocons jaunes ou blancs, dérivent d’un type unique, primitif, encore inconnu, dont la robe de la larve présente une ornementation plate ou en relief, et une coloration, l’une et l’autre très nettement déterminées dans les variétés rapprochées du type. Ces caractères essentiels et constants, sont plus ou moins modifiés, parce qu'ils sont plus ou moins effacés, et peuvent même disparaître, suivant un degré de culture plus ou moins avancé ». Il serait difficile d’être plus obscur ! 88 GEORGES COUTAGNE. vers noirs », et 6 cellules non corpusculeuses de « Bagdad vers blancs ». En 1892, le lot N fut formé avec quelques vers levés sur les 2 cellules de Bagdad vers noirs, et le lot O avec quelques vers levés sur les 6 cellules de Bagdad vers blancs. Dans le lot N de 1892, il y eut 104 vers blancs, que je jetai le 4 juin; le reste, c’est-à- dire les vers noirs, me donnèrent 269 cocons : il y eut donc dans ce lot 72°}, de vers moricauds, et 28 °/, de vers blancs. Dans le lot O de 1892 il y eut 26 vers noirs, qui furent jetés le 3 juin, et j'obtins au décoconnage 263 cocons ; 1l y eut donc dans ce lot 91 °/, de vers blancs, et 9 °/, de vers noirs. Mais le fait singulier, dont l’importance avait passé Imaperçue à mes yeux l’année précédente, est le suivant : dans l’un et l’autre de ces deux. lots, il y a des vers noirs et des vers blancs, mais aucun intermédiaire entre les deux sortes de vers (1). Voici la description détaillée de ces vers blancs et de ces vers noirs. Observés au début du dernier äge, les vers blanes ont leur peau entièrement blanche; toutefois le masque, les lunules, quelques petites lignes transversales de poncluations sombres sur la portion antérieure de chaque anneau, les petits poils disséminés çà et là, le vaisseau dorsal qui apparaît à travers la peau, et enfin les stigmates, ont pour effet d'enlever à cette couleur blanche sa fraicheur; au moment de la montée l'extré- milé du corps devient en outre un peu translucide, et jaunàtre ou bleuâtre, selon que le cocon que va faire le ver doit être jaune ou blanc. Bref, la couleur de ces vers, vus d'un peu loin, est blanche, mais en définitive d’un blanc sale, comme eflel d'ensemble. Les vers noirs, on z20ricauds, sont tout différents. La peau de chaque anneau est d’un gris plus ou moins clair, très faiblement nuancé de rose ou de jaune; mais en outre elle est couverte d’un réseau très élégant de petites lignes et de ponctuations d'un noir 7'f, ou tout au moins d’un cendré suffisamment foncé pour que l'elfet (1) Ce fait n’est pas nouveau, assurément ; depuis fort longtemps des centaines de sériciculteurs l'ont observé, ou tout au moins l'ont vu ; mais personne, à ma connais- sance du moins, n'en avait signale l'importance, el ne l'avait étudié par expérimentation directe, L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 89 d'ensemble soit toujours de nuance gris souris foncé, ürant un peu sur le marron pour les vers à cocons jaunes (1). Les différences entre ces deux sortes de vers sont des plus tranchées lorsqu'on examine les vers au dernier âge, el surtout au début du dernier âge, c’est-à-dire avant qu'ils deviennent translu- cides, avant qu'ils soient « mürs ». Depuis 1893, sur plusieurs milliers de vers que j'ai examinés très attentivement à ce point de vue, et que j'ai triés en vers blancs et vers noirs, Je n'ai jamais trouvé un seul intermédiaire, c'est-à-dire un seul ver sur le classement duquel dans l’une ou l’autre catégorie, j'aie eu, même un seul instant, l'ombre d’une hésitation. Au premier àge il n’y a aucune différence entre ces deux sortes de vers ; puis au 2, 3° et 4° âge, les différences s'accentuent de plus en plus, mais parfois on est encore embarrassé ; au 5° âge il n'y à plus aucune indécision. Quant aux cocons, ils sont tous identiques, ainsi que les papillons, et il y a même nombre de mâles et de femelles dans chaque catégorie. En 1893, j'ai élevé deux forts lots de cette même race de Bagdad. Le lot B de 1893 a été formé de 20 cellules du lot N de 1892 (vers noirs); ila donné le 23 juin 7%, 515 de cocons simples, à raison de 606 au kilogramme, plus 0%, 265 de cocons doubles. Le 6 juin j'avais éliminé 850 vers blancs, et environ 1 000 petits vers noirs relarda- laires ; ce lot comprenait donc au lotal 6 400 vers, dont 850 blancs, soit 13°/, (éliminés). — Le lot C de 1893 a été formé de 20 cellules du lot O de 1892 (Bagdad vers blancs) ; Le 21 juin il a donné 8k-,185 de cocons simples, à raison de 550 au kilogramme, plus 0K:,400 (1) Au sujet de ces vers noirs, que l’on appelle worieauds, mourets, nègres, dans le Midi de la France, Natalis Rondot estime que « le mot worieaud, le plus répandu, vient évidemment de more. Les moricauds représentent probablement une ancienne race moresque ; le comte de Gasparin nous a fait part d’une tradition recueillie par lui, que le ver à soie a été apporté en Provence par les Mores d'Espagne » (Loc. cit., p. 138, note). Il est incontestable que le nom de moricaud vient de more; il désigne assez heureusement, dans le langage familier, les individus à peau foncée, aussi bien chez les hommes que chez les vers à soie. Mais peut-on vraiment aller plus loin dans le champ des suppositions, et les vers moricauds ont-ils été importés par les Mores ? La chose est possible assurément : toutefois il me semble tout aussi vraisemblable de supposer que ces vers noirs n'ont pas plus été importés en Europe par les Mores, que le maïs, dit « ble de Turquie », et le dindon (Turkey en anglais), ne l'ont éte de la Turquie, 90 GEORGES COUTAGNE. de cocons doubles. Mais pendant loute la durée de l'éducation, l'examen le plus attentif ne m'a pas fait découvrir un seul ver noir. En 1894, le lot Y a été formé avec quelques graines de 100 cocons de choix du lot B de 1893 (vers noirs); il a donné, le 27 juin, 329 cocons simples, plus 10 cocons doubles; j'avais éliminé, le 9 juin, 98 vers blancs (tous les vers blancs du lot), et le 19 juin 610 vers noirs retardataires. Ce lot comprenait done au total 1 057 vers, dont 98 blancs, soit 9,2 pour cent. — Le lot Z de 1894 à été formé avec quelques graines de 150 cocons de choix du lot C de 1893 ; il a donné environ 300 cocons, le 27 juin ; tous les vers, sans exception, avaient été blancs. En 1895, le lot Q, issu de quelques graines de 15 jolies cellules de 35 cocons de choix du lot Y de 1894, a présenté 21 vers blancs (éliminés les 5 et 7 juin), sur 521 sujets, soit 4°/,. — Le lot R de 189,5, issu de quelques graines de 10 jolies cellules de 35 cocous de choix du lot Z de 1894, n’a présenté aucun ver moricaud. En 1896, le lot AZ, issu du lot Q de 1895 (une levée sur les 6 plus jolies cellules des 16 cellules faites en 1895 avec le lot Q), a présenté 20 vers blancs, sur 441 sujets, soit 4°/,. — Le lot AY de 189,6, issu de R de 18%5, n’a présenté que des vers blancs. En 1897, le lot LQ (levée du 22 avril sur les 6 plus jolies cellules faites en 1896 avec le lot AZ) n'a présenté qu'un seul ver blanc, pour 720 moricauds. — Le lot LP de 1897, issu de AY de 1896, n'a présenté que des vers blancs. Enfin en 1898, les lots OR et OY, issus respectivement des lots LQ et LP de 1897, ont présenté, le premier des vers noirs sans aucun ver blanc, et le second dés vers blancs, sans aucun ver noir. La race Bagdad, où du moins ce que j'avais reçu sous le nom de « Bagdad » en 1891, et dont j'ai extrait, par séleclion, deux autres sous-races plus homogènes, comprenait donc un mélange de deux sortes de vers, sans intermédiaires morphologiques. Mais cette différence si tranchée n’est manifeste que pendant une parie assez restreinte de l’évolution de l’insecte ; avant (premiers àges), comme après (cocons et papillons), on ne voit aucune différence. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 91 Le lableau des proportions relatives de ‘vers blancs et de vers moricauds éliminés chaque année, est le suivant. À BAGDAD VERS BLANCS BAGDAD VERS NOIRS ANNEES : {vers noirs éliminés) (vers blancs éliminés) He) Q0 [Es C2 5 4 4 = = — On remarquera le contraste si remarquable de ces deux séries de sélections. Tandis que les vers moricauds ont été facilement éliminés, en une génération, dans les Bagdad vers blancs, ce n’est que péniblement, et pas à pas, que la sous-race Bagdad vers noirs a pu être réalisée : chaque année le nombre des vers blancs n’était réduil que de moitié environ, comme le montrent les coefficients entre parenthèse, dont se rapprochent d’une façon très satisfaisante les taux décroissants réellement observés, 28, 13, 9, 4, elec. J'ai eu l’occasion de constater une autre fois la grande facilité avec laquelle on peut éliminer les vers noirs dans un lot de Bagdad comprenant à la fois des vers noirs et des vers blancs. Le lot FF de 1895 avait été formé d’une ponte de Y de 1894; le dénombrement des vers de chaque sorte ne fut pas fait, mais je notai cependant, le ) juin, que ce lot comprenait un mélange de vers blancs et de vers noirs .Je fis 20 cellules environ avec les plus jolis cocons de ce lot, et Je constatai, avec surprise, que sauf 3 cellules à œufs non adhérents, les autres étaient toutes à œufs adhérents ou demi- adhérents (les Bagdad purs ont toujours leurs œufs non adhérents). Je voulus donc étudier la fixité de ce nouveau caractère, apparu je ne sais comment (1), et le lot ZC de 1896 fut constitué avec « un (1) Ilest probable que ce caractère « œufs adhérents » avait été apporté avec le caractère « vers moricauds », par un croisement involontaire, ainsi que je l'expliquerai un peu plus loin, 92 GEORGES COUTAGNE. peu de graine de 5 cellules à œufs bien adhérents de FF de 1895 ». Dans ce lot ZC de 1896 il y eut 286 vers blancs et 145 vers moricauds; je ne gardai que les cocons des vers blancs, et avec leurs papillons je fis 6 cellules au hasard: elles furent toutes à œuïs adhérents. Enfin le lot LT de 1897, constilué par une levée du 23 avril sur les 2 000 œufs environ des 4 plus jolies cellules de ZC de 1896, ne m'a présenté que des vers blancs, sans aucun ver noir. Les œufs pondus par les papillons de ce lot furent tous adhérents. L'histoire de ces trois lots, FF de 1895, ZC de 1896, et LT de 1897, montre bien, à nouveau, la beaucoup plus grande puissance de transmission du caractère « vers blancs », par rapport au caractère « vers noirs », dans un mélange de Bagdad vers blancs et vers noirs lel que celui qui constituait le lot N de 1892 et sa descendance. Dans un tel mélange, la simple reproduction d'année en année, en dehors de toute sélection quelconque, aboulirait done fatalement, et assez rapidement, à la disparition complète de la laxie « vers noirs », quoiqu'au début la grande majorité de la population (72°/;) appartint à cetle laxie. C’est là un exemple fort intéressant des effets que peut avoir la paninivie. Je ne me suis pas borné, bien entendu, à étudier la seule race Bagdad, au point de vue de la ditaxie vers blancs et vers noirs. Dés que j'eus remarqué, en 1892, qu'il n'y avait aucun intermédiaire entre les vers blancs et les vers noirs de mes deux lots de Bagdad, j'examinai à ce même point de vue mes autres lols, et je vis que le fait était général. Voici quelques-unes des observations que je fis à cet égard. Le lot À de 1893 avait été formé, « pour avoir cocons jaunes et vers moricauds » est-il écrit dans mes notes, de quelques vers d’une cellule dont le père et la mère étaient tous deux moricauds (mâle 123 et femelle 131, tous deux d’un groupe de 50 vers moricauds mis à part le 8 juin 1892 dans le lot D de 1892). Le 5 jum j'éliminai 62 vers blancs; les vers moricauds qui restèrent produisirent 200 cocons. Il y eut donc, en 1893, 23 !/, de vers blancs. Le lot X de 1894 fut formé avec un peu de graine de 30 cocons de choix du lot À de 1893; le 16 juin je supprimai 241 vers blancs, el le 23 juin 380 vers noirs un peu retardataires ; les vers noirs qui restérent produisirent 594 cocons. Il y eut donc, en 1894, 19,8 °/, de vers blancs. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 93 Le lot P de 18% fut formé avec un peu de graine de 50 cocons de choix du lot X de 1894. Le 5 juin je supprimai tous les vers blancs, au nombre de 43 ; la récolte fut de 379 cocons, le 2 juillet. Il y eut donc, en 1895, 11,3 °/, de vers blancs. Le lot AQ de 1896 fut formé avec une levée du 4 mai sur les graines de 8 cellules du lot P de 1895 ; le 1° juin tous les vers blanes furent éliminés, au nombre de 79; quant aux cocons récoltés, 1l furent bien étudiés au point de vue de la richesse en soie, mais on oublia de noter leur nombre. Je supposerai celui-ci égal à 1 000 environ, le taux de 8°}, qui en résulte, pour les vers blancs cadrant assez bien, par interpolation, avec les autres nombres réellement constatés. Le lot LN de 1897, issu de 4 jolies pontes du lot AQ de 1896, donna encore 86 vers blancs, sur une population totale de 1286 vers environ, chiffre que j'estime exact à 100 vers près. Ce lot a êté presque complètement détruit au moment de la montée, par une grasserie intense ; mais d’après la surface que couvraient les vers, avant celle épidémie, j'avais pu juger assez exactement de leur nombre, par comparaison avec les lots voisins, qui étaient disposés sur des canisses de mêmes dimensions, et dont les cocons furent exactement comptés. , Enfin le lot OQ de 1898, issu de 5 jolies cellules du lot LN de 1897, donna encore quatre vers blancs, sur un total de 169 cocons, SOIb 24 JE. Voici le tableau qui résume les opérations que je viens de rapporter, et l'histoire de celte race, que j'avais nommé « Arachide », dans mes cahiers de notes, à cause de la forme très particulière, et très uniforme sans le secours d'aucune sélection, des cocons, qui dès le début (lot À de 1893) furent très allongés par rapport à leur dimension transversale, el à étranglement très accusé, en sorte qu'ils rappelaient vraiment la forme des gousses d’arachide. A de 1893 avec 25,0 pour cent de vers blancs (24). X de 1894 — 19,8 E P de 1895 — 11,2 a (12). AQ de 1896 — 8,0 = LN de 1897 — 6,6 ee (6). OQ de 1898 — 2,4 en 94 GEORGES COUTAGNE. La diminution progressive du nombre des vers blancs a été, dans ce cas, bien moins rapide que pour les « Bagdad vers noirs » : il a fallu, semble-t-il, deux générations, au lieu d’une, pour réduire de moitié le taux. Enfin, je signalerai la présence de vers moricauds dans 9 des lots qui figurent au tableau généalogique, PI. 1v, de la race « Jaune- Défends » : lots J et O de 1890, GG de 1891, D et L de 1892, O, K et M de 1893, et M de 1894. Tous les autres lots du tableau n’eurent que des vers blancs. Dans ces 9 lots la proportion des vers blancs et des vers noirs n’a pas été élablie rigoureusement ; mais j'ai noté les chiffres approximatifs suivants : 1/4 ou 1/5 de moricauds dans le lot J de 1890, 1/5 dans le lot O de 1890, et 1/2 environ dans les 7 autres lots. La disparition des vers moricauds, à partir de 1895, dans la race «Jaune-Défends > peut être qualifiée de spontanée, puisque dans les sélections que je pratiquais pour la formation de cette race je négligeais complètement de considérer la couleur des vers. On peut donc attribuer cette fois encore à la panmivie cette éliminalion spontanée de la taxie « vers moricauds (1) ». Je suppose que, pareillement encore, bien des caractères si singuliers que Maillot a constatés chez les différentes races d'Orient et d'Extrème-Orient qu'il avait reçues en 1887 et 1888 de la Chambre de Commerce de Lyon, et qu'il a notées très sommairement dans son dernier mémoire (2), se seront atténués ou même auront disparu depuis lors, dans les élevages de ces mêmes races que la Station séricicole de Montpellier a continués. Les comptes rendus de ces élevages, que doit publier prochainement M. Lambert, nous rensei- gneront probablement bientôt à cet égard. Mais si la panmixie tend à faire disparaître les vers moricauds, comment se fait-il que cette sorte de vers s'observe encore très fréquemment chez les sériciculteurs ? Voici les raisons qui me semblent le plus vraisemblables. D'une part, ces vers moricauds sont fréquemment sélectionnés par les (1) Le lecteur fera bien de hachurer avec un crayon bleu les carrés représentatifs des 9 lots à vers moricauds du tableau de la PI. 1v; cela lui permettra de saisir d’un seul coup d'œil les rapports généalogiques de ces 9 lots. (2) Ce mémoire a été imprimé à Lyon, en 1888, puis réimprimé à Montpellier en 1889, dans les Ann. de l'école d'agriculture, avec adjonction d’une planche due au crayon et au pinceau habile de M. Valery Mayet. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 95 sériciculteurs eux-mêmes, qui séduits par leur apparence anormale, en meltent à part quelques-uns au moment de la montée, les font coconner et grainer isolément, en distribuent la graine dans leur entourage, et ne manquent pas d’ailleurs de s'étonner l’année suivante de voir des vers blancs dans la descendance de leurs vers moricauds sélectionnés ; j'ai constaté moi-même plusieurs fois cet enchaîinement de faits pendant mes tournées chez les sériciculteurs. D'autre part je suppose que certains graineurs entretiennent systé- tiquement, c'est-à-dire par des sélections appropriées, la présence de ce caractère dans certaines de leurs races, soit qu'ils croient, et avec eux leurs clients, à tort ou à raison, que les vers moricauds sont plus robustes, soit simplement parce qu’ils ont adopté cette sorte de « marque de fabrique > pour caractériser leur marchandise, et la distinguer de celle de leurs concurrents éleveurs de simples vers blancs. Enfin, il est fort possible qu’il existe quelque part, en Europe ou ailleurs, une race à vers moricauds qui se comporte vis-à-vis des vers blancs comme la race Bagdad et la race Jaune-Var (sous-race « Arachide » et sous-race «Jaune-Défends >) se sont comportées dans mes expériences vis-à-vis des vers moricauds. Une telle race, si elle existe, serait bien intéressante à étudier, et pourrait sans doute être considérée comme la souche première du caractère « vers moricauds ». Nous reviendrons tout à l'heure sur la question de l’origine des vers moricauds. Vers zébrés. — ()n appelle quelquefois ces vers « vers rayés », mais je crois préférable de réserver cette qualification pour les vers rayés en long, tels que celui qui a été figuré par M. Valéry Mayet, en 1889 (1), et de réserver le terme de zébré pour les vers rayés en travers : chaque anneau du corps présente en avant un anneau d’un noir brunàtre. De même que pour les vers moricauds, ce carac- tère est des plus tranchés, et on ne peut trouver aucun intermédiaire entre ces vers zébrés et les vers blancs ou moricauds. Je ne donnerai pas ici, comme je viens de le faire pour les vers moricauds, un exposé détaillé de mes expériences sur les vers zébrés ; mais on trouvera au chapitre suivant de nombreux faits (1) Ze Progrès agricole et viticole, 2 juin 1889, ver désigné « Milanais noir » dans la planche qui accompagne un article de M. Fénéon : Croisement des races de vers à soie, 96 GEORGES COUTAGNE. relatifs aux croisements entre les vers zébrés et les vers blancs ou moricauds, qui confirmeront la polvtaxie de ce caractère. D'ailleurs je n’ai pas encore eu l’occasion d'établir expérimentalement la force de résistance héréditaire du caractère « vers blancs > par rapport à celui « vers zébrés », lorsqu'on élimine systématiquement dans une race donnée, tous les vers blancs à chaque génération. Cocons jaunes et cocons blancs. — [Les deux exemples de ditaxie que nous venons de considérer m'avaient élé fournis par la simple observation, et la cause, ou plutôt l’origine, des mélanges dilaxiques sur lesquels avaient porté mes expériences, reste encore inconnue. Mais le troisième cas de ditaxie que nous allons examiner maintenant est beaucoup plus intéressant, en ce qu'il a été provoqué expérimentalement par moi-même. Je donnerai d’abord, pour plus de clarté, et pour simplifier les descriptions, le petit tableau suivant, qui résume le polymorphisme du Bombyx mori, en ce qui concerne, du moins, les caractères variables dont nous nous occuperous en détail dans ce chapitre et dans le suivant. 4° Les vers sont : soit blancs, avec ou sans masque......... mode albus (a) > Soit noirs (Vers moricauds) "7... — niger (2) SO ZODPÉSE RAA RE ee PTE — virqalus (43) amv 20 Les cocons sont : SOIT JAUNES. ER R De RE N IN PNR mode flavus (bi) ap SO DlanCs. Fe rer RACE — niveus (3) = 3 Les papillons ont leurs ailes : soit blanches avec ou sans dessin cendré : mode canus (C;) soit noires (de nuance fumée ou marron) : mode caslaneus (C:) æ De même que je l’ai fait déjà dans d’autres travaux antérieurs, soil pour les végétaux (1), soit pour les mollusques (2), je crois ulile d'adopter des épithètes latines qui serviront convenlionnelle- (1) Première note sur le polymorphisme des végétaux, 1893, Ann. Soc. botanique de Lyon. (2) Recherches sur le polymorphisme des mollusques de France, 1895, Se. agric. Sciences el industrie de Lyon. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 97 ment à désigner chacune des manières d’être principales, chacun des modes, que peuvent présenter les trois caractères variables «, b, etc, que nous avons à étudier. En outre, sept symboles spéciaux, faisant image, ne seront pas de trop, comme on le verra bientôt, pour nous aider à metire quelque clarté dans l’élude assez compliquée des croisements entre ces divers modes. L'un ou l’autre des 3 modes de la larve peut être associé à chacun des 2 modes du cocon, ce qui fait 6 combinaisons ; et l’une ou l’autre de ces 6 combinaisons peut être associée à chacun des deux modes du papillon, ce qui fait en somme douze combinaisons inaginables. Ces douze combinaisons imaginables sont-elles réalisables ? Telle est la question que je m'étais posée, dès 1894, et à laquelle l'expérience, comme on va le voir, apporle une réponse nettement affirmalive. Le lot O de 1895, dont je vais donner l’histoire, a élé formé avec la ponte n° 15 de 1894, issue d’une femelle = <- & du lot BB de 1894, fécondée par un mâle «mr æ % du lot Q de 1894. Examinons d’abord la nature de ces deux lots. Les graines du lot BB de 1894 m’avaient été obligeamment données, sous l'étiquette « Blanc Pays des Basses-Alpes >» par M. Brandi, directeur de la Stalion séricicole de Manosque, qui lui-même les avaient reçues, croyons-nous, de MM. Galfard et Perrier d'Oraison. C'élait en somme une race paraissant bien homogène : tous les vers élaient blancs, tous les cocons étaient blancs, et tous les papillons élaient blancs. Les graines étaient très adhérentes, à en juger du moins par celles qui ont formé le lot U de 1895, et qui étaient celles de 9 jolies cellules du lot BB de 1894, ainsi que celles de la descendance ultérieure de ce lot U de 1895. Mais l’adhérence des œufs n’était peut-être pas un caractère très invariable de la race qui constituait le lot BB de 1894, car précisément la femelle de ce lot qui pondit la cellule n° 15 ne donna que des œufs non adhérents. Cette circonstance laisse supposer que la race que m'avait donnée M. Brandi eu 1894 n’était pas bien pure et possédait quelque peu de sang « Bagdad », dont le caractère « œufs non adhérents > aurait reparu dans la femelle-mère de la cellule n° 15 de 1894. La graine du lot Q de 1894 m'avait été donnée sous l'étiquette « Papillons noirs > par M. Laurent de l’Arbousset, à qui j'avais demandé un peu dela graine de la race dont j'avais vu les curieux papillons exposés par lui au Concours régional de Privas, en = ol ÜS GEORGES CGOUTAGNE. septembre 1895. Voici la description de ces papillons. Ils ont les ailes et le corps d’une nuance marron plus ou moins foncée, les mâles étant en général plus foncés que les femelles. Lorsque cette nuance est claire, il semble au premier abord qu'il y ait passage aux papillons à ailes blanches et à dessins marron ou cendré qui sont assez fréquents daus la race «Jaune Var > ordinaire. Mais les sujets réellement intermédiaires sont très peu nombreux, du moins parmi tous les papillons de cette race ou de ses croisements que j'ai examinés minutieusement à ce point de vue depuis 1894, à la condition de considérer surtout la nuance des grandes écailles qui forment la bordure extérieure des ailes; cette bordure, lorsqu'on examine des papillons bien frais, est soit d'un blanc brillant (mode €), soit d’un marron bien franc (mode «,). Mais il existe loutelois quelques rares intermédiaires à nuance indécise, el on ne peut pas dire que le caractère € soit franchement dilaxique. Quelle est l’origine de ces « Papillons noirs >? Aucun auteur ne les a signalés jusqu'à ce jour. Il semble que ce soit une variation brusque qui s’est produile en 1889, wx cas accidentel de mélanisme, qui à fort heureusement élé distingué par M. Laurent de l’Arbousset. Voici en effet ce que m'a écrit ce dernier, à la date du 30 octobre 1895. : « J'ai reçu votre dernière leltre me demandant l'historique de ma race à Papillons noërs ; la voici. > En 1889 un pelit acheteur de graines qui parcourait les grainages du Var vint chez moi à Gonfaron, et me montra à litre de curiosité deux papillons males de couleur noire ou brune foncée. Je le priai de me les remettre, ce qu'il fit volontiers. > Je recherchai alors parmi mes papillons les deux femelles les plus brunes que je pus trouver et je les accouplai avec mes deux mâles noirs. J’oblins deux cellules de graines très saines que je fis élever par pontes isolées l’année suivante. > En 1890 ces deux cellules me donnérent deux kilos d'assez mauvais COCOns. J'avais beaucoup de safranés, de pointus, de faibles, et de petits cocons très légers : il m'en fallait 750 au kilog. Je ne me décourageai pas cependant. Je fis d’abord un grand choix de cocons, ne gardant pour le grainage que les plus beaux ; et au papillonnage je lis encore un choix des papillons les plus noirs mâles et femelles el je les accouplaiï. L'HÉRÉDITÉ GHEZ LES VERS À SOIÉ. 99 » L'année suivante (1891), je fis faire une éducation spéciale des papillons choisis ; les cocons s’améliorèrent beaucoup ; je remarquai que presque tous les vers élaient rayés sur les anneaux. Je fis encore un grand choix de cocons, et au papillonnage je fis également un choix des papillons les plus noirs. > En 1892, j'obtins des cocons assez beaux; la race se précisail. Les papillons furent aussi plus noirs, et j'eus pour la première fois quelques femelles presque noires. Nouveau choix sévère de cocons et de papillons. > En 1893, j'obtins des cocons superbes sous tous les rapports ; 425 pesaient 1 kilog. Ma race était définitivement créée, el je la présenlai avec succès au concours régional de Privas, où j'obtins la médaille d’or. Nouveau choix de cocons et de papillons au graimage. Trés salisfait des réussites de celte race je la fais entrer pour un 1/5 dans mon grainage. Celle race est plus hâlive que la race Var ; elle fait son éducation en 29 à 30 jours au lieu de 32 qu'emploie cette dernière. « En 1894 j'obtins des réussites splendides et des cocons superbes. Je crois cependant constater que ces papillons pondent moins que mes autres races. Nouveau choix de cocons et de papillons. > En 1895, j'obtins loujours de superbes réussites, 3 kil. de cocons par gramme de graine, et 400 cocons au kilo... Voilà l'historique de ma race à Papillons noirs ». D'après ce récit très circonstancié il semble bien que cette race nouvelle ait eu pour origine un cas de mélanisme accidentel. Et nous avons là, soit dit en passant, un nouvel exemple de variation brusque spontanée, comme il s'en produit assez souvent, selon toule probabilité, mais qui passent trop souvent inaperçus, faute de témoins compétents pour noter leur apparition, el qui disparaissent sans laisser de trace, faute de sélection ou tout au moins de ségré- gation au moment opportun. On peut rappeler à ce sujet le premier fraisier monophylle, nè en 1761 dans un semis fait par Duchesne fils à Versailles (1), les curieuses variétés à feuilles capillaires entières et à feuilles capillaires dentées, de Mercurialis annua observées si exactement en 1715 et années suivantes par Marchant (2), (1) Æistoire naturelle du fraisier, par Duchesne fils, 1766, p. 133, et p. 11 des Remarques particulières qui terminent l'ouvrage. (2) Mémoires de l'Académie royale des sciences pour l’année 1719 ; 1721, p. 60. 100 GEORGES COUTAGNE. le premier moulon de la race mérinos-soyeux de Mauchamp, né en 1827 chez Graux, près de Berry-au-Bac (Aisne) (1), etc. Mais surtout il y a lieu de rapprocher ce mélanisme accidentel des deux papillons mâles découverts en 1859 par M. Laurent de l’Arboussel., d’un autre cas de mélanisme accidentel observé en 1894 chez le Yaimna Maï par M. Alfred Wailly, à Londres, et dont l'intérêt n'a pas échappé à la perspicacité de M. Sonthonnax. Après avoir parlé de Pinstallation de M. Wailly pour l'élevage des espèces sauvages de Lépidoptères, M. Sonthonnax ajoute : « Faisant parfois de grandes éducations de la même espèce, il obtient souvent des variétés intéressantes, que l’on serait tenté de considérer comme des espèces nouvelles, si on n’en connaissait pas la souche; c’est ainsi qu'il a obtenu celte année, dans une éducation de Yama Muï, un mäle complètement noir; c’est la première fois que pareille variélé a été observée » (2). Ajoulons encore, à ce sujet, que Moore a décritet figuré, en 1865, sous le nom de Boinbyx Shervilli (3), un papillon femelle, origi- naire du Nord-Est de l'Inde, qui lui avait été adressé par le capitaine J. L. Shervill, et qui ne diffère que bien peu, si mème il en diffère, des papillons de la race « Papillons noirs » qui nous occupe en ce moment. Le lot Q de 1894, issu de la graine que m'avait envoyée M. Lau- rent de l’Arbousset, me fournit un mélange de vers zébrés el de vers blancs, dans la proportion de environ 2/5 vers zébrès et 3/5 vers blancs. Les cocons furent tous jaunes, nuance « Jaune Var » ordinaire. Les cocons des vers zébrès furent seuls conservés, el donnèrent des papillons tous franchement noirs ou noirâtres, sauf quelques rares femelles presque blanches que, à vrai dire, je négligeai de bien observer: je n'avais pas encore remarqué, cette année-là, que la bordure extérieure des ailes était le point de condensation maxima de la couleur marron foncé des « Papillons noirs ». (1) Yvart, 1850. Etudes sur la race mérinos à laine soyeuse de Mauchamp, in : Recueil de médecine vétérinaire, 3° série, t. VII, p. 460. (2) Les lépidoptères séricogènes aux musées de Londres et Paris, 1894, in: Compte rendu des travaux du Laboratoire d'études de la soie, tome VII (1893-1894), Lyon 1895, p. 145. (&) Trans. Entom. Soc. London, 1865, p. 422, PI. xxu, fig. 1. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. JO Le croisement qui forma la cellule n° 15 de 1894 était donc tel, en définitive, que les deux parents n'avaient aucun de leurs trois caractères 4, b et €, de même taxie (le papillon mâle avait été choisi parmi les plus noirs du lot Q de 1894). En 1895, cette cellule n° 15 qui devait former le lot O, fut mise dans la chambre chaude à la fin d'avril. Les éclosions des vers eurent lieu vers le milieu de mai. Le 25 mai je conslatai qu'il n'y avait pas cu un seul œuf non éclos et j'éliminais 17 petits vers retardalaires. Le 5 juin je nolai : « {rès joli lot ; s'éveillent de la 4°; vers les uns blancs à lunules et à masques plus ou moins accusés, les autres zébrés ; à séparer en deux lois au milieu du 5° âge ». Cetle séparalion fut faite le 12 juin. Le 19 juin les vers finissent de monter ; le 26 juin, décoconnage, el j'obtiens : Vers zébres, 224 bons cocons simples (570 grammes), plus 12 doubles et un faible ; ces 224 cocons simples se décomposent en 116 cocons jaunes et 108 cocons blancs, Sans aucun cocon de nuance intermediaire ; Iles doubles sont : soit jaune (2? vers à glandes jaunes), soit jaune pàle (1 ver à glande jaune et 1 ver à glande blanche), soit blanc (2? vers à glandes blanches). Vers blancs, 235 bons cocons simples (572 grammes), plus 4 doubles et un safrané ; ces 235 cocons simples se décomposent en 124 cocons jaunes et 111 cocons blancs, sans aucun cocon de nuance intermédiaire; pour les doubles, même observation que pour ceux des vers zébrés, c'est-à-dire trois catégories distinctes. Au papillonnage tous les papillons furent pareils dans chacun des 4 groupes &301, dibi, aida et asb,: 1s étaient noirs, les femelles élant loulefois moins foncées que les mâles. Il faut noter cependant que tous ces papillons diffèrent un peu, comme ensemble, de ceux du lot S de 1895 (issu de quelques graines de 10 jolies cellules du lot Q de 1894, à femelles et mâles choisis parmi les plus foncés de chaque sexe); les dessins des ailes sont plus accentués, mais la nuance d'ensemble est moins foncée; il n'y a pas, parmi ces papillons de O des sujets à ailes uniformément marron foncé, comm, il y en a beaucoup dans S : le caractère €, s'est bien transmis à toutc la ponte n° 15 de 1894, mais un peu atlénué, semble-t-il, un peu fondu avec le caractère €,. Par contre, toutes Les femelles du lot O ont fait des pontes à œufs non adhérents, ce qui est un caractère maternel qui s’est transmis 102 GEORGES COUTAGNE. à toute la ponte n° 15, de même que le caractère paternel € s’est ransmis également à toute cette mê nie: transmis également à toute cette même ponte Ainsi, le lot O de 1895 m'a donné quatre groupes bien distincts de sujets : 107446 individusta:biese LŒA 6 à . DO 0 1947 LU pb be c vrr ) à Sn 0 O , A1! ES Ai03C» ; 49 ON 108 rs G30aCe 5 soit 4 groupes sensiblement égaux, el parfaitement tranches ; et en outre comme dans chacun de ces groupes 1l y avait sensiblement moitié mâles et moitié femelles, cela faisait uit taxies tres distinctes comprenant chacune un mème nombre de sujets. Nôus voyons donc, en définitive, que les deux modes ?, el b,, cocon jaune et cocon blanc, sont susceptibles de constituer parfois deux taxies. Je me bornerai pour le moment à cette simple consta- lalion; nous étudierons plus en détail, au chapitre suivant, les différentes modalités du caractère « couleur du cocon > dans les croisements. Puisque le mélanisme des papillons du lot O de 1895 semble avoir pour origine une variation accidentelle récente, il est naturel de se demander si le mélanisme des vers moricauds n'aurait pas lui aussi une origine analogue, mais bien plus ancienne, puisque les vers moricauds sont connus depuis fort longtemps. A l'appui de cette hypothèse on pourrait citer l'observation suivante, rapportée par M. À. Fauvel, sur la couleur des chenilles de l’'Antheraea Pernyi. Dans le compte rendu très détaillé qu'il donne de l’industrie sérique en Chine, 11 dit, au sujet des vers de bon augure : « Sous ce titre curieux les auteurs chinois parlent de certaines particularilés affectant quelquefois les chenilles et auxquelles ils attribuent une bonne influence sur la récolte. On sait que le vert est la couleur normale de la larve de l'A. Pernyi au troisième âge. Or, on voit quelquefois des chenilles colorées d’une façon anormale, sans pour cela être malades. Certaines sont d'un vert très foncé, presque noir, d'autres sont blanchâtres ou jaunâtres. Il s’en trouve de brunes avec des poils violacés. Le culti- vateur se réjouit quand il trouve des vers ainsi faits sur ses arbres. L'HÉRÉLDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 105 Il s'attend à une bonne récolle de cocons, d’où le nom de vers d'heureux présage qu’il leur donne » (1). Il semble bien que ces vers « d’un vert foncé, presque noir, où au contraire « blanchâtres ou jaunâtres », sont des sujets mélaniques ou albinos. M. Fauvel propose toutefois une autre explication : «Il est possible également que les chenilles singulières remarquées par Chinois soient celles d'espèces particulières d'Antheraea encore peu ou point connues ». Mais cette dernière hypothèse me semble bien moins vraisemblable que celle que j'ai donnée ci-dessus. Sans remonter jusqu'à l'origine première, assez énigmatique encore des vers moricauds en général, on peut dès à présent donner une explicalion {rès plausible de la présence, dans mon lot MM de 1891 (Bagdad provenant de Paillerols) des quelques vers moricauds dont j'ai pu tirer une race si singulière de cocons blancs à vers moricauds (lot LQ de 1897 el OR de 1898). Il suffit de supposer, ce qui est on ne peut plus vraisemblable, que dans les grainages de Raibaud lAnge, à Paillerols, en 1889 ou 1890, un papillon mâle, de race jaune el de taxie #, (les vers moricauds n'étaient pas rares alors dans les lots de grainage de Paillerols, témoin mon lot J de 1890 qui en avait 1/4 ou 1/5) se sera accouplé avec une femelle de race Bagdad. D'après l'expérience de mon lot O de 1895, il sera résullé de ce croisement forluit quatre laxies d'individus répondant aux formules: a; D: Ci, 43 Da C1, Qi Di C1, et Ge bi C1. Les deux dernières, élant à cocons jaunes (D,), furent certainement éliminées, au moment de la mise en filanes des cocons blancs de Bagdad ; la premiére taxie @,b,c, était le simple retour au type ordinaire de Bagdad ; et les quelques sujets 4 D, €, étant aussi à cocons blancs, ne furent pas éliminés, et formérent dès lors la souche des 11 sujets de même formule que j'obtins dans mon lot MM de 1891. Le croisement entre les vers blancs et les vers moricauds m'a toujours donné jusqu'à ce jour, comme je l'ai déjà expliqué, un mélange ditavique de vers blancs et de vers moricauds, sans intermédiaires. Toutefois j'ai eu l'occasion de voir, en 1895, une anomalie singulière : un vers était blanc sur la moitié longitudinale droite du corps, et moricaud sur la moitié gauche; voici dans quelles circonstances. Le 24 mai 1895, MM. Berloglio et Jaume, graineurs à Velleron, (1) Les Séricigènes de la Chine, 1855, p. 133. 104 GEORGES COUTAGNE. en me rendant compte de leurs observations sur la marche de diffé- rentes chambrées de graines « Jaune Défends > que je leur avais con- fiées, et qu'ils faisaient élever aux environs de Sommières (Gard), me donnérent,relalivement à l’une d'elles, chambrée Frédéric Tréfond, à Souvignargues, 25 grammes de graines issues du lot K de 1894, les notes suivantes : « 16 mai: sortent de la 3° muc; il y a quelques petits rétardataires, les autres sont jolis. — 20 mai : trouvé les vers assez réguliers, couleurs franches, accentuées en blanc et noir c'est-à-dire bien blanc et bien noir (1); vu trois vers blanc d’un côté, noir de l’autre, longitudinalement ; dormiront de la 4° le 24 mai; en général les vers de votre race restent 3 jours en mue de la 4° ». Deux jours après la réception de celte lettre j'étais à Sommiéres. Je trouvais les vers de la chambrée Tréfond à leur 5° âge, et malgré de très minutieuses recherches, nous ne püûmes relrouver qu'un seul des 3 vers anormaux qui avaient élé aperçus le 20 mai. Je rapportai soigneusement ce ver au Défends, et le fit photographier à mon passage à Marseille. Malheureusement les variations de régime et de température subies pendant le voyage, les feuilles fraiches de mürier lui ayant manqué pendant près de 24 heures, lui furent fatales ; il languit, puis mourut, avant de faire son cocon. Son cadavre fut aussitôt mis dans le formol, et je cherchai bien à me rendre compte, par une dissection ultérieure, de l'agencement de ses organes de reproduction ; mais un commencement de décompo- sition s'était produit à l'intérieur du corps, en sorte que je ne pus rien voir. | La question intéressante était en effet celle-ci: ces vers sont-ils assimilables aux papillons hermaphrodites déjà souvent signalés, mâles d'un côté, femelles de l'autre, avec livrée des ailes repro- duisant de chaque côté celle du sexe correspondant ? (2) ou bien ecs sujets ditariques élaient-ils normalement constitués, sous le rapport sexuel, l'anomalie ne concernant que leur livrée ? Dans le (1) Ceci répondait à une demande de ma part de bien observer si dans quelque lot ils pourraient découvrir des vers de nuanse intermédiaire entre les vers blanes et les vers moricauds. Ils ne purent m'en signaler aucun cas. (2) Ann. Soc. entom. de France: t. IV, 1" série, 1835, pages 143, 145, 191, et planche 1 ; t. VII, 2° série, 1849, p. 173 et pl. 6; t. X, 2° série, 1852, p. 325 et pl. 4; t. 1, 5 série, 1871, p. 107 et pl. 2. — Lefebvre, dans le volume de 1835, énumère 51 cas, savoir 47 chez des Lépidoptères, 2 chez des Coléopteres, et 2 chez des Hyménoptères. — Voir aussi : Feuille des Jeunes Naturalistes, 1°" octobre 1882. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 103 premier cas, le fait n'aurait pas grand intérêt : on serait simplement en présence d’un nouveau cas d'hermaphrodisme longitudinal. Mais dans le second cas, au contraire, cette juxtaposition, chez le même individu, des caractères de deux taxies différentes, constituerait un phénomène très important, car il autoriserait à considérer la sexualité comme un simple cas de la polylaxie. Et en outre, celle disposition étant parfaitement compatible avec la reproduction normale, on pourrait espérer qu'elle reparailrait plus ou moins caractérisée chez quelques uns au moins des descendants, et qu'on pourrait de la sorte obtenir par sélection, une race à vers irré- gulièrement ligrés, c'est-à-dire, assimilables aux fleurs punachées des horticulteurs. La répartition des deux caractères 4, el 4, chez ce ver dilaxiquo n'élait pas exactement délimité par le plan de symétrie de l'animal : on constalait une cerlaine tendance diagonale, en ce que quelques taches blanches se trouvaient disposées 4 l'arrière de la portion notre, et quelques taches noires 4 l'avant de la portion blanche. Un arrangement analogue a d’ailleurs été signalé pour les papillons hermaphrodites (1) ; mais le déterminisne de cette disposition n'en reste pas moins très énigmalique. J'espère avoir l'occasion de retrouver, un jour ou l'autre, quelques nouveaux vers ditaxiques, el je ne manquerai pas, bien entendu, de prendre alors toutes les précautions pour que ces vers accomplissent entièrement, et normalement, leur évolution, afin que par l'examen du papillon il soit possible d’élucider ces différentes questions si intéressantes. Nous allons maintenant passer en revue loules les différentes combinaisons émaginables entre les sept modes que nous avons distingués jusqu’à présent pour les3 caractères «, b, el c ; et comme en 1896 j'ai réalisé expérimentalement un 8° mode, 4° du caractère à, des vers à la fois moricauds et zébrés (symbole représentatif : 4,), dont j'indiquerai l’histoire au chapitre suivant (AF de 1896, LX et LY de 1897, etc.), cela nous fera seize combinaisons différentes à considérer. 1° (a, D, c1). C’est la race Jaune Var ordinaire. Isolée dans les lots IH, HO, HT, ID et KJ des « Jaunes-Défends > de 1897; mais (1) Ann. Soe. entom. France, 1835, p. 146. 106 GEORGES COUTAGNE. ainsi que je l'ai déjà dit précédemment, ce n'est que depuis 1895 qu'il n'y a plus de vers moricauds dans la lignée des «Jaune-défends» ; 20 (Ga bi Ci). C'est la race « Arachide » dont j'ai donné l'histoire précédemment. Dans le lot OQ de 1898 il n'y avait plus que ?, 4°, de vers blancs ; 3 (43 bi Ci). Ge sont les vers zébrés des races jaunes ordinaires, c'est-à-dire à papillons blancs. Je n'ai pas eu l'occasion de réaliser cette combinaison à l’état pur, mais celte réalisalion ne présenterail certainement aucune difficulté ; 4° (a; bi C3). Gelte combinaison pourrail sans doute être obtenue comme le 12 ci-après, «, D, ©. mais en combinant ensemble &, bi ci CL as Di C1, au lieu de &2 bi C2 el 43 Di Ca; D (44 D, €). Celle combinaison élail à l'élat de race pure dans 3 des races que j'ai élevées en 1898 et les années précédentes : Bagdad vers blancs, lot OT de 1898 ; Blanc pays de Cévennes, lot OÙ de 1898 ; et Blanc pays des Alpes, lot OZ de 1898. 6° (a, D, c,). Ce sont les « Bagdad vers noirs >. Celle combinaison n'a été complétement purifiée qu'en 1898, comme je l'ai déjà indiqué précédemment. 7 (a ba Ci). Pourrait être oblenue en procédant comme pour la 15° ci-après, 43 Da ©, mais en parlant des « Jaune Var, vers zébrés » ordinaires, au lieu des « Jaunes Var, vers zébrés, et papillons NOITS ». 80 (ay D» C1). Mème observation que pour la 4°, 4, bi €, ci-dessus. 90 («4 bi C2). Tout le lot MM de 1897 était de celte combinaison, ainsi que les lots MG de 1897 et QR de 1898. 10° (a; D, Ca). La moitié des sujets du lot MA de 1897 (314 sur 601). 11° (as b, ce). Les trois quarts du lot ME de 1897 (288 sur 397), el les huit dixièmes environ du lot QQ de 1898. 12° (a; Di Ca). Environ 28 ‘/, du lot LX de 1897 (90 sur 323). 13° («4 Ds Ca). Environ les trois quarts du lot MH de 1897 (530 sur 189) ; les trois quarts aussi du lot MK de 1897 (325 sur 427); et les (rois quarts encore du lot MI de 1897 (524 sur 718). 14° (&2 Da C2). La moitié du lot LZ de 1897 (311 sur 572). 15° (43 Da Ca). La moitié du lot MF de 1897 (234 sur 471). 16° (a; De C2). Environ 38 ?/, du lot LY de 1897 (189 sur 497). L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 107 — En outre des trois caractères a, b et €, dont nous venons d'étudier 8 modes, et de passer en revue rapidement les 16 diffé- rentes combinaisons de ces 8 modes, j'aurai encore à rapporter quelques observations concernant trois autres caractères variables, mais Ceux-ci non polytaxiques. 1° La dimension des vers adultes, des cocons, et des papillons, varie énormément, et on pourrait distinguer 3 modes; 72407, medius et minor. Les cocons du lot J de 1894 pesarent 279 en moyenne (358 au kilo), au décoconnage, et ceux du lot P de 1894 pesaient 154 (649 au kilo); et cet écart de presque 1 à 2 serait de 1 à 4 ou de { à 5 si on envisageail non plus les moyennes des lots, mais les individus les plus légers et ceux les plus lourds dans un même sexe. La grosseur du cocon est d'autre part indépendante en quelque sorte du poids: les cocons du lot Y de 1894 et Q de 1895 (Bagdad vers noirs) étaient bien deux fois plus gros, c'est-à-dire à volume double (1), que ceux du lot CC de 1894 et T de 1895 (Blanc- pays), quoique pesant à peu près de même (193 et 186 centig., poids moyen des cocons de Y et CC le 27 juin 1894, 183 et 176 cenlig., poids moyen des cocons de Q et T le 2 juillet 1895), et quoique présentant d'autre part sensiblement la même richesse en soie : 29,7 et 27,4 poids moyen des coques des deux lots précités de 1894, 27,0 et 28,4 poids moyen des coques des deux lots précités de 1895. 2° Les vers des races européennes sont à masque ou sans masque, et si on réservait le terme a/bus pour désigner les vers blancs sans masques, on pourrait appeler personatus le mode que présentent les vers blancs à masque bien accusé. J'ai tout particulièrement étudié ce caractère en 1894, dans tous mes lots, afin de voir s'il était ditaxique. J'ai trouvé qu'il était, du moins dans mes élevages, en variation diffuse, mais néanmoins, à ce qu'il m'a semblé, avec une certaine tendance à la condensalion en deux taxies distinctes. Les vers moricau et les vers zèbres sonttoujours fortement masques. (1) Pour déterminer ce caractere d’une façon précise, il suffit de peser successi- vement une mesure cylindrique de un litre, d'abord pleine de plomb de chasse fin, et ensuite pleine d’un mélange convenablement arrangé de cocons bien débavés et de ce même plomb. La différence de ces deux pesées, dont la première donne la densité gravimétrique du plomb employé, fournit exactement le volume occupé par les cocons soumis à l'épreuve. 108 GEORGES COUTAGNE. Parmi les vers blancs, ceux qui ont un masque bien coloré sont en général à lunules foncées, mais 1l y a toutefois des exceptions : le lot C de 1894 présentait des vers blancs sans masques dont les lunules étaient presque aussi foncées que celles des vers blancs masqués. Parmi les 15 lots de « Jaunes-Défends > de 1894, trois (J, Get N) étaient à vers tous blancs el tous sans masque, cinq (A, C, E, let L)étaient à vers tous blancs avec ou sans masque, et sepl(B, D,.F, H,K, M et O) étaient à vers, les uns moricauds el masqués, les autres blancs avec ou sans masque. Le lot P de 1894, que j'avais reçu sous l’éliquelte « Bagdad jaunes » de M. F. Lambert, ainsi que toute sa descendance (lots Yet Z de 1895, ZE de 1896, L V de 1897) fut très remarquable par la couleur excessivement foncée des lunules ; les vers étaient à masque aussi coloré que les plus colorés des vers blancs bien masqués de la race « Jaune-Défends ». Mais le caractère tout spécial des lunules très noires donnait à cette race un aspect très particulier. Les vermiculures et les ponctuations de la peau étaient également plus accusées qu'elles ne le sont d'ordinaire dans les races jaunes françaises. Ce lot P de 1894, soit dit en passant, fournit de très petits cocons, de toutes les nuances, depuis le jaune citron jusqu'au blanc pur, en passant par le jaune canari, le jaune cuivré, le jaune paille, etc. Les cocons jaune paille étaient d'un jaune plus foncé à l'intérieur, ce qui est l'inverse de ce qu'on observe en général chez les cocons bicolores des races jaunesfrançaises. Je ne pus rien Urer de bon de la descendance de ce lot P de 1894, malgré trois années de sélections successives ; celte race était manifestement en état de « variation désordonnée », par suite, selon toute vraisemblance, de croisements antérieurs plus ou moins irrationnels. 3° Enfin je noterai les dessins plus ou moins fortement nuancés des ailes des papillons. À cet égard il ne me semble pas qu'il y ait la moindre tendance à la ditaxie, du moins dans mes élevages. En d'autres termes, les papillons à ailes très légèrement ornées (mode subornatus) sont en grande majorité par rapport à ceux à ailes enliérement blanches (mode riveus, en restreignant le sens déjà donné précédemment à celte épithète), el par rapport à ceux possé- dant des ailes très fortement ornées (mode o7natus). Au contraire, les vers à masque peu coloré étaient en très faible minorité, dans cerlains lots du moins (lot C de 1894, par exemple) par rapport aux vers sans masque, et par rapport aux vers à masque très foncé. Il L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SÔIE, 109 convient de noter aussi que ce caractère de l'ornementation plus ou moins vive des ailes, est manifestement dans une certaine relation avec la sexualité : les papillons mâles ont, en général, leurs ailes à dessins plus foncés que les femelles. De même aussi, dans le mode castaneus, les papillons mâles sont, en moyenne, bien plus foncés. Mais si on examine séparément les individus, il n’est pas difficile de lrouver des femelles plus foncées que certains mâles, soit au point de vue des dessins des ailes dans le mode canus (ailes à bordure blanche), soit au point de vue de la nuance marron de l'ensemble de l'aile, dans le mode castaneus (ailes à bordure marron). Les dessins des ailes des sujets o7natus sont fort intéressants, au point de vue des relations de parenté qui peuvent exister entre les différentes races domesliquées de vers à soie, et les vers à soie sauvages, tels que Theophila mandarina (1), à ailes couvertes de bandes et de lignes brunes disposées identiquement de la même manière. Je terminerai ce chapilre par quelques remarques générales. La polytaxie des caractères semblera peut-être à quelques natu- ralistes chose singulière, anormale. Mais sans insister ici sur la ditaxie sexuelle des Vertébrés, ou sur la polytaxie sexuelle de certains insectes (Termites, Phylloxeras, etc.), ditaxie et polytaxie qui ne surprennent plus personne, étant depuis longtemps connues et étudiées (2), on peut rapprocher la potylaxie, soit sexuelle, soil non sexuelle, d’autres phénomènes similaires dans une {héorie générale du polymorphisme des organes. En notre qualité d’ixdividus pensants, nous sommes trop portés à considérer le monde des êtres organisés comme formé exclusi- vement d'êtres analogues à nous-mêmes, c’est-à-dire d'érvidualités autonomes, n'ayant d'autre relation directe les unes avec les autres que les liens généalogiques, liens temporaires et bien vite rompus. En fait, c’est là une vue étroile et même fausse. L'irdividuation complète est assurément un mode d’organisalion souvent réalisé, et cette indi- viduation est d'autant plus complète et plus durable que l'on (1) Zaburatoire d'études de la soie de Lyon, tome I, 1885, p. 23 et pl. I; et tome IT, 1886, p. 27. — Les soies par Natalis Rondot, 1887, 2° édition, tome II, p. 42 et suivantes. (2) Bateson a donné, récemment, des exemples très intéressants de polyÿmorphisme polytaxique, ou pour employer son expression, de « variation substantive discontinue » (1894, Materials for the study of variation, introduction, pages 36 à 65), 110 GEORGES GOUTAGNE. considère des êtres plus haut placés sur l'échelle organique; mais l'individuation incomplète est un mode d'organisation aussi très fréquent, et même, si on jelte un coup d'œil d'ensemble et philoso- phique sur l’ensemble des êtres organisés, on constate que l’indrvi- duation imparfaite est la règle, et lirdividualion parfaite l'exception. Il me suffira de rappeler le monde immense des végétaux inférieurs, agrégats de cellules plus ou moins modifiées les unes par rapport aux autres, véritables colonies qu’on serait bien embarrassé de subdiviser ralionnellement en un nombre précis d'individualités distinctes. Les végétaux supérieurs, eux-mêmes, ne sont-ils pas de véritables colonies ? Un fragment de feuille d'oranger, de Begonia, est susceptible de reproduire par bouturage une plante identique à celle dont il à été détaché: ce fragment d'individu conslilue done, aussilôl après sa séparalion, un nouvel individu. De même aussi pour chacun des bourgeons des serments d’une vigne, et pour chaque morceau du corps d'une mullitude d'animaux inférieurs (Ascidia, Hydra, ete.) Ces individualités, si faciles à subdiviser, et qui cons- ütuent, au gré de l'opérateur qui les sectionne, une, deux, trois, ou cinquante individualités nouvelles, sont-elles donc des individualités parfaites ? Le corps des animaux supérieurs, et le corps humain en particulier, qui est assurément le lype de l'individualité organique Ja plus parfaite que nous puissions observer, n'est-il pas lui-même un agrégat de plastides, dont un cerlain nombre tout au moins, semblent avoir une individualité très analogue à celle d'une mulli- tude d'organismes monoplastides ? D'autre part on peut considérer, avec Weismann, chaque espèce d’ètres polyplastides comme un réseau indéfiniment ramifié de chaines continues de plastides germinales (continuité du plasma germinalil), les différents érdividus de celte espèce n'étant que des édifices temporaires de plastides somatiques, chargés, soit d'assurer l'entretien du milieu nécessaire à la prolifération des plastides germinales, soit d'assurer de temps à autre la conjugaison binaire des plastides germinales appartenant à deux chaînes très diffé- rentes (1). Dans cette conception du monde organisé, l'évolution (1) Schématiquement, les individus somatiques seraient placés aux confluents, deux à deux, des ramifications représentant les chaines de cellules ou plastides germinales, chaque soma devenant lui-même à son tour le point de départ d’une nouvelle chaine de cellules germinales, L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 111 d'une espèce devient comparable à la végélation d'une plante à rhyzomes, qui le long de ceux-ci pousse de temps à autre des individus aériens, chargés de nourrir les rhyzomes, et d'assurer la reproduction sexuelle de la plante. Les différents individus d'une même espèce peuvent donc être considérés comme de simples organes de cette espèce, c’est-à-dire comme des édifices de cellules adaptés à un rôle particulier, édifices qui ne diffèrent des autres organes que par une autonomie plus complète. Chez certains organismes, même, les individus sont privês de celte autonomie, et on peut les qualifier indifféremment d'individus à autonomie incomplète, ou d'organes presque individualises : tels sont les Siphonophores, qui nous présentent des colonies de polypes très polymorphes, pêcheurs, nourriciers, sexuels, soldats..., tous étroitement solidaires les uns des autres, el même soumis peut-être à la direction d’un instinct central, qui coordonne les mouvements. L'individuation nous apparaît donc, en définitive, comme un mode, une manière d’être, que peuvent dans cerlaines condilions présenter certains organes : c’est un état tel que l'organe qui le possède peut vivre, c’est-à-dire fonctionner, pendant un temps plus ou moins long, sans le secours d'aucun autre organe de la même espèce; en d’autres termes, l’individuation n'est que l'autonomie plus ou moins complète et plus ou moins temporaire, d'un organe (1). C’est ainsi, par exemple, que chez les Cryptogames hétérosporées (Isoetées), on peut distinguer quatre sortes d'individus: 1° les macrospores, qui évoluent en un prothalle portant des archégones ; 2"les microspores; 3° les anthérozoïdes qui dérivent des microspores ; 4° enfin la plante proprement dite, issue de la fécondation dans un archegone d’une oosphère par un anthérozoïde. Chez les phanéro- games, deux seulement de ces quatre sortes d'organismes ont conservé leur individualité : les microspores (grains de pollen), et la plante proprement dite. (1) La diécie n’est que la répartition, entre deux séries d'individus, d'organes qui constituaient déjà depuis longtemps deux taxies distinctes, de telle sorte que ces deux séries d'individus se trouvent être, elles aussi, #pso facto, deux taxies. Ce n’est que chez les algues conjuguées (Zygonium, Mougeotia) que ces organes, mâles et femelles, forment une seule série monotaxique, soil au point de vue morphologique, soit au point de vue fonetionnel, Et encore apercoit-on déjà chez certains de ces végétaux rudimentaires (Spirogyra, Zygnema) Yébauche des différences fonctionnelles qui constituent la caracté- ristique des deux sexes, dans foute la série des êtres organisés, 112 GEORGES COUTAGNE. Chez les animaux aquatiques monéques (les Synaples et les Ophiures, par exemple), on peut distinguer trois sortes d'individus ; les œufs, les spermatozoïdes, et les êtres somaliques ou animaux proprement dits. Chez les animaux adaptés à la vie aérienne, les œufs et les spermatozoïdes perdent à peu près complètement leur individualité. Lorsqu'il y a diécie (Oursins, Crustacés, Vertébrés), polylaxie sexuelle (Abeilles, Termiles) ou généagenèse (Méduses, Cestodes, Trémalodes), le nombre des individualités distinctes, et de divers ordres, qui constituent par leur ensemble lPespèce, est singu- lièrement augmenté. Il convient de rappeler aussi les bras hectoco- tylisés des Mollusques céphalopodes, bras qui sont de vérilables organes lemporairement individualisés, de même aussi, d'ailleurs, que les spermatophores de ces curieux animaux. Les individualités de divers ordres n'élant, d'après celle manière de voir, que des organes douës d’une certaine autonomie, le poly- morphisme des individus n’est plus qu'un cas particulier du polymor- phisme des organes. Or ces derniers sont, tantôt à polymorphisme diffus (ou monoltaxique), tantôt à polvymorphisme polylaxique. « Pour former les fleurs et leurs organes la nature n’a pas besoin de recourir à des formations nouvelles: de simples modifications, amenées parfois par transition insensible, plus souvent produites sans nuances intermédiaires, lui ont servi à mélamorphoser les organes végélalifs, et spécialement les feuilles, en organes repro- ducteurs » (1). Les feuilles des pivoines, les sépales des Camnellia, les élamines des Nyrphea, et tous les autres groupes d’organes qui servent d'exemples classiques pour montrer la &ansition insensible entre les formes distinctes de feuilles florales, sont des organes à polymorphisme diffus : et les sépales, pétales, étamines el carpelles des fleurs à verlicilles floraux neltement distincts, sans nuances intermédiaires, sont des organes à polymorphisme polylaxique. L'hétérostylie ditaxique (2) des primevèéres peut se comparer à la (1) Duchartre, 1877, Lléments de Botanique, p. 540. (2) J'ai montré, il y a quelques années, à propos du Warcissus juncifolius de la Provence (Ann. Soc. botanique de Lyon, tome XVIII, 1892 p. 172) que l'hétérostylie morphologique de certaines fleurs doit être envisagée indépendamment de toutes les différences fonctionnelles que peuvent présenter les deux ou trois taxies distinctes de ces fleurs. Ces deux ordres de phénomènes, morphologiques et physiologiques, « doivent être envisagés séparément, c'est-à-dire soigneusement analysés, précisément dans le but de mieux pénétrer dans l'étude de leurs rapports si complexes. » L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 113 didynamie; le polymorphisme ornemental des papillons malais, étudiés par Wallace, au dimorphisme des pédales de ZLopezia racemosa ; el ainsi de suite. La polytaxie des individus cesse donc de paraître un fait extraordinaire, puisqu'elle n’est qu'un cas particulier de la polytaxie des organes, polytaxie qu'on observe si fréquemment. Si on considère d’une façon générale l’évolution des êtres organisés, la polytaxie semble présenter un stade plus compliqué, plus évolué, que la monotaxie. Toute série d'organes ou d'individus homologues (1) qui sont répartis en laxies distinctes semblent dériver d’un état antérieur dans lequel ces organes, ou ces individus, élaient en variation diffuse; el dès lors plus ces taxies sont distinctes, et invariablement distinctes, plus ancienne parait être l'époque à laquelle on peut supposer qu'elles se sont condensées par suppression de tous les intermédiaires. À cet égard on pourrait donc supposer que les différences polylaxiques que j'ai signalées chez les vers à soie témoignent en faveur de l'hypothèse d'une origine hybride de ces insectes, et que l’étude minutieuse de ces différences permeltra de déterminer le nombre el les caractères des différentes espèces sauvages de Bombycides qui ont été les éléments ethniques primordiaux de toutes nos races domestiques actuelles de vers à Sole. Mais nous allons voir, au chapitre suivant, que les croisements entre les Jaune-Var (Bombyæ sericus) et les Blanc-Shangaï (B. teætor ?) offrent l'exemple le plus net d’une fusion complète des caractères différentiels, en sorte qu’à ce second point de vue, la polytaxie semble au contraire être l'indice d’un métissage entre races peu distinctes phylogénétiquement. Concluons donc, simplement, qu'il serait prématuré de chercher dès maintenant à interpréter les phénomènes si curieux de la polytaxie. Ce n’est qu'après les avoir éludiés expérimentalement pendant longtemps encore, qu'on pourra peut-être se servir des données nouvelles qu’ils fourniront pour établir l'histoire généalo- gique exacte de nos différentes races domestiquées de vers à soie. (1) Dans une même espèce, deux séries d'individualités peuvent ne pas être homologues, par exemple les méduses errantes et les polypes fixés, chez les Hydro- méduses. Et inversement, dans une même espèce, des organes non individualisés peuvent être les homologues d'organes individualisés, par exemple les oosphères et les anthe- rozoïdes, chez certains cryptogames (Lycopodinées). 114 GEORGES COUTAGNE. CHAPITRE V. CONTRIBUTIONS À L'ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DES CROISEMENTS. Le mot croisement n'a pas, dans la liliéralure scientifique, un sens invariable, en sorte que son emploi prête à bien des confusions, si on néglige de le définir au préalable d’une façon précise. En zootechnie, par exemple, le croisement est souvent opposé à l’hybridation: « Il se rapproche de l'hybridation par la diffé- renciation typique des reproducteurs, et il s'en sépare par la stérilité des produits qui caractérise cette dernière (1) >. La définition de A. Sanson : « Il y a croisement toutes les fois que deux reproduc- teurs accouplés ne sont pas de même espêce » (2), exprime une idée assez peu différente, pour la compréhension de laquelle il ne faut pas oublier le sens tout à fait spécial que cet auteur, seul peut-être entre tous les naturalistes contemporains, donne au mot espèce (3). Les botanistes, ou du moins ceux qui éludient expérimen- talement l« hybridation > dans le genre Vétis, appellent croisement l'union sexuelle de deux individualités différentes, que ces deux individualités soient d'espèce, de races, ou simplement même, de variétés différentes ; pour eux les mots hybridation, métissage, et croisement, Sont synonymes, car les unions sexuelles entre indivi- dualités différentes sont toutes à peu près également fécondes, dans le genre Vités. Cependant l'un de ces botanistes, Millardet (4), a employé le mot croisement dans le sens tout particulier, et tout à fait nouveau je crois, de « fusion des caractères », ses « hybrides sans croisement » élant tout simplement des hybrides entièrement semblables au type paternel ou au lype maternel; nous aurons l’occasion de citer tout à l'heure plusieurs exemples de relour intégral, dès la première génération croisée, au type paternel ou au type maternel. 1) Cornevin, 1891. 7raité de zootechnie générale, p. 598. (1) (2) Traité de sootechnie, 3° édition, 1888, t. II, p. 215. (3) « L'espèce est le type d’après lequel sont construits tous les individus de la même race », doc. cit., p. 113. (4) Note sur l'hybridation sans croisement, ou fausse hybridation, 1894 (Weémoires de la Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux, t. TV, 4 série), L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. IAE J'appellerai croisement l’union seœuelle de deux individus de types différents, sans faire intervenir, dans l’idée ainsi définie, ni la nature de la différence des types des parents (différences d'espèces, de racès, de variétés, de taxies), ni le degré de la fécondité plus ou moins grande de cette union, ou des produits de cette union. C’est d’ailleurs en ce sens que les sériciculteurs praticiens emploient déjà couramment le mot croisement: pour eux, par exemple, l’union sexuelle du papillon mâle sorti d’un cocon blanc avec un papillon femelle sorti d'un cocon jaune, est un croisement, sans qu'ils se préoccupent de savoir si les deux sujets accouplés sont ou ne sont pas de même espèce ou de même race. C’est également dans le même sens très général, et indépendant de toute théorie, que le mot croisement est employé en biologie générale (1). Afin de mettre un peu d'ordre dans l'exposé des résultats de mes expériences sur les croisements, je grouperai les faits que j'ai à signaler par catégories de faits similaires, chacune de ces catégories correspondant à un fait général, dont la théorie de l’hérédité devra chercher l'explication. Mais je dois auparavant donner les définitions de quelques expressions nouvelles, qui nous permettront de formuler plus commodément ces faits généraux. Soit un caractère « présentant deux modes distincts 41 el @:; a étant par exemple la couleur du cocon, 4, sera le symbole repré- sentatif des individus à cocons Jaunes, el a, celui des individus à cocons blancs. Dans les produits du croisement d’un individu &@, avec un individu 43, la variabilité du caractère «a, considérée chez les sujets d’une même génération, pourra présenter trois dispositions : alliage homogène, mélange hérétogène, et liquation. Il y a alliage homogène des modes à, et &, lorsque tous les sujets sont d’un nouveau mode &, intermédiaire entre &, et&: ; nous dirons aussi que les deux caractères 4, et 4, sont fondus, qu'il y a fusion de ces deux caractères, chez tous les individus considérés. Il y a mélange hétérogène des deux modes 4, et &, ou encore variation diffuse (variation désordonnée de Naudin), lorsque les différents sujets sont, quelques-uns 4,, quelques-uns @,, et tous les autres de différents modes intermédiaires entre &, et &,. Dans ce cas il n’y a fusion complète de deux caractères, sans prédominance de grands problèmes de la Biologie générale, p. 250. « 116 GEORGES COUTAGNE. l’un ou de l’autre, que chez un petil nombre des individus consi- dérés. Enfin, il y a liquation des deux caractères 4, et a, lorsque ces deux caractères se répartissent ditaxiquement entre tous leS sujets de la génération considérée : les uns sont &,, les autres sont &,, sans aucun intermédiaire entre ces modes ; en d’autres termes, il n’y a fusion des deux caractères chez aucun des individus considérés. On peut admettre avec la plupart des biologistes contemporains, que les {endances héréditaires ont pour véhicule, dans les cellules germinales, certains organiles cellulaires. J'appellerai #inémons du caractère 4,, par exemple, les organites qui apportent avec eux, dans l’œuf fécondé, la tendance héréditaire &,, sans faire aucune hypothèse au sujet du nombre de ces mnémons, du nombre d'organes ou de cellules dont chacun d'eux dirige le développe- ment, de la nature de cette direction, de leurs luttes, fusions, associations ou dissociations, avec ou sans élimination de quelques- uns lente eux, toutes questions sur lesquelles, précisément, l'étude expérimentale des croisements sera chargée de nous instruire (1). A. Le croisement d'unsujeta, avec un sujet a, donne parfois, à la première génération, un alliage homogène entre les deux caractères a; et a,4. Voici comme exemple l'histoire de mes lots AA et BB de 1895. J'avais reçu de M. Théodore Frizzoni, sériciculteur à Bergarme, le 29 mars 1895, 15 grammes de graines du croisement: femelle Chang-haï Blanc X mâle Jaune Var, et 10 grammes du croisement inverse : femelle Jaune Var X mâle Chang-haï Blanc. Les lots AA et BB furent formés avec un gramme environ de chacune de ces sortes de graines, dont le surplus fut adressé à MM. Bertoglio et Jaume, qui les firent élever aux environs de Sommières. Je dirai tout de suite, pour ne pas avoir à y revenir, que je me suis trouvé précisément à Sommières au moment de la recette et du papillonnage des cocons de ces deux lots, et que les faits observés à cette occasion à (1) Les faisceaux de Micelles de Naegeli, les Pangènes de de Vries, d'une part, les Gremmules de Darwin et les Déterminants de Weismann, d'autre part, sont done des mnémons, ais des mnémons dont certaines particularités de structure et certaines fonctions ont été précisées, au moyen d'hypothèses plus on moins ingénieuses et compliquées. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. AN Sommicres ont été absolument concordants avec ceux fournis au Défends par les lots AA et BB de 1895, dont je me bornerai donc à parler. La race Chang-haï (Bombyx texætor de Hutton?) est à cocons blancs, pelits, sphériques, tandis que la race Jaune Var est à cocons jaune rosé, gros, et de forme ellipsoïdale avec étranglement plus ou moins marqué. Les cocons des lots AA et BB de 1895 furent tous de nuance jaune-paille bien intermédiaire entre les deux nuances des races mères. La forme fut également intermédiaire: tous les cocons élaient de forme ellipsoïdale, mais bien moins allongée que les Jaune Var, et à étranglement nul ou à peine marqué. Quant à la grosseur des cocons elle fut aussi intermédiaire dans les deux lots; mais les cocons de AA (Chang-haï X Jaune-Var) étaient notablement plus petits et plus légers que ceux du lot BB (Jaune-Var X Chang-haï) : le 26 juin, un peu après le décoconnage, les cocons de AA pesaient 165 centigrammes en moyenne (606 au kilo), et les cocons de BB 172 centigrammes (572 au kilo). Les graines qui avaient fourni le lot AA (pondues par des petites femelles Chang- haï) étaient également plus petites que celles qui avaient fourni le lot BB (pondues par de grosses femelles Jaune Var). J'ai dit précédemment que fous les sujets étaient à cocons jaune- paille de nuance intermédiaire. Le fait n’est cependant pas rigou- sement exact : j'ai noté qu'il y avait, dans l’un et l’autre des deux lots AA et BB de 1895, environ 2 à 3 ‘/, de cocons blanc pur, petits, sphériques (type Chang-haï), et 4 à 5 °/, de cocons jaunes, à peu près du type Jaune Var, mais cependant d’un jaune plus vif que celui des cocons Jaune Var que j'élève depuis 1888 au Défends. Ces sujets exceplionnels étaient-ils réellement des sujets croisés ? Je croirais plustôt qu'ils provenaient de graines de races pures, soit Chang-haï, soit Jaune Var, mêlées accidentellement aux graines véritablement croisées, par suite des multiples opérations ##dustrielles, sélection des papillons, accouplement, mise en cellules, lavage, séchage, ensachage, etc., qui avaient été faites à Bergame, en vue de l'obtention de ces graines croisées. Ce sont de véritables expériences scientifiques de croisement, faites méthodiquement avec toutes les précautions minutieuses que j'ai énumérées au chapitre 1%, qui pourraient nous apprendre si réellement il y a, ce que je né crois pas, dans le croisement Chang-haï X Jaune-Var ou inversement, un 118 GEORGES COUTAGNE. certain nombre de sujets faisant retour intégral, dès la première génération, aux types maternel et paternel. Mais s’il y a fusion des caractères, dans le croisement considéré, chez la totalité ou presque totalité des mélis (ou hybrides) de la première génération, il en est tout autrement à la 2° généralion, comme nous allons le voir. B. Lorsque le croissement d'un sujel a, avec unsujel a, adonnè, à la 1® gènèration, un alliage homogène des deux caractères a, etas, l'union de deux de ces sujets de l'egénération à caractères fondus donne parfois (peut- ètre faudrait-il dire: 1e plus souvent, ou même: toujours?) duns les gènéralions suivantes un mélange hélérogère des deux caractères ax et aa. Le lot ZA de 1896 a été formé avec une levée (30 avril) des graines de6 cellules du lot AA de 1895 (cocons jaune paille seuls conservés). Le lot ZB de 1896 a élé formé de même, mais avec les cocons du lot BB de 1895. Dans l’un et l’autre de ces deux lots ZA et ZB de 1896 les cocons ont présenté les caractères suivants : environ 50 °/, cocons jaunes, mais de nuances très diverses, et 50 ‘/, de cocons blancs, eux-mêmes de nuances variés: blanc pur, blanc légérement verdâtre, blanc légèrement jaunâtre, etc. Le lot LS de 1897 a été formé avec une levée (22 avril) des graines de 4 cellules du lot ZB de 1896 (cocons jaune paille seuls conservés). Les cocons récoltés ont été : 320 jaunes et 59 blancs, et j'ai noté les caractères suivants : «nuances assez variables toutefois dans les jaunes; il y a des jaune foncé, couleur citron, des jaune doré comme les Jaunes Var, des jaune paille, des jaune canari, des blanc jaunâtre. Presque lous les cocons, même les jaunes, sont à peu près exactement sphériques. Il y a en somme à la fois disjonclion des blancs et des jaunes, et variation désordonnée dans les jaunes ». C. Lorsque le croisement d'un sujet a, avec un Sujel as a donné à la 1® gènération un alliage homogène des deux caractères a; et a, puis à la Seconde génération un mélange hétérogène, est-il possible de former une race homogène à caractères a, et a, fondus, en sélectionnant à L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. | 119 chaque génération les sujets présentant eux-mêmes les caractères a, et a, fondus? (1). J'ai donné la forme interrogative à la proposition précédente parce que je n’ai pas encore obtenu de faits certains me permettant de répondre dans un sens ou dans l’autre à la question posée. Je trancrirai toutefois le passage suivant de la lettre fort intéressante par laquelle M. Frizzoni m'annonçait, le 26 mars 1895, l'envoi des graines croisées dont je viens d'indiquer l'histoire. « Ces deux croisements vous donneront des cocons jaunes ; mais les vers el les cocons liendront toujours du caractère de la femelle, dont les œufs sont très différents. J'en ai suivi les décroisements il y à déjà vingt ans ; après la quatrième année j'avais tiré deux races de grosseur moyenne, de forme sphérique, assez fines. Mais la descendance de la femelle jaune fut détruite à la sixième reproduc- tion par la flacherie pour laquelle elle avait encore conservé une certaine sensibilité. La descendance de la femelle blanche, après avoir grossi comme des œufs de colombe, d’où le nom de Colombina que je lui donnai, dura une douzaine d'années, servant comme élément de croisement pour d’autres races. Je l’abandonnaï toutefois lorsqu'elle perdit petit à petit sa finesse pour se déguiser en une blanche presque japonaise... » Ces croisements entre les grosses races d'Europe et les petites races d'Extrème-Orient sont très employés par les graineursitaliens, et sont destinés à former des graines de vers très résistants à la flacherie, pour certaines régions chaudes et humides, où il est à peu près impossible d'élever les grosses races européennes. Nous voyons par le passage transcrit ci-dessus, que la descendance des femelles Chang-haï semble moins sensible à la flacherie que la descendance des femelles Jaune Var. Il est assez intéressant de noter cette influence prépondérante de la femelle sur la robusticité des produits, indication précieuse pour les graineurs qui auraient à utiliser des (1) On ne peut guère songer à réaliser une race à caractère fondu 43 en sélectionnant el accouplant entre eux, à chaque génération, les sujets croisés ayant fait retour aux deux types primitifs a et a. En effet, il semble, à priori, que l'emploi de tels sujets doit être presque aussi peu avantageux que l'emploi des sujets non encore croisés des races pures 44 et 4, et que les chances de fixer le caractere fondu 43 soient d'autant plus grande que l’on emploie des sujets ayant eu un plus grand nombre d’'ancêtres à caractère 43. 120 GEORGES GOUTAGNE. races peu rusliques, mais avantageuses à d’autres égards, par exemple sous le rapport de la richesse en soie. Cette influence prépondérante de la femelle doit être rapprochée de celle que j'ai signalée déjà, relativement à la grosseur, les cocons Var X Chang- haï étant plus gros et plus lourds, toutes choses égales d’ailleurs, que les Chang-haï X Var. Les « décroisements > signalés’par M. Frizzoni ne sont pas autre chose que les individus en mélange hétérogène, en variation désor- donnée, que l’on observe à partir de la 2° génération. M. Frizzoni, qui bien probablement, quoiqu'il ne l'indique pas, sélectionnail chaque année les sujets à caractères fondus, dit avoir oblenu el lire, e'est-à-dire rendu homogènes, deux races jaunes (sans doule jaune pâle), à partir de la 4° année. Mais ces races élaient, nous dit-il, « de forme sphérique », en sorte que pour le caractère forme du cocon il y avait déjà retour au type Chang-haï; celle de ces deux races qu’il a pu observer pendant 12 ans « perdit petit à petit sa finesse et sa forme pour se déguiser en une blanche presque japonaise », ce qui semble bien pouvoir être attribué, au moins en partie, à un retour au type Chang-haï, sous le rapport tout au moins des deux caractères grosseur et couleur du cocon. L'étude des croisements Chang-haï X Var et Var x Chang-haï mériterait donc d’être reprise en s’entourant de toutes les précau- tions nécessaires pour qu'il n’y eut aucune incertitude sur les ascendances réelles des sujets observés, et en notant avec soin la variabilité des caractères de forme, poids, volume et couleur des cocons dans les différentes générations successives. La race Chang-haï appartient peut-être au Bombyx textlor de Hutton (1); ses papillons différent quelque peu de ceux du Bombyx mori ordinaire (races jaunes européennes). Les papillons des lots AA el BB de 1895, ZA et ZB de 1896, et LS de 1897, se distinguaient en effet à première vue de lous les autres papillons de races euro- péennes que Jj'élevais simullanément, par leurs ailes plus étroites et plus blanches. Les croisements Chang-haï X Var el Var X Chang- haï pourraient donc être qualifiés d'hybridations entre espèces distinctes, et peut-être le fait de l'alliuge homogène, suivi dans les généralions suivantes du 7#élange hétérogène, pourrailil fournir (1) On the Asiatie Silk-producing moth, Frederic Moore (Zrans. Ent. Sue. London, 1862, p. 313). L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIB. 121 en quelque sorte un critérium de l'espèce, c’est-à-dire un indice de la très grande ancienneté de la disjonction des deux groupes Bombyx textlor d'une part, et Bombyx sericus (1) d'autre part. Mais nous n'avons pas encore un nombre suffisant de faits pour que celle question puisse être discutée actuellement avec quelque profil. Quant à alliage homogène non suivi du mélange hétérogène à la génération suivante, j'en donnerai bientôt un exemple, mais dans un cas très complexe que nous étudierons après d’autres cas plus simples. D. Le croisement d'un sujel a, avec un sujet a, donne ê l È 2 parfois une liquation par parties égales des deux caractères ai et a. Le lot O de 1895 (2) provenait de la cellule n° 15 de 1891 : 4 11% dudot BB de ui male au eæ %@ du lot Q de 1894 Les cocons fournis par ce lot O de 1895 ont été : 0”, 116cocons am æ % (8 6 124 — — 2 À DCR TU ET or 108 ES =, æ Les caractères &; et 43, = et am, se sont donc partagés ditaxiquement par parties égales (235 et 224); de même aussi que les caractères b, el Ds, ææ et — (240 et 219). Il n’y avait aucun intermédiaire entre les vers blancs et les vers zébrés; et de mème aucun cocon de nuance intermédiaire entre les 240 cocons jaunes, tous de nuance Jaune Var, très homogène, el les 219 cocons blancs, (1) Du moment qu'on subdivise l'espèce d'un ancien auteur, il est très irrationnel de conserver à l’une des nouvelles subdivisions l’ancien nom dont le sens était collectif. Le Bombyx mori de Movre en 1862, est incontestablement tout autre chose que le Bombyx mort (Phalaena mori) de Linné, que celui-ci définissait ex huit mots : € Bombyx elinquis, alis reversis pallidis : striqis tribus obsoletis » (Systema natura, X° édition, 1758, l. 1, p. 499). Je propose donc le nom de Bombyx sericus pour le Bombyx mort de Moore, au sens restreint (annuel, cocon tres soyeux). Bombyx mori resterait le nom de la collectivité de tous les vers à soie du mûrier. (2) J'ai donné avec beaucoup de détails, au chapitre précédent, l'histoire complete du lot O de 1895 ; je ne ferai donc cette fois que la résumer brièvement, 122 GEORGES COUTAGNE. tous d’un blanc pur identique au blanc de la race maternelle (Blanc des Alpes). Les cocons doubles, qui furent éliminés et ne sont pas comptés dans les chiffres précédents, étaient de trois sortes : filés par deux sujets &, filés par deux sujets , et filés par deux sujets, l’un æ, l'autre . Ces derniers cocons étaient les seuls qui fussent de nuance intermédiaire jaune pâle, entre les deux nuances très tranchées des types maternel et paternel. Tous les papillons de O de 1895 furent mélaniques, mais moins cependant que ceux du lot Q de 1894, et surtout ceux du lot $S de 1895 (sélection des papillons les plus noirs de Q de 1894). D'autre part Lous les œufs pondus par les papillons du lot O de 1895 furent tres peu adhérents, comme ceux de la cellule n° 15 de 1894, particularilé qui doit être considérée comme la conséquence d’un caractère individuel spécial de la mére (1). Des quatre caractères très différents que présentérent les parents, couleur des vers blancs ou zébrés, couleur des cocons jaunes ou blancs, couleur des papillons blancs ou noirs, adhérence des œufs nulle ou réelle, les deux premiers se sont disjoints ditaxiquement, et les deux autres ont formé un mélange hétérogène, mais avec prédominance très nette du caractère paternel dans un cas, et du caraclère maternel dans l’autre cas. E. Le croisement d'un sujet a, avec un sujet a, donne parfois une génération de Sujets tous à, sans que le caractère à; de l'un des parents semble avoir influé en rien sur la première génération. Voici les divers exemples que j'ai rencontrés de ce cas. 1° Lot AG de 1896, cellule n° 8 de 1895. femelle > à & du lot U de pi Ar — æ R du lot [de 1895 (1) La race « Blanc des Alpes » (lot BB de 1894 et sa descendance) est à œufs presque toujours bien adhérents: mais elle ne semble différer au point de vue morphologique que par cet unique caractère de la race Bagdad ordinaire (MM de 1891 et sa descendance) dont les œufs sont toujours non adhérents, Peut-être la race « Blanc des Alpes » que j'avais recue de Manosque en 1894 est-elle le résultat de croisements des Blanc-Pays ordinaires et des Bagdad, avec sélection dans les produits des sujets à gros cocons et à œufs adhérents. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 123 croisement « Blanc des Alpes X Jaune Var». Tous les cocons, au nombre de 331 furent blancs, c’est-à-dire du type maternel. 2 Lot AJ de 189%, cellule n° 11 de 1895. “ie ni = & du lot Q de … mâle — 2 $ du lot S de 1895 croisement « Bagdad vers noirs X Jaune Var mélanique ». Tous les vers de ce lot AJ de 1896 furent moricauds, caractère du {ype maternel. Les cocons furent : 262 jaunes et 248 blancs, sans nuances intermédiaires, 66 qui constitue un nouvel exemple de la régle D ci-dessus. Tous les papillons furent noirs ou noiràtres, quelques rares sujets presque blancs : donc mélange hétérogène, avec grande prédominance du {ype paternel. Enfin tous les œufs pondus par les papillons de ce lot furent non adhérents (caractère du {ype inaternel). 3° Lot AK de 1896, cellule n° 12 de 1895. one & du lot Q de 1895\ male zx dulot Lde 1895) croisement « Bagdad ver noir X Jaune Var ordinaire ». Tous les vers de ce lot furent moricauds, caractère du type maternel. Les cocons furent : 180 jaunes et 188 blancs, sans aucun intermédiaire (le plus ou moins d'adhérence des œufs n’a pas été noté). 4% Lot HA de 1897, cellule n° 1 de 1896. pe —.— + dulotZF de A mâle —> æ R du lol DO de 1896 Croisement « Blanc des Alpes x Jaune ordinaire »>. Tous les cocons, au nombre de 449, furent blancs, caractère du /ype malernel. o° Lot HC de 1897, cellule n°3 de 1896. on —> æœ % dulot ÆFde EM mâle > % du lot AJ de 1896: Croisement « Blanc des Alpes X par un sujet du lot AT (voir ci-dessus).Tous les cocons furent blanes, caractère du type maternel ; 124 GEORGES COUTAGNE. mais dans ce cas il faut noter que la grand’mère paternelle était aussi à cocon blanc. Les vers furent : 265 comme le père (et comme la grand-mère paternelle), et 253 — comme la mère (et comme le grand-père paternel). Les papillons furent les uns noirs, les autres blancs, les autres de nuances intermédiaires : mélange hélérogène en somme. Mais j'ai noté un fait intéressant: dans le groupe des 265 cocons des vers Zz Comme le père, il n’y avait pas plus de papillons noirs que dans le groupe des 253 cocons des vers = comme la mère; chacun de ces groupes était placé sur une canisse particulière, avec support isolé, en sorte qu'on pouvait très bien juger, à simple vue, el sans erreur possible, des nombres relalifs de papillons blanes et de papillons noirs. Les caractères et d'une part, & et æ d'autre part, semblent donc déterminés par des mnémons différents n'ayant pas entre eux de relations mutuelles. 6° Lot HD de 1897, cellule n° 4 de 1896. Cr — æ & dulot ZFde se mâle —> æ & du lot DO de 1896 Même croisement que HA de 1897 (voir ci-dessus), et même résultat : tous les cocons, au nombre de 508, furent blancs, caractère du {ype maternel. 7° Lot HE de 1897, cellule n° 5 de 1896. mel ZE Ro — & du lot DO de 1896 Même croisement, et même résultat, celle fois encore: tous les cocons, au nombre de 462, furent blancs. S° Lot HE de 1897, cellule n° 6 de 1896. un am æ % «dulot AO de el male — æ X du lot ZF de 1896, Croisement intéressant: la femelle était d’une variété de «Jaune Var » presque complétement fixée en ce qui concerne les caractères an Et %, mails fixée depuis peu, tandis que le caractère æ élail absolument fixe depuis un très grand nombre de générations ; le mâle élail de la race « Blanc des Alpes ». C’est le croisement inverse de L’HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE, 125 celui qui avait donné deux ans auparavant le lot O de 1895, étudié précédemment. Les cocons furent lous blancs, caractère du {ype paternel, à l'inverse de ce qui s’est produit (à l'égard du caractère « couleur du cocon ») dans les lots précédemment cités HA, HD et HE de 1897. Il semble que le mnémon & de la race « Blanc des Alpes » soit loujours plus fort que le mnémon æ de la race « Jaune Var > quel que soit le sexe qui l’apporte. Les vers furent : 258 — comme le père, et 182 am comme la mère, soit le rapport de 3 blancs pour un zébré, à peu près. La prédominance des vers blancs est attribuable vraisemblablement aux ancêtres à vers blancs de la mère; peut-être que si le caractère ww avait été fixé depuis un grand nombre de générations il y aurait eu égalité entre le nombre des vers blancs et celui des vers zébrés. Quant à la couleur des papillons, même observation que pour le lot HC de 1897: mélange hétérogène des caractères gæ et%, qui semblent d'autre part sans relation quelconque avec les caractères a (le la mère et — du père. 9% Lot HG de 1897, cellule n° 7 de 1896. femelle amv & € du lot AO de es ee. — = x du lot ZF de 1896 C’est la même combinaison que dans le lot HF de 1897 que nous venons d’éludier. Mais cette fois tous les vers furent zébrés, caractère du {ype maternel. Les cocons furent: quelques-uns blancs, au nombre de 9 (1), et les autres d’un jaune très pâle, au nombre de 108, comme s’il y avait eu pour ces 408 cocons fusion des deux caractères æ et= ; mais ce lot fut très mauvais comme santé, les cocons furent très peu nombreux (grande mortalité des vers), tous très petits et à grain fin, à coques minces, en sorte que celte anomalie dans la coloration des cocons (la nuance jaune n'ayant pas été aussi vive que dans le type maternel) pourrait être attribuée avec vraisemblance à l’état pathologique du lot. (1) Pour ce lot HG de 1897, de même que pour le lot HH de 1897 étudié ci-après, je ne pourrais pas garantir que les cocons blancs, d’ailleurs en très petit nombre, ne proviennent pas d'un mélange accidentel avec un lot voisin: les deux cartons qui supportaient ces lots pendant les deux premiers âges (chambre chaude) avaient été tenus trop rapprochés d’autres cartons de races à cocons blanes. 126 GEORGES COUTAGNE. Notre hypothèse des inémons = de la race « Blanc des Alpes > toujours plus forts que les mnémons de la race «Jaune Var», pourrail encore subsister, si on admet que la santé si misérable de ce lot est le fait du mâle « Blanc des Alpes », père du lot. De là résullerait précisément la prédominance des caractères maternels plus grande dans ce lot HG à père malade, que dans le lot HF à père sain. À cet égard il eût été intéressant de rechercher si le lot HG a fourni plus de papillons mélaniques, ou des papillons plus mélaniques, que le lot HF; mai je n'ai pas songé à faire cette comparaison au moment opportun. 10° Lot HH de 1897, cellule n° 8 de 1896. femelle amv & % du lot AO de nn Fe — æ & du lot ZF de 1896 C'est la même combinaison que pour le lot HG de 1897 que nous venons d'étudier, et de même que pour ce lot, il y eut très peu de cocons, presque tous jaune pâle (124 jaune pâle et 20 blancs), tous très pelils, à coque mince, à grain fin. La mortalité des vers, tous zébrés (caractère du fype maternel) avait été considérable au moment de la montée. Les trois derniers lots cités, HF, HG, et HH de 1897, étaient tous les trois issus du même croisement: « femelle de AO de 1896 x mâle de ZF de 1896 ÿ. Et pourtant, comme nous venons de le voir, les résultats obtenus ont été très différents. On pourrait imaginer deux hypothèses pour expliquer ces différences. La première est celle que j'ai déjà indiquée : état pathologique des deux papillons mâles pères des lots HO et HH de 1897. Est-ce que les tendances héréditaires d’un sujet malade auraient une moindre force de transmission que celles d'un sujet sain? Ou, en d’autres termes, les mnémons d’un caractère donné seraient-ils, toutes choses égales d’ailleurs, plus facilement vaincus par les mnémons antago- nistes de ce même caractère, lorsqu'ils proviennent d’un sujet malade, au lieu de provenir d’un sujet sain ? C’est à l'expérimentation de résoudre cette question, mais il n’est pas très facile d'imaginer et de réaliser les expériences qui conviendraient pour cela. La seconde hypothèse consiste à supposer, ce qui esttrès vraisem- blable, que la mère du lot HF de 1897 n'avait pas les mêmes tendances héréditaires latentes que ses deux sœurs, mères des lots HG et HH. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 127 L'ascendance du lot AO de 1896 comprenait, en 1893 ou antérieu- rement, des vers blancs et des vers zébrés (1); tandis que l’ascendance du lot ZF de 1896 ne comprenait que des vers blancs (race « Blane des Alpes »)et apportait dès lors un faisceau detendances héréditaires toutes identiques. On pourrait expliquer par là pourquoi les 3 lots considérés n'ont pas eu tous trois la même proportion de vers blancs et zébrès. Mais cela n'expliquerait pas pourquoi les cocons ont été tous blancs dans le lot HF et tous jaunes dans les deux autres lots HG et HH. 11° Nous avons vu quele mnémon de la race « Blanc des Alpes » est presque loujours victorieux du mnémon æ de la race « Jaune Var »>(2). En serait-il de même dans les croisements des autres races à cocons blancs avec les « Jaune Var >? C’est ce que j'ai recherché en 1898. Les lots QL et QM de 1898 ont été formés par deux cellules de choix du croisement « Jaune-Défends X Petit Blanc Pays ». J'ai donné déjà précédemment, au Chapitre IT, le tableau de mes élevages de cette jolie petite race, issue de mon lot L de 1890, et qui s’est montrée toujours à caractères absolument constants : vers blancs, cocons blancs et papillons blancs. Les cocons des deux lots QL et QM de 1898 furent {ous blancs. 12 Mais il n’en fut pas de même pour les lots QN et QO de 1898, qui étaient formés chacun d’une cellule du croisement « Jaune- Défends x Bagdad ». Les cocons furent fous jaunes ; je lis dans mes notes : « Ces deux lots ont les cocons d'une nuance jaune uniforme sans aucun blanc ; ce jaune est un peu plus pèle que celui des Jaunes- Défends ordinaires, mais la différence est faible ». Ainsi donc ies mnémons du caractère « cocon blanc > n’ont pas, dans loutes les races à cocons blancs, la même force de transmission héréditaire. Les mnémons & des races « Blanc des Alpes » el « Petit blanc pays des Cévennes » sont plus forts que les mnémons (1) Dans le lot Q de 1894 il y avait environ 60 ©}, de vers blancs et 40 °/, de vers zébrés ; ces derniers, seuls conservés, donnèrent le lot S de 1895, qui avait 12 °/, de vers blanes et 88 °/, de vers zébrés ; ces derniers, seuls conservés, donnèrent le lot AO de 1896, dont tous les vers étaient sébrés. (2} En 1898 j'ai constaté le même fait pour les quatre lots QH, QI, QJ et QK, qui étaient formés chacun par une cellule de choix, isolée, de « Jaune-Défends X Blanc des Alpes » ou inversement Les cocons de ces quatre lots furent ous blancs. 128 GEORGES COUTAGNE. æ de la race « Jaune Var >; mais inversement les mnémons & de la race «Jaune Var » sont plus forts que les mnémons = de la race « Bagdad ». F. Lorsque le croisement d'un Sujet à avec un Sujet à a donné une première génération de Sujetstous &, ÿl arrive parfois que le caractère à reparaît dans la génération Suivante issue de deux sujets à& de la première génération. Les 15 lots OA, OB...... ON et O0 de 1898 ont été formés chacun par une cellule de choix des croisements entre eux des lots HA, HD, et HE de 1897, lots que j'ai appelé dans mes notes « Blanc Sélim » par abréviation de: « sujets tous à cocons blancs issus du croisement entre Blanc des Alpes et Jaune Var». Ces 15 lots présentèrent tous un mélange de cocons blanes et de cocons jaunes, sans aucun cocon de nuance intermédiaire (je ne parle, bien entendu, que des cocons simples); les RÉSDOIAQNE des cocons jaunes de ces 15 lois furent respectivement : 25, 31, 24, 28, 22, 22, 29) 34, 60,64) 30, 91,3, eleteou,, soitenmoyenne 27,)0); Ainsi, dans la descendance des « Blanc Sélim » croisés entre eux, on obtient la réapparition du caractère « cocon jaune » chez wn quart environ des sujets. Il était naturel de songer à déterminer aussi quelle proportion donneraient d’une part le croisement « Blanc Sélim > x <« Jaune Var », et d'autre part le croisement inverse «Jaune Var > x « Blanc Sélim ». Peso srl PCNPDE PY et PZ de 1898 ont été formés chacun par une cellule du croisement HE (Blanc Sélim) X LL (Jaune-Défends) de 1897. Les proportions de cocons jaunes furent respectivement : 52, 50, 51, 46, 42, 51, 48, 50, 53, 50, 53, 49, 50, 49, 50743; 56, 52, 48, 53, 50, 49, 37 et 520), soit en moyenne 49,30/6: Lestalots QAIQB,1QE "7. QF et QG de 1898 ont été formés chacun par une cellule du croisement IX (Jaune-Défends) X HE (Blanc Sélim) de 1897. Les proportions de cocons jaunes furent respectivement : 33, 60, 48, 61, 49, 47 et 63°), soit en moyenne 51:50 Ces deux séries de lots de 1898, et surtout la seconde, ont présenté des taux assez peu réguliers. Mais cela provient vraisemblablement de l’état de santé très mauvais que présentèrent presque tous mes L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 129 lots de 1898, ceux-ci ayant été très négligés, par suite d’une absence prolongée que je dus faire au moment même des éducations. Les 24 lots du croisement HE X LL de 1897 ne donnèrent, en moyenne, que 321 cocons simples, et les 7 lots du croisement inverse IX X HE que 291 cocons simples, tandis que les années précédentes les lots formés chacun d’une ponte isolée donnèrent presque toujours plus de 400 cocons simples, souvent plus de 500, et parfois même plus de 600 (par exemple le lot BK de 1896, qui fournit au décoconnage 631 cocons simples pesant 1 kil. 660). On peut supposer que les lots à taux élevés de cocons jaunes sont ceux dans lesquels les mnémons du caraclère «cocon jaune » avaient apporté, en même temps que ce caractère, une plus grande force de résistance aux maladies. Et de même, en sens inverse, pour les lots à taux élevé de cocons blancs. Mais ces expériences de 1898 montrent nettement, considérées dans leur ensemble, que les sujets issus d'une part du croisement « Blanc Sélim X Jaune Var », et d'autre part du croisement inverse, sont dans l’un et l’autre cas 50 ?/, à cocons jaunes, et 50 ?/, à cocons blancs. G. Lorsque le croisement d'un Sujel a; avec un Sujet as a donné une liquation par parties égales des deux caractères ai et &:, les générations Suivantes pré- sentent également des nouvelles liquations entre ces deux caractères sans qu'il semble possible de réaliser leur fusion chez aucun individu. Nous allons examiner les différents lots dérivés du lot O de 1895, qui avait donné 4 groupes de sujets polylaxiques en nombres sensiblement égaux (voir précédemment, énoncé D). 1° Lot AR de 1896, vers éclos le 1° mai dans le groupe des œufs de 7 cellules de O” de 1895: (femelles et mâles tous: em æ ). Les sujets de ce lot furent : INR 236 am & . ART 1,5 80: œum.e AR 89 — æ ARTE Sr Er 130 GEORGES COUTAGNE. 2 Lot AS de 1896, vers éclos le 1” mai dans le groupe des œufs de 8 cellules de O7” de 1895: (femelles et mâles tous! — æ ). Les sujets de ce lot furent : ASS I— em: MED Et er : 2° Lot AT de 1896, vers éclos le 1° mai dans le groupe des œufs de 7 cellules de 077” de 1895: (femelles et mâles tous: — = ). Les sujets furent : ATTE AA + ANR nr EN: 4° Lot AU de 1896, vers éclos du 1” mai dans le groupe des œufs de 6 cellules de 077” de 1895: (femelles et mâles tous: am & |). Les sujets furent : AU” 109 œm & . AU 180 am ©. AUTRES Ts |: ATÉNS TES 5° Lot AH de 1896, cellule n° 9 de 1895 : Fa — © du groupe 07" de 1895 mâle — æ du groupe O7” de . Les sujets furent : NA AD RS er AFRO ER TS ES 6° Lot AI de 1896, cellule n° 10 de 1895 : tres —— — UUprOoUpe D Ede a mâle am æ du groupe O0” de 1895 L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 131 Les sujets furent : AT 9% mn & , AT” 84 am ©. AI” 1093 — æ . KT" 7° Lot AL de 1896, cellule n° 15 de 1895: ‘femelle mm æ dugroupe O0’ de pa (nälo aw © du groupe 077” de 1895 Les sujets furent : AL” 168 am & . ALMA ED . AL OO Een: NOR ES 8 Lot MK de 1897, éclosion du 33 avril des œufs de 3 cellules de AT”” de 1896 : (femelles et males tous: == = ): Les sujets furent : MR TON) - MR SDS TS En outre 1l y eut aussi « quelques vers zébrés » notés le 25 mai, mais qui furent éliminés, sans qu'on ait songé de les compter, et à observer la couleur de leurs glandes soyeuses. 9 Lot ML de 1897, vers éclos le 23 avril des œufs de 4 cellules de AU” de 1896 : (femelles et mâles tous: am) Les sujets furent : ML” 74 am æ) ML” 33 «we plus 146 vers blancs — éliminés avant la montée, et dont on a oublié de noter la couleur des glandes soyeuses. Avant d'aller plus loin, essayons de résumer les faits que nous ont donnés les neuf exemples précédents. 132 GEORGES COUTAGNH. Nous pouvons noter, tout d'abord, l'indépendance si remarquable, d’une part des caractères — el æmæ , et d'autre part des caractères æ et © . Il semble bien que des mnémons différents, etindépendants les uns des autres, soient chargés de transmettre ces deux groupes distincts de caractères : couleur du ver, et couleur du cocon. Le lot O de 1895 provenait du croisement blanc des Alpes par un sujet mp de Jaune Var. La liquation observée à la première géné- ralion (les quatre groupes 0”, 0”, 07”, et 0°”, tous sensiblement égaux numériquement) semblait montrer que les caractères — et æ de la mére, etles caractères am et & du père, élaient repré- sentés par des mnénons quantitativement ct qualilativement équiva- lents dans les cellules germinales des deux parents du lot O de 1895. Mais cette homodynamie apparente ne s’est plus manifestée à la génération suivante : les lots AR et AU de 1896 ont présenté des sujets — , tandis que les lots AS et AT de 1896 n'ont pas présenté de sujets am . Dans les neuf lots de 1896, issus du lot O de 1895, dont nous venons de donner l'histoire, on peut constater, en ce qui concerne la couleur des cocons, que les proportions relatives de chaque taxie sont déterminées très simplement, comine si, dans chaque génération, l'influence d'un ascendant de n° degré était le quart de celle de chacun des ascendants du (n-1Y degré. Considérons par exemple dans le lot AR de 1896, les nombres respectifs de sujets & et de sujels . Les ascendants du premier degré étaient tous deux & ; quant aux quatre ascendants du 2° degré (qui se trouvèrent au nombre de deux seulement, par suite de la consanguinité des parents frère et sœur, mais qui doivent être complés pour quatre en réalité), il y en avait deux æ, et deux ©. Si chaque ascendant du n° degré a une influence égale au quart de chaque ascendant du (n-1)° degré, le groupe pére et mère (supposés homotaxiques) aura une influence égale à la moitié de celle de leur enfant. Or: donc l'influence d’un ascendant quelconque de race pure à taxie &, doit être égale à celle de toute son ascendance propre. Nous aurons donc pour le lot AR de 1896, le tableau suivant des parts d'influence L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 199 respectives des ascendants de ce lot, la part d'influence de la mère élant supposée égale à quatre : oo, ep œ Le PEL RO R R REe 4 in mate cl aiatae io care à oo to te 1 æGrandimère maternelle...............:....., { Dinde pere maternels.:....L..:.....,....., l Mrndmeére paternelle: 5. 0... :,...., ! Danndpère paternel... ue. oo à « I Ascendance de &..... Se ee O te AHCOMRERRE [l — Bee date CES ARNO RE I — ee en las ala nets de on ! — DER OR ARC D ANR I 12 4 Soit le rapport de 3 à 1, ce qui est précisément, à très peu près, le rapport, dans AR de 1896, du nombre 325 des sujets & à celui 114 des sujets >. Celte règle de la réduction des tendances héréditaires de 4 à 1 quand on passe d'un ascendant quelconque à son descendant direct cadre assez bien avec la partie de la théorie de Weismann qui suppose la réduction par moitié du nombre des déterminants lors de la formalion des éléments sexuels, spermatides et ovocyles, et la lutte des déterminants entre eux pour la détermination des caracières du produit, aussitôt après la fécondation de l’ovule par le spermatozoïde. Pour le montrer considérons le lableau généalo- gique ci-joint du lot AR de 1896, dans lequel les lettres «, 8, y etè représentent les mêmes ascendants que dans le tableau précédent. Supposons que les sujets de la race « Blanc des Alpes » pure (BB de 1894) ont 16 mnémons &, et ceux de la race Jaune Var (lot Q de 1894) également 16 mnémons &. Chacun des spermalozoïdes et des ovules dont l’union deux à deux a constitué les œufs fécondés de la cellule n° 15 de 189% (devenue en 1895 le lot O), n'ont apporté respectivement que 8 mnémous & et 8 mnémons æ. Dans la lutte des tendances hérédilaires, ces deux sorles de mnémons 194 GEORGES COUTAGNE. se lrouvant homodynames, la victoire est restée tantôt à un camp ellantôl à l’autre, et autant de fois d’un côté que de l’autre... d’où les nombres égaux de sujets & et de sujets & dans le lot O de 1895. NA AT, - Xe pd Ve æ (BB) (Q (28) t Pr A mere @@ pere den = HMÉRUES 189 1e PR A PE 1896 (AR) Fig. 5 Considérons maintenant les sujets À de ce lot: ce sont ceux chez qui le camp des mnémons & l’a emporté. Il faut supposer ici que les mnémons vaincus ont, du fait même de leur défaite, perdu quelque chose de leur puissance héréditaire. L'hypothèse la plus simple, pour représenter les faits que nous cherchons à expliquer en ce moment (proportions relatives des sujets & et æ dans le lot AR de 1896) est de supposer queles mnémons vaincus, c’est-à-dire devenus latents, n'ont plus que la moitié de la force héréditaire qu'ils possédaient auparavant. Dans l'idioplasma des cellules germinales des sujets du groupe O0” du lot O de 189%, il y aurait donc eu S mnémons æ et 8 mnémons, mais ces derniers devenus moitié moins forts que les premiers. La réduction par moitié du nombre des plasmas ancestraux, disons plutôt des mnémons, raménera à 8 le nombre des mnémons des spermatozoïdes et des ovules, et ces spermatozoïdes et ovules présenteront les neuf catégories suivantes : L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 135 Les ovules fécondés qui ont constitué, par leur évolution, les différents sujets du lot AR de 1896, provenaient de la combinaison deux à deux de ces neuf sortes de groupements. Ces combinaisons sont au nombre de 81, {outes également probables, et en voici le tableau complet : ASH DiMec enD) RE ep F6: ‘PH À FI Pic Rec eGDe | GE |. ‘GFiie GG, GH, GI Or il est facile de voir que parmi ces 81 combinaisons, il en est vingt et une seulement, celles qui sont au bas et à droite du tableau, et qui ont été mises en évidence par un encadrement particulier, qui ont un nombre de mnémons > supérieur au double du nombre des mnémons æ, c’est-à-dire qui ont été constitués de telle sorte que chez ces ovules fécondées le camp des mnémons & a êté plus fort que celui des mnémons æ&. Le rapport de 60 à 21, soit 3 à 1 à très peu près, et précisément le rapport des nombres relatifs de sujet æ et >, dans le lot AR de 1896. 136 GEORGES COUTAGNE. Remarquons aussi que celte hypothèse que nous venons de faire : la virtualilté de certains caractères pendant une génération a pour effet de réduire de moitié les chances de leur réapparition à la génération suivante, cadre également fort bien avec l’histoire des Bagdad vers noirs que nous avons exposée au chapitre précédent, et à la réduction, de moilié environ chaque année, du nombre des Bagdad vers blancs qu'il a fallu éliminer à chaque génération, 28 ‘/, dans le lot N de 1892, 13 ‘}, dans le lot B de 1893, 9 °/, dans le lot Y de 1894, 4 2, dans le lot Q de 1895, etc. Cette hypothèse semble en désaccord avec certains cas; ainsi, d’après elle, il y aurait dû y avoir, dans les lots AS, AT et AH de 1896, un quart de sujels am, tandis qu'il n’y en à pas eu; et dans le lot ML de 1897, il y aurait dû y avoir seulement #n huitième de sujets —, tandis qu'il y en a eu 146 sur 643, soit presque deux fois plus. Mais ces quatre exceptions peuvent s'expliquer très bien, si on admet que les caractères æmr et == étaient hélérodynames dans le lot O de 1895, le premier étant moins fort que le second, ce qui est d’ailleurs très admissible : le lot BB de 1894, d'où provenail la mère du lot O de 1895 était à sujets tous =, tandis que le lot Q de 1894, d’où provenait le père, était à sujets «mæ pour 2/5, et — pour 3/5. 0 Dans le cas de la race Arachide, que nous avons rapportée au chapitre précédent, la force héréditaire des mnémons = a semblé deux fois plus grande que celles des mnémons Z>, puisque, de 1893 à 1897, il a toujours fallu deux générations, au lieu d'une (comme dans le cas des Bagdad vers noirs), pour réduire de moilié le nombre des sujets = à éliminer (A de 1893, X de 1894, P de 1895, AQ de 1896, etc.). Nous allons considérer maintenant le lot AM de 1896, el ses dérivés ME, MF, MG et MH de 1897. Le lot AM de 1896 a été constitué par la cellule n° 16 de 1895 : femelle — æ dulot O de 1895: ma am & du lot S de 1805) L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 12% Les caractères polytaxiques se sont répartis entre les sujets de ce lot de la manière suivante : AM” 151 sujets am æ . AM” 129 — am &œ. AM” 156 — =) en . AM” 128 — —= ©. Dans chacun de ces groupes j'ai conservé quelques cellules, après avoir eu soin de ne garder comme reproducteurs que les papillons les plus noirs de chaque sexe. Les lots dérivés de AM de 1896 ont été formés dès lors de la manière suivante : ME de 1897 : levée du 24 avril, sur 5 cellules de AM’ de 1896. ME — — 24 — 10 — AM” ee. MG — _ 24 — 10 _ AM” _ M — LT AN (See AM 7 = Les caractères polytaxiques se sont répartis, dans ces quatre lots, comme il est indiqué au tableau suivant : D (==) HE EEES 108 ? 0 ? 475 15 IE 0 ? Lai ? 5 330 | 397 gi 180 189 Je ferai remarquer tout d’abord que des chiffres O0 doivent ètre substitués, dans ce tableau, aux nombres égaux ou inférieurs à 5: ces 4 lots ont été placés au début de l'élevage, sur des cartons trop rapprochés, et il a pu se faire quelques mélanges. Les vers blancs de ME et MF furent éliminés après avoir été comptés (108 et 141), le 1% juin; mais on oublia d’olserver la propor- tion de cocons jaunes et cocons blancs (palles jaunes et pattes blanches) de ces deux groupes. Toutefois 47 est probable que les 138 GEORGES COUTAGNE. vers blancs de ME furent tous à cocons jaunes, et ceux de MF tous à cocons blancs, comme je l’ai indiqué au tableau. Dans cette hypothèse, les plus petits sous-multiples des nombres du tableau précédent, rapportés aux quatre caractères considérés, pris deux à deux, sont indiqués au tableau suivant. ME MF MG MH père et mère: | père et mère: | père et mère: | père et mère: auD 2 an — D —— Je) an 3 3 0 0 — ! 4 4 4 (? 1 (2) k I = 0 (?) 3 (?) 0 3 Nous constatons encore, cette fois, que le caractère amv , devenu latent à une génération (parents des lots MG et MH), ne reparait plus à la génération suivante (sujets de ces mêmes lots MG et MH); tandis que le caractère —, au contraire, reparait, après avoir subi la même épreuve, chez le quart des sujets (lots ME et MF). Il en est de même, respectivement, pour le caractère , qui semble avoir disparu dans les lots ME et MG, tandis que le caractère æ , au contraire, à reparu chez le quart! des sujets de MF et MH. H. Dans le cours des liquations entre deux carac- tères dilamiques a, et a, qui Se produisent pendant une serie de générations successives, il arrive parfois que dans la descendance d'un couple à femelle el mâle tous deux a,, le caractère a, Semble, non pas seulement être devenu latent, mais encore avoir êteé entièrement éli- mine: on ne le voit plus reparaître dans les généra- tions ultérieures, du moins dans les générations ulté- rieures et consanguines issues de ce couple a,. Mais peut-être pourrait-on encore décéler sa présence à l'état latent par le croisement ullérieur de ces sujels &, avec d’autres individus &>, ce nouveau croisement devant peut-être avoir une autre allure que le croisement primitif entre races pures 4, el &,, el donner cette fois une plus grande importance au caractère @, ? L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 139 En 1896, 56 de mes 116 lots ont été formés par des cellules de choix provenant des grainages industriels de MM. Bertoglio el Jaume, à Sommières, en 1895. Toutes ces cellules de choix prove- naient de croisements entre différents lots industriels (chambrées de 10, 15 ou 20 grammes) élevés aux environs de Sommières ; plusieurs de ces lots âvaient des vers moricauds, en sorte que plusieurs des 56 cellules en question donnérent-elles aussi des vers moricauds. Mais en outre l’une d'elles, le lot CG de 1896, eut {ous ses vers moricauds sans exception. Il est à présumer que les deux parents de ce lot CG de 1896 s’élaient trouvés l’un et l’autre à ver moricaud ; mais nous avons vu, au chapitre précédent, que le plus souvent l'union sexuelle de deux sujets moricauds qui ont eu, l’un ou l’autre, des frères ou sœurs à vers blancs, donne à la génération suivante un lot présentant à la fois des vers noirs et des vers blancs. Le lot LM de 1897 a été formé des vers éclos les 25 et 26 avril dans le groupe des œufs de sept jolies cellules du lot CG de 1896. Les vers de ce lot LM de 1897, au nombre de sept à huit cents, furent sans exception, lous moricauds. Si nous nous reportons au tableau de 81 cases de la page 135, et que nous supposions cette fois que les neuf lettres À, B, C,..... H,1 représentent les neuf combinaisons des caractères et — (au lieu des caractères æ et © ), nous voyons que le lot CG de 1866 (dans l'hypothèse : mnémons déterminants des caractères el — au nombre de 16 dans l’idioplasma des cellules germinales) dériverait de la combinaison AA d’un ovule et d’un spermatozoïde ayant perdu l’un et l’autre, lors de la division réductrice, tous les mnémons —, et ne possédant plus que des mnémons zz. Le cas de CG de 1896 ne devrait donc se présenter que 1 fois sur 81, dans le cas où les mnémons seraient au nombre normal de 16 dans l'idioplasma des cellules germinales. On entrevoit dès lors la possibilité de déterminer expérimentalement le nombre æ des mnémons de l’idioplasma, pour un groupe particulier de deux carac- tères ditaxiques &, et 4, : si le cas de CG de 1896 se présente 1 fois sur # fois, le nombre + sera donné par la formule : + c'est-à-dire : 2 = Nm) 140 GEORGES COUTAGNE. Mais l'expérience serait assurément difficile, car les combinaisons AB et BA, et même celles AC, BB et CA, donneraient des résultats peu différents de la combinaison AA, en sorte qu'il faudrait opérer sur des quantilés considérables de pontes rigoureusement isolées, pour déterminer avec quelque exactitude le rapport 1/n. Néanmoins il est assez intéressant d’entrevoir une méthode expérimentale qui peut, semble-t-il, permettre la recherche du nombre des mnémons, et dès lors la comparaison de ce nombre avec celui des chromosomes ou autres organes des cellules reproductrices. I. Lecroisement d'un Sujet a, avec unsujetl a; donne parfois, à la première génération, un mélange héte- rogène des deux caractères a; et a, avec prédo- minance marquée de l’un d'eux, a; par exemple, el dans ce cas il est facile, par la sélectiondans Les géné- rations suivantes des sujets le plus a», de fixer rapi- dement ce caractère a:, et même d'exagèrer son écart avec Gi. J'ai donné, au chapitre précédent, l'histoire du caractère « papillon noir > que j'ai introduit en 1894 dans mes élevages. L'énoncé précédent se rapporte à ce caractère, auquel on donnerait pour symbole 4, ,a, était le symbole du caractère < papillon blanc ». Toutes les fois que j'ai croisé un papillon mélanique avec un papillon blanc de race française (1), les produits du croisement ont été tous à papillons plus ou moins noirâtres; et l’accouplement de deux papillons choisis parmi les plus noirs de cette génération, a toujours donné une nouvelle génération de papillons à ailes encore plus foncées, quels que fussent d'autre part les caractères = ou 47 Où amp (les vers. et les caractères à ou & des cocons. Ainsi, d’une part indépendance complète entre le groupe de caractères «albinisme ou mélanisme des papillons» et les deux autres groupes de caractères « vers blancs ou moricauds ou zébrés », el «çcocons jaunes ou blancs »; et d'autre part très grande force héréditaire du caractère « papillons mélaniques », qui rend ce caractère très facile à fixer, en association avec n'importe quelle (1) Dans la race Bagdad, le caractère « papillon blanc » ne se laisse pas aussi facilement dominer que ce même caractère dans les races Jaune Var ou Blanc des Alpes. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 141 autre combinaison des caractères relatifs à la couleur des vers et à la couleur des cocons. Cette grande force héréditaire est d'autant plus remarquable que ce mélanisme, ainsi que je l'ai déjà indiqué, semble être un caractère d’origine très récente, dix ans environ. Mais il faut bien remarquer que les caractères « albinisme ou méla- nisme des papillons » ne sont pas nettement ditaxiques, actuellement du moins, comme les caractères — et am d’une part, et les caractères æ et = d’autre part. Est-ce qu'ils le deviendront, lorsque l’on pourra croiser les papillons blancs ordinaires, non plus avec des papillons mélaniques depuis un très petit nombre de générations, comme ceux que nous avons aujourd'hui, mais bien avec des papillons d’une race à papillons mélaniques bien fixée depuis un très grand nombre d'années ? C’est à l'avenir qu'il appartiendra de répondre à cette question. J. Le croisement d'unsujet a; avec un Sujet a: donne parfois, à la première génération, une liquation de ces deux caractères chez une partiedes sujets,etchezl'autre partie un alliage homogène constituant un nouveau mode a; dans ce cas les générations ultérieures pré- sententdes liquations (polytaæie) entre les trois modes GAP OA A Le lot AF de 1896 a été formé par la cellule n° 7 de 1895, dont les parents étaient : (femelle ZZ © du lot Q de 1895), (mèle amp % du lot S de 1895). La femelle était de race « Badgag vers noirs », et le mâle de la race « Jaune Var », variété à vers zébrés et papillons noirs. Les sujets de ce lot furent : AF” 89 vers ezz> amp, COCONS æ , AF7” 86 vers am, COCONS © , AF” 77 vers zz>, COCONS æ , AFF” 77 vers az, COCONS œ . La mère était à papillon blanc, et le père à papillon noir. Les papillons du lot AF de 1896 furent, un petit nombre blancs, la plu- part d’un gris-marron plus ou moins foncé: en somme mélange 142 GEORGES COUTAGNE. hétérogène des deux caractères & et æ, mais sans prédominance bien manifeste de l’un d’eux. Les œufs pondus par ces papillons furent {ous non adhérents, ce qui est un caractère très constant de la race Bagdad. Mais le fait le plus intéressant, dans ce croisement, est la fusion, ou plutôt la juxtaposition, des caractères et amv dans la moitié du lot. Ces vers, à la fois moricauds et zébrés, sont fort curieux, et constituent une nouvelle taxie, sans aucun sujet intermédiaire. Je conservai bien entendu, la descendance de ces vers moricauds- zébrés. Les lots LX et LY de 1897 furent constitués respectivement avec les cellules de AF” et de AF””, Voici leur histoire. Le lot LX de 1897 à été formé avec les vers éclos Le 23 avril sur 4 jolies cellules du groupe AF” de 1896: vers 72 am, COCONS æ, papillons légèrement fumés. Il y eut dans ce lot: _- { 90 sujets am ét æ ; 127 Si = am Cl > ; 18 — et es = —= RENE NC 09 nt Ci. Il n'y avait aucun intermédiaire entre les sujets æ et =: pour ce caractère la ditaxie est toujours des plus nette. Pour les 4 groupes de vers az», OU, OÙ em, OU > amæ, la polylaxie est peut-être un peu moins nelle, surtout pour les 3 groupes >, a, et 22 ame, les vers blancs élant toujours très nettement différents. Il semble que les deux caractères et œmw aient une légère tendance à former un mélange hétérogène. Néanmoins la séparation des individus appartenant à ces trois laxies se fait encore sans aucune difficulté, ni hésitation, au premier coup d'œil. Les papillons furent d’un blanc légèrement marron, de nuance froment pourrait-on dire, les mâles étant toujours, comme d’habi- tude, d’un ton un peu plus foncé que les femelles. Le lot LY de 1897 a été formé avec les vers éclos le 22 avril sur 5 jolies cellules du groupe AF7 de 1896: vers 2222 am, COCOnS L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 143 , et papillons d’un blanc légèrement fumé. Il y eut dans ce lot : 70 ( 8) sujets œm Clæ; 29 | 189 (16) — te mn 61 ( 6) — em À; ED RE CE 34 | CHR O EU liE | 39 ( 4) — am etæ; Les nombres entre parenthèses indiquent les plus petits sous- multiples (approximatits) des nombres de sujets de chaque groupe respeclif. Le lot LX de 1897 se prête moins bien à une division analogue, plusieurs des nombres réellement constatés s’écartant notablement de ceux qu'on calculerait en adoptant les coefficients entre parenthèses du lot LY. Mais l’origine un peu hétérogène de ces deux lots, constitués avec plusieurs cellules, et même avec les vers éclos un seul jour de ces cellules, ne permet guère de discuter utilement les rapports entre les nombres respectifs de chaque caractère. Pour la polytaxie des différents caractères, pour la couleur des papillons et l’adhérence des œufs, le lot LY de 1897 a présenté les mêmes particularités que celles déjà signalées pour le lot LX de 1897. La réapparition du caractère atavique — dans les deux lots LX et LY de 1897 mérite d’être tout spécialement signalée. Ce caractère n'existait certainement pas chez les ascendants du 1% degré (c’esl-à- dire sujets du lot AF de 1896) dont aucun sujet n’était à ver blanc, ni chez les ascendants du 2° degré (c'est-à-dire sujets des lots Q de 1895, qui avait eu 4 °/, de sujets — éliminés, et S de 1895, qui avait eu 18 °/, de sujets — également éliminés), ni même chez les ascen- dants du 3° degré (c’est-à-dire sujets deslots Y de 1894, qui avaient eu 9°}, de snjets — éliminés, et Q de 1894, qui en avait environ 50 °/,, également éliminés). Ce n’est que dans leurs ascendants du 4° degré que les lots LX et LY de 1897 ont pu avoir des ancêtres à ver blanc. Mais ce caractère = était évidemment resté latent chez les ascendants des 3°, 2° ct 1° degré, comme en témoignait d’ailleurs 141 GEORGES COUTAGNE. la présence de quelques sujets le possédant réellement, et non plus virtuellement, parmi les frères ou sœurs des ascendants de 2° et 3° degré, grands-oncles grandes-tantes, arrières-grands-oncles et arrières-grandes-lantes, des individus constituant les lots LX ou LY de 1897: Il me reste, pour terminer ce chapitre, à formuler quelques conclusions, résumant les expériences que nous venons de passer en revue. Mais je dois reconnaître, cette fuis encore, que je n’ai pas à présenter des résultats réellement importants pour la théorie générale de l’'hérédité, mais seulement des aperçus, bien nuageux encore, sur les lois qui dirigent la transmission héréditaire des caraclères, et aussi, ce qui est assurément plus utile, quelques indicalions précises sur les méthodes à suivre pour mieux étudier, à l'avenir, les lois de cette transmission héréditaire. J'ai déjà fait allusion aux inconvénients des lots complexes, constitués par une levée de vers sur un groupe de plusieurs cellules ; il est préférable en général d'élever des pontes isolées, de généalogies bien connues. En effet deux pontes à ascendance identique depuis plusieurs générations, peuvent présenter, comme je l'ai montré, une répartition très différente des caractères polytaxiques. Je rappellerai aussi la nécessité de toujours isoler soigneusement les œufs, les vers, les cocons, et les papillons de chaque lot soumis à l'étude. Certains auteurs ont prétendu qu'il fallait, chez les vers à soie, un nombre considérable de générations (1) pour faire dispa- raître par la sélection la persistance atavique de certains caractères introduits dans une race par le croisement avec une autre race. Mais 1l est fort possible que ce soit là une idée fausse, résultant de l'absence de ces précautions minutieuses qui sont nécessaires pour assurer, soit l'isolement des deux races considérées, soit l’élimina- tion intégrale de {ous les sujets présentant le caractère qu'on s’est proposé de faire disparaître. Ces précautions sont d'ailleurs impossibles à prendre dans les ateliers de grainage industriel, où l’on opère sur des millions de cocons et de papillons, et sur des centaines de millions de graines ; et jusqu'à ce jour il n’y a guère que ces ateliers de grainage qui aient fourni des documents relatifs à la persistance atavique des caractères chez les vers à soie. Les expériences que j'ai rapportées dans ce chapitre et dans le précédent (1) Plus de cent, d’après Raoul Baron,1888, Méthodes de reproduction en sootechnie, p.383. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 145 tendraient au contraire à faire admettre que l'élimination de certains caractères peut être très rapide, et qu’elle est même parfois réalisée du premier coup, c’est-à-dire en une seule génération: lot C de 1893 et sa descendance, étudiés au chapitre précédent ; lots CG de 1896 et LM de 1897, étudiés dans ce chapitre. Les caractères poly- laxiques se comportent peut-être à cet égard d’une façon particulière, el par suite il serait intéressant d'étudier la persistance atavique du caractère « papillon noir > introduit par le croisement dans diffé- rentes races à papillons blancs. Voici encore une autre remarque générale : 1l convient de distin- œuer soigneusement, dans l'étude des croisements, d’une part le cas où il y a conflit héréditaire entre mnémons différents pour la première fois (première généralion croisée), el d'autre part le cas où les mnémons antagonistes cohabitent déjà les uns avec les autres depuis au moins une génération. Dans ces deux cas la luite des mnémons pour la détermination des caractères semble avoir des allures très différentes. Je cilerai trois exemples. 1° Les croisements Chang-haï X Varet Var x Chang-haï donnenl à la première génération un «alliage homogène ; aux générations suivantes les métis à caractères fondus donnent un ##élange hétérogène des deux caractères ancestraux æ et. — 2° Le lot O de 1895 à présenté une répartition telle des caractères mp et — (2 groupes numériquement égaux), qu'on pouvait supposer homo- dynames les mnémons de ces deux caractères. Mais la descendance du lot O de 1895 nous à révélé au contraire l’hétérodynamie de ces mnémons (AS, AT, AH de 1896 ; MK et ML de 1897). Il en a élé de même pour le lot AM de 1896, qui semblait montrer l’homodynamie des mnémons de ces deux mêmes caractères, tandis que leur hété- rodynamie a été mise en évidence dans la descendance de ce lot (ME, MF, MG et MH de 1897). — 3° Le lot AF de 1896 (croisement femelle 2 — X mâle mc) issu de parents qui possédaient cependant l’un ou l’autre, ou tous les deux, des mnérrons — latents, n'a présenté aucun ver blanc; mais dans la descendance de ce lot (LX et LY de 1897), des vers blancs ont réapparu. On peut essayer d'expliquer ces trois groupes de faits, en appa- rence si singuliers, en se plaçant dans l'hypothèse de la division réductrice de l’idioplasma (Weismann). 1° Dans le cas des croisements Chang-haï X Var et Var x 10 146 GEORGES COUTAGNE. Chang-haï, les mnémors & el æ sont en égal nombre: au lieu de lutter, ils passent un compromis, etil y a fusion des caractères. Mais aux générations suivantes, par suite de la division réductrice de l’idioplasma, les deux camps deviennent inégaux en général, et il y a finalement, dans les œufs fécondés, tantôt plus de mnémons æ, tantôt plus de mnémons =: d'où le mélange hétérogène des sujets à partir de la deuxième génération (1). 2 Dansle cas des lots O de 1895 et AM de 1896, les mnémons am et sont encore en égal nombre, mais cette fois ls luttent ; pourquoi cette différence avec le cas précédent ? C’est une première énigme. Les nombres des sujets am et— qui résultent de celte lutte étant égaux, il semble qu’on doit en conclure que les mnémons de ces deux caractères sont homodynames: mais nous avons montré que l'étude des générations suivantes conduit à la conclusion inverse, et c’est là une nouvelle énigme. 3° Le cas du lot AF de 1896 et de sa descendance les lots LX et LY de 1897, est plus facile à interpréter. Il suffit de supposer que l'un et l’autre des parents du lot AF de 1896 ne possédaient qu'un très pelit nombre de mnémons =, par exemple 2 contre 14 mné- mons zz chez la mère, et 14 mnémons æmm Chez la mère: les réductions les plus avantageuses aux mnémons —, et les coinbinaisons deux à deux les plus avantageuses à ces mêmes mnémons, ne donneront en définitive que 4 mnémons = pour 6 72 El 6 am, en sorte que le caractère — sera batlu dans tous Les cas. Mais à la génération suivante, il est facile de voir que la division réductrice pourra favoriser le caractère — au point de lui redonner la majorité dans certaines combinaisons, c’est-à-dire de la faire réapparaitre. Les combinaisons, mathématiquement réglées en quelque sorte, que les caractères polylaxiques semblent réaliser dans leurs appa- rilions ou disparitions successives, suggèrent différentes hypothèses dans le genre de celles qui constituent la théorie de Weismann où les autres théories analogues sur l’hérédité. Mais il me paraît encore prématuré d'imaginer des explications théoriques générales pour les phénomènes d’alliage, de mélange, et de liquation dont j'ai (1) Cette explication a d’ailleurs été donnée déjà par Weismann à l'appui de sa théorie ; je ne la rappelle ici que pour la rapprocher du cas suivant, celui de la non fusion des caractères polytaxiques. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIF. 147 commencé l'étude, vu le trop petit nombre de faits, recueillis jusqu'à ce jour, qui soient susceptibles de servir de base à des consi- dérations théoriques vraiment sérieuses. CHAPITRE VI. DE LA VARIABILITÉ DES CARACTÈRES POLYTROPIQUES. Nous avons déjà vu, dans plusieurs des chapitres précédents, que les individus d’un même lot de vers à soie différent beaucoup entre eux, sous le rapport du poids P du cocon plein, du poids p de la coque, et du rapport 7° de p à P. En d’autres termes, les trois carac- tères P, p, et > sont variables. Il nous faut étudier maintenant cette variabilité sous un nouveau point de vue. Considérons par exemple, le caractère P, le poids du cocon plein. Soit P, le poids 3royen de x cocons d’un même lot ; quelle relation pourrons-nous observer entre le nombre des individus dont le poids P est compris entre deux valeurs voisines (P, + k— «) et (P, + À — «), et l'écart 4? Cette relation variera-t-elle, et comment, lorsque les 7 cocons seront de même sexe ou de sexe différent, d’une même ponte ou de pontes différentes, d'une race croisée ou d’une race pure ? Les anthropologistes ont entrepris, eux aussi, depuis longtemps déjà, l'étude des variations de plusieurs caractères simples, dans les différentes races humaines, et principalement l'étude des variations de la taille de l’homme adulte, caractère qui est facilement mesu- rable, et qui, de tous ceux qu'ils ont à considérer, est assurément celui qui se prête le mieux à des recherches statistiques. Mais il est encore plus facile de peser un cocon que de mesurer un conserit ; et en outre, chez les vers à soie, on peut non seulement observer, mais encore expérimenter. Nous devons donc espérer que l'étude de la variabilité des caractères pourra se faire bien plus efficacement chez les vers à soie que chez les hommes, et par suite, quelque paradoxal que cela paraisse, que l'anthropologie aura quelque profit à retirer des recherches séricicoles que J'ai inaugurées, et dont j'expose les premiers résultats dans ce mémoire. L'œil, et par suite l’esprit, étant impuissant à saisir les relations 148 GEORGES COUTAGNE. mutuelles d’une série de grandeurs exprimées par des nombres, pour peu que celte série soit de quelque importance, il faut recourir aux représentations géométriques, qui synthétisent en quelque sorte des séries considérables de nombres, et manifestent par suite les relations qu'il s'agit de découvrir. Un premier mode de représentation géométrique est depuis longtemps utilisé, dans toutes sortes de sciences d’ailleurs, qui peut rendre et a rendu déjà de grands services. C’est celui que j'ai décrit au début du chapitre précédent. On compte sur un axe horizontal les valeurs successives d'un caractère simple, et on élève aux diffé- rents points correspondants des ordonnées verticales proportion- nelles aux nombres des occurences de ces différentes valeurs. On obtient de la sorte une courbe synoplique, ou plus brièvement la synoptique du caractère considéré (1). J'ai imaginé un autre mode de représentation géométrique, qui, je l'espère, pourra rendre aussi quelques services. IL permet d'étudier les variations simultanées de deux caractères el de leur rapport. Dans le cas des vers à soie, ce sera, par exemple, p, P, el leur rapport 7. Sur un axe OP je compte les poids P, et sur un axe perpendi- culaire Op les poids p. Après avoir déterminé les coefficients P et p d’un cocon, je mesure l’abcisse P, j'élève l'ordonnée p, et je trace un petit disque noir ayant pour centre le point amsi construit. J'opère de même, successivement, pour tous les cocons du lot à l'étude. Le résultat est comparable au dessin d’une constellation, ou à celui d’une nébuleuse si le nombre des sujets étudiés est très crand. Je l’appellerai la figure stellaire, ou plus brièvement /4 stellaire des deux caractères P et p. Les rapports 7 (de p à P) de chaque cocon se trouvent tout naturellement mis en évidence, si on a la précaution de tracer préalablement, en outre des axes OP et Op, un faisceau de droites (1) On peut dire aussi, et on dit souvent : le diagramme des variations de tel ou tel caractère, Mais le mot diagramme étant très général, et servant à désigner toute sorte de figure exprimant, sous une forme synthétique et conventionnelle (c'est-à-dire schéma- tique) un ensemble compliqué d'objets ou de phénomènes (diagramme de la disposition des feuilles le long de l'axe d’une plante, diagramme d’une fleur, diagramme d'une machine, ete.), il est peut-être préférable d'adopter, comme je le propose ici, des termes spéciaux, la synoptique d'un caractère, et la stellaire de deux caractères, pour désigner les deux diagrammes particuliers dont je m'occupe dans ce chapitre. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 149 divergentes, répondant aux formules p = Pr,, p = Pr, p = Pr3, RON 71 Palo, , Sont des valeurs successives et suffisamment rapprochées du rapport 7. Ces droites divergentes déconpent le plan en tranches successives, el_tous les cocons dont les symboles se trouvent placés sur une de ces tranches, par exemple entre les droites 7 — 0,15 et; — 0,16, sont: des cocons dont la richesse en soie est comprise précisément entre 0,15 et 0,16 (1). Si on construit les stellaires des deux mêmes caractères pour différents lots, en employant pour les cocons de chacun d'eux un symbole différent afin d'éviter les confusions (disque noir, petit cercle, croix ou étoile, petit carré, etc.), les positions, formes, el densités relatives de ces stellaires mettent en évidence plusieurs faits généraux, qu'il serait bien difficile, sinon impossible, de manifester autrement. Bien entendu ces deux modes de représentation géométrique ne s'excluent pas l’un l’autre, mais doivent au contraire être employés simultanément. C’est en 1894, out à fait à la fin de la campagne, que j'eus lidée des stellaires. Pris au dépourvu, et à court de temps, je me bornai à prélever, au hasard, après le déramage, dans une chambrée retar- dalaire de mes environs (chambrée Joseph Magnan, à Puyloubier), quelques poignées de cocons, qui furent tous numérotés, pesés, puis ouverts, et les chrysalides jetées. Les coques vides furent pesées quelques jours après, puis repesées en décembre 1894 au Laboratoire d’études de la soie, à Lyon. Je ne reproduirai pas ici la stellaire que je construisis avec les 856 nombres ainsi obtenus (428 cocons); ce premier essai me montra l'opportunité de séparer les sexes, ce que je fis dès lors en 1895. Ce fut le lot DD de 1895 que je consacrai à cette étude. Les 480 cocons de ce lot furent numérotés, pesés, puis ouverts, et les chrysalides enfermées chacune dans une petite boile en bois, numérotée, les numéros des cocons correspondant à ceux des boites. Chaque matin toutes ces boîtes étaient visitées, el on notait le sexe des papillons éclos. Le tableau ci-joint indique la répartition des éclosions entre les sept jours pendant lesquels elles se sont produites. (1) Au lieu de considérer /e rapport de p à P, on pourrait considérer toute autre fonction y des deux variables p et P, et découper pareillement le plan en tranches successives au moyen des courbes y = 1, y — y2, etc. 150 GEORGES COUTAGNE. La différence entre le nombre total 480 des cocons du lot, et le uombre 457, représente les déchels : chrysalides mortes, ou ayant tache leur coque (qui dés lors aurail élé trop lourde comparée aux HORLEURE MALES FEMELLES TOTAUX DU LOT DD DE 1895 Vendredi quillet.:"+#rete D) 2 D Samedi O'HRENRS encee 22 13 25) Dimanche TERRE [ôte) D3 121 Lundi DAMES ER RE 4 81 161 Mardi OP Ar 3) 64 99 Menareol ID UV Messi te 6 28 34 Jéudi ADO ARE EE l [ 2 209 248 457 coques des sujets bien sains), chrysalides blessées en ouvrant le cocon, etc. Le nombre 457 s’est même réduit encore à 448, par élimination de neuf autres sujels, sept à coques excessivement légères (dont le ver avait vraisemblablement jeté une partie notable de sa soie avant de commencer son cocon définitif), etles deux cocons 237 et 337, qui avaient été confondus par erreur au moment du numéro- tage et pesage des cocons, et dont il fallut dès lors rejeter les coques. C’est donc finalement la stellaire de 448 sujets, 204 màles et 244 femelles, fous frères et sœurs, que nous donne la PI. vi. Les mâles sont représentés par des éloiles, et les femelles par de petits cercles centrés. L'examen attentif de cette stellaire révèle, sans qu'il soit besoin d'aucun calcul, toutes les « relations entre les propriélés des cocons > que J. Raulin avait cherché à préciser, dans ses expériences de 1892 à 1895, en ce qui concerne du moins les caractères p, Petr (4): Pour bien montrer quels genres de services peuvent rendre les stellaires, j'en donnerai deux autres exemples, l’un appliqué à la botanique, et l’autre à l'anthropologie. (1) Laboratoire d'etudes de la soie, Rapports à la Chambre de Commerce de Lyon, vol. 7, 1895, p. 73 ; et vol. 8, 1897, p..1, 45, et 55. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE, 15:l Le 7 avril 1895 je récoltai dans un pré des environs de St-Fortunat, près Lyon, environ 400 fleurs de Prümula grandiflora. J'avais choisi un espace peu étendu, où les pieds de primevères étaient très nombreux ; je ne récoltai qu'une seule fleur sur chaque touffe, et je suivis un tracé en zigzag, de telle sorle que j'étais sûr de ne pas passer deux fois au même endroit, et de ne pas récolter deux fleurs sur un même pied. Chacune de ces fleurs appartenait donc à un individu différent, dans une même colonie. Le lendemain ces fleurs furent toutes soumises au lrailement suivant. La moitié du calice élait déchirée et arrachée avec une pince ; puis avec un scalpel très fin le tube dela corolle était fendu jusqu’au limbe, y compris celui-ci ; enfin, avec la pince, la moitié de la corolle ainsi fendue était enlevée, en ayant soin de bien dégager l'ovaire. Il restait donc, en définitive, la moitié de la corolle, avec une ou deux anthères, et le pistil. Les fleurs ainsi préparées furent aussitôt mises en presse entre des feuilles de papier buvard, et rapidement séchées. Enfin les pistils et les élamines furent mesurés (1) au microscope, avec un oculaire micro- métrique qui permettait d'apprécier facilement le demi-dixième de millimètre. Dans la stellaire de la PI. vi, les abcisses sont Les longueurs des élanines, c'est-à-dire la distance entre la base du style et l'extrémité des anthères ; etles ordonnées sont les longueurs des styles, y compris le stigmate. L’extrémité supérieure de lovaire, ou autrement dit la base du style, est un point de repère plus nel que ne le serait la base de l'ovaire, peu visible parce qu’elle reste enchâssée dans les lambeaux de la corolle et du calice. Les longueurs des étamines ainsi trouvées m'ont servi à construire la synoptique que j'ai donnée au début du Chapitre IV, comme exemple permettant de définir la polytaxie. La stellaire de la PI. vu est relative à 364 sujets, 182 de chaque taxie. Les 400 fleurs (environ) récoltées ne donnèrent en effet que 397 fleurs susceptibles d'être mensurées, 182 brachystilées et 215 dolichostylées ; parmi ces 215 dolichostylées, les 182 premières rencontrées (au hasard) furent seules mensurées. Le troisième exemple de stellaire que je donne ici, PI. vin, nous montre les diamètres céphaliques antéro-postérieurs D, les diamètres céphaliques transverses d, et les indices céphaliques r, rapport de d à D, de 507 sujets adultes, et masculins, des races arménienne et kurde, dont M. Ernest Chantre a éludié minulieu- (1) Mensurations faites du 4 au 8 décembre 1897. 152 GEORGES COUTAGNE. sement les caractères ethniques, pendant le cours de ses différentes missions en Arménie, de 1880 à 1893. Ces données numériques sont extraites des tableaux de mensurations qui résument toutes les observalions anthropologiques de M. Chantre, dans son bel ouvrage de 1895 sur les peuples de l'Asie Occidentale (1). Ces 507 sujets sont tous originaires de la Trauscaucasie ou de l'Asie Mineure, mais ils appartiennent à deux races bien distinctes. Les Arméniens, au nombre de 292, sont représentés par de petiles éloiles; les Kurdes, au nombre de 185, par des cercles centrés ; enfin, une série de 30 Kurdes Bilikanis, d’'Erivan, sont représentés par des disques noirs; la disposition de ces disques, au milieu des étoiles représentalives des Arméniens, met en évidence l'origine tres probablement arménienne de ces trente sujets. Les Kurdes nomades étant de vrais bandits, qui ne se font pas faute d'enlever les filles des Arméniens, cultivateurs sédentaires, il en résulte que l’on observe assez fréquemment chez les Kurdes les caractères ethniques des Arméniens, eten particulier un indice céphalométrique supérieur à 80. La stellaire de la PI. vi comprend tous les sujets masculins énumérés dans les 27 lableaux de M. Chantre (2), à l'exception des quatre catégories suivantes : 1° les 11 Kurdes Moutkans et Dodas, du tableau page 122 ; 2° les 6 Kurdes Eydéranly de ce même tableau ; 3° les 5 Kurdes Boklanli et Chekas du tableau page 123 ; 4° les 35 Kurdes de tribus diverses, observés à Diarbekir el Alep, du tableau page 126. Ces 57 Kurdes sont pour la plupart, comme les 30 Kurdes Bilikani d’'Erivan, et pour les mêmes molifs, des véritables Arméniens sous le rapport craniologique. L'application de la méthode géométrique, courbes synopliques et figures stellaires, à l'étude d’un grand nombre de caractères, el chez un grand nombre d'organismes différents, permettra sans doute d'arriver à la connaissance exacte de certaines des lois de la rarlabilité des caractères et de l'hérédité. Toutefois, je crois qu'on peut dès à présent énoncer quelques-unes de ces lois. Mais il convient, pour donner à ces énoncés la concision néces- saire, de distinguer, par des termes distincts, les caractères susceplibles de varier d’une façon continue, el ceux qui ne peuvent varier, de par leur nature même, que d’une façon discontinue. (1) Recherches anthropologiques dans l'Asie Occidentale, in: Archives Muséum hist. nat. de Lyon, tome 6, 1895. (2) Loc. cit., pages 53 à 66 et pages 114 à 126. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 153 J'appellerai les premiers caractères polytropiques, el les seconds caractères oligotropiques (1). Les caractères polytropiques sont par exemple: les grandeurs absolues, ou relatives, des différentes parties du corps, grandeurs absolues mesurées par des longueurs, surfaces, volumes ou poids, grandeurs relatives exprimées par des rapports entre deux longueurs, deux surfaces, deux volumes où deux poids ; les attributs des différents organes où parties du corps susceptibles de varier d'une façon conlinue, c'est-à-dire par nuances insensibles, couleur plus ou moins foncée, densité ou dureté plus où moins grande, proportion variable de différents éléments chimiques, etc. Enfin, le nombre des organes en série, lorsque ce nombre est très grand, est aussi un caractère polytropique: pilosité plus où moins dense, nombre d’étamines chez les fleurs à étamines « en nombre indéfint », nombre des vertèbres caudales chez les Vertébrés à très longue queue, elc. Le nombre des organes en série, lorsque ce nombre est peu élevé, est au contraire un caractère oligotropique: par exemple le nombre des vertèbres lombaires, chez les Vertébrés, le nombre des palles chez les Insectes, le nombre des élamines chez les fleurs à élamines « en nombre défini ». Citons aussi le sens, dextre ou senestre, de l'enroulement spiral de certains organes ou. de certains organismes, coquilles de Foraminifères el de Mollusques, carpelles mûrs des Ærodium, gousses des Medicago, liges volubiles des plantes grimpantes, etc. (2). Il faut remarquer toutefois que ces deux catégories de caractères, très opposées au premier abord, si on considère les deux extrèmes, (1) De rpomoç, maniere d’être, #odus des latins. (2) Les variations des caractères que je viens d'appeler polytropiques sont appelces variations substantives par Bateson (Materials for the Study of variation, 1894), par opposition aux variations méristiques, où variations du nombre des organes en série. Cette distinetion est assez plausible, mais la classification qu'elle implique est fort incomplète, car certaines variations ne rentrent dans aucune de ces deux catégories : la variation du sens de l'enroulement d’un organe spiralé est-elle une variation substan- live ou une variation méristique ? Il est surprenant, d'autre part, qu'un auteur qui précisément insiste, avec raison, sur la distinction à faire entre les variations continues et les variations discontinues, n'ait pas songé à classer les caractères dont il étudie les variations en deux catégories : ceux qui ne sont susceptibles de varier que d’une façon discontinue, et ceux qui peuvent varier en outre d’une facon continue, et qui par suite, varient soit d’une façon continue, soit d’une facon discontinue. 154 GEORGES COUTAGNE. sont reliées par bien des intermédiaires. On peut observer en effet des organes en série en nombres très petits, depuis deux, trois, quatre, et successivement, en nombres moyens, grands, très grands el immenses. C’est d'ailleurs ce qu’expriment précisément les épithèles que j'ai choisies pour le: caractériser : polytropiques et oligotropiques. Entre beaucoup, et peu, il y a naturellement tous les nombres intermédiaires. Néanmoins cette distinction est nécessaire, quand on veut analyser avec soin les phénomènes de la variabilité des caractères. Les lois que je crois pouvoir formuler dès à présent sont au nombre de quatre. I. Les caractères polytropiques sont, en général, plus variables que les caractères oligotropiques. Get énoncé doit être pris dans un sens très général, car d'une part certains caractères polytropiques varient très peu (1), et d'autre part certains caractères oligotropiques varient beaucoup. Comme exemple du premier cas, je citerai le rapport des longueurs du radius et de l'humérus, chez l'homme adulte, rapport qui pour l’ensemble des races humaines ne varierait, d'après Hamy, que de 0,7129 à 0,7804; le rapport de la longueur de l'humérus à la taille serait mème encore moins variable. Comme exemple du second cas Je citerai le nombre des élamines chez l'A/chemilla arvensis, tantôt une, tantôt deux. On pourrait formuler un peu différemment cette première loi, et dire : Lorsqu'une série d'organes homologues sont très semblables, leur nombre varie plus que leur forme ; mais lorsque ces organes homologues sont très différenciés les uns par rapport aux autres, ils ne varient plus guère comme nombre, mais seulement comme forme. Is. Geoffroy Saint-Hilaire à donné, depuis longtemps déjà, la for- mule suivante, qui peut être considérée comme énoncé un peu moins (1) On peut dire qu'un caractère varie peu, lorsque le nombre qui exprime ses varialions varie de moins d'un vingtième de part et d'autre de la moyenne; et qu'il varie beaucoup, au contraire, lorsque ce nombre varie de plus d'un tiers de part et d'autre de la moyenne, soit du simple au double, quand on compare le minimum et le maximum. Les caractères polytropiques qui varient de la sorte, du simple au double, ne sont pas rares, aussi bien chez les animaux que chez les végétaux, et alors même qu'on se borne à considérer les sujets homochrones et homotaxiques d’une seule espèce. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 155 général de la même loi: « Les anomalies numeriques sont d'autant plus fréquentes que les organes envisagés sont en nombre plus considérable, et réciproquement >. MM. Cornevin et Lesbre ont confirmé, dernièrement, ce principe par de nombreux exemples (1). Cette premiére loi d’a pas de rapport direct avec les recherches que j'expose dans ce mémoire ; mais elle résume un certain nombre de connaissances, encore peu nombreuses il est vrai, el peu précises surtout, que l’on possède sur la question de la variabilité des caractères. Ayant à parler de plusieurs autres lois relatives à cette variabilité, il m'a paru nécessaire, pour être complet, de ne pas omeltre cette première proposition, et tout au moins de la rappeler sommairement. II. Dans les groupes ethniques (®) les plus homogènes qu'on puisse rencontrer, tous les caractères polytro- piques sont plus ou moins variables. Sion construil la courbe synoptique de l'un quelconque deces caractères pour untrès grandnombre d'individus homochrones et homotaæiques (3) cette courbe est symétrique, et d'une forme très analogue, sinon identique, à celle qui exprime la loi de lavariabilité des erreurs acciden- telles, courbe que j'ai appelée tychopsie (4), et dont lu , ’ . —h2x2 formule algébrique est: y — ae h? »?, Cet énoncé n’est que la généralisation de tous les faits que les anthropologistes ont établis en « meltant en série », suivant leur expression, les nombres qui expriment les valeurs des différents caractères simples polytropiques de l'espèce humaine, taille, indice céphalique, etc. Cette similitude entre la loi des variations d'un caractère simple, et la loi de la probabilité des erreurs accidentelles (loi de Gauss), a (1) Les variations numériques de la colonne vertébrale chez les Mammifères domestiques, in : Revue scientifique, 16 octobre 1897, p. 487. (2) A l'exemple de Cornevin, (1871, Traité de sootechnie, p. 418), j'emploie le mot ethnique dans le sens général de relatif aux races animales où végétales, et non pas dans le sens restreint de relahf aux races humaines. (3) Ces deux termes se comprennent facilement ; les idées qu'ils expriment ne sont que la généralisation de celles, plus restreintes, qui correspondent aux expressions « de même âge » et « de même sexe ». (4) 1897, L'Année biologique, 1° année, p. 502. 156 GÉORGES COUTAGNE. été déjà souvent signalée. On à généralement cherché à l'expliquer en disant que « la nature cherche à réaliser > pour chaque espece, un cerlain type, « mais qu'elle n’alteint qu'avec des écarts attri- buables à des causes multiples et purement accidentelles » (1). Sauf qu'il n’est plus guère de mode aujourd’hui de personnifier, en l'appelant « la nature », l’ensemble des lois auxquelles sont soumis la matière brute et les êtres vivants, celte explication est assez admissible. La loi de probabilité des erreurs accidentelles, que l'expérience donne empiriquement, peut être établie a priori, c'esl- a-dire expliquée, au moyen de l'hypothèse suivante : toule erreur accidentelle est la résultante d’un très grand nombre de peliles erreurs partielles, indépendantes les unes des autres, entrant chacune pour une faible part dans l'erreur totale, et toutes du même ordre de grandeur (2). De même aussi, lorsqu'on considère un groupe très homogène d'individus de même race, homochrones et homotaxiques, un grand nombre de petites causes de varialion, les unes dans un sens les autres dans un autre, indépendantes les unes des autres, el toutes du même ordre de puissance, donneraient finalement un ensemble d'individus chez lesquels le caractère variable considéré présentera la même loi de variation que la loi de probabilité des erreurs accidentelles (3). Ill. Dans les races les plus homogènes qu'on puisse observer, el à fortioridans les races peu homogènes, el à (1) 1881, Faye, Cours d'astronomie de l'Ecole polytechnique, t. I, p. 223. (2) 1896, H. Poincaré, Calcul des probabilités, p. 182. (3) Bertillon a développé assez longuement cette explication (1876, article Woyenne du Dictionnaire de Déchambre, tome X, p. 510 à 315), mais en y mêlant des discussions sur | « homme moyen » et |’ « homme modèle » de Quetelet, sur le monogénisme et le polygénisme, sur l’objectivité et la subjectivité des moyennes, ete. M. Faye (Cours d'astronomie de l'Ecole polytechnique, 1881, t. I, p. 215), semble mépriser quelque peu les théories « très hypothétiques », dit-il, par lesquelles on cherche à priori la loi de la probabilité des erreurs accidentelles. Mais s’il est tres suffisant pour l'usage qu'en fait l'astronomie, et beaucoup d’autres sciences, d'établir empiriquement, expéri- mentalement pour mieux dire, cette loi, on ne peut critiquer ceux qui cherchent d'autre part à l'expliquer, c'est-à-dire ceux qui font des hypothèses, et cherchent à déduire de ces hypothèses la forme même de la loi de Gauss. Si la forme, ainsi trouvée par des considérations à priori, est bien semblable à celle constatée empiriquement, voilà une explication trouvée pour cette loi. Bien entendu ce sera une explication provisoire ; elle sera remplacée peut-être par une autre, et ainsi de de suite... mais il en est de même, en fait, de toutes les explications que fournissent toutes les sciences. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 157 fortioriencore dans les espèces composées de plusieurs races, si on répartit les individus homochrones et homotaxæiques en différents groupes d’après les valeurs successives, et suffisamment rapprochées d'un même caractère polytropique, le nombre des individus de l’un quelconque deces groupes esttoujours très inférieur an nombre total des individus de tous les autres groupes. Cet énoncé, qui résulte comme simple corollaire évident de l'énoncé précédent, est très analogue à la proposition, formulée en 1877 par Delbeuf, proposition qu'on désigne assez généralement, mais à tort, sous le nom de « loi de Delbeuf ». En effet, en biologie, la loi d’un phénomène doit être une formule générale, obtenue par l’induction des faits particuliers qu'a pu fournir l'observation ou l’expérimentation, formule qui embrasse tous les phénomènes de même ordre, et qui exprime ce qu'ils offrent de commun dans leur modalité, et, si faire se peut, dans leur causalité. Or la proposition de Delbeuf n’exprime pas, à proprement parler, un fait général d'observation, mais elle résume un calcul, elle expose les conséquences mathématiques d'une hypothèse. On devrait donc dire, non pas la « loi de Delbeuf », mais le calcul, le théorème, ou simplement la « proposition de Delbeuf ». Voici l'énoncé de cette proposition: « Quelque grand que soit le nombre d'êtres semblables à lui, et si petit que soit le nombre des êtres dissemblables, que met au monde un être isolé, en admettant que les générations se propagentsuivant les mêmes rapports, à arrivera un inoment où le nombre des individus varies dépassera celui des individus inaltérés > (1). Le fait que les individus variés dépasse beaucoup celui des individus inaltéres, quelle que soit la convention adoptée pour définir le caractère qu'on regardera comme inaltéré, est wn fait d'obser-- valion, fait incontestable, connu depuis longtemps; et dès lors aucune démonstration mathématique n'est nécessaire pour l’établir. Pour l’expliquer ? — Alors c’est autre chose, et le calcul de (1) 1877, Delbeuf, Une loi mathématique applicable à la théorie du transformisme, in : Revue scientifique, p. 669. 158 GEORGES COUTAGNE. Delbeuf n'est assurément pas inutile, en ce qu'il montre comment, au moyen de plusieurs hypothèses, on peut expliquer l'état de choses que revèle l'observation des faits. Mais encore faut-il remarquer que d’autres calculs, déduits d'autres hypothèses, peuvent aussi expliquer plus ou moins bien cet état de choses, en sorte que, en définitive, à ne considérer que celte similitude entre le résultat des calculs et les faits, ces différentes hypothèses semblent à peu près toutes aussi vraisemblables les unes que les autres. Nous verrons tout à l'heure, par contre, qu’à d’autres égards ces hypothèses paraissent toutes bien peu acceptables. Mais il nous faut exposer au préalable ces différents calculs. Je donnerai d’abord un développement que j'ai imaginé, et qui semble se rapprocher beaucoup des phénomènes réels. Puis je rappellerai brièvement celui de Delbeuf. Enfin je lerminerai par l'exposé d’un calcul qui a été indiqué, très sommairement, par Jules Carret en 1881. l° Supposcus une colonie de N individus, tous identiques, relativement du moins au caractère polytropique particulier dont nous nous proposons d'étudier les variations. Cette hypothèse n'est pas contraire aux faits d’observalion, car nous savons que cerlains caractères polytropiques varient beaucoup, d’autres très peu; il suffit de considérer un caractère variant très peu, ct de négliger l'amplitude très faible de ses variations, en regard de l'amplitude beaucoup plus grande des variations que nous allons supposer se produire, dans notre hypothèse. Soit (7 + 1) le nombre d'enfants que produit chaque individu (puissance génératrice de Delbeuf), # pareils à lui, et un dissemblable en ce que le caractère primitif æ présente une déviation Ax dans un sens déterminé. A la première génération il y aura done N (# + 1) individus, à la deuxième. N'{n + 1)?, à la troisième N' (n + 41); à la p°: N (n + 1). Négligeons le facteur commun N, qui ne nous intéresse pas, puisque nous ne cherchons que les nombres relatifs des individus de chaque forme æ, æ + Ax, x + 2 A æ, etc. Réservons, comme dans le tableau de Delbeuf, une colonne pour chacune de ces formes, et une ligne pour chaque généralion. A la première génération, nous avons donc » sujets de la forme #, et 1 de la forme æ + A x. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIÉ. 159 A la deuxième généralion, il est facile de voir que les » sujets de la colonne # engendreront #? sujets de la même forme, et # de la forme æ + A æ; quant au sujet de la forme æ + 4 +, ilen procréera n de la même forme, plus un de la forme # + 2 4 », à faire figurer à la 3° colonne. De même, à la 3° génération, il y aura #? sujets de la forme #, 3 n? de la forme æ + A æ, 3n de la forme æ + 2 Aæ,eti de la forme æ + 3 À æ. On voit, sans qu'il soit nécessaire de plus insister, qu'à la p° généralion il y aura (#2 + 1)? sujets, savoir : ni? dans la colonne 1, c’est-à-dire de la forme æ; 2 ju vi 2 — ere A ) (p-1) « € 1 à LE n 2? = 3 — æ+3AX; p (p-1) (p-2 a PA BNEEES À ne HS NT el ainsi de suite. Les différents nombres de chaque forme successive sont précisément les différents termes du polynome oblenu en ordonnant par rapport aux puissances décroissantes de l'expression (7% +- 1)?. Le rapport, au bout de p généralions, du nombre des individus modifiés au nombre des individus #0 modifiés, est donc: GmEDi=nr ei er n? re n Or, quelque grand que soit n, pour une puissance suffisamment grande de p, l'inégalité pourra toujours être satisfaite. Soit par exemple # — 11 (c’est-à-dire la puissance génératrice de Delbeuf égale à 12, nombre précisément choisi comme exemple par 160 GEORGES COUTAGNE. cet auteur). I suffira, pour que l'inégalité précédente soit satisfaite, que : (#1 4, 5 12 D 2) OU : (5) ET ou encore : p (log. 12 — log. 11) © log. 2, c'est-à-dire enfin : DM: Done, à partir de la huitième génération, Le nombre des individus imnoudifièes sera plus grand que le nombre des individus non inodifies (1). Il n’est pas sans intérêt de calculer les nombres successifs d’indi- vidus de chaque forme æ, (x + A &), (x + 2 A æ), ...… , pour une valeur parliculière de ». Nous supposerons # — 1 et p — 32. Cela revient à supposer que chaque individu en procrée un semblable à lui, et un second quelque peu modifié, dans un sens détermine, loujours le même : Si nous supposons AZ lui-même très petit par rapport à æ, cela est très admissible. Nous aurons donc l'égalité : NE eee se Le premier terme de la série est 1, et lous les autres S'obtiennent en multipliant le terme précédent successivement par : DA OR O2 OS 1 ? Du GE) Ta FR) ousooe Voici les différents nombres qu'on obtient de la sorte : COlONNE TAC RS TRS CR ER 4; — D ME BE NN de EE D OU — SR De RE e E 496. — ANS RO AAC men 4 960. _ CRE NL A D SE EN? 3) 960. (1) Comme l'a fort bien dit M. Baron (Bull. se. France et Belgique. t. IV, 1894, p. 130), et comme je viens d'en donner un nouvel exemple, « l'analyse mathématique gawnerail souvent à l’emploi des inégalités, principalement lorsqu'il s'agit des faits complexes du monde biologique ». P g1q L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 161 Colnane OPA REA Line 201 376. == MR Ni Lis 906 129. — SE Et LEE CONS MORE 30 3000 650! — QE MES NOM CS. A0 1S SUN ES OMIS EC PME NS : 28 048 800. MORE ERAETS, Gn5120-210: RS TR US AE out AO 1024. 480: ENS Ml cer NA 225 ‘792 840. LL ja PCSI EN SAN PRE 347 313 (600. D LT EU RE a dou 471 435 600. OR nn » 000100 VIA NL: 5 AR ER ESS RTE 601 080 390. A partir du 18° terme de la série on retrouve les mêmes nombres qu'avant, le 18° étant égal au 16°, le 19° au 15°, et ainsi de suite. La courbe « de la PI. 1x est la moitié de la synoptique de ces 33 nombres, à l'échelle de 24 millimètres pour cent millions (ordon- nées), et de 10 millimètres pour chaque variation Aæ (abcisses). J 2° Pour effectuer le calcul de Delbeuf, ou peut employer les mêmes nolations que précédemment; mais 1l faut supposer que chaque individu en procrée, non pas (7 + 1), mais (7 + 2), savoir # semblables à lui, 1 présentant une déviation dans un sens, el 1 présentant une déviation égale, mais en sens contraire, « car la loi veut que les enfants soient semblables aux parenis, et s2 accidentellement une déviation dans un sens se présente, par compensalion il faut supposer une déviation dans l'autre sens » (1). Les différentes colonnes (æ + At), (x + 2 Aw),..... d’une part, et (æ — Aæ),(æ — 2 Ax),....…. d'autre part, offriront évidemment une complète symétrie par rapport à la colonne x. Mais le signe © n'est pas à employer, et pourrait prêter à confusion, car si après plusieurs générations le nombre des sujets de la forme (x + pAw) est égal il est vrai à celui des sujets de la forme (x — pAx), les caractères de ces deux groupes d'individus seront du moins très différents, et d'autant plus différents que p sera plus grand. « 1) C'est presque une pétition de principe, car on incorpore de la sorte à l'hypothèse qui sert de base la particularité la plus caractéristique du fait qu'il s’agit d'expliquer 11 162 GEORGES COUTAGNÉ. Si on considère l’espêce de damier constitué par les colonnes successives æ©, (æ + Aœ),(æ +2 Ax),..... .et parles lignes relatives à chaque génération, un raisonnement si simple qu’il n’est pas besoin de le développer montre que chaque nombre à inscrire dans chaque case de ce damier doit être oblenu : {°en multipliant par # le nombre de la case T placée immédiatement au-dessus ; 2° en ajoutant à ce premier nombre Ja somme des deux nombres qui se trouvent dans les cases immédiatement voisines, à droite et à gauche, de celte même case T. En supposant # == 10, Delbeuf a calculé les nombres de la 8° généralion, qui sont successivement : COlOANEM ERP NE 160 256 070. UE RAS ie ER 134 862 813. CRAN MR AE ST CT TR 30 842 056. EE RS CAL ARRETE US AE à Se D 881 680. ns ES RE NS AE Enr SAUT LC 716 828. et LIGA AU EN RARE HAS ENS E D = PU ne A MER MER ATEN TS TRES 2 808. Eh O 0 AS RENTRER ST SU. — D Es cite Ne Et CU CRE NE RER E : 45 La courbe 6 de la PI. 1x est la synoptique de ces nombres, à l'échelle de 8 millimètre pour dix millions (ordonnées), el de quinze millimètres pour chaque varialion A (abeisses). On peul aussi supposer » — 1, comme dans le calcul qui nous à donné la synoplique «; cela est aussi admissible que de supposer # beaucoup plus grand que 1, si on suppose d'autre part A très pelit par rapport à æ. J'ai calculé dans cette hypothèse les nombres de la seisième génération ; ce calcul est reproduit dans le tableau ci-joint; le nombre inscrit dans chaque case est égal à la somme des nombres inscrits dans les trois cases les plus voisines de la ligne précédente. Les 17 nombres de la dernière ligne (16° génération), ont servi à construire la synoptique + de la PI. 1x, à l'échelle de 32 millimètres pour un million (ordonnées) et de 10 millimètres pour chaque varialion Aæ (abcisses). TT 008 |029'€ |STE'ETIsce" 1rl8%%"o7r l0LC'8ca lor9'9ec lorz 966 997" C0" T|96E OST |OTS" CO E|OOT EE Ier 606% 129" 967" ClecT 696" » 4 OCT | G99 |œ68'2 |828°6 | cog'ec | CG TL loc6'zcr SEL'90€ | TES'TEG | OGT'LSS |STO'TOT' FIG0' LLY" TlOTC: #02: 11109" LL] OTS"YOL'T 95C |F8T'G | 860'L | 68€ GT | 25° Gr | 60° €6 | sor'g0r | 0L&'0L& GSL'88€ | 60" SOS | 069'C8C | LEZ 919 | 069 CSC 16 | 67% | YGO:T | G0'S | LeL'er| erL'Lz| veg'ac | 208'28 V8 OST | 9OF'ELE | £F9° 108 | 176218 | F9 TOR J GP | SL | Se | rec'r | cev'e | v10'8 | oes'or | vice | acer | guc'ec | gc'o | cgrer | ocso JU = F FF 10000 GLG 088 LEC'C LTG'7 &0°6 CGE'YF | SCS GT | 890 ra | £CO'Ce | 890’ 7 } OF OT& GT9 GCY'T OCS'& OL'Y GOL 9 OGE "8 ECG'8 OGE”"8 } 6 Gy 9GT Av &38 GG F Y0£'& LOG & GSF 6 LOG'& Û 0 9€ G} 998 xoc Y8L 9T0'T LOF'T 9TO'T } Fr Sa LL V9 99€ LG &0€ LGE PAUSE 9 TG OC 06 981 WF} 9GY } “ GT 0€ y FS CY } ÿ OI 9 GI 97 J & 9 L 9 } & € & 164 GEORGES, COUTAGNE. o° Supposons en présence deux groupes À et B d'individus, de même nombre, de races différentes, la différence consistant en ce que dans la race A le caractère variable considéré a pour valeur moyenne æ — 0, tandis que dans la race Bce même caractère x a pour valeur moyenne æ = 16 (1). Supposons les unions croisées el les unions non croisées également fécondes, el supposons aussi, d'autre part, qu'aucune cause ne favorise la rencontre el l'union de deux individus de même forme, plutôt que la rencontre et l'union de deux individus de forme différente. Supposons enfin que de l'union d'un individu pour lequel x = 4, avec un autre individu pour lequel # = b, il naïîtra toujours un : ; à b produit pour lequel # sera égal à PSE Considérons à chaque génération successive, [es nombres relatifs d'individus de-chague forme T0, MO TES el rapportons ces nombres à celui des purs sangs de la race A, supposé toujours égal à 1. À la première généralion il y aura quatre sortes d’unions : (A X A), (A X B),(B x A), et (B X B), en convenant de lire ces notalions : femelle À fécondée par màle À, femelle À fécondée par mâle B, etc. Chaque femelle À ayant devant elle aulant de mâles À que de mâles B, les unions (A X A)et (A x B) seront également probables, elle nombre des premières étant égal à 1, celui des secondes sera aussi égal à 1. Le même raisonnement s'applique aux unions (B X B) et (B x A). D'autre part les unions croisées (A X B) et (B X A) don- nent les unes el les autres des produits identiques, de forme æ — 8. Nous aurons donc finalement le lableau suivant, pour exprimer les nombres 'elatifs des sujets de différentes formes qui seront produits à la première génération. (1) En d'autres termes, nous choisissons pour wxaité de mesure de x le seizième de la différence entre la valeur moyenne de x dans la race À, et la valeur moyenne de x dans la roce PR. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 165 oo PREMIÈRE GÉNÉRATION NOMBRES RELATIFS DES PRODUITS SE — " —— NOMBRES RELATIFS A B des différentes sortes d'unions RCA Monitor me RE) RS [ AE cr ausaecre ; I ER ee { B_X A SES DE EP AP LE SR ne on Re I BEA tenir ee CRETE MÉTRO Et ER { À la deuxième généralion, appelons C la forme x —$. Nous aurons neuf sortes d'unions. Chaque femelle À a devant elle deux fois plus de mâles C que de mâles À ; les unions (A X C) seront donc deux fois plus nombreuses que les unions (A X A). Les unions (C X A) seront aussi nombreuses que les unions (A X C). Chaque femelle C avant devant elle deux fois plus de mâles C que de mâles A, le nombre des unions (C X C) sera deux fois plus grand que celui des unions (CG X A. Et ainsi de suite. Nous aurons donc le tableau suivant. DEUXIÈME GÉNÉRATION NOMBRES RELATIFS DE PRODUITS NOMBRES RELATIFS LACET I C PTE (UMR ET des différentes sortes d'unions rt) ST rh ANA sers REC ESS { ABOU ere D: fase Ca | ELA LC) ABSGNRE es: ARS RS RE NS { CR AREAS 0 Eten lea ne) ne D MS CEA. A DT RU Li a ai | h CHSCGRBE. ET 4e DA A MERE PES Er ml Eee .2 PCA es Il A ES Re OR RER | SONT DE DELA ee MR PU PES ADR Te ere 2 1e CNE) TT EE { PE Re se Nr See LR ee mel lee ee | ARR | CN EE AR RE EE RE | Hormuxe-e.. il A 6 4 166 GEORGES COUTAGNE. Je donnerai encore ci-joint le tableau relatif à la troisième géné- ration. TROISIÈME GÉNÉRATION NOMBRES RELATIFS des différentes sortes d'unions |, ss. cososee.. Ars. ss. ue s elalsle olere se... sensor. ss eo... ses... esse ele °.016,8 ae pluie elle ele sos... ss... ss... On voit, sans qu'il soit nécessaire d'insister, qu'il est possible de poursuivre l'étude des générations successives ‘aussi loin qu'on le voudrait ; le calcul serait de plus en plus laborieux à mesure qu'on irait plus loin, mais il ne présente aucune réelle difficulté. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 167 Le tableau de la 4° génération, disposé comme le précédent, comprendrait 81 lignes (81 sortes d’unions différentes), et 17colonnes (17 sortes de produits différents). Je le donnerai toutefois encore, mais sous une forme un peu plus condensée, et en me bornant aux 9 premières colonnes, les autres élant symétriques des premières, par rapport à la neuvième. \ 8 G 2% E 56 H 70 C D —\Ù v'—"] T = D = PP D —10 D ENS l 8 28 56 70 56 28 8 l 8. 64 | 224 448 569 118 224 6: 28 224 184 | 1.568 | 1.960 | 1.568 7184 6 448 1.568 oleO 93.020 3.136 70 569 | 1.960 | 3.920 | 4.909 56 248 |- 1.568 | 3.136 28 221 784 8 O1 l I 16 120 560 | 1.820 | 4.368 | 8.098 | 11.440 | 12.870 Les nombres ainsi calculés donnent la synoptique 5 de la PI. ix, l'échelle des ordonnées élant de douze millimêtres pour 1000, et l'échelle des abcisses de quinze millimètres pour une variation Ax égale à {. Les quatre courbes synoptiques x, 6, y elà qui résument les quatre séries de nombres que nous venons de calculer, sont toutes de même forme que les synopliques qui expriment la loi de la variabilité des caractères polytropiques. Les différentes hypothèses qui ont servi de base à ces trois genres de calcul reçoivent donc, aussi bien les unes que les autres, de cette coïncidence, une cerlaine confirmalion. Mais, ainsi que je le disais tout à l'heure, ces différentes hypothèses ne sont pas loules également acceptables, et il convient de les discuter quelque peu. La première consiste à admettre qu'à chaque génération nouvelle il se produit, pour un certain nombre de sujets, une petite déviation, toujours dans le même sens. Celte hypothèse est assez admissible, car on peut imaginer deux sortes d’actions, d’une part la sélection 168 GEORGES COUTAGNE. nalurelle, agissant sur les caractères innés, el d'autre part influence des milieux, agissant sur les caractères acquis (1), qui produiraient bien des déviations de ce genre. La sélection naturelle ne modifie pas, ilest vrai, à proprement parler, les caractères; mais si on suppose, par exemple, une série d'individus de formes (x — Ax:), , et (x + At), issus de parents de forme #, el si on suppose que dans la lutte pour l'existence l’avantage soit, touteschoseségales d'ailleurs, aux individus ayant le caractère æ le plus développé, la sélection nalurelle favorisera les sujets (x + Ax), et élimimera au contraire les sujets (x -— Aw), en sorte que tout se passera comme si les sujets (æ — Ax) n'étaient pas nés, c’est-à-dire comme s'il se produisait une déviation foujours de même sens, à chaque génération. L'hypothèse de Delbeuf consiste à supposer qu'il se produit, à chaque génération, de pelites déviations les unes dans un sens, les autres dans le sens contraire. Cet auteur essaye de justifier son hypothèse en disant que « la loi veut que les enfants soient sem- blables aux parents, et si accidentellement une dévialion dans un sens se présente, par compensation il faut supposer une déviation dans l’autre sens». Assurément, lorsqu'on observe les variations d’un caractère polytropique, et qu'on rapporte toules les variations & la moyenne, à chaque variation dans un sens on peut opposer une variation égale et en sens opposé. Mais c’est là précisément ce qu'il s’agit d'expliquer, et on ue peut guère, dès lors, en faire le point de départ de l'explication cherchée. Comme l’a fort bien fait remarquer Cornevin (2), l'hypothèse de Delbeuf revient en somme à doter la matière vivante d’une tendance à s'écarter de la forme ancestrale. Une telle hypothèse n’est guère admissible ; et en tout cas, sans parler des autres critiques qu'on aurait à lui adresser, nous venons de voir qu'elle n’est nullement indispensable pour expliquer le fait du nombre des individus modifiés plus grand que le nombre des individus non modifiés. L'hypothèse de M. J. Carret, hypothèse qu'il n’a pas énoncée il est (1) C'est ce que M. Yves Delage appelle « variations générales », produites par l'exercice, V'inaction, les conditions de vie, toutes «€ modifications minimes et cumulatives ». (1895, La Structure du protoplasma, ete., p. 819 et suivantes). (2) 1891, Traité de zootechnie générale, p. 251. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 169 vrai, mais que son calcul implique nécessairement (1), consiste à supposer que de l'union d’un individu pour lequel le caractère æ égale &, avec un autre individu pour lequel ce même caractère x égale b, il naïîtra un produit qui aura toujours son caractère æ égal à t EN , LI . « - se . En d’autres termes, cette hypothèse revient à admettre que dans les unions croisées il y a toujours fusion des caractères. Mais la fusion des caractères, dans les croisements, semble plus excep- lionnelle, d'une façon générale, que le retour au type. C'est du moins ce que j'ai montré, dans le chapitre précédent, pour les carac- tères polylaxiques, tout au moins. Quant aux petites variations des caractères polytropiques non polylaxiques, c’est précisément un phénomène directement opposé à l'hypothèse de M. Carret, qu’ex- prime la 4° loi qu'il nous reste à examiner, et que j'énoncerai tout à l'heure. Enfin je ferai encore unc critique, celte fois générale, aux trois développements que nous venons d'examiner. Dans les trois cas, en effet, on suppose comme point de départ, des organismes #e rariant pas ou variant très peu, el on cherche à expliquer comment ils en sont arrivés à varier beaucoup. Mais les caractères qui ne varient pas, ou qui varient peu, ne sont-ils pas des caractères fixés, c'est-à- dire des caractères devenus invariables, devenus /raptes à varier 2 Le véritable problème n'est-il pas au contraire de chercher comment un caractère très variable en est arrivé, soit à se fixer, à devenir invariable, soit au contraire & se {ransformer, c'est-à-dire fout en restant variable, à osciller autour d’un étal moyen différent, et de plus en plus différent de son état moyen primitif? La variabilité des caractères est un fait d'observation : rien n’autorise à supposer qu'il n'y à pas loujours eu des caractères variables, et encore moins à supposer que les caractères variables ont été primitivement mva- rlables (2). (1) 1881, Etudes sur les Savoyards, in: Assoc. franç. avancement sciences, Congrès d'Alger, p. 723 ; et Mémoires de la Société savoisienne d'histoire et d'archéologie, t. XXI. M. le docteur Carret n’a calculé les proportions successives des métis de différents degrés que jusqu’à la troisième génération, (2) Je ne m'occupe pas ici de la variation brusque ou discontinue, à laquelle on doit assurément reconnaître un rôle, peut-être beaucoup plus considérable qu'on ne l'a cru jusqu'ici, dans l’évolution des êtres vivants. Je ne considere dans ce chapitre que les variations par petits deswrés insensibles, c'est-à-dire les variations qu'avait en vue Delbeuf, dans son étude sur « les mathématiques et le transformisme ». 170 GEORGES COUTAGNE. Cette remarque n'est pas sans quelque rapport avec celle qui avail inspiré à Agassiz une phrase célèbre, en réponse aux natura- listes qui faisaient descendre chaque espèce d'un couple unique : « Du jour même de leur apparition, les pins ont été des forêts ; les bruyères des landes ; les abeilles des essaims ; les harengs des bancs de harengs ; les buffles des troupeaux ; les hommes des nations. » (1). Je ne donne pas ici, bien entendu, mon adhésion, ni à la lhéoric résumée dans cetle phrase, ni aux autres théories d’Agassiz. Mais il me semble rationnel d'admettre que certains caractères variables ont pu se modifier, sans cesser d’êlre variables, de même que lelle espèce de pin a pu dériver de quelque autre conifère plus ou moins différent, sans cesser de constituer des forêts. IV. Lorsque la courbe synoptique d’un caractère polylropique variable, pour un grand nombre d'indi- vidus homochrones d'un même groupe, présente de l’asy- métlrie, ou des Sinuosiles, ou même simplement, n'estpus réductible à une tychopsie régulière, c'est que le groupe considéré est constilué par des individus appartenant à plusieurs taæies différentes (2), ou par des individus melis issus de croisements entre deux ou plusieurs races distinctes, oupar des individus hybrides issus du croi- semententre deux ou plusieurs espèces. Cet énoncé n'implique pas que toutes les fois qu'il y a croisement entre espèces, races, ou taxies différentes, la synoptique des carac- tères issus du croisement présentera des irrégularités ; en d’autres termes, la réciproque de cet énoncé: n’est peut-être pas vraie, en général : il y a parfois fusion des caractères. Mais toutes les fois qu'on est en présence d’une synoptique irrégulière, c’est que le groupe dont elle représente la variabilité n’est pas pur : il est croise. Celle loi, qu’on pourrait appeler « loi de Bertillon > (3) résume de nombreux faits, accumulés depuis une quarantaine d'années par les (1) De l'espèce et de la classification en zoologie, édition française, 1869, p. 59. (2) De sexes différents, par exemple, s’il s'agit de caractères anthropométriques. (3) 1863, Bulletin soc. anthropologie, p. 228. C’est à l'occasion de la synoptique de la taille des conserits du département du Doubs, que Bertillon a pour la premiere fois, croyons-nous, énoncé cette loi, mais sous une forme un peu moins générale que celle que je propose aujourd'hui. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE, 171 anthropologisies, qui se servent fréquemment des synopliques pour étudier la variabilité de certains caractères. En outre cette loi est confirmée, en ce qui concerne la polytaxie, par iles faits que synthétise la fig. 4 et les PI. vi, vi et vur du présent mémoire. C'est ici qu'il convient d'examiner la théorie que M. J. Carret a imaginée, pour expliquer les irrégularités des synopliques, théorie à l'occasion de laquelle a été fait le calcul dont nous avons parlé précédemment. Après avoir élabli, par des synoptiques, que dans les différentes communes de la Savoie «les tailles se séparent en groupes », el pour expliquer ce « rythme », il suppose deux races distinctes mises en présence, et calculant les nombres et caractères des produits jusqu'à la troisième généralion, 1 en conclut: «les croisements entre deux races distantes par la taille tendent donc à fournir des groupes de taille régulièrement espacés » (1). Mais pourquoi s'arrêter à la troisième génération ? Ou bien il y a fusion des carac- tères, et alors, au bout de 8 à 10 générations, environ 3 siècles pour l'espèce humaine, les « groupes de tailles régulièrement espacées >» seront tellement nombreux, et tellement peu espacés, qu'il n’y aura plus de » rythme » appréciable ; ou bien, au contraire, le retour aux types ancestraux est-il incessant, et alors on ne peut établir, en s'appuyant sur l'hypothèse de la fusion des caractères, qu'il y aura, pendant les 3 ou 4 premières généralions, des « groupes de tailles régulièrement espacées ». On pourrait supposer aussi, et telle est bien vraisemblablement l’idée de M. Carret, qu'il y aurait pendant les 3 ou 4 premières générations, & la fois retour aux iypes pour une partie des individus, tusion des caractères pour les autres ; et à partir de la 5° ou de la 4° génération, soit retour aux deux types primitifs, soit retour aux types à caractères fondus qui ont été réalisés pendant les premières générations, mais aucune fusion nouvelle, en sorte qu'il s’établirait bien, en définitive, une série de groupes rythmés. Mais c’est là une hypothèse bien compliquée, très invraisemblable, et les irrégularités des synoptiques de M. Carret me semblent pouvoir s'expliquer plus simplement. Il s’agit, en effet, de pelils nombres de sujets, puisque les irrégularités en question sont des écarts, en plus ou en moins, de 6, 8, ou 10 sujets, par rapport aux (1) 1881, Assoc. franc., Alger, p. 724. 172 GEORGES COUTAGNE. nombres qui donneraient une courbe synoplique bien réguliére. I suffit d'invoquer l'influence, dans chacun des villages considérés, de quelques familles plus prolifiques que les autres, ayant fourni un plus fort contingent de frères ou cousins à caractères homogènes (1). On peut imaginer aussi que dans certaines communes, ou cerlaines pelites vallées isolées, comprenant plusieurs communes, il à pu se former, à la longue, par endogamie topographique (2), des sortes de sous-races, c'est-à-dire de petits groupes ethniques ayant une cerlaine homogénéité relative, et ayant, comme les grandes races primaires, quoique à un moindre degré, une résislance alavique qui provoque le retour aux types, el s'oppose à la fusion intégrale des caractères, lorsqu'il y a croisement avec une autre sous-race de même ordre. Enfin, on peut remarquer encore, que des irrégularités presque aussi fortes s’observent dans les synopliques de groupes très homogènes, par exemple parmiles enfants d’un même couple de papillons de vers à soie, et aussi dans les synopliques qui repré- sentent les erreurs accidentelles (mesures successives d’une même grandeur, écarts d’un tir à la cible, elc.), lorsque le nombre des elénents de la synoptique n'est pas suffisamment grand. Voici les définitions que donne M. Carret d'une race, el d'une race pure. « Une race sera, si on le veut, une population ayant acquis quelque caractère, devenu assez uniforme et fixe, pour donner un rythme lors du croisement avec une autre race. Les caractères des races forment les groupes extrèmes des rythmes. Une race pure serait celle où aucun trait ne serait variable; celle où tous les individus de mème âge et de même sexe seraient identiques. Il y a des races ; il n’y a pas de races pures. Je ne pense pas qu'il y ait une seule race possédant un caractère quelconque absolument uniforme » (3). Ces définitions, qui reposent sur la théorie des groupes rythmés de M. Carret, ne me paraissent pas acceptables, puisque précisément (1) Les synoptiques de M. Carret se rapportent à une période de huit années conse- cutives, aux conscrits des huit classes 1872 à 1879. (2) 1892, Félix Régnault, Mariages consanguins, différentes manieres de les envi- sager, in: Assoc. franc: avancement sciences, Congrès de Pau, 2 partie, p.106. — « Si on avait pu remonter plus haut sur les registres et arriver ainsi au moyen-âge, où les territoires étaient morcelés et tout voyage dangereux, on aurait trouvé que presque tous les habitants naissaïent, se mariaient, et mouraient dans leur village. » (3) Loc. cit. (Ass. franç. avance. sciences, 1881), p. 729. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LÉS VERS A SOIE. 175 celle théorie ne me semble pas juste. Assurément, je ne pense pas, moi non plus, « qu'il y ait une seule race possédant un caractère quelconque absolument uniforme », c’est-à-dire, plus exactement, absolument invariable. Mais c’est précisément pour ce motif qu’il ne convient pas d'appeler 7'ace pure ce mythe, jamais observé, et peut- être jamais observable ; ce serait renoncer a priori à l'emploi de celle expression, qui peut être utilisée, au contraire, pourvu qu'on l'applique à la désignation de quelque chose de réel. Une race pure serait, pour moi, une race telle que les synop- tiques de tous ses caractères polytropiques seraient régulières, et en forme de tychopsies, ces synoptiques pouvant être, d'autre part, soit très resserées (race pure très homogène), soit au contraire très élargies (race pure peu homogène), soit même encore multiples, c'est-à-dire décomposables en plusieurs tychopsies (races poly- laxiques). En d’autres termes une race, quoique pure, pourrail avoir ses caractères très variables : mais cette variabilité serait régu- lière. L'irrégularité de la synoptique d’un caractère, lorsqu'il s'agit de sujels tous homotaxiques, serait au contraire l'indice d’un mélange de races, c’est-à-dire d’un métissage. | Je n'ai pas encore à présenter, comme contribution à l'étude de celle théorie si intéressante, aucune expérience directe sur les vers à soie. I faut, en effet, d'abord réaliser des 7‘aces pures, par une sélection minutieuse durant plusieurs années, avant de pouvoir éludier expérimentalement les elfels du croisement de deux ou plusieurs races pures, sur la forme des synoptiques. Je me bornerai done à indiquer, en terminant ce chapitre, le programme de diffé- rentes expériences qu'il serait nécessaire d’instituer, pour faire avancer la théorie de ces irrégularités si curieuses des synop- tiques (1). Lorsqu'on aura réalisé une race à très haut rendement soyeux, il conviendra d'étudier la synoptique de la richesse en soie 7, pour des croisements entre les sujets de la race très améliorée, et ceux de la race primitive non améliorée. Il est possible, comme la {1} Cette théorie doit comprendre aussi l'étude de la ditaie tératologique, dont H. de Vries a signalé un cas fort intéressant, chez la Crepis biennis fasciée (sur les courbes galtonienres des monstruosités, Bull. se. France Belgique, 1896, XXVII, pages 396 à 418). 174 GEORGES COUTAGNE. richesse en soie très élevée des premiers ne sera qu'un caractère récent, el acquis par degrés successifs très petits, qu’il ne sera pas de force à provoquer des retours aux types, même partiels, el à donner à la synoptique du croisement une double sinuosité : celte courbe serait, dans ce cas, simplement étalée, élargie; quant à la stellaire des deux caractères P et p, elle serait beaucoup moins dense, et de forme moins allongée. Entre deux races à volume moyen du cocon très différent, et différent depuis un nombre indéfini de générations, tels que les gros Bagdad, elles petits Blanc Pays, le croisement fournira, bien probablement, une synoplique qui sera sinueuse au contraire, pour ce caraclère « volume du cocon », caractère qui n’est pas très facile, il est vrai, à mesurer avec exactitude pour chaque individu. Remarquons, en terminant, que si le croisement de deux races pures, très écartées par suite d’une sélection arüficielle ayant porté sur le caractère considéré, donnait dans certains cas une synoplique a deux maxima, bien nettement espacés, el si cette particularité de la synoplique se perpéluait pendant quelques générations, on serail en présence d’une véritable ditaxie obtenue artificiellement, et la théorie des phénomènes, si singuliers au premier abord, de la poly- laxie, se trouverait dès lors rattachée expérimentalement à celle de la simple variabilité diffuse des caractères polytropiques. CHAPITRE VII RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. « Ce qui frappe à première vue dans l'examen de l'être vivant, c'est la faculté qu'il a de se reproduire et de transmettre à ses descendants les caractères dont il est doué. Dans l'impuissance d'expliquer à fond le phénomène et d’en signaler la cause immédiate, les naturalistes sont du moins unanimes à reconnaitre là une des lois générales qui régissent le monde organique; ils l'appellent la loi de l’hérédité ». « L’hérédité des caractères est ce qui frappe tout d’abord ; toutefois en y regardant attentivement, on ne tarde pas à reconnaître un ordre de phénomène tout à fait inverse, que l’on a appelé la loi de la divergence des caractères ou la variabilité. .... C’est un fait L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOI. 179 universellement admis que, parmi les produits d’un même couple, il n'y en à jamais deux absolument semblables » (1). Celle variabilite des caractères à fait déjà l’objet de discussions innombrables. Elle a servi de point d'appui aux théories évolutio- nistes de Lamarck, de Darwin, et de leurs nombreux successeurs ; el chacun sait quelle prodigieuse quantité d’écrits ont été consacrés, depuis le milieu du XIX* siècle principalement, à l'examen critique de ces théories. Mais toutes ces discussions, il faut bien le reconnaître, ont été le plus souvent des discussions & priori. Le nombre est bien petit des naluralistes qui, dédaignant les dissertations brillantes, mais trop souvent inutiles, sur le transformisme, ont abordé au contraire l'étude minutieuse de celle variabilité des caractères, dont la théorie, lorsqu'elle sera plus avancée, pourra seule servir d'introduction et de fondement à la théorie générale de l’évolution des êtres vivants. Et si un petit nombre de naturalistes ont consacré leur travail à l'observation de la variabilité, combien moins encore ont cherché à l’étudier expérimentalement ! Les variations des caractères, c’est-à-dire des manières d'être des organes, doivent être envisagées, en effet, successivement sous ces deux points de vue distincts. Tout d’abord il convient de les observer allentivement, afin de découvrir, si possible, quelles causes influent sur leur modalité ; et, en second lieu, ces causes ou quelques-unes de ces causes une fois découvertes, ou même simplement imaginées, il faut vérifier, par l’expérimentation, s'il y a bien réellement relation de cause à effet entre elles et les variations, et préciser la nature de ces relations. Il y à variation des caractères lorsque les divers enfants dun même couple sont différents entre eux et différents de leurs parents. Nous avons déjà rappelé, plusieurs fois, que c’est là le fait général. Mais il faut étudier d’une façon précise ces différences, et pour cela la première chose est de faire abstraction de tous les caractères sauf un ou deux particuliers, sur lesquels on concentre toutes les recherches. C'est ainsi que je me suis occupé tout spécialement, chez les vers à soie, des caractères P, p, et > des cocons, el des couleurs tranchées que présentent les vers, les cocons el Îles papillons. (1) M. D. Leroy, 1887, L'évolution des espèces organiques, p. 63 et 65, 176 GEORGES COUTAGNE. Un caractère particulier étant de la sorte analysé, isolé pour l'étude, l'observation attentive des faits nous montre qu'il peut présenter deux façons de varier absolument différentes. Tantôt, entre les extrêmes de variation, on observe un grand nombre d’intermé- diaires; tantôt, au contraire, les différents sujets contemporains d'une même race, ou d’une mème ponte, se partagent en un petit nombre de groupes tranchés, de {axies, dans lesquelles le caractère considéré présente, pour chacune d'elles, un mode particulier, sans intermédiaires le reliant aux autres modes des autres laxies. Les caractères polytaxiques se prêtent à des recherches statistiques relativement faciles. Quand on éludie, par exemple, dans une race de vers à soie, la proportion relative des vers blancs et des vers moricauds, du fait qu'il n’y a pas de nuances intermédiaires la déter- mination du nombre des vers de chaque taxie est facile, et cette détermination une fois faite, on ne peut guëre pousser plus loin l'étude de celte variabilité particulière, lorsque du moins le carac- ère considéré, comme c'est bien le cas pour la couleur des vers, n’est pas susceptible d’une détermination numérique précise. Si le caractère considéré peut au contraire être mesuré avec précision, on peut acquérir une connaissance bien plus approfondie de ses variations. Il faut alors construire sa synoptique pour tous les individus du groupe dans lequel on étudie la variabilité ; et si c'est un rapport (richesse en soie des cocons, longueur relative de deux organes, indices céphaliques dans l'espèce humaine, elc.), 11 faut construire en outre la stellaire et les synoptiques de ses deux carac- tères élémentaires. La synoptique d'un caractère æ présente très souvent une forme tout à fait caractéristique, la forme de la tychopsie, dont la formule algébrique, à trois paramètres, est: y = a e — b?(x-c}?, et que l’on oblient aussi, empiriquement, lorsqu'on étudie (en astronomie par exemple) la loi de variation des erreurs accidentelles. Cette courbe peut être plus ou moins resserrée (coefficient b), plus ou moins élevée (coefficient 4), la valeur moyenne € du caractère æ étant elle-même plus ou moins grande. Quelquefois la synoptique d’un caractère n’est pas aussi régulière : elle présente des sinuosités, c’est-à-dire plusieurs maxima, et nous avons alors une sorte de polytaxie mitigée, que nous n’aurions pu soupçonner sans l'examen de la synoptique, polytaxie intermédiaire entre la monotaxie vérilable (synoptique bien régulière en forme de L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. yo tychopsie), et la polytaxie nettement caractérisée (synoptique composée de plusieurs courbes séparées, chacune régulière et en forme de tychopsie). Comme exemple je rappellerai la synoptique étudiée par Bertillon, de la taille des conscrits du département du Doubs. Tel est, résumé brièvement, ce qu’un premier examen sommaire nous apprend, concernant la variabilité des caractères dans un groupe d'individus contemporains. Si maintenant nous comparons ces individus, non plus entre eux, mais avec leurs parents de la génération précédente, nous abordons par là même l'étude des causes de la variabilité. Dans chaque caractère, considéré chez un sujet adulte, il convient de distinguer deux éléments bien distincts: ce qui est inné et ce qui est acquis. Les modifications acquises ont une causalité évidente, et très accessible à l'expérimentation : ce sont les influences extérieures du milieu. Dans le cas des vers à soie, si on partage en deux portions égales les œufs d'une même ponte, et si l’on soumet ces deux lots pendant tout ou partie de l’évolution à des conditions extérieures différentes (température, alimentation, etc.), il est bien évident que les différences que présenteront ces deux lots, à la fin de l'expérience, sont attribuables à l'influence de ces conditions extérieures diffé- rentes. À cet égard aucune difficulté sérieuse ; à la seule condition d'opérer toujours comparativement à des lots témoins, l’expéri- menlation est facile, et féconde en résultats intéressants. J'ai indiqué, au Chapitre III, le programme d’une expérience qui serait de nature à élucider quelque peu la question encore si controversée de l’hérédité des caractères acquis. Mais en outre de cette théorie, si importante, de l’hérédité des caractères acquis, 1l faut aussi examiner le fond même du problème de l’hérédité, et rechercher les causes des modifications ?r#nées, c'est-à-dire des différences que présentent entre eux, el avec leurs parents, les différents enfants d'un même couple, soumis pendant toute la durée de leur évolution aux mêmes conditions exte- rieures de milieu. Depuis les découvertes récentes sur la constitution intime de la cellule, et en présence du grand nombre de parties distinctes que le microscope a permis de distinguer en elle, chromosomes, centro- somes, sphères attractives, vacuoles, leucites, granules ou fibrilles de 12 178 GEORGES COUTAGNE. cyloplasma, ete., on a été naturellement porlé à considérer ces différentes parties comme des organes à fonctions différentes. Parmi les nombreuses hypothèses qui ont élé proposées, au sujet de l'attribution de telle ou telle fonction à tel ou tel de ces organes, je ne parlerai ici que des systèmes qui localisent l’hérédité de chaque caractère dans une portion particulière des organiles cellulaires, systèmes dont les plus connus sont ceux de Naegeli, de de Vries et de Weismann. Les expériences que j'ai inaugurées sur les vers à soie sont en effet de nature à permettre un cerlain contrôle de ces théories, ou du moins de quelques-unes des nombreuses hypothèses qu’elles comportent. Examinons par exemple la question suivante: quelle part faut-il attribuer à chacun des ascendants de divers ordres, dans cette mosaique de caractères innés qui constitue l'héritage que reçoit chaque êlre vivant au début de son évolution 2 Le hasard semble réellement jouer un rôle dans la répartition des caractères des ascendants chez les différents individus d'une mème génération. Mais entendons-nous bien sur le sens à attribuer à ce mot: on doit dire qu'un événement est soumis au hasard lorsque son occurrence dépend d'un ensemble tellement complexe de causes nombreuses et indépendantes les unes des autres, qu’il n’y a aucune possibilité de soumettre à l'analyse cet ensemble, et par conséquent de prévoir s’il se produira ou non (1). Par exemple, au jeu de la roulette, il est impossible de prévoir, à chaque coup, si la boule s'arrêtera sur le rouge ou sur le nor, bien que d’ailleurs toutes les causes qui contribuent à déterminer le résultat n'aient rien de mystérieux (2) ; c'est simplement leur grand nombre el leur eom- plexilé, qui rendent toute prévision impossible (3). Mais si l'événement soumis au hasard n'est susceplible d'aucune prévision scientifique, lorsqu'il est isolé, il n’en est plus de même (1) M. Y. Delage appelle le hasard € un concours de causes variées dont la combi- naison n’a aucune régularité. (Za structure du protoplasma, ete., 1895, p. 815). Aucune régularité, c’est trop dire ; comme nous le montrons ici, on peut distinguer et étudier certaines règles, certaines lois, auxquelles obéit le hasard, (2) Vitesse de translation initiale, direction initiale, vitesse, direction et sens de la rotation initiale, forme et élasticité des différentes parois que peut frapper la bille, et de de la bille elle-même, petites inégalités dans la disposition géométrique de ces parois, etc., etc. (3) Dans le cas des phénomènes héréditaires, les causes semblent nombreuses, et en en outre elles sont très mystérieuses, jusqu'à ce jour du moins, L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. 179 lorsque les phénomènes qui peuvent provoquer son occurrence viennent à être répétés un grand nombre de fois. IL est alors possible, dans certains cas du moins, de prévoir, sinon le moment précis où il occurrera, du moins le nombre relatif de ses occurrences (1). En d’autres termes, s’il n’est pas possible de prévoir les événements soumis au hasard, il est quelquefois possible de déterminer leur probabilité. La probabilité d'un événement est le rapport du nombre de chances favorables à cet événement, au nombre total des chances favorables et défavorables. Par exemple, dans une roulette à 56 cases, dont 12 seraient rouges et 24 noires, la probabilité pour que la bille amène rouge serait égale au rapport de 12 à 36, soit wn tiers, soit encore 33 pour cent. Et par suite, sur un assez grand nombre de coups, on peut prévoir que la rouge sortira lrès approximativement 33 fois sur cent, et par conséquent la noire 67 fois sur cent (2). Or la même analyse peut s'appliquer à l'occurrence de certains caractères polytaxiques ; et, dès lors, dans certains cas simples tout au moins, lorsqu'on connaîtra les caractères des ascendants jusqu'à un degré assez éloigné, on pourra calculer la probabilité pour que les descendants présentent tel ou tel caractère, c'est-à-dire prévoir les proportions relatives de ces descendants, qui présenteront, ceux-ci tel caractère particulier, ceux-là tel autre caractère différent du premier. Considérons, par exemple, les deux caractères 4, — cocon jaune, et w, — cocon blanc, dans les croisements de deux races chez lesquelles ces deux caractères sont ditaxiques et homodynames (lot O de 1895 et sa descendance). Nous avons constaté que dans ce cas tout se passe comme si, dans chaque génération, l'influence (1) Et même quelque chose de plus, parfois ; c’est ainsi que dans le cas de la roulette, si on considère la rouge et la noire, une analyse très simple permet de prévoir que sur un nombre déterminé de coups, quatre mille par exemple, il arrivera environ 500 fois que la rouge sortira 2 fois de suite, environ 250 fois qu'elle sortira 3 fois de suite, environ 125 fois qu'elle sortira 4 fois de suite, ete, (2) C’est ce qu’exprime, sous une forme un peu plus mathématique, le théorème de Bernouilli, (Voir: H. Poincaré, 1896, Calcul des probabilités, p. 50 à 94). Les géomètres se sont donnés beaucoup de mal pour démontrer le théorème de Bernouilli. Il me semble que l’on pourrait, avec avantage, donner de telles définitions du 4asard et de la probabilité, que ce théorème, ou du moins son inverse qui lui serait substitué, deviendrait évident à priori. Mais ce n’est pas ici le lieu de discuter cette question, et dés lors j'ai reproduit, ci-dessus, la définition généralement admise jusqu’à ce jour par les géomètres pour le terme probabilité mathématique d'un événement. 180 GEORGES COUTAGNE. d'un ascendant de n° degré était le quart de celle de chacun des ascendants du (n-1}° degré. De cette remarque on peut déduire la formule suivante. La probabilité = pour qu'un ver à soie fasse partie de la taxie a; S'obtiendra en faisant la somme de tous les nombres fraction- naires énumérés dans le tableau ci-après (1) : use » , 1° Autant de fois —- qu'il a eu d’ascendants du 1* degré dans la taxie &. 20 Autant de fois taxie &1. qu'il a eu d'ascendants du 2° degré dans la 3° Autant de fois qu'il a eu d’ascendants du 3° degré dans la taxie 1. p° Autant de fois (> qu'il a eu d’ascendants du p° degré dans la taxie a. Et bien entendu la probabilité pour que le ver à soie considéré . . » Li { » » Si fasse partie de la taxie à, sera égale à ——, L étant égal à 1 — k. La même formule sera vraisemblablement applicable au cas où trois taxies, &1, 42 et 43, supposées homodynames, sont en conflit , . . Fes . 1 5] 11 9 « héréditaire ; mais alors, si ÉA représente la probabilité du caractère @3, On aura : À + h + q = 1. Pour certains caractères on sera peut-être amené à considérer la série générale : 11 + ni nn? m —.1 (mu)? + (CO Enrh D (n — 1)? Hire P G in P + I + 13 dans laquelle 32 est un nombre quelconque, entier ou fractionnaire, mais positif et plus grand que 1, qu'il s'agira de déterminer, au lieu de la série : 1 1 { 1 il nn AL NL ND AL AE Pure qui n'est qu'un cas particulier (74 — 2?) de la précédente. (1) 1 ne faut pas oublier que chaque individu a 2 descendants du 1°" degré, 4 du 2e, sdus et 2P ascendants du pe degré. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 181 Si on admettait, avec Galton (1889, Natural Inhérilance) que la part d'influence de l’ensemble des générations antérieures à la premiére n'est que le /iers de l'influence totale, il faudrait supposer na 1,);: Ces formules, un peu compliquées en apparence, ont une repré- sentalion géométrique fort simple. Considérons un carré AA’Z77, et les rectangles partiels numérotés !, 2, 3,.... obtenus de la façon suivante (fig. 6). La ligne BB” sépare une première tranche AA”7BB (ascendants du 1% degré) dont la surface est _ de la surface totale (c'est-à-dire AZ — m» AB); la ligne CC” sépare dans ce qui reste alors À A' du carré une deuxième tranche BB°CC (ascendants du 2° degré) dont la surface est _ de ce premier reste (BZ = 74 BC); la ligne DD” sépare dans ce qui reste alors du carré une troisième tranche CCDD” ascendants du 3° degré) dont la surface est — de ce deuxième reste (CZ = m CD), et ainsi de suite indéfiniment. Des traits verticaux équidistants complètent le tracé des rectangles numérotés, dont les surfaces relatives, rapportées à celle du grand carré, représentent chacune la part d'influence de chacun des ascen- 182 GEORGES COUTAGNE. dants, qui sont supposés numérotés, eux aussi, 1, 2,3, etc. Quant à l'ascendance d’un ascendant quelconque, numéro p', par exemple, elle a son influence représentée par la portion de la surface du grand carré qui se trouve au-dessous du rectangle numéroté p. Ce mode de représentation géométrique des parts d'influence de chaque ascendant, constitue en même temps un tableau généalogique schématisé, trés commode, et bien plus conforme à la réalité que les arbres généalogiques généralement usités, ramifiés en sens inverse, et qui sont un vieux legs des théories spermatistes de l'ancienneté et du moyen âge (1). La fig. 6 a été établie dans l'hypothèse 72 — 2; tous les rectangles partiels sont alors des carrés. Supposons, comme exemple, qu’on veuille, dans cette hypothèse, calculer la répartition des caractères 4, = æ etu, — & dans le croisement: femelle — du lot ML de 1897 X mâle æ du lot MH de 1897. La nouvelle fig. 7 donne le tableau généalogique de ce croisement, les portions hachurées correspondant au caractère æ, et les portions blanches au caractère =. Le rapport des surfaces hachurées aux autres est de 92 à 164. Dans les produits du croisement considéré, s'il avait été réalisé en 1898, il y aurait donc eu 92 sujets æ sur 256, soit environ 36 ‘/,, et par conséquent 64°), de sujets e. | Le cas que nous venons de considérer est le plus simple de ceux qui peuvent se présenter; ainsi que nous l'avons constaté au Chapitre V, les phénomènes réels sont souvent compliqués par une hélérodynamie très manifeste des différents caractères, en sorte que la probabilité de l'apparition de tel ou tel caractère n’est plus aussi facile à calculer à priori. Néanmoins la méthode nouvelle dont je (1) Ilest en outre plus rationnel, dans une étude généalogique quelconque, de commencer la classification des faits à considérer par ceux qui sont bien connus, c’est- a-dire par ceux qui sont relatifs aux ascendants des premiers degrés, représentés par les premiers numéros, tandis que les faits peu connus, ou même inconnus, sont ceux qui sont relatifs aux ascendants de degré supérieur. Dans ce système de classification des ascendants, tous les numéros impairs représentent des ascendants mâles, et les numéros pairs des ascendants femelles. Si on considère un ascendant mâle quelconque (2 » + 1), son père est (4 x + 3), sa mère (4 » + 4), et son descendant direct #. Si on considere un ascendant femelle quelconque (2 # + 2), son père est (4 x + 5), sa inere (4 x + 6), el son ascendant direct encore ». L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS À SOIE. ; 183 viens de donner un aperçu permettra dorénavant d'étudier le déter- minisme des caractôres polytaxiques innés, et grâce à elle on pourra soumeltre à un certain contrôle expérimental les hypothèses qui, comme celles de Weismann, cherchent à expliquer le méca- nisme intime de l’hérédite. on SEE \\ RIG- ot DCE CESR La théorie de Weismann comprend en réalité toute une chaîne d'hypothèses successives, dont chacune implique la précédente sans impliquer la suivante, en sorte qu'il importe essentiellement de les bien distinguer les unes des autres, puisque, parmi elles, une, deux, ou un plus grand nombre, pourraient être justes, sans que les suivantes le soient. Voici les énoncés des trois premiers anneaux de celte chaîne. 1° La transmission des caractères est une fonction remplie par de petits organes cellulaires (que je propose d'appeler #2némons, de uviuwy, qui se souvient), toute hypothèse complémentaire sur le nombre, la nature, et le mode d'action de ces organites élant supposée écartée, sauf celle-ci : il y a, dans chaque cellule germi- uale, plusieurs mnémons dislincis et différents pour un même 184 GEORGES COUTAGNE. caractère, c’est-à-dire plusieurs tendances héréditaires différentes pour chaque organe du soma futur (1). 2° Parmi les différents mnémons d’un même caractère qui coexis- tent dans chaque cellule germinale, un cerlain nombre sont éliminés ou modifiés, soit par le fait de la division réductrice qui précéderait toujours la maturation des produits sexuels, soit par le fait de la lutte des mnémons qui se produirait au moment de la fécondation, lors de la réunion des noyaux des deux éléments sexuels ; 3v Les différents mnémons d’un même caractère qui coexistent dans chaque cellule germinale, sont différentes portions du filament nucléaire. Non seulement ces hypothèses, ou toulau moinsles deux premières, pourront être contrôlées, très indirectement il est vrai, par les expé- riences sur le croisement des caractères polylaxiques, mais encore, si elles sont trouvées acceptables, d’autres expériences analogues permettront de les préciser, et de les compléter par de nouvelles hypothèses sur le fonctionnement intime des mnémons. C’est ainsi qu'on peut imaginer des expériences qui donneront une idée des nombres, non seulement relatifs, mais encore absolus, des divers mnémons de certains caractères: en voici un exemple. Dans les croisements de formule [femelle «4, issue du croisement (4; X &2) fécondée par un mâle a, de race pure], du nombre relatif des pontes chez lesquelles la pureté de la race a; aura été intégralement récu- pérée, on pourra déduire, suivant les hypothèses admises pour la division réductrice et pour la lulte des mnémons, le nombre absolu des mnémons 4, et 4,, pourvu toutefois que l’'homodynamie de ces mnémons ait été au préalable vérifiée par constalation de la complête symétrie des résultats fournis dans leurs différentes combinaisons héréditaires. Les caractères polytaxiques sont donc fort intéressants à éludier (1) Ce que j'appelle mnémon est quelque peu analogue, à certains égards, à ce que M. Le Dantec appelle « caractères quantitifs des plastides initiaux » (Évolution indivi- duelle et hérédité, 1898, p. 179, 183, etc.). Ces « caractères quantitatifs » sont pour M. Le Dantec les déterminants des caractères de l'adulte, de même que pour moi les mnémons. Mais par une conception étrangement simplifiée des phénomènes vitaux, conception dont l’insuffisance, même au point de vue purement schématique, me semble facile à démontrer, M. Le Dantec ne voit dans ces « caractères quantitatifs des plastides initiaux » que de simples substances protoplasmiques de constitutions chimiques différentes. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 185 Mais s'il est profitable de les manier, en quelque sorte, comme des réactifs commodes pour découvrir quelque chose de la manière d'être et de la manière d'agir de leurs mnémons, ils doivent être étudiés aussi au point de vue de leur mode de formation ; car la polytaxie, sous son apparente simplicité, est peut-être un phénomène plus complexe, au contraire, que la simple variabilité diffuse que présentent les caractères monolaxiques d’une race pure. On peut même chercher, comme je l’ai indiqué à la fin du chapitre précédent, à réaliser expérimentalement la polytaxie, par le croisement de deux races pures monotaxiques, chez lesquelles les valeurs moyennes du caractère considéré seraient suffisamment écartées. Quant à l'étude des caractères monotaxiques, et à la recherche des causes des petites variations, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre, de part et d'autre de la moyenne, variations qui suivent une loi identique à la loi des erreurs accidentelles, ici encore il faut considérer les trois hypothèses de Weismann énoncées tout à l'heure, et aussi les autres hypothèses qu'on peut imaginer pour expliquer la nature, le fonctionnement, et le mode d'association des mnémons. Weismann attribue les différences que présentent entre eux les divers enfants d’un même couple à ce que les œufs fécondés qui leur ont donné naissance renfermaient chacun une combinaison particu- lière des {endances héréditaires des deux parents. Les expériences dont j'ai rendu compte précédemment ne semblent pas mconciliables avec cette hypothèse, mais elles mettent en évidence une différence essentielle entre l’hérédité des taxies, d’une part, et l'hérédité des petites variations cumulatives, d'autre part. Dans le premier cas, (couleur des vers — ou OU æmm, et couleur des CoCons æ ou >) les tendances héréditaires semblent invariables, comme les suppose Weismann ; mais dans le second cas (richesse en soie des cocons, et nuance plus ou moins foncée des papillons mélaniques) les tendances héréditaires que transmettent les mnémons sont elles- méênes variables d'une génération à une autre génération, et varient dans le même sens que la sélection, ce qui est assurément un résultat complètement incompatible avec la théorie de Weismann considérée dans son ensemble. En eflet, supposons que les ferdances héréditaires soient invariables, c'est-à-dire supposons que chacune d'elles ait pour eflet de pousser à la réalisalion d'un lype déterminé et toujours le même. 186 GEORGES COUTAGNE. Les différentes combinaisons que peuvent présenter les tendances héréditaires seraient alors comparables aux différents coups d’un jeu de dés. Si on suppose un dé femelle et un dé mâle, chacun pourra donner six tendances héréditaires distinctes (chacune des six faces) ; les deux dés associés donneront #ente-six combinaisons différentes, ou vingt et une si on admet que les combinaisons (4 + 3) et (3 + 4), par exemple (1), sont identiques, ou onze seulement si on admet en outre que les combinaisons (4 + 3), (5 + 2), et (6 + 1) sont également identiques (2), c’est-à-dire si on assimile le total des deux nombres fournis par les dés, total qui varie de 2 à 12, aux valeurs variables du caractère particulier dont chaque face des dés représente une tendance héréditaire spéciale (3). La sélection aurait donc pour effet d'éliminer loutes les combinaisons défavo- rables, toutes les tendances héréditaires s’opposant à la réalisation d’une valeur élevée du caractère que l’on cherche à améliorer en l’amplifiant. Si les tendances héréditaires restaient immuables, leurs combinaisons seules variant, il en résulterait, quelque grand que soit leur nombre : 1° que l'amélioration aurait une limite qui serait précisément, pour le caractère considéré, la valeur maxima qu'il présente dans les meilleurs sujets de la race non améliorée ; la seule différence entre la race non améliorée el celle améliorée serait que, dans la première cette valeur maxima serait très exceptionnellement réalisée, très rare, tandis que dans la race améliorée elle serait plus fréquente ; 2?’ la race améliorée serait plus homogène, moins variable (relativement au caractère considéré) que la race primitive non améliorée. Et pour en revenir à notre rapprochement avec le jeu de dés, la sélection serait comparable à une piperie qui provoquerait le retour plus fréquent de la face sir en sorte que la combinaison 12 serait réalisée bien plus fréquemment (1) En convenant de lire (4 + 3): « face 4 du dé femelle associée à la face 3 du dé mâle ». (2) Avec des des dodécaédriques, on aurait pareillement 144 combinaisons, ou 78 dans le 2° cas, ou 28 dans le 3° cas. (3) Ces onze combinaisons sont très inégalement probables ; leur probabilité est LUS ARR INRIA (RSS NS IEEE 36” 36° 36° 36’ 36” 36” 36° 36° 36° 36° * gg ? * Pour un très grand nombre de coups de dés, leur synoptique simulerait les deux eôtes successivement : inclinés d’un triangle isocèle dont la base serait horizontale, forme qui n'est pas sans analogie avec celle des synoptiques ordinaires des caractères monotaxiques d'une race pure. L'HÉRÉDITÉ GHEZ LES VERS À SOIE. - 187 qu'une fois sur 36, sa probabilité réelle pour des dés non pipés; mais quelque perfectionnée que soit la piperie ; on ne pourrait jamais amener plus de douze, si les nombres de points noirs de chaque face sont invariables. Or, c'est bien exactement ce que j'ai observé, lorsque j'ai sélec- tionné le caractère des « Bagdad vers noirs >, ou ce même caractère dans la race « Arachide >» (Chapitre IV); mais pour le caractère « richesse en soie > des cocons, nous avons vu (Chapitre Il) que la sélection provoquait des phénomènes d’une allure toute différente. L'amélioration réalisée ne consiste pas, dans ce cas, en une simple augmentation du nombre des sujets aussi riches en soie que les plus riches en soie de la race primitive: /4 sélection augmente progressivement la valeur moyenne de part el d'autre de laquelle oscille la valeur du caractère sur lequel a porte la sélection, sans que d'autre part la variabililé de ce curactèr e, par rapport à cetle valeur moyenne, semble notablement diminuée (1). l'ans notre comparaison avec le jeu de dés, c’est comme si, à chaque nouvelle génération, on ajoutait un point noir à chacune des faces des dés, qui donneraient par suite, successi- vement au lieu des combinaisons 2 à 12, les combinaisons 4 à 14, 6 à 16, 8 à 18, et ainsi de suite. En un mot, la sélection des caractères innés modifie les tendances héréditaires, et par suite, la variabilité des caractères n’est pas simplement le résultat de combinaisons différentes entre un certain nombre de tendances héréditaires invariables (2). Comment s'effectuent ces modifications des tendances héréditaires, sous l'influence de la sélection des caractères innés ? Je me bornerai, (1) Darwin a même signalé « la variabilité excessive des caractères spéciaux pour lesquels on estime telle ou telle race » de pigeons, c’est-a-dire la plus grande varia- bilité des caractères qui ont été travaillés par la sélection, par rapport aux caractères qui ne l'ont pas été. « Ces caractères, qui sont les traits distinctifs de diverses races recherchées par les éleveurs, et à ce titre l’objet d’une sélection soutenue et toute spéciale de leur part, sont tous excessivement variables », (De la variation des animaux et des plantes, sous l'action de la domestication, édition francaise, 1868, t. I, p. 170). (2) Les observations que je viens de résumer constituent une objection sérieuse au raisonnement par lequel M. Yves Delage (1895, Za structure du protoplasma, ete, p. 384) cherche à établir qu'il n'y a pas « majoration des caractères nouveaux par union d'individus les possédant l’un et l’autre », conformément aux idées de Moritz Wagner, Nægeli et Gulick. Même remarque au sujet du raisonnement par lequel M. Delage (p. 389) cherche à montrer que Weismann a eu tort d'attribuer à paumixie l'atrophie des yeux de la chrysochlore. 188 GEORGES COUTAGNE. pour le moment, à poser la question. Mais cependant, avant de quitter ce sujet, encore si obscur, mais si intéressant, j'ajouterai quelques mots concernant les rapports des lendances héréditaires avec leur substralum anatomique, les mnémons. Pour moi, ces rapports doivent être très analogues aux rapports entre les images mentales et leur substratum anatomique, les cellules ou portions de cerlaines cellules nerveuses du cerveau. La mémoire est, d’après Littré, « la faculté de rappeler les idées et les notions des objets qui ont produit les sensations >. On pourrait dire : «/4 mémoire est la faculté de rappeler et de reproduire les idées et les notions produites par les objets extérieurs > ; et pareillement: « l’héredité est la facullé de rappeler et de reproduire les états et les parti- cularités de structure (1) produites par les circonstances eælerieures ». Ce dernier énoncé attribue une importance considérable à l'influence des milieux ; mais il semble bien qu’au début del’évolution de chaque groupe, par exemple chez les Mammifères pendant la période tertiaire, les transformations organiques étaient incessantes, et les influences de milieu, comme l'avait pressenti Lamarck, bien autrement importantes, comme facteur de cœnogenèse, qne la sélection naturelle, à qui Darwin et Weismann attribuent le principal rôle. Le cerveau humain jeune reçoit facilement, du milieu dans lequel il évolue, toutes sortes d'idées et de notions, qu’adulte il ne pourra plus guère échanger contre d’autres idées et notions différentes des premières, la mémoire plusieurs fois confirmée, c’est-à-dire l'habitude, s’opposant à ces changements. De même « on conçoit fort bien que l’évolution ait été rapide à ses débuts, alors que l’hérédité n'avait pas, comme de nos jours, pour l'enchainer dans des limites étroites, le souvenir d’un nombre immense de générations à peu près identiques. Dans le conflit entre les caractères ancestraux et les caractères nouveaux, entre l'hérédité et la cœnogenèse, la victoire ne restait pas, aussi souvent que maintenant, à la tradilion et à la routine; les (1) Les particularités fératologiques, elles-mêmes, sont héréditaires, lorsque du moins elles sont compatibles avec le fonctionnement normal du reste de l'organisme : fasciations héréditaires de certaines races d’amarantes (Celosia cristata, Linné), hypertrophie charnue de l'inflorescence des choux-fleurs, transformation du calice de la Campanula medium, race Calycanthema des horticulteurs, etc. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 189 formes nouvelles apparaissaient nombreuses, et se succédaient rapidement » (1). Ce n’est pas, assurément, expliquer l'hérédité que de la comparer à la mémoire ; on ne donne pas ainsi la cause de la «catégorie de faits » qu'on appelle hérédité. Mais pourtant, sion montrait que la catégorie Aéredité et la catégorie mémoire obéissent aux mêmes lois, et dérivent probablement de la même cause, cette cause restant d'ailleurs encore inconnue, on n’en aurait pas moins réalisé un progrès scientifique incontestable ; un problème serait supprimé, non que la solution en soit trouvée, mais parce que ce problème serait rattaché à un autre problème considéré jusqu'alors comme distinct. Au fond, les «explications » scientifiques des phénomènes naturels sont-elles donc jamais autre chose ? (2). M. Delage, dans le résumé qu'il a donné, en 1895, de toutes les théories modernes sur l’hérédité, se refuse à attribuer la transmission des caractères à une série de facteurs élémentaires distincts, décom- position qui fait le fond des trois théories de Nægeli, de de Vries et de Weismann, parce que, dit-il, « si ces caractères élémentaires sont concrets, il restent infinis en nombre et ne simplifient pas la question ; ils n'ont d'utilité que s’ils sont abstraits, Il n’y à pas à sortir de ce dilemne: s'ils sont possibles ils sont inutiles, s'ils sont utiles ils sont impossibles » (3). Et ailleurs : « Il semble n’y avoir que deux manières de faire cette décomposition... La première consiste à prendre pour facteurs élémentaires des caractères objectifs, aussi limités que possible... La seconde manière consiste à décomposer les caractères en facteurs subjectifs tels que tendance à l’accroisse- ment en longueur, en largeur, ou en épaisseur, d’où résulte la (1) 1895. Æecherches sur le polymorphisme des mollusques de France, p. 185. — J'ai indiqué dans ce mémoire, comment cette hypothèse de l'hérédité se renforçant par la répétition, est plus acceptable que celle de Naudin, qui concevait une force évolutive, très puissante dans le principe, et qui aurait été en s’affaiblissant graduellement jusqu'a nos jours. (1874. Les espèces affines et la théorie de l'évolution). Hurst suppose aussi que l'hérédité n’existait pas au début de l’évolution des êtres vivants, et il attribue à la sélection naturelle la suppression de la variabilité primitive ; sa théorie a donc la plus grande analogie avee lesidées que je viens de formuler (1882, Biological theories). (2) « L'exemple si mémorable de lillustre Newton nous invite à considérer un phénomène naturel comme « suffisamment expliqué », dès que nous pouvons le synthétiser, c’est-à-dire (littéralement) le poser en compagnie de plusieurs autres, » (Baron, 1888, loc. cit., p. 55). (3) "Zoc.cit.; p.111: 190 GEORGES COUTAGNE. forme... Peut-être n'ai-je pas l'intelligence nécessaire pour trouver les facteurs réels qui résoudraient la difficulté. En tout cas je me suis donné beaucoup de peine pour en trouver de meilleurs sans y réussir ; el je serais reconnaissant à quiconque ne trouverait pas trop puéril de m'éclairer à cet égard » (1). M. Delage fait allusion, dans ce dernier membre de phrase, à l'assertion singulière de Nægeli, qui avait déclaré qu'il serait puéril de se livrer à toute recherche concernant la nature exacte des facteurs élémentaires de l’hérédité, et qui s'était servi de cette excuse commode pour se dispenser de donner aucun détail à ce sujet. Mais il me semble qu'il y a une troisième manière, à laquelle peu de naturalistes (2) ont encore pensé, de comprendre l'existence de ces facteurs élémentaires de l'hérédité. C’est de supposer que la localisation des tendances héréditaires dans certaines régions des organites cellulaires, est analogue à la localisation, dans certaines régions du cerveau, des fonctions sensitivo-motrices afférentes aux différents appareils sensoriels, sensitifs et moteurs. « Je comprends, dit M. Delage, qu'un agrégat organisé ait une tendance à s'accroitre dans un certain sens, mais je ne comprends pas qu'il puisse exister un facteur matériel indépendant pour déterminer celte Llendance dans un agrégat voisin. > Je ne comprends certes pas mieux que M. Delage comment cela peut être .... mais je constate que cela est. La main de l'écrivain qui trace les lettres d'un mot, et le centre corlical de la mémoire des mouvements nécessaires à l'écriture, qui conserve le souvenir de chaque lettre, ne sont-ils pas précisément deux « agrégats organisés >» distincts, dont l'un renferme un facteur matériel qui détermine la modalité des phéno- mènes qui se produit dans l’autre ? On doit considérer l'Hérédité, l'Instinct, et la Mémoire, comme trois manifestations différentes d’une même propriété essentielle que posséderait toute substance vivante: le souvenir des états ante- rieurs, Souvenir lantôt latent, tantôt présent (3), conscient quelque- fois chez l’homme, sorle d’enregistrement, très mystérieux assurément, mais dont on peut éludier bien des lois, malgré le (1) Zoe. cit., p. 638. (2) R. Baron, 1888, Méthodes de reproduction en zootechnie, p. 56. (3) Un mécanisme qu’on ne voit pas, mais qu’on juge par ses effets, est dit /atent lorsqu'il ne fonetionne pas, et présent lorsqu'il fonctionne. L'HÉRÉDITÉ CHKZ LES VERS À SOIE, 191 mystère de son mécanisme intime. « C’est un simple fait d'obser- ralion que d’autres éléments organiques, outre les éléments nerveux, gardent les modifications subies à la suite des impressions reçues, de sorte que, dans un certain sens, on peut dire qu'ils se rappellent... L'exemple le plus remarquable de l’excessive impressionnabilité des éléments organiques est celui des deux éléments de la reproduction qui contiennent dans leur constitution rs les dispositions particulières des différents tissus de chaque parent... Qu'on me permelte donc d'y découvrir le même procédé physiologique, qui, lorsqu'il s'opère dans les couches corticales du cerveau, devient la condilion de la mémoire et de l’habilude mentale » (1). Dans l’évolution du soma, au fur et à mesure du dédoublement de la cellule iniliale, œuf fécondé, œuf parthénogenésique, ou spore, les tendances héréditaires semblent se transmettre, tantôt intégra- lement, comme dans le cas des cellules du parenchyme des feuilles de Begonia où de Citrus, dont le moindre fragment suffit pour reproduire, par bouturage, le végétal tout entier, tantôt partiellement, comme dans le cas des phénomènes de régénération partielle des organes, queue des Lézards, pattes des Tritons ou des Crabes,etc. Les cellules somatiques les plus mal partagées en tendances héréditaires, ou, si l’on veut, chez lesquelles les souvenirs héréditaires seraient le plus effacés, en arriveraient, comme avant-dernier degré de déchéance, à n’être plus capables que de reproduire d’autres cellules identiques à elle-même, et comme dernier degré, à n'être plus capables que d'entretenir simplement leur propre édifice. Mais jusque dans ce dernier élat, si inférieur, et tant qu’elles sont vivantes, c’est-à-dire tant qu’elles assimilent, elles possèdent encore une tendance héréditaire dirigeant leur activité : la tendance à maintenir l'intégrité de leur propre agencement morphologique, quelqne compliqué qu’il soit, agencement qu’elles reconstituent incessam- ment en quelque sorte, molécule à molécule, en remplaçant les malériaux usés par les malériaux neufs qu’elles lirent de leur alimentation. Toute substance vivante nous apparaît donc, en dernière analyse, (1) Henry Mausdley, Physiologie de l'esprit, édition française par A. Herzen, 1879, P: 478. 192 GEORGES COUTAGNE. comme essentiellement douée de celte faculté du souvenir des états antérieurs qu'on appelle l’hérédité. Et comme, d'autre part, on ne peut observer, dans le monde des êtres non vivants, aucun phénomène semblable à ce souvenir des états antérieurs et surtout au dédoublement spontané el indéfini des organites qui sont les substralum de ce souvenir, on doit considérer les phénomènes héréditaires comme vraiment caractéristiques des êtres vivants (1). Je dois ajouter un mot encore, pour ne pas omettre, dans ce résumé, aucune des différentes questions que j'ai précédemment trailées ou plutôt effleurées, sur les caractères qui ne peuvent varier que brusquement, de part leur nature même, caractères que j'ai appelés oligotropiques, et que j'ai soigneusement distingués des autres, les caractères polytropiques qui peuvent varier au contraire, et varient effectivement, tantôt par sauts brusques, tantôt par degrés insensibles. Les vers à soie ne nous ont présenté, il est vrai, aucun caractère oligotropique variable ; mais cette distinction était néan- moins nécessaire, Car on ne saurait logiquement conclure de l'étude des caractères polytropiques à la manière d’être des caractères oligotropiques. La variabilité de ces derniers, et l’hérédité de leurs variations, devra évidemment faire l'objet de recherches spéciales. | Les expériences que j'ai poursuivies depuis 1888, et dont je viens de terminer l'exposé, n’ont assurément fourni jusqu’à ce jour, qu'un petit nombre de faits réellement nouveaux. Mais on voudra bien considérer, pour mon excuse, que toute recherche sur l'hérédité est forcément très longue, lorsque chaque génération exige une année, comme c’est le cas pour les vers à soie annuels, et surtout (1) Les seuls mécanismes purement physico-chiniques dont le fonctionnement rappelle quelque peu ceux de la mémoire et de l'hérédité, sont le phonographe d'une part, et le cinématographe, d’autre part, qui enregistrent l’un et l’autre des ensembles de vibrations simultanées et consécutives. Ces deux mécanismes conservent l'empreinte des phénomènes antérieurs, et peuvent ensuite fournir de ceux-ci une reproduction ou une image supceptible d’être indéfiniment répétée. Mais il est bien probable qu'il en est de ces mécanismes, comparés aux êtres organisés vivants, comme des synthèses de composés organiques élémentaires qu’on a réalisées dans les laboratoires de chimie, comparées aux réactions chimiques qui se passent réellement dans le protoplasma ; les résultats obtenus sont analogues, mais tout porte à croire que les procédés sont radicalement différents. L'HÉRÉDITÉ CHEZ LES VERS A SOIE. 193 lorsque la préparation des expériences demande elle-même déjà plusieurs années. J'espère, en outre, qu'on voudra bien reconnaître aussi, qu'a défaut de faits nouveaux, j'ai inauguré dans ces recherches plusieurs méthodes nouvelles d'investigation expérimen- tale, qui promettent d’être fécondes en résultats importants pour l'avancement de la théorie générale de l’hérédité. 13 194 CHAPITRE I. CHAPITRE II. CHAPITRE II]. CHAPITRE IV. CHAPITRE V. CHariTRE VI. CHAPITRE VII. GEORGES COUTAGNE. TABLE. Notations, méthodes et procédés..... ..... eee Sélection des caractères innés. ........... AE IOUE Hérédité des caractères acquis..." "0... FPE Polymorphismetet pDolytaxie PAPER PETER PCT TE Contribution à l'étude expérimentale des croisements. . De la variabilité des caractères polytropiques.......... Resume étECONCILSIDnS ere ete Tee CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES METAMORPHOSES PAR CHARLES PÉREZ, Agrégé-préparateur l'Ecole Normale supérieure. Planches X à XII. Ce travail a été fait au laboratoire de Zoologie de l'École Normale supérieure. J’adresse l’expression de ma vive gratitude à tous mes maîtres, spécialement à M. F. Houssay, el à M. A. Grarp, pour l'intérêt avec lequel ils ont suivi mes recherches et les conseils dont ils les ont encouragées. Je dois une reconnaissance toute particulière à mon maitre et ami M. Félix Meswrr. Après m'avoir initié à la technique histologique, il a suivi mon travail pas à pas. Je ne compte pas les journées entières passées dans son laboratoire, et qu’il a consacrées à un examen minutieux de mes préparations, attirant bien souvent mon attention sur des points qui m’avaient échappé. Je suis heureux de lui adresser ici mes remerciements les plus affectueux. M. MercaniKorr à bien voulu examiner mes préparations, et, relativement aux points les plus controversés de l’histo- lyse, donner aux interprétations qu’on trouvera dans ce travail l’appui de sa haute autorité: je le prie de recevoir l'expression lrès respectueuse de ma profonde recon- naissance. Paris, le 15 Fevrier 1902. 196 CHARLES PÉREZ. INTRODUCTION. Le présent travail se divise en deux parties. Dans la première, j'examine un certain nombre de phénomènes histologiques du développement post-embryonnaire d’un Insecte Hyménoptère, la Fourmi rousse, Formica rufa L. Je me suis borné à un type unique, afin d’en pouvoir faire une étude plus approfondie, et je n’apporte même point une monographie de cette espèce. J'ai limité mon étude aux organes qui m'ont paru fournir les résultats les plus intéressants, ou qui font actuellement l’objet des plus vives controverses. J'ai joint, à l'exposé de mes observations, le compte-rendu histo- rique et critique des résultats obtenus par les auteurs qui ont étudié histologiquement les métamorphoses des Insectes. Le lecteur ne trouvera peut-être pas ce comple-rendu assez sommaire. Si j'ai cru lui devoir donrer un lLel développement, c'est tout d’abord que la littérature commence à être très considérable sur le sujet, et qu’il m'a paru utile d'en faire une mise au point qui n'existait pas. J'ai tenu en outre à donner des détails suffisants, pour que le lecteur, sans se reporter aux mémoires originaux, puisse trouver réunis les résultats apportés par chacun dans l’histoire si difficile de l'histolyse et de l’hystogénèse nymphales, et soit d’autant mieux en mesure d'apprécier la légitimité des conclusions, que j'ai cru pouvoir tirer des faits jusqu'ici bien établis. Dans la seconde partie, j'ai essayé de mettre en évidence des caractères communs, permettant de rattacher la nymphose des Insectes à d’autres phénomènes évolutifs, opposables, sous le nom de métamorphoses, aux phénomènes de croissance et de différen- ciation progressive de l’épigénèse amétabolique. Discutant ensuite les considérations générales suggérées aux biologistes par l'énigme des métamorphoses, j'ai tenté de donner des phénomènes histolytiques une interprétation physiologique, concordant avec les idées que l’on se fait aujourd’hui de la vie des cellules, et de la lutte pour l'existence entre les plastides d’un même organisme. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 197 Mon travail est accompagné de deux séries de figures. Celles des planches sont la reproduction, aussi exacte qu’il m'a élé possible, des aspects de mes préparations ; elles sont destinées à remplacer pour le lecteur la vue des coupes ; et il m'a généralement suffi de représenter peu de cellules d’un tissu, pour fixer documentairement tous ses caractères. J'ai au contraire intercalé dans le texte, pour en faciliter la lecture, des dessins, où le détail histologique est schématisé, el qui sont plutôt destinés à donner une indication topographique d'ensemble. J'ai aussi reproduit dans le texte, pour éclairer la discussion, quelques figures empruntées aux auteurs dont j'examine les travaux. 198 CHARLES lÉREZ. PREMIÈRE PARTIE. RECHERCHES HISTOLOGIQUES SUR LE DÉVELOPPEMENT POST-EMBRYONNAIRE DE LA FOURMI ROUSSE. ANATOMIE SOMMAIRE DE LA LARVE. GANIN [76] (*), Nassoxow |86] et KarawaïEw [98] ont déjà donné quelques renseignements sur l'organisation des larves de Fourmis (Myrmica, Lasius flavus). Tout récemment BERLESE [01] a décrit, avec plus de détails, l'anatomie des larves de Tupinoma erralicuin. L'organisation varie relativement peu d'un genre à l’autre ; aussi serai-je très bref dans la description qui va suivre, destinée simple- ment à donner des repères topographiques généraux. Les larves des Fourmis sont apodes, et leur faible musculalure les empêche même de ramper. Leur corps n’est guère différencié exléricurement en régions distinctes, et se présente comme un sac blanc ovoide, légèrement annelé, atténué à l'extrémité céphalique et incurvé de manière à présenter une concavité ventrale, une convexité dorsale. Les larves sont le plus souvent immobiles ; leurs mouvements, quand on les inquiète, se réduisent à peu près à une augmentation de leur courbure, suivie d’un relâchement, à une sorte de ressac. On les rencontre en amas dans les fourmilières, soigneusement groupées par lailles, et LuBBock à comparé cel aspect à celui des différentes classes d'un collège. Les plus petites sont entassées pêle-mêle par paquets, et leur épaisse villosilé de longues soies s’intrique en un feutrage qui attache ensemble les larves voisines. Les ouvrières profitent de celte adhérence pour transporter un assez grand nombre de pelites larves en un même ballot cohérent. En ce qui concerne les téguments, je me bornerai à dire que les soies, si curieusement rameuses chez les Carrponotus, sont au contraire simples chez la Fourmi rousse ; el que le corps présente (*) Les dates entre crochets renvoient à l'index bibliographique, page 417. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 199 douze constriclions annulaires, qui le divisent extérieurement en une première région, la tête, et douze segments suivants. La tête (fig. 1) ne serait pas elle-même bien différente au premier abord d’un des segments, n’était la présence de la bouche et des rudiments d’appendices qui l'entourent. Ceux-ci sont réduits à des mamelons, où l’on peut distinguer, entre une lèvre supérieure arquée et une lèvre inférieure triangulaire, une paire de petites mandibules, el une paire de maxilles portant deux papilles géminées. ÉD FA 4 Fig. 1. — Anatomie de la larve: CŒ, cœur; p, proventricule; 74, tube de Malpighi ; #, rectum; FC, ventricule chylifique, contenant la masse excremen- litielle ; SW, système nerveux ; Z, glande séricigène. Au niveau de l'orifice buccal, la culicule externe de Ta peau se réfléchit, sans diminuer lout d’abord d'épaisseur, et constitue le revêlement chitineux interne du pharynx. Une tunique musculaire, 200 CHARLES PÉREZ. formée de fibres annulaires, entoure extérieurement l’épithélium pharyngien. On observe en outre, dans cette première région du tube digestif, des fibres musculaires radiales, qui s’insèrent d’une part sur les téguments dorsaux de la tête, d'autre part sur l’intima chitineuse du pharynx, en traversant les muscles annulaires et l'épithélium. Ce sont les muscles dilatateurs du pharynx, produisant des mouvements de succion. La section transversale en forme d’X présentée par le pharynx paraît être en rapport avec les tractions exercées par ces muscles sur son revêtement chitineux. Plus loin le canal œsophagien, qui traverse les segments lhoraciques, à la forme cylindrique, et son intima chitineuse est beaucoup plus ténue. La région suivante du tube digestif, occupant presque toute la longueur de l'abdomen, est un volumineux réservoir ovoïde, le ventricule chylifique, alténué antérieurement en une sorte d’aju- tage, le proventricule des auteurs. L'œsophage s’emboutit dans ce proventricule et y forme un repli valvulaire cylindrique, pendant comme un battant de cloche dans la cavité du proventricule. Le ventricule chylifique est la partie absorbante du tube digestif. Son extrémité postérieure est aveugle. Aussi les déchets alimentaires s’'accumulent-ils dans sa cavité, en une masse ovoïde noirâtre, constituée à la fois par ces déchets et par des cuticules chilineuses successives, que l’épithélium sécrète autour d'eux comme aulant de membranes kystiques. L'intestin terminal débule par une extrémité antérieure aveugle, accolée un peu dorsalement à l'extrémité postérieure aveugle du ventricule chylifique. À un premier segment, désigné par les auteurs sous le nom d’intestin grêle, fait suite un large réservoir, le gros inteslin, qui s'alténue progressivement pour déboucher à lanus, fente transversale du segment pygidial, munie d’un sphincter musculaire. Les {ubes de Malpighi, au nombre de quatre, débouchent dans le cœcum de l’intestin postérieur, et leurs circonvolutions entourent le ventricule chylifique, particulièrement du côté dorsal. Du côté ventral, au contraire, on trouve, au voisinage du ventri- cule chylifique, les tubes moins contournés des glandes salivaires ou mieux séricigènes. Chacune d'elles se compose d'un tube bifurqué, à extrémités repliées ; elle se dilate antérieurement en un réservoir à parois plus minces, et les conduits issus de ces deux ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 201 réservoirs de droite et de gauche confluent, sous le second ganglion de la chaîne nerveuse ventrale, en un canal impair el médian, débouchant au sommet de la lèvre inférieure. Le système nerveux comprend deux ganglions cérébroïdes opto- antennaires, réunis par un collier péripharyngien à une première masse sous-æsophagienne, formée par la coalescence des centres ganglionnaires innervant les pièces buccales. Le reste de la chaine nerveuse ventrale comprend onze paires de ganglions, à peu près fusionnés deux par deux sur la ligne médiane. Le vaisseau Sangquin où cœur, qui suit sous les léguments la ligne médiodorsale, plonge plus profondément au niveau de la région céphalique, où il se termine, en s’accolant à l’œsophage, à l'endroit même où celui-ci traverse le collier nerveux. De part et d'autre du cœur, les traînées de cellules pericardiales forment comme un velum flottant dans la cavité générale, et suspendu aux muscles aliformes. Un dissépiment conjonctif est siluëé dans la région ventrale au-dessus du système nerveux. Les principaux muscles, tendus entre deux points de la culicule épidermique, ont par cela même une position peu profonde. On peut eu distinguer plusieurs catégories. Les uns, longitudinaux, sont situés dans deux aires latéro-dorsales et deux aires latéro-ventrales. Les autres, obliques d’arrière en avant, s’insèrent dorsalement, à peu près à la hauteur des stigmates, sur la ligne de séparation de de deux segments, et ventralement sur la ligne de séparation anté- précédente. Au voisinage de ces derniers sont suspendus les groupes d'œænocytes. Le système trachéen est constitué principalement par deux troncs longiltudinaux latéraux mis en communicalion avec les sligmales par de pelits rameaux transverses. Les nappes du corps adipeux remplissent la majeure parlie des lacunes interorganiques. Tous les tissus et appareils qui viennent d’être énumérés, sont ce qui constitue à proprement parler l'organisme larvaire. Mais on observe en outre les organes génitaux dans la région abdominale dorsale, les pattes et les ailes dans la région thoracique, les appen- dices de la tête, les appendices copulateurs ; tout cela sous forme de massifs cellulaires indifférenciés, de disques imaginaux ou 202 CHARLES PÉREZ. histoblustes, perceplibles à la dissection, et qui reçoivent déjà une innervalion spéciale. L'ensemble de ces histoblastes représente dans la larve l’ébauche de ce qui sera l’imago. PHÉNOMÈNES EXTÉRIEURS DE LA NYMPHOSE. La fin de la vie larvaire et le début de la vie nymphale sont marqués par le filage du cocon. Parmi les Fourmis de nos pays, les Formicines seules filent un cocon, les nymphes des Myrmicines sont nues. D'ailleurs, dans une espèce même qui file normalement un cocon, quelques individus se transforment exceptionnellement sans s'être revêtus de cette enveloppe protectrice. À défaut du filage du cocon un changement très net de couleur et d’aspect annonce le début de la métamorphose. Bientôt la nymphe expulse par l'anus l’amas noirâtre des déchets alimentaires jusque là contenus dans le ventricule chyli- fique. Une communication vient en effet de s'établir entre les extrémités aveugles en contact de ce dernier et de l'intestin terminal. Fi. 2. — Modifications extérieures de la nymphe. Sous les téguments de la larve (fig. 2) se développent la tête et le thorax de l’imago, avec leurs appendices ; ces parties néoformées distendent la peau larvaire; si bien que la moitié antérieure du corps, primitivement atlénuée, devient bientôt aussi volumineuse que l'abdomen, dont la sépare un léger étranglement, première indication du pétiole imaginal. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 205 La peau larvaire distendue finit par se rompre sur la ligne médio- dorsale thoracique, et par la fente ainsi ouverte la nymphe émerge peu à peu de la peau larvaire, encore entièrement blanche, mais ayant à peu près déjà la forme extérieure de l’imago. Comme on le voit, la mue nymphale est loin de marquer le début de la métamor-- phose ; elle s’intercale dans la série des processus histologiques, sans en Jalonner même un point particulièrement important. Je n'ai pas conservé la distinction en pronymphe el nymphe qui ne corres- pond à aucune réalité physiologique. Dans la nymphe blanche, ce sont les yeux qui se pigmentent Les premiers, passant par une série de bruns de plus en plus foncés jusqu'au noir. Alors seulement les téguments définitifs de l’'imago commencent à roussir, sous la mince cuticule nymphale, et arrivent peu à peu à leur consistance définitive. On sera peut-êlre surpris que, dans ce qui suit, je ne définisse pas l'âge exact de la nymphe au moment de telle ou telle modification histologique. Les auteurs qui se sont occupés des Muscides ont pu facilement fixer, à une heure près, l’âge d’une nymphe. On ne peut guère y songer pour les Fourmis. Leurs nymphes sont, dans la nature, Soignées par les ouvrières tout autant que les larves, el transportées toujours dans les points de la fourmilière Les plus favorables à leur développement. Si on les extrait du nid, on doit craindre de produire des perturbations physiologiques, et de super- poser des phénomènes pathologiques aux phénomênes normaux de la nymphose. De fait, il est difficile d'obtenir des adultes de nymphes isolées dès le filage du cocon. Les nids si ingénieux de CH. JANET, S'ils permettent l'élevage en des conditions qu'on peut considérer comme normales, ne se prêtent pas au repérage d’un grand nombre de nymphes. Il faut ajouter encore que les conditions extérieures, et au premier rang la température, ont une grande influence sur la rapidité des phénomènes de la nymphose. Le fait a été constaté pour les Mouches elles-mêmes, et il est bien établi que l’âge seul d’une nymphe ne suffit nullement à faire prévoir son état histo- logique. En présence de ces difficultés, je me suis résolu à fixer toujours mes matériaux, sans me préoccuper de l’äge, au moment où je venais de les recueillir dans une fourmilière naturelle. On se fami- liarise à la longue avec les aspects successifs d’une mème espèce, el à première vue l’on peul dire à quel stade approximatif se trouve 204 CHARLES PÉREZ, une nymphe donnée. Il faut d’ailleurs remarquer que certains stades sont durables, d’autres extrêmement fugitifs ; l’hislolyse et l'histogénèse ne procèdent pas d'un mouvement régulier, mais par à-coups. Sur un très grand nombre de nymphes prises au hasard, la probabilité est très grande pour que l’on ait les deux ou {rois mêmes slades indéfiniment répétés, tandis que d’autres sont presque introuvables. C’est du reste un fait assez général dans le développe- ment de tous les êtres. J'ai résumé, dans un tableau synoptique (p. 344), la correspon- dance chronologique des principaux faits relatifs aux divers organes ; mais il ne faut prendre ce lableau que comme une indication générale, car 1l y à dans le détail de multiples hélérochronies individuelles. TECHNIQUE. Je serai très bref sur la technique. Les difficultés sont bien connues que présente à l'hislologiste la fixation des Arthropodes en général, des nymphes d’Insectes en particulier ; el la réussite d’un procédé tient souvent plutôt à un tour de main qu'à un détail susceplible d'être précisé dans une recette. J'ai généralement coagulé par une immersion instantanée dans l'eau chaude à 70° cent. ; incisé les téguments et fixé longuement à l'acide picrosulfurique (solution saturée d’acide picrique dans l'eau acidulée à 3°/ d'acide sulfurique). Pour les stades âgés, j'ai, après une première inclusion, décor- liqué l’insecte de sa chiline trop dure, puis réinelus. J'ai coloré les coupes à l'hémalun de P. MAYER, difflérencié à l'alcool chlorhydrique, puis coloré à l’éosine. À moins de mention contraire, c’est loujours à ce procédé que se rapportent les indica- lions de couleurs mentionnées dans les descriptions histologiques. L'addition d’un peu d’aurantia à l’éosine peul donner des colorations plus agréables. J'ai obtenu pour certains points des préparations très instructives en colorant au carmin chlorhydrique el différenciant au picro-indigo-carmin. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES, 205 ÉPITHÉLIUM DE L'INTESTIN MOYEN. HISTORIQUE. Les premières notions un peu précises sur les transformations du tube digestif sont dues à WEISMANN | 64 | : Il existe, chez la Mouche et chez sa larve, diverses régions du tube digestif assez homologues par leur situation topographique dans le corps, et par leur fonction. Mais ce ne sont pas les mêmes organes que l’on retrouve chez toutes deux ; l'œsophage, l'estomac suceur, l'intestin sont chez l’adulte des formations entièrement nouvelles, reconstruites de toutes pièces sur l'emplacement des formations larvaires désignées par les mêmes noms. WEIsManx décrit pour l’intestin une dégénérescence graisseuse el une résolution en un tractus granuleux irrégulier où, d’une manière assez singulière, se réorganiserail ensuite un nouveau cylindre épithélial. Par contre, il observe fort bien, en ce qui concerne le ventricule chylifique, la chute, dans la lumière du nouvel organe, des cellules de l’épithélium larvaire. Ces cellules s’agglomérent entre elles, puis s’atrophient en une masse de dégénérescence : le corps jaune constitué par leurs débris, n'est nullement un reste de la nourriture absorbée par la larve, comme HERoLD [15] l'avait cru autrefois. Quant à l'origine des tissus imaginaux, WEISMANN ne dissimule pas l'obscurité que lui présente la question ; il dit bien, à plusieurs reprises, que de nouveaux éléments histologiques naissent des débris de l’ancien tissu ; mais il ne faut pas attacher à ces termes même une grande importance, si l’on songe qu'à cette époque déjà ancienne, des dissections fort délicates pouvaient à peine être contrôlées par une techique très rudimentaire. WEISMANN a du moins parfaitement vu les organes larvaires en dégénérescence servir en quelque sorte d’échafaudages directeurs aux organes néoformés de l’imago : il ne pouvait aller plus loin; en l'absence d’une technique perfectionnée, il n’a distingué les organes imaginaux qu’au moment tardif où les progrès de la prolifération leur ont donné une forme assez consistante ; leurs premières ébauches lui ont échappé. 206 CHARLES PÉREZ. Il en est de même pour Cu [75] dont le travail ne mérite guère d’être cité que pour mémoire. C’est GANIN | 76] qui, utilisant le premier les coupes colorées, a bien distingué les éléments constitutifs du nouvel épithélium ; chez une larve de Mouche qui a fini de manger, puis chez la pupe, il observe les faits suivants : « Au moment où, dans l’épithélium encore non modifié, la plus grande partie des cellules conservent leur grande taille polygonale, leurs goutteletles grasses et leurs granulations sombres, quelques- unes d’entre elles, en très petit nombre, deviennent plus claires, plus rondes, et commencent à se multiplier par division. Bientôt chacune de ces dernières donne naissance à un amas de petites cellules claires, qui n’ont aucune ressemblance avec celles de l’épithélium primitif. Une contraction de la tunique musculaire fait tomber les cellules de l’épithélium larvaire dans la lumière du nouvel intestin, où elles s’agglomérent en une masse compacte en forme de boudin. Les groupes isolés de cellules nouvelles prennent ensuite un contour irrégulier, et émettent des prolongements qui se fusionnent par leurs extrémités. Ainsi se constitue un réseau dont les mailles se resserrent de plus en plus et finissent par disparaitre ». D'une manière analogue, chez les Fourmis, GANIN signale le rejet du contenu du tube digestif, puis celui d’une masse blanche en dégénérescence graisseuse, où l’on retrouve un grand nombre de cellules épithéliales avec leur noyau. Il n’y a pas d’après lui de processus histolyliques au sens de WEisMANN ; le nouvel épithélium provient directement des cellules de l’ancien. Chez les Lépidoptères, les cellules glandulaires sont rejetées ; les cellules absorbantes -au contraire persistent et réalisent par leur multiplication le renouvellement de l’épithélium. Les recherches de GANIN ont porté sur un assez grand nombre de types de différents ordres; on peut considérer comme bien élablie par lui la généralité de ces lentilles enclavées à la base de l'épithélium larvaire, qui représentent les histoblates de l'intestin moyen. Une excellente confirmation de ces vues de GANIN sera plus lard donnée par FRENZEL [86]. Mais un point sur lequel GAIN est encore dans l'erreur est le moment de l'apparition première des cellules de remplacement ; il ne les observe qu’au moment où la larve âgée «a juste cessé de ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 207 manger, mais se meut encore, et cherche un emplacement propice à sa métamorphose ». KowaLEevsky [87] au contraire réussit à les apercevoir beaucoup plus tôt, « presque jusque chez les toutes jeunes larves ». Il précise, chez les Mouches, la répartition de ces imaginales sur le tube digestif, et la figure qu’il en a donnée est passée dans les traités classiques. KowaLEvSkY n'insisie pas sur l'origine de ces cellules de remplacement ; mais il dit dans ses conclusions : « L'ectoderme, le mésoderme, l’endoderme ont leurs ébauches imaginales propres, qui croissent lentement pendant la vie larvaire, et n'acquièrent qu'après la métamorphose un développement prépondérant >. On en peut inférer qu'il considère les imaginales du tube digestif comme homologues des cellules larvaires qu'elles remplacent. À la même époque van REES [84-88] poursuit, indépendamment de Kowazevsky, des recherches sur le développement post- embryonnaire des Muscides ; et ses résultats confirment, dans tout ce qu'ils ont d’essentiel, ceux du naturaliste russe. van REES se prononce en outre catégoriquement pour l’origine endodermique des cellules de remplacement, et révoque en doute les conclusions de KOROTNEFF (1). Kororxerr |[85|, en effet, étudiant la régénération épithéliale (1) ANGLAS attribuant à van R&es l'opinion que les cellules de remplacement sont d’origine mésodermique, je crois devoir citer in-extenso le passage suivant de l’auteur hollandais : (p. 71). Ich muss hier noch kurz an eine Beobachtung erinnern, welche KOROTNEFF bei seiner Untersuchung der postembryonalen Entwicklung von Gryllotalpa gemacht hat. Er fand nämlich in dem sich umwandelnden Mitteldarm Epithelinseln, den soeben erwähnten von Musca in gewissen Hinsichten sehr ähnlich. Diese Inseln werden durch grosse je einen Kern aufweisende Dottermassen von einander getrennt und sollen letzere allmählich ganz verdrängen. KOROTNEFF sah nun amôboide Zellen in Dotter zerstreut liegen, und stützt darauf seine folgendermassen formulirte Ansicht: «Die Entstehung der an der Metamorphose des Darmes theilnehmenden Zellen ist aus der Fig. 7% klar: es sind amôboide Blutzellen, die massenhaft um den Darm im Blute flottiren, und zwischen die Muscularis ins Innere der Dotterschollen gelangen ».… und ferner: « die innere Bekleidung des Darmes stammt von den amôboiden Zellen her. » Es erscheint mir dieser Schluss volkommen unbegründet ; nach KowaLevskv's und meiner Bestätigung von GaniN's Angaben für Musca muss ich es vielmehr für sehr wabrscheinlich halten, das auch bei Gryllotalpa die Inseln als ein echtes Epithel vom inneren Keïmblatte abstammen, 208 CHARLES PÉREZ. chez Gryllotalpa vulgaris, était arrivé à cette conclusion toute opposée que le nouvel épithélium était formé par des cellules am@æboïdes du sang, s’insinuant entre les mailles de la tunique musculaire et venant supplanter les cellules de l'épithélium larvaire. I n'y a d’ailleurs pas, pour KOROTNEFrF, un véritable épithélium larvaire, mais une simple couche de pyramides vitellines, tapissant intérieurement la tunique musculaire. La métamorphose commen- cerait par une atrophie de ces pyramides, accompagnée d’une dégénérescence rapide de leur noyau. On aperçoit à la périphérie de l'intestin de petits groupes de cellules, accolés à la musculaire, et situés les uns à la base d’une pyramide, les autres à la limite entre deux pyramides, où quelques-unes de leurs cellules s’insi- nuent en forme de coins. La croissance progressive de ces îlots et leur confluence par leurs bords constituera l’intestin définitif, le vérilable épithélium. La masse dégénérée des pyramides vitellines est rejettée dans la lumière de l'intestin, où on la voit parcourue par de nombreuses cellules amœæboïdes. En terminant son travail KoroTNerr s'élève contre les conclusions de GanIN et de KowaLEvsKkY. Mais on est bien forcé de reconnaitre que, malgré l'affirmation de l’auteur, la figure 78 ne permel nulle- ment de conclure à l'identité des cellules imaginales avec les glo- bules du sang ; or KOROTNEFF n'avance pas d’autres preuves que celte figure. Depuis, à la suite des travaux de GRABER, de KOWALEVSKY, d'HEYMONS , KOROINErF [94] a reconnu lui-même sou erreur . Il retrouve dans ses préparations les blattfürmige Büildungen, dépendant respectivement du stomodéum et du proctodéum, et qui sont les ébauches épithéliales de l'intestin moyen. Il n’abandonne pas l'opinion que le revêtement intestinal ait une origine mésoder- nique, car il termine sa note par ces mots: « Damit ist also der Standpunkt, nach welchem der Mitteldarm seinen Ursprung dem Mesoderm verdankt, nicht nur nicht ausgeschlossen, sondern ganz den Thatsachen entsprechend.» I faut d’ailleurs faire remarquer que le travail de KOROTNEFF est relatif à une première formation d’épithélium digestif, et non à un remplacement nymphal. Avec le travail de KoROTNEFF pourrait se greffer ici la question ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 209 controversée de la signification morphologique de l’épithélium intestinal larvaire. Le naturaliste russe pense trouver un terrain d'entente avec ses contradicteurs en supposant que, chez tous les Insectes, l'archentéron est, d’une manière plus ou moins précoce, remplacé par un intestin d’origine mésodermique. Mais comment concilier avec cela l'opinion d'auteurs plus récents pour qui l'intestin est ectodermique ? (Voir à ce sujet FAUSsEK, [00 |). J'écarte cette question de propos délibéré. Il ne s’agit point de savoir à partir de quels éléments du blastoderme se constitue l'épithélium larvaire ; mais bien de savoir si, dans l'intestin de la jeune larve, se trouvent déjà les ébauches de l'intestin imaginal, ou si, au contraire, les initiales de cet intestin sont des éléments migrateurs qui viennent, à un moment donné, s'y implanter du dehors. C’est à ce point de vue surtout que nous allons examiner les tra- vaux ultérieurs. RENGEL [96] distingue dans le revêtement intestinal des larves de Tênebrio molilor deux catégories de cellules : les unes, hautes, cylindriques, constituent, à proprement parler, l’épithélium; les autres, placées au fond des cryptes de lépithélium, remarquables par leur réfrangibilité à l’état frais, la grosseur relative de leur noyau, leur affinité pour les colorants, méritent bien le nom que leur avait donné FRENZEL de cellules mères de l'épithélium. Au cours de Ja vie larvaire, en effet, elles sont en caryocinèse presque continuelle, dounant naissance, par leurs cloisonnements langentiels, à de nombreuses cellules différenciées de l’épithélium. Au moment de la nymphose, elles sont le siège d’une prolifé- ration encore plus active, et ce sont elles qui reconstituent un revêtement épithélial continu ; les cellules mères de l’épithélium larvaire deviennent à ce moment les cellules mères de l’épithélium imaginal. Aucune erreur d'interprétation n’est, semble-t-il, possible dans le cas actuel ; car l’épithélium est tapissé extérieurement par une membrane basale, d'aspect chilineux (membrana propria de RENGEL) remarquablement développée chez le Tenebrio; c'est un cylindre résistant, formant en quelque sorte cloison étanche entre l'épithélium et tout ce qui l'entoure ; cette cloison demeure entière jusqu’après le début de la grande prolifération des cellules mères. Par là se trouve complètement écartée l'hypothèse d’une immigra- 14 210 CHARLES PÉREZ. tion d'élémentsétrangers venant du dehors régénérer l’épithélium. (1) Quant à l’évolution ultérieure des cellules de remplacement, les unes se différencient en épithélium proprement dit; les autres, conservant leur faculté de prolifération, constituent, au fond des cryptes de l'estomac, les matrices de régénération progressive de l'épithélium imaginal. Quelques-unes, enfin, sont entraînées dans la lumière de l'intestin, au moment du rejet de la membrane basale et y sont résorbées en même temps que les cellules de l’épithélium larvaire. L’attention doit encore être attirée sur un point. Au moment où la rupture de la basale permet la séparation des îlots imaginaux d'avec toute la masse rejetée qui va constituer le corps jaune, des cellules migratrices pénètrent dans l’espace libre laissé sous la basale, qui s'est décollée de la musculaire. L'épithélium continu une fois reconstitué, on retrouve ces leucocytes formant aulour du corps jaune de petites cellules fusiformes. Les figures de KOROTNEFF montrent des éléments tout semblables pénétrant dans la masse de dégénérescence de l'intestin. VAN REES dit, de son côté, en ce qui concerne les Muscides : « Le manchon épithélial tout entier est rejeté dans la lumière, en même temps qu'une quantité de cellules plus petites que je suis porté à considérer comme de nature conjonctive. » (2) Mais le cas du Tenebrio est de beaucoup le plus démonstralif, gràce à la différenciation si nelte de la basale, qui exclut toute possibilité de relation génétique entre les imaginales et les amæbo- cyles : « Les cellules fusiformes, dit RENGEL, ne peuvent provenir des imaginales de l'intestin, puisque ces deux catégories apparaissent simultanément et que les premières sont déjà présentes en grand nombre » à l'extérieur de la basale, « tandis que les secondes y (1) ANGLAS attribue à RENGEL comme à van REEs l'opinion que les cellules de remplacement sont d'origine mésodermique. RENGEL est cependant bien catégorique dans ses affirmations contraires. « Die so aus einer Anzahl Epithelmutterzellen der Larve hervorgegangenen Zellhaufen, welche zur Zeit noch von der Membrana propria eingeschlossen im Darmlumen liegen, bilden die Bausteine für das gesammte neue Mitteldarmepithel des Käfers. Die Epithelzellen der Imago sind also direkte Abkômmlinge von jenen jugendlichen Zellen, die der Regencration des Larvenepithels dienten. » (p. 38). (2) C'est, je le suppose, une confusion des imaginales avec ces cellules amæboiïides qui aura induit ANGLAS en erreur sur l'opinion de van REES et de RENGEL. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. Pi! sont encore enfermées. Il faut, de toute nécessité, que les cellules fusiformes soient venues de l'extérieur ; et cela est bien possible, car il y a effectivement des cellules mésodermiques sur et jusque dans la musculaire. » VERsoN [98] observe chez le Sericaria nvori des faits analogues. Il y a, au cours de chaque âge larvaire, usure complète de l'épithélium fonctionnel; ce dernier est rejeté périodiquement dans la lumière intestinale, (très peu avant la mue, et remplacé par une nouvelle assise, née de la prolifération des lentilles imaginales situées à la base de l’épithélium précédent. D'une manière toute analogue, et par une prolifération qui est simplement un peu plus brusque, les lentilles imaginales reconstituent, au début de la nymphose, un nouvel épithélium. Comme il n'y a pas, chez le Ver à soie, de basale chilineuse comme chez le Ver de farine, il n’y a pas, autour du corps jaune, cette membrane que les premiers auteurs avaient interprétée comme enveloppe kystique des cellules rejetées. J'insisterai particulièrement sur deux mémoires récents, où la question de l'origine des imaginales du tube digestif est examinée en détail, et qui sont précisément relatifs aux Hyménoptères. KaRAWAIEW [98] suit, pas à pas, la transformation de l'intestin moyen chez une Fourmi, le Lasius flavus. Déjà, chez les jeunes larves, il observe, disséminées à la péri- phérie du ventricule, de petites cellules, en enclaves dans le protoplasme des grosses cellules épithéliales. Ce sont les initiales du ventricule définitif (Æntoderm-imaginal-Zellen). Klles grandissent, s’enfonçant peu à peu dans le protoplasme des cellules larvaires, qui présente autour d'elles un aspect spongieux, signe d’une dégénérescence. L'auteur en conclut que les cellules imaginales se nourrissent aux dépens des cellules larvaires, sans englober néanmoins leurs débris solides; ce ne sont pas des phagocytes. Finalement, les anciennes cellules, fusionnées en une masse de dégénérescence, tombent dans la lumière du nouvel intestin ; Les îlots imaginaux, concrescents par leurs bords, reforment un manchon continu; la majorité de leurs cellules se différencient en épithélilum: quelques-unes conservent leur caractère de jeunes cellules; et, placées à la base de l’épithélium imaginal, elles serviront à sa rénovation progressive partielle tout le long de la vie de l'adulte. (Cf. cellules des cryptes de RENGEL). 212 CHARLES PÉREZ. Quelle est, maintenant, l'origine des imaginales? Si l’on tient compte, d’une part, de la position périphérique des jeunes imaginales. d'autre part de leur similitude d'aspect avec les cellules mésoder- miques indifférenciées qui circulent autour de l'intestin et s’accolent à sa paroi, on peut être" amené à penser que les imaginales ne sont autre chose que des amæbocytes immigrés dans l’épithélium larvaire. Cette immigration est à priori possible, si l’on songe au petit nombre des cellules conjonctives fixes, plus ou moins aplaties à la surface externe de l’épithélium, et dont le làche réseau repré- sente seul la splanchnopleure intestinale. Les différentes tailles présentées à un même moment par les diverses imaginales seraient alors interprélées comme stades successifs d’accroissement par nutrition de leucocytes immigrés depuis un temps plus ou moins long dans l’épithélium. KaRAWAIEW reconnail que cette explication se présenta, tout d'abord, à son esprit, malgré son antagonisme avec « nos idées théoriques » (1). Mais d'un autre côté, la disposition des cellules dans un même ilot imaginal, chez une larve âgée, semble devoir faire conclure, mème sans observation positive de division, que toutes ces cellules proviennent, par biparlitions successives, d’une même cellule mère primitive. En outre, chez les-toutes jeunes larves, à un moment où il ne peut ètre question de métamorphose, un examen très méticuleux permet de découvrir, en très petit nombre, dans l'épithélium, de toutes petites imaginales. Aussi KARAWAIEW se rattache-t-il en définitive à celle opinion qu'il faut faire remonter leur origine jusqu’à la période embryonnaire : « Au moment du développement originel de l'endo- derme, une partie des cellules croîtraient et donneraient l’épithé- lium larvaire ; les autres resteraient petites et constitueraient les imaginales. » Dans un travail plus récent sur un Coléoptère, Anobium pani- ceum, KARAWAIEW [99] énonce sommairement des résultats très concordants avec ceux de son étude sur les Fourmis. BERLESE [99] exprime, en passant, une opinion tout opposée. Les cellules imaginales de l’épithélium intestinal sont, d’après lui, des (1) Sans aucun doute, cette idée morphologique de la personnalité des feuillets : seul du tube digestif pouvait régénérer du tube digestif. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 213 amœæbocytes immigrés, et qui, confondus à tort avec les globules du sang,mérileraientd’en êtredistinguéssous Le nom de splanchnocytes. ANGLAS [98-00 |, étudiant les métamorphoses de l’Abeille et de la Guêpe, revient, comme BERLESE, à la première opinion de Korot- NEFF. Les imaginales font, pour lui, totalement défaut chez les larves Jeunes, et 1l pense que KARAWAIEW a pris pour de jeunes noyaux les iuclusions chromatophiles des cellules larvaires ; c’est seule- ment plus lard, quoique longtemps encore avant la nymphose, que des cellules migratrices viennent s’insinuer à la base des cellules épithéliales, et généralement, à la limite entre deux cellules conti- guës. Elles se nourrissent alors aux dépens des cellules larvaires, les digérant par des diastases qu'elles secrétent en dehors d'elles ; c'est que l’auteur appelle un phénomène de /yocytose. À ne les considérer qu'au moment de leur arrivée dans l’épithélium, les cellules embryonnaires qui vont le régénérer ne peuvent en rien èlre distinguées des autres amœæbocytes quelconques, flottant ça et là dans toutes Les régions du corps. ANGLAS suppose cependant qu’ils ont peut-être quelque chose de particulier, qu'ils forment une caté- gorie spéciale, différenciée, dès l’'ébauche embryonnaire, par une sorte de prédestination.«Ce seraient eux quiconstitueraient l'intestin moyen vérilablement primitif de l’Insecte parfait, au sens phylogé- nélique du mot, tandis que l'intestin moyen, y compris le proven- tricule, ne serait qu'un organe d'adaptation. > Ainsi, le véritable tube digestif serait, un certain temps, représenté à l’état diffus par un ensemble d'’amæbocytes dont le caractère virtuel de cellules digestives ne s’actualiserait que plus tard. Sans nous allarder à celte conception, contentons-nous, en colla- tionnant les figures si concordantes de KARAWAIEW et d’ANGrAS et leurs interprétations tout opposées, de constater combien l’obser- vateur intervient encore pour une large part dans les recherches d'une hstologie si délicale. OBSERVATIONS. Larve de 1", de longueur, qui n’a encore reçu que peu ou point de nourriture. L'intestin moyen, estomac ou ventricule chylifique des auteurs, est un sac ovoïde, occupant à peu près la moitié de la longueur de 214 CHARLES PÉREZ, la larve, et presque toute sa largeur. Il est presque exclusivement composé d'un épithélium, des cellules allongées, conjonctives plutôt que musculaires, ne forment qu'un très lâche treillis à l'exté- rieur de sa membrane basale. Les cellules épithéliales sont loutes semblables entre elles : en coupe transversale, elles se présentent comme des rectangles hauts de 35 à 40 u, larges de 25 v ; les coupes rasantes de l'organe montrent leurs contours latéraux, qui sont irréguliérement polygonaux. Le protoplasme, grenu, où lon devine parfois une vague réticulation, se colore (1) énergiquement en rose violacé, surtout dans la région qui avoisine la lumiére de l'estomac. (PI. X, fig. 1). Les noyaux ovoïdes, de 12 # sur 20 u, ont un contour très net, el contiennent à l'intérieur de leur membrane une multitude de petits grains, colorés en violet bleu. Plongés dans cette masse de granules, on distingue deux ou trois gros nucléoles sphériques de 2 u de diamètre environ, colorés en rose violacé, qui forment, sur le fond grenu du noyau, des taches claires et réfringentes. La structure très simple, et, somme toute, assez indifférenciée de cet épithélium, est sans doute en rapport avec la simplicité de la fonction qu'il accomplit. La nourriture donnée aux larves par leurs nourrices est, en eflet, sous une forme à peu près directement assimilable ; le ventricule de la larve est une simple paroi absorbante, plutôt qu'un organe digestif. Dans la région antérieure, le diamètre de l'estomac se rétrécil notablement, le sac se pédiculise en quelque sorte, et forme ainsi le proventricule, où l’œsophage vient s’'emboutir en valvule. Dans cette région, les cellules sont progressivement plus petites et plus serrées, mais conservent les mêmes caractères histologiques. Gà et là on remarque dans le corps protoplasmique des cellules épithéliales, tout au voisinage de la basale, de petites imclusions de Guy à Su que l'on pourrait prendre, au premier abord, pour des parasites intra-cellulaires. Mais leur constance chez tous les individus et la connaissance de leur évolution ultérieure les font reconnaitre pour des éléments normaux de la paroi stomacale ; ce sont de petites cellules incluses à la base des grandes ; ce sont elles » qui, pendant la nymphose, régénéreront l’épithélium de l'intestin (1) Je rappelle que toutes les indications relatives aux colorations dans les coupes se rapportent à la technique exposée page 204 (Hémalun-éosine). ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. pe moyen, et nous devons, dès à présent, les appeler les cellules tmaginales de cet épithélum. Elles sont légèrement ovoiïdes, allongées dans le sens normal à la paroi, comme les cellules épithéliales et mesurent environ 3 à À u de diamètre ; leur corps est presque tout entier occupé par le noyau, fortement coloré, et où les plus forts grossissements ne séparent que difficilement les granules. Ces imaginales n'avaient point encore été signalées à un stade aussi précoce, et il importe de discuter, dès à présent, leur origine. Un argument en faveur de leur origine extérieure ayant élé parfois tiré de leur situation intercellulaire, je remarquerai d'abord que leur distribulion est au contraire quelconque. Dans les coupes normales à la paroi, on les voit enclavées dans le corps d’une cellule, au-dessous de son noyau, aussi bien qu’au point de jonction de deux cellules. Plus démonstratives encore sont les coupes rasantes, où l’on voit les imaginales enclavées au centre des aires polygo- nales correspondant aux cellules, aussi bien que libres dans leurs angles de contact (fig. 3). Revenons d’ailleurs sur l'aspect d'iuclusions présenté par ces imagi- nales. Je ferai tout d'abord remarquer que, si la petitesse de ces éléments ne permet pas d'y distinguer beaucoup de détails de structure, il est, cepen- dant, certain que ce sont bien là des , : iG. 3. — Distribution des ima- cellules. La méthode de coloration M5: 5- — Distribution dr ; ne k ginales à la base de l’épi- employée, différentielle pour les thélium larvaire fonctionnel noyaux, permet d'affirmer que ce (coupe rasante): ne sont point là des granulalions chromatophiles. De plus, lorsque la fixation et les opérations ultérieures de technique ont contracté les corps protoplasmiques et fait apparaître de petits espaces vides entre les cellules épithéliales d'une part, entre elles et les imaginales d'autre part, ces dernières ne sont point flottantes au milieu d'un vacuole les entourant de toutes parts; elles ont une forme de baside ou de massue, et restent, même dans ces cas de décollement, étroitement solidaires 216 CHARLES PÉREZ. de la basale, aussi bien que les cellules épithéliales, et la vacuole les coiffe comme une cloche (PI. X, fig. 1). J'ajoute enfin qu'à ce stade, les leucocytes sont extrêmement peu nombreux; il faut une recherche irès attentive pour en découvrir, et, par exemple, dans une coupe sagittale de la larve, faite au voisinage du plan médian, on ne trouve pas plus de 4 ou 5 de ces globules ; ils sont n'importe où, distribués au hasard dans le vaisseau dorsal ou les lacunes interorganiques. Il n’y en a aucun afflux au voisinage du tube digestif. En tout cas, je n’en ai jamais observé en train de pénétrer dans la paroi, ni même venant s'y accoler. En résumé, tout me porte à considérer les imaginales comme des cellules épithéliales, au même titre que les grosses cellules larvaires ; c’est-à-dire comme des cellules normalement fixes, qui dès le développement embryonnaire sont nées au milieu de leurs voisines, mais ont gardé ultérieurement la petite taille et l'aspect d'indifférenciation morphographique des éléments du blastoderme, tandis que les autres prenaient la taille considérable et l'aspect caractéristique de l’épithélium larvaire fonctionnel. Larve de 2%,5 de longueur. Les divers organes larvaires ont suivi dans sa croissance la larve elle-même, et, cela, non par la multiplication de leurs éléments, mais par l'accroissement de taille de chacun d'eux. Les cellules de lépithélium stomacal ont en particulier nota- blement grossi; elles mesurent 50 à 55 sur 40. Leur proloplasme, que l’acide chlorhydrique débarrasse mieux de l’hématéine qu'au stade précédent, est coloré d’un rose plus franc par l’éosine, et paraît finement grenu d'une manière uniforme. Les noyaux, grandis, ont 24 y sur 124; ils sont remplis de fines granulations bleu violet; les nucléoles rosés y sont moins apparents. Le contour du noyau a généralement conservé sa forme ovoïde ; il faut cependant remarquer que la membrane nucléaire est surtout bien nette du côté de la lumière intestinale. Vers la base de la cellule, le contour du noyau présente souvent des concavités ou des méplats, auxquels correspond une moindre netteté de la membrane. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 217 Les cellules imaginales ont également grossi, d'une manière à peu près proportionnelle aux cellules larvaires ; elles sont en outre beaucoup plus nombreuses; et, au lieu de les trouver isolées, comme au stade précédent, on les rencontre souvent accolées deux par deux, leurs deux noyaux étant côte à côte ou superposés ; les cellules primitives se sont donc divisées sans que le plan de Ja division ait une orientation bien déterminée par rapport à la membrane basale. Les noyaux des cellules imaginales sont finement grenus, et leur aspect rappelle beaucoup, en petit, celui des cellules larvaires. Le corps protoplasmique à une étendue appréciable (15 à 20 &); il est vacuolaire, violacé (PL. X, fig. 2.) Ajoutons enfin que les cellules du revêtement conjonctif se sont notablement multipliées. Larve de 6", de longueur. Les cellules larvaires ont encore grandi; leur hauteur atteint et dépasse 100 4, les noyaux atteignent 40 à 50 dans leur plus grande dimension. Au milieu de leur masse finement granuleuse, on distingue un nombre variable de nucléoles irréguliers. L’irrégularité de forme des noyaux est plus générale et plus accusée. On en observe de réniformes, à hile tourné vers la basale ; d’autres, plus irréguliers encore, envoient du même côté plusieurs prolongements obtus. Il ne parait pas y avoir de rapport entre l'intensité de ces défor- malions du noyau et le nombre des cellules imaginales incluses à Ia base de la cellule épithéliale. A cet àge, le sang de la larve contient un nombre notable de leucocytes provenant de la prolifération de tissus hématoporétiques situés dans la région postérieure du corps au-dessous du vaisseau dorsal. Ces globules flottent çà et là, mais on ne les voil encore jamais pénétrer dans l’épithélium ni s’acccoler à la basale. J'ai figuré (PI. X, fig. 3) une portion de la paroi stomacale dans une région où plusieurs leucocyles se trouvent précisément au voisinage de la basale. Il est facile de comparer entre elles les cellules du sang et les cellules imaginales. Ces dernières ont, pour la plupart, une taille bien supérieure, et présentent, aulour de leur noyau un protoplasme réticulé rose violacé. Les leucocytes, cellules jeunes, n'ont généralement que peu de protoplasme, plus rose, autour de 218 CHARLES PÉREZ. leur noyau. Enfin, à un grossissement qui sépare les granules dans les noyaux imaginaux, les noyaux des leucocytes apparaissent commes des grains uniformément colorés. Larve âgée, de 1729 de longueur. Dans les stades ultérieurs de la vie larvaire, il n’y a plus à signaler de modifications bien considérables. Les cellules épithéliales ne grandissent guère plus, et c’est surtout en s’étalant et s'aplatis- sant qu'elles permettent la dilatation toujours plus grande du réservoir stomacal, où une nourriture de Jour en jour plus abondante vient s'ajouter aux déchets inassimilables et aux pellicules chiti- neuses froissées, qui sont successivement rejetées dans la cavité gastrique. Les cellules imaginales augmentent encore un peu de taille ; elles alleignent 25 w, leurs noyaux 10; dans ces derniers, au milieu d'une foule de granulations très ténues, on distingue deux ou trois nucléoles sphériques plus gros et plus colorés. Ces cellules se malli- plient encore un peu et forment alors, par cinq, six, ou davantage, de pelits lots imaginaux encastrés à la base de l’épithélium larvaire. Un temps d'arrêt intervient alors, et, pendant loute la fin de la vie larvaire, les choses restent en l'état. Il n'y a plus guère de prolifération imaginale ; les irrégularités n’augmentent plus dans les noyaux larvaires. Début de la nymphose. A partir du moment où la larve file son cocon, la paroi sltomacale est, de nouveau, le siège de modificalions imporlanles, et les phénomènes se précipitent. Les cellules imaginales se mullüplient rapidement; de proche en proche, les ilots se fusionnent par leurs bords, et il s'établit ainsi, dans la région basilaire de l’épithélium, un réseau imaginal, sous- jacent à la basale, dont les mailles se resserrent de plus en plus. Les noyaux des cellules imaginales ont conservé leurs caractères des stades précédents, leur proltoplasme a gardé sa structure réliculaire et sa couleur rose violacé ; mais les membranes des cellules sont indistinetes ; on a affaire à des plasmodes polynuclées ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 219 dont les ramifications irrégulières s'insinuent dans le protoplasme des cellules larvaires. Les coupes presque tangentielles, telles que celle figurée (PI. X, fig. 4) rendent bien compte de l'allure de ces plasmodes. Une coupe rasante un peu plus profonde intéresse à sa périphérie la zône des plasmodes imaginaux. Dans ses parties plus centrales, elle intéresse des régions de plus en plus profondes des cellules larvaires, et rencontre leur noyau de plus en plus loin de la basale. La figure 5 (PI. X) montre l'aspect d'une pareille coupe. On y voil deux plasmodes imaginaux ; les deux cellules épithéliales les plus voisines présentent des noyaux déformés d’une manière extrême- ment curieuse ; il n’y a plus de membrane nucléaire ; le contour est irrégulier, étoilé, épineux, et du principal amas nucléaire partent des (rainées irrégulières, anastomosées, de granules chromatiques,. qui s'irradient dans le protoplasme, presque jusqu'aux confins de la cellule; les dernières extrémités très déliées de ces trainées chromatiques deviennent presque imperceptibles dans le prolo- plasme, où le contenu nucléaire semble ainsi difflucr. Dans les cellules un peu plus éloignées, le noyau apparait, tantôl émettant quelques courtes traînées, lantôt assez régulièrement ovoïde, bien que sans membrane nette. Les cellules suivantes, qui ne sont pas dessinées dans la planche, présenteraient des noyaux réguliers ou simplement une aire protoplasmique, la coupe les intéressant dans une région voisine de la lumière de l'estomac (fig. 4). FiG. 4. — Coupe rasante du ventricule chylifique d'une jeune nymphe. Il faut bien remarquer, en se rappelant la laille considérable des noyaux, que chacun d'eux se trouve réparti par tranches dans 220 CHARLES PEREZ. plusieurs coupes successives. Les descriptions qui précèdent se rapportent donc, non aux noyaux entiers, mais aux tranches qui sont dans un certain plan. En combinant les aspects des plans successifs, on se rend compte de la forme d’ensemble du noyau. Du côté interne, il a gardé un contour globuleux, limitant la masse principale de ses granules, encore agglomérés en une masse compacte. C’est, au contraire, vers le côté de la basale, et vers ce côté seulement, que les granules s’irradient dans le protoplasme en trainées anastomosées. Une coupe transversale de la paroi stoma- cale rend d’ailleurs bien compte de cette configuration (PI. X, fig. 6). Nos connaissances sont encore trop rudimentaires sur les rapports qui peuvent exister entre les conditions de nutrition d’une cellule et la forme de son noyau pour que j'insiste sur les déformations nucléaires des cellules épithéliales larvaires. Mais ces déformations, qui alteignent leur maximum au moment de la prolifération la plus active des imaginales, et qui s’atténuent, au contraire, dans les cellules rejetées, sont en elles-mêmes intéressantes à signaler. Défécation. Bientôt les cellules imaginales forment un manchon continu autour de la gaîne épithéliale larvaire; l’épithélium larvaire, qui coiffe encore les cellules de la zûne imaginale, n'a plus aucun contact avec la gaine conjonctive dont les cellules se multiplient à la base de l’épithélium imaginal. Sur ces entrefaites, l'intestin moyen s'est abouché avec l'intestin postérieur et les excréments passent de l’estomac dans le rectum pour être tout aussitôt expulsés par la défécation. En même temps qu'eux un assez grand nombre de cellules épithéliales larvaires tombent de l'estomac dans le rectum. La figure 7 (PI. X) montre ces cellules s’allongeant en larmes et S'écoulant dans l'intestin, à la suite des excréments. Aussitôt après l'expulsion de ces derniers, l'estomac subil une forte diminution de volume, si bien qu'il est complètement rempli par la masse compacte des cellules larvaires. Ces dernières seront bientôt digérées à l’intérieur du nouvel estomac qui conserve encore longtemps une lumière assez réduite. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 221 Nymphe peu avant la mue. Les cellules larvaires ont à peu près complètement disparu ; on n'en retrouve guère plus de restes que dans la région postérieure de l'estomac, où leurs débris accumulés forment un bouchon obsiruant la communication avec l'intestin postérieur. C’est à ce stade que l’assise imaginale présente le plus nettement l'aspect d’un épithélium cylindrique. Les cellules, hautes, régulières, de 50 w sur 15 vu, présentent un plateau nettement différencié, que colore énergi- quement l'éosine. Il faut signaler que cet épithélium est creusé ça et là, à sa surface interne, d'échancrures cratériformes dans lesquelles l'hématéine colore un réseau Jàche et irrégulier (PL X, fig. 8). Il est vraisemblable de considérer ces réseaux comme les derniers vestiges de noyaux larvaires, qui sont restés enclavés dans le nouvel épithélium au lieu d’être tout de suile rejetés dans la cavité stomacale. La comparaison avec les quelques débris cellu- laires retrouvés dans celte cavité, confirme cette interprétation; elle est rendue encore plus vraisemblable si l’on remarque qu'au stade précédent (PL X, fig. 7) il y a contiguité étroite entre le sommet des cellules imaginales et la base des cellules larvaires ; la fixation ne fait pas apparaître d’inters- tice entre les deux assises, parfois même la limite est malaisée à distinguer entre les deux protoplasmes, à peu près également éosi- nophiles. Ce n'est point là un fait général dans la métamorphose des insectes. Souvent au contraire l'épi- thélium larvaire se détache en bloc de l’épithélium ; Fig. 5. — Mue épithéliale totale, au moment imaginal, et dans la cavité de la nymphose, chez un Lépidoptère, du nouveau ventricule chy- Tineola biseliella. lifique on trouve un sac plissé qui a encore conservé nettement la structure épithéliale. C'est ce que montre la fig. 5 empruntée à une nymphe de Tineola biseliell«. 222 CHARLES PÉREZ. A la base du nouvel épithélium on rencontre de petites cellules, disposées par rapport à lui comme l’étaient les imaginales initiales par rapport à l’épithélium larvaire. Ce sont des cellules imaginales restées petites, qui dans la vie ultérieure de l’imago serviront à la rénovation épithélale ; ce sont Les cellules des cryptes des auteurs. Il faut signaler en outre qu'à ce stade, où la couche conjonctive du ventricule, bien qu'en active prolifération, ne constitue pas encore un revêtement externe continu, on observe dans toutes les régions de l’épithélium, en avant aussi bien qu’en arrière des noyaux, de petits noyaux semblables à ceux des leucocytes. Parfois, on peut distinguer une limite entre leur protoplasme et celui des celiules épithéliales où ils sont inclus. Il y a tout lieu de croire que ce sont bien là des leucocyies. On en trouve, en effet, quelques-uns dans la cavité de l'estomac. Ces leucocytes ne sont pas particu- lièrement nombreux dans le voisinage des échancrures à réseau chromatique signalées plus haut; il ne semble donc pas qu’un chimiotactisme les altire vers ces débris en dégénérescence. On est sans doute en présence d’une simple diapédèse comme on en connaît d'autres exemples (Vertébrés, Mollusques). A ce moment de la vie, comme chez les toutes jeunes larves, il ne me parait y avoir aucune raison de penser que les cellules de remplacement des cryptes soient des leucocytes immigrés. Leurs noyaux sont très denses, à granulations chromaliques serrées, ils ne présentent nullement le réseau chromatique très reconnaissable des vrais leucocytes. Nymphe au moment de la mue. I n'y a pour ainsi dire plus trace de débris de cellules larvaires dans la cavité du ventricule chylifique, ni d’enclaves en dégénéres- cence dans son épithélium. La cavité du nouveau ventricule est remplie par un coagulum éosinophile, qui représente sans doute les produits de la digestion des éléments larvaires. Nymphe après la mue. Les cellules épithéliales ne conservent pas longtemps l'aspect cylindrique ; leur plateau devient moins net, elles s'étirent à leur base else renflent en massue à leur sommel. Cette modification ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 223 paraît en rapport avec l'absorption du contenu du ventricule. Le coagulum éosinophile disparaît en effet peu à peu, les parois dis- tendues du ventricule se rétractent sur elles-mêmes, et l'épithélium prend à l’intérieur un contour sinueux, plissé de papilles saillantes. (fig. 6) Puis un assez grand nombre de cellules saillantes sont rejetées dans la cavité, où elles prennent une forme sphérique et où elles sont digérées. Dans les nymphes âgées le ventricule chylifique est relativement réduit, à : Sin PRTRBEPEL TE . É FiG. 6. — Epithélium imaginal la suite de ce processus d'expulsion london ae lines cel de beaucoup de ses éléments; son lules sont rejetées dans la épithélium présente une assise assez cavité intestinale. régulière de cellules bombées vers la cavité de l'organe (PI. X, fig. 9) On retrouve à la base, en enclaves, les cellules de remplacement, et la tunique musculaire achève de se constituer. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. L'épithélium de l'intestin moyen des Fourmis est, au moment de la nymphose, complètement rejeté dans la cavité intestinale, tandis que se substitue à lui un nouvel épithélium. Les initiales de cet épithélium imaginal existent dès l’éclosion de la larve, encastrées à la base de l’épithélium larvaire fonctionnel. On doit les considérer, non comme des éléments venus du dehors, mais comme des éléments intégrants de l’épithélium , contemporains de la formation des ébauches blastodermiques. Pendant la vie larvaire, ces éléments ne sont le siège que d’une prolifération extrêmement limitée ; ils restent à l’état de vie ralentie, enkystés en quelque sorte dans les cellules fonctionnelles. Au contraire, dès le début de la nymphose, ils entrent en active prolifération et leur multiplication, suivie de leur diffé- rencialion, amène la constitution de l’épithélium imaginal. Avant d’être digéré dans le nouveau ventricule chylifique, l'épi- thélium larvaire présente des phénomènes curieux de déformations nucléaires. Ce mode de régénération de l’épithélium stomacal paraît être 224 CHARLES PÉREZ. très général chez les Insectes holométaboles. C'est ainsi qu'il a lieu chez les Muscides (KowaLEvsky, VAN REES); chez les Coléop- tères (RENGEL, MüBusz, Karawaïiew); chez les Lépidoptères (d'après mes observations sur Tineola biseliella). Si les cas où la métamorphose elle-même a été étudiée sont relativement peu nombreux, on peut inférer cependant une irès grande géné- ralité du processus, d’après le très grand nombre des cas où l’on a observé les cellules de remplacement (FRENZEL) et d’après ce que l’on sait des cas où la mue épithéliale de la nymphose est pré- cédée par des mues tout analogues au cours de la vie larvaire (Ver à soie, d’après VERSON). La métamorphose de l’épithélium stomacal se rattache d’ailleurs étroitement, par tous les intermédiaires, aux phénomènes bien connus d’une régénération épithéliale ordinaire. Chez la plupart des animaux, les cellules de l’épithélium intes- tinal tombent une à une dans la lumière du canal digestif; et elles sont au fur et à mesure remplacées par la prolifération de jeunes cellules situéesdans la profondeur de l’épithélium fonctionnel. La rénovation est partielle, diffuse, continue. Une rénovation progressive toute semblable existe chez certains Insectes, et tout particulièrement chez les larves, avec peut-être une localisation plus précise des centres de régénération (Keim- centren observés par B1ZZ0ZER0, chez divers Acridiens; amas de petites cellules en prolifération observées chez les larves d'Odonates par SADONES êt par WoiNow. Faussex les avait déjà décrits chez ces larves et chez Æremobia en les considérant comme des glandes). Chez la plupart des Insectes au contraire, il y a exuviation totale et simultanée, à l’époque des mues, de tout l’épithélium stomacal. BizzozERO signale le fait chez divers Coléoptères aquatiques (Hydrophilus, Dyticus, Cybister) et chez le Hanneton. Il en est ainsi chez les larves de Coléoptères, (RENGEL, MôüBusz, Karawaïzw) et même chez les Podurides (Macrotoma plumbea d’après SomMER). MüBusz, à qui je renvoie pour une discussion plus complète, est même d’avis que la rénovation totale, aux mues, est le mode général chez tous les Insectes, comme chez les autres Arthropodes. Il n'y a pas grand’chose de plus dans la métamorphose; c’est aussi, en ce qui concerne l'intestin moyen, une exuvialion ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 22: épithéliale totale. La différence consiste uniquement dans l'évolution ultérieure du nouvel épithélium. Pendant loute la vie larvaire, qu'il y ait ou non des exuviations épithéliales, l'intestin moyen garde la mème structure; après la mue il est restitué dans son aspect primitif. Au contraire. au moment de la métamorphose, le nouvel épithélium ne refait pas un organe calqué sur celui qu'il supplante ; 1l subit une différenciation spéciale qui en fait quelque chose de nouveau. Ulérieurement, s'il y a des rénovations épithéliales, elles seront comparables à celles de la vie larvaire et respecteront la nouvelle structure, ré- sultat définitif de la méta- morphose. L’exuviation totale n’est d’ailleurs pas un fait spécial aux Arthropodes. Chez les Cyclostomes, par exemple, il y a au moment de la Fig. 7. — Mue épithéliale totale, chez l'Ammocète, d'après BuJoR. mélamorphose une mue globale de l’épithélium intestinal, processus tout à fait anormal chez les Vertébrés ; et il m'a paru intéressant de reproduire ici (fig. 7) une figure relative au Petromyzon Planeri, atin que le lecteur puisse juger de l’analogie frappante avec celle donnée plus haut pour la Tineola biseliella. ÉPITHÉLIUM DE L'INTESTIN ANTÉRIEUR. HISTORIQUE. En plus des îlots imaginaux épars dans l'épithélium de l'intestin moyen, et que GANIN avait déjà signalés, KowaLEvsky [87] fait connaître, chez les Muscides, un anneau continu, situé au voisinage de la limite entre le stomodéum et l'estomac chylifique, et qui régénère tout Pintestin antérieur de limago. Le 19 226 CHARLES PÉREZ. L’extrémité de l’æsophage s’emboutit à l’intérieur de l’estomac et y forme une sorte de valvule pendante; l’anneau imaginal de l'intestin antérieur (Vorderdarm-imaginalring) est situé à la base de cette valvule, dans son feuillet épithélial externe, à l'endroit où ce feuillet va se réfléchir en arrière pour se continuer avec l'épithélium entérique. Il est formé de petites cellules, qui chez les Jeunes larves ne se distinguent guère de leurs sœurs épithéliales voisines; chez les larves plus âgées au contraire, elles se font remarquer par la taille embryonnaire que, seules, elles ont con- servée. La destruction de l'intestin antérieur, est, d’après KoWALEVSKY, le fait des leucocytes; ils s’attaquent d’abord aux muscles, puis alteignent l’épithélium, et englobent ses débris, se transformant eux-mêmes en boules granuleuses. KowaLEvskyY décrit particu- lièrement ce processus en ce qui concerne l'estomac suceur. Après un éploiement du pli valvulaire sur lequel l’auteur n’insisie pas, l'intestin antérieur serait régénéré tout entier, œæsophage proprement dit, jabot suceur, proventricule, par la prolifération de l'anneau imaginal, progressant d’arrière en avant. Seules quelques cellules larvaires persisteraient, à l'extrémité tout à fait antérieure de l’æsophage. VAN REES [88] confirme la découverte de l'anneau et la destruction préalable de la tunique musculaire par les leucocytes ; mais il est d’un avis tout opposé pour l'épithélium. En ce qui concerue par exemple le jabot suceur, qu'il voit, comme KowALEvVSKky, se réduire, se ratatiner peu à peu, il n'observe pas cependant que celte diminution soil le fait des phagocytes. Pour lui, la disparition des muscles a simplement fait cesser Les tensions auxquelles était soumis de leur part l’épithélium du jabot ; cet épithélium est revenu sur lui-même, et au lieu d’une évagi- nation On n'a plus qu'un manchon dilaté qui vient s'inter- poser sur le trajet de l'œsophage, reprenant pour ainsi dire une situation embryonnaire ; et de fait on n’observe plus de différence histologique entre les anciennes cellules du jabot et leurs voisines de l’æœsophage. Le rôle de l’anneau imaginal dans la régénération est beaucoup moindre que ne l’avail pensé KowaLEevsky. Il produit les régions postérieures de l'æsophage, en particulier le jabot suceur. Au contraire, dans la région antérieure, on voit apparaître des îlots de ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 227 petites cellules, qui prolifèrent et se rejoignent peu à peu. VAN Rees leur attribue comme origine les cellules larvaires qui se seraient divisées ; il observe même, dans une préparation particuliè- rement bien fixée, un fuseau caryocinétique que sa taille doit faire forcément attribuer à une cellule larvaire ; on ne voit d’ailleurs pas de traces de cellules larvaires dégénérées, sauf dans la région où elles sont comprimées entre la zône de prolifération antérieure et celle de l’anneau qui vont au devant l’une de l’autre ; là seulement il y a des boules granuleuses qui se sont formées à leurs dépens ; en avant de ce point l’épithélium larvaire est remanié, mais l’action des phagocytes y est nulle ou insignifiante. KaraWaïeW [98] figure trois états différents de l’œsophage pen- dant la métamorphose du Lasius flavus ; mais il n’a pas vu d’anneau imaginal de l'intestin antérieur, et les stades intermédiaires lui manquent, pour établir la coordination de ceux qu'il observe ; il ne s'explique pas, en particulier, comment disparaît le repli valvulaire terminal, ni comment se rénove l’épithélium. Il décrit seulement un stade qui lui paraît assez énigmatique : la partie postérieure de l’æsophage présente un étranglement très net, en une région où elle est entourée d’un amas considérable de cellules conjonctives ; la lumière de l’œsophage y est totalement obturée ; « les limites des cellules épithéliales y sont complétement effacées, et le protoplasme paraît constituer une masse commune ; les noyaux présentent, en coupe transversale, une forme aplatie, anguleuse, et se colorent très énergiquement ; caractères qui, réunis, semblent indiquer une dégénérescence.» Le sort ultérieur de cette région n’est malheureu- sement pas élucidé. D’après le même auteur [99] les processus sont très analogues chez l'Anobium paniceum. ANGLAS [00] observe une zône de prolifération à la jonction de l'æœsophage avec l'intestin moyen. Vers l'arrière, ce tissu se met en relation avec l’épithélium ventriculaire imaginal, et rejette à son intérieur le proventricule larvaire. En avant il s'étend progressive- ment à la place de l’épithélium larvaire, mais «on ne peut pas dire que le nouvel épithélium s'avance soùs l’ancien, ni sur lui; il l’envahit et l’englobe. Les éléments larvaires prennent part de proche en proche à la prolifération ; cela est fort probable, au moins pour la plupart d’entre eux; ceux pour lesquels il n'en serait pas ainsi dégénéreraient forcément, digérés par le tissu jeune qui se 228 CHARLES PÉREZ. forme autour d'eux. Toujours est-il que bientôt on n’en retrouve plus trace. Il est d’ailleurs impossible de tracer une limite exacte entre la zône renouvelée et celle qui ne l’est pas encore : la transi- tion se fait insensiblement >. L'auteur, on le voit, n’est pas fixé d’une manière définitive sur le sort des cellules larvaires. Il paraît difficile d'admettre que, parmi ces cellules toutes semblables d'un épithélium, les unes disparaissent, digérées, tandis que leurs voi- sines prendraient part à une prolifération. OBSERVATIONS. L'intestin antérieur des larves de Fourmis présente trois régions successives. La plus antérieure, qui peul être désignée sous le nom de pharynæ, est une simple invagination lubulaire de la peau, et l'hypoderme se réfléchit, au niveau de l’orifice buccal, pour former la membrane de ce tube. Le revêtement chitineux se réfléchit également el se continue à l'intérieur du pharynx, avec la même épaisseur, dessinant sur les coupes transversales une lumière en forme d’X. Des fibres musculaires, s'insérant d'autre part sur les régions voisines de la peau, s’atlachent aux parois du pharynx et peuvent produire des mouvements de succion. L'æsophage proprement dit, qui constitue là majeure partie de Pinteslin antérieur, est un tube cylindrique, lapissé intérieurement par une membrane épithéliale avec inlima chitineuse assez mince, et entouré exlérieurement par une assise de grosses cellules musculaires, disposées surtout annulairement. L'épithélium est formé de cellules pavimenteuses larges de 25 à 30 , hautes de 10 à 12, à petits noyaux ovoïdes, assez clairs, semés de granules chromaltiques. Dans la région pharyngienne cet épithélium se racccrde à la peau par une transilion insensible; en arrière il s'étend jusqu'à l’origine du proventricule. À ce niveau on observe un léger étranglement de l'æœsophage, et son épithélium, se détachant de la couche musculaire-conjonctive externe, s’emboutit dans la cavité du proventricule de manière à y constituer, par un repli à deux feuillets, une valvule cylindrique dont l'extrémité pend jus- qu’au débouché du proventricule dans le ventricule proprement dit. Dans celte troisième région, l’épithélium œsophagien change un peu ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. | 229 de caractère: les noyaux conservant la même taille contiennent moins de grains chromatiques el leur aspect est par suite plus clair : les territoires cellulaires sont en outre beaucoup plus réduits; l'intima chitineuse est tout aussi nette que dans la région précédente. Au point où le feuillet externe du repli valvulaire se réfléchit extérieurement pour se continuer avec l’épithélium du proventricule, on re- marque un grand nombre de noyaux, serrés les uns contre les autres, et cons- lituant un anneau imaginal qui avait échappé à KaRa- WAÏEW (fig. 8). À ce même niveau on conslale déjà chezles jeunes larves une accumulation de petites cellules, en continuité avec l’assise mus- culo-conjonctive de l'æso- : ON de différenciation musculaire. imaginal de l'intestin antérieur. Pendant la vie larvaire ces cellules proliférent un peu, et chez la larve adulte elles forment, à cet endroit de l’œsophage, un manchon assez épais, surtout du côté dorsal, qui étrangle légérement l’œsophage ; en avant ce manchon fait place assez brusquement à la tunique musculaire. En arrière son épaisseur s’effile et il se continue insensiblement avec l’assise conjonctive externe du proventricule. Chez une larve qui se prépare à filer, ce manchon se met à proliférer activement (PI. X, fig. 10). En même temps on voit la lumière de l'æœsophage obstruée par un bouchon où l’on ne peut plus distinguer de limites cellulaires, mais où cn reconnait sans le moindre doute, à leur aspect clair et à leur petit nombre de grains chromatiques, les noyaux du repli valvulaire. Celui-ci a en effet disparu, son emplacement élant encore marqué par l’intima chiti- 230 CHARLES PÉREZ. neuse qui pend axialement dans la cavité du proventricule. Juste en arrière de la région obstruée, l'anneau imaginal commerce à proliférer. Je signale ce stade, qui avait échappé à KARAWAÏEW, parce qu'il montre bien le mode de disparition de la valvule, par rélraction dans l'œsophage. Je passerai rapidement sur les stades ultérieurs. Les aspects que j'ai observés se rapprochent beaucoup de ceux décrits et figurés par l’auteur russe ; je me borne à indiquer sommairement comment je les interprète. C’est par la prolifération très active de l’anneau épithélial et du manchon conjonclif qu'est constitué en presque totalité l'intestin antérieur, relativement très long, de l’imago. Le court œsophage larvaire m'a paru ne pas être détruit, au moins dans sa région antérieure, mais être tout simplement repoussé vers la région céphalique. On l'y retrouve, jusque dans des nymphes âgées, sans le moindre caractère de dégénérescence, formant la partie du tube digestif qui traverse le collier nerveux. L'orifice buccal est consi- dérablement remanié et l'hypoderme imaginal qui le tapisse intérieurement est en relation avec celui des histoblastes des nouvelles pièces buccales. Tout le reste de l'intestin intérieur, qui s'étend à travers le thorax et jusque dans les premiers anneaux de l'abdomen, est formé par la double ébauche que j'ai signalée à l’origine du proventricule ; les nouveaux tissus sont en quelque sorte rejetés en avant, landis que la zône proliférante elle-même recule vers l'abdomen et semble y refouler le ventricule chylifique. Dans cette région de prolifération active, il semble qu'une partie au moins de l’épithélium larvaire soit rejetée dans la lumière ; car on observe, en dedans de la couche de petits noyaux serrés issus de l'anneau imaginal, quelques noyaux épars, assez reconnaissables pour des noyaux larvaires. Au moment de la mue, l’œsophage est un long tube à parois massives, dont les deux couches présentent de nombreux petits noyaux serrés en plusieurs épaisseurs. C’est à peu près le stade le plus avancé figuré par KARAWAÏEW, mais je n’ai jamais observé de disparition complète de lumière œsophagienne. Dans les stades ultérieurs de la nymphose se produit la différen- ciation de l’œsophage (fig. 9). Dans la plus grande partie de son trajet antérieur, à travers tout le thorax, il s’allonge en tube étroit, rectiligne, limité par deux assises de cellules qui rappellent assez ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 231 l'aspect de l'œsophage larvaire. La région située à la base de l'abdomen se renfle au contraire en un assez vaste jabol dont la UE ET »\] MGR 7 <> ÉS >G £ E Es SR se EE FiG. 9. — Coupe sagittale d'une nymphe de femelle, indiquant la topographie définitive du tube digestif ; 4, anus ; O6, orifice génital ; G#, glande à acide formique. paroi est presque uniquement constituée par un épithélium à aspect villeux. Enfin un dernier segment, confinant au ventricule chyli- 232 CHARLES PÉREZ. fique, et qui s’est toujours distingué par l'épaisseur plus considérable de ses parois, se différencie en estomac broyeur (Kawmagen), dont les quatre fortes armatures chitineuses sont actionnées par des muscles puissants. Le développement de cet appareil a été suffi- samment bien décrit par Forez, puis par EMERY [88] au point de vus anatomique. Il n’y pas grand intérêt à insister ici sur le délail de la différenciation histologique. ÉPITHÉLIUM DE L'INTESTIN POSTÉRIEUR. HISTORIQUE. KowaLEvsky [87] décrit, comme pour l'intestin antérieur, un anneau imaginal de l'intestin postérieur (Hinterdarm-imaginal- ring). A est constitué par un pli profond, bordé de petites cellules, encastré dans l’épithélium larvaire, un peu en arrière des débouchés des tubes de Malpighi. Il attribue à cet anneau la régénération totale de l'intestin terminal, à l'exception de la poche rectale dont les disques imaginaux spéciaux sont en continuité avec ceux de la peau du dernier segment. Les muscles, puis l’épithélium larvaire, deviennent la proie des phagocytes et l’ancien proctodéum est remplacé peu à peu par un tractus de boules granuleuses qui restent Sur son emplacement et marquent même un peu son ancienne lumière. C’est au milieu de ce tractus que s'avance, en forme d’entonnoir, la zône de prolifération de l’anneau, allant au devant de la nouvelle poche rectale ; vers l’avant la zône de prolifé- ration établit la communication avec l'estomac chylfique, et entoure les débouchés des nouveaux tubes de Malpighi. Van Rezs [88] fait sur le rôle de l'anneau imaginal des réserves analogues à celles qu'il a faites pour l'intestin antérieur; cet anneau ne régénèrerail que la région antérieure du proctodéum, celle qui avoisine les orifices malpighiens, et de 1à, la prolifération continuerait un peu vers l'arrière; là seulement il y aurail destruction de l’épithélium larvaire, et encore cette disparition serait-elle progressive, toujours en relard sur l'avancée des cellules proliférantes, de telle sorte qu'il n’y ait jamais solution de continuité. Au voisinage du rectum au contraire, où les muscles seuls sont la proie des leucocytes, l'épithélium persiste, au moins ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 233 en majeure partie, et ses cellules, par des divisions successives, constituent une nouvelle zône de prolifération qui va au devant de celle de l'anneau. KaRawWAÏEW [98] distingue avec Nassoxow [86] chez les Fourmis trois segments successifs dans l'intestin postérieur : intestin grêle, gros intestin et rectum. Dans les deux segments extrêmes, l'épithélium larvaire se transforme peu à peu dans l’épithélium imaginal ; seul le gros intestin subit une métamorphose ; chez la larve son épithélium était composé de diverses plages allongées (lamelles), les unes plates, formées de petites cellules, les autres plus grandes, formées de grosses cellules, faisant hernie dans la lumière de l’organe. La métamorphose consiste en ceci, que les plages à petites cellules proliférent, se rejoignent par leurs bords, et finissent par rejeter complètement les restes dégénérés des grosses cellules. Il en est de même chez l’Anobium paniceum. ANGLAS [|00! décrit chez la Guêpe la rénovation de tout l'épithélium intestinal postérieur par la prolifération d’un cercle imaginal situé à l’origine des tubes de Malpighi, au point où va s'élablir la communication avec l'intestin moyen. « La prolifération se transmet de proche en proche et l’on peut ici, plus nettement que pour l’œsophage, retrouver une limite de séparalion entre la région renouvelée et celle qui ne l'est pas encore >. L'auteur parail admettre la persistance des cellules larvaires, mais il ne le dit pas explicitement. OBSERVATIONS. L'intestin postérieur larvaire est divisé, suivant la nomenelature des auteurs, en intestin grêle, gros intestin et rectum. L'intestin grêle est un tube cylindrique, à parois épaisses, qui finit en cœcum à son extrémité antérieure, où viennent déboucher les tubes de Malpighi. Chez les jeunes larves, les tubes de Malpighi forment dans leur région de confluence une simple assise de cellules fort analogues à celles qui constituent les tubes eux-mêmes ; c’est cette assise qui ferme le fond du cœcum (PI. X, fig. 11), et s'applique un peu dorsalement à la paroi postérieure du ventrieule chylifique. Je 234 CHARLES PÉREZ. confirme l'opinion de Karawaïzw sur cet accolement. Il y à effectivement contiguité, mais non continuité de tissu; dans la fixation ou les opérations des coupes, cette faible adhérence peut ètre rompue, et cela explique le cas, observé par Nassoxow, d’un cœcum flottant dans la cavité du corps. Les parois de l'intestin grêle sont massives ;: les cellules y sont disposées sans ordre ; on ne reconnaît qu'avec peine un épithélium. A la limite entre les tubes de Malpighi, juste au-dessous de leur débouché dans le cœcum, on observe un repli, une sorte de gorge circulaire, à petits noyaux très serrés: c’est l’anneau imaginal postérieur. Dans les larves plus âgées, la différence est plus accusée entre les cellules malpighiennes proprement dites, qui ont grossi, et les cellules qui leur font suite au fond du cœcum ; celles-ci sont restées relativement pelites et s’allongent en forme de massue (PI. X, fig. 12). A ce stade l'anneau imaginal commence à proliférer et bourgeonne les 16 tubes malpighiens imaginaux. L’intestin grêle s’est allongé et sa paroi présente plus nettement une structure épithéliale. À sa limite externe sont appliquées quelques cellules conjonctives. Ce segment du canal intestinal ne subit pas, pendant la nymphose, de modifications bien considérables : il s’allonge surtout par la prolifération de l'anneau situé à son extrémité antérieure. Je n'ai pas observé de dégénérescence dans son épithélium. Il faut faire cependant une mention spéciale pour les cellules en massues du fond du cœcum. Au moment où les couches conjonctives de l'intestin grèle et du ventricule chylifique se réunissent, et où la communication s'établit entre l'estomac el l'intestin postérieur, ces cellules se trouvent isolées des tubes de Malpighi, dont elles pouvaient être considérées comme une dépendance. Tandis que ces derniers subissent une histolyse phagocytaire, celles-là au contraire tombent dans la cavité de l'intestin. Mais leur destruction est très lente et leurs débris persistent longtemps en un bouchon qui obstrue la communication pylorique pendant une longue période de la vie nymphale. La communication effective, qui permet la défécation, n’est que tout à fait momentanée ; ensuite elle n’est plus que virtuelle et ne se rétablit qu’assez tard. C’est surlout le gros intestin qui subit une transformation appré- ciable. Chez la larve, il est constitué par un vaste réservoir dont la ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 239 paroi épithéliale se compose de deux catégories de cellules réparties en plages allongées dans le sens de l'organe ; les unes sont formées par de petites cellules à protoplasme réticulé, violacé, formant une couche épaisse de 15 à 20 w où on distingue mal les limites cellu- laires ; les noyaux ovoïdes ont 8 uw suivant leur plus grand axe ; ils sont assez clairs, avec relativement peu de chromatine. Les autres plages sont formées de grandes cellules, larges de 30 à 35 , hautes de 40 à 45 &, à limites nettes, à protoplasme uniformément éosinophile. Les noyaux ovoïdes ressemblent assez à ceux des petites cellules, mais ils alteignent 25 u. Une limite nette sépare les plages de grandes et de petites cellules (fig. 10). Chez les nymphes un peu avant la mue, on constate que le gros intestin s’est ramassé sur lui-même, les petites cellules resserrées ont plus nettement l'aspect d’un épithélium cylindrique. Les plages de grosses cellules forment, en coupe transversale, des segments bombés qui atteignent 100 w d'épaisseur. On constate en outre, au voisinage des plages de grandes cellules, une prolifération des Fig. 10. — Plages à grandes età petites cellules de l'intes- tin postérieur. petites cellules qui s’insinuent à la base des grandes (fig. 11). Peu à peu celte prolifération s’accentue, les petites cellules se Fic. 11. — Début de la prolifération des petites cellules qui s'insinuent sous les grandes. 236 CHARLES PÉREZ. rejoignent par dessous les plages de grandes cellules ; ces dernières se délachent des pelites cellules sous-jacentes el des vacuoles irrégulières, en forme de déchirures, apparaissent dans leur cyto- plasme (fig. 12). Fic. 12, — Les petites cellules formant une assise continue, les grandes cellules commencent à se détacher. I m'a paru que les plages à grandes cellules tombaient ensuite dans la cavité intestinale, sous forme de masses globuleuses, où longtemps encore on reconnait leurs noyaux. Une invagination de la peau imaginale forme l'anus de l'imago, tout comme une invagination de la peau larvaire formait l'anus primilif de la larve. En résume, les modifications de l'intestin antérieur et de l'intestin postérieur sont beaucoup moins considérables que celles de l'intestin moyen; il y a transformation progressive et non rénovation complète. Il faut surtout retenir ceci, que les parties neltement spécialisées chez la larve disparaissent (valvule, plages à grandes cellules) ; qu'il y a des histoblastes constituant les nouvelles parties spécialisées, (organes postérieurs de l’œsophage, organes Fuccaux). Ce qui reste au contraire inaltéré, el passe sans grande modification de la larve à l'imago, ce sont les parties indifférenciées, les régions interposées entre les divers organes digestifs, comme de simples tubes de communication. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 237 TUBES DE MALPIGHI. HISTORIQUE Nassonow |86] signale chez le Lasius flavus la disparition des lubes de Malpighi larvaires. VAN REES [88] ne consacre que quelques mots aux tubes de Malpighi. Les stades convenables lui ont manqué pour l'étude de leur dégénérescence, et il rapporte une impression plutôt qu'une opinion ferme. On voit, dit-il, à la limite de l’anneau imaginal de l'intestin postérieur, un passage progressif et non brusque de lPépi- thélium larvaire à l'épithélium imaginal; d'un autre côté, on observe dans quelques cellules des signes manifestes de dégéné- rescence. Aussi l'hypothèse la plus vraisemblable est-elle, pour lui, une régénération des anciennes cellules par division, accompagnée de l'élimination d’un petit nombre d'éléments. » KOWALEVSKY, VIALLANES, DE BRUYNE, ont aussi négligé dans leurs études les tubes de Malpighi. KaRAWAÏEW [98] leur consacre une page et quelques figures, malhenreusement pas aussi concluantes que son texte est affirmatif : « Les tubes larvaires, ainsi que la paroi antérieure à grosses cellules de l'intestin postérieur, où ils prennent leur origine, subissent une dégénérescence progressive sans aucune participation des phagocyles. Les tubes larvaires se contractent, les cellules constiluantes se dissocient peu à peu ; en même temps leur chroma- line subit une chromatolyse ; finalement les cellules se dissolvent complètement dans le liquide cavitaire ». Leurs débris conservent encore ça et là quelques rapports et leurs trainées jalonnent le trajet des tubes primitifs. « La dégénérescence est extrêmement lente, et les derniers restes ne s’évanouissent que peu avant la copslitution définitive des organes imaginaux. » ANGLAS [00] arrive à peu près aux mêmes conclusions : « Les tubes larvaires entrent en régression. Leur protoplasme se creuse de vacuoles ; les contours cellulaires se perdent, le noyau se fragmente et subit une chromatolyse évidente. Le protoplasme se colore fortement de manière très inégale. La masse du tube de Malpighi se brise en tronçons volumineux qui subsistent encore 238 CHARLES PÉREZ. quelque temps, quoique en pleine dégénérescence, à l'endroit qu'ils occupaient. Les nouveaux tubes de Malpighi se sont déjà bien développés, et la rénovation de l’épithélium intestinal est complète, que les tubes larvaires n’ont pas complètement disparu. « Leur mode d’hystolyse est donc le même que pour les glandes de la soie, mais un peu plus lent, tout au moins quant à l’arrivée des leucocytes. Finalement, on en trouve bien quelques-uns autour de ces organes dégénérés, mais ils sont peu nombreux, en outre ils y pénètrent fort rarement, et je n’ai jamais constaté qu'ils fissent de la phagocytose. » L'auteur n’a pas publié de figures relatives à ce processus. Je ne cilerai que pour mémoire une ancienne observalion de SCHINDLER [78] rapportée ainsi qu'il suit par cet auteur, dans son étude des tubes de Malpighi : « Les canaux urinaires des pupes des Hyménoptères présentent essentiellement la même structure histo- logique que ceux des imagos. J'ai rencontré cependant une exception chez Formica rufa. Dans une nymphe encore complèlement blanche, j'ai observé des cellules rondes, relativement très grosses, paraissant encastrées dans une masse d'aspect homogène, mais con- tenant des noyaux ; au contraire chez les nymphes plus âgées ct les adultes toutes les cellules sont polyédriques et à peu près d’égale taille. Manifestement le stade précédent constitue la transition des tubes larvaires à ceux de l'imago ». On sait au contraire aujourd'hui qu'il n’y à point transformation sur place des tubes de Malpighi. Si d'autre part on se reporte à la figure, donnée par l’auteur (PI. XXXIX - fig. 30), on voit que la taille des noyaux de la masse homogène ne permet pas de les inter- préter comme appartenant à des leucocytes. Il s’agit là simplement d’une observation erronée. Enfin il faut signaler le mode bien singulier de métamorphose des tubes de Malpighi observé par Karawaïew [99] chez l'Ano- bium paniceum. I n'y aurait point chez ce Coléoptère bourgeon- nement de tubes imaginaux, mais remaniement sur place des tubes larvaires. Ces tubes persisteraient même inaltérèés, de la larve à l’imago, dans leur région postérieure où, enveloppés d’une même gaine, ils sont en rapport étroit avec le rectum et pour ainsi dire enclavés dans sa paroi. La partie antérieure seule, qui flotte dans la cavité du corps, subirait un remaniement de la façon suivanle : quelques-unes des cellules, dégénérant, seraient englobées par leurs ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 239 voisines, et complètement digérées à leur intérieur. Après la dis- parition de leurs inclusions, ces phagocytes s’agenceraientde manière à former un tube creux, de calibre moindre que le tube primitif. OBSERVATIONS Les tubes de Malpighi des larves de Fourmis sont au nombre de quatre. Ce sont des tubes relativement courts et trapus, débouchant dans l'intestin postérieur à l'endroit même où l'intestin grèle vient s’accoler, par son extrémité aveugle, contre la paroi postérieure du ventricule chylifique. On pourrait même dire que c’est la réunion de leurs extrémités proximales qui ferme l'intestin grêle, car les cellules du fond de ce cœcum différent totalement des cellules épithéliales de l'intestin proprement dit, et rappellent au contraire, avec une taille moindre, les cellules constitutives des vaisseaux malpighiens. (PI. X, fig. 11, 12). Ces dernières sont de volumineuses cellules, dont deux ou trois suffisent à limiter le tube. Elles ne subissent guère de modifications pendant toute la vie larvaire, et la description suivante correspond à une taille moyenne de la larve. Le tube, assez régulièrement cylindrique, à 150 w de diamètre ; c’est à peu près aussi la di- mension diamétrale moyenne des polygones irréguliers que les contours cellulaires dessinent à sa surface extérieure. Chaque cellule est appendue à l’intérieur comme une gouttelette bombée assez indépendante de ses voisines ; son sommet proémine jusqu'au delà de la région axiale du tube, de sorte que la lumière du canal est extrèmement faible et se réduit presque aux récessus anguleux des intervalles cellulaires. Le protoplasme est uniformément éosinophile, parfois sa région marginale interne se colore un peu plus fortement. Souvent la fixation fait apparaître des vacuoles. Le noyau ovoïde, légèrement allongé suivant l’axe du tube, a 50 à 60 u: il est finement grenu, avec quelques nucléoles plus gros et plus foncés. On trouve d'une manière très sporadique des cellules con- jonctives appliquées à la surface des tubes de Malpighi. Plusieurs auteurs ayant nié leur existence, je signale cette particularité, qui ajoute à la ressemblance de structure des tubes larvaires el des tubes imaginaux. 240 CHARLES PÉREZ. Au moment où la larve adulte va bientôt filer son cocon, l'anneau imaginal, situé juste au-dessus des insertions des tubes larvaires, commence à proliférer activement et à pousser vers l'extérieur seize petits bourgeons pleins, répartis sur lout son pourtour ; ce sont les premières ébauches des tubes malpighiens imaginaux (PI. X, fig. 6, 12). Les noyaux y sont serrés les uns contre les autres et on ne peut distinguer de membranes divisant nettement en terri- toires cellulaires la mince couche de protoplasme interposé. Ce protoplasme conserve dans la coloration différentielle beaucoup d'hématéine, comme c'est d’ailleurs la règle pour tous les tissus imaginaux, au début de leur prolifération. A ce slade les tubes de Malpighi larvaires ont encore, à tous les points de vue, la structure et l'aspect qu'ils avaient chez les larves plus jeunes. On ne peut y saisir aucune modification. Dans une nymphe qui vient de filer son cocon, même un peu plus tard, au moment de la défécalion, alors que, dans l'intestin moyen en particulier, les phénomènes de la métamorphose sont assez avancés, les tubes larvaires conservent encore toute leur intégrité ; la description qui en a été donnée pour la larve s'applique encore rigoureusement ; il n’y a dans leur voisinage aucun afflux particulier de leucocytes. Les tubes 1maginaux se sont allongés ; les cellules s’y alignent plus régulièrement ; à leur surface on distingue de petites cellules conjonctives aplaties. Tout à coup, au moment où la turgescence des régions anté- rieures de la nymphe, amenée par la proliféralion des appendices, annonce une mue prochaine, les phénomènes changent complète- ment. En très peu de temps les tubes larvaires sont détruits; et, grace à la rapidité du processus, c’est dans la série des coupes d’un même individu que l’on rencontre toutes les étapes de la destruc- lion ; peu avant il ne se produisait rien, peu après les phénomènes ne laissent pour ainsi dire pas de traces. Dans la région qui avoisine l'intestin grêle et où abondent, dans une même coupe, les sections des jeunes tubes imaginaux et des circonvolutions de tubes larvaires, on observe une affluence extraordinaire de leucocytes. Ils y sont rassemblés en presque totalité, à l'exclusion des autres régions du corps. Dans cette région même il y a une distinction à faire. Les leucocytes font défaut complètement à une petite distance des lubes imaginaux, ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 241 dans une sorte de zône d'influence de ces organes. Au contraire, ils sont particulièrement abondants tout autour des tubes larvaires et arrivent jusqu'à leur contact. Les sections des tubes larvaires sont elles-mêmes très diverses d'aspect. Les unes présentent encore un aspect identique à l’aspect larvaire : les noyaux ont leur mem- brane nette, les limites cellulaires sont distinctes et, si le proto- plasme présente quelques vacuoles, elles ont tout à fait l'aspect de celles qu’on observe aussi chez les larves et qui doivent être imputées à la fixation ; bref il n’y a aucun signe visible de dégéné- rescence (PI. XI, fig. 5. A). Autour de ces régions les leucocytes abondent dans le voinage immédiat; quelques-uns s’accolent aux parois extérieures ; on en voit même quelques-uns qui échancrent le contour apparent des cellules où même s’insinuent à leur inté- rieur. Les cellules, qui sont plus ou moins séparées les unes des autres, présentent des limites un peu irrégulières. Leur noyau présente aussi des déformations dans son contour. C’est là le début du processus histolytique, et les leucocytes qui affluent sont tous relativement petits, mesurant de 10 à 12, et leur protoplasme clair, violacé, est très vacuolaire ; 1l se réduit à une zône périnucléaire et à une couche corticale très mince reliées par quelques trabéceules (PI. XI, fig. 1). La fig. 2 (PI. XI) représente un stade un peu plus avancé de la destruction. L'immigralion leucocytaire a isolé les cellules les unes des autres; et, si leur noyau est encore inaltéré, leur protoplasme est au contraire envahi par ses bords, échancré de plus en plus, ou même dilacéré en lanières. Quelques granulations rosées appa- raissent à l’intérieur des leucocytes. Il est naturel de les considérer comme des parcelles phagocytées et en train d’être digérées. Peu à peu l’aire protoplasmique qui entoure encore les noyaux disparaît, les inclusions deviennent plus nombreuses dans les leucocytes qui grossissent. (PI. XI, fig. 3). Enfin les noyaux arrivent à être mis à nu, et ils sont attaqués à leur tour (PI. XI, fig. 4). Des granulations chromatiques apparais- sent à l'intérieur des phagocytes ; on doit les interpréter comme des fragments de noyaux larvaires englobés. Dès que, par l'attaque des phagocytes, la membrane d’un noyau a été endommagée en quelque point, on voit quelques-uns des granules se répanûre à l'extérieur ; souvent à l’intérieur même du noyau les granules, au lieu de rester bien distincts, se fusionnent en boules assez volumi- 16 249 CHARLES PÉREZ. neuses, d’un bleu violet foncé, légèrement plus claires sur leurs bords. On trouve aussi de ces boules extravasées en dehors des noyaux. C’est là, si on le veut, une dégénérescence du noyau, une chromatolyse à laquelle les phagocytes n'ont point part. Mais il faut bien remarquer qu’elle à lieu seulement après qu'une perforation de la membrane à permis le mélange des substances nucléaires avec le liquide cavitaire, perforation produite par les leucocytes. Elle n'a jamais lieu tant que le noyau est encore entier. En outre, les aspects de dégénérescence peuvent provenir de variations d’osmose, de phénomènes complexes, consécutifs au mélange avec le sang, et ne doivent pas nécessairement être interprétés comme une digestion extra-cellulaire produite soit par les leucocytes, soit par d’autres éléments. | Ajoutons que les différents stades énumérés plus haut se rencontrent non seulement dans la succession des coupes d’une même nymphe, mais encore côte à côte dans la même coupe. J'ai par exemple représenté (PI. XI, fig. 5) une région où l’on voit à trés pelite distance l’une de l’autre (20 y) une section parfaitement normale (A) entourée d’une auréole de leucocytes qui vont l’attaquer, et une section où la phagocytose est déjà à un stade assez avancé (B). En suivant par continuité un même tronçon de tube malpighien, on passe d’une région normale à une région presque complètement détruite, où même à une simple traînée massive de leucocytes gorgés, qui jalonne le trajet du tube disparu. Par conséquent on ne peut admettre qu'il y ait, à ce moment, dans la nymphe, ni un mauvais état généralisé des cellules malpighiennes larvaires, manifesté par une dégénérescence histologique, ni une propriété dissolvante pour ces cellules acquise à ce moment par le sérum sanguin. J'aurai à revenir sur ce point. Je conclus au contraire de mes observations que la destruction des tubes de Malpighi larvaires est le fait d’une phagocytose leucocytaire active des mieux caractérisées. L'aspect des leucocytes (PI. XI, fig. 6) ne laisse, semble-t-il, pas de doute sur un englobement effectif de particules cellulaires. On distingue nette- ment de grosses inclusions, éosinophiles où chromatiques, dans des vacuoles. Le reste du protoplasme à perdu l'aspect clair et réticulé qu'il avait au début. Il est plus compact tout semé de petites granulations éosinophiles ; sa masse a beaucoup angmenté ; les dimensions de la cellule ont passé de 10 à 16 4 et le protoplasme ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 243 la remplit presque complétement sans vacuoles. Si l'aspect de ces phagocytes n’est pas tout à fait exactement le même que celui des boules granuleuses (Kürnchenkugeln) décrites par les auteurs chez les Muscides, il faut cependant reconnaître qu'ils leur sont physio- logiquement tout à fait comparables. Comme elles, ils sont mis en circulation dans le sang, mais presque toujours après que la digestion de leurs inclusions s’est faite au voisinage du point de phagocytose ; et ceux que l’on rencontre, à quelque distance de ce point, sont généralement au stade où, après complète disparition des vacuoles, le protoplasme compact est tout grenu de ponctuations éosinophiles. Tels sont, par exemple, les leucocytes que lon rencontre dans le vaisseau dorsal. La différenciation ultérieure des tubes de Malpighi imaginaux ne mérite pas de nous arrêter longuement. Au moment de la disparition complète des tubes larvaires ils ont déjà acquis à peu près toute leur longueur. Bientôt une lumière apparaît suivant l'axe, et la paroi est formée généralement en section transpersale de quatre cellules ; chacune d’elles à environ 10 u, le diamètre total du tube étant de 25 s. Les noyaux sont clairs, sphériques avec plusieurs nucléoles. Le cytoplasme est réticulé, peu éosinophile; des membranes‘radiales séparent neltement les cellules. Des cellules conjonctives sont assez clairsemées à la surface externe des tubes de Malpighi définitifs ; elles y sont cependant plus abondantes que sur les tubes larvaires. GLANDES DE LA SOIE HISTORIQUE Les auteurs antérieurs à VIALLANES n'ont guère donné de détails sur l’histolyse des glandes salivaires. Ils ont souvent signalé la dis- parition, dans les chrysalides de papillons, des glandes séricigènes si développées des chenilles ; mais leurs observations n'ont guère été au delà de cette simple constatation. Ainsi HeROLD [15], Sucxow [29], CornaztA [56] se bornent à signaler d’une phrase la disparition totale des glandes de la soie. HELM [76] décrit cette disparition avec un peu plus de détail. La glande vidée se ratatine; les cellules se séparent les unes des 244 CHARLES PÉREZ. autres et leur protoplasme subit une dégénérescence granulo-grais- seuse ;les noyaux rameux se fragmentent et dégénérent en granules; ils deviennent de plus en plus indistincts au sein du protoplasme ; finalement tout disparait. GanIN [76] dit simplement que les glandes salivaires se désa- grègent et subissent une dégénérescence graisseuse. Les glandes salivaires de l’imago sont certainement pour lui des formations nouvelles ; mais il n’explique ni leur développement ni leurs rapports avec les glandes larvaires. VIALLANES [82] décrit d’une façon plus détaillée et plus précise la manière dont il interprète la dégénérescence des glandes sali- vaires chez les Muscides. Dès le début de la nymphose, les cellules de la glande subissent un accroissement de volume considérable, et leur protoplasme acquiert la propriété de se colorer énergiquement par le carmin ; le noyau s'accroît et prend une position périphéri- que. Puis on voit apparaître, dans le protoplasme de ces cellules, de petits noyaux à contours bien nets. Pour l’auteur, ces noyaux se sont formés au sein du protoplasme, sans participation du gros noyau primitif; il les considère comme appartenant à des cellules embryonnaires dont il n'arrive pas à distinguer les limites. Ces cellules apparaissent de plus en plus nombreuses, et forment, au voisinage de la lumière de la glande, une zône continue rejetant en dehors d'elle les noyaux et les restes du protoplasme des cellules glandulaires primitives ; le tissu embryonnaire envahit de plus en plus les cellules larvaires, dont les derniers débris ont un sort assez mal élucidé. Finalement la glande n’est plus constituée que par un tube exclusivement formé de tissu embryonnaire. Cette génération spontanée de cellules embryonnaires au sein du protoplasme d’une cellule larvaire, Interprétation qui revient sou- vent au cours du travail de VIALLANES, était à priori assez invrai- semblable. Nous verrons tout à l'heure comment on peut corriger l'interprétation défectueuse de l’auteur d’après les figures mêmes qu'il a publiées. KowaLevsKkY [87] reprend le même sujet, et découvre le premier l'origine des glandes salivaires de l'adulte dansun anneau imaginal, situé à la base de chacune des deux glandes larsaires, au point où elle débouche dans le conduit évacuateur. Son interprétation des figures de dégénérescence des glandes ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 245 larvaires est toute différente de celle de VrazLanes : les glandes sout la proic des leucocytes ; elles disparaissent sous l'intervention d'une phagocytose caractérisée. Des leucocytes, dont quelques-uns sont déjà chargés de débris musculaires englobés à leur intérieur, viennent s'appliquer à la surface des glandes, qui ont encore con- servé leur structure histologique normale. Ces phagocytes se glis- sent entre les cellules, s’insinuent à leur intérieur, désagrègent le protoplasme entre leurs pseudopodes, et on les voit peu à peu se charger de gouttelettes grasses ou de grains colorables; on doit interpréter ces inclusions comme des débris de protoplasme ou des nucléoles ingérés. Bientôt toute la substance cellulaire est devenue la proie des phagocytes ; il ne persiste plus que quelques noyaux ; ils finissent eux-mêmes par disparaitre, englobés dans les phagocytes, où on les retrouve encore quelque temps sous forme d'inclusions colorables. Ce processus de destruction, qui se propage d’arrière en avant, est très rapide; ilest complet en dix à vingt-quatre heures ; les glandes sont entièrement remplacées par des traînées de phagocytes, gor- gés d’inclusions, qui ultérieurement se dispersent à leur tour. Il en serait de même chez les Jyponomeuta . KowaLEevsky donne des figures très explicites et très démonstra- lives de tous les stades de destruction. Si maintenant nous nous reporlons aux planches si sincèrement dessinées de VIALLANES,nous nous rendons très aisément compte de l'erreur commise par cel auteur. Ce qu’il a pris, au début de la destruction, pour de jeunes cellules, nées dans le protoplasme des grosses cellules larvaires, ce sont les phagocytes immigrés. Il les a, en outre, évidemment confondus avec les cellules issues de la prolifération de l'anneau imaginal, puisque c'est dans des coupes de plus en plus antérieures d'une même nymphe, qu'il rencontre les stades de plus en plus avancés du tissu embryonnaire. Celui-ci en effet prolifére d'avant en arrière ; la destruction phagocytaire dela glande larvaire pro- gresse au contraire d’arrière en avant. Vax R&Es [88] confirme dans tout ce qu'ils ont d’essentiel les résultats du travail de KowaLEvsky. Il ne s’écarte des conclusions de l'auteur russe que sur un point de détail, le moment de la destruction des glandes salivaires. Cette destruction, très brusque, n'a lieu qu'après la formation de la tête. « Dans l'ensemble des seize pupes 246 CHARLES PÉREZ. observées à des stades plus jeunes (L), il n’y avait pas un seul point des glandes salivaires où l’on pût constater l'attaque par les leuco- cytes >». KowALEvsky avait au contraire observé la destruction des glandes salivaires à un stade plus précoce de la nymphose, quelques heures après l’évagination de la vésicule céphalique. VAN REESs se garde d’ailleurs de révoquer en doute cette oïservation ; il dit, au contraire, avec raison, que des différences saisonnières existent dans la rapidité des processus de la nymphose; le fait qu'il a étudié des pupes au printemps et KowaLEvsxy des pupes en êté, suffit à expliquer leurs divergences. Par unesingulière interprétation du texte de VAN REES, DE BRUYNE [97] puis AxGLAS [00] attribuent à cet auteur une opinion toute contraire à celle de KOWALEVSKY. « VAN REES, dit DE BRUYNE, n’a jamais vu dans ses préparations de seize Jeunes chrysalides que les leucocytes interviennent d'une façon active dans la destruction des organes en question... »; et ANGLAS répète : «VAN REES n’a jamais vu les leucocytes intervenir d’une manière active pour détruire les glandes salivaires ». Pour ces deux auteurs, VAN REES aurail admis une dégénérescence première et en quelque sorte spontanée des glandes salivaires ; leurs cellules se seraient émiettées en fragments, et les leucocytes ne seraient intervenus que secondairement, pour englober les débris de ces cellules déjà dégénérés. Il serait trop long de citer ici in-extenso les trois pages que vAN REES consacre à l’étude des glandes salivaires. Je me borne aux quelques lignes suivantes : « Nach der Ausstülpung des Kopfes, fand ich die Drüsen vollständig in Trümmer verschiedener Grüsse zer- stückelt und die Leucocyten in voller Thätigkeit der Bewaltigung. Es ist überflüssig, nach KowarEvsky’s ausführlicher Beschreibung, die verschiedenen dabeï hervortretenden Erscheinungen nochmals zu besprechen; alle denkbaren Formen von dem Einbohren in die Substanz und von dem Incorporiren dieser letzeren lassen sich beobachten ». (p. 75) On ne saurait être plus catégorique. VAN REES ajoute qu'avant la destruction phagocytaire des glandes, on observe dans leurs cellules quelques légères modifications : (4) Un contre-sens sur ce comparatif de van REEs, et sur son contexte, explique sans doute l'interprétation erronée de DE BRUYNE et d'ANGLAS. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 247 séparation des cellules par les réactifs fixateurs et vacuolisalion du protoplasme ; c’est peut-être, dit-il, sans insister autrement, l'indice d’une diminution de vitalité. DE BRUYNE [97] tient au contraire à insister sur une dégénéres- cence des cellules qui serait un premier temps de l’histolyse. « Le cytoplasme se creuse de vacuoles, des trous et déchirures s'y produisent, comme autant de preuves d’un commencement de dégé- nérescence. Il n’est pas rare, non plus, de trouver dans le cyloplasme des granules graisseux en plus ou moins grand nombre ». Ensuite seulement interviennent les leucocytes. L'auteur n’a pas observé de dégénérescence des noyaux ; il est, néanmoins, porté à croire que « cet élément cellulaire subit déjà un commencement de régression avant d’être entamé par les phagocytes >. La belle figure de phago- cylose qui accompagne le mémoire (PI. I fig. 1) porterait plutôt à interpréter les faits comme attaque par les phagocytes d’une cellule ayant conservé tous ses caractères. KaraAWaAIEW [98] décrit chez Lasius flavus une régression lente des glandes séricigènes à laquelle la phagocytose n'aurait aucune part. À peine la larve a-t-elle fini de filer son cocon, que l’atrophie commence. La lumière de la glande s’oblitère peu à peu, les noyaux perdent progressivement la netteté de leurs contours ; les cellules se désagrègent et leurs débris de dissolvent dans le sérum sanguin. ANGLAS | 00 | observe chez la Guëpe à peu près les mêmes processus. D'après lui, «le protoplasme devient vacuolaire; les cellules perdent leur contour net et forment des masses irrégulières. Le noyau se fragmente en morceaux qui dégénérent rapidement. C’est seulement alors qu'interviennent les leucocytes ; .......….. on ne peut Jamais constater qu'ils agissent comme phagocytes et qu'ils englobent des fragments ». OBSERVATIONS Les glandes séricigènes sont un organe exclusivement spécial à la larve ; il n'y a pas d'organe correspondant de limago dont nous avons à suivre le développement simultanément à la destruction de ces glandes. Chez les larves très jeunes, les glandes séricigènes ont un aspect histologique très analogue à celui des tubes de Malpighi ; les dimen- 248 CHARLES PÉREZ. sions des cellules, l'aspect des noyaux et du protoplasme ne sont guère différents. Chez les larves plus âgées la différence s’accentue. Le cytoplasme des glandes conserve un peu l'hématéine et sa teinte est moins franchement rose que celle des tubes. Les noyaux ont un fond général plus clair, sur lequel tranchent un grand nombre de petits granules très colorés. En outre la lumière du canal limité par ces cellules augmente peu à peu, et dans une larve de taille moyenne les tubes glandulaires sont de gros cylindres creux, qui ont environ 390 y de diamètre ; l'épaisseur des cellules est de 80 y, et quatre ou cinq d’entre elles circonscrivent une vaste lumière, qui alteint 250 x de diamètre, et reste à peu près vide pendant la vie larvaire. Chez une larve adulte qui va filer son cocon, les glandes sont lturgescentes d’une sécrétion qui apparaît dans les coupes comme un coagulum rosé, distendant la paroi glandulaire dont les cellules aplaties n’ont guère plus que 50 y d'épaisseur ou même moins. À part cette déformation mécanique, les carac:êres histologiques n’ont guère changé ; il faut cependant signaler une légère déformation des noyaux qui parfois s’étranglent en biscuit, ou s'incurvent en rein, en croissant, à concavité tournée vers l’intérieur de la glande ; leurs granules chromaliques sont plus serrés. Il ne semble pas que l’on puisse voir là un début de dégénérescence ; c'est le moment où la glande est en pleine activité physiologique. Les glandes se vident ensuite peu à peu, au fur et à mesure du filage, et lorsque le cocon est terminé, les cellules revenues sur elles-mêmes obturent en général complètement la lumière de la glande. Celle-ci est redevenue fort analogue à un tube de Malpighi, étant donnée surtout la modification des noyaux qui vient d'être signalée. Pendant toute une première partie de la nymphose, dont la durée n’est pas négligeable, la glande, bien qu'ayant, après un travail intensif, cessé de fonctionner, n’en conserve pas moins l'intégrité absolue de sa structure. C’est seulement peu avant la mue que commence la destruction des glandes de la soie, en même temps que celle des tubes de Malpighi. Les deux phénomènes sont concomitants, également rapides, et s’accomplissent exactement par le même processus. On pourrait répéter ici mot à mot tout ce qui a été dit au chapitre précèdent. L’analogie des deux tissus est telle, surtout quand ils ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 249 sont dilacérés par les phagocytes, qu'on peut être embarrassé, à un premier examen des préparations, pour dire si tel fragment appar- tient à une glande séricigène ou à un tube de Malpighi. C’est par les connexions, toujours marquées par des trainées de phagocytes, sinon par une continuité de Lissu, qu'on s'assure de la nature des débris observés. Pour ne pas multiplier desfigures identiques, je me borne à figurer dans le texte (fig. 13) une région un peu considérable d’une glande, où l'on peut suivre les différents stades de la des- truction ; (la présence d’une bifurcation ne laisse pas de doute sur l'attribution à une glande du segment considéré). Dans la région supérieure du dessin, région anté- rieure de l'animal, on voil les leucocytes commencer à pénétrer à la périphérie des cellulesencore intactes. Plus bas, plus en arrière, ie, 13. — Histolyse phagocytaire d'une ils sont plus avancés dans glande séricigène. leur pénétration et mor- cellent le protoplasme. La branche de droite est intéressée par la coupe dans la région superficielle des cellules; on voit presque uniquement des leucocyles séparés par quelques trabécules proto- plasmiques ; c’est un aspect très analogue, du moins à ce grossissement qui ne sépare pas les inclusions, à celui que présentent un peu plus tard les amas de phagocytes aux points où la glande a complétement disparu. Comme pour le cas des tubes de Malpighi, on voit les phagocyles se charger peu à peu d'inclusions, grossir, devenir éosinophiles, et le dernier terme 290 CHARLES PÉREZ. de ce processus est également la destruction phagocytaire des noyaux. Parfois la confection du cocon n’a pas épuisé la sécrétion de la glande, et celle-ci est encore distendue par places, par le coagulum rosé, au moment où elle est détruite par les phagocytes. Ceux-ci s'insinuent dans la masse compacte de la sécrétion, la creusent de galeries, et finissent sans doute par la détruire complétement. La tube excréteur des glandes persiste un peu plus longtemps que les glandes elles-mêmes ; il finit cependant par disparaître, et par le même processus. Les conclusions à tirer de ces observations ont été développées à l’occasion des tubes de Malpighi ; 1l suffit ici de les rappeler en peu de mots. On n'observe pas de dégénérescence première, de nécrose spontanée appréciable aux procédés histologiques ; il n’y a pas simple dissolution des glandes dans le liquide cavitaire; mais bien attaque de leurs cellules par des phagocytes leucocytaires ; et la dégénérescence histologique manifeste est consécutive à cette intervention des phagocytes. TISSU ADIPEUX HISTORIQUE WEISMANN |64] observe chez les Muscides que, resté intact le premier jour de la nymphose, le corps gras subit ensuite une des- truction qui progresse dans l'animal d'avant en arrière. Les cellules s’isolent les unes des autres, se gonflent ; leur contenu, sombre et finement granuleux, se ramasse autour du noyau, qui transparait à peine. Puis la membrane se rompt etle contenu cellu- lire se répand, tandis que le noyau disparaît. Les débris des cellules adipeuses se mêlent ainsi dans le liquide cavitaire avec les Kôrnchenkugeln et les autres débris tissulaires, contribuant à former cette bouillie, au milieu de laquelle se développent les tissus imaginaux. AUERBACH |74] étudie les modifications des cellules adipeuses pendantla vie larvaire et décrit en particulier la multiplication progressive de leurs nucléoles. L'auteur, sans s'appuyer d’ailleurs sur aucun fait d'observation directe, pense que ces nucléoles sont des ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 291 cellules filles devant plus lard sortir du noyau, qui leur aura pour ainsi dire servi de chambre incubatrice. KünckEL D'HercuLais [75] décrit en quelques mots, chez les Syrphides, une dégénérescence du corps gras fort analogue à celle décrite par WEIsMaxN. À partir du &° jour le réseau des cellules commence à se désagréger et les gouttelettes se répandent dans la cavité du corps. Cette résolution n’a lieu qu'après l'apparition des cellules génératrices des fibrilles et lorsque les faisceaux musculaires sont déjà formés. Le contenu du corps gras fournit exclusivement des matériaux pour l'accroissement des tissus nouveaux de l’insecte adulte ; 11 fait fonction d'un véritable vitellus : c’est un vitellus postembryonnaire. GanIN [75] observe la croissance, au début de la nymphose, des cellules adipeuses qui prennent une forme sphérique en perdant leur adhérence réciproque. Dans leur protoplasme se montrent « des globules gras d'un jaune foncé, en outre des gouttes de graisse ordinaire et une grande quantité de globules luisants à mouvements moléculaires. Plus tard, le protoplasme des cellules aaipeuses se transforme en un liquide visqueux ; beaucoup de cellules se désagrégent alors en particules séparées de moindres dimensions, composées de gouttes grasses, de boules d’un jaune foncé, de sphéroides foncés. Dans quelques-unes de ces parties séparées, on rencontre parfois le gros noyau réticulé, non modifié, entouré de sa membrane, mais ne possédant pas de nucléole. > Ainsi certaines cellules du corps adipeux meurent, dégénèrent et leurs débris servent de matériaux nutritifs aux tissus nouveaux en édifica- tion. Cependant toutes les cellules grasses ne disparaissent point ainsi, et un certain nombre d’entre elles subsistent toujours et se retrouvent chez l'imago. VIALLANES [82] voit dèsle début de la nymphose, apparaître dans le protoplasme, qui rayonne en strics autour du noyau, de très nombreux granules sphériques colorables en rouge par le carmin. Ultérieurement ces granules augmentent de taille et deviennent plus nombreux ; leurs aspect est réfringent et leur structure paraît tout à fait homogène. VIALLANES suppose ces éléments identiques aux globules luisants à mouvements moléculaires de GanIN. Mais si on les examine à un fort grossissement, on voit que « chäque granule se montre comme une petite sphère fortement colorée en rouge, mesurant 6 », et environnée par une étroite bordure claire nette- 252 CHARLES PÉREZ. ment limitée exlérieurement. Ainsi chacun des granules du pro- toplasme de la cellule adipeuse parait être devenu le noyau d’une vraie cellule complète. > Un peu plus tard la membrane d’enveloppe de la cellule du corps adipeux se rompt pour mettre en liberté tout cel essaim de granules renfermés dans son protoplasme. La mem- brane se rompt d'abord en un point, puis disparaît en totalité. Les granules restent quelque temps groupés, puis se dispersent. Les noyaux des cellules adipeuses finissent de perdre leurs nucléoles dont le nombre avait diminué peu à peu etse réduisent à des coques vides. Les granules Gnt à ce moment nettement l'aspect de petites cellules, bien que certains contiennent 2 ou 4 sphères colorées mais peut-être sont-ce des stades de reproduction. On ne peut guère trouver de caractère physique permettant de les distinguer des cellules embryonnaires qui constituent la première ébauche des muscles de l'aile de l'imago. Aussi VIALLANES écarte-t-il l’hypo- lhèse que ce seraient des inclusions élaborées par les cellules adipeuses, pour conclure à une génération spontanée de cellules, au sein du protoplasme des cellules adipeuses, et sans participation de leur noyau. Cette interprétation erronée des préparations revient à plusieurs reprises dans le travail de VIALLANES el la généralité qu'il croit pouvoir attribuer à ce fait lui semble diminuer son élrangelé. Signalons enfin que d'après VIALLANES certaines cellules adipeuses subissent les modifications indiquées plus haul, mais s’atrophient et sont résorbées peu à peu, sans qu’il y ait rupture de leur membrane. L'auteur considère ce processus comme anormal. Dans sa note préliminaire, KowaLEvsky [85] donne une inter- prétation toute nouvelle de la dégénérescence du corps adipeux qu'il a pu observer #7 vivo. Après avoir débarrassé de la cuticule larvaire des pupes du 3° et du 4° jour, il a pu les conserver pendant plus de 21 heures dans du blanc d'œuf et suivre par transparence les phénomènes dans la capsule céphalique, où les cellules grasses sont assez isolées, surlout dans la partie antérieure. « On voit les petiles Kôrnchenhkugeln venir s’'accoler à elles el ramper à leur surface ; à ceux-là de nouveaux arrivants viennent se joindre, et deux heures après le commencement de l'observation, la cellule est toute entourée de Xornchenhugeln. L'aspect de la cellule est alors celui d'un œuf en segmentation au stade morula. Plus tard les surfaces externes des Kôrnchenkugeln sont moins saillantes, ce qui s'explique ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 253 par leur pénétration à l’intérieur de la cellule grasse. Les choses restent quelque temps en l’état, puis on trouve à la place de la cellule grasse un tas de Kôrnchenkugeln qui se dispersent de tous côtés. L’amas central reste plus longtemps à la place occupée primitivement par la cellule, mais il finit bientôt par se disperser à son tour. » C’est une phagocytose bien caractérisée. L'auteur n’a pas publié la seconde partie annoncée de son travail, où il eût sans doute donné des détails complémentaires appuyés par des figures. Van R£es avait déjà dans une communication préliminaire [84] signalé d’une façon très catégorique la destruction des cellules grasses par des phagocytes leucocytaires. Cette destruction qui commence plus tôt que celle des glandes salivaires se termine au contraire beaucoup plus tard, une partie des cellules persistant jusque chez l’imago, plusieurs jours après l’éclosion; et si le phénomène débute dès la fin du premier jour, c’est cependant surtout pendant la seconde moitié de la période nymphale qu’a lieu la résorption du corps gras. « Au troisième jour, au moment où le contenu sombre des cellules grasses les à rendues complé- ment impropres à l'examen in vivo, j'ai pu me convaincre par des coupes de 10 & d'épaisseur, de la présence d’uz petit nombre de globules sanguins à l’intérieur des cellules grasses ; il faut selon toute vraisemblance identifier avec eux ces corpuscules observés par VIALLANES et qu'il fait naitre au sein du protoplasme. La plupart d’entre eux sont situés au voisinage immédiat du noyau, un petit nombre dans le réseau protoplasmique de la cellule, entre les gouttelettes grasses. Dans certains de ces globules j'ai trouvé deux ou trois noyaux, même jusqu’à six, peut-être même davantage, auquel cas les globules étaient notablement plus gros que les uninucléaires ; il n’est pas invraisemblable qu'ils provinssent de la fusion de plusieurs autres (cf. les cellules géantes dont il a été question pour les muscles). Au 5° jour, leur nombre s’est accru dans beaucoup de cellules ; au sixième, ils sont plus de cent autour du noyau, dont la substance chromatique se perd peu à peu; aussi semble-t-il qu’elle se dissolve et passe par osmose aux globules. Au bout de plusieurs jours seulement une partie des cellules grasses se désagrègent, une autre partie plus tard encore. Les leucocytes se dispersent alors dans le liquide cavitaire, et on peut alors dans les coupes fines et colorées, à côté de leucocytes 254 CHARLES PÉREZ. uninucléaires, en voir d’autres contenant jusqu’à 12 noyaux. Je n'ai jamais observé de gouttelettes grasses dans ces leucocytes ». Dans son travail définitif [88] van REES confirme les résultats précédents et fait en même temps la critique comparée de ses observations et de celle de KowaLevsky. En admirant l'habileté opératoire du savant russe, il ne peut cependant s'empêcher de remarquer que son procédé doit se prêter assez peu à l'observation précise des rapporls entre les leucocytes et les cellules grasses. 11 ne croit pas en particulier que les cellules grasses aient pu rester jusqu'au troisième ou quatrième jour complètement épargnées par les leucocytes, et que leur destruction complète s’accomplisse ensuite en quelques heures. D'après van REES la première immigration leucocytaire a lieu dès le premier jour dans les pupes d'été, et à partir de ce moment on ne peut plus trouver une seule cellule qui ne contienne pas plusieurs leucocytes à son intérieur ; dans les pupes de printemps ce stade est atteint bien avant l'éva- ginalion de la tête. Van R£es conteste aussi la pénétration dans les cellules grasses de Kürnchenkugeln. Ni dans les pupes jeunes, ni dans les pupes âgées, il n’a observé de leucocytes ayant déjà englobé des corps étrangers. On devrait les retrouver dans les coupes, à moins de supposer qu'à peine pénétrées les Xürnchenkugeln se trans- forment immédiatement en leucocytes vides ; il faudrait pour cela leur attribuer avec KoWALEVSKY une puissance et une rapidité de digestion qui ne sont point démontrées. VAN R£ES suppose que les Kürnchenkugeln devaient se trouver uniquement à la surface de la cellule et que KowaLEvskY à confondu avec un amas de Kürnchen- kugeln la cellule adipeuse elle-même. D'après van REES ce sont des leucecyles sans inclusions qui pénètrent dans les cellules grasses et on les voit groupés d’abord en grand nombre tout contre le noyau, qui, en coupe oplique, semble avoir un contour dentelé; les faces d’accolement de leuco- cytes causent par leur disposition radiaire l'aspect de protoplasme rayonné signalé par VIALLANES. Bientôt les leucocytes enserrent le noyau de moins près et se répartissent à peu près uniformément dans la masse des globules gras ; ils augmentent de taille et leurs noyaux deviennent plus nombreux ; on en compte souvent plus de 20. L'auteur abandonne l'idée première qu'il avait eue de voir là des cellules géantes et les considére plutôt comme des stades de ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES 259 division. N'ayant jamais vu ces éléments englober des inclusions, et ne voyant ni les globules gras diminuer, ni les noyaux de la cellule grasse dégénérer, l’auteur, assez embarrassé pour expliquer la nutrition de ces leucocytes immigrés, admet cependant qu'ils se nourrissent aux dépens des globules gras. Un grand nombre de leucocytes vides abandonneraient peu à peu la cellule; la position périphérique de certains d’entre eux est peut-être en relation avec cet exode, et les vides laissés par leur sortie expliquent peut-être des sortes de trous que l’on trouve plus tard entre les restes des globules gras. La disparition définitive des cellules grasses n'est pas autrement élucidée ; l’auteur dit seulement que, dans le thorax, leur nombre diminue peu à peu et que, dans l'abdomen, le processus de destruction, beaucoup plus lent, ne s’accomplit pas avant la fin de la vie nymphale, ou même les premières semaines qui suivent l'éclosion. Je ferai encore une remarque au sujet de la technique employée par vAN RE—ESs. Il dit avoir obtenu de très bonnes colorations diffé- rentielles par l'emploi simultané del’hématoxyline et du picro-carmin. Le noyau des cellules grasses se colore en rouge, les gouttelettes graisseuses en violet ; les leucocytes qui entourent le noyau sont rosés, avec un noyau rouge foncé. À l'extérieur des cellules grasses les leucocytes et les Xürnchenkugeln ont au contraire un noyau bleu. Il faudrait donc admettre qu'aussitôt après leur pénétration dans le corps d’une cellule grasse les leucocytes subissent une modification bien profonde, à la suite de laquelle ils perdent la propriété de se teindre par l’hématoxyline, et acquièrent au contraire celle de prendre le carmin. Mais on sait combien le picro-carmin esl peu un colorant nucléaire électif. On doit donc être en garde contre l'interprétation des granules rouges de VIALLANES et de VAN REES comme des éléments nucléaires intérieurs à la cellule adipeuse. DE BRUYNE [98] est assez peu clair dans la description qu'il donne de la destruction du corps adipeux chez les Muscides. Il est surtout difficile de comparer ses résultats à ceux des auteurs antérieurs, bien que lui-même fasse cette comparaison. Il ne parle point en effet des ceilules du corps adipeux proprement dil, mais de cellules, analogues d'aspect, dont l’origine première est pour lui dans les noyaux du sarcoplasme. « Le sarcoplasme, s’emparant des détritus musculaires(sarcolytes), se transforme en unélémentarrondi, logeant dans les mailles de son protoplasme ces fragments résiduels, 256 CHARLES PÉREZ. qui subissent ensuite lentement, mais progressivement, la digestion intracellulaire. Les réactifs à l’osmium nous ont convaincu que cette transformation est de nature graisseuse et que les grandes cellules sarcoplasmatiques se transforment en éléments constituants du corps adipeux. Ils différent considérablement de ceux qui constituaient le tissu larvaire, dont nous n'avons pas cherché à reconnaitre l’origine, mais ressemblent complètement à ceux décrits par les auteurs. » Mais. contrairement à ces affirmations, il semble bien, d’après les figures des planches, que les cellules interprétées par l’auteur comme des phagocytes musculaires, sont toutsimplement des cellules adipeuses larvaires, dont il n’a pas saisi les modifications au début de la nymphose. Cetle confusion amène DE BRUYKE à identifier les granules de VIALLANES, les phagocyles de KowaLEvsky et de van REES avec des fragments sarcoplasmatiques, et il nie complètement toute immigration leucocytaire. « Après une existence plus ou moins longue les cellules adipeuses se désagrégent et, à ce moment encore, on peut reconnaitre aisément leurs inclusions..…. Le noyau a subi la transformation caractéristique de la dégénérescence, il a perdu sa structure réticulée ; il ne forme plus qu'un amas unique ou un conglomérat caryolytique..…. La désagrégation finale des cellules adipeuses se fait le plus souvent dans le voisinage immédiat des organes en néoformation, et 1l n’est pas rare de voir que des leuco- cytes ou des phagocytes viennent englober partiellement les restes de l'élément adipeux ; ici encore les phagocytles ne sont pas la cause de la destruction, mais arrivent après que celle-ci est déjà plus ou moins avancée ». Il en serait de même chez le Ver à soie. « Les grandes cellules du corps adipeux sont des myoclastes >. Il semble donc que l’auteur fasse ici une confusion complète, et vraiment bien inexplicable, des myoclastes avec les cellules du tissu adipeux larvaire. KaRAWAIEW [98] décrit chez le Lasius flavus une dégénérescence singulière de certaines cellules adipeuses. « Dans la région abdomi- nale d’une larve ayant filé depuis peu, on observe un nombre considérable de grosses cellules amæboïdes éparses, qui peuvent être désignées sous le nom de grands phagocytes. Elles mangent les cellules grasses >». Elles sont appliquées à la surface des cellules grasses, où même sont encastrées à la périphérie continuant par leur contour extérieur celui de la cellule grasse. Bien qu’observant ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 251 la présence de ces cellules déjà chez les jeunes larves, l’auteur admet cependant qu'une grande quantité s’en forme à nouveau, au début de la nymphose, et cela aux dépens de petites cellules méso- dermiques indifférenciées qui viennent s’accoler aux cellules grasses. La nutrition de ces prétendus phagocytes aux dépens des cellules adipeuses se ferait uniquement par osmose ; ils n’englobent jamais rien. Plus tard ils se sépareraient des cellules grasses et, devenus libres, arrondis, chargés de granules réfringents, ils disparaîtraient ensuite en se dissolvant dans le liquide cavitaire. Au dire même de KaRawaAIEwW la destruction produite ne porte- rait que sur une bien faible partie du corps gras, elle serait bornée à ce qu'il faut pour « faire de la place pour les organes en crois- sance, en particulier les organes génitaux et à fournir des matériaux nutritifs solubles à ces mêmes organes ». Aucun renseignement n’est donné sur le reste du corps gras. À supposer même que le processus décrit fût exactil ne mériterait nullement le nom de phagocytose. Mais en outre il est bien manifeste, d’après letexte de KARAWAIEW, que cet auteur a pris pour des phagocytes les cellules excrétrices,annexes du corps gras où s’ac- cumulent dès la vie larvaire des granulations uriques. J'avais déjà exposé celte interprétation [01] et c’est aussi celle de BERLESE [O1 |. Il sera utérieurement question de ces cellules avec plus de détail. KOSCHEVNIKOV [00] décrit. d’une manière singulière la trans- formation du corps adipeux chez l’Abeille. « Quand la larve a atteint toute sa malurité, le corps gras change considérablement. Les cellules prennent la forme sphérique, et on trouve à leur intérieur au lieu d’un plasma vacuolaire, une foule de granules sphériques, comme VIaLLanEs l’a particulièrement bien décrit chez Musca … Par les progrès de l'histolyse la membrane cellulaire disparaît et on voit les granules du contenu cellulaire, mis en liberté, flotter dans le liquide sanguin qui remplit les cavités du corps. Dans la toute jeune nymphe blanche le corps adipeux est en destruction histolytique ; dans la nymphe à téguments jaune clair, le corps gras imaginal est complètement formé. Je pense que les granules s’assemblent autour des noyaux pour former de nouvelles cellules, et que les granules observés dans les cellules grasses imaginales de toutes jeunes Abeilles, non encore écloses, sont ceux formés dans les cellules larvaires; ils ont entièrement le même 17 258 CHARLES PÉREZ. aspect, et je ne les ai vus disparaître à aucun stade intermédiaire. Je crois de même que les noyaux larvaires passent directement aux- cellules imaginales, car je n’ai jamais vu que les anciens noyaux disparaissent ou qu'il s’en fasse jamais de nouveaux. > Ainsi l’his- tolyse consisterait en somme en une rupture des cellules, en un mélange de leur contenu dansle liquide cavitaire, où les noyaux continueraient à floiter; puis ces noyaux deviendraient quelque chose comme des centres de cris!allisation, autour desquels s’orien- teraient etse grouperaient les granules épars, pour reconstiluer des cellules. Outre ce qu’un pareil mode de genèse cellulaire a de déconcertant dans l’élat actuel de la science, les résultats de KoSCHEVNIKOV ne concordent pas avec ceux de TERRE ni d’ANGLAS. TERRE [00] observe chez l’Abeille les faits suivants : « Chez une larve ayant filé, le tissu graisseux se dissocie ; ses cellules s’isolent, s’individualisent ; la dissociation du tissu s'accompagne d'une réso- lution du cytoplasme en un liquide au soin duquel nagent de nom- breuses gouttellettes graisseuses. Le noyau présente d'abondantes figures de division directe, puis tous les signes caractéristiques de la chromatolyse. A un stade plus avancé la membrane cellulaire se résorbe par dissolution, le cytoplasme se désagrège en granulations graisseuses ; le noyau, réduit à un boyau chromalique dense, baigne dans cette bouillie qui va servir d’aliment aux organes en voie d’édi- fication ; chez les nymphes sur le point d’éclore, ni cette bouillie, ni les résidus nucléaires ne sont ercore complètement résorbés. En résumé, l'histolyse du corps adipeux chez l’Abeille se présente comme une sorte de digestion, une dégénérescence chimique. » Elle consiste sans doute en une lranformation de la graisse en glycogène, et les leucocytes n’y ont aucune part: il n'y a pas de phagocytose. ANGLAS [00] décrit tout d’abord chez la larve de la Guêpe une digestion partielle des cellules adipeuses par les cellules excrétrices qui leur sont accolées, et une division directe assez fréquente de leur noyau. « Dès que commence la nymphose, le contenu des cellules adipeuses subit une transformation chimique: il se fragmente et se résout en granules homogènes et sphériques formés de substance de réserve, sans que le noyau change d'aspect ». Certaines cellules doivent persister, avec leur noyau, pendant toute la nymphose et jusqu’à l'éclosion. « À un stade de nymphe avancé, on voit, dans la région abdominale notamment, des plages entières ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 259 composées de granules juxtaposés sans qu'on puisse discerner aucune structure cellulaire ; or, la fixation est aussi satisfaisante que dans les autres régions, comme on peut le constater sur divers organes enclavés dans le corps adipeux ; il semble donc qu’on peut afïirmer que certaines cellules adipeuses, chez la Guêpe el le Frelon, disparaissent pendant la nymphose, à la suite de leur transformation en organes de réserves >». Le corps adipeux imaginal est formé par le reste du tissu larvaire, où les noyaux bourgeonnent et d'où ces réserves ont disparu. Comme TERRE, ANGIAS écarte toute intervention phagocytaire pour expliquer la disparilion des réserves du corps gras. C’est un phénomène de digestion. « Ce qu'il importe de bien remarquer, ajoute-t-il, c’est que (chez l'imago) les réserves accumulées ont disparu, sans être utilisées par les cellules adipeuses elles-mêmes ; cette digestion s’est faite par des éléments étrangers (lissus imaginaux, glandes génitales, peut-être, ou leucocytes probablement), mais sans aucune phagocytose; il s'agit par suite d’une digestion extracellulaire, à distance, par des diastases que secrètent les cellules qui assimilent. Cela rentre dans ce que nous avons nommé lyocytose , les lyocytes étant les éléments qui profitent de cette nutrition ». VAxEY [00] distingue chez les larves de Chironomus plumosus, C.dorsalis, le issu adipeux en interne el externe, conformément aux descriptions antérieures de WieLoWiEJskI. Dans la région abdo- minale le tissu interne ne subit aucune modification pendant la nymphose. Dans la région thoracique et la région caudale le tissu adipeux externe se résout en cellules individualisées, qui deviennent des phagocytes. « Ils se placent sur les trachées et surtout sur les muscles thoraciques et caudaux... et se chargent de plus en plus de globules graisseux >». Ces phagocyles constituent ensuite un tissu sous-hypodermique ou le corps gras de l’imago. Chez Gastrus equi, le même auleur décrit une destruction de l'organe respiratoire rouge par une phagocylose leucocytaire des plus nettes. Les cellules du sang attaquent les cellules respiratoires el se creusent à leur intérieur de véritables canaux. Je cite le fait dans ce chapitre, parce que l’auteur considère les cellules respira- toires comme des « cellules adipeuses ayant perdu leur réserve de graisse. >» Il faut toulefois remarquer que le mode d’histolyse n’est pas lié à la signification morphologique d’un tissu, et qu’à propre- ment parler la disparition de cet organe respiratoire exclusivement 260 CHARLES PÉREZ. larvaire devait être exclue d'une revue des faits relatifs au tissu adipeux proprement dit. Les conclusions de VANEY ne s'opposent en aucune facon à celles d'HENNEGUY | 00] qui, dans une courte note, où il confirme les résulats de BERLESE, affirme qu'il n'y a jamais péné- tration de leucocytes dans les cellules grasses. Il apparaît dans ces cellules au cours de la nymphose des granulations à taches centrales qu'un examen superficiel pouvait faire confondre avec des noyaux, mais n'ayant en réalité ni contours nets, ni slructure chromalique nucléaire. J’en arrive enfin à l'important travail de BERLESE [99-00] qui est cerlainement une des contributions les plus considérables que nous possédions sur les mélamorphoses des [nsectes, et en particulier sur l’évolution du corps gras. Un premier mémoire presque entièrement consacré aux Muscides, (Calliphora erythrocephala), mérite un examen assez détaillé. BERLESE distingue d'abord, au point de vue de l'évolution du lissu adipeux, une première période embrassant toute la croissance de la larve, depuis sa sortie de l’œuf jusqu’au moment où elle cesse de se nourrir. Les cellules du corps adipeux suivent cette crois- sance générale presque sans se diviser, en atteignant chacune une taille considérable. L’acide osmique, réactif des graisses proprement dites, met en évidence dans ces cellules des goutteleltes grasses, d'abord très fines et très espacées, qui ensuite augmentent de volume et de nombre, et finissent, chez la larve àgte, par obscurcir toute la cellule. Dans les coupes, après fixation à un autre réactif, les gouttelettes graisseuses out disparu au cours des manipu'ations, el on voit le protoplasme acquérir peu à peu une structure làchement réliculée. Dans les cellules grasses de l'abdomen, le réliculum protoplasmique remplit uniformément tout l'intervalle entre le noyau et la membrane; dans les cellules de la région céphalique, au contraire, d'assez larges travées protplasmiques radiaires séparent de volumineuses vacuoles ovales disposées en rosace autour du noyau. L'auteur propose pour les cellules du corps adipeux le nom de #ophocytes. Entre le moment où la larve adulte cesse de se nourrir et celui où, immobilisée dans sa cuticule devenue rousse, elle est à propre- ment parler transformée en pupe, des modifications considérables se succèdent rapidement dans le corps gras. Tout d'abord, d’après BERLESE, le tube digestif se vide complètement de son contenu, qui ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 261 s'extravase dans la cavilé du corps; on le retrouve, dit l’auteur, coagulé dans les espaces inlerorganiques. Les lrophocytes se sont considérablement accrus, on observe toujours les mêmes différences régionales dans la répartition du protoplasme, mais leur contenu est notablement modifié. Le noyau, arrondi ou ovale dans sa forme générale, présente sur son pourtour des angies saillants, aux points d’attache des principaux trabécules proloplasmiques : dans le protoplasme les plus forts grossissements font apparaitre de petites sphérules réfringentes, différemment colorées par l'hémalun suivant leur position dans la cellule. Celles de la région centrale, avoisinant le noyau, sont laissées à peu près incolores, tandis que l’on voit se colorer davantage celles qui sont à une cerlaine distance du noyau, ou sont alignées dans les principales travées protoplasmiques. Tout à fait à la périphérie de la cellule on voit une substance finement granuleuse, non colorée, toute sem- plable à celle qui, exlérieurement à la membrane, représente le contenu extravasé du tube digestif. L'auteur interprète l'apparition de ces sphérules de la façon suivante: la substance albuminoïde issue du tube digestif est absorbée par le trophocyte sous son état incolore ; elle chemine d’une manière centripète, en s’agglomérant en sphérules d’abord incolores ; ces sphérules sont ensuite élaborées par l’action digestive des enzymes nucléaires et deviennent alors capables de fixer l’hémalun, tandis qu’elles regagnent par voie centrifuge les régions périphériques de la cellule. sientôt l’aclivité absorbante des trophocytes a fait disparaître le plasma coagulable, issu de l'intestin, qui remplisait la cavité géné- rale ; mais l'histolyse musculaire, qui débute à ce moment, la remplit à nouveau d'un plasma coagulable analogue, qui provient cette fois de la dissolution même de la substance musculaire. On peut résumer la très longue description de BERLESE en disant que les trophocytes absorbent et élaborent maintenant le plasma de dissolution muscu- laire, exactement comme ils ont auparavant absorbé et élaboré le plasma intestinal. La substance granuleuse jaunâtre (non colorable par l’hémalun), répandue entre les organes, pénètre telle quelle à l'intérieur des trophocyles, et on l'y voit en plages irrégulières en continuité avec le coagulum extérieur ; puis cette substance s’agglo- mère et se condense en gros globules, au fur et à mesure qu'elle chemine vers le centre de la cellule ; en même temps une affinité de plus en plus marquée pour l'hémalun est l'indice d’une élaboration 262 CHARLES PÉREZ. progressive par les enzymes nucléaires. Souvent cette élaboration n’affecte pas uniformément tout le globule ; elle s'accuse d’abord en un ou plusieurs points centraux, seuls colorés qur l'hémalun dans les globules encore incolores, et simulant les noyaux d’autant de petites cellules. C’est cette fausse ressemblance qui a induit en erreur VAN REES et Kowa- LEVSKY, et leur a fait admettre une destruction phagocytaire des cellules grasses. En réalité ces prétendusnoyaux{pseudonuclei) n'ont nullement une structure nucléaire et ils ne se colorent point par le vert de méthyle, ce qui exclut une constitution FiG. 14. — Schéma de l'élaboration chromatique. Les cellules grasses par les trophocytes du plasma figurées par VAN REES, et inter- répandu dans la cavité générale prétées par lui comme bourrées ee A D le de phagocytes, sont simplement trophocyte. À des trophocytes où l'absorption et l'élaboration du plasma mus- culaire sont déjà à un stade avancé. On peut d’ailleurs observer chez une même pupe toutes les étapes successives du processus, en se déplaçant d'avant en arrière ; les trophocytes de l'abdomen sont en léger retard sur ceux de la région antérieure et ce retard persiste jusqu'à l'éclosion de l’imago. . Les pseudonucléi représentent pour BERLESE des enzymes protéo- lytiques issues du noyau, et pénétrant dans les globules albumi- nvides qu’elles peptonifient. Au fur et à mesure de cette digestion, les globules deviennent de plus en plus petits et émigrent vers la périphérie de la cellule ; en même temps leur affinité de plus en plus marquée pour l’hémalun accuse la transformation chimique de ces goulttelettes. À partir de ce moment ii y a, avec toute évidence d'après BERLESE, « à travers la membrane cellulaire du trophocyte, exode continu de ces gouttelettes, qui tombent dans le liquide cavi- taire, et y sont ensuite dissoutes en une substance spéciale. » Celte substance est bien reconnaissable à son aspect grossièrement grenu, à sa », à son affinité pour l'hémalun, tous ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 263 caractères qui la distinguent du plasma coagulé dont elle est un lointain dérivé. Dans les pupes rouges du premier jour, la majeure partie du plasma cavilaire est constiluée par cette malière nutritive qui va être ultitisée par les organes en voie de croissance. À cette interprétation de leur rôle se rattache le nom de trophocytes donné par l'auteur aux cellules grasses. Peu à peu les trophocytes se vident, par cette expulsion périphé- rique, de leurs inclusions élaborées ; on recommence à distinguer le réliculum protoplasmique ; et le noyau, jusque là comprimé, reprend son aspect réguliérement ovoïde. Son nucléole a disparu et l'auteur suppose qu'il s’est épuisé en quittant le noyau sous forme d’enzymes. C’est sartout dans la région antérieure que les trophocytes se vident ainsi. Dans la région abdominale où ils conservent des globules jusqu'à l’éclosion, ils sont à ce moment entourés de cellules amæboiïdes, dépendant du corps adipeux imaginal. Ils disparaissent alors par exhaustion de la part de ces cellules, qui ne fonctionnent cependant point comme phagocytes. Quant au corps adipeux imaginal il dériverait de certaines sphères de granules (cellules contenant en inclusions des débris arrondis de myoplasme : AXürnchenkugeln des auteurs allemands). Ces élé- ments contenant non point un noyau de leucocyte, mais un noyau uniformément obscur dérivé d'un noyau musculaire larvaire, seraient à la fois l’origine des muscles et des cellules adipeuses de l’imago. En ce qui concerne particulièrement le développement de ces dernières, voici quelle serait l’évolution des sphères de granules. Le noyau confus se diviserait, les sarcolytes inclus seraient rejetés, el ainsi se formeraient plusieurs petites cellules à l’intérieur de la sphère primitive. La structure nucléaire deviendrait de plus en plus netle, et les nouveaux éléments s'agglomèreraient en traînées, tout en continuant à se multiplier. De ces traïinées s’isoleraient des cellules amæboïdes, qui, accolées aux trophocytes larvaires, achève- raient de les faire disparaître en se nourrissant à leurs dépens, avant de se transformer elles-mêmes en cellules fixes du corps adipeux définitif. Les Muscides sont d’ailleurs avec les Pupipares et les plus élevés des Némocères (Mycelophila) les seuls, parmi les nombreux Insectes passés en revue par BERLESE, qui présentent un corps gras imaginal de néoformation. Au contraire, pour les Diptères moins élevés en organisation 264 CHARLES PÉREZ. (Tipulides), pour les Lépidoptères, les Hyménoptères, les Coléo- ptères,les Névroptères, BERLESE montre, par de nombreux exemples, la persistance, pendant toute la nymphose, des cellules adipeuses larvaires. Une technique insuffisante a seule pu faire croire à une destruction de ces éléments. Ils persistent au contraire jusqu’à l’éclosion et constituent le corps gras imaginal. Dans tous ces ordres ces cellules jouent un rôle comparable à celui qu’elles ont chez les Muscides, et méritent aussi le nom de trophocytes. D'une manière plus ou moins précoce, elles accumulent à leur intérieur non seule- ment des goulttelettes grasses, mais des réserves albuminoïdes. Ces dernières apparaissent en tous cas loujours au moment de la nym- phose; elles représentent alors les produits d'élaboration des derniers aliments ingérés ou du plasma de dissolution des premiers organes larvaires détruils. Mais souvent l'accumulation débute dès les stades larvaires, et elle est particulièrement précoce chez les Fourmis. Toutefois il n’y aurait point comme chez les Muscides, élaboration dans les trophocytes de la substance absorbée, mais simplement mise en réserve d'une substance déjà assimilable. Pendant la nymphose, ces globules albuminoïdes disparaissent peu à peu, employés à la nutrilion des organes imaginaux. Mais on n'y observe point de centres de transformation ; il n’y a point de pseudo- nueléi, et l’auteur exclut ainsi non seulement toute destruction phagocylaire véritable, mais même toute apparence de ce phénomène qui puisse, comme chez les Muscides, en imposer à un observateur non prévenu. ; SuriNo [00] observe sur les cellules grasses de Calliphora des faits très concordants avec les résultats de BERLESE. Il montre en particulier que les prétendus phagocytes de van REES sont en réalité des inclusions albuminoïdes contenant un ou plusieurs centres chro- matophiles. Mais il s’en tient à l'observation des préparations. Il ne lui semble pas démontré que les inclusions des cellules grasses représentent des portions englobées du plasma extérieur, ni que les centres colorés soient des enzymes élaborées par le noyau de la cellule grasse. Quant à l’origine du tissu adipeux imaginal, SUPiNo l’altribue non à des sphères de granules, comme BERLESE, mais à des cellules mésenchymateuses, existant déjà chez la larve ; les anciens noyaux musculaires ne prendraient aucune part à sa constitution. Le corps gras imaginal se formerail, en son me, d'une manière toute analogue ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 269 au corps gras larvaire, aux dépens de cellules jusque ià indiffé- renciées. Je n’entrerai pas dans le détail de la polémique entre les deux auteurs italiens, la controverse étant circonserite au cas particulier des Muscides. ENRIQUES [01] considère chez les mêmes Insectes, que les inclu- sions albuminoïdes des cellules grasses son! des sarcolytes, aban- donnés par les phagocytes qui Ies avaient englobés, et absorbés par les cellules grasses elles-mêmes. Il retrouve dans certains d’entre eux les centres de cristallisation de la substance anisotrope du muscle (v. p.309), et ce sont là pour lui les faux noyaux qui ont induit en erreur les partisans d’une destruction phagocytaire. Je crois intéressant de rappeler ici une observation déjà ancienne de P. MarcHAL [89] qui paraît être passée inaperçue. Si l’on étudie à l’état frais les cellules adipeuses d’une jeune pupe, et que l’on dissolve à l’éther les gouttes graisseuses, il reste dans les cellules des globules réfringents ; à l’intérieur de ces globules on voit souvent de fines granulations, quelquefois des corpuscules anguleux ressemblant à des cristaux. Si on insülle une goutte d'acide acétique, il se forme au bout de quelques heures des cristaux d'acide urique, parfois à l’intérieur même des globules. « Les cellules adipeuses renferment donc des urates, et les globules réfringents sont les éléments où ils se déposent. >» Les pseudo-phagocyles des auteurs sont des organiles où s'accumulent les produits de désassimilation. HEexnEGuY [01] a observé, toujours ches les Muscides, les in- clusions albuminoïdes et les pseudonucléi de BERLESE. À la fin de la nymphose des leucocytes englobent des globules issus de trophocytes spontanément détruits, mais iln'y aurait pas altaque par les phagocytes de cellules encore histologiquement inaltérées (communication orale). OBSERVATIONS Chez les larves venant d'éclore, le tissu adipeux est déjà nette- ment différencié. Les cellules réunies entre elles, le plus souvent en une seule assise, forment par leur assemblage des nappes interposées entre la peau et les muscles, entre les muscles et le ventricule chylifique et, d’une manière générale, flottant librement 266 CHARLES PÉREZ. dans les lacunes interorganiques dont elles n'occupent encore qu’une faible partie. Accolées entre elles par des surfaces relativement restreintes, les cellules ne s’éloignent guère d’une forme régulièrement sphérique, etleur diamètre moyen est de 12 à 15 y. Le noyau, sphérique ou ellipsoïde, a environ 5 # et l’étroit rapprochement des granules chromatiques dont il est rempli, le rend particulièrement obscur. Le protoplasme, comme dans la plupart des cellules jennes, n'abandonne qu'imparfaitement l’hématéine dans la différenciation, et apparaît dans les coupes comme un réseau d'un mauve pâle, peu coloré par l’éosine. Il forme une couche périnucléaire, et une couche périphérique, toutes deux assez minces, réunies par des trabécules radiaires laissant entre eux de larges vacuoles. (PI XI, fig. 7). Ces vacuoles sont vides dans les coupes de larves fixées par la géné- ralité des réactifs. Seuls les fixateurs à l’osmium y révéleraient des inclusions noires, caractérisées par celte réaclion comme des goutte- lettes graisseuses. Parfois deux ou trois de ces gouttelettes, nolable- ment plus grosses que le noyau, rejettent ce dernier dans une posi- tion excentrique. Les cellules adipeuses sont assez identiques entre elles dans toutes les régious du corps. On peut noter cependant que dans la région postérieure de l'abdomen, beaucoup sont de taille moindre, atteignant à peine 6 à 8 y, et l’on trouve, comme aspect et comme taille, tous les intermédiaires entre ces cellules adipeuses déjà différenciées et des amæbocytes ayant environ 4 y (fig. 15). Ces faits concordent d’ailleurs avec ce que l’on sail de l’origine des cellules adipeuses. FiG. 15. — Leucocytes et jeunes cellules adipeuses. Larve denses) Les cellules adipeuses ont notablement grossi ; elles atteignent 30 à 40 %, leur noyau environ 15 w. Des changements assez notables sont à signaler. Si le cytoplasme a gardé sensiblement la même dispo- ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES,. 267 sition et le même aspect, le noyau cest un peu plus clair, et on y distingue un peu mieux les granules. Il est encore régulièrement ovoïde dans beaucoup de cellules (PI. XI, fig. 8), mais dans beaucoup d’autres aussi, il présente de petits pointements périphériques, angles saillants correspondant aux principaux trabécules radiaires du cyloplasme, et séparant des arcs légèrement concaves, par lesquels le noyau confine aux principales vacuoles. Les cellules grasses remplissent maintenant une portion beaucoup plus considérable des lacunes interorganiques. Ce fait ne semble pas exclusivement dû à l'accroissement de taille de chaque cellule, mais aussi à l'accroissement du nombre des éléments. On voit en effet assez fréquemment des cellules adipeuses présentant deux noyaux ; et à ce stade où les noyaux ont toujours une forme assez ramassée, il est bien vraisemblable qu'on doit interpréter ces cellules binuclées comme des stades de bipartition. Je n’ai point observé de caryocinèses, et les noyaux très étirés en longueur de certaines cellules semblent indiquer une division directe. Mais je crois devoir réserver Ce point, n'ayant point observé de larves au moment précis d'une mue. C'est à ce moment que, chez le Ver à Soie, BERLESE a observé des caryocinèses dans les cellules du corps gras. Les goutteleties grasses n'ont ni beaucoup grossi, ni beaucoup augmenté de nombre ; il en sera de même pendant tout le reste du développement. Mais il commence à apparaitre dans les cellules d’autres inclusions, sous forme de granulations sphériques ré- fringentes, de 3 à5 u, qui ne disparaissent pas dans les dissolvants de la graisse et persistent dans les coupes, où elles se colorent énergi- quement par l'éosine. J'avais, au début de mes recherches, désigné indistinctement, comme d’autres auteurs, toutes les inclusions du tissu adipeux sous le nom de goutielettes grasses, sans altacher autrement d'importance à ce terme. A la suite du travail de BERLESE mon attention a été appelée sur la nature des diverses inclusions, el je reconnais qu'il y a lieu de distinguer entre les goutlelettes de graisse proprement dite et ces inclusions éosinophiles. En l'absence de méthodes microchimiques précises, J'ai examiné les affinités de ces inclusions pour divers colorants. Le séjour pendant 24 heures dans une solution glycérique d'induline à 2/30 ne les colore pour ainsi dire pas. Au contraire elles se teignent avec énergie en quelques minutes dans les solutions aqueuses d'aurantia. 268 CHARLES PÉREZ, C’est aussi ce dernier colorant qu'elles fixent lorsqu'on les traite par un mélange glycérique d’induline et d’aurantia. On peut conclure de là que ces inclusions se rapprochent des grauulations éosinophiles « d'EHRLICH. Il semble d’ailleurs, autant du moins que ces colorations iden- tiques permettent de conclure à une parenté chimique, que les granulalions éosinophiles sont une forme très fréquente de l’accu- mulation des réserves albuminoïdes. CAULLERY et MESNIL [89] les ont signalées chez une Annélide Polychète, Dodecaceria concharum. Elles existent dans les renflements basilaires de la double queuc des cercaires de Bucephalus polymorphus. Enfin elles sont un des éléments importants du vitellus des œufs d’un très grand nombre d'animaux. Au stade considéré, presque toutes les cellules adipeuses contiennent déjà quelques granulalions éosinophiles. Ces dernières sont particulièrement abondantes dans les cellules de la région thoracique. L'évolution ultérieure des cellules adipeuses, pendant la vie larvaire de la Fourmi, va consister principalement dans laccumu- lation progressive de ces réserves éosinophiles, et dans la distension des cellules par le nombre toujours plus considérable des granules qui les remplissent. Larve de 6 mm. Les cellules adipeuses ont 80-90 #. Leurs noyaux se sont accrus à peu près proporlionrellement, mais il est malaisé de donner de leurs dimensions une évaluation précise en raison des formes très irrégulières qu'ils commencent à présenter. En effet, au fur et à mesure que la cellule grandit et se remplit de granules, les pointes périphériques du noyau deviennent plus saillantes, s’insinuant d’une manière irrégulière entre les granules les plus proches ; les échan- crures de son contour s’accusent et deviennent plus concaves. L'accroissement considérable de taille des cellules adipeuses, joint peut-être à une mulliplication numérique, fait qu'elles remplissent maintenant d’une manière plus complète les espaces interorganiques. Elles se compriment mutuellement et se déforment. Les déformations du noyau correspondent, dans leurs traits géné- ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 269 raux, à celles des cellules. Si, par exemple, plusieurs cellules conliguës sont aplaties dans un même sens, tous leurs royaux s'élalent dans le plan d’'aplatissement ; mais la correspondance ne peut pas être poussée plus loin. Le laminage du noyau entre les granules, supposées plus élastiques que le reste du cytoplasme, intervient aussi, sans doute, mais ne suffit pas davantage à expliquer complètement les déformations du noyau, très irrégulières parfois dansdes cellules isolées, sphériques, et où la distribution des granules parait pour ainsi dire isolrope autour du centre (1). Surtout dans les stades ultérieurs. où la déformation devient plus considérable encore, on conçoit facilement que l’étirement d’une région du noyau puisse aller jusqu'à le séparer totalement en deux fractions ; aussi lorsqu'on observe le cas fréquent de cellules adipeuses contenant deux corps nucléaires, ne peut-on être persuadé qu’on est toujours en présence d’un stade de division. Au stade considéré actuellement les cellules de la région abdomi- nale postérieure sont un peu en retard dans leur évolution sur les cellules plus antérieures. Leur noyau est encore relativement régulier, peu anguleux ; les couches de cytoplasme, périnucléaire et corlicaie, sont assez épaisses, des trabécules radiaires assez gros circonscrivent de grandes vacuoles à graisse. Le nombre des inclu- sions éosinophiles est assez restreint. Les cellules des régions antérieures, au contraire, un peu plus grandes de taille, ont leurs noyaux plus rameux, le réticulum protoplasmique a ses fils plus ténus el les vacuoles à graisse sont comme perdues dans l’accumulation des sphérules éosinophiles. Sans que la distribution de ces dernières ail une régularité absolue, on remarque cependant que les plus petites d’entre elles, mesurant environ 1, entourent en zûne serrée le noyau, tandis que les plus grosses ayant en moyenne 10 & sont réparties dans la périphérie de la cellule. Il est inulile de suivre pas à pas l'évolution des cellules adipeuses dans la série des stades larvaires successifs. D'autant plus que celte évolution ne progresse pas d’une manière absolument uniforme jour (1) Chez les Insectes des autres ordres l'accumulation de granules ne produit pas de déformations du noyau; et chez les Fourmis elles-mêmes les noyaux restent globulcux dans les cellules à urates, où s'entassent cependant des concrétions très résistantes. 270 CHARLES PÉREZ. toutes les cellules ; il y a bien à chaque âge un type moyen corres- pondant à la majorité des cellules, mais on peut, avec un peu de recherche, rencontrer dans le même individu presque tous les stades d’accumulalion de réserves et de déformations du noyau. Il me suffira de dire qu’une légère avance se maintient dans les cellules de la région antérieure, et que l'accroissement de taille continue, avec une diffluence de plus en plus accusée du noyau. Larve adulte Au moment où la larve adulle cesse de se nourrir et se prépare à liler, la presque totalité des cellules adipeuses sont arrivées à une période d'état où elles mesurent jusqu’à 150 4 et où le noyau rameux bifurqué, contourné,envoie ses prolon- gements Jusqu'à peu de distance des limites cellulaires (fig. 16). Il ne semble pas que le cytoplasme ait accru sa masse en proportion de la croissance cellulaire ; la couche péri- phérique est réduile à une mince pellicule, d'où partent radiairement des cloisons, des trabécules extrè- Fc: 16. Celliles apouses D MCHAIEnUSSS Care" DIE RES Lune dan ndule régions de la cellule les inclusions éosinoplhules , toujours distribuées comme 1l a été dit, sont pressées côle à côte, et se louchent sans mailles intercalaires de cytoplasme. Malgré ce que peut avoir d’étrange la déformation considérable du noyau, on ne peut cependant pas voir, avec ANGLAS, dans cette évolution des cellules grasses, une dégénérescence graisseuse. C'est au contraire une différencialion progressive d'éléments, où s'élaborent et s'accumulent des réserves, et j'adopterai volontiers avec BERLESE le nom de {ophocyles, qui convient parfaitement à ces cellules nourricières, et ne préjuge rien de la nature chimique de leurs réserves, où, comme on l’a vu, la graisse peut n'avoir qu’une très faible place. Chez tous les Insectes holométaboles, la vie larvaire se résume en Somme dans celte accumulalion par les trophocytes d’une masse ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 271 énorme de substances de réserve, dont la plus grande partie est utilisée, au moment de la nymphose, dans la prolifération des organes IMmaginaux. Le jeûne imposé aux larves empêche naturellement cette évolu- tion du corps adipeux ; et, s’il se prolonge, les réserves déjà accu- mulées se résorbent.Il est aisé de faire l'expérience avec les grosses larves de Coléoptères lignivores. Turgescentes et blanches lors- qu'on les récolte, elles deviennent flasques et translucides lors- que de longues semaines de jeûne ont épuisé les réserves de leur corps adipeux. Ilfaut remarquer toutefois que la quantité de réserves, accumulées chez la larve dans les conditions normales d'alimentation abondante, est plus que suffisante au développement de la plupart des organes imaginaux. Il en résulte que si l’on soumet au jeüne des larves assez âgées, et où l’accumulation des réserves est déjà assez ,considérable, ces larves, après avoir vécu un certain temps sur leurs réserves, et avoir rapelissé d'autant, finissent par se métamorphoser cependant, et par donner des adulles de petite taille. C'est l'expérience souvent réalisée dans les élevages et que BERLESE signale en particulier pour les Saperda. Les parasistes ont, d'une manière générale, une action compa- rable à celle du jeûne. PaNTEL signale la pauvreté en globules graisseux des cellules adipeuses chez les Leptynia hispanica para- silés par des larves d’une Tachinaire, le Thrivion halidayanuim. J'ai observé d’une manière analogue un très faible développement du corps adipeux chez une chenille adulte de l'Hyponomeute du Fusain parasitée par l'£ncyrtus fuscicollis. Une grande partie de la cavité du corps était au contraire occupée par les circonvolutions du sac polyembryonnaire du parasite. D'une manière plus brutale les réserves du corps adipeux sont mangées directement par les larves d’un grand nombre d'Hyménop- tères parasites. Généralement l'évolution larvaire de ces parasites est rapide et les œufs sont pondus par la mère dans la larve de l'hôte déjà près de son complet développement. Le plus souvent les larves parasites épuisent complètement la larve hôte, et celle-ci meurt avant te début de sa nymphose. Mais il existe au contraire certains cas où le parasitisme est trop tardif ou l'épuisement de l'hôte trop peu complet pour empêcher 272 CHARLES PÉREZ. la nymphose. La majorité des Jchneumons éclosent de la chrysalide de leur hôte, alors que l’œuf a été pondu dans la larve. Et quelquefois, d’une manière exceptionnelle il est vrai, c'est de l'hôte adulte que sortent les parasites. Nymphe. Le début des phénomènes de la nymphose se manifeste extérieu- rement, d'une manière extrèmement nette, par un changement de couleur de la larve. Pendant la période de croissance elle était d’un blanc brillant et cette couleur était due à la réflexion de la lumière sur les inclusions globulaires des cellules grasses,apparaissant sous la translucidilé de la peau.Au contraire la larve qui a filé son cocon, ne larde pas à présenter un aspect mat, et une teinte d’un jaune crémeux clair; son apparence est lout autre et celte modification tout à fait saisissante est de la plus grande commodité pour saisir le début de la nymphose, avant tout changement de forme perceptible, dans les espèces où la larve ne file pas de cocon. L'examen des lissus fixés dénste en effet une modification dans les cellules du corps adipeux. Elles n'augmentent plus de taille, mais le noyau s'étire de plus en plus en un réseau de lames, où abondent les trifurcations sous des angles voisins de 120°. A ce point de vue, l’évolution, dont nous avons vu les premiers stades dans la larve, continue. Mais il y a quelque chose de plus: c’est l'apparition, au voisinage du noyau, d'un amastrès dense de très pelits granules, formant dans chaque cellule une tache compacte, qu'un fort grossissement résout en une fine ponctuation. Dans les coupes colorées à l'hémalun-éosine, cette zône centrale est légèrement plus rouge que les globules éosinophiles de la zône phériphérique, et cette distinction est surtout nette lorsqu'au lieu d’éosine seule on emploie comme colorant protoplasmique un mé- lange d’éosine et d’aurantia ; la zône centrale est rose, les granules périphériques orangés. Ces oppositions pourraient faire penser à une différence de nalure entre les diverses granulations; mais j'hésite devant cette conclusion, étant donné que les réaclifs précédents colorent en général toutes les parlies du protoplasme d’une façon assez uniforme et ne distin- œuent pas très bien, en particulier, les trabécules du cytoplasme des inclusions intercalaires. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 219 Si on emploie au contraire l’hématoxyline au fer et l’éosine, le réseau du cytoplasme prend une teinte lie de vin pâle, et toutes les granulations sont du même noir bleu, couleur d’encre. Le traitement successif à l’induline glycérine et à l’aurantia colore le cytoplasme en bleu verdàtre, toutes les granulations en orangé. Par la coloration au carmin chlorhydrique, suivie de différenciation au picro-indigo-carmin, le protoplasme est lilas et les granulations vertes ou bleues suivant la durée de la différenciation, mais toujours toutes identiques entre elles. On peut donc penser qu'il y a identité entre toutes les granulations, et que si certains réactifs accusent une teinte spéciale dans la zône périnucléaire, c'est que les granulations très petites y sont englobées dans les mailles d’un réseau de cytoplasme qui se teinte un peu différemment d’elles-mêmes. Ces granulations de la zône centrale sont-elles des néoformations, des réserves d’accumulation nouvelle, ou bien résultent-elles d’une élaboration des granules préexistants ? J'inclinerai plutôt vers la seconde hypothèse, car on voit progressivement s'étendre cetle zûne centrale finement ponctuée, qui finit par envahir presque toute la cellule, tandis que se réduit progressivement la zne périphérique à grandes sphérules (PI. XI. fig. 11, 12). Il semble donc qu'il y a morcellement des inclusions primitives en parcelles plus petites, prenant également la forme sphérique, et que ce morcellement progresse d'une manière centrifuge. Ce mor- cellement ne va pas sans doute sans digestion partielle et la question doit être encore réservée de savoir s’ils’accompagne ou non d’une modification chimique des parties qui restent en granules figurés. Cette modification est surtout accusée dans les trophocytes abdo- minaux, Où la zône ponctuée centrale s'étend bientôt presque jusqu’à la membrane cellulaire. Au contraire, dans la tête et le thorax, les cellules adipeuses conservent sous forme de gros g'anulesune partie notable de leurs inclusions éosinophiles. Une première période de la vie nymphale consiste ainsi pour le tissu adipeux dans cette (ransformation des sphérules éosinophiles en granules beaucoup plus petits. En même temps une partie notable de la graisse paraît être digérée. Ces modifications s’accompagnent du changement de teinte signalé plus haut, et en même temps d’une dissociation des nappes adipeuses en cellules individualisées, qui, libres et sphériques, se mettent à flotter dans le liquide cavitaire de la 18 274 CHARLES PÉREZ. nymphe. Celte liberté leur permettra par exemple d’être transportées dans la cavité des pattes qui s'évaginent, et on les y retrouvera, comme prises au filet, dans les intervalles des fibres musculaires imaginales. La dissociation des nappes adipeuses est sans doute le résultat de la dissolution d’une substance intercellulaire, où même d’une partie des membranes cellulaires. Toujours est-il que la membrane des cellules adipeuses est devenue d'une lénuité et d’une fragilité extrêmes ; le moindre attouchement la rompt, etune pareille rupture est facilement amenée dans les manipulations de la fixation (inci- sions de la peau, etc.). Une fois fixées, les cellules adipeuses, bourrées de pelits granules, prennent une consistance farineuse extrêmement friable, et pour peu que l'inclusion ne soit pas faite avec des précau- tions minutieuses, surlout si la déshydratation n’a pas été totale, elles sont émiettées par le rasoir, et on trouve leurs granules épars floltant dans les coupes entre les organes. On en trouve même en dehors des contours chitineux de l’Insecte, et cette remarque aurait dû mettre sur leurs gardes les auteurs qui ont cru observer la diffluence du corps gras en une émulsion de granules. L'examen à l’état frais, s’il permet de se convaincre de la fragilité des cellules, permet aussi de s'assurer de l’intégrité de leurs membranes. Il suffit de laisser écouler sur un porte-objet le contenu d'une nymphe dilacérée avec précaution ; quelques globules isolés, provenant de la rupture traumatique inévitable de quelques cellules, flotteront seuls autour des autres cellules, à contours parfaitement nets. Si d’ailleurs on a soin de déshydrater parfaitement les nymphes fixées par le passage prolongé plusieurs jours dans des alcools absolus successifs, etsi l’on inclut ensuite avec lenteur dans la paraffine, on obtient des coupes où les cellules adipeuses sont en parfaite intégrité, et il n’y à point alors de granules en dehors d'elles. Jusqu'au stade où nous sommes arrivés l’évolution a été la même, à très peu près, pour toutes les cellules adipeuses. Au contraire, pendant les stades ultérieurs de la nymphose, on ne peut plus donner de description valable pour l’ensemble des cellules ; il y a dans leur évolution des particularités individuelles ; les unes sont détruites, les autres persistent jusqu’à l’imago ; souvent des cellules placées côte à côte ont une évolution différente, et un hasard semble déter- miner pour elles telle ou telle série de modifications. Cependant il ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 2719 est des cas où manifestement la siluation topographique des cellules les prédétermine à la destruction, où à telle modification spéciale ; le sexe de l’insecte à aussi, comme on va le voir, une grande importance. J'examinerai d’abord les cellules qui continuent à évoluer sans se détruire, et, parmi elles, les cellules grasses dela région thoracique. Au stade auquel nous sommes arrivés, elles sont libres, sphériques, flottant dans le liquide cavitaire ; elles contiennent encore une pro- portion notable de gros globules éosinophiles. Peu à peu, les plages d'histoblastes qui donneront les muscles thoraciques augmentent d’étendue, et les lacunes interorganiques sont d'autant diminuées. Bientôt les celiules adipeuses sont comprimées entre les trainées musculaires, et, bout à bout sur une seule file elles s’allongent de plus en plus ; leur noyau suit cet allongement et souventse dissocie en plusieurs fragments. Le nombre des inclusions éosinophiles diminue rapidement, les petites ponctuations périnucléaires étant les premières à disparaître ; la cellule diminue peu à peu de volume, et le réseau du cytoplasme devient beaucoup plus apparent, à la fois parce que, ramassé davantage sur lui-même, il constitue de plus gros trabécules, et parce qu'il est moins caché par le nombre dé- croissant des globules ; ses mailles circonscrivent de larges vacuoles sphériques, vides dans les coupes, et qui sont occupées par des gouttes de graisses (PI. XI fig. 16). On peut conclure de ces faits qu'une partie des réserves é0sino- philes quitte la cellule sous forme soluble, et sert sans doute à la nutrition des muscles voisins. C’est ce départ qui fait peu à peu diminuer la cellule. En outre il y a apparition progressive de gouttes graisseuses, probablement formées aux dépens d'une autre partie des globules éosMophiles. Ces derniers finissent par disparaître totalement, et la cellule complètement laminée, et réduite à une minime épaisseur (10u), (PI. XI fig. 17) ne contient plus que des globules graisseux. Ce mode de disparition des réserves concorde avec tous les faits analogues qui ont été observés. On doit penser que la digestion des réserves se fait dans la cellule par des diastases secrétées par la cellule elle-même. Il n’y a aucune raison de croire que la digestion se fasse par des diastases secrétées par d’autres cellules (par les cellules qui profiteront des réserves digérées, comme le pense 276 CHARLES PÉREZ. ANGLAS), et qu'il y ait ainsi action à distance d’autres éléments (Lyocytose). Je prendrai comme second lype de cellules grasses persistant jusqu’à l’imago la majorité de celles qui remplissent l'abdomen des femelles. Ce sont de grandes cellules libres, bourrées de fines ponc- tualions éosinophiles dont l'accumulation serrée s'étend presque jusqu'à la membrane ; la zône tout à fait périphérique contient encore quelques globules plus gros. Peu à peu ces globules vont disparaître et, à un stade moyen de cette disparition, la cellule présente un très grand nombre de vacuoles sphériques, occupées par des gouttelettes grasses, et limitées par un réseau protoplasmique englobant encore de tout petits granules éosinophiles ; ces derniers sont encore abondants en zône serrée autour du noyau (PI. XI fig. 13). II semble done que dans ces cellules aussi, les granulations éosimophiles se transforment en graisse. Cette transformation, bien que poussée très loin, n’est cependant pas encore complète au moment de l’éclosion de la femelle. Les cellules grasses, qui remplissent une grande partie de la cavité abdominale, contiennent encore un nombre appréciable de globules éosinophiles. Au cours de cette évolution, le noyau conserve la forme irrégulhèrement rameuse qu'il avait acquise au début de la nymphose. La membrane des cellules devient beaucoup plus résistante. Aussi n'est-il plus nécessaire à ce moment d'une fixation et d’une inclusion aussi minutieuses pour conserver dans les coupes l'inté- grité des éléments. C’est là ce qui explique l'opinion d’auteurs qui, comme KOSCHEVNIKOV, ont cru à une reconstitution de cellules grasses par unesorte de cristallisation des granules autour des noyaux larvaires conservés, au sein de l’émulsion qui résulterait d’une rupture préalable des membranes. , Un autre fait à noter, est la réduction de volume des lacunes interorganiques, qui se produit dans la dernière période de la nymphose, par suite du développement des organes abdominaux : tube digestif, ovaires, glande à acide formique. Les cellules grasses sont alors serrées les unes contre les autres ; elles prennent des formes polyédriques, et s’accolent en outre les unes aux autres, de inanière à reconstituer des nappes cohérentes, comme celles qui existaient chez les larves, mais où les noyaux conservent, dans leurs formes rameuses, les traces des vicissitudes antérieurement subies. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 277 Toutefois, dans quelques cellules, certaines régions séparées du noyau rameux s'arrondissent et forment un ou plusieurs pelits noyaux réparlis dans la périphérie de la cellule (fig. 17). Fic. 17. — Cellules adipeuses et œnocytes d’une femelle venant d'éclore ; les inclusions éosimophiles n'ont pas été représentées. Il reste à examiner maintenant le mode de disparition d’un certain nombre de cellules adipeuses. J'avais, au début de mes recherches, douté d’une intervention importante de leucocytes et cru à une disparilion de cellules grasses sans intervention de phagocytes. Des préparations meilleures m'ont permis depuis de me convaincre de l'existence pour le corps gras, comme pour d’autres tissus, d’une phagocytose leucocytaire typique. Il existe une région où l’on peut rencontrer à coup sûr, chez les jeunes nymphes un peu avant la mue, une destruction assez importante de cellules adipeuses ; c’est la région postérieure de la tèle et antérieure du thorax, où va se faire l'étranglement du cou. On y observe en assez grande abondance des leucocytes, qui ne sont pas seulement intercalés entre les cellules grasses, mais qui manifestement s’aplatissent à leur surface, et y sont intimement accolés. La destruction, à peine commencée, doit être extrêmement rapide, car on rencontre en abondance des stades avancés de phagocylose, tandis que les stades de début sont très rares. J'ai eu grand’ peine à trouver des leucocyles, pénétrés à l’intérieur d'une 278 CHARLES PÉREZ. cellule grasse, et présentant autour de leur noyau une auréole protoplasmique encore distincte. En général, aussitôt que les leucocytes ont pénétré à l’intérieur d’une cellule grasse, leur protoplasme doit s’insinuer en lamelles extrèmement fines entre les granulations éosinophiles qui bourrent la cellule, et on n’apercçoit que leur noyau, qui paraît lui-même présenter des déformations amæboïdes. J’ai représenté (PI. XI, fig. 14) un de ces stades. La figure ne représente qu’une tranche de la cellule, et cinq leucocytes immigrés sont contenus dans cette tranche. L'examen des autres tranches contenues dans les coupes voisines, montre que cette cellule grasse est attaquée simultanément par une vingtaine de phagocytes. On remarquera l'aspect tout particulier présenté par le noyau de la cellule grasse : il n'est plus rameux, et n’a plus la couleur uniformément sombre qu'ont les noyaux des cellules grasses persis- tantes. Il s’est ramassé sur lui-même, en masse irréguliérement globuleuse, et paraît rempli d'ur fluide clair, tandis que ses granules chromatiques sont répartis en traînées superficielles. Ainsi, dès que les phagocytes ont pénétré dans la cellule grasse, il se produit des modifications de tension superficielle, des variations d’osmose, des phénomènes de plasmolyse, dans le détail desquels il est difficile de pénétrer, mais qui se manifestent de la manière la plus accusée par cette transformation du noyau. On dira peut-êlre que cette transformation accuse au contraire une modification préalable à la phagocytose, qu’elle est le signe histologique d'une dégénérescence, qui désigne les cellules où elle se produit à la destruction phagocytaire. Je ne le crois pas, car malgré mes recherches très attentives, je n'ai pas pu trouver une seule cellule où le noyau présentàt cette modification sans que des noyaux de leucocytes fussent reconnaissables, insinués entre les oranules éosinophiles. Il ne semble donc pas que ce soit là le signe d’une modification en quelque sorte spontanée des cellules grasses. Le seul fait de la perforation de la membrane par la pénétration des leucocytes ne paraît pas non plus suffisant à expliquer cette modificalion du noyau. Car, à la même époque de la vie nymphale, les œnocytes très nombreux et très amœæboïdes, pénètrent souvent à l'intéricur des cellules grasses, et par conséquent perforent Jeur membrane, sans produire cependant aucune altération visible. J'ai cprésenté (PI. XI, fig. 13) une cellule grasse que rien ne distingue En) ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 279 des autres, sauf une grosse vacuole, où un œnocyte a pénétré jusqu'au voisinage immédiat d'un rameau nucléaire (1). Il est bien évident cependant qu'il y a une modification qui provoque l’afflux des leucocytes vers telle cellule grasse, tandis que les voisines sont respectées. Mais je crois que les modifications capables de provoquer un chimiotactisme sont autrement subtiles que les altérations perceptibles aux techniques histologiques, et je crois pouvoir conclure que la phagocytose est très précoce, et préalable à une dégénérescence visible. Au stade que je viens d'examiner la membrane est encore bien distincte, et si la pénétration des leucocytes l’a perforée, elle ne l’a point rompue. Mais bientôt les phagocytes accaparent chacun un territoire de granules dans la cellule adipeuse, leur protoplasme insinué en pseudopoles grêles arrivant sans doute à se rejoindre par delà les granules, et la cellule adipeuse se résout en un amas de petites cellules irrégulières, dont chacune contient un noyau de leucocyte, diversement déformé, et un grand nombre de globules éosinophiles, ayant encore tout à fait l'aspect qu'ils avaient dans la cellule grasse. Tous ces phagocyles repus entourent, serrés les uns contre les autres, le noyau de la cellule grasse, encore reconnais- sable (PI. XI, fig. 5; cerlains noyaux ne sont pas dans la coupe). C’est de beaucoup le stade le plus fréquent dans les préparations, parce qu’il est le plus prolongé. Peu à peu les phagocytes s'écartent les uns des autres et prennent la forme sphérique : en même temps les inclusions qu'ils ont absorbées sont progressivement digérées à leur intérieur. Le noyau des cellules grasses est attaqué en dernier lieu par les phagocytes, et ses débris forment à leur intérieur des inclusions chromatiques. Chez les femelles c’est à peu près exclusivement dans la région nucale déjà signalée, qu’on peut observer la destruction phago- cytaire des cellules grasses. Dans l'abdomen au contraire, elle n’a lieu que d’une façon tout à fait sporadique et on a vu plus haut comment se conservent jusqu'à l’imago la majorité des cellules abdominales (fig. 18). Il en est toul autrement chez les mâles, où, à égalité d'âge, le développement des testicules est tout à fait disproportionné, si on le compare à celui des ovaires; chez une nymphe encore jeune, (1) Voir p. 287, au chapitre des œænocytes, la discussion relative à ce cas. 280 CHARLES PÉREZ. presque toute la cavité abdominale est déjà remplie par le testicule, où les spermatozoïdes sont formés, tandis que les cellules grasses sont comprimées sous la peau dans la région dorsale, ou refoulées FiG. 18. — Etendue comparative des régions encore persistantes du corps adipeux (régions teintées), dans l'abdomen de nymphes également âgées de mâle et de femelle. ventralement dans les espaces angulaires où se lélescopent les segments. En rapport, sans doule, avec ce fait, on observe au voisinage de la mue, la destruction phagocytaire des cellules grasses dans toutes les régions de l'abdomen des mâles, et cette destruction continue pendant la fin de la nymphose. Ainsi {tandis que les femelles naissent avec un nombre considé- rable d’ovules, déjà différenciés, mais peu chargés de vitellus, et conservent une quantité considérable de réserves accumulées dans leur corps adipeux, les mâles au contraire naissent pour ainsi dire vidés de réserves. Tout à élé employé pendant la nymphose à la formalion d'éléments sexuels mûrs el l'organisme s’est épuisé dans la formation des spermatozoïdes. Cette différence est intéressante à rapprocher du fait que les males meurent peu après l’accouplement tandis que les femelles peuvent être gardées en captivité, et que sans recevoir aucune nourriture elles arrivent non seulement à se soutenir avec leurs réserves, mais encore à pondre quelques œufs. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 281 C'est ce qui arrive naturellement dans la fondation d'une nouvelle fourmilière par une femelle isolée. RESUME ET CONCLUSIONS. Au cours de la vie larvaire les cellules du corps adipeux sont le siège d’une accumulation progressive de réserves graisseuses el surtout albuminoïdes (éosinophiles x). Pendant Ia nymphose, il n°y a point destruction totale comme chez les Muscides, et le corps gras imaginal n'est point une néoformation, il est consutué par un certain nombre de cellules larvaires où les réserves albuminoïdes se transforment en graisse. Mais cette conservalion de cellules larvaires n’est pas totale. Etendue à la majorité des cellules chez les femelles, elle se restreint à une infime minorité chez les mâles, où presque toutes disparaissent par phagocytose leucocytaire. Une partie des réserves des cellules persistantes sont digérées dans ces cellules elles-mêmes et utilisées par les organes voisins en prolifération. Les réserves des cellules qui disparaissent sont au contraire élaborées par les phagocytes avant d'être utilisées par les nouveaux LiSsus. ŒNOCYTES HISTORIQUE. WiELOWIEJSKI [86] a le premier attiré l'attention sur l'existence chez divers Insectes d’une catégorie spéciale de grosses cellules, réparties métamériquement sous l'hypoderme des segments abdo- minaux, par petits groupes avoisinant les stigmates. La couleur de ces cellules, chez les larves de Chironomes, rappelle pour l'auteur celle de certains vins blancs, el il a, pour cette raison, donné le nom d'œnocytes à ces cellules, dont le rôle lui est resté inconnu. Korornerr [85] avail vu les œnocytes de Gryllotalpa, el les avail interprétés comme mésenchyme. TICHOMIROW [821 les avail considérés chez le Bombyx mori comme des glandes. Ce sont aussi les cellules glandulaires que KowaLEvskY [87] signale sans insister chez les Mouches ; Bisson ET VERSON [91] les 282 CHARLES PÉREZ. appellent cellules hypostigmatiques chez le Ver à soie. PEKARSY [89] a consacré aux cellules péritrachéales de divers Insectes un travail peu utilisable. GRABER[91 | attribue une origine ectodermique aux œnocytes de Stenobolhrus, et fait dériver d'eux, au moins en partie son {issu hémostéatique comprenant le corps adipeux et les corpuscules du sang. WueëLer [92] oppose au contraire le tissu adipeux, mésoder- mique, aux œnocytes, ectodermiques, et passe ces derniers éléments en revue chez les différents Insectes, les Hyménopteres exceptés. PANTEL [98] fait une étude assez détaillée des œænocytes chez le Thrivion ; 1 observe sur le vivant leur forme variable, légère- ment amæboïde; ces éléments n'agissent point comme phagocytes ; peut-être ont-ils un rôle exécréteur ; leur analogie est frappante, dans les coupes colorées, avec les cellules malphigiennes. Parfois même ils fixent comme elles le bleu de méthylène d’une injection physiologique. Mais ce cas n’est pas constant, et il y a lieu de rappeler que Cuenor [96] n’a jamais observé chez les Orthoptères d'absorption de colorants par les œnocytes vivants. Les cellules décrites par KarAWAIEW [98], chez les larves de Lasius flavus, sous le nom de cellules glandulaires, sont certaine- ment des œnocytes. Leur rôle reste pour lui énigmatique : « Pendant la mélamorphose, ajoute-t-il, les cellules glandulaires subissent une dégénérescence avec chromatolyse typique. » Il est manifeste que KaRAWAIEW à vu seulementles œnocytes larvaires. Je serais surpris qu'il n'y eût pas chez le ZLasius flavus cette persistance et cette mullüiplicalion des œnocytes, que BERLESE et moi avons observées chez plusieurs autres Fourmis. Je considère comme vraisemblable une confusion de l’auteur entre les ænocytes et les grands phago- cyles; une partie de ces derniers doivent être des œnocytes, les autres sont des cellules à urates. ANGLAS [00] parle uniquement d'œnocyles libres dans la cavité du corps, et ne les trouve que dans l'abdomen. « Jamais 11 ne cons- lituent d’amas ni de groupes». L'auteur n’a sans doule en vue que les œnocytes de la nymphe, et n'apas vu leurs rapports avec les œnocytes fixes de la larve. Ils augmentent de taille avec l'âge; l'auteur se croit autorisé à en conclure qu'ils sécrètent autour d'eux des ferments, que ce sont des glandes à secrétion interne, et que ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES, 283 les diastases qu'ils élaborent sont peut-être utilisés pour la disso- lution des cellules larvaires «destinées à disparaitre» . BERLESE [99-01] mentionne les œænocytes chez la plupart des Insectes qu'il a étudiés, et il attribue à ces éléments une fonction excrélrice. Chez le Melophagus ovinus les œnocytes, en groupes métamé- riques chez la larve, se multiplient au début de la nymphose, et on les trouve libres, en assez grande abondance, au milieu des cellules adipeuses. Ils n'ont pas d'activité phagocytaire. Plus tard leur cytoplasme devient clair, vacuolaire, et ils disparaissent peu à peu. Les tubes de Malpighi se développent tardivement, précisément au moment où disparaissent les œnocytes, et ce fait engage l’auteur à songer à une suppléance physiologique. Chez les Tenthrédines (Calliroa limacina, Hylotona rosæ) il y a, d’une manière analogue, disparition des ænocytes ; peu après le filage du cocon, on voit leur cytoplasme dégénérer à la phériphérie en granules colorables, puis le noyau lui-même est atteint de chromatolyse. Au contraire chez la majorité des autres Insectes il y a persistance des œnocytes pendant toute la vie nymphale, el jusqu’à l’éclosion de l'imago. Chez les Fourmis en particulier (Tapinoma erraticum, Pheidole pallidula) BERLESE signale avec précision la posilion des œnocyles larvaires, en groupes fixes, sur les flancs des six premiers segments abdominaux. Au début de la nymphose, on commence à rencontrer des ænocytes libres, entre ies cellules adipeuses, ou sous lhypo- derme ; leur nombre s’est certainement accru, et les œnocyles lar- vaires ont dû proliférer. Cette migration des nouveaux œnocytes à lieu par mouvements amæboïdes et BERLESE dessine quelques-unes de ces cellules avec des pseudopodes lobés bien caractérisés. Ce sont là, d'après BERLESE les grands phagocytes de KARAWAIEW, jai déjà indiqué comment il fallait à mon avis, corriger l'erreur d'interprétation de l’auteur russe. I n’y à d’ailleurs pas grande différence entre mon opinion et celle de BERLESE, car ce dernier confond les œnocytes avec les cellules à urates. Il ne constate l'existence de ces dernières cellules que chez les nymphes déjà àgées, el pense que ce sont des œnocytes, dont il croit reconnaitre le noyau resté identique à lui-même BERLESE ne semble d’ailleurs pas tenir d’une manière bien ferme à celle opinion; ainsi qu'il résulte d'une note de son Mémoire (p. 257). 284 CHARLES PÉREZ. Chez le Cynips tozae, BERLESE signale des œnocytes épars entre les cellules grasses, déjà chez la jeune larve. Ce sont sans doute des cellules à urates, encore sans concrétions. Plus tard il distingue bien, chez la larve à maturité, les vrais œnocytes restés vides, ef les cellules bourrées de granulations uriques, maïs il voit là deux variétés d’une même catégorie d'éléments. Il constate cependant la disparition ultérieure des cellules à urates, tandis que les vrais æœnocytes persistent, intercalés entre les cellulles grasses de l’imago. Chez la larve à maturité de Monodontomerus nilens, quelques œnocytes épars sont toujours entourés de leucocytes. On peut se demander si ce n’est pas là une phagocytose leucocytaire car, d’après BERLESE chez la nymphe àgée on ne trouve pour ainsi dire plus d’œnocytes. Leur fonction de drainage serait alors remplie par l’épithélium de l'intestin moyen. Tous cependant ne doivent pas disparaitre, car chez limago on retrouve en grand nombre des œnocytes tout à fait typiques. De nouvelles observations seraient à refaire sur celte espèce. Chez le Polistes gallica BERLESE observe des œænocytes diffus chez la larve ; ils se chargent ensuite de produits uriques. C’est eucore un cas où l’auteur confond les œnocytes avec les cellules excrétrices. Chez l'Abeille au contraire, il distingue nettement ces deux calégories de cellules, mais croit cependant à leur étroite parenté (note de la p.268; « Les cellules à urates, dit-il, ne préexistent pas, vides d'urates, dans Les stades antérieurs à l’operculation. » KOSCHEVNIKOV [00] croit que les œnocytes larvaires persistent chez l’Abeille jusqu’au stade de nymphe, et ne disparaissent que plus tard. En outre de nouveaux œnocytes prennent naissance dans la nymphe, sans aucun rapport avec les anciens. L'auteur pense que les nouveaux œnocytes proviennent de l’hypoderme dont ils se libérent pour émigrer dans la cavité générale, et il croit pouvoir rapprocher de ses observations celles de KarawaIEw sur les cellu- les sous-hypodermiques, et de ScHArrFER sur les plages de prolifé- ralions hypodermiques. Cette opinion de l’auteur sur l’origine des œnocytes parait erronte. Plus intéressantes sont ses observalions sur l'évolution ultérieure de ces cellules, qu'il a vues se charger progressivement de granules pigmentaires, au cours de la vie imaginale. Le fait est surtout net chez les reines, en raison de leur plus longue existence. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 285 OBSERVATIONS. Les œnocyles larvaires de la Fourmi rousse sont de grosses cellules, dont la taille atteint et dépasse même 100 w, et que l’on rencontre, agglomérées par 15 à 20 sur deux rangs, en groupes allongés au voisinage des muscles obliques des segments abdomi- naux. Ces cellules se font tout de suite remarquer dans les coupes, à la fois par leur grande taille, et par l’affinité de leur cytoplasme pour l’éosine ; l'aspect de ces cellules colorées rappelle assez par là celui des éléments des tubes de Malpighi. Cependant leur cyto- plasme est souvent plus grossièrement granuleux, et surtout le noyau est tout différent. Tandis que celui des cellules malpighiennes, souvent irrégulier, est bourré d’une manière très dense de granules chromaliques, le noyau des œnocytes est une sphère de 30 à 40 , où la chromatine, beaucoup moins dense, est répartie en un réseau de petits granules superficiels, et en un ou plusieurs granules cen- traux plus volumineux. Les æœnocytes d’un même groupe, lâächement adhérents entre eux, sont légèrement déprimés, sur leurs faces en contact ; ils présentent d’ailleurs à l’état vivant de faibles changements de forme, qui ne vont pas jusqu'aux mouvements amoœæboïdes bien caractérisés, el sont susceptibles de légers déplacements qui ne vont pas jusqu’à leur faire perdre leurs làches rapports de contiguité. Je n’ai point observé de multiplication des œnocytes au cours de la vie larvaire, et je ne puis apporter aucune donnée nouvelle sur la physiologie encore inconnue de ces éléments. Au début de la nymphose, les œnocytes larvaires donnent nais- sance, par une division directe qui n’est pas sans analogie avec un bourgeonnement, à un très grand nombre d'éléments libres, plus petits (25 u), très amæboïdes, qut se répandent dans la cavité du corps. Ces nouveaux ænocytes sont très analogues, à la fois par les caractères de leur noyau et de leur cytoplasme, aux œnocytes larvaires. J'ai d’ailleurs observé tous les stades du bourgeonnement, et suis en mesure d’infirmer, du moins pour ce qui concerne les Fourmis, l'opinion de KosGHEVNIKOV (origine hypodermique des œænocyles nymphaux). Du noyau de l’ænocyte larvaire s’isole, vers la périphérie de la cellule, un petit noyau sphérique, d'environ 10 y de diamètre, 286 CHARLES PÉREZ. contenant, en plus du réseau chromatique superficiel, un gros nucléole central. Puis une coupure arquée, conçcave vers le petit noyau, détache autour de ce dernier une partie du territoire cytoplasmique de la grosse cellule mère. Un petit œnocyte nymphal est ainsi mis en liberté (PI. XII, fig. 1). Le même œnocyte larvaire produit succes- sivement, et d’une manière assez rapide, plusieurs petits ænocytes ; et, échancré sur ses bords comme s’il avait été découpé à l’emporte- pièces, il rappelle d'une manière assez frappante Paspect des feuilles de rosier entaillées par les Mégachiles. Une fois libres dans le liquide cavitaire, les nouveaux œnocytes continuent à se mulüplier activement, toujours par division directe, mais égale (PI. XII, fig. 2). Typiquement le noyau contient un seul gros nucléole, et la division débute par la bipartition de ce dernier ; le noyau s’élrangle à son tour, et se divise en deux noyaux ayant chacun une nucléole ; enfin une coupure du cytoplasme sépare deux œænocytes identiques à celui duquel on est parti. Toutefois la prolifération est si intense el si aclive, que des divi- sions consécutives empièlent en quelque sorte l’une sur l'autre, les cloisonnements du cytoplasme étant en retard sur les divisions nuclaires. On observe souvent une seconde bipartition du nueléole, suivi même d'une seconde division des noyaux-filles, alors que le cytoplasme de la cellule-mère est encore indivis. J’ai représenté p'ex. (PL IP AE. 3) un ænocyte contenant, dans un cytoplasme commun, trois noyaux dont l’un a deux nucléoles. D'une manière très fréquente, on observe un œnocyte complè- tement intérieur à un autre, qui a la forme d’une sphère creuse, à cavité légèrement excentrique (PI. XII, fig. 4). Connaissant le caractère amæboïde des œnocytes nymphaux, on pourrait penser que ce sont là des stades d’englobement, indiquant une sorte d’autophagocytose des œnocytes. Je ferai remarquer tout d’abord que l’ænocyte intérieur ne présente aucun signe de dégénérescence, qui puisse être interprété comme l'indice initial d’une digestion ; au contraire, s'il y a entre les cytoplasmes des deux œnocytes quelque différence, elle est au désavantage de l’œnocyte externe, qui est parfois vacuolaire, ou plus grossièrement granuleux. Je crois qu'il faut rapprocher ces faits du bourgeonnement par coupures arquées signalé plus haut, et y voir un cas particulier très fréquent, et fort curieux d’ailleurs, de la multiplication. Si on se reporte au premier ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 287 « bourgeonnement d’œnocytes libres à partir des gros œnocytes larvaires, on voil les cellules filles souvent presque complètement encasirées dans la cellule mère, et cette dernière présente parfois un cytoplasme à marbrures ou à vacuoles, quelque peu différent du cyloplasme homogène et finement granuleux de ses rejetons. De pareils faits s'observent aussi dans la multiplication ultérieure des œnocytes nymphaux, et l’on peut trouver tous les intermédiaires entre le bourgeonnement ordinaire et le faux englobement. (PI. XI. fig. 5). ) Il est à peine besoin de faire remarquer qu'un plan de section perpendiculaire à celui de cette dernière figure, et convenablement orienté, pourrait donner une apparence d’englobement; ce n'est point de pures apparences qu'il s’agit dans le paragraphe précédent. Les petits œnocytes deviennent, dès les premiers stades de la nymphose, extrêmement abondants, et se répandent dans toute la cavité du corps, jusque dans la tête et à l’intérieur des appendices évaginés. Leur déplacement n’est point uniquement passif dans le sang, mais parait au cContraire avoir lieu surtout grâce aux mouvements amœæboides de ces cellules, qui constituent en quelque sorle chez la nymphe une catégorie nouvelle de leucocytes, très volumineux et toujours bien distincts des petits leucocytes proprement dits. Si la majorité des œnocytes apparaissent sphériques dans les coupes, beaucoup aussi présentent des pseudopodes clairs, analogues à ceux que BERLESE a décrits chez d'autres Fourmis; ceux que j'ai observés sont toutefois moins irrégulièrement lobés. Grâce à leurs mouvements amœæboïdes, les œænocytes peuvent pénétrer à l’intérieur d’autres cellules, et se frayer même un passage à travers des tissus assez résistants. Fréquemment on les voit s’insinuer dans les cellules grasses, s’étranglant légèrement pour se glisser dans une perforation de la membrane (fig. 19) puis pénétrant jusque dans la profondeur de la cellule (PI. XI, fig. 13). M. HENNEGUY a bien voulu me communiquer verbalement à ce propos que chez les Tenthrédires, où les cellules à urates sont, à l’état frais, accolées superficiellement aux cellules grasses, les réactifs fixateurs les font pénétrer à l’intérieur, et que l'examen des coupes seules pourrait induire en erreur sur la véritable position de ces cellules. Dans le cas actuel l’objection ne peut pas être faite, d'une modification des rapports des cellules qu'aurait produite le fixateur. L'œnocyte immigré ne reste pas dans la périphérie de la 288 CHARLES PÉREZ. cellule, encore en contact avec l'extérieur par une partie de sa membrane, ou touchant au moins en un point la membrane de la FiG. 19. — Œnocytes pénétrant dans des cellules grasses. Un leucocyte est accolé à la surface d'une des cellules grasses. cellule grasse, comme c’est le cas pour les cellules à urates des Tenthrèdes (fig. 20); il est complètement à l'intérieur de la cellule, il touche son noyau, et plusieurs assises de granules le séparent de la Fi. 20. — L'ellules à urates encastrées dans une cellule adipeuse, chez une Tenthrède, Hylotoma, d'après BERLESE (PL. IX, fig. 144). membrane extérieure. Il ne s’agit pas non plus d’un œnocyte accolé superficiellement à une cellule grasse, dont la coupe n'aurait enlevé qu'une calotte. J'ai représenté (PI. XII, fig. 13) une tranche moyenne d’une cellule, où en faisant varier le point on se convainct de la manière la plus absolue que l’æœnocyte est bien en plein dans la cellule grasse, occupant une vacuole que circonscrivent de toutes parts des globules éosino- philes. Si jinsiste sur ce point, c’est uniquement parce qu'il pourrait paraître sujet à discussion, en ce qui concerne les cellules grasses, pour lesquelles on à contesté même la possibilité de l'immigration d'un petit leucocyte. Mais il y a des cas beaucoup plus manifestes ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 289 de cette péuétration des œnocytes dans des tissus autrement résistants que les trophocytes de la nymphe. J'ai figuré p. ex. deux œnocytes qui ont pénétré côte à côte dans une région névoformée de l'hypoderme (PI. XII, fig. 6). Dans ce cas aucune objection ne saurait trouver place; et de pareils faits sont les preuves les plus convaincantes que l’on puisse donner de l’amæboïsme des œnocytes. Amæboïdes et migrateurs, pénétrant dans les tissus, les ænocytes ne sont nullement des phagocytes. Jamais je n’ai constaté d'inclusions à leur intérieur, et les vacuoles sporadiques de leur cytoplasme, que J'ai observées comme d'autres auteurs, m'ont toujours paru s vides. J'ai déjà eu occasion de signaler qu'on ne remarque aucune aliération dans les cellules grasses où ils ont pénétré. L'hypoderme est également normal à leur voisinage, à part les déformations méca- niques provoquées par leur immigration. Souvent un ou deux œænocytes se rencontrent dans l’amas de phagocytes gorgés marquant l'emplacement primitif d’une cellule grasse en train de disparaître; mais leur protoplasme est sans vacuoles ; et le nombre des œnocytes est assez considérable à ce moment dans toutes les régions de la cavité générale, pour que leur présence en ce point puisse être considérée comme fortuile. Il n'y a donc jusqu'ici aucun fait permeltant de conclure que les œænocyles secrètent autour d'eux des diastases digestives, ni qu'ils interviennent dans la disparition des lissus (action lycocytaire d'ANGLAS). Les œnocyles nymphaux persistent jusqu’à l'éclosion de l’adu'te. où on les retrouve, avec leurs mêmes caractères, intercalés entre les cellules grasses, et sans doute devenus fixes, puisque ces dernières ont repris une adhérence mutuelle (voir fig. 17, page 277). Quant aux gros œnocytes de la larve, une partie notable de leur subslance a été utilisée dans la formation d’œnocytes libres ; ils ne se sont pas toutefois épuisés dans ce bourgeonnement, et une partie a été détruile par phagocylose leucocytaire. Au moment même de la prolifération la plus active, on peut trouver côte à côte des éléments qui bourgeonnent, d'autres qui sont phagocytés, et l'emplacement primitif des œnocytles larvaires est un centre d’où se dispersent pêle-mêle des œnocytes nymphaux et des phagocytes gorgés de débris d’œnocytes larvaires. 290 CHARLES PÉREZ. CELLULES A URATES. HISTORIQUE. J. H. FaBre [56] a, le premier, signalé la présente d’urates dans le corps adipeux des Insectes. Chez les larves de Spheæ, on voit apparaître, peu de jours après l’éclosion, des taches blanches, qui transparaissent à travers les téguments. Ce sont des cellules spéciales du corps adipeux qui, au lieu de contenir des gouttelettes grasses, sont bourrés de concrétions opaques. Ces concrétions font effervescence avec l'acide azotique, et Le résultat de l'évaporation à siccité du liquide fournit avec l’'ammoniaque la réaction caracté- ristique de la murexide. Frappé par un fait aussi curieux, et aussi éloigné des idées courantes de l’époque, FABRE chercha à étendre ses observalions, el il conclut à l'élaboration d’acide urique dans le corps gras d’un grand nombre d'insectes de divers ordres, soit à l’état larvaire soit surtout à l’état de nymphe. Chez les Hyménoptères il y a des cellules spéciales où s'accumulent les urates; dans les autres ordres, ces produits de désassimilation sont répandus plus ou moins uniformément dans toutes les cellules du corps adipeux. SIRODOT [59] ayant contesié ces conclusions, FABRE repril spécialement [63] la question qui s'était présentée à lui d’une manière incidente dans son étude sur les Sphégiens, et après des observations étendues il confirma les assertions de son premier mémoire. De nombreuses observations de détail ont été faites depuis sur ce point et je renvoie pour ce qui les concerne à l'excellent résumé qu’en a publié P. MarciraL [89]. CUENOT [95] retrouve chez divers Orthopières, des cellules spéciales intercalées entre les cellules adipeuses proprement dites, et où s'accumulent des concrétions d’urale de soude. Les matières colorantes injectées dans le cœlome ne se fixent pas dans les cellules uriques; cependant par des injections abondantes de vésuvine, on oblient presque toujours une belle coloration des concrétions, qui tranchent alors de la façon la plus nette sur le fond incolore des cellules adipeuses. Ces concrélions uriques s'accumulent ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 291 de plus en plus, au fur et à mesure que l'animal vieillit; elles ne s'éliminent point aux mues comme FAgre avait cru l’observer. Chez une Blatte à maturité sexuelle, p. ex, les cellules adipeuses, vidées de leurs réserves, sont complètement annihilées par le dévelop- pement des cellules à concrétions et les lacunes interorganiques sont alors remplies par d'énormes amas d’urates. KARAWAIEW [98] distingue parmi les éléments mésenchymateux, chez le Lasius flavus, ce qu'il appelle les grands phagocytes. Ce sont des cellules accolées aux cellules adipeuses, ou même enchâssées à leur pourtour, de telle sorte qu’elles semblent s'être subslituées à une partie de la cellule adipeuse elle-même. C'est cette apparence qui à fait croire à KARAWAIEW à une destruclion partielle des cellules adipeuses par ces grands phagocytes. Il convient, d'ailleurs, que ces cellules n'englobent jamais d’inclusions solides, et pense qu'elle doivent absorber uniquement des aliments liquides. Leur rôle n’est d’ailleurs pas très étendu «Si nous ne savions pas que les cellules du corps gras sont véritablement mangées, nous ne pourrions, dit-il, remarquer la diminution de leur nombre >. Il y a un très petit nombre de cellules grasses qui disparaissent. Cependant ce processus a, d’après l’auteur, une certaine importance pour l'organisme ; ilse fait ainsi « de la place pour les organes en croissance, particulièrement pour les organes génitaux (celte phagocytose a lieu surtout dans l’abdomen), et en outre sont ainsi amenées à l'état liquide des substances alimentaires qui sont nécessaires à ces organes en développement. » Quant à l’origine de ces grands phagocytes, KARAWAIEW croit pouvoir les assimiler à des amœæbocytes ordinaires qui, venus s'appliquer contre les cellules grasses tout au début de la nymphose, s'accroissent ensuite à leurs dépens. Les figures qu'il a publiées à l'appui de sa manière de voir ne sont pas concluantes. Les pelits am@æbocytes sont très reconnaissables comme tels, et j'ai, en effet, souvent observé, dans les premiers stades de la nymphose, l'acco- lement des leucocytes à la surface des cellules adipeuses. Mais les stades de transition manquent entre les plus grands de ces leucocytes et les plus petites sections que l’on rencontre des grands phagocytes. Ainsi que je le montrerai plus loin, il n’y a en effet aucun rapport entre ces deux catégories de cellules, tout au moins à ce stade de la vie. Toujours d’après KarawalEw, l’activité de ces phagocytes 292 CHARLES PÉREZ. s'épuise bientôt, et déjà, chez une pupe encore loute blanche, ils se séparent des cellules grasses et prennent une forme arrondie. Bientôt leur dégénérescence commence ; le noyau prend un aspect émietté ; le protoplasme devient très lâche et il s’y secrète peu à peu un grand nombre de sphérules spéciales, d'environ 3 & de diamètre, très réfringentes et à structure concentrique. L'auteur n’a point fait d’étude micro-chimique de ces granules. Sans quoi il les eùt assurément reconnus pour des urates et cette conslatation l'eût mis sur la voie de la véritable nalure de ces phagocytes. Il résulte clairement de lout ce qui précèle que ces grands phagocytes ne sont autre chose que les cellulss à urates. D'après l’auteur ces cellules disparaissent ensuite complètement, ainsi que leurs granules, il suppose qu’elles se dissolvent dans le sang. ANGLAS [00], qui a reconnu pour lelles les cellules à urates, les appelle excrélo-secrétrices et leur attribue, en même temps que la production des matériaux de désassimilation, une action digestive sur les cellules grasses auxquelles elles sont accolées. Chez une larve de Guêpe assez âgée, le protoplasme alvéolaire des cellules excrétrices est parsemé de granulations extrêmement ténues. « Ce qui frappe particulièrement l'attention, c'est qu'autour de chacune de ces cellules excrétrices, les cellules adipeuses, dans la grande majorité des cas, sont en mauvais état. Des observalions répétées montrent qu'il ne s’agit pas d’une simple coïncidence. La membrane du noyau de la cellule adipeuse disparaît et le fond du noyau se confond avec le protoplasme avoisinant, quand on colore à l’hématéine : les grains chromatiques disparaissent peu après. Les cellules apparaissent ainsi sans noyau ; mais leur protoplasme lui- même ne prend bientôt plus les colorants, il diminue d’étendue et disparaît, évidemment résorbé par la cellule excrétrice qui vit à ses dépens ». Chez les nymphes jeunes les cellules excrétrices se remplissent de granulations uriques. Ces granulations disparaissent peu après, mais les cellules qui les contenaient persistent, toujours reconnais- sables au milieu des cellules grasses. 3ERLESE [99-01 |, a signalé les concrétions uriques chez un grand nombre d’Insectes. Chez les larves de divers Diptères (Culex, Diplosis), il observe ces granulations à l’intérieur des cellules grasses elles-mêmes. Il en est de même chez les larves de Lépidop- ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 293 tères (Pieris, Sericaria) et les Coléoptères (Lampyris). Au contraire, chez les Hyménoptères, ce sont des cellules spéciales, généralement accolées aux cellules grasses, qui ont, à l’exclusion de ces dernières, la propriété de contenir des urates. Un cas bien curieux est celui des Tenthrédines où les cellules à urates appa- raissent dans les coupes complétement enclavées à l'intérieur des cellules grasses (fig. 20, page 288); celte circonstance explique sans doute que les granulations uriques des Tenthrèdes aient échappé à la sagacité de l'observateur incomparable qu'est FABRE. CHOLOD- KOVSKY [96] avait observé des noyaux périphériques dans les cellules grasses, mais n'avait pas reconnu les cellules distinctes auxquelles ils appartiennent. En ce qui concerne plus spécialement les Fourmis, BERLESE observe, surtout chez les nymphes âgées el particulièrement dans l’abdomen, des cellules assez volumineuses bourrées de granulations uriques onaques. Le noyau est très analogue à celui des œnocytes, si le protoplasme en est très différent, et l’auteur est porté à voir, dans les cellules à urates, des œnocytes spécialisés, se substituant physiologiquement aux tubes de Malpighi pendant le stade nymphal où ces organes sont absents ou non fonctionnels. Ces cellules à urates persistent jusque chez l’imago. OBSERVATIONS Les éléments qui seront les cellules à urates existent dès l’éclo- sion, et on les trouve chez les toutes jeunes larves, intercalés çà et là, sans régularité, entre les cellules adipeuses ; mais 1l faut une recherche assez attentive pour les découvrir. Car au début de la vie larvaire ils sont complètement dénués de granules d'urates qui puissent attirer l'attention. Leur protoplasme, sans doute très aqueux ne se manifeste dans les coupes que par un réseau de filaments et de surfaces très ténues, à mailles extrêmement làches ; ce réseau abandonne presque complètement l’hématéine dans la différenciation et ne fixe pas l’éosine dans la coloration ultérieure. Pour peu que le noyau d’une de ces cellules ne se trouve pas dans la coupe, la cellule passe facilement maperçue. L'examen de ces cellules jeunes ne permet pas le moins du monde de les assimiler aux œnocytes. Ces derniers ont déjà tous leurs caractères si spéciaux, leur réseau chromatique, leur cylo- 294 CHARLES PÉREZ. plasme éosinophile et déjà une taille considérable (30 à 35 y); les cellules à urates n’ont encore que 12 à 15 v, et leur noyau doni les FIG NCA cellules adipeuses ; CV, cellules à urates ; (Æ', œnocytes ; chez une larve venant d’éclore. grains chromatiques sont de taille assez uniforme rappellerait plutôt, bien qu'il soit plus clair et moins dense, celui des cellules adipeuses ou des amæbocytes indifférenciés (fig. 21). Il me parait vraisemblable d’ad- mettre que les cellules à urates sont liées aux cellules adipeuses par une communauté d’origine, mais que dès le début, elles se différencient, par une fonction spéciale, des cellules adipeuses proprement dites. Chez d’autres Insectes, au contraire, toutes les cellules du corps gras remplissent simultanément les deux fonctions d'organes de réserves et de rein d'accumulation. Pendant les premiers moments de la vie larvaire, les cellules à uralés sont assez régulièrement sphériques comme les cellules adipeuses (fig. 22). Mais ulté- rieurement, leur croissance est beaucoup moindre que celle de ces dernières. Bientôt les cellules à urates ne paraissent plus comme des éléments d'’égale importance topographique, inter- calés entre les trophocytes, mais au contraire comme des annexes de ces derniers (PI. XI, figure 8, 9, 10). Une ou deux cellules à urates, qui confinent à une cellule grasse, lui sont étroite- mentaccolées : une courbe fermée sans singularités limite l’en- semble des deux ou troiscellules, et Iles surfaces mitoyennes viennent au contraire rencontrer FiG. 22. — CA, cellules adipeuses ; CY, cellules à urates; chez une jeune larve, anguleusement cette membrane périphérique commune. Il semble que dans une cellule polynucléaire primitive, le protoplasme se soit différencié en régions distinctes, représentant chacune la zône ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 295 d'influence d'un noyau. L'examen de stades plus jeunes montre que c'est là simplement une nouvelle forme d'équilibre capillaire de plusieurs cellules accolées. Souvent, une même cellule à urates confine à la fois à deux cellules adipeuses. Certaines ont deux noyaux (Cf. cellules adipeuses). A ces changements de forme se joignent des changements d'aspect. Le réseau protoplasmique devient plus apparent, parce qu'il garde mieux l’hématéine, dans la différenciation qui décolore les autres cytoplasmes. L’affinité du cytoplasme des cellules à urates pour les colorants nucléaires est tout à fait remarquable et s'accompagne d'une affinité nulle pour les colorants protoplasmiques ; par là les cellules à urates se distinguent de toutes les autres cellules de l’insecte. Dans des préparations à l’hémalun-éosine très bien diffé- renciées, les cellules à urates sont colorées dans leur ensemble comme des noyaux: elles tranchent en bleu de la façon la plus nette sur les cellules grasses bourrées de granulations éosino- philes. Une très jolie coloration différentielle est donnée par le carmin chlorhydrique et le picro-indigo-carmin. Les cellules à urates sont rouges, les inclusions de cellules adipeuses sont vertes. Par une opposition assez remarquable c'est le suc nucléaire qui a une faible affinité pour les colorants protoplasmiques, et les gra- nulations chromatiques s’y détachent par exemple en bleu-violet sur un fond légèrement rosé d’éosine (PI XI fig. 9, 10). Un fait qui contribue à rendre plus apparentes les cellules à urates, est que des globules excrémentitiels s’y accumulent peu à peu. Ces globules, sphériques, sont opaques; dans l'examen à l’état frais les cellules à urates se signalent par leur opacité qui tranche avec la translucidité des cellules adipeuses; elle sont d’un blanc brillant en lumière réfléchie. Dans les coupes colorées les globules d’urates gardent comme le cytoplaste les colorants nucléaires. Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici que chez les Muscides, les centres chromatophiles des globules albuminoïdes, les pseu- donucléi de BERLESE, sont, d’après MA’ cHar,, des centres d’élabo- ration d’urates. Comme on l’a vu plus haut, les cellules à urates échancrent le contour des cellules grasses auxquelles elles sont accolées; mais à part cette déformation purement mécanique, on n’observe dans les cellules grasses aucune autre modification qui puisse être interpré- tée comme indiquant une action directe des cellules à urates. Bien 296 CHARLES PÉREZ. que ces dernières semblent remplacer une portion de la cellule grasse qu'elles auraient fait disparaître, elles n’englobent en réalité aucune pariicule des trophocytes, et par conséquent ne méritent en rien le nom de grands phagocytes que leur a donné KARAWAIEW. Il y a plus: le noyau de la cellule grasse est parfaitement normal ; les globules de réserves sont distribués régulièrement et gardent le même aspect jusqu’au contact de la cellule à urates; je n’ai pu constater aucune de ces apparences de digestion signalées par ANGLAS. Il n’y a aucune raison d'admettre que la cellule à urates digère, par secrétion externe de diastases, la cellule grasse voisine, et grossit à ses dépens. Les deux éléments croissent simultanément, l'un en se chargeant de réserves, l’autre en se chargeant d’urates. L'ensemble forme-t-ilun petit complexe physiologique élémentaire, et la cellule à urates sert-elle simplement se déversoir aux produits excrémentitiels qui seraient formés dans la cellule grasse voisine ? Cela même est bien problématique. Beaucoup de cellules grasses n'auraient alors pas de déversoir à leur disposition; elles forme- raient cependant des urates, et on n’en voit trace dans aucune. Il paraît plus naturel d'admettre que les cellules à urates extraient du sang les éléments de leurs concrétions, et que leurs étroits rapports avec les cellules grasses sont purement topographiques. Les cellules à urates persistent jusqu'à l’imago, mais perdent peu à peu leurs concrétions uriques, sans doute au moment où les tubes de Malpighi imaginaux, devenus fonctionnels, peuvent excré- ter ces substances dans l'intestin terminal. Chez les nymphes âgées on rencontre les cellules à urates, plus arrondies, intercalées entre les cellules grasses, et leur réticulum protoplasmique offre toujours la même affinité pour les colorants nucléaires. TISSU MUSCULAIRE. HISTORIQUE. À. Histolyse. WEISMANN [64] observe chez les Muscides (Musca, Sarcophaga) la destruction totale des muscles larvaires, dès les premiers jours de la nymphose. Cette destruction, qui atteint d'abord les muscles des segments antérieurs, et se propage ensuite à ceux des ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 297 segments abdominaux, évolue de la manière suivante: les faisceaux musculaires perdent d’abord leur striation transversale, les noyaux restant encore intacts; mais le sarcolemme se soulève par places. Plus tard les noyaux et le contenu contractile se trans- forment en une masse finement granuleuse, qui est mise en liberté par rupture du sarcolemme. C'est la dégénérescence granulo-grais- seuse comme pour les autres-tissus. WEISMANN croit observer que les granules, résultant de la désagrégation des tissus, s’agencent ensuite en amas sphéroidaux, en sphères de granules (Kürnchenhugeln)(1); des noyaux apparais- sent ensuite dans ces sphères, et WEIsMANN croit qu'ils s’y forment spontanément. [ls ne pourraient provenir que des noyaux des cellules grasses, or ceux-ci sont de taille bien supérieure, ou des noyaux des globules du sang, or l’auteur voit ces derniers disparaître avant la formation des Xürnchenhkugeln sans apercevoir la relation entre les deux phénomènes. Caux [75] fait sur l’histolyse musculaire chez le Sphinx liqustri les observations suivantes qui méritent d’être rapportées: « Les noyaux musculaires alteignent une dimension élonnante. Bientôt ils se divisent et offrent ainsi l’aspect d’une prolifération de noyaux. C'est un processus très analogue à celui que LEuCKART à décrit dans la trichinose..…… Tandis que les noyaux des muscles commencent à se diviser, le sarcolemme se plisse, et souvent d'une manière si régulière, qu'il a un aspect spiralë comme les trachées. En même temps la substance contractile devient graisseuse ; les noyaux sont mis en liberté par suite de la disparition du sarcolemme. » GanIN [75] s'étend un peu plus sur les détails de cette dégéné- rescence. « Le nucléole des noyaux se modifie le premier, il grossit sensiblement, sa substance devient très brillante et remplit presque toute la cavité du noyau, qui présente la forme d’une bulle. Le long du faisceau musculaire, entre les groupes de fibrilles, apparaissent des fentes longitudinales ; ces interstices augmentent en nombre et en grandeur; et, grâce à eux, la substance contractile se partage en une quantité de particules allongées, affectant la forme d’un intestin, courbées et tordues dans toutes les directions. Ces particules se divisent en fragments anguleux de moindres dimensions, 1) VrALLANES et ANGLAS traduisent à tort par «boules à noyaux ». BERLESE emploie au contraire avec raison l'expression « sferule di granuli ». 298 CHARLES PÉREZ. et ceux-ci à leur tour se subdivisent encore en petites boules isolées de plus en plus minimes. Les nucléoles des noyaux du sarcolemme ne se distinguent presque en rien de beaucoup des particules arrondies provenant de la dissolution de la substance contractile du faisceau musculaire. Lorsque le faisceau musculaire a dégénéré en entier, les produits caractéristiques de sa décompo- sition conservent pendant quelque temps le même emplacement qu'avait occupé le faisceau musculaire ; ils marquent pour ainsi dire la position occupée antérieurement par celui-ci. Dans la suite, les produits de la décomposition des muscles sont charriés passi- vement dans les diverses parties du corps de la nymphe. Au moment de la dissolution définitive du faisceau musculaire, ses noyaux en forme dé bulle disparaissent ; il est probable qu'ils se fondent avec les produits décomposés de la substance contractile. » L'unique figure donnée par l’auteur est une illustration tout à fait insuflisante de ce texte. GaANIN dit ailleurs : « Pendant la première période du développement, j'ai observé plusieurs fois que les cellules mésodermiques amæboïdes, qui se trouvent libres dans la cavité des pattes, s'accolent à la surface des amas musculaires, que souvent elles s'insinuent dans leur profondeur, et vraisemblablement qu'elles se nourrissent activement de la substance du tissu musculaire primitif. » Mais ce n’est dans le travail de (GANIN qu'une remarque incidente. ViIALLANES [82] reprend en détail l'étude de la Mouche et arrive aux conclusions suivantes : Dans une pupe récemment formée et qui n’a pas encore acquis la teinte brune caractéristique, on observe déjà des modifications dans quelques muscles. « Le dessin des champs de Cohnheim a presque entièrement disparu, la striation transversale commence à s’eflacer; les noyaux musculaires ont augmenté de volume; ils sont devenus sphériques, de lenticulaires qu'ils étaient chez la larve; de plus ils ont acquis la propriété de se colorer par le carmin en un rouge pourpre particulièrement vif et foncé, qui attire immédia- tement l'attention. Je dois dire qu'en outre leur constitution même parait s'être modifiée ; maintenant ils paraissent très réfringents et complètement homogènes; car on ne peut trouver dans leur intérieur trace de nucléoles. » ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 299 À un stade ultérieur, il n’y à plus trace du sarcolemme et la masse contractile paraît devenue complètement homogène. « Chaque noyau musculaire, au lieu d’être immédiatement en contact avec la masse contractile, comme nous l’observions au stade précédent, se trouve maintenant revêtu par une aire étroite de protoplasme, limité lui-même extérieurement par une mince membrane. » Ces cellules musculaires sont encastrées dans des logettes qui échancrent les bords du muscle ou le creusent au milieu de sa masse. Puis dans chaque cellule musculaire, qui grandit, on voit paraître dans le protoplasme sept à huit petits granules sphériques, fortement réfringents, colorés en clair par le carmin. Ces granules roses gres- sissent et atteignent bientôt la taille du noyau musculaire. La cellule musculaire distendue prend un aspect müriforme. Puis la membrane et la pellicule protoplasmique enveloppant la müre disparaissent. Tout autour progresse la résorption de la substance contractile, avec l'allure d'une érosion progressive sur le pourtour des loges qui contiennent, libres maintenant, un noyau musculaire et sept à huit granules roses, plongés dans une substance finement granuleuse, qui semble provenir d’une transformation de la masse contractile. Peu à peu lout cela s’extravase et entoure d’une auréole l’amas déchiqueté, mais qui reste encore cohérent, de la substance contrac- tile. L'auteur suppose alors que les noyaux musculaires d’une part, les granules roses de l’autre, sont susceptibles de s’entourer d’une aire protoplasmique ; et, devenus les noyaux de nouvelles cellules, peuvent donner naissance à de nouvelles générations de granules roses, la substance contractile qui finit de se détruire servant d’ali- ment à ces néoformations. Puis l’amas, assez dense, de granules correspondant à un même faisceau musculaire se désagrège, et les granules, toujours reconnaissables, se dispersent dans le sang et se répandent dans loules les parties du corps, jusqu’à lextrémité des appendices. On les rencontre d’abord sous les différents aspects interprétés par VIALLANES comme les stades successifs de leur multiplication, puis uniquement sous l'aspect de granules intriforimes qui serait le stade terminal de leur évolution. Le résultat final de l’histolyse est la destruction totale des muscles larvaires, et Ia mise en circula- ion, dans la cavité générale de la nymphe, d'une masse considé- 300 CHARLES PÉREZ. rable de globules, qui re sont pas sans analogie avec les globules vitellins des Oiseaux et des Reptiles. Ajoutons que certains faisceaux musculaires dégénèrent d’une façon tardive par un tout autre processus. Les nucléoles colorables du noyau deviennent de plus er plus rares et une chromatolyse complète amène bientôt le noyau à l’état de simple coque vide. En même temps la substance contraclile disparaît, se dissolvant en quelque sorte par ses bords dans le liquide calvitaire. On peut arrêter aux travaux de VIALLANES une première période dans le développement historique de nos connaissances sur l’histo- lyse musculaire. À mesure que les progrès de la technique permet- tent de pénétrer plus avant dans le détail des phénomènes, les descriptions des auteurs deviennent plus minulieuses. Mais, sous l'influence des idées alors régnantes en pathologie, ils ne songent pas à l'intervention possible d'éléments extérieurs au muscle, et tous concluent à une désintégration histologique progressive de l'élément contractile lui-même. Déjà CHuN avait noté l’analogie de lhistolyse musculaire nymphale avec la réaction pathologique des muscles à l'infection trichinienne, et d’une manière beaucoup plus explicite VIALLANES rapproche les faits qu’il observe dans la métamorphose des Mouches de ceux que les anatomo-pathologistes (WALDEYER et ZENCKER, Poporr) avaient décrits dans des atrophies musculaires morbides et dans diverses inflammalions de tissus conjonctifs. Ce rapprochement est intéressant à signaler, car les inlerpré- lalions nouvelles des phénomènes histolytiques, que nous allons rencontrer dans les mémoires suivants, sont précisément liées à des interprétations nouvelles des phénomènes pathologiques de l’inflam- mation. Les belles recherches de METcaNIKOrF sur la digestion intracellulaire inaugurent à la fois une ère nouvelle pour l’histologie pathologique et sont le point de départ d'une interprétation différente des phénomènes histologiques de la métamorphose. MercaniKorr [83] observe chez divers Invertébrés la propriété que présentent particulièrement des cellules mésodermiques, de pouvoir englober à leur intérieur et digérer dans les vacuoles de leur protoplasme, des substances étrangères solides, grains de ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 301 carmin, bactéries etc. Il donne à ces cellules le nom de phagocytes (Fresszellen). Le processus pathologique de l’inflammation, provoqué par des traumalismes expérimentaux, consiste essentiellement dans l’afflux des amœæbocyles au point lésé, et la phagocytose est la réaction de l'organisme à l'invasion par les microbes ou les corps solides étrangers. Il en est de même chez les Vertébrés (Batraciens) : l'inflammalion n’a pas sa cause, comme on le croyait couramment à celte époque, dans une altération des parois vasculaires; elle consiste essentiellement dans la mise en activité de phagocytes mésodermiques, cellules conjonctives d'abord, leucocytes ensuite, et si l’'endothélium des vaisseaux intervient, c’est comme intermé- diaire dans l'appel des globules blancs. METCHNIKOrF montre en outre que l’activilé phagocylaire se manifeste normalement dans les métamorphoses des larves Awri- cularia de Synaples, et Bipinnaria d’Astéries, où des phago- cyles mésodermiques englobent et digérent les débris des couronnes ciliées, et dans la régression de la queue et des branchies des Têtards de Batraciens anoures ; ces organes disparaissent aussi déchiquetés et englobés par des cellules amæboïdes qui se répandent ensuite dans la cavité du corps. METCHHIKOFF suppose, sans pouvoir l’établir nettement, l'existence de faits semblables chez les larves urodéles d’Ascidies, et examinant avec cette idée nouvelle les planches de VIALLANES, il remarque fort justement que les figures de ce dernier auteur permettent de concevoir une interprétalion phagocytaire des phénomènes histolytiques chez les Insectes. C’est sous l'influence manifeste de ces idées de METCHNIKOFF que KowaLEvskyY (85-87) reprend l'étude de la métamorphose des Muscides. IL observe et décrit la destruction des muscles larvaires par une action directe des phagocytes du sang. Dès le début de la nymphose les globules blancs s’attaquent aux muscles de la région antérieure el la destruction procède ensuite d'avant en arrière. Les leucocytes s'appliquent contre le sarcolemme, puis le perforent et envoient des pseudopodes grèles qui s’insinuent dans la substance contraclile et la dissocient peu à peu. Le muscle est bientôt déchi- queté en sarcolytes, fragments de plus en plus petits de myoplasme, où la striation est parfaitement conservée. Ensuite ces sarcolytes sont englobés à l'intérieur même des phagocytes où on les reconnail d’abord à leurs contours irréguliers et à leur striation. Peu à peu celle-ci s’efface et les progrès de la digestion transforment le 302 CHARLES PÉREZ. sarcolyte absorbé en un globule réfringent. Les phagocytes bourrés de ces globules, et qui ont acquis de ce fait une taille considérable, conservent toujours leur noyau ; ce sont eux qui, émigrant ensuite dans les diverses régions de la cavité générale, y constituent les Kürnchenhugeln observées par WEIsManx. Ainsi est expliquée l’origine de ces éléments. Les noyaux musculaires larvaires disparaissent, comme le myoplasme, englobés et digérés par les phagocytes. Tels sont aussi les résultats obtenus par van R&Es [84, 85, 87] qui étadie en même temps et d’une manière indépendante la méta- morphose de Calliphora vomitoria et dont la première commu- nication préliminaire est même antérieure à celle de KowaLEvSKy. KoroTNEFF [92] au contraire, décrit chez une Tinea, la destruction du myoplasme larvaire par simple dissolution dans le sang ; il pense que chez les Insectes où la métamorphose est moins complète el plus lente que chez les Muscides, elle a lieu par une sorte de pro- cessus chronique ; les parties larvaires se résorbent par voie chimique. Au contraire dans le cas où, comme chez les Muscides, la métamorphose est intense et rapide, il y a processus inflam- matoire aigu, et l’action brutale des phagocytes (barbarisches Auffressen) fait, en peu de temps, place nette aux organes régénérés. On ne peut s'empêcher de remarquer que cette pure dissolution est inconciliable avec l'existence de Aürnchenkugeln, admise par KOROTNEFF. RENGEL |[96]| se range à l'opinion de KoROTNEFF dans son étude sommaire de la disparition de la tunique musculaire intestinale chez le Tenebrio molilor ; mais du moins il ne constate pas la présence de Kornchenhugeln. DE BRUYNE [98] reprenant l'étude des Mouches, reconnaît à la phagocytose leucocytaire une grande importance dans la destruction des muscles, mais il croit que le « muscle destiné à dégénérer porte en lui-même la cause de sa destruction », qu'il s’émiette et que les leucocytes, attirés par chimiotactisme, se bornent à englober des fragments déjà dissociés. Mais en même temps et par un processus tout différent, les noyaux musculaires larvaires se conslitueraient, avec le sarcoplasme ambiant, à l’état de myoclastes, c’est-à-dire de phagocytes musculaires analogues à ceux décrits par METCHNIKOFF dans la régression de la queue des Anoures. Il en serait de même chez le Ver à Soie et la Phrygane. Mais ilfaut bien reconnaitre que les ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 303 belles lithographies accompagnant le mémoire de be BRUYNE sont loin d'être démonstratives. [1 semble d'autre part résulter du texte, souvent obscur, que l’auteur a méconnu les cellules du corps adipeux et les a prises pour des phagocytes musculaires ; l’erreur est peu pardonnable et jette le discrédit sur tout l'ouvrage ; on ne peut qu'approuver le jugement sévère de BERLESE. Le mémoire de DE BRUYNE doit disparaître de la bibliographie des métamorphoses, et je me dispense d'insister sur lui davantage. NœrzEL [98] développe des conclusions analogues à celles de DE BRUYNE. Il y a d’abord, chez Calliphora, une sarcolyse, c'est-à-dire une désagrégation des fibres musculaires, qui consiste uniquement en une dissolution chimique dans le plasma sanguin. Des crevasses apparaissent dans le muscle, mais l’auteur ne croit pas que l’on puisse attribuer leur formation à une action des leucocytes ; car au début ces éléments sont absents ; et plus tard mème, lorsqu'ils ont pénétré dans les crevasses, la disproportion entre leur petit nombre et le degré avancé du morcellement mus- culaire, semble écarter l’hypothèse qu'ils jouent un rôle important. Malheureusement ce mémoire n’est point accompagné de planches: il est difficile de se rendre compte si l’auteur n’a pas été induit en erreur par les résultats d’une technique insuffisante. KarawalEw [98] observe, chez les larves de Fourmis, deux sortes de noyaux plongés dans le sarcoplasme : les uns volumineux sont les noyaux larvaires ; les autres plus petits, constitueront les myoblastes imaginaux. KARAWAIEW considère ces deux calégories comme homologues ; elles diffèrent seulement en ceci, que les noyaux larvaires perdent d’une manière précoce leur faculté de multiplication et grossissent, pendant que le cytoplasme correspondant se différencie en substance siriée ; les noyaux imaginaux, au contraire, restent petits et gardent une faculté de multiplication qui se manifeste surtout pendant la nymphose. Le cytoplasme de ces petites cellules ne devient substance striée que chez l'imago. L'auteur ne croit pas que les myoblastes imaginaux dérivent des amæbocytes, qui abondent au voisinage des muscles et s'appliquent même contre eux ; il ne pense pas qu'il puisse y avoir immigration de leucocytes à un stade si antérieur à la nymphose. Au début de la nymphose les myoblastes imaginaux deviennent beaucoup plus nombreux, et pénétrent dans le myoplasme qu'ils dissocient en fragments irréguliers. Les figures des planches parais- 304 CHARLES PÉREZ. sent correspondre, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer ailleurs [99] à une destruction phagocytaire ; mais telle n’est point du tout l'interprétation de l’auteur russe. Bien qu'il reconnaisse (p. 458) l’'extrème difficulté d’une distinction entre les myoblastes imagi- naux et les amæbocytes migrateurs qui abondent dans ie voisinage, il croit que la phagocytose n'intervient nullement dans l’histolyse, qu'il y a mort des muscles larvaires épuisés et transformation chimique de leur myoplasme qui est ensuite utilisé pour la nutrition des myoblastes. Celle-ci peut-être désignée sous le nom de neécro- phagie, proposé par Popwissozky. Il semble cependant que les myoblastes aient quelque action digestive, car dans leur voisinage immédiat, le myoplasme présente un aspect gélatineux homogène : tandis qu'un peu plus loin il est irrégulièrement fibrillaire et grenu. L'auteur ne figure d’ailleurs que des coupes transversales à l’allon- gement général du muscle, et les sections d’une telle orientation sont peu instruclives. Les noyaux larvaires subissent aussi une dégénérescence chro- matolytique sans phagocytose. Il y aurait cependant une phagocylose des muscles, restreinte à la région du pétiole (1), mais l’auteur n’insiste pas sur ce processus qu'il a peu étudié. TERRE [99] confirme par son étude sur l’Abeille les résultats de KarAwalEW. Le myoplasme perd sa striation et se dissout ; les gros noyaux larvaires subissent la chromatolyse et disparaissent; les muscles dégénèrent ainsi par eux-mêmes, sans intervention d’élé- ments extéricurs. La substance des muscles sert d’aliment à la mul- liplication de petits myoblastes imaginaux, préexistant dans le muscle dès le plus jeune âge de la larve. Tout au plus pourrait-on désigner ces myoblastes sous le nom de phagocytes. Encore faudrait-11 remarquer que leur action digestive est problématique, et, qu'en toul cas, ils n’englobent point de débris. ANGLAS [00] répartit les muscles larvaires de la Guêpe en trois groupes, suivant qu'ils disparaissent totalement, qu'ils sont rem- placés par de nouveaux muscles très différents, où qu'ils sont sim- plement remaniés. (1) Dans la traduction de ce passage, ANGLAS interprète Petiolus comme un nom générique de Fourmi, ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 305 Ceux du premier groupe (sphineter anal, muscles pharyngiens, muscles transverses el postérieurs de l'abdomen, etc) sont détruits par phagocytose leucocytaire. Il y a dès le début une hypertrophie : du sarcoplasme et une dégénérescence par chromatolyse des noyaux larvaires, mais la striation est souvent encore conservée au moment de l'attaque par les leucocytes ; celle-ci est très précoce et souvent antérieure à l’altération visible du tissu. Toutefois il n’y a pas phagocytose à proprement parler ; les leucocytes ne paraissent pas englober de particules solides à leur intérieur ; ils se mettent à plusieurs pour digérer un même fragment,en secrétant autour d'eux des diastases. C’est ce qu'ANGLas appelle yocytose. Dans les muscles thoraciques, qui donneront les muscles du vol, les phénomènes débutent par une histolyse toute comparable ; mais un certain nombre des noyaux larvaires persistent et autour d'eux se différencient de nouvelles plages musculaires imaginales. Il en est à peu près de même pour le revêtement musculaire de l'intestin moyen. Les muscles des segments abdominaux subissent une transfor- mation où les leucocytes ont une bien moindre part. Les noyaux larvaires se fragmentent pour donner des noyaux imaginaux ; la substance contractile perd sa striation et se dissocie ; les leucocytes interposés ne paraissent prendre qu'une faible part à cette régres- sion ; ils grandissent cependant et deviennent plus éosinophiles, ils doivent s'être nourris par lyocytose. BERLESE [01], reprend en détail l'histolyse musculaire chez la Calliphora erythrocephala. Le début est marqué, d’après lui, par un soulévement du sarco- lemme, qui se sépare des fibres sous-jacentes et laisse passer, entre elles et lui, un liquide coagulable, interprété par l’auteur comme du suc intestinal, extravasé dans la cavité générale, et possédant encore quelque activité digestive. Quoi qu'il en soit, et souvent même sans soulèvement préalable du sarcolemme, les fibrilles musculaires se dissocient, puis se fragmentent en sarcolytes, ou débris de myoplasme et en caryolytes, ou débris comprenant un noyau musculaire. D'après BERLESE cette dissociation peut se faire sans aucune intervention des leucocytes; elle débute avant leur arrivée et les phagocytes n'interviennent qu'en second lieu pour englober des fragments déjà dissociés. La transformation des sarcolytes irréguliers en inclusions arrondies des Kürnchenkugeln 20 306 CHARLES PÉREZ. est bien le fait des leucocytes ; mais ce serait par simple compres- sion et l’auteur se demande même si les globules du sang méritent bien le nom de phagocytes ; car, pour lui, s'ils englobent, ils ne digèrent pas. Tôt ou tard ils se débarrassent de leurs granules inclus, en les rejetant sous le même état où ils les ont englobés, sans leur avoir fait subir la moindre transformation chimique. 3ERLESE croit au contraire que les sarcolytes sont déjà transformés et pour ainsi dire digérés avant tout contact avec un leucocyte. Les arguments invoqués ne sont pas Convaincants et je me demande en particulier comment l'hypothèse d'une digestion préalable peut être conciliée avec ce fait, que l'addition d’eau au liquide cavitaire d’une nymphe, provoquant une plasmolyse des sphères de granules, redonne aux sarcolytes inclus leur forme irrégulière et fait réapparaître leur striation primitive. Quant aux ÆXornchenkugeln de WEISMANN, aux Sferule di granuli, il faut y distinguer d'après BERLESE deux catégories d’élé- ments : les sarcolylocytes, où amas de sarcolytes eugobés par un leucocyte et les caryolytes où amas de sarcolytes associés à un ancien noyau musculaire. Le rôle des premiers serait uniquement de transporter les sarcolytes, matériaux nutritifs qu'ils iraient ensuite déverser tels quels auprès des organes en néoformation. Les caryolytes au contraire, auraient dans la suite de la nymphose une importance capitale ; ils seraient l'origine du tissu adipeux et des muscles imaginaux. Les caryolytes eux-mêmes sont de plusieurs catégories, car du muscle larvaire en dégénérescence peuvent s’isoler, soit un noyau musculaire seul, soit un noyau musculaire entouré d'un peu de sarcoplasme, soit enfin un noyau avec du sarcoplasme qui englobe lui-même quelques sarcolytes. Mais, dans les trois cas, l'évolution nucléaire est analogue et les sarcolytes inclus, s'il y en a, sont tôt ou tard rejetés. La chromatine se condense en une masse compacte au centre du noyau ; celle sphère unique se fragmente ensuite par division directe en un certain nombre de petites masses chroma- tiques analogues ; celles-ci sont ensuite mises en liberté par rupture de la membrane nucléaire (fig. 23). Dans le cas où du sarcoplasme accompagne le noyau larvaire, une sorte de diffusion du noyau dans le cytoplasme précède la fragmentation de la cellule. Outre ce qu'une pareille formation de cellules dans un noyau à d'assez singulier, on ne peut s'empêcherde remarquer que les figures 6 ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 307 de BERLESE semblent correspondre aux stades de dégénérescence chromatique des noyaux larvaires. Tels sont, par exemple, les FiG. 23. — Evolution des noyaux musculaires, conduisant à la formation des sarcocytes, d'après BERLESE (fig. 97). aspects qu'il interprète comme bourgeonnements nucléaires. Très souvent, d’ailleurs, les caryolyles sont représentés à l’intérieur d’un phagocyte (fig. 24) et l’auteur reconnaît que c'est là le cas le plus fréquent. Il est donc tout naturel de voir dans ces tranfor- mations du noyau larvaire l'effet d’une digestion progressive qui le détruit. Pour BERLESE, au contraire, c'est là une multiplication qui donne naissance à une nouvelle FiG. 24. — Caryolytes, ou sphères de granules contenant un noyau catégorie de petites cellules, sphé- musculaire, d'après BERLESE riques ou ovales, les sarcocyles. (PL XL fig. 185, 186, 187, 197). ne us: ; Ces éléments, interprétés par Ceux-ci s’accroissent, deviennent BERLESE comme présentant le fusiformes, et constituent alors les début de l'évolution des noyaux myocyles où jeunes cellules mus- musculaires vers les sarcocytes, : : à semblent au contraire mettre en -ulaires imaginales. “ | dire — cine évidence le début de la digestior Après une monographie assez des noyaux à l'intérieur de détaillée de la Mouche, BERLESE phagocytes leucocytaires. passe ensuite en revue d’une manière plus sommaire un assez grand nombre d’'Insectes de divers ordres. (Melophagus, Mycetophila, Sericaria, Hyponomeuta. Cynips, Monodontomerus, Pheidole, Polistes, Myrmeleon, 308 CHARLES PÉREZ. Aphodius). Les résultats qu'il expose sont assez concordants pour pouvoir être résumés simultanément. Déjà chez les larves âgées, parfois même à un stade plus précoce (chez le Ver à Soie au moment des 2° et 3° mues) les noyaux muscu- laires larvaires se fragmentent, ou bourgeonnent de petits noyaux, dont chacun, entouré d’un peu de protoplasme, constitue une nouvelle cellule, un sarcocyte, encore inclus sous le sarcolemme. Les sarcocytes se transforment ensuite en éléments fusiformes, en zyocyles, unités constructrices des muscles imaginaux. Ce sont en particulier les sarcocyles qui iraient s’accoler sous l’hypoderme des disques imaginaux, pour y constituer le mésenchyme où s'organisent ensuite les muscles des appendices. Le processus observé déjà dans la vie larvaire ne fait que se généraliser et s'exagérer pendant la nymphose. Ainsi, d’une manière très concordante chez tous les Insectes, BERLESE conclut à une évolution nucléaire qui transforme par fragmentation les gros noyaux larvaires en pelits noyaux imaginaux. Quant au myoplasme, son évolution diffère un peu suivant les Insectes, et dans chaque espèce suivant le muscle considéré. Certains muscles s'évanouissent totalement et leur myoplasme peut alors disparaître, soit par simple dissolution dans le liquide cavitaire ambiant (sé#omatolyse fluide: Coléoptères, Hyménoptères pp.) ou par une fragmentation en granules (stomatoclase : (1) Mycetophila, Lépidoptères, Fourmis). Les sarcolytes sont alors très petits, bien différents par là des volumineuses inclusions observées dans les ÆXürnchenhugeln des Muscides; et quand, englobés dans une cellule, ils constituent des amas comparables à ces sphères de granules, le noyau est généralement un noyau musculaire; on est en présence d’un caryolyte, non d’une sarco- lytocyte. L'englobement de débris par des leucocytes est donc extrèmement restreint. La destruction totale d’un muscle larvaire est elle-même peu répandue en dehors des Muscides, et ce qu'on observe chez les autres Insectes est beaucoup plutôt un remaniement sur place, consistant en ceci, que les sarcocyles se transforment en myocytes, et ceux-ci en fibres imaginales, à l'endroit même où les noyaux (1) C'est, je pense, par suite d'une faute d'impression que le texte italien porte stromatocrasi, ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 309 larvaires se sont d’abord fragmentés pour former les sarcocytes. En somme BERLESE arrive à réduire presque à néant le rôle de la phagocytose dans la destruction musculaire, même chez les Muscides où ce rôle pouvait être considéré comme solidement établi par les travaux d'un observateur comme KoWALEVSKY. Tout récemment [01] ANGLAS est revenu sur sa première opinion, et il interprète maintenant comme caryolytes dérivés des noyaux larvaires la plupart des éléments qu'il avait d’abord considéris comme des leucocytes. Il se range à peu près à l'opinion de BERLESE sans toutefois exclure la phagocytose d’une manière aussi caté- gorique. ENRIQUES [01], qui a repris tout récemment l'étude des Muscides (Calliphora, Sarcophaga, Piophila) conclut aussi à une dégéné- rescence musculaire préalable à la phagocytose. Les fibres muscu- laires présentent des renflements, où la striation disparait, et où apparaissent des aiguilles biréfringentes groupées en sphérocristaux. Ces cristaux ne s'observent pas à l’état frais; ils seraient dûs à l’action des réactifs sur une substance fluide dérivée de la substance biréfringente du muscle; ils sont solubles dans l’eau, insolubles dans les solutions un peu concentrées de sublimé. Ces faits, rapprochés de la technique employée, permettent de se demander s’il ne s’agit pas de cristallisations de sublimé. L'auteur croit s'être mis à l’abri de cette cause d'erreur. Pour ce qui est de la destruction ultérieure des muscles, il ne croit pas à une véritable attaque des phagocytes. Chez la Piophila notamment, il y a une division directe répétée des noyaux muscu- laires, et un morcellement spontané de la fibre. Les leucocytes ne font ensuite qu'englober les fragments, et, dans les sarcolytes inclus, on observe une cristallisation de la substance anisotrope. Les phagocytes repus transportent une partie de leurs inclusions au voisinage des organes en édification, mais ils rejetteraient aussi un grand nombre de sarcolytes, qui seraient ensuite absorbés par les cellules grasses. B. Histogénèse. HEeroLD [15] a, le premier cherché à démontrer que les muscles de la chenille subissant une destruction totale, ceux du papillon o10 CHARLES PÉREZ. sont des formations nouvelles et indépendantes. Il les fait naître au milieu de la substance grasse qui remplit le thorax. STRAUS-DURCKHEIM [28] et Newport [39] croient au contraire que les muscles imaginaux sont les muscles larvaires transformés. Mais de si anciennes observations histologiques méritent à peine d’être citées pour mémoire. WEIsMANN [64] reprend la thèse de HERoLD. Les muscles thora- ciques de la mouche naissent au milieu du contenu graisseux du thorax, sous forme de tractus délicats qui ont dès l’abord leurs insertions définitives. Quant à l’origine première de ces cellules myoblastiques, WEISMANN ne voit pas d'éléments auxquels on puisse la rapporter, si ce n'est les KXürnchenkugeln. L'auteur pense que les sphérules s'agglomèrent en trainées, et que chacune se transforme ultérieurement en un amas de petites cellules, qui s'entoure extérieurement d'une cuticule, le sarcolemme. Les noyaux s'orientent ensuite en files longitudinales, tandis que la substance fondamentale acquiert peu à peu la striation caractéristique. KünckELzL d'HERCULAIS [75] par une dissection plus minutieuse observe dans le thorax des jeunes nymphes de Volucelles, où le corps gras est encore intact, des plages de cellules elliptiques imbriquées qui sont l'origine des muscles du vol. Chacune de ces cellules s'allonge ensuite pour donner une fibre, en même temps que son noyau se fragmente et donne naissance à une file de noyaux du muscle définitif. Les muscles des pattes sont formés par le mésoderme des histoblastes. GaxN [76] observe avec raison comme KÜNCKEL, que les muscles des pattes proviennent de la différenciation des cellules mêésenchy- maleuses qui tapissent intérieurement l'hypoderme des disques ima- ginaux de ces appendices. Il croit pouvoir généraliser ce mode de formation et l’étendre aux muscles du vol. VIALLANES [82] confirme en ce qui concerne les pattes les résultats des deux auteurs précédents; pour les muscles du vol il revient plutôt à l'opinion de Weismanx. Les jeunes cellules muscologènes, qu'il observe dans le thorax lui paraissent fort analogues aux granules roses formés dans l’histolyse du corps adipeux. Il ne se croit pas, il est vrai, autorisé à conclure à l’identité de ces deux catégories d'éléments ; mais comme on l’a vu déjà pour d’autres ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 311 tissus, il n est pas hostile à l’idée d’une génération spontanée de cellules ; c'est là au contraire une interprétation à laquelle il s'arrête volontiers. Ultérieuremen', dans ces amas de cellules musculogènes, dont l’origine première reste problématique, on voit apparaître des cen- tres de différencialion, en nombre égal aux fulurs faisceaux mus- culaires. Dans chacun d’eux les noyaux s’orientent en files et la substance fondamentale acquiert la structure fibrillaire. Cette transformation gagne de proche en proche, les plages fibrillaires englobant de nouvelles cellules périphériques dont les noyaux s’alignent. L'auteur ne croit pas, contrairement à l'opinion de KÜNCKEL, qu'il y ait des divisions nucléaires, et pense que dans les chapelets de noyaux intercalés, dans le muscle définitif, entre les colonnettes de substance striée, chaque noyau correspond à celui d'une cellule musculogène primitive. KowaLevsky [S5] -en une ligne de sa note préliminaire reprend l'opinion de GanIN en ce qui concerne les muscles thoraciques. Dans son mémoire plus détaillé [87], il donne pour origine au mésoderme imaginal des accumulations segmentaires de cellules indifférenciées,qui s'organiseraient ensuite en faisceaux musculaires. van REES [88] arrive au contraire à cette conclusion que tous les muscles larvaires ne disparaissent point pendant la nymphose, que trois paires de muscles longitudinaux persistent dans le second segment thoracique, et se transforment progressivement en muscles imaginaux. Les noyaux de ces muscles émigrent dans la profondeur du myoplasme, tandis que celui-ci perdant peu à peu sa texture fibrillaire et sa striation transversale, se transforme en une masse granuleuse homogène. En même temps ces muscles sont entourés par un massif de cellules mésenchymateuses qui se rattache par continuité au mésenchyme basilaire l'aile en développement. Ces cellules fusiformes sont bien distinctes des leucocytes à jeun comme des phagocytes repus. Leur accumulation dissocie les masses mus- culaires primitives en un plus grand nombre de trainées longitudi- nales qui sont chacune l’ébauche d’un faisceau musculaire imaginal. Des noyaux s’y rangent en séries linéaires; VAN REES pense qu'ils dérivent uniquement de la division des noyaux larvaires, et que les cellules mésenchymateuses, de plus en plus comprimées par l'accroissement des masses musculaires, ne prennent aucune part à cet accroissement. L'auteur s'élève aussi contre l'opinion de 312 CHARLES PÉREZ. ViALLANES qui ferait du myoplasme une différenciation de la subs- tance fondamentale, c’est-à-dire intercellulaire, du tissu. Korornerr [92] signale les nombreuses obscurités qui subsistent encore après les recherches de van REEs, et décrit chez une Tinea la formation de tous les muscles imaginaux aux dépens des mus- cles larvaires par un même processus. Le début est une proliféra- tion des noyaux larvaires, d'où résulte la formation, le long de chaque muscle, d’une traînée de noyaux (Kernstrang) rappelant un processus pathologique fréquent. Cette traînée de noyaux s’isole ensuite du muscle larvaire où elle a pris naissance, et tandis que ce dernier se résorbe, elle devient le siège d’une nouvelle différenciation fibrillaire. KarawaIEw [98] comme on l’a déjà vu, observe l'existence pré- coce, dans les muscles larvaires des Fourmis, de petits noyaux dont la multiplication sera particulièrement active pendant la nymphose et qui constitueront les myoblastes imaginaux.Ils se nourrissent aux dépens du muscle larvaire atrophié, puis sécrètent de la substance contractile, L'auteur n’a pas suivi plus loin l’histogénèse musculaire. TERRE [99] observe aussi chez l’Abeïlle, dès les plus jeunes stades larvaires, de petits noyaux, bien distincts des gros noyaux musculaires, et qui, se multipliant activement au moment de la nymphose, sont les éléments constitutifs des muscles imaginaux. ANGLAS [99-00] ne donne que des renseignements très sommaires sur l'histogénèse des muscles des pattes. Les muscles du vol proviennent de muscles thoraciques larvaires. Au milieu des masses histolysées on voit s’individualiser de nou- velles plages musculaires, où les gros noyaux larvaires ont persisté, etsont maintenant la siège d’une multiplication spéciale. La chro- matine s’y condense en petits amas bactéroïdes, qui, mis ensuile en liberté par rupture de la membrane nucléaire, deviennent autant de noyaux musculaires imaginaux. Les myoblastes se transforment ensuite en fibres musculaires. Entre les plages musculaires qui s'organisent ainsi peu à peu les leucocytes dégénèrent et finissent par complètement disparaître. (1) C’est par une fragmentation nucléaire très analogue à celle (1) D'après la nouvelle interprétation d'ANGLAS, il faut remplacer ici leucocyte par caryocyte. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 313 observée dans le thorax que se forment les myoblastes imaginaux de l'abdomen, et du revêtement musculaire de l’intestin. J'ai déjà eu occasion d'exposer comment, d’après BERLESE [01], les noyaux musculaires larvaires échappent à la mort et à la destruction qui frappent le myoplasme, et comment, reprenant le caractère de cellules, ils se mulliplient pour donner naissance aux myoblasies imaginaux. On peut dire que dès le début ce processus appartient à l’histogénèse, mais comme il intervient dans la désintégration des muscles larvaires, il était difficile de ne pas joindre sa description à celle des phénomènes histolytiques. J'ai fait aussi remarquer que certains des aspects figurés par BERLESE et interprétés par lui comme bourgeonnements nucléaires, sont peut-être des dégénérescences chromatolytiques. D’après BERLESE ce seraient des sarcocytes, nés des muscles larvaires, qui émigreraient vers les disques imaginaux des appen- dices el iraient constituer l’ébauche des muscles définitifs. OBSERVATIONS : La question des modifications du tissu musculaire paraît être la plus compliquée de celles qui se présentent dans l'étude histologique de la nymphose. Elle est particulièrement difficile chez les Insectes, où, comme chez les Fourmis, la plupart des muscles sont remaniés sur place, et où l’histolyse et l’histogénèse s'intriquent l’une avec l’autre. La meilleure méthode de recherche me parait être d'étudier d’abord les cas relativement simples, où l’histogénèse se présente seule, pour passer ensuite à ceux où le processus de construction d’un nouveau muscle est plus ou moins masqué par le processus simultané de la destruction de l’ancien. C’est en tout cas la méthode d'exposition qui me paraît susceptible de la plus grande clarté, et je débuterai par l’histoire de la différenciation progressive des muscles entièrement néoformés de l’imago. A. Histogénèse musculaire dans les pattes. Chez les larves venant d’éclore, au moment où les disques imagi- naux des paltes sont simplement constitués par un épaississement, à peine invaginé, de l'hypoderme, on observe déjà à la face interne 314 CHARLES PÉREZ. de ces disques, qui regarde la cavité générale, un amas de petites cellules mésenchymateuses, fusiformes, bien distinctes à la fois de l’assise épithéliale, et des globules sanguins que le hasard de leur migration peut amener dans le voisinage. Ce sont là des cellules fixes, faisant dès à présent partie intégrante du disque imaginal, et c’est aux dépens d’une partie d’entre elles que se différencieront les muscles de l’appendice. Aucun fait ne me permet de m'arrêter à cette hypothèse, que ce soient des cellules migratrices, venues se fixer sous l'hypoderme des disques imaginaux, après avoir aban- donné des muscles larvaires différenciés, qui seraient suivant BERLESE leur lieu d’origine. Au cours de la croissance de la larve, les disques imaginaux des pattes augmentent peu à peu d'importance par une lente prolifé- ration de leurs deux catégories d'éléments et s’allongent d'avant en arrière dans des cavités invaginées de la peau. Ce qui sera l'hypoderme de la patte est constitué par une lame épaisse où les noyaux sont pressés sur plusieurs rangs, les mem- branes cellulaires indistinctes; la structure épithéliale n'est pas encore différenciée. On est en présence d’une masse compacte de tissu embryon- naire qui a la forme d'un sac allongé, et qui au voisinage de son ouverture rétrécie se continue avec la #2embrane péripodale, c'est-à-dire avec la région invaginée de la peau (fig. 25). La cavité du sac représente, dans l’'ébauche de FiG. 25. — Deux disques imaginaux de à ; pattes, chez une larve âgée. la patte, un diverticule du cœlome, et c'est dans celte cavité que se trouvent maintenant, pour la majeure partie, les cellules issues de. la petite ébauche mésenchymaleuse du disque imaginal (PI. XIT fig. 7) ; un cerlain nombre sont restées au voisinage de l'orifice du sac, dans la région basilaire de l’appendice, mais sans y ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 319 obstruer toute communication entre la cavité de la patte et le reste de la cavité générale. La figure montre (PI. XII fig. 7) qu’une différenciation commence a intervenir el à séparer en deux catégories les cellules mésenchyma- teuses. Les unes se présentent en fuseaux allongés, ou prennent même des aspects étoilés en envoyant des prolongements grêles dans plu- sieurs directions. Cesont des prolongementsfixes sansrapportavee Les pseudopodes lobës des amæbocytes : ces cellules doivent être con- sidérées comme formant un tissu conjonctif ; des leucocytes sont épars entre les mailles de leur lâche réseau, car le sang baigne hibrement la cavité de l’appendice ; mais on ne voit point ces amæbocytes se fixer el se transformer en celulles étoilées. Les cellules conjonctives se multiplient peu, dans le développement ultérieur de la patte ; elles restent au voisinage des trachées el des nerfs, ou forment de minces dissépiments qui subdivisent la cavité de l’appendice. D'autres au contraire, parmi les cellules mésenchymateuses, restent agglomérées en traînées compactes, généralement en rapport étroit avec l’hypoderme. Ces cellules sont arrondies ou ovales, le cytoplasme entoure le noyau d’une couche régulière, et n'envoie point de prolongements périphériques. Parfois plusieursdeces cellules sont très étroitement accolées entre elles et leurs noyaux paraissent plongés dans une masse commune de protoplasme, où l’on distingue mal les contours cellulaires. Les noyaux, semblables à ceux des cellules éloilées, sont ellipsoïdaux et ont environ 6y suivant leur plus grand diamètre. Bien que leurs granules chromatiques plus serrés donnent à ces noyaux un aspect plus sombre que celui des noyaux de leucocytes, la différence n’est cependant pas très accusée ; mais l'aire protoplasmique qui environne ce noyau, compacte et assez fortement colorée est toute différente du corps cytoplasmique rosé, souvent réticulé, et beaucoup plus considérable, des leucocytes qu'on peut observer dans le voisinage. Pour ces petites cellules ovales, comme pour les cellules étailées, je crois qu’il faut exclure Phypothèse d'une origine leucocytaire. Ces cellules agglomérées en trainées compactes sont les myoblasies dont la différenciation constituera les muscles de l’'appendice. Au début de la nymphose, les ébauches des pattes sortent de la cavité invaginée où elles élaient restées enfermées pendant la vie 316 CHARLES PÉREZ. larvaire, elles s’allongent et, toujours contenues sous la peau larvaire, qu’elles distendent, elles font hernie à l'extérieur de la nouvelle peau imaginale. À ce momeat la prolifération des cellules est assez active ; les figures caryocinétiques sont fréquentes dans l’hypoderme, on en voit aussi quelques-unes dans les myoblastes. Il est vraisemblable que pendant la vie larvaire où les divisions sont rares, c’est aussi par voie indirecte qu’elles ont lieu. Mais ces divisions qui continuent pour l’hypoderme, au fur et à mesure de l'allongement de la patte, cessent au contraire bientôt en ce qui concerne les myoblastes, et ceux-ci forment chez la nymphe encore très jeune des traînées, loujours compactes, assez régulièrement cylindriques, tendues entre deux points de l’hypoderme, et où, à partir de ce moment, il n’y a plus aucune division nucléaire indirecte. Les myoblastes se sont étirés en longs fuseaux, étroitement accolés les uns aux autres, de sorte que l’on voit mal leurs limites ; on aperçoit seulement quelques fissures longitudinales sporadiques dans le faisceau compact qui donnera le futur muscle (PI. XI, fig. 8). Un certain nombre des noyaux ont encore gardé leur forme ovoïde et l'aspect obscur des stades précédents. Mais certains autres se sont allongés dans le sens du faisceau des myoblastes ; ils se sont en même temps éclaircis et on distingue mieux leur réseau chromatique formé de petits granules périphériques égaux et d’un plus gros nucléole central. Ces noyaux allongés se multiplient par division directe; la masse chromatique centrale se divise d’abord en deux, dans le sens de l’allon- | gement du noyau, les deux moitiés FiG. 20. —"Schéma- dela a ; ; ; division recto des none CC LEU l'une de l’autre; un étran- musculaires. glement se produit ensuile entre ces deux masses et achève la bipartition du noyau (fig. 26). Des amæbocytes peuvent s'observer au voisinage du muscle en édification (PI. XII, fig. 8), mais son ébauche est encore trop compacte pour permettre la pénétration de ces éléments étrangers. Pas plus à ce moment qu'à des stades antérieurs, je n'ai observé de faits me permettant de croire à une croissance du muscle par apposition d'éléments migrateurs qui s’accoleraient aux myoblastes déjà caractérisés. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 317 Au fur et à mesure de la multiplication directe des noyaux, les myoblastes s'allongent, les fissures intercalaires s’accusent et s'élargissent ; le faisceau compact se résout en un paquet dissocié de jeunes fibres cylindriques (PI. XII, fig. 9). Dès ce moment s’accuse dans le jeune muscle la disposition anatomique spéciale à l’imago. Tandis que chez la larve les muscles sont constitués par des faisceaux de fibres accolées les unes aux autres suivant toute leur longueur, ceux de l’imago sont des bouquets épanouis de fibres dissociées, divergeant en éventail à partir de l'insertion mobile commune, vers une multitude d’inser- tions fixes individuelles. Mais la fibre n’a pas encore sa structure achevée, car si sa substance acquiert déjà la striation spécifique, si elle est déjà du myoplasme caractérisé, si les noyaux ont cessé de se diviser, s'ils ont repris leur forme ovoide et s'ils présentent déjà leur aspect définitif, ils ont cependant encore une situation superficielle à la fibre et une distribution irrégulière à sa surface. Les intervalles des fibres épanouies sont maintenant assez considérables pour permettre le passage des amæbocyles et même des phagocytes repus, dont la taille est considérablement accrue par le grand nombre de leurs inclusions. Ces éléments migrateurs abondent au milieu des jeures muscles. Il est à peine besoin de dire maintenant qu’ils ne viennent pas s'associer à la constitution du nouvel organe et qu'ils peuvent tout au plus lui fournir des aliments solubles, après avoir digéré leurs inclusions au sein de leur propre cytoplasme. C’est à peu près à ce moment que s’intercale la mue nymphale ; les pattes prennent leur forme extérieure définitive et les muscles s’achèvent à leur intérieur. Les fibres s’écartent davantage les unes des autres et dans les espaces qui les séparent abondent de plus en plus les phagocytes gorgés d'inclusions ; c'est en effet le moment où ont disparu non seulement les glandes séricigènes, les tubes de Malpighi, mais encore bon nombre de cellules grasses. D’autres cellules grasses intactes, émigrent elles aussi dans la cavité du membre, charriées sans doute par le liquide sanguin, et, tamisées au passage par les muscles, elles stationnent entre leurs fibres. C’est vraisemblablement en épuisant les réserves de ces cellules adipeuses ou des phagocytes, que les jeunes fibres se nourrissent et parachévent leur structure. Le myoplasme continuant à se différencier englobe peu à peu les noyaux à son intérieur ; la fibre € 318 CHARLES PÉREZ. imaginale à son élat définitif est un cylindre de substance contrac- tile, large de 10 w contenant suivant son axe une file de noyaux alignés (PI. XIL, fig. 10). Cette dernière structure est classique et il n’y à pas lieu d'y insister davantage. B. Transformation des muscles longitudinaux de l’ab- domen. Je vais examiner maintenant les phénomènes dont les muscles différenciés de la larve sont le siège au cours de la métamorphose, et prendre tout d’abord un cas relativement simple, celui où le muscle larvaire est remplacé par un muscle imaginal à peu près d'égale importance et de même rôle physiologique. C'est le cas, par exemple pour les muscles longitudinaux des segments de l'abdomen. On a vu leur disposition chez la larve ; chez l’imago des muscles tout analogues télescopent plus où moins les segments les uns dans les autres, et chaque muscle de l’imago provient, par une sorte de remaniement, du muscle larvaire dont il occupe la place. Le point de départ nécessaire dans cette étude est la connaissance de la structure du muscle larvaire à sa période d'état, et je débu- terai par la description de cette structure. Tous les muscles lar- aires sont d’ailleurs constitués de même, et la description qui va suivre s'applique à tous les muscles du corps. Chaque muscle est formé d’un petit nombre de larges fibres striées, accolées entre elles sur toute leur longueur (PI. XI. fig. 11). La largeur qui varie suivant l'état de contraction est d'environ 8 à 10 w. Un sarcolemme enveloppe à la fois l'ensemble des fibres et une masse périphérique de sarcoplasme où sont plongés les noyaux. Ceux-ci sont de deux catégories : les plus apparents sont de gros noyaux ovoides de 30 « sur 15 x bourrés de petits grains chroma- tiques sur le fond assez obscur desquels tranchent encore quelques aucléoles fortement colorés. Ce sont là les véritables noyaux du muscle ; je les désignerai sous le nom de noyaux larvaires. On observe en outre de tout petits noyaux ovoides de 5 à Gu, sombres comme ceux des myoblastes des disques imaginaux. Ce sont les petits noyaux de TERRE. Leur disposition est variable par rapport au muscle larvaire ; très rarement on en observe insinués entre les libres ; le plus souvent ils sont superficiels, et peuvent alors soit se ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 319 présenter alignés en une seule file en des points où le sarcolemme enserre de tout près les fibres, soit au contraire être groupés en amas compacts qui soulèvent le sarcolemme et font au muscle comme une hernie latérale. Je dirai tout de suite que, comme l’ont vu KARAWAIEW et TERRE, ce sont bien les noyaux du futur muscle imaginal, ce sont les noyaux des myoblastes imaginaux. Chez la larve, toutefois, on ne distingue point autour de chacun d'eux une aire protoplasmique individualisée ; ils sont, au même titre que les gros noyaux, plongés dans la masse commune du sarcoplasme. Quelle est l'origine de ces petits noyaux ? Leur taille, et, jusqu’à un cerlain point, leur aspect pourraient engager à les considérer comme des leucocytes. On pourrait être particulièrement tenté de faire cette assimilation si on se bornait à l'étude des nymphes, sachant combien sont fréquentes, pendant la métamorphose, les immigrations de leucocytes dans les organes. Plusieurs auteurs ont fait la confusion, et je suis moi-même tombé dans cette erreur au début de mes recherches. Mais l'examen des stades larvaires semble exclure l'hypothèse d'une origine leucocytaire pour les petits noyaux. Si les leucocytes, épars dans les lacunes interorganiques, s'observent souvent au voisinage des muscles, ils n'y sont pas parti- culièrement abondants; et, en tout cas, on ne les voit jamais s’in- filtrer dans les muscles, ni même s'appliquer contre le sarcolemme. L'absence d’un territoire cytoplasmique propre à chaque petit noyau, si elle ne constitue pasun argument péremptoire, s'ajoute du moins aux présomptions qui peuvent faire considérer ces élé- ments comme distincts. Les petits noyaux, éléments intégrants du muscle, sont-ils alors, suivant l'opinion de BERLESE, des rejetons, issus par bourgeonne- ment, des gros noyaux larvaires? Parfois un petit noyau est tout proche d’un gros noyau ; il est même encastré dans une dépression de ce dernier, et il faut une variation attentive de mise au point pour distinguer une très mince lame de sarcoplasme intercalaire qui sépare cependant complètement les deux noyaux. Un pareil aspect pourrait s'interpréter comme stade final d'un bourgeonne- ment ; le petit noyau viendrait de rompre ses dernières attaches avec le gros noyau d’où il serait issu. Cette interprétation est plausible, mais on peut tout aussi bien admettre un voisinage de hasard, assez intime pour produire une déformation mécanique. Je dois dire que, malgré une recherche attentive, je n'ai pas 320 CHARLES. PÉREZ. réussi à trouver un seul cas de bourgeonnement typique, comme ceux observés par BERLESE chez d’autres Insectes. En outre, si les petits noyaux sont souvent agglomérés en nombre assez considé- rable au voisinage des gros noyaux (PI. XII. fig. 11), et si cette disposilion peut encore faiblement plaider en faveur d’un bourgeon- nement, il faut remarquer aussi que bien souvent, et particulièrement dans les muscles longitudinaux de l’abdomen, les gros noyaux sont presque exclusivement localisés sur la face du muscle qui regarde l'intérieur du corps, les petits noyaux, au contraire sont surtout nombreux sur la face qui regarde la peau. Des noyaux larvaires, primitivement situës sur celte face, se sont-ils épuisés dans leur multiphcation bourgeonnante, ou les petits noyaux sont-ils venus y émigrer après être nés dans d’autres régions du muscle ? Ce sont autant de questions que je réserve, ne pouvant y faire aucune réponse précise. Je ferai remarquer en outre que, dès le plus jeune âge, on observe dans les muscles larvaires la présence de petits noyaux. Ils ont alors environ 3 y tandis que les plus gros noyaux déjà différenciés comme noyaux larvaires peuvent atteindre 15 u. TERRE a de même signalé la présence de petits noyaux chez les toutes jeunes larves d’Abeilles. Les petits noyaux sont beaucoup moins nombreux qu'ils le seront plus tard; mais on peut supposer que l'augmentation progressive de leur nombre constatée au cours de la vie larvaire, est due à la multiplication des petits noyaux préexistants, tout aussi bien qu'au bourgeonnement de nouveaux éléments semblables à partr des gros noyaux larvaires. En l'absence de fait crucial tranchant définitivement l'alternative, je m'arrèterai plutôt à la première de ces hypothèses provisoires ; car pendant la nymphose, au moment où se produit la prolifération la plus active de myoblastes imaginaux, il m'a paru que celle-ci n'avait nullement lieu par bourgeonnement ou fragmentation des gros noyaux, qui, au contraire, dégénèrent, mais bien par multi- plication des petits myoblastes préexistants. Je dois reconnaitre que je n’ai point observé, au cours de la vie larvaire, de figures caryocinétiques indiquant une division des myoblastes. KARAWAIEW et TERRE font la même remarque; il est naturel d'admettre que les petits noyaux se divisent par bipartitions directes, comme BERLESE le décrit chez plusieurs Insectes. Il y a d'autant moins de difficulté à admettre cette division directe chez la larve, que, comme on va ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 321 le voir, c'est aussi, par divisions directes que se fait l’active prolifération nymphale. Je dois faire encore une remarque ; c’est que je n’ai point observé, à aucun moment de la vie larvaire; que des myoblastes se séparent des muscles, et que, devenus libres, ils émigrent vers les disques imaginaux hypodermiques pour y constituer l'ébauche des muscles des appendices. J'ai déjà signalé à propos de ces derniers leur annonce précoce, dès l’éclosion de la larve, par un petit amas de mésenchyme. Ces préliminaires posés, je reprends l'histoire de la transformation des muscles abdominaux pendant la nymphose. Les processus sont les mêmes, mais ils ne sont point simultanés pour tous ces muscles. Il n’y a pas progression régulière d'avant en arrière, comme on l’a observé chez les Muscides. La transformation débute aux deux extrémités de l'abdomen, par la région du segment médiaire et la région anale, c’est-à-dire par les régions où la formation de l'étran- glement pétiolaire et le développement de l’armure génitale modifient le plus l’organisation de la larve. La transformation ne s'étend que plus tardivement aux segments moyens de l'abdomen. A la fin de la vie larvaire les muscles ont la structure indiquée plus haut; les petits noyaux sont surtout nombreux à leur surface ; quelques-uns sont infiltrés entre les fibres. À un moment plus ou moins précoce de la nymphose, suivant le muscle considéré, les petits noyaux entrent en active prolifération ; leurs agglomérations périphériques au muscle prennent une assez grande importance relative; le nombre de ceux qui sont infiltrés entre les fibres s’accroit aussi dans une proportion notable ; au lieu de les rencontrer isolés çà et là on les trouve maintenant se suivant de près en traînées linéaires, soit qu'ils proviennent par divisions répétées des petits noyaux isolés des stades larvaires, soit que, nés à la périphérie, ils pénètrent entre les fibres à la suite les uns des autres. La striation transversale et l'intégrité complète de chaque fibre, aussi bien que des noyaux larvaires, sont encore parfaitement conservées. Comme pendant la vie larvaire, on ne peut pas distinguer de zône cytoplasmique propre à chaque noyau de myoblaste. A un stade plus avancé les petits noyaux sont devenus encore plus nombreux, et ils sont répartis d’une manière beaucoup plus 21 J22 CHARLES PÉREZ. uniforme dans toute l'étendue de l’ancien territoire musculaire, où on ne distingue plus ni la striation transversale, ni l’individualité des fibres. Il semble que le muscle larvaire ait été déchiqueté par la compénélralion de petits noyaux dans toutes ses parties; son myoplasme est réduit à une substance fibrillaire qui, par petites plages, sépare les noyaux de myoblastes, et s'étend jusqu'à leur contact. À ce moment encore 1l n'y a pas d’aire protoplasmique propre à chaque noyau. N'’était la présence des noyaux larvaires, ces ensembles ne seraient pas très différents des traînées massives de myoblastes décrites plus haut dans les pattes, au moment du début de leur différenciation. La ressemblance va d’ailleurs s’accentuer de plus en plus. Les petits noyaux en effet s'allongent en navettes dans le sens du muscle, leur réseau chromatique devient plus distinct, et ils se divisent directement par des coupures transversales,exactement par le même processus que celui qui a été décrit pour les myoblastes des pattes. On observe parfois un cas particulier qui parait être .une accélération de ce processus : Un noyau s’allonge beau- coup ; il présente plusieurs groupes de granules chromatiques placés bout à bout dans son intérieur; à chaque he groupe correspondant un plus gros granule central; puis, d’une façon simultanée, descoupures transversales séparent dans lenoyau primitif autant de noyaux qu'il y avait de groupes de granules (fig. 27). FiG. 27. — Transformation des Au fur et à mesure de ces multipli- muscles longitudinaux de - Je RE DT ra "cations nucléaires, des fissures longi- l’abdomen.W,noyauxlarvaires : É en dégénérescence. + tudinales apparaissent dans la masse compacte primitive, qui la séparent en fuseaux irès allongés; les noyaux de myoblastes apparaissent alors accolés à la surface de ces fuseaux ; c’est un nouveau stade très analogue à un de ceux observés dans les pattes ; la principale différence consiste dans la présence des gros noyaux qui, isolés dans l'intervalle des fuseaux, commencent à subir une ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 323 dégénérescence chromatolytique. La chromatine au lien de rester en granules distincts se fusionne en une ou plusieurs masses volu- mineuses, uniformément colorées en violet, ou passant sur leurs bords, par une série de teintes fondues, à la couleur rosée du suc nucléaire. Les fuseaux qui ne sont pas autre chose que les jeunes fibres musculaires imaginales s’écartent de plus en plus les uns des autres; l’ébauche du nouveau muscle prend ainsi la disposition épanouie qui caractérise les muscles définitifs. Les intervalles entre les fibres sont maintenant assez larges pour livrer passage aux amœæbocytes ou même aux phagocytes déjà chargés d’inclu- sions ; des matériaux nutritifs peuvent ainsi être amenés au muscle pendant Fig. 28.— Noyau musculare en son achèvement; d'autre part les PINS ca Que : 3 phagocytes déjà gorgés d’in- noyaux larvaires, où se fragmentent clusions éosinophiles. de plusen plus les boules chroma- tolytiques, deviennent la proie des phagocytes (fig. 24). Comme pour les muscles des pattes, la structure définitive des fibres est celle d’un cylindre de myoplasme strié, où les noyaux ont une position axile. C. Transformation des muscles thoraciques. Les muscles thoraciques larvaires, qui donnent chez l’imago les puissants muscles du vol, subissent pendant la nymphose des modi- fications considérables, en rapport avec l'énorme accroissement de leur taille et la spécialisation de leur fonction. Chez la larve, où leur rôle n’est point différent de celui de leurs homologues des autres segments, ils ont une constitution identique; à cela près, cependant, que la multiplication des petits noyaux y est plus précoce et plus active. Aussi présentent-ils à la fin de la vie larvaire, accolé le long du muscle différencié, un massif d’histoblastes qui a presque la même importance que le muscle lui-même. Comme toujours ces histoblastes ne sont pas des cellules nettement individualisées ; leurs noyaux sont plongés dans une masse commune de sareoplasme. 324 CHARLES PÉREZ. Un assez grand nombre de petits noyaux sont aussi infiltrés entre les fibres. Le début des phénomènes nymphaux est marqué, comme pour les autres muscles, par un redoublement d'activité dans la prolifération des petits noyaux, et par leur insinuation en plus grand nombre dans toutes les régions du muscle. On peut voir quelques leucocytes accolés extérieurement au sarcolemme. Bientôt le processus prend une allure spéciale. Tandis que les autres faisceaux musculaires restaient longtemps cohérents, comme s'ils se transformaient sous le sarcolemme intact, les muscles thoraciques, au contraire, s’émiettent et leurs fragments s'écartent un peu les uns des autres ; dans les plages du myoplasme primitif la striation est encore conservée. Outre les gros noyaux musculaires et les petits noyaux imaginaux, qui sont toujours répartis çà et là sans territoire cytoplasmique propre, on distingue en abondance une nouvelle catégorie d'éléments, dont les noyaux sont très semblables aux petits noyaux musculaires, mais qui ont, de la façon la plus nette, un corps protoplasmique à contours irréguliers, souvent à longs pseudopodes. Ces éléments se trouvent soit à la périphérie des plages musculaires, soit enclavés à leur intérieur : ils sont alors enfermés dans une vacuole et tranchent par ce caractère avec les petits noyaux infiltrés qui paraissent nus et directement accolés à du myoplasme larvaire. J'ai représenté (PI. XII, fig. 12) une portion de muscle longitu- dinal dorsal, prise dans le second segment thoracique d’une jeune nymphe, longtemps encore avant la mue. Le processus de dissociation est déjà assez avancé ; le muscle paraît tout déchiqueté par ces éléments irréguliers qui ont toute l'allure de cellules amæboïdes ; souvent on voit plusieurs de ces cellules engagées à la file dans une cavité fusiforme de l’ancien muscle, comme si elles y avaient pénétré l’une après l’autre. Les gros noyaux larvaires persistent encore reconnaissables, mais leurs contours sont parfois irréguliers. La striation se devine encore par places, mais elle est en train de disparaître. Des aspects semblables à celui de la figure sont nombreux dans la nymphe considérée, et ils me paraissent très bien pouvoir s’interpréter en supposant que la dissociation du muscle larvaire est le fait de ces cellules amœæ- boïdes, qui l’ont déchiqueté en le compénétrant dans tous les sens. Surtout dans sa région la plus à gauche, ma figure n’est pas sans ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 325 analogie avec une figure de BERLESE, [01] (PI. XIII, fig. 231) relative à une larve encore jeune de Polistes. L'auteur italien interprète sa figure comme indiquant un départ de sarcocytes, de futurs myoblastes qui, nés dans le muscle larvaire, l’abandonnent, pour aller construire ailleurs un muscle imaginal. Faut-il s'arrêter ici à une hypothèse analogue ? Je ne le crois pas; et je ne puis que répéter ici une fois de plus que je n’ai jamais observé l’émigration d'éléments formés dans un muscle. D'après l’aspect des coupes il paraît hors de doute qu'on a affaire à des éléments mobiles. Je ne crois pas qu'ils partent du muscle, mais, bien au contraire, qu'ils sont en train d'y pénétrer. Il est alors vraisemblable qu'ils viennent du dehors et que ce sont des leucocytes. Une objection s’élèvera tout de suite du fait que ces cellules amæboïdes ont des noyaux obscurs, à granulations chroma- tiques serrées en une masse {rès dense; on ne reconnaît pas là le réseau chromatique des leucocytes repus. IL ne faut peut-être pas s'arrêter à cette objection, en remarquant que l’aspect des leuco- cyles varie suivant les divers lissus où ils pénètrent; un phagocyte en train d’absorber les débris d’un tube de Malpighi n'apparaît pas identique à un phagocyte qui incorpore les globules d’une cellule adipeuse. Pour chaque organe détruit on observe une variété d'aspect des leucocytes immigrés, et c’est par sériation des inter- médiaires qu'on rattache les phagocytes bourrés aux petits leuco- cytes à jeun. Dans le cas actuel les amæbocytes du muscle sont très semblables en somme aux plus petits leucocytes, à protoplasme dense et uniformément rosé, qu'on peut trouver dans la cavité du corps, qui ont précisément un noyau très obscur, et qui présentent souvent des pseudopodes tout à fait analogues. Ce sont sans doute ces petits leucocytes que BERLESE interprète comme des sarcocytes migrateurs; Car il reconnaît l'impossibilité où il s’est parfois trouvé (Polistes et autres Insectes) de distinguer les sarco- cytes des globules du sang proprement dits. Je crois au contraire que les cellules amæboïdes qui dissocient le muscle sont de véritables globules du sang (1). Il faut remarquer d’ailleurs que toutes ces cellules n’ont pas dû pénétrer personnellement dans le muscle, mais y sont nées de premiers leucocytes immigrés. Ues (1) C’est aussi l'interprétation à laquelle se sont arrêtés MM. METCHNIKOFF et MESNIL. 326 CHARLES PÉREZ. cellules en effet se multiplient dans le muscle avec une très grande activité et toujours par division caryocinétique. Une seule figure de division indirecte se trouve dans la plage représentée fig. 12 (PI. XI). Cette région du muscle a été en effet choisie pour montrer les déformations amæboïdes des éléments dont le cytoplasme se ramasse au contraire sur lui-même au moment de la division. J’ai réuni (PI. XII, fig. 13) plusieurs figures de division prises à quelque distance dans le même muscle. Les trois groupes de cellules étaient un peu plus écartés l'un de l’autre que ne le représente la figure ; ils étaient cependant voisins, dans une même aire, où se manifestait en quelque sorte une épidémie de division. On voit d’ailleurs trois caryocinèses sur cinq cellules alignées en file dans une même fissure du myoplasme. Cette division, {toujours indirecte, et qui s’observe de même dans les stades suivants, me paraît militer en faveur de la nature leucocytaire des cellules en question. La multiplication caryociné- tique des globules blancs est classique, en ce qui concerne les exsudats inflammatoires ; et pour le cas particulier qui nous occupe, je puis dire que j'ai observé des mitoses de leucocytes indis- cutables à l’intérieur d’une cellule grasse. Au contraire, nous avons déjà vu jusqu'ici, dans toute l’histo- génèse musculaire, les noyaux myoblastiques se multiplier par divisions directes ; nous allons voir qu’il en est de même pour les muscles thoraciques. Aussi me semble-t-il que les cellules amæboïdes actuelles ne rentrent pas dans la série d'éléments qui conduit aux myoblastes définitifs à partir des petits noyaux des muscles larvaires. Diffusément répartis dans le muscle déchiqueté, on retrouve ces petits noyaux toujours sans enveloppe protoplasmique nette. Il ne m'a pas semblé qu’ils donnassent naissance aux éléments amœæboïdes précédents (1). Nous n'avons d’ailleurs pas trouvé trace de ces éléments amæboïdes dans les muscles longitudinaux de l'abdomen, dont la faible transformation sur place n'implique précisément aucune autre destruction que celle des gros noyaux larvaires. Le morcellement présenté uniquement par les muscles thoraciques (4) Les essais que j'ai tentés, pour trouver une coloration différentielle de ces deux catégories d'éléments, ont été jusqu'ici infructueux. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. DT) parait donc lié à la présence des amæbocytes, et directement causé par l'insinualion de leurs pseudopodes, qui sont, à ce stade particulièrement développés. On ne voit point ici, comme chez les M ces ces amæbocytes immigrés englober en abondance de volumineux sarcolytes, et se transformer en sphères de granules. Faut-il exclure cependant tout processus phagocytaire ? Je ne le crois pas. La multiplication active des amæbocytes témoigne de leur nutrition intense. Et l’on peut parfaitement supposer que cette nutrition se fasse par digestion progressive d’inclusions minimes, à la périphérie du phagocyte. METGHNIKOFF a donné un exemple de ce mode particulier de digestion phagocytaire, dans la résorption des hématies d’Oie par les globules blancs de Cobaye. Pendant les premières heures qui suivent l'injection du sang, les Jones n'englobent pas les hématies, mais s’accolent simplement à leur surface, et les échancrent par une fine dentelure de filaments protoplasmiques. METGHNIKOFF a vu là un cas de phagocytose; je propose la même interprétalion pour les faits que nous venons d'observer dans les muscles. La fig. 14 (PI. XII) représente un stade ultérieur de la transfor- mation musculaire. Les cellules amæboïdes se sont considérablement multipliées et leurs divisions continuent d’ailleurs encore; mais elles ne présentent plus guère de pseudopodes grèles ; elles sont tassées les unes contre les autres en traîinées compactes. L’histolyse du myoplasme est sans doute à peu près terminée. On ne rencontre plus de noyaux larvaires normaux ; mais on peut observer dans certains espaces vides du muscle, des corps globuleux qui rappellent tout à fait les formes de dégénérescence chromatolytique déjà observées pour les gros noyaux d’autres muscles. Les granules chromatiques se sont fusionnés en une ou plusieurs masses d'aspect homogène, fortement teintées par l’hématéine, qni flottent dans un suc nucléaire rose violacé. Souvent des cellules amæboïdes sont accolées à ces noyaux dégénérés. La figure représente ce cas qui semble pouvoir être interprété comme un début de phagocytose. Dans le même espace vide on voit, à côté de l’ancien noyau larvaire, deux phagocytes bien caractérisés, bourrés d’inclusions éosinophiles. Viennent-ils de l'extérieur et apportent-ils dans le muscle des débris d'un autre organe préalablement englobés, ou leurs inclu- sions ont-elles été empruntées au muscle lui-même? Il est malaisé 328 CHARLES PÉREZ. de trancher la question. Au stade considéré les phagocytes gorgés sont fréquents autour du muscle ; ils s’accolent même à sa surface et pénètrent dans ses anfractuosités ; leur immigration plus profonde est possible. A ce moment on voit très nettement le début de la différenciation du nouveau muscle. Les petits noyaux myoblastiques s’allongent et s'orientent parallélement les uns aux autres, dans le sens du muscle primitif. Leur réseau chromatique s'éclaircit et apparaît formé de petits grains égaux avec un grain central plus volumineux. Ces noyaux se multiplient alors par division directe, comme on l’a vu pour les autres muscles en histogénèse, mais par un processus encore plus abrégé. Un noyau devient extrêmement long ; la chro- matine s'y agence en groupes contenant chacun un plus gros granule, puis une division simultanée isole autant de nouveaux noyaux qu'il y avait de ces groupes de granules dans le noyau primitif dont la membrane disparaît. Parfois il se forme ainsi une seule file de noyaux, d’une manière analogue à ce qu'on à vu pour les muscles abdominaux ; le nombre des noyaux formés simulta- nément est toutefois plus considérable. Mais souvent aussi le noyau primitif s'élargit en même qu'il s’allonge, et c’est alors, dans un espace fusiforme, tout un essaim de jeunes noyaux qui naissent simultanément sur plusieurs rangs. La fig. 14 (pl. XII) montre les divers stades de ces divisions. C'est là un cas intéressant à signaler de ce mode de division nucléaire sur lequel SCHAUDINN a le premier attiré l'attention, et qu'il a désigné sous le nom de division multiple (multiple Kerntheilung). Les exemples de ce processus ont été jusqu'icisurtout rencontrés chez les Protozoaires (Foraminifères, Sporozoaires). Chez les Métazoaires on connaît plutôt des mitoses du type multiple. Les divisions répétées des noyaux myoblastiques, aussi bien que des cellules amæboïdes, amènent un accroissement considérable du complexe substitué au muscle larvaire. Dans cette masse d'abord confuse d'éléments, un agencement régulier commence à se faire ; à un faible grossissement on distingue des places claires, ovales ou fusiformes, allongées dans le sens du muscle et barrées ça et là de traits chromatiques allongés dans le même sens ; autour d'elles, les englobant comme d’une gangue, des trainées plus colorées, et ponctuées d’une manière très dense par des noyaux arrondis rap- prochés. Un plus fort grossissement montre que les ovales clairs ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 329 sont les plages en histogénèse, semées de noyaux en navette qui proliférent activement : la gangue est l’amas compact des cellules amæboïdes (fig. 29). I n’y a bientôt plus d'espaces vides dans le muscle, et les noyaux larvaires dégénérés sont expulsés à l'extérieur ; on les retrouve généralement entourés de phagocytes, et leur chromatine est morcelée à leur intérieur en un grand nombre de petites boules violettes entou- rées d’une auréole d’un rose violacé. L'aspect rappelle si l’on veut celui de petites cellules ; mais je ne crois pas qu'on puisse voir là avec BER- LESE une formation en- dogène de nouveaux éléments cellulaires. De pareilles sphérules chro- matiques se rencontrent en inclusion dans des phagocytes, qui peuvent ounon contenir en même temps des inclusions éosinophiles. J'ai repré- senié (PL. XI, fig. 18) quelques-uns de ces pha- gocytes. L’un présente deux noyaux, et ce cas particulier n’est pas rare. Je me demande si PL TER ELEC D CESSER = RL ENVT CEA: CREER : Fi. 29. — Stade avancé de la transformation de pareils phagocytes des muscles thoraciques. Les faisceaux en ne représenteraient pas en histogénèse, FI, sont séparés par des des cellules péricardiales trainées compactes d'’amæbocytes, À. mobilisées. De nouvelles observations me sont nécessaires sur ce point. Au fur et à mesure que la nymphe avance en âge, les plages 330 CHARLES PÉREZ. d’histogénèse augmentent de dimensions dans tous les sens; les cellules arrondies (anciennes cellules amæboïdes) accolées à leur surface diminuent de plus en plus. Comment disparaissent-elles ? Je ne les ai point vues dégénérer. Je n’ai pas non plus observé qu’elles accroissent par apposition les plages musculaires en devenant elles- mêmes des myoblastes ; la multiplication des noyaux primitifs suffit d’ailleurs, semble-t-il, à expliquer cette croissance. Si on admet la nature leucocytaire de ces cellules, il est assez naturel d’admettre qu'elles se remettent en circulation dans le sang. Une fois qu’elles ontcomplètement disparu, les muscles thoraciques n’ont encore ni leur taille ni leur structure définitive. Les proliféra- tions nucléaires continuent; les masses musculaires s’individualisent et s'écartent les unes des autres; entre elles viennent s’intercaler des cellules grasses flottantes. On a déjà vu comment ces cellules sont bientôt comme prises à l’étau entre les masses musculaires, et comment elles sont laminées en perdant peu à peu leurs réserves nutritives. Nourris par le sang, et peut-être plus directement aux dépens de ces trophocytes voisins, les muscles achèvent de croître, remplissant presque toute la cavité thoracique, et prennent leur structure défini- live, trop classique pour qu'il y ait lieu de la décrire de nouveau. Remarquons cependant que, seuls, parmi tous les muscles de l’imago, les muscles du vol présentent des faisceaux de fibres accolées suivant toute leur longueur. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. Dans cette étude si fertile en controverses de l'histolyse et de l’histogénèse musculaire, j'ai essayé de m’en tenir le plus possible à la description de mes préparations, en réduisant au minimum les interprétations et les discutant à mesure. Il serait téméraire de vouloir formuler des conclusions sans les avouer provisoires ; mais le long exposé qui précède a besoin d’être résumé en quelques lignes. Les muscles, entièrement néoformés, des pattes de l’imago se différencient à partir d’ébauches mésenchymateuses, accolées inté- rieurement aux épaississements hypodermiques des disques imaginaux. Ces ébauches précoces existent dès l’éclosion de la ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 331 larve ; elles ne se forment point par rassemblement d’éléments migrateurs issus des muscles larvaires. Les faits les plus saillants de l’histogénèse sont la division toujours directe des noyaux et leur distribution axiale à l’intérieur de la fibre définitive. Les autres muscles de l’imago proviennent, par un remaniement plus ou moins considérable, des muscles correspondants de la larve. A chaque muscle larvaire est associé un histoblaste spécial. La différenciation de cet histoblaste est très analogue à celle des histoblastes mésenchymateux des pattes ; mais au lieu d'être réduite à elle seule, elle se superpose à une destruction concomitante plus ou moins accusée du muscle larvaire. Les noyaux de ce dernier disparaissent et leurs débris sont absorbés par les globules du sang. Quand au myoplasme, il est pour ainsi dire réemployé ; sa destruction phagocytaire n’est certainement que partielle. Il ne faut pas cependant exclure toute participation des leucocytes à la métamor- phose des muscles ; car dans la transformation des muscles thoraci- ques, qui sont les plus profondément remaniés, un rôle important est dévolu à des cellules amæboïdes, qu'il est vraisemblable d’assimiler aux globules blancs. C’est aussi dans l’active histogénèse de ces muscles thoraciques, que l’on observe les particularités les plus curieuses de la multiplicalion nucléaire. Ainsi la métamor- phose des muscles ne se présente point chez les Fourmis sous le type classique qu'on lui connait chez les Muscides. Ici l’histogénèse s'intrique avec l’histolyse, et cette dernière a une extension limitée. Mais, dans la mesure où elle existe, elle paraît avoir lieu, comme pour les autres tissus, par phagocytose leucocytaire. ÉVOLUTION ULTÉRIEURE DES PHAGOCYTES. WEIsMaANx | 64] pensait que tous les tissus larvaires étaient frappés de mort pendant la nymphose et que les disques imaginaux régé- néralent uniquement l’hypoderme. Les tissus définitifs de l’imago devaient alors être néoformés de toutes pièces. WEISMANN pense que leur édification se fait à partir des noyaux des Kürnchenhugeln, dont la signification lui a échappé. Les auteurs plus récents montrent que les sphères de granules ne sont point des cellules nées par génération spontanée dans la nym- 332 CHARLES PÉREZ. phe; ce sont des leucocytes, bourrés d’inclusions qui représentent autant de débris de cellules, incorporés par phagocytose. L'opinion générale est alors que ces éléments ne servent nullement à la construction de nouveaux tissus; qu'ils englobent simplement les parcelles des tissus larvaires qui disparaissent, qu'ils les digèrent à l'intérieur de leur protoplasme, et fournissent ainsi des aliments solubles aux jeunes tissus en prolifération. Telle est en particulier l'interprétation développée par van REEs [88]. Les inclusions des phagocytes disparaissent peu à peu et sont remplacées par des vacuoles de leur cytoplasme. L'auteur pense que beaucoup de phagocytes meurent et dégénèrent ensuite; il faut dire qu’il est surtout conduit à cette idée par la confusion des inclusions des trophocyles avec de véritables leucocytes ; dans cette manière de voir, les globules du sang se compteraient chez la nymphe par centaines de mille, alors que leur nombre est bien plus réduit chez l’imago. L'auteur décrit toutefois des stades de dégénérescence de phagocytes, et figure la pénétration de leucocytes à l’intérieur des tissus imaginaux, où ils sont vraisemblablement digérés. Je n'insisterai pas sur le détail des différents mémoires où les auteurs ont exprimé des opinions analogues ; mais je dois faire une mention spéciale du travail tout récent de BErLEsE. L'auteur italien revient en effet à une interprétation qui n’est pas sans analogie avec les idées de WEIsMANN. J'ai déjà eu l’occasion de dire que, pour BERLESE, il n’y a pas de phagocytose à proprement parler ; si les leucocytes englobent parfois des débris de tissus, ils ne les digèrent point à leur intérieur, mais les rejettent au contraire plus tard, sans leur avoir fait subir la moindre trans- formalion chimique, et l'auteur se demande même si les sarcolytes ne sont pas déjà digérés, peptonisés, avant d’être englobés dans les sphères de granules. D'ailleurs, toutes les sphères de granules n'ont pas pour BERLESE la même signification; si le noyau des unes est un noyau de leucocyte, d’autres contiennent un noyau musculaire; et ces dernières ont une importance spéciale; après s'être vidées de leurs inclusions, elles seraient les éléments originels de la consti- lution de nouveaux tissus. BERLESE pense en effet que tous les tissus mésodermiques sont instables dans leur état agrégé; qu’ils peuvent après une période de différenciation, se dissocier en éléments libres, plus ou moins semblables aux amæbocytes du sang, puisse réagréger en tissus diférenciés. Ainsi, chez les Muscides, des noyaux issus des ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 333 muscles larvaires émigreraient pour donner soit de nouveaux muscles, soit le tissu adipeux imaginal. La ressemblance serait surtout complète entre les amæbocytes du sang et les splanchnocytes régénérateurs de l’épithélium intestinal. J'ai déjà exposé, dans les chapitres précédents, les observations qui ne me permettent point de me rallier à cette opinion de BERLESE. Les nouveaux tissus naissent bien de cellules d’aspect mésenchy- mateux, qu'on pourrait à la rigueur confondre avec des globules du sang, mais ces cellules sont agglomérées d'avance en histoblastes localisés ; elles paraissent prédéterminées dès le plus jeune âge comme devant donner tel tissu imaginal, et constituent son annonce précoce à l'endroit même où sera l'organe définitif. Quant aux sphères de granules, mes observations m'ont conduit à les interpréter toutes comme des phagocytes leucocytaires gorgés ; je n’ai jamais vu aucune indication me permettant de penser que leurs noyaux deviennent parties constitutives d'un nouveau tissu diffé- rencié, ni que ces éléments rejettent sous forme figurée les inclusions qu'ils ont englobées. Je crois au contraire que les inclusions des sphères de granules sont digérées à l'intérieur de ces éléments phagocytaires, et que les substances nutritives solubles, qui résultent de cette digestion, abandonnent le phagocyte sous forme effectivement dissoute avant d'être assimilées par les organes nouveaux en prolifération. La coloration au carmin chlorhydrique suivie de différenciation au picro-indigo-carmin est peut-être particulièrement appropriée à dis- linguer, par une gamme de tons divers, les stades successifs de la digestion des granules. Les différentes inclusions d'un même pha- gocyle, que leur taille ou leur degré d'irrégularité peuvent signaler comme plus ou moins élaborées, présentent en outre différentes teintes pourpres allant du rose jusqu’au bleu. En l’absence de termes de comparaison, je n’insisterai pas sur la signification possible de ces réactions microchimiques. Jenoterai seulement que les inclusions les plus petites,régulièrement sphériques et touteségales entres elles, interprétables à bon droit comme les plus complètement digérées, sont franchement bleues. Certains phagocytes, à protoplasme très vacuolaire, paraissent vidés de leurs inclusions éosinophiles ; peul- être ces dernières se sont-elles transformées en graisse. J'ai déjà signalé la présence des sphères de granules au voismage des organes imaginaux en train de se différencier; j'ai décrit en 334 CHARLES PÉREZ. particulier leur insinuation au milieu des fibres musculaires. On les y observe avec les divers stades de digestion de leurs granules. Je crois intéressant de signaler encore ici un cas particulier curieux de cet apport nutritif à des organes en croissance, le cas de la nutri- tion des ovaires. Chez les nymphes de femelles, à yeux complètement noirs, et dont les téguments commencent à roussir, les gaînes ovigères sont déjà bien développées. Dans chaque gaîne la région distale, qui confine au filament terminal, est constituée par un étroit cylindre, où les noyaux, aplatis transversalement sont étroitement serrés sur deux rangs. Après un élargissement assez brusque de la gaîne, on rencontre au contraire un massif de noyaux sphériques, qui, un peu plus loin, sont presque tous en division par caryocinèse. C’est la région de multiplication des cellules, dont quelques-unes devien- dront les ovules, d’autres au contraire devenant les cellules vitel- logènes, d’autres encore des cellules épithéliales. Un peu plus loin, on distingue déjà les ovules à leur noyau clair, d'aspect vacuolaire, coiffés chacun d'un groupe de cellules vitellogènes. Tout autour, de petits noyaux, régulièrement disposés, annoncent déjà le futur épithélium, qui sera l’enveloppe de la gaîne, et formera en particu- lier le chorion des ovules. Dans la région proximale de la gaine, dont la cavité est presque virtuelle, on observe uniquement ces noyaux de l'assise épithéliale. Il n’y a pas encore de région de la gaine, où les ovules s’alignent bout à bout, en chambres successives, séparées par des groupes de cellules vitellogènes. À peine dans certaines gaines trouve-t-on un seul ovule déjà un peu grossi (15u), qui s'oriente dans le sens de la gaïîne, et présente du côté distal ses cellules vitellogènes (4 à 5 u). Le fait sur lequel je veux attirer l'attention est la présence, entre la gaïne elle-même et sa mince enveloppe conjonctive, d’un nombre extrêmement considérable de cellules, qui ne peuvent entrer dans aucune des catégories d'éléments que les travaux classiques recon- naissent dans la structure de l’ovaire des Insectes. Ce sont des cellules isolées, globuleuses ou aplaties mécaniquement entre la gaine et son enveloppe, et bourrées de granulations éosinophiles (PI. XII. fig. 15). Le noyau de ces cellules a environ 44 et présente le réseau chromatique caractéristique des leucocytes. Les inclusions éosinophiles, sphériques, ont environ 24 de diamètre. La teinture par l’hématoxyline au fer colore en noir d’encre les granulations, et ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 339 par là distingue bien les cellules qui les contiennent des cellules de la gaine dont le cytoplasme est rose sale. Ce procédé se prête bien à une mise en évidence, sous un faible grossissement, de la répar- tion et du nombre considérable des cellules à granulations. Mais il est peu convenable à l'étude du détail histologique dans ces cellules obscures, et ne différencie pas leurs inclusions des globules albumi- noïdes qui remplissent les cellules grasses. Le traitement des coupes par l’induline glycérinée et l’aurantia montre que les granulations, fixant électivement le premier de ces colorants, serapprochent des granulations amphophiles 68 d’'Enrricn, et s'opposent aux globules éosinophiles « des trophocytes. Une très bonne coloration différentielle est fournie par le carmin chlorhydrique et le picro-indigo-carmin. Les cellules de la gaine sont pourpre, les noyaux carmin; il en est de même pour l’enve- loppe conjonctive. Au contraire les granulations sont bleues, et seul le noyau apparait en rouge dans les cellules qui les contiennent. On a vu au contraire que ce procédé teimt en vert les inclusions des trophocytes. Par tous ces caractères, les cellules à granulations des ovaires se signalent comme des phagocytes leucocytaires gorgés, comme des sphères de granules. D'ailleurs on observe aussi un nombre considé- rable de ces cellules dans les intervalles des diverses gaïnes ovigères, remplissant presque tous les espaces laissés libres par les riches arborisalions naissantes des trachées. On doit donc conclure que des phagocytes repus viennent appor- ter aux ovaires des substances nutritives, tout comme nous l’avons vu pour d’autres organes, les muscles en particulier. Mais le cas des ovaires est spécialement intéressant, à cause du nombre vérita- blement extraordinaire des phagocytes qui s’y accumulent. Dans toutes les autres régions du corps, les phagocytes sont distribués irrégulièrement, avec une densité à peu près uniforme, et on peut dire qu'ils sont relativement rares. Quand on en trouve au voisinage des fibres musculaires épanouies d’une patte, on peut se demander si le hasard du courant sanguin ne les y a point amenés. Au con- traire, dans le cas des ovaires, l’affluence de ces éléments est telle, qu'on doit nécessairement admettre un appel chimiotactique. À un stade un peu antérieur, ils sont disséminés dans le reste du corps; on n’en trouve pas un seul entre les gaines ovigères et les ovules ne sont pas plus gros que les cellules vitellogènes. Au stade considéré, 336 CHARLES PÉREZ. au contraire, presque tous les phagocytes sont accumulés entre les gaines, ou ont même pénétré par diapédèse Jusqu'au contact intime de chaque gaîne. On n’en trouve plus un nombre un peu considé- rable que dans la tête, intercalés au milieu des circonvolutions des glandes salivaires imaginales, qui proliférent à ce moment. L’afflux des phagocytes dans les ovaires coïncide avec le début de la croissance des ovules,qui jusque là ne s'étaient point distingués par leur taille des cellules vitellogènes voisines. Chez l’imago femelle, au moment de l’éclosion, il n’y a plus trace dans les ovaires de cellules à granulations. Je ne possède malheureusement pas ence moment de matériaux me permettant d'élucider le processus de leur disparition. Il est vraisemblable que la digestion des granules s'achève à l’intérieur des phagocytes, et que les amæbocytes vidés reprennent ensuite leur migration libre dans le sang. Je n’ai point observé, chez les mâles, de nutrition analogue des testicules, etje crois qu’elle n’a pas lieu. J’hésiterais cependant à affirmer d’une manière catégorique ce résultat négatif, car 1l me manque quelques stades, sans doute assez transitoires, de la spermatogénèse, avec lesquels pourrait peut-être coïncider un afflux de phagocytes. En terminant cette histoire des phagocytes, j'appellerai encore l'attention sur un point. Chez les nymphes âgées, où la dislocation des tissus larvaires est terminée, toutes les matières nutritives sont en inclusions dans les phagocytes. Les cellules grasses persistantes conservent seules quelques réserves à leur intérieur. Tout le reste, anciennes réserves des trophocytes détruits, ou parties utilisables des organes larvaires phagocytés, est englobé dans les sphères de granules ; il n’y a point de débris libres dans le sang. Cette cons- tatation vient a posteriori confirmer les interprétations données des phénomènes histolyliques, et met clairement en évidence le rôle considérable joué par les phagocytes dans les processus atrophiques des premiers stades de la nymphose. Aussi faut-il remarquer que lorsque certains auteurs, comme KOROTNEFF où BERLESE, reconnaissent l'existence de sphères de granules, cet aveu jette quelque discrédit sur leurs affirmations qu'il n’y a point de phagocytose. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 337 SYSTÈME NERVEUX Chez beaucoup d’Insectes métaboles, le système nerveux central subit pendant la nymphose une modification anatomique que l'on peut appeler céphalisation : un certain nombre de ganglions émigrent en quelque sorte d’arrière en avant le long des connectifs etse fusionnent avec ceux qui les précèdent dans la chaîne. Il suffit de dissections comparatives sommaires de la larve et de l’imago d’une même espèce, pour constater ces modifications. HERoLD les avait déjà signalées chez les Lépidoptères, et les figures données par NEWPORT pour le Sphinx ligustri sont classiques. KÜNCKEL D'HERCULAIS a publié de nombreuses figures relalives aux Diptères. Lesauteurs se sont en général bornés à ces résultats de dissections, el l’on a encore fort peu de renseignements sur les modifications histologiques de détail, que subit certainement le système nerveux pendant la nymphose. WEISMANN à Cru observer une dégénérescence graisseuse de la masse glanglionnaire centrale ; quand au système nerveux périphé- rique, sa destruction totale et sa réédification nouvelle, paraissent à l’auteur des conséquences nécessaires de la destruction même des organes. Van REES n'arrive pas à élucider le sort des nerfs périphériques. Pour ceux des pattes, en particulier, il hésite entre une formation nouvelle de fibres nerveuses aux dépens du mésenchyme de l’appen- dice, et un bourgeonnement périphérique des nerfs larvaires. La seconde hypothèse paraît aujourd’hui plus vraisemblable. Après VIALLANES, l’auteur insiste surtout sur le développement de la région optique du cerveau. Karawalew se contente de signaler en passant la coalescence des ganglions. ANGLAS indique pour le cerveau l'accroissement de taille de cet organe, « qui tient non seulement à l’accroissement en volume de ses éléments cellulaires, mais à leur augmentation numérique. » Celle-ci serait due à l'intervention (?) de nouveaux neuroblastes. BERLESE a décrit avec précision les modifications de la chaîne nerveuse chez les Pheidole. Une des plus précoces est la fusion du premier ganglion abdominal avec le ganglion métathoracique ; les re 330 CHARLES PÉREZ. quatre derniers ganglions de la chaîne se fusionnent ensuile peu à peu en une masse bilobée ; le cerveau et le ganglion sous-pharyn- gien prennent un grand développement. La comparaison des figures que j'ai données dans le texte d'une larve (fig. 1, page 199) et d’une nymphe âgée (fig. 9, page 231) montre des modifications analogues chez la Fourmi rousse. La technique que j'ai employée dans l'étude des phénomènes histologiques de la nymphose ne convient point particulièrement à des recherches délicates sur le système nerveux. Je crois cependant intéressant d'indiquer les résultats fragmentaires qu’elle m'a donnés, car ils ajoutent quelque chose au peu que l’on savait jusqu'ici. ee Ses Ss Le? SPEse LR 2 c SET FiG. 30, — Ganglion nerveux de Fig. 31. — Ganglion nerveux de jeune larve. “Me nymphe, montrant les grands neurones imaginaux. Les ganglions de la chaîne ventrale se composent, chez la larve adulle, d’un noyau fibrillaire et d'une écorce de cellules. Ces dernières, sensiblement toutes égales entre elles, sont serrées les unes contre les autres ; elles atteignent à peine 10 u (fig 0). Dès le début de la nymphose, on observe un accroissement rapide de presque loutes les cellules de l'écorce ; elles atteignent jusqu'à ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 339 18 el paraissent géantes, à côté de quelques autres, qui, en une ou deux assises, avoisinant immédiatement le noyau fibrillaire, ont exactement gardé leur taille primitive. (fig 31) Je n'ai jamais observé ni dégénérescence des neurones larvaires, ni immigration dans les ganglions d'éléments venus de l'extérieur. Il semble donc que, dans chaque ganglion larvaire, préexistent les cellules qui atteindront chez l’imago leur complète différenciation. CONCLUSIONS DE LA PREMIÈRE PARTIE. Les conclusions spéciales à chaque tissu ont trouvé place dans les résumés lerminaux des chapitres. Je vais, dans les lignes qui suivent, examiner les notions plus générales résultant du rappro- chement de ces conclusions particulières. : Un premier pont doit être retenu ; l'existence très précoce chez la larve des histoblastes, c’est-à-dire des ébauches cellulaires encore informes, dont le développement et la différenciation donneront les organes spécialisés de l’imago. La métamorphose n’est point une destruction totale suivie d’une réintégration totale ; les éléments histologiques constitutifs de l'imago ne naissent point à un moment tardif, et comme par une sorte de génération spontanée, au sein d’une bouillie informe, provenant de la mort des tissus larvaires. Bien au contraire, les cellules initiales des tissus imaginaux préexistent à la métamorphose; dés l'éclosion de la larve, elles annoncent l’imago; et c'est en prenant presque à la lettre cette expression de REAUMUR que l’on peut dire le Papillon simplement déguisé sous le masque de la Chenille. Non seulement les pattes et les ailes futures sont indiquées dans le corps de la jeune larve, mais encore des cellules éparses à la base de l’épithélium intestinal sont l’ébauche dès longtemps préparée de l'épithélium définitif ; et de chaque muscle de la larve est solidaire un groupe de myoblastes, qui, précisément à la même place, édifieront un muscle imaginal. Au moment où la larve éclôt, son corps se compose ainsi de deux catégories de cellules : une première catégorie comprend la grande majorité des cellules, déjà presque arrivées au terme de leur différenciation histologique, et reconnaissables pour des 340 ._ CHARLES PÉREZ. éléments épithéliaux, glandulaires, pour des neurones, des fibres musculaires, des trophocytes, des cellules chitinogènes de la peau. Ce sont toutes ces cellules qui constituent tous les organes fonc- tionnels de la larve ; elles suffiront à sa croissance, en grandissant elles-mêmes, parfois jusqu’à atteindre des tailles considérables, et le plus souvent sans se multiplier. La seconde catégorie comprend des cellules disséminées par petits groupes, en enclaves dans les organes, cellules que l’on pourrait appeler embryonnaires, si l’on veut seulèment rappeler par là qu’elles présentent l'aspect indiffé- rencié des éléments du blastoderme, qu’elles sont dénuées de parlicularités histologiques permettant de distinguer les unes des autres les cellules d’un même ilot on de deux îlots différents. Ce sont ces cellules, d'aspect mésenchymateux, qui constituent les histoblastes des organes imaginaux. L'embryogénie des Insectes a été surtout étadiée au point de vue de la différenciation des organes larvaires ; il serait intéressant de la reprendre au contraire au point de vue de l’origine première des histoblastes imaginaux. Il est vraisemblable que cellules larvaires et imaginales d'organes homologues sont des cellules sœurs, nées en même temps, côte à côte dans l'embryon, et dont quelques-unes seulement se sont différenciées de bonne heure d’une manière visible. Pendant toute la vie larvaire, les cellules imaginales restent petites. Elles manifestent par là un caractère physiologique spécial, qui les oppose aux cellules larvaires ; elles sont à l’état de vie latente, enkystées en quelque sorte dans les organes fonctionnels, et se montrent ainsi à peu près incapables d'assimiler dans le milieu intérieur de la larve (1). Au début de la nymphose, au contraire, les histoblastes sont le siège d’une active prolifération, suivie d’une différenciation morpho- graphique, qui amènent la constitution des organes définitifs de l'imago. Mais ici une distinction doit être faite. Ce qui disparait totalement, ce sont les parties très différenciées de la larve ; ce qui s’édifie totalement à nouveau, ce sont les parties très différenciées de (1) J'ai fait aussi remarquer que les cellules imaginales résistent aux parasites qui attaquent les cellules larvaires de toute nature (coccidies cœlomiques). On pourrait, il est vrai, objecter que, presque réduites à des noyaux, elles con- tiennent peu de matières nutritives. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 341 l'imago ; et ces parties seules avaient dans la larve des histoblastes spécialisés. Au contraire certains organes doivent, semble-t-il, à une adaptation moins précise, de passer de l'organisme larvaire à l’or- ganisme imaginal, en subissant simplement un faible remaniement. Ainsi, pour le tube digestif, on voit persister les régions qui sont de simples tubes de passage entre les organes à fonction spécialisée. Mais je m'élève de la manière la plus catégorique contre cette opinion de BERLESE, d'après laquelle certaines cellules ayant déjà subi chez la larve une différenciation spéciale seraient ensuite capables d'évoluer à nouveau pendant la nymphose vers une autre spécialisation. Ce ne sont point des splanchnocytes migrateurs qui viennent s'agréger en un épithélium digestif, et des cellules musculaires ne deviennent point des cellules grasses, après avoir été dans l'intervalle sphères de granules. Il n’y a même point mi- gration de sarcocytes. Les cellules des histoblastes sont dès l’origine fixées à l’endroit même où chacune d'elles donnera plus tard un élément histologique bien déterminé. Un autre point mérite de retenir l'attention ; c’est l'extraordinaire disproportion de taille entre les cellules des tissus homologues de la larve et de l’imago. J'ai réuni dans un tableau (fig. 32) les prin- cipales catégories d'éléments larvaires et imaginaux, dessinés au même grossissement. On voit que les cellules de l’imago sont beaucoup plus petites que les cellules correspondantes de la larve ; pour les neurones seuls l'opposition est en sens inverse. À ces différences de taille s'ajoutent des différences de structure ; le contraste est surtout frappant, pour les éléments musculaires, entre les fibres à gros noyaux superficiels de la larve, et les fibres à petits noyaux axiles de l’imago. En outre, d’après une observation fort intéressante de KULAGIN, les cellules définitives des Hyménoptères contiendraient moitié moins de chromatine que les éléments primitifs des histoblastes. Une géné- _ralisation de cette découverte aménera peut-être à admettre, entre les cellules imaginales et les cellules larvaires des Insectes, une oppo- sition comparable à celle qui a lieu par exemple entre les cellules du prothalle et les cellules de la plante feuillée d’une Fougère. Or tout le corps de doctrines relatif à la spécificité des toxines et anlitoxines cellulaires (BorpeT, METCHNIKOrF) semble autoriser à admettre, dans chaque espèce animale, une très grande analogie 342 CHARLES PÉREZ. de constitution entre les plastides d’une même catégorie histologique. Aussi est-il très intéressant, chez les Insectes holométaboles, de voir dans un organisme donné, chaque catégorie de plastides se FiG. 32. — Tableau indiquant les tailles comparées des cellules correspondantes de la larve et de l’imago. Les n° accentués sont relatifs aux éléments imaginaux. Z, cellules épithéliales du ventricule chilifique ; ZZ, œnocytes ; ZZ, cellules nerveuses ; ZV, fibres musculaires ; V, hypoderme ; VZ, tubes de Malpighi. subdiviser elle-même sous deux types manifestant, par une oppo- silion très nelle de caractères morphographiqués, l'influence d'une ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 343 différence, très faible sans doute, de constitution initiale, à laquelle s'ajoute ensuite l’action d’un milieu interne modifié. La destruction des organes exclusivement larvaires est assez rapide ; elle se termine bien avant que soit achevée l'édification des organes imaginaux. Il serait cependant inexact de parlager la vie nymphale en deux périodes, une première d'histolyse, une seconde d'histogénèse. L’histogénèse est préalable à l’histolyse, elle débute déjà chez la larve par les rares bipartitions des cellules imaginales ; la mise en train d’une active prolifération des histoblastes est la première manifestation du début de la mélamorphose ; des organes depuis longtemps ébauchés accélèrent leur différenciation, et alors seulement commencent à disparaitre les organes anciens auxquels ils vont se substituer. Pour ce qui est des processus histolytiques par lesquels les organes larvaires disparaissent, la phagocytose leucocytaire paraît être bien établie dans un grand nombre de cas. Au moins chez le lype que j'ai étudié, elle est hors de doute pour les tubes de Malpighi, les glandes séricigènes, le corps adipeux, organes à propos desquels son intervention avail été contestée. Pour les muscles, son rôle est peu important, dans la mesure même où lhistolyse est restreinte, mais il ne saurait être exclu d’une manière absolue. IL faut d’ailleurs être bien prévenu que le processus phagocytaire ne se manifeste pas toujours avec la nelteté irréfragable qu’il présente pour les muscles des Mouches, et que nous lui avons trouvée pour d’autres tissus chez les Fourmis ; et il ne faut point récuser son intervention, sous prétexte qu'il ne répond point absolument au schéma devenu classique après les travaux de KowaLEvsky. L'abon- dance des sphères de granules, c’est-à-dire des phagocytes repus, la présence exclusive à leur intérieur des débris de Lissus et des matières de réserve, à la fin de la nymphose, indiquent assez quel rôle impor- lant les phagocytes jouent dans l'atrophie des tissus larvaires. Tous les organes, d’ailleurs, ne sont pas détruits par phagocytose ; la rénovation épithéliale de l'intestin moyen appartient par exemple à un mode tout différent d'élimination d'un tissu. CORRÉLATION CHRONOLOGIQUE DES 2 A ; ; : < TUBES DE MALPIGHI PHÉNOMEÈNES EXTÉRIEURS TUBE DIGESTIF GLANDES DE LA SOIE Naissance, Imaginales précoces. » Croissance de la larve. » » ete ; Bourgeonnement des tubes » Prolifération des imaginales. Fire 3 imaginaux. Filage du cocon. » Sécrétion glandulaire. Changement de couleur. » » Mise en communication avec l'intestin postérieur. Defécation. - Evacuation des résidus alim. » » Chute de l’épithélium larvaire. » Développement, sous la peau ; à » à -_ Histolyse phagocytaire. larvaire, de la tète et des appendices. RTE), Mue. » » » Rejet de certaines cellules. » Coloration progressive des yeux. » » Coloration progressive Différenciation progressive, Etat définitif des tubes des téguments. de l'œsophage. IAgINAUX. » » » » » ; » Eclosion. » » PRINCIPAUX FAITS DE LA NYMPHOSE RE CORPS ADIPEUX ecumulation progressive des réserves éosino - philes, et irrégularité croissante du noyau. » Zhangement de couleur. Dissociation des trophocytes. Irrégularité maximum des noyaux. estruction phagocytaire de quelques trophocytes chez les 9, de la majo- rité chez les 6. » isorption des réserves dans les trophocytes persistants. » ŒNOCYTES CELLULES A URATES —_——— Différenciation précoce Accumulation des urates. Prolifération des œnocytes. » Disparition des urates. » MUSCLES Précocité des myoblastes imaginaux. Prolifération des myoblastes. Dissociation phagocytaire des muscles thoraciques. Multiplications nucléaires dans les muscles thora- ciques. Plages d'histogénèse dans les muscles thoraciques. Etat définitif des muscles des pattes. » Transformation progres - sive des muscles abdo- miInaux. Etat définitif des muscles thoraciques. » AUTRES ORGANES » Croissance des neurones. Coalescence des ganglions nerveux. » Différenciation progres - sive de la glande à venin. Nutrition des ovaires par les phagocytes. 346 CHARLES PÉREZ Les préparations montrent que l’arrivée des phagocytes est précoce, dans des tissus qui ne manifestent point encore de signes histologiques visibles de dégénérescence : là se bornent les faits. Quant à savoir si, avant l’arrivée des phagocytes, les tissus ne sont point atteints déjà dans leur intégrité physiologique, la question se rattache à un plus vaste débat, et trouvera sa place naturelle dans la seconde partie de ce travail. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 347 DEUXIÈME PARTIE CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES MÉTAMORPHOSES LES MÉTAMORPHOSES AU POINT DE VUE ÉTHOLOGIQUE ET PHYLÉTIQUE. Les biologistesn'ont pas créé pour leur usage le mot de mélamor- phose. Is l'ont emprunté à un langage presque courant, sans chercher tout d’abord à préciser son acceplion. Aussi ce terme a-t-il été employé pour désigner les phénomènes les plus variés du développement des êtres vivants. A s’en tenir au sens étymologique, métamorphose veut dire chan- gement de forme. On ne peut toutefois songer à désigner sous ce terme tous les développements où il n’y a point conservation de la forme, sans être obligé de l’étendre à tous les développements ; car jamais, au cours de sa vie, un être vivant nese maintient semblable à lui-même ; et les partisans, même les plus convaincus, de la pr'é- formation n’ont jamais pu récuser l'évidence de ces modifications extérieures. La doctrine de la préformalion mérite à peine d’ailleurs d'être citée pour mémoire, il est bien établi depuis longtemps que tout développement est une épigénèse, c’est-à-dire une superposition progressive d'organes nouveaux, une complication progressive de structure, nécessairement accompagnées d’une transmutation conti- nuelle de la forme. Même si, laissant de côté les premiers stades du développement, où les modifications sont particulièrement accusées, on considère, par exemple, l’évolution d’un être humain à partir de la naissance, on sait bien que les différentes parties du corps ne croissent pas dans le même rapport : l'allongement relatif des jambes est bien supérieur à celui des diamètres du crâne (1). Dans de pareils cas de développement, le changement de forme est continu, lentement progressif, et jamais 1l n’est particulièrement sensible en un lemps très court, Or, si l’on imagine un être, (1) C’est là un fait d'observation banale. Un article tout récent de MüHLMANN [91] le précise pour les différents organes par des graphiques très significatifs. 348 CHARLES PÉREZ. visible seulement à des intervalles de temps assez espacés, et à chaque fois pendant un temps très court, les aspects successifs que l’on aura de cet être pourront se trouver assez différents; en toul cas, d'une apparition à l’autre, l'être semblera se transformer brusque- ment. C’est Le cas de tous les animaux qui ont un squelette externe inextensible (comme la carapace chitineuse des Arthropodes), et qui ne se débarrassent de cette enveloppe indéformable qu'aux époques espacées des mues. Il semble que le développement soit fragmenté en périodes dans chacune desquelles la forme est constante (inter- valles des mues), un passage brusque, comme un changement à vue de décor, faisant faire d’une période à l’autre, une sorte de saut de discontinuité (mue). Souvent le développement des Crustacés a reçu le nom de métamorphose. Mais il faut bien remarquer, qu’à partir du moment où la carapace cesse d’être déformable, la forme extérieure cesse en même temps de correspondre à l'équilibre de l'animal dans les conditions de son milieu. Le développement pro- gressif continue à l'intérieur du corps, sans pouvoir se manifester à l'extérieur. C’est seulement à la mue suivante, pendant les courts instants de plasticité du squelelte, que brusquement la forme exté- rieure S’adaptera à de nouvelles conditions d'équilibre. Les discon- tinuités successives ne sont qu'apparentes ; le développement larvaire d’un Phyllopode comme un Branchipe est peut-être un des meilleurs exemples que l’on puisse donner d’une croissance et d'une différenciation progressives. La minceur de la carapace permet même, pendant le jeune âge, la variation de forme entre les mues. Il ne semble donc y avoir aucune utilité à faire de ces développe- ments une catégorie spéciale, en les désignant sous le nom de méla- morphoses. Pour prendre tout de suite un exemple très différent, il est des cas où un même être se présente, au cours de son existence, sous deux ou plusieurs formes, tellement éloignées les unes des autres, que leur intime corrélation a longtemps échappé à la saga- cilé des naturalistes, et qu'il faut souvent compter, pour établir la parenté de ces formes, plutôt sur le hasard d'une heureuse ren- contre, que sur une méthode réfléchie d'investigation. Telles sont, dans le développement des Trématodes, les formes auxquelles on a donné les noms de Sporocystes, de Rédies, de Cercaires, et qui sont comme autant d'étapes, précédant la constitution définitive du Ver ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 349 plat adulte et reproducteur. Telles sont encore, dans le développe- ment des Méduses Acalèphes, les formes Scyphistome, Strobile, Ephyra. Faut-il parler là de métamorphoses ? A la vérité, ce n’est pas une même masse, non fragmentée, de plastides, qui présente dans son évolution plusieurs formes successives, irréductibles l'une à l’autre. Il y a au contraire fragmentation, à une ou plusieurs reprises, du massif des plastides issus de l'œuf; c’est un des fragments, une de ces sortes de boutures, qui généralement diffère par sa forme, à la fois de l’en- semble d’où elle s’est détachée,et des ensembles qui pourront se déla- cher d'elle à leur tour. Chacun de ces ensembles de plastides apparaît comme un tout anatomique et physiologique, se suffisant à lui-même dans un milieu déterminé, ayant en quelque sorte une personnalité distincte. C’est là surtout le caractère qui a frappé dans le dévelop- pement de ces êtres; on l’a interprété comme une succession régu- lière de plusieurs existences distinctes, comme une alternance périodique d'individus, espaçant, par un nombre variable de multi- plications somatiques, Les reproductions sexuelles consécutives ; les individus capables de former des œufs sont des rejetons plus ou moins lointains des individus issus eux-mêmes directement d’un œuf. L Quand on cxamine au point de vue morphogénétique ces phéno- mènes de généagénèse, on voit qu'il n’y a point passage, pour un même ensemble non fragmenté de plastides, d'une forme différenciée à une autre forme différenciée. Une Rédie ne devient pas un Cer- caire, un Strobile ne devient pas une Méduse; mais au contraire un petit massif indifférencié du corps de la Rédie devient un Cer- caire; un fragment de Strobile se développe en une Méduse. Les différentes formes présentées par une même espèce sont réalisées, dans des conditions différentes de milieu, par des ensembles distincts de plastides; chacune d'elle représente le résultat final d’une crois- sance et d'une différenciation; elle représente l’état d'équilibre relatif à telles conditions de milieu. On peut dire qu'il y a polymorphisme évolutif; c'est-à-dire que les plastides de l'espèce considérée sont susceptibles, suivant les conditions de milieu et suivant leur propre passé, de constituer des cormus divers, aptes à mener une existence indépendante. Mais un de ces cormus ne se transforme point dans sa tolalité en un autre; il n’y a dans le développement de chacun d’eux rien de foncièrement différent de ce qui se passe dans les phéno- 390 CHARLES PÉREZ. ménes réguliers de l’épigénèse ordinaire. Je crois avec Grarp qu'il n'y à pas lieu de conserver pour ces faits l'appellation de méta- morphoses. Il existe au contraire un assez grand nombre d'animaux dont le développement ne paraît pas pouvoir se réduire à une croissance et à une différenciation progressives, et présente au contraire, après une première spécialisation, une seconde spécialisation dans un sens différent, à une première forme se substitue une seconde forme très différente, la modification porte sur tout l’ensemble non fragmenté des plastides; le passage d'une forme à l’autre est brusque; 1l se fait par une sorte de discontinuité, par un bouleversement rapide de l’ensemble. L'opposition entre les diverses formes est aussi consi- dérable que dans les phénomènes de généagénèse, et a conduit les naturalistes à des erreurs de même ordre. On a pu longtemps croire à la génération spontanée de certains Insectes; et si la notion est aujourd'hui vulgarisée que les Papillons sont issus de Chenilles, beaucoup de gens croient encore que les Moucherons sont de jeunes Mouches et les Rhizotroqus de jeunes Hannetons. Le développement des Insectes est en effet un des cas les mieux caractérisés de ces phénomènes énigmatiques, où l’on voit un être grandir etse différencier, puis tout à coup s'arrêter dans cette voie progressive, perdre ses premiers organes et en acquérir de tout différents. Il y a, dans ces faits, une transformation de l’ensemble du corps qui certainement s'oppose à tous les faits jusqu'ici passés en revue. Même actuellement ce changement brusque rappelle encore pour nous ces transmutations mystérieuses pour lesquelles les Anciens avaient créé le nom de métamorphoses, et il semble que l’on peut avec raison conserver ce terme pour désigner dans l’ensemble des phénomènes évolutifs, une certaine catégorie qui va nous occuper particulièrement. Un autre exemple, connu depuis longtemps, de transformation brusque et considérable d’un organisme, est fourni par le dévelop- pement des Bairaciens Anoures. Une première partie de l'existence se passe dans l’eau; l'animal présente une forme larvaire connue sous le nom de Têtard, dont l’organisation est par bien des points celle d'un Poisson. Puis, d'une manière assez rapide, les pattes se développent, le poumon se différencie, les branchies s’atrophient, le puissant appareil de propulsion constitué par la queue se résorbe; ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. Soi en quelques jours le Têtard se métamorphose en une Grenouille qui mène une existence aérienne. Au fur et à mesure que les connaissances sont devenues plus nombreuses et plus précises sur le développement des animaux marins, On à vu que les cas sont relativement fréquents, où un orga- nisme présente, après une période de croissance et de différen- cialion, une atrophie rapide de certaines de ses parties spécialisées. suivie d’une différenciation nouvelle d'autres organes spécialisés. Une revue, même sommaire, de tous ces cas de transformation brusque m'’entrainerait trop loin ; je me borneraiï à en rappeler deux très lypiques. Les Ascidies ont des larves nageuses dont le développement et l’anatomie ne sont pas sans analogies avec ceux de l’'Amphioæus. Mais à un certain moment la larve se fixe par son extrémité anté- rieure ; Sa queue motrice régresse en même temps que les organes nerveux sensoriels, dont l’existence était corrélative de sa vie libre; la partie antérieure de la larve Têtard persiste seule et se développe en une Ascidie dont l’analogie de structure avec les Vertébrés est assez peu manifeste pour que l’on ait autrefois songé à rapprocher ces Tuniciers des Mollusques acéphales. Un cas analogue est présenté par les Échinodermes, dont les jeunes larves sont pélagiques, librement nageuses, grâce aux cils vibratiles de couronnes diversement contournées. Extérieurement, ces larves ne ressemblent en rien aux Échinodermes adultes, et les larves de types très différents à l’état adulte peuvent au contraire paraître très semblables entre elles ( Pluteus des Ophiures et des Oursins).Puis sur le côté gauche de la région antérieure,se développe l'Échinoderme, d’abord comme un bourgeon latéral annexe de la larve, bourgeon qui grandit ensuite, etdevient l'organisme principal, tandis que les organes larvaires s’atrophient et disparaissent com- plètement. Les quatre exemples que je viens de rappeler suffisent à donner une idée de ces ontogénies d'une allure particulière, où le déve- loppement el la croissance sont brusquement interrompus par la destruction de toute une partie de l'organisme. Il y a là un change- ment de forme, où intervient non plus seulement une complication progressive par addition de parties nouvelles, mais encore une simplification, par suppression rapide de parties déjà compliquées. Ce sont ces développements caraclérisés par une- destruction par- 352 CHARLES PÉREZ. lielle, que nous pouvons dès à présent ranger, avec GIARD, sous le nom de mélamorphoses, sauf à y revenir plus tard pour les définir d’une manière plus précise. Si l’on considère, au point de vue éthologique, l’ensemble des faits de métamorphose, on voit que, d’une manière très générale, il se rencontrent chez les êtres qui, au cours de leur existence, présentent successivement des adaptations très spéciales à des conditions très déterminées de milieu. La métamorphose est la transformation d’un organisme (rès adapté en un autre organisme très adapté d’une manière différente ; et les destructions qui nous ont paru la caractériser affectent précisément les organes qui, spé- cialisés pour la première adaptation, sont incapables de subir une différenciation nouvelle. Les divers cas de métamorphose peuvent à ce point de vue se ranger dans un pelit nombre de catégories : 1° Passage d’une forme pélagique à une forme séden- taire ou fixée. A ce type se rattachent les exemples déjà cités des Échinodermes et des Ascidies ; il faut y joindre bien d’autres animaux marins. Je mentionne simplement la métamorphose du Pilidiumn en Lineus, de l'Actinotrocha en Phoronis,du Cyphonautesen Membranipora, de la Tornaria en Balanoglossus, la transformation des larves Cypris en Cirripèdes fixés. Dans tous ces cas, la métamorphose consiste en une atrophie plus ou moins complète des organes moteurs de la larve ; elle s'accompagne souvent d’une régression partielle ou totale des organes sensoriels spéciaux à l'existence libre. C'est peut-être à ce type que se rattachent le plus grand nombre des mélamorphoses.On peut en rapprocher la transformation des Phyllo- somes en Palinures. 2° Passage d’une forme libre à une forme parasite. Le nombre de ces cas est encore assez considérable. Les plus frappants sont présentés par les Crustacés, où la moindre variation ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 393 éthologique retentit de la façon la plus accusée sur les formes externes. Qu'il s'agisse de Copépodes, de Rhizocéphales, de Bopy- riens, On ne saurait trouver dans d’autres groupes une variété de formes plus déconcertante chez les types parasites, à côté de formes plus rigoureusement déterminées chez les types libres voisins. Le parasite adulte est méconnaissable, et l’on n’a souvent d’autre indice de sa véritable nature que les formes libres qu’il présente dans son jeune âge. Tant qu'il est libre, le futur parasite présente des formes très analogues à celles des types libres voisins; à partir du début de sa vie parasitaire, commence au contraire pour lui une évolution toute nouvelle, oùil perd, avec beaucoup de ses anciens organes, la plupart de ses caractères de Crustacé. Il faut faire ici une mention spéciale pour certains cas, où la vie parasilaire n’est que transitoire, et où, après la métamorphose adaptative au parasitisme, acompagnée de la disparition d'organes locomoteurs ou sensoriels, une nouvelle évolution commence, qui produit un nouvel organisme libre. Ainsi un Nauplius de Monstril- lide s'introduit dans le corps d’une Polychète, et développe pendant sa vie parasitaire, les organes de l’adulte, pélagique et reproducteur; ainsi une larve hexapode d'Hydrachne se fixe sur un Insecte aqua- tique, et se transforme en une sorte de pupe, d’où sortira l’Acarien adulte; ainsi encore les larves Glochidium des Anodontes vivent quelque temps en parasites sur les Poissons, avant de prendre la forme définitive de l’Acéphale limicole. 3° Passage d’une forme aquatique à une forme aérienne. Ce cas est beaucoup moins répandu ; le meilleur exemple que l’on en puisse citer est celui, déjà examiné, de la métamorphose des Batraciens Anoures. Il faut y rattacher aussi l’hémimétabolisme des Insectes, qui, tels que les Perlides, les Ephémérides, les Odonates, ont des larves adaptées à la vie aquatique, et qui, au moment où ils deviennent adultes, perdent, surtout par une autotomie brutale, les organes de cette première adaption. LAMEERE sépare avec raison le cas de ces Insectes de celui des vrais Holométaboles. Je crois avoir à peine besoin d’écarter ici l’ancienne opinion d’OKEN, d’après laquelle les ailes des Insectes représenteraient un perfectionnement de branchies trachéennes 23 394 CHARLES PÉREZ. dorsales, analogues à celle des larves d'Ephémérides. L'opinion unanime parait être actuellement que les Insectes Amphibiotiques dérivent d’ancêtres exclusivement aériens déjà ailés, et que leurs appareils branchiaux, si variés d’ailleurs, représentent des adapta- tions nouvelles, acquises d'une manière indépendante dans les diverses familles. 4% Cas particulier de la métamorphose des Insectes. La grande majorité descas de métamorphose peuventse rapporter à l’un des trois types précédents. Mais il est impossible de rattacher à aucune de ces catégories l’un des cas les plus intéressants de métamorphose, celui des Insectes Holométaboles. Le mystère de ce phénomène a depuis longtemps piqué la curiosité des naturalistes, et il y a lieu de passer en revue les principales opinions émises sur ce sujet. Les auteurs quise sont préoccupés de cette question des méta- morphoses des Insectes, l'ont examinée moins au seul point de vue éthologique de sen état actuel, qu'au point de vue phylogénétique de son apparition dans l’histoire des Hexapodes. C'est ainsi que FriTz MëLLER [69], dans son mémorable ouvrage Für Darwin, développe cette manière de voir, que la lutte pour l'existence et la sélection naturelle ont dû agir, comme facteurs de variation, non seulement sur les adultes, mais encore sur les formes jeunes des êtres ; il en est résulté souvent pour ces dernières des modifications acquises, qui apparaissent aujourd'hui comme une fulsification dans la répétition par les formes larvaires de la série des étapes ancestrales. Pour ce qui concerne en particulier les Insectes, FR. MÜLLER observe avec raison, que leur structure anato- nique et leur ancienneté paléontologique concordent, pour faire regarder les Orthoptères comme les plus voisins des ancêtres du groupe parmi les représentants actuels des Hexapodes ailés. Leur développement par simples mues, à partir de larves qui ressemblent déjà à l’imago, parait être le type ancestral de développement des Insectes. Au contraire, les formes larvaires des Insectes à métamor- phoses complètes représentent de ces falsificalions de l’ontogénie consécutives à une adaptation spéciale des stades jeunes ; «il y a eu ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 599 des Insectes ailés (1) avant qu'il yeût des larves et des pupes » et la métamorphose est un processus secondairement acquis, BRAUER [69] considère également les larves éruciformes comme représentant une forme adaptative secondaire par rapport aux larves campodéiformes ; ces dernières représentent au contraire la répétition d'un stade ancestral. Le livre de LuBocx [73] contient un mélange curieux de vues très justes, et de considérations véritablement étranges. L'auteur anglais remarque avec raison que les facteurs de l'évolution peuvent agir sur la larve, que celle-ci présente souvent des modifications ayant trait seulement à ses fonctions adaptatives actuelles, et il pense que la forme des larves a été modifiée par leurs conditions d'existence, toutes les fois qu’on les voit s’écarter du type hexapode Campodé. IL insiste sur les formes larvaires analogues qu'une adaptation semblable à fait apparaître chez des Insectes d'ordres divers, et sur les divergences larvaires que des adaptations différentes ont produites chez des Insectes voisins. Mais d’un autre côté il s’arrête à cette conception bizarre, que l’origine des métamorphoses réside en ce fait, que les différents Insectes ne quittent pas l’œuf au même état de développement : « Le développement d’une Sauterelle ne suit pas un cours différent de celui d’un Papillon ; mais, avant de sortir de l'œuf, l'embryon de [a première atteint un degré de développement plus élevé que l’embryon du second. > Les Insectes qui sortent de l’œuf à un état peu différencié subiraient seuls l'in- fluence d’adaptations larvaires. Quant à l'immobilité nymphale, l’auteur se contente de dire qu’elle est « due surtout à la rapidité des changements qui s’y effectuent ». Ce n'est guère plus qu’un simple constat de l’immobilité. Mrazz [95] attire l'attention sur ce fait que, chez les animaux marins, la métamorphose se place au début de l’évolution individu- elle, que chez les Insectes au contraire, elle intervient après la fin de la croissance : c’est une « transformation de l'adulte > (Adult transformation), phénomène assez rare chez les animaux à vie libre, et dont l’auteur ne croit pouvoir rapprocher que la métamor- phose des Anoures. « Les Grenouilles et les Crapauds, ayant atleint sous forme de Têtards le plein développement des Amphibiens (1) J'ajoute à la citation le mot arlés. F, MüLLER ne fait aucune mention des Collemboles ni des Campodés. 3956 CHARLES PÉREZ. primitifs, se transforment en animaux anoures, à vie terrestre, à respiration pulmonaire. La raison est la même que celle qui a amené l'acquisition des ailes chez les Insectes. C’est grâce à cette trans- formation de l’adulte qu'Insectes et Anoures sont capables d’émigrer de leur lieu de naissance, de chercher des conjoints dans d’autres familles, et de pondre leurs œufs dans des emplacements nouveaux. » Tout être vivant a, d’après Mrarr,, deux grandes fonctions à accomplir ; d’une part sa nutrilion et sa croissance individuelle, d'autre part sa dissémination. Les deux fonctions peuvent être con- comilantes pendant toute la vie ; c’est le cas des Oiseaux. D'autre fois, au contraire, la dissémination est localisée dans une certaine période de l'existence individuelle ; elle est assurée par les jeunes larves chez les animaux marins, par les imagos chez les Insectes. La migration est généralement le fait d’un organisme actif et léger ; au contraire une nutrition intense et une croissance rapide sont favorisées par des mœurs sédentaires. C’est de cette façon qu’une division du travail s’est établie chez les Insectes ; les ailes sont le moyen le plus puissant de dispersion continentale d’un organisme ; « mais le vol étant un exercice difficile, si les ailes sont acquises, elles ne le sont que tardivement. » (?) Je ferai remarquer tout d’abord qu'il est contestable que le Têtard représente « le plein développement des Amphibiens primitifs >. En tout cas, dans la nature actuelle, la métamorphose des Anoures est loin de se placer à la fin de la croissance (1), et de marquer, comme chez les Insectes, la fin de l’évolution de la forme. En outre, la dissémination par moyens divers est un fait que l’on constate chez les différents êtres ; on peut lui attribuer toute l’inportance que l’on voudra : mais on ne saurait prétendre que la nécessité de la disse- minalion ait fait jamais apparaître tel ou tel caractère. Je préfère de beaucoup d’autres considérations de Mraz, telles que celle-ci : La possession des ailes permettant aux adultes d’aller porter leurs œufs en des points où les larves auraient une nourriture abondante et facile, celles-ci ont subi une adaptation régressive, et ont perdu progressivement leurs téguments résistants, leurs pattes et même leur tête différenciée. (1) Le cas du Pseudis est tout à fait exceptionnel, ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 397 Le stade nymphal de repos s’est alors développé, suivant MiaLL, « par suite du contraste entre la larve dégénérée, paresseuse et vorace. et l'organisme hautementspécialisé, agile etsensitif del’imago. L'intelligence et l’activité de la larve ont progressivement décliné, se sont exaltées chez l’imago, et les deux étapes de la vie sont devenues si dissemblables, qu'elles n'ont plus pu être réunies que par des changements profonds, excluant à la fois la locomotion et la prise de nourriture. » Le terme le plus élevé de la spécialisation des imagos a été amené par la vie aux dépens des fleurs. Mar, ajoute encore qu'on ne peut voir dans le développement des ailes la seule cause de la métamorphose [car les Orthoptères ont des ailes et pas de métamorphose — les Puces et d’autres Insectes sont aptères et ont une métamorphose] ; pas plus d’ailleurs que dans la seule transformation des pièces buccales | minime chez certains Coléoptères|. Enfin l’auteur fait remarquer à juste titre que l’imago des Insectes métaboles n’est point une larve devenue ailée et sexuellement mûre ; elle est en tout un organisme transformé ; et MraLL avoue qu'il est en somme difficile de saisir la cause de ces transformations. Boas [99] à présenté sur le même sujet quelques remarques intéressantes. Il insiste en particulier sur ce fait que, chez Les Insectes sans mé- tamorphose, la larve et l’imago ont une majorité de caractères communs, et que les différences de délail qui, taille mise à part, éloignent le jeune venant d'éclorede l'adulte ailé, s’atténuent progres- sivement pendant la vie larvaire. Tel est le cas des Orthoptères ; et il en est de même, jusqu’à un certain point, chez les Hémiptères, bien que, déjà dans ce groupe, il y ait un ensemble de caractères persistants dans tous les âges larvaires, et qui ne font place aux caractères imaginaux qu’au moment de la dernière mue. Chez les Insectes mélaboles, cette opposition devient encore plus tranchée. L'ensemble des stades larvaires s'oppose totalement à l’imago, et jamais, au coars de la vie larvaire, la croissance n’est accompagnée d’une évolution de forme qui puisse être considérée comme une approximation vers l’imago. C’est d’après Boas, cette opposition totale qui a « nécessité à la limite des existences larvaire et 358 CHARLES PÉREZ. imaginale, l'intercalation (1) d’un stade de repos, où l'organisme, sans préoccupations de recherche de nourriture ou autre, puisse à loisir traverser la période des modifications considérables qui doivent avoir lieu. » On ne peut que regretter cette forme finaliste, donnée à une remarque qui contient une part de vérité. « Étant donnée, ajoute Boas, celte refonte de l'organisme pendant le repos nymphal, les larves et les imagos des Insectes métaboles ont pu, dans l’évolution phylétique des espèces, prendre des voies séparées, et arriver chacune pour son compte à des séries de formes indépendantes. » Les formes larvaires des Holométaboles présentent, par rapport à leur point de départ ancestral (larves des Hémimétaboles), un état régressif du type Insecle, caractérisé en particulier par l’atrophie des pattes, des yeux, et la minceur des téguments. Quant à la cause de cette séparation profonde entre la larve et l’imago, Boas la voit surtout dans cette circonstance, que la larve est pratiquement aptère, et l’imago ailée; aux modes de locomotion si différents qui en résultent peuvent se rattacher des adaptations divergentes. Il note aussi cette opposition, que « la larve a uniquement pour tâche de se nourrir, tandis que chez l’imago cette fonction n’est plus qu'au second plan, et se subordonne aux fonctions connexes de la reproduction. » Enfin un dernier point, sur lequel Boas insiste avec raison comme MiALL, est que chez les Insectes les stades larvaires occupent la majeure partie de la vie, et comprennent en tout cas la totalité de la croissance. Au contraire chez les Échinodermes, la métamor- phose a lieu dans le très jeune âge. et l'animal ayant acquis sa forme définitive, croit avec cette forme pendant toute son existence ultérieure. L'auteur rattache cette opposition à la présence chez les Insectes des ailes, organes qui, à leur état fonctionnel définitif, sont des appendices morts, et ne peuvent par conséquent se présenter sous cette forme qu'après la dernière mue. « Si un Insecte avec ses ailes muait, il n'aurait plus d’ailes après la mue. Il est par suite impossible que l’Insecte développe ses ailes avant la dernière mue, el la mélamorphose est de toute nécessité repoussée jusqu’après la fin de la croissance. > (1) J'ajoute ici le mot intercalation, parce qu'il résume l'opinion exprimée par l'auteur dans un autre passage : le stade pupe ne correspond pas au dernier stade larvaire des Hémimétaboles. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 3959 GrarD [00] s'est rattaché à cette manière de voir de Boas: « Si chez les Insectes la livrée nuptiale semble permanente, si elle accompagne la métamorphose, et si celle-ci coïncide avec la maturité génitale, c’est qu’en raison des nécessités de la dissé- mination, ces animaux ont des ailes, et que toute mue nouvelle devient impossible dès que les ailes sont acquises » (1). LAMEERE [99] pour chercher à expliquer l’origine des méla- morphoses, part de ce principe que « la raison d’être d’un caractère est due à l'utilité que ce caractère a présenté pour l’organisme, dans des conditions d’existence déterminées. » Précisant ensuite, comme je l'ai fait plus haut, les phénomènes qui méritent de garder le nom de métamorphoses, il dit avec raison : « La métamorphose n’est point un rappel phylogénétique ; elle est une nouveauté passagère (?) dans le développement de l'individu. > Les organes adaptatifs transitoires constituent ce que l'auteur appelle des « caractères métamorphiques. > En particulier chez les Insectes Holométaboles, les caractères métamorphiques affectent la larve, et la font différer à la fois de l’imago correspondante et des formes jeunes des Insectes sans métamorphoses. D'après LAMEERE, l’ensemble de tous les Insectes métaboles est monophylétique, et il y a lieu simplement de se demander comment la métamorphose a apparu chez l'ancêtre primordial du groupe, et de rechercher pour cela quelle a ëté l'utilité des caractères méla- morphiques de la larve. De la nature des yeux latéraux larvaires, il croit pouvoir conclure que « la larve de l’Holométabolique primordial avait avantage à être extrêmement myope » et à avoir de três courts appendices ; la pénétration de l’Insecte à l’intérieur de tissus végétaux parait être à l’auteur l'hypothèse la plus vraisemblable pour expliquer les formes adaptatives des larves actuelles. Quand un Insecte métabole présente une larve thysanuriforme, il ne faudrait point y voir un rappel ancestral, mais une seconde forme, cénogénétique, qu'une similitude d'adaptation aurait fait ressembler à l’imago. Quand il y a plusieurs formes larvaires successives (cas d'hypermétamorphose) c'est la dernière larve éruciforme qui représenterait la larve holométabole ancestrale, les autres seraient des acquisitions adaptatives nouvelles. (1) V. aussi Grarb [761, 360 CHARLES PÉREZ. Quant à l'apparition du repos nymphal, LAMEERE croit l'expliquer de la façon suivante : « Cette croissance terminée, le stade de repos nymphal s'impose; l'animal n'ayant pas accompli sa différenciation, et étant loin d'offrir les caractères de l'adulte, est fortement en retard au point de vue de sa morphologie définitive. Il rattrape le temps perdu en évoluant rapidement aux dépens de la nourriture qu'il a accumulée ; toute manifestation éthologique pendant cette période lui serait inutile, lui serait nuisible, puisqu'il offrirait des structures inadaptives (?) entre celle de la larve et celle de l’imago; la nymphe reste par conséquent inactive. > Je ne sais si, dans un discours, LAMEERE s’est cru tenu à moins de rigueur que dans une communication scientifique; mais je crains bien qu'un peu de finalisme pur et simple ne soit au fond de sa pensée. On voit par l’exposé qui précède, que les auteurs se sont presque exclusivement placés au point de vue historique, et ont cherché à s’expliquer comment les métamorphoses ont apparu au cours de l'histoire phylétique des Insectes. Leurs tentatives d'explications se présentent souvent sous forme finaliste ou sous cette forme de « finalisme relourné » que revêt fréquemment une application défectueuse de la doctrine darwinienne. Je présenterai à mon tour quelques remarques, en essayant de préciser ce qu'il faut retenir des considérations précédentes. J'ai déjà indiqué comment, dans la nature actuelle, les phéno- mènes de métamorphoses se placent entre deux périodes de la vie individuelle, où l'organisme présente des adaptations divergentes. Il est naturel de penser qu'au cours des àges la métamorphose est apparue et s’est accentuée peu à peu, au fur et à mesure que se fixaient dans l’ontogénie ces deux adaptations différentes. Mais si l’on compare l'organisme devenu héréditairement métabole à son ancêtre encore amétabole, que faut-il penser? Est-ce le jeune, est-ce ladulte, qui s’est plus particulièrement adapté à des conditions nouvelles de milieu, et qui s’est par suite écarté davantage de la forme correspondante ancestrale ? Est-ce la larve ou l’orga- nisme définitif qui représente plus fidèlement à l'heure actuelle la forme correspondante de l'ancêtre? En d’autres termes, dans la recherche des rapports phylétiques des êtres, faut-il attacher plus d'importance aux adultes ou aux larves; peut-on même tirer beaucoup de la considération de ces dernières ? La question qui se ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 361 présente ici ne se limite pas d’ailleurs aux cas de métamorphose ; elle s'étend aux développements de tous les êtres ; c’est le problème de la signification phylogénétique des formes larvaires actuelles, et sa discussion complète entrainerait la critique approfondie de la loi de SERRES et de FR. MÜüLLER (récapitulation de la phylogénie par l’ontogénie). Ce développement sortirait du cadre de ce travail, et je me bornerai ici à dire quelques mots sur ce sujet. Après la publication par Frirz MÜLLER de sonouvrage Für Darwin, après la Gœastræa-theorie de H&cxEL, il fut très généralement admis que, dans la plupart des cas, l'ontogénie reproduisait d’une façon assez fidèle la phylogénie ; et les nouvelles connaissances, apportées en foule par les travaux des embryogénistes, furent utilisées avec enthousiasme pour l'établissement des arbres généalogiques des êtres. Il semblait que tout à coup une source imépuisable venait d’être découverte de documents authentiques, qui permettaient de remonter presque sans limites dans l’histoire passée des formes vivantes, de combler les lacunes des chroniques fragmentaires jusque-là fournies par la paléontologie, et de reconstituer de toutes pièces les archives à jamais brülées des premiers âges de la vie. Mais on a ensuite reconnu avec raison, qu'une critique minulieuse devait être faite des documents embryogéniques : un animal peut à tous les stades de son existence individuelle subir l'influence modi- ficatrice du milieu ; chacune de ses formes présente un mélange de caractères ancestraux primitifs, et de caractères adaplatifs secon- dairement acquis ; il faut, dans la recherche des affinités phylétiques, faire un départ scrupuleux entre ces deux catégories de caractères. On est certainement devenu plus circonspect dans l'établissement des arbres phylétiques, et on se borne de plus en plus à des groupes restreints et à une antiquité moins reculée. Ainsi, pour les Crustacés par exemple, on a tout d’abord cru avec Fr. MüLLER que le Nauplius représentait la forme ancestrale de tout le groupe. On admet plus généralement aujourd’hui, avec DoHRx et CLAUS, que tous les Crustacés dérivent d’un ancêtre commun phyllopodiforme, à nombreux segments peu différenciés, et que celui-ci même dériverait d’une forme annélidienne. Le Nauplius ne serait point alors le représentant d'un ancêtre, mais simplement la forme spécialement adaptée, représentant, pour le Protostracé pri- mitif, le stade larvaire correspondant à la larve trisegmentée de son propre ancêtre annélidien. 362 CHARLES PÉREZ. C’est surtout, à ce qu'il me semble, dans les cas de métamorphoses, qu'il faut se garder d'attribuer aux formes larvaires une irop grande signification phylétique : et je crois que les organes spéciaux aux larves et disparaissant dans la métamorphose constituent, soit des caractères ancestraux considérablement modifiés par une spéciali- sation nouvelle, soit même très souvent des acquisitions entièrement cénogénétiques. Ainsi chez les Échinodermes, la larve manifeste d’une manière très précoce, par la formation des entérocèles, l'ébauche du système aquifère, et par le dépôt d’un squelette calcaire dans son mésen- chyme, des caractères fondamentaux de ce groupe. Il est assez naturel d'admettre que ces caractères apparaissaient également d’une manière précoce chez les larves ancestrales, et qu'ils peuvent par conséquent, dans les larves actuelles, être considérés comme des témoins phylétiques. Peut-être faut-il aussi attacher quelque importance à ce fait que la couronne ciliée passe en avant de la bouche et en avant de l’anus. Mais pour ce qui est au contraire des contours si variés pris par les bandes ciliées motrices de ces larves, il me parait juste de n’y voir que des adaptations surajoutées. Bien entendu, dans ces adaptations mêmes on retrouve des carac- tères communs, qui appartiennent en propre aux Échinodermes, la forme de la larve étant à la fois fonction du milieu où elle vit et des propriétés protoplasmiques de ses plastides : les larves des Échino- dermes en se spécialisant par la vie pélagique, n’ont pas perdu pour cela la propriété de déposer du calcaire dans leur mésenchyme. Mais il y aurait erreur à considérer tels quels lesstades larvaires comme représentant des stades ancestraux. Les Ophiures et les Astéries sont sans doute plus proches parentes entre elles, que les Ophiures et les Oursins ; et il faut sans doute voir dans les larves Pluteus analogues présentées par ces derniers groupes, le résultat convergent d’adaptations identiques, plutôt que le signe irrécusable d’une très étroite parenté ancestrale. Même dans le cas des Amphibiens Anoures, où la queue est certai- nement un caractère hérité d’un ancêtre urodèle, on doit remarquer que cette sorte de céphalisation, qui groupe tous les organes dans la région antérieure du Têtard et laisse uniquement en arrière un vigoureux propulseur musculaire, que les branchies internes, que la poussée tardive des membres, sont des caractères cénogénétiques. Au moment où elle quitte l'œuf, la larve de Grenouille ressemble ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 363 assez à une larve de Triton ; mais celte dernière évolue d’une façon assez progressive vers la forme du Triton adulte ; le passage à la forme terrestre définitive se fait par une dernière transformation de détail, la perte des branchies externes. Au contraire la larve de la Grenouille prend rapidement la forme Têtard, et grandit ensuite en conservant cetle forme, qui ne rappelle guère sans doute l’ancêtre des Batraciens. J'en arrive enfin aux Insectes. Les documents paléontologiques concordent avec les considé- rations de l’anatomie comparée, pour faire regarder comme primitif le type de développement des Insectes sans métamorphoses. Tous les Insectes métaboles actuels descendent d’ancêtres dont le déve- loppement était progressif comme celui des Orthoptères, et leslarves de ces ancêtres devaient toujours plus ou moins ressembler aux représentants actuels des Campodés. La métamorphose est apparue dans l’ontogénie, au fur et à mesure qu'une différence d'adaptation est survenue entre la larve et l’imago. Il est hors de doute que l'adaptation a spécialisé les types des imagos ; mais ce qu'il faut surtout remarquer, avec MraLr,, Boas et LAMEERE, c’est la spécialisation particulière qui a affecté les larves; on Pa parfois appelée une régression ; il faut alors bien spécifier qu'on entend uniquement par ce terme la perte par l'organisme larvaire des principaux caractères extérieurs de l’Insecte ou même de l’Arthropode, et non le retour en arrière à des formes phylétiquement antérieures. C'est peut-être chez les Insectes que la déformalion adaptative de l'organisme larvaire est le plus manifeste, et le cas particulièrement instructif de certains d’entre eux nous montre dans quelles conditions celte déformation a pu se produire. Je veux parler des cas désignés sous le nom, pas très heureusement choisi, d'hypermetamorphoses. La larve de Sitaris qui sort de l'œuf, est une larve campodéiforme, que je crois, contrairement à LAMEERE, devoir être considérée comme primitive. Cette larve se trouvant ensuile dans des conditions de nutrition abondante et facile, son organisme se simplifie et se transforme en un sac apode, où les caractères d'Insecte ont à peu près disparu. Il a dû en être de même à l’origine pour les Insectes métaboles ; on peut supposer que les'œufs ont été pondus par Le parent dans des 364 CHARLES PÉREZ. conditions où le jeune trouverait sans peine sa nourriture accumulée. La larve s'est alors peu à peu adaptée à cette vie facile, et a progres- sivement perdu ses organes sensoriels et locomoteurs. On peut aussi penser que cette nutrition surabondante a pu contribuer à retarder dans la vie individuelle l'apparition de la sexualité. Peu à peu cette adaptation a fini par réagir sur les premiers stades du développement, et il est sorti de l'œuf non point une larve campodéiforme ayant à muer, comme le Triongulin, pour acquérir sa nouvelle forme adaptalive, mais une petite larve déformée, ayant en quelque sorte rétracté ses pattes sous ses léguments (disques imaginaux), une larve adaptée d'emblée aux conditions ambiantes de l'œuf pondu. On commence actuellement à connaître assez bien les phénomènes internes des métamorphoses, pour pouvoir dire qu'ils sont d’autant plus accusés, que l'opposition est plus tranchée entre l’organisation de la larve et celle de l’être définitif. Ainsi chez les Batraciens il y a passage d’une forme aquatique à une forme aérienne; mais chez les Urodèles où un ensemble de caractères communs rapprochent les deux formes extrèmes, il y a évolution progressive de l’une à l’autre ; chez les Anoures au contraire, 1] y a une métamorphose considérable, par la superposition en un temps très court des modifications multiples qui transforment brusquement le Têtard en un Anoure tout différent. D'une manière analogue, chez les Insectes, on peut dresser, des Névroptères aux Muscides, une échelle progressive reliant par de nombreux intermédiaires le cas de développement continu aux cas de métabolisme les plus accusés. Il existe même des espèces où un seul sexe présente une métamorphose (mâles des Coccides, des Lampyres). Il est donc naturel d'admettre que phylétiquement la métamor- phose est apparue à mesure que l’opposition est devenue plus tranchéeentrelalarveetl’imago d’une même espèce. Les Coléoptères, où le métabolisme est peu intense, me paraissent représenter un stade relativement primitif ; la ressemblance entre les Jarves et les imagos doit être considérée comme phylétique et non pomt comme le résultat d’une adaptation convergente (1). Je ne vois aucune (1) Je mets naturellement à part l'absence des ailes qui est évidemment chez certains Coléoptères une adaptation cénogénétique. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 369 raison d'admettre avec LAMEERE que tous les Insectes holométaboles dérivent d’une souche commune représentée par des parasites de üissus végétaux, et je crois que l’on peut admettre une apparition indépendante de la métamorphose dans les différents ordres. Comment s’est accusé le contraste entre les jeunes et les imagos ? La spécialisation de la larve a-t-elle surtout été possible grâce à l’absence des ailes et le développement brusque de ces dernières est-il la cause principale de l'apparition de la métamorphose ? Cette cause réside-t-elle au contraire surtout dans la diversité de confor- mation de pièces buccales ? Je crois avec Mrazz que ni l’une ni l’autre de ces causes n’est suffisamment explicative (1). Dans la métamorphose, c’est tout l'organisme qui est refondu : et en recher- chant l’origine historique de la métamorphose, il faut tenir compte de tous les organes qui simultanément se conslituent à nouveau, de tous les organes anciens qui disparaissent à la fois. La larve de l’insecte métabole n’est pas seulement un organisme aptère opposé à un organisme ailé ; elle n’est pas seulement un organisme broyeur opposé à un organisme lécheur ou suceur ; elle n’est pas un orga- nisme apode opposé à un organisme coureur ; elle est tout cela à la fois ; elle s'oppose à l’imago par tous ses caractères, et dans bien des cas elle n'est pour ainsi dire plus un Insecte. Si l'on veut en quelques mots résumer cette opposition, je crois qu'on peut le faire en donnant la prépondérance à une remarque subordonnée de Boas, et en disant : La larve des Insectes métaboles est un organisme exclusivement adapté, par des modifications cénogénétiques, aux fonctions de nutrition et de croissance indivi- duelle; elle grandit en restant presque semblable à elle-même; et, en l'absence d'une dépense intensive, elle accumule en réserve dans ses issus la majeure partie de ses aliments surabondants. L’imago est au contraire essentiellement un organisme reproducteur ; toutes ses fonctions sont subordonnées à la formation des produits sexuels, (1) A propos des ailes j'ajouterai ici cette remarque : l'état définitif des ailes n'exclut pas absolument la possibilité de la mue. La subimago des Éphémérides vole en quittant la surface des eaux, et dans une mue ultérieure les ailes se dépouillent elles-mèmes d'une enveloppe épidermique. Les ailes se sont vraisem- blablement développées tout d'abord sous forme d'expansions tégumentaires, fonctionnant comme parachute chez un Insecte sauteur (GRASSI) ; on peut penser qu'à l'origine elles étaient moins strictement membraneuses, mais au contraire vivantes, susceptibles de mues. Ainsi s’expliquerait peut-être le riche réseau trachéen qu'elles présentent dans leur développement ontogénique actuel. 366 CHARLES PÉREZ. à l’accouplement, à la ponte ; et pour ainsi dire vieilli au moment même où 1l se constitue, cet organisme sexuë meurt après l’accom- plissement de ces fonctions prépondérantes. On peut donc penser que la métamorphose a été liée phylétique- ment à la séparation dans l’ontogénie de deux périodes, l’une de nutrition intensive, l’autre d'épuisement reproducteur. La nourriture abondante de la larve l’a spécialisée de plus en plus vers un déve- loppement somatique transitoire, et on peut penser que le retard dans l’apparition de la sexualité, amenant le retard d'apparition de tous les caractères de l’adulte reproducteur, ait ainsi rendu possible la variété adaptative des formes larvaires. Considérée à ce point de vue, la mélamorphose des Insectes, qui s'oppose à tous les cas jusqu'ici envisagés de métabolisme, se rapproche au contraire d’autres phénomènes évolutifs, qui sont aussi des métamorphoses, et qu'ilconvient maintenant de rappeler. A. MÜüLLER et Boas ont déjà fait remarquer que, chez les Cyclos- tomes ({ Petromyzion Planeri), presque toute la durée de la vie est occupée par la croissance somatique sous la forme larvaire d’Ammo- cète. L'animal cessant ensuite de grandir, acquiert par une méta- morphose sa constitution définitive, se reproduit alors, et ne tarde pas à mourir. Des phénomènes de métabolisme, au moins partiel, se produisent aussi chez les Saumons, qui cessent de s’alimenter au moment où ils remontent les rivières, migration qui coïncide avec le développement de leurs volumineuses glandes génitales (MIESCHER, N. PATON, etc). CauLLERY et MESNIL [98] ont signalé chez une Annélide Polychète, Dodecaceria concharum, une véritable métamorphose interne et externe de la forme atoque en forme épitoque. L’atrophie des organes de la digestion et la consommation des réserves accumulées, au mo- ment où se développent les soies pélagiques et Les produits sexuels, la mort suivant de près sans doute la reproduction, sont les traits essentiels de cette métamorphose. Les auteurs l'ont, avec beaucoup de raison, rapprochée de celle des Insectes. Ce n'est d’ailleurs pas un fait isolé chez celte espèce de Polychète; on rencontre au contraire, chez diverses Annélides, des degrés divers dans l'intensité des phénomènes métaboliques, constituant une série comparable à celle des différents Insectes. Quant à l'immobilité nymphale, généralement considérée par les auteurs comme un perfectionnement utile, comme un repos ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 367 nécessaire à l'organisme, pendant la période où il subit des trans- formations considérables, il faut y voir, à mon sens, une inhibition plus ou moins complète des fonctions de relation, résultant des phénomènes histolyliques eux-mêmes. La pupe est plus ou moins immobile, non parce qu’un mouvement lui serait inutile ou préjudi- ciable, mais simplement parce que ses muscles se détruisent ; elle est immobilisée dans la mesure même de cette destruction. C’est là la cause actuelle de son immobilité ; ce fut sans doute historique- ment la cause qui amena le repos nymphal. LES MÉTAMORPHOSES AU POINT DE VUE ANATOMIQUE ET HISTO- LOGIQUE. Dans le chapitre précédent, j'ai caractérisé d'une manière provi- soire les faits de métamorphose par les destructions d'organes dont ils sont accompagnés. Ces atrophies constituent un processus tout opposé à la croissance et à la différenciation histogénétique progres- sives, qui sont le fait saillant des développements normaux sans métamorphoses. L'absence de la queue est le caractère principal par lequel on a depuis longtemps opposé les Grenouilles aux Salamandres; la disparition de la queue est ce qui a dès l’abord frappé dans la métamorphose du Têtard. L’atrophie des organes larvaires est en effet, de toutes les circons- tances de la métamorphose, celle qui pouvait le plus facilement être constatée, à un examen même superficiel, sans le secours d’une technique perfectionnée. On a même pu de bonne heure préciser le caractère de cette atrophie. On voyait les organes qui allaient dispa- raitre, perdre peu à peu l'aspect translucide, la cohésion des lissus jeunes et vivants, se résoudre en masses opaques, diffluentes, résolubles en granules ayant l'aspect de gouttelettes grasses. On disait que l'organe mourait et se transformait en graisse, qu'il subissait la dégénérescence graisseuse. On connaissait de pareils faits en anatomie pathologique ; c'était même dans ce domaine que le processus nécrotique avait été parliculiérement étudié, et c’est aux doctrines régnantes en médecine que devaient naturellement songer à s'adresser les premiers histo- logistes qui entreprirent l'étude des métamorphoses animales. J'ai déjà eu l’occasion de signaler d’une manière incidente (Historique 368 CAARLES PÉREZ. relatif à l’histolyse musculaire) les rapprochements faits par CHUN et VIALLANES entre les aspects qu’ils observaient dans la destruction des muscles chez les Insectes, et ceux que les anatomo-pathologistes avaient décrits dans les inflammations musculaires. GiaRD à particulièrement insisté sur celte analogie. Il dit ainsi dans ses Principes généraux de la Biologie [77] : « Quand par suite d’une embolie ou detoute autre cause pathologique, un tissu normal où un néoplasme n’est plus nourri que d’une façon insuffi- sante, ce Llissu ou cette tumeur subissent dans leurs éléments une modification spéciale, qui aboutit à la mort de ces éléments, à leur transformation en granulations graisseuses, et à leur fonte ou leur résorplion par les tissus voisins. C’est ce qui constitue la dégéné- rescence graisseuse ou nécrobivse pathologique. De même, quand un organe a joué un rôle important dans la phylogénie d’un groupe zoologique, il arrive souvent que cet organe réapparaît par hérédité dans l’ontogénie d'un animal de ce groupe, bien qu'il soit devenu complètement inutile à l'embryon ; mais alors cet organe est toujours esseutiellement transitoire ; il présente une tendance marquée à la réduction, et les cellules qui le composent entrent rapidement en régression et dégénérescence granulograisseuse, parce que le dévelop- pement des organes directement utiles à la nouvelle forme embryon- paire, détourne les priacipes nutritifs de leur direction première. Ce processus constitue la dégénérescence graisseuse normale ou nécrobiose phylogénique. > Giarp développe cette thèse que la nécrobiose phylogénique peut servir de Critérium aux embryogénistes pour distinguer dans l'évolution des formes larvaires ce qui est condensation embryogé- nique de ce qui est falsification de l’ontogénie. GrarD est revenu à plusieurs reprises sur ce point. Il dit ainsi [88]: « Si un organe disparaît dans le développement d’un animal ou n'apparaît plus qu’à l'état d’organe rudimentaire embryonnaire d’une durée transitoire, nous devons essayer de montrer par quels mécanismes s’accomplit celte disparition, et je crois y être arrivé en partie par l'étude de ce que J'ai appelé la nécrobiose phylogénique, combinée avec la théorie des phagocytes de METCHNIKOFF. » Je n’ai pas à revenir ici sur ce que j'ai dit au précédent chapitre sur la signification phylogénétique des caractères larvaires. Ce que je veux simplement retenir ici, c’est la commodité avec laquelle la désintégration des tissus peut fournir un criterium histologique ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 3069 des phénomènes de métamorphoses, jusqu'ici caractérisés anatomi- quement par l’atrophie des organes. L'acceptation de ce criterium, ou, si l’on veut, de cette définition histologique de la métamorphose, nous permet de préciser un peu plus. Nous avons jusqu'ici considéré des cas de métamorphoses où l'atrophie portait sur la majorité ou toutau moins sur une grande partie des organes de l'être ; la métamorphose sautait aux yeux, et ces cas étaient commodes à prendre pour types au début de cette étude ; mais lorsque, ayant choisi dans l'étude de ces premiers cas une particularité commode pour caractériser l’atrophie, nous étudions l’ensemble des faits embryogéniques à la lumière de ce critérium, nous voyons que la plupart des êtres présentent à un moment ou l’autre de leur développement, dans une région ou dans une autre de leur organisme, des histolyses partielles plus ou moins circonscrites, que nous devons appeler phénomènes de métamor- phoses. Il n’y a point, dans l’ensemble des développements de tous les êtres, deux catégories tranchées, l’une ne présentant que des transformations continuement progressives, que des différenciations histogénétiques, l’autre que des atrophies et des régressions. Au contraire il y a partout intrication en proportions variables de ces deux processus, histogénèse et histolyse; l’atrophie n’est souvent que très localisée el très fugitive, mais il est rare qu’elle fasse défaut complètement. Il n'y a point des métamorphoses d’une part, des anamorphoses (LAMEERE) de l’autre ; mais tous les intermédiaires entre les cas extrêmes où l’un des deux processus est dominant. Ainsi pour me borner à quelques exemples, 1l se produit chez le jeune Mammifère, après l’ablation du placenta, une atrophie des porlions de vaisseaux allantoïdiens comprises à l’intérieur du corps ; elles sont peu à peu remplacées par des traclus fibreux allant de l’ombilic aux côtés de la vessie urinaire et au hile du foie; ce sont là des faits de métamcrphose ; l'oblitération du trou de Botal, pro- produite par une histogénèse, s’unit à ces atrophies dans la métamor- phose du système circulatoire. Dans les larves pélagiques de Crustacés, une étude histologique minutieuse montrerait sans doute des faits analogues dans l’atrophie des épines de la carapace (larves Ælaphocaris de Sergestes) ou des pattes qui subissent parfois une disparition temporaire (larves Erichthoïdes des Stomatopodes), et permettrait sans doute d'établir 24 370 CHARLES PÉREZ. toute une gradalion, depuis le développement progressif d'un Branchipe ou d’un Calanide, jusqu’à celui d’une Langouste, où une métamorphose assez considérable doit suivre le stade Phyllosome. Il est juste toutefois de remarquer que, chez les Crustacés, le procédé plus brutal de l’autotomie ou de la simple mue peut intervenir dans la perte des appendices ou des ornements extérieurs. Aïnsi chez les Cryptonisciens, à la mue qui termine l'existence sous la forme mâle, certains appendices sont rejetés en entier ; l'atrophie histologique ne porte que sur les muscles qui, intérieurs au corps, étaient moteurs de ces appendices (CAULLERY et MESNIL, Hemioniscus). Dans les cas même où l’atrophie est très généralisée, elle ne s'étend point cependant à tout l'organisme ; 11 n’y a point destruction totale ;. pendant l'histolyse de certaines parties, l'histogénèse et la différenciation commencent ou continuent pour d’autres parties. Et ici, il y a lieu d'insister sur l’ordre chronologique de ces deux processus opposés. La métamorphose se présentant comme la fin d’un état ancien transitoire et le début d’un état nouveau, 1l pourrait sembler naturel de penser que cette période, révolutionnaire pour l’organisme. se compose d’une première étape de destruction, d’une seconde étape de reconstruction ; et c’est ce qui a paru aux premiers observateurs, auxquels il était naturellement plus facile de voir disparaître des organes déjà constitués et relativement volumineux, que de saisir la première origine des organes nouveaux. Ces organes nouveaux, dont la différenciation complète ne s'achève qu’à la fin de la métamorphose, ne leur ont apparu qu’à partir du moment où leur taille était déjà devenue appréciable à la dissection, c’est-à-dire bien après le début des dégénérescences atrophiques. Mais lorsqu'une technique plus parfaite a permis de déceler les premières ébauches des organes, même réduites à une seule cellule, on a reconnu que l’origine de la métamorphose est marquée, non par le début de l’histolyse, mais par le début de la prolifération des organes nouveaux, dès longtemps ébauchés ; par la brusque mise en train et l’accélération d’une histogénèse qui avait été Jusque là ralentie ou même complètement arrêtée. J'ai déjà, en ce qui concerne les Insectes, appelé l'attention sur ce fait dans les conclusions de la première partie. Mais ce caractère se retrouve avec une grande constance dans tous les faits de métamorphose, et il importe ici d’insister sur celte généralité. Chez les Batraciens Anoures les pattes postérieures se développent, ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 371 et le poumon commence à fonctionner, comme organe de respiration aérienne, avant qu'aucun phénomène atrophique vienne annoncer le début de la métamorphose; celle-ci, en lant que processus destructif, ne commence qu'après la sortie des pattes antérieures (BATAILLON). Ainsi les organes spéciaux de la Grenouille com- mencent brusquement à apparaitre, et atteignent même un degré notable de différenciation, avant que ne commence la destruction des organes spéciaux à la larve Têtard. Chez les Echinodermes, l’ébauche pentaradiée de l'organisme définitif se différencie de bonne heure dans la larve à symétrie bilatérale; cette dernière est encore libre et nageuse, qu’elle porte déjà sur le flanc le petit Échinoderme très reconnaissable (Bipinnaria asterigera de J. MuüLLER). La régression des parties spécialisées de la larve commence seulement après que la larve, alourdie par la rapide prolifération des parties nouvelles, cesse de pouvoir mener la vie pélagique. D'une manière analogue, la larve Pilidium quand elle nage encore porte déjà en elle l'ébauche du Némertien qui se développera dans la métamorphose ; la larve urodèle des Tuniciers présente déjà dans la tête du Têtard les organes essentiels, qui après fixation constitueront le corps de l’Ascidie. On peut dire qu'il en est ainsi dans tous les cas d’immobilisation plus ou moins complète d’une larve pélagique. Ainsi encore chez les Cryptonisciens, le màle qui mène une vie relativement libre et a gardé la forme typique des Crustacés Isopodes, présente déjà les invaginations tégumentaires qui formeront les oviductes, et possède une ébauche d'ovaire accolée à son testicule encore fonctionnel. C’est seulement dass les individus où cette nouvelle glande génitale a commencé sa prolifération rapide, et où le passage à la forme femelle s'annonce déjà nettement par l’hypertrophie des anneaux postérieurs du thorax, que prend place l’atrophie métabolique des testicules vidés et des muscles moteurs des péréiopodes caducs (GAULLERY et MESNIL, Hemioniscus). Ces exemples, qu'il serait aisé de multiplier, suffiront, je crois, à montrer que si l'atrophie est le phénomène le plus saillant des métamorphoses, si l'histolyse peut en être le critérium histologique, ces processus nécrotiques ne sont point toutefois les premiers à se manifester. La métamorphose débute toujours par la brusque prolifération d’histoblastes, qui s'étaient lentement ébauchés à ai CHARLES PÉREZ. travers les stades antérieurs, et dont la première origine remonte sans doute à la différenciation initiale des ébauches blastodermiques. C'est seulement en second lieu que commencent à se détruire les organes qui, à partir des ébauches blastodermiques, avaient crû d’une manière précoce et s'étaient rapidement différenciés sous l'influence d'adaptations transitoires. La destruction s'achève il est vrai avant que ne soit terminée l'édification nouvelle, mais c’est toujours celle-ci qui a débuté la première. Ce caractère oppose de la manière la plus formelle la mélamor- phose à la cicatrisation. Celle-ci est en effet la réparation d’une plaie ; elle suppose par définition une ablation préalable. En outre elle régénère la forme primitive. Je laisse bien entendu de côté les monstruosités qui sont dans certains cas produites par la régéné- ration, à la suite d’une mutilation traumatique. De nombreux cas commencent à être cataloguës de ces hétéromorphoses (Los); ils peuvent bien souvent se ramener à des régénérations multiples de la forme primitive. Au contraire dans la métamorphose quelque chose de nouveau commence à se développer ; et seulement alors ce qui exislait au préalable commence à se détruire ; 1l y a production d’une forme nouvelle, el non restitution de la forme primitive. En outre, dans la cicatrisation, l'histogénèse progresse peu à peu à partir des éléments anciens, restés en place, sur le pourtour de la plaie. Au contraire: dans la métamorphose (tout au moins chez les Insectes), il est tout à fait remarquable de voir un organe et plus généralement tout un système coordonné se développer aux dépens d’ébauches, qui sont tout d’abord éparpillées sporadiquement au sein d’un organisme qui se détruit, et qui arrivent seulement à la fin du processus à se rejoindre par leurs bords et à présenter, par l'achèvement de leur conliguité, leurs rapports topographiques définitifs. C'est là, à mon avis, une particularité assez spéciale des phéno- mènes de métamorphose, et qui oppose l'ensemble des processus histogénétiques de l'organisme métabole à l'ensemble des processus histogénétiques d’un embryon. On a comparé parfois la nymphe à un œuf, les débris granulograisseux des organes disparus à un second vilellus ; pour les pupes des Acariens CLAPARÈDE a proposé les noms de deutovum, tritovum. Gelte assimilation me paraît fautive, car elle ne tient compte, ni de l'existence précoce des histoblastes, n1 de leur éparpillement primitif. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 313 Un autre processus qui semble, au moins dans certains cas, ne pas devoir être confondu avec la métamorphose, est le bourgeonne- ment. Ce dernier est facile à caractériser chez certains organismes coloniaux, comme les Polypes : la prolifération des tissus jeunes est localisée en un certain nombre de sommets végétatifs, où toujours un petit massif de cellules continuent à se diviser, tandis que les cellules filles s'organisent en arrière en nouveaux individus. C’est là un mode spécial de croissance et de différenciation. Mais dans certains cas (cormus de Synascidies) les individus les plus vieux ne consti- tuent pas seulement aux plus jeunes un squelette de soutien ; une partie au moins de leur substance est résorbée et réemployée pour la nourriture des bourgeons. C’est peut être là qu'on trouve, dans l'intimité’ des processus, les phénomènes histologiques les plus comparables à ceux des métamorphoses. A ne considérer d’ailleurs que les apparences extérieures, le départ peut être parfois difficile entre les deux ordres de phénomènes ; souvent par exemple, on a qualifié de bourgeonnement la métamorphose des Échinodermes. Et il vaut mieux, après tout, constater l'analogie de ces faits, plutôt que de vouloir établir une distinction tranchée entre deux catégories à priori. Il nous reste à examiner maintenant par quel mécanisme histo- logique disparaissent les organes atrophiés. Nous nous sommes arrêtés à la conception des anciens auteurs, à la dégénérescence granulograisseuse des tissus. Dans l'étude de la métamorphose des Insectes, à ce stade correspondent par exemple les travaux de WEIsManN. Pour lui les tissus se résolvaient en une bouillie de granules graisseux, où des cellules spéciales (Xürnchenkugeln), sortes de morulas de ces granules, naissaient ensuite par génération spontanée de noyaux. La véritable nature de ces éléments problématiques a été reconnue par KowaLEvskY et par VAN REES, et leur formation a été rattachée par ces auteurs à la doctrine des phagocytes de METCHNIKoOrr. Les sphères de granules représentent des amæbocytes qui ont englobé et qui digérent, à l’intérieur de leurs vacuoles, les débris des tissus qu'ils ont dilacérés par leur active intervention ; leurs noyaux sont des noyaux de globules sanguins. MercaniKorF avait d'ailleurs, dès ses premières recherches sur la digestion intracellulaire [83] constaté, chez divers animaux marins, 374 CHARLES PÉREZ. que les phénomènes atrophiques des métamorphoses étaient précisé- ment dus à l'activité digestive des phagocytes mésodermiques. Ainsi ce sont les cellules migratrices du liquide cavitaire qui font disparaître les bras et les couronnes ciliées des larves d’Échino- dermes, tout comme elles éliminent de l'organisme les particules solides ou les microbes d’une injection expérimentale. De même ce sont des phagocytes qui produisent la régression de la queue chez les Têtards de Batraciens Anoures. Et METCHNIKOFF exprimait la conviction que des exemples plus nombreux seraient sans doute trouvés de l'intervention des phagocytes dans les phénomènes de mélamorphose. Les recherches de van REES et de KowALEvVSKY [84-88] ne tardèrent pas à vérifier ces vues pour les Insectes ; plus tard KowaLEvsky [92] les étendit à la régression de la queue chez les Têtards d’Ascidies, Roure [00] à la métamorphose du Phoronis ; CAULLERY et MEsniz [00,01] en ont trouvé un nouvel exemple chez un Crustacé (régression des muscles chez l’Æemio- niscus.) Ainsi, par des faits empruntés aux animaux des groupes les plus divers, les atrophies métaboliques se trouvent rattachées, par le détail intime de leur processus histologique, aux phénomènes plus généraux des inflammations et des résorptions expérimentales ou pathologiques. La dégénérescence dite granulograisseuse est la manifestalion, pour ainsi dire macroscopique, de l’émiettement des Ussus par les phagocytes ; elle accuse d'une manière sensible l’éla- boration, aux dépens de leurs substances multiples et complexes, des produits plus simples de la digestion intracellulaire (substances éosinophiles, par exemple). Cette interprétation phagocytaire des phénomènes atrophiques ne s'est point imposée sans conteste. Une polémique s’est élevée en particulier au sujet de la régression des muscles dans la queue des Têtards de Batraciens, et je crois utile de la résumer en quelques lignes. METcaniKorr, dans une note préliminaire [83| avait annoncé que les muscles de la queue des Têtards étaient englobés et digérés à l’intérieur de phagocytes, dont il n'avait point précisé la nature. Loos [89] reprenant l'étude du même sujet, arrivait au contraire à celte conclusion que l’atrophie consistait en un morcellement du ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 91 myoplasme sans aucune intervention d'éléments étrangers au muscle. Les fragments musculaires (sarcolyles de S. Mayer) perdraient ensuite leur striation et se dissoudraient peu à peu, par une sorte de digestion, dans le liquide cavitaire. L’englobement de ces sarcolytes à l’intérieur de cellules ne serait que tout à fait accidentel, et ne jouerait qu'un rôle secondaire dans le processus atrophique. Dans une statistique élablie d'après les dilacérations, l’auteur indique une proportion de 90 à 96 °/, de sarcolytes libres, 4 à6°/, étant enveloppés d'une masse protoplasmique sans noyau, et 3°, seulement accom- : pagnés d’un noyau ; encore dans ce dernier cas le noyau ne peut-il pas être confondu avec un noyau de leucocyte. On ne peut naturellement attacher une grande importance à celte statistique, étant donné le procédé de technique utilisé pour l’établir. Les dissociations font facilement sortir les sarcolytes des cellules où ils pouvaient être englobés. C’est la remarque faite avec juste raison par BaTaiLLoN [91], qui arriverait à une proportion tout opposée : 95 ‘/, de sarcolytes enveloppés. Toutefois, 11 y aurait pour BATAILLON une dislocation préalable du muscle à laquelle les phagocytes ne prendrait aucune part ; les sarcolytes seraient ensuite englobés par des leucocyltes, mais beaucoup d’entre eux sans doute seraient dissous directement sans le concours de ces cellules (p. 58). En présence de ces résultats contradictoires, METCHNIKOFF reprit ses recherches [92]. Se défendant d’avoir considéré comme leucocytes les phagocytes musculaires des Têlards, il montre au contraire qu'il n'y a pendant la métamorphose aucun afflux de globules blancs dans les muscles de la queue. En cela Loos a raison. Ce sont les noyaux du muscle lui-même qui prolifèrent, et constituent, avec le sarcoplasme hypertrophié, ces cellules amcæ- boïdes, que S. Mayer avaient déjà distinguées comme éléments d'une nature particulière, et qui dissocient entre leurs pseudopodes la partie fibrillaire striée. Les sarcolytes sont, comme l’a vu BATAILLON, à l'intérieur de cellules, mais ces cellules sont des myoclastes nés du muscle, et non des globules du sang. METCHNIKOFF affirme en outre que la digestion des sarcolytes a exclusivement lieu à l'intérieur des phagocytes, dont l'intervention active et précoce a dissocié les fibres en tronçons. L'auteur exclut complètement l'existence de sarcolytes libres, et la possibilité de «leur dissolution dans la lymphe. L'interprétation de MEercHanNiKorr est généralement 376 CHARLES PÉREZ. admise aujourd’hui, et ses préparations ont paru lrès démonstralives à lous ceux qui les ont examinées. (1) Les phénomènes atrophiques présentés par les Insectes pendant leur métamorphose ont également donné lieu à de vives polémiques entre les partisans et les adversaires de la théorie des phagocyltes. L'historique détaillé que j'ai donné dans la première partie me dispense de revenir longuement ici sur ce point. Je me contente de rappeler que, pour beaucoup d'auteurs récents, l’atrophie serait le résultat d’une nécrose intrinsèque, d’une sorte de dissolution chimique des cellules dans les humeurs. La phagocytose serait pour certains totalement exclue des processus atrophiques, ou n'y jouerait du moins qu'un rôle subordonné, les leucocytes venant s'emparer de débris de lissus déjà histolysés avant leur intervention. Ainsi, par exemple, KOROTNEFF pense que la dissolution humorale intervient seule dans les cas où la métamorphose est d’assez longue durée, tandis que la phagocylose peut intervenir, comme perfec- tionnement d’abréviation, dans les cas de nymphose rapide. Plus (1) BATAILLON fait appel en ces termes ([00|, Soc. Biol.) au témoignage de SCHAFFER : « SCHAFFER, en 1893, à la suite de notre discussion, se prononçait dans mon sens et traduisait presque toutes mes conclusions. » Je ferai tout d’abord remarquer que BATAILLON n'est pas seul cité ou traduit dans l'exposé historique et critique fait par SCHAFFER des travaux antérieurs, et que l'auteur autrichien n'adopte point toutes ses conclusions sans réserves. SCHAFFER s'arrète au contraire à une sorte de moyen terme entre les interprétations de Loos et de BATAILLON. Contrairement à ce dernier, il nie toute intervention des phagocytes leucocytaires, et interprète, comme produit de dissolution humorale du myoplasme, la substance qui, autour des sarcolytes, simule le cytoplasme d'une cellule englobante. SCHAFFER étudie d'ailleurs les phénomènes dont les muscles sont le siège à un stade encore très jeune de leur histogénèse (fœtus humain de 12 à 15 semaines, par exemple). À ce stade, il y aurait intrication de l'histogénèse avec des phénomènes complexes d'histolyse. En acceptant même comme démontrées toutes les conclusions de SCHAFFER, On ne serait point en droit de les appliquer à la régression de la queue des Anoures ; et l'auteur s'est abstenu de prendre parti lui-même sur ce point controversé, remarquant avec raison que les processus de résorption de fibres adultes, complètement différenciées, pouvaient ne point ètre identiques à ceux qu'il observait pour des cellules jeunes, en voie de différenciation fibrillure. Enfin les matériaux de SCHAFFER ont été souvent prélevés sur des cadavres, et des phénomènes de macération post mortem ont pu se superposer à la sarcolyse atrophique elle-même. C’est en particulier le cas pour la préparation représentée PI. VI, fig. 62, relative à un fœtus humain, et qui est peut-être précisément celle qui rappelle le plus les aspects que l'on peut rencontrer dans les atrophies métaboliques. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 311 récemment, ANGLAS a proposé le nom de /yocytose, pour caractériser la résorplion des cellules par dissolution dans le liquide cavitaire. Cette lyocytose est pour lui le processus typique de latrophie métabolique, et il l'interprète comme une digestion à distance des cellules qui disparaissent sous l'influence de diastases sécrétées dans le milien interne par d'autres cellules. D'une manière plus intransigeante encore, BERLESE essaye de réduire à néant le rôle de de la phagocytose; l’englobement même par des leucocytes ne serail jamais accompagné d'élaboration à l'intérieur de ces cellules; toute l'atrophie se ferait par dissolution humorale, sans doute grâce aux sucs digeslifs extravasés dans la cavité générale. Assurément de nouvelles recherches de détail sont encore néces- saires, avant que l’on puisse se faire une idée d'ensemble quelque peu précise sur les processus histolytiques de la nymphose chez les Insectes. Dans un certain nombre de cas cependant, le processus phagocylaire paraît nettement établi, et même après les critiques de BERLESE, il faut encore garder quelque estime pour les travaux de van REes etde KowaLevsky. La phagocytose leucocytaire doit être le processus essentiel de l’histolyse chez les Muscides; VANEY en a trouvé un autre cas dans l'atrophie des cellules respiratoires chez le (astrus equi. Je crois avoir montré moi-même que, chez les Fourmis, la destruction phagocytlaire intervient aussi d’une manière tout à fail lypique, pour des organes glandulaires à propos desquels on l'avait contestée. Une étude récente de VERNON L. KELLOG [01] parait montrer, contrairement à l'opinion de Koroïrnerr et de KaRAWAÏEW, que la phagocytose n’est point un simple perfectionnement d'abréviation lié à la rapidité de la nymphose. L'auteur américain étudie com- parativement les processus de la nymphose chez deux Diplères : Holorusia rubiginosa et Blepharocera capilata. Y n'y a point de phagocytose chez la première espèce, dont la métamorphose ne dure que 12 jours, landis que la phagocytose est très intense chez la seconde, dont la nymphose dure 18 jours. Celle différence de pro- cessus parait lenir à ce fait, que, dans le premier cas, le passage à la larve à l'imago se fait surtout par addition de parties nouvelles (muscles de la tête et des appendices) et non par destruction de parties préexistantes; au contraire dans le second cas, l'adaptation aberrante de la larve à une vie aquatique très spéciale entraîne pendant la nymphose un remaniement profond accompagné de 378 CHARLES PÉREZ,. phagocytose. Chezles Fourmis aussi, dont la nymphose est encore plus longue, on voit certains organes disparaitre par phagocytose. La phagocytose parait par conséquent un processus général de destruction des organes internes très spécialisés qui disparaissent dans la métamorphose. Les cas où elle est absente sont ceux où des organes peu spécialisés se réadaptent sans se détruire et passent à l'organisme définitif, c'est-à-dire en somme les cas où iln’a pas d'histolyse. Au contraire la dissolution humorale des cellules n’a point été jusqu'ici établie par des faits irrécusables. La sécrétion à distance de diastases digestives, srelle est possible, reste encore à démontrer. Chez les Fourmis, les glandes séricigènes, les tubes de Malpighi sont phagocytés; on avait admis qu'ils se dissolvaient dans les humeurs. Les cellules du corps adipeux ne sont nullement digérées par les cellules à urates voisines, éléments à propos desquels ANGLAS avait introduit pour la première fois le nom de /yocylose. J'ai pu me convaincre que, chez les Fourmis, ou bien les cellules grasses disparaissent, et alors elles sont la proie des phagocyles; ou bien elles persistent, et la résorption de leurs réserves doit alors se faire, d’après un mode très général, grâce à une digestion dans la cellule elle-même. Là encore il n’y a pas d’histolyse sans phago- cytose. Les difficultés d'interprétation s'ajoutent d’ailleurs aux difficultés de technique, dans l'étude de ces processus atrophiques; et la variété d’aspects que peut présenter la phagocytose a pu parfois conduire à la méconnaitre. On sait en effet combien sont variées les cellules qui, dans les organismes métazoaires, ont conservé la faculté d'englober à leur intérieur des particules étrangères, grace aux mouvements am@æboïdes de leurs prolongements proto- plasmiques : et d’un autre côté, les phagocytes sont susceptibles d'englober à leur intérieur une quantité d’inclusions tellement disproportionnée avec leur taille primitive, que leur aspect, une fois qu'ils sont gorgés, dépend beaucoup plus de leurs inclusions que du phagocyte lui-même, dont les caractères primitifs peuvent êlre complètement oblitérés. Ce sont peut-être ces circonstances qui ont conduit beaucoup d'auteurs à révoquer en doute l'intervention des phagocytes. I'est bien certain d’ailleurs, que si la phagocytose est le processus général, elle n’est pas le processus unique de disparition des organes ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 349 et d'élimination des tissus. Il est hors de doute, par exemple, que dans la métamorphose des Insectes, l’épithélium entérique larvaire est rejeté dans la lumière du nouveau tube digestif. Chez les Anné- lides Polychètes, divers auteurs ont signalé une résorption partielle des organesdigestifs au moment de l'élaboration des produits sexuels. Bien que le processus histologique n'ait point toujours été étudié en détail, il semble bien qu'il en faille aussi exclure la phagocytose. ErsiG [87] a décrit chez Notomastus lineatus un mode assez parti- culier de dégénérescence. CAULLERY ET MESNIL [98] ont étudié avec détail les phénomènes histolytiques chez Dodecaceria concharum, el admettent la chute, dans la lumière intestinale, d’une grande partie des cellules de l'épithélium. La phagocytose n'intervient nullement ; les cellules semblent s’épuiser dans leur activité sécré- toire, et être ensuite simplement rejetées. Le fait paraît surtout net chez Heterocirrus viridis. Les cellules épithéliales qui persistent subissent une dégénérescence pigmentaire. D'une manière encore plus simple, des parties entières du corps peuvent être rejetées par autotomie ou par mue. Nous en avons vu des exemples chez les Insectes à larves aquatiques etchez les Crus- tacés. [1 fauten rapprocher la perte dela queue chezcertains Cercaires et peut-être même chez les larves d’une Ascidie Distaplia magni- Larva (du moins d’après SALENSKY). Dans tous ces cas, il s’agit du rejet par l'organisme de parties directement en rapport avec l'extérieur, ou, ce qui n’est pas très diflé- rent, avec la cavité digestive. Au contraire, lorsqu'il s’agit d'organes internes, uniquement en rapport avec la cavité générale, la phago- cytose paraît le processus normal de leur élimination. Si elle a été contestée chez les Insectes, elle reste jusqu'ici très généralement admise ou même indiscutée chez les Batraciens, les Échinodermes, les Phoronis, les Épicarides, les Némertes, les Ascidies, et cette généralité parait n'avoir pas assez frappé ceux qui se sont pronon- cés contre la théorie phagocytaire après avoir seulement étudié les Insectes (1). Mais parmi ceux mêmes qui admetltent l'intervention des phago- cytes, l'accord est loin d’être fait sur l'importance qu'il faut attacher (1) BERLESE, par exemple, se borne à ne pas nier la phagocytose chez Hemnioniscus, parce qu'il n’a pas étudié lui-même ce type. 300 CHARLES PÉREZ. au processus phagocytaire. D'après certains auteurs, les phagocytes n'arriveraient dans les organes qu'après l'apparition dans ceux-ci de signes histologiques manifestes d'une dégénérescence intrinsèque. Le tissu se désagrègerait de lui-même, et les phagocytes viendraient ensuite englober les débris déjà disloqués. Cette opinion revient en somme à admettre au moins un début de dissolution humorale. Pour d’autres au contraire, la phagocytose est précoce ; c’est l'intervention active des phagocytes, l’insinuation de leurs pseudopodes proto- plasmiques, qui émielte les tissus avant l'apparition préalable d’aucun indice d’atrophie appréciable aux procédés histologiques. C’est en particulier la thèse de MEercaniKorr, et c’est celle qui paraît la mieux appuyée sur des faits bien établis. Elle n'exclut d’ailleurs pas, comme le faitremarquer METCHNIKOFF lui-même, une modification originelle du tissu atrophié, que l'histologie serait impuissante à déceler. Mais nous quitterions ici le domaine des faits anatomiques, et nous ne pourrions invoquer que des considérations d'ordre physiologique qui trouveront place au chapitre suivant. Mais si la phagocytose est aujourd'hui hors de doute dans bien des cas de métamorphose, certains auteurs pensent cependant qu'elle y représente un processus secondairement acquis, un perfectionnement cénogénétique par rapport à la simple dissolution. C'est ainsi l'opinion de GiaRD [00, Soc. Biol. |: « Bien que la digestion intracellulaire ait précédé phylogénéli- quement la digestion extracellulaire, la phagocytose apparail nettement dans la métamorphose comme un processus cénogc- nétique. Elle atteint son maximum chez les Diptéres cycloraphes, chez certains Crustacés parasites, chez les larves urodèles d’Ascidies, partout où le métabolisme est intense. Son rôle est bien plus limité dans les cas de métamorphose partielle (Hyménoptères). On peut supposer, quoique ce ne soit pas encore absolument démontré, que chez les Insectes hémimétaboles, la phagocytose est remplacée, comme dansles cas de transformation simple, par les aclions cytolytiques à distance qui existent plus ou moins dans les divers tissus des animaux sous l’action des liquides qui les baignent, el pour lesquelles ANGLAS a récemment proposé le nom de lyocytose. »...... « L'embryogénie des Eponges siliceuses, comparée à celle *dez Éponges calcaires, et d’une manière générale tous les développements condensés, comparés aux développements ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 381 explicites, prouvent surabondamment la signification cénogénétique de la phagocytose dans de nombreux phénomènes évolutifs. » Malgré l'autorité de Giarp, je crois que l’on peut soutenir au contraire l'opinion que le processus phagocytaire est primitif. Le raisonnement précédent suppose en effet que la phagocytose soit limitée à certains cas de métamorphose intensive et remplacée, dans les transformations moins brusques, par la dissolution humorale. Or, nous avons vu qu’il n’en est point ainsi. Il ne semble pas y avoir d'histolyse sans phagocytose. Si la phagocytose a un rôle, particulièrement important dans les cas de métabolisme intense, ce n’est point que les organismes considérés soient très hautement spécialisés sous leur forme définitive, mais que des changements très étendus sont consécutifs à une première spécia- lisation de l'organisme. Les cas de métamorphose partielle, où le rôle des phagocytes est limité, sont ceux où l’histolyse elle-même est circonscrite, et où la transformation consiste surtout en histogénèse. La phagocytose n'est point d’ailleurs uniquement un processus de métamorphose, mais bien un processus physiologique très général, à manifestations multiples. C’est par phagocytose que se fait la nutrition de l'organisme, non seulement chez les Protozoaires à vie libre, mais chez un grand nombre de Métazoaires inférieurs (Éponges, la plupart des Cœælentérés et des Plathelminthes), organismes où la présence d’une cavité entérique peut très bien ne pas s'accompagner de la sécrétion extracellulaire de diastases dans cette cavité. Chez les Métazoaires supérieurs, la nutrition se fait grâce à la sécrélion extracellulaire de diastases dans une cavité digestive, mais la propriété phagocytaire persiste, d’une manière constante, et toul à fait indépendante des phénomènes de métabolisme, dans certaines catégories de cellules, plus particulièrement les éléments mésoder- miques, et surtout les amæbocytes du sang. L'activité englobante et digestive de ces phagocytes se manifeste chez tous les animaux, {orsque des corps étrangers, particules inertes, cellules ou microbes, sont introduits dans l’organisme. Souvent, d’une manière permanente, l'excrétion physiologique est assurée par le rejet au dehors de ces cellules migratrices, 382 CHARLES PÉREZ. préalablement chargées des produits de la désassimilation (1). Il y à aussi des phagocytes fixes, et KowaLEvsky à signalé en particulier chez de nombreux Invertébrés des organes lymphoïdes où sont spécialement arrêtées les particules solides des injections physiologiques. Un des cas les plus intéressants est celui des Hirudinées où la fécondation se fait par imprégnation hypodermique (Hcæmentar ia), et où les spermatozoïdes inemployës, qui encom- brent en quelque sorte la cavité générale, sont précisément digérés et détruits dans les organes phagocytaires annexes des néphridies. De pareilles atrophies phagocytaires peuvent porter sur des cellules de l'organisme lui-même. Déjà en 1840 SCHNEIDER a signalé chez les Hirudinées, la résorption de produits sexuels par des cellules migratrices très semblables aux globules du sang. METCHNI- KOFF [83] à fait une observation semblable chez une Méduse, Aurelia aurita. West bien établi que, chez les Mammifères, les globules rouges et les globules blancs polynucléaires sont d’une manière normale et constante, englobés et détruits par les globules blancs mononucléaires. METCHNIKOFF a même suggéré récemment que beaucoup d’atrophies pathologiques ou séniles pouvaient s'inter- préler par une #acrophagie des cellules différenciées des organes. Ces exemples suffisent à montrer combien les propriétés phago- cytaires sont répandues parmi les cellules des Métazoaires, et il me semble naturel de les considérer dans ces cellules comme la per- sistance d’un caractère ancestral, et non comme une acquisition cénogénétique. La métamorphose est bien certainement, en elle-même, une modification cénogénélique de l’ontogénie; mais cela n'empêche pas de penser qu’elle puisse s'accomplir par un processus primitif, dont nous venons de voir l'extension bien en dehors d'elle. Dès que, au cours de l’histoire phylétique d’un être, une partie de l'organisme s’est hautement spécialisée dans les stades larvaires, elle s’est ensuite trouvée désadaptée dans l'organisme définitif. Il s’est alors manifesté une véritable lutte pour l'existence entre les diverses cellules de l'organisme. Dans les conditions normales de l'évolution ontogénique, cette lutte tourne contre les anciennes cellules spécialisées. Il me paraîl naturel de penser que, devenues (1) L'exemple le meilleur qui en ait été donné est celui des Etoiles de Mer (DURHAM). ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 383 étrangères à une coordination nouvelle qui s'établit dans l’orga- nisme, ces cellules ont dès l’origine disparu par le même processus que nous avons vu, d'une manière normale et constante, faire dispa- raître tout ce qui est étranger à cette coordination. Les spermatozoïdes d'Hæmentaria sont aussi peu adaptés à vivre dans la cavité générale du conjoint fécondé, que les spermatozoïdes de Sphærechinus dans le cœlome d’une Phyllirhoe (expérience de MercanixKorr) : dans les deux cas ces éléments sont phagocytés. Les bras de la Bipinnaria disparaissent quand se développe l'Astérie. Leurs cellules sont donc incapables de vivre en coordi- nation avec les cellules nouvelles de l'Echinoderme ; elles devien- nent aussi étrangères à l'organisme transformé que pouvaient l'être auparavant, à l'organisme larvaire, des globules de sang humain injectés dans son cœlome (expérience de METCHNIKOFF). Il est naturel de les voir disparaître par le même processus. Il me semble, en résumé, que l'on doit considérer la phagocytose comme le processus général et primitif de la résorption des cellules dans les organismes. Il résultera, je l'espère, de ce qui suit, que celte résorption est consécutive à une lutte pour l'existence entre les cellules de l'organisme, que les cellules résorbées sont les cellules vaincues dans la lutte, et que cette manière de voir n'implique nullement ni un finalisme ni une prédétermination fixant d'avance l'issue de Ja lutte, toujours à l'avantage du même vainqueur. LES MÉTAMORPHOSES AU POINT DE VUE PHYSIOLOGIQUE. Les phénomènes de métamorphose, dans les cas où ils sont le mieux caractérisés, portent, en un temps très court, sur une partie considérable du corps. Pendant cette courte période, où un boule- versement profond amène la refonte de l'organisme en une forme nouvelle, les fonctions de relation sont plus ou moins suspendues, parfois presque complètement annihilées. La destruction de muscles ou de cils vibratiles diminue ou supprime totalement la motlité; souvent les organes des sens spécialisés disparaissent d’une manière définitive. Les fonctions de nutrition subissent, elles aussi, des troubles importants. Le plus souvent, l’alimentation normale par le tube digestif est supprimée, et la nutrition des organes nouveaux, qui 384 CHARLES PÉREZ. se développent à ce moment, se fait, soit grâce aux réserves antérieurement accumulées dans l’organisme, soit aux dépens de ce qui est assimilable dans les organes qui disparaissent. Mais l’utilisation est loin d'être intégrale. Quoi qu'il en soit des processus, phagocytaires ou non, par lesquels les atrophies s'accom- plissent, que les cellules soient digérées à l’intérieur d’autres cellules, qu’elles se dissolvent dans les humeurs, ou qu'elles se détruisent elles-mêmes par autophagie, la résorption s'accompagne toujours d’une importante formation de déchets excrémentitiels. Le fait est particulièrement frappant chez les Insectes, où la disproportion de volume et surtout de poids est souvent extrème entre la larve et l’imago. Non seulement il y a pendant toute la nymphose élimination d’eau par évaporation, de carbone sous forme de gaz carbonique, déperditions qui ne sont point compensées, puisqu'il n’y à pas alimentalion ; mais l’histolyse s'accompagne en outre d’une intense désassimilation ; le premier acte de l’imago nouvellement éclose consiste bien souvent à expulser un abondant méconium, mesurant en quelque sorte ce qui, de la larve, n’a pas été utilisé dans l'organisme définitif. Les Insectes ne sont pas seuls à présenter ces déperditions considérables pendant la métamorphose ; il en est ainsi de tous les êtres qui présentent un métabolisme intense. Les Têtards les mieux nourris deviennent de petites Grenouilles maigres et efflanquées ; le cas des Pseudis, qui fut l’occasion d’une erreur fameuse, n’est en somme que l’exagération du phénomène présenté par les espèces de nos pays. D’une manière analogue, les jeunes Holothuries qui commencent à ramper, sont notablement plus petites que les larves nageuses qui ont fourni les pupes ; de même encore les Ammocètes arrivent à dépasser la taille des plus grandes Lamproies. Parmi les produits d'élimination, il faut faire une mention spéciale pour les granules pigmentaires qui résultent souvent de la destruc- tion des organes. Parfois ils marquent sur leur emplacement primitif les derniers vestiges des éléments disparus; d’autres fois au contraire ils sont mis en circulation par les amæbocytes qui les englobent, et causent la coloration d’autres régions de l'organisme. G1ARD a depuis longtemps insisté sur ces dégénérescences pigmen- taires. L'immobilité plus ou moins complète des organismes métaboles, l'analogie de l’atrophie histolytique avec une nécrose pathologique, ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 389 la perte considérable de substance, sont autant de caractères qui paraissent rapprocher la métamorphose d'une maladie d’où se relèverail ensuite l'organisme convalescent. La métamorphose a été comparée à une maladie héréditaire. Une observation, fréquente dans les élevages de laboratoire, pourrait sembler confirmer celte manière de voir. On sait, en effet, que les animaux meurent souvent au moment de leur transfor- malion ; la métamorphose paraît être un stade crilique, une période de la vie particulièrement difficile à traverser, où la mortalité atteint un taux considérable. Mais il ne faut pas attribuer une trop grande signification à des tables de mortalité fournies par des élevages. Il faudrait avoir des chiffres relatifs au développement dans les conditions naturelles ; or leur établissement est pratiquement irréalisable. Mais il est vraisemblable que la mortalité est infiniment moins considérable dans la nature que dans les élevages. On peut penser que si les animaux meurent en grand nombre pendant leur période de méta- morphose, cela tient surtout à ce fait, qu'ils sont, pendant cette période, incapables de se soustraire aux conditions défavorables du milieu. Les modifications organiques n’agissent ainsi que par leur contre-coup sur la mobilité. L'animal meurt pendant sa méla- morphose ; il serait inexact de dire qu'il meurt de sa métamorphose. Examinons d’ailleurs les choses de plus près, et demandons nous si vraiment on à quelque raison de dire que l'organisme métabole est malade. J’admettrais à la rigueur que l’on dit malades les parties qui disparaissent : queue du Têtard, couronnes ciliées des larves pélagiques, organes larvaires de l’Insecte. Ce sont des parties détruites ; on peut supposer qu'elles sont malades avant de mourir. Mais pendant que ces parties disparaissent, il y a d’autres parties du corps qui persistent, d’autres qui sont même au moment de leur prolifération la plus active, et que l’on doit penser être en excellente santé. Que peut-on dire alors de l’ensemble de toutes ces parties ? La queue et les branchies du Têtard sont malades, le poumon et les pattes de la Grenouille sont très bien portants: a-t-on quelque droit d'établir une moyenne ? Le défaut de cette manière de voir consiste à ne considérer que l'organisme préexistant à la méta- morphose. Un exemple fera mieux saisir ma pensée. Un certain nombre de pneumocoques sont normalement sur la muqueuse buccale de l’homme. L'homme est en bonne santé et on ne songe pas à se 2 386 CHARLES PÉREZ. préoccuper des microbes. Mais viennent des conditions quelconques amenant une prolifération abondante de ces microbes ; l'homme a une pneumonie, et on dit qu’il est malade; on se place ainsi au point de vue qui nous intéresse le plus, nous autres hommes ; mais à un point de vue physiologique désintéressé, nous devons constater que les pneumocoques sont très bien portants. A-t-on la moindre raison de dire que l’ensemble de l’homme et des pneumocoques est malade ? On objectera peut-être que je fais là une comparaison hasardée et que la juxtaposition d’un organisme humain et d’une culture microbienne sur sa surface pulmonaire n’est guère comparable à un organisme larvaire où prolifèrent des histoblastes. Sur le terrain exclusivement physiologique où je me place, la comparaison me paraît parfaitement licite.La morphologie n’a jamais considéré, dans le développement des êtres vivants, que l’ensemble des plastides issus de l'œuf; mais au point de vue des échanges et des réactions mutuelles que le milieu interne permet entre ces plastides, il faut bien remarquer qu’il peut y avoir, entre une cellule issue de l’œuf et un microbe qui cullive sur une muqueuse, tout autant d'influence réciproque qu'entre deux cellules issues de l'œuf. On peut mème, en présence de la composition assez constante des flores microbiennes des muqueuses, particulièrement de l'intestin, dans chaque espèce animale, se demander si ces microbes n’ont pas pu, dans la suite des générations, tout aussi bien que les actions répétées des milieux inorganiques, intervenir dans l’acquisition par les cellules de caractères morphographiques héréditaires. Pour en revenir à la question qui nous occupe, je crois qu'il est impossible, au point de vue physiologique, de séparer dans l'orga- nisme métabole ce qui persiste, ce qui se développe et ce qui se détruit. Toutes ces parties sont composées de cellules qui, au même titre, interviennent à chaque instant par leur vie élémentaire dans la modification du milieu interne. On est en présence d’une lutte pour l'existence entre toutes ces cellules, et il faut tenir compte de tous les combattants. À la vérité la lutte a un caractère spécial. Dans tout organisme existe une lutte semblable ; mais les activités antagonistes de toutes les cellules se faisant à peu près équihibre, chacune continue à vivre ; chaque combattant reste sur ses positions, et la lutte se résout en une apparente harmonie qu’on peut appeler la coordination de l'organisme. Dans la mélamorphose, au contraire, ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 387 il n'y a pas équilibre ; la lutte évolue et se termine toujours par le triomphe de l’un des partis, par la disparition de l’autre, et il semble que l’hérédité détermine fatalement d'avance toujours le même vainqueur. Interpréter cette lutte comme une maladie, c’est, à mon sens, quitter le rôle d'observateur désintéressé el prendre le parti du vaincu. Poussons d’ailleurs plus loin l'analyse ; recherchons quelle débi- litation peut frapper dans la lutte les cellules qui disparaissent. Sont-elles malades, et l’issue de la lutte est-elle fixée d'avance à l'avantage d’un des partis ? Nous touchons ici à une question fort complexe, à laquelle j'ai déjà fait allusion à plusieurs reprises et qu'il est temps d'examiner en détail. Cette discussion comporte à la fois des controverses de fait et des controverses de doctrine. Au moment où un organe disparaît dans l'organisme métabole, est-il déjà frappé dans sa vitalité, son activité physiologique est-elle amoindrie, ou bien a-t-il conservé dans leur parfaité intégrité toutes ses propriétés anté- rieures ? Peut-on admettre que des phagocytes dilacèrent un organe identique de tous points à ce qu’il était lorsque, peu auparavant, il élait respecté par ces mêmes phagocytes? Ou bien au contraire faut-il admettre une débilitation préalable de l'organe qui disparait, une dégénérescence qui provoque le chimiotactisme des phagocytes? Enfin, si cette modification préalable est à priori nécessaire, va-t-elle jusqu’à se traduire par des manifestations histologiques sensibles ? Peut-on voir l’atrophie des organes avant qu'ils soient phagocytés ? Le problème qui se pose ici à propos des métamorphoses est tout à fait analogue à celui qui s’est posé à propos de l’immunité dans les maladies microbiennes, et les recherches récentes sur la résorplion des cellules sont venues relier plus étroitement ces problèmes. On retrouve des deux côtés la même querelle entre la théorie humorale et la théorie cellulaire ; c’est au fond le même débat qui s’élargit sur tout l’ensemble de ces faits (1). (4) NœrzeL, par exemple, invoque, à l'appui de sa manière de voir sur l'his- tolyse musculaire de la Mouche, l'opinion « unanime » des bactériologistes allemands sur le pouvoir bactéricide des humeurs. 388 CHARLES PÉREZ. Dans les métamorphoses, on est en présence des faits suivants : un organe disparaît par une mort brusque, survenant au moment de sa pleine activité ; il est dévoré par les phagocytes, alors qu'un peu auparavant ses cellules étaient respectées par les globules du sang circulant autour d'elles. Que s’est-il passé ? Y a-t-1l eu vraiment mort subite de organe ; est-il devenu un déchet, que les phagocytes font disparaitre ; ou bien sont-ce les leucocytes qui sont modifiés et qu'une exaltation deleurs propriétés phagocytaires amène à dissocier et à digérer des cellules encore capables de vie, encore susceptibles de fonctionnement physiologique ? En général, les auteurs qui ont étudié ces phénomènes ont penché vers la première hypothèse. Il leur a paru nécessaire d'admettre une modification des lissus phagocytés préalable à l’arrivée des phagocytes, un état maladif auquel correspondrait précisément l'appel chimiotactique des globules du sang ; on a vu dans le chapitre précédent comment 1ls ont souvent cru trouver dans leurs prépara- tions les signes histologiques sensibles de cette première dégéné- rescence. Ils se sont en somme rattachés, au moins partiellement, aux doctrines humorales. L'existence ou non d’une dégénérescence manifestée par des caractères histologiques sensibles, est un point d'anatomie fine et se rattache simplement à une question de technique. J'ai discuté au chapitre précédent le fait même de la dissolution humorale ; j'examinerai ici les opinions émises par les auteurs, sur les causes susceptibles d'amener une première dégénérescence des cellules. BaTAILLON [91] s’est particulièrement occupé de ce problème physiologique et il conclut son étude sur la métamorphose des Anoures en caractérisant ce métabolisme comme « w#n ensemble de phénomènes asphytiques >. A partir du moment de la sortie des pattes antérieures, on observe des modifications considérables dans les fonctions circulatoire et respiratoire. Le rythme du cœur se ralentit notablement, la circu- lation est beaucoup moins active dans la queue, tandis que beaucoup du sang de l’aorte est dérivé vers les pattes postérieures. En outre, des troubles respiratoires amènent une élimination moins complète de l'acide carbonique, et une accumulation notable de ce gaz dans le sang. Ainsi les organes, moins bien irriguês par un sang moins oxygéné, se trouvent dans un état d’asphyxie. L’hyperglycémie ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 389 que l’on constate au début de la métamorphose est encore un caractère de l’état asphyxique. On a vu que, pour BATAILLON, il y a nécrose des tissus préalable à l’englobement de leurs débris par les phagocytes ; l’asphyxie lui paraît être la cause immédiate de la dégénérescence. Dans un second travail, BATAILLON [93] observe chez le Ver à soie des troubles physiologiques accompagnant, comme chez les Batra- ciens, les phénomènes de la métamorphose. Ce sont d’abord des irrégularités de rythme du cœur, et des inversions curieuses dans le sens du courant circulatoire. Il y a aussi des modifications respi- ratoires que Newport et P. BerT [85] avaient déjà entrevues. L'activité respiratoire diminue notablement au début de la nym- phose, et se relève à l'éclosion; pendant les premiers jours qui suivent le début du filage, il y a accumulation notable de CO? dans le sang; le maximum correspond au moment de la chrysalidation, qui est suivie d’une baisse rapide. Enfin le Ver à soie qui est devenu pendant les premiers jours de la nymphose un véritable « sac à glycogène » contient une quantité de plus en plus considérable de glucose. Cette hyperglycémie s'ajoute aux modifications précédentes pour caractériser un état asphyxique. J. GaL, rapportant les quantités de CO? dégagées à l'unité de poids des Insectes en expérience,observe des variations beaucoup moindres dans l’allure du phénomène. Mais d’après BATAILLON, GAL n'aurait pas fait porter son attention précisément sur la courte période où une asphyxie intense coïncide avec le début de l’histolyse, et d’après les recherches de TERRE, il y aurait des troubles respiratoires tout comparables à ceux du Bombyæ chez d’autres Insectes, Lina trimulæ entre autres, mis précisément en évidence par la méthode des poids égaux. Mais s’il y a, pendant la nymphose, accumulation de CO? dans le milieu intérieur, peut-on dire qu'il y ait asphyxie ? L’asphyxie a été définie pour des organismes adultes ou ne subissant du moins que des variations lentes dans le nombre et la nature de leurs cellules. Dans leur état physiologique normal ces êtres sont comparables, en ce qui concerne leur absorption d’'O et leur rejet de CO0?, à une machine à rendement uniforme. Leur quotient respiratoire peut être considéré comme une constante caractéristique de chacun d'eux. Une certaine concentration de CO? dans le sang peut servir à définir, pour chacun d'eux, un état asphyxique. 390 CHARLES PÉREZ. Mais si l’on considère des êtres très divers, la constante caracté- ristique de chacun d’eux peut varier de l’un à l’autre. Les parasites intestinaux, par exemple, mênent une vie que l’on pourrait presque appeler anaérobie, si on la compare à celle d’un Oiseau ; leur milieu interne est sans doute particulièrement peuoxygéné, particulièrement chargé d'acide carbonique; mais on ne peut dire que ces êtres soient dans des conditions asphyxiques. C’est dans ces conditions parliculières qu'ils s’alimentent d'oxygène ; on ne peut pas en dire davantage. Or si l’on considère un organisme en métamorphose, il est à chaque instant constitué par un complexe très différent de cellules, puisqu'à chaque instant de nouveaux éléments naissent de la prolifé- ralion des histoblastes, et qu'à chaque instant de nombreux éléments anciens disparaissent histolysés. L'organisme métabolique présente à chaque instant une physiologie particulière. Il n’est point compa- rable à lui-même à deux moments différents de sa transformation. 3ATAILLON [00, Soc. Entom.] reproche à cette manière de voir de « séparer la continuité fonctionnelle de la continuité morpholo- gique dont elle est solidaire ». Il dit ailleurs [00, Soc Biol.]:« Au point de vue du problème physiologique général il y aurait deux ‘amps opposés : — D'une part les partisans de la contmuité physio- logique dans l’ontogénèse, pour lesquels les troubles morphologiques sont solidaires des troubles fonctionnels concomitants ; — D'autre part, les partisans de la discontinuité, qui distinguent des individu- alités successives... Entre ces deux conceptions il y a un abime profond qui préserve les adversaires de tout contact sérieux ». Je ne crois pas qu'il soit à ce point impossible de s’atteindre, et que l’on ait libre choix entre deux postulats. Certainement il y a une solidarité intime entre les modifications morphologiques et les modifications physiologiques. Il y a, je crois, consentement universel sur ce point. Mais je m'élève contre la notion qui considère ces modifications comme des {roubles, qui en fail un processus anormal, par rapport à un processus normal dont on se crée le {ype à priori, par une extension illégitime de définitions physiologiques, établies précisément dans les cas où iln'y à pas de modifications morphologiques. Une modification dans les échanges entre l'organisme et le milieu ne peut avoir la même signification physiologique, ni recevoir le même nom, suivant qu'elle se produit dans un organisme qui subit ou non une métamorphose. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 391 N'est-ce point d’ailleurs ainsi que Grarp [98. Soc. Biol.] entend la discontinuité quand il écrit : « D’une manière générale on peut dire que la {ransformation est un processus d'évolution continue, régulière ; la métamorphose est un processus discontinu et en quelque sorte révolutionnaire ». J'admets, certes, que toutes les modifications de l’organisme sont continues, et que l’on peut joindre par une courbe les points figuratifs de dosages de gaz carbonique, faits successivement aux différents moments de la nymphose d’un Papillon, ou de la métamor- phose d’une Grenouille. Mais si l'allure de la courbe ainsi obtenue est celle de la courbe relative à un Chien passant de la respiration normale à l'asphyxie, et repassant de l’asphyxie à la respiration normale, on n’a aucun droit de conclure que les deux courbes analogues o4: même identiques correspondent dans les deux cas à un même ensemble de phénomènes, susceptibles d’être désignés par un même nom. Une transformation continue, quoique rapide, fait passer de la Chenille au Papillon; mais, à chaque instant de la nymphose, la chrysalide est un organisme physiologiquement spécial, caractérisé par un quotient respiratoire propre, par une certaine teneur de son milieu interne en CO?. On ne peut pas dire qu'à un moment donné elle soit en asphyxie par rapport à un autre moment. Aux deux moments différents elle respire de façon différente. Qu'est-ce après tout d’ailleurs que la respiration? Une grande fonction, dira M. BaTAILLON. N'est-ce pas tout simplement l’alimenta- tion d'oxygène en tant que gaz ? La nature gazeuse de cet aliment, ainsi que du déchet CO?, a spécialisé, pour ces échanges, un organe différent de ceux qui absorbent tous les aliments liquides et solides ; c’est pour cela seulement qu'on a depuis longtemps songé à étudier une fonction respiratoire; et elle se chiffre par de grands nombres tout simplement parce que l’oxygène et le carbone sont précisé- ment parmi les composants principaux des substances organiques. Si, conformément à la vue géniale mais trop schématique de LAVOISIER, les échanges respiratoires étaient la manifestation sensible d’une combustion chimique du carbone dans l'organisme, il y aurait vraiment une fonction respiratoire intéressante à étudier. Mais lorsqu'on reconnait dans ces échanges le résultat ultime, infiniment grossier, d'actions diastasiques dont le siège est dans l'intimité du protoplasme, quand on songe que de l'oxygène peut être excrété 392 CHARLES PÉREZ. sous forme de composés liquides ou solides, après avoir été absorbé gazeux par les surfaces respiratoires, que du gaz carbonique peut être rejeté par ces surfaces, dont l'oxygène a été auparavant introduit en combinaisons par le tube digestif, que reste-t-il de la « grande fonction > respiratoire ? Je crois avec M. BATAILLON [93, p. 49] qu’ «il y aurait contre-sens à admettre que ces changements énormes (des fonctions de nutrition) sont sans rapport avec la transformation organique qu’ils accompagnent ». Mais je crois d'un autre côté que la mesure d'ensemble des échanges gazeux ne permet pas de pénétrer le moins du monde dans l'analyse de la vie intime des cellules ; et je ne pourrais sur ce point exprimer plus clairement ma pensée qu’en répétant cette phrase de Duczaux: « Nous ne pouvons pas plus juger de ce qui se passe à l’intérieur de la cellule, par ce qu’elle laisse échapper de gaz à l'extérieur, que deviner quel est le mécanisme d’une machine à vapeur, en étudiant ce qu'elle envoie dans sa cheminée > [Traité de Microbiologie, I. po17); Or il est bien manifeste que les phénomènes de la métamorphose sont des phénomènes de vie cellulaire, et qu'on n’arrivera point à en élucider les causes, sans en venir à considérer la vie même des cellules. Les phénomènes d'ensemble, les prétendus troubles circulatoires et respiratoires, ne sont susceptibles de conduire à aucune notion précise ; ce sont eux qui seront expliqués en dernier lieu, comme sommes de phénomènes élémentaires qui doivent ètre examinés directement. Portons donc la question sur le terrain cellulaire : considérons les cellules qui vivaient, chez la larve, dans un milieu largement oxygéné, et qui se trouvent, au début de la nymphose, dans un milieu beaucoup plus chargé de gaz carbonique. Nous pouvons dire à la rigueur que ces cellules s’asphyxient. Mais cela suffit-il à expliquer leur histolyse? Meurent-elles empoisonnées par l'acide carbonique, tandis que les imaginales, qui se développent, résiste- raient mieux à une proportion notable de ce gaz (1) ? Je ne le crois pas. Il ne faut tout d’abord pas oublier que beaucoup d'Insectes peuvent, dans l'hypnose hivernale par exemple, présenter (4) Paur Berr à démontré que, chez les Vertébrés, les éléments jeunes de chaque catégorie histologique s'asphyxient moins facilement que les éléments âgés. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 393 un ralentissement de la fonction respiratoire, tout aussi accusé que celui de la nymphose, et qui n’est point cependant, que l’on sache, accompagné d’histolyse. Mais limitons nous au cas de la métamor- phose. Il ne semble pas démontré qu'une moindre irrigation sanguine soit la cause première de l’atrophie de la queue chez les Têlards; or c'est un des faits que BATAILLON reprend comme argument principal dans sa réponse à MESNIL el METCHNIKOFF [00, Soc. Biol.]. Il est bien certain, en toul cas, comme METCHNIKOFF l'a déjà fait remarquer | Année Biologique, 97], que cet argument ne peut être invoqué, dans le cas d'animaux comme les larves d'Échi- ncdermes ôu les Insectes, chez lesquels, en l'absence de vaisseaux sanguins, la teneur en gaz carbonique doit s’égaliser uniformément en lous les points de la cavité générale. S'il y avail un mauvais élal causé dans les cellules par des conditions asphyxiques, le mauvais élat devrait être généralisé, comme ces conditions elles-mêmes. Or si cerlains lissus (tube digestif, tubes de Malpighi, glandes salivaires) disparaissent brusquement, histolysés simultanément dans toutes leurs régions, on en voit d’autres au contraire subir comme les muscles, les uns après les autres, une histolyse complète ou une transformation progressive. Le processus se répète, le même pour tous les muscles, mais il affecte chacun d'eux successivement, comme si, successivement pour chacun d’eux, se produisait à un moment donné la cause individuelle de sa métamorphose. Enfin il y a des éléments de même catégorie qui, tout proches d'éléments résorbés, persistent au contraire jusqu’à l'organisme définitif. La disposilion topographique des éléments, leur rapport de situation avec la forme de l'organisme nouveau qui se constilue, paraît intervenir d’une manière prépondérante dans la nature et l’époque des phénomènes dont ils sont le siège. A la suite de la critique que j'en avais publiée [99, Soc. Entom.], TERRE [00, Soc. Biol.] a soutenu de nouveau la théorie asphyxique. Considérant comme démontré que « chez certains Champignons, l’anaérobiose est la condition déterminante de la sécrétion de certains ferments » (?) il suppose que « l’état d'anaérobiose relative qui accompagne la nymphose » pourrait être le « déterminisme » de la production de diastases histolysantes. Mais quelles seraient les cellules productrices de ces diastases ? Ce sont, je Le suppose, les cellules résorbées qui sont en anaérobiose. Est-ce qu’elles se digérent elles-mêmes ? Cette histolyse ne me semble guère, en tout 394 CHARLES PÉREZ. cas, comparable à la fermentation alcoolique, produite par la vie anaérobie de la levure, à laquelle l’auteur paraît faire allusion. Et dans ce cas même il n’est nullement démontré que la levure produise, uniquement en vie anaëérobie, la zymase alcoolique d'E. BUCHNER. On ne peut guère non plus s'expliquer une mort de certaines cellules par dénutrition, car le début de la nymphose parait coïncider avec une grande richesse du sang en éléments nutritifs, et fait suile immédiatement à une période d’alimentation intensive. Il n'y à pas davantage de raison de supposer que, parmi des éléments contemporains, certains soient frappés d’une vieillesse précoce, sans avoir cependant fonctionné plus que d’autres, et meurent tandis que les autres continueraient à assimiler. TERRE reprend aussi cette idée, que toute tentative d'explication des métamorphoses doit avant tout tenir compte de « troubles fonctionnels aussi évidents et aussi importants que les troubles circulatvires et respiratoires >. Je me suis déjà expliqué sur ce qu’il faut penser de cet argument. Enfin, 1l n’est pas sans intérêt d’opposer aux théories asphyxiques de BaTaILLoN et de TERRE les conclusions des travaux récents de DEwiTz [01-02]. Cet auteur arrive en effet à cette notion tout opposée que les phénomènes de métamorphose sont dus, chez les Insectes, à l’action dé diastases oxydantes. Je me hâte d'ajouter que les arguments de DEWITZ ne sont pas péremptoires. L'existence d'oxydases dans les tissus n’est pas un fait nouveau. On a pu en avoir la notion dès les expériences de JAQuET [92] et PorTIER [97] a trouvé chez un grand nombre d'animaux des oxydases analogues à la laccase de (G. BERTRAND; à la présence de ces diastases paraissent liées les oxydations intimes des Uissus, el nullement des phénomènes de métamorphose. En ce qui concerne les Insectes, BIEDERMANN a le premier découvert la {yrosinase dans l'intestin du Ver de farine. Les changements de coloration du sang des Insectes au contact de l’air sont bien connus, et CuËxoT [91] les a étudiés en particulier ; on pouvait penser qu’ils étaient dus à des oxydases ; et la présence de la tyrosinase paraît en effet générale. Ce sujet vient d'être étudié avec soin par Orro vox FurTu el HuGo SCHNEIDER [01 |. Le noircissement de la cuticule chez les pupes de Mouches peut très bien être dû à une oxydase, comme le dit Dewrrz, mais il serait ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 399 prématuré d'en conclure à un rôle important de cette catégorie de ferments dans tous les phénomènes de la nymphose. Plus intéressantes sont les expériences de DEwirz sur le retard apporté à la nymphose par l’action d’une atmosphère de CO? . Elles vont directement à l'encontre des théories asphyxiques. Quant aux injections d'acide acétique, faites par DEwirz à des chenilles de Pieris, il est bien évident que les résullats obtenus manifestent la toxicité de cet agent brutal sur les cellules, el non une action inhibitrice pour une enzyme. BERLESE [99-01] qui est, comme on l’a vu, un adversaire des théories phagocytaires et un partisan convaincu de l'histolyse par dissolution humorale, a cherché à expliquer comment pouvait se produire cette sorte de digestion des éléments histologiques dans le plasma, et a proposé l'interprétation suivante: Au début de la nymphose, le contenu du tube digestif se répand dans la cavité générale. On ne voit pas trop comment ce passage direct pourrait se faire; mais admettons le fait. L'auteur italien suppose que ce plasma intestinal contient encore des sucs digestifs susceptibles d'élaborer les cellules mortes ou mourantes (V. Memoria seconda, note de la page 348). Mais ici se représente l’objection que soulevait l’asphyxie. Comment tous les éléments qui disparaissent ne sont-ils pas digérés en même temps ? BERLESE croit appuyer son hypothèse par une singulière expé- rience (p. 395). Cinq larves müres de Calliphora sont soumises à un violent massage de quelques minutes, à une sorte de laminage entre deux porte-objets, destiné à faire extravaser le contenu instestinal dans la cavité générale. Quatre adultes furent obtenus, dont l'abdomen atrophié, aplati comme celui des Ævania, était dépourvu de muscles. Que conclure de cette expérience, sinon que les imaginales des muscles abdominaux ont été lésées par cette intervention un peu brutale, qui a d’ailleurs causé la mort de la cinquième larve ? GIARD a précisé de la façon suivante la manière dont il conçoit que les troubles physiologiques généraux peuvent amener l'histolyse : « Pendant la métamorphose, les éléments qui doivent être histolysés se trouvent à la condition N° 2 de F. Le DanTec. Les 396 CHARLES PÉREZ. muscles en particulier ne fonctionnant plus dégagent beaucoup moins d'acide carbonique; leur chimiotactisme négatif est par suite presque aboli. En outre chez les Insectes, où le tissu muscu- laire est riche en phosphore, ce corps est éliminé, en partie tout au moins, sous forme de phosphates, dont le chimiotactisme est positif ; la créatine et les autres produits azotés du muscle ont aussi un chimiotactisme positif. Tout cela suffit pour expliquer la phago- cylose leucocytaire là où elle existe ». ANGLAS est d'un avis analogue: « Ce qui dans notre interpré- lation empêche l'invasion des leucocytes, ce sont les sécrétions qui résultent de l’activité du muscle ». J'ai montré que la phagocytose s'étend à bien d’autres tissus que le tissu musculaire ; on peut dire qu'elle s'étend à toutes les parties spécialisées qui disparaissent, quelle que soit d’ailleurs leur nature histologique. Il faudrait donc trouver une explication générale pour la variation d’une foule de chimiotaclismes. Je ne sache pas que des recherches aient élé faites sur les substances qui résultent de la désintégration de tel ou tel tissu, ou sur le chimiotactisme des globules blancs des Insectes. Dans le cas particulier des muscles, l'acide carbonique est un de leurs principaux produits d’excrétion pendant leur activité. Or BESREDKA (1) a établi chez les Mammifères que C0? mème à fortes doses excite le chimiotactisme positif des leucocytes. Il serait peut-être hasardeux de généraliser cette obser- val'on et de l’étendre aux Insectes. Mais on voit loutefois qu'il n’est pas démontré que le chimiotaclisme des leucocytes vis-à-vis d’une cellule change quand cette cellule passe de l’activité au repos, ou cesse de fonctionner. D'ailleurs tous ces essais d'explication laissent subsister une question importante. Pourquoi sont-ce précisément cerlains organes ou même certaines parties d'organes, certaines cellules d’un tissu, qui disparaissent, alors que les parties voisines, que des cellules qu'on pouvait croire identiques sont conservées ? Si c'est l'arrêt de fonctionnement qui entraine l’atrophie, pourquoi cel arrêt de fonctionnement frappe-t-il tel organe et pas tel autre, pourquoi frappe-t-il ces organes au moment même de leur pleine activité ? (1) Travail inédit, Cité par Mercanikorr [99 |. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 397 Il est difficile d'éviter cette formule finaliste que ce qui est arrêté dans son fonctionnement est ce qui doit disparaître; il vaudrait mieux laisser la question sans réponse. J'ai essayé, après d’autres, de me faire une idée générale des phénomènes si énigmatiques des métamorphoses. Certes, on connaît encore trop peu de faits pour avoir une autre ambition que celle de faire un bilan très provisoire. J'ai du moins tenté de me mettre à l'abri non seulement d’une théorie finaliste, mais d’une expression finaliste. Il m'a semblé qu'il pouvait y avoir quelque intérêt à ne point parlir des phénomènes métaboliques eux-mêmes, qui sont si complexes et sur lesquels nous savons si peu de chose, mais au contraire à rechercher comment ces connaissances fragmentaires pouvaient prendre place dans un ensemble de faits plus accessibles et mieux connus, sur lesquels repose déjà tout un corps imposant de doctrines. Je veux parler de faits révélés par l'étude des microbes ; tout ce qui se rattache à l’histoire de ces êtres microscopiques est actuellement ce que nous savons de plus précis sur la vie des cellules. C'est de la bactériologie qu'est certainement venu à la théorie cellu- laire l'appui le plus solide et l'enseignement le plus fécond ; actuellement les faits acquis dans la connaissance des microbes dominent la biologie tout entière, et une tentative d’explication physiologique des métamorphoses peut, il me semble, s'inspirer avec profit des idées nouvelles qui nous viennent de ce domaine. L'intérêt pratique immédiat, qui se ratlachait à l'étude de l'immunité contre les microbes, a suscité un nombre considérable de recherches ; l'expérimentation était abordable dans ce domaine et elle a conduit à un ensemble de résultats que l’on peut considérer aujourd’hui comme bien établis. Il ne me semble pas que l’on puisse se proposer d'étudier une atrophie quelconque, sans être pénétré des notions acquises en bactériologie. Il est bien établi que lorsqu'un organisme présente à l'égard d’un microbe une immunité naturelle, l'organisme réagit à l'invasion de ce microbe par phagocytose mésodermique. L’immunité naturelle consiste même exclusivement en ce fait que les microbes sont englobés et digérés par les phagocytes. Le milieu interne de l'animal n’est point incapable de permettre la culture du microbe (expérience des sacs de collodion); mais les microbes ne peuvent oint s’y trouver sans être englobés par les phagocytes. Ils sont 398 CHARLES PÉREZ. englobés intacts, vivants, mobiles et virulents, sans avoir subi la moindre variation dans aucune de leurs propriétés accessibles à l'expérience. Dans le cas d’une immunité acquise, on observe fréquemment dans l'organisme vacciné des propriétés humorales nouvelles. Les humeurs contiennent une sensibilisatrice, substance spécifique qui parait être une sécrétion des leucocytes, et qui, se fixant sur les microbes, facilite leur digestion à l’intérieur des phagocytes. La cylase où diaslase digestive des phagocytes, non spécifique, n’esl sans doute pas devenue plus abondante ni plus active ; en tout cas, elle reste solidaire du protoplasme des leucocytes. Les seuls cas où on observe une dissolution humorale, un commencement de digestion extra-leucocytaire des microbes (phénomène de PFEIFFER), sont les cas où une phagolyse, une destruction traumatique préalable d’un cerlain nombre de leucocytes, a rendu libre dans les humeurs une certaine quantité de cytase (Mercanixorr). Dans tous les cas où on se met à l’abri de la phagolyse, il n’y a digestion des microbes qu’à l’intérieur des phagocyles ; les microbes sont englobés par ces derniers, sans qu'on puisse déceler auparavant la moindre modification dans aucune de leurs propriétés. Les faits sont tout analogues dans les résorptions de cellules injectées, phénomènes qui touchent de plus près aux atrophies métaboliques. Les cellules injectées à un animal neuf sont phagocytées, sans que l’on puisse auparavant déceler en elles aucune modification. Il n'y a digestion qu’à l’intérieur des phagocytes ; les cellules restent vivantes en dehors d’eux (fécondation artficielle d’ovules, et obtention de blastulas de Sphærechinus dans le cœlome d’une Phyllirhoe. METcHNIKOFF). Si l'animal à été préparé par des inoculations préalables d’une même catégorie de cellules, s'il est immunisé contre ces cellules, son sérum contient une sensibilisatrice spécifique, qui se fixe sur les cellules et facilite l’action digestive de la cytase des phagocytes. Mais la fixation de la sensibilisatrice sur les cellules ne modifie en rien leurs propriétés accessibles, et il n’y a jamais altération des cellules dans les humeurs, à moins qu’une phagolyse n'y ait précisément répandu la cytase qui, dans les conditions physio- logiques normales, reste enfermée dans le protoplasme des phagocytes. Un cas particulièrement intéressant est celui d’un ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES, 399 animal préparé contre ses propres spermatozoïdes ; ces éléments fixent alors, dans le testicule même, de la sensibilisatrice ; mais celte fixation ne les modifie en rien ni dans leur forme ni dans leur mobilité; elle n’est décelable que par la réaction d’un sérum contenant la cylase ; et les spermatozoïdes ne sont pas phagocytés dans le testicule (MÉTALNIKOFF). En résumé, dans tous ces cas de résorplion, la faculté digestive apparail comme une propriété protoplasmique des phagocytes, el ces derniers sont capables d'englober à leur intérieur des éléments histologiques parfaitement intacts. Un microbe sensibilisé ou agelutiné est aussi virulent qu’un microbe neuf. Les inoculations préventives constituent en somme une éducation de l'appareil phagocylaire ; et si l’organisme vacciné résisie à une inoculation virulente, c'est que ses phagocytes sont devenus aples à digérer les microbes, et non parce que ceux-ci cessent d'être virulents dans ses humeurs. Le fait est particulièrement évident dans les cas de vacci- nations n’entrainant point l'acquisition de propriétés humorales (Cobayes hypervaccinés contre le charbon, Bovidés immunisés contre le Piroplasma de la fièvre du Texas). Tout se passe en somme comme s’il y avait une stimulation des phagocytes. Un fait particulièrement important vient d'être signalé par METcHNIKOFr [01]. Dans le blanchiment des cheveux et des poils, la décoloration de ces productions épidermiques est due à l'enlèvement, par les cellules de l’axe du poil, devenues des phagocytes migrateurs, des granules pigmentaires déposés dans les cellules mortes de l'écorce. Il semble dans ce cas bien manifeste que la substance phagocytée n’a pu subir, dans les cellules mortes où elle se trouve, aucune modification, susceptible de provoquer la mobilisation des cellules axiales, et que seuls ces éléments phago- cytaires ont pu être directement surexcités. La stimulation des phagocytes par une sorte d'intoxication parait être la seule interprétation pouvant rendre compte des faits observés de blanchi- ment extrêmement rapide. Un fait très comparable me paraît être fourni par la métamorphose des larves d'Échinodermes. Le squelette calcaire des bras de Pluteus par exemple, est détruit par phagocytose leucocytaire (THÉEL). Il est vraisemblable d'admettre qu'il est englobé par les phagocytes sans avoir subi une modification préalable excitant le chimiotactisme de ces globules migrateurs. 400 CHARLES PÉREZ. Peut-être pourrail-on tirer des arguments analogues des faits de résorplions osseuses pathologiques, tels que ceux observés par WEGNER, où la substance minérale de l’os est sans doute phagocytée telle quelle, comme les chevilles d'ivoire introduites par KüLLIKER dans la moelle des os. Mais de nouvelles observations seraient nécessaires sur ces phénomènes; la question de savoir s'il y a englobement ou action de contact n'est point encore élucidée (V. la revue de ces faits par CANTACUZÈNE, Année Biologique, 96). La plupart des phénomênes d’histolyse phagocytaire sont plus complexes. Ce ne sont point des parties squelettiques mortes, des substances sans doute très stables au point de vue chimique, qui sont en présence des phagocytes, mais au contraire d’autres cellules. Et il faut bien penser que dans les actions réciproques de ces cellules, qui se manifestent en dernier ressort par la phagocytose, peuvent intervenir à la fois des modifications des phagocytes et des modifications des éléments phagocytés. Mais le résultat, qu'il ne faut pas perdre de vue, des études micro- biologiques, c’est que des modifications trop subtiles pour pouvoir ètre décelées par nos procédés histologiques les plus précis, suffisent à provoquer ou à empêcher un chimiotactisme, et arenverser complètement l'issue de la lutte entre deux catégories de cellules. Il peut paraître étrange de voir, dans les métamorphoses, des cellules être phagocytées, alors que peu avant les mêmes cellules étaient respectées par les #nêmes globules blancs. Evidemment il y à quelque chose de changé dans l'organisme ; il n’est pas exact de dire que ce sont les mêmes cellules, les mêmes globules blancs ; mais il faut convenir aussi que les modifications intervenues sont de telle nature, qu'elles peuvent n’affecter en rien l'apparence de l'identité. Chez les Muscides tous les muscles sont de bonne heure frappés d'immobilité sous la cuticule rigide de la pupe. Cependant leur destruction intégrale progresse régulièrement de la tête vers l'extrémité postérieure. On peut penser qu'une certaine modification se produit successivement dans les différents muscles. Dans la queue des Têtards d’Anoures on trouve intriqués côte à côte des muscles sains, normaux, el des muscles histolysés. Tous sont cependant dans les mêmes conditions d'irrigation vasculaire. Il faut donc admettre des propriétés individuelles, qui échappent à nos réactifs, et qui influent cependant d’une manière capitale sur la vie des cellules, ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 401 Chez les Fourmis, j'ai insisté sur ce fait que les cellules adipeuses étaient susceptibles de subir plusieurs types d'évolution différents, et que la position de ces cellules dans le corps ou le sexe de l'individu paraissent déterminer l’évolution de ces cellules. J'ai été amené à admettre que ceux des trophocytes qui disparaissent par phagocytose ue manifestent, avant l'immigration des leucocytes, aucun caractère histologique permettant de prévoir qu'ils vont être phagocytés. Mais lorsque côte à côte, dans un groupe de trophocytes que tout semblerait indiquer comme identiques, on en voit quelques-uns devenir la proie des phagocytes, tandis que leurs voisins sont respectés, il faut bien admettre que quelque chose, resté jusqu'ici insaisissable, diflérencie cependant ces cellules, puisqu'elles ne réagissent pas de la même façon vis-à-vis des globules blancs. Aussi METCHNIKOFF a-t-il été depuis longtemps amené à cette notion, que les leucocytes seraient capables de détruire toutes les cellules de l'organisme ; s'ils les respectent normalement, c’est que normalement aussi les cellules possèdent une substance spéciale qui éloigne les phagocytes; cette sécrélion protectrice doit être localisée au voisinage immédiat de la cellule, et il doit y avoir quelque rapport entre l’activité physiologique de l'élément et la sécrétion de la substance qui le protège ; « mais on serait dans l'erreur, si on admettait un rapport constant et indispensable entre les deux fonctions, car les cellules peuvent produire leur substance protectrice, sans remplir leur rôle ordinaire. Il y a même des cas où la dissociation des deux fonctions esttout à fait manifeste. Aïnsi les organes embryonnaires en voie de développement actif, ou dans la période d’arrêt (comme les disques imaginaux des larves) ne fonctionnent pas encore comme organes, ce qui ne les empêche pas de résister très bien, malgré l’entourage de nombreux phagocytes ». (Année Biologique, 97). Il en est de même d’une manière générale pour tous les organes qui pendant la métamorphose subsistent sans fonctionner. Quand une cellule est phagocytée, on peut supposer qu’elle a cessé de sécréter la substance protectrice, et rapporter le phénomène à une modification préalable portant surtout sur l'élément phagocyté. Mais nous avons vu aussi que dans d’autres cas, il est au contraire plus vraisemblable d'admettre une stimulation des phagocytes vis-à-vis d’une substance restée identique à elle-même. Dans les cas de métamorphose, lorsqu'on voit, en très peu de 26 402 CHARLES PÉREZ. temps, toutes les cellules d’une même catégorie devenir la proie des phagocytes (glandes, tubes de Malpighi chez les Insectes), on peut penser, pour expliquer cette brusque rupture d'équilibre, tout aussi bien à une stimulation des phagocytes qu’à une débilitation des cellules. Les deux causes peuvent d’ailleurs interverir simulta- nément, et leur action commune est vraisemblable dans une histolyse progressive ousporadique, comme celle des muscles ou du corps gras. Mais il faut surtout ne pas perdre de vue, que ces modifications, si importantes au point de vue physiologique, puisqu'elles décident dela vie d’une cellule, peuvent n’affecter en rien aucun des caractères sensibles que nous pouvons attemdre. Nous avons à nous demander maintenantquellessontles conditions générales du milieu interne qui peuvent amener ces modifications des cellules ou des phagocytes,caronnedoit pas les supposer spontanées. Il convient ici de rappeler un fait anatomique sur lequel j'ai déjà appelé l'attention. Dans toute métamorphose, il y a une brusque histogénèse préalable à l’histolyse. Pendant la période de vie qui précède la métamorphose, on voit, enclavées dans les organes fonclionnels transitoires, les ébauches des organes définitifs ; les cellules de ces histoblastes se multiplient d’abord peu; elles sont plus ou moins à l'état de vie ralentie, et pour ainsi dire enkystées ; le milieu intérieur est donc impropre à leur vie active, à leur assimilation fonctionnelle. Mais ce milieu se modifie peu à peu au fur et à mesure de la vie de l'organisme, et 1l est manifeste qu'à un moment donné il devient brusquement favorable à la vie assimila- trice des éléments histoblastiques, puisque brusquement ceux-ci commencent à se multiplier activement. Les conditions de la vie sont alors considérablement changées dans le milieu intérieur de l'être. Auparavant une cerlaine coordination résullait de la limitation réciproque des activités de tous les plastides. Maintenant plusieurs nouvelles catégories de plastides apparaissent brusquement, qui sont en dehors de cette coordination. Aussi la résultante des activités de tous ces plastides doit nous apparaître non plus comme une harmonie coordonnée, mais comme une lutte entre ce qui était coordonné, et ce qui est étranger à la coordination. Dans la première catégorie certaines cellules n'étaient pas différen- ciées d’une manière très spéciale, elles peuvent entrer dans une nouvelle coordination avec les nouvelles cellules. Celles au contraire ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 403 qui élaient déjà très spécialisées, ne pouvaient vivre que dans la coordination établie ; ce seront les vaincues de la lutte. Quant aux leucocytes, qui sont de beaucoup les cellules les plus robustes et qui s’accommodent le mieux des diverses conditions de milieu, ils absorbent, quelles qu’elles soient, les cellules en état d’infériorité. Il ne faut pas croire en effet que l'issue de la lutte soit déter- minée à l’avance en faveur d'une catégorie ou de l’autre des cellules qui sont en présence. En général, et l’on peut même dire presque toujours, ce sont les anciennes cellules qui disparaissent, landis que les nouvelles se développent, et reconstituent avec les moins adaptées des anciennes, un nouvel organisme coordonné. Mais dans cerlaines conditions, l’ancien organisme coordonné résiste victorieu- sement à celle sorte d’intrusion de nouvelles cellules, et, indifférents à toul finalisme, les globules du sang phagocytent les ébauches de l'organisme futur. Un intérêt capital s'attache à ce point de vue à une expérience de MEercaniKorr [83]. Des larves Pilidiuin élant conservées dans de petits récipients d’eau de mer, les ébauches de Némertes furent phagocytées par les amæbocytes de la cavité générale; il resta des « Pilidiums purs >. Dans de pareïlles circons- tances on peut dire que l'organisme meurt de sa métamorphose. Le cas doit être fréquent et explique peut-être bien des insuccès d'élevage. On voit par là que les organes larvaires ne sont point vieillis, épuisés, incapables d'une plus longue vie, au moment où se développent normalement les organes définitifs, mais qu’ils sont tués en pleine activité. En résumé, il me paraït nécessaire, en cherchant à expliquer les métamorphoses, de tenir compte de ce fait général: toujours un développement brusque de nouveaux organes, de nouveaux tissus, précède la destruction des anciens organes, des anciens tissus. Toutes les expériences où on a pu constater une accélération ou une inhibition des processus métaboliques, sous l'influence d'actions de température, d'humidité, de lumières colorées, etc., me paraissent s'interpréter aussi facilement en supposant ces actions favorables ou défavorables à la prolifération des histoblastes, "qu’en leur attribuant une influence nécrotique sur les organes histolysés. Il en est de même des expériences où des larves d’animaux marins furent amenées, en milieu confiné, à une métamorphose plus rapide (GrARD, larves d’Astellium, de Botrylles ; ROULE, larves de Phoronis). S'il y 404 CHARLES PÉREZ. a eu métamorphose, c’est que les organes définitifs se sont développés : les conditions expérimentales élaient donc favorables à ce développement ; et Les expériences ne s’interprètent pas de loute nécessité comme favorables à la théorie asphyxique. L'exemple, plusieurs fois cité déjà, du Pilidium, montre d’ailleurs que l’action du milieu confiné peut donner, suivant les animaux, des résultats tout opposés. Dans la nature, ce sont les conditions favorables au développement des histoblastes, qui à un cerlain moment de l’ontogénie, se trouvent normalement réalisées ; c’est la Némerte qui tue le Pilidiwm, l'Oursin qui tue le Pluteus, la Grenouille aérienne et sauteuse, qui tue les branchies et la queue du Têtard ichthyoïde. Dans le cas particulier des Insectes, ce qui tue les organes larvaires, c’est le développement brusque des ailes et des pattes, des organes génitaux et des appendices copulateurs, de tout ce qui constitue l’imago sexuée. On peut penser que tous ces développe- ments simultanés sont dès l’origine coordonnés, et que l’un d’eux peut être considéré comme déterminant tous les autres. Il m'a paru qu'on pouvait rattacher les formes adaptatives aberrantes des larves d’Insectes, à une inhibition du développement des organes sexuels, corrélative d’une nutrition facile et surabondante ; il me paraît de même que l’on peut rattacher la réapparition des caractères typiques de l’Insecte dans l’imago, réapparition qui concourt à la méta- morphose, au développement tardif et rapide des organes génitaux. J'ai exprimé celte manière de voir dans une note préliminaire 99, Soc. Entom.] sous les termes suivants : « La prolifération de tous les organes de l'adulte ne constitue pas un ensemble de phénomènes seulement concomitants, mais en outre coordonnés, el la prolifération des gonades peut être considérée comme déterminant celle des disques imaginaux. Si l’on veut une formule brève, il me semble que l’on peut définir la métamorphose une crise de maturité génitale ». C’est surtout cette formule brève qui a été retenue (1); aussi me paraît-il utile de la préciser. Je n’ai point entendu par maturité cet élat particulier, en somme assez mal défini, où les éléments sexuels (4) LE DANTEC a proposé de remplacer génitale par sexuelle : il résulte du contexte et de ce que j'ajoute ici que la correction était dans mon esprit. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 405 sont aptes à se conjuguer, à se fusionner dans l'acte de la fécon- dation. Par maturilé génitale de l'organisme, j'ai entendu simplement le développement , aux dépens d’ébauches mésenchymateuses, d'organes différenciés nettement reconnaissables comme mâles ou comme femelles ; l'élaboration, aux dépens des cellules gonadiales primitives, d'éléments sexuels nettement reconnaissables pour des ovules ou des spermatozoïdes, et le développement simultané de tous les organes annexes de la génération. Le fait auquel j'ai attribué l'importance essentielle, c’est la prolifération des gonades. Ainsi envisagée, la métamorphose des Insectes n'apparaît plus comme isolée dans l’ensemble des faits de métabolisme; elle se rattache au contraire à l'ensemble des faits où se manifeste l’action morphogène des organes sexuels, ensemble tellement vaste qu'il n’est pas loin de s'étendre à toute la Biologie ; et elle se relie plus intimement à un certain nombre d’autres métamorphoses que le simple point de vue éthologique nous avait déjà permis de rapprocher. D'une manière tout analogue, on voit chez les Poissons Cyclos- tomes (Petromyzon) presque toute la vie se passer en une croissance purement somatique sous une forme larvaire imparfaite (Azmmo- cœtes). Puis une brusque poussée sexuelle épuise le corps au profit des éléments reproducteurs, et au moment où l'organisme va mourir, 11 subit dans ses organes respiratoires, ses yeux, son système nerveux, des différenciations qui accusent le retentissement lointain de la prolifération des gonades. Aïnsi encore les Saumons abandonnent la mer à un état d’engrais- sement prodigieux, qui coïncide avec l’immaturité sexuelle; et l'énorme développement de leurs glandes génitales, au moment de la ponte, dans les eaux douces supérieures, amène une atrophie somatique considérable, qui souvent même, sans doute, aboutit à la mort. Pour tous les auteurs qui ont étudié ces faits, 1l y a une corrélation certaine entre le développement des gonades el les modifications somatiques. Le mécanisme de cette corrélation doit être cherché dans les sécrétions cellulaires. Le cas de beaucoup le plus comparable aux Insectes est présenté par les Annélides à métamorphoses. Les phénomènes histolytiques, accompagnant la poussée sexuelle, sont fréquents chez les Polychétes. Chez celles où il n’y a point de mélamorphose externe, on est en présence d’un épuisement du soma par les gonades, 406 CHARLES PÉREZ. analogue à celui qu'on observe chez certains Insectes amétaboles (Orthoptères). Chez celles au contraire où il y a poussée de soies pélagiques, développement de néphridies qui serviront de conduits vecteurs aux produits sexuels, on est en présence de faits tout comparables à ceux de la nymphose des Insectes métaboles. La plus grande partie de la vie s'est passée à accumuler des réserves (granu- lations éosinophiles par exemple), et la mort survient sans doute après une courte efflorescence de vie pélagique à l’état sexué. C’esl un cas analogue à celui de bien des Insectes ; CAULLERY et MESNIL ont insisté avec raison sur le parallélisme de ces phénomènes, et 1ls ont exprimé de la façon la plus catégorique l'opinion d'une corrélation intime entre la poussée sexuelle et les modifications somaliques: « La maturation simultanée de tous les produits génitaux n’est pas... propre aux formes épitoques; elle existe ailleurs, et elle y entraîne les mêmes phénomènes histologiques et physiologiques ; elle apporte les mêmes troubles dans le fonctionnement réciproque des organes >» [98, p. 169.] Les mêmes auleurs ont aussi nettement rattaché la métamorphose de l'Hemioniscus balani au brusque début de la prolifération des ovules. Cette manière de voir, que j'avais signalée sommairement dans une nole préliminaire, n’a point en général élé accueillie avec faveur. Je crois cependant que le professeur GARD qui en a publié la critique la plus autorisée, n'aurait pas pris la peine de la combattre, si elle ne lui avait paru mériter la discussion, et je m'’autoriserai de la liberté d'esprit qu'il a toujours voulu laisser à ses élèves, pour essayer de répondre à ses objections, en même temps qu'à celles d’autres biologistes (1). On a objecté les cas des neutres chez les Insectes sociaux. Je présenterai d'abord quelques remarques sur ce point. Il faut nalurellement tout d'abord séparer nellement les Hyménoplères sociaux et les Termites. (4) Je me limite naturellement aux objections relatives aux Insectes, que seuls j'ai visés dans ma note préliminaire, en en rapprochant uniquement les Lamproies et les Polychètes épitoques, comme on peut s'en convaincre en se reportant à mon texte. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 407 Les premiers seuls ont une métamorphose proprement dite. Mais précisément les ouvrières ne présentent point une atrophie génitale complète. L'affirmation de BATAILLON que « les gonades avortent en règle assez générale » est inexacte. Les ouvrières ont moins de gaines ovigères que les vraies femelles, mais elles en ont cependant ; elles ne sont point de vrais neutres, réduits à un soma. Chez elles, comme chez les femelles, l'ébauche mésenchymateuse de la glande génitale, présente chez la larve, se différencie pendant la nymphose en un ovaire bien reconnaissable, et contenant de jeunes ovules bien caractérisés. Souvent ces ovules restent petits, il ne s’y accumule pas de réserves; ou bien ils se résorbent, et constituent alors dans la gaîne ovigère les corpsjaunes Signalés par E. Bicxrorp chez les Fourmis. Chez ces dernières, l'atrophie relative des ovaires peut d’ailleurs présenter toute une série de degrés divers; et si, dans certaines espèces, les ouvrières sont véritablement stériles (bien qu'ayant de jeunes ovules), dans d’autres au contraire il n’est pas rare de leur voir pondre des œufs féconds. Parfois on a pu observer, dans une même espèce, toute une série de formes intermédiaires entre les femelles les mieux développées et les plus petites ouvrières, chaque forme étant précisément d'autant plus voisine de la femelle ailèe que ses ovaires etaient plus développés (FoREL, WAsSMaANN, etc.). Les larves d’ouvrières ont d’ailleurs des disques imaginaux d’ailes qui ne se résorbent que tardivement au cours de la nymphose (DEwITZ). Chez les Abeilles on a souvent signalé la ponte d'œufs par les ouvrières. Chez les Bourdons et les Guêpes, il y a tous les intermédiaires entre les vraies femelles et les ouvrières. En somme, chez tous ces Insectes, il y a, pendant la nymphose, un début de développement d'organes génitaux, une formation d'éléments sexuels ; généralement ces éléments s'arrêtent dans leur différenciation à un stade précédant l'accumulation des réserves ; mais on ne peut pas dire qu'il y ait avortement des gonades. Parfois même les ovules arrivent à leur maturité complète et peuvent être pondus. Mais ce qu'il importe de remarquer c'est qu’ils eæistent toujours, el qu'ils peurent par conséquent toujours avoir leur influence morphogène. Quant à l'accumulation de réserves dans les ovules, c'est un phénomène accessoire au point de vue qui nous occupe, el qui peut se produire où non, pendant ou généralement 408 CHARLES PÉREZ. après la métamorphose, sans qu'on doive s'attendre à lui voir un relentissement morphogène sur le reste de l'organisme. Les observations de P. MarcHAL [97] sur la castration nutriciale des Vespides sont très intéressantes, en ce qu'elles nous montrent les condilions qui peuvent influer sur cette accumulation de réserves. Il lui a paru que « l'une des principales causes de la stérilité des ouvrières réside dans ce fait que les jeunes femelles doivent se consacrer aux soins réclamés par une nombreuse colonie larvaire, et remplir vis-à-vis d'elle la fonction de nourrice... qui entraine la régression des œufs. > Ainsi un certain travail épuise chez ces nourrices les réserves qui, en l'absence de ce travail, pourraient s’'accumuler dans les ovules existants, et les amener au stade où ils peuvent être pondus. Et la suppression de la fonction de nourrice, par suite de la disparition de la reine ou de l’ablation du couvain, détermine en effet la fécondité des ouvrières dans une très large mesure. Ainsi # y a eu différenciation seæœuelle au moment de la nymphose ; ensuite 11 y a, ou il n'y a pas accumu- lation de réserves dans les ovules suivant la vie ultérieure de l'individu. Ce n’est toutefois que peu après la nymphose que les ouvrières sont encore en quelque sorte un peu indifférentes, et peuvent être orientées, suivant l’état social, vers la fonction de nourrice ou celle de pondeuse ; celles qui ont déjà été nourrices un certain lemps ont non seulement dépensé leur nourriture, mais encore résorbé partiellement leurs ovules ; ceux-ci, dégénérés, ne peuvent plus reprendre leur évolution : la suppression de la castra- tion nutriciale ne rend fécondes que les jeunes ouvrières. Il n’y a point là sans doute nouvelle poussée génitale, et y en eùt-il, aucun changement ne serait plus possible dans l'organisme privé d'histo- blastes el immobilisé dans son squelette définitif. Chez les Abeilles, la nutrition incomplète de la larve suffit à amener une atrophie relativement considérable des ovules chez les ouvrières. Mais des faits s’observent aussi chez elles, analogues à ceux signalés par MARCHAL chez les Guêpes. Les ouvrières nouvel- lement écloses ont les ovules bien plus développés que les vieilles butineuses usées. Il ne me semble pas sans intérêt de rapprocher de ces faits ceux que l’on peut observer sur les femelles proprement dites de Fourmis. Une femelle isolée peut fonder un nid ; mais tandis qu'elle a dès la fécondation un nombre considérable d’ovules, elle n'en pond que ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 409 très peu, tant qu’elle doit suffire seule à tous les travaux de la four- milière naissante ; tant qu'elle est seule nourrice, elle est très peu pondeuse ; et elle ne commence sa ponte intensive qu'après que ses premières filles peuvent la nourrir abondamment et la décharger de toute fatigue. En résumé je ne crois pas qu'aucune objection puisse être tirée des phénomènes présentés par les Hyménoptères sociaux. Les phénomènes sont tout autres chez les Termites. Le genre de vie sispécial mené par ces Insectes a produit chez eux des adapla- tions qui ne sont pas sans rappeler celles de certaines larves lignivores d’Insectes holométaboles (mollesse et décoloration des téguments autres que ceux de la têle, atrophie des yeux et des fourreaux des ailes). La plupart des individus de la colonie (ouvriers el soldats) vieillissent à cet étal, sans que leurs organes génitaux se développent. Les mdividus que j'ai pu examiner (Termes lucifugus provenant de la Charente-Inférieure) présentaient ces organes à un élal bien plus rudimentaire que ne les figure Grasst ; et, autant que je puis conclure après l'examen de cette seule espèce, il semble qu'il ne se produit point chez les Termites un commencement de dévelop- pement suivi d’une atrophie (Hyménoptères) mais simplement un arrêt de développement à un slade très précoce ; el par là encore les neutres de Termiles se rapprochent des larves d'Holométaboles. Certains individus seulement acquièrent peu à peu des ailes, des organes génitaux bien développés, des yeux composés, des téguments fortement chitinisés, noirs et résistants. Ce sont les mâles et les femelles qui essaiment et méritent seuls à proprement parler le nom d'imagos. Ils représentent vraisemblablement la forme ancestrale. Mais parmi ces sortes de larves que sont les jeunes soldats ou les jeunes ouvriers, il en est qui par suite de certaines circonstances peuvent acquérir un développement des organes sexuels, faible relalivement à celui qu'on observe chez les sexués de l'essaim., suffisant cependant à permettre la reproduction (formes royales complémentaires et substituées de Grassi). Cette acquisition de la sexualité ne peut pas avoir lieu chez les formes trop âgées, déja (rop spécialisées, el qui mourront en état d'infantilisme (soldats et ouvriers adultes). Mais elle se produit cependant à un moment assez tardif, où la forme infantile est presque fixée ; ces nouvelles formes sexuées, qui représentent évidemment pour l'espèce une acquisition 410 CHARLES PÉREZ. cénogénélique, gardent, en devenant sexuées, certains caractères squeleltiques des formes infantiles. Mais on voit en même temps, et dans la mesure, semble-t-il, où l'organisme est encore modifiable, apparaitre en même lemps que la differenciation sexuelle, certains caractères des imagos (pigmentation des yeux, rudiments de fourrecaux d'ailes, renforcement et coloration des téguments dorsaux). La pigmentation des yeux est particulièrement rapide. Dans ses expériences sur le Calotermes flavicollis, Grassi l'a vue apparaître en 24 ou 48 heures chez les individus qui commençaient à se différencier vers la forme royale substituée. Le cas des Termites me parait ainsi fournir un argument favorable à la théorie gonadiale. Les espèces de Termites qui possèdent ces sexuës ne sortant pas du nid, peuvent présenter une multiplication des colonies par émigration, par une sorte de bouturage. De fait ce paraît être le cas de beaucoup le plus fréquent pour le T. lucifugus. Grassi et SANDIAS signalent qu'ils n’ont jamais trouvé de reines véritables (ayant essaimé) en Sicile. Je n’en ai jamais trouvé non plus dans les forêts de Pinus maritima de la Charente-Inférieure, où abondent cependant les nids de Termites. Il faut assurément être prudent pour affirmer un résultat négatif; mais le nombre énorme des nids que j'ai examinés avec la plus grande minutie, me parait autoriser la conclusion que, dans cette région, il n’y a point fondation des nouveaux nids par des sexués ailés. Cependant cette fondation est possible. J. P£REZ l’a observée expérimentalement avec des Termites essaimés recueillis à Bordeaux — et dans les forêts de Landes, LESPES a trouvé deux ou trois fois une vraie reine. Ce pelit nombre suffit à montrer en tout cas combien le fait est rare, et il n’est pas invraisemblable de supposer qu'une telle espèce puisse, avec le temps, perdre complètement les formes essaimantes. I n'est pas sans intérêt de rapprocher des Termiles au point de vue de ces sexués infantiles, le cas des Axolotls. Certains individus vieillissant sous la forme larvaire, se reproduisent sexuellement sous forme pérennibranche. D’autres, qui ont été, sous la forme larvaire, en relard au point de vue sexuel (MErcaniKorr), deviennent Amblystomes en s'adaptant à la vie terrestre ; c’est la métamorphose ordinaire des Batraciens Urodèles. On peut concevoir que dans une pareille espèce, la forme définitive disparaisse, et l'on à interprété ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 411 de cette manière l’origine des espèces actuellement connues comme uniquement pérennibranches. L'arrêt de développement, consécutif à un début de différenciation, qui frappe les ovules des ouvrières chez les Hyménoptères sociaux est un fait que l’on peut observer accidentellement chez d’autres Insectes. C'est peut-être ainsi qu'il faut interpréter la stérilité des généralions automnales de cerlains Sphinx (Acherontià Atropos dans le Nord de son habitat, AIGNER-ABAFI). La dissection de l’imago, ou la simple constatation qu'elle ne pond pas, ne suffisent pas à se rendre compte de l’évolution qu'ont pu suivre les glandes génitales au début de la métamorphose. Une étude histologique minutieuse des phénomènes de la nymphose, mettrait peut-être en évidence un commencement de différenciation des gonades. Ce doute suffit pour que l’on ne puisse tirer des fails précédents aucun argument définitif contre la thèse que je soutiens. La même remarque peut être faite pour ces curieuses monstruosilés signalées chez les Lépidoplères, et connues sous le nom de cas de gynandromorphie. On peut, dans une espèce dont le dimorphisme sexuel s’accuse nettement par le coloris des ailes, trouver des individus qui présentent sur certaines parties le coloris des mâles, sur certaines autres le coloris des femelles, qui paraissent par exemple mâle à droite et femelle à gauche. Ces individus monstrueux ne sont cependant pas, au point de vue de l'anatomie interne, de véritables hermaphrodites. Leurs organes sexuels, qui présentent une réunion de parties mâles et de parties femelles, sont plus ou moins atrophiés. On ne sait rien sur les causes productrices de ces monstruosités ; aussi est-il difficile de raisonner sur un petil nombre de cas aberrants. Mais on peut du moins remarquer qu'on ne sait rien sur la nymphose de ces individus monstrueux. Il se peut très bien qu'il y ail eu dans les larves des ébauches mésenchymateuses d'appareil génilal, déjà déterminées physiologiquement lune comme mâle l'autre comme femelle, que le début de leur différenciation visible ait été corrélatif du début de la métamorphose, et qu'ultérieurement les deux glandes antagonistes se soient atrophiées réciproquement. En tout cas la juxtaposition dans le coloris de l'imago, aussi bien que dans les antennes, dans les organes copulateurs, etc., de caractères opposés des deux sexes, parfois même leur intrication 412 CHARLES PÉREZ. plus intime, qui va jusqu'à produire une vérilable mosaïque, semble bien plaider en faveur d'une action actuelle des gonades dans la détermination de ces caractères. L'article d'OSKAR SCHULTZ contient des détails fort intéressants sur l'anatomie d’imagos gynandromorphes, mais aucun fait dont on puisse tirer argument pour ou contre la théorie gonadiale. Je ferai une remarque analogue sur la castration parasitaire des Hyménoplères par les Stylopides. Le développement du parasite empêche parfois le développement complet des éléments sexuels, mais il n’y a point castralion totale ; il y a eu pendant la nymphose début de prolifération, puisque l'anatomie des imagos permet de reconnaitre très nettement un testicule où un ovaire, et que les mâles peuvent même présenter des spermatozoïdes (J. PEREZ, Andrena Flessæ). L'atrophie des ovaires est en tout comparable à celle que présentent les ouvrières des Hyménoptères sociaux. Quant aux générations parthénogénéliques, on peut discuter qu'il s'agisse là de reproduction sexuelle (LE DANTEC). Il semble d’ailleurs qu'un individu donné n’est pas indifféremment apte à donner des ovules véritables ou des éléments agames. II est probable qu’une larve de Cécidomyie n’évolue pas indifféremment vers le Diptère imago, ou vers cette autre forme d’adulte qu'on appelle improprement « /arve pædogénétique >. 11 serait à voir si ces larves, jeunes, ont des disques imaginaux. Si elles en ont, ils sont sans doute encore à un état trop rudimentaire au moment où commencent à se développer les éléments agames, et sont peul-être résorbés comme la Némerte par le Piidium dans l'expérience de METCHNIKOFF. Les Cécidomyies présentent en somme deux sorles d'adultes, comme les Cladocères, les Pucerons, les Rotifères. Mais au lieu que ces deux catégories d'adultes présentent une grande similitude d'aspect extérieur, elles s'opposent l’une à l’autre par tous leurs caractères. Le cas des Chironomes qui se reproduisent à l'état de nymphe serail particulièrement intéressant à reprendre au pont de vue qui nous occupe en ce moment. On voil en définitive qu'aucun des fails Imvoquës jusqu'ici ne consüilue un argument péremptoire et définitif excluant l'action de la prolifération des gonades dans la mise en train des phénomènes ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 413 métaboliques. Les observations faites jusqu'ici soulèvent des problèmes fort intéressants, dont elles ne suffisent point encore à donner une solution complète. J'en arrive maintenant à l’objection la plus sérieuse, celle qui résulte des expériences d'OUDEMANS, qui a réussi à obtenir des imagos d'Ocneria dispar, en châtrant les chenilles d’une manière assez précoce (avant les deux dernières mues), d’un côté, ou même des deux côtés à la fois. Il ne faut bien entendu retenir que les cas de chenilles entièrement châtrées. Or dans une première série d'expériences, OuDEMANS à obtenu quatre mâles et trois femelles complètement châtrês. Mais ces individus avaient tous les caractères extérieurs, et tous les instincts sexuels des individus normaux. Les femelles déposèrent leur bourre, bien que n'ayant pas pondu, et les mâles s’accouplèrent. Le fait le plus curieux est qu'après accou- plement avec des mâles complètement châtrés, les femelles (deux châtrées unilatéralement, et une normale) pondirent des œufs qui donnèrent presque tous des chenilles (beaucoup ne purent sortir de l'œuf). Au contraire tous les œufs des femelles unilatérales ne s'étant pas accouplées, furent stériles et se déprimérent. Il semble donc qu'il y ait dans les faits précédents autre chose que la parthénogénèse normale, qui a été observée chez cette espèce ; on peut se demander si la castration a bien été complète, et cette objection possible n’a pas échappé à l’auteur. Aussi a-t-il repris l’année suivante ses expériences, mais obtenu seulement deux mâles et trois femelles entiérement châtrés. Un individu de chaque sexe a été disséqué et s'est montré complètement dépourvu de glande sexuelle. Le mâle n° 83 (sans doute celui qui a été disséqué) s'étant accouplé avec une femelle unilatérale, celle-ci a pondu quatre œufs, qui, sans se déprimer, n’ont cependant pas donné de chenilles. Sans vouloir reprocher à l’auteur le petit nombre de réussites dans des expériences aussi délicates, on peut cependant remarquer qu'il serait peut-être téméraire de tirer des conclusions définitives de faits qui présentent encore quelque obscurité, et qui, de l’aveu même de l’auteur, demandent de nouvelles recherches. Leur confir- mation apporterait un trouble singulier dans nos idées sur le rôle de la fécondation, mais elle ne serait pas nécessairement un argu- 414 CHARLES PÉREZ. ment irréfutable contre la théorie gonadiale. On sait en effet que l'apparition des caractères sexuels secondaires, normalement liée au développement des gonades correspondantes, peut parfois être déterminée par d’autres causes (présence de la barbe chez certaines femmes). Enfin une dernière remarque. « Il ne faut pas, dit le Prof. GIARD, confondre la parure de noces, qui est transitoire, avec la métamor- phose, qui est définitive ». Il y a lieu de distinguer entre les divers cas de livrée nupliale. La crête dorsale d’un Triton est passagère, parce qu’elle peut être résorbée, lorsqu'ont cessé dans l'organisme les circonstances qui avaient provoqué la prolifération spéciale des cellules de la peau. Mais quand la parure de noces affecte des parties squelettiques, elle est définitive. Parfois l'organisme se débarrasse ultérieurement de ces parties squelettiques (bois des Cervidés, plumes des Oiseaux) et il reste dans l’organisme des histoblastes qui prolifèrent à la période génitale suivante. Mais la partie squelettique elle-même est définitivement modifiée. Dans le cas des Insectes, les parties squelettiques, modifiées d'une manière irréversible, ne sont pas rejetées ; il n’y a plus dans l’imago d’histo- blastes indifférenciés. Dans les cas de poussées génitales successives, le squelette fixé est incapable de manifester le retentissement somatique de la prolifération des gonades. CONCLUSIONS DE LA DEUXIÈME PARTIE. Les phénomènes de métamorphoses, caractérisés par l’atrophie de certaines parties du corps, s’intercalent toujours dans l’ontogénie, entre deux périodes, où l'organisme présente des adaptations très spéciales à des milieux biologiques très différents. La métamorphose s'est établie phylétiquement, à mesure que s’aceusait davantage une spécialisalion transiloire du jeune animal, suivie d’une apparition plus brusque des caractères définitifs. La mélamorphose apparait ainsi, Comme une acquisition cénogénélique, dans les cas où il est le plus manifeste que l’ontogénie n'est point une récapitulation fidèle de la phylogénie. Le fait le plus saillant des processus métaboliques, est latrophie des organes spécialisés de la première adaplalion lransiloire. Celle ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. A9 atrophie se rattache, par l'intimité de son mécanisme histologique, à tous les faits de résorption que l’on peut constater dans les orga- nismes. L'intervention aclive et précoce des phagocytes, dans les organes présentant encore tous les caractères d’intégrité histolo- gique, parait être, à l'exclusion de la dissolution humorale, le processus général el constant des atrophies métaboliques. Mais si l’atrophie est le phénomène le plus aisément observable au début de la métamorphose, si la résorplion phagocytaire est un critérium histologique commode pour caractériser le processus métabolique, et l’opposer aux phénomènes plus primitifs de la croissance et de la différenciation progressives, il faut bien remarquer cependant que l’atrophie n’est jamais le phénomène premier de la métamorphose. Elle est au contraire loujours précédée par le début soudain d’une importante histogénèse, par la brusque mise en train de la prolifé- ration d’histoblastes, ébauches qui, dès longtemps présentes dans l'organisme transitoire, y constituaient l'annonce précoce de l’orga- nisme définitif. La métamorphose consiste en une superposilion d'histolyse et d’histogénèse ; ainsi envisagée, elle se présente comme un cas parti- culier de la lutte pour la vie entre les diverses cellules de l’orga- nisme, à un moment où des condilions spéciales rompent la coordi- nation qui résolvait en une harmonie l’antagonisme de leurs activités individuelles. La brusque prolifération d'une certaine catégorie de cellules, restées longtemps à l’état de vie ralentie, indifférenciées en quelque sorte, au milieu d'éléments spécialisés, me paraît être précisément la cause initiale dans la rupture de la coordination. C’est là le point commun à lous les phénomènes de métamorphoses. Je le crois susceptible de fournir, comme je l’ai indiqué, une même interpré- lalion physiologique de tous ces faits. Il s’agit de phénomènes de vie cellulaire ; c'est à des actions de cellule à cellule que doit en venir tout essai d'explication. La théorie que j'ai proposée me paraît précisément capable de faire concevoir ces modifications subtiles, que l’histologie seule est impuissante à découvrir, el qui suffisent cependant à vouer à la mort certaines cellules, et à stimuler le chimiotactisme des phagocytes. Dans le cas particulier des Insectes, j'ai rattaché la métamorphose à la prolifération et à la différenciation des gonades. Je ne prétends 416 CHARLES PÉREZ. pas être arrivé à une explication totale et définitive. Je crois du moins avoir montré que les tentatives antérieures d'interprétation élaient inacceplables, et ne tenaient pas compte des faits les plus importants et les mieux élablis. Beaucoup d’autres faits moins bien connus sont encore à préciser avant qu'on en puisse tirer argument pour une théorie quelconque. Sa fausseté dût-elle être démontrée, je serai heureux si mon hypothèse suggère des travaux ou des controverses d'où vienne un peu plus de lumière dans la question des mélamorphoses. ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. 417 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE AIGNER-ABAFT (Lupwi& vox). — Acherontia atropos L. — lustrierte Zeitschrift fur Entomologie, BA 4, 1809, p. 211. ANGLAS (J.) — Sur l'histolyse et l'histogénène du tube digestif des Hymé- noptères pendant la métamorphose. — C. R. Soc. Biologie, Déc. 1898. — Sur l'histolyse et l'histogénèése des muscles des Hyménoptères pendant la métamorphose. — C. R. Soc. Biologie, 25 Nov. et 2 Déc. 1899. Bull. Soc. Entomologique de France, 1809. — Note préliminaire sur les métamorphoses internes de la Guëèpe et de l'Abeille. La lyocytose. — C. R. Soc. Biologie, Janv. 1900. — Sur la signification des termes phagocytose et lyocytose. — C. R. 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Tubes de Malpighi Historique... Observations. . Glandes Te la SOI RE EE REC ee Se oi Historique... Observations.. wiele ets ….. ee ae lee) else celte © ee .. Tissu adipex eee PUECT Historique... Observations Résumé et conclusions ........ Œnocytes...-... HISTOMQUE TEE FAC eee OC Ne Observations Cellules atrurate Eee EN Me Historique... Observations RE EEE LE sue Tissu musculaire. Historique. a. Histolyse b. Histogénèse. 196 197 202 204 205 205 213 223 225 225 228 232 232 233 237 231 239 243 243 241 250 250 265 281 281 281 285 290 290 293 296 296 509 ÉTUDE DES MÉTAMORPHOSES. Observations. a. Histogénèse musculaire dans les pattes. ......... 313 b. Transformation des muscles longitudinaux de ABAOMEM M Reese es UN 318 c. Transformation des muscles thoraciques......... 323 RESAMICNER CONASIOS RER AR eo ossis de à eneteniale à ete e 20e ee Se 990 £volution ultérieure des phagocytes........ Da eneis de ide 331 ConClui0nS déTANTORNBTEMDADUE EL » re à ve sure oree died nee Jo 0 es 330 Corrélation chronologique des principaux faits de la nymphose...... JA DEUXIÈME PARTIE. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LES MÉTAMORPHOSES. Les métamorphoses au point de vue éthologique et phylétique....... 347 Les métamorphoses au point de vue anatomique et histologique. ..... 367 Les métamorphoses au point de vue physiologique.................. Ds) Conclusonstde trdeutiemelparties 2302420 sure sesuuesle sue At DE D OT IQUE RES Me 0e ne obtenues ec oise eee ie A17 LE MOUVEMENT RÉTROGRADE EN BIOLOGIE F£ézix LE DANTEC. Il y à quelques années, M. ARMAND GAUTIER faisait, à la ligue contre l’athéisme, une conférence ayant pour objet la discussion de cetle question : « Les manifestations de la vie dérivent-elles toutes de forces matérielles ? > Et, naturellement, comme on devait SF attendre dans une conférence faite à ce public choisi, l’orateur concluait par la négative : Il y avait autre chose, dans la vie, que de la physique et de la chimie ; les matérialistes ne pouvaient rester matérialistes qu’en restreignant volontairement leur examen à la parte inférieure des phénomènes vitaux, au substratum de la vie qui n’explique pas la vie. J'ai repris point par point l'argumentation du savant professeur (1) el j'ai essayé de montrer que si M. À. GAUTIER est, sans contredit, un grand chimiste, ses opinions biologiques ne sont guère fondées et ne peuvent s'expliquer que par un parti pris provenant de convictions dont la source n’est pas le laboratoire. Celle conférence de M. À. GAUTIER n’a d’ailleurs pas été perdue; plusieurs auteurs s'en sont servi victorieusement contre le dangereux monisme de l’école moderne, et je n’ai pas besoin de dire que ces auteurs n'ont pas fait allusion aux réfutalions des arguments dont ils avaient besoin (2). (1) L'Individualité et l'Erreur individualiste, Paris, ALCAN, 1898. 2) V, Goparp. Le Positivisme chrétien. BLoup et BARRAL LE MOUVEMENT RÉTROGRADE EN BIOLOGIE. 429 Plus récemment, M. GRasser, le célèbre professeur de médecine de Montpellier, à repris la mème thèse dans un livre intitulé : « Les limites de la Biologie >, ouvrage fait en grande partie de citations et qui, pour un esprit non prévenu, démontre seulement la solidité des croyances religieuses de l’auteur ; il sera néanmoins utilisé, lui aussi, dans la lutte contre les monistes. M. GRASSET est médecin, M. GAUTIER est chimiste, mais leur réputalion de savants permeltra d’opposer leur opinion à celle d'autres hommes de science, même quand il s'agira d’un domaine scientifique pour lequel ils n'ont pas de compétence spéciale. Voici maintenant qu'un biologiste de profession se joint à eux, ee qui est bien plus important quoique le biologiste en question n'ait pas encore leur notoriété scientifique malgré une communication reten- lissante, faite à l'Académie des Sciences, au sujet de l’origine mira- culeuse du suaire de Turin. Dans une thèse pour le Doctorat, modestement intitulée : « Recherches de cytologie générale sur les Kpithéliums > M. PAUL ViGxox s'attache à démontrer qu'il y a, dans l'être vivant, une cause centrale : « La notion de cause centrale est, à nos yeux, d’une impérieuse nécessité » (p. 377). C’est surtout dans le chapitre TT de Ia deuxième partie de son travail que l’auteur s'occupe de cette inté- ressante question, el l’on ne peut s'empêcher d'attacher une grande importance à ses conclusions après avoir lu (p. 6:32) cette promesse d'imparlialilé : «Je m'efforcerai d'oublier que des préoccupalions philosophiques ont pu intervenir dans un problème si positif >. Voici d’ailleurs comment il pose le problème du mouvement ciiaire : « Elant donné que le mouvement du cil dérive évidemment des propriétés du cyloplasma, lesquelles propriétés sont, non moins évidemment, conditionnées à chaque instant par les relations qu; existent entre l'élément biologique et le milieu ambiant, doit-on admettre que le cytoplasma dirige ce mouvement, comme nous dirigeons les mouvements de nos membres, ou bien la direction des vibrations dépend-elle des réactions de surface effectuées entre le cil et le milieu ambiant ? Autrement dit: les particularités du mouvement ciliaire sont-elles l'effet d'une coordination, ou échappent-elles à toute action centrale consciente ou inconsciente, peu importe —— de l’être biologique ? » (p. 631). Je crains que, même dans la manière dont la question est posée, il n'y ait une source d'erreur. L'existence d’une coordination 430 FÉLIX LE DANTEC. n’entraine pas celle d’une cause centrale. Un piège à rats est formé d’un ensemble de parties coordonnées, dont le fonctionnement emprisonne le rat aventureux qui a rongé Fappât, et cependant un piège à rats n'a pas d'âme. Si une observation bien faite prouve qu'il y a coordination des mouvements d’un Protozoaire par exemple, cela n'indiquera pas que la cause de ces mouvements coordonnés n’est pas extérieure au Protozoaire. Il peut y avoir mouvement d'ensemble sous l'action d'un certain nombre d'agents extérieurs, sans que cela démontre l'existence d’une cause intérieure d'action. Qu'il y ait une liaison des diverses parties du Protozoaire, liaison telle que les différentes parties soient sous la dépendance les unes des autres, au point de vue de l’activité fonctionnelle, cela ne fait aucun doute pour moi à cause de cette conclusion des expériences de mérotomie : « Qu'il y a un rapport établi entre la forme spéei- fique et la composition chimique, et que, la composition chimique se conservant par assimilation, la forme spécifique se régénère après une mutilation >. Il me semble évident que si les diverses parties d’un Protozoaire élaient indépendantes les unes des autres, on pourrait en supprimer une quelconque sans gêner le reste de l'animal. Non seulement il n’y aurait pas régénération de la forme, il n'y aurait pas de forme! Le fait que, dans les conditions données, de la substance de stentor prend la forme d'un stentor, prouve une coordination nécessaire à l'équilibre même de cette substance. Si donc nous observons, dans les mouvements d'ensemble d’un Protozoaire, les traces d’une coordination, nous ne devons pas nous en étonner, puisque la genèse même de la forme de cet animal prouvait la nécessité de cette coordination. Et cette observation ne nous donnera aucunement le droit de supposer, dans ce stentor, une cause centrale des mouvements coordonnés. Voyons d'ailleurs les observations qui ont permis à M. VIGNON d'établir Y'existence de cette cause centrale chez les protozoaires. I n’y en a que trois dans son travail et je ne puis résister au désir de reproduire les deux plus courtes d’entre elles : « Un petit Infusoire holotrichide que je n’ai pas eu la possibilité de déterminer avec une parfaite exactitude (Holophrya?) se tient immo- bile dans le champ du microscope, avec tous ses cils en extension. Un autre Infusoire le heurte dans sa course, en un point lrès limité. Le premier fuit immédiatement, en agitant tous ses cils à la fois. Il est parfaitement certain que le stimulus ne s’est pas transmis d’un LE MOUVEMENT RÉTROGRADE EN BIOLOGIE. 431 cil au cil voisin, à partir du point du corps qui a été touché. La vibration ne s’est pas établie de proche en proche; tout se passe comme si le stimulus était parvenu à une région ganglionnaire, Jouant le rôle d’un organe nerveux central et d’où un ordre de mouvement aurait été transmis à l’ensemble des cils » (p. 653). Cette observation (?) ne diffère en rien de celles que l’on fait à chaque instant en mettant l'œil au microscope pour regarder une goutte d’eau à Infusoires. Les conditions sont très complexes dans celte goutte d’eau; on voit des mouvements divers que l’on est dans l'impossibilité d'analyser et la seule conclusion que l’on puisse rer de ce que l’on voit, c’est qu'on ne sait pas du tout quelles sont les causes des mouvements observés. Des expériences de PrErFER, de VERWORN, elc... ont permis d'analyser, de décomposer les causes de mouvement et l'on en a conclu qu'il était possible de comprendre que les Protozoaires exécutent, même leurs mouve- ments les plus compliqués, sous l'action des agents extérieurs. Une observation (?) comme celle que je viens de rapporter ne prouve rien. Quant à savoir si, chez ce petit Infusoire, les cils sont partis tous à la fois ou successivement, M. Viaxox ne le sait malheureusement pas, ni moi non plus. Pour un Infusoire aussi petit que celui dont il est question ici, et qui a comme longueur quelques millièmes de millimètre, il paraît en effet bien difficile d'apprécier une différence entre la durée de la transmission du stimulus par l'intermédiaire du cylo- plasme, du ganglion hypothétique de l’auteur et celle de sa trans- mission par les vibrations du milieu ambiant. Et cependant, c’est là la première des trois observations sur lesquelles M. VIGNon base sa démonstration. La seconde est trop longue pour que je la reproduise, mais n’est pas plus probante (et d’ailleurs que prouverait-elle?) que la troisième dont voici la reproduction fidèle : « Nous suivions un jour les mouvements d’une Paramécie qui nageait, en apparence au hasard, dans le champ du microscope. Sa course était limitée rapidement de tous côtés par des débris de zooglée. L'animal, obéissant à une de ces excitations premières difficiles à définir et qui faisaient dire à ENGELMANN que les Proto- zoaires étaient doués d’automatisme, voulut franchir le rempart qui s'opposait à son passage. Ce sont les efforts qu'il fit pour y parvenir que nous allons relater. Si la Paramécie n'avait pas été capable de 432 KÉLIX LE DANTEC. plus de coordination que ne l'est un muscle coupé, (ainsi que le veut JENNINGS), parvenue au contact du rempart de zooglée, elle se serait arrêtée, comme le font souvent les Infusoires lorsqu'ils rencontrent des corps solides. Ou encore celle aurait exécuté la série de mouvements soi-disant machinaux que le même JENNINGS a détaillés : elle aurait reculé, aurait fait un demi-tour dans un sens déterminé, puis serait repartie tout droit devant elle. Or l'animal se comporla sous nos yeux, tout autrement. 77 effila sa partie antérieure de façon à la faire pénétrer comme une trompe, dans la masse de zooglée ; pour y mieux parvenir, # comnbina les contrac- lions de ses téquinents avec les battements énergiques de ses cils. Après quoi, à renfla la portion du corps qui s'était déjà créé un passage, de façon à élargir la brèche et se hdla de son mieux sur le bourgeon charnu ainsi incrusté dans l’intérieur de l'obstacle. Ces efforts combinés demeurant infructueux, la Paramécie recula et reprit, en arrière de la muraille qu'elle n'avait pu franchir, sa forme ovale ordinaire. Mais ce fut pour recommencer, un peu plus loin, la même série d'opérations. La résistance de la zooglée se trouvant moins forte, ou l’animal ayant mieux manœuvré, il réussit à se frayer un chemin, et, du côté opposé, parvenu dans des eaux plus libres, reprit sa course errante » (p. 655). J'ai moi-même employé bien des heures à regarder des Para- mécies ; je les ai vues passer d'un point à un aulre, soil à lravers des obstacles apparents, soit dans un milieu purement liquide el je n'ai pu me défendre d'admettre que lorsqu'elles étaient arrivées à un certain point, fout s'élait évidemment passé de manière à ce qu'elles y arrivassent ; et quand je dis fout, j'entends aussi bien ce qui s'était passé dans le milieu que ce qui s’élait passé dans la paramécie. Quant à savoir si la Paramécie avait fait exprès d'aller là où je la voyais, si elle y avait intérêt et si elle en ava t le désir, je ne le sais pas plus que M. ViGNox ne peut savoir quel avantage avait sa Paramécie à franchir son rempart de zooglée. Il y avait là des conditions telles que l’Infusoire a été (transporté de son point de départ à son point d'arrivée et rien n’est plus intéressant que de décomposer, par des expériences bien conduites, les causes complexes de ces mouvements. M. ViGxox trouve plus commode de raconter l'histoire de sa Paramécie comme il raconterait celle d’un homme qui voudrait passer à travers un fourré. C’est en effet plus facile el beaucoup d’autres auteurs ont fait de même. Un illustre LE MOUVEMENT RÉTROGRADE EN BIOLOGIE. 433 micrographe a décrit les élans passionnés des Infusoires en rut. Cela est fort intéressant à lire, mais cela n’avance guère. On pourrait aussi raconter l'histoire d'une goutte d’eau de la manière suivante : < Un jour, je regardais une goulte d’eau qui tremblotait sur une planche inclinée. Je ne savais pas ce qu’elle allait faire. Brusque- ment elle se décida et prit sa course, mais elle se ravisa un instant après et s'arrêla. J'étais de plus en plus intrigué, mais je compris bientôt ce qu'elle voulait. La planche étail percée d'une fente à jour, la goutte se dirigea vers la fente avec l'intention évidente de passer de l’autre côté (pour éviter le soleil ?). Là, chose élonnante, elle prit, pour traverser, exaclement la forme de la fente; je crus qu'elle avait réussi quand je la vis avec stupéfaction revenir sur ces pas el reprendre la forme sphéroïdale (j'ai su depuis que c'était le vent qui en soufflant dans la fente, lui avait fait changer sa déterminalion). Elle ne se tint pas pour battue et continua de rouler jusqu'à ce que trouvant une autre fente plus propice elle réussit enfin à passer de l’autre côté de la planche ». Evidemment, je ne prétends pas que les agents du mouvement de la Paramécie soient aussi simples que ceux du mouvement de la goutte d’eau ; pour la goutte d’eau il n’y a que la pesanteur et les frottements ; pour la Paramécie il y a un grand nombre de réactions chimiques et en outre, des réactions d'ensemble dues à ce que la Paramécie a une forme et que la goutte d’eau en change sans cesse. Mais il est bien certain que l'on a autant le droit de raconter en langage anthropomorphique l'histoire de la goutte d’eau que celle de la Paramécie. M. ViGxox fait remarquer que dans le petit drame dont nous venons d’être témoins, «il n’y a rien de plus extraordi- naire que dans les mouvements dont sont capables les animaux fouisseurs quelconques, les Arénicoles, les Balanoglosses, ete...» Il est évident qu'avec ce dont est capable l'homme, on peut raconter ce dont est capable un animal moins bien doué que lui, voire même ce dont est capable une goutte d’eau ; mais cela est peu utile à la compréhension du mécanisme de l’homme, compréhension qui est le but de la biologie, et en tout cas, cela n’aulorise pas à voir un homme dans l’Arénicole, la Paramécie, l'Amibe. Je n'insisle pas sur cette discussion ; elle est bien mutile puisque M. Vicxox ne nous apporte sur les Protozoaires que des faits dont nous sommes témoins tous les jours ; ce qui est particulier dans son travail, c’est seulement la manière de raconter ; il raconte l’histoire 28 434 FÉLIX LE DANTEC. des Protozoaires comme s'il y avait un homme dans chacun d'eux. C’est justement ce que faisait EHRENBERG il y a près d’un siècle ; M. Viaxox ne s’en cache pas : «Il y a quelques années, dit-il (p. 670) les naturalistes étaient très favorables aux idées auxquelles les faits nous ont amené. Aujourd’hui, ils concluent le plus souvent dans le sens opposé, mais ils s’écartent en cela des réalités, pour se plier aux exigences de certaines doctrines « priori ». Je ne crois pas que ce soit « pour se plier aux exigences de cerlaines doctrines » que les naturalistes d'aujourd'hui essaientde comprendre la nalure des phénomènes vilaux. Je crois seulement que les sciences nalurelles se sont substiluées à l'histoire naturelle. Les naturalistes ne sont plus seulement des gens qui décrivent des formes et admi- rent avec BERNARDIN DE ST-PIERRE la sublimité du plan de la provi- dence, ce sont des savants, et ils ne se paient plus de mols. Aujourd'hui on fait de la physique et des mathématiques avant d'entreprendre l'étude de la biologie ; on n'emploie plus à tort et à travers les mots force, énergie, potentialilé, mots avec lesquels on dissimulait habilement autrefois l'absence totale d'explication des faits. Les doctrines nouvelles, dit M. VIGNoN, «se présentent à nous avec un patronage physico-chimique, qui fait leur force apparente. Si donc nous devions les soumettre à un examen tant soit peu appro- fondi, 1l faudrait demander aux physiciens et aux chimistes ce qu'ils en pensent réellemeut. C’est dans un mémoire ultérieur que nous nous efforcerons d'effectuer cette enquête » (p. 379). Espérons que cette enquêle nous donnera l'explication des conclu- sions de l’auteur ; il a voulu, nous dit-il, « mettre à son rang, c’esl- à-dire au premier rang, le rôle de la coordination biologique. Cette coordination est bien une force,wnificatrice de la matière de l'être > (p.691).Je souhaite que les physiciens et les chimistes nous expliquent ce que cela veut dire. Mais j'ai bien peur que ces pauvres savants ne soient fort en peine devant la conclusion ultime de M. ViGNon: « L'individu est une force qui cherche à entrer en tension ; la vie est l'acte de cette force > (p. 691). M. le D' Barp nous à naguère appris que la vie est une « force à direction cyclique > ce qui n’était déjà pas mal. « La force qui cherche à entrer en tension > est mieux. Atiendons-nous à entendre dire que la vie est une accélération qui cherche à entrer en vitesse, ou tout autre chose du même ordre. RABELAIS a mis des phrases LE MOUVEMENT RÉTROGRADE EN BIOLOGIE. 435 aussi raisonnables dans la bouche de ses deux plaideurs, mais c'était seulement « pour ce que rire est le propre de l’homme ». M. ViGxox nous dit que nous ne sommes pas favorables aux idées auxquelles les faits l'ont amené, parce que nous voulons « nous plier aux exigences de certaines doctrines à priori. >» Je crois plutôt que si la plupart des naturalistes modernes ont renoncé aux prélendues explications d'autrefois, c'est parce qu'ils ont vu que ces explications se réduisent à des mots vides de sens, comme les définitions de M. ViGNon. Paris, le 15 mai 1902. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE : L'UNION DES PARTIES SIMILAIRES ÉTIENNE RABAUD, DOCTEUR EN MÉDECINE ET DOCTEUR ÈS-SCIENCES Deux faits ont atliré depuis longtemps l’aitention des tératolo- gistes : d’une part la fusion apparente ou réelle de deux organes similaires chez cerlains monstres unitaires; d’autre part, l'union des deux parlies d’un monstre double par des organes homologues. L’imagination des premiers observateurs s’est donné libre cours pour expliquer celte wnion des parties similaires. KTIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE reconnaissait en elle l’un des effets d’une loi d’Affinité du soi pour soi, loi qui ne pouvait entrer en ligne de compte qu'après l'intervention préalable d’un arrêt de déve- loppement. Depuis les travaux des GEOFFROY SAINT-HILAIRE, la conception . du phénomène a varié dans une très large mesure. Cependant, pour le plus grand nombre des auteurs, la loi d'union des paertis similaires conserve encore un sens d'union effective de deux bourgeons primitivement indépendants, elle exprime la nécessité d'un monvement convergent de deux parties semblables, quel que soit d’ailleurs l’état histologique de ces parties. Il nous à paru qu'il y avait intérêt de passer en revue les théories qui se sont succédées, — celles tout au moins qui reposent sur des données sérieuses, — de les comparer ensuite avec un certain nombre de faits nouveaux bien établis, afin de rechercher dans quelle mesure ces théories sont adéquates aux phénomènes qu'elles prétendent expliquer. Nous nous demanderons ce qu'il convient de FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 431 conserver des unes ou des autres, comment elles doivent être modifiées ou transformées. Nous arriverons à reconnaître que «l'union des parties similaires » est un fait morphologique qui n’est pas dans tous les cas le résultat d’un seul et unique processus, qu'il y a eu là aussi comme pour l'arrêt de développement (1) généralisation excessive et interprétation erronée, un processus réel mais relativement peu fréquent. (1) ETIENNE RABAUD : Fragments de Tératologie générale, L'Arrêt et l’Excès de Développement, Bull. scient., vol. XXXIV, 1901. 438 ÉTIENNE RABAUD. THÉORIES EXPLICATIVES DE L'UNION DES PARTIES SIMILAIRES. A. Conception des Geoffroy Saint-Hilaire. — La première conception tendant à donner la clef de l'union des parties similaires est due à ETIENNE GEOFFROY SAINT-HiLAIRE. Philosophe dont on ne saurait nier la puissance généralisatrice appuyée sur un savoir très étendu, il transporta dans le domaine des Sciences physiques et naturelles la loi d'attraction universelle. À son dire, la conception Newlonienne péchait par « insuffisance d'emploi, manque d’univer- salilé », et il consacra un volume (1) à généraliser sous le nom d'Attraction du soi-pour-soi une hypothèse qui, réduite à l’expli- cation des phénomènes astronomiques « ne constituait point un fait vraiment général qui satisfit à toules les conditions de notre planète, qui fournit aux applications de la géologie et de la physio- logie, qui convint enfin aux besoins de la vie pratique » (2). L'Altraction du soi-pour-Soi comble ces nombreuses lacunes, « elle se pose dans l'univers comme une essence d’un genre jusque- là inconnu, devient néanmoins saisissable pour notre esprit; elle remplit l'univers comme Dieu lui-même, s'y montre aussi comme la cause des causes, et prend l'imporlance et le caractère d’un ministre d'une infinie puissance, également présent et influent partout, inflexible et inexorable, de la même manière qu'on l’a dit du Destin » (3). L’attraction est donc la loi générale ; elle doit être complétée par celle loi secondaire que l'attraction s'exerce entre corps semblables. Il en résulte « l'affrontement de soi par soi», l'affrontement étant le moyen d'action de l’affinité. Un exemple est nécessaire. (1) ETIENNE GEOFFROY SAINT-HiILAIRE. Notions synthétiques, historiques et physiologiques de Philosophie naturelle. Paris, DENAIN 1838. Le livre porte cette épigraphe significative : « La science est une, el vous l'avez partagée !!! ». Le même auteur avait précédemment publié (1835) un ouvrage tendant à la même démonstration : Za loi universelle. I l'avait tentée pour la première fois dans son article Wonstre du Dictionnaire classique d'histoire naturelle, &. V. (2) "Op. cit, p.65. (3) Op. CI, p. 67. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 439 « Si, dans un animal, il arrive à un système vasculaire et nerveux élant d'un côté, de rencontrer l’analogue système venant du côté opposé et convergeant dans ce cas vers les mêmes points de la ligne médiane, il y a affrontement, et précisément l'espèce d’affronte- ment produisant le phénomène de l'apport de soi devant soi. Ces mots, Soi pour si, dont on est venu me demander de donner une explication lucide, correspondent à ces locutions comme présentant le langage de l'algèbre ; et alors serait-il question des parties fila- menteuses et des filières vasculaires disséminées dans les muscles intercostaux allant se terminer sur le sternum, chaque nerf, chaque artère, chaque veine, chaque fibre de même sorte, formant, par supposition, le système dela gauche, retrouvant le même ensemble du côté droit. Ainsi les choses y sont réciproquement posées vis-à-vis les unes des autres, c’est-à-dire les nerf À, artère B, veine C, filet aponévrotique D, etc. de la parlie gauche, se trouvent respective- ment devant nerf à, artère b, veine €, filet aponévrotique d, de la parlie droite. Et je résume ainsi en formule algébrique : ABCD, appareil de gauche, devient le sor de la gauche, comme &æbedse trouve le sor de la droite » (1). Ainsi s'expliquent très simplement les organes doubles chez les monstres uuilaires et l’union des individus des monstres doubles. « Il n’est d'embryons résumés qu'en cas d'approche et de jonction de quelque partie similaire. C’est toujours le jeu de notre loi d'attraction-soi-pour-soi, qui s'interpose comme l'agent excitateur et producteur, qui met aux prises deux faces homologues et qui enfante une griffe vers des surfaces de contact » (2). Ces cilations nous indiquent d'une façon très précise à la fois l'origine et la portée de l’attraction-du-soi-pour-soi. Elles nous montrent que dans l'esprit d'ÉTIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE, ce principe, né de la Tératalopie est un principe fondamental, qu'il domine complétement tous les phénomènes naturels. Toutefois, 1l ne semble pas que son auteur se soit as'reint à l'adapter complète- ment à ses diverses applications spéciales ; en particulier il ne lui a point marqué sa place par rapport à la doctrine de l’arrêt de déve- loppement, doctrine qui avait acquis dès ce moment toute l'impor- tance qu'elle n’a cessé d’avoir depuis, — à tort selon nous (3). (1) Op. cit., pp. 79-81. (2) Op. cit., p. 86. (3) Voir mon mémoire : L'arrêt et l'excès de développement, 440 ÉTIENNE RABAUD. C'est à ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE que fut laissé le soin de mettre d'accord la théorie du soi pour soi avec la théorie de l’arrêt de développement, et aussi avec les faits. Il considère que «ce grand principe né de la science des monstruosités, est destiné à avoir une très grande influence sur ses progrès futurs > (1) et il le définit ainsi « lorsque deux organes se ressemblent parfaitement, ils ont une tendance manifeste à se rapprocher et à s'unir » (2). Il semblerait, dès lors, qu'il ne doit y avoir aucun organe pair et placé symétriquement. Mais une providence prévoyante a placé un obstacle entre ces éléments similaires qu’une force invincible entraine l’un vers l’autre. Ou bien ces « organes similaires se trouvent rejelés sur les parties latérales du corps, comme les oreilles, et par conséquent très éloignés l’un de l’autre ; ou bien rapprochés de la ligne médiane, comme les yeux, et surtout les hémisphêres, mais séparés par une cloison osseuse ou fibreuse. Cette disposition, remar- quable par sa constance, me parait un résultat nécessaire de la tendance très prononcée qu'ont à se réunir et à se confondre toutes les parties qui se ressemblent ; tendance que mon père a le premier indiquée dans toute sa généralité en établissant la grande loi d’a/ffi- nité de soi pour soi. Il est en effet très facile de concevoir, en admettant cette tendance, que, si les organes pairs, très semblables entre eux, sont généralement séparés ou par un très grand intervalle ou par une cloison, c’est parce que l’état de fusion constitue l’état normal de tous ceux dont la réunion primitive n’a pas été empêchée par un tel obstacle » (3). Ce passage va nous permettre de comprendre comment l'affinité des parties similaires s'allie avec l'arrêt de développement, comment cette tendance fondamentale, ce phénomène général se subordonne à un phénomène particulier. En effet, «si la cloison qui sépare normale- ment deux organes similaires, vient accidentellement à manquer ou à devenir rudimentaire, si la cause qui ordinairement les retient à distance, n’a pas agi chez un individu, nous les voyons aussitôt, en vertu de cette sorte d’affinité qui existe entre les parties similaires, venir se conjoindre et se confondre sur la ligne médiane » (4). Or (1) ISDOoRE GEOFFROY SAINT-HILAIRE, Traité de Tératologie, Paris, 1832, tome I, p. 24, note 2. (2) I. GEOFFROY SAINT-HiLAIR=. Op. cit. T. III, p. 462. (3) Op. cit., t. I, pp. 537-538. (4) Op. cit., t. I, p. 538. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 441 qui est-ce qui supprime l'obstacle interposé entre les deux yeux, les deux oreilles, les deux reins, etc. sinon l'arrêt de développement lui-même. Il est donc indispensable que ce processus entre un jour le premier pour que le processus d’union puisse, à son tour, se mani- fesler. Cependant, il serait illégitime de conclure, pense I. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, que les anomalies par fusion de leurs organes sem- blables, soient des monstruosités par défaut. Le point de départ, il est vrai, ou est bien un arrêt de formalion ou de développement mais le point d'arrivée, le résultat définitif est un succès de dévelop- pement. Et cela n’est point un paradoxe. Il ne faut point oublier, en effet, « que toutes les parties uniques et médianes sont d'abord doubles et latérales » (1). Par suite, les organes qui sont actuellement pairs se trouvent encore à une étape transitoire de leur développement ; le progrès impose à ces organes la nécessité de s’unir et de se fusionner. Le processus d'union des parties similaires est donc bien un pro- cessus d’excès de développement — développement signifiant ici évolution phylogénique, — l'individu atteint d’une pareille anomalie a gravi un degré de l'échelle zoologique. Et de la sorte, un arrêt de développement (ontogénique) parce qu'il laisse le champ libre à l’action de l’affinité du soi pour soi, facilite la production d’un excès de développement (phylogénique). Toutefois, ISIDORE GEOFFROY SAINT-HILAIRE est obligé de recon- naître que les organes similaires normalement les plus voisins l’un de l’autre ne sont pas ceux qui paraissent les plus aptes à se fusionner, à mêler leurs tissus d’une façon très intime. Ils opèrent une simple jonclion, c’est-à-dire qu'ils viennent adhérer l’un à l’autre très super- ficiellement. La distinction ne paraît pas, d’ailleurs, très importante à l’auteur du « Traité de Tératologie », 1l n'insiste pas à son sujet et écrit toujours comme si l’adhérence était le premier pas vers la fusion. B. Conception de Camille Dareste et des contemporains. — La théorie ainsi posée, n’a pas été acceptée par CAMILLE DARESTE ; elle ne pouvait pas l'être. Conçue à la faveur d'un principe de fina- lilé tout à faithypothétique et qui découle de vues métaphysiques d'un (D'Op: cit. 1, p. 589, 442 ÉTIENNE RABAUD. ordre spécial, cette attraction mystérieuse entrainant l'un vers l’autre < deux ou plusieurs organes qui se ressemblent parfaitement > était inadmissible pour tout esprit pondéré pour lequel un mot ne tient jamais lieu d’une explication. L’affinité du soi pour soi n'entre pas dans la Tératalogie de mon vénéré maitre ; il ne croit pas que les parties homologues s’attirent. Si elles se soudent, et le fait lui paraît incontestable, c’est qu'une force tangible et visible, extérieure à ces parties, les entraine ou les pousse l’une vers l’autre, tandis qu’elles-mêmes restent passivesou résistent. Cette force extérieure sera l’omnios ou une inégalilé de croissance. Encore faut-il, pour que la soudure puisse s'effectuer, que le rapprochement ait lieu de {rès bonne heure, des organes diffé- renciés étant incapables de s'unir. « Les GEOFFROY SAINT-HITAIRE, écrit DARESTE, ont entrevu la vérité, mais ils ne l'ont pas vue tout entière. Deux organes ne sauraient se souder lorsqu'ils ont atteint l'état où ils sont formés d'éléments dissemblables. La coalescence et la fusion ne peuvent s’opérer que lorsque ces organes sont encore à l'élat d'ébauches dont les cellules sont indifférentes. Pour qu'il y ait coalescence il faut que deux régions homologues soient rapprochées au préalable, les organes qui en dérivent se trouvant mis en contact, «ils naissent soudés » (1). L'arrêt de développement intervient alors, il permet, ou plutôt, nécessite le rapprochement des régions homo- logues ; l'excès de développement ne joue plus aucun rôle. En réalité, la manière de voir de DARESTE diffère absolument de celle des GEOrrRoY SAINT-HIrAIRE ; la part de vérité que ceux-ci avaient entrevu se réduit à fort peu de chose, supprimer l’affinité du soi pour soi revient, en effet, à la suppression de la théorie celle- même, il n’en reste que l’idée de l'union d'organes semblables suc- cédant à un arrêt de développement. Et cette idée se trouve être en parfaite harmonie avec les connaissances d’embryogénie anormale que mon vénéré maître avait retirées de ses longues et patientes recherches. De celles-ci il avait reliré en outre cette notion que les ébauches doubles « naissent soudées », notion importante, vraie dans cerlains cas et qui marque le premier pas vers la réalité. Par l'expression « naissent soudées >, DARESTE entendait dire que les régions homologues étaient rapprochées l’une de l’autre avant (1) CamiILLE DaResTE. Recherches sur la production arüfielle des monstruosités, 2 éd., Paris, REINWALD, 1892, p. 208. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 443 toute différenciation. Il concevait un rapprochement effectif de deux parties indépendantes et primilivement situées à une certaine dis- tance de la ligne médiane sur laquelle elles se rejoignent. Une fois en contact, ces parties donnent naissance à leurs dérivés ordinaires, et ces dérivés se développant ainsi côte à côte comprimés l’un contre l’autre devaient nécessairement confondre leurs Uissus, se souder tout en se développant. Suivant DAREsTE, le phénomène se produit soit qu'il s'agisse d'organes semblables d’un même individu, soit qu'il s'agisse d'organes homologues de deux individus parties d'un futur monstre double. Mais il y a toujours au préalable un mouvement de convergence, coalescence vraie. Seulement, s'il arrive que, sous l'influence de circonstances inconnues, l'union s'établit le plus souvent entre organes similaires, la similitude elle-même n’est pas un fait nécessaire. La preuve en est qu'il s'établit des soudures entre ébauches hétérologues. DARESTE en cite quelques exemples. Une telle conception, contre laquelle ne s'élève, a priori, aucun argument a élé adoptée par les auteurs récents. M. MaATHIAS-DUVAL, en particulier, accepte l'effort mécanique ou autre qui entraine deux régions homologues à converger et à se souder. Sur le fait même de la fréquence d'union des parties similaires il rejette nettement la mystérieuse attraction invoquée par les GEOFFROY SAINT-HILAIRE ; sans en rechercher la cause, il admet que « l'union se fait entre des parties similaires, parce que ce sont ces parties qui se correspondent au moment de la soudure » (1). Pour ce qui est des diplogénèses, M. MATHiIAs-DUvAL ne croit pas nécessaire le rapprochement de deux corps embryonnaires. À son avis, l'écart originel des deux lignes primitives permet de com- prendre les dispositions diverses que l’on observe, par « ce fait que deux organes homologues, deux moiliés de tête, la moitié gauche de la tête d’un sujet, et la moitié droite de celle de l’autre, ne trouvent à leur disposilion, pour se former, qu'une scule et même partie du blastoderme, lant sont voisins et conligus les deux centres de formalion des deux têtes et des deux cous, de telle sorte que les parties naissent d'emblée soudées, leurs portions intermédiaires et communes ayant pris leur origine dans une seule et même masse (1) MararAs Duvar. Pathogénie générale de l'Embryon: Tératogénie (Traité de Pathologie générale de BOUCHARD, t. I, 1895, p. 259). 444 ÉTIENNE RABAUD. de cellules blastodermiques > (1). Et tel est bien, en effet, le processus que l'on observe; son interprétation seule peut varier dans certaines limites. En résumé nous sommes actuellement en présence de deux points de vue, l’un concernant les monstres simples, l’autre les monstres doubles. Dans le premier la formation d’un organe double résulte de l’af- frontement préalable d'ébauches indépendantes, à l’une des phases les plus jeunes de leur évolution embryonnaire. Dans le second la nécessité de l'affrontement n’est pas admise d’une manière absolue. Examinons les faits et recherchons s’ils cadrent vraiment avec ces conceptions. (1) MaTHras DuvaL. Op. cit., p. 216. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 445 JE EXAMEN DES FAITS. A. Monstres unitaires. Cyclocéphaliens. — L'exemple d’organe double le plus connu, celui sur lequel s'appuyent volontiers les auteurs pour montrer la fusion consécutive à un arrêt de développement, est celui de la CYCLOCIPHALIE. À la vérité, l'examen extérieur des variétés de ce type monstrueux semble permettre une sériation continue depuis la Cébocéphalie ou l'Ethmocéphalie, caractérisées par l'indépendance absolue des yeux rapprochés sur la ligne médiane, jusqu’à la Rhi- nocéphalie ou la Cyclocéphalie dont l'œil unique ne présente pas des traces plus ou moins évidentes de duplicité. Entre les deux extrêmes, se trouvent tous les intermédiaires, tous les degrés du rapprochement, de l'affrontement et de la fusion. La cause prochaine de cette marche convergente des deux ébauches oculaires, serait un arrêt de développement de la vésicule cérébrale antérieure, arrêt de développement plus ou moins marqué suivant les cas, mais entrainant toujours les vésicules optiques primitives à se rencontrer sur la ligne médiane. Lorsque ces vésicules optiques arrivent en contact, les différenciations réliniennes, encore moins celles des enveloppes conjonctives, ne sont pas commencées, elles s’effectueront une fois l'affrontement et la soudure terminés ou pendant qu'ils se réalisent. D'où il suit que les rétines, en tant que tissu Spécial, naïitront une fois opérée la coalescence des éléments indifférents ou pendant que cette coalescence s'opère, les rétines naîitront soudées ou en se soudant. Le processus ainsi compris n’est pas impossible a priori; en réalité il est complètement inexact. Loin d’être un phénomène de rapprochement, la disposition des yeux chez les Cyclocéphaliens cébocéphales ou ethmocéphales est un phénomène de séparation ; l'organe unique des Cyclopes proprement dits est soit un œil simple — le second œil ayant avorté — soit un œil double résultant de la non-séparation d'une ébauche commune. 446 ÉTIENNE RABAUD. Voici comment les choses se passent (1). Le prosencéphale des Cyclocéphaliens est représenté par une lame plane, d'épaisseur normale qui occupe toute l'étendue de la face dorsale de la tête embryonnaire. Cette lame est l'équivalent de la vésicule close habi- tuelle mais elle n’est pas cette vésicule demeurée à l'état de gout- lière, ainsi que je crois l'avoir démontré. Les pédicules opliques naissent de la lame cérébrale par envagination, soit séparément, soit sous la forme d’un pédicule unique. Lorsqu'il existe d'emblée deux invaginations elles sont plus ou moins voisines l’une de l’autre et fournissent respectivement une ré- tine. Les deux rétines sont évidemment plus rapprochées de la ligne médiane qu'à l'état normal, par le fait même du mode d’invagination de leurs pédicules ; elles ne marquent aucune tendance à converger. Lorsqu'il n'existe qu'une seule invagination optique, elle occupe l'axe longitudinal de l'embryon soit tout entière, soit par son bord inférieur libre seulement. Dès ce moment, nous sommes en présence d'une formation double, car ce pédicule donnera naissance à deux rétines, mais cette formation double apparaît directement, elle n’est nullement précédée de deux ébauches imdépendantes. Les rétines se différencient sur ce pédicule sous des angles de divergence qui varient de O0 à 90° environ ; si l'écart est maximum, les deux yeux, issus d’un pédicule commun, iront se placer chacun de part et d'autre de la ligne médiane au voisinage des faces latérales ; si l'écart est nul, les deux rélines restent confondues et occupent la ligne médiane elle-même, elles constituent un organe double dont les éléments n’ont jainais êlé séparés, à aucun moment de leur existence. Enfin, il est des cas où l’une des deux rétines avorte, tandis que celle qui persiste vient se placer sur la ligne médiane : on a alors un œil réellement simple. Il est essentiel de remarquer que la lame cérébrale des Cyclocé- phaliens ne procède nullement d’un arrêt de développement, ni de croissance ; elle n’est pas davantage le fait d'une action mécanique quelconque : les pédicules optiques se différencient librement à ses dépens, soit en deux ébauches, soit en une masse commune. En celle dernière occurrence, ils peuvent se diviser secondairement en deux cordons contigus par suite d'une cloison conjonclive. (1) ErtexxEe RaBaub. Recherches embryologiques sur les Cyelocéphaliens. (Journal de l’Anatomie, 1901, N° 4, 5, 6). FRAGMENTS DE TÉRADOLOGIE GÉNÉRALE. 447 Dans tous les cas, il n’y a jamais union de deux ébauches simi- laires, ni de deux régions homologues ; c'est d'emblée qu'il existe un seul foyer oculigère, les deux rétines se séparent en naissant ou resle confondues. C’est donc là un processus inverse du processus d'union des parties similaires. Une hypothèse pourrait, cependant, rattacher ce mode de forma- tion à la théorie de l’affinilé du soi pour soi. Cette hypothèse consisterait à admetlre que les ébauches oculaires dérivent d’élé- ments prédestinés à fournir ces ébauches à l'exclusion de toutes autres. Par là, nous entrerions dans la conception de la #20saïque de W. Roux. Or, s’il est quelques faits en faveur de cette manière de voir, il en est beaucoup d’autres qui lui sont opposés; en parti- culier elle ne paraît pas être en accord avec les données retirées de l'observation des Vertébrés inférieurs, poissons el batraciens. Et de plus, le mode de formalion du prosencéphale des Cyclopes ne serait pas possible si l'existence de territoire organo-formalif était plus qu'une vaine hypothèse. Les neuroblastes de ce prosencéphale, en effet, se différencient au dépens des cellules octodermiques qui sont héréditairement diri- gées dans un autre sens, celui d'éléments entourés. Dans ce cas parliculier, et dans d’autres encore, les localisations ancestrales ont cédé devant l'influence d'actions extérieures. Cela nous permet de dire, contrairement à la théorie de la mosaïque, que tous les éléments d’un tissu donné sont aptes à fournir indistinctement à l’une ou l’autre des différenciations spéciales à ce tissu. Au surplus, si nous examinons de près la théorie des territoires organo-formatifs, nous verrons qu'elle est impuissante à rendre logiquement compte de la formation d'organes doubles. Admettons, pour un instant, la réalité de ces territoires ; il va sans dire qu'ils occupent dès l’abord dans la masse de l'œuf leur place normale. S'ils parviennent à se conjoindre, sous quelle influence y parvien- dront-ils ? Admeltre un remaniement très précoce des blastomères, ou même des terriloires non encore représentés, revient à admettre une action mécanique. Et alors une question se pose: S'il y a eu remaniement, 1l y a eu substitution d’un territoire à un autre ; or, s’il est vrai que les pédicules optiques et les yeux sont déplacés et se mettent au lieu et place des fosses nasales celles-ci ont disparu d’une façon plus ou moins complète, on ne les retrouvera nulle part ailleurs. Que sont devenus les territoires formatifs de ces fosses 448 ÉTIENNE RABAUD. nasales. S'ils ont été détruits c’est sans doute à la faveur de cette destruction que les blastomènes oculaires sont venus s’accoler. Nous reviendrions ainsi, d’une manière indirecte, à l'arrêt de déve- loppement de GEOFFROY SAINT-HILAIRE. Mais alors comment expli- querons-nous les modulations diverses que nous observons, les bifurcalions du pédicule commun sous des angles variables el qui, lorsque l'angle est assez grand laisse la place à quelques rudiments de fosses nasales ? Le déplacement des territoires étant nécessaire- ment toujours le même, puisque de leur union naît un seul pédicule la destruction des fosses nasales devrait être toujours la même, ce qui n’est pas. On se heurte donc à des difficultés graves, et graves à ce point qu'on ne peut admettre un instant la théorie de Roux, que l’on se demande même s'il n’est pas superflu de la discuter. On pourrait encore supposer que les cellules oculo-formalives, disposées en deux groupes dans la lame cérébrale ont convergé et se sont confondues en un seul groupe en s’unissant à travers les inlerstices de tous les autres éléments nerveux. Il serait alors indispensable d'admettre l'existence d’une affinité spéciale. Mais de deux choses l’une, ou cette affinité est un phénomène constant, une propriété inhérente aux éléments et les cellules similaires devraient toujours s'unir en bousculant toutes les autres ; — ou c’est un phénomène inconstant etil devient nécessaire de rechercher l'origine d’une propriélé accidentelle du protoplasme ou d'un certain protoplasme. L'hypothèse ne mérite pas qu’on s'y arrête. En somme, si l’on veut expliquer le pédicule double des Cyclopes par l'union très précoce et inobservable de deux futures ébauches, on rencontre des difficultés théoriques et pratiques très nombreuses. Chaque hypothèse ne peut être soutenue que par d'autres hypothèses — et c’est là leur moindre défaut. N'est-il pas plus simple, et aussi plus conforme à la logique des choses de dire que si le pédicule unique des Cyclopes, si l'œil dans cerlains cas est implicitement double, cela tient à un processus d’un genre nouveau qui n’a pas grand chose de commun avec les pro- cessus habituels ? Les pédicules optiques se différencient sous forme massive, non parce que deux blasitomères ou deux territoires organo-formatifs prédestinés se sont rapprochés et confondus, mais parce que ces pédicules proviennent de cellules nerveuses quel- conques qui auraient, tout aussi bien, en d’aulres circonstances, fourni à des différenciations d’un autre ordre. Le pédoncule massif FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 449 n'est donc pas l’'homologue des deux pédoncules normaux ; il n’a point exactement la même origine qu'eux ; le pédicule donne nais- sance à deux yeux ou un œil double, suivant le cas, — c’est dire qu'il se comporte d’une façon très spéciale. De tels phénomènes paraissent être sous la dépendance d’excila- tions externes agissant dans des conditions déterminées et provo- quant des adaptations adéquates. Nous ignorons actuellement la nature de ces excilations et des conditions qu'elles nécessitent pour produire un tel résultat. La lératogénie doit avoir précisément pour objet de metlre en lumière le mode d'actions des milieux incidents et la nature des circonstances accessoires qui conduisent à tel ou tel processus. L'avenir sans nul doute sera fécond en résultats dans cet ordre de recherches. Quoi qu'il en soit, 1l est indéniable que l'union des parties simi- laires n’a rien à faire avec la génèse des Cyclocéphaliens ; chez ces monstres il y a formation directe et primitive d'organes doubles qui, par la suite de l’évolution peuvent se dédoubler. Ce processus doit s'appeler un développement massif. Nous venons d'étudier la tenue générale de ce processus, dans ce qu'elle a de plus complet. À vrai dire, le développement massif n’est pas l’une des manifestations possibles du déplacement des différen- ciations sous l'effort d’influences diverses. L'hétératopie peut ne pas aller jusqu'à l’état massif, elle peut se réduire à rendre simplement voisines deux ébauches normalement éloignées. Dans tous les cas, la différenciation s'effectue sur place, elle n’est jamais précédée d’un déplacement actif. Le phénomène du rapprochement simple s’observe avec tous ses degrés lorsqu'on examine les fosseltes olfactives des Cyclocéphaliens à deux yeux. Ainsi que je l’ai montré (1), les organes olfactifs sont soumis à l'influence corrélaltive des formations réliniennes, l'écart entre les premiers est proportionnel à l'écart entre les dernières ; lorsque les rélines se trouvent presque en contact, les fosselles se confondent par leurs bords internes. Ici encore, 1l y a différenciation sur place d'éléments que nulle force n’a rapprochés au préalable, la différenciation intéresse des cellules octodermiques qui n'avaient pas, héréditairement une pareille distination. (1) Op. cit. 450 ÉTIENNE RABAUD. Ce cas particulier a ceci d’intéresant que nous connaissons l'agent direct de l'hétérotopie, c’est l’action des yeux. Il reste à connaître la nature de cete action. Nonobstant, il n’est pas douteux que les formalions rétiniennes dirigent les formations olfactives. Leur développement n’est pas massif, il est simplement déplacé et convergent. On peut concevoir qu'il soit déplacé et divergent. C'est ce qui arrive lorsque les rétines, nées sur une vésicule normale sont mécaniquement entrainées à se meltre en rapport avec des régions très opposées de l'ectoderme. Sous l'influence des tissus visuels, on voit les cristallins naître directement des régions ectodermiques dorsales et ventrales qui ne fournissent point à l'ordinaire les fibres de la lentille (1). L'action rétinienne est, dans ce cas encore, la cause prochaine du déplacement, elle joue le rôle d’excitant externe. À ce point de vue, la connaissance de tels faits a bien quelque impor- tance puisqu'elle nous montre une influence intra-embryonnaire déterminant une différenciation donnée ou une région quelconque d’un tissu. Reins doubles. — Les cas de reins uniques et médians relèvent, probablement aussi, d’un développement déplacé convergent ou d’un développement massif. Cela revient à dire que ces organes dérivent, de formations qui nesont pas exactement comparables aux formations normales du même nom. Il est à penser que les reins uniques et médians peuvent provenir de deux ébauches primitivement indépendantes mais très rappro- chées, qui arrivent au contact, et se soudent plus ou moins super- ficiellement par le seul effet de l'accroissement de leur volume. Si ces conditions se réalisent, l'organe double représente réellement deux organes distincts. Mais on voit combien ce procédé d'union diffère essentiellement de « l’union des parties similaires > au sens classique de cette locution. Le processus premier, le seul important, est un développement déplacé et convergent, la coalescence n’est plus qu'une conséquence accessoire, accidentelle pour ainsi dire. (1) Erræxxe RagauD, Rôle de l’omnios dans les déplacements oculaires, (Société de Biologie, 1 900). Voir aussi : Recherches emb. sur les Cycl. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. A5] Le plus souvent le rein unique dérive d’un développement moins vral ; Ce rein équivaut aux deux reins normaux avec une quantité donnée de tissu supplémentaire. Nous pouvons prendre pour démontrer cette affirmation le cas récemment décrit par CRoIsier (1), il rentre dans la règle pénérale. Ce rein est constitué par deux lobes latéraux rappelant chacun la forme d'un rein normal, et par un lobe médian à peu près qua- drilatère. L'examen superficiel de la pièce peut entraîner à dire qu'elle représente deux reins simplement fusionnés par leur sommet inférieur, mais l’étude attentive du hile et des vaisseaux conduit à admettre une toute autre hypothèse. S'il s'agissait, en effet, de deux reins rapprochés par un procédé quelconque et soudés d’une façon plus ou moins complète, et il est à croire que chacun d'eux posséderait sa disposition normale, c’est- à-dire qu'il présenterait un hile causé aux dépens du bord interne, regardant le hile du côté opposé ; par le hile passerait les vaisseaux accoutumés. Or, nous remarquons, en premier lieu que le hile de chacun des lobes latéraux occupe une situation singulière: au lieu d’être découpé dans le bord interne, il est creusé sur la face antérieure. Une telle disposition est presque constante dans le cas du rein double, peut-être même est-elle constante: il est difficile d’être affirmatif sur ce point, car nombre de descriplions se réduisent à de simples mentions. Quoi qu'il en soit, il est facile de comprendre que si l’on admet une coalescence pure et simple le déplacement du hile devient inexplicable. Ce n’est pas tout encore. Chaque lobe rénal possède une artère qui pénètre par le hile ; en outre le lobe droit est irriguë par un vaisseau supplémentaire qui aborde l'organe par sa partie supérieure. Enfin, 1l existe une artère, de la grosseur d’une plume d’oie, qui va se perdre dans le lobe médian, Il n’y a pas lieu de s’arrêter sur l'artère supplémentaire du lobe droit; l’anomalie n’est pas rare pour les reins normaux; d’une façon générale, d’ailleurs, les dispositions insolites des vaisseaux (1) CROISIER. Anomalie rénale. (Société anatomique, décembre 1899). 452 ÉTIENNE RABAUD. des reins se rencontrent avec une cerlaine fréquence (1); leur divi- sion ou leur mulliplication coïncide avec une diminution de calibre, la quantité de sang fournie n’est pas modifiée, ce sont les voies d’arrivées qui se sont multipliées mais rétrécies. — Au contraire, il convient de retenir l’existence d’une artère spécialement destinée à la partie commune de la masse rénale, existence qui est signalée dans la plupart des relations un peu détaillées concernant les reins doubles. Dans le cas particulier que nous avons pris pour exemple, celle artère a le calibre « d’une plume d’oie >, c’est-à-dire que ce calibre est égal environ à la moitié du calibre des artères normales (8 mill.). Cela signifie que ce vaisseau parait bien être vraiment supplémentaire, qu’il est destiné à apporter un surplus de sang à une masse vénale, elle aussi supplémentaire et qui, d’après la description et les chiffres, a un volume au moins égal à la moitié du volume de chacun des lobes latéraux (lobes latéraux : 11 cent. en hauteur, 6 en largeur ; — lobe médian 6 centimètres en hauteur, o en largeur, — l'épaisseur étant la même pour tous). En définitive, nous reconnaissons dans ce cas les dispositions décrites à diverses reprises d'une façon plus ou moins précise. Nous pouvons le prendre comme type du rein unique et médian, type caractérisé par la situalion antérieure des hiles et l'existence d’une masse de tissu rénal qui n'appartient ni à l’un ni à l’autre lobe. Un simple processus de fusion, aussi précoce soit-il, et quelle qu'en soit l'origine, n’explique nullement ni le déplacement des hiles, ni la production de celte masse surnuméraire. La fusion simple implique la continuité de tissu entre les deux extrémités inférieures, sans déformation et deux hiles situés sur les bords internes, se faisant face. On ne peut comprendre le rein double tel que nous venons de le décrire qu’en admettant la formalion primitive d'un organe embryologiquement et anatomiquement différent des deux reins indépendants. Pour que cet organe se produise, il n’est pas nêces- saire que deux ébauches ou deux territoires organo-formatifs soient rapprochés au préalable, il faut et il suffit qu'une seule différencia- tion s'effectue sur la ligne médiane, qu'elle s'effectue d'emblée aux dépens de tissus primordiaux qui n'étaient point héréditairement (1) Voir sur ce point une excellente monographie de PAUL RoussEAU : Contribution à l'étude des anomalies des artères rénales, Thèse pour le doctorat en médecine, Paris, 1894. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 453 destinés à la fournir. Ce résultat est obtenu très simplement par l’action d'incidences externes, par raison de position ou de consta- tation des milieux intra-embryonnaires, sans qu'il soit besoin de recourir à ces hypothèses de rapprochement mécanique (1) d'affinités spéciales ou d'association cellulaire, tous articles de foi pour les- quels il n’est pas possible de fournir même un commencement de preuve et que, pour cette cause nous devons bannir de ros spécu- lations jusqu'à plus ample informé. Symélie. — Nous montrerions aisément que les choses se pas- sent de la même façon pour la plupart des organes doubles comme nous l'avons montré pour l'œil et le rein. Il nous paraît inutile de nous livrer à une énumération fastidieuse. Toutefois, nous devons faire observer, à nouveau que deux organes nullement indépendants de prime abord peuvent parvenir à se souder par le simple effet de leur croissance, s'ils se sont, au préalable différenciés en hétératopie convergente. En effet, deux ébauches très voisines se rapprocheront d'autant plus qu'elles acquerront un volume plus considérable, elles entreront en contact pour contracter enfin des adhérences lorsque l'accroissement déter- minera une compression réciproque. On pourra dire alors : wnion de parties similaires, mais celle union sera précédée d’un phéno- mène de différenciation déplacée, elle ne sera le fait ni d’une poussée mécanique, ni d'une altraction quelconque, quel que soit le nom qu'on lui donne. Un tel mode d'union se conçoit a priori aussi bien pour les reins, les ovaires, elc., nous avons pu le saisir sur le fait dans un cas de symélie (2). DAXSTE a mis sur le compte d'une compression amnio- tique le rapprochement et l'accolement des deux membres posté- rieurs. Ceux-ci seraient refoulés sur le dos, viendraient au contact l’un de l’autre et se souderaient. Cette genèse, élablie à la suite de l'examen d'embryons entiers, soulève quelques objections. On ne comprend pas très bien, en particulier, comment une soudure due (1) Contre l'hypothèse d'action mécanique, il y a un fait, fréquemment relevé dans le cas des reins doubles que les capsules surrénales occupent leur place habituelle tandis que les reins sont unis. On ne conçoit pas une force quelconque refoulant les reins sous les organes qui leur sont accolés. (2) ETIENXE RaBaup : Un cas de symélie embryonnaire. 454 ÉTIENNE RABAUD. à ce mécanisme peut s'étendre et s'étend sur toute la longueur des deux membres, comment cette soudure s'effectue toujours entre les deux cuisses tandis qu’elle fait parfois défaut au niveau des jambes ou des pieds. Je ne dirai pas que la compression amniotique soit incapable de provoquer l'aspect symilien ; théoriquement un tel mode de forma- tion me parait très difficile à réaliser et je ne l’admets qu'avec les plus grandes réserves. Dans tous les cas, je suis en élat d'affirmer que l'intervention de l’enveloppe fœtale n’est pas nécessaire. Pour que la symilie s’établisse, avec tous ses caractères, il suffit que les bourgeons des membres, au lieu de faire hernie de part et d'autre d'un même diamètre du cylindre abdominal se développent dorsale- ment, de chaque côté et à une petite distance de l'axe médullaire. Chez l'embryon que j'ai eu l’occasion d'étudier, les deux bourgeons ainsi déplacés par différenciation hétératopique sans intervention mécanique, s’allongeaient obliquement l’un vers l’autre pour venir se conjoindre sur le plan médian et former un membre double. Ils déli- milaient un léger espace prismatique triangulaire compris entre leurs faces internes et l’ectoderme dorsal du corps; il est à penser qu'à la suite de l'augmentation du volume des membres cet espace se serait comblé et que la fusion aurait été complète à parüir de la racine des cuisses. Cet exemple est très instructif. IInous montre que la convergence et la soudure de deux organes homologues primitivement séparés, est un processus réel. Seulement, ce processus est une conséquence d’un processus primitif, son rôle est secondaire. À. Monstres doubles. — Que devons-nous penser de l'union des parties similaires pour la formation des monstruosités doubles ? Dans l’état actuel des choses, les auteurs qui établissent leur manière de voir sur les données de l’embryologie ne songent plus à admettre la coalescence secondaire de deux embryons complets avec résorption d'un nombre plus ou moins grand de leurs parties. La citation que nous avons faite plus haut d'un passage de M. MATHIAS DuvaL est très explicite sur ce point et il nous paraît inutile de dis- cuter plus longuement ici l'opinion des tératalogistes pour lesquels un mot devient une réalité, qui voient nécessairement dans tout monstre deux sujets entiers, même lorsqu'il ne reste de l’un d'eux qu'un seul membre. FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 455 La vérité est, comme l’exprime M. Martaras Duvaz que deux centres de formation se développent aux dépens d’une région commune, que cette région fournit à chaque centre toutes ses parties, si elle assez étendue ou bien au contraire permet la forma- tion d'organes entièrement ou partiellement communs, si elle est moins étendue. Il n’y a pas union de parties distinctes, il y a diffé- renciation d’un seul organe d'organes doubles ou de deux organes suivant les cas. Par exemple, chez les monstres tentadymes (monstres en Y}), les deux systèmes nerveux ont une partie commune d'emblée qui n'est ni la fusion, ni la confusion des deux axes médullaires ; ces monstres sont partiellement doubles dès l’origine ; dès l’origine par conséquent tous les organes communs sont des organes simples. Cependant, il reste une difficulté que l'on ne saurait réduire théo- riquement , l'imagination des biologistes ne pouvant toujours atteindre la réalité. Dire qu'il existe une région commune de déve- loppement, c’estexpliquer la genèse des êtres doubles réunis latéra- ment. L'embryon, en effet, tourne au début sa face ventrale vers le bas et si deux axex médullaires complets ou en partie confondus se trouvent côte à côte la partie gauche de l'un sera commune avec la partie.droite de l’autre. Mais il est de nombreux types de diplogénèses dans lesquels l'union s'effectue uniquement par des organes ventraux, nécessaire- ment éloignés l’un de l’autre, même si les composant grandissent dans un voisinage immédiat. Ces organes semblent ne pouvoir venir au contact qu'une fois formés, sinon différenciés. Le cœur par exemple ventral et médian au moment de sa constitution première ne devient latéral qu’assez tard. Il y à plus ; lorsque l'embryon se retourne sur le flanc, c’est géné- ralement sur le flanc gauche. De la sorte, pour que l’accolement puisse se faire il devient indispensable d'émettre une hypothèse nouvelle et de dire que l’un des composants s’est anormalement couché sur le flanc droit de façon à pouvoir faire face à son confrère et à permettre l'union des deux cœurs et des parois thoraciques. Pourquoi cette inversion que DARESTE admet sans discussion ? Y aurait-il vraiment ici attraction d’un organe par l’autre ? l’affinité du soi pour soi serait-elle vraie pour certains monstres doubles ? 456 ÉTIENNE RABAUD. Je ne prétends pas examiner ici le mode de formation des divers types de diplogénèse en particulier (1), je vais simplement montrer par un exemple que la disposition relative de deux individus entiers, dont l’un est en inversion, est une disposition primitive antérieure à la formalion du cœur. J'ai eu la bonne fortune de pouvoir étudier par le moyen des coupes sériées un très jeune embryon sternopage (2). La sternopagie, on s’en souvient, est caractérisée par l'existence d’un cœur unique ou double et par la fusion côté pour côté, des parois thoraciques. Suivant l'hypothèse de DARESTE, chaque individu possède primiti- vement son anse cardiaque, puis, lorsque l’un des deux se retourne à droile tandis que l’autre se relourne à gauche, les deux anses entrent en contact. À ce moment, le tissu musculaire est à peine différencié, les deux anses se soudent, puis la différenciation s'effectue et les cavités se délimitent ; en un mot les cœurs naissent soudés. Telle est du moins la genèse qui ressort du traité de mon vénéré maitre ; toute autre interprétation me parait impossible, puisqu'il est dit expressément que les embryons se retournent l’un d’un côlé l’autre de l’autre, cela implique l’indépendance primitive des ébau- ches cardiaques (3). Un tel processus revient à l'union d’organes similaires. La réalité se trouve être beaucoup plus simple. Les coupes du Sternopage révèlent l'existence d’une seule cavité cardiaque, exac- tement située entre les deux masses embryonnaires ; cette cavité ne porte aucune trace d'une dualité, ni même d’une duplicité antécé- dente, — du reste l'embryon est à peine âgé de trois jours, si de pareilles traces avaient pu exister elles auraient été bien fugitives. Bien au contraire, les rapports du corps unique avec les vaisseaux des corps embryonnaires, indique nettement qu'il est né sur place, avec son unilé actuelle, entre les deux axes nerveux (4). Est-ce à dire que cette cavité affecte avec ces axes des relations paradoxales, qu’elle est latérale par rapport à chacun d’eux au lieu d’être sous- jacente ? Non certes; le cœur unique est'en rapport avec la face (1) Cette étude fera l’objet d'un travail spécial pour lequel je recueille dès ce moment des matériaux. (2) Ertexxe RaBaup. Embryon de Poulet sternopage. (Bibliographie anatomique). (3) CAMILLE DARESTE. Op. cit. (4) Pour plus amples détails, voir le mémoire cité accompagné de figures, FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 451 ventrale des tubes médullaires, car ces tubes, de très bonne heure, ont modifié leur situation sur le blastoderme, tournant l’un vers l'autre leur face ventrale. Par la suite les deux embryons se sont trouvés prématurément couchés sur le hanc, l’un à droite l’autre à gauche et comme ils étaient voisins ils ont eu en commun une région d'une certaine étendue au niveau du thorax. C’est dans le sein de cette masse commun que s’est développée le cœur, que se différen- cient les parois du thorax. Quelle est la cause du retournement très précoce des axes nerveux ? J’ai cru la trouver, et sans doute ne me trompé-je point, dans une action purement mécanique, due à la formation de ses capuchons laléraux d’un amnios unique. Ces capuchons se sont constitués l’un à droite de l’axe droit, l’autre à gauche de l’axe gauche et tout près, quoique au contact de ces axes; par suite, l'aire embryonnaire commune aux deux composants s’est trouvée soulevée en partie au-dessus du plan de l’ectoderme, le feuillet externe, en particulier forme un repli très saillant et comme les gouttières médullaires sont rattachées à l’ectoderme exactement à l'angle des replis, ces gouttières ont subi un mouvement de rotation tel que leur grand axe s’est trouvé dévié de 90°. Le mouvement du tube droit s’est effectué de gauche à droite, celui du tube gauche de droite à gauche et finalement le côté droit de l’embryon droit s’est trouvé dirigé vers le bas et le côté gauche vers le haut tandis que le côté droit de l'embryon gauche s’est tourné vers le haut et le côté gauche vers le bas. Le tube digestif n'étant pas encore ébauché l'endoderme est resté plan, de telle sorte qu’il s’est trouvé, au niveau du thorax deux faces ventrales vis-à-vis l’une de l’autre et uniquement constituées toutes deux par le mésoderme en voie de formation et s'étendant d’un axe nerveux à l’autre sans aucune ligne de démarcation. De même l’ectoderme et l’endoderme sont communs aux deux embryons. Entre les deux s’est différenciée une ébauche cardiaque unique qui, par la suite de l’évolution se trouvera être à gauche d'un composant et à droite de l’autre. Ainsi s'explique le mystère de l’inversion chez les Sternopages. Ajoutons que les transformations successives de l’anse cardiaque unique auraient pu produire un cœur absolument simple ou un cœur muni de cavités supplémentaires. Quoi qu'il en soit, il ne s’est effectué aucune union secondaire, mais 1l s’est trouvé des tissus, l’endoderme et le mésoderme, appar- 458 ÉTIENNE RABAUD. tenant à la fois à une seule aire embryonnaire et à deux embryons pour fournir au développement de ces deux embryons. Remarquons que si pour une cause ou une autre il avait apparu un repli omnia- tique entre les deux composants, ce repli aurait partagé le méso- derme commun et du même coup libéré les deux individus. Au demeurant le phénomène auquel nous assistons est une différencia- tion massive, si l'organe à venir est double — ou un phénomène normal de différenciation simple si l'organe est simple mais commun à deux individus ; on ne saurait admettre plus longtemps une union secondaire. Est-ce à dire qu’il ne se produise, dans les diplogénèses aucun phénomène de soudure ? Telle n’est pas notre pensée. Nous savons depuis les savantes observations de LEREBOULLET que l’on voit s'accroitre progressivement la fusion des composants. Il n’est pas possible de révoquer en doute des observations aussi précises, nous devons seulement les interpréter. Lorsque deux corps embryonnaires sont unis par une partie commune et suffisamment rapprochés l’un de l’autre, il est de toute évidence que l’accroissement constant et considérable de leurs masses respectives aura pour effet de les rapprocher davantage, cerlaines parlies, primitivement séparées se comprimeront mutuel- lement et se souderont. Le phénomène s’étendra d’autant plus et sera d'autant plus accusé que la proximité originelle des deux corps sera plus grande. Mais ces soudures sont des soudures secondaires, elles résultent de la duplicité antécédente et ne sont point la cause de cette duplicilé. Deux embryons complètement distincts en toutes leurs parties pourront peut-être contracter des adhérences super- ficielles, cutanées ou sous-cutanées, ils n’auront aucun viscère commun, aucune cavité commune. Une communauté de cet ordre est un phénomène primitif et non pas la conséquence d’une union secondaire (1). (1) Exception doit être faite pour les Omphalopages dont le mode de formation a été remarquablement exposé par A. DE QUATREFAGES. (Mémoire sur la monstruosité double chez les Poissons. Volume du centenaire de la Société Philomatique, 1888). FRAGMENTS DE TÉRATOLOGIE GÉNÉRALE. 459 CONCLUSIONS. De ce qui précède, résulte que la locution d’ « union des parties similaires » ne correspond à aucun processus très précis. Pour ce qui est des monstruosités simples, il est des cas où l'union est un fait réel, mais ce processus que l’on observe dans la Symélie, est diminué par un phénomène qui touche à l'origine même des ébauches. Celles-ci sont déplacées, non par le fait d’une attraction, d'une affinité ou d’un effort mécanique quelconque mais par l'in- fluence d'actions externes qui déterminent les diflérenciations sur un tel point de l'organisme plutôt que sur un tel autre. L'union des parties homologues n’est pas la conséquence d’un processus d’adap- talion de l'organisme au milieu dans lequel l’homologie n’a rien à voir. Du reste l’union peut s’effectucr entre organes non homologues — il en existe des exemples. En d’autres circonstances la soudure secondaire n'existe à aucun degré. On est en présence d’une différenciation massive d’où résulte soit deux organes destinés à se séparer secondairement, soit un organe double. La différencialion massive, comme la différenciation déplacée estun phénomène primitif d'adaptation qui n’est en aucune façon précédé d’un arrêt de développement ou de croissance. Ces deux modes de différenciation ne sont possibles que grâce à l'indiffé- rence relative des éléments histologiques qui, dans les limites de leurs attributions peuvent évoluer en des sens très divers. Cependant on ne saurait les assimiler complètement l’un à l’autre, reconnaitre dans le premier un degré plus accusé du second ; bien qu'il ne nous a permis, à l'heure actuelle d'indiquer nettement les caractères qui les séparent, nous ne pouvons mettre en doute qu'ils résultent d'actions ou de conditions différentes. Pour ce qui est des monstres doubles il n’y a pas davantage union de parties similaires mais bien différenciation d'un organe unique ou d’un organe double dans une région commune à deux centres de formation. La duplicité, lorsqu'elle existe, et quel que soit son degré, est une tentative vers la dualité et non pas le résultat d'une dualité antérieure suivie de résorption et de disparition d’une quantité donnée des tissus primittf. Le phénomène de différenciation qui donne naissance à ces organes est assez voisin de celui de la différenciation massive, lorsqu'il y a 460 ÉTIENNE RABAUD. duplicité — c'est un phénomène entièrement normal lorsqu'il y a simplicité. Cependant l'écart entre eux est plus apparent que réel et dépend uniquement de la quantité de substance placée dans les conditions qui déterminent telle ou telle différenciation. En d’autres termes les formations doubles — organes ou individus — procèdent, dans la plus grande majorité des cas, de phénomènes qui n'ont aucun rapport avec celui que semble désigner l’union des parties similaires. Quelquefois il existe une certaine analyse beau- coup plus apparente que réelle. Dans aucun cas, la convergence de deux ébauches ne paraît liée au fait même de leur homologie. Sans oser prétendre que le hasard seul préside à la réunion de deux membres postérieurs, par exemple, nous croyons que le phénomène inilial, d'origine purement adaptative n’est pas nécessairement lié au phénomène second, la soudure. Il ne faut point oublier que l'organisme est formé de deux portions symétriques et que cette symétrie répond à certaines conditions d'équilibre dont la suppres- sion ne peut avoir lieu sans l'incidence de troubles très profonds et peut être incompatibles avec l'existence. On peut donc penser que les modifications des milieux d’où résultent des différenciations déplacées sont elles-mêmes symétriques parce qu'elles dépendent de qualités imhérentes au milieu fondamental, et ces modifications ne cessent pas d’être symétriques lorsqu'elles se produisent en bloc sur l’axe longitudinal et médian du corps. Adopter une telle concep- tion n'est pas remplacer un mot par un autre mot; c'est donner, semble-t-il un commencement d'explication et tout au moins ouvrir la porte à la recherche expérimentale. Et c’est pourquoi il nous paraît que l’on doit rejeter complètement l'expression d'union des parties similaires qui n'exprime qu'une apparence le plus souvent, et se dégager des hypothèses d’affinité ou de compression qui ne correspondent à aucune réalité. Il ne peut y avoir union de ce qui n'existe pas; la difjérencialion massive n’est pas l'union, la différenciation déplacée n'est pas le rappro- chement de deux ébauches préexislantes, l'un et l’autre processus impliquent la formation sur places d’ébauches nouvelles, simplement analogues des formations dont elles tiennent lieu ; il y a substitution el non déplacement, RECHERCHES SUR LA RESPIRATION BRANCHIALE CHEZ LES MYRIAPODES DIPLOPODES, PAR Marcez CAUSARD, DOCTEUR ÈS-SCIENCES NATURELLES, PROFESSEUR AGRÉGÉ AU LYCÉE DE LAVAL. Planche XIII Pendant le mois de mars 1897, recherchant des larves d'Ephé- mèrés sous les pierres d’un ruisseau, aux environs d’Aix-en- Provence, je fus surpris de rencontrer sous ces pierres, complétement submergées, des Myriapodes appartenant à la famille des Polydes- midae. Cette rencontre était tout à fait inattendue, et bien faite pour m'intriguer. Poursuivant mes recherches, je découvris en peu de temps, sur une centaine de mètres de longueur, et dans le même ruisseau, une dizaine d'exemplaires dans ces conditions. Rentré chez moi, je déposai dans l’eau mes Myriapodes et je les examinai. Je ne fus pas peu surpris de les voir au bout de peu de temps, dévaginer la partie terminale de leur intestin, qui se transformait en véritable appareil respiratoire. Je continuai mes observations sur d’autres individus de la même espèce recueillis ensuite soit dans l’eau, soit sous des pierres hors de l’eau et je vis toujours les mêmes phénomènes se produire. L'espèce que j'étudiais alors était Brachydesmus superus, LATZEL. Un changement de résidence interrompit bientôt mes recherches que je.pus reprendre l’année suivante aux environs de Laval. L'espèce que j'ai surtout rencontrée ici est Polydesmus gallicus, 462 MARCEL CAUSARD. LATZEL. Je n’en ai jamais trouvé un représentant dans l’eau ; mais jen ai maintenu bien souvent des individus submergés, et j'ai vu alors la dévagination intestinale se produire comme chez Brachydesmus. Mème dans l'air simplement humide, tous les exemplaires conservés dévaginaient leur rectum de temps en temps et restaient parfois fort longtemps en cet élat. Ce sont les expé- riences auxquelles je me suis livré en cette occasion, ainsi que les résultats des dissections que j'ai entreprises pour l'étude de la région terminale de l'intestin des Polydesmidae, qui font l’objet de ce travail. J'ai, du reste, étendu mes investigations aux groupes voisins, afin de rechercher si je ne me trouvais pas en présence d’une disposition spéciale aux Polydesmidue. Les premiers résultats très incomplets de mes recherches ont été communiqués dès le mois de mai 1897 à la Société des Naturalistes de Provence. Ils ont fait depuis lors, l'objet d’une communication à l’Académie des Sciences (1) et au congrès de Boulogne de l'Association française pour l'avancement des sciences, en 1899. La grande ressemblance entre les animaux de la famille des Polydesmidae. et surtout entre Brachydesmus et Polydesmus, fait queje prendrai comme type tantôt l’un, tantôt l'autre de ces deux genres ; les figures qui représentent l’un sont parfaitement applicables à l’autre. IT Champ anal. — Chez les Polydesmidae, Planche xm, le dernier anneau du corps (anneau préanal, ou anneau périanal) (a. p. fig. 1, 2, etc.), dépourvu des carènes latérales que possèdent ceux qui le précèdent, se prolonge postérieurement en une pointe dorsale plus ou moins longue et plus ou moins aiguë. Il circonscrit, à sa face inférieure, une ouverture plus ou moins ovale, placée obli- quement par rapport à l’axe du corps, et qu'on peut appeler le « champ anal ». Cette ouverture est fermée par trois pièces chiti- neuses : l'une, impaire (e. a, fig. 1, 2,) placée sur le milieu de la face inférieure et en avant, se relie directement au bord postéro-mférieur de l'anneau périanal par une articulation semblable à celle qui (1) Comptes rendus de l’Académie des Sciences, 24 juillet 1899. RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODES. 463 réunit deux anneaux consécutifs ; c’est l'écaille anale. Les deux autres pièces, quadrangulaires, plus allongées dans le sens de la longueur que transversalement, sont contiguës sur la ligne médiane, leur portion antérieure étant en partie cachée par l’écaille anale. On leur donne le nom de talves anales (v. a, fig. 1, 2). Leurs bords latéraux se raccordent, par l'intermédiaire d’une membrane, au bord de l'anneau périanal, qui encadre véritablement ces trois pièces. La fente longitudinale que laissent entre elles les valves est l’anus (a. e, fig. 2) qui se trouve ainsi sur la face ventrale du corps ou plutôt, obliquement siluë par rapport à l'axe. IT Lorsque l'animal est plongé dans l’eau, l'aspect de la région anale change complètement à certains moments. Les valves anales s'écartent l’une de l’autre en pivotant, pour ainsi dire, autour de leur angle antéro-externe; elles se placent transversalement de part et d'autre de l'écaille anale qui, elle, ne se déplace pas. En même temps, la partie terminale de l'intestin se dévagine et la région postérieure du corps prend l'aspect représenté dans les fig. 3, 4 ets. La région dévaginée forme alors deux sortes d’ampoules arrondiés, étroitement appliquées l’une contre l’autre, et portant sur leurs parois latérales les valves anales. Entre ces deux ampoules, une fente longitudinale représente l'anus, par où peuvent sortir les excréments. L'écaille et les valves anales constituent dans cette situation un véritable anneau supplémentaire incomplet dont la partie dorsale manquerait (fig. 5). On pourrait lui donner le nom d'anneau anal. La constitution du champ anal se trouve expliquée et ramenée à celle d'un anneau supplémentaire qui serait modifié en vue d’une fonction spéciale. Si l’on examine au microscope l'animal plongé dans l'eau et vivant, dans cel état, on aperçoit d'abord, à travers les parois transparentes de l'intestin dévaginé, de nombreux tractus allongés régulièrement disposés, qui s’insèrent sur ces parois, et vont, en avant, se rattacher aux parois du corps (#, fig. 3, 5.) En faisant varier la hauteur de l'instrument, on peut même voir plusieurs séries de ces tractus situées à des profondenrs différentes, et dont les 464 MARCEL CAUSARD. insertions apparaissent comme de légers enfoncements. C’est ce que montre la fig. 4. On se trouve là manifestement en présence de bandeleltes musculaires qui servent à la rétraction de la partie dévaginée. De nombreuses et très fines ramifications trachéennes (47. fig. 3, 5) apparaissent surtout dans le voisinage des valves anales; mais elles ne s'étendent guère en arrière de celles-ci. Le phénomène qui m'a le plus surpris, c’est la circulation, dans cet appareil singulier de globules sanguins nombreux qui, semblant sortir de sous la pointe supra-anale se dirigent vers l'arrière puis se partagent en deux courants latéraux, parfailement réguliers el qui gagnent la face ventrale en parcourant chacun une ampoule. Ces courants, bien visibles quand on regarde l’animal par la face supérieure on latéra- ment, sont représentés par des lignes pointillées dans les fig. 3 et 5. Nous nous trouvons évidemment là en présence d’un organe respi- raloire tout à fait spécial qui, à ma connaissance, n’a jamais été signalé. Son véritable rôle sera discuté ultérieurement. IV Anatomie de l’Intestin terminal. — L'intestin terminal des Diplopodes n’a jusqu'alors été étudié qu'assez peu. Je n’ai trouvé de celui des Polydesmidaue, en particulier, aucune description ni aucune figure. Cette région offre cependant un intérêt capital qui parait avoir échappé complètement aux quelques auteurs qui s’en sont occupés jusqu'alors. Je vais d’abord l'étudièr à l’état normal, c'est-à-dire avec la portion terminale non dévaginée. Pour faire celte étude, j'ai disséqué de nombreux Polydesinus et Brachydesinus en enlevant avec précaution la partie dorsale des anneaux. L'opération ne laisse pas que d'offrir de grandes difficultés à cause de la petitesse des sujets et de la calcification considérable qui les rend très fragiles. Cependant, avec quelque habitude et de la patience, on parvient à pouvoir étudier à la loupe le tube digestif en place (fig. 7). J'ai aussi pratiqué dés coupes longitudinales médianes. L'animal étant placé sur le dos et collé au besoin sur un morceau de liège ou de moelle de sureau, il est relativement facile de le couper ainsi en deux avec un rasoir. En RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODES. 465 commençant par introduire l'instrument entre les deux valves anales, on pratique une section qui, au moins dans les derniers anneaux, el c'est là l'important, peut être médiane. Je ne m'occuperai pas ici du tube digestif tout entier, bien qu'il y eût beaucoup de remarques intéressantes à faire à ce sujet; je me bornerai à l'intestin terminal. On sait, en effet, que chez les Arthro- podes on a coutume de diviser le tube digestif en trois régions : l'intestin buccal, ou antérieur, l'intestin moyen, et l'intestin terminal. Ces dénominalions ont l’avantage de ne préjuger en rien de la fonclion des divers renflements que peut présenter telle ou telle partie du tube digestif, et d'éviter les assimilalions qu’on pourrait faire de ces renflements avec les organes digestifs des animaux supérieurs. L’intestin terminal, délimité en avant par l'insertion des tubes de Malpighi, est, comme l'intestin buccal, tapissé intérieurement par une culicule, prolongement de celle qui recouvre extérieurement le corps entier de l'animal. On peut y distinguer facilement deux régions. L’antérieure, la plus grande, à laquelle je conserverai le nom d'intestin terminal, (i. t, fig. 6, 7) n'offre rien de particulier ; ses parois, renfermant des fibres annulaires nombreuses et des fibres longitudinales bien plus rares, ont une épaisseur normale. La portion terminale a un aspect bien différent. Vue par sa face supérieure, cetle région (p. 7, fig. 7) paraît bien plus large que le reste de l'intestin ; elle forme une poche d'aspect grossièrement sphérique dont le bord antérieur dépasse souvent en avant celui de l’anneau périanal. Je donnerai à cel organe dont la présence n’a pas encore été signalée, le nom de poche rectale. Aïnsi qu’on le voit dans la la coupe longitudinale (fig. 6), l'intestin terminal vient s’ouvrir dans cette poche dans la région antérieure de celle-ci par un orifice rétréci, à une hauteur qui n'a rien de bien déterminé, mais qui dépend des plissements variés du tube digestif, du développement plus ou moins grand des œufs, etc. Cette région contraste fortement, par sa structure, avec les autres parties du tube digestif. La paroi, très mince, et recouverte intérieurement par la cuticule, est translucide et dépourvue des fibres musculaires si abondantes dans le reste de l'intestin. Cette poche est fendue en arrière, et les deux bords de la fente viennent s’insérer seulement sur les bords de l’écaille et des valves anales. En haut et en bas, cetle fente se prolonge en avant sur une certaine longueur. Dans sa moitié antérieure, la paroi 30 466 MARCEL CAUSARD. de cette poche est fortement plissée sur elle-même, tandis que sa moitié postérieure est lisse. L’intestin terminal, sur presque toute sa longueur, est à près libre ; il n’est rattaché aux parois du corps que par un réseau très lâche de fines trachées. La région postérieure de cet intestin à une paroi fortement plissée, ce qui a pour conséquence une très grande irrégularité de la cavité interne (2. £., fig, 6). Dans la partie qui avoisine la poche rectale, l'intestin est relié par des faisceaux musculaires latéraux, aux parois du corps. Ces faisceaux, bien visibles quand on regarde le tube digestif par sa face supérieure (m’, fig. 7) convergent vers l'extérieur, et ont, par suite, un aspect triangulaire. La poche rectale, elle, est bien mieux encore pourvue de faisceaux musculaires. Ceux-ci s’insèrent d’une part sur ses faces latérales, supérieure et antérieure, et d'autre part sur le bord antérieur de l'anneau périanal (3, fig. 6, 7). Ces muscles ne se fixent à la paroi de la poche que dans la région plissée de celle-ci, et nullement dans la partie lisse. La fig. 7 montre l'insertion des faisceaux les plus postérieurs. Ces muscles, nettement striés, sont très visibles, chez Brachy- desmus superus et Polydesmus gallicus. Ils le sont bien mieux encore, et leur disposition est plus facile à étudier chez les formes de grande taille. Grâce à la bienveillance de M. le Professeur Bouvier, j'ai pu étudier deux grands Polydesmidae exotiques : Strongylosomum Swinhæi, Poc., et un Oxydesmus, d'espèce non déterminée. Tout d’abord, la disposition de l'intestin terminal est la même dans ces types exotiques que dans nos espèces indigènes. La fig. 14 représente la coupe longitudinale de Strongylosomum ; elle montre bien une disposition analogue à celle qui a été indiquée précé- demment. L'intestin terminal, à parois fortement plissées, longitu- dinalement et transversalement, formant une véritable petite anse, vient s'ouvrir dans la poche rectale à paroi mince et plissée dans sa moitié antérieure. Oxydesmus, de bien plus grande taille (longueur 9 en ; largeur, 15") est encore plus favorable à l'observation. La fig. 10 en représente le champ anal, vu de face. On y voit l’écaille anale, tridentée à sa partie postérieure, et cachant une partie des deux valves; les bords de celles-ci qui se touchent, sont fortement RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODES. 467 épaissis. La pointe supra-anale est tronquée, et terminée par huit dents inégales. La fig. 11 montre la coupe longitudinale du corps dans les huit derniers anneaux. L'intestin présente, jusqu’au, milieu du 13° anneau, de nombreux plissements transversaux très fins. À parür de là, commencent, tous à la même hauteur un grand nombre de plis longitudinaux, très fins aussi, qui s'étendent dans tout le 14° anneau. Il est à remarquer que dans cette partie, l'intestin est parfaitement rectiligne. La région qui commence au 15° anneau est d'abord séparée de la précédente par un rétrécissement formant une sorte de valvule. De plus, Le système des plis délicats ne s'y montre plus; mais la paroi est très fortement plissée, formant, notamment vers l'arrière, de véritables culs-de-sac remplis d'excré- ments. La disposition de la poche rectale est, comme le montrent les fig. 11 et 12, la même que dans les espèces précédemment décrites ; mais ici les faisceaux musculaires apparaissent neltement. Tout d'abord, l'intestin termial, commeil a déjà été dit, est relié aux parois du corps dans presque toute son étendue uniquement par des trachées très déliées, sauf dans la région qui avoisine la poche rectale, où des muscles apparaissent (m, fig. 12). Quant à cette dernière poche, plissée en tous sens dans sa région antérieure (fig. 12), tandis que sa région postérieure est très légèrement plissée en long, elle porte de nombreux faisceaux musculaires qui vont tous s’insérer d'autre part sur le bord antérieur de l’anneau périanal. Ces faisceaux sont gros, brillants ; quelques-uns (fig. 12) sont même sinueux, repliés sur eux-mêmes, attestants ainsi que dans l’état d'invagination complète ils sont trop longs. J'ai même pu sur cette grande espèce, étudier les muscles spéciaux aux valves, et qui aident, par suite, à la sortie et à la rentrée de la poche rectale. La fig. 13 en montre la disposition pour la valve gauche. Ils ont tous leur insertion antérieure sur le bord antérieur de l'anneau périanal, un peu en arrière de celle des muscles de la poche rectale. Ils sont divisés en deux groupes. Les uns (#,)conver- gent vers l’angle antéro-supérieur de la valve correspondante ; ils servent évidemment à faire pivoter celle-ci lorsque la poche rectale se dévagine; l’autre groupe (#7,) plus puissant, est formé de faisceaux qui s’insèrent tout le long du bord inférieur de la valve ; il faut remarquer que le plus supérieur d’entre eux (#3) croise tous les autres, pour venir se fixer à l'angle postéro-mférieur. Ces 468 MARCEL CAUSARD. muscles servent évidemment à ramener les valves dans la position de repos. Dans toutes les formes de Polydesmidæ que j'ai étudiées, la division en intestin terminal proprement dit et poche rectale est donc très nette ; d'autre part, tandis que le premier est toujours plus ou moins rempli par les résidus de la digestion, la seconde ne renferme jamais d’excréments. La dévagination de cette poche se produisant, comme nous le verrons, pendant la défécalion, c’est l’orifice rétréci de l'intestin terminal dans la poche qui fonctionne véritablement comme anus. Je propose de lui donner le nom d'anus interne (a. ?, üg. 6,4 8 0914041847) y Description de la poche rectale dévaginée. — Ktudions maintenant les mêmes organes dans leur état de dévagination. Les coupes longitudinales (fig. 8) et la vue de la face supérieure (fig. 9) montrent que la disposition s’est singulièrement modifiée. Tout d’abord, l'intestin terminal n’est plus plissé ; ses parois sont mainte- nant tendues ; sa région postérieure a une forme conique, et l’anus interne, que la coupe (fig. 8) montre encore nettement, arrive maintenant déboucher au fond du sillon qui sépare les deux ampoules formées par la poche rectale. Quant à celle-ci, elle est retournée vers l'extérieur ; ses faisceaux musculaires (m, fig. 8, 9) sont insérés sur les faces internes des ampoules saillantes ; ce sont eux qu'on aperçoit dans l’état d'extension chez les individus vivants (m, fig. 3,5); leurs points d'insertion se traduisent à la surface des ampoules sous la forme de légers enfoncements plus ou moins nels (fig. 4). On comprend dès lors facilement le mécanisme de la dévagination. Sous l’action de la poussée du sang, la mince poche rectale se retourne vers l'extérieur entraînant vers l'arrière l'intestin terminal qui se déplisse alors ; en même temps, les valves anales entraïînées prennent une nouvelle orientation, aidées qu'elles sont dans ce mouvement par certains de leurs muscles spéciaux. Ces valves pivotent à peu près autour de leur angle antéro-externe, et leur plus grande dimension, au lieu d’être située comme précédemment, dans le sens de la longueur, est maintenant presque transversale. Le RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODES. 469 mouvement de dévagination est donc dû presque uniquement à la pression du liquide de la cavité générale. Il n'en est plus de même du mouvement inverse. La pression sanguine diminuant, l'intestin terminal et la poche rectale sont ramenés en avant par la contraction de leurs faisceaux musculaires, précédemment distendus, en même temps que les valves, sous l'action de leurs muscles spéciaux, reviennent s'appliquer l'une contre l’autre. VI Dans quelles conditions la dévagination se produit-elle? En premier lieu, il faut signaler la défécation. Lorsque le moment de l'expulsion des excréments est arrivé, la poche rectale se retourne, et l'anus interne vient au jour. On comprend dès lors pourquoi la poche ne renferme jamais de résidus de la digestion. Mais à cette fonction, la poche rectale en joint certainement une autre bien différente. J'ai signalé, au début de ce travail, que la dévagination se produit lorsque l’animal est maintenu sous l’eau. J'ai fait à ce sujet de nombreuses expériences, et j'ai toujours vu le mouvement se produire au bout d’un temps plus ou moins long de submersion ; la dévagination dure aussi plus ou moins longtemps ; elle n’est pas permanente; elle cesse, du reste, dès que l’animal se déplace. Elle se produit non seulement dans l’eau, qui ne peut être qu'un habitat acciden!el pour un Myriapode, mais aussi dans l'air humide, J'ai pu conserver vivants pendant plusieurs mois, dans de la mousse humide, des Polydesmus gallicus. Je 1es surprenais de temps en temps immobiles, avecleur intestin dévaginé, les ampoules formées parcelui-ci étant presque toujours appliquées, à la façon d’une ven- touse, contre le support sur lequel se trouvait l'animal, ou contre les parois du flacon qui lui servait de prison ; mais dès que l'animal se. mellailen marche, il rentrait son rectum. Une telle attitude durable n'a évidemment rien de commun avec la digestion. Le fait que je viens d’exposer n’a, à ma connaissance, jamais été remarqué. Nous nous trouvons en présence d’une disposition spéciale de la partie terminale de l'intestin qui correspond à une fonction autre que la fonction digestive. Il me parait évident que la poche 470 MARCEL CAUSARD. réctale doit servir à la respiration dans l’eau ou dans l’air humide. Siles Polydesmidae habitent généralement dans les lieux humides, on ne les rencontre pas ordinairement, non plus que les autres Myriapodes, dans l’eau. On ne connaît guère que deux formes de Myriapodes, Geophilus (Schendyla) submarinus GRUBE, et Geophilus (Scolioplanes) marilimus, LEACH, qui ont été rencontrées par divers observateurs en différents points des côtes d'Europe, en des endroits couverts à chaque marée. Ces animaux. passent donc chaque jour un certain nombre d'heures sous l’eau. PLATEAU (1) qui a réuni et discuté les observations faites sur ce sujet avant lui, s’est livré, après PAUL GERVAIS, à des expériences pour étudier la résis- tance des Myriapodes à la submersion. Il s’est adressé seulement aux deux genres Geophilus et Cryptops, et par conséquent nullement à des Diplopodes. Les résultats ont été très variables, la mortsurvenant au bout d’un temps plus ou moins long. Dansles meilleures condi- tions, il a pu conserver un (reophilus longicornis pendant quinze jours; mais, dans toutes ses expériences, les animaux étaient rapidement engourdis, devenaient immobiles, et le seul moyen de voir s'ils étaient encore vivants consistait à constater s'ils redeve- naient actifs après avoir été retirés de l’eau. PLATEAU à du reste très bien expliqué comment il en peut être ainsi: l'absence de mouve- ments, l'engourdissement, causant un ralentissement des échanges nutritifs, l'animal uülise alors lentement l’air contenu dans son système trachéen, les stigmates étant fermés. PLATEAU a, du reste, étendu ses expériences à d’autres Arthropodes à respiration aérienne, Insectes et Arachnides, et il conclut (p. 264) : « La propriété qu'ils > nous offrent ne lient ni à une structure spéciale de leur appareil > respiratoire, ni à une couche d’air adhérente qui, du reste, peut manquer, ni à la présence d’un vernis protecteur dont on a plusieurs > fois invoqué le rôle ; c’est une propriété générale à tous les Arthro- > podes non branchiés. Tous, ou à peu près tous, résistent remarqua- > blement longtemps à l’asphyxie, de sorte que la plupart des Myria- > podes, des Insectes, des Arachnides exclusivement terrestres...» peuvent supporter la submersion, « pourvu que, comme au bord de » la mer, il y ait des périodes d'exposition à l’air alternant avec des Ÿ V 1) F. PLaATeAu. — Les Myriapodes marins et la résistance des Arthropodes à espiralion aérienne à la submersion (Journal de l'Anatomie et de la Physiologie, t. 26 ; 890) RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODES. AT > périodes de submersion ». PLATEAU indique même pourquoi les Insectes aquatiques, continuant à se mouvoir dans l’eau au lieu de s'engourdir, résistent moins longtemps à l’asphyxie que les non aquatiques, en épuisant plus rapidement la provivion d'air respi- rable contenue dans leurs trachées. Mais toute différente est la situation de nos Polydesmes sub- mergés soit naturellement, soit expérimentalement. Bien que se mouvant un peu moins vivement que dans l'air, ils ne sont pas du tout engourdis, ils se déplacent en tous sens. Point n’est besoin de les soumettre de temps en temps, comme le cas se présente pour les Géophiles marins, à une exposition à l'air. Ceux que j'ai rencontrés dans un ruisseau étaient fixés sous des pierres complètement et constamment submergées ; ils paraissaient y vivre à l'aise. Je dois ajouter que je les ai toujours trouvés dans des endroits où le courant était très rapide. Du reste, dans les expériences que j'ai entreprises, la durée de la vie active sous l’eau, c’est-à-dire la période précédant l'engourdissement de l'animal, était d'autant plus longue que la vitesse de l’eau était plus grande. Dans l’eau non renouvelée, l'engourdissement se produisait assez rapidement. Bien qu'installé d'une façon rudimentaire, et ne pouvant fournir à mes Myriapodes un courant d’eau aussi énergique que je l’eusse désiré, j'ai pu en conserver plus de huit jours sous l’eau en bonne santé. On ne pourrait pas les considérer comme ayant respiré peu à peu aux dépens de la couche d'air adhérente à leurs téguments, car j'avais toujours soin d'en débarrasser ceux-ci en les frotlant avec un pinceau. Une des raisons de la mort de mes sujets était certainement aussi le manque de nourriture convenable. Donc, pour que les Polydesmidae puissent vivre sous l’eau, il faut que celle-ci soit énergiquement renouvelée et par conséquent aérée. La prolongation considérable de la vie lorsque ces conditions sont réalisées montre donc que ces animaux doivent emprunter à l'eau une parlie de l'air qu'elle tient en dissolution. Cet emprunt ne peut se faire que par l'intermédiaire de la poche rectale, déva- ginée comme je l'ai indiqué précédemment. De quelle disposition spéciale d'appareil respiratoire déjà connu peut-on rapprocher la poche rectale des Polydesmidae ? On pourrait peut-être, au point de vue fonctionnel, penser à la comparer aux expansions légumentaires renfermant des trachées, et constituant les branchies trachéennes des £pheineridae des Libellulidae, des 472 MARGEL CAUSARD. Perlidae, ete. Mais cette assimilation serait insuffisante, car les trachées de la poche rectale dévaginée ne sont pas très nombreuses ; de plus elles paraissent être simplement placées dans la cavité générale du corps, autour de l'inteslin, sans pénétrer dans la paroi même de la poche; elles seraient ainsi {trop éloignées de l’eau pour que des échanges importants puissent se faire facilement entre leur contenu gazeux et le milieu extérieur. Remarquons que dans les branchies trachéennes, les ramifications des tubes respiraloires sont très nombreuses, et que l’air seul circule dans ces organes. Dans la poche rectale des Polydesmidae, 11 n'en est pas ainsi; les trachées, comme je l'ai dit plus haut, y sont peu nombreuses, mais les globules sanguins y circulent activement. Il doit donc s'effectuer à travers la paroi mince de la poche reclale dévaginée, des échanges gazeux entre le sang lui-même et l'air dissous dans l’eau ou l’air humide. Dès lors, l'appareil n’est plus assimilable à une branchie trachéenne, mais à une véritable branchie. Cette disposition spéciale, jamais encore signalée chez les Myriapodes permeltrait donc à quelques-uns d’entre eux de mener, momentanément au moins, une existence plus ou moins aquatique dans des conditions bien meilleures que celles qui sont réalisées pour les Géophiles marins. Je n’ai pu observer à l’état vivant que les deux genres Polydesmus et Brachydesmus ; mais l'homogénéité de la famille de Polydes- midae, et l'identité de disposition de la poche rectale que j'ai pu étudier chez quelques formes exotiques, me conduisent à penser que la famille entière est douée de la même adaptalion. Ces remarques m'ont conduit à examiner si les autres formes de Diplopodes présentent une disposition semblable de l'intestin terminal. J'ai étendu alors mes recherches à quelques représentants des deux familles importantes des Zulidae et des Glomeridae. MALE lulidae. — Le tube digestif des Jules a été plusieurs fois décrit. PLATEAU (1) a résumé les observations faites avant lui sur ce sujet, (1) F. PLaTEAU. Recherches sur les phénomènes de la digestion et sur la structure de l'appareil digestif chez les Myriapodes de Belgique. (Wémoires de l'Académie royale de Belgique, t. XLIT, 1876.) RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODES. 473 et les a complétées par les siennes propres, qui ont porté non seulement sur l'anatomie de l'appareil digestif, mais encore sur la physiologie de la digestion. I nous indique ainsi qu'auparavant, RAMDoHR (1) et TREVIRANUS (2) avaient seuls donné des représentations du tube digestif de Zulus terrestris Lix.. N'ayant pas eu ces mémoires entre les mains, je suis obligé de m'en rapporter à ce qu’en dit PLATEAU (p. 66) : «< RAMDOHR représente l'intestin terminal comme formé de deux > portions à surfaces lisses. TREVIRANUS le figure coupé transversa- > lement de nombreux sillons. » MARCEL DE SERRES (3) décrit « l'intestin gros, séparé du duodénum > par une valvule distincte formée par un repli saillant de la > membrane musculaire, qui s’y trouve généralement très plissée. > Quant au rectum, il est court et peu large, en venant s'ouvrir au > milieu des deux pièces écailleuses qui terminent les anneaux du > COTPS. > PLATEAU (0p. cit., p. 66) fait remarquer que l'intestin terminal se compose de deux parties. « La première, largé, très musculaire, > variant beaucoup d’aspect par l'effet des contractions des fibres > musculaires annulaires. C’est la seule que RAMDOHR et TREVIRANUS > aient vue. La seconde, très courte, beaucoup plus étroite, à parois > transparentes est renfermée entièrement dans l'espèce de boîte > constituée par le dernier anneau du corps et les valves anales.Cette > dernière parlie, ou rectale, présente la particularité d’être > toujours courbe, se raccordant à l'anus, qui est infère. » Il a représenté celte disposition principalement dans ses fig. 5 et 6 chez I. terrestris, 7 ct 15 chez I. sabulosus. Cette citation est un peu longue; mais elle constitue toutes nos connaissances sur l’état actuel de la question. La division de l'intestin terminal en deux régions est exacte; mais la descriplion de la dernière est inexacte. J'ai étudié aussi Z. {errestris Lin. et Schizo- phyllum sabulosumL. De plus, grâce à l’amabilité de M.le Professeur (1) RampoHR. Abhandlung über die Verdauungswerkzeuge der Insecten, p. 148 : Atlas, pl. XV, fig. 1, 1811. (2) TREvIRANUS. Vermischte Schrifien (Zweiter Band), p.43; pl. VII, fig. 6, 1817. (3) MARCEL DE SERRES. Sur les usages du vaisseau dorsal (suite). #émotres du Muséum, t. V, 1819, p. 114. 474 MARCEL CAUSARD. BOUVvIER, j'ai pu examiner un grand Iulide du Congo, Spirobolus pulvillatus ? New. J'ai représenté dans la fig. 15 le champ anal, et dans la fig.16 une coupe longitudinale de Schizophyllum sabulosum, la fig. 17 représente la coupe de Spirobolus pulvillatus. I suffit de jeter un coup d'œil sur ces deux coupes pour saisir la ressemblance entre l'intestin terminal des Zulidae et celui des Polydesmidae. Comme le dit PLATEAU, la division en deux parties est manifeste. La première est très musculaire; mais 1l faut remarquer que, même remplie d'excréments, elle est toujours fortement plissée transver- salement; dans l’exemplaire disséqué de Spirobolus, elle formait même une sorte de sac. À l'endroit où elle se termine posté- rieurement, cetle région a une paroi beaucoup plus épaisse et plus musculaire. Quant à la région terminale, au lieu d’être de petit diamètre et de se recourber pour se terminer entre les valves anales, comme PLATEAU l'indique, elle a absolument l'aspect de la poche rectale des Polydesmidae. Cependant, la région plissée est moins étendue, etil est à remarquer que l’anus interne, au lieu d’être placé à la partie inférieure de la poche, s'ouvre au contraire à la partie supérieure. Bien que celte dernière disposition ait élé rencontrée dans tous les exemplaires que j'ai disséqués, elle n'a qu’une impor- tance tout à fait secondaire. Quant aux faisceaux musculaires de la poche rectale, leur disposition est aussi la même que chez les Polydesmidae, et par conséquent, il est inutile d'en faire la descriplion. Il en est de même de ceux qui font mouvoir les valves anales. Il faut signaler aussi, au voisinage de l'anus interne une abondance extraordinaire de trachées (ér. fig. 17). Une telle ressemblance dans la musculature de l'intestin terminal des Zw/idue et des Polydesmidae conduit à supposer une identité dans le fonctionnement de ces organes, c’est-à-dire la dévaginalion de cette région. Malgré de nombreuses observations, je n'ai pu pendant longlemps, saisir sur le fait celte dévagination ; javais pu conserver des Jules pendant plusieurs jours sous l’eau sans les voir retourner leur poche rectale. Je fus plus heureux avec des Iules conservés dansla mousse humide; un jour, je trouvais l’un d'eux immobile, avec son rectum dévaginé, absolument comme le fait se produit pour les Polydesmes. Depuis,j'ai pu répéter plusieurs fois mon observalion. RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODES. 479 VIII Glomeridae. — Le tube digestif des Glomeris est connu depuis longtemps, grâce à un mémoire de BranDT (1). Depuis la publication de ce travail, on sait que le tube digestif de ces animaux, au lieu d'être rectiligne, décrit une anse. PLATEAU (0p. cil.), après GERVAIS, a montré que chez nombre d’autres Myriapodes, le tube digestif n’est pas non jlus absolument droit. PLATEAU, qui a représenté le tube digestif de Glomeris limbata dans ses fig. 10, 11 et 12, y a distingué, comme dans celui des Iules, une portion courte ou: rectale, dont il dit seulement (p. 76): « elle n'offre absolument à > considérer que sa brièveté et son diamètre moindre que celui de > l'intestin terminal. » Celte description est totalement insuffisante, comme on peut s’en rendre compte à l’aide des fig. 18 et 19 qui représentent, la première, le tube digestif de G{. guttata Risso, en place et vu d’en haut, et la seconde une coupe longitudinale médiane de la même espèce ; on n’a figuré que la région postérieure du corps. J'ai aussi examiné Gl. marginala LEacx et Gl. pustulata FaBr. chez lesquels la disposition est identique. La portion longue de l'intestin terminal est plus ou moins grosse, suivant qu'elle est remplie ou non d’excréments. Il en est de même aussi du reste de l'intestin, qui offre des variations de volume considérables, mais tout accidentelles. Les figures montrent que la portion courte de l'intestin terminal, bien que brève et plus étroite que la portion longue lorsque celle-ci est distendue, comme c’est le cas pour la fig. 18, s’en distingue par sa constitution qui la rapproche énormément de la poche rectale des Polydesmidae et des Zulidae. Bien que relativement moins développée que dans les deux familles précédentes, elle n’en est pas moins très mince, plissée, el surtout reliée au pourtour de l’anneau périanal par dés faisceaux musculaires importants, très visibles dans la fig. 18. Les valves anales sont faiblement chitineuses, formant chacune un angle saillant vers (1) BRANDT. Beiträge zur Kenntniss des innern Baues von Glomeris marginata (Archiv. fur Anatomie, ete. de J. MULLER), 1837. 476 MARCEL CAUSARD. l'arrière (v. «. fig. 19) ; elles sont aussi reliées aux téguments par des muscles très nets. Il n’y a pas d’écaille anale. La disposition anatomique conduit évidemment à supposer que la dévagination de la poche reclal e doit se faire comme chez les lules et les Polydesmes, au moins pendant la défécation. Se produit-elle en d’autres temps, je l'ignore, n'ayant jamais pu l'observer. J'ai seulement trouvé des Glomeris morts avec leur rectum en partie dévaginé. Du reste la forme du corps de ces animaux, où l'anus est complètement caché par l'anneau périanal très développé, rend à peu près impossible l'observation du phéno- mène. J’ai pu conserver aussi des Glomeris vivants pendant plusieurs jours dans l’eau courante. IX Conclusion. — Les observations qui précèdent permettent évi- demment de tirer les conclusions suivantes. La région terminale du tube digestif est, chez les Myriapodes diplopodes, au moins dans les trois familles des Po/ydesmidae, des lulidue et des Glomeridae, constituée par une poche à parois très minces, pouvant se dévaginer et faire saillie au dehors. Ce renversement se fait normalement pendant la défécation. Mais là n’est évidemment pas la seule fonction de cet organe, qui n’est jamais rempli d’excréments. L'observation des animaux vivants, dans des conditions variées nous a montré qu'il doit jouer un rôle dans la respiration : on doitle considérer comme un véritable organe branchial. Ce rôle, dévolu à l'intestin peut surprendre au premier abord : cependant, le rectum des larves des Zibellulidae constitue un organe respiratoire fort important. D'autre part, chez les Myriapodes, CarL Vo@r (1) faisant l'étude anatomique du Lithobius forficatus. L., remarque que des trachées circulent dans la paroi du rectum, et se demande la significalion de ce fait. Quant à la présence d’un organe branchial chez des Arthropodes trachéens, elle n’a rien qui doive surprendre non plus. Les Myria- podes forment un groupe de Trachéates qui a cerlainement conservé (1) Cars VoGr et YUNG. Traité d'anatomie comparée pratique. (T. 11, p. 107). RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODÉS. 477 beaucoup de ses caractères ancestraux : il ne serait pas étonnant de retrouver par conséquént en eux une disposition rappelant leur origine aquatique. Du reste, chez les plus anciens des ancêtres des Chilopodes actuels, chez les Archidesmus et les Acantherpestes du Dévonien, n'a-t-on pas trouvé des appendices foliacés latéraux, qu'on à homologués aux branchies trachéennes des larves d'£pheme- ridae ? D'autre part, au Congrès international de zoologie de Cam- bridge, en 1898, M. le Professeur Bouvier, en communiquant le résultat de ses recherches sur les Peripatus, a considéré les fosseties à téguments qu'on observe surtout chez les espèces américaines, et qui sont évaginables sous la poussée du sang, comme des organes respiratoires. Il les a homologuées aux organes de même nature et de même fonction qu'on rencontre à la base des appendices chez d’autres Arthropodes primitifs (Thysanoures, Symphyles) et en a conclu que ce caractère démontre une fois de plus l’origine aquatiques des Péripates. Plus récemment encore, J. PANTEL (1) en étudiant l'appareil respiratoire de plusieurs Muscides(T'achina, Chæœtolyga, Sturmia, etc.), décrit une vésicule anale plus ou moins développée, soit continuellement saillante, soit évaginable et invaginable au gré de l’animal, mais qui, en tout cas, ressemble singulièrement à la poche rectale des Diplopodes. Il lui assigne, comme nous, le rôle de branchie sanguine, ce nom ayant été récemment employé par Mraz et HamMoxp (2) à propos de « Harlequin Fly > (Chironomus sp?). Chez les larves de Tachinaires, étudiées par PANTEL, cette vésicule, bien développée chez les larves jeunes flottant souvent sur l’eau, et « assujetties à respirer l'oxygène dissous », et dont le développement est en raison inverse de celui du système trachéen, est transitoire. « Dans tous les cas, dit-il, les formes en entonnoir > où en poche cessent de se montrer dès que la larve se met à > même de respirer l'air en nature, pour faire place à la forme » réduite d’écusson. » En présence de tous ces faits, nous pouvons conclure, comme (1) J.PANTEL. Sur quelques détails de l'appareil respiratoire et de ses annexes dans les larves de Muscides. (Bulletin de la Soc. Entomologique de France, 1901, p. 57). (2) Mrazz (L. C.) et Hammoxp (A. R.). The structure and life-history of the Harlequin Fly (Oxford, 1900). 478 MARCEL CAUSARD. M. Bouvier l'a fait pour les Péripates, que l'existence d’une poche rectale servant à la respiration branchiale, soit accessoirement dans l'air humide, soit accidentellement dans l’eau, n’est qu'une disposition ancestrale, rappelant aussi l’origine aquatique des Myriapodes. | Une disposition semblable n’a jamais non plus été signalée chez les Chilopodes, où, du reste, l'intestin ne présente pas de poche rectale élargie, constituée autrement que le reste du tube digestif. La persislance, chez les Diplopodes, de vestiges de respiration branchiale ne pourrait-elle pas être un argument en faveur de l’anciennelé de ce groupe, la question n'étant pas encore tranchée de savoir quel est, des deux ordres de Myriapodes, celui qui s'éloigne le moins de la forme ancestrale ? Je ne veux pas terminer ce travail sans offrir mes sincères remer- ciements à M. le Professeur BouviER qui en me communiquant cerlaines espèces de grande taille a singulièrement favorisé mes recherches et m'a permis de les étendre à un plus grand nombre de types ; à M. BRÔLEMANN qui a bien voulu déterminer les espèces que j'ai étudiées ; à M. AcHaRv, conservateur du Musée d’Aix-en-Pro- vence qui m'a envoyé des Myriapodes méridionaux ; enfin, à M. le Professeur GiarD qui a bien voulu communiquer les résultats de mes recherches au Congrès de Boulogne de l'Association française pour l'avancement des Sciences, et m'accorder l'hospitalité dans son Bulletin Scientifique. Qu'ils reçoivent tous ici, l'hommage de mon entière reconnaissance. Laval, le 15 novembre 1901. © RESPIRATION BRANCHIALE DES MYRIAPODES. 479 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. . RAMDOHR. — Abhandlung über Verdauungswerkzeuge der Insecten, 1811. . TREVIRANUS. — Vermischte Schriften (Zweiter Band), 1817. . MARCEL DE SERRES. — Sur les usages du vaisseau dorsal. (Mémoires du Museum, t. V, 1819). . BRANDT. — Beitrage zur Kenntniss des innern Baues von Glomeris margi- nata (Archiv. fur Anatomie, etc., de J. MüLLer, 1837). . F. PLATEAU. — Recherches sur les phénomènes de la digestion et sur la structure de l'appareil digestif chez les Myriapodes de Belgique. (Mémoires de l'Académie royale de Belgique, t. XLIT, 1870). . F. PLATEAU. — Les Myriapodes marins et la résistance des Arthropodes à respiration aérienne à la submersion. (Journal de l'Anatomie et de la Physiologie, t. 26, 1800). . CARL VOGT et YUNG. — Traité d'Anatomie comparée pratique. T. I. . MIALL (L.-C.) et HAMMOND (A.-R.).— The structure and life-history of the Harlequin-Fly. Oxford, 1900. . J. PANTEL. — Sur quelques détails de l'appareil respiratoire et de ses annexes dans les larves de Muscides. (Bulletin de la Société entomo- logique de France, 1901). LA PRÉCOCITÉ ET LA PÉRIODICITÉ SEXUELLES CHEZ L'HOMME (!) par GusTAvE LOISEL, DOCTEUR EN MÉDECINE ET DOCTEUR ÈS-SCIENCES. MESSIEURS, Je me propose de vous entretenir, dans cette première leçon, de phénomènes très rares et très curieux de la vie de l’homme: la précocité et la périodicité sexuelles. Si j'ai choisi ce sujet, c'est d’abord parce qu’il se rattache aux recherches que j'ai entreprises sur la spermatogénèse. C’est ensuite et surtout parce qu’il va bien vous montrer les tendances générales du cours libre que j'ai l'honneur de faire, à la Faculté des sciences, depuis tantôt trois ans. Ces tendances, que vous me permettrez de rappeler en commençant le cours de cette année, sont d'ordre scientifique et d'ordre pédagogique. Au point de vue scientifique, je m'efforce toujours de faire suivre le développement de l'organe du développement de la fonction de cet organe. Il y a là, en effet, une lacune à combler dans les ouvrages classiques que vous avez entre les mains. Tous vous montrent plus ou moins clairement comment se constituent les formes, mais aucun ne vous dit comment évoluent les fonctions, aucun ne vous donne, par exemple, la nature de la première salive ou du premier suc gastrique formé par l'embryon, aucun ne vous (1) Lecon d'ouverture d’un Cours libre d'£mbryologie de l'Homme et des Vertébrés, professé à la Faculté des Sciences de Paris en 1900-1901. Le manuscrit de cette lecon a été déposé en janvier 1901. LA PRÉCOCITÉ ET LA PÉRIODICIDÉ SEXUELLES CHEZ L'HOMME. 4S] renseigne sur l'évolution des fonctions de la moëlle épinière ou du cerveau. Or la physiologie de l'embryon est, pour le moins, aussi intéressante et plus suggestive encore que sa morphologie; la physiogénère doit faire partie maintenant d'un cours d'Embryologie, au même litre que l'histogénère et que l’organogénèse. Il est vrai qu'en agissant ainsi, nous serons entraînés parfois à pousser notre étude plus loin que la vie fœtale. Mais vous savez déjà, par l’exemple des animaux à métamorphose, combien il serait inexact de faire se terminer le développement d'un être vivant à la naissance de cet être. Une autre tendance de cet enseignement, est de vous montrer comment l'embryologie peut servir à expliquer certains élats ou phénomènes particuliers de la vie de l'adulte, sans jamais perdre de vue cependant le caractère général et philosophique que doit toujours garder l'embryologie, dans cetamphithéâtre. Quand le moment sera venu, je vous dirai, par exemple, pourquoi les artères qui vivifient les testicules prennent leur origine très haut dans l'abdomen alors que le scrotum tire ses vaisseaux de l'artère la plus voisine, pourquoi les nerfs laryngés inférieurs vont en bas, versle cœur, passer au-dessous de l'aorte ou de la sous-clavière pour remonter ensuite au larynx, au lieu d'aller se rendre directement à cet organe. Je vous montrerai ce que signifient les glandes pinéale et pituitaire, l'organe de RosENMULLER, le corps de GIRALDES et d’autres organes rudimentaires qui furent, pendant si longtemps, des énigmes en anatomie. Vous verrez enfin commentse forment certaines maladies ou malformations de l'adulte, tels que la cyanose, le bec de lièvre, l’ectopie du testicule, le spina-bifida, etc. En somme, l’embryologie vous paraîtra ainsi comme la base de toutes les connaissances biologiques : de l’analomie humaine et comparée, de la tératologie, de l'histologie et même de la pathologie. C’est vous dire que ce cours doit s'adresser à plusieurs ordres d’auditeurs : aux étudiants de la Faculté des sciences qui recherchent les certificats d’embryologie, de zoologie et de physiologie, à tous les élèves qui, pour leur destinée, ont à connaitre de la nature de l'Homme, c’est-à-dire aux futurs médecins et aux élèves en psychologie, enfin à toute personne qui se passionne pour la recherche de la science pure, à tous ceux qui désirent savoir 31 482 GUSTAVE LOISEL. quelle est l’origine de l'Homme et comment il se constitue dans la matrice maternelle. Au point de vue pédagogique, vous remarquerez la tendance objective que je tàche de donner toujours à mes leçons. Cette tendance se manifeste chaque fois par des tableaux faits d'avance sur le sujet traité, par des dessins ou par des préparations photographiées que je ferai circuler parmi vous, enfin par les préparations réelles qui seront exposées sur cette table et que vous pourrez venir examiner après la leçon. Mais c'est surtout dans les travaux pratiques que vous pourrez mieux juger celle méthode. Ces travaux sont en réalité des conférences praliques que chaque auditeur peut suivre, ayant, à côté de lui, un microscope ou une loupe et les préparations réelles (faites d'avance) se rapportant au sujet de la conférence. De cette façon lc débutant ne pert pas son temps à gâcher des embryons et à faire des préparations dans lesquelles le plus souvent, il ne voit rien après s'être donné pourtant beaucoup de mal. De la sorte chacun de vous, en très peu de temps, aura vu par lui-même, toute l’embryologie d’un Vertébré. Mais, pour cela, j'ai encore beaucoup de préparations à faire et je demanderai à ceux d’entre vous qui fréquentent les hôpitaux, ou plutôt les maternités, de bien vouloir apporter ou faire envoyer, au laboratoire du professeur GrarD toutes les pièces ayant un rapport quelconque avec l'Embry- ologie. MESSIEURS, Avant d'entrer dans le cœur même de mon sujet, je dois vous montrer en quelques mots comment se développent le testicule et comment se constitue sa fonction, c’est-à-dire la spermatogénèse. Nous diviserons donc cette leçon en quatre parties : I. Idée générale du développement du testicule. IT. Idée générale du développement de la spermatogénèse. III. Précocité sexuelle chez l'Homme. IV. Périodicité sexuelle chez l'Homme. I. — IDÉE GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT DU TESTICULE. C'est toujours de très bonne heure que la glande sexuelle apparait chez les Vertébrés. Chez l'Homme, c’est vers la quatrième ou la LA PRÉCOCITÉ ET LA PÉRIODICITÉ SEXUELLES CHEZ L'HOMME. 483 cinquième semaine du développement ; chez le Lapin, c’est pendant le sixième jour ; chez le Poulet, le quatrième, pour ne parler que des Vertébrés supérieurs. Cette glande se montre d’abord sous l'aspect d'une longue bande blanchâtre appelée éminence génitale el située sur le bord interne des reins primitifs ou corps de WoLrr ; celte bande est tout simplement formée alors par un épaississement du péritoine. En cet endroit, les cellules endothéliales forment au-dessus d’une masse mésodermique, plus ou moins bien isolée, un épithélium germinalif dont les éléments seront le point de départ de la longue lignée séminale; c'est pourquoi je les ai appellées cellules germinatives ou génératrices (1). D'abord toutes les cellules germinatives se multiplient activement de façon à augmenter l'étendue de l’épithélium germinatif; en même temps leurs limites deviennent de moins en moins distinctes de sorte que les auteurs décrivent souvent leur ensemble comme un plasmode ou syncitium nuclée. Bientôt on voit certaines de ces cellules grossir énormément, s’arrondir et prendre l'aspect de jeunes ovules, d’où le nom d’ovules mâles sous lequel on les désigne quelquefois. On doit plus justement les appeler spermatogonies oviformes. J'ai montré en effet que ces prétendus ovules ne sont que les premières cellules spermatiques ; ce sont de grosses spermatogonies qui, se divisant alors très rarement, acquièrent, sous l'influence d’une assimilation toujours active, un état hypertrophique plus ou moins accentué. Chez les Vertébrés inférieurs, les spermatogonies conservent toujours, chez l'adulte, ce caractère hypertrophique; chez les Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères au contraire, ces grosses spermatogonies se divisent plus fréquemment et par conséquent, deviennent beaucoup plus petites, au moment des périodes de rut tout au moins. Pendant l'hiver au contraire, au moment où le testicule (1) Depuis la rédaction de cette leçon, de nouvelles recherches m'ont montré que l'épithélium germinatif était une formation glandulaire d'où dérive secondairement la glande setuelle, mâle ou femelle. Pour plus de détails, voir: G. Loisez : Sur l’origine du testicule et sur sa nature glandulaire. Compte-rendu soc. Biolog. 18 janvier 1902 et Etudes sur la Spermaté- genèse chez le Moineau domestique. Journal de l'Anat. et de la Phys. 1902, 1. xxxvnr, avec 4 pl. et 10 fig. dans le texte. 484 GUSTAVE LOISEL. de beaucoup de Vertébrés est en repos, elles reprennent le caractère oviforme. Dans une troisième phase du développement, l’épithélium germinatif, ainsi constitué, avec ces deux sortes de cellules germi- natives et spermatogonies oviformes, s'organise pour former le testicule. Il envoie vers le corps de Wozrr, dans le tissu méso- dermique sous-jacent, des bourgeonnements épithéliaux; ces bourgeons deviennent les ämpoules séminifères des Plagios- tomes et des Batraciens, les canalicules séminifères où tubes séminipares de tous les autres Vertébrés. Dans le premier cas, le testicule ressemble à une glande en grappe, le corps de WoLrr persiste et c’est son canal excréteur qui servira en même temps d’issue à l'urine et au sperme. Dans le deuxième cas, le testicule est comparable à une glande en tube ;le corps de Wozrr persiste encore dans sa parlie supérieure mais il perd sa fonction primitive pour devenir une sorte de réservoir au testicule, l’épididyme; enfin le canal de Wozrr ne sert plus qu’au passage du sperme et devient le canal déférent. II. — IDÉE GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT DE LA SPERMATOGENÈSE. Nous connaissons le développement du testicule dans ses grandes lignes, voyons maintenant comment la fonction spermatogénélique se constitue. Avant la découverte de la cellule, ou du moins avant la théorie cellulaire, on croyait que le sperme apparaissait tout d’un coup au moment de la puberté ; on disait qu'il se formait ensuite instanta- nément, au moment du coit ou à l’occasion des influences qui s'y rapportent, comme les larmes arrivent brusquement aux yeux quand on à du chagrin, où comme l’eau qui nous vient à la bouche au souvenir d'un mets agréable (1). Les progrès en histologie vinrent montrer peu à peu, que la spermatogénêse était un phénomène beaucoup plus compliqué, mais, jusqu'en 1887, on croyait encore que le sperme se formait (1) J. BOUSQUET, docteur en médecine Nouveau tableau de l'amour de conjugal t. 1. (Paris 1820). LA PRÉCOCITÉ ET LA PÉRIODICITÉ SEXUELLES CHEZ L'HOMME. 483 brusquement au moment de la puberté. On pensait que le testicule, une fois constitué, restait complètement en repos jusque vers l’âge de 15 à 18 ans chez l'Homme, de 2 à 3 ans chez le Cheval, d’un an chez le Bœulf, de 4 mois chez le Lapin, etc. La période antérieure à la puberté élait, pour les uns, un état d’infférence sexuelle, pour les autres, un élat d'hermaphrodisme. Dans celte dernière idée l'épithélium germinalif donnait naissance à des éléments femelles qui avortaient, (ovules mâles) et à des éléments mâles (cellules épithéliales) qui attendaient l'avortement complet des premières pour évoluer en cellules séminales. En 1887, PRENANT montra que, chez les Mammifères, la sperma- togénèse était précédée d’une courte période, d’une sorte de crise sexuelle, pendant laquelle le testicule se préparait à remplir sa fonction ; c'est ce qu'il appela préspermatogénèse. Or une étude approfondie et suivie du testicule chez le Moineau, depuis l'état fœtal jusqu’à l’état adulte, nous a montré qu'il fallait faire remonter cette phase de préparalion jusqu'au moment où apparaissent, dans l'épithélium germinatif, les grosses spermato- gonies ou ovules mâles. De celte époque à la puberté, l'épithélium germinatif, puis le canalicule séminifère, sont le siège d’une succession de crises sexuelles qu'on peut appeler crises de préspermatogénèse. Chacune de ces crises comprend: 1° une phase de progression pendant laquelle les cellules spermatiques se mullüplient énergiquement ; 2° une phase de ;'égression caractérisée par la dégénérescence des éléments formés au moment de la phase précédente. Mais une partie seulement de ces derniers éléments dégénère, l’autre partie restant généralement sous la forme d'éléments viables; il en résulle que chaque crise est, dans son ensemble, un pas de plus vers l'élablissement définitif de la fonction. La figure ci-après nous résumera, sous la forme de schémas, les trois manières différentes dont a élé conçu le développement. du testicule et de sa fonction. Vous remarquerez d'abord que, dès le début des recherches histologiques, on a reconnu les trois grandes périodés de ce développement: 1° une période embryonnaire qui comprend la formation de lépithélium germinatif aux dépens de lépithélium cœlomique. 486 GUSTAVE LOISEL. 20 Une deuxième période pendant laquelle le testicule se constitue et qui s'étend jusqu’à la puberté ; ; 3 La période adulte qui commence au moment de l'apparition des spermatozoïdes dans le liquide séminal. Vous voyez ensuite que les variations des histologistes n'ont guère porté jusqu'ici que sur la deuxième période, mais vous remarquerez en même temps que ces variations ont élé amenées tout naturel- Épilhélium Ï Épithélium Ji. Organogensse du tcshcule 1. Épithélum sëminilere cœlomique gerruna!if ' Ochéema B ee précocile x , à F ' s24 HAS Fe de ; ercodicile F 0 ï ——— "1 re J chema' C lement par la complexité des phénomènes nouveaux que des recherches plus approfondies faisaient découvrir. Avec les idées anciennes que nous représente le schéma A, cette seconde période était très simple. Elle commencait par un épaississe- ment de l’épithélium germinatif, épaississement dû à la formation des ovules mâles ; ces ovules dégénéraient bientôt de sorte que la courbe, à peine élevée allait peu à peu en s’abaissant pour retomber à sa hauteur primitive, à la fin de la période. Avec PRENANT (B) nous voyons la courbe s'élever brusquement, un peu avant la fin de la période (en x); c’est le moment Préspermatagenèse de PRENANT où le tube séminipare essaie ses forces, pour ainsi dire, avant d'arriver à la période adulte. Le troisième schéma (C) nous montre que cette sorte de crise découverte par PRENANT n’est en réalité que la dernière d’une LA PRÉCOCITÉ ET LA PÉRIODICITÉ SEXUELLES CHEZ L'HOMME. 487 série de crises plus ou moins semblables et plus ou moins nombreuses, qui ont agité l’épithélium séminifère depuis le moment où est apparu, dans son intérieur, les premières spermatogonies. Ce sont les dernières de ces crises qui s’accompagnent d’une sécrétion injerne du testibule dont le retentissement sur l'organisme de l'individu mâle détermine l'apparition des caractères sexuels secondaires: productions cutanées plus développées ou spéciales aux mâles, force musculaire plus grande, modifications de la voix ou du chant, couleurs plus vives, brosses copulatrices, etc. (1). Enfin C nous montre encore, en pointillé, les modifications tératologiques de ce développement, modifications que nous allons étudier maintenant. III. — PRÉCOCITÉ SEXRELLE CHEZ L'HOMME. A l’état normal, c’est entre 15 et 18 ans que le sperme fécond apparaît généralement chez l'homme. Quelquefois cependant la puberté commence beaucoup plus tôt, à 14, 12 et même 9 ans; mais ces cas peuvent s'expliquer le plus souvent par des questions de race, de climat, de vie spéciale (régime substantiel et stimulant, excitations de toutes natures, etc.). Ce n’est donc pas de cette périodicité que je veux parler ici, pas plus que des perversités précoces que l’on observe parfois dès le plus jeune àge. Je veux parler des tout petits enfants qui, à l'âge de 5 ans, de 3 ans, de 22 mois et même de 6 mois ont acquis les caractères sexuels de l’homme adulte. Les recherches bibliographiques que j'ai faites à ce sujet m'ont permis de receuillir une trentaine d'exemples de ces cas (2). Tous, si l'on excepte ceux de PuxE (Hist. nat. livre VIT, ch. 16) et de (1) Nous avons montré cette année, que la sécrétion interne du testicule est une fonction primordiale et non secondaire comme nous le croyions encore, il y a deux ans. Voir la note de la page 483. (2) Pour la bibliographie complète de ces cas, consulter : 1° PRESLE-DUPLESSIS. Notice sur un enfant qui a donné des signes de puberté à l'âge de dix-huit mois. Journ. complém. du Diction, des sc. méd.. 1820, t. III, p. 277-281. 20 Parois. Observations de puberté hâtive traduites de l'anglais et précédées de 488 GUSTAVE LOISEL. SÉNÈQUE (Consolations à Marcie) sont de l'époque actuelle. Je ne vous en citerai que quelques-uns ; du reste ils se ressemblent presque tous, dans leurs grandes lignes tout au moins. Je vous parlerai d’abord d’un jeune enfant de 5 ans étudié à Paris par GALL (1): «Sous le rapport des forces corporelles, écrivait le célébre physiologiste, ce garçon de 5 ans paraissait en avoir 16; ses parties sexuelles étaient entièrement développées ; 1l avait une forte barbe, une voix rauque et mâle, en un mot tous les signes d’une vitalité entière. Depuis quelques années déjà, il avait satisfait avec des femmes, l’instincet de la propagation ». A peu près à la même époque (2), on présentait à l’ancienne Société de médecine un jeune enfant de trois ans, fils d’un boulanger de Montmorillon. « JAGQUES-AIMÉ SAVIN, disait le D' BRESCHET, chargé de l'examen de cet enfant par la Société, a le corps légèrement couvert de poils, principalement sur les bras, les cuisses et les jambes ; la région pubienne présente des poils rudes frisés et en aussi grande quantilé que sur un sujet de 16 ou 18 ans. Les muscles se dessinent sous la peau, la marche est ferme et assurée et souvent ce jeune sujet a fait, à pied, avec facilité, de petits voyages de plusieurs lieues..... La voix est forte et ressemble par la nature de son timbre à celle d’un sujet de 16 à 18 ans. À La verge a une longueur de 9,6 à l’élat de repos et de 13,5 en érection, c'est-à-dire qu’elle présente les dimensions ordinaires de l'adulte». Les testicules étaient relativement moins développés; cependant ils devaient fonclionner car le linge de SAvIN présentait quelquefois l'odeur et les taches du sperme; du reste, DUPLESSIS, qui parle également de cet enfant, dit avoir constaté une éjaculation d'une manière cerlaine. « Souvent, continue le D' BREsCHET, le pénis entre en érection et la présence des jeunes filles ou des femmes produit cet effet. Dans ces circonstances, quelques documents historiques. Jowr. de la section de médecine, Soc. acad. Loire- Inférieure, Nantes, 1830, t. VI, p. 75-92. 3 M. LePpriNce. Le début de la spermatogénèse dans l'espèce humaine. Applications médico-légales. Thèse Fac. méd. Paris, 1899. 4 CH. FÉRÉ. L'Instinct sexuel, Paris 1899, p. 8. (1) K. J. GALL. /nfluence du cerveau sur la forme du crâne, 1823, t. III, p. 260 (2) G. BREscHET. Description d'un enfant de trois ans offrant tous les signes de la puberté. Bullet. Fac. méd. Paris, 1820-21, t. 7, p. 302-315 avec 1 pl. représentant l'enfant. LA PRÉCOCITÉ ET LA PÉRIODICITÉ SEXUELLES CHEZ L'HOMME. 489 toute la personne de SAvIN est animée et agitée; les yeux, la parole et le geste sont en harmonie et par un instinct particulier il cherche à porter ses mains vers les organes génitaux d’un sexe différent du sien, sans trop savoir les fonctions auxquelles sont appelés et les uns et les autres; il paraît certain que ni les excitations de l’onanisme, ni la copulation ne sont connues de cet enfant ». Ajoutons que toutes les autres fonctions du jeune Savin et en particulier l'intelligence étaient celles d'un enfant de 3 ans. JACQUES - AIMÉ SAVIN élail donc un homme au point de vue sexuel dès l’âge de 3 ans; mais ilest probable que cet état avait commencé longlemps auparavant. C’est ce que nous font penser du moins deux autres cas observés, dans les mêmes conditions, par DüuPuYTREN, le grand chirurgien et par le D' RUELLE. Jusqu'à l’âge de 22 mois, écrit DUPUYTREN (1), le jeune Lowis- THÉODORE M... ne se dislingua en rien des enfants de son âge. « À celte époque, sans qu'il existât aucune maladie, on vit en peu de temps sa verge devenir très grosse et sujette à de fortes éreclions ; le pubis se couvrir de poils, sa voix acquérir de la gravité et de la force, Le reste de son corps prendre en hauteur et surtout en largeur des dimentions extraordinaires et la physionomie acquérir un caractère de maturité très remarquable. Ce qu'il y a d'étonnant c'est que les testicules restèrent fort pelits. Au contraire chez le jeune RAMITTE. observé à Cambrai par le D° RuELLE (2) dès l’âge de 2 ans, la verge était celle d’un homme, les testicules très développés el des masturbations fréquentes étaient accompagnées d'une émission notable de sperme ». Enfin je vous citerai pour terminer celterevue, lecas le plus curieux de tous, sur lequel, malheureusement je n’ai pu obtenir de détails. C'est celui d’un jeune enfant de Falaise, en Normandie qui, dès l’âge de 6 mois, donna les mêmes signes de puberté. PRESLE-DUPLESSIS dit que l'Histoire de l’Académie des Sciences fait mention de cet enfant ; mais il y a là une erreur de date car je n'ai rien trouvé à l’année 1776, année indiquée par cet auteur, ni dans les années. (1) DUPUYTREN. Extrait de la description d'un enfant de trois ans et huit mois qui offre un développement extraordinaire dans plusieurs parties de son corps. Bull. Fac. méd. Paris, t. 1. 1806, p. 148-150. (2) RuELLE. Lettre contenant l'observation d'une puberté précoce. Bull. Ac. méd. Paris, 1842-43, t. VIII, p. 622. 490 GUSTAVE LOISEL. Si j'avais le temps, Messieurs, je vous montrerais que ces cas de précocilé sexuelle mâle se rencontrent assez fréquemment dans le règne animal; par exemple chez le Saumon, l’Anguille, le Triton et l’'Axolott pour ne citer que les Vertébrés. Ils font partie de cet ensemble de phénomènes désignés par Gr4RD, en 1887, sous le nom de progénèse. Mais, si à celte époque, l’on voyait bien l'intérêt que les espèces peuvent retirer de cetle avance dans la reproduction, on comprenait moins bien comment ces phénomènes pouvaient se produire. Les dernières notions que nous avons acquises sur le dévelop- pement de la spermatogenèse semblent nous mettre directement sur la voie de l'explication cherchée. Supposons en effet (schéma C, page 486), qu'à un certain moment du développement, le testicule se soit trouvé placé dans des conditions de nutrition particulièrement favorables. Il en résultera que la poussée de préspermatogénèse correspondante ira beaucoup plus loin qu’elle n’aurait été dans les conditions normales; elle pourra se faire sentir seulement sur le canalicule séminifére, ou bien étendre son influence sur l’ensemble de l'organisme de manière à faire apparaître les caractères sexuels secondaires. Sans entrer dans le détail sur le mécanisme de celte influence d’un épithélium localisé sur le corps tout entier, je vous dirai qu'elle s'opère par le moyen d’un phénomène physiologique aujourd’hui bien connu, la sécrétion interne. Je vous rappellerai en même temps que ce phénomène a été découvert par BROWN-SÉQUARD et que c’est précisément avec les testicules que le célèbre physiologisle a fait ses premières expériences. IV. — PÉRIODICITÉ SEXUELLE CHEZ L'HOMME. Tous les Vertébrés mâles ont des périodes de rut, au moins à l’état sauvage; c'est à l’hiver que les Loups et les Renards s’approchent de leur femelle ; c’est à l'automne pour les Cerfs et les Chauve-souris; c’est au printemps et à l’été pour la plupart des animaux. Cette périodicité se manifeste non seulement dans les mœurs des mâles; mais encore le plus souvent dans l’état de leurs glandes sexuelles. Chez le Moineau par exemple, les testicules atteignent LA PRÉCOCITÉ ET LA PÉRIODICITÉ SEXUELLES CHEZ L'HOMME. 491 à peine la grosseur d’une tête d’épingle pendant l'hiver alors qu'ils remplissent presque tout le fond de la cavité abdominale au moment du rut ; ils ont alors parfois la grosseur d'un œuf de roitelet. Pour l'Homme, on n’a pas observé de ces changements périodiques dans l’état de ses testicules. Mais lorsqu'il subit plusieurs coïts ou pertes séminales répétées, on remarque que le sperme de ses dernières éjaculalions est de moins en moins chargé en spermato- zoïdes (BÉCLARD) et il arrive toujours un moment où le spasme vénérien ne produit plus aucun liquide fécond. Il faut attendre une période de repos plus ou moins longue avant de voir les éjaculations fertiles se reproduire. On pourrait donc dire que l’homme, lui aussi, présente une périodicité sexuelle. Mais c’est plutôt un simple phénomène d’épuisement qui se présente toujours à la suite d’un travail forcé et qui, par conséquent, ne peut être comparé au rut des autres mammifères. L'homme fait-il donc exception à la loi générale des Vertébrés ? N'’est-il pas possible de régler hygiéniquement ses rapports conjugaux en se basant sur une périodicité physiologique, analogue à celle que présente sa femelle ? Les anciens philosophes l'avaient essayé, mais d'une façon empirique et peu précise. En effet ZoRoASTRE voulait que l’homme approchàt de sa compagne une fois tous les neufs jours, SGLON, trois fois par mois, MaHoMET, une fois par semaine, quand la femme n'avait pas ses rêgles et LUTHER, deux fois tous les huit jours. Quant aux hommes de sciences, ils sont beaucoup moins affir- matifs que les hommes de lettres. L'homme n’est soumis à aucune règle, nous disent les physiologistes, et les livres d'hygiène ne font que paraphraser ce qu’un grand médecin du XV° siècle, FERRARI, écrivait au fils d’un de ses illustres clients : « Usez de ces plaisirs de telle façon qu’on n’éprouve pas de faiblesse de la vue, qu'on se sente plus alerte ei que le sommeil soit meilleur ». Or, dans ces derniers temps, une observation médicale dont je vous parlerai tout à l'heure, m'a rappelé la théorie d’un médecin de Chicago, Le D' GREEN, qui semble donner une réponse scientifique à la question. (1) FERRA DE GRADO. Une chaire de médecine du XV® siècle. Paris 1879, p. 238. 492 GUSTAVE LOISEL. D'après cet américain, le sperme formé par les glandes mâles s’'accumulerait dans les réservoirs naturels des testicules: les vésicules séminales et les épididymes. Quand ces réservoirs seraient pleins, 1l se produirait alors, dans tout l'organisme de l'homme, un état particulier qui correspondrait au rut des animaux. Cette phase d’excitation durerait 5 jours et c'est pendant ce temps que les réservoirs devraient être vidés par le coït. Viendrait ensuile une phase de repos pendant laquelle se remplirait de nouveau le réservoir spermatique. Des considérations anatomiques tirées surtout de la longueur des tubes de l’épididyme font admettre à l’auteur une durée de 20 à 25 jours pour cette seconde phase, de sorte que l’ensemble de la période sexuelle mâle serait, comme chez la femme, de 28 jours en moyenne. Voici maintenant l'observation médicale à laquelle je faisais allusion tout à l'heure et qui est due au D" FEÉRE (1). Vous allez voir que celte observation parait confirmer entièremenl la théorie de GREEN : Il s'agit d'un paralytique général de 42 ans, M... Les renseigne- ments sexuels font à peu près défaut pour la première enfance de cet homme mais, dès l’âge de 7 ou 8 ans, il est avéré que M.....….. avait ne mauvaise Semaine par mois. « Pendant plusieurs jours, écrit le D' F£RE, on n'obtenait rien de lui; il était indiscipliné et puni: ce qui n’arrivait pas le reste du temps. Plus tard ses frères remarquérent chez lui des crises mensuelles de masturbation. A 20 Vans AMP se marie et, dès les premiers temps de son mariage, sa femme remarque une périodicité sexuelle très manifeste. Au début de la crise, M......... devenait pointilleux, exigeant pour des détails qui ne le préoccupaient pas d'ordinaire, puis l'excilalion sexuelle se manifestait par des rapports de jour et de nuit. Ils ne dépassaient guère 3 ou 4 chaque jour, pendant les 3 jours que durait l'accès ; mais le contraste était remarquable avec le reste du mois, où ils ne se produisaient qu'exception- nellement à propos de conditions spéciales d’excitations. Puis Me devient alcoolique et vers l’âge de 40 ans se déclarent les premiers signes de la paralysie générale. Pendant sa maladie, les mêmes phénomènes de périodicité sexuelle continuent à se manifester. (1) Corupt. rend. soc. Biologie, 1900. LA PRÉCOCITÉ EU LA PÉRIODICITÉ SEXUELLES CHEZ L'HOMME. 493 > La monotomie de son état de démence, écrit M. FERÉ, est rompue par la périodicité et par l'aspect de ses manifestations. Vingt-huit jours après la fin du dernier accès, on commence à distinguer dans son marmottement incohérent des mots lubriques, puis des gestes appropriés; il cherche à atteindre les parties génitales des personnes des deux sexes qui l’approchent; il est. constamment en érection el se masturbe si on ne recourt pas à une contention solide... Cés accès durent généralement trois jours ». A côté de l'observation de FÉRE se trouvent dans la littérature médicale d’autres cas qui, bien que moins nels, viennent apporter pourtant un contingent de preuves sérieuses à la théorie de GREEN. Tel est le cas de PERRY-CoSTE qui a observé chez lui des crises de pertes séminales revenant régulièrement tous les mois. Tels sont probablement aussi les phénomènes de congestion et même d'hémorrhagies anales qui reviennent tous les mois avec une régula- rité absolue et qui ne sont pas rares dans la littérature médicale. Tels sont aussi les crises ou obsessions périodiques d’un grand nombre de dégénérés, phénomènes qui intéressent le plus souvent les fonctions sexuelles. Tous ces phènomènes de périodicité aussi tranchés sont évidem- meut anormaux chez l'homme. Peuvent-ils réellement servir à confirmer la théorie de GREEN et s'expliquer par l’exagération ou le rappel d'un type physiologique normal plus ou moins altéré par l’état social de l’homme ? C'est possible. Pourtant la période de GREEN me parait beaucoup trop longue. D'un autre côté il me semble que ces phénomènes anormaux peuvent s'expliquer aussi bien, croyons nous, et d’une façon plus satisfaisante encore, par la physiogénèse de la fonction sexuelle, On sait, depuis les recherches d’'ETIENNE GEOFFROY St-HILAIRE et de DaArEsTE surtout, qu’un grand nombre d'états anormaux, de monsiruosités comme on dit, ne sont autre chose que des arrêts de développement. Or il estévident que ces phénomènes tératologiques déterminent aussi un arrêt ou une déviation de la fonction. Proba- blement même les deux phénomènes peuvent être disjoints; un organe arrivant à l'élat adulte fonctionnant encore cependant comme à l'élat jeune. On peut donc admettre que le cas de FER& est un de ces exemples d’arrèt de développement de la fonction, portant ici sur la spermato- 494 GUSTAVE LOISEL. génèse. Chez cet homme le testicule aurait gardé le type fœtal en continuant à fonctionner par poussées périodiques (voir schéma C, p- O0). Quoi qu'il en soit, cette périodicité est un sujet d’études que je signale, en terminant, à la sagacité des médecins. Je suis persuadé qu’en cherchant bien ils trouveront de ce côté un certain nombre de faits dont l'intérêt dépasse l'individu pour s'étendre à la société, à l'humanité tout entière; mais qu'ils aient soin, s'ils le peuvent, de noter toujours l’état du testicule et la constitution du sperme aux différentes époques de la période qu'ils auraient l'occasion de constater. PLANCHE I. Planche I. Matériel pour les éducations de vers à soie par lots rigoureu- sement isolés ; supports légers pour lots couvrant une, deux, ou trois cannisses. Sur l’un des rapports se trouve le lot DO” de 1896. CAD yd ‘euSvynon ‘ “0 d (@ il ejIng ‘enbyrqueros re] C111(7 IIAXXX I SHONVI4 Planche II. Vue de l’une des deux grandes salles où ont élé élevés de 1888 à 1898 tous les lots de vers à soie étudiés dans ce mémoire, et vue de 47 des 117 lots élevés en 1896. ‘20oyd ‘ou#vnon ‘9 [SR CES Là A: SES er : ET AR BUS Û FU ed a cas ‘II 3HONV'14 IHAXXYX 890] - enbyraueros ur19/[ng "2 EAU ne Planche III. Matériel pour la sélection des cocons les plus riches en soie: balance de Bergame pour séparer les sexes, casiers pour 20 cocons, balances spéciales pour peser rapidement les cocons et les coques, jetons pour inscrire les poids des cocons et des coques, barème pour calculer les richesses en soie, ete. -Joyd ‘ou$vjn0;) ‘#) III SHONV Id IIAXXX OWOJ - ‘nbylAU8l0S UIJeIIN Planche IV. Tableau généalogique de la race Jaune-Défends. Chaque étage correspond à une année. Les lettres dans un carré représentent des lots (pontes isolées), et les flèches indiquent les relations de parenté, avec cette convention que les deux flèches aboutissant à chaque lot représentent les deux sujets, celle de gauche la femelle, celle de droite le mâle, qui ont donné la ponte considérée (voir page 36). Bulletin scientifique, Tome XXXV11. Planche 17. LME RES [A] ---fB] Taltleuu oc Le vace 1389 CARN Jaune - Defence sn-4--0--6---0.--0---0---0 MM ee FF] --- (2) --- 6) - -- (K] D K---()---D)---0)---( RSR OS 0 SD): nn MANS LAN open a -E--É--- EN ÿ De 0-6. Dm. G. Coutagne del. Planche V. Schéma montrant l'augmentation progressive due à la sélection, de 1888 à 1897, de la richesse en soie des dix meilleurs cocons, cinq de chaque sexe, rencontrés chaque année parmi tous les cocons dont la richesse en soie a été individuellement déterminée (voir page 39). Bulletin scientifique, Tome XXXJ'II. Planche F°. 25 (RUES 13 / 1953 1839 1890 1891 1892 1893 18 94 1895 1896 1892 G. Coutagne del. “y PAU e OMR lé ou) ne CU NA 7 ee Planche VI. Stellaire des caractères poids des cocons (abeisses) et poids des coques (ordonnées) chez 448 sujels tous frères ou sœurs du lot DD de 1895 ; 204 mâles sont représentés par des étoiles, et 244 femelles sont représentées par des cercles centrés. Le faisceau de droites convergentes indique la répartition du caractère richesse en soie (voir page 148). °12P 2u6vn0") ‘n) o$è oëè o1è 00 061 ogt oÛt 091 ot o#L ofl où oil 001 ! ? vo cl S6sr 2 OC 1° nunut PUNP Mo © A y NE € SP Ee Los 7) 2)? cprocl PP Uo20) C4 MP pro RIjPV UN? np ose 1? it 4 7? LA 2Hur)d JLAXXX O0] ‘onbfyuans uyayyng PLANCHE VII. Planche VII. Stellaire des caractères longueur des élamines (abcisses) et longueur des styles (ordonnées) chez 364 sujets de Primula grandiflor a, 182 brachystylés et 182 dolichostylés (voir page 151). ‘{2P 20907 ‘n) ce où 00 08€ 09€ 07€ oë€ 00€ 082 092 oè où 00ù og! 091 01 où 00 - : oo! of! moyhreurvo RNA as npinpu ONE Say © eyhic sp imanbuo 06g Ve FRUA UD j? «2pP ame 249 F0109 62P LH ETS 00€ o1É TIA 28/4 JLANXX OUT ‘onbfyuons uyayng [URA Ie ' JA Gi | valise ALP | Planche VIII. Stellaire des caractères diamètre céphalique antéro-postérieur (abcisses) et diamètre céphalique transverse (ordonnées) chez 507 habitants mâles de l'Arménie; les étoiles représentent 292 armé- niens, les cercles centrés représentent 185 kurdes, et les disques noirs représentent 30 kurdes Bilikani d'Erivan. Le faisceau de droites couvergentes indique la répartition du caractère indice céphalométrique (voir page 151). Planche VII. Bulletin scientifique, Tome XXXP11. x & 3 cr a ARE Dre 5 UT EE SSSR Ue 3 ee in ; : = er S + S so We XC a ED e & À Ne : \ Q SAS S OT re OA Le N É + , = a à = \ © «4 N 2 ë 010 205 400 \N # 00 000 w © © à © oo) © 195 185 1480 Coutagne del. G, Planche IX. Courbes représentatives de la série de DELBEUF (courbes « et £) el de deux autres séries analogues (courbes 7 el à). Une tychopsie a été figurée en T, pour servir de terme de comparaison (voir page 161). (CRD (2 Bulletin scientifique, Tome XXXTTT. Planche IX. an . RC Tuchopse £ Le ae : REC 217 mulet ct A = 0102, 5 Æ courbes roro enleve ‘le Lo serce de Detbeuf L oubre ceres oo amaloques : G. Coutagne del. Fan LA Fix: "7 dei ES e ee 6. 1 10. [bis 2bis Gbis Obis Planche X. Epithélium du ventricule chylifique chez une très jeune larve, montrant l'existence précoce des cellules imaginales ci ; cc, cellule conjonctive. Coupe superficielle rasante du ventricule chylifique d'une larve plus âgée, montrant la répartition des imaginales ci, en enclaves à la base cellules épithéliales fonctionnelles. Coupe normale au même stade. Aspect comparatif des imaginales ci et des leucocytes L. Coupe rasante du ventricule chylifique chez un: lirve adulte ; les imaginales proliférent et constituent des plasmodes irréguliers ci. Déformations nucléaires présentées à ce stade par l'épithélium larvaire. : Coupe longitudinale, au moment où la communication s'établit entre le ventricule chylifique et l'intestin postérieur. Les excréments ex commencent à ètre évacués. Les tubes de Malpighi imaginaux, tn, ont déjà commencé à bourgeonner au-dessous des tubes larvaires, tnt. ; Coupe longitudinale à un stade un peu plus âgé. Les excréments, ex, sont entièrement passés dans l'intestin postérieur ; les cellules larvaires tombent en larmes dans la cavité intestinale, les cellules imaginales forment maintenant une assise épithéliale continue, et. Épithélium du ventricule chylifique chez unejeune nymphe ; certaines imaginales restées petites constituent les cellules de remplacement, cr; l'épithélium est échancré, par places, de cryptes contenant un réseau chromatophile. Des leucocytes, 4, /2, traversent par diapédèse l'épithélium, et tombent dans la lumière intestinale. État ultérieur de l'épithélium. L'assise conjonctive a presque achevé sa différenciation musculaire ; er, cellules de remplacement. Coupe sagittale médiane de l'œsophage, au moment où la valvule rétractée forme un bouchon, V, dans sa lumière. La figure montre les deux anneaux imaginaux, épithélial aei et conjonctif aci, dont la prolifération donnera naissance aux organes différenciés de l'intestin antérieur. Région pylorique chez une jeune larve: ml tube de Malpighi larvaire ; ai anneau imaginal de l'intestin postérieur. Mème région chez une larve âgée. Les tubes de Malpighi imaginaux, tmi, ont déjà bourgeonné sur le pourtour de l'anneau imaginal ai. Echelles. Echelle pour les Heures "+" "2 » DIT Pme ete: esta. 40: » » rune OT » » PE Do Arc LU Tome VA. 1g res PLANCHE X. 10 6. oo 11. 12: 15: — _ PLANCHE XI. . — Coupe oblique d'un tube de Malpighi, au moment où les phagocytes leucocytaires affluent, et commencent à s'insinuer entre les cellules. — Stade plus avancé, les phagocytes échancrent le territoire cyto- plasmique; des inclusions éosinophiles apparaissent à leur intérieur. . — Stade plus avancé. . — Stade final. Le noyau est attaqué en dernier lieu. A gauche une boule chromatique représente une partie du contenu nucléaire extravasé. — Deux sections situées dans une même coupe à 20 y de distance. L'une, À, parfaitement normale est entourée de leucocytes à jeun ; l'autre, B, présente déjà un stade avancé de phagocytose; les phagocytes + contiennent des inclusions éosinophiles et chroma- tiques. Ces aspects paraissent exclure la dissolution humorale. — Phagocytes avec inclusions, représentés à un plus fort grossissement. 7. — Cellules adipeuses d'une larve venant d’éclore. — Cellule adipeuse d'une jeune larve; apparition des réserves éosinophiles ; cw, cellule à urates. . — Cellule d'une larve plus âgée. Les globules éosinophiles s'accu- mulent ; le noyau commence à devenir irrégulier. . — Cellule d’une larve adulte. Le noyau est plus irrégulier encore ; les cellules à urates cw sont bourrées de concrétions. Celles-ci, comme le cytoplasme des cellules à urates, fixent les colorants nucléaires. — Cellule adipeuse d’une jeune nymphe, à noyau rameux divisé. Les e D ? e granulations éosinophiles sont très petites au voisinage du noyau. , — Cellule adipeuse d'une nymphe plus âgée où presque toutes les granulations sont devenues très petites. — Cellule adipeuse de nymphe assez âgée, avec œnocyte immigré, &, et vacuoles indiquant l'emplacement de globules gras. L'échan- crure de droite est occupée par des cellules à urates qui n’ont pas été représentées. — Début de phagocytose d'une cellule adipeuse. On ne distingue que les noyaux / des leucocytes immigrés, leur cytoplasme étant laminé entre les globules éosinophiles. Dèformation brusque du noyau de la cellule grasse, qui se ramasse sur lui-même. Fig 15. — Stade suivant de la phagocytose. Chaque phagocyte + s'est approprié Fis. Fig Fig. Fig. Fig un certain territoire de la cellule grasse, et a englobé un nombre considérable de granules, entre lesquels son noyau s'insinue avec des aspects amœæboïdes. La cellule adipeuse est ainsi remplacée par un amas de sphères de granules entourant le noyau encore reconnaissable, #. Quelques-unes des sphères de granules n'ont par leur noyau contenu dans la coupe représentée. On voit dans le voisinage des leucocytes à jeun, L. 16. — Cellule adipeuse persistante laminée entre les muscles thoraciques. . 17. — Stade ultérieur du laminage, les inclusions éosinophiles ont disparu. 18. — Phagocytes contenant des inclusions chromatiques commençant à être digérées, et que l'on pourrait confondre avec de petites cellules. L'un des phagocytes à deux noyaux. Echelles. {bis — Échelle pour les figures. ....... 1,28, 2 D 840 A0 NAME: . Gbis — » » 5: 10:0,,14)15,16, 1718 20° esocm--se%2:,e Oo @@:--c- PLANCHE XI. SOS de ct ®, se%6leie. ce ‘ tin scientifique Tome XXNVY. PLANCHE XII. Fig. 1. — Bourgeonnement des œnocytes nymphaux à partir des œnocytes larvaires. Fig. 2. — Division directe des œnocytes nymphaux. Fig. 3. — Stade de multiplication intensive. Après une première bipartition nucléaire, l'un des noyaux filles s'est encore biparti, et l’autre se prépare aussi à se diviser, sans qu'il y ait fractionnement. du cytoplasme. Fig. 4. — Aspects de faux englobement des œnocytes nymphaux. Fig. 5. — Aspect intermédiaire entre le bourgeonnement ordinaire des fig. 1 et 2 et le faux englobement. Fig. 6. — Deux œnocytes, æ, immigrés dans l'hypoderme imaginal. Fig. 7. — Cavité du disque imaginal d'une patte, chez une larve. La région basilaire de l'hypoderme a seule été représentée d’une manière conventionnelle. €, cellules conjonctives; ?, leucocytes; m, trainées de myoblastes. Fig. 8. — Un jeune faisceau musculaire dans une patte. Les myoblastes se sont allongés; leurs noyaux s'allongent également et se multiplient par division directe. Fig. 9. — Stade plus avancé de l'histogénèse musculaire ; la striation apparaît nettement ; les noyaux ont encore une position superficielle. Des phagocytes repus, ?, commencent à s'insinuer entre les fibres qui s'épanouissent. Fig. 10. — Etat définitif des fibres imaginales, à noyaux axiaux. Les sphères de granules, 9, abondent au voisinage des fibres. Fig. 11. — Muscle larvaire: nl, gros noyau larvaire; ni, petits noyaux imaginaux. Les leucocytes voisins, /, ne pénètrent pas dans le muscle. Fig. 12. — Dissociation d'un muscle thoracique par les amæbocytes du sang 4, qui insinuent leurs pseudopodes dans la substance striée. Les gros noyaux larvaires, nl, sont encore très reconnaissables ; ni, petits noyaux imaginaux, non entourés d'une zone cytoplasmique propre ; k, figure de division indirecte d’un amæbocyte. Fig. 13. — Divisions indirectes des amæbocytes immigrés. Fig. 1%. — Stade plus avancé de la métamorphose d'un muscle thoracique. La dissociation est terminée ; les amœæbocytes se multiphent peu, mais toujours indirectement, k ; ils n'ont plus de longs pseudo- podes. Au contraire les noyaux musculaires imaginaux ni se multiplient très activement par division directe (division multiple). Les gros noyaux larvaires nl dégénèrent et vont être phagocytés. On trouve dans le muscle quelques phagocytes repus, +. Fig. 15. — Afflux dans les ovaires de phagocytes repus, +, qui pénétrent par diapédèse entre la gaine ovigère g et son enveloppe conjonctive, ec ; tr, jeunes trachées. Échelles. Fig. {bis, — Echelle pour les figures........ 18 2 SEUE E O7 1e Fig. 8bis, — » DU MANETTES 8,29, 410, 12H REMS je Il À | 1 | È # ch : sf » $ CR l * È . nl , \ à : £ 5 #7, 1 L . \ A ni î T E se . : 4 L h > LS PLANCHE XII. Lettres communes à toutes les figures. a.p. Anneau périanal. p.r. Poche rectale. e.a. Ecaille anale. m. Muscles rétracteurs de la poche v.a. Valves anales. rectale. i.t. Intestin terminal. a.i. Anus interne. Fig. 1. — Brachydesmus superus LaTzEL. Région terminale du corps, vue du côté droit. 4.e, anus externe. Gr. 15. . — Brachydesmus superus LATzEL. Individu jeune. Champ anal vu par sa face inférieure. Gr. 35. el CE 19 Fig. 3. — Brachydesmus superus LarzeL.Poche rectale dévaginée vue par sa face supérieure. 4, trachées. Gr. 40. Fig. 4. — Brachydesmus superus LATZEL. Poche rectale déva- ginée, vue par sa face inférieure. Gr. 40. Fig. 5. — Brachydesmus superus LaTzeL. Poche rectale déva- ginée vue latéralement. Gr. 35. Les trois figures précédentes ont été dessinées d’après un individu jeune, vivant. Des lignes pointillées indiquent dans les figures 3 et 5 la situation des courants sanguins. Fig. 6.— Polydesmus gallicus LarzeL. Adulte. Coupe longitudi- nale de la région postérieure. La poche rectale n'est pas dévaginée; elle est plissée dans sa moitié antérieure. æ., œufs ; Ch., chaine nerveuse. Gr. 20. Fig. 7. — Polydesmus gallicus LaTzEL. Intestin terminal en place, vu par la face supérieure. #”, muscles reliant l'intestin aux parois du corps. Gr. 15. Fig. 8.— Polydesmus gallicus LaTzeL. Coupe longitudinale de la région postérieure ; la poche rectale est dévaginée. Gr. 10. 9. — Polydesmus gallicus LarzeL. L'intestin terminal vu par sa face postérieure après dévagination de la poche rectale. Gr. 15. . 10. — Oxydesmus sp. ? Champ anal vu par sa face inférieure. GE 2: . 11. — Oxydesmus sp. ? Coupe longitudinale des huit derniers anneaux du corps. Gr. 2. . 12. — Oxydesmus sp. ? Coupe longitudinale de la poche rectale. Gr. 4. . 13. — Oxydesmus Sp. ? Muscles des valves, m4, M2, Ma. Gr. 2. . 14. — Strongylosoma Swinhœi. Poc. Coupe longitudinale de la région postérieure. Gr. 2. . 45. — Schyzophyllum sabulosum. L. Champ anal vu latéra- lement. Gr. 12. . 16. — Schyzophyllum sabulosum. L. Coupe longitudinale de la poche rectale. Gr. 12. . 17. — Spirobolus pulvillatus (?). New. Coupe longitudinale de la poche rectale. #r., trachées. Gr. 2. . 18. — Glomeris quitata. Risso. Intestin terminal en place, vu par sa face supérieure. #4”, muscles reliant l'intestin aux parois du corps. Gr. 4,5. . 19. — Glomeris guitata Risso. Coupe longitudinale de la région postérieure. Gr. 3,5. (Toutes ces figures ont été dessinées à la chambre claire). Lille Imp.LDanel. Bulletin scientifique, Tome XXXV'IT. Planche XIII. ÿ EN JPA. é BL WHOI Library - Serials ( raies IRialet etais at ME tete . { ll et Reg “e ne at Ts Metelet AHRSES