... im. , ■ÆEr, «te te* ' ..h--.' iNlÉipff s: 1 ^ ‘ « ' Æ. «*Sr ■ ■'; • v />! S ' r fÆffr i THE UNIVERSITY OF ILLINOIS LIBRARY 570. O BU v. 5 "3-5^ -, v '•*-»< .■A”>.'V ■* ' Retum this book on or before the Latest Date stamped below. A charge is made on ail overdue books. U. of I. Library Î939' ' 'P 9 1940 1 1 Î94S ÎCT 2 7 1966 1QÇ7 14685-S Digitized by the Internet Archive in 2018 with funding from University of Illinois Urbana-Champaign https://archive.org/details/bulletinbiologiq5354univ BULLETIN BIOLOGIQUE DE LA FRANGE ET DE LA BELGIQUE TOME LUI / 1919 Comité de rédaction : L. B LA RING H EM (Paris). G. B011N (Paris). M. CAULLERY (Paris). Ch. JULIN (Liège). F. MESNIL (Paris). P. PELSENEER (Bruxelles) Ch. PÉREZ (Paris). Et. RABAUD (Paris). BULLETIN BIOLOGIQUE (Précédemment, BULLETIN SCIENTIFIQUE) DE LA FRANGE ET DE LA BELGIQUE FONDÉ PAR Alfred GIARD. Tome LUI PARIS Laboratoire d’Évolution des Êtres organisés, 3, rue d’Ulm Léon LHOMME, rue Corneille, 3. LONDRES DULAU & C°, Soho-Square, 37. 785318 S I Vol. 53, part 3 contains only pages 309-575. The indication in the index mentioning pages 306-510 is incorrect . Part 4 contains pages 41-150 of the Bibliografia evolutionis and has its own pagination. Or^der def>t. f "B U /'S 3 'nT TABLE J TRAVAUX ORIGINAUX s BASTIN (A.). — Contribution à l'étude des Grégarines mono- cystidées (avec les planches V et VI et 3 fig. dans le texte) CAULLERY (M.)et MESNIL (F.). — Xenocœloma brumpti , Copé- pode parasite de Polycirrus arenivorus (planches là IV et20 fig. dans le texte) . GADECEAU (Em.). — Les forêts submergées de Belle- 1 le-en Mer (8 Iîü:. dans le texte et une carte) . HERLANT (M ). — La segmentation de l’œuf parthénogénétique * de grenouille . LAMEERE (Aug ). — Contributions à l’étude des Dicyémides. IIIe partie (89 fig. dans le texte) . . M AUC AS (Emile). — Expériences sur la reproduction asexuelle des Oligochètes. . . MESNIL (F.) — (V. Caullery). RA B AUD (Etienne;. — L’immobilisation réflexe et l'activité nor¬ male des Arthropodes . JJibliographia evolutionis VI . Pages 325 101 270 309 234 130 I 1 JL.e tome LUI a été publié en 4 fascicules sortis des presses aux dates ci-après : Fascicule 1 (pages 1 à 160 et Bibl. evol. 1 à 40) 26 juin 191!) Fascicule 2 (pages 161 à 306) 8 août 1919. Fascicule 3 (pages 306 à 510) 27 déc. 1919. Fascicule 4 {Bibl. evol., 41 à '140), 7 juillet 1920. * 7 \ Etienne K AB AUD L’IMMOBILISATION REFLEXE ET L’ACTIVITÉ NORMALE DES ARTHROPODES SOMMAIRE Chapitre premier. — POSITION DELA QUESTION. — Le phénomène de la « simulation de la mort », aele conscient et volontaire ou inslinct. Les distinctions de Holmes. La conception de Darwin et de Romanes. Le rôle des influences sensorielles. La terreur paralysante et la sélection. La Kataplexie de Preyer et l'Autokatalepsie de P. Schmidt. Théorie générale de l’immobilité protectrice. Elle ne touche pas à l’analyse du phénomène. Fonctionnement du système nerveux et physiologie comparée des Arthro¬ podes; les conditions éthologiques. Le déterminisme de l’activité normale des organismes . • . . p. 5 Chapitre IL — LES RÉFLEXES I \i MOBILISATEURS. — L’immobilisation et l’excitation de zones déterminées . p. 13 1. Arthropodes qui « simulent la mort » . p. 14 A. Les Phasmes. — L’immobilisation de Carausius morosus, suivant Schmidt. Le rythme nycthéméral ; attitude de sommeil. Pression sur le métasternum de Baciilus gallicus et Carausius m orosus ; importance de la position dorsale. L’individu immobile et l’individu immobilisé. B. Les Zggènes et V Euchélie. Pression de la racine de l’aile ou des fémurs; libération des pattes de tout contact. Absence d’excitations senso- * rielles. Pression des antennes. C. Les Charançons. — L’attitude suivant le mode d’excitation. Pres¬ sion métasternale ; pression thoracique bilatérale. Immobilisation incom¬ plète ; excitation du mésosternum. Différences spécifiques. D. Chrysomela cerealis. — L’attitude suivant l’intensité de l’exci¬ tation. E. Dermest.es holosericeus . — Prétendues influences sensorielles. Inef- licacité des chutes. Les chocs, les vibrations, la pression du métasternum et des tibias. F. Les Criocères. — Extrême sensibilité de ces Insectes; leur immobi¬ lisation expérimentale ; excitations localisées ; différences spécifiques. G. Les Araignées. — Position des tarses de l’animal immobilisé. . 11. Les Myriapodes. — Attitude enroulée et attitude rectiligne. Rôle des excitations lumineuses. Compression des premiers segments. 1. Espèces diverses - Les localisations de Stilbum splendidum. 1 E. RAliAUD a Cetonia aurata et les excitations itératives. Nepa cinerea et l’inflaence du milieu aquatique. L’immobilisation partielle de Timarcha intersti- tialis. Oxythyrea fan es ta. Malacosoma lusitanica et autres Arthro¬ podes. 2. Arthropodes qui ne « simulent pas la mort » . p. 34 Généralité du réflexe immobilisateur. A. Les Lépidoptères. — Pression de la racine des îiilcs. Différences spécifiques. Excitation conjuguée. B. Les Orthoptères. — Nécessité de l’excitation conjuguée. Sensibilité de certains Forficulides. G. Les Coléoptères. — Diversité des localisations. Pression des pattes des Carabiques. Pression du sternum. Différence de durée suivant la loca¬ lisation. Immobilisation ne survivant pas à l’excitation. Manœuvres spé¬ ciales pour Car abus purpurascens , Ocypus olens. Pression des antennes de Galerucella luteola. D. Les Hémiptères. — Localisation du réflexe dans les antennes ; pres¬ sion des fémurs et des tibias ; pression sternale. E. Les Diptères. — Décubitus dorsal et pression de la racine des ailes. F. Les Hyménoptères. — Pression des antennes chez les Fourmis. G. Les Névroptères et les Odonates. Pression des ailes, pression bila¬ térale du thorax, suivant les espèces. Excitation tétanique des Chrvsopes et Panorpes. H. Les Myriapodes et les Arachnides. 3. Vue d'ensemble . p. 46 L’immobilisation, réflexe sensitivo-moteur commun aux Arthropodes en général. Inefficacité des excitations sensorielles. Localisation des zones périphériques dans les régions céphalo -thoraciques. Chapitre III. — LES RÉFLEXES ANTAGONISTES. — Les excitations mobi¬ lisantes. Constatations isolées de divers observateurs. Tout arthropode immobilisé est mobilisable . p. 49 I. Zones communes à tous les Arthropodes . p. 52 A. Les Tarses. — L’excitation des tarses est toujours mobilisante. Tout contact avec un substrat empêche l’immobilisation. Exceptions appa¬ rentes ; différence entre compression et friction. Expériences avec Gale¬ rucella luteola et Lygœus familiaris ; spasme du décollement. Différen¬ ces suivant les tarses. La sensibilité des tarses au contact. B. Segments terminaux de l'abdomen. — Expériences anciennes d’UEXKÜLL., Généralité du réflexe ; sa localisation. Opposition entre les localisations thoraciques et abdominales; zones de transition. Rôle de l’intensité de l’excitation. 2. Localisations particulières . p. 60 A. Antennes. — La massue des Rhopalocères ; les Carabiques. Effet inverse de l’excitation suivant l’intensité chez les Criocères. B. Localisations diverses. — 1 Racine des ailes. Rostre. Extension des pattes. Lèvre inférieure. 3. Les réflexes antagonistes en général . p. 63 Généralité des zones dynamogènes chez les Arthropodes ; effet irrésisti¬ ble de leur excitation. Localisations multiples. Différence des résultats sui¬ vant les zones excitées. Opposition des zones homologues suivant les l'immobilisation réflexè des arthropodes 3 espèces. Localisation des réflexes mobilisant et immobilisant sur la même zone du corps de certaines espèces. Chapitre IV. — L’IMMOBILISATION PAR RENVERSEMENT SIMPLE, p. 64 L’immobilisation de Lestes viridis et de divers autres Odonates ; Cal- limorpha fiera et Spilosoma menthastri ; Dexia rustica et Machimus pilipes. Le cas des Vertébrés. Le décollement des tarses; immobilisation par soulèvement. Expériences avec C. liera et M. pilipes. Libération suc¬ cessive des tarses. Chapitre V. — FONCTIONNEMENT GÉNÉRAL DES RÉFLEXES . p. 70 1. Excitations répétées et prolongées . p. 70 Les différentes excitabilités suivant les espèces et suivant les nerfs ; la cbronaxie de Lapicque. 2. Durée de l’immobilisation . p. 71 Différences spécifiques considérables ; différences individuelles. Inégalité des durées pour un môme individu. Difficultés d’établir la similitude des conditions. 3. Immobilisations successives . p. 74 Durée de l’im mobilisation en fonction de la fréquence des excitations. Opinions contradictoires fondées sur des expériences insuffisantes. Essais de Holmes. Expériences prolongées sur diverses espèces ; terminaison par inexcitabilité chez les uns, excitabilité indéfinie chez les autres. Pério¬ dicité de la durée ; périodes réfractaires. Parallélisme du phénomène chez les divers Arthropodes. Rôle de l’intensité de l’excitation. 4. La température et la lumière . p. 83 Essais de J. -H. Fabre. Influence générale de la température sur l’activité des Arthropodes. Expériences de Holmes, de Turner, sur la température et la lumière. Diminution de la durée avec l’élévation de la température ; son augmentation à la lumière diffuse. Expériences personnelles concor¬ dantes. Action paralysante de la lumière sur Carausius morosus. — Influence de la faim ; cas de Machimus pilipes. 3. Le retour à l’activité . • p. 87 Retour brusque et retour lent; différences spécifiques. Localisations diverses des premiers mouvements. 6. Immobilisation et immobilité simple . p. 88 Distinction nécessaire ; interprétation de Piéron; constatations de Hol¬ mes ; le « thigmol actisme » des Amphipodes terrestres Expériences sur Gam- marus fluviatilis ; influence de la lumière. Immobilité et immobilisation de divers Arthropodes; différences d’excitabilité. Absence de relations génétiques entre les deux états. 7. Les degrés de l'immobilisation . p. 95 L’immobilisation survivant à l’excitation ; l’immobilisation liée à l’excita¬ tion. Les Arthropodes prétendus « réfractaires ». Termes transitionnels. Influences antagonistes. Immobilisation fugitive ; absence d’influences sensorielles : la « chute » des Criocères et l’envolée des Papillons. Chapitre VI. — NATURE ET MÉCANISME DE L’IMMOBILISATION, p. 99 4. Contraction et contracture . . p. 99 L’immobilisation réflexe est une contracture ; ses caractères. Différences 4 E. RABAUD avec les contractures physiologique et pathologique. La « flexibilités cerea » et la rigidité musculaire. La contraction tétanique. Sarcoplasme et myofîbrilles. llypertonicité musculaire. — Fonctionnement du système nerveux. Fibres toniques et fibres antagonistes de Tirala. Mécanisme du réflexe mobilisant; contraction des muscles antagonistes; expérience de Beritoff sur la Grenouille. 2. Le mécanisme . p. 108 Propagation de l’excitation. Pôle du ganglion cérébroïde ; contradic¬ tion apparente de Schmidt et de Holmes. A. Le ganglion cérébroïde. — Observations préliminaires, les immobi¬ lisations partielles. — a) Décapitation d’espèces facilement immobilisa¬ bles; le réflexe contracturant persiste. — b) Décapitation d’espèces diffici¬ lement immobilisables : le réflexe contracturant est facilité. — c) Pôle des excitations lumineuses sensitives. Oblitération des yeux et prolongation de l’immobilisation; importance de la dimension relative de la surface oculaire. Différences individuelles. B. Les ganglions thoraciques. — Piqûre d’un ganglion thoracique chez divers Arthropodes; elle facilite l’immobilisation. Interprétation du pro¬ cessus. L’immobilisation dépend du système nerveux tout entier. Béflexes à trajet court et interaction des ganglions. Similitude anatomique et dissemblance physiologique. 3. L’immobilisation réflexe et le sommeil . p. 424 Attitudes de sommeil et attitudes de repos. Rapports entre les deux états ; hypertonicité musculaire dans les deux cas ; rôle du contact des tarses avec le substrat. Sommeil, état « spontané » ; immobilisation, état provoqué. Chapitre Vil.— SIGNIFICATION BIOLOGIQUE DE L’IMMOBILISATION, p. 428 4. La théorie du réflexe-instinct . p. 428 Immobilisation et sélection ; immobilité « protectrice » et influences sensorielles. Utilité du réflexe ; Arthropodes à déplacement lent et à dépla¬ cement rapide ; les uns ne s’immobilisent pas mieux que les autres. Rôle de l’attitude ; de l’immobilité; proies vivantes et proies mortes; les ressemblances mimétiques. Nocivité possible de l’immobilisation ; son inutilité constante ; instincts rudimentaires ; signification des différences individuelles. La théorie ne rend pas compte du phénomène. Indifférence du réflexe au point de vue de la sélection. 2. L’activité normale des Arthropodes . p. 444 Le fonctionnement d’ensemble du système nerveux ; importance des localisations périphériques; les excitations permanentes du milieu et les alternatives d’activité et d’arrêt de l’Arthropode ; exemple de l’Æscbne et d’autres Insectes. Variations des influences extérieures et comportement des organismes ; cas du Lycœna argus ; influence des rayons actiniques. L’hypertonicité musculaire, phénomène général et constant de la vie des organismes en fonction du milieu. Index bibliographique . p. 447 l’immobilisation réflexe des arthropodes 5 Chapitré Premier POSITION DE LA QUESTION Sous le nom de simulation de la mort , les naturalistes dési¬ gnent depuis longtemps la propriété que possèdent divers ani¬ maux de devenir subitement immobiles dans certaines condi¬ tions. Cette immobilité soudaine, et parfois durable, a vivement frappé l’imagination de ceux qui l’ont observée ou qui en ont simplement lu la relation. Les chasseurs répètent volontiers les anecdotes traditionnelles, suivant lesquelles un Renard blessé demeurerait immobile « tant qu'un danger le menace » et s’en- fuierait à toute vitesse, « dès que l’occasion devient favorable ». Des anecdotes analogues circulent au sujet d'autres Vertébrés: divers Oiseaux, tels que l'Oie sauvage de Sibérie et l'Alouette des champs, des Serpents, des Poissons, la Perche et l’Estur¬ geon en particulier. Mais les observations les plus nombreuses, et sans doute aussi les mieux étudiées, les moins déformées par l’adjonction de faits imaginaires dérivant d'une idée préconçue, ont trait aux Arthropodes. En ce qui les concerne, nous n’avons aucun doute ; nombre d’entre eux deviennent immobiles sous certaines influences et conservent l’immobilité durant un temps qui diffère suivant l'espèce, suivant l’individu, suivant les cir¬ constances. Le phénomène se prête à l'étude dans les conditions les meilleures ; aussi les discussions qui se sont élevées sur la signification et la nature de cette immobilité visent-elles plutôt les Arthropodes que les Vertébrés. Le thème des discussions varie peu ; tous les auteurs se posent et essaient de résoudre la même question : s'agit-il d'un acte conscient et volontaire, d’un stratagème véritable par lequel l'animal se dérobe ? S’agit-il d'un instinct ? La première hypothèse possède encore des partisans. J. ILymil- ïon ’(*), à propos de Saperda fagi , déclare que cet Insecte ne simule pas la mort de la même manière que beaucoup d'autres John Hamilton. Saperda fagi, S. concolor and Aphodius rufipes The Cana- dian entomologist, t. XX, 1888, p. 6. 6 E. RABAUD dans des circonstances analogues, et il précise : « quand je dis simuler la mort, je le pense littéralement, contrairement à une affirmation dogmatique injustifiée, que je lisais récemment quel¬ que part, que les Insectes n ont aucune connaissance de la mort ». Hamilton insiste dans un second travail (J), réponse à une réplique de Grote (2). Celui-ci n’admet point qu’un Insecte puisse simuler ce qu’il ne connaît pas. Mais Webster (3), s'introduisant dans le débat, estime que les Insectes ne sauraient chercher à éviter la mort s’ils ne la connaissent point et pense, en défini¬ tive, qu’ils la connaissent certainement, puisqu’ils sont mortels. L’argument n’est évidemment pas péremptoire ; mais il mon¬ tre à quel point la manifestation extérieure du phénomène frappe les esprits. Sans aller aussi loin, Weir (4) considère la « simula¬ tion de la mort » comme une des plus grandes preuves de l’acti¬ vité intellectuelle des animaux ; et Schmidt (5) donne à cette idée un appui expérimental en affirmant, à la suite de ses recherches sur Carausius morosus , que le ganglion cérébroïde joue un rôle déterminant dans la genèse de l’immobilité. Certains auteurs adoptent une opinion moins absolue. Hol¬ mes (6), par exemple, établit une distinction entre les animaux supérieurs et les inférieurs. Chez les premiers, Mammifères et Oiseaux, la « simulation de la mort » serait associée à un état de conscience dont l’existence ne paraît pas probable chez les seconds, Insectes, Araignées et autres. En outre, le même auteur essaie de distinguer, chez les Insectes, un état d’immobilité ( decrptive quiet ) différent de la « simulation de la mort » ; tou¬ tefois, il ne fonde sa distinction sur aucun fait précis, et tandis qu’il assimile les deux états en 1903 (7), il les considère comme entièrement différents en 1906 (8). (q John Hamilton. Knowledge of Death in Insects. The Canadian entomologist, t. XX, 1888, p. 179. (2) A. R. Grote. On Insects feigning Death. The Canadian entomologist, t. XX, 1888, p. 120. (3) F. M. Webster. Insects feigning Death. The Canadian entomologist, t. XX, 1888, p. 199. P) Weir. Üawn of Reason, 1899. (5) Peter Schmidt. Katalepsie der Phasmiden. Biologisches Centralblatt, 1913. (6) S. J. Holmes. The Instinct of feigning death. The popular Science Monthly, 1908. (7) S. J. Holmes. Death feigning in terrestrial Ampbipods. Biological Bulletin , t. IV, 1903. (8> S. J. Holmes. Death feigning in Ranatra. The Journal of Comparative neu- rology and psychology , vol. XVI, 1906. l'immobilisation réflexe des arthropodes / / / Soutenant une idée voisine, L. Cuénot (*) pense qu’en dehors de la simulation de la mort, l’immobilité pourrait provenir d’un acte volontaire, s'erait une ruse consciente cessant quand l’ani¬ mal ne se sent plus observé. A vrai dire, même ainsi mitigée, la conception d une simula¬ tion effective ne rallie qu'un nombre restreint de naturalistes. Darwin (2), partageant les vues de Couch, la repousse sans hésiter, et Romanes (3) précise « qu'il est manifestement impos¬ sible d'attribuer ce fait à quelque idée de la mort, à une simula¬ tion consciente » d’un état parfaitement inconnu des animaux qui le simuleraient. La simulation, d'ailleurs, est fort impar¬ faite. Darwin constate que l'attitude des animaux immobiles n'est pas toujours celle de l’animal mort, et plusieurs auteurs confirment cette observation, H. Piéron (4), Holmes (b), Tur¬ ner (6). Seul, L. Cuénot (7) semble admettre que cette « singu¬ lière astuce » est une imitation véritable du cadavre, sans s’ex¬ pliquer plus longuement sur son déterminisme. Nombre d'observateurs, J. H. Fabre (8) eu particulier, se rangent à l'opinion de Darwin et se refusent à voir un acte volontaire dans le fait, pour un animal, de s'immobiliser. Tout récemment, Duporte (9), faisant une revue générale de la ques¬ tion, repousse toute idée d acte conscient et voit, dans l’immo¬ bilité, une réaction physico-chimique à un stimulus externe. La question, toutefois, pourrait être prise d'un autre biais. Cons¬ tamment les auteurs emploient l’expression d’ « acte volontaire » comme synonyme d’ « acte conscient », et réciproquement. Or, C) L. Cuénot. Sur la saignée réflexe et les moyens de défense de quelques insec¬ tes. Arc h. zoul. exp. et gén., 1896. (2) Ch. Darwin. Essai posthume sur l’instinct (Appendice à l’ouvrage de Romanes). (3) G. J. Romanes. L'évolution mentale chez les animaux. Paris, 1884. P) Henri Piéron. L’immobilité protectrice chez les animaux. Revue scientifique, 1904, 1er sem . (5) Holmes, 1908, op. cit. (6) C. H. Turner. Notes on the behavior of the Ant-Lion with emphasis on tho feeding acti vities and Letisimulation . Biological Bulletin , 1915. (7) L. Cuénot. Moyens de défense dans la série animale. Encyclopédie des aide- mémoire. Paris, 1891 . (8) J. H. Fabre. Souvenirs enlomologiques, 4e édition, t. VII. (9) E. Melville Duporte. The death feigning instinct. The Canadian entomolo- gist, t. XLIX, 1917. 8 E. RABAUD H. Piéron (*) pense qu'une phénomène « volontaire » n’impli¬ que pas forcément un état de conscience. Un phénomène « volon¬ taire » est, avant tout, un acte psychique sous la dépendance d’influences sensorielles et rien n'empêche d’accepter l'idée que, dans certains, cas , l’immobilisation des animaux soit « volon¬ taire » sans être nécessairement consciente. A l’appui de son interprétation, Piéron cite le cas d’un Dermestes dont l’immo¬ bilité cessait chaque fois que se présentaient des possibilités de fuir. Néanmoins, le rôle des influences sensorielles n’est pas évident. J. H. Fabre le nie, car il n'a constaté aucune modi¬ fication dans la durée de l’immobilité, quelles que soient les circonstances et les moyens de « se cacher ». La conception de Piéron ne doit cependant pas être repoussée a priori ; sans que jamais on puisse dire, en effet, qu'ils prennent une déter¬ mination intentionnelle et réfléchie, les animaux ne sont pas toujours immobiles de la même manière. Mais alors, si l’immobilisation n’est pas une ruse consciente, elle serait, suivant Romanes adoptant l’opinion de Darwin, « un instinct qui pousse les animaux à rester immobiles et, peut-être, à ne pas attirer l'attention en présence d’ennemis » (2). Cette opinion demanderait' quelques éclaircissements, car le mot « instinct » s'applique à des phénomènes si variés qu’il n'en évoque aucun en particulier. Les auteurs n'ont point essayé de le préciser. Sans y prendre garde, ils ont simplement déplacé la question et tous leurs efforts ont porté, non sur la nature du phé¬ nomène, mais sur son origine. Couch, cité par Romanes, émet l'idée que les animaux sont immobilisés par la terreur. L’effet de la terreur étant utile à l’animal, cet effet aurait persisté et se serait même développé par sélection. Romanes discute cette hypothèse et ne la repousse pas. W. James (3), Mancini (4), Tur¬ ner (3) adoptent cette solution de la terreur paralysante devenue f1) Henri Piéron. a) L’autotomie volontaire des Décapodes. Quelques idées et quelques faits. Soc. de Biol., 1907, t. II. b) Contribution à l’étude de l’immobilité protectrice. II. L’immobilisation volon¬ taire. Soc. de Biol., 1908, t. I. (2) Romanes. Op. cit. (3) Cité d’après Romanes. (4) Ernesto Mancini. L’arithmétique des animaux. Revue scientifique , 1904, 1er sem. (5) Op. cit. L'IMMOBILISATION REFLEXE DES ARTHROPODES 9 héréditaire, tandis que Grote (’), tout en faisant intervenir la sélection, voit dans l’immobilité une attitude de repos graduelle¬ ment acquise par une succession d’expériences, cette attitude permettant d’éviter les dangers immédiats. Preyer (2) développe une hypothèse très différente en appa¬ rence : l’animal serait frappé de kataplexie , nous disons aujour¬ d’hui catalepsie. A vrai dire, cette hypothèse et celle de Coucn se complètent plutôt qu’elles ne se contredisent, car la frayeur pour¬ rait bien être la cause déterminante de la kataplexie. Telle est, du reste, l’opinion de J. II. Fabre. Avec ou sans frayeur préala¬ ble, c’est aussi la catalepsie que Piéron (3) admet, au moins pour un certain nombre de cas. Quant à Schmidt, il assimile sans res¬ triction l'immobilité de G. morosits à la catalepsie dont il retrouve tous les signes : les membres de l'animal conservent l attitude qui leur est imprimée, ils ont la flexibililitas cerea caractéris¬ tique. La catalepsie aurait sa cause dans l’animal lui-même, car aucune influence extérieure ne parviendrait à la provoquer : il s’agirait d'une catalepsie spontanée, d'une Auto /catalepsie. Hol¬ mes (4), de son côté, à propos de Ranatra , voit dans le phéno¬ mène une contraction tétanique , qui ne serait autre chose, comme le lait remarquer Schmidt sous le couvert de Ch. Richet G), qu’une forme de catalepsie. La catalepsie serait donc à la base de l'immobilité, au moins dans un très grand nombre de cas. Elle se produirait, sinon sous l'empire de la frayeur, du moins sous l'influence d'excitations sensorielles ; même, elle pourrait s'installer spontanément. Dès lors, la genèse du phénomène se reconstituerait de la façon suivante. L’immobilité est utile à l'espèce, elle est protectrice, soit qu’elle déroute les ennemis qui ne se nourrissent que de proies vivantes, soit qu'elle dissimule l’animal parmi les détritus du sol (ü), soit qu’elle le rende simplement moins visible ou que, provoquant le reploiement des membres, elle réduise au mini- p) A. K. Guote. Characlers of protection an defenec in tnsccts. The Canadien enlomologist, 1888, t. XX. (2; Cité d’après Romanes. (3) Op. cit. , 1904. (*) Op. cit., 1900. (5) Ch. Richet. Dictionnaire de Physiologie, article Catalepsie. p) Cuénot. Op. cit., 1896. 10 E. RABAUD mum la surface de prise (*), soit encore que, coïncidant avec cer¬ taines formes et certaines colorations, elle contribue à rendre Tanimal semblable à un objet inanimé, tel Carausius morosus qui ressemble à un rameau (2). Etant ainsi protectrice pour l'une ou l’autre de ces raisons ou pour plusieurs à la fois, l’immobilité donnerait prise à la sélection naturelle, les animaux échappant d’autant mieux à leurs agresseurs qu’ils auraient moins de ten¬ dance à s’enfuir. L'immobilité a pu se développer progressive¬ ment ; mais l’état cataleptique, servant de point d’appui à la sélection, a aidé tant à sa genèse qu’à son développement. Il convient d’ajouter que, suivant Holmes et Piéron, l’immobi¬ lité n’aurait pas une origine unique. Piéron (3) voit en elle « un phénomène banal de convergence physiologique » ; il oppose tout spécialement l'immobilité de certains animaux devant les serpents, celle-ci non protectrice, à l’immobilité si fréquente chez les Arthropodes, celle-là protectrice, mais coexistant par¬ fois avec un état d’activité réelle tel, que l’animal, Àphodius subterranneus par exemple, déplace pattes et antennes quand on le saisit, sans se mettre pourtant en mouvement. L’immobilité pourrait encore dépendre d’un état de torpeur, développé et adapté par le jeu de la sélection. Pour Holmes (4), l’origine du phénomène résiderait, en ce qui concerne certains Amphipodes terrestres, dans Y « instinct » que ces animaux auraient d’entrer en contact avec les corps solides. Ce thigmotactisme engendrerait l’immobilité, et celle-ci protége¬ rait l’animal. J. H. Fabre, enfin, n’admet nullement que l’immobilité pro¬ tège les Insectes ; même, il croit constater que, devant un « péril imminent » l’animal s’enfuit. Néanmoins, Fabre conclut que l’In¬ secte, immobilisé par la frayeur, est plongé dans un sommeil hypnotique dont il ne sort que lentement. Tel est, à l’heure actuelle, l’état de la question. Deux idées la dominent : l’immobilité est un moyen de défense ; elle résulte (*) H. Piéron. Op . cit., 1904. (2) P. Schmidt. Op. cit., 1913. (3) Henri Piéron. Contribution à l’étude de l’immobilité protectrice. I. Sa poly- l’immobilisation réflexe des arthropodes 11 d’un état voisin de la catalepsie, provoqué ou non par une influence extérieure. De ces deux idées, aucune ne touche au phénomène proprement dit. Les observateurs examinent lon¬ guement l'animal immobile, ils supputent sur les causes loin¬ taines de cette immobilisation ; mais ils ne semblent pas se douter qu'une analyse rigoureuse de la façon dont l’animal devient immobile conduirait à connaître la cause prochaine et, avec elle, le déterminisme véritable de l’immobilisation. Les chocs ou un état vibratoire de l'air environnant apparaissent comme uni¬ quement capables de provoquer l’immobilité; Schmidt, même, estime impuissante toute influence extérieure. Les moyens de remettre en mouvement l’animal immobilisé passent tout à fait inaperçus. Seul, Otto Meissner (0 mentionne la possibilité démobi¬ liser Carausius morosus, soit en pressant légèrement l’abdomen ou les antennes, soit en soufflant sur le corps. Très incidem¬ ment, J. H. F abre signale que Scarites frémit quand une Mouche l’effleure, qu'il se retourne et s’en va lorsque elle se pose ou marche sur lui, et se comporte de la même manière quand la patte d’un Capricorne s’appuie sur lui. Fabre ne tire de ces faits aucune indication importante ; il nie simplement que, dans ces attouchements, le Scarite voie un « péril imminent ». De son côté, H. Piéron (-) constate qu’il « suffît, avec une aiguille, de soulever une patte repliée de l’animal pour qu'il s’agite, se dégage et cherche à fuir. » Ce fait, suivant l'auteur, prouverait l'inefficacité de la protection dans ce cas particulier. Pourtant, ces faits de remise en mouvement de l’Insecte immobile, aussi bien que les moyens précis de l’immobiliser, méritaient de retenir plus longtemps l’attention. En augmentant nos connaissances, leur étude aurait apporté des données de nature à supprimer bien des discussions stériles sur la volonté, la conscience ou l'instinct, tout en conduisant à dégager la signification véritable du phénomène. Ne reposant que sur la simple constatation de l’immobilité et sur des hypothèses sans fondement, aucune des solutions mises en avant ne saurait donc nous satisfaire. Aucune n’en¬ visage le phénomène aux deux points de vue du fonctionnement i1) Otto Meissner. Biologische Beobaclilunge'n an der indischen stabheuschrecke Dixippus morosus Br. Zeitschrift fur wissenchf. Inseklenhiologie Bd V , 1909. (*) Op. cit. , 1904. 12 E. RA.BAUD du système nerveux et de la physiologie comparée des Arthro¬ podes : là est, évidemment, le nœud de la question. Les deux points de vue, du reste, n’en font pour ainsi dire qu’un, si l’on se propose de tirer des résultats acquis toutes les conséquences qu’ils renferment. Sans contredit, l'expérimen¬ tateur pourrait se contenter d’explorer le système nerveux d’un Arthropode au moyen d’excitations périphériques appropriées et se borner à enregistrer quelques nouveaux réflexes. Pareille étude ne manquerait certes pas d’intérêt et, bien qu’elle soit depuis longtemps commencée, il s’en faut qu’elle soit terminée. Toutefois, si la physiologie pure complète utilement notre con¬ naissance des organismes, elle ne se suffit pas plus à elle-même que la morphologie pure. Elle doit s’étendre et passer de l'indi¬ vidu considéré en lui-même à l individu considéré en fonction de tous les autres organismes et des circonstances générales de l’existence ; elle doit, en définitive, fournir des précisions sur le fonctionnement général des êtres vivants et conduire ainsi à comprendre de mieux en mieux les phénomènes fondamen¬ taux de la vie. La recherche expérimentale aboutit à ce résultat en devenant comparative, en tâchant de mettre en relief les différences ou les ressemblances en fonction des conditions étho- logiques, sans s'attarder à rechercher l’existence d'une parenté entre les êtres comparés et, moins encore, le degré ou le sens de cette parenté. Une similitude éthologique ou morphologique, coïncidant avec un fonctionnement différent du système nerveux, sera suggestive par elle-même. Si l’évidence d’une parenté s’im¬ pose par surcroît, nous en tirerons certainement avantage ; mais nous ne devons rien sacrifier pour essayer d’établir cette évi¬ dence. Procédant de la sorte, et me dégageant de toute idée préconçue, je suis parvenu à montrer l’existence, chez les Arthropodes, d’un réflexe immobilisateur dépendant d’excitations périphéri¬ ques localisées, auquel s’oppose un réflexe antagoniste, égale¬ ment localisé. Ces réflexes ne sont nullement l’apanage de quel¬ ques Arthropodes à l’exclusion de l’ensemble des autres ; ils existent chez tous à des degrés divers. De ces faits essentiels découlent alors des conséquences d’ordre général. Il ne s'agit plus simplement d’un « moyen de défense » très hypothétique, mais d’une propriété fondamentale qui domine, à tout instant, la l'immobilisation réflexe des arthropodes 13 vie des animaux : le phénomène s'élargit et change complète¬ ment de cadre. Mes recherches portent sur un nombre considérable d’Arthro- podes et, tout spécialement sur des Insectes : la diversité des espèces montre, plus que tout autre fait, peut-être, la généralité et la solidité des résultats. Si importants soient-ils, je me hâte de le dire, ces résultats n'apportent pas l’explication définitive d’un phénomène fort complexe. A coup sûr. je pose plus de questions que je n'en résous ; mais je les pose sous la forme qui les rend abordables, et c'est le point essentiel. Parti de la « simulation de la mort », j en arrive à envisager le déterminisme de l'activité nor¬ male des organismes ; tout un champ s’ouvre à l’exploration, je n’ai fait qu y jeter un coup d’œil d’ensemble. Chapitre II LES RÉFLEXES IMMOBILISATEURS Mes premiers essais ont naturellement porté sur les Insectes connus pour « simuler la mort ». C’était, en elï'et, la simulation de la mort que je me proposais d’étudier, ne soupçonnant guère où allaient me conduire les recherches entreprises. Il s’agissait d’examiner dans quelles conditions l’animal devient immobile. La plupart des auteurs, assurément, Piéron et Holmes en parti¬ culier, admettent que l'immobilité résulte d’un réflexe et, du point de vue scientifique, nulle autre hypothèse ne semble possible ; mais aucun auteur n’indique le point de départ du réflexe. Tous s’expriment comme si ce réflexe n’avait pas de localisation précise ou comme s'il était d’origine sensorielle. A vue superficielle, évidemment, le moyen le plus simple d’im¬ mobiliser un animal qui « simule la mort » est de le frapper un peu violemment ou de le laisser tomber d’une certaine hauteur, c’est-à-dire de le soumettre à l'influence de vibrations suffisam¬ ment intenses. Les divers expérimentateurs ont tous utilisé ce procédé d'une manière exclusive et, dès lors, leur analyse portait forcément sur l'immobilité plutôt que sur l’immobilisation. Pour analyser celle-ci, il fallait avant tout explorer méthodiquement 14 E. RABAÜD la surface du corps des animaux, en éliminant toutes les varia¬ bles autant qu'il est en notre pouvoir. On s'assure ainsi que l’immobilisation résulte de F excitation de zones périphériques déterminées et que, chez certaines espèces même, l’excitation directe de ces zones provoque seule l’immobilisation. Dans tous les cas, et quel que soit l'Arthropode envisagé, le rôle des actions externes dans le déterminisme du phénomène est un fait acquis, et je n'y insisterais pas si P. Schmidt ne le niait catégoriquement en ce qui concerne Carausius morosus. 1 . Arthropodes qui « simulent la mort » A. Les Phasmes Pareille négation surprend à juste titre quiconque a pu réa¬ liser quelques expériences avec les Phasmes. Piéron (*) d'une part, et Steciie (2) de l'autre ont nettement constaté l'inlluence de la lumière sur C . morosus. De mon côté, j'ai longuement étudié pendant plus de deux mois quatre Bacillus gallicus Charp., qui Avivaient en capthdté dans les meilleures conditions. J’ai également étudié, au même point de vue, de nombreux C. morosus et je ne puis arriver à comprendre l’erreur de P. Schmidt. Cet expérimentateur n'aurait pu réussir à immobiliser C. morosus ni par un moyen mécani¬ que ni par un moyen chimique ; il ne s'immobiliserait qu'une fois abandonné à la plus complète tranquillité et à l'abri de toute excitation extérieure. Ces conditions remplies, le Phasme oscille pendant un certain temps sur ses pattes, puis allonge ses mem¬ bres antérieurs, ramène ses antennes l'une contre l’autre et reste sans mouvements. A ce moment serait intervenue la catalepsie d origine interne, l autokatalepsie. P. Schmidt n’a tenu aucun compte du rythme nycthéméral né sous l'inlluence de la lumière (3) et a confondu un animal endormi avec un animal immobilisé. C. morosus , tout comme (t) Henri Piéron. a) Le rytlnne des attitudes mimétiques chez un Phasmide, le Dixippus morosus. But. Mus. Hist. nat. 1910. b) A propos de la Catalepsie des Phasmides. But Soc. biol., t. LXXIV, 1913. (2) Steche. Die Fârbung von Dixippus morosus. Zool. Anseig., 1911. (3) H. Piéron, op. cil., 1910. l’immobilisation réflexe des arthropodes 15 B. gallicus est un Orthoptère peu actif. Durant Je jour, il demeure immobile pendant des heures, fixé sur des branches ou sur les parois d une cage, dans des attitudes variées qui dépendent, en grande partie, de la disposition et de la forme du support. Dans l’attitude que Schmidt donne comme constante, les deux mem¬ bres antérieurs sont allongés dans le prolongement du corps et très rapprochés l'un de l’autre, tandis que les membres moyens et postérieurs sont allongés latéralement, faisant avec Taxe du corps un angle plus ou moins voisin d’un droit. Cette attitude ne peut être prise que si les membres antérieurs s'accrochent au même point ; sinon un membre s’accroche à droite, l'autre à gauche aux branches ou aux feuilles,, s'écartant l'un de l’autre à des degrés divers. Quelle que soit l’attitude, l'animal bouge fort peu, il ne se déplace guère qu'au moment où il se met à manger. Même alors, du reste, il entame une feuille et reprend souvent l’immobilité dès qu’il cesse de manger. Néanmoins, endormi ou simplement immobile, l’animal n’est, en aucune manière, incapable de mouvement. Si je le touche légèrement, il se met aussitôt en marche ; si je le prends, sans brusquerie et sans le serrer, ses pattes s’agitent et s’accrochent fortement à mes doigts ; si je le pose, il s'éloigne. Le contact de mes doigts ne provoque donc aucune action paralysante : lePhasme était immobile et les excitations qu’il subit, sensorielles ou autres, le mettent en mouvement au lieu de l’immobiliser. Bacil- lus gallicus se comporte d’une manière tout à fait comparable. B. gallicus et C. morosus se comportent aussi de la même manière lorsque, sous l’action d'autres excitations extérieures, ils sont immobilisés, paralysés. On peut les prendre, les tour¬ ner, les retourner, en observant certaines précautions, sans qu’ils esquissent le moindre mouvement. Si, par exemple, je saisis B. gallicus en marche et que je le laisse tomber d’une faible hauteur — environ 10 centimètres — de telle sorte qu'il tombe sur le dos, les pattes sont agitées de deux ou trois secous¬ ses légères, puis l’Insecte se fixe dans une immobilité complète, les pattes moyennes et postérieures relevées avec les tibias fléchis sur les fémurs, les pattes antérieures dans une position sembla¬ ble ou étendues en avant et rapprochées l’une de l’autre. Les faits sont exactement superposables chez C. morosus. Toutefois, laisser choir l’animal est un procédé un peu sim- 46 E. RABAUD pliste. On obtient le même résultat en excitant, par pression simple, une zone déterminée de la surface du corps. On immo¬ bilise C . ynorosus à volonté, en dépit de l’affirmation catégorique de P. Schmidt, en le plaçant sur le dos, puis en exerçant avec une pince une pression légère au niveau de l’insertion des deux pattes postérieures, ou bien en appuyant, de haut en bas, sur le métasternum. L’immobilisation est obtenue par une pression minimum de o grammes environ ; elle peut être provoquée à un moment quelconque du jour ou de la nuit, bien que plus facile¬ ment le jour : l’âge de l’animal ne joue aucun rôle marqué. Seules, les larves qui viennent d’éclore offrent quelques difficul¬ tés, tenant surtout à leur exiguité et au peu de résistance de leurs téguments. Dès la première mue, les larves atteignant une longueur de 17 millimètres, F excitation du métasternum produit tout son effet. L'attitude n’est pas toujours la même; le plus souvent, les membres antérieurs s’étendent en avant et se rap¬ prochent, tandis que les moyens et les postérieurs s’allongent le long du corps ; mais, parfois, les moyens et les postérieurs demeurent plus ou moins écartés du corps. Il convient d'insister sur le fait que l’immobilisation est pres¬ que impossible à obtenir si l’animal n’est pas sur le dos, les appendices éloignés de tout support. La mise en position dorsale et la libération des pattes de tout contact sont deux conditions préalables nécessaires ; mais ces conditions remplies, l'immo¬ bilisation est déterminée par une excitation périphérique net¬ tement localisée, à la manière d’un véritable réflexe sensi- tiv o -moteur. Je souligne ce fait, absolument contraire aux affirmations de Schmidt, qu’il ne s’agit pas d’immobiliser un animal déjà frappé d immobilité, mais un animal en marche, en pleine activité. L'effet peut être produit plusieurs fois de suite sur un seul et même individu, après qu’il a été mis en mouvement par un pro¬ cédé que j’indiquerai plus loin. L’Insecte ainsi immobilisé ne se comporte plus du tout comme l’Insecte qui stationne simplement immobile, fixé sur une bran¬ che ou accroché à une paroi. Déplacé, il ne bouge pas ; pris avec précaution par les fémurs ou les segments thoraciques, trans¬ porté d’un point à un autre, soulevé, reposé, déplacé de toutes les façons, il ne fait aucun mouvement. Un individu immobile, L’Immobilisation réflexe des arthropodes 17 mais non immobilisé, saisi de la même manière, s’agite aussitôt et se met en marche dès qu’il est posé sur un plan résistant. Aucune confusion n’est donc possible entre les deux états ; nous aurons d’ailleurs à y revenir. Seulement, l'activité normale des Phasmides, leur activité diurne surtout, étant fort limitée, il est aisé de prendre leur immobilité pour de l’immobilisation. Même, l’animal passe quelquefois d'un état à l’autre, sans que le pas¬ sage se manifeste d’une façon quelconque, et l’on pourrait croire, en décrochant de son support un Carausiiis immobile, qu'il change simplement d’attitude. En fait, il change d’état et le changement ne passe inaperçu que grâce à l’immobilité habi¬ tuelle des Phasmes. Chez la plupart des autres Arthropodes le passage d’un état à l’autre est toujours perceptible, parce que, dans les conditions normales, ils ont une activité plus grande. La confusion ne peut plus se produire et nul ne s’aviserait, dès lors, d’affîrmer que l'immobilisation apparaît spontanément, en dehors des condi¬ tions externes. L'analyse du phénomène en devient évidemment plus facile et l’on constate que, chez tous, l’immobilisation s’ob¬ tient, comme chez les Phasmes, par des excitations portant sur des zones périphériques déterminées. Néanmoins, bien que com¬ parable, l’immobilisation présente, de l'un à l'autre, des moda¬ lités fort instructives à tous égards. B. — Les Zy gènes et VEuchèlie Les Zygènes et l’Euchélie montrent, avec une particulière net¬ teté, la nécessité d'éloigner les pattes de tout substrat pour obtenir l’immobilisation. Un choc sur la tète d'une Zygène ou d'une Euchélie en marche ( Zygæna occitanica Yill. Z. fausta L. Z. transalpina O ; H ippocrita j acobææ L .) provoque l’arrêt immé¬ diat. Le Papillon fléchit sur ses pattes, il penche à droite ou à gauche, tout en demeurant agrippé à la fleur sur laquelle il se trouve, mais l’immobilisation n'est pas complète et l'animal se redresse presque aussitôt. On détermine une immobilité durable par une pression exercée soit à la racine de l’aile, soit sur l’un quelconque des fémurs ou sur l’articulation fémoro-tibiale. L'une ou l'autre de ces excitations provoque le reploiement immédiat 2 % 18 Ë. RARAUD des pattes, qui abandonnent leur substrat ; le papillon tombe alors sur un côté. Lorsque, au bout d’un temps, les pattes ou les antennes commencent à être agitées d’un léger mouvement, signe d’une reprise d’activité, une simple pression sur le méta- sternum suffit pour prolonger l’immobilité. L’arrêt des mouve¬ ments, d’ailleurs, n’est pas toujours immédiat, en ce sens que, pendant quelques secondes, les antennes restent animées d'une lente oscillation. Des essais renouvelés un très grand nombre de fois, sur plus de vingt individus, ont constamment donné le meme résultat. L’existence du réflexe immobilisateur à point de départ localisé ne fait donc aucun doute. Une expérience un peu différente montre bien qu'il ne s’agit pas d’un attouchement quelconque provoquant une réaction sensorielle ou psychique. L’expérience consiste à saisir la Zygène par l’extrémité distale de l’aile antérieure au moyen d’une pince. Ainsi maintenu, l’animal s’agite, remue vivement les pattes, bat des ailes. Tout en continuant à tenir le bout distal de l’aile, je comprime son extrémité proximale : aussitôt les pattes se replient contre le thorax et l’agitation cesse ; si je pose l’Insecte sur la table, il demeure immobile pendant 2 ou 3 minutes. Le même procédé permet de mettre en évidence l’effet de la compression des fémurs : saisies par les tarses d’une patte quelconque, les Zygènes ou l’Euchélie ne cessent d’agiter et les ailes et les autres pattes ; l’agitation cesse immédiatement à la suite de la compres¬ sion du fémur de la patte maintenue ; les ailes retombent et les pattes s’appliquent contre le corps, sans secousse, et comme sous l’empire d’une force irrésistible. Le réflexe sensitivo-moteur se produit aussi avec les antennes. Tenu par le bout distal de l’une d’entre elles, l’animal s'agite, puis devient immobile sans prendre d’attitude spéciale, s’agite à nouveau, s’arrête et ainsi de suite tant qu’il est maintenu de la même façon. Mais si, sans lâcher prise, je comprime l’antenne a i niveau de son insertion, l’agitation cesse presque aussitôt, les ailes et les pattes prennent l'attitude caractéristique de la Zygène immobilisée. C’est le réflexe dans toute sa pureté. On ne l'obtient, d'ailleurs, qu’à la condition d’isoler les Zygènes de tout substrat. Pour peu que leurs tarses demeurent en contact avec la fleur, l’immobilisation cesse" dès que cesse l’excitation. Nous avons t/lMMOBILISA-TION réflexe des arthropodes Kl noté le même fait pour les Phasmes, nous le retrouverons encore et nous aurons à l’examiner de près. C. — Les Charançons Les Charançons, à leur tour, montrent des particularités importantes, dont la connaissance nous aidera pour l’analyse du phénomène. Les diverses espèces étudiées (. Larinus turbinatas Gyll., L. flavescens Germ., L. maculalus Mén., L. leuzcæ Faiiis., L. stehelinæ Bedel, Rhinocylhis conicus Froeiilich, Ralaninus venosus Grav., Hypera globosa Fairm., Pissodes nota! us F., Lixus algirus L.) se comportent de manière très comparable, à de légères différences près. Pour immobiliser l’un d'entre eux, il ne suffit pas de le saisir d’une façon quelconque; pris entre les doigts, un Larinus agite ses pattes lentement, mais sans discontinuer, et imprime à son rostre un mouvement de va et vient; placé sur la table, il se met aussitôt à marcher. A cet égard, rien ne le distingue donc des Phasmes ou des Zygènes : l’inlluence psychique qui pourrait résulter du fait d’être capturé n’entraîne pas l’immobilité. Par contre, si je laisse tomber l’In¬ secte sur le sol de façon à ce qu’il reçoive un choc assez violent, il demeure immobile. La durée de l’immobilisation et l’attitude varient suivant les cas : quand l'animal tombe sur la face ventrale, il se remet en marche un très court instant après la chute ; quand il tombe sur le dos ou sur le côté, il reste sur place sans bouger, les cuisses s’appliquent contre le corps, les tibias exécutçnt deux ou trois oscillations lentes, puis s’arrêtent en demi-flexion sur les cuisses, les antennes se replient, le scape dans le scrobe et le funicule le long du scape. Le Charançon est ainsi immobilisé dans une attitude recroquevillée. Cette attitude correspond à une immobilisation produite par un certain mode d'excitation: elle résulte constamment d'une chute sur le dos ou d’un choc qui détache et éloigne les pattes d'un support. Mais le Charançon peut être immobilisé, pour une aussi longue durée, par un autre procédé ; il prend alors une attitude différente. Placés doucement sur le dos, un Larinus , un Rhinocyllus , un Hypera agitent leurs pattes et les agitent sans arrêt pendant un très long temps; l’immobilité survient d'une 2Ô E. RABAUD façon presque immédiate, dès qu'on exerce une pression sur le métasternum au moyen d'une pointe mousse. Parfois, surtout chez Larinus macalosm , la pression détermine d'abord quelques secousses spasmodiques des membres. L’immobilité parfaite leur succède néanmoins presque aussitôt, les membres en exten¬ sion complète, les antennes repliées. Toutefois, la pression ster¬ nale ne suffit pas pour immobiliser Pissodes notatus ou Balani- nns venosus , une excitation plus forte est nécessaire ; on l’obtient en exerçant, au moyen d une pince, une pression bilatérale du thorax. Les pattes s'immobilisent en extension et l’attitude diffère peu de celle de Larinus. En tout cas, cette attitude diffère notablement de celle que détermine un choc. Ni l’un ni l’autre, du reste, ne ressemble nécessairement à celle d'un Charançon mort, et cette différence corrobore les affirmations de Darwin, confirmées par plusieurs auteurs, relativement à la diversité des attitudes que prennent les animaux « faisant le mort ». Nous avons ici, en outre, une précision nouvelle. L’attitude ne varie pas seulement d'un indi¬ vidu à l’autre, elle varie pour un même individu ; les variations ne se produisent pas au hasard, elles dépendent du point d’appli¬ cation de l’excitant externe. Existe-t-il deux voies réflexes diffé¬ rentes n'aboutissant pas aux mêmes muscles ou n'y aboutissant pas de la même manière ? S’agit-il d’une différence dans l'inten¬ sité de l'excitation ? Remarquons simplement que la double atti¬ tude souligne le caractère sensitivo-moteur du réflexe ; l’une et l'autre ne peuvent résulter que de la transmission passive d'exci¬ tations, en dehors de toute intervention sensorielle ou psy¬ chique. Du reste, l'analyse de l’immobilisation provoquée, chez les Charançons, montre encore, par un autre côté, le caractère de ce réflexe. Une pression exercée sur le métasternum, entre les deux paires de membres postérieurs, immobilise parfois complètement ces appendices, tandis que les moyens, les antérieurs et la tète conservent des mouvements plus ou moins accentués. On fait rapidement cesser ces derniers en appuyant sur la ligne médiane du mésosternum, entre la paire antérieure et la paire moyenne d'appendices. A vrai dire, cette disjonction n'est ni constante ni fréquente et sa réalisation demande, sans doute, un concours de conditions difficiles à réunir; je l'ai cependant réalisée plusieurs l’immobilisation réflexe des arthropodes 21 fois ; cela suffit pour lui donner une importance que je mettrais plus loin en plein relief. Enfin, les expériences sur les Larinus fournissent encore deux données utiles à retenir. Elles ont trait aux différences qui sépa¬ rent Larinus maculosus de L. turbinât us et de L. flavescens. Les faits essentiels sont exactement les mêmes ; seulement L. macu¬ losus possède une sensibilité telle que la moindre chute sur le dos provoque l'immobilisation, mais de courte durée. Si, au cours de cette immobilisation, on appuie sur le métasternum avec une pointe mousse, on détermine une secousse spasmodi¬ que des pattes qui interrompt l’immobilité pendant une fraction de seconde. Ce fait a son intérêt pour l’analyse du phénomène. D. — Chri/somela cerealis L. Les diverses particularités ainsi relevées chez les Charançons ne leursont pas spéciales. A des degrés divers, et sous d’autres for¬ mes, nous les retrouvons chez d’autres Arthropodes. Chrysomela cerealis L., par exemple, prend, elle aussi, une attitude diffé¬ rente suivant l’excitation. Une pression digitale portant surfit face ventrale, l'Insecte étant sur le dos, provoque le reploiement complet des appendices contre le corps ; une pression digitale légère et de courte durée, ou une pression localisée du méta¬ sternum avec une pointe mousse, ne provoque qu'une demi-flexion des cuisses sur les hanches et des tibias sur les cuisses. Quel¬ quefois, les pattes antérieures seules prennent cette attitude, tandis que les autres s’appliquent contre le corps. Dans les deux cas, les antennes se rabattent le long du thorax. Chacune des attitudes correspond nettement ici à une différence d'intensité de l’excitation. La pulpe du doigt qui comprime touche les mêmes zones périphériques, mais elle appuie plus ou moins; le stylet mousse exerce une forte pression, mais sur une étendue très restreinte. Pression légère sur une grande étendue, ou pression forte sur une petite étendue ne déterminent évidemment qu'une excitation faible relativement à celle que détermine une excita¬ tion forte sur une grande étendue, les voies de conduction demeurant les mêmes. 22 ( E. KABA ED Tout comme les Insectes précédemment examinés, Chryso- mela cerealis n’est pas immobilisée si onia prend entre les doigts sans secousse ni pression. En outre, toute pression exercée sur un individu en état d’immobilisation provoque un soubresaut spasmodique des appendices : les cuisses se soulèvent au-dessus du corps, les tibias s’étendent. Parfois, deux spasmes se succè¬ dent à bref intervalle, puis l’immobilités revient et, générale¬ ment, durable. Dans l’ensemble, les essais pratiqués sur C. cerealis fournis¬ sent donc des résultats qui concordent avec ceux que nous pos¬ sédions déjà; ils les corroborent et les éclairent en partie. E. — Dermestes holosericeus Toum. ' f De même en sera-t-il des essais pratiqués sur Dermestes holo¬ sericeus Tourn. Au sujet de cet Insecte et de ses pareils circulent des affirmations assez contestables. Suivant Maurice Girard (‘J les Dermestes, « sensibles et prudents. » s’immobiliseraient au moindre bruit. L’Anthrène varié « replie ses pattes et semble mort quand on veut le saisir » ; Dermestes vulpinus F. « timide, s’arrête au moindre bruit, paraissant mort; alin d’échapper au danger ». Piéron (2) rapporte qu’un Dermeste, sur lequel il a fait quelques expériences, ne s’immobilisait qu’en l’absence de tout abri possible dans le voisinage. Si cpt abri existait, l’Insecte s'enfuyait et s’y cachait. Mis sur le dos, il s’immobilisait. Les influences sensorielles, auditives et visuelles, joueraient donc un rôle important chez ces Coléoptères. Certes, je me garderai de vouloir ramener le comportement de tous les Dermestides à celui de Dermestes holosericeus et de pré¬ tendre infirmer, par les résultats obtenus avec celui-ci, les résul¬ tats obtenus avec ceux là. Néanmoins, la différence est telle entre ces résultats que, malgré tout, naissent des doutes assez sérieux. Chez D. holosericeus , l’absence totale d’influences sensorielles et le caractère purement sensitivo-moteur du réflexe d'immobi- V 9 * C) Maurice Girard, Les métamorphoses des Insectes, Bibliothèque des merveil¬ les , Paris, Hachette, 1879. (*) H. Piéron, op. cil , 1904. l’immobilisation réflexe des arthropodes 23 lisation ressort, avec évidence, de l’ensemble des faits. Ni les chutes sur le ventre, ni les chutes sur le dos ne provoquent l'immobilité ou ne provoquent qu'une immobilité fugitive. On n'obtient pas mieux en retournant doucement l’animal en mar¬ che. En le retournant brusquement, on y parvient quelquefois, et on y parvient assez souvent en le retournant violemment ou en le frappant sur la tète. J’ai procédé à ces divers essais sur la même table et dans les mêmes conditions d’éclairement, sans rien ajouter ou supprimer qui puisse jouer, pour llnsecte, le rôle d’abri. L’immobilisation paraît donc difficile à obtenir par les moyens ordinairement employés. J'ai mis alors en œuvre les vibrations, en plaçant l’Insecte sur une plaque de tôle. Laissant le Dermeste se mettre en marche, je frappe un coup sec sur la tôle : l’Insecte ne s'arrête pas; je frappe immédiatement au- dessous de lui : le choc le projette en l’air et il retombe sur le dos, mais il n’est immobilisé que si, retombant d'assez haut, il reçoit un choc brusque et violent. Enfin, pris et comprimé entre les mors d'une pince, le Dermeste ne cesse de remuer ses pattes et se remet en marche dès que l’étreinte se des¬ serre. L’échec de ces divers moyens pourrait donner à penser que l'Insecte « cherche » à fuir en constatant l'inutilité d'une feinte ; l'intervention des excitations sensorielles serait alors prépondé¬ rante. Pour ruiner une pareille interprétation, il suffit d’explorer méthodiquement 1 excitabilité périphérique du Dermeste. Le plaçant sur le dos, je comprime avec un stylet mousse la ligne médiane du métasternum; j'obtiens alors un résultat immédiat et constant , les pattes se plient en demi-flexion, la tète se rétracte ainsi que les antennes, l’immobilisation s'installe et dure plusieurs minutes. En changeant le point d’application de la pression, je détermine une immobilisation plus durable encore : la compression successive des tibias de deux ou trois pattes suffit à arrêter les mouvements ; mais si j'exerce, en outre, une pres¬ sion métasternale tout en ramenant la tète vers le sternum, j'ac¬ centue l’immobilisation. La pression des tibias fixe les appendices en extension, la pression métasternale les ramène vers le corps. Je puis alors retourner l'animal de toutes les manières, sans pro¬ voquer aucun mouvement. Ainsi, l’immobilisation durable est obtenue chez cet Insecte, comme chez les précédents, par de sim- 24 K. IiA R AC D pies excitations sensitivo-motrices, sans rapport nécessaire avec les excitations sensorielles. F. — Les Criocères Les Criocères à leur tour {Crio cens asparagi L , C. 1%-puric- tata L. C. Hlii Scop.) fournissent des données fort importantes. Remarquons, au préalable, que ces trois espèces vivent, à l’état adulte, dans des conditions très comparables, les deux premières sur les cladodes de l’Asperge cultivée, la troisième sur les feuilles de Lys. Toutes trois se comportent également d une manière analogue, à des degrés divers. La moindre secousse imprimée à la plante suffît pour les faire choir, surtout C. asparagi. Sou¬ vent, alors, elles s’accrochent aux branches inférieures, mais sou¬ vent aussi, elles dégringolent jusqu’à terre où elles demeurent immobiles pendant un temps. Pour les saisir, quand elles sont fixées sur les cladodes, il faut user de précautions, placer la main de façon à les recevoir ou éviter d’agiter la plante. La sensibilité de C. 1 %-punctata et de C. lilii paraît un peu moindre et l'on peut les capturer plus facilement. En dépit des différences qui les séparent, ces trois espèces se ressemblent au point de vue de l’immobilisation. Mieux vaut, cependant, les examiner séparément. t On immobilise expérimentalement C. asparagi , non par un choc proprement dit, mais par un déplacement, une secousse, brusque sans être violent, ayant pour résultat de mettre l’ani¬ mal sur le dos. Ce procédé réalise, en somme, les conditions habituelles, l’animal tombant de sur les cladodes de l'Asperge brusquement, mais d’une faible hauteur relativement à sa masse. Des excitations localisées produisent facilement le même effet. Je ne m’arrêterai pas sur l’immobilisation provoquée par une pression légère exercée avec le doigt. l'Insecte étant retourné sur le dos;, ce moyen, d'ailleurs infaillible, ne présente qu'un médiocre intérêt au point de vue général, puisqu’il ne corres¬ pond pas à une localisation très précise. On met cette localisa¬ tion en évidence de la façon suivante. L'animal étant en pleine activité, on refoule légèrement la tête avec un stylet mousse, puis l’immobilisation réflexe DES ARTHROPODES 25 on frotte rapidement les antennes en les ramenant de haut en bas et d’avant en arrière ; on détermine ainsi l’arrêt. Retour¬ née alors sur le dos, doucement ou brusquement, la Criocère est parfaitement immobilisée : les pattes s’appliquent étroite¬ ment contre le corps, les antennes se replient le long de la face ventrale. Lorsque l’animal immobilisé recommence à se mouvoir, on rétablit et prolonge l'immobilité en caressant les antennes avec le stylet, à partir de leur insertion jusqu’à leur extrémité libre, et en les ramenant d’avant en arrière. La manœuvre réussit plu¬ sieurs fois de suite et montre nettement le point de départ de l’excitation inhibitrice. C'est par une manœuvre analogue que l’on immobilise C. 12- punctata. C'est même la manœuvre qui réussit le mieux avec cette espèce. Moins sensible que la précédente, un choc, une chute, ou une secousse ne l’immobilisent pas à coup sûr. Lors¬ qu’on la renverse sur le dos, elle se retourne prestement ou, tout au moins, s'agite avec une grande vivacité. On l'arrête, cependant, en appuyant légèrement sur la tète de façon à la rame¬ ner vers le sternum et en frictionnannt les antennes. Une seule des deux excitations ne semble pas suffire ou, plutôt, ne provo¬ que pas une immobilité durable. Les faits, à cet égard, sont comparables à ceux que nous avons rencontrés chez lesDermes- tes où deux excitations consécutives, portant sur deux zones distinctes, assurent l’immobilité, un premier réflexe la provo¬ quant, un second réflexe la prolongeant. Seulement, tandis que, chez les Dermestes, la seconde excitation modifie l'attitude don¬ née par la première, ici l’attitude ne change pas. Les faits sont comparables chez C. asparagi et C. / 2-punctata ; seule l'attitude des deux espèces diffère légèrement. La première a les membres étroitement appliqués le long du corps, la seconde les a recroque¬ villés, les fémurs légèrement écartés de la paroi ventrale, les tibias fléchis sur les fémurs et les antennes ramenées le long du thorax. Il ne s agit évidemment là que d’une différence accessoire. Mais en voici une autre, d’un véritable intérêt quant à l'étude générale du phénomène. L'immobilisation de C. asparagi est complète, du moins extérieurement, dans la plupart des cas; E. RABAUD 26 l'immobilisation de C. 1 %-punctata n'est jamais que partielle. Si longtemps que l’Insecte demeure paralysé, l'arrêt des mouve¬ ments porte exclusivement sur la tête et le thorax, l'abdomen ne cessant pas un instant d’être le siège d’un rapide va-et-vient dans le sens dorso-ventral, accompagné du crissement bien connu des Criocères. Par aucun moyen je n'ai pu supprimer ce mouvement et j’ai tendance à penser qu'il est, en quelque mesure, provoqué par l’excitation périphérique, inhibitrice pour une partie du corps, dynamogène pour une autre partie. Dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une immobilisation incomplète ou du double effet d’une seule et même excitation, cette apparente dissociation physiologique exclut toute idée d’intervention senso¬ rielle, que pourrait suggérer le fait que la tète et les antennes sont le point d’application de l’excitant. Il convient de remar¬ quer que l’excitant détermine le même résultat, quelles que soient les conditions extérieures, sur un animal très actif auquel un léger déplacement à droite ou à gauche permettrait de « fuir » : de très légers attouchements le paralysent donc d'une manière irrésistible. Au surplus, l’immobilisation s'obtient également, chez ces Criocères, par une légère pression sternale ; cette pression joue, sur J'animai en décubitus dorsal, le rôle que la friction des antennes joue sur l’animal en décubitus ventral. Et même, la pression sternale est, seule, immédiatement efficace chez C. lilii. Cette espèce, en effet, diffère assez sensiblement des deux autres, en ce qu elle n’est pas aussi facilement immobili¬ sable. Un choc léger sur la tête ne l’arrête pas d'une manière sensible ; les différences, néanmoins, ne sont que de degré. G. — Les Araignées i Des faits de même ordre ressortent de quelques essais prati¬ qués sur des Araignées : Thomisus onustus Wlk, Misumena vatia Cl., Heriœus hirsutus Wlk, Epeira diademata Cl., Argiope bruennichi Sel, Tegenaria parietina Fourc. Beaucoup d’autres se recroquevillent et demeurent immobiles, durant un laps de temps variable, lorsqu’elles reçoivent un choc ou subissent une secousse. Nombre d'entre elles, aussi, restent immobiles pendant 9 l’immobilisation réflexe des arthropodes 27 des heures et ne se mettent en mouvement que si une proie tombe dans leur toile ou passe à leur portée. La question soulevée par l’étude des Phasmes se présente donc de nouveau ici et nous aurons à examiner, plus loin, les rapports de cette immobilité habituelle avec l'immobilité provoquée. Il suffît, pour le moment, de constater qu'un choc, une chute d’une hauteur de 10 à 1 b cen¬ timètres, déterminent l’immobilisation : les fémurs s’appliquent contre le corps et les tibias se placent parallèlement aux fémurs, les tarses reposant sur le sol par leur face dorsale. La bète peut être tournée et retournée, elle n’effectue d’autres mouvements qu'une sorte de spasme des pattes postérieures, sans reprise de l’activité. L’immobilisation, dans la même attitude, est également provo¬ quée, sans aucune difficulté, par une compression du céphalo¬ thorax. Il n'est d'ailleurs pas indispensable de placer l’Araignée sur le dos ; la situation dorsale ne prolonge nullement l’immo¬ bilité. Si l’on veut saisir l'animal par toute autre partie du corps, si on le capture même, il s'agite violemment et, parfois, se dégage. Ce sont donc bien, pour ces Arthropodes aussi, des excitations périphériques localisées, non sensorielles, qui pro¬ voquent une immobilisation véritable et durable. • H. — Les Myriapodes Les Myriapodes, surtout les Chilognathes, présentent des phénomènes exactement superposables. Les expériences ont porté sur Glomeris gattata Hisso, Julus albipes Koch, Schizo- phyllum mediterraneum Latz, Leptoiulus belgicus Latz, Poly- desmus coriaceus Porat, Polydesmùs gallicus Latz, Polymicro - don lalzeli-gallicum Verh. et Polydesmùs racovitzai Br. (,). Tous sont fort semblables au point de vue de la localisation des zones périphériques, mais ils se séparent nettement en deux groupes, au point de vue de l’attitude : les uns s’enroulent et les autres demeurent allongés, quoique immobilisés. Dans les con¬ ditions habituelles, un choc, un déplacement brusque détermi: (*) Je dois la détermination précise de la plupart de ces Arthropodes à M. 11. W. Brolemann et l’en remercie très cordialement. 28 E. RA.BAUD nent cette immobilisation. Souvent, les Chilognathes s'enroulent ou demeurent immobiles sur place, lorsqu'on soulève la pierre qui les recouvre. Quoi qu'on en ait pu dire, ce fait ne signifie nullement que le passage de l'obscurité à la lumière joue un rôle en la circonstance. Si, par exemple, plusieurs Leptoiulus belgi¬ cus se trouvent sous la même pierre, en soulevant celle-ci on provoque l'arrêt des uns et non celui des autres; quelques-uns même se mettent en mouvement. Les conditions d’illumination soudaine sont cependant exactement semblables pour tous, et si les excitations sensorielles intervenaient, tous les L. belgicus devraient devenir immobiles. Nous verrons que les rayons lumi¬ neux déterminent, au contraire, une excitation motrice. Tout dépend, en réalité, de la position que les individus occupent par rapport à la pierre au moment où elle est soulevée. Les uns, situés à son contact immédiat, subissent un déplacement brus¬ que, les autres, logés dans une galerie peu profonde et séparés de la pierre par un intervalle d'un ou deux millimètres, ne subis¬ sent aucun déplacement; si le soleil ne frappe pas directement leurs yeux, ils ne bougent pas. Il s'agit donc bien d'une excitation périphérique, distincte des excitations sensorielles proprement dites. % Le point de départ périphérique est le même pour tous les Chilognathes étudiés. Il siège dans les antennes, dans la partie latéro-dorsale de la région céphalique et des i ou 5 premiers segments. En comprimant ces diverses régions avec un stylet on détermine l'enroulement immédiat de Schizophyllum medi- terraneum , de fulus albipes , Glomeris guttata , et l'arrêt en posi¬ tion rectiligne de tous les autres. Leptoiulus belgicus , grâce à sa forme cylindrique, laisse apercevoir quelques détails : sous l'influence de la pression, l’animal cesse de marcher; les mou¬ vements des pattes continuent toutefois un instant, puis ces¬ sent progressivement à partir du point de pression, dans les deux sens. L’animal est alors immobilisé et l'on peut retirer le stylet. Les antennes continuent d'osciller pendant quelques fractions de seconde, puis la tète se replie légèrement en des¬ sous, l'immobilisation totale est acquise. L'attitude est recti¬ ligne ou faiblement ondulée. Souvent le corps subit une torsion légère, telle que les pattes d'un côté quittent le sol. Cette torsion résulte d'un spasme violent qui se produit au moment où la l’immobilisation réflexe des arthropodes 29 pression cesse; mais elle ne correspond nullement à la reprise de l'activité ; bien au contraire, l'immobilité s'installe et dure. Les faits sont les mêmes avec tous les autres Chilognathes. Seule, l’excitation des segments précéphaliques ou des antennes entraîné l'immobilisation. Quand on saisit l’animal avec une pince par toute autre partie du corps, il ne s’enroule ni ne s'ar¬ rête, et si on le soulève, ses pattes continuent de se mouvoir. Ici encore, l'excitation sensorielle ne joue aucun rôle appréciable. A cet égard, du reste, je constate que la pression des antennnes ne provoque souvent qu’une immobilisation incomplète, se manifes¬ tant, chez les espèces qui s’enroulent, par un enroulement limité à la tète et aux premiers segments. I. — Espèces diverses Sur un très grand nombre d’autres espèces connues pour « simuler la mort », j'ai obtenu des résultats comparables. Plu¬ sieurs ne méritent qu’une mention; mais quelques-unes valent de nous arrêter. a) Stilbum splendidum Fab., Chryside de forte taille, se met en boule à la suite d'un choc assez brusque ou de plusieurs chocs légers consécutifs. L’attitude est provoquée, presque instanta¬ nément, par contact ou pression de la tête ou du thorax. La pres¬ sion céphalique est particulièrement efficace, elle arrête l'ani¬ mal en pleine marche. Cette localisation pourrait entraîner à croire que l’excitation est d’ordre sensoriel, et que l'attitude prise résulte d'un phénomène psychique. Mais tout phénomène de cet ordre devrait se produire^ ici comme ailleurs, dès que l'animal est capturé, quelle que soit la partie du corps par où s'effectue la capture. Or, en saisissant l'animal par l’abdomen avec une pince, soit latéralement, soit dorso-ventralement, ou en le frappant, même assez fort sur cette partie du corps, on ne l’arrête pas, du moins, on ne l immobilise pas. Maintenu par l'abdomen ou par une aile, l’Insecte s’agite, et parfois vivement. Entre les excitations qui portent sur l’abdomen et celles qui portent sur le thorax existe donc une différence essentielle. J’ajouterai que si l’attitude d’immobilisation est toujours la même, elle n’est cependant pas toujours tout à fait complète. 31) Ë. îtABAÜD Parfois, thorax et abdomen, au lieu de se rabattre l'un sur l’au¬ tre, se rapprochent plus ou moins, de sorte que f Hyménoptère n’est pas «. enroulé », mais simplement courbé. b) Je signale, sans y insister, un autre Hyménoptère, Celoni- tes abbreviatus Villers qui prend, sous les mêmes influences, une attitude comparable à celle de St. splendidum , avec cette par¬ ticularité qu’il engage ses ailes entre le thorax et l’abdomen, au lieu de les laisser libre au dehors. c) Cetonia aurata L. mérite une mention spéciale. Quand on retire doucement un individu de la fleur dans laquelle il se trouve, il s’agite aussitôt, remuant pattes, tête, antennes; quand on le retire brusquement, la tête et les antennes se replient, les pattes s’accolent au corps, l’animal demeure immobile et parfois pendant un assez long temps. Une fois revenu à l’activité, il semble difficile d’obtenir une nouvelle immobilisation. Une pres¬ sion directe du sternum ne détermine guère qu’une immobilité de très courte durée, cessant souvent avant même que ne cesse l’excitation. A diverses reprises, en 1915, 1916 et 1917, j'ai obtenu le même résultat et, si paradoxale qu’elle me parut, je fus conduit à la conclusion que Cetonia aurata n’était pas immobilisable deux fois consécutives. J’admis même qu'elle ne l’était pas deux fois dans sa vie : j’avais, en effet, conservé des individus pendant plusieurs jours sans réussir, après un temps de repos, à les immobiliser (*). Ayant capturé, en 1918, huit individus, je les ai soumis à de nouveaux essais, afin de contrôler une conclusion très peu satis¬ faisante. Cette fois, j’ai pu constater que mes échecs provenaient du procédé mis en œuvre. Cetoaia aurata est immobilisable, comme tous les autres Arthropodes « simulant la mort », par des excitations périphériques localisées. Seulement, les excitations trop f ortes ne produisent pas d’effet, ou produisent à la fois deux effets antagonistes, de sorte que l’immobilisation ne s’ensuit pas. Par contre, les excitations faibles et répétées déterminent une immobilisation parfaite et durable. La technique est alors la suivante : en appuyant légèrement à droite et à gauche de la ligne médiane du sternum, ou sur cette (') Etienne Rabaup. L’immobilisation réflexe des Arthropodes et des Vertébrés. Hevue générale des Sciences, 1917. l’immobilisation réflexe des arthropodes 31 ligne, on provoque le ralentissement des mouvements des pattes antérieures et moyennes ; puis, en frappant de tout petits coups, répétés à brefs intervalles, ou en frottant légèrement par un mou¬ vement de va-et-vient, on complète l’immobilité de ces membres et on provoque celle des membres postérieurs. Parfois, cepen¬ dant, ceux-ci ne s’arrêtent tout à fait qu'après une pression très légère exercée sur le fémur. Cetonia aurata rentre donc dans la règle générale, sauf que, pour elle, des excitations itérai ires, suivant le terme de L. Laimcque (*), sont nécessaires. d) Nepa cinerea !.. présente aussi une particularité notable. Franck Brocher, qui l’a étudiée en 1916 (2), se borne à noter son « attitude cataleptique » et ne donne aucun renseignement utile. Assurément, considérée en elle-même, J immobilisation de la Nèpe ne diffère pas sensiblement de celle de tout autre Arthro¬ pode. Mais la Nèpe vivant habituellement dans l’eau, il importe d'examiner si ces conditions de milieu n’interviennent pas d une manière ou d’une autre. L’animal hors de l'eau et retourné sur le dos est immobilisé sans difficulté par pression sternale, pour une durée de plusieurs minutes. L’immobilisation s’obtient de la même manière quand l'animal reste dans l'eau , mais elle dure beaucoup moins ; la moindre secousse imprimée au récipient suffit pour provoquer l’activité. La différence est assez sensible, car la Népe immobili¬ sée hors de l’eau peut être déplacée, transportée, sans qu’elle fasse le moindre mouvement. Ce qui est plus remarquable encore, c’est l'effet produit par le changement de milieu : la Nèpe en état d’activité est immobilisée par le fait même qu'elle est retirée de l’eau; inversement, la Nèpe immobilisée hors de l'eau reprend toute son activité dès qu'on la replonge dans l’eau. C’est un fait d’un haut intérêt, sur lequel nous aurons à revenir et dont il faut, dès maintenant, indiquer le déterminisme immédiat. Ce déterminisme n’est certainement pas le changement de milieu en tant que tel, mais bien la nature, la fréquence ou l’intensité des excitations que l'Insecte reçoit en pénétrant dans l'air ou dans l’eau, et qu’il continue à recevoir une fois qu'il est parvenu P) L. Lapicque. Excitabilité des nerfs itératif»; théorie do leur fonctionnement. C. fi. Acad. Sri., 1912, t. GLV. (*) Frank Brocher. La Nèpe cendrée. Arch. de Zool. e.cp. et gên.t t. LIV, 1916. 3 2 E. RABAÜD dans l'un ou l’autre milieu. L’éau exerce, entre autres actions, des frottements continus plus intenses que ceux que l’air calme peut exercer. Le passage dans l'air, entraînant la suppression de certaines excitations, crée des conditions nouvelles qui facilitent l’im mobilisation. Les circonstances ne m’ont pas permis de faire des essais ana¬ logues sur d’autres Insectes aquatiques, et je n’ai trouvé aucune indication précise dans les mémoires de Brocher sur Ncpa ou de Holmes sur Ranatra. Ces auteurs ont étudié des animaux aqua¬ tiques en dehors de l’eau, supposant implicitement que l'air et l'eau constituaient deux milieux analogues. e ) Voici maintenant l’indication sommaire de quelques parti¬ cularités relatives à divers autres Arthropodes qui « simulent la mort ». Podagrica fuscicornis L. se déplace par sauts. Quand il retombe sur le dos, ce qui arrive assez souvent, ce Coléoptère est immo¬ bilisé pour quelques fractions de seconde. Expérimentalement, on obtient le même résultat par pression sternale et l'on assure l’immobilité en ramenant, par pression légère, les antennes le long du corps; il est nécessaire que l’animal soit sur le dos, fait que nous avons constamment rencontré et dont nous verrons la signification. Timarcha inter stitialis Fairm devient également immobile par pression sternale ; mais les antennes restent allongées et en mouvement. On complète l’immobilité en appuyant sur le pre¬ mier article des antennes, de façon à ramener l’appendice tout entier le long du corps. Ce Coléoptère présente donc, à son degré le plus accusé, le phénomène que nous avons constaté chez Crioceris asparagi et Podagrica fuscicornis . Oxythgrea funesta Poda vit généralement enfoncé dans les fleurs, surtout dans les capitules des Composées, et le moindre contact paraît l’immobiliser, du moins le contact des doigts qui le saisissent. Tout dépend, en réalité, de la partie du corps sur laquelle s'appliquent les doigts. Généralement, ceux-ci portent principalement sur le thorax de l'animal qui a perdu contact « avec tout substrat. Or, si nous prenons avec une pince à mors, étroit un individu quelconque de cette espèce de Coléoptère, nous ne l’immobiliserons que si les mors portent sur le thorax, et plus spécialement sur le prothorax. Mais alors nous l'immo- i f l’immobilisation réflexe des arthropodes 33 biliserons à coup sûr; les pattes se replient, s’appliquent contre le corps et l’immobilisation s’installe, que l’animal repose sur la face ventrale ou sur la face dorsale ; elle dure simplement davantage dans cette dernière position. On obtient le même résultat, avec la même attitude, l'Insecte étant sur le dos, par pression sternale. C’est encore par pression bilatérale au niveau du thorax que l’on immobilise Malacosomà lusitanien L. L'Insecte replie ses pattes contre le corps, ramène ses antennes en arrière. On pro¬ duit le même eiïet par pression des antennes. L'une et l’autre excitation détermine une immobilisation durable, bien que tou¬ jours précédée d’un mouvement spasmodique très caractérisé : les membres s’étendent brusquement, puis se replient lente¬ ment et l’immobilité s’installe. OEdemera nobilis Scor, Coléoptère extrêmement agile, devient tout à fait inerte quand on le saisit entre les doigts. Ce résultat provient de l’excitation de zones inhibitrices analogues à celles que je viens de mentionner : pression des antennes, compres¬ sion bilatérale du thorax ou pression légère du sternum. Quant à Lampyris noctiluca L., peu d’insectes sont aussi facilement immobilisables. Des excitations portant sur presque toutes les parties du corps entraînent la suppression complète et durable des mouvements, à la condition, cependant, que l’ani¬ mal soit en décubitus dorsal. Il faut, en outre, que les excita¬ tions, sans être violentes, soient un peu accentuées. Les deux sexes se comportent de la même manière, aussi bien que les larves. Les excitations les plus efficaces sont celles qui portent sur la région céphalo-thoracique ; elles le deviennent de moins en moins à mesure qu elles se rapprochent de l’extrémité abdomi¬ nale. Enfin, Coræbus rubi L. et divers autres Buprestes ; Colobri- cus marginatus Lat ; Epilackna argus Fourc ; Semiadalia J 1 -no/ata Schmid ; Coccinella 7 -punctata L. et la plupart des Coccinellides, sinon tous, sont facilement immobilisés par pression du sternum, une fois placés sur le dos. Chez tous, les pattes se replient contre le corps. J’ai également fait quelques essais sur les Isopodes terrestres, mais je ne les ai pas poursuivis longtemps, car il existe une cause d'erreur difficilement évitable : une fois extraits de sous 3 i 34 Ê. RABAUt) les pierres, ces Crustacés se dessèchent assez vite, les branchies, tout spécialement, fonctionnent mal et bientôt on ne discerne plus bien si l’immobilisation résulte d'une excitation périphéri¬ que ou d'un état d’asphyxie plus ou moins accusé. Le peu que j'aie pu voir me permet d'admettre que ces Arthropodes sont également immobilisables par des excitations localisées, mais je ne saurais rien affirmer touchant le siège de ces localisations. J’ai seulement constaté, d'une manière indubitable, que les influences sensorielles ne jouent pas plus de rôle chez ceslsopo- des que chez les Arthropodes précédemment étudiés. En effet, quand on soulève la pierre qui les recouvre, quelques-uns res¬ tent sur place, mais nombre d'autres se mettent en mouve¬ ment. La raison est la même pour eux que pour les Myria¬ podes. £?. A-rthropodes qui ne « simulent pas la mort » Les résultats obtenus sur les Arthropodes « simulant la mort />, le fait que l'immobilité correspondait à un réflexe indépendant des influences sensorielles, qu’il partait d’une zone périphérique nettement définie, amenaient à penser que le phénomène ne dérivait pas d'une propriété spéciale à quelques Arthropodes, mais d une propriété fondamentale du système nerveux des . Arthropodes en général, se manifestant d’une manière différente suivant les espèces.- Soumettant cette idée au contrôle expérimental, j’ai entrepris de retrouver le réflexe immobilisateur chez un très grand nom¬ bre d’ Arthropodes, surtout des Insectes, appartenant à tous les groupes, et au hasard des rencontres. L'idée se trouvait juste ; par une exploration méthodique de la surface du corps, j'ai pu mettre en évidence, chez presque tous sinon chez tous, les zones périphériques dont l’excitation détermine une immobilisation plus ou moins durable. A. Les Lépidoptères Les Lépidoptères rhopalocères, que l'on capture si facilement, se présentaient naturellement comme le matériel le plus com- l/lM MOBILISATION RÉFLEXE OES ARTHROPODES 3S mode. Ma première expérience a porté sur Epinephele titho- nius L. ; elle a réussi au delà de mes espérances. J’ai, tout d’abord, remarqué qu’en saisissant l’Insecte entre le pouce et l’index par la racine des deux ailes antérieures rapprochées, on déterminait le reploiement des pattes sur le corps et l’immobi¬ lité. Restait à savoir si cette immobilité survivait à l'excitation : posant doucement le Papillon, ailes fermées, sur la main, je constatai qu'il demeurait complètement inerte pendant un assez long temps. Modifiant le procédé, je pinçai les deux ailes d’un même côté au ras du corps ; cette excitation déterminant aussi l’immobilité, je pus déposer le Papillon sur le dos, les ailes éta¬ lées et sans aucun mouvement des appendices. Cette première expérience faite, je l’ai recommencée un nom¬ bre considérable de fois, avec le même succès, sur plusieurs espè¬ ces. Epinephele jurtina L.. Cænonympha pamphilus L.. C. ar- cania L., Pararge œgeria L., P . megæra L., Satyrns sernele />., S. briseis L., S. hermione L., Melanargia galatea L., Argynnu (lia L., Leptidia sinapis L. sont immobilisables avec une sur¬ prenante facilité : une pression, même peu accusée, de la racine des deux ailes suffit pour supprimer toule activité. D’autres Lépidoptères sont également immobilisables, bien qu’un peu moins facilement. Chez eux, la simple pression de la racine des ailes entraîne également le reploiement des pattes et arrête les mouvements ; mais cet effet ne dure qu’autant que dure l’excitation. Sitôt posé sur la table d'expérience, l'Insecte s’envole. Il faut alors, ou bien le placer sur le dos et appuyer fortement avec les doigts sur la racine des ailes, à droite et à gauche ou, plus simplement, exercer sur le sternum, au moyen du stylet mousse, une pression de quelques grammes. Parfois même, deux excitations simultanées sont nécessaires, l’une sur le sternum, l'autre sur les deux côtés du thorax pris entre les mors d'une pince, suivant le procédé que j'ai nommé excita¬ tion conjuguée (l). Pieris napi L., P. rapæ L., P. brassicæ L., Cilias loyale L , Colias edusa Fabr, Melitœa athalia Rott appar¬ tiennent à cette dernière catégorie. D'autres subissent plus rapi¬ dement l'effet des excitations : Pyrameis cardui L., Polggonia (*) Etienne Kabaud, Généralité du réflexe d’immobilisation chez les Arthropo¬ des, Soc. de liiol , 1916. 36 R. RA.BAUD C. album L , Argynnis paphia L., Limenitis camilla L. j’ai obtenu un résultat analogue avec diverses espèces de l'ancien groupe des Hétérocères : Agrotis C. nigram L., Plusia gamma L., P. feslucæ L., P. microgamma L.,. Strenia cla- thrata L., Hepialus sylvimis L. Leur immobilisation s’obtient avec une facilité relative. D’autres, tels que Macroglossa stclla- tanim L., Lasio campa quercus L., Catocala sponsa L., Asp ilo¬ tes ochrearia Rossi sont également immobilisables, mais il faut une forte excitation, soit en appuyant sur une assez large sur¬ face des ailes, soit par excitation conjuguée prolongée. Chez eux, néanmoins, le réflexe existe avec netteté et c'est, en somme, le fait essentiel. Le seul Microlépidoptère sur lequel j’aie pratiqué un essai, Mecyna polygonales , s’est montré facilement immobilisable par pression des ailes. Je rappelle, en outre, que la plupart des chenilles s’enroulent et restent longtemps enroulées, quand on touche la tête ou le premier segment. Le réflexe existe aussi chez différents autres Lépidoptères ; mais il se présente avec des particularités diverses que nous examinerons ultérieurement. B. Les Orthoptères En recherchant le réflexe chez les Orthoptères, je me suis tout d’abord inspiré des résultats obtenus chez les Lépidoptères et j'ai tenté de les immobiliser par pression de la racine des élytres et des ailes. Ce procédé n’a donné aucun résultat, en dépit d’essais souvent renouvelés. Fallait-il admettre que le réflexe manquait dans tout un groupe d’insectes? La conclusion paraissait peu probable a priori ; suivant toute vraisemblance, la zone périphérique sensible siégeait ailleurs et il convenait de poursuivre les investigations. Je fus ainsi conduit à remarquer que lorsqu’on tient un Acridien entre les doigts par le thorax, sans le serrer, l’animal est entièrement immobilisé. Cette remarque conduisait aussitôt à penser que la surface latérale du thorax était une zone d’excitation inhibitrice. Plaçant alors l’Acridien sur le dos, je le comprimais légèrement entre les mors d’une pince ; les pattes se repliaient aussitôt, seulement l'acti- l’immobilisation réflexe des arthropodes 37 vité reprenait dès que l’excitation cessait. Je fus, par suite, amené à essayer, chez ces Arthropodes, l’excitation sternale qui réussit chez tant d’autres. Elle aussi provoquait l’immobilité, mais ne persistait pas davantage après cessation de l’excitation. Pour obtenir une immobilisation durable, il faut, très générale¬ ment, pratiquer à la fois l’excitation du thorax et celle du ster¬ num, F excitation conjuguer , dont j’ai parlé à propos des Lépi¬ doptères. La seule difficulté est de maintenir l’animal sur le dos, une fois immobilisé ; on y parvient, soit en rabattant les fémurs postérieurs qui font office de soutien, soit en disposant au préa¬ lable l’animal dans une gouttière peu profonde. Le décubitus dorsal n'est d’ailleurs pas indispensable ; une fois l'animal immo¬ bilisé, on peut le laisser choir tout doucement sur le côté : il y demeure sans bouger. Mes premiers essais ont été faits avec Sphingonotus cæru- lam L. ; je les ai immédiatement étendus à plusieurs autres Acridiens : OEdaleus nigrofasciatus de Geer, OEdipoda miniata Pai .las. OE. cændescens L., Caloptemis italicus L., Epacromia strepens Lat., Stenobothrus bicolor Charb. St. pidvvnatns Fisch. de W. St. nigromaculatus H. S. St. longicornis Lat. Pour tous, l’excitation bilatérale est indispensable, elle est l’excitation principale qui immobilise les pattes ; l’excitation sternale seule ne suffit jamais. Quelque fois, chez certains individus plutôt que chez certaines espèces, l’excitation bilatérale seule assure l’immo¬ bilité. Des individus ainsi sensibles se rencontrent surtout parmi les Stenobothrus. Il était naturellement tout indiqué de pratiquer des essais ana¬ logues sur d’autres Orthoptères ; ils ont réussi chez tous ceux que j'ai rencontrés : Tylopsis lili folia Fabr. Ephip piger rugo- sicollis Rambur, Platycleis grisea Fabr., Decticus albifrons Fabr., Locusta viridissima L. , Conocephalus nitididus Scor. , Xip Iridium fuscum Fabr., parmi les Locustiens, tous immobilisables par excitation conjuguée pour une durée variable. Deux Gryllides, Nemobius sgi ees tris Fabr., Liogryllus campeslris I,. ; trois For- ficu lides Anisolabis mæsta Gêné, Labidura riparia Pall. Eor/i- cula auricularia L., ont été également immobilisés. Anisolabis mæsta et Labidura riparia sont particulièrement sensibles, en dépit de leur agilité : il suffit de les saisir avec la pince au niveau du thorax; on peut aussi les retourner en les prenant par une 38 E. RABAUD patte et -pratiquer l'excitation sternale. Quant à F. auricularia , elle est immobilisable par une pression très localisée du proster¬ num, le thorax étant maintenu à droite et à gauche. Parfois même, cette excitation ne détermine pas une immobilité com¬ plète et les antennes continuent à se mouvoir. Il faut alors com¬ primer légèrement l’antenne à sa base. Mais la seule excitation de l’antenne, l’animal étant en état d’activité, ne provoque nul¬ lement l'immobilité, à moins qu elle ne soit très longtemps pro¬ longée. Enfin, parmi les Mantides, Mantis religiosa L. et Empusa egena Charp sont immédiatement immobilisés par excitation conjuguée. Avec certains individus, il suffit de saisir les pattes ravisseuses, de les appliquer un peu fortement l une’' contre l’autre en les ramenant vers le prothorax, l’animal étant sur le dos, pour arrêter tout mouvement. D’autres Orthoptères fourniraient vraisemblablement des faits du même ordre. C. Les Coléoptères Les Coléoptères en fournissent un nombre considérable, et non des moins instructifs par leur diversité. La très grande majorité de ceux que j’ai essayés manifestent très nettement le réflexe- immobilisateur, et, chez certains d’entre eux, cette mani¬ festation surprend au premier abord. S’il est, en effet, fort curieux de réduire un Papillon à l’immobilité complète, et par une pression très légère, il ne l’est pas moins d’obtenir le même résultat, par le même procédé, avec tel Coléoptère d’une extrême agilité. a) Les Carabiques (') sont de ce nombre. Peu d’insectes cou¬ rent sur le sol avec plus de rapidité que les Nebria ou les Uar- palus ; or, quand on saisit avec une pince les pattes de Nebria psammodes Rossi, d’ Harpalus serripes Quens, de Pœcilus climi- diatus Ol., Calat lias fuscipes Güeze, l’animal s’arrête inconti¬ nent, les tibias pliés sur les fémurs. On peut alors le soulever, le poser sur le dos ou même sur les tibias repliés, il ne bouge P) La plupart des Coléoptères dont il est ici question ont été déterminés par M, L. Bedel que je remercie cordialement. L’IMMOBILISATION RÉFLEXE DkS ARTHROPODES 30 plus : cette simple excitation a suffi. Sur quel membre ou quel segment de membre faut-il qu elle porte exactement? Les appen¬ dices des trois paires paraissent tous sensibles, mais à des degrés différents ; la pression des pattes postérieures produit l'effet le plus immédiat et le plus efficace, les moyennes viennent ensuite, puis les antérieures. Quant à chaque patte prise en particulier, l’excitation de son segment fémoral ou tibial produit exacte¬ ment le même effet ; par contre, l'excitation du segment tarsal ne produit aucun effet d'immobilisation. La sensibilité de ces animaux est donc très grande; elle l'est assez, en tout cas, pour se manifester en dehors des excitations expérimentales. Quand on soulève la pierre qui recouvre Nebria psammodes , cet animal reste parfois immobile pendant un ins¬ tant, légèrement dressé sur ses pattes. Ce temps d'arrêt, si court soit-il, permet de le capturer avec une pince, comme je l'ai dit. Le fait n'a pas passé inaperçu et les naturalistes le tra¬ duisent en disant que l'Insecte est « étonné » ou « surpris » par la brusque irruption de la lumière. Tout ce qui précède permet de dire que l’éclairement, ni aucune autre influence sensorielle n’entre en ligne de compte. L'ébranlement, quelque choc provo¬ qué par le soulèvement de la pierre, suffisent pour expliquer cette brève immobilisation. Du reste, une chute un peu violente pro¬ voque un résultat analogue chez Harpalus serripes. L'ensemble de ces faits donne immédiatement à penser que la surface fémoro-tibiale des six appendices n’est pas la seule localisation du réflexe immobilisateur. Effectivement, la pression du sternum produit, elle aussi, l’arrêt des mouvements. L’excitation du sternum ou celle des appendices donne exac¬ tement les mêmes résultats chez N. psammodes , P. dimidiatus et C. fuscipes. Par contre, l’excitation du sternum détermine une immobilisation plus durable que celle des appendices chez JJ. serripes. La différence est surtout marquée chez Brachynus crepitans L. et/i . explodens Duft. La pression des fémurs, et plus spécialement des fémurs postérieurs, entraîne l’immobilité, les tibias se replient en angle droit. Mais l’arrêt ne survit pas à l’excitation et, dès que celle ci cesse, l’activité reprend. Au con¬ traire, une pression, même faible, exercée sur le sternum provo¬ que le reploiement immédiat des pattes, et l’immobilité persiste plusieurs minutes après que le stylet a été écarté. 40 E. BADAUD I [ i D’autres Carabiques sont immobilisables, mais ne le sont guère que par excitation conjuguée, tels Ophonus puncticollis Payk, O. rotundatus Déj., Amara montana Déj., Olisthopus 7'otMndatiis Payk, Sieropus madidas , Ncbria cursor Muller, Ditomus clypeatus Rossi, Harpalus distinguendus Dufl. ( 1 ) . L’une des deux excitations n’est pas toujours indispensable, mais l’excitation des membres ne produit jamais de résultat. Sieropus madidus mérite une mention spéciale, car son immobilisation présente une particularité dont nous avons déjà rencontré des exemples et à laquelle j’attache une grande importance. Lorsque le mouvement des pattes a été arrêté par excitation simple ou conjuguée, suivant le cas, les antennes, voire la tète entière, demeurent généralement animées d'oscillations marquées. Ces oscillations ne cessent que par l’effet d’une pression légère, presque une simple friction exercée sur les antennes, en les ramenant d’avant en arrière le long du corps. Mais cette exci¬ tation ne donne un résultat que si le Carabe est déjà immo¬ bilisé par une autre excitation; sur l’animal actif, la friction des antennes n’arrête ni ne ralentit les mouvements ; leur pression même, provoque une contraction violente. Mes essais ont encore porté sur deux autres Carabiques qui, tous deux, possèdent incontestablement le réflexe, bien que l’immobilité soit difficile à obtenir. Chez Car abus hispanus F., l’immobilisation ne dure qu’autant que dure l’excitation conju¬ guée, pression bilatérale de la tête et pression du prosternum. Chez C . pur pur as cens L., l’immobilisation survit à l’excitation, à la condition que celle-ci s’exerce de la façon suivante : pression du mésosternum d’une part, extension forcée de la tète d’autre part, en appuyant au bord de l’articulation. L’immobilisation ainsi provoquée peut durer plus de deux minutes. b) Les Staphylinides eux aussi, possèdent le réflexe immobili¬ sateur, du moins les trois espèces que j’ai pu essayer. Pœderus litloralis Grav., Insecte très agile, reste immobile, pendant quelques secondes à peine il est vrai, à la suite d’une excitation de la région prosternale ou mésosternale. Staphylinus (p J’ai également immobilisé, par pression des segments thoraciques, une larve de Garabique, probablement Calosorna sycophanta L. l’immobilisation réflexe des arthropodes 41 picipennis Fabr. est immobilisé d une façon durable, soit par pression sternale, soit par pression thoracique bilatérale, la pre¬ mière étant nettement plus efficace que la seconde. Oc f/pus olens Muller, enfin, animal extrêmement vif, difficile à maintenir, est immobilisable parla manœuvre suivante: le saisissant par une partie quelconque du corps, je le renverse sur le dos, j'appuie sur le sternum avec le stylet mousse et je serre la tête entre les mors d’une pince. Maintenu ainsi pendant quelques secondes, le Staphylin cesse tout mouvement. L’excitation conjuguée est indispensable ; l’excitation isolée du sternum ou des parties laté¬ rales de la tète ralentit les mouvements sans les arrêter ; la pres¬ sion bilatérale du thorax ne produit aucun effet ; la pression des pattes et des antennes, des antennes surtout, provoque une contraction violente, l’animal se retourne, saisit la pince et se tord en tous sens. Une fois immobile, il peut le rester très long¬ temps — jusqu’à 30 minutes — les pattes repliées mi-fléchies, les antennes allongées dans le prolongement du corps, les man¬ dibules ouvertes. c) Je signale enfin cinq autres Coléoptères, tous cinq nettement immobilisable. Rcigonycha fu/va Fab. est un Insecte à mouvements rapides, qui s'envole facilement à la moindre secousse. Or, il est immo¬ bilisable par pression bilatérale du thorax. Il replie les pattes, recourbe la tête en dessous, ainsi que l'abdomen. La pression des antennes produit un effet très semblable. Trichodes alvearius F., se comporte d’une manière assez analogue, sauf qu'il est peu sensible à la pression des antennes. Ontophagus ovcitus L., devient immobile par pression sternale ou thoracique, l’une des deux suffît. La tête, les antennes et les pattes se replient. Geotrupes stercorarius L. cesse toute activité à la suite d'une excitation conjuguée : pression légère du métasternum, exten¬ sion complète de la tête obtenue en appuyant sur l’extrémité antérieure. L’intensité de l’excitation a ici une grande impor¬ tance, car une pression trop forte du métasternum produit une excitation mobilisante. On accentue l'immobilisation en pressant légèrement la tète entre les mors de la pince. Galerucella luteola Mull. est immobilisable au moyen de la pression des antennes. Quand on saisit par l'une d’elles un indi- 42 E. RABAUD vida en marche, il s'arrête, s'arc-boute et se soulève sur ses pattes. Il demeure ainsi tant que la pression dure, sans aban¬ donner son substrat. Dès que la pression cesse, l’Insecte se remet en marche, d’abord lentement, puis de plus en plus vite, l'accélération augmentant rapidement. Si, au lieu de laisser l’animal accroché à son substrat, on le retourne sur le dos^ il demeure immobile. Une pression du sternum ou du thorax aboutit au même résultat, quand l’animal est en décubitus dorsal. Ce Coléoptère n’épuise pas la liste de ceux sur lesquels ont porté mes essais. Mais chez ceux dont il me reste à parler, l’im¬ mobilisation affecte une allure particulière : nous les retrouve¬ rons ultérieurement. D. — Les Hémiptères On peut également immobiliser les Hémiptères les plus variés. Chez eux, le point de départ du réflexe siège fréquemment dans les antennes, au niveau du scape. C’est le cas de Pyrrhocoris apterus Pod., Camptopus lateralis Germar, Microtoma echii F abr. , Staria lunata Hahn., Piezodorus incarnatus Germar, Stenocepha- lus nugax L.. Lygœus familiaris Fabr., Enoplops scapha F abr . ? Carpocoris verbasci de Geer. Chez certains d’entre eux, on observe des phénomènes comparables à ceux que j’ai indiqués pour Galerucella luteola. Chez les mêmes Insectes, et aussi chez Gerris paludum Fabr., la pression des fémurs ou des tibias, plus spécialement au niveau de l’articulation tibio-fémorale, déter¬ mine également l’immobilité. Tous, en outre, sont immobili¬ sables par pression sternale ou thoracique. Pour d’autres espèces, la pression sternale est plus particuliè¬ rement efficace et provoque une immobilisation durable, surtout quand elle porte sur le prosternum, entre les hanches antérieures. C'est le cas de Graphosoma lineatum L., Palomena viridissima Pod., Nez-ara millierei Muls, Piezodorus incarnatus Germar, Pira¬ tes stridulush ., Prostemma sanguineum Rossi. Chez eux, l'excita¬ tion des antennes ne produit pas toujours l’arrêt. Enfin, chez Ælia rostrata de Geer, l’immobilisation est bien obtenue par pression sternale, mais elle est utilement complétée par la pression des l’immobilisation réflexe des arthropodes 43 antennes. Les pattes se recroquevillent alors et l'animal reste sur le dos sans bouger. E. — Les Diptères Des essais pratiqués sur des Diptères de divers groupes m'ont donné un résultat positif. Pour plusieurs d'entre eux, il suffit de les placer sur le dos et de comprimer entre les mors d’une pince l'une des deux ailes, tout à fait à sa racine. J’ai immobilisé par ce procédé Phasia crassipennis F. var. strigata Girsehx, Villa [Anthrax) halteralis Kovvard, Syrphus balteatus de Geer, Chry- sochroma ( Sargus ) bipunctalus Scoil, Volucella zonaria Pod. Quelquefois, il faut exercer simultanément la pression sur les deux ailes à leur racine ( Leptis tringaria Meig., Bombylius minor L.) et, parfois encore il est nécessaire de pratiquer une excitation conjuguée (Chrysozona italica Meig., divers Tipulides et Culicides (*)), comprenant la pression des ailes et la pression bilatérale du thorax ou la pression sternale. Chez tous, la position dorsale est la condition préalable, néces¬ saire à toute immobilisation durable. L’animal demeure sur place, les pattes recroquevillées, voire pliées contre la face ven¬ trale. Deux autres Diptères du groupe des Asilides feront l’objet d une étude spéciale dans l’un des chapitres suivants. F. — Les Hyménoptères L'ordre des Hyménoptères ne m’a fourni qu'un petit nombre de sujets. La raison en est que la plupart d'entre eux offrent d’assez grandes difficultés de manipulation, soit en raison de l’exiguité de leur taille (Fourmis en particulier), soit eu raison des piqûres qu’ils peuvent faire. Néanmoins, j’ai obtenu quel¬ ques résultats qui permettent de penser que ces Insectes possè¬ dent aussi le réflexe immobilisateur. Si l'on parvient, par exemple, à maintenir sur le dos un (’) Tous les Diptères ont été déterminés par mon savant confrère le I)r Ville- neuve, auquel j’adresse mes remerciements renouvelés. 44 E. RABAUD Anthidium manicatum Lat., et que Ton appuie assez fortement avec le stylet mousse sur le sternum, on arrête tout d’abord le bourdonnement, puis, en maintenant la pression, on arrête en outre tout mouvement. L’Insecte reste sur le dos, immobile, et son immobilité peut se prolonger pendant 5 minutes. La pression des ailes ne produit aucun effet. De même, chez deux Tenthrédines du groupe des Hylotomes, la pression sternale ou thoracique provoque, sans aucune diffi¬ culté, une immobilisation durable. Rien n'est, en effet, plus facile que de maintenir ces Insectes sur le dos. La pression des ailes est sans effet. Av ec quatre espèces de Fourmis (*) Formica mfibarbis F., Camponotus œthiops Lut., C. fallax Nyl., Formicina flava Fal., j’ai obtenu l’immobilisation en comprimant une antenne à courte distance de la tête. L’excitation détermine la contraction des membres et la flexion de l’abdomen sur le thorax. L’immo¬ bilisation survit un temps variable à l’excitation, parfois elle cesse en même temps. La pression d’un membre aboutit au même résultat dans certains cas chez ces espèces, et chez d’autres qu’un accident ne m’a pas permis de déterminer. Chez quelques autres, je n’ai pu mettre le réflexe en évidence. Par contre, j’ai réussi une fois, en exerçant une très forte pression sur le sternum, à immobiliser un Philanthus apioorus mâle. L’immobilisation était complète pour le thorax, la tête et les divers appendices, mais l’abdomen restait animé de mouve¬ ments de va-et-vient assez étendus. Ce fait unique permet d’affir¬ mer que le réflexe inhibiteur existe chez ces Insectes ; nous trou¬ verons ultérieurement d’autres raisons de penser ainsi. Je signalerai, enfin, le cas d’un minuscule Chalcidien, parasite d'un Diptère ( Urophora stylata). Cet Insecte saute et retombe souvent sur le dos ; il demeure alors immobile durant un court instant. Un choc un peu brusque l’immobilise également; mais, en raison de sa petitesse, je n’ai pu explorer la surface de ses téguments, ni trouver les localisations périphériques du réflexe. (’) Obligeamment déterminées par M. J. Bondroit, auquel je renouvelle mes remerciements. L’iM MOBILISATION RÉFLEXE DES ARTHROPODES 45 G. — Les Névroptères et les Od ouates L’immobilisation existe chez les Névroptères et ne diffère guère de celle des Arthropodes dont l'étude précède. Par pres¬ sion des ailes à leur insertion, on immobilise Ephemera vulga/a L., Baetis biocul ata s L., et diverses autres Ephémères. Cette même excitation ne suffit pas pour les espèces du genre Sialis ; chez elles, la localisation la plus nette siège dans les téguments thoraciques et l’immobilisation résulte d'une pression bilatérale du thorax. La pression sternale est moins efficace. De même, pour Myrmeleon appendiculatus Lat. Les Panorpes et les Chrysopes, ceux-ci surtout, méritent une mention spéciale. Si l’on comprime la racine de l'aile de Chry- sopa culgaris Schn., de Ch. chrysops L. ou de Panorpa commu - nis L., on fait dégorger l’animal et on provoque une contraction violente du corps tout entier qui se courbe en opisthotonos, la tète, fortement redressée, se plaçant presque verticalement sur l'axe longitudinal. Cette attitude cesse dès que cesse l’excitation. Si on exerce une pression du thorax ou du sternum, ou encore une pression de l'aile dans sa portion distale on détermine l'im¬ mobilisation : il convient de remarquer tout spécialement ce fait que l’excitation de l'aile produit deux effets différents, suivant qu elle porte sur une partie ou sur l’autre. Les Odonates sont immobilisables eux aussi, et très facile¬ ment à l'ordinaire, les grandes Æschnes elles-mêmes, au vol puissant et soutenu. Chez nombre d'entre eux, l'immobilisation apparaît dans des conditions assez particulières dont l'étude ne peut être abordé que lorsque nous aurons examiné quelques faits relatifs au réflexe mobilisant. Quant aux autres Odonates, il suffit de les placer en décubitus dorsal ou latéral et d’appuyer sur les ailes, près du thorax, avec un doigt. L’immobilité dure plus ou moins longtemps. La pression thoracique ou sternale est généralement inutile. J’énumère donc simplement les espèces que j’ai soumises à l’expérimentation : Æschna eyanea Lat., Diplax striolata Charp., Diplax sanguinea O. F. Müiler, Ony- chogomphus forcipatus L., Cordulogaster annulatus Lat., Libel- lula 4-maculata. Pour cette dernière, la pression des ailes à elle t F,. RABATJD 4 G seule n’immobilise pas ; il faut une excitation conjuguée portant sur les côtés du thorax et sur l’aile. Les larves d ' Æschna sont immobilisées par pression du thorax. H. — Myriapodes et Arachnides Restent à mentionner les essais pratiqués sur trois Arthropo¬ des qui ne « simulentpas la mort » dans les conditions habituelles. Scutigera araneoïdes Pallas est un Myriapode extrêmement agile, très difficile à saisir en raison de son agilité et de sa sou¬ plesse. Son immobilisation ne souffre néanmoins aucune diffi¬ culté. 11 suffit de le saisir entre les mors d’une pince et de le com¬ primer légèrement au niveau des segments antérieurs, pour le réduire aussitôt à l’immobilité. On peut le tourner et le retourner à diverses reprises, sans provoquer le moindre mouvement, et l’état dure entre 30 et 40 minutes, si l’on a soin de ne pas tou¬ cher certaines régions sensibles que nous allons bientôt exa¬ miner. Enfin, par pression sternale, on immobilise fort bien et d’une façon durable Scorpius occitamtsh. et Euscorpius flavicaudis de Geer. • i 3. Vue d’ensemble Les Arthropodes que nous venons de passer en revue ont en commun le fait de posséder le réflexe immobilisateur Ils ne représentent pas, évidemment, tous les Arthropodes; mais étant donné qu'ils appartiennent à des groupes très divers, qu’ils ont été pris au hasard, au gré des rencontres, et non choisis parmi d’autres, on peut avancer, sans crainte de commettre une erreur grossière, que le réflexe dépend d’une propriété commune aux Arthropodes en général. La suite de ce travail montrera, d’ail¬ leurs, que la généralisation ne dépasse certainement pas les données acquises. Qu’il s’agisse d’un réflexe à localisation périphérique précise, c’est ce dont il n’est pas permis de douter. Tous les animaux soumis à l'expérience sont, à cet égard, parfaitement compara¬ bles ; ceux qui « simulent la mort » et ceux qui ne la simulent pas forment une seule et même série. Chez tous, sans excepter l’immobilisation réflexe des arthropodes 47 Carausius morosus, l'immobilisation est étroitement liée à l’in¬ tervention des facteurs externes. Ces facteurs ne mettent pas en jeu des influences sensorielles. Ni les excitations visuelles, ni les olfactives, ni les auditives ne paralysent un animal en mar¬ che ; les excitations sensitives seules interviennent. Il s’agit donc d’un réflexe sensitivo-moteur à point de départ périphéri¬ que et aboutissant, tout spécialement, aux muscles des appen¬ dices ; les muscles viscéraux ne paraissent pas intéressés, le plus souvent, comme nous le verrons. Les faits ne laissent prise à aucune incertitude. Cela ne veut pas dire que des excitations passant par les organes des sens ne puissent également provo¬ quer l’immobilité ; bien que je n’en aie point rencontré d’exem¬ ple, la possibilité n’en est pas théoriquement exclue. Mais alors, ces excitations interviendraient à titre d excitation périphérique, sans que l’évocation d’une image psychique quelconque joue un rôle dans le phénomène. La peur, la vue d’une issue qui per¬ mette la fuite n’entrent pas en ligne de compte. Quant au siège même des zones périphériques, il ne varie pas d’une manière sensible et toutes les espèces sont, à cet égard, très comparables. Chez toutes, ces zones occupent les régions céphalo-thoraciques ; toutes, même, ont en commun la localisa- • tion du sternum et des parties latérales du thorax. Quand on essaie une espèce non encore étudiée, on doit commencer avant tout par l’excitation de l une de ces deux zones. D’une espèce à l’autre, leur étendue augmente ou diminue, leur sensibilité s’ac¬ centue ou s’affaiblit, il ne s'agit jamais que de différences relati¬ vement minimes. 11 s’ensuit que, non seulement le réflexe existe d’une façon très générale, mais aussi que ses voies de conduction sont très comparables dans l’ensemble. Ces localisations principales existent seules chez diverses espè¬ ces ; les localisations secondaires, en nombre variable, s’y ajou¬ tent et augmentent la surface sensible chez d’autres espèces. Ici ce sont les antennes, sur tout ou partie de leur longueur, ailleurs ce sont les fémurs et les tibias, ailleurs encore la racine des ailes ou leur portion distale. Suivant le cas, les Arthropodes possè¬ dent l’une seulement de ces localisations secondaires ou plu¬ sieurs ou toutes à la fois. Elles aussi correspondent à des voies de conduction du réflexe immobilisateur, dont le point d’arri¬ vée ne varie guère. 48 Car, c'est un fait digne de remarque, le résultat de l’exci¬ tation ne change pas sensiblement en fonction du point de départ de l'excitation. Sauf de rares exceptions, fort intéres¬ santes du reste, ce sont toujours les mêmes muscles qui se con¬ tractent, plus ou moins, suivant le cas et d'une façon plus ou moins durable. Chemin faisant, j'ai mis en relief des faits précis de cet ordre. L’excitation des fémurs de Brachynus crépi tans ou B. explodens ne détermine qu’une immobilisation de courte durée, au contraire d’une excitation sternale ; la pression du thorax du S/aphylinus picipennis est plus efticace que celle du sternum ; suivant la zone excitée, les tibias de divers Charançons se replient ou non sur les fémurs. Le même fait se produit parfois sous une forme un peu diffé¬ rente : l'excitation d'une zone déterminée, quelle qu’elle soit, agit d’une manière insuffisante, et il faut y joindre l’excitation d'une autre zone. Deux cas se présentent alors, suivant que cha¬ cune de ces zones aboutit ou non aux mêmes parties. Quand on excite soit les faces latérales du thorax, soit le sternum d'un Acridien, les mouvements s’arrêtent aussitôt et de la même manière ; les mouvements reprennent dès que l’excitation cesse ; quand on excite simultanément, au contraire, les deux zones, l'immobilisation s’installe d’une façon durable. Les points d’ap¬ plication de ces excitations conjuguées changent évidemment, c’est le sternum et la tête de Ditomus clypeatus , le sternum et la racine de l’aile de tel Odonate : le fait essentiel demeure, toujours le même. En d’autres cas, tout se passe comme si chaque zone aboutis¬ sait à un groupe musculaire différent. Une excitation du sternum de rimarcha inter stitialis, de Stauropus madidus , de Forficnla auricularia , d'autres encore, arrête les mouvements des pattes, et il faut une excitation des antennes pour obtenir l'immobilité complète de ces antennes et de la tète. Outre ces faits caractéristiques, il en est un autre sur lequel j'ai, à diverses reprises, attiré l'attention et dont nous allons maintenant mesurer toute l’importance : d'une façon très générale l’immobilisation ne peut être obtenue si l'animal s'accroche avec ses tarses à un substrat quelconque. Le fait est constant : les tarses jouent un rôle prépondérant dans l'immobilisation réflexe, l’immobilisation réflexe des arthropodes v.\ car ils sont le point de départ d’un nouveau réllexe, antagoniste du précédent, dont j’ai signalé l’existence dès 1916 ('). Chapitre III LES RÉFLEXES ANTAGONISTES La localisation du réflexe immobilisateur et le fait qu’il dérive d’une propriété générale du système nerveux des Arthropodes dominent, évidemment, l’histoire toute entière du prétendu phé¬ nomène de la « simulation de la mort » ; ils lui enlèvent la signification qui lui est, d’ordinaire, attribuée. Mieux encore; à ces deux faits fondamentaux s’en ajoute un troisième, non moins important : la possibilité de provoquer la reprise des mouve¬ ments chez tout animal immobilisé, et de la provoquer d’une manière irrésistible, en dehors de l'intervention active de l’ani¬ mal, par une manœuvre très simple, exactement du même ordre que la manœuvre qui sert à immobiliser. Au réflexe immobili¬ sateur s'oppose, constamment, un réllexe antagoniste qui rend à coup sur l’Arthropode actif, indépendamment de toute inlluence sensorielle et des conditions actuelles du milieu. Que l'on puisse obtenir pareil résultat, c est ce dont on aurait dû se douter depuis longtemps. Nombre de ceux qu'intrigue la « simulation de la mort » savent qu’en soufflant légèrement sur l'animal immobile on le remet fréquemment en marche. Des observateurs plus précis ont déjà noté, — nous l'avons signalé — la possibilité de « réveiller » l’animal en touchant diverses parties du corps. Mais ces faits, en dépit de leur impor¬ tance, ont été néanmoins presque entièrement méconnus. Le retour à l'activité sous certaines conditions a paru négligeable, quand elle n’a pas été formellement niée. (*) Etienne Rabaud. Le phénomène de la simulation de la mort. Son. de Biol.} 1916, p. 7t. ê t 50 Ë. R AB AU ü C’est J. H. Fabre le premier qui, avec une insistance méri¬ toire, a le plus nettement passé à côté du phénomène sans l’apercevoir. Une Mouche effleurant un Scarites immobilisé pro¬ voque chez lui un léger frémissement des tarses; et si la Mouche persiste à circuler sur le Coléoptère, « au voisinage surtout de la bouche », le Scarite se retourne et s’en va. Les pattes d'un Capricorne se posant sur le Scarite produisent le même effet, d’abord frémissement simple, puis reprise complète de l'activité si le contact se prolonge. Au dire de Fabre, ce sont les effets de la « délicate nervosité » de l'Insecte ; « un rien » le fait tomber à l’état de torpeur et « un rien l’en retire »..A ce dernier point de vue, Fabre accorde une importance spéciale à l'influénce de la lumière « souverain stimulant de l’action », qu’il n’a pas néan¬ moins étudiée avec un soin suffisant; et il laisse au second plan l'effet des excitations portant sur les téguments, qui ne lui ont paru en aucune manière significatives. H. PjérOxN (]), de son côté, a constaté qu'il suffit « avec une aiguille de soulever une patte repliée de l’animal ( Dermestes ) pour qu’il s’agite, la dégage et cherche à fuir ». Mais, envisa¬ geant l’immobilité en tant que moyen de protection, Piéro.n interprète l’effet produit comme résultat d une protection insuffi¬ sante qui inciterait l’animal à fuir. O. Meissner a constaté qu’en soufflant, pressant les antennes ou pressant légèrement l’abdomen, on remet en mouvement Carausius morosus immobilisé ; mais l’auteur enregistre ces faits sans commentaires. Et P. Schmidt, qui les a également constatés, leur attribue moins d importance encore s'il se peut : à son dire, Carausius morosus en catalepsie est insensible et privé de réflexes ! Je ne m’arrête pas, pour l’instant, sur cette assertion étrange, si manifestement contraire aux indications mêmes que donne l'auteur. Il importe bien plutôt de rechercher l’exacte valeur de ces faits, en les précisant et en montrant leur grande généralité. Laissant momentanément de côté toute considération sur la « nervosité », envisageons les conditions de la reprise des mou¬ vements chez les Arthropodes immobilisés, afin de pousser l ana- (’) Op. cil., 1904, l’immobilisation réflexe des arthropodes 51 lyse aussi loin que possible et de replacer ensuite les données acquises dans l'enchaînement des phénomènes. Le fait général peut s’exprimer ainsi : tout Arthropode réduit à l' immobilité par une excitation périphérique est remis en mouvement par une autre excitation périphérique. Comme l'excitation immobilisante, l’excitation motrice est entièrement indépendante de toute intervention active de l'animal. Ce fait général se présente, suivant les espèces, avec des modalités particulières qui méritent examen. A s’en tenir aux apparences, le point d’application de l’exci¬ tant n’est pas plus, pour le réllexe mobilisant que pour l’immo¬ bilisant, une zone circonscrite des téguments. Tandis qu'un choc brusque arrête, un ébranlement prolongé provoque l'activité. ' C'est ai nsi que, pour rendre les mouvements à nombre d’insectes, il suffit de souffler dessus légèrement et à diverses reprises. L’effet est, parfois, assez rapide, comme chez les Zygènes, mais d’ordinaire assez lent à se produire. C’est le cas de Bacillus cjal- licus , Carausius morosus , Dermestes holosericeus , T/iomisus onustus , Misumena vatici et bien d'autres. L’ébranlement dû à la projection de l'air n’est pas violent; mais la reprise de l'acti¬ vité ne dépend pas de l'intensité, elle dépend bien plutôt de la du rée. Ainsi, la mobilisation de Stilbum splendidum est souvent obtenue par une série de petites secousses se succédant à bref intervalle ('). Aucune généralisation ne semble possible et l'on ne peut opposer, de cette manière, la mobilisation à l'immobilisa¬ tion. Le seul fait à retenir est la possibilité de la mise en marche par des ébranlements prolongés. Ces ébranlements, du reste, ne donnent un résultat que dans la mesure où ils atteignent certains centres particuliers. Or, ces centres correspondent à des zones périphériques localisées, que des excitations directes atteignent facilement. Ces zones se répartissent en deux catégories, suivant qu’elles sont communes à tous les Arthropodes ou spéciales à certains d’entre eux. (') C’esl également le cas des chenilles de Smerinthus liguslri : quand on coupe au sécateur la branche sur laquelle se trouve l'une d’elles, la secousse détermine le décollement des pattes écailleuses et l’animal s’immobilise dans une attitude caractéristique, qui cesse si l’on imprime, en marchant, une série de secousses légères ; la chenille se remet à manger. 8 2 E. RABAUD 1 . Zones communes à tous les Arthropodes A. Les tarses Ce qui frappe dès l'abord, quand on essaye d'immobiliser un Arthropode quelconque, c’est la nécessité d’éviter tout contact des tarses avec le stylet ou la pince. Tant que les tarses s’accro¬ chent, les mouvements persistent inévitablement. Non moins frappante est la nécessité de renverser l’animal sur le dos. La corrélation entre ces deux nécessités n’apparaît pas tout de suite. Pendant longtemps, je me suis demandé si l'immobilisa¬ tion n’était pas liée à une position déterminée de l'animal. Mais en répétant et en multipliant les expériences, je me suis rendu compte que l'excitation des tarses entraînait la reprise des mou¬ vements, et que ceux-ci persistaient tant que les tarses restaient agrippés à un substrat. Je n’ai rencontré qu’un Insecte chez lequel la localisation du réflexe antagoniste sur les tarses ne m'ait pas paru évidente, c'est Dermest.es holosericeus . Toutefois, n'ayant eu à ma disposition qu’un seul individu, tout au début de mes recherches, je suis disposé à penser que j'ai mal exploré ses réflexes. Une exception ne serait évidemment pas impossi¬ ble ; il est néanmoins difficile de l’admettre sans nouvelles expé¬ riences. A diverses reprises, en effet, j’ai cru me trouver en pré¬ sence d’exceptions du même genre, dont j’ai trouvé l’explica¬ tion plus tard : chez Podagrica fuscicornis , par exemple, la compression des tarses entre les mors d'une pince paraissait immobiliser l’Insecte en état d’activité ; cette pression, en tout cas, n'entraînait pas la reprise des mouvements. Je me suis alors aperçu qu'une friction de la face adhérente des tarses déclenchait le réflexe antagoniste. Suivant toute évidence, la compression et la friction n'exercent pas, dans ce cas, la même action. J’ai cru de même, pendant quelques jours, que l’excitation des tar¬ ses immobilisait Malacosoma lasitanica ; mais pour cet Insecte aussi, une étude attentive m’a prouvé que la friction de la face adhérente détermine la reprise des mouvements. On s'en con¬ vainc aisément en procédant ainsi : l’animal étant immobilisé et placé sur le dos, glisser une aiguille entre les pattes et soulever ; l’immobilisation réflexe des arthropodes 53 les tibias cèdent légèrement sons le poids du corps, les tarses s’accrochent et tous les mouvements reprennent aussitôt. Lam- p t/ris noctiluca présente des faits entièrement comparables. De même encore Scutigera araneoides. Des essais pratiqués en 1916 sur un individu de cette espèce m avaient donné a croire qn’aucune excitation ne pouvait entraîner la reprise des mou¬ vements. L’excitation des tarses provoquait bien quelques fré¬ missements, mais le Myriapode restait inactif. Je ne sais en quoi péchait mon expérience bu si l’individu étudié était particulière¬ ment sensible aux excitations immobilisantes, le fait est que cette année-ci (1918) j ai obtenu, sans la moindre difficulté, sur un second individu, la réflexe antagoniste, en glissant une aiguille sous trois ou quatre tarses. Les mouvements ont aussitôt repris ; je ne pouvais, du reste, les arrêter qu’après avoir soigneuse¬ ment dégagé tous les tarses des mors de la pince. Ces résultats autorisent à considérer comme plus apparente que réelle l’exception de Dermestes holosericens ; ils permettent d’affirmer que l’excitation de la face adhérente des tarses provo¬ que la reprise des mouvements. Cette reprise est immédiate chez le plus grand nombre des Arthropodes. Je l’ai constatée, dès mes premières expériences, chez Bacillus gallicus. Quand on soulève l’animal immobilisé par 1 extrémité du tibia, il se produit une assez forte contraction, puis 1 animal redevient immobile si la contraction n a pas amené les tarses au contact des pinces. Or, très souvent, la contraction d’une patte entraîne celle des autres, elles convergent vers les pinces et s’accrochent : dès ce moment, l’immobilité est définitivement supprimée. D’ailleurs, la compression des tarses détermine aussitôt une flexion des membres suivie de la reprise de l’activité, sinon à la première excitation, du moins à la seconde ou a la troisième. Nous comprenons alors pourquoi un Bacillus gallicus norma¬ lement posé sur ses pattes est difficilement immobilisable. Les tarses adhèrent, et fortement, à leur support; ils subissent, par suite, une sorte d’excitation permanente qui contrebalance les excitations immobilisantes parties d'une autre région du corps. Le phénomène tel que le présente B , gallicus se retrouve chez les autres Arthropodes. On les retrouve, en particulier, chez Caramius morosus avec une netteté qui concourt à rendre inex- 54 E. RA B AUD plicables les affirmations de Schmidt. Nous avons d'ailleurs noté le cas des Zygènes, de Galerucella luteola , de Lygæus fami¬ liarisa qui sont immobilisables par pression des antennes ou des ailes, bien que demeurant fixés à leur substrat, mais pour une très courte durée. Quelques détails de l’expérience mettent tout à fait en évidence le rôle des tarses : saisi par une antenne, l’Insecte s’arrête, se redresse sur ses pattes et demeure ainsi, tant que l’excitation dure, fortement accroché au substrat. Quand l’excitation cesse, l’Insecte reprend progressivement ses mouve¬ ments, Galerucella luteola plus vite que Lygæus familiaris . Si, sans cesser de serrer l’antenne, je soulève l’Insecte très lente¬ ment, de façon à ce que les trois paires de pattes quittent le sol successivement , je constate que chaque paire se replie et s'immobilise séparément dès qu elle perd contact ; aussitôt les pattes postérieures décollées, je puis déposer l'Insecte sur le dos ou sur les côtés, il est entièrement immobilisé pour une durée variable, mais toujours supérieure à celle que détermine l’exci¬ tation des antennes quand les tarses restent accrochés au sub¬ strat. L’action immobilisante de la pression de l'antenne ne pro¬ duit donc tout son effet qu’une fois supprimées les excitations antagonistes, qui ont leur origine périphérique dans les tarses. Au moment du décollement, se produit souvent, surtout chez G. luteola , un brusque soubresaut, sorte d’excitation d’ouver¬ ture, peut-on dire, qui neutraliserait toute excitation immobili¬ sante et remettrait l’animal en marche, si faction de la pince ne continuait à s'exercer. Très marqué au moment du décolle¬ ment des tarses antérieurs et moyens, ce soubresaut est plus faible au moment du décollement des tarses postérieurs. Tous les tarses ne sont donc pas entièrement équivalents au point de vue du réflexe antagoniste et le fait, sans être général, se retrouve chez diverses autres espèces. La sensibilité décroît d’avant en arrière et les tarses postérieurs sont souvent très peu sensibles. Chez Graphosoma lineatum , par exemple, la pression des tarses antérieurs et moyens détermine la reprise immédiate des mouvements ou, du moins, une vive agitation du corps tout entier, tandis que la pression des tarses postérieurs ne détermine qu’un mouvement lent, une simple secousse, qu’interrompt à peine l’immobilisation. Chez Stenocephalus nugax , la sensibilité des tarses décroît des antérieurs aux postérieurs ; la pression de l’immobilisation réflexe des arthropodes 55 ces derniers reste parfois sans effet. Chez divers Carabiques, éga¬ lement [ Nebtia psammodes , Ophonus puncticollis , O. roliinda- ti/s , Arnara montana , Olisthopus rotundatus), divers Géométri- des et Noctuelles, des Tip ulides, l'excitation des tarses antérieurs, et quelquefois moyens, est, de beaucoup, la plus efficace. D autres faits mettent en évidence ce rôle des tarses. Chez les Charançons, les Larinus en particulier, le moindre contact provoque la reprise immédiate des mouvements. En remettant simplement sur la face ventrale un individu immobilisé, les pattes étendues, on le voit reprendre peu à peu l’activité et se mettre lentement en marche. Ou bien encore, quand on exerce une pression sur le sternum de Pissodes notatus , de Larinus leuzeæ immobilisés, l'excitation (qui, par elle-même, prolonge l'immobilité), provoque une secousse qui ramène les pattes vers la ligne médiane ; souvent alors, elles s’accrochent au stylet et l'animal reprend aussitôt Factivité. Les Criocères offrent une particularité très analogue. L'immo¬ bilisation de C. asparagi et de C. IV-punctata par pression ster¬ nale se heurte à de grandes difficultés. Cependant, l’effet de l’excitation de cette zone est certainement le même chez ces Insectes que chez tous les autres Arthropodes; mais elle a pour résultat immédiat de placer les cuisses en extension et les tibias en flexion, les ramenant ainsi vers la ligne médiane. Là, les tarses ne se cramponnent pas au stylet comme chez P. notatus , iis convergent les uns vers les autres, s'accrochent réciproque¬ ment et le frottement qui en résulte déclenche le réllexe antago¬ niste. Or, la sensibilité des tarses des Criocères est exquise, un frôlement très léger suffit pour mobiliser un individu immobi¬ lisé. 11 n'est donc pas douteux que le fait de s'accrocher les uns avec les autres ne produise exactement l’effet d'un frôlement. Nous nous expliquons maintenant fort bien que tous ces Arthropodes résistent aux actions immobilisantes tant qu’ils sont fixés sur leurs tarses ; et nous nous expliquons aussi la nécessité du décubitus dorsal ou latéral dans 1 immobilisation. Le rôle des tarses est ainsi mis en complète évidence. 11 conve¬ nait d’y insister, car nous mesurerons toute son importance dans une série de faits dont nous avons encore à parler. E. RAÉAUD Sfi B. Segments terminaux de l'abdomen Mais si les tarses sont une localisation importante, la plus importante peut-être, ils ne sont pas la seule, ni la seule com¬ mune à tous les Arthropodes. Chez tous., encore, l’excitation des parties terminales de l’ahdomen entraîne la reprise des mouve¬ ments, et souvent d’une manière aussi efficace que l’excitation des tarses. Les expériences de Uexküll Ç) montrent qu'une excitation portant sur les derniers segments de l’abdomen détermine l'en¬ volée d’une Libellule décapitée. Toutes mes expériences prou¬ vent que ce réflexe sensitivo-moteur se produit aussi bien, et de la même manière, chez un animal pourvu de ses ganglions céphaliques. Seulement, le mouvement provoqué cesse avec l’excitation chez l'Insecte décapité, tandis qu’il continue chez l’animal entier. J'en ai fait l’essai à de nombreuses reprises. Le résultat est très net chez Bacillus gallicus et Carausins morosus. La pression de l'abdomen, tout spécialement des seg¬ ments terminaux, restitue à coup sûr l'activité, comme l'ont d'ailleurs vu Meissner et Schmidt pour C. morosus. Quand l'ani¬ mal est sur le dos, l’excitation détermine des mouvements rapi¬ des et, par eux, le retournement; quand il est sur le ventre, l'excitation détermine le départ. Parfois, une seule excitation suffit; parfois il en faut plusieurs consécutives. En touchant l’abdomen d’avant en arrière, on se rend très aisément compte que la localisation siège surtout dans la région des deux derniers segments ; la sensibilité croit à mesure que l'on s’en rap¬ proche. Lampyris noctiluca fournit, à cet égard, des renseignements tout à fait nets. Ce Coléoptère, en effet, possède des zones mobi¬ lisantes assez limitées ; même, la moitié antérieure de l’abdomen correspond, chez lui, à une localisation immobilisante. Il s'en¬ suit qu'en excitant les uns après les autres les divers segments, on passe d’un réflexe à l’autre. Le passage a lieu, du reste, par transition ménagée, l’excitation mobilisante devenant de plus en (’) Cité d’après P. Mauchal : article Insectes du Dictionnaire de Phi/siologie de Ch. Richet, Paris 1910. l’immobilisation réflexe des arthropodes j7 plus marquée à mesure qu elle se rapproche du serment anal. A des degrés divers, les faits sont comparables chez tous les autres Arthropodes, et je me bornerai à signaler ceux chez les¬ quels le réflexe présente quelques particularités notables. Quand on frotte légèrement avec la pulpe du doigt, avec une plume ou un pinceau, la face ventrale de l’abdomen d 'Oxythyrea funesta immobilisé, on détermine de vifs mouvements des mem¬ bres, souvent suivis de la reprise définitive de l’activité ; on obtient le même résultat en comprimant latéralement l’abdomen : l’excitation provoque d’abord, et constamment, l’extension des pattes, puis la mise en marche, surtout si l’animal repose sur la face ventrale et s'accroche au substrat avec ses tarses. Deux ou trois pressions verticales de l’abdomen, immédiatement consécu¬ tives, entraînent également le départ. Nous avons donc ici encore une opposition très nette entre la partie antérieure et la partie postérieure du corps : la compression du thorax arrête, celle de l’abdomen met en marche. Cette opposition est plus nette encore et plus frappante chez les Myriapodes. Une pression exercée sur les segments anté¬ rieurs de Le p tout lits belgicus rend l’animal immobile en attitude rectiligne ; une pression de même valeur exercée sur les seg¬ ments postérieurs remet l’animal en mouvement. Les Polydes- miens se comportent de la même manière : on peut arrêter ou mobiliser ces Myriapodes plusieurs fois consécutives par cette manœuvre Lès simple. Avec les Myriapodes qui s’enroulent, la manœuvre diffère un peu, surtout quand ils sont relativement volumineux. Parfois une friction légère de la face dorsale des segments postérieurs suffit à mettre en mouvement lui u.s albi- pes ; mais, le plus souvent, il faut comprimer latéralement ces segments. En prenant ainsi, entre les mors d'une pince, un Schi- zophyllum mediterraneum on provoque son déroulement d’une façon tout à fait irrésistible; l’animal se redresse progressive¬ ment, et d’ailleurs assez vite, tandis que ses pattes s’agitent avec une rapidité croissante. Le caractère impératif du réflexe apparaît ici avec toute sa netteté. Le même procédé réussit également avec Glomeris ') qu'à la trentième excitation. D'autres individus m’ont fourni des résul¬ tats analogues, soit que les premières immobilisations ne survi¬ vent pas à 1 excitation, soit qu elles leur survivent relativement peu. Stenobothrus bicolor et .S. pulvinatm se comportent de la même manière : les premières immobilisations ne dépassent pas 3 ou 4 secondes, les suivantes atteignent et dépassent 2 minutes. Enfin, des indications un peu différentes m'ont été fournies par Graphosoma lineatum. Le tableau suivant, relatif à trois indi¬ vidus, est très significatif : Premier individu : ' 1 " — 0' 30" — o' 13" — 0' 25" — 0' 17" — 0' 20" — 0' 0" — 0' 30" — 0' 35" — 0' 30" — 0' 35" — 0' 18" — 0' 12" — 0' 15" — 0' 10" — 0' 5" — 0' 0" i 30" — 0' 30" — 0' 27" — 0' 35" — 0' 25" — 0' 25" — 0' 13" — 0' 12" _ o' 25" — 0' 15" — 0' 10" — 0' 6" — 0' 22" — 0' 30" — 0' 20" _ o' 12" — 0' 4" — 0' 12" — 0' 16" — 0' 20" — 0' 12" — 0' 5" _ o' 7" — 0' 5" — 0' 35" — 0' 35" — 1' 5" — 0' 12" — 0' 3" — 01 5" — 0' 20" — 0' 40" — 0' 8" — 0' 1 5" — 0' 30" — 0' 45" — 0' 20" - 0' 30" — 0' 12" — 0' 18"— 0' 17" — 0' 25" — 0' 33" — 0' 5" — 0' 35" . cr 0' 30" — 0' 25" — 0' 30" — 0' 40" — 0' 30" — 0' 32 — 0' 30' _ o' 20" — 0' 25" — 1' 20" — 0' 2" — 0' 25" - 0' 30" — 0' 25" — r — 0' 35" — 0' 35" — 0' 27" — 0' 27" — 0' 15" — 0' 20" — 0' 13" - 0' 5" — 0' 20" — 0' 42" — 0'40" — 0' 12" — 0' 3" — 0' 5" — 0' 35" — 0' 7" — 0' 20" - 0' 10" — 0' 0" — 0' 0" — 0' 5" 0' 8" — 0' 5" — 0' 02" — 0' 4" — 0' 6" — 0' 0" — 0' 8" — - 0' 2" — 0' 2" — 0' 0" — 0' 0" — 0' 5" — 0' 8" — 0' 4" - 0' 15" — 0' 1" — 0' 1" — 0' 0" — 0' 0" — inexcitabilité. \ On peut évidemment penser à un phénomène de fatigue résul¬ tant d’excitations répétées, à très courts intervalles, un très grand nombre de fois, et l’on peut admettre que les divers individus offrent, à cette fatigue, une résistance très variable. Le tableau relevé par Holmes, et relatif à dix Ranâtres, donne une indica¬ tion de même sens, puisque tous les individus arrivent plus ou • moins vite à l inexcitabilité. De même, après quinze immobilisations successives provo¬ quées sur Pissodes notât us en faisant jouer le rellexe antago- T/rMMORTLrs ATTON REFLEXE DES ARTHROPODES 79 tes ; à la quatre-vingtième l’immobilité dure à peine quelques secondes ; elle est presque nulle à la centième. Le relevé de Weiss(j) donne la même indication. Surcinq Calan - (') Harry B. Weiss. Notes on the death-feint of Calendra ovyzœ L. The Cana- dian entom., 1913. 80 ti. RABAUf) 1 dra oryzœ il obtient, outre de grandes différences individuelles, une série d’immobilisations successives complètes, et assez dura¬ bles, pour aboutir, vers la trentième, à une immobilisation sim¬ plement partielle, deux ou trois membres seulement s’allongeant le long du corps. Voici, du reste, le tableau de Weiss : J 2 O 4 5 0 «K 3 1 1 1 5 15 1 8 1 3 5 13 1 5 3 5 7 1 5 s 5 1 1 10 12 1 4 1 2 • 9 émi 3 20 i 4 5 4 3 1 r* i 8 7’ 2 5 . 10 5 7 5 o> 7 20 10 5 5 2 8 25 10 2 8 10 3 1 7 5 9 3 2 3 17 2 ? éiml 4 ï 1 7 10 1 3 1 i 7 1 1 1 1 8 3 8 1 5 10 15 5 13 2 3 2 20 3 i 7 1 4 10 2 8 5 1 11 23 1 15 5 2 1 1 7 3 5 8 3 5 10 9 1 4 2 5 13 1 3 2 ï 1 17 8 2 0 8 13 18 2 10 8 2 10 8 2 5 1 i 6 Tableau IV. — Effet des excitations snccessives sur Calanclra oryzœ ; (H. -B. Weiss). Parfois, cependant, l’excitabilité paraît être indéfinie. C’est le cas d ' Oxythyrea funesta femelle ; c’est aussi le cas d’une OEde- mera nobilis que j’ai immobilisée 103 fois de suite sans constater aucun changement appréciable. Voici les chiffres relatifs à 9 excitations : lre excitation . V 10" 2e — . 0' 55" 3R — . 0' 40" 51e — . . . . , 0' 40" 52e — . 0' 15" 53e — . V 30" l'immobilisation réflexe des arthropodes 8! 101° excitation . 0r 50" 102e - ..... 0' 50" 103e — . 1' 20" De même, j'obtiens avec Podagriea fuscicornis. J re excitation . 0' 20" 2e — . 0' 25" 3e — . Y 45" 51e — . 0' 55" 52° — ...... 1 ' 20" 53e — . 0' 30" 98e — . Y 5" 99e — . 0' 15" 100e — 0' 55" entre la 57e et la 58e se place une période d'inexcitabilité, de même qu entre la 66e et le 67e : deux ou trois pressions sternales ont été chaque fois nécessaires. Avec un autre individu de la même espèce, j’ai obtenu 100 immobilisations successives, la centième aussi facilement que les autres et d une durée de Y 45". Dans ce cas, même, j’ai fait jouer le réflexe antagoniste chaque fois, sauf la dernière, de sorte que 200 excitations se sont succédées rapidement, à quel¬ ques secondes d’intervalle. A s en tenir à une lecture hâtive et superficielle, ces divers tableaux ne donnent aucune idée nette du phénomène ; on n’y trouve qu une série de variations individuelles, d’amplitude plus ou moins considérable. Mais si 1 on consulte avec soin chacun de ces tableaux, individu par individu, on ne tarde pas à reconnaî¬ tre une certaine périodicité dans la durée de l’immobilisation. Cette périodicité correspond aux faits mis en relief par iM. Pom- pilian sur le Dytique ('). Pompilian constate que l'excitabilité des centres nerveux varie d’un moment à l’autre, de sorte que des excitations de valeur comparable produisent des elfets différents. Toutes les 2, 3, 4... n excitations, les réponses sont très fortes ; les réponses faibles correspondent à une « période réfractaire ». 0) M. Pompilian. Automatisme, période réfractaire et inhibition chez les Insectes, A7//e Congrès intern. de médecine. Paris, 1900. Sect. de phys., p. 29. 0 82 E. RABAUD Pompilian met cette période sur le compte de « variations sponta¬ nées de l'énergie nerveuse ». Il semble que la succession des exci¬ tations doit pourtant intervenir dans cette « spontanéité » ; je ne m'attarderai pas néanmoins sur ce point ; le fait en lui-même suffit Certes, les tableaux qui précèdent ne montrent pas une pério¬ dicité très régulière. Mais de nombreuses variables entrent en jeu et il ne faut en négliger aucune. En particulier, il con¬ vient de ne pas oublier que l intensité de l'excitation n'est jamais très exactement la même. Ces réserves faites, la période réfrac¬ taire se retrouve dans tous les cas, plus ou moins durable, plus ou moins précoce, plus ou moins fréquente. Même lorsque la durée de l'immobilisation croît pendant un certain temps, elle décroît ensuite et atteint parfois zéro ; c’est ce que nous voyons chez Graphosoma lineatum , par exemple. Et lorsque les possibi¬ lités d’immobilisation paraissent indéfinies, on n'en constate pas moins des périodes réfractaires, que j’ai précisément notées à propos de Podagrica fuscicornis. Souvent ces périodes ne sur¬ viennent qu'après une longue série d’excitations, ainsi qu’il res¬ sort du tableau de Holmes. Dans ce cas particulier, l'inexcitabilité suit une période d'immobilisation très courte ; mais le fait ne paraît pas général. Du reste, les différences individuelles sont considérables. Outre celles qui ressortent de la lecture des divers tableaux, je signa¬ lerai un Oxythgrea funesta chez lequel toute excitation demeurait sans effet après la dixième immobilisation ; je n'ai pu obtenir la onzième qu’après huit excitations infructueuses. Chez certaines espèces, l'inexcitabilité survient d'une façon très précoce et dure assez longtemps, tel Ocypus olens , qui devient inexcitable après deux immobilisations, ou encore Pirates stridulus , chez qui elle survient de la même manière et ne cesse qu’après un long repos. Toutefois, ces différences mises à part, la marche des phéno¬ mènes présente un parallélisme marqué d'un Arthropode à l’au¬ tre. La période réfractaire ne se manifeste pas forcément par une inexcitabilité absolue, elle se manifeste aussi par une abré¬ viation très sensible de l’immobilisation. Celle-ci peut toujours être obtenue si l'intensité de l'excitant augmente. Chez Stilbum 1 splendidum , par exemple, que l’on immobilise un grand nombre de fois consécutives par pression du thorax, un moment vient où L* TM MOBILISATION RÉFLEXE DES ARTHROPODES 83 l’excitation ne donne pas à l’animal son attitude ordinaire : le thorax n’arrive pas en contact immédiat de l’abdomen, le corps demeure simplement fléchi. Mais alors, en insistant, en accen¬ tuant la pression, on détermine la flexion complète. J’ai fait des constatations analogues sur Thomisus onustus, et l’on pourrait certainement les généraliser. Elles nous conduisent^ examiner la question même de l'inten¬ sité de l excitation. Herrera a tenté quelques essais dans ce sens ; mais précisément ils ne fournissent aucune indication sur la valeur de l’intensité mise enjeu. Comment mesurer l’action exer¬ cée en comprimant un animal avec 1 extrémité d un doigt ou en laissant tomber sur lui une goutte d’eau ? Nous ne jugerons de l’in¬ tensité que par la durée de l’immobilisation, ce qui est une incon¬ testable pétition de principes, puisque nous voulons apprécier la durée en fonction de l’intensité. Un seul des procédés employés par Herrera vaut d être retenu, non qu’il comporte une mesure, même approximative, mais parce qu’il correspond à un trauma¬ tisme violent. Il s’agit de l’amputation d’une patte ; peut-être 1 excitation ainsi produite atteint-elle le maximum d’intensité possible. En tout cas, l’immobilisation qui en résulte est la plus longue relativement à l’Insecte mis en expérience, elle dure 8 minutes. Le fait de l’immobilisation parce moyen, et sa durée, 1 intensité mise à part — doit être retenu ; nous le retrouve¬ rons, quand le moment viendra de rechercher la nature et le mécanisme du phénomène. Touchant les rapports de 1 intensité de l excitation et de la durée de 1 immobilisation, nous ne possédons aucun autre docu¬ ment précis, en dehors des données que je viens de mentionner. I ne instrumentation compliquée et délicate donnerait seule quelques résultats, abstraction faite des modifications constantes que subit l’organisme étudié. Les indications de Turner sur ce point n’ont, de l’aveu même de l'auteur, aucune signification. 4. La température et la lumière 1) autres facteurs interviennent-ils qui modifient l’immobilisa- tion ! J. II. Labre soulève la question de la température et de la lumière. Il constate qu’en le plaçant à une température « d une 84 E. R AB AU D douzaine de degrés au-dessous de l'air ambiant » Capnodis tene- hricosa demeurait immobile plus de cinq heures, tandis que, dans les mêmes conditions, l’immobitité de Scariles gigas ne dépasse pas la moyenne habituelle pour cet Insecte. Fabre remarque que S. gigas vit d'ordinaire à des températures relativement basses, à l'opposé de C. tenebricosa qui vit toujours en plein soleil. Par suite, la seconde expérience ne contredit pas la première. La remarque ne manque pas de justesse, rçais il fallait alors placer S. giga.s dans des conditions relatives qui fussent comparables et auraient rendu l'expérience significative. Du reste, pour tout animal à température variable, le résiliât de l'expérience semble évident a priori. L’observation courante montre que le froid engourdit les Insectes et que leur activité croît à mesure que la température se rapproche d'un optimum, spécial à chaque espèce. L'immobilisation reçoit nécessairement le contre-coup de l'éléva¬ tion ou de l’abaissement de température. Sans avoir fait des mesures précises, j'ai constaté que la para¬ lysie produite chez les Zygènes par pression de l'aile, peu dura¬ ble en général, durait moins encore lorsque la température extérieure était très élevée Mais pour obtenir à cet égard des données positives, le mieux est de choisir un Arthropode qui vive dans des conditions de température relativement constantes. Tel est le cas des Insectes aquatiques. Aussi faut-il attacher une grande importance aux expériences de Holmes sur Ranatra. Elles montrent, d'une manière assez nette, que l’immobilité persiste d’autant plus que la température est moins élevée. La moyenne du temps, pour 8 individus soumis à une température oscillant entre 10° et 14° C., est de 137 minutes, tandis qu elle est de 51 minutes à 22°, de 43 minutes à 30° et de 23 minutes à 34°. Seule, en la circonstance, la moyenne compte et efface des diffé¬ rences individuelles assez notables. Ces données trouvent confirmation dans les recherches de Turner sur la larve d’un Fourmilion, animal dont le genre de vie comporte aussi une certaine constance thermique. Jusqu'à 75° F., Turner constate que la durée maximum varie directement avec la température et qu’il n’y a plus, au delà, aucune relation définie. j L’influence de la température est ainsi nettement définie dans le sens positif. / L IMMOBILISATION REFLEXE DES ARTHROPODES 85 Quelle sera celle de la lumière? J. II. Fabre déclare que S. gigas immobilisé et placé en pleine lumière reprend aussitôt son activité. Fabre n’ajoute pas, et la remarque a cependant son importance, que cet Insecte vit habituellement, sinon à l'obscu¬ rité, du moins à la lumière diffuse. Les essais de Holmes sur Remettra ont une précision plus grande. Ils montrent que l’immo¬ bilité dure davantage à la lumière diffuse qu'à la lumière écla¬ tante, 116 minutes en moyenne, au lieu de 7”/cS. On peut, il est vrai, se demander dans quelle mesure la lumière ne modifie pas la température, et si les expériences de cet ordre ne se con¬ fondent pas en partie avec les précédentes. Il est néanmoins significatif que les Ranàtres exposées à la lumière mouvante restent immobiles moins longtemps que celles qui sont exposées à une lumière fixe. Les moyennes sont 11,2 et 11,4 minutes dans le premier cas; 34,2 et 30,2 minutes dans le second. L'effet de la température se ferait évidemment sentir à la lumière fixe en abrégeant l'immobilisation, et c'est précisément une prolon¬ gation qui se produit. Mes propres expériences apportent des données tout à fait concordantes et à l'abri des causes d’erreur. J'ai tout d'abord constaté que Schizophyllam mediterraneum , Myriapode vivant à l'obscurité ou à la lumière diffuse, est beaucoup moins facile¬ ment immobilisable, et d'une façon moins durable, à la lumière « éclatante qu'à l'ombre. Quand il est immobilisé à la lumière diffuse et qu'on projette sur lui un rayon de soleil, il reprend son activité très rapidement, bien avant que l’élévation de température ait pu se faire sentir. Suivant toute évidence, les rayons lumineux, frappant sur les yeux, déclenchent le réflexe antagoniste. Rien entendu, il ne s'agit ici que d'excitations pure¬ ment sensitives; les rayons lumineux mettent enjeu la sensibi¬ lité générale des yeux, delà même façon qu'une pression ou une friction mettent en jeu la sensibilité générale du corps. Aucun Arthropode ne parait insensible aux excitations lumi¬ neuses. L’effet est particulièrement net chez ceux qui vivent d’ordinaire à l'ombre ou à l’obscurité, mais on peut le mettre en évidence chez la plupart de ceux qui vivent en plein soleil. J’ai tout d’abord placé certains d’entre eux, Caloptergz splendetis en particulier, sous une cloche opaque. L'immobilisation se trouve augmentée du simple au double, de 10 minutes à 20 minutes en 86 E. RABAUD moyenne. Le procédé, néanmoins, comporte une cause d'erreur, car la cloche intercepte ou atténue un grand nombre d'influences extérieures. Le mieux est d’oblitérer les yeux au moyen d’une couche de vernis. De cette manière, toutes les conditions demeu¬ rent sensiblement comparables, seul l’éclairement change. Le détail de ces expériences trouvera plus utilement sa place dans un chapitre suivant, avec des chiffres à l’appui. J’en retiens ici le fait que la suppression des excitations lumineuses, chez tous les Arthropodes soumis à l’expérience, accroît nettement les possibilités d’immobilisation ; ces excitations interviennent donc constamment à titre d'excitation antagoniste. Chez les Arthro¬ podes qui vivent normalement en pleine lumière, celle-ci déter¬ mine une sorte d’excitation permanente qui passe inaperçue ; chez les Arthropodes qui vivent à l’abri du soleil, un éclairement intense provoque une vive réaction ; njiais il ne s’agit que d’une question de degré. En certains cas, cependant, l’éclairement entraîne l’immobilité ou, du moins, facilite l’immobilisation, Caràusivs morosus en est un exemple frappant. Cet Orthoptère n’est actif que la nuit (J) ; le jour, il reste fixé sur son support et ne se déplace guère. On l’immobilise avec la plus grande faci¬ lité tant qu’il est sous l’influence de la lumière, et beaucoup moins facilement à l’obscurité. Chez lui, les rayons lumineux favorisent les excitations immobilisantes. Telles sont les données relatives aux diverses influences exter¬ nes que nous possédions. Turner, en outre, a examiné l’inlluence de la faim et n’a constaté aucune modification de l’immobilisa¬ tion qui soit en rapport constant avec l’inanition. « Apparem¬ ment, conclut-il, il y a quelque facteur interne (physiologique) non relevé par mes expériences ». J’ai fait, pour ma part, une constatation précise, et que je n’aurai point rapportée sans cette assertion de Turner. Un Machimus pilipes , qui était demeuré pendant 48 heures renfermé dans un bocal sans aucune nourri¬ ture, se comportait exactement comme ceux que je venais de capturer. Seulement ses réactions étaient considérablement ralenties. Je pouvais le manipuler de toutes les manières, le pla¬ cer dans les positions les plus diverses avec la plus grande faci¬ lité ; l’immobilisation se prolongeait parfois pendant plus d’une (q Henri Piéron. Le rythme des aLtitudes mimétiques chez un Phasmide, le Dixippus morosus. Bull, du Mus. d'Hist. nat ., 1910. l’immobilisation réflexe des arthropodes 87 heure et demie. Sans aucun doute possible, le ralentissement marqué du métabolisme de l’animal affamé constitue un <• fac¬ teur interne » de la plus grande importance. 5. Le retour à l’activité Quelles que soient les conditions extérieures de l’immobilisa¬ tion, le retour à l’activité, normal ou provoqué, se produit d’une manière comparable pour une même espèce, mais diffé¬ rente d'une espèce à l’autre. Quelques précisions à cet égard ne seront pas inutiles. Chez un très grand nombre d’Arthropodes, les mouvements reprennent d’une manière brusque; chez un très grand nombre d’autres, d une manière lente. A la première catégorie appar¬ tiennent les Lépidoptères. Que l'immobilisation dure longtemps ou peu, l’animal se redresse subitement et s'envole. À la seconde appartiennent la plupart des Coléoptères et des Diptères. Le retour à l’activité commence par un mouvement des antennes ou des tarses, mouvements dont l'amplitude faible tout d’abord augmente plus ou moins vite. Chez Chrysochroma bipunctcitum , par exemple, les tarses postérieurs et moyens commencent à se mouvoir, tandis que les antérieurs demeurent immobiles. Petit à petit les 'mouvements gagnent les membres moyens en entier, deviennent de plus en plus amples et fréquents, puis les pattes postérieures se remuent à leur tour, s’étendent, s’arc- boutent sur le ^ol.Les pattes antérieures n'ont pas encore bougé ; leur tour vient enfin, l’animal se redresse complètement au bout d’une quinzaine de minutes. Volucella zonaria se comporte d’une manière analogue, sauf que la reprise des mouvements commence par les pattes postérieures. Naturellement, ces divers modes de retour à l’activité n’ont aucun rapport avec l’interprétation qu’en donnent divers auteurs. Les Insectes reprendraient les mouvements avec précaution, afin de » se rendre compte si le danger est passé » ; certains d'entre eux commenceraient par « explorer » en remuant les antennes. Ces assertions sont dénuées de sens et ne reposent sur rien. Du reste, la localisation des premiers mouvements le démontrerait s’il était nécessaire. Si, chez les Diptères, ils se localisent dans les 88 E. R AB AUD membres, chez les Lépidoptères et les Névroptères, ils se locali¬ sent nettement dans les aites ; lorsque ranimai est sur le dos, un coup d’aile le redresse instantanément, sans aucune « explo¬ ration » préalable ; la mobilisation des pattes ne se produit d'une manière appréciable qu’au moment où l'animal entre en contact avec le sol par sa face ventrale. Cette constatation médite d'être retenue ; elle nous aidera tout à l'heure à analyser le mécanisme même de l'immobilisation. 6. Immobilisation et immobilité simple Auparavant, il convient de préciser encore, et par une autre voie, le fonctionnement des réflexes en comparant l'animal immo¬ bilisé à l'animal qui demeure simplement immobile. La distinc¬ tion n'a rien de subtil. H. Piéroin l'a faite avec netteté (*) en oppo¬ sant «l'immobilité volontaire» à l'immobilité purement réflexe. Holmes de son côté a bien constaté des différences chez Ranatra comme chez les Amphipodes terrestres (2) et opposé, dans une certaine mesure, la deceptive quiet à la « simulation de la mort » ; mais l’opposition se résout dans une ressemblance qu’il croit fondamentale. Même, à propos des Orchesiidæ , il assi¬ mile franchement les deux phénomènes et affirme que l’immo¬ bilité simple, procurant un avantage à certains organismes, serait devenue, chez eux, la « simulation de la mort ». Talorchestia longicornis, par exemple, très- actif durant la nuit, se tient enfoncé dans le sable pendant le jour, le corps fortement fléchi, les membres allongés, les antennes recourbées sur le thorax. Si on saisit l'animal dans cette position, il ne fait aucun mouvement ; abandonné à lui-même, il redevient actif au bout d’un temps, saute et s'enfouit à nouveau dans le sable. Orchestia agilù con¬ serve aussi l’immobilité dans des conditions analogues, mais entre en mouvement dès qu'on le touche un peu fortement. Sui¬ vant Holmes, la caractéristique essentielle de tous ces animaux serait le thigmotcictisme , l’attraction qù ils subiraient de la part des corps solides, l’instinct d’entrer en contact avec eux et l'im¬ mobilité produite par la prise de contact. Ce thigmotactisme, (>) H. Piéron, op. cit., 1908. (*) S. J. Holmes. Death feigning in terrestrial Amphipods. Biological Bulletin . l’immobilisation réflexe des arthropodes l’immobilisation réflexe des arthropodes 8 y très général chez les Amphipodes terrestres et aquatiques, mon¬ trerait de la part de ces derniers une tendance à l’habitat terres¬ tre. Entraînés sous les Algues et les rochers, dans le sable ou la vase, ils y trouveraient protection et nourriture ; par sélection, les individus chez qui l’immobilité thigmotactique dure le plus longtemps auraient persisté seuls; puis la permanence du con¬ tact aurait peu à peu cessé d’ètre nécessaire au maintien de l'immobilité et un contact très bref suffirait pour provoquer la « réponse instinctive » : l’immobilité serait devenue l'immobili¬ sation. r II s’agirait donc d’un phénomène assez particulier, dilférent de l’immobilité observéepar le même auteur chez la Ranàtre ; cet Insecte ne possède aucune propriété « thigmotactique » et la « simulation de la mort » reconnaîtrait chez lui une genèse tout à fait à part. A vrai dire, divers détails de l’exposé de Holmes donnent à penser que l’auteur américain fait entièrement fausse route ; les phénomènes sont essentiellement comparables chez tous les Arthropodes, à la condition de les étudier avec soin. Sans discuter le rôle accordé à la sélection, il suffît de cons¬ tater que, dès qu’on touche Orchestia acjilis immobile, il se met à sauter ; O. palustris en fait autant et Talorchestia lon- gicornis ne « simule » guère la mort que lorsqu on le manie « même brutalement », entre les doigts. Livré à lui-même, il exécute fréquemment quelques sauts dans le sable, s’enroule, saute à nouveau et ainsi de suite. Que dissimule exactement la théorie de Holmes ? En étudiant plusieurs Gammants flumatilis Rôs, Amphipode d’eau douce, j’ai réussi à analyser le phénomène avec une préci¬ sion plus grande que ne le permet l’étude d'un Amphipode ter¬ restre. Au centre de cristallisoirs d’un diamètre de 30 centimètres environ, je dispose un caillou plat long de o centimètres et large de 3, s appuyant en plan incliné sur un second caillou haut de 1 centimètre ; je verse dans le récipient une quantité d’eau suffisante pour obtenir une hauteur de fi à 7 centimètres et j immerge les Crevettes. Celles-ci exécutent aussitôt deux ou trois tours complets autour du cri s ta 1 1 i soi r , eu se tenant au voisinage immédiat de la paroi de verre ; puis elles se dirigent vers le dis¬ positif central, passent sous le caillou plat, s’accolent à sa face inférieure et deviennent immobiles. La moindre excitation les 90 E. RABAUD fait d’ailleurs sortir. Si, au cours de ses évolutions, je réussis à placer une Crevette entre les mors larges d'une pince X effleurant à peina, elle s'arrête, se recourbe et ne bouge plus pendant un instant ; le contact, même léger, semble donc provoquer un phé¬ nomène d’arrêt chez ce Crustacé : il reste immobile. Deux hypothèses se présentent alors: leGammare est-il attiré par le corps solide, y a-t-il thigmotactisme et immobilisation ? ou bien immobilité simple corf-élative de certaines conditions extérieures ? Sans aucun doute, la seconde hypothèse correspond seule à la réalité. Pour le montrer, je remplace les deux cailloux placés au centre du cristallisoir par une lame de verre assez épaisse et de même surface reposant sur une tige de verre. Les Gammares tournent autour du récipient en frôlant les parois, s’arrêtant parfois durant quelques fractions de seconde ; ils tour¬ nent indéfiniment, sans marquer aucune tendance à aller vers le dispositif central transparent. Je rapproche alors celui-ci de la paroi du cristallisoir, de manière que les Crevettes le rencon¬ trent forcément au cours de leurs évolutions. Effectivement, elles s'engagent sous la lame de verre ; aussitôt elles s'arrêtent dans l'attitude ordinaire du repos, le corps plié, les appendices éten¬ dus; mais elles ne conservent pas longtemps cette attitude et se . mettent à tourner sous la lame, tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Je replace le dispositif au milieu du bocal et je recouvre la lame de verre avec le caillou plat : après avoir fait plusieurs tours ensuivant la paroi, les Gammares se dirigent les uns après les autres vers la lame de verre, y reviennent bientôt, l'aban¬ donnent à nouveau et ainsi de suite pendant un long quart d'heure... Je reconstitue alors le dispositif initial, pierre plate sur caillou : les Crevettes s'engagent rapidement à son intérieur et y demeurent indéfiniment. Donc, de deux dispositifs équivalents par la masse et de sur¬ face égale, l'un transparent, l’autre opaque, le premier n'attire pas, le second paraît attirer les Crevettes. Si elles vont sous le premier, elles n'y demeurent pas ; une fois sous le second elles y demeurent. Avec un dispositif intermédiaire quant à la trans¬ parence, elles se comportent de façon intermédiaire. La conclu¬ sion s'impose : la différence de comportement tient à une diffé¬ rence d’éclairement. Les Gammarus , et probablement aussi les Orchesticfæ , sont lucifuges ; le fait apparaît avec netteté dans mes l’immobilisation réflexe des ARTHROPODES 91 expériences. Tant que les Crevettes nagent autour du cristalli- soir les yeux tournés vers le dehors, elles demeurent au contact de la paroi et continuent à nager en cercle ; mais dès qu'un obstacle quelconque les dévie et que leurs yeux regardent vers le dispositif opaque, les Crevettes nagent aussitôt vers lui. .l'ai provoqué ce résultat en plaçant un brin de paille devant les Gam- mares ; mais il suffît qu'ils viennent cogner contre les parois du cristallisoir ou se heurtent entre eux. Aussi longtemps qu’aucun obstacle matériel ne modifie l’orientation des yeux, les Crevettes restent à la périphérie du récipient. La masse du corps solide n'exerce par elle-même aucune action à distance, elle l’exerce d’autant moins que la paroi du cristallisoir jouerait, à cet égard, un rôle antagoniste : la masse n'intervient donc que dans la mesure où, interceptant les rayons lumineux, elle place l'animal entre deux zones différemment éclairées; il va vers la moins éclairée. Une fois qu'il a gagné cette zone, une adhésion se pro¬ duit effectivement entre le caillou et lui, mais c’est une adhé¬ sion purement physique, une action moléculaire qui s’établit entre deux corps quelconques immergés. Le « thigmotactisme » se réduit ainsi à un phénomène très banal. L'adhésion, dans tous les cas, n’a sur les Crevettes aucune action immobilisatrice. La preuve en est que, lo^ée sous une lame de verre, elle ne cesse de remuer, en dépit du contact, tournant sur elle-même et finissant par sortir du dispositif; elle ne demeure pas davantage sous la lame de verre recouverte d’un caillou. C'est que, dans le premier cas comme dans le second, le contact avec le verre ne modifie pas l'action motrice de la lumière, et les mouvements continus ne tardent pas à dégager l'Amphipode de l'adhésion physique. La lumière produit le même effet à tous les degrés, aussi bien lorsqu'elle pénètre de toutes parts dans le dispositif que lorsqu'elle est partiellement interceptée. Je n'ai pas observé de différence très sensible entre les deux cas : Gammarus fluviatilis est, avant tout , au point de vue qui nous occupe, un lucifuge strict. Une fois à l'obscurité, et à l'obscurité seulement, le Gammare demeure immobile, non qu'il ait perdu la possibilité de se mou¬ voir, mais parce qu’il ne subit plus l’excitation produite par les rayons lumineux ; le moindre attouchement provoque son acti¬ vité. Le contact ne l’immobilise donc pas à proprement parler, 92 E. RA B AUD seulement, étant doué d’un rythme nycthéméral très net, l’Am- phipode reste inactif pendant le jour et prend une attitude de repos une fois à l’abri de la lumière ; il la prend constamment dans ces conditions, puisqu’il suffît de l'encadrer avec les mors d'une pince : la suppression brusque d'une grande partie des rayons lumineux produit un effet immédiat, mais très peu durable, car les rayons qui arrivent en avant et en arrière déter¬ minent bientôt la reprise des mouvements. En fait, la lumière maintient l’Amphipode à l obscurité, et il ne redevient actif que la nuit, lorsque les substances nutritives l’attirent : en aucune façon il ne saurait s’agir de « thigmotactic responses » ; quoique immobile l’animal n'en réagit pas moins à toute excitation qui survient, ainsi que Holmes, d’ailleurs, le constate chez les Amphi- podes terrestres. Une excitation quelconque portant sur une partie quelconque du corps, y compris les organes sensoriels, le met en mouvement : l'animal immobile n'est pas immobilisé . C’est une immobilité de même ordre que nous observons chez plusieurs Arthropodes. La Mante religieuse, par exemple, con¬ serve souvent une immobilité très prolongée ; aucune partie de son corps ne bouge ; mais dès qu’un Insecte passe à côté d’elle, aussitôt elle tourne la tête vers lui et suit tous ses mouvements, sans déplacer ni ses pattes ni son thorax. Touchez cette Mante immobile, elle se déplace immédiatement ; placez devant elle les branches d’une pince, elle se redresse et lance ses pattes ravis¬ seuses en avant ; emprisonnez dans sa cage un gros Diptère bourdonnant, une Volucelle, elle déploie ses ailes qui crissent violemment. Une telle immobilité ne ressemble en rien à celle de la même Mante immobilisée par pression directe d’une zone déterminée du corps : elle git alors sur le dos ou sur le côté et rien ne réussit à provoquer un mouvement de la tète ou des membres : pincez un fémur, touchez le thorax, elle demeure inerte ; faites passer devant ses yeux un Caloptenus vivant, elle ne bouge pas davantage ; une partie notable de son corps a cessé d’être excitable ; les excitations sensorielles ne produisent aucun etîet. Carausius morosus se comporte de la même manière. Durant le jour, il se tient immobile, mais un attouchement léger le met en mouvement. Si on le prend avec précaution, il s'agite et se met en marche quand on le lâche. Une fois immobilisé, il n'est l'immobilisation réflexe des arthropodes 9.3 plus sensible, comme la Mante, qu’à des excitations étroitement localisées. Hispa testacea L., étudiée par Piéron, présente des faits com¬ parables. Ce Coléoptère demeure immobile sur les feuilles de Cistes, mais il suffit de le toucher, de l’effleurer pour le faire déplacer. Du reste, alors que ni ses pattes ni son corps ne bou¬ gent, il n’en ronge pas moins la feuille, sans mouvement appa¬ rent de la tête. En l’état d’immobilisation, facile à provoquer par pression sternale, la majeure partie de son corps devient insen¬ sible. Diverses Araignées, les Thomisides entre autres, restent des heures, peut-être des jours, sur une fleur, sans bouger. Il suffit, néanmoins, qu’un Insecte vienne agiter leur ' substrat pour qu’aussitôt elles se précipitent et capturent leur proie. Immobi¬ lisées au contraire, elles ne répondent qu’à des excitations por¬ tant directement sur les tarses ou la région des orifices génitaux. Les Lépidoptères du groupe des Catoca/a, suivant la remarque de Grote (*), demeurent également immobiles de longues heures, mais s’envolent au moindre ébranlement de l’air. Or, comme je l’ai constaté sur Catocaia sponsa , l’immobilisation vraie, quand elle s’obtient, supprime cette extrême sensibilité. Enfin Holmes lui-même n’a-t-il pas constaté, chez Ranatra immobilisée, une étonnante insensibilité, tandis qu’elle « se montre attentive à ce qui passe autour d’elle » dans les condi¬ tions habituelles ? Une inexcitabilité relative caractérise donc l’état d’immobilisa¬ tion et l’oppose à l’état d’immobilité, quelque soit l’animal consi¬ déré, L’inexcitabilité porte constamment sur les zones senso¬ rielles, les yeux tout au moins, et sur un grand nombre de zones de sensibilité générale. Par là s’expliquent les possibilités de transport, de manipulations, de traumatisme même, qui ne déter¬ minent aucune réaction motrice. Schmidt s’est étonné que les Caraiisius immobilisés puissent supporter des amputations sans manifester la moindre réaction, et il en a tiré la conclusion que ranimai était entièrement insensible. Ch. de Geer (■) avait déjà remarqué que la « Vrillette opiniâtre » ( Anohium strictum Oliv.) (») A. R. Grote. Characters of protection on defence in Insects. The canadian entomologist, 1888, p. 154. (2) Ch. de Geer. Mémoire pour servir à l'histoire des Insectes , t. IV, 1764, p. 223. 94 È. RA.RAÜD en état de mort apparente supporte, sans remuer, l’épreuve du feu jusqu’à ce que la mort vraie s’ensuive. De plus, il n'est pas impossible que certaines amputations déclenchent les réflexes immobilisateurs, ainsi qu'il résulte des expériences de Herrera. Dans tous les cas, l'excitation inhibitrice, arrêtant tout mouve¬ ment, anesthésie du même coup une grande partie de la surface du corps. Néanmoins une autre partie des téguments, restreinte celle-ci, demeure constamment excitable et devient le point de départ du réflexe antagoniste. L'origine de la différence qui sépare l’animal immobilisé de l’animal immobile réside dans le fait de la persistance ou de la suppression du contact des tarses avec le substrat ; le premier ne subit plus les excitations permanentes qui maintiennent au second son activité, en contrebalançant les excitations immobili¬ santes. La Mante sur un végétal quelconque, YHispci sur une feuille de Ciste adhèrent fortement à leur support et reçoivent une sorte d’excitation tonique qui, sans entraîner des déplace¬ ments constants, déterminent un état d’activité potentielle que la moindre excitation rend aussitôt actuelle. Ces excitations toniques des tarses n’interviennent évidemment pas seules. Sur les animaux aquatiques, l’eau exerce des excitations de même ordre à la surface des téguments ; aussi ces animaux sont-ils moins facilement immobilisables dans l’eau que hors de l'eau, comme le montrent les observations de Holmes sur Ranatra et les miennes sur Nepa cinerea. D'autres Arthropodes, tels que les Amphipodes, mettent, en s’enroulant dans le sable, la plus grande partie de leur surface tégumentaire au contact d’un corps résistant qui, loin de produire l'immobilisation, maintient égale¬ ment l’état d’activité. Entre les deux états, la différence est donc bien tranchée. Sont- ils reliés par une relation génétique? La généralisation expéri¬ mentale que je donne à l’immobilisation permet de nier l’exis¬ tence de cette relation, puisqu'elle montre que la plupart des Arthropodes, sinon tous, sont immohilisables, qu'ils aient ou non tendance à demeurer immobiles. On s’expliquerait mal, d ailleurs, qu'après s’être transformée en un état d'immobilisa¬ tion, l’immobilité simple persistât cependant: or, les deux états coexistent très fréquemment. Au surplus, quel avantage la perte l'immobilisation réflexe des arthropodes !'o de l’excitabilité procurerait-elle à l’animal ? cette perte, et plus spécialement celle de l’excitabilité sensorielle, semble bien plutôt préjudiciable, puisqu’elle enlève toute possibilité d’échapper au moment opportun. La sélection darwinienne conduit ainsi, sou¬ vent, à une analyse incomplète et à des comparaisons superfi¬ cielles, en présentant comme données des interprétations mal fondées. En la circonstance, elle conduit à confondre deux états tout différents : l’immobilité simple est un état physiologique qui ne modifie aucun des rapports del’organisme avec le milieu ; 1 immobilisation en est un autre qui modifie sensiblement ces rapports en les restreignant. Il n’y a rien dans le premier qui puisse conduire au second ; les deux états sont complètement dis¬ tincts. *7. Les degrés de l’immobilisation Les précisions acquises, nous pouvons utilement examiner jusqu à quel point le réflexe d’immobilisation est une propriété générale à tous les Arthropodes. Les faits exposés dans le cha¬ pitre II montrent que cette propriété est au moins très répandue ; mais ils montrent aussi que, exception faite des variations indi¬ viduelles, certaines espèces sont beaucoup moins immobilisables que d’autres ; quelques unes, même, paraissent réfractaires à toute immobilisation. Le sont-elles réellement, et faut-il établir, à ce point de vue, une démarcation entre deux groupes tran¬ chés d’ Arthropodes ? En aucune manière. Jusqu’ici, je n’ai étudié le réflexe immobilisateur que dans le cas où l'immobilisation sur¬ vit à l’excitation. Cette survivance, en effet, permettait seule de procéder à une analyse suivie, à mettre en relief, par exemple, le réflexe antagoniste. Néanmoins, cette survivance ne caractérise nullement l’immobilisation ; pour la caractériser, il suffit que le réflexe existe, que l’effet d’une pression portant sur une partie déterminée du corps arrête tout mouvement pendant que cette pression s’exerce. Or, ainsi comprise — et comment la comprendre autrement? — l’immobilisation est un phénomène très général, on peut admettre que tous les Arthropodes possèdent une ou plusieurs zones dont l’excitation détermine un arrêt de l'ac¬ tivité. J en ai acquis la preuve en examinant avec attention la façon 90 Ë. RABAÜD dont se comportent les Arthropodes « réfractaires », ou paraissant tels. A s’en tenir aux apparences, la plupart des Lépidoptères du groupe des Hespérides résistent aux excitations immobili¬ santes ; ils possèdent pourtant le réflexe. Dès que Ton prend entre les doigts un Syrichtus ou toute autre espèce du même groupe, et que l'on serre légèrement les deux ailes à la hase, les pattes se replient aussitôt et conservent cette position aussi longtemps que dure la pression. Lycœna argus et d’autres Lycènes se comportent de même; chez quelques individus 1 immobilisa- tion survit un très court instant, une ou deux secondes, à l'excita¬ tion ; j'ai fait des constatations analogues sur Papilio podalirius. La pression des antennes immobilise également, tant qu’elle s’exerce, un certain nombre d’insectes. Mes essais ont porté, outre plusieurs Fourmis, sur divers Coléoptères : Lagria hirta L. dont les pattes se replient sous le thorax, Leptura cordigera Fuesslin, que la pression d'une seule antenne immobilise parfois, mais que la pression simultanée des deux antennes, au voisinage de leur insertion, immobilise constamment. Quelquefois, après plusieurs excitations successives, l’immobilisation survit une ou deux secondes, à la pression. La pression sternale immobilise Car abus auraius L. et C. auro- nite.ns pendant qu’elle s'exerce. Elle est moins efficace chez Tenebrio molitor . Sans doute, elle provoque l'extension des pattes, qui se placent perpendiculairement sur le plan horizontal, mais les mouvements reprennent parfois avant que l’excitation ne cesse. Le réflexe est peu marqué ; il n’en existe pas moins. Du reste, la pression des appendices provoque une immobilisa¬ tion qui dure autant que l’excitation, avec cette restriction que les antennes et les palpes ne cessent d’osciller faiblement. Ce n'est pas tout. Entre la survivance de l’immobilisation et sa disparition quand cesse l’excitation, existe toute une série de transitions constituées par les individus chez lesquels, après plu¬ sieurs immobilisations successives les excitations ne provoquent plus que des arrêts momentanés. Chez Epilachna argus , par exemple, la pression sternale détermine 1 immobilisation avec une remarquable facilité. Chez certains individus, néanmoins, l’immobilisation cesse d’être durable après 4 ou 5 excitations. Il faut tenir compte, enfin, de la difficulté qu’il y a parfois à rencontrer la zone sensible. Je n’ai réussi à provoquer chez 1 ^IMMOBILISATION RÉFLEXE DES ARTHROPODES !)7 Cerceris ornata que des arrêts strictement liés à l’excitation bilatérale du thorax. L’immobilisation durable de cet Hyménop- tère est cependant possible, et j'en ai en la preuve sous les yeux. Ayant enfermé dans un tube un Cerceris avec un Haliclus, tous deux s'agitent vivement et se bousculent un peu de toutes les manières. A un moment donné, l'JIalicte se retire à l’une des extrémités du tube et j'aperçois le Cerceris , à l'autre extrémité, couché sur le dos et parfaitement immobile, les pattes étendues. L’animal n’est, pourtant, ni mort ni blessé, le moindre contact lui rend toute l'activité. Selon toute évidence l’immobilisation survit à l'excitation, mais je n'ai pas su trouver la zone vérita¬ blement sensible sur laquelle se serait exercée l’action efficace. En définitive, les effets du réflexe immobilisant se manifestent de façons très diverses et en fonction de variables nombreuses, parmi lesquelles il faut tenir le plus grand compte des excita¬ tions antagonistes. 11 faut écarter celles-ci pour que l’immobilité - se produise et persiste ; elle ne dure parfois qu’un instant extrê¬ mement bref, précisément parce qu’une action mobilisante inter¬ vient presque aussitôt. A tous les Arthropodes qui tombent « à l’approche d'un danger », pour employer l’expression de Holmes, il ne faut rien autre chose que le jeu rapide de ces influences con¬ traires. Lorsqu'un ébranlement quelconque frappe la Galeruque de 1 Orme ou la Criocèrede l’Asperge, cet ébranlement déclenche aussitôt le réflexe, et d’une manière assez forte pour provoquer le décollement des tarses. Ainsi soustrait aux excitations mobi¬ lisantes, l’animal tombe. Souvent il tombe jusqu'à terre; mais souvent aussi le frottement de l’air sur les téguments met en jeu le réflexe antagoniste, l’Insecte ouvre les ailes et s’envole. Par¬ fois encore, le décollement des tarses détermine une secousse et ce mouvement, si bref soit-il, permet à l'Insecte de se raccrocher à la branche voisine : aussitôt les excitations tarsales recom¬ mencent et rétablissent l'état d’activité. Du reste, le frottement de l’air suffit à produire le même résultat; il équivaut à l’exci¬ tation que l'on exerce en soufflant légèrement sur l’animal; cette excitation est de même ordre que celle qu’exerce le flottement de l’eau sur les Ranàtres ou les Nèpes, dont nous avons précé¬ demment parlé. Tous ces faits rentrent incontestablement dans le domaine de 1 immobilisation réflexe. Connus depuis longtemps, ils ont été I 98 È. RABAÜD assimilés par les naturalistes à des phénomènes d’ordre sensoriel, assimilation inexacte, j’en fournis incontinent la preuve. Assuré¬ ment, à quiconque l’observe sans essayer d’analyser les condi¬ tions dans lesquelles elle se produit, la chute subite de la Galeruque ou de la Criocère donne l’impression d'un mouve¬ ment lié à la vision et volontaire, en quelque mesure Or, cette chute résulte simplement d’une sensibilité aux ébranlements de l’air, assez grande pour entraîner une immobilisation soudaine. La Criocère posée sur l’Asperge ou la Galéruque sur l'Orme tombent dès que l’observateur approche la main, même s’il évite d’imprimer la moindre secousse aux cladodes ou aux rameaux. L’Insecte a-t-il vu la main? Peut-être l’a-t-il vue, et peut-être aussi a-t-il également vu l’observateur. Peu importe, car le même résultat se produit quand l’observateur se place derrière, en évitant de produire un jeu d’ombre et de lumière. Mais si l’observateur approche la main très lentement , de façon à ne provoquer aucun mouvement" brusque de l’air, il parvient facilement à saisir l’animal. J’ai pu placer des indivi¬ dus entre les mors d'une pince qui atteignaient les yeux et encadraient la tète : ils ne bougeaient pas. L’excitation senso¬ rielle, incontestablement déterminée par la présence de la pince, ne produit donc aucun effet appréciable. Le fait, du reste, est général ; le Papillon, la Mouche qui s'en¬ volent à notre approche ne se comportent pas autrement. Quel¬ ques précautions très simples permettent de les saisir avec la main ou avec une pince. Voici un Satyre posé sur une fleur ; avançons la main lentement et d’un mouvement régulier, jus¬ qu’au moment où le pouce et l’index, écartés d’un centimètre à peine, se trouvent de part et d’autre des ailes dressées; serrons alors les doigts, le Papillon est pris. Que nous procédions en plaçant la main derrière le Papillon ou devant lui, nous réussis¬ sons également. Pourtant, quand la main est placée devant les yeux, le Papillon la voit sûrement, néanmoins il ne s’envole pas. Mais si, modifiant un peu le procédé, nous écartons assez large¬ ment les doigts et les rapprochons brusquement au moment où ils encadrent le Papillon, celui-ci s’envole instantanément : un déplacement d'air soudain a suffi pour déterminer le décolle¬ ment des tarses. Seulement, comme ce décollement provoque une secousse d’où résulte aussitôt le battement des ailes, et que 99 ^'immobilisation réflexe des arthropodes les excitations sensitives dues à la lumière, auxquelles le Papillon est fort sensible, ne cessent de se faire sentir, le mouvement de chute est inappréciable : l'observateur ne constate que l’envolée. Chez les Zygènes, toutefois, le phénomène est mieux marqué et Ion peut observer un léger mouvement de chute. Dans tout cela, néanmoins, n entre aucun élément sensoriel. Ainsi, le rôle de ces éléments passe au second plan dans une infinité de circonstances, tandis que celui des éléments sensitifs acquiert une importance considérable; il permet de rattacherai! domaine de l’immobilisation réllexe tout un ensemble de faits qui, de prime abord, lui semblait complètement étranger. Chapitre VI NATURE ET MÉCANISME DE LIMMOBILIS ATION Il convient donc maintenant de rechercher la nature de cette immobilisation et comment elle se produit. 1. Contraction et contracture. Due l immobilisation résulte d’un réllexe sensitivo-moteur comparable à tous les réflexes du même genre, c’est ce dont il ny a plus aucune raison de douter. Mais ce fait bien acquis ne nous renseigne pas sur la nature des effets produits, sur les processus dont sont le siège les muscles touchés par l’excitation. A ce sujet, l’attitude des Arthropodes immobilisés ne fournit guère d indication ; elle n’a qu’une seule caractéristique essen¬ tielle : sa persistance. Elle résulte toujours, évidemment, d'une contraction musculaire d'intensité variable, mais qui n’est pas une contraction simple. C'est une contraction durable, qui survit très souvent à l'excitation, persiste, tout au moins, pendant tout le temps que l’excitant demeure au contact des téguments : c’est donc une contracture. 100 E. RABAUD Aboutir à cette conclusion ne suffit pas, toutefois, car la con¬ tracture des Arthropodes immobilisés diffère par quelques traits du phénomène décrit sous ce nom à propos des muscles de Ver¬ tébrés ou des pattes d'Ecrevisse. La contracture physiologique est donnée comme un relâchement incomplet du muscle après contraction, s’effectuant en trois périodes : un relâchement brusque, un plateau relatif, puis un relâchement très lent. Les deux dernières périodes constituent la contraction proprement dite; elles correspondraient à une onde secondaire survenant après fonde positive et dérivant de la même excitation. En outre, le muscle contracturé est plus excitable que le muscle au repos. D'une manière constante, la contraction de l’Arthropode immobilisé est une contraction directe ; d'emblée elle atteint son maximum, toujours comparable à lui-même pour une espèce con¬ sidérée. Quelquefois, cependant, la contraction est immédiatement suivie d'une secousse, qui pourrait passer pour consécutive à un relâchement précédant la contracture. Mais ce processus, qui ne se produit pas chez tous les \rthropodes, et ne se produit même pas toujours chez un même individu, me paraît avoir une signi¬ fication toute autre. Je l'ai presque exclusivement observé au moment où les tarses se détachent de leur substrat, et la suite des événements doit, ce semble, être reconstituée de la façon suivante : une excitation portant sur le sternum, le thorax ou les ailes provoque une contracture qui entraîne le décollement des tarses ; mais de ce décollement même résulte une excitation qui déclenche le réflexe antagoniste. Il s’agit donc de la contraction de deux muscles distincts et non pas de deux temps différents de la contracture d'un muscle. Parfois encore, après être demeuré quelques instants en état de contracture, les muscles se relâchent pour reprendre aussitôt l’attitude qu'ils viennent à l’instant de perdre : ce sont deux périodes de contracture qui se succèdent à bref intervalle, mais les deux contractures ne diffèrent en rien l'une de l’autre, l'animal reprend la même attitude et de la même façon. Deux ondes successives ont évidemment parcouru le muscle et toutes deux très semblables. Du reste, ce processus n'est constant, ni pour une espèce ni pour un individu. En outre, loin d'être plus excitable une fois immobilisé, le muscle contracturé l'est infiniment moins. Parfois, il n’existe sur Ij’lM MOBILISATION RÉFLEXE DES ARTHROPODES 101 les téguments qu’une zone très limitée dont l’excitation provoque des mouvements, et cette zone ne correspond pas, d'ordinaire, au muscle contracturé ; par suite, les excitations successives por¬ tant sur le même point ne modifient la contracture ni en l'accen¬ tuant, ni en la diminuant. Les différences'sont donc assez marquées entre la contracture physiologique et la contraction de l’Arthropode immobilisé. Elles le sont moins si on compare cette dernière à la contracture dite pathologie/ k r, modification de la tonicité des muscles, con¬ traction prolongée, un véritable spasme n’entraînant pas la fatigue, dont la catalepsie serait Lune des formes. Cette con¬ tracture dépendrait, suivant Botazzi (l), du sarcoplasme et ne serait que l’exagération du tonus musculaire normal, tan¬ dis que la contraction proprement dite dépendrait des myo- fibrilles. Toute contraction, néanmoins, se composerait générale¬ ment « de deux contractions élémentaires : une primaire, rapide ou clonique , accomplie probablement par les myo-fibrilles, l’autre secondaire, lente ou tonique, accomplie probablement par le sarcoplasme ». De la contraction tonique , l’immobilisation des ^Arthropodes a la durée très prolongée sans fatigue apparente. Ce processus n'est évidemment pas sans rapports avec la catalepsie. Dreyer le premier a fait cette assimilation, attribuant la « simulation de la mort » à* la kataplexie ; Romanes admit, plus tard, que la kataplexie pouvait avoir aidé au développement de 1' « ins¬ tinct ». Plusieurs auteurs, depuis, ont assimilé l’immobilisation à un état cataleptique; J. -H. Fabre, entre autres, parle d' « hypnose », sans d’ailleurs. y insister. C'est Peter Schmidt, semble-t-il, qui a le plus longuement développé cette hypo¬ thèse. Il insiste sur l’état des muscles, l’absence des réflexes et l’immobilité de Carausius morosus. Sur les deux derniers points, Schmidt a commis une erreur évidente, je l'ai montré et je n’y reviens pas. Quant aux muscles, ils seraient dans cet état spécial que les anciens auteurs dénomment flexibilitas cerea. C. morosus immobilisé conserve toutes les positions possibles, si extraordinaires soient-elles. Ces observations sont exactes, mais incomplètes. La malléabilité est loin d’être parfaite. Très souvent (*) I. Filippo Botazzi. Les activités physiologiques fondamentales. II. L’activité musculaire. Scientia, 1916. 102 E. RABAUD le membre écarté de sa position initiale y revient rapidement, et je n’ai jamais réussi à donner aux antennes une incurvation durable. Il y a lieu de préciser les cas où les membres conser¬ vent la position donnée et ceux où ils ne la conservent pas. Schmidt n’a pas remarqué que ces cas sont liés, non à des conditions plus ou moins difficiles à discerner, mais aux muscles intéressés. Or, quand l’excitation sternale immobilise C. morosus avec les fémurs relevés et les tibias en demi-flexion, on ramène facile¬ ment les fémurs le long du corps et l'on détermine ainsi l’exten¬ sion complète du membre qui garde sa nouvelle position. Mais si, sur un C. morosus dans la même attitude, on essaye de fléchir les tibias sur les fémurs ou de placer les tibias en extension, le segment reprend sa position primitive dès que cessent traction ou pression. Il semblerait donc que, chez C. morosus, tous les muscles ne soient pas exactement dans le même état et que, chez certains d’entre eux, la tonicité soit plus marquée que chez d’autres. A ce sujet d'ailleurs, Bacillus gallicus m’a fourni des données très nettes. Quand on soulève l’animal par l’extrémité d'un tibia, celui-ci, sous la simple influence du poids du corps, s’étend d’abord et se place dans le prolongement du fémur ; mais presque aussitôt survient une contraction qui soulève le corps et redonne au membre le degré de flexion qu’il possédait. La malléabilité n'est donc ici que très momentanée, du moins en ce qui concerne les muscles fémoro-tibiaux. Je puis ajouter, et j’y reviendrai plus loin, que la contraction provoquée se généralise parfois à tous les membres. Je n’ai pas examiné systématiquement, au même point de vue, tous les Arthropodes dont il a été précédemment question, j'ai cependant recueilli, sur plusieurs d’entre eux, des faits très signi¬ ficatifs qui ne conduisent pas à admettre, comme générale, la malléabilité musculaire, au cours de l’immobilisation réflexe. Cette malléabilité n’existe à aucun degré chez Chrysomela cerealis . Quand on écarte un membre de sa position primitive, quand, pour préciser, on cherche à étendre le tibia sur le fémur, le membre cède à la traction, mais il ne conserve la position nouvelle que dans la mesure où la traction persiste. Celle-ci disparue, le membre revient presque aussitôt sur lui-même, quoique sans brusquerie, et reprend sa position initiale. De L IMMOBILISATION REFLEXE DES ARTHROPODES J 03 même, les membres d ' Oxythyrea f unes ta , sans être rigides, ne conservent pas la position donnée. Les pattes en extension cèdent à une pression, mais reprennent leur position quand la pression cesse. Hypera globosa se comporte d’une manière analogue ; quand on plie un membre en extension, il ne reprend pas exac¬ tement sa position initiale, il en prend une très voisine et ne con¬ serve pas, en tout cas, celle qu’on cherche à lui imposer. Les faits sont non moins nets chez Argynnis dya. Si I on essaie de redresser les ailes du Papillon immobilisé sur le dos et de le poser sur le côté, les ailes s’étendent aussitôt assez rapidement ; la flexibilitas cerea est absolument nulle. La contraction n'est pourtant pas très accusée. Elle l'est, par contre, et à un haut degré, chez divers autres Arthropodes. Lorsque Stilbum splendiclum , Glomeris guttata ou Schizophyllum mediterraneum sont roulés en houles, on ne réussit à les dérouler, en dehors des excitations antagonistes, qu’en exerçant une double traction extrêmement forte; le résultat le plus immédiat de ces elTorts est, généralement, d’accentuer la contracture et, par suite, la résistance. On peut la vaincre, à coup sûr, mais en provoquant un traumatisme souvent grave. Cette contracture violente donnerait-elle un appui à la solution que propose Holmes, et qui consiste à assimiler l'immobilisation réflexe à un état tétanique? L'attitude des Insectes suggère, il est vrai, pareille idée aux observateurs. A. Gros constate, par exemple, qu'en laissant tombera terre Meloë foveolatus Guérin, il entre aussitôt en contracture « se raidissant en opisthotonos, tous les membres absolument rigides, comme tétanisés, la tête et le corselet relevés au maximum, les pattes antérieures étendues paral¬ lèlement en avant, les autres paires semblablement allongées en arrière » (,). Cette solution, à vrai dire, ne diflère pas essentiel¬ lement de la précédente ; elle l’élargit plutôt qu’elle ne la contre¬ dit car, suivant Richet, de la catalepsie au tétanos, il existerait une différence quantitative et non qualitative, un degré plus ou moins accusé de contraction. Schmidt, du reste, admet volontiers cette manière de voir. Elle présente l’avantage appréciable de réunir l’ensemble des cas connus ; elle évite, en particulier, (') Aug. Gros. Le Meloë foveolatus. Bull. Soc. hist. nat. de l'Afrique du .Word, 1918. 9 104 E R AK AUD I objection que soulève la contracture résistant aux tractions. Toutefois, avant d’admettre qu’il s’agit réellement de tétanos, il convient de préciser ce que ce terme signifie. La contraction tétanique, même légère, n’est pas une contraction durable; la détente suit toujours de très près et se produit assez rapidement. Tout le temps que dure la contraction, l’effort musculaire est très accusé ; il s’accompagne de fatigue. En outre, elle ne correspond pas à une seule et unique secousse se prolongeant un temps variable, mais à une série de secousses, se succédant à intervalles très rapprochés ; le tétanos cesse avec l’excitation et je ne con¬ nais pas d’exemple où une excitation antagoniste ait pu le faire cesser. Le phénomène que nous observons chez les Arthropodes se présente dans des conditions différentes. L'attitude prise par les individus dure, chez certains d’entre eux, pendant un temps con¬ sidérable, eu égard, surtout, à la durée d’une contraction tétani¬ que ; cette attitude, en outre, n’exige aucun effort vraiment appréciable, bien qu’elle ne corresponde pas toujours à une posi¬ tion facile à maintenir. De plus, lorsque l’animal sort de l’état d'immobilisation, il ne le fait souvent qu’avec une lenteur qui ne ressemble guère à la cessation brusque d’une contraction téta¬ nique vraie. La reprise de l’activité ne se produit brusquement que sous l’intluence d’une excitation directe provoquant le réflexe antagoniste. Mais si le phénomène d’immobilisation n’est pas assimilable au tétanos, il dépend sans discussion possible d'un processus musculaire. Dans le tétanos intervient une double contraction, l’une portant sur la myofibrille, l’autre sur le sarcoplasme, la première beaucoup plus marquée que la seconde Dans la con¬ tracture, au contraire, le rôle des mvolibrilles devient accessoire, celui du sarcoplasme prédominant. Tout nous incite donc à admettre que l’immobilisation réflexe résulte d’une hypertonicité musculaire, dans laquelle n'entre pas nécessairement en jeu la contraction des myofibrilles. Que cette hypertonicité existe dans l’hypnose et dans la catalepsie, c’est infiniment probable ; mais elle existe également en dehors de ces états et ce serait dépasser 1 interprétation des faits que d’établir une assimilation de cet ordre. Chez l’homme, même, cette assimilation ne serait pas exacte, car i*l existe chez lui des contractions durables, ressem- % / l'immobilisation réflexe des arthropodes m blant par certains points à celle de l’Arthropode, sans hypnose ni état cataleptique concomitants (’), ainsi que la montré H. Piéron. La contracture persiste plus ou moins longtemps, elle est plus ou moins accusée, et tous les intermédiaires existent entre la durée la plus longue et la plus brève, entre l’intensité la plus faible et la plus forte. Ces différents états ne dépendent évidemment pas de processus musculaires distincts. Histologiquement, les libres des divers Arthropodes sont entre elles fort comparables, suffi¬ samment, en tout cas, pour empêcher de mettre les différences physiologiques sur une différence de structure. La durabilité et l’intensité de la contracture semblent, bien plutôt, liées au fonc¬ tionnement du système nerveux tel qu'une seule excitation péri¬ phérique engendre une action prolongée des centres nerveux sur le muscle. Reste à trouver l’agent de cette action prolongée. Dans le tétanos pathologique, l’excitation provient d’un agent infectieux qui imprègne l’organisme et se localise sur le système nerveux. Ici l'agent infectieux manque, le système nerveux n'est le siège d'aucune lésion et tout se passe comme si la contracture résul¬ tait d une seule excitation de courte durée. Cette apparente contradiction conduit nécessairement à admet¬ tre que la contracture dépend du mode de fonctionnement des ganglions de la chaîne ventrale, d’une partie de ces ganglions tout au moins ; la transformation en excitation motrice des exci¬ tations sensitives qui parviennent à ces ganglions ne s’effectue sans doute pas immédiatement tout entière ; elle ne s'effectue que graduellement, bien que d’une façon continue. C'est l’hypo¬ thèse actuellement admise pour expliquer le fonctionnement autonome du sympathique des Vertébrés et le tonus musculaire normal ; elle me paraît rendre également compte de l'hyperto- nus durable de ces mêmes muscles. Mais alors, nous sommes amenés à généraliser et à dépasser le cadre des Arthropodes : l'hypertonus ne se retrouve-t-il pas, en effet, chez nombre d’ani¬ maux, chez ceux, comme les Mollusques en particulier, qui ont une musculature faite en majeure partie de libres lisses, très riches en sarcoplasme ? i1) Henri Piéron. Du mécanisme physiologique du tonus musculaire, comme introduction à la théorie des contractures. Presse médicale , l ‘J 1 8 . 106 E. RÀBAUD Cette hypothèse relative au fonctionnement des centres trouve un sérieux appui dans les recherches de L. Tirala sur le tonus des Crustacés (*). Dans les membres des Crabes et des Lan¬ goustes, Tirala distingue deux sortes de fibres nerveuses, lune épaisse, l’autre mince, allant à la même fibre musculaire, la première déterminerait le tonus et f autre le supprimerait. Il est très probable qu'une excitation particulièrement forte de la fibre tonique provoque fhypertonus durable, qui est l’immobilisation. Ces données nouvelles nous aideront, en tout cas, à com¬ prendre le mécanisme du réflexe antagoniste. Faut-il le con¬ sidérer comme un réflexe suivant le trajet des fibres minces de Tirala et entraînant le relâchement de la contracture ? Les faits expérimentaux que j'ai relevés ne sont pas absolument en désaccord, avec cette interprétation. Lorsqu’on excite les zones périphériques qui correspondent au réflexe antagoniste, tout se passe, en apparence, comme si l’excitation déterminait la contraction de musclés différents des muscles contracturés ; elle détermine, en particulier, la contraction des muscles extenseurs des appendices ou de ceux des ailes. Le processus ressort avec évidence quand on provoque la mobilisation d’un Ghrvside ou d’un Myriapode immobilisé. Leur enroule¬ ment est dû à la contraction des muscles fléchisseurs du thorax ou de l’abdomen. Lorsqu'on déclenche le réflexe antagoniste d’un Stilbum splendidum ainsi fléchi, on provoque un redresse¬ ment irrésistible d’un animal fortement contracturé : l’animal demeure passif et ne commence à agiter ses pattes qu'une fois redressé. De même, quand Schizophyllum mediterraneum se déroule sous l’effet de la compression des segments terminaux, le redressement paraît contrarié par la contracture préexistante des muscles abdominaux ; c’est seulement lorsque l'excitation antagoniste se prolonge que les pattes des segments postérieurs deviennent actives et que le redressement ébauché continue de lui-même. En partant de l'idée de nerfs inhibiteurs delà contracture, on pourrait évidemment dire que les muscles contracturés se trou- (i) Tirala. Erregung und Tonus bei den Krustacæn. Morphol. Physiol. Gesell- schaft, 1914. l’immobilisation réflexe des arthropodes 107 vant libérés s’allongent et que, par suite, l’organe ou le corps fléchi se redresse, puis que l’activité reprend parce que toutes les actions mobilisantes donnent leur plein effet ; la contraction des muscles antagonistes ne serait qu’une apparence, .le ne crois pas, cependant, que cette interprétation soit exacte. Je remar¬ que, d’abord, que les muscles antagonistes dont l'excitation met fin à la contracture sont ceux-là même qui mettent en branle un animal au repos non contracturé : l'absence de contracture préa¬ lable exclut l’idée d’un simple relâchement de cette contracture. En second lieu, Beritoff (‘) a remarqué que la persistance toni¬ que des muscles d une Grenouille refroidie cessait brusquement lorsqu’on excitait les antagonistes. La réalité du processus que j’ai invoqué dès 1916 (2) ne laisse prise ici à aucune discussion ; j'ajouterai, d’ailleurs, que j’ai constaté l'existence, chez le même animal, d’un réflexe antagoniste (3). En conséquence, sans repousser la possibilité d’une double innervation, il est difficile d'en admettre la généralité ; et tout nous incite à considérer comme très probable l’idée que l’exci¬ tation mobilisante porte sur les antagonistes des muscles con¬ tracturés. On pourrait alors représenter le phénomène de la façon suivante : en se contractant, les muscles antagonistes étirent brusquement les muscles contracturés ; cette extension forcée produit une excitation qui, de la plaque motrice, remonte au ganglion et entraîne sa décharge. II se passerait, en somme, quelque chose de comparable à la contraction induite, sauf que 1 induction intéresse ici le ganglion et non un autre muscle. L’effet produit serait donc indirect. L induction, toutefois, peut manquer son effet. Chez Panorpa commuais, par exemple, 1 excitation antagoniste provoque une contraction violente du corps, parfois, mais non toujours, suivie de mobilisation ; de même chez Scutigera araneoïdes, la pres¬ sion des antennes provoque une A’iolente convulsion suivie d une agitation des patles, des paires antérieures tout au moins ; mais I immobilisation définitive ne s’ensuit pas forcément. Tout I1) Beritofk. Die tonischc Innervation (1er Skelettiriuskulatur nnd des Sympa- thicus, 1914. Cité d’après Piéiion, op. cit., 1918. (*/ Etienne Rabaud. Nature et mécanisme de l’immobilisation rétlexe Soc. biol., 1916. (3) Etienne Rabaud. La simulation de la mort chez les Vertébrés. Bul. Soc. zool., 1916. 108 E. RABAUD se passe comme si la contraction antagoniste n’entraînait qu’une décharge partielle du centre tonique. A cet égard, du reste, j’ai observé les modalités les plus diverses C’est ainsi qu’un Insecte complètement mobilisé, en apparence, par une excitation antago¬ niste reprend parfois l’immobilité, si on le remet en position dor¬ sale, sans nouvelle excitation. L’excitation antagoniste n'aurait alors provoqué qu'une décharge insuffisante ; les excitations dues au contact des tarses avec le substrat la compléteraient au bout d'un temps, mais le décollement précoce rendant toute leur efficacité aux derniers effets de i'excitation mobilisante, l'immo- bilité reprend pour quelques instants. Pareil effet ne se produit, d’ailleurs, que dans les quelques secondes qui suivent immédia¬ tement la mobilisation ; bientôt l'immobilisation n'est plus pos¬ sible de cette manière, surtout si l'on multiplie les excitations antagonistes. Ce dernier détail donne à mon interprétation toute sa vrai¬ semblance. Elle me paraît rendre actuellement compte de la majorité des faits ; mais elle n'est évidemment pas exclusive, et destinée surtout à servir de point de départ à des recherches ultérieures. 3. Le mécanisme Il ne suffit pas, toutefois, de fournir une explication sur la nature des phénomènes ; encore faut-il essayer d'analyser son mécanisme. L'excitation contracturante porte sur un point loca¬ lisé de la périphérie et, de ce point, elle s’irradie nécessairement dans le corps tout entier ; des ganglions directement intéressés, l’excitation gagne l'ensemble de l’organisme, se propageant tout le long de la chaîne et de tous les côtés. C’est dans chaque cen¬ tre qu elle se transforme en excitation motrice. Pour les Insectes, en effet, comme pour d'autres Invertébrés, ainsi que MeiNDels- sohn (]) l’a montré contrairement à Bethe, et en accord avec nos connaissances histologiques sur le système nerveux, il ne fait aucun doute que tout réflexe exige, pour se produire, un grou- C) Mendelssohx. Recherches sur les réflexes chez quelques Invertébrés. Contri¬ bution à la théorie générale des réflexes. XIIIe Congrès intern. de tnéd. Sect. de Physiol., Paris, 1900. l’immobilisation réflexe des arthropodes UÏ9 pement de cellules nerveuses, deux au moins, en relations directes les unes avec les autres. Que l’excitation se transmette d’un centre à l’autre, c’est un fait depuis longtemps démontré, aussi bien que la transmission dans le sens transversal et dans le sens longitudinal ; l’interprétation des phénomènes ne rencontre là aucune difficulté. On pourrait néanmoins les comprendre d’une manière un peu différente et supposer que l’excitation périphérique, au lieu de partir directement d’un ganglion quelconque, parvient d’abord aux ganglions cérébroïdes à travers les commissures longitudi¬ nales et repart de là sous forme d'excitation motrice ; les cellules des autres ganglions ne joueraient aucun rôle. Telle est, du moins, la conception que contient implicitement le travail de* Schmidt. A son dire, en effet, la catalepsie de C. morosus, loin d'être un réflexe, supprimerait tout réflexe et dépendrait exclu¬ sivement des ganglions cérébroïdes. Schmidt affirme « dass die Fæhigkeit zur Katalepsie von den Kopfganglion abhængig ist » ; il fonde son affirmation sur les expériences suivantes. U sépare un C. morosus en deux tronçons par une section partageant le mésothorax en deux parties égales ; le tronçon antérieur pos¬ sède quatre pattes qui conservent l'attitude de l’immobilisation, et le tronçon postérieur une seule paire qui s’affaisse aussitôt. En excitant alors avec une pince les tarses de cette paire, Schmidt obtient des mouvements réflexes, qu'il n'obtient pas avec les pattes des paires antérieures. L’intervention nécessaire des ganglions céphaliques résulterait de ce fait qu'en décapitant simplement l’animal, Schmidt obtient le même résultat : « das Résultat ganz gleich bleibt », écrit-il dans une brève note. Tl faut comprendre, sans doute, que les trois paires de membres cessent d’être immobiles ; mais l’auteur ne s’explique pas clai¬ rement. Je ne discuterai pas tous les détails de ces expériences, en particulier la soi-disant impossibilité de mobiliser l’animal par excitation des tarses ; j’admets le résultat d'ensemble comme parfaitement acceptable (*) ; seulement il faut se garder de le généraliser à l’ensemble des Arthropodes. (*) Avec celte restrict ion que Schmidt n’ulilise que les procédés rudimentaires de chute ou de choc pour immobiliser. HO È . RA B AUD Holmes, en effet, sur Ranatra , arrive à une conclusion exacte¬ ment opposée. Aussitôt après la décapitation, l'Insecte se meut incessamment, sans cause apparente ; l'immobilisation devient difficile à produire et dure peu. Cinq heures après l’opération, l’agitation se calme; dix heures après, la plupart des individus sont immobilisables (J) et l’immobilité dure, chez quelques-uns, de trois à quatre minutes. Leur attitude, la rigidité musculaire, ne diffèrent nullement de ce qu elles sont chez l’animal entier. La décapitation ne fait donc pas obstacle à l’immobilisation, elle l'abrège simplement : « It is abundantly évident, écrit Holmes, that removal of the supraesophageal ganglion causes a marked diminution of the duration of the death feint. » Du reste, après section de la chaîne ganglionnaire entre le premier et le deu¬ xième ganglion thoracique, l’animal survit plus longtemps qu'après section pure et simple de la tète et les résultats sont plus nets encore : on peut immobiliser séparément les deux parties, la partie postérieure pour moins longtemps, en général. La contradiction entre Schmidt et Holmes ne fait point doute. Tous deux tendent, évidemment, à attribuer un rôle au ganglion cérébroïde ; mais le premier considère ce ganglion comme nécessaire à la production de l’immobilisation, le second ne voit en lui qu'une condition de durée. Pour supprimer la contradiction, il suffirait de dire que les expériences ne portent pas sur le même objet. Rien ne diffère plus d’un Insecte, à ce point de vue, qu’un autre Insecte, et je vais le montrer en rapportant mes propres observations et expé¬ riences sur de nombreuses espèces. Tous les degrés existent entre les deux extrêmes ; néanmoins, l’existence même de ces extrêmes met en question le rôle véritable des diverses parties du système nerveux : il faut essayer de l’élucider. A. Le ganglion cérébroïde. — Tout d’abord, l'observation simple permet de se rendre compte que le ganglion cérébroïde ne joue certainement pas un rôle nécessaire dans le'phénomène ; s’il jouait ce rôle, les faits d’immobilisation partielle devien¬ draient incompréhensibles, et ces faits ne sont pas exceptionnels. (*) Il s’agit, bien entendu, dans ces expériences comme dans toutes celles des auteurs qui m’ont précédé, d’une immobilisation par le procédé classique, qui con¬ siste à projeter l’animal d’une certaine hauteur. l'immobilisation réflexe des arthropodes 111 C’est ainsi que la pression du métasternum n’immobilise souvent que les deux paires postérieures de pattes d’un Lavions , la paire antérieure et la tête conservent leurs mouvements. Les antennes de Timarcha inter stitialis continuent également d oscil¬ ler en tous sens, alors que les pattes sont étendues et immobiles. J’ai constaté le même fait chez Steropus madidus dont la tête, et surtout les antennes, restent en mouvement; — chez Forficn/a auricularia où ce sont les antennes seules ; — chez Leptoiulus beUjicus dont le corps demeure immobile dans toute sa longueur, tandis que la tète et les antennes remuent ; même, la reprise de l’activité s'effectue de telle manière que toutes les pattes des segments du tiers antérieur shigitent et « marchent », le train postérieur restant contracté et empêchant ou ralentissant la pro¬ gression. Inversement, j'ai vu la moitié postérieure reprendre les mouvements, alors que l’antérieure, surtout à partir du point d’excitation, restait paralysée. Tout se passait donc comme si l'excitation, s'irradiant en avant et en arrière, prolongeait davan¬ tage son action sur les ganglions antérieurs, les céphaliques en particulier, que sur les postérieurs. Ne faut-il pas aussi rappeler que Crioceris 1%-pnnctata ne cesse pas un instant de mouvoir son abdomen, en dépit de l’immobilité de la partie céphalo- thoracique du corps ? Ainsi, suivant le cas, le ganglion céphalique semble actif, les autres étant paralysés, ou, au contraire, le ganglion céphalique semble paralysé, les autres étant actifs. En outre, les parties qui restent actives sont immobilisées par excitation directe, ainsi qu’il arrive pour les antennes de T. interstitialis et de Larihus. De telles constatations suffiraient à prouver que la transformation de l’excitation sensitive en excitation motrice s’effectue dans chacun des centres et ne dépend pas exclusivement de l’un quelconque d’entre eux. Toutefois, la question exige des recherches plus précises. Il faut voir comment se comportent les animaux entièrement ou partiellement privés de divers ganglions ; il faut le voir, non sur une seule espèce, mais sur le plus grand nombre possible. J’ai donc procédé à une double série d’expériences, en commençant par des espèces facilement immobilisables. a) Décapitation d'espèces facilement immobilisables. — Sur È. &ARAÜD H 2 aucune d'elles, la décapitation ne supprime la possibilité d'immo¬ bilisation. Aussitôt après l'opération, Leptoiulus belgicus se tortille vio¬ lemment pendant quelques fractions cite secondes, puis se remet en marche. Une pression exercée, sur les premiers segments l’arrête, comme elle arrête ün individu non opéré de la même espèce. Je le remets en marche, au bout de deux minutes, en excitant les segments postérieurs, je l'immobilise à nouveau et je recommence ainsi plusieurs fois de suite, de la même manière. Néanmoins, les réactions s’affaiblissent et, au bout d’un quart d'heure, les excitations mobilisantes ne provoquent plus d'effet durable. Répétée sur plusieurs individus, l'expérience donne chaque fois des résultats comparables. Chez quelques-uns, cependant, le corps devient inerte aussitôt après la décapitation et ne répond aux excitations que par un très bref mouvement de progression. Quant aux individus qui survivent pendant plusieurs minutes, ils ne diffèrent pas essentiellement des individus non opérés Peut-être l’immobilité dure-t-elle chez eux moins long¬ temps, mais, en raison des variations individuelles observées, il est difficile d’apprécier les différences avec une suffisante certitude. Chez deux Lépidoptères, Cœnonympha pamphilus et Satyrus semele , la décapitation amène un changement assez -marqué. Tous deux sont très facilement immobilisables à l’état normal, par simple pression de la racine des ailes. Effectuée au cours de l’immobilisation, la décapitation les remet aussitôt en mouvement; ils se redressent sur leurs pattes et s’agitent. Cette phase d’excitation, notée par Holmes chez Ranatra et que nous venons de constater chez Leptoiulus, dure peu ; on la supprime, même, si on comprime légèrement le thorax au moment où l'on procède à la décapitation ; l'animal décapité ne bouge pas : l'immobilisa¬ tion reste donc possible. Pour l'obtenir, il faut assurément exercer une pression plus forte que celle qu’on exercerait sur l’animal entier ; il faut, parfois, utiliser la compression du thorax ou ajouter, à la pression des ailes, celle du sternum ; mais, une fois obtenue, l’immobilité dure aussi longtemps que chez l'ani¬ mal entier et se présente avec les mêmes caractères. La nécessité d’une excitation plus forte ne crée, en somme, qu'une différence insignifiante. H 3 l’immobiltsation réflexe des arthropodes Dans bien d’autres cas, cette différence n’existe même pas. Epinephele jurtina décapitée au cours de l’immobilisation se met à voler en tous sens ; deux immobilisations successives sont néanmoins possibles, pour une durée de 4 ou 5 minutes, chez la plupart des individus. Tous les réflexes antagonistes persistent également. Plus ou moins vite, néanmoins, l’immobilisation devient difficile ; les pattes sont animées d’un mouvement lent et persistant, puis l’animal devient complètement inerte. Il ne faut voir là, semble-t-il, que l’effet d'un processus morbide, sans rapport immédiat avec le phénomène qui nous occupe. L’inertie et l’inexcitabilité surviennent parfois très vite. Ainsi, un autre Satyride, Pararge mæra , immobilisable après décapitation d’une manière très analogue à celle d'E. jurtina, perd rapidement toute excitabilité. Sur Chrysomela cerealis, Crioceris lilii et Malacosoma lusita¬ nien , pour les Coléoptères, Lithosia griseola , Callimorpha fiera , Spilosoma menthastri et Argynnis dya pour les Lépidoptères, je n’ai remarqué aucune différence sensible entre l’animal enfler et l’animal décapité. Ckr. cerealis est aussi bien immobilisable et dans la même attitude, ainsi que il/, lasitanica ; C. lilii subit une légère excitation opératoire qui fait obstacle aux premières excitations immobilisantes chez certains individus, mais est inappréciable chez d’autres. Quant à C. liera et S. menthastri , ils deviennent immobiles, par simple décollement des tarses, après comme avant la section de la tête. Placés sur le dos, ils y demeurent indéfiniment — une nuit entière — jusqu’au moment où intervient une excitation antagoniste. Aussitôt retournés, leurs pattes prennent l’attitude de la marche; l’excitation de 1 extrémité postérieure de l’abdomen provoque l’envolée. La vie persiste ainsi longtemps : trois jours après l’opération C. liera réagit encore aux diverses excitations. A cet égard, Argynnis dya se comporte d’une manière tout particulièrement instructive. Chez lui, la décapitation ne produit aucune excitation; si elle est pratiquée durant l’immobilisation, 1 animal reste sur le flanc, sans faire aucun mouvement. La pression des tarses, des antennes ou de l’abdomen provoque le redressement immédiat du Papillon, et une pression légère de la racine des ailes l’immobilise aussi facilement qu’un individu entier. Pendant quatre jours, j’ai conservé plusieurs individus 8 E. RABAUD 114 décapités, mais vivants, immobilisables et mobilisables sans la moindre difficulté. Cette première série d'expériences ne permet guère d'ad¬ mettre, avec Schmidt, que l’immobilisation dépend du gan¬ glion cérébroide. Assurément, divers Insectes privés de tète ne se comportent pas tout à fait, au point de vue de l'immobili¬ sation, comme ils se comporteraient s’ils possédaient leur tête, mais, chez aucun d'eux, la décapitation ne supprime l’effet des excitations immobilisantes. De ce qu’il en advient ainsi chez Carausius morosus , il faut donc conclure, non pas que le gan¬ glion cérébroide joue un rôle prépondérant dans le phénomène, mais que la section de la tête n’équivaut pas simplement à la suppression du cerveau. C’est, du reste, à cette conclusion que conduit l'énoncé des différences que je viens de mettre en évi¬ dence entre diverses espèces. Si l’on élimine les particularités spécifiques accessoires, dont on exagère facilement l’importance quand on expérimente sur une seule espèce, il reste le fait essentiel que la présence ou l'absence du ganglion cérébroide ne modifie pas l'immobilisation d’une manière appréciable. b) Décapitation d'espèces difficilement immobilisables . — Nous ne pouvons, toutefois, négliger les différences spécifiques Pour être de degré et non de nature, leur intérêt n’est pas moindre. Que signifient-elles exactement? Tiennent-elles simple¬ ment à la constitution du système nerveux ou à une particula¬ rité quelconque variant d’une espèce à l’autre ? L’un des moyens capables de fournir des indications sur les divers points consiste, certainement, à opérer des Insectes très difficilement immobili¬ sables. Parmi eux, Colias edusa F. et C. hijale L., suffisamment réfractaires à l’immobilisation, et suffisamment communs pour fournir un matériel de recherches, ont dès l’abord attiré mon attention. Ces Lépidoptères ne sont pas complètement rebelles à toute immobilisation durable; mais on ne les réduit guère, et pour une fraction de seconde, qu’en exerçant des pressions assez fortes de part et d’autre du thorax et sur le sternum. Chez bien des individus, même, l’immobilisation ne survit pas du tout à l’excitation. Chez tous, la section de la tête détermine une réaction immédiate très vive. Le Papillon s’envole et parcourt $ L'IMMOBILISATION RÉFLEXE DES ARTHROPODES 115 S une distance de 4 ou 5 mètres, d’un mouvement continu, diffé¬ rant à peine de celui d’un animal entier. Bientôt il tombe ; mais il tombe sur ses pattes. Si j'essaye de le coucher sur le côté, les pattes du côté opposé s'étendent et s’accrochent au support, l'animal se redresse : il est donc parfaitement « vivant ». Or, si je pr esse simultanément la racine des quatre ailes, les pattes se replient et l'on peut coucher l’Insecte sur le côté sans qu’il bouge : je l’ai donc immobilisé très facilement, ce que je ne pouvais faire quand il était entier. Si je le mobilise par excitation de l'abdomen, il prend son vol, s’élève jusqu’à une hauteur de 0 m. 50 à 2 mètres, puis retombe. Je recommence six fois de suite et, chaque fois, avec le même résultat; je l’obtiens égale¬ ment sur une demi-douzaine d’individus. La décapitation facilite donc nettement l'immobilisation, et l'immobilisation durable, de Colias ec/usa et de C. lu/ ale. La même conclusion s’applique à Pieris napi L. et à divers Hespérides. Chez ces derniers, les excitations ne produisent qu'une immobilisation très fugitive, durant à peine autant que l’excitation ; la décapitation permet une immobilisation, assuré¬ ment très courte, mais notablement prolongée (t). Ces faits semblent contredire tous ceux dont l’exposé précède, puisque, chez les animaux facilement immobilisahles, la section de la tète ne modifie pas le phénomène ou met obstacle à sa réalisation. Tous ces faits, pourtant, sont, au même titre, des faits d’expérience et d'observation ; rien n'autorise à nier les uns en s'appuyant sur les autres. 11 faut donc essayer de réduire leur apparente opposition. c) Le rôle des excitations lumineuses . — On ne peut la réduire qu’en refusant au ganglion cérébroïde toute inlluence déterminante dans le réllexe d’immobilisation, et en faisant l’hypo¬ thèse que les excitations passant par les organes des sens cépha¬ liques, les yeux spécialement, neutralisent à des degrés divers les excitations immobilisantes. Suivant le cas, l’immobilisation sera possible et plus ou moins durable, ou très difficile, même impossible. Reste à vérifier ce que vaut cette hypothèse. A cet effet, j'ai C) Chez divers Arthropodes, l’expérience est irréalisable, car la décapitation entraîne l’inertie immédiate. Tels sont Papilio podalirius et la plupart d.es Odo- nites. Seuls, les réflexes antagonistes déterminent les mouvements. 116 E. RABAUb aveuglé divers animaux en appliquant une couche de vernis sur la surface entière de leurs yeux. L'opération provoque assez généralement une faible excitation motrice, sans doute due à l’action du solvant sur la cornée; mais cette phase dure infini¬ ment peu. Pratiquée sur Colias edusa et C. hyale , l'opération donne un résultat positif incontestable. Des individus bien vivants et non immobilisables, même par des excitations conjuguées, sont immo¬ bilisés, une fois les yeux vernis, par simple pression des ailes, posés sur le dos aussi bien que sur le côté. L'animal n'est nulle¬ ment malade ; il s’envole sous l’impulsion du réflexe antagoniste. Le retour à l'activité de l'animal immobilisé dans ces conditions . mérite une mention spéciale. Alors que les Lépidoptères à immo¬ bilisation facile se redressent brusquement, d'un coup d'aile, avant que les pattes aient fait le moindre mouvement, ici les pattes commencent à remuer, et pendant plusieurs minutes, avant que le coup d'aile ne se produise. La vérification expérimentale ne fait point doute, en ce qui touche ces deux espèces. Elle ne le fait pas davantage pour d’autres. En vernissant de la même manière les yeux du Papi- lio podalirius et d'Hespérides, on rend également possible l'im¬ mobilisation, pour un temps très bref assurément ; mais la pro¬ longation est proportionnellement comparable à celle que l'on obtient chez les Colias. Des essais pratiqués sur des Odonates et des Orthoptères donnent des résultats entièrement concordants et permettent de préciser le rôle des excitations visuelles dans F activité normale des Arthropodes. Je mets sur le dos, avant toute opération, une Æschna cyanea 9 qui, de ce fait, devientcomplètementimmobile. Mais l'immobilisa¬ tion totale dure à peine 6 à 7 secondes. Au bout de ce laps de temps commence un frémissement des ailes antérieures, extrêmement rapide, qui augmente d'intensité et se termine par le redresse¬ ment, puis l’envolée de F animal. Je vernis les deux yeux de l'Odonate et je le remets sur le dos; l'immobilisation dure 50 à 60 fois plus longtemps et peut dépasser 5 minutes. En outre, le retour à l’activité ne commence plus par le frémissement des ailes ; il commence, comme chez Colias , par le mouvement des pattes. La différence est très frappante. Elle ressort mieux encore l’immobilisation réflexe des arthropodes 117 si je nettoie les yeux : tout recommence comme au début, fré¬ missement préalable des ailes au bout de quelques secondes, redressement et envolée. Refaite avec d’autres individus de la même espèce, l'expérience donne des résultats comparables II iaut néanmoins tenir compte des différences individuelles. Dans un cas, par exemple, le frémissement des ailes n’est pas entière¬ ment supprimé à chaque immobilisation. Dans un autre, F animal non aveuglé se retourne brusquement sans frémissement préa¬ lable ; une fois aveuglé, il ne se retourne plus ainsi, mais ses ailes sont le siège de vibrations légères, imperceptibles en avant, à peine marquées en arrière. Après nettoyage des yeux, l'animal renversé se redresse aussitôt d’un coup d'aile. L'oblitération des yeux donne également le même résultat chez Diplax striolata,e n ayant soin de choisir, bien entendu, les individus chez lesquels l’immobilisation ne dure que quelques secondes. L'Insecte demeure sur le dos, sans bouger, pendant plus de 12 minutes, aucun frémissement n'agite ses ailes et le retour à l’activité commence par les pattes. Trois autres Odonates se comportent de la même manière. Onychogomphus forcipatus ne conserve guère l'immobilité que pendant un petit nombre de secondes ; très rapidement les ailes entrent en vibration : l'aveu¬ glement supprime ces vibrations et l’immobilisation dure de 10 à 15 minutes; le retour à l’activité commence par les pattes. — Cor duloej aster annulât us et Libellula cærulescens donnent des résultats tout à fait superposables : la mobilisation des individus aveuglés commence par les pattes et leurs ailes ne vibrent pas; la durée de l'immobilité est notablement prolongée. Chez un L. cærulescens, en particulier, qui se redressait constamment au bout de 15 à 20 secondes, le vernissage des deux yeux provoque une immobilité de 27 minutes. Après nettoyage des yeux, la durée redevient très courte et n’atteint pas une minute. « Le même procédé produit un effet analogue, bien que moins net en apparence, chez deux Acridiens et un Locustien. Epacro- mia strepens n'est généralement immobilisé que par des excita¬ tions conjuguées, et l immobilisation dure à peine 2 à 3 secondes chez un individu, une seconde ou même une fraction de seconde chez un autre. Le vernissage des yeux prolonge la durée, qui atteint 30 secondes chez le premier, les dépasse et va jusqu’à 118 E. RABAUD 2 minutes 30 après oblitération des ocelles. — La prolongation est moindre chez le second individu (15 secondes), mais propor¬ tionnellement aussi considérable. En procédant de la même manière avec Stenobolhrus bicolor , la durée de l’immobilisation passe de 0 à 6 et même 20 secondes. Les Locustiens fournissent des résultats moins facilement appréciables. Chez un Conocephalus nitidulus non aveuglé, l'immobilisation survit peu, ne survit même pas toujours à l’excitation ; chez l'animal aveuglé, elle survit 3 à 4 secondes. Mais cet effet persiste après nettoyage des yeux. On peut penser, il est vrai, que le vernis et le nettoyage entraînent une altéra¬ tion du tégument. Avec d’autres individus, la prolongation de l'immobilité oscille entre 15 et 45 secondes après oblitération des yeux, tandis qu’elle est nulle ou ne dépasse pas 7 secondes après suppression du vernis. De plus, quand on laisse reposer l'animal aveuglé, le résultat persiste ; il est même amélioré, en ce sens que les excitations immobilisantes produisent un effet plus immédiat pour une intensité moindre. L'interception de la lumière donne donc un résultat positif incontestable. Outre la prolongation de l'immobilisation, il convient également de noter que, chez l’animal aveuglé, l’excitation conjuguée est à peine nécessaire ; une pression bilatérale légère du thorax suffit. Ces expériences multipliées apportent donc, en faveur de l'hypothèse d’où nous sommes partis, un important contingent de faits. Pour en apprécier toute la valeur, il importe de remar¬ quer que les divers résultats obtenus sont en rapport marqué avec les dimensions relatives de la surface des yeux et du corps chez les animaux étudiés. Ces dimensions relatives sont plus grandes chez les Colias que chez Papilio podalirius et les Hespérides. Considérables chez les Odonates, dont les yeux occupent la majeure partie de la tête, elles sont beaucoup moin¬ dres chez les Acridiens et moindres encore chez les Locustiens. L'intensité des excitations visuelles grandissant forcément avec le nombre de ces excitations, on comprend qu elles jouent un rôle très marqué chez les Odonates et très restreint chez les Locus¬ tiens. Du reste, faction motrice de ces excitations ressort encore des expériences entreprises par divers auteurs qui, à la suite de Loeb, ont étudié les rapports de la lumière et du tonus muscu- l’immobilisation réflexe des arthropodes 119 laire (*). Ces auteurs montrent que des excitations lumineu¬ ses unilatérales déterminent des mouvements du côté corres¬ pondant. Tout animal dont un œil est oblitéré tourne l'œil fonctionnel vers la lumière, et les muscles du même côté se con¬ tractent. Une oblitération partielle détermine un relâchement du tonus, localisé à certains muscles, le tonus persistant pour les autres. Il faut évidemment se garder de conclure que les excitations lumineuses comptent seules, à ce point de vue, parmi les influences externes. Leur importance se mesure aux dimensions relatives de la surface oculaire. Quand cette surface diminue leur rôle diminue proportionnellement et celui des autres excitations sensitives augmente, chacune d’elles acquérant une prépondé¬ rance plus ou moins considérable, suivant les animaux. Les dif¬ férences individuelles ou spécifiques se font, d’ailleurs, nettement sentir et ne doivent pas être négligées. L'une de mes expériences fournit, à cet égard, une donnée fort instructive. Le vernissage des yeux d'un Æschna cyanea , tout en amoindrissant notable¬ ment la vibration des ailes, ne la supprime pas tout à fafiT. Je vernis alors le thorax à droite et à gauche, suivant une surface correspondant à la bande bleue antérieure ; les vibrations dimi¬ nuent aussitôt ; je les supprime entièrement en vernissant, en outre, la bande bleue postérieure. Je nettoie alors les yeux puis j'immobilise l'Insecte qui se retourne brusquement d'un coup d'aile, sans frémissement préalable. Les excitations visuelles jouent donc bien chez cet animal un rôle important, mais les excitations reçues par le tégument tout entier jouent également un rôle très appréciable. B. — Les ganglions thoraciques L’efTet de l’oblitération des yeux, comparé à celui de la déca¬ pitation, montre donc, avec une suffisante évidence, que les gan¬ glions céphaliques interviennent surtout à titre de conducteurs des excitations visuelles ; en supprimant cette voie de passage, on prolonge du même coup l'immobilisation. Et ces faits autori- (’) Walter E. Garrey. Light and the muscle tonus of Insects. The heliotropic mechanism. The Journal of general physiology , 1918. > 120 E. RABAUD sent à conclure que, chez bien des Arthropodes difficilement im¬ mobilisables, les excitations visuelles neutralisent ou rédui¬ sent l’effet des excitations immobilisantes. Il conviendrait alors de rechercher si des excitations d’un autre ordre ne jouent pas un rôle comparable. N’obtiendrait-t-on pas un résultat analogue à celui de l’oblitération des yeux en effectuant une lésion, même légère, sur l’un quelconque des ganglions de la chaîne ventrale? Et s’il en était ainsi, ne prouverait-on pas, du même coup, que si le ganglion céphalique intervient en quelque mesure dans l’im¬ mobilisation, le système nerveux tout entier y intervient de la même manière ? J’ai fait, tout d’abord, l'expérience sur deux Ocypus olens , Sta- pbylin très difficilement immobilisable, nous l’avons vu, par com¬ pression de la région du cou. J’introduis une épingle fine (n° 000 des entomologistes) dans la membrane qui relie le prosternum au mésosternum, un peu en dehors de la ligne médiane, et je Eenfonce d’avant en arrière, en rasant la face interne du tégument, de façon à piquer l’un des ganglions mésothoraciques. L'opéra¬ tion faite, l’animal conserve toute sa vivacité, mais perd un peu l’équilibre, tombe facilement sur le dos et se trouve, du même coup, immobilisé. L’exploration méthodique du corps montre que si la motilité ne paraît pas altérée, la sensibilité des tarses moyens est nettement diminuée à gauche. Néanmoins, la lésion est fort légère, tous les réflexes persistent. Si légère soit elle, cependant, cette lésion suffit pour rendre l’immobilisation très facile : le renversement simple détermine un effet immédiat et durable ; l’animal immobilisé peut être remis, avec précautions, sur la face ventrale sans qu’il reprenne son activité. Douze heu¬ res après l'opération, le renversement ne produit plus le même effet, il faut maintenir l’animal sur le dos; néanmoins l'immo¬ bilisation demeure très facile. Une opération semblable pratiquée sur le second individu ne détermine pas des troubles initiaux aussi accusés. Toutefois, en saisissant le Staphylin par un fémur et en le maintenant sur le dos pendant quelques dixièmes de seconde, je provoque une immo¬ bilisation durable. Chez cet individu, en outre, je remarque, une importante transformation : tandis que la pression des antennes provoque sur l’animal sain une contraction violente non suivie d’immobilisation, la même excitation provoque sur l’animal opéré l’immobilisation réflexe des arthropodes ’ 121 une contraction durable : le résultat change donc complètement de sens. Nous reviendrons sur ce point. Il faut insister tout de suite sur la discordance qui existe entre l’extrême légèreté des lésions et leur effet considérable. D’ailleurs, il s’agit bien réellement de lésion des ganglions et non d’une simple piqûre des téguments. J’en ai acquis la preuve en surveillant les réllexes des deux Sta- phylins dans les jours qui ont suivi l'opération. Le premier n'avait reçu qu'une seule piqûre et ses effets persistaient très nettement huit jours après; le second avait reçu trois piqûres ne produisant qu'une lésion insignifiante du ganglion; il était entiè¬ rement remis le troisième jour. Au surplus, j'ai obtenu des résultats comparables avec d'autres Insectes. Je pique le ganglion mésothoracique droit d’un Carabus pur - purascens, réfractaire à toute immobilisation durable. La para¬ lysie totale du membre correspondant s'ensuit et je puis déter¬ miner alors, par action conjuguée, une immobilisation durable. Avec cinq Acridiens différents : OEdipoda cœru léseras , Calopte- nus italiens, Stenobothrus bieolor , Sphinyonotus cœrulans, Epacromia strepens , une simple lésion pratiquée sur le ganglion mésothoracique ou métathoracique avec une épingle fine, permet de provoquer rimmobilisatwon par renversement simple, ce qui était impossible auparavant. La lésion produite, peu marquée au point de vue moteur, se traduit quelquefois par l'attitude de la patte correspondante, qui reste en demi-llexion pendant l'immo¬ bilisation, tandis que l'autre fléchit complètement. L'effet de la lésion persiste : j’ai pu le constater le lendemain sur les ani¬ maux nourris en captivité. La piqûre du ganglion prothoracique entraîne le même résultat. Ainsi, la lésion très légère d'un seul ganglion thoracique accentue d'une façon marquée l’effet des excitations immobili¬ santes ; même, elle rend cet effet visible chez des Insectes qui paraissent insensibles à ces excitations. La lésion entraîne, évi¬ demment, une anesthésie locale sur une zone plus ou moins éten¬ due, ou peut-être, pour une zone donnée, l’anesthésie de certaines terminaisons ; par suite, la surface excitable diminue. Dès lors, on s’explique, en particulier, la transformation de l'effet produit sur l'antenne (ï O ci pus olens , dont la pression provoque une E. RABAUD contraction violente et non durable avant piqûre du ganglion, tandis qu elle provoque une contraction durable après piqûre. On peut concevoir que l’antenne renferme des terminaisons enchevêtrées appartenant à deux catégories distinctes, les unes aboutissant à des centres d’arrêt, à des cellules ganglionnaires qui maintiennent et prolongent l’excitation, les autres aboutis¬ sant à des cellules qui fonctionnent d'une manière opposée. Dans l’état d’intégrité du système nerveux, ce sont ces dernières qui 1’emportent quand une pince serre l’antenne. On objectera, sans doute, que toute piqûre aboutit au même résultat et qu’il serait surprenant que, chaque fois, ce soient les cellules mobi¬ lisantes qui soient touchées. Cette objection s'est présentée à moi ; j’y réponds, provisoirement, en admettant que les centres toniques n'appartiennent pas à la chaîne ventrale, mais vraisem- blement, à une autre partie du système nerveux des Arthro¬ podes. La lésion du ganglion se répercute plus ou moins sur cette partie. Cette interprétation repose dans son ensemble, non seulement sur le fait expérimental direct, mais aussi sur l’effet des excita¬ tions des antennes des Criocères : la friction et la pression pro¬ duisent des résultats contraires. Peut-être faut-il comprendre le phénomène tout autrement et penser que les mêmes terminai¬ sons se comportent différemment suivant qu’elles reçoivent une excitation faible ou forte, auquel cas la lésion aurait pour effet de diminuer l’intensité de l’excitation. Toutefois, l'hypothèse de centres distincts est un fait chez les Vertébrés, les centres toni¬ ques appartenant au système sympathique. Quoi qu'il en soit de ces explications, qui appellent des recher¬ ches précises au moyen d’une instrumentation appropriée, les données expérimentales que je viens de mettre en évidence per¬ mettent d’affirmer que les phénomènes d’immobilisation et de mobilisation ne sont pas sous la dépendance exclusive d’un seul et unique ganglion. Ils dépendent du système nerveux dans son ensemble, de son excitabilité, de ses relations avec l’exté¬ rieur. Une modification, si faible soit elle, apportée en un point quelconque de ce système, entraîne une variation de l’excitabilité, en même temps qu'elle change l’étendue des rela¬ tions avec l’extérieur. Aucun ganglion ne renferme en lui-même l’immobilisation réflexe des arthropodes 123 un pouvoir spécial sur le reste de l'organisme; tous tiennent leur activité de leur interaction les uns avec les autres et avec le milieu, tous influent plus ou moins sur l’individu entier. Chacun d’eux, sans doute, exerce une action locale et qui semble auto¬ nome, comme le montrent les expériences classiques consistant à séparer les divers segments d'une Guêpe, mais son action ne s’étend pas moins sur tous les autres, de même qu’elle dépend d’eux dans une mesure appréciable. Si, par exemple, je détruis le 2e ganglion thoracique d’un Acridien (Sphingonotus cœrulans ) je ne change rien, en appa¬ rence, aux mouvements que commandent les autres ganglions. Je remarque, cependant, que l'excitation des tarses antérieurs provoque un mouvement des mandibules sensiblement plus ample qu avant l’opération, tandis que l'excitation des tarses postérieurs ne provoque plus la détente du saut, bien que ce membre ne soit, en aucune façon, paralysé. La friction de l'ab¬ domen cesse, elle aussi, de provoquer la détente du saut (1), et provoque simplement une agitation marquée des pattes posté¬ rieures. Ainsi, les ganglions céphaliques, prothoraciques et métathoraciques ne fonctionnent pas, en l’absence du ganglion mésothoracique, comme ils fonctionnaient auparavant : les nerfs de chacun d'eux ont une distribution locale bien déterminée, une excitabilité propre qu'ils ne peuvent pas ne pas avoir, et ce que nous appelons autonomie n’est autre chose que la mise en jeu de réflexes à trajet court. Les mouvements d’ensemble, la coordination de ces réflexes, sont liés à l’action que ces ganglions exercent les uns sur les autres. Le ganglion céphalique n'a pas, à ce point de vue, plus d'importance que les autres ; seulement, sa présence entraîne l’arrivée constante d’excitations qui viennent par les yeux, par les antennes, par le reste des téguments, et jouent, suivant les animaux, un rôle plus ou moins prépondérant. Ge ganglion n’intervient pas en tant que centre psychique ou spé¬ cifiquement régulateur; les effets de la destruction de l’un quelconque des ganglions thoraciques en fournissent, je crois, la preuve indiscutable. J en pourrais, au besoin, fournir une autre preuve et qui mon¬ trerait, par surcroît, qu’une identité anatomique n’entraîne pas une « C) Etienne Ràbaud. Sur quelques réflexes des Orthoptères acridiens. C. li. Sor. biol. 1915. 124 E. RABAUD identité physiologique. Des vues de pure morphologie condui¬ sent à admettre que les divers segments des Myriapodes, le segment céphalique exclu, possèdent exactement la même valeur. Or, l’excitation des segments antérieurs et celle des seg¬ ments postérieurs sont nettement antagonistes, et l'antagonisme va décroissant à mesure que l’on s’écarte des segments extrêmes pour se rapprocher des segments moyens. Cet antagonisme per¬ siste après décapitation; il ne dépend donc pas d'une influence directe que le ganglion cérébroïde exercerait sur les autres. En fait, chaque paire ganglionnaire a ses propriétés particulières qui s’exercent dans un ensemble ; toutes réunies forment un sys¬ tème nerveux dont le fonctionnement résulte de l'interaction générale des diverses paires. Lorsque l'une quelconque d'entre elles disparaît, le fonctionnement change et nous venons de voir que l’immobilisation devient plus facile, plus difficile, plus dura¬ ble ou plus brève suivant le cas. L’effet n’est pas lié à un ganglion pris en lui-même, mais à un ganglion uni à un certain nombre d’autres. Les ganglions homologues, chez des animaux diffé¬ rents, n’ont pas nécessairement la même valeur. Suivant qu ils correspondent à des zones capables de recueillir un grand nombre ou un petit nombre d’excitations, leur suppression produit un effet plus ou moins considérable. Le cerveau acquiert une importance en fonction de la surface des yeux; et il en est ainsi pour les autres ganglions relativement à la surface tégumentaire avec laquelle ils sont en relation. En outre, il faut tenir compte du degré de sensibilité de chaque organisme aux diverses excitations. La lumière, pour continuer le même exemple, n’agit pas sur tous de la même manière. Le fait général réside donc dans le fonctionnement d’ensemble et la subordination réciproque des diverses parties du système nerveux. 3. ^'immobilisation réflexe et le sommeil X. \ Gomme conséquence de l’ensemble des données que nous- venons d’acquérir, nous sommes conduits à examiner les rap¬ ports de l’immobilisation réflexe avec le sommeil des Arthro¬ podes. J’y ai précédemment fait allusion en recherchant la l'immobilisation réflexe des arthropodes m nature de l’immobilisation réflexe ; nous pouvons conclure en ce qui le concerne, maintenant que nous possédons des renseigne¬ ments circonstanciés de divers ordres. Ainsi que l’a très justement fait remarquer II. Piéron, (’) l’atti¬ tude du sommeil, chez les Arthropodes, n’est pas toujours une attitude de repos. Bien au contraire, cette attitude exige une véritable contraction longuement prolongée. J. -H. Parue décrit une Ammophila hoiosericea fixée par les mandibules, redressée et rigide, à une tige de Lavande, l'axe du corps perpendiculaire au support, les pattes repliées. J'ai souvent observé des Ammophila heyc/eni dans une situation analogue, fortement accrochées par¬ les mandibules à une tige quelconque, les pattes pendantes, groupées en faisceau, et l'abdomen fortement relevé. De même, on rencontre souvent des Cælioxys également fixés par les man¬ dibules, la tète en bas, les membres repliés sur le corps. La posi¬ tion de Celonites cibbreviatus en état de sommeil est plus étonnante encore : il ne s’accroche au support ni avec ses man¬ dibules ni aA^ec ses pattes, mais il le serre fortement entre le prosternum et la bouche d'une part, l’abdomen de l'autre, les pattes antérieures reposant sur le support et les ailes glissées sous l’abdomen. Réveillé, il se redresse le long de la tige, mais ne tarde pas à reprendre la même attitude et la reprend indéfini¬ ment chaque fois qu’il a été dérangé ; elle lui est donc bien habituelle. Ces attitudes, et l'on en pourrait signaler d’autres, semblent exiger un effort prolongé, mais qui n'entraîne pas la fatigue, sans quoi il ne durerait pas. En tout cas, l'animal fixé au support s’y cramponne solidement; on peut couper la tige, la transporter à d’assez grandes distances, sans faire lâcher prise. Très souvent, ces attitudes de sommeil sont très sensiblement les mêmes que celles de l’immobilisation. Celonites abbrematus et les My riapodes s'enroulent en boule dans les deux cas; il n’v a pas néanmoins un rapport nécessaire entre les deux. Ainsi, Stilbum splendidum endormi est fixé à une tige quelconque, accroché par les pattes, l’abdomen allongé à peine infléchi sur le thorax; attitude qui ne ressemble nullement à la llexion forcée de l’état d’immobilisation. Beaucoup d’autres Arthropodes i1) Henri Piéron. Le problème physiologique du sommeil. Paris, Masson, 191i\ 126 E. RABAUD dorment en reposant sur leurs pattes, tels Bacillus gallicus ou Carausius morosu.s, parmi ceux qui nous intéressent directement. L’attitude ne permet donc pas à elle seule d'établir une rela¬ tion quelconque entre le sommeil et l’immobilisation, et l’on pourrait penser que la ressemblance qui existe parfois, à ce point de vue, entre les deux états, résulte d'une pure coïncidence. Mais en poussant l’analyse, on trouve un trait de ressemblance qui conduit à les rapprocher : F animal endormi est toujours plus facilement immobilisable que F animal éveillé ; je lai constaté d'une façon indiscutable pour C. morosus , Nepa cinerea , S. splendidum. Gardons-nous, pourtant, de conclure qu'il y a identité entre les deux états ; l’animal endormi reste générale¬ ment excitable par toute la surface de son corps. En prenant avec précaution un C. morosus endormi, on le réveille; il s'agite, et se met en marche dès qu’on le lâche ; en le saisissant, au contraire, un peu brusquement, ses membres se replient tout le long du corps et il devient immobile. Nepa cinerea : et Stilbum splendidum se comportent de la même manière. Sommeil et immobilisation ne se confondent donc pas dans ces cas. Parfois, cependant, aucune distinction n’est vraiment possible. Un Cælioxys , une Ammophile endormis ne diffèrent guère d’un Insecte immobilisé ; leur sensibilité est très émoussée, des secousses légères, mais très prononcées ne les font pas sortir de leur état. Schizophyllum mediterraneum est aussi très compa¬ rable à lui-même dans le sommeil et l’immobilisation. Enfin, j'ai vu s’endormir sous mes yeux un C/y tus variegatus enfermé dans un tube; il devenait immobile et n’adhérait plus que faiblement à la paroi du verre, je pouvais alors faire tomber le Coléoptère sur le dos les pattes étendues, le saisir avec une pince et le transporter sans qu'il bouge. Une fois éveillé, je ne pouvais l’immobiliser, sinon d’une façon passagère, mais il reprenait le sommeil peu après mes essais infructueux. Cette reprise ne se confondait pas, néanmoins, avec une « autocatalepsie ». A coup sûr, sommeil physiologique et immobilisation provo¬ quée sont deux états très voisins, quant à l’une de leurs manifes¬ tations tout au moins; l’un et l’autre comportent une hypertoni- cité musculaire, beaucoup plus marquée dans le second que dans le premier; à ce point de vue, toutes les transitions existent certainement entre les deux. Le plus souvent, l’animal endormi T/lMMOBILISATrON RÉFLEXE DES ARTHROPODES 127 conserve avec son substrat un contact plus ou moins intime, de sorte que l’excitation motrice qui vient des tarses persiste. Elle ne persiste pas intégralement, car l’adhérence est nettement moins forte ; elle persiste suffisamment toutefois pour maintenir un cer¬ tain état d activité, qui se traduit surtout par la persistance de la sensibilité générale, émoussée sans doute, mais non abolie. Lorsque l’Arthropode abandonne tout contact des tarses avec le substrat, même s’il demeure fixé par une partie de son corps, comme 1 Ammophile ou Cælioxt/s, les rapports entre le sommeil et l’immobilisation deviennent forcément plus étroits, car i’hyper- tonicité qui existe dans le premier se rapproche de celle qui existe dans la seconde ; peut-être même le sommeil touche-t-il de très près à l’immobilisation qui résulte du décollement des tarses. En toutes circonstances, cependant, une différence demeure et qui n’est pas négligeable : le sommeil apparaît « spontané¬ ment », l'immobilisation est toujours un état provoqué. La « spontanéité » du sommeil n’est évidemment qu’une apparence; elle dérive des modifications périodiques qui se produisent dans le milieu et de celles que le fonctionnement des organes déter¬ mine dans l’organisme lui-même. Les excitations extérieures changent constamment au cours de la journée; en particulier l’éclairement et la température se modifient, l’intensité des exci¬ tations lumineuses et thermiques diminue; les animaux eurv- photes et eurythermes perdent, dès lors, une partie de leurs excitations motrices. D’autres excitations s’atténuent ou changent de forme et, finalement, l’animal s’arrête, devient immobile, partiellement insensible. Sur les détails du phénomène, nous ne possédons aucun ren¬ seignement ; c est tout le problème du sommeil qui se présente et que nous n’essaierons pas de résoudre. Par analogie, nous pouvons penser que les accumulations de substances toxiques, dont H. PiÉROiN (‘) a montré l’existence chez les Mammifères, jouent un rôle déterminant et provoquent un certain degré d’hypertonicité. Le fonctionnement des organes aboutit vraisem¬ blablement à ce résultat. Je me garderai de conclure que le sommeil se réduit, comme l’immobilisation, à un processus de C) Op. cil., 1912. 128 R. RABAUD contracture durable ; le sommeil renferme peut-être d'autres éléments qui nous échappent. Dans l’état actuel de nos connais¬ sances, nous devons nous borner à constater une ressemblance très grande entre les deux états ; une simple différence de degré semble, seule, les séparer : la contracture de l'Arthropode endormi, qui garde contact avec son substrat par ses tarses, est certainement moins forte que la contracture de celui qui a perdu tout contact de ce genre. C’est là que se trouve la démarcation entre le sommeil et l’immobilisation, sous les réserves que nous venons d'indiquer. Chapitre VII SIGNIFICATION BIOLOGIQUE DE L’IMMOBILISATION Au point de vue qui nous occupe, nous devons simplement retenir que l’immobilisation réflexe est un cas particulier, une simple exagération, du tonus musculaire normal. Tel est le fait essentiel qui ressort avec une parfaite évidence de tout ce qui précède. Mais ce fait doit être replacé dans l’enchaînement des phénomènes. Comment l’interpréter? 1. La théorie du réflexe-instinct La théorie de la a simulation de la mort », d’où nous sommes partis, a pris naissance du fait que l’hypertonicité se produit avec une assez grande facilité dans certains cas. Sans doute, l'existence du réflexe immobilisant chez la très grande généralité des Arthro¬ podes ne donne pas à cette théorie une très grande vraisemblance. Néanmoins, il se pourrait, que l’immobilisation ait, parfois, la signification que les naturalistes lui attribuent. C’est ce qu'il importe d’examiner. L’immobilisation se produisant dans certaines circonstances donne-t-elle prise à la sélection? A-t-elle servi de base à la forma- l'immobilisation réflexe DES ARTHROPODES 129 tion d’un « instinct » qui pousse les animaux à rester immobiles ou à prendre l’aspect d’un cadavre en présence d’ennemis, de façon à ne pas attirer leur attention? Telle est l’hypothèse initiale de Darwin adoptée par Romanes. Sauf J. -II. Fabre, bien servi, pour une fois, par son opposition systématique au transformisme, la plupart des auteurs voient dans cette immobilité une attitude protectrice. File le serait, du reste, par des moyens différents suivant les espèces. Coccinrl/a 7-piinctata protégerait ses pattes en les repliant et les abritant sous les élytres ; les Dermestes diminueraient la surface de prise ('). D’autres ajouteraient à 1 immobilité un mimétisme morphologique qui accentuerait la protection, telle Hispa testacea immobile sur les feuilles de Cistes et ressemblant à une graine hérissée, ou Carausius moro- sus se conJondant par sa lorme et sa coloration avec les branches des plantes sur lesquelles il vit. P. Schmidt partage, pour ce Phasme, l’opinion de Piéron (2), C. morosus serait mimétique à 1 extième et la Katalepsie traduirait une « adaptation spécifique des muscles et du système nerveux à ce but », en ménageant la dépense d’énergie et en supprimant les réflexes. Naturellement, la conception s’étend à tous les cas imagi¬ nables, car, dans tous, il sera toujours possible d’imaginer les raisons qui donnent à l’immobilité un rôle protecteur. On aper¬ çoit d ailleurs fort bien que si la genèse des phénomènes est bien celle qu indique Romanes, les animaux à mouvements lents et se déplaçant peu seront particulièrement favorisés par la sélec¬ tion. Que vaut cette interprétation? L immobilisation réflexe pro¬ cure-t-elle aux animaux un avantage véritable ? Nous possédons, je crois, tous les éléments nécessaires pour en décider. Tout d’abord, appellerons-nous « instinct » le fait, pour un animal, de devenir immobile sous 1 influence dune excitation périphérique quelconque? 11 ne s agit que de s entendre et d’admettre que tout réflexe rentre dans le cadre de l’instinct. Ce n est pas cela, toutefois, que veulent dire les auteurs quand ils (*) H. Piéron. Op. cit., 1908. (2) H. Piéron. Op. cit., 1910. 9 130 E. R AB AUD nomment « instinct » l’immobilité « protectrice ». Implicitement ou non, ils conçoivent un mouvement dans la production duquel interviennent des influences sensorielles. L'attitude dépendrait, non d’excitations portant sur certaines zones périphériques, mais d’excitations quelconques, capables de créer un « danger » pour les animaux. Ceux-ci, suivant L. Cuénot (1), reprendraient leur activité « lorsqu’ils croient le danger disparu ». L’idée est exprimée sans détours; certains auteurs ne seraient môme pas éloignés d’admettre, dans cet instinct, un certain degré de volition. Or, j’ai suffisamment montré que l’animal ne prend aucune part active dans l’acte réflexe ; il le subit, tout à fait incapable de lui faire obstacle ou d’y contribuer. Donnons donc à ce réflexe le nom qui nous plaira; appelons-le « instinct», terme suffisam¬ ment imprécis pour s’appliquer à tout, mais sachons bien que cet instinct est un réflexe sensiti*vo-moteur pur. Du même coup, la question de savoir si l’immobilisation est un acte volontaire reçoit une réponse péremptoire. Même si l’on évite d’envisager les états de conscience, inaccessibles à notre recherche, nous ne trouvons ici aucun élément psychique, puisque le réflexe se produit en l’absence des ganglions céphaliques et en dehors de toute excitation sensorielle. Il ne reste plus alors qu’à examiner si le réflexe comporte un certain degré d’utilité pour les Arthropodes. L’immobilité aurait persisté et se serait développée en partant d’animaux à démarche peu rapide, n’ayant, par là même, qu’une tendance peu marquée à fuir en cas d’attaque. Si cette conception est vraie, les animaux lents doivent être plus facilement immo¬ bilisables. Or, tel n’est pas le cas. Sans doute, les Phasmes ne font, au cours d’une journée, que des déplacements insignifiants. Même, quand ils marchent, leurs mouvements restent relativement lents. Toutefois, ils ne représentent pas le cas général, et il est aisé de montrer que la lenteur physiologique n’a aucun rapport nécessaire avec la possi¬ bilité d’immobilisation. Ce rapport existerait si tous les Arthropo¬ des lents s’immobilisaient et de la même manière, car on serait (‘) L. Cuénot. Op. cit . L 'IMMOBILISATION réflexe des arthropodes 13 f en droit de penser que tous les réfractaires à l’immobilisation ont disparu, leur lenteur, jointe à la persistance des mouve¬ ments, les ayant mis à la merci de leurs ennemis. Mais il n’en est rien. Les Zygènes, Papillons au vol lourd, qui stationnent indéfiniment sur les fleurs, se déplaçant peu, ne sont immobili¬ sables que pour une très courte durée, d’autant plus courte que la température extérieure et l’éclairement sont plus intenses. Timarcha nigro-violacea , Coléoptère lent et lourd, semble réfrac¬ taire à 1 immobilisation durable. Placé sur le dos et serré entre les mors d’une pince, ou pris entre les doigts, il ne cesse de se mouvoir que pendant l’excitation. Inversement, d’une part, des Insectes capables de demeurer longtemps immobiles ne tombent pas inertes au moindre choc. Mantis religiosa , par exemple, fait des stations prolongées à la même place et parait insensible à tout ce qui l’entoure; mais un mouvement du feuillage, un déplacement de l air, loin de provoquer 1 hypertonicité, déter¬ minent sa mise en marche; on ne l’immobilise, nous l’avons vu, qu'en la couchant au préalable sur le dos, puis en exerçant une pression sur le sternum. — D’autre part, des Insectes particuliè¬ rement actifs, comme Stilbum splendidum ou les Criocères, sont facilement et constamment immobilisables. Peut-être, d ailleurs, pourrait-on se demander si une grande activité ne serait pas la condition la meilleure pour rendre effi¬ cace 1 immobilisation. En effet, si 1 animal qui récupère ses mouvements ne se redresse qu'avec lenteur, il aura plus de chances de retomber sous les coups de ses ennemis que s’il se redresse et s’éloigne vivement. Cela encore ne correspond pas aux faits : les Larinus , rendus à l’activité dans certaines condi¬ tions, se retournent et se mettent en marche à une allure telle¬ ment lente qu’elle ne servirait nullement de sauvegarde à l’animal. Pour ces diverses raisons, on n'aperçoit guère comment* la sélection aurait une prise utile sur des manifestations aussi dis¬ parates, le point d’appui — c’est-à-dire la lenteur d’allure — fai¬ sant souvent défaut. L attitude, au moins, créerait-elle un avantage véritable qui puisse protéger efficacement l’animal et devenir ainsi le point de départ dune sélection? A ne voir que quelques cas isolés, on 132 E. RABAUD pencherait volontiers àpenser que l’Insecte, enappliquantles mem¬ bres contre son corps, réduit au minimum la surface de prise et se protège, du même coup, contre un prédateur. Mais en observant de nombreux individus, ou le même individu au cours de ses immobilisations successives, on aperçoit qu'ils ne prennent pas toujours l’attitude « protectrice ». Celle-ci dépend de l'intensité de l'excitation, ou de son point d’application. Chrysomela cerealis , par exemple, n'a-t-elle pas souvent une attitude recroquevillée, telle que les pattes font saillie en avant de l’abdomen? Les Lar irais ne prennent-ils pas deux attitudes différentes et telles, toutes deux, que les membres sont écartés du corps, s’offrant, pour ainsi dire, à la prise, recroquevillés en avant du sternum dans un cas, placés en extension complète et dépassant largement le thorax à droite et à gauche dans un autre ? On pourrait objecter, néanmoins, que certaines attitudes sont protectrices pour d’autres raisons. Stilbum splendidum , Glomeris guttata , qui se roulent en boule, ont une carapace chitineuse si épaisse, qu’une fois immobilisés ils défient toute attaque. Cela serait vrai si l'attitude mettait hors d'atteinte les parties sen¬ sibles de l'animal, si le réflexe antagoniste n’existait pas. Mais S. splendidum laisse ses ailes en dehors et G. guttata toute la surface de ses segments terminaux. D'autres Arthropodes donnent prise par leur surface abdominale qu’il suffit de toucher, même légèrement, pour entraîner la reprise des mouvements. Le cas de S. splendidum en particulier et, plus généralement, celui des Chrysides, mérite de nous arrêter. Lepeletier de Saint Far- geau (*) rapporte qu’un Hedychrum pondait dans un nid de Mega - chile muraria lorsque celui-ci survint; il se précipite sur le Chryside qui se roule en boule au premier choc ; le Mégachile mord, sans résultat, la carapace glissante et, finalement, coupe les ailes de l’Hédychre au ras du thorax, puis le rejette au bas du mur. La « protection » offerte par la cuirasse n'a donc pas empêché une mutilation ; celle-ci, à son tour, n’a pas empêché le Chryside de pondre un œuf dans le nid du Mégachile : le Chry¬ side privé d'ailes, remontant le long du mur, revient, en effet, à son point de départ. Une défense active aurait abouti au même résultat, évitant peut-être même la perte des ailes qui restreint (*) Aug. Brullé. Histoire naturelle des Insectes Hyménoptères, par A. Lepele- tier de Saint Fargeau, t IV, 1846. l’immobilisation réflexe des arthropodes 133 les facilités de déplacements. La défense active aurait, à tout prendre, mieux valu, car la résistance des téguments ne procure pas une « protection » suffisante, car la cuirasse de l'animal roulé en boule n’est pas sans défauts. L’extrémité abdominale du Stilbam spleniidum immobilisé dépasse la tète repliée, de sorte que les sternites abdominaux minces, peu résistants, cons¬ tituent un point faible pour les mandibules d'un ennemi. Par suite, le Chryside replié sur lui-même n'est pas mieux défendu que le Chryside en extension. Dans l’une et l’autre attitude les téguments sont également résistants, la surface abdominale et les ailes ne sont pas moins accessibles. De même, un Glomeris demeurant fixé par ses tarses, et le rebord de ses segments dor¬ saux appliqués sur le sol, n’offrirait pas moins une surface glis¬ sante et résistante. L’attitude de l’immobilisation ne procure donc aucun avantage vrai. Elle ne met même pas l’individu à l'abri des mutilations graves. Outre les ailes, elles portent fréquemment, chez les Chry- sides, sur d'autres organes. R. du Buysson (’) signale que l’on rencontre souvent des individus ayant perdu leurs antennes ou des pattes. Cela vient sûrement du fait que ces Insectes abandon¬ nent irrésistiblement l’attitude d’immobilisation quand les man¬ dibules de leurs antagonistes touchent les zones dynamogènes. R. du Bu ysson raconte, par exemple, qu’un Megachile cirgentata emportait une Chrysis cyaniventris Ab. roulée en boule. « Celle-ci se sentant entraînée au dehors se déroule en se débat¬ tant ». Les sensations des Chrysis ne leur permettent peut-être pas des réflexions si profondes, mais il n'est pas douteux que le Megachile, en exerçant une pression ici ou là, a déterminé la reprise de l'activité: le parasite cesse donc de « simuler la mort » au moment où cette attitude lui serait encore fort utile. Persis¬ terait-elle, du reste, qu'elle ne serait guère plus efficace. La protection résulterait-elle alors de l’immobilité même, capa¬ ble de dérouter un prédateur, soit en rendant la victime invisible, soit en lui donnant quelque ressemblance avec un cadavre? L’une ou l'autre hypothèse implique que la vue seule entre en jeu quand un animal quelconque en poursuit un autre. Bien (’) R. nu Buysson. Los Clirysides. T. IV du Species des Hyménoptères d' Europe et d'Algérie. Gray, 1891. . 134 E. RABAUD n'est moins sur. Certainement, divers animaux discernent un objet mouvant mieux qu’un objet immobile; niais tous ne se comportent pas de la même manière et, très probablement, l’odo¬ rat, d'autres sens peut-être, interviennent efficacement. Or, immo¬ bile ou non, un Arthropode vivant ne saurait être confondu avec un cadavre. Rien ne prouve, au surplus, qu'une proie morte rebute nécessairement un prédateur quelconque. Au contraire, les faits connus prouvent que limmobilité ni la mort ne chan¬ gent rien aux événements. Sous mes yeux, un Pompile poursuit une Araignée ; celle-ci fuit à toute allure. Le Pompile la rejoint et la saisit. Alors se produit une bousculade violente et rapide, dont je n'ai pu suivre tous les détails en raison de sa rapidité même ; elle se termine bientôt, l'Hyménoptère lâchant prise sans avoir donné aucun coup d'aiguillon, sans doute, refoulé par une volte-face soudaine de l'Araignée. Celle-ci, néanmoins, a subi un choc assez rude, elle reste sur le dos, les pattes ramenées vers le corps, parfaitement immobilisée. Cette attitude et cette immobilité vont-elle lui servir, la mettre à l'abri d’une nouvelle attaque ? En aucune façon. Le Pompile revient bientôt et, nulle¬ ment trompé par l'aspect de sa proie, se précipite sur elle. A cet instant même, l'Araignée recouvre son activité, mais il est trop tard : le Pompile la saisit, la pique et la repique, puis l'emporte. Ferto.n rapporte une observation très analogue. Une Araignée poursuivie par un Pompile tombe, elle est rejointe et « attend immobile, les pattes repliées sous le corps, le coup d'aiguillon qui la paralyse ».Fertoi\ admet qu’une « peur instinctive » empê¬ chait l’Araignée d’utiliser « ses moyens de défense ». Il est trop évident qu elle était immobilisée par la contracture de ses mem¬ bres et parfaitement incapable de mouvement (J). Singulier moyen de défense que celui qui laisse au prédateur le temps de revenir. Sans l'immobilisation, en effet, les Araignées se seraient éloignées, et le moindre déplacement suffit, on le sait, pour égarer complètement un Pompile. Remarquons, en outre, que celui-ci pond généralement sur des Araignées vivantes ; les faits prouvent que l'attitude ne transforme pas, pour lHy- ménoptère, une Araignée vivante en une morte. Et d ailleurs, n'y a-t-il pas quelque exagération à prétendre (q Ch.FERTON. Notes pour servir à l'histoire de l'instinct des Pompilides. Actes Soc. Un. Bordeaux, t. XLIV, 1891. l’immobilisation réflexe des arthropodes 135 que les animaux qui se nourrissent de proies vivantes sont rebu¬ tés par une proie morte? Une observation de P. Marchal (') prouve que les prédateurs ne font pas toujours la différence. Lygellus epilachnœ Giard, parasite à'E/nlachna argus , pond par¬ fois dans des dépouilles larvaires absolument vides. Ces dépouil¬ les conservent donc tout ou partie des qualités qui attirent le parasite, en dépit du changement marqué que subissent la forme et la consistance. Dans le régime de proies vivantes entre certainement plus, sinon même autre chose, que l'état de la chair à dévorer. Ainsi, Mantis religiosa ne se nourrit jamais d’insectes morts ; cela tient surtout à ce qu’elle stationne sur les plantes et saisit exclusivement les animaux qui passent à sa portée. Elle les suit des yeux pendant un certain temps, puis lance ses pattes ravisseuses, sans se déplacer si la victime se rap¬ proche suffisamment, allant vers elle si celle-ci s’arrête et reste immobile à trop grande distance. La victime capturée, la Mante l’entame aussitôt, sans jamais ramasser les morceaux qui tombent; elle abandonne, comme je l’ai vu, jusqu’à l’abdomen entier d’un Stenobothrus. Mais si je lui présente cet abdomen au bout d’une pince, elle le prend et le dévore. En quoi, du reste, cet abdomen d’un Criquet qui vient à peine de mourir diffère-t-il de celui d’un Criquet vivant ? Ses tissus vivent encore, aucun changement appréciable n’a eu le temps de se produire. Se pro¬ duirait-il, qu’il ne rebuterait pas la Mante ; celle ci se nourrit à l’occasion de chair depuis longtemps morte, et Wattebled (2) a pu en élever avec des morceaux de viande crue de bœuf ou de mouton. La Mante n’est donc pas repoussée par le cadavre, ni « trompée » par l’immobilité. Tout Insecte qui tombe à sa por¬ tée est capturé, même s’il cesse de bouger, comme je l’ai constaté à diverses reprises. Et l’on peut affirmer que nombre de prédateurs se compor¬ tent de même, en particulier les Araignées qui « attendent » sur une fleur le passage d’une victime éventuelle. .1 ai offert une Mouche fraîchement tuée à Thomisus onustus, qui l'a saisie et sucée sans hésitation ; j'ai vu des individus de la même espèce (*) l*. Marchal. Sur le Lygellus epilachnœ Giard (parasitisme; erreur de l’ins¬ tinct ; évolution) Bul. Soc. eut. Fr. 1897. (*) Wattebled. Sur le régime alimentaire (le la Mantis religiosa en captivité. Feuille des jeunes naturalistes, t. XIV, 1884. I 136 E. RABAUD se précipiter sur une Mouche morte depuis plusieurs jours et desséchée. L’immobilité, par elle-même, ne semble pas d’une grande efficacité. « Concourrait-elle, alors, à protéger l’Arthropode en s'ajoutant à d’autres conditions, par exemple à une ressemblance miméti¬ que parfaite quant à la forme et la coloration ? Les Phasmes, à ce point de vue, constituent un excellent sujet d’études. Avec juste raison, leur immobilité est donnée comme complétant leur ressemblance avec les rameaux sur lesquels ils vivent. Et, sans conteste, Bacillus gailicus aussi bien que Carausius morosus immobiles dans un feuillage échappent aisément à l’œil humain. Comme ils passent la plus grande partie de la journée sans bouger, leur cas paraît péremp¬ toire, quant à l’utilité de la « simulation de la mort ». Ne nous hâtons pas, pourtant, de souscrire aux conclusions classiques. Si, lorsque toutes les conditions se trouvent réunies, B . gailicus se confond avec son milieu, encore faut-il qu elles soient réunies. Or, Tune d’elles, l’identité de coloration, fait assez sou¬ vent défaut. La teinte de B. gailicus varie du vert au brun et, fréquemment, un individu vert stationne sur un fond brunâtre ou rougeâtre, tandis qu’un individu brun stationne sur un fond vert. Même, les individus verts stationnant sur fond vert ne sont pas, pour cela, homochromes. J’ai souvent observé B. gailicus sur des feuilles de Bubus dont la face supérieure est d’une nuance plus foncée que le corps du Phasme, tandis que la face infé¬ rieure est plus claire et d’une teinte assez différente; j’en ai éga¬ lement observé sur des touffes de Dorycnium suf fruiicosum , plante à feuillage d’un vert bleuté, sur lequel le vert franc du Bacille tranche vivement. Ces faits ont leur valeur. Mais la question se présente encore sous un autre aspect. A supposer que l’homochromie soit tou¬ jours parfaite et dissimule la victime aux yeux de ses agresseurs habituels, l’immobilisation n’en serait que plus inutile ; elle pourrait même passer pour franchement nuisible. Nous avons établi, en effet, une distinction formelle entre l’immobilité sim- d’un côté et l’immobilisation de l’autre. Cette distinction s’im¬ pose tout particulièrement chez les Phasmes. Simplement immo- l’immobilisation réflexe des arthropodes 437 biles, ils conservent toute leur activité; ils se tiennent accrochés aux feuilles et restent sensibles aux excitations extérieures; immobilisés, ils perdent contact avec le feuillage et gisent, sou¬ vent, les membres en l’air. En un mot, pour employer le langage courant, ils perdent les moyens de fuir et perdent, en consé¬ quence, la majeure partie des avantages que l'immobilité simple pouvait leur procurer, sans en acquérir aucun, puisque l'état de contraction, leur enlève la possibilité de se déplacer au moment opportun. L immobilité simple offrirait peut-être, au contraire, quelque utilité. A cet égard, Hispa testacea , observé par Piéron, correspon¬ drait mieux à la conception de l'immobilité protectrice, puisque ce Coléoptère, lixé sur les feuilles de Ciste, demeure im¬ mobile tout en conservant intégralement son activité poten¬ tielle. Mais alors le problème ne serait plus celui que nous examinons ici ; il n’y toucherait que par la question du mi¬ métisme et nous devrions rechercher dans quelle mesure l’aspect qui trompe l'œil humain trompe également l’œil de tous les autres animaux. Sans y insister, nous ne pouvons négliger entièrement ici ce point de vue, cari attitude du Phasme ou de tout autre Arthropode immobilisé coïncide, parfois, avec une attitude vraiment physio¬ logique. De plus, 1 immobilisation donne à divers Arthropodes une ressemblance marquée avec un objet déterminé, j’ai montré ailleurs (’) que la perception des couleurs et des formes n'est pas la même pour tous les animaux. Les expériences de Judd (-) celles de Hess le prouvent sans discussion et prouvent, en même temps, que l’Oiseau discerne clairement ce que l'Homme n’ap- perçoit pas. L’observation de Foucher ajoute encore à ces preu¬ ves, dans le cas particulier de Carausius morosus. Ce conscien¬ cieux éleveur d’Orthoptères avait cru faciliter sa besogne et améliorer, peut-être, les conditions des élevages en laissant de nombreux C. morosus vivre en liberté dans du Lierre tapissant un mur : mais au bout de quelques semaines, en dépit de 1 i ni- C) Etienne Rabaud : a) Qu’est-ce que le mimétisme? Hernie du Mois, 1912; b) La vie et la mort des espèces. Scieritia, 1917. (*) S. -O. Judd. Tlie effieiency of some protective adaptations in securing insects from Birds. The Amer, nat., t. XXXIII. 1899. (3) Poucher G. Etudes biologiques sur quelques Orthoptères. But. Soc. nation, d'acclim. de France, 1916. 138 E. R AB AUD mobilité, de l’immobilisation, de la forme et de la couleur, les Moineaux avaient découvert et dévoré tous les Phasmes les uns après les autres. Les observations de A.-L. H errera Q) appuient encore dans le même sens. Thaptor oblongus en état d’immobilisation prend une attitude telle qu’il ressemble à une pupe de Diptère. Mais, ni l'immobilisation, ni l'attitude, ni la forme ne le mettent à l'abri des Poules, et Herrera constate que « las gallinas devoran lo mismo à los individuos de Thaptor oblongus que han fingido la muerte, que à los que de muevan como de costumbre. » En conséquence, lorsque l'immobilisation dure pendant un temps appréciable, qu’elle s’ajoute à d'autres conditions passant pour protectrices, l'examen critique des faits ne conduit pas à lui trouver un « avantage » réel ; elle est au moins inutile et ne saurait avoir donné prise à la sélection. Mais alors, quand l’immobilisation ne dure qu’un court instant, joue-t-elle mieux un rôle protecteur? Que sert à Celoni- tes abbreviatus une immobilisation qui ne survit pas à l'exci¬ tation dont elle procède, qui n’oblige même pas l’insecte à lâcher le support auquel il s’accroche, à moins qu'il ne subisse une très violente secousse ? Que sert aux Zygènes cette immobi¬ lisation fugitive, qui se traduit par un simple fléchissement des pattes avec une légère inclinaison sur le côté, non suivie de chute ni d’abandon du support ? A peine supprimée, l’activité reprend, et cette brève interruption n’oifre aucun avantage capable de concourir efficacement à la sauvegarde des indi¬ vidus. Mieux encore. Un nombre considérable d'Arthropodes n'est immobilisable que par des manœuvres appropriées. Or, ces manœuvres sont pratiquement irréalisables dans les conditions, spontanées, de sorte que le reflexe ne joue que tout à fait excep¬ tionnellement. Hormis les interventions expérimentales, les attouchements, les chocs ne font pas lâcher prise ; les animaux restent fixés à leur substrat, ou se déplacent simplement. Le réflexe demeure ainsi toujours potentiel, sans aboutir à la réali¬ sation. Nous plaçant alors au point de vue des « moyens de («) Alfonso L. Herrera. Medios de defensa en los animales Memorias y revista de La Societad Cientifica « Antonio Alzate », t. VI, 1893. I l’immobilisation réflexe des arthropodes 139 défense » maintenus et développés par sélection, le cas de tous ces Arthropodes devient assez difficile à comprendre. Quelles que soient les conditions de leur existence, ces conditions ne diffèrent pas sensiblement de celles dans lesquelles vivent les Arthropodes facilement immobilisables ; la conformation extérieure ne dilfère, par aucun trait essentiel, de celle des autres et l'on ne peut dire que ceux-ci possèdent un appareil protecteur que ne possèdent pas ceux-là. Pour s'en convaincre, il suffit d’évoquer le cas de deux espèces morphologiquement voisines, telles que Timarcha interstitialis et T. mgro-vio/acea La première est immobilisa¬ ble, la seconde ne l’est pas ; elles ne diffèrent, pourtant, que par des détails morphologiques insignifiants au point de vue qui nous occupe. Du reste, dans une même espèce, l'immobilisation est plus ou moins facile, plus ou moins durable, et il faudrait alors penser qu’elle joue ou non un rôle protecteur suivant les individus. Il semblerait, cependant, que si la possibilité d’être immobilisable constituait un avantage pour les uns, elle le constituerait également pour les autres. Par suite, si cette possi¬ bilité a permis ou facilité la persistance d’un organisme, comment les autres persistent-ils, puisqu’il leur manque un important « moyen de défense » ? Or, ces derniers ne sont ni plus rares ni plus décimés que les premiers. En fait, le réflexe détermine une contracture durable ici et ne la détermine pas là, sans que son « utilité » apparaisse ni dans un cas ni dans l’autre. La clé du phénomène se trouverait-elle alors dans l’hypothèse de \Vheeler(1) relative aux instincts rudimentaires? Chez tous les Arthropodes à immobilisation fugitive ne s’agirait-il pas, non d’un réflexe insuffisamment développé, mais d’un réflexe en voie de régression, — et ne devrait-on pas assimiler ces manifesta¬ tions « imparfaites » à un « vestigial instinct », dans le sens de Darwin. Soit; il faut alors expliquer la régression. L immobilité aurait-elle cessé d’être utile? sous quelle influence? Où se trouve l’avantage compensateur grâce auquel les espèces qui ont perdu ce « moyen de défense » échappent néanmoins à leurs ennemis ? Et surtout, comment se fait-il que 1 immobilité devienne inutile chez les uns et reste utile chez les autres, alors que les conditions (l) Wheeler. Vestigial instincts in Insects anrl other animais. Am. Journ of Psi/ ch., t. XIX, 1908. E. RABAUD 140 d'existence ne changent en aucune manière? Pour quelle raison, enfin, considèrerons-nous comme un vestige ces manifestations frustes, et pourquoi ne seraient-elles pas un début ? Rien ne nous autorise à conclure dans un sens plutôt que dans l'autre. Constamment, nous entrons dans un dilemme, et d’au¬ tant mieux que la comparaison ne s’établit pas uniquement entre espèces, mais aussi entre individus de la même espèce. Les dif¬ férences individuelles, souvent si marquées, montrent claire¬ ment que la sélection ne joue vraiment qu'un rôle effacé dans la circonstance, puisqu'elle n’a pas empêché des individus « mal défendus » de se reproduire et de faire souche de descendants. En réalité, la théorie des « moyens de défense » dirigeant la sélection et favorisant le développement d’un instinct « avan¬ tageux » ne rend pas compte du phénomène d’immobilisation réflexe, puisque, aussi bien, ce phénomène ne correspond à aucun moyen de défense. Nous venons de voir qu’il n’ajoutait rien à la protection de divers Insectes et même qu'il pouvait parfois leur nuire, en supprimant la possibilité de « fuite w.Nous pouvons aller plus loin et constater que, dans bien des cas, sa nocivité ne fait aucun doute. Lorsque un Carabique très agile , Nebria psammodes , Brachynus crepitans et tant d’autres, sont appréhendés par» une patte, les voilà, du même coup, réduits à la plus complète impuissance ; paralysés et incapables de se débattre, ils sont à la merci du prédateur, ce qui n'aurait pas lieu s’ils conservaient la liberté des mouvements. Une Fourmi saisie par une antenne se trouve également dans une situation déplorable. J’ai vu Formicina flava F., qu'un Tetramorium cispitum L. tenait par l’antenne au ras de la tète, repliée sur elle-même violemment contracturée, entraînée paV son agres¬ seur. Les deux Fourmis sont de taille équivalente et la première ne doit son infériorité momentanée qu’à la mise en jeu de l’im¬ mobilisation réflexe. L’effet nuisible de ce réflexe ne saurait donc être mis en doute ; il n’est contrebalancé par aucun effet utile et il semble que la sélection bien comprise aurait dû sup¬ primer depuis longtemps ces organismes si mal partagés. Parmi eux, d’ailleurs, plusieurs possèdent des armes puissantes. J'ai eu sous les yeux des larves d'un Staphylin qu’immobilise une simple secousse, celle qui résulte du soulèvement de la pierre sous laquelle elles vivent. Elles tombent alors dans un état de L’IMMOBILISATION RÉFLEXE DES ARTHROPODES Ui rigidité marquée, qui rend insensible la majeure partie de leur corps : un ennemi quelconque dévorera à sa guise ce corps rela¬ tivement mou, sans courir le risque d'être lui-même mordu et déchiré par les fortes mandibules des larves ainsi réduites à l'impuissance. En définitive, puisque, immobilisables ou non, ces diverses espèces persistent, c’est que, dans l’ensemble, le réflexe n'est pas absolument nuisible, pas plus qu'il n’est véritablement utile ; il apparaît comme simplement indifférent, si nous nous plaçons au point de vue de. la persistance des espèces. Son importance ne dépasse pas celle d'un réflexe quelconque, intéressant le fonc¬ tionnement d’une partie quelconque du corps. Tout mouvement réflexe peut, à un moment donné, favoriser ou nuire, c’est une question de chance, car aucun ne se plie aux circonstances, chacun se produit de la même manière pour des excitations com¬ parables, quelles que soient les autres conditions. 2. L’activité normale des Arthropodes Constaterons-nous alors simplement l’existence du réflexe, laissant en suspens toute conclusion sur sa signification biolo¬ gique? Les connaissances acquises permettent de ne pas s'en tenir à la négative. Retenons tout d’abord le fait que la contraction hypertonique est un phénomène général chez les Arthropodes, plus ou moins facilement perceptible suivant les espèces et les individus. Elle correspond, incontestablement, à une propriété fondamentale du système nerveux et dérive, comme telle, de la constitution des organismes considérés ; elle en est l’une des résultantes et ne saurait avoir d'autre raison d’être. La question revient alors à connaître les conséquences de cette propriété sur la vie des individus. Dès lors, si au lieu de nous borner à l’envisager comme moyen « de défense », conclusion hâtive et facile, nous l’envisageons par rapport au fonctionnement d'ensemble du système nerveux, nous sommes conduits à attribuer la plus grande importance aux localisations périphériques d'où partent les excitations mobilisantes et immobilisantes. Par suite, se pose aussitôt devant nous la question même du déterminisme de l’activité normale des Arthropodes. Ê. RABAÜD m En effet, la surface tégumentaire deces animaux renferme un ensemble de terminaisons nerveuses qui aboutissent soit à des centres moteurs soit à des centres d’arrêt ; celles-ci se grou¬ pent, surtout, dans la partie antérieure du corps, celles-là sur¬ tout dans la partie postérieure ; il n’y a pas néanmoins de répar¬ tition nécessaire et ces localisations, nous l’avons vu, sont inter¬ changeables suivant les espèces. La répartition, du reste, n’a aucune importance ; où qu’elles frappent, les excitations exté¬ rieures mettent en jeu les unes ou les autres de ces terminai¬ sons, elles mobilisent donc ou activent, elles arrêtent ou ralen¬ tissent l’Arthropode en fonction de la zone périphérique intéres¬ sée. Naturellement, quand l'excitation arrête l’animal, cet arrêt n’est pas une immobilisation proprement dite, une contraction durable, c’est une légère accentuation du tonus normal qu’une excitation antagoniste, également légère, fait disparaître. Cette excitation, toutefois, suffit pour interrompre les mouvements et les déplacements. Les excitations, mobilisantes ou inhibitrices, sont pure¬ ment sensitives, quel que soit leur point d’application. Les rayons lumineux eux-mêmes, frappant les yeux, interviennent, à ce point de vue, à titre d’excitant sensitif. Assurément, les excitations sensorielles ne sont pas exclues de l’activité nor¬ male des Arthropodes, seulement elles n’entrent en jeu que secondairement : elles ne mettent pas l’animal en marche ni ne l’arrêtent, elles dirigent ses mouvements. L’Insecte s’en¬ vole sous l’influence d’excitations lumineuses sensitives, il prend une direction plutôt qu'une autre sous l’influence des excitations sensorielles que reçoivent ses divers organes des sens. La permanence ou la cessation de l’activité sont ainsi liées à la permanence, à la cessation ou à la succession des excita¬ tions. L’excitation motrice des tarses, par exemple, concourt à maintenir l’Arthropode en état de mobilisation active, parce que cette excitation neutralise des excitations immo¬ bilisantes qui frappent d’autres parties de la surface des tégu¬ ments. Quand les tarses perdent contact avec leur substrat, une partie des excitations motrices manquent du même coup et les excitations immobilisantes, prenant le dessus, provoquent un arrêt plus ou moins durable. . L ‘immobilisation réflexe des arthropodes 143 Ces excitations des tarses, toutefois, ne maintiennent pas seules l’activité. Lorsqu'un Insecte vole, elles font entièrement défaut et leur absence n'entraîne pourtant pas l'immobilité. Les excitations visuelles interviennent alors d’une manière très effi¬ cace, et il résulte bien de mes expériences que ces excitations aboutissent en grand nombre aux muscles moteurs des ailes. On le constate aussi quand on examine une Æschna posée sur un buisson. Un peu avant qu’elle ne s'envole, ses ailes antérieu¬ res s'animent de vibrations courtes et répétées, qui durent plus ou moins longtemps en fonction de variables diverses, particu¬ lièrement de la température extérieure ; les vibrations s'accen¬ tuent progressivement, deviennent plus amples, décollent les tarses du substrat et l'Insecte part. Il volera tant que les excita¬ tions mobilisantes domineront les immobilisantes, tant que les excitations visuelles et autres compenseront l’absence des exci¬ tations tarsales. Puis il s’arrêtera et se posera sur une branche, jusqu'au moment où les actions de contact, s'ajoutant à toutes les autres, détermineront un nouveau départ. Les Papillons se comportent d'une manière analogue. Ce ne sont point leurs pattes qui abandonnent le substrat les pre¬ mières, l’animal ne saute pas avant de s’envoler; ce sont ses ailes qui, si l’on peut dire, l’arrachent de son substrat. Chez d’autres Arthropodes, les excitations visuelles aboutissant aux ailes jouent un rôle moindre ; la mise en marche suit une autre voie, tout en ayant toujours un point de départ périphérique. Le saut des Acridiens, par exemple, dépend, en partie peut-être, des excitations visuelles, car l’animal aveuglé, sans perdre le pouvoir de sauter, saute beaucoup moins que l’animal non aveuglé; mais les excitations abdominales interviennent aussi, d’une façon marquée, comme je l'ai montré (*). Ainsi, au cours de l'activité normale, les excitations motrices et inhibitrices prennent alternativement le dessus. Dans cette alternance, les excitations visuelles ne jouent pas forcément le rôle prépondérant chez tous les Arthropodes, ou ne le jouent pas de la même manière. Suivant leur constitution, les organismes sont plus ou moins sensibles à des excitations de tous ordres, et, bien que nous ne soyons pas toujours en état de pénétrer exac- (*) Etienne Rabaud. Op. cit., 1915. 144 E. RARAUD tenient leur nature et leur mode d’action, les faits obligent à reconnaître leur importance. Parfois elles se surajoutent aux excitations visuelles, parfois elles interviennent seules et concou¬ rent, à des degrés divers, à mettre l’animal en marche ou à l'ar¬ rêter. Les vibrations mécaniques, à cet égard, ne sont pas négligeables, ni les excitations de contact, ni les excitations thermiques. l)e toutes façons, et sans cesse, l’Arthropode est sou¬ mis à tout un ensemble d influences d’où dépend étroitement son mode d'activité. Dans les conditions habituelles, l'effet de ces influences produit l’alternance de mouvement et de repos; nous consi¬ dérons volontiers cette alternance comme « spontanée ». car, sollicité par des variables sans nombre qui échappent à l'ob¬ servateur, l’animal semble agir au gré de sa fantaisie. Toute¬ fois, une analyse, même sommaire, de cette alternance con¬ duit à une autre interprétation. Le jeu des influences change au cours de la journée ; certaines d'entre elles s'affaiblissent et disparaissent, laissant dominer certaines autres. Le changement résulte de la succession normale des phénomènes quotidiens. A mesure, par exemple, que le soleil monte sur l'horizon, que la lumière gagne en intensité et que la température s’élève, l’activité des organismes euryphotes s’accroît; elle atteint un maximum quand le soleil, en plein été, brille de tout son éclat. Mais cette activité décroît dès que l'intensité lumineuse com¬ mence à diminuer, que certaines radiations s’atténuent ou s'éteignent, et sans que la température diminue sensiblement. Rien n'est plus instructif, à cet égard, que d’observer les Lépi¬ doptères rhopalocères, et surtout les plus communs, dont on a simultanément sous les yeux un nombre d'individus suffisant pour établir des comparaisons. Durant toute la journée, les Lycœna argus , pour fixer les termes, passent de fleur en fleur, battant lentement des ailes, stationnant peu sur chacune, s'envolant au moindre déplacement d'air. Vers 17 heures, en août, vers 16 heures en septembre, leur activité commence à décroître ; ils se posent sur l'extrémité d une tige quelconque, souvent une tige de Graminées, puis, après avoir lentement ouvert et fermé leurs ailes à deux ou trois reprises, ils les ferment définitive¬ ment et ne se déplacent plus. Leur position est alors caractéris¬ tique : l'axe de leur corps est toujours oblique sur le plan hori- i/immobilisatio^ réflexe des arthropodes 145 zontal, et de telle sorte que la tete regarde en bas. Par rapport au soleil, leur orientation est quelconque, et lorsque plusieurs individus sont posés dans le voisinage immédiat les uns des autres, on constate aisément qu’ils sont tournés dans tous les sens. Le soleil ne les attire donc ni ne les repousse, et ils se posent généralement en pleine lumière. Une secousse légère les fait envoler, mais presque aussitôt ils s installent à nouveau sur une tige voisine, toujours de la même manière. C’est leur position de sommeil. Or, très généralement, à l’heure où les Papillons commencent à se comporter ainsi, la température n'a pas encore sensible¬ ment baissé ; souvent, d ailleurs, ils volent par des températures moins élevées ; seules sont changées la qualité et l’intensité de la lumière, de sorte que les influences lumineuses, auxquelles sont sensibles ces animaux euryphotes, exercent une action de moins en moins marquée (1). En même temps, sans doute, l’activité de la journée fait sentir son action sur le système musculaire; elle ne produit, néanmoins, un effet si net et si prompt qu en l’ab¬ sence d une influence motrice extérieure. Or, celle-ci commence à manquer simultanément pour tous les individus, et c’est simultanément, à quelques minutes près, que tous se compor¬ tent de la même manière. Cette simultanéité exclut l’idée de 1 intervention prépondérante et unique de la «fatigue», car celle-ci ne frapperait pas tous les individus presque exactement au même instant. L activité, en effet, n est pas pour tous néces¬ sairement la même ; au gré des contingences, les uns se dépla¬ cent plus souvent et plus longtemps que les autres, et l’on devrait voir s’échelonner la mise au repos durant un long temps, au lieu d’un arrêt quasiment simultané de tous les indi¬ vidus d’un même canton. Je n ai examiné avec quelque précision que Lycœna argus ; mais les autres Lépidoptères prêtent à des observations analo¬ gues, et il serait intéressant de noter les différences entre les espèces, quant à 1 heure où elles prennent leur position de repos. Que cette heure dépende de la diminution progressive des exci¬ tations lumineuses, et tout d’abord les radiations violettes et P) Etienne Rabaud, La lumière et le comportement des organismes, Bulletin biologique de France et de Belgique, 1918 10 146 È. RABAUD ultra- violettes, les plus réfrangibles du spectre, cela ne fait point doute, puisque, au moment où cette heure sonne, les autres excitants externes habituels restent comparables à eux-mêmes et l’activité générale règne encore sans modification appré¬ ciable. Lorsque le changement des conditions habituelles résulte ainsi du cours normal des phénomènes, la prédominance des centres d’arrêt aboutit simplement au sommeil. Sauf exception, l’Arthropode garde contact immédiat avec son substrat, de sorte que l’excitation motrice qui vient des tarses empêche l’abolition de la majeure partie de sa sensibilité générale. Survienne, à un moment quelconque, un changement accidentel, mais considé¬ rable, des conditions, l'immobilisation proprement dite s'ensuit. Qu elle favorise l’individu, qu elle lui nuise ou n’ait aucune importance, c’est alors pure affaire de chance ; l’un ou l'autre de ces résultats sera purement occasionnel, une conséquence acces¬ soire ou sans portée d’un phénomène général. Notre erreur con¬ siste à nous laisser influencer par l’interprétation que suggère une attitude, à rabaisser ce phénomène général de la vie des organismes au niveau d’une simple question de « défense » ou de c< protection » comprise dans le sens le plus étroitement anthropomorphique. Et ce phénomène général ne caractérise sans doute pas les seuls Arthropodes. Tous les animaux possèdent incontestable¬ ment des centres d'arrêt ; il ne font point doute chez les Vertébrés : Y experimentum mirablle de Ivircher n’est autre chose qu’un réflexe inhibiteur des Mammifères, Oiseaux, Reptiles et Batra¬ ciens. Si, chez eux, l’immobilisation semble liée à une position dans l’espace, cela provient, probablement, de ce que l'excitant périphérique qui provoque l’immobilisation expérimentale est inclus dans l’organisme et entre en jeu dans une position déter¬ minée. Mais comment hésiter à penser que l’activité normale des Vertébrés et de l'ensemble des Invertébrés ne soit, elle aussi, dominée et désignée par les relations nécessaires et inces¬ santes de l'organisme avec son milieu? l’immobilisation réflexe des arthropodes 147 INDEX BIBLIOGRAPHIQUE [ Les travaux consultés qui, ne m'ayant fourni aucun renseignement utile, ne sont pas cités dans le texte sont marqués d'un astérisque]. • Barret (O.-W.). — The Ghanga, or Mole Cricket (Scaptericus didactylus Latr. in Porto-Kico, Porto-Rico Agr. exp. St. Bull., 1902. Beritof. — Die tonische Innervation der Skelettmuskulatur und des Sym- pathicus, 1914. Botazzi (Filippo). — 1. 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Emile MAUPAS EXPÉRIENCES SUR LA REPRODUCTION ASEXUELLE DES OLKjOCHÈTES (*) INTRODUCTION Sexualité ; Fécondation ; Multiplication. La sexualité n’est pas un phénomène essentiel et primordial de la vie. Elle n'est qu’un accessoire et un auxiliaire de la fécondation, destiné à en faciliter et assurer l’accomplissement. Le dimorphisme sexuel, si profond et si varié dans ses mani¬ festations psychiques, physiologiques et morphologiques, sur¬ tout chez l'homme et les animaux supérieurs, ne répond donc qu’à des besoins et des nécessités secondaires. Nous le savons par expérience et observation directes ; il est des êtres, comme les Infusoires, chez lesquels la fécondation se réalise dans toute sa complexité en l’absence complète de tous phénomènes sexuels. En résumé, la sexualité n est qu’une adaptation biolo¬ gique particulière et limitée, servant d’adjuvant à la fécon¬ dation. En général nous accordons une importance exagérée aux phénomènes du sexe. La sexualité, en effet, joue un rôle si considérable dans la vie individuelle et sociale de l’homme, elle a pris chez lui et chez les animaux supérieurs avec lesquels il est le plus en contact, des développements si puissants et si frappants pour l'imagination, que nous sommes presque fata¬ lement entraînés à grossir son importance outre mesure. Nous (*) Voir Bulletin Biologique, t. 52. REPRODUCTION ASEXUELLK DES OLIGOCHÈTES 151 sommes victimes d'une de ces superstitions ou erreurs anthro¬ pocentriques qui nous font juger et apprécier ses phénomènes au point de vue humain ; tandis que pour les bien comprendre il est nécessaire de les considérer sous toutes leurs formes et dans leurs rapports avec la biologie générale. La fécondation , elle-même, ne répond nullement à un besoin universel et absolu de la vie. Beaucoup d’êtres vivent et se reproduisent sans que la fécondation intervienne dans leur existence. Certains même, d’origine gamogénétique indiscuta¬ ble, peuvent se maintenir et se multiplier indéfiniment par agamogenèse. La karyogamie fécondatrice est donc un proces¬ sus surajouté à la multiplication ; elle n'est qu’un cas particu¬ lier de cette propriété universelle de la matière vivante. Son rôle et sa signification ne sont pas encore complètement con¬ nus. Comme la sexualité, elle n'est évidemment qu’une adap¬ tation spéciale et limitée. La multiplication est au contraire une des grandes proprié¬ tés absolues et universelles de la substance vivante. Elle est la conséquence nécessaire de la nutrition et de l’accroissement, processus fondamentaux et essentiels de la vie. Considérée dans sa forme, la multiplication se ramène à de simples divisions binaires, ou bipartitions fissipares. La fissiparité binaire est en effet le mode unique et universel de multiplication reproduc¬ trice de la matière vivante. Toutes les autres formes en sont des cas modifiés sous lesquels il est toujours possible de retrou¬ ver le type primitif. 1. DERO FORÇAT A Mes cultures de Dero et de Nais semblent bien établir que ces animaux peuvent se multiplier indéfiniment par voie asexuée. A ce point de vue ils sont assimilables aux végétaux connus qui depuis des temps immémoriaux se reproduisent par bouturas ou rejetons. Ces faits, aujourd’hui assez nombreux démontrent que la dis¬ tinction faite par Weismann entre les cellules germinatives immortelles et les cellules somatiques mortelles , n’a rien de fondamental et d’absolu. 452 E. MAÜPAS Il y a simplement des cas différents et variables, résultats d’adaptations particulières. Beaucoup d'êtres vivants sont adaptés au retour cyclique de la gamogenèse et chez eux les cellules somatiques sont condamnées irrémissiblement à périr ; tandis que les cellules germinatives, rajeunies par la kayoga- mie fécondatrice maintiennent et perpétuent l'espèce. Elles ne deviennent immortelles que grâce au processus de la fécon¬ dation. Le nombre des êtres adaptés à la vie sans gamogenèse est assez grand. Chez eux, les cellules somatiques sont immortel¬ les par elles-mêmes et peuvent se reproduire à Linfini. Ces êtres peuvent appartenir à des groupes où la gamogenèse est absolument inconnue (champignons, bactériacées, etc.) ou bien, au contraire faire partie de groupes dans lesquels la gamogenèse est très répandue et de règle presque absolue (Végétaux, Dero, Nais). Dans ce cas on doit même admettre pour quelques-uns de ces êtres (Dero, Nais, Bananiers, etc.) qu’après avoir possédé la fécondation karyogamique, ils l’ont perdue entièrement ou partiellement. On peut d’ailleurs trouver toutes les transitions entre l’aga¬ mie pure et la gamogenèse absolue, et le nombre des êtres chez lesquels les deux processus existent simultanément est assez grand. La connaissance exacte des formes variables et multiples que revêtent les deux modes de génération est d’une extrême im¬ portance. C’est par elle seulement qu’on arrivera à saisir intégralement le véritable rôle et la signification de la sexualité et de la fécondation. Mes expériences de régénération de tronçons de Dero ont donné des résultats absolument opposés avec la théorie de la continuité du plasma germinatif. Elles viennent à l’appui des objections tirées de la multiplication des végétanx par bou¬ tures, et sont d’ailleurs :tout à fait analogues à ces dernières. Expérience A. — Alger, octobre 1891. J’isole un Dero provenant du ruisseau de Bab-el-Oued. Je le place entre deux lames de verre calées par de gros poils de brosse et lui donne du jaune d’œuf cuit et écrasé en nour¬ riture. 153 REPRODUCTION ASEXUELLE DES OLIGOCHÜTES Octobre (18-24°) Isolement (19-25°) bien portant. (20-24°) id. (21-23°) id. (22-24°) id. (23-24°) 2 individus (2e génération). (24-25°) 3 individus (25-22°) id. (26-22°) id. (27-22°) 4 individus ( 3e génération). (28-21°) 6 individus (29-21°) id. (30 21°) id. (31-20°) 9 individus (4V génération). Novembre 1-19°) 12 individus (2 18°) id. (3-18°) id. (4-17°) 14 ind. ( 5-18°) id. (6-18°) id. ( 7-19°) 16 ind. (5e génération). J’isole un de ces 16. (8-20°) id. (9-20°) id. (10-19°) id. (11-19°) id. [(') (20°) 12 nov . 6e génération (24°) 25 — 28° — (20°) 19 novemb . 7e — (26°) 28 — 29° — (20°) 24 — 8e _ _ / (24°) 3 juin 30° — (18°) 29 — 9e — (24°) 6 — 31e — (17°) 8 déc. 10e i (24°) 9 — 32° — (17°) 14 — 11e i (26°) 13 — 33e — (16°) 31 — 12e — (26°) 16 — 34° — 1892 : (25°) 19 — 35° — (16°) 12 janvier 13' i (25°) 22 — 36° — (16») 17 - 14e — (25°) 26 — 37° — (15») 30 _ 15e — (26°) 30 — 38° — (14°) 11 février 16e — (26°) 5 juillet 39° — (18°) 28 — 17e — (27°) 7 — 40° — (17°) 1er mars 18° — (28°) 11 — 41° — (19°) 14 — 19e — (27°) 15 — 42° — (19°) 28 — 20e — (27°) 19 — 43° — (18°) 7 avril 2 te — (26°) 22 — 44° — (20°) 15 - 22e — (25°) 25 — 45° — (19°) 19 — 23e — (26°) 28 — 46° — (20°) 28 — 24° — (31°) 31 — 47° — (20°) 8 mai 25° — (29°) 2 août 48° — (20°) 1 5 — 26° — (26°) 5 — 49° — (21°) 20 — 27° — (27°) 10 — 50° génération (') Les observations de Maupas sont continuées toutes sur le même plan. Nous les avons condensées dans la suite en ne donnant que la date, la température et le numéro de la génération. 154 E. MAUPAS (26°) 14 — 51egénération (26°) 2 juillet 89e (27°) 18 — 52° — (28°) 6 — 90e (26°) 22 — 53° — (27°) 10 — 91e (25°) 26 — 54e — (26°) 19 — 92e (26°) 31 — 55e . — (25°) 31 — 93e (23°) 13 octobre 56° — (26°) 9 août 94e (21°) 19 - - 57e — (26°) 15 — 95e (21°) 23 — 58° — (26°) 19 — 96e (24°) 30 — 59e — (27°) 25 — 97e (21°) 5novemb.60° — (27°) 1er sept. 98° (21°) 9 — 61e — (26°) 4 — 99e (20°) 15 — 62e — (28°) 9 — 100e (19°) 21 — 63e — (28°) 13 — 101e (18°) 28 — 64° — (27°) 18 — 102e (16°) 11 décemb. 65° — (26°) 23 — 103e (16°) 28 — 66e 1893 : — (25°) 29 — 104e (24°) 3 octobre 105e (17°) 12 janvier 67e — (25°) 8 — 10ôe (15°) 1er février 68e — (25°) 13 — 107e (17°) 22 — 69e — (23°) 16 — 108e (15°) 3 mars 70e — (23e) 21 — 109e (19°) 18 — 71e — (22°) 27 — 110e (20°) 30 — 72e — (22°) 30 — 111e (19°), 5 avril 73e — (22°) 3 nov. 112° (19°) 17 — 74e — (22°) 7 — 113e (22°) 27 — . 75e — (20e) 12 — 114e (22°) 2 mai 76e — (22e) 17 — 115e (22°) 7 — 77e — (18e) 21 — 116e (22°) 12 — 78e — (16e) 3 déc. 117e (23°) 18 — 79e — (16e) 13 — 118e (22°) 25 — 80e — (16°) 19 — 119e (23°) 2 juin 81e — (16e) 28 — 120e (23°) 7 — 82e — 1894 : (24°) 1 1 - 83e — (16e) 12 janv. 121e (28°) 14 — 84e — (15e) 23 — 122e (27°) 16 — 85e — (14°) 1er février 123e (25°) 19 — 86e — (16e) 21 — 124e (26°) 20 — 87e — (17e) 1er mars 125e (26°) 23 — 88e — (17o) 6 _ j[26e REPRODUCTION ASEXUELLE DES OLIGOCHÈTES 155 (17°) 18 — 127e — (22°) 29 — 139e ( 15°) 24 — 128e — (22») 3 juin 140e (17°) 2 avril 129e — (24°) 6 — 141e (19°) 9 — 130e — (22°) 10 — 1 42e (18°) 15 — 131e — (22°) 19 — 143e (19°) 19 — 132e — (23°) 22 — 1 44e (21°) 27 — 1 33e — (24°) 23 — 145e • (20°) 3 mai 134e — (27°) 28 — 1 46e (21°) 9 — 135e — (25°) 1»' juillet 147e (21°) 14 — 136e — • (25°) — 148e (21°) 18 — 137e — (26°) 8 — 149e (21°) 22 — 138e — (28°) 11 — 150e Expérience témoin. — Alger, septembre 1893. Je viens de retrouver de nombreux Derodans la vase recueil¬ lie dans l’oued Makcel (Bab-el-Oued) au même point où j'avais pris ceux de 1891. J'isole un individu et le nourris avec du jaune d’œuf exacte¬ ment dans les mêmes conditions que ceux de la vieille culture. Il s’agit de savoir si entre les Dero de cette dernière et ceux de la nouvelle il se montrera quelque différence. (’) [24 sept. Isolement. (22°) 30 oct. 8e génération. (25°) 30 _ ^re génération. (22e) 3 nov. 9e — (24°) 3 oct. 2e — (22°) 8 — 10e — (24°) 10 — 3 e — (20e) 12 — 11e — (25°) 13 — 4e — (21°) 16 — 12e — (23°) 17 — 5e — (18e) 21 — 13e — (23°) 21 (22°) 26 — 6e — 7e — (16e) 2 déc. 14e - ] J’arrête et abandonne cette culture à cette date. Les généra¬ tions y ont marché avec une concordance absolument parfaite avec celles de la vieille culture datant déjà de deux ans. En effet sur cette culture le 24 septembre j’en étais arrivé à la 103e génération et le 3 décembre j’ai obtenu la 117e. Or 103 ôté de 117 reste 14 générations, comme sur la nouvelle culture. Les 14 générations des deux cultures ont marché avec un syn¬ chronisme parfait. Il est donc bien certain que la vitalité des animaux de la vieille culture n’avait éprouvé aucun atfaiblisse- (*) Résumé. 156 E. MAUPAS ment, malgré leur captivité continue et la longue série de générations fissipares. 2. Nais elinguis. x\lger, juillet 1889. J’isole un Nais et lui donne en nourriture de la farine cuite à l’eau. Je le place sur une lame porte-objet en le recouvrant d’une lamelle mince couvre-objet soutenue par des poils de brosse. H [(27-) 12 juil. Début. (23°) 13 juill. 26e génération. (28°) 19 juill. j^re génération . (25°) 19 — 27e — (28°) 22 — 2e — (22°) 23 — 28e — (29°) 24 — 3e — (22°) 26 — 29p — (27») 27 — 4e — (25°) j^ei' août 30° — (24°) 31 — 5e — (26°) 5 — 31e — (22») 19 oct. 6e — (26°) 9 — 32e — (24») 25 — 7e — (270) 14 — 33e — (20») 4 nov. 8e — (28°) 16 — 34e — (17») 25 — 9e — (29°) 19 — 35e — (15») 7 déc. 10e — (28°) 23 — 36e — (13») 15 — 11e — (25°) 27 — 37e — (14», 26 — 12e — (23°) 3 sept. 38e — 1890 t (24°) 11 — 39e — (17») 27 janv. 13e — (24°) 16 — 40e — (16») 17 fév. 14e — (25°) 20 — 41e — (19») 12 mai 15e — (23°) 26 — 42e — (21») 24 — 16e — (23°) 29 — 43e — (20») 1er juin 17e — (23°) 3 oct. 44e — (22e) 6 — 18e — (23°) 10 — 45e — (23») 15 — 19e — (22°) 14 — 46e — (23») 19 — 20e — (22°) 17 — 47e — (24») 23 — 21e — (21°) 20 — 48° — (24») 26 — 22e — (19°) 28 — 49e — (25») 27 — 23e — (18°) 2 nov. 50e — (24») 4 juill. 24e — (18°) 12 — 51e — (25») 6 — 25e — (18°) 18 — 52e - ] (') Résumé. .REPRODUCTION ASEXUELLE DES OLIGOCHKTES 157 A partir du 22 novembre 1890, je n'ai plus enregistré quoti¬ diennement la marche de cette culture. Je me suis contenté d’examiner les préparations deux ou trois fois par semaine, de les nettoyer et de renouveler la nourriture de temps à autre. Cette dernière n’a pas toujours été fournie en quantité suffi¬ sante ; de sorte qu’à plusieurs reprises les Nais ont souffert de la disette et dans ces moments ne se sont accrus et multipliés que très lentement. Quoi qu’il en soit les générations agames se sont succédées sans interruption et sans que j'ai jamais vu apparaî¬ tre un seul individu sexué sur les préparations. [Cette culture est continuée et examinée d’une façon plus ou moins suivie jusqu’au 7 août 1894. 11 n’est jamais apparu de formes sexuées dans cette longue expérience qui a duré plus de cinq ans]. Naïs elinguis. — Recherche cf individus sexués dans les eaux des ruisseaux des environs d' Alger . 4 octobre 1891. Fontaine avec bassin du ravin de la Pointe- pescade. Les Nais y vivent au milieu de Spirogyres. Examiné 40 individus tous en active multiplication fîssipare ; pas un seul sexué. 12 octobre 1891. Ruisseau de Bab-el-Oued. Nombreux indivi¬ dus vivant au milieu de Spirogyres, tous en multiplication fissi- pare ; pas de sexués. Avril 1892. Au mois de février je rapportai du lac Gimbert (Maison carrée) des débris contenant le Nais elinguis que j'ins¬ tallai dans une cuvette. Au mois d’avril j’ai trouvé dans cette cuvette de nombreux individus sexués. 3. Pristina equiseta Bourne. Alger, 1889. Le 12 juillet j’isole une Pristinect lui donne de la farine cuite à l’eau. 158 iî. MAUPAS (*) [(27°) 14 juill. lre génération. (25°) ^er ju.il. 24e génération. (27°) 18 juill. 2e — (25°) 5 — 25e — 'bD 00 22 — 3e — i , (24o) 15 — 26e — (27o) 27 — 4e - (25°) 19 — 27e — (24°) 30 — 5e — (22°) 24 — 28e — (24°) 25 oct. 6e — (22°) 26 — 29e — (20°) 5 nov. 7e _ (27°) 14 août 30e — (18°) 18 — 8e — (29e) 19 — 31e — (15°) 6 déc. 9o — (29°) 25 — 32e — 1890 (30°) 30 — 33e — (14°) 2 janv. 10e — (24°) 11 sept. 34e — - (15°) 19 — 11e — (24e) 15 — 35e — (14o) 12 fév. 12° — * (24°) 19 — 36e — (loo) 20 mars 13e — (23°) 25 — 37e — (18o) 31 — 14e — (24°) 29 — 38e — (18°) j^er mai 15 et 10° — (23°) 3 oct. 39e — (20°) 13 — 17e _ (23°) 10 — 40e — (21°) 22 — 18e — (22°) 17 — 41e — (20°) 31 — 19e — (17°) 29 — 42e — (21°) 4 juin 20e — (20°) O nov. 43e — (23°) 15 — 21o — (18°) 12 1 1 44e — (23°) 21 — 22° — (16°) 22 — 45e - ] (25°) 27 — 23e — • A partir de cette dernière date, je n’ai plus tenu de journal régulier inscrivant les dates et les générations. Je me suis con¬ tenté de donner de la nourriture de temps en temps aux Pris- tines. Cette nourriture, depuis une année environ, se compose de jaune d’œuf qui est fort bien absorbé par tous les naïdiens. Au moins une fois par semaine j’ai examiné, avec soin, la cul¬ ture sans y voir jamais un individu montrant la moindre trace d’un développement des organes sexuels. Les générations ase¬ xuées se sont continuées ainsi jusqu’au 1er juin 1892 (c’est-à- dire pendant près de trois ans). Quelque temps avant cette date j amais introduit dans la cul¬ ture le petit copépode nouveau ( Viguierella ) que j élève depuis janvier dernier. Je l’y avais ajouté afin de lui faire détruire un organisme unicellulaire qui depuis plusieurs mois a envahi mes (‘) Résumé. 159 V Reproduction asexuëlle des oligochètes cultures et fait périr les Pristines. Le petit crustacé a dévoré l’organisme unicellulaire et les Pristines sont redevenues très vigoureuses. Maisj’ai laissé le crustacé se développer en trop grand nombre de sorte cju’aujourd’hui, 5 juin, je ne retrouve plus une seule Pristine sur la préparation. Tout me fait croire, que gênés par l'agitation perpétuelle des crustacés, elles se seront enfuies hors de la préparation en se glissant sur le porte- objet humide. 4. Aelosoma Ehrenbergii. Alger, 1889. Le 15 octobre j'isole un Aelosome et lui donne de la farine cuite à l'eau. (*) [(22») 19 oct lre génération. (13») 12 déc. 15e génération. (23°) 20 oct . 2e — (13») 21 — 16ft — (24°) 22 — 3e 1 — (14») 29 — 17e — (23°) 23 — 4e — 1890 O CO op 24 5o — (13») 7 janv r. 18e — (2) / 24°) 25 oct. 6e — (15») 8 — 19e - (22°) 30 — 7e (15») 14 — 20( — (21°) 2 nov . S'1 — (15») 20 — 21e — (20°) U O — 9P — (17») 26 — 22' — (18«) 11 — 10e — (13») 3 fév. 23e — (19°) 16 — 11e — (14°) 11 — 24o (19°) 20 — 12e _ (16») 22 — 25° (1 7°) 26 — 13° — (16») 28 — 26e — (13») 3 déc. 14° — (18») 51 mars. Morts. 5. Chaetogaster vermicularis = C. diastTophus Alger, 1889. 5 mai. Depuis environ trois à quatre semaines je tenais sur une préparation en chambre humide les descendants I1) Hésumé. (*) Une seconde préparation a été conservée du 25 octobre au 20 décembre, • sans y ajouter de nouvelle nourriture. Les Aélosomes ont, d’abord, cessé de se multiplier, puis ils se sont beaucoup amaigris. La grande majorité était encore très vivante lorsque j’ai supprimé la préparation. 16U E. MAUPAS- de deux individus primitifs qui s’étaient multipliés au nombre de 18. Pendant cette première période, la nourriture leur avait été fournie avec peu de soin. Aujourd'hui j 'isole un de ces individus composé d’une chaîne de quatre rejetons déjà nette¬ ment distincts ; le premier avec 4 groupes de soies, le second avec 3, le troisième avec 4 et le quatrième avec 3. Je lui donne en nourriture de petits Infusoires ( Cryplochilum , Glaacoma). Ces isolements sont établis comme ceux des Infusoires et des Rotateurs entre porte et couvre-objet calé par de gros poils de brosse à dents. (i) [(19°) 9 mai. 1 re génération. (24°) 23 — 23e génération. (20°) 13 mai. 2e — (25°) 26 — 24e — (21°) 16 — 3" — (24°) 27 — 25e — (21e) 18 — 4e — (24°) 28 — 26e — (20°) 21 — 5e — (24°) 2 t juil. 27e — (21«) 22 — 6e — (25°) 4 — 28° — (23°) 24 — 7e — (26°) 5 — 29e — (23°) 26 - - 8e — (27°) 6 — 30e — (21) 28° — 9e — (25°) 7 — 31e — (22°) 30 — 10e — (25°) 9 — 32e — (24°) 1er juin. 11e génération. (28°) 11 juil. 33e — (22°) 4 — 12e — (27°) 12 — 34e • — (22°) 6 — 13e — (27°) 12 — 35e — (23°) 7 - 14e — (27°) 14 — 36e — (25°) 8 - 15e — (28°) 15 — 37e (25°) 9 - 16e — (27°) 17 — 38e - (24°) 12 — 17e — (28°) 19 — 39e — (23°) 14 — 18e — (27°) 20 — 40e — (23°) 15 — 19e - — (29°) 23 — 41e — (23°) 18 — 20e — (29°) 24 — 42e — (23°) 19 juin. 21e génération. (27°) 26 - 43e — (25°) 21 - 22e — (26°) 28 — supprimés. Alger, 1er avril 1899. - - — - - 7 - - — IMPRIMERIE L. BARNÉOUD ET Cie. LAVAL. M: CAULLERY et F. MESNIL (Paris) " XENOCQELOMA BRUMPTI « C. & M. Copépode parasite de Poly cirrus arenivorus G. Avec les planches MV et 20 fi g. dans le texte. SOMMAIRE INTRODUCTION . I. HABITAT ET HOTE Le sablon de l’anse Saint-Martin . • II. XENOCŒLOMA . Etude in vivo . .... Observations antérieures. Déterminations générique et spé¬ cifique . III. ETUDE DE XENOCŒLOMA A SA FORME DÉFINITIVE Examen général de l’organisation . ' Etude détaillée des divers organes : Jo Tégument et paroi du corps. Musculature pariétale. — 2» Paroi de la cavité axiale. Rapports de l’hôte et du parasite. Organe méan- d ri forme. - 3o Appareil génital femelle : ovaire; tubes de maturation des oocytes; oviductes. — 4° Appareil génital mâle : testicule et spermatogenèse; vésicule sémi¬ nale et spermiductes. — 5° Atrium et région terminale. — 6o Autres organes . IV. DÉVELOPPEMENT 1° l)e l’œuf au Nauplius . 2o Phase de vie libre et pénétration dans l'hôte 3° Stades parasitaires initiaux. 10 Stade de PuPe- ~ *° Etablissement des rapports définitifs avec l’hôte. 4^ Croissance du parasite. Développement des testicules V. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. AFFINITÉS Pages 162 163 165 167 171 171 176 203 203 211 213 224 231 S 11 162 M. CAULLERY ET K. MESNIL INTRODUCTION Les résultats consignés dans le présent Mémoire ont été déjà en grande partie annoncés par nous, sous une forme sommaire, dans des notes préliminaires (*). Ils sont, à divers points de vue, d’un caractère assez exceptionnel pour qu’il nous semble néces¬ saire d’apporter un examen détaillé des faits. Xenocœloma brwnpti C. et M. offre, en effet, un type nouveau et imprévu de parasitisme parmi les Copépodes, et même parmi les animaux en général. Non seulement la déformation et la dégradation, ou mieux la spécialisation adaptative du parasite, sont parmi les plus marquées que Ton puisse citer, mais encore et sur¬ tout ses rapports avec l’hôte offrent des particularités uniques à notre connaissance. Le parasite emprunte, en effet, littérale¬ ment une partie des organes de son hôte en les incorporant à sa propre organisation de la façon la plus intime. L’intérêt de ce type nous parait donc dépasser d’ensemble des Copépodes déjà si riche et si varié. C’est, dans une direction tout à fait différente, un exemple d’évolution aussi spécial et aussi inat¬ tendu que celui des Monstrillidæ , ou, en sortant du groupe des Copépodes, que celui des Rhizocéphales. Nous nous attache¬ rons donc à justifier, d’une façon précise, les conclusions aux¬ quelles nous sommes arrivés. Nous avons l'agréable devoir de remercier Y Association fran¬ çaise pour F Avancement des Sciences , qui nous a aidés dans la publication de ce travail par une subvention. Nous exprimons aussi notre gratitude à MM. P. Jeantet et L. Bondroit, pour le concours qu'ils nous ont apporté dans l’exécution des photogra¬ phies et des dessins qui accompagnent le présent mémoire. (l) Caullery et Mesnil, Sur la structure d’un Copépode parasite ( Xenocœloma brumpti, n. g., n. sp.) et ses rapports avec son hôte l Polycirrus arenivorus Caull.), C. R. Acad. Sc., t. CLXI, 1915, p. 709. — Nouvelles recherches sur Xeno¬ cœloma brumpti G. etM., Bull. Soc. Zool. France, t. XLII, 1917 pp. 1 69- 178. — Phases parasitaires initiales du Xenocœloma brumpti, etc., C. R. Acad. Sc ., t. CLXVI1, 1918, p. 964. XENOCŒLOMA BRUMPTI 163 Habitat et hôte. Le sablon de l’anse Saint-Martin Xenocœloma a été trouvé par nous en septembre 1915, au cours de recherches sur les Annélides de l’anse Saint-Martin, près le cap de la Hague. Dans le fond de cette anse, le rivage est formé par une digue naturelle de galets protégeant des prairies en contre-bas. Elle descend vers la mer, dessinant un arc général concave et formant un plan incliné, sans cesse remanié par les marées. Aux grandes marées, la haute mer atteint à peu près le sommet de cette digue, tandis qu à basse mer le pied assèche sur une assez fai¬ ble largeur. La région qui découvre ainsi est constituée en cer¬ tains points par des rochers recouverts d’une abondante végéta¬ tion d algues. Dans la partie située immédiatement à l’Ouest de 1 axe de 1 anse, sur 200 ou 300 mètres de longueur au pied des galets, s étend une bande de sable lin, à surface presque hori¬ zontale ; aux plus tortes marées, elle assèche sur une cinquan¬ taine de mètres de largeur. Entre les fonds généralement rocheux de 1 anse, il } a d autres plaques localisées de sable, mais qui ne découvrent jamais et que, par suite, nous n’avons pas pu explorer. Ce sable, ou sablon , comme on 1 appelle dans le pays, est très lin et très compact, d’une teinte grisâtre, riche en détritus organiques et il a été, pour cette raison, longtemps exploité comme un engrais léger. Il renferme une faune assez riche, que nous a^sons étudiée à diverses reprises. Rappelons quelques- unes des espèces qui s y trouvent, surtout parmi les Annélides. Ce sont, parmi les plus communes, d abord, Y Arenicola marina L. ; Scoloplus mülleri OErst. y est abondante et c’est dans cette localité qu’elle héberge l’Orthonectide décrit par noussousle nom de Stœc/iart/irum giardi C. et M. ('); elle est accompagnée de la grande Aricia latreillei Aud. Edw. ; Spio martinensis Mesn. (‘) Gaullery et Mesnil, C. li . Acad. Sc., t. CXXVIll, 1898. p. 437 et 316. — Recherches sur les Orthonectides, Arch. Anat. Microsc., t. IV, 1901, pp. 390-470. 164 M. CAULLERY ET F. MESNIL nous a fourni, dans ce même sablon, un exemple de dimor¬ phisme évolutif (1). Scolelepis fuliginosa Clap. et S. ciliata Kef. se rencontrent dans la zone supérieure. Nous avons récolté également Mage- lona papillicornis F. Muller. On rencontre communément plusieurs espèces de Nephthys L., des Clyméniens ( Clymene œrstedi Clap., Leiochone clypeata S. Jos.), un Lemnsenidae (ou Paraonidae ), décrit par nous sous le nom de Levinsenia fulgens Lev. (2). Parmi les Annélides errantes, plusieurs Phyllodociens sont très communs. Nous y avons signalé XExogone hebes Webster et Benedict (3), Syllidien adapté à la vie dans le sable et qui a l’allure raide d’un Nématode ; parmi les Hésioniens, Ophiodro- mus flexuosus Clap. ; parmi les Sphérodoriens, un Sphærodo- rum ( sensu Levinsen-Fauvel) ; parmi les Polynoïdiens, Sthenelais idunæ Bathke. Ce sable renferme aussi des Crustacés, Amphipodes, Cu- macés, Corystes dentatus , un Entéropneuste à gland extrême¬ ment long, que nous avons rapporté à Balanoglossus kovalevs- kii (4), et dont nous avons jusqu’ici récolté cinq individus. Par contre, il ne nous a fourni ni Mollusques lamellibranches, ni Spatangues, ni Synaptes, que l’on aurait pu s’attendre à y ren¬ contrer. Aux Polychètes ci-dessus énumérés, il faut ajouter un Poly- cirras qui est l’hôte de X enocœloma et que l’un de nous a décrit sous le nom de P. arenivorus Caull. '(5). En bêchant le sable avec un fort déplantoir, on le reconnaît, dans les cassures des mottes, au chevelu de ses tentacules blanchâtres s’allongeant souvent à grandes distances. Lui-même occupe un tube assez net, tapissé de mucus, situé généralement entre 10 et 20 centi- (*) Mesnil et Caullery, Un nouveau type de dimorphisme évolutif chez une Annélide Polychète ( Spio martinensis Mesn.), G. R. Aoçd. Sc., t. CLXV, ^ 917, p. 646. (*) Mesnil et Caullery, Etudes de morphologie externe chez les Annélides La famille nouvelle des Lévinséniens, Bull. Sc. France-Belgique, t. XXXI, 1898, pp. 125-150. (3) Mesnil et Caullery, Sur l’organisation et la biologie d’un Syllidien ( Exogone hebes XV. et B.), etc., Bull. Soc. Zool. France, t. XLI1, 1917, p. 126. (4) Caullery et Mesnil, Sur un Entéropneuste ( Dolichoylossus kovalevskii. Ag.), etc.. Bull. Soc. Zool. France , t. XLI, 1916, p. 125. (3) Caullery, Sur les Térébelliens de lasous-famille des Polycirridœ Malmg., etc. II. Polycirrus arenivorus n, sp., Bull. Soc. Zool. France, t. XL, 1915, p. 239. XENOCŒLOMA BRUMPT1 165 mètres de profondeur et à trajet gauche et irrégulier. La région céphalique et les dix premiers segments sétigères s’autotomi- sent avec une extrême facilité; la région suivante est d'une couleur jaune de miel; l’abdomen, long et incolore, se compose d'un nombre élevé de segments (pi. 1, fig. 1). Ce Polycirrus est tout à fait distinct de ceux des mares à Lithothamnion (P. cali- endrum , P. hæmatodes ) et a d’ailleurs un régime alimentaire tout à fait différent. Son intestin renferme toujours du sable, comme celui de la plupart des autres x\nnélides citées ci-des¬ sus. Son habitat est nettement et uniquement le sable. Polycirrus arenivorus est assez abondant dans le sablon, en face de l’extrémité est du groupe de roches appelées dans le pays le Doué et en s'éloignant de ce point dans la direction de l’est. Il ne remonte pas jusqu’au bord supérieur du sablon; on ne l’atteint guère qu’aux marées cotées 8 sur l’annuaire et aux marées plus fortes. La meilleure zone est à 30 ou 40 mètres de distance du contact entre le sable et les galets. Il n’est pas uniformément réparti, certains points en donnent nettement plus que d'autres. Dans les circonstances favorables, une marée permet d’en recueillir jusqu’à 40 à 50 exemplaires. C’est donc une Annélide qui n’est pas rare en ce point, mais dont l’habitat est étroitement localisé et la recherche assez difficile. Il n’est pas très aisé de compter exactement les exemplaires que l’on recueille, car bèaucoup se brisent et l'on récolte plus de frag¬ ments que d'individus entiers. Xenocœloma. Etude « in vivo » En septembre 1915, quelques Polycirrus arenivorus (dont 1 existence nous avait jusque-là échappé, malgré de nombreu¬ ses explorations du sablon) furent recueillis par hasard, au cours de recherches faites pour trouver des Ophiodromus flexuo- sus Clap. L'uii de ces exemplaires portait un Xenocœloma et ce fut le parasite qui attira l’attention sur l’hôte. Ce dernier fut dès lors systématiquement recherché. Le Copépode se présente, sur le vivant, comme une tige cylindrique, légèrement flexible , fixée latéralement à l’abdomen ou à la partie postérieure du tho- 166 M. CAULLERY ET F. MESNIL rax du P oly cirrus. A l’état adulte, il porte souvent deux longs cordons ovigères, sortant d’un même orifice et dont la teinte varie d’un blanc rosé au rouge vermillon dilué, suivant que les embryons sont à un stade initial ou avancé. Ces cordons suffi¬ sent à montrer qu’il s'agit d’un Copépode, ce que l’animal lui- même est loin de révéler. La photographie pi. I, fig. 1, repré¬ sente un Polycirrus arenivorus porteur de deux parasites avec leurs cordons ovigères. A l’état adulte, Xenocœloma atteint 5 à 6 millimètres de lon¬ gueur sur 1,25 millimètre de diamètre; sa teinte dominante à l’œil nu est d’un brun rougeâtre qui transparaît à travers le tégument. Observé à un faible grossissement, au microscope binoculaire, il montre que cette coloration est localisée dans les trois quarts proximaux ; le quart distal est blanchâtre et trans¬ lucide. L’animal est généralement turgescent, mais parfois on le voit flasque : un simple attouchement suffit alors pour le raidir en lui rendant sa turgescence. Cela implique une forte musculature pariétale et l’afflux ou la rétention de liquide à l’intérieur. En dehors de ces réactions exceptionnelles, l’animal montre une contractilité très nette . A son extrémité proximale, au point d’insertion sur l’hôte, le Copépode présente, en général, un léger rétrécissement en une sorte de court pédicule et la région où commence ce rétrécis¬ sement montre souvent un bourrelet annulaire assez net. La proportion des Polycirrus parasités nous a semblé pou¬ voir être évaluée globalement de 5 à 10 0/0. Mais d’une récolte journalière à l’autre, il y a de grandes variations ; à certaines marées, le pourcentage a atteint et même déjDassé 20 0/0. Le plus fréquemment il n’y a qu’un seul Copépode sur un Polycir¬ rus, mais il n’est pas rare d’en trouver deux, quelquefois trois, quatre et même cinq, soit tous adultes, soit de tailles diverses. Le point d’insertion du parasite sur l’hôte est variable. Nous n’en avons jamais rencontré dans la région antérieure autoto- misable, ni sur les segments qui suivent immédiatement. Le plus grand nombre siègent sur la région dépourvue de soies capillaires, mais on en trouve aussi au niveau des anneaux pourvus de celles-ci. Ils sont fixés aussi bien à la face dorsale qu’à la face ventrale, plus fréquemment, semble-t-il, vers cette dernière (13 cas sur 18 examinés). Le plan de symétrie de X eno- XEXOCŒLOMA BRUMPTI 167 cœlomci , toutes les fois que nous l’avons examiné, était perpen¬ diculaire à l’axe longitudinal de l’Annélide. Les adultes sont beaucoup plus communs que les jeunes; nous reviendrons ultér¬ ieurement sur ce fait. Si l’on observe, sur le vivant, au micr scope binoculaire, la façon dont l’animal est fixé à son hôte, ce qui est facile grâce à la transparence des tissus, moyennant une légère compression, on ne constate aucun appareil spécial de fixation, aucun appen¬ dice, aucun prolongement ou racine dans l’hôte. Au contraire, on remarque une parfaite . continuité entre le Poly cirrus et le Xenocœloma. Il en est ainsi, en particulier, pour le tégument, qui se raccorde, sans aucune soudure visible, avec la paroi de l’Annélide et d’ailleurs ne montre aucune cuticule. On peut dis¬ tinguer facilement, dans la région proximale du Copépode, une cavité axiale, qui communique avec le cœlome de l’Annélide. Le tube digestif de celle-ci vient parfois y faire légèrement her¬ nie. Autour du point d'insertion du parasite, la paroi cutanée de l’hôte est parfaitement normale, sans aucune trace de réac¬ tion, ni aucun tissu ou appareil particulier. Nous avons déjà dit que les deux sacs ovigères sortent par un même orifice sensible¬ ment terminal et qui, en leur absence, est difficile à voir, con¬ tracté qu'il est par la musculature qui le ferme. Observations antérieures. — Détermination générique et spécifique Ainsi que nous 1 avons dit en 1915, une espèce extrêmement voisine de celle qui est en question ici a été rencontrée et étu¬ diée sommairement par E. Brumpt (*), qui lui avait donné le nom de Saceopsis alleni n. sp. 11 en avait eu quelques spéci¬ mens, recueillis à Plymouth, sur des Polycirrus aurantiacus Gr., habitant des cavités de scories draguées sur les fonds du port. Brumpt a donné une description exacte de l’ensemble de 1 anatomie, mais sans reconnaître ce que les rapports avec 1 hôte ont de spécial. Il constate l’absence d appendices, debou- I1) E. Bkumpt, Sur un Copépode nouveau ( Saceopsis alleni, n. sp.). parasite île Polycirrus aurantiacus, C. R. Acad. Sc., t CXXIV. 1897, pp. 1464-1467, 168 M. CAULLERY ET F. MESXIL che et d'anus, la continuité des téguments de l'hôte et du para¬ site (il est impossible, dit-il, de séparer les épidermes), les rapports de position des plans de symétrie. Il a été frappé également par la hernie que fait souvent le tube digestif du Poly cirrus dans la cavité centrale du Gopépode. Il n’y a aucun doute qu'il s’agisse d’une espèce extrêmement voisine de la nôtre ; il ne serait même pas impossible que ce fût la même. Nous avons cru cependant devoir considérer la nôtre comme distincte. D’abord parce que l'hôte est différent et, en général, il y a une spécificité étroite et réciproque entre hôte et parasite dans ces groupes, et, pour ces formes de parasitisme à adaptation très profonde. Giard a insisté justement sur cette notion à propos des Epicarides. Les exceptions qu’on a signa¬ lées, les objections qu'on a faites au principe ne nous parais¬ sent pas en affaiblir la portée. Pour être vraiment décisives, ces objections devraient être basées sur des contaminations expérimentales positives, ce qui n’a pas été fait et n'est d'ail¬ leurs guère réalisable. Des parasites, paraissant identiques sur des espèces botes différentes, peuvent cependant être spécifique¬ ment distincts. Le fait frappant que montrent nombre de types, c’est leur stricte localisation sur une espèce-hôte déterminée, à l’exclusion de toute contamination des espèces les plus pro¬ ches. Dans le cas présent, il nous a paru sage de nous en tenir à ce principe, jusqu’à preuve formelle du contraire. D’ailleurs les figures données par Brumpt montrent son parasite trapu et ovoïde, plutôt que franchement cylindrique. De plus, l’habitat du Polycirrus de Plymouth est différent de celui du P. arenivo- rus à l’anse Saint-Martin. Ce n’est pas la vie en plein sable, compact, habitat si caractéristique. Les deux espèces de Saint-Martin et de Plymouth appartien¬ nent par contre incontestablement au même genre. Mais nous ne suivons par Brumpt dans son attribution de ces Gopépodes au genre Saecopsis Levinsen et nous avons créé un genre nou¬ veau Xenocœloma (*). * * 4 (’) Ssvoç étranger, xoùmuc/. cavilé ; en raison de la nature de la cavité axiale du Gopépode; v. infrà, p. 172. XENOCŒLOMA BRUMPTI 169 Le genre Saccopsis a été créé pas Levinsen t1) pour un para¬ site de Terebellides strœmii Sars du Groenland, déjà rencontré antérieurement par Steenstrup et Lutken, qui l’avaient rangé dans le genre Herpyllobius. Ce Copépode (fig. I) se présente aussi comme un sac allongé, fixé par un pédicule court à la Téré- belle et dépourvu de tout appendice. Mais la description de Levinsen et ses figures, que nous repro¬ duisons ici, montrent et surtout laissent supposer des divergences considérables. En ce qui concerne la fixation à l’hôte, Levinsen spécifie dans la diagnose latine que le parasite est antice bulld pelio- lala margine reflexo affixum (2), ainsi d ailleurs que l'indique la figure et le texte danois dit : « La question la plus « importante au sujet de cette forme qui, « comme les \Herpyllobiidæ , est com- « plètement apode et se termine par un « col aminci en un bouton chitineux (3), « est de savoir si elle présente aussi, « cachée dans l hôte, une portion molle, « etc... ». Plus loin 1 auteur dit encore, à propos d’un des exemplaires : « La portion antérieure aboutit, par un col court et très mince, « à un bouton de fixation qui a une portion recourbée et se « montre antérieurement creusée (4). » Il y a donc, chez Sac¬ copsis, un appareil de fixation chitineux qui éveille des compa- (’) Levinsen, Om nogle parasitiske krebsdyr der snylte hos Annelider, Vident k. Medd. Naturh Foren ,, Copenhague. 1877, p. 374 24 du tirage à p;i rt , pl. VI, fig. 21-22. (*) Voici d’ailleurs cette diagnose latine complète : Saccopsis terebellidis n. g., n. sp. — Corpus feminæ sacciforme vel coniforme, haud annulatum, membrorum cujusve generis rudimentis destilutum, antice bullà petiolatà margine reflexo affixum, postice lalitudine sensim accrescens et in parle posteriori tuberis duohus minutis instructum, saccos ovigeros ycrentibus, inter quæ apertura rotunda (vulva 9) conspicitur. Sacci ovigeri, cylindrici, animali paulo longiores, latitudine dimidiam partem longitudinis corporis lequantes. Lon- git. sine sacc. ovig. 3,5 mm. ; lalit. max. 1,75 mm. ; crassit. 1,25 mm. Mas ignotus. Habit, ad Gruenlandian, parte anteriori, Terebellidis Stromii afjixa . (3) hortil gjennem en tynd Hais gaaer over i en Chitinknap eller chitinring - (*) Den fovreste Deel gaaer gjennem en meget tynd kort Hais over i en Hefte- knap, der har en til bageboiet Deel og fortil viser sig fordybet. Fig. I. — Saccopsis terebellidis (d’après Levinsen, /. c. , plan¬ che VI, figures 21-22). 170 M. CAULLERY ET F. MESNIL raisons avec le genre Herpyllobius. Rien de semblable n’existe ici et cela doit correspondre à des différences anatomiques con¬ sidérables. Levinsen n’a fait d’ailleurs de son parasite qu’un exa¬ men purement extérieur. La région postérieure montre aussi des différences, car les sacs ovigères de Sacçopsis sont insérés directement à l’extérieur sur deux petits tubercules, dépourvus de cadre chitineux (r) et hors de l’orifice médian que l’auteur interprète avec doute comme un pore génital. Chez les parasites des P oly cirrus , au contraire, les sacs ovigères sortent tous deux de l unique ori¬ fice médian postérieur et prennent leur insertion séparément dans une cavité interne particulière, que nous décrirons sous le nom d’atrium. Cette distinction, minime en apparence, corres¬ pond en réalité à des différences anatomiques considérables. Ajoutons que Saccopsis , n’étant connu que par deux spéci¬ mens, aurait besoin d’être réétudié. Dans son beau mémoire sur les Choniostomatidae , H. J. Hansen (2), discutant les données acquises sur les Herpyllobiidae , se demande si, en réalité, Saccopsis ne posséderait pas un appendice lamelliforme anté¬ rieur, inclus dans les tissus de T hôte, à la façon des Herpyllo¬ bius , faute de quoi, dit-il, la nutrition de cet animal est diffi¬ cile à comprendre. Levinsen lui-même, à qui Hansen avait soumis cette possibilité, en 1896, était disposé à l'admettre. Il n’y a aucun doute que rien de semblable n’existe chez notre Copépode et toute incertitude sur sa distinction générique avec le parasite du Terebellides doit être exclue. Nous préciserons plus loim la diagnose générique de Xeno- cœlornci où nous admettrons deux espèces : 1. Xenocœloma alleni Brumpt, 1897, parasite de P oly cirrus aurantiacus Gr. (Plymouth). 2. X. brumpli Caull. et Mesn , 1915, parasite de P oly cirrus arenivorus Caull. (anse Saint-Martin). 0) la Dyrets bageste Deel laa to smaa ruade, ikke af aogea Chitinring slôt- tede Ophoiniager, hvorfra Æggesakken udgi.k . . . L’absence d’un cadre chitineux autour des tubercules où s’insèrent les sacs ovigères est spécifiée par Levinsen comme différence avec les Herpyllobius. (*) H. J. Hansen, The Choaiostomatidae, A fatnily of Copepods, parasites on Grustacea malacostraca, Gopenhagen, 1897, p. 16. XENOCŒLOMA BRUMPTI 171 L’anatomie de l’adulte étant profondément modifiée, le déve- loppement devait présenter un intérêt particulier et nous avons fait, depuis 1915, des efforts répétés pour le connaître complè¬ tement. On verra dans quelle mesure nous avons réussi. On peut délimiter de la façon suivante les phases par les¬ quelles passe l’individu : 1° L’embryogénie proprement dite, de l'œuf au stade Nau- plius ; 2° La phase de vie libre, de l’éclosion du Nauplius à la péné¬ tration dans l’hôte ; 3° La métamorphose en la forme parasite ; 4° La croissance de celle-ci jusqu'à l’état adulte et la dillé- renciation des organes. Nous commencerons par l’examen des faits relatif à cette dernière phase. III Etude de « Xenocœloma », sous sa forme définitive Nous ne nous bornerons pas, dans ce chapitre, à l’étude de l’état adulte proprement dit. Pendant toute la période de crois¬ sance, 1 animal ne subit pas de transformations organiques fon¬ damentales, mais seulement celles qui résultent de l’accroisse¬ ment et de l’évolution de l'appareil génital. L’adulte mesure 5 à fi millimètres de longueur; or son organisation est réalisée, dans ses traits essentiels, sur des individus ne mesurant guère plus de 1 millimètre et les individus jeunes peuvent être plus com¬ modes que les adultes pour 1 étude de certaines particularités. Examen général de /’ organisation. On pourra prendre une idée d ensemble de l organisation (fig. II, p. 173) par l’étude de Xenocœloma vivants et surtout par celle d individus fixés ('), colorés in toio par une solution (‘) Nous avons toujours fixé les Polycirrus parasités par le liquide de Boüin-Duboscq [formol (sol. commerciale) : 50 cc. ; acide picrique : 1 gr. ; acide acétique cristallisable : 10 cc. ; alcool à 75° : 150 cc.]. 172 M. CAULLERY ET F. MESNIL faible de glychémalun, avec différenciation énergique par l'alcool acidifié à HCL Ces exemplaires, montés dans le baume du Canada, donnent de bonnes images de la disposition des organes. Le tégument ne présente aucun appendice, ni aucun orne¬ ment en saillie ; sa seule particularité est l’orifice situé à l’ex¬ trémité distale, par où sortent les sacs ovigères (pi. Il, fig. 12). Il n'est revêtu d’aucune cuticule et nous verrons que l’épithé¬ lium qui le constitue appartient, en réalité, au Polycirrus. Il se montre d’ailleurs en parfaite continuité avec l'ectoderme de l’Annélide. A l’intérieur de l'animal, on aperçoit une cavité axiale , <2, plus ou moins vaste. Sur des exemplaires jeunes, elle en occupe la presque totalité (cf. fig. VIII), les tissus étant réduits à un man¬ chon périphérique de faible épaisseur. Chez l’adulte, elle est beaucoup plus réduite. On la distingue nettement, à l'examen in toto, sur la moitié ou même les deux tiers proximaux de la longueur du Xenocœloma et nous dirons immédiatement qu’elle se prolonge plus bas par un tube très mince terminé en cæcum, autour duquel sont placés deux organes particuliers, décrits par nous sous les noms d organe mèandri forme et d organe en rosette. La cavité axiale communique avec la cavité cœlomique de l'Annélide, soit largement, soit par un orifice plus ou moins rétréci, au point d'attache du parasite sur l’hôte, où se trouve comme une bague de serrage constituée par la musculature pariétale du Polycirrus (cf. pi. I, fig. 4, u). Le revêtement qui tapisse la cavité axiale se montre, par l'examen in toto , en con¬ tinuité avec celui du cœlome annélidien, et nous verrons, par l’étude de Ladulte et celle du développement, qu’effectivement il dérive de la somatopleure du Polycirrus. Cette cavité axiale est donc morphologiquement un diverticule du cœlome de l'hôte, s’étendant dans presque toute la masse du parasite, un cœlome qui n’appartient pas à ce dernier (d’où le nom de Xeno¬ cœloma). Si l'on remarque donc que ni le tégument extérieur, ni le revêtement de la cavité axiale n'appartiennent au Copépode — comme il sera démontré plus loin — celui-ci est réduit en réa¬ lité cà un manchon cylindrique clos à son extrémité distale ; il 173 » XENOCŒLOMA B RU M PT T * forme comme un cylindre embouti entre l’ectoderme et l’endo- «• tliélium péritonéal de l’Annélide. Les organes propres au parasite se réduisent à peu près aux organes génitaux extrêmement développés. Fig. II. — Xenocœloma brumpti et ses rapports avec l’hôte. G = 44. i, intestin de Polycirrus plein de sable et faisant une légère hernie dans le Crustacé; a, cavité axiale de Xenocœloma', ov , ovaire; œ , cordons d’œufs en cours de maturation ; o, oviducte ; t, testicule. i On remarque d’abord 1 ovaire, ov, formé d une paire de lobes reliés par une portion médiane rétrécie, 1 ensemble rappelant la forme d'une haltère ; le pont médian peut d'ailleurs manquer complètement chez les adultes. L’ovaire, qui se colore avec une intensité beaucoup plus forte que le reste des organes, est V 174 M. CAULLERY ET F. MESNIL > placé à peu près à l’extrémité du second tiers de la longueur de l'animal, à partir de son insertion sur l'hôte. Il peut nous servir de repère pour orienter l’animal, puisque, chez tous les Copé- podes, il est dorsal. La face où il siège est donc la face dorsale ; son plan de symétrie est celui de l’animal. Le plan ainsi déter¬ miné est perpendiculaire à la fois à l'axe longitudinal et au plan sagittal du Poly cirrus. Brumpt avait déjà correctement noté cette orientation respective du parasite et de l’hôte. Dans le tiers inférieur du corps, on notera les organes sui¬ vants ; 1° Les organes mëandriforme et en rosette autour du prolon¬ gement inférieur ou distal de la cavité axiale : ils ne se distin¬ guent que sur les coupes ; 2° Une paire de tubes symétriques bien délimités, à paroi épaisse, prenant bien les colorants. Chacun de ces tubes part de l’extrémité inférieure, monte latéralement jusqu’au niveau inférieur de l’ovaire, s’y recourbe pour redescendre vers le bas d'une longueur égale à environ la moitié de la branche mon¬ tante, puis se réfléchit encore pour former une branche finale montante de longueur égale à la moitié de la branche descen¬ dante. Ces organes sont les oviductes , o, ou plus exactement la partie terminale de ces organes, qui est transformée en glandes cémentaires (. Kittdrïisen des auteurs allemands) et qui sécrète la substance agglutinant, lors de la ponte, les œufs en cordons ovigères ; 3° Le tiers postérieur du Copépode est occupé surtout par trois vésicules : l'une axiale, les deux autres paires occupant les faces latérales et s’accolant sur la ligne médiane ventrale (fig. II, et pi. 11, fig. 8). La vésicule axiale est la vésicule séminale , volumineuse, remplie, chez l’adulte, de très longs spermato¬ zoïdes enroulés en pelotons serrés (fig. 11 et 12, pi. II). Elle est plus ou moins coitfée supérieurement par l’organe méandri- forme et l'organe en rosette qui, en tout cas, siègent contre sa face supérieure. Les deux vésicules latérales sont les testicules, t, qui commu¬ niquent avec la vésicule séminale. Nous étudierons longuement ces organes et leur développement. Nous insistons dès à pré¬ sent sur ce que leur existence a d’exceptionnel. Il n’y a encore aucun cas d’hermaphrodisme connu chez les Copépodes et, a XENOCŒLOMA BRUMPTI 175 priori, les spermatozoïdes trouvés dans la vésicule séminale auraient pu provenir d’un mâle. Nous discuterons cette ques¬ tion plus loin. Sur le vivant, la vésicule séminale et les testi¬ cules ont une couleur blanchâtre et une semi-transparence. La vésicule séminale se termine inférieurement en une paire d’entonnoirs progressivement rétrécis en deux tubes pleins de spermatozoïdes, qui, à leur extrémité, se réunissent â la termi¬ naison des oviductes. Ce sont les spermiductes; 4° La partie tout â fait distale de Xenocœloma, où se termi¬ nent oviductes et spermiductes, est occupée par une cavité de forme compliquée, à paroi épaisse et massive, que nous appel¬ lerons Y atrium et qui s’ouvre au dehors par le pore terminal signalé plus haut et par où sortent les sacs ovigères. L’étude des coupes montre que ceux-ci s’insèrent au fond de l’atrium, à l'entrée des deux poches qui conduisent chacune â la termi¬ naison commune d’un oviducte et d’un spermiducte ; 5° Les organes précédents sont les mieux définis. Sur un Xenocœloma jeune, mesurant de 1 à 2 millimètres, tout le reste de l'espace occupé par le parasite, entre l’ectoderme et l'endothé¬ lium péritonéal annélidiens, est rempli par un parenchyme assez compact, au sein duquel, toutefois, les coupes montrent des tubes très fins. Plus tard, ces tubes, œ, sont extrêmement disten¬ dus par les oocytes qui les remplissent et y accomplissent toute leur croissance. Finalement ces tubes constituent la masse prin¬ cipale du parasite dans la région supérieure et compriment la cavité centrale. Ce sont eux surtout que l'on aperçoit à l’examen in loto , sur le vivant ou après fixation. Us constituent un système, qui se détache, de chaque côté, de la face externe et supérieure de l’ovaire. L’ovaire est seulement le lieu de formation et de multiplication des oogonies (fonc¬ tionnant comme tel pendant toute la vie de l’individu) et de différenciation des oocytes, qui vont ensuite mûrir dans les tubes ovariens, œ. Ceux-ci sont une portion différenciée et extrêmement développée des oviductes. Nous les désigne¬ rons sous le nom de tubes de maturation. Leur disposition générale est plus facile â comprendre sur de jeunes individus où ils sont encore vides. On voit alors qu’en gros ils forment, au départ de l’ovaire, une branche transversale, d’où s’élèvent une série de tubes longitudinaux (une douzaine au moins), 176 M. GAULLE R Y ET P. MESNIL occupant toute la région supraovarienne ; il y a aussi des bran- . ches descendantes et l’ensemble aboutit finalement, de chaque côté, à l’extrémité supérieure des glandes cémentaires définies plus haut, avec lesquelles ils s'abouchent directement. L’en¬ semble des tubes de maturation est donc, nous le répétons, une portion initiale très hypertrophiée et différenciée des ovi- ductes# On sait (*) que cette complication des oviductes — plus ou moins grande, suivant les types — caractérise les Gopépodes Podoplea (2), auxquels se rattache d’ailleurs la généralité des parasites. V 6° L'organisation de Xenocœlômci se réduit aux organes pré¬ cédents, c’est-à-dire à peu près au système génital hypertro¬ phié et différencié. Il n'y a ni tube digestif individualisé, ni bouche, ni anus. Nous verrons toutefois, par l’étude du déve¬ loppement, dans quelle mesure la cavité axiale peut représenter l’appareil intestinal du Gopépode, tapissé, à la face interne et dans toute son étendue, par l'endothélium péritonéal de l'hôte. Nous n'avons pas trouvé de traces indiscutables de système nerveux ni d'organes sensoriels, ni d'appareil circulatoire, ni d'appendices d'aucune sorte, buccaux ou ambulatoires. On voit donc le degré intense de régression subie par ce Gopépode, sous l'influence du parasitisme, en même temps qu’il acquérait des rapports spéciaux et uniques, à notre con¬ naissance, avec son hôte. Nous allons maintenant reprendre successivement et avec détail l’étude des divers organes. Etude détaillée des divers organes. Cette étude a été faite entièrement sur des coupes longitu¬ dinales ou transversales de 6 p d’épaisseur, colorées, tantôt à C) Giesbrecht, Crustaceen in A. Lang. Lehrbuch der vergleichenden Anatomie etc., 2e édition, 1913, p. 184. (2) Giesbrecht partage les Copépodes en Gymnoplea (Acartia, Calanus, Diap- tomus , etc.) dont l’abdomen est complètement dépourvu d’appendices et Podo¬ plea ( Canthocamptus , Cyclops, Harpacticus, etc...), où il y a une ou deux paires d’appendices abdominaux rudimentaires. XENOCŒLOMA BRUMPTI 177 l’hématéine, tantôt à l’hématoxyline ferrique. Cette dernière colo¬ ration donne une différenciation très nette des tissus et diffé¬ rencie particulièrement certains d’entre eux comme les muscles. On coupe le parasite avec la portion adjacente de l’Annélide, ce qui est indispensable pour l'étude de leurs rapports mutuels. 11 faut naturellement, au préalable, dans la partie à couper, vider l'intestin du Poly cirrus des grains de sable qui souvent, l’obstruent entièrement. Cela se pratique assez aisément sur les pièces en cours d’inclusion, quand elles arrivent dans lexylène. Malheureusement on est souvent amené, dans cette opération, à dilacérer les tissus de l’Annélide. Les pièces de choix sont celles où, dans la région de* fixation du parasite à l’hôte, le tube digestif de ce dernier est vide de sable. Nous avons eu recours aussi à quelques frottis, notamment pour l’étude des éléments sexuêls. 1° Tégument et paroi du corps. La paroi de Xenocœloma est constituée par un épithélium régulier et cylindrique, formé d'une seule couche de cellules, sous laquelle on trouve des fibres musculaires et du mésen¬ chyme. Or l’épithélium appartient au Poly cirrus et les muscles au Crustacé. Xenocœloma n’a donc pas de tégument véritable. Ce tégument a disparu. Tel est le gros paradoxe, qui s’impose pour les raisons suivantes : Tout d'abord, il n'y a aucune cuticule chitineuse, comme on s’attendrait à en trouver une sur un ectoderme de Crustacé, surtout exposé au milieu extérieur. Les Lernéens, pourtant si déformés, ont une cuticule épaisse. 1) autre part, il y a une continnité absolue — signalée déjà par Brumpt — entre l’épithélium recouvrant le Copépode et l’ectoderme de l’Annélide. Cela est particulièrement frappant sur des coupes longitudinales du parasite et de la partie de 1 hôte où il s’insère. Il y a en même temps conformité absolue de structure. C’est ce que montrent en premier lieu les noyaux des cellulles. Les noyaux des tissus somatiques du Polycirrus (ectoderme, endothélium péritonéal, leucocytes, épithélium intestinal; sont 12 178 M. CAULLERY ET F. MESNIL d’une taille assez uniforme et montrent une structure égale¬ ment uniforme ; le nucléole y est relativement peu développé et par contre il y a un fin réseau de chromatine périphérique bien caractérisé. Au contraire, tous les tissus de Xenocœloma — sauf l’épithélium extérieur, l’endothélium recouvrant la cavité axiale et les cellules germinales — ont des noyaux montrant un nucléole massif, relativement gros et dépourvus de tout réseau chromatique périphérique. Le contraste est frappant sur les préparations ; principalement dans les coupes passant par la région de soudure du parasite à l’hôte, où les tissus de ce der¬ nier sont inclus dans ceux du premier, on délimite aisément et avec une netteté parfaite, par le simple aspect des noyaux, ce qui appartient à l’un et à l'autre. En outre, la taille définitive des noyaux, dans la généralité des tissus de Xenocœloma, n’est atteinte qu’à partir d’un stade assez avancé. Sur les stades jeunes, surtout sur les stades initiaux du parasitisme qui sont décrits plus loin, ces noyaux sont beaucoup plus petits, et la différence de taille s’ajoute à celle de structure pour accentuer le contraste entre les tissus de l'hôte et ceux du parasite ; sur ces jeunes Xenocœloma, l’épithélium extérieur a identiquement les caractères et les dimensions cellulaires de l’adulte et de l’ectoderme de l'Anné- lide. De- plus, — en empiétant sur ce qui est relatif aux stades ini¬ tiaux du parasitisme, où l’attribution de l’épithélium extérieur à l’Annélide est pour ainsi dire évidente, — remarquons qu’au début de l’infestation par le parasite, l’ectoderme du P oly cirrus, refoulé en une saillie qui se développe rapidement, doit proli¬ férer; effectivement, on y trouve, sans difficulté, de nombreuses cellules en caryocinèses. Or, ces cinèses (fig. III A) sont identi¬ ques à celles que l’on trouve — plus rarement — dans les autres tissus de l’Annélide, en particulier dans l'épithélium intestinal (fig. III B). Au contraire, sur les jeunes stades du parasite, les divisions des noyaux somatiques ont un aspect tout différent. Il ri y a donc aucun doute possible sur b attribution au Poly- cirrus de b épithélium qui recouvre tout le parasite ; cest b ecto¬ derme de b Annélide. Ce n’est pas cependant qu’il y ait identité absolue de l’épi- XENOCŒLOMA BRUMPTI 170 thélium extérieur à la surface du P oly cirrus et du Xenocœ- loma. Sur ce dernier, en effet, il est aminci et comme étiré et il n a pas la richesse glandulaire qu’il possède sur l’Annélide. Mais ce n’est là qu’une différenciation locale, non une différence véritable. Remarquons d ailleurs que, même si les preuves d’ordre his¬ tologique n’étaient pas aussi formelles qu’elles le sont, il serait hg. III.— A. fragment de coupe du tégument extérieur d’un jeune Xeno- cœloma ; B, fragment de coupe de l’épithélium intestinal du Polycirrus. Noter l’identité des mitoses dans les deux tissus.. G = 1.500. infiniment plus paradoxal d’expliquer la continuité parfaite entre les épithéliums recouvrant les deux organismes, en admet¬ tant que leurs deux téguments se sont soudés bout à bout pour réaliser la continuité observée. L ectoderme ânnélidien se poursuit jusqu’au bord interne de l’orifice terminal qui est percé à travers lui. Là, il cesse brus¬ quement. La délimitation est parfaitement nette sur des coupes longitudinales passant par cet orifice et colorées simplement à 1 hématéine , l épithélium de 1 Annélide, dont les noyaux sont serrés et bien colorables, tranche en effet nettement par sa 480 M. CAULLERY ET F. MESNIL teinte générale sur les tissus du Crustacé et en particulier sur ceux de l’atrium. Il résulte de là, qu’en dépit des apparences, Xenocoeloma est un parasite interne , ne communiquant avec le dehors que par le pore atrial terminal. La première conséquence que l’on s’attendrait à voir découler de la conclusion précédente est qu au-dessous de l’ectoderme annélidien on devrait trouver celui du Crustacé, plus ou moins épais et recouvert de chitine. Or il n’en est rien, ce qui paraît aller à l’encontre de l’interprétation adoptée. Nous n’avons pas méconnu cette objection et n’avons été pleinement satisfaits qu’en constatant d’une façon indéniable la réalité de l’ectoderme du Xenocoeloma aux stades initiaux du parasitisme, où on le trouve avec une netteté indiscutable cf. pl. III, fîg. 17 et 20 e). Nous y reviendrons à propos de ces stades. Sur de jeunes indi¬ vidus (longueur 0 mm., 5), on constate encore, sous l’épithé¬ lium du P ol y cirrus, un alignement régulier et assez dense de noyaux du Crustacé (fig. III, A) ; sur des individus plus âgés, il en est de même à l’extrémité supérieure. Mais cet épithélium s’atrophie rapidement en ne proliférant pas. Ses cellules s’espa¬ cent et l’on ne voit plus, sur les coupes, qu’un noyau de place en place. Morphologiquement ces noyaux représentent toujours l’ectoderme originel. Mais nous doutons que celui-ci forme une paroi vraiment continue ; son épaisseur, en tout cas, est quasi- virtuelle. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, qu’on ne trouve pas davantage de cuticule chitineuse. Elle ne pourrait être qu’une lamelle très mince .se traduisant, sur les coupes, par une line ligne anhyste, formant comme une basale à l’épithélium du Poly cirrus . A certains endroits, nous avons bien cru aperce¬ voir une formation de ce genre, sur une étendue plus ou moins considérable. Mais, dans la généralité des cas, malgré une recherche attentive, elle nous a échappé. Toutefois, sur des coupes tangentielles à la paroi du corps, on peut mettre en évi¬ dence une membrane anhyste, sur laquelle nous reviendrons à propos delà musculature (v. pl. IV, fig. 26). En fait donc, le tégument épithélial du Crustacé a disparu en tant que couche continue délimitant et protégeant l’organisme. XENOCŒLOMA BRUMPTf 181 Son rôle est à tous égards rempli par l’ectoderme de l’Annélide. Le parasite a emprunté cet organe à son hôte. Musculature pariétale. — Elle forme, dans la généralité des groupes, le complément de la paroi et il faut l’étudier ici. On pourrait s’attendre à ce que la musculature pariétale de l’Anné- lide eût accompagné l’ectoderme pour recouvrir le Xenocœloma. Mais il n’en est rien. Les muscles de l’hôte et du parasite sont très aisés à distinguer, les premiers étant lisses et les seconds striés. Or, tous les muscles pariétaux du parasite sont striés et lui appartiennent donc bien en propre. Il n'y a aucune libre Fig. IV. — Coupe tnngentielle à la surface du Poly cirrus , dans la région d’insertion d’un Xenocœloma. On voit les muscles pariétaux, longitudi¬ naux et circulaires écartés; une perforation dans la paroi musculaire anné- lidienne donne ainsi passage à un diverticule du cœlome annélidien cœ tapissé par l’endothélium péritonéal. G = 125. lisse. L’étude du développement explique aisément cette cons¬ tatation. Sur Ladulte, on voit, par des coupes tangenticlles à la région où Te Crustacé s’insère sur l’hôte (fig. IV), que la paroi musculaire de l’Aniiélide est littéralement perforée, pour per¬ mettre la communication de la cavité cœlomique cœ avec la cavité axiale du parasite. Les coupes longitudinales de celui-ci montrent qu’aucune libre musculaire de l’Annélide n’est déviée. La musculature pariétale propre du Crustacé est très dévelop¬ pée, comme on peut s’y attendre d’après l’observation in vivo qui montre une grande contractilité de l'animal. Elle ne forme 182 M. CAULLKRY ET F- MESNIL pas une couche compacte comme dans la paroi de 1 Annélide. C’est un feutrage lâche de fibres longitudinales et circulaires, les premières étant les plus fortes. On distingue bien ces muscles et leurs attaches par des colorations à 1 hématoxyline ferrique. Les fibres, plus ou moins longues, s épanouissent souvent en éven¬ tail vers leur extrémité. Leur insertion serait évidemment très Fig. V. — Fragment de coupe longitudinale tangentielle d’un Xenocœ- loma ; sur les bords, l'ectoderme annélidien; puis la basale anhyste, dans laquelle s’insèrent, à l’intérieur, les fibres musculaires striées du Crustacé (cf. pl. IV. fig. 26). G = 250. intéressante à étudier. Elle doit représenter une modification d’un système de tonofibrilles venant prendre appui sur une cuticule chitineuse. Sur des coupes tangentielles convenable¬ ment colorées à l’hématoxyline ferrique (fig. V), on constate qu el¬ les viennent s’insérer sur une membrane anhyste, continue, acco¬ lée contre l’ectoderme annélidien. Ce peut très bien être là un XENOCŒLOMA BRUMPTl 183 reste de la cuticule chitineuse primitive ; mais elle est mainte¬ nant physiologiquement réduite à une simple basale de l’ecto¬ derme. L’examen précis de ces rapports, dont nous apercevons tout l’intérêt dans le cas présent, aurait exigé une étude histo¬ logique spéciale que nous n’avons pas entreprise. La musculature est très développée sur toute la surface du Xenocœloma, jusqu’au pourtour de l’orifice atrial, autour duquel on trouve des fibres annulaires et radiales. Quel que soit le mode d’implantation des muscles pariétaux, ils font intimement corps avec l’ectoderme annélidien et le résultat paradoxal sur lequel nous insistons est la réalisation d’une paroi nouvelle mixte dont /’ ectoderme appartient à l'hôte et la muscu¬ lature au parasite. Ces deux éléments sont fondus en un ensem¬ ble parfaitement synergique. Le parasite s’est littéralement approprié l'ectoderme de son hôte et l’a incorporé à son propre organisme. 2° Paroi de la cavité axiale. Elle a un caractère mixte, absolument parallèle à ce que nous venons de décrire et c’est pourquoi nous en abordons immédiatement la description. Ici encore le simple aspect des tissus, sur la plupart des pré¬ parations, suffît à suggérer l’interprétation que nous avons annoncée plus haut : l’endothélium revêtant la cavité axiale est annéliéien, c’est l'endothélium péritonéal du Polycirrus ; les couches sous-jacentes appartiennent au Crustacé. Les cellules de l'endothélium cavitaire sont identiques à celles du péritoine du Polycirrus. Les noyaux ont même taille, même réticulum périphérique fin et riche en chromatine, sans nucléole bien développé, tout cela les opposant aux tissus sous-jacents (cf. pi. 1, fig. h) dont les noyaux sont pourvus d’un gros nucléole et dépourvus de réseau chromatique. Sur l’adulte, on voit, sans difficulté, sur les coupes longitudinales et transversales, la continuité parfaite de cet endothélium dans le cœlonie de l’hôte et la cavité axiale du parasite. Les coupes perpendiculaires à l’axe du parasite, dans la partie où elles sont tangentielles à l’Annélide, montrent que le Xenocœloma détermine une perforation dans la paroi musculaire, et, par cet 184 orifice, passe rendothélium péritonéal. C’est ce que montre la figure IV, p. 181. iH Il n’y a cependant pas identité absolue entre la somatopleure du Poly cirrus et le revêtement de la cavité axiale du Crustacé. La première est un endothélium très mince, à noyaux espacés ; au contraire, le même tissu dans le parasite est beaucoup plus riche en cellules, les noyaux sont beaucoup plus serrés. Cela indique une prolifération très intense. L’aspect varie suivant les individus. Le plus souvent le revê¬ tement de la cavité axiale se compose d'une seule couche de cellules, très régulières, toutes semblables, que l’action des fixateurs a parfois légèrement dissociées (pi. I, fig. 7). On en trouve même qui sont libres dans la cavité. Mais souvent aussi, et particulièrement dans la zone de contact avec l’Annélide, la prolifération de ce tissu a été plus intense et, sur les coupes, il offre plusieurs couches de noyaux superposées (pi. I, fig- 3 et 4). Quelquefois même (pi. l, fig. 6), cette prolifération a été assez considérable pour avoir rempli presque toute la cavité axiale. Il ne s’agit donc pas d’une extension pure et simple de ren¬ dothélium péritonéal annélidien, mais d'une réaction spécifique de ce tissu sous Linfluence du parasite, se traduisant par une prolifération plus ou moins intense et rappelant par suite les phénomènes néoplasiques. Nous la rapprocherons, en particu¬ lier, des faits que nous-mêmes avons signalés chez les Pota- milla torelli (l) parasitées par une levure aciculifofrme rappe¬ lant les Monospora et par un représentant des Haplosporidies. Le revêtement de la cavité axiale du A enocæloma par l’endothélium annélidien se poursuit jusque dans la partie rétrécie qui termine inférieurement cette cavité, à hauteur de l’organe méandriforme (v. infrà , p. 187 e-tfig. VI, a). La délimitation du tissu péritonéal annélidien et des éléments appartenant au X enocæloma est toujours très nette. En arrière du premier, en effet, on constate toujours une ligne continue (pi. I, fig. 3, 4, 6, 7), souvent très marquée et derrière laquelle on aperçoit des noyaux assez régulièrement (') F. Mesnil et M. Caullery. Néoformations papillomateuses chez une Annélide ( Potamilla torelli) Bull, scientif. France-Belgique , t. XLV, 1911, p. 89, pl. V et VI. XENOCŒLOMA BRUMPTI 185 rangés, possédant, de la façon la plus évidente, les caractères déjà mis en lumière antérieurement : gros nucléole compact et absence de réseau chromatique. La fig. 5, pl. I, qui est une photo¬ graphie à fort grossissement, montre 1 opposition des deux tissus sans aucune hésitation possible, ainsi que leur ligne de sépara¬ tion. Dans les stades jeunes, cette séparation est encore plus visi¬ ble ; elle est la section superficielle d’un épithélium bien con¬ tinu et dense. On constate le fait sur la lig. 24, pl. III, relative à un individu qui mesurait 0 mm., 5 de longueur. Cette figure est celle d’une coupe prise dans la région du contact avec 1 hôte. La paroi proprement dite de la cavité axiale est donc formée par les tissus du Crustacé; l’endothélium annélidien n est qu un revêtement interne. La paroi elle-même n’est pas constituée par une couche de cellules unique. Derrière 1 épithélium qui la limite, se trouve en effet un tissu de remplissage assez dense, ainsi que le montrent surtout les stades jeunes ; c’est un tissu conjonctif ou mésenchyme. De très bonne heure, les limites de ce tissu conjonctif et de l’épithélium deviennent indistinctes et l’ensemble se présente, sur les coupes, sous forme d’une couche épaisse, à disposition aréolée, des noyaux occupant les nœuds du système des aréoles. L’aspect varie assez notablement avec l'état des tubes où mûrissent les oocytes. Au milieu de ce tissu aréolaire, courent des fibres musculaires striées qui, d’une manière générale, forment un réseau paral¬ lèle à la paroi de la cavité axiale. Le tissu aréolé lui-même se poursuit sur toute la longueur de cette cavité, jusqu à hauteur de l organe méandriforme, où on voit commencer sa différen¬ ciation. Les portions comprises entre les aréoles retiennent assez énergiquement rhématoxylinc ferrique. Rapports de Idiote et du parasite. Ayant ainsi décrit, d’une part la paroi extérieure du para¬ site, de l’autre celle de sa cavité axiale, il nous sera facile de lire les préparations, coupes longitudinales ou transversales, montrant, de la façon la plus nette, l’absolue continuité et l’identité cytologique de l'ectoderme et de l’endothélium péri- 186 M. CAULLERY ET F. MESNIL tonéal sur et dans le Poly cirrus ou le Xenocœloma. La diffé¬ rence de structure des noyaux de ces tissus annélidiens avec ceux du Crustacé est tout à fait frappante et permet de dépar¬ tager, d’une façon absolument sûre, les tissus de chacun des deux organismes. Cela est particulièrement net dans la région où le parasite s’insère sur son hôte. Les coupes perpendiculaires à l'axe du Xenocœloma sont naturellement tangentielles au Polycirrus. En remontant graduellement la série à partir de l’extrémité distale, on voit l’ectoderme recouvrant le parasite se continuer par la paroi de l’Annélide, la cavité axiale, fermée et à section cir¬ culaire, déboucher largement dans le cœlome de celle-ci. A partir de ce moment, les tissus du Crustacé ne forment plus sur la coupe qu’un croissant de plus en plus ouvert et mince entre l’ectoderme et l’endothélium péritonéal de l’hôte. Dans ce croissant, tous les tissus ont les noyaux caractéristiques ; il est traversé en tous sens par des fibres musculaires striées, tandis qu’en dehors de lui on voit les fibres lisses des muscles de l’ Annélide. Jusqu’à la dernière coupe, il est aisé de distinguer ce qui appartient à l’un et à l'autre organisme. Les photogra¬ phies pi. I, fig. 3 et 4, représentent deux coupes correspondant aux remarques précédentes. Nous ajouterons que, dans la zone d’insertion, les coupes ne montrent aucune différenciation, si légère soit-elle, qui rappelle, même de loin, des ébauches d’appendices ou de formations céphaliques ou buccales, ni d'appareil de fixation. Nous spéci¬ fions, en particulier, qu’il n’y a aucune trace d’une lame partant du corps du parasite et s’étendant sous la peau de l’hôte, comme dans le genre Herpyllobins. Enfin, pour mémoire, nous rappellerons que l’orifice de com¬ munication de la cavité cœlomique de l’Annélide et de la cavité axiale de l’hôte est souvent fort large et que l’intestin du Poly¬ cirrus fait fréquemment dans la seconde une hernie qui peut obstruer plus ou moins complètement l’orifice ; c’est le cas dans la fig. II, p. 173. Cette hernie reste toujours légère. Elle n’inté¬ resse d'ailleurs jamais que le très court segment d’intestin com¬ pris dans un segment entre deux dissépiments. Nous n’avons jamais constaté — contrairement à ce que laisse supposer la figure de Brumpt, relative d’ailleurs à une espèce distincte, — XENOCŒLOMA BRUMPTI 187 , line véritable anse intestinale s’engageant dans le Xenocœloma. Organe méandriforme (v. pl. Il, fig. 13 et 16, M). — A un niveau qui correspond à peu près à l'ovaire, la cavité axiale se rétrécit souvent d'une façon très brusque et se prolonge par un diverticule extrêmement fin, terminé en cæcum (cf. fig. II, p. 173). Au niveau de ce rétrécissement, le tissu pariétal se modifie ; il perd son caractère vacuolaire et prend gra¬ duellement l’aspect d’un épithélium cylindrique très régulier et très serré. Dans sa partie distalc, le canal central est entouré d’un certain nombre d'acini Relativement volumineux, à haut épithélium cylindrique, serrés les uns contre les autres (fig. VI). Fig .VI. — Organe méandriforme, coupe transversale ; au centre, le tube central a , prolongement de la cavité axiale, tapissé par l’endothélium péritonéal annélidien. G = 300. — A droite, la coupe d’un des acini, plus grossie. G — 1 150. C’est là évidemment un organe glandulaire ; en l’absence de données sur sa fonction et sur sa signification morphologique précise, nous lui avons donné le nom cY organe méandriforme , en raison de la disposition de ses parties. 11 est placé à la hau¬ teur des testicules et de la vésicule séminale et il descend par¬ fois assez bas. On le trouve sur les individus les plus jeunes. Nous reviendrons, dansl étude du développement, sur sa signi¬ fication. Le revêtement péritonéal annélidien s’engage profondément 188 M. CAULLERY ET F. MESNIL clans le canal central a , mais ne pénètre jamais dans les acini latéraux. Organe en rosette (v. pl. Il, fig. 13, B). — Immédiatement au-dessus du groupe des acini que nous venons de décrire, entre eux et le plancher de la partie élargie de la cavité axiale, est placé un autre organe, qui forme comme une sorte de cravate circulaire (/?, pl. II, fig. 13) autour du canal central décrit ci- dessus. Il est constitué par des cellules extrêmement allongées (fig. VII), à disposition radiaire, dont le cytoplasme finement granuleux retient assez énergiquement l'hématoxyline au fer. Les noyaux sont situés dans la partie distale, élargie, de ces cel¬ lules et sont très particuliers. Ils offrent en effet toujours plu¬ sieurs grosses taches nucléoJaires se colorant avec intensité ; ou plutôt le noyau se fragmente de bonne heure en une série de vacuoles nucléolées, qui restent plus ou moins contiguës. La fig. YII donne une idée de ces noyaux et, sur les individus jeunes (1-2 mm. de longueur), on assiste à la fragmentation du noyau primitif. L’ébauche de l’organe en rosette est présente sur les plus jeunes Xenocœloma que nous avons observés. Nous n’avons aucune, idée précise de la signification et du rôle de cet organe, en somme très développé, tout à fait cons¬ tant dans son existence, sa position et ses rapports. XENOCŒLOMÀ B RU M PT T 189 3° Appareil génital femelle. Les ovaires, — dont l’ébauche. existe aussi sur les plus jeunes stades rencontrés, — forment une bande transversale, qui se lobe de bonne heure en deux masses paires réunies par un ce cas, il reste deux ovaires distincts. Ces ovaires, ainsi qu’il a été dit, sont un repère qui fixe la face dorsale du Copépode. Sur l’adulte, ils sont placés environ au début du tiers distal de la longueur. Ils prennent les colorants nucléaires avec inten¬ sité et on les délimite ainsi très facilement sur les préparations in loto très légèrement colorées (o, lig. II, p. 173). L’ovaire est formé par un massif compact d’oogonies et d’oo¬ cytes serrés les uns contre les autres et de taille très uni¬ forme. Leur diamètre est approximativement de 15 g; celui du noyau qui occupe la plus grosse part de la cellule est de 9-10 p. Ce noyau est extrêmement riche en chromatine et permet de distinguer les oogonies des oocytes. Les oogonies (pi. IV, fig. 27 b), en effet, qui occupent la partie médiane et le centre de l’organe, montrent un nombre extrêmement considérable de petits grains chromatiques ; la membrane nucléaire est très fine, la forme générale du noyau assez irrégulière, parfois aplatie sur les préparations fixées. Le nucléole, dans ces éléments, est petit ou absent. Sur les très jeunes individus (moins de 1 mm. de diamètre), ce sont les seuls éléments que présentent les ovaires (pi. III, fig. 17, 18, g). On trouve parmi eux de fréquentes caryocinèses. Elles sont caractérisées par la largeur de la plaque équatoriale et le nombre élevé des chromosomes (40 à 50 environ), qui ont la forme de petites anses dont quelques-unes assez longues. Ces caryocinèses sont figurées en photographie (pi. I, fig. 7) et en dessin direct (pi. IV, fig. 28). La multiplication de ces oogonies aboutit finalement à des oocytes. Le critérium distinctif de celles-ci et des premières nous paraît être dans la structure du noyau. Chez les oocytes (pi. IV, fig. 27 c), le nucléole prend immédiatement une impor¬ tance plus considérable et la chromatine s’y concentre en grains cocciformes plus volumineux et plus nettement définis que la 190 M. CAULLERY ET F. MESNIL poussière chromatique des noyaux des oogonies. Les grains en question sont très nombreux et très intensément colora- bleS, nous évaluons leur nombre à une cinquantaine environ. Nous nous bornons à ces données, n’avant pas eu l’intention de faire une étude cytologique détaillée de l'oogenèse. A la périphérie de l’ovaire, on constate une membrane d’en¬ veloppe formée de cellules à petits noyaux somatiques. Les ovaires continuent de produire des oogonies pendant toute la vie de l’individu, qui émet certainement une série de pontes. La production d’œufs est donc extrêmement considérable. Les tubes de maturation des oocytes. — Les oocytes se déta¬ chent successivement de l’ovaire et vont accomplir leur crois¬ sance et leur maturation dans la partie initiale des oviductes, transformée ici en un vaste système de tubes s’étendant dans tout l’organisme du Xenocœloma et qui représente, au point de vue de la niasse, un de ses principaux éléments. C’est aux angles latéro-supérieurs que l’ovaire se continue avec la partie initiale de ce système de tubes. Sur les coupes, sur¬ tout sur celles des individus jeunes où les oviductes n’ont pas été fonctionnels, ce raccord se voit très nettement ; l’épithélium très élevé de la paroi des oviductes se raccorde à la couche épithéliale qui limite extérieurement l’ovaire (pi. I, fîg. 7, /). Le détail des tubes où mûrissent les oocytes serait très long à reconstituer et n’a du reste pas un intérêt majeur. 11 nous suf¬ fira de dire que le tube, qui se détache de chaque côté de l’ovaire, s’incurve bientôt pour devenir transversal et émet, dans cette portion, un système de tubes longitudinaux montant jusqu’à la région où le parasite s’insère sur l’hôte. On voit la coupe trans¬ versale de plusieurs de ces tubes dans cette partie, sur la pho¬ tographie (pi. I, fîg. 3. /). Il y a aussi des branches descendant vers la région distale. L’ensemble de ce système, qui est d’un seul tenant, aboutit finalement à un raccordement avec l’extré¬ mité supérieure des oviductes proprement-dits ou glandes cémentaires ( Kittdrüsen ). Ce raccordement est évident sur les coupes. Sur les jeunes individus, la section des tubes de maturation des oocytes est très étroite et tranche nettement sur le paren¬ chyme environnant (fîg. VIII, t. m.). Ils sont formés par un épithélium cylindrique régulier. On en compte de 10 à 20. A un 191 XËNOCŒLOMA BRUMPTI stade assez précoce, sur des exemplaires ne dépassant pas 2-3 mm. de longueur, les oocytes commencent à émigrer dans ces tubes, à un état où leur cytoplasme n'a pas encore élaboré de granulations vitellines. Ils grossissent, en distendant de plus en plus la paroi des tubes. Au moment de leur migration, les oocytes mesurent environ 22 g de diamètre; leur cytoplasme est finement granuleux, le noyau présente une forme nucléo- lée et des grains chromatiques compacts au nombre de 40 envi¬ ron. Sur des individus plus grands, l'aspect varie, suivant que Fig. VIII. Coupe transversale d’un jeune Xenocœloma . a, cavité axiale, tapissée par l’endothélium péritonéal annélidien ; G m , tubes de matura¬ tion des oocytes encore vides; ils sont noyés dans un parenchyme sil¬ lonné par des muscles. G = 155. 1 animal a été fixé à un moment plus ou moins voisin d’une ponte. On trouve toujours dans les tubes une génération d oocytes d’âge très sensiblement uniforme et, intercalée entre eux pl. IV, lîg. 31) avec plus ou moins de régularité, une génération d oocy¬ tes jeunes n ayant pas encore différencié de vitellus. L émission d oocytes par l’ovaire semble continue et indéfinie. Mais la maturation se fait simultanément pour tout un lot d’ovules, les autres n assimilant qu’après la ponte des premiers. Quand les tubes sont distendus par des oocytes mûrs (fig. IX), ils rem- I 192 M. CAULLKRY ET F. MESNIL plissent l’espace situé entre le tégument et la cavité axiale et celle-ci est fortement refoulée, ne formant plus qu’une fente étroite ou une étoile à branches très fines. Le vitellus se dépose sous forme de grosses sphérules retenant fortement la laque ferrique. Le nucléole grossit fortement pen¬ dant toute la période de croissance de l’oocyte (pi. IV, fig. 32 a ), puis, à la fin, se résorbe graduellement et finit par dispa- Fig. IX. — Coupe transversale d’un Xenocœloma adulte, avec oocytes en voie de maturation ; a, cavité axiale tapissée par l'endothélium péritonéal annélidien. G =120. raitre complètement (pi. IV, fig. 32 b). La chromatine, d’abord à l’état de gros grains compacts, passe par un état de réseau fin et serré, puis de minces bâtonnets. Aux stades qui précè¬ dent la ponte, le noyau des oocytes commence la cinèse de for¬ mation du premiej globule polaire et s’y arrête à la métaphase (plaque équatoriale), comme le représentent les fig. 31 et 32 c, pi. IV. C’est à cet état qu a lieu la ponte, comme nous le verrons. X K NOCŒ U >M A 13 R U M PT I m Oviductes proprement dits , ou glandes cémentaires (hiltdrü- sen). — Le système de tubes de maturation s’abouche finalement de chaque coté surl’extrémité de l’oviducte proprement dit, dont la structure est toute différente et dont la %. Il, p. 173, montre le trajet. Ces oviductes se différencient de très bonne heure. Ils sont bien constitués sur des individus qui ne dépassent pas l millimètre de longueur. Leur paroi est faite d'un épithélium épais extrêmement serré (fig. XIX o) ; les noyaux ont les mêmes caractères chromatiques que ceux des autres tissus. La lumière des oviductes est béante et s’élargit graduellement au cours du développement (pl. Il, fig. 8 et 13, o). L’action des réactifs y coagule et y rétracte une substance sécrétée par la paroi (elle reste cependant à peu près régulièrement adhérente à celle-ci dans des matériaux fixés au liquide de Flemming). Des oviductes à structure semblable sont bien connus chez les Copépodes libres et parasites. Les auteurs allemands les appellent souvent Kitt- drüsen , c’est-à-dire glandes cémentaires. Leur sécrétion est, en effet, la substance qui vraisemblablement, lors de la ponte, agglutine les œufs pour former les cordons ovigères. Par sa paroi épaisse et résistante, cette partie des voies efférentes femel¬ les s’oppose complètement à la portion précédente, dont la paroi était fine et lort extensible. Cette différenciation correspond à la différence du rôle de ces deux régions ; la première est un appareil permettant la croissance des oocytes et l'assimilation s'y fait aisément à travers la paroi très mince, la seconde est en rapport avec l'évacuation des oocytes mûrs et leur enrobe¬ ment dans la sécrétion protectrice des sacs ovigères. Les oocytes 11e séjournent pas dans les oviductes, mais doi¬ vent les parcourir très vite ; deux fois seulement, sur des indi¬ vidus dont l’un venait de pondre et l’autre allait sans doute le faire, nous avons trouvé un oocyte dans chaque oviducte aux extrémités distale et proximale. Le noyau de ces oocytes était a la rnétaphase de la première cinèse de maturation. Chez d’autres Copépodes parasites, comme dans le genre Ler- nanthropus étudié par Heider (j), le système des tubes de matu¬ ration paraît aboutir directement au voisinage de l’orifice géni- . K/ ’,EIDER- Die Gattung Lernanthropus. Arb. Zool. Inst. Univ. I Vien. I. Il, 18/9. 13 -494 M. CAULLERY ET F. MESNIL tal femelle et les glandes cémentaires forment alors une paire de diverticules en cul-de-sac que les oocytes ne traversent pas. Il y aurait donc, chez les Gopépodes parasites, toute une évo¬ lution des voies efférentes femelles, depuis un oviducte simple et de structure uniforme, jusqu'à la disposition réalisée chez Lernanthrojm.se n passant parcelle de Xenocœloma. 4° Appareil génital mâle. Il a déjà été décrit dans ses grandes lignes et ses rapports ; nous allons reprendre l'étude détaillée de chacune de ses par- ties, afin de ne laisser aucune ambiguïté, étant donné ce que l'existence de l'hermaphrodisme a de paradoxal chez un Copé- pode. Testicules et spermatogenèse. — Il ne peut subsister aucun doute sur la nature même des testicules. Il y a en effet identité de structure entre les cellules qui les composent à l'état jeune et les éléments ovariens. Dans les deux cas, ce sont des cellules à noyau énorme par rapport à ceux de tous les autres tissus et dont la chromatine présente une richesse et une dis¬ position identiques. Les photographies (pl. II, fig. 8 et 9) mon¬ trent la coupe de testicules de Xenocœloma adulte ; les cellules sont disposées, comme on voit, sur plusieurs couches et l'on y trouve de nombreuses caryocinèses entièrement semblables à celles de l'ovaire (cf. pl. IY, fîg. 28 et fig. 29). La surface même de l’organe est formée par une couche con¬ tinue de petites cellules, dont les noyaux ont la structure habi¬ tuelle des autres tissus (cf. pl. IV, fig. 29) ; ces éléments se retrouvent de place en place entre les cellules de la lignée sexuelle différenciée et rien n'empêche de supposer qu’à un moment donné ils ne puissent se différencier en spermatogonies. Sur les individus jeunes (1 mm.-l mm., 5), les spermatogo¬ nies sont disposées en une seule rangée (pl. llr fîg. 15). Leurs cinèses (photo pl. II, fig. 16 et pl. IV, fig. 29) montrent un fuseau très large et un nombre élevé de chromosomes (environ 40) allongés. La comparaison des fîg. 29 et 28, pl. IV, montre l'identité des cinèses des spermatogonies (fig. 29) et des oogonies (fîg. 28). Dans beaucoup de spermatogonies à des stades plus avancés, la chromatine s’est condensée en grains plus gros et 11Ê XENOCŒLOMA. BRUMPTI m fréquemment s'est particulièrement accumulée vers un pôle du noyau. Ce sont très vraisemblablement des stades de synapsis. Sur des plages étendues, les éléments cellulaires sont plus petits ainsi que les noyaux. C’est ce qu’on peut reconnaitre sur la photographie pl. 11, fig. 8, vers l'angle supérieur du testi¬ cule gauche (à droite sur la figure). Quand on étudie les cinèses dans des plages de ce genre (photo pl. I, fig. 10 et pl IV, fig. 30), on constate que le fuseau est beaucoup plus étroit, les chromosomes sont ramassés en forme de cocci et semblent être au nombre approximatif de 20. C’est à ce nombre aussi qu’on arrive en comptant les grains de chromatine dans des cel- X. — Trois spermatozoïdes extraits de la vésicule séminale, à très faible grossissement. G = 55. Iules de cette catégorie où le noyau est au repos (pl. IV, fig. 30). Il y a donc lieu de considérer ces plages et ces éléments comme représentant les spermatocytes et les divisions méioti¬ ques et cela encore est une preuve décisive de la nature testi¬ culaire des organes considérés. Nous n’avons pas fait une étude détaillée de la phase méiotique, malgré l’intérêt qu’elle aurait présenté ; le nombre élevé des chromosomes rend l’observation difficile. d’ailleurs Les spermatides ont un aspect caractéristique et qui frappe au premier examen. On voit, en effet, dans tous les testicules, des plages formées de cellules implantées dans la paroi et qui s allongent jusqu’à une très grande taille. Le noyau siège vers le milieu de la longueur, est encore sphérique et de structure granuleuse serrée. Les photos (pl. Il, fig. 8 et 9) permettent i 96 M. CAULLERY ET F. MESNIL « ■ I i’i « \j . | de bien comprendre la forme et la disposition de ces élé¬ ments. Ils constituent un chevelu ondulant. On observe aisé¬ ment tous les stades de rallongement de ces spermatides à partir de l’état globuleux initial. Les spermatozoïdes complètement formés sont des filaments extraordinairement longs (1 mm. ,5 en moyenne), cylindriques (fig. X), très lins (2 g 5, de diamètre), les extrémi¬ tés sont en pointe très mousse. Ces éléments sont complètement immo¬ biles ; comme ils sont pelotonnés en pa¬ quets assez serrés, il est très difficile de les isoler et d’être sûr de leur intégrité. Dans les colorations au glychémalun, la masse du spermatozoïde reste sensiblement inco¬ lore ; seul le noyau prend la couleur et se présente comme un corps allongé, ayant environ 25 u de longueur et I g de diamètre et en forme de ruban tordu en spirale* (fig. XI). La chromatine y est granuleuse et assez compacte. Par rhématoxyline fer¬ rique, tout le spermatozoïde retient la laque avec une extrême ténacité, ce qui y rend le noyau difficile à distinguer. La surface du spermatozoïde présente de place en place de petites épines, espacées plus ou moins régulièrement. La transformation des spermatides en spermatozoïdes est extrêmement difficile à observer. Dans la plupart des individus, on ne la constate pas, et l’on ne trouve même pas de spermatozoïdes adultes dans la cavité testiculaire. Nous en avons rencontré toutefois, chez quelques individus, en grand nombre (pi. II, fig. 11) ou en nombre limité. Il est probable que la production ïj Fig. Région XI. - du spermatozoïde renfermant le noyau tordu en vrille. On aperçoit extérieurement les épines. Grr 3 500 (la longueur du noyau est de 25 p). des spermatozoïdes est très lente. Il y a, dans tous les cas, une corrélation parfaite entre l’état du testicule et le con¬ tenu de la vésicule séminale. Dans les jeunes individus où XEN0CŒL0MA BRUMPTI 197 les testicules ne présentent encore que des cellules germinales • globuleuses, sans aucune sperniatide allongée, la vésicule sémi¬ nale est complètement vide de spermatozoïdes. Quand les sper- matides allongées commencent à être nombreuses, on trouve quelques spermatozoïdes dans la vésicule séminale, dont la réplétion se fait ainsi progressivement. Sur les adultes, la vési¬ cule est généralement pleine et distendue et les spermatozoïdes sont enroulés en pelotons, un peu comme du vermicelle (pl. Il, fig. 12). On en trouve souvent quelques-uns dans les testicules, au voisinage immédiat de leurs orifices de commu¬ nication avec les vésicules séminales. On ne se représente pas bien comment ces immenses filaments immobiles arrivent dans celles-ci en s'y pelotonnant en paquets. Les spermatozoïdes d a Xenocœloma, si aberrants qu’il soient, ne sont pas cependant sans analogues parmi les Copépodes. O11 en trouve d une forme analogue chez un parasite de l'intestin des Moules, Mytilicola intestinalis, étudié par Steuer (*), mais ils ne semblent pas, à beaucoup près, aussi longs que dans le cas actuel. L'immobilité de ces spermatozoïdes n’est pas non plus pour surprendre. Elle se retrouve en somme d'un façon très générale chez les Crustacés. Les spermatozoïdes des Déca¬ podes sont connus pour leurs formes bizarres et paradoxales. On sait, notamment par les recherches de Koltzoff. (-) que ce sont des sortes d’appareils rigides, d’où est mis en liberté, par une sorte d’explosion, le noyau et probablement une couche de cytoplasme 1 enveloppant et c’est cette partie qui est le véritable spermatozoïde fécondateur. Il en est certainement de même ici, quoique nous n’ayons pas vu le processus s'accomplir ; mais l’étude des œufs fécondés impose cette conclusion, et la structure que nous avons décrite pour le noyau évoque une mobilité éventuelle, à la façon d’un trypanosome, grâce à laquelle, vraisemblablement, se fait la pénétration dans l’oocyte. Vésicule séminale et spermiductes. — La vésicule séminale est une grande poche piriforme placée dans l’axe de l’animal, entre les deux testicules (pl. Il, fig. 11, \ ) et communiquant avec chacun de ceux-ci par un orifice situé sur les faces iaté- 0) Steuer, Mytilicola intestinalis. Arb. Zool. Inst. Wien., I. XV, 1905 V. fig. 60, pl. 111. (*) Koltzoff. Arch. f. Mikr. Anat., t. LXVI1, 1905. 198 M. CA.ULLERY ET F. MESNIL raies et dans sa portion supérieure. Elle se termine inférieure¬ ment par deux entonnoirs, qui se rétrécissent en tubes et sont les spermiductes. Ce sont ceux que l’on voit, en S, dans les figu¬ res 8 et 12 (pi. II), en coupes transversales et longitudinales. Ils sont englobés dans un tissu conjonctif compact. La paroi de la vésicule séminale est constituée par un épithé¬ lium cylindrique formé de cellules très petites, serrées les unes contre les autres et assez hautes. Les noyaux de ces cellules, eux-mêmes très petits, sont placés vers la base et forment une rangée régulière très dense ; ils présentent, comme les autres tissus, un nucléole important. En dehors des spermatozoïdes qui la remplissent, il faut signaler dans la vésicule séminale une accumulation de petits noyaux sphériques nucléolés. Ces éléments se trouvent dans la vésicule, en amas, avant qu'il n’y ait de spermatozoïdes, et dès les premiers stades de la formation de la vésicule sémi¬ nale elle-même. Plus tard ils sont disséminés entre les sper¬ matozoïdes, au sein d’une substance granuleuse qui a été coagulée par les réactifs. Il ne nous paraît pas douteux que ces noyaux ne sont autre chose que ceux d'éléments desquamés de la paroi. Celle-ci semble subir, d’une façon continue, une sorte de fonte que l'on constate sur les préparations les mieux fixées. Les noyaux en question ne nous ont montré aucune transforma¬ tion indiquant une évolution vers un autre état. Il y a peu de chose à ajouter à ce qui a été dit précédemment sur les spermiductes. Ils sont plongés dans un tissu conjonctif serré chez l’adulte. Ils sont remplis de spermatozoïdes orientés suivant leur longueur comme le montrent les figures 8 et 1 2 pi. IL Ils viennent déboucher finalement au même point que l’extrémité des oviductes et nous allons étudier cette terminaison avec l'atrium. 5° Atrium et région terminale. La région terminale de Xenocœloma a une structure très particulière ; elle est massive et constituée par un tissu très compact, d’aspect fibreux, qui remplit tout l’espace situé au- dessous des testicules et de la vésicule séminale. C'est au sein de ce tissu que cheminent les portions inférieures des spermi- XENOCŒEOMA BRUMPTI 199 ductes et des oviductes. Ce tissu présente des noyaux ayant la structure maintes fois décrite et appartenant pour la plupart à des cellules allongées en fibres. Il y' a aussi des éléments bourrés de granulations qui retiennent la laque ferrique (fig. XX, p . 228). Le caractère épithélial du tissu bordant la cavité de 1 atrium est rarement net chez l’adulte ; mais sur l’individu jeune, on reconnaît là, sans peine, un épithélium très allongé. Du côté delà cavité, cet épithélium se termine pgr une couche con¬ tinue, anhyste, à bord irrégulier, que I on peut interpréter comme une cuticule chitineuse, d'ailleurs extrêmement réduite. Entre les cellules, et atteignant cette cuticule, cheminent de nombreuses et fortes fibres musculaires striées (fig. 12, pi. II), particulièrement des fibres radiales et transversales au voisi¬ nage de l’orifice extérieur, longitudinales ou sublongitudinales plus haut. L’épithélium annélidien, qui recouvre toute la surface exté¬ rieure, s’arrête, de la façon la plus nette, au bord interne de l’orifice (fig. 12, pi. II). Gela se constate d’une manière frap¬ pante dans les coupes longitudinales colorées au glychémalun. La forme de la cavité atriale et de ses dépendances est dif¬ ficile à décrire avec exactitude. La cavité proprement dite se pro¬ longe vers le haut en deux poches latérales et, autour des ori¬ fices de celles-ci, on constate toujours deux masses anhystes, compactes, qui retiennent très fortement l’hématoxyline ferri¬ que et se détachent ainsi comme deux taches noires (cf. fig. 12, pi. II). Nous ne sommes pas arrivés à une idée nette sur la signification de ces parties. Les orifices qu’elles entourent sont ceux par lesquels les œufs sont pondus. Peut-être sont-ce les homologues des cadres chitineux qui encerclent les papil¬ les où s'insèrent les sacs ovigères chez les Herpyllobius. Les poches latérales de l’atrium sont assez profondes et il y aboutit, de chaque côté, un faisceau musculaire puissant dis¬ posé longitudinalement. Chacune des poches se continue par un conduit court (fig. 12, pl. II) dont la paroi est à peine différenciée par rapport au tissu environnant. Il est générale¬ ment aplati et la lumière en est ainsi virtuelle. Ce conduit mène au confluent des oviductes et des spermiductes. Les spermatozoïdes ne se rencontrent jamais plus bas que ce 200 M. CAULLERY ET F. MESNIL confluent. Deux fois, nous avons trouvé un oocyte à la jonc¬ tion de l’oviducte et du spermiducte ; le noyau était à la méta- phase de la cinèse de formation du premier globule polaire. C’est à ce niveau que doit avoir lieu la fécondation, probable¬ ment pendant le passage de l’oocyte dans la partie qui va du confluent des voies mâles et femelles à b atrium proprement dit. Nous avons dit déjà que les sacs ovigères s’insèrent sur le fond de l’atrium, à^l'origine des poches latérales que nous avons décrites. Il est hors de doute que la cavité atriale de Xenocœloma représente l’extrémité postérieure de l’abdomen du Copépode. Si on établit une comparaison avec Saccop.sis , il faut remarquer que, chez ce dernier genre, les sacs ovigères s’insèrent sur deux saillies qui sont externes. Ici toute la région comprenant les points d’insertion de ces sacs est refoulée dans l’atrium et recouverte par l’ectoderme de l’Annélide. Elle est devenue interne. Cela constitue, au point de vue morphologique, une distinction très importante et suffirait, à soi seul, à caractériser le genre Xenocœloma par rapport au genre Saccopsis ; en réa¬ lité d’ailleurs cette différence particulière est en rapport avec des divergences probables dans toute l’organisation. Nous avons terminé ainsi l’étude de l’appareil génital de Xenocœloma. Son hermaphrodisme ne peut faire aucun doute. Nous n’avons d’autre part trouvé aucune trace de mâles, ni de faits permettant d’attribuer aux spermatozoïdes une origine extérieure, en particulier aucune trace de spermatophores. Il ne saurait être question d’une fécondation antérieure à la fixa¬ tion à l’hôte comme chez les Lernéens. On assiste, dans le parasite fixé, à la différenciation de la vésicule séminale et à son remplissage graduel par les spermatozoïdes. Nous avons eu entre les mains beaucoup plus de 100 Xenocœloma aux stades plus divers et les avons examinés avec grand soin, lors de la récolte à la mer. Beaucoup ont été coupés méthodique¬ ment en séries. Nous croyons donc pouvoir conclure que, dans cette espèce, le mâle a disparu. Si paradoxal que soit le fait, — par rapport aux autres Copé- y XENOCŒLOMA BRUMPTI 201 podes, — * l’hermaphrodisme avec autofécondation s’est substi¬ tué à l'état unisexué. Mais il y a un lien évident entre cette transformation et l’ensemble de changements profonds qu’a subis l’animal dans son adaptation au parasitisme sur les P oly cirrus. 0° A utres organes de « Xenocœloma » Les organes étudiés ci-dessus sont les seuls qui soient bien individualisés. Que sont devenus les autres, en particulier le tube digestif et le système nerveux ? En ce qui concerne le tube digestif , l’appareil buccal tout entier a certainement disparu. Peut-être l'intestin est-il repré¬ senté par le sac axial et ce serait son épithélium qui serait tapissé sur toute son étendue par l’endothélium péritonéal de l'hôte. Une pareille assimilation ne peut être faite que par l’étude du développement. Nous verrons ce que l’on a pu établir à cet égard. En tous cas, les rapports qui viennent d’être mention¬ nés à titre d’hypothèse seraient sans analogue connu dans le règne animal. Pour ce qui est du système nerveux , malgré des recherches attentives et répétées, nous n’avons pu trouver aucuns vestiges de ganglions. Le système nerveux larvaire semble avoir com¬ plètement disparu, à moins toutefois que l'organe en rosette ne soit un centre nerveux. 11 est, d autre part, une formation particulière à laquelle nous sommes tentés d’attribuer une signification nerveuse. Sur le vivant, au voisinage immédiat de l’insertion sur l'hôte, au niveau où est atteint le diamètre définitif du parasite, on observe fréquemment un bourrelet annulaire peu prononcé. Dans cçtte même région, — mais sans que nous puissions affirmer que cela corresponde réellement au bourrelet, — 1 ectoderme annélidien montre toujours à sa face profonde des épaississements très marqués (v. photo fig. 3, n pi. I et lig. XII). Ces épaississements sont constitués par des plages de nature finement fibrillaire et on y découvre quelquefois des noyaux. A ces niveaux, les noyaux ectodermiques sont rejetés vers la périphérie. Il est très rare qu une coupe soit orientée juste dans le plan d’ensemble de ces formations, qui dessinent sensiblement un anneau assez irrégu- 202 M. CAULLERY ET F. MESNIL lier ; de sorte que, dans la région considérée, chaque coupe en montre des fragments. Ces différenciations, très constantes, ne sont certainement pas des accidents de préparation. L'aspect de l'ectoderme ainsi modifié rappelle fortement des formations nerveuses intra- épithéliales, comme on en trouve chez les Echinodermes, les Entéropneustes et même parfois chez les Annélides. Si leur Fig. XII. — Différenciation nerveuse (?) formant épaississement à structure fibrillo-ponctuée de l’ectoderme annélidien extérieur. Dans les tissus sous-jacents du Crustacé, on distingue quelques fibres musculaires striées. G = 1.150. interprétation comme telle est exacte, il resterait à déterminer si elles appartiennent à l’Annélide ou au parasite. Elles font , corps avec l’ectoderme et elles sont nettement délimitées du côté du parasite ; elles offrent de ce côté parfois des prolonge¬ ments en pointe qui pourraient être l'origine de filets nerveux. Contre elles, se trouvent des cellules appartenant incontestable¬ ment au parasite ainsi que le montre la figure XII. Enfin on peut voir s’y insérer de fines fibres musculaires. Nous n’avons pu éclaircir davantage la nature de ces différen- XENOCŒLOMA BRUMPTI 203 ciations. Nous croyons leur nature nerveuse très probable et nous pendions aussi à les attribuer à l’Annélide. Elles seraient une différenciation in situ de l’ectoderme et coordon¬ neraient sans doute toute la sensibilité périphérique. En considérant l’ensemble de l’anatomie de Xenocœloma , telle qu elle vient d’être décrite, nous voyons que ce Gopépode a subi une régression dépassant tout ce qui a été signalé jus¬ qu’ici dans ce groupe : ses organes propres, y compris son tégu¬ ment, ont disparu; il n’en reste guère que le système génital. Sa nutrition se fait évidemment par osmose, aux dépens du liquide cœlomique de l'hôte, c’est-à-dire aux dépens de substances complètement assimilées par lui, et cette osmose s’effectue à travers l’endothélium péritonéal annélidien par les couches pariétales de la cavité axiale. Celles-ci jouent le rôle d’appareil absorbant, auquel correspond peut-être leur structure aréolaire. 11 est possible que cette partie dérive de l’intestin des formes ancestrales moins dégradées. Au point de vue morphologique comme au point de vue phy¬ siologique, nous nous trouvons en présence d une dégradation comparable à celle des Cestodes ou des Rhizocép! taies. Pour interpréter morphologiquement un pareil organisme, il faut chercher si le développement ne permet pas de reconstituer quelques vestiges de l'organisation normale primitive. Développement 1° De l'œuf au Nauplius Cette partie du développement est relativement facile à étu- dier, les œufs étant agglomérés dans deux longs cordons ovigères (pl. I, tig. 1). Dans une ponte donnée, ils sont tous au même stade, à d’infimes différences près. L’animal produit une 204 M. CAULLERY ET F. MESNIL succession de pontes ; des générations d’oocytes jeunes, dans les tubes de maturation, sont prêts à remplacer la génération arrivant à maturité. On trouve des sacs ovigères au printemps, en été et à l'au¬ tomne ; la proportion des individus qui en portent paraît toute¬ fois plus considérable en août et septembre. Mais la reproduc¬ tion semble bien durer toute l’année, peut-être avec des variations dans la vitesse de l’évolution. Nous n’avons pas pu mesurer le temps qui s’écoule de la ponte à l’éclosion des Nauplius. Les observations partielles, faites sur certaines phases du cycle, nous conduisent à supposer que cette durée est courte, sans doute de l’ordre d’une à deux semaines. 11 doit donc se produire en une saison une succession de pontes nom¬ breuses. L’hiver les phénomènes doivent être très ralentis. La couleur des sacs ovigères renseigne sur l’âge de la ponte. Les stades jeunes sont d’un gris clair rosé : cette couleur vire au brun rougeâtre quand on arrive au stade Nauplius. La taille des œufs mûrs est de 80 g environ. Fécondation. — Nous avons eu une ponte fixée à un stade avancé de la fécondation. Dans une partie des œufs, les deux pronucléi sont en train de se résoudre en chromosomes et sont encore distincts (pi. IV, fig. 33). Le nombre des masses de chro¬ matine, de taille d’ailleurs très variable dans chaque pronu¬ cléus, est d’une quarantaine ; nous avons lieu de supposer que ce ne sont pas encore des chromosomes, mais que certains de ces corps s uniront pour former des chromosomes. Dans d'autres œufs, les deux pronucléi ont fusionné et les chromosomes se montrent comme des corps en bâtonnets minces et assez allongés, de taille très uniforme, au nombre d'une quarantaine. Tous ces œufs, revêtus d'une coque mince, montrent un glo¬ bule polaire ; ce doit être le second ; on le retrouvera d une façon constante tout le long du développement. La chroma¬ tine, très colorable, forme, dans les stades jeunes, un amas de grains distincts qui, ensuite, tendent à se condenser en une masse compacte. La pénétration du spermatozoïde doit avoir lieu à l’arrivée de l’œuf dans le court canal où débouchent simultanément l oviducte et le spermiducte. On ne trouve jamais à ce niveau les longs spermatozoïdes de la vésicule séminale et du sper- XENOCŒLOMA BRUMPTÏ 205 miducte. Nous supposons que le spermatozoïde vraiment fonc¬ tionnel est constitué par le noyau, revêtu d’une mince couche de cytoplasme, qui doit se dégager de Fenveloppe. Le cytoplasme de l’œuf contient un grand nombre de sphé- rules réfringentes assez volumineuses. Segmentation. — Nous avons pu en suivre un certain nom¬ bre déphasés initiales in vivo. La première division isole, au pôle supérieur, une cellule relativement petite, dont le cytoplasme est finement granuleux et . ne présente aucune des sphérules vitellines ; toutes celles-ci sont restées dans la grosse cellule. On trouver ensuite deux, Fig. XII. — Trois stades (in vivo) de la segmentation de l’œuf de Xenocœ- loma. G ~ 350 . puis quatre cellules au pôle supérieur, ayant les mêmes carac¬ tères que la première formée. 12 à 18 heures après le stade 2, l’embryon montre toujours une grosse cellule unique renfer¬ mant toutes les sphères vitellines et surmontée par un groupe d'une dizaine de cellules petites et à cytoplasme finement granuleux (fîg. XII). Au bout de 3G heures, nous trouvons deux grosses cellules vitellines. Le pôle supérieur est constitué par un grand nombre de cellules petites, mais très distinctes. Le 3e jour, les deux grosses cellules sont à peu près complè¬ tement recouvertes par les petites suivant un processus épi- bolique. Nous avons étudié un certain nombre de stades de ce déve¬ loppement sur des pontes, fixées au liquide de Bodin, colo¬ rées au glychémalun très étendu et fortement différenciées ensuite à l’alcool chlorhydrique ; puis les œufs sont montés in M. CAULLERY ET F. MESNIL ^OG toto dajis le baume du Canada. On obtient ainsi de très belles préparations ; l’étude des coupes fournirait certainement d’in¬ téressants détails, notamment sur les mitoses. Le nombre des chromosomes dans celles-ci est de quarante environ (qua¬ rante-deux comptés sur l’œuf de la pl. IV, fig. 34). 1te Phase. Stades 1-16 . — Pendant toute cette première période, on n’a qu’une seule grosse cellule (macromère M ), pro¬ duisant successivement des micromères m et retenant, comme il a été dit plus haut, à son intérieur, tout le vitellus. Les micromères, au fur et à mesure de leur formation, se divisent elles-mêmes, à leur tour, parallèlement aux divisions successives de la macromère ; les dernières micromères for¬ mées subissent toutefois un certain retard sur les premières. Dans toutes les divisions de la macromère M, la cinèse pré¬ sente une particularité caractéristique, l’extrême inégalité des deux pôles. C'est essentiellement une série de mitoses hétéro- polaires. À l'un des pôles (pl. IV, fîg. 34) on observe une très grosse sphère attractive et des granules colorables comme le noyau. A l'autre pôle, qui correspond à la micromère en voie de production, la sphère attractive est réduite à un point. Dans les micromères, les deux pôles des cinèses sont sem¬ blables entre eux. Mc Clendon (l) a noté (p. 58) une hétéropolarité analogue, chez un autre Copépode parasite, Lœmargus muricatus Krôyer, au premier clivage de l’œuf, mais d’une façon bien moins accentuée. La macromère reste unique jusqu’à un stade où l'on compte quatorze micromères Elle se divise alors en deux macromères égales. Nous constatons en particulier cette division sur un œuf offrant douze micromères au repos et unë dont le noyau est en division. D’après cela, c’est au stade 16 que se réalise l’état à deux macromères, c’est-à-dire au quatrième clivage : le troisième et quatrième clivages de la macromère semblent être un peu en retard sur ceux correspondants des premières micromères formées. La généalogie des cellules des quatre premiers clivages s’établirait conformément au tableau suivant : 0) J.-F. Mc Clendon. On the development of parasitic Copepods, Biolog. Bul¬ letin , t. XI, 1907 et XII, 1908. XENOCCELOMA RRUMPTÎ 207 \ Nous avons observe l’ hétéropolarité de la mitose de la macromère jusqu’au quatrième clivage compris (fig. XIII), c’est- à-dire à la formation des deux macromères, quoique, cette fois, la division donne deux cellules semblables entre elles. A partir de ce moment, les macromères ne se divisent plus. Elles restent quelque temps distinctes, puis la cloison qui les séparait se résorbe et elles ne forment plus qu’une masse vitelline unique au centre de l'embryon, niasse dans laquelle on observe leurs deux noyaux distincts ; cet état persiste jus¬ qu’à l’éclosion des Nauplius. Le globule polaire se retrouve d'une manière constante pen¬ dant la segmentation, entre les micromères. Sur les stades avancés du développement, on observe assez fréquemment, dans la masse endodermique, à côté des deux noyaux des macromères, une masse chromatique qui semble être ce globule polaire qui aurait émigré à l’intérieur. N 208 M. CAÜLLERY ET F. MESNIL Du stade à seize cellules au stade Nauplius. — L’endoderme, comme il vient d’être dit, ne subit plus de modifications pendant Fig. XIII. — Stade 46, passage de l’état à un macromère (fîg. de gauche) à celui à deux macromères (fig. de droite). Noter, à gauche, l’hypertro plue de l’une des sphères attractives de la mitose de la macromère. Dans les deux œufs, on retrouve le deuxième globule polaire. G = 5'»0. cette période. Les micromères se multiplient et entourent com¬ plètement les macromères. Le détail de ce processus n a pas été suivi. Bornons-nous à la description de quelques stades. Fig. XIV. — Deux stades de différenciation du blastoderme embryonnaire. La masse vitelline interne ne renferme toujours que les noyaux des deux macromères du stade 16 et (figure de gauche) le deuxième globule polaire. Différenciation de grandes cellules au pôle postérieur de l’embryon. G = 540. XENOCŒLOMA BRUMPTt 209 A un moment donné, il s’est constitué un blastoderme formé de petites cellules, dont les noyaux, petits et peu colorables, sont régulièrement alignés par rangées transversales. Les cellules et noyaux du blastoderme, au voisinage du pôle postérieur de l’embryon, deviennent rapidement plus gros. Sous le blasto¬ derme, se constitue une couche de cellules allongées fusi- Fig. XV. — A gauche, Nauplius près d’éclore (fixé et coloré). Noter les énor¬ mes cellules latérales de la région postérieure et les deux noyaux de la masse vitelline. — A droite, Nauplius éclos {ad vivam). G =r 540. formes, qui enveloppe graduellement la masse formée par les deux macromères (fig. XIV). Sur les faces latérales de l’embryon, la prolifération cellu¬ laire est beaucoup plus intense que sur les faces dorsale et ventrale. Cela est en corrélation avec la différenciation des trois paires d’appendices naupliens, qui font bientôt autant de saillies latérales digitiformes. A un stade plus avancé, les appendices naupliens sont bien 14 210 M. CAULLERY ET F. MESNIL différenciés sous la coque de l’embryon ; les cellules différenciées de la région postérieure forment deux massifs latéraux compacts, symétriques (fig. XV), constitués par un nombre limité et appa¬ remment très constant de cellules, devenues énormes ainsi que leur noyau. Enfin arrivons au stade de Nauplius éclos. Ses appendices ont la structure parfaitement typique. Le corps est de forme ovale régulière. Il mesure 73 p. de long sur 33 p. de large. Il est caractérisé par l’absence de tube digestif différencié — il n'y a qu’une masse vitelline interne binucléée, — et par les grosses cellules latéro-postérieures. Sur le vivant, la masse endodermi¬ que est colorée en rouge brunâtre et offre de grosses sphérules vitellines. Les cellules postéro-latérales et leurs noyaux sont au contraire incolores et assez réfringents. ★ Il n'est pas sans intérêt d’établir quelques rapprochements entre ce développement et ce qui est connu chez les autres Gopépodes. Les stades prénaupliens ont été étudiés chez diver¬ ses formes : par Pedaschenko (1899, Lernæa), Schlmkevitch (1896, Chondracanthus , Notopterop/wrus), Urbanowicz (1884 et 1886, Ci) cio p s ), V. Hæcker, (189*2, 1897, Cyclops , Mc. Clexdon (1907- 1908, Caligidae, Dichelestidae , etc.), Am ma (1911, Cyclopidae), Fuchs (1913, Cyclops ), c’est-à-dire chez des formes libres d’eau douce et des formes marines parasites La filiation des cellu¬ les et, en particulier, celle de la lignée germinale a été précisée par ces divers auteurs. La Lernée et les types étudiés par Mc Clendon se rapprochent particulièrement de Xenocœ/oma par l'inégalité de la segmen¬ tation. Toutefois cette inégalité parait plus accentuée chez ce dernier que chez tous les autres Copépodes. Car, chez lui, c’est au troisième clivage que la macromère émet la dernière micro¬ mère, alors que, chez les Dichilestidae étudiés par Mc Clendon, cela ne se produit qu'au cinquième clivage et là, cette dernière micromère émise est la cellule germinale primordiale. Nous n'avons pas pu, chez Xenocœloma , déceler la lignée ger¬ minale, qui offrirait d’ailleurs un grand intérêt. L'inégalité des sphères attractives dans les divisions successives de la macro¬ mère, inégalité qui caractérise une lignée de cellules, est-elle XENOCŒLOMA BRUMPTI 211 en rapport avec la différenciation du tissu germinal, comme la présence de granules, spéciaux autour d'un des pôles des premières mitoses, chez les Gopépodes d’eau douce (Haecker, Amma, Fucus, Kornhauser) ? nous ne pouvons l'affirmer. Dans cette hypothèse, 1 une des deux macromères qui restent inertes pendant toute la formation du Nauplius appartiendrait encore à la lignée germinale et cela serait conforme à ce que montrent les Dichélestides, où cette lignée ne s’individualise qu’au cin¬ quième clivage. D autre part, dans les stades avancés, on constate (fig. XIV, à droite), sous les grosses cellules de la partie postérieure du blastoderme, deux cellules spéciales, qui font songer à des cellules germinales primitives. Dans la structure du Nauplius lui-même, il y a lieu de signa¬ ler le grand retard subi par certaines parties ; il y a là une hétérochronie très marquée. Alors, en effet, que les appendices se développent d’une façon tout à fait normale, exactement comparable à ce que figure, par exemple Mc Clendon, pour Pandarus (pl. \ , fig. 46-48), 1 endoderme reste ici complètement inerte et, dans la portion postérieure du corps, l'ectoderme est, lui aussi, réduit, comme nous l’avons vu, à un petit nombre de grosses cellules, au lieu de proliférer et de produire les tissus aux dépens desquels se différencient normalement les segments et appendices postérieurs du métanauplius (cf. Pandarus, in Mc Clendon, pl. IV, fig. 40-42 et pl. V, fig. 46-48). Cette dernière particularité de structure du Nauplius se retrouve chez un Copépode ascidicole, étudié par Canu (j), Aplostoma brevicauda , où, dans la région postérieure du Nau¬ plius, 1 ectoderme se réduit aussi à un petit nombre de grosses cellules, présentant un noyau volumineux avec un grand nucléole. 2. Phase de vie libre et pénétration dans Idiote. Cette période de l’histoire de Xenocœ/oma, qui serait une des plus intéressantes à connaître, reste encore à l’état de lacune dans nos observations ; nous n’avons recueilli sur elle que des données négatives. fl E. Canu. Les Copépodes du Boulonnais, Trav. Stat. Zool. Wimereux, t. VI, 1892, p. 88-90, pl. XXI, fig. 1. M. CAULLERY ET F. MESNIL 212 Les Nauplius éclos nagent activement par saccades. A trois reprises, nous avons essayé de réaliser par eux l'infestation des P oly cirrus , mais sans succès. Les cordons ovigères d'où s’échap¬ paient les Nauplius, étaient placés dans un cristallisoir renfer¬ mant de l’eau très pure, avec quatre ou cinq P oly cirrus de petite taille et bien entiers, venant d'être pêchés. Les vers étaient minutieusement examinés au microscope binoculaire le lende¬ main et le surlendemain. Ils n'ont montré aucun parasite. Quant aux Nauplius, ils n'ont pas survécu plus de 48 heures et n’avaient pas subi, pour autant que nous avons pu le constater, de changement notable. Nous avions été portés à supposer, au moins, la possibilité d’une infestation des Polycirrus par le Xenocœloma au stade Nauplius. Si la plupart des Copépodes parasites ont une vie libre et des métamorphoses, par contre les Monstrillidae , d'après les observations de Malaquix, pénètrent dans leur hôte au stade Nauplius. Ici, en raison de l'intensité du jDarasitisme et du degré de régression de l'adulte, nous pouvions nous attendre à des conditions analogues. La structure particulière de la région postérieure du Nauplius, où ne sont encore amorcés aucun des appendices métanaupliens, nous semblait aussi une raison en faveur de cette hypothèse. Nous reconnaissons toutefois que l’exemple d’ Aplostoma brevicauda Canu, qui, offrant la même particularité, subit cependant à l’état libre une série de mues et de transformations, montre que la structure en question ne doit pas faire préjuger la suppression des phases larvaires libres habituelles des Copépodes parasites. L’échec de nos tentatives d’infestation n’a pas une portée décisive. Il peut manquer, aux conditions dans lesquelles nous avons opéré, un facteur qui détermine la fixation du parasite à l’bôte. Mais il est beaucoup plus vraisemblable qu’en réalité l’infestation ne se fait pas aussitôt après l’éclosion des Nauplius, ni même à ce stade, mais à un stade ultérieur. En effet, si le Nauplius se fixait immédiatement, il semble, étant donné les conditions où vivent les animaux, enfouis dans le sable, que les Nauplius devraient, en plus ou moins grand nombre, parasiter le Polycirrus sur lequel est fixé le Xenocœloma dont eux-mêmes proviennent. On devrait donc trouver très fréquemment des infections grégaires, correspondant à des générations successives, ce qui n’a pas lieu. XENOCŒLOMA BRUMPTI 213 Nous sommes donc portés à conclure que les Nauplius, entraî¬ nés sans doute parle phototropisme, sortent du tube occupé par le Poly cirrus et du sable et passent par une phase libre dans la mer, au cours de laquelle ils subissent, au moins en partie, les transformations habituelles (stades métanaupliens et cyclo- poïdes) ; le vitellus qu’ils renferment assurerait leur nutrition pendant cette phase, — puis qu’ils reviennent dans le sable se fixer à l’hôte. Les conditions dans lesquelles nous faisons nos recherches à l’anse Saint-Martin, ne nous permettent guère d’espérer résoudre ce problème. En l’absence d'eau courante, il est en effet très difficile de garder les animaux. Placés dans l'eau de mer sans sable, les Polycirrus s’altèrent rapidement, et si on les met dans des petits cristallisoirs, garnis d’une couche suffi¬ sante de sablon où ils s'enfouissent, ce sablon entre en putré¬ faction au bout de très peu de jours, à cause des matières organiques qu'il renferme. 3 . Stades parasitaires initiaux. Dans ces conditions, il faut s'en remettre au hasard des indi¬ vidus récoltés à la plage pour trouver, sur eux, les phases ini¬ tiales de l'infestation. Malgré des recherches attentives faites aux diverses marées d'août et septembre 1916 et 1917 et en mars 1918, c’est seulement à la fin de septembre 1918 que nous avons trouvé des stades suffisamment jeunes, qui, tout en donnant la solution d'un certain nombre de points importants, laissent encore Subsister dans le cycle une discon¬ tinuité assez grande. D'une façon générale, les stades jeunes sont rares. En 1916 et 1917, nous n’avions guère trouvé en tout qu’une dizaine d'in¬ dividus mesurant de 1 à 2 mm. de longueur. Un seul, trouvé en septembre 1917, n'atteignait pas 1 millimètre. Tous ces indi¬ vidus, aux dimensions près, offrent à peu près la structure et les rapports avec l'hôte que l'on constate chez les adultes. En mars 1918, par contre, nous avons trouvé une forte pro¬ portion de petits Xenocœloma de l millimètre environ de lon¬ gueur : 14, sur 29 parasites récoltés en tout. 11 y a dans cette statistique l’indication que ce doit être à l’automne que se font \ ‘ 214 M. CA.ULLERY ET F. MESNIL surtout les contaminations nouvelles donnant lieu à une géné¬ ration, dont la croissance est ralentie par l’hiver et s’effectue surtout au printemps et à l’été suivants. Aux marées de la fin septembre 1918, nous avons trouvé un certain nombre de stades très jeunes, provenant, à n'en pas douter, d’infestations très récentes. Sur 9 P oly cirrus , en effet, nous avons constaté, au microscope binoculaire, de petites verrues hémisphériques (pl. I, fig. 2) ne mesurant que 200 à 300 p de diamètre, d’un aspect très uniforme, et dans lesquelles nous avons justement deviné les stades jeunes de Xenocœloma. In vivo , la structure interne de ces petites tumeurs n’apparait guère. On y devine seulement un nodule assez compact, à la périphérie duquel sont disséminées des taches pigmentaires rougeâtres très caractéristiques, rappelant exactement, par leur couleur, la pigmentation des Xenocœloma adultes ou à l’état de Nauplius. La suite montrera que le parasite constitue une masse bien délimitée à l’intérieur de la verrue et d’un diamètre notablement inférieur à celui de la verrue elle-même. Il est remarquable que tous ces stades jeunes — sauf une exception — ont été rencontrés sur des Polycirrus présentant déjà des parasites âgés, quoique nous ayons examiné, avec un soin égal et des chances égales, tous les Polycirrus , parasités ou non. Un des Polycirrus portait deux Xenocœloma adultes et trois stades initiaux. Voici au reste la statistique des matériaux recueillis aux marées de la fin septembre 1918 où la récolte a été exceptionnellement riche en parasites. Date Nombr de Pol récoltés e total y cir r u s parasités Polycirrus porteurs de stades initiaux Nombre total des parasites Septembre 20 ... 30 ' 4 1 (3 parasites) 8 — 21 ... . 40 8 2 12 — 22 ... . 50 12 5 22 — 23 ... . 40 7 0 8 Totaux. . . . 160 31 8 (1 ) (10 paras.) 50 (1) Un 9e Polycirrus a été reconnu ultérieurement porteur d’un stade initial, mais nous ne pouvons dire quel jour il avait été récolté. XENOCŒLOMA BRUMPTI 215 On peut donc se demander si les Polijcirrus déjà parasités ne sont pas exposés plus que les autres à une infection nouvelle, la statistique générale. Appliquons cette considération aux matériaux récoltes en septembre 1918, tout en remarquant que des raisonnements de ce genre ne sont vraiment valables que pour de grands nombres et que le nombre total des P oly cirrus récoltés n’est connu que d’une façon approximative. Beaucoup d’entre eux, en effet, sont recueillis à l’état de fragments, ce qui rend la totalisation incertaine. 50 parasites sur 160 Polycirrus conduisent à une probabilité d infection de . La probabilité d infections multiples, dou- ib blés, triples, quadruples, etc., serait donc de : c’est-à-dire qu’on devrait les trouver respectivement une fois sur 10, 32, 100, 320 Polycirrus récoltés. Les 160 Polycirrus examinés devraient donc nous fournir 16 infestations doubles, 5 triples, 1 à 2 quadruples et au plus 1 quintuple, sans qu’on puisse additionner ces diverses probabilités. 11 est facile de se rendre compte qu’une infection triple équivaut, pour la pro¬ babilité, à 3 doubles, 1 quadruple, à 4 triples ou 6 doubles, 1 quintuple à 5 quadruples ou 10 tiiples ou 10 doubles (’). Nos matériaux nous ont fourni ! 9 infestations doubles, 1 quadruple et 2 quintuples (dont une comprenant 3 stades initiaux). En convertissant — pour la probabilité toutes ces infestations multiples en infestations doubles, elles équivalent 494-6 + 2x10 = 33, alors que la probabilité d’infestations doubles était seulement de 16. Le nombre trouvé est donc dou¬ ble du nombre théoriquement attendu, ce qui est un écart assez pression qu on rencontre des infestations multiples plus souvent qu’on ne devrait s’y attendre Nous sommes donc portés à (l) Ces nombres représentent les combinaisons p. ou p. de ni objets : C P ni tn.[m — 1) (m— 2) . (m—p + 1) 1.2.3 . p 216 M. CAULLERY ET F. MESNIL admettre qu elles se produisent en excès, en vertu d'une cause définie. Etudions maintenant ces stades initiaux ; les coupes sériées sont le seul moyen de le faire. Malheureusement nous avons perdu au cours des manipulations deux de ces précieux individus. Pour les coupes, il est absolument nécessaire de débarrasser complètement l'intestin de l’Annélide de son sable et, ce faisant, on est exposé, soit à dilacérer le parasite, soit à réduire son support de telle sorte que, dans les manipulations ultérieures, il n’est que trop facile de le perdre. Ces stades initiaux étaient de tailles peu différentes les unes des autres. La tumeur qui les renferme mesurait approximati¬ vement 0 mm. 25 de diamètre et était de forme sensiblement hémisphérique. Le tégument de l'Annélide n’offre aucune dis¬ continuité ; il est seulement boursouflé et la saillie qu'il fait est décollée de la partie massive du contenu. Il n’y a aucun repère qui, à ce moment, puisse déceler l'orientation du parasite. Les coupes ont été faites, dans une partie des cas tangentiellement par rapport à la surface des Polycirrus , dans les autres per¬ pendiculairement à cette surface. Sans être exactement au même degré d'évolution, les divers exemplaires dont nous avons pu étudier les coupes se répartis¬ sent assez bien en deux stades que nous étudierons successive¬ ment. Au premier d’entre eux, le parasite constitue une masse com¬ plètement close que nous désignerons sous le nom de pupe. Au second, il s’est ouvert dans la cavité cœlomique de l’bôte : on assiste à l’établissement de ses rapports définitifs avec celui-ci. Nous examinerons ces deux stades successivement. 1° Stade de pupe (v. fig. XVII, en haut, p. 222). ~ La taille réelle du parasite, à ce stade, est très inférieure à. celle de la saillie qu’il détermine sur l'Annélide. D'après un croquis fait lors du passage de l'un des états les plus jeunes dans le xylène, la nodule sphérique constitué par les tissus du Xenocœloma a un diamètre égal sensiblement à la moitié de celui de la XENOCŒLOMA BRUMPTI 217 verrue produite sur l’hôte, soit approximativement à 100 ou 125 p ; c’est donc moins du double de la taille du Nauplius. Nous avons des coupes de cinq individus rentrant dans cette catégorie, deux des séries sont malheureusement incomplètes. Ce qui frappe tout d’abord, c’est combien les tissus du para¬ site sont compacts et formés de petits éléments pressés les uns contre les autres. D’une manière générale, les coupes représen¬ tent une série de lames épithéliales extrêmement serrées, cons¬ tituées par des cellules très petites, dont les noyaux se touchent presque, chacun offrant un nucléole très net. Les mitoses sont, elles aussi, très petites. 11 y a ainsi un contraste, bien plus accentué que pour l’adulte, entre les tissus de l’hôte et ceux du parasite et le départ des uns et des autres est par suite des plus aisés à faire. Les photographies pi. Ï1I fig. 22-23, montrent ce contraste en gros et la lig. XVI, p. 218, le fait sentir plus exactement. La description détaillée du stade de pupe est à peu près impossible avec nos matériaux, qui fournissent des images diverge ntre elles, surtout que l’orien- Nous donnerons par suite talion d’abord une figure et une description demi-schématique, aux¬ quelles nous confronterons les coupes nettes. A l’état de pupe, Xenocœloma constitue une masse ovoïde entièrement comprise dans la paroi extrême du P oly cirrus entre l’ectoderme et la couche musculaire. C’est une sorte de tumeur sous-ectodermique close. Les muscles pariétaux la séparent du cœlome. Mais l’un des premiers effets de la tumeur est d’écarter progressivement ces muscles sur les côtés : la couche externe annulaire, d’abord, puis la couche interne longitudinale. 11 se perce ainsi une perforation simplement circulaire dans la paroi musculaire. Ce travail est à peu près terminé pour le parasite, pi. III, fig. 20-21. Le parasite lui-même est complètement enfermé dans un épithélium externe tout à fait continu et sans orifices, qui est son ectoderme. C’est une couche mince (c, fig. XVI), dont les noyaux sont assez espacés et qui, à sa face extérieure, montre une couche homogène, qui nous semble devoir être interprétée comme une cuticule chitineuse. Cet ectoderme est nettement 21S M. CAULLERY ET F. MESNIL la cuticule. Ainsi les limites de l’hôte et du parasite sont par¬ faitement nettes. A la face profonde du parasite (fig. 17-19, pl. III), tournée vers le cœlome de l'Annélide, on aperçoit une cavité V, qui s'enfonce dans la masse même du parasite par une série de replis. Les lig. 17, 18 et 19, pl. I II sont des coupes sensiblement Fig. XVI. — Portion de la conpe de la pu pe (fig. 20-21, pl . IIP, montrant l’ectoderme e, avec la différenciation cuticulaire de sa face externe ; p, cellule pigmentaire (il y a une grosse masse pigmentaire à l'angle supé- rieurgauchc de la figure). Noter le contraste entre les tissus de l'hôte et du # parasite de part et d’autre de l’ectoderme e du Crustacé. G =: 1.500. perpendiculaires au plan sagittal et par suite symétriques. Au contraire, le parasite dont proviennent les photographies, pl. 111, fig. 20 et 21, a été coupé perpendiculairement à son axe et par suite au plan des figures précédentes. Il en résulte que la cavité V et ses replis se traduisent ici par une série de sillons concentriques, les parois de ces sillons par des cou¬ ches épithéliales épaissies ; les festons qui se dessinent sur la fig. 17 sont la coupe de lames qui font tout le tour de la masse XENOCŒLOMA BRUMPTI 219 centrale du parasite comme les divers verticilles dans une fleur. La paroi externe de la cavité V vient se souder à l’ecto¬ derme en un point situé sur l’axe du parasite, comme l'indique la figure schématique XVII (en haut) et comme on le voit pi. III, fig. 19. Juste en face de ce point de soudure, le plan¬ cher du vestibule V. donne naissance à un tube I (fig. XVII), qui s’enfonce suivant l'axe de l'animal. C’est lui dont on aperçoit la coupe sur les photographies fig. 20-21, pl. III, qui lui sont perpendiculaires. Dans ce tube /, vers le fond, viennent déboucher des acini disposés radiairement (fig. 21, pl. III) ; malheureusement la coupe photographiée avait subi un écrasement qui a produit des déchirures). Nous pensons que le tube I . doit être considéré comme appartenant à l’appareil digestif et peut-être en est-il de même pour toute la cavité vestibulaire V. Le sens des replis et fes¬ tons que présente cette dernière apparaîtra plus loin. Antici¬ pons sur la suite pour dire que les acini débouchant dans le tube /, deviendront l’organe méandriforme et celui-ci ne nous paraît pouvoir être interprété par suite que comme une glande digestive. Autour du tube f, dans sa partie proximale, on voit se déta¬ cher, sur l'ensemble du fond, un groupe de cellules, dont les noyaux sont plus grands et plus chromophiles ; on les devine sur la fig. 19, pl. III. Les stades ultérieurs prouvent que c’est là le futur organe en rosette. Les taches sombres de la fig. 19, pl. III sont des cellules pig¬ mentaires. Dans cette même figure, on voit, à la partie distale, un système de cavités limitées par un épithélium très net. C’est, sans aucun doute, le début de la cavité atriale et de ses dépendances. Les figures 17 et 18 montrent, vers la face extérieure, un cer¬ tain nombre de grosses cellules G. avec un noyau volumineux et très chromatique. Ce sont des oogonies. Il y a un ovaire bien délimité, qui se suit sur plusieurs coupes transversales appartenant à la région postérieure de la pupe. En continuité avec cet ovaire, à droite et à gauche, on peut suivre un tube épithélial, dont les cellules onl un noyau et un nucléole relativement volumineux ; c’est l'oviducte de chaque 220 M. CAULLERY ET F. MESNIL côté. La coupe transversale de ce tube o s’aperçoit vers l’angle supérieur gauche dans la figure 18. Tels sont les organes multiples et très différenciés que l'on trouve sur ces stades en apparence très jeunes. Les diverses photographies permettent de se rendre compte combien une description complète de ces stades présente de difficulté. On peut en dégager les points suivants : 1° 11 y a une différence de structure et d'aspect énorme entre les tissus du parasite et ceux de l’hôte, ce qui permet de délimiter avec sûreté ce qui appartient à l’un et à l’autre. En particulier on voit très* bien l’ectoderme propre du parasite et la distinction avec l’ecto¬ derme de l’Annélide est immédiate et totale. En l’absence même de la disposition anatomique, les caractères purement histologiques suffiraient. A ces stades, en particulier, sous l’influence de la présence du parasite, l’ectoderme de l’Annélide prolifère activement pour former la saillie où sera logé le Xenocœloma. On y observe par suite de nombreuses caryo- cinèses qui sont identiques à celles que l'on trouve dans l'épithélium intestinal du Poly cirrus (fig. III) et d’un aspect totalement différent de celles des tissus du parasite (fig. XVI). Le nombre des chromosomes d’ailleurs n’y est guère que de 20 c'est-à-dire qu il est très loin du nombre 40 qui caractérise Xenocœloma. 2° Les stades les plus jeunes sont déjà extrêmement différen¬ ciés et montrent même constitués presque tous les organes définitifs (organe méandriforme, organe en rosette, ovaire, oviductes, cavité atriale). 3° L'aspect et les petites dimensions des cellules à ces stades rappelle les tissus différenciés des Nauplius, eux aussi très compacts et à très petits éléments ; mais il y a une grande dis¬ tance parcourue depuis le Nauplius. On ne trouve, plus trace de l’énorme masse de vitellus : il y a eu une production con¬ sidérable de tissus et d’organes. Il y a donc un hiatus considé¬ rable entre ces stades et le Nauplius. Il ne peut s’agir de com¬ bler cette lacune par des suppositions, mais un certain nombre de réflexions s’imposent. C’est d’abord combien l’organisation que nous avons résumée s’écarte de celle des Copépodes en général. L’adaptation que présente l’adulte est préparée dès les phases très jeunes du XENOCŒLOMA RRUMPTI 221 développement, probablement déjà pendant la phase de vie libre, qui doit suivre l’éclosion des Nauplius. Quelque soit l’état auquel la larve pénètre sous l’ectoderme de l’Annélide, il est probable qu’elle subit une mue lors de sa fixation et que tout le tégument chitineux avec les appendices reste à l’extérieur, car on n'en trouve aucune trace. Les tissus proprement-dits doivent former une masse compacte, qui, sans doute, s’inocule sous l’ectoderme de l’hôte, d’une façon analo¬ gue à l’embryon kentrogone de la Sacculine. Nous 11e pouvons en aucune façon deviner actuellement quel est exactement l’état du Xenocœloma quand il pénètre ainsi dans la peau du Polycirrus. Le fait que ces stades observés sont encore clos indique que le parasite n’a guère pu encore se nourrir aux dépens de l’hôte, mais qu’il a dû vivre sur ses réserves. D’autre part, on ne voit plus aucune trace de vitellus dans ces stades. Enfin, on ne retrouve non plus aucun vestige de l’or¬ ganisation d’un Copépode libre. Il y aurait évidemment grand intérêt à trouver les stades immédiatement voisins de la péné¬ tration . Nous regardons la face tournée vers la cavité cœlomique du Polycirrus comme la face ventrale du Crustacé, la face dorsale étant contre l’ectoderme de l’Annélide. Cela résulte de la position de l’ovaire qui définit la face dorsale. 2e stade. — Etablissement des rapports définitifs avec l'hôte (fig. XVII, en bas). — Deux des jeunes individus récoltés, bien que n’étant pas sensiblement plus volumineux que les autres, nous ont montré ce stade nouveau. On y retrouve tous les organes précédents à un degré d évolution plus avancé. Le parasite remplit beaucoup plus complètement la verrue qu’il forme sur l’hôte et adhère maintenant intérieurement à l’ectoderme de celui-ci, distendu et notablement aminci (pi. III, fig. 22-23). La paroi musculaire du Polycirrus s’est rompue au contact du parasite, ainsi que l’ectoderme de ce dernier et la paroi du vestibule V, tournée vers la cavité cœlomique de l’Annélide. L’endothélium cœlomique de celle-ci prolifère, comme l’attes¬ tent des caryocinèses et l’augmentation très marquée du nom¬ bre des noyaux. Cet endothélium s'engage dans l’oritice de 222 M. CAULLERY ET F. MESNIL rupture de la paroi musculaire et du -vestibule V; il tend à tapisser la face profonde de ce vestibule. Dans les coupes de Xenocœloma : En haut , stade pupe : C, cœlome ; E, ectoderme ; M, paroi musculaire ; P , endothélium péritonéal du Polycirrus. — G, cellules germinales (etovi- ductes adjacents); /, intestin (?) ; T. tégument; V, cavité vestibulaire ; * ébauche atrio-testiculaire du Xenocœloma. En bas, deuxième stade. La cavité vestibulaire F du Crustacé s’est ouverte dans le cœlome C de l’Annélide et l’endothélium péritonéal P de celle-ci vient faire hernie dans la cavité vestibulaire V. fig. 22-23, pl. 111, le contact n’est pas encore complètement établi, mais est partiellement réalisé. XENOCŒLOMA BRUMPTI 223 Si l’on compare les figures 19 et 23, pl. III, on voit l’accrois¬ sement considérable de la surface de la face profonde du vesti¬ bule V. Cet accroissement est réalisé par l’étalement des replis qui étaient si marqués au stade précédent. Ce déplis¬ sement n’est pas encore complètement achevé, mais est en voie de s’effectuer. Les replis en question avaient probable¬ ment pour signification de préparer cet accroissement de la surface du contact du parasite avec l'endothélium annélidien. Sur la tig. 23, vers le centre, on aperçoit un tube partant de ce qui était primitivement la paroi profonde de V, et, au fond de ce tube, aboutissent une série d’acini que la photographie montre plus foncés. C’est le tube / et les acini sont l’organe méandriforme. Sur les coupes voisines, on retrouve les groupes de cellules qui constitueront l’organe en rosette et qui se dis¬ tinguent ici des éléments environnants par des noyaux plus volumineux et plus chromatiques. On remarquera sur les photographies fig. 22-23 que les tissus du parasite sont beaucoup moins compacts, — ce qui tient à l’éta¬ lement de ces tissus ; mais les noyaux, — qui n’apparaissent que comme des points, — sont encore restés très petits par rapport à ceux de l’Annélide. Leurs dimensions vont en augmentant progressivement, au fur et à mesure que les tissus se desserrent. Il résulte des faits précédents que la cavité, désignée par nous au stade de pupe sous le nom de vestibule F, devient la cavité axiale du parasite à l’état adulte, et l’on comprend com¬ ment il se fait qu’elle est tapissée par l’endothélium cœlomi¬ que de l’Annélide. Le caractère épithélial de sa paroi, parfaitement net sur les stades initiaux, le devient de moins en moins, mais persiste cependant suffisamment pour pouvoir toujours être reconnu. Quant à l’interprétation de la cavité axiale, la plus plausible que suggère le développement est qu elle représente l’appareil digestif profondément transformé du Copépode. Il serait oiseux, avec les données dont on dispose, de tenter- une assimilation plus précise. En somme, la connaissance de ces stades, trouvés en septem¬ bre 1918, permet de s’expliquer complètement les rapports du parasite et de son hôte à l’état adulte et justifie définitivement 224 M. CAULLERY ET F. MESNIL les interprétations que nous en avions fournies dès 1915. Elle montre que les transformations subies par Xenocœloma , par rapport aux autres Copépodes, sont beaucoup plus profondes encore qu'on aurait pu le supposer, car la structure de ces très jeunes stades s’écarte tout à fait de tout ce qui est connu dans ce groupe. Croissance du parasite et évolution de ses organes. — Développement des testicules Les rapports définitifs entre l’hôte et le parasite sont établis, comme on le voit, de fort bonne heure, alors que la saillie produite sur le Polycirrus ne dépasse pas 0 mm. ,25 àO mm. ,30. Il ne reste plus à s’accomplir ensuite qu’une croissance pro¬ gressive, pendant laquelle s’achève la différenciation des orga¬ nes. Le seul système qui ait encore vraiment à se différencier est l’appareil testiculaire. De jeunes individus mesurant environ 1 millimètre de lon¬ gueur fournissent à cet égard des stades variés que nous allons décrire maintenant. D’une manière générale, ces jeunes stades montrent encore, sous l’ectoderme du Polycirrus , une ligne de noyaux assez con¬ tinue, qui constitue une trace nette de l’ectoderme du Crustacé (fig. 24), mais cette netteté s’efface très vite. La cavité axiale chez ces individus est extrêmement vaste (fig. VIII, p. 191) et régulièrement cylindrique. Les tissus du para¬ site ne forment, au tour d’elle, qu’un mince fourreau cylindrique. L’endothélium péritonéal annélidien qui la revêt est constitué en général par une seule couche de cellules. A l’extrémité dis¬ tale de la cavité axiale, on trouve l’organe méandriforme et l'organe en rosette sous une forme très simple et typique. Dans l’organe en rosette, les noyaux se fragmentent de bonne heure, par voie directe, en vésicules nucléolées multiples et contiguës, telles qu'on les observe chez les adultes. Ici on assiste fré¬ quemment à la fragmentation du noyau primitif. L’appareil génital femelle a déjà sa constitution essentielle, mais le système des tubes où mûriront les œufs étant encore vide, se présente comme un ensemble de cordons minces à lumière virtuelle, qui apparaît nettement au sein du paren- XENOCŒLOMÀ BRUMPT ( qç>k chyme général. Celui-ci est constitué par des cellules à noyaux offrant un nucléole punctiforme et qui, très petits au début, vont en croissant de taille progressivement. L’orifice terminal semble se percer sur des individus ayant approximativement 1 millimètre. La cavité atriale est désor¬ mais en rapport avec l’extérieur, mais son ébauche était déjà Fig. XVIII. — Fente testiculaire initiale ft, dont les bords latéraux pro¬ duisent les ébauches s des spermiducles : à droite et à gauche, l’oviducte o G= 740. visible sur les jeunes stades précédemment étudiés (cf. fig. 19, pi. III). Nous insisterons surtout sur l’évolution de l’appareil testicu¬ laire . Remarquons d’abord qu'à taille égale des individus (1 milli¬ mètre environ), il s’est montré à des stades très différents, sui¬ vant qu’il s’agissait de spécimens récoltés au printemps (mars), ou en automne (septembre). La température a évidemment une action sur son évolution. Premier stade. — Nous l’avons rencontré dans tous les indi¬ vidus mesurant environ 1 millimètre que nous avons récoltés en mars 1918. Au niveau de l’appareil méandriforme et immédiatement au- dessous, ventralement par rapport à lui, on voit une fente trans¬ versale aplatie ft[ fig. XVIII) comprise entre les oviductes o. Elle est bordée par un épithélium relativement épais. En sui- 15 226 M. CA.ULLERY ET F. MESNIL vant cette fente sur les coupes vers l’extrémité distale, on voit qu elle se poursuit jusqu’à la cavité atriale avec laquelle elle est en continuité. A ce moment, il n’y a encore aucune diffé¬ renciation cytologique permettant de reconnaître un tissu ger¬ minal. Dans la portion moyenne de cette fente, de chaque côté, se détache un cordon plein s qui descend pour rejoindre les 1 2 3 Fig. XIX. — Reconstitution schématique de la région inférieure de Xeno- cœloma pendant la différenciation du testicule : 1 (à gauche), premier stade. — La fente testiculaire aplatie ft communique avec l’atrium at \ en haut coupe transversale suivant ab . 2 (au centre), deuxième stade. — L’ébauche testiculaire forme mainte¬ nant une vésicule close t sur la paroi dorsale de laquelle s’est différencié un épaississement (pointillé) où apparaissent les premières spermatogonies. Différenciation de la vésicule séminale us; 3 (à droite), deuxième stade, vu de profil. a, cavité axiale ; at, atrium ; ft, fente testiculaire ; m, organe méandri- forme ; o, oviducte ; s, spermiducte ; v, vésicule testiculaire ;v. s., vésicule séminale. oviductes et s’y aboucher. Ce sont les ébauches des spermi- ductes. On voit sur la fig. XIX une reconstitution schématique de la disposition des diverses parties. 2e stade. — Nous le trouvons sur des individus qui ne dépas¬ sent pas la taille des précédents, mais qui ont été récoltés en été ou en automne. XENOCŒLQMA BRUMPTI 227 Dans la région distale de ces spécimens, on constate la pré¬ sence d’une très grande vésicule t, occupant une forte part de la section transversale à ces niveaux (cf. phot. pl. Il, fig. 13 et 14). Cette vésicule est limitée par un épithélium très aplati, dont les cellules sont, pour la plupart, surchargées de granu¬ lations pigmentaires brunes insolubles. Elle provient, sans aucun doute, de la dilatation de la fente ft décrite au stade précédent. Mais elle est close, ayant perdu maintenant toute communication inférieure avec la cavité atriale (cf. fig. XIX, 2 et 3). Cette vésicule montre des différenciations très importantes sur sa face profonde (dorsale), provenant de la face dorsale de la fente primitive et dans sa partie médiane. L’examen des diffé¬ rents individus conduit à conclure que cette face profonde s’est épaissie et clivée en deux lames. La plus ventrale reste en continuité complète avec le reste de la paroi de la vésicule pro¬ prement dite. Dans sa portion médiane, elle s’épaissitlocalement, en forme de bouton, qui fait saillie dans la cavité de la vésicule (pl. II, fig. 13-14; fig. XIX, 2 et 3). Et, dans cet épaississement, dont la surface présente les granulations pigmentaires que nous venons de signaler, on voit se différencier des cellules germinales reconnaissables à la grande taille et à la richesse chromatique de leurs noyaux. On constate la différenciation graduelle de ces cellules, aux dépens des cellules indifféren¬ ciées qui forment la masse de la saillie et la paroi du reste delà vésicule. Les photographies fig. 13, et 14, pl. II mon¬ trent des coupes transversales de la vésicule testiculaire au niveau de la différenciation des cellules germinales et la fig. XX permet de mieux voir la structure et les rapports de celle-ci. On voit progressivement le nombre de ces cellules germinales augmenter, en meme temps que se développe la saillie où elles ont apparu ; celle-ci proémine de plus en plus dans la vési¬ cule ; elle ne reste pas pleine, mais nous y avons observé parfois des cavités secondaires closes. Finalement cette saillie atteint la face opposée de la vésicule primitive et la partage ainsi en deux moitiés indépendantes qui sont les deux testicules définitifs. Entre temps, il s est différencié des cellules germinales sur tout le pourtour de la vésicule, et elles sont disposées en une seule couche. Ce sont des sperma- 228 M. CAÜLLERY ET T. MESNIL togonies. Celle qui est photographiée pL II, fig. 16 et dessinée pl. IV, lig. 29 provient de ce stade, qui, dans son ensemble, est représenté par la coupe fig. 15, pl. II. L individu dont provient cette dernière, mesurait environ 1 mm., 5 de longueur. Entre les spermatogonies, on aperçoit de nombreuses cellules à petit noyau muni d’un nucléole punctiforme (fig. 29). Ces cellules forment la trame de l’épithélium des parois testi¬ culaires et persistent à l’état indifférencié entre les cellules germinales. Les testicules proprement dits proviennent donc de la subdi- Fig. XX. — Partie dorsale médiane de la vésicule testiculaire vt au deuxième stade. En avant, l’épaississement où se différencient les premières sper¬ matogonies sp. — En arrière et séparé par une mince fente, l’épithélium cylindrique vs qui donne naissance à 1a. vésicule séminale : sur les côtés les oviductes o. Dans le tissu conjonctif sous-jacent, quelques cellules à granulations retenant la laque ferrique. G = 700. vision en deux moitiés, parle processus qui vient d’être résumé, de la vésicule primitive, elle-même dérivant de la fente décrite au stade précédent. Revenons maintenant à la lame dorsale résultant du clivage de la face profonde de la vésicule (vs fig. XX; F fig. 13, pl. II). C’est elle qui donnera naissance à la vésicule séminale. Elle constitue d’abord un épithélium cylindrique assez élevé (fig. XX), qui s’étend jusqu'aux points où se détachent les deux tubes dont il a été question ci-dessus et qui vont rejoindre les ovi¬ ductes. Cette lame épaissie prolifère ensuite, surtout dans ses XENOCŒLOMA BRUMPTI 22<) parties latérales, qui dessinent bientôt deux cornes dorsales (fig. 13, pi. II). La prolifération continuant, il se constitue peu à peu une cavité nouvelle, s'ouvrant d’abord largement sur la face dorsale de l’appareil testiculaire proprement dit. Cette cavité est la vésicule séminale. On voit les étapes de sa diilé- renciation et de son individualisation sur les pliot. pl. Il, lig. 13, li et 15, V. Sa paroi est épaisse et constituée par des cellules petites et très serrées ; de très bonne heure, il se fait une fonte de cette paroi, se traduisant par des accumulations compactes de petits noyaux dans la lumière de la cavité. Le développement de l’appareil testiculaire, tel qu’il vient d’être résumé, soulève diverses questions d'ordre général. En premier lieu, c'est tout un système organique ajouté à l’anato¬ mie normale des Copépodes et l’exemple de Xenocœloma est, à 1 heure actuelle, unique dans ce groupe. On peut remarquer que, comme dans nombre de cas analo¬ gues appartenant à d’autres groupes, on a ici un nouvel exemple de la règle formulée par P. Pelseneer, suivant laquelle l’her¬ maphrodisme secondaire se greffe sur le sexe femelle ; règle dont nous avons nous-mêmes donné des exemples chez les Orthonectides. Xenocœloma se distingue, de la plupart des autres exemples d’hermaphrodisme exceptionnel, par la façon dont cet herma¬ phrodisme est réalisé. En général, en effet, — et c’est le cas pour les Crustacés, tels que les Décapodes ( Gebia major , Lysmata seticaudata , etc., etc.) ou les Isopodes (Cymothoadiens, Epicari- des, Cryptonisciens, etc.), — c’est la glande génitale qui, d’uni- sexuée devient hermaphrodite, une partie de la glande évo¬ luant en testicule, 1 autre en ovaire et le plus souvent avec protandrie marquée. Mais en somme c est l’ébauche germinale primitive qui fournit les deux catégories de produits sexuels. Ici, au contraire, le testicule se développe tout à fait en dehors de 1 ovaire qui est la glande germinale typique, homologue de celle des autres Copépodes. Et l’on sait que, dans ce groupe, on a pu tracer la lignée germinale depuis les premières phases de la segmentation. L observation conduit d’ailleurs de plus en 230 M. CAULLERY ET F. MESNIL plus, — même abstraction faite de la théorie de Weismann, — à considérer le tissu germinal comme une formation s ni generis , différenciée dès le début du développement et ne pouvant être produite par les autres parties de l’organisme. Les constata¬ tions et expériences de Hegner sur les Ghrysomélides sont par¬ ticulièrement nettes à cet égard. Or, ici, la vésieule testiculaire primitive se développe aux dépens d’un tissu qui a toutes les apparences d’un tissu purement somatique. C’est-à-dire que de ce tissu somatique sortent des éléments germinaux. Il n’y a aucun doute, en effet, à l’examen des préparations, que les spermatogonies se développent in situ. Il ne peut être question de leur migration à partir de la glande germinale primordiale qui devient l’ovaire. Ce serait là un fait d’une grande portée. Il faut observer toutefois qu’il n'est pas absolument démon¬ tré que l’ébauche testiculaire soit tout à fait indépendante du tissu germinal. Elle est, comme nous l'avons vu, en continuité avec l’atrium et avec les oviductes, qui sont eux-mêmes en con¬ tinuité avec l’ovaire. 11 est donc possible qu’ontogénétiquement ovaire, oviductes et testicules procèdent d’une ébauche unique, dérivant des cellules germinales primordiales. Cependant on ne peut raisonnablement attribuer cette signification à la cavité atriale qui correspond manifestement à la surface externe du Copépode et il faudrait qu’il y eut une ébauche commune de l'ovaire, des oviductes, des spermiductes et des testicules, laquelle se mettrait en rapport ensuite avec l'ébauche de l’atrium. En tout cas, les testicules de Xenocœloma ne sont certaine¬ ment pas homologues de ceux des autres Copépodes, mais doi¬ vent être un organe surajouté et l’on est tenté de les consi¬ dérer comme une néoformation, qui aurait pris naissance peut-être aux dépens du réceptacle séminal ordinaire. Il y aurait lieu de faire une étude minutieuse des premières phases parasitaires à cet égard. Les matériaux nous ont man¬ qué pour cela. Nous avons d’ailleurs signalé plus haut que, dans les stades les plus jeunes dont nous avons disposé, l'ébau¬ che génitale et celle de l'atrium sont déjà très avancées. Mais son étude est difficile si l'on n’a entre les mains, comme ce fut notre cas, que quelques individus. V ■ ^ A «U-, _ _ «jSéJÜ . .. O.'* M _ XENOCŒLOMA BRUMPTI 23! V Conclusions générales. Affinités L’intérêt que présente le genre Xenocœloma (*) ressort suffi¬ samment de la description qui précède. Il est double : d’une part, en effet, c’est un document tout à fait remarquable pour l’évolution en général et l’étude de la régression des organis¬ mes sous l’influence du parasitisme; d’autre part, c’est un type nouveau dans le groupe déjà si varié des Gopépodes. Les parasites de ce groupe nous ont habitués à des déforma¬ tions énormes. Mais celles qui étaient connues jusqu’ici ne modifiaient guère, en somme, le plan fondamental de l'organi¬ sation de ces Crustacés. Il n’en est pas de même ici. DuCopé- pode primitif, il ne reste plus guère que l’appareil génital femelle. Tous les autres organes sont complètement supprimés ou méconnaissables. Le mâle parait avoir complètement dis¬ paru et la femelle a acquis un hermaphrodisme secondaire parfait. Ce remaniement n'est pas spécial à l’adulte. Il s’exprime dans le développement post-larvaire comme le montrent les jeunes stades parasitaires qui ont été étudiés ci-dessus. Toute¬ fois le Nauplius subsiste bien typique, quant à la morphologie externe ; l’anatomie interne en est cependant assez particulière, ainsi que nous l’avons vu et annonce peut-être les modifications ultérieures. (’) La diagnose de ce genre peut être formulée de la façon suivante : Genre Xenocœloma Caull. et Mesn., 1915. Aucun appendice. Corps entièrement recouvert par l’ectoderme de l’hôte et tégument propre atrophié. Communication avec le dehors par un pore menant dans une cavité atriale, où viennent s’ouvrir deux tubes génitaux (prolongement des oviductes). Cavité axiale tapissée par l’en¬ dothélium péritonéal de l’hôle et représentant peut-être le tube digestif. Herma¬ phrodite. Ovaire bilobé. Oviducte partagé en deux régions : un système de tubes pour la maturation des oocytes et une paire de glandes cémentaires. Deux testi¬ cules et une vésicule séminale comprise entre eux, se vidant par deux sperrniduc- tes qui débouchent dans les oviductes. Deux espèces : 1° Xenocœloma alleni Brumpt, 1897. Syn. Saccopsis alleni Brumpt, C. R. Acad . Sc., t. CXXIV, 1897, p. 1464; para¬ site de Polycirrus aurautiacus Gr., Plymouth ; 2° Xenocœloma brumpti Caull. et Mesn. , 1915, C. R. Acad. Sc., t. CLXI, 1915 p. 709. Parasite de Polyc irrus arenivorus Caull. Anse Saint-Martin. 232 M. CAULLERY RT F. MES S TL Xenocœloma se montre, au total, cliez les Copépodes, un type presque aussi aberrant que les * Rhizocéphales parmi les Girrhipèdes et, bien que sa structure et ses rapports avec l’hôte soient tout différents, les deux' cas ne manquent pas d’analogies. La nutrition se trouve réalisée, dans l’un comme dans l’autre, aux dépens de l’hôte, par un appareil d’absorption diffus et à partir de produits complètement assimilés. Dans le cas de la Sacculine,le parasite pénètre pour cela dans toutes les parties de l’organisme de l’hôte par ses racines. Dans celui de Xeno¬ cœloma , c’est l’hôte dont le cœlome vient baigner tout le corps du parasite. Pareille transformation n’a pu être réalisée que par de nom¬ breuses étapes, même si l’on ne conçoit que des variations brusques. On ne peut guère, pour le moment, les repérer d’une façon quelque peu précise. C’est parmi les Copépodes parasites des Annélides et spéciale¬ ment des Térébelliens, qu’il faut les chercher. La famille des Herpyllobiidæ, telle qu’elle a été définie par H.-J. Han¬ sen (*), est celle à laquelle on est conduit. Malheureusement tous ces types, en général si dégradés, et probablement si inté¬ ressants, ne nous sont guère connus que par leur morpho¬ logie externe. On ne sait que peu ou rien de leur anatomie interne (2). C’est aux Herpyllobiidæ que les auteurs rapportent le genre Saccopsis Levinsen, dans lequel Brumpt avait d’abord fait ren¬ trer les parasites des Poly cirrus. Nous avons montré suffisam¬ ment, pour n’avoir pas à y revenir ici, que les analogies de forme entre Xenocœloma et Saccopsis étaient superficielles et devaient recouvrir des différences morphologiques et anatomi¬ ques importantes. Il ne peut pas être question de confondre (’) Hansen, H. -J., Rhizorhina ampeliscœ, cio., Entomol. Meddelelser, t IH, faso. 5, pp. 207-234, 1892. (2) Hansen groupe dans les Herpyllobiidæ, les genres Herpyllobius Steenst. et Lütken et Eurysilenium Sars (parasites de Polynoïdiens), Bradophila Levinsen et T rophoniphila Mac Intosh (parasites de Chlorhémiens), Saccopsis Levinsen et Ehlersiella Mac Int. (parasites de Térébelliens), enfin Bhizorhina Hansen qui est parasite de Crustacés Ampliipodes (Ampelisca) . 11 en écarte, par contre, tout à tait, les Choniostomatidœ, dont il a fait une monographie approfondie (The Choniostomatidœ, Copenhague, 1897). réfutant d’une façon motivée le rapprochement fait par Giard et Bonnier [Bull. Scient. France Belgique, t. XXV, 1895, p. 462-485) entre ces types et les Herpyllo- biides. PLANCHE I XENOCŒLOMA Rapports avec l’hôte. EXPLICATION DE LA PLANCHE 1 A cavité axiale de Xenocœloma. n formations nerveuses (?) sous-ectodermiques. ov ovaire. t tubes où mûrissent les oocytes. x paroi interne du Xenocœloma , limitant la cavité axiale. £ ectoderme du Polycirrus. y cavité cœlomique du Polycirrus. y muscles lisses du Polycirrus. 7r endothélium péritonéal du Polycirrus tapissant la cavité axiale. Fig. 1. — Polycirrus arenivorus Caull. porteur de deux Xenocœloma brumpti C. et M. adultes avec sacs ovigères. G = 3. Fig. 2. — Fragment de Polycirrus porteur d’un très jeune parasite, for¬ mant une petite verrue, près du bord supérieur de la figure. G = 8. Fig. 3. — Coupe transversale d’un Xenocœloma jeune, dans la région du contact avec le Polycirrus ; la coupe de celui-ci s’étendrait à la partie infé¬ rieure de la figure. G := 150. Fig. 4. — Coupe un peu plus antérieure du même individu, montrant, à droite, l’abouchement de la cavité axiale dans le cœlome de l’Annélide. Le parasite n’est représenté dans cette coupe que par un croissant situé entre l’ectoderme et l’endothélium péritonéal de l’Annélide ; les pointes de ce croissant viennent buter, dans la figure, contre la musculature pariétale du Polycirrus. G. = 150. Fig. 5. — Portion plus grossie de la coupe précédente (région *), montrant la distinction des tissus du parasite x et de l’hôte n. Noter la différence de structure des noyaux. G = 850. Fig. 6. — Coupe transversale d’un Xenocœloma subadulte anormal. L’ap¬ pareil femelle a avorté. La cavité axiale est à peu près complètement envahie par la prolifération de l’endothélium péritonéal n de l’Annélide La paroi interne propre x du Crustacé est nettement différenciée par la colo¬ ration. G = 150. Fig. 7. — Portion de coupe transversale d’un jeune Xenocœloma. Remar¬ quer l’absence d’un tégument propre du Crustacé sous l’ectoderme annéli- dien. G m 450. i.lBRARV' OF THE ÜNIVERSITY OF ILLINOIS Bulletin Biologique, T. LUI Fig. 1 Cintract, Fig. 3-7 Jeantct phot. Xn Planche I IMP. CAI Al. A f At«S, PAKiJ. LmmY OF THE UNIVERSITE OF ILLINOIS PLANCHE II XENOCŒLOMA Organes mâles. EXPLICATION DE LA PLANCHE II at cavité atriale. o ôviducte. M organe méandriforme. R organe en rosette. S spermiducte. t tube de maturation des oocytes. T testicule. Y vésicule séminale, s ectoderme de l'Annélide. Fig. 8. — Coupe transversale dans la région distale d’un Xenocœloma adulte; la portion inférieure delà figure est formée pour la coupe des deux testicules T. G = 100. Fig. 9. — Portion de coupe de testicule (noter les spermatides allongées). G rz 130. Fig. 10. — Fragment de coupe de testicule à un fort grossissement, mon¬ trant les spermatocytes au repos et en cinèse, et, entre eux, quelques noyaux plus petits de cellules indifférenciées. G ~ 860. Fig. 11. — Coupe longitudinale de l’extrémité inférieure d'un Xenocœloma adulte. Spermiogenèse active dans le testicule T. La vésicule séminale V est pleine de spermatozoïdes. G = 85. Fig. 12. — Autre coupe longitudinale du même individu passant par l’ori¬ fice terminal. Noter, dans la cavité axiale at, les deux plages retenant la laque ferrique, au débouché des deux conduits génitaux mixtes. Plus haut, coupe tangentielle de la vésicule séminale et des spermiductes remplis de spermatozoïdes. Remarquer aussi les brides musculaires (noires) aboutissant à la paroi de l’atrium. G = 85. Fig. 13. — Coupe transversale d’un jeune Xenocœloma (un peu plus de 1 millimètre de longueur) dans la région inférieure. Noter l’épaississement de la face dorsale de la vésicule testiculaire, où se différencient les premières spermatogonies. G — 260. Fig. 14. — Portion (comprenant la vésicule testiculaire) d’une coupe ana¬ logue, dans un individu approximativement de même âge. L’ébauche de la vésicule séminale est un peu plus avancée ; on voit sur la coupe les pre¬ mières spermatogonies (Cf. fig. XX, p. 228). G = 260. Fig. 15. — Coupe transversale dans la région distale d’un Xenocœloma d’environ 2 millimètres. Les deux testicules sont constitués ; leur paroi est garnie d’une rangée de spermatogonies. La vésicule séminale V est déli¬ mitée et sa paroi en voie d’active prolifération. G = 150. Fig. 16. — Portion de coupe transversale d’un Xenocœloma , dont le testi¬ cule est à un stade voisin de celui de la fig. 15. Une des spermatogonies est en mitose (Cf. fig. 29, pl. IV). Noter la similitude avec la mitose d’oogonie fig. 7, pl. I. LIBRARV OF THE UNIVERSITV OF ILLINOIS Bulletin Biologique, T. LUI Jeantet phot. Planche II IUP CATALA rut Ht S. paris. :œloma LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF ILLINOIS PLANCHE III XENOCŒLOMA Stades parasitaires initiaux. EXPLICATION DE LA PLANCHE lll A Cavité axiale du Xenocœloma. C cavité vestihulaire de la pupe. e ectoderme de la pupe. g cellules germinales. / intestin (?) o oviducte. x paroi de la cavité axiale. Y Cœlome du Polycirrus. z ectoderme du Polycirrus. n endothélium péritonéal du Poly¬ cirrus. Fig. 17. — Coupe perpendiculaire au plan sagittal d’un stade pupe, sous l’ectoderme s de Polycirrus. Noter l’ectoderme e entourant toute la pupe. G = 300. Fig. 18-19. — Deux coupes perpendiculaires au plan sagittal d’une autre pupe. Noter, sur la fig. 18, la coupe de nombreux acini (org. méandriforme), et, sur la fig. 19, à la partie supérieure, une cavité, qui est probablement le début du système atrio-testiculaire ; vers le bas, un groupe de cellules fon¬ cées (ébauche de l’organe en rosette) ; à la partie tout à fait inférieure et médiane, le contact entre l’ectoderme de la pupe et la paroi externe de la cavité vestibulaire G (ce point représente peut être la bouche). La fig. 18 montre en outre l’écartement de la paroi musculaire de l’Annélide, sous l’ac¬ tion du parasite, qui arrive ainsi au contact du cœlome y du Polycirrus. G = 300. Fig. 20-21. — Deux coupes perpendiculaires à l’axe dorso-iventral d’un Xenocœloma , au stade de pupe jeune. Délimitation nette de l’hôte et du para¬ site (dont on aperçoit l’ectoderme e). Le parasite est formé de tissus com¬ pacts, disposés sur ces coupes en lames concentriques autour d’üne cavité axiale [l’intestin (?) I]. Ces lames correspondent aux replis de la paroi interne de la cavité vestibulaire C (fig 17 et 19). La coupe fig. 21 (qui a été un peu écrasée) montre le débouché, dans le tube 1, de 4 acini de l’organe méandri¬ forme. G = 300. Fig. 22-23. — Deux coupes (perpendiculaires à la surface de l’Annélide) à travers un très jeune parasite (au stade II; établissement des rapports défi¬ nitifs avec l’hôte). La fig. 22 montre la communication établie entre la cavité vestibulaire et le cœlome de l’Annélide, dont le péritoine 7r tapisse déjà cette cavité devenue cavité axiale A. La fig. 23 (coupe un peu latérale) mon¬ tre que le processus d’envahissement de la cavité vestibulaire par le péri¬ toine 7T n’est pas encore achevé. Noter, sur toutes les figures, la différence de taille des noyaux de l’hôte et du parasite. G = 300. Fig. 24. — Coupe transversale d’un très jeune Xenocœloma (longueur = 0 mm. ,5), déjà arrivé à ses rapports définitifs avec l’hôte. Noter, à ce stade, l’épaisseur du tissu pariétal x de la cavité axiale A. G = 195. f N. B. — Une erreur dans la terminaison du trait de rappel z (il aurait chi être prolongé d’un tiré), à la partie supérieure des fig. 18 et 19, a incorporé, à tort, à l’ectoderme £ de l’Annélide un espace qui était limité extérieure¬ ment par une frange de mucus. L’ectoderme annélidien £ commence seule¬ ment à la ligne que Ton aperçoit intérieurement par rapport à l’extrémité du trait de rappel s. Tout ce qui est extérieur à cette ligne, à la partie supé¬ rieure des deux figures aurait dû être détouré. /-iBRARV Of THE UNIVERSITE OF ILLINOIS Bulletin Biologique, T. LUI ' y •-•>.•• • ' c/ vr -i5- ^ F 4 s \ v; ' - i - * % -f *»• ?r. » T , « • . '*•'• *f ■; • ' V > . ‘ ' » * «♦ * *= ^ i* * . < J, ▼ * v_ "■ -? » L • • V- Vf: ; '' *a, * f< *V • ‘ ' * 7 Jeantet phot. Planche III sloma • MP. CATALA r»£AtJ. p*mj. LI8RARY ÛF THE UNiVERSiTY QF ILLINOIS PLANCHE IV XENOCŒLOMA Cellules sexuelles, etc. EXPLICATION DE LA PLANCHE IV \ e, ectoderme de la pupe. o, oviducte. h, ectoderme de PAnnélide. Fig. 25. — Portion supérieure de la figure 18, planche III (stade pupe), montrant les cellules germinales et la coupe de l’oviducte, ainsi que les tis¬ sus environnants, dans lesquels on remarquera quelques cellules pigmen¬ taires . G = 780. Fig. 26. — Fragment d’une coupe tangentielle à la paroi d’un Xeno- cœloma adulte, pour montrer l’insertion des fibres musculaires striées du Crustacé sur une membrane anhyste (cuticule chitineuse ?) située immé¬ diatement à la face interne de l’ectoderme annélidien e. G = 780. Fig. 27. — a, Spermatogonie; b, oogonie; c, jeune oocyte encore dans l’ovaire. Noter la similitude de a et de b. G = 1.500. Fig. 28. — Oogonies et parois de l'ovaire. Une des oogonies est en cinèse et montre 42 chromosomes. Eléments empruntés à la figure 7, planche I. G = 1.500. Fig. 29. — Spermatogonie en cinèse et paroi testiculaire. La cinèse montre une quarantaine de chromosomes. Eléments empruntés à la figure 16, plan¬ che II. G - 1.500. Fig. 30. — Spermatocyte en repos et en cinèse (division hétérotypique ; 21 chromosomes ; première cinèse de réduction). Emprunté à la figure 10, planche I . G = 1 . 500 . Fig. 31. — Extrémité d’un tube de maturation des oocytes. Une généra¬ tion d’oocytes est mûre et leurs noyaux sont à la métaphase de la cinèse de formation du premier globule polaire (cf. fig. 32 c). Une génération d’oocytes jeunes est intercalée entre les oocytes de la première.. G= 185. Fig. 32. — a, noyau d’un oocyte en voie de croissance, avec nucléole volumineux, G = 780 ; b , noyau d’un oocyte à maturation complète (nucléole résorbé), G = 780 ; c, noyau en cinèse (métaphase de formation du premier globule polaire) d’un des oocytes mûrs de la figure 31. On compte 22 chromosomes se dirigeant vers chaque pôle. G = 1.500. Fig. 33. — OEuf fécondé. En haut le deuxième globule polaire, à l’inté¬ rieur les deux pronucléi encore distincts. G = 635. Fig. 34. — OEuf en segmentation (formation du stade 4). A gauche le deuxième globule polaire. Noter l’accumulation de la totalité des sphères vitellines dans la macromère et l’hypertrophie de l’une des sphères attracti¬ ves de la cinèse. G = 635. LI5RARY OF THE DNIVERSITY OF ILLINOIS Bulletin Biologique, T. L1II 25 31 26 * *•* «V * 0 •• • * V • o :• •;/ .O / • v. * ••...« •• • , •• *'■ ' . • • ...• • ’ • •• * t *£Vr> Caullery dir., Bondroit ad nat. del. Xe< PI and je IV loma IUP. CATALA f PtAEJ, PAPIS. immm LIBRARY ÛF THE ÜNIVERSITV OF ILLINOIS XENOCŒLOMA RRUMPTI 233 les deux genres. Mais Saccopsis peut avoir été F une des étapes qui ont conduit à Xenocœloma. C’est en tous cas un type dont l’étude mérite d’être reprise. Il y aurait lieu de s’attacher à celles des formes qui montrent une évolution vers un parasitisme interne véritable dans los Annélides. A cet égard, il en est une qu'il y aurait intérêt à retrouver, c est le genre Crypsidomus Levinsen. Crypsidomus terebellæ est parasite interne de Terebella cir- rata. Seuls les cordons ovigères émergent au dehors, ce qui indique la persistance d’un contact du parasite avec le tégu¬ ment de l’hôte et le dehors L’animal lui-même a la forme d’un croissant à section circulaire, fixé par le milieu de sa face concave (qui doit représenter la bouche) au tube digestif de 1 hôte. Mais nous n’avons aucune donnée sur F anatomie de ce genre. Tout récemment, Gravier (a) a fait connaître un type, nouveau et très intéressant, de Copépode extrêmement dégradé, Fla- belhcolo neapolitana Grav., parasite d’un Chlorhémien Sipho- nostoma diplochaitos Otto. Ce parasite, à l’état jeune, est entiè¬ rement interne. A 1 état adulte;, la région postérieure du corps fait hernie au dehors, tandis que 1 antérieure reste interne et tonne une vésicule reliée à la première par une sorte d’istlnne. Il n, y a ni appendices, ni tube digestif. Pour devenir externe, la vésicule postérieure repousse d’abord devant elle, en l’amincis¬ sant, la paroi de l’Annélide, mais elle finit par le percer (2). Elle n est pas recouverte par le tégument de l’hôte. Gravier rappro¬ che ce parasite des Hcrpyllobiidæ. Xenocœloma peut avoir anté¬ rieurement passé par une étape analogue. Flabellicola semble avoir gardé les sexes séparés. On ne peut guère, pour le moment, préciser davantage les affinités de Xenocœloma. Il représente, en tous cas, un degré de dégradation par le parasitisme et une différenciation dans 1 intimité des rapports avec l’hôte qui étaient jusqu’ici sans exemple. <‘) C. /{. Acad. Sc., t. CLXVI, 1918, p. 502. (2) Comme les Liriopsis (Epicarides Gryptonisciens) qui, d’abord parasites dans la cavité palléale des Pagures, percent la paroi de celle-ci et viennent faire saillie au dehors Mais ici, c’est la région antérieure qui devient externe (cf. Calixbrv, Recherches sur les Liriopsidœ, Mitth. Zool. Stat. Neapel., t. XVI 11, 1 î/ltO I • / Aug. LAMEERE Professeur à l’Université de Bruxelles. CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDES TROISIÈME PARTIE (1) IX. — Le nématogène secondaire . 234 X. — Embryogénie du nématogène primaire . 239 XI. — Le paranucléus de Whitman . 258 XII. — La parthénogenèse des Dicyémides . . 267 XIII. — Le cycle évolutif des Dicyémides . 269 IX. — LE NÉMATOGÈNE SECONDAIRE. ' Whitman a cru pouvoir admettre, sans en fournir cependant une preuve bien positive, que le rhombogène des Dicyémides se transforme à la lin de sa carrière en ce qu'il a appelé le nématogène secondaire : l'infusorigène cesserait à un certain moment de produire des germes d’infusoriformes et donnerait des germes agames ordinaires engendrant des embryons ver- miformes. Le rhombogène fonctionnerait alors de nouveau comme nématogène, et c’est ce stade que Whitman entend par nématogène secondaire, pour le distinguer du nématogène pri¬ maire précédant le stade rhombogène. Le savant américain a vu en effet des rhombogènes dans les¬ quels il a observé des infusorigènes à leur déclin, et près de ces infusorigènes se trouvaient groupées un certain nombre de cellules qui ressemblent à des germes d’embryons vermiformes. (’) Première partie : Bulletin scientifique de la Finance et de la Belgique, Vol. L, p. t, 1916. — Deuxième partie : Bulletin biologique de la France et de la Belgique, Vol. LI, p. 347, 1918. ! CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DfCYtfMIDES 23o i Hartmann, sans avoir rien constaté par lui-même de sem¬ blable, a admis cependant les conclusions de Whitman, en se basant sur les figures publiées par ce dernier. Le professeur de Berlin est même allé plus loin : ayant observé la présence, dans ce qu’il croit être un nématogène secondaire, d’un germe d’embryon vermiforme renfermant deux noyaux, il a supposé que les germes de cette sorte étaient fécondés ; puis il a encore émis 1 hypothèse que la génération d'embryons vermiformes issus de ces germes fécondés dans le rhombogène devenu néma- togène secondaire, transmettait l’infection d’un Céphalopode à l’autre. Tout cela, il l’a représenté dans son grand schéma, devenu classique, du cycle évolutif des Dicyémides. Nous avons vu antérieurement que cette dernière hypothèse de Hartmann tombe complètement, puisque j’ai constaté que ce n’est pas par un individu ayant la structure d'un nématogène primaire que débute l’infection dans les très jeunes Céphalopo¬ des, mais bien par 1 individu tout différent que j’ai appelé nématogène fondateur. Quant aux germes d embryons vermiformes à deux noyaux, j’en ai vu quelquefois, comme Hartmann, mais dans des néma- togènes primaires : il s’agissait évidemment de germes dont la division sarcodique en deux éléments était encore incom¬ plète, mal visible ou accidentellement ratée. La persistance de l’infection dans le Céphalopode après que les rhombogènes ont disparu, démontre qu’il doit y avoir un phénomène spécial permettant au parasite de se multiplier dans son hôte quand les infusoriformes s’en sont allés. Ayant constaté que les intusorigènes ne donnent jamais de germes agames, même lors de leur déclin, contrairement à l’opinion de Whitman, j’en avais d’abord conclu que le rhombogène mourait après la production des infusoriformes et que ce n’était pas de lui que procédaient les nématogènes continuant l’épidé¬ mie. J avais supposé que les nématogènes secondaires étaient des nématogènes primaires arrêtés dans leur développement rhombogénique à la phase où ils sont bourrés de germes agî¬ mes, et attendant la fin de l’essaimage des infusoriformes pour produire de nouveaux nématogènes primaires. Mais différents faits étaient en contradiction avec cette idée. D abord il semble qu au moment où les Céphalopodes entrent 7 / 230 A. LAMEE RE dans leur phase de maturité sexuelle, tous les nématogènes primaires sans exception, ou presque sans exception, deviennent des rhombogènes. J’ai trouvé ensuite, aussi bien chez Dicyema typus que chez Dicyema truncatum , des individus qui sont à la fois rhombogène et nématogène secondaire, en ce sens qu'ils montrent dans une partie du corps un infusorigène à son déclin flanqué d’infuso- riformes complètement développés et de morulas ressemblant aux phases embryonnaires des infusoriformes, et dans une autre partie du corps un groupe de germes agames parmi lesquels se montraient déjà des nématogènes primaires en voie d’évo¬ lution. J’ai observé également, comme Whitman, des individus dans lesquels, près d’un infusorigène déjà en dégénérescence, se trou¬ vaient des germes agames, et l’on pouvait avoir l’impression que ces germes provenaient de F infusorigène, mais celui-ci montrait nettement que tout ce qui s’en détachait encore n’était que de véritables œufs subissant la fécondation. Le fait que le nématogène secondaire n’est qu’un rhombo¬ gène entré dans un nouveau stade est encore démontré par une constatation de Whitman que je puis confirmer : le nématogène secondaire diffère du nématogène primaire par des caractères rhombogéniques. 11 renferme, dans la cellule axiale, outre le noyau végétatif primaire, un certain nombre de noyaux végé¬ tatifs secondaires, correspondant à chacun des infusorigènes défunts ; de plus, des cellules périphériques peuvent renfer¬ mer à côté de leur noyau principal de petits noyaux accessoires, comme dans un rhombogène. 11 s’agissait donc de découvrir l’origine des germes agames que l’on trouve dans le rhombogène lorsqu'il est devenu néma¬ togène secondaire, ces germes agames, je le répète, ne se détachant pas de l’infusorigène et n’étant pas des oogonies qui n’auraient pas évolué en œufs. Le phénomène est beaucoup plus intéressant qu'on ne l avait supposé. J’ai fini par être intrigué du fait que de part et d’autre des infusorigènes renfermés dans des rhombogènes qui manifeste¬ ment allaient passer au stade de nématogène secondaire, il y avait un nombre inusité de morulas à diverses phases d’évolu- CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDEX 237 tion, sans étapes de transition vers les derniers infusoriformcs complètement constitués, c’est-à-dire sans aucune différencia¬ tion des blastomères. D’autres individus m'ont montré mêlés à ces mondas des groupes de cellules germes agames ou des germes agarnes dispersés (fig. 57). Fig. 57. — Dicyema truncatum, portion de la cellule axiale du nématogène secondaire montrant un infusorigène, un infuso ri forme, des morulas et des cellules germes agames. — G. : 600. Enfin j’ai pu constater nettement que ces germes agames provenaient de la dislocation des morulas et n'étaient que des blastomères dissociés (fig. 58b Fig. 58. — Dicyema truncatum , portion de la cellule axiale du némato¬ gène secondaire montrant un infusorigène, des œufs avec pronuclei et des embryons en dislocation. — G. : 1250. 11 vient un moment où dans les rhombogènes, les blastomè¬ res provenant des œufs fécondés issus des infusorigènes per¬ dent leur cohésion et se séparent les uns des autres. Le phé¬ nomène semble dû à une cause extérieure, car il se présente pour ces divers embryons à peu près en même temps, quel (pie 238 A. LAMEERE soit leur degré de développement. C’est ainsi que l'on constate la dislocation de morulas ayant huit ou douze noyaux ou encore davantage, aussi bien que la séparation des blastomères quand l’embryon n’en offre encore que quatre ou même deux. Le noyau des blastomères prend rapidement la constitution des noyaux des germes agames, et les blastomères d'une taille supé¬ rieure à celle de ces derniers, continuent à se diviser dans la cellule axiale après leur disjonction. Nous nous trouvons par conséquent en présence d’un cas remarquable de polyembryonie. Les derniers œufs fécondés de l'infusorigène, au lieu d’évoluer en infusoriformes, sont arrêtés dans leur développement : ils ne dépassent pas le stade de morula ; leurs blastomères se séparent alors et deviennent les germes agames d’ou procèdent dans le nématogène secon¬ daire de nouveaux nématogènes primaires. Il existe donc une nouvelle phase dans le cycle évolutif des Dicyémides, celle de moruli forme , comme on pourrait l’appe¬ ler j qui assure la permanence du parasite dans son hôte. Elle provient, comme l’infusoriforme, d'un œuf fécondé, et elle donne naissance, par dissociation, à des germes agames. Ce phénomène explique que les nématogènes secondaires sont bourrés de cellules germes évoluant presque simultané¬ ment en de très nombreux embryons ; très fréquemment l’on peut constater que ces germes sont localisés dans la longueur de l’organisme en zones correspondant à l’emplacement des infusorigènes disparus et de leur entourage ; la présence d’un noyau végétatif secondaire de la cellule axiale dans ces zones témoigne de la présence antérieure de l’infusorigène. Le nématogène secondaire, reconnaissable encore à sa grande taille, ainsi qu'aux nombreux corpuscules résiduels que renfer¬ ment les cellules périphériques du tronc, meurt très probable¬ ment quand tous ses embryons l'ont quitté, car l'on ne retrouve plus ultérieurement dans les reins des Céphalopodes que des nématogènes primaires. Il n’y a donc point de différence originelle entre un némato¬ gène primaire, un rhombogène ou un nématogène secondaire, puisque le même individu passe par ces trois stades successifs avant de mourir. Le rhombogène est un nématogène primaire qui à un moment donné produit des infusorigènes et qui sert CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDËS 230 de matrice aux infusoriformes ; le nématogène secondaire est un rhombogène qui sert de matrice aux moruliformes et aux germes agames qui en procèdent. X. — EMBRYOGÉNIE 13 U NÉMATOGÈNE PRIMAIRE. ) Malgré les difficultés inhérentes à ce genre de recherches, j'ai tenté d’établir la filiation blastomérique et les particularités de l’embryogénie du nématogène primaire, espérant rencontrer des faits pouvant présenter quelque intérêt. J’ai commencé par Microcyema vespa , qui n’offre que dix cellules périphériques, pour m’orienter dans le développement beaucoup plus com¬ plexe du Dicyema truncatum où le nombre des cellules péri¬ phériques est de vingt-deux. L’embryogénie de ces organismes est singulière, en ce sens qu’il s’agit bien de la segmentation d’une cellule germe agame, mais d’une segmentation dans laquelle les blastomères grossis¬ sent au fur et à mesure de leur formation, l’embryon étant nourri par la cellule axiale. L’on observe bien rarement des cinèses dans les préparations, probablement parce que la division des blastomères se fait avec une grande rapidité ; l’on est aidé cependant dans la décou¬ verte de la filiation cellulaire par le fait qu’un blastomère qui va se diviser présente toujours une grosseur inusitée. A. Microcyema vespa. — La cellule mère du nématogène primaire grossit d’abord jusqu’à présenter un diamètre double de celui qu elle offrait originairement ; puis elle se divise en deux cellules inégales, une petite et une grande (fig. 59). Le Fig. 59. — Microcyema vespa, cellule germe du nématogène primaire s'ac¬ croissant et se divisant. — G. : 2000. fuseau de la division caryocinétique de la cellule est hétéro- polaire, comme celui qui caractérise la division de la cellule 240 A. LAMEEKE interne de l’embryon en première cellule germe et en cellule axiale : les filaments achromatiques du fuseau convergent vers le pôle où se forme le noyau de la petite cellule, et ils restent parallèles d’autre part. Cette différence, à laquelle nous avions attribué antérieurement une autre signification, la considérant comme caractéristique de la formation d’un globule polaire, est donc simplement inhérente à l’inégalité des deux cellules tilles. C'est la petite cellule qui se divise la première : après avoir beaucoup grossi, elle donne deux cellules tilles dans un sens perpendiculaire à celui de la première bipartition (fig. 60). Fig. 60. — Microcyema vespa, embryons du némalogène primaire montrant la division de la première cellule périphérique. — G. : 2000. La cellule qui est restée indivise est la future cellule interne, les deux autres cellules sont les cellules mères des éléments périphériques ; elles restent en contiguité, et pendant qu elles augmentent de volume pour se diviser, la future cellule interne présente un phénomène très intéressant, sur lequel nous revien¬ drons plus loin : elle se divise en une cellule définitive et en une toute petite cellule qui ressemble à un globule polaire («g- 61)- Fig. 64. — Microcyema vespa, embryons du némalogène primaire montrant l’expulsion de la cellule abortive. — G. : 2000. Des deux cellules mères des éléments périphériques, l’une d’elles se divise avant l'autre et dans un sens perpendiculaire à celui de la division antérieure (fig. 62). A ce moment de l’embryogénie, les trois cellules périphéri- CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÊMIDES 241 ’ ques surplombent toujours la future cellule interne, celle-ci étant reconnaissable à ce que son noyau ne montre pas de caryosome. L’autre cellule externe se divise à son tour, et l’on arrive Fig. 62. — Microcyema vespa, embryon du nématogène primaire, stades à trois cellules périphériques. — G. : 2000. alors à un stade avec quatre cellules périphériques disposées en cioix et une cinquième cellule qui est la cellule interne (fig. 63). Des quatre cellules externes, il y en a deux plus gros- Idg. 63. Microcyema vespa , embryon du nématogène primaire, stades à quatre cellules périphériques. — G. : 2000. ses, ce sont les tilles de la cellule qui s’est divisée la première, et deux plus petites, les filles de la cellule qui s’est divisée en second lieu. L on constate alors que la future cellule interne s’insinue entre les quatre cellules avec lesquelles elle reste en contact, les deux petites cellules la coiffant en avant, les deux grosses cellules 1 enveloppant en arrière, de sorte qu’à un moment donné (fîg. 64), 1 on se trouve en présence d’un embryon dans Fig. Oi. — Microcyema vespa , embryon du nématogène primaire, stades où la cellule interne est enveloppée par quatre cellules périphériaues _ G. : 2000. 1 ‘ 16 242 A. T.AMEERE lequel la cellule impaire est devenue complètement interne ; à la coupe optique elle prend l’aspect d’un quadrilatère. Des quatre éléments périphériques, les deux grosses cellules postérieures ne se diviseront plus : elles constitueront les deux énormes cellules du tronc ; les deux cellules antérieures plus petites vont donner la tête. Elles se divisent en effet chacune en deux cellules, mais l une un peu après l’autre ; des quatre éléments ainsi formés, deux restent dans la position qu’occupaient les cellules mères ; les deux autres vont se placer en croix sur les premières : elles ne se diviseront plus, et constitueront deux cellules propolaires (fig. 65). Les deux cellules sœurs des propolaires subissent Fig. 65. — Microcyema vespa , embryon du némalogène primaire, premiers stades de formation de la tête. — G. : 2000. encore une bipartition pour donner en arrière les deux cellules parapolaires et en avant deux cellules intercalées entre les parapolaires et les propolaires : ces dernières cellules sont mères de quatre métapolaires, car elles se divisent encore (fig. 66). Fig. 66. — Microcyema vespa , embryon du nématogène primaire, derniers stades de formation de la tête. — G. : 2000. La tête s’est donc développée, d'arrière en avant, et elle est relativement très grande. L’embryon a désormais le nombre de CONTRIBUTIONS A B A CONNAISSANCE DES DICYÉMTDES 243 cellules définitives, mais la tête se transforme, en ce sens que les cellules parapolaires se renflent, et tendent à entourer la coiffe polaire ; dans celle-ci, deux cellules métapolaires pren¬ nent une position latérale, et poussées par les parapolaires, atteignent le niveau des propolaires, formant avec celles-ci une croix ; les deux autres métapolaires croisent les parapolaires (%. 67). Fig. 67. — Microcyema vespa , embryon du nématogène primaire ayant ses dix cellules périphériques. — G. : 2000. L’interprétation que je donne ici des cellules de la tête de Microcyema vespa, découle de la comparaison avec l’embryo¬ génie du Dicyema truncaium : chez Microcyema , les deux cel¬ lules du tronc sont homologues aux douze cellules du tronc du Dicyema truncatum, les deux grandes cellules enveloppant la tête sont les parapolaires, et il n’y a que deux cellules propo¬ laires au lieu de quatre. C’est seulement lorsque les dix cellules périphériques sont constituées, que la cellule interne se divise (fîg. 68) ; sa mitose offre un fuseau hétéropolaire, comme nous l’avons déjà dit, la partie convergente du fuseau étant dirigée en arrière et corres¬ pondant à une petite cellule postérieure, la partie du fuseau à filaments achromatiques parallèles étant antérieure et en rap¬ port avec une cellule fille plus grande, la future cellule axiale. Les deux cellules sont très nettement séparées, mais de même que dans l’infusorigène la première spermatogonie pénètre dans la cellule folliculeuse qui est sa sœur, de même ici la cel¬ lule axiale avale la petite cellule qui est la mère de toutes les cellules germes. Quatre faits importants sont à retenir de cette embryogénie. 24 4 A. LAMEERE J° Des deux cellules mères primitives des cellules périphéri¬ ques, Tune, qui se divise la première, donnera les deux cellules du tronc, l’autre formera toutes les cellules de la tête au nom¬ bre de huit. 2° La cellule interne est recouverte par les cellules du tronc Fig. 68. — Microcyema vespa, embryons du nématogène primaire mon¬ trant la bipartition de la cellule interne. — . G. : 2000. par un processus ressemblant à une épibolie et qui se manifeste dans un sens perpendiculaire à l’axe morphologique de l'orga¬ nisme. 3° La cellule axiale et la cellule germe primitive sont des cel¬ lules sœurs dont l'une avale l’autre et devient une cellule fol- liculeuse. 4° Avant cette division de la cellule interne, celle-ci se divise et fournit un élément abortif, le pseudo-globule polaire dont il a été question plus haut. Ce dernier phénomène est maintenant à considérer. Hartmann a vu cet excrément chromophile, qui est une véri¬ table cellule, mais il déclare qu'il n’est point constant ; il l'au¬ rait aperçu une fois sortant d’une cellule périphérique, ce que je n'ai jamais constaté, et il ne lui accorde pas d'importance. CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DTCYÉMIDES 24n v J’ai observé au contraire cet élément près des embryons de tous les nématogènes primaires, qu'ils soient engendrés par le nématogène fondateur ou par d’autres nématogènes primaires, et cela chez toutes les espèces de Dicyémides que j’ai pu étu¬ dier. Quand j’ai pu déterminer son origine, j'ai toujours cons¬ taté qu’il procédait de la cellule interne primitive, comme on l’a vu plus haut pour le Microcyema vespa. Rien de semblable ne s’observe dans l’infusorigène ni dans l’infusoriforme. A première vue, l’on serait tenté de voir dans cet excrément un globule polaire qui transformerait la cellule interne en œuf parthénogënétique, bien qu’il serait difficile d’expliquer alors la division de cet œuf parthénogénétique en cellule folliculeuse et en œuf définitif. C’est en effet par une vraie caryocinèse que l’excrément prend naissance, après que le noyau de la cellule s’est porté à la périphérie, et cet excrément est une véritable cellule, extrê¬ mement réduite et finissant par disparaître. Mais très souvent il arrive que cette petite cellule, qui est quelquefois un peu plus grande, se divise en deux, par mitose également, ce dont l’on pourra se rendre compte dans la figure 64. Dans cette figure, l’on verra aussi que l’excrément sort en général par l’extrémité postérieure de l’organisme, par l’espace situé entre les deux cellules du tronc avant que celles-ci n’aient enveloppé complètement la cellule interne. L’on pourrait s’imaginer qu'il s’agit d’un globule polaire unique qui s’est divisé en deux. Mais souvent encore, l’on constate qu’au lieu d’un ou de deux de ces excréments, il y en a trois ou quatre, mais jamais davan¬ tage (fig. 69). Ces quatre petites cellules abortives ne peuvent Fig. 69. — Microcyema vespa , embryon du nématogène primaire montrant les quatre cellules abortives. — 6. : “2000. provenir que d’un seul élément primitif, car malgré de longues recherches, je n’ai jamais constaté que la cellule interne expul¬ sait deux excréments successifs. 246 A. LA MK R RE De sorte qu’en somme, la cellule interne primitive a produit en tout six cellules, la future cellule axiale et la première cel¬ lule germe d’une part, quatre cellules abortives d’autre part. Il ne peut pas être question de globule polaire dans ces con¬ ditions. Mais souvenons-nous que dans un nématogène fondateur, il y a trois cellules axiales formées chacune d’une cellule follicu- leuse qui a avalé une cellule germe primitive, et nous avons donné des raisons pour croire, bien que nous ne connaissions malheureusement pas l’embryogénie de ce nématogène fonda¬ teur, que ces six cellules proviennent d’une cellule mère interne unique. Nous pouvons donc penser que dans l’embryon du némato¬ gène primaire l’excrément représente les deux cellules axiales, c’est-à-dire quatre cellules, qui manquent chez le nématogène primaire, où la cellule axiale est unique. Loin de n’avoir aucune importance, l'excrément observé par Hartmann aurait donc une haute signification généalogique. B. Dicyema truncatum. — Le nématogène primaire possède vingt-deux cellules périphériques, dix cellules polaires et douze cellules du tronc, dont deux granuleuses terminales. L’étude de l’embryogénie de cet organisme confirme les qua¬ tre points essentiels relevés dans le développement du némato¬ gène primaire du Microcyema vespa , et fournit en outre quel¬ ques données intéressantes sur la constitution du tronc. Les premiers stades sont absolument conformes à ce que nous avons appris à connaître chez Microcyema , division de la cel¬ lule mère en une petite et en une grande cellule, celle-ci cons¬ tituant la future cellule interne gonocÿtaire, l’autre fournissant les vingt-deux cellules périphériques. La petite cellule se divise en deux éléments dont l’un donnera Fig. 70. — Dicyema truncatum , embryon du nématogène primaire, stades à trois cellules périphériques vus dorsalement. — G. : 2000. CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDES les dix cellules de la tête, et l’autre tout le troue. Cette dernière cellule se divise d’abord, après s’être placée en arrière de l’autre, qui subit alors également une bipartition (fig. 70), de sorte que l’embryon présente à un moment donné quatre cel¬ lules périphériques surplombant la cellule centrale. Les deux cellules antérieures, mères de la tête, vont rester au repos en conservant constamment le contact avec la cellule interne qu elles bordent en avant jusqu’au stade où le tronc sera formé des douze cellules qu’il compte définitivement. Les deux cellules postérieures se placent obliquement l'une derrière l’autre ; elles se divisent alors à peu près en même temps (fig. 71), l'une ou l'autre pouvant être en avance sur sa Fig. 71. — Dicyema truncatum, embryon du nématogène primaire, stades à quatre et cinq cellules périphériques vus dorsalement. — G. : 2000. compagne, bien que ce soit presque toujours l’antérieure ; le résultat est de nous donner un embryon offrant dorsalement trois couples transverses de cellules périphériques (fig. 72). Derrière Fig. 72. — Dicyema truncatum , embryon du nématogène primaire, stades à six cellules périphériques, le premier vu du pôle supérieur, le deuxième du pôle inférieur, le troisième du côté droit. — G. : 2000. i • le couple de tête, l’on voit disposé obliquement un couple de petites cellules qui ne se diviseront plus et qui sont les cellules dorsales antérieures. En arrière viennent les deux cellules pos¬ térieures qui fournissent les dix autres cellules du tronc. 248 A. LAMEERE Les cellules dorsales antérieures surplombent les cellules de tête, de sorte qu elles ont l’air de former l'extrémité supérieure de l’embryon, car les cellules de tête s’inclinent ventralement pour embrasser la cellule centrale ; les grandes cellules posté¬ rieures s’inclinent aussi vent raie ment, mais sans rejoindre les cellules de tête, la cellule interne restant encore découverte en dessous, tout en offrant déjà à la coupe optique un aspect losangique qu’elle conservera jusqu’à sa division en cellule germe et cellule folliculeuse. C’est à ce moment que la cellule interne entre en cinèse et expulse la petite cellule abortive (fîg. 73). Nous passons alors à un stade à huit cellules périphé- Fig. 73. — Dicyema truncatum , embryon du nématogène primaire, stades à six cellules périphériques, celui du milieu vu ventralement et montrant l’expulsion de la cellule abortive, les autres vus dorsalement. — G. : 2000. v riques, les deux cellules postérieures s’étant divisées de manière à donner un couple de cellules dorsales postérieures qui conti¬ nuent à recouvrir la cellule interne, et un couple de cellules terminales (fig. 74). Les cellules dorsales postérieures ne se , diviseront plus. Fig. 74. — Dicyema truncatum , embryon du nématogène primaire, stades à huit cellules périphériques, l’un vu dorsalement, l’autre du côté gau¬ che. — G. : 2000. , • . , N L’embryon à huit cellules périphériques montre la cellule CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDES 249 interne flanquée en avant des cellules de tête et en arrière des cellules dorsales postérieures; elle est encore découverte au pôle inférieur. L’extrémité antérieure de l’embryon est tou¬ jours occupée par les cellules dorsales antérieures et l’extrémité postérieure laisse voir les deux cellules terminales séparées de la cellule interne par la saillie des cellules dorsales posté¬ rieures (fig. 75). Fig. 75. — Dicyema truncatum, embryon du nématogène primaire, stade à huit cellules périphériques, vu du pôle supérieur, en coupe optique médiane, et du pôle inférieur. — G. : 2000. Les cellules terminales subissent une bipartition, et au stade à dix cellules périphériques, la cellule interne est entièrement recouverte ventralement, car les deux cellules de tête ont été rejointes par deux cellules ventrales qui dérivent de la division des cellules terminales. Dorsalement on aperçoit en avant les c'ellules dorsales antérieures, puis les deux cellules dorsales postérieures et enfin les nouvelles cellules terminales qui limitent la cellule interne en arrière (fig. 76). Fig. 76. — Dicyema truncatum , embryon du nématogène primaire, stade à dix cellules périphériques, vu dorsalement, en coupe optique médiane, et ventralement. — G. : 2000. Les blastomères présentent encore cà ce moment une disposi¬ tion symétrique, mais les divisions ultérieures vont se produire obliquement de manière à préparer la disposition spiralée que 250 A- LAMEE RK les cellules périphériques vont montrer chez l’adulte. Ce sont les deux cellules ventrales qui se divisent les premières (fig. 77), de manière à interposer entre les cellules de tête et les cellules Fig. 77 — Dicyema truncatum , embryon du nématogène primaire, stade à dix cellules périphériques, vu du côté droit. — G. : 2000. t terminales quatre cellules à la face inférieure de l’embryon, lequel compte en tout maintenant douze cellules périphériques Fig. 78 — Dicyema truncatum , embryon du nématogène primaire, stade à douze cellules périphériques, vu dorsaleinent, en coupe optique médiane, et ventralement. — G. : 2000. \ Des quatre cellules ventrales, les deux cellules antérieures, qui touchent aux cellules de tête, sont bien plus petites que les deux autres, et elles offrent aussi des noyaux de dimension beaucoup moindre. L'intersection des quatre cellules est placée un peu à gauche, et elle correspond au centre de la cellule interne, qui souvent déjà alors entre en division. Le fuseau de la mitose est hétéropolaire, comme chez Microcyema, mais ici c’est la cellule germe qui est en avant et la cellule follicu- leuse en arrière. Examinés de profil, les embryons de ce stade montrent des par¬ ticularités intéressantes (fig. 79). Les éléments abortifs consti¬ tués aux dépens de la cellule interne mettent un temps plus ou moins long à être expulsés de l’organisme ; dans les stades anté- CONTRIBUTIONS A RA CONNAISSANCE DES DTCYÉMIDES 251 rieurs ils pouvaient encore sortir par un orilice situé ventrale- ment entre les cellules de tête et les cellules ventrales, avant que celles-ci n’aient rejoint la tète ; maintenant, s’ils se sont attardés, ils sortent soit par une lacune placée en arrière, entre les cellules terminales et les cellules ventrales postérieures, soit par un petit orilice situé ventralement et un peu à gauche, / Fig. 79. — Dicyemci truncatum, embryon du nématogène primaire, stades à douze cellules périphériques, vus du côté gauche. — G. : 2000. à l’intersection des quatre cellules ventrales. Trois orifices se manifestent donc dans l’embryon : l’un entre la tête et le bord antérieur du ventre, un autre terminal, un troisième en avant et un peu à gauche de la face ventrale. Les embryons de ce stade deviennent de plus en plus con¬ vexes et d’allongés qu’ils étaient, ils passent à une forme plus ou moins sphérique. L’on constate alors que les cellules termi¬ nales entrent en cinèse pour donner le stade à quatorze cellules périphériques, stade où le nombre des cellules du tronc est au complet, et où seulement alors se produit la bipartition des cel¬ lules de tête (fîg. 80). Quand il y a quatorze cellules périphéri- Fig. 80. — Dicyema truncatum , embryon du nématogône primaire, stade à quatorze cellules périphériques vu dorsalement, en coupe optique médiane, et ventralement. — G. : 2000. 252 A. LAMEERE ques, l'on voit que les cellules terminales, maintenant au nom¬ bre de quatre, se sont placées en croix, les deux cellules terminales latérales étant destinées à devenir les cellules gra¬ nuleuses. Les quatre cellules ventrales sont devenues bien moins inégales. L’on remarquera que les cellules dorsales ont exécuté une rotation qui est de près de 90° pour la cellule dorsale antérieure gauche, maintenant submédiane. L'organisme s'est tordu de gauche à droite, et cette torsion est aussi manifeste ventral ement où les cellules de droite tendent à devenir médianes. Ainsi se trouve déjà préparée la disposition des cellules du tronc de l'adulte, disposition dont il sera question encore plus loin, et qui substitue à une symétrie bilatérale primaire, cette asymétrie spiralée si curieuse du nématogène primaire. La raison de cette rotation du corps du Dicyémide me parait pouvoir être comprise de la manière suivante. Dans l’infusori forme, comme dans l'infusorigène, les cellules internes, au nombre primaire de trois ou de trois couples, sont disposées transversalement, et ces organismes offrent une symétrie bilatérale parfaite. Dans le nématogène fondateur, il y a trois couples de cellules internes disposées en file, et ce nématogène fondateur est asymétrique, comme le nématogène primaire : celui-ci montre aussi trois couples de cellules inter¬ nes, le couple définitif et deux couples abortifs, il procède donc du nématogène fondateur, dont il n’est qu'une simplification. Or si l’on examine les figures que nous avons données plus haut, dans lesquelles on constate chez le nématogène primaire du Microcyema vespa (fig. 61) et du Dicyema truncatum (fig. 73), l’expulsion de la petite cellule abortive, l’on se rendra compte que la division de la cellule interne première qui donne l’ex¬ crément est transversale par rapport à l’axe morphologique de l’organisme. L’on voit même (fig. 69), ce que j'ai pu constater à plusieurs reprises, que les petits couples de cellules abortives se placent de part et d’autre de la cellule centrale, c'est-à-dire que l’ensemble des cellules internes se dispose en travers de l’organisme, absolument comme dans un infusoriforme ou dans un infusorigène. Il est donc évident que dans le nématogène fondateur, dont nous ne connaissons malheureusement pas l’embryogénie, les trois couples de cellules internes doivent CONTRIBUTIONS A. LA. CONNAISSANCE DES DICYÉMÎDES 2.*)3 être disposés transversalement avant de se placer en file, et qu’il doit se produire une rotation de 90° du massif interne. Cette rotation doit entraîner celle des cellules périphériques du tronc : de là l’asymétrie secondaire du nématogène fondateur et de son dérivé, le nématogène primaire. Toutes les cellules du tronc de notre embryon étant mainte¬ nant constituées, nous allons assister à la formation de la tête aux dépens de ces deux cellules coiffant l’extrémité antérieure de la cellule interne, cellules filles de Lun des éléments issus de la première bipartition de l’unique cellule périphérique origi¬ nelle. La tête évolue absolument comme celle du nématogène pri¬ maire du Microcyema vespa ; elle comprend aussi trois seg¬ ments, un segment parapolaire, un segment métapolaire et un segment propolaire, qui naissent d’arrière en avant, la pre¬ mière bipartition donnant deux cellules propolaires, la seconde deux cellules métapolaires et les deux cellules parapolaires. Les cellules métapolaires se divisent ensuite de manière à en fournir quatre, et, contrairement à ce que l’on observe chez Microcyema vespa, les cellules propolaires subissent aussi une bipartition, de sorte que la tête est formée en tout de dix cel¬ lules. Les deux premières cellules propolaires se placent d'abord ventralement et transversalement en avant des deux cellules dont elles proviennent, puis elles se disposent en croix entre celles-ci ; les deux premières cellules métapolaires sont égale¬ ment d’abord placées transversalement en arrière des premiè¬ res cellules propolaires. Quand la tête compte six cellules, elle rappelle ce qui la représente chez l’infusoriforme, où les qua¬ tre petites cellules qui forment le couvercle de l’urne, cellu¬ les périphériques, comme l’a reconnu Hartmann, contrairement à l’opinion d'ED. van Beneden, sont les homologues des cellu¬ les propolaires et métapolaires, et les deux énormes cellules, renfermant les gros corpuscules réfringents, sont les cellules parapolaires. Quand les quatre cellules propolaires sont formées, elles se disposent en croix sur les métapolaires, et elles conservent cette position chez l’adulte. C’est donc là un caractère primi¬ tif chez les Dicyémides, et par conséquent ce que l’on observe 254 A. LAME ERE chez les autres Dicyema et dans le nématogène fondateur de Microcyema , où les cellules propolaires n'alternent pas avec les cellules niétapolaires, est secondaire. Dicyema truncatum de la Seiche est do'ncle plus archaïque des Dicyémides, comme Microcyema vespa est le plus évolué. La cellule dorsale gauche, devenue médiane et antérieure, a une situation très avancée par rapport à la cellule ventrale antérieure droite devenue également médiane ; c’est donc très probablement elle qui sépare les deux cellules parapolaires dans les nématogènes fondateurs du Microcyema vespa et du Dicyema truncatum, et cette troisième cellule parapolaire doit par conséquent bien être dorsale, comme nous l’avons supposé. C’est vraisemblablement aussi la même cellule qui forme la cinquième cellule métapolaire, également dorsale, dans le genre Dicyemennea. Mais dans le nématogène primaire des Dicyema et du Micro¬ cyema vespa , les cellules parapolaires restent en contact dorsa- lement, et elles s'étendent ventralement pour embrasser par dessous la coiffe polaire. L’ensemble de la tête, d’abord incliné vers la face ventrale, se relève et subit une croissance considérable, de matière à former à l’extrémité antérieure de l’organisme une colonne qui atteint plus de la moitié de la longueur du corps et qui con¬ traste fortement avec l'aspect qu elle a à un stade plus avancé et surtout chez l’adulte (fig. 81). Fig. 81. — Dicyema truncatum, embryons avancés du nématogène pri¬ maire à deux stades successifs, le premier vu en coupe optique frontale, le second dorsalement. — G. : 2000. CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDES 255 L’on peut constater que la limite de la tête et du tronc se trouve un peu au delà du niveau de la limite de séparation do la première cellule germe et de la future cellule axiale, et que la cellule germe est coiffée par les quatre cellules métapolai- res. L’on remarquera également la grosseur temporaire des quatre cellules propolaires. Cette tête est une véritable trompe avant de devenir un suçoir. Plus tard en elfet, la coiffe polaire prend peu à peu des caractères définitifs tout différents. Le tronc s’allonge, tandis que la tête se raccourcit. Les cel¬ lules périphériques du tronc montrent déjà peu à peu la dis¬ position qu’elles ont chez l’adulte ; dorsalement, il y a trois cellules médianes, en file dirigée un peu vers la gauche, tandis que ventralement la même file est dirigée un peu vers la droite. A ce caractère l’on peut distinguer le dos du ventre chez l’adulte. La file dorsale est formée de la cellule dorsale antérieure gau¬ che, de la cellule dorsale postérieure gauche et de la cellule terminale médiane dorsale ; la file ventrale comprend la cellule ventrale antérieure droite, la cellule ventrale postérieure droite et la cellule terminale médiane ventrale. La rangée des cellules latérales de gauche est constituée par les deux cellu¬ les ventrales gauches et par la cellule granuleuse terminale gauche, la rangée des cellules latérales de droite par les deux cellules dorsales droites et par l’autre cellule granuleuse. Le tronc s’allongera encore beaucoup dans la suite, cet allon¬ gement portant principalement sur la partie moyenne, et la disposition spiralée des cellules s’accentuera aussi davantage, les rapports entre les cellules étant toutefois conservés. G. Considérations générales. — Des faits aussi suggestifs que ceux qui nous ont été révélés par l’embryogénie du néma- togène primaire peuvent se passer de longs commentaires : les Dicyémides ne sont ni des Sporozoaires, comme le croyait P. J. van Beneden, ni des Mésozoaires, ainsi que l’a soutenu Ed. van Beneden, ni des Cœlentérés, des Planuloïdes, opinion que Hatschek a émise à cause de leur ressemblance factice avec la planula, mais bien des Vers. Nos embryons passent en effet par un stade rappelant la larve trochophore, dans lequel les diverses parties du corps sont réduites au nombre minimum de cellules, et nous pouvons traduire maintenant en langage 2f)6 A. LAMEERE métazoologique ce que nous avons exposé jusqu’ici le plus impartialement possible. La segmentation donne une cellule ectodermique et une cel¬ lule endodermique ; celle-ci est exclusivement mère de gono¬ cytes et de gonocytes transformés en cellules follieuleuses ; il n’y a donc ni entéroderme ni mésoderme ni mésenchyme, et l’endoderme n’est représenté que par les cellules reproduc¬ trices. L’ectoderme est formé de deux régions qui dérivent chacune d’une cellule unique : le prosome ou lobe préoral, constitué de trois segments comme celui des Polychètes, et le métasome ou tronc. Le tronc se développe, comme le lobe préoral d’ailleurs, d’arrière en avant : il est formé d’un grand segment antérieur plus étendu et plus convexe dans sa partie dorsale, et d’un petit segment terminal, l’un et l’autre prenant chacun naissance aux- dépens d’un seul couple de cellules. La cellule endodermique est recouverte par les cellules ven¬ trales d’arrière en avant, par épibolie, et le blastopore se ferme aussi d’arrière en avant. Il en subsiste temporairement un reste, la bouche, située ventralement contre le lobe préoral. Un anus se trouve également d’une manière temporaire à l’ex¬ trémité postérieure. Ce sont bien là les caractères de la trochophore ; l'infusori- forme a d'ailleurs tout à fait la structure d’une trochophore sans bouche ni anus ; les cellules parapolaires qui s'étendent ven¬ tralement de manière à entourer l’emplacement virtuel de la bouche, représentent le système nerveux. Pour découvrir à quel type de Vers se rattachent les Dicyé- mides, il faut combiner ce qu’ils nous ont appris avec ce que nous connaissons des Orthonectides, lesquels en sont évidemment les ancêtres. Le groupe a été rapproché des Trématodes, par Leuckart d’abord, puis sous le nom d’Aneuriens par Raphaël Blanchard, ou de Mionhelminthes par Pagenstecher. Nous avons déjà eu l'occasion de dire que cette opinion est insoutenable, vu les mœurs et la ciliation des Orthonectides adultes, leur sexualité » et leur dimorphisme sexuel considérable ; l’embryon des Dicyé- mides vient d’ailleurs confirmer cette manière de voir, car de / CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DTCYEMIDES 25: même que chez les Orthonectides mâles, le lobe préoral prend chez eux un énorme développement. La femelle des Orthonectides a un pore génital situé vent r⬠lement un peu en avant du milieu de la longueur du corps et un peu à gauche ; nous avons retrouvé un oritice vraisemblable¬ ment homologue dans l’embryon du nématogène primaire du Dicyema trancalum , un peu à gauche et en avant, sur la face ventrale. La position de cet orifice montre que les Mésogoniens, comme Delage et Hérouard appellent l’ensemble des Orthonec¬ tides et des Dicyémides, ne peuvent pas descendre des Rotilê- res, opinion exprimée par Giard, ni des Dinophiliens, rappro¬ chement indiqué par Metschnikoff, les uns et les autres de ces Vers montrant d’ailleurs, outre un orifice génital ventral médian subterminal, un lobe préoral court et une spécialisation exces¬ sive dans un sens différent. Un orifice génital situé ventralement en avant du milieu du corps et à côté de la ligne médiane, se présente chez les Echiuriens du genre Bonellia , et il se fait précisément que le mâle microscopique de Bonellia , mâle parasite dans l’œso¬ phage de la femelle quand il est jeune, pénétrant dans l’orifice de ponte quand il est adulte, présente une analogie frappante avec les Orthonectides. Il est entièrement cilié, superficielle¬ ment segmenté, et il émet ses spermatozoïdes par l’extrémité antérieure du corps, absolument comme le mâle des Orthonec¬ tides émet ses produits génitaux par le lobe préoral après s’être rapproché au préalable de l’orifice reproducteur de la femelle qui est énormément plus grande que lui. Il est probable (pie le pore sexuel du mâle de Bonellia est situé à l’extrémité du lobe préoral enroulé en tube au-dessus de remplacement de la bouche qui est absente, absolument comme chez les Orthonec¬ tides et les embryons des Dicyémides le lobe préoral forme au- dessus de la bouche virtuelle une trompe. Et tout s’éclaire, car les glandes génitales de Bonellia sont formées dans les deux sexes de follicules d’où l’on peut aisément faire dériver par réduction ceux des Mésogoniens. En outre la larve des Echiuriens ressemble plus que toute autre trochophore à l’infusoriforme des Dicyémides (celle du mâle de Bonellia n’a même plus ni bouche ni anus), et cette larve montre dans l'ec¬ toderme la segmentation que l’on retrouve chez les Orthonec- 17 258 A- LAMEERE tides. Le grand segment antérieur que nous avons reconnu exis¬ ter dans l’embryon du nématogène primaire du Dicyema truncatum a la valeur morphologique de toute la partie de la larve des Echiuriens située entre le lobe préoral et le segment terminal, car il porte le pore génital temporaire ; il est donc formé, comme le métasome de la trochophore des Echiuriens, de plusieurs segments réunis. Nous considérons donc définitivement les Orthonectides et les Dicyémides comme étant des Echiuriens ; ils dérivent vraisem¬ blablement du genre Bonellia , par transfert au sexe femelle des mœurs parasitaires de la larve du mâle et des caractères de simplification que ce dernier présente à l’état adulte. XI. — LE PARANUCLÉUS IDE WHITMAN. / L’étude de l’embryogénie du nématogène primaire m’a révélé certaines différences importantes d’avec l’évolution de l’infuso- rigène . L’on voit bien de part et d’autre la cellule mère se diviser en deux cellules inégales dont la petite donne les cellules péri¬ phériques et la grande la cellule axiale et son contenu; l’iden¬ tité de ces phénomènes a été admise. Mais dans l’infusorigène, les deux cellules filles de la petite cellule, c’est-à-dire les deux premières oogonies, s’écartent l’une de l’autre, et elles vont se placer à droite et à gauche de l’axe morphologique de l'organisme, tandis que dans le néma¬ togène primaire, elles se placent l’une derrière l’autre et ne se séparent point. De plus, alors que dans Linfusorigène, la grande cellule ne se divise qu’une seule fois, pour donner la première spermato¬ gonie et la cellule axiale qui sert de follicule à la spermatoge¬ nèse, dans le nématogène primaire, la grande cellule, avant de se diviser en la première cellule germe et la cellule axiale, follicule des embryons, se divise de bonne heure en deux autres cellules : la grande cellule interne et une toute petite cellule qui elle -même donne par deux bipartitions successives quatre cellules abortives. Dans Linfusorigène, la grande cellule ne produit donc que deux cellules embryonnaires, tandis que dans CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDES 2ot* le nématogèue primaire elle donne naissance en tout à trois couples de cellules, et nous avons cru pouvoir homologuer ces six cellules aux six cellules internes du nématogèue fondateur. Voilà donc deux différences frappantes qui m’ont engagé à faire de nouvelles recherches sur l’embryogénie de l’infusori- gène. Celles-ci m’ont démontré que l’infusorigène ne produit certainement pas de cellules abortives comme celles que j’ai observées dans le nématogèue primaire, mais j’ai fini par découvrir un fait essentiel qui m’avait échappé. Ainsi que je l'ai rappelé antérieurement, Whitman, se fondant sur une observation unique et d'ailleurs incomplète, avait admis que la cellule mère de l’infusorigène expulsait un globule polaire, et que le noyau de ce globule polaire, le paranucléus, devenait un noyau végétatif secondaire que l’on observe dans la cellule axiale près de chaque infusorigène. Hartmann a nié ce phénomène, et n’ayant rien constaté qui vint confirmer les vues de Whitman, je m'étais rallié à l’opinion du savant berlinois. Ue meilleures préparations et des investigations prolongées m’ont montré que Whitman avait parfaitement raison, sauf dans l’interprétation du fait qu’il a découvert. Voici ce que j'ai observé chez Üicyema typas et chez üicyema truncatwrn. L’on trouve dans les rhombogènes deux sortes de grosses cellules germes, les unes légèrement fusiformes, les autres arrondies; j’avais pensé qu’il s’agissait de deux phases succes¬ sives dans dévolution de la cellule mère de l’infusorigène. Fig. 82. — Üicyema typus, cellule axiale de rhombogène avec deux cellules mères d’inlusorigènes. — G. : 1000. C’est la cellule fusiforme qui est la véritable cellule originelle, la cellule arrondie, d’où procède l’infusorigène, étant fille de la première. Le très jeune rhombogène de la figure 82 montre dans la 260 A. LAMEEBE cellule axiale, outre le noyau végétatif, deux de ces cellules germes fusiformes, et rien de plus. Dans la cellule axiale d’un autre rhombogène très jeune (fig. 83), l’on observe une cellule germe arrondie contre le Fig. 83. — Dicyema lypus, cellule axiale de rhombogène avec cellule mère définitive d’infusorigène et paranucléus. — G. : 1000, noyau végétatif, et près d’elle un noyau végétatif secondaire, le paranucléus de Whitman. L’aspect du noyau de la cellule germe témoigne qu’elle vient de se diviser. La cellule axiale d’un troisième rhombogène (fig. 84), nous Fig. 84. — Dicyema typus, cellule axiale de rhombogène avec trois couples de blastomères d’infusorigènes disjoints. — G. : 1000. présente trois couples d’éléments dont deux sont constitués chacun de deux cellules inégales à noyaux sortant de mitose ; dans le troisième couple, la petite cellule est remplacée par un paranucléus. Ces faits semblent indiquer que la cellule fusiforme se divise en une grande et en une petite cellule ; la grande cellule est la mère de l’infusorigène ; le noyau de la petite deviendrait le paranucléus. C’est bien ce qui se passe. En effet, la cellule fusiforme, qui résulte de la croissance d'une cellule germe ordinaire entre en cinèse et se divise com¬ plètement en deux cellules inégales. La petite cellule se détache de la grande et son noyau se gonfle, le cytoplasme, qui devient très clair, finissant par être réduit à rien : le paranucléus est ainsi formé, prenant immédiatement l’aspect en petit du noyau végétatif de la cellule axiale dans laquelle il acquiert droit de CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDES 261 cité (fig. 85). L’on remarquera la différence entre la division en deux cellules inégales de la cellule fusiforme, véritable mère de Linfusorigène, et la bipartition, également en deux cellules inégales, de la cellule ronde d’où l'infusorigène procède après l’élimination de la petite cellule dont le noyau devient le para- nucléus. C’est évidemment ce phénomène que Whitman a observé une fois en partie. Le paranucléus se retrouve à côté de chaque infusorigène, et si l’on ne constate pas toujours sa présence, comme Hartmann et moi-même l’avons affirmé, c’est qu’il est parfois bien difficile à apercevoir ou qu’il a accidentellement disparu. Il y a quelquefois un plus grand nombre de paranu¬ cléus que d'infusorigènes, quand l’un ou l’autre de ceux-ci ont dégénéré sans laisser d’autre trace. Chez Microcyema vespa, il n’y a pas de paranucléus à côté des infusorigènes dans le rhombogène, le noyau de la cellule axiale, laquelle n’a pas comme chez les Dicyema la forme d un long cylindre, étant relativement énorme. L’absence apparente du paranucléus chez Microcyema vespa. est due à la réalisation d’un stade d évolution plus accentué. Les grosses cellules rondes que j’ai représentées comme étant les cellules mères des infusorigènes du Microcyema vespa , procèdent d’une cellule fusiforme de dimensions bien moindres; 262 A. LAMEERE un bourgeon se forme, en même temps que le noyau se divise par caryocinèse, mais il n’y a qu un simulacre de bipartition du cytoplasme en deux cellules inégales : le bourgeon ne se détache pas, et le noyau reste en place, il se résoud en chro- midies, sa position antérieure se trahissant par la présence de cette vacuole dont j’ai signalé l’existence. Les cliromidies se répandent dans le cytoplasme, de la cellule qui s’arrondit et qui subit alors un grand accroissement de volume (fîg. 86). sorigène. — G. : 2000. C’est vraisemblablement au fait que le paranucléus ne sort pas de la cellule, mais y forme des chromidies, qu’est dû le volume considérable de la cellule d’où procède l’infusorigène chez Microcyema vespa , cette cellule pouvant être beaucoup plus grande que les œufs produits par l’infusorigène (fig. 87). Fig. 87. — Microcyema vespa, cellule mère définitive de l’infusorigène et œuf. — G. : 2000. Il faut attribuer probablement cette croissance exceptionnelle, exigeant la durée relativement longue que j’ai mentionnée, au CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMfDES travail exécuté par cette seconde énergide nucléaire qui chez les Dicyema se maintient dans la cellule axiale près de l’infusori¬ gène ; le paranucléus de Microcyema , interne et éphernerc, sei t à la nutrition de la cellule mère de l’infusorigène, cellule, qui devient énorme, alors que le paranucléus des Dicyema , externe et permanent, entretient la nutrition de l’infusorigène même. Quelle signification morphologique faut-il attribuer a la cellule dont le noyau devient le paranucléus? Whitman croyait à l’expulsion d’un globule polaire et cette opinion n’est pas absolument injustifiable, mais il y a une autre explication qui parait pouvoir être d’autant mieux adoptée qu’elle fait rentrer dans l’ordre des choses naturelles une particularité à juste titre étonnante des Dicyémides : les œufs produits par 1 infusorigène seraient, comme tous les auteurs 1 ont admis, à contre-cœur, mais sans sourciller, le résultat de la transformation des cellules périphériques, donc de l’ectoderme. Reprenons en effet la comparaison de l’embryogénie du néma- togène primaire et de l’infusorigène : la cellule mère du néma- togène se divise en une petite cellule qui donnera les cellules ectodermiques et en une grande cellule gonocytaire endoder¬ mique ; la cellule mère de l'infusorigène se divise en une petite cellule qui s en détache chez les Dicyema , qui est résorbée chez Microcyema , et en une grande cellule produisant tout l’infuso- •rigène et se conduisant absolument comme la cellule gonocy¬ taire du nématogène, car elle subit comme celle-ci deux bipartitions successives. Qu’est-ce à dire, si ce n est que dans l’infusorigène la petite cellule dont le noyau devient le paranu¬ cléus est l’homologue de la cellule mère de toutes les cellules ectodermiques du nématogène, et que l’infusorigène lui-même ne procède tout entier que d’une cellule homologue à la cellule gonocytaire du nématogène, par conséquent que les œufs de l’infusorigène ne sont nullement ectodermiques. L’infusorigène est un nématogène dépouillé de son ectoderme, il est purement d’origine endodermique. Cette conclusion est confirmée par la comparaison que nous pouvons faire de la constitution de l’endoderme dans les diverses phases des Dicyémides. Chez le nématogène fondateur, il y a six cellules endoder¬ miques constituant trois couples formés chacun d une cellule 264 A. LAMEERE folliculeuse et d’un gonocyte ; nous devons évidemment admettre que cet ensemble procède d’une cellule mère qui s’est d’abord divisée en deux cellules filles, l'une qui a formé un couple, l’autre qui après une nouvelle bipartition a donné naissance aux deux autres. Dans le nématogène primaire, la cellule gonocytaire se divise en une grande cellule qui produit un couple formé d’une cellule folliculeuse et de la cellule mère des germes agames, et une très petite cellule qui se divise elle-même pour donner deux couples de cellules abortives. Chez l’infusorigène, la cellule mère, purement endodermique, se divise en une grande cellule qui produit un couple formé d'une cellule folliculeuse et de la cellule mère des spermato¬ zoïdes, et en une petite cellule qui se divise elle-même pour donner deux couples d’oogonies premières. La cellule follicu¬ leuse spermatique et la perte des cellules ectodermiques rendent inutiles la formation de cellules folliculeuses pour les œufs. Nous pouvons poursuivre cette homologie des cellules endo¬ dermiques jusque dans l’infusoriforme, car l’urne de celui-ci est également formée par trois cellules dérivant d’une seule cellule primordiale, les deux cellules enveloppantes de l’urne et le contenu de l’urne : ce contenu provient d’une troisième cellule qui produit les quatre follicules. Cet ensemble de faits vient donc à l’appui de la manière de voir en le paranucléus le noyau des cellules ectodermiques de l’infusorigène, et par conséquent ce paranucléus aurait une bien plus grande importance que celle d’un globule polaire. J’avais fait l’hypothèse que les noyaux végétatifs secondaires de la cellule axiale du rhombogène résultaient d’un bourgeon¬ nement du noyau végétatif primaire : il n’en est donc rien. J'ai aussi, par analogie, été amené à considérer que ies petits noyaux secondaires que l’on observe dans certaines cellules ectodermiques du rhombogène à côté du noyau primaire et qui ont la même physionomie que ce dernier, étaient également le résultat d’un bourgeonnement. Ils ont en réalité une toute autre origine. L’on voit de ces noyaux supplémentaires très fréquemment dans les cellules ectodermiques du tronc du rhombogène du CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDES 265 Dicyema typus (fig. 88), plus rarement chez Dicyema trunca- tum et jamais chez Microcyema vespa. Wheeler et Hartmann ont cru qu'il s’agissait de cellules germes du rhombogène ayant passé de la cellule axiale dans les cellules périphériques. Je n’avais pu me rallier à cette hypo¬ thèse, d’une part parce que je n’avais pas pu constater le pas- Fig. 88. — Dicyema typus , cellules périphériques du tronc du rhombogène avec noyaux secondaires. — G. : 600. sage en question, d'autre part et surtout parce que ces noyaux secondaires ne sont pas entourés d’une enveloppe cytoplas¬ mique distincte du cytoplasme de la cellule ectoder inique qui les renferme. Us ont la grandeur des cellules germes, mais la structure du noyau principal. J’ai fini cependant par observer que des cellules germes étaient étroitement appliquées contre la paroi interne de cellules ectodermiques du rhombogène, près du noyau de celles-ci, comme si ce dernier les attirait. J’ai constaté leur entrée et leur présence dans ces cellules (fig. 89), de sorte que la manière de voir de Wheeler est correcte. 11 se passe alors pour ces cellules germes émigrées un phénomène exactement comparable à celui qui donne lieu à la présence du paranucléus dans la cellule axiale : le noyau se gontle en même temps que le cyto¬ plasme devient tout à fait hyalin, et ce cytoplasme s’amincissant au fur et à mesure que le noyau grandit, finit par ne plus être distinct; le noyau, acquérant le volume de la cellule qui le con¬ tenait, semble absorber le cytoplasme et étendre sa masse 266 A. LAMEERE jusqu’à la périphérie de ce dernier. Il est probable que ces noyaux de renfort viennent augmenter la puissance des cellules ectodermiques du tronc du rhombogène dans l'accumulation qu’elles font de ces corpuscules réfringents, vraisemblablement des grains d’excrétion, qui finissent par les gonfler de manière à les faire ressembler à des bosses de polichinelle. Pendant la Fig. 89. — Dieyema typus, immigration de cellules germes dans des cellules périphériques du tronc du rhombogène. — G. : 12o0. phase rhombogénique, les cellules ectodermiques du tronc constitueraient donc un rein d'accumulation. Les cellules germes qui pénètrent ainsi dans les cellules périphériques ne sont pas des cellules germes ordinaires : elles sont relativement grandes, et elles offrent beaucoup de cyto¬ plasme. Ce sont vraisemblablement des cellules mères d'infu- sorigènes arrêtées dans leur développement par la concurrence que leur font les germes d’infusorigènes qui ont eu la chance d’évoluer un peu plus tôt. Ces cellules migratrices sont proba¬ blement en nombre moindre chez Dieyema truncaliim que chez Dieyema typus , parce que chez Dieyema truncatum le rhombogène contient en général plus d’infusorigènes que chez Dieyema typus. S’il n’y en a pas chez Microcyema , c'est peut- être à cause de la forme de la cellule axiale du rhombogène, de CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYEMIDES 267 l’existence de deux cellules du tronc seulement et de l’attrac¬ tion moindre que peuvent exercer les noyaux de celles-ci sur les cellules germes. Le rhombogène des Dicycnia présente donc a considérer trois sortes de gonocytes : des cellules germes qui grossissent beaucoup et qui évoluent en infusorigènes, des celluLes germes qui grossissent un peu et qui passent dans les cellules ectoder- miques, enfin des cellules germes qui restent petites et qui dégénèrent, jouant probablement un rôle comparable à celui de cellules vitellogènes. Les petites cellules germes dont le destin est de disparaître se multiplient cependant encore pendant un certain temps dans la cellule axiale du rhombogène, et j ai constaté parfois qu elles subissaient une bipartition inégale, ce qui veut dire qu elles commençaiènt à évoluer en un intusorigène chétif destiné à périr après séparation de la cellule ectodermique et de la cellule endodermique. Très remarquable est l’adoption d un noyau provenant d une cellule étrangère soit par la cellule axiale qui est endodermique et qui accepte un noyau ectodermique, le paranucleus, soit par les cellules ectodermiques du tronc, dans lesquelles pénètrent des cellules germes endodermiques. Ce n’est ni de la plasmo- gamie, puisque dans l’un et l’autre cas, le cytoplasme des cellules étrangères disparaît, ni de la caryogamie, puisqu’il n’y a pas réunion des noyaux. Physiologiquement cependant, le phénomène est comparable à une fécondation, car il s agit de la réunion de deux ou de plusieurs énergides nucléaires dans une même cellule. Cela fait songer a la cellule mère (le l’albumen des Angiospermes dans laquelle se trouvent réunies, en un seul noyau il est vrai, trois énergides nucléaires. XII. — LA PARTHÉNOGENÈSE DES DICYÉMIDES. Quelle valeur faut-il accorder aux cellules germes agames des Dicyémides ? 11 est évident que la signification que j'ai attribuée a la cel¬ lule axiale dans la première partie de ce travail n’est pas exacte, maintenant que nous savons que cette cellule axiale est d abord 268 A. LAMEERE complètement séparée de la première cellule germe et qu’elle constitue une cellule folliculeuse dans laquelle pénètre sa sœur. La première cellule germe n’expulse pas de globule polaire, pas plus que les cellules germes auxquelles elle donne nais¬ sance. 11 ne peut être question de voir dans sa multiplication le point de départ d’un phénomène de polyembryonie ; le cas est tout différent de celui du moruliforme procédant d’un œuf fécondé qui se segmente et dont les blastomères se disjoignent pour constituer autant d’embryons : ici la polyembryonie est bien caractérisée. Dans la cellule folliculeuse de l'infusorigène, la cellule enro¬ bée est une spermatogonie première qui en fournit par bipar¬ tition beaucoup d’autres. Le phénomène a son parallèle dans la cellule axiale folliculeuse des nématogènes où une première cellule germe se multiplie pour produire de nombreuses cellu¬ les mères d’embryons. Cette première cellule germe est donc une oogonie première qui donne naissance à d’autres oogonies, comme dans toute oogenèse. Seulement ces oogonies évoluent directement en embryons, c’est-à-dire qu’elles ne passent pas par toutes les phases de l'oogenèse avant de se segmenter. La phase de crois¬ sance qui transformerait l’oogonie en oocyte de premier ordre est en grande partie supprimée : il n’y a pas accumulation de deutoplasme dans l’oogonie, cette lacune trouvant sa compen¬ sation dans l’alimentation de l’embryon par la cellule axiale. L’embryon présente en effet un phénomène insolite : les blas¬ tomères, au lieu de décroître de taille au fur et à mesure de la segmentation, grossissent au contraire comme l’embryon lui- même. Dans ces conditions le deutoplasme est inutile, comme aussi la fécondation, puisque la cellule n’est pas encombrée de réserves inertes. Par contraste, l'on trouve du deutoplasme dans les œufs de l’infusorigène, lesquels, pour se développer doivent recevoir l'excitation d’un spermatozoïde. Ne passant pas par une phase de croissance complète, les oogonies n’accumulent pas dans leur noyau la chromatine déter¬ minant une division équationelle dans la formation de l'unique globule polaire d’un œuf parthénogénétique ordinaire, alors (pie les œufs de l’infusorigène expulsent tout naturellement deux de ces éléments. OONTRIRUTTONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÉMIDES Les cellules germes agames des Dicyémides sont donc dos oogonies qui n’attendent pas d’être arrivées au stade d oocyte pour donner un embryon, qui n’ont pas par conséquent à pro¬ duire un globule polaire et qui ne doivent pas être fécondées. Elles sont en quelque sorte progénétiques. Les cellules germes agames de l’infusoriforme, celles de la larve des Orthonectides et celles qui engendrent les Orthonec- tides adultes dans le « plasmode » d’où proviennent ceux-ci, sont également des éléments de la même catégorie. Il n’y a pas lieu d’appliquer à ces oogonies parthénogénéti- ques le terme de spores, pas plus qu’aux cellules mères des embryons dans les sporocystes et les rédies des Trématodes, lesquelles sont probablement dans le même cas : car, si les botanistes donnent le nom de spores à des gonocytes agames de bien des catégories différentes, ils ne l’appliquent pas a des cellules reproductrices apogames, pas plus que les zoologistes n’appellent spores les œufs parthénogénétiques ordinaires. Les oogonies parthénogénétiques ou parthénoogonies, ne sont comparables qu’aux parthénogonidies des Volvox qui sont des œufs sans deutoplasme, sans globules polaires et non fécon¬ dés. Pas plus que chez Volvox il n’y a de spores chez les Méta¬ zoaires. XIII. — LE CYCLE ÉVOLUTIF DES DICYÉMIDES. , \ Le cycle évolutif des Dicyémides comprend cinq générations dont l’une, intercalée entre l’infusoriforme, qui sort du Cépha¬ lopode, et le nématogène fondateur qui y entre, nous est incon¬ nue. La deuxième génération, celle qui suit le nématogène fon¬ dateur et qui est représentée par le nématogène primaire, est multiple. Il y a en outre une génération rénovatrice, celle du moruliforme, qui maintient le parasite dans son hôte. 1. G-énération agame immigrante. — C’est le nématogène fondateur, qui pénètre dans les sacs rénaux des Céphalopodes quand ceux-ci sont encore tout jeunes. Nous ignorons sa prove¬ nance. Il est remarquable par sa ressemblance avec une femelle d’Ürthonectide : son épiderme compte plus de cellules que celui du nématogène primaire, et au lieu de renfermer un cou- \ 270 A. LAMEERE pie de cellules endodermiques primaires, il en possède trois, disposés en lile, formés chacun d'une cellule folliculeuse et d’une oogonie première. C’est une femelle parthéuogénétique n’offrant qu’une seule génération et engendrant des nématogènes primaires par un procédé identique à celui qui caractérise la multiplication de ces derniers. 3. G-énérations agames sédentaires. — Les embryons pro¬ duits par le nématogène fondateur deviennent des individus vermiformes n’offrant qu’une' seule cellule axiale, les deux autres avortant. L’organisation de ce nématogène primaire est donc celle du nématogène fondateur simplifiée : la réduction dans le nombre des cellules endodermiques primaires et par conséquent dans celui des germes produits en un même espace de temps, est compensée par la production de générations mul¬ tiples vivant côte à côte et envahissant les sacs rénaux de l’hôte. Nous avons encore affaire à des femelles parthénogénétiques. La première génération issue directement du nématogène fondateur est un peu différente des suivantes chez le Micro - cyema vespa , où l’on observe aussi une différence énorme entre le nématogène primaire et le nématogène fondateur, en ce qui concerne la structure générale : la simplification du revêtement ectodermique est ici excessive, puisque l’épiderme du tronc est réduit à deux cellules et que la tête n’en compte plus que huit. Les nématogènes primaires passent par trois stades succes¬ sifs qui sont en rapport avec la vie de leur hôte, ceux de néma¬ togène primaire proprement dit, de rhomhogène et de némato¬ gène secondaire. 1er stade. — A l’état de nématogène primaire, l’organisme produit exclusivement de nouveaux nématogènes primaires ; c'est ce qui se passe dans les Céphalopodes jeunes, tant que leurs glandes génitales ne sont pas entrées encore en activité. 2e stade. — Au moment où va commencer pour l’hôte sa vie sexuelle, les nématogènes primaires, quel que soit leur âge, deviennent rhombogènes. Les embryons qu’ils pourraient encore renfermer terminent leur évolution, mais il ne se produit plus de nouveaux embryons de nématogènes primaires ; les oogonies se multiplient plus ou moins abondamment, et elles se différencient en deux catégo- CONTRIBUTIONS A LA CONNAISSANCE DES DICYÊMIDES 21 I ries : un petit nombre grossissent et évoluent, en individus infu- sorigènes; les autres restent petites el dégénèrent. Les infusorigènes ne ([uittent pas le rhombogène, qui sert aussi de matrice aux infusoriformes ; la production des inluso- rigènes donne au rhombogène des caractères particuliers <|ui le font aisément reconnaître quand il est devenu nématogène secondaire. Il n’en est pas ainsi cependant dans le genre Micro- eyema. L’embryon de l’infusorigène des Dicyema abandonne la cel¬ lule mère de son ectodernle, et le noyau de cette cellule sub¬ siste dans la cellule axiale du rhombogène, à côté de 1 infuso- rigène, sous la forme d un noyau végétatif secondaire. A cette augmentation du nombre des noyaux dans la cellule axiale du rhombogène des Dicyema correspond aussi la pré¬ sence de petits noyaux secondaires dans les cellules épidermi¬ ques du tronc. L origine de ces noyaux est due à la pénétration dans ces cellules épidermiques de quelques-unes des cellules germes qui dans le rhombogène n’évoluent pas en inlusori- gènes. Cette multiplication du nombre des noyaux dans la cellule axiale et dans les cellules épidermiques du tronc est en rapport avec l’activité intense du métabolisme de l’organisme pour la nutrition des infusorigènes producteurs d’œufs. L’on constate en eiïet que les cellules épidermiques du tronc du rhombogène se remplissent peu à peu de corpuscules réfringents qui les gonflent et les font ressembler à des verrues : il est possible que ces corpuscules soient des produits excrémentitiels, des résidus azotés du métabolisme. 3e stade. — Quand la période d’activité sexuelle du Cépha¬ lopode vient à se terminer, les rhombogènes deviennent des nématogènes secondaires. Les œufs pondus par les infusorigènes ne produisent plus d’infusoriformes, mais bien des individus moruliformes, consti¬ tuant la génération rénovatrice qui par polyembryonie donne naissance à de nombreux nématogènes primaires, maintenant l’infection dans l’hôte pour l’année suivante. Apr ès avoir servi de matrice aux moruliformes et aux néma¬ togènes primaires qui en proviennent, le nématogène secon- 272 A. LAMEERE daire meurt, Les cellules épidermiques du tronc bourrées de corpuscules réfringents. 3. Génération hermaphrodite emboîtée. — Cette généra¬ tion est représentée par l’infusorigène qui procède du némato- gène primaire changé en rhombogène, et qui n’en sort pas. L’infusorigène est réduit à Lendoderme, son ectoderme dis¬ paraissant, soit que, comme chez les Dicyerna , la cellule mère de l’ectoderme se détache de la cellule mère de l’endoderme, son noyau constituant un noyau végétatif secondaire de la cel¬ lule axiale, soit que, comme chez Microcyema vespa, le noyau de la cellule mère de l'ectoderme se résolve en chromidies qui servent à la nutrition de la cellule endodermique. L’infusorigène est formé de trois couples de cellules endoder¬ miques, deux couples de flanc comptant chacun deux oogo¬ nies qui se multiplient pour donner des œufs qui seront fécon¬ dés, et un couple médian constitué d'une cellule folliculeuse dans laquelle a pénétré une spermatogonie première. C’est dans cette cellule folliculeuse, qui nourrit aussi les œufs se dévelop¬ pant à son contact, que se fait la spermatogenèse. Les sperma¬ tozoïdes sont de très petites cellules rondes sans queue passant directement de la cellule folliculeuse dans les œufs qui se trou¬ vent à sa surface, avant que ceux-ci n’expulsent leurs deux glo¬ bules polaires. Alors donc que toutes les autres générations ne produisent que des oogonies parthénogénétiques dont les embryons sont nourris dans une cellule folliculeuse, l’infusorigène est herma¬ phrodite et donne des œufs chargés de deutoplasme, à segmen¬ tation déterminée par un spermatozoïde. 4. Génération agame émigrante. — L’infusoriforme, qui procède des œufs de l'infusorigène, et qui se développe dans le rhombogène, sort de celui-ci, nage dans le liquide urinaire du Céphalopode et s’en va dans la mer. Que devient-il ? Nous n'en savons rien. Il renfermait au début trois cellules endodermiques, deux latérales qui constituent les cellules enveloppantes de l’urne, chargées de granulations probablement alimentaires, et une cellule centrale qui forme l'urne proprement dite. Cette der¬ nière cellule en donne quatre qui elles-mêmes par bipartition produisent une cellule folliculeuse et une cellule germe incluse CONTRIBUTIONS A B A CONNAISSANCE DES DICYÆMIDES 273 qui se multipliera. Lorsqu’il quitte le Céphalopode, l’infusori- forme couticiit deux cellules germes dans chacun des quatre follicules. L ’infusoriforme correspond à la larve des Orthonectides : il pénètre donc vraisemblablement dans un premier hôte, diffé- rent des Céphalopodes, et là y déverse ses oogonies. 5. Génération agame xénosite. — Elle n’est qu’hypothéti- 'que; elle doit provenir des germes de l’infusoriforme, et tou¬ jours par comparaison avec les Orthonectides, il est probable que ces cellules évoluent chacune en un endoparasite corres¬ pondant au « plasmode » des Orthonectides ; ce « plasmode » n’en étant pas un, puisqu’il n'est pas formé par une plasmoga- mie de cellules d’abord indépendantes, nous préférons l’appeler orthonectogène. L'on sait qu'il est constitué de cellules végé¬ tatives et de cellules germes : celles-ci se multiplient en amas resemblant à des morulas dont les éléments se séparent ensuite pour évoluer chacun en un Orthonectide mâle ou femelle. Il y a peut-être une génération identique chez les Dicyémides, génération engendrant les individus qui après émigration dans la mer et de là dans les sacs rénaux des Cépha¬ lopodes, deviendraient les nématogènes fondateurs. Ainsi serait fermé le cycle évolutif des Dicyémides qui com¬ prendrait deux périodes : 1° une période comparable à l’exis¬ tence endoparasite des Orthonectides et se passant dans un premier hôte ; 2° une période s’écoulant dans les reins des Céphalopodes et qui serait intercalée entre la sortie du Dicyé- mide de son premier hôte et un retour à celui-ci sous forme d infusoriforme issu d’un œuf fécondé. Le Dicyémide serait un Orthonectide hermaphrodite qui, au lieu de se reproduire dans la mer, pénétrerait dans les organes urinaires d’un Céphalo¬ pode, y deviendrait parthénogénétique et, après plusieurs géné¬ rations, récupérerait la reproduction sexuelle, jusque-là différée, pour produire enfin la larve qui ramènerait le parasite à son hôte primitif. 6. Génération agame rénovatrice. — Nous en avons déjà parlé à propos du nématogène secondaire : l’infection est main¬ tenue dans le Céphalopode grâce aux individus moruliformes qui procèdent d’œufs fécondés provenant de l’infusorigène quand le stade rhombogène est passé. Ces moruliformes ont la 18 Mer I Sacs rénaux des Céphalopodes LAMEERE 274 A. C/3 o> g * z A C/3 o> t-. ’3 a G- C/3 03 G SG O g '3 £ CO O Sx *s S D - oSible zrgiltw. d'eau, douce . Fig. 4. Echelle : 1 cm. par mètre. râtre et exhalent une forte odeur de méthane. A l'état humide elles se clivent facilement, mais elles deviennent, au contraire, Fig. * LES FORÊTS SUBMERGÉES DE BELLE-ILE-EN-MER 283 très dures en séchant; on y trouve quelques petits blocs de quartz. D’innombrables graines y sont répandues, ainsi que des troncs couchés et des branches d arbres. Ces tourbes constituent les Tourbes feuilletées, qui ont reçu le nom de Forets sous- murines, parce que les premiers gisements ont été constatés sur les côtes maritimes, à un niveau inférieur à celui des eaux. Elles sont émaillées de nombreux élytres d'insectes aux cou¬ leurs vives, brillantes, dont on trouvera plus loin la liste d’après les déterminations, de M. Pierre Lesne à qui je les ai communiqués. L importance de cette tourbière a permis à une société indus¬ trielle d’en extraire en 1917 de 80 à 100 tonnes de tourbe, brû¬ lant suffisamment pour le chauffage et la complaisance que ses membres m ont témoignée a beaucoup favorisé mes études. La tourbe de l’intérieur du vallon n’est pas, comme celle-ci de la tourbe feuilletée, elle ressemble à celle du Potager, ci-après décrite ; de couleur bleu noirâtre, et pénétrée par les racines et les tiges de la végétation actuelle ; elle contient aussi moins d’éléments sableux que celle de Ster-Vras. 284 E. OADECEAU III. Tourbière du Potager Statigraphie . — La présence de la tourbe à Belle-Ile a été signalée par Chasle de la Touche dans le port même du Palais ; il lui parait probable qu elle s’étend dans tout le vallon qui lui fait suite et même, à plus ou moins de profondeur dans tous les vallons. Il l’avait déjà reconnue dans le haut de la propriété du Potager, qu'il habitait, au Nord, à moins de 1 mètre et demi de profondeur, dans un sol humide couvert de Joncs, de Prêles, de Roseaux et de MouSses (,). C’est ce banc de tourbe qui vient d’être retrouvé par M. Menut, ancien Directeur de l’Usine à Gaz du Palais, dans cette même propriété du Potager qu’il habite et où, grâce à son obligeance, j'ai pu en suivre l’extraction pendant l’été de 1917, pour son utilisation indus¬ trielle, comme combustible. Il en a été extrait environ 500 tonnes. Dans l'ensemble, « le banc dont il s’agit est situé à la cote « + 7 m. 10. La tourbe étant à 1 mètre en contre-bas du sol se « trouve par suite à la cote -h 6 m. 10, soit à 0 m. 40 au-dessus « du niveau des hautes marées d’équinoxe (cotées H- 5,70) et « le terrain à 1 m. 40 au-dessus de ce niveau » (2). La situation hydrologique du Potager explique parfaitement la formation de la tourbière. Abrité des vents violents qui régnent souvent dans l’ile, par les plantations d'arbres qui l’en¬ vironnent, le Potager se trouve placé au fond d'une sorte d'en¬ tonnoir, formé par les hauteurs voisines, situation qu on peut apprécier d’un cbup d'œil du haut du village de Loctudy. S’étendant au fond du port du Palais, où se trouvait jadis « la Saline » près du confluent des ruisseaux de Bordilia et de Runelo, il est parcouru ou côtoyé par plusieurs sources, dont l'une, dite : la Normande, conduite par des canaux munis de regards, alimente encore aujourd’hui la consommation de la ville du Palais. Chasle de la Touche nous dit qu’il y avait un marécage entre (*) Chasle de la Touche, loc. cit., p. 131. (*) Lettre de M. Rocher, conducteur des ponts et chaussées au Ralais, (8 décem¬ bre 1917). LES FORÊT* SUBMERGEES DE RELLE-TLE -EN-MER 285 Roz-Rozen (en breton la Vigne) et le Potager, au haut de la Saline qui occupait alors le fond du port. On voit encore aujour¬ d’hui au Potager, un terrain marécageux de 5 mètres environ de côté, avec une végétation d’Hydrophiles au voisinage des lieux d’extraction des tourbes. La tourbe du Potager est plus lourde, plus compacte que celle de Ster-Vras. Sa teinte est d’un noir un peu bleuâtre. Elle n’est pas stratifiée comme celle-ci et ne se clive pas. Elle est ê s &- y s- COU PE VERTI CALE DES FOSSES DU POTAtfEK A -flvvmt dit- terrain twûaçÙu. 5* . Terre rejetde C_ Tourbe* C’.ArbiW coiuAeJ é. file*.. D- Arçik gris. bleu- Fig. 4. Echelle : \ cm. par mètre. traversée par les débris de la végétation actuelle qui la pénè¬ tre : racines, radicelles ou tiges desséchées. G est une tourbe franche, non feuilletée et sans traces d’organismes marins ; elle elle est beaucoup moins sableuse que celle de Ster-Vras et, d’après M. Menut, elle brûle mieux. Elle a été recouverte par le ruissellement et par l’action du vent de la couche de terre qui la surmonte aujourd’hui. Les tranchées ont été ouvertes au Nord du Potager. Elles sont orientées Nord-Sud. 286 E. GADECEAU Végétation subfossile . — Les arbres couchés dans cette tour¬ bière ont été déterminés comme suit par M. Thil : Saules. — Salix sp. — Assez nombreuses tiges, rameaux et écorce très décomposés. Chêne rouvre. — Quercus ! sessiliflor a Sm. ? — Tige. Bourdaine. — Rhamnus Frangula L. Tige. La plupart de ces arbres avaient le bois très rouge à l'extrac¬ tion. Le tout était envahi par les racines de Cyperacées actuel¬ les et montrait des galeries creusées par des insectes xylo¬ phages. Les graines, peu abondantes, n’ont pas fourni d'éléments intéressants. Mme El. Reid a constaté : Ranunculus Lingna L. ; R. Flammula L. ; Potentilla Tormen- tilla L. ; Car ex flava L. (Ce dernier se retrouve dans la tourbe de la prairie de Bortifaouenne) Carex... 3 sp. — pas de Mous¬ ses. On n’y a relevé aucun des Hydrophytes si abondants à Ster-Vras. Cette pauvreté de restes végétaux reconnaissables est, d’après Mme Eleanor Reid, la règle ordinaire quand il s’agit de sur¬ faces terrestres envahies par la végétation actuelle. Les résul¬ tats démontrent que de pareils dépôts ne dédommagent pas du temps passé à leur examen. Archéologie. — C’est dans cette tourbière qu’ont été décou¬ verts les objets préhistoriques que j’ai communiqués, le 21 février 1918, à la séance de la Société d’ Anthropologie de Paris, après leur examen par M. le professeur Capitan. Ces objets sont : 1° Cinq lames ou couteaux en silex gris, dont l’une mesure 19 centimètres de longueur et les quatre autres de 9 à 14 cen¬ timètres. Tous les archéologues qui les ont examinées ont reconnu que ces lames n’ont pas été utilisées. Elles semblent récemment détachées du nucléus. Elles se trouvaient dans la tourbe, au voisinage immédiat d’arbres couchés dans la direc¬ tion du Nord-Est à 1 m. 80 de la surface et à 0 m. 60 environ de profondeur dans la masse tourbeuse ; 2°* Un grattoir (?) en silex rose 0,031 X 0,028 m/m ; 3° Des fragments de poteries en terre micacée très grossière, offrant, sur les rebords quelques ornements. Ces poteries ont paru à M. le professeur Capitan antérieures à l’époque des dol- i LES FORÊTS SUBMERGÉES DE BELLE-ILE-EN-MER 287 mens; les fragments présentés semblent indiquer un vase d'une certaine dimension ; Fig. 5. — Objets préhistoriques du Potager. 4° Un fragment d’un bloc de granulite à gros grains ayant servi de moulin ou meule normande ; 5° Quelques rognures de silex éclaté blond et gris. 288 K. GADEOEAU Les membres de rassemblée sont unanimes à reconnaître ces objets comme néolithiques. Le crâne humain trouvé précédem¬ ment à Ster-Yras est aussi soumis à leur examen. La majorité partage l’opinion de MM. Boule et Verneau, que le crâne est trop incomplet et appartient à un sujet trop 'jeune pour qu’il soit possible d’en tirer aucune donnée ethnique (*). Mais le bloc de granulite trouvé non loin du crâne est reconnu comme per¬ cuteur usagé. Le crâne, dont nous donnons une reproduction photographique, a été trouvé en 1912, par le R. P. Le Gallen, incrusté en pleine tourbe. Par sa teinte brunâtre et par les rugo¬ sités visibles sur l’un des pariétaux (dues aux stigmates laissés par les racines des plantes de la tourbe), il présente bien l’as¬ pect extérieur habituel de ces crânes des tourbières. On possède seulement les deux pariétaux et l’écaille occipitale ; sutures disjointes ; os très remarquables par leur peu d’épaisseur, pariétaux très saillants et bosses pariétales offrant un grand développement. On remarque aussi un bombement très pro¬ noncé à l'occiput, dans le triangle supérieur de l’écaille, au-des¬ sus de la protubérance occipitale. Ces caractères relevés par les Professeurs sus-nommés ont été considérés par eux comme purement infantiles (2). Il me paraît utile de rappeler ici que Belle-Ile semble avoir été un lieu de prédilection pour les druides. Des tumuli, mon- tissels, ou buttes (en breton : runn) s’élevaient autrefois sur tous les points de l’ile (3). Chasle de la Touche (4) en énumère une vingtaine, dont deux, situés à Runn-Elo (en breton : la butte du Peuplier tremble ?) ont été fouillés en 1896 (5). On y a trouvé un mélange d’objets en pierre : haches en silex non poli ; celtæ ; lame ou couteau en silex ; vases enterre cuite, etc. ; en même temps que des monnaies impériales du ive siècle à l’effigie de l’empereur Constantin II et de Fausta. Deux dalles de paroi et la table de couverture étaient, dit le mémoire de M. de Closmadeuc, « en granit à gros grain semblable à celui du grand menhir de Locmariaker ». La plupart de ces montissels ont C) Voir : Gadeceau, loc . cit., III, p. 4. (*) Le crâne et les objets précités sont déposés au Musée archéologique de Nantes, auquel j’en ai fait don. i3) Le Gallen (R. P.), loc. cit., p. 465. (*) Ghasles de la Touche, loc. cit., p. 100. (3) Voir : Closmadeuc (Dr de), loc. cit. LES 'FORÊTS SUBMERGÉES DE BELLE-ILE-EN-MER 281) disparu par les empiétements résultant du défrichement des landes, ou sont en voie de disparition. 11 n’existe plus de dolmens dans lile, mais les historiens i Fig. 6 et 7. cités en ont connu trois, qui ont été détruits par le vandalisme des habitants. D’après Chasle de la Touche, les menhirs étaient nombreux : deux seuls ont échappé à la destruction. Ils sont situés sur les landes de Lanno et le P. Le Gallen croit qu’ils faisaient partie 290 E. GADECEAU d’un ensemble aujourd'hui disparu. Ils sont en schiste du pays et s’élèvent à 3 ni. 60 au-dessus du sol. Chasle de la Touche nous dit qu'il en a vu briser deux dont l’un nommé « Jeanne de Runélo » était de granit , avait 7 m. 86 de hauteur et « cubait un poids de 25.300 kilos » (sic) (1). On ne trouverait ce même granit, d’après notre historien, qu’à Pont-Aven, dans le Finistère, à 15 lieues du point d'érection. Ces deux menhirs ont été « stupidement détruits pour construire les murs de la cour de Ker Santel ». Les Forets de Belle île. — J’ai énuméré, dans mon Essai (2) les raisons qui permettent de penser que -File était autrefois cou¬ verte de bois. Elle est aujourd’hui complètement déboisée. Mais on voit, dans les vallons et souvent autour des villages, d’assez beaux Ormeaux (. Ulmns c.ampestris L.), des Frênes (Fraxinus excelsior L.) et la présence de ces arbres constatée dans les tourbes de Ster- Vras prouve qu’ils sont bien spontanés dans File. L’arbre qui résiste le mieux aux grands vents de mer est le Pin maritime ( Pinus Pinaster Soland). Un agriculteur émérite, J.-L. Trochu, père du général, a créé à Bruté un bois assez étendu de ces arbres à l'abri desquels il a pu élever un assez grand nombre d’essences (3). D’après lui, le Chêne réussit très bien sur les terrains de lande, pourvu qu'il soit abrité des vents de mer que cet arbre redoute encore plus que l'Orme (4). Les Forêts submergées. — M. Le Ray (3), auteur d’une très bonne histoire de Belle ile, les a signalées le premier. 11 écrivait : « Il y a peu d'années, des paysans du village de Borderri « (borde ou port des Chênes en breton ?), attirés un jour par « une basse mer de grande marée... rencontrèrent soudain dans « le sol ordinairement submergé, des souches d'arbres, restes « gigantesques qui y attenaient par des racines de la grosseur « d’un homme » (sic). L’auteur m'a écrit à ce sujet : « Je les ai examinés moi-même « vers 1880 et aidé d’un ouvrier, j’ai extrait une quantité de « fragments tous très friables .. Ces arbres sont orientés debout O Chasle de la Touche, loc. cit., p. 108. (*) Gadeceau, E., loc. cit., I, p. 3'l. (3) Gadeceau, Loc. cit., p. 45. Liste des arbres et arbrisseaux cultivés dans 1 ile à l’air libre (incomplète). (4) Trochu, J. L., loc. cit., p. 45 et 251. LES FORÊTS SUBMERGÉES DE RELLE-T LE-EX-MER 2'U « (. sic )... Depuis cette époque il y a eu, croyons-nous, un grand « mouvement de sable qui a recouvert tout cet endroit et rendu « les explorations extrêmement difficiles ». Cependant, le R. P. Le Gallen réussit, en 1900, à voir aux mêmes lieux, un tronc d'arbre planté solidement debout : « C’est une souche, écrit-il, dont le tronc de 50 à 60 centimètres « de diamètre a été coupé au ras du sol. A la pleine mer, cet arbre « est recouvert de 6 mètres d’eau et le niveau des prairies du « fond des vallons voisins est de 8 mètres environ plus haut « que le terrain où il est enfoncé, dans une couche de terre « glaise, avec ses racines noircies mais bien conservées (1)... ». « 11 se trouve placé juste en face de la pointe qui sépare les « deux petites anses de Deuborh et de Borderri, vers l’Est, à « environ 2 mètres du bas des rochers » (2). Le P. Le Gallen m’envoya un échantillon de cet arbre qui fut reconnu par feu M. Fliche, alors Directeur de l’Ecole Fores¬ tière de Nancy, pour un Chêne à feuilles caduques. M. Fliche me signalait la faiblesse des accroissements annuels, « particu¬ larité qui pouvait tenir à ce que les arbres auraient crû en mas¬ sif plein, formé de tiges de dimensions à peu près égales en hauteur et plus ou moins rapprochées les unes des autres ». (/est, ajoute-t-il, un état forestier qui a dû être très fréquent, le plus habituel même, avant l’intervention de l’homme. M. Ihil, depuis, a relevé, dans tous les échantillons d’arbres subfossiles de Ster-Vrasdes accroissements annuels encore beau¬ coup plus faibles. Malgré des tentatives réitérées, je n ai pu, pendant mes récents séjours dans l’ile, réussir à voir ces arbres in situ. Plus heureux que moi, mon ami M. Damon qui habite Sau- zon, a pu constater lors de la grande maréedu 13 janvier 1918, entre Borderri et Deuborh, la présence de nombreuses racines enchevêtrées, de branches d’arbres et d’un tronc enraciné debout dans la glaise. On trouvera ci-après le plan qu’il a dressé : l'emplacement probable du Chêne du R. P. Le Gallen y est indiqué, d après M. Deffée, pêcheur, témoin de la décou¬ verte. Le bloc tout entier, retiré du sol submergé sous 4 mètres d eau, à marée haute, m’a été adressé, dans une caisse, au (‘) Le Gallen K. P. Lettre du 15 avril 1900. (*) lbid,t Journal la Croix de Belle ile, 15 avril 1900. 292 E. GADEGEAU Légende de la fig. 8. Echelle : 1 mm. — 3 mètres. A. — Sable. B. — Sable et gravier. G. — Tronc, racines, branches dans l’argile, recouverte d’une très mince couche de sable fin. D. — Ligne de la marée du 11 avril 1918, qui était de 115 mètres et la haute mer de 4 mètres au point a. », a' . — Indiquent le départ des racines, prolongé jusqu’à la mer, mais qui vont certainement plus loin encore au large. Ces deux points», a ' servent de repère et déterminent où le pommier enraciné debout a été trouvé, au point P. Muséum de Paris. Ce bloc se composait d’une terre glaise, onc¬ tueuse, fortement micacée, englobant d’assez nombreux frag¬ ments de quartz non roulés, résultant de la décomposition de la roche sous-jacente (schiste séricitique), dont les morceaux appa¬ raissaient çà et là, intacts. Dans cette roche, des racines tor- PLAN DES ANSES DE DEUBOHH ET DE BOBDEBRI v- o à v R LES FORÊTS SUBMERGÉES DE BELLE-ILE-EN-MER tueuses, noires, de 6 à 8 centimètres de diamètre et plus, sont fortement encastrées. Le tout représente la souche d’un arbre debout, en place, solidement enraciné, dont le tronc pouvait avoir 30 à 40 centimètres de diamètre : bois très décomposé, champignonné, avec quelques galeries d insectes xylophages. Le dessus du bloc est saupoudré de ce sable de rivière, très fin, déjà mentionné. Ce sol ne contenait aucune graine etn'était pas surmonté de tourbe. L’arbre dont il s’agit a été déterminé par M. Thil comme Pommier (Pirus Ma/as L.). Il semble probable que, s'il nous avait été possible d atteindre le substratum de la tourbière submergée de Ster-Vras, nous aurions pu constater la présence d arbres enracinés dans 1 ar- gile^ comme ceux-ci, à un niveau inférieur à celui de la tourbe, mais nous y avons vu un certain nombre d’arbres couchés dans la tourbe et d’assez nombreux fragments d arbres et d arbris¬ seaux, lesquels, déterminés par M. Thil, sont venus augmenter la liste des bois précédemment déterminés par M. Gui. nier de Nancy (’). Ces arbres sont comprit dans la liste générale de la blorulé subfossile de Ster-Vras qui suit : Liste générale des espèces constatées dans les tourbes submergées de Ster-Vras. * Non constatées dans la Flore actuelle de File Hd. Hydrophytes = plantes aquatiques. 11g. Hygrophiles =: plantes des lieux humides. S. Silvestres = plantes des bois. N. Néolithiques (d’après Clément-Reid). Ratrachium aquntile . N Hd Ranunculus Sardous Crantz . Hg » repens L . N Hg Raphanus maritimus Sm . . .... Nasturtium officinale R. Br . Hg Silene gallica L . Ste/laria mpdia With . N Vitis vint fera L. (graine non mûre) . Linum angusli folium H uns . * Rhamnus Frangula L . N S Prunus spinosa L . N S l1) Gadeceau, E., loc. cit., 111. pp. \ et 7. 294 K. GADECEAU Rubus fruticosus L. . N S * Fr ag aria vesca L . S Potentilla Tormentilla Neck . N S * Pirus communis L. . N S * » Malus L . S * Myriophyllum smcatum L . .N Hd Hydrocotyle vulgaris L . N Hg Œnanthe peucedani folia Pollich . Hg » fistulosa L . Hg Sambucus nigra L . N S * Galium cruciata Scop . * » verum L . Sonchus oleraceus L . » asper All . * Lysimachia vulgaris L . Hg Anagallis tenella L . Hg Fraxinus excelsior L . ..N S Solanum Dulcamara L . N Hg » nigrum L . Mentha aquatica L . . . Hg * Lycopus europœus L . N Hg Teucrium Scorodonia L . S Ajuga reptans L . N Hg Chenopodium album L . . * » rubrum L . . Hg Atriplex patula L . N Polygonum aviculare L . N » Hydropiper L. . N Hg » Convolvulus L . Rumex Hydrolapathum Huds. . N Hg Ulmus campestris L. . . . S * Myrica Gale L . N Hg * Betula alba L . .... N S * A Inus glutinosa L. . N Hg * Corylus Avellana L . .... N S * Quercus ! sessiliflora Sm. ? . . N S Salix sp . • . .N Hg * Ceratophyllum demersum L . i . . N Hd Iris Pseudo-Acorus L . .N Hg Alisma Plantago L . . . N Hd » ranunculoides L . Hg * Potamogeton natans L . ; .... N Hd » polygonifolius Pourret . Hd * » perfoliatus L . N Hd » crispus L . N Hd * » obtusifolius M. K . . Hd * » pusillus L . . N Hd LES FORÊTS SUBMERGÉES DE BEL LE-ILE-EN-MER * » trichoides Cham . .... IM * » pectinatus L . N IM * » densus L. . . . . Hd Ruppia ! sp . ... N lld Zannicheilia repens Boen . Hd * » pedunculata Beich . . Hd * Naias major All . , . N Hd * Heleocharis uniglumis Lam . ... Hd * Scirpus lacustris L . . . N Hd » Tabernœmontani Gm . . Hd Car ex sp . Phragmites commuais Trin. . N Hg * Taxas baccata L. . S Pteris Aquilina L. . . N S Mousses : Fontinalis ! antipyretica ? L. Eurhynchium Swartsii (Turn ). B. S. ffyocomium flagellare (I)iks). B. S. . Drepanocladus fluiians |L.). Warnst. » exannulatus (Guemb.) Warnst » aduncus ( Sch.). var. pseudofluitans Senio. var. Kaeiffii B. S. La liste ne comprend que les seules espèces ayant pu être déterminées avec certitude. J'ai cru devoir éliminer celles qui figurent sur mes listes précédentes avec le signe (?) Il en est de même pour le Sonchus palus- tris L De nouveaux matériaux, nous conduisant à de nouvelles études sur ce point, ne nous ont pas montré une certitude absolue (M. Analyse de la floride sub fossile de S ter- V ras. — La liste que j’ai publiée en 1916 (2) se trouve portée à 70 espèces ayant pu être déterminées avec certitude, toutes espèces vivantes à notre époque dans la région, mais dont 28, pour la plupart Hydrophytes n'ont jamais été constatées par moi dans 1 île au cours des explorations poursuivies en toutes saisons, pen¬ dant plusieurs années, pour l’établissement de mon Essai de géographie botanique. Les échantillons de tourbe prélevés à la limite extrême des plus basses mer se sont montrés les plus riches en espèces {') Les coupes microscopiques de bois effectuées par M. Thil et les graines montées sur carton par Mme Eleanor Keid, qui ont servi à établir cette liste, sont déposées au Muséum National où l’on peut les consulter. (■) Gadeceau (E.), loc. cit., III, p. 7. 296 E. GADECEAU variées. Presque toutes celles de la fïorule y sont représentées souvent en bon nombre. Les espèces les plus abondantes dans les dépôts sont : Potamogeton natans L. ; Rubus fruticosus L. ; Alisma Plantago L. ; Ruppia sp. ; Naias major Ail. ; Myrio- phyllum spicatum L. ; A /nus glutinosa L. On remarquera particulièrement dans la liste générale : Potamogeton trichoides Chamisso. — Actuellement rare en Bretagne. Potamogeton obtusifolius M. K. — Très rare dans le Mor¬ bihan. Naias major All. — Actuellement inconnu dans le Morbihan. Ces déterminations, vérifiées par moi, font le plus grand hon¬ neur à Mme Eléanor Reid! Il faut aussi noter un assez grand nombre de Carex dont l’es¬ pèce n’a pu être déterminée avec certitude. Les arbres et arbrisseaux sont au nombre de 13. Ils peuvent donner lieu aux observations suivantes : Rhamnus Frangula L. — Bourdaine. Racine, tige, branches, graines. Chàsle de la Touche constate qu’on ne voit pas actuellement de Bourdaine à Belle-Ile où je ne l’ai jamais rencontrée moi-même. Cet arbrisseau est très répandu dans les tourbières plates boisées d’après G. Schmitz {toc. cit.). Prunus spinosa L. — Prunier sauvage. Tige, fragment, rameaux, graines. Pirus communis L. — Poirier sauvage. Tige ou rameau ! écorce extérieure? Pirus malus L. — Pommier sauvage. Un arbre debout à Deuborh ; graines à Ster-Vras. Le Pommier n’a pas été trouvé jusqu’ici dans les tourbes néolithi¬ ques. M. G. Reid écrit : « Quoique les Romains cultivassent à la fois « les deux espèces P. communis et P. Malus , toutes les graines que « j’ai vues des dépôts romains de la Grande-Bretagne, appartiennent « au P. Malus. » Fraxinus excelsior L. — Fr eue. Branche très comprimée. Ulmus campestris L. — Orme. Ecorce extérieure et écorce fibreuse ; fragment de bois. La présence de cet arbre dans ces tourbes néolithiques, prouve que LES FORÊTS SUBMERGÉES DE BELLE-ILE-EN-MER 297 contrairement à mes conclusions de Y Essai, l'Orme est bien spon¬ tané à Belle lie où il est actuellement assez répandu autour des villages. C'est donc avec raison que Chasle de la Touche le considé¬ rait comme l’un des demeurants du temps où l’ile était boisée. Myrica gale L. Graine. N’existe pas actuellement dans l’île, qui d'ailleurs n'offre pas de sta¬ tions convenant à cet arbrisseau, très répandu dans les marais tour¬ beux de l’Ouest de la France, souvent même dans les tourbières bom- • • bées à Sphagnum, Drosera, Oxycoccos , etc. Betula alba L. — Bouleau. ■ Fragment de branche ayant perdu une partie circulaire de son écorce ce qui lui donne l’aspect d’un bois travaillé. La variété pubescens, considérée par un bon nombre de botanistes comme espèce distincte est répandue dans les marais tourbeux, sur¬ tout dans les régions septentrionales. On ne peut préciser si l'échan¬ tillon de Belle- Ile appartient à cette variété. On voit quelques Bou¬ leaux plantés çà et là à Belle-Ile. Almjs glutlnosa L. — Aulne. Bois, branches, rhytidoriie, charbon à structure bien conser¬ vée, graine. Espèce très répandue dans les dépôts. N’existe pas actuellement dans l’île. Commune dans les dépôts néolithiques de l’Angleterre et de l’Ecosse et dans nos marais tourbeux actuels en France. D’après H. Potonjé, l’Aulne ne prospérerait que dans les tourbières plates boi¬ sées. Corylus Avellana L. — Noisetier. Tiges, bois, rameaux, éclats, fruits bien conservés. Suivant le P. Le Oallen, « de mémoire d’homme on n’a jamais vu un Noisetier à Belle-Ile ( loc . cit.) si ce n'est rarement dans les plan¬ tations. Abonde dans les dépôts néolithiques de toute la Grande-Bre¬ tagne. Quercus! SessilifloraSm. ? — Chêne Houvre. Arbre submergé à Deuborh. Tiges, branches, éclats de tiges à Ster-Vras, l une d'elle paraissant avoir été fendue transversalement; charbon à structure bien conservée. M. Thil penche pour l’espèce sessilijlora plutôt que pedunculafa en raison de la disposition et de la décroissance du diamètre des vais¬ seaux (Accroissements très faibles). 298 E. GaDECEAU Salix sp. — Saule. Fragment de bois; feuilles ? Taxu s baccata L. — If. Tige paraissant avoir été coupée avec un instrument tran¬ chant (16 accroissements au centimètre) ; assez bonne conser¬ vation, fentes peu nombreuses (Thil). La présence de l'If dans ces tourbes justifie l’opinion des botanistes qui, comme Croüan frères le considèrent comme spontané en Breta¬ gne ; j’en ai vu quelques baliveaux dans la forêt de Paimpont (Ille-et- Vilaine). Il se répand d’ailleurs assez facilement par les oiseaux qui mangent ses baies. D’après M. Guinier (foc. cit.) le bois de l’If était spécialement recherché dans l’antiquité pour faire des arcs. Actuellement, cet arbre ne se voit dans l’île qu’à Bruté où quelques pieds ont été plantés par Trochu. Commun dans les tourbes néolithiques submergées de la vallée de la Tamise, en Ecosse, Finlande, etc. On remarquera que, sur la liste des 70 espèces des tourbes submergées de Ster-Vras, 16 sont des espèces sylvestres (S. h D’après H. Potonié, il n’y a pas de grands arbres dans les tour¬ bières bombées (à Sphagnum ), de même que les Aulnes ils ne prospèrent que dans les tourbières plates (*). Outre les observations que je viens d’exposer, les quantités innombrables de feuilles superposées qui forment ces tourbes feuilletées, la faiblesse des accroissements constatée chez tous les arbres énumérés ci-dessus, montrent bien que nous sommes en présence de véritables forets et non de bois comme on l’a écrit (2). Influence de la salure. — La présence d’un certain nombre d'espèces habitant de préférence les eaux saumâtres nous indi¬ que que la mer n’était pas très éloignée. Telles sont les Potamogeton pectinatus L. ; Zannichellia sp. ; Ruppia sp. ; Scirpus Tabcrnæmontani Gmel. Cependant ces espèces ne sont pas des Halophytes exclusives, sauf peut-être les Ruppia , elles se contentent souvent d’eaux à peine salées, et même parfois d’eau douce. Nous savons que ces plantes des eaux saumâtres remontent fort loin, dans l'intérieur, â la faveur (») Potonié (H.), loc. cit., p. 46. (*) Bull. Soc. Géographie, t. XXXI, 1916-47, fasc. n° 3. LFS FORÊTS SUBMERGÉES DE BKLLE-ILE-EN-MKR 299 des cours d’eau. C’est ainsi que la Grande Brière, vaste tourbière plate, tout à fait comparable à celle qui nous occupe, située près de l'embouchure de la Loire, à environ 6 kilomètres de Saint-Nazaire, nous montre le long du cours du Brivet, qui la traverse, toute une série d’Halophytes exclusives mêlées à des Hydrophytes d'eau douce et que nous voyons le Polypogon monspcliensis Desf., que Contejean classe dans les maritimes exclusives, remonter la Loire par le canal maritime jusqu’aux Champs-neufs, à 29 kilomètres de l'embouchure, où la salure est à peine sensible. La tourbe de l’intérieur du vallon de Bortifaouen nous a / r fourni les mêmes espèces que celle de l’anse de Ster-Vras, en y ajoutant le Carex /lava L., et l'absence des Halophytes exclu¬ sives est ici d’autant plus remarquable que ce vallon se termine aujourd'hui, à la plage de Ster-Vras, par un petit marécage à Glyceria maritima Walh. ; G procumbens Dum. ; Triglochin 'maritimum L. ; Suæda maritima Dum. ; Salicornia herbacea L. Espèces rudérales. — Quelques espèces, qu’on trouve actuel¬ lement plus ou moins dans le voisinage de l’homme : Stellaria media Vitu. ; Sonchus oleraceus L. ; S. asper Vil. ; Solarium nigrum L. ; Chenopodium album L. ; Atriplex patula L. ; Poly- gonum aviculare L. etc., ont dû être amenées par le cours d’eau ou par les oiseaux. La présence de ces espèces rudérales vient s’ajouter aux autres indices de la présence d’un homme ayant acquis un commencement d’industrie. Faut-il faire état d’une seule graine de raisin non mûre ? Vitis viniferah ., ou bien n’y voir qu’une introduction acciden¬ telle dans les dépôts ? Nous devons rappeler cependant que M. C. Bfid a déjà relevé la présence de graine de raisin. dans la tourbe littorale du Croisic, étudiée par M J. Welsch(!). Prédominance des Hydrophytes. — La liste générale com¬ prend 20 Hydrophytes absolus (dont 9 espèces de Poiamoge - ton), et 21 Hygrophiles. Absence des espèces méridionales. — M. Clément Reid, avec sa grande expérience de ce genre de recherche, signale l’intérêt que présente l’examen de dépôts au travers desquels circulent des eaux courantes. « Ces cours d’eau apportent non seulement (’) Welsch, toc. rit., II, p. 211. 300 E. GADECEAU \ « les graines des plantes aquatiques et de marais qui vivaient « sur les lieux, mais aussi une variété de plantes des lieux secs « et d’arbres qui croissaient sur les rives sablonneuses ou rocail- « leuses surplombant le lit de la rivière. Ils apporteront aussi « des graines de nombreuses espèces croissant quelque peu plus « loin et qui furent transportées parles oiseaux ou tombées des « branches surplombantes, ainsi que des graines ailées dissé- « minées par le vent » (1). Telles sont ici les Rubus frutico- sus L. ; Solarium dulcamara L. ; Teucrium Scorodonia L. ; Poly- gonum H ydropiper L. ; Nasturtium officinale , L., etc. D’autres, venues de l’intérieur du vallon par la même voie : Ranunc ulus sardous Crantz ; Ranunculus repens L. ; Silene gallica L. ; Linum angustifolium IIuds. ; Œnanthe peucedani folia Pol lich ; Galium cruciata Scop. ; G. vemm L. ; Ajuga replans L. ; Polygonum Convolvulus L., etc. Gomment n’être pas frappé de l’absence complète, dans ces dépôts où elles auraient dû arriver par la même voie, de toutes les espèces méridionales et même méditerranéennes actuelle¬ ment vivantes à Belle-Ile, énumérées au nombre de 54 dans mon Essai (p. 11b). N’y a-t-il pas là une preuve du changement de climat survenu postérieurement à l’époque des tourbières ? Je rappellerai seulement ici les plus remarquables de ces espèces. Celles précédées du signe -h trouvent actuellement à Belle- Ile leur extrême limite Nord: Malva nicæensis Càv. ; Lavatera arborea L. ; Erodium mala- coides Willd; -f- Medicago littoralis Rhode ; Trifolium suffoca - lum L. ; Lotus parviflorus Desf. ; Vicia bithynica L. ; Scoly- mus hispanicus L. ; -f- Tolpis umbellata Pers. ; Crépis bulbosa Tausch. ; -j- Cuscuta Godronii Desm. ; -f- Linaria commutata Bernh. ; Eufragia lati folia Gris. ; Trixago Apula Stev. var. bico- lor DG. ; Asterolinum stellatum Hffg. ; Euphorbia Peplis L ; Scirpus Holoschœnus L. ; Adiantum capillus-veneris L. L’ensemble de la Flore subfossile est septentrionale, quoique 'nullement arctique. Elle concorde bien avec le pauvre assem¬ blage que M. Reid trouve odinairement dans les Forêts submer¬ gées du Sud de l’Angleterre (2). Elle correspond aussi, assez (*) Reid (Clément), toc. cit., 1, p. 49 (*) Ibid., toc. cil., II, p. 104. F. RS FORÊTS SUBMERGÉES DE BELLE-ILE-EN-MER 301 bien, aux espèces relevées par MM. J. Welsch et Cl. Reid dans les autres dépôts de tourbe littorale de l’Ouest de la K rance. Mousses. — M. Dixon a bien voulu examiner les débris de mousses, souvent infimes, recueillis dans les tourbes de Ster- Vras. Voici le résultat de ses intéressantes observations : Mme El. Reid m’écrivait : « Il y a une mousse dont les tiges « sont coriaces 'et comme métalliques et montrent très rare- « nient des feuilles y attenant encore. Cette mousse apparaît « en très grande abondance dans presque tous les dépôts et « dans plusieurs cas emmêlée au matériel de telle façon qu'il « est difficile de l'en extraire. » Fontinalis ! antipyretica L ? M. Dixon a pu rapporter la mousse dont il s’agit au genre Fontinalis , genre tout à fait aquatique et il lui semble à peu près certain qu elle appartient au F. anti- pyrelica, espèce qui croit dans les fleuves, les ruisseaux, les lacs et les mares, « jamais dans les étangs ou dans les tour¬ bes ». Les débris recueillis consistent en une foule de tiges noi¬ res. un peu ramifiées, raides, coriaces, montrant de faibles tra¬ ces de feuilles espacées, décurrentes. Toutefois, çà et là, quel¬ ques feuilles suffisamment entières, à la base seulement, ont permis d’établir leur identité avec le genre Fontinalis. Eurhynchium Swartzii (Turn.) ; B. S. N'est nullement une espèce des tourbes ni des étangs, mais des haies, des prés humides. Elle se trouve pourtant ici dans les échantillons de tourbe pré¬ levés à la limite des plus basses mers. Hyocomium flagellare (Diks.) B. S. Cette espèce ne croît jamais dans les eaux calmes ou stagnantes, mais toujours dans les eaux torrentielles, attachée aux rochers siliceux, parfois simplement sur des rochers arrosés par des suintements ; d’après M. Dixon, c’est une mousse d’une distribution plutôt limitée, confinée de l’Ouest de la Norvège à l’Espagne et Portugal et de la Grande-Bretagne à la Bavière. Dhepanocladus fluitans (L.) Warnst. Mousse des mares et des étangs ; assez répandue à Ster-Vras dans les différentes zones de tourbe, depuis la limite des plus basses mers, jusque dans l’intérieur du vallon de Bortifaouen. Drepanocladus exannulatls (Gucmb.) VVarnst, détermination presque certaine. Mousse des tourbes et des étangs. Drepanocladus aduncus (Sch.), var. pseudo- fluitans Senio et 302 E. GADECEAÜ var. Kneiffii B. S. Cette espèce habite le bord des mares, des étangs. En résumé, à l'exception de Y Eurhychium Swarlzii , il y a là un ensemble de mousses aquatiques ou tout au moins hygro- philes, trahissant la présence d'un cours d'eau probablement à régime torrentiel, devenu peut-être en vertu de quelque vague tradition : Ster-Vras (la Grande-rivière). Ce cours d'eau traver¬ sait la tourbière boisée et formait çà et là des mares, . des étangs, plus ou moins étendus et plus ou moins profonds. Diatomées. — Les Diatomées, examinées par M. le Dr Forti, de Vérone, appartiennent pour la plupart aux genres Pinnu- laria et Epithemia ; il y a aussi des spiculés de Spongiaires. Euspongella lacustris ; le tout appartient aux formations typi¬ ques d'eau douce. Insectes. — Malgré l’état très incomplet des échantillons d’insectes que je lui ai communiqués, M. P. Lesne Assistant au Muséum National, a pu déterminer 19 espèces qui sont : Platysma nigrnm Schall ; Pseudophonus ruficornis Fr. ; Ily- bins sp. ; Dy tiens punctidatus F. ; Gyrinus bicolor F. ; Gy r inus suff'riani Scriba ; Limnoxenns oblongus Herbst ; Cyclonotum or bicu lare Fr. ; Hister quadrimaculàtus L. ; Ontophilus sulca- tus F. ; Apion æneum F. ; Dorcadion fnliginator L. ; Donacia clavipes Fr. ; Donacia poliia Kunze ; Sis y p tins Schœ/Jeri L. ; Onthophagus ovatns L. ; Ontkophagus nuchicornis L. ; Ontho- phagus vacca L. ; Geotrypes ! pyrenœus Cliarp. ? Cette liste comprend une série d'espèces appartenant, pour la plupart, à l’ordre des Coléoptères. On y voit 8 espèces aqua¬ tiques qui fréquentent exclusivement les eaux douces et notam¬ ment les eaux stagnantes (. Limnoxenns , îlybius , etc.). Parmi ces espèces, les Donacia sont des phytophages inféodés aux Phanérogames aquatiques. Le Donacia clavipes vit à l’état de larve sur le Phragmites commuais. Les 11 autres espèces sont purement terrestres, épigées à l’état adulte ( Platysma , Pseudo¬ phonus , Dorcadioiï), saprophiles ( Ontophilus ) ou coprojDhiles (Sisyphns, Ontophagus , Geotrypes , Hister). La présence du Dorcadion fnliginator et celle d’un nombre relativement important d’espèces coprophages, impliquent l’existence dans ces lieux de Mammifères herbivores. M. Lésiné soupçonne que les débris de plusieurs des espèces terrestres LES FORÊTS SUBMERGÉES DE RELLE-fLE-EN-MER 303 doivent provenir d’excréments d’oiseaux. Les Chrysomèles du genre bonacia se présentent comme des races chromatiques actuellement éteintes L Au point de vue de la modification des faunes le cas omes aux dépens du Nucléole : « Solche Vorgàngen bieten wolg keine theoretiscben Schwierigkeiten, sobald man nicht gerade das Cbromatin als Verer- bungstràger in Chromosom ansieht ». 364 A. B ASTI \ s’imprégnaient de l’idiochromatine en réserve dans le caryosome et celui-ci contribuait de la sorte à la nutrition des chromo¬ somes. / Mais les colorations différentielles présentent trop d'irrégula¬ rités pour qu’on leur attribue une signification aussi précise. Au reste elles manquent parfois chez des espèces où le caryo¬ some intervient partiellement dans la cinèse initiale. De plus, chez Monocystis ayihs où la chromatine englobée par le fuseau est d’origine uniquement caryosomienne, il n’y a pas lieu de tenir compte de la distinction entre les deux sortes de chromatine (v. pl. VII du mémoire de Hesse, 09). Les différentes modalités de la première cinèse reconnaissent donc une autre origine. Je suis convaincu que c’est la quantité initiale de chromatine contenue dans le noyau primitif qui déter¬ mine la modalité selon laquelle se fera la première mitose. Ainsi les grégarines qui possèdent un noyau volumineux auront toujours une mitose du type I ou IV (ce dernier ne diffère d’ailleurs du type I que par la façon dont naît le fuseau) ; les grégarines qui possèdent un noyau de dimensions moyennes auront une mitose du type II ou III ; et les grégarines dont le noyau contient à peu près la quantité de chromatine nécessaire à la constitution des chromosomes auront une mitose dn type V. Si maintenant deux types se rencontrent chez une même espèce c’est dû à ce qu’au moment de l’accouplement, les trophozoïtes peuvent posséder un noyau dont la réserve chromatique est plus ou moins grande. A l’appui de cette explication, quelques exemples : Chez Pterocephalus nobilis , le noyau encore intact des Syzy- gites a un diamètre variant entre 40 et 100 g ; dans une des figures de Léger et Duboscq (09) le noyau a un diamètre de 45 g; dans la ligure qui représente l’approche de la cinèse, le micro¬ noyau a un diamètre de 7 g ; il est donc 250 fois plus petit que le noyau initial. Chez Geneiorkynchus , le noyau initial a un diamètre variant entre 80 et 90 p. (Galtzoff). Chez Monocystis rostrata , Mulsow retrouve la section du noyau primitif dans 10 à 12 coupes de 7 1/2 g ; le noyau a donc un dia¬ mètre variant entre 75 et 100 y ; le fuseau de la première cinèse GRÉGARINES MONOC YSTIDÉES 365 est petit et englobe des chromosomes qui représentent une infime portion de la quantité initiale de chromatine contenue dans le Nucléole. Chez Diplocystis, Cuénot (01) (fig. 27-34) dessine un noyau initial dont le diamètre est d’environ 80 p ; quoi d étonnant à ce que la première mitose se réalise aux dépens d’un micronoyau ! Chez Monocystis magna , le noyau initial est de dimensions moyennes ; le fuseau est intranucléaire mais n’englobe qu’une partie de la chromatine. Chez Monocystis agilis , je retrouve ordi¬ nairement le noyau initial dans deux coupes de 7 1 /2 p. ; aussi le fuseau intranucléaire englobe-t-il des chromosomes d origine exclusivement caryosomienne. En terminant ces considérations d’ensemble sur la première cinèse, je voudrais attirer l’attention des cytologistes sur un point particulièrement difficile à interpréter. On a vu que chez M. agilis les premiers chromosomes nais¬ sent de la juxtaposition de particules chromatiques issues du caryosome (fig. 8-10) ; comment expliquer que ce procédé donne toujours naissance à huit chromosomes ? S il y avait un réseau nucléaire dans le noyau primitif, 1 on pourrait croire que les chromosomes distincts de la prophase sont le résultat de l'homogénéisation des chromosomes réticulisés du noyau quiescent (Grégoire et Wygaerts, 03). Mais comme ce n est point le cas, cette explication doit être écartée. Le fait reste à expliquer. S. Les einèses rédactionnelles Des phénomènes très variés ont été décrits comme réducteurs chez les Grégarines. Sikdlecki et à sa suite beaucoup d’auteurs interprétèrent comme une véritable réduction la constitution de la première ligure mitotique aux dépens d’une minime partie du noyau primitif. Brasil (0o/>), de son côté, considérait comme phénomène réducteur la succession sans intervalle de repos des deux pre¬ mières divisions chez les Monocystis du Lombric. Ces interprétations sont rejetées depuis que chez certaines 366 A. BASTIN espèces de Grégarines des réductions avec figure mitotique ont été décrites dans les gamètes avant la copulation. Paehler (04), confirmé par Schnitzler (05), a figuré dans les gamètes de Clepsidrina ovata l’élimination d’un grain chroma¬ tique par l’intermédiaire d'une « caryocinèse typique » à la périphérie du gamète. Les dessins de ces auteurs n’ont rien de convainquant. Léger (07) a décrit chez Ophryocy.stis mesnili un cycle évolutif particulier. Parmi les noyaux-fils provenant de la première divi¬ sion au sein du kyste, l’un cesse de se diviser : c'est le noyau somatique ; l’autre se divise encore une fois : c’est le noyau ger¬ minatif. Des deux noyaux issus de sa division, l'un dégénère : c’est le noyau de réduction ; l’autre s’entoure de protoplasme et le gamète est ainsi constitué. Léger croit à une réduction vérita¬ ble parce que dans les noyaux issus de la première cinèse il y a huit grains chromatiques, tandis que dans les noyaux issus du noyau germinatif il n’y en a plus que quatre. Les deux gamètes s’accouplent et dans le sporocyste unique il se formera huit spo- rozoïtes par le procédé ordinaire. • Dans les gamètes d’une Clepsidrine, Gregarina munieri , Léger et Duboscq (09) ont décrit deux cinèses réductionnelles. Voici la succession des phénomènes : avant la réduction, la chromatine du noyau se tasse en un gros amas central simulant un caryosome ; la première division de cet amas chromatique donne deux éléments à peu près égaux ; le premier noyau expulsé forme un fuseau externe de chromatine et se divise souvent encore une fois, tandis que le noyau resté à l’intérieur du gamète subit une nouvelle division, mais cette fois inégale. Le gamète est prêt pour la copulation. La ressemblance que présentent ces divisions intragamétiques avec ce qui se passe dans l'œuf des métazoaires est trop évidente pour que les auteurs sus- nommés n’aient pas songé à y recon¬ naître une véritable réduction. Mais, je l’avoue, les figures dessi¬ nées par les savants professeurs de Grenoble et de Montpel¬ lier ne me convainquent pas. Il n’en est pas de même des cinèses réductionnelles dessinées par Mulsow (1911) chez M. rostrata. A l’anaphase des cinèses précédant immédiatement la formation des gamètes, Mulsow voit toujours quatre chromosomes ; à l’équateur il voit huit chromo- GRÉGARINES MONOCYSTIDÉES 307 somes, mais pas quatre doubles. Il conclut de cette disposition que la réduction doit se faire peu avant l’anaphase et il suppose que les huit chromosomes ne se clivent pas, mais restent intacts, quatre allant vers un pôle, quatre vers l'autre pôle. Mulsow n'a pu préciser si la réduction se fait en deux étapes, celle qu’il décrit pouvant être la première ou la deuxième de ces étapes. Seule la numération des noyaux eût pu trancher cette question ; mais je conçois qu’elle soit très difficile, sinon impossible, dans des syzygites qui donneront naissance à plus de mille gamètes. Chez M. agi lis, où cette numération est possible, j’ai pu éta¬ blir que la réduction se fait en deux étapes. Bien que je n'aie pas observé le détail du phénomène, je crois qu’il y a lieu.de sup¬ poser que ces étapes sont identiques à celles que l’on rencontre chez les plantes et les animaux; la première cinèse serait hété¬ rotypique, la seconde homœotypique. Les noyaux de la figure 26 ne montrent pas le synapsis des chromosomes ; ceux-ci paraissent être encore au nombre de huit. Cependant le synapsis doit avoir lieu puisque l'anaphase de la 7° cinèse montre toujours quatre chromosomes. L'interprétation de Mulsow simplifie trop le phénomène ; au reste, dans sa fîgure 46, il dessine à la métaphase, huit chromosomes disposés en quatre groupes de deux chromosomes de même forme, ce qui indique que la séparation des chromosomes primitivement accollés vient de se produire. La figure 27« de mon mémoire montre égale¬ ment cette séparation, mais comme il ne m’a pas été possible de suivre le kyste dont j’ai tiré ce dessin, je ne puis dire si l'on a affaire ici à la cinèse hétérotypique ou à la cinèse homœoty¬ pique. Je n’ai jamais observé la succession. sans intervalle de repos des deux étapes de la réduction; au contraire, la présence, à la périphérie, de noyaux de dimensions différentes établit qu’il y a une reconstitution du noyau après la cinèse hétérotypique ; semblables cas sont connus chez les animaux et chez les végé¬ taux. Conclusion Dans son travail sur les monocystidées des Oligochètes, Hesse se plaint de la difficulté que fon éprouve à discerner les kystes 368 A. BASTIN - variés que 1 on voit sous le microscope. Pour remédier partiel¬ lement à cette difficulté, je résumerai en quelques lignes les caractères cytologiques des kystes de monocystis agilis. ci) Les kystes ont un diamètre moyen de 100 à 120 p., b) Dans les syzygites, les chromosomes de la première cinèse, au nombre de huit, sont d'origine caryosomienne ; à aucun moment il n’y a un peloton chromatique continu. c) Le fuseau, d’origine intranucléaire, est hiconique et englobe tout le noyau. d) Il y a huit cinèses de multiplication, mais les deux der¬ nières sont réductionnelles. e) Les gamètes identiques dans les deux syzygites mesurent 8 p de long sur 5 g de large. f) Les spores mesurent 21 à 22 g de long sur 8 g de large. APPENDICE Dans un certain nombre de préparations j’ai rencontré des ' kystes appartenant à des espèces autres que Monocystis agilis. Je n'ai point l’intention d’en faire l'étude, je signale simplement quelques-unes de leurs particularités. La figure 35 représente le début de la sporulation dans un kyste propre à une espèce qui doit être rare chez les lombrics que j'ai examinés. Je n'ai vu que deux kystes de ce genre par¬ venus à ce stade de développement ; ils ont environ 200 p. de diamètre. Dans clés kystes mûrs de même diamètre, les spores mesuraient 25 p. de long sur 10 g de large (v. fîg. C). Les testi¬ cules du lombric qui m’a fourni ce matériel montraient à la dis¬ section, outre un certain nombre de monocystis variés où M. agilis dominait, quelques nématocvstis visibles à l’œil nu sur le porte- objet. Il se peut que le kyste de la figure 35 soit le produit de’ raccouplement de deux nématocystis. Les figures 36-39 sont extraites d'un syzygite à huit noyaux. Ce syzygite fixé au moment où s’effectuait la quatrième cinèse de multiplication en montre avec une netteté exceptionnelle les étapes les plus importantes. La figure 36 est particulièrement intéressante puisqu'elle four- GRÉGARINES MONOCYSTIDÉES 369 nit un document qui m’a manqué chez M. agilis : l’apparition du centriole unique contre la membrane nucléaire. ' La figure 37 est une étape un peu plus avancée do la pro¬ phase ; elle démontre clairement l’origine du cône: En outre, on voit que les chromosomes, encore épais et rugueux au moment de l’apparition du centriole, se sont amincis en se concentrant et ont pris des contours lisses. La figure 38 représente la métaphase en section équatoriale. Les chromosomes en forme d'anses sont en train de s’orienter au centre du fuseau. Il n’y a pas apparence de clivage longitudinal ; cela n’implique pas nécessairement que les chromosomes soient encore intacts ; il se peut que la fente de clivage reste invisible aussi longtemps que les chromosomes ne subissent pas l’effet de la traction exercée par les fibres fusoriales par suite de l’écarte¬ ment des centrioles au début de l’anaphase. La ligure 39 est un exemple typique d’anaphase. La Grégarine qui fournit ces kystes a donc une évolution comparable à celle de M. agilis : cinèses multiplicatives à huit chromosomes, apparition du fuseau par un processus identique, disposition précoce des noyaux à la périphérie. Je ne sais si la première cinèse se fait aux dépens de tout le noyau primitif ou seulement d’une partie de ce noyau préalablement expulsée dans le cytoplasme des syzygites. La persistance de gros grains Karyosomiens dans le syzygite supérieur de la figure 35 n’est pas à invoquer comme une preuve certaine en faveur de la seconde hypothèse ; cette persistance peut s’expliquer par la pré¬ sence d’un excès de chromatine dans le noyau primitif. C’est ainsi que chez M. agilis on voit parfois au centre du premier fuseau quelques grains de chromatine non utilisée pendant la formation des chromosomes ; lorsque se produit la déchirure du fuseau, ces grains sont émis dans le protoplasme où ils se dis¬ soudront lentement. * Ce qui distingue assurément l'espèce qui a donné les kystes dont je viens de parler, c’est son fuseau dolioliforme avec cen¬ trioles enfoncés dans chacun des pôles à la façon de la mouche d’une pomme ; ce n’est qu'à la lin de l’anaphase (fig. 38) que l’enfoncement du centriole disparaît ; le pôle devient alors arrondi. Une autre espèce de kystes rencontrée dans mes préparations 370 A. BASTIN est caractérisée par la présence de noyaux dans toute Tépaisseur des syzygites. Les noyaux sont très petits et très nombreux ; les cinèses se succèdent certainement un nombre de fois beaucoup supérieur à huit; elles ressemblent àcelles que Buasil (Ooô) attri¬ bue aux kystes évoluant suivant le type I (sa fig. 18) ;• Hoffmann (09) a aussi figuré des cinèses de ce genre (ses fig. 23-33) et les attribue à M. herculea. Le trophozo'ïte qui produit ces kystes est un peu plus grand que celui de M. agihs ; malheureusement je n ai pu le déterminer dans les coupes où il avoisinait les kystes propres à son espèce. Le fuseau des cinèses de multiplication de cette monocystidée a la même origine que celui des espèces précédentes, seulement les centrioles ne vont pas se placer l'un en face de Lautre aux extrémités d’un même diamètre ; ils envoient des radiations dans le noyau alors qu’ils se trouvent encore du même côté par rap¬ port au plan de symétrie qui passerait par l’axe du noyau. Il en résulte que le fuseau qu'ils produisent est asymétrique ; aussi, il n'est pas rare de voir à la fin de l’anaphase des fuseaux ouverts d’un côté semblables à ceux que Léger et Duboscq (09) ontfigurés (fig. 21-22) chez Nina gracilis. Les centrioles sont souvent dou¬ bles à ce stade ; dès leur apparition, ils sont toujours pourvus de magnifiques radiations astériennes. Dans les noyaux en division, la chromatine parait pulvérisée ; en aucun cas je n'ai reconnu de vrais chromosomes. Les kystes appartenant à cette espèce ont un diamètre moyen de 100 à 120 p ; les spores qu'ils contiennent sont très nombreu¬ ses et mesurent 14 p de long sur 5 1/2 p de large. • Au cours d’une dissection exécutée le 12 mai 1916, j’ai observé dans le cœlome d’un lombric, à proximité des organes génitaux, un groupe de Monocystis herculea Bosanquet. Ces grégarines arrondies, d'un blanc laiteux, mesuraient environ 1 mm. 1/2 de diamètre. Le 18 mai, je recueillais au même endroit, chez un autre lombric, des kystes dont le diamètre variait entre 1 et 2 millimètres ; ceux que j’ai fixés se trouvaient à trois stades de leur développement : a) Les uns présentaient un stade avancé de la multiplication des noyaux; dans les deux syzygites, le cytoplasme était découpé , ' % « PLANCHE V MONOCYSTIS AGILIS Figures 1 à 11 ; 13 à 17 ; 19, üü : 27 a 34 EXPLICATION DES PLANCHES Toutes les figures ont été dessinées à la chambre claire au niveau de la platine du microscope. Je me suis servi de l’objectif à immersion de Koristka, 2 mm. A l’exception des figûres 17, 24 «, b , e, 26, 27 a et c provenant de maté¬ riel fixé au liquide de Bonin, toutes les figures proviennent de matériel fixé au liquide de Brasil. EXPLICATION DE LA PLANCHE V(») Monccystis agi lis Fig. 1. — Extrémité antérieure du trophozoïte montrant le mucron, les stries épicytaires et la zone hyaline ; X 833. Fig. 2. — Jeune trophozoïte dont le caryosome primitif a bourgeonné; X 1.000. Fig. 3. — Noyau de trophozoïte : émission par le caryosome de grains dans la cavité nucléaire; X 2.250. Fig. 4. — Trophozoïte ; bourgeonnement du caryosome ; X 500. Fig. 5-7. — Apparition des chromosomes aux dépensdu Karyosome par voie de bourgeonnement; fig. 5; X 666 ; fig. 6-7 ; X 750. Fig. 8-9. — Apparition des chromosomes aux dépens du caryosome par voie de dissolution progressive; fig. 8; X 750 ; fig. 9 ; X 1-000. Fig. 10. — Apparition des chromosomes aux dépens du caryosome par les deux procédés à la fois ; X 2.250. Fig. 11. — Prophase et première c.inèse; X 750 ; Fig. 13. — Première cinèse ; X 1.000. Fig. 14. — Début de la première cinèse; stade intermédiaire entre la prophase et la métaphase ; X 2.250. Fig. 15. — Début de Fanaphase de la première cinèse: X 2.250. Fig. 16. — Première cinèse : début et fin de l’anaphase ; X 1.000. Fig. 17. — Syzygite inférieur : télophase de la première cinèse; syzygite supérieur; prophase et métaphase ; X 1.500. Fig. 19. — Prophase dans un syzygite à quatre noyaux; X 2 250. Fig. 20. — Apparition précoce du cône d’attraction chez un noyau de reconstitution après la première cinèse; X 2.250. Fig. 27 a , b.c. — Dernières cinèses à quatre chromosomes anaphasiques ; X 2.250. Fig. 28. — Gamètes à la surface des syzygites dont le protoplasme contient des grains de paramylon ; isogamie ; X 1.500. Fig. 29. — Différents aspects des gamètes : X 1.500. Fig. 30 — Transformations successives du gamète ; X 2.250. Fig. 31 . — Gamètes dont le noyau a subi un étirement considérable ; X 2.250. Fig. 32. — Copulas et syncarion ; X 2.250. Fig. 33. — Copulas et syncarion : autre aspect; X 2.250. Fig. 34. — Différents aspects du sporoblaste ; X 2.250. (‘) Les chiffres des dessins indiquent leur place dans la sériation morphologique. LIBRARY OF THE UNSYERSITY OF ILLINOIS Bulletin Biologique, Tome LUI Bastin, ad. nat. del. MON Planche V lmp. L. I .a fontaine. TI S LIBRARY OF THE UNIVERS1TY OF ILLINOIS » V . ' / I PLANCHE VI AUTRE MONOCYSTIDÉE DU LOMBRIC Figures 12 ; 18 à 26 ; 35 à 39. EXPLICATION DE LA PLANCHE VI Monocystis agilis Fig. 12. — Prophase et première cinèse ; X 1-000. Fig. 18-25. — Phases successives d’une division quelconque de multiplication ; X 2.250. Fig. 18. — Noyau de reconstitution après la première cinèse. Fig. 21. — Fin de la prophase et cône d’attraction dans un syzygite à dix-huit noyaux. Fig. 22. — Dédoublemént des cônes ; tension et amincissement de la membrane nucléaire. Fig. 23. — Irradiations astériennes. Fig. 24 a et b. — Fuseau intranucléaire chez un noyau de reconstitution après la première cinèse. Fig. 24 c. — Idem., dans un syzygite à dix-huit noyaux. Fig. 24 d. — Allongement du fuseau et étirement de la membrane nucléaire. Fig. 24 e et f. — Disparition de la membrane nucléaire. Fig. 25. — Fin de l’anaphase et torsion du fuseau dans ün syzygite à trois noyaux. Fig. 26. — Noyaux de 7e et 8e générations ; X 2.250. Fig. 35. — Kyste évoluant (tous les noyaux sont dessinés au même niveau) ; X 666. Fig. 36-39. — Différentes étapes d’une cinèse de multiplication dans un même syzygite ; X 2.250. Fig. 36. — Prophase. Fig. 37. — Prophase et cône attractif ; étirement de la membrane. Fig. 38. — Plaque équatoriale en vue polaire. Fig. 39. — Anaphase. JÜBPARY OF THE UfilVEHSITY OF ILLINOIS Bulletin Biologique , Tome LUI Bustin, ad. nat. del Planche VI lrap. L. Lafontaine. Y S T I S > ÜBRÂKY Of THE UN1VERSITY ÜF ILLINOIS GRÉGARINES MONOCYSTIDÉES 371 et les noyaux minuscules et très nombreux se trouvaient a la périphérie des îlots cytoplasmiques. b) D'autres étaient arrivés au stade de la libération des gamètes ; ces derniers, isogames et arrondis, ont un diamètre de M \ O o a o p. c) D’autres enlin étaient remplis de milliers de spores mesu¬ rant 18 fji de longueur sur 6 p. de large (’). De cette observation, je conclus que la grandeur des spores est indépendante de la grandeur du trophozoïte adulte ; elle dépend, au contraire, du nombre de divisions que subit le noyau primitif avant la iorma- tion des gamètes. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE Par le lait de la guerre la publication de ce mémoire, fruit de recherches exécutées en 1915 et en 1916, a été retardée. Gela explique que l’index bibliographique que Ion va lire ne mentionne aucun travail postérieur à 1913. La Bibliothèque nationale de Bruxelles a continué de recevoir les Archiv. fur Protistenkunde ; de 1914 à 1917, je n’y ai rien trouvé qui se rapportât à l'objet de mon étude. J ignore tout a lait ce qui a (de public, en Angleterre et en France; en ce dernier pays, les laboratoires de Gaen et de Grenoble, de Montpellier et de Nancy' fournissaient chaque année de nou¬ veaux documents concernant les Grégarines. Berndt (A.), 190-2. — Beitrag zur Kenntnis der im Darme der Larve von Tenebrio molitor lebenden Gregarinen. Archiv fur Protistenkunde , Bd. I, p. 375-420. Bosànquet (W.-C ), 1894.- Notes on a Gregarine of the Earthworm (L. her - culeus). Quart. J of. micr. oc., t. XXVI. Brasil (L.), 1905 a.— Recherches sur la reproduction des Grégarines mono- cystidées. Arch. Zool. exp et gén., 4e série, t. III, p. 17-38. — 1905 b. — Nouvelles recherches sur la reproduction des Grégarines monocystidées. Arch. Zool. exp. et f/en., 4*1 sérié, t. 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