NS A re Des 2 CARS 57 es \ BULLETINS L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, J PE , _ LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. n—-- < REX. 1 MMM M BULLETINS fi AS } | L'ACADÉMIE ROYALE SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. TOME XX.— Jr: PARTIE. — 1853. BRUXELLES, M, HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE. 1855. ‘To 503! \j cf A pi mi 1. ' RL rrÉ # CARE } QAR ETC TOR ave El säb 19 se SEINE æ, BULLETIN DE . à L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1853. — N° 1. À EE CLASSE DES SCIENCES. Séance du 8 janvier 1855. M. Sras, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, De Hemp- tinne , Crahay, Wesmael, Martens, Dumont, Morren, Stas, De Koninck, Van Beneden, De Vaux, Edm. de » Selys-Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Gluge, Schaar, - Melsens, membres; Sommé, associé; Liagre, correspon- dant. M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste | à la séance. Tome xx. — [°° PART.  LE CORRESPONDANCE. “ I! est donné communication de lettres de l’Académie impériale de médecine de Paris, de la Société de physique de Francfort, de la Société linnéenne de Normandie, de la Société royale des sciences d'Upsal, de l'Observatoire de Washington et de l'École polytechnique de France, au sujet de la réception des mémoires de la Compagnie. — L'Institut des provinces de France fait connaître que le Congrès des Sociétés savantes des départements ouvrira sa session de 4855, le 20 janvier prochain, à 2 heures, dans les salons du Palais Royal à Paris. — La classe est informée qu'il vient de se former à Cherbourg une Société nouvelle pour les sciences natu- relles. M. Liais, secrétaire de cette société, annonce le prochain envoi des premières livraisons des mémoires. — M. le secrétaire perpétuel dépose différents docu- ments manuscrits qu'il a reçus, savoir : 4° Observations des phénomènes périodiques des plantes faites, en 1852, à Dijon, par M. Moreau. 2° Des observations semblables faites à Vught, près de Bois-le-Duc, par M. Martini Van Geffen. 5° Observations des phénomènes périodiques des ani- maux et des plantes faites en 1852, à Namur, par M. Bel- lynck (1). (1) M. Bellynck fait remarquer qu'il s'est glissé une erreur de date dans l'impression des observations du 21 mars 1851, dans les Hémoires de l’Aca- déme : c'est celte date qu'il faut lire et non le 21 mars 1852. (5) 4 Les indications des plantes qui fleurissaient , à Gand, * au mois de novembre dernier, par M. le professeur Scheid- weiler. 5° Notes pour servir à l’histoire des sciences en Belgi- que pendant le XVHIF' siècle, par M. de Chénedollé. (Com- missaire : M. Quetelet.) 6° Une notice géologique de M. Hébert de Paris. (Com- missaires : MM. d'Omalius d'Halloy et Dumont.) 7° Une notice intitulée : Praeludia florae columbianae, _ ou matériaux pour servir à la partie botanique du voyage de J. Linden, par J.-E. Planchon et J. Linden. (Commis- saire, M. Kickx.) — M. Van Beneden fait hommage de la première partie d’un traité d'Anatomie comparée (Encyclopédie populaire). — Remerciments. RAPPORTS. - Observations sur les formations tertiaires des environs d'Anvers ; par M. Norbert Dewael. Happort de M. Nysd. « Le travail que M. Norbert Dewael vient de présenter à l'Académie porte pour titre : Observations sur les forma- tions tertiaires des environs d'Anvers. Chargé d'examiner ce mémoire simultanément avec notre honorable confrère M. d'Omalius, nous ferons d’a- bord remarquer que l’auteur a été conduit à ces observa- (4) tions sur l’âge relatif des couches qui composent le sol de la province d'Anvers, par des nombreuses recherches pa- léontologiques, et que c’est également à l’aide de la paléon- tologie qu'il est parvenu à reconnaitre l'identité des diverses assises qu'il a été à même d'étudier. M. Dewael divise son travail en plusieurs parties; voici les couches qu’il a observées et décrites : 4° Les terrains modernes, auxquels il rapporte les terres connues dans le pays sous le nom de Polders, ou autre- ment dit, terrains d’alluvion, et dans lesquels l’on trouve des débris organiques marins, fluviatiles et terrestres, en- tièrement semblables aux espèces actuelles. 2 Les dépôts marins, qui comprennent les sables de Campine, lesquels doivent probablement être rapportés au système campinien de notre savant confrère M. Dumont, et qui ont été distingués, par l’auteur, des sables du système boldérien des bruyères de l’est de la province; ils parais- sent ne contenir aucun fossile et reposer immédiatement sur le crag, d’après ce que nous avons pu voir aux envrions d'Anvers, au Stuyvenberg et à Berchem. 5° Le crag d'Anvers, ou crag supérieur. L'auteur y con- state dans la couche n° 5 (d’après les tableaux I et I), tant à Calloo qu'au Stuyvenberg, la présence de 79 espèces de mollusques et de 5 cirripèdes (Balanes), dont 44 y sont excessivement abondantes, ainsi que celle de 20 autres espèces moins abondantes, que l’on peut considérer comme étant caractéristiques. Le Mytilus antiquorum et la Lingula Mortierii sont les 2 seules espèces qui n'aient été recueillies qu’au Stuyvenberg. Sous cette couche n° 5, l’auteur signale la présence d’une 4° couche, dans laquelle il a recueilli 64 espèces de mollusques et 4 cirripède (Balane). 49 d’entre elles n’ont ($) pas été recueillies dans la couche supérieure et c'est aussi la partie inférieure de cette assise qui renferme ces nom- breuses et belles vertèbres lombaires de Cétacés, qui ap- partiennent, d’après M. Owen, au genre Balænoptera. En récapitulant les espèces recueillies dans le crag supé- rieur, l’auteur n'ayant pas tenu comple exact des espèces fossiles identiques avec celles qui habitent encore nos mers, ne cite que 20 p. ‘Jo d'analogie avec ces dernières, tandis que M. Lyell, géologue anglais très-distingué, vient (4) de porter ce nombre, d’après les listes qui lui ont été com- muniquées par M. Dewael, listes qui ont été soumises éga- lement à l'examen des MM. Wood et Morris, à 55 p. ‘o. Presque toutes ces espèces ont leurs analogues vivants dans les mers du Nord. Il est d’ailleurs à remarquer que toutes ces espèces ont été recueillies dans le crag de l'Angleterre. La Tellina soli- dula, citée avec doute dans les listes de M. Dewael, est la seule espèce qui n’y ait pas été trouvée, et il devient dès lors probable qu’elle devra être aussi exclue de la liste de nos espèces fossiles. 4° Le crag moyen, ou assise intermédiaire entre le crag supérieur et les sables glauconifères, a fourni à l’auteur, d’après ses tableaux IV et V, 444 espèces, savoir : 109 mollusques, 2 cirripèdes (Balanes) et 5 bryozoaires encore indéterminés. En comparant ces listes avec les précédentes, l’auteur ne retrouve plus que 48 espèces identiques, dont les plus répandues dans les étages supérieurs y deviennent rares ou peu nombreuses. En comparant, d'autre part, ces (1) Dans son travail intitulé : On the strata of Belgium and Franch Flanders, in-8°, 5 planches et 1 carte, 1852; extrait du 8° voiume du Quarterly Journal of the Geological Society of London ; 1952. (6) espèces avec celles de l'étage inférieur, qu’il désigne sous le nom de crag noir, ou sable slauconifère, M. Dewael n’en retrouve plus que 25, dont probablement le nombre de- viendra plus restreint encore. En effet, dans les diverses recherches que nous avons été à même de faire celte année, en suivant, autant qu'il nous à été possible, les travaux qui s’'exécutent aux forts actuellement en construction, nous avons pu nous assurer que les espèces propres à cette couche sont à peu près, si elles ne le sont toutes, des espèces distinctes. 5° Crag noir, ou sable glauconifére. L'auteur mentionne dans cet étage, d’après les listes VE et VIT, 128 espèces, dont un certain nombre n’ont encore pu être déterminées. Cet étage est non-seulement caractérisé par des Mollusques gastéropodes et lamellibranches, mais aussi par la présence de Mollusques brachiopedes : la Terebratula grandis et la Lingula Mortieri y sont très-abondantes , ainsi que les Bryoxoaires, dont nous venons de faire la découverte, quelques Échinodermes, plusieurs Zoophytes, et principa- lement une grande quantité de Foraminifères. Le mélange de ces diverses classes d'animaux ne semble pas avoir été signalé dans les étages supérieurs à celui-ci. D'après la liste des fossiles n° V , qui en a été donnée par M. Lyell, dans son ouvrage précité, le nombre des ana- logues vivants n’est plus que de 50 p. ‘, et si nous en séparons les espèces qui sont caractéristiques, ce nombre se réduit à 22 p. %o. L'existence de quelques espèces ap- partenant aux assises des argiles rupeliennes a fait pré- sumer avec raison, pensons-nous, que cette formation est inférieure aux précédentes. G° Les argiles inférieures au crag, ou Rupeliennes de M. Dumont, sont très-bien étudiées par l’auteur, qui en sotbes nt ds out dot nine (7) fait plusieurs bonnes descriptions, sans cependant donner la série complète des fossiles qu'il a été à même de re- cueillir. M. Lyell, nous ayant demandé, l’année dernière, de lui communiquer la liste des espèces de ce terrain, on pourra la consulter dans son travail, tableau VIF, p. 506, mentionné plus haut. Cette liste renferme l’énumération critique de 45 espèces de mollusques et de 42 espèces de poissons; nous y avons aussi recueilli depuis une pointe d'échinoderme. Enfin, les déductions que tire l’auteur des nombreuses recherches et observations auxquelles il s’est livré, et de la comparaison des listes de fossiles qu'il a dressées el com- purées entre elles, semblent confirmer ce que nous con- paissons au sujet de la superposition de nos couches ter- tiaires, si bien étudiées, sous le rapport géologique, par notre savant confrère M. Dumont. Nous pensons donc que M. Dewael, en décrivant les diverses couches qu'il a pu observer et en indiquant avec soin les fossiles qu’elles ren- ferment, a rendu à la science un éminent service, et nous concluons à l'impression de son travail. Ajoutons, en outre, que l'ouvrage de M. Dewael satis- fait au vœu exprimé, dès 4856, par feu notre savant col- lègue M. Fohmann (1), à propos d’un os fossile découvert dans ces mêmes localités. Pour que la paléontologie de la Belgique, disait à cette occasion M. Fohmann, retire tout le fruit possible des fouilles faites dans son sein, il faut des personnes capables de les diriger et d'analyser toutes les circonstances qui accompagnent le gisement des dépouilles fossiles qu'on y rencontre. (1) Zulletins de l’Académie, vol. II, p. 41. (8) ; Rappelons-nous que, faute d’avoir pris à cet effet des mesures convenabies, lorsque l’on construisit le chemin de fer de Malines à Anvers, le Gouvernement à laissé enfouir un grand nombre de vertèbres provenant des alluvions de la Nèthe, vertèbres dont 2 ou 5 seulement furent recueil- lies par une personne étrangère à la science et déposées au Musée de Bruxelles, où elles sont restées indéterminées. En ce moment même un grand nombre de vertèbres sont enterrées, au détriment de la science, dans les travaux que l'on exécute pour la construction des nouveaux forts près d'Anvers. Pour empêcher la perte de ces précieux maté- riaux et en former des collections qui enrichiraient nos musées, il suflirait que le Gouvernement chargeât une personne compétente de suivre ces travaux et de recueillir les objets mis à découvert avec les indications qui les con- cernent. » Ë Conformément à la demande des commissaires, MM. Nyst et D'Omalius, la classe décide que le travail de M. Dewael sera imprimé dans le Bulletin de la séance. — MM. Stas et De Hemptinne font également leur rap- port sur deux notices de M. Biot, concernant les falsifica- tions des farines céréales. Conformément aux conclusions des commissaires, des remerciments seront adressés à l’au- teur pour ses communications, qui seront déposées, ainsi que les rapports, dans les archives de l’Académie. (9) COMMUNICATIONS ET LECTURES. M. Quetelet, en faisant hommage de l'Annuaire de l'Ob- servatoire pour 1855, appelle l'attention de la classe sur la température anomale qu'on observe depuis le commen- cement de cet hiver. El n’a point encore gelé jusqu’à cette époque; et, dans le jardin de l’Observatoire, plusieurs ar- bustes sont déjà couverts de feuilles, tels que les Loni- cera pallida, Lonicera tatarica, Spirea sorbifolia, plusieurs résiers, etc. Les pâquerettes, la pervenche, le Pyrus ja- ponica sont en fleur; le Corylus avellana se couvre de chatons. MM. Morren et de Selys-Longchamps ont fait, à Liége, des remarques analogues. « Un des eflets singuliers de la température de cet hiver, écrivait ce dernier savant à M. Quetelet dès le commencement de ce mois, vient de se faire remarquer tristement dans mon petit jardin de ville. Les pucerons lanigères (cochenille des pommiers) sont en pleine activité sur les branches et sur les troncs de nos pommiers par plaques, imitant une moisissure blanche comme au printemps. » Sur la proposition de M. Quetelet, la classe décide qu'il sera fait un appel à tous les naturalistes et physiciens, avec invitation de communiquer à l’Académie les résul- tats de leurs observations sur les anomalies qu’ils auront été dans le cas de remarquer par suite de la température élevée de cet hiver. M. Morren exprime le désir que cet appel soit fait de (10) manière à n'éveiller aucune appréhension dans l'esprit du public, toujours prêt à s'alarmer aux annonces de tout ce qui semble s’écarter un peu du cours ordinaire des choses. La génération allernante et la digenése; par P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. Mon mémoire sur les vers cestoïdes, faisant partie du grand travail que j'ai entrepris, depuis plusieurs années, sur la faune du littoral de Belgique, a mérité de fixer l’at- tention du jury, nommé pour le concours du prix quin- quennal. A la dernière séance de la classe, M. Lacordaire a donné lecture du rapport de la commission. Une grande partie de ce rapport a été consacrée à la question de la génération alternante; et comme je me trouve en désaccord avec l'auteur sur plusieurs points im- portants, j'attache trop de prix à la solution de ce difficile problème, pour ne pas communiquer immédiatement à la classe le résultat de queïques recherches. Cette question est, à mon avis, loin d’être bien posée. La génération alternante est un phénomène qu’il faut cher- cher à faire rentrer dans la loi commune de la reproduc- tion et non pas laisser comme une exception dans la science. C’est la pensée qui me préoccupait, quand j'ai écrit mon mémoire, mais il paraît que je n’ai pas été bien compris. | _ Avant d'entrer en matière, je demande d’abord de re- produire en note la date des diverses publications sur les [ (11) vers cestoïdes; ces dates ne sont pas sans avoir une cer- taine signification (1). L'auteur du rapport, en parlant de la génération alter- pante, se demande : « Qu’y a-t-il au fond de ce phénomène et que signifie-t-il? » « Son point de départ est évidem- ment, répond-il, l'état où se trouvent, quant aux organes génitaux, les embryons à leur origine. » Ainsi le fond du phénomène se trouve dans les organes génitaux des embryuns à leur origine! Je ne puis, il faut bien l'avouer , partager cette opinion. Le fond du phéno- mène de la génération alternante est ailleurs pour moi ; l (1) En 1840 paraît le mémoire d’Eschricht sur le botryocéphale : 4nat. physiol. Untersuchungen, über die Bothryocephalen. En 1842 à paru le remarquable travail de M. Steenstrup, en danois et en allemand : Ueber den Generationswechsel. En 1848, V. Siebold publie son Ænat. comp. ; les cestoïdes sont encore des vers simples, les Tetrar., Gymnorhynq., Rhynchobot., Anthocephales, Dibothryor., etc., forment autant de genres; le genre anthocéphale seul est dans l’ordre des cystiques, qui est encore conservé; les autres genres sont dans les cestoïdes, et M. V. Siebold reproduit l’opinion qu'il a exprimée déjà dans la Physiologie de Burdack , que les cestoïdes paraissent avoir un appareil sexuel analogue à celui des trématodes. Le 15 janvier 1849, je publie une première notice comprenant le résumé de mes recherches sur les cestoïdes, le 5 février 1849, une seconde, le 6 octobre de la même année une troisième, et le 9 février 1850, je communique le mémoire sur les vers cestoïdes. Vers le milieu de 1850 (juillet) paraît un mémoire de V. Sieboïld, Ueber den Generationswechsel der Cestoden nebst einer Revision der Gattung Tetrarhynchus, dans le journal Zeitschr. für wissenschaft. Zoologie, que V. Sicboid publie avec Külliker. Les divers genres de Rhynchob., Anth., Tetrarh., Gymnorh…, Dibothryorh., Tetrarhynq., sont reconnus ici pour des âges différents du même ver; les vers cestoïdes ne sont plus monozoïques, comme il l'avait dit en 1848, mais polyzoïques, comme je venais de le dé- montrer; et V. Siebold annonce, comme l'indique son titre, que les vers cestoïdes présentent le phénomène de la génération alternante. (12) il se trouve dans le double mode de reproduction par sexes et par agamie, ainsi que nous le verrons plus loin avec les preuves à l'appui. En partant de cette base, l’auteur ajoute : « Sous le rap- port des organes génitaux , le règne animal se divise en deux catégories; dans l’une, les embryons possèdent en germe des organes génitaux qui entreront en activité plus tôt ou plus tard; dans l'autre, comprenant les ces- toides , les méduses, certains polypes, etc., les embryons naissent agames, mais ils possèdent la faculté de produire des gemmes. » Ce principe est-il conforme à ce que l'observation nous apprend sur le développement ? N'est-ce pas un reste de cette ancienne théorie qui a régné longtemps dans la science, et d’après laquelle les animaux existent en minia- ture dans l’intérieur de l'œuf? L'on sait trop bien aujour- d’hui que tout embryon se forme aux dépens du vitellus ou de sa mère; tous les organes se développent suecessive- ment sous les yeux de l'observateur, et dans le premier âge de la vie embryonnaire, il n'existe chez aucun ani- mal des traces d'organes sexuels. L'un animal reste plus longtemps dans l'œuf que l’autre; il y devient un peu plus ou un peu moins complet; c'est ainsi qu'en naissant, l’organisation est tantôt plus tantôt moins achevée. C’est aussi une erreur de croire à l'existence d'animaux sans métamorphoses, puisque tous doivent en subir, les uns avant les autres après l'éclosion. L'auteur du rapport part de l’idée que les cestoïdes et les méduses naissent tous agames , et que tous possèdent la faculté de produire des gemmes. [l existe déjà plusieurs faits dans la science qui prouvent le contraire : à côté des cestoïdes et des méduses, les plus diversifiés dans le JV) es RE Se à so (15) cours de leur développement, il s’en trouve qui ont une évolution directe, sans génération agame, comme les animaux des classes supérieures. * Voici, du reste, un fait frappant et décisif qui démontre clairement que cetle division de l’auteur à pour base une fausse appréciation des premiers phénomènes de la formation embryonnaire; il aura échappé à l’auteur du rapport : les ascidies présentent, dans le jeune âge, une forme de têtard ou de cercaire, fait curieux, que M. Milne Edwards avait déjà constaté avec son ami Audouin , en 1828. Le têtard des ascidies simples se métamorphose en animal complet, tandis que le têtard des ascidies compo- sées produit des bourgeons dans son ventre, et disparaît après cette opération. Le têtard des ascidies composées a déposé, dans un lieu propice, la colonie, qu’il portait dans ses flancs; son rôle finit quand celui de sa progéniture commence; le têtard est agame; il meurt avant l’époque où ses organes génitaux apparaissent; la progéniture du têtard, née par gemmes, devient seule adulte, et cette seconde génération est seule sexuée. Les ascidies simples se trouveraient done dans une ca- tégorie, et les ascidies composées, nées cependant sous la même forme avec les mêmes organes, au même degré de développement, seraient placées dans l’autre catégorie. L'auteur du rapport dit : « On a embrouillé cette ques- tion, fort simple en elle-même (de la génération alternante), en la mêlant avec une autre qui en est distincte, avec la question métaphysique de l’individualité des êtres orga- nisés, et M. Van Beneden semble avoir été jusqu’à un certain point sous l’ivfluence de cette confusion d'idées. » Ici encore, je ne suis pas de son avis. Je laisserai parler J. Müller à ma place. Tout le monde connaît les remar- quables travaux de ce savant sur le développement des (449 échinodermes. On avait dit que ces animaux sont à géné- ration alternante. Dans son dernier mémoire, publié en 1852, J. Müller avoue qu’il ignore ce que devient la larve de la Bipinnaria asterigera, après sa séparation de l’astérie, mais si elle possède le pouvoir de reproduire l'estomac el l'intestin, dit l'illustre savant, elle devient une indivi- dualité (selbständiges Wesen), et elle possédera aussi, sans doute, la faculté de reproduire une nouvelle astérie. Dans cette éventualité, ajoute-t-il, c'est-à-dire si cette indivi- dualité est prouvée, au lieu d’une métamorphose, ce sera une génération alternante. Ainsi aux yeux de 3. Müller, que tout le monde recon- nait comme un des plus grands naturalistes de l’époque, et qui traite ici un de ses sujets favoris, c’est de lindivi- dualité de la Bipinnaria que dépend la question de savoir s’il y a génération alternante ou non. L'auteur du rapport a bien voulu citer un passage de mon mémoire; mais je regrelte qu’il n’ait pas jugé bon d’a- jouter encore les lignes suivantes, qui complètent ma pen- sée. « Les phases que parcourent ces embryons ovigènes ou phytogènes, ne sont pas toujours les mêmes, disais-je, et, lorsque ces individus présentent des différences, il y a, pour M. Steenstrup, une génération alternante. » C'est tout ce que je puis en dire encore aujourd'hui, après tous les intéressants travaux qui ont paru depuis. J'étais persuadé déjà, en écrivant ces lignes, que le fond de la quESHAË n'é- tait pas Là où M. Steenstrup le plaçait. En effet, la génération alternante consiste, d’après M. Stcenstrup, en ce qu’un animal, au lieu de donner naissance à un animal semblable à lui, en produit un qui ne lui ressemble pas, mais qui produira une progé- niture semblable au premier parent. Ainsi que nous allons le voir, la forme est un point Palette tte Con ‘he dé ‘cts, cé Der 7 (45) tres-secondaire dans cette question, et toute la théorie s'écroule du moment qu'on en fait abstraction. M. Steen- strup n’a vu qu’une face d’un phénomène, et à celte face il a donné un nom; ce nom je l’accepte pour le cas spécial , mais je n’en veux pas pour le phénomène dans son en- semble et que je vais avoir l'honneur d'exposer. Mais, afin de rendre cette question, d’un si haut intérêt, intelligible à tous ceux qui s'intéressent aux phénomènes de la nature, l'Académie me permettra de représenter ce phé- nomène dans le cours d’un développement fieuif. La com- paraison me servira, du reste, à rendre plus intelligibles toutes les modifications de cet intéressant phénomène. Une grenouille pond des œufs; ces œufs éclosent, et le jeune animal qui en provient ressemble à un poisson : c’est le têtard. Je suppose que le têtard montre, dans une partie de son corps, des bourgeons et que ces bourgeons deviennent des grenouilles. Le têtard, épuisé par la for- mation des bourgeons, périt avant de prendre la forme d'une grenouille, tandis que les bourgeons deviennent grenouilles sans prendre la forme de têtard. Le têtard meurt ainsi agame ou sans sexe avant l’époque de la formation des organes génitaux; la grenouille, au contraire, devient adulte et complète avec tous les attri- buts du sexe auquel elle appartient. Le têtard provient d'un œuf; il est ovigène et nait comme les animaux supérieurs; la grenouille sort d’un bourgeon, elle est phytogène; seule elle ressemble, par la présence des organes sexuels, aux animaux supérieurs. La grenouille est donc une mère qui donne naissance à une fille, le têtard; cette fille, encore très-jeune, donne naissance à des bourgeons qui sont destinés à devenir des grenouilles, et cette fille meurt avant l'époque où les orga- nes génitaux apparaissent. Ces grenouilles pondent de nou- (16) veau des œufs, et les mêmes phénomènes se reproduisent. La fille ou le têtard fictif, ne ressemble donc pas à sa mère à aucune époque de sa vie, comme la grenouille ne ressemble pas à la sienne ; la ressemblance a donc lieu entre la mère et sa petite-fille, qu’elle provienne d'œufs ou de bourgeons, et il y a alternance dans la forme du corps comme dans le mode de reproduction. Voilà le phénomène de la génération alternante dans toute sa simplicité, tel qu'il est entendu par M. Steenstrup. Les faits se passent-ils généralement ainsi? Évidem- ment non, la génération alternante est presque l'exception. Le têtard lui-même continue souvent son évolution et, comme nous le verrons plus loin, au lieu de périr, il de- vient adulte et en tout semblable à celui auquel il donne naissance par bourgeon. Dans ce dernier cas, les mêmes phénomènes se produisent, comme dans le premier exem- ple ; mais le têtard continue son évolution , et il ne peut y avoir génération alternante au point de vue de M. Steen- strup (1). En écrivant mon mémoire sur les vers cestoïdes, j'ai donné le nom de scolex à la larve qui provient de l’œuf; il correspond au mot nourrice de M. Steenstrup; mais ce savant n’a pas proposé un mot correspondant au mot strobila et proglottis (2). La théorie de M. Steenstrup ne comprend donc pas l’en- (1) M. Steenstrup a appelé nourrices (Æmmen) le têtard provenant d’un œuf et produisant des bourgeons. (2) J'invite l’auteur du rapport à lire M. Steenstrup; il verra que mon opinion diffère du tout au tout de celle de ce savant , et que M. Steenstrup n’a pu songer à donner un nom à ce que j'ai appelé strobila et proglottis. La série d'articles ou de segments d'un Ténia n’est qu’un seul individu pour M. Steenstrup, et pour moi, il y a autant d'individus qu’il y a d'articles dans le corps. L'opinion d’Eschricht est également différente de la mienne. (17) semble des phénomènes que nous offre la reproduction des animaux inférieurs, et je vais avoir l'honneur de donner quelque développement à l'opinion que j'ai émise à ce sujet. | Les êtres organisés se reproduisent de deux manières, …. par sexes ou par division : les uns sont sexuels et produi- sent des œufs et une liqueur fécondante, les autres sont neutres ou agames, c’est-à-dire sans sexes. Les animaux supérieurs veillent tous plus où moins à la conservation de leur progéniture, et portent des organes génitaux pour la conservation de l'espèce ; les animaux » des rangs inférieurs, dont l'existence est en général si fra- gile ét dont la conservation n'est assurée qu'au prix d’une prodigieuse fécondité, réunissent souvent à la reproduc- tion sexuelle ordinaire une reproduction agame; les mil- liers d'œufs qu'ils pondent ne suffisent pas, pour éviter les nombreux dangers qu'ils courent constamment depuis le moment de leur éelosion. Les premiers, ceux qui ne se reproduisent que par œufs, nous les désignons sous le nom de monogenèses; les autres, qui se reproduisent par œufs et par gemmes, nous les nom- mons digenéses (1). II ne peut être question ici que des der- niers. Tous les phénomènes de la reproduction signalés dans ces dernières années, et dont quelques-uns ont été géné- ralisés sous une dénomination particulière, résultent de | tt mt on em 0 ns mn 7 nb ét ts (1) J'aurais préféré conserver les mots monogones et hétérogones, qui sont déjà introduits dans la science; mais si tous les monogones sont monoge- nèses, tous les digenèses ne sont pas hétérogones. Le phénomène principal ou la cause du phénomène ne dépend pas de la forme de l'animal, puisque la forme varie avec les conditions de la vie, mais elle dépend du double mode de reproduction. C’est dans la digenèse que réside la cause du phénomène, et non pas dans l'hétérogonie, qui n’en est qu’un effet. TOME xx. — I] PART. 2 (58) la présence simultanée de bourgeons et d'œufs dans une seule espèce animale. Les divers faits observés dans le cours du développement des animaux digenèses sont réunis dans les cinq catégories suivantes : I. Les scolex vivent dans les mêmes conditions que les proglottis ; qu'ils proviennent d'œufs ou de gemmes, la forme du corps est la même, et ils parcourent les mêmes phases; exemple : Naïs proboscidea , Syllis prolifera, mi- crostome , filograna? myrianida? etc. Tous les individus d’une espèce sont semblables, peu im- porte leur origine; ils sont soumis à une reproduction agame quand ils ne sont encore qu’à l’état de larve, et, au lieu de pé- rir, la larve elle-même devient proglottis ou adulte, comme sa progéniture, C’est le cas de digenèse le plus simple. Si nous rapportons ce premier mode de développement à l'exemple cité plus haut de la grenouille, c’est le têtard qui pousse des bourgeons, d’où sortiront de nouveaux té- tards semblables à leur mère; les uns et les autres devien- nent sexuels. C’est l'espèce à double reproduction, le scolex et le proglottis, prenant la même forme et parcourant les mêmes phases. II. Les scolex, dans leur jeune âge, vivent dans des con- ditions différentes des proglottis; les uns et les autres prennent des sexes; à l’état adulte, ils sont tous semblables, mais ils parcourent des phases différentes dans leur jeune àge ; les ovigènes portent des organes de locomotion, des cils ou des nageoires , parce qu'ils doivent chercher un gite; les phytogènes sont privés des organes de locomo- tion, et n’ont qu’à se développer et à enrichir la colonie. Les scolex, quoique ovigènes, deviennent eux-mêmes pro- glotiis, comme les phytogènes. (19) Les ascidies simples et sociales (Clavelina) , ainsi que les bryozoaires, appartiennent à cette seconde catégorie. En comparant ce second mode de développement à celui de la grenouille fictive, le têtard, au lieu de périr, devient grenouille, et tout en ayant donné des bourgeons dans son premier état de têtard, continue à donner des bour- geons même quand il est devenu grenouille et qu'il porte des organes sexuels. Dans la première catégorie, l'embryon phytogène res- semble à l’ovigène; dans le cas actucl, l'ovigène porte des cils ou des nagcoires, dont le phytogène est privé. IT. Les scolex et les progloitis vivent dans des condi- tions différentes à tout âge, et il n’y a pas de ressem- _blance entre eux; les scolex ne deviennent pas proglottis, et meurent agames sous leur première forme. L'embryon phytogène est différent de l'embryon ovigène dès le pre- mier moment de son apparition. Les ascidies composées (botrylles), les Salpa, les vers cestoïdes en général , quelques trématodes fournissent des exemples de celle troisième catégorie. C'est le cas que nous avons cité plus haut du têtard qui périt agame, tandis que la grenouille, née par gemme, de- vient seuie adulte, et ne passe pas par la forme du têtard. Le premier est exclusivement gemmipare, le second ovipare. C'est cette troisième catégorie qui nous fournit les ani- maux à génération alternante, selon M. Steenstrup. IV. Les scolex vivent toujours dans des conditions - différentes des proglottis, et la forme du corps ne se res- semble pas; il y a plus, les scolex eux-mêmes ne vivent . pas tous dans les mêmes conditions, et des générations . de scolex agames se succèdent par voie gemmipare sans avoir de la ressemblance entre elles. Les Monostomes et les Distomes, la Medusa aurita, et rot £ RSC ee (20) d’autres espèces, nous montrent cet exemple remarquable de digenèse, qui rentre aussi dans la génération alter- nante de M. Steenstrup (1). Le scolex ovigène est cilié et nage librement pour déposer la progéniture dans le corps d’un mollusque ou d'un autre animal. Cette progéniture, qui est agame comme Ja première, est sans cils, et sa forme est toute différente. C’est un scolex au second degré, un deuto- scolex. Celui-ci peut à son tour engendrer, par agamie, une forme semblable, ou bien une forme nouvelle, qui est alors le proglotiis. Ce jeune proglottis (Cercaria) porte une queue, comme le premier scolex, sorti de l'œuf, porte des cils; il doit, comme le premier aussi, chercher son gite pour continuer son évolution et changer de forme, sa queue étant devenue inutile dans le milieu étroit où il est . destiné à finir son existence. Voilà donc un exemple d'une fille qui ne ressemble pas à sa mère; elle doit vivre dans un autre milieu; la petite- fille, destinée à vivre dans d’autres conditions encore que la mère et la grand’mère, affecte encore une forme nou- velle, de manière que trois générations se succèdent sans se ressembler. Pour rapporter ces faits à l'exemple cité plus haut, c'est le têtard qui naît couvert de cils vibratiles avant que sa queue ne soit développée; il nage librement par le secours de ces cils : dans ses flancs nait une autre forme toute dif- férente, immobile, sans queue et sans cils; elle est destinée (1) Si l'observation de M. Stein sur le ténia enkysté du ver de farine se confirme, comme il est probable, les cestoïdes se rapprocheront encore davan- tage, par leur développement, des distomes et des monostomes; il y aurait aussi deux générations de scolex, des scoleæ et des deutoscolex ou pro- scoleæ, etc. (21) à engendrer une nouvelle progéniture dont la forme res- semble à celle des tétards, qui nagent à l’aide de leurs queues. Il y a donc deux générations, et quelquefois da- vantage, qui vivent immobiles sur le corps où elles ont été déposées, et deux autres qui se meuvent par des cils ou des nageoires pour chercher leur sol ou l’animal sur le- quel ils doivent vivre: ces générations sont loutes agames, sauf la dernière. Enfin les individus-de la dernière géné- ralion , nés par gemmes, deviennent adultes et complets : ce sont les grenouilles fietives. La reproduction agame a lieu, pour continuer la comparaison avec l’exemple de la grenouille, avant que celle-ci ait pris sa forme de têtard, et cette dernière forme, née par gemme, subit, comme dans la grenouille, des métamorphoses complètes. Le tétard perd sa queue en devenant grenouille, comme la cercaire perd la sienne en devenant distome. V. Les scolex ovigènes engendrent par agamie des sco- lex semblables à eux : cette nouvelle génération produit encore, par agamie, une autre génération composée d'in- dividus ayant la même forme. Plusieurs générations, orga- nisées de même, se succèdent ainsi jusqu'à ce qu'enfin, il apparaisse une génération de proglottis ou d'individus adultes et à sexe. Les pucerons et d’autres articulés se trouvent dans cette catégorie. C'est le têtard ovigène qui engendre par voie gemmi- . pare un autre têtard qui en produit un, à son tour, de la même forme, et ainsi de suite, pendant plusieurs géné- ralions; mais quand la reproduction agame est épuisée, il nait, par voie agame, des grenouilles. Voilà les cinq catégories ! Je m’occuperai, dans une autre notice, des motifs pour (22) lesquels la nature a recours à des moyens de reproduction si extraordinaires. Tous les faits de digenèse trouveront convenablement leur place dans une de ces catégories; du moins jusqu’à présent, je ne connais aucun fait qui ne puisse y être rapporté; mais à côté de ces faits se trouvent quelques phénomènes de reproduction observés sur des animaux inférieurs, qui ne se rattachent pas aux phénomènes pré- cédents; jusqu’à présent ils ont été mal compris, et je m'en occuperai bientôt. [l arrive ainsi que le proglottis , au lieu de se développer complétement, s'arrête dans son évolu- tion, tandis que son appareil sexuel continue et produit des œufs fecondés. C’est la fleur qui perd son calice et sa corolle, flétris avant leur développement, pendant que les étamines et les pistils suivent le cours régulier de leur formation. Cet arrêt de développement produit les cas les plus bizarres, et souvent on voit la fille naître avant sa mère. Des embryons jouissent déjà d’une vie libre et indépendante , quand la mère a à peine commencé son évolution. Par là j'expliquerai aussi celte anomalie appa- rente des hydres qui, tout en portant sur un même corps des organes mâles et femelles, ne sont pas moins à sexes séparés comme les polypes, y compris les méduses. Si j'ai réussi à bien rendre ma peusée, on comprendra aisément que le fond du phénomène n'était pas Jà où M. Steenstrup le plaçait; il ne consiste pas dans une suite de formes qui se succèdent par voie de génération, mais bien dans la digenèse des animaux. M. Steenstrup est loin de regarder sa théorie comme définitive, il avoue qu'il n’a voulu qu'ébaucher un phénomène : j'ai voulu seulement donner quelques contours d'une terre inconnue, dit-il, que divers naturalistes ont visitée sans s’y reconnaître, et il désire que d’autres achèvent cette œuvre. C’est le but (3%) que je me suis proposé dans celte notice; le temps nous apprendra si, en accomplissant cette dernière tâche, j'ai été aussi heureux que M. Steenstrup en faisant son ébauche. Notice sur un genre nouveau de la tribu des caligiens (genre Kroyeria, Van Ben.); par M. P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. Comme suite aux deux dernières notices sur des genres nouveaux de la classe des crustacés, j'ai l'honneur de pré- senter le résultat de quelques observations sur un troi- sième genre, également nouveau et non moins remarquable que les précédents, sous je rapport de sa curieuse confor- mation. Cette communication sera suivie bientôt de re- cherches sur deux autres genres de la même classe d’ani- maux aquatiques, déjà si riche en formes extraordinaires. Tous ces crustacés proviennent de poissons pris par les pêcheurs d'Ostende, non loin de notre littoral, et doi- vent, par conséquent, être enregistrés dans la faune de Belgique. Nous dédions ce nouveau caligien à un savant et mo- deste naturaliste du Nord, M. Henrik Kroyer, qui a publié, dans son journal, le plus beau travail que la science pos- sède sur ces animaux; ce travail, en effet, est tout aussi ‘rémarquable sous le rapport de la zoologie descriptive que sous le rapport des détails d'anatomie. C'est ainsi que nous désignons ce genre sous le nom de Kroyerta, V. B. dont voici les caractères : (22) Caractères. — Bouclier céphalique plus large que long, armé en arrière de deux forts piquants; thorax formé de quatre articles également étroits; quatre paires de pattes biramées, de longueur égale; la première paire de pattes- mâchoires en pince; la troisième extraordinairement dé- veloppée; abdomen long et étroit, à peine plus large que le thorax, formé de plusieurs segments dans le mâle, tout d'une pièce dans la femelle; un double appendice caudal garni de filaments sétifères semblables aux filaments des pattes ; des yeux confondus sur la ligne médiane. KROYERIA LINEATA. La femelle est longue d'environ 8 millimètres sans les tubes ovifères, qui ont jusqu’à sept millimètres de long; il est large d’un demi-millimètre. Le mâle est un peu plus petit que la femelle. Chaque segment du thorax porte en dessous, à la base de chaque patte, une épine longue pour les trois segments postérieurs, courte pour l’anté- rieur. La couleur des téguments est d’un jaune sale; les téguments sont demi-transparents, ce qui permet de dis- tinguer les principaux organes logés dans l'abdomen. Le Kroyeria lineata habite entre les lamelles bran- chiales du milandre (Galeus canis); il est fortement atta- ché aux branchies par ses crochets, et il faut un certain effort pour le détacher. J'en ai trouvé jusqu’à une vingtaine sur une seule branchie. Il se trouve sur ce poisson au mi- lieu de l’été, au mois d’octobre et au mois de décembre, et on doit donc s'attendre à le trouver pendant toute l’année. Au mois de mai, peu de femelles portaient des tubes à œufs; plus tard, elles en étaient plus généralement char- gées. Les mâles sont relativement peu nombreux; pendant (25) quelqne temps, je n’en avais eu qu'un seul à ma dispo- sition. Description de la femelle. — Le corps est allongé comme dans les clavelles du flétan ; il est même moins large et plus linéaire. L'animal ne se tient jamais droit ; il est toujours un peu courbé sur le côté et en dessous. Tout le corps est d’un jaune sale, quelquefois un peu plus foncé et passant au brun. Il est un peu plus pâle en avant. En l’observant à la loupe, on voit, le long de l’ab- domen, des stries d’un rouge vif qu’on ne distingue pas à l'œil nu. Le corps est divisé en têle, thorax, abdomen et queue; ces quatre parties sont parfaitement séparées les unes des autres. La carapace céphalique présente en dessus une forme _très-irrégulière ; vers le milieu, on distingue une join- * ture en forme de V, et entre les deux branches, en avant, on voit les yeux réunis en une seule masse. En arrière, ce bouclier montre deux échancrures profondes du fond des- quelles partent deux fortes épines droites, dirigées vers la queue, dont la pointe arrive jusqu’à la hauteur de la troi- sième paire de pattes. Sur le côté, en avant comme en arrière, le bouclier est anguleux, et il est un peu plus large du côté des antennes que du côté des épines. Comme dans tous ces parasites, le segment thoracique antérieur est soudé avec le segment de la tête; les antennes, la pre- mière et la troisième paire de pattes-mächoires dépassent en longueur la carapace, et se voient distinctement lors même que l'animal est placé sur le ventre. Le thorax montre en dessus les trois segments, sous forme de bouclier, à peu près également développés. En - dessous, on compte les quatre segments thoraciques, mais (26) l’antérieur est logé sous la carapace. Chaque segment porte sa paire de pattes biramées. À la base de chaque patte, le segment thoracique montre une forte épine, excepté le premier, comme l'indique la fig. 8. L’abdomen est extraordinairement allongé, mais à peine un peu plus large que le thorax; il est uni et ne montre aucun segment. On voit le tube digestif et les ovaires à tra- vers l'épaisseur de ses parois. L’abdomen porte, à son extrémité postérieure, deux appendices d'une petitesse extrême, biramés comme les pattes, mais sans soies. Îl est dificile d’en bien distinguer le contour. Cette région cesse brusquement immédiate- ment derrière ces appendices. (Fig. 7.) La région caudale est proportionnellement très-courte, fort étroite, linéaire et terminée par un double appendice de la moitié de la longueur de la queue, garni au bout de filaments sétifères. (Fig. 2’) J Les tubes ovifères sont droits et ne logent qu’un seul œuf dans leur épaisseur : on compte de quarante à cin- quante œufs dans chacun d'eux. (Fig. 1.) Le mâle. — I est plus petit que la femelle, et vit à côté d'elle sur les lames branchiales ; il a la même conforma- tion, montre les mêmes appendices, le même bouclier céphalique et les mêmes appendices du thorax; mais l’ab- domen est moins long ct plus étroit, et au lieu d’être formé de toute une pièce, l'abdomen du mâle montre divers segments, lout aussi bien séparés les uns des autres que les segments du thorax. On en compte quatre; ils vont en diminuant d'avant en arrière, de mauière que le dernier segment abdominal est le plus étroit. Tout le corps du mâle est un peu plus transparent, ce qui semble correspondre à une délicatesse un peu plus grande des té- guments. On voit distinetement dans l’intérieur du pre- Ca (27) mier segment abdominal les deux testicules, allongés et arrondis, de volume à peu près égal, placés l’un un peu plus au-dessus de l’autre. C’est aussi au commencement de ce segment que l’on aperçoit bien dans le mâle le renflement de l'estomac et l'origine de l'intestin , qui est sans circon- volutions. Les deux appendices qui terminent la région caudale et qui portent les soies sont plus allongés dans les mâles que dans les femelles. (Fig. G.) Les antennes sont situées en avant el un peu en des- sous; elles sont quelquefois couchées. Chaque antenne se compose de 4 ou de 5 articles : on voit des soies courtes et recourbées en dedans sur chacun d’entreeux. (Fig. 4, a.) Immédiatement derrière les antennes, on distingue une paire de pattes-mâchoires bien remarquables par leur con- formation ; le dernier article est formé en pince comme la première paire de pattes chez les crabes et les écrevisses. (Fig. 4, d) Une autre paire d'appendices, beaucoup plus petites et plus simples, est située derrière la précédente. Elle est comme implantée sur la base de la paire de crochets dont nous allons parler ; elle est formée de quatre articles, dont le dernier est assez petit et aplati. L’avant-dernier est den- telé sur le bord. (Fig. 4, c.) La pairefde pattes-mâchoires principale est formée de trois articles au moins, dont l’avant-dernier est long et fort, le dernier recourbé en crochet. Ce sont en même temps les pièces les plus solides; ils sont, pour ces para- sites, les principaux organes d'adhésion. (Fig. 4, d.) Suivent quatre paires de pattes biramées, qui présen- tent la conformation ordinaire, et dont tous les articles terminaux portent des soies barbues. Ces pattes ne diffèrent guère de volume entre elles. (Fig. ? et 5.) (28) À l’extrémité abdominale, on voit une dernière paire de pièces très-irrégulière, d’une petitesse excessive, et qu’on ne distingue qu’à un grossissement de 300 fois. L’abdomen doit même être vidé pour les découvrir. La forme est très- variable, ou plutôt elles présentent un aspect très-différent, parce qu'il faut exercer une pression assez forte. Ils ont l'aspect de pattes biramées , avortées et sans soies. En dessous de chacun des anneaux qui portent les pattes biramées, on distingue deux épines assez fortes, mais dont la première paire est la moins développée. Sur ce dernier anneau, ce sont plutôt deux tubereules. La trompe montre, dans son intérieur, deux pièces so- lides mobiles, dentelées sur le côté interne, comme la pointe d’une pince à disséquer, ainsi qu’on le voit dans la plupart de ces parasites. Nous ne trouvons guère de différences dans les appen- dices des deux sexes. Les embryons ont la forme et les caractères ordinaires; sur le point d’éclore, ils ont le corps de forme ovale et portent trois paires d'appendices sétifères de même lon- gueur et semblables entre eux. Les embryons que nous avons étudiés étaient encore en vie. Ce parasite appartient évidemment à la tribu des cali- giens, et, par les caractères de la quatrième paire de pattes, se rapproche des genres Thébie et Nogague. Ce premier genre (thébie) est caractérisé par trois ar- ticles distincts du thorax; il y en a quatre dans le genre nogague; dans les Kroyeria, on en compte également quatre en dessous, le premier de dessus étant uni au seg- ment de la tête. Du reste, les thébies et les nogagues dif- fèrent des Æroyeria par plusieurs caractères importants, comme on à pu le remarquer par la description; ainsi l’ab- A #4 : AE Jb-HUR:r Or 4 y À is l + L ti + X À , lé ME: 2 2 LL t \ tr 4; à à < L1 4 «é 1e sil al L j à 1e 7h, L NM ' : #e L : ù F #71 fi 4 « và Lé à LEUT À ; Ce Le La 4 Ai 2 ; i RUES | ti 7 iii LAc ss PAPE : LEA 14h P pu 31 AT u : e : dome des ge Ja tête, 1 pogagues rasformée | (6 antennes gjsque les a! ralère seul € de tous les Ci temeut différ qu'en pesant appareils : a telle que M. de plus; le sombre à Si ]. Une femelle aan, on crochels € On voit l'an 74 fr alle l'lcad, R (277 (29) domen des Kroyeria à plusieurs fois la longueur du thorax et de la tête, tandis qu'il est très-court chez les thébies et les nogagues; la première paire de pattes-màchoires est transformée en pince, ce qui n'existe pas chez les autres; les antennes sont formées de quatre articles sétifères, tan- dis que les autres genres n’en ont que deux, et par ce ca- ractère seul des antennes, nos Kroyeria semble s'éloigner de tous les caligiens ; enfin, le facies de ces genres est tel- lement différent, que l’on ne peut songer à les rapprocher qu’en pesant bien la valeur des caractères tirés des divers appareils : ainsi nous aurons dans la tribu des caligiens, telle que M. Milne Edwards l’a fait connaître, deux genres de plus, le Scienophilus et le Kroyeria , ce qui en élève le nombre à six. EXPLICATION DE LA PLANCHE. KROYERIA LINEATA. Van Ben. 1. Une femelle, vue du côté du ventre, grossie de quinze à vingt fois; en avant, on distingue la plaque frontale, les antennes, les pinces, les crochets et les quatre paires de pattes biramées. On voit l’animal de grandeur naturelle à côté. . Antennes, — 1e paire de pattes-mâchoires. Mig = . Crochets. 3° — — . Trompe. . 1re paire de pattes. 2 — — DU, 2 — RE eu nn FRmo RS SA 30) k. Épines en dessous des anneaux thoraciques. L. Épines postérieures et supérieures du 1° anneau thoracique. m. Canal digestif. n. Ovaire. 0. Tubes ovifères. p. Appendice abdominal. 2. La partie antérieure d’une femelle, vue du côté du dos, montrant au mi- lieu, en avant, le repli en V. Les yeux, les deux épines du premier seg- ment thoracique, la forme des trois autres segments de cette région et les principaux appendices. . La partie postérieure du corps de la femelle. Un mâle vu obliquement, montrant, vers le milieu, les deux testicules et les principaux appendices. La partie antérieure et inférieure de la tête, à ün plus fort grossissement (500 fois). En avant, on voit la région frontale, les antennes, la paire de pinces, la seconde paire de pièces, les crochets et, au milieu, la trompe avec les deux mandibules. On voit aussi la soudure des anneaux au milieu. 5. La quatrième paire de pattes et l’épine qu’on voit à la base. 6. La partie postérieure de l'abdomen, vue en dessous pour faire voir la paire de pièces rudimentaires. 7. La partie postérieure du corps du mâle, au grossissement de 500 fois. 8. Les quatre segments du thorax, vus en dessous. 9. La trompe isolée avec les mandibules. ox 19 La Observations sur les formations tertiaires des environs d'Anvers; par M. Norbert-Ch. Dewael, de Contich. Consacrant, depuis une douzaine d'années, mes loisirs à des recherches paléontologiques, j’eus l'occasion de faire sur les formations des environs d'Anvers une série d'ob- servalions de nature à jeter, peut-être, quelque jour sur l'âge respectif des couches des terrains tertiaires de ce (51) bassin, qui semble n'être qu'une suite ou partie de celui de Lonüres. Dans l'intention de communiquer à l’Académie d’Iéna, en qualité de membre, une liste explicative d’une partie de coquilles fossiles dont je lui fis don l’année dernière, j'avais préparé quelques notes que j'eus l’occasion de com- muniquer à M. Th, Lyell, ex-président de la Société géo- logique de Londres, qui me pria de visiter avec lui les marnes argileuses et les dépôts fossilifères du crag d’An- vers. Ayant ainsi pu vérifier avec moi la plupart de mes observations, il m'engagea, de la manière la plus encou- rageante , à leur donner publicité chez nous, et se chargea même de m'en fournir l’occasion par le moyen de l’Aca- démie royale. J'ai suivi cet avis bienveillant et j'ose espérer qu'on vou- dra bien accueillir favorablement ma communication, qui n'aura d'autre utilité, peut-être, que de servir de dévelop- pement à des esquisses déjà faites, ou d'engager à faire de nouvelles recherches plus étendues. Le sol de la province d'Anvers, formé de terrains ter- Liaires (dépôts marins) et modernes (dépôts fluviatiles et de marais), présente une série d'assises successives très-va- riées, dont il est souvent difficile de déterminer la position géologique ou l’âge relatif, parce qu'elles ne se présentent pas toujours dans les mêmes conditions et qu’elles se trouvent disposées de manières différentes. Tantôt fossilifère, tantôt sans aucune trace de débris organiques; situé l’une fois à la surface du sol, l’autre fois à de grandes profondeurs, précédé ou suivi irrégulièrement de couches de tel genre ou de tel autre, le même étage de terrain semblait ainsi défier les recherches; ce qui vrai- (32) ment est remarquable dans une contrée si plane et si unie qu'il paraîtrait que sa formation dût être uniforme. Cela posé, l'on conçoit aisément que, par la difficulté d'obtenir des coupes suivies dans un pays plat, il doit être diflicile de préciser toutes choses à cet égard avant d’avoir recueilli un ensemble de faits constants où un faisceau d'observations. Dans cette persuasion , j'ai fait des recher- ches, et je pense toujours que la superposition des étages des différents dépôts anversois a grand besoin d’être étu- diée davantage. La différence et la variété des espèces de coquilles ma- rines que l’on trouve dans nos diverses couches fossilifères m'ayant frappé depuis longtemps, j'en fis souvent l'obser- valion aux amateurs qui vinrent me voir, et particulière- ment à M. H. Nyst; j'eus même le plaisir de communiquer à cet ami une liste comparative de coquilles fossiles qui se trouvent dans les différents dépôts du crag d'Anvers, pour servir à l’un de ses tableaux synoptiques relatif aux fossiles appartenant au système scaldisien de M. Dumont, et qui se trouve à la fin de l'ouvrage de M. Nyst (1). L'on verra, d'après les listes que je donne, que quelques progrès nouveaux ont été faits, et qu'il y a beaucoup d'’intéres- santes recherches à faire encore pour achever ces ébauches. Terrains modernes; polders. — Les terrains modernes des environs d'Anvers, constituent cette partie si fertile con- nue sous la dénomination de polders, et s'étend principa- Jement sur le sol de la Hollande. C’est un limon de nature semblable à celui que les eaux de l'Escaut déposent encore (1) Mémoire sur les coquilles et polypiers fossiles des terrains ter- tiaires de la Belgique. (33) sur ses rives et les terres inondées; fort adhérent par l'hu- midité, il se contracte et se crevasse vivement par la sécheresse. Les débris organiques qu'il renferme sont ma- rins, fluviatiles et terrestres, mais semblables aux espèces qui vivent encore dans ces parages, dans le fleuve ou à son embouchure. L’on trouve dans les polders, comme dans les bruyères, des tourbières avec lignites qui s’y sont probablement for- mées après l’endiguement, par affaissement de marécages, ainsi qu'il s’en forme encore de nos jours. Dépôts marins. — Ces polders qui s'étendent, comme on sait, sur les bords de l'Escaut, à distances inégales dans l'intérieur des provinces d'Anvers et de Flandre, sont cir- conscrits dans la première par une zone partielle d’an- ciennes dunes qui s'étendent depuis la commune de Sand- vliet, par Calmpthout et Braeschaet, vers Schooten et s'Gravenwesel, en déterminant sur le sol de la Hollande, vers la frontière, des accidents de terrains assez remar- quables. Quoiqu'elles se répandent au loin dans la Cam- pine, elles forment cependant ici une ligne de démarcation naturelle entre nos polders et les terres fertiles adjacentes et le commencement des sables de bruyères : à l'est. La partie de terrains modernes, qui s'étend aussi dans la Flandre orientale, sur la rive gauche du fleuve, en se di- latant toujours vers son embouchure, s’y trouvait autre- fois également limitée, à l’ouest, par une plage de sables dont la culture a fait une contrée fertile. Ces anciennes limites indiquent fort bien la dernière station des eaux de la mer, et les bancs coquilliers, sur lesquels la ville d’An- vers est bâtie ou qui l’environnent, rappellent naturelle- ment l'existence d’un golfe ou l'embouchure primitive du fleuve. Les deux parties de polders qui s'étendent le long TOME xx. — I" PART. 3 (54) des rives de l'Escaut recouvrent des couches de crag jaune ferrugineux et sablonneux grisâtre, qui contiennent plu- sieurs dépôts fossilifères à peu de profondeur, et dont les coquilles offrent le plus d’analogie avec celles qui vivent encore dans les mers voisines ; à ces dépôts succèdent, au- tour d'Anvers et sous la ville, des couches plus anciennes et dont la dernière, celle de crag noir, s'enfonce sous les autres. À celle-ci succède une bande de marnes argileuses fort bien connue à Ruppelmonde, à Schelle et Boom, et qui pourrait bien constituer une base très-puissante. Elle est recouverte partout où elle se découvre par une ou plu- sieurs assises sablonneuses plus ou moins variées, qui prennent, vers leur partie inférieure, la nature argileuse. Tout ceci forme un ensemble dont les variations soulè- vent encore, ainsi que je l’ai dit, des questions embarras- santes et difficiles à résoudre. Sables de Campine. — Le terrain ou sables de la Cam- pive proprement dits, n'ayant pas fait spécialement l’objet de mes recherches, et doutant s'ils forment réellement la plus ancienne assise de l'étage supérieur tertiaire, ainsi qu'on l’a dit, je passe sous silence quelques observatiôns que j'eus l’occasion de faire à ce sujet, jusqu'à ce qu’il me soit possible d'en recucillir davantage. Il est cepeudant constant qu’en beaucoup d'endroits, ces sables recouvrent des couches et dépôts fossilifères de crag. Crag d'Anvers. — Ce crag dont il a été souvent question, et qui, comme celui de l'Angleterre, est cependant encoresi peu connu, se montre caractérisé surtout dans la banlieue et aux environs d'Anvers. Il contient plusieurs séries d'as- sises distinctes les unes des autres, qui présentent, par la succession des fossiles qu'on y trouve , une transition par- fois peu sensible et souvent assez marquante de l’une à (55) l’autre, de telle manière qu'entre le plus ancien de ces dé- pôts et le plus récent, le rapport d’analogie par les fossiles est presque insignifiant; la couleur et le mélange des grains sablonneux qui composent ces terrains, que je considère lun comme le plus ancien, l’autre comme le plus rappro- ché de l’époque actuelle, sont aussi fort différents. I n°y a donc plus, me semble-t-il, lieu de se tromper à ce sujet et de confondre; mais il existe entre diverses couches in- termédiaires , que l’on peut considérer, je crois, comme étage moyen de la formation de crag, des nuances telle- ment variées quil ne me parait pas encore possible de les expliquer autrement que par l'influence que peut avoir exercée sur les mollusques la nature du fond de la mer, qui variait probablement avec les courants; le degré de profondeur qu'habitait chaque espèce peut n'avoir influé que faiblement sur cette assise, car elle n’atteint jamais une grande puissance, selon ce que j'ai pu découvrir. Je dois cependant ajouter que, jusqu'à présent, je n'ai pu trouver un endroit où ces trois étages de formation différente de crag se trouvaient superposés les uns aux autres avec leurs fossiles caractéristiques; mais j'ai re- marqué que l’un d'eux manquait constamment (du moins par les fossiles) en suivant cet ordre. Et néanmoins, comme on le verra, les dépôts appartenant à ce que Je nommerai crag supérieur et moyen, présentent toujours une strati- ication qui constitue de nouveaux étages pour chacun de ces dépôts particuliers. Crag supérieur ou assises les moins anciennes de cette for- mation. —— Les terrains que l'on peut considérer comme élant les moins anciens dela formation du er ag, s'élendent, ainsi que je l'ai déjà dit, à des profondeurs AA on sous le sol des polders principalement, et présentent une suite de (36) dépôts fossilifères connus à Calloo, à Keckeren, à Merxem, au Stuivenberg, près d'Anvers, à Deurne et à Ranst, les- quels sont ainsi disposés en suivant à peu près une ligne courbe, correspondant à celle du commencement des bruyères de ce côté. Les espèces coquillières que l’on trouve dans ces dépôts varient insensiblement de l’une à Pautre, quoique le caractère dominant reste le même. La couleur du terrain généralement jaunâtre est souvent nuancée de teintes ocreuses, et cela résulte d’une composition de grains sableux mélangés d’un peu d'argile ou de calcaire, et teint par l’hydrate de fer. Cette dernière substance devient par- fois dominante, et constitue des couches si puissantes qu'on en à fait un objet d'exploitation pour alimenter les hauts fourneaux pour la fonte du fer; d'autres fois, c’est le calcaire qui domine, par suite de l’agglomération ou de la décomposition des coquilles, et alors encore on s’en sert comme d’une roche propre à remblayer des chemins, mais le plus souvent la terre est meuble, siliceuse ou ferrugino- hydratée, et dans cedernier cas, les fossiles que l’on y trouve sont corrodés ou fragiles. Le plus souvent cette assise est sans fossiles, mais il est aisé, par certains indices, de con- stater son identité, en suivant la trace de ceux que l'on trouve dans les principaux dépôts ; leur diminution insen- sible et puis leur disparition sont la seule différence que l'on remarque alors dans la composition générale du ter- rain, puis, sur de grandes étendues, l’on ne trouve souvent plus que de rares individus ou fragments d'espèces caracté- ristiques. C’est ainsi qu'à Ruppelmonde, la présence des Corbula planulata, Astarte plana et autres fragments dé- couverts dans la couche des sables supérieurs à l'argile, d'accord avec la nature du terrain, me l'ont fait reconnaitre. La couche coquillière de Calloo , sur la rive gauche de EEE PR sr rent . Re (31) l'Escaut , dans le polder de la Flandre occidentale, à 2 lieues d'Anvers, est la première à signaler. L’ayant sou- vent visitée, je ne suis pas parvenu à y trouver des ver- tèbres et tout au plus quelques restes usés de dents de poissons. Elle commence à 5 ou 5 ‘k pieds sous le sol. Voici la liste générale des coquilles qui y ont été recueil- lies (nomenclature de M. Nyst). Elles se trouvent pour la plupart dans la deuxième partie du dépôt, de 5 à 8 pieds sous le sol, dans un sable jaune nommé schelpzavel, que l'on exploite pour le pavage des routes et que l’on tamise pour la bâtisse. | Tasceau I. 1. Balanus tintinnabulum, Lk. Rare. 28. Lucina antiquata, Sow., var. Rare. 2. — sulcatus? Brug. Jiure. 29. — curviradiata, Nyst. Rare. 5. Lepas balanoïdes, Chemn. Rare. 50. Cyprina tumida, var. c. Rare. 4. Solen ensis, Lk. Fragment. 31. Astarte plana, Sow. Abondante. 5. Solecurtus candidus, Pen. Rare. 32. — Basterotii, Lamk. Rare et G. Panopaea intermedia? H. Sow. usée, Fragment. 35. — corbuloïda, Lagmek. Rare 7. Glycimeris angusta, Nyst et West. et usée. Fragm. 54. Venus striatella, Nyst. Rare. 8. Mya arenaria, Lin. Rare. 55. — Deshayesiana? Nyst. Rare. 9. Corbulomyacomplanata,Nyst.Rare. 36. Artemis exoleta, Lin. Abondante. 10. Corbula planulata, Nyst. Abondante. 37. Cardium Parkinsoni, Sow. Abond. 11. Lutraria elliptica? Lk. Fragment. 38. — oblongum, Chemn. 4bond. 12. Mactra solida? Lin. Fragment. 39. — edulinum, Sow. Abond. 45. — arcuata, Sow. Fragment. 40. Cardita scalaris, Sow. Rare. 4%. — inaequilatera, Nyst. Abond. 41. Nucula laevigata, Sow. Abondante. 45: Erycina depressa, Nyst. 4bond. 42. Pectunculus variabilis, Sow. Abond. 46. Lingula alba, Wood. Rare. 45. Pecten complanatus , Sow. Abond. 17. Petricola laminosa, Sow. Rare. , 44. — opercularis, Lin. Abondante. 48: Psammobia Dumontii, Nyst. Rére. 45. — Sowerbyi,Nyst. Abondante. 19. — laevis, Nyst. Rare. 46. — radians? var. Rare. 20. Tellina Benedenii, Nyst. Abonit!. 47. — striatus, Sow. Rare. 21: — ovata, Sow. Abondante. 48. Anomia ephippium ? Desh. Rare. 22.,, — obliqua, Sow. Abondanle. 49. Ostrea edulis, Lin. Abondante. 25. — obtusa, Sow. Rare. 50. Emarginula fissura, Lk. Rare. 28. — articulata, Nyst. Rare. 51. — crassa, Sow. Rare. 25. — lJlupinoïdes, Nyst. Rare. 52. Fissurella graeca ? Lk. Rare. 26. Donax striatella, Nyst. Rare, 53. Calyptraca sinensis, Lin. Rare. 27. Lucina astartea, Nyst. Rare. 54. Trochus octosulcatus, Nyst, Rare. . Trochus. . . .. . Littorina suboperta, Sow. Rare. : Scalaria . .. Rare. ER POS OT Rare. . Turritella triplicata , Broc, Rure. . Melania terebellata. Risso. Rare. . Tornatella Noae. Sow. Rare. . Natica crassa, Nyst. Abondante. — Sowerbyi, Nyst. Abondante. . Bulla convoluta, Broc. Abondante. 5. Fusus contrarius, Lin. Æbondante. — corneus, Lin. Abondante. . Pleurotoma turricula , Broc. Abond. — mitrula, Sow. Abond. I TU 1 © OÙ 19 = © © . Cerithium cuniculatum? Sow. Rare, . Murex alveolatus, Sow. Très-rares — incrassatus, Nyst. Rare. . Rostellaria pes-pelicani , Lin. Rare. . Buccinum elongatum, rugosum, Sow. Abondante. — relicosum, Sow. Abond. — labiosum, Sow. Rare. — propinquum, Leat. Rare, — tenerum, Sow. Rare. . Terebra inversa, Nyst, Rare. . Voluta Lamberti, Sow, Rare. . Cypraea coccinelloïdes, Sow. Rare. Parmi ces espèces, quelques-unes, appartenant généra- lement à l'étage suivant, étaient fort usées , telles que les Astarte corbuloïdes, Basteroti, Turritella triplicata et Mu- rex alveolatus ; je pense que ces coquilles, provenant effec- tivement de l’âge antérieur, n'auront été enfouies qu'après avoir longtemps roulé sur la plage. Les espèces dominantes dans ce dépôt par leur quantité sont les suivantes : . Corbula planulate: . Mactra inacquilatera. . Tellina Benedenii. — ovala. . Aslarle plan. G. Artemis exolela. 7. Cardium edulinum. Et à CLAO 8. Nucula lacvigata. 9. Pecten complanatus. 10. — operoularis. 11. Ostrea edulis ? 12. Natica crassa. 15. Buccinum elongatum-rugosum. Quoïque rares ou peu abondantes, l'on peut considérer comme caractéristiques les 1. Solecurtus. 2. Ghycimeris. 5. Mya. 4. Corbulomya complanata. 5. Mactra arcuata. G. Liqula alba. 7. Pelricola. S. Psammabix. 9. Tellina Benedentr. 10. — ovale, 11. Tellina obliquata. 42. — :oblusa. 15. Cyprina tunida, var. c. 44. Venus striatella. 45. Cardium Parlinsonti. 16. Melania terebellata. 47. Tornatella Noae. 18. Pleurotona mitrule. 19. Murex incrassatus. 20. Terebra inversa. (59) Les couches fossilifères d'Eeckeren et de Merxem, à 2 et 5 lieues de Calloo, offrent à peu près les mêmes fossiles; mais la nature du terrain y présente quelques variations par des nuances de sables gris et brun-rougeàtre; il en résulte, pour les coquilles que l’on trouve dans les couches non ferrugineuses, un degré de conservation meilleur et une ténacité plus grande. L'on y trouve les Tellina ovata et tenuilamellosa parfaitement conservées, ainsi que Îles Luccines les plus fragiles. Les genres Pecten et Telline S'y trouvent surtout dans le crag jaune, ainsi que le Car- dium edulinum. J'ai remarqué, en outre, qu'une partie de ce terrain, d’une nature argileuse {leem), contenait une grande quantité de Fusus corneus, d'Astarte plana avec des Tellina Benedenii et des Auricula pyramidalis , espèce rare dans tous les autres dépôts. C’est sous la commune d'Eeckeren que l'on commence à trouver de grosses ver- tèbres , mais elles y sont très-rares. Le village et plusieurs campagnes se trouvent sur une faible élévation du sol, for- mant, dans les terres d’alluvions fluviatiles, une ligne avancée sablonneuse qui se relie aux anciennes bruyères et que les inondations de l'Escaut ne peuvent submerger. Cette ligne continue, sur toute son étendue en demi-cercle, autour du polder, à montrer les traces des mêmes espèces fossiles, et le fond du ruisseau se trouve souvent chargé de leurs fragments. Ces dépôts se relient, près de la ville, à Dambrugge, aux assises du Stuivenberg, lesquelles se reproduisent, en par- tie, deux lieues plus loin, au champ de Ranst. Les terrains fossilifères qui séparent ces deux massifs sont d’un âge différent; car au côté du premier, à Borgerhout, commence déjà la couche plus compacte à Cyprines avec Pecten stria- tus, Astarte planata, Omalii et Basterolü, et cette infinité (40 ) de vertèbres et dents de squales propres à ce terrain, qui se signalent toujours sous les champs de Deurne, Wom- melghem et Borgerhout; mais, par analogie de la lisière de Merxem, je crois bien qu’il en existe une semblable incon- nue jusqu’à Bast et dont j'ai suivi les traces jusque entre Deurne et Wyneghem, où se retrouvent toujours aussi les espèces d’Eeckeren et de Calloo, mais plus restreintes. L'on nomme Stuivenberg une localité à l’est de la ville joignant le hameau de Dambrugge et de Borgerhout, où se trouvait autrefois une proéminence de terrain formée de sables et de conglomérats coquilliers fort remarquables, que l'on a exploitée pour diverses constructions; il n’en existe plus que des lambeaux, qui peuvent encore donner une idée de l’ancien état des lieux. Voici le résumé des coupes prises de 1859 à 1851. 4. Terre végétale 1 à 2 pieds. 2. Gros sable à grains ferrugino-quarzenx , de couleur brune à consistance variable, sans fossile et remplissant les longues fissures de la couche inférieure, 2 à 5 pieds. 3. Conglomérat de coquilles brisées, de moules de co- quilles et de quelques espèces entières, liées par un ciment calcaire blanchâtre; les vides et alvéoles sont souvent ta- pissés d’incrustations et de cristaux irréguliers. Ce dépôt, formé sans doute par un pouvoir de transport assez grand, puisqu'on y trouve aussi de nombreux cailloux et osse- ments divers, est d’une puissance variant d’un à 8 pieds. Exploité pour le terrassement du chemin de fer, il n'en reste que des parties moins adhérentes, variant de 2 à 5 pieds. T1 contenait des vertèbres et fragments de grosses côtes, et, selon les descriptions exagérées des ouvriers, probablement des ossements de grands mammifères vivant dans le voisinage des mers à cette époque. Absent ou trop jeune à l’époque de la grande exploitation de cette (41) couche, je n’ai recueilli, plus tard, qu'un rameau d’un jeune cerf, un fragment d’une grosse côte (1 pied de long, 1} de large), quelques vertèbres et des coquilles des espèces suivantes : Tagzeau IL = . Balanus tintinnabulum, Lam. Fort 8. Cardium edulinum, Sow. P. abond. développe. 9. Mytilus antiquorum, Sow. Rare, . Corbulomya complanata, Nyst. 4b. . entière. . Corbulaplanulata, Nyst. Abondante. 10: Pecten opercularis, Lin. Rare, ent. . Tellina Benedenïi, Nyst. Abondante. 11. Ostrea edulis? Lin. Pas beaucoup. . Donax striatella, Nyst. Rare. 12. Lingula Dumortieri, Nyst. Rare, ent. + Lucina astartea, Nyst. Rare, entier. 13. Natica crassa , Nyst. Rare, entière. . Astarte plana, Sow. Peu abondante. 14. Fusus contrarius, Sow. Rare, ent. 5 C1 © 1 © © L'absence d’univalves dans cette couche, dont on ne trouve guère que quelques individus entiers, la plupart n’offrant plus que les moules, m’a surtout frappé. Parmi les nombreux fragments de cette assise, indépendamment des espèces précédentes, je citerai encore les espèces et genres suivants : Solen ensis, Lin. Pecten complanatus, Sow. Mactra arcuata , Sow. Littorina..…… Petricola ?.…. Turritella triplicata, Broc. Lucina.…. Melania.…… Cyprina. Natica.…. Astarte..…. Fusus..…. Venus striatella? Nyst. Buccinum rugosum? Sow. Artemis exoleta, Lin. Voluta Lamberti, Sow. Pectunculus variabilis, Sow. Plusieurs de ces derniers fragments, tels que ceux des Cyprines, Astartes, Pectoncules, Turritelles , ete., étaient fort usés, mais cependant assez reconnaissables pour pou- voir être rapportés comme ayant appartenu aux espèces et variétés qui ont été particulièrement enfouies vivantes dans d’autres dépôts. Je crois devoir encore faire observer ici, comme je lai déjà fait plus haut, que ces coquilles au- ront roulé longtemps sur la plage, ainsi que cela s'observe (42) encore de nos jours sur la plage d'Ostende, où la Feneri- cardia planicostata, fossile des terrains tertiaires, y est mêlée aux espèces actuellement vivantes. Plus tard, l’on ne pourra cependant prétendre avec raison que cette espèce vivait dans nos mers avec celles qu’elle nourrit aujourd’hui. 4. Couche épaisse de 5 à 40 pieds d’un terrain sableux, jaunâtre, nuancé fort irrégulièrement de parties foncées de nature plus consistante, le tout se laissant facilement entamer par le couteau ou la bêche , de manière à se ré- duire en sables, dont les plus fins sont exploités pour la préparation du mortier de construction. C'est dans cette partie du dépôt que M. Van Haesen- donck, pharmacien à Costmalle, et moi avons recueilli le plus grand nombre d'espèces, toutes fort fragiles, diffé- rentes de celles de Calloo, et dont voici la nomenclature : Tasreau Ill. 4. Balanus..…. Valves delachées. 22, Diplodonta dilatata , Phil. Rare. 2. Solen ensis, var. @, Lin. Rare, ent. 23. Astarte plana, Sow. Commune. 5 — — —'b, Lk. Rare, ent. 2% ° — !'Basterotit. Usce;/rare: 4. — tenuis, Phil. Peu commune. 95. Venus striatella, Nyst. Rare. 5. Solecurtus candidus, Ren. Rare. 26. Artemis exolela, Lin. Rare. 6. Glycimeris angusta, Nyst. et West. 27. Cardium edulinum, Sow.Commune. Rare. 98. Cardita scalaris, Sow. Commune. 7. Panopaea intermedia”? J. C. Sow. 29. Nucula depressa, Nyst. Peu abond. Rare. 50. — lacvigata, Sow. Peu abond. 8. Corbula planulata, Nyst. Abond. 51. — subtransversa? Nyst. Com. 9. Mactra arcuata, Sow. Rare. 32. Pectunculus variabilis, Sow. Rare. 10. — striata, Nyst. Commune. 53. Mytilus antiquorum , Sow. frag. 11. — petite, indéterminée, Comm. 34. Pinna margaritacea ?? Lk. Comm. 142. Eryeina ambigua, Nyst. Commune. 53. Pecten opercularis, Lin. Peu comm. 15. — faba, Nyst. Conunune. 56. — Sowerbyi, Nyst. Pas. comm. 44. Petricola laminosa, Sow. Rare. 57. Anomia ephippium ? Desh. Passub. 45. Psammobia Dumontii, Nyst. Rare. comm. 16. Fellina Benedenii, Nyst. Commune. 38. Lingula Dumortieri, Nyst. 4bond. AT. — ovata, var? Sow. Rare. 59. Ostrea edulis? Lin. Rare. 18. — solidula?..…. Rare. 40. Emarginula crassa, Nyst. Rare. 49. Donax s'riatella , Nyst. Moins rare. 41. Calyptraea recla, Sow. Rare. 20, Lueina astartea, Nyst. Pass. comm. 492. — sinensis, Lin. Rare. 21 — antiquata? var, Sow. Rare. 45. Trochus solarium , Nyst. fiare. (45) 44. Trochus trigonostomus, Nyst. Ca- 55. Cancellaria variosa , Broc. Rare. ract. 56. Cerithium funiculatum ? Sow. Rare, 45. — similis, Sow. Rare. 57. RE RENE PAT A 46. Scalaria frondosa , Sow. Rare. 58. Rostellaria pes-pelicani, Lin. Rore. #7. — subulata? Sow. Rare. 59. Buccinum elongatum, Sow. M. rare. 48. Turritella triplicata, Broc.Très-rar. 60. — — var,, SOW. 49. Eulima subulata, Risso. Rare. Moins Rare. 50. Tornatella conoïdea, Broc. Abond. 61. Buccinum labiosum, Sow. M. Rare. 51. — gracilis? Nyst? Rare. 62. — propinquum, Sow.M. rar. 52. Bulla convoluta, Broc. Abondante. 65. Terebra inversa, Nyst. Rare. 33: ©— utricula, Broc. Abondante. 64. Voluta Lamberti, Sow. Rare. 54. Auricula pyramidalis, Sow. Rare. 65. Cypraea coccinelloïdes, Lk. Rare. Plusieurs de ces espèces portent des Lepas que l’on n’a pas encore pu déterminer. La plupart , assez rares et diffi- ciles à recueillir à cause de leur fragilité, caractérisent ce terrain ; mais la plus remarquable de toutes ces espèces est la Lingula Dumortieri, qui abonde ici et que l’on y trouve parfaitement conservée. Quelques autres espèces abon- dantes à Calloo, telles que les Corbula planulata , Tellina Benedenii, Astarte plana, etc., s'y rencontrent fréquemment aussi. Les Solen et Pinna, quoique communes dans une partie du dépôt qui n'existe plus, ne pouvaient s’en extraire intactes, et l’une des Nucules qui s’y trouve assez commu- nément, et qui n’a pu être déterminée d'une manière cer- taine, n’a pas encore été trouvée dans les autres dépôts cités; elle ressemble infiniment à la Nucula margaritacea, Lam., et diffère, sous plusieurs rapports, de la Nucula lae- vigata, Sow., avec laquelle on l’a confondue. Elle se ren- contre aussi dans les formations suivantes avec les mêmes caractères spécifiques, mais offrant l’aspect d'une simple variété. Le faubourg de Borgerhout et la commune de ce nom, se trouvant bâtis sur la lisière de l’une de ces forma- tions et de la fin du Stuivenberg, il ne m'a pas été possible de découvrir si la transition se fait d’une manière sensible. On remarque cependant, en creusant dans ces endroits, (44) qu’à la même profondeur où l’on trouvait, au Stuivenberg, les fossiles dont j'ai donné la liste, on a recueilli ici des fragments de vertèbres, côtes, etc., et des coquilles dispo- sées par bandes, telles que : Cyprina tumida, irlandica, Astarte Omalii, Basterotii, Pecten complanatus, striatus et opercularis, qui caractérisent l'étage de crag moyen; sauf les Pecten complanatus, dont la longévité doit avoir été fort grande. Cette couche à été très-bien observée par M. Nyst au fort n° 1, que l’on vient de construire près de Deurne. Faisant maintenant une revue des différentes espèces re- cueillies (1) dans les endroits cités du crag supérieur, l'on trouvera que 20 p. %o (2) de celles-ci se retrouvent encore vivantes, dont 18 dans l'Océan ou mers voisines, 2 au- tres seulement dans l’Adriatique et la mer Rouge. D’après les recherches de M. Nyst. 55 p. 0 environ de ces mêmes espèces se retrouvent (sauf erreur de synonymie) dans le crag d'Angleterre (5), et 45 p. Yo sont particulières aux for- mations dont il s’agit. Enfin, 15 à 16 espèces sont encore déterminées d’une manière peu certaine, et quelques autres sont peut-être nouvelles. Je pense qu'avant de passer aux observations sur les couches suivantes, que je crois d’un âge plus ancien, il con- (1) Je n’entends parler ici que des espèces trouvées par moi-même ou à la découverte desquelles j'étais présent; car ayant des raisons de douter de quelques-unes reçues de personnes étrangères à la paléontologie, je les ai omises pour éviter toute confusion. (2) D’après les communications de M. Lyell, la proportion des espèces vivantes serait du double, selon les observations de MM. Wood et Morris. 5) Selon cette même communication, la plupart de ces espèces se trou- vent dans diverses couches de crag en Angleterre. (45) vient de faire mention d'un banc coquillier qui se trouvait dans l'Escaut, vers la rive droite du fleuve, à la hauteur du fort Lillo, et que la marée basse mettait à découvert aux époques de pleine et nouvelle lune coïneidant avec le vent d'est ou sud-est. Ce bane, qui a diminué considérablement depuis le réendiguement du polder de Lillo, excita vivement ma curiosité , ainsi que celle de M. Nyst, avec qui je l'ai visité en 1845. Il présentait un mélange de coquilles fossiles de différents étages du crag et de plusieurs espèces fluviatiles , dont les analogues vivent probablement encore dans les en- virons; le tout dans un état de conservation remarquable. Nous y retrouvàmes une grande partie des espèces déjà citées, et quelques-unes de celles-ci, fort rares, soit à Calloo, soit à Eeckeren, soit au Stuivenberg, abondaient ici, par exemple : la Rostellaria pes-pelicani, le Buccinum labiosum , Natica Sowerbyi, etc. Quelques autres espèces caractéristiques des assises subséquentes s’y retrouvaient également en abondance, et notamment l’Astarte planata, var. Cardita scalaris, Cardita orbicularis, Cardita chamae- formis, Fusus contrarius, la Turritella triplicata et Pecten Sowerbyi; les Terebratula Sowerbyi, Nyst, T. gigantea ? Schloth, Pileopsis ungarica, Cassidaria bicalenata, etc., y étaient moins abondantes. Mais deux espèces caractéris- tiques du terrain noir ou crag inférieur nous ont surtout … étonné par leur présence : l’Astarte minuta et Nucula Hae- - sendonckii, celle-ci fort rare, il est vrai, mais néanmoins solide comme les autres; celle-là plus grande et plus aplatie que dans les sables glauconifères d'Anvers. Je dois enfin citer la Voluta semiplicata, Nyst, dont le type se trouve dans l'argile à Schelle, et dont j'ai trouvé ici, je . crois, une variété. (46) il ne serait pas possible de donner une explication pré- cise de ces faits; mais l'hypothèse la plus vraisemblable sur la formation de ce banc de sables coquilliers dans l’Escaut, nous paraît être que, par suite de la rupture de la digue de Lillo après la révolution de 1850, les eaux du fleuve au reflux ont enlevé de dessous le polder les dépôts du crag fossilifère qui s’y seront sans doute trouvés, en les déposant, au tournant de la rive, à quelque distance de la rupture, Il est étonnant que la vase qui s'étend sur les rives et dans le fleuve ne couvre pas ces dépôts, dans lesquels on pourrait, en draguant, trouver encore plusieurs espèces nouvelles, car, en quelques heures de temps, nous y avons recueilli, outre les espèces dont nous venons de faire men- Lion, la Patella acqualis, Lin., Scalaria foliacea, Sow., Pho- las cylindrica, Sow., Lucina flandrica, Cardita…, le Fusus striatus, un fuseau, trois pleurotomes, le Murex tortuosus, Sow., deux buccins, une fasciolaire, plusieurs polypiers et fragments d’échinodermes que nous n'avions pas encore trouvés dans ce pays et dont M. Nyst se propose de donner la description. Crag moyen ou assises intermédiaires entre le crag supé- rieur et les sables glauconifères. —1l ne m'a pas été possible de constater jusqu’à présent, d’une manière bien certaine, si les dépôts marins d’un âge immédiatement antérieur à ceux dont je viens de parler, et qui s'étendent générale- ment depuis la ville d'Anvers, vers le midi de la province, sous la couche de terre végétale, se trouvent aussi sous les dépôts, moins anciens, que recouvrent les polders; mais il est constant qu'en deçà de la limite que forment ceux-ci et la bruyère, dans une certaine circonférence, tout in- dique un état de choses plus ancien. Le limon noirâtre des alluvions fluviatiles est remplacé PS PTS (A1) . par une terre végétale, également bonne, que les inonda- tions du fleuve ne sauraient atteindre, et les couches infé- rieures à celle-ci contiennent des dépôts coquilliers formés par des espèces caractéristiques généralement différentes de celles dont la nomenclature précède, quoique plusieurs de celles-ci s’y représentent encore. Une quantité notable de dents de squales et des vertèbres, irrégulièrement ré- pandues dans le sol , caractérisent particulièrement cette partie du crag qui reconvre indistinctement le terrain noir ou sables glauconifères et la marne argileuse; mais ces deux formations se trouvant disposées par larges bandes ou par zones, il se fait que lorsqu'elles viennent à man- quer, la formation dont il s’agit présente une succession très-variée de couches Superposées les unes aux autres. Ces couches sont généralement sans fossiles au delà d'une lieue sud d'Anvers; elles en sont, au contraire, remplies ‘aux environs de la ville. En creusant autrefois les fossés des fortifications, lon a rencontré et mis à nu des banes coquilliers considérables appartenant à cette assise ; de faibles couches d'argile jaune ou bianchâtre (leem) les traversent, et l’on rencontre à di- verses profondeurs le crag noir à pétoncles. Cette couche argileuse, dont l'épaisseur varie d’un demi- pied à deux pieds, est riche surtout en coquilles des genres Pecten, Astarte et Cyprina; l’on y trouve aussi des Venus sulcata et turgida. Elle se trouve généralement à une pro- fondeur de quatre à cinq pieds dans le terrain gris ou sableux jaunâtre, et le sépare souvent d’une partie mou- vante nommée drift, et qui donne de l'eau. Cette super- position s'observe aussi dans des lieux non fossilifères. Des coupes prises cu différents endroits en donneront une plus juste idée. ( 48 ) Au glacis d'Anvers : 1. Terre végétale grise, mélangée de quelques débris fossiles. 1 à 2 pieds. 2. Terrain gris de crag avec fossiles . . . . . . . .5à6G » 3. Argile d’un blanc grisâtre avec fossiles. . . . . . . 11, » 4. Drift de couleur semblable (pass'. peut-être au crag noir). 4 » Et puis indéfini à cause de l'eau. . . . . . . 15'},pieds. Au sortir de la ville, chaussée de Berchem : 1. Terre végétales ©: … + . 1 lee PIE 9. — jaune sableuse Car sans rire si C2 16 NOM 3: — — argileuse(/eem), sans fossiles . . . . . + "6n» 14 picds. Ua peu plus loin, l'on creuse 16 à 20 pieds dans la terre sableuse, n° 2, sans fossiles et sans variation sensible. Au Rooy, commune de Berchem, à une lieue de la ville: AE Tenrmivégeétale mu PE pieds. . Terre sableuse jaunâtre, avec por dents de squales, vertèbres et moules divers de coquilles appartenant aux genres cyprine, astarte et vénus. 4 à 6 » 3. Sable gris-blanchâtre (drift), contenant de petits cailloux roulés et concrétions moulées dans des coquilles dont le test est détruit . . . . . . Li» 4. Sables noir verdâtre sans coquilles, mais avec quel- ques rares fragments de vertèbres et de dents. AREAS ee ei AS ea ne NES ARTE 5 » 19 Creuse. ”. 1, 14 pieds. Des couches du même genre, mais variées, se succèdent, vers le midi, avec les mêmes traces organiques jusqu’à la hauteur de Hove et Contich, où l'on n’en trouve plus. On y arrive bientôt aux marnes argileuses. (49) Dans le village de Contich, on a trouvé sans fossiles : ? Miro vérélalé) 5)... cat odue 91/2 dé pieds. 2. Sable blanc jaunâtre pur. 2. 5. Terre jaune ocreuse pr Fu a» RE. DE PE TE 4. Sable blanc argileux friable . 1,» 5. Drift à cailloux roulés indéfiniment "1 dans ER DS Pt 5 » Greusé - . 14 pieds. A vingt minutes à l’ouest de Contich : Terre végétale . ATEN pieds. — sableuse jannâtre assez consistante. . . : 5! » — de nature argileuse vers sa base . 1 . Marne argileuse avec Septaria. Indéfini. Creusé 8 » 4 2. 5. ä » Creuse 2, 45 pieds. Quelques pas plus loin, dans une briqueterie, j'ai ob- servé, dans le n° 2, des degrés de stratification très-variés : le jaune passait au blanchâtre, puis au vert, puis au brun d’ocre avec nodules ferrugineux, au gris pâle argileux, enfin à la marne argileuse. Voici la liste des coquilles que j'ai recueillies dans les couches de crag moyen à Anvers : Tagreau IV. — A. Nomenclature des espèces caractéristiques de ce terrain. | 4. Balanus crassus, Sow. 7. Cyprina tumida, Nyst, var. &. 2, Lepas.….. 8 — — Nyst., var. G. 5. Lucina antiquata, Sow. 9. Astarte planata, Sow. 4 — curviradiata, Nyst. 10. — — Basteroti, Lajonck. 5. — flandrica, Nyst. 11. — — Omalii, Lajonck. 6. Cyprina islandica, Lin. AT — imbricata Sow. (1). (1) Nous croyons aussi que ces quatre espèces ne sont que des variétés de l’As- tarle planata. Tome xx. — Ï"° paRT. 4 (50) 15. Astarte Burtini, Lajonck. 14 — — var. obliquata (1). 15. — Galcotti, Nyst, 16. — corbuloïdes, Lajonck. 17. — sulcata, Mont. 18. Venus spadicea, Ren. 19. — rudis, Poli (cycladiformis Nyst.). 20, — minima, Mont. (trigona, Nyst.). 21. — chionoïdes, Nyst. 22. — sulcata, Nyst. 25. — — var., Nyst. 24. — turgida, Sow. 25. Cardium echinatum ? var., Brug. 26. Isocardia cor, Sow. 27. Cardita chamaeformis, Sow. 28. — orbicularis, Sow. 29. — planicostata? Lk. 30. Lima nivea, Ren. 31: Pecten grandis, Sow. 32. — Westendorpianus, Nyst. 35. — Sowerbyi, Neyst. 34. — radians, Nyst. et West. 35. — Gerardi, Nyst. (2). 36. — tigerinus, Mull. 37. — — 12 variétés. 38. Pecten striatus, Sow. 39. Anomia rugosa , Nyst. 40. Ostrea undulata , Sow. 41. — ungulata, Nyst. 42. Terebratula gigantea Schlot. 45. Dentalium semi-clausum, Nyst. 4%. Dentalium (Ditrupa), strangulatum, Desh. 45. Pileopsis ungarica, Linn. 46. Calyptraea (muricata), squamulata, Ren. 47. Trochus extensus ? Sow. 48. — similis, Sow. 49. — laevigatus, Sow. 50. — Sedgwicki, Sow. 51. — Kickxii, Sow. 52, Turritella triplicata. Ds. — 54. Natica cirriformis, Sow. 55. — hemiclausa, Nyst. 56. — — yar.? 57. Bulla lignaria, Lin. 58. Tornatella.…… ? 59. Cancellaria umbilicaris, Broc. 60. Cancellaria ?..… 61. Fusus alveolatus , Sow. ss. 62 — — var. ? 63. — clathratus? Lam. 64. — echinatus, Sow. 65. Murex alveolatus , Sow. 66. Buccinum. crassum, Nyst. 67. — flexuosum ? Broc. 68. — granulatum, Sow. 69. — elegans, Leath. 70. Flustra lanceolata ? Goldf. 71. Millepora, . . . . 72. Ceriopora. . . .. TaBLEAu V. —B. Vomenclature des espèces communes à cet étage et aux dépôts de la formation antérieure.\ 1. Panopaea intermedia? J. C. Sow. Rare. 2. Corbula planulata, Nyst. M. abond. 3. Tellina obliqua, Sow. Rare ici. 4. — tenuilamellosa , Nyst. et West. Très-rare. (1) Ces deux espèces sont probablement des variétés. (2) Ce Pecten nous parait être une varicté du P, tigerinus. Can de | Pi Te À ETS ENT SERIE CP (51) - Trochus octosulcatus, Nyst.Rar. icé, . Littorina suboperta. Assez rare. . Scalaria frondosa, Sow. Rare. . Turritella triplicata Broc. 5. Tellina lupinoïdes, Nyst. Très-rare. 6. — Benedenii, Nyst. Rare dans le crag gris. 7. Lucina astartea, Nyst. Rare. 8. Diplodonta dilatata, Phil. Rare. 9. Cyprina tumida, Nyst, var. c. Rare. 10. Astarle plana , Sow. Moins abond. 11. Arlemise xoleta, Lin. Rare ici. 12. Cardium edulinum, Sow. M. abond. 43. Nucula depressa, Nyst. Trés-rare. 14. Pectunculus variabilis, Sow. Pas abondante. 15. Pecten opercularis, Lin. var. Pelite el commune, 46. — Sowerbyi, Nyst. Commune. 17. Anomia.. .... Coma. dans le crag jaune. 18. Ostrea edulis, Lin. Pas abondante. 19. Lingula Dumortieri, Nyst.Très-rar. 20. Emarginula fissura, Lk. Touj. rare. 21. — crassa,Nyst. Touj. rare. 22, Fissurella graeca ? Lam. Touj. rare. 25. Calyptraea sinensis, Lin. Rare ici. 53. 54. 3ù, 36. 37. 58. 39. 40. 41. 42. 43. Tres- abond., appartient aux curactéris- tiques. . Natica crassa, Nyst. Commune. — Sowerbyi, Nyst. M. conum. . Bulla convoluta, Broc. Rare. 1. Fusus contrarius, Lin. Assez rare. — corneus, Lin. Assez rare. Pleurotoma turricula, Broc. Rare. Murex alveolatus. Sow. Caractérist. Rostellaria pes-pelicani, Lin. R. tct. Buccinum Dalei? Sow. Lillo et An- vers. are. — tenerum, Sow. Rare. — elongatum, Sow. M. rure. rugosum, Ï. rar. reticosum , M. r. — propinquum,Leath. T. r. . — labiosum, Sow. Rare. Cypraca coccinella, Lam. Tr.-rare. Les espèces suivantes : Lucina anliquata, Astarte Bas- teroti, Cardita scalaris, Pecten striatus, et Turritella tri- plicata, quoique se trouvant quelquefois dans les assises supérieures, ne peuvent pas cependant être considérées comme communes aux deux étages. Il faut remarquer que les espèces de cette catégorie, qui sont abondantes dans les couches antérieures, sont rares ou peu communes ici, à quelques exceptions près, encore y a-t-il toujours des variations à observer; et celles qui abon- dent ici sont rares dans les couches des étages supérieurs, quand elles s’y rencontrent. (52) Taureau VE — C. Espèces communes à cet étage et à la formation inférieure (crag noir ou sable glauconifère). 4. Corbula granulata? Nyst. Rare. 15. Solarium turbinoïdes, Nyst.Rare. 2. Matra striata, Nyst. Varicte ? 146. Trochus extensus , Sow. Rare. 5. Erycina dubia? Nyst. 17. Natica crassa, Nyst. Rare dans 4. Ligula donaeiformis. Rare ici. ” l’inférieur. 5. Astarte Omalii, Lajonck. Rare dans 18. Natica Sowerbyi, Nyst. Rar. dans le crag noir. le noir. 6. Venus incrassata, Sow. Rare ici. 19. Bulla convoluta , Broc. Rare ici. 7. Cardita squamulosa , Nyst. Rare. 20. — utricula, Broc. Touj. rare. 8. — orbicularis, Sow.Raredans 21. Pleurotoma intorta, Broc. Très-rar. le crag noir. 22, — crenulata, Broc. 9. Nucula depressa, Nyst. Touj. rare. 25. Cancellaria varicosa, Broc. Toujours 40. — subtransversa? Nyst. Vurice. rare. 11. Trigonocaelia scalaris? Sow. Rare. 24. Cassidaria bicatenata, Sow. Tou- 12. — sublaevigata , Nyst. jours rare. et West. Rare. 25. Ringicula buccinea, Broc. Variée. 15. Pectunculus variabilis (1), Sow. 926. Gypraea coccinella, Lam. Touj. rar. Peu commun ici. 27. Lunulites rhomboïdalis, Goldf. 44. Dentalium entalis, Lin. Variée. D'après ce qui préeède, l'on voit qu’il n’y a guère qu'une dizaine d'espèces qui se retrouvent dans les trois élages, et le degré de proportion, comme celui de développement, est essentiellement différent. La même observation que J'ai faite sur la liste précé- dente s'applique à celle-ci, seulement la variation des coquilles qui se rencontrent dans le terrain dont il s’agit et le crag noir, est bien plus grande. Il résulte des recherches que j'ai pu faire, que la quantité des analogues vivants de ces terrains, correspondant au se- cond étage, a diminué de 5 p. °/o sur celui du crag supérieur, celui-ci n’en comptant en moyenne qu'environ 45 p. % en (1) Probablement une espèce distincte. (93) espèces caractéristiques (1); les analogues aux espèces vi- vantes se rapportent aux espèces des mers du Midi. La proportion des espèces qui se trouvent également dans le crag d'Angleterre n’est plus que de 45 p. %o, tandis que celle des fossiles qui se retrouvent dans le clay de Londres (Bar- ton et Hordwell) est ici de 5 p. %; enfin, 42 p. % sont encore particulières jusqu’à présent au crag d'Anvers, et quelques-unes sont restées indéterminées. CRAG NOIR. — Etage inférieur. Sables glauconifères. — Les couches les plus anciennes de la formation du crag d'Anvers sont, des sables noirs ou verdâtres de phosphate de fer, mélangés de grains jaunâtres souvent foncés, de quarz ou de calcaire. Ils sont disposés par bandes ou par zones, qui commencent généralement, dé 8 à 12 pieds de profondeur, sous les assises supérieures, et semblent se trouver répandus Surtout sous la ville d'Anvers et ne sont guère connus que dans sa banlieue. C’est surtout au glacis du fort Herenthals qu'une couche à fleur de terre a depuis longtemps attiré l'attention des paléontologistes, à cause de la prodigieuse quantité de pétoncles et autres coquilles que le travail des taupes remue en cet endroit avec le sable; l’on y trouve des foraminifères el autres coquilles microscopiques re- marquables que l'on n’a pas encore déterminés jusqu'à présent et qui caractérisent cette couche qui ne semble pas avoir été observée en Angleterre. La superposition de cette même couche sur une bande jaune de crag ferrugino-arsileux, avec Cyprina tumida, Pec- (1) Suivant la communication déjà mentionnée de M. Leyll, nous devons ajouter que cette proportion s'élève encore à plus du double, et que celle des espèces qui se trouvent aussi dans les assises du crag anglais, serait de 80 à 90 p. ‘. (ÿ4) ten Striatus, complanatus, Gerardi, ete., s'offrait aussi à l'attention du paléontologiste, et quoiqu'il semblât dûment constaté, par l'étude comparative des fossiles de ces dé- pôts, que l’âge relatif des sables glauconifères noirs était plus ancien, ce renversement d'étages nous a longtemps fait douter; mais comme ces mêmes sables se représentent de nouveau sous la couche de pecten et cyprines et forme le fond du fossé des remparts creusés en cet endroit, il est probable que c’est à l’époque du creusement de ce fossé qu'une couche de crag noir aura été déposée par chariage dans une dépression de terrain, d'autant plus que ce n'est guère que sur une étendue de quelques minutes et avec une puissance variable, que ce fait particulier se pré- sente. L’épaisseur ou la puissance commune de ce Lerrain est peu connue jusqu’à présent, parce qu’il se trouve générale- ment, soit en des lieux où l’on ne peut ni creuser ni fouil- ler, soit fort avant sous le sol et les assises supérieures. Selon les renseignements que nous avons pu recueillir, il a, en quelques endroits, une puissance de 19 à 20 pieds de profondeur. Près du village de Berchem, on retrouve ce terrain à 6 pieds sous la surface du sol; ainsi l'on remarque 2 ‘k pieds de terre végétale, puis 2 à 5 pieds d'une couche coquillière consistante , et enfin le crag noir avec fossiles ayant plus de 10 pieds d'épaisseur. Une demi-lieue plus loin, j'ai constaté la superposition suivante au sud de la même commune et d'Anvers : LA pt AAA PE aa og ot . 1} à 2 pieds. 2, — sableuse jaunâtre et bigarrée, avec de rares concrétions calcaires moulées dans des coquilles, quelquefois des vertèbres et des dents de squales (des genres cyprines et astarte). .…. . . . . 5à6 » (55) 3. Sable grisâtre contenant à peu près les mêmes genres, moules ét débris, passant au noir . . . . . . 1, pied. 4. Sables glauconifères d'un noir verdâtre de puissance indéfinie, sans coquilles, mais contenant des frag- ments de côtes et de vertèbres de poissons, dont une, que j'ai recue, a 7 pouces en largeur diamé- trale. On a creusé G pieds dans ce terrain. A l'est de la ville, au village de Deurne, distant d'une lieue , le ereusement d’un puits a produit : 4. Terre végétale . . . . LUNA DIEU. 9, — sableuse jaune, tés nhe avec € débris qe lie. d'astartes ct dents de squales. . . . ; 20 » 5. Terrain noir, dur et compacte, formé de Sa. glau- conifères ea avec Zigula donaciformis, quel- ques Pectunculus variabilis et empreintes de Pec- ten Lamalii et des débris divers; il contenait aussi des fragments vertébraux. Pas traversé. Enfin, vers le côté sud-est, entre les villages de Deurne, Berghem et Borgerhout, l’on a trouvé le crag noir, à 26 pieds de profondeur, après avoir traversé deux autres cou- ches coquillières de formation plus récente, et l’on à pu constater qu'il pouvait y atteindre environ 45 pieds de puissance. Les espèces caractéristiques qu’il m'a été possible de recueillir dans cette formation sont les suivantes : 1. Corbula gibba, Oliv., Assez comm. 10: Astarte radiata, Nyst et West. 4bon- 2, — Waelii, Nyst. Très-rare. dante. 5. Mactra striata, Nyst. Pas rare. 11. Astarle radiata, var. crassicosta. RÀ. 4. — (petite, indéterminée), Com. 12 — minuta, Nyst. Abondante. 5. Ligula donaciformis, Nyst. Com. 13. Venus multilamellosa, Sow. Pas r 6. Saxicava arclica, Lin. Commune. 44, — incrassata, Sow. Rare. 7. Donax fragilis, Nyst. Rare. 45. Cardium turgidum , Brunn. Rare. 8. Lucina antiquata? Sow., var. Pas. 16. — .-.:. .? Rare. 9. Diplodonta dilatata? var, Phil. Pas 17. Isocardia lunulata, Nyst. Rare. rare. 48. — crassa, Nyst. Rare. (56) 49. Cardita squamulosa, Rare. 20, — corbis, Phil. Rare. 21. Nucula depressa, Nyst. Rare. 22. — Philippiana, Nyst. Abond. 23. — Westendorpi,Nyst. Assez r. 24. — Margaritacea? Desh. Abon. 25. — Haesendonckii, Nyst. 4. r. 26. Trigonocaelia sublaevigata, Nyst. Assez rare. 27. Trigonocaelia decussata, Nyst. 4s- sez rare. 28. Pectunculus variabilis (1), Sow. Très-abondant. 29, Arca diluvii, Lam. Rare. 30. — pusilla, Nyst. Rare. 31. Mytilus sericeus, Bronn. Très-rare. 32. Pecten Lamalii, Nyst. Rare. 33 — — var, Nyst. Rare. 54. — jacobeus? Lam. Rare. She NN e+-'baue +. ?, Rare. 36. Ostrea cochlear Poli (2). Rare. Ste AU 38. Dentalium costatum, Sow. M. rare. 59. — entalis, Lin. Moins rare. 40. Calyptraea recta ? Sow. Rare. 41. Salarium turbinoïdes, Nyst. Rare. 42, Trochus similis, var., Sow. Rare. 42 10 se - Aide Rare. 44. Scalaria lamellosa , Broc: Fragm. 45. — reticulata? Sow. Fragm. 46. Turritella triplicata, Broc., var. Petite. 47. Eulima subulata? Broc., var. Petite. 48. Tornatella elongata, Sow. Rare. 49. — striata, Sow. Rare. 50. — VEN . Rare. 51. Pyramidella terebellata, Lam. Rar. 52. Niso terebellatus, Lam. Rare. st 53. Natica Sowerbyi, Nyst. Abondante. 54 — crassa, Nyst. Rare. 55. Bulla convoluta , Broc. Pas rare. 56. Balla constricta, Sow. Pas rare. 57. — utricula, Broc. Très-rare. 58. — acuminata, Brug. Très-rare. 59. Ancylus compressus, Nyst. Tr-rare. 60. Cancellaria varicosa, Broc. 4ss. rar. 61. — minuta, Nyst. Rare. 62. — Michelinii? Phil. T.-rar. 63. Fusus (Pyrula) . : . . - . ? Rare. 64. Pleurotoma turrieula? Broc., var. Pas rure. 63. Pleurotoma dubia, Crist. et Jan. R. 66. — cheilotoma? Bast. Rare. 67. — crenulata, Bast. Rare. 68. — intorta, Broc. Rare. G9. — (indéterminée). 70. Cerithium (indéterminée). Rare. 71. — (indeterminée). Rare. 72. Murex cuniculosus, Duch. Rare. 15. Rostellaria . . . . . .? Rare. 74. Cassidaria bicatenata, Sow. Rare. 75 _— 0: .? Rare. 76. Buccinum prismatieum, Broc. T..-r. Mad = seine: 78. Ancillaria . . . . .? Fragm. 79. Ringieula buccinea, Broc. Comm. 80. Cypraea coccinella, Lk. Rare. 81. Nodosaria. . . . . Abondant. 82. Dentalina ? . . . . . Rare. 83. Turbinolia . . . . . . Rare. 84. — 1.1 PAU 85. _— e «ae RE 86. Flabellum extensum , Mich. Rare. 87. Stephanophyllia imperialis, Mich. Rare. 88. Semina. . . . . Rare. 89. Cydarites . . . Rare. PER PE Supplément. 90. Corbula..…. 91. Cancellaria evulsa, Brand. a —————————————— —— (1} Nous pensons que celte espèce est distincte du P. variabilis. (2) C'est une espèce distincte, désignée sous le nom d’Ostrea Waeliï, Nyst. (57) 9. Fusus regularis ? Sow. 97. Serpulas 374. 95. Pleurotoma . . ... 98. Lunulites rhomboïdalis. Goldf. 9%. PRES SE 99. sc E4 97 ER 95. HR LY : lo à 6) oi 100 ct 8 détene nirdie 96, Vermetus . . . . . . Il y a, comme on le voit, sur ce nombre une partie d'espèces encore indéterminées, à laquelle il viendra s’en joindre encore beaucoup de nouvelles peut-être; l’on at- tend avec impatience la détermination des foraminifères, ainsi que de plusieurs petites coquilles. Sur cette quantité, l’on ne retrouve guère que 25 espèces des formations anté- rieures du crag , encore y a-t-il parmi celles-ci quelques variétés que l'on ne peut rapporter qu'avec doute aux espèces avec lesquelles on les confond. Environ 18 se rencontrent aussi dans le erag d'Angle- terre, 5 dans le london-elay et 4 dans largile de Ruppel- monde. On retrouve, enfin, une vingtaine des mêmes espè- ces dans les terrains tertiaires moyens de France, d'Italie, de Sicile et d'Allemagne, et quatre dans d’autres dépôts analogues de Belgique, à Kleyn-Spauwen, Vliermael et Lethen (1). Le rapport d’analogie avec les espèces vivantes n’est plus que de 10 à 41 p. % (2), et la moitié de cette somme n’habite que les mers du midi de l'Europe; l’autre moitié se trouve dans ces mêmes eaux, mais aussi dans l'Océan. Il me semble résulter assez clairement de tout ceci que l’âge relatif de cette formation la sépare d’une manière bien distincte des deux autres formations du crag d'Anvers, qui, quoique successives, montrent cependant un plus grand rapport entre elles. (1) Tout ceci, sauf observations ultérieures. L (2) Ce qui s'élève encore à plus du double, d’après les géologues anglais déjà cités, qui se sont livrés à des recherches spéciales à ce sujet. (58) Il reste d'intéressantes recherches à faire au sujet de la superposition de ce Lerrain, sous lequel il paraîtrait natu- rel de rencontrer l'argile ou la marne argileuse, qui semble former la base d’une grande partie des terrains du bassin d'Anvers. Plusieurs creusements auxquels j'ai assisté et des informations prises en mainte occasion m'ont fourni des résultats différents. Argile inférieure au crag. — Une longue bande ou zone de marnes argileuses s'étend le long des rives de l’Escaut, d’une part, depuis Baesel jusqu’au delà de Ruppelmonde, et d'autre part, depuis Boom au Ruppel jusqu’à Schelle et Hemixem, par la commune de Niel. Mais cette bande ne s'étend ainsi que sur sa largeur, et son étendue de l’est à l’ouest est bien plus grande, car elle se dirige sous les communes d’Aertzelaer et Contich, à 5 lieues de Ruppel- monde, se perdant à certaines limites pour se retrouver, près d'Anvers à Deurne , à 98 pieds de profondeur, sous plusieurs couches de crag. Plus loin encore et même dans la Campine, il semble que ces marnes se répandent à de grandes distances et à des profondeurs différentes. Ces dépôts offrent un fait qui nous semble remarquable; c'est de se trouver recouverts, sur une longue étendue, par des couches de terres sableuses ou argilo-ferrugineuses, qui nous paraissent toujours appartenir au crag intermédiaire ou supérieur (comme nous avons pu le constater à Ruppel- monde), et de ne pas présenter de vestiges de crag noir ou inférieur à sa surface. Il semble donc qu’il a dû se faire ici un état de repos pendant que les couches de crag noir infé- rieur se formaient ailleurs, et que les dernières périodes marines ont recouvert indifféremment les diverses forma- tions antérieures du bassin qu’elles pouvaient atteindre, comblant aussi des creux et des dépressions de terrain. (59 ) La puissance du dépôt de marnes argileuses varie con- sidérablement, ainsi que l'épaisseur des autres formations qui le recouvrent, comme il résulte de plusieurs coupes et creusements que nous avons pu observer de distance en distance. D'abord à Ruppelmonde, on observe ce qui suit : 1. Terre végétale . SR RM LL ane Ji 2 pieds. 9, — argile sableuse jaunâtre (leem). . . . . . . 4 » 3. — sableuse jaunâtre, bonne pour faire le mortier à construction, avec vestiges de fossiles du crag . 6 » 4. Couche sablo-argileuse de couleur brun-grisâtre, séparée des suivantes par une ligne ferrugineuse souvent dure, 3 » . Marne argileuse, maigre, sans fossiles ou fort peu, la- quelle repose sur une base plus compacte indiquée par une assise de pierres blanchätres (concrétions argilo- calcaires), nommées (seep-steenen). — Ceci forme le ERA ET MEN CO ME CEMRE FRAIS Re Marne argileuse avec teintes variées et parties plus ou moins sableuses qui contiennent de petites coquilles fos- siles encore inconnues; d’autres espèces connues se trouvent dans la masse du dépôt. Ceci forme le 2: étage. 50 » . Ligne de pierre calcaire ou concrétions connues sous la dénomination de Septaria , marquant la limite de l’é- tage inférieur, puis continuation d'argile pendant. . 20 » Alors partie sableuse qui donne de l’eau, et continua- tion d’argile inconnue. x 45 y S À | 100 pieds. Cette partie, qui forme l'étage le plus inférieur connu jusqu'ici, renferme les coquilles fossiles qui ont été suc- cessivement décrites par MM. Nyst(1) et De Koninck (2). I (1) Recherches sur les coquilles de la province d’ Anvers, in-8°, 5 pl; 1835. (2) Description des coquilles fossiles de Pargile de Baesel, Boom et Schelle , in-4°, 4 pl.; 1857. (60) est probable, d’après ce qui existe en Angleterre et d’a- près l'avis de M. Lyell, que de nouvelles et minutieuses recherches y amèneront la découverte de coquilles qui n’y ont pas encore été recueillies. On y trouve aussi des con- crétions ferrugineuses dites pyrites de fer, et les cavités que l’on remarque dans les rognons calcaires sont tapis- sées d’incrustations avec cristallisations ferrugino-sulfu- reuses. Le crag qui recouvre l’argile sur la rive droite de l'Es- caut, sous les communes de Schelle et Hemixem, n’a guère qu'une dizaine de pieds de puissance; il est, vers sa base, de nature plus ferrugineuse, et contient beaucoup de petits cailloux quarzeux roulés. On y trouve aussi des ossements fossiles et des nodules d’hydrate de fer. Le dépôt d'argile marneuse, qui s’y présente ainsi qu'a Boom, moins puissant qu'à Ruppelmonde, puisqu'il n’a que 40 à 50 pieds en exploitation, nous paraît n’y constituer que le 2° étage en partie et moitié du 5°, car indépendamment de l'absence de certaines espèces abondantes ou caractéristiques à Rup- pelmonde, telles que les Astarte, Cardita et Dentalium Kickæü, Fusus erraticus et Fusus Konincki, etc. On se trouve, à quelques pieds de profondeur, sur la ligne des Septaria, qui sépare, à Ruppelmonde, les 2° et 5° étages. Il est à remarquer cependant que certaines espèces sont particulières au dépôt de Schelle, et n’ont pas encore été trouvées à Ruppelmonde, par exemple les Voluta semi-pli- cata, Nautilus zig-zag Stackezii, Nyst et Fusus. On trouve indistinetement, dans l'argile des deux rives, des vertèbres et des dents de squales; mais celles-ci, comme les coquilles, sont généralement de plus grande dimension à Ruppelmonde. Suivant à présent la marne argileuse dans l’intérieur "ER 4 CE à $ ï qe RÉ - RE ES cree Se (61) de la province, je la trouve à 400 pieds d'épaisseur au chà- teau de Claydael , où le forage d’un puits artésien a con- staté ce fait et donné de l’eau à cette profondeur avec abondance. Une lieue plus loin, dans la direction de sud-ouest au nord-est, au château de Contich, un forage semblable a donné le résultat suivant : 1. Terre végétale. .… . . . .. 21] pieds. 2, Terre argileuse jaunâtre Hama avec Sables es ugi- neux, sans débris organiques . - CR ANT 5 » 5. Argile jaune-grisâtre, plus foncée vers le ui Eee do le » 4. Argile noirâtre compacte sur laquelle reposent des con- crétions dites Septaria. Cette argile, comme celle de Ruppelmonde, se concasse à l’air par le desséche- ment, et contient des pyrites de fer . . . . . 60 » 5, Argile pareille, encore plus noire et de nature schis- teuse, feuilletée, avec pyrites de fer. . . . . . 150 ” 6. Couche dure et compacte argilo-pyriteuse et luisante sur laquelle se brisaient les instruments . . . . 20 » Par suite de quoi, l'on a staté à. . . . 227 !}, pieds. Il n’a pas été recueilli de coquilles ni autres débris orga- niques fossiles de ces forages, et, par conséquent , l'on n’a pu constater si le terrain en contenait dans ces loca- lités. Un troisième forage, à dix minutes de distance, vers le midi, sur la largeur du dépôt, a produit à peu près les mêmes résultats; mais au delà d’une portée de flèche, dans la même direction, l’on ne rencontre plus d'argile en creu- sant , et l'on trouve à sa place une couche ferrugineuse à quelques pieds de profondeur, des sables jaunes à petits cail- loux roulés et des sables grisâtres nommés drift, et beau- coup d’eau. Le tout sans coquilles ou autres fossiles orga- (62) niques, hormis du bois; mais comme cette couche argi- leuse n'est exploitée, pour la fabrication des briques , à Contich, qu'à 15 pieds de profondeur, il est permis de supposer que l’on pourrait en trouver plus bas, si l'on creusait ainsi sur une certaine étendue. Les morceaux de bois que l’on remarque ici, se trouvent aussi dans les marnes de Schelle et dans les sables argileux supérieurs à l'argile de Deurne. Pour terminer la série de ces observations, nous allons ajouter le narré d’un état de forage fait, en 1854, sous la commune de Deurne, près d'Anvers , à la fabrique le Phé- nix, de M. Wood {au nord-nord-est de Contich, lieu des autres forages cités ; communiqué par Ch. Cogels) : Pieds et pouces anglais. Avril 15. Terre végétale. . .:. : DRÉRAO" 49 » 17. Argile jaunâtre (leem), mêlée e ET Dr ar0 9 pieds d’ossements fossiles de poissons . » 21. Sable et morceaux de pierres (silex) . . . . . 1 » 23. Sable mouvant (drift) , mêlé de coquilles . » 26. Couche coquillière très-dure, mélarigée de sable. » ». Sables et coquillages. » ». Sable gris . : ati nb, c » 28. Descendu le 2° tuyau en “tôle de 8 L L pouces de dia- mètre. Obligé de le découper pour le retirer, des- cendu un 2° tuyau de 8 1/, pouces, de diamètre en remplacement . . . . SR PONS Mai 5. Sable vert, dont les derniers 20 pieds tr très-mouvants et mêlés ÿ petits cailloux blancs . . . . . A1 » » 8. Même composition, un morceau de bois carré et une pièce d'os sans forme . . . “4 Dis Descendu le 5° tuyau de 7 1/, pouces M" unie Par LA) » 14. Sable vert mouvant, mêlé de Pa de coquilles, mais peu d'entières, she À 4 PR RES TT » 15, Sable mêlé d'argile, coquilles vi y (1) Corpus chron. Flandriae, t. WI. (2) Le Brabant et le marquisat d’Anvers n’obéissaient pas encore au bon duc. (3) Dagboek der gensche collatie, bladz. 172. ( 88 ) milien lui-même se plaint, dans une charte, citée par M. De Reiffenberg (1), que le nombre des pirates qui infestent les côtes du comté va sans cesse croissant, « au détriment, » dit-il, et dommage irréparable de la marchandise, la- » quelle est le principal fondement et entretènement de » la chose publique de nos pays de Flandre, de Hollande, » de Zélande et de Frise, auxquels ne peult advenir bien, » proufit, ni utilité auleune, sinon par le faiet et moyen » de la mer. » Parmi ces écumeurs de mer se trouvaient, dit M. Kervyn de Lettenhove, des Dunkerquois et des Nor- mands, mais ceux de l'Écluse faisaient plus de mal en- core. Cette ville était devenue, en 4489, un vrai nid de pirates. Telle était même leur audace qu’on n'osait plus expédier des vaisseaux pour Berg-op-Zoom, sans leur don- ner une escorte imposante, et qu'au mois d'octobre 1492, ils armèrent en course une escadrille de sept bâtiments, pour faire le blocus de l’Escaut. Les Anversois leur oppo- sèrent une flottille de cinq vaisseaux, et l’on en vint aux mains près d’Arnemuide; quelques navires portugais firent changer en défaite la victoire imminente des pirates (2), mais ils ne mirent pas un terme à leurs entreprises. C'était là un moyen d'accélérer la ruine de l'Écluse et de Bruges. Cette dernière ville avait paru un instant sur le point de ressaisir le sceptre du commerce : elle avait vu, en 1486, entrer dans un seul jour cent cinquante voiles de commerce dans son port. Mais c'était là le dernier éclat d’un flambeau qui s'éteignait. Sa bourgeoisie avait vive- ment désiré de faire la paix avec Maximilien pour renouer (1) Mémoire sur le commerce des Pays-Bas, p. 254. (2) Reygersberghe, Chronyke van Zeeland, bl. 218. (89) ses relations commerciales, comme le remarque un poëte contemporain : É In primis vulgi sua damna queruntur Quod jam non vendant merces, quod littora naves Non subeant solitae (1). Mais pendant ces troubles, presque incessants, on avait négligé l'entretien nécessaire du Zwyn, du port de Damme et des canaux qui conduisaient les bâtiments de ce port au bassin de Bruges ; la mer se retirait tous les jours davan- tage du havre de l’Écluse. L’ensablement du Zwyn fit en peu de temps assez de progrès pour faire prévoir aux prud'hommes que ce port fameux serait changé un jour en champs et en prairies : Et seges ubi mare fuit. Anvers profita des malheurs de sa rivale : le XV® siècle n’était pas expiré, et déjà les Portugais et les Espagnols, les Florentins, les Génois, les Vénitiens et les Milanais, comme les Oosterlins, y avaient transféré leurs comp- toirs ; et ces anciennes familles , dont la Flandre semblait être devenue une seconde patrie : les Buonvisi, les Spinola, les Affaitadi émigrèrent à la ville de l'Escaut. Les décou- vertes de Vasco de Gama et de Colomb, et le déplacement du commerce si important des épiceries, lui rendirent, et bien au delà, tout ce que Bruges avait perdu en puissance commerciale. La ville flamande n'avait point perdu cependant tout espoir de rétablir sa fortune. On essaya d’abord d’intro- (1) Q. Æmiliani Encom., IV, 25, cité par M. Kervyn. ( 90 ) duire Ja mer par le polder du Zwartegat, et, la tentative v'ayant pas réussi, on fit, par le polder de S“-Catherine, un second essai qui demeura de même sans résultat. II fallut donc songer à rouvrir l’ancienne route de Damme et du Zwyn. La lettre suivante (1), que je crois inédite et que le magistrat de Bruges adressa, le 25 janvier 1547, au chapitre de S'-Donat, renferme à ce sujet des détails inté- ressants. On me permettra, je pense, d’en donner ici une traduction : Rev. Messieurs, doyen et membres du chapitre de l'église collégiale de S'-Donat, à Bruges. « Les membres actuels de la régence de cette ville de Bruges, » et leurs prédécesseurs dans les mêmes fonctions, se sont émus » par une plainte commune qu'on entend tous les jours dans la » bouche des citoyens les mieux intentionnés, qui se lamentent » et sécrient avec une bien vive compassion : O Bruges! » Bruges! qu'êtes-vous devenue? comme s'ils voulaient dire : » 0! Bruges! Bruges! vous avez été connue dans le monde entier » comme une des villes les plus célèbres, pleine de puissance, » d'honneur et de richesses, peuplée, habitée et fréquentée par » toutes les nations; mais cette fleur a disparu presque entière- » ment; vous en êtes venue à la décadence, vous êtes tombée » même en désolation, votre population est partie, votre com- » merce s'est transporté ailleurs, beaucoup de maisons sont » inhabitées et désertes, une quantité innombrable de personnes » sont entièrement ruinées; en comparaison des temps passés, vous êtes comme si vous n'étiez pas! > (1) Le style flamand fait peu d'honneur au goût et à l'instruction du secrétaire de la régence, (M) ; » A la vue de ces maux, la régence a fait les derniers efforts » pour en découvrir et en approfondir la cause principale, et, » après l'avoir trouvée, de relever et de guérir la ville de sa ma- ladie et décadence, pour autant qu'il sera en son pouvoir, et de la rétablir dans son ancienne vigueur et prospérité. » L'enquête a démontré que les eaux sont la source et la cause principale du mal. En effet, quand le Zwyn avait, à l'Écluse, une profondeur et une largeur convenables, il mettait com- modément à l'abri tous les vaisseaux qui arrivaient par mer, n'importe de quelles provinces ou pays : ils venaient à l'Écluse et là se faisait avec facilité le transbordement des marchan- dises en des bâtiments plus légers, qui les transportaient à Bruges, sans être arrêtés par des eaux dormantes. Notre ville alors était en prospérilé. » Quant au Zwyn, Dieu en soit loué et remercié, son état est notablement amélioré et s'améliorera sans doute encore beau- coup par la grande masse d’eau de mer qui s'y jette au midi par le nouveau canal, du quartier d'Ysendyke et d'autres cantons, comme par les travaux qui s’y continuent. On peut à coup sûr espérer que le Zwyn, à l'Écluse, deviendra le meil- leur port de tous les pays de par-deçà. » Il ne reste donc qu'à remédier aux eaux dormantes entre l'Écluse et Damme et à rendre la navigation facile d’une ville à l'autre, ce qui peut se faire sans qu'on ait à attendre jusqu'à ce que le vent ou la marée soit favorable. On y parviendra en creusant un canal nouveau, semblable à celui de Bruges à Damme, de Danime àl'Écluse avec la meilleure direction possible. » Le nouveau canal demeurera séparé au nord du canal salé, et toutefois ce dernier continuera d'exister; on rectifiera sa direction et on établira de nouvelles têtes de pont, de sorte qu'en tout temps on pourra se servir pour la navigation de l'un et de l'autre canal. » Et au bout du nouveau serait construit un grand sas ou refuge, avee une forte estacade contre la mer, près de l'Écluse, afin qu’à la haute marée on puisse recevoir les vaisseaux dans ce sas ou refuge, et les conduire ainsi sans obstacle par le nou- » veau canal à Damme et de là jusqu'à cette ville de Bruges. LL E V-VL SL VE Di « © » Si ces travaux sont achevés, on ne saurait douter que les négociants qui nous ont quittés et qui se sont éloignés de cette ville ne reviennent à leur ancienne résidence. Bruges sera de nouveau fréquenté, le commerce et les métiers y re- naîtront, les vieilles maisons seront réparées et celles qui sont ruinées reconstruites. La ville sera restaurée dans sa puissance et opulence anciennes ; le service de Dieu sera augmenté et les fabriques d'église en honneur : on fera tous les jours des fondations nouvelles. » Mais pour effectuer ce changement, il faut faire tant et de si grandes dépenses, qu'il est impossible à ces Messieurs de la loi de les trouver dans les revenus de la ville; il leur faut done implorer aïde et secours de leurs bons amis et des per- sonnes de bonne volonté. » Cependant, faisant au delà de ses moyens, cette ville a bien voulu se charger à cette fin de deux cents livres de gros par an en rentes héréditaires, mais rachetables au denier 16, en rentes viagères sur une tête au denier 8 et sur deux au denier 10, » Les Acta capitularia de S'-Donat ne font aucune men- tion de la réponse qu’on a pu faire à cette missive. Les revenus de la collégiale avaient nécessairement diminué de beaucoup par la décadence du commerce, et elle avait dû contribuer pour une somme assez forte aux dépenses que nécessitait l'entretien des théologiens belges au concile de Trente. De nouvelles guerres, et surtout les troubles qui occupè- rent tout le règne de Philippe, mirent le sceau à la ruine de Bruges. (95) La confrérie de S'-Ivon et le bureau de consultation gratuite à Gand. Notice par M. Gaillard, avocat à Gand. Dans la séance du 8 novembre de la classe des lettres de l’Académie royale de Belgique, M. Ducpetiaux a donné . lecture d’une note, pleine de détails curieux, sur le bu- reau des pauvres en Sardaigne , en ajoutant qu’il n'existait, en Belgique, aucune institution du même genre. Quelques _membres, après avoir écouté avec tout l'intérêt qu’elle comporte la lecture de cette notice, ont cru devoir obser- ver que des dispositions tout à fait analogues assurent en Belgique l'exercice gratuit de la justice dans l’intérêt des indigents. Ils ne sont toutefois entrés dans aucun détail à cet égard. Il nous a, dès lors, paru utile de faire connaître quelles sont sur ce sujet les dispositions légales en Belgi- que, et de prouver, en même temps, que les bureaux de consultation gratuite ne sont pas nés d’hier sur notre sol ; que, de même que la plupart de nos institutions charita- bles, aujourd’hui réglées par des lois et autrefois dirigées par les particuliers , elles remontent déjà à une assez haute antiquité, et, qu'en Flandre, notamment à Gand, le bureau des pauvres fonctionne, pour ainsi dire, sans modifications depuis près de deux siècles. Afin de donner à cette preuve un plus grand degré d’authenticité, nous avons préféré rapporter en entier les divers documents sur lesquels elle s'appuie, plutôt que de n’en présenter qu’une simple ana- lyse. Saint [ves ou Ivon, patron des juges et des avocats, naquit dans le village de St-Martin , non loin de Tréguier, Treco- (94) rium , ancienne ville de la Bretagne (Côtes-du-Nord).Après avoir terminé ses premières études, il se rendit à Paris, à l’âge de quatorze ans, et s’y appliqua à la logique , aux dé- crétales et à la théologie. Il demeura à Paris environ dix ans, au bout desquels il alla s'établir à Orléans, pour y suivre les leçons de Pierre de Capella sur les Institutes, et de Guillaume de Blavia sur le droit canon. Devenu avocat à la cour de l’évêque de Tréguier, il soigna gratuitement, et avec le plus grand zèle, les causes des veuves, des orphe- lins, des pauvres et des autres personnes malheureuses. Ayant ainsi, pendant quelques années, exercé noblement les fonctions d'avocat, il fut nommé official de l’archidia- coné de Rennes, et ensuite promu par l’évêque de Tréguier à la dignité d'oflicial général; il se fit remarquer non moins par son intégrité que par les efforts qu'il faisait continuellement pour concilier les parties. Sa vie était, du reste, celle d’un saint : vêtu d’habits grossiers sous les- quels il portait un cilice, il ne se nourrissait que des mets les plus simples. Ses jeûnes étaient dignes de ceux des anachorètes de la Thébaïde, et, plus d’une fois, il resta une semaine entière en prière sans prendre la moindre nourriture. Nous ne nous arrêterons pas à ses nom- breux miracles ; nous dirons seulement qu'il mourut le 19 mai 1505, et qu’il fut canonisé par le pape Clément VI le 19 mai 1347. Les reliques de saint Ivon se trouvaient, au commence- ment du XVI: siècle, à Lisbonne. Le roi Antoine T'en fit don, le 5 avril 1564, à don Emmanuel, prince de Portu- gal, qui, à son tour, les donna au monastère de S'-Sau- veur, à Anvers. Dès l’époque de sa canonisation , saint Ivon fut considéré comme le patron des juges et praticiens ; en Flandre, sur- (95) tout, on avait pour lui beaucoup de dévotion, et dès les premières années du XVI[' siècle, le conseil de Flandre fit célébrer tous les ans, à la fête de S'-Ivon, une messe so- lennelle dans l’église de S°-Pharaïilde, située en face du local de ses séances. Tous les praticiens, avocats, pro- eureurs et leurs suppôts étaient tenus d'assister à cette messe ; l'ordonnance rendue par le conseil, en date du 9 juin 1610, et dans laquelle sont consignés les devoirs des praticiens, leur rappelle expressément cette obli- galion. Alsoo t voorn. collegie by ghemeene resolutie van de voors. practesienen ende supposten, gheleden eenighe jaeren , geresol- veert heeft , eene solemnele ghesongen misse te doene celebreren in SX-Pharahilde kercke deser stede, soo sy alreede diversche jaeren gedaen hebben , up den feestach van S'-Ivo, patroon van alle practisienen , ende dat een yegelyck van de practisienen hem aldaer vinden souden, daer nochthans, soo men verstaet, som- mige van de voorn. practisienen ende supposten in gebreecke blyfven van den voor. dienst te komen hooren, niet jegen- staende sy dus behoorlyck geinsinueert zyn geweest : zoo eys’t dat ’t hof, omme daerinne oock te remedieren , ende approbe- rende ende conformerende de voors. resolutie ende ordon- nantie, heeft verclaerst ende gheordonneert, verclaerst ende ordonneert by desen, dat alle de voors. practisienen ende sup- posten ghehouden zullen zyn van nu voorts in de voors. messe hemlieden te vinden, en die gheheel te hoorene, dies’t haerlieder persoone ofte domicilie vermaent ende gheinsinueert zynde, enz. (1). Le pape Innocent XI, par une bulle en date du 8 jan- (1) Arch, du cons. de Flandre, reg. coté G, n° 2, fol. 266: (96) vier 4677, établit à l’église de St-Michel, à Gand, une confrérie placée sous l’invocation de saint Ivon, et accorda de nombreuses indulgences à ceux qui en feraient partie. Ils pouvaient d’abord obtenir une indulgence plénière le jour de leur inscription et à l’article de la mort. Une pa- reille indulgence était accordée aux confrères qui visi- taient la chapelle de S'-Ivon à des jours déterminés, et y priaient selon les intentions de l'Église. Enfin, les confrères pouvaient mériter une indulgence de soixante jours cha- que fois qu’ils assistaient à la messe ou aux offices divins dans cette chapelle, qu’ils accompagnaient au cimetière le corps d’un confrère défunt, ou le saint viatique porté à un malade; qu'ils assistaient les pauvres ou parvenaient à opérer une réconciliation entre ennemis, et dans une foule d’autres cas encore. Ces mêmes indulgences étaient appli- cables à l’âme des confrères défunts, chaque fois qu’une messe était dite à leur intention à l’autel de S'-Ivon (1). Le règlement de la confrérie de S'-Tvon fut arrêté par les vicaires généraux de l'évêché de Gand, sede vacante, le 4 mai 1677. En voici la teneur : Vicarii generales sedis episcopalis Gandavensis vacantis, om- nibus et singulis praesentes litteras inspecturis, salutem in Do- mino. Piis Christi fidelium nobis subditorum votis (praesertim cum ea ex zelo devotionis prodire cernimus) lubenter annuimus, nec non illa potissimum, per quae omnipotentis Dei gloria , sancto- rum cultus et charitatis officia capiunt incrementum, promo- vemus et favoribus prosequimur opportunis. Cum itaque plures curiae Flandriae jurisperiti, aliique tam dictae curiae quam alio- (1) De Roose, Zmago veri advocati, pp. 161 à 165. (97) rum tribunalium in hac civitate, Flandriae metropoli, nobis exponi fecerint, quod ardenter optarent confraternitatem seu coetum aliquem instituere et eelebrare, sub invocatione S. [vonis exponenñtium patroni, ac in eum finem altare speciale in ecclesia parochiali S. Michaelis hujus civitatis, de consensu quorum interest, ex nune fuissent adepti, ad ibidem divina aliaque reli- gionis ac devotionis erga eundem sanctam officia celebrari cu- randum , certasque constitutiones et regulas ad Dei cültum et Pauperum, miserabiliumque personarum solatium promovendum conceperint nobisque exhibuerint, supplicantes humiliter ut pia corumi desideria, proximisque impendenda charitatis officia a€ praemissa omnia laudare et approbare, praetactamque con- - fraternitatem eanonice erigere vellemus et dignaremur, hine est quod nos, habito prius rev. ad. Domini Judoci Crook, cathe- dralis ecclesiie canonici graduati, confratris nostri, vices ar- chipresbitéri Gandavensis (archipresbiteratu vacante) gerentis, judicio, nec non viduarum, pupillorum, aliarumque miserabi- lium personarum, quantum cum Domino possumus, pro office nostri exigentia, solatio studentes et consulere cupientes , ut ipsis pro sui juris tuitione sincerius Patrocinium consiliaque puriora non desint, si litigandum, vel, si dissedia litésque amica- bili potius compositione optent terminari, illis praesto sint viri cordati et intelligentes, qui, gratis et nullo nisi charitatis im- pensae stipendio, illos vel illas ad concordiae viam adducere studeant , praetactam confraternitatem duximus erigendam , prout harum tenore erigimus, sub regulis et cum indulgentiis per bina brevia apostolica desuper expedita, infra inserendis. Ad majorem Dei Deiparaeque Virginis ac S. Ivonis gloriam. REGULAE CONFRATERNITATIS S. IVONIS. Cum in amplissima hac urhe Gandavensi , Flandriae metropoli, sit ingens judicum, jurisperitoram, aliorumque practicorum Tome xx. — J°° part. 7 (98 ) numerus, tam ratione praeclarae, totius provinciae, curiae, in ea residentis, quam duorum insignium magistratuum, qui prae immensa urbis magnitudine sigillatim justiciam incolis admi- nistrant, ultra plurium aliorum judicum subsellia, eapropter praevio decreto S" Domini nostri Innocenti XI pontificis opt. maximi, OMNino COngruum ac poene necessarium visum est, pro majori justitiae zelo ac splendore, ut confraternitas sancto IVONI (communi omnium juris profitentium patrono) sacra ac dedicata erigatur, cujus objectum non tantum erit ut assiduo tanti pa- troni cultu , ejus apud Deum omnipotentem intercessione omnes justitiae ministri majori in dies zelo accendantur, verum etiam ut confratres pro tempore existentes, singulari assumpti muneris cura, viduarum, pupillorum, pauperum, captivorum, aliarum- que miserabilium personarum causis patrocinio suo invigilent. Et quemadmodum in hunc finem parochialis ecclesia Sancti Michaelis archangeli, in meditullio urbis inter maximum prac- ticorum numerum sita, prae caeleris magis commoda visa est, in qua duabus bullis pontificiis Romae concessis 8 januarii 1677, altare privilegiatum sancto IVONI dedicabitur, ita non nihil expedit, divina hujus confraternitatis officia ac alia pauperum obsequia disereta et in perpetuo duratura methodo praescribere ac regulare : Quoad corporis constitutionem. L In primis itaque eligentur ex confratribus duo praepositi (quorum alter ecclesiasticus, alter saecularis e D. consiliariis semper requiretur) qui dignitate, prudentia, et consilio utili- tati confraternitatis et pauperum bono prospicient. IL. Deinde assumentur decanus et novem alii jurisperiti, nec non octo procuratores, quorum quatuor erunt postulantes in euria, (99) et totidem qui coram utriusque collegii hujus urbis scabinis causas pauperum promovere poterunt, et ex his omnibus unus ad officium scribae pro occurentium resolutionumin scriptis redac- tione, alter ad receptionem oblationum quae fient per Christi fideles ad persolvendas inexcusabiles causarum expensas, consti- tuentur. IT. Quoties vero per obitum alicujus confratris aut voluntaria depositione, pro libitu facienda, locus vacare contigerit, electio per omnes de corpore, cum adjunctione dominorum pastorum, secreto scrutinio de pluribus praesentandis erit facienda, ut cui pluralitas votorum contigerit, in locum vacantem succedat. IV. Omnes praedicti confratres semel in mense convenient, do- minica prima, nec non in festo Sancti Ivonis, ac solemni sacro et oratione latina (4), in praedicto festo facienda intererunt, insuper privato colloquio miserabilium personarum causas (quas justas esse reperient) promovebunt, sub poena mulctae unius so- lidi, pro singula absentia, ad opus confraternitatis. Quoad causarum receptionem. vs Sicuti haec institutio non minus pia quam toti reipublicae utilis futura merito speratur, si longaeva ac perennis esse con- tigerit, ita ab omni indiscreto zelo abstinere, praesertim circa causarum receptionem, confratres monentur, cum nullum vio- lentum soleat esse perpetuum. (1) Quelques-uns de ces discours semblent avoir été imprimés; il ne nous a loutefois pas été possible d'en retrouver, (100) VI. Ac proinde, antequam confraternitas causam amplectatur, haec indispensabiliter concurrere necesse erit : primo, quod mi- serabilis sit persona vel talis quae patrocinium titulo elemosy- nae rogare velit; secundo, quod causa ad minus per duos aut tres confraternitatis advocatos justa fuerit reperta; tertio, quod probatio requisita fieri poterit, nec adeo difficilis aut sumptuosa sit ut ad summam principalem fere pertingat, vel hane absor- beat, quippe tali easu periculum litis suscipere non expedit, etiam pro iis qui solvendo sunt, multo minus pro pauperibus. Et his concurrentibus, semper hujus civitatis mcolae ante alios fo- renses venient praeferendi. VU. Hine perspicuum est colligere, hane confraternitatem non posse amplecti causas hospitalium, mensarum pauperum, vel aliarum fundationum quae ad sui conservationem censibus ae reditibus’ gaudent, ne causarum mullitudo confraternitatem obruat et destruat; salvo nihilominus quod unusquisque eonfra- trum in partieulari quoad similes causas facere poterit, quod ipsi secundum exigentiam justum et aequum visum fuerit. VII. Insuper, postquam confraternitas patrocinium alicujus susce- perit, advocatus et procurator ad hujus causae instructionem commissi, ante litis institutionem partem adversam ad amiea- bilem concordiam invitabunt, offerendo sese in mediatores, si in hac civitate commorentur; seu minus hteris hoc indicabunt : christiana etenim charitas absque necessitate tam leviter litigare non sinit. IX. Et. si in progressu litis nova et impraevisa difficultas se affe- rat, quae causam pauperis minus probabilem reddat vel male (104) fundatam, advocatus instructor rursus super haee consulit cum priori vel prioribus advocatis, nisi legitime fuerint impediti, quo easu alios e confratribus accedet, ut simul resolvant an cedere vel contendere velint : nam in quacumque parte litis ad- vocatus elientis sui causam noverit esse injustam, hanc in con- scientia deserere tenetur. X. Quamwvis igitur mens et intentio sit ut confratres gratis et sine honorario patrocinium pauperibus praestent, centuplum a Déo exspectantes, nihilominus, cum pars adversa in expensas litis per sententiam fuerit condamnata, tam advocatus quam procurator, causae instructores, jura sua recipient; cum aequitati resistat ut temere litigantes qui solvendo sunt, confratrum la- bores retineant, et in posterum tanto liberius pauperes litibus frivolis vexent. XI. Quapropter personae hujus confraternitatis auxilium imploran- tes ab initio monendi erunt , ne pendente lite concordiam ineant sine advocati et procuratoris deputatorum consensu, et secundum exigentiam causae, hoc in registro resolutionum promittent et subscriptione firmabunt (1); et poterunt, secus facientes, cogi ad refusionem sumptuum ab ipsa confraternitate erogatorum, ipsa tamen transactione absque praedictorum deputatorum consensu inita subsistente.. XIL. Attento praeterea quod vera inter confratres pax et unio sit basis omnis communitatis, si quidem concordia res parvae cres- eunt, sic in omni resolutione , tam quoad causarum receptionem (1) L'article XI se terminait primitivement ici : les mots suivants ont été ajoutés par le décret royal du 24 mars 1684, de l’ayis du conseil de Flandre. (102) quam aliorum quorumeumque negotiorum pro tempore oceu- rentium, juxta pluralitatem votorum eoncludetur, salvo quod, si de quaestione juris agatur, solorum advocatorum suffragia numerabuntur. XIII. Quemadmodum opus est summopere meritorium partes , ad rationabilem perducere concordiam et, dicto decreto pontificio, hoc facientes indulgentia donantur, ita confratres semper cordi habebunt sese in mediatores exhibere, quotiescumque fuerint requisiti. Quoad pecuniarum receptionem et solutionem. XIV. Si posthac contigerit (ut sperare fas est) quod Christi fideles, qui huic confraternitati sese inseribi curarunt, vel pluribus liti- bus involuti, peculiari sancti Ivonis cultu, felicem causarum suarum exitum commendare velint, vel alia miseratione com- moti, pias donationes et legata huic confraternitati largiri di- gnentur, pro sustinendis inexcusabilibus litium pauperum expen- sis, haec confraternitatis receptor fideliter libro suo inscribere, et de ordinatione confraternitatis tantum et non aliter erogare poterit ad solvendam probam, ac alios inevitabiles sumptus qui a confratribus non dependent. XV. Praedictus receptor pariter recipiet et annotabit oblationes quae a Christi fidelibus in gazophilacio capellae sancti Ivonis fac- tae erunt, nec non quae singulis congregationibus offerentur, ut hae primo in capellae et altaris ornamentis, ac aliis necassariis expensis impendantur. (103) XVI. Denique praefatus receptor singulis annis fidelem computum reddere tenebitur, die ad hoc a confratribus designando. In quorum omnium fidem ac robur praesentes litteras per secretarium nostrum expedire et sigillo vicariatus muniri fe- cimus. Actum in vicariatu, die 4 maïi 1677. Et erat signatum: A. Van Wercurer. Et impressum sigillum vicariatus in cera rubra (1). Le jour où l’on célébra installation de la confrérie de S'-Ivon, les reliques de ce saint furent données à la con- frérie par l’abbé de S'-Sauveur à Anvers (2). Dès lors les praticiens voulurent assister annuellement à la messe solennelle, célébrée à S'-Michel le jour de St-Ivon; mais le conseil de Flandre tenait à ce que son ordonnance de 1610 füt observée, et la rappela aux pra- ticiens par un appointement en date du 43 mai 1682. Op de andwoorde van procureur generael van Vlaenderen, T hof, al ghesien, in sonderlinghe d'andwoorde in dese gheac- cuseert, ordeneert deken ende eedt van de practesynen op den dach van S‘Ivo, van desen en volgende jaeren, te commen hooren de solemnele misse, ende onder selve elck op syn ordre te offere te gaen, in de kercke van S'° Pharahildis, imghevolghe d’ordon- nantie van den ix juny 1610, by de voors. andworde onder n° xiij gheexhibeert, ten welcken eynde sy allehunne supposter (1) De Roose, Zmago advocati, p. 171 à 180. Ce règlement fut imprimé en placard à Gand, chez les héritiers de Jean Vanden Kerkhove, in-4°, pp. 8. Nous n’en connaissons qu’un seul exemplaire que M. Goetghebuer de Gand a eu l'obligeance de mettre à notre disposition. Il paraît qu’il a également été traduit en flamand et imprimé dans cette langue. (2) De Roose, p. 164. (104) sullen doen dachvaerden als naer ghewoonte, en sal van dese de publicatie ter rolle gheschieden. Actum den xiij meye 1682. Onderteekent J. pe VRvse (1). Douze ans plus tard, le doyen des praticiens ayant de nouveau convoqué ceux-ci à la messe célébrée à S'-Michel, le conseil de Flandre prit, sur la requête du chapitre de S°-Pharailde, la résolution suivante : Actum den xvij meye 1694. Ten voorn. daghe, by den raedt en procureur generael van Vlaenderen, in volle vergaederinge van den hove, vertoont synde dat deken ende eedt van de practisynen , in misachtinge van de ordonnantie van selven hove op ’s vertoonders, onder correctie, geappointeert den xiij meye 1682, hun ten lesten dinghdaech vervoordert hadden ter rolle te doen publiceeren dat de practi- synen hun op den aenstaende feestdach van St Ivo souden pre- senteren ter solemnele misse in de kercke van S'Michiels : Is geresolveert , de req!° daerover ghepresenteert by proost, de- ken ende capittel van S® Pharaïldis, te laten toonen aen deken ende eedt voornoemt, ende dezelve metteen t ordonneren inghe- volge de voorsch. appointementen van xiij meye 1682, ende de voorgaende daerby gheaccuseert de solemnele misse op den aen- staende feestdach van den voorsch. heylighen dit ende volgende jaeren naer ghewoonte te commen hooren, ende daeronder ? of- feren in de capelle van S'° Pharahilde, midtgaders alle hunne supposten daertoe promptelyck te doen dachvaerden , ende in toecommenden den lesten dinghdach voor den ghemelden feest- dach de practisynen daertoe ter rolle te begroeten, ende ten huyse te laten vermaenen , sonder meer eenighe contrarie publi- (1) Arch. du conseil de Flandre, reg. coté O, n° 92. (105) catie te doen, op peyne van by elck van die voorsch. eedt de con- trarie doende te verbeuren eene boete van honderd guldens ten proffyte van S. Ma!, alles tot naerder ordonnantie yan den hove, wanof de publicatie hedent oock in het consistorie sal worden ghedaen , op dat danof niemant ignorantie en pretexere. Ghepubliceert in consistorie, present commissaris ende an- dere bystaenders, desen xvij meye 1694. Geteekent Micez (1). La bulle du 8 janvier 1677 et le règlement des vicaires généraux, en date du 4 mai 1677, donnaient bien à la con- frérie de S'-[von une institution ecclésiastique , mais il lui fallait encore une institution civile. Tel fut le but de l'édit du 25 mars 1684, rendu sur l'avis suivant du conseil de Flandre. Au Conseil Privé. TRÈS-HONORÉS, ETC. Messieurs, ceux de la confrérie de S'-Ivon, à Gand, ont repré- senté à S. M. que ladite confrérie auroit esté érigée le 19 may 1677, en vertu d’une bulle papale, avec approbation des vicaires généraux de l’évesché de ladicte ville de Gand, sede vacante, et comme, ensuite du règlement contenu au livret joint à leur re- quête, ils -auroient pour objet principal le culte de leurdit pa- tron, et pour secondaire le service des pauvres, des vefves, orphelins et d’autres personnes misérables, dont les causes se- ront instruites et poursuivies par dix avocats et huit procureurs, gratis, et qu'à cet effet, lesdits avocats et procureurs se devront souyent assembler, pour en ce regard ne mesfaire contre l'au- thorité royalle, les remontrants ont très-humblement supplié à S. M., attendu le grand secours que les pauvres en recevront, (1) 4rch. du cons. de Flandre, reg, coté G, n° 5, p. 59 y°. ( 106) estre servie d'aggréer lad. confrérie de S' Ivon et le règlement sur ce conceu et, en outre, permettre qu'aux lettres et actes qu'ils dresseront, ils apposent l'effigie de leurdit patron par forme de sceau; laquelle requeste il a plu à S. M. de nous remettre, afin de la veoir et visiter, et sur ce que s'y requiert la réservir , ou bien Vos Seigneuries, de notre avis, pour y satisfaire, dirons, Messieurs, qu'ayant examiné le project dudict règlement, nous jugeons que l'observation d’icelluy apportera grand soulagement aux pauvres et autres personnes misérables, dont souvent le bon droit demeure impoursuyvi pour n'avoir de quoy fournir aux fraiz nécessaires, que de suite Sa Ma‘ pourroit estre servie d’a- gréer led. règlement en tous ses points, sauf que nous serrons d'avis qu'à la fin de l'art. xj°, à sçavoir : Quapropter personae hujus confraternitatis auxilium implorantes ab initio monendi erunt, ne pendente lite concordiam ineant sine advocati et procura- toris deputatorum consensu, et secundum exigentiain causae, hoc in registro resolulionum promittent et subscriptione firmabunt , Sa Mat fasse ajouter la clause suyvante : Et poterunt secus fa- cientes cogi ad refusionem sumptuum ab ipsa confraternitate ero- gaiorum , ipsa lumen transactione absque praediclorum deputalo- rum consensu inila subsistente. Et ce, d'autant que nous ne croyons pas qu'il soit équitable qu'un pauvre soit toujours obligéde suyvre aveuglément le sentiment de ceux commis par lad. confrérie à la direction et instruction de sa cause, veu que souvent les pro- cès se décident contre l'opinion des avocats les plus habiles, et comme, d'autre costé , il pourroit arriver qu'après que la con- frérie auroit supporté des grands fraiz en la production des té- moins et autrement, les parties s’'accomodant sans l'intervention et contre le sentiment de ceux deladite confrérie, ils la frusteroient de l'espoir de pouvoir recouvrer lesdits fraiz, il est juste qu'en ce cas ladite confrérie demeure en son entier, sinon de demander payement des vacations, du moins de se faire restituer les deniers qu'elle auroit esté obligée de débourser. Et, pour ce qui concerne l'effigie de S'-Ivon, leur patron , qu'ils demandent par forme de (107) seau , attendu que les lettres et actes qu'ils prétendent de sceller avec ledit seau ne sont actes judiciels ou jurisdictionnels, nous ne croyons pas qu'ils ayent à ce besoin de la permission de Sa Ma, nous remettant néanmoins en tout, etc., auxquelle ren- voyons la req. des suppliants et projet de règlement joint. Prions, ete., 47 mars 1684 (1). Décret royal. Sur la remonstrance faite au Roy de la part de la confrérie de S'-Ivon, patron de la justice, en la ville de Gand, que ceste con- frérie, érigée le 19 may 1677, en vertu d’une bulle papale, estant avec l'approbation et règlement des vicaires généraux de l'évesché de Gand , sede vacante, suivant qu’il est apparu par le livret sur ce exhibé, à pour premier objet le culte assiduel de son patron, afin que, par son intercession, tous ministres de la justice tant plus sainctement et efficacement se peuvent acquiter de leur devoir; et pour second objet que dix avocats et huit procureurs de temps en temps serviront publiquement gratis les pauvres, vefves, orphe- lins, prisonniers ‘et autres personnes misérables dans la pour- suite de leur droit, centuplum a Deo expectantes in hac vita et vilam aeternam, et que, par ces moyens, il seroit religieusement pourveu à la nécessité des pauvres, pour tant plus jouir des effets de la divine clémence et retenir la rigueur de sa justice qui accable maintenant ces pays autant que jamais, pour la consis- tance et meilleure conduite de laquelle confrérie a esté conceu le règlement dont la teneur suit : (c’est celui que nous rapportons plus haut). Et quoy que jusques à présent ladite confrérie a eu aussi bon succès que l'on pouvoit espérer d’une œuvre si pieuse, que quantités de pauvres sont déjà secourus en leurs justes causes (1) Arch. du cons. de Flandre, reg. coté E 3, p.38 w°. ( 108 ) qui avoient longues années esté retardées , néantmoins, veu qu'il est besoin de faire plusieurs assemblées selon ledit règlement, et que cela pourroit regarder l'autorité royale pour laquelle les remonstrans ont toute vénération imaginable à ceste cause, ils ont très-humblement supplié S. M. estre servie d'aggréer ladite confrérie de S!'-Ivon et ledit règlement, et de permettre qu'elle pourra dès à présent, sur les lettres et autres actes qu'ils doivent dresser, apposer l'effigie de leur patron par forme de seau : SA Mussré, ce que dessus considéré, et eu sur ce l'advis des président et gens du conseil provincial en Flandres, inclinant favorable- ment à la supplication et requeste desdits suppliants, a aggrée, comme elle aggrée par ceste, ladite confrérie de S'-Ivon et ledit règlement sur ce fait, en tous ses points et articles; si permet qu’elle pourra, sur les lettres etautres actes qu'ils doivent dresser, apposer l'effigie de leur patron par forme de seau. Ordonnants. M. à tous ceux auxquels ce peut ou pourra toucher et regarder, de se régler et conformer selon ce. Fait à Bruxelles, le 24 mars 1684, et estoit paraphé J. Ho. v!. Et signé J.-A. Sxecuixex. Et cachetté des armes du Roy (1). En 1755, la confrérie de S'-Ivon adressa au souverain une requête, afin d'obtenir la procédure gratuite dans les procès suivis au nom des indigents. Cette requête fut ren- voyée à l’avis du conseil de Flandre, qui écrivit à ce sujet au conseil privé la lettre dont voici la teneur : TRÈS-HONORÉS ET DOUTÉS SEIGNEURS, ETC. Messieurs, Les prévost, président et confrères de la confrérie de S'-Ives, établie en la ville de Gand, ont représenté à S. M., par la requête (1) De Roose, Zmaga advocati, p.181 à 1853. ( 409 ) cy-rejointe, que cette confrérie est octroyée tant par notre S'-Père le pape, reglement des vicaires généraux de l'évêché de ladite ville alors vacant, que par décret d'approbation de l'au- guste prédécesseur de S. M., pour secourir les pauvres et autres personnes misérables dans la défense et poursuite de leurs justes causes, le tout par charité et gratis, et avec le succès que l'on pourroit espérer d'une institution si pieuse et utile au public. Cependant que ces œuvres charitables ne sçauroïent être exécu- tées sans assistance de la part des ministres de justice, puisqu'il est impossible de faire la parinstruction de ces procès sans le besoin des appointements, de faire faire des enquêtes, des signi- fieations et d'autres exploits pour parvenir à la bonne fin de ce secours, en quoy elle auroit rencontré refus, faute de payement pour les dépesches de ces actes, qui leur eauseroit un dérange- ment dans les affaires, tellement qu'elle se trouveroit obligée de temps en temps d'en abandonner la clientèle, à la très-grande _ désolation desdits pauvres, suppliant S. M. que son bon plaisir soit d'ordonner à tous magistrats et colléges de justice, secré- taires, grefhiers, huyssiers, messagers, sergeants et autres ofh- ciers, d'expédier respectivement les apostilles, appointements, enquêtes, et autres actes et exploits de justice que besoin sera pour la parinstruction, poursuite et décision des semblables causes sous note, jusqu'à ce que les dépens des procès soïent adjugés et payés par les parties condamnées. Cette requeste nous ayant été remise pour la voir et visiter, afin de réservir Vos Séigneuries de notre avis, à quoy satisfaisant, dirons : Messieurs, Que ladite confrérie est composée d’un ecclésiastique en dignité, d’un conseiller de ce conseil qui y préside, de dix avo- cats et huit procureurs travaillans à l'expédition des causes des pauvres et autres personnes misérables et dignes de pitié, et pour la défense et parinstruction de celles qu'ils trouvent justes et soutenables, avec autant de bon suecès que les personnes sol- (110 ) vables même y trouvent du secours, puisqu'elles ne se voyent attaquées en justice par-devant ce conseil, ou tribunaux subal- ternes qu'après en avoir été advertis, et ouis par ladite confrérie, si elles le veulent, pour alléguer leurs raisons, par quoy le pauvre ne seroit fondé à demander ladite clientèle; mêmes nous avons bien des fois renvoyés ces gens par-devant les suppliants pour y faire examiner leurs causes avant d'admettre leurs procédures servies pro Deo. La demande des suppliants nous paroît d'au- tant plus juste et raisonnable pour appuyer et seconder un zèle si charitable et méritoire, parce que les tribunaux et officiers subalternes auroïent dû suivre l'exemple de ce conseil , dont les commissaires et grefliers ne font difficulté de faire toutes ces dépesches sous note, et dont ils demandent le payement seule- ment après que la partie adverse se voit condamnée ès dépens et qu'elle les a satisfaits; sans cela, il seroit à craindre qu'une institution si pieuse seroit frustrée des bons effets qu’elle a rendus si souvent depuis son érection. Pourquoy, nous sommes d'avis que S. M. pourroit être servie d'accorder aux suppliants leur demande, nous en remettant néantmoins à la très-haute pru- dence de Vos Seigneuries. Sommes, etc. Fait à Gand, ce 46 novembre 1753 (1). Ensuite de cet avis, le décret suivant fut rendu : Veu l'avis, Sa Majesté Impériale et Catholique ordonne à tous magistrats et colléges de justice, secrétaires, greffers, huissiers, messagers, sergeants et officiers d'expédier les appostilles, ap- pointements, enquêtes et autres actes de justice requis pour l'instruction, poursuites et décisions des causes et procès des personnes misérables reçues sous la clientèle de la confrérie de S'-Ivon, sans salaire et payement de leurs droïts sous note, jus- ques à ce que lesdites causes seront terminées et que lesdits (1). Arch. du cons. de Flandre, registre coté Æ , n° 9, p. 208, (111) salaires et droits seront adjugez et payez par les parties condam- nées, ordonne à tous ceux qu'il appartient de se régler et con- former selon ce : Fait à Bruxelles, le 28 novembre 4753. Paraphé Sreenr v', signé J.-J. Le Roy. Scelé des armes de Sa Majesté Impériale et Catholique, en hostie rouge (1). Aux documents officiels que nous venons de repro- duire, nous avons peu de chose à ajouter. La confrérie fonetionna pendant plus d’un siècle, se conformant aux édits et au règlement prémentionnés. Elle s'acquitta de sa tâche avec le plus grand zèle, et intenta, au nom de ses clients, une foule de procès, ainsi que l'attestent le nombre considérable d’exploits, de sommations, de significations et d’autres actes de procédure avec l’entête Pro DEO ET Sancro Ivone que l’on rencontre aux archives du conseil de Flandre. Quant au sceau avec l'effigie de S'-Ivon, il ne nous a pas été donné de le rencontrer, malgré les investi- gations les plus consciencieuses : l’un ou l’autre jour le hasard le mettra sous notre main. Voici les noms des membres de la confrérie de S'-Ivon en 1774: Prévit. Le comte de Lichtervelde, prévôt de S'-Bayon. Président. Rooman, conseiller au conseil de Flandre. Doyen. Rodriguez d'Evora y Vega. (1) IV. Placcaet-boëk van Flaenderen, 1": partie, p. 89. (112) Avocats. Beydens. Vande Poele. Van Yperseele. Courtens. Blommaert. Remeus. Roelandts. Vandermaeren. De Brabandere. Surnuméraires. Van Outrive. Buyse. Varemberg. Procureurs. I. Près du conseil de Flandre : Buyck, greflier. Lebègue. Brauwer. Vanderelst. IL. Près des échevins de la keure : Lammens. Matthys. HT. Près des échevins des parchons : Neyt. Martens. Surnuméraire. Lebègue. La confrérie de S'-Fvon subsista jusqu’à l'invasion fran- çaise (1796), alors elle disparut dans la tourmente comme tant d’autres institutions, comme le conseil de Flandre lui-même que quatre cents ans d'existence ne purent sauver. Voici les noms des membres de la confrérie au moment où elle fut supprimée. Prévôt. Castel San Petro, prévôt de S'-Bavon. (113) Président. Massez, conseiller au conseil de Flandre. Doyen. De Brabandere. Avocats. Remeus. Lammens. Goethals. Beyens, senior. Dubosch. Beyens, junior. Moerloose. Coorebyter. Vispoel. Massez. Procureurs. L. Près le conseil de Flandre : Vanderelst, greflier. Raman. Teirlinck. Libbrecht. Brauwer. II. Près des échevins de la keure : Driessens. Vande Voorde. De Keyser. HI. Près des échevins des parchons : Merry. De Bleecker, Messager. Heyndrickx. L'administration française bouleversa toutes nos insti- tutions judiciaires. Elle désorganisa tout et réorganisa peu de choses; arbitraire fut pendant quelque temps la seule loi, le seul droit; le génie de Napoléon sut enfin TOME xx. — I" parr. 8 (114) tirer de ce chaos de nouvelles règles administratives, et la juslice redevint peu à peu une vérité. Si l’on examine d'une manière calme la grande révolution du XVII siècle, on doit reconnaître qu’elle a, certes, fait disparaitre beaucoup d'abus, renversé beaucoup d’édifices vermoulus, mais on ne peut s'empêcher d’avouer aussi que des institutions utiles ont péri dans ce cataclysme. Tel fut notamment le sort de celles qui avaient pour but de venir en aide aux classes nécessiteuses sous le nom de ghildes, de confré- ries, de métiers, ou de tout autre, et avaient alors pour base un principe religieux, la charité. Le temps ramena succes- sivement ces associations, mais elles eurent dorénavant pour base un principe nouveau, la philanthropie. Le décret impérial du 14 décembre 1810, contenant le règlement sur l'exercice de la profession d'avocat et la discipline du barreau, imposa aux conseils de discipline, l'obligation d'établir un bureau de consultation gratuite. Les dispositions légales sont conçues comme suit : Art. 24. Le conseil de discipline pourvoira à la défense des indigents, par l'établissement d'un bureau de consultation gra- tuite qui se tiendra une fois par semaine. Les causes que ce bureau trouvera justes seront par lui en- voyées, avec son avis, au conseil de discipline, qui les distribuera aux avocats par tour de rôle. Voulons que le bureau apporte la plus grande attention à ses consultations, afin qu'elles ne servent point à vexer des tiers qui ne pourraient, par la suite, être remboursés des frais de l'instance. _ Les jeunes avocats admis au stage seront tenus de suivre exac- tement les assemblées du bureau de consultation. Chargeons expressément nos procureurs de veiller spéciale- ment à l'exécution de cet article et d'indiquer eux-mêmes, s'ils le (115) jugent nécessaire, ceux des avocats qui devront se rendre à l'assemblée du bureau, en observant , autant que faire se pourra, de mander les avocats à tour de rôle. La loi du 4 août 1852, sur l’organisation Judiciaire, dé- cida que dorénavant il existerait en Belgique trois cours d'appel, savoir à Bruxelles, à Liége et à Gand, Cette der- nière ville se trouva ainsi en possession d’une cour qui renouvelait et perpétuait le souvenir du conseil de Flandre. Dés l'installation de ce siége, l’ordre des avocats se réor- ganisa, et un grand nombre d’entre eux vinrent s'inscrire sur le tableau des stagiaires. Dans la séance du 45 octobre 1852, le conseil de disci- pline procéda, conformément à l’art, 24 dont nous venons de parler, à la composition d’un bureau de consultation gratuile, et élut comme membres MM. Libbrecht, Lant- heere, De Saegher, Van Toers junior et Van Hufel. Le 25 du même mois, il leur fut donné connaissance de leur nomination par lettres signées Wannaar, syndic du con- seil de discipline. Les membres s'étant réunis, M° Lib- brecht fut nommé président et Me Van Huftel secrétaire; les jours d'audience furent fixés au samedi, de 11 heures à midi. Avis de la constitution du bureau fut donné aux intéressés par annonces insérées au Messager de Gand, au Journal des Flandres, au Gentschen Mercurius, etc. Enlin, le 45 juin 1855, eut lieu la première séance publique (1) dans le vestiaire des avocats au local du tribunal de première instance. Un léger subside fut accordé à ce bu- reau par le conseil provincial, afin de le mettre à même (1) Premier registre aux procès-verbaux du bureau de consultation gra- luite, fol, 1. (M6 ) de couvrir ses menus frais de ports de lettre, chauffage, messager, etc. En 1847, le tribunal de première instance alla s'établir au nouveau palais de justice; le bureau de consultation tient depuis lors ses séances le mercredi, de 41 heures à midi, dans une petite salle du rez-de-chaussée qui sert aux réunions de l’ordre des avocats. I] ne cesse de rendre les plus grands services et aux indigents et aux gens aisés. Tout indigent peut venir y exposer le cas qui l'embarrasse. Le bureau lui indique, s’il s'agit seulement d’unedifliculté administrative, la voie qu’il s’agit de prendre et le fonctionnaire auquel il convient qu'il aille adresser ses réclamations. Pour tous les autres cas, s’il s’agit d’une prétention qui semble fondée, le bureau engage la partie adverse à venir s'expliquer à une séance suivante, et lorsque celle-ci répond à son invitation, il s'efforce de concilier les adversaires. Ce moyen réussit souvent et a épargné bien des fois à des gens aisés des frais inutiles et des affaires désagréables. Si la partie adverse refuse de comparaître, ou si le bureau ne parvient pas à opérer une conciliation, il désigne un des stagiaires, qui reste dès lors chargé d’in- troduire la cause et de la poursuivre. Le bureau ne donne jamais suite aux demandes de divorce. Les formalités requises pour la procédure gratuite sont déterminées par l'arrêté du 26 mai 1824. Nous en rappel- lerons ici les principales dispositions. Les indigents , habitants du royaume, les directions des pauvres (y compris les administrations des hospices et hôpitaux et les bureaux de bienfaisance) et les adminis- trations des églises des diverses communautés religieuses peuvent être admis à plaider en justice gratis et sans payer de droits de timbre ou d'enregistrement, de frais de greffe ou d'expédition, d’amendes judiciaires, d’hono- aps (117) raires d’avoués ou d’huissiers et autres semblables, tant comme demandeurs que comme défendeurs : ils doivent à cette fin s'adresser, par requête sur timbre, au tribunal devant lequel la cause est portée. Les indigents doivent joindre à leur requête un certificat d’indigence en règle. Dans les affaires où les justices de paix sont compé- tentes en dernier ressort, le juge de paix, sur l'exposé verbal de la partie qui désire être servie gratis et sur la présentation d’un certificat d’indigence, statue de suite sur l'admission où la non-admission de la partie. Dans les autres cas, le juge de paix doit, sur la requête qui lui est adressée, faire citer les parties devant lui et les entendre. Dans les affaires introduites devant les tribunaux, la requête est remise par le tribunal entre les mains de deux commissaires devant lesquels les parties sont citées. La partie adverse citée devant le juge peut s’opposer à l’ad- mission au pro Deo, en prouvant ou que l’allégation d’indi- gence n’est pas fondée ou que le demandeur, la direction des pauvres ou l'administration de l’église, a évidemment tort dans l'affaire. En accordant la demande d'admission, le tribunal dé- signe d'office un huissier et un avoué. Tous les exploits, expéditions et actes sont visés en débet et le montant en est recouvré sur la partie adverse, en cas de condamnation. Ces sages dispositions assurent aux indigents les moyens de poursuivre leurs droits, tout en mettant les personnes aisées à l’abri de demandes ridicules et sans ombre de fondement. (18) Observations sommaires sur la réplique faite par M. Roulez et concernant son système sur les origines belges; par M. Schayes, membre de l’Académie. De retour à Bruxelles, après une absence de plusieurs mois en pays étranger, j'appris que, dans la séance du 10 octobre dernier, M. Roulez avait lu une réfutation de ma réplique précédente, insérée au Bulletin du mois de juillet. Fatigué de cette longue polémique, peu agréable sous plusieurs rapports, j'étais, pour ma part, résolu d'y mettre un terme par mon silence. Mais en lisant, dans le dernier Bulletin, le mémoire de mon honorable confrère, j'y trouvai une inculpation que je ne pouvais laisser sans réponse. D'un autre côté, un excellent journal littéraire, l’Athe- naeum français, annonçait, dans sa livraison du 15 no- vembre, qu'il se proposait de résumer notre diseussion lorsqu'elle serait entièrement terminée, Pour ce double motif, je me vois obligé de nouveau de prolonger ce débat, mais j'ose espérer que ce sera pour le clore. Les grandes batailles sont livrées, il ne s’agit plus que d’une escarmouche d’arrière-garde; on a pu s’en apercevoir à la réplique de mon savant adversaire, sinon à la forme, au moins quant au fond. Presque tout s'y réduit, en effet, à des observations et à des objections purement accessoires qui ne font qu'effleurer les points capitaux de ma défense. M. Roulez part de l'accusation que j'aurais taxé à faux son système de n'être que la reproduction des opinions (119) de certains savants allemands. Toutes les personnes qui s'intéressent à ces débats, et qui ont lu mes remarques précédentes, savent fort bien que, par cette assertion, je n'ai entendu désigner que le système de mon honorable confrère sur la prétendue celtisation des Germano-Belges et nullement ses opinions sur l’origine de ces peuples, opinions dans lesquelles je crois être plus ou moins d’ac- cord avec lui. Or, que l’on consulte les ouvrages de Muller, de Zeuss, de Dieffenbach, de Leo, de Mone (1) et de quel- ques autres, et l’on y trouvera tous les arguments, tous les raisonnements dont mon savant confrère s’est servi dans son premier mémoire, où il expose et dévelcppe son hypothèse (2). J'avais avancé, contrairement à M. Roulez, qu'il n’exis- tait dans les Gaules qu'un seul peuple portant le nom d'É- burons. Mon honorable confrère cherche à me mettre sur (1) J'ai dit, dans ma première réponse à M. Roulez, que M. Muller est l’au- teur d’un livre intitulé Das griechische Norterthum, concu absolument sur le plan des Atlantica de Rudbek et des Champs-Elysées de ce bon M. de Grave. Les hypothèses hasardées abondent également dans les Halbergische Glosse de Leo et dans les Urgeschichte des badischen Landes de M. Mone. Ce dernier va jusqu’à supposer une origine romaine à tout chemin du grand- duché de Bade qui porte le nom de Zltweg (vieux chemin), à toute localité dont le nom se termine en Sfatt, Stette ; comme s’il n'existait pas dans les parties de l'Allemagne où ne pénétrèrent jamais les Romains une foule de lieux dont les noms ont cette terminaison, et comme si un chemin, pour s'appeler vieux chemin, vieille chaussée, ne pouvait, malgré cette déno- mination, être d’une origine très-récente. Pour le savant archiviste du grand-duché de Bade, Louvain, quoiqu’elle ne fût encore au IX: siècle qu'une bourgade sans importance, est, quant au plan, le type parfait d'une ville romaine! (2) Pour prouver que M. Ch. Grandgagnage adopte ses idées, M. Roulez (120) ce point en contradiction avec moi-même, en rapportant le passage d’une note publiée, il y a neuf ans, dans le tome XI des Bulletins de l'Académie. J'avoue franchement m'être trompé alors , en disant qu'un peuple celtique du diocèse actuel d'Évreux, en Normandie, s'appelait Aulerci Ebu- rones; ce nom qu’on lit dans quelques manuscrits des Commentaires est évidemment fautif; le véritable nom de ce peuple était Aulerci Eburovices. Ce point, d’ailleurs, est d’un très-faible intérêt dans la question qui nous occupe, puisque, comme je l’ai prouvé précédemment, la ressem- blance des noms ne saurait être invoquée par mon savant confrère comme un argument d’une bien grande prépon- dérance en faveur de sa thèse. ; Me relevant au sujet d’un passage de Mannert sur les Ambrons, que j'ai cité uniquement comme preuve -de l'incertitude des étymologies celtiques, M. Roulez dit : cite un passage de l’Origine des Wallons ; mais M. Grandgagnage, loin de croire, comme M. Roulez, à une métamorphose complète des Germano- Belges en Celtes, dit, quelques lignes plus haut : « Que les Germains établis en Belgique aient participé jusqu'à un certain point à la civilisation des Gaulois devenus en partie leurs concitoyens, cela est simple et naturel; qu'ils se soient par ce fait transformés en Gaulois et aient perdu leur caractère ger- manique, c’est plus qu'improbable, c’est certainement faux : les Belges, dit César, diffèrent des Celtes par la langue, les mœurs et les lois : or, où chercher les causes de cette différence, si ce n’est en ce que précisément : « Un grand nombre des Belges sont issus des Germains; » supposer une autre cause, c'est conjecturer bénévolement, c'est, en outre, accuser César d'une bien grande négligence, car la conséquence que nous déduisons ne pouvait lui échapper. » Des Roches, dont M. Roulez invoque également le témoignage en faveur de son système, lui est moins favorable encore que M. Grandgagnage. Voir l'Hist. ancienne des Pays-Bas autrich., t. 1, p.271 et suiv. de l'édition in-8°, et p. 198 et suiv. de l'édition in-4°. (12) « Malheureusement pour M. Schayes, le passage qu'il a transerit est d’un pseudo-Mannert; le vrai Mannert de qui je rapporte en note les paroles n’a pas écrit un mot des réflexions qui lui sont attribuées. » Pour toute ré- ponse, je prierai mon honorable confrère de consulter l'édition de 1792 de la Germania de Mannert, où il trou- vera, à la page 37, le passage en question, tel que je l’ai traduit littéralement et tel que je le reproduis textuelle- ment dans la note ci-dessous (1). Sur la question de la numismatique germano-belge, mon savant confrère se borne à dire qu'il en laisse la dis- eussion et la décision aux numismates, derrière l’autorité desquels il se retranche (2). Il se contente done d’invoquer le témoignage de M. Duchalais, qui attribue la monnaie avec la légende Indutillil aux Tréviriens, et celui de MM. de la Saussaye et de Longpérier, qui regardent la monnaie à (1) Ueber die Ankunft der Ambronen ist schon lange zwischen Deut- schen, Franzosen und Helvetiern gestritten worden; iede dieser Nationen sucht sie zu den ihrigen zu zählen. Wenn der Deutsche sie bey dem Namen des flusses Ammer zu erkennen glaubt, wissen die übrigen beyden Nationen andere ähnliche Namen aufzufinden, die ihre Anmassungen rechtfertigen. Beweise blos auf Aehnlichkeit des Namens gestüzt, sind äussert selten von einigem W'ehrt; wie viel Worte giebt es wohl, von denen sich nicht wieder ein ähnliches in teder Sprache finden liesse ? L'erreur, je n’ai pas besoin de dire tout involontaire, de mon honorable confrère provient uniquement de ce qu’il n’a consulté, comme il l’a reconnu, que l'édition de Mannert de 1820, où ce passage ne se trouve plus, et il est très-rationnel, en effet, que lorsqu'un auteur a publié une nouvelle édition d’un livre, on ne lise plus l'édition antérieure. Moi, à mon tour, je n’ai vu que la première édition de la Germania que je possède; je n'ai pu me procurer encore la seconde, qui ne se trouve pas à la Bibliothèque royale, non plus que la premiére. (2) « Ils apprécieront également, ajoute M, Roulez, la compétence de (12 ) la légende Durnacos comme ayant été frappée à Tournai. M. de la Saussaye n'ayant pas examiné à fond la question de la prétendue numismatique trévirienne (anté-romaine), n’a fait que suivre l’opinion reçue, et l’on a pu se con- vaincre, par ce que j'en ai dit précédemment, combien est hypothétique l'existence de cet atelier monétaire d’un peuple à demi sauvage. Et quant aux opinions des deux autres célèbres numismates, comme elles ne se basent sur aucun fait tant soit peu positif, j'ai le droit de les considérer comme purement conjecturales jusqu’à preuve du contraire (1). J'ajouterai encore, à l'appui de la mienne, que, suivant un archéologue distingué, M. E. Joly, de Renaix, aucune des monnaies gauloises portant la légende Durnacos n’a été découverte jusqu'ici en Belgique (2). En citant le passage des Commentaires où César dit que les druides n’écrivaient qu'en caractères grecs, j'ai attribué, selon M. Roulez, à tous les Gaulois un usage mon sayant confrère en cette matière. » Il ne s’agit pas ici de savoir si j'ai obtenu un diplôme de numismate, mais de prouver que j'ai eu tort dans mes assertions sur la numismatique germano-belge. Cette preuve on ne l’a pas donnée encore, et on ne la donnera peut-être jamais, puisque tout ce qui regarde l'existence des ateliers monétaires chez les Germano-Belges ne repose que sur des conjectures. (1) Le petit vase en terre sigillée du musée d’antiquités du Louvre, avec l'inscription Genio turnacesiu , tracée à la pointe, ne saurait servir de preuve ni dans cette question de numismatique, ni en faveur de la haute antiquité de la ville de Tournai, puisqu'en admettant l'authenticité de l’in- scription, ce vase, de l’aveu de M. Roulez, pourrait bien ne pas être anté- rieur au second siècle de l'ère chrétienne, tandis que les prétendues mon- naies tournaisiennes ne sauraient être postérieures aux premières années de cette ère. (Voir le Bulletin de l’Académie , t. XIX, 2° part., p. 597.) (2) « La non-existence dans nos localités de médailles celtiques à la légende Durnacos est, ce nous semble, un argument contre l'attribution que l'on fait de ces monnaies à Ja ville de Tournai (Doornick). Si ces pièces étaient (12% ) que le conquérant n’aurait reconnu qu'à la caste sacerdo- tale. Mon honorable confrère aurait raison si ce passage était le seul qui constatât l'emploi de ces caractères dans la Celtique; mais n'est-il pas aisé de voir que je ne l'ai reproduit ici que comme corollaire de celui qui concerne le tableau statistique trouvé dans le camp des Helvétiens, et qui atteste que les caractères grecs n'étaient pas seule- ment connus des druides, mais encore des autres Gaulois? Je me crois donc fondé à tirer de ce fait une conséquence très-prépondérante contre la celtisation des Germano- Belges. La supposition de M. Roulez , que César aurait pu avoir écrit sa lettre à Q. Cicéron en langue grecque, n’a aucun fondement. César avance simplement que sa lettre était écrite en lettres grecques, graecis conscriptam litteris, expression absolument semblable à celle dont il se sert en parlant du dénombrement des Helvétiens, où, de l’aveu même de mon honorable confrère, il ne peut être question er réellement de Tournai, on devrait les rencontrer ici, dans une contrée si voi- sine de cette ville, Mais on n'en connaît pas un seul spécimen délivré dans nos localités, ni même à Tournai; et cela ne doit guère étonner, si l’on remar- que que le style de ces Durnacos est tout à fait étranger à nos {ypes. D'ail- leurs, il est en quelque sorte reconnu aujourd'hui que ces médailles appar- tiennent au midi de la France, où on les déterre assez souvent. (Voir diverses notices de la Zevue de la numismatique française.) » On sait, soit dit en passant, qu'il existe des Durnacos avec la légende Bavori, Eburo, Boduoc, Bnorbo, etc., au revers; ces médailles sont apo- cryphes, et nous pourrions, au besoin, désigner l’'incorrigible mystificateur qui a fabriqué, entre autres, celle qui porte l'épigraphe Bavorë.» (E. Joly Collections scientif. d'objets d'art, ete., de la ville de Renaïæ, n° 8, p.15.) Je crois connaître aussi le mystificateur dont il est ici question et qui à induit en erreur plus d’un savant numismate, Un de nos honorables confrères , M. Chalon, possède à ce sujet des documents uniques et des pièces de convic- tion irrécusables. (12%) de langue grecque. Quant à la conjecture qu’il ne se serait pas trouvé de druides parmi les Nerviens assiégeant le camp de Cicéron, et que, par conséquent, César pouvait écrire en toute sûreté la lettre en caractères grecs , je me crois dispensé d’y avoir égard. Les explications dans lesquelles je suis entré pour mo- tiver mon opinion que la civilisation des Ubiens , compa- rativement plus avancée que celle du reste des Germains, doit être attribuée à une autre cause qu’à celle que lui as- signe César, n’ont point obtenu l'approbation de mon honorable confrère ; mais la seule objection qu'il y fait cette fois, c'est que, sur ce point, il aime mieux en croire César que moi, jugeant de mon cabinet à deux mille ans de distance. J'en demande pardon à mon honorable con- frère, mais lui-même ne me semble pas avoir toujours eu dans cette polémique une confiance sans bornes dans l'au- torité de César, ni prétendu interdire à un critique mo- derne le droit de reprendre un historien ancien, même témoin oculaire des événements qu'il décrit, lorsqu'il le trouve en erreur ou en contradiction avec lui-même, comme c’élait ici le cas. Au motif que, d’après Dion Cassius, j'ai assigné à la dénomination de deux Germanies donnée par Auguste à deux circonscriptions qu’il avait détachées de la Belgique dans un but purement militaire, mon honorable confrère oppose deux raisons, par lesquelles il prétend me mettre de nouveau en contradiction avec mes propres paroles, mais qui prouvent uniquement que M. Roulez ne m'a pas compris ou n’a pas voulu me comprendre. S'il est cepen- dant un point de notre controverse sur lequel je crois avoir été clair et précis, c’est bien celui-là. Aussi pour toute réponse à sa première objection, me bornerai-je à (195) prier le lecteur impartial de vouloir bien relire le passage de ma dernière réplique, qui se trouve aux pages 450 et 451 du tome XIX des Bulletins (1). Quant à la seconde rai- son ;, M. Roulez semble avoir pris au sérieux ce qui, de ma part, n’était qu’une simple plaisanterie ; en eflet, pouvais- je répondre autrement à un sophisme que je considérais moi-même comme un pur badinage. Parlant ensuite sé- rieusement, j'avais dit que la première et la seconde Ger- manie ne devaient être considérées dans le principe que comme des subdivisions militaires de la province belgi- que. En m'exprimant ainsi, je ne pensais pas avancer un fait nouveau. « J'avais cru jusqu’à ce jour , dit M. Roulez, avec Lous ceux qui ont écrit sur cette malière, historiens, philologues, jurisconsultes, que l’organisation des deux Germanies n'avait différé aucunement de celle des autres provinces impériales, et que, pendant les deux premiers siècles de notre ère, les légats-propréteurs y avaient réuni, (1) En lisant ce passage, on s’apercevra aisément que la premiere objec- tion de M. Roulez, celle qu'il appelle sa première raison, porte entièrement à faux ; en effet, pour qu’il en fût autrement, j'aurais dû dire que les Ro- mains avaient distrait de la Belgique les deux Germanies, uniquement parce qu’elles étaient peuplées d’habitants de race germanique, tandis que j'ai avancé que ces subdivisions, avaient été. établies dans un simple but stratégi- que, et que les Romains leur donnèrent le nom de Germanies, parce qu’elles étaient peuplées exclusivement de Germains, sans renfermer néanmoins toutes les populations germaniques d’en deçà du Rhin; car, dans ce cas, elles au- raient dû aussi comprendre les Tongrois, les Nerviens et les Tréviriens, aux- quels, certes, M. Roulez ne déniera pas la qualité de Germains. A propos de Tréviriens, je n’ai pas prétendu, comme l'avance M. Roulez, que le territoire de ce peuple était compris, tout entier, dans la Germanie su- périeure, mais seulement la partie de ce territoire qui touchait au Rhin, puis- que la Germanie supérieure s’étendait tout le long et en amont de ce fleuve, depuis l'Ahr jusque près de Bâle. (126 ) comme dans ces dernières , l'administration civile, le pou- voir judiciaire et le commandement des troupes. » Sur cette question cependant, je n’ai fait que suivre l'opinion de l’illustre Mannert, sans contredit un des géographes modernes les plus savants et les plus sagaces (1). Une inscription rapportée par Gruter ne fait qu'une seule province de la Belgique et des deux Germanies (2), et ni Strabon, ni Pline, ni Ptolémée ne comptent ces der- nières parmi les provinces des Gaules; ce qui tend à prouver qu'ils ne les considéraient que comme de simples subdivisions de la Belgique. Du reste, la question de l'organisation et de l'administration romaine des deux Germanies est totalement étrangère à l’objet de notre dis- cussion. Je passe sur l’objection que fait mon savant confrère à . mon observalion que, jusqu'ici, on n’avait trouvé des autels gallo-romains que sur le territoire des anciens Tréviriens; car, il n’oppose à des faits positifs qu'une conjecture qu’au- cune découverte n’a encore confirmée. Malgré tout le zèle et l’habileté que M. Roulez a déployés dans la défense de la pythonisse de Tongres, je ne puis me résoudre à lui donner gain de cause. Toutes les subtilités grammaticales possibles ne me persuaderont pas que l’ex- pression : « Comme Dioclétien logeait dans un cabaret de Tongres, en Gaule, lorsqu'il servait encore dans les rangs (1) Mannert, Geographie der Griechen und Rômer , 2 Th., 1° Heft, s. 55 et 207. — Voir aussi Walckenaer, Géographie anc. des Gaules, 1. Il, p. 515 et 519. (2) Proc(urator) a rationibus provinciae belgicae et duarum Germania- run. Cette inscription se trouve aussi dans le savant mémoire de M. Roulez, Sur les magistrats romains de lu Belgique, p. 40. (127) subalternes de l’armée, et qu’il faisait avec une druidesse (1) le compte de sa dépense journalière (2) , » désigne cette femme comme l’hôtelière même du cabaret; et à défaut de cette preuve, le passage entier de Vopiseus devient sans nulle portée pour la thèse de mon honorable confrère: car la bohémienne, eüt-elle ses lettres patentes de drui- desse dûment en règle, je ne me croirais pas encore obligé de lui accorder la naturalisation belge et le droit de cité dans là ville de Tongres (5). (1) Quoi qu'en dise M. Roulez, le terme druide quadam muliere ôte toute idée que cette femme était l'hôtelière elle-même; cette expression vague dé- signe bien plutôt quelque aventurière venue, en vraie bohémienne, dans un bouge pour y chercher fortune parmi les soldats romains. « Admettons, dit M. Grandgagnage, la vérité de cette historiette, suppo- sons qu'il n’y ait pas erreur de lieu, et surtout que druidesse ne soit pas, comme il est probable, un terme impropre *, que conclure de la présence d'une druidesse dans une auberge et en compagnie d’un soldat? N'était-ce pas évidemment une coureuse exerçant à la suite des armées le métier de bo- hémienne. » (De l’origine des W'allons , p. 54.) . (2) M. Roulez traduit rationem convictus facere sui quotidiani, par « régler le prix de sa dépense journalière; » je l'interprète, moi, par « faire la » supputation de sa dépense journalière, » (5) M. Roulez conclut de ce que, dans le passage de Suétone que j'ai rap- porté comme parfaitement analogue, la tireuse d’horoscope, qui était une femme catte, ne reçoit pas le titre de druidesse dans la capitale même, qu'un écrivain romain n'eût pas désigné comme telle la devineresse de Tongres, si elle avait été véritablement germaine. A cette objection, je répondrai que les écrivains romains, sachant fort bien qu’il n’y avait pas de druidesses dans la Germanie , n'auraient pu donner ce titre à une devineresse catte sans être accusés d’avoir commis un grave anachronisme , tandis que le fait rapporté * « Des histoires semblables, par exemple, celle que rapporte Lampride, dans la Vie d'Alexandre Sévère , $ 59, ont pu donner lieu à l'emploi de ce mot ; de même la circonstance que Vopiseus vient de désigner la Gaule comme étant le pays où s'est passé le fait, » ( 128 ) Les nouvelles remarques de M. Roulez sur le système leugaire et sur le passage de saint Jérôme, relatif aux Ga- lates, n'étant guère que la reproduction de celles qu'il a faites précédemment à ce sujet, je dois, crainte de retom- ber moi-même dans les redites, m’en référer pour toute réponse à mes observations antérieures (1). Mon savant confrère entame ensuite une longue dis- cussion grammaticale sur l’acception des termes origo Ger- manica, ortos esse a Germanis, discussion, suivant moi, assez inutile ici, où il ne s’agit pas de savoir ce que ces termes signifient pris isolément, ou dans quel sens les a employés tel ou tel auteur, mais uniquement de connaître la signification qu’ils ont chez César et Tacite. Or, je pré- tends que dans le célèbre passage de ce dernier : Treviri et Nervii circa affectationem germanicae originis ultro am- biliosi sunt, tamquam, etc., que j'ai transerit en entier dans ma réponse, page 427 , ils ne sauraient être distraits du reste de la phrase, sans perdre la valeur que je crois leur avoir attribuée à juste titre. Il est vrai que M. Roulez n’ad- met pas la prétention qu'avaient, suivant Tacite, les Ner- viens et les Tréviriens de différer des Gaulois et par les mœurs et par le courage (a similitudine et inertia (2). par Vopiscus s'étant passé dans les Gaules où toutes les, druidesses, passaient pour se livrer à la devination, il n°y a rien d'étonnant, comme je l’ai déjà dit, que ce dernier auteur ait donné ce titre à la devineresse de Tongres, ville des Gaules, bien qu’elle ne füt pas réellement une druidesse : c’est encore tou- jours ici, je le répète encore, le Gallus inter Gallos. D'ailleurs, rien ne con- state que cette femme, que l’on veuille en faire une véritable druidesse ou une simple aventurière, füt originaire de Tongres. (1) Voir aussi la dissertation de M. Grandgagnage, Sur l’origine des allons, p.21 et 25. (2) M. Roulez change a similitudine et inertia en a similitudine iner- (129) « En effet, dit-il, lorsqu'un peuple, pour repousser le reproche de ressembler à d’autres peuples par ses mœurs et par sa mollesse, n’a pas de meilleure raison à alléguer que de rappeler son origine, c’est qu’il mérite en grande partie le reproche qu’on lui adresse, » Mais ce qui prouve bien que les prétentions de ces peuples ne s'élayaient pas sur un simple arbre généalogique, c’est que César qualifie les Nerviens de peuple le moins civilisé parmi tous les Belges (qui, maxime feri inter ipsos (Belgas) habeantur) , qu'ailleurs, comme je l’ai déjà fait observer , il trace de leurs mœurs un tableau qui rappelle en tous points les traits sous lesquels il dépeint les Suèves, les plus sau- vages des Germains, et que, plus loin, Hirtius assimile les Tréviriens aux habitants de la Germanie. Ces témoi- gnages si clairs ne donnent-ils pas un démenti formel à l’assertion de mon honorable confrère, à son interpréta- tion des paroles de Tacite, qui, je le répète, n’aurait pas manqué, en juge sévère, méticuleux même, de rejeter nettement les prétentions des Nerviens et des Tréviriens, s'il les avait crues aussi mal fondées que l’étaient, suivant lui, celles de plusieurs peuples de la Germanie? Pour ce motif, je persiste à n’attacher aucune signification parti- culière au haud dubie relatif aux Vangions, aux Tribocs et aux Némètes, à n'y voir qu’un simple mode de liaison et non une antithèse; sans prétendre toutefois engager sur la traduction littérale de ce terme une polémique gram- maticale avec un philologue dont je me plais à reconnaître toute la science et la supériorité. tiae. Je conserve et traduis le texte de Tacite, tel qu'il se trouve dans toutes les éditions. Pour changer le texte d’un auteur, il faut, me semble-t-il, des motifs plus sérieux que ceux que donne mon savant contradicteur, TOME xx. — I'° PART. 9 (1430 ) M. Roulez n’accorde pas plus d'importance à l’expres- sion d’ortos esse a Germanis, dont se sert César en parlant de la plupart des Belges, qu'à celle qu'il attribue au ger- manicae originis de Tacite : « César, dit-il, n’a eu en vue que la descendance, sans aucun égard à l’état présent des peuples dont il parle. » Deux passages des Commentaires que je lui ai opposés pour prouver qu’à l’époque de la con- quête romaine, les Belges ne passaient pas seulement pour être originaires de la Germanie, mais qu’ils continuaient encore à être considérés comme de vrais Germains, lui ont néanmoins paru dignes de quelque attention; mais il cher- che à les réfuter par un non-lieu dont nous allons voir la valeur : « L'auteur des Commentaires, dit-il, après avoir avancé, au liv. IT, que, suivant le dire des Rémois, la plu- part des Belges sont d’origine germanique, ajoute quelques lignes plus loin, toujours d’après la même source, en faisant l'énumération de ces peuples, que quatre, ou plutôt cinq d’entre eux, sont appelés du nom commun de Germains. Ainsi, d’après ce chapitre des Commentaires, il y avait deux catégories de peuples belges originaires de la Germanie : l’une, constituant une petite minorité, portait toujours le nom de Germains, l’autre, c’est-à-dire la majorité, avait cessé d’avoir ce nom. La raison de cette différence doit être que ces derniers avaient dégénéré et se rapprochaient déjà beaucoup plus des Celtes. » Il ne me faudra pas de bien grands efforts pour démontrer combien est vaine et illusoire cette interprétation forcée du texte de César, et que la conséquence qu’en tire mon savant confrère est loin « d'entamer singulièrement mon système » ainsi qu'il s'exprime. De ce que , dans le passage où , d’après les ren- seignements obtenus des Rémois, César, en énumérant les forces militaires de tous les peuples de la confédération ( 131 ) belge, ne donne la qualification de Germains qu'aux Con- druses, aux Éburons, aux Cérèses et aux Pémanes, il fau- drait conclure, d’après mon savant adversaire, que ces peu- plades de second ordre étaient encore seules dignes de ce nom , et que les autres peuples belges d’origine germanique avaient dégénéré et se sapprochaient déjà plus des Celtes que des Germains. Mais c'est précisément dans ce passage que César, toujours d’après le rapport des Rémois, appelle les Nerviens les plus barbares des Belges, qui maxime feri inter ipsos (Belgas) habeantur; voilà sans doute une singulière preuve de la dégénération de ce peuple ger- . manique ! Ce fait seul, indépendamment des passages sur les mœurs des Nerviens et des Tréviriens que j'ai rappelés plus haut, peut servir de réponse à l’assertion de mon honorable confrère. Puis, ce qui atteste encore qu'en ne donnant, dans la nomenclature des peuples de la Belgique, le titre de Germains qu'aux quatre tribus en question, César n’a pas entendu réstreindre à elles seules cette déno- mination, c'est qu'au liv. VI, c. 52, il l’applique également aux Ségniens; s’il ne l’a pas donnée positivement aux Ner- viens et aux Tréviriens, bien qu’il les dépeigne comme des Germains de pure souche, c’est que probablement il n’avait pas sur leur origine des données aussi précises que Tacite (1). M. Roulez s’est mépris sur le but que j'ai eu en repro- duisant une partie du discours que Divitiac adressa à César lorsqu'il vint implorer son secours contre Arioviste. À l'entendre, j'aurais voulu affirmer par là que si les Romains n'intervenaient pas, « il arriverait, au bout de quelques années, que tous les peuples des Gaules seraient chassés de (1) Strabon donne aussi la qualification de Germains aux Nerviens. (132 ) leurs pays et que tous les Germains passeraient le Rhin, » tandis que j'ai seulement fait cette citation comme preuve que, lorsqu'une horde de Germains envahissait une con- trée des Gaules, elle expulsait les anciens habitants de toute la partie de leur territoire où elle venait se fixer elle-même, et ne s’alliait pas à eux; par conséquent, qu'il continuait à subsister entre les peuplades de ces deux races, habitant le même sol, une séparation tranchée, une antipathie profonde qui s'opposait à toute com- munauté d'idées et de mœurs. Ainsi, de même que les Nerviens, les Tréviriens, les Éburons et autres peuples germains avaient chassé (expulsisse) de toute la Belgique actuelle, et refoulé dans le midi de leur territoire les Celto- Belges, de même Arioviste expulsa les indigènes des deux tiers de la Séquanoise, pour s’y établir avec les Germains sous ses ordres et avec les Harudes ses alliés. Enfin, pour ce qui concerne la disparition ou l'absorption des Ménapiens, des Toxandres, etc., sous la domination franque, je continue à m’en rapporter aux documents au- thentiques du moyen âge, qui y sont formellement opposés, M. Snellaert dépose le manuscrit de la notice de Jean- Louis Kesteloot , qu'il s'était chargé de rédiger pour l’An- nuaire de l’Académie. L'auteur s’entendra avec M. le secré- taire perpétuel pour l'impression de eette pièce. M. le baron de Stassart saisit cette oceasion pour offrir un exemplaire particulier de sa notice sur Corneille-Fran- çois de Nélis, laquelle fera partie du même annuaire de 1853. (135) ÉLECTIONS. La classe procède à la nomination de son directeur pour 1854. M. de Ram ayant réuni la majorité des suffrages, est proclamé directeur. MM. Leclercq, Van Meenen, Gachard, de Decker et le chevalier Marchal sont réélus membres de la commission spéciale des finances pour 1853. La classe procède ensuite à la formation d’une liste de quatorze candidats pour le jury auquel sera attribué le jugement du concours pour le prix quinquennal de litté- rature française; cette liste sera communiquée à M. le Ministre de l’intérieur. M. le baron de Stassart, directeur pour 1853 , prend place au fauteuil, et remercie, au nom de la classe, M. le baron de Gerlache, directeur sortant. (454) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 15 janvier 1855. M. FE, Fémis, directeur. M. QuETELET, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, G. Geefs, Leys, Madou, Navez, Roelandt, Eug. Simonis, Van Hasselt, J. Geefs, Érin Corr, Sneï, Fraikin, Partoes, Éd. Fétis, Van Eycken, membres ; Geerts et Bosselet, correspondants. CORRESPONDANCE. M. Geelhand fait connaître que la Société royale d’An- vers pour l'encouragement des beaux-arts a prélevé, sur la vente des tableaux, lors de la dernière exposition, une somme de 1,068 francs, qu’elle versera dans la caisse cen- trale des artistes belges. — Remerciments. — M. le comte d'Héricourt informe l’Académie que le Congrès scientifique de France se réunira à Arras, le 25 août prochain, et il invite les membres de la Compa- gnie à y assister. Le Congrès se divise en six sections spé- ciales : 4° sciences naturelles ; ® agriculture; 5° sciences (455 ) médicales; 4 histoire et archéologie; b° littérature et beaux-arts ; 6° sciences physiques et mathématiques. — M. le baron Ch. Estorff, de Gôttingue, fait hommage de son ouvrage archéologique Heidnische Alterhümer des gegend von Uelzen ; et il exprime le désir d’être associé aux travaux de la Compagnie. M. le secrétaire perpétuel donne lecture d’une lettre de M. Bal, lauréat du grand concours de gravure, laquelle a été renvoyée à l'avis de l'Académie par M. le Ministre de l'intérieur. M. Bal se borne à faire connaître que la plan- che qu’il a commencée est couverte, et qu'il va s'occuper d'y mettre du ton , afñn d'arriver à l'effet de son dessin. = RAPPORTS. Il est donné un aperçu des principaux objets dont le comité de la Caisse centrale des artistes a eu à s’occuper dans la réunion qui a précédé la séance. Lors du règle- ment des comptes, au commencement de l’année précé- dente, l'avoir de la Caisse centrale s'élevait à la somme de fr. 19,648 44 c. Pendant le cours de cette année, une somme de 7,244 francs y a été ajoutée, en sorte que l'avoir actuel monte à fr. 26,892 44 c°, sans y comprendre la somme de 1,068 francs promise par la Société royale d'Anvers pour l’encouragement des beaux-arts. M. Fétis, qui a bien voulu se charger d'organiser un concert en faveur de la Caisse centrale, propose d’en fixer l'époque pendant le carême. Cette proposition est adoptée. (136) — M, Van Hasselt rend compte des motifs qui l'ont empêché jusqu’à présent de présenter un rapport sur une notice de M. Petit de Rosen, concernant une plaque d'ivoire sculptée , du trésor de Notre-Dame de Tongres, re- . présentant le mystère de la rédemption ; il croit indispen- sable que les commissaires puissent examiner par eux- mêmes l’objet en question, afin d’en vérifier l’authenticité. La démande en sera faite au Gouvernement. — L'ordre du jour appelait la lecture des rapports sur la partition de l'opéra Le comte d'Egmont et sur une messe de M. Gevaert. L'absence de M. Hanssens, entre les mains de qui se trouvent ces deux pièces et qui n’a point assisté aux dernières séances, a dû faire ajourner le jugement. a ÉLECTIONS. La classe avait à nommer son directeur pour 1854; M. Navez a réuni la majorité des suffrages et est venu prendre place au bureau. M. Roelandt, directeur pour 1855, a remercié, au nom de la classe, M. Fétis, direc- teur sortant. Les membres de la commission spéciale des finances, chargés de représenter les intérêts de la classe, ont été réélus. Il a été procédé ensuite à la nomination d'un corres- pondant dans la section d'architecture, en remplacement de M. Renard, récemment élu membre. M. Balat, ayant (137) réuni la majorité des suffrages, a été proclamé correspon- dant de l’Académie. M. Finelli, statuaire à Rome, a été nommé, à l’unani- mité, associé de l’Académie, classe des beaux-arts, section de sculpture. OUVRAGES PRÉSENTÉS. Analectes pour servir à l'histoire de l'Université de Louvain, publiés par P.-F.-X. de Ram, n° 16. Louvain, 1853; 1 vol. in-12, Anatomie comparée, par P.-J. Van Beneden. Bruxelles, 1852 ; 4 vol. in-8°. J.-H. Bormans, Prodromus animadversionum ad Sex. Aurelii Propertii elegiarum libros IV, et novae simul editionis specimen. Louvain, 1836; 1 broch. in-8. Artémis élaphébole. Lutte d'une centauresse et d'un faune sur un vase du musée de Leyde, par J. Roulez. Paris, 1852; 1 broch. in-8°, Une monnaie inédite de Nicolas du Châtelet, seigneur souverain de Vauvillars; par Renier Chalon. Bruxelles, 1832; 1 broch. in-8°, Bruxelles et Mons, par Ad. Mathieu. Bruxelles, 4852; 1 broch. in-8°. Leitre à M. le rédacteur en chef de l'Indépendance Belge sur le chevalier Bayart. — Lettre adressée à M. de Chénedollé, direc- teur du Bulletin du bibliophile belge, par M. le baron de Stassart. Bruxelles, 1852; 2 pages in-8°. Annuaire de l'Université catholique de Louvain. 17° année. Louvain, 4853; 1 vol. in-12. (158 ) Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VI. N° 42, Décembre 1852. Bruxelles, 1 broch, in-8°. Bulletins des séances des conseils Provins Ian des neuf pro- vinces (session de 1851); 9 vol. in-8°. Les Parasites, comédie en un acte et en vers, par Jules Guil- liaume. Bruxelles, 1851 ; 1 broch. in-8°. Messager des sciences historiques, des arts et de la bibliogr'a- phie de Belgique. Année 1852, 4° livraison. Gand, 1 broch. in-8°. Un épisode de la querre de la succession inconnu aux histo- riens belges et français, ou cause secrète de la perte de la bataille de Ramillies (25 mai 1706); par Ch. de Chénedollé. Gand, 1852 ; 4 brocb. in-8e. Annales de la société archéologique de Namur. Tome. EL. 4° liv. Namur, 1852; 1 vol. in-8°. Les vieux châteaux. — Ruines de Beauraing, BF: Adolphe Siret. Namur, 1852; 4 broch. in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. Décembre 1852 et janvier 1855. Liége; 2 broch. in-8°. Journal d'horticulture pratique de lu Belgique; directeur : M. Galeotti. N° 10. Bruxelles, 1852; 4 broch. in-12. Journal belge de l'architecture et de la science des constructions, pans sous Ja direction de MM. C.-D. Med et Ch. Vanderau- wera. 5° liv. Bruxelles, 4853; 4 broch. in-4 Fa de l'enseignement, publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome HF, n° 14, 2 et 5. Tournay, 4853; 5 broch. in-&. Le Moniteur des intérêts matériels. N°s 2 à 5. Bruxelles, 4853; 4 feuilles in-plano. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Tome XI, N°9 et 5. Bruxelles, 1852 et 1853; 2 broch. in-8°. ( 439 ) Archives belges de médecine militaire. Tome X. Décembre 1852. Bruxelles; 4 broch. in-S°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 40° année. Novembre et décembre. 4 1° année. Janvier. Bruxelles, 1832 et 1853; 3 broch. in-8°. La presse médicale ; rédacteur : M. J. Hannon. 5° année. Nes 35 à 6. Bruxelles, 1855; in-4°. La Santé, journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs : MM. A. Leclereq et N. Theis. 4%° année. N° 15 et 14. Bruxelles, 1853; 2 broch. in-4°. Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Gunier. 45e année. Tome XXVIIL (5° série, tome [V*) 2° semestre 1852. 1° fascicule. Bruxelles, 4852 ; 4 vol. in-8°. Annales de médecine vétérinaire, publiées à Bruxelles; par MM. Delwart, Thiernesse, Demarbaix et Husson. 2° année. 1 ça- hier. Janvier 4853; 1 broch. in-8°. Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand. 18%* année. 41° livraison. Gand, 1852; 1 broch. in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale ; publiées par les docteurs Vanoye et Ossieur. 2° année. 4° livraison. 1852-1853. Roulers; 1 broch. in-8°. Le scalpel, rédacteur : M. A. Festraerts. 5° année. N® 15, 16 et 17. Liége, 1852 et 1853; in-4°. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Tome XII. Année 4852. l'euilles 22 à 30. Bruges; in-6°. Notice sur Gabriel d'Ayala, docteur en médecine, médecin pensionnaire de la ville de Bruxelles, par C. Broeckx. Anvers, 1853; 1 broch. in-8°. , Deux observations d'empoisonnement, l'une par le sulfate de zine, l'autre par les semences de colchique, recueillies par C. Broeckx. Anvers, 4853; 1 broch. in-8°. Flora Batava, of afbeelding en beschrijving van nederlandsche gewassen, door Jan Kops. 171° aflevering. Amsterdam, 4852; 4 broch. in-4°. ( 140) Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXV, n° 25, et 26. Tome XXXVI. N° 1 et 2. Paris, 4853; 4 broch. in-4°. Revue et magasin de zoologie pure et appliquée ; par M. F.-E, Guérin-Méneville. 1852. N° 12. Paris; 4 broch. in-8°. L'Investigateur, journal de l'institut historique. 19° année. Tome II, 3% série, 216°-217° livraisons. Novembre et décembre 1852. Paris; 4 broch. in-8&. L'Athenaeum français, journal universel de la littérature, de la science et des beaux-arts. 2% année. N°% 4 à 5. Paris, 1853; 5 doubles feuilles in-4°. Mémoire sur le genre Ictides. 1825, in-8°.— Nouvelles recher- ches sur l'organe électrique du malaptérure électrique. 1839, in-4. — Nouvelles observations sur l'organe électrique du silure élec- trique. 4840, in-4°. — Rapport sur les espèces de poissons de la Prusse qui pourraient être importées et acclimatées dans les eaux douces de la France, adressé à M. le Ministre de l'agriculture et du commerce, par M. À. Valenciennes. 1852; in-8°, Paris, 4 broch. Société des antiquaires de la Morinie. Bulletin historique. 4° livraison. Octobre, novembre et décembre 1852. Saint-Omer; À broch. in-8°. Société de la morale chrétienne. Livraison n° 5. Paris, 1852; 4 broch. in-8°. Des abnormités congéniales des yeux et de leurs annexes. Lau- sanrie, 1848; 1 vol. in-8°, — Enumération des lichens jurassi- ques et plus spécialement de ceux du canton de Neuchâtel; par Édouard Cornaz. Neuchâtel, 1852; 1 broch. in-8. Agriculture. — Commerce. — Statistique du commerce des blés et farines en France, en Angleterre et en Belgique; par L. Desgraz. Paris, 1852; 1 feuille in-plano. Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire de la Suisse romande. Tome XII. Cartulaires de la chartreuse d'Oujon et de l'abbaye de Hautcrét, avec avant-propos, tables et réper- toires, par J.-J. Hisely. Lausanne, 1852; 4 vol. in-8°. (14) Atti dei Georgofili di Firenze della Associazione agraria della provincia di Grosseto e bullettino agrario. N° 400 à 105. Flo- rence , 1851 et 14852; 4 broch. in-8°. Statuta civitatis Pisarum a saeculo XIT ad XIV nune primum collecta, edita et commentariis subjectis illustrata cura studioque Francisei Bonainii. Florence, 4852; 1 broch. in-4°. Notizie sulla storia delle scienze fisiche in Toscana, cavate du un manoscritlo inedito di Giovanni Targioni. Florence, 4852; 4 vol. in-4°. Giornale fisico-chimico italiano del prof. Francesco Zante- deschi. Liv. 4 à 5. Venise, 1851; 5 broch. in-8°. Annali di fisica del prof. Francesco Zantedeschi. 1849-1850. Padoue; 5 broch. in-8°. Ricerche fisico-matematiche sulla deviazione del pendolo dalla sua traÿettoria. — Memoria del prof. Francesco Zantedeschi. Padoue, 1852; 1 broch. in-8°. Monumenti antichi inediti posseduti da Raffaele Barone con brevi dilucidazioni de Giulio Minervini. Feuille 16 et planche 25 du premier volume. Naples, 1851. Nuove osservazioni intorno la voce Decatrenses, da Giulio Minervini. Naples, 1852; 1 broch. in-4°. Bullettino archeologico Napolitano. Nuova serie, n® 4 à 6. Naples, 14852; 6 feuilles in-4°. Atti dell Accademia Pontificia de’ Nuovi Lincei, compilati dal segretario. Anno V. Sessione 1°, del 28 décembre 1851. Rome, 1852; 1 vol. in-8°. Corrispondenza scientifica in Roma. — Bullettino universale. Anno secondo, n° 41. Rome, 4852; 1 double feuille in-4°. Memorias de la real Academia de ciencias de Madrid. Tomo I. Tercera serie. — Ciencias naturales. Tomo F°, parte 2°. Madrid, 1851 ; 1 vol. in-4°. Memoria sobre las causas meteorolgico-fisicas que producen las constantes sequias de Murcia y Almeria, senalando los medios de atenuar sus effectos : su autor don Manuel Rico y Sinobas. Madrid, 4851 ; 4 vol. in-8°. ( 142 ) Resumen de las actas de la Academia real de ciencias de Ma- drid, en el ano academico de 1850 a 1851, leido por el secretario perpetuo doctor don Mariano Lorente. Madrid, 4851 ; 1 br. in-8°. Heidelberger Jahrbücher der Literatur , unter Minwirkung der vier Facultäten. Fünfundvierzigster Jahrgang. Sechstes Doppel- heft. November und December. Heidelberg, 4852; 1 broch. in-8°. Ueber das electrolytische Gesetz; von H. Buff. Berlin, 1852; 1 broch. in-8°. Koniglichen Akademie der Wissenschaften zu Berlin. Abhand- lungen. 4851.— Monastbericht. Juli-October 1852. Berlin, 1852; 1 vol. in-4° et 2 broch. in-8°. Sur les antiquités de Kertch. — Sur les antiquités du Bosphore Cimmérien, par Antoine Achik. Odessa, 1848, 1849 et 1851; 5 vol. in-4° et 4 vol. in-8°. The annals and Magazine of natural history, including 200- logy, botany, and geology. Second series, vol. IX, n°° 55-60. July-December 1852. Londres; 6 broch. in-8°. Annals of the Lyceum of natural history of New-York. Vol.H, IL et IV. New-York, 1828 à 1848; 5 vol. in-8&. Procedings of the Boston Society of natural history. Vol. E, I et I. 1841-1851. Boston, 1844 et 1848; et Cambridge, 1851 ; 3 vol. in-&. Boston journal of natural history, containing papers and com- munications read to the Boston Society of natural history. Vol. I à V,et vol. VI, n°* 4 et 2. Boston, 1834 à 1850; 5 vol. et 2 broch. in-8°. Transactions of the agricultural societies in the state of Mas- sachusetts, for 1850 and 1851. Boston, 1851 et 4859; 2 vol. in-8°. Report on the geology of South Carolina; by M. Tuomey. Co- lumbia, 1848; 4 vol. in-4°. Final report on the yeology and mineralogy of the state of New-Hampshire ; with contributions towards the improvement of agriculture and metallurgy. Concord, 1844; 4 vol. in-8°. Re nm : t” 1” L: , Ÿ k-v ‘ , ‘1 : ’ 1 ‘ { - 5 1 BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1853. — N° 2, CLASSE DES SCIENCES. Séance du 5 février 1853. M. Sras, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, De Hemp- tinne, Wesmael, Martens, Cantraine, Kickx, Morren, De Koninck, Van Beneden , le vicomte B. Du Bus, Neren- burger, Gluge , Schaar, Melsens, membres : Sommé, associé : Liagre, correspondant. M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste à la séance. TOME xx. — |" part, 10 (144) CORRESPONDANCE. La Société royale d'Edimbourg, l’Académie royale des sciences de Madrid, le Musée impérial et royal de Flo- rence, l’Académie royale de Munich, le Musée de Kertch en Russie, la Société linnéenne de Normandie, ete., éeri- vent au sujet de l'échange des publications. — La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants : 1° Corrélation des hauteurs du baromètre et de la pres- sion du vent, mémoire par M. Montigny, professeur de physique à l’Athénée de Namur. (Commissaires : MM. Cra- bay, Quetelet et Duprez.) 2° Histoire naturelle du Tubifex des ruisseaux, par M. Jules d'Udekem , docteur en sciences naturelles. (Com- missaires : MM. Van Beneden , Schwann et Cantraine.) 5° Théorie géométrique du parallélogramme de Watt, par M. Ignace Carbonnelle. (Commissaires : MM. Timmer- mans, Lamarle et Schaar.) 4 Note sur l'embryon des graminées, par M. V.-P.-G. Demoor. (Commissaires : MM. Spring et Martens.) » Notes sur différents instruments de précision, par M. A. J. Gérard. (Commissaires : MM. Crahay et Ad. De Vaux.) — M. le secrétaire perpétuel dépose les observations suivantes qui, pendant l’année 1852, ont été faites sur les ( 145 ) phénomènes périodiques, conformément au programme de l’Académie : 1° Observations sur la météorologie et sur la floraison des plantes, faites à Bruxelles et présentées par M. Ad. Quetelet. 2° Observations sur la météorologie et sur la floraison des plantes, faites à Stavelot , par M. G. Dewalque. 3° Observations météorologiques, faites à Liége, par M. D. Leclercq. 4° Observations des phénomènes périodiques, faites à Ostende, par M. Mac Leod. 5° Observations sur la floraison des plantes, faites à Anvers, par M. le docteur Sommé. 6° Observations sur la floraison des plantes, faites à Venise, par M. Zantedeschi. — M. Morren fait hommage de deux opuseules de sa composition, dont lun traite de la fécondation des cé- réales. RAPPORTS. Sur la théorie des résidus quadratiques, par M. Angelo Genocchi. Fapport de M. Schaasr. « Le mémoire que M. Angelo Genocchi a adressé à l’A- cadémie, en date du 5 novembre dernier, a pour objet l'application de l'analyse transcendante à la théorie des nombres. (146) L'auteur commence par déduire d'une formule que Poisson a donnée dans son Mémoire sur le calcul numéri- que des intégrales définies (tom. VI des Mém. de l'Inst.), la valeur de l'expression x=n . 7 = Funx = 2 _. e * e ñ , d’où il déduit ensuite par des transformations algébriques une formule qui, quoiqu'en apparence plus générale que la formule (5) de mon mémoire du 5 avril 4850, s’en déduit immédiatement en y changeant q en 2g. M. Genocchi fait voir ensuite qu'on peut arriver très-simplement aux mêmes résultats en partant des célèbres intégrales aux sommes alternées de M. Gauss. Mais je dois faire remarquer que les transformations de l'auteur supposent connu le signe du radical qui entre dans ces intégrales; or, on sait que la détermination de ce signe offre de grandes difficultés et que M. Gauss n’y est parvenu qu’à la suite de recherches très-profondes. En partant d’une formule que j'ai donnée dans le t. XXII des Mémoires des savants étrangers, l'auteur en déduit d’a- bord une formule que M. Eisenstein avait déjà rapportée dans le t. XXVII du Journal de M. Crelle, et qui permet d'exprimer, par une suite trigonométrique finie, la partie entière d'un nombre quelconque, et par conséquent aussi le résidu de la division d’un nombre par un autre. Il ar- rive ainsi à la détermination de plusieurs intégrales déjà connues , et fait voir que l'intégrale 2 ; qui avait 1 sin.27T résisté aux efforts de plusieurs géomètres, dépend de la différence du nombre de résidus pairs et de celui des résidus impairs du nombre n, différence dont, à la vérité, (147) on n'a pas une expression algébrique en fonction de n. Les mêmes formules le conduisent à la démonstration de plusieurs relations entre le nombre et la somme des résidus ou non-résidus quadratiques pairs ou impairs d’un nombre de plusieurs lemmes, et dont M. Gauss a fait usage dans ses démonstrations de la loi de réciprocité. L'auteur démontre ensuite plusieurs théorèmes relatifs aux solutions en fonctions trigonométriques des équations indéterminées 2° — ny? = + 1, pa? — qy? —4, solutions qui avaient été données sans démonstration par Jacobhi, dans les Comptes rendus de l'Académie de Berlin, et il ter- mine son travail par une démonstration nouvelle et fort simple de la loi de réciprocité de Legendre. Tel est, en résumé, le résultat des recherches auxquelles l’auteur s’est livré. Son mémoire offre de nombreux exem- ples du parti que l'on peut tirer des fonctions cireulaires dans l'arithmétique transcendante. C’est surtout dans cette partie de la science qu'il est utile de présenter les mêmes vérités sous des points de vue différents, et d’assigner une commune origine aux diverses propositions d’une même théorie. Je suis d'avis que le mémoire de M. Genocchi est digne, sous tous les rapports, de l'approbation de l'Académie, et j'ai, en conséquence, l'honneur de proposer à la classe de lui voter des remerciments et d'ordonner l'impression de son trayail dans le recueil des Mémoires des savants étrangers. » Ces conclusions, auxquelles ont adhéré MM. Timmer- mans et Lamarle, sont adoptées par la classe. (148) Matériaux pour servir à la partie botanique du VoyAGE DE J, Line ; par MM. J.-E, Planchon et J. Linden. Rapport de M. Kickiæx. « La notice présentée par MM. Planchon et Linden, sous le titre de Praeludia florae colombianae, est consacrée à des détails de botanique descriptive dont je crois pouvoir me dispenser de donner l’analyse. Ce travail mérite, d’ail- leurs, d’être favorablement accueilli par la classe et j'ai l'honneur d’en proposer l'insertion dans nos Bulletins. » Ces conclusions sont adoptées. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur les temps des révolutions des satellites de Jupiter et de Saturne. Note de M. A. Quetelet, membre de l’Académie. En comparant entre eux les temps des révolutions et les distances des satellites de Jupiter et de Saturne, on a trouvé quelques rapports très-simples, qui ont été con- signés dans les différents traités d'astronomie. Il en est deux que je crois nouveaux et dont je dois la connaissance à M. le baron Behr, ministre plénipotentiaire du Gouver- nement belge. Le premier se rapporte aux huit satellites de Saturne, (149) qu'on peut supposer partagés en deux groupes, composés l'un des quatre satellites intérieurs, l’autre des quatre satellites extérieurs. Or, voici ce qu'on lit au sujet du pre- mier groupe dans le tome IT du Cosmos de M. Humboldt, pag. 561 de la traduction française. « Il existe un singulier rapport entre les révolutions » des quatre premiers satellites les plus proches de Sa- » turne. La durée de la révolution du troisième satellite » (Téthys) est double de celle du premier (Mimas); et la » durée de la révolution du quatrième (Dioné) est double » de celle du second (Encelade). Je dois la communica- » tion de ce rapprochement curieux à une lettre que m'a » écrite sir John Herschel, au mois de novembre 1845. » Ajoutons maintenant, pour le deuxième groupe : La durée de la révolution du septième satellite (Hype- rion) est quintuple de celle du cinquième (Rhéa); et la durée de la révolution du huitième (Japhet) est quintuple aussi de celle du sixième (Titan). Ces résultats se verront mieux par le tableau ci-joint, qui renferme les éléments de comparaison : SATELLITES. DURÉE NOMBRES RÉDUITS. — des révolutions. _ 1. Mimas. . . . . 0945 M— 01945 9: Encelades. 14, -,: 1.370 E—= 1.970 RCE NS Us 1.888 3 T — 0.944 A DONNE 7 CARO 2.739 1D— 1.370 WYRhéalt LOMME 2 4.517 BR —=W4517 6HLitan onde tlet nafb:945 D —=15945 7. Hypérion . , . . 22.500? 2H — 4.500 8. Japhet. . , ..:0.79:530 = J — 15.866 Quant aux satellites de Jupiter, on sait que la durée de la révolution du 1° satellite est environ la moitié de celle du 2°, qui n'est elle-même que la moitié à peu près du temps (450 de la révolution du 5° satellite. M. le baron Behr fait re- marquer que la durée de la révolution du 4° satellite vaut deux fois le temps de la révolution du 5°, plus #5; de la différence des durées des révolutions du 2° et du 4". SATELLITES. DURÉE NOMBRES RÉDUITS. — de la révolution. — der a — 1769 Qa — 3538 2e b =, 5,551 b = 53.551 5° oo 1 30 —) 4511 4° d — 16.688 2c+2(b— a) — 16.686 Sur des cercles lunaires. Note communiquée par M. A. Quetelet. Dans la soirée du 19 janvier 4855, vers 8 h. ‘/ du soir, la lune étant à près de 60° au-dessus de l'horizon, M. Bouvy, aide à l'Observatoire, aperçut au nord de la lune deux ares de cercles blancs, l’un au delà, l’autre en deçà du zénith. Le premier, concentrique à la lune et de 22° en- viron de rayon , était coloré en rouge à l’intérieur ; le se- cond, parallèle à l’horizon, d’un blanc argenté très-vif et non irisé, serait passé par la lune s’il avait été complet. Bien que ce phénomène rentre dans l'espèce ordinaire des halos, et que ces cercles soient décrits dans les traités spéciaux, le premier sous le nom de cercle concentrique et le second sous celui de cercle parasélénique, ils présentaient cependant une apparence assez étrange pour être remar- quée. La lune étant très-élevée en ce moment au-dessus de l'horizon , le demi-cerele parasélénique n'avait pas un dia- mètre beaucoup plus grand que celui qui entourait la lune, et ces deux arcs de cercles, en se rejoignant presque (451) par leurs extrémités, formaient, vers le zénith, un immense croissant dont l'effet était rendu plus remarquable encore en ce moment par l'aspect fortuit des nuages : dans l’es- pace compris entre les deux demi-cercles, le ciel ne pré- sentait que de légères vapeurs striées, tandis qu’à l’exté- rieur, 1l était couvert, en grande partie, de petits nuages moulonnés. Le professeur Kæmtz, dans son Traité de Météorologie, dit que, « comme les halos se montrent le plus souvent quand le baromètre baisse, la pluie ne tarde pas à venir. » En effet, le matin, 20 janvier, le baromètre était descendu de plus de 6 millimètres, et il tombait une forte pluie qui continua pendant la journée. Notice sur l'hiver de 1852 à 1853, par M. A. Quetelet. J'ai déjà eu l'occasion, dans la séance précédente, d’ap- peler l'attention de la classe sur la température, remar- quablement élevée, qui a signalé le commencement de cet hiver. J'ai indiqué, en même temps, quelques plantes qui avaient commencé à fleurir dès les premiers jours de janvier. Cet état de choses s'est prolongé jusqu'au mois de février ; et, par suite, on a continué à remarquer de nombreuses anomalies dans la végétation : ainsi, dès le 18 janvier, un grand poirier se trouvait en fleurs, à Bruxelles, dans le jardin de l'Observatoire; quelques pé- chers fleurissaient à Liége; M. De Mot, bourgmestre à Hornu, près de Mons, transmettait des épis d'avoine re- cueillis en plein air ; M. Willems, jardinier au château de Kerloo , près d'Herenthals, observait des fails semblables : partout on remarquait les mêmes signes d’une végétation (152) précoce. Ajoutons toutefois que ces faits isolés étaient plu- tôt des anomalies, très-peu en rapport avec l’état de la végétation générale. La lettre suivante, d’un simple jardinier, Antoine Wil- lems, dont je dois la communication à M. le baron Van Reynegom, donnera une idée assez juste de la végétation aux environs d'Herenthals, et montrera en même temps les renseignements précieux que l’on pourrait recueillir dans une classe modeste de nos cultivateurs, si l’on prenait la peine de recourir à leur expérience : « Il m'est impossible de passer sous silence un mois aussi extraordinaire que celui de janvier 4855. C’est pour- quoi je prends la respectueuse liberté de vous donner quelques détails sur la hâtiveté et le retour de la végéta- tion; car, à voir la vigueur, la croissance ét la floraison des espèces délicates, dont le terme de vie était fixé à no- vembre, on se croirait au déclin de la bonne saison. D'un autre côté, les espèces printanières agissent comme si la bonne saison était prochaine. » En se promenant dans les jardins et à voir fleurir les roses du Bengale, de la Chine et de l'île Bourbon, si justement appelés reines des fleurs; à respirer leur douce odeur, à leur voir pousser des feuilles et des boutons, espoir de la floraison à venir, on se dirait dans la belle saison. Les bordures des modestes violettes bleues et blanches doubles donnent des milliers de fleurs odorantes; le réséda d'Égypte n’a pas encore cessé de prolonger ses épis florifères et de répandre une douce odeur ; les Pyrus japonica sont en pleine floraison depuis les premiers jours de janvier, et jonchent la terre de leurs pétales rouges et roses : le Mahonia aquifolia fleurit ; la plante à brodequins du docteur Farthergels /Calceolaria Farthergelli), plante qui a été oubliée lors de la rentrée en serre, se porte mieux (135) que celles de l'intérieur. Il en est de même de quelques autres, telles que le genre Petunia , qui ne s’est pas dé- couragé, et qui, pour nous le prouver, lève encore vers le soleil de rares fleurs en entonnoir de couleurs variées; les Salvia végètent et le Grohanis fleurit encore; les Verbena sont encore en pleine floraison, et le délicat héliotrope du Pérou ne demande qu'un temps un peu plus chaud pour recouvrer toute sa vigueur. » Il ya de même un Cineraria maritima en pleine flo- raison. Plusieurs espèces et variétés de chrysanthèmes sont encore couvertes de fleurs. Je ne puis m'empêcher d’ad- mirer et de conserver un souvenir pour cette belle pensée (Viola altaïica grandiflora), ce beau présent des Alpes, à moustaches noires, qui a l'air de narguer notre hiver peu rigoureux. Les œillets et autres espèces de caryophyllées offrent de nombreuses fleurs et embaument Pair de leur odeur giroflée. » Le Nemophilla insignis, charmante petite miniature à fleurs bleu céleste, veut aussi émailler le manteau d’hiver de la déesse Flore. Les immortelles offrent de nombreux boutons, qui s'épanouiraient, si le soleil avait assez de force pour faire éclore leurs rudes pétales; les Cheiranthus Cheiri aux rameaux d'or, le Fenestralis annuus, ou quaran- taine, fleurissent sans relâche; la Malva miniata, plante de serre restée en pleine terre, donne des fleurs comme en plein été; la cinéraire à grandes feuilles s'apprête à fleurir en plein jardin, et y est presque aussi avancée que les cinéraires en serre froide; les Primula veris, Vinca minor, Geum coccinea, Corchorus japonica fleurissent comme en avril. Dans la partie boisée de l'entrée princi- pale du château, se trouve un gamo-cerasus qui à plu- sieurs fleurs et pas une feuille. » Les aunes et les noisetiers balancent leurs chatons (154) au gré des vents et envoient au loin leur poussière fécon- dante; le cornouiller dore ses branches de capitules de couleur jaune. » Je n’en finirais pas, Monsieur le baron, si je devais vous nommer toutes les herbes et plantes sauvages qui fleurissent en ce moment. Je ne puis m'empêcher de vous signaler la Spirea reine des prés, qui embellit encore les bords de vos étangs par ses gros bouquets de fleurs blan- ches ; la petite marguerite (Bellis perennis), qui borde les chemins et émaille les prés de ses petites et nombreuses fleurs blanches à cœur jaune; la silene à fleurs blanches et à grains croquants, qui croit dans les haies, et le Lamium album, qui longe les bâtiments, sont couverts de nom- breuses fleurs; l’Achillea millefolium élève ses hampes flo- rifères retardataires, surmontées de grandes ombelles de fleurs blanches. N'oublions pas la Moutardile, qui croit dans les navets et y fleurit au milieu de janvier; la grande chrysanthème des prés ou pain-de-coucou, plusieurs espè- ces de gortères fleurissent au bord du chemin de la ferme, où je vais prendre mes modestes repas. » Vous savez, Monsieur le baron, comme j'aime à flaner, quand le temps me le permet, dans les bois, le long des haies et taillis, dans le seul but d'étudier et d’épier la vé- gélation. J'ai rencontré, sur le bord de votre grand lac, des genêts en fleur, et j'en ai trouvé également dans les bois à plusieurs reprises, ainsi que les chatons de quel- ques espèces de saules; et plus fort que tout cela, il ya huit jours, François Van de Bran, votre garde de chasse, m'a apporté un épi de seigle en fleur, qu'il avait trouvé dans les trèfles de Mylemans, à Herenthals. Il y a égale- ment des fleurs de navets et de colza... » L'hiver de 4852 à 1855 peut être considéré sous deux (155) rapports principaux : je me bornérai à mentionner ici ce qui concerne les phénomènes physiques; M. Morren a bien voulu prendre le soin d'étudier ce qui appartient à la vé- gétation. Sous le rapport de la température, l'hiver de 1852 à 1855, du moins jusqu'au mois de février, est incontes- tablement le plus doux que l’on ait observé pendant ces vingt dernières années : la température moyenne des mois de novembre, décembre et janvier a été de 8,1 degrés cen- tigrades , tandis que la moyenne normale n'est que 4°,2. Les hivers qui lui ressemblent le plus jusqu'à présent, sont ceux de 1853 à 1834 et de 1845 à 1846; ils ont donné respectivement 6°,9 et 6°,0. L'hiver le plus froid, au contraire (novembre , décembre et janvier), c'est celui de 14846 à 1847, dont la température moyenne a été 4°,1. Au reste, le commencement de l'hiver de 1852 à 1853 continue à occuper le premier rang, sous les divers rap- ports qui suivent : 1° la plus haute moyenne de toutes les températures maxima de chaque jour, 49°,1; 2° la plus haute moyenne de toutes les températures minima de chaque jour, 6°,1; 5° le maximum absolu le plus élevé, 19,2; 4° le minimum absolu qui est descendu le moins bas, —0°,9; 5° le moins de jours de gelée (trois seulement). Il arrive au second rang pour le peu de jours de neige (deux); et, au troisième rang pour le grand nombre de jours de pluie (soixante et un) ; il se trouve dépassé, sous ce dernier rapport, par les commencements des deux hi- vèrs de 1835 à 1854 et de 1845 à 1846, cités également pour la douceur de la température. Il est à remarquer que les hivers les plus chauds ont généralement le plus de jours de pluie et donnent le plus d'eau. La réciproque est égale- ment vraie : l'hiver le plus froid , celui de 4846 à 1847 à ( 156 ) donné un minimum pour les jours de pluie (vingt-sept) et une très-faible quantité d’eau. Le tableau suivant rend ces faits plus sensibles : chaque colonne verticale classe les hivers des vingt dernières an- nées sous un rapport spécial. Les éléments de ce classement ont été puisés dans les tableaux numériques qui suivent : HIVERS CLASSEMENT D'APRÈS (!) composés ’ des la pius|la plus | la plus mois de haute | grande | grande | maxim. | minim. vaoins | moins plus plus no: ! yennuee tempéra-| moyen- | moyen-| absolu | absolu de jours! de jours|de jours| d’eau | décembre ture ne ne | | de deg.) 4de de de re- 4 moyen- | des ma- | des mi- |tempéra- | Ltempéra- | : janvier, ne. æüna. nima. ture, ture. gelée. neige, pluie, | cueillie. et 1836-37 1 1857-38 1838-39 1839-40 1840-41 1841-42 1842-45 1843-44 1844-45 1845-46 1846-47 1847-48 1843-49 1849-50 1850-51 1851-52 1852-53 _ œ 19 Gr 19 = = CS es dm OUT © À GE. (4) Le point placé derrière un nombre indique que le rang est partagé. TEMPÉRATURES MOYENNES MOYENNES MOYENNES DES MAXIMA DIURNES DES MINIMA DIURNES L | L'HIVER _. . “A Novembre Décembre. Trois mois Novembre de Trois mois Novembre. Janvier. 1853—54 1854—55 | 1855-56 | 1856—57 | 1857— 58 l1858—39 | 1859—40 1540—41 | 1841—22 | 1849—45 1845-44 | 184445. 1845—46 À 1846 — 47 1847—48 À 183810 1849—30 1850— 551 1851—52 | 1852—53 Les 20 années. , MAXIMA MINIMA NOMBRE ABSOLUS ABSOLUS DE JOURS DE GELÉE en en Novembre. Décembre Décembre Trois mois. Novembre Décembre. Trois mois 1853—54 1854—55 1835 —36 1856—37 1837—58 1838—59 1839 —40 1840—41 1841—42 1842—45 L 184544 1844—45 .6 . . : .8|-13.0 1845 —46 5.5 ( » > .-6|—2.0 1846—47 . Ê h . .7}-12.9|—9.6 1847—48 : .7|—6.4)-14.4|- 1848—49 . 9|—7.5|-10.1 1849— 50 1850 —51 1851—52 1852—53 | annees. . NOMBRE NOMBRE HAUTEUR DE JOURS DE NEIGE DE JOURS DE PLUIE DE L'EAU RECUEILLIE EN MILLIMÈTRES. L'RIVER en en | Novembre Décembre Trois mois Novembre, | Novembre. Trois mois, Décembre. Trois mois Janvier. | | | | | | de | mm rm | 1835-54 41 l165.87 363.95 | 185455 ; 27.48 87.87 | 1855-56 26.02 198.93 | 1836—37 : 83 | 73.11 213.00 | 1857—58 ; 3 k 55.20 188.04 | 1838— 39 5 18.21 165.54 | 1839 — 40 «34 | 74.97 | 83.44 | 204.75 | 1840—41 A5 | 497 162.06 l1841— 42 50 | 87.10 179 71 | 1849 — 45 20,34 186.56 lasas44 5 | 45 } 18.83 172.87 1844—45 ; ' 19.88 135.74 132,27 282.09 36.26 131.49 1847—48 à 5.06 86.11 lisas 10 ; À 55.32 177.61 1849—50 : 87.57 207.34 1850—51 ; 70,14 162.84 1851—52 5 ; ; 21.34 205.25 185953 52.92 189.92 Les 20 années. . 5,3 17 ' TOME xx. — ["° parr. 11 (160) Souvenirs phénologiques de l'hiver 1852-1855; par M. Ch. Morren , membre de l’Académie. Les phénomènes de la végétation qui se sont présentés dans la première moitié de l'hiver de 1852 à 1855 ont paru à beaucoup de personnes assez extraordinaires pour être enregistrés dans les annales de la météorologie, ou mieux de la phénologie, qui est la véritable science de ces sortes de choses. Gabriel Peignot a recherché naguère les dates d’hivers célèbres par leur douceur, et, à côté de ces dates, il a fait connaître quelques détails que nous croyons utile de mettre en rapport avec des faits semblables ou analogues observés cette année. En 1172, l'hiver fut si doux que les arbres se couvri- rent de verdure, et tout fut en pleine végétation. Vers la fin de janvier, les oiseaux nichèrent et eurent des petits en février. — En 1855, le 5 janvier, M. Lecoq, professeur de sciences naturelles à Clermont-Ferrand, en Auvergne, nous écrivait : « Nous sommes ici dans un printemps per- pétuel comine dans Pile de Calypso; les merles nichent, les arbres fleurissent, le soleil brille toute la journée; il y a des blés en épi et des lilas en fleurs. Jamais nous n'avons eu une température aussi douce et un beau temps si durable: il ne pleut pas plus qu'en Égypte, et cela depuis deux mois entiers. » À Liége, les merles nichaient aussi à la même époque ; à Pietrebais (Brabant), le 14 janvier, on en trouvait un nid avec quatre œufs près d'éclore, et le 20 janvier, M. Crooy, à Liége, avait de jeunes pigeons. « ( 161) En 1289, on ne s’aperçut pas de l'hiver ; on eût dit que la nature avait dédaigné de prendre son repos ordinaire, el avait passé subitement de l'automne au printemps. La température fut si douce, ajoute Peignot, que les jeunes filles de Cologne portèrent à Noël et le jour des Rois des couronnes de violettes, de bleuets et de primevères. — Le bleuet, cité en 1289, était encore en fleurs à Lanaeken ù près de Maestricht, le 1% janvier 1855, où il a été observé par M. Riedi, propriétaire en ce village. Le 22 janvier, on nous fit voir des fleurs récoltées à Quinkempois, près de Liége. Le bleuet, Céntaurea cyanus , L., est une plante re- gardée comme monanthésique, c'est-à-dire comme ne por- tant fleur qu'en une seule période tombant , d’après l’an- thochronologie de Kreuser, aux mois de juin et juillet, pour l'Europe centrale, et ne se prolongeant pas même en août. Il est d'observation que ce bleuet a une floraison conco- mitante de celle du pavot coquelicot. Or, celle-ci tombe, en Belgique, année moyenne, au 1° juin, d’après la table des phénomènes périodiques de M. Quetelet (année 1847, Annuaire de l'Observatoire, p. 517) , et d’après la nouvelle table du même auteur (1855, Annuaire de l'Observ., p. 5 10), au 8 juin. Sa floraison la plus hâtive arriverait au 3 mai et la plus tardive au 22 juin. Or, le 15 janvier, on obser- vait dans les champs, autour de Louvain, en pleine flo- raison, des bleuets et des pavots coquelicots. Les couleurs des uns et des autres étaient aussi brillantes qu’en été. A Quinkempois, nous cucillimes des bleuets en fieur en octo- bre, et ces plantes n’ont pas discontinué de fleurir jusqu’à la date où nous écrivons ces lignes (27 janvier 1855).Nous concluons de ces faits que le bleuet n’est pas une plante monanthésique, comme on l’a cru, mais qu'à partir du (162 ) 5 mai, dans notre pays , sa floraison peut devénir conti- nue , et cette année si le bleuet a fleuri en biver, ce n’est pas au même titre que les violettes et les primevères et d’au- tres plantes, c'est par une simple végétation prolongée. Ce fait est intéressant pour l'horticulture, puisque cétte centaurée, cultivée en pot, continuerait évidemment de fleurir dans les serres, ou bien, cultivée en pleine terre, sé couvrirait de fleurs pendant tout l’hivér dans uñ con- servatoire ou jardin d'hiver. A côté du bleuet, nous signalerons éncore comme flo- raison coutinue le souci. En citant les années à hiver doux, Peignot ne semble pas avoir rencontré le nom de cette plante, connue et cultivée cependant au moyen âge; car nous en trouvons la figure dans les miniatures des manuscrits de la Bibliothèque de Bourgogne , annexée au- jourd’hui à la Bibliothèque royale de Belgique. Les auteurs généraux, comme Loudôon (Hortus britannicus) en font remonter l'introduction à 1575. Mais dans la première édition de Dodoëns, de 1554, nous la trouvons mentionnée comme faisant partie de nos jardins. De l'Esclusé, en 1557 (p. 420, Histoire des plantes), Vappelle la Soucie el non le Souci. «Ces fleurs, dit-il , se ferment quand le soleil se cou- che et s'ouvrent du matin quand il se lève. » Aujourd’hui, M. le professeur Balfour, dans son singulier traité de Theo- phylographie, fait éveiller le Souci, à Edimbourg, avec les dames de grande maison, c’est-à-dire entre dix et onze heures du matin. Elles fleurissent, dit De l'Escluse, au seizième siècle, « depuis le may tout l'œsté iuésques en hyver. » Notre botaniste d'Arras avait donc bien remarqué cette fleuraison continue et même hivernale. Le 7, le 12, le 24 janvier 1853, nous observions près là station du chemin de fer, à Liége, un magnifique partèrre de soucis ( 165 ) parfaitement en fleur, les fleurs rutilantes, ouvertes et larges comme au milieu de l'été. L'hiver de 1280 permit aux jeunes filles de Cologne de porter , à Noël et au jour des Rois, des couronnes de vio- lettes et de primevéres. Au siècle où nous sommes, on ne se coifle plus de couronnes, mais on porte encore, et Dieu en soit loué! des bouquets. Les violettes et les primevères n'ont pas fait défaut en janvier 1855, pas plus que les pervenches, les hépatiques, les ellébores, les éranthis, les hélianthèmes , les iberis, les arabis, les poiriers du Japon, les épines-vinettes, les chimonanthes, les rosages de Dahurie, l’héliotrope, et chose plus remarquable encore, les Gen- lianes. En effet, le 9 janvier fleurissait, chez M. Helgers, notaire à Maestricht, dans son jardin, le Gentiana pneumonanthe. Kreutzer place cette plante parmi celles à quatre mois con- aus de floraison , à partir de juillet pour finir en octobre. Juillet est trop loin de mai pour pouvoir regarder ce Gen- tiana pneumonanthe comme soumis à une floraison anti- cipée par l'hiver de 1852-1853, de sorte que nous pensons pouvoir ramener encore aux floraisons prolongées , celle de cette plante remarquable. Encore une fois, cet indice ne doit pas se perdre pour l’horticulture, puisque ce vé- gétal, continuant à vivre sous nos abris, ne manquerait pas de nous donner ses admirables fleurs d’azur en plein hiver. En 1421, dit Peignot, les arbres fleurissaient au mois de mars et les vignes au mois d'avril, On eut dans le même mois des cerises müres, ct des raisins parurent dans le mois de mai, Il est fâcheux qu'on n'ait pas indiqué la nature des arbres, car il est remarquable de voir qu’en 1853, une si grande diflérence entre la végétation des plantes superficielles printanières et celle des arbustes et (164) arbres à racines plus profondes. En général, plus la ra- dication se fait loin de la surface, plus la végétation est normale , c’est-à-dire en repos; plus elle se fait près de la surface du sol, plus la végétation est ancipitée, active, c’est-à-dire anormale pour la saison , et pendant que ces faits sautent aux yeux dans nos jardins, nous voyons, dans les champs, les céréales présenter leur aspect hivernal, et s'il y a dans quelques localités un épi qui se montre, c’est l’exception et non la règle du champ. Les journaux n’ont cessé de retentir des phénomènes de végétation observés dans les jardins et dans les campagnes. Sauf le colza et des épis très-rares, et dans la situation où leurs pointes seules commençaient à se montrer, les journaux n'ont rien cité qui fût digne de remarque , et l’agriculture ne s’est nulle- ment émue des nouvelles relatives à cet hiver exceptionnel. Si, en 4421 on eut des cerises mûres au mois d’avril, ce fait suppose une floraison au mois de février au moins, car, dans nos printemps habituels, il faut deux mois entre la floraison et la fructification achevée pour faire mürir ces fruits. Cet espace de temps, de février à avril, nécessite même que la progression de la chaleur ait été correspon- dante à celle que nous avons ordinairement de fin avril à fin juin. Le raisin cité par Peignot comme ayant müri en mai suppose une floraison en janvier pour le moins, car la vigne exige cinq à six mois pour sa maturation. La vigne fleurirait en Belgique, pour la date la plus précoce le 16 juin , pour la date la plus tardive le 6 juillet, moyenne le 26 juin d’après les tables quételétiennes, ce qui donne- rait le 25 novembre pour la maturation moyenne d’après les renseignements de la physiologie, laquelle indique de cinq à six mois entre la floraison et la fructification pour les fruits de cet arbuste. Par l'observation, la date la plus (165 ) précoce serait le 4* novembre, la date la plus reculée le 13 du même mois, la date moyenne le 7 novembre; diffé- rence avec la théorie : 46 jours. L'hiver de 1852-1855, sous le rapport de la vigne et d'autres arbres, présente des faits dignes d’être enregistrés. Le 15 janvier, nous observions un cep de vigne dans aotré jardin, au milieu de quinze qui y sont plantés, poussant des feuilles, et épanouissant des bourgeons. De fleurs pas d'apparence. Un horticulteur français dont nous regrettons de ne pas savoir le nom, publia des faits sem- blables observés en France au mois de décembre, mais il expliqua fort bien quels genres de bourgeons se dévelop- pèrent ainsi. Ce sont ceux qui terminaient les rameaux ayant porté fruit et qu'on avait négligé de pincer ou de couper, ou qu'on avait coupés ou pincés trop tard. Dans ces bourgeons, la végétation s’entretient jusqu'aux pre- mières gelées, et la vigne rentre alors dans la catégorie des plantes où le principe de la végétation continue. Ce n’est plus la manifestation d'un mouvement printanier succé- dant au sommeil hivernal, base de tout le système d’ob- servations de M. Quetelet, c’est, au contraire, la manifes- tation d’un mouvement automnal, et il serait plus exact de dire, et même il est seulement exact de dire que la vigne à subi l'influence d'un automne continué et se prolongeant jusque dans l'hiver astronomique, au lieu de prétendre qu'il y a dans ce phénomène l’action d’un printemps anti- cipé! I serait impossible d'obtenir des fleurs avec cette végétation continuée, car la nouvelle floraison doit suivre et non précéder le sommeil ou le repos hivernal. Le 5 janvier 1855, on constata à Bourg, dans le Bugey, dans le département de l'Ain, des néfliers en feuilles, des pommiers et des amandiers en fleur. ( 166 ) Le 4 janvier, à Waremme, dans un jardin abrité contre le vent, un prunier était en fleur. Le 7 janvier, dans les Vosges, on constata la floraison des pruniers et des pommiers. Le 11 janvier, nous avons eu au Jardin Botanique de Liége , en floraison générale, le Ribes malvaceum, qui fleu- rit d'ordinaire en mars et en avril avec le palmatum , dont M. Quetelet donne les floraisons moyenne, hâtive et tar- dive au 5 avril, au 41 mars et au 29 avril. Dans le même parterre, ni le Ribes sanguineum, ni le grossularia, ni le rubrum n'étaient en fleur, et on sait que le sanguineum et le rubrum sont un peu plus précoces que le malvaceum. Cette différence ne pourra s'expliquer que par un phéno- mène dont nous parlerons ci-après. Du 7 au 27 janvier, nous avons vu fleurir le Spartium scoparium, mais cet arbrisseau est évidemment du genre de ceux qui offrent une floraison automnale continuée. Par contre, le Corchorus Japonicus fleurissant au plus tôt, les années moyennes, le 6 mars, au plus tard le 5 mai, et en moyenne, le 12 avril, était en boutons bien formés le 8 janvier. Le 11 janvier, on citait, dans beaucoup d’endroits de la Belgique, des pruniers, des poiriers, des péchers en fleur. A la même date, à Florenne, dans le château du lieu, les péchers fleurissaient. Le même jour, le marronnier du 20 mars, dans le Jardin du Luxembourg, montrait ses bour- geons épanouis; au Jardin des Plantes, le Robinier faux acacia poussait ses feuilles. Le coignassier du Japon (Pyrus Japonica, Chaenomeles Japonica, Lindl.), était en fleur partout. Nous l’avions en fleur à Liége dès le 1° janvier. Le 12 janvier, nous observions, dans une splendide vé- gétation , le Chimonanthus fragrans, l’ancien Calycanthus (167) | praecox de Linné, dont les fleurs répandaient le doux et pénétrant parfum de lilas et de muguet qui les caracté- rise. Des centaines de fleurs étaient épanouies et embau- maient l’air. A la même date fleurissait dans les haies le Cornus mascula, dont la floraison initiale tombe au 51 janvier, la tardive au 2 avril , la moyenne au 4 mars. Des personnes l'ont vu en fleur dès le 1% janvier. M. Henrard, horticulteur à S*-Walburge, près de Liége, remarqua, le 12 janvier, la floraison du Rhododendron dauricum. Pendant toute cette partie du mois et dès le 14 décembre, le Daphne mexereum ouvre ses fleurs très- odorantes comme au printemps naturel. La date moyenne de sa floraison tombe, en moyenne, au 15 mars, deux mois plus tard, le 5 mars et le 2 avril étant ses dates de floraison précoce et tardive, Le 16 janvier, mon fils, Édouard Morren, observa la fleuraison de l’Helianthemum ledifolium et du Berberis vul- garis ou l’épine-vinette : ce dernier arbuste porta des fleurs très-bien faites, très-ouvertes et présentant leur phéno- mène ordinaire de mouvement et leur odeur. Sa floraison naturelle et moyenne a lieu, d'après les tables quételé- tiennes, le 4 mai, sa floraison la plus hâtive le 18 avril, et la plus tardive le 20 mai. C’est une des plus grandes avances printanières que nous ayons pu constater, puis- qu'elle ne comprend ni plus ni moins de quatre mois, et on ne peut avoir le moindre doute, pour cet arbuste, que ce füt bien chez lui un mouvement de végétation anticipée ou printanière, une floraison succédant à un repos hiver- nal, ses pieds ayant été tout à fait dégarnis de feuilles et pourvus de bourgeons dormants. Quant au noiselier , nous ne le citons que pour mémoire. Depuis le commencement de décembre (le 5), les chatons ( 168 ) avaient des étamines déhiscentes pendant les beaux jours de soleil. Le 1° janvier, M. Riedi en constatait, à Maes- tricht et à Lanaeken, sur le noisetier de Reims, ordinai- rement ouvert au premier printemps. Le 18 janvier 1855, M. Polis, pharmacien à Verviers, nous envoya des branches de laurier-cerise (Cerasus lauro- cerasus, toutes couvertes d’épis floraux bien formés et ne demandant plus que quelques jours de beau temps pour s'épanouir. [ls venaient du château de Hombiet, apparte- nant à M°"° la vicomtesse de Biolley. Ce fait étonnait à bon droit les botanistes de la province de Liége, parce que, les années ordinaires, on ne voit jamais fleurir chez nous cet intéressant arbuste. Cette floraison, toujours rare, se présentait, nous écrit M. Polis, non sur quelques bran- ches, mais sept ou huit pieds, plantés il y a quinze ans par notre honorable collègue M. Lejeune et par M. Detrooz, offraient de ces inflorescences par centaines. Il serait très- curieux de rechercher si c'est à nos printemps, ordinaire- ment tardifs, que nous devons de ne pas voir fleurir le laurier-cerise, dont les propriétés médicinales sont si diffé- rentes dans nos climats de ce qu’elles sont sous un ciel plus méridional. Le 20 janvier, on signalait au village de la Sauvenière, dans la province de Namur, des pruniers en pleine floraison et d’autres dégarnis de fleurs et portant des fruits noués. Dans ce même ordre de faits, le Courrier du Gers déclare que, dans ce département, il y avait des prunes mûres vers la même date. La Gazette du Languedoc prend ces pru- nes pour des canards ruraux; mais voici le Mémorial des Pyrénées, qui, loin de voir dans cette nouvelle une annonce pour des prunes, cite le village d’Argelos, dans le canton de Thèze, et la propriété de M. Boué, maire de la com- (169) mune, chez lequel un prunier portait bien dûment huit prunes mûres, et il engage les incrédules à venir en goûter dans ses bureaux. Le prunicr fleurit, en Belgique, moyen- nement le 46 avril, sa floraison la plus hâtive arriverait le 27 mars, la plus tardive le 5 mai, et sa maturation au- rait lieu chez nous moyennement le 28 octobre, la plus précoce le 20 octobre, la plus tardive le3 novembre. L'in- tervalle naturel serait donc de sept mois, ce qui, si le temps de la fructification était normal , reporterait la flo- raison du prunier d’Argelos au mois de juin 1852. Une floraison automnale avec une maturation hivernale pro- duirait-elle ce genre de phénomène? et si l’on n'admet pas celte explication, comment et par quelle perturbation dans l’économie végétale, se rendre compte d’une matura- tion de prunes en janvier à la suite d’une floraison qui, si elle avait eu lieu en novembre ou décembre, aurait déjà passé pour un phénomène exceptionnel? Le canard du Languedoc devenait, comme on le voit, presque un ani- mal raisonnable ou tout au moins raisonné. En date du 15 janvier, on signale, dans le jardin de M. le comte de Mérode, à Éverberg, près de Louvain, un poirier dit duchesse portant de jeunes poires. Le 17, un pêcher dans le jardin de M. Schoeters, rue de Tervueren, à Louvain, était cité pour sa belle floraison générale dont ses fleurs se succédaient déjà depuis dix jours auparavant. Pendant que ces faits se passaient de ce côté, on remarquait à Afflighem, dans le jardin de l’ancienne abbaye, que, le 27 janvier seulement, les péchers allaient fleurir et que les pommiers poussaient leurs premières feuilles. La feuillaison du pommier a lieu en moyenne le 50 mars, la plus précoce a été placée au 12 mars et la plus tardive au 20 avril. I y aurait eu pour ces arbres deux mois d'avance cette année. (170) A côté de ces observations, qui rappellent une partie de celles faites en 1421, nous devons signaler dans les arbres forestiers un parfait sommeil hivernal. A l’époque de la floraison ordinaire du prunier , le 16 avril, nous voyons les tilleuls rougir leurs brindilles et les bourgeons se gon- fler. Le mois de janvier 1853 n'a pas offert ce phénomène. Les tilleuls, les ormes, les châtaigniers, les peupliers, les marronniers présentaient leur végétation hivernale ordi- naire, Nous n'avons vu que l'exception pour le marron- nier du 20 mars de Paris et pour un Populus balsamifera du Jardin Botanique de Liége, dont les bourgeons étaient complétement épanouis le 11 janvier. Les pivoines en arbre développaient leurs bourgeons dès le 1° janvier à Maes- tricht, et le 11 de ce même mois, ceux-ci étaient aussi grands qu'ils le sont les années ordinaires en avril. Nous ne parlons pas des chénes, de l’Ailanthus japonica, du Pau- lownia, du tulipier. Tous ces arbres sont encore endormis jusqu'en ce moment, de même que les Magnolia, dont la végétation entre cependant en mouvement de bonne heure. Nous attirons l'attention sur ce fait principal concer- nant les arbres, à savoir, que les uns ont montré des phé- nomènes d’une végétation prolongée, que les autres ont offert des phénomènes d'une végétation printanière très- anticipée et, qu'enfin, il en est qui sont restés compléte- ment insensibles à l’une et à l’autre de ces influences. Nous verrons que le même fait s’est répété sur les plantes vivaces à racines superficielles. A partir de 1421, Peignot signale encore les hivers doux de 1558, où, en décembre et janvier, les jardins étaient émaillés de fleurs. Il est à remarquer que Dodoëns et De l'Escluse ne nous ont rien légué de précis à l'égard de la végétation de cette année. 1572, 1585, 1607, 1659, 1622, (17) 1807 sont encore des années réputées pour la douceur des hivers, ét nous pouvons y ajouter 1789, d’après Bjerkander, de même que 1822 et 1846; mais chose singulière! à me- sure qué nous entrons dans les époques où les sciences paturelles sont cultivées et de plus en plus répandues en Europe, les faits particuliers eu les observations précises disparaissent; il n’y a même plus d'indices de phénomènes, et tout se borne à dire que l'hiver était doux, qu’on n'al- lumait pas les poêles, et qu’à Pâques on portait des cu- lottes d'été sans grelotter. Dans le moyen âge, les florai- sons extraordinaires se rattachaient aux faits miraculeux, témoin le coudrier de S'-Alène qui, d’après la tradition, existe encore à Forest près de Bruxelles; ce serait l'arbre provenu de la baguette que la sainte ficha en terre pour - la voir se feuiller et fleurir à sa sortie des mystères célébrés dans la maison du premier chrétien converti par saint Amand. Témoin encore le lis qui, planté par Charles- Quint lui-même au mois d'août, dans le jardin du monas- tère de Yuste, épanouit ses fleurs le 21 septembre 1558, le jour même de la mort de l’empereur, alors qu'aucune de nos sociétés d’horticulture n’est parvenué à retarder ou à avancer la fleuraison de ce lis blanc que nous recom- mandons à notre savant secrétaire perpétuel, M. Quetelet, pour en observer désormais la floraison moyenne, précoce et tardive. C’est une plante historique. La réforme, l'esprit de doute, l'éloignement des savants, et des naturalistes surtout, pour les idées de légendes, de traditions, de culte; la présomption seule qu'on pourrait aider à entretenir dans les populations la croyance de choses surnaturelles, ont été en grande partie les causes du silence dans lequel on à enseveli les observations pré- cises sur les phénomènes de végétation extraordinaire pen- dant ces trois siècles soumis aux libres penseurs. (172) Si nous tenons compte des plantes annuelles ou vivaces qui ont fleuri cet hiver pendant les mois de décembre et de janvier, nous devons également faire à leur égard une distinction entre celles dont la floraison est due à une sim- ple continuation de végétation automnale et celles dont la floraison ayant lieu après un véritable sommeil hivernal, s'est éveillée et accomplie par une végétation anticipée ou printanière. Parmi les plantes à végétation continue, nous mention- nerons les espèces suivantes, la plupart observées par nous en fleur dans les mois de décembre et de janvier jusqu’à la première petite gelée de la nuit du 26 au 27 janvier 1855: Alsine media. Lampsana communis. —. trinervis. Lamium album. Anthemis cotula. — amplexicaule. Anthriscus sylvestris, Hof]. — hirsutum. (Chaerophyllum sylvestre, L.) — purpureum. Bellis perennis. Leontodon taraxzacum. Bromus sterilis. Lepidium sativum. Calendula officinalis. Lychnis dioica. Capsella bursa pastoris. — — fl.plen. Carduus crispus. — flos cuculi. Centaurea cyanus. Matricaria chamomilla. Cymbalaria vulgaris. Mercurialis annua. Euphorbia helioscopia. Medicago lupulina. — peplus. Poa annua. Erysimum vulgare. Ranunculus acris. Fragaria sterilis. — repens. — vesca. Senecio vulgaris. Gentiana pneumonanthe. Sonchus arvensis. Geranium robertianum. Spartium scoparium. Hordeum murinum. Stellaria holostea. Quelques-unes de ces espèces sont connues comme étant de floraison continue, du moment que la température ne descend pas sous zéro, mais nous ne savions pas que l’An- themis cotula, dont Kreutzer arrête la floraison au mois nd (475 ) d'août, que le Centaurea cyanus, dont le même auteur arrête aussi la floraison au même mois, que le Gentiana pneumo- nanthe, qui, d’après l'opinion commune, cesserait de fleurir vers la mi-septembre, fussent des plantes dont les fleurs peuvent continuer àse développer pendant l'hiver, si ceder- nier offre une température favorable : ces espèces devien- draient donc des floraisons continues ou polyméniques (1). Le Tradescantia virginica, plante dont les fleurs se succèdent de mai au mois d'août, était encore en pleine floraison, à Liége et à Bruxelles, le 8 janvier et le 27 du même mois. C’est encore une fleuraison continue. Les fraisiers des jardins étaient en fleur dès le 10 dé- cembre, ainsi que le Fragaria sterilis, et le Fragaria vesca de nos bois et berges. Le fraisier perpétuel qui produit, à Liége, sur les bords de la Meuse, des fraises parfumées, tous les ans, jusqu’à la mi-novembre, n’a pas discontinué de donner des fruits durant les mois de décembre et de janvier. Cette dernière espèce rentre dans les végétations automnales prolongées; mais le Fragaria vesca , le Fra- garia sterilis et les variétés de jardin, n'ayant pas donné de fruits après leur époque normale, peuvent être regardés comme ayant subi une végétation printanière plus précoce. En date du 14 janvier, M. Fée, professeur de botanique à Strasbourg, nous écrivit ces mots: « Nous sommes émerveillés de la douce température dont nous jouissons. J'ai passé le 1* janvier à Bade, où j'ai mangé des fraises des bois, mais sans parfum, fraiches et bien mûres. » Le même fait s'est représenté sur plusieurs points de la Belgique, entre autres au bois de Rhodes près d’Afflighem. (1) En terme de phénologie, une floraison polyménique est celle qui dure plusieurs mois sans discontinuer. (474 ) M. Fée ajoutait : « Le framboisier était en fleur le 4° jan- vier à Bade, ainsi que presque toutes les plantes vivaces automnales. » Le 11 janvier, on signalait, en Belgique, : sur divers points, des fruits de framboisiers mürs , mais on ne dit pas si les framboises avaient de l’arome. Cette ab- sence du fumet et de l'odeur dans les fruits venus ainsi sous une température exceptionnelle, est conforme au fait observé sur les plantes odorantes naturalisées sous des climats trop froids pour développer les essences. Le lau- rier-rose de nos contrées est inodore en comparaison des lauriers-roses du Midi; la culture du thé a été abandonnée à Angers, parce que les feuilles en étaient dépourvues d'arome. La floraison et la fructification du framboisier, cet hiver, rentrent de nouveau dans la série des végéta- tions automnales continuées. Les Anemone hepatica en fleur dès le 12 décembre, — Arabis lilacina en fleur le 45 janvier, — Cheiranthus Cheiri en fleur le 16 décembre, — Dianthus barbatus en fleur le 20 janvier à Liége et à Afflighem, — Eranthis hyemalis en fléur le 14 janvier, — Galanthus nivalis en fleur le 25 jan- vier (nous en avons vu les premières fleurs écloses), — Helleborus niger en fleur le 5 décembre, — 1beris semper- florens en fleur le 10 janvier, — Primula veris, elatior et auricula en fleur le 12 janvier, — Vinca minor en fleur pendant les mois entiers de décembre et de janvier, — Viola odorata observée en fleur dans un grand nombre d’endroits pendant ces mêmes mois. — Toutes ces florai- sons, et bien d’autres sans doute, non observées et non signalées, rentrent dans la catégorie des végétations prin- tanières, cette fois hivernales par exception. Dans les jardins maraichers, on a remarqué, dès le mois de décembre, que les choux à jets de Bruxelles allongeaient (47) leurs bourgeons latéraux qui montaient en graine; le 41 janvier, les asperges pointaient à Florennes dans la pro- vince de Namur, et après cette date, le même fait s’est manifesté ailleurs. À la même date, les pois semés en automne étaient en fleur à Ennetières, près Pont-à-Marcq, dans le département du Nord. Au Spelhof, près de S'-Trond, chez M. le sénateur De Pitteurs-Hiegaerts, on mangeait des petits pois le 8 janvier, et ailleurs la même précocité a été signalée. Le 11 janvier, on citait aussi des myrtilles mûres cueillies dans les bois du Condroz; mais ce fait rentre encore dans les végétations automnales continues , comme la floraison des rosiers de Bengale constatée au Luxembourg , à Paris, et observée dans tous les jardins. À Gand, des rejetons de pomme de terre de la récoite de 1852 avaient poussé de petits tubercules de près de deux centimètres de diamètre, preuve évidente que la culture hi- vernale de cette plante, aujourd’hui généralisée en France et recommandée par nous dès 1844, un an avant l’inva- sion de la maladie de 1845, repose sur des raisons natu- relles prouvées par l'expérience. Nous mangions des radis printaniers pendant tout le mois de janvier. On disait avoir vu dans les Vosges, le 7 janvier, une pomme de terre en fleur et garnie de petites baies. M. De Selys-Longchamps nous signalait, le 6 janvier, le développement du malencontreux puceron lanigére sur les pommiers de la Hesbaye; nous en avons vu les vergers blanchis le 11 du même mois. Les pucerons se reprodui- saient, sur les rosiers et les vignes, poussées exceptionnel- lement, dont nous avons parlé, mais sur le cep dont nous constations les pousses vertes et feuillues le 145 janvier, nous observions déjà le développement de l'Odium Turkeri * reconnu aujourd’hui, sans contestations sérieuses, la cause ToME xx, — [°° par. 12 (176) de l'épouvantable fléau qui arrêtera la fabrication du vin. Ainsi , avec la végétation s’est déclaré l’envahissement de ses parasites, et ce fait ne doit ni ne peut faire augurer en bien d'un printemps anticipé dont l'utilité est très-con- testable. Mieux vaut des saisons naturelles que des tempé- ratures plus amusantes pour l’habitant des villes que pour les cultivateurs. Le 9 janvier, à Bourg (Aïn), l'orge offrait des épis. Le 17 janvier, M. Mottin, de Hannut, avait vu quelques rares épis sur le seigle. Le même jour, à Berthem près de Louvain, on en coupait des épis nombreux dans un champ. Le 4i janvier, nous avons vu des champs de colza en commence- ment de floraison aux environs de Louvain. Le 35 janvier, M. le comte Ernest de Glymes a observé les premières sili- ques de colza. Nous éloignons le fait qu'on aurait constaté dès le 7 janvier, dans les Vosges, des épis de seigle dé- fleuris, ce qui est très-probablement un fait mal observé. A côté de cet ensemble de faits, nous devons en signaler un autre qu'il nous paraît fort utile de constater dans ces circonstances. Des plantes très-printanières, celles dont nous voyons les premières fleurs s'ouvrir dès le mois de mars , dans nos climats, comme les Adoæa moschatellina , Anemone nemorosa, Anemone ranunculoides, Arabis verna , Carex praecox, Corydalis bulbosa , Erodium cicutarium, Erythronium Dens canis, Hippophaë rhamnoides, Luzula campestris, Narcissus pseudo-narcissus., Petasites officina- lis, Pulmoria officinalis, Ranunculus ficaria , Scilla verna et Scilla bifolia, Tussilago farfara et Waldsteinia geoïdes ; aucune de ces plantes n’a offert des fleurs dans ce mois de janvier 1855, alors que nous avions l'attention dirigée sur elles, et que nous les cherchions soit dans leurs sta- tions naturelles , soit dans les jardins; el cependant d’au- (477) tres fleurs, leurs compagnes dans les années ordinaires, étaient ouvertes. Le Narcissus pseudo -narcissus , appelé par nos populations flamandes Sleutel-bloemen, fleurs à la clef, parce qu'elles représentent comme les clefs du prin- temps, à sa floraison moyenne le 22 mars. Nous l'avons cherché en fleur inutilement dans un bois qui en est rempli. Ges dissimilitudes constatées dans les plantes d'or- nement et naturalisées, dans les espèces de la flore natio- nale, dans les produits des jardins maraïichers, dans les arbustes et les arbres, comme dans les plantes cultivées, constituent, nous semble-t-il, des preuves de plus que chaque espèce a son thermomètre propre, selon l’expres- sion aussi juste que poétique de M. Alphonse De Candolle. M. Quetelet veut que le réveil des plantes soit un phéno- mène général, et que, dans nos climats, il ait lieu du 25 au 27 janvier, une semaine environ après le jour le plus froid de l’année; mais, ajoute notre savant secrétaire perpétuel, « les premiers signes de la végétation sont souvent arrêtés et complétement détruits par de nouvelles gelées, de sorte que le développement des plantes ne commence réellement que vers le mois de mars. » Il est plus que probable que le réveil des plantes n’est pas un phénomène général, mais seulement que chaque espèce à son réveil propre, et que ce dernier peut avoir lieu plus tôt ou plus tard, selon la nature de chaque espèce, selon son idiosynerasie par- ticulière, expression qui voile parfaitement l'élément in- connu dont l'appréciation nous échappe encore. Caleuler l'influence de la chaleur, à partir du réveil des plantes, est l’idée qui a servi de base aux recherches d’Adanson pour la confection de ses tables de feuillaison , de floraison et de fructification ; mais Adanson sentait aussi que chaque plante devait, sous ce point de vue, être étudiée séparé- ( 178 ) ment, el que les inductions pour une espèce ne pouvaient servir pour une autre. « Le point le plus important, dit-il (1), serait donc de savoir combien il faut de degrés de chaleur pour conduire à parfaite maturité chacune des plantes les plus utiles et d'un usage plus général et journa- lier dans chaque climat, soit pour la nourriture, soit pour les autres besoins de la vie », et, pour arriver à ce but , ce naturaliste, le plus original que cite l’histoire de la science, voulait que les observations comprissent les quatre règles suivantes : « 1° Suivre les développemans de divers individus de la même espèce, et tirer un résultat moiïen entre les plus häufs et les plus tardifs ; 2 Observer la diférance entre les anées les plus hà- uves et les plus tardives, noter au termomètre les plus chaudes et les plus froides ; 3° Tirer des résultats moiïens des degrés de chaleurs ob- servés chaque mois et chaque jour, pendant un nombre d'années sufisant ; 4 Observer les jours où il commence à ne plus geler et ceux où il fait au moins 10 degrés de chaleur, même pen- dant la nuit, c'est-à-dire les tems où la végétation co- mence à faire des progrès, à n'être plus arêtée, à continuer sans interruption pour le climat et pour les espèces de plantes qui sont l’objet de ces recherches; enfin, tirer des résultats mbiens entre les produits extrêmes de chacune de ces observations (2). » Après Adanson, Bjerkander publia, en 1777, son Ther- (1) Familles des plantes, 1765, p. 96. 2) 1b., ib., p.86. (179 ) momètre de Flore, el continua ses observations jusqu’en 4785, dans le Wester-Gothland , en Suède. Mais en 1789, l'hiver fut très-doux, et le pasteur de Grefbach publia toutes les floraisons hivernales de cette saison, qui étaient venues déranger aussi ses calculs, quant au point initial d'où il fallait partir pour compter les degrés nécessaires à chaque plante en vue d'amener sa floraison. Le doute a souvent existé dans les doctrines phénologi- ques , relativement au point de départ d'où il fallait comp- ter les degrés de chaleur regardés comme nécessaires pour produire les floraisons , soit qu’on fit la somme des degrés des températures moyennes, soit qu’on les élevât au carré, soit qu'on prit le produit de la température par le carré du nombre de jours pendant lesquels la température a été observée. Ce sont là, comme on le sait, les bases des trois théories proposées, la première par Réaumur, Cotte, Adanson, MM. Boussingault et de Gasparin; la seconde par M. Quetelet, et la troisième par M. Babinet. Dans ces trois théories, deux points importants sont à régler : le premier est relatif à l’état de la plante à partir duquel il faut commencer à observer les degrés de chaleur; le second est celui qui déterminera le degré même de température à partir duquel on observera les degrés de chaleur. Pour le moment, nous laissons de côté la discussion relative au zéro de température, à partir duquel M. Quetelet observe _les degrés de chaleur : nous reviendrons sur ce sujet dans une seconde nolice. Actuellement l'examen porte sur l’état de la plante, état initial à compter duquel il est rationnel de suivre l'influence des températures. Ce point ou cet état est, pour M. Quetelet, celui qui commence au réveil de la plante. Nous pensons que ce réveil, visible par les premiers phénomènes de la végétation, la pousse de l'œil, du bour- (180 ) geon, est bien choisi, sauf peut-être qu’il est extraordinai- rement difficile de le déterminer d’une manière certaine, et cela parce que la croissance de l’œil ou du bourgeon est un effet d’une végétation active, éveillée longtemps avant que le phénomène ne se traduise extérieurement par des signes visibles, et qu’on ne sait pas juger au dehors du mouvement vital du dedans. Mais le réveil des plantes est considéré dans le théorème phénologique actuel comme un phénomène général, comme un fait dont toutes les plantes d’un climat donné doivent forcément éprouver les effets. Que le réveil particulier à chaque espèce ait eu lieu à des époques différentes, on évaluera néanmoins les forces vives de la chaleur comme ayant influencé toutes ces espèces à partir de la même date, le réveil dit général de la végétation : ce qui se traduit, quant aux dates de l'observation, par le 27 janvier. Or, c’est pour ce fait que les floraisons observées en janvier 4855 sont utiles à étu- dier. Nous éloignons toutes les plantes dont la floraison ue comporte pas l'admission possible d’un sommeil anté- rieur, et, par conséquent , encore moins celle d’un réveil quelconque, puisqu'on ne peut s'éveiller qu'après avoir dormi. Les plantes qui, dans la première période de l’hi- ver de 4852-1855, n’ont pas dormi, ce sont toutes celles à floraisons æstivale et automnale continuées. Nous avons vu que le nombre en est fort grand, qu’il devient même le contingent le plus fort dans toutes les observations faites. M. le docteur Wittewaall, dans le ‘Landbouw- Courant: d'Arnhem, a déjà fait remarquer, avec raison, qu'il n’y a rien d'étonnant à voir, dans un hiver où il ne gèle pas, continuer à fleurir des plantes dont la floraison ne cesse qu'aux gelées. Nous éliminons donc toutes les floraisons continues. ( 181 } Restent les floraisons vraiment printanières; nous en donnons ici le tableau, où l’on voit les noms des espèces observées par nous. Ces floraisons appartiennent toutes au mois de janvier. Les noms marqués d’un astérisque sont ceux de plantes dont nous avons pris les époques des flo- raisons moyennes dans l’Anthochronologie de Kreutzer , et pour l’une des espèces, l'Helianthemum ledifolium, plante de la France méridionale, dans la Flora gallica de Duby. A côté de ces espèces, nous avons mis en regard les dates moyennes de floraisons de ces espèces , les années moyen- nes, et il ressort de leur comparaison que sur 50 espèces observées en fleur dans le mois de janvier 1853, 1 appar- tient réellement à ce mois, 4 sont des fleurs de février, 14 des fleurs de mars, 8 des fleurs d’avril, 4 fleur de mai et 2 de juin. Ces deux dernières, nous n’y faisons pas at- tention, parce qu'elles peuvent être des floraisons con- tinuées, bien qu'il y ait doute à leur égard. On voit donc que, sur 50 espèces, la moitié appartient, les années moyennes, au mois de mars, et l'on peut dire qu'en 1855, en ce qui regarde la flore de notre pays, la physionomie de la végétation était celle du mois de mars habituel, ou, ce qui revient au même, du commencement du prin- temps (1). (1) La veille du jour où ces souvenirs ont éte lus à l’Académie, M. Que- telet avait eu la bonté de me montrer, à l'Observatoire, les observations faites sur Ja température du mois de janvier 1853. Il s’est trouvé qu'à une très- faible fraction de degré près, cette température moyenne était précisément celle d’un mois de mars moyen, cinq degrés au-dessus de zéro. La floraison a donc été , en janvier 1855, correspondante à celle du mois de mars, mais seulement pour quelques espèces. (182 ) Tableau des espèces printanières qui ont fleuri pendant le mois de janvier 1853. DATES DES MOIS OU ELLES FLEURISSENT LES ANNÉES MOYENNES. NOMS DES ESPÈCES. ts Observations. Janvier.| Février.| Mars. Avril. * Alnus glutinosa 5. . Amygdalus persica 3 Anemone hepatica 2}. * Arabis lilacina 2]. ". Armeniaca vulgaris 3 Berberis vulgaris 5 . Cerasus vulgaris 4 . Cheiranthus Cheri 2] * Chimonanthus fragrans Corchorus japonicus # Corylus avellana 3 . Cornus mascula 5. . Daphne mezereum 3. Dianthus barbatus 2]. . . Cette espèce appartien| Eranthis hyemalis 2]. . » ; ARR PnE Annie Galanthus nivalis 2]. . . SA y Re * Helleborus niger 2J . . . | 20 Helianthemum ledifolinm 2]. j Cette espèce apparte: : 6 nant au midi de la Iberis semperflorens 2] . . France, y fleurit les mois Malus communis 3 . É d dajuin ge de juillet. Sani Cr For ) oute, il faut la rappor Primula elatior 2L = > ter aux floraisons conti — auricula 2! . . nues, mais le fait n’es AN NI VETIS Le de pas certain. Prunus domestica S . Pyrus communis $ — Japonica 5. . *Ribes malvaceum 5 . . *Rhododendron dauricum Vinca Dore 2 MUR. Viola odorata 2] . . . 30 espèces. 4 8 1 2 Douteuses. Janvier.| Février.| Mars. | Avril. Mai. Juin. Les espèces marquées d'un astérisque (*) sont celles dont les dates moyennes de floraison n'ont pas été déterminées par M. Quetelet, mais par l’Anthochronologie, les flores ou les observalions particulières. Il y en a 8 sur 30; les 22 autres ont leurs dates réglées dans les Annuaire de l'Observatoire de Bruxelles. ( 185 ) Mais si nous consultons, dans l’Anthochronologie, le contingent floral du mois de mars pour les espèces spon- tanées du centre de l'Europe, espèces qui appartiennent ou à notre flore belge ou à nos jardins, nous trouvons que ce contingent est de quatre-vingts espèces : nous éloignons encore une fois du nombre total des floraisons de mars toutes les floraisons continues ou polyanthésiques. Or, sur quatre-vingts espèces, quatorze fleurissent et les soixante- six autres ne fleurissent pas. À côté de la pervenche et de la violette, nous ne voyons ni les anémones, ni l’Adoxa, ni les Corydalis, ni toutes ces charmantes espèces d’un printemps habituel. Près de la primevére, nous ne trou- vons pas même en fleur le Draba verna , le premier mes- sager du printemps dans nos régions. Sous un noisetier fleuri, nous constatons que le Saxifraga tridactylites, loin de montrer sa tige fleurie, étale à peine sa rosace de feuilles à trois doigts. L'Eranthis hyemalis, chose plus singulière encore, s'ouvre sous un Berberis, deux fleurs qui ne s'é- aient jamais vues ensemble, et l'Eranthis voit à peine poindre les boutons de l’Helleborus foetidus, son compa- gnon de tous les ans. De toutes les fleurs du mois de mars, un sixième est devenu la flore de janvier et les cinq au- tres sixièmes fleuriront sans leurs compagnes naturelles. Telle est Ja physionomie anomale d’un hiver doux pour l’observateur, mais dur pour les plantes : il gouverne celles-ci en les divisant comme un nouveau Machiavel : Divide et impera. Le mois de janvier 1855 a présenté dans sa couronne florale des fleurs de janvier, février, mars, avril et mai, c’est-à-dire des fleurs de cinq mois différents. C’est un fait remarquable que, dans les pays à latitude plus méridio- vale, le même mélange se rencontre en fleurs de prin- temps intercalées dans des fleurs d'été. (184 ) M. Reuter, dans son mémoire sur l’Aspect de la végéta- tion de l'Algérie (4), a été frappé de ce phénomène. « Une chose digne de remarque, dit-il, et qui m'a frappé en arri- vant à Alger au premier printemps, c'est de voir la végé- tation aussi avancée et un mélange de fleurs qu’on n’est pas accoutumé à trouver réunies dans une même saison. Aussi , on voyait dans les jardins, au commencement de mars, le laurier-thym , des violettes, des jacinthes et des tulipes en même temps que des roses , des œillets, des giro- flées et des geranium. Les premières de ces fleurs se mon- trent chez nous au mois d'avril et les suivantes dans le courant de l'été. » Et plus loin, le même auteur ajoute: « 11 semble que plusieurs de ces faits viennent à l'appui des observations de M. Quetelet, d'après lesquelles il pa- raîtrait que les plantes ne peuvent entrer en végétation que sous l'influence d’une certaine température fixée pour chaque espèce; mais ils n'expliquent pas pourquoi les vio- lettes et les jacinthes ne fleurissent pas au mois de novem- bre ou de décembre, au moment où tant d’autres plantes sont en pleine végétation. » Évidemment la cause, quoique la température soit suffisante, qui fait que les violeltes et les jacinthes, plantes à floraison printanière et monanthésique, c’est-à-dire ne dépassant pas la durée d’un mois, ne fleurissent pas en novembre ou décembre en Algérie, mais bien en mars, c’est que ces plantes n’entrent en éveil qu'en novembre ou décembre, absolument comme nos fleurs de mars appar- tiennent à des plantes qui s’éveillent fin janvier; mais il est juste aussi de dire qu'on ne sait pourquoi les roses, les œil- (1) Yoy. Belgique hort., 5° vol., p. 111 et p. 147, spécialement p. 150. (185) lets , les giroflées et les geranium , fleurissent dans le même mois. S'ils continuaient de fleurir pendant tout l'hiver, ce seraient des espèces polyanthésiques prolongeant leur flo- raison d'une année biotique à une autre année biotique (1), et ce serait peut-être là le seul moyen de rattacher ces ob- servations de M. Reuter à la phénologie physiologique. Le principe fondamental du théorème de M. Quetelet peut se résumer, comme vient de le faire M. Becquerel, dans son nouvel ouvrage sur les climats: « Lorsqu'on con- naît, depuis l'instant du réveil des plantes, les températures successives qui ont été observées , on peut calculer à priori l’époque de la floraison, et réciproquement (2). » En effet, nous concevons ce fait physiologique pour les années où il gèle l'hiver. Le froid endort les plantes et la chaleur les éveille. Mais lorsqu'il ne gèle pas, le moment du réveil devient diflicile à déterminer, et les appréciations de l'influence de la température échappent à l’observateur, parce que le jour où le réveil a eu lieu, sans gelée, lui échappe aussi. C'est ce que l'hiver de 4855 démontre clai- rement. En second lieu, si le réveil était un phénomène général , toutes les espèces devraient lui être soumises, et nous avons vu que si ce réveil atteint des espèces du premier mois du printemps, en hiver, au point de les faire fleurir (1) Nous nous sommes étendu sur ce qu'il faut appeler année biotique dans les 4nnales de la Société royale d'agriculture et de botanique de Gand, vol. IV et V, et sur les floraisons classées sous le point de vue de la phénologie, qui est la science des phénomènes périodiques. L'année biotique, c’est l’année de la vie d’une plante, d’une floraison à une autre floraison , ce qui est loin de correspondre avec l’année civile. (2) Des climats et de l’influence qu’exercent les sols boisés et non boisés, Paris, 1835, p. 58. ( 186 ) naturellement contre saison, beaucoup d’autres espèces se soustraient à ce réveil et continuent de dormir malgré la chaleur. De ces deux faits évidents et dans les hivers doux, sous des climats où ils ne le sont pas habituellement, et dans les pays où la gelée hivernale est rare, il faut conclure que chaque espèce à son repos et son réveil particulier, que chaque espèce, pour présenter les phénomènes successifs de la végétation , a son thermomètre spécial, et qu'enfin le thermomètre de Flore, tel que Bjerkander l'entendait, n’est susceptible d'être connu qu'après avoir soumis à toutes ces observations particulières, je ne dis pas toutes les espè- ces , le projet dépasserait le possible, mais les plus utiles et les plus intéressantes à étudier. C’est afin que la phé- nologie entre dans cette voie que nous avons voulu con- server ces souvenirs de l’année 1853. Dans une autre communication, nous examinerons le phénomène du synehronisme des floraisons et des causes qui le maintiennent ou le détruisent, ainsi que les phé- nomènes des floraisons homochroniques ou hétérochro- niques. PRAELUDIA FLORAE COLOMBIANAE , ou matériaux pour servir à la partie botanique du VoyaGe DE J. LiNDEN; par J.-E. Planchon et J. Linden. Le titre seul de cet écrit en indique assez clairement la nature. Il s’agit de soustraire aux lenteurs inévitables d’une œuvre de longue haleine la description abrégée des (187) nombreuses plantes nouvelles, dont l’un de nous à pu, stit par lui-même, soit par ses collecteurs MM. Funck, Scblim et Triana, enrichir les collections botaniques et les jardins. Ce seront autant de traits épars destinés à prendre méthodiquement leur place dans un tableau gé- néral de la Flore de Colombie, dont le Gouvernement Belge à le mérite de favoriser la publication. Convaincus cependant de la déplorable stérilité de ces . courtes phrases descriptives élaborées en courant, unique- ment pour prendre date, nous tàcherons de condenser le plus de traits caractéristiques dans le moins de mots possible et de rendre nos descriptions véritablement dia- gnostiques, en ne traitant une famille qu'après en avoir comparativement embrassé l'ensemble dans les grandes collections de Paris. Reconnaissons, à cette occasion, avec un juste senti- ment de gratitude, tout ce que nous devons aux herbiers de M. F. Delessert, dont M. Laségue fait les honneurs avec tant de bienveillance; de M. Webb, riches en types originaux de la Flora Peruviana; du Muséum d'histoire naturelle, où sont heureusement conservés presque tous les types des plantes décrites par Kunth, dans l'ouvrage de Humboldt et Bonpland, fondement de la Flore dont nous reprenons l'étude. Quoique la nature de ce travail tout préliminaire soit essentiellement descriptive et que nous croyions ne pas devoir nous astreindre à suivre un ordre quelconque dans l'arrangement des familles, nous essaierons de relever l’aridité de ces matières par des observations morphologi- ques ou d’aflinités, d’un intérêt plus général. Cet intérêt ne manquerait pas au sujet, si beaucoup de plantes en offraient autant que l'espèce par laquelle s'ouvre cette longue galerie de nouveautés. (488 ) DIOSMEAE $ CUSPARIEAE (1). EnyrurocHiToN ayropayLLantTaus, Nob. — Foliis (floriferis) unifoliolatis, cum petiolo 4- 4 l2 pollicari nodoso-articulatis anguste cuneato-oblongis (1- 11/2 pedalibus) glaberremis obtuse acuminatis margine integra irregulariler repandis, cymis pau- cifloris abbreviatis e costa medià subtus versus quartam sextam parlem superiorem laminae enatis, slaminibus fertilibus 2 (an semper?) sterilibus 3 linguiformibus. Has. — Nouvelle Grenade, ravins (quebradas) ombragés de Perico, prov. d'Ocaña, altitude 2,500 pieds. Fleurs d'un blanc pur, roses extérieurement, mai 1854, Schlim n° 544. Folia sterilia floriferis similia , haec ultima illa Erythrochitonis brasiliensis referentia costa media subtus infra inflorescentiam multo magis quam supra preminente, e nervo primario pedun- culoqueinter se concretis constante, nervis secundariis utrinque 15-25, e corpore ligneo nervi medii nec ullo modo pedunculi (1) Un genre de cette tribu que les auteurs systématiques paraissent avoir généralement passé sous silence, est le Ravenia de Vellozo (Flora flumi- nensis, I1,t. XXXXIX) que nous avons reconnu jadis, chez M. W. Hooker, dans une plante de la collection Gardner et dont le Zemonia, Lind. nous semble n'être qu'un simple synonyme générique. On pourrait hésiter, du reste, à substituer au mot Zemonia, déjà consacré par l'usage et justifié dès l’origine par une excellente description , celui de Raventia qui, bien qu’an- térieur, repose uniquement sur une grossière figure; mais n'est-il pas conve- nable d'opérer cette substitution à cause de la trop grande ressemblance du nom Zemonia (prononcé Zimonia par les Anglais) avec celui de Zimonia que portait longtemps avant un genre d’Aurantiacées, c'est-à-dire d’un groupe dont nous sommes très-disposés à ne faire qu'une tribu des Diosmées? ( 189 ) orientibus, venis reticulatis. Bractea ad basim cymae valde ab- breviatae unica (?) linearis, 1 1l2 - 2 pollicaris, sessilis, decidua. Ramuli cymae 2-4, ad extremum 3 lin. longi, ali nunc nodi- formes, omnes ob lapsum pedicellorum plerumque cicatricost, cicatricibus bracteolà nullà stipatis. Pedicelli semi-pollicares, cum rachi arliculali, ebracteolati, superne in calycem eis sub- aequi longum sensim ampliati. Calyx spathaceus, primum clausus, mox ab apice infrà medium 5-fidus (reverà tamen pentamerus), laciniis aestivatione valvatis. Petala 5, unguibus inter se concreta, laminis obovolo-oblongis posticà (?) caeteris paulo minore. Stamina 5, petalis alterna eorumque tubo fere lon- gitudine totà filamentorum conglutinata, sterilia 5 (antica ?) in ligulas lineares petalis circiter aequi longas producta, fertilia 2, parte filamenti liber&‘brevi triangulari-dilatatà, ântheris basi fixis, oblongo-linearibus, muticis connectivo non conspicuo , lo- culis 2, intüs rimà longitudinali dehiscentibus. Discus hypogynus urceolato-lubulosus, ovaria plane includens. Ovaria à, approxi- mata, libera, unilocularia , ovulis ad angulum centralem 9, subcollaleraliter appensis (nec altero pendulo, altero adscendente, ut apud Erythroch. brasiliensem describuntur). Styli a basi fere im& in unum concreli, stigmate capitellato, 5-lobo. Fructus.……. OBserv. I. — On a jusqu'ici décrit les fleurs de l’Ery- throchiton brasiliensis comme pourvues de cinq élamines égales et fertiles. Ce caractère n’est pas constant : en eflet sur deux exemplaires de cette espèce, recueillis, l’un par Guillemin, près de Tocoia, l’autre par Blanchet, près de Bahia (n° 2,392 coll. Blanch.), nous avons vu tantôt cinq étamines fertiles, tantôt quatre seulement, la cinquième s'étant transformée en une longue languette, analogue en tout à celles qui nous ont paru remplacer d'ordinaire trois des étamines de l’Erythrochiton ici décrit. Tous les points destructure étant, d’ailleurs, strictement semblables entre les deux plantes, le nombre plus ou moins grand d’éta- ( 190 ) | mines stérilifiées ne saurait évidemment justifier la sé ration de ces espèces en deux geures différents. STE Onserv. IT. — Déjà remarquable comme plante orne- mentale, le nouvel Erythrochiton se recommande surtout par le caractère exceptionnel de l’inflorescence. Qu'on se figure, bien au-dessus du milieu de la face inférieure (!) d’une feuille, une courte cime florale naissant brusquement d’une grosse côte médiane, voilà quelle est cette inflores- cence véritable hypophylle, Comment expliquer d’après les idées courantes cette singulière anomalie? Invoquera-t-on les exemples du tilleul , de l’Helvingia , du Dulongia , toutes plantes chez lesquelles les fleurs naissent en apparence de la côte médiane d’une feuille ou d’une bractée? Mais dans tous ces cas, l’inflorescence occupe la face supérieure de l'organe foliaire, et rien plus simple que de supposer la soudure d’un axe florifère (pédoncule axillaire) avec le pétiole et la nervure médiane de cet organe, hypothèse naturellement admise par tous ceux qui refusent aux ap- pendices la faculté d’être normalement prolifères, c'est-à- dire de produire eux-mêmes directement d'autres appen- dices ou des axes. Ici, pourtant deux difficultés assez graves contrarient cette commode supposition. D'une part, les fleurs naissent de la face inférieure de la feuille; pour qu'il y eût soudure d’un pédoncule avec la nervure mé- diane, il faudrait que ce pédoncule procédàt, non de l’aisselle de la feuille, mais du dessous même de son pé-. tiole. D'autre part, la feuille en question étant formée d’une foliole articulée avec le court pétiole qui le supporte, il faudrait supposer au pédoncule une articulation dis- | tincte justement sur le même point. Voyons si l'anatomie | d'une part, et l’analogie de l’autre, justifient ou non ces | explications. Et d'abord, un fait qui frappe au premier | k : ( 191 ) coup d'œil, c'est le brusque amincissement de la côte mé- diane au-dessus du point d'insertion de l'inflorescence. Une coupe de cette portion mince de la côte y décèle un seul étui de fibres ligneuses autour d'une moelle centrale. Si l’on coupe, au contraire, la côte moyenne sur un point quelconque entre l’origine de l’inflorescence et le tiers inférieur de la feuille, on voit le tissu ligneux de cette côte lormée de deux étuis bien distincts, l'un supérieur répon- dant à la nervure proprement dite et produisant exclusive- ment toute la charpente fibro-vasculaire de la feuille, l'autre inférieure à fibres parallèles, et qui, toujours séparé du tissu ligneux de la nervure, S'en éloigne brusquement pour former la portion libre de l'inflorescence. Plus bas, il est vrai, les deux corps ligneux en question , au lieu de former chacun un étui pourvu de sa moelle et de ses rayons mé- dullaires, ne constituent plus que deux gouttières ou demi-étuis, simulant par leur accollement bord à bord un seul étui ligneux autour d’une seule colonne de moelle {colonne résultant elle-même de la fusion des moelles des deux éléments ligneux). En somme pourtant, le système fibro-vasculaire de la feuille {appendice ) et celui de l'inflo- rescence {aæe florifere), partout rapprochés et nulle part confondus, ont l'un et l'autre leur origine dans le rameau ; mais , à l'inverse de la loi commune, cet axe florifére est inférieur par rapport à l'appendice (feuille) avec lequel il est normalement et congénialement soudé (1). (1) Sur la bractée florifère des Tilia, entre le sommet du pétiole et le point où le pédoncule floral devient libre, fa côte médiane se compose de trois étuis ligneux, parallèles, mais parfaitement distincts et dépourvus de toute connexion fibro-vasculaire l'un avec l'autre, savoir : un étui central ToME xx. — ["* PART. 13 (192 ) Adressons-nous maintenant à l’analogie en étudiant l'inflorescence de l'Erythrochiton brasiliensis. Ici les pé- doncules floraux, tout à fait distincts des feuilles, ne sont pourtant pas axillaires : ils semblent plutôt tenir rang dans la spire multiple des feuilles, caractère qui, joint à leur forme anguleuse et même étroitement bi-marginée, pourrait les faire comparer, dès l’abord, à Ja feuille flori- fère de l’Erythrochiton hypophyllanthus, qu'on suppose- rait réduite presque à la nervure médiane, par avortement de sa portion membraneuse. Ce serait là pourtant un rap- prochement inexact; car, tandis que les feuilles florifères en question s'unissent à leur pétiole par un renflement articulaire, rien de semblable n’existe dans les pédoncules tout d’une pièce de l’Erythrochiton brasiliensis. Imaginons, au contraire, que l’un de ces pédoneules contracte une adhérence accidentelle avec le pétiole et la nervure mé- diane d’une des feuilles qui lui sont superposées, n’au- rous-nous pas là reproduit la structure habituelle et normale de l’Erythrochiton hypophyllanthus ? Dans cette hypothèse, au moins plausible, la feuille florifère de cette dernière espèce serait adnée par son revers, non pas avec le pédoncule que la loi d’aillarité des bourgeons semblerait devoir lui donner pour acolyte, mais au pédoncule dévié de l'aisselle de l'une des feuilles qui sont placées au-dessous d'elle. Quant à l'existence d’une articulation très-marquée répondant au pédoncule et directement continu au corps ligneux du pétiole, puis deux latéraux, plus petits, produisant, par leur côté externe, les nervures de la bractée et naïssant du premier au sommet du pétiole, si bien qu'il y a dans ce dernier organe fusion anatomique des éléments pétiolaires propre- ment dits et de ceux du pédoncule. (1493 ) sur le tissu résultant de la fusion entre un pétiole et un pédoneule, ce n’est là qu'une objection très-secondaire à l'hypothèse proposée; car on sait de combien peu d’im- portance sont les articulations dans l'explication de Ta va- leur morphologique des organes. NAUDINIA, gen. nov. (1). Calyx cupuliformis , brevis, margine nunc regulariter trun- cato, denticulis subulatis 5, longiusculis acuto nunc irrequla- riter repande fisso, denticulis minüs abruple ortis. Corolle pseudo-monopetalue infundibuliformi-tubulosae manifeste in- curvae, tubo cylindraceo, tereli (non pentagono), in Vimbum ventricoso, tubaeformem 5-fidum gradalim dilatato laciniis pa- rum inaequalibus semi-lanceolatis, aestivatione induplicato-sub- valvatis, subanthesi recurvo-patentibus. Stamina à petali alterna, filamentis complanatis in tubum hypogynum corollue subconfor- mem longe connatis, posticis 2 antheriferis, anticis 3 in ligulas steriles petalis subaequilongas productis. Antherae 2, basifixae, falcato-oblongae, loculis 2 linearibus, conneclivo crasso intus adnatis, rimä long dehiscentibus. Diseus hypogynus, cupuli- formis. Ovaria 5 columellae centrali circüm adnata, lateribus inter se libera, unilocularia, ovulis 2, angulo interno affixa, semi-superposita, pendula, hemitropa. Stylus unicus (e quinque subapiculibus concretis) filiformis : sigma subcapitellatum , ob- (1) Nous sommes heureux de pouvoir dédier ce genre de Diosmées à notre excellent ami et confrère M. C. Naudin, connu dans la science botanique surtout par ses intéressantes publications sur la famille des Mélastomées, et dans le monde horticole par les spirituelles chroniques de l'Ancien jardinier de Limorn. ! ( 494°) soletè 5-lobum. Carpella 5, una saepius tantum fertili, columelli basi pyramidatim dilatalae persistenti angulo interno tantum adnata, demum plus minus soluta, lateralibus compressis antieë cuneata, dorso carinalo demum ab apice dehiscentia, ecornuta, mésocarpio sublignoso intus crasse reticulato-nervoso, endocar- pio elastice solulo, cartilagineo, bivalvis. Semen abortu unicum umbilico lato fenestrae membranaceae endocarpii peritrope af- fizum, reniforme hemitropo-campylotropum , chalazà hilo lutivre et ei subjectä, integumento duplici, exlerno crasse membranaceo, castaneo, lucido, intus strato tenui cellulari (tegumime s. ovuli membranà intern&) pallide viridi, adhaerente vestitum , internà {albuminis laminâ) tenui, pellucido , inter embryonis rugas plus mints intromisso. Embryonis ex albuminosi cotyledones con- tortu-plicatae, exteriore interiorem magis corrugatam involvente, radiculà cylindraceà hilo proxim&, intrà massam cotyledonarem latente. Frutex (v. arbor ?) novo-granatensis, sylvarum regionis eali- dae incola , ramis teretibus, foliis alternis, umifoliolatis, foliolis cum apice petioh 2-3 pollicaris articulatis subsessilibus oblongis (3-7 poll. longis), basi acutiusculis, apice obtusiuseulo saepius abruptè et breviter acuminatis , margine integro obsoletè repan- dis, membranaceis, erebrè pellucidé punctatis, suprà (nervis exceptis) glabrescentibus, subtüs, sieut ramulis, petiolis, rachi- bus, pedicellis calyeibusque puberulis; stipulis o; eymis extra axillaribus (peduneulo communi propter folium superiore et laterali) petiolo paulo longioribus, pauci divisis, subracemifor- mibus, 5-6 floris, peduneulo basi instar petioli, dilatatä intus- que concavà cum ramo articulato; bracteolis parvis, caducis ; pedicellis eirciter pollicaribus, basi articulatis, strictis; corollis coccineis, sub lente pilosulis. Species unica : Naudinia amabilis Planeh. et Lind. Has. Nou- velle-Grenade, province d'Ocaña, forêts de la région chaude : Schlim, n° 536, mai 1851. (195) DIOSMEAE $ ZANTHOXYLEA (4). ZanrnoxyLoN ( Fagara $ Ochrochylum) camrnoraruu Nob, — Glaberrimum, ramis aculealis (aculeis ruris brevibus crassis curuulis sicut epidermide ramorum, nigrescentibus) ramulis iner- mibus, foliis unifoliolatis cum petiolo ‘2-1 pollicari articulatis oblongo-ellipticis (1 12-53 poll. longis) basi acutis apice acu- minatis (acumine oblusiusculo saepius retuso) murgine leviter répando subcrenatis rigide membranaceis reliculato-venosis, pä- niculis thyrsoideis ad ramulorum apices sessilibus facie inflo- rescentias Vitis viniferae referentibus, floribus (in specim. nostro abortu masculis et polygamis) in paniculae ramis extremis sub- umbellato-congestis parvis pedicellatis ; petalis 5 ovato-oblongis calyce minuto multù longioribus demüm patentireflexis ; slami- nibus 5 ereclis pelala superantibus, ovartis abortivis 5 qyno- phoro glanduloso crasso impositis. (1) J'extrais iei de mes notes quelques observations de synonymie rela- tives à des genres et espèces appartenant à ce groupe ou qu'on y comprend sans raison : 1° Le Grindelia trinervis Hook et Arnott n’est autre que le 7’alenzuelia trinervis , Bertero, de la famille des Sapindacées ; % L'Heterocladus caracasänus ; Turez., est, d’après la description, üne éspèce de Coriaria ; 3% Le Boscia, Thunb. (4saphe, D. C. Duncania, Reichb.), si mal déerit par son auteur, qui, probablement, aura mêlé dans un même prétendu caractère générique les fleurs et fruits de plantes différentes, doit être rayé des catalogues ; le Boscia undulala de la collection d'Ecklon et Zeyher (qui s'accorde très-bien quant aux caracteres végétatifs avec la plante de Thunberg, est une espèce de ’epris (l’epris undulata, Planch. MSS.), dont je donnerai plus tard une description détaillée; 4 Le Zanthoæylon undulatum Fall (originaire de l'Ile de France et cultivé dans le Jardin botanique de Calcutta) est également un Fepris, peut-être identique avec le F’epris lanceolata (Toddalia lanceolata, Lamk.), dont il ne différe que par ses folioles plus longuement atténuées à la base; 5 Le Zanthoxylon Sumac, Mac-Fagden, FL of Jamaica, est une espèce de Brunellia (Brun. Sumac, Planch. in herb. Hook.) ( 196 ) Has. Venezuela, prov. de Carabobo, à San Esteban; Funck et Schlim , n° 584. — Fleurs blanches, développées en mai. OssErv. [. — Espèce évidemment alliée au Zanthoxylon ochroxæylum D. C., dont les feuilles sont décrites comme ovales, au lieu qu'elles sont oblongues-elliptiques dans notre plante. Oserv. I. — Peut-être serait-il convenable, comme penche à le croire M. Adr. de Jussieu (Monographie des Rutacées), de réduire le genre Zanthoæylon aux espèces à fleurs, apétales et à feuilles caduques, en rangeant toutes les autres sous le genre Fagara. Dans ce cas, aux Zan- thoxylon fraxineum, Wild., type primitif du genre, il faudrait joindre les Zanthoæylon Bungei, Planch., MS. (Z. nitidum, Bunge, non D. C.), alatum, Roxb. et hastile, Wall. La première espèce étant des États-Unis, la seconde ” le Chine et les deux autres de l'Himalaya, l'on voit que l’analogie de distribution géographique corroborerait celle de leurs caractères. J'extrais également des notes prises lors de mon séjour chez sir W. Hooker, la diagnose d'un Zanthoæylon (Fagara\ Pohiana), recueilli par Vogel à Sierra-Leone, et qui se trouve omis dans le Wiger Flora de MM. Hooker et Bentham. Z. melanocantha, Planch., MMS. — Ramis inflorescentiisque pubes- centibus, spinis stipularibus rectis patentibus nigris, foliis alternis glaberrimis inormibus petiolo tereti supra sulcata foliolis cum imperi bi-trigugis oppositis subsessilibus latè ellipticis (1 1/,-5 poll. longis) cus- pidatis crenulatis basi subaequalibus rigidè membranaceis nitidis , pa- nicula terminali foliis breviore, floribus (in specim. foemineis) 5-petalis , ovario unico, Sligmate minuto subsessili subapicali, baccd immaturà subglobosa ovoïdea impresso-punciatd. Has. Sierra Leone (Afric. occid. trop.) ’ogel in herb. Hook. JE. (197 ) Recherches sur les couleurs des végétaux; par M. Martens, membre de l'Académie. On sait que le règne végétal ne nous offre que trois cou- leurs simples, le bleu, le jaune et le rouge, et qu'avec ces trois couleurs la nature et l’art produisent toutes les autres, qui ne sont ainsi que des couleurs mixtes ou composées, formées par l’association des couleurs simples susdites, réunies généralement deux à deux. La matière colorante verte, si répandue dans le règne végétal, et propre à toutes les parties herbacées, n’est pas une couleur simple, puis- que le prisme la décompose en bleu et en jaune. On est, d’après cela, tenté de se demander si la chlorophylle verte, au lieu de former une matière colorante primitive ou défi- nie, ne constituerait pas plutôt une matière complexe, et ne serail pas formée de deux principes colorants distincts, l’un bleu, l'autre jaune, qui, par leur mélange, constitue- raient le vert. Cette idée est d'autant moins irrationnelle, que le bleu et le jaune sont les couleurs fondamentales des fleurs, et que c’est de ces principes colorants que dérivent toutes les autres couleurs des parties pétaloïdes. Ainsi le bleu passe au rouge par l’action des acides, et du mélange de ce bleu avec le rouge, en proportion variable, résulte toute une série de nuances ou de couleurs, que les bota- nistes ont désignée, avec De Candolle, sous le nom de série cyanique. Nous pouvons reproduire cette série arti- liciellement , en ajoutant à la matière colorante bleue or- dinaire des fleurs un acide faible en quantité d'abord mi- nime, puis en augmentant progressivement la proportion de l'acide jusqu’à ce que toute la matière bleue soit passée au rouge. Nous pouvons de même imiter la série xanthique, (198) en ajoutant progressivement au jaune une matière colo- rante rouge. Il est plus que probable que la nature opère de la même manière dans la production de cette multiplicité de cou- leurs qui parent les fleurs vivantes (1). Rien n’est plus commun , au reste, que de trouver, dans les plantes, une matière colorante rouge, provenant du bleu par l'action des acides. Telle est, entre autres, la couleur rouge qui teint l’épiderme de la face postérieure des feuilles des Begonia discolor et sanquinea. Cet épiderme, et surtout le suc du parenchyme immédiatement contigu, ont une réac- tion acide très-prononcée, et si on vient à saturer cet acide par un aleali, la couleur rouge passe au bleu, pour rede- venir rouge par l'action d'un acide. Mais toutes les matières colorantes rouges, dans les plantes, ne proviennent pas des substances bleues , rou- gies par un acide. Il y en a qui procèdent du jaune par l’oxygénalion ; c’est le rouge de la série æanthique. Ce rouge, que les acides avivent ou rendent ordinairement un peu plus intense, peut exister ou se former sans leur intervention; il ne passe jamais au bleu par les alealis, mais bien au jaune; et si, sur la couleur ainsi jaunie par l'alcali, on verse un acide, le rouge se rétablit, à moins que l’alcali n’ait été assez fort et son contact assez long- temps prolongé, pour détruire la matière colorante. C'est à cette deuxième espèce de rouge qu'il faut rattacher le rouge des fléurs de carthame, celui du bois de santal, celui des feuilles du Dracaena ferrea var. picta et de plu- sieurs amarantacées, celui de la tige aplatie et foliacée de l'Epiphyllum truncatum et des fleurs de cette plante. (t) Notons cependant que les couleurs mixtes résultent aussi parfois d'une superposition de cellules diversement colorées. (199 ) Une solution de potasse fait passer ce rouge au jaune, et non au bleu, comme dans le Begonia discolor ; mais dans l'an et l’autre cas, la couleur rouge se rétablit par l’action d'un acide. On voit par là que la matière colorante rouge, dans les feuilles, est loin d'être constamment la même, et qu'on a eu tort de la désigner toujours par le même nom, celui d’érytrophylle, qui semble indiquer une identité de nature. La couleur rouge, qui se développe, à l'automne, dans les feuilles de plusieurs plantes, appartient communément à la serie cyanique ; telle est celle qui se manifeste sur les feuilles de quelques fraisiers, du ÆRibes sanguineum, etc. La couleur rouge, que prennent, au contraire, certaines feuilles en hiver, à la suite du développement de la æan- thophylle ou de la coloration jaune, appartient à la série æanthique. Si la matière colorante rouge varie en nature dans les feuilles , elle varie également dans les fleurs, comme on peut s'en assurer à l’aide des alcalis. Jamais le rouge de la série cyanique ne peut passer au jaune, pas plus que celui de la série œanthique ne saurait passer au bleu; ce qui explique pourquoi telle fleur rouge bleuit facilement par les alcalis, comme celle de certains Echium, tandis que telle autre ne bleuit jamais, comme celle des Gesneria, celle du carthame des teinturiers, etc. C'est à tort que la généralité des botanistes ont con- fondu les deux espèces de rouge qui existent dans les fleurs et en ont fait une seule matière coloraute, appartenant, comme ils disent, aux deux séries de couleurs. C’est cette confusion qui a donné lieu à certaines méprises au sujet des changements de couleur dans les fleurs. Ces change- ments ne s'expliquant pas toujours en admettant que la couleur rouge peut retourner indistinctement au bleu et ( 200 ) au jaune, on a été porté à nier la corrélation des couleurs des fleurs d'après les séries cyanique et æanthique. I faut noter encore que les deux colorations rouges, savoir le rouge cyanique et le rouge xanthique, peuvent parfois être mélées, aussi bien que le bleu et le jaune dont elles dérivent, et qui, par leur réunion, produisent le vert. Or, dans ce cas, il y aura de grandes anomalies dans les mu- tations de couleur que pourra éprouver ce rouge mixte. Ce sont ces anomalies qui ont fait repousser, par quel- ques botanistes, les séries cyanique el xanthique, comme n'ayant, suivant eux, aucune existence réelle dans les plantes. Le célèbre Berzelius à parfaitement signalé la nécessité, au point de vue chimique, d'admettre deux espèces de matière colorante rouge dans les fleurs; ear il avait reconnu que quelques fleurs présentent une matière colorante rouge plus ou moins résineuse, très-soluble dans l'alcool et peu soluble dans l'eau , tandis que d’autres fleurs donnent une matière rouge très-soluble dans l'eau et peu soluble dans l'alcool anhydre. Quoiqu'il soit jusqu'ici presque impossible d'obtenir les matières colorantes des fleurs à l’état de pureté, et que les substances étrangères qui leur sont associées doivent influer beaucoup sur leur solubilité, on peut admettre cependant que le rouge de la série cyanique est généralement plus soluble dans l'eau que celui de la série xanthique, parce que le principe colorant bleu, dont il dérive par action des acides, est très-soluble dans l’eau, tandis que la ma- tière colorante jaune des fleurs ne nous offre ordinaire- ment qu'une solubilité très-faible. Si la couleur rouge, dans les plantes, peut constituer quelquefois une couleur complexe, ou dériver en partie du bleu et en partie du jaune, la couleur verte, dans les (201 ) plantes, ne constitue jamais, d’après nous, une couleur simple, mais toujours une couleur complexe, formée du bleu et du jaune. C’est à tort que la plupart des botanistes ont envisagé le vert, et entre autres celui de la chloro- phylle, comme une couleur simple ou une matière colo- rante définie, sui generis. Clamor Marquart avait supposé que c'était d'elle que dérivaient toutes les autres couleurs des plantes, savoir le bleu par déshydratation de la chloro- phylle et le jaune par hydratation. Mais cette hypothèse, nullement conforme aux réactions chimiques que présente la chlorophylle, a été depuis longtemps abandonnée. Une hypothèse infiniment plus rationnelle, c'est celle qui admet dans la chlorophylle l'existence de deux matières colorantes distinctes, l’une bleue, l’autre jaune, qui, par leur réunion, doivent constituer la couleur verte. Ce qui vient à l'appui de cette manière de voir, c'est que parmi les produits de la décomposition de la chlorophylle, on voit souvent appa- raître, d’après Mulder et Schleiden, des matières colorantes bleues et jaunes, et même noirâtres, celles-ei n'étant, à la vérité, que des substances d’un bleu très-foncé. Si la chlorophylle verte renferme à la fois les deux prin- cipes colorants bleu et jaune des fleurs, il faut admettre que les cellules qui la produisent sont susceptibles de don- ner naissance à ces deux principes colorants, et dès lors il doit pouvoir se faire que ces deux couleurs se rencon- trent quelquefois isolément dans les cellules du tissu her- bacé, soit que la matière verte se soit décomposée, soit que les circonstances n'aient pas été favorables à sa pro- duction. Nous avons un exemple très-remarquable de cette séparation des matières colorantes bleu et jaune, propres à produire le vert, dans les feuilles des têtes de choux rouges. On sait que ces feuilles ne renferment point de ( 202 ) granules verts ; mais, à leur place, on trouve, immédia- tement au-dessous de l’épiderme, une couche celluleuse très-mince, chargée d’une matière colorante bleue , qui est faiblement rougie par un acide (1), et qui bleuit intensive- ment par l'action des alcalis. Immédiatement au-dessous de cette couche, qui semble, en quelque sorte, se confon- dre avec l’épiderme, il existe une couche de cellules un peu plus épaisse, d’un blanc jaunâtre pâle, qui jaunit vivement par l’action des alcalis, surtout lorsque ceux- ci sont employés en solution forte. Cette couleur jaune passe au rouge écarlate le plus vif par l'action des acides, tandis que la couleur pourpre de la couche celluleuse superficielle des feuilles ne passe, par les acides, qu'au rouge vineux. Comme les cellules qui jaunissent par les alealis sont contiguës à celles qui bleuissent, on conçoit que la réunion de ces deux couleurs doit donner nais- sance au vert; Gt, en effet, quand on verse une solution de potasse à la surface d’une feuille de chou rouge, dont l’'épiderme à été préalablement entamé par la pointe d’un canif, pour faciliter la pénétration du liquide alcalin dans les cellules sous-épidermiques, on voit se former des ta- ches vertes; mais ces taches sont manifestement bleuâtres dans leur partie la plus externe ou la plus superficielle, et jaunûtres là où elles se terminent dans le parenchyme de la feuille; de sorte que le vert est ici évidemment le résul- tat de deux matières colorantes distinetes. Ces matières étant tontes deux solubles dans l'eau et dans l'alcool, on conçoit qu'une infusion, soit aqueuse, soit alcoolique, des (1) Cet acide est de l'acide carbonique; car un courant de vapeur d’eau que j'ai fait passer à travers les feuilles rouges découpées, mises dans un appareil distillatoire, a entraîné beaucoup d’acide carbonique ; et en même temps la couleur des feuilles a passé au bleu. (205) feuilles de choux rouges doit verdir par les alealis et rou- gir par les acides , comme l'expérience l’a constaté. Mais si on ratisse les feuilles avec beaucoup de précaution, de ma- nière à n'enlever que la pellicule superlicielle rougeûtre, on peut, avec cette pellicule, obtenir une infusion qui ne fasse que bleuir par les aicalis. D'autre part, en employant les feuilles aiusi ratissées, elles ne font que jaunir par les alcalis, de même que l’infusion que l'on prépare avec elles. On peut d’ailleurs, en laissant macérer les feuilles rouges intactes, pendant trois à cinq minutes seulement, dans de l'alcool, obtenir une infusion d’un bleu pourpre très-pâle, dont la couleur deviendra d’un beau bleu assez intense, si on n'y verse qu'une goutte d’une faible solution de potasse; car il faut peu d’alcali pour faire passer au bleu franc la couleur pourpre de la surface des feuilles de chou rouge ; et, comme la matière colorante jaune exige, pour son développement, une solution alcaline plus forte, que, d'autre part, elle n'aura pas eu le temps de se dissoudre abondamment dans l'alcool pendant le peu de temps qu’aura duré la macération, on conçoit que l’infusion alcoolique, ainsi préparée et peu colorée, ne fera d’abord que bleuir par l'addition de très-peu de potasse, et que sa couleur ne passera au vert que lorsque la solution de potasse aura été ajoutée en quantité plus considérable. Quand on voit les feuilles de ehou rouge, à défaut de chlorophylile verte, renfermer ainsi, daus les cellules voi- sines du derme, des principes colorants qui, dans les mêmes circonstances, ou sous l'influence des alcalis, peu- vent se transformer en matières colorantes bieue et jaune, et former par leur réunion du vert, on est bien tenté d’ad- mettre que la couleur verte de la chlorophylile est due à deux principes colorants analogues. Il ne résulte évidemment pas de là que l’infusion alcoo- ( 204 ) lique verte de la chlorophylle doive se comporter en tout comme celle des choux rouges verdie par un alcali; car les matières colorantes, dans la chlorophylle globulaire, comme aussi dans les feuilles de chou, sont toujours associées à d'autres principes organiques qui augmentent ou diminuent leur altérabilité, et qui peuvent modifier leurs caractères chimiques. Ainsi, la matière colorante jaune de la chlorophylle, qui ne paraît être autre que la xanthophylle colorant en jaune les feuilles automnales, est Loujours associée à un principe gras ou résineux, qui la rend beaucoup moins soluble dans l’eau et beaucoup moins altérable que la matière jaunâtre des feuilles du chou ronge. C'est parce que les matières colorantes bleues, dans les plantes, sont généralement plus altérables que les matières Jaunes, qu'on peut s'expliquer pourquoi la chlorophylle, lorsqu'elle commence à s’altérer ou à se décomposer sous l'influence de la lumière, contracte d'abord une couleur Jaune: c'est ce qui arrive même avec les solutions alcooli- ques vertes obtenues par macération des parties herbacées des plantes. On explique de même la coloration jaune que contractent les feuilles de nos arbres, lorsque la vie y languit en automne ou est près de s'éteindre. La partie bleue de la chlorophylle se décomposant alors la première, le jaune doit devenir prédominant, et on voit manifeste- ment au microscope que, dans les feuilles automnales jaunies, les granules verts de chlorophylle sont devenus jaunes. Rien n'empêche donc que nous considérions la xanthophylle comme une substance analogue au principe colorant jaune de la chlorophylile, et sa nature grasse, constatée par Berzelius, peut provenir de son association avec le principe gras que l’on rencontre toujours dans la chlorophylle. ( 205 ) Quant à la coloration rouge que contractent certaines feuilles à l'automne. elle paraît encore trouver son point de départ dans la chlorophylle; car ces feuilles rouges offrent souvent une réaction acide. Or, il est possible que cet acide se soit développé avant la destruction de la ma- tière colorante bleue de la chlorophylle, ou pendant que les cellules chlorophyllifères peuvent encore produire de la matière bleue; dans ce cas, celle-ci rougira par sa com- binaison avec l'acide et elle deviendra en même temps plus stable : car il est facile de constater que la matière bleue des fleurs, qui a été rougie par un acide, est beaucoup moins altérable que lorsqu'elle n’est pas combinée à cet acide. On peut donc considérer la couleur rouge des feuilles autompnales comme constituant le plus souvent du rouge cyanique; aussi le rouge de la plupart de ces feuilles passe au bleu par les alcalis, et quelquefois aussi au vert; ce qui a lieu quand la feuille contient en même temps encore de la xanthophylle ou de la matière jaune, qui, avec le bleu susdit, donnera le vert. [ne faut pas conclure de ce qui précède que le rouge, dans les feuilles automnales, soit constamment du rouge éyanique; car ces feuilles, et surtout les feuilles hivernales, peuvent évidemment aussi renfermer du rouge xanthique provenant du jaune de la chlorophylle ou de la feuille, sans aucune intervention de substances acides. Il n'est pas rare de trouver en hiver, sur certaines plantes, des feuilles jaunes qui renferment, à côté de la xanthophylle, un peu de suc rouge nullement acide. C'est ce que j'ai remarqué, entre autres, dans les feuilles jaunes qui tombent en hiver des orangers. Lorsqu'après avoir découpé ces feuilles, on les laisse macérer dans l’éther, elles cèdent à ce dernier leur matière jaune ou la xanthophylle, et au-dessous de l'éther fortement coloré en jaune, on trouve une petite ( 206 ) couche d’un liquide aqueux, d’un rouge fauve, jaunissant fortement par les alcalis et rougissant faiblement par les acides. L’érytrophylle, ou le principe colorant rouge des feuilles, n'est donc pas toujours de même nature, comme on à eu Lort de l’avancer; mais il existe généralement dans les feuilles à l'état soluble ou de suc aqueux. Celui qui S'y développe postérieurement à la xanthophylle, comme dans plusieurs feuilles hivernales de plantes de pleine terre, qui, quoique jaunes, restent souvent encore longtemps attachées aux tiges lorsque l'hiver est doux, semble provenir d’une alté- ration de la xanthophylle, probablement de son oxygéna- tion, el appartient toujours alors à la série xanthique. C'est ce que j'ai reconnu en laissant macérer ces feuilles hivernales dans l'éther, qui, tout en dissolvant là xantho- phylle, exprime des feuilles un peu de suc d'un rouge fauve qui s’amasse au fond de ce liquide, n'offre aucune réaction acide, jaunit par les alcalis, et rougit de nouveau plus ou moins par les acides. Ce rouge xanthique m'a paru aussi être tant soit peu soluble dans l'éther; car l’évaporation de la teinture éthérée obtenue avec des feuilles jaunes qui, par un long séjour à l'air, ont un peu rougi, laisse toujours up résidu d’un jaune plus ou moins rougeàtre. Toutes les fois que les feuilles prennent une couleur dif- férente du vert, la chlorophylle verte y diminue notable- ment, sans devenir absolument nulle, ainsi que cela a lieu dans les choux rouges. J'ai laissé macérer dans l'éther des feuilles d’une variété de chou erépu à couleur rose pâle, et j'ai obtenu au bout de vingt-quatre heures une teinture éthérée d’un jaune verdàtre , surnageant un sue de couleur rosée, neutre aux papiers réactifs, jaunissant vivement par les alcalis et redevenant rouge par les acides. Ici la matière colorante bleue qu’on trouve dans les choux rouges man- ( 207 ) que complétement; on n’y trouve que le principe colorant jaune, offrant absolument les mêmes réactions que dans le chou rouge. Quant à la teinture éthérée, sa couleur annonçait que les feuilles employées n'étaient pas entière- ment dépourvues de chlorophylle; aussi son évaporation a laissé un léger résidu de chlorophylle mêlée avec de la matière jaune. Une infusion aqueuse des feuilles de ce chou rose m'a donné un liquide incolore, jaunissant par les alcalis, au lieu de vérdir comme l’infusion du chou rouge ordinaire, La présence du principe colorant jaune sans le principe colorant bleu, dans les feuilles susdites, m'avait fait espérer que d’autres feuilles pourraient présenter le principe bleu sans le jaune. Dans ce but, j'ai fait macérer dans l'éther les pédoneules et les bractées d’un beau bleu de ciel de certains Eryngium, et entre autres de l’Eryngium Leavenworthiüi ; mais au bout de vingt-quatre heures, je n’ai obtenu qu’une teinture éthérée d’un jaune verdâtre, dont l'évaporation ne m'a fourni d'autre résidu qu’un peu de chlorophylle mêlée au principe colorant jaunâtre propre aux feuilles de chou rouge, principe qui brunit par l'acide sulfurique concen- tré, jaunit par les alcalis et se dissout facilement dans l’eau. Aucune trace de la matière colorante bleue ne s’est manifestée, sans doute parce que cette matière, lorsqu'elle rest pas unie à un acide, se détruit de suite dans l’éther, comme on peut s'en assurer avec toutes les fleurs bleues. D'ailleurs , le bleu, dans les bractées des Eryngium, est accompagné d'une telle quantité de la matière organique susceptible de jaunir fortement par les alcalis, qu’une in- fusion aqueuse de ces bractées jaunit par la potasse au lieu de verdir. Tous les phénomènes de coloration des feuilles s'expli- TOME xx. — ]"° PART. 14 ( 208 ) quent parfaitement en admettant que la chlorophylle ren- ferme deux matières colorantes différentes, l’une bleue, l'autre jaune, et que ces matières colorantes peuvent par- fois se former séparément dans des cellules distinctes. Dans ce système, les variations de teinte que la partie verte offre dans diverses plantes et à diverses époques de la vie de celles-ci, variations que Schleiden a attribuées au mélange de la chlorophylle avec les matières bleue et jaune , qui peuvent provenir, dit-il, de sa décomposition, pourront être attribuées plutôt aux changements dans la proportion suivant laquelle le bleu et le jaune sont associés dans la chlorophylle. Les panachures jaunes de certaines feuilles, comme dans l’Ilex aquifolium foliis variegatis, dans l’Aucuba japonica, proviennent de ce que certaines cellules ne renferment que la matière jaune de la chloro- phylle. J'ai fait macérer dans de l'éther les parties jaunes des feuilles d'un Rhamnus alaternus, foliis luteo-variegatis, et au bout de 48 heures, j'ai obtenu une teinture éthérée jaune, qui, par l’évaporation , a donné un résidu de matière jaunâtre , offrant toutes les réactions de la xanthophylle; elle prenait une couleur jaune plus foncée par une solu- tion de potasse, et devenait brune par le contact de l'acide sulfurique concentré. | Les variations de teinte dans la chlorophylle doivent être d'autant plus marquées que cette substance semble même se décomposer pendant la vie de la plante. « La chloro- » phylle, dit Berzelius(1), se détruit continuellement; mais » les plantes conservent leur couleur verte, parce qu’elle (1) Rapport annuel sur les progrès de la chimie, édition française, 6° année, p. 244. ( 209 ) se réforme incessamment. C'est pour cette raison que les plantes perdent leur couleur verte dans les rayons qui ne peuvent pas engendrer la chlorophylle, et elles se décolorent d'autant plus vite que les rayons qui leur arrivent possèdent cette propriété à un moindre degré. Par conséquent, une plante verte se décolore quand on l’expose pendant longtemps à la lumière bleue pure, bien que celle-ci ne soit pas tout à fait dépourvue de la faculté de produire de la chlorophylle. Elles se décolo- rent encore plus vite dans la lumière rouge et dans la lumière violette. » Le principe colorant bleu semble prédominer souvent sur le principe jaune dans la chlorophylle récemment for- mée, et cela d'autant plus que sa couleur est généralement beaucoup plus foncée que celle du principe jaune. De là la teinte bleuâtre de beaucoup de feuilles jeunes, qui, en vieillissant, verdissent davantage, et finissent enfin par devenir jaunâtres, lorsque ja matière colorante jaune est devenue prédominante sur la matière bleue. Celle-ci se décompose toujours la première sous l'influence de la lu- mière ; aussi dans les plantes qui croissent à l'abri de la lumière , les feuilles tombent, d’après Meyen, avec leur couleur verte. Il résulte de ce que nous venons de dire que la ma- tière colorante jaune des feuilles automnales, qu'on a appelée xanthophylle, existerait toute formée dans la chlo- rophylle; c’est en effet ce que l’expérience tend à prouver, La xanthophylle offre tous les caractères de solubilité de la chlorophylle; elle est, comme elle, soluble dans l’al- cool , dans l’éther, et insoluble dans l’eau; elle est aussi associée à un principe gras comme l’a reconnu Berzelius. On peut l’extraire des feuilles avec la même facilité et à l’aide des mêmes dissolvants que la matière colorante verte; ER 0 A EE | (20) et une solution alcoolique ou éthérée de cette dernière, qui à jauni par une exposition suffisamment prolongée à la lumière, se comporte, avec les divers réactifs, de la même manière qu'une solution alcoolique ou éthérée jaune, ob- tenue en laissant macérer, pendant un ou deux jours dans l'alcool ou dans l’éther, des feuilles jaunes automnales, recueillies peu de temps avant ou après leur chute des arbres. L’une et l’autre de ces solutions évaporées laissent un résidu jaunâtre analogue, que l'acide sulfurique con- centré brunit fortement. En contact avec les alcalis, ce même résidu gagne une couleur jauné plus foncée. En tout cas, la réaction est la même, soit qu’on opère sur la xanthophylle extraite des feuilles jaunes automnales , soit qu'on opère sur le résidu d’ane solution alcoolique verte de chlorophylle, qu’on a laissée jaunir à la lumière avant de l’évaporer. Il est donc permis de croire que le jaune des feuilles automnales n’est que de la chlorophylle altérée sous l'influence de la lumière et de l'air; cette opinion à déjà été mise en avant dans le Dictionnaire de chimie de -MM. Liebig et Poggendorif, parce qu’on avait reconnu que lorsqu'une solution verte de chlorophylle dans l’éther est dévenue jaune au bout de quelque temps, et qu’on l’éva- pore dans cet élat, elle ne donne pour résidu que de la xanthophylle, sans aucun mélange de chlorophylle (1). Tous ces phénomènes se conçoivent aisément en ad- mettant que la chlorophylle ne diffère de là xanthophylle que parce qu'indépendamment de cette dernière , elle ren: ferme en même temps un principe colorant bleu, analogue à celui qui teint les fleurs en bleu et qu'on rencontre aussi dans les choux rouges. Or, on sait que cette matière (1) Liebig, Æandworterbuch def Chimie, t. T, p. 805. (211) bleue , lorsqu'elle est en dissolution dans l’eau, se décolore très- vite sous l'influence de la lumière et de l'air, comme aussi en présence de l'hydrogène naissant. Par la même raison , la chlorophylle, lorsqu'elle est à l’état de dissolu- tion, jaunit vite à la lumière. Elle jaunit surtout très-vite sous l'influence de l'hydrogène naissant. Que l’on prenne une solution verte de chlorophylle dans de l'acide chlorhy- drogène légèrement dilué, que l’on y plonge des lames de zinc et qu'on abrite le liquide autant que possible de l'accès de l'oxygène en ne le faisant communiquer avec l'air que par un orifice étroit, donnant passage à l’hydro- gène qui sedégage, on verra le liquide jaunir promptement. L'association, dans la chlorophylle, d'un principe co- lorant bleu à une matière colorante jaune, dans la pro- portion nécessaire pour former du vert, ne doit aucunement nous surprendre; car cette réunion des deux couleurs existe jusqu'à un certain point dans beaucoup de fleurs bleues, où , à côté de la matière bleue, se trouve, comme dans les feuilles du chou rouge, tant soit peu d’un sue jauvâtre-pâle, jaunissant fortement par les alealis, qui verdissent pour cette raison les fleurs en question, On peut facilement constater l'exactitude de ce que je viens de dire en laissant macérer dans l’éther les belles fleurs bleues de l'Eranthemun strictum. Ces fleurs perdent leur couleur bleue dans l’éther en moins de deux heurés et prennent une couleur d’un jaune-pâle sale; elles commu- niquent aussi à l’éther une teinte jaunâtre, surtout après vingt-quatre heures de macération, et lorsqu'on vient en- suile à évaporer ce liquide, on obtient un résidu jaunâtre extractiforme, qui jaunit fortement par les alcalis et est soluble dans l'alcool et dans l’eau. S'il y a beaucoup de rapports entre le principe colorant bleu des fleurs et celui qui se trouve dans les feuilles du (9242 } chou rouge ou dans la chlorophylle verte, il y à également une grande analogie entre la xanthophylle et la matière jaune de la plupart des fleurs, telle que celle des narcisses, celle des sépales des Strelitzia, etc. Toutes ces matières colorantes jaunes sont presque insolubles dans l’eau, mais solubles dans l'alcool et dans l’éther, qu’elles teignent en jaune. Toutes peuvent passer au rouge ou donner naïis- sance à une matière colorante rouge, sous l'influence de l'oxygène ou des agents atmosphériques : ainsi on ren- contre plus d’une fois des feuilles jaunes automnales qui, à mesure que l'hiver avance, finissent par contracter une teinte rougeâtre, surtout si les gelées précoces ne vien- nent pas les détruire de bonne heure. Or, dans ce cas, ces feuilles, qui, recueillies en automne et macérées dans l’é- ther, n'auraient donné qu'une solution éthérée jaune de xanthophylle sans aucune substance rouge; recueillies, au contraire, à la fin de décembre et mises en macération dans l’éther , elles laissent échapper un peu de suc rouge qui se dépose au fond de l’éther, pendant que celui-ei dis- sout la xanthophylle. Ce suc rouge n’est pas acide comme celui des feuilles qui renferment du rouge d’origine cya- nique, et les alcalis, au lieu de le bleuir, le jaunissent fortement; tandis que les acides le font retourner au rouge, mais sans le rougir très-vivement. J'ai constaté surtout ces phénomènes avec des feuilles jaunes d’oran- gers recueillies à la fin de décembre, comme aussi avec des feuilles jaunes de plusieurs plantes herbacées com- munes, croissant en pleine terre, et recueillies au com- mencement de janvier 4853. Le peu de suc rouge que léther expulse de ces feuilles m'a offert exactement les mêmes réactions que le suc rouge plus abondant, exprimé par ce liquide des feuilles rougeàtres du Dracaena ferrea. Il résulte de là que l’érytrophylle qui se développe tar- ( 215 ) divement dans beaucoup de feuilles jaunes, après que toute la chlorophylle s’y est déjà transformée en xanthophylle, provient de celle-ci, sans doute par quelque altération chimique, tandis que l’érytrophylle, qui se développe de bonne heure en automne eu même temps que la xantho- phylle, parait provenir de l’anthocyane ou du bleu de la chlorophylle, rougi par un acide; elle est donc d’origine cyanique, tandis que l’autre appartient à la série xanthique. Le rouge de la plupart des fleurs procède du jaune ou appartient à la série xanthique; il diffère de l'anthoxan- tine par sa solubilité dans l’eau et son peu de solubilité dans l'éther. Aussi se sépare-t-il facilement de la matière jaune au moyen de l’éther dans'lequel on laisse macérer les fleurs rouges. Si on tient, par exemple, des fleurs rouges de Gesneria immergées dans l'éther, celui-ei dissout un peu de matière colorante jaune pendant qu’il déplace des fleurs plus ou moins de suc aqueux rouge, devenant d’un jaune brun par les alcalis et retournant au rouge par les acides. Le liquide éthéré évaporé laisse une matière jaune, deve- nant brune par l'acide sulfurique concentré, à l'instar de la xanthophyile. En opérant de la même manière avec des fleurs rouge foncé du Camellia japonica, j'ai obtenu, au bout de deux heures de macération dans l’éther, un liquide éthéré jau- nâtre, du fond duquel se trouvait un suc aqueux rouge, qui verdissait par les alcalis et retournait au rouge vif par les acides. Ce suc renfermait donc, outre le rouge xan- thique, jaunissant par les alcalis, un peu de rouge cya- nique, que les alcalis bleuissent; d’où la coloration verte. Mais telle est l'altérabilité de ce rouge cyanique en pré- sence de l’éther, qu'au bout de vingt-quatre heures de séjour du suc rouge sous l'éther, sa couleur a pris une teinte fauve, et alors les alcalis ne font plus que le jaunir (24 ) et les acides ne le rougissent plus aussi vivement. C’est que rien n’est aussi altérable dans l’éther que le bleu des fleurs, ou l'anthocyane; aussi les fleurs bleues se décolorent dans l’éther au bout de deux à quatre heures, avec destrue- tion complète de leur matière colorante bleue. Comme le jaune passe facilement au rouge par l'oxygé- nation, on conçoit qu'il y aura peu de fleurs jaunes, de celles au moins dont la durée n'est pas éphémère, où le jaune ne soit plus ou moins mêlé de rouge, vu surtout que, dans la corolle, il se fait un travail continuel d'oxygéna- tion. L'expérience confirme cette déduction de la théorie. Ayant laissé macérer dans l’éther des fleurs ligulées inten- sivement jaunes du Chrysanthemum coronarium , j'ai eb- tenu, au bout de vingt-quatre heures, une solution d’un jaune intense; mais, à ma grande surprise, je vis au fond de l'éther un peu de sue oléagineux d’un rouge fauve, quoi- que les fleurs n’offrissent pas la moindre teinte rougeûtre, Ce suc était neutre, prenait une couleur jaune frane par les alcalis et ne retournait que faiblement au rouge par les acides. C'était évidemment du rouge xanthique. Quant au liquide éthéré, il laissait, après évaporation, un résidu jaune, semblable à la xanthophylle extraite par l’éther des feuilles jaunes automnales et offrant absolument les mêmes réactions que cette, dernière, tant avec l'acide sulfurique concentré, qu'avec les solutions alcalines et les acides dilués. En laissant macérer dans l’éther des fleurs ligulées frai- ches du Chrysanthemum indicum à couleur d'un jaune fauve Lirant sur le rouge, j'ai obtenu, au fond de l’éther, beaucoup de suc aqueux d’un rouge fauve, neutre aux papiers réactifs, prenant une couleur jaune intense par les alcalis et retournant au rouge par les acides. Ici la matière colorante jaune de la fleur était passée, pour la majeure (25) partié, au rouge ; aussi l’éther n’était que faiblement coloré en jaune et n’a donné, par l’évaporation , que très-peu de résidu jaune, du reste identique avec celui obtenu du Chrysanthemum coronarium. J'ai aussi laissé macérer dans l’éther les sépales jaune orangé des fleurs du Strelitzia. On obtient encore ici une teinture éthérée jaune, qui, évaporée, laisse un résidu jaune un peu rougeàtre, neutre aux papiers réactifs et ne changeant pas notablement de couleur, ni par les alcalis, ni par les acides faibles; mais par l’addition d’un peu d'acide sulfurique concentré, il a pris une belle couleur bleue, qui passait de nouveau au jaune, soit par les al- calis, soit par l'addition d’un peu d’éther. Cette coloration bleue différencie la matière jaune de la fleur de Strelitzia de celle des fleurs de Chrysanthemum , comme aussi de la xanthophylle. Toutefois, il ne faudrait pas en déduire qu’elle constitue une matière colorante entièrement distincte de celle-ci; car on sait que la chlo- rophylle, par la xanthophylle qu'elle renferme, donne, en se dissolvant dans l'acide sulfurique monohydraté, une liqueur d'un vert bleuâtre intense. La xanthophylle semble donc aussi avoir la propriété de bleuir dans cer- taines circonstances par l'acide sulfurique concentré, et c’est de cette propriété que Clamor Marquart avait déduit la conséquence que le bleu des fleurs ou l’anthocyane ré- sultait de la déshydratation de la matière jaune ou antho- æantine ; et, par conséquent, aussi de celle de la chloro- phylle dans laquelle on peut supposer que l'anthoxantine existe toute formée. Mais cette opinion, qui tendrait à faire dériver du jaune toutes les couleurs des fleurs, a été abandonnée avec rai- son, parce que Marquart n’a pas prouvé que l'acide sul- furique concentré agit sur l’anthoxantine par déshydrata- (216 ) tion. A celte raison, par laquelle Schleiden combat la théo- rie de Marquart, on peut en ajouter d’autres, bien plus coneluantes. S'il était vrai que le principe colorant bleu des fleurs n’était que de l’anthoxantine déshydratée, il ne contiendrait jamais de l'azote dans sa composition, puis- que cet élément n’a été rencontré jusqu'ici ni dans la ma- tière jaune des fleurs, ni dans celle des feuilles automnales ou xanthophyile. Au contraire, la matière bleue des fleurs est toujours azotée. C’est ce qui a été constaté surtout par M. Morot (1) sur les fleurs de bluets, dont l’éther, tout en dissolvant une matière jaune qui est de nature grasse ou cireuse, déplace une liqueur d’un bleu superbe, se ras- semblant au fond de l’éther et qui est azotée. J'ai aussi rencontré de l'azote dans la matière bleue que Péther dé- place des feuilles de chou rouge sous la forme d’un suc pourpre où bleu rougetre. Ce sue, dans lequel j'avais con- staté préalablement l'absence de l’albumine, concentré au bain-marie et additionné ensuite de chaux vive, laisse dé- gager un peu d’ammoniaque. Ce qui montre d’ailleurs, d’une manière péremptoire, que la substance bleue, que l’on obtient par l’action de l'acide sulfurique concentré sur la matière jaune extraite par l’éther des sépales de Strelitzia, n’est pas de l'antho- cyane, ou le bleu ordinaire des fleurs, c’est qu’elle ne rougit pas par les acides et qu’elle passe au jaune par les alealis les plus faibles. L’addition seule de l’eau suffit, au reste, pour la décolorer en peu de temps. Ce n’est donc qu'un produit de décomposition de la matière colorante jaune, qui lui-même est très-altérable. Quoi qu’il en soit, la matière colorante jaune n'offre pas (1) Annales des sciences naturelles , année 1849, p. 225. (27) dans toutes les fleurs absolument les mêmes caractères. Celle des fleurs de carthame est bien plus soluble dans l'eau que celle de la plupart des autres fleurs jaunes et aussi que la xanthophylle. Mais ceci provient probable- ment de ce qu'elle n’est pas associée toujours au principe gras que l'on a rencontré dans la xanthophylle et dans le jaune des fleurs de narcisses. Il ne serait pas surprenant, du reste, que lorsque la matière jaune de la chlorophylle est exposée dans la corolle à l’action comburante de l’oxy- gène continuellement absorbé par cet organe, elle ne perdit souvent le principe gras auquel elle est associée, parce que c’est sur ce principe que l'oxygène portera principale- ment son aclion. Comme le bleu et le jaune constituent les couleurs fondamentales des fleurs, que celles-ci ne se forment gé- néralement qu'après les feuilles, c’est-à-dire après la chlo- rophylle, qu’elles commencent même par être vertes dans le bouton, il ne serait pas impossible que leur coloration eût son point de départ dans la chlorophylie, ou qu’elle provini de sa décomposition (1); ce qui expliquerait pour- quoi , en étiolant par l'absence de lumière les feuilles qui sont dans le voisinage d’un bouton à fleur, on nuit à l'éclat et à la vivacité de la couleur de celle-ci. Il est possible , au reste, que les couleurs si vives que les corolles nous offrent résultent de l'oxygénation qu'y subissent des principes organiques, peu ou point colorés au moment de leur formation, et qui proviennent des mêmes cellules que celles qui sont capables de produire (1) Nous savons, depuis les travaux de Mulder sur la chlorophylle, que cette substance, dissoute dans l'acide chlorhydrique, se laisse décomposer en une matière jaune qui se précipite et en une substance bleue qui reste dis- soute. (Morot, /nnales des sciences naturelles, 1849, p. 164.) (28) de la chlorophylle dans des circonstances déterminées. La chimie nous a démontré, en effet, qu’une foule de matières colorantes ne se forment que par l’action de l'oxygène sur certains principes organiques, souvent incolores par eux- mêmes ; et comme dans les corolles il y a une absorption continuelle d'oxygène, il est probable que ce gaz coheourt à produire leur coloration. Nous connaissons la belle ex- périence de M. Preisser, qui a plongé dans de l’eau bleuie par l'acide sulfo-indigotique (sulfate d’indigo) une balsa- mine avec ses racines , et a reconnu que la plante, tout en absorbant le liquide, ne devenait pas bleue, mais que les fleurs devenaient bleues : de sorte qu’il fallait admettre que l’indigo avait été décoloré dans les organes de nutri- tion de la plante par désoxygénation, et que, sous l’in- fluence oxydante de la corolle, il avait repris sa couleur bleue. Il se pourrait donc que les fleurs reçussent des parties herbacées des substances qui, quoique peu ou point colo- rées dans Je lieu de leur origine, se transforment en ma- tières colorantes très-vives lors de leur oxygénation dans la corolle. Ainsi le chou rouge, dont les fleurs sont jaunes, pourrait bien puiser la couleur de ces dernières dans le suc jaunâtre à peine coloré qui se tronve dans la couche cellulaire immédiatement sous-jacente à la mince couche sous-épidermique gorgée d'un suc pourpre ou rouge, don- nant sa couleur aux feuilles de la plante. Comme les couleurs fondamentales, bleue et jaune, existent réunies dans la chlorophylle et, par suite, dans les feuilles, on conçoit qu’elles peuvent l'être également dans la corolle : cependant cette coexistence n’a pas souvent lieu, du moins dans la proportion propre à produire le vert. En général, l’une des deux couleurs prédomine, et c'est le plus souvent la couleur jaune, parce qu'elle est (2419) beaucoup moins altérable que la couleur bleue. Aussi celle-ci ne sé rencontre guère que dans les plantes qui äi- ment une exposition ombragée, parce que la vive lumière détruit le bleu. Par la même raison, on louve plus de fleurs appartenant à la série xanthique qu'à la série cya- nique, et la couleur rouge des fleurs dérive ordinairement du jaune et non du bleu, comme il est facile de s’en as- surer à l’aide des alcalis, qui font passer au bleu le rouge cyanique et plus où moins au jaune le rouge xanthique. Aussi quand les deux rouges sont mêlés dans une fleur , ce qui ne m'a pas paru fort rare, la corolle verdit plus ou moins sous l'influence des alcalis. Cette réunion des deux espèces de rouge existe à un certain degré dans la fleur des Hortensia, qui, à raison du rouge cyanique, peut passer au bleu dans la culture; mais qui, par les alcalis, ne donne jamais du bleu pur. Elle existe aussi dans quelques variétés du Chrysanthemum indicum à fleur purpurine ou d’un rouge violacé. Ces fleurs se colorent en bleu verdâtre dans les solutions alcalines. Il n’est pas inutile de faire ob- server ici que celles-ci ne doivent jamais être trop fortes ou concentrées lorsqu'on les emploie pour constater la nature d’une couleur rouge des plantes; car une forte so- lution de potasse altère ordinairement le principe colorant bleu en le jaunissant ; de sorte qu’une solution concentrée de potasse, au lieu de bleuir le rouge cyanique, peut lui donner uue teinte jaunâtre. C’est surtout en opérant sur les fleurs, que cet inconvénient est à craindre. Il est moins marqué quand on opère sur des feuilles, parce que leur épiderme étant plus épais ou moins perméable aux liquides du dehors, ne laisse pénétrer ceux-ci que fort lentement dans le parenchyme sous-jacent où se trouve le principe rouge. Il importe donc, pour ne pas confondre le rouge eya- ( 220 ) nique avec le rouge xanthique, de ne faire agir générale- ment sur le premier que les alcalis à faible dose. Pour s’en convaincre, il suffit d'opérer avec une infusion aqueuse de chou rouge, qui, comme on sait, contient du rouge cya- nique plus on moins bleuâtre, associé à un principe organique susceptible de se colorer en jaune foncé par les alcalis. Cette infusion devient d'un beau vert quand on n'y verse que peu de potasse, par les raisons déjà exposées plus haut; mais si on y verse une quantité très-forte de potasse, la couleur devient jaunâtre. Le principe bleu est alors entièrement masqué ou jauni par l'excès de potasse ; mais en enlevant cet excès par un acide, on peut ramener la couleur au vert (1). Le rouge cyanique se distingue encore du rouge xan- thique, parce que le premier offre une réaction plus ou moins acide, qui manque ordinairement dans le rouge xanthique. Comme les matières bleues végétales sont généralement azotées, ce qui n’est pas le cas pour les matières jaunes, on (1) Il est d'autant plus important de n’employer qu'une faible solution alcaline pour constater la nature du rouge cyanique, que, si l’on extrait le principe colorant bleu de certaines fleurs, en les faisant macérer pendant quelques jours avec de l'alcool à 50 degrés centésimaux, et qu’on évapore ensuite au bain-marie le liquide alcoolique, on obtient une matière bleue extractiforme qui rougit par les acides et jaunit par les alcalis. Si on emploie ces derniers en quantité assez minime pour ne jaunir qu'une partie de la matière extractive, on obtient alors du vert par le mélange du jaune et du bleu. Ces caractères sont les mêmes que ceux que nous offre la matière colo- rante des feuilles de chou rouge ; nouvelle preuve de l'identité du bleu des fleurs avec celui des parties foliacées. Au reste, si le bleu de la plupart des fleurs, extrait par l'alcool, jaunit fortement par la potasse, cela peut tenir à ce qu'il est généralement accompagné, comme dans les feuilles de chou rouge, d’un principe organique d'un jaune très-päle, qui se colore en jaune foncé au contact des alcalis. (221 ) peut expliquer ainsi la plus grande altérabilité des pre- mières, surtout en présence des alcalis forts, qui tendent à les décomposer avec dégagement d'ammoniaque. D'après cela, la présence d’un acide, tout en les rougissant, doit les rendre plus stables. Aussi le rouge cyanique est une couleur assez fixe, comme on l’observe sur les feuilles du Begonia sanguinea , sur celles du Lobelia ignea Paxton. Dans les feuilles rouges automnales, et dans celles presque entièrement rouges du Lobelia ignea, 11 existe en- core de la xanthophylle ou de la matière jaune. Aussi en plongeant ces feuilles dans une solution de potasse pas trop forte, on les voit passer en peu de temps au vert. Elles offrent alors la couleur verte ordinaire des feuilles; ce qui vient à l'appui de l'opinion que le vert de la chloro- phylle provient du bleu et du jaune réunis. On voit aussi par cette expérience qu’il est inexact de dire avec quel- ques savants, que la chlorophylle une fois aliérée dans sa couleur ne saurait être reproduite; car les feuilles du Lobelia ignea verdies par les alcalis, comme il à été dit ci-dessus, offrent, même au microscope, tous les carac- tères des feuilles vertes ordinaires. Si le rouge des feuilles automnales et le rouge des fruits appartiennent le plus sonvent à la série eyanique, il n’en est pas de même du rouge des fleurs; et quoi qu’en ait dit Berzelius, on trouve peu de fleurs rouges qui bleuissent ou verdissent par les alcalis. Ainsi les fleurs rouges de l'Euphorbia Boyeri, des Ixora, des Gesneria, de l'Achi- menes coccinea, ete., ne bleuissent et ne verdissent pas par les alcalis. Aussi je ne crains pas de dire que les ?/10°° des fleurs rouges appartiennent à la série xanthique. Dans les feuilles qui sont naturellement rouges dès leur jeune âge, comme dans les bractées écarlates de divers Büll- bergia, c’est encore le rouge xanthique qui domine; tandis (22) que le rouge cyanique se rencontre le plus souvent dans les parties herbacées qui sont devenues accidentellement rouges ou par suite des progrès de leur végétalion. Ce rouge cyanique est souvent mêlé à de la matière colorante jaune dans les feuilles et même dans quelques fleurs, et dans ce cas, il verdit par les alcalis. C'est la réunion accidentelle du jaune ou du rouge xanthique avec le rouge cyanique dans certaines fleurs, qui donne lieu à ces variations de couleurs, anormales, qui ne se rangent dans aucune des deux séries cyanique et xanthique. Il'est rare de trouver dans une corolle la couleur bleue mêlée à la couleur jaune en proportion convenable pour faire du vert : cependant cela se rencontre quelquefois , comme dans l’Aquilegia viridiflora, dans l’Epidendrum Parkinsonianum , où les pétales et les sépales sont vertes, sauf le labellum, qui est blanc. Lorsque les matières colorantes existent dans les plantes à l’état de dissolution et non à l’état de granules ou de matière insoluble, on peut facilement les extraire et les séparer des substances colorantes insolubles, pourvu que celles-ci soient aussi insolubles dans l’éther. Dans ce cas, on n’a qu'à plonger les parties colorées fraiches et hu- mides dans l’éther. Au bout de vingt-quatre à quarante- huit heures de macération, l’éther aura pénétré par en- dosmose dans les cellules remplies des sucs colorés et en aura déplacé ceux-ci, qui vont former une couche de liquide coloré aqueux au-dessous de l’éther dans le flacon. On conçoit qu'aucune matière insoluble ne pourra ainsi être expulsée du végétal par l’éther, à moins que celui-ci ne puisse la dissoudre. En opérant comme je viens de le dire, on extrait facilement les sucs colorés des feuilles du ( 225 ) chou rouge. On obtient ainsi au fond de l'éther, qui reste parfaitement incolore, une couche de liquide d’un bleu rougeâtre à réaction un peu acide, verdissant par les alcalis et rougissant vivement par les acides. Mais il ne faut pas que ee liquide reste plus de quarante-huit heures en contact avec l’éther; sans cela il s’altère, même dans l’obseurité, et prend une couleur d’un jaune fauve; ce qui annonce l’altération ou la décomposition de la matière colorante bleue. Aussi, dans ce cas, le liquide ne verdit plus par les alcalis; mais il peut encore rougir par les acides à raison de l’action de ces derniers sur la matière jaunâtre des feuilles. Toutefois, après quatre ou cinq jours de macération , cette matière colorante est détruite à son tour, et alors le liquide ne rougit plus par les acides. Il semble donc que le principe colorant jaune dans le chou rouge est beaucoup moins stable que le jaune de la plu- part des fleurs ou celui des feuilles automnales; mais ceci dépend sans doute de sa plus grande solubilité dans l’eau et de ce qu’il n'est pas uni à un principe gras qui le rend insoluble dans ee liquide, à l'instar de la xanthophylle. Par la même raison, il est beaucoup plus sensible que celle-ci à l’action des acides et des alcalis, qui modifient sa couleur bien plus profondément. En tout cas, il est tant soit peu soluble dans l’éther, quoique celui-ci ne se co- lore aucunement, même par une macération de deux jours avec des feuilles de chou rouge ; mais si on évapore ensuite cet éther, on a pour résidu une pellicule de matière jau- pâtre, devenant d’un jaune vif par les alcalis et ensuite rouge par les acides. L’acide sulfurique concentré ne la bleuit pas. On n’y trouve, au reste, aucune trace de chlorophylle. On extrait aussi PRE par l’éther la matière rouge TOME xx. — [" PART. 15 (224 ) qui colore les tiges aplaties de l’Epiphyllum truncatum var. rubrum. Quand on introduit cette tige, découpée en peuts fragments, dans un flacon allongé rempli d’éther, on trouve, au bout de 2 à 5 jours, au fond de l’éther un suc très-rouge et visqueux, pendant que les fragments se sont décolorés, et l’éther n’a pris qu’une légère teinte jaune ver- dâtre, que les alcalis et les acides ne modifient en aucune manière; mais le suc rouge, qui est entièrement neutre, Jjaunit par les alcalis et retourne au rouge par les acides, absolument comme la couleur rouge des fleurs de cette plante. C’est donc du rouge xanthique, qui s’est produit non-seulement dans la fleur, mais aussi dans la partie herbacée du végétal. Ce suc étant de même nature dans toute l'étendue de la plante, semble reconnaître une même origine. L'éther, dans cette expérience, n'ayant pris qu'une faible couleur d'un vert jaunâtre, c’est un indice que la plante ne renferme que peu de chlorophylle mélangée au suc rouge. Car toutes les fois qu'on plonge dans l’éther une partie herbacée verte, l’éther se colore fortement en vert en moins de 24 heures. Ici l’éther n'accusait la pré- sence que d’une minime quantité de chlorophylle, qui était même en voie de décomposition, eu égard à sa couleur jaunûtre. Comme les feuilles de chou rouge découpées en frag- ments et immergées dans l’éther se décolorent entière- ment au bout de 48 heures, sans communiquer à ce liquide la moindre coloration, quoiqu’on les ait tenues dans l'ob- seurité, c’est un indice qu’elles ne renferment pas de chlo- rophyile, dont le microscope, au reste, n’annonce aucu- nement la présence dans ces feuilles. Quelques botanistes ont donc eu tort d'avancer que les feuilles colorées renferment constamment, à côté du sue ( 225 ) qui les colore, des granules de chlorophylle verte, dont la couleur est masquée par celle du suc. Ces granules, à la vérité, existent parfois dans les feuilles colorées, surtout dans la couche cellulaire sous-jacente à celle qui contient les liquides colorants. C’est ce qui est très-manifeste dans les feuilles des Begonia discolor et sanguinea; mais la chlorophylle manque aussi souvent lorsque la feuille en- tière offre une coloration pétaloïde bien prononcée et que son mésophylle est très-mince. Ainsi dans les feuilles mem- braneuses et entièrement rouges du Dracaena ferrea, 11 ny a qu'un suc rouge sans chlorophylle; car elles se décolo- rent dans l’éther, qui lui-même reste incolore, pendant qu'il se rassemble au fond du flacon un liquide rouge aqueux neutre, jaunissant par les alcalis et rougissant de nouveau par les acides. En tout cas, l’éther peut toujours servir à reconnaître la présence de la chlorophylle verte, et à la séparer même des sucs colorés aqueux qui se déposent généralement au fond de l’éther dans lequel ils sont ordinairement insolubles. C’est ainsi qu’en opérant avec des feuilles plus épaisses et non entièrement pétaloïdes du Dracaena ferrea, on con- state facilement qu’à coté du suc rouge déplacé par l’éther, il se trouve encore plus ou moins de chlorophylle dont la couleur verte se dessine très-nettement sur les feuilles après qu’elles ont perdu dans l’éther leur suc rouge. Tou- tefois cette chlorophylle semble être en voie de décompo- sition dans les feuilles, puisqu'elle ne colore l’éther qu’en jaune verdûtre. Dans les feuilles du Begonia discolor, on peut facilement, par une dissection un peu soignée, séparer le derme avec le parenchyme rouge contigu, qui se trouve à la face pos- térieure de la feuille, du reste du mésophylle contenant ( 226 ) de la chlorophylle verte. En laissant macérer ces pellicules rouges dans l’éther, celui-ci se colore en rouge sans ex- traire pour cela toute la matière colorante de ces pelli- cules, qui restent encore fortement rouges au bout de 2 jours, quoiqu'elles aient laissé échapper un peu de suc rouge aqueux qui s’est déposé au fond de l’éther. Ce rouge, qui est d’origine cyanique, puisqu'il bleuit par les alcalis et retourne au rouge par les acides, paraît done être peu soluble dans l'éther, aussi bien que le rouge xanthique. Toutefois, il y est plus soluble que ce dernier; car en lais- sant évaporer la solution éthérée rouge, obtenue comme il a été dit ci-dessus, j'ai eu pour résidu un peu de suc rouge d’une consistance sirupeuse qui offre une réaction acide très-prononcée et bleuit intensivement par les alcalis, en rougissant de nouveau par les acides. L'emploi de l’éther est aussi très-avantageux pour faire reconnaître la nature des matières colorantes des fleurs; car il peut servir à extraire ces matières, soit à l’état de sucs colorés, soit à l’état de dissolution éthérée. Le jaune s’'extrait ordinairement dans ce dernier état, tandis que les autres matières colorantes, généralement très-peu solubles dans l’éther, se laissent déplacer à l’état de sucs aqueux, qui s'accumulent au fond de l’éther et peuvent facilement en sêtre séparés. Ainsi, en laissant macérer dans l'éther des pé- tales de roses de Bengale, j'ai trouvé, au bout de 24 heures, au fond de l’éther un suc aqueux de couleur rose, qui ver- dissait par les alcalis et rougissait très-vivement par les acides. J'ai dû conclure de là que le rouge des roses était du rouge mixte, c’est-à-dire qu'il contenait à la fois du rouge cyanique et du rouge xanthique. Il doit donc être possible à la culture d'obtenir des roses plus ou moins bleues ou d’un pourpre violacé; et l’on y parviendrait pro- (227 } bablément en leur donnant uñe exposition ombragée et des engrais riches en azote, qui me paraissent devoir être favo- rables à la production des matières colorantes bleues. Les fleurs d’un rouge foncé de quelques variétés de Camellia Japonica , soumises au même procédé d'analyse, m'ont aussi offert la présence d’un peu de rouge cyanique, mêlé à une grande quantité de rouge xanthique: Au contraire, dans les fleurs rouges écarlates de divers Gesneria et Ixora, je n’ai trouvé que du rouge xanthique, offrant toujours les mêmes caractères. Ce rouge xanthique est constamment accompagné de trer que sa formation n’est que consécutive à celle du jaune, et qu'il constitue un dérivé de cette dernière couleur, qui se transforme probablement en rouge par l’oxygénation. Je n’ai pas encore rencontré une seule fleur rouge de la série xanthique, qui ne renfermât en même temps un prin- cipe colorant jaune, analogue à celui des fleurs jaunes ordinaires et se séparant facilement du suc rouge par sa solubilité dans l’éther. Toutes les fleurs rouges que j'ai mises en macération dans l’éther, ont toujours laissé échap- per un suc rouge qui s’amasse au fond de l’éther, pendant que celui-ci se colore en jaune plus où moins intense, et la teinture éthérée évaporée m'a donné constamment uñe matière colorante jaune à teinte un peu rougeâtre, offrant, avec les alcalis et les acides, les mêmes réactions que la matière jaune qu'on extrait par l’éther des feuilles jaunes automnales. C'est ce que j'ai observé avec les fleurs rouges des Gesneria, des Camellia, des roses , du carthame, etc. D'un autre côté, toutes les fleurs jaunes non éphémères, que j'ai examinées , contenaicnt tant soit peu de sue rouge; séparable par l'éther, et cela d'autant plas que le jaune ( 298 ) de la fleur avait une teinte plus orangée ou plus rougeûtre. On peut conclure de ces faits que le jaune tend toujours à passer au rouge dans les fleurs. Les fleurs jaunes de- vront, d’après cela, contenir d'autant plus de suc rouge que leur durée aura été plus prolongée. C’est ce qui est conforme à l'observation. Les fleurs de Strelitzia nous of- frent d’abord des sépales ou des pétales d’un jaune pur; mais bientôt ce jaune passe à l’orangé, ce qui annonce le mélange du rouge au jaune, et lorsque la fleur est près de se faner, elle offre une couleur rougeûtre bien sensible. Nous avons vu de même (p.206), dans les feuilles jaunes automnales, se développer au bout de quelque temps un peu de rouge xanthique.ll existe donc les plus grands rap- ports entre la coloration des fleurs et des feuilles. Ces rap- ports se montrent encore dans les fleurs dont la couleur est exceptionnellement verte. J'ai vu fleurir, dans les serres du Jardin botanique de Louvain, un Epidendrum Parkin- sonianum dont les pétales et les sépales étaient d’un vert pâle, à l’exception du labellum qui était blanc. Lorsque la fleur commençait à se faner, les pétales et les sépales pas- sèrent au jaune, comme une feuille qui se fane, et des parties jaunes de la fleur entièrement fanée, j'ai extrait, au moyen de l’éther, un principe colorant jaune, pareil à celui que donnent les feuilles jaunes automnales. Ce principe jaune, qui est si répandu dans les fleurs, n'offre généralement qu’une faible solubilité dans l’éther, puisqu'il faut ordinairement plusieurs macérations succes- sives dans ce liquide pour l’enlever complétement aux fleurs d’une teinte jaune foncé (1). (1) Ceci se remarque surtout quand on fait macérer dans l’éther les sépales d’un jaune orangé appartenant aux Strelètxia. Une première macération de ( 229 ) A côté de cette matière jaune, insoluble dans l’eau, se trouve quelquefois un peu de matière jaune soluble, qui provient probablement de quelque modification ou alté- ration de la précédente. Caventou a reconnu la présence de ces deux matières jaunes dans les fleurs du Narcissus pseudo-narcissus. Elles semblent encore exister réunies dans les fleurs de Carthame; car, indépendamment de la matière jaune , que les lavages à l’eau peuvent enlever aux fleurs du Carthamus tinctorius, celles-ci, quelque bien lavées qu'elles soient, conservent encore, à côté de la matière rouge vive, une matière jaune soluble dans l’éther qui, extraite de ce fluide par évaporation, manifeste tous les caractères propres à la matière jaune ordinaire des fleurs. Elle offre toutefois une teinte un peu rougeàtre; mais ce caractère est commun à la matière jaune que l'éther extrait de toutes les fleurs rouges, ou même des fleurs jaune orangé; et ce fait montre encore la grande affinité du jaune et du rouge xanthique, en constatant que la matière jaune peut prendre un commencement de colo- ration rouge sans perdre tous ses caractères propres et sa solubilité dans l’éther. On pourrait, au reste, expliquer également ce phénomène en admettant que la matière rouge xanthique, quoique beaucoup plus soluble dans l'eau que-dans l’éther, n’est cependant pas complétement inso- luble dans ce dernier liquide. Quoi qu’il en soit, la matière colorante jaune se présente dans les plantes sous deux états, tantôt sous celui d’une substance extractiforme, très-soluble dans l’eau, d’un jaune 24 heures suffit pour déplacer tout le suc rouge de la fleur; mais il faut en- suite 8 à 10 macérations successives pour enlever à la fleur toute la matière colorante jaune. ( 230 ) pâle, prenant une couleur jaune intense par les alcalis et rougissant par les acides; tantôt sous la forme d’une ma- tière grasse ou résineuse, insoluble dans l’eau, ayant une couleur jaune intense, que les alcalis et les acides dilués ne modifient pas notablement. Cette dernière variété de matière jaune , à laquelle se rattache la xanthophylle , ne me paraît diflérer de la première que par la présence d'un principe gras, qui lui est intimement associé, C'est cette variété qui colore généralement les fleurs jaunes et qui constitue une couleur fort solide, tandis que le principe colorant jaunâtre, qui se rencontre isolément dans les feuilles de certains choux crépus à couleur rose, appar- tient à la première variété et est beaucoup plus altérable, sans doute à raison de sa solubilité dans l’eau. J'ai fait avec M. l'abbé Coemans quelques observations microscopiques sur la disposition des matières colorantes dans les plantes. Nous avons reconnu que la matière co- lorante pourpre des choux rouges se présente sous forme de globules ou plutôt de vésicules sphériques, que l’on peut faire éclater sous le microscope de manière à ce que le suc coloré s’en échappe. Ordinairement on ne voit qu’une seule vésicule pourpre dans chaque cellule du tissu sous-épider- mique, d’autres fois il y en a 35 ou 4 plus petites. Le sue de la cellule qui contient ces vésicules est lui-même légè- rement coloré en pourpre violacé, sans doute par trans- sudation du liquide contenu dans les vésicules, dont la coloration est infiniment plus foncée que celle du suc envi- ronnant. Au-dessous de la couche de tissu rouge, qui se compose de 2 ou 5 rangs de cellules, se trouvent des cel- lules incolores ou d'une faible couleur jaunâtre, contenant des grains de fécule, sans mélange de chlorophylle verte. Les sépales jaunes du Strelitzia reginae ne nous ont of- (251 ) fert qu'un suc jaune, homogène, remplissant compléte- men! les cellules sous-épidermiques , sans aucun mélange de vésieules. Mais les pétales bleus de la même fleur nous ont présenté une masse de granulations bleues, solides et très-petites, remplissant presque entièrement les cellules sous-épidermiques. Chaque cellule renferme, au moins, une cinquantaine de ces granules bleus, qui ne sont ac- compagnés d'aucun sue coloré, Les feuilles rouges du Dracaena ferrea var. picta, pré- sentent, dans les couches cellulaires superficielles, un liquide rouge sans interposition de vésicules ou de gra- nules. Mais dans des couches cellulaires plus profondes, ous avons vu encore , au moins sur des feuilles tant soit peu épaisses, des granules de chlorophylle, à la vérité, d’un vert-jaunâtre et moins abondants que ceux qu'on trouve dans les feuilles vertes ordinaires. Nous avons observé la même disposition dans la tige aplatie de l'Epiphyllum truncaltum var. violaceum; c’est- à-dire que, dans les cellules superficielles où sous-épi- dermiques, il y avait un suc rouge , et, dans les cellules plus profondes, des granules de chlorophylle d’un vert jau- nâtre. Il n’est donc pas surprenant que cette plante, macérée dans l’éther, donne, comme nous l'avons dit plus haut (p. 224), un suc rouge, indépendamment d’une solution éthérée jaunâtre de chlorophylle en voie d’altération ou dont le principe jaune prédomine sur le principe colorant bleu. En tout cas, la chlorophylle m'a toujours paru diminuée beaucoup en quantité dans les feuilles à coloration péta- loïde, et elle offre ordinairement, dans ces circonstances, une couleur d’un vert pâle ou jaunâtre; ce qui me porte à ( 232 } penser que les fonctions respiratoires de ces feuilles ne sauraient s'exercer aussi bien que celles des feuilles vertes ordinaires. La xanthophylle des feuilles jaunes automnales est tou- jours disposée en granules dans les mêmes cellules qui contiennent ordinairement la chlorophylle, et elle n’est évidemment qu’un résultat de l’altération de cette der- nière. L’éther n'exprime ou ne déplace jamais de ces feuilles un suc coloré jaune; il ne fait que dissoudre la xanthophylle, comme il dissoudrait la chlorophylle verte, dont elle est provenue. Les faits exposés dans le courant de ce mémoire me permettent, je pense, d'établir les conclusions suivantes : 1° Les deux seules couleurs fondamentales ou primi- tives, dans les plantes, sont le bleu et le jaune, ou, en d’autres termes, l'anthocyane et l’anthoæantine;, > Ces matières colorantes primitives sont formées sous l'influence de la vie, non-seulement par les parties péta- loïdes, mais aussi par les parties herbacées, et, dans celles-ci, elles sont le plus souvent associées entre elles et avec d’autres matières organiques, formant ainsi la chlorophylle verte insoluble. 3° La chlorophylle tend toujours à jaunir dans les plantes par suite de la grande altérabilité du principe colorant bleu, à moins que celui-ci n'ait élé rendu plus stable par son union avec un acide qui le rougit. Dans ce cas, la feuille, au lieu de prendre une couleur jaune par l’altération de la chlorophylle, prend une coloration rouge. 4 La couleur rouge dans les feuilles n’est pas toujours le résultat de la présence d’un acide, soit que ce dernier ait agi sur le bleu , soit qu’il ait rougi le principe colorant jaune pâle des feuilles, La matière rouge des feuilles, ou (235) l’erytrophylle, peut aussi dépendre de l'oxygénation du principe jaune ou de la xanthophylle. 5° Les matières colorantes bleue et jaune, et surtout la première, se trouvant souvent, lorsqu'elles sont isolées, à l’état liquide ou de dissolution, doivent se porter, dans ce cas, vers la surface de la plante par la transpiration aqueuse, et par cela même elles doivent se foncer en cou- leur ou se concentrer dans les cellules immédiatement sous-jacentes à l’épiderme, où on les rencontre habituel- lement et où elles peuvent encore subir l'influence de l'oxygène. 6° Quoique les sucs colorés existent généralement dans les couches cellulaires les plus superficielles où la chloro- phylle est rare, ils peuvent cependant provenir de cellules plus profondes et avoir être amenés par l’endosmose vers la périphérie du végétal. 7° À mesure que les sucs colorés bleu, jaune ou rouge apparaissent dans les cellules des parties herbacées, la chlorophylle diminue, et elle peut disparaître entièrement lorsque la coloration pétaloïde devient très-intense, comme dans les choux rouges. 8 La chlorophylle, pouvant donner naissance, par sa décomposition, à des matières bleues et jaunes, peut con- courir indirectement à la formation des couleurs des fleurs, comme à celles des feuilles colorées. 9° Les couleurs des fleurs ne peuvent changer que d’après les variations dont le bleu et le jaune sont susceptibles. Or, le bleu pouvant passer au rouge par les acides, les fleurs bleues pourront rougir, et, en outre, présenter toutes les couleurs qui résultent du mélange du bleu et du rouge; d'où une série de nuances ou de couleurs, appelée série cyanique. (254 ) 10° La matière colorante jaune pouvant rougir par oXy- génation, et même aussi par les acides (témoin le suc jau- nâtre de quelques cellules des feuilles du chou rouge), les fleurs jaunes pourront passer au rouge, et de plus revêtir toutes les couleurs résultant du mélange du jauné et du rouge, couleurs qui constituent la série æanthique. 11° La couleur rouge des deux séries est loin d’être la même, non-seulement quant à son origine, mais aussi quant aux variations de teinte qu’elle peut subir. Celle de la série xanthique est plus rare dans les feuilles que dans les fleurs. C’est le contraire pour le rouge de la sérié cya- nique. 12° Les deux espèces de rouge, comme les deux cou- leurs fondamentales , sont parfois réunies dans une même fleur, qui peut alors offrir toutes les variations de couleur imaginables. Avant de terminer cette notice, je crois devoir faire remarquer que le bleu ordinaire des plantes, qu'avec la plupart de botanistes nous avons désigné sous le nom d'an- thocyane, ne saurait être confondu avec le bleu de lindigo ni avec Celui du tournesol. Ces dernières matières bleues n'existent pas tout formées dans les végétaux. Elles pro- viennent de substances organiques incolores, qui sé colo- rent en bleu, en dehors de toute influence vitale, par de pures réactions chimiques qui en changent la composi- tion; ce sont, en quelque sorte, des produits chimiques ou artificiels. Aussi tout ce que nous avons dit plus hiaut des couleurs des plantes ne s'applique qu'aux couleurs naturelles à la plupart des végétaux vivants et non pas à toutes les matières colorantes organiques employées daris l'art du teinturier. Celles-ci sont généralement des sub- stances organiques spéciales, produites par un petit nom- ( 255 ) bre de végétaux, et qui, quoique dérivant peut-être, dans certains cas, des matières colorantes ordinaires, en diffè- rent néanmoins par leurs propriétés el par une composi- tion chimique mieux définie. Note sur un nouveau genre de crustacé parasite, EUDACTYLINA; par P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. J'ai l'honneur de communiquer à l’Académie la descrip- tion d’un nouveau genre de crustacé parasite, trouvé sur les branchies de deux poissons de nos côtes : le Squatine ange et le Spinax acanthias. Ce genre difière tellement de tous ceux qui sont connus, que nous éprouvons quelque hésitation en lui assignant la tribu à laquelle nous croyons devoir le rapporter. A cause de la conformation exceptionnelle de ses doigts, nous l'avons nommé : EUDACTYLINA ACUTA. Van Ben. Caractères. — Corps divisé en segments distincts, régu- lièrement conformés, un peu plus larges seulement au milieu. Tête distincte, en forme de bouclier, arrondie en arrière el montrant, en avant, une énorme paire d’an- tennes couvertes de crochets; trois paires de pattes-mà- choires, dont la dernière est terminée en une forte pince. Quatre paires de pattes thoraciques biramées et portant des soies courtes; trois anneaux thoraciques distincts, un an- neau abdominal avec une paire d’appendices uniarticulée, (2%) et trois anneaux caudaux, de forme carrée, dont le der- nier porte des appendices semblables aux abdominaux. Toate la carapace présente une certaine dureté, et prend une couleur jaune citrin après la dessiccation. Nous ne trouvons aucun parasite qui ait avec celui-ci quelque affinité générique. Il à la longueur de 6”, tête et tubes ovifères y compris. Nous en avons trouvé un grand nombre sur le Squatina angelus et le Spinax acanthias; il habite entre les lames branchiales. . Description. — La forme du corps est beaucoup plus régulière qu’elle ne l’est généralement chez les parasites; à part les tubes ovifères, on pourrait prendre, en effet, ces crustacés pour des isopodes microscopiques. Tout le corps est divisé régulièrement en segments, et tous, y compris même le segment de la tête, se ressem- blent. Tous ces segments sont nettement séparés les uns des autres. Si on n'avait pas des femelles avec des tubes ovifères, on croirait que c’est une forme qui n’a pas encore parcouru toute son évolution. Vus du côté du dos, tous ces segments sont régulière- ment arrondis, et laissent en avant une échancrure assez forte qui permet de distinguer les appendices qu'ils por- tent. L'animal, couché sur les flancs, montre un dos très- inégal ; chaque segment s'élève au-dessus de celui qui le suit, à peu près comme si les segments étaient imbriqués. La tête a la forme d’un bouclier; elle est nettement séparée du thorax; un peu plus large en arrière qu'en avant, le milieu se termine en un tubercule. Les appen- dices de la tête sont trop grands pour ne pas se montrer dans toutes les positions où elle peut se trouver. Il n’y a pas d’yeux. ( 237 ) Derrière la tête, il y a quatre segments thoraciques, dont le quatrième est le plus développé; le premier segment du thorax est caché en grande partie sous le bouclier cépha- lique. Chacun de ces anneaux porte une paire de pattes biramées; il y en a ainsi quatre paires. La région abdominale est formée par un segment sem- blable à celui des anneaux thoraciques. Ce segment est un peu plus allongé, et porte en arrière, à droite et à gauche, un appendice sétifère simple et à un seul article. La région caudale est formée de trois segments de forme carrée, qui diminuent de volume d’avant en arrière. Le dernier segment porte une paire d’appendices semblables, en petit, à ceux de l’abdomen. Les tubes ovifères sont proportionnellement courts, mais gros, et ne contiennent qu'un petit nombre d'œufs ; nous en avons compté treize. Ces tubes ont atteint leur développement d’après l’état des embryons. Ils sont insérés sur le dernier anneau qui précède la queue. Appendices. — Il y à en tout dix paires d'appendices : quatre qui appartiennent à la tête, quatre au thorax, une à l'abdomen et une à la queue. Ceux de la tête sont très-forts, robustes et hérissés d’épines. Les antennes sont extraordinairement robustes ; elles se composent de deux à trois articles, dont celui de la base est très-volumineux ; leur insertion a lieu en dessous du bou- clier céphalique. Elles ont à peu près la largeur de la tête, et ne peuvent guère se cacher en dessous de cette partie du corps. L'article basilaire porte en avant une forte épine recourbée, placée au milieu de deux autres qui sont droites. L'article terminal porte au bout des crochets au lieu de soies. La première paire de pattes-mâchoires a aussi une forme (238 ) singulière : le second article porte une forte épine sur le trajet et de pétites épines au bout. La deuxième paire est la plus délicate; elle est terminée par un onglet qui montre des soies à sa base. La troisième patte-mâchoire est la plus remarquable; elle est très-forte, terminée en pince, avec la pointe trifide et logée dans une excavation formée dans la pièce opposée. Les quatre paires d’appendices du thorax sont sembla- bles et d'un égal développement; ils sont doubles et armés de soies proportionnellement courtes. L’une des pièces est terminée en pointe et l’autre a divers onglets au bout. Les appendices abdominaux sont uniques et formés d'un seul article sétifère. Les appendices de la queue, au nombre de deux, termi- nent le dernier anneau caudal. Ils sont également à un seul article. Les embryons sont de forme ovale et munis de trois paires d’appendices, comme la plupart des parasites de cette classe. Affinités. — Est-ce dans la tribu des Dichélestions que ce genre doit être placé”? Cela nous paraît probable, car c'est encore avec les parasites de cette division que les Eudactylina présentent le plus d’analogie. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Genre EupacTyzina. Fig. 1. Le parasite de grandeur naturelle, 2. Une femelle avec ses tubes ovifères, vue du côté du dos : a. Tête. b. Région thoracique. €. — abdominale. TRS UE Pie de MO EPL à St PROS TE PT At ee à cn te ÉQ Mairie Ed x 4 Shut PU UASUENRNRRE CU EVE IIS D LA, LACS DE % Ar ur Li À #; me 1 : ce # d ÿ à ù Le t A CLR STRESS DR CU ñ PAM RSA EE ce à Mirti 0 ee c 1 PAL E | M LEP. 4: dre EN Mel Alt rt LUE, d 49 1 ! Ut +: NT #2 20 À Or pr AN! t É LAS 1 ET sé: ANNUAL à PÉREUETe HR ARGUS endha éié + al FAT NL A er nt RH au PNR, RE ME MEL EN ES veuf PUIS ROMAN AT NT 1) PUS rl te SpeMaka Vue p Mes 5 es Éd AURA ti fr RS Er CALE Gien HA 2 fine Th Der Tu ! | F4 so" near het dsl PTE 4 k S ge haine ru LL ele FE Anti ps C0 # or dé PAST Ur [TE =" 0gz F DT] 27774 VX 7207 ES ho0y PI 7 D'4/27/4 (239) d. Région caudale. e. Antennes. f. Première paire de pattes-mâchoires. g- Deuxième — =“ h. Troisième — — titi. Les quatre appendices thoraciques. k. Les appendices abdominaux. L — caudaux. 5. Le même vu de côté pour montrer la disposition des segments du dos, et les diverses sortes d’appendices indiqués déjà sur la figure précédente. 4. Les appendices antérieurs isolés et vus au grossissement de 300 fois. a. Les antennes. b,c, d. Les trois paires de pieds-mâchoires. 6. Une paire d’appendices thoraciqués. 5, 6. Deux embryons à la sortie de l’œuf. M. Van Beneden communique ensuite le résultat de quel- ques expériences faites sur la transformation des cysti- cerques pysiformes du péritoine des lapins et des lièvres, en Tenia serrata, dans le canal digestif du chien, M. Van Beneden met sous les yeux de la classe une série de vers recueillis dans la cavité digestive du chien; la durée du séjour de ces cysticerques dans ces organes varie depuis deux heures jusqu’à dix-huit jours; au bout de dix-huit jours, le Tenia a trois pouces de longueur. ToME xx. — ]"° PART. 16 (240 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 février 1855. M. le baron de Srassarr, président. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, le baron de Ger- lache, de Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, Borgnet, le baron J. de S'-Genois, Van Meenen, Schayes, Snel- laert, Carton, Bormans, membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé; Arendt, Kervyn de Lettenhove, Chalon, correspondants. MM. Sauveur, membre de la classe des sciences, Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux-arts, assistent à la séance. M. le président annonce que M. le comte de Montalem- bert, membre de l'Institut de France, assiste également à la séance. CORRESPONDANCE. M. Giuseppe Massari fait hommage d’une notice biogra- phique sur Vincent Gioberti, associé de l'Académie, et du discours prononcé à Turin, le 15 décembre dernier, aux funérailles de ce savant. F ( 241 | — M. le secrétaire perpétuel annonce que, conformé- ment au désir exprimé par M. le Ministre de l’intérieur, il a fait parvenir aux bénédictins de l’abbaye de Solesmes les volumes encore disponibles des Mémoires de l'Académie. . — M. le baron de Stassart fait, au nom de M. de Caumont, associé de l’Académie, hommage de différents ouvrages qui seront mentionnés dans le Bulletin bibliographique. — M. Namur, secrétaire de la Société archéologique du grand-duché de Luxembourg , adresse à la classe un mé- moire manuscrit : Sur un véritable lacrymatoire découvert en 1852 dans le Luxembourg. Commissaires : MM. Roulez et Schayes. M. Stas, membre de la classe des sciences, sera invité à se joindre à la commission pour l'examen d'une question d'analyse chimique qui se rattache au travail de M. Namur. CONCOURS DE 1855. La classe avait mis au concours de cette année six ques- tions sur différents sujets ; elle a reçu des réponses à quatre de ces questions, savoir : TROISIÈME QUESTION. Un mémoire sur la vie et les travaux d'Érasme, dans leurs rapports avec la Belgique. Un seul mémoire portant la devise : Non amo veritalem seditiosam. (Commissaires : MM. le chanoine de Ram, Baguet et le baron J. de S'-Genois.) (242) QUATRIÈME QUESTION. Quelle influence la Belgique a-t-elle exercée sur les Pro- vinces-Unies sous le rapport politique, commercial, indus- triel, artistique et littéraire, depuis l'abdication de Charles- Quint jusqu'à la fin du XVILe siècle ? Un mémoire avec l’inscription : Eripui graecas mecum , tibi, Flandriae, musas subduæi Grudiis et tibi, Leida, dedi. (Commissaires : MM. le baron J, de S'-Genois, le cha- noine de Smet et Borgnet.) CINQUIÈME QUESTION. Quel est le Système d'organisation qui peut lé mièux as- surer le succès de l'enseignement liltérairé et Scientifique dans les établissements d'instruction moyenne ? La classe n’a reçu qu'un mémoire qui lui est parvenu après le terme de rigueur ; il porte pour épigraphe : Sit quodvis simplex duntaxat et unum. Le retard ne pouvant être préjudiciable à personne, 1l a été décidé que le mé- moire serait admis à concourir ; les commissaires sont MM. Paul Devaux, Baguet et Quetelet. SIXIÈME QUESTION. L'éloge de Godefroid de Bouillon. Deux prix étaient proposés, l'un pour la littérature française, l’autre pour la littérature flamande. Litiérature française : deux mémoires portant les in- scriplions : N° 1. « La seule simplicité d’un récit fidèle pourrait soutenir la gloire du prince de Condé : toute autre louange languît auprès des grands noms. » ( Bossuet.) ( 245 ) N° 2, « Un grand homme, parmi les talents qu'il déve- loppe, est toujours dominé par une faculté particu- lière que l'on peut appeler l'instinct de son génie. » ( Villemain. ) (Commissaires : MM. Moke, le baron de Gerlache et Grandgagnage.) Littérature flamande : trois mémoires portant les in- scriptions : N°1. Signor, grand cose in picciol tempo haï fatte Che lunga età porre in obblio non puote, Etc. (Gerusaz. Li8., canto 11.) N°2. Godfrieds naem zal eeuwig klenken. N°3. Zyn gansch leven is eene onafgebrokene lofrede. (Commissaires : MM. Bormans, David et Snellaert.) + a RAPPORTS. Sur une notice de M. de Chénedollé, concernant l'histoire des sciences en Belgique, pendant le XVIIE siècle. Rapport de M, A, Quetelet. « M. de Chénedollé est un bibliophile de mérite; on lui doit plusieurs découvertes intéressantes pour l’histoire des. sciences et des lettres en Belgique, Dans la notice qu'il présente aujourd'hui à la elasse des lettres, il vient lui faire part d'une trouvaille nouvelle, d’une brochure que nul ne connaissait, dont nul ne soupçonnait même l’exis- (244 ) tence, bien qu'elle ait été imprimée à Liége, en 1760, chez J.-F. Bassompierre. « M. de Villenfagne lui-même, » dit M. de Chénedollé, le savant académicien, qui a rendu » tant de services à l’histoire littéraire du pays de Liége, » ignorait l'existence de cette pièce! » L'œuvre dont il est question, est un opuscule de 14 pa- ges in-12, ayant pour titre : Mémoires touchant la méthode de trouver la longitude , proposée aux puissances, auxquelles elle peut étre utile, dès l'an 1758, par le sieur Neuray, bour- geois de la noble cité de Liége , et dont il est encore prét à faire la démonstration en 1760. Après quelques notions, très-élémentaires sur les longitudes, Neuray raconte com- ment il a été conduit à s'occuper de leur détermination, séduit par la promesse d’une récompense pécuniaire con- sidérable faite par le roi de France, outre 100,000 livres sterling promis par l'Angleterre, en faveur de celui- qui résoudrait le problème. Son opuscule a pour objet d’an- noncer ses droits aux prix proposés. L'auteur se garde bien de dire son secret ; il demande aux puissances qu’elles lui envoient des députés à Liége pour prendre connaissance de sa méthode. « Pour qu'on ne lui impute pas d’avoir » négligé de procurer au genre humain un bien inesti- » mable et qui ne serait pas assez payé par des millions » de livres sterling, il avertit qu'il est sur le déclin de son » âge, ayant passé les cinquante années, dont il en a bien » employé une quarantaine à travailler et à étudier en » quantité de matières, dont il commence à se ressentir; » ayant même, pour prendre quelque repos, abandonné » la cure de Stembert depuis plus de quatre ans : ce qui soit dit pour qu'on ne néglige pas cette affaire jusqu'à ce qu'il n'en soit plus temps. Mais comme il se trouva incommodé, l'an 4738, en Hollande, il croit plus con- F5 Y (245 ) » venable que sa démonstralion se fasse à Liége, devant » ceux que les puissances députeront pour lexaminer. » On le voit, c'est le style habituel des inventeurs : on croirait la pièce écrite d'hier , si, grâce aux perfectionne- ments du siècle, les choses n'étaient présentées de nos jours avec plus de pompe et d'élégance. Je ne voudrais point troubler le plaisir qu'éprouve M. de Chénedollé par sa nouvelle conquête, mais je crains bien que le mémoire de M. Neuray ne doive être assimilé aux programmes que lancent nos inventeurs habituels , toujours prodigues de paroles et ne spécifiant absolument rien. Certaine- ment, on lira avec plus de fruit la notice de M. de Ché- nedollé que le document qui en fait l’objet; les personnes qui ne font pas de l'astronomie leur étude spéciale, y trou- veront des indications intéressantes ; j'ai donc l'honneur d'en proposer l'impression et de remercier l’auteur. » Ces conclusions sont adoptées par la classe. COMMISSION POUR LA CARTE ARCHÉOLOGIQUE DE LA BELGIQUE. Note déposée par M. A. Quetelet, secrétaire perpétuel. Depuis sa fondation , en 1772, l’Académie s’est constam- ment occupée de l'étude des antiquités de la Belgique; elle a parfaitement compris que l'historien surtout peut y pui- ser les documents les plus utiles, les plus instructifs, et que ce sont même à peu près les seules archives qu'il soit permis de consulter pour les temps les plus reculés. Ces considérations ont fait naître, il ÿ a plus de dix ans, ( 246 ) une proposition que je demande à pouvoir replacer sous vos yeux; voici ce que contient, à ce sujet, le Bulletin de la séance du 8 octobre 1842 : « Le secrétaire appelle l'at- tention de l’Académie sur l'utilité qu’il y aurait de former une commission spéciale pour les antiquités du royaume. Cette commission aurait particulièrement à s'occuper de l'examen des matériaux déjà recueillis, d’appréeier Ja va- leur des ouyrages qui en ont traité, de donner des indica- tions sur les fouilles et les explorations à faire ultérieure- ment, de veiller à la conservation des objets historiques et d’aviser avant tout aux moyens de dresser une carte exacte de la Belgique ancienne; l'on y indiquerait soigneu- sement les localités dans lesquelles on à constaté l'exis- tence de monnaies, d'armes, de tumuli, de constructions ou d’autres objets quelconques que l’on peut considérer comme monuments historiques. Une pareille carte forme- rait un document statistique d’une haute importance pour notre histoire nationale; en ce qui concerne les Romains en particulier, on pourrait, par les vestiges qu'ils ont lais- sés à la surface de notre sol, suivre d’une manière plus sûre les voies qu'ils fréquentaient, et déterminer les campe- ments et les séjours qu’ils s'étaient choisis. » D'une autre part, les découvertes partielles que l’on fait chaque jour ne demeureront pas stériles; on pourra les rapporter à un centre commun, et former dans l’État un dépôt d’antiquités nationales qui ne sera pas la moins intéressante de nos collections. » ( Bulletins, tome IX, p.552.) | Ces propositions furent admises, et, en conséquence, dans la séance du 5 novembre suivant, l'Académie créa une commission des antiquités, qu’elle sépara en deux sec- tions, l’une pour les antiquités proprement dites, l’autre (247) pour Jes inscriptions, les manuscrits et les autres monu- ments littéraires. La composition était comme suit : 4" section. MM. de Gerlache, de Ram, Roulez, Corne- lissen, Grandgagnage, Dumortier, Willems et le secrétaire perpétuel; 2% section. MM. de Stassart, de Reiïffenberg, De Smet, Lesbroussart, Moke, Marchal et Gachard. MM. Falck et Van de Weyer, présents à la séance, ayaient bien voulu promettre leur concours. La commission commença immédiatement ses travaux, sans se dissimuler les difficultés qu’elle aurait à vaincre, « Ce travail est immense, est-il dit dans le rapport annuel présenté à la fin de 1842 ; mais, pour l’accomplir, le Gou- vernement doit nous continuer son appui, et nous lui donnerops en retour un musée vraiment national, » L'annonce seule qu'une commission spéciale pour les antiquités venait d’être formée, a exercé la plus salutaire influence, et nous à prouvé que nous pourrons compter sur la coopération éclairée, non-seulement des savants nationaux, mais encore des savants étrangers, et spécia- lement de ceux qui habitent dans le voisinage de nos fron- lières. » J'ajouterai à ces remarques que c'est à dater de cette époque que se sont formées en général les différentes sociétés archéologiques du royaume, Jai raison de croire que l'appel de l’Académie n'a pas été étranger à cet heu- reux résultat. Pour faciliter leurs travaux, les membres de la commis- sion se chargèrent, chacun en particulier, d'explorer l’une ou l’autre province; en même temps, une circulaire fut adressée, par tout le royaume, aux personnes les plus à même, par leurs études ou par leur position, d’aider l’Aca- ( 248 ) démie dans ses recherches archéologiques. Le Gouverne- ment voulut bien, de son côté, inviter les autorités civiles et les membres du clergé à prêter leur concours. IT fallut un temps assez long pour recueillir et pour exa- miner les nombreux documents qui furent envoyés des différentes parties du royaume; l’on reconnut malheureu- sement ensuite que la plupart de ces renseignements n'avaient point de valeur archéologique, et qu'ils pou- vaient tout au plus donner d’utiles indications. La réorga- nisation de l’Académie vint apporter de nouveaux retards au travail projeté. En cet état de choses, je proposai à la classe des let- tres, le 6 avril 1846, de charger l’un de ses membres de lui présenter un projet pour régulariser et activer les travaux de la carte archéologique. M. Roulez fut désigné, et ce savant fit connaître, dans la séance du 8 juin, qu'il consentait à se charger de la partie de l'entreprise qui concerne la période romaine. MM. Schayes et Bock furent invités en même temps à s'occuper de la partie du travail qui se rapporte aux époques postérieures. (Bulletins, t. XUT, 4"* partie, pp. 588 et 758.) Je suis persuadé que nos honorables confrères n’ont pas perdu de vue la pénible tâche qu'ils ont bien voulu s’im- poser; à plusieurs reprises, M. Roulez a eu l’obligeance de nous entretenir du degré d'avancement de son travail, dont la publication semble, en effet, devoir précéder celle des travaux relatifs à des époques plus récentes. Mon but, en rappelant ce qui a été fait dans le sein de l'Académie, en faveur de l'archéologie, est surtout de faire connaître au publie que la classe n’a point renoncé à ses projets, que les travaux qui lui ont été adressés ne resteront pas impro- ductifs, et enfin d'obtenir de notre honorable confrère, ( 249 ) M. Roulez, qu'il veuille bien nous préciser, S'il est possible, une époque à laquelle il pourra nous donner son travail. M. Roulez, consulté par la classe, fait connaître qu’il lui sufirait de quelques semaines d’un travail suivi, pour achever la carte archéologique qu’il a promise à l'Académie, mais que d’autres occupations l’absorbent pour le moment; il espère cependant pouvoir terminer prochainement. a COMMUNICATIONS ET LECTURES. Trois fables ; par M. le baron de Stassart, membre de l'Académie. Le Hibou coupable et puni. Heureux et fétoyé par un bibliophile Qui le considérait comme un voisin utile Pour réprimer l'audace des souris, Certain hibou, que j'ai connu jadis, Vivait dans l'abondance et gras comme un chanoine. Ainsi pouvaient s’écouler ous ses jours; Mais non... il fit marcher les choses au rebours. La souris lui sembla trop chétif patrimoine. Il aperçoit, sur le donjon, S'étalant avec grâce un superbe pigeon. Et l’oiscau de Pallas, oubliant la sagesse, Le convoite de l'œil, puis, par un tour d’adresse, Fait si bien qu'il l'a dans son bec. (250 ) « Cette chair est, dit-il, d’une délicatesse « À charmer l’estomac, J'y reviendrai sans cesse. » Le maitre l'entendit et le tint en échec; Victime de sa gourmandise, Le coupable subit la mort. Je le dis sans détour (excusez ma franchise) : Qui ressemble au hibou mérite un pareil sort. L'Écureuil prisonnier. Un beau matin des chasseurs diligents, Sans respeet pour le droit des gens, Prirent un écureuil, malgré sa résistance. Plus fin, plus rusé qu'on ne pense, Cet écureuil, plein de raison, Parut se plaire en sa prison: Il agitait sa queue ayec grâce, élégance ; Joyeux, il tournoyait sous les yeux du patron, Et, prenant un air fanfaron, Regardait les badauds admis en sa présence. Chacun de s'écrier: « Quelle heureuse existence! » Le prisonnier pourtant regrette ses forêts, Sa liberté, sa chère indépendance... Pour les reconquérir, il conçoit maints projets, Et, grâce à sa rare prudence, De la part des geûliers aucune défiance! Un soir, qu'ils étaient endormis, Il se glisse à travers la grille Et gagne au grand trot son logis... Le vrai bonheur l'attend au sein de sa famille. Qu'en pense-t-on? L'écureuil eut-il tort?.,, La mauvaise humeur, les injures, ( 251 ) Les doléances, les murmures Ne peuvent rien contre le sort. Quel que soit le désir d’être toujours sincère, En pareil cas là ruse est nécéssaire, Les Loups et les Renards. La faction des loups et celle des rénards Gouvernaient tour à tour certaine république. Chacun des deux partis comptait force bavards. Eh! qui donc ne bavarde en fait de politique? Les injures et les brocards Tenaient lieu de raisons. Sur tous les étendards Brillaient en lettres d'or: FÉLICITÉ PUBLIQUE ! Adoptés par la rhétorique, Ces mots, si séduisants toujours, De tous lés orateurs terminaient les discours. Nul ne les mettait en pratique, De dominer pourtant l’on se montrait jaloux, Mais les loups, au pouvoir, mordaient leurs adversaires. Ceux-ci les traitaient de corsaires. « À bas, s'écriaient-ils, ces brigands et ces fous! Lé peuple qui partage un si juste courroux, Prétend voir les renards diriger les affaires, Et lés renards alors font tomber sous leurs coups, À force ouverte, non, mais par d’adroits manéges, En les attirant dans des piéges, Les chiens même pour peu qu'ils ressemblent aux loups. De tels faits Fhistoiré fourmille : Ce qui paraît un crime à n’én pas être 4bsous, Quand il s'agit de soi n'est qu'ane peccadille, Ami lecteur, qu'en pensez-vous ? Ceci pourrait bien être un tableau de famille, ae (232 ) Siger de Gulleghem, docteur en théologie de l'Université de Paris au XII siècle; par M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de l’Académie. Lorsque Dante, parvenu, dans son épopée, aux plus hautes régions du séjour céleste, se voit le centre d'une couronne de lumières vives et éclatantes, saint Thomas d'Aquin, le premier de la glorieuse sphère, lui nomme tour à tour toutes les fleurs dont est tressée cette guirlande, el quand il arrive à la douzième lumière placée tout à côté de lui à sa gauche de même qu’à sa droite il a Albert le Grand, il ajoute : « Celle-ci est la lumière d’un esprit à qui, dans ses graves pensées, la mort paraissait trop lente; c’est l’éter- nelle lumière de Siger qui, en professant dans la rue du Fouarre, méla à son argumentation des vérités qui exci- tèrent la haine (1). » M. Le Clere a démontré, dans un savant article du XXI° volume de l'Histoire littéraire de la France, que ce passage de la Divina Commedia se rapporte à un professeur de l’Université de Paris, qui ayant été doyen du chapitre de Notre-Dame de Courtray, était connu de ses contempo- | QUE eus rh mm (1) Questi onde a me ritorna il tua riguardo, È il lume d'uno spirlo che ’n pensieri Gravi a morire li parve esser tardo. Essa è la luce eterna di Sigieri Che leggendo nel vico degli strami Sillogizzù invidiosi vert. (Divina commen, Paradiso, canto X.) ( 295 ) rains sous le nom de Siger de Courtray. J'ajouterai que son véritable nom, oublié depuis six siècles, était Siger de Gulleghem, et c’est sans doute, dans le village de Gulle- ghem, à une lieue de Courtray qu'il faut chercher la patrie de ce célèbre docteur du XIE siècle qui, lors même que la science l’oublierait dans ses annales, est appelé à par- tager l’immortalité des vers du poëte florentin. Siger de Gulleghem fut le neuvième doyen du chapitre de Notre-Dame de Courtray, fondé, en 1199, par Baudouin de Constantinople et Marie de Champagne : on ignore en quelle année il obtint cette dignité, mais il est certain qu'en 1258, il avait pour successeur Gilles de Gand. Si, d'autre part, l’on remarque qu’il fut l’un des coopérateurs de Robert de Sorbon dans l’œuvre à laquelle celui-ci devait laisser son nom, il ne paraît pas douteux qu'il ne faille placer dans les premières années de la seconde moitié du XIIF° siècle son arrivée à Paris. Peut-être même est-il permis de supposer que Louis EX, qui visita la Flandre en 1255, remarqua la science de Siger et le ramena avec lui pour l’attacher à la maison de Sorbonne, qui s'élevait sous la protection de la piété et de la puissance du saint roi. Jamais la Flandre ne fut représentée avec autant d'éclat dans les écoles de Paris que dans cette dernière période du XIIF siècle. Après avoir cité Henri de Gand, le docteur solennel, Jean de Wardo ou de Weerden, le premier moine de Citeaux qui eût obtenu le titre de docteur en théolo- gie (1), François César ou de Keysere, moine des Dunes comme Jean de Weerden et, comme lui, docteur en théo- (1) Za Chronique des Dunes dit de lui : Sonora praedicalio peccan- lium auribus quasi tuba coelestis terrébiliter insonuit : ejus verba tan- quam stimuli peccata populi pungere noverant, non palpare. ( 254 ) logie (t), Jean Uténtune, plas connu sous le nom de Jean d'Ardénbourg (2), Odon de Douay (5), Jeañ de S'Amand (4), Jean Lammens, de Gand (5), Gilbert (6) et Guillaume (7) dé Tournay, il faut S’arrêter et répéter avec Dante : To non posso ritrar di tutti appieno ; Perocchè sù mi caccia ’lungo tema Che molte volte al fatto il dir vien meno. La rue du Fouarre (vico degli Strami), où Siger de Gul- leghem professa pendant environ quarante années, tou- chait à la place Maubert, toute pleine encore des souvenirs d'Albert le Grand. Siger eut aussi son nombreux et bruyant auditoire d'étudiants de toutes nations, toujours prêts à le soutenir et à le défendre : Pars Sigeri, dit le cardinal Simon de Brie, depuis pape sous le nom de Martin IV. Quelles furent toutefois ces vérités exprimées en ar- guments philosophiques, qui excitèrent la haine? Cette allusion mystérieuse de Dante rappelle-t-elle seulement là (1) François de Keysere était né à Dixmude. 11 commeénta ; dans Ja faculté de théologie de Paris, les quatre livres des Sentences de Pierre Lombard. (2) Jean Utentune, auteur de plusieurs traités théologiques, donnait des cours püblics à Paris, au couvent de Saint-Jacques. Vèrs 1285, Jacques Uten- tune était bourgmestre d'Ardenbourg: (5) Odon de Douay fut l’un des fondateurs de la Sorbonne. (4) Jean de Saint-Amand enseignait la médecine à Paris. [l fut surnommé doctor suavissimus. (5) Jean Lammens (Joannes Agnelli) fut admis au nombre des prédicateurs de la faculté de théologie de Paris. Ses sermons étaient fort admirés. (6) Gilbert de Tournay prit, à Paris, le grade de docteur en théologie. On lui attribue de nombreux ouvrages. (7) Guilliume de Tournay fat docteur en théologie à Paris. On à conservé de lui un traité Dé modo docendi püeros. ( 255 ) vivacité des contestations qui éclatèrent relativement au rectorat de l’université entre Albéric de Reims et Siger de Gulleghem? Faut-il l'expliquer par des propositions té- méraires de Siger, qui donnèrent lieu à ane enquête de Simon du Val, inquisiteur de la foi? Je ne le crois point. Les luttes du rectorat sont antérieures à 4275 : l'enquête est de 1277. Dante, âgé de douze ans à cette époque, ne connaissait encore que Florence qui depuis dédaigna son génie, parvi Florentia mater amoris. Dante était né en 1265. C'est entre 1285 et 1289 qu’eut lieu, selon l'opinion la plus vraisemblable, le voyage à Paris, où il prit le grade de bachelier en théologie. Or, comme M. Le Clerc l'a fort bien fait observer, ce fut pré- cisément le cours de Siger de Gulleghem, consacré à l'inter- prétation des traités d’Aristote, que Dante dut suivre pour devenir bachelier, et sans doute la reconnaissance de l’étu- diant, jeune et obscur, eut quelque part au magnifique hommage que le grand poëte rendit plus tard au professeur dont il avait écouté les leçons. Parmi les étudiants venus d'Aquitaine à l'Université de Paris, il en est un qui, en mentionnant les commentaires de Siger sur Aristote, a soin de remarquer que cet illustre docteur {doctor praecellentissimus) disait que, les hommes étant agités de passions diverses, il importait au bonheur des États d'être régis par de bonnes lois (1). Sans aller ——————————_————————————_—_—_——— (1) Je ne sais s'il m'a été donné de retrouver, dans un traité anonyme inséré dans un manuscrit de l’abbaye des Dunes STE de Siger de Gul- leghem, auquel fait allusion l’auteur du livre De Recuperatione terrae sanc- tae : Super politica Aristotelis determinavit praecellentissimus doctor Philosophiae, magister Sigerus , quod longe melius est civitatem regè legi- bus rectis quam probis viris, quoniam non esse possunt quin possibile sit TOME xx. — J"° PART. 47 ( 286 ) jusqu’à rechercher à combien de discussions et de consi- dérations de ce genre pouvait donner matière la Politique d’Aristote, nous reconnaîtrons ici les invidiosi veri, si nous nous souvenons que le prince qui régnait alors était Philippe le Bel, qui le premier employa dans les actes la formule : par la plénitude de notre puissance royale, for- mule que ses légistes développèrent aussi bien contre Boni- face VIII que contre les chevaliers du Temple. Un document inédit donne à cette hypothèse une grande vraisemblance. II complétera à la fois la biographie de Siger de Gulleghem et celle de Jean de Weerden , et l’his- toire politique de ce temps devra peut-être une nouvelle page à l'examen d’une question d’histoire littéraire. En 1274, le pape Grégoire X exhorta, au concile géné- ral de Lyon, le roi Philippe le Hardi à prendre la eroix, et il lui permit, dans ce but, de lever sur les biens ecclésiasti- ques une dime qui ne devait frapper ni les hôpitaux, ni les hospices, ni les monastères les plus pauvres. On sait que d’autres préoccupations détournèrent Philippe le Hardi de son projet d'aller combattre les infidèles en Orient. Cepen- eos corrumpt passionibus. (Ap. Bongars, Il, p. 558.) Voici quelques lignes du manuscrit des Dunes qui semblent répondre assez exactement à cette in- dication : Zlomo habet passiones sibi conjunctas. Pussiones autem dis- trahunt voluntatem et faciunt deviare a recto fine et pervertunt judicium rationis. Lex nullas habet passiones et non potest deviare a recto fine, etc. Ce traité et un autre qui y est joint sont intitulés : £æxpositiones supra libros politicorum et rethoricorum Aristotelis. Ils sont de la fin du XIII< siecle, et j'y trouve cités Albert le Grand et Thomas d’Aquin (A4lbertus, Thomas). Si le verbe syllogizare appartient, comme le dit M. Le Clerc, à Siger de Gulleghem, ce manuscrit peut lui être attribué, puisque j'y lis cette phrase : Silogizantem aut instantiam ferentem, et immédiatement après on explique ce que veut dire : syllogizare. Quintilien traduisait «vAAoÿiery par ratiocinari. Syllogisare a un sens noû moins étendu. Un peu plus loin, le ( 257 ) dant Philippe le Bel agité, selon l'expression du moine d'Egmond, de la fièvre de l’avarice et de la cupidité (1), crut trouver un prétexte favorable pour toucher aux ri- chesses de l’ordre de Citeaux, et bien que dix-sept ans se fussent écoulés depuis le concile de Lyon, il fit sommer, en termes altiers et menaçants, les abbés de Citeaux et de Clairvaux de remettre sans aucun délai tout ce qu'avait produit la dîime accordée à son père, entre les mains des marchands ou usuriers florentins de la société de Lambert de Frescobaldi (de societate Lambertini de Frescobaldis) (2). Le 9 avril 4292 (3), les abbés de Citeaux et de Clair- vaux se rendirent à Paris au collége de Saint-Bernard, fondé, en 1246, par Étienne, abbé de Clairvaux, et y délé- guèrent leurs pleins pouvoirs à deux religieux nommés Guillaume d'Auxerre et Nicolas de Rosières, et l’un d'eux, Nicolas de Rosières, lut aussitôt une déclaration par la- quelle les abbés de Citeaux et de Clairvaux, après avoir protesté de leur bonne foi et de leur intention de se con- former à tout ce qu'avait prescrit Grégoire X, tant au nom des monastères de France qu’au nom des abbayes cister- même volume donne un Excerptum de Summa magistri Ægidii (Gilles de Lessines?) super libellum de bona fortuna , et l’un des derniers feuillets offre ces mots d’une main un peu plus récente, écrits probablement en 1297: Anglia, Flandria flent. Francia nescia fraudis. Obtinet haec terra prae- lia, praedia , praemia laudis. (1) Cupiditatis et avaritiae febribus maculatus. Chr. Will. mon. Egm. (2) Les Frescobaldi étaient aussi les usuriers du roi d'Angleterre. Une charte insérée dans le recueil de Rymer (I, IV, p. 76) mentionne: Emericum de Friscobald et socios suos mercatores de societate Friscobaldorum de Florentia. (3) Anno Domini MCC nonagesimo secundo, mensis aprilis die nona videlicet die Mercurii post festum resurrectionis Domini, circa horam vesperarum. ( 258 ) ciennes de Hongrie, de Frise, de Danemark, de Suède, d'Allemagne, d'Angleterre, de Flandre et d'Espagne, in- terjetaient appel par-devant le saint-siége et se plaçaient, eux et leurs biens, sous la protection des apôtres Pierre et Paul et de la sainte Église romaine. Les dernières lignes de la procuration donnée aux deux moines de Clairvaux sont ainsi conçues : Actum Parisius apud Sanctum Ber- nardum in capella hospicii seu domus in qua morabatur magister Johannes de Dunis, magister in theologia, ordi- nis Cisterciensis, regens in eodem loco in theologia, prae- sentibus venerabili et religioso viro domino abbate Sancti Germani de Pratis Parisius, domino magistro Johanne de Dunis , domino Sugero (4) olim decano Cortraci, magistro Petro de Ponteciso, regente Parisius in medicina, et Ge- rardo de Carvino clericis ; et pluribus aliis testibus vocalis ad hoc et rogatis (2). Tel fut le premier acte de cette grande lutte de l’ordre de Citeaux, champion du pouvoir religieux, contre l’ambi- tion envahissame de Philippe le Bel, lutte trop peu connue qui mérite des recherches spéciales. L'abbé de Saint-Ger- main des Prés, qui figure comme témoin dans cette pro- testation, fut appelé, quelques années après, par Boni- face VIII à l'évêché du Puy, et fut l'un des prélats qui se rendirent à Rome aux fêtes de la Toussaint 4302, malgré ‘Ja défense de Philippe le Bel. Les noms de tous les autres (1) Le copiste a mal transcrit le prénom. La première lettre ressemble à un t, et le signe abréviatif a été omis à la dernière syllabe : go. Mais les mots qui suivent : olîm decano Cortraci, suflisent pour rendre tout doute impos- sible: (2) Liber continens varias litteras, etc. MS. des Dunes. Ce document y porte le n° 559. ( 259 ) témoins , à l'exception d’un seul, appartiennent à la Flan- dre, et ceci est d'autant plus remarquable qu’en ce moment même Gui de Dampierre se séparait du roi de France pour traiter avec le roi d'Angleterre (1). L'abbé de Citeaux comprenait lui-même si bien toute l'importance de cette protestation, que le même jour, 9 avril 4292, il voulut reconpaître la part qu'y avait prise Jean de Weerden, en lui accordant le privilége de siéger dans l’ordre de Citeaux immédiatement après les abbés; c'est ainsi, écrivait-il dans une lettre qui nous a été con- servée, qu'il honorait le trésor de la sagesse supérieur à tous les royaumes et à tous les rois : salularis sapientiae margaritam cunctis regnis et regibus praeferendam (2). Siger de Gulleghem, associé à la protestation de 12992, s'était déjà sans doute illustré par une résistance aussi éloquente que courageuse dans ces cours de la rue du Fouarre, où plus d’un bourgeois de la Cité put se mêler à la foule des étudiants pour l'entendre. Tout explique les impressions que reçut l'imagination ardente et forte du poëte, et l'on comprend aisément que Dante ait entouré de quelques rayons d’une lumière immortelle, luce eterna, les graves pensées, pensieri gravi, et les vérités hardies, invidiosi veri, de ce vieillard qui, en présence de Philippe le Bel, des Plassian et des Nogaret, s'attristait de survivre au siècle de saint Louis et de saint Thomas d'Aquin, a morire li parve esser tardo. (1) Le sauf-conduit donné par Édouard I‘ à Gui de Dampierre, qui se rend en Angleterre, est du 6 avril 1292. Un traité fut signé le 6 mai. (Rymer, 1, I, pp. 90 et 91.) (2) Ch. de Visch, Piblioth. cistere., p.176; Mém. de l’Académie, XXV, Notice sur un MS. des Dunes, p. 40. ——— ( 260 ) Notes pour servir à l'histoire des sciences en Belgique pen- dant le XVIII siècle, par M. de Chênedollé, directeur du Bulletin du bibliophile belge. M. le chevalier Marchal a présenté à la classe des lettres, dans sa séance du 8 novembre 1852, une intéressante notice sur Michel Florent Van Langren, cosmographe et mathématicien des archiducs Albert et Isabelle , et ensuite de Philippe IV, roi d’Espagne (1). Le savant conservateur de la Bibliothèque de Bourgo- gne signale, pp. 415-414, les travaux du mathématicien officiel relatifs au problème difficile de la détermination des longitudes en mer, et il entre à ce sujet dans des détails curieux. La classe des sciences veut-elle bien me permettre de lui communiquer une pièce inconnue, qui prouve que Van Langren n’est pas le seul Belge qui se soit occupé de cette importante question ? Un Liégeois, sur lequel je n'ai pu recueillir que des renseignements très-incomplels, a aussi consacré une partie de sa vie à la solution de ce problème : c’est Nicolas Joseph Neuray, bourgeois de la noble cité de Liége, comme il s'intitule, et ancien curé de Stembert, près de Verviers. Son Mémoire, formant 14 pages in-12, imprimé à Liége chez J.-F. Bassompierre en 1760, nous paraît mériter l’honneur d’être reproduit dans le Bulletin de l’Académie. C’est un doeument qui n’est pas sans quelque intérêt pour l’histoire des sciences en Belgique au siècle dernier, époque (1) Voy. Bulletins de l’ Acad. , t. XIX, TII° partie, pp. 408-490. (261) qui, quoiqu'elle soit plus rapprochée de nous, est en géné- ral beaucoup moins riche en sources littéraires que les trois siècles antérieurs. L’exemplaire que je me fais un devoir de mettre sous les yeux de l’Académie, est peut- : être le seul qui existe encore aujourd’hui. Je n’en ai jamais rencontré un autre, et M. de Villenfagne lui-même, ce savant académicien ({), qui a rendu tant de services à l'histoire du pays de Liége, ignorait l'existence de cette pièce volante. Tout ce qu'il a pu découvrir sur Neuray se réduit au passage suivant, inséré dans ses seconds Mélanges, Liége, 1810, pp. 554-556. Je crois devoir le transcrire textuelle- ment, parce qu'il donne l’indication d’un autre travail scientifique de notre compatriote. « Je ne connais, dit-il, aucune circonstance de la vie de N. Neuray, si ce n'est qu'il obtint au concours, vers 1750, la cure de Stembert, village situé non loin de Spa, et qu'il termina sa carrière vers 1776; il s’'adonna, dès sa plus tendre jeunesse , avec passion à la géométrie, et s’ap- pliqua de même avec beaucoup d’ardeur à l'astronomie. On assure qu'il avait fait dans ces deux sciences des décou- vertes intéressantes; mais Neuray, aussi simple que mo- deste, ne voulut jamais communiquer au public le fruit de ses études, et sans un événement auquel il paraît que l'Europe prit part, il ne nous resterait absolument rien de notre savant et laborieux concitoyen (2). (1) 7oy. ma notice, à laquelle l’Académie a accordé les honneurs de l’in- sertion dans son Annuaïre de 1837, pp. 94-105. (2) Il résulte clairement de ces lignes que M. de Villenfagne n'avait jamais entendu parler du mémoire de Neuray, ni de ses prétentions persévérantes aux différents prix considérables, proposés, en France et en Angleterre, pour la solution du problème des longitudes. ( 262 ) » En 1745, on eut quelques doutes pour savoir quel jour on devait fixer les Pâques en 1744. L'Empereur in- vita tous les princes de l'empire germanique à envoyer à la diète leurs avis sur cet objet important. Son but était d'obvier aux inconvénients que peut produire la célébra- tion des Pâques en différents temps. Georges-Louis de Bergue, prince de Liége, chargea le curé de Stembert de répondre aux intentions de Sa Majesté Impériale. C'est ce qu’il fit dans un imprimé, in-folio, de 8 pages (1), qu'il dédia à Messieurs les chanoines de la cathédrale de Liége , auxquels l'exercice de la souveraineté, comme s'exprime Neuray, appartenait alors, parce que Georges-Louis ve- nait de mourir. Il commence par faire quelques réflexions sur le calcul astronomique et sur les cycles; le calcul astronomique, dit-il, ou les cycles doivent nous servir de règle dans la question qu'il s’agit d’éclaircir, Il fait voir ensuite qu'en suivant le calcul astronomique, il n'est pas possible de se conformer au décret qui ordonne de célébrer les Pâques par tout l'univers le même jour. II examine après si l'usage des cycles n'offre point une mé- thode infaillible d'accorder tout le monde. Sur ce prin- cipe, l’auteur dresse done une nouvelle table, au moyen de laquelle le jour de la célébration des Pâques peut être exactement désigné pendant des milliers d'années, en rec- tifiant seulement de temps en temps, comme Neuray le propose dans cette table, le cyele des épactes. Il fixe, selon (1) Voici le titre exact de cette pièce : Réponse de Liége à la lettre cireu- laire de S. M. I. aux princes et États de l'Empire, et notamment à S. À. l’évêque et prince de Liége, touchant les Pâques de l’an 1744. (Catalogue de J.-L. Massau. Bruxelles, février 1848. N° 1426. Cet exem- plaire, avec notes bibliographiques de M. Massau, a été vendu 2 fr.) ( 265 ) l’épacte, le jour des Pâques de l'an 1744 au 5 avril : on aurait pu, selon le calcul astronomique, le placer le 29 mars (1). » Les autres biographes liégeois se sont bornés à copier l’article de M. de Villenfagne en l’abrégeant, et ils n’ont ajouté aucune particularité à celles qu’il nous fournit sur le mathématicien liégeois (2). La question de la fixation de la fête de Pâques, traitée par Neuray, a souvent occupé les savants. Nous ne croyons pas inutile d'indiquer iei en passant quelques opuscules sur ce sujet, qui intéresse à la fois à un haut point les mathématiciens et les ecclésiastiques: 4° Lettre de P. Petit (l'ami de Pascal, de Descartes, de Fermat, du P. Mersenne), touchant le jour auquel on doit célébrer la fête de Pâques, avec une dissertation latine de Fr. Levera, romain, sur le même sujet. Paris, 1666, in-4°. (Voy. sur la polémique que souleva cette lettre, les Mémoires du P. Niceron, t. XLII, pp. 491-192.) > Question de chronologie ecclésiastique : Si la fête de Pâques est toujours le dimanche après la pleine lune de mars. Douai, 1736, in-4°. 5° Dans la Clef du cabinet, imprimée à Luxembourg, on trouve un article sur le comput pascal , octobre 1763, pp. 256-260. 4 Les différentes pièces indiquées dans l'excellente (1) M. de Villenfagne aurait pu ajouter qu’en 1744, les protestants célébre- rent cette fête le 29 mars, et les catholiques le 5 avril. Joy. l’ Art de vérifier les dates, édition in-8, t. I, p. 84. Sur cette longue controverse entre les deux communions, voy. Pfeffel, Nouvel abrégé chronologique de l’histoire d Allemagne, édit. in-8°, 1777, t. IT, pp. 548-551. (2) Joy. Becdelièvre, Biographie liégeoise, t. I, p. 448; H. del Vaux, Dictionnaire biographique de la province de Liége, p. 92. ( 264 ) table du Journal de Verdun, par Dreux du Radier, t. VIT, pp. 103-104. 5° Dans le même recueil, postérieurement à la table, qui Sarrête à la fin de 1756, on trouve : Lettre pour prouver que Pâques n'arrive jamais dans la lune de mars. Juillet 4771, p. 23. 6° Lettre sur la fête de Pâques et sur la lune de mars, par La Lande. Journal de Paris, 1785, n° 65, p. 263; et réponse d'un anonyme, n° 70, p. 292 (reproduites dans l'Esprit des journaux, mai, même année, pp. 252-259). 7° Preuve de la juste et légale célébration de la fête de Pâques, le 3 avril 1825, par l'abbé Halma. (Dans la 5‘ par- tie du Commentaire de Théon, in-4°, et tirage à part, 16 pp. in-4°.) Dix-sept ans après la publication de son travail sur la fête de Pâques, en 1760, Neuray, qui devait être déjà alors avancé en âge, revint sur la question des longitudes, à la- quelle il avait travaillé sans relâche dès l'année 1758 (grande mortalis aevi spatium , comme dit Tacite). C’est le sujet du mémoire que j'ai annoncé en commençant, et dont je verrais avec plaisir que la classe votât la réim- pression dans le Bulletin (1). C’est, en effet, le moyen de sauver de l'oubli et de la destruction une pièce ignorée, honorable pour l’auteur, qui pourra ainsi, à la faveur de (1) L'opuscule dont l'Académie, d’après ses usages, n’a pu autoriser la reproduction, est intitulé : #émoïres touchant la méthode de trouver la longitude , proposée aux puissances , auxquelles elle peut étre utile, dès 1758, par le sieur Neuray, bourgeois de la noble cité de Liége, et dont il est encore prêt à faire la démonstration en 1760. On y voit que, déjà en 1758, Neurayÿ avait adressé à diverses puissances un mémoire sur sa décou- verte. Le célèbre Bruzen de la Martinière, géographe du roi d'Espagne, s'était chargé de le leur faire parvenir. Neuray transcrit deux lettres de la ( 26 ) ses deux titres scientifiques, obtenir une mention dans l'ouvrage dont M. le secrétaire perpétuel s'occupe depuis longtemps, sur l'histoire des sciences mathématiques en Belgique, et qui sera certainement pour notre pays ce qu'a été pour l'Italie le beau livre de M. Libri sur la même malière. Je crois que le travail de Neuray, dont on ne peut juger la valeur scientifique d’après son petit mémoire, rédigé à dessein d'une manière mystérieuse et, pour ainsi dire, énigmatique , est à jamais perdu, et qu'il sérait impossi- ble d'en retrouver la trace. Il aura, sans doute, été égaré ou détruit après la mort de l’auteur. Notre compatriote, pour obtenir les riches récompenses offertes par de généreux particuliers et par des gouver- nements éclairés, avait à lutter contre un grand nombre de concurrents. Montucla, dans son Histoire des mathéma- tiques, continuée par La Lande, cite, t. IV, pp. 585 et sui- vantes , une quantité de livres composés sur cette question. La Lande en indique aussi quelques-uns dans sa Bibliogra- phie astronomique, p. 946. Enfin, on peut aussi consulter la table du Journal des savants, par l'abbé de Claustre, t. VE, p. 455, et celle du Journal de Verdun, t. V, p.419. Elles contiennent une énu- mération assez étendue de mémoires omis par Montuela Martinière, dans lesquelles il fait l'éloge de la science et des talents du curé liégeois. 11 avait eu des relations personnelles avec Ini à la Haye, où Neuray avait fait aussi la connaissance du marquis de Fénelon, ambassadeur de France, tt d’autres personnes, Il nous apprend, en 1760, qu’il avait résigné la cure de Stembert depuis plus de quatre ans, qu'il s'était fixé à Liége, et qu'il habitait le quartier d'Outre-Meuse. Voilà les seules données biographiques que nous avons trouvées dans le mémoire de Neuray. ( 266 ) et La Lande. Mais aucune de ces sources ne fait mention de l'opuscule, dont je m’estime heureux de pouvoir révéler l'existence à l'Académie, grâce à l’occasion naturelle que m'offrait la notice de M. Marchal sur Van Langren, le devancier flamand du Liégeois Neuray. Notice sur les causes du siége de Metz, par Charles-Quint, en 1552, avec un appendice concernant le mariage pro- jeté entre la fille aînée de cet Empereur et le second fils du roi François [° ; par M. le chevalier Marchal, membre de l'Académie. Après une longue suite d'années de prospérité, le siége de Metz, pendant les trois derniers mois de 4552, fut le plus malheureux événement du règne de l’empereur Charles- Quint. Ce n’est pas à lui qu'il faut attribuer ce grand dé- sastre, mais aux conseils du duc d’Albe, qui en comman- dait en chef les opérations et qui comptait pour rien la santé et la vie des hommes. C’est ce même duc d’Albe qui depuis fit tant de mal aux habitants des Pays-Bas. L'armée de Charles-Quint n’a pas été vaincue, mais elle n'a pu supporter la rigueur d’un hiver insalubre et variable. Une épidémie, résultant du coucher des soldats sur la terre humide, dans des tentes, en fit périr une partie considé- rable. La levée du siége et la retraite ne furent pas une déroute. Charles-Quint en sauva, par une marche régulière, les restes maladifs, toute son artillerie et ses munitions. Le siége de Metz à été décrit avec la plus complète exactitude, au tome cinquième de l’Histoire de Lorraine de ( 267) dom Calmet, et récemment, en 1847-48, dans un mémoire imprimé de l’Académie des lettres, sciences, arts et agri- culture de Metz, par M. Worms, membre de cette Société savante en correspondance avec notre Académie. M. Worms y dit que, le 10 janvier 1541 (style moderne), l’empereur Charles-Quint fit sa première entrée à Metz, alors ville libre et impériale, gouvernée par des magistrats municipaux. L'Empereur y demeura pendant trois jours, ce qui est conforme aux éphémérides des 57 années de voyages de ce prince, écrites par Vandenesse, qui le suivit jusqu’au mois de mai 1551, en sa qualité de surintendant de la maison impériale. (Voir les manuscrits 14611, etc., de la Bibliothèque royale.) Selon cet itinéraire, l'Empereur venait de parcourir, au mois de décembre 1540, le Tournaisis, le Hainaut, Na- mur, les Ardennes. Il arriva, le 1° janvier 1541, à Arlon, le 2, à Luxembourg. Il eut dans cette dernière ville (voir Pontus Heuterus), une conférence avec le duc de Lorraine, Antoine le Bon, qui ne sortait de ses États, disent les his- toriens, que pour vouloir mettre d'accord Charles-Quint et François [°', et qui projetait le mariage de François, son fils et son héritier, avec la duchesse douairière de Milan, Christine, présente à cette conférence, nièce de Charles-Quint. Elle était fille de la reine Isabelle, sœur défunte de cet empereur et de Christiern, roi de Danemark; elle fut duchesse de Lorraine, en 1544; c'est elle que, quinze ans plus tard, le roi Philippe IE voulait nommer gouvernante des Pays-Bas. Il préféra Marguerite de Parme. Le 15 janvier 1541, l'Empereur partit de Metz pour l’AI- lemagne. L'année suivante (1542), la guerre recommença contre François I“. En 1544, l'Empereur vint une seconde fois à Metz, selon le mémoire de M. Worms, ce qui est ( 268) conforme à l'itinéraire de Vandenesse ; mais Robertson ne fait mention ni de ce second voyage, ni du premier. Voici ce que dit M. Worms : « Dans ce second voyage, l'Empereur eut une velléité de soumettre entièrement Metz. Il en garda les clefs ; il fut sur le point d’y établir un gouverneur, mais il en fut détourné par les conseils du cardinal de Gran- velle. » Je ferai observer que ce ministre n'avait alors que le titre d'évêque d'Arras, ayant été élu en 1558. Quelques développements au récit de M. Worms sont nécessaires, parce qu'ils concernent l'histoire de Belgique dont nous nous occupons principalement dans cette Académie. Dès le commencement de la guerre, en 1542, l'Empereur avait fait construire entre Sambre et Meuse, la forteresse de Marien- bourg. En 1543, au mois d'octobre, une armée française, après avoir traversé Ja ville de Cambrai, alors impériale, et s'être emparée de la ville de Landrecies, était commandée par le roi François I, en personne. Charles-Quint était accouru pour reprendre cette ville, mais il ne put y réussir. Les deux souverains manœuvrèrent par des marches et des contre-marches tout autour de Cateau-Cambresis. Tout à coup, le samedi 40 novembre, selon Vandenesse, l’Em- pereur entre avec son armée dans Cambrai. Le 45, il y fait venir en son hôtel l'évêque Robert de Croy, qui lui était dévoué entièrement, les chanoines et les magistrats. I] leur déclare (voir Carpentier, Hist. de Cambrai, H, 157) qu'il avait résolu de faire construire immédiatement une cita- delle, annexée à la ville, pour empêcher à l'avenir toute entreprise de la part des Français. « Ce à quoi, dit Vande- nesse , ils ne surent que répondre. » Il fit commencer les travaux ; il partit le 15 du même mois pour Valenciennes. De tous ces événements, le siége de Landrecies est le seul qui soit raconté par Robertson ; mais Sepulveda, biographe ( 269 ) espagnol et contemporain de Charles-Quint, qu'il alla vi- siter au monastère de S'Juste, en donne quelques détails. I n’y a donc rien d'étonnant que si l'Empereur, pour défendre l'entrée de ses provinces des Pays-Bas entre la Meuse et l’Artois, a fait fortifier Cambrai sur l'Eseaut, en amont de Valenciennes, en 1545, et si, en l’année 1542, il avait fait construire Marienbourg, qu'il ait eu l'intention, en 4544, d'établir un gouverneur à Metz, une des clefs de l'Empire, pour être aussi aux avant-postes de ses villes fortes d'outre-Meuse, dans le duché de Luxem- bourg, en amont de Thionville sur la Moselle; car par une continuation de ce même système d'une ligne non inter- rompue de forteresses , il fit construire, en 1545 : 4° Phi- lippeville, pour réparer la perte toute récente de Marien- bourg ; 2° Charlemont, au-dessus de Givet sur la Meuse, en amont de Bouvigne, de Dinant et de Namur. Le prince d'Orange eut la direction des travaux de ces deux forte- resses, qu'il faisait bâtir à la barbe des Français, comme il l’écrivait à sa femme (voir sa correspondance publiée par M. Groen van Prinsterer, 1, 14), et qui en quitta les travaux, le 13 octobre, étant appelé à Bruxelles pour l'ab- dication de Charles-Quint. Revenons à la campagne de 1544 ; le succès en fut si complet que la nomination d'un gouverneur en la ville de Metz devint inutile; on va voir cependant que si elle s'était effectuée, Henri IE, roi de France, en 4552, ne s’en serait pas emparé par surprise. La campagne de Charles-Quint en 4544, contre Fran- çois [”, est l'apogée de la gloire et de la puissance de cet Empereur. Au commencement de l’année, il était en Alle- magne; au printemps, il vint à Spire, prétextant l’occa- sion d'y célébrer le mariage du comte Lamoral d'Egmond (270 ) avec Sabine de Bavière, fille de l'électeur palatin. A ce mariage, dont les fêtes sont décrites à la date du mois de mai par Vandenesse, le roi des Romains, frère de l'Empereur , les archidues et beaucoup de princes souvé- rains de l'Empire furent invités. Charles-Quint y faisait, au milieu des plaisirs, les préparatifs d’une expédition au cœur de la France, et il y attendait que Henri VHT, roi d'Angleterre , redevenu son allié, en 1545 , depuis la mort de Catherine d'Aragon , sa lante, eût opéré un débarque- ment de troupes anglaises à Calais, commencé le siége de Boulogne et menacé d’envahir la Picardie. Cette alliance était la contre-partie de celle que François [* venait de faire avec Soliman I, empereur ottoman ; qui devait atta- quer la Hongrie. J'y reviendrai ultérieurement. L'armée de Charles-Quint, composée d’Allemands et de Flamands, parmi lesquels le comte d'Egmond avait un commandement, se mit en marche : Charles-Quint fit sa deuxième entrée à Metz, le 16 juin 4544. Il y attendit d’au- tres troupes qui arrivaient d'Italie. Antérieurement , une armée française commandée par le duc d'Orléans, second fils du roi François I“, avait conquis le Luxembourg mé- ridional, qui est au nord de Metz : mais il se retire pré- Cipitamment à l'approche de l’armée impériale, passe la Meuse dans les Ardennes et abandonne 40 pièces de grosse artillerie et d’autres canons. Le 10 juillet, l’armée impériale, réunie à Metz, se dirige sur Pont-à-Mousson; elle passe ensuite la Meuse. Le 24, elle s'empare de Vitry; le 8 août, après un siége mémorable où se distingua le comte d'Egmond , elle entre dans S'-Dizier. Les armées du roi François I‘ se retirent, étant dans l’im- possibilité de résister aux troupes impériales. Le roi était älorsmaladeaux environsde Paris. Brantôme nous apprend ( 271 ) (voy. Histoire de François 1”, par Gaillard, t, I, p. 383) que ce prince dit à la reine Marguerite de Navarre, sa sœur qui avait épousé le roi Henri d'Albret: « Allez-vous- en à l’église, faites à Dieu la prière que, puisque son vou- loir est tel d'aimer et de favoriser l'Empereur plus que moi, il fasse au moins que je ne le voie pas campé devant la principale ville de mon royaume. » Effectivement, selon le manuscrit 14045 , l'armée de Charles-Quint , après s'être emparée de Château-Thierry, d'un côté, de Soissons d’un autre côté, étant à Compiègne le 2 septembre, n’était éloignée de Paris que d'une journée et demie de la marche d'un cheval, La peur faisait partir de Paris l'élite de la population : Complures ex opulentissimis ipsa Lutetia, ab qua itinere equestri vix sesqui diei aberamus relicta, in Aquitaniam usque, trans Ligerim fugerant. C'est par un itinéraire à peu près semblable, que les coalisés, en 1792, pénétrèrent jusqu’à Valmy, et qu'en 1814, les alliés manœuvrèrent jusqu’à Paris. Tout l'itiné- raire de Charles-Quint est tracé par Vandenesse avec beau- coup plus d’exactitude que par les autres historiens. Le roi François I‘, dans cette extrémité, eut une entre- vue avec Charles-Quint. Un traité de paix fut signé à Crépy en l'Ile-de-France (v. MS. contemporain 7531) et non en Laonnais, le 48 septembre : c’est en partie l’œuvre de Gran- velle, qui négocia le traité au nom de l'Empereur et qui, d’ailleurs, nous en informe au tome III de ses Mémoires. J'en ferai connaître, à l’appendice de cette notice, les arti- cles qui concernent spécialement nos provinces belges. Quatre jours plus tard, le 22 septembre (v. MS.14455 des Olim du parlement de Paris), François I°" fit publier le traité de paix dans la capitale de la France. Le roi, est-il dit dans la publication, pour rassurer les habitants, avait vu, TOME xx. — I'* PART. 18 ( 272 ) par le voyage qu’il venait de faire par-devers l'Empereur, que si jamais il y a paix perpétuelle, celle-ci le serait, et que ledit Empereur avait bien bonne volonté de la garder et entretenir, et que tous deux ils avaient grande affection d'extirper les hérésies de leurs États respectifs. En 1547, le roi François [* mourut. Henri IT, qui lui succéda, détestait Charles-Quint. Les lettres de S'-Morisse (v. MS. 16078), ambassadeur de cet Empereur à la cour de France, le disent formellement. La reine Éléonore, sœur de Charles-Quint et veuve de François I‘, se retira sans douaire et vint auprès de son frère à Bruxelles. Le roi Henri If, voulant attaquer plus directement Charles-Quint que par l'alliance avec la Porte Ottomane, comme l’avait fait son père, traita, le 5 octobre 1551, avec les princes protestants de l'Empire; il ratifia ce traité à Chambord , le 5 janvier 4552. Dans le préambule (v. Di- plomatique de Dumont), les affaires de religion sont lais- sées en dehors du traité; mais les princes protestants, y est-il stipulé, veulent empêcher leur chère patrie, la Germanie, de tomber dans une bestiale servitude, comme l'Espagne. Ils marcheront contre l'Empereur avec l'alliance du roi de France. « Nous avons trouvé bon, y disent-ils, que ce roi s’impatronise des villes de l'Empire qui ne sont point de la langue germanique, à savoir : Cambrai, Toul, Metz, Verdun et autres, et qu’il les gardera comme vicaire du S'-Empire, non-seulement comme ami, mais aussi comme protecteur charitable. » En cette qualité, au commencement de l’année pascale 1552, le roi, à la tête d’une armée dans laquelle il y avait l'élite de ses gentilshommes, passe la Meuse à Commercy, occupe militairement la ville impériale de Toul et le duché de Lorraine : il vient établir son camp devant Metz, ayant ( 275 ) 16 pièces de canon et double canon , 6 grandes et longues couleuvrines, 6 moyennes, 12 bâtardes et 2 paires d’orgues, pièces d'artillerie alors nouvellement inventées. (Voir les Commentaires du sieur de Rabutin,.p. 29, éd. de 1555.) Dans une revue, le 18 avril 1552, il dit à ses gentils- hommes : « Je ne doute plus, à ce que je vois, qu'il ne tiendra qu’à moi, au lieu d’être le protecteur de l’Empire, que je ne me fasse Empereur. » Le roi, selon les Mémoires du maréchal de Vieïlleville, qui était présent, avait l’inten- tion de conquérir tout le territoire de l’ancien royaume d’Austrasie. Un autre ouvrage historique sur la conquête de la pro- vince des Trois-Évéchés a été publié, en 1842, en Alle- magne, dans le recueil intitulé : Historisches Taschenbuch, dont M. Frédéric Raumer est l'éditeur. Cet important mé- moire à pour titre : Der Raub der drei Bisthümer Metz, Tull und Verdun im Jahre 1552, etc.; l’auteur est M. Scherer. On y trouve les explications les plus détaillées sur cette usurpation des Trois-Évêchés, jusqu’à leur cession défi- nitive à la France, en 1648, par le traité de Westphalie. En effet, le roi Henri IT, usant de subterfuge pour oc- cuper militairement la ville libre et impériale de Metz, demande aux magistrats de pouvoir la traverser person- nellement avec les officiers de sa maison. Mais, le 21 avril 1552, au lieu de sa seule maison, il y fait entrer son armée. Le maitre, les échevins et les treize jurés de la ville (voir Dumont) sont admis à lui prêter serment , afin qu’il veuille la prendre en sa bonne protection, sans pré- Judice toutefois, y est-il stipulé en termes formels, aux droits du Saint-Empire. Malgré ce droit, cette ville devint française dès ce moment. Le roi en nomma gouverneur son lieutenant général, le maréchal de la Vieilleville; mais (274 ) celui-ci, comme il le dit lui-même dans ses Mémairee: n’accepla point cet emploi. Il représenta au roi qu’au lieu d'un gouverneur dans une ville où il commençait la guerre pour l'indépendance de l'Empire, il fallait laisser l'autorité au maitre et aux échevins, et leur adjoindre huit capitaines de vieilles ban- des, pour le passage des troupes et le service des vivres. « Car si les États de l'Empire (telles sont les expressions du maréchal de Vieilleville), voient que vous mettez ainsi des lieutenants par les villes où vous passerez, vous per- drez, par ce moyen, Strasbourg, Spire, Worms et d’au- tres, qui sont sur le Rhin. » C'est ce qui arriva; Strasbourg ne voulut point ouvrir ses portes au roi lorsqu'il se présenta devant cette place. Bien plus encore, les trois Électeurs ecclésiastiques du Rhin, lui adressèrent des plaintes sur les dévastations que son armée faisait sur leurs territoires respectifs. Il faut dire cependant que le roi avait donné les ordres les plus sévères pour les empêcher. On lit dans un écrit contem- porain, publié en Allemagne (voir Mémoires de Vieille- ville) : Hostis pro hospite, sub spe et fide protectionis, Germaniam invasit, et prodilorie cum omni perfidia, Me- tim, Tullum, Verdunum olim Sancti Imperü amplissimas el immunes civilales, sibi ascissere ausus est. Pendant cette invasion pour reconquérir l'ancienne Aus- trasie, Marie, reine de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas, ravageait la Picardie avec une armée, ce qui força le roi Henri II de revenir à Paris, après avoir installé, à Metz, un autre gouverneur que le maréchal de Vieilleville. H nomma ensuile, au commencement du mois d'août, le cé- lèbre François de Lorraine, duc de Guise, commandant en chef de toutes les places qu’il avait conquises en Lor- (275 ) raine. La garnison de Metz se composait de 8,500 soldats de troupes d'élite, tant en infanterie qu'en cavalerie : elle était commandée par les plus habiles officiers de France. Je dois citer entre autres Bertrand de Salignac, un des ascendants collatéraux de l'immortel Fénelon. Il a écrit uné relation de ce siége, qui fut imprimée. Le roi envoya aussi à Metz le savant chirurgien Ambroise Paré. Cés préparatifs du roi de France étaient motivés sur ce que l'Empereur, qui était en Allemagne, venait de faire la paix avec les princes protestants, ce qui mécontenta le roi, dont ceux-ci abandonnaient l'alliance, dit le prési- dent de Thou, liv. X, Historia sui temporis. En effet, le 2 août 1552, Ferdinand, roi des Romains, frère de l'Em- peréur, avait signé avec eux le traité de Passau , que l'Em- pereur ratifia le 15 du même mois. Par ce traité, la liberté dé conscience leur était définitivement laissée, et chacun des deux partis conservait les avantages qu'il avait acquis. Par la paix de Passau , l'Allemagne fut tranquille jusqu'à l’époque de la guerre de trente ans, en 1608. L'Empereur étant à Augsbourg, le 1° septembre 1552, écrivait à son frère : « J'ai ratifié ce traité seulement pour votre respect, ce je n’en avais que faire. Je l’ai fait pour le respect des princes de l’'Emyire. » (Voir sa correspondance publiée par M. Lantz, en 1826, t. IV, 485.) Un témoignage de sa bonne foi se trouve au texte de Pontus Heuterus : Templa aliquot protestantibus, aliquot catholicis restiluit. Telle fut sa conduite à Augsbourg. Le 15 septembre, il entre dans Strasbourg; il vint de là à Haguenau et ensuite à Landau, pour se préparer à la grande opération du siége de Metz. Il ne peut aller plus loin que Thionville, y étant retenu par la goutte et ne pou- vant pas même faire usage «le sa main droite pour écrire, (276 ) comme il en fit informer la reine de Hongrie, sa sœur. Il donne le commandement en chef de son armée au duc d’Albe, avec le titre de général. du camp impérial (San- doval, II, 556). Le duc d'Albe avait été, en 1545, capi- taine général de España, mayordomo mayor y del consejo de Estado. Le comte d'Egmond fut placé à la tête d’un corps de troupes. On dit vulgairement que l’armée impériale était de 100,000 hommes; l’ Art de vérifier les dates la réduit à 90,000 hommes; notre honorable collègue, feu M. Dewez, à 60,000 hommes. {Voir son texte de l'Histoire Belgique , et plusieurs autres historiens.) Léti, biographe de Charles-Quint, assure, d'après les rapports les plus désintéressés, dit-il, qu'il y avait 44,000 hommes d'infanterie, 10,000 de cavalerie, et que ce fut seulement, après le commencement du siége, que le mar- quis de Brandebourg arriva avec 20,000 hommes d'infan- terie et 5,000 hommes de cavalerie, ce qui faisait un effectif de 77,000 hommes. Sandoval (p. 536) fait monter l’armée en infanterie, à 6,000 Espagnols, 4,000 Italiens, 49,000 Allemands et Flamands; en cavalerie, à 40,000 chevaux; ce qui fait 59,000 hommes d'infanterie, plus 10,000 de cavalerie. Il y ajoute 5,000 chevaux du train. Il dit aussi qu’il y avait 4,000 quintaux de poudre. Selon Sepulveda, il y avait 46,000 hommes d'infanterie, Allemands et Flamands , 4,000 Italiens, 6,000 Espagnols, 10,000 hommes de cavalerie allemande; il ajoute que le marquis de Brandebourg amena 12,000 hommes d'infan- terie et 1,500 de. cavalerie. M. Worms (voy. p. 507 de son Mémoire) indique 42,000 Allemands, 8,000 Espagnols, 4,800 Italiens, 12,000 hommes des troupes de l'Empereur, total 66,800 hommes, plus 7,000 pionniers et les che- (277) vaux du train. Selon dom Calmet, p. 700, il y avait 14 ré- giments, 165 enseignes de lansquenets , 27 enseignes es- pagnols , 4,600 Italiens, environ 42,000 chevaux et 7,000 pionniers. Il y avait aussi 414 pièces de canon. Toute cette multitude était nécessaire, non-seulement: pour couvrir le siége, mais pour garder la circonvallation de l'attaque sur une ligne de plus d’une lieue, interrompue par deux rivières, la Moselle et la Seille. Je demande la permis- sion de rappeler qu’à cette époque, on ne connaissait que l'usage de la tranchée de première circonvallation, in- ventée par Jules- César, au siége d’Alise, et renouvelée pendant les guerres contre les Anglais, au temps de Char- les VIF; elle ne fut perfectionnée qu’en 1558, au siége de Thionville. Ce n’est qu’en 1675 que Vauban inventa les parallèles pour approcher de la brèche. Les Commentaires du sieur de Rabutin, publiés en 1555, attestent que plusieurs officiers généraux de l'Em- pereur avaient donné le conseil , lorsque l’armée s’appro- chait de Metz, au mois d'octobre, de reprendre d’abord, à cause de la saison qui était très-avancée, toutes les pe- tites places que l’armée française occupait, et d'attendre le printemps pour commencer le siége de Metz. Le duc d'Albe (voy. Sepulveda, if, p. 456) fut presque le seul d'avis de commencer immédiatement le siége : Obsidendi autem consilio dux ipse Albanus pœne solus auctor fuit, idque Carotus per litteras et nuncios probavit. C’est donc au duc d'Albe, comme je l'ai dit en commençant cette notice, qu'il faut attribuer la catastrophe de ce siége, en- trepris intempeslivement. Le 19 octobre, Charles-Quint ne pouvait partir de Thion- ville à cause de sa maladie, mais le duc d’Albe fit investir la place; le duc de Guise fit sortir un corps d’arquebu- (278 ) siers. Il y eut un premier engagement par un temps plu: vieux. L'investissement fut presque complet, ce qui me paraît signifier que la circonvallation fut à peu près ache- vée par les 7,000 pionniers, vers le milieu du mois de novembre. Je ne décrirai pas les opérations de l’attaque et de la défense, qui furent d’une valeur égale de part et d'autre. Je me réfère aux écrits de Salignac, de dom Calmet et de M. Worms, qui avaient une connaissance pratique des localités : je ne dois d’ailleurs rendre compte que des causés et des résultats de ce siége. L'empereur Charles-Quint se fit transporter en litière, le 20 novembre, au camp devant Metz : trois batteries tirèrent, pendant ce mois et tout le mois de décémbre, 13,500 à 14,000 coupe de canon. Le bruit de l'artillerie fut entendu jusqu’à Strasbourg. Avant le siége, le duc de Guise avait fait sortir de la place toutes les bouches inutiles. Il avait fait apporter dans la place tous les vivres qu'il avait fait recueillir jusqu’à trois lieues de distance. Il avait fait démolir, au dehors, cinq abbayes, d’autres édifices et même les plus simples habitations. L’historien Ullon, officier de Charles-Quint, nous apprend (édition de 1575) que dès le commencement du siége, l’armée impériale souffrait de la famine, à cause de la difficulté d'y apporter des vivres et du mauvais état des chemins. En effet, il y avait une transition continue de la pluie à la neige, de la gelée au dégel. L'armée assié- geante, comme je lai dit, devait camper sur une terre humide dans des tentes et des pavillons, pendant les plus courts jours de l’année. Selon le témoignage de l’historien Pontus Heuterus, qui avait, dit-il lui-même, deux de ses neveux à ce siége, une maladie épidémique faisait les plus grands ravages : Milites alvi solutione ac torminum dolori- (279 ) bus correpti, dissenteriam graeci vocant, magno numero interibant. On fait élever vulgairement à 40,000 le nombre des soldats qui moururent de cette épidémie. Sans doute, il y a exagération. Dom Calmet le réduit à 20,000; mais il faut ajouter à cette catastrophe une autre cause de di- minution de l’effectif des troupes, la désertion. Quelques historiens disent, qu'entre autres, les Italiens s’en allaient daws leur pays par bandes de dix à douze hommes. Le 20 décembre, Guillaume de Nassau, prince d'Orange, écrivait de Thionville à sa femme : « J'espère vous trouver bientôt , avec la grâce de Dieu, car on dit que l'Empereur ne le fera guère long devant Metz. (Voy. Groen Van Prins- terer, I, 14.) Le 26 décembre, l'Empereur prit la résolution de lever le siége de Metz. Le duc d’Albe fut enfin convaincu de l'impossibilité de le continuer. His malis, dit Sepulveda, indies augescentibus , Carolus qui de rebus omnibus certior quotidie fiebat, et Albanus quamquam re infecla, ad instar mortis effigiem discedere videbantur, tandem necessitati el tempori cedendum esse constiluerunt. Le 28 décembre, le feu des batteries impériales se ralen- tit. Il n’y avait que 15 pièces de canon qui tiraient. L’'Em- pereur commanda une fausse manœuvre pour simuler un changement de batteries; c'était en réalité pour cacher les préparatifs de la retraite. A onze heures du soir, le 1* janvier 4555, et le lendemain 2 janvier, le siége fut abandonné pendant deux nuits très-obscures , chose facile à vérifier, car l’épacte 25 donnait 24 et 25 pour les jours de l’âge de la lune après le dernier quartier, selon le comput de l’Art de vérifier les dates. La retraite se fit en bon ordre; les malades furent embarqués sur la Moselle; ils descendirent cette rivière et le Rhin, et furent dislo- ( 280 ) qués dans les provinces des Pays-Bas, en aval de ce fleuve. Toute l'artillerie revint à Thionville, place forte où l'on pouvait la défendre. L'Empereur y fut transporté. Le comte d'Egmont était à l’arrière-garde, le duc d’Albe marchait le dernier avec le marquis de Brandebourg. Mais beaucoup de malades préférèrent rester dans les tentes. Lorsque l’armée impériale se fut retirée, deux soldats italiens se présentèrent à une des portes de Metz. Ayant été introduits, ils en informèrent le duc de Guise. Ce prince ayant fait reconnaître l'exactitude de leur récit, fit recueil- lir avec humanité et transporter dans la place, les malades épars dans le camp abandonné. Il fit enterrer les cadavres, qui avaient augmenté l’intensité de l'épidémie, en infec- tant l’air pendant les brumes des longues nuits de l'hiver. APPENDICE. J'aurais trop interrompu le récit des conditions du traité de Crépy, conclu le 48 septembre 1544, si j'en avais donné les détails qui concernent spécialement la Belgique. Je dois en faire la reprise, d’après le texte contemporain de ce traité, qui est le manuscrit 7581. Cet acte diplomatique , en partie l’œuvre de Granvelle, comme je l'ai dit, est explicatif de ce qu’il y avait de dou- Leux aux traités de Madrid, en 1526, et de Cambrai, en 1529. On à eu la sagesse de n'y faire aucune mention du duché de Bourgogne, dont la restitution était devenue im- possible. En ce qui concerne nos provinces, les historiens en ont parlé trop succinctement, Il y fut stipulé : 1° Renonciation définitive des fiefs et hommages tenus en pairie de la couronne de France, et de tout autre droit quelconque, sur les comtés de Flandre , d'Artois, de bour- (281) gogne, de Charolais, sur Tournay et le Tournaisis, sur Lille, Douay et Orchies. (Ces trois domaines, depuis Île XII° siècle, avaient été un objet de contestation); renon- ciation à la cité d'Arras, qui relevait directement de la cou- ronne; enfin, renonciation de François [°° aux droits sur la succession de Gueldre et Zutphen. > Abolition confirmative du traité de Cambray en 1529, concernant tout droit d’aubaine en France, et avec le maintien de tous les octrois et priviléges pour les sujets, manants et habitants des dix-sept provinces des Pays-Bas. Elles sont nommées, dans ce traité, selon le formulaire de la chancellerie, des pays de par deçà. Ce traité, confirmé une seconde fois par la paix de Verviers en 1598, était encore en vigueur à l’époque de 1789. Le droit d’aubaine à été défini- tivement aboli, par l'article 28 du traité de Paris, en 1814. 5° Le mariage à célébrer après une année entre Char- les , duc d'Orléans, second fils du roi François I‘, jeune prince dont nous avons fait mention ci-dessus , âgé alors de 22 ans, et Marie, infante d'Espagne, fille ainée de Charles-Quint. Elle avait alors 46 ans; mais l'Empereur se réservait, pendant quatre mois, l'option de donner en ma- riage, au lieu de l’infante, l’archiduchesse Anne, sa nièce, seconde fille de Ferdinand, roi des Romains. La sœur ainée avait épousé, en 1545, le roi de Pologne. L’Empe- reur devait donner à sa nièce, pour ce mariage, le duché de Milan : mais il préféra donner sa fille au duc d'Orléans, comme les explications qui vont suivre le démontrent suffisamment. Le duc d'Orléans devait obtenir de François [*, pour apanage, les duchés d'Orléans, de Bourbon, d'Angoulême, de Châtellerault, et si leur revenu net ne s'élevait pas à 100,000 livres, le duché d'Alençon y serait ajouté. (282) L'Empereur devait donner à sa fille et à son futur époux lé gouvernement des dix-sept provinces des Pays-Bas, sous son autorité suprême et son bon plaisir. Après son décès, ils en auraient eu la souveraineté sans restriction et trans- missible à leurs descendants. Il me semble que cet article a servi de modèle, en 1598, pour la cession des Pays-Bas à Albert et Isabelle; mais l’acte restrictif de Philippe IT reconnaît la suzeraineté de l'Espagne, tandis que l'acte du traité de Crépy, en 1544, reconnaissait l'indépendance perpétuelle des Pays-Bas. On ne peut douter que l’'Empéreur ait eu bien réelle- ment l'intention dé faire ce mariage, car, le 19 septembre, dès le lendemain de la signature du traité de Crépy, le jeune duc d'Orléans accompagna l'Empereur qui allait à Cambray. Le 25, ils y furent reçus par la reine de Hon- grié, gouvernante des Pays-Bas; le 25, l'Empereur partit pour Valenciennes d’où il se rendit à Bruxelles, et le duc d'Orléans vint à Péronne et ensuite à Paris. Quelques jours plus tard, ce jeune prince arriva à Bruxelles; il était accompagné de sa belle-mère, Éléonore, reine de France, sœur ainée de Charles-Quint; célui-ci fit réunir toute sa famille en cette ville auprès de sa personne. Les mois d'octobre et de novembre s’y passèrent en fêtes et en plaisirs, entre autres dans des parties de chasse à la forêt de Soigne. Vandenesse, qui en a tenu un journal très- détaillé, dit aussi que les états des pays de par-deçà s’as- semblèrent, le 4 novembre, à Bruxelles, mais il n'indique point ce qu'on y traita. Au mois de décembre, l'Empereur se rendit en Flandre. Au commencement de l'année 1545, il partit pour PAHe- magne, Sa présence y était nécessaire, parce qu'avant la guerre, comme je l'ai dit ci-dessus, le roi François F* (285) avait fait alliance avec Soliman IT, sultan des Turcs, qui devait attaquer la Hongrie et qui se préparait à cette in- vasion. Mais, le 9 juin, l'Empereur étant à la diète de Worms, y reçut en grande solennité, les ambassadeurs de François I”, qui devenait médiateur, pour empêcher la guerre que Soliman voulait commencer. On voit dans la correspondance de Charles-Quint, publiée par M. Lantz, en 1846, les lettres que le roi de Hongrie écrivait à So- liman pour maintenir la paix; on y voit, par d’autres let- tres, les bons offices que le roi François I° ordonnait à son ambassadeur à Constantinople en faveur de l’'Empe- reur et du roi de Hongrie. Le 25 juin (voir MS. 16078), l'Empereur écrivait à S'-Mo- risse, son ambassadeur à Paris, pour témoigner sa satis- faction concernant l'augmentation de l'apanage qui venait d’être accordé au duc d'Orléans. Mais ce jeune prince, troisième fils de François [*, mourut le 9 septembre de la même année 1545, d’une fièvre maligne, dans un village qui était infecté de cette épidémie. Cependant l'historien Sandoval prétend qu'il fut empoisonné par Catherine de Médicis, qui avait aussi, dit-il, fait empoisonner le dauphin, appelé François, en 1556. Son mari, second fils de François [°, devint alors dauphin, il fat le roi Henri IF. Quoi qu'il en soit, le roi François [°° envoya une ambassade à Charles-Quint, pour linformer de la mort du due d'Orléans, et pour demander que, malgré leurs espérances déçues, leurs relations d'amitié fussent continuées, ce qui fut accordé. C’est une nouvelle preuve que le mariage du duc d'Orléans avec l'Infante de- vait bien réellement s'effectuer et aurait fait le bonheur de nos provinces. (284) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 5 février 1855. M. Rogzanpr, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, Joseph Geefs, Erin Corr, Snel, Partoes, Éd. Fétis, J. Van Eycken, membres; Calamatta, associé; De Busscher, Bosselet, Balat, correspondants. CORRESPONDANCE. M. Balat, récemment nommé correspondant de l’Acadé- mie , exprime ses remerciments à la classe. — M. le Ministre écrit qu'il se « propose de soumettre au Roi, très-prochainement, un arrêlé tendant à allouer sur le fonds destiné à l’encouragement des beaux-arts, la somme de 1,200 francs comme prix extraordinaire à pro- poser pour la question mise au concours par la classe des beaux-arts, savoir : « Quel est le point de départ et quel » a été le caractère de l’école flamande de peinture sous » le règne des dues de Bourgogne? Quelles sont les causes » de sa splendeur et de sa décadence? » ( 285 ) Le prix se composerait donc de 1,200 francs, ajoutés à la médaille académique (600 fr.). — M. Je Ministre de l’intérieur communique deux let- tres de MM. Bal et Carlier, lauréats des grands concours de l’Académie royale des beaux-arts d'Anvers. M. J. Bal témoigne le désir de pouvoir prolonger de trois mois son séjour à Rome, pour l'achèvement de sa gravure d’après le tableau de M. Gallait : la Tentation de saint Antoine. M. Carlier, lauréat du concours de peinture, rend compte de ses impressions à Rome, et promet, pour cette année, un tableau dont il n'indique pas le sujet. —— M. Petit de Rosen exprime le désir de voir prendre un dessin exact du médaillon sculpté en ivoire qu'il a dé- crit dans une notice communiquée précédemment à FAca- démie. RAPPORTS. Ù Sur une messe de morts composée par M. Gevaert. Rapport de M. Fétis. « L'ouvrage soumis à l'examen de la classe par M. le Ministre de l’intérieur, et qui porte le titre de Missa pro defunctis, auctore F.-A. Gevaert, n'a paru digne d’atten- tion, en ce qu'il rompt avec les habitudes du style drama- tique qui se sont introduites dans la musique d'église ( 286 ) depuis plus d’un demi-siècle, et qui sont arrivées jusqu’à l'abus dans ces derniers temps. L'auteur s’est proposé de donner à sa composition le caractère à la fois austère et triste réclamé par le sujet : son intention, à cet égard, est très-digne d’éloges; mais la voie dans laquelle il s’est en- gagé était-elle la meilleure pour atteindre son but? C’est ce que je vais examiner. Jusqu'à la fin du XVI° siècle, la musique religieuse a été ce qu'elle doit être, c’est-à-dire l’expression simple, dévote et dépouillée de passion des sentiments qui nous portent à prier. Son principe tonal, plus encore que ses formes accidentelles, lui donnait ce caractère; car la tonalité de toute musique était alors celle dans laquelle se formulè- rent les chants des premiers chrétiens, celle qu’on entend encore dans le chant ecclésiastique. Plus tard, lorsqu'un accord nouveau introduit dans l’harmonie eut créé pour l’art une tonalité nouvelle, des attractions de sons aupa- ravant inconnues, et des accents propres à exprimer les passions, la musique d'église subit à son tour l'invasion de ces nouveautés, et son ancienne austérilé disparut. Pales- trina avait été le plus grand des compositeurs de musique d'église : il fut le dernier ; car la transformation de l'har- monie et de la tonalité se fit immédiatement après lui. Insensiblement les messes, les motets, les psaumes même se rapprochèrent des formes de l’art nouveau; cependant ce ne fut que vers le milieu du XVIII: siècle qu'une sorte de tendresse mystique, s’emparant des artistes, leur fil donner à l'expression de l'amour divin de l’analogie avec celle de l'amour terrestre. Les litanies de Durante, le Stabat Mater de Pergolèse et le Miserere de Jomelli mar- quèrent le point de départ dans cette direction de la musique religieuse. Je ne parle pas de la dégradation où ( 287 }) tomba ensuite cette musique, par la condescendance qui porta les compositeurs à écrire, pour des chanteurs ha- biles, des solos surchargés de fredons et de roulades où les textes sacrés et la musique étaient en opposition mani- feste. Les plus grands maîtres ne résistèrent point à cet entraînement : leur faiblesse fut la cause de la ruine totale du style religieux. Mozart, qui, lui-même, n’était pas à l'abri de tout re- proche à ce sujet, ayant subi dans sa jeunesse la fâcheuse influence du mauvais exemple; Mozart, dis-je, obéissant à ce sentiment exquis du beau, qui lui fit enfanter tant de chefs-d'œuvre dans les treize dernières années de sa vie, donna tout à coup le modèle de la musique d'église la plus suave, la plus pure, la plus parfaite qui püt exister dans la tonalité moderne : ce modèle précieux est l’Ave verum à quatre voix avec un simple quatuor d'accompagnement. Dans sa célèbre messe de requiem, que la mort ne lui donna pas le temps d'achever, il eut encore de ces inspi- rations, bien qu’il y ait cédé davantage au penchant dra- matique. Après lui, ce penchant s’est développé de plus en plus. A la multiplicité des harmonies attractives et des accents passionnés sont venus s'ajouter tout le luxe de linstrumentation moderne, tout le fracas de notre bruyante époque. Le drame et ses écarts ont été transportés dans le sanctuaire, et la prière n’a plus été qu’un prétexte pour la libre allure d’une musique sans but. C'est en opposition à cet égarement que M. Gevaert paraît avoir conçu sa messe de morts. Son chœur n’est composé que de ténors et de basses; le violoncelle et la contre-basse forment toute l’instrumentation de l'Introit, du Kyrie, de l’Offertoire, et du Pie Jesu; deux trompettes et trois trombones s’y réunissent dans la Prose, dans le TOME xx. — J'° parT. 19 ( 288 } Sanctus et dans l’Agnus Dei. Il y a peu de ressources dans de semblables combinaisons; car le compositeur y est privé des heureuses oppositions des voix blanches d'en- fants de chœur ou de femmes aux voix d'hommes, et l'orgue, qu'on peut appeler le véritable orchestre de la musique d'église, ne s’y fait pas entendre. Le compositeur s’est donc créé lui-même l'obstacle presque invincible de la monotonie. L'objet important que M. Gevaert parait s'être proposé, c'est de transporter les formes de la musique du XVF siècle dans la tonalité moderne, et c’est, en même temps, de mettre çà et là en opposition ces deux tonalités. Je crois qu’en cela il s’est trompé; car la mélodie, qui est le carac- tère distinctif et la conséquence de notre tonalité, ne peut trouver de place dans ces formes ni dans cette opposition. De là l’absence absolue du charme mélodique dans toute l'œuvre de M. Gevaert; absence sur laquelle le composi- teur n’a pu se faire illusion, et qui paraît même être entrée dans son plan. M. Gevaert fait un usage très-fréquent de ces passages d’un ton à un autre sans analogie par des accords parfaits plaqués, au moyen desquels plusieurs maîtres du XV! siècie essayaient de suppléer à la modula- tion que ne pouvait leur donner l’ancienne tonalité. Ce moyen est sans objet dans notre musique. Quelques com- positeurs modernes, Lesueur entre autres, en ont pour- tant usé dans leur musique d'église, afin d'en tirer un effet original; mais ils n’ont abouti qu'à l’étrangeté. Ce n’est pas que, dans un cas exceptionnel, on ne puisse, comme moyen de variété, ou pour une expression par- ticulière, user de ce moyen de transition; mais on en doit être avare comme de tout ce qui manque de charme. L'incertitude du ton était la conséquence naturelle de la ( 289 } tonalité du plain-chant appliquée à la musique; mais habi- tués que nous sommes à notre tonalité déterminée, cette incertitude nous est antipathique. Or, je la trouve partout dans la messe de M. Gevaert. Cet inconvénient, l'absence de mélodie, la monotonie qui résulte inévitablement de l'emploi constant des mêmes espèces de voix, sans oppositions, le retour fréquent des mêmes effets avec une instrumentation trop bornée, voilà ce qui m’a frappé dans l'examen de la messe de M. Ge- vaert. Et pourtant cet ouvrage est celui d’un artiste déjà très-habile dans l’art d'écrire; on y remarque une grande intelligence de distribution, une adresse singulière dans l’agencement des voix , un certain caractère de grandeur et de gravité, réunion de qualités qui prouvent que l’auteur ne s’est trompé que dans le choix du système de son ouvrage. Avant de terminer, je crois devoir prévenir des objec- tions qui pourraient m'être faites concernant l'opinion que je viens d'émettre. On pourra me dire : vous regrettez la musique d'église de Palestrina, et vous considérez la gra- vité de son caractère et de ses formes comme le plus convenable pour ce genre de musique : pourquoi ne voulez- vous donc pas qu’on s’en rapproche autant qu’il est possi- ble, et qu’on fasse alliance des propriétés de cette ancienne musique et de celles de la musique moderne? Je réponds qu’on peut aimer le passé, l’admirer et jouir avec délices de ce qu’il a produit, mais qu’on ne le refait pas. Quant à Palliance des propriétés de l’ancienne musique et de celles de la musique moderne, je dis qu'on ne peut pas plus faire la synthèse de choses qui s’excluent par leur propre nature qu’on ne peut faire celle du jour et de la nuit. La tonalité moderne créée par l'harmonie, dans les dernières ( 290 ) années du XVI siècle et au commencement du XVIF, est antipathique à l’ancienne : elle a donné naissance à un art nouveau : c'est dans les conditions de cet art qu’il faut chercher une musique religieuse nouvelle. Que si l’on met en doute la possibilité de son existence dans les attrac- tions harmoniques et avec le caractère mélodique de cet art nouveau, je répondrai que le problème a été résolu par Mozart dans son Ave verum, et que ce grand homme à montré la route qu'il faut suivre pour arriver à la perfec- tion , autant qu’il ést donné à l'humanité de l’atteindre. Je conclus à ce qu'il soit donné des éloges à M. Gevaert pour l’habileté dont il à fait preuve en écrivant sa messe dans des conditions désavantageuses , ét à ce que la classe prie M. le Ministre de l’intérieur de lui communiquer ce rapport, afin de fixer son attention sur les points princi- paux de la critique. » Ces conclusions, auxquelles se sont ralliés les deux au- tres commissaires, seront transmises à M. le Ministre de l’intérieur avec le rapport de M. Fétis. Sur la partition manuscrite d'un opéra en 5 actes intitulé LE COMTE DEGMONT. Rapport de M. Félis. « Si l’on en juge par l'aspect général de la partition, l'opéra soumis à l’examen des commissaires désignés par la classe des beaux-arts est l'ouvrage d’une personne qui a l'habitude d'écrire pour la musique militaire, et qui con- (291 ) naît les combinaisons d'instruments à vent, mais qui a fait peu d’études d'harmonie, car cette composition ne se distingue ni par la pureté du style, ni même par le sen- {iment d'une bonne basse harmonique. La partition du Comte d'Egmont n’est pas dépourvue de mélodie; malheureusement cette mélodie est souvent vulgaire ; elle est d’ailleurs presque partout étrangère à . l'expression dramatique, ei remplie de répétitions fasti- dieuses. Le récitatif, qui, souvent se prolonge sur l’intonation d'une seule note, est la partie la plus défectueuse de lou- vrage, parce que, d’une part, il est entaché de monotonie; que, de l’autre, les intonations y sont souvent opposées au sentiment d'une bonne déclamation , et parce qu’enfin, ses accompagnements manquent d'effet et de variété. Au résumé, la partition du Comte d'Egmont ne peut être considérée que comme l'œuvre d’une personne dont les études musicales ont besoin d’être rectifiées, et dont l’inex- périence de l'effet scénique est absolue. Il m'est donc im- possible de lui donner mon approbation. » Les conclusions de ce rapport, auxquelles ont souscrit les deux autres commissaires, seront communiquées à M. le Ministre de l'intérieur. (292 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Le livre de la corporation des peintres et sculpteurs gantoïs. (1558 à 1559 — 1574 à 1712). Notice de M. Edm. De Busscher, correspondant de l’Académie. Les plus vieux documents relatifs aux corporations, gildes ou confréries de peintres et sculpteurs des diverses villes de la Belgique ne nous renseignent guère plus loin que le XV° siècle. La gilde de S'-Luc d'Anvers, la plus ancienne peut-être du pays, ne sort, pour nous, de l'obscu- rité qui l'environnait, qu'en 1454, grâce aux investiga- tions historiques du baron Van Ertborn (1). La confrérie de Bruges ne nous apparaît également que vers le milieu du XV° siècle, et, de la corporation de Gand, nous ne connaissions, pour ainsi dire, que l'existence; nous avions perdu de vue le peu de renseignements artistiques men- tionnés par les auteurs qui ont écrit sur la riche et glo- rieuse cité flamande. Et cependant, depuis plusieurs années se conservait au dépôt des archives communales de Gand un document plein d'intérêt pour l’histoire de l’art plastique dans les Flandres. C’est le livre original ou registre de la corpora- tion gantoise des peintres et sculpteurs, qui nous donne, (1) Geschiedkundige aenteekeningen aengaende de S'-Lucas gilde en de Rederyk kamers van den Olyftak, de Violieren en de Goudbloem fe Antwerpen, door J.-C.-E. baron Van Ertborn. — Antwerpen, 1822. ( 295 ) de 1358 à 1559, c'est-à-dire jusqu à la suppression des priviléges des corps de métiers de Gand, après l'insurrec- tion de 1558-1559 , et ensuite depuis la réorganisation de la corporation en 1574 jusqu'à 1715, à quelques lacunes près , la liste des doyens, jurés et francs-maitres du métier, ainsi que les statuts organiques, les ordonnances règle- mentaires et des annotations concernant certaines contra- ventions ou dérogations aux priviléges et franchises de la corporation. Ce MS., de format petit in-folio, provient de la biblio- thèque Delbecg. et porte sur la feuille de garde l'inscrip- tion suivante : « Monsieur Jacques Clemens, chanoine de l'église de » S'-Bavon, était de son temps le protecteur prononcé des artistes peintres et sculpteurs à Gand. Il conservait dans sa belle et riche collection de tableaux, de sculptures et de manuscrits, le livre qui autrefois appartenait à la corporation des peintres de la ville de Gand. Monsieur Dominique-Bernard Clemens, son frère, aussi posses- seur d’une grande et belle collection de tableaux, reçut ledit livre des mains de son frère, en 1777. Ce manu- scrit intéressant n'a point figuré dans la vente des tableaux et des livres de feu M. Dominique-Bernard Clemens, tenue le 2 juin 1788. » Cette déclaration à été donnée par Dominique Mee- resone, ayant été au service de feu M. le chanoine Clé- » mens. EE VV YOU Ov v v » Signé : J.-B. DELBECQ. » Nul autre livre de la corporation gantoise des peintres et sculpteurs ne nous étant connu, il résulte de la déclara- tion et des détails recueillis par M. Delbecq, que l'authen- ticité et l'origine du document qui va nous occuper ne ( 294 | laissent aucun doute. Nous pouvons accepter comme véri- diques les renseignements qu'il nous transmet. La corporation des peintres et sculpteurs gantois, comme la plupart des gildes et confréries artistiques, s’était mise sous le patronage de saint Luc. Une miniature sur par- chemin, qui semble peinte vers la fin du XVF siècle, est placée en tête du volume, et représente le saint évange- liste. Au bas de la miniature se voit le blason de la cor- poration gantoise: d’azur aux trois écus d'argent 2 et 4 (1). Les auteurs qui ont écrit sur l’histoire de la peinture et de la sculpture en Belgique, ou qui ont publié des dietion- naires des peintres et sculpteurs, ne remontent que jusqu’au commencement du XV° siècle, et encore, leurs données sur ces premiers temps ne sont souvent que des hypothèses ou des inductions. Le livre de la corporation gantoise des peintres et sculpteurs recule cette limite de plus d'un demi-siècle pour la capitale de l’ancienne Flandre. Nous y trouvons la série complète des doyens et des jurés du métier, les noms de tous les maîtres-peintres et sculpteurs à qui fut accordée la franchise de profession dès 1358. Malheureusement, depuis cette époque jusque vers la fin du règne de la dynastie de Bourgogne, en Flandre, la majeure partie des artistes enregistrés nous sont aussi inconnus que leurs œuvres. Il y a impossibilité de distin- guer les peintres de tableaux des peintres décorateurs; les miniaturistes des enlumineurs, les simples sculpteurs des statuaires ou tailleurs d'ymaiges, ainsi qu'on les nommait alors. Sans doute, il dut y avoir parmi eux bien des artistes de mérite, bien des noms que l’on pourrait mettre au bas (1) Les armoiries de la gilde des peintres d'Anvers étaient, selon le baron Van Erthorn , de gueules aux trois écus d'argent, (295 ) de ces vieilles toiles, de ces antiques panneaux où se ré- vèle déjà la lueur qui précéda l’aurore de l’école flamande. Mais nous devons renoncer, pour le moment, à les tirer de leur obscurité ; le livre de la corporation gantoise ne nous présente n1 directement, ni indirectement les indices qu’il nous faudrait pour nous guider dans ce chaos. Néan- moins, comme il est bon d'y appeler la lumière, la nomen- clature des peintres et sculpteurs de 1558 à 1559 sera publiée dans les Annales de la Société royale des beaux-arts et de littérature de Gand, avec des notes explicatives de M. Félix de Vigne. Ces notes ne se rapporteront qu'aux XV° et XVI siècles; toute la seconde moitié du XIV* siècle restera dans l'ombre. A défaut d'éclaireissements sur la vie et les productions des artistes peintres et sculpteurs qui au XIV° siècle ap- partenaient, en qualité de francs-maîtres, à la corporation gantoise, le manuscrit nous initie aux us et coutumes du mé- tier. Il nous donne les statuts organiques d'avant et d’après la concession Caroline. Le premier règlement (Oerden ofte schickinghen in den ambochte van de scilders ende beelt- snijders binnen Ghendt), règlement octroyé par le collége échevinal, est daté de 1558, sous la magistrature de Jean Speliaerts, premier échevin du banc de la keure, le mer- credi avant la Toussaint. Ce document n’a aucune analogie avec les statuts des autres corps de métiers, lesquels, non- seulement à Gand, mais dans toutes les villes flamandes, semblent, dans leurs stipulations, procéder du même type. Il est très-court et tout à fait inhérent à la double profes- sion plastique (1). En voici les dispositions essentielles : (1) Une ordonnance relative au choix du doyen, des jurés, et aux épreuves de maîtrise, a dû précéder ou accompagner ce Règlement de novembre 1538, ( 296 ) 4° Nul n'avait droit à la profession dans le métier des peintres et sculpteurs gantois, ni d’y être reçu franc-maître, s’il n'était domicilié dans la ville de Gand; 2 Le franc-maitre payait à la corporation, lors de sa réception , six livres de gros; aux doyen et jurés, lors du banquet annuel, huit escalins de gros. En outre, il faisait don au métier d'une coupe d’argent , du poids d’une once de Troyes, à bords dorés et le fonds orné des armoiries du métier ; 3° Tout franc-maitre aflilié à la corporation devait sup- porter sa quote-part des frais et charges du métier, sous peine, en cas de refus, d’une amende de trois livres parisis ; | 4# Tout peintre ayant droit de profession était tenu d'employer tant sur pierre , que sur toile et sur panneaux, avec ou sans volets, de la couleur de chair fincarnadine) , de bonne qualité {goede lijfverwe ); en cas de contraven- tion, il était passible d’une amende de dix livres parisis; 5° Quiconque avait fait usage, sur pierre, toile ou pan- neaux, d’or et d'argent faux, voyait son œuvre confisquée et payait une amende de dix livres parisis; 6° Toute œuvre où devaient être employés de l’azur et du sinople (bleu et vert) fins, et que les experts décla- raient de médiocre qualité, attirait sur l'artiste une amende de dix livres parisis; 7° Nul sculpteur ne pouvait travailler, ni laisser tra- vailler du bois à aubier ou à nœuds pourris (vorte weeren), sous peine d’une amende de trois livres et onze escalins parisis. [l recevait de plus, pour ce fait, une réprimande en chambre des échevins de la keure. En vertu d'une disposition ultérieure, mentionnée au livre de la corporation à l’année 4339, les maîtres étran- ( 297 ) gers demeurant à Gand, mais n’y ayant point franchise de profession , payaient au métier, pour l’acquérir , dix marcs d'argent, poids de Troyes. En 1465, il fut décidé, par le haut bailli et le collége échevinal, que les enlumineurs (verlichters met de penne) ne payeraient , pour la franchise de profession, que le quart de la rétribution exigée des peintres (scilders met den pencheele ). — F leur était expressément défendu d'exécuter des miniatures destinées aux missels ou autres livres, cette spécialité artistique appartenant aux peintres. Ces diverses dispositions réglementaires , eu égard sur- tout à leurs dates certaines et authentiques, répandent déjà quelque clarté sur les travaux et la valeur des artistes qui composèrent à cette époque reculée la corporation gantoise. Ainsi, la cotisation d'admission des maîtres : six livres de gros à la corporation , huit escalins de gros pour le ban- quet d'élection des doyen et jurés; puis le don d’une riche coupe d'argent, l'obligation de coopération dans les frais et charges civiques du métier, et le taux réellement élevé des amendes , indiquent assez, nous semble-t-il, que ces maîtres occupaient une certaine position parmi la bour- geoisie. Les stipulations concernant les couleurs à employer sur la pierre , sur la toile où sur panneaux, avec ou sans volets, sous peine de dix livres parisis d'amende, prouvent évi- demment qu'il s’agit ici de peintres de tableaux et non de peintres décorateurs. Cette assertion est corroborée par la disposition suivante, qui prescrit la confiscation de l'œuvre où il avait été fait usage d’or ou d'argent de bas aloi. La même observation s'applique aux sculpteurs : pour eux , il v a non-seulement l'amende, mais encore la ré- ( 298 ) primande en chambre échevinale (1). Et d’ailleurs, la dési- gnation de beeltsnijdere ne peut s'entendre que de sculp- teurs-statuaires. Dans ce temps-là, beaucoup de travaux de sculpture en bois proprement dite s’exécutaiént par d'habiles menuisiers {schrijnwerkere). Plus d’un de ces beaux meubles que nous admirons, de ces meubles dé- corés de guirlandes de feuillages, de fleurs et de fruits, ou ornés d'animaux fantastiques et de gracieuses figurines, sont non l'œuvre d’un artiste, mais l’ouvrage d’un artisan, C'est qu’alors, l’on n’était admis à la maîtrise qu'après avoir prouvé son habileté par une pièce de réception : « een meesterstuc, » une œuvre de maître. C’est qu’alors le ma- gistrat veillait aussi aux progrès des arts et de l’industrie communale et à la réputation des métiers : leur renom faisait la richesse commerciale de la cité. Que le métier des peintres gantois n’ait point formé école , c'est ce que nous ne pouvons méconnaitre, puisque nous n’en trouvons nulle trace; mais que ce fut simple- ment un métier, dans le sens attaché aujourd'hui à cette désignation, nous croyons être en droit de ne pas l'ad- mettre. De 1538 à 1410, époque assignée à l'invention de la peinture à l’huile, et où l'on place d'ordinaire Hubert et Jean van Eyck à la tête de l'École flamande, le livre de la corporation des peintres et sculpteurs gantois nous trans- met les noms de 251 peintres et 29 sculpteurs-statuaires qui obtinrent à Gand la franche maitrise. Dans cette pre- mière partie de la liste générale, comprenant une période (1) Le texte des statuts organiques de 1538 dit : « De boete ..… ende cor- rectie, » sans plus. Un règlement subséquent (1547) est plus explicite : « De boete...,. ende correctie van Scepene. » ( 299 ) non interrompué de soixante et douze ans, il n'y a que bien peu de noms qui ne nous soient pas inconnus. Et encore, ceux que nous pourrions citer ne devraient l'être en quel- que sorte qu’à cause de leur homonymie ou de leur parenté présumée avec des artistes mentionnés plus tard, et non par suite de la connaissance que nous avons de leurs pro- ductions. | Tels sont, par exemple, Hugues van Goes, reçu franc- maitre peintre en 1595, et Liévin Goes ou van Goes, maître peintre en 1401, juré en 1412, doyen en 1419, qu’on peut présumer être, l’un, l’aieul, et l’autre, le père de Hugues vander Goes, élève de Jean van Eyck vers le mi- lieu du XV° siècle, et qui dirigea à Gand, en 1467, les s0- lennités de la Joyeuse-Entrée de Charlesle Téméraire; Jean de Mabuse, admis franc-maitre peintre à Gand en 1404, que l’on peut croire l’aïeul de ce Jean de Mabuse, nommé aussi Jean Gossaert, dit de Mabuse ou Maubeuse, qui donna au sculpteur gantois Jean de Heere les dessins du mau- solée à élever dans l’oratoire de l’abbaye de S'-Pierre à Isabelle d'Autriche, l'infortunée reine de Danemark, morte en exil en 1526, au château abbatial de Zwynaerde lez- Gand. Dans cette liste nous trouvons plusieurs quasi-homo- nymes des célèbres inventeurs de la peinture à l'huile, Rase van Eecke, franc-maitre peintre en 1544 , juré en 1549, doyen en 1551; Jacques van Eecke, son fils, maître peintre en 1570, juré en 1575; Jean vanden Eecke, maître-peintre en 1558 , juré en 1566. Certes , nous ne les mentionnons pas dans l'intention d'établir ici quelque de- gré de parenté entre ces Van Eecke, ou ces Vanden Eecke et les illustres frères Van Eyck, nous augmenterions très- probablement le nombre des méprises et des erreurs que ( 300 ) de semblables homonymies, rencontrées dans les vieux do- cuments, et trop avidement recueillies, ont occasionnées. Du reste, la liste des artistes peintres et sculpteurs de la seconde partie de la série générale, celle qui commence à 1410, nous offre, à l'égard d’Hubert et de Jean van Eyck, dans une note expresse, un renseignement aussi curieux que précis. Ces deux grands peintres, qui habitèrent à différentes reprises la ville de Gand, ne sont point cités parmi les francs-maitres affiliés à la corporation gantoise, et partant ne figurent sur la liste ni comme jurés, ni comme doyens. Mais en 1421, à l'époque, sans doute, où ils travaillaient déjà pour Josse Veydt au magnifique tableau de l’Agneau pascal, ce chef-d'œuvre renommé que l’on voit encore dans toute sa beauté, et presque dans sa fraicheur pre- mière, à l’église de S'-Bavon, le métier leur conféra spon- tanément la franchise de profession dans la métropole des Flandres. C'était à la mort de Michelle de France, première femme de Philippe le Bon, et pour honorer en même temps la mémoire de la jeune princesse, si vivement regrettée, et le talent des deux illustres maîtres qu’elle chérissait (4). Touchant et pieux hommage envers la souveraine, ma- nifestation éclatante, témoignage d'estime inusité envers les chefs-peintres de l’époque. Aucun artiste étranger ne pouvait, sans contrevenir (1) Et quelle noble simplicité dans la note consignée au livre du métier: « Int selue jaer starf vrouw Michiele, ghesellenede van hertoghe Phi- Lips; omme hare doodt was binnen Ghent grooten rouwe. Hubrecht en Jan, die sij zeer lief hadde, schonk den ambochte vrijdomme in schil- deren. » ( 501 ) aux priviléges octroyés à la corporation par les comtes de Flandre, exercer à Gand sa profession avant d'y avoir ac- quis la franchise. [Il était également défendu aux mar- chands étrangers d'y exposer ou vendre des tableaux et objets d'art, sans autorisation du métier, sauf durant la foire libre de la mi-carême. Cette autorisation s’accordait quelquefois , sous condition de payer une somme plus ou moins forte, pour l'entretien de la chapelle de la corpo- ration. Lorsqu'un maître étranger ou un artiste de la ville même y exerçait son état de peintre ou de sculpteur sans avoir obtenu la franchise de profession, les doyen et jurés de la corporation portaient plainte devant les échevins. Ils re- quéraient, en vertu de leurs priviléges ad hoc, la fermeture des ateliers ou des magasins, et la cessation immédiate de la profession du contrevenant , sous peine d'exécution forcée, de confiscation, de condamnation aux frais de la poursuite et au payement de dommages-intérêts. La corpo- ration , soigneuse des intérêts communs, jalouse de la ré- putation du métier, de ses droits et franchises, ne tolérait aucune contravention. Nous pourrions rappeler plusieurs sentences échevinales rendues sur de pareilles plaintes. En 1452, Philippe le Bon augmenta encore les préro- gatives du métier. Par un de ses octrois, 1l décida que tout membre qui n’exerçait point ou ne faisait point exercer sa profession, ne pouvait être revêtu d’un office dans la corpo- ration (1). Le duc n’aimait pas les sinécures. La série de 1410 à 1559 comprend 562 peintres et 47 (1) « Hertoghe Philips gaf schone privilegien de ambochte vander schilderen, Le wetene dat de ghuene die dambochte niet en doen oft doen doen, gheene ofjicien int let vander schilderen zullen hebben. » ( 302 ) sculpteurs, ce qui donne pour la liste entière, de 1358 à 1559, un total de 593 peintres et 75 sculpteurs. D'après ce total, nous n’hésitons pas à dire que le nombre des anciens peintres et sculpteurs gantois, qui mériteraient une mention dans les ouvrages spéciaux, serait beaucoup plus considérable que celui que nous y rencontrons, si les guerres acharnées, les troubles politiques et religieux du bon vieux temps n'avaient amené la destruction ou la dis- persion de leurs œuvres, le plus souvent sans signatures ou revêtues de monogrammes indéchiffrables, de signes conventionnels ignorés hors de la localité. Des 362 peintres de la série de 4410 à 1539, dix-sept seulement sont rappelés dans l’ouvrage le plus complet que nous possédions en cette spécialité : le Dictionnaire historique des peintres de toutes les écoles, depuis les temps les plus reculés. 1 est donc à regretter que M. Ad. Siret n'ait pas eu connaissance du livre de la corporation des peintres et sculpteurs gantois : consciencieux investiga- teur, il eût tiré le meilleur parti de ce document précieux, il eût vu cesser maintes incertitudes au sujet de noms ou de millésimes, qu’il n’a osé avancer qu'accompagnés d’un signe de doute (?). Nous n'avons nullement l'intention de nous livrer à la critique de l'ouvrage de M. Siret; lors de sa publication, nous avons rendu justice à ce laborieux travail, nous avons Joint notre appréciation à l’opinion favorable de la presse belge. Nous avons cherché dans ce livre le moyen de con- trôler l'exactitude de notre document artistique, et celui-ci, dès à présent, nous aura été utile, puisqu'il nous permet de rectifier quelques erreurs de noms et de dates, ou de fixer notre opinion sur quelques données dubitatives. Ainsi, Gérard vander Meyre n’est pas né en 1450 : (503 ) nous le trouvons franc-maître peintre en 1452 et juré en 1474.— De 1570 à 1523 le livre de corporation cite douze peintres du nom de Van Meire, Vander Meire, où Vander Meere, et c’est le seul qui porte le prénom de Gérard; il était fils de Pierre. Guillaume Goesteline a dù séjourner à Gand pendant plusieurs années : en 1444, il fut reçu franc-maître, en 1466 élu juré, en 1471 nommé doyen. Jean Martins fut admis franc-maître en 1420, élu juré en 1450, doyen en 1450. La liste contient huit Martins. Guillaume van Axpoele, fils de Henry, devint franc- maitre en 1415 et doyen en 1418. — Quatre Van Axpoele ou Van Axelpoele furent doyens dela corporation. Jean van Caudenberghe était franc-maitre à Gand dès 1405... Saladin de Scoenere. Le livre de la corporation gantoise donne deux Saladin de Scoenere, francs-maîtres peintres : un en 1429 et un en 1451. — Le Saladin admis en 1451 était fils de Daniel, franc-maitre en 1400, juré en 1410, doyen en 1420. La liste contient huit artistes de cette fa- mille, parmi lesquels un sculpteur. Jean de Steener est bien un peintre gantois, car il y eut neuf peintres et un sculpteur de ce nom (De Steener) dans le métier de Gand. — Il y eut Jean de Steener, franc-maître peintre en 1421, juré en 1428; son fils Jean, maître sculp- teur en 1451, et enfin, Jean, maitre peintre en 1439, juré en 1449. Est-ce du premier ou du dernier qu'il est ici question ? Tous deux paraissent avoir été des artistes de mérite, puisque tous deux furent élus jurés. Josse Vorre, 1441? Il n’est cité vers cette époque que Baudouin Vorre, maitre peintre en 1400, juré en 1415, doyen en 1426; Servais Vorre, maître peintre en 4408, TOME xx, — ['° par. 20 ( 304 ) juré en 1418; Siger Vorre, fils de Jacq. (non mentionné), maître sculpteur en 1426, juré en 1440, doyen en 1460; Pierre Vorre, maître peintre en 1456; Jean, fils de Siger, maître peintre en 1445, juré en 1464. Baudouin Wytevelde ou van Wytevelde, fut reçu franc- maître peintre et sculpteur en 1440. Nabur ou Nabor Martins, peintre, fils de Jean, obtint la maîtrise en 1457. Il était doyen en 1450. Marc van Gestele ou van Gistele, sans doute fils de Ser- vais van Gistele, maître peintre, qui fut élu trois fois juré et puis nommé doyen de la corporation. — Marc van Ges- tele, le cinquième des artistes ainsi appelés qui ont été membres du métier de Gand, fut reçu franc-maitre en 1455 et élu juré en 1454. Gérolf vander Moertel devint franc-maitre peintre à Gand en 44928. Nicaise vander Moertel, fils de Gérolf, fut admis à la maîtrise en 1453 et élu juré du métier en 1452. Clerbout van Westervelde. — La corporation compta deux francs-maitres peintres ainsi nommés : l’un fut reçu en 1498, l’autre en 1451. Juste van Gend. — Nous ne trouvons que Luc van Ghendt, inscrit franc-maître peintre en 1358, doyen en 1541. Puis, Robert van Ghendt, maître en 1569, juré en 4375; Luc, maitre en 1454; Georges, fils de Luc, en 4458 ; Liévin, fils de Luc, en 1467. Daniel de Ricke. — Les peintres enregistrés sous les variantes de ce nom : De Rycke, De Rycker, De Ryckere, De Rykre, De Rike et De Ricke, forment une lignée de douze peintres, membres de la corporation gantoise, à partir de Jacques de Rycke, en 1558, jusqu'à Daniel de Rike, fils de Jean, franc-maitre en 4467. — Le Daniel de Rykre qui fut doyen de la corporation en 1464, était ENTI" ax ARE, ( 305 } fils de Servais : il obtint la maîtrise en 4448, et fut nommé juré deux ans après. Liévin de Wilte, architecte et peintre sur verre, ne se rencontre pas sur la liste des maîtres-afliliés au métier des peintres de Gand, durant la première moitié du XVI siècle. — Dix peintres et deux sculpteurs de ce nom y figurent cependant de 4550 à 1424. En cette dernière année, nous voyons Jean de Witte, fils de Liévin, sculpteur, et Pierre de Witte, son frère, peintre, acquérir la maitrise. Le dernier des Benjamin Sameling ou Sammelinck que nous mentionne le registre du métier de Gand, devint franc-maître peintre en 1495, juré en 1504 et doyen en 4511. Le registre présentant une lacune de 4539 à 1574, la corporation supprimée après les troubles de 4539 n'ayant pu se réorganiser et reprendre son allure régulière, ce n'est qu'en 1574 et 1584 que nous voyons un Benjamin Samelyns élu juré de la corporation. Semblable investigation comparative nous donnerait des résultats presque négatifs, si nous l’entreprenions à l’é- gard des sculpteurs gantois, dans les ouvrages de l'espèce. Nous citerons pour exemple les Mémoires de Philippe Baert sur les sculpteurs et les architectes des Pays-Bas; ces mé- moires commencent vers le milieu du XV° siècle, et de cette époque à 1539 Philippe Baert ne mentionne pas un seul des trente-deux sculpteurs franes-maitres de la corpo- ration gantoise. — N'y eut-il donc aucun artiste de mérite parmi ces statuaires dont plusieurs furent appelés aux fonctions honorables de jurés et de doyens du métier? Nous terminerons ici cet aperçu analytique de la pre- mière partie du livre de la corporation artistique gantoise ; il suffit, croyons-nous, pour démontrer toute l'utilité que nous pourrons tirer de la connaissance des renseigne- ( 506 |} ments que ce document renferme. C’est une source féconde d'indications, qui nous mèneront à d’intéressantes décou- vertes : ces indications, véritables fils conducteurs, nous mettront sur la voie de bien des éléments épars, ils nous aideront à coordonner bien des matériaux négligés jus- qu'ici, faute de pouvoir s’en servir. nn © OUVRAGES PRÉSENTÉS. Monographie de Notre-Dame de Tournay. Plans, coupes, élé- vations et détails, levés, mesurés et dessinés; par B. Renard. Tournay, 1852; 1 cahier in-plano. Catalogue méthodique et raisonné des manuscrits de la biblio- thèque de la ville et de l'Université de Gand ; par le baron Jules de Saint-Genois, 3"° cahier, théologie, manuscrits en langues orientales, supplément, rectifications et tables. Gand, 1849- 18592; 1 vol. in-8°. Mémoire sur la fécondation des céréales, envisagée dans ses rapports avec l'agriculture; par M. Ch. Morren. Liége, 1853; 4 broch. in-8°. Choix des graines récoliées au Jardin botanique de l'Univer- sité de Liége, en 1852. Liége, 1853; 1 broch. in-8°. Annuaire agricole de Belgique, pour l'année 1853; par J.-B. Bi- vort, 4° année. Bruxelles, 1853; 1 vol. in-12. La Cinéide ou la vache reconquise. Poëme national héroï-co- mique en vingt-quatre chants; par De Weyer de Streel. Liége, 4852; 1 vol. in-12. Les bibliophiles flamands. Leur histoire et leurs travaux ; par Ph. Kervyn de Volkaersbeke. Gand, 1853; 4 broch. in-8°. Des TRS SOMME LR (307) Études de prosodie; par H. Boscaven; 1'° livraison. Bruxelles, 1853 ; 1 broch. in-4°. Archives du Hainaut. Inventaires des archives des Chambres, du clergé, de la noblesse et du tiers-état; par A. Lacroix. Publié par ordre du Gouvernement et du conseil provincial. Mons, 48592; 4 vol. in-4°. Notes d'un amateur sur quelques tableaux du musée de peinture de Bruxelles, pour servir à la rédaction d'un livret; par Adol- phe Siret. Gand , 1853; 1 broch. in-8°. Réponse à quelques journaux relativement aux affaires de Turquie ; par Rustem Effendi et Seid-Bey. Bruxelles, 1853; 1 br. in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique; publié sous la direction et par la rédaction prin- cipale de M. Charles Morren. Février, 1853. Liége, 4 br. in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique; directeur : M. Galeotti, 10° année, n° 41. Bruxelles, 1853, 1 broch. in-8°. Flore générale de la Belgique, contenant la description de toutes les plantes qui croissent dans ce pays; par G. Mathieu, 7° livraison. Bruxelles, 4853 ; 4 broch. in-8°. Le jardin fleuriste, journal général des progrès et des intérêts horticoles et botaniques, rédigé par Ch. Lemaire. Vol. I et IF, et 47e à 25° livraisons du vol. II. Gand, 1851 , 1852 et 1853; 9 vol. et 15 brochures. Le Moniteur des intérêts matériels. N° 6 à 9. Bruxelles, 14853; 4 feuilles in-plano. La Renaissance illustrée. Chronique des arts et de la litté- rature. 14° année. Feuilles 12 et 13. Bruxelles, 4852; in-4°. Journal historique et littéraire. Tome XIX, 11° livr., mars 1853. Liége; 1 broch. in-8°. Le Moniteur de l'enseignement, publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série, Tome HE, n‘° 4 et 5. Tournay, 1853; 2 broch. in-8°. ( 508 ) Archives belges de médecine militaire. Tome XI. Janvier 1855. Bruxelles ; 1 broch. in-8°, Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. H° année. Février 1853. Bruxelles, 4 broch. in-S. La presse médicale ; rédacteur : M. J. Hannon. 5° année. N°s 7 à 10. Bruxelles, 4853; in-4°. La santé, journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs : MM. A. Leclereq et N. Theis. 4° année, N° 15. Bruxelles, 1853; 1 broch. in-4. Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier. Tome XXVIIT (5° série, tome IV°). 2 semestre 1852, feuilles 6 à 10. Bruxelles, 1852; 1 vol. in-8. Annales de médecine vétérinaire, publiées à Bruxelles, par MM. Delwart, Thiernesse, Demarbaix et Husson. 2% année. Février 1853; 4 broch. in-8°. Le scalpel, rédacteur : M. A. Festraerts. 5° année. N° 48 à 20. Liége, 1853; in-4. | Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. 44° an- née, 2° série, tome E®. 4"° livraison. Bruges, 4852; 14 broch. in-8°. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d’An- vers. 9° année. Janvier 4853. Anvers ; { broch. in-8°. Flora Batava, of afbeelding en beschrijving van nederlandsche gewassen, door Jan Kops. 172° aflevering. Amsterdam, 1853; 1 broch. in-4°, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXVI, N° 5 à 7. Paris, 1853; 5 broch. in-4. Rapport verbal sur une excursion dans le midi de la France, fait à la Société française pour la conservation des monuments, le 23 octobre 4852; par M. de Caumont. Paris, 1853; 1 vol. in-8°. Démonstration de la solution du problème de la quadrature du cercle ; par Ferdinand Lagleize. Paris, 4853; 1 hroch. in-8. (309 ) Des Nibelungen, saga mérovingienne de la Néerlande; par Louis De Baecker. Paris, 1853; 4 vol. in-8°. Annuaire de l'institut des provinces et des congrès scientifiques, 1853. Paris, 4 vol. in-42. Annuaire des cinq départements de l'ancienne Normandie, publié par l'Association normande, 1853. 19° année. Caen, 1 vol. in-8°. Journal de l'école royale polytechnique, publié par le Conseil d'instruction de cet établissement. Tomes XVII et XVHL. Paris, 1843 et 4845 ; 2 vol. in-4°. | Revue.et magasin de zoologie pure et appliquée ; par M. F.-E. Guérin-Méneville. 1853. N° 4. Paris; 4 broch. in-8°. L'Athenœum français, journal universel de la littérature, de la science et des beaux-arts. 2° année. N% 6 à 9. Paris, 4853; 4 doubles feuilles in-4°. Annuaire de la Société philotechnique.Travaux de l’année 1852. Tome XIV®. Paris, 1853; 1 vol. in-12. Congrès archéologique de France. Séances générales tenues à Laon, à Nevers et à Gisors, en 1851 ; par la Société française pour la conservation des monuments historiques. Paris , 1852 ; 4 vol. in-8°. Société impériale et centrale d'agriculture. Bulletin des séances, compte rendu mensuel, rédigé par M. Payen ; 2° série. Tome VII, N° 1 et 2. Paris, 1832 et 1855 ; 2 broch. in-8°. Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1852, N° 4. Amiens , 4852; 4 broch. in-8°. Berichie über die Verhandlungen der kôniglich sächischen Ge- sellschaft der Wissenschafien zu Leipzig. Math. Phys. Classe ; 1852, L. Leipzig 1853; 1 broch. in-8e. ! Beiträge sur kenntniss der Gefässkryptogamen, von W. Hof- meister. Leipzig, 4852; 1 vol. in-8°. Ueber musikalische Tonbestimmung und Temperatur, von M. W. Drobisch. Leipzig, 4852; 1 vol in-8°. Wurtiembergische naturwissenschaftliche Jahreshefte, heraus- ( 510 ) gegeben von Prof. Mohl, Plieninger, Fehling, Wolfg. Menzel und Krauss. Neunter Jahrgang. Erste Heft. Stuttgart, 1855 ; 4 vol. in-8°. Handbuch der Pathologie und Therapie, von D. C. A. Wun- derlich. Zweiter Band, zweite Abtheïlung. Stuttgart, 1852; 4 vol. in-8°. î Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. Sechsundvierzigster Jahrgang. 1° Doppelhelft. Januar und Februar. Heidelberg , 4853 ; 1 broch. in-8°. The quaterly journal of the chemical Society. Committee of publication : Brodie, Hofmann, Miller and Williamson. N° XX. January 1853; Londres, 4 broch. in-8°. Royal Irish Academy. Transactions, vol. XXII : part. III Science, and part. IV Polite literatur , 1852 et 1853. — Procee- dings for the year, 1851-1852; vol. V, part. H, 4852. Dublin, 2 vol. in-4° et 1 vol. in-8°. À list of Assyrio-Babylonian characters, with their phonetic values ; by rev. Edward Hincks. Dublin, 1852; 4 broch. in-8°. Vincenzo Gioberti. Discorso pronunciato da Giuseppe Massari. Turin, 4832; 1 broch. in-8°. Commemorazione Vincenzo Gioberti, per Giuseppe Massari. Turin, 4852; 1 double feuille, in-8. Vincenzo Gioberti prelezione accademica del professore Pier- Alessandro Paravia. Turin, 4853 ; 4 broch. in-8°. Corrispondenza scientifica in Roma.—Bullettino universale , Anno secondo, n° 42. Rome, 18553 ; 4 double feuille in-4°. Rendiconti delle adunanze della R. accademia dei Georgofili. Agosto-dicembre 1852. Florence, 3 broch. in-8°. Société impériale géographique de Russie. Mémoires, 6° vo- lume. — Bulletins, 4° livraison. S'-Pétersbourg, 1852; 2 vol. in-8°. Commonwealth of Massachusetts. Abstract of returns of the keepers of jails and overseers of the houses of correction, for 1850 and 1851. Boston, 1850 et 1851; 2 broch. in-8°, (511) An essay upon the Wheat-Fily, and some species allied to it. — The Hessian Fly, ts history, character, transformations, and habits ; by Asa Fitch. Albany, 1846 et 1847; 2 broch. in-&. Abstract of the returns of the overseers of the poor in Mas- sachusetts for the year ending. November 1, 1850, prepared by W. B. Calhoun. Boston, 1850 ; 1 broch. in-8°. Commonwealth of Massachusetts. Insurance abstract for decem- ber 1850, prepared by W. B. Calhoun. Boston, 4850; 1 br.in-8°. Catalogue of Historical papers and parchments received from the office of the secretary of state, and deposited in the New-York state library. Albany, 1849 ; 1 broch. in-8&°. Fourth and fifth annual report of the university on the condi- tion of the state cabinet of natural history, and the historical and antiquarian collection annexed thereto. Albany, 1854 et 4852; 2 vol. in-4°. Sixty-fifik annual report of the regents of the university of the state of New-York. Albany, 1852; 1 vol. in-S°. Annual report of the trustees of the state library. Albany, 1850 à 14852, 3 vol. in-8°. Annual report of the superintendent of the Onondaga salt springs, of the state of New-York. Albany, 1850 à 1852; 5 br. in-8°. Report of the select committee of the legislature of 1849, on the publication of the natural history of the state of New-York. Al- bany, 1850 ; 1 vol. in-8°. À report on the geological survey of Connectieut, by Ch. Upham Shepart. New-Haven, 1837; 1 vol. in-8°. Eight report to the legislature of Massachusetts, relating to the registry and returns of births, marriages and deaths, in the commonwealth, from may 1, 1848, to january 1, 1850, by Amasa Walker. Boston, 4851 ; 4 vol. in-8°. Report on the geological and agricultural survey of the state of south Carolina, 1844, by M. Tuomey. Columbia, 1844; 1 br. in-8°. Tome xx. — I" PART. 21 ( 312 ) First annual report on the geology of the state of New-Hamp- shire, by Ch. T. Jackson. Concord, 4841 ; 4 vol. in-8. Report of an exploration and survey of the territory on the Aroostook river, during the spring and autumn of 1838, by E. Holmes. Augusta, 1839; 1 broch. in-&. Report of the progres of the geological survey of the state of Virginia for the years 4840, by W. B. Rogers. Richmond, 1841 ; 1 vol. in-&. BULLETIN DE L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE. 1853. — N° 5. CLASSE DES SCIENCES. —— Séance du 5 mars 1853. M. Sras, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur, Timmermans, De Hemptinne, Wesmael , Martens, André Dumont, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, le baron Edm. de Selys-Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Nerenburger, Gluge, Melsens, Schaar, membres; Sommé, Schwann, associés ; Duprez, Liagre, correspondants. M. Éd, Fétis, membre de la classe des lettres, assiste à la séance. TOME xx. — Ï" PART. 22 (344) CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition de l'arrêté royal du 51 décembre dernier, qui partage, ex aequo, entre MM. De Koninck, Dumont et Van Beneden, le prix quinquennal des sciences pour la période 1847- 4851, conformément aux propositions du jury qui a été chargé de juger le concours. — M. le secrétaire perpétuel dépose les observations suivantes qu'il a reçues concernant les phénomènes pério- diques en 1852 : 4. Observations sur les phénomènes périodiques des végétaux, faites à Gand, par M. J. Donkelaer. 2. Observations sur les phénomènes périodiques du règne animal, faites à Waremme, par M. le baron de Selys- Longchamps. 3. Observations sur les phénomènes périodiques des plantes, faites à la ferme-école d'Ostin, par M. F. Bertrand. 4. Observations météorologiques, zoologiques et bota- niques , faites à Stettin, en Prusse, par M. le recteur Hess. — M. De Koninck dépose des recherches qu’il a faites, en commun avec M. H. Lehon, Sur les crinoîides du terrain carbonifére de la Belgique. (Commissaires : MM. Nvst, d'Omalius d'Halloy et Dumont.) Le même membre présente, de la part de M. J. Jaspar, de Liége, une Description d'un appareil photo -électrique (315) conservant. la lumière au méme point. (Commissaire : M. Crahay.) — M. L. Bara, de Mons, écrit qu'il a adressé à la classe des sciences, par l'intermédiaire de M. le Ministre de l’in- térieur, le premier volume d’un ouvrage en dix tomes in- folio , intitulé : Essai sur la théorie de la méthode pure , sur lequel il désirerait avoir l'avis de la classe, Cet ouvrage n'ayant pas été reçu, il est impossible de donner suite à Ja demande de l’auteur. — M. Henri Lambotte écrit qu'il est complétement étranger à la publication et à la rédaction d’un mémoire de M. Biot, de Namur, dans lequel figure son nom, et qui à fait l’objet d’un rapport de la Compagnie. — M. le secrétaire perpétuel donne lecture de l'extrait suivant d’une lettre qu’il a reçue de M. Nyst, sur l’exten- sion à donner aux systèmes tongrien et rupelien du côté de l'Allemagne. « Ne pouvant me rendre à la séance prochaine, je crois utile de communiquer par écrit à l'Académie quelques renseignements paléontologiques qui me paraissent ne pas être dépourvus d'intérêt. » Par sa lettre du 10 de ce mois, M. Sandberger, secré- taire de la Société d'histoire naturelle du duché de Nassau, à Wiesbaden, m'informe que le système rupelien de M. Dumont vient d'être découvert aux environs de Hanau. On y a recueilli la Nucula Deshayesiana, le Pleurotoma striatula , ainsi que d’autres fossiles qui gisaient dans une argile contenant des septaria, comme en Belgique. On sait que ces argiles à septaires ont aussi été signalées depuis (316) peu à Berlin, ainsi qu’à Celle, dans le Hanovre. Quelques espèces provenant de cette dernière localité, nous ont été envoyées par M. Sugler, directeur des mines. » M. Sandberger m'annonce, en outre, qu’il croit avoir trouvé, à Hochheim, la Paludina pupa , espèce du système tongrien, et presqu'en même temps , M. Dunker me fait connaître que l’on à récemment découvert aux environs de Cassel, en Prusse, à Gross-Almerode, un gîte extrême- ment intéressant de coquilles fluviatiles appartenant aux genres Melania, Cyclas, Cyrena, Planorbis et entre autres les Paludina Chastelii et Draparnaudii, espèces caracté- ristiques du système tongrien et si répandues à Kleyn- Spauwen. » Il résulte donc de ces renseignements que le système tongrien s’étendrait, vers le nord, jusqu’à Cassel, où il n’a- vait pas encore été indiqué, et que le système rupelien, qui lui est superposé, s’avancerait jusque dans le Hanovre. » M. De Koninck dit que le fait signalé par M. Nyst lui avait déjà été communiqué par M. Lyell. (317) RAPPORTS. Sur un mémoire de M. Montigny intitulé : CORRÉLATION DES HAUTEURS DU BAROMÈTRE ET DE LA PRESSION DU VENT. Rapport de M, C:ahey. « Dans un mémoire présenté à l’Académie, au mois d'août 4851, M. Montigny a cherché à établir, en s'appuyant sur des principes d'hydrodynamique, une relation mathé- matique entre la vitesse du ventet la hauteur du baromètre. Les formules auxquelles il a été conduit furent appliquées par Jui à la discussion des observations de baromètre et d'intensité du vent faites à l'Observatoire royal de Bruxelles, pendant les six années 1842 à 1847. Les résultats de cette comparaison furent d'accord, en général , avec la relation supposée. Le travail actuel de l’auteur à pour objet l'application des mêmes formules aux observations faites, pendant une période de dix années comprises entre 1842 et 1851, au même établissement. Dans le rapport sur le premier mémoire, on à fait re- marquer que la coïncidence du vent avec les fortes baisses du baromètre est un phénomène connu depuis longtemps, si bien que, sur les baromètres destinés aux gens du monde, on ne manque pas d'inscrire le mot tempête vis-à-vis la limite inférieure du mouvement de la colonne. Dove as- sure que de toutes les indications du temps que l’on a l'ha- bitude de marquer sur les baromètres, celle de tempête à ( 318 ) l'endroit d'une baisse extraordinaire est la plus exacte. Néanmoins, il arrive parfois que ce pronostic ne se vérifie point, ou du moins que le vent ne se fait sentir avec force qu'à des distances assez grandes de la localité où une dépression notable du baromètre a été observée. D'où il semble résulter que l'étendue sur laquelle la dépression se fait sentir dépasse souvent, et peut-être toujours, celle sur laquelle règne l'ouragan. Récemment encore l'exemple s'en est produit d’une manière frappante : Depuis le 4 février jusqu’au 12, le baromètre a été très-bas; le 8, 1] était à 737" et le 9, à 8 heures du matin, il descendit à 735"",97; ce- pendant, durant tout ce temps, le vent a été très-faible, ou, comme on dit vulgairement, il n’y a pas eu de vent (du moins à Louvain). Je n'ai pas encore appris s’il a régné avec quelque intensité dans des localités éloignées. D'un autre côté, le calme de vent pendant les grandes hausses du baromètre n’a pas, à beaucoup près, le même degré de probabilité que le vent fort pendant les baisses; il arrive assez souvent que le vent souflle avec plus ou moins de force quand le baromètre est haut. Cette circon- stance, jointe aux exceptions pendant les baisses, doit être un obstacle à l'application exacte d’une formule quel- conque qui tendrait à exprimer une relation entre la vitesse ou l'intensité du vent et l’état du baromètre. D'ail- leurs, tout semble annoncer que les variations de pres- sion atmosphérique sont produites par l’action de plu- sieurs causes, et qu'à leur tour, ces variations donnent lieu à des phénomènes complexes. Aussi le rapporteur du premier mémoire a-t-il dit avec raison que, « quand plu- » sieurs genres de phénomènes se reproduisent ordinaire- » ment en même temps, il devient assez difficile de recon- » naître leurs dépendances mutuelles. » (519) D'après cela, et en supposant même que l'on accorde comme légitime l'emploi, dans le cas présent , des prin- cipes d’hydrodynamique d’où l’auteur a déduit les formu- les, il n’est pas étonnant que les résultats obtenus par lui dans la discussion des observations des dix années, présentent des discordances non moindres que celles qui se sont montrées dans le calcul de la période de six années. Ainsi, sur les dix années de moyennes annuelles, deux font exception à la règle supposée; et dans la distribution des moyennes par mois, il y a désaccord 4 fois sur 12. En groupant les observations simultanées de baromètre et d'intensité du vent de diverses manières, l’auteur n’arrive nulle part à des séries exemptes d’exceptions. L’anomalie la plus frappante se trouve dans le tableau où les minima barométriques et les intensités correspondantes du vent, observées pendant les 10 années, sont groupées par 4 sai- sons ; là encore la règle est en défaut pour le printemps. Enfin, là où les chiffres ne sont pas en contradiction avec le principe invoqué, leurs valeurs ne présentent pas de suite régulière. Les causes alléguées par l’auteur pour rendre raison des écarts ne semblent pas convaincantes, du moins elles sont insuffisantes. En résumé, le mémoire de M. Montigny n’ajoute rien, dans mon opinion, aux notions que l’on avait sur la rela- tion entre l'intensité du vent et la hauteur du baromètre. Toutefois, j'ai l'honneur de proposer à Ta Compagnie de voter des remercîiments à l’auteur pour sa communication, à raison des connaissances dont il fait de nouveau preuve dans ce travail, et de l'exactitude consciencieuse qu’il a mise dans son exécution. » ( 320 ) Rapport de M. Dupret. « D'après l’auteur du mémoire soumis à mon examen, il existe entre la pression atmosphérique et l'intensité du vent une corrélation telle, que les moyennes et les valeurs absolues du premier de ces éléments sont généralement d'autant moins élevées que les valeurs correspondantes de l'intensité du vent sont plus fortes, et que, réciproque- ment, la pression atmosphérique augmente quand l’inten- sité du vent diminue. Il cherche à établir cette corrélation par la comparaison entre les observations du baromètre et celles qui sont relatives aux intensités du vent, recueil- lies à l'Observatoire royal pendant la période décennale 1842-1851. La discussion à laquelle se livre l’auteur ne me paraît point établir, d’une manière bien concluante, la relation dont il s’agit : les nombres des divers tableaux que son travail renferme présentent, à chaque pas, des discor- dances qui sont quelquefois si marquantes, que lui-même est obligé de recourir à des considérations particulières pour les expliquer. Cest ainsi, entre autres, que la plus forte pression moyenne annuelle du vent observée pendant les dix années, au lieu de correspondre à la plus petite des hauteurs moyennes annuelles du baromètre , répond, au contraire, à celle de ces hauteurs qui est presque la plus grande. Pareillement, la plus forte pression men- suelle du vent est loin de correspondre à la plus petite hauteur barométrique mensuelle. Il est vrai que, dans le premier cas, la plus petite pression moyenne se présente ( 321 ) pour la plus grande hauteur moyenne; mais il n’en est déjà plus de même dans le second. Les nombres des ta- bleaux relatifs à la pression du vent aux instants des maxima et des minima annuéls ét mensuels du baromètre montrent des discordances analogues : si, en général, la pression du vent est plus forte aux instants des minima qu'à ceux des maæima, cependant, ici encore, ce n’est point à la plus petite des hauteurs minima du baromètre que l’on voit correspondre la plus forte pression. On sait depuis longtemps qu’un abaissement considé- rable du baromètre au-dessous de la hauteur moyenne est souvent accompagné de vent d’une grande intensité, sur- tout lorsque cet abaissement est rapide : il n’est donc pas étonnant que la corrélation dont M. Montigny s'occupe dans son mémoire apparaisse d’une manière plus satisfai- sante dans les valeurs absolues des observations relatives aux tempêtes; mais il était peut-être intéressant d’exami- ner l'influence que ce fait bien connu pouvait, conjointe- ment avec d’autres causes, exercer sur les moyennes des observations, et c’est ce que l’auteur a essayé de faire avec un discernement et une sagacité qui, dans mon opinion, méritent les remerciments de l’Académie. » M. Quetelet, troisième commissaire, souscrit aux con- clusions des rapports de MM. Crahayet Duprez, et demande en même temps l'impression du travail de M. Montigny. » L'impression est ordonnée et des remerciments seront adressés à l’auteur. (322 ) Note sur l'embryon des graminées; par M. V.-P.-G. De Moor. Æapport de M. Spring. « En rendant compte, dans la séance du 5 avril der- nier (1), d’un premier travail, adressé à l'Académie, par M. De Moor, sur l'embryon des graminées, j'avais engagé ce botaniste à entreprendre une série d'observations sur la germination de cet embryon. M. De Moor s’est mis à l'œuvre avec un zèle louable et avec un succès qui mérite tous nos encouragements. Dans son nouveau travail, l’auteur expose d'abord ses observations, faites sur un assez grand nombre d'espèces, et relatives au mode de développement des diverses parties de l'embryon ; il rend compte, ensuite, de ses expériences de germination ; et, à la fin, il entre en discussion sur les principales objections qu'on pourrait faire à sa doctrine. Par tous ces moyens , il me semble bien établi que le bouclier est à considérer comme le véritable cotylédon des graminées, et que la vaginule représente la portion vagi- nale d’une feuille primordiale. Pour faciliter l'intelligence du texte, il eût été désirable que l’auteur eût joint quelques dessins de ses analyses; mais telle qu'elle est, sa note sera suffisamment comprise par tous ceux qui se sont occupés spécialement de do bryon des graminées. (1) Bulletin, t. XIX, 1° partie, p. 505. ( 323 ) C'est avec un véritable plaisir que je propose d'accorder au travail de M. De Moor les honneurs de l'insertion dans les Bulletins de l'Académie. » Fapport de M. Martens, « Je me rallie bien volontiers aux conclusions du rap- port de mon savant collègue, M. Spring; toutefois, je crois devoir faire mes réserves au sujet de la signification mor- phologique que l’auteur du mémoire attribue au bouclier de l'embryon des graminées. Il a vu que ce bouclier était déjà apparent peu de jours après la fécondation et qu'il précédait la formation de la gemmule. S'il en est ainsi, le bouclier pourra diflicilement appartenir au système ap- pendiculaire de l'embryon, vu que ce système, auquel se rattache le corps cotylédonaire, ne se développe que posté- rieurement au système axile. D'après cela il me semble que c'est à ce dernier système qu'il convient de rapporter le bouclier, eu égard au déve- loppement primordial que lui assigne M. De Moor. Ne pourrait-on pas le considérer comme un renflement fécu- lacé, plus ou moins analogue au renflement que présente l'embryon macropode des plantes de la famille des Naïades ou Naïadacées ? Quoi qu'il en soit, je suis parfaitement d'accord avec M. De Moor sur l'impossibilité de rattacher la vaginule de l'embryon germé à la ligule des graminées. Je scrais plu- tôt tenté d'y voir un corps cotylédonaire. » Les conclusions du rapport de M. Spring, auxquelles adhère M. Martens, sont adoptées par la classe. ( 324 ) — MM. Dumont et d'Omalius d'Halloy, nommés com- missaires pour l'examen d'une note de M. Hébert, sur le Synchronisme du calcaire pisolitique des environs de Paris, demandent l’impression de ce travail. « Cette note, ajoute M. Dumont, présente la confirma- tion paléontologique d’un fait que j'ai, depuis longtemps, établi d’après des considérations géométriques et minéra- logiques, et dont j'ai fait mention à diverses reprises, entre autres dans mon rapport sur les travaux de la carte géologique de la Belgique, en 1849 (t. XVI, n° 44, des Bulletins). » La note de M. Hébert sera imprimée dans le Bulletin de la séance. COMMUNICATIONS ET LECTURES. Sur la mesure des distances au moyen de la SrapraA; par M. le capitaine Liagre, correspondant de l’Académie. E] Deux officiers d'état-major français, le capitaine de Lostende et le chef d’escadron Maissiat, ont imaginé, le premier sous le nom de stadia, le second sous celui de chorismomètre, deux instruments propres à faire apprécier la distance à laquelle est placée une mire d’une longueur déterminée. Dans la sfadia, la mire est divisée en parties égales , et l’on conclut son éloignement du nombre variable de ses divisions qui est intercepté entre les deux fils fites du réticule d’une lunette, Dans le chorismomètre, au con- (325 ) traire, l'intervalle entre les deux fils parallèles du réticule est variable et peut être apprécié au moyen d'un système micrométrique; la mire est d’une longueur constante, et c’est le nombre de divisions micrométriques employé pour que la mire entière soit embrassée entre les deux fils, qui permet de calculer la distance de celle-ci. Quoique ces deux instruments soient, en quelque sorte, inverses l’un de l’autre, leur théorie est identique. Nous ne nous occuperons donc, dans ce qui va suivre, que de la stadia proprement dite : toutes les rémarques que nous avons à faire s’'appliqueraient mot pour mot au chorismo- mètre; elles s'appliqueraient également à la stadia de troi- sième espèce, qui est une combinaison des deux premières, et dans laquelle l'intervalle entre les fils est variable, et la mire graduée. Dans tous les traités de topographie (1), on expose la théorie de la stadia, en faisant abstraction des lentilles de la lunette. L'on suppose un simple tube, AB (fig: 1), muni à l’'in- térieur. de deux fils horizontaux r, e, et percé à la paroi k (1) Voy. Salneuve, Cours de topog. et de géod., 2° édition, p. 114; et Duhbousset, Applic. de la géom. à la topog., p. 79. — Ce dernier auteur, en particulier, expose la théorie de la stadia d'une manière trés-détaillée. (3% ) postérieure d’un trou oculaire, ©. Soit ! la distance de cet oculaire au plan du réticule ; k l'intervalle entre les deux fils; L la distance horizontale, OP, entre l’oculaire et la mire verticale; H la portion MI de cette mire qui paraît interceptée entre les deux fils : on aura, dans les triangles semblables Ore, OMI, la proportion L': H—7:h; d'où ps'B. 00!) HO ERSRNIEE La quantité H se lit directement sur la mire graduée; let h sont des constantes que l’on peut mesurer : l'équa- tion précédente suffit donc, théoriquement parlant, pour calculer la valeur de L. — Dans la pratique, la moindre erreur commise sur la mesure directe des petites quantités let k aurait une influence très-grande sur la détermina- tion de L : aussi renonce-t-on à cette mesure directe; on préfère calculer la grandeur du rapport !:h, au moyen d’une expérience que j'appellerai régulatrice, ou d'étalon- nage, el qui consiste à mesurer très-exactement sur le terrain une distance horizontale L’. Soit H’ la hauteur de mire qui, à cette distance, est interceptée entre les deux fils : on aura L’: H'—{: h. Substituant dans l'équation (1), on obtient en définitive 1 LS Telle est la théorie ordinaire de la stadia , et telle est la formule par laquelle on calcule la distance de la mire. Faisons immédiatement deux remarques : (327) 1° Cette théorie suppose constante la base, !, du petit triangle formé dans le tube; ou, en d’autres termes, elle admet l'angle O comme invariable, quelle que soit la dis- tance à laquelle on vise; 2 La formule qui s'en déduit donne la distance de l’oculaire à la mire. Mais on est conduit à modifier ces résultats, lorsque l’on analyse avec un peu d'attention ce qui passe en réalité dans la lunette de l'instrument. Les rayons lumineux qui, émanant des différents points de la mire, MI (fig. 2), se croisent au centre optique de l'ob- jectif, vont, en continuant leur route, former à leur foyer conjugué une image r e de la mire. Le réticule est alors amené sur celle image, à l’aide d’un tirage convenable. Les deux triangles semblables MCI, r Ce, dont nous avons dé- duit tout à l'heure la formule fondamentale de la stadia, ont donc maintenant leur sommet commun au centre de l'objectif; et c'est cette dernière lentille, et non pas l’ocu- laire, qu'il faut placer sur la verticale du point de station. En second lieu, la distance focale conjuguée C p — ! varie avec l'éloignement de la mire. On sait, en effet, que cette distance focale augmente lorsque la mire se rap- proche, diminue lorsqu'elle s'éloigne, et qu'il existe entre la distance L d’un point à l'objectif, et la distance focale (328) conjuguée , L, une relation exprimée par la formule = = — ® étant la distance focale principale, distance minimum qui correspond à L = +. Le coefficient ; (ou la cotangente de l’angle au sommet du petit triangle régulateur) est done essentiellement variable ; la valeur qui en à été fournie par l'expérience d'étalonnage ne convient, à la rigueur, qu’à une seule distance; et si l’on veut employer ce coeflicient pour cal- culer une autre distance , il y a lieu d'appliquer au résul- tat ainsi obtenu une correction provenant de la variation de la distance focale. Pour trouver la formule qui exprime cette correction, supposons que l'expérience régulatrice ait donné MSIE "C2 "EE L'observation faite pour une autre distance quelconque donnera L':H—/:h, l' étant plus grand ou plus petit que {, suivant que L est plus grand ou plus petit que L’. Eliminant k entre ces deux équations, on obtient : EL (4 ’ — H'. —, L H l au lieu de | — L H’ =": que l’on aurait obtenu si la distance focale n'avait pas ( 529 ) varié d'une observation à l’autre. La différence entre ces deux résultats, ou L l vient), H est donc la correction à faire subir à la distance, calculée d’après la méthode ordinaire, pour tenir compte de la variation de la distance focale. On peut la mettre sous la forme 1] vues (TT). #ena0iets) relation qui montre que « la correction est égale à la dis- » tance brute, calculée à l’aide du simple coefficient régu- » lateur, multipliée par le rapport de la variation de dis- » tance focale à la distance focale régulatrice. » — Le signe de cette correction dépend de celui de la variation de distance focale : 1l est positif pour les observations faites à une distance plus faible que la distance régulatrice; négatif dans le cas contraire. La signification géométrique de la formule (3) est bien facile à saisir : l'intervalle entre les deux fils du réticule restant le même, augmentons en idée la distance focale de manière à ce qu'elle devienne C p’ = l’ (fig. 2). F1 faudra, pour intercepter la même portion de là mire, éloigner celle-ci de MI en M'F'; et la correction positive que devra subir la distance € P — L”, calculée dans l'hypothèse d’une distance focale C p—{, sera représentée par la quan- tité MM’. Or, les triangles semblables M'MC, ee C don- nent M'M : ce —MC:eC= CP : Cp; d'où | MM = 6e = L'’ =) ToME xx. — ["° PART. 23 ( 330 ) Cette formule s’obtiendrait, du reste, très-simplement, à l’aide du calcul différentiel, en cherchant la variation de L, qui correspond à une variation de /. En effet, l'é- quation fondamentale différentiée par rapport à L et !, donne 4 dl dL = Ë di = L — k l formule dans laquelle dl est positif ou négatif, suivant que la distance focale variée est supérieure ou inférieure à la distance focale régulatrice. Nous aurions pu, à la rigueur, nous contenter de cette dernière démonstration : si nous l'avons fait précéder de quelques considérations géomé- triques, c’est parce que celles-ci nous paraissent éclairer et satisfaire l'esprit beaucoup mieux que des déductions pu- rement analytiques. FIX. D'après ce qui vient d'être dit, 1l suffirait, pour calculer les corrections à faire aux observations, de construire une fois pour toutes une table présentant les variations que subit la longueur focale de la lunette, suivant la distance à laquelle on vise. Cette table se calculerait au moyen de la formule déjà rappelée = _— = —. Mais au point de vue de l'application, on peut encore sim- ( 551 ) plifier la solution du problème, de manière à éviter le cal- cul de la table dont nous venons de parler. En effet, pour une distance L de la mire et une distance / de son image focale, on à : ? 1 - ? et pour deux autres distances conjuguées L”' et l', ..,: 4 1 4 + — —= —: l' | ? Combinant ces deux relations, on en déduit celle-ci : FUSITAQUE Jet Si LUE paris l A qui, substituée dans l'équation (5), donne : l L ds L” n E = jrs SPTAALS MS (4) Mais bien que la théorie qui nous a menés à cette cor- rection soit entièrement basée sur la variation de la dis- tance focale de la lunette, nous pouvons, sans erreur sen- sible, supposer celle-ci constante dans la formule qui exprime la correction. En eflet, entre les limites ordinaires de l'observation , et pour une lunette qui ne dépasse pas les dimensions habituelles des instruments, topographiques, la variation de distance focale ne s'élève jamais au delà d'un centimètre : en la négligeant, l'erreur à laquelle on s'expose n’est donc qu'une faible fraction de la correction, c'est-à-dire une quantité tout à fait inappréciable dans la pratique. Il résulte de là qu’il est permis de remplacer, dans l'é- { 332 ) quation (4), la grandeur variable [’ par la constante à, en désignant par celle-ci la longueur focale moyenne de la lunette. L'expression définitive de la correction est donc He N'oublions pas que, dans cette formule, L est la distance régulatrice mesurée sur le terrain, et L” la distance cher- chée, obtenue à l’aide d’un premier calcul dans lequel on ne tient pas compte de la variation de la longueur focale. Comme exemple numérique, supposons que la lunette ait 0",55 de foyer; qu'on ait réglé l'instrument à 500”, et qu'on veuille trouver la correction à appliquer lorsque la mire est à la distance de 20", on aura, en appliquant la formule rigoureuse (4) 280 207389. OT SE2UX en —= dre os Dies La correction est donc égale à environ un soixantième de la distance cherchée. Si l'instrument a été réglé à 20”, et qu'on observe à la distance de 500", la même formule donnera 280 — & —= 0"5504 — ; È "2 x 20 d'où valeur qui représente encore le soixantième environ de la distance cherchée. En se contentant de la formule approximative (5), et en (535 ) adoptant pour À la valeur moyenne 0",353, on aurait ob- tenu — 07329, e = — 4794; résultats presque identiques avec les précédents. On voit donc que la variation de la distance focale, dont l'effet est très-sensible sur les longueurs observées, cesse d’avoir une influence appréciable sur les corrections qu'on leur applique; et que l’on peut assimiler la distance cherchée à une variable; sa correction à la différentielle première de cette variable , et l'erreur de cette correction à une diffé- rentielle du second ordre, négligeable devant celle du premier. IV. On aura sans doute remarqué que, dans la théorie que nous venons d'exposer, nous n'avons pas parlé du rôle que remplit l’oculaire de la lunette, ni du tirage plus ou moins grand qu’il exige de la part des différentes vues. Et en effet, bien que l’amplification de l’image dépende à la fois de la distance focale de l'objectif et de celle de l’oculaire, le jeu de cette dernière lentille est inutile à considérer dans la question qui nous occupe, On s’en assurera sans peine en observant que l’oculaire agit simultanément, et de la même manière sur l’imâge de la mire et sur l'intervalle des fils ; les variations de grossissement que l’on obtient en le tirant plus ou moins ne produisent done aucun effet relatif. Il y a plus, on pourrait, une fois l'instrument réglé, substituer un oculaire à un autre, sans qu'il y eût lieu pour cela de modifier le coeflicient régulateur. Si la même indifférence n'existe pas à l'égard de la lentille objective, c'est qu’elle (334) opère uniquement sur la grandeur de l’image focale, et nullement sur celle de l’espacement des fils. Nous croyons devoir insister d'autant plus sur cette der- nière considération, que c’est au jeu de l’oculaire que Sal- neuve attribue en grande partie la discordance que les ob- servateurs trouvent en général dans les résultats de leurs mesures opérées à la stadia. Voici ce qu'il dit à ce sujet (p. 115 de son ouvrage déjà cité) : « La stadia que nous » allons décrire ne justifie pas tout ce que la théorie pour- » rait en faire espérer. Nous dirons bientôt en quoi con- » siste son imperfection. » À [a page 119, cette imperfec- tion se trouve expliquée de la manière suivante : « On a pu » remarquer qu'il est de la plus grande importance que » l'angle visuel soit bien constant : or cette condition est » assez mal remplie dans la stadia.… car le tirage variable » de l'oculaire, en raison de la vue de l'observateur dé- » place le sommet de l'angle visuel. » Dans un autre en- droit (p. 519), cet auteur revient sur la même idée, et une des causes d’inexactitude de la stadia, c’est, dit-il, que « l'angle sous lequel l'œil voit l’image réelle peut chan- » ger, du moins d’un observateur à un autre, en raison » de la différence des vues. » — Or, nous le répétons, les résultats fournis par la stadia ne peuvent aucunement être influencés par les variations que le tirage de l’ocu- laire fait subir à l'angle visuel, c'est-à-dire à l'angle sou- tendu par l’image focale, et ayant pour sommet le centre optique de l'oculaire. Nous ne quitterons pas ce sujet sans rappeler que Porro a proposé une nouvelle lunette, qu'il nomme anallattique, dans laquelle les effets de la variation de la distance focale sont corrigés par l'addition d’une lentille intérieure. Nous ignorons quels sont les résultats que produit dans la pra- na ( 335) tique l'emploi de ce nouvel instrument. Tout ce que nous pouvons en dire, c’est que Salneuve, après avoir exposé en détail (pp. 518 et suiv.) la construction de la lunette anal- lattique, qu'il regarde comme un perfectionnement, con- clut de la manière suivante : « Le degré d'exactitude avec » lequel elle permet d'évaluer les distances est considéra- » blement augmenté, mais il n’est pas proportionnel à la » puissance des lunettes. En effet, à égalité de diamètre du » verre, plus le grossissement est considérable, plus le » champ doit être circonserit, et plus rapprochés doivent » être les fils du mieromètre. La portion de la mire, com- » prise entre les rayons visuels extrêmes qui s'appuient » sur les fils du réticule, est d'autant plus restreinte. Pour » évaluer les mêmes distances, les divisions doivent être » plus serrées, et l’on perd de ce côté ce que l’on gagne » par le fait du plus grand grossissement. » N- Nous ne doutons pas qu'un observateur soigneux , dis- posant d’une lunette douée de netteté et de force, et ap- pliquant à ses résultats les corrections que nous avons indiquées, ne puisse tirer un excellent parti de la stadia pour mesurer rapidement des distances assez considéra- bles. Cependant quelques topographes nous paraissent avoir exagéré la précision dont ce procédé est susceptible, induits en erreur sans doute par les résultats heureux et fortuits qu'ils ont obtenus dans quelques cas particuliers. Nous citerons comme exemple de cette concordance pu- rement accidentelle quelques expériences rapportées dans le tome IV du Mémorial du dépôt de la querre français. A ( 336 ) la page, 77 de,ce volume, on trouve la comparaisonde six. distances mesurées surun térrain uni, d’abord à la stadia, puis à la chaîne. Voici les nombres qui ont été obtenus : A la stadia, . . ... 14,65, 44,8; 95,0; : 169%,0;:(2218,5;r 291,0 Atlaichame à $2: RAA 0e 4287: 10400 GO ONE RAUTR ES Différences. 4 + .: —0,10; —0,10; —0,10; 0,00; —0,40; + 0,20 Discutons ces résultats. — Un premier fait nous frappe lorsque nous les examinons : c’est que laccord entre les deux procédés est presque aussi parfait pour les grandes distances que pour les petites. Or, en admettant que l’er- reur angulaire d'un pointé reste la méme à toutes les dis- tances, le désaccord devrait croître comme la distance mesurée, et le mode d'observation qui a donné à 14,5 une erreur de 0"10, aurait dû donner , aux cinq autres distances , les erreurs respectives 0251: 0765: 42416: 1759; 9204: Et l’hypothèse que nous venons de faire est la plus favo- rable possible, car l'expérience , d'accord avec le raisonne- ment , indique (voy. plus loin, VI), que l'erreur angulaire d’un pointé augmente dans la même proportion que le point de visée s'éloigne : dans ce cas , le désaccord aurait dû croître comme les carrés des distances. Continuons notre discussion. La commission chargée de faire les expériences comparatives que nous venons de rapporter n’a donné que très-peu de détails sur la manière dont elles ont été effectuées. Ainsi elle ne dit pas si l'on a placé au-dessus du point de départ l'objectif, l’oculaire, ou le centre de la lunette; elle n'indique pas non plus la PRE (387 ) longueur focale de celle-ci : cependant, pour prétendre à la précision du décimètre à la distance de 300", la lunette devait avoir un assez grand pouvoir optique ; nous la sup- poserons de 55 centimètres de foyer. Il n’est pas dit non plus à quelle distance la stadia à été étalonnée : nous som- mes donc encore forcés de nous contenter ici d'une hypo- thèse, et nous admettons que l'instrument ait été réglé à 100". D'après cela, et en accordant que l'objectif ait été placé, comme il devait l'être, au-dessus de l'extrémité du point de départ, les longueurs obtenues à l'aide de la stadia auraient dû, (si les observations avaient été parfaitement faites) différer de celles qu'a fournies la chaîne, puisque les observateurs n’ont pas eu égard à la variation de dis- tance focale de la lunette. Calculant ces différences à l’aide de notre formule (5), on les trouvera respectivement de + 0750; + 0"19; + 0"02; — 0°24; — 0"43; — 0"67; au lieu des valeurs — 0,10; — 0,10; — 0,10; 0,00; — 0,40; + 0, 20, que l'on a réellement obtenues. Les erreurs véritables des observations sont donc — 0"40; — 0729; — 0"19; + 024; + 0"035; + 087. On voit que la précision réelle des résultats fournis par la stadia n’est pas aussi grande qu’on aurait pu le croire d’après la concordance qui règne entre les deux espèces de résultats obtenus par la commission; et que cet accord apparent ne peut être attribué qu’à une heureuse compen- sation d'erreurs. VE. | AREAS et examinons les conséquences que l’on peut déduire de sa discussion. L'erreur que l’on commet en calculant une distance d'après la théorie ordinaire est directement proportion- nelle à la longueur focale, 2, de la lunette : elle est donc d'autant plus grande et plus importante à considérer, que l'instrument est, par sa nature, susceptible de donner une plus grande précision. Lorsque L > L”', c'est-à-dire lorsque l'observation ré- gulatrice à été faite en mesurantsur le terrain une distance plus grande que celle à laquelle on observe, la correction est loujours additive, et moindre que la longueur focale de la lunette. C’est ce que montre suffisamment la, for- mule (5), mise sous la forme =: a E£ —= L , : dans laquelle le binôme entre parenthèses est moindre que l'unité. Au contraire, lorsque L < L”, la correction est sous- tractive, et croît indéfiniment avec la longueur que l’on veut calculer. — Telle est probablement la véritable rai- son pour laquelle les praticiens recommandent de régler la stadia en mesurant sur le terrain une base aussi longue (339 ) que possible : il ont remarqué sans doute que l'instrument ainsi réglé donne des résultats beaucoup moins discor- dants. Mais, abstraction faite des erreurs provenant d’une théorie défectueuse, erreurs que nous savons maintenant corriger, est-il préférable de faire l'observation régulatrice à longue ou à courte distance? Pour nous renseigner sur ce sujet, remontons à l'équa- tion fondamentale Ib EE H, dans laquelle les lettres accentuées se rapportent à l’expé- rience d'étalonnage, L' représentant la longueur horizon- tale mesurée directement sur le terrain, et H’ la hauteur de mire interceptée à cette distance entre les deux fils du réticule. Différentions cette équation par rapport à L, L et H° : nous en déduirons l'influence d’une erreur des élé- ments régulateurs sur la précision d’une distance observée. Il vient H'dL'—L'dn \: da db ou bien comme = As RS A pie oreunos O Considérons d’abord le premier terme du second mem- bre. On sait que l'erreur moyenne, dE’, d’une longueur L’ mesurée à la règle ou à la chaîne, est proportionnelle à la (340 ) racine carrée de cette longueur. On aura donc K représentant l'erreur moyenne de l'unité de longueur. Donc, sous ce premier rapport, l'erreur moyenne des ob- servations faites à la stadia, sera réciproque à la racine carrée de la longueur mesurée comme base d'étalonnage. Par suite, si deux bases sont entre elles dans le rapport de L'à nL,', les erreurs relatives des longueurs qu’elles ser- vent à calculer seront entre elles comme y/n: 1. Mais, à moins d’avoir devant soi un long espace de ter- rain bien plan et bien horizontal, il est plus facile et plus court de mesurer n fois la base L’ que ‘une fois la base nL'; prenons la moyenne entre ces n mesures, et l'erreur correspondante sera réduite dans le rapport de 14 : y/n. Donc, pour ce qui concerne la longueur de la base d’éta- lonnage, la base L’ mesurée n fois est au moins aussi avantageuse que la base nL;' mesurée une seule fois. Passons à la considération du terme ©. Au point de vue purement géométrique, ce terme est constant pour toutes les distances : en effet, dH” est l’erréur linéaire in- terceptée sur la mire H’ par suite d’une erreur angulaire dans le pointé. Admettons, pour le moment, que cette erreur angulaire soit indépendante de l'éloignement du point de visée, et représentons-la par &. Fig. 5. (54 ) Si plusieurs mires MT, MT... (fig. 5) sont placées aux distances L, L’..., on aura : ï Mi 1 dH ans. Di cu — L N L M'i 11 dH' ang. & = TANT dH L H d'où PNEONIES ee y Du dH' | H’ dH dx’ ou enfin D MIE él On ne gagne donc rien, sous ce second rapport, à régler la stadia à une longue distance, même en supposant que la précision du pointé soit constante pour les visées loin- taines et pour les visées rapprochées. Or, l'expérience nous empêche de faire cette concession, et l’on sent, en effet, que la perte de clarté due à l'interposition de l'atmosphère doit suflire à elle seule pour rendre les premières visées bien plus incertaines que les dernières. De la discussion précédente, il ressort avec évidence, croyons-nous, que, pour régler la stadia, il ne faut pas mesurer sur le terrain une base très-étendue; et qu'une base simple, mesurée deux fois, est préférable à une base double mesurée une fois. Il ne s'ensuit pas, cependant, qu'il faille exagérer la petitesse de la base, et cela pour deux raisons : 1° Les erreurs absolues de mesurage et de stationne- ment , que l’on commet si facilement aux extrémités d’une base, auraient une trop grande influence relative sur la mesure d’une très-petite longueur. (542) % Lorsque l'on vise sur une mire fort voisine, il devient nécessaire de subdiviser à vue, et par estime , les divisions qui y sont tracées; en outre, il est très-diflicile alors d’évi- ter la parallaxe des fils du réticule. L'erreur probable d’un pointé, effectué à diverses dis- tances sur la mire d’une stadia, suit une marche, très- remarquable: son minimum arrive lorsque la mire est placée à une distance moyenne, ni trop faible ni tropforte, distance qui dépend du pouvoir optique de la lunette. En discutant une série d'observations rapportées par Hagen (Grundzüge der wahrscheinlichkeits- Rechnung, pp. 192 et suiv.), j'ai trouvé que ce minimum était placé à la distance d'environ 100" pour une bonne lunette de 50 centimètres de foyer et de 48 millimètres d'ouverture, grossissant cinq fois. J'ai réuni dans le tableau suivant les résultats des observations de Hagen : À 1875 de distance, l’err. prob. angulaire d’un pointé est de 809 57,50 » » 4,04 75,00 » » 2,65 112,50 ” » 1,66 151,60 » » 2,25 150,00 » » 2,50 187,00 » » 3,51 295,00 » » 4,96 Il semblerait, d’après ces nombres, que la base la plus convenable pour régler la stadia füt celle dont la longueur vaut 550 fois environ la longueur focale de la lunette. Chaque observateur, du reste, fera bien de chercher lui- même l'erreur probable d’un pointé de sa lunette aux difiérentes distances; et il devra adopter, pour régler son instrument, la base qui se rapporte à l'erreur minimum. Vu i Lorsque l’on veut mesurer au moyen de la stadia la dis- tance qui sépare deux points très-éloignés, on peut opérer comme pour un nivellement composé, c'est-à-dire viser d'arrière et d'avant, de manière à réduire de moitié le nombre des stations. Ici se présente une question intéres- sante : Vaut-il mieux fractionner la longueur totale en un grand nombre de longueurs partielles, pour ne pas viser à de longues distances, ou faire des visées lointaines pour diminuer le nombre des longueurs partielles à ajouter l’une à l'autre ? La théorie des erreurs va nous aider à répondre à cette question. soit D la distance totale à mesurer; L la longueur d’une visée; « l'erreur moyenne angulaire d’un pointé, et par conséquent ; La — dH l'erreur linéaire correspondante sur la mire. La longueur D se composant de la somme des longueurs L, que nous supposons toutes égales entre elles, lerreur moyenne de D sera égale à l'erreur moyenne de L, multi- pliée par la racine carrée du nombre de fois que L est com- pris dans D. Donc, dD = dl VA 7 L mais, d’après la formule fondamentale de la stadia, on a (344 ) substituant, il vient WI + LISE dd = VL x = VD. able SU Regardons d’abord + comme constant, quelle que soit la distance à laquelle on vise: l'erreur commise sur la dis- tance totale sera uniquement dépendante de la longueur des visées partielles, et elle croîtra proportionnellement à la racine carrée de cette longueur. Il semble donc, au premier aspect, qu'il y ait avantage, dans ce cas, à faire les visées les plus courtes possible. Mais c'est un tort que de comparer, comme on le fait ordinairement , les procé- dés d'observation sous le simple point de vue de leur préci- sion absolue : le véritable élément de comparaison, c’est le rapport de cette précision au temps employé à obtenir le “résultat. S'il n’en était pas ainsi, 1l serait presque impos- sible d'affirmer jamais qu'une méthode d'observation soit plus exacte qu'une autre, la réitération des observations pouvant, d’après la théorie, augmenter indéfiniment la précision d’un résultat quelconque. Or, si l'on vise à une distance 2L, mais que l’on fasse deux visées et deux lec- tures au lieu d’une seule, l'erreur de la moyenne entre les . A ’ Ë s “G deux pointés sera réduite à 575 et l’on aura at dense à AVRAIES AE LS dD = — VOL x -VD — MES an JE te aVL X : résultat identique avec celui qu'on a obtenu précédem- ment. Il est donc indifférent, sous le rapport de l’exacti- tude, de pointer une fois à la distance L ou deux fois à la distance 2L; et, en général, la mesure définitive a la même précision lorsque chaque visée est d’une longueur L,, et ( 345 ) n’est faite qu'une fois, ou lorsqu'elle est de la longueur nL et qu'on la répète x fois. Si l’on compare maintenant entre elles les deux méthodes, dont la précision est la même, on verra qu’elles exigent un même nombre de lec- tures; mais, qu'en visant à de longues distances, on épargne des mises en station. Ce dernier procédé serait donc préférable, et il faudrait viser aussi loin que le per- met la force de la lunette, en répétant l'observation un nombre de fois suflisant à chaque station. Mais la conclusion à laquelle nous venons d'arriver n’est légitime que dans l'hypothèse où l'erreur angulaire est con- stante , à quelque distance que l’on vise. Or, il n’en est pas ainsi dans la pratique de la stadia, et les observations de Hagen , que nous avons rapportées plus haut, indiquent que les erreurs angulaires décroissent d’abord quand la distance augmente; puis, qu'à partir d’un certain point minimum, elles croissent à peu près comme les distances. Dans ce nouveau cas , pour deux visées faites aux distances Let nL, on aura les deux équations === l dD = a VL p< re VD, sé eli RE à v AS dD' = n«V'nL XEVD=aVL. nt VD Or, pour ramener dD' à la valeur de dD, il faudrait que æ dans la seconde équation devint ) ce qui exige que l’on fasse à chaque station un nombre d'observations exprimé par n°, et qu'on prenne la moyenne des résultats. Les longues visées feraient donc perdre ici un temps con- sidérable, si l’on voulait en obtenir la même précision que des visées à courte distance. Il faudra, par conséquent TOME xx, — J"° parT. 24 ( 546 ) (comme pour l'opération de l’étalonnage), prendre pour L la plus petite longueur possible, c’est-à-dire celle qui correspond à l'erreur angulaire minimum pour l’instru- ment dont on dispose, Si l'on est obligé, par quelque cir- constance locale, de viser à une fois et demie la distance L, on fera l'observation trois fois au lieu d’une; pour la distance 2L, on devrait répéter huit fois l’observation , etc. Cette règle doit être suivie scrupuleusement pour donner la même précision à toutes les mesures partielles : la théorie apprend, en effet, que l'introduction d’une seule distance, moins exacte que les autres, influe très-défavorablement sur la précision du résultat final (). Les prescriptions que nous venons d'établir, relative- ment à la mesure de la distance qui sépare deux points très-éloignés, s'appliquent mot pour mot au nivellement composé que l'on voudrait conduire entre ces deux points. La seule remarque que nous croyions utile de faire, c’est que, dans cette seconde opération , la répéution des visées contribue plus eflicacement encore à diminuer l'erreur (*) Comme application numérique , supposons qu’il faille mesurer une dis- tance de 5000®, avec une stadia dans laquelle le rapport x — 100 : les visées sont faites à l’aide de la lunette dont il a été question (\ VI), et à la distance moyenne de 100"; mais comme les circonstances locales forceront parfois l'observateur à modifier cette distance, nous augmenterons l'erreur probable d’un pointé, donnée au tableau du précité, et nous la porterons à 3”. Cela posé, l'appréciation d'un intervalle sur la mire devant être assimilée à la différence entre deux pointés, son erreur probable sera 5” 4/3, et la formule (7) deviendra a) = 545 sin. 1”.4/100 X 100 L/5000 = 500 000 sin. 1”, ou enfin db = 1,45. (547) moyenne. En effet, si l’on a soin de retourner la lunette du niveau après chaque visée, la répétition n’atténue pas seulement l'effet des erreurs accidentelles, elle élimine en- core les erreurs constantes provenant de la manière plus ou moins imparfaite dont l'instrument à été rectifié (”). Observations sur l’état de la végétation a Waremme, pen- dant le mois de janvier 1855 (1); par MM. de Selys-Long- champs et Michel Ghaye. Avant de hasarder quelques remarques sur l'influence de l'hiver si doux que nous avons éprouvé jusqu’au 22 jan- viér, nous croyons devoir commencer par présenter, dans l'ordre où nous les avons recueillies, nos diverses obser- vations. Il est bon de faire connaître que nous ne nous sommes pas trouvés sur les lieux jour par jour, mais une ou deux fois seulement par semaine; les dates ne repré- sentent donc pas des points de repère absolus, d'autant (*) Si, dans un nivellement composé conduit entre deux points distants de D = 5000", l'erreur probable angulaire, &, d’une visée faite, à la distance moyenne L=— 100" est de 3”, l'erreur linéaire correspondante sera L&, et l’er- reur probable du résultat définitif sera évidemment donnée par la formule : dN= La \/x = à VDL =5sin 1 500000, d'où enfin aN = 0,010. L'erreur probable de la différence de niveau entre les deux points extrêmes ne s'élève donc qu'à un centimètre. (1) Voyez sur le même sujet les observations présentées par MM. Quetelet et Morren, dans la séance précédente (Zullet.,t. XX, 1" part., pp. 151 et 160). (348 ) plus que telle plante que nous avons vue la première fois tel jour, pouvait bien être déjà en fleurs ou en feuilles quelques jours auparavant, toute la localité n’ayant pas été explorée en détail à chacune de nos promenades. Nous commencerons par rappeler les observations faites le 14 décembre 1852, une quinzaine après la seule et uni- que petite gelée à — 1° qui avait eu lieu le 4“ décembre, et qui n'avait pas eu d'influence sensible sur les plantes. 4° Feuillaison. 14 décembre 1852. — Nous n'avons pas fait d'observations; ce qui ne veut pas dire que les plantes mentionnées le 12 janvier ne montraient pas déjà des signes de végétation. 12 janvier 1853 : Spiraea sorbifolia. Sambucus nigra. Lonicera periclimenum. Arum maculalum. Ribes uva crispa. La feuillaison était d’un quart, ou d'une moitié, selon l'expo- sition. 2° Floraison. 14 décembre 1852 : La floraison était générale, ou à peu près, chez les : Helleborus niger. Rosa indica. PDaphne laureolu. Cheiranthus Cheiri (cultivé). Pyrus japonica. Vinca major. Elle était partielle, mais assez fréquente, chez : Viola tricolor. Anemone hepalica rosea (pas caerulea). Primula officinalis (cultivé). Lamium purpureum. Ulex europaeus. Vinca minor. Sparlium scoparium. Senecio vulqaris. Et partielle et assez rare chez : Viola odoraia. Rhododendron duliuricum. Primulu auricula. Ranunculus acris. Bellis perennis. (349) 12 janvier 1853 : Lamiun album. Erodium praecox. Cornus mascule. Ænemone hepatica caerulea. Corylus uvellana (fleur mâle). Sonchus oleraceus. 16 janvier : Gnaphalium margarilaceur. Cheiranthus annuus. Reseda odorata. Chrysanthemum leucanthemum Malva sylvestris. GChrysanthemum coronarium. Tropacolum majus. Silene nutans. Mercurialis annua. Carduus crispus. Anthemis arvensis. Solanum nigrum. Fuba vulgaris, 20 janvier : Ribes nigrum. Chimonanthus fragrans. Glecoma hederacea. Corylus avellana (fleur femelle). Buxus sempervirens. Fragaria vesca. Spiraea ulmaria. Malva rotundifoliu. Galanthus nivalis. Daphne mezereon. Erica herbaceu. Prunus domestica (fruits roses). Campanula speculum. Magnolia yulan (boutons). Raphanus raphanistrum. Achillea millefolium. Trifolium pratense. Erysimum vulqure. Anthriscus sylveslris. Borrago officinalis. Statice armeria. Poa annua. Scabiosa arvensis. — alropurpureu. Verbena chamaedrifolia. Dianthus barbatus. Tussilago petasites: Leontodon taraxacum. Thlaspi bursa pastoris. Lapsana communis. Corchorus japonicus. Prunus laurocerasus colchichus. Spiraea prunifolia plena. Fleurs près de s'ouvrir. Ulnus campestris (en fleurs à Liége). Remarques. Du 22 au 24 janvier, le thermomètre est descendu à zéro, et a empêché une évolution plus grande de la végé- tation. Nous avons rappelé plus haut qu’il n'avait pas gelé auparavant, excepté le 1* décembre. (Je ne parle pas de la première petite gelée blanche du 9 octobre qui flétrit les feuilles de l'Oxalis Deppei et de la Pawlonia.) ( 550 ) Le froid s’est ainsi prononcé immédiatement après l'é- poque du jour normalement le plus froid de l’année (24 jan- vier) précisément au moment du réveil des plantes (25 au 27 janvier) dans les années ordinaires. Les plantes ont été, semble-t-il, bien plus impression- nées, en ce qui concerne leur floraison, qu'en ce qui re- garde la feuillaison; car, pour cette dernière, nous n'avons eu à noter que cinq espèces, qui offrent assez fréquemment un développement semblable à pareille époque, pour peu que l'hiver aïl.eu des intervalles doux. Certaines plantes, de même famille, sont bien plus sensibles à l'influence de la température les unes que les autres. Ainsi, par exemple, c'est à peine si le Crocus jaune donnait, le 20 janvier, quelques indices de boutons de fleurs , alors que la florai- son du Galanthus nivalis élait générale et avait commencé dès le 8 janvier. L’Anémone hépatique rose élait déjà en fleurs le 44 décembre, tandis que la variété bleue n’a fleuri qu'un mois après. Parmi les plantes mentionnées, celle qui a manifesté la première les atteintes du froid, en se flétrissant vers le 24 janvier , est la capucine qui avait continué jusque-là à croître et à fleurir en espalier. Les autres plantes ne se sont pas flétries en janvier, quoique la gelée, commencée le 24, se soit successivement un peu plus prononcée. Leur développement a seulement été interrompu. Les anciennes feuilles du Quercus cerri étaient restées vertes, et n’ont commencé à jaunir que vers le 26 janvier. Nos pêchers et nos abricotiers montraient des boutons, mais n’ont pas fleuri, comme cela est arrivé dans d’autres localités. Les animaux ne nous ont pas présenté de phénomènes remarquables à noter, excepté le développement de la mal- ( 51 ) heureuse cochenille du pommier (puceron lanigère) qui, au commencement de janvier s’étalait déjà en plaques si- mulant de la moisissure blanche, sur les branches des pommiers à Liége. C’est ici le lieu de rectifier un fait qui a été avancé dans le bulletin horticole du journal l’Indé- pendance Belge , peu de jours après la communication que j'ai eu l'honneur de faire à l'Académie. Le spirituel auteur de cet article a avancé que, dans les plaines de la Hesbaye, on distinguait dans les vergers, même du chemin de fer, la moisissure blanche de cet ignoble insecte. Il est à croire que l’auteur a pris pour le puceron les toiles blanches ten- dues sur les arbres fruitiers par les familles de chenilles soit des Bombyx neustria et auriflua, soit de l’Yponomeuta padella. Car, il serait impossible de distinguer à quelques pas les taches de Ja cochenille, qui heureusement, d'ail- leurs, n'a pas encore envahi les vergers de la Hesbaye. Je ne l’y ai vue qu'une fois, et isolément,, il y a trois ou quatre ans. J'ai lieu d'espérer que si elle y existe encore, elle y est du moins fort rare. En terminant ces remarques, je crois à propos de rap- peler que; pendant l'hiver de 4851 à 1852, qui a été fort doux, sans l'avoir été autant que celui-ci, la première petite gelée a eu lieu vers le 40 février. (Il y en avait eu d’autres au commencement de l'hiver, en novembre, je pense.) Les fleurs que j'ai remarquées à cette époque (le 10 février) , et qui étaient pour la plupart ouvertes depuis longtemps, étaient les suivantes : Helleborus niger. Galanthus nivalis. Corylus avellana. Eranthis hyemalis. Anemone hepatica. Crocus vernus. Daphne laureola. Rhododendron dahuricum. — mezereon. Pyrus japonica. Ulmus campestris. Viola tricolor. ( 352 ) Primula officinalis. Bellis perennis. Senecio vulgaris. Viola odorata. et sans doute un certain nombre des autres mentionnées en 1855. Les plantes en feuilles étaient les mêmes que celles que j'ai signalées cette année (1853) le 12 janvier (1). Observations sur la notice de M. le professeur Van Beneden, intitulée : LA GÉNÉRATION ALTERNANTE ET LA DIGENÈSE; par M. Th. Lacordaire, membre associé de l’Académie. Mon rapport sur le concours quinquennal des sciences naturelles ayant donné lieu à la publication de cette no- tice, je me vois dans la nécessité d’y répondre par quel- ques explications. Elles seront courtes, mais sufliront, je l'espère, pour mettre fin à un dissentiment qui n’a rien de sérieux au fond et qui ne repose que sur un malentendu. Le temps d’ailleurs me manque pour leur donner plus de développement. Le travail de notre honorable collègue se compose de deux parties distinctes : la première contenant quelques critiques à mon adresse ; la seconde dans laquelle il expose ses vues sur la question qui nous divise en apparence. Occupons-nous d’abord de celle-ci. Je commence par déclarer que j'admets sans hésiter et sans restriction aucune tous les faits qu’elle contient. J'a- jouterai même que, dans l’état actuel de la science, il (1) Waremme, chef-lieu de l'arrondissement de ce nom, est situé sur la petite rivière le Geer, au milieu d'un plateau découvert. Le sol, très-fertile, appartient au limon de la Hesbaye. L’altitude au-dessus du niveau de la mer est de 122 mètres. ( 355 ) serait dificille de donner de ces faits un exposé plus ingé- nieux, plus concis et plus exact. Si, dans son mémoire sur les vers cestoïdes, M. Van Beneden $était exprimé avec celte clarté et cette précision, il n’y eüt eu dans mon rapport aucun des passages qui, à mon grand regret et contre mon intention, ont pü lui paraître hostiles. Nous sommes parfaitement d'accord sur le point de dé- part, c'est-à-dire qu’au point de vue de la reproduction, le règne animal se divise en deux catégories : les animaux qui ne possèdent que la génération par des œufs, ét céux chez qui il y a coexistence de cette génération avec celle par bourgeonnement ou gemmipare, en d’autres termes, les animaux monogénèses et les animaux digénèses, pour employer les expressions de M. Van Beneden , qui me pa- raissent trés-convenables et que j'adopte bien volontiers. Ici commence le malentendu. M, Van Beneden semble croire que, dans cette seconde catégorie, je ne fais aucune distinction, et que, dans mon opinion, partout où il va di- génèse, il y a en même temps génération alternante. Or, je n'ai rien dit de pareil, que je sache. Je reconnais cependant que la distinction qu’il y à lieu de faire n’est pas établie dans mon travail, et qu’à ce point de vue, il présente une lacune : mais cette lacune est volontaire. Croyant à tort ou à raison que M. Van Beneden rejetait la théorie de la géné- ration alternante admise par tout le monde, mon but était simplement de démontrer qu'il admettait la chose moins son nom. Je n’avais pas besoin pour cela de parler des ani- maux digénèses où cette génération n'existe pas; il suffisait de ceux où elle existe. En un mot, je n’ai envisagé qu’une des faces de la question; si j'eusse traité la question tout entière, je me fusse sans aucun doute exprimé en moins bons termes que notre savant collègue; mais mes conclu- (354) sions eussent été absolument identiques avec les siennes. Non, la digénèse n'implique pas nécessairement la gé- nération alternante. Parmi les animaux chez qui la pre- mière existe, 1l y en a dont tous les individus possèdent tôt ou tard des organes génitaux, et qui dès lors ressemblent à leurs parents. On pourrait appeler ceci la digénèse simple. Mais il y en a aussi, et ce sont les plus nombreux, chez lesquels certains individus ne sont jamais sexués, mais seulement gemmipares, et qui se trouvent placés entre des générations sexuées. C’est ce que j'appelle génération allernante avec tout le monde, et, s’il fallait en donner ici une définition, celle-ci serait très-courte et consisterait en ce peu de mots : elle existe partout où, entre deux généra- tions seœuées, s'intercalent une ou plusieurs générations agames ; ni plus ni moins. Il y à là, par conséquent, deux choses distinctes : la digénèse et l'alternance des généra- tions. On pourrait appeler le tout, pour plus de brièveté, digénèse alternante. La forme des individus ne joue ici qu'un rôle très-secon- daire, et c’est à tort que M. Van Beneden semble me prêter l’opinion inverse. C’est même pour éviter toute équivoque, à cet égard, que je me suis servi exclusivement des mots générations dissemblables, qui ont un sens aussi général que possible , et qui embrassent toutes les différences qui peu- vent exister entre deux ou plusieurs êtres, mais pas plus celles qui tiennent à la forme que les autres. De ces diffé- rences, il n’y en a ici qu'une seule d'essentielle, l’absence permanente ou la présence de la faculté de produire des œufs. Les cinq catégories que M. Van Beneden établit parmi les animaux digénèses sont parfaitement exactes. Mais il suffit d'y jeter les yeux pour voir que les deux premières LI (355 ) (Naïs, Syllis,, Clavellina ; etc.) appartiennent à la digénèse simple, et les trois autres à la digénèse‘alternante. M. Van Beneden le reconnaît lui-même pour la troisième et la quatrième. Quant à la cinquième, qui comprend les Puce- rons, j'ai donné, dans mon rapport, la formule qui leur est applicable, et il me paraît inutile de la reproduire ici. Ces cinq catégories se réduisent donc en réalité à deux, chacune susceptible de sous-divisions : deux pour la pre- mière, trois pour la seconde, sans parler de celles qu'on découvrira par la suite; car ici, comme partout, la nature a, sans aucun doute, réalisé toutes les combinaisons com- patibles avec le plan primitif, en procédant par nuances insensibleset ne reculant que devant la contradiction dans les termes. Maintenant , que notre savant confrère me permette de lui adresser une question dont je le fais juge lui-même et qui doit mettre fin à notre débat : ne lui paraît-il pas con- venable, ne füt-ce que pour la commodité du langage, de donner-un nom particulier à ces deux catégories dont il vient d’être question en dernier lieu? S'il répond par l’affir- mative ets il adopte le:nom de génération ou digénèse alter- nante pour la seconde, tout dissentiment cesse à l'instant entre nous. Si ces expressions ne Jui conviennent pas, il y a encore un moyen très-simple de nous entendre : qu'il en propose d'autres : j'y souscris à l’avance, bien certain qu'il n’en créera que de très-convenables. Enfin, s'il ré- pond par la négative, je n’ai plus qu’à me taire; les choses n'en subsisteront pas moins, qu'elles porlent ou ne por- tent pas un nom. Je: n'ai pas autre chose à dire sur le fond même de la question. Un mot maintenant sur la première partie de la notice. ( 356 ) « La génération alternante, dit M. Van Beneden, est un phénomène quñl faut chercher à faire rentrer dans la loi commune de la reproduction et non pas laisser comme une exception dans la science. » Cette remarque est très- juste; je demande seulement si, après tout, la digénèse, dont la génération alternante fait partie, n’est pas elle- même une exception, car enfin les espèces chez qui elle existe, ne forment, jusqu'ici du moins, qu’une très-faible minorité dans le règne animal. Notre honorable confrère désapprouve ensuite fortement cette phrase de mon rapport : « le point de départ de la génération alternante est l’état ou se trouvent, quant aux organes génitaux, les embryons à leur origine. » Je con- viens qu’ainsi isolée de ce qui la précède et la suit, elle prête à la critique; mais que prouve une phrase détachée de l’ensemble dont elle fait partie? Bien plus; M. Van Beneden trouve des restes de la vieille théorie de l'emboitement des germes dans un pas- sage où j'ai dit que le règne animal se divise en deux caté- gories, selon que les embryons possèdent en germes des organes génilaux ou qu'ils naissent agames. Lorsque je lus mon rapport devant le jury, j'avais pour auditeurs des hommes très-compétents dans ces sortes de matières; ils comprirent ce passage comme il doit l'être, et ilne:vint à la pensée d'aucun d’entre eux d’y voir ce que mon savant contradicteur y a découvert. Je le prie de croire que je suis tout autant que lui partisan de la doctrine de l’éprgénèse, et qu'ici non plus il n'y a pas de dissentiment entre nous. Tout ce que dit M. Van Beneden de mes prétendues opinions sur les Cestoïdes et les Méduses qui, selon moi, naîtraient {ous agames et tous avec la faculté de produire des gemmes, tombe de soi-même devant ce que j'ai dit plus (357 ) haut des lacunes volontaires que présente mon travail. Je ne suis pas entièrement d'avis què M. Steenstrup ait si mal défini la génération alternante, en disant qu’elle consiste « en ce qu'un animal, au lieu de donner nais- sance à un animal semblable à lui, en produit un qui ne lui ressemble pas, mais qui produira une génération sem- blable au premier parent. » Sans aucun doute, si, par ces mots : ne lui ressemble pas, on entend simplement une différence dans la forme, la question est mal posée; mais, si on leur donne le même sens qu'à ces expressions générations dissemblables, dont je me suis seryi et qui sont au fond identiques avec celle em- ployées par M. Steenstrup, je ne vois pas bien en quoi pèche sa définition. Elle me paraît seulement moins com- plète que celle de M. Van Beneden qui va mieux au fond des choses et qui est certainement préférable. Enfin, quand j'ai dit qu'on avait embrouillé la question dela génération alternante en la mélant avec celle de lin- dividualité des êtres organisés, je connaissais très-bien ce qu'avait publié à cette époque M. I. Müller sur les échi- nodermes, et ce n’est pas du tout aux travaux de l'illustre professeur de Berlin que je faisais allusion. M. Van Bene- den n’ignore pas les discussions auxquelles a donné lieu, notamment en Angleterre, cette question de l’individualité desétres , et les conclusions qu’on en a tirées relativement à la génération alternante. Il est certain que les deux ques- tionssont intimement liées l’une à l’autre; mais la preuve qu'elles sont distinctes, c’est qu'on s’est demaudé, bien longtemps avant qu'il fut question de génération alter- hante et de digénèse, si un arbre ou un Ténia constituait une seule individualité ou plusieurs. C'est la digénèse qui fait en partie qu’il existe des êtres ( 358 ) qui donnent lieu à cette question de l’individualité ; il y a ici, comme partout, une cause et un effet. Or, où est, dans le cas actuel, l'obstacle qui s'oppose à ce qu'on puisse examiner séparément l'effet et la cause? Qu'importe, après cela, que, dans certains cas spéciaux, comme celui de Ja Bipinnaria asterigera, Vune des deux questions puisse servir à éclaircir l’autre? Je ne regretterai pas cette pelite discussion, si notre honorable confrère tient l'engagement qu'il à pris dans son travail, de publier bientôt la suite de ses vues sur cette intéressante question de la digénèse et de la génération alternante; personne ne les attend avec plus d’impatience que moi. Note sur l'embryon des graminées; par M. V.-P.-G. Demoor. La note sur l'embryon des graminées que nous avons eu l'honneur de présenter à l’Académie des sciences de Belgique, a été l'objet de deux rapports par MM. Spring et Martens, rapports qui ont été lus dans la séance du 3 avril 1852. L'un des honorables rapporteurs, M. Spring, nous ayant engagé indirectement à reprendre les observations qui avaient été faites sur l'embryon des graminées, nous avons Cru ne pouvoir laisser échapper celte occasion pour communiquer à l’Académie les résultats des recherches microscopiques auxquelles nous nous sommes livré, et qui fournirout probablement une solution définitive, à l'important problème de l’organisation de cet embryon. ( 359 ) À cet effet, nous avons entrepris deux séries d’observa- tions : les unes se rapportent à la formation et au déve- loppement de l'embryon; les autres se rattachent aux phénomènes que nous a offerts là germination. Pour suivre le développement de l'embryon, nous avons choisi le Triticum polonicum, le Triticum durum, l’'Hordeum hexastichum, l'Hordeum vulgare, var. coeleste, l'Avena nuda, var. major, le Melica uniflora, le Glyceria spectabilis, le Megastachya rigida, le Setaria germanica , l'Oplismenus crus galli et le Panicum miliaceum. À part la forme variable des ovaires avant el après la fécondation, les phénomènes de la formation de l’em- bryon se sont montrés chez presque toutes les espèces avec les mêmes caractères : mais nous aurons soin de si- gnaler les particularités remarquables qui se sont mani- festées chez quelques-unes d’entre elles. Quelque temps après la fécondation, nous avons vu apparaitre, vers la base et à la face externe du périsperme, excavée vers le spile, une petite masse un peu allongée dont l'aspect et la densité tranchaient avec l'aspect et la densité du corps matriculaire du périsperme : celte petite masse, qui deviendra le bouclier, s'accroît assez promple- ment et prend un aspect jaune verdätre : quelques jours plus tard, nous vimes se former un mamelon un peu élargi à la base du bouclier. Chez quelques graines, nous avons trouvé cette petite masse complétement indépen- dante de cet organe; chez d’autres {Glyceria spectabilis, Megastachya rigida), elle était presque impercepüble au plus fort grossissement, de manière qu'il nous fut im- possible de saisir ses connexions. Vers la même époque, nous distinguâmes pour la pre- mière fois une autre petite masse un peu allongée (gem- ( 360 ) mule), placée vers le tiers inférieur du jeune bouclier : cette petite masse s’allonge sans s’élargir sensiblement dans les premiers temps ; tandis que le bouclier s’allonge et élargit considérablement. La masse que nous vimes en second lieu est le faux bouclier de quelques auteurs. Cet organe s’est comporté différemment dans les divers genres : chez quelques-uns, il a acquis des dimensions assez fortes (Triticum), chez d’autres son développement est resté quasi stationnaire, et chez d’autres enfin, il a diminué de volume au point de s’effacer presque entièrement. Pendant que le bouclier se développe avec une rapidité surprenante, la gemmule s’accroit lentement, en s’élar- gissant et s’'aplatissant un peu vers le haut et s’arrondis- sant et s’effilant vers le bas, pour constituer les deux systèmes, l’ascendant et le descendant : C'est alors que nous vimes se produire un corps mem- braneux qui s'élevait très-près du point qui lie la gem- mule au bouclier : ce repli était surtout bien marqué aux faces latérales de la gemmule. L’accroissement et le développement de ce corps mem- braneux ont varié dans le Melica et les autres espèces. Chez le Melica et le Glyceria spectabilis, cette membrane simulait une espèce de collier au-dessus du point de réunion de la gemmule avec le bouclier; bientôt elle for- mait une gaine, dont tous les points du bord supérieur, qui paraissait libre, atteignirent en même temps le même niveau : lorsque le moment de la maturité fut venu, elle formait une poche sans aucune ouverture, sans aucune trace de soudure ni de séparation. Chez les autres espèces (Triticum durum, poloni- cum, etc.), le développement de la gaine s’est fait diflé- remment : àson début, elle formait, comme chez le Melica, ( 361 ) une espèce de collier , mais, plus tard, son pourtour était oblique de bas en haut et d’arrière en avant, en suppo- sant que l'embryon soit placé sur l’écusson, la radicule tournée vers l'observateur: : la vaginule ayant atteint le sommet de la gemmule, où elle semble sinfléchir et qu'elle enveloppe étroitement; présentait une petite fente qui était souvent plus ou moins oblique; les lignes de cel- lules qu'on distingue aux lèvres de cette fente affectent des directions opposées : celles du côté droit se dirigent de gauche à droite, de bas en haut et de dedans en dehors : tandis que celles du côté gauche se dirigent de droite à gauche, de bas en haut et de dedans en dehors. À la maturité du fruit, l'ayant fait macérer, nous dé- couvrimes à la face externe de l'embryon, entre la vaginule et l'axe du sujet, un petit bourgeon revêtant, à peu de chose près, les mêmes caractères que la gemmule. Telles sont les données que nous avons pu recueillir sur Ja formation et le développement des parties impor- tantes dont se compose l’embryon des graminées jusqu'à la maturité du grain. Ayant suivi l'évolution de cet embryon, ayant assisté, pour ainsi dire, à la synthèse du jeune être, il restait en- core une autre série d'observations à entreprendre pour nous éclairer sur la question qui nous occupe : à cet effet, nous l'avons soumis à la dissection, à l'analyse aux di- verses époques de son développement ultérieur, c’'est-à- dire depuis une simple macération jusqu'à l’évolution complète des divers organes qui le composent. Macéré pendant onze à douze heures , un faible grossis- sement à sufli pour nous faire distinguer le bouclier, la gemmule et sa gaine, le sous-bouclier, et une dissection minutieuse nous fit voir le bourgeon en miniature dont il TOME xx. — 1" PART. 25 7 ( 362 } a été parlé plus haut. Chez d’autres graines, la germina- tion allait s'effectuer : alors on distinguait, sans le secours d'aucun grossissement, le bourgeon rudimentaire de la vaginule : des tranches longitudinales et obliques dans lesquelles on avait compris une portion du bouclier, fit constater, à un fort grossissement, des trachées et des cel- lules de diverses formes. Une tranche verticale faite sur un jeune sujet, dont la vaginule était béante par la présence du cône intérieur qui allait se faire jour, nous fit constater que la consistance n'en était pas uniforme et homogène : nous vimes deux lignes, souvent interrompues vers le milieu, marquées par un tissu moins régulier, et dont les éléments semblaient croiser dans leur plus grand diamètre, à angle presque droit, les éléments ambiants; une plaque souvent subqua- drilatère, ayant un des angles obtus tournés vers le haut, les séparait entre elles : la supérieure, laissant un petit in- tervalle irrégulier entre elle et l’inférieure, correspondait à l'insertion de la vaginule, et l’inférieure, plus nettement marquée, à l'insertion du bouclier. Chez d'autres espèces, et notamment chez le Triticum durum, dont la première vraie feuille était déjà sortie de la vaginule , il nous semblait exister un autre point vague- ment marqué par un tissu plus condensé sur le niveau du sous-bouclier; ces démonstrations sont surtout patentes chez les individus dont on a retranché une portion de la vaginule lorsqu'elle a acquis le tiers de son développement. Ces lignes de tissus et cette plaque subquadrilatère ne seraient-elles pas les premiers vestiges du mérithalle et des nœuds primordiaux ? Pour contrôler ces observations, nous fimes immédia- tement un semis d'une cinquantaine de grains d'Ammo- ( 363 ) phyla arenaria et de Molinia caerulea. Les graines de cette dernière germèrent au bout de seize jours; trente-deux jours après la germination, quelques sujets présentaient déjà trois feuilles, dont la plus intérieure allait terminer son évolution. Ayant pris une tranche longitudinale vers le milieu du diamètre de la base d’un jeune sujet, nous distinguàmes vaguement au microscope deux lignes irrégulièrement horizontales un peu plus compactes que le reste du tissu, lignes qui correspondaient à l'insertion des deux feuilles inférieures ; le point répondant à la feuille supérieure n'é- tait guère apparent : les points correspondant au bouclier et à la vaginule étaient presque aussi clairement dessinés. L’Ammophyla arenaria nous a fourni les mêmes carac- tères, mais encore à un plus faible degré. En examinant sans prévention ces observations, qu'il n’est guère difficile de répéter, peut-il encore planer quel- que doute sur la dénomination qu’il convient d'imposer au bouclier, organe primordial de l'embryon des graminées? Tous ceux qui voudront se donner la peine de répéter les recherches qui précèdent, seront convaincus, comme nous, de l'exactitude des faits signalés et amenés naturelle- ment aux mêmes conséquences; mais avant qu'elles soient entreprises , elles ne sauraient échapper à quelques objec- tions, très-sérieuses en apparence , que nous allons passer en revue. D'abord, l'alternance ou la disticité des organes appen- diculaires leur sera opposée. Pourquoi, si l'écusson est le vrai cotylédon, ne se trouve-t- il pas en allernance avec la première feuille ou le capuchon? tels sont les termes dans lesquels on formule la première objection. ( 364 ) L’écusson est un cotylédon, d’après les recherches des plus savants morphologistes, Mirbel, Spach , Auguste de S'-Hilaire et Schleiden , et aucune de ces sommités scien- tifiques n’a signalé le défaut de disticité ou d’alternance des organes appendiculaires, quoique Mirbel, Spach et Auguste de S'-Hilaire s'accordent à considérer la vaginule comme une feuille primordiale. Et comment se fait-il que la loi de l'alternance qui règne dans les graminées, n’a pas depuis longtemps démontré l'absence d’un organe et indiqué la place qu'il aurait dû occuper sur l'axe du jeune sujet ? Les botanistes qui n’ont pas fait une étude spéciale de embryon des graminées invoqueront ce défaut d’alter- nance comme une preuve suffisante contre la dénomina- tion à donner au bouclier; mais pour peu qu’on se soit occupé d’embryologie agrostologique, l’on saura que ce défaut d’alternance ne s’y remarque qu'à cause de l’avorte- ment d’un organe, qui serait l'analogue de la vaginule et qui se trouverait supérieurement et à proximité du faux cotylédon, car la germination de plus de cent espèces de graminées, tant indigènes qu'exotiques, appartenant à qua- rante-trois genres, nous a donné la conviction qu'il existe chez toutes, à une certaine PA un faux cotylédon plus ou moins apparent. Si on admet cet avortement, dont la physiologie nous rend compte, l'alternance est définitivement établie. Et y a-t-il de bonnes raisons qui s'opposent à admettre cet avortement? « Il nous semble que tout parle en faveur de notre thèse : » En effet, ne voit-on pas tous les jours de semblables avortements dus à une répartition inégale des matières nutritives ? Or, le développement du bouclier, sa position, ses rapports et sa communication avec le péri- ( 565 }) sperme, qui ont été rappelés, ne semblent-ils pas nous en dévoiler le secret? La seconde objection est tirée de l'eæistence de la fente gemmulaire, qui a été démontrée chez quelques monocoty- lédones et étendue plus tard, par analogie, à toutes les unilobées. Et chose singulière, Schleiden, quoiqu’un des promoteurs de cette opinion, n’en a pas moins continué à envisager le bouclier comme le cotylédon des graminées, L'extension donnée à cette particularité, sans examen préalable, doit faire élever des doutes sur l'existence de cette fente chez toutes les monocotylédones : et déjà nous avons eu soin d'enregistrer des faits, observés avec soin, qui sont de nature à diminuer l'importance qu’on y attache: ainsi le Melica uniflora présente une vaginule sans trace d'ouverture, tandis que, dansle Triticum polonicum, elle est très-apparente à une forte loupe : on dirait même qu’à la commissure inférieure, le bord droit recouvre un peu le bord opposé : ce qui tend à faire admettre cette disposition, c'est la direction des vaisseaux et des lignes de cellules muriformes. Ces tissus élémentaires, à partir d’un peu au- dessous de la commissure inférieure, vont en divergeant; ceux de droite se dirigent obliquement de gauche à droite, de bas en haut et de dedans en dehors, et ceux de gauche dans un sens inverse. Or, nous savons que, chez les grami- nées , les cellules muriformes, etc., suivent la direction parallèle des vaisseaux : qu’on trace donc sur un carré de papier des lignes parallèles représentant les vaisseaux et les cellules muriformes, qu’on en fasse une espèce de cor- net simulant l’enroulement de la gaine, et l’inspection des bords de ce cornet fournira une idée assez exacte de la divergence apparente des tissus élémentaires autour de la fente gemmulaire; mais hâtons-nous d'ajouter que nous L ( 566 ) ne sommes jamais parvenu à constater directement le croi- sement ou l’enroulement des bords; car la soudure ou union nous a paru toujours parfaite. Puisqu'on s'accorde sur l'organe qui doit être appelé cotylédon chez l’Arüm maculatum, quoiqu'il ne présente plus une simple fente, mais un écartement très-apparent et assez large de ses bords, et qui pourrait être représerité par les trois quarts d’un cylindre, et sur le cotylédon du bananier, qui forme à peu près la moitié d’un cylindre, un cotylédon presque plan ne pourrait-il pas être le partage des graminées? Quoi qu'il en soit, nous croyons que l’exis- tence de la fente gemmulaire ne mérite pas la haute im- portance qu'on lui accorde assez généralement; et nul doute qu’au point de vue des classifications, la fente (1) gemmulaire ne soit un jour, qui n’est peut-être plus éloi- gné, à l'égard des monocotylédones, ce que fut naguère la gaine fendue envers la famille des graminées. Les auteurs qui envisagent le capuchon ou la vaginule comme l’analogue de la ligule qui existe le plus souvent chez les graminées, ont perdu de vue sa structure, son insertion et la présence d’un bourgeon à son aisselle. Et d’abord, la vaginule existe chez toutes les graminées; elle est membraneuse ou subherbacée et très-développée (2), même chez les espèces qui présentent à peine des traces de ligule; puis la ligule de presque toutes les graminées ne (1) La fente gemmulaire ne présente rien qui puisse nous intéresser, se retrouvant même dans la feuille extérieure des bourgeons de presque toutes les graminées. Chez la plupart de nos céréales cultivées, seigle, froment, etc., cette feuille revêt ultérieurement tous les caractères du capuchon. (2) L'étude de la flore agrostologique nous fait voir que la ligule des feuilles inférieures est toujours moins développée que celles des feuilles supé- rieures. ( 567) présente dans sa composition aucune espèce de vaisseaux, tandis que la vaginule en offre de divers ordres; on ne saurait citer un plus bel exemple que celui du Triticum durum, dont la vaginule est quelquefois entièrement con- forme à la gaine de la feuille suivante; ensuite, la ligule est une dépendance de la feuille, tandis que la vaginule, contrairement à l'opinion de Schleïden, est indépendante du bouclier, ainsi que les recherches de Mirbel et les nôtres nous l’ont prouvé (Lolium, Panicum, Digitaria, etc.); son mode de végétation n’est pas moins différent chez l’une et chez l’autre. La ligule qui est coupée en partie reste dans cet état, tandis que la vaginule encore close et même plus tard, dont on retranche une partie, devient le siége d’un développement remarquable : un mouvement %le turges- cence s’en empare, et elle ne tarde pas à devenir suecu- lente-charnue ; enfin, l'existence d’un bourgeon à son ais- selle ne permet aucune comparaison entre la ligule et la vaginule. Tout, au contraire, tend à démontrer que le capu- chon n’est pas le représentant de la ligule, mais qu'il revêt tous les caractères de la portion vaginale d’une feuille; c’est ce dont ou pourra s'assurer par la germination de l’Oryza sativa, de l’Asprella oryzoïdes, de l’'Hierochloë borealis, du Melica montana, etc., qui, outre la vaginule, présentent une seconde feuille en tout analogue au capuchon. La troisième objection invoque l’analogie et assimile le bouclier à la production latérale que présente la tigelle des naïades. Pour appuyer solidement cette analogie, il nous fau- drait connaître l’embryogénie des naïades, et c'est ce que Von ignore complétement ; de telle manière que la discus- sion est placée sur un terrain inconnu et inexploré : car ce qu’on sait à cet égard est vague et incertain. Mais on a acquis des notions positives sur la constitution de l’em- ( 368 ) bryon des naïades, des Potamées et des zosteracées; leur embryon, dépourvu de périsperme, se compose d’une masse charnue latérale de configuration insolite qui forme sa presque totalité. L'organe que Richard a nommé cotylédon, situé un peu plus haut, est un appendice quasi scarieux, Il nous est donc impossible de rien conclure par l'in- speclion de cet embryon; si pourtant il nous était permis de procéder du connu à l'inconnu et par induction, nous serions porté à considérer cette production latérale comme le vrai cotylédon, et le cotylédon de Richard comme une feuille primordiale; mais à l'embryogénie seule est réservée le soin, la tâche de nous éclairer sur cette question enve- loppée d’obscurité. Enfin, si on envisage le bouclier comme une production latérale de la tigelle, qui n’est pas encore à l'état de germe lorsque le bouclier est déjà nettement dessiné, l’on sape par sa base la théorie sur la formation des bourgeons et des embryons, qui a aujourd’hui cours dans la science et sur laquelle tous les bons esprits s'accordent; théorie dont Schleiden a fait ressortir la justesse et les conséquences dans ses rapprochements entre le bourgeon fixe et Le bour- geon seminal où embryon. Des recherches qui précèdent nous nous croyons auto: risé à déduire : 1° Que l'embryon des graminées se compose du bou- clier, du sous-bouclier et de la gemmule; 2 Que la formation du bouclier précède celle de la gemmule ; 5° Que la vaginule naît indépendamment et au-dessus du bouclier et se comporte difléremment dans la famille des graminées, attendu que tantôt elle présente une fente très- apparente et que, d’autres fois, elle n’en offre aucune trace; ( 569 ) 4 Que l'axe du jeune être porte à diverses hauteurs la vaginule, le bouclier et le sous-bouclier; que les points correspondant à l'insertion des deux premiers organes sont marqués par des lignes de tissus condensés séparées entre elles par une plaque quelquefois subquadrilatèré autrement constituée, premiers vestiges du mérithalle et des nœuds primordiaux ; 5° Que la vaginule présente à son aisselle le germe d’un bourgeon , comme toutes les feuilles des graminées; Et 6° que la vaginule, par l’ensemble de ses caractères, est en tout analogue à la première vraie feuille de cer- taines espèces. De là nous concluons : A. Que le bouclier constitue le vrai cotylédon des gra- minées ; Et B. Que la vaginule n’est pas le représentant de la ligule, mais la portion vaginale d'une feuille primordiale à laquelle nous l’assimilons. Note sur le synchronisme du calcaire pisolitique des envi- rons de Paris et de la craie supérieure de Maestricht ; par M. Ed. Hébert. IL n’est pas hors de propos de revenir aujourd’hui sur cette question; plusieurs géologues distingués viennent, en effet, d'émettre, dans de récentes publications, des opi- nions différentes, il est vrai, mais toutes de nature à ob- scurcir le débat, M. D’Archiac, dans son Histoire du pro- ( 370 } grès de la géologie (1), repousse le synchronisme et croit que l’ensemble des espèces qu'on rencontre dans le calcaire pisolitique présente un facies beaucoup plus tertiaire que crétacé. Quelques mois plus tard (2), M. Roulin déclare qu'il continue à regarder le calcaire pisolitique, qu'il réunit aux sables de Bracheux , comme la première formation ma- rine du terrain tertiaire parisien. Enfin, cette année même, M. Lyell, dans son mémoire sur le terrain tertiaire de la Belgique (5), groupe ensemble le calcaire pisolitique et le landénien inférieur de M. Dumont, que nous regardons comme l’exact équivalent de nos sables de Bracheux, dont il renferme les principaux fossiles, pour en faire un nou- veau système qu'il propose de placer entre la période cré- tacée el la période éocène. Le facies du calcaire pisolitique est-il donc plus tertiaire que crétacé ? Je pouvais répondre à celte question que j'avais trouvé, et à plusieurs reprises, dans le calcaire pisolitique de Mon- tereau le Pecten quadricostatus, qui caractérise la craie supérieure de Maestricht et du Cotentin. Tous les paléon- tologistes eussent jugé cette réponse suffisante; mais j'es- pérais trouver d’autres rapprochements. Dans quelques collections, j'avais vu des échantillons de roches de Maes- tricht dont la structure était singulièrement semblable à celle de notre calcaire pisolitique. Je résolus d'aller à Maestricht en étudier le gisement. Sur le flanc de la montagne S'-Pierre qui regarde la (1) T. IV, p. 244. (2) Bull. de la Soc. géol. de France, 2° série, t. VII, p. 460. (3) Quart. journ. géol. Soc., vol. VIT, p. 567 (mai 1852). (574) Meuse, je ne vis d'abord rien qui se rapportât à l'objet de mes recherches, mais à l’extrémité de la colline la plus éloignée de la ville, un chemin creux me montra un grand nombre de blocs d’un calcaire gris, beaucoup plus dur que la craie sableuse exploitée. Ce calcaire était rempli de moules de lucines, bucardes, tellines, etc., et sans l’a- bondance du Dentalium Mosae, dont la roche était pour ainsi dire pétrie, la fauné eût été essentiellement diffé- rente de celle de la craie jaune sableuse. M. Thierens, collecteur zélé et fort habile de Maestricht, qui avait bien voulu m'accompagner, me dit que ce calcaire formait en général le ciel des carrières, et que ces blocs venaient pro- bablement de quelque éboulement. Sur ce renseignement, j'examinai de plus près les couches supérieures; mais du côté de la vallée de la Meuse, il me fut impossible de les atteindre. Je recourus alors à l’autre versant, qui regarde le vallon du Geer, et là, au-dessus de l'entrée d’une car- rière, je pus parcourir et étudier à l'aise la série supé- rieure. Je trouvai d’abord le banc de calcaire gris, à Den- talium Mosae, etc., avec moules de bivalves; puis venaient quelques pieds de craie jaune sableuse ordinaire, puis un banc qui fixa de suite mon attention. C'était un calcaire légèrement jaunâtre, compacte, concrétionné, rempli de polypiers et d'une foule de bivalves et de gastéropodes. Parmi les bivalves, je trouvais le Corbis sublamellosa, d'Orb. , si abondant dans tous les gisements du calcaire pisolitique. Les gastéropodes étaient des troques, des tur- bos, etc. ; c'est aussi de cette couche que vient le Nautilus simplex, Rœmer (N. De Koyi, Morton), que j'ai retrouvé dans le calcaire pisolitique de Montainville (Seine-et-Oise). Il n’y avait pas le moindre doute, c'était là le gisement des échantillons que j'avais vus à Paris, et de plus, j'y voyais (372) des fossiles dont l'identité avec les nôtres n'était pas con- testable. Ce qu’il y a de remarquable, c'est que la faune de ce banc compacte peu épais disparaît avec lui, et, bien qu'il soit recouvert par plus de 40 mètres de craie jaune sableuse, je n'ai point vu dans les assises supérieures les fossiles si nombreux, si spéciaux, du banc compacte (1); mais le temps dont je pouvais disposer était tellement res- treint que celte première recherche doit être nécessaire- ment fort incomplète, et que je ne veux en tirer d’autres conclusions que celle-ci : Qu'il existe à Maestricht, inter- calés dans la craie jaune sableuse, un ou plusieurs bancs d'un calcaire dur et compacte, ayant les mêmes caractères minéralogiques que notre calcaire pisolitique dont il con- tient des fossiles, et que cette observation, jointe à la découverte que J'ai faite du Pecten quadricostatus dans le calcaire pisolitique, doit, conformément à l'opinion de M. Élie de Beaumont, faire regarder ce dernier dépôt comme synchronique de la craie supérieure de Maestricht. Celle-ci doit, d’ailleurs, selon toute probabilité, contenir, dans ses assises inférieures, un certain nombre de couches qui manquent dans le calcaire pisolitique; mais, pour se rendre un compte exact de cette corrélation, il faudrait d’abord connaître la répartition par couches des fossiles de la craie supérieure de Maestricht et du calcaire piso- litiquc. Ce travail serait facile à Maestricht où MM. Bos- quet et Thierens en ont tous les éléments; ce serait un véritable service rendu à la science. (1) J'ai vu, chez M. Bosquet, une série de fossiles tout à fait analogues à ceux de ces couches de calcaire dur de la Montagne-S'-Pierre; ces fossiles paraissent provenir d’une autre localité, le fort Guillaume. (373 ) Ce n’est pas seulement à Maestricht que j'ai pu recueillir des preuves du synchronisme des deux dépôts. On sait que le calcaire pisolitique du Mont-Aimé, près Chàlons-sur- Marne, est célèbre par la quantité de débris de crocodile qu'il renferme. Ce genre, que l’on regardait comme spé- cial aux terrains tertiaires, se reconnait facilement à ses vertèbres concavo-convexes, tandis que les autres sauriens des terrains crétacés ont les vertèbres bi-concaves (1); or, dans ma dernière excursion en Belgique, j'ai précisément trouvé à Folx-les-Caves, dans une carrière où la craie su- périeure est exploitée à ciel ouvert, une vertèbre du croco- dile du Mont-Aimé, au milieu d’un nombre prodigieux de fossiles de la craie de Maestricht. Il y a donc une connexion intime entre la craie supé- rieure et le calcaire pisolitique, sous le rapport paléontolo- gique, tandis qu’il n’y en a aucune entre le calcaire pisoli- tique et le terrain tertiaire, puisque, entre ces deux derniers terrains, il n’y a pas une seule espèce commune, au moins jusqu’à présent. Je vais actuellement examiner la question au point de vue stratigraphique. M. D'Archiac, en comparant le cal- caire pisolitique à la craie supérieure de Maestricht, cite, parmi les motifs qui l’engagent à l’en séparer, la discor- dance (2) qui existe entre le calcaire pisolitique et la craie blanche, tandis qu'entre celle-ci et la craie de Maestricht , ü y a continuité parfaite (3). M. D'Archiae a cependant constaté lui-même (4) que des phénomènes, identiques à (1) Pictet, Éléments de Paléontologie, t. IL, pp. 36 et 40. (2) Hist. du prog. de la géol., t. IV, p. 242. (3) Id., id., p- 244. (4) Id., id., p. 176. ( 374 ) ceux que j'avais signalés (1) entre la craie blanche et le calcaire pisolitique, avaient eu lieu entre la craie blanche et la craie supérieure. Il cite, à Ciply, une très-intéres- sante coupe, que j'ai récemment visitée et où l’on voit la -surface de la craie blanche durcie (nous ajouterons ravinée et offrant les mêmes tubulures qu'à Meudon) recouverte par des cailloux roulés empâtés dans la craie supérieure dont les assises recouvrent cette couche. C’est là une preuve évidente de dénudation; cette dénudation a eu lieu aux dépens de la craie blanche, puisqu’au milieu des cailloux roulés se rencontre, roulé aussi, le Belemnites mucronatus, auquel j'ajouterai l’Ananchytes ovata, la Terebratula cornea et des blocs de craie blanche. M. D'Archiac déduit de ces observations une conclusion parfaitement juste et que nous adoptons pleinement, à savoir, que les dépôts de craie supérieure de Ciply, de Maestricht, de Folx-lez-Caves ont été formés dans des dépressions de la craie. C’est exacte- ment ce que j'ai dit pour le calcaire pisolitique, et nulle part, dans le bassin de Paris, la discordance n’est aussi tranchée qu'à Ciply. Comme ce point me paraît avoir quelque importance, je demande la permission de m'y arrêter un instant et d'ajouter quelques renseignements à ceux déjà fournis par MM. Léveillé et D’Archiac. La coupe de Ch. Léveillé (2), reproduite par M. D’Ar- chiac, s'applique au chemin creux qui se trouve à l'entrée de Ciply, en venant de Mons. Là, en effet, au-dessus de la craie blanche caractérisée par ses lits de silex et ses fos- (1) Pull. de la Soc. géol. de France, 2: série, t. V, p. 406 (1848). (2) Mém. de la Soc. géol. de France, 1"- série, t. II, p. 52. { 575 ) { 979 siles ordinaires (Ananchytes ovata, Belemnites mucrona- tus, Rhynchonella subplicata , Inoceramus Cuvicri, Ostrea vesicularis , Pecten quinquecostatus, etc.), on voit : 4° Au contact immédiat de la craie blanche, une assise de craie de couleur gris jannâtre , analogue à celle de Maes- tricht, et qui forme le toit de l’entrée d'une exploitation. 2 Craie grise tufacée, remplie de fossiles et notamment des suivants: Belemnites mucronatus. Thecidea papillata. Terebratula cornea. Apiocrinites ellipticus. Rhynchonella subplicata. Dentalium Mosue, etc., elc. Fissurirostra pectiniformis. Cette assise est épaisse de 8 mètres environ; on n'y trouve ni Hemipneustes, ni Baculites; évidemment elle correspond à la base des carrières de Maestricht. 3° Au-dessus de cette coupe, les champs contiennent en abondance des débris de calcaires durs, jaunàtres, ayant la même texture que le calcaire à polypiers de la Monta- gne-S'-Pierre. Il ne reste, d’ailleurs, aucun doute que la véritable craie jaune, telle qu'on l’exploite à Maestricht, et que l’on voit tout autour de Ciply, où elle est exploitée également, ne soit supérieure à la craie grise dont il vient d’être question, comme l'indique la coupe de Ch. Léveillé. Il est à remarquer qu’en ce point, au contact de la craie supérieure et de la craie blanche, la première repose im- médiatement sur la craie blanche, tendre, à lits de silex noirs, sans cailloux roulés, sans craie dure. Si l'on tra- verse le village en se dirigeant au sud, on monte un che- min qui passe devant une ferme isolée à 400 ou 200 mètres du ruisseau; le premier chemin à droite, après avoir passé la ferme, coupe la craie blanche à un niveau certainement ( 376 ) supérieur au point où l'on a vu la craie grise à thécidées et à fissurirostres. De ce point, en regardant au sud, on aperçoit devant soi un escarpement (n° 4) qui présente le contact de la craie supérieure et de la craie blanche. Ce point, analogue à celui que cite M. D’Archiac, ne parait pas être le même. Je reproduis ici grossièrement ce que j'y ai vu. Fig. 1. — Escarpement n° 1. A est la craie blanche ordinaire à Belemnites mucronatus ; B est la craie dure, ravinée, percée de tubulures, comme à Meudon, mais aussi compacte et aussi dure qu'à . Souppes près Château-Landon. C est la craie jaune sableuse semblable à celle qu'on. exploite à Maestricht. Le contact entre la craie blanche et la craie supérieure se fait suivant une surface extrêmement ondulée. Tantôt, comme en d, d, d, un petit lit très-mince de craie ferrugi- neuse et sableuse recouvre la craie dure en pénétrant dans les tubulures. Tantôt, comme en D, D, D, la craie supé- rieure empâte à sa base une quantité quelquefois prodi- gieuse de petits cailloux plus ou moins roulés, au milieu desquels se voient des blocs de craie blanche, dont quel- ques-uns ont un pied de diamètre, des Ananchytes ovata, des Belemnites mucronatus, elc., etc, L'épaisseur. très-va- riable de cette accumulation de débris auteint près de deux mètres. On remarque sur quelques-uns de ces cailloux des trous de coquilles perforantes. (371 ) Au-dessus vient en assises régulières la craie jaune de Maestricht avec des caractères pétrographiques compléle- ment identiques à ceux des assises supérieures sableuses de la Montagne-S'-Pierre, et très-différents de ceux des assises grises du chemin creux de Ciply, situées à un niveau plus bas. Si de cet escarpement dont Je viens de donner la coupe, on se tourne vers le nord, on aperçoit à 400 ou 200 pas devant soi, sur le flanc opposé du petit vallon, un affleu- rement de la craie (n° 2, fig. 2); l'examen de ce point montre qu'il appartient encore au contact de la craie blan- che que l’on voit immédiatement au-dessous de la craie supérieure; mais, ici, celle couche de contact est presque exclusivement formée de cailloux, de blocs et de fossiles roulés. Ces derniers, extrêmement nombreux, appartien- nent, les uns, à la craie blanche (Crania parisiensis, Rhynchonella octoplicata, etc.), les autres, en plus grand nombre, à la craie supérieure; on y trouve même en abon- dance des espèces que l’on ne trouve que dans des assises plus élevées que celles du chemin creux de Ciply, savoir : des moules de Rostellaires, Turbos, Natices, etc., et qui proviennent de calcaires compactes intercalés, comme nous l'avons vu dans les assises supérieures. C'est un gisement extrêmement riche, car, au milieu des fossiles roulés, on en trouve un grand nombre dont la conservation est parfaite, et en très-peu de temps, on peut faire en ce point une provision considérable de fossiles. Il faut aussi remarquer que, dans ce point, il n'y a pas apparence de craie dure tubuleuse. Le chemin creux dont nous avons rappelé la coupe se trouve sensiblement au nord des deux affleurements pré- cédents. Si on continue à marcher au nord, ce qui est la ToME xx, — ]'° PART. 26 (318) direction de Mons, on arrive, à un kilomètre environ de CGiply, à de grandes carrières ouvertes dans la craie jaune, exactement semblable à celle de l’escarpement (fig. 1), et selon toutes les apparences, le niveau de cette craie jaune est supérieur à celui de la craie grise du chemin creux, et doit être sensiblement le même que celui de l’escarpement. La présence du banc pétri de Dentalium Mosue, qui forme le ciel des carrières de Maestricht, classe ces couches, dont l'épaisseur est de 7 à 8 mètres, dans la partie supérieure de la craie jaune. Des blocs épars au fond de la carrière et contenant des cailloux roulés attestent que le contact a lieu en ce point comme dans la coupe que j'ai figurée. Si l’on cherche à représenter ces faits par une figure commune, on est obligé d'adopter la disposition suivante : bi ENGnd. | carréères F 1. Craie jaune supéricure. 3. Craic, dure à tubulures. 2. Craie grise à fissurirostra pectiniformis. 6. Craie blanche avec lits de silex. À, B, C, D, E, F représentant grossièrement la configu- ralion actuelle du sol des environs de Ciply dans Ja direc- tion que nous avons considérée, . a,b,c,d,e, f,g représentant le petit bassin de craie blanche, formé par dénudation, dans lequel les assises in- férieures de Ja craie de Maestricht se sont déposées. Quelle que soit d’ailleurs la valeur de cette représenta- tion graphique, il n’en ressort pas moins de ce que je viens de dire les conséquences suivantes : (379) 1° La craie grise à Fissurirostra pectiniformis, d'Orb., partie inférieure de la craie supérieure de Maestricht, re- couvre, à Ciply, la craie blanche à lits de silex noirs au point le plus bas où la craie supérieure puisse être ob- servée, et alors la craie dure à tubulures, qui constitue, en Belgique , comme dans le bassin parisien, la partie supé- rieure de la craie blanche, manque. % Lorsque cette craie dure existe, la craie jaune qui la recouvre appartient aux assises supérieures de la eraie de Maestricht. 3° La craie blanche a donc été ravinée avant le dépôt de la craie supérieure. Les dépressions qui ont été le pro- duit de ce ravinement ont été comblées par la craie supé- rieure. On voit que j'arrive à la conclusion de M. D’Archiac, à laquelle je n’ai fait qu'apporter de nouveaux arguments, et que certainement son auteur avait perdue de vue, lorsque, quelques pages plus loin, il dit que, dans le bassin de V’'Es- caut, 1l y a une continuité parfaite entre la craie blanche et la craie supérieure. D’un autre côté, cette conclusion est exactement celle que J'ai été conduit à formuler pour le calcaire pisolitique (1). Le calcaire pisolitique et la craie de Maestricht sont done exactement dans les mêmes conditions stratigraphi- qués par rapport à la craie blanche; j'ai montré que, sous le rapport paléontologique, ces deux dépôts n’offrent pas une moindre analogie, et que cette analogie s'étend jus- qu'aux caractères pétrographiques; je crois donc qu'il serait avantageux de supprimer ces dénominations de cal- (1) Bull. de la Soc. géol. de France, t. V, p. 406, et t. VI, p. 725. ( 380 ) caire pisolitique, de terrain danien, de calcaire à baculites du Cotentin, qui ne représentent que des lambeaux isolés d'un même dépôt, la craie supérieure, et de même que l’on dit : craie supérieure de Maestricht, on pourrait dire à l'avenir craie supérieure de Suëde, du Cotentin, craie supérieure du bassin de Paris (1). (1) Depuis la rédaction de cette note, je me suis aperçu que M. Van Hecs (Bulletin de la Soc. géol. de France, t. UT, p.160) avait parfaitement reconnu l'existence des couches de calcaire dur que je signale, et que M. Michelin avait fait remarquer l’analogie de ce calcaire avec celui de Laversine. (381 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du 7 mars 1853. M. le chanoine DE Ram, directeur. M. QuereLer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, le baron de Gerlache, Roulez, Lesbroussart, S. Van de Weyer, Gachard, le baron J. de S'-Genois, David, Van Meenen, P. Devaux, P. De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Bormans, Baguet, membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé ; Arendt, Chalon, Ducpetiaux, Mathieu, correspondants. MM. Sauveur et Ed. Fétis assistent à la séance. CORRESPONDANCE. Il est donné lecture de l'arrêté royal qui nomme M. le baron de Stassart à la présidence de l’Académie pour l’année 1855. M. le baron de Stassart écrit qu’il se trouve retenu chez lui par une indisposition; M. le chanoine de Ram, vice- directeur de la classe, le remplace au fauteuil. — M. le Ministre de l'intérieur adresse une expédition (382 ) d'un arrêté royal, qui nomme membres du: jury chargé de décerner le prix quinquennal de littérature française, MM. De Decker, le baron de Gerlache, le baron de Stassart, P. Devaux, Grandgagnage, Lesbroussart et Hallard. — M. Stallaert demande à pouvoir publier une édition in-8° du Mémoire Sur l'instruction publique au moyen âge, par M. Vanderhaeghen et par lui, auquel Hesémie, a décerné une médaille d’or. — Accordé. — M. Van Sypesteyn, officier du génie au service de S. M. le roi des Pays-Bas, transmet une histoire de la vie du général comte Jean Baptiste Dumonceau, ancien ma- réchal de la Hollande, né à Bruxelles, en 1700. II pense que ce travail sera accueilli avec faveur dans un pays qui a déjà produft sur ce même officier distingué un éloge de M. le baron de Stassart et un ouvrage de M. de Bavay. — Remerciments. — Un anonyme demande si le mémoire portant la devise : Sit quodvis simplex duntaxat et unum , et répon- dant à la question sur l’enseignement moyen, a été admis au concours; il sera répondu aflirmativement. — MM. De Decker et Chalon déposent des ouvrages de leur composition. — Remerciments avec mention au Bul- letin. — La classe reçoit aussi les deux ouvrages manuscrits suivants : 1° Les Monuments de la diplomatie vénitienne, considé- rés sous le point de vue de l’histoire moderne en général et de l’histoire de la Belgique en particulier, par M. Gachard, membre de l’Académie. (Commissaires : MM. Borgnet, de Ram et le baron de Gerlache.) | , (583 ) 2 La Ville de Gand, considérée comme place de guerre, par M. P.-C. Van Der Meersch, conservateur des archives de l'État et de la Flandre orientale. ( Commissaires : MM. Steur, De Smet et le baron de S'-Genois.) RAPPORTS. — Sur l'Épitre latine de M. le professeur Fuss, intitulée : DANTIS DIVINAE COMOEDIAE POETICA VIRTUS. Happort de PI. Hormans. « Le poëme latin que M. le professeur Fuss a présenté à l’Académie, et sur lequel j'ai été chargé, conjointement avec mes honorables confrères, M, Lesbroussart et M. de Ram, de vous faire un rapport, comprend 515 vers, ayant pour objet l'appréciation du mérite poétique de la Divine Comédie du Dante, et pour but de prouver que cette célè- bre trilogie, malgré l'importance immense du sujet et un certain nombre de passages comparables ou supérieurs à tout ce que la poésie a jamais produit de plus: beau, et à ce double titre digne d’unc éternelle admiration, ne répond pas cependant, dans son ensemble, à l'idée qu’on doit se former d'un chef-d'œuvre véritable et d’un parfait modèle de composition poétique. Admirateur du Dante autant qu'on peut l'être, quand on ne veut pas rabaisser la poésie elle-même, M. Fuss res- pecte la couronne qui orne le front du plus grand des chantres du moyen àge; il s'incline devant son génie, qui, ( 384 ) comme celui d'Homère, embrassa tout un monde; mais il ne partage pas l'enthousiasme exagéré de certains critiques qui transforment cette couronne en un météore éclatant qui domine tout le ciel de la poésie, ou qui prennent l’idée qu'ils se sont faite de la puissance du génie du poëte pour la mesure de l'œuvre qu’il a produite. En comparant le poëme du Dante avec les deux grandes épopées d'Homère, il veut qu’on tienne compte des différences qui existent, au point de vue de l’art, entre le monde ancien et celui du moyen âge, et qu'on n’examine pas seulement quelles sont l'étendue et les proportions du tableau que le Dante déroule devant nous, ni s'il est plus ou moins ressemblant, et fidèle, mais encore et surtout jusqu’à quel point l’exé- cution en est parfaite. Le développement de ces idées, après tout ce qu’on à déjà écrit sur le Dante, eût exigé des volumes. M. Fuss, qui n’écrit qu'une épitre, et une épitre en vers, a usé du droit accordé à tout poëte, si l’on n'aime mieux lui en faire un devoir, de ne prendre dans son sujet que les parties les plus saillantes, pour les dessiner d'une manière large et rapide. Il ne touche à la matière qui fait le fond de la Divine Comédie, et dont il reconnaît toute la grandeur, que pour autant qu'il s’agit de déterminer en même temps quel parti le poëte à su en tirer. C’est beaucoup d’avoir rencontré un beau sujet; mais c’est le mérite de l'exécution qui fonde la gloire du poëte. Il n'y à pas qu'un premier choix, celui de la matière, à faire ; quelque riche qu’elle puisse être, tout n'y sera pas poésie, ni propre à la poésie; il y a à prendre et à rejeter : Hoc amet , hoc spernat promissi carminis auctor. (385 ) Le Dante a-t-1l connu cet art de choisir, avait-il ce sen- timent des convenances poétiques qui excite tant notre admiration dans Homère? Dans celui-ci, les moindres cho- ses nous intéressent; quelque part qu'il nous conduise, nous le suivons toujours avec plaisir : peut-on dire la même chose du Dante? M. Fuss ne s'arrête pas davantage à discuter l’ordon- nance et le plan de la Divine Comédie, ni à rechercher le but que le poëte s’est proposé dans cette vaste entreprise. Si, par la forme, la Divine Comédie n’est pas plus une épo- pée qu'elle n'est un drame ou un poëme lyrique, elle s’écarle cependant moins du premier genre, en ce qu’elle a une étendue proportionnée à l'importance du sujet, qui comprend toute une grande époque de l'humanité. On ne peut nier que le poëme du Dante n'ait ce point de commun avec les épopées d'Homère. Mais quelle différence, encore une fois, dans la manière dont chacun d'eux sait employer les richesses dont il dispose! Le monde d'Homère se laisse embrasser d’un seul regard, moins parce qu'il est plus borné (car il est en même temps plus plein), que parce que tout s’y trouve à sa place et concourt à l'unité. M. Fuss ne dit pas précisément que celui du Dante est un chaos; mais, après avoir signalé la singularité des moyens dont se sert le poëte pour établir un peu d'ordre dans le mé- lange bizarre des choses qu’il y introduit, Virgile, Stace, Béatrix, qui lui servent successivement de guides; le chris- tianisme et le paganisme, le sacré et le profane, les évé- nements de l'histoire et les discussions de la théologie scolastique, qui s’y succèdent ou s'y croisent, sans plus de lien qu’il n’en existe entre les personnages et les choses mêmes; tant d’inventions non-seulement contraires à l’art, mais encore à la raison et à la nature, il ne peut s’'empé- ( 386 ) cher de demander si une pareille composition ne sera pas toujours plus merveilleuse que belle, et si, de nos jours, quelqu'un oserait aspirer au glorieux titre de poëte natio- pal en offrant à son pays une production semblable. Un point que, dans cette comparaison, il était essentiel de considérer, c'était l’allégorie, dont le Dante a:si large- ment usé dans la Divine Comédie, ainsi que dans ses autres poésies, se conformant en cela à l'esprit de son siècle. On sait que l’allégorie a paru à certains commentateurs d'Ho- mère le seul moyen d'expliquer le caractère et la conduite de ses dieux, comme s’il. était moins absurde de mettre ces extravagances sur le compte du poëte, que d’en cher- cher l'origine dans les croyances populaires du temps où il écrivait, Que deviendrait d'ailleurs la noble simplicité de sa poésie, si, pour lui trouver un sens, on avait besoin de remplacer ses images par les abstractions d’une théolo- gie postérieure? M. Fuss n'admet pas que l'allégorie soit une condition essentielle dans un long poëme , et il com- prend encore moins qu’on puisse faire un mérite au Dante de n'être intelligible qu'au moyen des idées alambiquées que ses panégyristes lui prêtent, et sur lesquelles ils ne sont pas même d'accord entre eux. L’obscurité, de quelque cause qu’elle provienne, sera toujours un défaut et non une vertu. Ainsi que je l'ai déjà dit, l'auteur de l'Épitre indique plutôt ces questions qu'il ne les développe. En examinant le tableau, il fait ce qu'il voudrait que le Dante lui-même eût fait en le traçant, il choisit. Il ne pouvait entrepren- dre de faire une critique complète de l'ensemble sans se livrer à des considérations longues et subtiles, que les bornes qu'il s'était prescrites, et plus encore la nature de sa composition, lui faisaient un devoir d'exclure, Il n’en était pas de même de cette partie de Ja composition qui ( 387 ) est l'exécution proprement dite, et qui comprend en pre- mier lieu le style. lei le poëte, je dis l’auteur de l'Épitre, se trouvait plus à son aise, et son propre style s'en res- sent : sa marche, un peu heurtée parfois dans la partie qui précède, devient plus dégagée; sa diction, toujours également serrée et nerveuse, acquiert plus de souplesse et même de la chaleur; elle est surtout plus claire; car si nous nous trouvons toujours en présence des difficultés qui résultent d’un langage bref et concis, et d’une grande hardiesse dans les tours et les inversions (qualités qui for- ment le caractère dominant du style de M. Fuss), elle em- prunte, en cet endroit, je ne sais quelle lumière de la nature même des idées qu’il avait à exprimer et avec les- quelles la poésie latine est beaucoup plus familiarisée. Or, ces idées, ou plutôt ces questions, les voici en peu de mots : le Dante, obligé de lutter contre la barbarie de son siècle, a-t-il trouvé dans son génie des ressources sulf- fisantes pour donner à son sujet toute la perfection poéti- que dont il était susceptible? A-t-il toujours observé dans ses récits et dans ses descriptions certaines convenances qu'un poëte ne doit jamais oublier ? Possède-t-il partout, à côté de l'élévation des pensées et du sublime des senti- ments, cétte pureté de goût, cette clarté d'expression, cette netteté et cette élégance de langage, le nombre, l'har- monie, en un mot, tout ce charme dans la composition et cette magie de style sans lesquels, avec le sujet le plus intéréssant et l'ordonnance la plus parfaite, on ne sera jamais que la moitié d’un grand poëte? Il'est évident que celui qui a posé ces questions n’a pu y répondre lui-même que négativement. J'ajouterai qu'il aurait pu aller beaucoup plus loin, et qu’au lieu de deman- der si le Dante a toujours ces qualités, il pouvait aflirmer, ( 388 ) sans lui faire injure, que plus souvent il ne les a pas, et qu'il est même quelques-uns des défauts contraires dont il se défait rarement. Mais M. Fuss ne s’est pas proposé de rabaisser le chan- tre de la Divine Comédie, ni de lui faire son procès dans les formes ; sans les exagérations de certains critiques mo- dernes, qui lui ont voué une admiration outrée jusqu’à l'absurde, M. Fuss n'aurait soulevé aucune de ces ques- tions, et s'il eût parlé du Dante, ce n’eût été que pour louer les qualités éminentes par lesquelles il se distingue en tant d'autres endroits et qui compensent bien des défauts. Dans l'analyse que je viens de faire de ce que j'appelle- rai la première partie du travail de M. Fuss, où il ne fait en quelque sorte qu'établir ses principes, j'ai cru pouvoir déjà anticiper un peu sur la discussion qu'il engage ensuite avec ces mêmes critiques, et qui comprend toute la seconde moitié de son Épitre. Pour ne pas m’exposer à tomber dans des répétitions au moins inutiles, je tàcherai, en vous en rendant compte, de laisser de côté tout ce qui se rattache aux questions précédemment indiquées, et sur lesquelles il suffit de connaître l'opinion de M. Fuss pour qu'il n’y ait pas de doute relativement aux prétentions de ses adversaires. Témoin de l'engouement qui s’est déclaré depuis quel- ques années pour tout ce qui appartient au moyen âge; témoin des efforts que l’on fait pour le remettre en hon- neur ou, comme M. Fuss interprète ce mouvement, pour y ramener notre civilisation moderne; frappé surtout} faut le croire, de l’extravagante croisade entreprise de-nos jours même contre les grands écrivains de l'antiquité, M. Fuss n’a vu dans le zèle qui a portées de l'Écluse;,les Osanam, les Drouilhet de Sigalas et quelques critiques visionnaires de l'Allemagne à vouloir diviniser le Dante, (589) en le plaçant au-dessus d’'Homère même, qu'une consé- quence d’un même système, ou du moins d’une même ten- dance; et l’on comprend dès lors que c’est dans la com- paraison d'Homère avec le Dante qu'il a dû chercher ses principaux arguments pour les combattre. Parmi les critiques qui se sont occupés du Dante, Tira- boschi est le seul qui soit nommé dans l’Épitre, précisé- ment parce que c’est le seul dont l’auteur ait cru devoir opposer le jugement aux éloges généralement outrés et parfois ridicules des panégyristes modernes de ce poëte. Les noms de quelques-uns d’entre eux, que je viens de citer, se trouvent dans une note que M. Fuss à jointe à son Épiître, et dans laquelle il signale les endroits de ces écrivains qu'il a plus particulièrement eu en vue dans sa critique. Cette note, également écrite en latin, est une espèce d'analyse raisonnée de toute la pièce, et ne sera pas inutile pour en faciliter l'intelligence. Un ou deux points y ont même reçu des développements que je regretterais de voir disparaître, quoique l’auteur semble lui-même, dans une annotation marginale, en proposer la suppression. Je n’y voudrais changer qu’une couple de mots, qu'un lecteur peu attentif pourrait interpréter dans un sens que l’auteur n'a certainement pas eu l'intention de leur donner. I] s’agit de la langue dans laquelle le Dante a écrit sa Divine Comé- die. On sait qu’il avait d’abord entrepris de l'écrire en latin, et que nous avons encore le début de ce premier essai, dont Boccace cite les trois premiers vers. Il était naturel que ses admirateurs le félicitassent d’avoir renoncé à ce projet et préféré la langue de son pays et de son temps; mais onne peut que s'étonner du langage presque mysti- que, comme l'appelle M. Fuss, de Drouilhet à cette occa- sion , lorsqu'il s’écric : 11 (le Dante) sent qu'il a fuit fausse ( 390 ) route, et que, par ce chemin, il descend dans la mort, au lieu de monter dans la vie. M. Fuss est parfaitement d'accord avec ceux qui pensent que, si le Dante avait écrit en latin, sa gloire eût été moins grande et son nom moins popu- laire; et à toutes les raisons sur lesquelles ils fondent leur opinion, il en ajoute une autre qu'il trouve dans les vers latins mêmes du Dante, et que, à mon avis aussi, ils ont eu tort d'oublier, c’est que ces vers ne sont pas bons, et que, si les vers italiens du Dante, comme tout le monde en convient, indépendamment des changements que la langue a subis, sont loin d’avoir cette clarté, cette pureté, cette douceur et cette élégance qu'on est en droit d'exiger dans toute poésie, ni le Dante, ni peut-être aucun de ses contem- porains n’était en état de mieux atteindre à ces qualités ou de mieux remplir ces conditions en se servant .de la langue latine. L'observation me parait aussi juste que pi- quante, et je ferai remarquer, pour ma part, que le désa- vantage aurait été d'autant plus grand, que la langue latine possédait ses chefs-d’œuvre, dont la comparaison, toujours redoutable, ne pouvait que l’écraser; tandis que la langue et la poésie italiennes ne venaient que de naître et n’avaient rien à lui opposer. Le Dante fut un grand poëte et un poële populaire dès qu'il parut, parce qu'il était-le pre- mier de sa nation qui eût produit quelque chose de grand. La postérité a consacré sa gloire, parce qu’à travers ses défauts, qu'elle a mis-sur le compte de son époque, son génie continue de briller d’un éclat qu’on ne peut mécon- naitre. Sous ce rapport, il est pour l'Italie moderne ce qu'Ennius à été pour les Romains du siècle d’Auguste : dr io ingenio matimus, arte rudis. A toute poésie nationale il faut un père, de qui datent ses (391) titres à la considération, et ceux qui s'appellent ses descen- dants ou ses héritiers sont naturellement intéressés à sa renommée. L'éclat de celle-ci, loin d’offusquer la leur, vient s’y confondre et la grandit. Entre eux et lui aucune rivalité, aucune comparaison n’est possible ; à lui le génie avec ses.élans sublimes, ses caprices, ses témérités et ses chutes; à eux, s'ils sont poëtes, un génie moins élevé peut- être, mais soutenu par l’art et puisant à volonté, dans une langue déjà plus parfaite, cette richesse d'expressions et de formes, et ces trésors d'harmonie, sans lesquels il n’y a point de véritable poésie, Homère seul fait peut-être excep- tion à cet égard, en ce qu’il réunit toutes les perfections. Une réflexion de M. Fuss, concernant le titre de poëte populaire accordé au Dante, me paraît pareillement fort juste. Quand on cherche à s'expliquer l'affectation avec laquelle certains critiques, pour faire valoir ce titre, louent le poëte d’avoir préféré la langue italienne à la langue latine, il semblerait que cette popularité lui ait été ou lui soit acquise par cela seul qu'il n’a pas écrit en latin. C'estapparemment, dit M. Fuss, parce que cela lui a valu un plus grand nombre de lecteurs. Mais Drouilhet lui- même cite Alfieri, qui déclarait, au commencement de cesiècle, qu'il n’y avait pas peut-être, dans toute l'Italie, trente personnes qui eussent vraiment lu la Divine Comé- die. Tiraboschi aussi dit qu'elle renferme certains chants dont on peut à peine soutenir la lecture; et, en général, on n'en connait que la partie plastique, comme quelques- uus l’appellent, c'est-à-dire l'Enfer. Vu les difficultés que présente sa langue, qu’il dut créer, et encore si informe, la dureté souvent insupportable de ses vers, ses rimes for- cés et étranges, on peut douter qu’à aucune époque on ait lu le Dante autrement que par curiosité, en exceptant ( 392 ) toutefois les érudits de profession. « Les Italiens l'appel- » lent divin, dit Voltaire, mais c’est une divinité cachée; » peu de gens entendent ses oracles; il a des commenta- » teurs, c'est peut-être encore une raison pour n'être pas » compris. Sa réputation s’affermira toujours, parce qu'on » ne le lit guère. Il y a de lui une vingtaine de traits qu’on sait par cœur; cela suffit pour s’épargner la peine d'examiner le reste. » On peut ne pas prendre ce jugement à la lettre, mais on conviendra, sans doute, que les qualités d’un poëte popu- laire ou national, comme on voudra l’appeler, devraient être de nature à pouvoir se faire sinon apprécier, du moins apercevoir ou sentir par le commun des lecteurs. Or, ce qui attache le plus un lecteur ordinaire, la clarté du récit, Ja netteté du langage, l'élégance des formes, l'harmonie du vers, sont précisément les qualités que le Dante possède le moins. Celles qui le distinguent sont plutôt abstraites que sensibles : l'immensité du sujet, le sublime de la con- ception, la grandeur du plan, sans parler des beautés mys- tiques ou métaphysiques que ses admirateurs lui prêtent. Tout cela est peut-être moins appréciable pour ceux qui ne savent que l'italien, que ce ne le serait pour ceux qui se- raient en état de lire une composition latine. Qu'on ajoute à cela tout le bagage scolastique que le Dante, non moins profond théologien que subtil philosophe, a entassé dans sa Comédie , et l’on ne sera pas étonné que M. Fuss cherche encore sur quoi se fonde son litre de poëte populaire. Il ne doute pas, au reste, que la sagacité des zélateurs de son culte n’en ait découvert de belles et bonnes raisons qui doivent se trouver exposés quelque part; mais jusqu'ici il n'a pas été assez heureux pour les rencontrer. Je viens de vous faire connaître le fond et, jusqu’à cer- 5 Y ( 393 ) tain point aussi; la marche de l'Épitre de M. Fuss, ainsi que l’objet de la note qu’il y a jointe. Peut-être désirez- vous maintenant que je vous entretienne encore un instant du mérite de la forme et, en particulier, du style de cette composition. Je vous ai déjà dit que M. Fuss possède l’art de choisir; maison ne saurait guère juger une épître, sur- tout une épiître en vers latins, sans la comparer avec ce que nous avons de plus parfait en ce genre, celles d’'Ho- race, qui offrent une si grande variété de modèles, depuis le simple billet jusqu’à la discussion philosophique ou lit- téraire. Je n'oserais dire que la conduite ou le ton de la pièce de M. Fuss rappellent complétement aucun de ces modèles. Dans les deux plus longues des Épitres d'Horace, celle à Auguste et celle aux Pisons, l’une et l’autre moins longues pourtant que celle de M. Fuss, mais qui ont, du reste, avec elle le plus de conformité, il est impossible de prévoir dès le commencement l’espace que le poëte doit . parcourir ou les questions qu’il se propose de traiter. On n'en connaît bien le but et l’ensemble que lorsqu'on est arrivé à la fin. Il est vrai qu'on y est conduit irrésistible- ment; mais ce n’est point par la curiosité qu'inspire une matière annoncée d'avance : c’est par l'intérêt des détails et le charme d’une causerie facile et variée autant qu'in- structive, qui s'emparent de vous tout d’abord et ne vous lâchent plus. Le plan d'Horace semble donc être de n’en point avoir, si l’on n'aime mieux dire qu'il met un soin extrême à le cacher. M. Fuss procède d’une manière tout opposée : dès le titre, nous savons qu'il va nous parler du mérite poétique de la Divine Comédie du Dante, et qu'il ne s’agira que de cela. Un seul vers résume tout le sujet. Il est suivi d'une exposition dans les formes, qui fait voir jusqu’à la divi- TOME xx. — °° parT. 27 ( 394 ) sion de la matière, telle que je vous l’ai fait connaître. Le cadre est tracé; il n’y a plus qu’à le remplir, et chacun des détails a en quelque sorte sa place assignée d'avance. Cette régularité, propre en général aux épitres critiques en prose, convient-elle également à une épitre en vers, ou, si ce genre admet toutes les formes, faudra-t-il la re- garder comme un mérite de plus? C’est une question que je ne déciderai point; mais, dût-on considérer la pièce de M. Fuss plutôt comme une dissertation en vers que comme une épitre, il est certain que la nature d'un sujet si vaste, sérieux et essentiellement un, ne lui permettait pas de le traiter avec cet abandon et cette liberté d’allure qui donne, d’un autre côté, tant de charme aux compositions d'Horace. On comprend que la même différence doit se faire remar- quer dans le ton. Celui de M. Fuss est plus constamment grave. Si parfois il vous arrache un sourire, c'est plutôt par ce qu’il y a d'inattendu ou de piquant dans une obser- valion, par je ne sais quelle verve caustique, que parce que vous retrouvez chez lui le spirituel badinage ou la fine rail- lerie du poëte romain. Sous ce rapport encore, il y a entre la manière de l’un et de l’autre une différence notable. Il n’en est pas de même des autres caractères du style. Les vers de M. Fuss vous révèlent à l'instant même, je ne dirai pas un imitateur, car 1l y a imitalion et imitation, et la meilleure est celle qui ne se fait pas sentir, mais un dis- ciple, un poëte de l’école d'Horace. La propriété dans les mots, la justesse dans l'expression, une phrase courte et précise, n’admettant rien qu'il soit possible de retrancher sans nuire à la netteté ou à la force de la pensée, des lours vifs et souvent hardis, un vers toujours plein, sont les qua- lités dominantes de l’un comme de l’autre. Je n’examine- rai pas si tous les deux les possèdent au même degré, ni si le disciple y a toujours gardé cette sage mesure qui fait ( 395 ) Ja perfection du maître. Ce serait demander si M. Fuss a fait une œuvre parfaite. Vous n’admettez pas que des chefs- d'œuvre absolus, Messieurs, et, sans aspirer à un si glo- rieux titre, la pièce dont j'ai eu à vous rendre compte se recommande par d'assez belles qualités, tant du côté du fond que du côté de la forme, pour que je n'hésite pas à vous en proposer l'insertion, soit dans vos Mémoires, soit . dans votre Bulletin. M. Fuss est connu depuis longtemps comme le premier latiniste de notre pays, et je crois qu'il en est aujourd'hui le dernier poëte, je dis le seul qui sache encore se servir de la langue de Virgile et d'Horace, comme d’autres se ser- vent de leur langue maternelle (1). Les Muses latines s’en vont de la patrie des Hoschius et des Wallius; le dédain d’une génération qui ne les connaît pas les chasse, et, avec elles, les lettres latines elles-mêmes s’en vont, et tout ce que l’on fait ou prétend faire pour retenir les unes sans rappeler les autres, risque bien de n'être que des efforts inutiles et trompeurs. Puissent ce malheur et cette honte, dont nous avons tous le pressentiment, s’accomplir le plus tard possible! Mais les Muses latines fussent-elles dès au- jourd’hui proscrites partout ailleurs, l’Académie doit rester pour elles un asile toujours ouvert. Ici du moins, si je puis emprunter l’image dont le plus grand des poëtes qu’elles ont inspirées se sert à l'égard d'une autre fille du Ciel, également bannie de la terre, ici, dans cette enceinte, la postérité doit retrouver la dernière empreinte de leurs pas : Extrema per illos . .. excedens terris vestigia fecit. (1) La derniére édition des poésies latines de M. Fuss, auxquelles on a réuni quelques pièces grecques et allemandes, a été faite à Liége, en 1845, deux volumes in-8°, formant ensemble pres de 800 pages. ( 396 ) Bapport de M. Lesbroussatt. Les lecteurs, probablement peu nombreux, qui, à notre époque, sont encore susceptibles de s'étonner, éprouveront sans doute quelque surprise au seul aspect du titre de ce manuscrit et de la langue dont l’auteur a fait choix. « Quoi, diront-ils, appeler au tribunal de la » critique, en plein XIX° siècle, un poète trépassé depuis » plus de cinq cents ans, et rédiger en vers latins ce nou- » veau mandat de comparution! À quel propos exhumer » ce vieux rêveur florentin, et pourquoi surtout avoir » employé une langue morte à l'évocation de ce mort? » Nous allons essayer de répondre à la première de ces questions. L'auteur de l'Épitre dont il s’agit s'est chargé lui-même de satisfaire pleinement à la seconde. Les derniers vers de cette œuvre remarquable semblent indiquer assez clairement l'idée, ou, pour mieux dire, le sentiment qui l’a inspirée. Depuis un certain temps, plu- sieurs écrivains, en divers pays, paraissent s'être ligués, non-seulement pour réhabiliter le moyen àge, trop long- temps méconnu et dédaigné, mais encore pour lui immo- ler en sacrifice expiatoire et les gloires consacrées depuis la renaissance et même ces antiques renommées qui, tou- jours grandissant, ont traversé les siècles pour arriver jusqu’à nous. Religieux admirateur de l’antiquité, à l’étude de laquelle il a voué son existence, M. Fuss s’est indigné de cette réaction systématique et violente. Il s’est armé pour son culte en péril, et Dante ayant été, plus que d’autres, exalté par la coalition désignée ci-dessus, c’est à lui que le vengeur des Muses grecques et latines a de- ( 397 ) mandé ses titres pour les soumettre à la plus rigoureuse vérification. Voilà, selon nous, l’origine de la pièce offerte à l'appréciation de l’Académie. Vu les temps et la circon- stance, on ne peut guère la chercher ailleurs. Quant à l’idiome choisi par le savant professeur pour l'expression de sa pensée, nous ne pouvons mieux en justi- fier l'emploi qu’en transcrivant ces vers, pleins d’une spi- rituelle et maligne bonhomie : Mec tam curo, meo multum an moveare libello, Quam, versus valeas ut tot perferre latinos. Sed linguam Latii, scribens quoque, scis ut amérim, Ingenio stultè discors, quo vivimus , aevi. Morbus cuique suus ; meus hic. Meliora secutus, Littus arare senem patiare ; usumque ligato Sermone excuset Flaccus ; magè mente modisque Quo mihi suave nihil. Criticas hic versibus ipse Implevit partes; romanum teulonus in queis Ritè , vide , pravène sequar. Sed Flaccus, et illis Eximius, nomen negat hinc se velle poetae , Nec, mihi ne poscam , metuas ; versus, licet omnes, Qui faciunt , semper sic eodem nomine dicam , Quo Galli dominas dicunt quascunque maritas. Ce passage, d’une grâce et d’une facilité charmantes, suffira pour donner une idée du travail de M. Fuss, sous le rapport de la forme. A l'égard du fond, il est des réserves que nous ne pouvons nous dispenser de faire. Ce n’est pas que nous ne soyons d'accord avec lui dans la plupart des jugements qu'il a énoncés. Sans doute l'étrangeté même du sujet, l’irrégularité (toutefois plus apparente que réelle) de la disposition, le mélange choquant et presque mons- trueux du sacré et du profane, l’abus excessif de l'allégorie, surtout dans le Purgatoire, Vexcessive bizarrerie de cer- taines imaginations, le tissu inégal et les transitions heur- ( 398 ) tées d’un style qui, tantôt s'élève jusqu'au lyrisme le plus splendide, tantôt descend jusqu’à la plus basse trivia- lité; d’autres vices encore, qu'il serait facile, mais trop long de signaler, légitiment amplement de nos jours les sévérités de la critique; et, vu la mission spéciale que M. Fuss s'était attribuée, nous sommes loin de croire qu'il ait exagéré le blâme et fait preuve de partialité envers les objets de ses affections littéraires, en opposant à des dif- formités trop visibles ces œuvres antiques, si grandes et si simples dans leur conception, si régulières dans la dispo- sition et la proportion de leurs parties, si naturelles et si sages dans les hardiesses mêmes de l'invention, et où la diction, dans l'infinie variété qu’impose la différence des sujets, reste si soigneusement épurée. Mais ce n’est point dans ce sens absolu qu’il convient de juger le poëte toscan. Pour être équitable envers lui, on doit détourner son re- gard de ces magnifiques produits des civilisations avancées et des perfectionnements de l’art, atteints par une longue suite de tentatives : il faut se placer, avec cet abrupt et puissant génie, au milieu des temps et des lieux où il vi- vait. Envisagé à ce point de vue, qui seul est juste, Dante et son poëme constituent un merveilleux phénomène, dont la grandeur et l'éclat justifient l'admiration qu'il a inspirée et inspire encore à tant d'hommes supérieurs, sans auto- riser cependant la prééminence que des sectaires mala- droits ou intéressés prétendent leur attribuer sur tous les chefs-d'œuvre de l'esprit humain et les souveraines puis- sances de la poésie. Il n'entre pas dans notre sujet, et les limites de ce tra- vail y mettraient d’ailleurs obstacle, de refaire, après tant d’autres, la biographie de Dante et l'analyse de son œuvre principale. A notre point de vue, il ne peut et ne doit être ( 399 ) apprécié que relativement à son époque d’abord, et secon- dairement , aux circonstances particulières de sa vie, Cet homme extraordinaire appartient à la classe peu nom- breuse de ces écrivains dont chacun fut et le produit natu- rel et le représentant le plus complet d’une grande période historique. Il résume en lui le XIE et le XII: siècle, si agités, si audacieux, si féconds dans la confusion même de leurs actes et de leurs idées, si avides de toute science, et n'arrivant, dans cette poursuite, à aucun résultat complet; enfin, et c'est là surtout le trait caractéristique de leur physionomie, à la fois novateurs et routiniers dans tout ce qui relève de l'imagination (1). Tels sont les faits généraux (1) Nous avions, à une époque déjà ancienne , et en vue d’un autre travail, réuni de nombreux documents sur le caractère historique, scientifique et littéraire de cette période si remarquable du moyen âge; et nous aurions vivement désiré en tirer parti pour la conjoncture présente, Ayant reconnu l'impossibilité de placer ici des développements qui dépasseraient de bien loin les limites matérielles où nous devons nous renfermer, nous nous borne- rons à indiquer les sources principales où nous aurions aisément puisé les faits justificatifs d'une argumentation dont nous sommes réduit à donner la synthèse. C'est surtout dans Muratori, Crescimbeni, Salfi, l'abbé Andrès, les nombreux biographes de Dante et même deux historiens politiques d’une époque reculée (les frères Villani), que se trouvent les preuves dont la com- binaison et le contrôle eussent servi de base à des assertions qui, dénuées de cet appui, ne sembleront pas toujours incontestables. Nous avons cru devoir imiter en cela le sage exemple donné par un des commentateurs modernes du poëte italien, M. Zani di Ferranti, artiste émi- nent en plus d’un genre, qui, dans la préface de ses Zllustrations de la Divine Comédie (Paris, Londres et Bruxelles, gr. in-8°, 1846), explique ainsi le système qu’il a jugé convenable d’adopter, en présence des opinions diverses de ses nombreux devanciers : Zo dovuto attenermi a un ragionato eclettismo , scegliendo anzi che accumulando, e valendomi di tutti; ma non già (secondo il solito) a guisa del ladro, che cela accuratamente il nome dei derubati, bensi come il povero onesto, che nomina à suoi bene- fattori. Non moins fidèle que l’ingénieux écrivain à ce précepte de probité ( 400 ) dont il a subi et manifesté l'influence; le reste appartient à sa personnalité, c’est-à-dire aux événements d’une vie accidentée, orageuse, tissue d'amour, de gloire et d’infor- tune. Il est donc impossible de le comparer aux autres écrivains puissants, plus rapprochés que lui de la perfec- tion absolue, mais qui ne se trouvaient point placés dans les mêmes conditions. Cette vérité ne pouvait échapper à l'esprit judicieux du savant critique : il a distingué le poëte du poëme, et en censurant les défauts inévitables du se- cond, il a rendu un sincère hommage au génie vaste et créateur du premier (1). Ceci une fois établi, notre tâche de rapporteur paraît fort simplifiée, puisque nous som- mes d'accord avec M. Fuss dans les motifs sur lesquels il fonde la prééminence des classiques, rabaissés, soit par d’enthousiastes préventions, soit par les vues détournées de l'esprit de parti, bien au-dessous du chantre florentin. Mais, indépendamment de la différence d'appréciation qui nous sépare de M. Fuss, quant au point de départ, il se rencontre dans son beau travail quelques opinions, quel- ques asserlions même, que nous sommes obligé de réfuter ou du moins de combattre, parce qu’elles diminuent la gloire de Dante, non-seulement là où il est mis en parallèle avec les maîtres de l’art, mais sur son terrain propre et rela- tivement aux circonstances essentielles de sa vie littéraire. Ici la sphère de notre travail tend à s’agrandir considé- littéraire, nous avons scrupuleusement indiqué les noms des différents criti- ques qu’il nous a fallu citer, tantôt pour nous fortifier de leurs jugements, tantôt pour les combattre. (1) Voici comment s'exprime à ce sujet le critique, vers 429 et suivants : . . . Criticos quo justius ores, Ingenium vatis male ne cum carmine , quale Nunc est, confundant, etc. ( 401 ) rablement : Nous nous efforcerons néanmoins de la res- treindre, en disant avec le guide même du révélateur toscan : .… Summa sequar fastigia rerum. (Ænan. lib. [.) Ce sera moins sur le terrain des jugements (et nous y voyons un grand avantage) que sur celui des faits qu'il nous arrivera d’être en désaccord avec M. Fuss, quant aux points que nous venons d'indiquer d’une manière générale. À cet égard, nous nous appuierons d’autorités plus impo- santes que la nôtre et dont la valeur paraît irrécusable, en prévenant ceux qui veulent bien nous écouter, que notre seul embarras a été de choisir parmi une foule de témoi- gnages, et que nous avons jugé nécessaire de les peser plus que de les accumuler. Encore nous a-t-il paru convenable de rejeter ces citations dans des notes, par déférence pour les lecteurs pressés, qui pourront se dispenser d'y recourir, plus par une certaine paresse d'esprit, commune de nos jours où l'on écrit tant, que par confiance dans nos lu- mières : condescendance qu’au surplus nous sommes loin de leur demander. Un des points les plus importants parmi les critiques et les controverses dont l’œuvre d’Alighieri a été l’objet, est la singularité du titre Comédie (1) : car l'épithète di- vine, suivant un ancien commentateur , n'y fut jointe que (1) Dans une lettre adressée à son protecteur, Can ou Cane Grande Della Scala, Dante semble expliquer lui-même la raison de ce choix, en établissant trois genres de style, et ajoutant que, d’après la nature de son œuvre, il a dû préférer le mode intermédiaire, Stile di mezzo. Quoique l'authenticité de cette pièce n’ait pas, que nous sachions, été révoquée en doute, le motif allégué par le poëte ne nous paraît pas bien concluant, et des considérations d’un ordre plus élevé doivent avoir déterminé son choix. Philelphe, lun de ( 402 ) par l’admiration des contemporains du poëte. On a fait, en ce qui touche cette question, une énorme dépense d’ar- guments et surtout de conjectures. Sans les passer ici en revue, j'émettrai une hypothèse que je livre aux habiles, non comme bonne, mais comme mienne, et qui me semble d’ailleurs n'être pas dénuée «de vraisemblance : C'est que Dante a envisagé l'existence présente et même future du genre humain comme un drame immense, dont l’autre vie offre le dénouement. Cette interprétation est assez ac- ceptable, d'après les idées philosophiques de son temps, et doit plaire, particulièrement dans le nôtre, aux inven- teurs et aux praticiens de la poésie humanitaire. Si l'on ob- jecte que la narration occupe une très-grande place dans celte œuvre, je crois pouvoir répondre que cette contra- diction, née de la négligence ou du dédain des règles qui constituent la distinction des genres, s'explique naturelle- ment par l'état intellectuel d’un siècle qui touchait à tout, mais où rien n’était bien défini, comme’par la nature d’un ses plus anciens biographes, et presque son contemporain, fournit à ce sujet une interprétation que nous citerons en partie, non assurément comme suf- fisante, mais comme un curieux témoignage de la confusion d'idées qui exis- tait alors en matière de poétique, et conséquemment comme justification de l'erreur de Dante lui-même . . Zn eo codice cui titulus datur Comoedia, ego verius tragicomoedia titulum dari censeam ; nam ut Comoedia de omnibus hominum fortunis est composita, deque re ficta, quae tamen fieri potuit, ac de tenuissimis et rebus et personis loquitur, Tragoedia vero historicam saepenumero secuta veritatem, tumescit, . .... ita utrumque hoc opus admäiscet , ut et multa figura poetica palliata sint, multa, ut sunt, apertè dicantur, etc. Dans la seconde partie de la vie de Dante, intitulée : le Dante eæile, le comte César Balbo, après avoir, dans l'analyse rapide du poëme, fait res- sortir l’universalité des matières qu'il renferme, s'exprime en ces termes, que nous empruntons à l'élégante traduction de Mr: la comtesse de Lalaing : . ( 405 ) génie bizarre, aventureux et plein de spontanéité. C'est ainsi que ce titre fut évidemment interprété par les con- temporains du poëte, même en dehors de l'Italie; et un fait curieux, rapporté par l’un des biographes modernes de Dante, en fournit la preuve irrécusable (1). Après tout, peut-on s’élonner à juste titre de ce mélange des genres, des formes et des couleurs au XII siècle, lorsque, après tant de modèles et de poétiques, on l’a vu se reproduire de nos jours, et qu’un esprit singulier, mais distingué par l'élévation et le savoir, a systématiquement adopté cette immense combinaison, avec toutes ses conséquences, el fait entrer dans un seul cadre (moins étendu , parce qu'il est purement humain), les faits, les idées, les passions, les notions acquises ou incomplètes, en un mot toutes les choses des siècles écoulés, en y répandant par masses l’allusion, l’allégorie, la métaphysique, et tout ce qui fait dépendre la compréhension d’une œuvre littéraire d'une espèce de science divinatoire (2). Les grands moralistes, “ Quiconque voudra pénétrer dans les détails, comprendra par lui-même » pourquoi l’auteur, désireux d'employer toutes les figures et tous les styles, » a donné à son ouvrage le nom de Comédie. » Nous ne multiplierons pas ces extraits, crainte d’encourir l'application du jugement porté par le commentateur moderne de Philelphe, C.-D. Moreni, dans une de ses savantes notes : Per qual ragione volesse Dante cosi ap- pellare un’ opera, a cui sembrava, che tut{” altro titolo le si convenisse, se à lungamente , infruttuosamente , e noïosamente dispusata da molti sin dal secolo XF1. (1) Suivant un auteur français, cité, mais non pas nommé par M. Balbo, la Divine Comédie fut souée, du moins partiellement, au XIV: siècle, dans quelques villes méridionales de la France. Un des acteurs récitait la partie narrative; les passages consacrés à l'action et au dialogue étaient reproduits par d’autres personnages. (2) Voir le poëme intitulé : la Panhypocrisiade, par Népomucène Le- ( 404 ) d’ailleurs, ne se sont-ils pas fréquemment, sous une forme à la vérité plus spéciale, permis cette diffusion, que des censeurs, trop rigoureux peut-être, appellent confusion; et Dante ne s'est-il pas cru le droit, à une époque d'invention bien plus que de critique, de dire avec le satirique romain : Quidquid agunt homines, votum , timor , ira, voluptas, Gaudia, discursus, nostri est farrago libelli. (Juv., Sat., L.) Qu'on ne s’y trompe point : nous ne voulons ici ni dis- simuler, ni même atténuer les erreurs littéraires d’un grand homme, moins encore les transformer en beautés : nous cherchons seulement à les expliquer. Au surplus, est-il vrai que la Divine Comédie soit entièrement dépourvue de plan, d'ordre et d'harmonie, comme n’ont pas craint de le déclarer, surtout en deçà des monts, certains Aristar- ques un peu trop légers et parfois trop pressés de rendre leurs arrêts pour sembler bien compétents en de si gra- ves malières? Dans notre humble opinion, l'ordonnance de ce poëme paraitrait plutôt mériter le reproche d’être trop matériellement déterminée; et les neuf cercles con- centriques (1), les deux enfers superposés, les crimes et mercier, membre de l'Institut, auteur de la belle tragédie d'Ægamemnon et de plusieurs autres ouvrages dramatiques ou lyriques. Dans l’œuvre singu- lière mentionnée ci-dessus, on rencontre à chaque pas la narration mélée au dialogue : les vertus, les vices, les affections de l'âme, les divisions du temps, les grands effets de la nature y sont personnifiés; on y remarque entre autres un entretien de la Méditerranée et de la Métempsychose. Du reste, les sciences y coulent à plein bord, surtout la métaphysique. (1) On a aussi recherché l'origine de cette division, qui nous paraît assez clairement indiquée par les vers suivants : ‘ Fata obstant, tristique palus inamabilis undä Alligat, et novies Styx interfusa coercet, (Virg., AEneid., lib, VE.) ( 405 ) les peines distribués par compartiments (1) révèlent assez chez le poëte l'intention de guider sûrement ses lecteurs à travers ce labyrinthe infini. Une pareille marche n'est certes pas celle des écrivains dont l'admiration légitime et presque unanime du monde civilisé a consacré la gloire : elle appartient évidemment à l'enfance, ou, si l’on veut même, à l'absence de l’art, et voilà pourquoi il ne faut pas chercher à classer cette œuvre multiple dans une ca- tégorie dûment étiquetée. C'est à la fois ou successive- ment, — nous disons ceci, non comme éloge, mais comme fait, — un récit, un hymne, une élégie, une saure; le chantre s’y élève aux plus sublimes hauteurs de la tragédie, pour redescendre ensuite jusques à la bouffonnerie des tré- teaux ; puis il enseigne la théologie (2), la philosophie, l'astronomie et le reste : ce qui devrait peu étonner de la part d’un esprit aussi vaste, aussi érudit, appartenant au pays et à la période où un autre génie, également com- préhensif, mais bien moins créateur, entrait dans l'arène littéraire comme un paladin dans la lice chevaleresque, portant sur son écu cette fière devise : De omni re scibili (5). Mais Dante est, avant tout, didactique et descripuif : (1) Dans l'édition Ældine de la Divine Comédie, Vinegia, MDXV, se trouve le plan figuratif de l'Enfer (col sito et forma dell’ Inferno). (2) Tous les commentateurs de Dante, surtout les plus anciens, ont signalé l'étendue de sa science théologique. Parmi les modernes, Salvini, dans des vers adressés à Redi, l’élégant auteur de Bacco in Toscana, s'exprime en ces termes : Ed ho imparato più teologia In questi giorni, che ho riletto Dante, Che nelle scuole fatto io.non avria. (5) Pic de la Mirandole, qu'un savant désignait ainsi : Monstrum crudi- tionts sine vitio. ( 406) peindre et instruire, ce fut là l’idée fondamentale et géné- ratrice de sa singulière composition. « Alors, dira-t-on peut-être, où est l’unité, cette loi es- » sentielle et vitale de toute œuvre bien conçue et bien » accomplie? » — Dans le sujet même qu'il a traité, Rien ne peut exister en dehors de la sphère indéfinie que le poëte s’est attribuée : il est un parce qu'il est fout, comme la Création (1). On a demandé aussi pourquoi Dante, ayant écrit en latin quelques-uns de ses ouvrages, n'avait pas employé là même langue dans la composition du plus important de tous. Les causes qui lui firent préférer l’idiome vul- gaire étaient puissantes et nombreuses : nous n’en indi- querons ici qu'une seule, renvoyant l'énonciation des autres aux notes qui accompagnent ce travail. Malgré l’u- (1) « Conception profonde ! entreprise sublime ! » Où, du monde idéal sondant le double abime, » Le Dante parcourut sa double immensité, » Et sut peindre à la fois le bonheur, les supplices , » Les vertus et les vices, » L'Homme, l'Archange, Dieu , le Temps, l'Éternité. » (De Chénedollé, Études poétiques, livre Il.) Voilà comment parle un poëte; écoutons maintenant un docteur : $ed hoc certe admirabilius , quod uno codice, nec admodüm prolixo , sit omnia diligentissimé'Dantes complexus, quae ad bene beatèque vivendum a philosophia dicta sunt et ad acternitatem gloriae consequendam sunt a theologis explicata. Nullum est officii genus, vel publicum, vel domesti- cum; vel forense, vel urbanum, vel militare de quo non abundè praeci- piatur apud Dantem, etc. (Philelphus, in Vita Dantis.) C’est peut-être ici l’occasion de remarquer que Philelphe était loin de considérer la Divine Comédie comme une épopée. La dénomination qu’il applique généralement à cette trilogie est celle de Cantiques, également employée par d’autres, et notamment par l’illustre auteur du Primato. ( 407 } sage de ses contemporains, ou peut-être même à raison de cet usage abusif (1), il ne se croyait pas assez maitre de la langue de Virgile pour s'en servir dans une œuvre à laquelle il attachait sa renommée, et qui, sous cette forme antique, familière uniquement au petit nombre, n’eût ja- mais obtenu cette popularité non-seulement nationale, (1) Philelphe, déjà cité, explique ce choix par une raison aussi simple que concluante : Cur hoc opus tam celebre , tam illustre, non ediderit ro- mana lingua, si quis instet ... quod, ob romanae linquae atque elo- quentiae desertionem , non esset ea vi dicendi qua cuperet..…. M. Balbo confirme ainsi ce jugement : « Dante dut être découragé, em- barrassé par une erreur qu'il avait commise, par la mauvaise route qu'il » avait choisie, par un instrument peu convenable à son génie libre et élevé, s je veux dire par la langue latine, langue morte et qu'il ne maniait pas » assez bien, Nous donnerons pour preuve évidente de cette assertion et de » la faiblesse de ses essais, les trois premiers vers qui nous en restent. » (Nous supprimons cette citation, qui a été faite par M. Fuss.) Carlo Denina, dans son Tableau des révolutions de la littérature an- cienne et moderne, explique autrement ce fait, en l’attribuant au besoin d’une popularité qui ne pouvait être obtenue par l'emploi d’une langue an- cienne et, de plus, fort dégénérée de son temps. Le savant historien entre, à ce sujet, dans des détails pleins d'intérêt, et qui contiennent une dé- monstration frappante, mais que leur étendue ne nous permet pas de repro- duire. 11 dit ailleurs, d'accord en ce point avec un autre critique plus ancien, pour donner une idée de la latinité de ce temps, qu'il s'y trouve beaucoup de mots non admis dans le grand Vocabulaire de Ducange. Philelphe, de son côté, parle de l’état d'abandon où était tombée de son temps la pratique de cette langue. Un autre fait à l'appui de cette explica- tion, c'est que Brunetto Latini, le savant instituteur de Dante, ne crut pas devoir employer le latin à la composition de son Tesoro, que probablement il n’osa pas non plus écrire en langue vulgaire; il fit usage du roman-pro- vençal, considéré alors, dans le midi de l'Europe chrétienne , comme l’idiome le plus parfait et le plus épuré. Cette circonstance relève encore l'heureuse et féconde audace du poëte florentin. Après ces autorités respectables, s’il nous est permis de hasarder notre hypothèse personnelle, nous ferons observer que la langue de Virgile, dont 2 ( 408 ) mais européenne, dont l'écho, quoique affaibli, se fait en- core entendre de nos jours (1). Une autre accusation plus grave, dirigée contre l'illustre Toscan, est celle qui a pour objet la pureté du style. D'a- bord nous ne pouvons admettre, en thèse générale, que les étrangers soient appelés à juger de ce genre de mérite, surtout à l'égard d'un écrivain du XHI° siècle; et, malgré quelques études spéciales, nous refusons de nous ranger parmi les rares exceptions que peut offrir cette loi com- mune. C’est dans les plus éclairés, les plus célèbres de ses compatriotes, surtout contemporains de son œuvre, que nous avons particulièrement cherché et trouvé la réfuta- tion surabondante et victorieuse de ce reproche (2). Résumons-nous. On a pu voir, par ce qui précède, que, dans l’ingénieux et savant travail de notre ancien col- la grandeur et la dignité eussent parfaitement convenu à l’expression de ce qu’on pourrait appeler la partie divine du poëme, fût nécessairement de- venue peu maniable et même rebelle dans les endroits si nombreux qui font allusion aux faits historiques de l'Italie contemporaine. Nous ajoute- rons qu’il se fût même présenté, à cet égard, des difficultés matériellement insurmontables, nées de la structure d'une foule de noms propres qui ne pouvaient être ni lalinisés d’une manière intelligible, ni, sous leur forme native, entrer dans l’hexamètre latin sans bouleverser toutes les lois de la prosodie. (1) Nous réservons, pour un travail ultérieur, ce qui touche aux vicissi- tudes de la gloire de Dante. (2) Il y aurait ici trop à citer : choisissons et abrégeons. Parmi les con- temporains du poëte et ceux qui suivirent de près, Boccace, Léonard d’Arezzo, Benvenuto d'Imola et plusieurs autres, ont parlé avec admiration du style de la Divine Comédie. Pétrarque, cru généralement peu favorable à son auteur, et soupçonné même de jalousie par quelques écrivains, mani- feste le regret que « la pureté des mœurs d’Alighieri n’ait pas égalé celle de » son Style. » Philelphe s'énonce ainsi, sans doute avec un peu d’exagération : .., neque ( 409 ) lègue à l'université de Liége, il est plusieurs points impor- tants sur lesquels nous n’avons émis aucune opinion et que nous n'avons pas même mentionnés. Le motif de cette omission volontaire et préméditée, c'est qu’en ces endroits nous avons la satisfaction de nous trouver entièrement d'accord avec lui, comme avec un petit nombre d’autres critiques vraiment érudits et judicieux. Pour économiser le temps et les mots sur un sujet traité tant de fois, mais qui paraît inépuisable, nous avons cru devoir nous borner à rencontrer certaines objections et à éclaircir certains faits, au moyen de recherches qui, pour nous-même, n’ont d'autre valeur que la patience opiniàtre d’un compilateur, et dont le résultat est consigné dans les notes jointes à ce texte. Ceux qui pourraient se résoudre à prendre connais- sance de l’ensemble y trouveront, nous l’espérons du moins, minus apus SuOS ELIMATUN esse duco hunc codicem quam apud Romanos fuerit Maro. Parmi les modernes, qui, presque tous, en traitant de la diction de Dante, prodiguent les termes de bellezza et de soavita , nous retrouvons Denina, généralement très-peu hyperbolique et qui, au milieu de critiques sévères à l'endroit de la Divine Comédie, n'hésite pas à dire que « le style de ce poëte, » qui est un peu vieux pour le goût de notre siècle, était en ce temps-là, » au témoignage des deux Villani et de Boccace, le plus agréable et le plus » poli qu’on eût vu jusqu'alors en aucun écrit fait en langue vulgaire, » A ces témoignages, qu’il nous serait facile de multiplier, nous joindrons une simple observation. Un des principaux éléments de la pureté du style est sans doute la propriété des termes. Or, comment un philologue, un gram- mairien tel que Dante aurait-il pu méconnaître la valeur et la véritable si- gnification des mots dans une langue que lui-même avait faite, ou du moins fixée? Une autre qualité, non moins essentielle, consiste dans l'application du langage aux convenances du sujet, à la nature du fait ou de l'idée : et chez Dante, quand cette nature est grave, élevée, sublime, l'expression, presque jamais, ne fait défaut et ne devient disparate. Comme le dit avec raison M. Brait de la Mathe, dans l'excellent discours dont il a fait précéder TOME xx. — I" PART. 28 ( M0 ) l'entière révélation de l’objet que nous nous sommes pro- posé, savoir la fixation du véritable point de vue sous le- quel Dante doit être envisagé de nos jours. OEuvre de foi, de science, d'amour et de ressentiment , la Divine Comédie est une composition sui generis, qui ne peut ni ne doit être jugée par comparaison avec les épopées anciennes ou modernes, et, par conséquent, suivant les lois établies d’a- près les unes et appliquées dans les autres. Ne cherchons point les savantes proportions, l’ornementation élégante et choisie, l'harmonie complète et le fini de l’art gréc aux temps de Périclès, dans les monuments gigantesques, étran- ges, mais si imposants dans leur effet général, que nous a laissés la statuaire de l’Assyrie, de la primitive Égypte ou de la grotte d'Éléphanta. C'est ainsi seulement que nous pourrons rester justes envers le moyen âge, sans mé- sa traduction en vers de la première partie du poëme, on paraît avoir con- fondu la pureté du style avec celle de certaines pensées qui déparent le poëme. Ce sont toutefois deux choses très-distinctes, dont l’une tient à la forme, en quelque sorte matérielle, l'autre à la délicatesse de la pensée ou du sentiment. La Fontaine dans ses contes, Voltaire dans un poëme trop fa- meux, n'ont pas respecté cette convenance morale de l’ordre le plus élevé : qui cependant oserait accuser leur style de manquer de pureté ? ke docte et judicieux censeur liégeois oppose à Dante, sous ce rapport, les compositions châtiées, d'abord de Pétrarque, ensuite du Tasse et de l’Arioste. Pour ces deux derniers au moins, le temps écoulé, le travail con- tinu qu’exerce sur lui-même un idiome naissant, expliqueraient assez cette prééminence que nous ne contesterons pas. Mais, qu’il nous soit permis de le rappeler, on a vu en France plus d'un écrivain moderne, même en pré- sence de la correction, de l'élégance et du fini des grands maitres du XVI: et du XVIII: siècle, regretter le langage vert, naïf et nerveux de Montaigne et d'Amyot. Une langue perd souvent en force et en originalité ce qu’elle gagne en perfectionnement. Il est superflu d'ajouter que Bossuet, Pascal, Labruyère, et souvent Corneille, sont d’immortelles exceptions à cette loi de la nature. (A1) connaitre la gloire de l’antiquité savante, sans nier le pro- grès moderne et sans compromettre le succès de l’avenir. Quant au critique dont l’Épitre ou la dissertation a fourni le sujet de ce travail, nous dirons qu'il a au moins prouvé jusques à l'évidence un fait important : c'est que la poésie latine n’est pas morte dans la patrie d'Hoschius et de Torrentius. Il possède la langue d'Horace comme une chose qui lui est propre et familière : c'est pour lui, en quelque sorte, un élément vital, et lorsqu'il compose en latin, on reconnaît qu’il parle sa pensée. Un petit nombre de vers qui n’offrent pas toute la lucidité désirable, quelques constructions un peu laborieuses, ne sauraient infirmer en rien notre opinion à cet égard. Après tout ce que nous avons dit, il paraît superflu de réclamer, en terminant, l’insertion de cette pièce remar- quable dans les actes de l’Académie. » Rapport de M. le chanoine de Ram. « L’épitre en vers latins de M. le professeur Fuss, sur le mérite poétique de la Divine Comédie du Dante, pré- sentée à la séance du mois de décembre, m’a été envoyée, avec les rapports de MM. Lesbroussart et Bormans, le 1° mars. Le peu de temps qui me sépare de la séance du 7 mars, dans laquelle les rapports doivent être soumis à l’Académie, m'impose l'obligation d’être court. D'ailleurs les deux juges les plus compétents dans cette sorte de ques- tions littéraires sont entrés dans des développements qui ( 412 ) facilitent le rôle d’un troisième commissaire et qui, peut- être, rendraient même superflue toute observation de sa part, s’il avait été convaincu que la question traitée par M. Fuss repose sur une base entièrement solide. En présence des rapports de MM. Lesbroussart et Bor- mans, j'éprouve un véritable sentiment d’hésitation pour oser communiquer, à mon tour, des observations que peut- être leurs suffrages, dont je suis jaloux, ne confirmeront point. Quoi qu’il en soit d’une divergence d'opinions, j'ai hâte de dire que je suis d'accord avec mes honorables et savants confrères sur le mérite général du travail de M. Fuss et que, comme eux, j'en propose volontiers l’impression, soit. dans les Mémoires, soit dans les Bulletins de l'Académie. C'est un hommage et une justice à rendre à celui qui, parmi nous, à cultivé avec un remarquable succès la langue et la poésie latines. Les vers consacrés par M. Fuss à l’examen du mérite poétique de la Divine Comédie ont incontestablement droit à une large part d’éloges; mais à côté de l'éloge la eri- tique même la plus bienveillante n'a-t-elle aucun reproche à faire? L'un de mes savants confrères trouve dans les vers de M. Fuss quelques constructions un peu laborieuses ; l’au- tre, en faisant ressortir les qualités dominantes de ces vers et en reconnaissant dans M. Fuss un disciple de l'école d'Horace, paraît douter si le disciple a toujours gardé la sage mesure qui fait la perfection du maître. Leur opinion m'engage à consigner ici une impression que la lecture des vers a fait naître en moi : la correc- tion du style y déguise mal, ce me semble, une forme quelque peu rude et froide et ne se colorant presque jamais ( 415 ) par les étincelles poétiques qui élèvent et vivilient le sermo pedestris d'Horace. La pièce, dans son ensemble, est une protestation con- tre les admirateurs outrés du Dante. S'il y a exagération de la part des uns, il y en à bien aussi un peu du côté de M. Fuss. On peut admirer le Dante et l'admirer beaucoup sans blesser le respect dû aux grands modèles des littératures grecque et latine. Je me félicite d’avoir pour eux la plus respectueuse vénération; mais j'aime aussi à entendre le concert d’éloges et d’applaudissements que l'Italie, dans ses élans de reconnaissance, adresse au génie qui a créé sa langue et qui a fondé sa littérature. Dans le jugement rendu contre le Dante, M. Fuss me semble avoir le tort de se placer trop au point de vue clas- sique grec et latin. Il y a longtemps que Ginguené a dit qu'il ne faut point juger la Divine Comédie d’après les données communes : « aucun poëme ancien n’en fut le modèle ; aucune poé- tique ne lui convient; la conception en est unique et ne peut plus s'adapter à rien, mais l'exécution est presque par- tout admirable. » Ce poëme, comme le remarque si bien M. Lesbroussart, « est une composition sui generis, qui ne peut ni ne doit être jugée par comparaison avec les épo- pées anciennes ou modernes, ni, par conséquent, suivant les lois établies d’après les unes et appliquées dans les autres. » La cause première ou unique de l'admiration pour le Dante, M. Fuss ne craint pas de l’attribuer à l'engouement qui s’est déclaré de nos jours pour tout ce qui appartient au moyen âge et au désir d’y ramener la civilisation mo- derne : una aut prima causa est aevum medium reducendi (M4) desiderium, dit-il dans les notes analytiques de l'Épiître. Voici comment il développe cette pensée : Nam laudibus inter Qui Dantis nimii nunc sunt, plerique poesis Multis neglectae saeclis, ac pene sepultae, Miro , ne dicam, caeco, ducuntur amore, In nova jurantes musae praecepta ; sed illi - Nunc in nonnullis par se conjungit amori, Aevi quae medii gliscit damnosa cupido. Haec adeo multis est unica, primave causa , Dis cur Dantem aequent, id agentes scilicet , illud, Quantus sit vates, tantum videatur ut aevum. Cujus quae bona sunt ita sanis demus amare, Ut paveant mala ; christicola ne rursus in orbe Tetra superstitio regnet ; quam reddere velle Aevo cum medio , redeat quo laetior aegro Sors mundo, quidni stultumque et turpe vocetur ? Artibus at pulchris, si gothica templa tacemus, Aevum quid medium referet? ut caetera mittam, Grandibus eloquii quid magnum foetibus addet? Quam sortem faciet monacho sub Apolline musis ? Cette appréciation si inexacte du moyen âge devait avoir comme conséquence une conclusion bien plus inexacte encore : celle d'attribuer l'admiration pour le Dante à l'engouement actuel pour les œuvres et les idées d’une époque déjà si éloignée de nous. Certes, le soupcon d’avoir été dominé par une influence de ce genre ne saurait atteindre un célèbre écrivain pro- testant du dernier siècle. Le directeur de la classe des lettres de l'Académie de Berlin, Jean-Bernard Mérian , aimait et admirait le Dante; sachant à fond litalien et l'anglais, il associa toujours, dans ses études comme dans ses délassements, le Dante et Milton à Homère et à Virgile. (A5) « Si on me demandait, dit-il (1), à quel genre la Divine Comédie appartient, je serais fort embarrassé de le dire, elle n’est d'aucun genre et elle est de tous les genres. Tan- tôt le Dante prend la marche de l'épopée, tantôt le vol de l'ode. Dans le Purgatoire, il fait retentir les sons aflec- tueux et touchants de la plaintive élégie. Une grande par- tie en est didactique, et ce n’est pas la meilleure; il tombe souvent dans le comique et même dans le burlesque; enfin il y-a peu de chants de ce poëme où l’on n’entende claquer le fouet de la satire... Malgré des intervalles de langueur , malgré ce mélange de genre et de style, malgré le goût défectueux et les autres vices qu'on peut reprocher au poëme, d'où vient sa haute célébrité? A ceci, il n'y à qu'une réponse : du génie transcendant de Dante, du su- blime, de la force , de la nouveauté de ses idées. On a fort bien comparé sa poésie à ces temples gothiques qui, non- obstant les défauts de leur architecture, imposent par la hardiesse de leur construction et par la grandeur de l’en- semble. Le génie couvre une multitude de pêchés, et rien ne couvre le défaut de génie. Avec du goût seul, on n'est que médiocre, quelquefois même insipide et ennuyeux, pour ne pas dire que le plus souvent ce mot a un sens vague et précaire, au lieu que le génie se définit lui- même; on ne méconnaitra jamais les monuments où luit sa flamme sacrée; les vicissitudes de la mode n’y ont point de prise : il triomphe du temps et des âges. C'est lui qui assure à Dante une des premières places parmi les grands poëtes, et surtout parmi les poëtes originaux. » « Ce dernier caractère de la poésie, continue Mérian, (1) Nouveaux Mémoires de l'Académie de Berlin, 1784, p. 455, cit. par Artand dans l'Histoire de la vie et des œuvres de Dante, p.578. (M6) y est marqué en traits si forts qu’il est impossible de n’en être pas frappé; il a sa manière propre de voir et de saisir les objets; son expression s’élance du fond de sa pensée; ses figures, ses images ont leur coloris particulier; celles même qu’il emprunte, il sait les résoudre; son style, son rhythme, et peut-être jusqu’à ses rimes tierces qui font un effet si agréable, tout est à lui; on voit la langue italienne se former, se féconder, naître, pour ainsi dire, sous ses crayons; enfin, ses idées même les plus bizarres ,.ses écarts les plus fantasques décèlent encore un écrivain qui marche loin de routes battues et qui n’a que lui-même pour guide. » C’est ainsi qu'en 1784, un philosophe et littérateur étran- ger s’associait à l'admiration de l'Italie pour le Dante, et qu’il justifiait d'avance les hommages qui lui sont rendus aujourd’hui dans l’Europe entière. Un de mes honorables confrères a cité, à l'appui d’une opinion qui me parait trop sévère, la boutade d’un autre philosophe-littérateur. Voltaire a fait le procès du Dante, en disant : « Les Italiens l’appellent divin, mais c’est une » divinité cachée; peu de gens entendent ses oracles; il a » des commentateurs, c'est peut-être encore une raison » pour n'être pas compris. Sa réputation s’affermira tou- » jours, parce qu'on ne le lit guère. Il y a de lui une ving- » taine de traits qu'on sait par cœur; cela suffit pour » s'épargner la peine d'examiner le reste. » Je suis per- suadé que mon savant confrère est d'avis que cette plai- santerie est loin d'être irréprochable, et qu’il me permettra d’y appliquer un mot du comte de Maistre : le rire qu'elle eæcite n'est pas légitime ; c'est une grimace (1). (1) Soirées de Saint-Pétersbourg ; t. 1, p. 248, édit, de Lyon, 1851. (M7) Malgré Voltaire et son école, la gloire de la divinité cachée n’a fait que grandir. Le comte Balbo a décrit les vicissitudes de cette gloire de 1521 à 1858. Au commen- cement du XIX° siècle, Alfieri, qui professait pour le chantre de la Divine Comédie l'admiration la plus vive, et qui restaura ce qu’on appelait le culte du Dante, disait, dans un accès de regret, qu'il n’y avait de son temps peut- être pas trente personnes en Italie qui eussent véritable- ment lu le poëme. « Et maintenant, ajoute le comte Balbo, quoiqu’un peu plus du tiers de ce siècle soit à peine écoulé, nous comptons déjà plus d'éditions, plus de commentaires, plus de travaux que n’en eut aucun des siècles précédents; il y a déjà plus de 70 éditions (1). » Le même écrivain énu- mère ensuile les traductions et les travaux publiés hors de l'Italie; « tout cela montre, dit-il (2), que le culte de Dante est plus que jamais répandu au delà des monts et au delà des mers; et il devait en être ainsi chez toutes ces nations qui ne craignent pas de retremper leur liltérature aux sources mêmes de la civilisation moderne, le christia- nisme et l'Italie. » L'étude et le culte du Dante se sont donc réveillés et propagés par les efforts et par la protection d’Alfieri. Vai- nement on invoquerait ses paroles, citées plus haut, pour en déduire, comme fait M. Fuss, que le Dante n’est pas véritablement un poëte populaire ou national. N’est-il même pas plus et peut-être mieux que cela? (1) Jie du Dante, par M. le comte César Balbo, traduite de l’italien, par Me la comtesse de Lalaing, née comtesse de Maldeghem, t. I, p. 425-454. Bruxelles, 1846. — C’est aussi à cette noble dame que nous devons la traduction de la Vie du Tasse par Jean-Baptiste Manso: Bruxelles, 1842. (2) Ouvr. cit., p. 449. (M8) S'il y a des critiques qui portent leur admiration jusqu'à prétendre que cette popularité à été acquise au Dante par cela seul qu'il n’a pas écrit en latin, c’est évidemment une erreur. M. Fuss la condamne avec raison, en reconnais- sant cependant que l'usage de la langue vulgaire a valu à la Divine Comédie un plus grand nombre de lecteurs. Boccace, dans la vie du Dante et dans le commentaire sur la Divine Comédie, raconte comment une ébauche la- tine du poëme, ou plus précisément celle des sept premiers chants de l'Enfer , fut trouvée à Florence , et comment on l’envoya au marquis Moroello, qui engagea le Dante à con- tinuer le poème. Marchetti, Troya et d’autres traitent cette narration de fable; Balbo admet le récit de Boccace; Artaud s’abstient de prononcer sur le fait. Les trois premiers vers qui en restent, sont ainsi rap- portés par Boccace : Ultima regna canam fluido contermina mundo , Spiritibus quae lata patent , quae praemia solvunt Pro meritis cuique suis data lege Tonantis. De ces seules trois lignes M. Fuss tire la conclusion suivanle : In versibus Dantis, Divinam Comediam nondum lingua vulgari, quam latina, componere malentis, causam caeteris addendam video, cur maximus îlle poela sapienter fecerit latinae linguae renuntians ; qua scilicet satis recte, ne dicam eleganter suaviterque , nec Dante, nec quisquam illi tempore aequalis scriptor , quod sciam, usus est. Balbo remarque que, dans un manuserit du Dante de la bibliothèque Bartolini, on trouve, en outre, des fragments nombreux du poëme latin, mais que ce n’est qu'une tra- duction tout à fait liliérale de l'italien qu'on ne peut en aucune manière attribuer au Dante. « Jamais, dit-il, je ne ( 419 ) pourrais me persuader que le Dante se soit ainsi traduit lui-même en refaisant en italien les premiers chants déjà écrits en latin. En 1504, le Dante composa, dans un latin plus pur que celui de ses contemporains, son ouvrage de Vulgari eloquio sive idiomate (1); ouvrage d’un proscrit forcé de parcourir les divers États de l'Italie et étudiant leur langage; livre d’un homme de goût qui a déjà dit qu’il faut fonder la langue italienne (2). Comme il a déjà été remarqué, le Dante : avait commencé également en latin une ébauche impar- faite de quelques chants de l'Enfer; mais ses premières pro- ductions poétiques en langue vulgaire lui avaient fait con- naître qu'il avait plus de puissance dans cet idiome : le génie de la poésie, trop resserré dans la langue latine dont l’'illustre exilé ne possédait pas bien les expressions éner- giques, l’avertit qu’il devait confier ses chants et le soin de sa gloire à un idiome nouveau (5). La postérité ne peut-elle pas se féliciter de cequ’il ait suivi si noblement sa vocation ? (1) Balbo prouve que cet ouvrage a été écrit en 1304, et non pas peu de temps avant la mort de l’auteur, comme Boccace le prétend. Voyez ouvr. cit. t. II, p. 109. (2) Artaud, ouvr. cit., p. 181. (5) Artaud, ouvr. cit., p. 144. — Nous aimons à citer encore ici une ob- servation de M. Albert de Broglie. « Si, dit-il dans un travail sur /e moyen âge et l'Église catholique, la Divine Comédie était écrite, comme on dit que le Dante en eut un instant l'intention, dans la latinité du moyen âge, elle nous paraïîtrait aujourd'hui, comme quelques-uns des damnés dont elle décrit le supplice, chargée d’un manteau de glace. Grâce à la liberté d’une langue populaire et cependant déjà élevée par l'étude à un rare degré de noblesse et de clarté, tout vit, tout se meut dans l’Alighieri, avec une fran- chise inconnue à la littérature du moyen âge. Pour la première fois l’Europe moderne revoit les traits de la vraie beauté littéraire. » Revue des Deux- Mondes, 1852, t. IV, p.156. ( 420 ) Je n’ai pu lire sans éprouver une vive satisfaction, sui- vie d’une impression plus ou moins pénible, un remar- quable passage du rapport de mon savant confrère M. Bor- mans : « Le Dante, dit-il, fut un grand poëte et un poëte populaire dès qu’il parut , parce qu’il était le premier de sa nation qui eût produit quelque chose de grand. La postérité a consacré sa gloire, parce qu'à travers ses défauts qu'elle a mis sur le compte de son époque, son génie continue à briller d’un éclat qu'on ne peut mécon- naître. Sous ce rapport, il est pour l'Italie moderne ce » qu'Ennius fut pour les Romains du siècle d'Auguste : Ven ° Ùi A "+ Ennius ingenio maximus , arte rudis. Mon savant confrère me permettra de lui déclarer que je ne puis, sous aucun rapport, admettre la justesse de cette comparaison. C'est perdre son temps, dit Balbo, de comparer les esprits relativement médiocres avec les esprits véritable- ment grands; il est plus court, plus à propos de comparer sur-le-champ ceux-ci entre eux. Ayant à parler de l’auteur de la Divine Comédie, Balbo pense qu’on ne trouvera peut- être pas plus de deux poëtes, Homère et Shakespeare, qui soient comparables au Dante. « Ils ont de commun, dit-il (1), ce mélange de quelques défauts et de beaucoup de qualités. Tous trois enfants de siècles sortant à peine de la barbarie, ils en empruntèrent leurs vertus de jeu- nesse, la spontanéité, la liberté de génie, un style à eux, amour, la force et la simplicité. Ils en reçoivent en même temps leurs défauts de jeunesse; ils manquent de ce goût, (1) Ouvr. cit , tom. IE, pp. 174 et suiv., et Artaud, ouv. eit., p. 210. (421 ) de ce poli, de cette proportion qui, dans les littératures et les hommes, sont les fruits des seconds âges, comme dans toute œuvre ils sont les fruits des seconds travaux. Ces défauts nous heurtent moins dans Homère, soit à cause de cette grande vénération qui s’est accumulée à travers les siècles, soit à cause du respect qui lui est acquis dans le cours de nos études; mais ils blessèrent Horace, l'homme le plus éminent par son goût dans l’âge le plus-civilisé des anciens. Homère est le plus grand poëte de l’origine des lettres; le Dante et Shakespeare sont les plus grands du temps de la renaissance : Homère le plus profond dans la civilisation antique; le Dante et Shakes- peare grands ensemble dans la civilisation chrétienne. De la différence des âges proviennent les différences de leurs défauts et de leurs qualités. » Au sujet de certains défauts de la couronne poétique du Dante, M. Fuss a soulevé plus d’une question, plus d’une observation critique. Sont-elles toutes bien fondées? L'exa- gération d’une vive admiration a peut-être provoqué chez lui certaine exagération dans un sens contraire. C’est une excuse qu'on peut faire valoir en faveur de M. Fuss. On reproche au Dante d’avoir usé trop largement de l'allégorie; mais, après tout, c’est le défaut ou la qualité de son époque. Le moyen âge avait un goût dominant pour l'allégorie. La Divine Comédie est remplie d'aHégories, presque toutes belles, quelques-unes médiocres, et bien peu obscures ou mauvaises (1). (1) Artaud, ouvr. cit., p. 215. — Balbo consacre en grande partie le chap. 7 du tom. IL à la question des allégories du Dante; il pense qu'il faut d'abord chercher le sens littéral, sans méconnaître cependant que, dans ce sens, il peut en exister un qui soit allégorique. (422) Au reproche fondé sur la nature allégorique vient en- core se joindre celui de l’obseurité. D’après Auguste Schlegel (1), l'obscurité du Dante pro- vient de son extrême laconisme, d'un langage suranné et varié par des licences très-fortes, de mille allusions à des détails historiques et biographiques, aujourd’hui peu con- nus ou entièrement oblitérés, d'une sphère scientifique différente de la nôtre; quelquefois aussi de la bizarrerie de cet esprit solitaire qui, en tout, dans les expressions, les métaphores et les comparaisons, évitait les sentiers battus ; mais il n’y à jamais cette obseurité qui naît de la confu- sion des idées et du style. Quand on a pénétré le sens, on tient quelque chose de substantiel ; d’ailleurs les passages restés ou devenus obseurs sont peu nombreux. M. Lesbroussart nous a informé que, pour fixer le véri- table point de vue sous lequel le Dante doit être envisagé de nos jours, il a consigné le résultat de ses recherches dans les notes jointes au texte de son rapport. Si ce tra- vail, qui doit porter le cachet de la finesse de son goût et de la profondeur de son érudition, comme tout ce qui sort de sa plume, m'eût été communiqué avec le rapport même, j'aurais pu me dispenser de faire le mien; je me serais peut-être borné à une simple réclamation en faveur de ceux qui sont traduits au tribunal de la critique et prévenus, par un réquisitoire en vers latins, d’avoir porté trop loin leur admiration pour le chantre de ‘la Divine Comédie. (1) Revue des Deux-Mondes , 1836, tom. VII, p. 401 , 4° série. ( 425 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. — Dantis Divinae Comoediae poeticavirtus. Poëme par M. Fuss, 10 20 professeur à l’université de Liége. Dius NUM QUID HABET, QUOD FAS SIT CARPERE, VATES ? En versum, tibi, summa velit quid carminis hujus, Qui satis ostendat, doctrinae, suavis amice, Jam variae multis clarescens foetibus; isque In criticis, te jure tui dicamus ut omnes Dignum, mox critieum quem regem fama salutet. Et pulchris studiis sic nobiliumque virorum Reddis amore mihi regem, fera munera Martis Inter, Nasonis tenuem dixisse beatam Qui patriam fertur, genium Sulmonis adorans. Et gravis et critica est, quam cernis, quaestio, quamque À me tractari vis dudum, et, saepe rogato Nunc instans, divina, rogas, comoedia Dantis Quanti sit facienda; poetica, si quis, et una, Quae laus ipsarum sit rerum, spectet; utroque Carminis ut longi virtus examine constet. Materies, fateor, pulcherrima : quaestio quam sit Ardua, tunc satis reputaveris, ipse videbis. Nam , si nil ultra quacras, quam, num mihi tantus, Priscos quantus apud criticos, nostrosve, poeta ; Et brevis et simplex sit perfacilisque profceto Respondere labor; grave sed tu quaeris, amiei Otia quod superet longe viresque seniles. Ne tamen hic prorsus nil impetrasse queraris, Ilius exiguum visum est mihi sumere partis, Optima qua sine res frustra et pulcherrima ; magnus (424) Si vates vis audire, omne legique per aevum. Ipsarum vero rerum virtute tenere Cui satis est; vocem propriam numerosque poetae 30 Qui parvi facit; is placeat sibi jure licebit; Vatem cur dicas, nil est, nisi sermo ligatus. Ast ego, quae Dantis sit, quaero, poetica virtus; Hic critico criticum, quo suevi, more modoque Acturus; nil insolitum qui spiret, et inter Nubila suspensus nolit fluitare, sed astra Stans firmo spectare solo; quid Gœthe, recordans, Quid Flaccus doceat, qui miscuit utile dulci Lectorem delectando pariterque monendo. Nempe, ut sit magna dignum mihi laude poema, 40 Quid poseam potius, quam; res, ubi nil vetat, ipsa Ne valde placeat, felix accedat ut una Tractandi ratio, purae quot suntque loquelae Et numeri veneres? De quo, scis, credo, magistri Quantum praecipiunt; nec me tentavit in istis Quaerendi famam, nec tentatura cupido. Quam vero pulchrum, seu longum seu breve, carmen, Ante alios aequus censor mihi judicet omnes, Inprimis sana qui pollens mente profundo Cum pulchri sensu. Res autem si intucare, 50 Quid gravius dicas, prius optandumve poetae, Quae faveat, quam scire, suae, quae discrepet arti; Quam vitet, satis aut sit tangere? Saepe quod ipsos, Queis felix nec deest linguae, nec copia rerum, Nil eurare vides; quorum per rara volumen Siqua tamen multa dignissima laude nitescant, Pravorum moles, ne vivant, obruet; etsi Olin fit, critici dum gaudent prava tueri, Ut longum minima se vendat parte poema. Singula, sed differt, pulchraene quis inserat, anne 60 Talem materiem tractet, paene omnis ut extra Laus quacrenda, bonus qua sit magnusve poeta; Exemplum cujus rarum dat musa Maronis. 70 80 20 (45 ) Sed nec, si nullum ducant aliunde decorem, Versibus excludam, quae talia cunque, severus ; Claris adscribat dum ne se vatibus auctor. Sic operam, sine, ametque suam, meritaque fruatur Laude, lyrae seu forte modis, quam voce soluta , Insignis lyricus patrios germanus ut inter, Dicere quis malit, spondei, quaeve choraei Sit vis in numeris; lymphatis sive medendi Hexametris elegisve artem, legisve Quiritum Exponat tabulas; functis, seu, corpora quaenam Suprema reditura die; nunce qualia rari Sunt sane metricis ausi committere formis. In pulchro, dixi, quae sit mihi carmine felix Materiae ratio; qua sis perfectus ab omni Parte licet, summos tamen inter jure poetas Non numerandus eris, nisi, virtus altera, rebus Eximiis ars tractandi, sermoque beatus, Miraque vis numeri eonspiret; nulla voluptas Qua major magnis fuit aut dulcedo poetis. Hactenus attigimus, quorum pars carmen ad omne, Pars ad longa trahenda magis, quae nobilis inter Aeterni Divina manet Comoedia Dantis. Tu, mea de tando quae sit sententia vate, Quaeris; cujus opus veluti genus omne, poesis Quotquot doctores unquam statuere, refugit; Nemo queat lyricum quod sanus dicere, nemo Dramaticum; nec, epos, vero, cur dicere malis, Causam repereris; nisi, quod narrantis, idemque Sit longum, ex epicis ut sunt celeberrima; dii Qualia Maconidae bina est mirata vetustas. His licet adjicias non vanum ; scilicet, ulli Magna quod ex epica veniet vix fama poesi, Cui satis exiguo rem pulchram includere gyro; Ingenii, unde patet, quanti sit condere vatis Maeonii dignum musae certare. Quid autem, Si Lamartini spatiis tibi finxeris orbem TOME xx. — |'° PART. 29 100 110 1 4 0 0 ( 426) Immensis epicum ? eujus minimanr dedit ipse Particulam, versus decies prope mille quaterque Dum canit, aequa suae componens carmina venac. Grande autem Dantis, causam modo vidimus, unde Multum epicis sie distet opus, propius tamen his ut, Quam reliquo dicam generi : quo rectius idem Nos puto facturos, si, quam mirabile carmen , Quamque sit excelsum Dantis Comoedia dii, Quacrentes, magnum, primum videamus, an illud, Quamque habeat plene, critici quod carminis omnes Nunc epici summum faciunt, quodque ipse poesis Supremum, solis epicis propriumque poetis Dicere non verear. Jam, si, suprema, requiris, Illa mihi quaenam sit virtus, aspice, dicam, Maconiden; qui praecipuae, per utrumque poema, Personac mire varias res factaque nectit, Ut coclum et terram referat manesque deosque, Naturamque hominis moresque et fata, genusque Heroum, famamque ; ut mundum denique, qualis Humanis illo quantusque patebat in aevo, Exhibeat. Laus est magnas haec scilieet inter Maxima Maconidae; quique hane acquaverit omnem , Nec grajum, Latii vatem nec novimus ullum ; Alti quin eliam hoc frustra tentasse Maronis Ingenium videas. Medii, sed, quisve recentis Hic cpicos inter conferri dignior aevi, Quaerere non lubet. At, qui dissimilis sit Homero, Ut nemo magis, hac, quam dixi, laude, poctam Actatis nostrac nullum Messiadis ante Auctorem referam. Medii, seis, quale sit, aevi Quod sub principiis natum faciunt, Mibelunqum Carmen, epos priscae Germanis nobile linguae; Sacela per oblitum penitus, clari quod ovantes In coclum critici, supra vel moenia mundi Extollant ; magnus tamen illi Grimmius ipse Virtutis, paucis modo quam laudavimus, umbram 140 150 160 170 ( 427 ) Vix, credo, tribuisse ausit. Mundum, sed Homerus, Mente suum qui complexus, mirabilis idem, Quae possint, videt, utque velint tractata placere; Ipsa, cavens, obsit ne copia ; neve poetae Nil numeros habeat praeter, narransve, docensve. En geminas, epicus quibus est insignis Homerus, Virtutes : quarum praestare nec ipse priorem, Quod supra dixi, potuisset carmine parvo; Et multo minus angustum nunc cogat in orbem, Excellat studiis licet ingenioque poeta. Ut puro nebulae pendentes lumine solis; Arbore cacruleis pallens ut imago sub undis ; Sic illis distat virtus, quam serior aetas Maeonidae tribuit. Nam, nulla ut vatis abesset In mundo facies vitae; vulgata deorum À Non parvam merito, partem hic quam tangimus unam, Religio tenuit; qua grajae turpia gentes Plurima miscuerant, omnis gentilis ut orbis. Christicolas nec vero inter non multa pudenda Per medium viguere aevum, nostrove supersunt; Quae tamen hic illis nolim componere; quamvis Ad rem, quam tracto, non uno nomine vere Pertineant. Hac Maconiden ut labe sophistae Purgarent, allegorico coepere profanum Vertere verborum sensu ; placuisse quod illis Ne mirere nimis, sententia, sunt, ubi sana Nulla est, ni propriam mutes; quaccunque poetae Mens fuerit. Longe sed differt, hoc fatearis, Anne allegoricas res personasque labores Fingere, per longum referas quo singula carmen. En duplex opus, en fungentes munere voces Ambiguo ; velut, exemplum sumatur ut unum : Si verbis stamus, claudam credemus Olympo A Jove dejectam sobolem; si, patre deorum Quod mage sit dignum, volumus dixisse poetam ; Quid proprius sensus possit simulare, videndum. (498 ) Non parvus labor hic, numen si factaque divum Intra constiterit : quid, si per cactera sensum Sie geminum fingat? Sexcenta volumina, nempe Materies, qua condat, erit. Distractus at ipse Auctor quid fiet? Suavis quid fiet Homeri | Aurea simplicitas, critici sub acumine docti In sophiam conversa gravem? Ne singula longus Persequar ; immensa est genus ipsum quaestio; vix ut Hac gravius quidquam tractet doctrina pocsis; 180 Quo minus intactum linquam, dum quaero, poctae Qualis sit prisci virtus. Sed, quid genus ipsum Carminis ad longi laudem, me judice, possit Addere, si quacras; aversis hunc ego dicam Grande opus aggressum musis, allegoriarum Quem sine deliciis nulli sit volvere gratum. Aevi inter medii vatum fastidia partes Sed genus hoc largas, nosti, plerumque reposcit ; Quo magis in causis numeres, oblivio longa Quare condiderit celebrata poemata multa : 190 Quae tamen in lucem nostrae, nova cuncta volentis, Aetatis revocat genius; rursusque virorum Doctorum labor esse probat sua fata libellis. Ad Dantem redeo, qualisque poetica vatis, Quantaque vis, partem selectam quam mihi dixi, Hinc ostensurus, praemissis, censor honeste Queis, norma ut, nitar. Verumque modumque colenti Sic veniam det fama viri, quam crescere in horas Nonne vides, claris ceu conspirantibus omnes Per gentes criticis; germani tempore nostro 200 Supremae quales sophiae finxere magistri ? Quanti sit, qui quaerit, opus; rem sive vel artem, Vim sive ingenii raram, seu spectat utrumque ; Pluribus aut uni saltem, genere in pare noto, Conferet; hoc ipsum sed si Divina negarit, Mirum non fuerit, Comoedia; quippe remota Cunctis, ut dixi, doctrina poctica quotquot 210 220 230 240 (429) Distinxit species. Sie vix inveneris ullum, ( Quem, parvum magnumve, velis componere Danti; Quo mage difficilis labor hic; sat reddere ni sit, Notis quae criticis nunce stet sententia. Verum, Qui nulli, scenae ceu gloria prima Britannae, Se similem voluit, non jam fecisse minoris Hine ausis; quanquam merito suspectus habetur, Qualis sit, donec perspexeris , ire recusat Qui tritam doctisque viam elarisque poetis ; Quippe, novum nil praeter amans , monstrosa, videres, Saepe ut parturiat, stolido placitura popello, Et, si quis dignus, jactet qui talia, censor. Nempe hic indignor, docti quandoque vel ipsi Hoce agitant critici, nimis aut obscura, remota Aut pulchri procul a sensu, nullique ferenda, Turpia qui nolit, quamvis distincta decoris, Ut quocunque modo laudent; ceu, carduus in quo Horreret, campum quis haberi vellet amoenum ; Rara quod in foedo niteat rosa. Quid, quod iidem, Credere si nolis, mirum non esse, reponent, Putida si cui sint, quae non intelligat? Hacc frons Dura sibi sapiat. Quum plura placent, ego paucis Ignoseam maculis; in magnis sed mage laedunt, Quum mala multa, viris; in queis sua mansit, et alto AEternum sacrata manebit gloria vati. Dantis at hine dotes expendens, quid prius illa Tangam, virtutes epici quam carminis inter Jam mihi praecipuam dixi, longeque videri? Namque, novus ceu Maconides, sua saecula Dantes, Gentemque et mundum, complexus; seilicet haec est De multis celsae laus maxima mentis, et, in qua, Cactera discordes, seu non, videas tamen omnes Consentire fere criticos; hoc quos habet aevo Multos ille quidem; nusquam sed, nec, puto, plures, Nec celebres mage germanis ; quorum, patrios si Binos excipias, unum gentisque britannae, (430 ) Nullius in laudem vatis par extitit ardor. Ulterius, nec jam, quo progrediantur, habebunt, Immensum, deus ut, quibus est Comoedia, nulli, Mundus ut, humanae non impenetrabile menti ; Quippe canens, terrestre deus qaodeunque creavit, Aeternum ut, culpis Christi sub lege piatis, Ad fontem redeat felix. His addere possum 250 Haud minus arcanum; nam plastica prima vocata est Pars operis; mire ceu picturata secunda, Tertia suave modis animum, ceu musica, mergens. En critieum tibi, qui, coelo cognatus et ipse, | ; Mystieus expendat, terrae solatia, vates; Quemque putes, Dantis qualis sit quantaqué virtus, Historico elaro digne monstrasse Leoni; e Talia ni vano potius praeconia capti, Quam recto, eredas. Equidem, impenetrabile quin sit, Non dubito, deus ut mundus; sed, quomodo, pulchre 260 Quod componit homo, par ut nil fingere detur, Humanae sit opus tamen impenetrabile menti, | Me latuit, fateor. Laudem quam Dantis et ipse | Praccipuam feci, non pugno, maxima ne sil; Mox dicturus, eo quid nomine distet Homero. Cactera si quaeris : per terna volumina fusa, Membra tot ad corpus bene quam digesserit unum; Temporis ingenio coalescat ut omhe poema ; Cur Maro dux, eur Papinius, eur lecta Beatrix ; Ut deceat Christi gentilis religioni 270 Passim mixta, profana sacris; ef plurima quae sunt; Mirus, ubi, mage sit, quaeras, pulcherne poeta; Ipsae, seu , quae res, et quanta licentia quidquid Fingendi, spectes; seu, singula quomodo dicat; Quis sermo, numerive, et quanta licentia fandi : Haec equidem, ut decuit, perpendi, rite poetam, Nec non censores veteresve novosve revolvens; In queis quae recte, quae non, mihi visa notari, Hic longum; et criticis, pridem scis tute, magistris, (451) Et nullis nimium suevi tribuisse sophistis. 280 Unum sed tamen est, quod eur non praetereamus, Causa subest gravior. Nam rebus plurima Dantis Personisque insunt, alia defendere nulla Quae ratione queas, quin tanto indigna putentur Ingenio; criticos, nisi, quod fecisse videmus, Tu pariter facias; cura hic queis maxima longe Res allegoricas exponere; mensque, docere, Quam sublimis in his, quamque hac quoque parte verenda , Quae Divina canit sancti Comoedia vatis. Quem, sane vereor, nimium hoc ne nomine tollant; 290 Nec, eur hic ingens laus sit, quod saepe poetis Grande vel in magnis vitium, justas mibi quisquam Explicuit causas. Genus id, sed, quale sit ipsum, Quantumque ad pulehrum valeat conferre poema, Maconidae supra virtutes tangimus inter. Ilius at Danti summam quod defero lauden ; Cantor uterque suum quoniam complectitur aevum ; Non metuo, ne me minus expendisse rearis, Ilorum queis dissimiles, discrimina, mundi, Nec vero magis est, cur causas enumerando 500 Te morer; ut mihimet sim seilicet autor ineptus. Mille modis nostro medium, quis nescit? utrique Longius at differt aevum, quod pandit Homerus. Nec modo, si totum geminis in vatibus orbem, Sed pariter distant longe, si singula confers, Quas tractant, rerum; queis hic, queis partibus ille Sit multus, rarusve, intactas quasve relinquat. Cernere quo facile est, angustus mundus Homeri Plenior unde tamen, quam, Dantis grande poema Quem canit; immensi prudens dum plurima mittit; 310 Nempe sui quae propositi non esse videret. Materiae sed me faciat ne copia longum, Ingentem binis includam versibus, addens : Illi sors hominis stat finis, regnaque Christi; Hic fida gentile refert sub imagine sacclum. (432) En tibi, s , cano pridem, quid judice fidis, Dantis nunc criticos male quae meminisse putemus; Ultra, quod satis, hune dum laudant, dumque minores Hinc alios ducunt; de multis fecit ut ille, Altior immensum est cui Dantes, visa renarrans 320 Somnia, quam Ditis Maro sedem, umbrasque nocentes, Elysiisque canens felices vallibus; illi Hie licet inferni dux missus coelitus. At nos Pergimus etrusco chium contendere vatem. Quorum si in rebus tractandis respicis artem, Maconiden cernes, quae factis cunque remiscet Praecipuis, vel quae personis, omnia suetum Sic tractare, volens, quo ducat, ut usque sequaris; Quantumvis minimis, tamen ut teneare; nee usquam Ambiguae frustra tortus stomachere loquelae, 350 At contra Dantes inspergere plurima gestit, Possintne, aut quonam pacto conjuncta, placcre, Securus; veluti contentus nectere quali Cunque modo partes, operis distinguere rite Quas ordo ratioque jubent. Persaepe recepit Quin etiam, plane quibus est aliena voluptas, Omnis quam propriam sibi poscit jure poesis. Parte operis prima sed culpa est rarior ista; Nempe, quod in reliquo doctrina scholastica gignit : Taedia, multorum, numeris quae libera malles, 340 Interpres; moesti at contra poenisque tremendi Cantibus inferni regnat, quae plastica dicta A criticis, virtus in magnis prima poetis. Quippe mage haec nostrae cum laetis tristia gaudet, Quam non visa canens coelestis praemia gentis : Par quibus esse nihil, quidquid conceperit unquam, Mortalem deus ipse monet. Sed fingere, veri Queis conferre nihil possis, uteunque, relictis Terris, angelicam te vates ducet in aulam, Nec tanti ingenii est, quanti plerumque putabunt, 350 Credula queis aut aegra vagis mens pascitur umbris ; (435) Nec facile, in nostro sensuque animoque remotis, Quid rectum sit, discernas ; res denique inanes Nullae non parient fastidia. Forsan et ipse Hic causam videas, clari Messiada vatis Quisque fere eur mirari, quam evolvere, malit, Sie doctis, nemini, criticis placuisse; nec ulla Causa mihi major, eur, quanta poetica Dantis Sit vis, énferno pateat; quamvis minor hac in Parte locus sophiae; longum qua saepe laborat, 360 Ut dixi, carmen; doctrinae plastica virtus Nempe ubi deest. Sapiens diversas censor in omni Has dotes norit discernere rite poeta; Nam magnis sane sapere est et seire necesse ; Ad pulchrum carmen neutrum sed suflicit ulli. Praecipue nobis hic quae memoranda, quis autem Nesciat, ipsius Dantis nisi nominis idem Famaeque ignarus, totum quae sparsa per orbem ? Inferni inseriptis portae quid celsius? aut quo Tantum contremuit mortalis fulmine linguae ? 370 Francisca, cui non doluit, narrante, poeta Queis eadit exanimis, tenerae miseratus amores ? Christicolae nempe in chartis nil pulehrius extat ; Nec gentilis erat quidquam par fingere musae, Quis non horrescit mirans infanda querentem, Se natosque ut dira fame vindicta necarit? Quid nostri praeferre velis, mundive prioris? Quid Iyra, quid tuba majus habet, grandisve cothurnus? His addi longo quae sint in carmine digna, Ad finem mitto properants inquirere; multa 580 Nec, puto, repererit censor non vanus, at idem Plurima, quae, nulla quamvis insignia dote, Quo capiatur, habent. His insunt illius aevi Historiae multae, multae, quibus ipse pocta Miscetur; sunt ingeniose, sunt et acute Dicta; nec insolito gaudentis plurima desunt, Solum quae Dantem deceant; unde hace magis illi 400 410 (434) Mirantur eritici, primis in dotibus ejus Qui ponunt, tantum quod opus cum tempore vatis, Indole, persona, penitus concreseat, ut omni Quae concors numero naturae vivit imago; Organicum proprie quod vulgo dicimus; at nune, Et tropieus criticis est verbi plurimus usus, Cactera tractatis bene rebus, plena voluptas Quo sit, sermonis, jam vidimus ante requiri, Ut par sit virtus; quam culta in diteque lingua Qui nequeat praestare, hune dimidio.velut artis Mancum jure voces; at pauper et horrida cujus Contigit ingenio, pulchre ceu nescia fari; Sive rudem felix formet, seu ditet egenam, Ingentes mereat laudes. Eadem tamen hic est Cunetis conditio, studio plus arteve nemo Ut possit, seriptor quam possit maximus unus ; Gloria nec minor est, post illum magna laboris Si superet moles; sermo dum talis, ut omni Ingemo pariter respondeat. Adjice, nullum Quod recte dices opus excellentius omni, In quo, qualemeunque ob causam, lingua sit impar, Egregias res, seu tractandi respicis artem. Ad Dantis quae si referas sublime poema, Non dubitem, nimios quosdam quin hie quoque in illo Vel claros inter criticos fateare fuisse. Scilicet, in patriäm quamwvis insigne loquelam Sit vatis meritum; justum verumque volentes, Mirer, ni mihi dent, tantum praestare Petrarchae, Ac mage Torquati linguam diique Ariosti, His Dantem binis saeelis aequare priorem Doctus uti nequeat judex, et, qualis utrinque Sit sermo, reputans. En, eur, hie caetera mittens, In queis lingua nihil vetuit, ne saepe poeta Non paulo nobis Dantes perfectior esset, Hoc saltem teneam : quale est comoedia, si quis Nunce edat carmen, vel linguam propter, in illis (455 ) Nemo neget simile hac nil esse actate ferendum, Dantes queis jure est magnus celsusque poeta. Quod multi, nempe hic pejori debuit aevo, Cunctis ut sero venientibus anteferatur ; Utque satis, quam sit magnus, dignoscere docti Vix ipsi valeant. Criticos quo justius ores, Ingenium vatis male ne cum earmine, quale 450 Nunc est, confundant ; tantum neve hoc sibi fingant, Quantum ne faceret, Danti multaeque gravesque Obstabant causae; merito ne multa reprendi Posse negent; in queis unum licet hie grave ponas, Sacpe adeo quod res, aut verba recondita, nemo Ut non desperet; vatem ne denique fingant Non modo mente, suo qua major tempore, mundum Christicolam quaceunque agitabant, pectore condit, Quavis eximium summi sed dote poetae; Par operi cujus nil nec sperare futurae 440 Sit fas aetati, nec viderit ante vetustas. Qui critices, sophiae fama qui crescis alumnus, Jamne vides, quo me ducat comoedia Dantis? Primo quem versu, talem quia sentio, dium * Ipse voco; mihi me post ne pugnare rearis; Neve viro quidquam indignum dixisse verendo. Sed, laus ne lacdat, num quid prius esse putares, Laudandi quam nosse modum ? Laudare maligne Ne qua parte tamen videar; defendere quo me, Dic, mage teste velis, quam, qui popularis, et idem, 450 Quantum sanumque et justum, doctumque decebat, Mirator vatis? Plures Tiraboschius inter Hie mihi sit, Tanti quid laudet, quidve reprendat, Ingenii criticus; nostro queis maximus auctor Judicio distet, queis congruat, ipse tuere. Ilum, etsi brevis hie, momenta nec omnia pendit, Quaestio queis constat; eunétis longe tamen unum Praetulerim, vanae nostro Dantes quibus aevo Materies famac; quo tollant altius illum, ( 456 ) Tanto, dum sperant, mage nos miremur ut ipsos; 460 Vatis qui mystae nobis arcana recludant. Paucis sed genus hoc jam rite notavimus ante. Commodus hic locus est addenti, quod nee inane, Crede mihi, leve nec nimis est. Nam laudibus inter Qui Dantis nimii nune sunt, plerique poesis Multis neglectae saeclis, ac paene scpultae, Miro, ne dicam caeco, ducuntur amore, In nova jurantes musae praecepta; sed illi Nune in nonnullis par se conjungit amori, Acvi quae medii gliscit damnosa cupido. 470 Hæc adco multis est unica, primave causa, Dis cur Dantem aequent, id agentes scilicet, illud, Quantus sit vates, tantum videatur ut aevum. ujus quae bona sunt, ita sanis demus amare, Ut paveant mala; christicola ne rursus in orbe Tetra superstitio regnet ; quam reddere velle Acvo cum medio, redeat quo laetior aegro Sors mundo, quidni stultumque et turpe vocetur ? Artibus at pulchris, si gothica templa tacemus, Aevum quid medium referet? Ne caetera quaeram , 480 Grandibus eloquii quid magnum foctibus addet ? Quam sortem faciet monacho sub Apolline Musis ? Nonne vides, olim mundo quos ipse futuro Exemplar pulchrae voluit deus esse loquelae, Ut pictas insulsa gemat per saecla magistros, Grande nefas! fandi nostrae mansisse juventae ? Quid fiet, medii mens haec ubi vicerit aevi? Nempe fere palmam mediocria, turpia nempe Saepe ferent; alma tenebrae quum luce repulsae, Qualem barbariem quondam fugere potentes 490 Ingenio studiisque viri, grajos latiosque Dum miro vates una amplectuntur amore. Additus his recte an vulgari carmine Dantes, Quaestio non simplex; plus jamque ego candidus, altae Mirandum mentis laudans carpensve poema, ( 457 ) Quam volui, dixi. Careat quae fine, patere Materiem cernis; minimam satis esse putavi Unde mihi partem; parvi duxisse, roganti Si gratum facerem, ne possim jure videri. Nec tam curo, meo multum an moveare libello, 500 Quam, versus valeas ut tot perferre latinos. Sed linguam Latii seribens quoque, scis, ut amarim, Ingenio stulte discors, quo vivimus, aevi. Morbus cuique suus; meus hic. Meliora secutus, Littus arare senem patiare ; usumque ligato Sermone excuset Flaccus; mage mente modisque Quo mihi suave nihil. Criticas hic versibus ipse Implevit partes; Romanum Teutonus in queis Rite, vide, pravane sequar. Sed Flaccus, et illis Eximius, nomen negat hince se velle poetae; 510 Nec, mihi ne poscam, metuas; versus, licet omnes, Qui faciunt, semper sic eodèm nomine dicam, Ut Galli dominas dicunt quascunque maritas. Hic finis fandi mihi sit; tu vive valeque. — ‘NOTES. — Erisrozau sua, DE Danris Divina COMOEDrA DISCEP- TATIONEM, LECTURO J.-D. Fuss. In hac epistola, quam, ut Horatii ad Pisones, poeticam, utpote poetica, eaque versibus tractantem, adpellare potes, minime id agebatur, ut Divinae Comoediae qualis quantaque sit mate- ries, nec magis, ut tres poematis partes, earumque ad unum opus conjunctio, nec denique, ut mens auctoris, summaque , lanto in carmine, propositi illustrarentur : qualis disputatio neque angustis epistolae meae finibus includi potuisset; nec vero necessaria mihi erat, ad hominem doctum, eundemque dantianae poesis bene gnarum, hoc solo proposito seribenti, ut meam de poetica Divinae Comoediae virtute sententiam quam brevissime, sed satis tamen et explicarem, et probabilem quoque ( 458 ) redderem. Hoc igitur praestare conatus, ex immensa longissimi poematis materia, cujus et magnitudinem et religiosam sancti- tatem agnoscebam, paucissima tantum sive memoravi modo, sive aliquatenus illustravi; quae scilicet a poetica pulchritudinis ratione, quam mihi partem tractandam selegeram, prorsus sepa- rari non possent. Caeterum, crilico munere ita functus sum, ut aliorum me auctoritas, quo minus meam sententiam profer- rem, non facile impediret; quod ut facerem, vel sola servanda disputationis meae brevitas suadere debuit. Quod autem decriticis nullum praeter Tiraboschium (versu 451) nominavi, idemque reli- quos non singulos, et plerumque, quid in illis mihi displiceret, indicandi causa memoravi; mirum non foret, si cui nullum, aut paucissimos certe, nec quenquam ex illis legisse viderer, qui cele- brioribus Divinae Comoediae criticis nuper, viri profecto et doc- tissimi et eloquentes, accesserunt. Sed hac me suspicione facile liberabunt tria, quae hic indico, opera, locique epistolae meae ad illorum unum pluresve locos referendi. En operum titulos : Dunte Alighieri ou la poésie amoureuse, par E.-J. Delé- cluze. Dante et la philosophie catholique au XIII siècle; par M-A.-F. Osanam; nouvelle édition, suivie de recherches nou- velles sur les sources poétiques de la Divine Comédie. Louvain, 1847. De l'art en Ltalie. Dante Alighieri et la Divine Comédie ; par le baron Paul Drouilhet de Sigalas. Paris, 1852. Restant loci his cum operibus, ut modo dixi, conjungendi; quo simul, ipsa a me lecta esse, manifestum erit. Versus a ur ad 120, conjunceti versibus a 295 ad 313 Dantem Homero, in summa utriusque virtute, comparatum exhibent; quo Lrahere potes Osanami, pag. 358 et sqq. Versus a 445 ad 193 et a 280 ad 294, sententiam meam de allegoria, gravissima : illa Dantianae poesis parte, explicant; quam fuse tractatam habes in tribus, ad quae has notas refero, operibus; unde hic indico Osanami pag. 53, 157, 264, Dele- cluzii 132, 140, 263, 453, 613. Versus a 247 ad 262 Divinae Comoediae ab auctoris mente, ES rss, (439 ) uni proposilo immensam materiem componentis, sublimitatem explicant; in qua adumbranda Germanicos quosdam scriptores clarissimos, Dantem supra, quod fingi aut pulchrum aut divi- num possit, extollentes, respicio. Caeterum, cum his, in eadem admiratione, adeo fere congruunt recentissimi, quorum tres nominavi, auctores, ut mihi quidem et hic multum a Germanis traxisse videantur. Versus 268 poetae duces, in iisque Beatricem nominat; de qua copiose Drouilhet, in operis ejus parte inscripta Paradisus. Cf. eundem pag. 158, et Delecluze, pag: 129. Versus 328 et 453 miram in Divina Comoedia, nec minus frequentem sive linguae sive rerum obseuritatem notant; de quo Dantianae poesis si non vitio, macula utique non levi, cf. Dele- cluze, pag. 128 et 616. Versus a 530 ad 364 fere ad poeticam modo Dantis ingenii virtutem , non ad singulos locos, referre volui. In hac autem dis- ceptationis meae parte inprimis à recentissimorum criticorum judicio, multisque nominibus dissentio; quo magis par erat, in iis, unde sententiam meam tuerer, pauca inveniri; quo trahenda operis Osan. pag. 7 et 48, Delecluze 4035 et 124. Versus à 365 ad 376 insignes vulgoque celebratos Divinae Co- moediae locos designant; ‘de quibus Drouilhet, pag. 346, 350, 364. Ad portam inferni pertinent, quae Osanam pag. 81. Versus 585 ad singularem Dantis, sive in loquendo, sive in fingendo, quin etiam sentiendo, insolentiae amorem refertur; quo non male traxeris, quae notat Delecluze pag. 120, 124, 140. Cf. et Drouilhet, pag. 311. Versus a 593 ad 420 Dantem in Divina Comoedia lingua vul- gari usum, eoque cum de gentis suae litteris egregie meritum, tum gloriae suae aeternitati consulentem referunt. De hac laude, ut maxima, sic minime dubia, eademque cum linguae latinae ad scribendum usu conjuncta, operae prelium est cognoscere, quousque, doctae sapientiae absurda delirisque propiora mis- centes, progressi sint nostrae aelatis critici; sive illi Dantem ( 440 ) praedicent, sive Petrarcae persuasionem , de Africa sua aut solam aut praecipuam clari poetae famam sperantis, satis mirari pequeant; in quo inclytos fratres, Fred. et Aug. Guil. Schlegel, duces utique non spernendos, multi secuti. Religiosae quidem virorum disertissimorum pietati quid, in quaestione, quam hic tango, placuerit, placeatque, ut perspiciamus, quid prius lega- mus Drouilheti pag. 535 et sqq.? Ubi equidem in versibus (1) Dantis, Divinam Comoediam nondum lingua vulgari, quam latina, componere malentis, causam caeteris addendam video, eur maximus ille poeta sapienter fecerit, latinae linguae renun- tians; qua scilicet satis recte, ne dicam eleganter suaviterque, nec Dantes, nec quisquam illi tempore aequalis scriptor, quod sciam, usus est. Drouilheti vero hic prope mystica verba habes: Une révélation soudaine l'éclaire ; il sent qu'il a fait fausse route, et que, par ce chemin (latine scilicet scribens), il descend dans la mort au lieu de monter dans la vie : quae, videant alii, quo- modo criticum deceant, qui, sicut alii plerique, et recte, multus est in Homeri cum Dantis poetica excellentia conferenda. Equi- dem, si e Drouilheti verbis res dirimenda, eur Homerus multis ante nostrum saeculis poetice mortuus non sit, fateor me non intelligere; nec vero magis intelligo, eur Dantes Divinae Comoe- diae principium longe aliud latina, quam lingua vulgari, facere coactus fuerit. Sed enim inateriem me ingressum sentio, de qua praestet hic nihil amplius, quam non satis, dicere; idque eo magis, quoniam eandem in seriptis meis et saepius attigi, et in uno copiosius sum persecutus. Vulgarem autem linguam praeferens Dantes, eo citius meri- toque popularis nationi suae, sive mavis generi humano, poetae laudem nactus est. Qua in re duo mihi inprimis conside- randa videntur: alterum, quod illa laus in summis poetae nu- (1) Ultima regna canam, fluido contermina mundo Spiritibus quae lata patent, quae proemia solvunt Pro meritis cuique suis data lege Tonantis. (441 ) meratur, quem non semel vulgo neglectum esse constat; cujus- que Divinam Comoediam qui vere legerint, fortasse in Italia non triginta homines esse, Alfieri, hujus saeculi initio, dixit (vide Drouilhet. pag. 608) : alterum, quod ejusdem poematis longe maximam virtutem in rerum, et artis, qua ad totum compo- nuntur, majore, quam humana, sublimitate critici velut uno ore plerique posuerunt; qua virtute nihil a vulgi sensu et intelligen- tia remotius cogitari posse, quidni existimes? Haec igitur duo intuenti, nonne statim patebit, ut poetae popularis laus Danti vere honesteque tribuatur, plurima in re tam vaga expendi et discerni oportere : quae criticorum nonnullorum sagacitas quin luculenter exposuerit, non dubito quidem; sed, quid de ea re egregie animadversum legerim, reputanti in praesentia nihil suc- currit. Versus a 424 ad 440 eos, qui modum nescire in Dante admi- rando mihi visi sunt, ne nimium laudando ejus gloriae detrahere magis, quam adjicere pergant, precantur. De qua re vide inpri- mis Drouilh. pag. 482 et sqq. Versus a 462 ad 492 eos attingunt, quibus, cur Dantem supra, quidquid vatum aut fuit, aut est, extollant, una, aut prima causa est aevum medium reducendi desiderium; quales an hodie vigens religiosa pietas protulerit, in diesque proferre pergat, me tum aliae res multae, tum vero opera, ad quae notas hasce re- tuh, non sinunt dubitare. TOME xx. — Î"° paRT. 50 ( 442) VARIÉTÉS HISTORIQUES (1); par M. Gachard, membre de l’Académie. : VII. Sur l'abolition du conseil des troubles, institué par le duc d’Albe, Lorsque je présentai à l’Académie ma notice sur le Conseil des troubles (2), je n'avais, malgré toutes mes re- cherches, pu découvrir la date précise de l'abolition de ce tribunal extraordinaire, ni l’acte par lequel il fut aboli : aussi je supposai qu'il avait été Supprimé de fait, à la suite du mouvement populaire dirigé contre les membres du conseil d'État suspects d’espagnolisme, le 4 septembre 1576. Aujourd’hui je suis en état de combler cette lacune, et c’est un des registres des archives communales de Bruges qui m'en à fourni le moyen. Le Witten-Boeck À contient des lettres patentes (3), données à Bruxelles, sous le nom de Philippe IT, le 2 mai 1576, qui portent cassation du conseil des troubles, et ordonnent en conséquence le renvoi au conseil de Flandre de toutes actions et causes, civiles et criminelles, concernant cette province, dont le conseil des troubles devait connaître. D’autres lettres (1) Voy. les Bulletins, t. XIX, 5° partie, p. 163-179. (2) Voy. les Bulletins, t. XVI, 2° partie, p. 50-78. (5) Elles sont au fol. 158 v’. ( 445 ) patentes de la même date (1) abolissent le 10° et le 20° denier. Les états de Flandre avaient subordonné à l'expédition de ces deux actes l'accord qu'ils venaient de faire d’une somme de 2,600,000 livres, pour tenir lieu de leur quote- part dans la subvention demandée en remplacement du 10° et du 20° denier, et d’une autre somme de 1,200,000 livres, à titre de rachat du second centième denier con- senti à la demande du duc d’Albe. VITE. Médaille instituée pour récompenser les services rendus à la patrie, lors de l'insurrection contre Philippe IL. Voici un fait que je ne crois pas Connu : c’est l’institu- tion, à l’époque où les Pays-Bas se soulevèrent contre Philippe Il, d'une médaille destinée à récompenser les actions d'éclat et les services rendus à la patrie. Un journal manuscrit des résolutions des états généraux, que je possède, contient, à la date du 26 septembre 1578, ce qui suit : « Advisé de faire graver la forme d’une médaille, pour de celle que l’on forgera faire présent à ceulx qui le mé- riteront par leurs services faitz pour la patrie et estatz. Et, pour adviser sur la figure, sont députez les pen- sionnaires Imans, Provin, Vander Warcke et le maistre des comptes Vande Bie. » 2 5 vw »% (1) Elles sont aussi dans le H’itten-Boeck » fol. 154:v°, (444 ) Je dois dire qu'il n’est plus question de cette médaille dans les résolutions subséquentes : ce qui laisse des doutes sur le point de savoir si elle fut réellement exécutée. Les savants numismates que l’Académie compte dans son sein, sauront bien, au besoin, faire cesser toute incertitude à cet égard. IX. Contestation diplomatique entre la Belgique et la Hollande, au XVII siècle, sur l'emploi des mots SIEURS ou SEI- GNEURS. La diplomatie est chatouilleuse sur les points d'étiquette. L'histoire est pleine de contestations entre les puissances de l'Europe, pour des questions de préséances, de titres, de formules. Au concile de Trente, les légats du pape eurent autant de peine à régler le rang entre les ambas- sadeurs de France et d’Espagne, entre ceux du roi des Romains et du roi de Portugal, du duc de Florence et des cantons suisses , de la république de Venise et du duc de Bavière, qu'ils en eurent à obtenir des décisions sur les matières les plus épineuses de la discipline ecclésiastique. Au congrès de Westphalie, des difficultés analogues arré- tèrent pendant quelque temps l'ouverture des négocia- tions, et la France et la Suède, quoiqu'elles fussent en parfaite harmonie de vues politiques, cessèrent un mo- ment de s'entendre, lorsqu'il fut question de rédiger le traité qu'elles signeraient avec l'Empereur et l'Empire, chacune d'elles voulant y être nommée la première. Wic- quefort nous fait connaître la négociation qu'il entama ( 445 ) lui-même à Paris, en 1647 , afin que Louis XIV donnât à l'électeur de Brandebourg le titre de frére; il rapporte aussi les difficultés qu’il y eut, à Munster, entre les cours de France et d'Autriche, sur ce que l'Empereur refusait de répondre aux lettres où le roi très-chrétien , au lieu de le qualifier de majesté, le traitait de sérénité seulement (1). Le congrès de Vienne a fort sagement réglé tous ces points, sources si fréquentes de disputes non moins vives par la forme, qu’elles étaient futiles au fond. Mais cela n'empêche pas que de temps à autre des discussions ne s'élèvent encore en matière d’étiquette diplomatique. N’a- vons-nous pas vu naguère l’Europe entière en émoi, et agitée même de la crainte d’une conflagration universelle, parce que, dans une correspondance entre deux puissants monarques, l’un d’eux s'était servi d’une formule qui avait blessé les susceptibilités de l’autre? L'anecdote que je vais raconter peut être ajoutée à l’his- toire des contestations diplomatiques. Après la paix de Munster entre l'Espagne et les Pro- vinces-Unies des Pays-Bas, et en exécution d’un des articles du traité, une chambre mi-partie, composée de commis- saires du roi Philippe IV et des états-généraux, fut établie à Malines. C'était au mois de décembre 1652. Dès les premières séances que tinrent les commissaires, une grande discussion s’éleva entre eux. Dans le pouvoir donné aux députés belges, il était dit, en parlant des états généraux : Les S" états généraux des Pays-Bas, le mot sieurs est abrégé. Les députés hollandais (1) L'Ambassadeur et ses fonctions. Cologne, 1715, in-4°, partie I, p. 419 et 430. (446) prétendirent que l'acte fût changé, et que le mot sieurs abrévié fût remplacé par seigneurs ad longum. ls alléguè- rent que, dans le traité de Munster, dans un autre conclu peu de temps après, et dans l'instruction même de la chambre mi-partié, leurs commettants avaient été quali- fiés de seigneurs. Les députés belges répondirent que, dans les deux traités invoqués, c'étaient les ambassadeurs qui avaient parlé, non le roi ni l'archiduc Léopold (4); qu'on ne devait pas tirer argument des exemplaires imprimés de ces traités, où des erreurs pouvaient avoir été commises; que, dans une procuration donnée, en 1651, pour la conférence tenue en Flandre sur les limites, l’archidue ne les avait traités que de S” par abréviation. Les députés hollandais insistèrent, disant qu'ils étaient traités de seigneurs par les autres princes. A quoi les dé- putés belges répartirent qu’ils avaient vu des actes signés de la main du roi très-chrétien , où les états généraux n’é- taient qualifiés que de sieurs. 11 n’y avait pas moyen de contester le fait; mais les députés des Provinces-Unies soutinrent que, depuis dix ans et plus, la cour de France donnait à leurs commettants le titre de seigneurs. L'affaire fut soumise aux délibérations du conseil d'État, à Bruxelles. On recourut aux archives; on écrivit à l’am- bassadeur du roi, à La Haye. Cet ambassadeur était le conseiller Antoine Brun, bour- guignon , qui avait pris une grande part aux négociations de la paix, et qui, selon Wicquefort, « estoit un adroit et » un fort sage ministre (2). » (1) Gouverneur général des Pays-Bas espagnols. (2) L'Ambassadeur et ses fonctions, partie IL, p. 51. ( 447) Brun fut d'avis « qu'on ne fit aucune difficulté de quali- » fier les estatz généraulx de seigneurs tout au long, sans » abréviature, car le roy le faisoit ainsi en tous les actes de » ratification venus d'Espagne (1). » Le conseil d'État exprima la même opinion (2). L'archiduc Léopold donna des instructions, dans ce sens, aux députés belges à Malines, et par là fut terminée une discussion qui avait menacé, un moment, de faire couler des flots d'encre. X, Sur les conférences pour le rétablissement des manufactures, en 1699. En 1699, l'électeur de Bavière, sur des représentations que les états de Flandre et le magistrat de Bruxelles lui avaient adressées concernant le tarif des douanes, résolut de réunir des députés des magistrats des principales villes du pays, assistés des fabricants et des négociants les plus instruits de leurs localités, pour délibérer sur les mesures propres à rétablir les manufactures et le commerce (3). Ce congrès industriel se tint à l'hôtel de ville de Bruxelles. Anvers, Gand, Bruges, Namur, Malines, Mons, Courtrai, Bruxelles, Audenarde, Louvain, Limbourg, y furent repré- sentés. Les résultats des discussions qui y eurent lieu sont (1) Lettre du 12 décembre 1652. (2) Consulte du 16 décembre, (5) Il adressa aux villes, sous la date du 15 janvier 1699, une circulaire que j'ai vue dans les archives de Louvain. (448 ) consignés dans des procès-verbaux (1) qu’on jugera, sans doute, convenable de publier un jour, car ils répandraient des lumières sur l'état de décadence auquel était arrivée l’industrie belge à la fin du XVIT*siècle. En attendant, voici comment cette tentative de relever les fabriques nationales était appréciée par le comte de Wynants, membre du con- seil suprême de Flandre, à Vienne, —et dont les Mémoires, quoique inédits, jouissent d’une grande réputation ,— dans une lettre qu'il écrivait à un de ses amis à Bruxelles (2), le 7 juillet 1751 : « Il y avoit, dans les conférences tenues en 1699, assez de confusion, faute d’une tête d'autorité, qui présidât aux assemblées. Ce nonobstant, les différentes propositions et contestations donnèrent lieu à des idées qui auroient pu être polies et rabottées dans la suite, pourveu que les cir- constances et la situation des affaires de l’Europe nous eussent favorisés. Notez cette dernière période. » Tout le monde crioit commerce, fabriques, et nous étions pas trop en état de les maintenir et soustenir contre nos voisins, qui, en vue de la vie de Charles Il et du défaut d'hériliers, dominoient. » Le ministère du Pays-Bas n’ignoroit pas cette circon- stance. L’électeur de Bavière avoit ses vues, qui ont ensuite éclaté. On pensoit bien que ce n’étoit pas le temps de mettre la main à un ouvrage si important et si contraire aux inté- rêts de nos voisins : cependant, pour contenter et amuser les peuples, on permit et autorisa les assemblées, et même (1) Ils sont conservés dans plusieurs de nos dépôts d'archives, et notam- ment aux archives de l'État, à Mons. (2) L'avocat Creskens. ( 449 ) on fit un édit, avec titre d’édit perpétuel, qui est assez bon (1). » Nos voisins ne s’alarmèrent pas beaucoup de ces dé- marches, prévoyant qu'elles auroient peu d'effet et de suite; l'argent nous manquoit de tout côté; l'Espagne et l'Empereur avoient besoin d'eux. La mort de Charles fut précédée de différents traitez de partage, et suivie de la guerre terminée par les paix d'Utrecht, Rastadt et Baden, et, après tout, du charmant traité de Barrière. » Voilà le fruit des conférences de 1699 (2). » XI. Sur les exécutions en Brabant, avant 1786. Il existait autrefois, en Brabant, un usage particulier à cette province. Lorsque, à la poursuite du procureur gé- néral, ou de ses substituts, le conseil de Brabant rendait une sentence portant condamnation à une peine afilictive, ces officiers étaient obligés d'accompagner le condamné, à cheval et en robe, depuis le palais de justice jusqu'au lieu de l'exécution. Aucun autre des officiers de justice du pays n'était assu- jetti à cette formalité : ils se bornaïent à être présents à l'exécution, sur un balcon , avec les juges. A la vérité, le prévôt de l'hôtel et le drossard de Brabant se rendaient à (1) Voy., dans les Placards de Brabant, t. VI, p. 450, l'édit du 1° avril 1699. (2) Lettres autographes du comte de Wynants aux archives du royaume, collection des cartulaires et manuscrits. ( 450 ) cheval au lieu de l'exécution; mais c'était moins pour y présider, que pour commander leurs soldats et veiller au bon ordre. d'aias Au mois de janvier 1786, le procureur général de Lan- noy représenta au comte de Belgiojoso, en ce temps minis- tre plénipotentiaire pour le gouvernement des Pays-Bas, qu’il lui était impossible de se conformer à cet usage : ear il ne savait nullement monter à cheval, et il n’avait pas le loisir de s'exercer dans l’art de l'équitation, tout à fait inutile à la profession d'avocat qu’il avait embrassée. Il demanda que, après être intervenu à la prononciation de la sentence au conseil, il pût se rendre en voiture sur la Grand’ Place, avec le conseiller commissaire, le conseiller fiscal et le grellier, et assister avec eux à l’exécution des criminels, du haut du balcon de la maison du Roi dite Broodthuys. Le conseil privé, consulté par le ministre, se montra fa- vorable à l'innovation sollicitée par le procureur général. Il ne voyait aucune utilité dans le maintien de l'usage observé jusqu'alors. Certainement il fallait que le procu- reur général füt présent aux exécutions, avec le commis- saire de la cour et le conseiller fiscal, car il pouvait arriver que, au dernier moment, un condamné eût des choses importantes à déclarer à la justice; mais il n'y avait pas de motifs pour qu’il s’y rendit à cheval, d'autant plus que les condamnés étaient ordinairement escortés par un dé- tachement de la compagnie du prévôt de l'hôtel, ou du drossard de Brabant, ayant un oflicier en tête. La décision du ministre fut conforme à la demande du procureur général et à l'avis du conseil privé. (481) Inscription latine inédite, publiée et expliquée par M. Roulez, membre de l’Académie. Dans les fouilles qu’il fit exécuter à Majeroux, près de Virton, au mois de mai 1845, M. Guioth, ingénieur en chef des ponts et chaussées, trouva, entre autres objets antiques, une petite plaque en bronze, portant une inscrip- tion votive tracée en lettres ponctuées; nous donnons ici le fac-simile de ce monument : Le premier mot, si l’on s’en tient à la lettre, offre le nom d’une divinité inconnue jusqu'ici; mais nous pensons que LINO a été mis pour BELINO, et que l’omission de | la première syllabe provient de la prononciation vicieuse de ce dernier nom. Belinus (1) ou Belenus était un des (1) Ce nom s'écrit plus souvent Belenus; mais la forme Pelinus se ren- contre dans une inscription chez Gruter, p. 56; Zell, Delectus énser. Rom., p. 257, et chez Herodien, VIT, 5, p. 156,55, éd. Bekker: BéAuy d8 x Aodo1 robroy (rèv érimépioy Sedv), œéBouoi re Ürepyuëx , 'AréAAwya Eiyai SédryTE:. (452) principaux dieux des Gaulois, correspondant à l’Apollon des Romains. Il en est fait mention chez divers auteurs (1) et sur plusieurs monuments épigraphiques déterrés dans des pays habités par des populations celtiques (2). Belinus se trouve convenablement associé à Mars, qui recevait éga- lement un culte particulier dans la Gaule (5). L'interpré- tation de la seconde ligne de l'inscription présente aussi quelque difficulté. On pourrait croire que toute cette ligne ne se compose que d’un seul mot : ce serait un nom propre gaulois avec la terminaison latine, et il faudrait lire EXSOBINNOVICYS. Nous préférons cependant y voir deux mots : d’abord EXSOBINNO, se rapportant à MARTI, et formant une dénomination locale de ce dieu ; c’est ainsi que nous trouvons dans d’autres inscriptions : Marti Ca- mulo, Marti Halamardo, Marti Belatucadro, Marti Brito- vio, Marti Segomoni, etc. Restent ensuite les trois lettres VIC, qui sont l’abréviation d’un nom propre que le man- que d’espace n’a pas permis d'écrire en toutes lettres comme le reste de l'inscription, à l'exception de la formule finale, Nous renonçons à compléter ce nom; car nous ne sau- rions le faire que d’une manière fort conjecturale, ayant à choisir entre les suivants : Vicius, Vicasius, Viccius, Vice- dius, Vicerius, Vicidius, Vicinius, Vicirius, Vicistius, Vi- crius, Victorinus, Victorius et d’autres encore. Nous lisons en conséquence l’inscription entière de la manière suivante : Lino, Marti Exsobinno Vic. et Expec- latus votum solverunt libentes merito. (1) Herodian., L. c.; Capitolin., Maæim. duo, c. 22; Tertullian, Apologet., c. 24; Ausonius, Professor. Burdigalens., IV, 9; X, 19. (2) Gruter, p. 56, 12. 14 15; Orelli, 1968. (5) Caesar, Pell. Gallic., VI, 17 : Deum maxime Mercuriwm colunt.……. Post hunc Apollinem et Martem. > (455) Plusieurs petites lames en bronze, portant des inserip- tions votives, sont parvenues jusqu'à nous (1). L’Acadé- mie se rappellera celle qui a été trouvée, en 1847, à Géro- mont, près de Gérouville, par conséquent dans le voisinage de Majeroux, et dont l'inscription a été publiée dans un des derniers numéros de ses Bulletins (2). Nous mentionnerons encore particulièrement une autre de ces lames, faisant partie du Musée du Louvre (5), par la raison que, comme la nôtre, elle est écrite en lettres ponctuées. Selon toute apparence, ces plaques en bronze accompagnaient, soit des statuettes sans base, soit des ex voto de toute autre espèce, qui ne pouvaient pas recevoir eux-mêmes l'inscription (4). Nous fixerons, en terminant, l'attention de l’Académie sur une singularité offerte par ce monument épigraphique: c'est que les lettres ne sont pas formées par des lignes, mais par des points alignés. Les inscriptions ponctuées, sans être précisément très-rares, sont loin cependant d'être communes (5). (1) Muratori, Thesaur. insc., 1, p. 29, n° 4; Gori, {nscriptiones antiq. quae in Etruriae urbib. exstant, t. III, p. 8, n° 4; p. 15, n° 19. (2) T. XIX, 5° partie, p. 495. Foy. le fac-simile dans les Publications de la Société du grand-duché de Luxembourg, 1. VI, pl. V, fig. 2. (5) De Clarac, Musée de sculpture antique et moderne, t.1, Znscript., pl. LIV, 594. (4) Foy. Zell, Anleitung zur Kenntniss der roem. Inscrift, \ 51,.p. 152. (5) Outre la plaque en bronze du Musée du Louvre, citée ci-dessus , nous mentionnerons une patère en or du cabinet des antiques de la bibliothèque impériale, chez Millin, Monuments inédits, t. 1, p. 258, pl. XXVI; un manche de couteau représentant un groupe obscène, qui se trouve en notre possession, et dont l'inscription seule a été publiée dans les Bulletins de l’Académie , t. X, 2° part. , p. 20, et dans les Jahrbücher des Vereins von Alterthumsfreunden im Rheinlande, VI, p. 221. Joy. d'autres exemples chez Gori, Znscer. Etrusk., Il, p. 145, n° 15, et chez Caylus, Recueil d’an- tiquités, etc., t. VI, pl. C, n° 6. (454) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 3 mars 18553. M. RoELanpT, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Navez, Van Hasselt, Jos. Geefs, Erin Corr, Snel, Partoes, Baron, Éd. Fétis, membres: Ed. De Busscher, correspon- dant. M. Mathieu, correspondant de la classe des lettres, assiste à la séance. CORRESPONDANCE. Il est donné communication d’un arrêté royal qui nomme M. le baron de Stassart, président de l’Académie, pour l’année 1855. M. le Ministre de la justice transmet une lettre de MM. les marguilliers de l’église primaire de Tongres, qui expriment leur regret de ne pouvoir satisfaire à la de- mande faite par la classe des beaux-arts et tendant à recevoir communication d’un ancien médaillon en ivoire conservé dans cette église. « Cet ivoire, dit la lettre, est fixé à un texte manuscrit des quatre évangélistes assez vo- É L 4 4 | : É À 4 ( 455 ) lumineux; toutefois nous offrons volontiers l'inspection de ce double monument aux personnes qui voudront venir l’examiner ou l’étudier. » — M. Ch. Finelli, sculpteur à Rome, remercie la classe pour sa nomination d’associé de la section de sculpture. — La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient de faire par la mort de M. Joseph Ernest Busshmann , l'un de ses membres, mort à Gand, le 16 février dernier, à l’âge de 58 ans et demi. — M. Renard, membre de la section d'architecture, fait hommage d'un exemplaire de sa Monographie de l’église Notre-Dame de Tournay. Remerciments. — M. le secrétaire perpétuel dépose l'Annuaire de l’A- cadémie royale pour 1853 , 19° année. — M. Louis Hymans écrit qu’il tient à la disposition de la caisse centrale des artistes et des gens de lettres belges, une somme de 100 francs, produit d’une transaction qu’il a acceplée tout récemment, pour dommages-intérêts, dans une question de propriété littéraire. Remerciments, —© CONCOURS DE 1855. Poëmes envoyés au concours de composition musicale instilué par arrété royal du 16 août 1852. N° 4. Sainte-Cécile; épigraphe : Sic itur ad astra. N° 2, À la mémoire de la reine Louise-Marie; épigra- phe : Sine macula enim sunt ante thronum Dei. (S'-JEAN.) { 456 ) N° 5. Jean de Bourgogne; épigraphe : Numero Deus impare gaudet. N° 4. Le Lépreux; épigraphe : Fides et amor. N° 5. Le passage de la mer Rouge; épigraphe : Terribilis atque laudabilis, faciens mirabilia. (Exone.) N° 6. Le baptème de Clovis; épigraphe : Et de ce jour, la race franque devint le plus ferme soutien de l'Église. N° 7. Le prince Noir à Crécy; sans épigraphe. N° 8. À la mémoire de la reine; épigraphe : Gratus animus benefacli filius. N° 9. Rosemonde Cliffort; épigraphe : Notumque fu- rens quid femina possit. N° 10. Dieu le veut ou le chant des Étoadua sans épigraphe. N° 11. Frédéric de Mérode; épigraphe : Aspice convexo nutantem pondere mundum. N° 12. Jean de Brabant ou le jugement de Dieu; épi- graphe : Laisser le crime en paix, c'est s'en rendre complice. (CRÉBILLON.) N° 15. Anneessens ; sans épigraphe. N° 14. L'Indépendance belge; épigraphe : Indépendance et liberté. N° 15. Liége et Franchimont; épigraphe : Chanter de la patrie et la gloire et l'honneur , Pour chacun de ses fils est un devoir du cœur ; N° 16. La, Croisade (1096); épigraphe : Diex el Volt. Les commissaires sont MM. F. Fétis, Baron, Alvin, Van Hasselt, Snel, Daussoigne-Méhul et Ch. Hanssens. (457) RAPPORTS. Sur les communications adressées à l’Académie royale d’An- vers, par M. Laureys, lauréat au concours d'architecture de 1849. Happort de M. HRoclandt. « Dans le rapport que M. Laureys vient d’adresser à l’Académie d'Anvers, et daté de Venise, 25 juin, il con- tinue à suivre clironologiquement l’histoire de l’architec- ture et des arts qui s’y rapportent intimement, tels que la peinture, la sculpture et la mosaïque. Il décrit, d’après les meilleurs auteurs, la disposition des premiers édifices élevés par le christianisme, et démontre que la nudité des lieux consacrés au culle était primitivement recomman- dée par les pères de l’Église; ils craignaient que le luxe extérieur et la richesse matérielle ne nuisissent à la pureté du cœur et à l'élévation de l’âme. Cependant on comprit bientôt que l’art, en suivant sa véritable mission, peut avoir une influence favorable sur l'intelligence et la mora- lité religieuse de l’homme. M. Laureys traite ensuite des images et des symboles successivement admis comme signes extérieurs de la religion. Tels sont la croix, l'agneau, la colombe, les quatre emblèmes des Évangélistes : l'aigle, le bœuf, le lion et l'ange; la branche de vigne, l'épi, etc. Au IV siècle, lorsque la croix dominait partout, l’Église appela la peinture et la sculpture dans son sein; mais ces deux arts étant tombés dans une décadence extrême , les TOME xx. — ]"° paRT. 51 (458) images de cette époque étaient d’une difformité presque in- croyable. Les premiers apôtres de la foi n’attachaient au- cune importance à la beauté du corps, ils recherchaient uniquement celle de âme. Leur mission était donc bien différente de celle des artistes de l'antiquité, qui déifièrent la nature en idéalisant les beautés matérielles. Ils devaient, au contraire, chercher à s'élever vers l'esprit, et représenter sous des formes humbles les manifestations divines. Cependant les arts, une fois mis en pratique, atteigni- rent un degré de perfection tel, que l’empereur d'Orient, Léon Isaure (l'an 727), craignant un retour à l'antique ido- lâtrie, proposa de les proscrire; ce qui eut lieu dans les églises d'Orient. La mosaïque, qui avait pris une extension considérable, fut employée à la décoration des églises chré- tiennes, tant pour le pavement, que pour le revêtement des murs. On se servit des marbres les plus variés et les plus rares, ainsi que des émaux. Les autels, les bancs de communion, les trônes épiscopaux étaient entièrement revêtus d’émail, de même que les absides, où étaient re- présentés des personnages de la sainte Écriture, se déta- chant sur un fond d’or. Dans la description que M. Lau- reys fait de la ville de Ravénne, il entre dans des détails historiques et artistiques très-curieux. H explique l’origine des baptistères primitifs, isolés et où le baptême s'admi- nistrait par immersion. Il reproduit le plan de l'église des SS.-Nazare et Celse, comme spécimen de la forme primor- diale des églises souterraines, et communique un croquis des restes du palais de Théodoric et de son mausolée, ainsi que le plan et quelques détails de l’église de S'-Vital, qu'il décrit d’une manière toute particulière. Ce monument est celui qui donne le mieux une idée de l’état des arts au temps de Justinien. - ( 459 ) L'invention des cloches ajouta un troisième membre au groupe qui constitua désormais l’ensemble des édifices consacrés au culte catholique : l’église, le baptistère et le clocher, Les campaniles qui furent élevés sont circulaires, et c'est dans l’exarchat de Ravenne et à l’époque du cou- ronnement de Charlemagne, comme roi des Lombards, qu’on vit naître l'architecture connue sous le nom de lom- barde, et dont on trouve les plus anciens exemples à Pavie, à Vérone, à Milan et dans d’autres villes de la Lombardie. C’est ainsi que les villes longeant les côtes de l’Adriatique, et qui ont longtemps entretenu d’intimes re- lations avec Constantinople, ont imité, comme dans les églises de Padoue et de S'-Marc à Venise, le dôme byzan- tin et d’autres particularités appartenant à ce style d’ar- chitecture. On voit par ce résumé combien le lauréat d’Anvers met d'ordre et de zèle dans ses recherches et dans l'appréciation des différents genres d’architecture qu’offrent les époques et les localités mentionnées dans son exposé. Nous n'avons qu'un vœu à former : c’est que, durant ses voyages à l’é- tranger, M. Laureys puisse compléter ses utiles explora- tions, et les étendre jusqu’à l’appréciation de l’architec- ture des temps modernes. » Une autre lettre de M. Laureys, datée du 20 février 1852, ne contient guère que des renseignements particuliers , peu susceptibles de faire l’objet d’un rapport. ( 460 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. —_—…“… Revenant sur l'annonce faite au commencement de la séance, M. Alvin rappelle à la classe les titres nombreux que M. Ernest Buschmann avait à l'estime de ses confrères et comme homme et comme littérateur; il cite les diffé- rentes branches dans lesquelles il s’est distingué, et donne ensuite lecture d’une pièce de vers, Notre-Dame d'Anvers, extraite du recueil de poésies publié par M. Buschmann, sous le titre : Les Rameaux. Dans le prochain Annuaire de l’Académie, il sera publié sur le défunt une notice nécrologique que M. Van Hasselt a bien voulu se charger de rédiger. — Sur la proposition de M. le secrétaire perpétuel , il est convenu que la commission pour les inscriptions des monuments publics se réunira avant la prochaine séance, et que la commission pour l’histoire de l'art en Belgique continuera à rechercher tous les documents qui peuvent jeter du jour sur la partie importante des lettres confiée à sa sollicitude. (461) OUVRAGES PRÉSENTÉS. Dix-huitième anniversaire de la naissance de S. A. R. Mon- seigneur le Duc de Brabant, prince héréditaire de Belgique, cantate de M. Adolphe Mathieu. Bruxelles, 1853, 1 feuille in- plano. Études historiques et critiques sur les monts-de-piété en Bel- gique, par P. De Decker. Bruxelles, 1844; 1 vol. in-8°. De l'influence du clergé en Belgique, par P. De Decker. 2° édi- tion. Bruxelles, 1843; 1 broch. grand in-8°. L'esprit de parti et l'esprit national, par P. De Decker. 4° édi- tion. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Quinze ans (1830-1845), par P. De Decker. 5° édit. Bruxelles, 1845; 1 broch. grand in-8°. Biographie de M. le chanoine Triest, suivie d'une statistique de tous les établissements qu'il a fondés, par P. De Decker. Gand, 1836, 1 broch. in-8°. Monument élevé à la mémoire de M. le chanoine Triest, dans l'église des SS. Michel et Gudule, à Bruxelles. Gand, 1850; 1 broch. in-8°. Inauguration de Charles VI à Tournay, par R. Chalon. Bruxelles, 1853; 4 pages in-8. Tableaux chronologiques et synoptiques de l'histoire univer- selle, de 400 à 1789. Nouvelle méthode pour apprendre et ensei- gner l'histoire, par le major de Bormans. Bruxelles, 1853; 1 vol. in-plano. Du système cellulaire dans ses rapports avec le culte catho- lique, par le baron de Hody. Anvers, 1853; 1 broch. in-8°. Des ossements humains et des ouvrages de main d'homme en- fouis dans les roches et les couches de la terre, pour servir à éclai- ( 462 ) rer les rapports de l'archéologie et de la géologie, par L.-F, Al- fred Maury. Paris, 1852; 1 vol. in-8°. Des travaux de l'érudition chrétienne sur les monuments de la langue cople ; par Félix Nève. Louvain, 1853; t broch. in-8°. Des travaux d'exégèse et de philologie de M. J.- Th. Beelen, pro- fesseur à la faculté de théologie de l'Université catholique de Lou- vain, par Félix Nève. Paris, 1852; 1 broch. in-8°. Nécrologe liégeois pour 1852. Liége (janvier 1853); 4 vol. in-12. | Notice sur Pierre Van Baveghem, pharmacien, membre du Jury médical du département de l'Escaut, etc., par C. Broeckx. Anvers, 14853; 1 broch. in-8&. Annales des travaux publics de Belgique. Tome XI, 3° cahier. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de la Société numismatique, par MM. R. Chalon, L. Decoster et Ch.'Piot. 2° série. Tome II, 4° livraison. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°. Histoire des environs de Bruxelles, par Alphonse Wauters. A 1° livraison. Bruxelles, 4852; 1 broch. in-8°. Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VII. N° 1 et 2, janvier et février 1853. Bruxelles, 2 broch. in-8°. Annales de l’Académie d'archéologie de Belgique. Tomes VIII et IX. Tome X. 1'° et 2° livraisons. Anvers, 1851-53; 2 vol. et 2 broch. in-8°. Rapport sur les échanges que fait l'Académie d'archéologie de Belgique avec les associations savantes, par M. C. Broeckx. An- vers, 4853; 1 broch. in-8. Nobiliaire de Belgique, par N.-J. Vanderheyden. 15° à 18° li- vraisons. Anvers, 1852; 4 broch. in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique ; publié sous la direction et par la rédaction prinei- pale de M, Charles Morren. Mars 1853. Liége; 1 broch. in-8°. ( 465 ) Journal d'horticulture pratique de la Belgique, directeur, M. Galeotti. 40° année. N° 12. Bruxelles, 4853; 1 broch. in-8°. Flore générale de la Belgique, contenant la description de toutes les plantes qui croissent dans ce pays, par G. Mathieu. 8° livraison. Bruxelles, 1853 ; 1 broch. in-8°. Le jardin fleuriste, journal général des progrès et des inté- réts botaniques et horticoles ; rédigé par Ch. Lemaire. Vol. IN, 94e liv.; vol. IV, 4° liv. Gand, 1855; 2 broch. in-8°. Le Moniteur de l'enseignement, publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome HE. N° 6 à 8. Tournay, 1853; 3 broch. in-8. Le Moniteur des intérêts matériels. N° 10 à 14. Bruxelles, 1853; 5 feuilles in-plano. La Renaissance illustrée. Chronique des arts et de la littéra- ture. 14° année. Feuilles 14 et 15. Bruxelles, 1852; im-4°. Bulletin del Académie royale de médecine de Belgique. Tome XII. N° 4. Bruxelles, 1853 ; 4 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 11° année. Mars 1853. Bruxelles; 4 broch. in-8°. Archives belges de médecine militaire. Tome XI. Février 1855. Bruxelles ; 4 broch. in-8°. La presse médicale belge; rédacteur : M. 3. Hannon. 5° année. N° 44 à 14. Bruxelles, 4853; in-#°. La Santé, journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs : MM. A. Leclereq et N. Theis. 4° année. N° 16, 17 et 18. Bruxelles, 1853; 3 broch. in-4°. Annales d'oculistique, publiées par le doëteur Florent Cunier. Tome XXIX (5° série tome 5°) 4" .et 2° livraisons. Bruxelles, 1853; 2 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers. 44° année. Livrai- sons de janvier et février 4853. Anvers; 2 broch. in-8°. Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d'Anvers. 9° année. Février et mars 4853. Anvers ; 2 broch. in-8°. ( 464 ) Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand. 18%° année. 12° livraison. Gand, 4852; 1 broch. in-8e. Annales médicales de la Flandre occidentule ; publiées par les docteurs Vanoye et Ossieur, 2° année. 5° livraison. 1852-1853. Roulers; 1 broch. in-8°. Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. 14° an- née. 2° série. Tome L*. 4"°, 2 et 3° livraisons. Bruges, 1853; 3 broch. in-8°. Le Scalpel; rédacteur : M. A. Festraerts. 5° année. N° 21 à 24: Liége, 1853 ; in-4e. De Vilaemsche beweging, maendschrift. N° 16. Juny 1852. Bruxelles; 4 broch. in-8°. Het leven en karakter van J.-B. Graaf Du Monceau, oud- maarschalk van Holland, door J.-W. Van Sypesteyn. Bois-le- Duc, 4859; 1 vol. in-8°. » Rembrand. Redevoering over het leven en de verdiensten van Rembrand Van Ryn, door D' P. Scheltema. Amsterdam, 1833; 4 vol. in-8°. Kronijk van het historisch Genootschap gevestigd te Utrecht. Achtste jaargang 1852. Tweede serie. Utrecht, 1852; 1 vol. in-8°. Codex diplomaticus Neerlandicus. — Verzameling van oorkon- den, betrekkelyk de vaderlandsche geschiedenis. Uitgegeven door het Historische genootschap gevestigd te Utrecht. Tweede serie. Eerste deel. 15“ en 2% afdeeling. Utrecht, 1851; 2 vol. in-8°. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences ; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXXVI. N° 8 à 42. Paris, 4853; 5 broch. in-Æ. Quelques mots sur la théorie de la peinture sur verre, par Ferdinand de Lasteyrie. Paris, 1852; 1 vol. in-12. Bulletin de la Société géologique de France. 2° série. Tome X. Feuilles 1-3. Paris, 4852-53; 4 broch. in-8°. Société impériale et centrale d'agriculture. Bulletin des séances, compte rendu mensuel, rédigé par M. Payen. 2° série. Tome VIII. N° 5. Paris, 1855; 4 broch. in-8°. ( 465 ) Revue el magasin de zoologie pure et appliquée, par M. F.-E. Guérin-Méneville, 1853. N° 2. Paris; 4 broch. in-8°. Essai sur la statistique de la population du département du Pas-de-Calais ; par M. Fayet. Arras, 1853; 1 broch. in-8°. Essai sur la statistique de la population d'un département (Pas-de-Calais); par M. Fayet. Paris, 1852; 1 broch. in-8°. L'Investigateur, journal de l'Institut historique. Tome HI, 5e série, 218° et 219° livraisons. Paris, 14853; 2 broch. in-8°. Société de la morale chrétienne. Tome III. N° 4 et 2. Paris, 4853; 2 broch. in-8°. L'Athenœum français, journal universel de la littérature, de la science et des beaux-arts. 2 année. N° 41 à 13. Paris, 1855; 5 doubles feuilles in-4°. Recueil des actes de l Académie des sciences, belles-leitres et arts de Bordeaux. 44% année. 1852, 5° trimestre. Bordeaux, 1 vol. in-6°. Bulletin de la Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire. 23° année. Angers, 4852; 4 vol. in-8°. Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg. 47 volume. 4"° livraison. Cherbourg, 4832; 1 broch. in-8°. Monumenta Zollerana. — Urkundenbuch zur Geschichte des Hauses Hohenzollern. Herausgegeben von Rudolph Freidherrn Von Stillfried und D' Trautgott Moercker. Erster Band, 1095- 1418. Berlin, 1852, 4 vol. in-4°. Kaiserlich-küniglichen Reichsanstalt. Abhandlungen in drei Abtheilungen. 1 band. — Jahrbuch, 4852. II Jahrgang. N° 5. juli, august, september. Wien, 4852; 1 vol. in-folio et 1 vol. grand in-8°. Schluss der Herausgabe, der Naturwissenschafilichen Abhand- lungen der k. k. geologischen Reichsantstalt; von W. Haïdinger. Vienne, 4852; 2 feuilles grand in-8°. Abhandlungen der kôniglichen Bühmischen gesellschaft der Wissensschaften. Fünfter folge, siebenter Band. Von den jahren 1851-1852. Prague, 1852; 1 vol. in-4°. TOME xx. — |'° PART, 32 ( 466 ) Neun und zwanzigster Jahres-Bericht der Schlesischen Gesell- schaft für vaterlandische Kultur. Enthält; Arbeiten und Verän- derungen der Gesellschaft ,im Jahre 1851. Breslau , 1852; 1 vol. in-4°. Verhandlungen des naturhistorischen Vereines der preussischen Rheinlande und Westphalens. Herausgegeben von prof. D' Budge. Neunter Jahrgang. Bogen 19-58. Bonn, 1832; 4 vol. in-8°. Archiv. der Mathematik und Physik. Herausgegeben von J.-A. Grunert. XIX Theil. 3 und 4 Heft. — XX Theil. I Heft. — Greifswald, 4852; 3 broch. in-&. Société vaudoise des sciences naturelles. Bulletin n° 25. T. IN, Année 1852. Lausanne: 1 broch. in-8°. Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel. 1849 à 1852. Tome II. Neuchâtel, 1832; 4 vol. in-&. Schweizerischen Naturforschenden Gesellschaft in Bern. Mit- theilungen. N° 195-257. Berne, 1851 et 1852; 1 vol. et 16 feuil- les in-8°. — Neue Denkschrifien. Band XII. Zurich, 1852; 1 vol.in-4°. — Verhandlungen, 36%° Versammlung. Glaris, 1851; 1 vol. in-8. Rendiconti delle adunanze e de’ lavori della Reale Accademia delle scienze. Naples. Années 1842 à 1846. N°° 1 à 30. 1847, n® 51 à 39. 1851, n° 51. 1852, nuova serie, n° 1, 5, 4 et à. Naples; 45 cahiers in-&. Rendiconti delle adunanze della R. Academia dei Georgofili. Gennaio, 183. Florence, 4 broch. in-8°. Di alcuni nuovi esperimenti del Dott. Allessandro Palagi di Bologna, sulle variazioni elettriche a cui vanno sogyetti à corpi scostandosi dal suolo o da altri corpi, ovvero accostandosi ad essi; ricordo del Dott. Carlo Grillenzoni. Florence, 1853; 2 feuilles in-8e. Bulletin de la Société Impériale géographique de Russie, pour l'année 1852. 5° et 6° livr. St-Pétersbourg, 1852; 2 vol. in-&°. Annales scientifiques de l'Université impériale de Casan. An- née 1850. Casan; 4 vol. in-4° et 3 vol. in-&. 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Pour la première fois, depuis cinq années que nous fai- sons cet examen, les choses se présentent sous une forme tellement anormale, que si nous en donnions un tableau comme les précédents, ce tableau ne serait pour ainsi dire que la reproduction de ce que nous avons présenté à l’Aca- démie le 5 mars, et qui signale ce qui s’est passé au mois de janvier de cette année, avec l’addition que presque toutes ces feuilles ou ces fleurs sont aujourd’hui flétries par la gelée. Il vaut donc mieux renvoyer à ce tableau, car la gelée commencée le 24 janvier (après six semaines d'un temps de printemps) a été accompagnée de beaucoup de neige et a fait rentrer la végétation dans une sorte de torpeur presque complète. Ces deux derniers mois de frimas n’ont été interrompus que par un dégel d’une huitaine de jours à peine, dans la seconde semaine de mars. Les feuilles hâtives sont gelées et flétries chez les : Spiraea sorbifolia, Salix babylonica, Rosa gallica, Pyrus japonica, Sambucus nigra, Lonicera periclimenum , etc. Il en est de même des fleurs pour les : Pyrus japonica, Daphne mezereon, Cornus mascula, Magnolia yulans. (478) Parmi celles qui ont résisté à la gelée, et qui sont en- core ou à peu près en état de floraison générale, je ne vois guère que les : Galanthus nivalis , Erica herbacea, Anemone hepatica , Primula officinalis. Les six à huit jours de dégel, en mars, ont seulement amené un commencement de floraison chez les : Crocus vernus (jaunes), Salix capreaea (fleurs femelles), Populus alba. Un seul oiseau d’été est arrivé pendant ce dégel, savoir : la Motacilla alba. Description d'un appareil photo-électrique conservant la lumière au même point, inventé et construit par J. Jas- par, à Liége. Cet appareil est représenté par la figure ci-contre. AA""boîtes rectangulaires en laiton dans lesquelles sont ajustées les poulies IT TT et les galets J 3 J'J'J". B bobine sur laquelle se trouve enroulé un fil de cuivre isolé, à travers lequel le courant électrique doit passer lorsque les charbons DD’ sont assez rapprochés pour que l’étincelle franchisse la distance qui les sépare; l’un des bouts de ce fil correspond avec la pile par la pince P, qui est isolée (en ) du reste de l'appareil par un manchon d'i- voire; l’autre bout est soudé (en a) au corps de l’instru- ment ; et comme cette partie est en métal, ainsi que la (479 ) boîte A , le courant les traverse, et se transmet au charbon inférieur D à l’aide du godet à mercure H et du con- ducteur qui plonge dans son inté- rieur; On voit par ce qui précède que le courant est forcé de traverser le fil de la bobine pour arriver en D. La communication du charbon supérieur D’ s'établit de la même manière à laide de la pince P', qui correspond avec l’autre pôle de la pile; un man- chon d'ivoire L intercepte la commu- nication de la boîte A à la colonne K et aux pièces supérieures de l’instru- ment. C cylindre en fer doux glissant, sui- vant son axe, dans la bobine B, et por- tant le charbon inférieur D, par l’in- termédiaire de la chape de la poulie mobile [”, à laquelle est fixée la tige cylindrique G guidée par les galets JJ. G tige cylindrique en cuivre gui- dée, suivant son axe; par les galets à gorge J'JJ" et portant à sa partie in- férieure le charbon D’, et à sa partie supérieure un bouton surmonté d’une tige dans laquelle on enfile des ron- delles de cuivre R, pour régler l’ap- pareil, comme nous le verrons tantôt; cette tige est percée latéralement en f’ d’un petit trou servant à attacher un cordonnet de soie F qui, après avoir passé sur les poulies ITIL FI", vient s'attacher en f à la boîte A. ( 480 ) D'après ce qui précède, on voit que les pièces qui por- tent les cônes de charbon D et D’, reliées entre elles par le fil de soie F, sont assujetties à se mouvoir ensemble avec des vitesses différentes, celle de la pièce inférieure étant réduite à moitié par le jeu de la poulie mobile I”. Cela étant, si la tige supérieure G' a un poids moitié moindre que le cylindre C, le système restera en équilibre, quelle que soit la position qu'on lui donne; mais si l'on augmente le poids de la tige G’, en la chargeant de ron- delles R, cette tige s’abaissera et entraînera avec elle le fil de soie qui, s’enroulant sur les poulies l'ITIT", forcera le cylindre C à monter. Les cônes de charbon marcheront donc l’un vers l’autre jusqu'a ce qu'ils soient en contact. Voilà pour la partie mécanique de l'appareil; passons à sa partie physique et posons ce principe connu et ralifié par l'expérience : « Si dans une bobine sur laquelle se trouve enroulé un fil de cuivre isolé, on introduit un cylindre de fer doux de la même longueur que la bobine, de manière à ce que les deux tiers environ entrent dans celle-ci, ce cylindre sera attiré suivant son axe jusqu’à ce que ses bouts soient de niveau avec les bouts de la bobine, du moment qu’un courant voltaique traversera le fil qui l'entoure. » Jetons maintenant un coup d'œil sur la figure, et nous verrons que si l'on met des rondelles sur la tige supé- rieure, de façon ce que les cônes de charbon D et D’ se rap- prochent jusqu’au contact, quand, après les avoir écartés à la main, on les abandonne à eux-mêmes; et si, d'autre part, on attache aux pinces PP’ les fils communiquant aux pôles d’une forte pile ; le courant passant alors d’un cône de charbon à l’autre et aussi par la bobine B, le cylindre C, altiré dans l’intérieur de celle-ci, forcera les cônes de ( 481) charbon D et D’ à s'écarter l’un de l'autre, pour être aus- sitôt rapprochés par le poids des rondelles R; puis les charbons seront de nouveau écartés par la force attractive de la bobine, et ainsi de suite; il se produit une lumière très-éclatante chaque fois que les charbons se touchent, laquelle cesse aussitôt qu'ils s’écartent ; si maintenant on augmente graduellement le nombre des rondelles R, jus- qu'à ce que cette intermittence cesse et soit remplacée par une lumière continue (ce qui arrive immanquablement aussitôt qu’un certain équilibre existe entre la force attrac- tive de la bobine et le poids qui sollicite les cônes de charbon à se rapprocher assez pour que l’étincelle jaillisse entre eux, effét auquel on arrive facilement après quelques tâtonnements) , on a alors un foyer de lumière éclatante qui, non-seulement persiste autant que le permettent la longueur des charbons et la durée d'action de la pile, mais encore reste exactement au même point, condition très-importante pour les expériences d'optique de quelque durée; arrivons aux avantages que cet appareil présente. Les divers appareils proposés comme régulateurs de la lumière électrique ont, entre autres inconvénients, les suivants : 4° Ils exigent, pour marcher, l'emploi d’une pile ex- trêmement puissante; afin que les intermittences aux- quelles les astreint leur construction soient assez peu ap- parentes pour être négligées ; 2 La fragilité et souvent la complication du méca- nisme (mouvement d’horlogerie) qui, une fois dérangé, exige beaucoup de temps et un ouvrier exercé pour être remis en état ; 3 Leur prix élevé et la difficulté de leur emploi. Je crois avoir paré à ces inconvénients. L'appareil décrit (482) ci-dessus marche bien avec vingt couples petit modèle, exigeant pour être chargé une dépense en acides d'environ trois francs; par sa construction même, on voit qu'il agit sans intermittences et d'une manière continue; le méca- nisme en est d’une extrême simplicité: il se règle avec la plus grande facilité, puisqu'il suffit seulement d'ajouter ou d’enlever les rondelles de cuivre pour arriver à une marche parfaitement régulière. Le prix, moins élevé que celui d'aucun appareil de ce genre, n’est que de 425 francs, et pourra probablement être encore réduit par la suite. Note sur un nouveau genre de crustacé parasite (PAGODINA) ; par P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie. Nous avons fait connaître successivement plusieurs crustacés parasites ; à ces divers types génériques nou- veaux, nous en ajoutons encore un que nous avons observé sur deux de nos poissons plagiostomes , et que nous dési- gnons sous le nom de : Pacopina RoBusra. Van Ben. Caractères.—Corps de la femelle , de forme ovale, com- posé d’anneaux nettement séparés les uns des autres, re- couvrant comme une cuirasse toute la partie supérieure; ces anneaux ou segments ont l'aspect de grandes écailles; tête, thorax et abdomen distincts, ainsi que la région çau- dale; une paire d'antennes sétifères et multi-articulées , insérée en dessous du segment séphalique; trois paires de (485 ) pattes-mächoires terminées en crochet, dont la dernière paire est longue et très-forte; la pièce terminale de cette dernière paire s'étend jusqu’au second segment thoracique; quatre paires d’appendices occupent le thorax; les trois dernières sont entièrement semblables entre elles : ce sont des pattes biramées et sétifères; l'abdomen se termine par une paire d’appendices assez petits; il y a trois segments dans la région caudale; tout le squelette tégumentaire est de couleur jaunâtre ; il est très-solide , surtout dans la partie supérieure du corps. Le mâle est plus petit que la femelle; le corps est plus allongé et plus étroit, ce qui lui donne une physionomie différente. Longueur totale de la femelle, 5%, Ce crustacé habite les branchies du squale milandre (Galeus canis) et du squale bleu (Carcharias glaucus). Nous n'avons trouvé qu'un seul exemplaire sur une dizaine de milandres ; un squale bleu nourrissait cinq individus, trois femelles et deux mâles. Description du mâle. — Le mâle est composé, comme la femelle, de plusieurs segments, qui donnent à cet animal quelque ressemblance avec certains crustacés isopodes. La tête constitue le segment le plus volumineux : elle est de forme ovale et légèrement bombée en dessus. Ce segment de la tête est nettement séparé des anneaux thoraciques. I n’y à que trois anneaux thoraciques bien distincts, mais On voit que l’antérieur est atrophié et caché en des- sous du segment céphalique; c’est ce que l’on voit aisément d'après l'insertion des quatre paires de pattes. Les segments thoraciques sont plus larges que longs et recouvrent la partie supérieure et latérale du corps. Ces trois segments sont également développés. Tome xx. — [° parr. 54 (484) Le segment abdominal est plus long que les segments thoraciques et ressemble, par sa forme, à celui de la tête. Le corps est ensuite terminé par quatre segments assez étroits et qui constituent la région caudale. Tout au bout, on aperçoit deux appendices, séparés complétement l’un de l'autre et qui montrent chacun trois filaments sétifères au bout. Les appendices des mâles sont semblables à ceux des femelles, à l'exception toutefois des antennes, qui sont moins nettement articulées dans les femelles. Les articles du milieu sont à peu près aussi longs que larges ; les deux derniers sont un peu plus allongés. Description de la femelle. — Le corps a une forme ovale, très-large vers le milieu, couvert d’un squelette tégumen- taire très-dur , surtout à la partie supérieure. La tête est parfaitement séparée du thorax; elle consiste dans un segment de forme ovale et légèrement bombée en dessus. Cette tête ressemble, par sa forme et son volume relatif, à la tête des Gryllotalpa. Le thorax est formé supérieurement de trois segments ; le quatrième ou l’antérieur est caché sous le segment cé- phalique. Ces segments recouvrent la partie supérieure du corps, comme la cuirasse des Tatous. Ces segments sont très-larges. En dessous, le corps est beaucoup plus mou; ce n’est qu’à la base des appendices biramés que ces segments pré- sentent quelque consistance. Ces appendices biramés pro- tégent la face inférieure du corps et semblent servir autant à la protection qu’à la locomotion. Le segment abdominal est unique; il est un peu moins large que les précédents. Quatre segments terminent le corps en arrière et con- stituent la région caudale; les trois derniers sont fort (485) petits et très-rapprochés les uns des autres. Le dernier segment porte deux courts appendices. Les antennes sont très-développées dans ces crustacés ; elles sont formées de plusieurs articles nettement séparés les uns des autres, surtout vers le milieu; les articles de la base sont plus forts que les autres; le dernier article est le plus long. Tous ces articles portent des soies courtes semblables à des épines. Il existe trois paires de pattes-mâchoires très-distinctes. La première paire est située à côté de la base des anten- nes, un peu au-devant de la bouche. L’artiele basilaire est le plus fort; celui du milieu est un peu plus long; l’article terminal est légèrement courbé et montre deux dents sur le bord eoncave. La seconde paire de pattes-màchoires est très-forte; tous ses articles sont courts et robustes; l’article terminal porte un crochet au bout, à la base duquel on voit un talon tout couvert de dentelures. Ce talon n’est pas sans ressemblance avec une crête de coq. La troisième paire est la principale: les deux pièces terminales sont très-longues, et surtout la dernière, qui forme un énorme crochet. Il existe quatre paires de pattes: les antérieures sont petites et cachées en grande partie en dessous des grands crochets; elles diffèrent complétement des suivantes; elles se composent d'une pièce prineipale assez large, à bord externe tranchant et dentelé comme une scie; d’un tuber- cule armé de trois onglets et d’un autre tubercule dirigé du côté de la ligne médiane. Les trois autres paires sont exactement semblables entre elles. On voit d'abord en avant une sorte de lame, qui est suivie d’une grande pièce presque carrée qui porte ( 486 ) deux doigts : celui du côté interne est plus fort que l’autre; chaque doigt est formé de deux articles placés bout à bout; le dernier, qui est le plus petit, porte six onglets, tandis que l’autre porte, dans la même direction, une ou deux épines. Ces appendices sont faciles à voir en dessous du corps, et se meuvent, comme des nageoires, par un mouvement de va-et-vient. Les appendices abdominaux et ceux de la queue ne sont formés que d'un seul article; les derniers sont un peu plus volumineux que les autres. La bouche est en forme d’entonnoir; on distingue faci- lement une paire de mandibules, dont le bout est terminé comme la pointe d’une pince à disséquer. A côté, on voit encore deux paires de pièces plus petites que les mandibules et qui se terminent par des soies flexi- bles : ce sont les palpes. Ces Pagodina diffèrent complétement, par leur facies ; de tous les autres crustacés parasites ; le corps est toujours régulièrement conformé, et ressemble plus, comme nous l'avons déjà dit, à un crustacé isopode qu'à un siphonos- tome. C’est toutefois des Dichelestions et des Ergasiliens que les Pagodina se rapprochent encore le plus; ils ont trois paires de pattes biramées très-distinctes, une paire de pattes antérieures non disposée pour la nage et différant complétement des autres par la forme; la grande tête, les pieds-mâchoires et les antennes éloignent les Pagodina des genres connus. C’est entre les Ergasiles et les Dichelestions que les Pago- dina doivent prendre rang, tout en s’éloignant des derniers par les quatre paires de pattes et le grand développement de la troisième paire de pattes-màchoires. Pull. de l'Hrad. how. ss LS \ Fig. 1. . Le même, vu sur les flancs, légèrement aplati. . Le même, couché sur le dos, montrant la houche et tous ses appen- oi 19 (487 ) EXPLICATION DE LA PLANCHE. Animal, de grandeur naturelle. dices : a. Antennes; b. c. d. Trois paires de pieds-mächoires; e. Première paire de pattes; f. g. h. Les trois autres paires, qui sont biramées; ä. Appendice abdominal; k. = caudal. . Antennes isolées, au grossissement de 300 fois : a. Antennes; b. Première paire de pattes-mâchoires; . Seconde paire de pattes-mâchoires, montrant un crochet au bout et un talon épineux. . La troisième et principale paire d'adhésion. La première paire de pattes, avec le bord externe en forme de crête, . La première paire de pattes biramées d’un côté; toutes les autres ? sont semblables. . Une femelle légèrement grossie, vue du côté du dos. . Un mâle, vu du même côté que la femelle et au même grossissement. . Les cinq derniers segments du corps du mâle. . L’appendice postérieur du corps, avec les filaments sétiformes. . L'antenne et la première paire de pieds-mächoires : a. Antennes; b. Première paire de pieds-mâchoires. 14 Bouche montrant les mandibules et les palpes. — M. le D' Gluge fait connaitre que M. Poelman a trouvé de nombreuses filaires dans un grand nombre d'organes et dans le sang d’un dauphin. M. Poelman sera invité à com- muniquer une note sur le sujet qui se rattache à l’histoire du développement des Entozoaires. ( 488 ) — La classe arrête ensuite les termes de l'inscription qui sera placée sur la médaille décernée à M. Édouard Morren, à l’époque du dernier concours : Quor COLORATIONEM VEGETABILIUM ET IN PRIMIS FLORUM COLORES PENITUS PERSPEXIT UBERIUS EXPOSUIT Caroro-Jacoso-Epuarpo Monren IN ACAD. LEOD. onD. Puiz. ET LITT. CANDID. axxo MDCCCLII. ( 489 ) CLASSE DES LETTRES. Séance du À avril 1855. M. le baron de Srassarr, président. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron de Gerlache, Grandgagnage, De Smet, de Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, Borgnet, le baron de S'-Genois, David, Van Meenen, P. Devaux, P. De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Bormans, M.-N.-J. Leclereq, Polain, Baguet, membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, asso- cié; Arendt, Chalon, correspondants. MM. Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux- arts, assistent à la séance. CORRESPONDANCE. M. L. Bara fait hommage de plusieurs exemplaires d’un ouvrage qu'il vient de publier sous le titre : Introduction à l'étude de la science de la méthode, et demande que la classe veuille bien faire un rapport sur ce travail. Il sera répondu qu'aux termes du règlement, la classe ne peut faire de rap- port sur des ouvrages déjà soumis au jugement du public. ( 490 ) — M. Kervyn de Lettenhove, associé de l’Académie, dépose le manuscrit d’un mémoire contenant des Études sur le XII siècle. (Commissaires : MM. l'abbé Carton, le chanoine De Smet et le baron J. de S'-Genois.) — MM. Chalon et Ad. Mathieu, correspondants de l'A- cadémie, font hommage d'ouvrages de leur composition; et M. Gachard dépose, au nom de la Commission royale d'histoire, les différents ouvrages qui lui sont parvenus. RAPPORTS. Sur les conclusions de ses commissaires, MM. Borgnet, le chanoine de Ram et le baron de Gerlache, la classe or- donne l'impression du mémoire de M. Gachard : Les mo- numents de la diplomatie vénitienne, considérés sous le point de vue de l'histoire moderne en général et de l'histoire de la Belgique en particulier. L'auteur débute par des considérations sur le rôle im- portant que Venise et sa diplomatie ont joué pendant tout le moyen àge, et même encore pendant les XVI et XVIF siècles. Après avoir fait l'historique du dépôt qui contient les archives de cette république, et la description de leur état actuel, il s'attache à constater quels ont été autrefois les rapports de Venise avec nos provinces, et il entre dans des détails biographiques sur les ambassadeurs qui ont été chargés de les entretenir. On ne commence à bien suivre la filiation de ces rapports qu’à dater de la fin du XV° siècle, et il faut même arriver jusqu’au règne de Charles-Quint pour ( 491 ) trouver une suite non interrompue d'envoyés vénitiens. M. Gachard entre ensuite dans des détails sur la no- mination des envoyés, la durée de leurs fonctions et les devoirs qui leur étaient imposés; puis il donne la liste raisonnée de ceux d’entre eux qui ont été accrédités suc- cessivement auprès de Charles-Quint, de Philippe ET et de leurs successeurs. L'auteur termine son travail par des considérations sur l'importance que présenterait pour notre histoire une exploration des archives de l’État vénitien, et surtout des relations de ses ambassadeurs. La ville de Gand considérée comme place de querre. Mémoire par M. Vander Meersch, conservateur des archives de l'État et de la Flandre orientale. Happort de M. Steur. « Quoique malade au lit depuis plus de 15 jours, j'ai pris lecture da mémoire que M. ie Secrétaire perpétuel de l’Académie m'a fait l'honneur de m'envoyer. Cette matière ne rentre pas dans le cercle de mes études ordinaires. Mais j'ai vu dans le temps, il y a une vingtaine d'années , quelques ouvrages de topographie sur la ville de Gand où la question des fortifications était plus ou moins élucidée par les auteurs, qui prétendaient posséder cette matière à fond. Tout ce qui m'est resté de souvenir de ces anciens écrits, c'est que la passion , à l'exclusion de la science, y dominait d'une manière absolue. Les formes dans les discussions étaient si peu observées, ( 492 ) et l’acrimonie des interpellations était telle, qu’on croyait ces auteurs montés sur des hustings anglais de la dernière classe, plutôt que renfermés dans le silence de leur cabinet. M. Vander Meersch a eu le bon esprit de déblayer sa route de ces ronces anciennes. Il a marché droit à son but sans digression, sans s'arrêter à ce fatras d’érudition qui souvent étonne, mais rarement explique des questions contro- versées. | Dans l’état où je me trouve, je ne saurais entrer dans de plus longs détails; mes deux honorables collègues, MM. De Smet et de Saint-Genois seront là sur leur terrain. Je ter- mine ces observations en disant qu’il me paraît, à part quel- ques négligences de style, que la manière d'écrire de l'au- teur est la seule que comporte l’histoire: claire, sévère, courte, cherchant toujours le mot propre et ennemie de toute redondance. Il me semble cependant, sauf l’avis de mes collègues, que l’auteur ajouterait un intérêt de plus à sa narration, sil intercalait dans son mémoire quelques plans de l’état des anciennes fortifications de la ville de Gand, qu'il a si bien décrites aux différentes époques de leur existence. La matière traitée est du nombre de celles qui exigent le secours de la topographie; car c’est le cas ou jamais de dire : « que l’homme a généralement plus de peine à com- » prendre ce qu'on cherche à lui inculquer oralement, » que ce qu'il voit et observe de ses propres yeux. » Segnius irritant animum demissa per aures , Quam quae sunt oculis subjecta fidelibus. (Horar., De Art. poet.) Je conclus donc à l'impression de ce mémoire dans le recueil de l’Académie, destiné à recevoir les travaux scien- üfiques des membres étrangers. » (495 ) Rapport de M. le chanoine De Smet. « On croira volontiers, je pense, que je n’ai pas plus que mon honorable confrère, M. Steur, aspiré à posséder les connaissances que demande le génie militaire et qu’ex- cepté le titre, je n’entends rien aux traités de Vauban sur la défense et l’attaque des places fortes. Je ne crois ce- pendant pas devoir me reconnaître incompétent, car je distingue assez aisément un bastion d’une courtine et une demi-lune d’une contrescarpe, et je suis assez tenté de penser que le savant auteur du mémoire soumis à notre examen n’en sait guère davantage. Dans un style simple, précis et en tout point convenable à la gravité de l’histoire, M. Vander Meersch décrit les fortifications qui ont été construites pour la défense de notre ville de Gand, depuis les ouvrages qu'y ont faits, selon toute apparence, les commandants romains jusqu’à la forteresse établie au sommet du mont Blandin, d’après les plans du lieutenant-colonel du génie Guy Van Pittius. Sans s'arrêtér aux tristes débats du chanoine De Bast et du conseiller Dierickx, débats, au reste, qui n'avaient pas leur source dans la divergence de leur opinion sur lé chà- teau neuf et le château vieux, mais dans leur antagonisme politique lors de la révolution brabançonne, le docte archiviste utilise avec beaucoup de sagacité, à mon avis, leurs nombreuses investigations et les rectifie souvent avec bonheur. Il en agit de même avec les écrivains qui ont an- ciennement, ou de nos jours, parcouru la même carrière, et n'adopte aucune opinion sans lavoir examinée conscien- cieusement. Que l’on ajoute à ces mérites l'emploi, tout aussi ( 494 ) judicieux, d’une foule de documents inédits et la plupart extrêmement curieux, et on sera convaincu que le mémoire laisse peu à désirer pour le fond comme pour la forme. Je doute seulement si l’hospice des orphelins, connu aussi sous le nom de Kulders-huis, occupe tous les bâtiments du manoir de Gérard le Diable. La caserne actuelle de nos sapeurs-pompiers n’en faisait-elle pas partie? Le côté an- cien du Kulders-huys, vu du Reep, ne montre que la vieille église des Hiéronymites, qui ont longtemps occupé ce local. La réduction de la ville de Gand sous Charles-Quint ne peut s'appeler reddition, paree qu'il n’y eut aucune appa- rence de siége. Ce sont là des vétilles que je transcris seulement pour prouver que j'ai examiné le manuscrit avec quelque soin. J'adopte de grand cœur les conclusions de M. Steur et, comme lui, je pense que quelques plans donneraient un nouveau rellef à ce beau travail. » Biapport de M. 3. de S'-Genois. « Le travail de M. Vander Meersch, qui a été soumis à notre examen, nous semble en bien des points aussi inté- ressant que complet, et nous sommes heureux sous ce rapport d’être parfaitement d'accord avec la manière de voir de nos honorables confrères, MM. Steur et De Smet. Toutefois, il est une source locale extrêmement impor- tante que le savant archiviste de la Flandre orientale au- rait encore pu consulter avec fruit pour expliquer certaines constructions militaires exécutées à Gand à diverses épo- ques. Nous voulons parler des comptes de cette ville, qui (498 ) se suivent presque sans interruption dans nos archives communales, à partir de l’an 1514 jusqu’à la fin du siècle dernier. Chacun de ces documents officiels contient an- nuellement une rubrique spéciale intitulée : Compte des ouvrages où travaux publics. On y trouve sur la construc- tion des remparts, boulevards (bolwerken), bastions, tours, ponts, portes, etc., des détails très-précis qui démontrent à chaque page combien les Gantois étaient soucieux de la défense de leur antique cité, soit qu'ils eussent à repousser l'invasion étrangère, soit qu'ils dussent se mettre en sûreté contre les attaques des grandes villes voisines, à l’époque où nos puissantes communes flamandes étaient entre elles en guerre ouverte. Nous citerons, par exemple, cette mal- heureuse période de notre histoire où Robert de Cassel, élu ruvaert de Flandre par les Brugeois, en 1525, mena- çait de venir attaquer avec son armée, les Gantois restés fidèles au comte Louis de Crécy, son neveu. Il est vrai que, pour les siècles suivants, M. Vander Meersch rachète la pénurie de ces particularités stratégi- ques par d’intéressantes pièces manuscrites conservées au- jourd’hui aux archives de la Flandre orientale. L'auteur, du reste, déduit bien les faits, explique clai- rement les événements et fait preuve partout d'une saine critique. Nous concluons done à l'impression de cette disserta- lion dans les Mémoires de l'Académie, et nous exprimons le vœu, comme le font nos deux confrères, de voir élu- cider les positions stratégiques par quelques plans. » Ces conclusions sont adoptées. ( 496 ) COMMUNICATIONS ET LECTURES. Conseils sur les devoirs des rois, adressés à saint Louis par Guibert de Tournay; par M. Kervyn de Lettenhove, correspondant de l’Académie. On sait combien saint Louis recherchait les hommes distingués par leur science et leur piété. 11 aimait à en être entouré daus les assemblées où il rendait la justice; il les faisait asseoir près de lui à sa table, et dès que le soir était venu, on allumait une grande chandelle de cire (1) : lors- qu'elle s'éteignait, elle marquait le terme de la lecture que le roi faisait lui-même ou qu'il écoutait avec attention. Vincent de Beauvais dut ainsi à sa vaste érudition l’hon- neur d'être admis dans la famille de saint Louis. Il avait enseigné la théologie à Paris et plus tard, au milieu des travaux de la Bibliotheca mundi, cette immense encyclo- pédie du XIE siècle, il écrivit, à la prière de saint Louis, un traité sur les devoirs des princes. Guibert de Tournay paraît avoir occupé une position à peu près semblable. Si sa biographie n'est pas mieux connue que celle de Vincent de Beauvais, il est du moins certain que, s'appliquant avec le même zèle à l'étude de la théologie, il composa, comme lui, un livre sur les devoirs des rois, et cette phrase qui le termine: Supra me sunt, (1) Accendebatur una candela cerea magnae quantitatis et dum illa durabat.. Gesta S. Ludov. ap. Duchesne, V, p. 596. ( 497 ) clementissime rex, quae pro funclione praelibavi, permet de croire qu'il fut également lecteur ou chapelain du roi de France. HTC Saint Louis aimait beaucoup les frères mineurs de l'ordre de Saint-François, auquel appartenait Guibert de Tournay. Élevé par eux, il leur contia l'éducation de ses enfants et employa à la construction de leur église de Paris l’amende payée par Enguerrand de Couey. On conservait autrefois à Ja bibliothèque de l’abbaye de Saint-Martin de Tournay un précieux manuserit de Gui- bert, qui offrirait sans doute des révélations non moins importantes pour la biographie de l’auteur que pour lhis- toire de son siècle : c'est l’Hodoeporicon ou itinéraire de la première croisade de saint Louis. Peut-être fut-ce pour le consulter que Vincent de Beauvais; qui avait reçu de saint Louis, dit Gilles li Muisis, le pouvoir de visiter toutes les bibliothèques du royaume (1), se rendit à l’abbaye de Saint- Martin; et s’il en était ainsi, on pourrait chercher dans le Speculum historiale qui uous a conservé les relations d’As- celin et de Simon de Saint-Quentin, quelques extraits de celle de Guibert, Si l'Hodoeporieon se retrouve un jour, il fournira la preuve que Guibert de Tournay assista aux événements qu'il raconte. Une lettre adressée à Isabelle, fille de saint Louis, sur le bonheur de la vie religieuse, où il l’'exhorte et la console à la fois (2), ne pent avoir été écrite qu’en Syrie, après les malheurs de la croisade d'É- gypte (5), pour déférer au désir de saint Louis, qui croyait (1) Auctoritatem videndi librarias in regno Franciae. Gilles li Muisis, p. 152. ; (2) Utinam vobis cedat in solatium et exemplum. MS. des Dunes. (5) Æis partibus. MS. des Dunes. ( 498 ) fléchir la colère du ciel en pressant vivement sa fille de se consacrer à la pénitence (1). Guibert de Tournay put ac- compagner à Japhe ou Jaffa le roi de France, qui y fonda un couvent de cordeliers. Cette ville était l’ancienne Joppé, si fréquemment citée dans les récits bibliques. Le comte de Japhe, qui appartenait au lignage de Joinville, avait fait orner de targes et de pennonceaux d’or à la croix de gueules les créneaux de son château, qui dominait le port où avaient abordé les flottes de Salomon, et ces murs mêmes au pied desquels Gauthier de Brienne, suspendu à une potence, eriait aux siens de le laisser mourir plutôt que de capituler, avaient été témoins de l’héroisme des Macchabées. Si Guibert de Tournay ne se retira point à Jaffa, il reçut au monastère de Ptolémaiïde les adieux de Guillaume de Rubruquis, autre frère mineur qui allait pénétrer au centre de l'Asie. ‘A défaut de l’AÆodoeporicon, c'est dans le traité De erudi- tione requm (2) que nous chercherons les traces les plus intéressantes du séjour de Guibert de Tournay en Orient. Lorsqu'ea paraphrasant le dix-seplième chapitre du Deuté- ronome, il arrive au verset : Nec reducet populum în (1) Geoffroi de Beaulieu, ap. Duchesne, V, p. 449. (2) Le traité De eruditione regum (MS. de la Bibliothèque de Bruges) est formé de trois parties principales. L'auteur dit lui-même qu'il repose sur quatre points: Fundatur super quatuor : Reverentia Dei; diligentia sui; disciplina debita potestatum et officialium; affectus et protectio subdi- torum. Voici l’incipit : Clementissimo domino suo Ludovico Dei gratia illustrissimo regi Francorum., frater Guibertus de Tornaco, de regno moimentaneo migrare feliciter ad aeternum. Il se termine par cette date : Actum Parisius apud fratres minores anno gratiae MCC quinquage- sèmo nono, mense octobri in die octavarum beati Francisci. ( 499 ) Aegyptum, la lettre même du texte sacré rappelle à sa mémoire le souvenir tout récent de la désastreuse tenta- tive de saint Louis, et il poursuit ainsi : Si vero haec verba litteraliter exponantur , videtis, cle- mentissime domine, quod oportunitas nacta est ut haec a superioribus repetantur. Sciat ergo aetas postuma quod dominum meum regem Franciae in aegritudine desperata Dominus visitavit et vivificae crucis signaculo consignavit ut levaret signum in nationibus procul, et factum est signum istud in bonum, sicut subsecutae sanitatis effectus ostendit et in procinctu itineris vale facto ecclesiae congregatae vi- dere potuit clerus Parisiensis alterum Constantinum non tumore superbiae sublevatum sed crucifixum corde signa- lum, in hoc vero minoratum habilu, gestantem in ma- nibus dominicae crucis lignum el pro reverentia successit gratia Domini. Crucesignatos fluctibus maris expositos alio tendentes porlus inopinatus excepit et-christianum exer- cilum sine consueta bellorum sanguinis effusione Spiritus Sanctus in civitatem Mempheos introduxit ; sed maledictum , mendacium , furta, adulteria inundaverunt et sanquis san- guinem tetigit. Insolescentes pro victoria et ingrati pro gralia , qui servicium ejus elegerant cui servire regnare est, ad vomilum sunt reversi, suas despumantes libidines et sua flagitia, sicut Sodoma, praedicantes. Inimici crucis Christi cujus videbantur esse debere domestici, inercedem erroris de manu Domini qui repulit tabernaculem Sylo, receperunt. Nam ulterius dissimulare noluit Dominus ultionum, sed pro plebis irreverentia, gratia commutatur in iracundiam, sere- nilas in lempestatem, dispensatio in judicium, refrigerium in vexationem , clementia in vindictam. Quid plura? Com- pleta est praedictio Jheremiae ad eos qui habitant in terra Ægypti, in Memphis et in terra Phatures, ubi commemoratis TOME xx. — ['° PART. 55 ( 500 ) eorum sceleribus subinfertur : Visitabo habitatores terrae Aegypti sicut visitavi super Jherusalem in gladio et in fame et in peste, et non erit qui effugiat et sit residuus de reliquiis eorum qui vadunt ut peregrinentur în terra Aegypli, nec revertentur nisi qui fugerint. Dixisti, Domine, et facta sunt. Nam et in occisione gladii dati sunt, fame eruciati, peste in- quinaria lacessiti : sancla in manibus exterorum data sunt in illa die lugubri quae facta est tenebrosior omni nocte quum manum suam misit hostis ad omnia desiderabilia. Sacer- dotes et milites in gladio ceciderunt, convenere canes et eorum slante corona in dominum regem qui fugae praesidio consulere noluit, sed flere cum flentibus maluit et cum sibi servo populo in carcerem vel in mortem ire. Tempore neces- sitatis quid esset in homine claruit dum fidei titulum et sculum opposuit ul animaret ad fidem exercilum in per- sonis pluribus blasphemantem. Non expaluit ad Ghristi judicium regis facies ,.non sanguis congelatus est, non ri- guere comae, non mente turbata faucibus vox adhaesit, sed intrepidus et solito longe securior nichil omnino de statu regiae dignilatis amisit ; nichil in eo ininae, nichil exorti gladii potuerunt…. Ecce liquidius ista persequerer sed vere- cundia me cohercet. Sed ecce non est abolitus misereri Deus, nec continuit in ira minas suas. Nam dato rege in partem praedantium ad breve in castris gentilium spiritus dilectionis exoritur, soldanus occiditur, dominus rex cum ommnibus christianis, sicut Domino placuit, de gentilium manibus li- beratur… Non reducel ergo rex populum in Aegyptuin quia non in multitudine armatorum, nec in virtute pugnantium datur victoria Christi mililibus, sed in Domino (1). (1) Epist. 1, e. IL. ( 01 ) Peu importe que Guibert de Tournay se trompe, comme le confesseur de la reine Marguerite (1), en prenant Da- miette pour Memphis. Sa narration n'est pas seulement éloquente; elle révèle un fait nouveau en faisant connaître que saint Louis, resté seul à l’arrière-garde avec Geoffroi de Sargines, tomba au pouvoir d'une troupe errante de pillards, c’est-à-dire de Bédouins « dont la coustume est » tele, dit Joinville, que il courent tousjours sus aus plus » febles. » Lorsqu'elle s'étend sur la constance et la ma- gnanimité du saint roi dans le malheur, elle confirme le témoignage de plusieurs historiens en nous apprenant que l'admiration qu'en éprouvèrent les infidèles prépara la révolution où le dernier soudan de la dynastie de Saladin trouva la mort et le roi de France, la liberté. Il serait facile d'emprunter quelques citations au traité : De eruditione requm, pour montrer saint Louis aussi grand par sa clémence et sa justice dans le palais de Paris qu'il le fut par son courage à Mansourab, chez l'eunuque Sabyh, Ne reconnait-on pas le bon roi qui, assis sous le chêne de Vincennes, laissait venir à lui tous ceux qui avaient quelque sujet de se plaindre, dans ces lignes où Guibert de Tournay nous peint saint Louis protégé par l'amour de son peuple : O laudabilem et salutarem potentiam quae armis utitur ad regium ornamentum magis quam ad praesidium eo quod suo tuta beneficio, nichil hostile, nichil efferum machinatur, sed ab universis amatur, defenditur, colitur quia nichil a subdilis demeretur ! Quis enim illi periculum strueret, quis illum impeteret , sub quo securilas , pax et Loni operis semen (1) Édition du Louvre, p. 505. ( 502 ) effloret, qui sermone affabilis, accessu facilis, vultu ama- bilis, animo imperturbato serenus semper apparet (1)? Je me bornerai à citer les titres de deux chapitres fort intéressants : le dernier est justifié par les nombreux exemples que l’on rencontre en feuilletant le recueil des Olim. Princeps affectum clementiae custodit et differenter inju- rias proprias et alienas corrigit (2). Justiciam debet facere princeps contra Seipsum pro pau- pere (5). J'aime mieux, en terminant, m'arrêter à quelques pas- sages du livre De eruditione regum qui traitent du respect que le prince doit avoir pour les lois et les bonnes cou- tumes. Un jour viendra où le jugement impartial de lhis- toire rendra à saint Louis ce témoignage que, depuis Louis VI, père des communes, jamais roi ne contribua d'une manière plus généreuse n1 plus sage au développe- ment des libertés publiques. Sapientes philosophi et divinilus loquentes dixerunt quod in primis deceat regiam majestalem oblemperare in lega- libus constitutis… Lex, etsi inventio sit hominum, est tamen Dei donum, doctrina sapientum, correctio volunta- riorum excessuum , secundum quam decet vivere omvnes qui in politicae rei versantur universitate..….. Nonne omnes ex elementis communibus oriuntur, eodem coelo freti, spirant, vivunt et consimiliter moriuntur? Unum habentes et eum- dem patrem et eisdem initiali mysteriis, in ejusdem matris utero idem credimus, idem sapimus, ad idem tendimus quia (1) Epist. ILE, ce. INT. (2) Epist. II, c. V. (5) Epist, Il, pars IE, c. X. ( 505 }) non est servus, nec est liber in Domino... Remota legum Justicia, quid sunt regna nisi magna latrocinia?.. Conside- ret ergo princeps consueludines quibus vivunt cives et leges quibus reguntur sub eo singulae civilates, et quod inventum fuerit dominicae legi contrarium fiat de medio ne populus vivat sine lege (1). Saint Louis, mourant en Afrique, disait aussi à son fils : Maintiens les bonnes coutumes et abaisse les mauvaises (2). Dans la patrie même de Guibert, il existait une de ces mauvaises coutumes qui remontait aux temps barbares. Les haines privées que la hache de Frédegund avait vaine- ment frappées au VE siècle s'étaient perpétuées sans s'affai- blir, et avec elles avait passé de génération en génération l'usage du wehrgeld qui permettait de racheter, moyennant quatre livres parisis, les sentences de ban prononcées pour meurtre. Saint Louis supprima, à Tournay, le wehrgeld , par uné mémorable ordonnance qui fut accueillie avec d'autant plus de joie, que l'ordre et la paix allaient succé- der à des souvenirs pleins d’anxiété, de luttes et de deuil. S'il est impossible de déterminer dans des questions spéciales et isolées l'influence que Guibert de Tournay put (1) Epist. IT, pars I, c. V, VI, pars II, c. I; epist. III, c. IV. Guibert de Tournay se plaint vivement des exactions des prévôts et des officiers du roi, exactions qu’arrêla la sévérité de saint Louis : officiales, dit-il quelque part, ab hoc verbo : officio, officis, quod est : noceo, noces, non ab hoc nomine : officium, officit, videntur vocabulum mutasse.. Pix est, excepto Principe, qui tantis malis valeat efficaciter obviare. Il les appelle : infamis familia Hellekini. Sur la Mesnie Hellequin , voyez les Manuscrits fran- gais de M. Paulin Paris, t. I, p. 522. (2) Consuetudines iniquas et pravas quantumceumque longaevas, si commode poterant , aboleri jubebat. Guillaume de Chartres, ap. Duchesne, V, p. 471. ( 504 ) exercer sur Louis IX, on peut aflirmer qu’elle ne fut pas sans quelque fruit, puisque le roi de France réelamait ses conseils. Guibert de Tournay, qui jouissait d’une si haute renommée que le pape Alexandre [IV lui écrivit deux fois pour l’engager à poursuivre ses travaux (1), se comparaît, comme Horace, à la pierre modeste sur laquelle s'aiguise le fer: « Je rends grâce au Ciel, roi très-clément, écrivait- » il à saint Louis, de ce que vous écoutez si volontiers ce » qui vous est utile ou nécessaire, et quelque occupé que » soit votre esprit du soin assidu de rendre la justice, » vous aimez à le nourrir par la lecture et de saintes mé- » ditations (2). Ailleurs, il ajoute : « C’est à votre désir » que j'obéis en poursuivant la tâche que j'ai commen- » cée (5); » et cette seconde lettre fait suite à celle où il avait retracé les revers de la croisade. Saint Louis aimait lui-même à raconter ce qu'il y avait souffert. La piété qui avait allégé le poids de ses chaînes en rendait aussi le sou- venir moins amer, et Guibert de Tournay exprimait la pensée du roi quand il lui disait : Flagellat Dominus jus- tum ut vexatio intellectum tribuat ad cautelam et cautela cedat ad gloriam et coronam. Il est assez remarquable que le manuscrit unique du livre : De eruditione requm, porte sur la reliure, qu'il reçut au XVI° siècle, les fleurs de lis mélées aux salamandres de François 1”. Le manuscrit de Guibert de Tournay avait- il été excepté des livres légués par saint Louis à divers (1) Guibertus de Tornaco in studio Parisiensi tanti nomäinis vir ut bis eum Alexander pontifez suis litteris excitaret ad scribendum. Wad- ding, #nn. ord. fr. min. IV, p. 57, (2) Epist. I, prol. (5) Epist. IT, c. I. ( 305 } monastères, et fut-il l'un de ceux qui formèrent plus tard la bibliothèque du Louvre, si fréquemment mutilée on dis- persée? Que devint-il après y être resté jusqu’au jour où François [”, revenant de sa prison de Madrid, eût pu y chercher les enseignements providentiels qui n'avaient pas manqué à saint Louis dans sa captivité d'Égypte? Une seule hypothèse offre quelque vraisemblance. Jean de Witte, évêque de Cuba, l'obtint peut-être de la reine Éléonore dont il était aumônier , et celui-ci, avant de mourir à Bruges, le 15 août 1540, put le déposer au milieu des ma- nuserits de l’abbaye des Dunes, où Sanderus le vit en 1638. Notice concernant l'extinction de l'esclavage; par M. le che- valier Marchal, membre de l'Académie. Lorsqu'au mois de février dernier, j'ai lu une notice concernant le siége de Metz, en 1559, par l’empereur Charles-Quint, je ne pouvais y intercaler, sans en inter- rompre le récit par un fait étranger, l’anecdote recueillie par les historiens contemporains de ce siége, qui nous apprennent que Davila, général de la cavalerie espagnole, réclama du duc de Guise, commandant en chef la défense de la place, pour le roi de France, un esclave qui lui ap- parlenait et qui s'était réfugié dans la ville de Metz, Le duc de Guise répondit que cet esclave avait acquis son affranchissement, par le fait de son entrée dans une ville de la domination française, et qu'il ne pouvait le restituer. Ferrière reproduit cette anecdote dañs une note ajoutée à sa traduction des Institutions (1, 74). Il fait observer ( 506 ) que c'était selon l’ancienne et sage coutume de France, qui interdit l’extradition des esclaves et l'esclavage. En effet, l'édit du 5 juillet 4515 de Louis X le Hutin, roi de France, qui est imprimé, entre autres, dans le Re- cueil des ordonnances des rois (1, 585), a pour objet l’af- franchissement de la servitude personnelle, sans aucune formalité et sans aucune exception. Antérieurement , il y avait un édit de 1270, du roi saint Louis, qui déterminait la forme des affranchissements. On lit au texte de l’édit de 1515: « Comme, selon le droit de nature, chacun doit naître franc, et comme la'ser- vitude moult nous déplait, considérant que notre royaume est dit et renommé le royaume des Frances, et voulant que la chose, en vérité, soit d'accord avec le nom, avons or- dené et ordenons à tous lieux, villes et communautés et personnes singulièrement et généralement, que par tout notre royaume les serviteurs seront amenés à franchise. » L’exécutoire qui termine cet édit est ainsi rédigé : « Or- denons en mandement à tous nos justiciers et subjects, que en ces choses ils obéissent et entendent diligemment. » Je necommenterai point la définition donnée par l'Espril des lois de Montesquieu (XV, 10), qui distingue la servitude personnelle ou l'esclavage, et la servitude réelle frealis) ou des choses (rerum) qui est le servage; je ferai observer seulement qu'avant l'édit de 1515, l'esclavage existait en France et en Lorraine, mais que, avant l’année 1506, il était aboli en Brabant. Cependant, malgré l'influence du christianisme, qui désapprouvait cet usage contraire à l'É- vangile, on n’a point pu l’anéantir avant le XEV° siècle. Pour le démontrer, je me borne à choisir trois cita- tions à des époques réciproquement fort éloignées, dont la deuxième se rapporte à l'Angleterre. (507 ) 4° En l’année 649, le jeune roi de Neustrie, Clovis IT, épousa Bathilde, qui est admise au nombre des saintes, comme on le voit à la collection des Bollandistes, au 26 janvier (MS 761). Elle était née anglo-saxonne; elle fut enlevée par des pirates qui la vendirent à Erchinowald, maire du palais. Vili praetio venundata. Celui-ci la céda au roi. Cette vente d'une jeune esclave était conforme aux coutumes anglo- saxonnes et frankes. % Je consulte une note de l'Histoire de l'Europe au moyen âge, par M. Hallam (IV, 154), en ce qui concerne l'Angleterre. Il dit, d’après le témoignage de Gyraldus Cambrensis , que les parents vendaient leurs enfants et que les hommes vendaient les femmes avec lesquelles ils avaient vécu en concubinage. M. Hallam ajoute la citation d’un des canons du concile de Londres en 1102, qui porte ces mots : Qu’à l'avenir personne ne se permelle d'exercer ce criminel trafic, en vendant ses semblables comme des bêtes brutes. En effet, on lit au canon XXVIT (Voir Acta conciliorum) : ne quis illud nefarium negocium , quo hactenus in Anglià solebant homines, sicut bruta animalia venundare, deinceps nullatenus facere praesumat. Depuis le concile de Londres que je cite, cette coutume est tombée en désuétude en Angleterre; elle n'y existait plus au XVI: siècle; car je dois ajouter qu’un acte du pre- mier Parlement d'Édouard VI, en 1547 (ch. IL, 5), porte ces mots : Vagabonds running away from their masters shall become slaves and may be sold or slept to work, in chains and iron on the neck, ete., ele. « Les vagabonds qui se sont enfuis de leurs maitres, deviendront esclaves et peuvent être vendus pour deux ans, mis à la chaine, ayant ( 508 ) un collier de fer pour travailler. » L'acte ajoute qu'ils seront marqués d'un V, c'est-à-dire Vagabond, sur la poitrnie, et seront nourris au pain et à l’eau. En cas de récidive, ils seront marqués d'un S, c’est-à-dire Slave (esclave), sur le front : leur esclavage sera de cinq ans. Les enfants vaga- bonds seront mis en louage ou vendus comme esclaves pen- dant un certain temps. Ce vagabondage était la conséquence des troubles de religion. Cet acte fut rappelé (rappeeled), c'est-à-dire abrogé par les 5° et 4° parlements du même roi, en 1549 (voir XVI, 501 de la Collection des records). C'é- tait, par conséquent, la punition temporaire des vagabonds. Il n’y avait donc plus d’esclavage d’une caste d'habitants. J'ignore, ne connaissant pas assez les lois anglaises, à quelle époque avant les chartes de Charles IT et de Guil- laume et Marie en Angleterre, sur la liberté publique, l’affranchissement des esclaves fut officiellement décrété. Selon l'Encyclopédie de Chambers (Londres, 1745), tout esclave étranger devient libre par le seul fait de son débar- quement dans les îles Britanniques. Il dit qu'il y a d’au- tres règlements pour les nègres des Antilles. 5° En l’année 1165, selon la chronique du monastère de Vezelise, imprimée dans la collection de dom Bouquet (XII, 241), l'abbé soutint un procès pour se maintenir dans la possession d'un esclave qui était cuisinier de l’ab- baye. 11 disait à la partie adverse : Et ait abbas : Andreas de Palude nihil omnino ad te pertinet , meus est a planta pedis usque ad verticem, sicut servus proprius monasteri. Un peu plus loin, il réplique que ce serviteur ne possède rien, pas même sa personne, nudo corpore. Je transeris ces deux mots du texte latin. Le 5 octobre 1685, Louis XIV fit publier un édit con- cernant les esclaves dés colonies que les maitres envoyaient ( 309 ) dans la métropole pour les faire instruire dans la religion ou pour leur faire apprendre un art ou un métier. Le maitre, pour conserver ses droits sur l'eselave et le rap- peler aux colonies quand il le voulait, devait faire une déclaration au départ du navire qui sortait d’un port de la colonie, el une seconde déclaration à l’arrivage en France. Je reviens à ce qui concerne la Belgique. L’édit de 1515 fut exécutoire en Flandre et en Artois, qui étaient, au XIV° siècle, des fiefs de France du ressort du parlement de Paris. En Hollande et en Zélande, l'esclavage était tombé en désuétude depuis un temps immémorial, comme le démontre l'ouvrage de Groenenwegen, De legibus abro- gatis. En Brabant, il y a la date certaine de 1506, par conséquent de neuf ans antérieure à l’édit de 1515. En effet, outre les manuscrits du XV° et du XVE: siècle, qui sont à la Bibliothèque royale, je dois citer l'édition de 1580, des coutumes d'Anvers, que Plantin a imprimée. On lit au commencement du texte : Extract uit zekere pri- vilegie by hertog Jan (den tweeden) van Brabant, gegunt ende verleent den wethouderen der stadt van Antwerpen, ter date 1506 op S'-Nicolaes dach. Il y a ensuite la confirma- tion de ces priviléges, en 1578, par Philippe I. On y lit au premier article du titre qui concerne les conditions des personnes (p. 159) : Alle slaven binnen de stadt oft vryheydt gecommen wesende, syn vry en builen de macht van huer- lieden meester oft vrouwe. « Tous les esclaves qui viennent dans la ville d'Anvers ou ses franchises sont libres et hors de la puissance de leur maître ou maitresse. » Cet article ajoute, pour en assurer l’exécution : Ende s00 verre men die wilde als slaven houden, etc. « Et si l’on voulait les main- tenir pour esclaves et les forcer de servir, ils peuvent pro- clamer la liberté de la patrie (proclameren AD LIBERTATEM (510 ) PATRIAE), el leur maître ou maîtresse sera assigné devant la loi, pour les voir légalement déclarés libres. » Le simple bon sens fera tirer la conséquence que si un esclave arri- vant au port d'Anvers, en 1506, était affranchi par le seul fait de son arrivée, il n’y avait point d'esclaves dans le pays. En voici une application à la Belgique entière par un acte officiel de 1551 (vieux style), qui est par conséquent de 21 ans antérieur à la réponse de M. de Guise, pendant le siége de Metz, à la fin de 1552. L’ambassadeur du roi de Portugal, dans les provinces des Pays-Bas , fit réclamer à l'empereur Charles-Quint, par un facteur, la recherche d’un esclave qui s'était évadé. Voici le texte de la requête que je transeris du manuscrit 16021. « À L'EMPEREUR ! » Remontre en toute humilité le facteur de Portugal, au nom de l'ambassadeur étant présent vers Votre Majesté, comment mondit ambassadeur a dès longtemps achepté un esclave nommé Simon, ayant couleur brune , appelée blanc-more, signé en ses joues, à savoir, d'un côté, 3. et de l’autre côté, d’un M. Or est que dez votre dernier parte- ment de ceste votre ville de Bruxelles pour les Allemaignes, ledit esclave s'en est allé avecq mondit S° l'ambassadeur jusqu’à Mayence, là où ledit esciave s’est enfui et depuis retourné en vos pays de par deçà. » Pourquoi vous supplie très-humblement ledit facteur, au nom dudit ambassadeur, que votre très-noble plaisir soit, lui accorder vos lettres-patentes par lesqnelles soit ordonné et commandé à vos ofliciers de vos pays de par deçà, qu'en tel lieu où ledit esclave soit trouvé, ils le pren- nent prisonnier et le délivrent ès mains dudit facteur ou sou commis, pour en faire son bon plaisir, et ce en suivant (511) la coutume d’Espagne, à cause que ledit esclave lui com- pète et appartient par achat, comme ses propres biens, et ferez bien. » La reine de Hongrie, alors gouvernante générale, envoya cette requête, par lettre du 6 mars 1551 (v. st.), à avis du grand conseil de Malines, qui répondit le lendemain 7 mars : « MADAïE, » Par votre ordonnance, nous avons vu et visité la re- quête du facteur de Portugal, qu'il a plu à Votre Majesté nous envoyer pour y bailler notre avis, et ayant sur icelle bien pesé et délibéré, il nous semble que le suppliant n’est fondé en sa requête, et que ce qu’il requiert ne peut lui être accordé, eu égard à la nature et liberté du pays de par deçà, où l’on n’use pas de servile condition, quant à la personne; lequel notre avis avec la susdite requête nous renvoyons, Madame, pour en être fait et ordonné à votre bon plaisir. » C'est dans la même intention qu'en l'année 1540, Charles-Quint, né et élevé aux Pays-Bas, faisait rédiger, en sa qualité de roi d'Espagne, les instructions qu’il donnait à Vaca del Castro qu'il envoyait au Pérou pour organiser ce nouveau royaume. Il lui prescrivait d'interdire à tous les caciques de vendre ou d’acheter des esclaves ; mais on n'y tint aucun compte de ses ordres; j'invoque le témoignage de l’Histoire de l'Amérique, par Herrera (1, 595), qui le déclare. Voici un autre exemple de la liberté des esclaves dans nos contrées; je l'extrais du MS. 15245. Le 11 mars 1755, la gouvernante générale, Marie- Élisabeth, transmit au conseil privé une réclamation du 23 février précédent, d’un capitaine de navire anglais, qui se plaignait qu’à son arrivée dans le port d'Ostende , un (12) esclave mexicain, qui lui appartenait, lui ayant demandé là permission de débarquer pour aller entendre la messe dans une église de la ville, s'était réfugié dans un corps de garde. En conséquence, le capitaine anglais, son maître, le réclama au gouverneur, parce que l'autorité communale avait fait mettre cet esclave en dépôt dans la prison de la ville, en attendant les ordres de l'autorité supérieure. Le conseil privé ayant été consulté, répondit à la gou- vernante générale, en se référant à la coutume d'Anvers que j'ai déjà citée, et à la décision du 6 mars 1531 que j'ai transcrite. Les conclusions du conseil privé étaient en ces termes : Qu'il n’y avait pas lieu à‘restituer l’esclave qui était affranchi par son arrivée aux Pays-Bas. En consé- quence, la gouvernante générale des Pays-Bas fit écrire ce qui suit au gouverneur d'Ostende : « Marie-Élisabeth, etc., etc. Très-cher et bien aimé. Rapport nous ayant été fait de votre représentation du 25 février dernier, au sujet d'un certain Antonio Bartho- lomeo de Lion, natif de Mexico, esclave de Juau Blanco, capitaine d’un navire anglais, lequel esclave, arrivé au port d’Ostende, s’est rendu en ladite ville et y aurait réclamé sa liberté. » Nous vous faisons la présente pour vous déclarer, comme nous déclarons par cette, que ledit Antonio Bar- tholomeo de Lion est à réputer comme une personne libre de condition, dès son entrée dans la ville d'Ostende, sui- vant les lois et usage des États de Sa Majesté dans les pro- vinces des Pays-Bas de son obéissance, pour tant qu'il ne peut ni ne doit être restitué à son maître, mais qu'il doit jouir de la liberté dont jouissent les habitants de ces Pays- Bas, selon que vous aurez à vous régler. À tant, elc., elc. » Fait à Bruxelles, le 45 avril 1735. » ( 15 ) D'après cel exposé, on recounaitra que la Belgique a devancé les autres natious de l’Europe dans l'abolition oflicielle de l'esclavage. Un membre fait remarquer que la Revue archéologique publiée à Paris contient, dans sa livraison du 15 mars 1855, une note portant que l’Académie royale belge d'his- loire et de philologie à élu parmi ses membres étrangers M. le baron Chaudrac de Crazaimes, et qu’à la table de la même livraison M. le baron Chaudrac est qualifié de mem- bre étranger de l’Académie royale de Belgique. L'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux- arts, établie à Bruxelles sous la protection du Roi, étant la seule à qui ce dernier titre appartienne, il est résolu de relever, dans le Bulletin, l'erreur commise par la Revue archéologique de Paris. (514) CLASSE DES BEAUX-ARTS. Séance du 7 avril 1853. M. RoELanor, directeur. M. Querecer, secrétaire perpétuel. Sont présents : MM. Alvin, Braemt, F. Fétis, G. Geefs, Van Hasselt, Hanssens, Navez, Eug. Simonis, J. Geefs, E. Corr, Snel, Fraikin, Baron, Éd. Fétis, membres ; Calamatta , associé; Bosselet et Balat, correspondants. CORRESPONDANCE. M. le Ministre de l’intérieur fait parvenir à l'Académie, pour être déposées, dans son médailler, quarante-huit médailles historiques, avec la promesse que la Compagnie sera dorénavant comprise parmi les institutions auxquelles le Gouvernement distribue les médailles provenant de commandes ou de souscriptions. — Remerciments. M. Jouvenel , correspondant de l’Académie, fait égale- ment hommage de deux médailles qu'il vient de terminer. — M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédi- tion d’un arrêté royal du 7 mars, qui fixe les frais de route (515) et de séjour, tant de la Commission royale des monuments que des jurys ou commissions temporaires que le Gouver- nement institue dans un but scientifique, littéraire ou artistique. — Par une autre lettre, M. le Ministre de l’intérieur exprime le désir de voir terminer le plus promptement pos- sible le nettoyage de la statue en albâtre, que M. Melsens a bien voulu entreprendre, d’après les procédés chimiques qu’il a indiqués. — M. Peut de Rosen demande que la classe veuille bien lui renvoyer le manuscrit de la notice qu'il lui a commu- niquée dans une de ses précédentes séances. Le renvoi est ordonné. — M. P. Scheltema, d'Amsterdam, fait hommage d’une notice sur Rembrandt. — Remerciments. RAPPORTS. Sur une symphonie à grand orchestre el une ouverture dite d'André Vésale, composée par M. E. Lassen, lauréat du grand concours en 1851. M. Fétis, président de la section permanente du jury des grands concours de composition, donne lecture du rapport suivant sur l’ouvrage de M. Lassen : « Conformément aux prescriptions du règlement des grands concours de composition, M. Lassen, lauréat de Tome xx. — ['° parT, 56 (516 ) 1851 , a fait parvenir au Gouvernement, à la fin de la première année de ses voyages à l'étranger, une symphonie et une ouverture à grand orchestre. Celle-ci, composée pour le drame joué au théâtre royal de Bruxelles, sous le titre d'André Vésale , n’a pas été exécutée. Renvoyés à la classe des beaux-arts de l’Académie royale de Belgique par M. le Ministre de l'intérieur, avec demande d’un rap- port, ces ouvrages ont été soumis à l'examen des membres de la section de musique qui composent le jury permanent des concours. Cet examen a donné lieu aux observations consignées ci-après. Le début de M. Lassen dans la cantate sur le sujet de Balthasar , couronnée en 1851, a révélé chez ce jeune artiste un heureux instinet de l’expression dramatique, de la nouveauté dans les idées, et de l’habileté dans l'usage des ressources de l’instrumentation. Dans la symphonie qu'il soumet aujourd’hui au jugement du jury, il a dû sa- tisfaire à d’autres conditions; car le sentiment dramatique ne peut entrer que secondairement dans ce genre de composition , à moins que la symphonie n’appartienne au genre spécial qu’on a essayé de mettre en vogue dans ces derniers temps, et dont l’objet est de faire de la musique instrumentale une sorte de drame sur un sujet donné. Telle n’est pas la symphonie de M. Lassen. Ce jeune artiste ne s'est pas proposé d'autre sujet que sa propre pensée; la forme qu’il a adoptée a de l’analogie avec celle, des der- nières symphonies de Mendelsohn Bartholdy. La première partie (Allegro con brio) a pour phrase principale une mélodie gracieuse bien ramenée dans le cours du morceau, mais qui ne se distingue point par un caractère marqué d'originalité. En général, cette partie de. l'ouvrage est peu riche d'inspiration, et l'on voit que ( 17 ) lé compositeur s'est surtout préoccupé des-détails et des eflets ; tendance qui, malheureasement, est celle de l'é- pôque actuelle. Une autre remarque eritique peut être faite à M. Lassen sur l'harmonie de ce morceau; harmonie surclrargée d’altérations, ét souvent tourmentée jusqu’à l'incorrection. Dans les autres parties de l’onvrage, elle est beaucoup plus simple et plus naturelle. Le tlième de la deuxième partie (andante) est plein de charme et de naïveté. Distingué par le sentiment mélo- dique et par la pureté de l'harmonie, ce morceau se fait aussi remarquer par des épisodes imprévus , bien que non étrangers au caractère général de l’ouvrage, et par des mo- dulations heureuses. Dans le scherzo, qui forme la troisième partie de la symphonie, M. Lassen n’a rien changé à la forme de Beet- hoven, qui paraît avoir été son modèle; mais le thème est bien choisi et les détails sont traités avec beaucoup d’art. La partie de l'ouvrage où l’auteur montre l'originalité la plus évidente est le finale, dont le mouvement est vif, et dont le thème a de la fantaisie. L'idée principale est bien conduite, bien développée, et les détails ont beaucoup de piquant. Dans les effets d’instrumentation, on remarque d’heureuses oppositions; enfin , la péroraison a de la verve et de l'entrain. Au résumé, le jury est d'avis qu'après avoir fait la part d’imperfections inséparables des premiers ouvrages d’un jeuné artiste, dont le talent subit toujours certaines in- fluences d'époques, il y a dans la symphonie de M. Lassen un mérite réel et distingué qui témoigne en faveur de la bonné direction qu’il donne à ses travaux, et qui est d’un favorable augure pour l'avenir. L'ouverture d'André Vésale n'est pas du nombre de celles (518 ) dans lesquelles un ou plusieurs thèmes des morceaux d'un opéra sont repris par le compositeur , traités de nou- veau et cousus avec plus ou moins d’habileté : bien que destinée à servir d'introduction au drame dont elle porte le nom , elle appartient au genre imaginé depuis environ vingt-cinq ans, et qu'on désigne sous le nom d'Ouvertures de concert. À vrai dire, Cest une symphonie d’un seul morceau. Le coloris en est sombre et vise à l'effet drama- tique. Après une introduction dans un mouvement lent, “vient un allegretto gracieux et naïf dont le thème n'est malheureusement pas développé, et qu’on regrette de ne pas voir reparaître, Le mouvement vif (allegro agitato) est établi sur deux phrases principales, l’une rhythmique, l’autre mélodique, lesquelles dialoguent et se font opposi- tion. M. Lassen a fait preuve d’habileté dans l’enchai- nement de ces phrases et la diversité des formes sous lesquelles il les représente. Distinguée aussi par lélé- gance de son harmonie et de son instrumentalion, ainsi que par son caractère chaleureux et passionné, l'ouverture d'André Vésale ajoute à la bonne opinion que le jury a de l’avenir du jeune compositeur dont elle est l'ouvrage. » Rapport de M. Snel. « La première partie de la symphonie de M. Lassen ne brille ni par le style ni par l'inspiration, et l’on n’y trouve pas une mélodie caractéristique qui puisse charmer l'oreille et toucher le cœur. Le thème n’est pas d’une originalité bien tranchée, mais il est ramené par des combinaisons heu- reuses dans le cours du morceau. Cet allegro, d'une couleur (519) orchestrale allemande, parait être écrit avec quelque peine; il contient des transitions trop brusquement amenées et des passages dont l’harmonie est tourmentée à l'excès. La seconde partie (andante) contient quelques dessins mélodiques empreints d'une grâce et d’une délicatesse infi- nies; l'harmonie en est distinguée sans trop de recherche, et l'instrumentation s’y fait remarquer par des combinai- sons qui doivent frapper l'oreille d’une manière agréable. Le scherzo, qui forme la troisième partie de Ja sym- phonie, est écrit dans la mesure à trois temps brefs, comme ceux de Beethoven que M. Lassen paraît avoir pris pour modèle. Ce morceau, sans être bien original, est habile- ment développé; il est vif, brillant et plein de verve. Le final, écrit également dans un style vif bien déve- loppé et d’un dessin original, contient de charmants dé- tails sous le rapport de l'harmonie et de la modulation; ce morceau est, à mon avis, ce qu'il y a de plus remar- quable dans la symphonie, et il fait honneur au savoir et - au goût de M. Lassen. Quant à l'ouverture d'André Vésale, je partage entière- ment l'opinion énoncée sur cette composition par mon honorable collègue M. Fétis; mais, pour être sincère, j'a- jouterai que des divers morceaux soumis à mon examen, l'ouverture d'André Vésale m'a paru le moins remarqua- ble. » M. Hanssens, troisième commissaire, appuie les con- clusions de ses collègues, lesquelles sont adoptées par la classe : il en sera donné communication à M. le Ministre de l’intérieur. Rapport de M. Navez sur la dernière communication faite à l'Académie royale d'Anvers, par M. Carlier, lauréat du grand concours de peinture. « L'auteur de la lettre sur laquelle je suis appelé à vous adresser un rapport, M. Carlier, n’a pu examiner encore, en Italie, que les coloristes, c'est-à-dire les maîtres de la fin du XVI siècle et ceux du siècle suivant. Or, n’ayant - rien vu de bien remarquable de cette primitive école de la renaissance, du XIII, du XIV* et du XV:* siècle, je m'étonne qu'il juge si sévèrement le Giotto, dont il trouve l'exécution très-ordinaire, ajoutant toutefois que, par exé- cution , il entend le dessin et le modelé, tandis que l'exé- cution embrasse l’ensemble d’un ouvrage dans tous ses rapports avec la conception. Vous le savez, Messieurs, une foule d'artistes ont dessiné et modelé des têtes et des mains, souvent avec plus d'exactitude que Rubens, Titien et d'an- tres chefs d'école, et sont restés cependant dans la médio- crité à défaut de génie et de talent, qui seuls font les grands maitres. Nous en appellerons plus tard à M. Carlier lui-même, lorsqu'il aura sévèrement étudié les grands ar- tistes postérieurs au Giotto et qu’il aura apprécié toute la grandeur que cet artiste célèbre a léguée à ses successeurs; il reconnaîtra alors que l'exécution est toujours relative à l’époque où l’on existe. Notre jeune artiste a jugé trop légèrement cette époque, qu'il représente à tort comme stationnaire. Sans doute, elle n’a pas franchi d’un bond l'espace immense qui la sé- pare du siècle suivant; mais elle a eu des hommes de génie, de jugement solide et d'admirable persévérance, qui ont ( 524 ) fixé le principe du grand, du vrai et du beau. Simon Memmi , Orcagna, Gaddi, ete., ete., que M. Carlier ap- précie un peu en écolier, sont des maîtres dans la grande école, et j'aime à croire qu'il les reconnaitra comme tels après avoir vu le cimetière de Pise. Masaccio fat certainement le précurseur de la belle épo- que du XVF siècle, et M. Carlier l'a compris; il est à regretter toutefois que, pour le louer, il l'ait félicité d'a- voir banni le caractère barbare de ses prédécesseurs. Ce qu'il appelle barbarie est une admirable naïveté dont la tradition , hélas, est perdue! L'auteur du rapport se trompe également en prétendant retrouver dans le Poussin la reproduction des types de Masaccio. À son époque, on recherchait d’autres carac- tères, et l'on se livrait, par conséquent, à d’autres études; chacun sait que le caractère de l’école florentine s’est arrêté à Michel-Ange, à Raphaël et aux grands maîtres du com- mencement du XVI siècle. M. Carlier juge avec beaucoup d'élévation et de senti- ment les œuvres d’Angelo de Fiesole. Je l’en félicite, parce que c’est un des hommes de cette époque, qui ne se servi- rent de leur art que pour exprimer tout ce que leur âme avait d'élevé et de céleste. Son jugement sur les maîtres de la même époque, Benedetto Gozzoli, Lippi, etc., est assez juste, et la préférence qu'il accorde à ce dernier, l’analyse raisonnée qu’il fait de ses œuvres, sont bien ex- posées. J'aime aussi son appréciation de Ghirlandaïo, pour qui il professe une grande admiration, admiration bien fondée ; on comprend qu'un tel homme pouvait, par son génie, par son talent, par le caractère si vrai de ses per- sonnages, par son grand respect pour la nature, former Michel-Ange. Par contre, il n’est pas aussi heureux dans (52) le parallèle qu’il établit entre Fra Bartholomeo et André del Sarte. Tous deux portent certainement le caractère de leur époque et de leur école; mais celui-là a été dominé par la grandeur et l'élévation du style, tandis que celui-ci semble souvent ne pas y penser et n'avoir d'autre but que d’émouvoir par l’expression et le pittoresque de ses drape- ries : Ses ajustements n’ont rien du caractère sévère et imposant de Fra Bartholomeo. Ces deux hommes n’ont entre eux d'autre rapport que de rappeler une belle époque, mais dont les principes ont été différemment appliqués. Le jugement du jeune artiste sur le Pérugin est trop sé- vère, et nous l’attendons à plus tard, quand il aura vu et étudié les œuvres de cet homme à Pérouse. Malgré l’uni- formité de ses compositions et du caractère de ses têtes, il faut reconnaitre, dans ses œuvres, un grand sentiment du beau et une admirable simplicité ; Raphaël lui-même, ne l’a jamais oublié. L'on trouve le Pérugin dans la Gloire de la Dispute du S'-Sacrement, et j'oserais même avancer, dans ce que Raphaël a produit de plus sublime : le Christ de la Transfiguration. Nos observations ne tendent cependant pas à contester le mérite du rapport de M. Carlier; nous le louons même avec plaisir, tout en en critiquant certaines parties, parce que ce rapport prouve des études sérieuses, études dont nous espérons voir un jour faire une heureuse applica- tion. » Une copie de ce rapport sera transmise à M. le Ministre de l'intérieur. (525 ) COMMISSION DES INSCRIPTIONS POUR LES MONUMENTS PUBLICS. M. le secrétaire perpétuel fait connaître que la commis- sion s'est réunie avant la séance. M. Alvin a présenté, pour l'église de S'-Aubin, à Namur, le projet suivant d'inscrip- tion, que la commission croit devoir présenter à l'appro- bation de la classe. ÉGLISE DE SAINT-AUBIN (à Namur). Au X® siÈèCLE. — SIMPLE CHAPELLE HORS DES MURS. 1047. ÉRIGÉE EN COLLÉGIALE, PAR LE COMTE ALBERT Il. 1539. ÉRIGÉE EN CATHÉDRALE, 4750. DÉMOLITION DE L'ANCIENNE ÉGLISE. 21 suix 4750. Pose DE LA PREMIÈRE PIERRE DE L'ÉGLISE ACTUELLE. 1767. ACHÈVEMENT. 20 serTEMBRE 1772. DÉDICACE. STYLE MODERNE. ArCHIT. : P1ZZONI. Long. 78 mèt., dont 29 m. pour le chœur. Dimensions. | Larg. 53 mèt. aux transepts, 35 m. aux nefs, 17 mèt. dans le chœur. M. Schayes a promis de présenter, dans la séance sui- vante, une liste des édifices anciens et modernes qui parais- sent mériter de recevoir des inscriptions. Les membres de la commission pourront alors indiquer plus facilement les monuments dont ils désirent rédiger les inscriptions, (324) OUVRAGES PRÉSENTÉS. f A la mémoire de Charles-Joseph-Emmanuel Van Hulthem ; par M. Ch. Morren. Liége, 1853; 4 broch. in-8°. Biographie de Louis-Jean-Francois Legrelle-d'Hanis, d'An- vers; par M. Ch. Morren. Liége, 1853; 1 broch. in-8°. Deux monnaies italiennes du XV/II° siècle ; un sol de déciane, un daldre de Correggio, par Renier Chalon. Bruxelles, 1853; 1 feuille in-8°. ; Cours élémentaire de culture maraichère, publié sous le patro- nage de la Société nationale d'horticulture de la Seine, par Cour- tois Gérard. Édition belge, augmentée d'articles signalés par un * et de notes sur les climats comparés de Bruxelles et de Paris ; par H. Galeotti. Bruxelles, 1853; 1 vol. in-32 Carte topographique des environs du camp de Beverloo, en 90 feuilles. Feuilles n° 8, 9, 13, 14 et 19, et tableau d’assem- blage. Bruxelles, 1848-1853; G cartes in-plano. Ministère de l'intérieur. Rapports et documents officiels rela- tifs à l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative, d'après le procédé de M. le docteur Willems. Bruxelles, 1853! 1 vol. in-8°. Notice sur Jean-François Lemuire, professeur à l'Université de Liége, par A.-C. De Cuyper. Liége, 1853; 1 broch. in-8°, Introduction à l'étude de la science de La méthode, par Louis Bara. Bruxelles, 4853; 1 vol. in-32. Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de la Société numismatique, par MM. R. Chalon, L. Decoster et Ch. Piot, 2 série. Tome HE, 4° livraison. Bruxelles, 1853; 4 broch. in-8°. Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VII, 03, mars 1853. Bruxelles, 1 broch. in-8°. (325) Bulletin de l'institut archéologique liégeois. Tome 1, 2° livrai- son. Liége, 4853; 4 vol. in-8°. Annales de la Société pour la conservation des monuments his- toriques et des œuvres d'art, dans la province de Luxembourg, 1849-1850 et 4850-1851. Arlon, 1852; 1 vol. gr. in-8°. Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono- mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction princi- pale de M. Charles Morren. Avril 4853. Liége, 1 broch. in-8°. Journal d'horticulture pratique de la Belgique; directeur : M. Galeotti, 11° année, n° 1. Bruxelles, 14853; 1 broch. in-8°. Flore générale de lu Belgique, contenant la description de toutes les plantes qui croissent dans ce pays; par G. Mathieu 9e livraison. Bruxelles, 1853; 1 broch. in-8°. Le jardin fleuriste, journal général des progrès et des intérêts horticoles et botaniques, rédigé par Ch. Lemaire. Vol. IV, 2° et 5° livraisons. Gand, 1853; 1 broch. in-8&°. Journal belge de l'architecture et de la science des constructions, publié sous la direction de MM. C.-D. Versluys et Ch. Vanderau- wera, 6° et 7° livraisons. Bruxelles, 4853; 2 broch. in-4°. Le Moniteur de l'enseignement, publié sous la direction de Fréd. Hennebert. Nouvelle série. TomeIll, n° 9 à 11. Tournay, 4853; 2 broch. in-&. Le Moniteur des intérêts matériels. N® 15 et 16. Bruxelles, 1853; 2 feuilles in-plano. Journal historique et littéraire. Tome XIX, 12 livr., avril 1853. Liége; 1 broch. in-8°. Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Tome XII, n° 5. Bruxelles, 1853; 1 broch. in-8°. Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 41° année. Avril 4833. Bruxelles, 1 broch. in-£°. La presse médicale belge ; rédacteur : M. J. Hannon. 5° année. N°5 45 à 17. Bruxelles, 1853; in-4°. (526 ) La santé, journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs : MM. A. Leclereq et N. Theis. 4° année, N° 19. Bruxelles, 14853; 4 broch. in-8°. | Annales de médecine vétérinaire, publiées à Bruxelles, par MM. Delwart, Thiernesse, Demarbaix et Husson. 2° année. Avril 1853, 1 broch. in-8°. Annales de la Société de médecine d'Anvers. 14° année. Livrai- son de mars 1853. Anvers; { broch. in-8°. Annales et bullelin de la Société de médecine de Gand. 19° année, 1° et 2 livraisons. Gand, 1853; 1 broch. in-8°. Annales médicales de la Flandre occidentale, publiées par les docteurs Vanoye et Ossieur. 2° année. 6° livraison, 1852-1853. Roulers; 1 broch. in-8°. Le scalpel ; rédacteur : M. A. Festraerts, à° année. N° 95 et 26. Liége, 1853 ; in-4°. Rapport , fait par la Commission générale pour la reconnais- sance géologique de la Néerlande, sur les recherches exécutées par ordre du Gouvernement pendant l'année 1852. Harlem, octobre 1852 ; { broch. in-4. Notice carcinologique, par J.-A. Herklots. Leyde, 1853; 1 feuille in-4°, avec planche. Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXXVI. N°° 13 et 14. Paris, 1853; 2 broch. in-#. Moyens d'améliorer les conditions physiques et morales des peuples, par Alexandre Foureault. Paris, 1853; 1 broch. in-8°. Mémoire sur l'attraction moléculaire, par Th. d'Estocquois. Besançon, 1853 ; 1 feuille in-8°. L'Athenaeum français, journal universel de la littérature, de la science et des beaux-arts. 2 année. N° 14 à 16. Paris, 1853; 3 doubles feuilles in-4°. Archives historiques et litiéraires du nord de la France et du midi de la Belgique. Troisième série. Tome III, 3° livraison. Valenciennes, 1852; 4 broch. in-8°. (527) Société libre d'émulation de Rouen. Bulletin des travaux pen- dant les années 1850-1851 et 1851-1852. Rouen, 1851 et 1852; 2 vol. in-8°. Congrès scientifique de France. XX° session. Arras, 23 août 1853, Programme des questions. Arras ; 1 broch. in-4°. Verhandlungen des naturhistorischen Vereines der preussis- chen Rheinlande und Westphalens. Herausgegeben von prof, D' Budge. Erster-achter Jahrgangen. Bonn, 1844-1851 ; 7 broch. in-8°. Jahresbericht des botanischen Vereines am Mittel- und Nieder- rheine. Herausgegeben von der Direction des Vereines. Bonn, 1837-1839 ; 2 vol. in-8°. Heidelberger jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der vier Facultäten. 46"* Jahrgang. 2° Doppelheft : März und April. Heidelberg, 1853; 1 broch. in-8°. _ Jahrbücher des Vereins für Naturkunde im Herzogthum Nassau. Herausgegeben von D' Fridolin Sandberger. Erstes- Siebentes Heft. Wiesbaden , 1844-1851 ; 7 vol. in-&. Philosophical transactions of the Royal Society of London. For the year 1853. Vol. 143. Part. I. Londres, 1853; 1 vol. in-4. Proceedings of the Royal Society. Vol. VI. N° 94. page 19. Londres, 1853; 4 page in-8°. — The Royal Society, 30 th. No- vember, 1852. Fellows of the Society. Londres, 1852 ; 1 broch. in-4°. Memorie dell J. R. Istituto Lombardo di scienze lettere ed arti. Volume I. Milan, 1852; 1 vol. in-4°. Giornale dell J. R. Istituto Lombardo di scienze, lettere ed arti. Tomi VI, VIle VIIL Milan, 4846 et 1847; 3 vol. in-8°. Giornale dell J. R. Istituto Lombardo di scienze, lettere ed arti e biblioteca Italiana. Nuova serie. Vol. 1, I e HI. Milan, 1847-1832; 3 vol. in-4°. Rendiconti delle adunanze della R. Accademia dei Georgofili. Febbraio e Marzo 1853. Florence, 1853; 4 broch. in-8°. ( 528 ) Rendiconto della Società Reale Borbonicu. Accademiæ delle scienze. Nuova serie, n° 6. Novembre et Décembre 1852. Naples, 1859; 1 broch. in-4°. Un caso di ermafrodito vivente neutro-laterale. Memoria del cav. Pietro Collenza. Naples, janvier 1855; 1 broch. grand in-8° Eine chemische analyse des Wassers aus der Düna und aus einem der in Riga befindlichen artesischen Brunnen, etc. Voraus- schickung einer Uebersicht der bisherigen Wirksamkeit des natwr- forschende Verein zu Riga. Riga, 1852; 1 broch. in-4. The American journal of science and arts, conducted by pro- fessors B. Silliman, B. Silliman Junior, and James D. Dana. Se- cond series. N° 43. January, 1853. New-Hawen; 1 broch. in-8°. Thirty-second congress.- First session. House of representa- tives. — William T.-G. Morton.-Sulphuric ether. Washington, 1852; 1 vol. in-8°. FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DU TOME XX. ACADEMIE ROYALE #CES, DNS LUTTRES ET DES DEAUX-AUTS Bruzrelles, le 20 avril 1853 Lettre confidentielle } Il eu € bousieut el cher Coufrece J'ai l'honneur de vous annoncer que Messieurs les Directeurs des trois classes de l'Aca- démie ont fixé les séances du mois de mai de la manière suivant Pour la Classe des Sciences, le mardi 10, à 11 heures précises du matin des Lettres, le lundi 9, à A1 heures précises du matin des Beaux-Arts, le mercredi 11, à A1 heures précises du matin Conformément à l'article 19 des Statuts organiques, les trois classes auront une séance générale, le mardi 10 mai, à À heure de relevée, pour régler entre elles les inté- réts communs. Il s'agira d'y examiner, en comité secret, les propositions suivantes 1° Les Classes de Sciences et des Beaux-Arts, ainsi que douze membres de la Classe des Lettres, demandent que les associés habitant la Belgique soient assimilés aux membres, pour ce qui concerne les jetons de présence; 2 Convenir des dispositions à prendre pour que l'Académie soit régulierement repré- sentée par des députations dans les cérémonies publiques, aux funérailles de ses membres, elc. 5° Aviser aux moyens de mettre striclement à exécution les dispositions réglemen- taires , relatives à la publication du Bulletin et contenues dans les articles 48 > , 26 et 27 du règlement général. Auæ termes de l'article 11 du réglement, la Classe des Lettres liendra sa séance publique le mercredi 14 mai, à À heure de relevée. Dans cette séance, à laquelle assistent les deux autres Classes, on proclamera les résultats du concours annuel, et il sera donné lecture du rapport fait par le jury pour le prix quinquennal de littérature française. Il a été décidé, en outre, qu'apres la séance générale du mardi 10 mai, un banquet par souscription réunira les Membres, Associés el Correspondants de l'Académie (le prix de la souscription est de huit francs, sans le vin). Comme, pour prendre les arrangements nécessaires à l'organisation de ce banquet, il importe de connaître d'avance le nombre eæact des personnes qui y prendront part, je viens vous prier, Monsieur et cher confrère, de vouloir bien faire connaître votre détermination avant le 5 mai prochain, époque où la souscription sera fermée. À cet effet , il suffira de remplir le billet ci-joint et de le renvoyer par la poste, sous bandes croisées. Agréez, Monsieur et cher confrère, l'assurance de mes sentiments les plus distingués. Le Secrétaire perpétuel de l'Académie, (1 i ik ÿ y où “(sa | ù EAU œbes D 309 Dan 9 ensyose sat VAUT: HN va 43 aislluéé ph soinaildug pi 5 sssiinlor in LeSag lasmsloñr vb TE 19 0€ . € USE DE OM MS où ml ni asie mb LE sioivunh sb osstrss xark, nan assson) w we « n VER à (NSP ACT CE LLETTTU ne 6 AE daalst ab som à pat RE shox al supiidiuy ds | où anpbrogsent4s e3rroe tt 1) utréade «roue -6 8, sir 0) Fr Je soussigné déclare souscrire au Banquet des Membres, Assoctes el Correspondants de le l'Académie royale de Belgique, qui aura lieu le mardi, 10 mai, à 5 heures, chez restaurateur Dubos, Fossé-aux-Loups l Va s _ 1 : L L =" + A A j bp | + U 'F u ù | RTE TT AT ik , ñ due rh j LP ( | Ca JM i 1 A LU H +. LA _ ; ni + ares PA | w 3 es Ko ” AE) € # # "1 + r à 4 KE Fa