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| L'ACADÉMIE ROYALE
SCIENCES , DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS
DE BELGIQUE.
TOME XX.— Jr: PARTIE. — 1853.
BRUXELLES,
M, HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE DE BELGIQUE.
1855.
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BULLETIN
DE
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à L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1853. — N° 1.
À EE
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 8 janvier 1855.
M. Sras, directeur.
M. QuereLer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, De Hemp-
tinne , Crahay, Wesmael, Martens, Dumont, Morren,
Stas, De Koninck, Van Beneden, De Vaux, Edm. de
» Selys-Longchamps, le vicomte B. Du Bus, Gluge, Schaar,
- Melsens, membres; Sommé, associé; Liagre, correspon-
dant.
M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste
| à la séance.
Tome xx. — [°° PART. Â
LE
CORRESPONDANCE.
“
I! est donné communication de lettres de l’Académie
impériale de médecine de Paris, de la Société de physique
de Francfort, de la Société linnéenne de Normandie, de
la Société royale des sciences d'Upsal, de l'Observatoire
de Washington et de l'École polytechnique de France, au
sujet de la réception des mémoires de la Compagnie.
— L'Institut des provinces de France fait connaître que
le Congrès des Sociétés savantes des départements ouvrira
sa session de 4855, le 20 janvier prochain, à 2 heures,
dans les salons du Palais Royal à Paris.
— La classe est informée qu'il vient de se former à
Cherbourg une Société nouvelle pour les sciences natu-
relles. M. Liais, secrétaire de cette société, annonce le
prochain envoi des premières livraisons des mémoires.
— M. le secrétaire perpétuel dépose différents docu-
ments manuscrits qu'il a reçus, savoir :
4° Observations des phénomènes périodiques des plantes
faites, en 1852, à Dijon, par M. Moreau.
2° Des observations semblables faites à Vught, près de
Bois-le-Duc, par M. Martini Van Geffen.
5° Observations des phénomènes périodiques des ani-
maux et des plantes faites en 1852, à Namur, par M. Bel-
lynck (1).
(1) M. Bellynck fait remarquer qu'il s'est glissé une erreur de date dans
l'impression des observations du 21 mars 1851, dans les Hémoires de l’Aca-
déme : c'est celte date qu'il faut lire et non le 21 mars 1852.
(5)
4 Les indications des plantes qui fleurissaient , à Gand,
* au mois de novembre dernier, par M. le professeur Scheid-
weiler.
5° Notes pour servir à l’histoire des sciences en Belgi-
que pendant le XVHIF' siècle, par M. de Chénedollé. (Com-
missaire : M. Quetelet.)
6° Une notice géologique de M. Hébert de Paris. (Com-
missaires : MM. d'Omalius d'Halloy et Dumont.)
7° Une notice intitulée : Praeludia florae columbianae,
_ ou matériaux pour servir à la partie botanique du voyage
de J. Linden, par J.-E. Planchon et J. Linden. (Commis-
saire, M. Kickx.)
— M. Van Beneden fait hommage de la première partie
d’un traité d'Anatomie comparée (Encyclopédie populaire).
— Remerciments.
RAPPORTS.
- Observations sur les formations tertiaires des environs
d'Anvers ; par M. Norbert Dewael.
Happort de M. Nysd.
« Le travail que M. Norbert Dewael vient de présenter
à l'Académie porte pour titre : Observations sur les forma-
tions tertiaires des environs d'Anvers.
Chargé d'examiner ce mémoire simultanément avec
notre honorable confrère M. d'Omalius, nous ferons d’a-
bord remarquer que l’auteur a été conduit à ces observa-
(4)
tions sur l’âge relatif des couches qui composent le sol de
la province d'Anvers, par des nombreuses recherches pa-
léontologiques, et que c’est également à l’aide de la paléon-
tologie qu'il est parvenu à reconnaitre l'identité des diverses
assises qu'il a été à même d'étudier.
M. Dewael divise son travail en plusieurs parties; voici
les couches qu’il a observées et décrites :
4° Les terrains modernes, auxquels il rapporte les terres
connues dans le pays sous le nom de Polders, ou autre-
ment dit, terrains d’alluvion, et dans lesquels l’on trouve
des débris organiques marins, fluviatiles et terrestres, en-
tièrement semblables aux espèces actuelles.
2 Les dépôts marins, qui comprennent les sables de
Campine, lesquels doivent probablement être rapportés
au système campinien de notre savant confrère M. Dumont,
et qui ont été distingués, par l’auteur, des sables du système
boldérien des bruyères de l’est de la province; ils parais-
sent ne contenir aucun fossile et reposer immédiatement
sur le crag, d’après ce que nous avons pu voir aux envrions
d'Anvers, au Stuyvenberg et à Berchem.
5° Le crag d'Anvers, ou crag supérieur. L'auteur y con-
state dans la couche n° 5 (d’après les tableaux I et I), tant
à Calloo qu'au Stuyvenberg, la présence de 79 espèces de
mollusques et de 5 cirripèdes (Balanes), dont 44 y sont
excessivement abondantes, ainsi que celle de 20 autres
espèces moins abondantes, que l’on peut considérer comme
étant caractéristiques. Le Mytilus antiquorum et la Lingula
Mortierii sont les 2 seules espèces qui n'aient été recueillies
qu’au Stuyvenberg.
Sous cette couche n° 5, l’auteur signale la présence
d’une 4° couche, dans laquelle il a recueilli 64 espèces de
mollusques et 4 cirripède (Balane). 49 d’entre elles n’ont
($)
pas été recueillies dans la couche supérieure et c'est aussi
la partie inférieure de cette assise qui renferme ces nom-
breuses et belles vertèbres lombaires de Cétacés, qui ap-
partiennent, d’après M. Owen, au genre Balænoptera.
En récapitulant les espèces recueillies dans le crag supé-
rieur, l’auteur n'ayant pas tenu comple exact des espèces
fossiles identiques avec celles qui habitent encore nos mers,
ne cite que 20 p. ‘Jo d'analogie avec ces dernières, tandis
que M. Lyell, géologue anglais très-distingué, vient (4) de
porter ce nombre, d’après les listes qui lui ont été com-
muniquées par M. Dewael, listes qui ont été soumises éga-
lement à l'examen des MM. Wood et Morris, à 55 p. ‘o.
Presque toutes ces espèces ont leurs analogues vivants dans
les mers du Nord.
Il est d’ailleurs à remarquer que toutes ces espèces ont
été recueillies dans le crag de l'Angleterre. La Tellina soli-
dula, citée avec doute dans les listes de M. Dewael, est la
seule espèce qui n’y ait pas été trouvée, et il devient dès
lors probable qu’elle devra être aussi exclue de la liste de
nos espèces fossiles.
4° Le crag moyen, ou assise intermédiaire entre le crag
supérieur et les sables glauconifères, a fourni à l’auteur,
d’après ses tableaux IV et V, 444 espèces, savoir : 109
mollusques, 2 cirripèdes (Balanes) et 5 bryozoaires encore
indéterminés. En comparant ces listes avec les précédentes,
l’auteur ne retrouve plus que 48 espèces identiques, dont
les plus répandues dans les étages supérieurs y deviennent
rares ou peu nombreuses. En comparant, d'autre part, ces
(1) Dans son travail intitulé : On the strata of Belgium and Franch
Flanders, in-8°, 5 planches et 1 carte, 1852; extrait du 8° voiume du
Quarterly Journal of the Geological Society of London ; 1952.
(6)
espèces avec celles de l'étage inférieur, qu’il désigne sous le
nom de crag noir, ou sable slauconifère, M. Dewael n’en
retrouve plus que 25, dont probablement le nombre de-
viendra plus restreint encore. En effet, dans les diverses
recherches que nous avons été à même de faire celte année,
en suivant, autant qu'il nous à été possible, les travaux qui
s’'exécutent aux forts actuellement en construction, nous
avons pu nous assurer que les espèces propres à cette
couche sont à peu près, si elles ne le sont toutes, des
espèces distinctes.
5° Crag noir, ou sable glauconifére. L'auteur mentionne
dans cet étage, d’après les listes VE et VIT, 128 espèces, dont
un certain nombre n’ont encore pu être déterminées. Cet
étage est non-seulement caractérisé par des Mollusques
gastéropodes et lamellibranches, mais aussi par la présence
de Mollusques brachiopedes : la Terebratula grandis et la
Lingula Mortieri y sont très-abondantes , ainsi que les
Bryoxoaires, dont nous venons de faire la découverte,
quelques Échinodermes, plusieurs Zoophytes, et principa-
lement une grande quantité de Foraminifères. Le mélange
de ces diverses classes d'animaux ne semble pas avoir été
signalé dans les étages supérieurs à celui-ci.
D'après la liste des fossiles n° V , qui en a été donnée par
M. Lyell, dans son ouvrage précité, le nombre des ana-
logues vivants n’est plus que de 50 p. ‘, et si nous en
séparons les espèces qui sont caractéristiques, ce nombre
se réduit à 22 p. %o. L'existence de quelques espèces ap-
partenant aux assises des argiles rupeliennes a fait pré-
sumer avec raison, pensons-nous, que cette formation est
inférieure aux précédentes.
G° Les argiles inférieures au crag, ou Rupeliennes de
M. Dumont, sont très-bien étudiées par l’auteur, qui en
sotbes nt ds out dot nine
(7)
fait plusieurs bonnes descriptions, sans cependant donner
la série complète des fossiles qu'il a été à même de re-
cueillir. M. Lyell, nous ayant demandé, l’année dernière,
de lui communiquer la liste des espèces de ce terrain, on
pourra la consulter dans son travail, tableau VIF, p. 506,
mentionné plus haut. Cette liste renferme l’énumération
critique de 45 espèces de mollusques et de 42 espèces de
poissons; nous y avons aussi recueilli depuis une pointe
d'échinoderme.
Enfin, les déductions que tire l’auteur des nombreuses
recherches et observations auxquelles il s’est livré, et de la
comparaison des listes de fossiles qu'il a dressées el com-
purées entre elles, semblent confirmer ce que nous con-
paissons au sujet de la superposition de nos couches ter-
tiaires, si bien étudiées, sous le rapport géologique, par
notre savant confrère M. Dumont. Nous pensons donc que
M. Dewael, en décrivant les diverses couches qu'il a pu
observer et en indiquant avec soin les fossiles qu’elles ren-
ferment, a rendu à la science un éminent service, et nous
concluons à l'impression de son travail.
Ajoutons, en outre, que l'ouvrage de M. Dewael satis-
fait au vœu exprimé, dès 4856, par feu notre savant col-
lègue M. Fohmann (1), à propos d’un os fossile découvert
dans ces mêmes localités. Pour que la paléontologie de la
Belgique, disait à cette occasion M. Fohmann, retire tout
le fruit possible des fouilles faites dans son sein, il faut des
personnes capables de les diriger et d'analyser toutes les
circonstances qui accompagnent le gisement des dépouilles
fossiles qu'on y rencontre.
(1) Zulletins de l’Académie, vol. II, p. 41.
(8) ;
Rappelons-nous que, faute d’avoir pris à cet effet des
mesures convenabies, lorsque l’on construisit le chemin de
fer de Malines à Anvers, le Gouvernement à laissé enfouir
un grand nombre de vertèbres provenant des alluvions de
la Nèthe, vertèbres dont 2 ou 5 seulement furent recueil-
lies par une personne étrangère à la science et déposées
au Musée de Bruxelles, où elles sont restées indéterminées.
En ce moment même un grand nombre de vertèbres sont
enterrées, au détriment de la science, dans les travaux que
l'on exécute pour la construction des nouveaux forts près
d'Anvers. Pour empêcher la perte de ces précieux maté-
riaux et en former des collections qui enrichiraient nos
musées, il suflirait que le Gouvernement chargeât une
personne compétente de suivre ces travaux et de recueillir
les objets mis à découvert avec les indications qui les con-
cernent. » Ë
Conformément à la demande des commissaires, MM. Nyst
et D'Omalius, la classe décide que le travail de M. Dewael
sera imprimé dans le Bulletin de la séance.
— MM. Stas et De Hemptinne font également leur rap-
port sur deux notices de M. Biot, concernant les falsifica-
tions des farines céréales. Conformément aux conclusions
des commissaires, des remerciments seront adressés à l’au-
teur pour ses communications, qui seront déposées, ainsi
que les rapports, dans les archives de l’Académie.
(9)
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
M. Quetelet, en faisant hommage de l'Annuaire de l'Ob-
servatoire pour 1855, appelle l'attention de la classe sur
la température anomale qu'on observe depuis le commen-
cement de cet hiver. El n’a point encore gelé jusqu’à cette
époque; et, dans le jardin de l’Observatoire, plusieurs ar-
bustes sont déjà couverts de feuilles, tels que les Loni-
cera pallida, Lonicera tatarica, Spirea sorbifolia, plusieurs
résiers, etc. Les pâquerettes, la pervenche, le Pyrus ja-
ponica sont en fleur; le Corylus avellana se couvre de
chatons.
MM. Morren et de Selys-Longchamps ont fait, à Liége,
des remarques analogues. « Un des eflets singuliers de la
température de cet hiver, écrivait ce dernier savant à
M. Quetelet dès le commencement de ce mois, vient de se
faire remarquer tristement dans mon petit jardin de ville.
Les pucerons lanigères (cochenille des pommiers) sont en
pleine activité sur les branches et sur les troncs de nos
pommiers par plaques, imitant une moisissure blanche
comme au printemps. »
Sur la proposition de M. Quetelet, la classe décide qu'il
sera fait un appel à tous les naturalistes et physiciens,
avec invitation de communiquer à l’Académie les résul-
tats de leurs observations sur les anomalies qu’ils auront
été dans le cas de remarquer par suite de la température
élevée de cet hiver.
M. Morren exprime le désir que cet appel soit fait de
(10)
manière à n'éveiller aucune appréhension dans l'esprit du
public, toujours prêt à s'alarmer aux annonces de tout ce
qui semble s’écarter un peu du cours ordinaire des choses.
La génération allernante et la digenése; par P.-J. Van
Beneden, membre de l’Académie.
Mon mémoire sur les vers cestoïdes, faisant partie du
grand travail que j'ai entrepris, depuis plusieurs années,
sur la faune du littoral de Belgique, a mérité de fixer l’at-
tention du jury, nommé pour le concours du prix quin-
quennal.
A la dernière séance de la classe, M. Lacordaire a donné
lecture du rapport de la commission.
Une grande partie de ce rapport a été consacrée à la
question de la génération alternante; et comme je me
trouve en désaccord avec l'auteur sur plusieurs points im-
portants, j'attache trop de prix à la solution de ce difficile
problème, pour ne pas communiquer immédiatement à la
classe le résultat de queïques recherches.
Cette question est, à mon avis, loin d’être bien posée. La
génération alternante est un phénomène qu’il faut cher-
cher à faire rentrer dans la loi commune de la reproduc-
tion et non pas laisser comme une exception dans la
science. C’est la pensée qui me préoccupait, quand j'ai
écrit mon mémoire, mais il paraît que je n’ai pas été bien
compris. |
_ Avant d'entrer en matière, je demande d’abord de re-
produire en note la date des diverses publications sur les
[
(11)
vers cestoïdes; ces dates ne sont pas sans avoir une cer-
taine signification (1).
L'auteur du rapport, en parlant de la génération alter-
pante, se demande : « Qu’y a-t-il au fond de ce phénomène
et que signifie-t-il? » « Son point de départ est évidem-
ment, répond-il, l'état où se trouvent, quant aux organes
génitaux, les embryons à leur origine. »
Ainsi le fond du phénomène se trouve dans les organes
génitaux des embryuns à leur origine! Je ne puis, il faut
bien l'avouer , partager cette opinion. Le fond du phéno-
mène de la génération alternante est ailleurs pour moi ;
l
(1) En 1840 paraît le mémoire d’Eschricht sur le botryocéphale : 4nat.
physiol. Untersuchungen, über die Bothryocephalen.
En 1842 à paru le remarquable travail de M. Steenstrup, en danois et en
allemand : Ueber den Generationswechsel.
En 1848, V. Siebold publie son Ænat. comp. ; les cestoïdes sont encore
des vers simples, les Tetrar., Gymnorhynq., Rhynchobot., Anthocephales,
Dibothryor., etc., forment autant de genres; le genre anthocéphale seul
est dans l’ordre des cystiques, qui est encore conservé; les autres genres
sont dans les cestoïdes, et M. V. Siebold reproduit l’opinion qu'il a exprimée
déjà dans la Physiologie de Burdack , que les cestoïdes paraissent avoir un
appareil sexuel analogue à celui des trématodes.
Le 15 janvier 1849, je publie une première notice comprenant le résumé de
mes recherches sur les cestoïdes, le 5 février 1849, une seconde, le 6 octobre
de la même année une troisième, et le 9 février 1850, je communique le
mémoire sur les vers cestoïdes.
Vers le milieu de 1850 (juillet) paraît un mémoire de V. Sieboïld, Ueber
den Generationswechsel der Cestoden nebst einer Revision der Gattung
Tetrarhynchus, dans le journal Zeitschr. für wissenschaft. Zoologie,
que V. Sicboid publie avec Külliker. Les divers genres de Rhynchob., Anth.,
Tetrarh., Gymnorh…, Dibothryorh., Tetrarhynq., sont reconnus ici pour
des âges différents du même ver; les vers cestoïdes ne sont plus monozoïques,
comme il l'avait dit en 1848, mais polyzoïques, comme je venais de le dé-
montrer; et V. Siebold annonce, comme l'indique son titre, que les vers
cestoïdes présentent le phénomène de la génération alternante.
(12)
il se trouve dans le double mode de reproduction par sexes
et par agamie, ainsi que nous le verrons plus loin avec les
preuves à l'appui.
En partant de cette base, l’auteur ajoute : « Sous le rap-
port des organes génitaux , le règne animal se divise en
deux catégories; dans l’une, les embryons possèdent en
germe des organes génitaux qui entreront en activité
plus tôt ou plus tard; dans l'autre, comprenant les ces-
toides , les méduses, certains polypes, etc., les embryons
naissent agames, mais ils possèdent la faculté de produire
des gemmes. »
Ce principe est-il conforme à ce que l'observation nous
apprend sur le développement ? N'est-ce pas un reste de
cette ancienne théorie qui a régné longtemps dans la
science, et d’après laquelle les animaux existent en minia-
ture dans l’intérieur de l'œuf? L'on sait trop bien aujour-
d’hui que tout embryon se forme aux dépens du vitellus ou
de sa mère; tous les organes se développent suecessive-
ment sous les yeux de l'observateur, et dans le premier
âge de la vie embryonnaire, il n'existe chez aucun ani-
mal des traces d'organes sexuels.
L'un animal reste plus longtemps dans l'œuf que l’autre;
il y devient un peu plus ou un peu moins complet; c'est
ainsi qu'en naissant, l’organisation est tantôt plus tantôt
moins achevée.
C’est aussi une erreur de croire à l'existence d'animaux
sans métamorphoses, puisque tous doivent en subir, les
uns avant les autres après l'éclosion.
L'auteur du rapport part de l’idée que les cestoïdes et
les méduses naissent tous agames , et que tous possèdent
la faculté de produire des gemmes. [l existe déjà plusieurs
faits dans la science qui prouvent le contraire : à côté des
cestoïdes et des méduses, les plus diversifiés dans le
JV)
es RE Se à so
(15)
cours de leur développement, il s’en trouve qui ont une
évolution directe, sans génération agame, comme les
animaux des classes supérieures.
* Voici, du reste, un fait frappant et décisif qui démontre
clairement que cetle division de l’auteur à pour base
une fausse appréciation des premiers phénomènes de la
formation embryonnaire; il aura échappé à l’auteur du
rapport : les ascidies présentent, dans le jeune âge, une
forme de têtard ou de cercaire, fait curieux, que M. Milne
Edwards avait déjà constaté avec son ami Audouin , en
1828. Le têtard des ascidies simples se métamorphose en
animal complet, tandis que le têtard des ascidies compo-
sées produit des bourgeons dans son ventre, et disparaît
après cette opération. Le têtard des ascidies composées a
déposé, dans un lieu propice, la colonie, qu’il portait dans
ses flancs; son rôle finit quand celui de sa progéniture
commence; le têtard est agame; il meurt avant l’époque
où ses organes génitaux apparaissent; la progéniture du
têtard, née par gemmes, devient seule adulte, et cette
seconde génération est seule sexuée.
Les ascidies simples se trouveraient done dans une ca-
tégorie, et les ascidies composées, nées cependant sous la
même forme avec les mêmes organes, au même degré de
développement, seraient placées dans l’autre catégorie.
L'auteur du rapport dit : « On a embrouillé cette ques-
tion, fort simple en elle-même (de la génération alternante),
en la mêlant avec une autre qui en est distincte, avec la
question métaphysique de l’individualité des êtres orga-
nisés, et M. Van Beneden semble avoir été jusqu’à un
certain point sous l’ivfluence de cette confusion d'idées. »
Ici encore, je ne suis pas de son avis. Je laisserai parler
J. Müller à ma place. Tout le monde connaît les remar-
quables travaux de ce savant sur le développement des
(449
échinodermes. On avait dit que ces animaux sont à géné-
ration alternante. Dans son dernier mémoire, publié en
1852, J. Müller avoue qu’il ignore ce que devient la larve
de la Bipinnaria asterigera, après sa séparation de l’astérie,
mais si elle possède le pouvoir de reproduire l'estomac el
l'intestin, dit l'illustre savant, elle devient une indivi-
dualité (selbständiges Wesen), et elle possédera aussi, sans
doute, la faculté de reproduire une nouvelle astérie. Dans
cette éventualité, ajoute-t-il, c'est-à-dire si cette indivi-
dualité est prouvée, au lieu d’une métamorphose, ce sera
une génération alternante.
Ainsi aux yeux de 3. Müller, que tout le monde recon-
nait comme un des plus grands naturalistes de l’époque,
et qui traite ici un de ses sujets favoris, c’est de lindivi-
dualité de la Bipinnaria que dépend la question de savoir
s’il y a génération alternante ou non.
L'auteur du rapport a bien voulu citer un passage de
mon mémoire; mais je regrelte qu’il n’ait pas jugé bon d’a-
jouter encore les lignes suivantes, qui complètent ma pen-
sée. « Les phases que parcourent ces embryons ovigènes
ou phytogènes, ne sont pas toujours les mêmes, disais-je,
et, lorsque ces individus présentent des différences, il y a,
pour M. Steenstrup, une génération alternante. » C'est tout
ce que je puis en dire encore aujourd'hui, après tous les
intéressants travaux qui ont paru depuis. J'étais persuadé
déjà, en écrivant ces lignes, que le fond de la quESHAË n'é-
tait pas Là où M. Steenstrup le plaçait.
En effet, la génération alternante consiste, d’après
M. Stcenstrup, en ce qu’un animal, au lieu de donner
naissance à un animal semblable à lui, en produit un
qui ne lui ressemble pas, mais qui produira une progé-
niture semblable au premier parent.
Ainsi que nous allons le voir, la forme est un point
Palette tte Con ‘he dé ‘cts, cé Der 7
(45)
tres-secondaire dans cette question, et toute la théorie
s'écroule du moment qu'on en fait abstraction. M. Steen-
strup n’a vu qu’une face d’un phénomène, et à celte face il
a donné un nom; ce nom je l’accepte pour le cas spécial ,
mais je n’en veux pas pour le phénomène dans son en-
semble et que je vais avoir l'honneur d'exposer.
Mais, afin de rendre cette question, d’un si haut intérêt,
intelligible à tous ceux qui s'intéressent aux phénomènes de
la nature, l'Académie me permettra de représenter ce phé-
nomène dans le cours d’un développement fieuif. La com-
paraison me servira, du reste, à rendre plus intelligibles
toutes les modifications de cet intéressant phénomène.
Une grenouille pond des œufs; ces œufs éclosent, et le
jeune animal qui en provient ressemble à un poisson :
c’est le têtard. Je suppose que le têtard montre, dans une
partie de son corps, des bourgeons et que ces bourgeons
deviennent des grenouilles. Le têtard, épuisé par la for-
mation des bourgeons, périt avant de prendre la forme
d'une grenouille, tandis que les bourgeons deviennent
grenouilles sans prendre la forme de têtard.
Le têtard meurt ainsi agame ou sans sexe avant l’époque
de la formation des organes génitaux; la grenouille, au
contraire, devient adulte et complète avec tous les attri-
buts du sexe auquel elle appartient.
Le têtard provient d'un œuf; il est ovigène et nait comme
les animaux supérieurs; la grenouille sort d’un bourgeon,
elle est phytogène; seule elle ressemble, par la présence
des organes sexuels, aux animaux supérieurs.
La grenouille est donc une mère qui donne naissance
à une fille, le têtard; cette fille, encore très-jeune, donne
naissance à des bourgeons qui sont destinés à devenir des
grenouilles, et cette fille meurt avant l'époque où les orga-
nes génitaux apparaissent. Ces grenouilles pondent de nou-
(16)
veau des œufs, et les mêmes phénomènes se reproduisent.
La fille ou le têtard fictif, ne ressemble donc pas à sa
mère à aucune époque de sa vie, comme la grenouille ne
ressemble pas à la sienne ; la ressemblance a donc lieu
entre la mère et sa petite-fille, qu’elle provienne d'œufs
ou de bourgeons, et il y a alternance dans la forme du
corps comme dans le mode de reproduction.
Voilà le phénomène de la génération alternante dans
toute sa simplicité, tel qu'il est entendu par M. Steenstrup.
Les faits se passent-ils généralement ainsi? Évidem-
ment non, la génération alternante est presque l'exception.
Le têtard lui-même continue souvent son évolution et,
comme nous le verrons plus loin, au lieu de périr, il de-
vient adulte et en tout semblable à celui auquel il donne
naissance par bourgeon. Dans ce dernier cas, les mêmes
phénomènes se produisent, comme dans le premier exem-
ple ; mais le têtard continue son évolution , et il ne peut y
avoir génération alternante au point de vue de M. Steen-
strup (1).
En écrivant mon mémoire sur les vers cestoïdes, j'ai
donné le nom de scolex à la larve qui provient de l’œuf;
il correspond au mot nourrice de M. Steenstrup; mais ce
savant n’a pas proposé un mot correspondant au mot
strobila et proglottis (2).
La théorie de M. Steenstrup ne comprend donc pas l’en-
(1) M. Steenstrup a appelé nourrices (Æmmen) le têtard provenant d’un
œuf et produisant des bourgeons.
(2) J'invite l’auteur du rapport à lire M. Steenstrup; il verra que mon
opinion diffère du tout au tout de celle de ce savant , et que M. Steenstrup
n’a pu songer à donner un nom à ce que j'ai appelé strobila et proglottis.
La série d'articles ou de segments d'un Ténia n’est qu’un seul individu pour
M. Steenstrup, et pour moi, il y a autant d'individus qu’il y a d'articles dans
le corps. L'opinion d’Eschricht est également différente de la mienne.
(17)
semble des phénomènes que nous offre la reproduction
des animaux inférieurs, et je vais avoir l'honneur de donner
quelque développement à l'opinion que j'ai émise à ce sujet.
| Les êtres organisés se reproduisent de deux manières,
…. par sexes ou par division : les uns sont sexuels et produi-
sent des œufs et une liqueur fécondante, les autres sont
neutres ou agames, c’est-à-dire sans sexes.
Les animaux supérieurs veillent tous plus où moins à
la conservation de leur progéniture, et portent des organes
génitaux pour la conservation de l'espèce ; les animaux
» des rangs inférieurs, dont l'existence est en général si fra-
gile ét dont la conservation n'est assurée qu'au prix d’une
prodigieuse fécondité, réunissent souvent à la reproduc-
tion sexuelle ordinaire une reproduction agame; les mil-
liers d'œufs qu'ils pondent ne suffisent pas, pour éviter les
nombreux dangers qu'ils courent constamment depuis le
moment de leur éelosion.
Les premiers, ceux qui ne se reproduisent que par œufs,
nous les désignons sous le nom de monogenèses; les autres,
qui se reproduisent par œufs et par gemmes, nous les nom-
mons digenéses (1). II ne peut être question ici que des der-
niers.
Tous les phénomènes de la reproduction signalés dans
ces dernières années, et dont quelques-uns ont été géné-
ralisés sous une dénomination particulière, résultent de
|
tt mt on em 0 ns mn 7 nb ét ts
(1) J'aurais préféré conserver les mots monogones et hétérogones, qui sont
déjà introduits dans la science; mais si tous les monogones sont monoge-
nèses, tous les digenèses ne sont pas hétérogones. Le phénomène principal
ou la cause du phénomène ne dépend pas de la forme de l'animal, puisque
la forme varie avec les conditions de la vie, mais elle dépend du double mode
de reproduction. C’est dans la digenèse que réside la cause du phénomène, et
non pas dans l'hétérogonie, qui n’en est qu’un effet.
TOME xx. — I] PART. 2
(58)
la présence simultanée de bourgeons et d'œufs dans une
seule espèce animale.
Les divers faits observés dans le cours du développement
des animaux digenèses sont réunis dans les cinq catégories
suivantes :
I. Les scolex vivent dans les mêmes conditions que les
proglottis ; qu'ils proviennent d'œufs ou de gemmes, la
forme du corps est la même, et ils parcourent les mêmes
phases; exemple : Naïs proboscidea , Syllis prolifera, mi-
crostome , filograna? myrianida? etc.
Tous les individus d’une espèce sont semblables, peu im-
porte leur origine; ils sont soumis à une reproduction agame
quand ils ne sont encore qu’à l’état de larve, et, au lieu de pé-
rir, la larve elle-même devient proglottis ou adulte, comme
sa progéniture, C’est le cas de digenèse le plus simple.
Si nous rapportons ce premier mode de développement
à l'exemple cité plus haut de la grenouille, c’est le têtard
qui pousse des bourgeons, d’où sortiront de nouveaux té-
tards semblables à leur mère; les uns et les autres devien-
nent sexuels. C’est l'espèce à double reproduction, le scolex
et le proglottis, prenant la même forme et parcourant les
mêmes phases.
II. Les scolex, dans leur jeune âge, vivent dans des con-
ditions différentes des proglottis; les uns et les autres
prennent des sexes; à l’état adulte, ils sont tous semblables,
mais ils parcourent des phases différentes dans leur jeune
àge ; les ovigènes portent des organes de locomotion, des
cils ou des nageoires , parce qu'ils doivent chercher un
gite; les phytogènes sont privés des organes de locomo-
tion, et n’ont qu’à se développer et à enrichir la colonie.
Les scolex, quoique ovigènes, deviennent eux-mêmes pro-
glotiis, comme les phytogènes.
(19)
Les ascidies simples et sociales (Clavelina) , ainsi que les
bryozoaires, appartiennent à cette seconde catégorie.
En comparant ce second mode de développement à celui
de la grenouille fictive, le têtard, au lieu de périr, devient
grenouille, et tout en ayant donné des bourgeons dans
son premier état de têtard, continue à donner des bour-
geons même quand il est devenu grenouille et qu'il porte
des organes sexuels.
Dans la première catégorie, l'embryon phytogène res-
semble à l’ovigène; dans le cas actucl, l'ovigène porte des
cils ou des nagcoires, dont le phytogène est privé.
IT. Les scolex et les progloitis vivent dans des condi-
tions différentes à tout âge, et il n’y a pas de ressem-
_blance entre eux; les scolex ne deviennent pas proglottis,
et meurent agames sous leur première forme. L'embryon
phytogène est différent de l'embryon ovigène dès le pre-
mier moment de son apparition.
Les ascidies composées (botrylles), les Salpa, les vers
cestoïdes en général , quelques trématodes fournissent des
exemples de celle troisième catégorie.
C'est le cas que nous avons cité plus haut du têtard qui
périt agame, tandis que la grenouille, née par gemme, de-
vient seuie adulte, et ne passe pas par la forme du têtard. Le
premier est exclusivement gemmipare, le second ovipare.
C'est cette troisième catégorie qui nous fournit les ani-
maux à génération alternante, selon M. Steenstrup.
IV. Les scolex vivent toujours dans des conditions
- différentes des proglottis, et la forme du corps ne se res-
semble pas; il y a plus, les scolex eux-mêmes ne vivent
. pas tous dans les mêmes conditions, et des générations
. de scolex agames se succèdent par voie gemmipare sans
avoir de la ressemblance entre elles.
Les Monostomes et les Distomes, la Medusa aurita, et
rot
£
RSC ee
(20)
d’autres espèces, nous montrent cet exemple remarquable
de digenèse, qui rentre aussi dans la génération alter-
nante de M. Steenstrup (1).
Le scolex ovigène est cilié et nage librement pour
déposer la progéniture dans le corps d’un mollusque ou
d'un autre animal. Cette progéniture, qui est agame
comme Ja première, est sans cils, et sa forme est toute
différente. C’est un scolex au second degré, un deuto-
scolex. Celui-ci peut à son tour engendrer, par agamie,
une forme semblable, ou bien une forme nouvelle, qui est
alors le proglotiis. Ce jeune proglottis (Cercaria) porte une
queue, comme le premier scolex, sorti de l'œuf, porte des
cils; il doit, comme le premier aussi, chercher son gite
pour continuer son évolution et changer de forme, sa
queue étant devenue inutile dans le milieu étroit où il est
. destiné à finir son existence.
Voilà donc un exemple d'une fille qui ne ressemble pas
à sa mère; elle doit vivre dans un autre milieu; la petite-
fille, destinée à vivre dans d’autres conditions encore que
la mère et la grand’mère, affecte encore une forme nou-
velle, de manière que trois générations se succèdent sans
se ressembler.
Pour rapporter ces faits à l'exemple cité plus haut, c'est
le têtard qui naît couvert de cils vibratiles avant que sa
queue ne soit développée; il nage librement par le secours
de ces cils : dans ses flancs nait une autre forme toute dif-
férente, immobile, sans queue et sans cils; elle est destinée
(1) Si l'observation de M. Stein sur le ténia enkysté du ver de farine se
confirme, comme il est probable, les cestoïdes se rapprocheront encore davan-
tage, par leur développement, des distomes et des monostomes; il y aurait
aussi deux générations de scolex, des scoleæ et des deutoscolex ou pro-
scoleæ, etc.
(21)
à engendrer une nouvelle progéniture dont la forme res-
semble à celle des tétards, qui nagent à l’aide de leurs
queues. Il y a donc deux générations, et quelquefois da-
vantage, qui vivent immobiles sur le corps où elles ont
été déposées, et deux autres qui se meuvent par des cils
ou des nageoires pour chercher leur sol ou l’animal sur le-
quel ils doivent vivre: ces générations sont loutes agames,
sauf la dernière. Enfin les individus-de la dernière géné-
ralion , nés par gemmes, deviennent adultes et complets :
ce sont les grenouilles fietives. La reproduction agame a
lieu, pour continuer la comparaison avec l’exemple de la
grenouille, avant que celle-ci ait pris sa forme de têtard,
et cette dernière forme, née par gemme, subit, comme
dans la grenouille, des métamorphoses complètes. Le
tétard perd sa queue en devenant grenouille, comme la
cercaire perd la sienne en devenant distome.
V. Les scolex ovigènes engendrent par agamie des sco-
lex semblables à eux : cette nouvelle génération produit
encore, par agamie, une autre génération composée d'in-
dividus ayant la même forme. Plusieurs générations, orga-
nisées de même, se succèdent ainsi jusqu'à ce qu'enfin,
il apparaisse une génération de proglottis ou d'individus
adultes et à sexe.
Les pucerons et d’autres articulés se trouvent dans cette
catégorie.
C'est le têtard ovigène qui engendre par voie gemmi-
. pare un autre têtard qui en produit un, à son tour, de la
même forme, et ainsi de suite, pendant plusieurs géné-
ralions; mais quand la reproduction agame est épuisée,
il nait, par voie agame, des grenouilles.
Voilà les cinq catégories !
Je m’occuperai, dans une autre notice, des motifs pour
(22)
lesquels la nature a recours à des moyens de reproduction
si extraordinaires.
Tous les faits de digenèse trouveront convenablement
leur place dans une de ces catégories; du moins jusqu’à
présent, je ne connais aucun fait qui ne puisse y être
rapporté; mais à côté de ces faits se trouvent quelques
phénomènes de reproduction observés sur des animaux
inférieurs, qui ne se rattachent pas aux phénomènes pré-
cédents; jusqu’à présent ils ont été mal compris, et je m'en
occuperai bientôt. [l arrive ainsi que le proglottis , au lieu
de se développer complétement, s'arrête dans son évolu-
tion, tandis que son appareil sexuel continue et produit
des œufs fecondés. C’est la fleur qui perd son calice et sa
corolle, flétris avant leur développement, pendant que
les étamines et les pistils suivent le cours régulier de leur
formation. Cet arrêt de développement produit les cas
les plus bizarres, et souvent on voit la fille naître avant
sa mère. Des embryons jouissent déjà d’une vie libre et
indépendante , quand la mère a à peine commencé son
évolution. Par là j'expliquerai aussi celte anomalie appa-
rente des hydres qui, tout en portant sur un même corps
des organes mâles et femelles, ne sont pas moins à sexes
séparés comme les polypes, y compris les méduses.
Si j'ai réussi à bien rendre ma peusée, on comprendra
aisément que le fond du phénomène n'était pas Jà où
M. Steenstrup le plaçait; il ne consiste pas dans une suite
de formes qui se succèdent par voie de génération, mais
bien dans la digenèse des animaux. M. Steenstrup est loin
de regarder sa théorie comme définitive, il avoue qu'il n’a
voulu qu'ébaucher un phénomène : j'ai voulu seulement
donner quelques contours d'une terre inconnue, dit-il,
que divers naturalistes ont visitée sans s’y reconnaître, et
il désire que d’autres achèvent cette œuvre. C’est le but
(3%)
que je me suis proposé dans celte notice; le temps nous
apprendra si, en accomplissant cette dernière tâche, j'ai
été aussi heureux que M. Steenstrup en faisant son ébauche.
Notice sur un genre nouveau de la tribu des caligiens
(genre Kroyeria, Van Ben.); par M. P.-J. Van Beneden,
membre de l’Académie.
Comme suite aux deux dernières notices sur des genres
nouveaux de la classe des crustacés, j'ai l'honneur de pré-
senter le résultat de quelques observations sur un troi-
sième genre, également nouveau et non moins remarquable
que les précédents, sous je rapport de sa curieuse confor-
mation. Cette communication sera suivie bientôt de re-
cherches sur deux autres genres de la même classe d’ani-
maux aquatiques, déjà si riche en formes extraordinaires.
Tous ces crustacés proviennent de poissons pris par les
pêcheurs d'Ostende, non loin de notre littoral, et doi-
vent, par conséquent, être enregistrés dans la faune de
Belgique.
Nous dédions ce nouveau caligien à un savant et mo-
deste naturaliste du Nord, M. Henrik Kroyer, qui a publié,
dans son journal, le plus beau travail que la science pos-
sède sur ces animaux; ce travail, en effet, est tout aussi
‘rémarquable sous le rapport de la zoologie descriptive que
sous le rapport des détails d'anatomie. C'est ainsi que nous
désignons ce genre sous le nom de
Kroyerta, V. B.
dont voici les caractères :
(22)
Caractères. — Bouclier céphalique plus large que long,
armé en arrière de deux forts piquants; thorax formé de
quatre articles également étroits; quatre paires de pattes
biramées, de longueur égale; la première paire de pattes-
mâchoires en pince; la troisième extraordinairement dé-
veloppée; abdomen long et étroit, à peine plus large que
le thorax, formé de plusieurs segments dans le mâle, tout
d'une pièce dans la femelle; un double appendice caudal
garni de filaments sétifères semblables aux filaments des
pattes ; des yeux confondus sur la ligne médiane.
KROYERIA LINEATA.
La femelle est longue d'environ 8 millimètres sans les
tubes ovifères, qui ont jusqu’à sept millimètres de long; il
est large d’un demi-millimètre. Le mâle est un peu plus
petit que la femelle. Chaque segment du thorax porte en
dessous, à la base de chaque patte, une épine longue
pour les trois segments postérieurs, courte pour l’anté-
rieur. La couleur des téguments est d’un jaune sale; les
téguments sont demi-transparents, ce qui permet de dis-
tinguer les principaux organes logés dans l'abdomen.
Le Kroyeria lineata habite entre les lamelles bran-
chiales du milandre (Galeus canis); il est fortement atta-
ché aux branchies par ses crochets, et il faut un certain
effort pour le détacher. J'en ai trouvé jusqu’à une vingtaine
sur une seule branchie. Il se trouve sur ce poisson au mi-
lieu de l’été, au mois d’octobre et au mois de décembre, et
on doit donc s'attendre à le trouver pendant toute l’année.
Au mois de mai, peu de femelles portaient des tubes à
œufs; plus tard, elles en étaient plus généralement char-
gées. Les mâles sont relativement peu nombreux; pendant
(25)
quelqne temps, je n’en avais eu qu'un seul à ma dispo-
sition.
Description de la femelle. — Le corps est allongé comme
dans les clavelles du flétan ; il est même moins large et
plus linéaire.
L'animal ne se tient jamais droit ; il est toujours un peu
courbé sur le côté et en dessous.
Tout le corps est d’un jaune sale, quelquefois un peu
plus foncé et passant au brun. Il est un peu plus pâle en
avant. En l’observant à la loupe, on voit, le long de l’ab-
domen, des stries d’un rouge vif qu’on ne distingue pas à
l'œil nu.
Le corps est divisé en têle, thorax, abdomen et queue;
ces quatre parties sont parfaitement séparées les unes des
autres.
La carapace céphalique présente en dessus une forme
_très-irrégulière ; vers le milieu, on distingue une join-
* ture en forme de V, et entre les deux branches, en avant,
on voit les yeux réunis en une seule masse. En arrière, ce
bouclier montre deux échancrures profondes du fond des-
quelles partent deux fortes épines droites, dirigées vers la
queue, dont la pointe arrive jusqu’à la hauteur de la troi-
sième paire de pattes. Sur le côté, en avant comme en
arrière, le bouclier est anguleux, et il est un peu plus
large du côté des antennes que du côté des épines. Comme
dans tous ces parasites, le segment thoracique antérieur
est soudé avec le segment de la tête; les antennes, la pre-
mière et la troisième paire de pattes-mächoires dépassent
en longueur la carapace, et se voient distinctement lors
même que l'animal est placé sur le ventre.
Le thorax montre en dessus les trois segments, sous
forme de bouclier, à peu près également développés. En
- dessous, on compte les quatre segments thoraciques, mais
(26)
l’antérieur est logé sous la carapace. Chaque segment porte
sa paire de pattes biramées. À la base de chaque patte, le
segment thoracique montre une forte épine, excepté le
premier, comme l'indique la fig. 8.
L’abdomen est extraordinairement allongé, mais à peine
un peu plus large que le thorax; il est uni et ne montre
aucun segment. On voit le tube digestif et les ovaires à tra-
vers l'épaisseur de ses parois.
L’abdomen porte, à son extrémité postérieure, deux
appendices d'une petitesse extrême, biramés comme les
pattes, mais sans soies. Îl est dificile d’en bien distinguer
le contour. Cette région cesse brusquement immédiate-
ment derrière ces appendices. (Fig. 7.)
La région caudale est proportionnellement très-courte,
fort étroite, linéaire et terminée par un double appendice
de la moitié de la longueur de la queue, garni au bout de
filaments sétifères. (Fig. 2’) J
Les tubes ovifères sont droits et ne logent qu’un seul
œuf dans leur épaisseur : on compte de quarante à cin-
quante œufs dans chacun d'eux. (Fig. 1.)
Le mâle. — I est plus petit que la femelle, et vit à côté
d'elle sur les lames branchiales ; il a la même conforma-
tion, montre les mêmes appendices, le même bouclier
céphalique et les mêmes appendices du thorax; mais l’ab-
domen est moins long ct plus étroit, et au lieu d’être
formé de toute une pièce, l'abdomen du mâle montre
divers segments, lout aussi bien séparés les uns des
autres que les segments du thorax. On en compte quatre;
ils vont en diminuant d'avant en arrière, de mauière que
le dernier segment abdominal est le plus étroit. Tout le
corps du mâle est un peu plus transparent, ce qui semble
correspondre à une délicatesse un peu plus grande des té-
guments. On voit distinetement dans l’intérieur du pre-
Ca
(27)
mier segment abdominal les deux testicules, allongés et
arrondis, de volume à peu près égal, placés l’un un peu plus
au-dessus de l’autre. C’est aussi au commencement de ce
segment que l’on aperçoit bien dans le mâle le renflement
de l'estomac et l'origine de l'intestin , qui est sans circon-
volutions.
Les deux appendices qui terminent la région caudale
et qui portent les soies sont plus allongés dans les mâles
que dans les femelles. (Fig. G.)
Les antennes sont situées en avant el un peu en des-
sous; elles sont quelquefois couchées. Chaque antenne se
compose de 4 ou de 5 articles : on voit des soies courtes et
recourbées en dedans sur chacun d’entreeux. (Fig. 4, a.)
Immédiatement derrière les antennes, on distingue une
paire de pattes-mâchoires bien remarquables par leur con-
formation ; le dernier article est formé en pince comme la
première paire de pattes chez les crabes et les écrevisses.
(Fig. 4, d)
Une autre paire d'appendices, beaucoup plus petites et
plus simples, est située derrière la précédente. Elle est
comme implantée sur la base de la paire de crochets dont
nous allons parler ; elle est formée de quatre articles, dont
le dernier est assez petit et aplati. L’avant-dernier est den-
telé sur le bord. (Fig. 4, c.)
La pairefde pattes-mâchoires principale est formée de
trois articles au moins, dont l’avant-dernier est long et
fort, le dernier recourbé en crochet. Ce sont en même
temps les pièces les plus solides; ils sont, pour ces para-
sites, les principaux organes d'adhésion. (Fig. 4, d.)
Suivent quatre paires de pattes biramées, qui présen-
tent la conformation ordinaire, et dont tous les articles
terminaux portent des soies barbues. Ces pattes ne diffèrent
guère de volume entre elles. (Fig. ? et 5.)
(28)
À l’extrémité abdominale, on voit une dernière paire de
pièces très-irrégulière, d’une petitesse excessive, et qu’on
ne distingue qu’à un grossissement de 300 fois. L’abdomen
doit même être vidé pour les découvrir. La forme est très-
variable, ou plutôt elles présentent un aspect très-différent,
parce qu'il faut exercer une pression assez forte. Ils ont
l'aspect de pattes biramées , avortées et sans soies.
En dessous de chacun des anneaux qui portent les pattes
biramées, on distingue deux épines assez fortes, mais dont
la première paire est la moins développée. Sur ce dernier
anneau, ce sont plutôt deux tubereules.
La trompe montre, dans son intérieur, deux pièces so-
lides mobiles, dentelées sur le côté interne, comme la
pointe d’une pince à disséquer, ainsi qu’on le voit dans la
plupart de ces parasites.
Nous ne trouvons guère de différences dans les appen-
dices des deux sexes.
Les embryons ont la forme et les caractères ordinaires;
sur le point d’éclore, ils ont le corps de forme ovale et
portent trois paires d'appendices sétifères de même lon-
gueur et semblables entre eux. Les embryons que nous
avons étudiés étaient encore en vie.
Ce parasite appartient évidemment à la tribu des cali-
giens, et, par les caractères de la quatrième paire de pattes,
se rapproche des genres Thébie et Nogague.
Ce premier genre (thébie) est caractérisé par trois ar-
ticles distincts du thorax; il y en a quatre dans le genre
nogague; dans les Kroyeria, on en compte également
quatre en dessous, le premier de dessus étant uni au seg-
ment de la tête. Du reste, les thébies et les nogagues dif-
fèrent des Æroyeria par plusieurs caractères importants,
comme on à pu le remarquer par la description; ainsi l’ab-
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(29)
domen des Kroyeria à plusieurs fois la longueur du thorax
et de la tête, tandis qu'il est très-court chez les thébies et
les nogagues; la première paire de pattes-màchoires est
transformée en pince, ce qui n'existe pas chez les autres;
les antennes sont formées de quatre articles sétifères, tan-
dis que les autres genres n’en ont que deux, et par ce ca-
ractère seul des antennes, nos Kroyeria semble s'éloigner
de tous les caligiens ; enfin, le facies de ces genres est tel-
lement différent, que l’on ne peut songer à les rapprocher
qu’en pesant bien la valeur des caractères tirés des divers
appareils : ainsi nous aurons dans la tribu des caligiens,
telle que M. Milne Edwards l’a fait connaître, deux genres
de plus, le Scienophilus et le Kroyeria , ce qui en élève le
nombre à six.
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
KROYERIA LINEATA. Van Ben.
1. Une femelle, vue du côté du ventre, grossie de quinze à vingt fois; en
avant, on distingue la plaque frontale, les antennes, les pinces, les
crochets et les quatre paires de pattes biramées.
On voit l’animal de grandeur naturelle à côté.
. Antennes,
— 1e paire de pattes-mâchoires.
Mig =
. Crochets. 3° — —
. Trompe.
. 1re paire de pattes.
2 — —
DU, 2 —
RE eu
nn FRmo RS SA
30)
k. Épines en dessous des anneaux thoraciques.
L. Épines postérieures et supérieures du 1° anneau thoracique.
m. Canal digestif.
n. Ovaire.
0. Tubes ovifères.
p. Appendice abdominal.
2. La partie antérieure d’une femelle, vue du côté du dos, montrant au mi-
lieu, en avant, le repli en V. Les yeux, les deux épines du premier seg-
ment thoracique, la forme des trois autres segments de cette région et
les principaux appendices.
. La partie postérieure du corps de la femelle.
Un mâle vu obliquement, montrant, vers le milieu, les deux testicules et
les principaux appendices.
La partie antérieure et inférieure de la tête, à ün plus fort grossissement
(500 fois). En avant, on voit la région frontale, les antennes, la paire de
pinces, la seconde paire de pièces, les crochets et, au milieu, la trompe
avec les deux mandibules. On voit aussi la soudure des anneaux au
milieu.
5. La quatrième paire de pattes et l’épine qu’on voit à la base.
6. La partie postérieure de l'abdomen, vue en dessous pour faire voir la
paire de pièces rudimentaires.
7. La partie postérieure du corps du mâle, au grossissement de 500 fois.
8. Les quatre segments du thorax, vus en dessous.
9. La trompe isolée avec les mandibules.
ox 19
La
Observations sur les formations tertiaires des environs
d'Anvers; par M. Norbert-Ch. Dewael, de Contich.
Consacrant, depuis une douzaine d'années, mes loisirs à
des recherches paléontologiques, j’eus l'occasion de faire
sur les formations des environs d'Anvers une série d'ob-
servalions de nature à jeter, peut-être, quelque jour sur
l'âge respectif des couches des terrains tertiaires de ce
(51)
bassin, qui semble n'être qu'une suite ou partie de celui
de Lonüres.
Dans l'intention de communiquer à l’Académie d’Iéna,
en qualité de membre, une liste explicative d’une partie de
coquilles fossiles dont je lui fis don l’année dernière,
j'avais préparé quelques notes que j'eus l’occasion de com-
muniquer à M. Th, Lyell, ex-président de la Société géo-
logique de Londres, qui me pria de visiter avec lui les
marnes argileuses et les dépôts fossilifères du crag d’An-
vers. Ayant ainsi pu vérifier avec moi la plupart de mes
observations, il m'engagea, de la manière la plus encou-
rageante , à leur donner publicité chez nous, et se chargea
même de m'en fournir l’occasion par le moyen de l’Aca-
démie royale.
J'ai suivi cet avis bienveillant et j'ose espérer qu'on vou-
dra bien accueillir favorablement ma communication, qui
n'aura d'autre utilité, peut-être, que de servir de dévelop-
pement à des esquisses déjà faites, ou d'engager à faire
de nouvelles recherches plus étendues.
Le sol de la province d'Anvers, formé de terrains ter-
Liaires (dépôts marins) et modernes (dépôts fluviatiles et de
marais), présente une série d'assises successives très-va-
riées, dont il est souvent difficile de déterminer la position
géologique ou l’âge relatif, parce qu'elles ne se présentent
pas toujours dans les mêmes conditions et qu’elles se
trouvent disposées de manières différentes.
Tantôt fossilifère, tantôt sans aucune trace de débris
organiques; situé l’une fois à la surface du sol, l’autre fois
à de grandes profondeurs, précédé ou suivi irrégulièrement
de couches de tel genre ou de tel autre, le même étage de
terrain semblait ainsi défier les recherches; ce qui vrai-
(32)
ment est remarquable dans une contrée si plane et si unie
qu'il paraîtrait que sa formation dût être uniforme.
Cela posé, l'on conçoit aisément que, par la difficulté
d'obtenir des coupes suivies dans un pays plat, il doit être
diflicile de préciser toutes choses à cet égard avant d’avoir
recueilli un ensemble de faits constants où un faisceau
d'observations. Dans cette persuasion , j'ai fait des recher-
ches, et je pense toujours que la superposition des étages
des différents dépôts anversois a grand besoin d’être étu-
diée davantage.
La différence et la variété des espèces de coquilles ma-
rines que l’on trouve dans nos diverses couches fossilifères
m'ayant frappé depuis longtemps, j'en fis souvent l'obser-
valion aux amateurs qui vinrent me voir, et particulière-
ment à M. H. Nyst; j'eus même le plaisir de communiquer
à cet ami une liste comparative de coquilles fossiles qui
se trouvent dans les différents dépôts du crag d'Anvers,
pour servir à l’un de ses tableaux synoptiques relatif aux
fossiles appartenant au système scaldisien de M. Dumont,
et qui se trouve à la fin de l'ouvrage de M. Nyst (1). L'on
verra, d'après les listes que je donne, que quelques progrès
nouveaux ont été faits, et qu'il y a beaucoup d'’intéres-
santes recherches à faire encore pour achever ces ébauches.
Terrains modernes; polders. — Les terrains modernes des
environs d'Anvers, constituent cette partie si fertile con-
nue sous la dénomination de polders, et s'étend principa-
Jement sur le sol de la Hollande. C’est un limon de nature
semblable à celui que les eaux de l'Escaut déposent encore
(1) Mémoire sur les coquilles et polypiers fossiles des terrains ter-
tiaires de la Belgique.
(33)
sur ses rives et les terres inondées; fort adhérent par l'hu-
midité, il se contracte et se crevasse vivement par la
sécheresse. Les débris organiques qu'il renferme sont ma-
rins, fluviatiles et terrestres, mais semblables aux espèces
qui vivent encore dans ces parages, dans le fleuve ou à
son embouchure.
L’on trouve dans les polders, comme dans les bruyères,
des tourbières avec lignites qui s’y sont probablement for-
mées après l’endiguement, par affaissement de marécages,
ainsi qu'il s’en forme encore de nos jours.
Dépôts marins. — Ces polders qui s'étendent, comme
on sait, sur les bords de l'Escaut, à distances inégales dans
l'intérieur des provinces d'Anvers et de Flandre, sont cir-
conscrits dans la première par une zone partielle d’an-
ciennes dunes qui s'étendent depuis la commune de Sand-
vliet, par Calmpthout et Braeschaet, vers Schooten et
s'Gravenwesel, en déterminant sur le sol de la Hollande,
vers la frontière, des accidents de terrains assez remar-
quables. Quoiqu'elles se répandent au loin dans la Cam-
pine, elles forment cependant ici une ligne de démarcation
naturelle entre nos polders et les terres fertiles adjacentes
et le commencement des sables de bruyères : à l'est. La
partie de terrains modernes, qui s'étend aussi dans la
Flandre orientale, sur la rive gauche du fleuve, en se di-
latant toujours vers son embouchure, s’y trouvait autre-
fois également limitée, à l’ouest, par une plage de sables
dont la culture a fait une contrée fertile. Ces anciennes
limites indiquent fort bien la dernière station des eaux de
la mer, et les bancs coquilliers, sur lesquels la ville d’An-
vers est bâtie ou qui l’environnent, rappellent naturelle-
ment l'existence d’un golfe ou l'embouchure primitive du
fleuve. Les deux parties de polders qui s'étendent le long
TOME xx. — I" PART. 3
(54)
des rives de l'Escaut recouvrent des couches de crag jaune
ferrugineux et sablonneux grisâtre, qui contiennent plu-
sieurs dépôts fossilifères à peu de profondeur, et dont les
coquilles offrent le plus d’analogie avec celles qui vivent
encore dans les mers voisines ; à ces dépôts succèdent, au-
tour d'Anvers et sous la ville, des couches plus anciennes
et dont la dernière, celle de crag noir, s'enfonce sous les
autres. À celle-ci succède une bande de marnes argileuses
fort bien connue à Ruppelmonde, à Schelle et Boom, et
qui pourrait bien constituer une base très-puissante. Elle
est recouverte partout où elle se découvre par une ou plu-
sieurs assises sablonneuses plus ou moins variées, qui
prennent, vers leur partie inférieure, la nature argileuse.
Tout ceci forme un ensemble dont les variations soulè-
vent encore, ainsi que je l’ai dit, des questions embarras-
santes et difficiles à résoudre.
Sables de Campine. — Le terrain ou sables de la Cam-
pive proprement dits, n'ayant pas fait spécialement l’objet
de mes recherches, et doutant s'ils forment réellement la
plus ancienne assise de l'étage supérieur tertiaire, ainsi
qu'on l’a dit, je passe sous silence quelques observatiôns
que j'eus l’occasion de faire à ce sujet, jusqu'à ce qu’il me
soit possible d'en recucillir davantage. Il est cepeudant
constant qu’en beaucoup d'endroits, ces sables recouvrent
des couches et dépôts fossilifères de crag.
Crag d'Anvers. — Ce crag dont il a été souvent question,
et qui, comme celui de l'Angleterre, est cependant encoresi
peu connu, se montre caractérisé surtout dans la banlieue
et aux environs d'Anvers. Il contient plusieurs séries d'as-
sises distinctes les unes des autres, qui présentent, par la
succession des fossiles qu'on y trouve , une transition par-
fois peu sensible et souvent assez marquante de l’une à
(55)
l’autre, de telle manière qu'entre le plus ancien de ces dé-
pôts et le plus récent, le rapport d’analogie par les fossiles
est presque insignifiant; la couleur et le mélange des grains
sablonneux qui composent ces terrains, que je considère
lun comme le plus ancien, l’autre comme le plus rappro-
ché de l’époque actuelle, sont aussi fort différents. I n°y
a donc plus, me semble-t-il, lieu de se tromper à ce sujet
et de confondre; mais il existe entre diverses couches in-
termédiaires , que l’on peut considérer, je crois, comme
étage moyen de la formation de crag, des nuances telle-
ment variées quil ne me parait pas encore possible de les
expliquer autrement que par l'influence que peut avoir
exercée sur les mollusques la nature du fond de la mer,
qui variait probablement avec les courants; le degré de
profondeur qu'habitait chaque espèce peut n'avoir influé
que faiblement sur cette assise, car elle n’atteint jamais
une grande puissance, selon ce que j'ai pu découvrir.
Je dois cependant ajouter que, jusqu'à présent, je n'ai
pu trouver un endroit où ces trois étages de formation
différente de crag se trouvaient superposés les uns aux
autres avec leurs fossiles caractéristiques; mais j'ai re-
marqué que l’un d'eux manquait constamment (du moins
par les fossiles) en suivant cet ordre. Et néanmoins, comme
on le verra, les dépôts appartenant à ce que Je nommerai
crag supérieur et moyen, présentent toujours une strati-
ication qui constitue de nouveaux étages pour chacun de
ces dépôts particuliers.
Crag supérieur ou assises les moins anciennes de cette for-
mation. —— Les terrains que l'on peut considérer comme
élant les moins anciens dela formation du er ag, s'élendent,
ainsi que je l'ai déjà dit, à des profondeurs AA on sous
le sol des polders principalement, et présentent une suite de
(36)
dépôts fossilifères connus à Calloo, à Keckeren, à Merxem,
au Stuivenberg, près d'Anvers, à Deurne et à Ranst, les-
quels sont ainsi disposés en suivant à peu près une ligne
courbe, correspondant à celle du commencement des
bruyères de ce côté. Les espèces coquillières que l’on trouve
dans ces dépôts varient insensiblement de l’une à Pautre,
quoique le caractère dominant reste le même. La couleur
du terrain généralement jaunâtre est souvent nuancée de
teintes ocreuses, et cela résulte d’une composition de grains
sableux mélangés d’un peu d'argile ou de calcaire, et teint
par l’hydrate de fer. Cette dernière substance devient par-
fois dominante, et constitue des couches si puissantes
qu'on en à fait un objet d'exploitation pour alimenter les
hauts fourneaux pour la fonte du fer; d'autres fois, c’est le
calcaire qui domine, par suite de l’agglomération ou de la
décomposition des coquilles, et alors encore on s’en sert
comme d’une roche propre à remblayer des chemins, mais
le plus souvent la terre est meuble, siliceuse ou ferrugino-
hydratée, et dans cedernier cas, les fossiles que l’on y trouve
sont corrodés ou fragiles. Le plus souvent cette assise est
sans fossiles, mais il est aisé, par certains indices, de con-
stater son identité, en suivant la trace de ceux que l'on
trouve dans les principaux dépôts ; leur diminution insen-
sible et puis leur disparition sont la seule différence que
l'on remarque alors dans la composition générale du ter-
rain, puis, sur de grandes étendues, l’on ne trouve souvent
plus que de rares individus ou fragments d'espèces caracté-
ristiques. C’est ainsi qu'à Ruppelmonde, la présence des
Corbula planulata, Astarte plana et autres fragments dé-
couverts dans la couche des sables supérieurs à l'argile,
d'accord avec la nature du terrain, me l'ont fait reconnaitre.
La couche coquillière de Calloo , sur la rive gauche de
EEE
PR sr rent .
Re
(31)
l'Escaut , dans le polder de la Flandre occidentale, à 2
lieues d'Anvers, est la première à signaler. L’ayant sou-
vent visitée, je ne suis pas parvenu à y trouver des ver-
tèbres et tout au plus quelques restes usés de dents de
poissons. Elle commence à 5 ou 5 ‘k pieds sous le sol.
Voici la liste générale des coquilles qui y ont été recueil-
lies (nomenclature de M. Nyst). Elles se trouvent pour la
plupart dans la deuxième partie du dépôt, de 5 à 8 pieds
sous le sol, dans un sable jaune nommé schelpzavel, que
l'on exploite pour le pavage des routes et que l’on tamise
pour la bâtisse. |
Tasceau I.
1. Balanus tintinnabulum, Lk. Rare. 28. Lucina antiquata, Sow., var. Rare.
2. — sulcatus? Brug. Jiure. 29. — curviradiata, Nyst. Rare.
5. Lepas balanoïdes, Chemn. Rare. 50. Cyprina tumida, var. c. Rare.
4. Solen ensis, Lk. Fragment. 31. Astarte plana, Sow. Abondante.
5. Solecurtus candidus, Pen. Rare. 32. — Basterotii, Lamk. Rare et
G. Panopaea intermedia? H. Sow. usée,
Fragment. 35. — corbuloïda, Lagmek. Rare
7. Glycimeris angusta, Nyst et West. et usée.
Fragm. 54. Venus striatella, Nyst. Rare.
8. Mya arenaria, Lin. Rare. 55. — Deshayesiana? Nyst. Rare.
9. Corbulomyacomplanata,Nyst.Rare. 36. Artemis exoleta, Lin. Abondante.
10. Corbula planulata, Nyst. Abondante. 37. Cardium Parkinsoni, Sow. Abond.
11. Lutraria elliptica? Lk. Fragment. 38. — oblongum, Chemn. 4bond.
12. Mactra solida? Lin. Fragment. 39. — edulinum, Sow. Abond.
45. — arcuata, Sow. Fragment. 40. Cardita scalaris, Sow. Rare.
4%. — inaequilatera, Nyst. Abond. 41. Nucula laevigata, Sow. Abondante.
45: Erycina depressa, Nyst. 4bond. 42. Pectunculus variabilis, Sow. Abond.
46. Lingula alba, Wood. Rare. 45. Pecten complanatus , Sow. Abond.
17. Petricola laminosa, Sow. Rare. , 44. — opercularis, Lin. Abondante.
48: Psammobia Dumontii, Nyst. Rére. 45. — Sowerbyi,Nyst. Abondante.
19. — laevis, Nyst. Rare. 46. — radians? var. Rare.
20. Tellina Benedenii, Nyst. Abonit!. 47. — striatus, Sow. Rare.
21: — ovata, Sow. Abondante. 48. Anomia ephippium ? Desh. Rare.
22.,, — obliqua, Sow. Abondanle. 49. Ostrea edulis, Lin. Abondante.
25. — obtusa, Sow. Rare. 50. Emarginula fissura, Lk. Rare.
28. — articulata, Nyst. Rare. 51. — crassa, Sow. Rare.
25. — lJlupinoïdes, Nyst. Rare. 52. Fissurella graeca ? Lk. Rare.
26. Donax striatella, Nyst. Rare, 53. Calyptraca sinensis, Lin. Rare.
27. Lucina astartea, Nyst. Rare. 54. Trochus octosulcatus, Nyst, Rare.
. Trochus. . . ..
. Littorina suboperta, Sow. Rare.
: Scalaria .
.. Rare.
ER POS OT Rare.
. Turritella triplicata , Broc, Rure.
. Melania terebellata. Risso. Rare.
. Tornatella Noae. Sow. Rare.
. Natica crassa, Nyst. Abondante.
— Sowerbyi, Nyst. Abondante.
. Bulla convoluta, Broc. Abondante.
5. Fusus contrarius, Lin. Æbondante.
— corneus, Lin. Abondante.
. Pleurotoma turricula , Broc. Abond.
— mitrula, Sow. Abond.
I TU 1 ©
OÙ 19 = © ©
. Cerithium cuniculatum? Sow. Rare,
. Murex alveolatus, Sow. Très-rares
— incrassatus, Nyst. Rare.
. Rostellaria pes-pelicani , Lin. Rare.
. Buccinum elongatum, rugosum,
Sow. Abondante.
— relicosum, Sow. Abond.
— labiosum, Sow. Rare.
— propinquum, Leat. Rare,
— tenerum, Sow. Rare.
. Terebra inversa, Nyst, Rare.
. Voluta Lamberti, Sow, Rare.
. Cypraea coccinelloïdes, Sow. Rare.
Parmi ces espèces, quelques-unes, appartenant généra-
lement à l'étage suivant, étaient fort usées , telles que les
Astarte corbuloïdes, Basteroti, Turritella triplicata et Mu-
rex alveolatus ; je pense que ces coquilles, provenant effec-
tivement de l’âge antérieur, n'auront été enfouies qu'après
avoir longtemps roulé sur la plage. Les espèces dominantes
dans ce dépôt par leur quantité sont les suivantes :
. Corbula planulate:
. Mactra inacquilatera.
. Tellina Benedenii.
— ovala.
. Aslarle plan.
G. Artemis exolela.
7. Cardium edulinum.
Et à CLAO
8. Nucula lacvigata.
9. Pecten complanatus.
10. — operoularis.
11. Ostrea edulis ?
12. Natica crassa.
15. Buccinum elongatum-rugosum.
Quoïque rares ou peu abondantes, l'on peut considérer
comme caractéristiques les
1. Solecurtus.
2. Ghycimeris.
5. Mya.
4. Corbulomya complanata.
5. Mactra arcuata.
G. Liqula alba.
7. Pelricola.
S. Psammabix.
9. Tellina Benedentr.
10. — ovale,
11. Tellina obliquata.
42. — :oblusa.
15. Cyprina tunida, var. c.
44. Venus striatella.
45. Cardium Parlinsonti.
16. Melania terebellata.
47. Tornatella Noae.
18. Pleurotona mitrule.
19. Murex incrassatus.
20. Terebra inversa.
(59)
Les couches fossilifères d'Eeckeren et de Merxem, à 2 et
5 lieues de Calloo, offrent à peu près les mêmes fossiles;
mais la nature du terrain y présente quelques variations
par des nuances de sables gris et brun-rougeàtre; il en
résulte, pour les coquilles que l’on trouve dans les couches
non ferrugineuses, un degré de conservation meilleur et
une ténacité plus grande. L'on y trouve les Tellina ovata
et tenuilamellosa parfaitement conservées, ainsi que Îles
Luccines les plus fragiles. Les genres Pecten et Telline
S'y trouvent surtout dans le crag jaune, ainsi que le Car-
dium edulinum. J'ai remarqué, en outre, qu'une partie de
ce terrain, d’une nature argileuse {leem), contenait une
grande quantité de Fusus corneus, d'Astarte plana avec
des Tellina Benedenii et des Auricula pyramidalis , espèce
rare dans tous les autres dépôts. C’est sous la commune
d'Eeckeren que l'on commence à trouver de grosses ver-
tèbres , mais elles y sont très-rares. Le village et plusieurs
campagnes se trouvent sur une faible élévation du sol, for-
mant, dans les terres d’alluvions fluviatiles, une ligne
avancée sablonneuse qui se relie aux anciennes bruyères et
que les inondations de l'Escaut ne peuvent submerger.
Cette ligne continue, sur toute son étendue en demi-cercle,
autour du polder, à montrer les traces des mêmes espèces
fossiles, et le fond du ruisseau se trouve souvent chargé
de leurs fragments.
Ces dépôts se relient, près de la ville, à Dambrugge, aux
assises du Stuivenberg, lesquelles se reproduisent, en par-
tie, deux lieues plus loin, au champ de Ranst. Les terrains
fossilifères qui séparent ces deux massifs sont d’un âge
différent; car au côté du premier, à Borgerhout, commence
déjà la couche plus compacte à Cyprines avec Pecten stria-
tus, Astarte planata, Omalii et Basterolü, et cette infinité
(40 )
de vertèbres et dents de squales propres à ce terrain, qui
se signalent toujours sous les champs de Deurne, Wom-
melghem et Borgerhout; mais, par analogie de la lisière de
Merxem, je crois bien qu’il en existe une semblable incon-
nue jusqu’à Bast et dont j'ai suivi les traces jusque entre
Deurne et Wyneghem, où se retrouvent toujours aussi les
espèces d’Eeckeren et de Calloo, mais plus restreintes.
L'on nomme Stuivenberg une localité à l’est de la ville
joignant le hameau de Dambrugge et de Borgerhout, où se
trouvait autrefois une proéminence de terrain formée de
sables et de conglomérats coquilliers fort remarquables,
que l'on a exploitée pour diverses constructions; il n’en
existe plus que des lambeaux, qui peuvent encore donner
une idée de l’ancien état des lieux.
Voici le résumé des coupes prises de 1859 à 1851.
4. Terre végétale 1 à 2 pieds.
2. Gros sable à grains ferrugino-quarzenx , de couleur
brune à consistance variable, sans fossile et remplissant
les longues fissures de la couche inférieure, 2 à 5 pieds.
3. Conglomérat de coquilles brisées, de moules de co-
quilles et de quelques espèces entières, liées par un ciment
calcaire blanchâtre; les vides et alvéoles sont souvent ta-
pissés d’incrustations et de cristaux irréguliers. Ce dépôt,
formé sans doute par un pouvoir de transport assez grand,
puisqu'on y trouve aussi de nombreux cailloux et osse-
ments divers, est d’une puissance variant d’un à 8 pieds.
Exploité pour le terrassement du chemin de fer, il n'en
reste que des parties moins adhérentes, variant de 2 à 5
pieds. T1 contenait des vertèbres et fragments de grosses
côtes, et, selon les descriptions exagérées des ouvriers,
probablement des ossements de grands mammifères vivant
dans le voisinage des mers à cette époque. Absent ou
trop jeune à l’époque de la grande exploitation de cette
(41)
couche, je n’ai recueilli, plus tard, qu'un rameau d’un
jeune cerf, un fragment d’une grosse côte (1 pied de long,
1} de large), quelques vertèbres et des coquilles des espèces
suivantes :
Tagzeau IL
=
. Balanus tintinnabulum, Lam. Fort 8. Cardium edulinum, Sow. P. abond.
développe. 9. Mytilus antiquorum, Sow. Rare,
. Corbulomya complanata, Nyst. 4b. . entière.
. Corbulaplanulata, Nyst. Abondante. 10: Pecten opercularis, Lin. Rare, ent.
. Tellina Benedenïi, Nyst. Abondante. 11. Ostrea edulis? Lin. Pas beaucoup.
. Donax striatella, Nyst. Rare. 12. Lingula Dumortieri, Nyst. Rare, ent.
+ Lucina astartea, Nyst. Rare, entier. 13. Natica crassa , Nyst. Rare, entière.
. Astarte plana, Sow. Peu abondante. 14. Fusus contrarius, Sow. Rare, ent.
5 C1 ©
1 © ©
L'absence d’univalves dans cette couche, dont on ne
trouve guère que quelques individus entiers, la plupart
n’offrant plus que les moules, m’a surtout frappé. Parmi les
nombreux fragments de cette assise, indépendamment des
espèces précédentes, je citerai encore les espèces et genres
suivants :
Solen ensis, Lin. Pecten complanatus, Sow.
Mactra arcuata , Sow. Littorina..……
Petricola ?.…. Turritella triplicata, Broc.
Lucina.…. Melania.……
Cyprina. Natica.….
Astarte..…. Fusus..….
Venus striatella? Nyst. Buccinum rugosum? Sow.
Artemis exoleta, Lin. Voluta Lamberti, Sow.
Pectunculus variabilis, Sow.
Plusieurs de ces derniers fragments, tels que ceux des
Cyprines, Astartes, Pectoncules, Turritelles , ete., étaient
fort usés, mais cependant assez reconnaissables pour pou-
voir être rapportés comme ayant appartenu aux espèces
et variétés qui ont été particulièrement enfouies vivantes
dans d’autres dépôts. Je crois devoir encore faire observer
ici, comme je lai déjà fait plus haut, que ces coquilles au-
ront roulé longtemps sur la plage, ainsi que cela s'observe
(42)
encore de nos jours sur la plage d'Ostende, où la Feneri-
cardia planicostata, fossile des terrains tertiaires, y est
mêlée aux espèces actuellement vivantes. Plus tard, l’on ne
pourra cependant prétendre avec raison que cette espèce
vivait dans nos mers avec celles qu’elle nourrit aujourd’hui.
4. Couche épaisse de 5 à 40 pieds d’un terrain sableux,
jaunâtre, nuancé fort irrégulièrement de parties foncées
de nature plus consistante, le tout se laissant facilement
entamer par le couteau ou la bêche , de manière à se ré-
duire en sables, dont les plus fins sont exploités pour la
préparation du mortier de construction.
C'est dans cette partie du dépôt que M. Van Haesen-
donck, pharmacien à Costmalle, et moi avons recueilli le
plus grand nombre d'espèces, toutes fort fragiles, diffé-
rentes de celles de Calloo, et dont voici la nomenclature :
Tasreau Ill.
4. Balanus..…. Valves delachées. 22, Diplodonta dilatata , Phil. Rare.
2. Solen ensis, var. @, Lin. Rare, ent. 23. Astarte plana, Sow. Commune.
5 — — —'b, Lk. Rare, ent. 2% ° — !'Basterotit. Usce;/rare:
4. — tenuis, Phil. Peu commune. 95. Venus striatella, Nyst. Rare.
5. Solecurtus candidus, Ren. Rare. 26. Artemis exolela, Lin. Rare.
6. Glycimeris angusta, Nyst. et West. 27. Cardium edulinum, Sow.Commune.
Rare. 98. Cardita scalaris, Sow. Commune.
7. Panopaea intermedia”? J. C. Sow. 29. Nucula depressa, Nyst. Peu abond.
Rare. 50. — lacvigata, Sow. Peu abond.
8. Corbula planulata, Nyst. Abond. 51. — subtransversa? Nyst. Com.
9. Mactra arcuata, Sow. Rare. 32. Pectunculus variabilis, Sow. Rare.
10. — striata, Nyst. Commune. 53. Mytilus antiquorum , Sow. frag.
11. — petite, indéterminée, Comm. 34. Pinna margaritacea ?? Lk. Comm.
142. Eryeina ambigua, Nyst. Commune. 53. Pecten opercularis, Lin. Peu comm.
15. — faba, Nyst. Conunune. 56. — Sowerbyi, Nyst. Pas. comm.
44. Petricola laminosa, Sow. Rare. 57. Anomia ephippium ? Desh. Passub.
45. Psammobia Dumontii, Nyst. Rare. comm.
16. Fellina Benedenii, Nyst. Commune. 38. Lingula Dumortieri, Nyst. 4bond.
AT. — ovata, var? Sow. Rare. 59. Ostrea edulis? Lin. Rare.
18. — solidula?..…. Rare. 40. Emarginula crassa, Nyst. Rare.
49. Donax s'riatella , Nyst. Moins rare. 41. Calyptraea recla, Sow. Rare.
20, Lueina astartea, Nyst. Pass. comm. 492. — sinensis, Lin. Rare.
21 — antiquata? var, Sow. Rare. 45. Trochus solarium , Nyst. fiare.
(45)
44. Trochus trigonostomus, Nyst. Ca- 55. Cancellaria variosa , Broc. Rare.
ract. 56. Cerithium funiculatum ? Sow. Rare,
45. — similis, Sow. Rare. 57. RE RENE PAT A
46. Scalaria frondosa , Sow. Rare. 58. Rostellaria pes-pelicani, Lin. Rore.
#7. — subulata? Sow. Rare. 59. Buccinum elongatum, Sow. M. rare.
48. Turritella triplicata, Broc.Très-rar. 60. — — var,, SOW.
49. Eulima subulata, Risso. Rare. Moins Rare.
50. Tornatella conoïdea, Broc. Abond. 61. Buccinum labiosum, Sow. M. Rare.
51. — gracilis? Nyst? Rare. 62. — propinquum, Sow.M. rar.
52. Bulla convoluta, Broc. Abondante. 65. Terebra inversa, Nyst. Rare.
33: ©— utricula, Broc. Abondante. 64. Voluta Lamberti, Sow. Rare.
54. Auricula pyramidalis, Sow. Rare. 65. Cypraea coccinelloïdes, Lk. Rare.
Plusieurs de ces espèces portent des Lepas que l’on n’a
pas encore pu déterminer. La plupart , assez rares et diffi-
ciles à recueillir à cause de leur fragilité, caractérisent ce
terrain ; mais la plus remarquable de toutes ces espèces est
la Lingula Dumortieri, qui abonde ici et que l’on y trouve
parfaitement conservée. Quelques autres espèces abon-
dantes à Calloo, telles que les Corbula planulata , Tellina
Benedenii, Astarte plana, etc., s'y rencontrent fréquemment
aussi. Les Solen et Pinna, quoique communes dans une
partie du dépôt qui n'existe plus, ne pouvaient s’en extraire
intactes, et l’une des Nucules qui s’y trouve assez commu-
nément, et qui n’a pu être déterminée d'une manière cer-
taine, n’a pas encore été trouvée dans les autres dépôts
cités; elle ressemble infiniment à la Nucula margaritacea,
Lam., et diffère, sous plusieurs rapports, de la Nucula lae-
vigata, Sow., avec laquelle on l’a confondue. Elle se ren-
contre aussi dans les formations suivantes avec les mêmes
caractères spécifiques, mais offrant l’aspect d'une simple
variété. Le faubourg de Borgerhout et la commune de ce
nom, se trouvant bâtis sur la lisière de l’une de ces forma-
tions et de la fin du Stuivenberg, il ne m'a pas été possible
de découvrir si la transition se fait d’une manière sensible.
On remarque cependant, en creusant dans ces endroits,
(44)
qu’à la même profondeur où l’on trouvait, au Stuivenberg,
les fossiles dont j'ai donné la liste, on a recueilli ici des
fragments de vertèbres, côtes, etc., et des coquilles dispo-
sées par bandes, telles que : Cyprina tumida, irlandica,
Astarte Omalii, Basterotii, Pecten complanatus, striatus et
opercularis, qui caractérisent l'étage de crag moyen; sauf
les Pecten complanatus, dont la longévité doit avoir été
fort grande. Cette couche à été très-bien observée par
M. Nyst au fort n° 1, que l’on vient de construire près de
Deurne.
Faisant maintenant une revue des différentes espèces re-
cueillies (1) dans les endroits cités du crag supérieur, l'on
trouvera que 20 p. %o (2) de celles-ci se retrouvent encore
vivantes, dont 18 dans l'Océan ou mers voisines, 2 au-
tres seulement dans l’Adriatique et la mer Rouge. D’après
les recherches de M. Nyst. 55 p. 0 environ de ces mêmes
espèces se retrouvent (sauf erreur de synonymie) dans le
crag d'Angleterre (5), et 45 p. Yo sont particulières aux for-
mations dont il s’agit. Enfin, 15 à 16 espèces sont encore
déterminées d’une manière peu certaine, et quelques autres
sont peut-être nouvelles.
Je pense qu'avant de passer aux observations sur les
couches suivantes, que je crois d’un âge plus ancien, il con-
(1) Je n’entends parler ici que des espèces trouvées par moi-même ou à
la découverte desquelles j'étais présent; car ayant des raisons de douter
de quelques-unes reçues de personnes étrangères à la paléontologie, je les
ai omises pour éviter toute confusion.
(2) D’après les communications de M. Lyell, la proportion des espèces
vivantes serait du double, selon les observations de MM. Wood et Morris.
5) Selon cette même communication, la plupart de ces espèces se trou-
vent dans diverses couches de crag en Angleterre.
(45)
vient de faire mention d'un banc coquillier qui se trouvait
dans l'Escaut, vers la rive droite du fleuve, à la hauteur
du fort Lillo, et que la marée basse mettait à découvert
aux époques de pleine et nouvelle lune coïneidant avec le
vent d'est ou sud-est.
Ce bane, qui a diminué considérablement depuis le
réendiguement du polder de Lillo, excita vivement ma
curiosité , ainsi que celle de M. Nyst, avec qui je l'ai visité
en 1845. Il présentait un mélange de coquilles fossiles de
différents étages du crag et de plusieurs espèces fluviatiles ,
dont les analogues vivent probablement encore dans les en-
virons; le tout dans un état de conservation remarquable.
Nous y retrouvàmes une grande partie des espèces déjà
citées, et quelques-unes de celles-ci, fort rares, soit à
Calloo, soit à Eeckeren, soit au Stuivenberg, abondaient
ici, par exemple : la Rostellaria pes-pelicani, le Buccinum
labiosum , Natica Sowerbyi, etc. Quelques autres espèces
caractéristiques des assises subséquentes s’y retrouvaient
également en abondance, et notamment l’Astarte planata,
var. Cardita scalaris, Cardita orbicularis, Cardita chamae-
formis, Fusus contrarius, la Turritella triplicata et Pecten
Sowerbyi; les Terebratula Sowerbyi, Nyst, T. gigantea ?
Schloth, Pileopsis ungarica, Cassidaria bicalenata, etc.,
y étaient moins abondantes. Mais deux espèces caractéris-
tiques du terrain noir ou crag inférieur nous ont surtout
… étonné par leur présence : l’Astarte minuta et Nucula Hae-
- sendonckii, celle-ci fort rare, il est vrai, mais néanmoins
solide comme les autres; celle-là plus grande et plus
aplatie que dans les sables glauconifères d'Anvers. Je dois
enfin citer la Voluta semiplicata, Nyst, dont le type se
trouve dans l'argile à Schelle, et dont j'ai trouvé ici, je
. crois, une variété.
(46)
il ne serait pas possible de donner une explication pré-
cise de ces faits; mais l'hypothèse la plus vraisemblable sur
la formation de ce banc de sables coquilliers dans l’Escaut,
nous paraît être que, par suite de la rupture de la digue de
Lillo après la révolution de 1850, les eaux du fleuve au
reflux ont enlevé de dessous le polder les dépôts du crag
fossilifère qui s’y seront sans doute trouvés, en les déposant,
au tournant de la rive, à quelque distance de la rupture,
Il est étonnant que la vase qui s'étend sur les rives et
dans le fleuve ne couvre pas ces dépôts, dans lesquels on
pourrait, en draguant, trouver encore plusieurs espèces
nouvelles, car, en quelques heures de temps, nous y avons
recueilli, outre les espèces dont nous venons de faire men-
Lion, la Patella acqualis, Lin., Scalaria foliacea, Sow., Pho-
las cylindrica, Sow., Lucina flandrica, Cardita…, le Fusus
striatus, un fuseau, trois pleurotomes, le Murex tortuosus,
Sow., deux buccins, une fasciolaire, plusieurs polypiers
et fragments d’échinodermes que nous n'avions pas encore
trouvés dans ce pays et dont M. Nyst se propose de donner
la description.
Crag moyen ou assises intermédiaires entre le crag supé-
rieur et les sables glauconifères. —1l ne m'a pas été possible
de constater jusqu’à présent, d’une manière bien certaine,
si les dépôts marins d’un âge immédiatement antérieur à
ceux dont je viens de parler, et qui s'étendent générale-
ment depuis la ville d'Anvers, vers le midi de la province,
sous la couche de terre végétale, se trouvent aussi sous les
dépôts, moins anciens, que recouvrent les polders; mais
il est constant qu'en deçà de la limite que forment ceux-ci
et la bruyère, dans une certaine circonférence, tout in-
dique un état de choses plus ancien.
Le limon noirâtre des alluvions fluviatiles est remplacé
PS PTS
(A1)
. par une terre végétale, également bonne, que les inonda-
tions du fleuve ne sauraient atteindre, et les couches infé-
rieures à celle-ci contiennent des dépôts coquilliers formés
par des espèces caractéristiques généralement différentes
de celles dont la nomenclature précède, quoique plusieurs
de celles-ci s’y représentent encore. Une quantité notable
de dents de squales et des vertèbres, irrégulièrement ré-
pandues dans le sol , caractérisent particulièrement cette
partie du crag qui reconvre indistinctement le terrain noir
ou sables glauconifères et la marne argileuse; mais ces
deux formations se trouvant disposées par larges bandes
ou par zones, il se fait que lorsqu'elles viennent à man-
quer, la formation dont il s’agit présente une succession
très-variée de couches Superposées les unes aux autres. Ces
couches sont généralement sans fossiles au delà d'une
lieue sud d'Anvers; elles en sont, au contraire, remplies
‘aux environs de la ville.
En creusant autrefois les fossés des fortifications, lon
a rencontré et mis à nu des banes coquilliers considérables
appartenant à cette assise ; de faibles couches d'argile jaune
ou bianchâtre (leem) les traversent, et l’on rencontre à di-
verses profondeurs le crag noir à pétoncles.
Cette couche argileuse, dont l'épaisseur varie d’un demi-
pied à deux pieds, est riche surtout en coquilles des genres
Pecten, Astarte et Cyprina; l’on y trouve aussi des Venus
sulcata et turgida. Elle se trouve généralement à une pro-
fondeur de quatre à cinq pieds dans le terrain gris ou
sableux jaunâtre, et le sépare souvent d’une partie mou-
vante nommée drift, et qui donne de l'eau. Cette super-
position s'observe aussi dans des lieux non fossilifères.
Des coupes prises cu différents endroits en donneront
une plus juste idée.
( 48 )
Au glacis d'Anvers :
1. Terre végétale grise, mélangée de quelques débris fossiles. 1 à 2 pieds.
2. Terrain gris de crag avec fossiles . . . . . . . .5à6G »
3. Argile d’un blanc grisâtre avec fossiles. . . . . . . 11, »
4. Drift de couleur semblable (pass'. peut-être au crag noir). 4 »
Et puis indéfini à cause de l'eau. . . . . . . 15'},pieds.
Au sortir de la ville, chaussée de Berchem :
1. Terre végétales ©: … + . 1 lee PIE
9. — jaune sableuse Car sans rire si C2 16 NOM
3: — — argileuse(/eem), sans fossiles . . . . . + "6n»
14 picds.
Ua peu plus loin, l'on creuse 16 à 20 pieds dans la terre
sableuse, n° 2, sans fossiles et sans variation sensible.
Au Rooy, commune de Berchem, à une lieue de la ville:
AE Tenrmivégeétale mu PE pieds.
. Terre sableuse jaunâtre, avec por dents de
squales, vertèbres et moules divers de coquilles
appartenant aux genres cyprine, astarte et vénus. 4 à 6 »
3. Sable gris-blanchâtre (drift), contenant de petits
cailloux roulés et concrétions moulées dans des
coquilles dont le test est détruit . . . . . . Li»
4. Sables noir verdâtre sans coquilles, mais avec quel-
ques rares fragments de vertèbres et de dents.
AREAS ee ei AS ea ne NES ARTE 5 »
19
Creuse. ”. 1, 14 pieds.
Des couches du même genre, mais variées, se succèdent,
vers le midi, avec les mêmes traces organiques jusqu’à la
hauteur de Hove et Contich, où l'on n’en trouve plus. On
y arrive bientôt aux marnes argileuses.
(49)
Dans le village de Contich, on a trouvé sans fossiles :
?
Miro vérélalé) 5)... cat odue 91/2 dé pieds.
2. Sable blanc jaunâtre pur. 2.
5. Terre jaune ocreuse pr Fu a» RE. DE PE TE
4. Sable blanc argileux friable . 1,»
5. Drift à cailloux roulés indéfiniment "1 dans
ER DS Pt 5 »
Greusé - . 14 pieds.
A vingt minutes à l’ouest de Contich :
Terre végétale . ATEN pieds.
— sableuse jannâtre assez consistante. . . : 5! »
— de nature argileuse vers sa base . 1
. Marne argileuse avec Septaria. Indéfini. Creusé 8
»
4
2.
5.
ä »
Creuse 2, 45 pieds.
Quelques pas plus loin, dans une briqueterie, j'ai ob-
servé, dans le n° 2, des degrés de stratification très-variés :
le jaune passait au blanchâtre, puis au vert, puis au brun
d’ocre avec nodules ferrugineux, au gris pâle argileux,
enfin à la marne argileuse.
Voici la liste des coquilles que j'ai recueillies dans les
couches de crag moyen à Anvers :
Tagreau IV. — A. Nomenclature des espèces caractéristiques
de ce terrain. |
4. Balanus crassus, Sow. 7. Cyprina tumida, Nyst, var. &.
2, Lepas.….. 8 — — Nyst., var. G.
5. Lucina antiquata, Sow. 9. Astarte planata, Sow.
4 — curviradiata, Nyst. 10. — — Basteroti, Lajonck.
5. — flandrica, Nyst. 11. — — Omalii, Lajonck.
6. Cyprina islandica, Lin. AT — imbricata Sow. (1).
(1) Nous croyons aussi que ces quatre espèces ne sont que des variétés de l’As-
tarle planata.
Tome xx. — Ï"° paRT. 4
(50)
15. Astarte Burtini, Lajonck.
14 — — var. obliquata (1).
15. — Galcotti, Nyst,
16. — corbuloïdes, Lajonck.
17. — sulcata, Mont.
18. Venus spadicea, Ren.
19. — rudis, Poli (cycladiformis
Nyst.).
20, — minima, Mont. (trigona,
Nyst.).
21. — chionoïdes, Nyst.
22. — sulcata, Nyst.
25. — — var., Nyst.
24. — turgida, Sow.
25. Cardium echinatum ? var., Brug.
26. Isocardia cor, Sow.
27. Cardita chamaeformis, Sow.
28. — orbicularis, Sow.
29. — planicostata? Lk.
30. Lima nivea, Ren.
31: Pecten grandis, Sow.
32. — Westendorpianus, Nyst.
35. — Sowerbyi, Neyst.
34. — radians, Nyst. et West.
35. — Gerardi, Nyst. (2).
36. — tigerinus, Mull.
37. — — 12 variétés.
38. Pecten striatus, Sow.
39. Anomia rugosa , Nyst.
40. Ostrea undulata , Sow.
41. — ungulata, Nyst.
42. Terebratula gigantea Schlot.
45. Dentalium semi-clausum, Nyst.
4%. Dentalium (Ditrupa), strangulatum,
Desh.
45. Pileopsis ungarica, Linn.
46. Calyptraea (muricata), squamulata,
Ren.
47. Trochus extensus ? Sow.
48. — similis, Sow.
49. — laevigatus, Sow.
50. — Sedgwicki, Sow.
51. — Kickxii, Sow.
52, Turritella triplicata.
Ds. —
54. Natica cirriformis, Sow.
55. — hemiclausa, Nyst.
56. — — yar.?
57. Bulla lignaria, Lin.
58. Tornatella.…… ?
59. Cancellaria umbilicaris, Broc.
60. Cancellaria ?..…
61. Fusus alveolatus , Sow.
ss.
62 — — var. ?
63. — clathratus? Lam.
64. — echinatus, Sow.
65. Murex alveolatus , Sow.
66. Buccinum. crassum, Nyst.
67. — flexuosum ? Broc.
68. — granulatum, Sow.
69. — elegans, Leath.
70. Flustra lanceolata ? Goldf.
71. Millepora, . . . .
72. Ceriopora. . . ..
TaBLEAu V. —B. Vomenclature des espèces communes à cet étage
et aux dépôts de la formation antérieure.\
1. Panopaea intermedia? J. C. Sow.
Rare.
2. Corbula planulata, Nyst. M. abond.
3. Tellina obliqua, Sow. Rare ici.
4. — tenuilamellosa , Nyst. et
West. Très-rare.
(1) Ces deux espèces sont probablement des variétés.
(2) Ce Pecten nous parait être une varicté du P, tigerinus.
Can de |
Pi Te À
ETS ENT SERIE CP
(51)
- Trochus octosulcatus, Nyst.Rar. icé,
. Littorina suboperta. Assez rare.
. Scalaria frondosa, Sow. Rare.
. Turritella triplicata Broc.
5. Tellina lupinoïdes, Nyst. Très-rare.
6. — Benedenii, Nyst. Rare dans
le crag gris.
7. Lucina astartea, Nyst. Rare.
8. Diplodonta dilatata, Phil. Rare.
9. Cyprina tumida, Nyst, var. c. Rare.
10. Astarle plana , Sow. Moins abond.
11. Arlemise xoleta, Lin. Rare ici.
12. Cardium edulinum, Sow. M. abond.
43. Nucula depressa, Nyst. Trés-rare.
14. Pectunculus variabilis, Sow. Pas
abondante.
15. Pecten opercularis, Lin. var. Pelite
el commune,
46. — Sowerbyi, Nyst. Commune.
17. Anomia.. .... Coma. dans le crag
jaune.
18. Ostrea edulis, Lin. Pas abondante.
19. Lingula Dumortieri, Nyst.Très-rar.
20. Emarginula fissura, Lk. Touj. rare.
21. — crassa,Nyst. Touj. rare.
22, Fissurella graeca ? Lam. Touj. rare.
25. Calyptraea sinensis, Lin. Rare ici.
53.
54.
3ù,
36.
37.
58.
39.
40.
41.
42.
43.
Tres-
abond., appartient aux curactéris-
tiques.
. Natica crassa, Nyst. Commune.
— Sowerbyi, Nyst. M. conum.
. Bulla convoluta, Broc. Rare.
1. Fusus contrarius, Lin. Assez rare.
— corneus, Lin. Assez rare.
Pleurotoma turricula, Broc. Rare.
Murex alveolatus. Sow. Caractérist.
Rostellaria pes-pelicani, Lin. R. tct.
Buccinum Dalei? Sow. Lillo et An-
vers. are.
— tenerum, Sow. Rare.
— elongatum, Sow. M. rure.
rugosum, Ï. rar.
reticosum , M. r.
— propinquum,Leath. T. r.
. — labiosum, Sow. Rare.
Cypraca coccinella, Lam. Tr.-rare.
Les espèces suivantes : Lucina anliquata, Astarte Bas-
teroti, Cardita scalaris, Pecten striatus, et Turritella tri-
plicata, quoique se trouvant quelquefois dans les assises
supérieures, ne peuvent pas cependant être considérées
comme communes aux deux étages.
Il faut remarquer que les espèces de cette catégorie, qui
sont abondantes dans les couches antérieures, sont rares
ou peu communes ici, à quelques exceptions près, encore y
a-t-il toujours des variations à observer; et celles qui abon-
dent ici sont rares dans les couches des étages supérieurs,
quand elles s’y rencontrent.
(52)
Taureau VE — C. Espèces communes à cet étage et à la formation
inférieure (crag noir ou sable glauconifère).
4. Corbula granulata? Nyst. Rare. 15. Solarium turbinoïdes, Nyst.Rare.
2. Matra striata, Nyst. Varicte ? 146. Trochus extensus , Sow. Rare.
5. Erycina dubia? Nyst. 17. Natica crassa, Nyst. Rare dans
4. Ligula donaeiformis. Rare ici. ” l’inférieur.
5. Astarte Omalii, Lajonck. Rare dans 18. Natica Sowerbyi, Nyst. Rar. dans
le crag noir. le noir.
6. Venus incrassata, Sow. Rare ici. 19. Bulla convoluta , Broc. Rare ici.
7. Cardita squamulosa , Nyst. Rare. 20. — utricula, Broc. Touj. rare.
8. — orbicularis, Sow.Raredans 21. Pleurotoma intorta, Broc. Très-rar.
le crag noir. 22, — crenulata, Broc.
9. Nucula depressa, Nyst. Touj. rare. 25. Cancellaria varicosa, Broc. Toujours
40. — subtransversa? Nyst. Vurice. rare.
11. Trigonocaelia scalaris? Sow. Rare. 24. Cassidaria bicatenata, Sow. Tou-
12. — sublaevigata , Nyst. jours rare.
et West. Rare. 25. Ringicula buccinea, Broc. Variée.
15. Pectunculus variabilis (1), Sow. 926. Gypraea coccinella, Lam. Touj. rar.
Peu commun ici. 27. Lunulites rhomboïdalis, Goldf.
44. Dentalium entalis, Lin. Variée.
D'après ce qui préeède, l'on voit qu’il n’y a guère qu'une
dizaine d'espèces qui se retrouvent dans les trois élages, et
le degré de proportion, comme celui de développement,
est essentiellement différent.
La même observation que J'ai faite sur la liste précé-
dente s'applique à celle-ci, seulement la variation des
coquilles qui se rencontrent dans le terrain dont il s’agit
et le crag noir, est bien plus grande.
Il résulte des recherches que j'ai pu faire, que la quantité
des analogues vivants de ces terrains, correspondant au se-
cond étage, a diminué de 5 p. °/o sur celui du crag supérieur,
celui-ci n’en comptant en moyenne qu'environ 45 p. % en
(1) Probablement une espèce distincte.
(93)
espèces caractéristiques (1); les analogues aux espèces vi-
vantes se rapportent aux espèces des mers du Midi. La
proportion des espèces qui se trouvent également dans le
crag d'Angleterre n’est plus que de 45 p. %o, tandis que celle
des fossiles qui se retrouvent dans le clay de Londres (Bar-
ton et Hordwell) est ici de 5 p. %; enfin, 42 p. % sont
encore particulières jusqu’à présent au crag d'Anvers, et
quelques-unes sont restées indéterminées.
CRAG NOIR. — Etage inférieur. Sables glauconifères. —
Les couches les plus anciennes de la formation du crag
d'Anvers sont, des sables noirs ou verdâtres de phosphate de
fer, mélangés de grains jaunâtres souvent foncés, de quarz
ou de calcaire. Ils sont disposés par bandes ou par zones, qui
commencent généralement, dé 8 à 12 pieds de profondeur,
sous les assises supérieures, et semblent se trouver répandus
Surtout sous la ville d'Anvers et ne sont guère connus que
dans sa banlieue. C’est surtout au glacis du fort Herenthals
qu'une couche à fleur de terre a depuis longtemps attiré
l'attention des paléontologistes, à cause de la prodigieuse
quantité de pétoncles et autres coquilles que le travail des
taupes remue en cet endroit avec le sable; l’on y trouve
des foraminifères el autres coquilles microscopiques re-
marquables que l'on n’a pas encore déterminés jusqu'à
présent et qui caractérisent cette couche qui ne semble pas
avoir été observée en Angleterre.
La superposition de cette même couche sur une bande
jaune de crag ferrugino-arsileux, avec Cyprina tumida, Pec-
(1) Suivant la communication déjà mentionnée de M. Leyll, nous devons
ajouter que cette proportion s'élève encore à plus du double, et que celle des
espèces qui se trouvent aussi dans les assises du crag anglais, serait de 80
à 90 p. ‘.
(ÿ4)
ten Striatus, complanatus, Gerardi, ete., s'offrait aussi à
l'attention du paléontologiste, et quoiqu'il semblât dûment
constaté, par l'étude comparative des fossiles de ces dé-
pôts, que l’âge relatif des sables glauconifères noirs était
plus ancien, ce renversement d'étages nous a longtemps fait
douter; mais comme ces mêmes sables se représentent de
nouveau sous la couche de pecten et cyprines et forme le
fond du fossé des remparts creusés en cet endroit, il est
probable que c’est à l’époque du creusement de ce fossé
qu'une couche de crag noir aura été déposée par chariage
dans une dépression de terrain, d'autant plus que ce n'est
guère que sur une étendue de quelques minutes et avec
une puissance variable, que ce fait particulier se pré-
sente.
L’épaisseur ou la puissance commune de ce Lerrain est
peu connue jusqu’à présent, parce qu’il se trouve générale-
ment, soit en des lieux où l’on ne peut ni creuser ni fouil-
ler, soit fort avant sous le sol et les assises supérieures.
Selon les renseignements que nous avons pu recueillir, il
a, en quelques endroits, une puissance de 19 à 20 pieds
de profondeur.
Près du village de Berchem, on retrouve ce terrain à 6
pieds sous la surface du sol; ainsi l'on remarque 2 ‘k pieds
de terre végétale, puis 2 à 5 pieds d'une couche coquillière
consistante , et enfin le crag noir avec fossiles ayant plus
de 10 pieds d'épaisseur.
Une demi-lieue plus loin, j'ai constaté la superposition
suivante au sud de la même commune et d'Anvers :
LA pt AAA PE aa og ot . 1} à 2 pieds.
2, — sableuse jaunâtre et bigarrée, avec de rares
concrétions calcaires moulées dans des coquilles,
quelquefois des vertèbres et des dents de squales
(des genres cyprines et astarte). .…. . . . . 5à6 »
(55)
3. Sable grisâtre contenant à peu près les mêmes genres,
moules ét débris, passant au noir . . . . . . 1, pied.
4. Sables glauconifères d'un noir verdâtre de puissance
indéfinie, sans coquilles, mais contenant des frag-
ments de côtes et de vertèbres de poissons, dont
une, que j'ai recue, a 7 pouces en largeur diamé-
trale. On a creusé G pieds dans ce terrain.
A l'est de la ville, au village de Deurne, distant d'une
lieue , le ereusement d’un puits a produit :
4. Terre végétale . . . . LUNA DIEU.
9, — sableuse jaune, tés nhe avec € débris qe lie.
d'astartes ct dents de squales. . . . ; 20 »
5. Terrain noir, dur et compacte, formé de Sa. glau-
conifères ea avec Zigula donaciformis, quel-
ques Pectunculus variabilis et empreintes de Pec-
ten Lamalii et des débris divers; il contenait aussi
des fragments vertébraux. Pas traversé.
Enfin, vers le côté sud-est, entre les villages de Deurne,
Berghem et Borgerhout, l’on a trouvé le crag noir, à 26
pieds de profondeur, après avoir traversé deux autres cou-
ches coquillières de formation plus récente, et l’on à pu
constater qu'il pouvait y atteindre environ 45 pieds de
puissance.
Les espèces caractéristiques qu’il m'a été possible de
recueillir dans cette formation sont les suivantes :
1. Corbula gibba, Oliv., Assez comm. 10: Astarte radiata, Nyst et West. 4bon-
2, — Waelii, Nyst. Très-rare. dante.
5. Mactra striata, Nyst. Pas rare. 11. Astarle radiata, var. crassicosta. RÀ.
4. — (petite, indéterminée), Com. 12 — minuta, Nyst. Abondante.
5. Ligula donaciformis, Nyst. Com. 13. Venus multilamellosa, Sow. Pas r
6. Saxicava arclica, Lin. Commune. 44, — incrassata, Sow. Rare.
7. Donax fragilis, Nyst. Rare. 45. Cardium turgidum , Brunn. Rare.
8. Lucina antiquata? Sow., var. Pas. 16. — .-.:. .? Rare.
9. Diplodonta dilatata? var, Phil. Pas 17. Isocardia lunulata, Nyst. Rare.
rare. 48. — crassa, Nyst. Rare.
(56)
49. Cardita squamulosa, Rare.
20, — corbis, Phil. Rare.
21. Nucula depressa, Nyst. Rare.
22. — Philippiana, Nyst. Abond.
23. — Westendorpi,Nyst. Assez r.
24. — Margaritacea? Desh. Abon.
25. — Haesendonckii, Nyst. 4. r.
26. Trigonocaelia sublaevigata, Nyst.
Assez rare.
27. Trigonocaelia decussata, Nyst. 4s-
sez rare.
28. Pectunculus variabilis (1), Sow.
Très-abondant.
29, Arca diluvii, Lam. Rare.
30. — pusilla, Nyst. Rare.
31. Mytilus sericeus, Bronn. Très-rare.
32. Pecten Lamalii, Nyst. Rare.
33 — — var, Nyst. Rare.
54. — jacobeus? Lam. Rare.
She NN e+-'baue +. ?, Rare.
36. Ostrea cochlear Poli (2). Rare.
Ste AU
38. Dentalium costatum, Sow. M. rare.
59. — entalis, Lin. Moins rare.
40. Calyptraea recta ? Sow. Rare.
41. Salarium turbinoïdes, Nyst. Rare.
42, Trochus similis, var., Sow. Rare.
42 10 se - Aide Rare.
44. Scalaria lamellosa , Broc: Fragm.
45. — reticulata? Sow. Fragm.
46. Turritella triplicata, Broc., var.
Petite.
47. Eulima subulata? Broc., var. Petite.
48. Tornatella elongata, Sow. Rare.
49. — striata, Sow. Rare.
50. — VEN . Rare.
51. Pyramidella terebellata, Lam. Rar.
52. Niso terebellatus, Lam. Rare.
st
53. Natica Sowerbyi, Nyst. Abondante.
54 — crassa, Nyst. Rare.
55. Bulla convoluta , Broc. Pas rare.
56. Balla constricta, Sow. Pas rare.
57. — utricula, Broc. Très-rare.
58. — acuminata, Brug. Très-rare.
59. Ancylus compressus, Nyst. Tr-rare.
60. Cancellaria varicosa, Broc. 4ss. rar.
61. — minuta, Nyst. Rare.
62. — Michelinii? Phil. T.-rar.
63. Fusus (Pyrula) . : . . - . ? Rare.
64. Pleurotoma turrieula? Broc., var.
Pas rure.
63. Pleurotoma dubia, Crist. et Jan. R.
66. — cheilotoma? Bast. Rare.
67. — crenulata, Bast. Rare.
68. — intorta, Broc. Rare.
G9. — (indéterminée).
70. Cerithium (indéterminée). Rare.
71. — (indeterminée). Rare.
72. Murex cuniculosus, Duch. Rare.
15. Rostellaria . . . . . .? Rare.
74. Cassidaria bicatenata, Sow. Rare.
75 _— 0: .? Rare.
76. Buccinum prismatieum, Broc. T..-r.
Mad = seine:
78. Ancillaria . . . . .? Fragm.
79. Ringieula buccinea, Broc. Comm.
80. Cypraea coccinella, Lk. Rare.
81. Nodosaria. . . . . Abondant.
82. Dentalina ? . . . . . Rare.
83. Turbinolia . . . . . . Rare.
84. — 1.1 PAU
85. _— e «ae RE
86. Flabellum extensum , Mich. Rare.
87. Stephanophyllia imperialis, Mich.
Rare.
88. Semina. . . . . Rare.
89. Cydarites . . . Rare.
PER PE
Supplément.
90. Corbula..….
91. Cancellaria evulsa, Brand.
a —————————————— ——
(1} Nous pensons que celte espèce est distincte du P. variabilis.
(2) C'est une espèce distincte, désignée sous le nom d’Ostrea Waeliï, Nyst.
(57)
9. Fusus regularis ? Sow. 97. Serpulas 374.
95. Pleurotoma . . ... 98. Lunulites rhomboïdalis. Goldf.
9%. PRES SE 99. sc E4 97 ER
95. HR LY : lo à 6) oi 100 ct 8 détene nirdie
96, Vermetus . . . . . .
Il y a, comme on le voit, sur ce nombre une partie
d'espèces encore indéterminées, à laquelle il viendra s’en
joindre encore beaucoup de nouvelles peut-être; l’on at-
tend avec impatience la détermination des foraminifères,
ainsi que de plusieurs petites coquilles. Sur cette quantité,
l’on ne retrouve guère que 25 espèces des formations anté-
rieures du crag , encore y a-t-il parmi celles-ci quelques
variétés que l'on ne peut rapporter qu'avec doute aux
espèces avec lesquelles on les confond.
Environ 18 se rencontrent aussi dans le erag d'Angle-
terre, 5 dans le london-elay et 4 dans largile de Ruppel-
monde. On retrouve, enfin, une vingtaine des mêmes espè-
ces dans les terrains tertiaires moyens de France, d'Italie,
de Sicile et d'Allemagne, et quatre dans d’autres dépôts
analogues de Belgique, à Kleyn-Spauwen, Vliermael et
Lethen (1).
Le rapport d’analogie avec les espèces vivantes n’est
plus que de 10 à 41 p. % (2), et la moitié de cette somme
n’habite que les mers du midi de l'Europe; l’autre moitié
se trouve dans ces mêmes eaux, mais aussi dans l'Océan.
Il me semble résulter assez clairement de tout ceci que
l’âge relatif de cette formation la sépare d’une manière
bien distincte des deux autres formations du crag d'Anvers,
qui, quoique successives, montrent cependant un plus
grand rapport entre elles.
(1) Tout ceci, sauf observations ultérieures. L
(2) Ce qui s'élève encore à plus du double, d’après les géologues anglais
déjà cités, qui se sont livrés à des recherches spéciales à ce sujet.
(58)
Il reste d'intéressantes recherches à faire au sujet de la
superposition de ce Lerrain, sous lequel il paraîtrait natu-
rel de rencontrer l'argile ou la marne argileuse, qui semble
former la base d’une grande partie des terrains du bassin
d'Anvers. Plusieurs creusements auxquels j'ai assisté et
des informations prises en mainte occasion m'ont fourni
des résultats différents.
Argile inférieure au crag. — Une longue bande ou zone
de marnes argileuses s'étend le long des rives de l’Escaut,
d’une part, depuis Baesel jusqu’au delà de Ruppelmonde,
et d'autre part, depuis Boom au Ruppel jusqu’à Schelle
et Hemixem, par la commune de Niel. Mais cette bande ne
s'étend ainsi que sur sa largeur, et son étendue de l’est à
l’ouest est bien plus grande, car elle se dirige sous les
communes d’Aertzelaer et Contich, à 5 lieues de Ruppel-
monde, se perdant à certaines limites pour se retrouver,
près d'Anvers à Deurne , à 98 pieds de profondeur, sous
plusieurs couches de crag. Plus loin encore et même dans
la Campine, il semble que ces marnes se répandent à de
grandes distances et à des profondeurs différentes.
Ces dépôts offrent un fait qui nous semble remarquable;
c'est de se trouver recouverts, sur une longue étendue, par
des couches de terres sableuses ou argilo-ferrugineuses, qui
nous paraissent toujours appartenir au crag intermédiaire
ou supérieur (comme nous avons pu le constater à Ruppel-
monde), et de ne pas présenter de vestiges de crag noir ou
inférieur à sa surface. Il semble donc qu’il a dû se faire ici
un état de repos pendant que les couches de crag noir infé-
rieur se formaient ailleurs, et que les dernières périodes
marines ont recouvert indifféremment les diverses forma-
tions antérieures du bassin qu’elles pouvaient atteindre,
comblant aussi des creux et des dépressions de terrain.
(59 )
La puissance du dépôt de marnes argileuses varie con-
sidérablement, ainsi que l'épaisseur des autres formations
qui le recouvrent, comme il résulte de plusieurs coupes et
creusements que nous avons pu observer de distance en
distance.
D'abord à Ruppelmonde, on observe ce qui suit :
1. Terre végétale . SR RM LL ane Ji 2 pieds.
9, — argile sableuse jaunâtre (leem). . . . . . . 4 »
3. — sableuse jaunâtre, bonne pour faire le mortier à
construction, avec vestiges de fossiles du crag . 6 »
4. Couche sablo-argileuse de couleur brun-grisâtre, séparée
des suivantes par une ligne ferrugineuse souvent dure, 3 »
. Marne argileuse, maigre, sans fossiles ou fort peu, la-
quelle repose sur une base plus compacte indiquée par
une assise de pierres blanchätres (concrétions argilo-
calcaires), nommées (seep-steenen). — Ceci forme le
ERA ET MEN CO ME CEMRE FRAIS Re
Marne argileuse avec teintes variées et parties plus ou
moins sableuses qui contiennent de petites coquilles fos-
siles encore inconnues; d’autres espèces connues se
trouvent dans la masse du dépôt. Ceci forme le 2: étage. 50 »
. Ligne de pierre calcaire ou concrétions connues sous la
dénomination de Septaria , marquant la limite de l’é-
tage inférieur, puis continuation d'argile pendant. . 20 »
Alors partie sableuse qui donne de l’eau, et continua-
tion d’argile inconnue.
x
45 y
S
À |
100 pieds.
Cette partie, qui forme l'étage le plus inférieur connu
jusqu'ici, renferme les coquilles fossiles qui ont été suc-
cessivement décrites par MM. Nyst(1) et De Koninck (2). I
(1) Recherches sur les coquilles de la province d’ Anvers, in-8°, 5 pl;
1835.
(2) Description des coquilles fossiles de Pargile de Baesel, Boom et
Schelle , in-4°, 4 pl.; 1857.
(60)
est probable, d’après ce qui existe en Angleterre et d’a-
près l'avis de M. Lyell, que de nouvelles et minutieuses
recherches y amèneront la découverte de coquilles qui n’y
ont pas encore été recueillies. On y trouve aussi des con-
crétions ferrugineuses dites pyrites de fer, et les cavités
que l’on remarque dans les rognons calcaires sont tapis-
sées d’incrustations avec cristallisations ferrugino-sulfu-
reuses.
Le crag qui recouvre l’argile sur la rive droite de l'Es-
caut, sous les communes de Schelle et Hemixem, n’a guère
qu'une dizaine de pieds de puissance; il est, vers sa base,
de nature plus ferrugineuse, et contient beaucoup de petits
cailloux quarzeux roulés. On y trouve aussi des ossements
fossiles et des nodules d’hydrate de fer. Le dépôt d'argile
marneuse, qui s’y présente ainsi qu'a Boom, moins puissant
qu'à Ruppelmonde, puisqu'il n’a que 40 à 50 pieds en
exploitation, nous paraît n’y constituer que le 2° étage en
partie et moitié du 5°, car indépendamment de l'absence
de certaines espèces abondantes ou caractéristiques à Rup-
pelmonde, telles que les Astarte, Cardita et Dentalium
Kickæü, Fusus erraticus et Fusus Konincki, etc. On se
trouve, à quelques pieds de profondeur, sur la ligne des
Septaria, qui sépare, à Ruppelmonde, les 2° et 5° étages.
Il est à remarquer cependant que certaines espèces sont
particulières au dépôt de Schelle, et n’ont pas encore été
trouvées à Ruppelmonde, par exemple les Voluta semi-pli-
cata, Nautilus zig-zag Stackezii, Nyst et Fusus.
On trouve indistinetement, dans l'argile des deux rives,
des vertèbres et des dents de squales; mais celles-ci,
comme les coquilles, sont généralement de plus grande
dimension à Ruppelmonde.
Suivant à présent la marne argileuse dans l’intérieur
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RE ES cree Se
(61)
de la province, je la trouve à 400 pieds d'épaisseur au chà-
teau de Claydael , où le forage d’un puits artésien a con-
staté ce fait et donné de l’eau à cette profondeur avec
abondance.
Une lieue plus loin, dans la direction de sud-ouest au
nord-est, au château de Contich, un forage semblable a
donné le résultat suivant :
1. Terre végétale. .… . . . .. 21] pieds.
2, Terre argileuse jaunâtre Hama avec Sables es ugi-
neux, sans débris organiques . - CR ANT 5 »
5. Argile jaune-grisâtre, plus foncée vers le ui Eee do le »
4. Argile noirâtre compacte sur laquelle reposent des con-
crétions dites Septaria. Cette argile, comme celle
de Ruppelmonde, se concasse à l’air par le desséche-
ment, et contient des pyrites de fer . . . . . 60 »
5, Argile pareille, encore plus noire et de nature schis-
teuse, feuilletée, avec pyrites de fer. . . . . . 150 ”
6. Couche dure et compacte argilo-pyriteuse et luisante
sur laquelle se brisaient les instruments . . . . 20 »
Par suite de quoi, l'on a staté à. . . . 227 !}, pieds.
Il n’a pas été recueilli de coquilles ni autres débris orga-
niques fossiles de ces forages, et, par conséquent , l'on
n’a pu constater si le terrain en contenait dans ces loca-
lités.
Un troisième forage, à dix minutes de distance, vers
le midi, sur la largeur du dépôt, a produit à peu près les
mêmes résultats; mais au delà d’une portée de flèche, dans
la même direction, l’on ne rencontre plus d'argile en creu-
sant , et l'on trouve à sa place une couche ferrugineuse à
quelques pieds de profondeur, des sables jaunes à petits cail-
loux roulés et des sables grisâtres nommés drift, et beau-
coup d’eau. Le tout sans coquilles ou autres fossiles orga-
(62)
niques, hormis du bois; mais comme cette couche argi-
leuse n'est exploitée, pour la fabrication des briques , à
Contich, qu'à 15 pieds de profondeur, il est permis de
supposer que l’on pourrait en trouver plus bas, si l'on
creusait ainsi sur une certaine étendue. Les morceaux de
bois que l’on remarque ici, se trouvent aussi dans les
marnes de Schelle et dans les sables argileux supérieurs
à l'argile de Deurne.
Pour terminer la série de ces observations, nous allons
ajouter le narré d’un état de forage fait, en 1854, sous la
commune de Deurne, près d'Anvers , à la fabrique le Phé-
nix, de M. Wood {au nord-nord-est de Contich, lieu des
autres forages cités ; communiqué par Ch. Cogels) :
Pieds et pouces
anglais.
Avril 15. Terre végétale. . .:. : DRÉRAO" 49
» 17. Argile jaunâtre (leem), mêlée e ET Dr ar0
9 pieds d’ossements fossiles de poissons .
» 21. Sable et morceaux de pierres (silex) . . . . . 1
» 23. Sable mouvant (drift) , mêlé de coquilles .
» 26. Couche coquillière très-dure, mélarigée de sable.
» ». Sables et coquillages.
» ». Sable gris . : ati nb, c
» 28. Descendu le 2° tuyau en “tôle de 8 L L pouces de dia-
mètre. Obligé de le découper pour le retirer, des-
cendu un 2° tuyau de 8 1/, pouces, de diamètre en
remplacement . . . . SR PONS
Mai 5. Sable vert, dont les derniers 20 pieds tr très-mouvants
et mêlés ÿ petits cailloux blancs . . . . . A1 »
» 8. Même composition, un morceau de bois carré et
une pièce d'os sans forme . . . “4 Dis
Descendu le 5° tuyau de 7 1/, pouces M" unie Par LA)
» 14. Sable vert mouvant, mêlé de Pa de coquilles,
mais peu d'entières, she À 4 PR RES TT
» 15, Sable mêlé d'argile, coquilles vi y
(1) Corpus chron. Flandriae, t. WI.
(2) Le Brabant et le marquisat d’Anvers n’obéissaient pas encore au bon duc.
(3) Dagboek der gensche collatie, bladz. 172.
( 88 )
milien lui-même se plaint, dans une charte, citée par M. De
Reiffenberg (1), que le nombre des pirates qui infestent
les côtes du comté va sans cesse croissant, « au détriment,
» dit-il, et dommage irréparable de la marchandise, la-
» quelle est le principal fondement et entretènement de
» la chose publique de nos pays de Flandre, de Hollande,
» de Zélande et de Frise, auxquels ne peult advenir bien,
» proufit, ni utilité auleune, sinon par le faiet et moyen
» de la mer. » Parmi ces écumeurs de mer se trouvaient,
dit M. Kervyn de Lettenhove, des Dunkerquois et des Nor-
mands, mais ceux de l'Écluse faisaient plus de mal en-
core. Cette ville était devenue, en 4489, un vrai nid de
pirates. Telle était même leur audace qu’on n'osait plus
expédier des vaisseaux pour Berg-op-Zoom, sans leur don-
ner une escorte imposante, et qu'au mois d'octobre 1492,
ils armèrent en course une escadrille de sept bâtiments,
pour faire le blocus de l’Escaut. Les Anversois leur oppo-
sèrent une flottille de cinq vaisseaux, et l’on en vint aux
mains près d’Arnemuide; quelques navires portugais firent
changer en défaite la victoire imminente des pirates (2),
mais ils ne mirent pas un terme à leurs entreprises.
C'était là un moyen d'accélérer la ruine de l'Écluse et
de Bruges. Cette dernière ville avait paru un instant sur
le point de ressaisir le sceptre du commerce : elle avait vu,
en 1486, entrer dans un seul jour cent cinquante voiles de
commerce dans son port. Mais c'était là le dernier éclat
d’un flambeau qui s'éteignait. Sa bourgeoisie avait vive-
ment désiré de faire la paix avec Maximilien pour renouer
(1) Mémoire sur le commerce des Pays-Bas, p. 254.
(2) Reygersberghe, Chronyke van Zeeland, bl. 218.
(89)
ses relations commerciales, comme le remarque un poëte
contemporain :
É In primis vulgi sua damna queruntur
Quod jam non vendant merces, quod littora naves
Non subeant solitae (1).
Mais pendant ces troubles, presque incessants, on avait
négligé l'entretien nécessaire du Zwyn, du port de Damme
et des canaux qui conduisaient les bâtiments de ce port au
bassin de Bruges ; la mer se retirait tous les jours davan-
tage du havre de l’Écluse. L’ensablement du Zwyn fit en
peu de temps assez de progrès pour faire prévoir aux
prud'hommes que ce port fameux serait changé un jour en
champs et en prairies :
Et seges ubi mare fuit.
Anvers profita des malheurs de sa rivale : le XV® siècle
n’était pas expiré, et déjà les Portugais et les Espagnols, les
Florentins, les Génois, les Vénitiens et les Milanais,
comme les Oosterlins, y avaient transféré leurs comp-
toirs ; et ces anciennes familles , dont la Flandre semblait
être devenue une seconde patrie : les Buonvisi, les Spinola,
les Affaitadi émigrèrent à la ville de l'Escaut. Les décou-
vertes de Vasco de Gama et de Colomb, et le déplacement
du commerce si important des épiceries, lui rendirent, et
bien au delà, tout ce que Bruges avait perdu en puissance
commerciale.
La ville flamande n'avait point perdu cependant tout
espoir de rétablir sa fortune. On essaya d’abord d’intro-
(1) Q. Æmiliani Encom., IV, 25, cité par M. Kervyn.
( 90 )
duire Ja mer par le polder du Zwartegat, et, la tentative
v'ayant pas réussi, on fit, par le polder de S“-Catherine,
un second essai qui demeura de même sans résultat. II
fallut donc songer à rouvrir l’ancienne route de Damme et
du Zwyn. La lettre suivante (1), que je crois inédite et que
le magistrat de Bruges adressa, le 25 janvier 1547, au
chapitre de S'-Donat, renferme à ce sujet des détails inté-
ressants. On me permettra, je pense, d’en donner ici une
traduction :
Rev. Messieurs, doyen et membres du chapitre de l'église
collégiale de S'-Donat, à Bruges.
« Les membres actuels de la régence de cette ville de Bruges,
» et leurs prédécesseurs dans les mêmes fonctions, se sont émus
» par une plainte commune qu'on entend tous les jours dans la
» bouche des citoyens les mieux intentionnés, qui se lamentent
» et sécrient avec une bien vive compassion : O Bruges!
» Bruges! qu'êtes-vous devenue? comme s'ils voulaient dire :
» 0! Bruges! Bruges! vous avez été connue dans le monde entier
» comme une des villes les plus célèbres, pleine de puissance,
» d'honneur et de richesses, peuplée, habitée et fréquentée par
» toutes les nations; mais cette fleur a disparu presque entière-
» ment; vous en êtes venue à la décadence, vous êtes tombée
» même en désolation, votre population est partie, votre com-
» merce s'est transporté ailleurs, beaucoup de maisons sont
» inhabitées et désertes, une quantité innombrable de personnes
» sont entièrement ruinées; en comparaison des temps passés,
vous êtes comme si vous n'étiez pas!
>
(1) Le style flamand fait peu d'honneur au goût et à l'instruction du
secrétaire de la régence,
(M) ;
» A la vue de ces maux, la régence a fait les derniers efforts
» pour en découvrir et en approfondir la cause principale, et,
» après l'avoir trouvée, de relever et de guérir la ville de sa ma-
ladie et décadence, pour autant qu'il sera en son pouvoir, et
de la rétablir dans son ancienne vigueur et prospérité.
» L'enquête a démontré que les eaux sont la source et la cause
principale du mal. En effet, quand le Zwyn avait, à l'Écluse,
une profondeur et une largeur convenables, il mettait com-
modément à l'abri tous les vaisseaux qui arrivaient par mer,
n'importe de quelles provinces ou pays : ils venaient à l'Écluse
et là se faisait avec facilité le transbordement des marchan-
dises en des bâtiments plus légers, qui les transportaient à
Bruges, sans être arrêtés par des eaux dormantes. Notre ville
alors était en prospérilé.
» Quant au Zwyn, Dieu en soit loué et remercié, son état est
notablement amélioré et s'améliorera sans doute encore beau-
coup par la grande masse d’eau de mer qui s'y jette au midi
par le nouveau canal, du quartier d'Ysendyke et d'autres
cantons, comme par les travaux qui s’y continuent. On peut
à coup sûr espérer que le Zwyn, à l'Écluse, deviendra le meil-
leur port de tous les pays de par-deçà.
» Il ne reste donc qu'à remédier aux eaux dormantes entre
l'Écluse et Damme et à rendre la navigation facile d’une ville
à l'autre, ce qui peut se faire sans qu'on ait à attendre jusqu'à
ce que le vent ou la marée soit favorable. On y parviendra en
creusant un canal nouveau, semblable à celui de Bruges à
Damme, de Danime àl'Écluse avec la meilleure direction possible.
» Le nouveau canal demeurera séparé au nord du canal salé,
et toutefois ce dernier continuera d'exister; on rectifiera sa
direction et on établira de nouvelles têtes de pont, de sorte
qu'en tout temps on pourra se servir pour la navigation de
l'un et de l'autre canal.
» Et au bout du nouveau serait construit un grand sas ou
refuge, avee une forte estacade contre la mer, près de l'Écluse,
afin qu’à la haute marée on puisse recevoir les vaisseaux dans
ce sas ou refuge, et les conduire ainsi sans obstacle par le nou-
» veau canal à Damme et de là jusqu'à cette ville de Bruges.
LL E V-VL SL VE
Di « ©
» Si ces travaux sont achevés, on ne saurait douter que les
négociants qui nous ont quittés et qui se sont éloignés de
cette ville ne reviennent à leur ancienne résidence. Bruges
sera de nouveau fréquenté, le commerce et les métiers y re-
naîtront, les vieilles maisons seront réparées et celles qui
sont ruinées reconstruites. La ville sera restaurée dans sa
puissance et opulence anciennes ; le service de Dieu sera
augmenté et les fabriques d'église en honneur : on fera tous
les jours des fondations nouvelles.
» Mais pour effectuer ce changement, il faut faire tant et de
si grandes dépenses, qu'il est impossible à ces Messieurs de
la loi de les trouver dans les revenus de la ville; il leur faut
done implorer aïde et secours de leurs bons amis et des per-
sonnes de bonne volonté.
» Cependant, faisant au delà de ses moyens, cette ville a
bien voulu se charger à cette fin de deux cents livres de gros
par an en rentes héréditaires, mais rachetables au denier 16,
en rentes viagères sur une tête au denier 8 et sur deux au
denier 10, »
Les Acta capitularia de S'-Donat ne font aucune men-
tion de la réponse qu’on a pu faire à cette missive. Les
revenus de la collégiale avaient nécessairement diminué
de beaucoup par la décadence du commerce, et elle avait
dû contribuer pour une somme assez forte aux dépenses
que nécessitait l'entretien des théologiens belges au concile
de Trente.
De nouvelles guerres, et surtout les troubles qui occupè-
rent tout le règne de Philippe, mirent le sceau à la ruine
de Bruges.
(95)
La confrérie de S'-Ivon et le bureau de consultation gratuite
à Gand. Notice par M. Gaillard, avocat à Gand.
Dans la séance du 8 novembre de la classe des lettres
de l’Académie royale de Belgique, M. Ducpetiaux a donné
. lecture d’une note, pleine de détails curieux, sur le bu-
reau des pauvres en Sardaigne , en ajoutant qu’il n'existait,
en Belgique, aucune institution du même genre. Quelques
_membres, après avoir écouté avec tout l'intérêt qu’elle
comporte la lecture de cette notice, ont cru devoir obser-
ver que des dispositions tout à fait analogues assurent en
Belgique l'exercice gratuit de la justice dans l’intérêt des
indigents. Ils ne sont toutefois entrés dans aucun détail à
cet égard. Il nous a, dès lors, paru utile de faire connaître
quelles sont sur ce sujet les dispositions légales en Belgi-
que, et de prouver, en même temps, que les bureaux de
consultation gratuite ne sont pas nés d’hier sur notre sol ;
que, de même que la plupart de nos institutions charita-
bles, aujourd’hui réglées par des lois et autrefois dirigées
par les particuliers , elles remontent déjà à une assez haute
antiquité, et, qu'en Flandre, notamment à Gand, le bureau
des pauvres fonctionne, pour ainsi dire, sans modifications
depuis près de deux siècles. Afin de donner à cette preuve
un plus grand degré d’authenticité, nous avons préféré
rapporter en entier les divers documents sur lesquels elle
s'appuie, plutôt que de n’en présenter qu’une simple ana-
lyse.
Saint [ves ou Ivon, patron des juges et des avocats, naquit
dans le village de St-Martin , non loin de Tréguier, Treco-
(94)
rium , ancienne ville de la Bretagne (Côtes-du-Nord).Après
avoir terminé ses premières études, il se rendit à Paris, à
l’âge de quatorze ans, et s’y appliqua à la logique , aux dé-
crétales et à la théologie. Il demeura à Paris environ dix
ans, au bout desquels il alla s'établir à Orléans, pour y
suivre les leçons de Pierre de Capella sur les Institutes, et
de Guillaume de Blavia sur le droit canon. Devenu avocat
à la cour de l’évêque de Tréguier, il soigna gratuitement,
et avec le plus grand zèle, les causes des veuves, des orphe-
lins, des pauvres et des autres personnes malheureuses.
Ayant ainsi, pendant quelques années, exercé noblement
les fonctions d'avocat, il fut nommé official de l’archidia-
coné de Rennes, et ensuite promu par l’évêque de Tréguier
à la dignité d'oflicial général; il se fit remarquer non
moins par son intégrité que par les efforts qu'il faisait
continuellement pour concilier les parties. Sa vie était,
du reste, celle d’un saint : vêtu d’habits grossiers sous les-
quels il portait un cilice, il ne se nourrissait que des mets
les plus simples. Ses jeûnes étaient dignes de ceux des
anachorètes de la Thébaïde, et, plus d’une fois, il resta
une semaine entière en prière sans prendre la moindre
nourriture. Nous ne nous arrêterons pas à ses nom-
breux miracles ; nous dirons seulement qu'il mourut le
19 mai 1505, et qu’il fut canonisé par le pape Clément VI
le 19 mai 1347.
Les reliques de saint Ivon se trouvaient, au commence-
ment du XVI: siècle, à Lisbonne. Le roi Antoine T'en fit
don, le 5 avril 1564, à don Emmanuel, prince de Portu-
gal, qui, à son tour, les donna au monastère de S'-Sau-
veur, à Anvers.
Dès l’époque de sa canonisation , saint Ivon fut considéré
comme le patron des juges et praticiens ; en Flandre, sur-
(95)
tout, on avait pour lui beaucoup de dévotion, et dès les
premières années du XVI[' siècle, le conseil de Flandre fit
célébrer tous les ans, à la fête de S'-Ivon, une messe so-
lennelle dans l’église de S°-Pharaïilde, située en face du
local de ses séances. Tous les praticiens, avocats, pro-
eureurs et leurs suppôts étaient tenus d'assister à cette
messe ; l'ordonnance rendue par le conseil, en date du
9 juin 1610, et dans laquelle sont consignés les devoirs
des praticiens, leur rappelle expressément cette obli-
galion.
Alsoo t voorn. collegie by ghemeene resolutie van de voors.
practesienen ende supposten, gheleden eenighe jaeren , geresol-
veert heeft , eene solemnele ghesongen misse te doene celebreren
in SX-Pharahilde kercke deser stede, soo sy alreede diversche
jaeren gedaen hebben , up den feestach van S'-Ivo, patroon van
alle practisienen , ende dat een yegelyck van de practisienen hem
aldaer vinden souden, daer nochthans, soo men verstaet, som-
mige van de voorn. practisienen ende supposten in gebreecke
blyfven van den voor. dienst te komen hooren, niet jegen-
staende sy dus behoorlyck geinsinueert zyn geweest : zoo eys’t
dat ’t hof, omme daerinne oock te remedieren , ende approbe-
rende ende conformerende de voors. resolutie ende ordon-
nantie, heeft verclaerst ende gheordonneert, verclaerst ende
ordonneert by desen, dat alle de voors. practisienen ende sup-
posten ghehouden zullen zyn van nu voorts in de voors. messe
hemlieden te vinden, en die gheheel te hoorene, dies’t haerlieder
persoone ofte domicilie vermaent ende gheinsinueert zynde,
enz. (1).
Le pape Innocent XI, par une bulle en date du 8 jan-
(1) Arch, du cons. de Flandre, reg. coté G, n° 2, fol. 266:
(96)
vier 4677, établit à l’église de St-Michel, à Gand, une
confrérie placée sous l’invocation de saint Ivon, et accorda
de nombreuses indulgences à ceux qui en feraient partie.
Ils pouvaient d’abord obtenir une indulgence plénière le
jour de leur inscription et à l’article de la mort. Une pa-
reille indulgence était accordée aux confrères qui visi-
taient la chapelle de S'-Ivon à des jours déterminés, et y
priaient selon les intentions de l'Église. Enfin, les confrères
pouvaient mériter une indulgence de soixante jours cha-
que fois qu’ils assistaient à la messe ou aux offices divins
dans cette chapelle, qu’ils accompagnaient au cimetière le
corps d’un confrère défunt, ou le saint viatique porté à un
malade; qu'ils assistaient les pauvres ou parvenaient à
opérer une réconciliation entre ennemis, et dans une foule
d’autres cas encore. Ces mêmes indulgences étaient appli-
cables à l’âme des confrères défunts, chaque fois qu’une
messe était dite à leur intention à l’autel de S'-Ivon (1).
Le règlement de la confrérie de S'-Tvon fut arrêté par les
vicaires généraux de l'évêché de Gand, sede vacante, le
4 mai 1677. En voici la teneur :
Vicarii generales sedis episcopalis Gandavensis vacantis, om-
nibus et singulis praesentes litteras inspecturis, salutem in Do-
mino.
Piis Christi fidelium nobis subditorum votis (praesertim cum
ea ex zelo devotionis prodire cernimus) lubenter annuimus, nec
non illa potissimum, per quae omnipotentis Dei gloria , sancto-
rum cultus et charitatis officia capiunt incrementum, promo-
vemus et favoribus prosequimur opportunis. Cum itaque plures
curiae Flandriae jurisperiti, aliique tam dictae curiae quam alio-
(1) De Roose, Zmago veri advocati, pp. 161 à 165.
(97)
rum tribunalium in hac civitate, Flandriae metropoli, nobis
exponi fecerint, quod ardenter optarent confraternitatem seu
coetum aliquem instituere et eelebrare, sub invocatione S. [vonis
exponenñtium patroni, ac in eum finem altare speciale in ecclesia
parochiali S. Michaelis hujus civitatis, de consensu quorum
interest, ex nune fuissent adepti, ad ibidem divina aliaque reli-
gionis ac devotionis erga eundem sanctam officia celebrari cu-
randum , certasque constitutiones et regulas ad Dei cültum et
Pauperum, miserabiliumque personarum solatium promovendum
conceperint nobisque exhibuerint, supplicantes humiliter ut
pia corumi desideria, proximisque impendenda charitatis officia
a€ praemissa omnia laudare et approbare, praetactamque con-
- fraternitatem eanonice erigere vellemus et dignaremur, hine est
quod nos, habito prius rev. ad. Domini Judoci Crook, cathe-
dralis ecclesiie canonici graduati, confratris nostri, vices ar-
chipresbitéri Gandavensis (archipresbiteratu vacante) gerentis,
judicio, nec non viduarum, pupillorum, aliarumque miserabi-
lium personarum, quantum cum Domino possumus, pro office
nostri exigentia, solatio studentes et consulere cupientes , ut
ipsis pro sui juris tuitione sincerius Patrocinium consiliaque
puriora non desint, si litigandum, vel, si dissedia litésque amica-
bili potius compositione optent terminari, illis praesto sint viri
cordati et intelligentes, qui, gratis et nullo nisi charitatis im-
pensae stipendio, illos vel illas ad concordiae viam adducere
studeant , praetactam confraternitatem duximus erigendam ,
prout harum tenore erigimus, sub regulis et cum indulgentiis
per bina brevia apostolica desuper expedita, infra inserendis.
Ad majorem Dei Deiparaeque Virginis ac S. Ivonis gloriam.
REGULAE CONFRATERNITATIS S. IVONIS.
Cum in amplissima hac urhe Gandavensi , Flandriae metropoli,
sit ingens judicum, jurisperitoram, aliorumque practicorum
Tome xx. — J°° part. 7
(98 )
numerus, tam ratione praeclarae, totius provinciae, curiae, in
ea residentis, quam duorum insignium magistratuum, qui prae
immensa urbis magnitudine sigillatim justiciam incolis admi-
nistrant, ultra plurium aliorum judicum subsellia, eapropter
praevio decreto S" Domini nostri Innocenti XI pontificis opt.
maximi, OMNino COngruum ac poene necessarium visum est, pro
majori justitiae zelo ac splendore, ut confraternitas sancto IVONI
(communi omnium juris profitentium patrono) sacra ac dedicata
erigatur, cujus objectum non tantum erit ut assiduo tanti pa-
troni cultu , ejus apud Deum omnipotentem intercessione omnes
justitiae ministri majori in dies zelo accendantur, verum etiam ut
confratres pro tempore existentes, singulari assumpti muneris
cura, viduarum, pupillorum, pauperum, captivorum, aliarum-
que miserabilium personarum causis patrocinio suo invigilent.
Et quemadmodum in hunc finem parochialis ecclesia Sancti
Michaelis archangeli, in meditullio urbis inter maximum prac-
ticorum numerum sita, prae caeleris magis commoda visa est,
in qua duabus bullis pontificiis Romae concessis 8 januarii 1677,
altare privilegiatum sancto IVONI dedicabitur, ita non nihil
expedit, divina hujus confraternitatis officia ac alia pauperum
obsequia disereta et in perpetuo duratura methodo praescribere
ac regulare :
Quoad corporis constitutionem.
L
In primis itaque eligentur ex confratribus duo praepositi
(quorum alter ecclesiasticus, alter saecularis e D. consiliariis
semper requiretur) qui dignitate, prudentia, et consilio utili-
tati confraternitatis et pauperum bono prospicient.
IL.
Deinde assumentur decanus et novem alii jurisperiti, nec non
octo procuratores, quorum quatuor erunt postulantes in euria,
(99)
et totidem qui coram utriusque collegii hujus urbis scabinis
causas pauperum promovere poterunt, et ex his omnibus unus ad
officium scribae pro occurentium resolutionumin scriptis redac-
tione, alter ad receptionem oblationum quae fient per Christi
fideles ad persolvendas inexcusabiles causarum expensas, consti-
tuentur.
IT.
Quoties vero per obitum alicujus confratris aut voluntaria
depositione, pro libitu facienda, locus vacare contigerit, electio
per omnes de corpore, cum adjunctione dominorum pastorum,
secreto scrutinio de pluribus praesentandis erit facienda, ut cui
pluralitas votorum contigerit, in locum vacantem succedat.
IV.
Omnes praedicti confratres semel in mense convenient, do-
minica prima, nec non in festo Sancti Ivonis, ac solemni sacro
et oratione latina (4), in praedicto festo facienda intererunt,
insuper privato colloquio miserabilium personarum causas (quas
justas esse reperient) promovebunt, sub poena mulctae unius so-
lidi, pro singula absentia, ad opus confraternitatis.
Quoad causarum receptionem.
vs
Sicuti haec institutio non minus pia quam toti reipublicae
utilis futura merito speratur, si longaeva ac perennis esse con-
tigerit, ita ab omni indiscreto zelo abstinere, praesertim circa
causarum receptionem, confratres monentur, cum nullum vio-
lentum soleat esse perpetuum.
(1) Quelques-uns de ces discours semblent avoir été imprimés; il ne nous
a loutefois pas été possible d'en retrouver,
(100)
VI.
Ac proinde, antequam confraternitas causam amplectatur,
haec indispensabiliter concurrere necesse erit : primo, quod mi-
serabilis sit persona vel talis quae patrocinium titulo elemosy-
nae rogare velit; secundo, quod causa ad minus per duos aut
tres confraternitatis advocatos justa fuerit reperta; tertio, quod
probatio requisita fieri poterit, nec adeo difficilis aut sumptuosa
sit ut ad summam principalem fere pertingat, vel hane absor-
beat, quippe tali easu periculum litis suscipere non expedit,
etiam pro iis qui solvendo sunt, multo minus pro pauperibus. Et
his concurrentibus, semper hujus civitatis mcolae ante alios fo-
renses venient praeferendi.
VU.
Hine perspicuum est colligere, hane confraternitatem non
posse amplecti causas hospitalium, mensarum pauperum, vel
aliarum fundationum quae ad sui conservationem censibus ae
reditibus’ gaudent, ne causarum mullitudo confraternitatem
obruat et destruat; salvo nihilominus quod unusquisque eonfra-
trum in partieulari quoad similes causas facere poterit, quod
ipsi secundum exigentiam justum et aequum visum fuerit.
VII.
Insuper, postquam confraternitas patrocinium alicujus susce-
perit, advocatus et procurator ad hujus causae instructionem
commissi, ante litis institutionem partem adversam ad amiea-
bilem concordiam invitabunt, offerendo sese in mediatores, si in
hac civitate commorentur; seu minus hteris hoc indicabunt :
christiana etenim charitas absque necessitate tam leviter litigare
non sinit.
IX.
Et. si in progressu litis nova et impraevisa difficultas se affe-
rat, quae causam pauperis minus probabilem reddat vel male
(104)
fundatam, advocatus instructor rursus super haee consulit cum
priori vel prioribus advocatis, nisi legitime fuerint impediti,
quo easu alios e confratribus accedet, ut simul resolvant an
cedere vel contendere velint : nam in quacumque parte litis ad-
vocatus elientis sui causam noverit esse injustam, hanc in con-
scientia deserere tenetur.
X.
Quamwvis igitur mens et intentio sit ut confratres gratis et
sine honorario patrocinium pauperibus praestent, centuplum a
Déo exspectantes, nihilominus, cum pars adversa in expensas
litis per sententiam fuerit condamnata, tam advocatus quam
procurator, causae instructores, jura sua recipient; cum aequitati
resistat ut temere litigantes qui solvendo sunt, confratrum la-
bores retineant, et in posterum tanto liberius pauperes litibus
frivolis vexent.
XI.
Quapropter personae hujus confraternitatis auxilium imploran-
tes ab initio monendi erunt , ne pendente lite concordiam ineant
sine advocati et procuratoris deputatorum consensu, et secundum
exigentiam causae, hoc in registro resolutionum promittent et
subscriptione firmabunt (1); et poterunt, secus facientes, cogi ad
refusionem sumptuum ab ipsa confraternitate erogatorum, ipsa
tamen transactione absque praedictorum deputatorum consensu
inita subsistente..
XIL.
Attento praeterea quod vera inter confratres pax et unio sit
basis omnis communitatis, si quidem concordia res parvae cres-
eunt, sic in omni resolutione , tam quoad causarum receptionem
(1) L'article XI se terminait primitivement ici : les mots suivants ont été
ajoutés par le décret royal du 24 mars 1684, de l’ayis du conseil de
Flandre.
(102)
quam aliorum quorumeumque negotiorum pro tempore oceu-
rentium, juxta pluralitatem votorum eoncludetur, salvo quod,
si de quaestione juris agatur, solorum advocatorum suffragia
numerabuntur.
XIII.
Quemadmodum opus est summopere meritorium partes , ad
rationabilem perducere concordiam et, dicto decreto pontificio,
hoc facientes indulgentia donantur, ita confratres semper cordi
habebunt sese in mediatores exhibere, quotiescumque fuerint
requisiti.
Quoad pecuniarum receptionem et solutionem.
XIV.
Si posthac contigerit (ut sperare fas est) quod Christi fideles,
qui huic confraternitati sese inseribi curarunt, vel pluribus liti-
bus involuti, peculiari sancti Ivonis cultu, felicem causarum
suarum exitum commendare velint, vel alia miseratione com-
moti, pias donationes et legata huic confraternitati largiri di-
gnentur, pro sustinendis inexcusabilibus litium pauperum expen-
sis, haec confraternitatis receptor fideliter libro suo inscribere,
et de ordinatione confraternitatis tantum et non aliter erogare
poterit ad solvendam probam, ac alios inevitabiles sumptus qui
a confratribus non dependent.
XV.
Praedictus receptor pariter recipiet et annotabit oblationes
quae a Christi fidelibus in gazophilacio capellae sancti Ivonis fac-
tae erunt, nec non quae singulis congregationibus offerentur, ut
hae primo in capellae et altaris ornamentis, ac aliis necassariis
expensis impendantur.
(103)
XVI.
Denique praefatus receptor singulis annis fidelem computum
reddere tenebitur, die ad hoc a confratribus designando.
In quorum omnium fidem ac robur praesentes litteras per
secretarium nostrum expedire et sigillo vicariatus muniri fe-
cimus.
Actum in vicariatu, die 4 maïi 1677. Et erat signatum: A. Van
Wercurer. Et impressum sigillum vicariatus in cera rubra (1).
Le jour où l’on célébra installation de la confrérie de
S'-Ivon, les reliques de ce saint furent données à la con-
frérie par l’abbé de S'-Sauveur à Anvers (2).
Dès lors les praticiens voulurent assister annuellement
à la messe solennelle, célébrée à S'-Michel le jour de
St-Ivon; mais le conseil de Flandre tenait à ce que son
ordonnance de 1610 füt observée, et la rappela aux pra-
ticiens par un appointement en date du 43 mai 1682.
Op de andwoorde van procureur generael van Vlaenderen,
T hof, al ghesien, in sonderlinghe d'andwoorde in dese gheac-
cuseert, ordeneert deken ende eedt van de practesynen op den
dach van S‘Ivo, van desen en volgende jaeren, te commen hooren
de solemnele misse, ende onder selve elck op syn ordre te offere
te gaen, in de kercke van S'° Pharahildis, imghevolghe d’ordon-
nantie van den ix juny 1610, by de voors. andworde onder
n° xiij gheexhibeert, ten welcken eynde sy allehunne supposter
(1) De Roose, Zmago advocati, p. 171 à 180. Ce règlement fut imprimé
en placard à Gand, chez les héritiers de Jean Vanden Kerkhove, in-4°, pp. 8.
Nous n’en connaissons qu’un seul exemplaire que M. Goetghebuer de Gand
a eu l'obligeance de mettre à notre disposition. Il paraît qu’il a également été
traduit en flamand et imprimé dans cette langue.
(2) De Roose, p. 164.
(104)
sullen doen dachvaerden als naer ghewoonte, en sal van dese
de publicatie ter rolle gheschieden.
Actum den xiij meye 1682. Onderteekent J. pe VRvse (1).
Douze ans plus tard, le doyen des praticiens ayant de
nouveau convoqué ceux-ci à la messe célébrée à S'-Michel,
le conseil de Flandre prit, sur la requête du chapitre de
S°-Pharailde, la résolution suivante :
Actum den xvij meye 1694.
Ten voorn. daghe, by den raedt en procureur generael van
Vlaenderen, in volle vergaederinge van den hove, vertoont synde
dat deken ende eedt van de practisynen , in misachtinge van de
ordonnantie van selven hove op ’s vertoonders, onder correctie,
geappointeert den xiij meye 1682, hun ten lesten dinghdaech
vervoordert hadden ter rolle te doen publiceeren dat de practi-
synen hun op den aenstaende feestdach van St Ivo souden pre-
senteren ter solemnele misse in de kercke van S'Michiels :
Is geresolveert , de req!° daerover ghepresenteert by proost, de-
ken ende capittel van S® Pharaïldis, te laten toonen aen deken
ende eedt voornoemt, ende dezelve metteen t ordonneren inghe-
volge de voorsch. appointementen van xiij meye 1682, ende de
voorgaende daerby gheaccuseert de solemnele misse op den aen-
staende feestdach van den voorsch. heylighen dit ende volgende
jaeren naer ghewoonte te commen hooren, ende daeronder ? of-
feren in de capelle van S'° Pharahilde, midtgaders alle hunne
supposten daertoe promptelyck te doen dachvaerden , ende in
toecommenden den lesten dinghdach voor den ghemelden feest-
dach de practisynen daertoe ter rolle te begroeten, ende ten
huyse te laten vermaenen , sonder meer eenighe contrarie publi-
(1) Arch. du conseil de Flandre, reg. coté O, n° 92.
(105)
catie te doen, op peyne van by elck van die voorsch. eedt de con-
trarie doende te verbeuren eene boete van honderd guldens ten
proffyte van S. Ma!, alles tot naerder ordonnantie yan den hove,
wanof de publicatie hedent oock in het consistorie sal worden
ghedaen , op dat danof niemant ignorantie en pretexere.
Ghepubliceert in consistorie, present commissaris ende an-
dere bystaenders, desen xvij meye 1694. Geteekent Micez (1).
La bulle du 8 janvier 1677 et le règlement des vicaires
généraux, en date du 4 mai 1677, donnaient bien à la con-
frérie de S'-[von une institution ecclésiastique , mais il lui
fallait encore une institution civile. Tel fut le but de l'édit
du 25 mars 1684, rendu sur l'avis suivant du conseil de
Flandre.
Au Conseil Privé.
TRÈS-HONORÉS, ETC.
Messieurs, ceux de la confrérie de S'-Ivon, à Gand, ont repré-
senté à S. M. que ladite confrérie auroit esté érigée le 19 may
1677, en vertu d’une bulle papale, avec approbation des vicaires
généraux de l’évesché de ladicte ville de Gand, sede vacante, et
comme, ensuite du règlement contenu au livret joint à leur re-
quête, ils -auroient pour objet principal le culte de leurdit pa-
tron, et pour secondaire le service des pauvres, des vefves,
orphelins et d’autres personnes misérables, dont les causes se-
ront instruites et poursuivies par dix avocats et huit procureurs,
gratis, et qu'à cet effet, lesdits avocats et procureurs se devront
souyent assembler, pour en ce regard ne mesfaire contre l'au-
thorité royalle, les remontrants ont très-humblement supplié à
S. M., attendu le grand secours que les pauvres en recevront,
(1) 4rch. du cons. de Flandre, reg, coté G, n° 5, p. 59 y°.
( 106)
estre servie d'aggréer lad. confrérie de S' Ivon et le règlement
sur ce conceu et, en outre, permettre qu'aux lettres et actes qu'ils
dresseront, ils apposent l'effigie de leurdit patron par forme de
sceau; laquelle requeste il a plu à S. M. de nous remettre,
afin de la veoir et visiter, et sur ce que s'y requiert la réservir ,
ou bien Vos Seigneuries, de notre avis, pour y satisfaire, dirons,
Messieurs, qu'ayant examiné le project dudict règlement, nous
jugeons que l'observation d’icelluy apportera grand soulagement
aux pauvres et autres personnes misérables, dont souvent le bon
droit demeure impoursuyvi pour n'avoir de quoy fournir aux
fraiz nécessaires, que de suite Sa Ma‘ pourroit estre servie d’a-
gréer led. règlement en tous ses points, sauf que nous serrons
d'avis qu'à la fin de l'art. xj°, à sçavoir : Quapropter personae
hujus confraternitatis auxilium implorantes ab initio monendi
erunt, ne pendente lite concordiam ineant sine advocati et procura-
toris deputatorum consensu, et secundum exigentiain causae, hoc
in registro resolulionum promittent et subscriptione firmabunt ,
Sa Mat fasse ajouter la clause suyvante : Et poterunt secus fa-
cientes cogi ad refusionem sumptuum ab ipsa confraternitate ero-
gaiorum , ipsa lumen transactione absque praediclorum deputalo-
rum consensu inila subsistente. Et ce, d'autant que nous ne croyons
pas qu'il soit équitable qu'un pauvre soit toujours obligéde suyvre
aveuglément le sentiment de ceux commis par lad. confrérie à
la direction et instruction de sa cause, veu que souvent les pro-
cès se décident contre l'opinion des avocats les plus habiles, et
comme, d'autre costé , il pourroit arriver qu'après que la con-
frérie auroit supporté des grands fraiz en la production des té-
moins et autrement, les parties s’'accomodant sans l'intervention et
contre le sentiment de ceux deladite confrérie, ils la frusteroient
de l'espoir de pouvoir recouvrer lesdits fraiz, il est juste qu'en
ce cas ladite confrérie demeure en son entier, sinon de demander
payement des vacations, du moins de se faire restituer les deniers
qu'elle auroit esté obligée de débourser. Et, pour ce qui concerne
l'effigie de S'-Ivon, leur patron , qu'ils demandent par forme de
(107)
seau , attendu que les lettres et actes qu'ils prétendent de sceller
avec ledit seau ne sont actes judiciels ou jurisdictionnels, nous
ne croyons pas qu'ils ayent à ce besoin de la permission de Sa
Ma, nous remettant néanmoins en tout, etc., auxquelle ren-
voyons la req. des suppliants et projet de règlement joint.
Prions, ete., 47 mars 1684 (1).
Décret royal.
Sur la remonstrance faite au Roy de la part de la confrérie de
S'-Ivon, patron de la justice, en la ville de Gand, que ceste con-
frérie, érigée le 19 may 1677, en vertu d’une bulle papale, estant
avec l'approbation et règlement des vicaires généraux de l'évesché
de Gand , sede vacante, suivant qu’il est apparu par le livret sur ce
exhibé, à pour premier objet le culte assiduel de son patron, afin
que, par son intercession, tous ministres de la justice tant plus
sainctement et efficacement se peuvent acquiter de leur devoir; et
pour second objet que dix avocats et huit procureurs de temps en
temps serviront publiquement gratis les pauvres, vefves, orphe-
lins, prisonniers ‘et autres personnes misérables dans la pour-
suite de leur droit, centuplum a Deo expectantes in hac vita et
vilam aeternam, et que, par ces moyens, il seroit religieusement
pourveu à la nécessité des pauvres, pour tant plus jouir des effets
de la divine clémence et retenir la rigueur de sa justice qui
accable maintenant ces pays autant que jamais, pour la consis-
tance et meilleure conduite de laquelle confrérie a esté conceu
le règlement dont la teneur suit : (c’est celui que nous rapportons
plus haut).
Et quoy que jusques à présent ladite confrérie a eu aussi
bon succès que l'on pouvoit espérer d’une œuvre si pieuse, que
quantités de pauvres sont déjà secourus en leurs justes causes
(1) Arch. du cons. de Flandre, reg. coté E 3, p.38 w°.
( 108 )
qui avoient longues années esté retardées , néantmoins, veu qu'il
est besoin de faire plusieurs assemblées selon ledit règlement, et
que cela pourroit regarder l'autorité royale pour laquelle les
remonstrans ont toute vénération imaginable à ceste cause, ils
ont très-humblement supplié S. M. estre servie d'aggréer ladite
confrérie de S!'-Ivon et ledit règlement, et de permettre qu'elle
pourra dès à présent, sur les lettres et autres actes qu'ils doivent
dresser, apposer l'effigie de leur patron par forme de seau : SA
Mussré, ce que dessus considéré, et eu sur ce l'advis des président
et gens du conseil provincial en Flandres, inclinant favorable-
ment à la supplication et requeste desdits suppliants, a aggrée,
comme elle aggrée par ceste, ladite confrérie de S'-Ivon et ledit
règlement sur ce fait, en tous ses points et articles; si permet
qu’elle pourra, sur les lettres etautres actes qu'ils doivent dresser,
apposer l'effigie de leur patron par forme de seau. Ordonnants. M.
à tous ceux auxquels ce peut ou pourra toucher et regarder, de se
régler et conformer selon ce.
Fait à Bruxelles, le 24 mars 1684, et estoit paraphé J. Ho. v!.
Et signé J.-A. Sxecuixex. Et cachetté des armes du Roy (1).
En 1755, la confrérie de S'-Ivon adressa au souverain
une requête, afin d'obtenir la procédure gratuite dans les
procès suivis au nom des indigents. Cette requête fut ren-
voyée à l’avis du conseil de Flandre, qui écrivit à ce sujet
au conseil privé la lettre dont voici la teneur :
TRÈS-HONORÉS ET DOUTÉS SEIGNEURS, ETC.
Messieurs,
Les prévost, président et confrères de la confrérie de S'-Ives,
établie en la ville de Gand, ont représenté à S. M., par la requête
(1) De Roose, Zmaga advocati, p.181 à 1853.
( 409 )
cy-rejointe, que cette confrérie est octroyée tant par notre
S'-Père le pape, reglement des vicaires généraux de l'évêché de
ladite ville alors vacant, que par décret d'approbation de l'au-
guste prédécesseur de S. M., pour secourir les pauvres et autres
personnes misérables dans la défense et poursuite de leurs justes
causes, le tout par charité et gratis, et avec le succès que l'on
pourroit espérer d'une institution si pieuse et utile au public.
Cependant que ces œuvres charitables ne sçauroïent être exécu-
tées sans assistance de la part des ministres de justice, puisqu'il
est impossible de faire la parinstruction de ces procès sans le
besoin des appointements, de faire faire des enquêtes, des signi-
fieations et d'autres exploits pour parvenir à la bonne fin de ce
secours, en quoy elle auroit rencontré refus, faute de payement
pour les dépesches de ces actes, qui leur eauseroit un dérange-
ment dans les affaires, tellement qu'elle se trouveroit obligée de
temps en temps d'en abandonner la clientèle, à la très-grande
_ désolation desdits pauvres, suppliant S. M. que son bon plaisir
soit d'ordonner à tous magistrats et colléges de justice, secré-
taires, grefhiers, huyssiers, messagers, sergeants et autres ofh-
ciers, d'expédier respectivement les apostilles, appointements,
enquêtes, et autres actes et exploits de justice que besoin sera
pour la parinstruction, poursuite et décision des semblables
causes sous note, jusqu'à ce que les dépens des procès soïent
adjugés et payés par les parties condamnées. Cette requeste nous
ayant été remise pour la voir et visiter, afin de réservir Vos
Séigneuries de notre avis, à quoy satisfaisant, dirons :
Messieurs,
Que ladite confrérie est composée d’un ecclésiastique en
dignité, d’un conseiller de ce conseil qui y préside, de dix avo-
cats et huit procureurs travaillans à l'expédition des causes des
pauvres et autres personnes misérables et dignes de pitié, et
pour la défense et parinstruction de celles qu'ils trouvent justes
et soutenables, avec autant de bon suecès que les personnes sol-
(110 )
vables même y trouvent du secours, puisqu'elles ne se voyent
attaquées en justice par-devant ce conseil, ou tribunaux subal-
ternes qu'après en avoir été advertis, et ouis par ladite confrérie,
si elles le veulent, pour alléguer leurs raisons, par quoy le pauvre
ne seroit fondé à demander ladite clientèle; mêmes nous avons
bien des fois renvoyés ces gens par-devant les suppliants pour y
faire examiner leurs causes avant d'admettre leurs procédures
servies pro Deo. La demande des suppliants nous paroît d'au-
tant plus juste et raisonnable pour appuyer et seconder un zèle
si charitable et méritoire, parce que les tribunaux et officiers
subalternes auroïent dû suivre l'exemple de ce conseil , dont les
commissaires et grefliers ne font difficulté de faire toutes ces
dépesches sous note, et dont ils demandent le payement seule-
ment après que la partie adverse se voit condamnée ès dépens
et qu'elle les a satisfaits; sans cela, il seroit à craindre qu'une
institution si pieuse seroit frustrée des bons effets qu’elle a rendus
si souvent depuis son érection. Pourquoy, nous sommes d'avis
que S. M. pourroit être servie d'accorder aux suppliants leur
demande, nous en remettant néantmoins à la très-haute pru-
dence de Vos Seigneuries. Sommes, etc.
Fait à Gand, ce 46 novembre 1753 (1).
Ensuite de cet avis, le décret suivant fut rendu :
Veu l'avis, Sa Majesté Impériale et Catholique ordonne à tous
magistrats et colléges de justice, secrétaires, greffers, huissiers,
messagers, sergeants et officiers d'expédier les appostilles, ap-
pointements, enquêtes et autres actes de justice requis pour
l'instruction, poursuites et décisions des causes et procès des
personnes misérables reçues sous la clientèle de la confrérie de
S'-Ivon, sans salaire et payement de leurs droïts sous note, jus-
ques à ce que lesdites causes seront terminées et que lesdits
(1). Arch. du cons. de Flandre, registre coté Æ , n° 9, p. 208,
(111)
salaires et droits seront adjugez et payez par les parties condam-
nées, ordonne à tous ceux qu'il appartient de se régler et con-
former selon ce :
Fait à Bruxelles, le 28 novembre 4753. Paraphé Sreenr v',
signé J.-J. Le Roy. Scelé des armes de Sa Majesté Impériale et
Catholique, en hostie rouge (1).
Aux documents officiels que nous venons de repro-
duire, nous avons peu de chose à ajouter. La confrérie
fonetionna pendant plus d’un siècle, se conformant aux
édits et au règlement prémentionnés. Elle s'acquitta de
sa tâche avec le plus grand zèle, et intenta, au nom de ses
clients, une foule de procès, ainsi que l'attestent le nombre
considérable d’exploits, de sommations, de significations
et d’autres actes de procédure avec l’entête Pro DEO ET
Sancro Ivone que l’on rencontre aux archives du conseil
de Flandre. Quant au sceau avec l'effigie de S'-Ivon, il ne
nous a pas été donné de le rencontrer, malgré les investi-
gations les plus consciencieuses : l’un ou l’autre jour le
hasard le mettra sous notre main.
Voici les noms des membres de la confrérie de S'-Ivon
en 1774:
Prévit.
Le comte de Lichtervelde, prévôt de S'-Bayon.
Président.
Rooman, conseiller au conseil de Flandre.
Doyen.
Rodriguez d'Evora y Vega.
(1) IV. Placcaet-boëk van Flaenderen, 1": partie, p. 89.
(112)
Avocats.
Beydens. Vande Poele.
Van Yperseele. Courtens.
Blommaert. Remeus.
Roelandts. Vandermaeren.
De Brabandere.
Surnuméraires.
Van Outrive. Buyse.
Varemberg.
Procureurs.
I. Près du conseil de Flandre :
Buyck, greflier. Lebègue.
Brauwer. Vanderelst.
IL. Près des échevins de la keure :
Lammens. Matthys.
HT. Près des échevins des parchons :
Neyt. Martens.
Surnuméraire.
Lebègue.
La confrérie de S'-Fvon subsista jusqu’à l'invasion fran-
çaise (1796), alors elle disparut dans la tourmente comme
tant d’autres institutions, comme le conseil de Flandre
lui-même que quatre cents ans d'existence ne purent
sauver. Voici les noms des membres de la confrérie au
moment où elle fut supprimée.
Prévôt.
Castel San Petro, prévôt de S'-Bavon.
(113)
Président.
Massez, conseiller au conseil de Flandre.
Doyen.
De Brabandere.
Avocats.
Remeus. Lammens.
Goethals. Beyens, senior.
Dubosch. Beyens, junior.
Moerloose. Coorebyter.
Vispoel. Massez.
Procureurs.
L. Près le conseil de Flandre :
Vanderelst, greflier. Raman.
Teirlinck. Libbrecht.
Brauwer.
II. Près des échevins de la keure :
Driessens. Vande Voorde.
De Keyser.
HI. Près des échevins des parchons :
Merry. De Bleecker,
Messager.
Heyndrickx.
L'administration française bouleversa toutes nos insti-
tutions judiciaires. Elle désorganisa tout et réorganisa
peu de choses; arbitraire fut pendant quelque temps la
seule loi, le seul droit; le génie de Napoléon sut enfin
TOME xx. — I" parr. 8
(114)
tirer de ce chaos de nouvelles règles administratives, et la
juslice redevint peu à peu une vérité. Si l’on examine d'une
manière calme la grande révolution du XVII siècle, on
doit reconnaître qu’elle a, certes, fait disparaitre beaucoup
d'abus, renversé beaucoup d’édifices vermoulus, mais on
ne peut s'empêcher d’avouer aussi que des institutions
utiles ont péri dans ce cataclysme. Tel fut notamment le
sort de celles qui avaient pour but de venir en aide aux
classes nécessiteuses sous le nom de ghildes, de confré-
ries, de métiers, ou de tout autre, et avaient alors pour base
un principe religieux, la charité. Le temps ramena succes-
sivement ces associations, mais elles eurent dorénavant
pour base un principe nouveau, la philanthropie.
Le décret impérial du 14 décembre 1810, contenant
le règlement sur l'exercice de la profession d'avocat et la
discipline du barreau, imposa aux conseils de discipline,
l'obligation d'établir un bureau de consultation gratuite.
Les dispositions légales sont conçues comme suit :
Art. 24. Le conseil de discipline pourvoira à la défense des
indigents, par l'établissement d'un bureau de consultation gra-
tuite qui se tiendra une fois par semaine.
Les causes que ce bureau trouvera justes seront par lui en-
voyées, avec son avis, au conseil de discipline, qui les distribuera
aux avocats par tour de rôle.
Voulons que le bureau apporte la plus grande attention à ses
consultations, afin qu'elles ne servent point à vexer des tiers qui
ne pourraient, par la suite, être remboursés des frais de
l'instance.
_ Les jeunes avocats admis au stage seront tenus de suivre exac-
tement les assemblées du bureau de consultation.
Chargeons expressément nos procureurs de veiller spéciale-
ment à l'exécution de cet article et d'indiquer eux-mêmes, s'ils le
(115)
jugent nécessaire, ceux des avocats qui devront se rendre à
l'assemblée du bureau, en observant , autant que faire se pourra,
de mander les avocats à tour de rôle.
La loi du 4 août 1852, sur l’organisation Judiciaire, dé-
cida que dorénavant il existerait en Belgique trois cours
d'appel, savoir à Bruxelles, à Liége et à Gand, Cette der-
nière ville se trouva ainsi en possession d’une cour qui
renouvelait et perpétuait le souvenir du conseil de Flandre.
Dés l'installation de ce siége, l’ordre des avocats se réor-
ganisa, et un grand nombre d’entre eux vinrent s'inscrire
sur le tableau des stagiaires.
Dans la séance du 45 octobre 1852, le conseil de disci-
pline procéda, conformément à l’art, 24 dont nous venons
de parler, à la composition d’un bureau de consultation
gratuile, et élut comme membres MM. Libbrecht, Lant-
heere, De Saegher, Van Toers junior et Van Hufel. Le
25 du même mois, il leur fut donné connaissance de leur
nomination par lettres signées Wannaar, syndic du con-
seil de discipline. Les membres s'étant réunis, M° Lib-
brecht fut nommé président et Me Van Huftel secrétaire;
les jours d'audience furent fixés au samedi, de 11 heures à
midi. Avis de la constitution du bureau fut donné aux
intéressés par annonces insérées au Messager de Gand, au
Journal des Flandres, au Gentschen Mercurius, etc. Enlin,
le 45 juin 1855, eut lieu la première séance publique (1)
dans le vestiaire des avocats au local du tribunal de
première instance. Un léger subside fut accordé à ce bu-
reau par le conseil provincial, afin de le mettre à même
(1) Premier registre aux procès-verbaux du bureau de consultation gra-
luite, fol, 1.
(M6 )
de couvrir ses menus frais de ports de lettre, chauffage,
messager, etc. En 1847, le tribunal de première instance
alla s'établir au nouveau palais de justice; le bureau de
consultation tient depuis lors ses séances le mercredi, de
41 heures à midi, dans une petite salle du rez-de-chaussée
qui sert aux réunions de l’ordre des avocats. I] ne cesse de
rendre les plus grands services et aux indigents et aux
gens aisés. Tout indigent peut venir y exposer le cas qui
l'embarrasse. Le bureau lui indique, s’il s'agit seulement
d’unedifliculté administrative, la voie qu’il s’agit de prendre
et le fonctionnaire auquel il convient qu'il aille adresser
ses réclamations. Pour tous les autres cas, s’il s’agit d’une
prétention qui semble fondée, le bureau engage la partie
adverse à venir s'expliquer à une séance suivante, et lorsque
celle-ci répond à son invitation, il s'efforce de concilier les
adversaires. Ce moyen réussit souvent et a épargné bien
des fois à des gens aisés des frais inutiles et des affaires
désagréables. Si la partie adverse refuse de comparaître,
ou si le bureau ne parvient pas à opérer une conciliation,
il désigne un des stagiaires, qui reste dès lors chargé d’in-
troduire la cause et de la poursuivre. Le bureau ne donne
jamais suite aux demandes de divorce.
Les formalités requises pour la procédure gratuite sont
déterminées par l'arrêté du 26 mai 1824. Nous en rappel-
lerons ici les principales dispositions.
Les indigents , habitants du royaume, les directions des
pauvres (y compris les administrations des hospices et
hôpitaux et les bureaux de bienfaisance) et les adminis-
trations des églises des diverses communautés religieuses
peuvent être admis à plaider en justice gratis et sans
payer de droits de timbre ou d'enregistrement, de frais de
greffe ou d'expédition, d’amendes judiciaires, d’hono-
aps
(117)
raires d’avoués ou d’huissiers et autres semblables, tant
comme demandeurs que comme défendeurs : ils doivent à
cette fin s'adresser, par requête sur timbre, au tribunal
devant lequel la cause est portée. Les indigents doivent
joindre à leur requête un certificat d’indigence en règle.
Dans les affaires où les justices de paix sont compé-
tentes en dernier ressort, le juge de paix, sur l'exposé
verbal de la partie qui désire être servie gratis et sur la
présentation d’un certificat d’indigence, statue de suite sur
l'admission où la non-admission de la partie. Dans les
autres cas, le juge de paix doit, sur la requête qui lui est
adressée, faire citer les parties devant lui et les entendre.
Dans les affaires introduites devant les tribunaux, la
requête est remise par le tribunal entre les mains de deux
commissaires devant lesquels les parties sont citées. La
partie adverse citée devant le juge peut s’opposer à l’ad-
mission au pro Deo, en prouvant ou que l’allégation d’indi-
gence n’est pas fondée ou que le demandeur, la direction
des pauvres ou l'administration de l’église, a évidemment
tort dans l'affaire.
En accordant la demande d'admission, le tribunal dé-
signe d'office un huissier et un avoué.
Tous les exploits, expéditions et actes sont visés en
débet et le montant en est recouvré sur la partie adverse,
en cas de condamnation.
Ces sages dispositions assurent aux indigents les moyens
de poursuivre leurs droits, tout en mettant les personnes
aisées à l’abri de demandes ridicules et sans ombre de
fondement.
(18)
Observations sommaires sur la réplique faite par M. Roulez
et concernant son système sur les origines belges; par
M. Schayes, membre de l’Académie.
De retour à Bruxelles, après une absence de plusieurs
mois en pays étranger, j'appris que, dans la séance du
10 octobre dernier, M. Roulez avait lu une réfutation de
ma réplique précédente, insérée au Bulletin du mois de
juillet. Fatigué de cette longue polémique, peu agréable
sous plusieurs rapports, j'étais, pour ma part, résolu d'y
mettre un terme par mon silence. Mais en lisant, dans le
dernier Bulletin, le mémoire de mon honorable confrère,
j'y trouvai une inculpation que je ne pouvais laisser sans
réponse.
D'un autre côté, un excellent journal littéraire, l’Athe-
naeum français, annonçait, dans sa livraison du 15 no-
vembre, qu'il se proposait de résumer notre diseussion
lorsqu'elle serait entièrement terminée, Pour ce double
motif, je me vois obligé de nouveau de prolonger ce
débat, mais j'ose espérer que ce sera pour le clore. Les
grandes batailles sont livrées, il ne s’agit plus que d’une
escarmouche d’arrière-garde; on a pu s’en apercevoir à la
réplique de mon savant adversaire, sinon à la forme, au
moins quant au fond. Presque tout s'y réduit, en effet, à
des observations et à des objections purement accessoires
qui ne font qu'effleurer les points capitaux de ma défense.
M. Roulez part de l'accusation que j'aurais taxé à faux
son système de n'être que la reproduction des opinions
(119)
de certains savants allemands. Toutes les personnes qui
s'intéressent à ces débats, et qui ont lu mes remarques
précédentes, savent fort bien que, par cette assertion, je
n'ai entendu désigner que le système de mon honorable
confrère sur la prétendue celtisation des Germano-Belges
et nullement ses opinions sur l’origine de ces peuples,
opinions dans lesquelles je crois être plus ou moins d’ac-
cord avec lui. Or, que l’on consulte les ouvrages de Muller,
de Zeuss, de Dieffenbach, de Leo, de Mone (1) et de quel-
ques autres, et l’on y trouvera tous les arguments, tous
les raisonnements dont mon savant confrère s’est servi
dans son premier mémoire, où il expose et dévelcppe son
hypothèse (2).
J'avais avancé, contrairement à M. Roulez, qu'il n’exis-
tait dans les Gaules qu'un seul peuple portant le nom d'É-
burons. Mon honorable confrère cherche à me mettre sur
(1) J'ai dit, dans ma première réponse à M. Roulez, que M. Muller est l’au-
teur d’un livre intitulé Das griechische Norterthum, concu absolument sur
le plan des Atlantica de Rudbek et des Champs-Elysées de ce bon M. de
Grave. Les hypothèses hasardées abondent également dans les Halbergische
Glosse de Leo et dans les Urgeschichte des badischen Landes de M. Mone.
Ce dernier va jusqu’à supposer une origine romaine à tout chemin du grand-
duché de Bade qui porte le nom de Zltweg (vieux chemin), à toute localité
dont le nom se termine en Sfatt, Stette ; comme s’il n'existait pas dans les
parties de l'Allemagne où ne pénétrèrent jamais les Romains une foule de
lieux dont les noms ont cette terminaison, et comme si un chemin, pour
s'appeler vieux chemin, vieille chaussée, ne pouvait, malgré cette déno-
mination, être d’une origine très-récente. Pour le savant archiviste du
grand-duché de Bade, Louvain, quoiqu’elle ne fût encore au IX: siècle qu'une
bourgade sans importance, est, quant au plan, le type parfait d'une ville
romaine!
(2) Pour prouver que M. Ch. Grandgagnage adopte ses idées, M. Roulez
(120)
ce point en contradiction avec moi-même, en rapportant le
passage d’une note publiée, il y a neuf ans, dans le tome XI
des Bulletins de l'Académie. J'avoue franchement m'être
trompé alors , en disant qu'un peuple celtique du diocèse
actuel d'Évreux, en Normandie, s'appelait Aulerci Ebu-
rones; ce nom qu’on lit dans quelques manuscrits des
Commentaires est évidemment fautif; le véritable nom de
ce peuple était Aulerci Eburovices. Ce point, d’ailleurs, est
d’un très-faible intérêt dans la question qui nous occupe,
puisque, comme je l’ai prouvé précédemment, la ressem-
blance des noms ne saurait être invoquée par mon savant
confrère comme un argument d’une bien grande prépon-
dérance en faveur de sa thèse. ;
Me relevant au sujet d’un passage de Mannert sur les
Ambrons, que j'ai cité uniquement comme preuve -de
l'incertitude des étymologies celtiques, M. Roulez dit :
cite un passage de l’Origine des Wallons ; mais M. Grandgagnage, loin
de croire, comme M. Roulez, à une métamorphose complète des Germano-
Belges en Celtes, dit, quelques lignes plus haut : « Que les Germains établis en
Belgique aient participé jusqu'à un certain point à la civilisation des Gaulois
devenus en partie leurs concitoyens, cela est simple et naturel; qu'ils se
soient par ce fait transformés en Gaulois et aient perdu leur caractère ger-
manique, c’est plus qu'improbable, c’est certainement faux : les Belges, dit
César, diffèrent des Celtes par la langue, les mœurs et les lois : or, où
chercher les causes de cette différence, si ce n’est en ce que précisément :
« Un grand nombre des Belges sont issus des Germains; » supposer une
autre cause, c'est conjecturer bénévolement, c'est, en outre, accuser César
d'une bien grande négligence, car la conséquence que nous déduisons ne
pouvait lui échapper. »
Des Roches, dont M. Roulez invoque également le témoignage en faveur
de son système, lui est moins favorable encore que M. Grandgagnage. Voir
l'Hist. ancienne des Pays-Bas autrich., t. 1, p.271 et suiv. de l'édition
in-8°, et p. 198 et suiv. de l'édition in-4°.
(12)
« Malheureusement pour M. Schayes, le passage qu'il a
transerit est d’un pseudo-Mannert; le vrai Mannert de
qui je rapporte en note les paroles n’a pas écrit un mot
des réflexions qui lui sont attribuées. » Pour toute ré-
ponse, je prierai mon honorable confrère de consulter
l'édition de 1792 de la Germania de Mannert, où il trou-
vera, à la page 37, le passage en question, tel que je l’ai
traduit littéralement et tel que je le reproduis textuelle-
ment dans la note ci-dessous (1).
Sur la question de la numismatique germano-belge,
mon savant confrère se borne à dire qu'il en laisse la dis-
eussion et la décision aux numismates, derrière l’autorité
desquels il se retranche (2). Il se contente done d’invoquer
le témoignage de M. Duchalais, qui attribue la monnaie
avec la légende Indutillil aux Tréviriens, et celui de MM. de
la Saussaye et de Longpérier, qui regardent la monnaie à
(1) Ueber die Ankunft der Ambronen ist schon lange zwischen Deut-
schen, Franzosen und Helvetiern gestritten worden; iede dieser Nationen
sucht sie zu den ihrigen zu zählen. Wenn der Deutsche sie bey dem
Namen des flusses Ammer zu erkennen glaubt, wissen die übrigen beyden
Nationen andere ähnliche Namen aufzufinden, die ihre Anmassungen
rechtfertigen. Beweise blos auf Aehnlichkeit des Namens gestüzt, sind
äussert selten von einigem W'ehrt; wie viel Worte giebt es wohl, von denen
sich nicht wieder ein ähnliches in teder Sprache finden liesse ?
L'erreur, je n’ai pas besoin de dire tout involontaire, de mon honorable
confrère provient uniquement de ce qu’il n’a consulté, comme il l’a reconnu,
que l'édition de Mannert de 1820, où ce passage ne se trouve plus, et il est
très-rationnel, en effet, que lorsqu'un auteur a publié une nouvelle édition
d’un livre, on ne lise plus l'édition antérieure. Moi, à mon tour, je n’ai vu que
la première édition de la Germania que je possède; je n'ai pu me procurer
encore la seconde, qui ne se trouve pas à la Bibliothèque royale, non plus
que la premiére.
(2) « Ils apprécieront également, ajoute M, Roulez, la compétence de
(12 )
la légende Durnacos comme ayant été frappée à Tournai.
M. de la Saussaye n'ayant pas examiné à fond la question
de la prétendue numismatique trévirienne (anté-romaine),
n’a fait que suivre l’opinion reçue, et l’on a pu se con-
vaincre, par ce que j'en ai dit précédemment, combien est
hypothétique l'existence de cet atelier monétaire d’un
peuple à demi sauvage. Et quant aux opinions des deux
autres célèbres numismates, comme elles ne se basent
sur aucun fait tant soit peu positif, j'ai le droit de les
considérer comme purement conjecturales jusqu’à preuve
du contraire (1). J'ajouterai encore, à l'appui de la mienne,
que, suivant un archéologue distingué, M. E. Joly, de
Renaix, aucune des monnaies gauloises portant la légende
Durnacos n’a été découverte jusqu'ici en Belgique (2).
En citant le passage des Commentaires où César dit
que les druides n’écrivaient qu'en caractères grecs, j'ai
attribué, selon M. Roulez, à tous les Gaulois un usage
mon sayant confrère en cette matière. » Il ne s’agit pas ici de savoir si j'ai
obtenu un diplôme de numismate, mais de prouver que j'ai eu tort dans mes
assertions sur la numismatique germano-belge. Cette preuve on ne l’a pas
donnée encore, et on ne la donnera peut-être jamais, puisque tout ce qui
regarde l'existence des ateliers monétaires chez les Germano-Belges ne repose
que sur des conjectures.
(1) Le petit vase en terre sigillée du musée d’antiquités du Louvre, avec
l'inscription Genio turnacesiu , tracée à la pointe, ne saurait servir de
preuve ni dans cette question de numismatique, ni en faveur de la haute
antiquité de la ville de Tournai, puisqu'en admettant l'authenticité de l’in-
scription, ce vase, de l’aveu de M. Roulez, pourrait bien ne pas être anté-
rieur au second siècle de l'ère chrétienne, tandis que les prétendues mon-
naies tournaisiennes ne sauraient être postérieures aux premières années
de cette ère. (Voir le Bulletin de l’Académie , t. XIX, 2° part., p. 597.)
(2) « La non-existence dans nos localités de médailles celtiques à la légende
Durnacos est, ce nous semble, un argument contre l'attribution que l'on
fait de ces monnaies à Ja ville de Tournai (Doornick). Si ces pièces étaient
(12% )
que le conquérant n’aurait reconnu qu'à la caste sacerdo-
tale. Mon honorable confrère aurait raison si ce passage
était le seul qui constatât l'emploi de ces caractères dans
la Celtique; mais n'est-il pas aisé de voir que je ne l'ai
reproduit ici que comme corollaire de celui qui concerne
le tableau statistique trouvé dans le camp des Helvétiens,
et qui atteste que les caractères grecs n'étaient pas seule-
ment connus des druides, mais encore des autres Gaulois?
Je me crois donc fondé à tirer de ce fait une conséquence
très-prépondérante contre la celtisation des Germano-
Belges. La supposition de M. Roulez , que César aurait pu
avoir écrit sa lettre à Q. Cicéron en langue grecque, n’a
aucun fondement. César avance simplement que sa lettre
était écrite en lettres grecques, graecis conscriptam litteris,
expression absolument semblable à celle dont il se sert en
parlant du dénombrement des Helvétiens, où, de l’aveu
même de mon honorable confrère, il ne peut être question
er
réellement de Tournai, on devrait les rencontrer ici, dans une contrée si voi-
sine de cette ville, Mais on n'en connaît pas un seul spécimen délivré dans
nos localités, ni même à Tournai; et cela ne doit guère étonner, si l’on remar-
que que le style de ces Durnacos est tout à fait étranger à nos {ypes. D'ail-
leurs, il est en quelque sorte reconnu aujourd'hui que ces médailles appar-
tiennent au midi de la France, où on les déterre assez souvent. (Voir diverses
notices de la Zevue de la numismatique française.)
» On sait, soit dit en passant, qu'il existe des Durnacos avec la légende
Bavori, Eburo, Boduoc, Bnorbo, etc., au revers; ces médailles sont apo-
cryphes, et nous pourrions, au besoin, désigner l’'incorrigible mystificateur
qui a fabriqué, entre autres, celle qui porte l'épigraphe Bavorë.» (E. Joly
Collections scientif. d'objets d'art, ete., de la ville de Renaïæ, n° 8, p.15.)
Je crois connaître aussi le mystificateur dont il est ici question et qui à
induit en erreur plus d’un savant numismate, Un de nos honorables confrères ,
M. Chalon, possède à ce sujet des documents uniques et des pièces de convic-
tion irrécusables.
(12%)
de langue grecque. Quant à la conjecture qu’il ne se serait
pas trouvé de druides parmi les Nerviens assiégeant le
camp de Cicéron, et que, par conséquent, César pouvait
écrire en toute sûreté la lettre en caractères grecs , je me
crois dispensé d’y avoir égard.
Les explications dans lesquelles je suis entré pour mo-
tiver mon opinion que la civilisation des Ubiens , compa-
rativement plus avancée que celle du reste des Germains,
doit être attribuée à une autre cause qu’à celle que lui as-
signe César, n’ont point obtenu l'approbation de mon
honorable confrère ; mais la seule objection qu'il y fait
cette fois, c'est que, sur ce point, il aime mieux en croire
César que moi, jugeant de mon cabinet à deux mille ans
de distance. J'en demande pardon à mon honorable con-
frère, mais lui-même ne me semble pas avoir toujours eu
dans cette polémique une confiance sans bornes dans l'au-
torité de César, ni prétendu interdire à un critique mo-
derne le droit de reprendre un historien ancien, même
témoin oculaire des événements qu'il décrit, lorsqu'il le
trouve en erreur ou en contradiction avec lui-même,
comme c’élait ici le cas.
Au motif que, d’après Dion Cassius, j'ai assigné à la
dénomination de deux Germanies donnée par Auguste à
deux circonscriptions qu’il avait détachées de la Belgique
dans un but purement militaire, mon honorable confrère
oppose deux raisons, par lesquelles il prétend me mettre
de nouveau en contradiction avec mes propres paroles,
mais qui prouvent uniquement que M. Roulez ne m'a pas
compris ou n’a pas voulu me comprendre. S'il est cepen-
dant un point de notre controverse sur lequel je crois
avoir été clair et précis, c’est bien celui-là. Aussi pour
toute réponse à sa première objection, me bornerai-je à
(195)
prier le lecteur impartial de vouloir bien relire le passage
de ma dernière réplique, qui se trouve aux pages 450 et
451 du tome XIX des Bulletins (1). Quant à la seconde rai-
son ;, M. Roulez semble avoir pris au sérieux ce qui, de ma
part, n’était qu’une simple plaisanterie ; en eflet, pouvais-
je répondre autrement à un sophisme que je considérais
moi-même comme un pur badinage. Parlant ensuite sé-
rieusement, j'avais dit que la première et la seconde Ger-
manie ne devaient être considérées dans le principe que
comme des subdivisions militaires de la province belgi-
que. En m'exprimant ainsi, je ne pensais pas avancer un
fait nouveau. « J'avais cru jusqu’à ce jour , dit M. Roulez,
avec Lous ceux qui ont écrit sur cette malière, historiens,
philologues, jurisconsultes, que l’organisation des deux
Germanies n'avait différé aucunement de celle des autres
provinces impériales, et que, pendant les deux premiers
siècles de notre ère, les légats-propréteurs y avaient réuni,
(1) En lisant ce passage, on s’apercevra aisément que la premiere objec-
tion de M. Roulez, celle qu'il appelle sa première raison, porte entièrement
à faux ; en effet, pour qu’il en fût autrement, j'aurais dû dire que les Ro-
mains avaient distrait de la Belgique les deux Germanies, uniquement parce
qu’elles étaient peuplées d’habitants de race germanique, tandis que j'ai
avancé que ces subdivisions, avaient été. établies dans un simple but stratégi-
que, et que les Romains leur donnèrent le nom de Germanies, parce qu’elles
étaient peuplées exclusivement de Germains, sans renfermer néanmoins toutes
les populations germaniques d’en deçà du Rhin; car, dans ce cas, elles au-
raient dû aussi comprendre les Tongrois, les Nerviens et les Tréviriens, aux-
quels, certes, M. Roulez ne déniera pas la qualité de Germains.
A propos de Tréviriens, je n’ai pas prétendu, comme l'avance M. Roulez,
que le territoire de ce peuple était compris, tout entier, dans la Germanie su-
périeure, mais seulement la partie de ce territoire qui touchait au Rhin, puis-
que la Germanie supérieure s’étendait tout le long et en amont de ce fleuve,
depuis l'Ahr jusque près de Bâle.
(126 )
comme dans ces dernières , l'administration civile, le pou-
voir judiciaire et le commandement des troupes. » Sur
cette question cependant, je n’ai fait que suivre l'opinion
de l’illustre Mannert, sans contredit un des géographes
modernes les plus savants et les plus sagaces (1). Une
inscription rapportée par Gruter ne fait qu'une seule
province de la Belgique et des deux Germanies (2), et
ni Strabon, ni Pline, ni Ptolémée ne comptent ces der-
nières parmi les provinces des Gaules; ce qui tend à
prouver qu'ils ne les considéraient que comme de simples
subdivisions de la Belgique. Du reste, la question de
l'organisation et de l'administration romaine des deux
Germanies est totalement étrangère à l’objet de notre dis-
cussion.
Je passe sur l’objection que fait mon savant confrère à .
mon observalion que, jusqu'ici, on n’avait trouvé des autels
gallo-romains que sur le territoire des anciens Tréviriens;
car, il n’oppose à des faits positifs qu'une conjecture qu’au-
cune découverte n’a encore confirmée.
Malgré tout le zèle et l’habileté que M. Roulez a déployés
dans la défense de la pythonisse de Tongres, je ne puis me
résoudre à lui donner gain de cause. Toutes les subtilités
grammaticales possibles ne me persuaderont pas que l’ex-
pression : « Comme Dioclétien logeait dans un cabaret de
Tongres, en Gaule, lorsqu'il servait encore dans les rangs
(1) Mannert, Geographie der Griechen und Rômer , 2 Th., 1° Heft, s.
55 et 207. — Voir aussi Walckenaer, Géographie anc. des Gaules, 1. Il,
p. 515 et 519.
(2) Proc(urator) a rationibus provinciae belgicae et duarum Germania-
run. Cette inscription se trouve aussi dans le savant mémoire de M. Roulez,
Sur les magistrats romains de lu Belgique, p. 40.
(127)
subalternes de l’armée, et qu’il faisait avec une druidesse (1)
le compte de sa dépense journalière (2) , » désigne cette
femme comme l’hôtelière même du cabaret; et à défaut de
cette preuve, le passage entier de Vopiseus devient sans
nulle portée pour la thèse de mon honorable confrère:
car la bohémienne, eüt-elle ses lettres patentes de drui-
desse dûment en règle, je ne me croirais pas encore obligé
de lui accorder la naturalisation belge et le droit de cité
dans là ville de Tongres (5).
(1) Quoi qu'en dise M. Roulez, le terme druide quadam muliere ôte toute
idée que cette femme était l'hôtelière elle-même; cette expression vague dé-
signe bien plutôt quelque aventurière venue, en vraie bohémienne, dans un
bouge pour y chercher fortune parmi les soldats romains.
« Admettons, dit M. Grandgagnage, la vérité de cette historiette, suppo-
sons qu'il n’y ait pas erreur de lieu, et surtout que druidesse ne soit pas,
comme il est probable, un terme impropre *, que conclure de la présence
d'une druidesse dans une auberge et en compagnie d’un soldat? N'était-ce
pas évidemment une coureuse exerçant à la suite des armées le métier de bo-
hémienne. » (De l’origine des W'allons , p. 54.) .
(2) M. Roulez traduit rationem convictus facere sui quotidiani, par
« régler le prix de sa dépense journalière; » je l'interprète, moi, par « faire la
» supputation de sa dépense journalière, »
(5) M. Roulez conclut de ce que, dans le passage de Suétone que j'ai rap-
porté comme parfaitement analogue, la tireuse d’horoscope, qui était une
femme catte, ne reçoit pas le titre de druidesse dans la capitale même, qu'un
écrivain romain n'eût pas désigné comme telle la devineresse de Tongres,
si elle avait été véritablement germaine. A cette objection, je répondrai que
les écrivains romains, sachant fort bien qu’il n’y avait pas de druidesses dans
la Germanie , n'auraient pu donner ce titre à une devineresse catte sans être
accusés d’avoir commis un grave anachronisme , tandis que le fait rapporté
* « Des histoires semblables, par exemple, celle que rapporte Lampride, dans la
Vie d'Alexandre Sévère , $ 59, ont pu donner lieu à l'emploi de ce mot ; de même
la circonstance que Vopiseus vient de désigner la Gaule comme étant le pays où
s'est passé le fait, »
( 128 )
Les nouvelles remarques de M. Roulez sur le système
leugaire et sur le passage de saint Jérôme, relatif aux Ga-
lates, n'étant guère que la reproduction de celles qu'il a
faites précédemment à ce sujet, je dois, crainte de retom-
ber moi-même dans les redites, m’en référer pour toute
réponse à mes observations antérieures (1).
Mon savant confrère entame ensuite une longue dis-
cussion grammaticale sur l’acception des termes origo Ger-
manica, ortos esse a Germanis, discussion, suivant moi,
assez inutile ici, où il ne s’agit pas de savoir ce que ces
termes signifient pris isolément, ou dans quel sens les a
employés tel ou tel auteur, mais uniquement de connaître
la signification qu’ils ont chez César et Tacite. Or, je pré-
tends que dans le célèbre passage de ce dernier : Treviri
et Nervii circa affectationem germanicae originis ultro am-
biliosi sunt, tamquam, etc., que j'ai transerit en entier dans
ma réponse, page 427 , ils ne sauraient être distraits du
reste de la phrase, sans perdre la valeur que je crois leur
avoir attribuée à juste titre. Il est vrai que M. Roulez n’ad-
met pas la prétention qu'avaient, suivant Tacite, les Ner-
viens et les Tréviriens de différer des Gaulois et par les
mœurs et par le courage (a similitudine et inertia (2).
par Vopiscus s'étant passé dans les Gaules où toutes les, druidesses, passaient
pour se livrer à la devination, il n°y a rien d'étonnant, comme je l’ai déjà dit,
que ce dernier auteur ait donné ce titre à la devineresse de Tongres, ville des
Gaules, bien qu’elle ne füt pas réellement une druidesse : c’est encore tou-
jours ici, je le répète encore, le Gallus inter Gallos. D'ailleurs, rien ne con-
state que cette femme, que l’on veuille en faire une véritable druidesse ou
une simple aventurière, füt originaire de Tongres.
(1) Voir aussi la dissertation de M. Grandgagnage, Sur l’origine des
allons, p.21 et 25.
(2) M. Roulez change a similitudine et inertia en a similitudine iner-
(129)
« En effet, dit-il, lorsqu'un peuple, pour repousser le
reproche de ressembler à d’autres peuples par ses mœurs
et par sa mollesse, n’a pas de meilleure raison à alléguer
que de rappeler son origine, c’est qu’il mérite en grande
partie le reproche qu’on lui adresse, » Mais ce qui prouve
bien que les prétentions de ces peuples ne s'élayaient pas
sur un simple arbre généalogique, c’est que César qualifie
les Nerviens de peuple le moins civilisé parmi tous les
Belges (qui, maxime feri inter ipsos (Belgas) habeantur) ,
qu'ailleurs, comme je l’ai déjà fait observer , il trace de
leurs mœurs un tableau qui rappelle en tous points les
traits sous lesquels il dépeint les Suèves, les plus sau-
vages des Germains, et que, plus loin, Hirtius assimile
les Tréviriens aux habitants de la Germanie. Ces témoi-
gnages si clairs ne donnent-ils pas un démenti formel à
l’assertion de mon honorable confrère, à son interpréta-
tion des paroles de Tacite, qui, je le répète, n’aurait pas
manqué, en juge sévère, méticuleux même, de rejeter
nettement les prétentions des Nerviens et des Tréviriens,
s'il les avait crues aussi mal fondées que l’étaient, suivant
lui, celles de plusieurs peuples de la Germanie? Pour ce
motif, je persiste à n’attacher aucune signification parti-
culière au haud dubie relatif aux Vangions, aux Tribocs et
aux Némètes, à n'y voir qu’un simple mode de liaison et
non une antithèse; sans prétendre toutefois engager sur
la traduction littérale de ce terme une polémique gram-
maticale avec un philologue dont je me plais à reconnaître
toute la science et la supériorité.
tiae. Je conserve et traduis le texte de Tacite, tel qu'il se trouve dans toutes
les éditions. Pour changer le texte d’un auteur, il faut, me semble-t-il, des
motifs plus sérieux que ceux que donne mon savant contradicteur,
TOME xx. — I'° PART. 9
(1430 )
M. Roulez n’accorde pas plus d'importance à l’expres-
sion d’ortos esse a Germanis, dont se sert César en parlant
de la plupart des Belges, qu'à celle qu'il attribue au ger-
manicae originis de Tacite : « César, dit-il, n’a eu en vue
que la descendance, sans aucun égard à l’état présent des
peuples dont il parle. » Deux passages des Commentaires
que je lui ai opposés pour prouver qu’à l’époque de la con-
quête romaine, les Belges ne passaient pas seulement pour
être originaires de la Germanie, mais qu’ils continuaient
encore à être considérés comme de vrais Germains, lui ont
néanmoins paru dignes de quelque attention; mais il cher-
che à les réfuter par un non-lieu dont nous allons voir la
valeur : « L'auteur des Commentaires, dit-il, après avoir
avancé, au liv. IT, que, suivant le dire des Rémois, la plu-
part des Belges sont d’origine germanique, ajoute quelques
lignes plus loin, toujours d’après la même source, en faisant
l'énumération de ces peuples, que quatre, ou plutôt cinq
d’entre eux, sont appelés du nom commun de Germains.
Ainsi, d’après ce chapitre des Commentaires, il y avait deux
catégories de peuples belges originaires de la Germanie :
l’une, constituant une petite minorité, portait toujours le
nom de Germains, l’autre, c’est-à-dire la majorité, avait
cessé d’avoir ce nom. La raison de cette différence doit
être que ces derniers avaient dégénéré et se rapprochaient
déjà beaucoup plus des Celtes. » Il ne me faudra pas de
bien grands efforts pour démontrer combien est vaine et
illusoire cette interprétation forcée du texte de César, et
que la conséquence qu’en tire mon savant confrère est loin
« d'entamer singulièrement mon système » ainsi qu'il
s'exprime. De ce que , dans le passage où , d’après les ren-
seignements obtenus des Rémois, César, en énumérant les
forces militaires de tous les peuples de la confédération
( 131 )
belge, ne donne la qualification de Germains qu'aux Con-
druses, aux Éburons, aux Cérèses et aux Pémanes, il fau-
drait conclure, d’après mon savant adversaire, que ces peu-
plades de second ordre étaient encore seules dignes de ce
nom , et que les autres peuples belges d’origine germanique
avaient dégénéré et se sapprochaient déjà plus des Celtes que
des Germains. Mais c'est précisément dans ce passage que
César, toujours d’après le rapport des Rémois, appelle
les Nerviens les plus barbares des Belges, qui maxime
feri inter ipsos (Belgas) habeantur; voilà sans doute une
singulière preuve de la dégénération de ce peuple ger-
. manique ! Ce fait seul, indépendamment des passages sur
les mœurs des Nerviens et des Tréviriens que j'ai rappelés
plus haut, peut servir de réponse à l’assertion de mon
honorable confrère. Puis, ce qui atteste encore qu'en ne
donnant, dans la nomenclature des peuples de la Belgique,
le titre de Germains qu'aux quatre tribus en question,
César n’a pas entendu réstreindre à elles seules cette déno-
mination, c'est qu'au liv. VI, c. 52, il l’applique également
aux Ségniens; s’il ne l’a pas donnée positivement aux Ner-
viens et aux Tréviriens, bien qu’il les dépeigne comme des
Germains de pure souche, c’est que probablement il n’avait
pas sur leur origine des données aussi précises que Tacite (1).
M. Roulez s’est mépris sur le but que j'ai eu en repro-
duisant une partie du discours que Divitiac adressa à César
lorsqu'il vint implorer son secours contre Arioviste. À
l'entendre, j'aurais voulu affirmer par là que si les Romains
n'intervenaient pas, « il arriverait, au bout de quelques
années, que tous les peuples des Gaules seraient chassés de
(1) Strabon donne aussi la qualification de Germains aux Nerviens.
(132 )
leurs pays et que tous les Germains passeraient le Rhin, »
tandis que j'ai seulement fait cette citation comme preuve
que, lorsqu'une horde de Germains envahissait une con-
trée des Gaules, elle expulsait les anciens habitants de
toute la partie de leur territoire où elle venait se fixer
elle-même, et ne s’alliait pas à eux; par conséquent, qu'il
continuait à subsister entre les peuplades de ces deux
races, habitant le même sol, une séparation tranchée,
une antipathie profonde qui s'opposait à toute com-
munauté d'idées et de mœurs. Ainsi, de même que les
Nerviens, les Tréviriens, les Éburons et autres peuples
germains avaient chassé (expulsisse) de toute la Belgique
actuelle, et refoulé dans le midi de leur territoire les Celto-
Belges, de même Arioviste expulsa les indigènes des deux
tiers de la Séquanoise, pour s’y établir avec les Germains
sous ses ordres et avec les Harudes ses alliés.
Enfin, pour ce qui concerne la disparition ou l'absorption
des Ménapiens, des Toxandres, etc., sous la domination
franque, je continue à m’en rapporter aux documents au-
thentiques du moyen âge, qui y sont formellement opposés,
M. Snellaert dépose le manuscrit de la notice de Jean-
Louis Kesteloot , qu'il s'était chargé de rédiger pour l’An-
nuaire de l’Académie. L'auteur s’entendra avec M. le secré-
taire perpétuel pour l'impression de eette pièce.
M. le baron de Stassart saisit cette oceasion pour offrir
un exemplaire particulier de sa notice sur Corneille-Fran-
çois de Nélis, laquelle fera partie du même annuaire de
1853.
(135)
ÉLECTIONS.
La classe procède à la nomination de son directeur pour
1854. M. de Ram ayant réuni la majorité des suffrages,
est proclamé directeur.
MM. Leclercq, Van Meenen, Gachard, de Decker et le
chevalier Marchal sont réélus membres de la commission
spéciale des finances pour 1853.
La classe procède ensuite à la formation d’une liste de
quatorze candidats pour le jury auquel sera attribué le
jugement du concours pour le prix quinquennal de litté-
rature française; cette liste sera communiquée à M. le
Ministre de l’intérieur.
M. le baron de Stassart, directeur pour 1853 , prend
place au fauteuil, et remercie, au nom de la classe, M. le
baron de Gerlache, directeur sortant.
(454)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 15 janvier 1855.
M. FE, Fémis, directeur.
M. QuETELET, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alvin, Braemt, G. Geefs, Leys,
Madou, Navez, Roelandt, Eug. Simonis, Van Hasselt,
J. Geefs, Érin Corr, Sneï, Fraikin, Partoes, Éd. Fétis,
Van Eycken, membres ; Geerts et Bosselet, correspondants.
CORRESPONDANCE.
M. Geelhand fait connaître que la Société royale d’An-
vers pour l'encouragement des beaux-arts a prélevé, sur la
vente des tableaux, lors de la dernière exposition, une
somme de 1,068 francs, qu’elle versera dans la caisse cen-
trale des artistes belges. — Remerciments.
— M. le comte d'Héricourt informe l’Académie que le
Congrès scientifique de France se réunira à Arras, le
25 août prochain, et il invite les membres de la Compa-
gnie à y assister. Le Congrès se divise en six sections spé-
ciales : 4° sciences naturelles ; ® agriculture; 5° sciences
(455 )
médicales; 4 histoire et archéologie; b° littérature et
beaux-arts ; 6° sciences physiques et mathématiques.
— M. le baron Ch. Estorff, de Gôttingue, fait hommage
de son ouvrage archéologique Heidnische Alterhümer des
gegend von Uelzen ; et il exprime le désir d’être associé aux
travaux de la Compagnie.
M. le secrétaire perpétuel donne lecture d’une lettre de
M. Bal, lauréat du grand concours de gravure, laquelle a
été renvoyée à l'avis de l'Académie par M. le Ministre de
l'intérieur. M. Bal se borne à faire connaître que la plan-
che qu’il a commencée est couverte, et qu'il va s'occuper
d'y mettre du ton , afñn d'arriver à l'effet de son dessin.
=
RAPPORTS.
Il est donné un aperçu des principaux objets dont le
comité de la Caisse centrale des artistes a eu à s’occuper
dans la réunion qui a précédé la séance. Lors du règle-
ment des comptes, au commencement de l’année précé-
dente, l'avoir de la Caisse centrale s'élevait à la somme de
fr. 19,648 44 c. Pendant le cours de cette année, une
somme de 7,244 francs y a été ajoutée, en sorte que l'avoir
actuel monte à fr. 26,892 44 c°, sans y comprendre la somme
de 1,068 francs promise par la Société royale d'Anvers pour
l’encouragement des beaux-arts.
M. Fétis, qui a bien voulu se charger d'organiser un
concert en faveur de la Caisse centrale, propose d’en fixer
l'époque pendant le carême. Cette proposition est adoptée.
(136)
— M, Van Hasselt rend compte des motifs qui l'ont
empêché jusqu’à présent de présenter un rapport sur une
notice de M. Petit de Rosen, concernant une plaque
d'ivoire sculptée , du trésor de Notre-Dame de Tongres, re- .
présentant le mystère de la rédemption ; il croit indispen-
sable que les commissaires puissent examiner par eux-
mêmes l’objet en question, afin d’en vérifier l’authenticité.
La démande en sera faite au Gouvernement.
— L'ordre du jour appelait la lecture des rapports sur la
partition de l'opéra Le comte d'Egmont et sur une messe
de M. Gevaert. L'absence de M. Hanssens, entre les mains
de qui se trouvent ces deux pièces et qui n’a point assisté
aux dernières séances, a dû faire ajourner le jugement.
a
ÉLECTIONS.
La classe avait à nommer son directeur pour 1854;
M. Navez a réuni la majorité des suffrages et est venu
prendre place au bureau. M. Roelandt, directeur pour
1855, a remercié, au nom de la classe, M. Fétis, direc-
teur sortant.
Les membres de la commission spéciale des finances,
chargés de représenter les intérêts de la classe, ont été
réélus.
Il a été procédé ensuite à la nomination d'un corres-
pondant dans la section d'architecture, en remplacement
de M. Renard, récemment élu membre. M. Balat, ayant
(137)
réuni la majorité des suffrages, a été proclamé correspon-
dant de l’Académie.
M. Finelli, statuaire à Rome, a été nommé, à l’unani-
mité, associé de l’Académie, classe des beaux-arts, section
de sculpture.
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Analectes pour servir à l'histoire de l'Université de Louvain,
publiés par P.-F.-X. de Ram, n° 16. Louvain, 1853; 1 vol. in-12,
Anatomie comparée, par P.-J. Van Beneden. Bruxelles, 1852 ;
4 vol. in-8°.
J.-H. Bormans, Prodromus animadversionum ad Sex. Aurelii
Propertii elegiarum libros IV, et novae simul editionis specimen.
Louvain, 1836; 1 broch. in-8.
Artémis élaphébole. Lutte d'une centauresse et d'un faune sur
un vase du musée de Leyde, par J. Roulez. Paris, 1852; 1 broch.
in-8°,
Une monnaie inédite de Nicolas du Châtelet, seigneur souverain
de Vauvillars; par Renier Chalon. Bruxelles, 1832; 1 broch.
in-8°,
Bruxelles et Mons, par Ad. Mathieu. Bruxelles, 4852; 1 broch.
in-8°.
Leitre à M. le rédacteur en chef de l'Indépendance Belge sur le
chevalier Bayart. — Lettre adressée à M. de Chénedollé, direc-
teur du Bulletin du bibliophile belge, par M. le baron de Stassart.
Bruxelles, 1852; 2 pages in-8°.
Annuaire de l'Université catholique de Louvain. 17° année.
Louvain, 4853; 1 vol. in-12.
(158 )
Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VI.
N° 42, Décembre 1852. Bruxelles, 1 broch, in-8°.
Bulletins des séances des conseils Provins Ian des neuf pro-
vinces (session de 1851); 9 vol. in-8°.
Les Parasites, comédie en un acte et en vers, par Jules Guil-
liaume. Bruxelles, 1851 ; 1 broch. in-8°.
Messager des sciences historiques, des arts et de la bibliogr'a-
phie de Belgique. Année 1852, 4° livraison. Gand, 1 broch.
in-8°.
Un épisode de la querre de la succession inconnu aux histo-
riens belges et français, ou cause secrète de la perte de la bataille
de Ramillies (25 mai 1706); par Ch. de Chénedollé. Gand, 1852 ;
4 brocb. in-8e.
Annales de la société archéologique de Namur. Tome. EL. 4° liv.
Namur, 1852; 1 vol. in-8°.
Les vieux châteaux. — Ruines de Beauraing, BF: Adolphe
Siret. Namur, 1852; 4 broch. in-8°.
Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono-
mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume
de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction princi-
pale de M. Charles Morren. Décembre 1852 et janvier 1855.
Liége; 2 broch. in-8°.
Journal d'horticulture pratique de lu Belgique; directeur :
M. Galeotti. N° 10. Bruxelles, 1852; 4 broch. in-12.
Journal belge de l'architecture et de la science des constructions,
pans sous Ja direction de MM. C.-D. Med et Ch. Vanderau-
wera. 5° liv. Bruxelles, 4853; 4 broch. in-4
Fa de l'enseignement, publié sous la direction de Fréd.
Hennebert. Nouvelle série. Tome HF, n° 14, 2 et 5. Tournay,
4853; 5 broch. in-&.
Le Moniteur des intérêts matériels. N°s 2 à 5. Bruxelles, 4853;
4 feuilles in-plano.
Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique.
Tome XI, N°9 et 5. Bruxelles, 1852 et 1853; 2 broch. in-8°.
( 439 )
Archives belges de médecine militaire. Tome X. Décembre
1852. Bruxelles; 4 broch. in-S°.
Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié
par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles.
40° année. Novembre et décembre. 4 1° année. Janvier. Bruxelles,
1832 et 1853; 3 broch. in-8°.
La presse médicale ; rédacteur : M. J. Hannon. 5° année.
Nes 35 à 6. Bruxelles, 1855; in-4°.
La Santé, journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs :
MM. A. Leclereq et N. Theis. 4%° année. N° 15 et 14. Bruxelles,
1853; 2 broch. in-4°.
Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Gunier.
45e année. Tome XXVIIL (5° série, tome [V*) 2° semestre 1852.
1° fascicule. Bruxelles, 4852 ; 4 vol. in-8°.
Annales de médecine vétérinaire, publiées à Bruxelles; par
MM. Delwart, Thiernesse, Demarbaix et Husson. 2° année. 1 ça-
hier. Janvier 4853; 1 broch. in-8°.
Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand. 18%*
année. 41° livraison. Gand, 1852; 1 broch. in-8°.
Annales médicales de la Flandre occidentale ; publiées par les
docteurs Vanoye et Ossieur. 2° année. 4° livraison. 1852-1853.
Roulers; 1 broch. in-8°.
Le scalpel, rédacteur : M. A. Festraerts. 5° année. N® 15, 16
et 17. Liége, 1852 et 1853; in-4°.
Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. Tome XII.
Année 4852. l'euilles 22 à 30. Bruges; in-6°.
Notice sur Gabriel d'Ayala, docteur en médecine, médecin
pensionnaire de la ville de Bruxelles, par C. Broeckx. Anvers,
1853; 1 broch. in-8°. ,
Deux observations d'empoisonnement, l'une par le sulfate de
zine, l'autre par les semences de colchique, recueillies par
C. Broeckx. Anvers, 4853; 1 broch. in-8°.
Flora Batava, of afbeelding en beschrijving van nederlandsche
gewassen, door Jan Kops. 171° aflevering. Amsterdam, 4852;
4 broch. in-4°.
( 140)
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des
sciences, par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXV, n° 25,
et 26. Tome XXXVI. N° 1 et 2. Paris, 4853; 4 broch. in-4°.
Revue et magasin de zoologie pure et appliquée ; par M. F.-E,
Guérin-Méneville. 1852. N° 12. Paris; 4 broch. in-8°.
L'Investigateur, journal de l'institut historique. 19° année. Tome
II, 3% série, 216°-217° livraisons. Novembre et décembre 1852.
Paris; 4 broch. in-8&.
L'Athenaeum français, journal universel de la littérature, de
la science et des beaux-arts. 2% année. N°% 4 à 5. Paris, 1853;
5 doubles feuilles in-4°.
Mémoire sur le genre Ictides. 1825, in-8°.— Nouvelles recher-
ches sur l'organe électrique du malaptérure électrique. 1839, in-4.
— Nouvelles observations sur l'organe électrique du silure élec-
trique. 4840, in-4°. — Rapport sur les espèces de poissons de la
Prusse qui pourraient être importées et acclimatées dans les eaux
douces de la France, adressé à M. le Ministre de l'agriculture
et du commerce, par M. À. Valenciennes. 1852; in-8°, Paris,
4 broch.
Société des antiquaires de la Morinie. Bulletin historique. 4°
livraison. Octobre, novembre et décembre 1852. Saint-Omer;
À broch. in-8°.
Société de la morale chrétienne. Livraison n° 5. Paris, 1852;
4 broch. in-8°.
Des abnormités congéniales des yeux et de leurs annexes. Lau-
sanrie, 1848; 1 vol. in-8°, — Enumération des lichens jurassi-
ques et plus spécialement de ceux du canton de Neuchâtel; par
Édouard Cornaz. Neuchâtel, 1852; 1 broch. in-8.
Agriculture. — Commerce. — Statistique du commerce des blés
et farines en France, en Angleterre et en Belgique; par L. Desgraz.
Paris, 1852; 1 feuille in-plano.
Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire de la
Suisse romande. Tome XII. Cartulaires de la chartreuse d'Oujon
et de l'abbaye de Hautcrét, avec avant-propos, tables et réper-
toires, par J.-J. Hisely. Lausanne, 1852; 4 vol. in-8°.
(14)
Atti dei Georgofili di Firenze della Associazione agraria della
provincia di Grosseto e bullettino agrario. N° 400 à 105. Flo-
rence , 1851 et 14852; 4 broch. in-8°.
Statuta civitatis Pisarum a saeculo XIT ad XIV nune primum
collecta, edita et commentariis subjectis illustrata cura studioque
Francisei Bonainii. Florence, 4852; 1 broch. in-4°.
Notizie sulla storia delle scienze fisiche in Toscana, cavate du
un manoscritlo inedito di Giovanni Targioni. Florence, 4852;
4 vol. in-4°.
Giornale fisico-chimico italiano del prof. Francesco Zante-
deschi. Liv. 4 à 5. Venise, 1851; 5 broch. in-8°.
Annali di fisica del prof. Francesco Zantedeschi. 1849-1850.
Padoue; 5 broch. in-8°.
Ricerche fisico-matematiche sulla deviazione del pendolo dalla
sua traÿettoria. — Memoria del prof. Francesco Zantedeschi.
Padoue, 1852; 1 broch. in-8°.
Monumenti antichi inediti posseduti da Raffaele Barone con
brevi dilucidazioni de Giulio Minervini. Feuille 16 et planche 25
du premier volume. Naples, 1851.
Nuove osservazioni intorno la voce Decatrenses, da Giulio
Minervini. Naples, 1852; 1 broch. in-4°.
Bullettino archeologico Napolitano. Nuova serie, n® 4 à 6.
Naples, 14852; 6 feuilles in-4°.
Atti dell Accademia Pontificia de’ Nuovi Lincei, compilati dal
segretario. Anno V. Sessione 1°, del 28 décembre 1851. Rome,
1852; 1 vol. in-8°.
Corrispondenza scientifica in Roma. — Bullettino universale.
Anno secondo, n° 41. Rome, 4852; 1 double feuille in-4°.
Memorias de la real Academia de ciencias de Madrid. Tomo I.
Tercera serie. — Ciencias naturales. Tomo F°, parte 2°. Madrid,
1851 ; 1 vol. in-4°.
Memoria sobre las causas meteorolgico-fisicas que producen
las constantes sequias de Murcia y Almeria, senalando los medios
de atenuar sus effectos : su autor don Manuel Rico y Sinobas.
Madrid, 4851 ; 4 vol. in-8°.
( 142 )
Resumen de las actas de la Academia real de ciencias de Ma-
drid, en el ano academico de 1850 a 1851, leido por el secretario
perpetuo doctor don Mariano Lorente. Madrid, 4851 ; 1 br. in-8°.
Heidelberger Jahrbücher der Literatur , unter Minwirkung der
vier Facultäten. Fünfundvierzigster Jahrgang. Sechstes Doppel-
heft. November und December. Heidelberg, 4852; 1 broch. in-8°.
Ueber das electrolytische Gesetz; von H. Buff. Berlin, 1852;
1 broch. in-8°.
Koniglichen Akademie der Wissenschaften zu Berlin. Abhand-
lungen. 4851.— Monastbericht. Juli-October 1852. Berlin, 1852;
1 vol. in-4° et 2 broch. in-8°.
Sur les antiquités de Kertch. — Sur les antiquités du Bosphore
Cimmérien, par Antoine Achik. Odessa, 1848, 1849 et 1851;
5 vol. in-4° et 4 vol. in-8°.
The annals and Magazine of natural history, including 200-
logy, botany, and geology. Second series, vol. IX, n°° 55-60.
July-December 1852. Londres; 6 broch. in-8°.
Annals of the Lyceum of natural history of New-York. Vol.H,
IL et IV. New-York, 1828 à 1848; 5 vol. in-8&.
Procedings of the Boston Society of natural history. Vol. E, I
et I. 1841-1851. Boston, 1844 et 1848; et Cambridge, 1851 ;
3 vol. in-&.
Boston journal of natural history, containing papers and com-
munications read to the Boston Society of natural history. Vol. I à
V,et vol. VI, n°* 4 et 2. Boston, 1834 à 1850; 5 vol. et 2 broch.
in-8°.
Transactions of the agricultural societies in the state of Mas-
sachusetts, for 1850 and 1851. Boston, 1851 et 4859; 2 vol. in-8°.
Report on the geology of South Carolina; by M. Tuomey. Co-
lumbia, 1848; 4 vol. in-4°.
Final report on the yeology and mineralogy of the state of
New-Hampshire ; with contributions towards the improvement
of agriculture and metallurgy. Concord, 1844; 4 vol. in-8°.
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BULLETIN
DE
L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ,
DES
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1853. — N° 2,
CLASSE DES SCIENCES.
Séance du 5 février 1853.
M. Sras, directeur.
M. QuereLer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Sauveur, Timmermans, De Hemp-
tinne, Wesmael, Martens, Cantraine, Kickx, Morren,
De Koninck, Van Beneden , le vicomte B. Du Bus, Neren-
burger, Gluge , Schaar, Melsens, membres : Sommé, associé :
Liagre, correspondant.
M. Éd. Fétis, membre de la classe des beaux-arts, assiste
à la séance.
TOME xx. — |" part, 10
(144)
CORRESPONDANCE.
La Société royale d'Edimbourg, l’Académie royale des
sciences de Madrid, le Musée impérial et royal de Flo-
rence, l’Académie royale de Munich, le Musée de Kertch
en Russie, la Société linnéenne de Normandie, ete., éeri-
vent au sujet de l'échange des publications.
— La classe reçoit les ouvrages manuscrits suivants :
1° Corrélation des hauteurs du baromètre et de la pres-
sion du vent, mémoire par M. Montigny, professeur de
physique à l’Athénée de Namur. (Commissaires : MM. Cra-
bay, Quetelet et Duprez.)
2° Histoire naturelle du Tubifex des ruisseaux, par
M. Jules d'Udekem , docteur en sciences naturelles. (Com-
missaires : MM. Van Beneden , Schwann et Cantraine.)
5° Théorie géométrique du parallélogramme de Watt,
par M. Ignace Carbonnelle. (Commissaires : MM. Timmer-
mans, Lamarle et Schaar.)
4 Note sur l'embryon des graminées, par M. V.-P.-G.
Demoor. (Commissaires : MM. Spring et Martens.)
» Notes sur différents instruments de précision, par
M. A. J. Gérard. (Commissaires : MM. Crahay et Ad. De
Vaux.)
— M. le secrétaire perpétuel dépose les observations
suivantes qui, pendant l’année 1852, ont été faites sur les
( 145 )
phénomènes périodiques, conformément au programme
de l’Académie :
1° Observations sur la météorologie et sur la floraison
des plantes, faites à Bruxelles et présentées par M. Ad.
Quetelet.
2° Observations sur la météorologie et sur la floraison
des plantes, faites à Stavelot , par M. G. Dewalque.
3° Observations météorologiques, faites à Liége, par
M. D. Leclercq.
4° Observations des phénomènes périodiques, faites à
Ostende, par M. Mac Leod.
5° Observations sur la floraison des plantes, faites à
Anvers, par M. le docteur Sommé.
6° Observations sur la floraison des plantes, faites à
Venise, par M. Zantedeschi.
— M. Morren fait hommage de deux opuseules de sa
composition, dont lun traite de la fécondation des cé-
réales.
RAPPORTS.
Sur la théorie des résidus quadratiques, par M. Angelo
Genocchi.
Fapport de M. Schaasr.
« Le mémoire que M. Angelo Genocchi a adressé à l’A-
cadémie, en date du 5 novembre dernier, a pour objet
l'application de l'analyse transcendante à la théorie des
nombres.
(146)
L'auteur commence par déduire d'une formule que
Poisson a donnée dans son Mémoire sur le calcul numéri-
que des intégrales définies (tom. VI des Mém. de l'Inst.),
la valeur de l'expression
x=n . 7 = Funx =
2 _. e * e ñ ,
d’où il déduit ensuite par des transformations algébriques
une formule qui, quoiqu'en apparence plus générale que
la formule (5) de mon mémoire du 5 avril 4850, s’en déduit
immédiatement en y changeant q en 2g. M. Genocchi fait
voir ensuite qu'on peut arriver très-simplement aux mêmes
résultats en partant des célèbres intégrales aux sommes
alternées de M. Gauss.
Mais je dois faire remarquer que les transformations de
l'auteur supposent connu le signe du radical qui entre
dans ces intégrales; or, on sait que la détermination de ce
signe offre de grandes difficultés et que M. Gauss n’y est
parvenu qu’à la suite de recherches très-profondes.
En partant d’une formule que j'ai donnée dans le t. XXII
des Mémoires des savants étrangers, l'auteur en déduit d’a-
bord une formule que M. Eisenstein avait déjà rapportée
dans le t. XXVII du Journal de M. Crelle, et qui permet
d'exprimer, par une suite trigonométrique finie, la partie
entière d'un nombre quelconque, et par conséquent aussi
le résidu de la division d’un nombre par un autre. Il ar-
rive ainsi à la détermination de plusieurs intégrales déjà
connues , et fait voir que l'intégrale 2 ; qui avait
1
sin.27T
résisté aux efforts de plusieurs géomètres, dépend de la
différence du nombre de résidus pairs et de celui des
résidus impairs du nombre n, différence dont, à la vérité,
(147)
on n'a pas une expression algébrique en fonction de n.
Les mêmes formules le conduisent à la démonstration
de plusieurs relations entre le nombre et la somme des
résidus ou non-résidus quadratiques pairs ou impairs d’un
nombre de plusieurs lemmes, et dont M. Gauss a fait
usage dans ses démonstrations de la loi de réciprocité.
L'auteur démontre ensuite plusieurs théorèmes relatifs
aux solutions en fonctions trigonométriques des équations
indéterminées 2° — ny? = + 1, pa? — qy? —4, solutions
qui avaient été données sans démonstration par Jacobhi,
dans les Comptes rendus de l'Académie de Berlin, et il ter-
mine son travail par une démonstration nouvelle et fort
simple de la loi de réciprocité de Legendre.
Tel est, en résumé, le résultat des recherches auxquelles
l’auteur s’est livré. Son mémoire offre de nombreux exem-
ples du parti que l'on peut tirer des fonctions cireulaires
dans l'arithmétique transcendante. C’est surtout dans cette
partie de la science qu'il est utile de présenter les mêmes
vérités sous des points de vue différents, et d’assigner une
commune origine aux diverses propositions d’une même
théorie.
Je suis d'avis que le mémoire de M. Genocchi est digne,
sous tous les rapports, de l'approbation de l'Académie, et
j'ai, en conséquence, l'honneur de proposer à la classe
de lui voter des remerciments et d'ordonner l'impression
de son trayail dans le recueil des Mémoires des savants
étrangers. »
Ces conclusions, auxquelles ont adhéré MM. Timmer-
mans et Lamarle, sont adoptées par la classe.
(148)
Matériaux pour servir à la partie botanique du VoyAGE DE
J, Line ; par MM. J.-E, Planchon et J. Linden.
Rapport de M. Kickiæx.
« La notice présentée par MM. Planchon et Linden,
sous le titre de Praeludia florae colombianae, est consacrée
à des détails de botanique descriptive dont je crois pouvoir
me dispenser de donner l’analyse. Ce travail mérite, d’ail-
leurs, d’être favorablement accueilli par la classe et j'ai
l'honneur d’en proposer l'insertion dans nos Bulletins. »
Ces conclusions sont adoptées.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur les temps des révolutions des satellites de Jupiter
et de Saturne. Note de M. A. Quetelet, membre
de l’Académie.
En comparant entre eux les temps des révolutions et
les distances des satellites de Jupiter et de Saturne, on a
trouvé quelques rapports très-simples, qui ont été con-
signés dans les différents traités d'astronomie. Il en est
deux que je crois nouveaux et dont je dois la connaissance
à M. le baron Behr, ministre plénipotentiaire du Gouver-
nement belge.
Le premier se rapporte aux huit satellites de Saturne,
(149)
qu'on peut supposer partagés en deux groupes, composés
l'un des quatre satellites intérieurs, l’autre des quatre
satellites extérieurs. Or, voici ce qu'on lit au sujet du pre-
mier groupe dans le tome IT du Cosmos de M. Humboldt,
pag. 561 de la traduction française.
« Il existe un singulier rapport entre les révolutions
» des quatre premiers satellites les plus proches de Sa-
» turne. La durée de la révolution du troisième satellite
» (Téthys) est double de celle du premier (Mimas); et la
» durée de la révolution du quatrième (Dioné) est double
» de celle du second (Encelade). Je dois la communica-
» tion de ce rapprochement curieux à une lettre que m'a
» écrite sir John Herschel, au mois de novembre 1845. »
Ajoutons maintenant, pour le deuxième groupe :
La durée de la révolution du septième satellite (Hype-
rion) est quintuple de celle du cinquième (Rhéa); et la
durée de la révolution du huitième (Japhet) est quintuple
aussi de celle du sixième (Titan).
Ces résultats se verront mieux par le tableau ci-joint,
qui renferme les éléments de comparaison :
SATELLITES. DURÉE NOMBRES RÉDUITS.
— des révolutions. _
1. Mimas. . . . . 0945 M— 01945
9: Encelades. 14, -,: 1.370 E—= 1.970
RCE NS Us 1.888 3 T — 0.944
A DONNE 7 CARO 2.739 1D— 1.370
WYRhéalt LOMME 2 4.517 BR —=W4517
6HLitan onde tlet nafb:945 D —=15945
7. Hypérion . , . . 22.500? 2H — 4.500
8. Japhet. . , ..:0.79:530 = J — 15.866
Quant aux satellites de Jupiter, on sait que la durée de la
révolution du 1° satellite est environ la moitié de celle du
2°, qui n'est elle-même que la moitié à peu près du temps
(450
de la révolution du 5° satellite. M. le baron Behr fait re-
marquer que la durée de la révolution du 4° satellite vaut
deux fois le temps de la révolution du 5°, plus #5; de la
différence des durées des révolutions du 2° et du 4".
SATELLITES. DURÉE NOMBRES RÉDUITS.
— de la révolution. —
der a — 1769 Qa — 3538
2e b =, 5,551 b = 53.551
5° oo 1 30 —) 4511
4° d — 16.688 2c+2(b— a) — 16.686
Sur des cercles lunaires. Note communiquée par
M. A. Quetelet.
Dans la soirée du 19 janvier 4855, vers 8 h. ‘/ du soir, la
lune étant à près de 60° au-dessus de l'horizon, M. Bouvy,
aide à l'Observatoire, aperçut au nord de la lune deux
ares de cercles blancs, l’un au delà, l’autre en deçà du
zénith. Le premier, concentrique à la lune et de 22° en-
viron de rayon , était coloré en rouge à l’intérieur ; le se-
cond, parallèle à l’horizon, d’un blanc argenté très-vif et
non irisé, serait passé par la lune s’il avait été complet.
Bien que ce phénomène rentre dans l'espèce ordinaire
des halos, et que ces cercles soient décrits dans les traités
spéciaux, le premier sous le nom de cercle concentrique et
le second sous celui de cercle parasélénique, ils présentaient
cependant une apparence assez étrange pour être remar-
quée.
La lune étant très-élevée en ce moment au-dessus de
l'horizon , le demi-cerele parasélénique n'avait pas un dia-
mètre beaucoup plus grand que celui qui entourait la
lune, et ces deux arcs de cercles, en se rejoignant presque
(451)
par leurs extrémités, formaient, vers le zénith, un immense
croissant dont l'effet était rendu plus remarquable encore
en ce moment par l'aspect fortuit des nuages : dans l’es-
pace compris entre les deux demi-cercles, le ciel ne pré-
sentait que de légères vapeurs striées, tandis qu’à l’exté-
rieur, 1l était couvert, en grande partie, de petits nuages
moulonnés.
Le professeur Kæmtz, dans son Traité de Météorologie,
dit que, « comme les halos se montrent le plus souvent
quand le baromètre baisse, la pluie ne tarde pas à venir. »
En effet, le matin, 20 janvier, le baromètre était descendu
de plus de 6 millimètres, et il tombait une forte pluie qui
continua pendant la journée.
Notice sur l'hiver de 1852 à 1853, par M. A. Quetelet.
J'ai déjà eu l'occasion, dans la séance précédente, d’ap-
peler l'attention de la classe sur la température, remar-
quablement élevée, qui a signalé le commencement de cet
hiver. J'ai indiqué, en même temps, quelques plantes
qui avaient commencé à fleurir dès les premiers jours de
janvier. Cet état de choses s'est prolongé jusqu'au mois
de février ; et, par suite, on a continué à remarquer de
nombreuses anomalies dans la végétation : ainsi, dès
le 18 janvier, un grand poirier se trouvait en fleurs, à
Bruxelles, dans le jardin de l'Observatoire; quelques pé-
chers fleurissaient à Liége; M. De Mot, bourgmestre à
Hornu, près de Mons, transmettait des épis d'avoine re-
cueillis en plein air ; M. Willems, jardinier au château de
Kerloo , près d'Herenthals, observait des fails semblables :
partout on remarquait les mêmes signes d’une végétation
(152)
précoce. Ajoutons toutefois que ces faits isolés étaient plu-
tôt des anomalies, très-peu en rapport avec l’état de la
végétation générale.
La lettre suivante, d’un simple jardinier, Antoine Wil-
lems, dont je dois la communication à M. le baron Van
Reynegom, donnera une idée assez juste de la végétation
aux environs d'Herenthals, et montrera en même temps les
renseignements précieux que l’on pourrait recueillir dans
une classe modeste de nos cultivateurs, si l’on prenait la
peine de recourir à leur expérience :
« Il m'est impossible de passer sous silence un mois
aussi extraordinaire que celui de janvier 4855. C’est pour-
quoi je prends la respectueuse liberté de vous donner
quelques détails sur la hâtiveté et le retour de la végéta-
tion; car, à voir la vigueur, la croissance ét la floraison
des espèces délicates, dont le terme de vie était fixé à no-
vembre, on se croirait au déclin de la bonne saison. D'un
autre côté, les espèces printanières agissent comme si la
bonne saison était prochaine.
» En se promenant dans les jardins et à voir fleurir les
roses du Bengale, de la Chine et de l'île Bourbon, si
justement appelés reines des fleurs; à respirer leur douce
odeur, à leur voir pousser des feuilles et des boutons,
espoir de la floraison à venir, on se dirait dans la belle
saison. Les bordures des modestes violettes bleues et
blanches doubles donnent des milliers de fleurs odorantes;
le réséda d'Égypte n’a pas encore cessé de prolonger ses
épis florifères et de répandre une douce odeur ; les Pyrus
japonica sont en pleine floraison depuis les premiers jours
de janvier, et jonchent la terre de leurs pétales rouges et
roses : le Mahonia aquifolia fleurit ; la plante à brodequins
du docteur Farthergels /Calceolaria Farthergelli), plante
qui a été oubliée lors de la rentrée en serre, se porte mieux
(135)
que celles de l'intérieur. Il en est de même de quelques
autres, telles que le genre Petunia , qui ne s’est pas dé-
couragé, et qui, pour nous le prouver, lève encore vers le
soleil de rares fleurs en entonnoir de couleurs variées; les
Salvia végètent et le Grohanis fleurit encore; les Verbena
sont encore en pleine floraison, et le délicat héliotrope du
Pérou ne demande qu'un temps un peu plus chaud pour
recouvrer toute sa vigueur.
» Il ya de même un Cineraria maritima en pleine flo-
raison. Plusieurs espèces et variétés de chrysanthèmes sont
encore couvertes de fleurs. Je ne puis m'empêcher d’ad-
mirer et de conserver un souvenir pour cette belle pensée
(Viola altaïica grandiflora), ce beau présent des Alpes, à
moustaches noires, qui a l'air de narguer notre hiver peu
rigoureux. Les œillets et autres espèces de caryophyllées
offrent de nombreuses fleurs et embaument Pair de leur
odeur giroflée.
» Le Nemophilla insignis, charmante petite miniature
à fleurs bleu céleste, veut aussi émailler le manteau d’hiver
de la déesse Flore. Les immortelles offrent de nombreux
boutons, qui s'épanouiraient, si le soleil avait assez de
force pour faire éclore leurs rudes pétales; les Cheiranthus
Cheiri aux rameaux d'or, le Fenestralis annuus, ou quaran-
taine, fleurissent sans relâche; la Malva miniata, plante
de serre restée en pleine terre, donne des fleurs comme
en plein été; la cinéraire à grandes feuilles s'apprête à
fleurir en plein jardin, et y est presque aussi avancée que
les cinéraires en serre froide; les Primula veris, Vinca
minor, Geum coccinea, Corchorus japonica fleurissent
comme en avril. Dans la partie boisée de l'entrée princi-
pale du château, se trouve un gamo-cerasus qui à plu-
sieurs fleurs et pas une feuille.
» Les aunes et les noisetiers balancent leurs chatons
(154)
au gré des vents et envoient au loin leur poussière fécon-
dante; le cornouiller dore ses branches de capitules de
couleur jaune.
» Je n’en finirais pas, Monsieur le baron, si je devais
vous nommer toutes les herbes et plantes sauvages qui
fleurissent en ce moment. Je ne puis m'empêcher de vous
signaler la Spirea reine des prés, qui embellit encore les
bords de vos étangs par ses gros bouquets de fleurs blan-
ches ; la petite marguerite (Bellis perennis), qui borde les
chemins et émaille les prés de ses petites et nombreuses
fleurs blanches à cœur jaune; la silene à fleurs blanches et
à grains croquants, qui croit dans les haies, et le Lamium
album, qui longe les bâtiments, sont couverts de nom-
breuses fleurs; l’Achillea millefolium élève ses hampes flo-
rifères retardataires, surmontées de grandes ombelles de
fleurs blanches. N'oublions pas la Moutardile, qui croit
dans les navets et y fleurit au milieu de janvier; la grande
chrysanthème des prés ou pain-de-coucou, plusieurs espè-
ces de gortères fleurissent au bord du chemin de la ferme,
où je vais prendre mes modestes repas.
» Vous savez, Monsieur le baron, comme j'aime à flaner,
quand le temps me le permet, dans les bois, le long des
haies et taillis, dans le seul but d'étudier et d’épier la vé-
gélation. J'ai rencontré, sur le bord de votre grand lac,
des genêts en fleur, et j'en ai trouvé également dans les
bois à plusieurs reprises, ainsi que les chatons de quel-
ques espèces de saules; et plus fort que tout cela, il ya
huit jours, François Van de Bran, votre garde de chasse,
m'a apporté un épi de seigle en fleur, qu'il avait trouvé
dans les trèfles de Mylemans, à Herenthals. Il y a égale-
ment des fleurs de navets et de colza... »
L'hiver de 4852 à 1855 peut être considéré sous deux
(155)
rapports principaux : je me bornérai à mentionner ici ce
qui concerne les phénomènes physiques; M. Morren a bien
voulu prendre le soin d'étudier ce qui appartient à la vé-
gétation.
Sous le rapport de la température, l'hiver de 1852 à
1855, du moins jusqu'au mois de février, est incontes-
tablement le plus doux que l’on ait observé pendant ces
vingt dernières années : la température moyenne des mois
de novembre, décembre et janvier a été de 8,1 degrés cen-
tigrades , tandis que la moyenne normale n'est que 4°,2.
Les hivers qui lui ressemblent le plus jusqu'à présent,
sont ceux de 1853 à 1834 et de 1845 à 1846; ils ont
donné respectivement 6°,9 et 6°,0. L'hiver le plus froid,
au contraire (novembre , décembre et janvier), c'est celui
de 14846 à 1847, dont la température moyenne a été 4°,1.
Au reste, le commencement de l'hiver de 1852 à 1853
continue à occuper le premier rang, sous les divers rap-
ports qui suivent : 1° la plus haute moyenne de toutes les
températures maxima de chaque jour, 49°,1; 2° la plus
haute moyenne de toutes les températures minima de
chaque jour, 6°,1; 5° le maximum absolu le plus élevé,
19,2; 4° le minimum absolu qui est descendu le moins
bas, —0°,9; 5° le moins de jours de gelée (trois seulement).
Il arrive au second rang pour le peu de jours de neige
(deux); et, au troisième rang pour le grand nombre de
jours de pluie (soixante et un) ; il se trouve dépassé, sous
ce dernier rapport, par les commencements des deux hi-
vèrs de 1835 à 1854 et de 1845 à 1846, cités également
pour la douceur de la température. Il est à remarquer que
les hivers les plus chauds ont généralement le plus de jours
de pluie et donnent le plus d'eau. La réciproque est égale-
ment vraie : l'hiver le plus froid , celui de 4846 à 1847 à
( 156 )
donné un minimum pour les jours de pluie (vingt-sept)
et une très-faible quantité d’eau.
Le tableau suivant rend ces faits plus sensibles : chaque
colonne verticale classe les hivers des vingt dernières an-
nées sous un rapport spécial. Les éléments de ce classement
ont été puisés dans les tableaux numériques qui suivent :
HIVERS CLASSEMENT D'APRÈS (!)
composés
’
des la pius|la plus | la plus
mois de
haute | grande | grande | maxim. | minim. vaoins | moins plus plus
no: !
yennuee tempéra-| moyen- | moyen-| absolu | absolu de jours! de jours|de jours| d’eau
| décembre ture ne ne | |
de deg.) 4de de de re-
4 moyen- | des ma- | des mi- |tempéra- | Ltempéra- | :
janvier, ne. æüna. nima. ture, ture. gelée. neige, pluie, | cueillie.
et
1836-37
1 1857-38
1838-39
1839-40
1840-41
1841-42
1842-45
1843-44
1844-45
1845-46
1846-47
1847-48
1843-49
1849-50
1850-51
1851-52
1852-53
_
œ 19 Gr 19
=
=
CS
es
dm OUT © À GE.
(4) Le point placé derrière un nombre indique que le rang est partagé.
TEMPÉRATURES MOYENNES MOYENNES
MOYENNES DES MAXIMA DIURNES DES MINIMA DIURNES
L
| L'HIVER _. . “A
Novembre
Décembre.
Trois mois
Novembre
de
Trois mois
Novembre.
Janvier.
1853—54
1854—55
| 1855-56
| 1856—57
| 1857— 58
l1858—39
| 1859—40
1540—41
| 1841—22
| 1849—45
1845-44
| 184445.
1845—46
À 1846 — 47
1847—48
À 183810
1849—30
1850— 551
1851—52
| 1852—53
Les 20
années. ,
MAXIMA MINIMA NOMBRE
ABSOLUS ABSOLUS DE JOURS DE GELÉE
en en
Novembre.
Décembre
Décembre
Trois mois.
Novembre
Décembre.
Trois mois
1853—54
1854—55
1835 —36
1856—37
1837—58
1838—59
1839 —40
1840—41
1841—42
1842—45
L 184544
1844—45 .6 . . : .8|-13.0
1845 —46 5.5 ( » > .-6|—2.0
1846—47 . Ê h . .7}-12.9|—9.6
1847—48 : .7|—6.4)-14.4|-
1848—49 . 9|—7.5|-10.1
1849— 50
1850 —51
1851—52
1852—53
| annees. .
NOMBRE NOMBRE HAUTEUR
DE JOURS DE NEIGE DE JOURS DE PLUIE DE L'EAU RECUEILLIE EN MILLIMÈTRES.
L'RIVER en en
|
Novembre
Décembre
Trois mois
Novembre, |
Novembre.
Trois mois,
Décembre.
Trois mois
Janvier.
|
|
|
|
|
| de
|
mm rm
| 1835-54 41 l165.87 363.95
| 185455 ; 27.48 87.87
| 1855-56 26.02 198.93
| 1836—37 : 83 | 73.11 213.00
| 1857—58 ; 3 k 55.20 188.04
| 1838— 39 5 18.21 165.54
| 1839 — 40 «34 | 74.97 | 83.44 | 204.75
| 1840—41 A5 | 497 162.06
l1841— 42 50 | 87.10 179 71
| 1849 — 45 20,34 186.56
lasas44 5 | 45 } 18.83 172.87
1844—45 ; ' 19.88 135.74
132,27 282.09
36.26 131.49
1847—48 à 5.06 86.11
lisas 10 ; À 55.32 177.61
1849—50 : 87.57 207.34
1850—51 ; 70,14 162.84
1851—52 5 ; ; 21.34 205.25
185953 52.92 189.92
Les 20
années. . 5,3 17
'
TOME xx. — ["° parr. 11
(160)
Souvenirs phénologiques de l'hiver 1852-1855; par M. Ch.
Morren , membre de l’Académie.
Les phénomènes de la végétation qui se sont présentés
dans la première moitié de l'hiver de 1852 à 1855 ont
paru à beaucoup de personnes assez extraordinaires pour
être enregistrés dans les annales de la météorologie, ou
mieux de la phénologie, qui est la véritable science de ces
sortes de choses. Gabriel Peignot a recherché naguère les
dates d’hivers célèbres par leur douceur, et, à côté de ces
dates, il a fait connaître quelques détails que nous croyons
utile de mettre en rapport avec des faits semblables ou
analogues observés cette année.
En 1172, l'hiver fut si doux que les arbres se couvri-
rent de verdure, et tout fut en pleine végétation. Vers la
fin de janvier, les oiseaux nichèrent et eurent des petits en
février. — En 1855, le 5 janvier, M. Lecoq, professeur de
sciences naturelles à Clermont-Ferrand, en Auvergne,
nous écrivait : « Nous sommes ici dans un printemps per-
pétuel comine dans Pile de Calypso; les merles nichent, les
arbres fleurissent, le soleil brille toute la journée; il y a
des blés en épi et des lilas en fleurs. Jamais nous n'avons eu
une température aussi douce et un beau temps si durable:
il ne pleut pas plus qu'en Égypte, et cela depuis deux
mois entiers. » À Liége, les merles nichaient aussi à la
même époque ; à Pietrebais (Brabant), le 14 janvier, on
en trouvait un nid avec quatre œufs près d'éclore, et le
20 janvier, M. Crooy, à Liége, avait de jeunes pigeons.
«
( 161)
En 1289, on ne s’aperçut pas de l'hiver ; on eût dit que
la nature avait dédaigné de prendre son repos ordinaire,
el avait passé subitement de l'automne au printemps. La
température fut si douce, ajoute Peignot, que les jeunes
filles de Cologne portèrent à Noël et le jour des Rois des
couronnes de violettes, de bleuets et de primevères. — Le
bleuet, cité en 1289, était encore en fleurs à Lanaeken ù
près de Maestricht, le 1% janvier 1855, où il a été observé
par M. Riedi, propriétaire en ce village. Le 22 janvier, on
nous fit voir des fleurs récoltées à Quinkempois, près de
Liége. Le bleuet, Céntaurea cyanus , L., est une plante re-
gardée comme monanthésique, c'est-à-dire comme ne por-
tant fleur qu'en une seule période tombant , d’après l’an-
thochronologie de Kreuser, aux mois de juin et juillet,
pour l'Europe centrale, et ne se prolongeant pas même
en août.
Il est d'observation que ce bleuet a une floraison conco-
mitante de celle du pavot coquelicot. Or, celle-ci tombe, en
Belgique, année moyenne, au 1° juin, d’après la table
des phénomènes périodiques de M. Quetelet (année 1847,
Annuaire de l'Observatoire, p. 517) , et d’après la nouvelle
table du même auteur (1855, Annuaire de l'Observ., p. 5 10),
au 8 juin. Sa floraison la plus hâtive arriverait au 3 mai
et la plus tardive au 22 juin. Or, le 15 janvier, on obser-
vait dans les champs, autour de Louvain, en pleine flo-
raison, des bleuets et des pavots coquelicots. Les couleurs
des uns et des autres étaient aussi brillantes qu’en été. A
Quinkempois, nous cucillimes des bleuets en fieur en octo-
bre, et ces plantes n’ont pas discontinué de fleurir jusqu’à
la date où nous écrivons ces lignes (27 janvier 1855).Nous
concluons de ces faits que le bleuet n’est pas une plante
monanthésique, comme on l’a cru, mais qu'à partir du
(162 )
5 mai, dans notre pays , sa floraison peut devénir conti-
nue , et cette année si le bleuet a fleuri en biver, ce n’est
pas au même titre que les violettes et les primevères et d’au-
tres plantes, c'est par une simple végétation prolongée.
Ce fait est intéressant pour l'horticulture, puisque cétte
centaurée, cultivée en pot, continuerait évidemment de
fleurir dans les serres, ou bien, cultivée en pleine terre,
sé couvrirait de fleurs pendant tout l’hivér dans uñ con-
servatoire ou jardin d'hiver.
A côté du bleuet, nous signalerons éncore comme flo-
raison coutinue le souci. En citant les années à hiver
doux, Peignot ne semble pas avoir rencontré le nom de
cette plante, connue et cultivée cependant au moyen âge;
car nous en trouvons la figure dans les miniatures des
manuscrits de la Bibliothèque de Bourgogne , annexée au-
jourd’hui à la Bibliothèque royale de Belgique. Les auteurs
généraux, comme Loudôon (Hortus britannicus) en font
remonter l'introduction à 1575. Mais dans la première
édition de Dodoëns, de 1554, nous la trouvons mentionnée
comme faisant partie de nos jardins. De l'Esclusé, en 1557
(p. 420, Histoire des plantes), Vappelle la Soucie el non le
Souci. «Ces fleurs, dit-il , se ferment quand le soleil se cou-
che et s'ouvrent du matin quand il se lève. » Aujourd’hui,
M. le professeur Balfour, dans son singulier traité de Theo-
phylographie, fait éveiller le Souci, à Edimbourg, avec
les dames de grande maison, c’est-à-dire entre dix et onze
heures du matin. Elles fleurissent, dit De l'Escluse, au
seizième siècle, « depuis le may tout l'œsté iuésques en
hyver. » Notre botaniste d'Arras avait donc bien remarqué
cette fleuraison continue et même hivernale. Le 7, le 12,
le 24 janvier 1853, nous observions près là station du
chemin de fer, à Liége, un magnifique partèrre de soucis
( 165 )
parfaitement en fleur, les fleurs rutilantes, ouvertes et
larges comme au milieu de l'été.
L'hiver de 1280 permit aux jeunes filles de Cologne de
porter , à Noël et au jour des Rois, des couronnes de vio-
lettes et de primevéres. Au siècle où nous sommes, on ne
se coifle plus de couronnes, mais on porte encore, et Dieu
en soit loué! des bouquets. Les violettes et les primevères
n'ont pas fait défaut en janvier 1855, pas plus que les
pervenches, les hépatiques, les ellébores, les éranthis, les
hélianthèmes , les iberis, les arabis, les poiriers du Japon,
les épines-vinettes, les chimonanthes, les rosages de Dahurie,
l’héliotrope, et chose plus remarquable encore, les Gen-
lianes.
En effet, le 9 janvier fleurissait, chez M. Helgers, notaire
à Maestricht, dans son jardin, le Gentiana pneumonanthe.
Kreutzer place cette plante parmi celles à quatre mois con-
aus de floraison , à partir de juillet pour finir en octobre.
Juillet est trop loin de mai pour pouvoir regarder ce Gen-
tiana pneumonanthe comme soumis à une floraison anti-
cipée par l'hiver de 1852-1853, de sorte que nous pensons
pouvoir ramener encore aux floraisons prolongées , celle
de cette plante remarquable. Encore une fois, cet indice
ne doit pas se perdre pour l’horticulture, puisque ce vé-
gétal, continuant à vivre sous nos abris, ne manquerait pas
de nous donner ses admirables fleurs d’azur en plein hiver.
En 1421, dit Peignot, les arbres fleurissaient au mois
de mars et les vignes au mois d'avril, On eut dans le même
mois des cerises müres, ct des raisins parurent dans le
mois de mai, Il est fâcheux qu'on n'ait pas indiqué la
nature des arbres, car il est remarquable de voir qu’en
1853, une si grande diflérence entre la végétation des
plantes superficielles printanières et celle des arbustes et
(164)
arbres à racines plus profondes. En général, plus la ra-
dication se fait loin de la surface, plus la végétation est
normale , c’est-à-dire en repos; plus elle se fait près de la
surface du sol, plus la végétation est ancipitée, active,
c’est-à-dire anormale pour la saison , et pendant que ces
faits sautent aux yeux dans nos jardins, nous voyons, dans
les champs, les céréales présenter leur aspect hivernal, et
s'il y a dans quelques localités un épi qui se montre, c’est
l’exception et non la règle du champ. Les journaux n’ont
cessé de retentir des phénomènes de végétation observés
dans les jardins et dans les campagnes. Sauf le colza et des
épis très-rares, et dans la situation où leurs pointes seules
commençaient à se montrer, les journaux n'ont rien cité
qui fût digne de remarque , et l’agriculture ne s’est nulle-
ment émue des nouvelles relatives à cet hiver exceptionnel.
Si, en 4421 on eut des cerises mûres au mois d’avril,
ce fait suppose une floraison au mois de février au moins,
car, dans nos printemps habituels, il faut deux mois entre
la floraison et la fructification achevée pour faire mürir
ces fruits. Cet espace de temps, de février à avril, nécessite
même que la progression de la chaleur ait été correspon-
dante à celle que nous avons ordinairement de fin avril à
fin juin. Le raisin cité par Peignot comme ayant müri
en mai suppose une floraison en janvier pour le moins,
car la vigne exige cinq à six mois pour sa maturation. La
vigne fleurirait en Belgique, pour la date la plus précoce
le 16 juin , pour la date la plus tardive le 6 juillet, moyenne
le 26 juin d’après les tables quételétiennes, ce qui donne-
rait le 25 novembre pour la maturation moyenne d’après
les renseignements de la physiologie, laquelle indique de
cinq à six mois entre la floraison et la fructification pour
les fruits de cet arbuste. Par l'observation, la date la plus
(165 )
précoce serait le 4* novembre, la date la plus reculée le
13 du même mois, la date moyenne le 7 novembre; diffé-
rence avec la théorie : 46 jours.
L'hiver de 1852-1855, sous le rapport de la vigne et
d'autres arbres, présente des faits dignes d’être enregistrés.
Le 15 janvier, nous observions un cep de vigne dans
aotré jardin, au milieu de quinze qui y sont plantés,
poussant des feuilles, et épanouissant des bourgeons. De
fleurs pas d'apparence. Un horticulteur français dont nous
regrettons de ne pas savoir le nom, publia des faits sem-
blables observés en France au mois de décembre, mais il
expliqua fort bien quels genres de bourgeons se dévelop-
pèrent ainsi. Ce sont ceux qui terminaient les rameaux
ayant porté fruit et qu'on avait négligé de pincer ou de
couper, ou qu'on avait coupés ou pincés trop tard. Dans
ces bourgeons, la végétation s’entretient jusqu'aux pre-
mières gelées, et la vigne rentre alors dans la catégorie des
plantes où le principe de la végétation continue. Ce n’est
plus la manifestation d'un mouvement printanier succé-
dant au sommeil hivernal, base de tout le système d’ob-
servations de M. Quetelet, c’est, au contraire, la manifes-
tation d’un mouvement automnal, et il serait plus exact de
dire, et même il est seulement exact de dire que la vigne à
subi l'influence d'un automne continué et se prolongeant
jusque dans l'hiver astronomique, au lieu de prétendre
qu'il y a dans ce phénomène l’action d’un printemps anti-
cipé! I serait impossible d'obtenir des fleurs avec cette
végétation continuée, car la nouvelle floraison doit suivre
et non précéder le sommeil ou le repos hivernal.
Le 5 janvier 1855, on constata à Bourg, dans le Bugey,
dans le département de l'Ain, des néfliers en feuilles, des
pommiers et des amandiers en fleur.
( 166 )
Le 4 janvier, à Waremme, dans un jardin abrité contre
le vent, un prunier était en fleur.
Le 7 janvier, dans les Vosges, on constata la floraison
des pruniers et des pommiers.
Le 11 janvier, nous avons eu au Jardin Botanique de
Liége , en floraison générale, le Ribes malvaceum, qui fleu-
rit d'ordinaire en mars et en avril avec le palmatum , dont
M. Quetelet donne les floraisons moyenne, hâtive et tar-
dive au 5 avril, au 41 mars et au 29 avril. Dans le même
parterre, ni le Ribes sanguineum, ni le grossularia, ni le
rubrum n'étaient en fleur, et on sait que le sanguineum et
le rubrum sont un peu plus précoces que le malvaceum.
Cette différence ne pourra s'expliquer que par un phéno-
mène dont nous parlerons ci-après.
Du 7 au 27 janvier, nous avons vu fleurir le Spartium
scoparium, mais cet arbrisseau est évidemment du genre
de ceux qui offrent une floraison automnale continuée.
Par contre, le Corchorus Japonicus fleurissant au plus
tôt, les années moyennes, le 6 mars, au plus tard le 5 mai,
et en moyenne, le 12 avril, était en boutons bien formés
le 8 janvier.
Le 11 janvier, on citait, dans beaucoup d’endroits de
la Belgique, des pruniers, des poiriers, des péchers en fleur.
A la même date, à Florenne, dans le château du lieu, les
péchers fleurissaient. Le même jour, le marronnier du 20
mars, dans le Jardin du Luxembourg, montrait ses bour-
geons épanouis; au Jardin des Plantes, le Robinier faux
acacia poussait ses feuilles. Le coignassier du Japon (Pyrus
Japonica, Chaenomeles Japonica, Lindl.), était en fleur
partout. Nous l’avions en fleur à Liége dès le 1° janvier.
Le 12 janvier, nous observions, dans une splendide vé-
gétation , le Chimonanthus fragrans, l’ancien Calycanthus
(167) |
praecox de Linné, dont les fleurs répandaient le doux et
pénétrant parfum de lilas et de muguet qui les caracté-
rise. Des centaines de fleurs étaient épanouies et embau-
maient l’air. A la même date fleurissait dans les haies le
Cornus mascula, dont la floraison initiale tombe au 51
janvier, la tardive au 2 avril , la moyenne au 4 mars. Des
personnes l'ont vu en fleur dès le 1% janvier.
M. Henrard, horticulteur à S*-Walburge, près de Liége,
remarqua, le 12 janvier, la floraison du Rhododendron
dauricum. Pendant toute cette partie du mois et dès le
14 décembre, le Daphne mexereum ouvre ses fleurs très-
odorantes comme au printemps naturel. La date moyenne
de sa floraison tombe, en moyenne, au 15 mars, deux mois
plus tard, le 5 mars et le 2 avril étant ses dates de floraison
précoce et tardive,
Le 16 janvier, mon fils, Édouard Morren, observa la
fleuraison de l’Helianthemum ledifolium et du Berberis vul-
garis ou l’épine-vinette : ce dernier arbuste porta des fleurs
très-bien faites, très-ouvertes et présentant leur phéno-
mène ordinaire de mouvement et leur odeur. Sa floraison
naturelle et moyenne a lieu, d'après les tables quételé-
tiennes, le 4 mai, sa floraison la plus hâtive le 18 avril,
et la plus tardive le 20 mai. C’est une des plus grandes
avances printanières que nous ayons pu constater, puis-
qu'elle ne comprend ni plus ni moins de quatre mois, et
on ne peut avoir le moindre doute, pour cet arbuste, que
ce füt bien chez lui un mouvement de végétation anticipée
ou printanière, une floraison succédant à un repos hiver-
nal, ses pieds ayant été tout à fait dégarnis de feuilles et
pourvus de bourgeons dormants.
Quant au noiselier , nous ne le citons que pour mémoire.
Depuis le commencement de décembre (le 5), les chatons
( 168 )
avaient des étamines déhiscentes pendant les beaux jours
de soleil. Le 1° janvier, M. Riedi en constatait, à Maes-
tricht et à Lanaeken, sur le noisetier de Reims, ordinai-
rement ouvert au premier printemps.
Le 18 janvier 1855, M. Polis, pharmacien à Verviers,
nous envoya des branches de laurier-cerise (Cerasus lauro-
cerasus, toutes couvertes d’épis floraux bien formés et ne
demandant plus que quelques jours de beau temps pour
s'épanouir. [ls venaient du château de Hombiet, apparte-
nant à M°"° la vicomtesse de Biolley. Ce fait étonnait à bon
droit les botanistes de la province de Liége, parce que, les
années ordinaires, on ne voit jamais fleurir chez nous cet
intéressant arbuste. Cette floraison, toujours rare, se
présentait, nous écrit M. Polis, non sur quelques bran-
ches, mais sept ou huit pieds, plantés il y a quinze ans par
notre honorable collègue M. Lejeune et par M. Detrooz,
offraient de ces inflorescences par centaines. Il serait très-
curieux de rechercher si c'est à nos printemps, ordinaire-
ment tardifs, que nous devons de ne pas voir fleurir le
laurier-cerise, dont les propriétés médicinales sont si diffé-
rentes dans nos climats de ce qu’elles sont sous un ciel
plus méridional.
Le 20 janvier, on signalait au village de la Sauvenière,
dans la province de Namur, des pruniers en pleine floraison
et d’autres dégarnis de fleurs et portant des fruits noués.
Dans ce même ordre de faits, le Courrier du Gers déclare
que, dans ce département, il y avait des prunes mûres
vers la même date. La Gazette du Languedoc prend ces pru-
nes pour des canards ruraux; mais voici le Mémorial des
Pyrénées, qui, loin de voir dans cette nouvelle une annonce
pour des prunes, cite le village d’Argelos, dans le canton
de Thèze, et la propriété de M. Boué, maire de la com-
(169)
mune, chez lequel un prunier portait bien dûment huit
prunes mûres, et il engage les incrédules à venir en goûter
dans ses bureaux. Le prunicr fleurit, en Belgique, moyen-
nement le 46 avril, sa floraison la plus hâtive arriverait
le 27 mars, la plus tardive le 5 mai, et sa maturation au-
rait lieu chez nous moyennement le 28 octobre, la plus
précoce le 20 octobre, la plus tardive le3 novembre. L'in-
tervalle naturel serait donc de sept mois, ce qui, si le
temps de la fructification était normal , reporterait la flo-
raison du prunier d’Argelos au mois de juin 1852. Une
floraison automnale avec une maturation hivernale pro-
duirait-elle ce genre de phénomène? et si l’on n'admet pas
celte explication, comment et par quelle perturbation
dans l’économie végétale, se rendre compte d’une matura-
tion de prunes en janvier à la suite d’une floraison qui, si
elle avait eu lieu en novembre ou décembre, aurait déjà
passé pour un phénomène exceptionnel? Le canard du
Languedoc devenait, comme on le voit, presque un ani-
mal raisonnable ou tout au moins raisonné.
En date du 15 janvier, on signale, dans le jardin de
M. le comte de Mérode, à Éverberg, près de Louvain, un
poirier dit duchesse portant de jeunes poires. Le 17, un
pêcher dans le jardin de M. Schoeters, rue de Tervueren,
à Louvain, était cité pour sa belle floraison générale dont
ses fleurs se succédaient déjà depuis dix jours auparavant.
Pendant que ces faits se passaient de ce côté, on remarquait
à Afflighem, dans le jardin de l’ancienne abbaye, que, le
27 janvier seulement, les péchers allaient fleurir et que les
pommiers poussaient leurs premières feuilles. La feuillaison
du pommier a lieu en moyenne le 50 mars, la plus précoce
a été placée au 12 mars et la plus tardive au 20 avril. I y
aurait eu pour ces arbres deux mois d'avance cette année.
(170)
A côté de ces observations, qui rappellent une partie de
celles faites en 1421, nous devons signaler dans les arbres
forestiers un parfait sommeil hivernal. A l’époque de la
floraison ordinaire du prunier , le 16 avril, nous voyons
les tilleuls rougir leurs brindilles et les bourgeons se gon-
fler. Le mois de janvier 1853 n'a pas offert ce phénomène.
Les tilleuls, les ormes, les châtaigniers, les peupliers, les
marronniers présentaient leur végétation hivernale ordi-
naire, Nous n'avons vu que l'exception pour le marron-
nier du 20 mars de Paris et pour un Populus balsamifera
du Jardin Botanique de Liége, dont les bourgeons étaient
complétement épanouis le 11 janvier. Les pivoines en arbre
développaient leurs bourgeons dès le 1° janvier à Maes-
tricht, et le 11 de ce même mois, ceux-ci étaient aussi
grands qu'ils le sont les années ordinaires en avril. Nous
ne parlons pas des chénes, de l’Ailanthus japonica, du Pau-
lownia, du tulipier. Tous ces arbres sont encore endormis
jusqu'en ce moment, de même que les Magnolia, dont la
végétation entre cependant en mouvement de bonne heure.
Nous attirons l'attention sur ce fait principal concer-
nant les arbres, à savoir, que les uns ont montré des phé-
nomènes d’une végétation prolongée, que les autres ont
offert des phénomènes d'une végétation printanière très-
anticipée et, qu'enfin, il en est qui sont restés compléte-
ment insensibles à l’une et à l’autre de ces influences.
Nous verrons que le même fait s’est répété sur les plantes
vivaces à racines superficielles.
A partir de 1421, Peignot signale encore les hivers doux
de 1558, où, en décembre et janvier, les jardins étaient
émaillés de fleurs. Il est à remarquer que Dodoëns et De
l'Escluse ne nous ont rien légué de précis à l'égard de la
végétation de cette année. 1572, 1585, 1607, 1659, 1622,
(17)
1807 sont encore des années réputées pour la douceur des
hivers, ét nous pouvons y ajouter 1789, d’après Bjerkander,
de même que 1822 et 1846; mais chose singulière! à me-
sure qué nous entrons dans les époques où les sciences
paturelles sont cultivées et de plus en plus répandues en
Europe, les faits particuliers eu les observations précises
disparaissent; il n’y a même plus d'indices de phénomènes,
et tout se borne à dire que l'hiver était doux, qu’on n'al-
lumait pas les poêles, et qu’à Pâques on portait des cu-
lottes d'été sans grelotter. Dans le moyen âge, les florai-
sons extraordinaires se rattachaient aux faits miraculeux,
témoin le coudrier de S'-Alène qui, d’après la tradition,
existe encore à Forest près de Bruxelles; ce serait l'arbre
provenu de la baguette que la sainte ficha en terre pour
- la voir se feuiller et fleurir à sa sortie des mystères célébrés
dans la maison du premier chrétien converti par saint
Amand. Témoin encore le lis qui, planté par Charles-
Quint lui-même au mois d'août, dans le jardin du monas-
tère de Yuste, épanouit ses fleurs le 21 septembre 1558,
le jour même de la mort de l’empereur, alors qu'aucune
de nos sociétés d’horticulture n’est parvenué à retarder ou
à avancer la fleuraison de ce lis blanc que nous recom-
mandons à notre savant secrétaire perpétuel, M. Quetelet,
pour en observer désormais la floraison moyenne, précoce
et tardive. C’est une plante historique.
La réforme, l'esprit de doute, l'éloignement des savants,
et des naturalistes surtout, pour les idées de légendes, de
traditions, de culte; la présomption seule qu'on pourrait
aider à entretenir dans les populations la croyance de
choses surnaturelles, ont été en grande partie les causes
du silence dans lequel on à enseveli les observations pré-
cises sur les phénomènes de végétation extraordinaire pen-
dant ces trois siècles soumis aux libres penseurs.
(172)
Si nous tenons compte des plantes annuelles ou vivaces
qui ont fleuri cet hiver pendant les mois de décembre et
de janvier, nous devons également faire à leur égard une
distinction entre celles dont la floraison est due à une sim-
ple continuation de végétation automnale et celles dont la
floraison ayant lieu après un véritable sommeil hivernal,
s'est éveillée et accomplie par une végétation anticipée ou
printanière.
Parmi les plantes à végétation continue, nous mention-
nerons les espèces suivantes, la plupart observées par nous
en fleur dans les mois de décembre et de janvier jusqu’à la
première petite gelée de la nuit du 26 au 27 janvier 1855:
Alsine media. Lampsana communis.
—. trinervis. Lamium album.
Anthemis cotula. — amplexicaule.
Anthriscus sylvestris, Hof]. — hirsutum.
(Chaerophyllum sylvestre, L.) — purpureum.
Bellis perennis. Leontodon taraxzacum.
Bromus sterilis. Lepidium sativum.
Calendula officinalis. Lychnis dioica.
Capsella bursa pastoris. — — fl.plen.
Carduus crispus. — flos cuculi.
Centaurea cyanus. Matricaria chamomilla.
Cymbalaria vulgaris. Mercurialis annua.
Euphorbia helioscopia. Medicago lupulina.
— peplus. Poa annua.
Erysimum vulgare. Ranunculus acris.
Fragaria sterilis. — repens.
— vesca. Senecio vulgaris.
Gentiana pneumonanthe. Sonchus arvensis.
Geranium robertianum. Spartium scoparium.
Hordeum murinum. Stellaria holostea.
Quelques-unes de ces espèces sont connues comme étant
de floraison continue, du moment que la température ne
descend pas sous zéro, mais nous ne savions pas que l’An-
themis cotula, dont Kreutzer arrête la floraison au mois
nd
(475 )
d'août, que le Centaurea cyanus, dont le même auteur arrête
aussi la floraison au même mois, que le Gentiana pneumo-
nanthe, qui, d’après l'opinion commune, cesserait de fleurir
vers la mi-septembre, fussent des plantes dont les fleurs
peuvent continuer àse développer pendant l'hiver, si ceder-
nier offre une température favorable : ces espèces devien-
draient donc des floraisons continues ou polyméniques (1).
Le Tradescantia virginica, plante dont les fleurs se
succèdent de mai au mois d'août, était encore en pleine
floraison, à Liége et à Bruxelles, le 8 janvier et le 27 du
même mois. C’est encore une fleuraison continue.
Les fraisiers des jardins étaient en fleur dès le 10 dé-
cembre, ainsi que le Fragaria sterilis, et le Fragaria vesca
de nos bois et berges. Le fraisier perpétuel qui produit, à
Liége, sur les bords de la Meuse, des fraises parfumées,
tous les ans, jusqu’à la mi-novembre, n’a pas discontinué
de donner des fruits durant les mois de décembre et de
janvier. Cette dernière espèce rentre dans les végétations
automnales prolongées; mais le Fragaria vesca , le Fra-
garia sterilis et les variétés de jardin, n'ayant pas donné
de fruits après leur époque normale, peuvent être regardés
comme ayant subi une végétation printanière plus précoce.
En date du 14 janvier, M. Fée, professeur de botanique
à Strasbourg, nous écrivit ces mots: « Nous sommes
émerveillés de la douce température dont nous jouissons.
J'ai passé le 1* janvier à Bade, où j'ai mangé des fraises
des bois, mais sans parfum, fraiches et bien mûres. »
Le même fait s'est représenté sur plusieurs points de la
Belgique, entre autres au bois de Rhodes près d’Afflighem.
(1) En terme de phénologie, une floraison polyménique est celle qui
dure plusieurs mois sans discontinuer.
(474 )
M. Fée ajoutait : « Le framboisier était en fleur le 4° jan-
vier à Bade, ainsi que presque toutes les plantes vivaces
automnales. » Le 11 janvier, on signalait, en Belgique, :
sur divers points, des fruits de framboisiers mürs , mais on
ne dit pas si les framboises avaient de l’arome. Cette ab-
sence du fumet et de l'odeur dans les fruits venus ainsi
sous une température exceptionnelle, est conforme au fait
observé sur les plantes odorantes naturalisées sous des
climats trop froids pour développer les essences. Le lau-
rier-rose de nos contrées est inodore en comparaison des
lauriers-roses du Midi; la culture du thé a été abandonnée
à Angers, parce que les feuilles en étaient dépourvues
d'arome. La floraison et la fructification du framboisier,
cet hiver, rentrent de nouveau dans la série des végéta-
tions automnales continuées.
Les Anemone hepatica en fleur dès le 12 décembre, —
Arabis lilacina en fleur le 45 janvier, — Cheiranthus Cheiri
en fleur le 16 décembre, — Dianthus barbatus en fleur le
20 janvier à Liége et à Afflighem, — Eranthis hyemalis en
fléur le 14 janvier, — Galanthus nivalis en fleur le 25 jan-
vier (nous en avons vu les premières fleurs écloses), —
Helleborus niger en fleur le 5 décembre, — 1beris semper-
florens en fleur le 10 janvier, — Primula veris, elatior et
auricula en fleur le 12 janvier, — Vinca minor en fleur
pendant les mois entiers de décembre et de janvier, —
Viola odorata observée en fleur dans un grand nombre
d’endroits pendant ces mêmes mois. — Toutes ces florai-
sons, et bien d’autres sans doute, non observées et non
signalées, rentrent dans la catégorie des végétations prin-
tanières, cette fois hivernales par exception.
Dans les jardins maraichers, on a remarqué, dès le mois
de décembre, que les choux à jets de Bruxelles allongeaient
(47)
leurs bourgeons latéraux qui montaient en graine; le 41
janvier, les asperges pointaient à Florennes dans la pro-
vince de Namur, et après cette date, le même fait s’est
manifesté ailleurs. À la même date, les pois semés en
automne étaient en fleur à Ennetières, près Pont-à-Marcq,
dans le département du Nord. Au Spelhof, près de S'-Trond,
chez M. le sénateur De Pitteurs-Hiegaerts, on mangeait
des petits pois le 8 janvier, et ailleurs la même précocité
a été signalée. Le 11 janvier, on citait aussi des myrtilles
mûres cueillies dans les bois du Condroz; mais ce fait
rentre encore dans les végétations automnales continues ,
comme la floraison des rosiers de Bengale constatée au
Luxembourg , à Paris, et observée dans tous les jardins.
À Gand, des rejetons de pomme de terre de la récoite de
1852 avaient poussé de petits tubercules de près de deux
centimètres de diamètre, preuve évidente que la culture hi-
vernale de cette plante, aujourd’hui généralisée en France
et recommandée par nous dès 1844, un an avant l’inva-
sion de la maladie de 1845, repose sur des raisons natu-
relles prouvées par l'expérience. Nous mangions des radis
printaniers pendant tout le mois de janvier. On disait
avoir vu dans les Vosges, le 7 janvier, une pomme de terre
en fleur et garnie de petites baies.
M. De Selys-Longchamps nous signalait, le 6 janvier, le
développement du malencontreux puceron lanigére sur les
pommiers de la Hesbaye; nous en avons vu les vergers
blanchis le 11 du même mois. Les pucerons se reprodui-
saient, sur les rosiers et les vignes, poussées exceptionnel-
lement, dont nous avons parlé, mais sur le cep dont nous
constations les pousses vertes et feuillues le 145 janvier,
nous observions déjà le développement de l'Odium Turkeri
* reconnu aujourd’hui, sans contestations sérieuses, la cause
ToME xx, — [°° par. 12
(176)
de l'épouvantable fléau qui arrêtera la fabrication du vin.
Ainsi , avec la végétation s’est déclaré l’envahissement de
ses parasites, et ce fait ne doit ni ne peut faire augurer
en bien d'un printemps anticipé dont l'utilité est très-con-
testable. Mieux vaut des saisons naturelles que des tempé-
ratures plus amusantes pour l’habitant des villes que pour
les cultivateurs.
Le 9 janvier, à Bourg (Aïn), l'orge offrait des épis. Le 17
janvier, M. Mottin, de Hannut, avait vu quelques rares épis
sur le seigle. Le même jour, à Berthem près de Louvain,
on en coupait des épis nombreux dans un champ. Le 4i
janvier, nous avons vu des champs de colza en commence-
ment de floraison aux environs de Louvain. Le 35 janvier,
M. le comte Ernest de Glymes a observé les premières sili-
ques de colza. Nous éloignons le fait qu'on aurait constaté
dès le 7 janvier, dans les Vosges, des épis de seigle dé-
fleuris, ce qui est très-probablement un fait mal observé.
A côté de cet ensemble de faits, nous devons en signaler
un autre qu'il nous paraît fort utile de constater dans ces
circonstances. Des plantes très-printanières, celles dont
nous voyons les premières fleurs s'ouvrir dès le mois de
mars , dans nos climats, comme les Adoæa moschatellina ,
Anemone nemorosa, Anemone ranunculoides, Arabis verna ,
Carex praecox, Corydalis bulbosa , Erodium cicutarium,
Erythronium Dens canis, Hippophaë rhamnoides, Luzula
campestris, Narcissus pseudo-narcissus., Petasites officina-
lis, Pulmoria officinalis, Ranunculus ficaria , Scilla verna
et Scilla bifolia, Tussilago farfara et Waldsteinia geoïdes ;
aucune de ces plantes n’a offert des fleurs dans ce mois de
janvier 1855, alors que nous avions l'attention dirigée
sur elles, et que nous les cherchions soit dans leurs sta-
tions naturelles , soit dans les jardins; el cependant d’au-
(477)
tres fleurs, leurs compagnes dans les années ordinaires,
étaient ouvertes. Le Narcissus pseudo -narcissus , appelé
par nos populations flamandes Sleutel-bloemen, fleurs à la
clef, parce qu'elles représentent comme les clefs du prin-
temps, à sa floraison moyenne le 22 mars. Nous l'avons
cherché en fleur inutilement dans un bois qui en est
rempli. Ges dissimilitudes constatées dans les plantes d'or-
nement et naturalisées, dans les espèces de la flore natio-
nale, dans les produits des jardins maraïichers, dans les
arbustes et les arbres, comme dans les plantes cultivées,
constituent, nous semble-t-il, des preuves de plus que
chaque espèce a son thermomètre propre, selon l’expres-
sion aussi juste que poétique de M. Alphonse De Candolle.
M. Quetelet veut que le réveil des plantes soit un phéno-
mène général, et que, dans nos climats, il ait lieu du 25 au
27 janvier, une semaine environ après le jour le plus froid
de l’année; mais, ajoute notre savant secrétaire perpétuel,
« les premiers signes de la végétation sont souvent arrêtés
et complétement détruits par de nouvelles gelées, de sorte
que le développement des plantes ne commence réellement
que vers le mois de mars. » Il est plus que probable que
le réveil des plantes n’est pas un phénomène général, mais
seulement que chaque espèce à son réveil propre, et que
ce dernier peut avoir lieu plus tôt ou plus tard, selon la
nature de chaque espèce, selon son idiosynerasie par-
ticulière, expression qui voile parfaitement l'élément in-
connu dont l'appréciation nous échappe encore. Caleuler
l'influence de la chaleur, à partir du réveil des plantes, est
l’idée qui a servi de base aux recherches d’Adanson pour
la confection de ses tables de feuillaison , de floraison et
de fructification ; mais Adanson sentait aussi que chaque
plante devait, sous ce point de vue, être étudiée séparé-
( 178 )
ment, el que les inductions pour une espèce ne pouvaient
servir pour une autre. « Le point le plus important,
dit-il (1), serait donc de savoir combien il faut de degrés de
chaleur pour conduire à parfaite maturité chacune des
plantes les plus utiles et d'un usage plus général et journa-
lier dans chaque climat, soit pour la nourriture, soit pour
les autres besoins de la vie », et, pour arriver à ce but , ce
naturaliste, le plus original que cite l’histoire de la science,
voulait que les observations comprissent les quatre règles
suivantes :
« 1° Suivre les développemans de divers individus de la
même espèce, et tirer un résultat moiïen entre les plus
häufs et les plus tardifs ;
2 Observer la diférance entre les anées les plus hà-
uves et les plus tardives, noter au termomètre les plus
chaudes et les plus froides ;
3° Tirer des résultats moiïens des degrés de chaleurs ob-
servés chaque mois et chaque jour, pendant un nombre
d'années sufisant ;
4 Observer les jours où il commence à ne plus geler et
ceux où il fait au moins 10 degrés de chaleur, même pen-
dant la nuit, c'est-à-dire les tems où la végétation co-
mence à faire des progrès, à n'être plus arêtée, à continuer
sans interruption pour le climat et pour les espèces de
plantes qui sont l’objet de ces recherches; enfin, tirer des
résultats mbiens entre les produits extrêmes de chacune
de ces observations (2). »
Après Adanson, Bjerkander publia, en 1777, son Ther-
(1) Familles des plantes, 1765, p. 96.
2) 1b., ib., p.86.
(179 )
momètre de Flore, el continua ses observations jusqu’en
4785, dans le Wester-Gothland , en Suède. Mais en 1789,
l'hiver fut très-doux, et le pasteur de Grefbach publia
toutes les floraisons hivernales de cette saison, qui étaient
venues déranger aussi ses calculs, quant au point initial
d'où il fallait partir pour compter les degrés nécessaires à
chaque plante en vue d'amener sa floraison.
Le doute a souvent existé dans les doctrines phénologi-
ques , relativement au point de départ d'où il fallait comp-
ter les degrés de chaleur regardés comme nécessaires pour
produire les floraisons , soit qu’on fit la somme des degrés
des températures moyennes, soit qu’on les élevât au carré,
soit qu'on prit le produit de la température par le carré
du nombre de jours pendant lesquels la température a été
observée. Ce sont là, comme on le sait, les bases des trois
théories proposées, la première par Réaumur, Cotte,
Adanson, MM. Boussingault et de Gasparin; la seconde
par M. Quetelet, et la troisième par M. Babinet. Dans ces
trois théories, deux points importants sont à régler : le
premier est relatif à l’état de la plante à partir duquel il
faut commencer à observer les degrés de chaleur; le second
est celui qui déterminera le degré même de température à
partir duquel on observera les degrés de chaleur. Pour le
moment, nous laissons de côté la discussion relative au
zéro de température, à partir duquel M. Quetelet observe
_les degrés de chaleur : nous reviendrons sur ce sujet dans
une seconde nolice. Actuellement l'examen porte sur l’état
de la plante, état initial à compter duquel il est rationnel
de suivre l'influence des températures. Ce point ou cet état
est, pour M. Quetelet, celui qui commence au réveil de la
plante. Nous pensons que ce réveil, visible par les premiers
phénomènes de la végétation, la pousse de l'œil, du bour-
(180 )
geon, est bien choisi, sauf peut-être qu’il est extraordinai-
rement difficile de le déterminer d’une manière certaine,
et cela parce que la croissance de l’œil ou du bourgeon est
un effet d’une végétation active, éveillée longtemps avant
que le phénomène ne se traduise extérieurement par des
signes visibles, et qu’on ne sait pas juger au dehors du
mouvement vital du dedans. Mais le réveil des plantes est
considéré dans le théorème phénologique actuel comme
un phénomène général, comme un fait dont toutes les
plantes d’un climat donné doivent forcément éprouver
les effets. Que le réveil particulier à chaque espèce ait eu
lieu à des époques différentes, on évaluera néanmoins les
forces vives de la chaleur comme ayant influencé toutes
ces espèces à partir de la même date, le réveil dit général
de la végétation : ce qui se traduit, quant aux dates de
l'observation, par le 27 janvier. Or, c’est pour ce fait que
les floraisons observées en janvier 4855 sont utiles à étu-
dier. Nous éloignons toutes les plantes dont la floraison
ue comporte pas l'admission possible d’un sommeil anté-
rieur, et, par conséquent , encore moins celle d’un réveil
quelconque, puisqu'on ne peut s'éveiller qu'après avoir
dormi. Les plantes qui, dans la première période de l’hi-
ver de 4852-1855, n’ont pas dormi, ce sont toutes celles
à floraisons æstivale et automnale continuées. Nous avons
vu que le nombre en est fort grand, qu’il devient même le
contingent le plus fort dans toutes les observations faites.
M. le docteur Wittewaall, dans le ‘Landbouw- Courant:
d'Arnhem, a déjà fait remarquer, avec raison, qu'il n’y a
rien d'étonnant à voir, dans un hiver où il ne gèle pas,
continuer à fleurir des plantes dont la floraison ne cesse
qu'aux gelées.
Nous éliminons donc toutes les floraisons continues.
( 181 }
Restent les floraisons vraiment printanières; nous en
donnons ici le tableau, où l’on voit les noms des espèces
observées par nous. Ces floraisons appartiennent toutes
au mois de janvier. Les noms marqués d’un astérisque sont
ceux de plantes dont nous avons pris les époques des flo-
raisons moyennes dans l’Anthochronologie de Kreutzer ,
et pour l’une des espèces, l'Helianthemum ledifolium, plante
de la France méridionale, dans la Flora gallica de Duby.
A côté de ces espèces, nous avons mis en regard les dates
moyennes de floraisons de ces espèces , les années moyen-
nes, et il ressort de leur comparaison que sur 50 espèces
observées en fleur dans le mois de janvier 1853, 1 appar-
tient réellement à ce mois, 4 sont des fleurs de février,
14 des fleurs de mars, 8 des fleurs d’avril, 4 fleur de mai
et 2 de juin. Ces deux dernières, nous n’y faisons pas at-
tention, parce qu'elles peuvent être des floraisons con-
tinuées, bien qu'il y ait doute à leur égard. On voit donc
que, sur 50 espèces, la moitié appartient, les années
moyennes, au mois de mars, et l'on peut dire qu'en 1855,
en ce qui regarde la flore de notre pays, la physionomie
de la végétation était celle du mois de mars habituel,
ou, ce qui revient au même, du commencement du prin-
temps (1).
(1) La veille du jour où ces souvenirs ont éte lus à l’Académie, M. Que-
telet avait eu la bonté de me montrer, à l'Observatoire, les observations faites
sur Ja température du mois de janvier 1853. Il s’est trouvé qu'à une très-
faible fraction de degré près, cette température moyenne était précisément
celle d’un mois de mars moyen, cinq degrés au-dessus de zéro. La floraison
a donc été , en janvier 1855, correspondante à celle du mois de mars, mais
seulement pour quelques espèces.
(182 )
Tableau des espèces printanières qui ont fleuri pendant le mois
de janvier 1853.
DATES DES MOIS
OU ELLES FLEURISSENT LES ANNÉES MOYENNES.
NOMS DES ESPÈCES. ts Observations.
Janvier.| Février.| Mars. Avril.
* Alnus glutinosa 5. .
Amygdalus persica 3
Anemone hepatica 2}.
* Arabis lilacina 2]. ".
Armeniaca vulgaris 3
Berberis vulgaris 5 .
Cerasus vulgaris 4 .
Cheiranthus Cheri 2]
* Chimonanthus fragrans
Corchorus japonicus #
Corylus avellana 3 .
Cornus mascula 5. .
Daphne mezereum 3.
Dianthus barbatus 2]. . . Cette espèce appartien|
Eranthis hyemalis 2]. . » ; ARR PnE Annie
Galanthus nivalis 2]. . . SA y Re
* Helleborus niger 2J . . . | 20
Helianthemum ledifolinm 2]. j Cette espèce apparte:
: 6 nant au midi de la
Iberis semperflorens 2] . . France, y fleurit les mois
Malus communis 3 . É d dajuin ge de juillet. Sani
Cr For ) oute, il faut la rappor
Primula elatior 2L = > ter aux floraisons conti
— auricula 2! . . nues, mais le fait n’es
AN NI VETIS Le de pas certain.
Prunus domestica S .
Pyrus communis $
— Japonica 5. .
*Ribes malvaceum 5 . .
*Rhododendron dauricum
Vinca Dore 2 MUR.
Viola odorata 2] . . .
30 espèces. 4 8 1 2 Douteuses.
Janvier.| Février.| Mars. | Avril. Mai. Juin.
Les espèces marquées d'un astérisque (*) sont celles dont les dates moyennes de floraison n'ont pas été
déterminées par M. Quetelet, mais par l’Anthochronologie, les flores ou les observalions particulières. Il y
en a 8 sur 30; les 22 autres ont leurs dates réglées dans les Annuaire de l'Observatoire de Bruxelles.
( 185 )
Mais si nous consultons, dans l’Anthochronologie, le
contingent floral du mois de mars pour les espèces spon-
tanées du centre de l'Europe, espèces qui appartiennent ou
à notre flore belge ou à nos jardins, nous trouvons que ce
contingent est de quatre-vingts espèces : nous éloignons
encore une fois du nombre total des floraisons de mars
toutes les floraisons continues ou polyanthésiques. Or, sur
quatre-vingts espèces, quatorze fleurissent et les soixante-
six autres ne fleurissent pas. À côté de la pervenche et de
la violette, nous ne voyons ni les anémones, ni l’Adoxa,
ni les Corydalis, ni toutes ces charmantes espèces d’un
printemps habituel. Près de la primevére, nous ne trou-
vons pas même en fleur le Draba verna , le premier mes-
sager du printemps dans nos régions. Sous un noisetier
fleuri, nous constatons que le Saxifraga tridactylites, loin
de montrer sa tige fleurie, étale à peine sa rosace de feuilles
à trois doigts. L'Eranthis hyemalis, chose plus singulière
encore, s'ouvre sous un Berberis, deux fleurs qui ne s'é-
aient jamais vues ensemble, et l'Eranthis voit à peine
poindre les boutons de l’Helleborus foetidus, son compa-
gnon de tous les ans. De toutes les fleurs du mois de mars,
un sixième est devenu la flore de janvier et les cinq au-
tres sixièmes fleuriront sans leurs compagnes naturelles.
Telle est Ja physionomie anomale d’un hiver doux pour
l’observateur, mais dur pour les plantes : il gouverne
celles-ci en les divisant comme un nouveau Machiavel :
Divide et impera.
Le mois de janvier 1855 a présenté dans sa couronne
florale des fleurs de janvier, février, mars, avril et mai,
c’est-à-dire des fleurs de cinq mois différents. C’est un fait
remarquable que, dans les pays à latitude plus méridio-
vale, le même mélange se rencontre en fleurs de prin-
temps intercalées dans des fleurs d'été.
(184 )
M. Reuter, dans son mémoire sur l’Aspect de la végéta-
tion de l'Algérie (4), a été frappé de ce phénomène. « Une
chose digne de remarque, dit-il, et qui m'a frappé en arri-
vant à Alger au premier printemps, c'est de voir la végé-
tation aussi avancée et un mélange de fleurs qu’on n’est
pas accoutumé à trouver réunies dans une même saison.
Aussi , on voyait dans les jardins, au commencement de
mars, le laurier-thym , des violettes, des jacinthes et des
tulipes en même temps que des roses , des œillets, des giro-
flées et des geranium. Les premières de ces fleurs se mon-
trent chez nous au mois d'avril et les suivantes dans le
courant de l'été. » Et plus loin, le même auteur ajoute:
« 11 semble que plusieurs de ces faits viennent à l'appui
des observations de M. Quetelet, d'après lesquelles il pa-
raîtrait que les plantes ne peuvent entrer en végétation
que sous l'influence d’une certaine température fixée pour
chaque espèce; mais ils n'expliquent pas pourquoi les vio-
lettes et les jacinthes ne fleurissent pas au mois de novem-
bre ou de décembre, au moment où tant d’autres plantes
sont en pleine végétation. »
Évidemment la cause, quoique la température soit
suffisante, qui fait que les violeltes et les jacinthes, plantes
à floraison printanière et monanthésique, c’est-à-dire ne
dépassant pas la durée d’un mois, ne fleurissent pas en
novembre ou décembre en Algérie, mais bien en mars,
c’est que ces plantes n’entrent en éveil qu'en novembre ou
décembre, absolument comme nos fleurs de mars appar-
tiennent à des plantes qui s’éveillent fin janvier; mais il est
juste aussi de dire qu'on ne sait pourquoi les roses, les œil-
(1) Yoy. Belgique hort., 5° vol., p. 111 et p. 147, spécialement p. 150.
(185)
lets , les giroflées et les geranium , fleurissent dans le même
mois. S'ils continuaient de fleurir pendant tout l'hiver, ce
seraient des espèces polyanthésiques prolongeant leur flo-
raison d'une année biotique à une autre année biotique (1),
et ce serait peut-être là le seul moyen de rattacher ces ob-
servations de M. Reuter à la phénologie physiologique.
Le principe fondamental du théorème de M. Quetelet
peut se résumer, comme vient de le faire M. Becquerel,
dans son nouvel ouvrage sur les climats: « Lorsqu'on con-
naît, depuis l'instant du réveil des plantes, les températures
successives qui ont été observées , on peut calculer à priori
l’époque de la floraison, et réciproquement (2). »
En effet, nous concevons ce fait physiologique pour les
années où il gèle l'hiver. Le froid endort les plantes et la
chaleur les éveille. Mais lorsqu'il ne gèle pas, le moment
du réveil devient diflicile à déterminer, et les appréciations
de l'influence de la température échappent à l’observateur,
parce que le jour où le réveil a eu lieu, sans gelée, lui
échappe aussi. C'est ce que l'hiver de 4855 démontre clai-
rement.
En second lieu, si le réveil était un phénomène général ,
toutes les espèces devraient lui être soumises, et nous
avons vu que si ce réveil atteint des espèces du premier
mois du printemps, en hiver, au point de les faire fleurir
(1) Nous nous sommes étendu sur ce qu'il faut appeler année biotique
dans les 4nnales de la Société royale d'agriculture et de botanique de
Gand, vol. IV et V, et sur les floraisons classées sous le point de vue de la
phénologie, qui est la science des phénomènes périodiques. L'année biotique,
c’est l’année de la vie d’une plante, d’une floraison à une autre floraison , ce
qui est loin de correspondre avec l’année civile.
(2) Des climats et de l’influence qu’exercent les sols boisés et non
boisés, Paris, 1835, p. 58.
( 186 )
naturellement contre saison, beaucoup d’autres espèces se
soustraient à ce réveil et continuent de dormir malgré la
chaleur.
De ces deux faits évidents et dans les hivers doux, sous
des climats où ils ne le sont pas habituellement, et dans
les pays où la gelée hivernale est rare, il faut conclure que
chaque espèce à son repos et son réveil particulier, que
chaque espèce, pour présenter les phénomènes successifs
de la végétation , a son thermomètre spécial, et qu'enfin
le thermomètre de Flore, tel que Bjerkander l'entendait,
n’est susceptible d'être connu qu'après avoir soumis à toutes
ces observations particulières, je ne dis pas toutes les espè-
ces , le projet dépasserait le possible, mais les plus utiles
et les plus intéressantes à étudier. C’est afin que la phé-
nologie entre dans cette voie que nous avons voulu con-
server ces souvenirs de l’année 1853.
Dans une autre communication, nous examinerons le
phénomène du synehronisme des floraisons et des causes
qui le maintiennent ou le détruisent, ainsi que les phé-
nomènes des floraisons homochroniques ou hétérochro-
niques.
PRAELUDIA FLORAE COLOMBIANAE ,
ou matériaux pour servir à la partie botanique du VoyaGe
DE J. LiNDEN; par J.-E. Planchon et J. Linden.
Le titre seul de cet écrit en indique assez clairement la
nature. Il s’agit de soustraire aux lenteurs inévitables
d’une œuvre de longue haleine la description abrégée des
(187)
nombreuses plantes nouvelles, dont l’un de nous à pu,
stit par lui-même, soit par ses collecteurs MM. Funck,
Scblim et Triana, enrichir les collections botaniques et
les jardins. Ce seront autant de traits épars destinés à
prendre méthodiquement leur place dans un tableau gé-
néral de la Flore de Colombie, dont le Gouvernement
Belge à le mérite de favoriser la publication.
Convaincus cependant de la déplorable stérilité de ces
. courtes phrases descriptives élaborées en courant, unique-
ment pour prendre date, nous tàcherons de condenser le
plus de traits caractéristiques dans le moins de mots
possible et de rendre nos descriptions véritablement dia-
gnostiques, en ne traitant une famille qu'après en avoir
comparativement embrassé l'ensemble dans les grandes
collections de Paris.
Reconnaissons, à cette occasion, avec un juste senti-
ment de gratitude, tout ce que nous devons aux herbiers
de M. F. Delessert, dont M. Laségue fait les honneurs
avec tant de bienveillance; de M. Webb, riches en types
originaux de la Flora Peruviana; du Muséum d'histoire
naturelle, où sont heureusement conservés presque tous
les types des plantes décrites par Kunth, dans l'ouvrage de
Humboldt et Bonpland, fondement de la Flore dont nous
reprenons l'étude.
Quoique la nature de ce travail tout préliminaire soit
essentiellement descriptive et que nous croyions ne pas
devoir nous astreindre à suivre un ordre quelconque dans
l'arrangement des familles, nous essaierons de relever
l’aridité de ces matières par des observations morphologi-
ques ou d’aflinités, d’un intérêt plus général. Cet intérêt
ne manquerait pas au sujet, si beaucoup de plantes en
offraient autant que l'espèce par laquelle s'ouvre cette
longue galerie de nouveautés.
(488 )
DIOSMEAE $ CUSPARIEAE (1).
EnyrurocHiToN ayropayLLantTaus, Nob. — Foliis (floriferis)
unifoliolatis, cum petiolo 4- 4 l2 pollicari nodoso-articulatis
anguste cuneato-oblongis (1- 11/2 pedalibus) glaberremis obtuse
acuminatis margine integra irregulariler repandis, cymis pau-
cifloris abbreviatis e costa medià subtus versus quartam sextam
parlem superiorem laminae enatis, slaminibus fertilibus 2 (an
semper?) sterilibus 3 linguiformibus.
Has. — Nouvelle Grenade, ravins (quebradas) ombragés
de Perico, prov. d'Ocaña, altitude 2,500 pieds. Fleurs
d'un blanc pur, roses extérieurement, mai 1854, Schlim
n° 544.
Folia sterilia floriferis similia , haec ultima illa Erythrochitonis
brasiliensis referentia costa media subtus infra inflorescentiam
multo magis quam supra preminente, e nervo primario pedun-
culoqueinter se concretis constante, nervis secundariis utrinque
15-25, e corpore ligneo nervi medii nec ullo modo pedunculi
(1) Un genre de cette tribu que les auteurs systématiques paraissent avoir
généralement passé sous silence, est le Ravenia de Vellozo (Flora flumi-
nensis, I1,t. XXXXIX) que nous avons reconnu jadis, chez M. W. Hooker,
dans une plante de la collection Gardner et dont le Zemonia, Lind. nous
semble n'être qu'un simple synonyme générique. On pourrait hésiter, du
reste, à substituer au mot Zemonia, déjà consacré par l'usage et justifié dès
l’origine par une excellente description , celui de Raventia qui, bien qu’an-
térieur, repose uniquement sur une grossière figure; mais n'est-il pas conve-
nable d'opérer cette substitution à cause de la trop grande ressemblance du
nom Zemonia (prononcé Zimonia par les Anglais) avec celui de Zimonia
que portait longtemps avant un genre d’Aurantiacées, c'est-à-dire d’un
groupe dont nous sommes très-disposés à ne faire qu'une tribu des
Diosmées?
( 189 )
orientibus, venis reticulatis. Bractea ad basim cymae valde ab-
breviatae unica (?) linearis, 1 1l2 - 2 pollicaris, sessilis, decidua.
Ramuli cymae 2-4, ad extremum 3 lin. longi, ali nunc nodi-
formes, omnes ob lapsum pedicellorum plerumque cicatricost,
cicatricibus bracteolà nullà stipatis. Pedicelli semi-pollicares,
cum rachi arliculali, ebracteolati, superne in calycem eis sub-
aequi longum sensim ampliati. Calyx spathaceus, primum
clausus, mox ab apice infrà medium 5-fidus (reverà tamen
pentamerus), laciniis aestivatione valvatis. Petala 5, unguibus
inter se concreta, laminis obovolo-oblongis posticà (?) caeteris
paulo minore. Stamina 5, petalis alterna eorumque tubo fere lon-
gitudine totà filamentorum conglutinata, sterilia 5 (antica ?) in
ligulas lineares petalis circiter aequi longas producta, fertilia 2,
parte filamenti liber&‘brevi triangulari-dilatatà, ântheris basi
fixis, oblongo-linearibus, muticis connectivo non conspicuo , lo-
culis 2, intüs rimà longitudinali dehiscentibus. Discus hypogynus
urceolato-lubulosus, ovaria plane includens. Ovaria à, approxi-
mata, libera, unilocularia , ovulis ad angulum centralem 9,
subcollaleraliter appensis (nec altero pendulo, altero adscendente,
ut apud Erythroch. brasiliensem describuntur). Styli a basi fere
im& in unum concreli, stigmate capitellato, 5-lobo. Fructus.…….
OBserv. I. — On a jusqu'ici décrit les fleurs de l’Ery-
throchiton brasiliensis comme pourvues de cinq élamines
égales et fertiles. Ce caractère n’est pas constant : en eflet
sur deux exemplaires de cette espèce, recueillis, l’un par
Guillemin, près de Tocoia, l’autre par Blanchet, près de
Bahia (n° 2,392 coll. Blanch.), nous avons vu tantôt cinq
étamines fertiles, tantôt quatre seulement, la cinquième
s'étant transformée en une longue languette, analogue en
tout à celles qui nous ont paru remplacer d'ordinaire trois
des étamines de l’Erythrochiton ici décrit. Tous les points
destructure étant, d’ailleurs, strictement semblables entre
les deux plantes, le nombre plus ou moins grand d’éta-
( 190 ) |
mines stérilifiées ne saurait évidemment justifier la sé
ration de ces espèces en deux geures différents. STE
Onserv. IT. — Déjà remarquable comme plante orne-
mentale, le nouvel Erythrochiton se recommande surtout
par le caractère exceptionnel de l’inflorescence. Qu'on se
figure, bien au-dessus du milieu de la face inférieure (!)
d’une feuille, une courte cime florale naissant brusquement
d’une grosse côte médiane, voilà quelle est cette inflores-
cence véritable hypophylle, Comment expliquer d’après les
idées courantes cette singulière anomalie? Invoquera-t-on
les exemples du tilleul , de l’Helvingia , du Dulongia , toutes
plantes chez lesquelles les fleurs naissent en apparence de
la côte médiane d’une feuille ou d’une bractée? Mais dans
tous ces cas, l’inflorescence occupe la face supérieure de
l'organe foliaire, et rien plus simple que de supposer la
soudure d’un axe florifère (pédoncule axillaire) avec le
pétiole et la nervure médiane de cet organe, hypothèse
naturellement admise par tous ceux qui refusent aux ap-
pendices la faculté d’être normalement prolifères, c'est-à-
dire de produire eux-mêmes directement d'autres appen-
dices ou des axes. Ici, pourtant deux difficultés assez
graves contrarient cette commode supposition. D'une part,
les fleurs naissent de la face inférieure de la feuille; pour
qu'il y eût soudure d’un pédoncule avec la nervure mé-
diane, il faudrait que ce pédoncule procédàt, non de
l’aisselle de la feuille, mais du dessous même de son pé-.
tiole. D'autre part, la feuille en question étant formée
d’une foliole articulée avec le court pétiole qui le supporte,
il faudrait supposer au pédoncule une articulation dis- |
tincte justement sur le même point. Voyons si l'anatomie |
d'une part, et l’analogie de l’autre, justifient ou non ces |
explications. Et d'abord, un fait qui frappe au premier |
k
:
( 191 )
coup d'œil, c'est le brusque amincissement de la côte mé-
diane au-dessus du point d'insertion de l'inflorescence.
Une coupe de cette portion mince de la côte y décèle un
seul étui de fibres ligneuses autour d'une moelle centrale.
Si l’on coupe, au contraire, la côte moyenne sur un point
quelconque entre l’origine de l’inflorescence et le tiers
inférieur de la feuille, on voit le tissu ligneux de cette côte
lormée de deux étuis bien distincts, l'un supérieur répon-
dant à la nervure proprement dite et produisant exclusive-
ment toute la charpente fibro-vasculaire de la feuille, l'autre
inférieure à fibres parallèles, et qui, toujours séparé du
tissu ligneux de la nervure, S'en éloigne brusquement pour
former la portion libre de l'inflorescence. Plus bas, il est
vrai, les deux corps ligneux en question , au lieu de former
chacun un étui pourvu de sa moelle et de ses rayons mé-
dullaires, ne constituent plus que deux gouttières ou
demi-étuis, simulant par leur accollement bord à bord un
seul étui ligneux autour d’une seule colonne de moelle
{colonne résultant elle-même de la fusion des moelles des
deux éléments ligneux). En somme pourtant, le système
fibro-vasculaire de la feuille {appendice ) et celui de l'inflo-
rescence {aæe florifere), partout rapprochés et nulle part
confondus, ont l'un et l'autre leur origine dans le rameau ;
mais , à l'inverse de la loi commune, cet axe florifére est
inférieur par rapport à l'appendice (feuille) avec lequel il est
normalement et congénialement soudé (1).
(1) Sur la bractée florifère des Tilia, entre le sommet du pétiole et le
point où le pédoncule floral devient libre, fa côte médiane se compose de
trois étuis ligneux, parallèles, mais parfaitement distincts et dépourvus de
toute connexion fibro-vasculaire l'un avec l'autre, savoir : un étui central
ToME xx. — ["* PART. 13
(192 )
Adressons-nous maintenant à l’analogie en étudiant
l'inflorescence de l'Erythrochiton brasiliensis. Ici les pé-
doncules floraux, tout à fait distincts des feuilles, ne sont
pourtant pas axillaires : ils semblent plutôt tenir rang
dans la spire multiple des feuilles, caractère qui, joint à
leur forme anguleuse et même étroitement bi-marginée,
pourrait les faire comparer, dès l’abord, à Ja feuille flori-
fère de l’Erythrochiton hypophyllanthus, qu'on suppose-
rait réduite presque à la nervure médiane, par avortement
de sa portion membraneuse. Ce serait là pourtant un rap-
prochement inexact; car, tandis que les feuilles florifères
en question s'unissent à leur pétiole par un renflement
articulaire, rien de semblable n’existe dans les pédoncules
tout d’une pièce de l’Erythrochiton brasiliensis. Imaginons,
au contraire, que l’un de ces pédoneules contracte une
adhérence accidentelle avec le pétiole et la nervure mé-
diane d’une des feuilles qui lui sont superposées, n’au-
rous-nous pas là reproduit la structure habituelle et
normale de l’Erythrochiton hypophyllanthus ? Dans cette
hypothèse, au moins plausible, la feuille florifère de cette
dernière espèce serait adnée par son revers, non pas avec
le pédoncule que la loi d’aillarité des bourgeons semblerait
devoir lui donner pour acolyte, mais au pédoncule dévié de
l'aisselle de l'une des feuilles qui sont placées au-dessous
d'elle. Quant à l'existence d’une articulation très-marquée
répondant au pédoncule et directement continu au corps ligneux du pétiole,
puis deux latéraux, plus petits, produisant, par leur côté externe, les nervures
de la bractée et naïssant du premier au sommet du pétiole, si bien qu'il y a
dans ce dernier organe fusion anatomique des éléments pétiolaires propre-
ment dits et de ceux du pédoncule.
(1493 )
sur le tissu résultant de la fusion entre un pétiole et un
pédoneule, ce n’est là qu'une objection très-secondaire à
l'hypothèse proposée; car on sait de combien peu d’im-
portance sont les articulations dans l'explication de Ta va-
leur morphologique des organes.
NAUDINIA, gen. nov. (1).
Calyx cupuliformis , brevis, margine nunc regulariter trun-
cato, denticulis subulatis 5, longiusculis acuto nunc irrequla-
riter repande fisso, denticulis minüs abruple ortis. Corolle
pseudo-monopetalue infundibuliformi-tubulosae manifeste in-
curvae, tubo cylindraceo, tereli (non pentagono), in Vimbum
ventricoso, tubaeformem 5-fidum gradalim dilatato laciniis pa-
rum inaequalibus semi-lanceolatis, aestivatione induplicato-sub-
valvatis, subanthesi recurvo-patentibus. Stamina à petali alterna,
filamentis complanatis in tubum hypogynum corollue subconfor-
mem longe connatis, posticis 2 antheriferis, anticis 3 in ligulas
steriles petalis subaequilongas productis. Antherae 2, basifixae,
falcato-oblongae, loculis 2 linearibus, conneclivo crasso intus
adnatis, rimä long dehiscentibus. Diseus hypogynus, cupuli-
formis. Ovaria 5 columellae centrali circüm adnata, lateribus
inter se libera, unilocularia, ovulis 2, angulo interno affixa,
semi-superposita, pendula, hemitropa. Stylus unicus (e quinque
subapiculibus concretis) filiformis : sigma subcapitellatum , ob-
(1) Nous sommes heureux de pouvoir dédier ce genre de Diosmées à notre
excellent ami et confrère M. C. Naudin, connu dans la science botanique
surtout par ses intéressantes publications sur la famille des Mélastomées, et
dans le monde horticole par les spirituelles chroniques de l'Ancien jardinier
de Limorn.
!
( 494°)
soletè 5-lobum. Carpella 5, una saepius tantum fertili, columelli
basi pyramidatim dilatalae persistenti angulo interno tantum
adnata, demum plus minus soluta, lateralibus compressis antieë
cuneata, dorso carinalo demum ab apice dehiscentia, ecornuta,
mésocarpio sublignoso intus crasse reticulato-nervoso, endocar-
pio elastice solulo, cartilagineo, bivalvis. Semen abortu unicum
umbilico lato fenestrae membranaceae endocarpii peritrope af-
fizum, reniforme hemitropo-campylotropum , chalazà hilo lutivre
et ei subjectä, integumento duplici, exlerno crasse membranaceo,
castaneo, lucido, intus strato tenui cellulari (tegumime s. ovuli
membranà intern&) pallide viridi, adhaerente vestitum , internà
{albuminis laminâ) tenui, pellucido , inter embryonis rugas plus
mints intromisso. Embryonis ex albuminosi cotyledones con-
tortu-plicatae, exteriore interiorem magis corrugatam involvente,
radiculà cylindraceà hilo proxim&, intrà massam cotyledonarem
latente.
Frutex (v. arbor ?) novo-granatensis, sylvarum regionis eali-
dae incola , ramis teretibus, foliis alternis, umifoliolatis, foliolis
cum apice petioh 2-3 pollicaris articulatis subsessilibus oblongis
(3-7 poll. longis), basi acutiusculis, apice obtusiuseulo saepius
abruptè et breviter acuminatis , margine integro obsoletè repan-
dis, membranaceis, erebrè pellucidé punctatis, suprà (nervis
exceptis) glabrescentibus, subtüs, sieut ramulis, petiolis, rachi-
bus, pedicellis calyeibusque puberulis; stipulis o; eymis extra
axillaribus (peduneulo communi propter folium superiore et
laterali) petiolo paulo longioribus, pauci divisis, subracemifor-
mibus, 5-6 floris, peduneulo basi instar petioli, dilatatä intus-
que concavà cum ramo articulato; bracteolis parvis, caducis ;
pedicellis eirciter pollicaribus, basi articulatis, strictis; corollis
coccineis, sub lente pilosulis.
Species unica : Naudinia amabilis Planeh. et Lind. Has. Nou-
velle-Grenade, province d'Ocaña, forêts de la région chaude :
Schlim, n° 536, mai 1851.
(195)
DIOSMEAE $ ZANTHOXYLEA (4).
ZanrnoxyLoN ( Fagara $ Ochrochylum) camrnoraruu Nob, —
Glaberrimum, ramis aculealis (aculeis ruris brevibus crassis
curuulis sicut epidermide ramorum, nigrescentibus) ramulis iner-
mibus, foliis unifoliolatis cum petiolo ‘2-1 pollicari articulatis
oblongo-ellipticis (1 12-53 poll. longis) basi acutis apice acu-
minatis (acumine oblusiusculo saepius retuso) murgine leviter
répando subcrenatis rigide membranaceis reliculato-venosis, pä-
niculis thyrsoideis ad ramulorum apices sessilibus facie inflo-
rescentias Vitis viniferae referentibus, floribus (in specim. nostro
abortu masculis et polygamis) in paniculae ramis extremis sub-
umbellato-congestis parvis pedicellatis ; petalis 5 ovato-oblongis
calyce minuto multù longioribus demüm patentireflexis ; slami-
nibus 5 ereclis pelala superantibus, ovartis abortivis 5 qyno-
phoro glanduloso crasso impositis.
(1) J'extrais iei de mes notes quelques observations de synonymie rela-
tives à des genres et espèces appartenant à ce groupe ou qu'on y comprend
sans raison :
1° Le Grindelia trinervis Hook et Arnott n’est autre que le 7’alenzuelia
trinervis , Bertero, de la famille des Sapindacées ;
% L'Heterocladus caracasänus ; Turez., est, d’après la description, üne
éspèce de Coriaria ;
3% Le Boscia, Thunb. (4saphe, D. C. Duncania, Reichb.), si mal déerit
par son auteur, qui, probablement, aura mêlé dans un même prétendu
caractère générique les fleurs et fruits de plantes différentes, doit être rayé
des catalogues ; le Boscia undulala de la collection d'Ecklon et Zeyher
(qui s'accorde très-bien quant aux caracteres végétatifs avec la plante de
Thunberg, est une espèce de ’epris (l’epris undulata, Planch. MSS.), dont
je donnerai plus tard une description détaillée;
4 Le Zanthoæylon undulatum Fall (originaire de l'Ile de France et
cultivé dans le Jardin botanique de Calcutta) est également un Fepris,
peut-être identique avec le F’epris lanceolata (Toddalia lanceolata, Lamk.),
dont il ne différe que par ses folioles plus longuement atténuées à la base;
5 Le Zanthoxylon Sumac, Mac-Fagden, FL of Jamaica, est une
espèce de Brunellia (Brun. Sumac, Planch. in herb. Hook.)
( 196 )
Has. Venezuela, prov. de Carabobo, à San Esteban;
Funck et Schlim , n° 584. — Fleurs blanches, développées
en mai.
OssErv. [. — Espèce évidemment alliée au Zanthoxylon
ochroxæylum D. C., dont les feuilles sont décrites comme
ovales, au lieu qu'elles sont oblongues-elliptiques dans
notre plante.
Oserv. I. — Peut-être serait-il convenable, comme
penche à le croire M. Adr. de Jussieu (Monographie des
Rutacées), de réduire le genre Zanthoæylon aux espèces à
fleurs, apétales et à feuilles caduques, en rangeant toutes
les autres sous le genre Fagara. Dans ce cas, aux Zan-
thoxylon fraxineum, Wild., type primitif du genre, il
faudrait joindre les Zanthoæylon Bungei, Planch., MS.
(Z. nitidum, Bunge, non D. C.), alatum, Roxb. et hastile,
Wall. La première espèce étant des États-Unis, la seconde ”
le Chine et les deux autres de l'Himalaya, l'on voit que
l’analogie de distribution géographique corroborerait celle
de leurs caractères.
J'extrais également des notes prises lors de mon séjour chez sir W. Hooker,
la diagnose d'un Zanthoæylon (Fagara\ Pohiana), recueilli par Vogel à
Sierra-Leone, et qui se trouve omis dans le Wiger Flora de MM. Hooker et
Bentham.
Z. melanocantha, Planch., MMS. — Ramis inflorescentiisque pubes-
centibus, spinis stipularibus rectis patentibus nigris, foliis alternis
glaberrimis inormibus petiolo tereti supra sulcata foliolis cum imperi
bi-trigugis oppositis subsessilibus latè ellipticis (1 1/,-5 poll. longis) cus-
pidatis crenulatis basi subaequalibus rigidè membranaceis nitidis , pa-
nicula terminali foliis breviore, floribus (in specim. foemineis) 5-petalis ,
ovario unico, Sligmate minuto subsessili subapicali, baccd immaturà
subglobosa ovoïdea impresso-punciatd.
Has. Sierra Leone (Afric. occid. trop.) ’ogel in herb. Hook.
JE.
(197 )
Recherches sur les couleurs des végétaux; par M. Martens,
membre de l'Académie.
On sait que le règne végétal ne nous offre que trois cou-
leurs simples, le bleu, le jaune et le rouge, et qu'avec ces
trois couleurs la nature et l’art produisent toutes les autres,
qui ne sont ainsi que des couleurs mixtes ou composées,
formées par l’association des couleurs simples susdites,
réunies généralement deux à deux. La matière colorante
verte, si répandue dans le règne végétal, et propre à toutes
les parties herbacées, n’est pas une couleur simple, puis-
que le prisme la décompose en bleu et en jaune. On est,
d’après cela, tenté de se demander si la chlorophylle verte,
au lieu de former une matière colorante primitive ou défi-
nie, ne constituerait pas plutôt une matière complexe, et
ne serail pas formée de deux principes colorants distincts,
l’un bleu, l'autre jaune, qui, par leur mélange, constitue-
raient le vert. Cette idée est d'autant moins irrationnelle,
que le bleu et le jaune sont les couleurs fondamentales des
fleurs, et que c’est de ces principes colorants que dérivent
toutes les autres couleurs des parties pétaloïdes. Ainsi le
bleu passe au rouge par l’action des acides, et du mélange
de ce bleu avec le rouge, en proportion variable, résulte
toute une série de nuances ou de couleurs, que les bota-
nistes ont désignée, avec De Candolle, sous le nom de
série cyanique. Nous pouvons reproduire cette série arti-
liciellement , en ajoutant à la matière colorante bleue or-
dinaire des fleurs un acide faible en quantité d'abord mi-
nime, puis en augmentant progressivement la proportion
de l'acide jusqu’à ce que toute la matière bleue soit passée
au rouge. Nous pouvons de même imiter la série xanthique,
(198)
en ajoutant progressivement au jaune une matière colo-
rante rouge.
Il est plus que probable que la nature opère de la même
manière dans la production de cette multiplicité de cou-
leurs qui parent les fleurs vivantes (1). Rien n’est plus
commun , au reste, que de trouver, dans les plantes, une
matière colorante rouge, provenant du bleu par l'action
des acides. Telle est, entre autres, la couleur rouge qui
teint l’épiderme de la face postérieure des feuilles des
Begonia discolor et sanquinea. Cet épiderme, et surtout le
suc du parenchyme immédiatement contigu, ont une réac-
tion acide très-prononcée, et si on vient à saturer cet acide
par un aleali, la couleur rouge passe au bleu, pour rede-
venir rouge par l'action d'un acide.
Mais toutes les matières colorantes rouges, dans les
plantes, ne proviennent pas des substances bleues , rou-
gies par un acide. Il y en a qui procèdent du jaune par
l’oxygénalion ; c’est le rouge de la série æanthique. Ce
rouge, que les acides avivent ou rendent ordinairement
un peu plus intense, peut exister ou se former sans leur
intervention; il ne passe jamais au bleu par les alealis,
mais bien au jaune; et si, sur la couleur ainsi jaunie par
l'alcali, on verse un acide, le rouge se rétablit, à moins
que l’alcali n’ait été assez fort et son contact assez long-
temps prolongé, pour détruire la matière colorante. C'est
à cette deuxième espèce de rouge qu'il faut rattacher le
rouge des fléurs de carthame, celui du bois de santal,
celui des feuilles du Dracaena ferrea var. picta et de plu-
sieurs amarantacées, celui de la tige aplatie et foliacée
de l'Epiphyllum truncatum et des fleurs de cette plante.
(t) Notons cependant que les couleurs mixtes résultent aussi parfois d'une
superposition de cellules diversement colorées.
(199 )
Une solution de potasse fait passer ce rouge au jaune, et
non au bleu, comme dans le Begonia discolor ; mais dans
l'an et l’autre cas, la couleur rouge se rétablit par l’action
d'un acide.
On voit par là que la matière colorante rouge, dans les
feuilles, est loin d'être constamment la même, et qu'on
a eu tort de la désigner toujours par le même nom, celui
d’érytrophylle, qui semble indiquer une identité de nature.
La couleur rouge, qui se développe, à l'automne, dans
les feuilles de plusieurs plantes, appartient communément
à la serie cyanique ; telle est celle qui se manifeste sur les
feuilles de quelques fraisiers, du ÆRibes sanguineum, etc.
La couleur rouge, que prennent, au contraire, certaines
feuilles en hiver, à la suite du développement de la æan-
thophylle ou de la coloration jaune, appartient à la série
æanthique.
Si la matière colorante rouge varie en nature dans les
feuilles , elle varie également dans les fleurs, comme on
peut s'en assurer à l’aide des alcalis. Jamais le rouge de
la série cyanique ne peut passer au jaune, pas plus que
celui de la série œanthique ne saurait passer au bleu; ce
qui explique pourquoi telle fleur rouge bleuit facilement
par les alcalis, comme celle de certains Echium, tandis
que telle autre ne bleuit jamais, comme celle des Gesneria,
celle du carthame des teinturiers, etc.
C'est à tort que la généralité des botanistes ont con-
fondu les deux espèces de rouge qui existent dans les fleurs
et en ont fait une seule matière coloraute, appartenant,
comme ils disent, aux deux séries de couleurs. C’est cette
confusion qui a donné lieu à certaines méprises au sujet
des changements de couleur dans les fleurs. Ces change-
ments ne s'expliquant pas toujours en admettant que la
couleur rouge peut retourner indistinctement au bleu et
( 200 )
au jaune, on a été porté à nier la corrélation des couleurs
des fleurs d'après les séries cyanique et æanthique. I faut
noter encore que les deux colorations rouges, savoir le
rouge cyanique et le rouge xanthique, peuvent parfois
être mélées, aussi bien que le bleu et le jaune dont elles
dérivent, et qui, par leur réunion, produisent le vert. Or,
dans ce cas, il y aura de grandes anomalies dans les mu-
tations de couleur que pourra éprouver ce rouge mixte.
Ce sont ces anomalies qui ont fait repousser, par quel-
ques botanistes, les séries cyanique el xanthique, comme
n'ayant, suivant eux, aucune existence réelle dans les
plantes. Le célèbre Berzelius à parfaitement signalé la
nécessité, au point de vue chimique, d'admettre deux
espèces de matière colorante rouge dans les fleurs; ear il
avait reconnu que quelques fleurs présentent une matière
colorante rouge plus ou moins résineuse, très-soluble dans
l'alcool et peu soluble dans l'eau , tandis que d’autres fleurs
donnent une matière rouge très-soluble dans l'eau et peu
soluble dans l'alcool anhydre.
Quoiqu'il soit jusqu'ici presque impossible d'obtenir les
matières colorantes des fleurs à l’état de pureté, et que les
substances étrangères qui leur sont associées doivent influer
beaucoup sur leur solubilité, on peut admettre cependant
que le rouge de la série cyanique est généralement plus
soluble dans l'eau que celui de la série xanthique, parce
que le principe colorant bleu, dont il dérive par action
des acides, est très-soluble dans l’eau, tandis que la ma-
tière colorante jaune des fleurs ne nous offre ordinaire-
ment qu'une solubilité très-faible.
Si la couleur rouge, dans les plantes, peut constituer
quelquefois une couleur complexe, ou dériver en partie
du bleu et en partie du jaune, la couleur verte, dans les
(201 )
plantes, ne constitue jamais, d’après nous, une couleur
simple, mais toujours une couleur complexe, formée du
bleu et du jaune. C’est à tort que la plupart des botanistes
ont envisagé le vert, et entre autres celui de la chloro-
phylle, comme une couleur simple ou une matière colo-
rante définie, sui generis. Clamor Marquart avait supposé
que c'était d'elle que dérivaient toutes les autres couleurs
des plantes, savoir le bleu par déshydratation de la chloro-
phylle et le jaune par hydratation. Mais cette hypothèse,
nullement conforme aux réactions chimiques que présente
la chlorophylle, a été depuis longtemps abandonnée. Une
hypothèse infiniment plus rationnelle, c'est celle qui admet
dans la chlorophylle l'existence de deux matières colorantes
distinctes, l’une bleue, l’autre jaune, qui, par leur réunion,
doivent constituer la couleur verte. Ce qui vient à l'appui
de cette manière de voir, c'est que parmi les produits de
la décomposition de la chlorophylle, on voit souvent appa-
raître, d’après Mulder et Schleiden, des matières colorantes
bleues et jaunes, et même noirâtres, celles-ei n'étant, à la
vérité, que des substances d’un bleu très-foncé.
Si la chlorophylle verte renferme à la fois les deux prin-
cipes colorants bleu et jaune des fleurs, il faut admettre
que les cellules qui la produisent sont susceptibles de don-
ner naissance à ces deux principes colorants, et dès lors
il doit pouvoir se faire que ces deux couleurs se rencon-
trent quelquefois isolément dans les cellules du tissu her-
bacé, soit que la matière verte se soit décomposée, soit
que les circonstances n'aient pas été favorables à sa pro-
duction. Nous avons un exemple très-remarquable de cette
séparation des matières colorantes bleu et jaune, propres
à produire le vert, dans les feuilles des têtes de choux
rouges. On sait que ces feuilles ne renferment point de
( 202 )
granules verts ; mais, à leur place, on trouve, immédia-
tement au-dessous de l’épiderme, une couche celluleuse
très-mince, chargée d’une matière colorante bleue , qui est
faiblement rougie par un acide (1), et qui bleuit intensive-
ment par l'action des alcalis. Immédiatement au-dessous
de cette couche, qui semble, en quelque sorte, se confon-
dre avec l’épiderme, il existe une couche de cellules un
peu plus épaisse, d’un blanc jaunâtre pâle, qui jaunit
vivement par l’action des alcalis, surtout lorsque ceux-
ci sont employés en solution forte. Cette couleur jaune
passe au rouge écarlate le plus vif par l'action des acides,
tandis que la couleur pourpre de la couche celluleuse
superficielle des feuilles ne passe, par les acides, qu'au
rouge vineux. Comme les cellules qui jaunissent par les
alealis sont contiguës à celles qui bleuissent, on conçoit
que la réunion de ces deux couleurs doit donner nais-
sance au vert; Gt, en effet, quand on verse une solution
de potasse à la surface d’une feuille de chou rouge, dont
l’'épiderme à été préalablement entamé par la pointe d’un
canif, pour faciliter la pénétration du liquide alcalin dans
les cellules sous-épidermiques, on voit se former des ta-
ches vertes; mais ces taches sont manifestement bleuâtres
dans leur partie la plus externe ou la plus superficielle, et
jaunûtres là où elles se terminent dans le parenchyme de
la feuille; de sorte que le vert est ici évidemment le résul-
tat de deux matières colorantes distinetes. Ces matières
étant tontes deux solubles dans l'eau et dans l'alcool, on
conçoit qu'une infusion, soit aqueuse, soit alcoolique, des
(1) Cet acide est de l'acide carbonique; car un courant de vapeur d’eau
que j'ai fait passer à travers les feuilles rouges découpées, mises dans un
appareil distillatoire, a entraîné beaucoup d’acide carbonique ; et en même
temps la couleur des feuilles a passé au bleu.
(205)
feuilles de choux rouges doit verdir par les alealis et rou-
gir par les acides , comme l'expérience l’a constaté. Mais si
on ratisse les feuilles avec beaucoup de précaution, de ma-
nière à n'enlever que la pellicule superlicielle rougeûtre,
on peut, avec cette pellicule, obtenir une infusion qui ne
fasse que bleuir par les aicalis. D'autre part, en employant
les feuilles aiusi ratissées, elles ne font que jaunir par les
alcalis, de même que l’infusion que l'on prépare avec elles.
On peut d’ailleurs, en laissant macérer les feuilles rouges
intactes, pendant trois à cinq minutes seulement, dans de
l'alcool, obtenir une infusion d’un bleu pourpre très-pâle,
dont la couleur deviendra d’un beau bleu assez intense,
si on n'y verse qu'une goutte d’une faible solution de
potasse; car il faut peu d’alcali pour faire passer au bleu
franc la couleur pourpre de la surface des feuilles de chou
rouge ; et, comme la matière colorante jaune exige, pour
son développement, une solution alcaline plus forte, que,
d'autre part, elle n'aura pas eu le temps de se dissoudre
abondamment dans l'alcool pendant le peu de temps qu’aura
duré la macération, on conçoit que l’infusion alcoolique,
ainsi préparée et peu colorée, ne fera d’abord que bleuir
par l'addition de très-peu de potasse, et que sa couleur ne
passera au vert que lorsque la solution de potasse aura été
ajoutée en quantité plus considérable.
Quand on voit les feuilles de ehou rouge, à défaut de
chlorophylile verte, renfermer ainsi, daus les cellules voi-
sines du derme, des principes colorants qui, dans les
mêmes circonstances, ou sous l'influence des alcalis, peu-
vent se transformer en matières colorantes bieue et jaune,
et former par leur réunion du vert, on est bien tenté d’ad-
mettre que la couleur verte de la chlorophylile est due à
deux principes colorants analogues.
Il ne résulte évidemment pas de là que l’infusion alcoo-
( 204 )
lique verte de la chlorophylle doive se comporter en tout
comme celle des choux rouges verdie par un alcali; car
les matières colorantes, dans la chlorophylle globulaire,
comme aussi dans les feuilles de chou, sont toujours
associées à d'autres principes organiques qui augmentent
ou diminuent leur altérabilité, et qui peuvent modifier
leurs caractères chimiques. Ainsi, la matière colorante
jaune de la chlorophylle, qui ne paraît être autre que la
xanthophylle colorant en jaune les feuilles automnales,
est Loujours associée à un principe gras ou résineux, qui
la rend beaucoup moins soluble dans l’eau et beaucoup
moins altérable que la matière jaunâtre des feuilles du
chou ronge.
C'est parce que les matières colorantes bleues, dans les
plantes, sont généralement plus altérables que les matières
Jaunes, qu'on peut s'expliquer pourquoi la chlorophylle,
lorsqu'elle commence à s’altérer ou à se décomposer sous
l'influence de la lumière, contracte d'abord une couleur
Jaune: c'est ce qui arrive même avec les solutions alcooli-
ques vertes obtenues par macération des parties herbacées
des plantes. On explique de même la coloration jaune que
contractent les feuilles de nos arbres, lorsque la vie y
languit en automne ou est près de s'éteindre. La partie
bleue de la chlorophylle se décomposant alors la première,
le jaune doit devenir prédominant, et on voit manifeste-
ment au microscope que, dans les feuilles automnales
jaunies, les granules verts de chlorophylle sont devenus
jaunes. Rien n'empêche donc que nous considérions la
xanthophylle comme une substance analogue au principe
colorant jaune de la chlorophylile, et sa nature grasse,
constatée par Berzelius, peut provenir de son association
avec le principe gras que l’on rencontre toujours dans la
chlorophylle.
( 205 )
Quant à la coloration rouge que contractent certaines
feuilles à l'automne. elle paraît encore trouver son point
de départ dans la chlorophylle; car ces feuilles rouges
offrent souvent une réaction acide. Or, il est possible que
cet acide se soit développé avant la destruction de la ma-
tière colorante bleue de la chlorophylle, ou pendant que
les cellules chlorophyllifères peuvent encore produire de
la matière bleue; dans ce cas, celle-ci rougira par sa com-
binaison avec l'acide et elle deviendra en même temps plus
stable : car il est facile de constater que la matière bleue
des fleurs, qui a été rougie par un acide, est beaucoup
moins altérable que lorsqu'elle n’est pas combinée à cet
acide. On peut donc considérer la couleur rouge des feuilles
autompnales comme constituant le plus souvent du rouge
cyanique; aussi le rouge de la plupart de ces feuilles passe
au bleu par les alcalis, et quelquefois aussi au vert; ce qui
a lieu quand la feuille contient en même temps encore de
la xanthophylle ou de la matière jaune, qui, avec le bleu
susdit, donnera le vert.
[ne faut pas conclure de ce qui précède que le rouge,
dans les feuilles automnales, soit constamment du rouge
éyanique; car ces feuilles, et surtout les feuilles hivernales,
peuvent évidemment aussi renfermer du rouge xanthique
provenant du jaune de la chlorophylle ou de la feuille,
sans aucune intervention de substances acides. Il n'est pas
rare de trouver en hiver, sur certaines plantes, des feuilles
jaunes qui renferment, à côté de la xanthophylle, un peu
de suc rouge nullement acide. C'est ce que j'ai remarqué,
entre autres, dans les feuilles jaunes qui tombent en hiver
des orangers. Lorsqu'après avoir découpé ces feuilles, on
les laisse macérer dans l’éther, elles cèdent à ce dernier
leur matière jaune ou la xanthophylle, et au-dessous de
l'éther fortement coloré en jaune, on trouve une petite
( 206 )
couche d’un liquide aqueux, d’un rouge fauve, jaunissant
fortement par les alcalis et rougissant faiblement par les
acides.
L’érytrophylle, ou le principe colorant rouge des feuilles,
n'est donc pas toujours de même nature, comme on à eu Lort
de l’avancer; mais il existe généralement dans les feuilles
à l'état soluble ou de suc aqueux. Celui qui S'y développe
postérieurement à la xanthophylle, comme dans plusieurs
feuilles hivernales de plantes de pleine terre, qui, quoique
jaunes, restent souvent encore longtemps attachées aux
tiges lorsque l'hiver est doux, semble provenir d’une alté-
ration de la xanthophylle, probablement de son oxygéna-
tion, el appartient toujours alors à la série xanthique.
C'est ce que j'ai reconnu en laissant macérer ces feuilles
hivernales dans l'éther, qui, tout en dissolvant là xantho-
phylle, exprime des feuilles un peu de suc d'un rouge fauve
qui s’amasse au fond de ce liquide, n'offre aucune réaction
acide, jaunit par les alcalis, et rougit de nouveau plus ou
moins par les acides. Ce rouge xanthique m'a paru aussi
être tant soit peu soluble dans l'éther; car l’évaporation de
la teinture éthérée obtenue avec des feuilles jaunes qui,
par un long séjour à l'air, ont un peu rougi, laisse toujours
up résidu d’un jaune plus ou moins rougeàtre.
Toutes les fois que les feuilles prennent une couleur dif-
férente du vert, la chlorophylle verte y diminue notable-
ment, sans devenir absolument nulle, ainsi que cela a lieu
dans les choux rouges. J'ai laissé macérer dans l'éther des
feuilles d’une variété de chou erépu à couleur rose pâle, et
j'ai obtenu au bout de vingt-quatre heures une teinture
éthérée d’un jaune verdàtre , surnageant un sue de couleur
rosée, neutre aux papiers réactifs, jaunissant vivement par
les alcalis et redevenant rouge par les acides. Ici la matière
colorante bleue qu’on trouve dans les choux rouges man-
( 207 )
que complétement; on n’y trouve que le principe colorant
jaune, offrant absolument les mêmes réactions que dans
le chou rouge. Quant à la teinture éthérée, sa couleur
annonçait que les feuilles employées n'étaient pas entière-
ment dépourvues de chlorophylle; aussi son évaporation
a laissé un léger résidu de chlorophylle mêlée avec de la
matière jaune. Une infusion aqueuse des feuilles de ce
chou rose m'a donné un liquide incolore, jaunissant par
les alcalis, au lieu de vérdir comme l’infusion du chou
rouge ordinaire,
La présence du principe colorant jaune sans le principe
colorant bleu, dans les feuilles susdites, m'avait fait espérer
que d’autres feuilles pourraient présenter le principe bleu
sans le jaune. Dans ce but, j'ai fait macérer dans l'éther les
pédoneules et les bractées d’un beau bleu de ciel de certains
Eryngium, et entre autres de l’Eryngium Leavenworthiüi ;
mais au bout de vingt-quatre heures, je n’ai obtenu qu’une
teinture éthérée d’un jaune verdâtre, dont l'évaporation ne
m'a fourni d'autre résidu qu’un peu de chlorophylle mêlée
au principe colorant jaunâtre propre aux feuilles de chou
rouge, principe qui brunit par l'acide sulfurique concen-
tré, jaunit par les alcalis et se dissout facilement dans
l’eau. Aucune trace de la matière colorante bleue ne s’est
manifestée, sans doute parce que cette matière, lorsqu'elle
rest pas unie à un acide, se détruit de suite dans l’éther,
comme on peut s'en assurer avec toutes les fleurs bleues.
D'ailleurs , le bleu, dans les bractées des Eryngium, est
accompagné d'une telle quantité de la matière organique
susceptible de jaunir fortement par les alcalis, qu’une in-
fusion aqueuse de ces bractées jaunit par la potasse au lieu
de verdir.
Tous les phénomènes de coloration des feuilles s'expli-
TOME xx. — ]"° PART. 14
( 208 )
quent parfaitement en admettant que la chlorophylle ren-
ferme deux matières colorantes différentes, l’une bleue,
l'autre jaune, et que ces matières colorantes peuvent par-
fois se former séparément dans des cellules distinctes.
Dans ce système, les variations de teinte que la partie
verte offre dans diverses plantes et à diverses époques de
la vie de celles-ci, variations que Schleiden a attribuées
au mélange de la chlorophylle avec les matières bleue et
jaune , qui peuvent provenir, dit-il, de sa décomposition,
pourront être attribuées plutôt aux changements dans la
proportion suivant laquelle le bleu et le jaune sont associés
dans la chlorophylle. Les panachures jaunes de certaines
feuilles, comme dans l’Ilex aquifolium foliis variegatis,
dans l’Aucuba japonica, proviennent de ce que certaines
cellules ne renferment que la matière jaune de la chloro-
phylle.
J'ai fait macérer dans de l'éther les parties jaunes des
feuilles d'un Rhamnus alaternus, foliis luteo-variegatis,
et au bout de 48 heures, j'ai obtenu une teinture éthérée
jaune, qui, par l’évaporation , a donné un résidu de matière
jaunâtre , offrant toutes les réactions de la xanthophylle;
elle prenait une couleur jaune plus foncée par une solu-
tion de potasse, et devenait brune par le contact de l'acide
sulfurique concentré. |
Les variations de teinte dans la chlorophylle doivent être
d'autant plus marquées que cette substance semble même
se décomposer pendant la vie de la plante. « La chloro-
» phylle, dit Berzelius(1), se détruit continuellement; mais
» les plantes conservent leur couleur verte, parce qu’elle
(1) Rapport annuel sur les progrès de la chimie, édition française,
6° année, p. 244.
( 209 )
se réforme incessamment. C'est pour cette raison que
les plantes perdent leur couleur verte dans les rayons
qui ne peuvent pas engendrer la chlorophylle, et elles
se décolorent d'autant plus vite que les rayons qui leur
arrivent possèdent cette propriété à un moindre degré.
Par conséquent, une plante verte se décolore quand on
l’expose pendant longtemps à la lumière bleue pure,
bien que celle-ci ne soit pas tout à fait dépourvue de la
faculté de produire de la chlorophylle. Elles se décolo-
rent encore plus vite dans la lumière rouge et dans la
lumière violette. »
Le principe colorant bleu semble prédominer souvent
sur le principe jaune dans la chlorophylle récemment for-
mée, et cela d'autant plus que sa couleur est généralement
beaucoup plus foncée que celle du principe jaune. De là la
teinte bleuâtre de beaucoup de feuilles jeunes, qui, en
vieillissant, verdissent davantage, et finissent enfin par
devenir jaunâtres, lorsque ja matière colorante jaune est
devenue prédominante sur la matière bleue. Celle-ci se
décompose toujours la première sous l'influence de la lu-
mière ; aussi dans les plantes qui croissent à l'abri de la
lumière , les feuilles tombent, d’après Meyen, avec leur
couleur verte.
Il résulte de ce que nous venons de dire que la ma-
tière colorante jaune des feuilles automnales, qu'on a
appelée xanthophylle, existerait toute formée dans la chlo-
rophylle; c’est en effet ce que l’expérience tend à prouver,
La xanthophylle offre tous les caractères de solubilité de
la chlorophylle; elle est, comme elle, soluble dans l’al-
cool , dans l’éther, et insoluble dans l’eau; elle est aussi
associée à un principe gras comme l’a reconnu Berzelius.
On peut l’extraire des feuilles avec la même facilité et à
l’aide des mêmes dissolvants que la matière colorante verte;
ER 0 A EE |
(20)
et une solution alcoolique ou éthérée de cette dernière,
qui à jauni par une exposition suffisamment prolongée à la
lumière, se comporte, avec les divers réactifs, de la même
manière qu'une solution alcoolique ou éthérée jaune, ob-
tenue en laissant macérer, pendant un ou deux jours dans
l'alcool ou dans l’éther, des feuilles jaunes automnales,
recueillies peu de temps avant ou après leur chute des
arbres. L’une et l’autre de ces solutions évaporées laissent
un résidu jaunâtre analogue, que l'acide sulfurique con-
centré brunit fortement. En contact avec les alcalis, ce
même résidu gagne une couleur jauné plus foncée. En
tout cas, la réaction est la même, soit qu’on opère sur la
xanthophylle extraite des feuilles jaunes automnales , soit
qu'on opère sur le résidu d’ane solution alcoolique verte
de chlorophylle, qu’on a laissée jaunir à la lumière avant
de l’évaporer. Il est donc permis de croire que le jaune des
feuilles automnales n’est que de la chlorophylle altérée
sous l'influence de la lumière et de l'air; cette opinion à
déjà été mise en avant dans le Dictionnaire de chimie de
-MM. Liebig et Poggendorif, parce qu’on avait reconnu que
lorsqu'une solution verte de chlorophylle dans l’éther est
dévenue jaune au bout de quelque temps, et qu’on l’éva-
pore dans cet élat, elle ne donne pour résidu que de la
xanthophylle, sans aucun mélange de chlorophylle (1).
Tous ces phénomènes se conçoivent aisément en ad-
mettant que la chlorophylle ne diffère de là xanthophylle
que parce qu'indépendamment de cette dernière , elle ren:
ferme en même temps un principe colorant bleu, analogue
à celui qui teint les fleurs en bleu et qu'on rencontre
aussi dans les choux rouges. Or, on sait que cette matière
(1) Liebig, Æandworterbuch def Chimie, t. T, p. 805.
(211)
bleue , lorsqu'elle est en dissolution dans l’eau, se décolore
très- vite sous l'influence de la lumière et de l'air, comme
aussi en présence de l'hydrogène naissant. Par la même
raison , la chlorophylle, lorsqu'elle est à l’état de dissolu-
tion, jaunit vite à la lumière. Elle jaunit surtout très-vite
sous l'influence de l'hydrogène naissant. Que l’on prenne
une solution verte de chlorophylle dans de l'acide chlorhy-
drogène légèrement dilué, que l’on y plonge des lames de
zinc et qu'on abrite le liquide autant que possible de
l'accès de l'oxygène en ne le faisant communiquer avec
l'air que par un orifice étroit, donnant passage à l’hydro-
gène qui sedégage, on verra le liquide jaunir promptement.
L'association, dans la chlorophylle, d'un principe co-
lorant bleu à une matière colorante jaune, dans la pro-
portion nécessaire pour former du vert, ne doit aucunement
nous surprendre; car cette réunion des deux couleurs
existe jusqu'à un certain point dans beaucoup de fleurs
bleues, où , à côté de la matière bleue, se trouve, comme
dans les feuilles du chou rouge, tant soit peu d’un sue
jauvâtre-pâle, jaunissant fortement par les alealis, qui
verdissent pour cette raison les fleurs en question, On
peut facilement constater l'exactitude de ce que je viens de
dire en laissant macérer dans l’éther les belles fleurs
bleues de l'Eranthemun strictum. Ces fleurs perdent leur
couleur bleue dans l’éther en moins de deux heurés et
prennent une couleur d’un jaune-pâle sale; elles commu-
niquent aussi à l’éther une teinte jaunâtre, surtout après
vingt-quatre heures de macération, et lorsqu'on vient en-
suile à évaporer ce liquide, on obtient un résidu jaunâtre
extractiforme, qui jaunit fortement par les alcalis et est
soluble dans l'alcool et dans l’eau.
S'il y a beaucoup de rapports entre le principe colorant
bleu des fleurs et celui qui se trouve dans les feuilles du
(9242 }
chou rouge ou dans la chlorophylle verte, il y à également
une grande analogie entre la xanthophylle et la matière
jaune de la plupart des fleurs, telle que celle des narcisses,
celle des sépales des Strelitzia, etc. Toutes ces matières
colorantes jaunes sont presque insolubles dans l’eau, mais
solubles dans l'alcool et dans l’éther, qu’elles teignent en
jaune. Toutes peuvent passer au rouge ou donner naïis-
sance à une matière colorante rouge, sous l'influence de
l'oxygène ou des agents atmosphériques : ainsi on ren-
contre plus d’une fois des feuilles jaunes automnales qui,
à mesure que l'hiver avance, finissent par contracter une
teinte rougeâtre, surtout si les gelées précoces ne vien-
nent pas les détruire de bonne heure. Or, dans ce cas, ces
feuilles, qui, recueillies en automne et macérées dans l’é-
ther, n'auraient donné qu'une solution éthérée jaune de
xanthophylle sans aucune substance rouge; recueillies, au
contraire, à la fin de décembre et mises en macération
dans l’éther , elles laissent échapper un peu de suc rouge
qui se dépose au fond de l’éther, pendant que celui-ei dis-
sout la xanthophylle. Ce suc rouge n’est pas acide comme
celui des feuilles qui renferment du rouge d’origine cya-
nique, et les alcalis, au lieu de le bleuir, le jaunissent
fortement; tandis que les acides le font retourner au
rouge, mais sans le rougir très-vivement. J'ai constaté
surtout ces phénomènes avec des feuilles jaunes d’oran-
gers recueillies à la fin de décembre, comme aussi avec
des feuilles jaunes de plusieurs plantes herbacées com-
munes, croissant en pleine terre, et recueillies au com-
mencement de janvier 4853. Le peu de suc rouge que
léther expulse de ces feuilles m'a offert exactement les
mêmes réactions que le suc rouge plus abondant, exprimé
par ce liquide des feuilles rougeàtres du Dracaena ferrea.
Il résulte de là que l’érytrophylle qui se développe tar-
( 215 )
divement dans beaucoup de feuilles jaunes, après que toute
la chlorophylle s’y est déjà transformée en xanthophylle,
provient de celle-ci, sans doute par quelque altération
chimique, tandis que l’érytrophylle, qui se développe de
bonne heure en automne eu même temps que la xantho-
phylle, parait provenir de l’anthocyane ou du bleu de la
chlorophylle, rougi par un acide; elle est donc d’origine
cyanique, tandis que l’autre appartient à la série xanthique.
Le rouge de la plupart des fleurs procède du jaune ou
appartient à la série xanthique; il diffère de l'anthoxan-
tine par sa solubilité dans l’eau et son peu de solubilité
dans l'éther. Aussi se sépare-t-il facilement de la matière
jaune au moyen de l’éther dans'lequel on laisse macérer les
fleurs rouges. Si on tient, par exemple, des fleurs rouges de
Gesneria immergées dans l'éther, celui-ei dissout un peu
de matière colorante jaune pendant qu’il déplace des fleurs
plus ou moins de suc aqueux rouge, devenant d’un jaune
brun par les alcalis et retournant au rouge par les acides.
Le liquide éthéré évaporé laisse une matière jaune, deve-
nant brune par l'acide sulfurique concentré, à l'instar de
la xanthophyile.
En opérant de la même manière avec des fleurs rouge
foncé du Camellia japonica, j'ai obtenu, au bout de deux
heures de macération dans l’éther, un liquide éthéré jau-
nâtre, du fond duquel se trouvait un suc aqueux rouge,
qui verdissait par les alcalis et retournait au rouge vif par
les acides. Ce suc renfermait donc, outre le rouge xan-
thique, jaunissant par les alcalis, un peu de rouge cya-
nique, que les alcalis bleuissent; d’où la coloration verte.
Mais telle est l'altérabilité de ce rouge cyanique en pré-
sence de l’éther, qu'au bout de vingt-quatre heures de
séjour du suc rouge sous l'éther, sa couleur a pris une
teinte fauve, et alors les alcalis ne font plus que le jaunir
(24 )
et les acides ne le rougissent plus aussi vivement. C’est
que rien n’est aussi altérable dans l’éther que le bleu des
fleurs, ou l'anthocyane; aussi les fleurs bleues se décolorent
dans l’éther au bout de deux à quatre heures, avec destrue-
tion complète de leur matière colorante bleue.
Comme le jaune passe facilement au rouge par l'oxygé-
nation, on conçoit qu'il y aura peu de fleurs jaunes, de
celles au moins dont la durée n'est pas éphémère, où le
jaune ne soit plus ou moins mêlé de rouge, vu surtout que,
dans la corolle, il se fait un travail continuel d'oxygéna-
tion. L'expérience confirme cette déduction de la théorie.
Ayant laissé macérer dans l’éther des fleurs ligulées inten-
sivement jaunes du Chrysanthemum coronarium , j'ai eb-
tenu, au bout de vingt-quatre heures, une solution d’un
jaune intense; mais, à ma grande surprise, je vis au fond
de l'éther un peu de sue oléagineux d’un rouge fauve, quoi-
que les fleurs n’offrissent pas la moindre teinte rougeûtre,
Ce suc était neutre, prenait une couleur jaune frane par
les alcalis et ne retournait que faiblement au rouge par
les acides. C'était évidemment du rouge xanthique. Quant
au liquide éthéré, il laissait, après évaporation, un résidu
jaune, semblable à la xanthophylle extraite par l’éther des
feuilles jaunes automnales et offrant absolument les mêmes
réactions que cette, dernière, tant avec l'acide sulfurique
concentré, qu'avec les solutions alcalines et les acides
dilués.
En laissant macérer dans l’éther des fleurs ligulées frai-
ches du Chrysanthemum indicum à couleur d'un jaune
fauve Lirant sur le rouge, j'ai obtenu, au fond de l’éther,
beaucoup de suc aqueux d’un rouge fauve, neutre aux
papiers réactifs, prenant une couleur jaune intense par les
alcalis et retournant au rouge par les acides. Ici la matière
colorante jaune de la fleur était passée, pour la majeure
(25)
partié, au rouge ; aussi l’éther n’était que faiblement coloré
en jaune et n’a donné, par l’évaporation , que très-peu de
résidu jaune, du reste identique avec celui obtenu du
Chrysanthemum coronarium.
J'ai aussi laissé macérer dans l’éther les sépales jaune
orangé des fleurs du Strelitzia. On obtient encore ici une
teinture éthérée jaune, qui, évaporée, laisse un résidu
jaune un peu rougeàtre, neutre aux papiers réactifs et ne
changeant pas notablement de couleur, ni par les alcalis,
ni par les acides faibles; mais par l’addition d’un peu
d'acide sulfurique concentré, il a pris une belle couleur
bleue, qui passait de nouveau au jaune, soit par les al-
calis, soit par l'addition d’un peu d’éther.
Cette coloration bleue différencie la matière jaune de la
fleur de Strelitzia de celle des fleurs de Chrysanthemum ,
comme aussi de la xanthophylle. Toutefois, il ne faudrait
pas en déduire qu’elle constitue une matière colorante
entièrement distincte de celle-ci; car on sait que la chlo-
rophylle, par la xanthophylle qu'elle renferme, donne,
en se dissolvant dans l'acide sulfurique monohydraté,
une liqueur d'un vert bleuâtre intense. La xanthophylle
semble donc aussi avoir la propriété de bleuir dans cer-
taines circonstances par l'acide sulfurique concentré, et
c’est de cette propriété que Clamor Marquart avait déduit
la conséquence que le bleu des fleurs ou l’anthocyane ré-
sultait de la déshydratation de la matière jaune ou antho-
æantine ; et, par conséquent, aussi de celle de la chloro-
phylle dans laquelle on peut supposer que l'anthoxantine
existe toute formée.
Mais cette opinion, qui tendrait à faire dériver du jaune
toutes les couleurs des fleurs, a été abandonnée avec rai-
son, parce que Marquart n’a pas prouvé que l'acide sul-
furique concentré agit sur l’anthoxantine par déshydrata-
(216 )
tion. A celte raison, par laquelle Schleiden combat la théo-
rie de Marquart, on peut en ajouter d’autres, bien plus
coneluantes. S'il était vrai que le principe colorant bleu
des fleurs n’était que de l’anthoxantine déshydratée, il ne
contiendrait jamais de l'azote dans sa composition, puis-
que cet élément n’a été rencontré jusqu'ici ni dans la ma-
tière jaune des fleurs, ni dans celle des feuilles automnales
ou xanthophyile. Au contraire, la matière bleue des fleurs
est toujours azotée. C’est ce qui a été constaté surtout
par M. Morot (1) sur les fleurs de bluets, dont l’éther, tout
en dissolvant une matière jaune qui est de nature grasse
ou cireuse, déplace une liqueur d’un bleu superbe, se ras-
semblant au fond de l’éther et qui est azotée. J'ai aussi
rencontré de l'azote dans la matière bleue que Péther dé-
place des feuilles de chou rouge sous la forme d’un suc
pourpre où bleu rougetre. Ce sue, dans lequel j'avais con-
staté préalablement l'absence de l’albumine, concentré au
bain-marie et additionné ensuite de chaux vive, laisse dé-
gager un peu d’ammoniaque.
Ce qui montre d’ailleurs, d’une manière péremptoire,
que la substance bleue, que l’on obtient par l’action de
l'acide sulfurique concentré sur la matière jaune extraite
par l’éther des sépales de Strelitzia, n’est pas de l'antho-
cyane, ou le bleu ordinaire des fleurs, c’est qu’elle ne rougit
pas par les acides et qu’elle passe au jaune par les alealis
les plus faibles. L’addition seule de l’eau suffit, au reste,
pour la décolorer en peu de temps. Ce n’est donc qu'un
produit de décomposition de la matière colorante jaune,
qui lui-même est très-altérable.
Quoi qu’il en soit, la matière colorante jaune n'offre pas
(1) Annales des sciences naturelles , année 1849, p. 225.
(27)
dans toutes les fleurs absolument les mêmes caractères.
Celle des fleurs de carthame est bien plus soluble dans
l'eau que celle de la plupart des autres fleurs jaunes et
aussi que la xanthophylle. Mais ceci provient probable-
ment de ce qu'elle n’est pas associée toujours au principe
gras que l'on a rencontré dans la xanthophylle et dans le
jaune des fleurs de narcisses. Il ne serait pas surprenant,
du reste, que lorsque la matière jaune de la chlorophylle
est exposée dans la corolle à l’action comburante de l’oxy-
gène continuellement absorbé par cet organe, elle ne perdit
souvent le principe gras auquel elle est associée, parce
que c’est sur ce principe que l'oxygène portera principale-
ment son aclion.
Comme le bleu et le jaune constituent les couleurs
fondamentales des fleurs, que celles-ci ne se forment gé-
néralement qu'après les feuilles, c’est-à-dire après la chlo-
rophylle, qu’elles commencent même par être vertes dans
le bouton, il ne serait pas impossible que leur coloration
eût son point de départ dans la chlorophylie, ou qu’elle
provini de sa décomposition (1); ce qui expliquerait pour-
quoi , en étiolant par l'absence de lumière les feuilles qui
sont dans le voisinage d’un bouton à fleur, on nuit à
l'éclat et à la vivacité de la couleur de celle-ci.
Il est possible , au reste, que les couleurs si vives que
les corolles nous offrent résultent de l'oxygénation qu'y
subissent des principes organiques, peu ou point colorés
au moment de leur formation, et qui proviennent des
mêmes cellules que celles qui sont capables de produire
(1) Nous savons, depuis les travaux de Mulder sur la chlorophylle, que
cette substance, dissoute dans l'acide chlorhydrique, se laisse décomposer en
une matière jaune qui se précipite et en une substance bleue qui reste dis-
soute. (Morot, /nnales des sciences naturelles, 1849, p. 164.)
(28)
de la chlorophylle dans des circonstances déterminées. La
chimie nous a démontré, en effet, qu’une foule de matières
colorantes ne se forment que par l’action de l'oxygène sur
certains principes organiques, souvent incolores par eux-
mêmes ; et comme dans les corolles il y a une absorption
continuelle d'oxygène, il est probable que ce gaz coheourt
à produire leur coloration. Nous connaissons la belle ex-
périence de M. Preisser, qui a plongé dans de l’eau bleuie
par l'acide sulfo-indigotique (sulfate d’indigo) une balsa-
mine avec ses racines , et a reconnu que la plante, tout en
absorbant le liquide, ne devenait pas bleue, mais que les
fleurs devenaient bleues : de sorte qu’il fallait admettre
que l’indigo avait été décoloré dans les organes de nutri-
tion de la plante par désoxygénation, et que, sous l’in-
fluence oxydante de la corolle, il avait repris sa couleur
bleue.
Il se pourrait donc que les fleurs reçussent des parties
herbacées des substances qui, quoique peu ou point colo-
rées dans Je lieu de leur origine, se transforment en ma-
tières colorantes très-vives lors de leur oxygénation dans
la corolle. Ainsi le chou rouge, dont les fleurs sont jaunes,
pourrait bien puiser la couleur de ces dernières dans le
suc jaunâtre à peine coloré qui se tronve dans la couche
cellulaire immédiatement sous-jacente à la mince couche
sous-épidermique gorgée d'un suc pourpre ou rouge, don-
nant sa couleur aux feuilles de la plante.
Comme les couleurs fondamentales, bleue et jaune,
existent réunies dans la chlorophylle et, par suite, dans les
feuilles, on conçoit qu’elles peuvent l'être également dans
la corolle : cependant cette coexistence n’a pas souvent
lieu, du moins dans la proportion propre à produire le
vert. En général, l’une des deux couleurs prédomine, et
c'est le plus souvent la couleur jaune, parce qu'elle est
(2419)
beaucoup moins altérable que la couleur bleue. Aussi
celle-ci ne sé rencontre guère que dans les plantes qui äi-
ment une exposition ombragée, parce que la vive lumière
détruit le bleu. Par la même raison, on louve plus de
fleurs appartenant à la série xanthique qu'à la série cya-
nique, et la couleur rouge des fleurs dérive ordinairement
du jaune et non du bleu, comme il est facile de s’en as-
surer à l’aide des alcalis, qui font passer au bleu le rouge
cyanique et plus où moins au jaune le rouge xanthique.
Aussi quand les deux rouges sont mêlés dans une fleur , ce
qui ne m'a pas paru fort rare, la corolle verdit plus ou
moins sous l'influence des alcalis. Cette réunion des deux
espèces de rouge existe à un certain degré dans la fleur des
Hortensia, qui, à raison du rouge cyanique, peut passer au
bleu dans la culture; mais qui, par les alcalis, ne donne
jamais du bleu pur. Elle existe aussi dans quelques variétés
du Chrysanthemum indicum à fleur purpurine ou d’un
rouge violacé. Ces fleurs se colorent en bleu verdâtre dans
les solutions alcalines. Il n’est pas inutile de faire ob-
server ici que celles-ci ne doivent jamais être trop fortes
ou concentrées lorsqu'on les emploie pour constater la
nature d’une couleur rouge des plantes; car une forte so-
lution de potasse altère ordinairement le principe colorant
bleu en le jaunissant ; de sorte qu’une solution concentrée
de potasse, au lieu de bleuir le rouge cyanique, peut lui
donner uue teinte jaunâtre. C’est surtout en opérant sur
les fleurs, que cet inconvénient est à craindre. Il est moins
marqué quand on opère sur des feuilles, parce que leur
épiderme étant plus épais ou moins perméable aux liquides
du dehors, ne laisse pénétrer ceux-ci que fort lentement
dans le parenchyme sous-jacent où se trouve le principe
rouge.
Il importe donc, pour ne pas confondre le rouge eya-
( 220 )
nique avec le rouge xanthique, de ne faire agir générale-
ment sur le premier que les alcalis à faible dose. Pour s’en
convaincre, il suffit d'opérer avec une infusion aqueuse de
chou rouge, qui, comme on sait, contient du rouge cya-
nique plus on moins bleuâtre, associé à un principe
organique susceptible de se colorer en jaune foncé par les
alcalis. Cette infusion devient d'un beau vert quand on
n'y verse que peu de potasse, par les raisons déjà exposées
plus haut; mais si on y verse une quantité très-forte de
potasse, la couleur devient jaunâtre. Le principe bleu est
alors entièrement masqué ou jauni par l'excès de potasse ;
mais en enlevant cet excès par un acide, on peut ramener
la couleur au vert (1).
Le rouge cyanique se distingue encore du rouge xan-
thique, parce que le premier offre une réaction plus ou
moins acide, qui manque ordinairement dans le rouge
xanthique.
Comme les matières bleues végétales sont généralement
azotées, ce qui n’est pas le cas pour les matières jaunes, on
(1) Il est d'autant plus important de n’employer qu'une faible solution
alcaline pour constater la nature du rouge cyanique, que, si l’on extrait le
principe colorant bleu de certaines fleurs, en les faisant macérer pendant
quelques jours avec de l'alcool à 50 degrés centésimaux, et qu’on évapore
ensuite au bain-marie le liquide alcoolique, on obtient une matière bleue
extractiforme qui rougit par les acides et jaunit par les alcalis. Si on emploie
ces derniers en quantité assez minime pour ne jaunir qu'une partie de la
matière extractive, on obtient alors du vert par le mélange du jaune et du
bleu. Ces caractères sont les mêmes que ceux que nous offre la matière colo-
rante des feuilles de chou rouge ; nouvelle preuve de l'identité du bleu des
fleurs avec celui des parties foliacées. Au reste, si le bleu de la plupart des
fleurs, extrait par l'alcool, jaunit fortement par la potasse, cela peut tenir à
ce qu'il est généralement accompagné, comme dans les feuilles de chou
rouge, d’un principe organique d'un jaune très-päle, qui se colore en jaune
foncé au contact des alcalis.
(221 )
peut expliquer ainsi la plus grande altérabilité des pre-
mières, surtout en présence des alcalis forts, qui tendent
à les décomposer avec dégagement d'ammoniaque. D'après
cela, la présence d’un acide, tout en les rougissant, doit
les rendre plus stables. Aussi le rouge cyanique est une
couleur assez fixe, comme on l’observe sur les feuilles du
Begonia sanguinea , sur celles du Lobelia ignea Paxton.
Dans les feuilles rouges automnales, et dans celles
presque entièrement rouges du Lobelia ignea, 11 existe en-
core de la xanthophylle ou de la matière jaune. Aussi en
plongeant ces feuilles dans une solution de potasse pas
trop forte, on les voit passer en peu de temps au vert.
Elles offrent alors la couleur verte ordinaire des feuilles;
ce qui vient à l'appui de l'opinion que le vert de la chloro-
phylle provient du bleu et du jaune réunis. On voit aussi
par cette expérience qu’il est inexact de dire avec quel-
ques savants, que la chlorophylle une fois aliérée dans sa
couleur ne saurait être reproduite; car les feuilles du
Lobelia ignea verdies par les alcalis, comme il à été dit
ci-dessus, offrent, même au microscope, tous les carac-
tères des feuilles vertes ordinaires.
Si le rouge des feuilles automnales et le rouge des fruits
appartiennent le plus sonvent à la série eyanique, il n’en
est pas de même du rouge des fleurs; et quoi qu’en ait dit
Berzelius, on trouve peu de fleurs rouges qui bleuissent
ou verdissent par les alcalis. Ainsi les fleurs rouges de
l'Euphorbia Boyeri, des Ixora, des Gesneria, de l'Achi-
menes coccinea, ete., ne bleuissent et ne verdissent pas
par les alcalis. Aussi je ne crains pas de dire que les ?/10°°
des fleurs rouges appartiennent à la série xanthique. Dans
les feuilles qui sont naturellement rouges dès leur jeune
âge, comme dans les bractées écarlates de divers Büll-
bergia, c’est encore le rouge xanthique qui domine; tandis
(22)
que le rouge cyanique se rencontre le plus souvent dans
les parties herbacées qui sont devenues accidentellement
rouges ou par suite des progrès de leur végétalion. Ce
rouge cyanique est souvent mêlé à de la matière colorante
jaune dans les feuilles et même dans quelques fleurs, et
dans ce cas, il verdit par les alcalis.
C'est la réunion accidentelle du jaune ou du rouge
xanthique avec le rouge cyanique dans certaines fleurs,
qui donne lieu à ces variations de couleurs, anormales,
qui ne se rangent dans aucune des deux séries cyanique
et xanthique.
Il'est rare de trouver dans une corolle la couleur bleue
mêlée à la couleur jaune en proportion convenable pour
faire du vert : cependant cela se rencontre quelquefois ,
comme dans l’Aquilegia viridiflora, dans l’Epidendrum
Parkinsonianum , où les pétales et les sépales sont vertes,
sauf le labellum, qui est blanc.
Lorsque les matières colorantes existent dans les plantes
à l’état de dissolution et non à l’état de granules ou de
matière insoluble, on peut facilement les extraire et les
séparer des substances colorantes insolubles, pourvu que
celles-ci soient aussi insolubles dans l’éther. Dans ce cas,
on n’a qu'à plonger les parties colorées fraiches et hu-
mides dans l’éther. Au bout de vingt-quatre à quarante-
huit heures de macération, l’éther aura pénétré par en-
dosmose dans les cellules remplies des sucs colorés et en
aura déplacé ceux-ci, qui vont former une couche de
liquide coloré aqueux au-dessous de l’éther dans le flacon.
On conçoit qu'aucune matière insoluble ne pourra ainsi
être expulsée du végétal par l’éther, à moins que celui-ci
ne puisse la dissoudre. En opérant comme je viens de le
dire, on extrait facilement les sucs colorés des feuilles du
( 225 )
chou rouge. On obtient ainsi au fond de l'éther, qui reste
parfaitement incolore, une couche de liquide d’un bleu
rougeâtre à réaction un peu acide, verdissant par les
alcalis et rougissant vivement par les acides. Mais il ne
faut pas que ee liquide reste plus de quarante-huit heures
en contact avec l’éther; sans cela il s’altère, même dans
l’obseurité, et prend une couleur d’un jaune fauve; ce qui
annonce l’altération ou la décomposition de la matière
colorante bleue. Aussi, dans ce cas, le liquide ne verdit
plus par les alcalis; mais il peut encore rougir par les
acides à raison de l’action de ces derniers sur la matière
jaunâtre des feuilles. Toutefois, après quatre ou cinq jours
de macération , cette matière colorante est détruite à son
tour, et alors le liquide ne rougit plus par les acides. Il
semble donc que le principe colorant jaune dans le chou
rouge est beaucoup moins stable que le jaune de la plu-
part des fleurs ou celui des feuilles automnales; mais ceci
dépend sans doute de sa plus grande solubilité dans l’eau
et de ce qu’il n'est pas uni à un principe gras qui le rend
insoluble dans ee liquide, à l'instar de la xanthophylle.
Par la même raison, il est beaucoup plus sensible que
celle-ci à l’action des acides et des alcalis, qui modifient
sa couleur bien plus profondément. En tout cas, il est tant
soit peu soluble dans l’éther, quoique celui-ci ne se co-
lore aucunement, même par une macération de deux jours
avec des feuilles de chou rouge ; mais si on évapore ensuite
cet éther, on a pour résidu une pellicule de matière jau-
pâtre, devenant d’un jaune vif par les alcalis et ensuite
rouge par les acides. L’acide sulfurique concentré ne la
bleuit pas. On n’y trouve, au reste, aucune trace de
chlorophylle.
On extrait aussi PRE par l’éther la matière rouge
TOME xx. — [" PART. 15
(224 )
qui colore les tiges aplaties de l’Epiphyllum truncatum
var. rubrum. Quand on introduit cette tige, découpée en
peuts fragments, dans un flacon allongé rempli d’éther,
on trouve, au bout de 2 à 5 jours, au fond de l’éther un suc
très-rouge et visqueux, pendant que les fragments se sont
décolorés, et l’éther n’a pris qu’une légère teinte jaune ver-
dâtre, que les alcalis et les acides ne modifient en aucune
manière; mais le suc rouge, qui est entièrement neutre,
Jjaunit par les alcalis et retourne au rouge par les acides,
absolument comme la couleur rouge des fleurs de cette
plante. C’est donc du rouge xanthique, qui s’est produit
non-seulement dans la fleur, mais aussi dans la partie
herbacée du végétal. Ce suc étant de même nature dans
toute l'étendue de la plante, semble reconnaître une même
origine. L'éther, dans cette expérience, n'ayant pris qu'une
faible couleur d'un vert jaunâtre, c’est un indice que la
plante ne renferme que peu de chlorophylle mélangée au
suc rouge. Car toutes les fois qu'on plonge dans l’éther
une partie herbacée verte, l’éther se colore fortement en
vert en moins de 24 heures. Ici l’éther n'accusait la pré-
sence que d’une minime quantité de chlorophylle, qui était
même en voie de décomposition, eu égard à sa couleur
jaunûtre.
Comme les feuilles de chou rouge découpées en frag-
ments et immergées dans l’éther se décolorent entière-
ment au bout de 48 heures, sans communiquer à ce liquide
la moindre coloration, quoiqu’on les ait tenues dans l'ob-
seurité, c’est un indice qu’elles ne renferment pas de chlo-
rophyile, dont le microscope, au reste, n’annonce aucu-
nement la présence dans ces feuilles.
Quelques botanistes ont donc eu tort d'avancer que les
feuilles colorées renferment constamment, à côté du sue
( 225 )
qui les colore, des granules de chlorophylle verte, dont la
couleur est masquée par celle du suc. Ces granules, à la
vérité, existent parfois dans les feuilles colorées, surtout
dans la couche cellulaire sous-jacente à celle qui contient
les liquides colorants. C’est ce qui est très-manifeste dans
les feuilles des Begonia discolor et sanguinea; mais la
chlorophylle manque aussi souvent lorsque la feuille en-
tière offre une coloration pétaloïde bien prononcée et que
son mésophylle est très-mince. Ainsi dans les feuilles mem-
braneuses et entièrement rouges du Dracaena ferrea, 11 ny
a qu'un suc rouge sans chlorophylle; car elles se décolo-
rent dans l’éther, qui lui-même reste incolore, pendant
qu'il se rassemble au fond du flacon un liquide rouge
aqueux neutre, jaunissant par les alcalis et rougissant de
nouveau par les acides.
En tout cas, l’éther peut toujours servir à reconnaître la
présence de la chlorophylle verte, et à la séparer même des
sucs colorés aqueux qui se déposent généralement au fond
de l’éther dans lequel ils sont ordinairement insolubles.
C’est ainsi qu’en opérant avec des feuilles plus épaisses et
non entièrement pétaloïdes du Dracaena ferrea, on con-
state facilement qu’à coté du suc rouge déplacé par l’éther,
il se trouve encore plus ou moins de chlorophylle dont la
couleur verte se dessine très-nettement sur les feuilles
après qu’elles ont perdu dans l’éther leur suc rouge. Tou-
tefois cette chlorophylle semble être en voie de décompo-
sition dans les feuilles, puisqu'elle ne colore l’éther qu’en
jaune verdûtre.
Dans les feuilles du Begonia discolor, on peut facilement,
par une dissection un peu soignée, séparer le derme avec
le parenchyme rouge contigu, qui se trouve à la face pos-
térieure de la feuille, du reste du mésophylle contenant
( 226 )
de la chlorophylle verte. En laissant macérer ces pellicules
rouges dans l’éther, celui-ci se colore en rouge sans ex-
traire pour cela toute la matière colorante de ces pelli-
cules, qui restent encore fortement rouges au bout de
2 jours, quoiqu'elles aient laissé échapper un peu de suc
rouge aqueux qui s’est déposé au fond de l’éther. Ce rouge,
qui est d’origine cyanique, puisqu'il bleuit par les alcalis
et retourne au rouge par les acides, paraît done être peu
soluble dans l'éther, aussi bien que le rouge xanthique.
Toutefois, il y est plus soluble que ce dernier; car en lais-
sant évaporer la solution éthérée rouge, obtenue comme il
a été dit ci-dessus, j'ai eu pour résidu un peu de suc rouge
d’une consistance sirupeuse qui offre une réaction acide
très-prononcée et bleuit intensivement par les alcalis, en
rougissant de nouveau par les acides.
L'emploi de l’éther est aussi très-avantageux pour faire
reconnaître la nature des matières colorantes des fleurs;
car il peut servir à extraire ces matières, soit à l’état de
sucs colorés, soit à l’état de dissolution éthérée. Le jaune
s’'extrait ordinairement dans ce dernier état, tandis que les
autres matières colorantes, généralement très-peu solubles
dans l’éther, se laissent déplacer à l’état de sucs aqueux, qui
s'accumulent au fond de l’éther et peuvent facilement en
sêtre séparés. Ainsi, en laissant macérer dans l'éther des pé-
tales de roses de Bengale, j'ai trouvé, au bout de 24 heures,
au fond de l’éther un suc aqueux de couleur rose, qui ver-
dissait par les alcalis et rougissait très-vivement par les
acides. J'ai dû conclure de là que le rouge des roses était
du rouge mixte, c’est-à-dire qu'il contenait à la fois du
rouge cyanique et du rouge xanthique. Il doit donc être
possible à la culture d'obtenir des roses plus ou moins
bleues ou d’un pourpre violacé; et l’on y parviendrait pro-
(227 }
bablément en leur donnant uñe exposition ombragée et des
engrais riches en azote, qui me paraissent devoir être favo-
rables à la production des matières colorantes bleues.
Les fleurs d’un rouge foncé de quelques variétés de
Camellia Japonica , soumises au même procédé d'analyse,
m'ont aussi offert la présence d’un peu de rouge cyanique,
mêlé à une grande quantité de rouge xanthique:
Au contraire, dans les fleurs rouges écarlates de divers
Gesneria et Ixora, je n’ai trouvé que du rouge xanthique,
offrant toujours les mêmes caractères.
Ce rouge xanthique est constamment accompagné de
trer que sa formation n’est que consécutive à celle du jaune,
et qu'il constitue un dérivé de cette dernière couleur, qui
se transforme probablement en rouge par l’oxygénation.
Je n’ai pas encore rencontré une seule fleur rouge de la
série xanthique, qui ne renfermât en même temps un prin-
cipe colorant jaune, analogue à celui des fleurs jaunes
ordinaires et se séparant facilement du suc rouge par sa
solubilité dans l’éther. Toutes les fleurs rouges que j'ai
mises en macération dans l’éther, ont toujours laissé échap-
per un suc rouge qui s’amasse au fond de l’éther, pendant
que celui-ci se colore en jaune plus où moins intense, et
la teinture éthérée évaporée m'a donné constamment uñe
matière colorante jaune à teinte un peu rougeâtre, offrant,
avec les alcalis et les acides, les mêmes réactions que la
matière jaune qu'on extrait par l’éther des feuilles jaunes
automnales. C'est ce que j'ai observé avec les fleurs rouges
des Gesneria, des Camellia, des roses , du carthame, etc.
D'un autre côté, toutes les fleurs jaunes non éphémères,
que j'ai examinées , contenaicnt tant soit peu de sue rouge;
séparable par l'éther, et cela d'autant plas que le jaune
( 298 )
de la fleur avait une teinte plus orangée ou plus rougeûtre.
On peut conclure de ces faits que le jaune tend toujours
à passer au rouge dans les fleurs. Les fleurs jaunes de-
vront, d’après cela, contenir d'autant plus de suc rouge
que leur durée aura été plus prolongée. C’est ce qui est
conforme à l'observation. Les fleurs de Strelitzia nous of-
frent d’abord des sépales ou des pétales d’un jaune pur;
mais bientôt ce jaune passe à l’orangé, ce qui annonce le
mélange du rouge au jaune, et lorsque la fleur est près de
se faner, elle offre une couleur rougeûtre bien sensible.
Nous avons vu de même (p.206), dans les feuilles jaunes
automnales, se développer au bout de quelque temps un
peu de rouge xanthique.ll existe donc les plus grands rap-
ports entre la coloration des fleurs et des feuilles. Ces rap-
ports se montrent encore dans les fleurs dont la couleur
est exceptionnellement verte. J'ai vu fleurir, dans les serres
du Jardin botanique de Louvain, un Epidendrum Parkin-
sonianum dont les pétales et les sépales étaient d’un vert
pâle, à l’exception du labellum qui était blanc. Lorsque la
fleur commençait à se faner, les pétales et les sépales pas-
sèrent au jaune, comme une feuille qui se fane, et des
parties jaunes de la fleur entièrement fanée, j'ai extrait,
au moyen de l’éther, un principe colorant jaune, pareil à
celui que donnent les feuilles jaunes automnales.
Ce principe jaune, qui est si répandu dans les fleurs,
n'offre généralement qu’une faible solubilité dans l’éther,
puisqu'il faut ordinairement plusieurs macérations succes-
sives dans ce liquide pour l’enlever complétement aux fleurs
d’une teinte jaune foncé (1).
(1) Ceci se remarque surtout quand on fait macérer dans l’éther les sépales
d’un jaune orangé appartenant aux Strelètxia. Une première macération de
( 229 )
A côté de cette matière jaune, insoluble dans l’eau, se
trouve quelquefois un peu de matière jaune soluble, qui
provient probablement de quelque modification ou alté-
ration de la précédente. Caventou a reconnu la présence
de ces deux matières jaunes dans les fleurs du Narcissus
pseudo-narcissus. Elles semblent encore exister réunies
dans les fleurs de Carthame; car, indépendamment de la
matière jaune , que les lavages à l’eau peuvent enlever aux
fleurs du Carthamus tinctorius, celles-ci, quelque bien
lavées qu'elles soient, conservent encore, à côté de la
matière rouge vive, une matière jaune soluble dans l’éther
qui, extraite de ce fluide par évaporation, manifeste tous
les caractères propres à la matière jaune ordinaire des
fleurs. Elle offre toutefois une teinte un peu rougeàtre;
mais ce caractère est commun à la matière jaune que
l'éther extrait de toutes les fleurs rouges, ou même des
fleurs jaune orangé; et ce fait montre encore la grande
affinité du jaune et du rouge xanthique, en constatant que
la matière jaune peut prendre un commencement de colo-
ration rouge sans perdre tous ses caractères propres et sa
solubilité dans l’éther. On pourrait, au reste, expliquer
également ce phénomène en admettant que la matière
rouge xanthique, quoique beaucoup plus soluble dans l'eau
que-dans l’éther, n’est cependant pas complétement inso-
luble dans ce dernier liquide.
Quoi qu’il en soit, la matière colorante jaune se présente
dans les plantes sous deux états, tantôt sous celui d’une
substance extractiforme, très-soluble dans l’eau, d’un jaune
24 heures suffit pour déplacer tout le suc rouge de la fleur; mais il faut en-
suite 8 à 10 macérations successives pour enlever à la fleur toute la matière
colorante jaune.
( 230 )
pâle, prenant une couleur jaune intense par les alcalis
et rougissant par les acides; tantôt sous la forme d’une ma-
tière grasse ou résineuse, insoluble dans l’eau, ayant une
couleur jaune intense, que les alcalis et les acides dilués
ne modifient pas notablement. Cette dernière variété de
matière jaune , à laquelle se rattache la xanthophylle , ne
me paraît diflérer de la première que par la présence d'un
principe gras, qui lui est intimement associé, C'est cette
variété qui colore généralement les fleurs jaunes et qui
constitue une couleur fort solide, tandis que le principe
colorant jaunâtre, qui se rencontre isolément dans les
feuilles de certains choux crépus à couleur rose, appar-
tient à la première variété et est beaucoup plus altérable,
sans doute à raison de sa solubilité dans l’eau.
J'ai fait avec M. l'abbé Coemans quelques observations
microscopiques sur la disposition des matières colorantes
dans les plantes. Nous avons reconnu que la matière co-
lorante pourpre des choux rouges se présente sous forme
de globules ou plutôt de vésicules sphériques, que l’on peut
faire éclater sous le microscope de manière à ce que le suc
coloré s’en échappe. Ordinairement on ne voit qu’une seule
vésicule pourpre dans chaque cellule du tissu sous-épider-
mique, d’autres fois il y en a 35 ou 4 plus petites. Le sue
de la cellule qui contient ces vésicules est lui-même légè-
rement coloré en pourpre violacé, sans doute par trans-
sudation du liquide contenu dans les vésicules, dont la
coloration est infiniment plus foncée que celle du suc envi-
ronnant. Au-dessous de la couche de tissu rouge, qui se
compose de 2 ou 5 rangs de cellules, se trouvent des cel-
lules incolores ou d'une faible couleur jaunâtre, contenant
des grains de fécule, sans mélange de chlorophylle verte.
Les sépales jaunes du Strelitzia reginae ne nous ont of-
(251 )
fert qu'un suc jaune, homogène, remplissant compléte-
men! les cellules sous-épidermiques , sans aucun mélange
de vésieules. Mais les pétales bleus de la même fleur nous
ont présenté une masse de granulations bleues, solides et
très-petites, remplissant presque entièrement les cellules
sous-épidermiques. Chaque cellule renferme, au moins,
une cinquantaine de ces granules bleus, qui ne sont ac-
compagnés d'aucun sue coloré,
Les feuilles rouges du Dracaena ferrea var. picta, pré-
sentent, dans les couches cellulaires superficielles, un
liquide rouge sans interposition de vésicules ou de gra-
nules. Mais dans des couches cellulaires plus profondes,
ous avons vu encore , au moins sur des feuilles tant soit
peu épaisses, des granules de chlorophylle, à la vérité,
d’un vert-jaunâtre et moins abondants que ceux qu'on
trouve dans les feuilles vertes ordinaires.
Nous avons observé la même disposition dans la tige
aplatie de l'Epiphyllum truncaltum var. violaceum; c’est-
à-dire que, dans les cellules superficielles où sous-épi-
dermiques, il y avait un suc rouge , et, dans les cellules
plus profondes, des granules de chlorophylle d’un vert jau-
nâtre.
Il n’est donc pas surprenant que cette plante, macérée
dans l’éther, donne, comme nous l'avons dit plus haut
(p. 224), un suc rouge, indépendamment d’une solution
éthérée jaunâtre de chlorophylle en voie d’altération ou
dont le principe jaune prédomine sur le principe colorant
bleu.
En tout cas, la chlorophylle m'a toujours paru diminuée
beaucoup en quantité dans les feuilles à coloration péta-
loïde, et elle offre ordinairement, dans ces circonstances,
une couleur d’un vert pâle ou jaunâtre; ce qui me porte à
( 232 }
penser que les fonctions respiratoires de ces feuilles ne
sauraient s'exercer aussi bien que celles des feuilles vertes
ordinaires.
La xanthophylle des feuilles jaunes automnales est tou-
jours disposée en granules dans les mêmes cellules qui
contiennent ordinairement la chlorophylle, et elle n’est
évidemment qu’un résultat de l’altération de cette der-
nière. L’éther n'exprime ou ne déplace jamais de ces
feuilles un suc coloré jaune; il ne fait que dissoudre la
xanthophylle, comme il dissoudrait la chlorophylle verte,
dont elle est provenue.
Les faits exposés dans le courant de ce mémoire me
permettent, je pense, d'établir les conclusions suivantes :
1° Les deux seules couleurs fondamentales ou primi-
tives, dans les plantes, sont le bleu et le jaune, ou, en
d’autres termes, l'anthocyane et l’anthoæantine;,
> Ces matières colorantes primitives sont formées sous
l'influence de la vie, non-seulement par les parties péta-
loïdes, mais aussi par les parties herbacées, et, dans
celles-ci, elles sont le plus souvent associées entre elles
et avec d’autres matières organiques, formant ainsi la
chlorophylle verte insoluble.
3° La chlorophylle tend toujours à jaunir dans les
plantes par suite de la grande altérabilité du principe
colorant bleu, à moins que celui-ci n'ait élé rendu plus
stable par son union avec un acide qui le rougit. Dans ce
cas, la feuille, au lieu de prendre une couleur jaune par
l’altération de la chlorophylle, prend une coloration rouge.
4 La couleur rouge dans les feuilles n’est pas toujours
le résultat de la présence d’un acide, soit que ce dernier
ait agi sur le bleu , soit qu’il ait rougi le principe colorant
jaune pâle des feuilles, La matière rouge des feuilles, ou
(235)
l’erytrophylle, peut aussi dépendre de l'oxygénation du
principe jaune ou de la xanthophylle.
5° Les matières colorantes bleue et jaune, et surtout la
première, se trouvant souvent, lorsqu'elles sont isolées,
à l’état liquide ou de dissolution, doivent se porter, dans
ce cas, vers la surface de la plante par la transpiration
aqueuse, et par cela même elles doivent se foncer en cou-
leur ou se concentrer dans les cellules immédiatement
sous-jacentes à l’épiderme, où on les rencontre habituel-
lement et où elles peuvent encore subir l'influence de
l'oxygène.
6° Quoique les sucs colorés existent généralement dans
les couches cellulaires les plus superficielles où la chloro-
phylle est rare, ils peuvent cependant provenir de cellules
plus profondes et avoir être amenés par l’endosmose vers
la périphérie du végétal.
7° À mesure que les sucs colorés bleu, jaune ou rouge
apparaissent dans les cellules des parties herbacées, la
chlorophylle diminue, et elle peut disparaître entièrement
lorsque la coloration pétaloïde devient très-intense, comme
dans les choux rouges.
8 La chlorophylle, pouvant donner naissance, par sa
décomposition, à des matières bleues et jaunes, peut con-
courir indirectement à la formation des couleurs des fleurs,
comme à celles des feuilles colorées.
9° Les couleurs des fleurs ne peuvent changer que d’après
les variations dont le bleu et le jaune sont susceptibles. Or,
le bleu pouvant passer au rouge par les acides, les fleurs
bleues pourront rougir, et, en outre, présenter toutes les
couleurs qui résultent du mélange du bleu et du rouge;
d'où une série de nuances ou de couleurs, appelée série
cyanique.
(254 )
10° La matière colorante jaune pouvant rougir par oXy-
génation, et même aussi par les acides (témoin le suc jau-
nâtre de quelques cellules des feuilles du chou rouge), les
fleurs jaunes pourront passer au rouge, et de plus revêtir
toutes les couleurs résultant du mélange du jauné et du
rouge, couleurs qui constituent la série æanthique.
11° La couleur rouge des deux séries est loin d’être la
même, non-seulement quant à son origine, mais aussi
quant aux variations de teinte qu’elle peut subir. Celle de
la série xanthique est plus rare dans les feuilles que dans
les fleurs. C’est le contraire pour le rouge de la sérié cya-
nique.
12° Les deux espèces de rouge, comme les deux cou-
leurs fondamentales , sont parfois réunies dans une même
fleur, qui peut alors offrir toutes les variations de couleur
imaginables.
Avant de terminer cette notice, je crois devoir faire
remarquer que le bleu ordinaire des plantes, qu'avec la
plupart de botanistes nous avons désigné sous le nom d'an-
thocyane, ne saurait être confondu avec le bleu de lindigo
ni avec Celui du tournesol. Ces dernières matières bleues
n'existent pas tout formées dans les végétaux. Elles pro-
viennent de substances organiques incolores, qui sé colo-
rent en bleu, en dehors de toute influence vitale, par de
pures réactions chimiques qui en changent la composi-
tion; ce sont, en quelque sorte, des produits chimiques
ou artificiels. Aussi tout ce que nous avons dit plus hiaut
des couleurs des plantes ne s'applique qu'aux couleurs
naturelles à la plupart des végétaux vivants et non pas à
toutes les matières colorantes organiques employées daris
l'art du teinturier. Celles-ci sont généralement des sub-
stances organiques spéciales, produites par un petit nom-
( 255 )
bre de végétaux, et qui, quoique dérivant peut-être, dans
certains cas, des matières colorantes ordinaires, en diffè-
rent néanmoins par leurs propriétés el par une composi-
tion chimique mieux définie.
Note sur un nouveau genre de crustacé parasite, EUDACTYLINA;
par P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie.
J'ai l'honneur de communiquer à l’Académie la descrip-
tion d’un nouveau genre de crustacé parasite, trouvé sur
les branchies de deux poissons de nos côtes : le Squatine
ange et le Spinax acanthias. Ce genre difière tellement de
tous ceux qui sont connus, que nous éprouvons quelque
hésitation en lui assignant la tribu à laquelle nous croyons
devoir le rapporter.
A cause de la conformation exceptionnelle de ses doigts,
nous l'avons nommé :
EUDACTYLINA ACUTA. Van Ben.
Caractères. — Corps divisé en segments distincts, régu-
lièrement conformés, un peu plus larges seulement au
milieu. Tête distincte, en forme de bouclier, arrondie en
arrière el montrant, en avant, une énorme paire d’an-
tennes couvertes de crochets; trois paires de pattes-mà-
choires, dont la dernière est terminée en une forte pince.
Quatre paires de pattes thoraciques biramées et portant des
soies courtes; trois anneaux thoraciques distincts, un an-
neau abdominal avec une paire d’appendices uniarticulée,
(2%)
et trois anneaux caudaux, de forme carrée, dont le der-
nier porte des appendices semblables aux abdominaux.
Toate la carapace présente une certaine dureté, et prend
une couleur jaune citrin après la dessiccation.
Nous ne trouvons aucun parasite qui ait avec celui-ci
quelque affinité générique.
Il à la longueur de 6”, tête et tubes ovifères y compris.
Nous en avons trouvé un grand nombre sur le Squatina
angelus et le Spinax acanthias; il habite entre les lames
branchiales. .
Description. — La forme du corps est beaucoup plus
régulière qu’elle ne l’est généralement chez les parasites;
à part les tubes ovifères, on pourrait prendre, en effet,
ces crustacés pour des isopodes microscopiques.
Tout le corps est divisé régulièrement en segments, et
tous, y compris même le segment de la tête, se ressem-
blent. Tous ces segments sont nettement séparés les uns
des autres. Si on n'avait pas des femelles avec des tubes
ovifères, on croirait que c’est une forme qui n’a pas encore
parcouru toute son évolution.
Vus du côté du dos, tous ces segments sont régulière-
ment arrondis, et laissent en avant une échancrure assez
forte qui permet de distinguer les appendices qu'ils por-
tent. L'animal, couché sur les flancs, montre un dos très-
inégal ; chaque segment s'élève au-dessus de celui qui le
suit, à peu près comme si les segments étaient imbriqués.
La tête a la forme d’un bouclier; elle est nettement
séparée du thorax; un peu plus large en arrière qu'en
avant, le milieu se termine en un tubercule. Les appen-
dices de la tête sont trop grands pour ne pas se montrer
dans toutes les positions où elle peut se trouver. Il n’y a
pas d’yeux.
( 237 )
Derrière la tête, il y a quatre segments thoraciques, dont
le quatrième est le plus développé; le premier segment du
thorax est caché en grande partie sous le bouclier cépha-
lique. Chacun de ces anneaux porte une paire de pattes
biramées; il y en a ainsi quatre paires.
La région abdominale est formée par un segment sem-
blable à celui des anneaux thoraciques. Ce segment est un
peu plus allongé, et porte en arrière, à droite et à gauche,
un appendice sétifère simple et à un seul article.
La région caudale est formée de trois segments de forme
carrée, qui diminuent de volume d’avant en arrière. Le
dernier segment porte une paire d’appendices semblables,
en petit, à ceux de l’abdomen.
Les tubes ovifères sont proportionnellement courts,
mais gros, et ne contiennent qu'un petit nombre d'œufs ;
nous en avons compté treize. Ces tubes ont atteint leur
développement d’après l’état des embryons. Ils sont insérés
sur le dernier anneau qui précède la queue.
Appendices. — Il y à en tout dix paires d'appendices :
quatre qui appartiennent à la tête, quatre au thorax, une
à l'abdomen et une à la queue.
Ceux de la tête sont très-forts, robustes et hérissés
d’épines.
Les antennes sont extraordinairement robustes ; elles se
composent de deux à trois articles, dont celui de la base est
très-volumineux ; leur insertion a lieu en dessous du bou-
clier céphalique. Elles ont à peu près la largeur de la tête,
et ne peuvent guère se cacher en dessous de cette partie
du corps. L'article basilaire porte en avant une forte épine
recourbée, placée au milieu de deux autres qui sont droites.
L'article terminal porte au bout des crochets au lieu de soies.
La première paire de pattes-mâchoires a aussi une forme
(238 )
singulière : le second article porte une forte épine sur le
trajet et de pétites épines au bout.
La deuxième paire est la plus délicate; elle est terminée
par un onglet qui montre des soies à sa base.
La troisième patte-mâchoire est la plus remarquable;
elle est très-forte, terminée en pince, avec la pointe trifide
et logée dans une excavation formée dans la pièce opposée.
Les quatre paires d’appendices du thorax sont sembla-
bles et d'un égal développement; ils sont doubles et armés
de soies proportionnellement courtes. L’une des pièces est
terminée en pointe et l’autre a divers onglets au bout.
Les appendices abdominaux sont uniques et formés d'un
seul article sétifère.
Les appendices de la queue, au nombre de deux, termi-
nent le dernier anneau caudal. Ils sont également à un
seul article.
Les embryons sont de forme ovale et munis de trois
paires d’appendices, comme la plupart des parasites de
cette classe.
Affinités. — Est-ce dans la tribu des Dichélestions que
ce genre doit être placé”? Cela nous paraît probable, car
c'est encore avec les parasites de cette division que les
Eudactylina présentent le plus d’analogie.
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
Genre EupacTyzina.
Fig. 1. Le parasite de grandeur naturelle,
2. Une femelle avec ses tubes ovifères, vue du côté du dos :
a. Tête.
b. Région thoracique.
€. — abdominale.
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(239)
d. Région caudale.
e. Antennes.
f. Première paire de pattes-mâchoires.
g- Deuxième — =“
h. Troisième — —
titi. Les quatre appendices thoraciques.
k. Les appendices abdominaux.
L — caudaux.
5. Le même vu de côté pour montrer la disposition des segments du
dos, et les diverses sortes d’appendices indiqués déjà sur la figure
précédente.
4. Les appendices antérieurs isolés et vus au grossissement de 300 fois.
a. Les antennes.
b,c, d. Les trois paires de pieds-mâchoires.
6. Une paire d’appendices thoraciqués.
5, 6. Deux embryons à la sortie de l’œuf.
M. Van Beneden communique ensuite le résultat de quel-
ques expériences faites sur la transformation des cysti-
cerques pysiformes du péritoine des lapins et des lièvres,
en Tenia serrata, dans le canal digestif du chien, M. Van
Beneden met sous les yeux de la classe une série de vers
recueillis dans la cavité digestive du chien; la durée du
séjour de ces cysticerques dans ces organes varie depuis
deux heures jusqu’à dix-huit jours; au bout de dix-huit
jours, le Tenia a trois pouces de longueur.
ToME xx. — ]"° PART. 16
(240 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 7 février 1855.
M. le baron de Srassarr, président.
M. Querecer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le chevalier Marchal, le baron de Ger-
lache, de Ram, Roulez, Lesbroussart, Gachard, Borgnet,
le baron J. de S'-Genois, Van Meenen, Schayes, Snel-
laert, Carton, Bormans, membres ; Nolet de Brauwere
Van Steeland, associé; Arendt, Kervyn de Lettenhove,
Chalon, correspondants.
MM. Sauveur, membre de la classe des sciences, Alvin et
Éd. Fétis, membres de la classe des beaux-arts, assistent
à la séance.
M. le président annonce que M. le comte de Montalem-
bert, membre de l'Institut de France, assiste également à
la séance.
CORRESPONDANCE.
M. Giuseppe Massari fait hommage d’une notice biogra-
phique sur Vincent Gioberti, associé de l'Académie, et du
discours prononcé à Turin, le 15 décembre dernier, aux
funérailles de ce savant. F
( 241 |
— M. le secrétaire perpétuel annonce que, conformé-
ment au désir exprimé par M. le Ministre de l’intérieur, il
a fait parvenir aux bénédictins de l’abbaye de Solesmes les
volumes encore disponibles des Mémoires de l'Académie. .
— M. le baron de Stassart fait, au nom de M. de Caumont,
associé de l’Académie, hommage de différents ouvrages qui
seront mentionnés dans le Bulletin bibliographique.
— M. Namur, secrétaire de la Société archéologique du
grand-duché de Luxembourg , adresse à la classe un mé-
moire manuscrit : Sur un véritable lacrymatoire découvert
en 1852 dans le Luxembourg. Commissaires : MM. Roulez
et Schayes. M. Stas, membre de la classe des sciences, sera
invité à se joindre à la commission pour l'examen d'une
question d'analyse chimique qui se rattache au travail de
M. Namur.
CONCOURS DE 1855.
La classe avait mis au concours de cette année six ques-
tions sur différents sujets ; elle a reçu des réponses à quatre
de ces questions, savoir :
TROISIÈME QUESTION.
Un mémoire sur la vie et les travaux d'Érasme, dans
leurs rapports avec la Belgique.
Un seul mémoire portant la devise : Non amo veritalem
seditiosam. (Commissaires : MM. le chanoine de Ram,
Baguet et le baron J. de S'-Genois.)
(242)
QUATRIÈME QUESTION.
Quelle influence la Belgique a-t-elle exercée sur les Pro-
vinces-Unies sous le rapport politique, commercial, indus-
triel, artistique et littéraire, depuis l'abdication de Charles-
Quint jusqu'à la fin du XVILe siècle ?
Un mémoire avec l’inscription :
Eripui graecas mecum , tibi, Flandriae, musas
subduæi Grudiis et tibi, Leida, dedi.
(Commissaires : MM. le baron J, de S'-Genois, le cha-
noine de Smet et Borgnet.)
CINQUIÈME QUESTION.
Quel est le Système d'organisation qui peut lé mièux as-
surer le succès de l'enseignement liltérairé et Scientifique
dans les établissements d'instruction moyenne ?
La classe n’a reçu qu'un mémoire qui lui est parvenu
après le terme de rigueur ; il porte pour épigraphe : Sit
quodvis simplex duntaxat et unum. Le retard ne pouvant
être préjudiciable à personne, 1l a été décidé que le mé-
moire serait admis à concourir ; les commissaires sont
MM. Paul Devaux, Baguet et Quetelet.
SIXIÈME QUESTION.
L'éloge de Godefroid de Bouillon.
Deux prix étaient proposés, l'un pour la littérature
française, l’autre pour la littérature flamande.
Litiérature française : deux mémoires portant les in-
scriplions :
N° 1. « La seule simplicité d’un récit fidèle pourrait
soutenir la gloire du prince de Condé : toute autre
louange languît auprès des grands noms. »
( Bossuet.)
( 245 )
N° 2, « Un grand homme, parmi les talents qu'il déve-
loppe, est toujours dominé par une faculté particu-
lière que l'on peut appeler l'instinct de son génie. »
( Villemain. )
(Commissaires : MM. Moke, le baron de Gerlache et
Grandgagnage.)
Littérature flamande : trois mémoires portant les in-
scriptions :
N°1. Signor, grand cose in picciol tempo haï fatte
Che lunga età porre in obblio non puote,
Etc.
(Gerusaz. Li8., canto 11.)
N°2. Godfrieds naem zal eeuwig klenken.
N°3. Zyn gansch leven is eene onafgebrokene lofrede.
(Commissaires : MM. Bormans, David et Snellaert.)
+ a
RAPPORTS.
Sur une notice de M. de Chénedollé, concernant l'histoire
des sciences en Belgique, pendant le XVIIE siècle.
Rapport de M, A, Quetelet.
« M. de Chénedollé est un bibliophile de mérite; on lui
doit plusieurs découvertes intéressantes pour l’histoire des.
sciences et des lettres en Belgique, Dans la notice qu'il
présente aujourd'hui à la elasse des lettres, il vient lui
faire part d'une trouvaille nouvelle, d’une brochure que
nul ne connaissait, dont nul ne soupçonnait même l’exis-
(244 )
tence, bien qu'elle ait été imprimée à Liége, en 1760,
chez J.-F. Bassompierre. « M. de Villenfagne lui-même,
» dit M. de Chénedollé, le savant académicien, qui a rendu
» tant de services à l’histoire littéraire du pays de Liége,
» ignorait l'existence de cette pièce! »
L'œuvre dont il est question, est un opuscule de 14 pa-
ges in-12, ayant pour titre : Mémoires touchant la méthode
de trouver la longitude , proposée aux puissances, auxquelles
elle peut étre utile, dès l'an 1758, par le sieur Neuray, bour-
geois de la noble cité de Liége , et dont il est encore prét à
faire la démonstration en 1760. Après quelques notions,
très-élémentaires sur les longitudes, Neuray raconte com-
ment il a été conduit à s'occuper de leur détermination,
séduit par la promesse d’une récompense pécuniaire con-
sidérable faite par le roi de France, outre 100,000 livres
sterling promis par l'Angleterre, en faveur de celui- qui
résoudrait le problème. Son opuscule a pour objet d’an-
noncer ses droits aux prix proposés. L'auteur se garde bien
de dire son secret ; il demande aux puissances qu’elles lui
envoient des députés à Liége pour prendre connaissance
de sa méthode. « Pour qu'on ne lui impute pas d’avoir
» négligé de procurer au genre humain un bien inesti-
» mable et qui ne serait pas assez payé par des millions
» de livres sterling, il avertit qu'il est sur le déclin de son
» âge, ayant passé les cinquante années, dont il en a bien
» employé une quarantaine à travailler et à étudier en
» quantité de matières, dont il commence à se ressentir;
» ayant même, pour prendre quelque repos, abandonné
» la cure de Stembert depuis plus de quatre ans : ce qui
soit dit pour qu'on ne néglige pas cette affaire jusqu'à
ce qu'il n'en soit plus temps. Mais comme il se trouva
incommodé, l'an 4738, en Hollande, il croit plus con-
F5
Y
(245 )
» venable que sa démonstralion se fasse à Liége, devant
» ceux que les puissances députeront pour lexaminer. »
On le voit, c'est le style habituel des inventeurs : on
croirait la pièce écrite d'hier , si, grâce aux perfectionne-
ments du siècle, les choses n'étaient présentées de nos
jours avec plus de pompe et d'élégance. Je ne voudrais
point troubler le plaisir qu'éprouve M. de Chénedollé par
sa nouvelle conquête, mais je crains bien que le mémoire
de M. Neuray ne doive être assimilé aux programmes
que lancent nos inventeurs habituels , toujours prodigues
de paroles et ne spécifiant absolument rien. Certaine-
ment, on lira avec plus de fruit la notice de M. de Ché-
nedollé que le document qui en fait l’objet; les personnes
qui ne font pas de l'astronomie leur étude spéciale, y trou-
veront des indications intéressantes ; j'ai donc l'honneur
d'en proposer l'impression et de remercier l’auteur. »
Ces conclusions sont adoptées par la classe.
COMMISSION POUR LA CARTE ARCHÉOLOGIQUE DE LA BELGIQUE.
Note déposée par M. A. Quetelet, secrétaire perpétuel.
Depuis sa fondation , en 1772, l’Académie s’est constam-
ment occupée de l'étude des antiquités de la Belgique; elle
a parfaitement compris que l'historien surtout peut y pui-
ser les documents les plus utiles, les plus instructifs, et
que ce sont même à peu près les seules archives qu'il soit
permis de consulter pour les temps les plus reculés.
Ces considérations ont fait naître, il ÿ a plus de dix ans,
( 246 )
une proposition que je demande à pouvoir replacer sous
vos yeux; voici ce que contient, à ce sujet, le Bulletin de
la séance du 8 octobre 1842 : « Le secrétaire appelle l'at-
tention de l’Académie sur l'utilité qu’il y aurait de former
une commission spéciale pour les antiquités du royaume.
Cette commission aurait particulièrement à s'occuper de
l'examen des matériaux déjà recueillis, d’appréeier Ja va-
leur des ouyrages qui en ont traité, de donner des indica-
tions sur les fouilles et les explorations à faire ultérieure-
ment, de veiller à la conservation des objets historiques
et d’aviser avant tout aux moyens de dresser une carte
exacte de la Belgique ancienne; l'on y indiquerait soigneu-
sement les localités dans lesquelles on à constaté l'exis-
tence de monnaies, d'armes, de tumuli, de constructions
ou d’autres objets quelconques que l’on peut considérer
comme monuments historiques. Une pareille carte forme-
rait un document statistique d’une haute importance pour
notre histoire nationale; en ce qui concerne les Romains
en particulier, on pourrait, par les vestiges qu'ils ont lais-
sés à la surface de notre sol, suivre d’une manière plus sûre
les voies qu'ils fréquentaient, et déterminer les campe-
ments et les séjours qu’ils s'étaient choisis.
» D'une autre part, les découvertes partielles que l’on
fait chaque jour ne demeureront pas stériles; on pourra
les rapporter à un centre commun, et former dans l’État
un dépôt d’antiquités nationales qui ne sera pas la moins
intéressante de nos collections. » ( Bulletins, tome IX,
p.552.) |
Ces propositions furent admises, et, en conséquence,
dans la séance du 5 novembre suivant, l'Académie créa
une commission des antiquités, qu’elle sépara en deux sec-
tions, l’une pour les antiquités proprement dites, l’autre
(247)
pour Jes inscriptions, les manuscrits et les autres monu-
ments littéraires. La composition était comme suit :
4" section. MM. de Gerlache, de Ram, Roulez, Corne-
lissen, Grandgagnage, Dumortier, Willems et le secrétaire
perpétuel;
2% section. MM. de Stassart, de Reiïffenberg, De Smet,
Lesbroussart, Moke, Marchal et Gachard.
MM. Falck et Van de Weyer, présents à la séance,
ayaient bien voulu promettre leur concours.
La commission commença immédiatement ses travaux,
sans se dissimuler les difficultés qu’elle aurait à vaincre,
« Ce travail est immense, est-il dit dans le rapport annuel
présenté à la fin de 1842 ; mais, pour l’accomplir, le Gou-
vernement doit nous continuer son appui, et nous lui
donnerops en retour un musée vraiment national,
» L'annonce seule qu'une commission spéciale pour les
antiquités venait d’être formée, a exercé la plus salutaire
influence, et nous à prouvé que nous pourrons compter
sur la coopération éclairée, non-seulement des savants
nationaux, mais encore des savants étrangers, et spécia-
lement de ceux qui habitent dans le voisinage de nos fron-
lières. »
J'ajouterai à ces remarques que c'est à dater de cette
époque que se sont formées en général les différentes
sociétés archéologiques du royaume, Jai raison de croire
que l'appel de l’Académie n'a pas été étranger à cet heu-
reux résultat.
Pour faciliter leurs travaux, les membres de la commis-
sion se chargèrent, chacun en particulier, d'explorer l’une
ou l’autre province; en même temps, une circulaire fut
adressée, par tout le royaume, aux personnes les plus à
même, par leurs études ou par leur position, d’aider l’Aca-
( 248 )
démie dans ses recherches archéologiques. Le Gouverne-
ment voulut bien, de son côté, inviter les autorités civiles
et les membres du clergé à prêter leur concours.
IT fallut un temps assez long pour recueillir et pour exa-
miner les nombreux documents qui furent envoyés des
différentes parties du royaume; l’on reconnut malheureu-
sement ensuite que la plupart de ces renseignements
n'avaient point de valeur archéologique, et qu'ils pou-
vaient tout au plus donner d’utiles indications. La réorga-
nisation de l’Académie vint apporter de nouveaux retards
au travail projeté.
En cet état de choses, je proposai à la classe des let-
tres, le 6 avril 1846, de charger l’un de ses membres
de lui présenter un projet pour régulariser et activer les
travaux de la carte archéologique. M. Roulez fut désigné,
et ce savant fit connaître, dans la séance du 8 juin, qu'il
consentait à se charger de la partie de l'entreprise qui
concerne la période romaine. MM. Schayes et Bock furent
invités en même temps à s'occuper de la partie du travail
qui se rapporte aux époques postérieures. (Bulletins, t. XUT,
4"* partie, pp. 588 et 758.)
Je suis persuadé que nos honorables confrères n’ont pas
perdu de vue la pénible tâche qu'ils ont bien voulu s’im-
poser; à plusieurs reprises, M. Roulez a eu l’obligeance de
nous entretenir du degré d'avancement de son travail, dont
la publication semble, en effet, devoir précéder celle des
travaux relatifs à des époques plus récentes. Mon but, en
rappelant ce qui a été fait dans le sein de l'Académie, en
faveur de l'archéologie, est surtout de faire connaître au
publie que la classe n’a point renoncé à ses projets, que
les travaux qui lui ont été adressés ne resteront pas impro-
ductifs, et enfin d'obtenir de notre honorable confrère,
( 249 )
M. Roulez, qu'il veuille bien nous préciser, S'il est possible,
une époque à laquelle il pourra nous donner son travail.
M. Roulez, consulté par la classe, fait connaître qu’il
lui sufirait de quelques semaines d’un travail suivi, pour
achever la carte archéologique qu’il a promise à l'Académie,
mais que d’autres occupations l’absorbent pour le moment;
il espère cependant pouvoir terminer prochainement.
a
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Trois fables ; par M. le baron de Stassart, membre
de l'Académie.
Le Hibou coupable et puni.
Heureux et fétoyé par un bibliophile
Qui le considérait comme un voisin utile
Pour réprimer l'audace des souris,
Certain hibou, que j'ai connu jadis,
Vivait dans l'abondance et gras comme un chanoine.
Ainsi pouvaient s’écouler ous ses jours;
Mais non... il fit marcher les choses au rebours.
La souris lui sembla trop chétif patrimoine.
Il aperçoit, sur le donjon,
S'étalant avec grâce un superbe pigeon.
Et l’oiscau de Pallas, oubliant la sagesse,
Le convoite de l'œil, puis, par un tour d’adresse,
Fait si bien qu'il l'a dans son bec.
(250 )
« Cette chair est, dit-il, d’une délicatesse
« À charmer l’estomac, J'y reviendrai sans cesse. »
Le maitre l'entendit et le tint en échec;
Victime de sa gourmandise,
Le coupable subit la mort.
Je le dis sans détour (excusez ma franchise) :
Qui ressemble au hibou mérite un pareil sort.
L'Écureuil prisonnier.
Un beau matin des chasseurs diligents,
Sans respeet pour le droit des gens,
Prirent un écureuil, malgré sa résistance.
Plus fin, plus rusé qu'on ne pense,
Cet écureuil, plein de raison,
Parut se plaire en sa prison:
Il agitait sa queue ayec grâce, élégance ;
Joyeux, il tournoyait sous les yeux du patron,
Et, prenant un air fanfaron,
Regardait les badauds admis en sa présence.
Chacun de s'écrier: « Quelle heureuse existence! »
Le prisonnier pourtant regrette ses forêts,
Sa liberté, sa chère indépendance...
Pour les reconquérir, il conçoit maints projets,
Et, grâce à sa rare prudence,
De la part des geûliers aucune défiance!
Un soir, qu'ils étaient endormis,
Il se glisse à travers la grille
Et gagne au grand trot son logis...
Le vrai bonheur l'attend au sein de sa famille.
Qu'en pense-t-on? L'écureuil eut-il tort?.,,
La mauvaise humeur, les injures,
( 251 )
Les doléances, les murmures
Ne peuvent rien contre le sort.
Quel que soit le désir d’être toujours sincère,
En pareil cas là ruse est nécéssaire,
Les Loups et les Renards.
La faction des loups et celle des rénards
Gouvernaient tour à tour certaine république.
Chacun des deux partis comptait force bavards.
Eh! qui donc ne bavarde en fait de politique?
Les injures et les brocards
Tenaient lieu de raisons. Sur tous les étendards
Brillaient en lettres d'or: FÉLICITÉ PUBLIQUE !
Adoptés par la rhétorique,
Ces mots, si séduisants toujours,
De tous lés orateurs terminaient les discours.
Nul ne les mettait en pratique,
De dominer pourtant l’on se montrait jaloux,
Mais les loups, au pouvoir, mordaient leurs adversaires.
Ceux-ci les traitaient de corsaires.
« À bas, s'écriaient-ils, ces brigands et ces fous!
Lé peuple qui partage un si juste courroux,
Prétend voir les renards diriger les affaires,
Et lés renards alors font tomber sous leurs coups,
À force ouverte, non, mais par d’adroits manéges,
En les attirant dans des piéges,
Les chiens même pour peu qu'ils ressemblent aux loups.
De tels faits Fhistoiré fourmille :
Ce qui paraît un crime à n’én pas être 4bsous,
Quand il s'agit de soi n'est qu'ane peccadille,
Ami lecteur, qu'en pensez-vous ?
Ceci pourrait bien être un tableau de famille,
ae
(232 )
Siger de Gulleghem, docteur en théologie de l'Université de
Paris au XII siècle; par M. Kervyn de Lettenhove,
correspondant de l’Académie.
Lorsque Dante, parvenu, dans son épopée, aux plus
hautes régions du séjour céleste, se voit le centre d'une
couronne de lumières vives et éclatantes, saint Thomas
d'Aquin, le premier de la glorieuse sphère, lui nomme
tour à tour toutes les fleurs dont est tressée cette guirlande,
el quand il arrive à la douzième lumière placée tout à côté
de lui à sa gauche de même qu’à sa droite il a Albert le
Grand, il ajoute :
« Celle-ci est la lumière d’un esprit à qui, dans ses
graves pensées, la mort paraissait trop lente; c’est l’éter-
nelle lumière de Siger qui, en professant dans la rue du
Fouarre, méla à son argumentation des vérités qui exci-
tèrent la haine (1). »
M. Le Clere a démontré, dans un savant article du XXI°
volume de l'Histoire littéraire de la France, que ce passage
de la Divina Commedia se rapporte à un professeur de
l’Université de Paris, qui ayant été doyen du chapitre de
Notre-Dame de Courtray, était connu de ses contempo-
| QUE eus rh
mm
(1) Questi onde a me ritorna il tua riguardo,
È il lume d'uno spirlo che ’n pensieri
Gravi a morire li parve esser tardo.
Essa è la luce eterna di Sigieri
Che leggendo nel vico degli strami
Sillogizzù invidiosi vert.
(Divina commen, Paradiso, canto X.)
( 295 )
rains sous le nom de Siger de Courtray. J'ajouterai que
son véritable nom, oublié depuis six siècles, était Siger de
Gulleghem, et c’est sans doute, dans le village de Gulle-
ghem, à une lieue de Courtray qu'il faut chercher la patrie
de ce célèbre docteur du XIE siècle qui, lors même que
la science l’oublierait dans ses annales, est appelé à par-
tager l’immortalité des vers du poëte florentin.
Siger de Gulleghem fut le neuvième doyen du chapitre
de Notre-Dame de Courtray, fondé, en 1199, par Baudouin
de Constantinople et Marie de Champagne : on ignore en
quelle année il obtint cette dignité, mais il est certain
qu'en 1258, il avait pour successeur Gilles de Gand. Si,
d'autre part, l’on remarque qu’il fut l’un des coopérateurs
de Robert de Sorbon dans l’œuvre à laquelle celui-ci devait
laisser son nom, il ne paraît pas douteux qu'il ne faille
placer dans les premières années de la seconde moitié du
XIIF° siècle son arrivée à Paris. Peut-être même est-il
permis de supposer que Louis EX, qui visita la Flandre en
1255, remarqua la science de Siger et le ramena avec lui
pour l’attacher à la maison de Sorbonne, qui s'élevait sous
la protection de la piété et de la puissance du saint roi.
Jamais la Flandre ne fut représentée avec autant d'éclat
dans les écoles de Paris que dans cette dernière période du
XIIF siècle. Après avoir cité Henri de Gand, le docteur
solennel, Jean de Wardo ou de Weerden, le premier moine
de Citeaux qui eût obtenu le titre de docteur en théolo-
gie (1), François César ou de Keysere, moine des Dunes
comme Jean de Weerden et, comme lui, docteur en théo-
(1) Za Chronique des Dunes dit de lui : Sonora praedicalio peccan-
lium auribus quasi tuba coelestis terrébiliter insonuit : ejus verba tan-
quam stimuli peccata populi pungere noverant, non palpare.
( 254 )
logie (t), Jean Uténtune, plas connu sous le nom de Jean
d'Ardénbourg (2), Odon de Douay (5), Jeañ de S'Amand (4),
Jean Lammens, de Gand (5), Gilbert (6) et Guillaume (7)
dé Tournay, il faut S’arrêter et répéter avec Dante :
To non posso ritrar di tutti appieno ;
Perocchè sù mi caccia ’lungo tema
Che molte volte al fatto il dir vien meno.
La rue du Fouarre (vico degli Strami), où Siger de Gul-
leghem professa pendant environ quarante années, tou-
chait à la place Maubert, toute pleine encore des souvenirs
d'Albert le Grand. Siger eut aussi son nombreux et bruyant
auditoire d'étudiants de toutes nations, toujours prêts à le
soutenir et à le défendre : Pars Sigeri, dit le cardinal
Simon de Brie, depuis pape sous le nom de Martin IV.
Quelles furent toutefois ces vérités exprimées en ar-
guments philosophiques, qui excitèrent la haine? Cette
allusion mystérieuse de Dante rappelle-t-elle seulement là
(1) François de Keysere était né à Dixmude. 11 commeénta ; dans Ja faculté
de théologie de Paris, les quatre livres des Sentences de Pierre Lombard.
(2) Jean Utentune, auteur de plusieurs traités théologiques, donnait des
cours püblics à Paris, au couvent de Saint-Jacques. Vèrs 1285, Jacques Uten-
tune était bourgmestre d'Ardenbourg:
(5) Odon de Douay fut l’un des fondateurs de la Sorbonne.
(4) Jean de Saint-Amand enseignait la médecine à Paris. [l fut surnommé
doctor suavissimus.
(5) Jean Lammens (Joannes Agnelli) fut admis au nombre des prédicateurs
de la faculté de théologie de Paris. Ses sermons étaient fort admirés.
(6) Gilbert de Tournay prit, à Paris, le grade de docteur en théologie. On
lui attribue de nombreux ouvrages.
(7) Guilliume de Tournay fat docteur en théologie à Paris. On à conservé
de lui un traité Dé modo docendi püeros.
( 255 )
vivacité des contestations qui éclatèrent relativement au
rectorat de l’université entre Albéric de Reims et Siger de
Gulleghem? Faut-il l'expliquer par des propositions té-
méraires de Siger, qui donnèrent lieu à ane enquête de
Simon du Val, inquisiteur de la foi? Je ne le crois point.
Les luttes du rectorat sont antérieures à 4275 : l'enquête
est de 1277. Dante, âgé de douze ans à cette époque, ne
connaissait encore que Florence qui depuis dédaigna son
génie, parvi Florentia mater amoris.
Dante était né en 1265. C'est entre 1285 et 1289 qu’eut
lieu, selon l'opinion la plus vraisemblable, le voyage à
Paris, où il prit le grade de bachelier en théologie. Or,
comme M. Le Clerc l'a fort bien fait observer, ce fut pré-
cisément le cours de Siger de Gulleghem, consacré à l'inter-
prétation des traités d’Aristote, que Dante dut suivre pour
devenir bachelier, et sans doute la reconnaissance de l’étu-
diant, jeune et obscur, eut quelque part au magnifique
hommage que le grand poëte rendit plus tard au professeur
dont il avait écouté les leçons.
Parmi les étudiants venus d'Aquitaine à l'Université de
Paris, il en est un qui, en mentionnant les commentaires
de Siger sur Aristote, a soin de remarquer que cet illustre
docteur {doctor praecellentissimus) disait que, les hommes
étant agités de passions diverses, il importait au bonheur
des États d'être régis par de bonnes lois (1). Sans aller
——————————_————————————_—_—_———
(1) Je ne sais s'il m'a été donné de retrouver, dans un traité anonyme
inséré dans un manuscrit de l’abbaye des Dunes STE de Siger de Gul-
leghem, auquel fait allusion l’auteur du livre De Recuperatione terrae sanc-
tae : Super politica Aristotelis determinavit praecellentissimus doctor
Philosophiae, magister Sigerus , quod longe melius est civitatem regè legi-
bus rectis quam probis viris, quoniam non esse possunt quin possibile sit
TOME xx. — J"° PART. 47
( 286 )
jusqu’à rechercher à combien de discussions et de consi-
dérations de ce genre pouvait donner matière la Politique
d’Aristote, nous reconnaîtrons ici les invidiosi veri, si
nous nous souvenons que le prince qui régnait alors était
Philippe le Bel, qui le premier employa dans les actes la
formule : par la plénitude de notre puissance royale, for-
mule que ses légistes développèrent aussi bien contre Boni-
face VIII que contre les chevaliers du Temple.
Un document inédit donne à cette hypothèse une grande
vraisemblance. II complétera à la fois la biographie de
Siger de Gulleghem et celle de Jean de Weerden , et l’his-
toire politique de ce temps devra peut-être une nouvelle
page à l'examen d’une question d’histoire littéraire.
En 1274, le pape Grégoire X exhorta, au concile géné-
ral de Lyon, le roi Philippe le Hardi à prendre la eroix, et
il lui permit, dans ce but, de lever sur les biens ecclésiasti-
ques une dime qui ne devait frapper ni les hôpitaux, ni les
hospices, ni les monastères les plus pauvres. On sait que
d’autres préoccupations détournèrent Philippe le Hardi de
son projet d'aller combattre les infidèles en Orient. Cepen-
eos corrumpt passionibus. (Ap. Bongars, Il, p. 558.) Voici quelques lignes
du manuscrit des Dunes qui semblent répondre assez exactement à cette in-
dication : Zlomo habet passiones sibi conjunctas. Pussiones autem dis-
trahunt voluntatem et faciunt deviare a recto fine et pervertunt judicium
rationis. Lex nullas habet passiones et non potest deviare a recto fine, etc.
Ce traité et un autre qui y est joint sont intitulés : £æxpositiones supra
libros politicorum et rethoricorum Aristotelis. Ils sont de la fin du XIII<
siecle, et j'y trouve cités Albert le Grand et Thomas d’Aquin (A4lbertus,
Thomas). Si le verbe syllogizare appartient, comme le dit M. Le Clerc, à
Siger de Gulleghem, ce manuscrit peut lui être attribué, puisque j'y lis cette
phrase : Silogizantem aut instantiam ferentem, et immédiatement après on
explique ce que veut dire : syllogizare. Quintilien traduisait «vAAoÿiery par
ratiocinari. Syllogisare a un sens noû moins étendu. Un peu plus loin, le
( 257 )
dant Philippe le Bel agité, selon l'expression du moine
d'Egmond, de la fièvre de l’avarice et de la cupidité (1),
crut trouver un prétexte favorable pour toucher aux ri-
chesses de l’ordre de Citeaux, et bien que dix-sept ans se
fussent écoulés depuis le concile de Lyon, il fit sommer,
en termes altiers et menaçants, les abbés de Citeaux et de
Clairvaux de remettre sans aucun délai tout ce qu'avait
produit la dîime accordée à son père, entre les mains des
marchands ou usuriers florentins de la société de Lambert
de Frescobaldi (de societate Lambertini de Frescobaldis) (2).
Le 9 avril 4292 (3), les abbés de Citeaux et de Clair-
vaux se rendirent à Paris au collége de Saint-Bernard,
fondé, en 1246, par Étienne, abbé de Clairvaux, et y délé-
guèrent leurs pleins pouvoirs à deux religieux nommés
Guillaume d'Auxerre et Nicolas de Rosières, et l’un d'eux,
Nicolas de Rosières, lut aussitôt une déclaration par la-
quelle les abbés de Citeaux et de Clairvaux, après avoir
protesté de leur bonne foi et de leur intention de se con-
former à tout ce qu'avait prescrit Grégoire X, tant au nom
des monastères de France qu’au nom des abbayes cister-
même volume donne un Excerptum de Summa magistri Ægidii (Gilles
de Lessines?) super libellum de bona fortuna , et l’un des derniers feuillets
offre ces mots d’une main un peu plus récente, écrits probablement en 1297:
Anglia, Flandria flent. Francia nescia fraudis. Obtinet haec terra prae-
lia, praedia , praemia laudis.
(1) Cupiditatis et avaritiae febribus maculatus. Chr. Will. mon. Egm.
(2) Les Frescobaldi étaient aussi les usuriers du roi d'Angleterre. Une
charte insérée dans le recueil de Rymer (I, IV, p. 76) mentionne: Emericum
de Friscobald et socios suos mercatores de societate Friscobaldorum de
Florentia.
(3) Anno Domini MCC nonagesimo secundo, mensis aprilis die nona
videlicet die Mercurii post festum resurrectionis Domini, circa horam
vesperarum.
( 258 )
ciennes de Hongrie, de Frise, de Danemark, de Suède,
d'Allemagne, d'Angleterre, de Flandre et d'Espagne, in-
terjetaient appel par-devant le saint-siége et se plaçaient,
eux et leurs biens, sous la protection des apôtres Pierre
et Paul et de la sainte Église romaine. Les dernières lignes
de la procuration donnée aux deux moines de Clairvaux
sont ainsi conçues : Actum Parisius apud Sanctum Ber-
nardum in capella hospicii seu domus in qua morabatur
magister Johannes de Dunis, magister in theologia, ordi-
nis Cisterciensis, regens in eodem loco in theologia, prae-
sentibus venerabili et religioso viro domino abbate Sancti
Germani de Pratis Parisius, domino magistro Johanne de
Dunis , domino Sugero (4) olim decano Cortraci, magistro
Petro de Ponteciso, regente Parisius in medicina, et Ge-
rardo de Carvino clericis ; et pluribus aliis testibus vocalis
ad hoc et rogatis (2).
Tel fut le premier acte de cette grande lutte de l’ordre
de Citeaux, champion du pouvoir religieux, contre l’ambi-
tion envahissame de Philippe le Bel, lutte trop peu connue
qui mérite des recherches spéciales. L'abbé de Saint-Ger-
main des Prés, qui figure comme témoin dans cette pro-
testation, fut appelé, quelques années après, par Boni-
face VIII à l'évêché du Puy, et fut l'un des prélats qui se
rendirent à Rome aux fêtes de la Toussaint 4302, malgré
‘Ja défense de Philippe le Bel. Les noms de tous les autres
(1) Le copiste a mal transcrit le prénom. La première lettre ressemble à
un t, et le signe abréviatif a été omis à la dernière syllabe : go. Mais les mots
qui suivent : olîm decano Cortraci, suflisent pour rendre tout doute impos-
sible:
(2) Liber continens varias litteras, etc. MS. des Dunes. Ce document
y porte le n° 559.
( 259 )
témoins , à l'exception d’un seul, appartiennent à la Flan-
dre, et ceci est d'autant plus remarquable qu’en ce moment
même Gui de Dampierre se séparait du roi de France
pour traiter avec le roi d'Angleterre (1).
L'abbé de Citeaux comprenait lui-même si bien toute
l'importance de cette protestation, que le même jour,
9 avril 4292, il voulut reconpaître la part qu'y avait prise
Jean de Weerden, en lui accordant le privilége de siéger
dans l’ordre de Citeaux immédiatement après les abbés;
c'est ainsi, écrivait-il dans une lettre qui nous a été con-
servée, qu'il honorait le trésor de la sagesse supérieur à
tous les royaumes et à tous les rois : salularis sapientiae
margaritam cunctis regnis et regibus praeferendam (2).
Siger de Gulleghem, associé à la protestation de 12992,
s'était déjà sans doute illustré par une résistance aussi
éloquente que courageuse dans ces cours de la rue du
Fouarre, où plus d’un bourgeois de la Cité put se mêler à
la foule des étudiants pour l'entendre. Tout explique les
impressions que reçut l'imagination ardente et forte du
poëte, et l'on comprend aisément que Dante ait entouré
de quelques rayons d’une lumière immortelle, luce eterna,
les graves pensées, pensieri gravi, et les vérités hardies,
invidiosi veri, de ce vieillard qui, en présence de Philippe
le Bel, des Plassian et des Nogaret, s'attristait de survivre
au siècle de saint Louis et de saint Thomas d'Aquin, a
morire li parve esser tardo.
(1) Le sauf-conduit donné par Édouard I‘ à Gui de Dampierre, qui se
rend en Angleterre, est du 6 avril 1292. Un traité fut signé le 6 mai. (Rymer,
1, I, pp. 90 et 91.)
(2) Ch. de Visch, Piblioth. cistere., p.176; Mém. de l’Académie, XXV,
Notice sur un MS. des Dunes, p. 40.
———
( 260 )
Notes pour servir à l'histoire des sciences en Belgique pen-
dant le XVIII siècle, par M. de Chênedollé, directeur
du Bulletin du bibliophile belge.
M. le chevalier Marchal a présenté à la classe des lettres,
dans sa séance du 8 novembre 1852, une intéressante
notice sur Michel Florent Van Langren, cosmographe et
mathématicien des archiducs Albert et Isabelle , et ensuite
de Philippe IV, roi d’Espagne (1).
Le savant conservateur de la Bibliothèque de Bourgo-
gne signale, pp. 415-414, les travaux du mathématicien
officiel relatifs au problème difficile de la détermination
des longitudes en mer, et il entre à ce sujet dans des
détails curieux.
La classe des sciences veut-elle bien me permettre de
lui communiquer une pièce inconnue, qui prouve que
Van Langren n’est pas le seul Belge qui se soit occupé de
cette importante question ?
Un Liégeois, sur lequel je n'ai pu recueillir que des
renseignements très-incomplels, a aussi consacré une
partie de sa vie à la solution de ce problème : c’est Nicolas
Joseph Neuray, bourgeois de la noble cité de Liége, comme
il s'intitule, et ancien curé de Stembert, près de Verviers.
Son Mémoire, formant 14 pages in-12, imprimé à Liége
chez J.-F. Bassompierre en 1760, nous paraît mériter
l’honneur d’être reproduit dans le Bulletin de l’Académie.
C’est un doeument qui n’est pas sans quelque intérêt pour
l’histoire des sciences en Belgique au siècle dernier, époque
(1) Voy. Bulletins de l’ Acad. , t. XIX, TII° partie, pp. 408-490.
(261)
qui, quoiqu'elle soit plus rapprochée de nous, est en géné-
ral beaucoup moins riche en sources littéraires que les
trois siècles antérieurs. L’exemplaire que je me fais un
devoir de mettre sous les yeux de l’Académie, est peut- :
être le seul qui existe encore aujourd’hui. Je n’en ai jamais
rencontré un autre, et M. de Villenfagne lui-même, ce
savant académicien ({), qui a rendu tant de services à
l'histoire du pays de Liége, ignorait l'existence de cette
pièce volante.
Tout ce qu'il a pu découvrir sur Neuray se réduit au
passage suivant, inséré dans ses seconds Mélanges, Liége,
1810, pp. 554-556. Je crois devoir le transcrire textuelle-
ment, parce qu'il donne l’indication d’un autre travail
scientifique de notre compatriote.
« Je ne connais, dit-il, aucune circonstance de la vie
de N. Neuray, si ce n'est qu'il obtint au concours, vers
1750, la cure de Stembert, village situé non loin de Spa,
et qu'il termina sa carrière vers 1776; il s’'adonna, dès sa
plus tendre jeunesse , avec passion à la géométrie, et s’ap-
pliqua de même avec beaucoup d’ardeur à l'astronomie.
On assure qu'il avait fait dans ces deux sciences des décou-
vertes intéressantes; mais Neuray, aussi simple que mo-
deste, ne voulut jamais communiquer au public le fruit
de ses études, et sans un événement auquel il paraît que
l'Europe prit part, il ne nous resterait absolument rien
de notre savant et laborieux concitoyen (2).
(1) 7oy. ma notice, à laquelle l’Académie a accordé les honneurs de l’in-
sertion dans son Annuaïre de 1837, pp. 94-105.
(2) Il résulte clairement de ces lignes que M. de Villenfagne n'avait jamais
entendu parler du mémoire de Neuray, ni de ses prétentions persévérantes
aux différents prix considérables, proposés, en France et en Angleterre, pour
la solution du problème des longitudes.
( 262 )
» En 1745, on eut quelques doutes pour savoir quel
jour on devait fixer les Pâques en 1744. L'Empereur in-
vita tous les princes de l'empire germanique à envoyer à
la diète leurs avis sur cet objet important. Son but était
d'obvier aux inconvénients que peut produire la célébra-
tion des Pâques en différents temps. Georges-Louis de
Bergue, prince de Liége, chargea le curé de Stembert de
répondre aux intentions de Sa Majesté Impériale. C'est ce
qu’il fit dans un imprimé, in-folio, de 8 pages (1), qu'il
dédia à Messieurs les chanoines de la cathédrale de Liége ,
auxquels l'exercice de la souveraineté, comme s'exprime
Neuray, appartenait alors, parce que Georges-Louis ve-
nait de mourir. Il commence par faire quelques réflexions
sur le calcul astronomique et sur les cycles; le calcul
astronomique, dit-il, ou les cycles doivent nous servir de
règle dans la question qu'il s’agit d’éclaircir, Il fait voir
ensuite qu'en suivant le calcul astronomique, il n'est
pas possible de se conformer au décret qui ordonne de
célébrer les Pâques par tout l'univers le même jour. II
examine après si l'usage des cycles n'offre point une mé-
thode infaillible d'accorder tout le monde. Sur ce prin-
cipe, l’auteur dresse done une nouvelle table, au moyen
de laquelle le jour de la célébration des Pâques peut être
exactement désigné pendant des milliers d'années, en rec-
tifiant seulement de temps en temps, comme Neuray le
propose dans cette table, le cyele des épactes. Il fixe, selon
(1) Voici le titre exact de cette pièce : Réponse de Liége à la lettre cireu-
laire de S. M. I. aux princes et États de l'Empire, et notamment à
S. À. l’évêque et prince de Liége, touchant les Pâques de l’an 1744.
(Catalogue de J.-L. Massau. Bruxelles, février 1848. N° 1426. Cet exem-
plaire, avec notes bibliographiques de M. Massau, a été vendu 2 fr.)
( 265 )
l’épacte, le jour des Pâques de l'an 1744 au 5 avril :
on aurait pu, selon le calcul astronomique, le placer le
29 mars (1). »
Les autres biographes liégeois se sont bornés à copier
l’article de M. de Villenfagne en l’abrégeant, et ils n’ont
ajouté aucune particularité à celles qu’il nous fournit sur
le mathématicien liégeois (2).
La question de la fixation de la fête de Pâques, traitée
par Neuray, a souvent occupé les savants. Nous ne croyons
pas inutile d'indiquer iei en passant quelques opuscules
sur ce sujet, qui intéresse à la fois à un haut point les
mathématiciens et les ecclésiastiques:
4° Lettre de P. Petit (l'ami de Pascal, de Descartes, de
Fermat, du P. Mersenne), touchant le jour auquel on doit
célébrer la fête de Pâques, avec une dissertation latine
de Fr. Levera, romain, sur le même sujet. Paris, 1666,
in-4°. (Voy. sur la polémique que souleva cette lettre, les
Mémoires du P. Niceron, t. XLII, pp. 491-192.)
> Question de chronologie ecclésiastique : Si la fête de
Pâques est toujours le dimanche après la pleine lune de
mars. Douai, 1736, in-4°.
5° Dans la Clef du cabinet, imprimée à Luxembourg,
on trouve un article sur le comput pascal , octobre 1763,
pp. 256-260.
4 Les différentes pièces indiquées dans l'excellente
(1) M. de Villenfagne aurait pu ajouter qu’en 1744, les protestants célébre-
rent cette fête le 29 mars, et les catholiques le 5 avril. Joy. l’ Art de vérifier
les dates, édition in-8, t. I, p. 84. Sur cette longue controverse entre les
deux communions, voy. Pfeffel, Nouvel abrégé chronologique de l’histoire
d Allemagne, édit. in-8°, 1777, t. IT, pp. 548-551.
(2) Joy. Becdelièvre, Biographie liégeoise, t. I, p. 448; H. del Vaux,
Dictionnaire biographique de la province de Liége, p. 92.
( 264 )
table du Journal de Verdun, par Dreux du Radier, t. VIT,
pp. 103-104.
5° Dans le même recueil, postérieurement à la table,
qui Sarrête à la fin de 1756, on trouve : Lettre pour
prouver que Pâques n'arrive jamais dans la lune de mars.
Juillet 4771, p. 23.
6° Lettre sur la fête de Pâques et sur la lune de mars,
par La Lande. Journal de Paris, 1785, n° 65, p. 263;
et réponse d'un anonyme, n° 70, p. 292 (reproduites dans
l'Esprit des journaux, mai, même année, pp. 252-259).
7° Preuve de la juste et légale célébration de la fête de
Pâques, le 3 avril 1825, par l'abbé Halma. (Dans la 5‘ par-
tie du Commentaire de Théon, in-4°, et tirage à part,
16 pp. in-4°.)
Dix-sept ans après la publication de son travail sur la
fête de Pâques, en 1760, Neuray, qui devait être déjà alors
avancé en âge, revint sur la question des longitudes, à la-
quelle il avait travaillé sans relâche dès l'année 1758
(grande mortalis aevi spatium , comme dit Tacite). C’est
le sujet du mémoire que j'ai annoncé en commençant,
et dont je verrais avec plaisir que la classe votât la réim-
pression dans le Bulletin (1). C’est, en effet, le moyen de
sauver de l'oubli et de la destruction une pièce ignorée,
honorable pour l’auteur, qui pourra ainsi, à la faveur de
(1) L'opuscule dont l'Académie, d’après ses usages, n’a pu autoriser la
reproduction, est intitulé : #émoïres touchant la méthode de trouver la
longitude , proposée aux puissances , auxquelles elle peut étre utile, dès
1758, par le sieur Neuray, bourgeois de la noble cité de Liége, et dont il
est encore prêt à faire la démonstration en 1760. On y voit que, déjà en
1758, Neurayÿ avait adressé à diverses puissances un mémoire sur sa décou-
verte. Le célèbre Bruzen de la Martinière, géographe du roi d'Espagne,
s'était chargé de le leur faire parvenir. Neuray transcrit deux lettres de la
( 26 )
ses deux titres scientifiques, obtenir une mention dans
l'ouvrage dont M. le secrétaire perpétuel s'occupe depuis
longtemps, sur l'histoire des sciences mathématiques en
Belgique, et qui sera certainement pour notre pays ce
qu'a été pour l'Italie le beau livre de M. Libri sur la même
malière.
Je crois que le travail de Neuray, dont on ne peut juger
la valeur scientifique d’après son petit mémoire, rédigé à
dessein d'une manière mystérieuse et, pour ainsi dire,
énigmatique , est à jamais perdu, et qu'il sérait impossi-
ble d'en retrouver la trace. Il aura, sans doute, été égaré
ou détruit après la mort de l’auteur.
Notre compatriote, pour obtenir les riches récompenses
offertes par de généreux particuliers et par des gouver-
nements éclairés, avait à lutter contre un grand nombre
de concurrents. Montucla, dans son Histoire des mathéma-
tiques, continuée par La Lande, cite, t. IV, pp. 585 et sui-
vantes , une quantité de livres composés sur cette question.
La Lande en indique aussi quelques-uns dans sa Bibliogra-
phie astronomique, p. 946.
Enfin, on peut aussi consulter la table du Journal des
savants, par l'abbé de Claustre, t. VE, p. 455, et celle du
Journal de Verdun, t. V, p.419. Elles contiennent une énu-
mération assez étendue de mémoires omis par Montuela
Martinière, dans lesquelles il fait l'éloge de la science et des talents du curé
liégeois. 11 avait eu des relations personnelles avec Ini à la Haye, où Neuray
avait fait aussi la connaissance du marquis de Fénelon, ambassadeur de
France, tt d’autres personnes, Il nous apprend, en 1760, qu’il avait résigné la
cure de Stembert depuis plus de quatre ans, qu'il s'était fixé à Liége, et qu'il
habitait le quartier d'Outre-Meuse. Voilà les seules données biographiques
que nous avons trouvées dans le mémoire de Neuray.
( 266 )
et La Lande. Mais aucune de ces sources ne fait mention de
l'opuscule, dont je m’estime heureux de pouvoir révéler
l'existence à l'Académie, grâce à l’occasion naturelle que
m'offrait la notice de M. Marchal sur Van Langren, le
devancier flamand du Liégeois Neuray.
Notice sur les causes du siége de Metz, par Charles-Quint,
en 1552, avec un appendice concernant le mariage pro-
jeté entre la fille aînée de cet Empereur et le second fils du
roi François [° ; par M. le chevalier Marchal, membre
de l'Académie.
Après une longue suite d'années de prospérité, le siége
de Metz, pendant les trois derniers mois de 4552, fut le plus
malheureux événement du règne de l’empereur Charles-
Quint. Ce n’est pas à lui qu'il faut attribuer ce grand dé-
sastre, mais aux conseils du duc d’Albe, qui en comman-
dait en chef les opérations et qui comptait pour rien la
santé et la vie des hommes. C’est ce même duc d’Albe qui
depuis fit tant de mal aux habitants des Pays-Bas.
L'armée de Charles-Quint n’a pas été vaincue, mais elle
n'a pu supporter la rigueur d’un hiver insalubre et variable.
Une épidémie, résultant du coucher des soldats sur la terre
humide, dans des tentes, en fit périr une partie considé-
rable. La levée du siége et la retraite ne furent pas une
déroute. Charles-Quint en sauva, par une marche régulière,
les restes maladifs, toute son artillerie et ses munitions.
Le siége de Metz à été décrit avec la plus complète
exactitude, au tome cinquième de l’Histoire de Lorraine de
( 267)
dom Calmet, et récemment, en 1847-48, dans un mémoire
imprimé de l’Académie des lettres, sciences, arts et agri-
culture de Metz, par M. Worms, membre de cette Société
savante en correspondance avec notre Académie.
M. Worms y dit que, le 10 janvier 1541 (style moderne),
l’empereur Charles-Quint fit sa première entrée à Metz,
alors ville libre et impériale, gouvernée par des magistrats
municipaux. L'Empereur y demeura pendant trois jours,
ce qui est conforme aux éphémérides des 57 années de
voyages de ce prince, écrites par Vandenesse, qui le suivit
jusqu’au mois de mai 1551, en sa qualité de surintendant
de la maison impériale. (Voir les manuscrits 14611, etc.,
de la Bibliothèque royale.)
Selon cet itinéraire, l'Empereur venait de parcourir, au
mois de décembre 1540, le Tournaisis, le Hainaut, Na-
mur, les Ardennes. Il arriva, le 1° janvier 1541, à Arlon,
le 2, à Luxembourg. Il eut dans cette dernière ville (voir
Pontus Heuterus), une conférence avec le duc de Lorraine,
Antoine le Bon, qui ne sortait de ses États, disent les his-
toriens, que pour vouloir mettre d'accord Charles-Quint
et François [°', et qui projetait le mariage de François,
son fils et son héritier, avec la duchesse douairière de
Milan, Christine, présente à cette conférence, nièce de
Charles-Quint. Elle était fille de la reine Isabelle, sœur
défunte de cet empereur et de Christiern, roi de Danemark;
elle fut duchesse de Lorraine, en 1544; c'est elle que,
quinze ans plus tard, le roi Philippe IE voulait nommer
gouvernante des Pays-Bas. Il préféra Marguerite de Parme.
Le 15 janvier 1541, l'Empereur partit de Metz pour l’AI-
lemagne. L'année suivante (1542), la guerre recommença
contre François I“. En 1544, l'Empereur vint une seconde
fois à Metz, selon le mémoire de M. Worms, ce qui est
( 268)
conforme à l'itinéraire de Vandenesse ; mais Robertson ne
fait mention ni de ce second voyage, ni du premier. Voici ce
que dit M. Worms : « Dans ce second voyage, l'Empereur
eut une velléité de soumettre entièrement Metz. Il en garda
les clefs ; il fut sur le point d’y établir un gouverneur, mais
il en fut détourné par les conseils du cardinal de Gran-
velle. » Je ferai observer que ce ministre n'avait alors que
le titre d'évêque d'Arras, ayant été élu en 1558. Quelques
développements au récit de M. Worms sont nécessaires,
parce qu'ils concernent l'histoire de Belgique dont nous
nous occupons principalement dans cette Académie. Dès le
commencement de la guerre, en 1542, l'Empereur avait fait
construire entre Sambre et Meuse, la forteresse de Marien-
bourg. En 1543, au mois d'octobre, une armée française,
après avoir traversé Ja ville de Cambrai, alors impériale, et
s'être emparée de la ville de Landrecies, était commandée
par le roi François I, en personne. Charles-Quint était
accouru pour reprendre cette ville, mais il ne put y réussir.
Les deux souverains manœuvrèrent par des marches et des
contre-marches tout autour de Cateau-Cambresis. Tout à
coup, le samedi 40 novembre, selon Vandenesse, l’Em-
pereur entre avec son armée dans Cambrai. Le 45, il y fait
venir en son hôtel l'évêque Robert de Croy, qui lui était
dévoué entièrement, les chanoines et les magistrats. I] leur
déclare (voir Carpentier, Hist. de Cambrai, H, 157) qu'il
avait résolu de faire construire immédiatement une cita-
delle, annexée à la ville, pour empêcher à l'avenir toute
entreprise de la part des Français. « Ce à quoi, dit Vande-
nesse , ils ne surent que répondre. » Il fit commencer les
travaux ; il partit le 15 du même mois pour Valenciennes.
De tous ces événements, le siége de Landrecies est le seul
qui soit raconté par Robertson ; mais Sepulveda, biographe
( 269 )
espagnol et contemporain de Charles-Quint, qu'il alla vi-
siter au monastère de S'Juste, en donne quelques détails.
I n’y a donc rien d'étonnant que si l'Empereur, pour
défendre l'entrée de ses provinces des Pays-Bas entre la
Meuse et l’Artois, a fait fortifier Cambrai sur l'Eseaut,
en amont de Valenciennes, en 1545, et si, en l’année
1542, il avait fait construire Marienbourg, qu'il ait eu
l'intention, en 4544, d'établir un gouverneur à Metz, une
des clefs de l'Empire, pour être aussi aux avant-postes de
ses villes fortes d'outre-Meuse, dans le duché de Luxem-
bourg, en amont de Thionville sur la Moselle; car par une
continuation de ce même système d'une ligne non inter-
rompue de forteresses , il fit construire, en 1545 : 4° Phi-
lippeville, pour réparer la perte toute récente de Marien-
bourg ; 2° Charlemont, au-dessus de Givet sur la Meuse,
en amont de Bouvigne, de Dinant et de Namur. Le prince
d'Orange eut la direction des travaux de ces deux forte-
resses, qu'il faisait bâtir à la barbe des Français, comme
il l’écrivait à sa femme (voir sa correspondance publiée
par M. Groen van Prinsterer, 1, 14), et qui en quitta les
travaux, le 13 octobre, étant appelé à Bruxelles pour l'ab-
dication de Charles-Quint.
Revenons à la campagne de 1544 ; le succès en fut si
complet que la nomination d'un gouverneur en la ville
de Metz devint inutile; on va voir cependant que si elle
s'était effectuée, Henri IE, roi de France, en 4552, ne s’en
serait pas emparé par surprise.
La campagne de Charles-Quint en 4544, contre Fran-
çois [”, est l'apogée de la gloire et de la puissance de cet
Empereur. Au commencement de l’année, il était en Alle-
magne; au printemps, il vint à Spire, prétextant l’occa-
sion d'y célébrer le mariage du comte Lamoral d'Egmond
(270 )
avec Sabine de Bavière, fille de l'électeur palatin. A ce
mariage, dont les fêtes sont décrites à la date du mois
de mai par Vandenesse, le roi des Romains, frère de
l'Empereur , les archidues et beaucoup de princes souvé-
rains de l'Empire furent invités. Charles-Quint y faisait,
au milieu des plaisirs, les préparatifs d’une expédition au
cœur de la France, et il y attendait que Henri VHT, roi
d'Angleterre , redevenu son allié, en 1545 , depuis la mort
de Catherine d'Aragon , sa lante, eût opéré un débarque-
ment de troupes anglaises à Calais, commencé le siége de
Boulogne et menacé d’envahir la Picardie. Cette alliance
était la contre-partie de celle que François [* venait de
faire avec Soliman I, empereur ottoman ; qui devait atta-
quer la Hongrie. J'y reviendrai ultérieurement.
L'armée de Charles-Quint, composée d’Allemands et de
Flamands, parmi lesquels le comte d'Egmond avait un
commandement, se mit en marche : Charles-Quint fit sa
deuxième entrée à Metz, le 16 juin 4544. Il y attendit d’au-
tres troupes qui arrivaient d'Italie. Antérieurement , une
armée française commandée par le duc d'Orléans, second
fils du roi François I“, avait conquis le Luxembourg mé-
ridional, qui est au nord de Metz : mais il se retire pré-
Cipitamment à l'approche de l’armée impériale, passe la
Meuse dans les Ardennes et abandonne 40 pièces de grosse
artillerie et d’autres canons.
Le 10 juillet, l’armée impériale, réunie à Metz, se dirige
sur Pont-à-Mousson; elle passe ensuite la Meuse. Le 24, elle
s'empare de Vitry; le 8 août, après un siége mémorable où
se distingua le comte d'Egmond , elle entre dans S'-Dizier.
Les armées du roi François I‘ se retirent, étant dans l’im-
possibilité de résister aux troupes impériales. Le roi était
älorsmaladeaux environsde Paris. Brantôme nous apprend
( 271 )
(voy. Histoire de François 1”, par Gaillard, t, I, p. 383)
que ce prince dit à la reine Marguerite de Navarre, sa
sœur qui avait épousé le roi Henri d'Albret: « Allez-vous-
en à l’église, faites à Dieu la prière que, puisque son vou-
loir est tel d'aimer et de favoriser l'Empereur plus que
moi, il fasse au moins que je ne le voie pas campé devant
la principale ville de mon royaume. »
Effectivement, selon le manuscrit 14045 , l'armée de
Charles-Quint , après s'être emparée de Château-Thierry,
d'un côté, de Soissons d’un autre côté, étant à Compiègne
le 2 septembre, n’était éloignée de Paris que d'une journée
et demie de la marche d'un cheval, La peur faisait partir de
Paris l'élite de la population : Complures ex opulentissimis
ipsa Lutetia, ab qua itinere equestri vix sesqui diei aberamus
relicta, in Aquitaniam usque, trans Ligerim fugerant.
C'est par un itinéraire à peu près semblable, que les
coalisés, en 1792, pénétrèrent jusqu’à Valmy, et qu'en
1814, les alliés manœuvrèrent jusqu’à Paris. Tout l'itiné-
raire de Charles-Quint est tracé par Vandenesse avec beau-
coup plus d’exactitude que par les autres historiens.
Le roi François I‘, dans cette extrémité, eut une entre-
vue avec Charles-Quint. Un traité de paix fut signé à Crépy
en l'Ile-de-France (v. MS. contemporain 7531) et non en
Laonnais, le 48 septembre : c’est en partie l’œuvre de Gran-
velle, qui négocia le traité au nom de l'Empereur et qui,
d’ailleurs, nous en informe au tome III de ses Mémoires.
J'en ferai connaître, à l’appendice de cette notice, les arti-
cles qui concernent spécialement nos provinces belges.
Quatre jours plus tard, le 22 septembre (v. MS.14455 des
Olim du parlement de Paris), François I°" fit publier le traité
de paix dans la capitale de la France. Le roi, est-il dit
dans la publication, pour rassurer les habitants, avait vu,
TOME xx. — I'* PART. 18
( 272 )
par le voyage qu’il venait de faire par-devers l'Empereur,
que si jamais il y a paix perpétuelle, celle-ci le serait, et
que ledit Empereur avait bien bonne volonté de la garder
et entretenir, et que tous deux ils avaient grande affection
d'extirper les hérésies de leurs États respectifs.
En 1547, le roi François [* mourut. Henri IT, qui lui
succéda, détestait Charles-Quint. Les lettres de S'-Morisse
(v. MS. 16078), ambassadeur de cet Empereur à la cour
de France, le disent formellement. La reine Éléonore,
sœur de Charles-Quint et veuve de François I‘, se retira
sans douaire et vint auprès de son frère à Bruxelles.
Le roi Henri If, voulant attaquer plus directement
Charles-Quint que par l'alliance avec la Porte Ottomane,
comme l’avait fait son père, traita, le 5 octobre 1551, avec
les princes protestants de l'Empire; il ratifia ce traité à
Chambord , le 5 janvier 4552. Dans le préambule (v. Di-
plomatique de Dumont), les affaires de religion sont lais-
sées en dehors du traité; mais les princes protestants,
y est-il stipulé, veulent empêcher leur chère patrie, la
Germanie, de tomber dans une bestiale servitude, comme
l'Espagne. Ils marcheront contre l'Empereur avec l'alliance
du roi de France. « Nous avons trouvé bon, y disent-ils,
que ce roi s’impatronise des villes de l'Empire qui ne sont
point de la langue germanique, à savoir : Cambrai, Toul,
Metz, Verdun et autres, et qu’il les gardera comme vicaire
du S'-Empire, non-seulement comme ami, mais aussi
comme protecteur charitable. »
En cette qualité, au commencement de l’année pascale
1552, le roi, à la tête d’une armée dans laquelle il y avait
l'élite de ses gentilshommes, passe la Meuse à Commercy,
occupe militairement la ville impériale de Toul et le duché
de Lorraine : il vient établir son camp devant Metz, ayant
( 275 )
16 pièces de canon et double canon , 6 grandes et longues
couleuvrines, 6 moyennes, 12 bâtardes et 2 paires d’orgues,
pièces d'artillerie alors nouvellement inventées. (Voir les
Commentaires du sieur de Rabutin,.p. 29, éd. de 1555.)
Dans une revue, le 18 avril 1552, il dit à ses gentils-
hommes : « Je ne doute plus, à ce que je vois, qu'il ne
tiendra qu’à moi, au lieu d’être le protecteur de l’Empire,
que je ne me fasse Empereur. » Le roi, selon les Mémoires
du maréchal de Vieïlleville, qui était présent, avait l’inten-
tion de conquérir tout le territoire de l’ancien royaume
d’Austrasie.
Un autre ouvrage historique sur la conquête de la pro-
vince des Trois-Évéchés a été publié, en 1842, en Alle-
magne, dans le recueil intitulé : Historisches Taschenbuch,
dont M. Frédéric Raumer est l'éditeur. Cet important mé-
moire à pour titre : Der Raub der drei Bisthümer Metz, Tull
und Verdun im Jahre 1552, etc.; l’auteur est M. Scherer.
On y trouve les explications les plus détaillées sur cette
usurpation des Trois-Évêchés, jusqu’à leur cession défi-
nitive à la France, en 1648, par le traité de Westphalie.
En effet, le roi Henri IT, usant de subterfuge pour oc-
cuper militairement la ville libre et impériale de Metz,
demande aux magistrats de pouvoir la traverser person-
nellement avec les officiers de sa maison. Mais, le 21
avril 1552, au lieu de sa seule maison, il y fait entrer son
armée. Le maitre, les échevins et les treize jurés de la
ville (voir Dumont) sont admis à lui prêter serment , afin
qu’il veuille la prendre en sa bonne protection, sans pré-
Judice toutefois, y est-il stipulé en termes formels, aux
droits du Saint-Empire. Malgré ce droit, cette ville devint
française dès ce moment. Le roi en nomma gouverneur
son lieutenant général, le maréchal de la Vieilleville; mais
(274 )
celui-ci, comme il le dit lui-même dans ses Mémairee:
n’accepla point cet emploi.
Il représenta au roi qu’au lieu d'un gouverneur dans
une ville où il commençait la guerre pour l'indépendance
de l'Empire, il fallait laisser l'autorité au maitre et aux
échevins, et leur adjoindre huit capitaines de vieilles ban-
des, pour le passage des troupes et le service des vivres.
« Car si les États de l'Empire (telles sont les expressions
du maréchal de Vieilleville), voient que vous mettez ainsi
des lieutenants par les villes où vous passerez, vous per-
drez, par ce moyen, Strasbourg, Spire, Worms et d’au-
tres, qui sont sur le Rhin. »
C'est ce qui arriva; Strasbourg ne voulut point ouvrir
ses portes au roi lorsqu'il se présenta devant cette place.
Bien plus encore, les trois Électeurs ecclésiastiques du
Rhin, lui adressèrent des plaintes sur les dévastations que
son armée faisait sur leurs territoires respectifs. Il faut
dire cependant que le roi avait donné les ordres les plus
sévères pour les empêcher. On lit dans un écrit contem-
porain, publié en Allemagne (voir Mémoires de Vieille-
ville) : Hostis pro hospite, sub spe et fide protectionis,
Germaniam invasit, et prodilorie cum omni perfidia, Me-
tim, Tullum, Verdunum olim Sancti Imperü amplissimas
el immunes civilales, sibi ascissere ausus est.
Pendant cette invasion pour reconquérir l'ancienne Aus-
trasie, Marie, reine de Hongrie, gouvernante des Pays-Bas,
ravageait la Picardie avec une armée, ce qui força le roi
Henri II de revenir à Paris, après avoir installé, à Metz,
un autre gouverneur que le maréchal de Vieilleville. H
nomma ensuile, au commencement du mois d'août, le cé-
lèbre François de Lorraine, duc de Guise, commandant
en chef de toutes les places qu’il avait conquises en Lor-
(275 )
raine. La garnison de Metz se composait de 8,500 soldats
de troupes d'élite, tant en infanterie qu'en cavalerie : elle
était commandée par les plus habiles officiers de France.
Je dois citer entre autres Bertrand de Salignac, un des
ascendants collatéraux de l'immortel Fénelon. Il a écrit
uné relation de ce siége, qui fut imprimée. Le roi envoya
aussi à Metz le savant chirurgien Ambroise Paré.
Cés préparatifs du roi de France étaient motivés sur ce
que l'Empereur, qui était en Allemagne, venait de faire la
paix avec les princes protestants, ce qui mécontenta le
roi, dont ceux-ci abandonnaient l'alliance, dit le prési-
dent de Thou, liv. X, Historia sui temporis. En effet, le
2 août 1552, Ferdinand, roi des Romains, frère de l'Em-
peréur, avait signé avec eux le traité de Passau , que l'Em-
pereur ratifia le 15 du même mois. Par ce traité, la liberté
dé conscience leur était définitivement laissée, et chacun
des deux partis conservait les avantages qu'il avait acquis.
Par la paix de Passau , l'Allemagne fut tranquille jusqu'à
l’époque de la guerre de trente ans, en 1608.
L'Empereur étant à Augsbourg, le 1° septembre 1552,
écrivait à son frère : « J'ai ratifié ce traité seulement pour
votre respect, ce je n’en avais que faire. Je l’ai fait pour le
respect des princes de l’'Emyire. » (Voir sa correspondance
publiée par M. Lantz, en 1826, t. IV, 485.) Un témoignage
de sa bonne foi se trouve au texte de Pontus Heuterus :
Templa aliquot protestantibus, aliquot catholicis restiluit.
Telle fut sa conduite à Augsbourg.
Le 15 septembre, il entre dans Strasbourg; il vint de là
à Haguenau et ensuite à Landau, pour se préparer à la
grande opération du siége de Metz. Il ne peut aller plus
loin que Thionville, y étant retenu par la goutte et ne pou-
vant pas même faire usage «le sa main droite pour écrire,
(276 )
comme il en fit informer la reine de Hongrie, sa sœur. Il
donne le commandement en chef de son armée au duc
d’Albe, avec le titre de général. du camp impérial (San-
doval, II, 556). Le duc d'Albe avait été, en 1545, capi-
taine général de España, mayordomo mayor y del consejo
de Estado. Le comte d'Egmond fut placé à la tête d’un
corps de troupes.
On dit vulgairement que l’armée impériale était de
100,000 hommes; l’ Art de vérifier les dates la réduit à
90,000 hommes; notre honorable collègue, feu M. Dewez,
à 60,000 hommes. {Voir son texte de l'Histoire Belgique ,
et plusieurs autres historiens.)
Léti, biographe de Charles-Quint, assure, d'après les
rapports les plus désintéressés, dit-il, qu'il y avait 44,000
hommes d'infanterie, 10,000 de cavalerie, et que ce fut
seulement, après le commencement du siége, que le mar-
quis de Brandebourg arriva avec 20,000 hommes d'infan-
terie et 5,000 hommes de cavalerie, ce qui faisait un effectif
de 77,000 hommes. Sandoval (p. 536) fait monter l’armée
en infanterie, à 6,000 Espagnols, 4,000 Italiens, 49,000
Allemands et Flamands; en cavalerie, à 40,000 chevaux;
ce qui fait 59,000 hommes d'infanterie, plus 10,000 de
cavalerie. Il y ajoute 5,000 chevaux du train. Il dit aussi
qu’il y avait 4,000 quintaux de poudre.
Selon Sepulveda, il y avait 46,000 hommes d'infanterie,
Allemands et Flamands , 4,000 Italiens, 6,000 Espagnols,
10,000 hommes de cavalerie allemande; il ajoute que le
marquis de Brandebourg amena 12,000 hommes d'infan-
terie et 1,500 de. cavalerie. M. Worms (voy. p. 507 de son
Mémoire) indique 42,000 Allemands, 8,000 Espagnols,
4,800 Italiens, 12,000 hommes des troupes de l'Empereur,
total 66,800 hommes, plus 7,000 pionniers et les che-
(277)
vaux du train. Selon dom Calmet, p. 700, il y avait 14 ré-
giments, 165 enseignes de lansquenets , 27 enseignes es-
pagnols , 4,600 Italiens, environ 42,000 chevaux et 7,000
pionniers. Il y avait aussi 414 pièces de canon. Toute cette
multitude était nécessaire, non-seulement: pour couvrir
le siége, mais pour garder la circonvallation de l'attaque
sur une ligne de plus d’une lieue, interrompue par deux
rivières, la Moselle et la Seille. Je demande la permis-
sion de rappeler qu’à cette époque, on ne connaissait que
l'usage de la tranchée de première circonvallation, in-
ventée par Jules- César, au siége d’Alise, et renouvelée
pendant les guerres contre les Anglais, au temps de Char-
les VIF; elle ne fut perfectionnée qu’en 1558, au siége de
Thionville. Ce n’est qu’en 1675 que Vauban inventa les
parallèles pour approcher de la brèche.
Les Commentaires du sieur de Rabutin, publiés en
1555, attestent que plusieurs officiers généraux de l'Em-
pereur avaient donné le conseil , lorsque l’armée s’appro-
chait de Metz, au mois d'octobre, de reprendre d’abord,
à cause de la saison qui était très-avancée, toutes les pe-
tites places que l’armée française occupait, et d'attendre
le printemps pour commencer le siége de Metz. Le duc
d'Albe (voy. Sepulveda, if, p. 456) fut presque le seul
d'avis de commencer immédiatement le siége : Obsidendi
autem consilio dux ipse Albanus pœne solus auctor fuit,
idque Carotus per litteras et nuncios probavit. C’est donc
au duc d'Albe, comme je l'ai dit en commençant cette
notice, qu'il faut attribuer la catastrophe de ce siége, en-
trepris intempeslivement.
Le 19 octobre, Charles-Quint ne pouvait partir de Thion-
ville à cause de sa maladie, mais le duc d’Albe fit investir
la place; le duc de Guise fit sortir un corps d’arquebu-
(278 )
siers. Il y eut un premier engagement par un temps plu:
vieux. L'investissement fut presque complet, ce qui me
paraît signifier que la circonvallation fut à peu près ache-
vée par les 7,000 pionniers, vers le milieu du mois de
novembre. Je ne décrirai pas les opérations de l’attaque
et de la défense, qui furent d’une valeur égale de part et
d'autre. Je me réfère aux écrits de Salignac, de dom Calmet
et de M. Worms, qui avaient une connaissance pratique
des localités : je ne dois d’ailleurs rendre compte que des
causés et des résultats de ce siége.
L'empereur Charles-Quint se fit transporter en litière,
le 20 novembre, au camp devant Metz : trois batteries
tirèrent, pendant ce mois et tout le mois de décémbre,
13,500 à 14,000 coupe de canon. Le bruit de l'artillerie
fut entendu jusqu’à Strasbourg.
Avant le siége, le duc de Guise avait fait sortir de la
place toutes les bouches inutiles. Il avait fait apporter dans
la place tous les vivres qu'il avait fait recueillir jusqu’à
trois lieues de distance. Il avait fait démolir, au dehors,
cinq abbayes, d’autres édifices et même les plus simples
habitations. L’historien Ullon, officier de Charles-Quint,
nous apprend (édition de 1575) que dès le commencement
du siége, l’armée impériale souffrait de la famine, à cause
de la difficulté d'y apporter des vivres et du mauvais état
des chemins. En effet, il y avait une transition continue
de la pluie à la neige, de la gelée au dégel. L'armée assié-
geante, comme je lai dit, devait camper sur une terre
humide dans des tentes et des pavillons, pendant les plus
courts jours de l’année. Selon le témoignage de l’historien
Pontus Heuterus, qui avait, dit-il lui-même, deux de ses
neveux à ce siége, une maladie épidémique faisait les plus
grands ravages : Milites alvi solutione ac torminum dolori-
(279 )
bus correpti, dissenteriam graeci vocant, magno numero
interibant. On fait élever vulgairement à 40,000 le nombre
des soldats qui moururent de cette épidémie. Sans doute,
il y a exagération. Dom Calmet le réduit à 20,000; mais
il faut ajouter à cette catastrophe une autre cause de di-
minution de l’effectif des troupes, la désertion. Quelques
historiens disent, qu'entre autres, les Italiens s’en allaient
daws leur pays par bandes de dix à douze hommes.
Le 20 décembre, Guillaume de Nassau, prince d'Orange,
écrivait de Thionville à sa femme : « J'espère vous trouver
bientôt , avec la grâce de Dieu, car on dit que l'Empereur
ne le fera guère long devant Metz. (Voy. Groen Van Prins-
terer, I, 14.)
Le 26 décembre, l'Empereur prit la résolution de lever
le siége de Metz. Le duc d’Albe fut enfin convaincu de
l'impossibilité de le continuer. His malis, dit Sepulveda,
indies augescentibus , Carolus qui de rebus omnibus certior
quotidie fiebat, et Albanus quamquam re infecla, ad instar
mortis effigiem discedere videbantur, tandem necessitati el
tempori cedendum esse constiluerunt.
Le 28 décembre, le feu des batteries impériales se ralen-
tit. Il n’y avait que 15 pièces de canon qui tiraient. L’'Em-
pereur commanda une fausse manœuvre pour simuler un
changement de batteries; c'était en réalité pour cacher
les préparatifs de la retraite. A onze heures du soir, le
1* janvier 4555, et le lendemain 2 janvier, le siége fut
abandonné pendant deux nuits très-obscures , chose facile
à vérifier, car l’épacte 25 donnait 24 et 25 pour les jours
de l’âge de la lune après le dernier quartier, selon le
comput de l’Art de vérifier les dates. La retraite se fit en
bon ordre; les malades furent embarqués sur la Moselle;
ils descendirent cette rivière et le Rhin, et furent dislo-
( 280 )
qués dans les provinces des Pays-Bas, en aval de ce fleuve.
Toute l'artillerie revint à Thionville, place forte où l'on
pouvait la défendre. L'Empereur y fut transporté. Le comte
d'Egmont était à l’arrière-garde, le duc d’Albe marchait
le dernier avec le marquis de Brandebourg. Mais beaucoup
de malades préférèrent rester dans les tentes.
Lorsque l’armée impériale se fut retirée, deux soldats
italiens se présentèrent à une des portes de Metz. Ayant été
introduits, ils en informèrent le duc de Guise. Ce prince
ayant fait reconnaître l'exactitude de leur récit, fit recueil-
lir avec humanité et transporter dans la place, les malades
épars dans le camp abandonné. Il fit enterrer les cadavres,
qui avaient augmenté l’intensité de l'épidémie, en infec-
tant l’air pendant les brumes des longues nuits de l'hiver.
APPENDICE.
J'aurais trop interrompu le récit des conditions du traité
de Crépy, conclu le 48 septembre 1544, si j'en avais donné
les détails qui concernent spécialement la Belgique. Je dois
en faire la reprise, d’après le texte contemporain de ce
traité, qui est le manuscrit 7581.
Cet acte diplomatique , en partie l’œuvre de Granvelle,
comme je l'ai dit, est explicatif de ce qu’il y avait de dou-
Leux aux traités de Madrid, en 1526, et de Cambrai, en
1529. On à eu la sagesse de n'y faire aucune mention du
duché de Bourgogne, dont la restitution était devenue im-
possible. En ce qui concerne nos provinces, les historiens
en ont parlé trop succinctement, Il y fut stipulé :
1° Renonciation définitive des fiefs et hommages tenus
en pairie de la couronne de France, et de tout autre droit
quelconque, sur les comtés de Flandre , d'Artois, de bour-
(281)
gogne, de Charolais, sur Tournay et le Tournaisis, sur
Lille, Douay et Orchies. (Ces trois domaines, depuis Île
XII° siècle, avaient été un objet de contestation); renon-
ciation à la cité d'Arras, qui relevait directement de la cou-
ronne; enfin, renonciation de François [°° aux droits sur
la succession de Gueldre et Zutphen.
> Abolition confirmative du traité de Cambray en 1529,
concernant tout droit d’aubaine en France, et avec le
maintien de tous les octrois et priviléges pour les sujets,
manants et habitants des dix-sept provinces des Pays-Bas.
Elles sont nommées, dans ce traité, selon le formulaire de la
chancellerie, des pays de par deçà. Ce traité, confirmé une
seconde fois par la paix de Verviers en 1598, était encore en
vigueur à l’époque de 1789. Le droit d’aubaine à été défini-
tivement aboli, par l'article 28 du traité de Paris, en 1814.
5° Le mariage à célébrer après une année entre Char-
les , duc d'Orléans, second fils du roi François I‘, jeune
prince dont nous avons fait mention ci-dessus , âgé alors
de 22 ans, et Marie, infante d'Espagne, fille ainée de
Charles-Quint. Elle avait alors 46 ans; mais l'Empereur se
réservait, pendant quatre mois, l'option de donner en ma-
riage, au lieu de l’infante, l’archiduchesse Anne, sa nièce,
seconde fille de Ferdinand, roi des Romains. La sœur
ainée avait épousé, en 1545, le roi de Pologne. L’Empe-
reur devait donner à sa nièce, pour ce mariage, le duché
de Milan : mais il préféra donner sa fille au duc d'Orléans,
comme les explications qui vont suivre le démontrent
suffisamment.
Le duc d'Orléans devait obtenir de François [*, pour
apanage, les duchés d'Orléans, de Bourbon, d'Angoulême,
de Châtellerault, et si leur revenu net ne s'élevait pas à
100,000 livres, le duché d'Alençon y serait ajouté.
(282)
L'Empereur devait donner à sa fille et à son futur époux
lé gouvernement des dix-sept provinces des Pays-Bas, sous
son autorité suprême et son bon plaisir. Après son décès,
ils en auraient eu la souveraineté sans restriction et trans-
missible à leurs descendants. Il me semble que cet article
a servi de modèle, en 1598, pour la cession des Pays-Bas
à Albert et Isabelle; mais l’acte restrictif de Philippe IT
reconnaît la suzeraineté de l'Espagne, tandis que l'acte
du traité de Crépy, en 1544, reconnaissait l'indépendance
perpétuelle des Pays-Bas.
On ne peut douter que l’'Empéreur ait eu bien réelle-
ment l'intention dé faire ce mariage, car, le 19 septembre,
dès le lendemain de la signature du traité de Crépy, le
jeune duc d'Orléans accompagna l'Empereur qui allait à
Cambray. Le 25, ils y furent reçus par la reine de Hon-
grié, gouvernante des Pays-Bas; le 25, l'Empereur partit
pour Valenciennes d’où il se rendit à Bruxelles, et le duc
d'Orléans vint à Péronne et ensuite à Paris.
Quelques jours plus tard, ce jeune prince arriva à
Bruxelles; il était accompagné de sa belle-mère, Éléonore,
reine de France, sœur ainée de Charles-Quint; célui-ci fit
réunir toute sa famille en cette ville auprès de sa personne.
Les mois d'octobre et de novembre s’y passèrent en fêtes
et en plaisirs, entre autres dans des parties de chasse à la
forêt de Soigne. Vandenesse, qui en a tenu un journal très-
détaillé, dit aussi que les états des pays de par-deçà s’as-
semblèrent, le 4 novembre, à Bruxelles, mais il n'indique
point ce qu'on y traita.
Au mois de décembre, l'Empereur se rendit en Flandre.
Au commencement de l'année 1545, il partit pour PAHe-
magne, Sa présence y était nécessaire, parce qu'avant la
guerre, comme je l'ai dit ci-dessus, le roi François F*
(285)
avait fait alliance avec Soliman IT, sultan des Turcs, qui
devait attaquer la Hongrie et qui se préparait à cette in-
vasion. Mais, le 9 juin, l'Empereur étant à la diète de
Worms, y reçut en grande solennité, les ambassadeurs de
François I”, qui devenait médiateur, pour empêcher la
guerre que Soliman voulait commencer. On voit dans la
correspondance de Charles-Quint, publiée par M. Lantz,
en 1846, les lettres que le roi de Hongrie écrivait à So-
liman pour maintenir la paix; on y voit, par d’autres let-
tres, les bons offices que le roi François I° ordonnait à
son ambassadeur à Constantinople en faveur de l’'Empe-
reur et du roi de Hongrie.
Le 25 juin (voir MS. 16078), l'Empereur écrivait à S'-Mo-
risse, son ambassadeur à Paris, pour témoigner sa satis-
faction concernant l'augmentation de l'apanage qui venait
d’être accordé au duc d'Orléans.
Mais ce jeune prince, troisième fils de François [*,
mourut le 9 septembre de la même année 1545, d’une
fièvre maligne, dans un village qui était infecté de cette
épidémie. Cependant l'historien Sandoval prétend qu'il fut
empoisonné par Catherine de Médicis, qui avait aussi, dit-il,
fait empoisonner le dauphin, appelé François, en 1556.
Son mari, second fils de François [°, devint alors dauphin,
il fat le roi Henri IF. Quoi qu'il en soit, le roi François [°°
envoya une ambassade à Charles-Quint, pour linformer
de la mort du due d'Orléans, et pour demander que,
malgré leurs espérances déçues, leurs relations d'amitié
fussent continuées, ce qui fut accordé. C’est une nouvelle
preuve que le mariage du duc d'Orléans avec l'Infante de-
vait bien réellement s'effectuer et aurait fait le bonheur
de nos provinces.
(284)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 5 février 1855.
M. Rogzanpr, directeur.
M. QuereLer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alvin, Braemt, De Keyzer, Joseph
Geefs, Erin Corr, Snel, Partoes, Éd. Fétis, J. Van Eycken,
membres; Calamatta, associé; De Busscher, Bosselet, Balat,
correspondants.
CORRESPONDANCE.
M. Balat, récemment nommé correspondant de l’Acadé-
mie , exprime ses remerciments à la classe.
— M. le Ministre écrit qu'il se « propose de soumettre
au Roi, très-prochainement, un arrêlé tendant à allouer
sur le fonds destiné à l’encouragement des beaux-arts, la
somme de 1,200 francs comme prix extraordinaire à pro-
poser pour la question mise au concours par la classe des
beaux-arts, savoir : « Quel est le point de départ et quel
» a été le caractère de l’école flamande de peinture sous
» le règne des dues de Bourgogne? Quelles sont les causes
» de sa splendeur et de sa décadence? »
( 285 )
Le prix se composerait donc de 1,200 francs, ajoutés à
la médaille académique (600 fr.).
— M. Je Ministre de l’intérieur communique deux let-
tres de MM. Bal et Carlier, lauréats des grands concours
de l’Académie royale des beaux-arts d'Anvers.
M. J. Bal témoigne le désir de pouvoir prolonger de
trois mois son séjour à Rome, pour l'achèvement de sa
gravure d’après le tableau de M. Gallait : la Tentation de
saint Antoine.
M. Carlier, lauréat du concours de peinture, rend compte
de ses impressions à Rome, et promet, pour cette année,
un tableau dont il n'indique pas le sujet.
—— M. Petit de Rosen exprime le désir de voir prendre
un dessin exact du médaillon sculpté en ivoire qu'il a dé-
crit dans une notice communiquée précédemment à FAca-
démie.
RAPPORTS. Ù
Sur une messe de morts composée par M. Gevaert.
Rapport de M. Fétis.
« L'ouvrage soumis à l'examen de la classe par M. le
Ministre de l’intérieur, et qui porte le titre de Missa pro
defunctis, auctore F.-A. Gevaert, n'a paru digne d’atten-
tion, en ce qu'il rompt avec les habitudes du style drama-
tique qui se sont introduites dans la musique d'église
( 286 )
depuis plus d’un demi-siècle, et qui sont arrivées jusqu’à
l'abus dans ces derniers temps. L'auteur s’est proposé de
donner à sa composition le caractère à la fois austère et
triste réclamé par le sujet : son intention, à cet égard, est
très-digne d’éloges; mais la voie dans laquelle il s’est en-
gagé était-elle la meilleure pour atteindre son but? C’est
ce que je vais examiner.
Jusqu'à la fin du XVI° siècle, la musique religieuse a été
ce qu'elle doit être, c’est-à-dire l’expression simple, dévote
et dépouillée de passion des sentiments qui nous portent
à prier. Son principe tonal, plus encore que ses formes
accidentelles, lui donnait ce caractère; car la tonalité de
toute musique était alors celle dans laquelle se formulè-
rent les chants des premiers chrétiens, celle qu’on entend
encore dans le chant ecclésiastique. Plus tard, lorsqu'un
accord nouveau introduit dans l’harmonie eut créé pour
l’art une tonalité nouvelle, des attractions de sons aupa-
ravant inconnues, et des accents propres à exprimer les
passions, la musique d'église subit à son tour l'invasion de
ces nouveautés, et son ancienne austérilé disparut. Pales-
trina avait été le plus grand des compositeurs de musique
d'église : il fut le dernier ; car la transformation de l'har-
monie et de la tonalité se fit immédiatement après lui.
Insensiblement les messes, les motets, les psaumes même
se rapprochèrent des formes de l’art nouveau; cependant
ce ne fut que vers le milieu du XVIII: siècle qu'une sorte
de tendresse mystique, s’emparant des artistes, leur fil
donner à l'expression de l'amour divin de l’analogie avec
celle de l'amour terrestre. Les litanies de Durante, le
Stabat Mater de Pergolèse et le Miserere de Jomelli mar-
quèrent le point de départ dans cette direction de la
musique religieuse. Je ne parle pas de la dégradation où
( 287 })
tomba ensuite cette musique, par la condescendance qui
porta les compositeurs à écrire, pour des chanteurs ha-
biles, des solos surchargés de fredons et de roulades où
les textes sacrés et la musique étaient en opposition mani-
feste. Les plus grands maîtres ne résistèrent point à cet
entraînement : leur faiblesse fut la cause de la ruine totale
du style religieux.
Mozart, qui, lui-même, n’était pas à l'abri de tout re-
proche à ce sujet, ayant subi dans sa jeunesse la fâcheuse
influence du mauvais exemple; Mozart, dis-je, obéissant
à ce sentiment exquis du beau, qui lui fit enfanter tant de
chefs-d'œuvre dans les treize dernières années de sa vie,
donna tout à coup le modèle de la musique d'église la plus
suave, la plus pure, la plus parfaite qui püt exister dans
la tonalité moderne : ce modèle précieux est l’Ave verum à
quatre voix avec un simple quatuor d'accompagnement.
Dans sa célèbre messe de requiem, que la mort ne lui
donna pas le temps d'achever, il eut encore de ces inspi-
rations, bien qu’il y ait cédé davantage au penchant dra-
matique. Après lui, ce penchant s’est développé de plus en
plus. A la multiplicité des harmonies attractives et des
accents passionnés sont venus s'ajouter tout le luxe de
linstrumentation moderne, tout le fracas de notre bruyante
époque. Le drame et ses écarts ont été transportés dans le
sanctuaire, et la prière n’a plus été qu’un prétexte pour
la libre allure d’une musique sans but.
C'est en opposition à cet égarement que M. Gevaert
paraît avoir conçu sa messe de morts. Son chœur n’est
composé que de ténors et de basses; le violoncelle et la
contre-basse forment toute l’instrumentation de l'Introit,
du Kyrie, de l’Offertoire, et du Pie Jesu; deux trompettes
et trois trombones s’y réunissent dans la Prose, dans le
TOME xx. — J'° parT. 19
( 288 }
Sanctus et dans l’Agnus Dei. Il y a peu de ressources dans
de semblables combinaisons; car le compositeur y est
privé des heureuses oppositions des voix blanches d'en-
fants de chœur ou de femmes aux voix d'hommes, et
l'orgue, qu'on peut appeler le véritable orchestre de la
musique d'église, ne s’y fait pas entendre. Le compositeur
s’est donc créé lui-même l'obstacle presque invincible de
la monotonie.
L'objet important que M. Gevaert parait s'être proposé,
c'est de transporter les formes de la musique du XVF siècle
dans la tonalité moderne, et c’est, en même temps, de
mettre çà et là en opposition ces deux tonalités. Je crois
qu’en cela il s’est trompé; car la mélodie, qui est le carac-
tère distinctif et la conséquence de notre tonalité, ne peut
trouver de place dans ces formes ni dans cette opposition.
De là l’absence absolue du charme mélodique dans toute
l'œuvre de M. Gevaert; absence sur laquelle le composi-
teur n’a pu se faire illusion, et qui paraît même être entrée
dans son plan. M. Gevaert fait un usage très-fréquent de
ces passages d’un ton à un autre sans analogie par des
accords parfaits plaqués, au moyen desquels plusieurs
maîtres du XV! siècie essayaient de suppléer à la modula-
tion que ne pouvait leur donner l’ancienne tonalité. Ce
moyen est sans objet dans notre musique. Quelques com-
positeurs modernes, Lesueur entre autres, en ont pour-
tant usé dans leur musique d'église, afin d'en tirer un
effet original; mais ils n’ont abouti qu'à l’étrangeté. Ce
n’est pas que, dans un cas exceptionnel, on ne puisse,
comme moyen de variété, ou pour une expression par-
ticulière, user de ce moyen de transition; mais on en
doit être avare comme de tout ce qui manque de charme.
L'incertitude du ton était la conséquence naturelle de la
( 289 }
tonalité du plain-chant appliquée à la musique; mais habi-
tués que nous sommes à notre tonalité déterminée, cette
incertitude nous est antipathique. Or, je la trouve partout
dans la messe de M. Gevaert.
Cet inconvénient, l'absence de mélodie, la monotonie
qui résulte inévitablement de l'emploi constant des mêmes
espèces de voix, sans oppositions, le retour fréquent des
mêmes effets avec une instrumentation trop bornée, voilà
ce qui m’a frappé dans l'examen de la messe de M. Ge-
vaert. Et pourtant cet ouvrage est celui d’un artiste déjà
très-habile dans l’art d'écrire; on y remarque une grande
intelligence de distribution, une adresse singulière dans
l’agencement des voix , un certain caractère de grandeur et
de gravité, réunion de qualités qui prouvent que l’auteur
ne s’est trompé que dans le choix du système de son
ouvrage.
Avant de terminer, je crois devoir prévenir des objec-
tions qui pourraient m'être faites concernant l'opinion que
je viens d'émettre. On pourra me dire : vous regrettez la
musique d'église de Palestrina, et vous considérez la gra-
vité de son caractère et de ses formes comme le plus
convenable pour ce genre de musique : pourquoi ne voulez-
vous donc pas qu’on s’en rapproche autant qu’il est possi-
ble, et qu’on fasse alliance des propriétés de cette ancienne
musique et de celles de la musique moderne? Je réponds
qu’on peut aimer le passé, l’admirer et jouir avec délices
de ce qu’il a produit, mais qu’on ne le refait pas. Quant à
Palliance des propriétés de l’ancienne musique et de celles
de la musique moderne, je dis qu'on ne peut pas plus
faire la synthèse de choses qui s’excluent par leur propre
nature qu’on ne peut faire celle du jour et de la nuit. La
tonalité moderne créée par l'harmonie, dans les dernières
( 290 )
années du XVI siècle et au commencement du XVIF, est
antipathique à l’ancienne : elle a donné naissance à un
art nouveau : c'est dans les conditions de cet art qu’il faut
chercher une musique religieuse nouvelle. Que si l’on met
en doute la possibilité de son existence dans les attrac-
tions harmoniques et avec le caractère mélodique de cet
art nouveau, je répondrai que le problème a été résolu
par Mozart dans son Ave verum, et que ce grand homme à
montré la route qu'il faut suivre pour arriver à la perfec-
tion , autant qu’il ést donné à l'humanité de l’atteindre.
Je conclus à ce qu'il soit donné des éloges à M. Gevaert
pour l’habileté dont il à fait preuve en écrivant sa messe
dans des conditions désavantageuses , ét à ce que la classe
prie M. le Ministre de l’intérieur de lui communiquer ce
rapport, afin de fixer son attention sur les points princi-
paux de la critique. »
Ces conclusions, auxquelles se sont ralliés les deux au-
tres commissaires, seront transmises à M. le Ministre de
l’intérieur avec le rapport de M. Fétis.
Sur la partition manuscrite d'un opéra en 5 actes
intitulé LE COMTE DEGMONT.
Rapport de M. Félis.
« Si l’on en juge par l'aspect général de la partition,
l'opéra soumis à l’examen des commissaires désignés par
la classe des beaux-arts est l'ouvrage d’une personne qui a
l'habitude d'écrire pour la musique militaire, et qui con-
(291 )
naît les combinaisons d'instruments à vent, mais qui a
fait peu d’études d'harmonie, car cette composition ne se
distingue ni par la pureté du style, ni même par le sen-
{iment d'une bonne basse harmonique.
La partition du Comte d'Egmont n’est pas dépourvue
de mélodie; malheureusement cette mélodie est souvent
vulgaire ; elle est d’ailleurs presque partout étrangère à
. l'expression dramatique, ei remplie de répétitions fasti-
dieuses.
Le récitatif, qui, souvent se prolonge sur l’intonation
d'une seule note, est la partie la plus défectueuse de lou-
vrage, parce que, d’une part, il est entaché de monotonie;
que, de l’autre, les intonations y sont souvent opposées
au sentiment d'une bonne déclamation , et parce qu’enfin,
ses accompagnements manquent d'effet et de variété.
Au résumé, la partition du Comte d'Egmont ne peut
être considérée que comme l'œuvre d’une personne dont les
études musicales ont besoin d’être rectifiées, et dont l’inex-
périence de l'effet scénique est absolue. Il m'est donc im-
possible de lui donner mon approbation. »
Les conclusions de ce rapport, auxquelles ont souscrit
les deux autres commissaires, seront communiquées à
M. le Ministre de l'intérieur.
(292 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Le livre de la corporation des peintres et sculpteurs gantoïs.
(1558 à 1559 — 1574 à 1712). Notice de M. Edm. De
Busscher, correspondant de l’Académie.
Les plus vieux documents relatifs aux corporations,
gildes ou confréries de peintres et sculpteurs des diverses
villes de la Belgique ne nous renseignent guère plus loin
que le XV° siècle. La gilde de S'-Luc d'Anvers, la plus
ancienne peut-être du pays, ne sort, pour nous, de l'obscu-
rité qui l'environnait, qu'en 1454, grâce aux investiga-
tions historiques du baron Van Ertborn (1). La confrérie
de Bruges ne nous apparaît également que vers le milieu
du XV° siècle, et, de la corporation de Gand, nous ne
connaissions, pour ainsi dire, que l'existence; nous avions
perdu de vue le peu de renseignements artistiques men-
tionnés par les auteurs qui ont écrit sur la riche et glo-
rieuse cité flamande.
Et cependant, depuis plusieurs années se conservait
au dépôt des archives communales de Gand un document
plein d'intérêt pour l’histoire de l’art plastique dans les
Flandres. C’est le livre original ou registre de la corpora-
tion gantoise des peintres et sculpteurs, qui nous donne,
(1) Geschiedkundige aenteekeningen aengaende de S'-Lucas gilde en
de Rederyk kamers van den Olyftak, de Violieren en de Goudbloem fe
Antwerpen, door J.-C.-E. baron Van Ertborn. — Antwerpen, 1822.
( 295 )
de 1358 à 1559, c'est-à-dire jusqu à la suppression des
priviléges des corps de métiers de Gand, après l'insurrec-
tion de 1558-1559 , et ensuite depuis la réorganisation de
la corporation en 1574 jusqu'à 1715, à quelques lacunes
près , la liste des doyens, jurés et francs-maitres du métier,
ainsi que les statuts organiques, les ordonnances règle-
mentaires et des annotations concernant certaines contra-
ventions ou dérogations aux priviléges et franchises de la
corporation.
Ce MS., de format petit in-folio, provient de la biblio-
thèque Delbecg. et porte sur la feuille de garde l'inscrip-
tion suivante :
« Monsieur Jacques Clemens, chanoine de l'église de
» S'-Bavon, était de son temps le protecteur prononcé des
artistes peintres et sculpteurs à Gand. Il conservait dans
sa belle et riche collection de tableaux, de sculptures et
de manuscrits, le livre qui autrefois appartenait à la
corporation des peintres de la ville de Gand. Monsieur
Dominique-Bernard Clemens, son frère, aussi posses-
seur d’une grande et belle collection de tableaux, reçut
ledit livre des mains de son frère, en 1777. Ce manu-
scrit intéressant n'a point figuré dans la vente des
tableaux et des livres de feu M. Dominique-Bernard
Clemens, tenue le 2 juin 1788.
» Cette déclaration à été donnée par Dominique Mee-
resone, ayant été au service de feu M. le chanoine Clé-
» mens.
EE VV YOU Ov v v
» Signé : J.-B. DELBECQ. »
Nul autre livre de la corporation gantoise des peintres et
sculpteurs ne nous étant connu, il résulte de la déclara-
tion et des détails recueillis par M. Delbecq, que l'authen-
ticité et l'origine du document qui va nous occuper ne
( 294 |
laissent aucun doute. Nous pouvons accepter comme véri-
diques les renseignements qu'il nous transmet.
La corporation des peintres et sculpteurs gantois, comme
la plupart des gildes et confréries artistiques, s’était mise
sous le patronage de saint Luc. Une miniature sur par-
chemin, qui semble peinte vers la fin du XVF siècle, est
placée en tête du volume, et représente le saint évange-
liste. Au bas de la miniature se voit le blason de la cor-
poration gantoise: d’azur aux trois écus d'argent 2 et 4 (1).
Les auteurs qui ont écrit sur l’histoire de la peinture et
de la sculpture en Belgique, ou qui ont publié des dietion-
naires des peintres et sculpteurs, ne remontent que jusqu’au
commencement du XV° siècle, et encore, leurs données sur
ces premiers temps ne sont souvent que des hypothèses
ou des inductions. Le livre de la corporation gantoise des
peintres et sculpteurs recule cette limite de plus d'un
demi-siècle pour la capitale de l’ancienne Flandre. Nous
y trouvons la série complète des doyens et des jurés du
métier, les noms de tous les maîtres-peintres et sculpteurs
à qui fut accordée la franchise de profession dès 1358.
Malheureusement, depuis cette époque jusque vers la
fin du règne de la dynastie de Bourgogne, en Flandre, la
majeure partie des artistes enregistrés nous sont aussi
inconnus que leurs œuvres. Il y a impossibilité de distin-
guer les peintres de tableaux des peintres décorateurs; les
miniaturistes des enlumineurs, les simples sculpteurs des
statuaires ou tailleurs d'ymaiges, ainsi qu'on les nommait
alors. Sans doute, il dut y avoir parmi eux bien des artistes
de mérite, bien des noms que l’on pourrait mettre au bas
(1) Les armoiries de la gilde des peintres d'Anvers étaient, selon le baron
Van Erthorn , de gueules aux trois écus d'argent,
(295 )
de ces vieilles toiles, de ces antiques panneaux où se ré-
vèle déjà la lueur qui précéda l’aurore de l’école flamande.
Mais nous devons renoncer, pour le moment, à les tirer
de leur obscurité ; le livre de la corporation gantoise ne
nous présente n1 directement, ni indirectement les indices
qu’il nous faudrait pour nous guider dans ce chaos. Néan-
moins, comme il est bon d'y appeler la lumière, la nomen-
clature des peintres et sculpteurs de 1558 à 1559 sera
publiée dans les Annales de la Société royale des beaux-arts
et de littérature de Gand, avec des notes explicatives de
M. Félix de Vigne. Ces notes ne se rapporteront qu'aux
XV° et XVI siècles; toute la seconde moitié du XIV* siècle
restera dans l'ombre.
A défaut d'éclaireissements sur la vie et les productions
des artistes peintres et sculpteurs qui au XIV° siècle ap-
partenaient, en qualité de francs-maîtres, à la corporation
gantoise, le manuscrit nous initie aux us et coutumes du mé-
tier. Il nous donne les statuts organiques d'avant et d’après
la concession Caroline. Le premier règlement (Oerden ofte
schickinghen in den ambochte van de scilders ende beelt-
snijders binnen Ghendt), règlement octroyé par le collége
échevinal, est daté de 1558, sous la magistrature de Jean
Speliaerts, premier échevin du banc de la keure, le mer-
credi avant la Toussaint. Ce document n’a aucune analogie
avec les statuts des autres corps de métiers, lesquels, non-
seulement à Gand, mais dans toutes les villes flamandes,
semblent, dans leurs stipulations, procéder du même type.
Il est très-court et tout à fait inhérent à la double profes-
sion plastique (1). En voici les dispositions essentielles :
(1) Une ordonnance relative au choix du doyen, des jurés, et aux épreuves
de maîtrise, a dû précéder ou accompagner ce Règlement de novembre 1538,
( 296 )
4° Nul n'avait droit à la profession dans le métier des
peintres et sculpteurs gantois, ni d’y être reçu franc-maître,
s’il n'était domicilié dans la ville de Gand;
2 Le franc-maitre payait à la corporation, lors de sa
réception , six livres de gros; aux doyen et jurés, lors du
banquet annuel, huit escalins de gros. En outre, il faisait
don au métier d'une coupe d’argent , du poids d’une once
de Troyes, à bords dorés et le fonds orné des armoiries du
métier ;
3° Tout franc-maitre aflilié à la corporation devait sup-
porter sa quote-part des frais et charges du métier, sous
peine, en cas de refus, d’une amende de trois livres
parisis ; |
4# Tout peintre ayant droit de profession était tenu
d'employer tant sur pierre , que sur toile et sur panneaux,
avec ou sans volets, de la couleur de chair fincarnadine) ,
de bonne qualité {goede lijfverwe ); en cas de contraven-
tion, il était passible d’une amende de dix livres parisis;
5° Quiconque avait fait usage, sur pierre, toile ou pan-
neaux, d’or et d'argent faux, voyait son œuvre confisquée
et payait une amende de dix livres parisis;
6° Toute œuvre où devaient être employés de l’azur et
du sinople (bleu et vert) fins, et que les experts décla-
raient de médiocre qualité, attirait sur l'artiste une
amende de dix livres parisis;
7° Nul sculpteur ne pouvait travailler, ni laisser tra-
vailler du bois à aubier ou à nœuds pourris (vorte weeren),
sous peine d’une amende de trois livres et onze escalins
parisis. [l recevait de plus, pour ce fait, une réprimande
en chambre des échevins de la keure.
En vertu d'une disposition ultérieure, mentionnée au
livre de la corporation à l’année 4339, les maîtres étran-
( 297 )
gers demeurant à Gand, mais n’y ayant point franchise de
profession , payaient au métier, pour l’acquérir , dix marcs
d'argent, poids de Troyes.
En 1465, il fut décidé, par le haut bailli et le collége
échevinal, que les enlumineurs (verlichters met de penne)
ne payeraient , pour la franchise de profession, que le quart
de la rétribution exigée des peintres (scilders met den
pencheele ). — F leur était expressément défendu d'exécuter
des miniatures destinées aux missels ou autres livres, cette
spécialité artistique appartenant aux peintres.
Ces diverses dispositions réglementaires , eu égard sur-
tout à leurs dates certaines et authentiques, répandent
déjà quelque clarté sur les travaux et la valeur des artistes
qui composèrent à cette époque reculée la corporation
gantoise.
Ainsi, la cotisation d'admission des maîtres : six livres
de gros à la corporation , huit escalins de gros pour le ban-
quet d'élection des doyen et jurés; puis le don d’une riche
coupe d'argent, l'obligation de coopération dans les frais
et charges civiques du métier, et le taux réellement élevé
des amendes , indiquent assez, nous semble-t-il, que ces
maîtres occupaient une certaine position parmi la bour-
geoisie.
Les stipulations concernant les couleurs à employer sur
la pierre , sur la toile où sur panneaux, avec ou sans volets,
sous peine de dix livres parisis d'amende, prouvent évi-
demment qu'il s’agit ici de peintres de tableaux et non de
peintres décorateurs. Cette assertion est corroborée par la
disposition suivante, qui prescrit la confiscation de l'œuvre
où il avait été fait usage d’or ou d'argent de bas aloi.
La même observation s'applique aux sculpteurs : pour
eux , il v a non-seulement l'amende, mais encore la ré-
( 298 )
primande en chambre échevinale (1). Et d’ailleurs, la dési-
gnation de beeltsnijdere ne peut s'entendre que de sculp-
teurs-statuaires. Dans ce temps-là, beaucoup de travaux
de sculpture en bois proprement dite s’exécutaiént par
d'habiles menuisiers {schrijnwerkere). Plus d’un de ces
beaux meubles que nous admirons, de ces meubles dé-
corés de guirlandes de feuillages, de fleurs et de fruits, ou
ornés d'animaux fantastiques et de gracieuses figurines,
sont non l'œuvre d’un artiste, mais l’ouvrage d’un artisan,
C'est qu’alors, l’on n’était admis à la maîtrise qu'après
avoir prouvé son habileté par une pièce de réception : « een
meesterstuc, » une œuvre de maître. C’est qu’alors le ma-
gistrat veillait aussi aux progrès des arts et de l’industrie
communale et à la réputation des métiers : leur renom
faisait la richesse commerciale de la cité.
Que le métier des peintres gantois n’ait point formé
école , c'est ce que nous ne pouvons méconnaitre, puisque
nous n’en trouvons nulle trace; mais que ce fut simple-
ment un métier, dans le sens attaché aujourd'hui à cette
désignation, nous croyons être en droit de ne pas l'ad-
mettre.
De 1538 à 1410, époque assignée à l'invention de la
peinture à l’huile, et où l'on place d'ordinaire Hubert et
Jean van Eyck à la tête de l'École flamande, le livre de la
corporation des peintres et sculpteurs gantois nous trans-
met les noms de 251 peintres et 29 sculpteurs-statuaires
qui obtinrent à Gand la franche maitrise. Dans cette pre-
mière partie de la liste générale, comprenant une période
(1) Le texte des statuts organiques de 1538 dit : « De boete ..… ende cor-
rectie, » sans plus. Un règlement subséquent (1547) est plus explicite : « De
boete...,. ende correctie van Scepene. »
( 299 )
non interrompué de soixante et douze ans, il n'y a que bien
peu de noms qui ne nous soient pas inconnus. Et encore,
ceux que nous pourrions citer ne devraient l'être en quel-
que sorte qu’à cause de leur homonymie ou de leur parenté
présumée avec des artistes mentionnés plus tard, et non
par suite de la connaissance que nous avons de leurs pro-
ductions. |
Tels sont, par exemple, Hugues van Goes, reçu franc-
maitre peintre en 1595, et Liévin Goes ou van Goes,
maître peintre en 1401, juré en 1412, doyen en 1419,
qu’on peut présumer être, l’un, l’aieul, et l’autre, le père de
Hugues vander Goes, élève de Jean van Eyck vers le mi-
lieu du XV° siècle, et qui dirigea à Gand, en 1467, les s0-
lennités de la Joyeuse-Entrée de Charlesle Téméraire; Jean
de Mabuse, admis franc-maitre peintre à Gand en 1404,
que l’on peut croire l’aïeul de ce Jean de Mabuse, nommé
aussi Jean Gossaert, dit de Mabuse ou Maubeuse, qui donna
au sculpteur gantois Jean de Heere les dessins du mau-
solée à élever dans l’oratoire de l’abbaye de S'-Pierre à
Isabelle d'Autriche, l'infortunée reine de Danemark, morte
en exil en 1526, au château abbatial de Zwynaerde lez-
Gand.
Dans cette liste nous trouvons plusieurs quasi-homo-
nymes des célèbres inventeurs de la peinture à l'huile,
Rase van Eecke, franc-maitre peintre en 1544 , juré en
1549, doyen en 1551; Jacques van Eecke, son fils, maître
peintre en 1570, juré en 1575; Jean vanden Eecke,
maître-peintre en 1558 , juré en 1566. Certes , nous ne les
mentionnons pas dans l'intention d'établir ici quelque de-
gré de parenté entre ces Van Eecke, ou ces Vanden Eecke
et les illustres frères Van Eyck, nous augmenterions très-
probablement le nombre des méprises et des erreurs que
( 300 )
de semblables homonymies, rencontrées dans les vieux do-
cuments, et trop avidement recueillies, ont occasionnées.
Du reste, la liste des artistes peintres et sculpteurs de la
seconde partie de la série générale, celle qui commence à
1410, nous offre, à l'égard d’Hubert et de Jean van Eyck,
dans une note expresse, un renseignement aussi curieux
que précis.
Ces deux grands peintres, qui habitèrent à différentes
reprises la ville de Gand, ne sont point cités parmi les
francs-maitres affiliés à la corporation gantoise, et partant
ne figurent sur la liste ni comme jurés, ni comme doyens.
Mais en 1421, à l'époque, sans doute, où ils travaillaient
déjà pour Josse Veydt au magnifique tableau de l’Agneau
pascal, ce chef-d'œuvre renommé que l’on voit encore
dans toute sa beauté, et presque dans sa fraicheur pre-
mière, à l’église de S'-Bavon, le métier leur conféra spon-
tanément la franchise de profession dans la métropole des
Flandres.
C'était à la mort de Michelle de France, première femme
de Philippe le Bon, et pour honorer en même temps la
mémoire de la jeune princesse, si vivement regrettée, et le
talent des deux illustres maîtres qu’elle chérissait (4).
Touchant et pieux hommage envers la souveraine, ma-
nifestation éclatante, témoignage d'estime inusité envers
les chefs-peintres de l’époque.
Aucun artiste étranger ne pouvait, sans contrevenir
(1) Et quelle noble simplicité dans la note consignée au livre du métier:
« Int selue jaer starf vrouw Michiele, ghesellenede van hertoghe Phi-
Lips; omme hare doodt was binnen Ghent grooten rouwe. Hubrecht en
Jan, die sij zeer lief hadde, schonk den ambochte vrijdomme in schil-
deren. »
( 501 )
aux priviléges octroyés à la corporation par les comtes de
Flandre, exercer à Gand sa profession avant d'y avoir ac-
quis la franchise. [Il était également défendu aux mar-
chands étrangers d'y exposer ou vendre des tableaux et
objets d'art, sans autorisation du métier, sauf durant la
foire libre de la mi-carême. Cette autorisation s’accordait
quelquefois , sous condition de payer une somme plus ou
moins forte, pour l'entretien de la chapelle de la corpo-
ration.
Lorsqu'un maître étranger ou un artiste de la ville même
y exerçait son état de peintre ou de sculpteur sans avoir
obtenu la franchise de profession, les doyen et jurés de la
corporation portaient plainte devant les échevins. Ils re-
quéraient, en vertu de leurs priviléges ad hoc, la fermeture
des ateliers ou des magasins, et la cessation immédiate
de la profession du contrevenant , sous peine d'exécution
forcée, de confiscation, de condamnation aux frais de la
poursuite et au payement de dommages-intérêts. La corpo-
ration , soigneuse des intérêts communs, jalouse de la ré-
putation du métier, de ses droits et franchises, ne tolérait
aucune contravention. Nous pourrions rappeler plusieurs
sentences échevinales rendues sur de pareilles plaintes.
En 1452, Philippe le Bon augmenta encore les préro-
gatives du métier. Par un de ses octrois, 1l décida que tout
membre qui n’exerçait point ou ne faisait point exercer sa
profession, ne pouvait être revêtu d’un office dans la corpo-
ration (1). Le duc n’aimait pas les sinécures.
La série de 1410 à 1559 comprend 562 peintres et 47
(1) « Hertoghe Philips gaf schone privilegien de ambochte vander
schilderen, Le wetene dat de ghuene die dambochte niet en doen oft doen
doen, gheene ofjicien int let vander schilderen zullen hebben. »
( 302 )
sculpteurs, ce qui donne pour la liste entière, de 1358 à
1559, un total de 593 peintres et 75 sculpteurs. D'après
ce total, nous n’hésitons pas à dire que le nombre des
anciens peintres et sculpteurs gantois, qui mériteraient
une mention dans les ouvrages spéciaux, serait beaucoup
plus considérable que celui que nous y rencontrons, si les
guerres acharnées, les troubles politiques et religieux du
bon vieux temps n'avaient amené la destruction ou la dis-
persion de leurs œuvres, le plus souvent sans signatures
ou revêtues de monogrammes indéchiffrables, de signes
conventionnels ignorés hors de la localité.
Des 362 peintres de la série de 4410 à 1539, dix-sept
seulement sont rappelés dans l’ouvrage le plus complet
que nous possédions en cette spécialité : le Dictionnaire
historique des peintres de toutes les écoles, depuis les temps
les plus reculés. 1 est donc à regretter que M. Ad. Siret
n'ait pas eu connaissance du livre de la corporation des
peintres et sculpteurs gantois : consciencieux investiga-
teur, il eût tiré le meilleur parti de ce document précieux,
il eût vu cesser maintes incertitudes au sujet de noms ou
de millésimes, qu’il n’a osé avancer qu'accompagnés d’un
signe de doute (?).
Nous n'avons nullement l'intention de nous livrer à la
critique de l'ouvrage de M. Siret; lors de sa publication,
nous avons rendu justice à ce laborieux travail, nous avons
Joint notre appréciation à l’opinion favorable de la presse
belge. Nous avons cherché dans ce livre le moyen de con-
trôler l'exactitude de notre document artistique, et celui-ci,
dès à présent, nous aura été utile, puisqu'il nous permet
de rectifier quelques erreurs de noms et de dates, ou de
fixer notre opinion sur quelques données dubitatives.
Ainsi, Gérard vander Meyre n’est pas né en 1450 :
(503 )
nous le trouvons franc-maître peintre en 1452 et juré en
1474.— De 1570 à 1523 le livre de corporation cite douze
peintres du nom de Van Meire, Vander Meire, où Vander
Meere, et c’est le seul qui porte le prénom de Gérard; il
était fils de Pierre.
Guillaume Goesteline a dù séjourner à Gand pendant
plusieurs années : en 1444, il fut reçu franc-maître, en
1466 élu juré, en 1471 nommé doyen.
Jean Martins fut admis franc-maître en 1420, élu juré
en 1450, doyen en 1450. La liste contient huit Martins.
Guillaume van Axpoele, fils de Henry, devint franc-
maitre en 1415 et doyen en 1418. — Quatre Van Axpoele
ou Van Axelpoele furent doyens dela corporation.
Jean van Caudenberghe était franc-maitre à Gand dès
1405...
Saladin de Scoenere. Le livre de la corporation gantoise
donne deux Saladin de Scoenere, francs-maîtres peintres :
un en 1429 et un en 1451. — Le Saladin admis en 1451
était fils de Daniel, franc-maitre en 1400, juré en 1410,
doyen en 1420. La liste contient huit artistes de cette fa-
mille, parmi lesquels un sculpteur.
Jean de Steener est bien un peintre gantois, car il y eut
neuf peintres et un sculpteur de ce nom (De Steener) dans
le métier de Gand. — Il y eut Jean de Steener, franc-maître
peintre en 1421, juré en 1428; son fils Jean, maître sculp-
teur en 1451, et enfin, Jean, maitre peintre en 1439, juré
en 1449. Est-ce du premier ou du dernier qu'il est ici
question ? Tous deux paraissent avoir été des artistes de
mérite, puisque tous deux furent élus jurés.
Josse Vorre, 1441? Il n’est cité vers cette époque que
Baudouin Vorre, maitre peintre en 1400, juré en 1415,
doyen en 1426; Servais Vorre, maître peintre en 4408,
TOME xx, — ['° par. 20
( 304 )
juré en 1418; Siger Vorre, fils de Jacq. (non mentionné),
maître sculpteur en 1426, juré en 1440, doyen en 1460;
Pierre Vorre, maître peintre en 1456; Jean, fils de Siger,
maître peintre en 1445, juré en 1464.
Baudouin Wytevelde ou van Wytevelde, fut reçu franc-
maître peintre et sculpteur en 1440.
Nabur ou Nabor Martins, peintre, fils de Jean, obtint
la maîtrise en 1457. Il était doyen en 1450.
Marc van Gestele ou van Gistele, sans doute fils de Ser-
vais van Gistele, maître peintre, qui fut élu trois fois juré
et puis nommé doyen de la corporation. — Marc van Ges-
tele, le cinquième des artistes ainsi appelés qui ont été
membres du métier de Gand, fut reçu franc-maitre en
1455 et élu juré en 1454.
Gérolf vander Moertel devint franc-maitre peintre à Gand
en 44928. Nicaise vander Moertel, fils de Gérolf, fut admis
à la maîtrise en 1453 et élu juré du métier en 1452.
Clerbout van Westervelde. — La corporation compta
deux francs-maitres peintres ainsi nommés : l’un fut reçu
en 1498, l’autre en 1451.
Juste van Gend. — Nous ne trouvons que Luc van
Ghendt, inscrit franc-maître peintre en 1358, doyen en
1541. Puis, Robert van Ghendt, maître en 1569, juré en
4375; Luc, maitre en 1454; Georges, fils de Luc, en
4458 ; Liévin, fils de Luc, en 1467.
Daniel de Ricke. — Les peintres enregistrés sous les
variantes de ce nom : De Rycke, De Rycker, De Ryckere,
De Rykre, De Rike et De Ricke, forment une lignée de
douze peintres, membres de la corporation gantoise, à
partir de Jacques de Rycke, en 1558, jusqu'à Daniel de
Rike, fils de Jean, franc-maitre en 4467. — Le Daniel
de Rykre qui fut doyen de la corporation en 1464, était
ENTI"
ax
ARE,
( 305 }
fils de Servais : il obtint la maîtrise en 4448, et fut nommé
juré deux ans après.
Liévin de Wilte, architecte et peintre sur verre, ne se
rencontre pas sur la liste des maîtres-afliliés au métier des
peintres de Gand, durant la première moitié du XVI siècle.
— Dix peintres et deux sculpteurs de ce nom y figurent
cependant de 4550 à 1424. En cette dernière année, nous
voyons Jean de Witte, fils de Liévin, sculpteur, et Pierre
de Witte, son frère, peintre, acquérir la maitrise.
Le dernier des Benjamin Sameling ou Sammelinck que
nous mentionne le registre du métier de Gand, devint
franc-maître peintre en 1495, juré en 1504 et doyen en
4511. Le registre présentant une lacune de 4539 à 1574, la
corporation supprimée après les troubles de 4539 n'ayant
pu se réorganiser et reprendre son allure régulière, ce
n'est qu'en 1574 et 1584 que nous voyons un Benjamin
Samelyns élu juré de la corporation.
Semblable investigation comparative nous donnerait
des résultats presque négatifs, si nous l’entreprenions à l’é-
gard des sculpteurs gantois, dans les ouvrages de l'espèce.
Nous citerons pour exemple les Mémoires de Philippe Baert
sur les sculpteurs et les architectes des Pays-Bas; ces mé-
moires commencent vers le milieu du XV° siècle, et de
cette époque à 1539 Philippe Baert ne mentionne pas un
seul des trente-deux sculpteurs franes-maitres de la corpo-
ration gantoise. — N'y eut-il donc aucun artiste de mérite
parmi ces statuaires dont plusieurs furent appelés aux
fonctions honorables de jurés et de doyens du métier?
Nous terminerons ici cet aperçu analytique de la pre-
mière partie du livre de la corporation artistique gantoise ;
il suffit, croyons-nous, pour démontrer toute l'utilité que
nous pourrons tirer de la connaissance des renseigne-
( 506 |}
ments que ce document renferme. C’est une source féconde
d'indications, qui nous mèneront à d’intéressantes décou-
vertes : ces indications, véritables fils conducteurs, nous
mettront sur la voie de bien des éléments épars, ils nous
aideront à coordonner bien des matériaux négligés jus-
qu'ici, faute de pouvoir s’en servir.
nn ©
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Monographie de Notre-Dame de Tournay. Plans, coupes, élé-
vations et détails, levés, mesurés et dessinés; par B. Renard.
Tournay, 1852; 1 cahier in-plano.
Catalogue méthodique et raisonné des manuscrits de la biblio-
thèque de la ville et de l'Université de Gand ; par le baron Jules
de Saint-Genois, 3"° cahier, théologie, manuscrits en langues
orientales, supplément, rectifications et tables. Gand, 1849-
18592; 1 vol. in-8°.
Mémoire sur la fécondation des céréales, envisagée dans ses
rapports avec l'agriculture; par M. Ch. Morren. Liége, 1853;
4 broch. in-8°.
Choix des graines récoliées au Jardin botanique de l'Univer-
sité de Liége, en 1852. Liége, 1853; 1 broch. in-8°.
Annuaire agricole de Belgique, pour l'année 1853; par J.-B. Bi-
vort, 4° année. Bruxelles, 1853; 1 vol. in-12.
La Cinéide ou la vache reconquise. Poëme national héroï-co-
mique en vingt-quatre chants; par De Weyer de Streel. Liége,
4852; 1 vol. in-12.
Les bibliophiles flamands. Leur histoire et leurs travaux ; par
Ph. Kervyn de Volkaersbeke. Gand, 1853; 4 broch. in-8°.
Des TRS
SOMME
LR
(307)
Études de prosodie; par H. Boscaven; 1'° livraison. Bruxelles,
1853 ; 1 broch. in-4°.
Archives du Hainaut. Inventaires des archives des Chambres,
du clergé, de la noblesse et du tiers-état; par A. Lacroix. Publié
par ordre du Gouvernement et du conseil provincial. Mons,
48592; 4 vol. in-4°.
Notes d'un amateur sur quelques tableaux du musée de peinture
de Bruxelles, pour servir à la rédaction d'un livret; par Adol-
phe Siret. Gand , 1853; 1 broch. in-8°.
Réponse à quelques journaux relativement aux affaires de
Turquie ; par Rustem Effendi et Seid-Bey. Bruxelles, 1853; 1 br.
in-8°.
Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono-
mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume
de Belgique; publié sous la direction et par la rédaction prin-
cipale de M. Charles Morren. Février, 1853. Liége, 4 br. in-8°.
Journal d'horticulture pratique de la Belgique; directeur :
M. Galeotti, 10° année, n° 41. Bruxelles, 1853, 1 broch. in-8°.
Flore générale de la Belgique, contenant la description de
toutes les plantes qui croissent dans ce pays; par G. Mathieu,
7° livraison. Bruxelles, 4853 ; 4 broch. in-8°.
Le jardin fleuriste, journal général des progrès et des intérêts
horticoles et botaniques, rédigé par Ch. Lemaire. Vol. I et IF, et
47e à 25° livraisons du vol. II. Gand, 1851 , 1852 et 1853; 9 vol.
et 15 brochures.
Le Moniteur des intérêts matériels. N° 6 à 9. Bruxelles, 14853;
4 feuilles in-plano.
La Renaissance illustrée. Chronique des arts et de la litté-
rature. 14° année. Feuilles 12 et 13. Bruxelles, 4852; in-4°.
Journal historique et littéraire. Tome XIX, 11° livr., mars
1853. Liége; 1 broch. in-8°.
Le Moniteur de l'enseignement, publié sous la direction de
Fréd. Hennebert. Nouvelle série, Tome HE, n‘° 4 et 5. Tournay,
1853; 2 broch. in-8°.
( 508 )
Archives belges de médecine militaire. Tome XI. Janvier 1855.
Bruxelles ; 1 broch. in-8°,
Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié
par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles.
H° année. Février 1853. Bruxelles, 4 broch. in-S.
La presse médicale ; rédacteur : M. J. Hannon. 5° année.
N°s 7 à 10. Bruxelles, 4853; in-4°.
La santé, journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs :
MM. A. Leclereq et N. Theis. 4° année, N° 15. Bruxelles, 1853;
1 broch. in-4.
Annales d'oculistique, publiées par le docteur Florent Cunier.
Tome XXVIIT (5° série, tome IV°). 2 semestre 1852, feuilles 6
à 10. Bruxelles, 1852; 1 vol. in-8.
Annales de médecine vétérinaire, publiées à Bruxelles, par
MM. Delwart, Thiernesse, Demarbaix et Husson. 2% année.
Février 1853; 4 broch. in-8°.
Le scalpel, rédacteur : M. A. Festraerts. 5° année. N° 48 à 20.
Liége, 1853; in-4. |
Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. 44° an-
née, 2° série, tome E®. 4"° livraison. Bruges, 4852; 14 broch. in-8°.
Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie d’An-
vers. 9° année. Janvier 4853. Anvers ; { broch. in-8°.
Flora Batava, of afbeelding en beschrijving van nederlandsche
gewassen, door Jan Kops. 172° aflevering. Amsterdam, 1853;
1 broch. in-4°,
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie
des sciences, par MM. les Secrétaires perpétuels. Tome XXXVI,
N° 5 à 7. Paris, 1853; 5 broch. in-4.
Rapport verbal sur une excursion dans le midi de la France,
fait à la Société française pour la conservation des monuments,
le 23 octobre 4852; par M. de Caumont. Paris, 1853; 1 vol.
in-8°.
Démonstration de la solution du problème de la quadrature du
cercle ; par Ferdinand Lagleize. Paris, 4853; 1 hroch. in-8.
(309 )
Des Nibelungen, saga mérovingienne de la Néerlande; par
Louis De Baecker. Paris, 1853; 4 vol. in-8°.
Annuaire de l'institut des provinces et des congrès scientifiques,
1853. Paris, 4 vol. in-42.
Annuaire des cinq départements de l'ancienne Normandie,
publié par l'Association normande, 1853. 19° année. Caen, 1 vol.
in-8°.
Journal de l'école royale polytechnique, publié par le Conseil
d'instruction de cet établissement. Tomes XVII et XVHL. Paris,
1843 et 4845 ; 2 vol. in-4°. |
Revue.et magasin de zoologie pure et appliquée ; par M. F.-E.
Guérin-Méneville. 1853. N° 4. Paris; 4 broch. in-8°.
L'Athenœum français, journal universel de la littérature, de
la science et des beaux-arts. 2° année. N% 6 à 9. Paris, 4853;
4 doubles feuilles in-4°.
Annuaire de la Société philotechnique.Travaux de l’année 1852.
Tome XIV®. Paris, 1853; 1 vol. in-12.
Congrès archéologique de France. Séances générales tenues à
Laon, à Nevers et à Gisors, en 1851 ; par la Société française
pour la conservation des monuments historiques. Paris , 1852 ;
4 vol. in-8°.
Société impériale et centrale d'agriculture. Bulletin des séances,
compte rendu mensuel, rédigé par M. Payen ; 2° série. Tome VII,
N° 1 et 2. Paris, 1832 et 1855 ; 2 broch. in-8°.
Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie. Année 1852,
N° 4. Amiens , 4852; 4 broch. in-8°.
Berichie über die Verhandlungen der kôniglich sächischen Ge-
sellschaft der Wissenschafien zu Leipzig. Math. Phys. Classe ;
1852, L. Leipzig 1853; 1 broch. in-8e. !
Beiträge sur kenntniss der Gefässkryptogamen, von W. Hof-
meister. Leipzig, 4852; 1 vol. in-8°.
Ueber musikalische Tonbestimmung und Temperatur, von
M. W. Drobisch. Leipzig, 4852; 1 vol in-8°.
Wurtiembergische naturwissenschaftliche Jahreshefte, heraus-
( 510 )
gegeben von Prof. Mohl, Plieninger, Fehling, Wolfg. Menzel
und Krauss. Neunter Jahrgang. Erste Heft. Stuttgart, 1855 ;
4 vol. in-8°.
Handbuch der Pathologie und Therapie, von D. C. A. Wun-
derlich. Zweiter Band, zweite Abtheïlung. Stuttgart, 1852;
4 vol. in-8°. î
Heidelberger Jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der
vier Facultäten. Sechsundvierzigster Jahrgang. 1° Doppelhelft.
Januar und Februar. Heidelberg , 4853 ; 1 broch. in-8°.
The quaterly journal of the chemical Society. Committee of
publication : Brodie, Hofmann, Miller and Williamson. N° XX.
January 1853; Londres, 4 broch. in-8°.
Royal Irish Academy. Transactions, vol. XXII : part. III
Science, and part. IV Polite literatur , 1852 et 1853. — Procee-
dings for the year, 1851-1852; vol. V, part. H, 4852. Dublin,
2 vol. in-4° et 1 vol. in-8°.
À list of Assyrio-Babylonian characters, with their phonetic
values ; by rev. Edward Hincks. Dublin, 1852; 4 broch. in-8°.
Vincenzo Gioberti. Discorso pronunciato da Giuseppe Massari.
Turin, 4832; 1 broch. in-8°.
Commemorazione Vincenzo Gioberti, per Giuseppe Massari.
Turin, 4852; 1 double feuille, in-8.
Vincenzo Gioberti prelezione accademica del professore Pier-
Alessandro Paravia. Turin, 4853 ; 4 broch. in-8°.
Corrispondenza scientifica in Roma.—Bullettino universale ,
Anno secondo, n° 42. Rome, 18553 ; 4 double feuille in-4°.
Rendiconti delle adunanze della R. accademia dei Georgofili.
Agosto-dicembre 1852. Florence, 3 broch. in-8°.
Société impériale géographique de Russie. Mémoires, 6° vo-
lume. — Bulletins, 4° livraison. S'-Pétersbourg, 1852; 2 vol.
in-8°.
Commonwealth of Massachusetts. Abstract of returns of the
keepers of jails and overseers of the houses of correction, for
1850 and 1851. Boston, 1850 et 1851; 2 broch. in-8°,
(511)
An essay upon the Wheat-Fily, and some species allied to it.
— The Hessian Fly, ts history, character, transformations,
and habits ; by Asa Fitch. Albany, 1846 et 1847; 2 broch. in-&.
Abstract of the returns of the overseers of the poor in Mas-
sachusetts for the year ending. November 1, 1850, prepared by
W. B. Calhoun. Boston, 1850 ; 1 broch. in-8°.
Commonwealth of Massachusetts. Insurance abstract for decem-
ber 1850, prepared by W. B. Calhoun. Boston, 4850; 1 br.in-8°.
Catalogue of Historical papers and parchments received from
the office of the secretary of state, and deposited in the New-York
state library. Albany, 1849 ; 1 broch. in-8&°.
Fourth and fifth annual report of the university on the condi-
tion of the state cabinet of natural history, and the historical
and antiquarian collection annexed thereto. Albany, 1854 et
4852; 2 vol. in-4°.
Sixty-fifik annual report of the regents of the university of
the state of New-York. Albany, 1852; 1 vol. in-S°.
Annual report of the trustees of the state library. Albany, 1850
à 14852, 3 vol. in-8°.
Annual report of the superintendent of the Onondaga salt
springs, of the state of New-York. Albany, 1850 à 1852; 5 br.
in-8°.
Report of the select committee of the legislature of 1849, on the
publication of the natural history of the state of New-York. Al-
bany, 1850 ; 1 vol. in-8°.
À report on the geological survey of Connectieut, by Ch. Upham
Shepart. New-Haven, 1837; 1 vol. in-8°.
Eight report to the legislature of Massachusetts, relating to
the registry and returns of births, marriages and deaths, in the
commonwealth, from may 1, 1848, to january 1, 1850, by
Amasa Walker. Boston, 4851 ; 4 vol. in-8°.
Report on the geological and agricultural survey of the state
of south Carolina, 1844, by M. Tuomey. Columbia, 1844; 1 br.
in-8°.
Tome xx. — I" PART. 21
( 312 )
First annual report on the geology of the state of New-Hamp-
shire, by Ch. T. Jackson. Concord, 4841 ; 4 vol. in-8.
Report of an exploration and survey of the territory on the
Aroostook river, during the spring and autumn of 1838, by
E. Holmes. Augusta, 1839; 1 broch. in-&.
Report of the progres of the geological survey of the state of
Virginia for the years 4840, by W. B. Rogers. Richmond, 1841 ;
1 vol. in-&.
BULLETIN
DE
L’ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES,
LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.
1853. — N° 5.
CLASSE DES SCIENCES.
——
Séance du 5 mars 1853.
M. Sras, directeur.
M. Querecer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. d'Omalius d'Halloy, Sauveur,
Timmermans, De Hemptinne, Wesmael , Martens, André
Dumont, De Koninck, Van Beneden, Ad. De Vaux, le
baron Edm. de Selys-Longchamps, le vicomte B. Du Bus,
Nerenburger, Gluge, Melsens, Schaar, membres; Sommé,
Schwann, associés ; Duprez, Liagre, correspondants.
M. Éd, Fétis, membre de la classe des lettres, assiste à
la séance.
TOME xx. — Ï" PART. 22
(344)
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédition
de l'arrêté royal du 51 décembre dernier, qui partage, ex
aequo, entre MM. De Koninck, Dumont et Van Beneden,
le prix quinquennal des sciences pour la période 1847-
4851, conformément aux propositions du jury qui a été
chargé de juger le concours.
— M. le secrétaire perpétuel dépose les observations
suivantes qu'il a reçues concernant les phénomènes pério-
diques en 1852 :
4. Observations sur les phénomènes périodiques des
végétaux, faites à Gand, par M. J. Donkelaer.
2. Observations sur les phénomènes périodiques du
règne animal, faites à Waremme, par M. le baron de Selys-
Longchamps.
3. Observations sur les phénomènes périodiques des
plantes, faites à la ferme-école d'Ostin, par M. F. Bertrand.
4. Observations météorologiques, zoologiques et bota-
niques , faites à Stettin, en Prusse, par M. le recteur Hess.
— M. De Koninck dépose des recherches qu’il a faites,
en commun avec M. H. Lehon, Sur les crinoîides du terrain
carbonifére de la Belgique. (Commissaires : MM. Nvst,
d'Omalius d'Halloy et Dumont.)
Le même membre présente, de la part de M. J. Jaspar,
de Liége, une Description d'un appareil photo -électrique
(315)
conservant. la lumière au méme point. (Commissaire :
M. Crahay.)
— M. L. Bara, de Mons, écrit qu'il a adressé à la classe
des sciences, par l'intermédiaire de M. le Ministre de l’in-
térieur, le premier volume d’un ouvrage en dix tomes in-
folio , intitulé : Essai sur la théorie de la méthode pure , sur
lequel il désirerait avoir l'avis de la classe, Cet ouvrage
n'ayant pas été reçu, il est impossible de donner suite à Ja
demande de l’auteur.
— M. Henri Lambotte écrit qu'il est complétement
étranger à la publication et à la rédaction d’un mémoire
de M. Biot, de Namur, dans lequel figure son nom, et qui
à fait l’objet d’un rapport de la Compagnie.
— M. le secrétaire perpétuel donne lecture de l'extrait
suivant d’une lettre qu’il a reçue de M. Nyst, sur l’exten-
sion à donner aux systèmes tongrien et rupelien du côté
de l'Allemagne.
« Ne pouvant me rendre à la séance prochaine, je crois
utile de communiquer par écrit à l'Académie quelques
renseignements paléontologiques qui me paraissent ne pas
être dépourvus d'intérêt.
» Par sa lettre du 10 de ce mois, M. Sandberger, secré-
taire de la Société d'histoire naturelle du duché de Nassau,
à Wiesbaden, m'informe que le système rupelien de
M. Dumont vient d'être découvert aux environs de Hanau.
On y a recueilli la Nucula Deshayesiana, le Pleurotoma
striatula , ainsi que d’autres fossiles qui gisaient dans une
argile contenant des septaria, comme en Belgique. On sait
que ces argiles à septaires ont aussi été signalées depuis
(316)
peu à Berlin, ainsi qu’à Celle, dans le Hanovre. Quelques
espèces provenant de cette dernière localité, nous ont été
envoyées par M. Sugler, directeur des mines.
» M. Sandberger m'annonce, en outre, qu’il croit avoir
trouvé, à Hochheim, la Paludina pupa , espèce du système
tongrien, et presqu'en même temps , M. Dunker me fait
connaître que l’on à récemment découvert aux environs
de Cassel, en Prusse, à Gross-Almerode, un gîte extrême-
ment intéressant de coquilles fluviatiles appartenant aux
genres Melania, Cyclas, Cyrena, Planorbis et entre autres
les Paludina Chastelii et Draparnaudii, espèces caracté-
ristiques du système tongrien et si répandues à Kleyn-
Spauwen.
» Il résulte donc de ces renseignements que le système
tongrien s’étendrait, vers le nord, jusqu’à Cassel, où il n’a-
vait pas encore été indiqué, et que le système rupelien, qui
lui est superposé, s’avancerait jusque dans le Hanovre. »
M. De Koninck dit que le fait signalé par M. Nyst lui
avait déjà été communiqué par M. Lyell.
(317)
RAPPORTS.
Sur un mémoire de M. Montigny intitulé : CORRÉLATION DES
HAUTEURS DU BAROMÈTRE ET DE LA PRESSION DU VENT.
Rapport de M, C:ahey.
« Dans un mémoire présenté à l’Académie, au mois
d'août 4851, M. Montigny a cherché à établir, en s'appuyant
sur des principes d'hydrodynamique, une relation mathé-
matique entre la vitesse du ventet la hauteur du baromètre.
Les formules auxquelles il a été conduit furent appliquées
par Jui à la discussion des observations de baromètre et
d'intensité du vent faites à l'Observatoire royal de Bruxelles,
pendant les six années 1842 à 1847. Les résultats de cette
comparaison furent d'accord, en général , avec la relation
supposée.
Le travail actuel de l’auteur à pour objet l'application
des mêmes formules aux observations faites, pendant une
période de dix années comprises entre 1842 et 1851, au
même établissement.
Dans le rapport sur le premier mémoire, on à fait re-
marquer que la coïncidence du vent avec les fortes baisses
du baromètre est un phénomène connu depuis longtemps,
si bien que, sur les baromètres destinés aux gens du monde,
on ne manque pas d'inscrire le mot tempête vis-à-vis la
limite inférieure du mouvement de la colonne. Dove as-
sure que de toutes les indications du temps que l’on a l'ha-
bitude de marquer sur les baromètres, celle de tempête à
( 318 )
l'endroit d'une baisse extraordinaire est la plus exacte.
Néanmoins, il arrive parfois que ce pronostic ne se vérifie
point, ou du moins que le vent ne se fait sentir avec force
qu'à des distances assez grandes de la localité où une
dépression notable du baromètre a été observée. D'où il
semble résulter que l'étendue sur laquelle la dépression se
fait sentir dépasse souvent, et peut-être toujours, celle sur
laquelle règne l'ouragan. Récemment encore l'exemple s'en
est produit d’une manière frappante : Depuis le 4 février
jusqu’au 12, le baromètre a été très-bas; le 8, 1] était à 737"
et le 9, à 8 heures du matin, il descendit à 735"",97; ce-
pendant, durant tout ce temps, le vent a été très-faible, ou,
comme on dit vulgairement, il n’y a pas eu de vent (du
moins à Louvain). Je n'ai pas encore appris s’il a régné
avec quelque intensité dans des localités éloignées.
D'un autre côté, le calme de vent pendant les grandes
hausses du baromètre n’a pas, à beaucoup près, le même
degré de probabilité que le vent fort pendant les baisses;
il arrive assez souvent que le vent souflle avec plus ou
moins de force quand le baromètre est haut. Cette circon-
stance, jointe aux exceptions pendant les baisses, doit
être un obstacle à l'application exacte d’une formule quel-
conque qui tendrait à exprimer une relation entre la
vitesse ou l'intensité du vent et l’état du baromètre. D'ail-
leurs, tout semble annoncer que les variations de pres-
sion atmosphérique sont produites par l’action de plu-
sieurs causes, et qu'à leur tour, ces variations donnent
lieu à des phénomènes complexes. Aussi le rapporteur du
premier mémoire a-t-il dit avec raison que, « quand plu-
» sieurs genres de phénomènes se reproduisent ordinaire-
» ment en même temps, il devient assez difficile de recon-
» naître leurs dépendances mutuelles. »
(519)
D'après cela, et en supposant même que l'on accorde
comme légitime l'emploi, dans le cas présent , des prin-
cipes d’hydrodynamique d’où l’auteur a déduit les formu-
les, il n’est pas étonnant que les résultats obtenus par
lui dans la discussion des observations des dix années,
présentent des discordances non moindres que celles qui se
sont montrées dans le calcul de la période de six années.
Ainsi, sur les dix années de moyennes annuelles, deux
font exception à la règle supposée; et dans la distribution
des moyennes par mois, il y a désaccord 4 fois sur 12. En
groupant les observations simultanées de baromètre et
d'intensité du vent de diverses manières, l’auteur n’arrive
nulle part à des séries exemptes d’exceptions. L’anomalie
la plus frappante se trouve dans le tableau où les minima
barométriques et les intensités correspondantes du vent,
observées pendant les 10 années, sont groupées par 4 sai-
sons ; là encore la règle est en défaut pour le printemps.
Enfin, là où les chiffres ne sont pas en contradiction avec
le principe invoqué, leurs valeurs ne présentent pas de
suite régulière. Les causes alléguées par l’auteur pour
rendre raison des écarts ne semblent pas convaincantes,
du moins elles sont insuffisantes.
En résumé, le mémoire de M. Montigny n’ajoute rien,
dans mon opinion, aux notions que l’on avait sur la rela-
tion entre l'intensité du vent et la hauteur du baromètre.
Toutefois, j'ai l'honneur de proposer à Ta Compagnie de
voter des remercîiments à l’auteur pour sa communication,
à raison des connaissances dont il fait de nouveau preuve
dans ce travail, et de l'exactitude consciencieuse qu’il a
mise dans son exécution. »
( 320 )
Rapport de M. Dupret.
« D'après l’auteur du mémoire soumis à mon examen,
il existe entre la pression atmosphérique et l'intensité du
vent une corrélation telle, que les moyennes et les valeurs
absolues du premier de ces éléments sont généralement
d'autant moins élevées que les valeurs correspondantes de
l'intensité du vent sont plus fortes, et que, réciproque-
ment, la pression atmosphérique augmente quand l’inten-
sité du vent diminue. Il cherche à établir cette corrélation
par la comparaison entre les observations du baromètre
et celles qui sont relatives aux intensités du vent, recueil-
lies à l'Observatoire royal pendant la période décennale
1842-1851.
La discussion à laquelle se livre l’auteur ne me paraît
point établir, d’une manière bien concluante, la relation
dont il s’agit : les nombres des divers tableaux que son
travail renferme présentent, à chaque pas, des discor-
dances qui sont quelquefois si marquantes, que lui-même
est obligé de recourir à des considérations particulières
pour les expliquer. Cest ainsi, entre autres, que la plus
forte pression moyenne annuelle du vent observée pendant
les dix années, au lieu de correspondre à la plus petite
des hauteurs moyennes annuelles du baromètre , répond,
au contraire, à celle de ces hauteurs qui est presque la
plus grande. Pareillement, la plus forte pression men-
suelle du vent est loin de correspondre à la plus petite
hauteur barométrique mensuelle. Il est vrai que, dans le
premier cas, la plus petite pression moyenne se présente
( 321 )
pour la plus grande hauteur moyenne; mais il n’en est
déjà plus de même dans le second. Les nombres des ta-
bleaux relatifs à la pression du vent aux instants des
maxima et des minima annuéls ét mensuels du baromètre
montrent des discordances analogues : si, en général, la
pression du vent est plus forte aux instants des minima
qu'à ceux des maæima, cependant, ici encore, ce n’est
point à la plus petite des hauteurs minima du baromètre
que l’on voit correspondre la plus forte pression.
On sait depuis longtemps qu’un abaissement considé-
rable du baromètre au-dessous de la hauteur moyenne est
souvent accompagné de vent d’une grande intensité, sur-
tout lorsque cet abaissement est rapide : il n’est donc pas
étonnant que la corrélation dont M. Montigny s'occupe
dans son mémoire apparaisse d’une manière plus satisfai-
sante dans les valeurs absolues des observations relatives
aux tempêtes; mais il était peut-être intéressant d’exami-
ner l'influence que ce fait bien connu pouvait, conjointe-
ment avec d’autres causes, exercer sur les moyennes des
observations, et c’est ce que l’auteur a essayé de faire avec
un discernement et une sagacité qui, dans mon opinion,
méritent les remerciments de l’Académie. »
M. Quetelet, troisième commissaire, souscrit aux con-
clusions des rapports de MM. Crahayet Duprez, et demande
en même temps l'impression du travail de M. Montigny. »
L'impression est ordonnée et des remerciments seront
adressés à l’auteur.
(322 )
Note sur l'embryon des graminées; par M. V.-P.-G. De Moor.
Æapport de M. Spring.
« En rendant compte, dans la séance du 5 avril der-
nier (1), d’un premier travail, adressé à l'Académie, par
M. De Moor, sur l'embryon des graminées, j'avais engagé
ce botaniste à entreprendre une série d'observations sur
la germination de cet embryon. M. De Moor s’est mis à
l'œuvre avec un zèle louable et avec un succès qui mérite
tous nos encouragements.
Dans son nouveau travail, l’auteur expose d'abord ses
observations, faites sur un assez grand nombre d'espèces,
et relatives au mode de développement des diverses parties
de l'embryon ; il rend compte, ensuite, de ses expériences
de germination ; et, à la fin, il entre en discussion sur les
principales objections qu'on pourrait faire à sa doctrine.
Par tous ces moyens , il me semble bien établi que le
bouclier est à considérer comme le véritable cotylédon des
graminées, et que la vaginule représente la portion vagi-
nale d’une feuille primordiale.
Pour faciliter l'intelligence du texte, il eût été désirable
que l’auteur eût joint quelques dessins de ses analyses;
mais telle qu'elle est, sa note sera suffisamment comprise
par tous ceux qui se sont occupés spécialement de do
bryon des graminées.
(1) Bulletin, t. XIX, 1° partie, p. 505.
( 323 )
C'est avec un véritable plaisir que je propose d'accorder
au travail de M. De Moor les honneurs de l'insertion dans
les Bulletins de l'Académie. »
Fapport de M. Martens,
« Je me rallie bien volontiers aux conclusions du rap-
port de mon savant collègue, M. Spring; toutefois, je crois
devoir faire mes réserves au sujet de la signification mor-
phologique que l’auteur du mémoire attribue au bouclier
de l'embryon des graminées. Il a vu que ce bouclier était
déjà apparent peu de jours après la fécondation et qu'il
précédait la formation de la gemmule. S'il en est ainsi, le
bouclier pourra diflicilement appartenir au système ap-
pendiculaire de l'embryon, vu que ce système, auquel se
rattache le corps cotylédonaire, ne se développe que posté-
rieurement au système axile.
D'après cela il me semble que c'est à ce dernier système
qu'il convient de rapporter le bouclier, eu égard au déve-
loppement primordial que lui assigne M. De Moor. Ne
pourrait-on pas le considérer comme un renflement fécu-
lacé, plus ou moins analogue au renflement que présente
l'embryon macropode des plantes de la famille des Naïades
ou Naïadacées ?
Quoi qu'il en soit, je suis parfaitement d'accord avec
M. De Moor sur l'impossibilité de rattacher la vaginule de
l'embryon germé à la ligule des graminées. Je scrais plu-
tôt tenté d'y voir un corps cotylédonaire. »
Les conclusions du rapport de M. Spring, auxquelles
adhère M. Martens, sont adoptées par la classe.
( 324 )
— MM. Dumont et d'Omalius d'Halloy, nommés com-
missaires pour l'examen d'une note de M. Hébert, sur le
Synchronisme du calcaire pisolitique des environs de Paris,
demandent l’impression de ce travail.
« Cette note, ajoute M. Dumont, présente la confirma-
tion paléontologique d’un fait que j'ai, depuis longtemps,
établi d’après des considérations géométriques et minéra-
logiques, et dont j'ai fait mention à diverses reprises,
entre autres dans mon rapport sur les travaux de la carte
géologique de la Belgique, en 1849 (t. XVI, n° 44, des
Bulletins). »
La note de M. Hébert sera imprimée dans le Bulletin de
la séance.
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Sur la mesure des distances au moyen de la SrapraA; par
M. le capitaine Liagre, correspondant de l’Académie.
E]
Deux officiers d'état-major français, le capitaine de
Lostende et le chef d’escadron Maissiat, ont imaginé, le
premier sous le nom de stadia, le second sous celui de
chorismomètre, deux instruments propres à faire apprécier
la distance à laquelle est placée une mire d’une longueur
déterminée. Dans la sfadia, la mire est divisée en parties
égales , et l’on conclut son éloignement du nombre variable
de ses divisions qui est intercepté entre les deux fils fites
du réticule d’une lunette, Dans le chorismomètre, au con-
(325 )
traire, l'intervalle entre les deux fils parallèles du réticule
est variable et peut être apprécié au moyen d'un système
micrométrique; la mire est d’une longueur constante, et
c’est le nombre de divisions micrométriques employé pour
que la mire entière soit embrassée entre les deux fils,
qui permet de calculer la distance de celle-ci.
Quoique ces deux instruments soient, en quelque sorte,
inverses l’un de l’autre, leur théorie est identique. Nous
ne nous occuperons donc, dans ce qui va suivre, que de
la stadia proprement dite : toutes les rémarques que nous
avons à faire s’'appliqueraient mot pour mot au chorismo-
mètre; elles s'appliqueraient également à la stadia de troi-
sième espèce, qui est une combinaison des deux premières,
et dans laquelle l'intervalle entre les fils est variable, et la
mire graduée.
Dans tous les traités de topographie (1), on expose la
théorie de la stadia, en faisant abstraction des lentilles de
la lunette.
L'on suppose un simple tube, AB (fig: 1), muni à l’'in-
térieur. de deux fils horizontaux r, e, et percé à la paroi
k (1) Voy. Salneuve, Cours de topog. et de géod., 2° édition, p. 114; et
Duhbousset, Applic. de la géom. à la topog., p. 79. — Ce dernier auteur,
en particulier, expose la théorie de la stadia d'une manière trés-détaillée.
(3% )
postérieure d’un trou oculaire, ©. Soit ! la distance de cet
oculaire au plan du réticule ; k l'intervalle entre les deux
fils; L la distance horizontale, OP, entre l’oculaire et la
mire verticale; H la portion MI de cette mire qui paraît
interceptée entre les deux fils : on aura, dans les triangles
semblables Ore, OMI, la proportion L': H—7:h; d'où
ps'B. 00!) HO ERSRNIEE
La quantité H se lit directement sur la mire graduée;
let h sont des constantes que l’on peut mesurer : l'équa-
tion précédente suffit donc, théoriquement parlant, pour
calculer la valeur de L. — Dans la pratique, la moindre
erreur commise sur la mesure directe des petites quantités
let k aurait une influence très-grande sur la détermina-
tion de L : aussi renonce-t-on à cette mesure directe; on
préfère calculer la grandeur du rapport !:h, au moyen
d’une expérience que j'appellerai régulatrice, ou d'étalon-
nage, el qui consiste à mesurer très-exactement sur le
terrain une distance horizontale L’. Soit H’ la hauteur de
mire qui, à cette distance, est interceptée entre les deux
fils : on aura L’: H'—{: h. Substituant dans l'équation (1),
on obtient en définitive
1 LS
Telle est la théorie ordinaire de la stadia , et telle est la
formule par laquelle on calcule la distance de la mire.
Faisons immédiatement deux remarques :
(327)
1° Cette théorie suppose constante la base, !, du petit
triangle formé dans le tube; ou, en d’autres termes, elle
admet l'angle O comme invariable, quelle que soit la dis-
tance à laquelle on vise;
2 La formule qui s'en déduit donne la distance de
l’oculaire à la mire.
Mais on est conduit à modifier ces résultats, lorsque l’on
analyse avec un peu d'attention ce qui passe en réalité dans
la lunette de l'instrument.
Les rayons lumineux qui, émanant des différents points
de la mire, MI (fig. 2), se croisent au centre optique de l'ob-
jectif, vont, en continuant leur route, former à leur foyer
conjugué une image r e de la mire. Le réticule est alors
amené sur celle image, à l’aide d’un tirage convenable. Les
deux triangles semblables MCI, r Ce, dont nous avons dé-
duit tout à l'heure la formule fondamentale de la stadia,
ont donc maintenant leur sommet commun au centre de
l'objectif; et c'est cette dernière lentille, et non pas l’ocu-
laire, qu'il faut placer sur la verticale du point de station.
En second lieu, la distance focale conjuguée C p — !
varie avec l'éloignement de la mire. On sait, en effet, que
cette distance focale augmente lorsque la mire se rap-
proche, diminue lorsqu'elle s'éloigne, et qu'il existe entre
la distance L d’un point à l'objectif, et la distance focale
(328)
conjuguée , L, une relation exprimée par la formule
= = —
® étant la distance focale principale, distance minimum
qui correspond à L = +.
Le coefficient ; (ou la cotangente de l’angle au sommet
du petit triangle régulateur) est done essentiellement
variable ; la valeur qui en à été fournie par l'expérience
d'étalonnage ne convient, à la rigueur, qu’à une seule
distance; et si l’on veut employer ce coeflicient pour cal-
culer une autre distance , il y a lieu d'appliquer au résul-
tat ainsi obtenu une correction provenant de la variation
de la distance focale.
Pour trouver la formule qui exprime cette correction,
supposons que l'expérience régulatrice ait donné
MSIE "C2 "EE
L'observation faite pour une autre distance quelconque
donnera
L':H—/:h,
l' étant plus grand ou plus petit que {, suivant que L est
plus grand ou plus petit que L’. Eliminant k entre ces
deux équations, on obtient :
EL (4
’ — H'. —,
L H l
au lieu de
| — L H’
=":
que l’on aurait obtenu si la distance focale n'avait pas
( 529 )
varié d'une observation à l’autre. La différence entre ces
deux résultats, ou
L l
vient),
H
est donc la correction à faire subir à la distance, calculée
d’après la méthode ordinaire, pour tenir compte de la
variation de la distance focale. On peut la mettre sous la
forme
1]
vues (TT). #ena0iets)
relation qui montre que « la correction est égale à la dis-
» tance brute, calculée à l’aide du simple coefficient régu-
» lateur, multipliée par le rapport de la variation de dis-
» tance focale à la distance focale régulatrice. » — Le
signe de cette correction dépend de celui de la variation
de distance focale : 1l est positif pour les observations
faites à une distance plus faible que la distance régulatrice;
négatif dans le cas contraire.
La signification géométrique de la formule (3) est bien
facile à saisir : l'intervalle entre les deux fils du réticule
restant le même, augmentons en idée la distance focale
de manière à ce qu'elle devienne C p’ = l’ (fig. 2). F1 faudra,
pour intercepter la même portion de là mire, éloigner
celle-ci de MI en M'F'; et la correction positive que devra
subir la distance € P — L”, calculée dans l'hypothèse
d’une distance focale C p—{, sera représentée par la quan-
tité MM’. Or, les triangles semblables M'MC, ee C don-
nent M'M : ce —MC:eC= CP : Cp; d'où
|
MM = 6e = L'’ =)
ToME xx. — ["° PART. 23
( 330 )
Cette formule s’obtiendrait, du reste, très-simplement,
à l’aide du calcul différentiel, en cherchant la variation
de L, qui correspond à une variation de /. En effet, l'é-
quation fondamentale
différentiée par rapport à L et !, donne
4 dl
dL = Ë di = L —
k l
formule dans laquelle dl est positif ou négatif, suivant que
la distance focale variée est supérieure ou inférieure à la
distance focale régulatrice. Nous aurions pu, à la rigueur,
nous contenter de cette dernière démonstration : si nous
l'avons fait précéder de quelques considérations géomé-
triques, c’est parce que celles-ci nous paraissent éclairer et
satisfaire l'esprit beaucoup mieux que des déductions pu-
rement analytiques.
FIX.
D'après ce qui vient d'être dit, 1l suffirait, pour calculer
les corrections à faire aux observations, de construire une
fois pour toutes une table présentant les variations que
subit la longueur focale de la lunette, suivant la distance
à laquelle on vise. Cette table se calculerait au moyen de
la formule déjà rappelée
= _— = —.
Mais au point de vue de l'application, on peut encore sim-
( 551 )
plifier la solution du problème, de manière à éviter le cal-
cul de la table dont nous venons de parler. En effet, pour
une distance L de la mire et une distance / de son image
focale, on à :
?
1 -
?
et pour deux autres distances conjuguées L”' et l', ..,:
4 1 4
+ — —= —:
l' | ?
Combinant ces deux relations, on en déduit celle-ci :
FUSITAQUE Jet Si
LUE paris
l A
qui, substituée dans l'équation (5), donne
: l L ds L” n
E = jrs SPTAALS MS (4)
Mais bien que la théorie qui nous a menés à cette cor-
rection soit entièrement basée sur la variation de la dis-
tance focale de la lunette, nous pouvons, sans erreur sen-
sible, supposer celle-ci constante dans la formule qui
exprime la correction. En eflet, entre les limites ordinaires
de l'observation , et pour une lunette qui ne dépasse pas les
dimensions habituelles des instruments, topographiques,
la variation de distance focale ne s'élève jamais au delà
d'un centimètre : en la négligeant, l'erreur à laquelle on
s'expose n’est donc qu'une faible fraction de la correction,
c'est-à-dire une quantité tout à fait inappréciable dans
la pratique.
Il résulte de là qu’il est permis de remplacer, dans l'é-
{ 332 )
quation (4), la grandeur variable [’ par la constante à, en
désignant par celle-ci la longueur focale moyenne de la
lunette. L'expression définitive de la correction est donc
He
N'oublions pas que, dans cette formule, L est la distance
régulatrice mesurée sur le terrain, et L” la distance cher-
chée, obtenue à l’aide d’un premier calcul dans lequel on
ne tient pas compte de la variation de la longueur focale.
Comme exemple numérique, supposons que la lunette
ait 0",55 de foyer; qu'on ait réglé l'instrument à 500”,
et qu'on veuille trouver la correction à appliquer lorsque
la mire est à la distance de 20", on aura, en appliquant
la formule rigoureuse (4)
280
207389.
OT SE2UX en —=
dre os Dies
La correction est donc égale à environ un soixantième de
la distance cherchée.
Si l'instrument a été réglé à 20”, et qu'on observe à la
distance de 500", la même formule donnera
280
— & —= 0"5504 — ;
È "2 x 20
d'où
valeur qui représente encore le soixantième environ de la
distance cherchée.
En se contentant de la formule approximative (5), et en
(535 )
adoptant pour À la valeur moyenne 0",353, on aurait ob-
tenu
— 07329,
e = — 4794;
résultats presque identiques avec les précédents. On voit
donc que la variation de la distance focale, dont l'effet est
très-sensible sur les longueurs observées, cesse d’avoir
une influence appréciable sur les corrections qu'on leur
applique; et que l’on peut assimiler la distance cherchée à
une variable; sa correction à la différentielle première de
cette variable , et l'erreur de cette correction à une diffé-
rentielle du second ordre, négligeable devant celle du
premier.
IV.
On aura sans doute remarqué que, dans la théorie que
nous venons d'exposer, nous n'avons pas parlé du rôle que
remplit l’oculaire de la lunette, ni du tirage plus ou moins
grand qu’il exige de la part des différentes vues. Et en effet,
bien que l’amplification de l’image dépende à la fois de la
distance focale de l'objectif et de celle de l’oculaire, le jeu
de cette dernière lentille est inutile à considérer dans la
question qui nous occupe, On s’en assurera sans peine en
observant que l’oculaire agit simultanément, et de la même
manière sur l’imâge de la mire et sur l'intervalle des fils ;
les variations de grossissement que l’on obtient en le tirant
plus ou moins ne produisent done aucun effet relatif. Il y
a plus, on pourrait, une fois l'instrument réglé, substituer
un oculaire à un autre, sans qu'il y eût lieu pour cela de
modifier le coeflicient régulateur. Si la même indifférence
n'existe pas à l'égard de la lentille objective, c'est qu’elle
(334)
opère uniquement sur la grandeur de l’image focale, et
nullement sur celle de l’espacement des fils.
Nous croyons devoir insister d'autant plus sur cette der-
nière considération, que c’est au jeu de l’oculaire que Sal-
neuve attribue en grande partie la discordance que les ob-
servateurs trouvent en général dans les résultats de leurs
mesures opérées à la stadia. Voici ce qu'il dit à ce sujet
(p. 115 de son ouvrage déjà cité) : « La stadia que nous
» allons décrire ne justifie pas tout ce que la théorie pour-
» rait en faire espérer. Nous dirons bientôt en quoi con-
» siste son imperfection. » À [a page 119, cette imperfec-
tion se trouve expliquée de la manière suivante : « On a pu
» remarquer qu'il est de la plus grande importance que
» l'angle visuel soit bien constant : or cette condition est
» assez mal remplie dans la stadia.… car le tirage variable
» de l'oculaire, en raison de la vue de l'observateur dé-
» place le sommet de l'angle visuel. » Dans un autre en-
droit (p. 519), cet auteur revient sur la même idée, et une
des causes d’inexactitude de la stadia, c’est, dit-il, que
« l'angle sous lequel l'œil voit l’image réelle peut chan-
» ger, du moins d’un observateur à un autre, en raison
» de la différence des vues. » — Or, nous le répétons,
les résultats fournis par la stadia ne peuvent aucunement
être influencés par les variations que le tirage de l’ocu-
laire fait subir à l'angle visuel, c'est-à-dire à l'angle sou-
tendu par l’image focale, et ayant pour sommet le centre
optique de l'oculaire.
Nous ne quitterons pas ce sujet sans rappeler que Porro
a proposé une nouvelle lunette, qu'il nomme anallattique,
dans laquelle les effets de la variation de la distance focale
sont corrigés par l'addition d’une lentille intérieure. Nous
ignorons quels sont les résultats que produit dans la pra-
na
( 335)
tique l'emploi de ce nouvel instrument. Tout ce que nous
pouvons en dire, c’est que Salneuve, après avoir exposé en
détail (pp. 518 et suiv.) la construction de la lunette anal-
lattique, qu'il regarde comme un perfectionnement, con-
clut de la manière suivante : « Le degré d'exactitude avec
» lequel elle permet d'évaluer les distances est considéra-
» blement augmenté, mais il n’est pas proportionnel à la
» puissance des lunettes. En effet, à égalité de diamètre du
» verre, plus le grossissement est considérable, plus le
» champ doit être circonserit, et plus rapprochés doivent
» être les fils du mieromètre. La portion de la mire, com-
» prise entre les rayons visuels extrêmes qui s'appuient
» sur les fils du réticule, est d'autant plus restreinte. Pour
» évaluer les mêmes distances, les divisions doivent être
» plus serrées, et l’on perd de ce côté ce que l’on gagne
» par le fait du plus grand grossissement. »
N-
Nous ne doutons pas qu'un observateur soigneux , dis-
posant d’une lunette douée de netteté et de force, et ap-
pliquant à ses résultats les corrections que nous avons
indiquées, ne puisse tirer un excellent parti de la stadia
pour mesurer rapidement des distances assez considéra-
bles. Cependant quelques topographes nous paraissent
avoir exagéré la précision dont ce procédé est susceptible,
induits en erreur sans doute par les résultats heureux et
fortuits qu'ils ont obtenus dans quelques cas particuliers.
Nous citerons comme exemple de cette concordance pu-
rement accidentelle quelques expériences rapportées dans
le tome IV du Mémorial du dépôt de la querre français. A
( 336 )
la page, 77 de,ce volume, on trouve la comparaisonde six.
distances mesurées surun térrain uni, d’abord à la stadia,
puis à la chaîne. Voici les nombres qui ont été obtenus :
A la stadia, . . ... 14,65, 44,8; 95,0; : 169%,0;:(2218,5;r 291,0
Atlaichame à $2: RAA 0e 4287: 10400 GO ONE RAUTR ES
Différences. 4 + .: —0,10; —0,10; —0,10; 0,00; —0,40; + 0,20
Discutons ces résultats. — Un premier fait nous frappe
lorsque nous les examinons : c’est que laccord entre les
deux procédés est presque aussi parfait pour les grandes
distances que pour les petites. Or, en admettant que l’er-
reur angulaire d'un pointé reste la méme à toutes les dis-
tances, le désaccord devrait croître comme la distance
mesurée, et le mode d'observation qui a donné à 14,5
une erreur de 0"10, aurait dû donner , aux cinq autres
distances , les erreurs respectives
0251: 0765: 42416: 1759; 9204:
Et l’hypothèse que nous venons de faire est la plus favo-
rable possible, car l'expérience , d'accord avec le raisonne-
ment , indique (voy. plus loin, VI), que l'erreur angulaire
d’un pointé augmente dans la même proportion que le
point de visée s'éloigne : dans ce cas , le désaccord aurait
dû croître comme les carrés des distances.
Continuons notre discussion. La commission chargée
de faire les expériences comparatives que nous venons de
rapporter n’a donné que très-peu de détails sur la manière
dont elles ont été effectuées. Ainsi elle ne dit pas si l'on a
placé au-dessus du point de départ l'objectif, l’oculaire,
ou le centre de la lunette; elle n'indique pas non plus la
PRE
(387 )
longueur focale de celle-ci : cependant, pour prétendre à
la précision du décimètre à la distance de 300", la lunette
devait avoir un assez grand pouvoir optique ; nous la sup-
poserons de 55 centimètres de foyer. Il n’est pas dit non
plus à quelle distance la stadia à été étalonnée : nous som-
mes donc encore forcés de nous contenter ici d'une hypo-
thèse, et nous admettons que l'instrument ait été réglé
à 100".
D'après cela, et en accordant que l'objectif ait été placé,
comme il devait l'être, au-dessus de l'extrémité du point
de départ, les longueurs obtenues à l'aide de la stadia
auraient dû, (si les observations avaient été parfaitement
faites) différer de celles qu'a fournies la chaîne, puisque
les observateurs n’ont pas eu égard à la variation de dis-
tance focale de la lunette. Calculant ces différences à l’aide
de notre formule (5), on les trouvera respectivement de
+ 0750; + 0"19; + 0"02; — 0°24; — 0"43; — 0"67;
au lieu des valeurs
— 0,10; — 0,10; — 0,10; 0,00; — 0,40; + 0, 20,
que l'on a réellement obtenues. Les erreurs véritables des
observations sont donc
— 0"40; — 0729; — 0"19; + 024; + 0"035; + 087.
On voit que la précision réelle des résultats fournis par
la stadia n’est pas aussi grande qu’on aurait pu le croire
d’après la concordance qui règne entre les deux espèces
de résultats obtenus par la commission; et que cet accord
apparent ne peut être attribué qu’à une heureuse compen-
sation d'erreurs.
VE.
| AREAS
et examinons les conséquences que l’on peut déduire de
sa discussion.
L'erreur que l’on commet en calculant une distance
d'après la théorie ordinaire est directement proportion-
nelle à la longueur focale, 2, de la lunette : elle est donc
d'autant plus grande et plus importante à considérer, que
l'instrument est, par sa nature, susceptible de donner
une plus grande précision.
Lorsque L > L”', c'est-à-dire lorsque l'observation ré-
gulatrice à été faite en mesurantsur le terrain une distance
plus grande que celle à laquelle on observe, la correction
est loujours additive, et moindre que la longueur focale
de la lunette. C’est ce que montre suffisamment la, for-
mule (5), mise sous la forme
=: a
E£ —= L , :
dans laquelle le binôme entre parenthèses est moindre
que l'unité.
Au contraire, lorsque L < L”, la correction est sous-
tractive, et croît indéfiniment avec la longueur que l’on
veut calculer. — Telle est probablement la véritable rai-
son pour laquelle les praticiens recommandent de régler
la stadia en mesurant sur le terrain une base aussi longue
(339 )
que possible : il ont remarqué sans doute que l'instrument
ainsi réglé donne des résultats beaucoup moins discor-
dants.
Mais, abstraction faite des erreurs provenant d’une
théorie défectueuse, erreurs que nous savons maintenant
corriger, est-il préférable de faire l'observation régulatrice
à longue ou à courte distance?
Pour nous renseigner sur ce sujet, remontons à l'équa-
tion fondamentale
Ib EE H,
dans laquelle les lettres accentuées se rapportent à l’expé-
rience d'étalonnage, L' représentant la longueur horizon-
tale mesurée directement sur le terrain, et H’ la hauteur
de mire interceptée à cette distance entre les deux fils du
réticule. Différentions cette équation par rapport à L, L
et H° : nous en déduirons l'influence d’une erreur des élé-
ments régulateurs sur la précision d’une distance observée.
Il vient
H'dL'—L'dn
\: da
db
ou bien comme = As
RS A pie oreunos O
Considérons d’abord le premier terme du second mem-
bre. On sait que l'erreur moyenne, dE’, d’une longueur L’
mesurée à la règle ou à la chaîne, est proportionnelle à la
(340 )
racine carrée de cette longueur. On aura donc
K représentant l'erreur moyenne de l'unité de longueur.
Donc, sous ce premier rapport, l'erreur moyenne des ob-
servations faites à la stadia, sera réciproque à la racine
carrée de la longueur mesurée comme base d'étalonnage.
Par suite, si deux bases sont entre elles dans le rapport
de L'à nL,', les erreurs relatives des longueurs qu’elles ser-
vent à calculer seront entre elles comme y/n: 1.
Mais, à moins d’avoir devant soi un long espace de ter-
rain bien plan et bien horizontal, il est plus facile et plus
court de mesurer n fois la base L’ que ‘une fois la base
nL'; prenons la moyenne entre ces n mesures, et l'erreur
correspondante sera réduite dans le rapport de 14 : y/n.
Donc, pour ce qui concerne la longueur de la base d’éta-
lonnage, la base L’ mesurée n fois est au moins aussi
avantageuse que la base nL;' mesurée une seule fois.
Passons à la considération du terme ©. Au point de
vue purement géométrique, ce terme est constant pour
toutes les distances : en effet, dH” est l’erréur linéaire in-
terceptée sur la mire H’ par suite d’une erreur angulaire
dans le pointé. Admettons, pour le moment, que cette
erreur angulaire soit indépendante de l'éloignement du
point de visée, et représentons-la par &.
Fig. 5.
(54 )
Si plusieurs mires MT, MT... (fig. 5) sont placées aux
distances L, L’..., on aura :
ï Mi 1 dH
ans. Di cu — L N
L M'i 11 dH'
ang. & = TANT
dH L H
d'où PNEONIES ee y Du
dH' | H’
dH dx’
ou enfin D MIE él
On ne gagne donc rien, sous ce second rapport, à régler
la stadia à une longue distance, même en supposant que
la précision du pointé soit constante pour les visées loin-
taines et pour les visées rapprochées. Or, l'expérience nous
empêche de faire cette concession, et l’on sent, en effet,
que la perte de clarté due à l'interposition de l'atmosphère
doit suflire à elle seule pour rendre les premières visées
bien plus incertaines que les dernières.
De la discussion précédente, il ressort avec évidence,
croyons-nous, que, pour régler la stadia, il ne faut pas
mesurer sur le terrain une base très-étendue; et qu'une
base simple, mesurée deux fois, est préférable à une base
double mesurée une fois.
Il ne s'ensuit pas, cependant, qu'il faille exagérer la
petitesse de la base, et cela pour deux raisons :
1° Les erreurs absolues de mesurage et de stationne-
ment , que l’on commet si facilement aux extrémités d’une
base, auraient une trop grande influence relative sur la
mesure d’une très-petite longueur.
(542)
% Lorsque l'on vise sur une mire fort voisine, il devient
nécessaire de subdiviser à vue, et par estime , les divisions
qui y sont tracées; en outre, il est très-diflicile alors d’évi-
ter la parallaxe des fils du réticule.
L'erreur probable d’un pointé, effectué à diverses dis-
tances sur la mire d’une stadia, suit une marche, très-
remarquable: son minimum arrive lorsque la mire est
placée à une distance moyenne, ni trop faible ni tropforte,
distance qui dépend du pouvoir optique de la lunette. En
discutant une série d'observations rapportées par Hagen
(Grundzüge der wahrscheinlichkeits- Rechnung, pp. 192 et
suiv.), j'ai trouvé que ce minimum était placé à la distance
d'environ 100" pour une bonne lunette de 50 centimètres
de foyer et de 48 millimètres d'ouverture, grossissant cinq
fois. J'ai réuni dans le tableau suivant les résultats des
observations de Hagen :
À 1875 de distance, l’err. prob. angulaire d’un pointé est de 809
57,50 » » 4,04
75,00 » » 2,65
112,50 ” » 1,66
151,60 » » 2,25
150,00 » » 2,50
187,00 » » 3,51
295,00 » » 4,96
Il semblerait, d’après ces nombres, que la base la plus
convenable pour régler la stadia füt celle dont la longueur
vaut 550 fois environ la longueur focale de la lunette.
Chaque observateur, du reste, fera bien de chercher lui-
même l'erreur probable d’un pointé de sa lunette aux
difiérentes distances; et il devra adopter, pour régler son
instrument, la base qui se rapporte à l'erreur minimum.
Vu i
Lorsque l’on veut mesurer au moyen de la stadia la dis-
tance qui sépare deux points très-éloignés, on peut opérer
comme pour un nivellement composé, c'est-à-dire viser
d'arrière et d'avant, de manière à réduire de moitié le
nombre des stations. Ici se présente une question intéres-
sante : Vaut-il mieux fractionner la longueur totale en un
grand nombre de longueurs partielles, pour ne pas viser à
de longues distances, ou faire des visées lointaines pour
diminuer le nombre des longueurs partielles à ajouter l’une
à l'autre ? La théorie des erreurs va nous aider à répondre
à cette question.
soit D la distance totale à mesurer;
L la longueur d’une visée;
« l'erreur moyenne angulaire d’un pointé, et par
conséquent ;
La — dH l'erreur linéaire correspondante sur la
mire.
La longueur D se composant de la somme des longueurs
L, que nous supposons toutes égales entre elles, lerreur
moyenne de D sera égale à l'erreur moyenne de L, multi-
pliée par la racine carrée du nombre de fois que L est com-
pris dans D. Donc,
dD = dl VA 7
L
mais, d’après la formule fondamentale de la stadia, on a
(344 )
substituant, il vient
WI + LISE
dd = VL x = VD. able SU
Regardons d’abord + comme constant, quelle que soit
la distance à laquelle on vise: l'erreur commise sur la dis-
tance totale sera uniquement dépendante de la longueur
des visées partielles, et elle croîtra proportionnellement
à la racine carrée de cette longueur. Il semble donc, au
premier aspect, qu'il y ait avantage, dans ce cas, à faire
les visées les plus courtes possible. Mais c'est un tort que
de comparer, comme on le fait ordinairement , les procé-
dés d'observation sous le simple point de vue de leur préci-
sion absolue : le véritable élément de comparaison, c’est le
rapport de cette précision au temps employé à obtenir le
“résultat. S'il n’en était pas ainsi, 1l serait presque impos-
sible d'affirmer jamais qu'une méthode d'observation soit
plus exacte qu'une autre, la réitération des observations
pouvant, d’après la théorie, augmenter indéfiniment la
précision d’un résultat quelconque. Or, si l'on vise à une
distance 2L, mais que l’on fasse deux visées et deux lec-
tures au lieu d’une seule, l'erreur de la moyenne entre les
. A ’ Ë s “G
deux pointés sera réduite à 575 et l’on aura
at dense à AVRAIES AE LS
dD = — VOL x -VD — MES an
JE te aVL X :
résultat identique avec celui qu'on a obtenu précédem-
ment. Il est donc indifférent, sous le rapport de l’exacti-
tude, de pointer une fois à la distance L ou deux fois à la
distance 2L; et, en général, la mesure définitive a la même
précision lorsque chaque visée est d’une longueur L,, et
( 345 )
n’est faite qu'une fois, ou lorsqu'elle est de la longueur
nL et qu'on la répète x fois. Si l’on compare maintenant
entre elles les deux méthodes, dont la précision est la
même, on verra qu’elles exigent un même nombre de lec-
tures; mais, qu'en visant à de longues distances, on
épargne des mises en station. Ce dernier procédé serait
donc préférable, et il faudrait viser aussi loin que le per-
met la force de la lunette, en répétant l'observation un
nombre de fois suflisant à chaque station.
Mais la conclusion à laquelle nous venons d'arriver n’est
légitime que dans l'hypothèse où l'erreur angulaire est con-
stante , à quelque distance que l’on vise. Or, il n’en est pas
ainsi dans la pratique de la stadia, et les observations de
Hagen , que nous avons rapportées plus haut, indiquent
que les erreurs angulaires décroissent d’abord quand la
distance augmente; puis, qu'à partir d’un certain point
minimum, elles croissent à peu près comme les distances.
Dans ce nouveau cas , pour deux visées faites aux distances
Let nL, on aura les deux équations
=== l
dD = a VL p< re VD,
sé eli RE à v AS
dD' = n«V'nL XEVD=aVL. nt VD
Or, pour ramener dD' à la valeur de dD, il faudrait
que æ dans la seconde équation devint ) ce qui exige
que l’on fasse à chaque station un nombre d'observations
exprimé par n°, et qu'on prenne la moyenne des résultats.
Les longues visées feraient donc perdre ici un temps con-
sidérable, si l’on voulait en obtenir la même précision que
des visées à courte distance. Il faudra, par conséquent
TOME xx, — J"° parT. 24
( 546 )
(comme pour l'opération de l’étalonnage), prendre pour
L la plus petite longueur possible, c’est-à-dire celle qui
correspond à l'erreur angulaire minimum pour l’instru-
ment dont on dispose, Si l'on est obligé, par quelque cir-
constance locale, de viser à une fois et demie la distance
L, on fera l'observation trois fois au lieu d’une; pour la
distance 2L, on devrait répéter huit fois l’observation , etc.
Cette règle doit être suivie scrupuleusement pour donner
la même précision à toutes les mesures partielles : la théorie
apprend, en effet, que l'introduction d’une seule distance,
moins exacte que les autres, influe très-défavorablement
sur la précision du résultat final ().
Les prescriptions que nous venons d'établir, relative-
ment à la mesure de la distance qui sépare deux points
très-éloignés, s'appliquent mot pour mot au nivellement
composé que l'on voudrait conduire entre ces deux points.
La seule remarque que nous croyions utile de faire, c’est
que, dans cette seconde opération , la répéution des visées
contribue plus eflicacement encore à diminuer l'erreur
(*) Comme application numérique , supposons qu’il faille mesurer une dis-
tance de 5000®, avec une stadia dans laquelle le rapport x — 100 : les visées
sont faites à l’aide de la lunette dont il a été question (\ VI), et à la distance
moyenne de 100"; mais comme les circonstances locales forceront parfois
l'observateur à modifier cette distance, nous augmenterons l'erreur probable
d’un pointé, donnée au tableau du précité, et nous la porterons à 3”. Cela
posé, l'appréciation d'un intervalle sur la mire devant être assimilée à la
différence entre deux pointés, son erreur probable sera 5” 4/3, et la formule
(7) deviendra
a) = 545 sin. 1”.4/100 X 100 L/5000 = 500 000 sin. 1”,
ou enfin
db = 1,45.
(547)
moyenne. En effet, si l’on a soin de retourner la lunette
du niveau après chaque visée, la répétition n’atténue pas
seulement l'effet des erreurs accidentelles, elle élimine en-
core les erreurs constantes provenant de la manière plus
ou moins imparfaite dont l'instrument à été rectifié (”).
Observations sur l’état de la végétation a Waremme, pen-
dant le mois de janvier 1855 (1); par MM. de Selys-Long-
champs et Michel Ghaye.
Avant de hasarder quelques remarques sur l'influence
de l'hiver si doux que nous avons éprouvé jusqu’au 22 jan-
viér, nous croyons devoir commencer par présenter, dans
l'ordre où nous les avons recueillies, nos diverses obser-
vations. Il est bon de faire connaître que nous ne nous
sommes pas trouvés sur les lieux jour par jour, mais une
ou deux fois seulement par semaine; les dates ne repré-
sentent donc pas des points de repère absolus, d'autant
(*) Si, dans un nivellement composé conduit entre deux points distants de
D = 5000", l'erreur probable angulaire, &, d’une visée faite, à la distance
moyenne L=— 100" est de 3”, l'erreur linéaire correspondante sera L&, et l’er-
reur probable du résultat définitif sera évidemment donnée par la formule :
dN= La \/x = à VDL =5sin 1 500000,
d'où enfin
aN = 0,010.
L'erreur probable de la différence de niveau entre les deux points extrêmes
ne s'élève donc qu'à un centimètre.
(1) Voyez sur le même sujet les observations présentées par MM. Quetelet et
Morren, dans la séance précédente (Zullet.,t. XX, 1" part., pp. 151 et 160).
(348 )
plus que telle plante que nous avons vue la première fois
tel jour, pouvait bien être déjà en fleurs ou en feuilles
quelques jours auparavant, toute la localité n’ayant pas été
explorée en détail à chacune de nos promenades.
Nous commencerons par rappeler les observations faites
le 14 décembre 1852, une quinzaine après la seule et uni-
que petite gelée à — 1° qui avait eu lieu le 4“ décembre,
et qui n'avait pas eu d'influence sensible sur les plantes.
4° Feuillaison.
14 décembre 1852. — Nous n'avons pas fait d'observations;
ce qui ne veut pas dire que les plantes mentionnées le 12 janvier
ne montraient pas déjà des signes de végétation.
12 janvier 1853 :
Spiraea sorbifolia. Sambucus nigra.
Lonicera periclimenum. Arum maculalum.
Ribes uva crispa.
La feuillaison était d’un quart, ou d'une moitié, selon l'expo-
sition.
2° Floraison.
14 décembre 1852 : La floraison était générale, ou à peu près,
chez les :
Helleborus niger. Rosa indica.
PDaphne laureolu. Cheiranthus Cheiri (cultivé).
Pyrus japonica. Vinca major.
Elle était partielle, mais assez fréquente, chez :
Viola tricolor. Anemone hepalica rosea (pas caerulea).
Primula officinalis (cultivé). Lamium purpureum.
Ulex europaeus. Vinca minor.
Sparlium scoparium. Senecio vulqaris.
Et partielle et assez rare chez :
Viola odoraia. Rhododendron duliuricum.
Primulu auricula. Ranunculus acris.
Bellis perennis.
(349)
12 janvier 1853 :
Lamiun album.
Erodium praecox.
Cornus mascule.
Ænemone hepatica caerulea.
Corylus uvellana (fleur mâle).
Sonchus oleraceus.
16 janvier :
Gnaphalium margarilaceur.
Cheiranthus annuus.
Reseda odorata.
Chrysanthemum leucanthemum
Malva sylvestris.
GChrysanthemum coronarium.
Tropacolum majus.
Silene nutans.
Mercurialis annua.
Carduus crispus.
Anthemis arvensis.
Solanum nigrum.
Fuba vulgaris,
20 janvier :
Ribes nigrum.
Chimonanthus fragrans.
Glecoma hederacea.
Corylus avellana (fleur femelle).
Buxus sempervirens.
Fragaria vesca.
Spiraea ulmaria.
Malva rotundifoliu.
Galanthus nivalis.
Daphne mezereon.
Erica herbaceu.
Prunus domestica (fruits roses).
Campanula speculum.
Magnolia yulan (boutons).
Raphanus raphanistrum.
Achillea millefolium.
Trifolium pratense.
Erysimum vulqure.
Anthriscus sylveslris.
Borrago officinalis.
Statice armeria.
Poa annua.
Scabiosa arvensis.
— alropurpureu.
Verbena chamaedrifolia.
Dianthus barbatus.
Tussilago petasites:
Leontodon taraxacum.
Thlaspi bursa pastoris.
Lapsana communis.
Corchorus japonicus.
Prunus laurocerasus colchichus.
Spiraea prunifolia plena.
Fleurs près de
s'ouvrir.
Ulnus campestris (en fleurs à Liége).
Remarques.
Du 22 au 24 janvier, le thermomètre est descendu à
zéro, et a empêché une évolution plus grande de la végé-
tation. Nous avons rappelé plus haut qu’il n'avait pas gelé
auparavant, excepté le 1* décembre. (Je ne parle pas de la
première petite gelée blanche du 9 octobre qui flétrit les
feuilles de l'Oxalis Deppei et de la Pawlonia.)
( 550 )
Le froid s’est ainsi prononcé immédiatement après l'é-
poque du jour normalement le plus froid de l’année (24 jan-
vier) précisément au moment du réveil des plantes (25 au
27 janvier) dans les années ordinaires.
Les plantes ont été, semble-t-il, bien plus impression-
nées, en ce qui concerne leur floraison, qu'en ce qui re-
garde la feuillaison; car, pour cette dernière, nous n'avons
eu à noter que cinq espèces, qui offrent assez fréquemment
un développement semblable à pareille époque, pour peu
que l'hiver aïl.eu des intervalles doux. Certaines plantes,
de même famille, sont bien plus sensibles à l'influence de
la température les unes que les autres. Ainsi, par exemple,
c'est à peine si le Crocus jaune donnait, le 20 janvier,
quelques indices de boutons de fleurs , alors que la florai-
son du Galanthus nivalis élait générale et avait commencé
dès le 8 janvier. L’Anémone hépatique rose élait déjà en
fleurs le 44 décembre, tandis que la variété bleue n’a fleuri
qu'un mois après.
Parmi les plantes mentionnées, celle qui a manifesté la
première les atteintes du froid, en se flétrissant vers le
24 janvier , est la capucine qui avait continué jusque-là à
croître et à fleurir en espalier. Les autres plantes ne se
sont pas flétries en janvier, quoique la gelée, commencée
le 24, se soit successivement un peu plus prononcée. Leur
développement a seulement été interrompu. Les anciennes
feuilles du Quercus cerri étaient restées vertes, et n’ont
commencé à jaunir que vers le 26 janvier.
Nos pêchers et nos abricotiers montraient des boutons,
mais n’ont pas fleuri, comme cela est arrivé dans d’autres
localités.
Les animaux ne nous ont pas présenté de phénomènes
remarquables à noter, excepté le développement de la mal-
( 51 )
heureuse cochenille du pommier (puceron lanigère) qui,
au commencement de janvier s’étalait déjà en plaques si-
mulant de la moisissure blanche, sur les branches des
pommiers à Liége. C’est ici le lieu de rectifier un fait qui
a été avancé dans le bulletin horticole du journal l’Indé-
pendance Belge , peu de jours après la communication que
j'ai eu l'honneur de faire à l'Académie. Le spirituel auteur
de cet article a avancé que, dans les plaines de la Hesbaye,
on distinguait dans les vergers, même du chemin de fer,
la moisissure blanche de cet ignoble insecte. Il est à croire
que l’auteur a pris pour le puceron les toiles blanches ten-
dues sur les arbres fruitiers par les familles de chenilles
soit des Bombyx neustria et auriflua, soit de l’Yponomeuta
padella. Car, il serait impossible de distinguer à quelques
pas les taches de Ja cochenille, qui heureusement, d'ail-
leurs, n'a pas encore envahi les vergers de la Hesbaye. Je
ne l’y ai vue qu'une fois, et isolément,, il y a trois ou quatre
ans. J'ai lieu d'espérer que si elle y existe encore, elle y
est du moins fort rare.
En terminant ces remarques, je crois à propos de rap-
peler que; pendant l'hiver de 4851 à 1852, qui a été fort
doux, sans l'avoir été autant que celui-ci, la première
petite gelée a eu lieu vers le 40 février. (Il y en avait eu
d’autres au commencement de l'hiver, en novembre, je
pense.) Les fleurs que j'ai remarquées à cette époque (le
10 février) , et qui étaient pour la plupart ouvertes depuis
longtemps, étaient les suivantes :
Helleborus niger. Galanthus nivalis.
Corylus avellana. Eranthis hyemalis.
Anemone hepatica. Crocus vernus.
Daphne laureola. Rhododendron dahuricum.
— mezereon. Pyrus japonica.
Ulmus campestris. Viola tricolor.
( 352 )
Primula officinalis. Bellis perennis.
Senecio vulgaris. Viola odorata.
et sans doute un certain nombre des autres mentionnées
en 1855.
Les plantes en feuilles étaient les mêmes que celles que
j'ai signalées cette année (1853) le 12 janvier (1).
Observations sur la notice de M. le professeur Van Beneden,
intitulée : LA GÉNÉRATION ALTERNANTE ET LA DIGENÈSE;
par M. Th. Lacordaire, membre associé de l’Académie.
Mon rapport sur le concours quinquennal des sciences
naturelles ayant donné lieu à la publication de cette no-
tice, je me vois dans la nécessité d’y répondre par quel-
ques explications. Elles seront courtes, mais sufliront, je
l'espère, pour mettre fin à un dissentiment qui n’a rien de
sérieux au fond et qui ne repose que sur un malentendu.
Le temps d’ailleurs me manque pour leur donner plus de
développement.
Le travail de notre honorable collègue se compose de
deux parties distinctes : la première contenant quelques
critiques à mon adresse ; la seconde dans laquelle il expose
ses vues sur la question qui nous divise en apparence.
Occupons-nous d’abord de celle-ci.
Je commence par déclarer que j'admets sans hésiter et
sans restriction aucune tous les faits qu’elle contient. J'a-
jouterai même que, dans l’état actuel de la science, il
(1) Waremme, chef-lieu de l'arrondissement de ce nom, est situé sur la
petite rivière le Geer, au milieu d'un plateau découvert. Le sol, très-fertile,
appartient au limon de la Hesbaye. L’altitude au-dessus du niveau de la mer
est de 122 mètres.
( 355 )
serait dificille de donner de ces faits un exposé plus ingé-
nieux, plus concis et plus exact. Si, dans son mémoire
sur les vers cestoïdes, M. Van Beneden $était exprimé
avec celte clarté et cette précision, il n’y eüt eu dans mon
rapport aucun des passages qui, à mon grand regret et
contre mon intention, ont pü lui paraître hostiles.
Nous sommes parfaitement d'accord sur le point de dé-
part, c'est-à-dire qu’au point de vue de la reproduction, le
règne animal se divise en deux catégories : les animaux
qui ne possèdent que la génération par des œufs, ét céux
chez qui il y a coexistence de cette génération avec celle
par bourgeonnement ou gemmipare, en d’autres termes,
les animaux monogénèses et les animaux digénèses, pour
employer les expressions de M. Van Beneden , qui me pa-
raissent trés-convenables et que j'adopte bien volontiers.
Ici commence le malentendu. M, Van Beneden semble
croire que, dans cette seconde catégorie, je ne fais aucune
distinction, et que, dans mon opinion, partout où il va di-
génèse, il y a en même temps génération alternante. Or, je
n'ai rien dit de pareil, que je sache. Je reconnais cependant
que la distinction qu’il y à lieu de faire n’est pas établie
dans mon travail, et qu’à ce point de vue, il présente une
lacune : mais cette lacune est volontaire. Croyant à tort ou
à raison que M. Van Beneden rejetait la théorie de la géné-
ration alternante admise par tout le monde, mon but était
simplement de démontrer qu'il admettait la chose moins
son nom. Je n’avais pas besoin pour cela de parler des ani-
maux digénèses où cette génération n'existe pas; il suffisait
de ceux où elle existe. En un mot, je n’ai envisagé qu’une
des faces de la question; si j'eusse traité la question tout
entière, je me fusse sans aucun doute exprimé en moins
bons termes que notre savant collègue; mais mes conclu-
(354)
sions eussent été absolument identiques avec les siennes.
Non, la digénèse n'implique pas nécessairement la gé-
nération alternante. Parmi les animaux chez qui la pre-
mière existe, 1l y en a dont tous les individus possèdent tôt
ou tard des organes génitaux, et qui dès lors ressemblent
à leurs parents. On pourrait appeler ceci la digénèse simple.
Mais il y en a aussi, et ce sont les plus nombreux, chez
lesquels certains individus ne sont jamais sexués, mais
seulement gemmipares, et qui se trouvent placés entre
des générations sexuées. C’est ce que j'appelle génération
allernante avec tout le monde, et, s’il fallait en donner ici
une définition, celle-ci serait très-courte et consisterait en
ce peu de mots : elle existe partout où, entre deux généra-
tions seœuées, s'intercalent une ou plusieurs générations
agames ; ni plus ni moins. Il y à là, par conséquent, deux
choses distinctes : la digénèse et l'alternance des généra-
tions. On pourrait appeler le tout, pour plus de brièveté,
digénèse alternante.
La forme des individus ne joue ici qu'un rôle très-secon-
daire, et c’est à tort que M. Van Beneden semble me prêter
l’opinion inverse. C’est même pour éviter toute équivoque,
à cet égard, que je me suis servi exclusivement des mots
générations dissemblables, qui ont un sens aussi général que
possible , et qui embrassent toutes les différences qui peu-
vent exister entre deux ou plusieurs êtres, mais pas plus
celles qui tiennent à la forme que les autres. De ces diffé-
rences, il n’y en a ici qu'une seule d'essentielle, l’absence
permanente ou la présence de la faculté de produire des
œufs.
Les cinq catégories que M. Van Beneden établit parmi
les animaux digénèses sont parfaitement exactes. Mais il
suffit d'y jeter les yeux pour voir que les deux premières
LI
(355 )
(Naïs, Syllis,, Clavellina ; etc.) appartiennent à la digénèse
simple, et les trois autres à la digénèse‘alternante. M. Van
Beneden le reconnaît lui-même pour la troisième et la
quatrième. Quant à la cinquième, qui comprend les Puce-
rons, j'ai donné, dans mon rapport, la formule qui leur
est applicable, et il me paraît inutile de la reproduire ici.
Ces cinq catégories se réduisent donc en réalité à deux,
chacune susceptible de sous-divisions : deux pour la pre-
mière, trois pour la seconde, sans parler de celles qu'on
découvrira par la suite; car ici, comme partout, la nature
a, sans aucun doute, réalisé toutes les combinaisons com-
patibles avec le plan primitif, en procédant par nuances
insensibleset ne reculant que devant la contradiction dans
les termes.
Maintenant , que notre savant confrère me permette de
lui adresser une question dont je le fais juge lui-même et
qui doit mettre fin à notre débat : ne lui paraît-il pas con-
venable, ne füt-ce que pour la commodité du langage, de
donner-un nom particulier à ces deux catégories dont il
vient d’être question en dernier lieu? S'il répond par l’affir-
mative ets il adopte le:nom de génération ou digénèse alter-
nante pour la seconde, tout dissentiment cesse à l'instant
entre nous. Si ces expressions ne Jui conviennent pas, il y
a encore un moyen très-simple de nous entendre : qu'il
en propose d'autres : j'y souscris à l’avance, bien certain
qu'il n’en créera que de très-convenables. Enfin, s'il ré-
pond par la négative, je n’ai plus qu’à me taire; les choses
n'en subsisteront pas moins, qu'elles porlent ou ne por-
tent pas un nom.
Je: n'ai pas autre chose à dire sur le fond même de la
question. Un mot maintenant sur la première partie de la
notice.
( 356 )
« La génération alternante, dit M. Van Beneden, est
un phénomène quñl faut chercher à faire rentrer dans la
loi commune de la reproduction et non pas laisser comme
une exception dans la science. » Cette remarque est très-
juste; je demande seulement si, après tout, la digénèse,
dont la génération alternante fait partie, n’est pas elle-
même une exception, car enfin les espèces chez qui elle
existe, ne forment, jusqu'ici du moins, qu’une très-faible
minorité dans le règne animal.
Notre honorable confrère désapprouve ensuite fortement
cette phrase de mon rapport : « le point de départ de la
génération alternante est l’état ou se trouvent, quant aux
organes génitaux, les embryons à leur origine. » Je con-
viens qu’ainsi isolée de ce qui la précède et la suit, elle
prête à la critique; mais que prouve une phrase détachée
de l’ensemble dont elle fait partie?
Bien plus; M. Van Beneden trouve des restes de la
vieille théorie de l'emboitement des germes dans un pas-
sage où j'ai dit que le règne animal se divise en deux caté-
gories, selon que les embryons possèdent en germes des
organes génilaux ou qu'ils naissent agames. Lorsque je
lus mon rapport devant le jury, j'avais pour auditeurs des
hommes très-compétents dans ces sortes de matières; ils
comprirent ce passage comme il doit l'être, et ilne:vint
à la pensée d'aucun d’entre eux d’y voir ce que mon savant
contradicteur y a découvert. Je le prie de croire que je suis
tout autant que lui partisan de la doctrine de l’éprgénèse,
et qu'ici non plus il n'y a pas de dissentiment entre nous.
Tout ce que dit M. Van Beneden de mes prétendues
opinions sur les Cestoïdes et les Méduses qui, selon moi,
naîtraient {ous agames et tous avec la faculté de produire
des gemmes, tombe de soi-même devant ce que j'ai dit plus
(357 )
haut des lacunes volontaires que présente mon travail.
Je ne suis pas entièrement d'avis què M. Steenstrup ait
si mal défini la génération alternante, en disant qu’elle
consiste « en ce qu'un animal, au lieu de donner nais-
sance à un animal semblable à lui, en produit un qui ne
lui ressemble pas, mais qui produira une génération sem-
blable au premier parent. »
Sans aucun doute, si, par ces mots : ne lui ressemble pas,
on entend simplement une différence dans la forme, la
question est mal posée; mais, si on leur donne le même
sens qu'à ces expressions générations dissemblables, dont je
me suis seryi et qui sont au fond identiques avec celle em-
ployées par M. Steenstrup, je ne vois pas bien en quoi
pèche sa définition. Elle me paraît seulement moins com-
plète que celle de M. Van Beneden qui va mieux au fond
des choses et qui est certainement préférable.
Enfin, quand j'ai dit qu'on avait embrouillé la question
dela génération alternante en la mélant avec celle de lin-
dividualité des êtres organisés, je connaissais très-bien
ce qu'avait publié à cette époque M. I. Müller sur les échi-
nodermes, et ce n’est pas du tout aux travaux de l'illustre
professeur de Berlin que je faisais allusion. M. Van Bene-
den n’ignore pas les discussions auxquelles a donné lieu,
notamment en Angleterre, cette question de l’individualité
desétres , et les conclusions qu’on en a tirées relativement
à la génération alternante. Il est certain que les deux ques-
tionssont intimement liées l’une à l’autre; mais la preuve
qu'elles sont distinctes, c’est qu'on s’est demaudé, bien
longtemps avant qu'il fut question de génération alter-
hante et de digénèse, si un arbre ou un Ténia constituait
une seule individualité ou plusieurs.
C'est la digénèse qui fait en partie qu’il existe des êtres
( 358 )
qui donnent lieu à cette question de l’individualité ; il y
a ici, comme partout, une cause et un effet. Or, où est,
dans le cas actuel, l'obstacle qui s'oppose à ce qu'on puisse
examiner séparément l'effet et la cause? Qu'importe, après
cela, que, dans certains cas spéciaux, comme celui de Ja
Bipinnaria asterigera, Vune des deux questions puisse
servir à éclaircir l’autre?
Je ne regretterai pas cette pelite discussion, si notre
honorable confrère tient l'engagement qu'il à pris dans
son travail, de publier bientôt la suite de ses vues sur cette
intéressante question de la digénèse et de la génération
alternante; personne ne les attend avec plus d’impatience
que moi.
Note sur l'embryon des graminées; par M. V.-P.-G. Demoor.
La note sur l'embryon des graminées que nous avons
eu l'honneur de présenter à l’Académie des sciences de
Belgique, a été l'objet de deux rapports par MM. Spring
et Martens, rapports qui ont été lus dans la séance du
3 avril 1852.
L'un des honorables rapporteurs, M. Spring, nous ayant
engagé indirectement à reprendre les observations qui
avaient été faites sur l'embryon des graminées, nous
avons Cru ne pouvoir laisser échapper celte occasion pour
communiquer à l’Académie les résultats des recherches
microscopiques auxquelles nous nous sommes livré, et
qui fournirout probablement une solution définitive, à
l'important problème de l’organisation de cet embryon.
( 359 )
À cet effet, nous avons entrepris deux séries d’observa-
tions : les unes se rapportent à la formation et au déve-
loppement de l'embryon; les autres se rattachent aux
phénomènes que nous a offerts là germination.
Pour suivre le développement de l'embryon, nous
avons choisi le Triticum polonicum, le Triticum durum,
l’'Hordeum hexastichum, l'Hordeum vulgare, var. coeleste,
l'Avena nuda, var. major, le Melica uniflora, le Glyceria
spectabilis, le Megastachya rigida, le Setaria germanica ,
l'Oplismenus crus galli et le Panicum miliaceum.
À part la forme variable des ovaires avant el après la
fécondation, les phénomènes de la formation de l’em-
bryon se sont montrés chez presque toutes les espèces
avec les mêmes caractères : mais nous aurons soin de si-
gnaler les particularités remarquables qui se sont mani-
festées chez quelques-unes d’entre elles.
Quelque temps après la fécondation, nous avons vu
apparaitre, vers la base et à la face externe du périsperme,
excavée vers le spile, une petite masse un peu allongée
dont l'aspect et la densité tranchaient avec l'aspect et la
densité du corps matriculaire du périsperme : celte petite
masse, qui deviendra le bouclier, s'accroît assez promple-
ment et prend un aspect jaune verdätre : quelques jours
plus tard, nous vimes se former un mamelon un peu
élargi à la base du bouclier. Chez quelques graines, nous
avons trouvé cette petite masse complétement indépen-
dante de cet organe; chez d’autres {Glyceria spectabilis,
Megastachya rigida), elle était presque impercepüble au
plus fort grossissement, de manière qu'il nous fut im-
possible de saisir ses connexions.
Vers la même époque, nous distinguâmes pour la pre-
mière fois une autre petite masse un peu allongée (gem-
( 360 )
mule), placée vers le tiers inférieur du jeune bouclier :
cette petite masse s’allonge sans s’élargir sensiblement
dans les premiers temps ; tandis que le bouclier s’allonge
et élargit considérablement. La masse que nous vimes en
second lieu est le faux bouclier de quelques auteurs. Cet
organe s’est comporté différemment dans les divers genres :
chez quelques-uns, il a acquis des dimensions assez fortes
(Triticum), chez d’autres son développement est resté quasi
stationnaire, et chez d’autres enfin, il a diminué de volume
au point de s’effacer presque entièrement.
Pendant que le bouclier se développe avec une rapidité
surprenante, la gemmule s’accroit lentement, en s’élar-
gissant et s’'aplatissant un peu vers le haut et s’arrondis-
sant et s’effilant vers le bas, pour constituer les deux
systèmes, l’ascendant et le descendant :
C'est alors que nous vimes se produire un corps mem-
braneux qui s'élevait très-près du point qui lie la gem-
mule au bouclier : ce repli était surtout bien marqué aux
faces latérales de la gemmule.
L’accroissement et le développement de ce corps mem-
braneux ont varié dans le Melica et les autres espèces.
Chez le Melica et le Glyceria spectabilis, cette membrane
simulait une espèce de collier au-dessus du point de
réunion de la gemmule avec le bouclier; bientôt elle for-
mait une gaine, dont tous les points du bord supérieur, qui
paraissait libre, atteignirent en même temps le même
niveau : lorsque le moment de la maturité fut venu, elle
formait une poche sans aucune ouverture, sans aucune
trace de soudure ni de séparation.
Chez les autres espèces (Triticum durum, poloni-
cum, etc.), le développement de la gaine s’est fait diflé-
remment : àson début, elle formait, comme chez le Melica,
( 361 )
une espèce de collier , mais, plus tard, son pourtour était
oblique de bas en haut et d’arrière en avant, en suppo-
sant que l'embryon soit placé sur l’écusson, la radicule
tournée vers l'observateur: : la vaginule ayant atteint le
sommet de la gemmule, où elle semble sinfléchir et
qu'elle enveloppe étroitement; présentait une petite fente
qui était souvent plus ou moins oblique; les lignes de cel-
lules qu'on distingue aux lèvres de cette fente affectent
des directions opposées : celles du côté droit se dirigent
de gauche à droite, de bas en haut et de dedans en dehors :
tandis que celles du côté gauche se dirigent de droite à
gauche, de bas en haut et de dedans en dehors.
À la maturité du fruit, l'ayant fait macérer, nous dé-
couvrimes à la face externe de l'embryon, entre la vaginule
et l'axe du sujet, un petit bourgeon revêtant, à peu de
chose près, les mêmes caractères que la gemmule.
Telles sont les données que nous avons pu recueillir
sur Ja formation et le développement des parties impor-
tantes dont se compose l’embryon des graminées jusqu'à
la maturité du grain.
Ayant suivi l'évolution de cet embryon, ayant assisté,
pour ainsi dire, à la synthèse du jeune être, il restait en-
core une autre série d'observations à entreprendre pour
nous éclairer sur la question qui nous occupe : à cet effet,
nous l'avons soumis à la dissection, à l'analyse aux di-
verses époques de son développement ultérieur, c’'est-à-
dire depuis une simple macération jusqu'à l’évolution
complète des divers organes qui le composent.
Macéré pendant onze à douze heures , un faible grossis-
sement à sufli pour nous faire distinguer le bouclier, la
gemmule et sa gaine, le sous-bouclier, et une dissection
minutieuse nous fit voir le bourgeon en miniature dont il
TOME xx. — 1" PART. 25
7
( 362 }
a été parlé plus haut. Chez d’autres graines, la germina-
tion allait s'effectuer : alors on distinguait, sans le secours
d'aucun grossissement, le bourgeon rudimentaire de la
vaginule : des tranches longitudinales et obliques dans
lesquelles on avait compris une portion du bouclier, fit
constater, à un fort grossissement, des trachées et des cel-
lules de diverses formes.
Une tranche verticale faite sur un jeune sujet, dont la
vaginule était béante par la présence du cône intérieur qui
allait se faire jour, nous fit constater que la consistance
n'en était pas uniforme et homogène : nous vimes deux
lignes, souvent interrompues vers le milieu, marquées par
un tissu moins régulier, et dont les éléments semblaient
croiser dans leur plus grand diamètre, à angle presque
droit, les éléments ambiants; une plaque souvent subqua-
drilatère, ayant un des angles obtus tournés vers le haut,
les séparait entre elles : la supérieure, laissant un petit in-
tervalle irrégulier entre elle et l’inférieure, correspondait
à l'insertion de la vaginule, et l’inférieure, plus nettement
marquée, à l'insertion du bouclier.
Chez d'autres espèces, et notamment chez le Triticum
durum, dont la première vraie feuille était déjà sortie de
la vaginule , il nous semblait exister un autre point vague-
ment marqué par un tissu plus condensé sur le niveau du
sous-bouclier; ces démonstrations sont surtout patentes
chez les individus dont on a retranché une portion de la
vaginule lorsqu'elle a acquis le tiers de son développement.
Ces lignes de tissus et cette plaque subquadrilatère ne
seraient-elles pas les premiers vestiges du mérithalle et
des nœuds primordiaux ?
Pour contrôler ces observations, nous fimes immédia-
tement un semis d'une cinquantaine de grains d'Ammo-
( 363 )
phyla arenaria et de Molinia caerulea. Les graines de cette
dernière germèrent au bout de seize jours; trente-deux
jours après la germination, quelques sujets présentaient
déjà trois feuilles, dont la plus intérieure allait terminer
son évolution.
Ayant pris une tranche longitudinale vers le milieu du
diamètre de la base d’un jeune sujet, nous distinguàmes
vaguement au microscope deux lignes irrégulièrement
horizontales un peu plus compactes que le reste du tissu,
lignes qui correspondaient à l'insertion des deux feuilles
inférieures ; le point répondant à la feuille supérieure n'é-
tait guère apparent : les points correspondant au bouclier
et à la vaginule étaient presque aussi clairement dessinés.
L’Ammophyla arenaria nous a fourni les mêmes carac-
tères, mais encore à un plus faible degré.
En examinant sans prévention ces observations, qu'il
n’est guère difficile de répéter, peut-il encore planer quel-
que doute sur la dénomination qu’il convient d'imposer au
bouclier, organe primordial de l'embryon des graminées?
Tous ceux qui voudront se donner la peine de répéter
les recherches qui précèdent, seront convaincus, comme
nous, de l'exactitude des faits signalés et amenés naturelle-
ment aux mêmes conséquences; mais avant qu'elles soient
entreprises , elles ne sauraient échapper à quelques objec-
tions, très-sérieuses en apparence , que nous allons passer
en revue.
D'abord, l'alternance ou la disticité des organes appen-
diculaires leur sera opposée.
Pourquoi, si l'écusson est le vrai cotylédon, ne se trouve-t-
il pas en allernance avec la première feuille ou le capuchon?
tels sont les termes dans lesquels on formule la première
objection.
( 364 )
L’écusson est un cotylédon, d’après les recherches des
plus savants morphologistes, Mirbel, Spach , Auguste de
S'-Hilaire et Schleiden , et aucune de ces sommités scien-
tifiques n’a signalé le défaut de disticité ou d’alternance
des organes appendiculaires, quoique Mirbel, Spach et
Auguste de S'-Hilaire s'accordent à considérer la vaginule
comme une feuille primordiale.
Et comment se fait-il que la loi de l'alternance qui règne
dans les graminées, n’a pas depuis longtemps démontré
l'absence d’un organe et indiqué la place qu'il aurait dû
occuper sur l'axe du jeune sujet ?
Les botanistes qui n’ont pas fait une étude spéciale de
embryon des graminées invoqueront ce défaut d’alter-
nance comme une preuve suffisante contre la dénomina-
tion à donner au bouclier; mais pour peu qu’on se soit
occupé d’embryologie agrostologique, l’on saura que ce
défaut d’alternance ne s’y remarque qu'à cause de l’avorte-
ment d’un organe, qui serait l'analogue de la vaginule et
qui se trouverait supérieurement et à proximité du faux
cotylédon, car la germination de plus de cent espèces de
graminées, tant indigènes qu'exotiques, appartenant à qua-
rante-trois genres, nous a donné la conviction qu'il existe
chez toutes, à une certaine PA un faux cotylédon plus
ou moins apparent.
Si on admet cet avortement, dont la physiologie nous
rend compte, l'alternance est définitivement établie. Et
y a-t-il de bonnes raisons qui s'opposent à admettre cet
avortement? « Il nous semble que tout parle en faveur de
notre thèse : » En effet, ne voit-on pas tous les jours de
semblables avortements dus à une répartition inégale des
matières nutritives ? Or, le développement du bouclier, sa
position, ses rapports et sa communication avec le péri-
( 565 })
sperme, qui ont été rappelés, ne semblent-ils pas nous en
dévoiler le secret?
La seconde objection est tirée de l'eæistence de la fente
gemmulaire, qui a été démontrée chez quelques monocoty-
lédones et étendue plus tard, par analogie, à toutes les
unilobées. Et chose singulière, Schleiden, quoiqu’un des
promoteurs de cette opinion, n’en a pas moins continué à
envisager le bouclier comme le cotylédon des graminées,
L'extension donnée à cette particularité, sans examen
préalable, doit faire élever des doutes sur l'existence de
cette fente chez toutes les monocotylédones : et déjà nous
avons eu soin d'enregistrer des faits, observés avec soin,
qui sont de nature à diminuer l'importance qu’on y attache:
ainsi le Melica uniflora présente une vaginule sans trace
d'ouverture, tandis que, dansle Triticum polonicum, elle est
très-apparente à une forte loupe : on dirait même qu’à la
commissure inférieure, le bord droit recouvre un peu le
bord opposé : ce qui tend à faire admettre cette disposition,
c'est la direction des vaisseaux et des lignes de cellules
muriformes. Ces tissus élémentaires, à partir d’un peu au-
dessous de la commissure inférieure, vont en divergeant;
ceux de droite se dirigent obliquement de gauche à droite,
de bas en haut et de dedans en dehors, et ceux de gauche
dans un sens inverse. Or, nous savons que, chez les grami-
nées , les cellules muriformes, etc., suivent la direction
parallèle des vaisseaux : qu’on trace donc sur un carré de
papier des lignes parallèles représentant les vaisseaux et
les cellules muriformes, qu’on en fasse une espèce de cor-
net simulant l’enroulement de la gaine, et l’inspection des
bords de ce cornet fournira une idée assez exacte de la
divergence apparente des tissus élémentaires autour de la
fente gemmulaire; mais hâtons-nous d'ajouter que nous
L
( 566 )
ne sommes jamais parvenu à constater directement le croi-
sement ou l’enroulement des bords; car la soudure ou
union nous a paru toujours parfaite.
Puisqu'on s'accorde sur l'organe qui doit être appelé
cotylédon chez l’Arüm maculatum, quoiqu'il ne présente
plus une simple fente, mais un écartement très-apparent
et assez large de ses bords, et qui pourrait être représerité
par les trois quarts d’un cylindre, et sur le cotylédon du
bananier, qui forme à peu près la moitié d’un cylindre, un
cotylédon presque plan ne pourrait-il pas être le partage
des graminées? Quoi qu'il en soit, nous croyons que l’exis-
tence de la fente gemmulaire ne mérite pas la haute im-
portance qu'on lui accorde assez généralement; et nul
doute qu’au point de vue des classifications, la fente (1)
gemmulaire ne soit un jour, qui n’est peut-être plus éloi-
gné, à l'égard des monocotylédones, ce que fut naguère la
gaine fendue envers la famille des graminées.
Les auteurs qui envisagent le capuchon ou la vaginule
comme l’analogue de la ligule qui existe le plus souvent
chez les graminées, ont perdu de vue sa structure, son
insertion et la présence d’un bourgeon à son aisselle.
Et d’abord, la vaginule existe chez toutes les graminées;
elle est membraneuse ou subherbacée et très-développée (2),
même chez les espèces qui présentent à peine des traces de
ligule; puis la ligule de presque toutes les graminées ne
(1) La fente gemmulaire ne présente rien qui puisse nous intéresser, se
retrouvant même dans la feuille extérieure des bourgeons de presque toutes
les graminées. Chez la plupart de nos céréales cultivées, seigle, froment, etc.,
cette feuille revêt ultérieurement tous les caractères du capuchon.
(2) L'étude de la flore agrostologique nous fait voir que la ligule des
feuilles inférieures est toujours moins développée que celles des feuilles supé-
rieures.
( 567)
présente dans sa composition aucune espèce de vaisseaux,
tandis que la vaginule en offre de divers ordres; on ne
saurait citer un plus bel exemple que celui du Triticum
durum, dont la vaginule est quelquefois entièrement con-
forme à la gaine de la feuille suivante; ensuite, la ligule
est une dépendance de la feuille, tandis que la vaginule,
contrairement à l'opinion de Schleïden, est indépendante
du bouclier, ainsi que les recherches de Mirbel et les nôtres
nous l’ont prouvé (Lolium, Panicum, Digitaria, etc.); son
mode de végétation n’est pas moins différent chez l’une et
chez l’autre. La ligule qui est coupée en partie reste dans
cet état, tandis que la vaginule encore close et même plus
tard, dont on retranche une partie, devient le siége d’un
développement remarquable : un mouvement %le turges-
cence s’en empare, et elle ne tarde pas à devenir suecu-
lente-charnue ; enfin, l'existence d’un bourgeon à son ais-
selle ne permet aucune comparaison entre la ligule et la
vaginule. Tout, au contraire, tend à démontrer que le capu-
chon n’est pas le représentant de la ligule, mais qu'il revêt
tous les caractères de la portion vaginale d’une feuille; c’est
ce dont ou pourra s'assurer par la germination de l’Oryza
sativa, de l’Asprella oryzoïdes, de l’'Hierochloë borealis, du
Melica montana, etc., qui, outre la vaginule, présentent
une seconde feuille en tout analogue au capuchon.
La troisième objection invoque l’analogie et assimile le
bouclier à la production latérale que présente la tigelle des
naïades.
Pour appuyer solidement cette analogie, il nous fau-
drait connaître l’embryogénie des naïades, et c'est ce que
Von ignore complétement ; de telle manière que la discus-
sion est placée sur un terrain inconnu et inexploré : car
ce qu’on sait à cet égard est vague et incertain. Mais on
a acquis des notions positives sur la constitution de l’em-
( 368 )
bryon des naïades, des Potamées et des zosteracées; leur
embryon, dépourvu de périsperme, se compose d’une masse
charnue latérale de configuration insolite qui forme sa
presque totalité.
L'organe que Richard a nommé cotylédon, situé un peu
plus haut, est un appendice quasi scarieux,
Il nous est donc impossible de rien conclure par l'in-
speclion de cet embryon; si pourtant il nous était permis
de procéder du connu à l'inconnu et par induction, nous
serions porté à considérer cette production latérale comme
le vrai cotylédon, et le cotylédon de Richard comme une
feuille primordiale; mais à l'embryogénie seule est réservée
le soin, la tâche de nous éclairer sur cette question enve-
loppée d’obscurité.
Enfin, si on envisage le bouclier comme une production
latérale de la tigelle, qui n’est pas encore à l'état de germe
lorsque le bouclier est déjà nettement dessiné, l’on sape
par sa base la théorie sur la formation des bourgeons et
des embryons, qui a aujourd’hui cours dans la science et
sur laquelle tous les bons esprits s'accordent; théorie dont
Schleiden a fait ressortir la justesse et les conséquences
dans ses rapprochements entre le bourgeon fixe et Le bour-
geon seminal où embryon.
Des recherches qui précèdent nous nous croyons auto:
risé à déduire :
1° Que l'embryon des graminées se compose du bou-
clier, du sous-bouclier et de la gemmule;
2 Que la formation du bouclier précède celle de la
gemmule ;
5° Que la vaginule naît indépendamment et au-dessus du
bouclier et se comporte difléremment dans la famille des
graminées, attendu que tantôt elle présente une fente très-
apparente et que, d’autres fois, elle n’en offre aucune trace;
( 569 )
4 Que l'axe du jeune être porte à diverses hauteurs la
vaginule, le bouclier et le sous-bouclier; que les points
correspondant à l'insertion des deux premiers organes
sont marqués par des lignes de tissus condensés séparées
entre elles par une plaque quelquefois subquadrilatèré
autrement constituée, premiers vestiges du mérithalle et
des nœuds primordiaux ;
5° Que la vaginule présente à son aisselle le germe d’un
bourgeon , comme toutes les feuilles des graminées;
Et 6° que la vaginule, par l’ensemble de ses caractères,
est en tout analogue à la première vraie feuille de cer-
taines espèces.
De là nous concluons :
A. Que le bouclier constitue le vrai cotylédon des gra-
minées ;
Et B. Que la vaginule n’est pas le représentant de la
ligule, mais la portion vaginale d'une feuille primordiale
à laquelle nous l’assimilons.
Note sur le synchronisme du calcaire pisolitique des envi-
rons de Paris et de la craie supérieure de Maestricht ;
par M. Ed. Hébert.
IL n’est pas hors de propos de revenir aujourd’hui sur
cette question; plusieurs géologues distingués viennent,
en effet, d'émettre, dans de récentes publications, des opi-
nions différentes, il est vrai, mais toutes de nature à ob-
scurcir le débat, M. D’Archiac, dans son Histoire du pro-
( 370 }
grès de la géologie (1), repousse le synchronisme et croit
que l’ensemble des espèces qu'on rencontre dans le calcaire
pisolitique présente un facies beaucoup plus tertiaire que
crétacé. Quelques mois plus tard (2), M. Roulin déclare
qu'il continue à regarder le calcaire pisolitique, qu'il réunit
aux sables de Bracheux , comme la première formation ma-
rine du terrain tertiaire parisien. Enfin, cette année même,
M. Lyell, dans son mémoire sur le terrain tertiaire de la
Belgique (5), groupe ensemble le calcaire pisolitique et le
landénien inférieur de M. Dumont, que nous regardons
comme l’exact équivalent de nos sables de Bracheux, dont
il renferme les principaux fossiles, pour en faire un nou-
veau système qu'il propose de placer entre la période cré-
tacée el la période éocène.
Le facies du calcaire pisolitique est-il donc plus tertiaire
que crétacé ?
Je pouvais répondre à celte question que j'avais trouvé,
et à plusieurs reprises, dans le calcaire pisolitique de Mon-
tereau le Pecten quadricostatus, qui caractérise la craie
supérieure de Maestricht et du Cotentin. Tous les paléon-
tologistes eussent jugé cette réponse suffisante; mais j'es-
pérais trouver d’autres rapprochements. Dans quelques
collections, j'avais vu des échantillons de roches de Maes-
tricht dont la structure était singulièrement semblable à
celle de notre calcaire pisolitique. Je résolus d'aller à
Maestricht en étudier le gisement.
Sur le flanc de la montagne S'-Pierre qui regarde la
(1) T. IV, p. 244.
(2) Bull. de la Soc. géol. de France, 2° série, t. VII, p. 460.
(3) Quart. journ. géol. Soc., vol. VIT, p. 567 (mai 1852).
(574)
Meuse, je ne vis d'abord rien qui se rapportât à l'objet de
mes recherches, mais à l’extrémité de la colline la plus
éloignée de la ville, un chemin creux me montra un grand
nombre de blocs d’un calcaire gris, beaucoup plus dur que
la craie sableuse exploitée. Ce calcaire était rempli de
moules de lucines, bucardes, tellines, etc., et sans l’a-
bondance du Dentalium Mosae, dont la roche était pour
ainsi dire pétrie, la fauné eût été essentiellement diffé-
rente de celle de la craie jaune sableuse. M. Thierens,
collecteur zélé et fort habile de Maestricht, qui avait bien
voulu m'accompagner, me dit que ce calcaire formait en
général le ciel des carrières, et que ces blocs venaient pro-
bablement de quelque éboulement. Sur ce renseignement,
j'examinai de plus près les couches supérieures; mais du
côté de la vallée de la Meuse, il me fut impossible de les
atteindre. Je recourus alors à l’autre versant, qui regarde
le vallon du Geer, et là, au-dessus de l'entrée d’une car-
rière, je pus parcourir et étudier à l'aise la série supé-
rieure. Je trouvai d’abord le banc de calcaire gris, à Den-
talium Mosae, etc., avec moules de bivalves; puis venaient
quelques pieds de craie jaune sableuse ordinaire, puis un
banc qui fixa de suite mon attention. C'était un calcaire
légèrement jaunâtre, compacte, concrétionné, rempli de
polypiers et d'une foule de bivalves et de gastéropodes.
Parmi les bivalves, je trouvais le Corbis sublamellosa,
d'Orb. , si abondant dans tous les gisements du calcaire
pisolitique. Les gastéropodes étaient des troques, des tur-
bos, etc. ; c'est aussi de cette couche que vient le Nautilus
simplex, Rœmer (N. De Koyi, Morton), que j'ai retrouvé
dans le calcaire pisolitique de Montainville (Seine-et-Oise).
Il n’y avait pas le moindre doute, c'était là le gisement des
échantillons que j'avais vus à Paris, et de plus, j'y voyais
(372)
des fossiles dont l'identité avec les nôtres n'était pas con-
testable. Ce qu’il y a de remarquable, c'est que la faune de
ce banc compacte peu épais disparaît avec lui, et, bien
qu'il soit recouvert par plus de 40 mètres de craie jaune
sableuse, je n'ai point vu dans les assises supérieures les
fossiles si nombreux, si spéciaux, du banc compacte (1);
mais le temps dont je pouvais disposer était tellement res-
treint que celte première recherche doit être nécessaire-
ment fort incomplète, et que je ne veux en tirer d’autres
conclusions que celle-ci : Qu'il existe à Maestricht, inter-
calés dans la craie jaune sableuse, un ou plusieurs bancs
d'un calcaire dur et compacte, ayant les mêmes caractères
minéralogiques que notre calcaire pisolitique dont il con-
tient des fossiles, et que cette observation, jointe à la
découverte que J'ai faite du Pecten quadricostatus dans le
calcaire pisolitique, doit, conformément à l'opinion de
M. Élie de Beaumont, faire regarder ce dernier dépôt
comme synchronique de la craie supérieure de Maestricht.
Celle-ci doit, d’ailleurs, selon toute probabilité, contenir,
dans ses assises inférieures, un certain nombre de couches
qui manquent dans le calcaire pisolitique; mais, pour se
rendre un compte exact de cette corrélation, il faudrait
d’abord connaître la répartition par couches des fossiles
de la craie supérieure de Maestricht et du calcaire piso-
litiquc. Ce travail serait facile à Maestricht où MM. Bos-
quet et Thierens en ont tous les éléments; ce serait un
véritable service rendu à la science.
(1) J'ai vu, chez M. Bosquet, une série de fossiles tout à fait analogues à
ceux de ces couches de calcaire dur de la Montagne-S'-Pierre; ces fossiles
paraissent provenir d’une autre localité, le fort Guillaume.
(373 )
Ce n’est pas seulement à Maestricht que j'ai pu recueillir
des preuves du synchronisme des deux dépôts. On sait que
le calcaire pisolitique du Mont-Aimé, près Chàlons-sur-
Marne, est célèbre par la quantité de débris de crocodile
qu'il renferme. Ce genre, que l’on regardait comme spé-
cial aux terrains tertiaires, se reconnait facilement à ses
vertèbres concavo-convexes, tandis que les autres sauriens
des terrains crétacés ont les vertèbres bi-concaves (1); or,
dans ma dernière excursion en Belgique, j'ai précisément
trouvé à Folx-les-Caves, dans une carrière où la craie su-
périeure est exploitée à ciel ouvert, une vertèbre du croco-
dile du Mont-Aimé, au milieu d’un nombre prodigieux de
fossiles de la craie de Maestricht.
Il y a donc une connexion intime entre la craie supé-
rieure et le calcaire pisolitique, sous le rapport paléontolo-
gique, tandis qu’il n’y en a aucune entre le calcaire pisoli-
tique et le terrain tertiaire, puisque, entre ces deux derniers
terrains, il n’y a pas une seule espèce commune, au moins
jusqu’à présent.
Je vais actuellement examiner la question au point de
vue stratigraphique. M. D'Archiac, en comparant le cal-
caire pisolitique à la craie supérieure de Maestricht, cite,
parmi les motifs qui l’engagent à l’en séparer, la discor-
dance (2) qui existe entre le calcaire pisolitique et la craie
blanche, tandis qu'entre celle-ci et la craie de Maestricht ,
ü y a continuité parfaite (3). M. D'Archiae a cependant
constaté lui-même (4) que des phénomènes, identiques à
(1) Pictet, Éléments de Paléontologie, t. IL, pp. 36 et 40.
(2) Hist. du prog. de la géol., t. IV, p. 242.
(3) Id., id., p- 244.
(4) Id., id., p. 176.
( 374 )
ceux que j'avais signalés (1) entre la craie blanche et le
calcaire pisolitique, avaient eu lieu entre la craie blanche
et la craie supérieure. Il cite, à Ciply, une très-intéres-
sante coupe, que j'ai récemment visitée et où l’on voit la
-surface de la craie blanche durcie (nous ajouterons ravinée
et offrant les mêmes tubulures qu'à Meudon) recouverte par
des cailloux roulés empâtés dans la craie supérieure dont
les assises recouvrent cette couche. C’est là une preuve
évidente de dénudation; cette dénudation a eu lieu aux
dépens de la craie blanche, puisqu’au milieu des cailloux
roulés se rencontre, roulé aussi, le Belemnites mucronatus,
auquel j'ajouterai l’Ananchytes ovata, la Terebratula cornea
et des blocs de craie blanche. M. D'Archiac déduit de ces
observations une conclusion parfaitement juste et que nous
adoptons pleinement, à savoir, que les dépôts de craie
supérieure de Ciply, de Maestricht, de Folx-lez-Caves ont
été formés dans des dépressions de la craie. C’est exacte-
ment ce que j'ai dit pour le calcaire pisolitique, et nulle
part, dans le bassin de Paris, la discordance n’est aussi
tranchée qu'à Ciply.
Comme ce point me paraît avoir quelque importance,
je demande la permission de m'y arrêter un instant et
d'ajouter quelques renseignements à ceux déjà fournis par
MM. Léveillé et D’Archiac.
La coupe de Ch. Léveillé (2), reproduite par M. D’Ar-
chiac, s'applique au chemin creux qui se trouve à l'entrée
de Ciply, en venant de Mons. Là, en effet, au-dessus de la
craie blanche caractérisée par ses lits de silex et ses fos-
(1) Pull. de la Soc. géol. de France, 2: série, t. V, p. 406 (1848).
(2) Mém. de la Soc. géol. de France, 1"- série, t. II, p. 52.
{ 575 )
{ 979
siles ordinaires (Ananchytes ovata, Belemnites mucrona-
tus, Rhynchonella subplicata , Inoceramus Cuvicri, Ostrea
vesicularis , Pecten quinquecostatus, etc.), on voit :
4° Au contact immédiat de la craie blanche, une assise
de craie de couleur gris jannâtre , analogue à celle de Maes-
tricht, et qui forme le toit de l’entrée d'une exploitation.
2 Craie grise tufacée, remplie de fossiles et notamment
des suivants:
Belemnites mucronatus. Thecidea papillata.
Terebratula cornea. Apiocrinites ellipticus.
Rhynchonella subplicata. Dentalium Mosue, etc., elc.
Fissurirostra pectiniformis.
Cette assise est épaisse de 8 mètres environ; on n'y
trouve ni Hemipneustes, ni Baculites; évidemment elle
correspond à la base des carrières de Maestricht.
3° Au-dessus de cette coupe, les champs contiennent en
abondance des débris de calcaires durs, jaunàtres, ayant
la même texture que le calcaire à polypiers de la Monta-
gne-S'-Pierre.
Il ne reste, d’ailleurs, aucun doute que la véritable craie
jaune, telle qu'on l’exploite à Maestricht, et que l’on voit
tout autour de Ciply, où elle est exploitée également, ne
soit supérieure à la craie grise dont il vient d’être question,
comme l'indique la coupe de Ch. Léveillé.
Il est à remarquer qu’en ce point, au contact de la craie
supérieure et de la craie blanche, la première repose im-
médiatement sur la craie blanche, tendre, à lits de silex
noirs, sans cailloux roulés, sans craie dure. Si l'on tra-
verse le village en se dirigeant au sud, on monte un che-
min qui passe devant une ferme isolée à 400 ou 200 mètres
du ruisseau; le premier chemin à droite, après avoir passé
la ferme, coupe la craie blanche à un niveau certainement
( 376 )
supérieur au point où l'on a vu la craie grise à thécidées
et à fissurirostres. De ce point, en regardant au sud, on
aperçoit devant soi un escarpement (n° 4) qui présente le
contact de la craie supérieure et de la craie blanche. Ce
point, analogue à celui que cite M. D’Archiac, ne parait
pas être le même. Je reproduis ici grossièrement ce que j'y
ai vu.
Fig. 1. — Escarpement n° 1.
A est la craie blanche ordinaire à Belemnites mucronatus ;
B est la craie dure, ravinée, percée de tubulures,
comme à Meudon, mais aussi compacte et aussi dure qu'à .
Souppes près Château-Landon.
C est la craie jaune sableuse semblable à celle qu'on.
exploite à Maestricht.
Le contact entre la craie blanche et la craie supérieure
se fait suivant une surface extrêmement ondulée. Tantôt,
comme en d, d, d, un petit lit très-mince de craie ferrugi-
neuse et sableuse recouvre la craie dure en pénétrant dans
les tubulures. Tantôt, comme en D, D, D, la craie supé-
rieure empâte à sa base une quantité quelquefois prodi-
gieuse de petits cailloux plus ou moins roulés, au milieu
desquels se voient des blocs de craie blanche, dont quel-
ques-uns ont un pied de diamètre, des Ananchytes ovata,
des Belemnites mucronatus, elc., etc, L'épaisseur. très-va-
riable de cette accumulation de débris auteint près de deux
mètres. On remarque sur quelques-uns de ces cailloux des
trous de coquilles perforantes.
(371 )
Au-dessus vient en assises régulières la craie jaune de
Maestricht avec des caractères pétrographiques compléle-
ment identiques à ceux des assises supérieures sableuses
de la Montagne-S'-Pierre, et très-différents de ceux des
assises grises du chemin creux de Ciply, situées à un niveau
plus bas.
Si de cet escarpement dont Je viens de donner la coupe,
on se tourne vers le nord, on aperçoit à 400 ou 200 pas
devant soi, sur le flanc opposé du petit vallon, un affleu-
rement de la craie (n° 2, fig. 2); l'examen de ce point
montre qu'il appartient encore au contact de la craie blan-
che que l’on voit immédiatement au-dessous de la craie
supérieure; mais, ici, celle couche de contact est presque
exclusivement formée de cailloux, de blocs et de fossiles
roulés. Ces derniers, extrêmement nombreux, appartien-
nent, les uns, à la craie blanche (Crania parisiensis,
Rhynchonella octoplicata, etc.), les autres, en plus grand
nombre, à la craie supérieure; on y trouve même en abon-
dance des espèces que l’on ne trouve que dans des assises
plus élevées que celles du chemin creux de Ciply, savoir :
des moules de Rostellaires, Turbos, Natices, etc., et qui
proviennent de calcaires compactes intercalés, comme
nous l'avons vu dans les assises supérieures. C'est un
gisement extrêmement riche, car, au milieu des fossiles
roulés, on en trouve un grand nombre dont la conservation
est parfaite, et en très-peu de temps, on peut faire en ce
point une provision considérable de fossiles.
Il faut aussi remarquer que, dans ce point, il n'y a pas
apparence de craie dure tubuleuse.
Le chemin creux dont nous avons rappelé la coupe se
trouve sensiblement au nord des deux affleurements pré-
cédents. Si on continue à marcher au nord, ce qui est la
ToME xx, — ]'° PART. 26
(318)
direction de Mons, on arrive, à un kilomètre environ de
CGiply, à de grandes carrières ouvertes dans la craie jaune,
exactement semblable à celle de l’escarpement (fig. 1), et
selon toutes les apparences, le niveau de cette craie jaune
est supérieur à celui de la craie grise du chemin creux, et
doit être sensiblement le même que celui de l’escarpement.
La présence du banc pétri de Dentalium Mosue, qui forme
le ciel des carrières de Maestricht, classe ces couches, dont
l'épaisseur est de 7 à 8 mètres, dans la partie supérieure
de la craie jaune. Des blocs épars au fond de la carrière
et contenant des cailloux roulés attestent que le contact a
lieu en ce point comme dans la coupe que j'ai figurée.
Si l’on cherche à représenter ces faits par une figure
commune, on est obligé d'adopter la disposition suivante :
bi ENGnd. |
carréères F
1. Craie jaune supéricure. 3. Craic, dure à tubulures.
2. Craie grise à fissurirostra pectiniformis. 6. Craie blanche avec lits de silex.
À, B, C, D, E, F représentant grossièrement la configu-
ralion actuelle du sol des environs de Ciply dans Ja direc-
tion que nous avons considérée, .
a,b,c,d,e, f,g représentant le petit bassin de craie
blanche, formé par dénudation, dans lequel les assises in-
férieures de Ja craie de Maestricht se sont déposées.
Quelle que soit d’ailleurs la valeur de cette représenta-
tion graphique, il n’en ressort pas moins de ce que je viens
de dire les conséquences suivantes :
(379)
1° La craie grise à Fissurirostra pectiniformis, d'Orb.,
partie inférieure de la craie supérieure de Maestricht, re-
couvre, à Ciply, la craie blanche à lits de silex noirs au
point le plus bas où la craie supérieure puisse être ob-
servée, et alors la craie dure à tubulures, qui constitue, en
Belgique , comme dans le bassin parisien, la partie supé-
rieure de la craie blanche, manque.
% Lorsque cette craie dure existe, la craie jaune qui la
recouvre appartient aux assises supérieures de la eraie de
Maestricht.
3° La craie blanche a donc été ravinée avant le dépôt
de la craie supérieure. Les dépressions qui ont été le pro-
duit de ce ravinement ont été comblées par la craie supé-
rieure.
On voit que j'arrive à la conclusion de M. D’Archiac, à
laquelle je n’ai fait qu'apporter de nouveaux arguments, et
que certainement son auteur avait perdue de vue, lorsque,
quelques pages plus loin, il dit que, dans le bassin de V’'Es-
caut, 1l y a une continuité parfaite entre la craie blanche
et la craie supérieure. D’un autre côté, cette conclusion
est exactement celle que J'ai été conduit à formuler pour
le calcaire pisolitique (1).
Le calcaire pisolitique et la craie de Maestricht sont
done exactement dans les mêmes conditions stratigraphi-
qués par rapport à la craie blanche; j'ai montré que, sous
le rapport paléontologique, ces deux dépôts n’offrent pas
une moindre analogie, et que cette analogie s'étend jus-
qu'aux caractères pétrographiques; je crois donc qu'il
serait avantageux de supprimer ces dénominations de cal-
(1) Bull. de la Soc. géol. de France, t. V, p. 406, et t. VI, p. 725.
( 380 )
caire pisolitique, de terrain danien, de calcaire à baculites
du Cotentin, qui ne représentent que des lambeaux isolés
d'un même dépôt, la craie supérieure, et de même que
l’on dit : craie supérieure de Maestricht, on pourrait dire
à l'avenir craie supérieure de Suëde, du Cotentin, craie
supérieure du bassin de Paris (1).
(1) Depuis la rédaction de cette note, je me suis aperçu que M. Van Hecs
(Bulletin de la Soc. géol. de France, t. UT, p.160) avait parfaitement reconnu
l'existence des couches de calcaire dur que je signale, et que M. Michelin
avait fait remarquer l’analogie de ce calcaire avec celui de Laversine.
(381 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du 7 mars 1853.
M. le chanoine DE Ram, directeur.
M. QuereLer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le chevalier Marchal, le baron de
Gerlache, Roulez, Lesbroussart, S. Van de Weyer, Gachard,
le baron J. de S'-Genois, David, Van Meenen, P. Devaux,
P. De Decker, Schayes, Snellaert, Haus, Bormans, Baguet,
membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, associé ;
Arendt, Chalon, Ducpetiaux, Mathieu, correspondants.
MM. Sauveur et Ed. Fétis assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
Il est donné lecture de l'arrêté royal qui nomme M. le
baron de Stassart à la présidence de l’Académie pour
l’année 1855.
M. le baron de Stassart écrit qu’il se trouve retenu chez
lui par une indisposition; M. le chanoine de Ram, vice-
directeur de la classe, le remplace au fauteuil.
— M. le Ministre de l'intérieur adresse une expédition
(382 )
d'un arrêté royal, qui nomme membres du: jury chargé
de décerner le prix quinquennal de littérature française,
MM. De Decker, le baron de Gerlache, le baron de Stassart,
P. Devaux, Grandgagnage, Lesbroussart et Hallard.
— M. Stallaert demande à pouvoir publier une édition
in-8° du Mémoire Sur l'instruction publique au moyen âge,
par M. Vanderhaeghen et par lui, auquel Hesémie, a
décerné une médaille d’or. — Accordé.
— M. Van Sypesteyn, officier du génie au service de
S. M. le roi des Pays-Bas, transmet une histoire de la vie
du général comte Jean Baptiste Dumonceau, ancien ma-
réchal de la Hollande, né à Bruxelles, en 1700. II pense
que ce travail sera accueilli avec faveur dans un pays qui
a déjà produft sur ce même officier distingué un éloge de
M. le baron de Stassart et un ouvrage de M. de Bavay.
— Remerciments.
— Un anonyme demande si le mémoire portant la
devise : Sit quodvis simplex duntaxat et unum , et répon-
dant à la question sur l’enseignement moyen, a été admis
au concours; il sera répondu aflirmativement.
— MM. De Decker et Chalon déposent des ouvrages de
leur composition. — Remerciments avec mention au Bul-
letin.
— La classe reçoit aussi les deux ouvrages manuscrits
suivants :
1° Les Monuments de la diplomatie vénitienne, considé-
rés sous le point de vue de l’histoire moderne en général et
de l’histoire de la Belgique en particulier, par M. Gachard,
membre de l’Académie. (Commissaires : MM. Borgnet, de
Ram et le baron de Gerlache.) | ,
(583 )
2 La Ville de Gand, considérée comme place de guerre,
par M. P.-C. Van Der Meersch, conservateur des archives
de l'État et de la Flandre orientale. ( Commissaires :
MM. Steur, De Smet et le baron de S'-Genois.)
RAPPORTS.
—
Sur l'Épitre latine de M. le professeur Fuss, intitulée :
DANTIS DIVINAE COMOEDIAE POETICA VIRTUS.
Happort de PI. Hormans.
« Le poëme latin que M. le professeur Fuss a présenté
à l’Académie, et sur lequel j'ai été chargé, conjointement
avec mes honorables confrères, M, Lesbroussart et M. de
Ram, de vous faire un rapport, comprend 515 vers, ayant
pour objet l'appréciation du mérite poétique de la Divine
Comédie du Dante, et pour but de prouver que cette célè-
bre trilogie, malgré l'importance immense du sujet et un
certain nombre de passages comparables ou supérieurs à
tout ce que la poésie a jamais produit de plus: beau, et à
ce double titre digne d’unc éternelle admiration, ne répond
pas cependant, dans son ensemble, à l'idée qu’on doit se
former d'un chef-d'œuvre véritable et d’un parfait modèle
de composition poétique.
Admirateur du Dante autant qu'on peut l'être, quand
on ne veut pas rabaisser la poésie elle-même, M. Fuss res-
pecte la couronne qui orne le front du plus grand des
chantres du moyen àge; il s'incline devant son génie, qui,
( 384 )
comme celui d'Homère, embrassa tout un monde; mais il
ne partage pas l'enthousiasme exagéré de certains critiques
qui transforment cette couronne en un météore éclatant
qui domine tout le ciel de la poésie, ou qui prennent l’idée
qu'ils se sont faite de la puissance du génie du poëte pour
la mesure de l'œuvre qu’il a produite. En comparant le
poëme du Dante avec les deux grandes épopées d'Homère,
il veut qu’on tienne compte des différences qui existent,
au point de vue de l’art, entre le monde ancien et celui
du moyen âge, et qu'on n’examine pas seulement quelles
sont l'étendue et les proportions du tableau que le Dante
déroule devant nous, ni s'il est plus ou moins ressemblant,
et fidèle, mais encore et surtout jusqu’à quel point l’exé-
cution en est parfaite.
Le développement de ces idées, après tout ce qu’on à
déjà écrit sur le Dante, eût exigé des volumes. M. Fuss,
qui n’écrit qu'une épitre, et une épitre en vers, a usé du
droit accordé à tout poëte, si l’on n'aime mieux lui en faire
un devoir, de ne prendre dans son sujet que les parties les
plus saillantes, pour les dessiner d'une manière large et
rapide. Il ne touche à la matière qui fait le fond de la
Divine Comédie, et dont il reconnaît toute la grandeur,
que pour autant qu'il s’agit de déterminer en même temps
quel parti le poëte à su en tirer. C’est beaucoup d’avoir
rencontré un beau sujet; mais c’est le mérite de l'exécution
qui fonde la gloire du poëte. Il n'y à pas qu'un premier
choix, celui de la matière, à faire ; quelque riche qu’elle
puisse être, tout n'y sera pas poésie, ni propre à la poésie;
il y a à prendre et à rejeter :
Hoc amet , hoc spernat promissi carminis auctor.
(385 )
Le Dante a-t-1l connu cet art de choisir, avait-il ce sen-
timent des convenances poétiques qui excite tant notre
admiration dans Homère? Dans celui-ci, les moindres cho-
ses nous intéressent; quelque part qu'il nous conduise,
nous le suivons toujours avec plaisir : peut-on dire la
même chose du Dante?
M. Fuss ne s'arrête pas davantage à discuter l’ordon-
nance et le plan de la Divine Comédie, ni à rechercher le
but que le poëte s’est proposé dans cette vaste entreprise.
Si, par la forme, la Divine Comédie n’est pas plus une épo-
pée qu'elle n'est un drame ou un poëme lyrique, elle
s’écarle cependant moins du premier genre, en ce qu’elle
a une étendue proportionnée à l'importance du sujet, qui
comprend toute une grande époque de l'humanité. On ne
peut nier que le poëme du Dante n'ait ce point de commun
avec les épopées d'Homère. Mais quelle différence, encore
une fois, dans la manière dont chacun d'eux sait employer
les richesses dont il dispose! Le monde d'Homère se laisse
embrasser d’un seul regard, moins parce qu'il est plus
borné (car il est en même temps plus plein), que parce
que tout s’y trouve à sa place et concourt à l'unité. M. Fuss
ne dit pas précisément que celui du Dante est un chaos;
mais, après avoir signalé la singularité des moyens dont
se sert le poëte pour établir un peu d'ordre dans le mé-
lange bizarre des choses qu’il y introduit, Virgile, Stace,
Béatrix, qui lui servent successivement de guides; le chris-
tianisme et le paganisme, le sacré et le profane, les évé-
nements de l'histoire et les discussions de la théologie
scolastique, qui s’y succèdent ou s'y croisent, sans plus
de lien qu’il n’en existe entre les personnages et les choses
mêmes; tant d’inventions non-seulement contraires à l’art,
mais encore à la raison et à la nature, il ne peut s’'empé-
( 386 )
cher de demander si une pareille composition ne sera pas
toujours plus merveilleuse que belle, et si, de nos jours,
quelqu'un oserait aspirer au glorieux titre de poëte natio-
pal en offrant à son pays une production semblable.
Un point que, dans cette comparaison, il était essentiel
de considérer, c'était l’allégorie, dont le Dante a:si large-
ment usé dans la Divine Comédie, ainsi que dans ses autres
poésies, se conformant en cela à l'esprit de son siècle. On
sait que l’allégorie a paru à certains commentateurs d'Ho-
mère le seul moyen d'expliquer le caractère et la conduite
de ses dieux, comme s’il. était moins absurde de mettre
ces extravagances sur le compte du poëte, que d’en cher-
cher l'origine dans les croyances populaires du temps où
il écrivait, Que deviendrait d'ailleurs la noble simplicité
de sa poésie, si, pour lui trouver un sens, on avait besoin
de remplacer ses images par les abstractions d’une théolo-
gie postérieure? M. Fuss n'admet pas que l'allégorie soit
une condition essentielle dans un long poëme , et il com-
prend encore moins qu’on puisse faire un mérite au Dante
de n'être intelligible qu'au moyen des idées alambiquées
que ses panégyristes lui prêtent, et sur lesquelles ils ne sont
pas même d'accord entre eux. L’obscurité, de quelque cause
qu’elle provienne, sera toujours un défaut et non une vertu.
Ainsi que je l'ai déjà dit, l'auteur de l'Épitre indique
plutôt ces questions qu'il ne les développe. En examinant
le tableau, il fait ce qu'il voudrait que le Dante lui-même
eût fait en le traçant, il choisit. Il ne pouvait entrepren-
dre de faire une critique complète de l'ensemble sans se
livrer à des considérations longues et subtiles, que les
bornes qu'il s'était prescrites, et plus encore la nature de
sa composition, lui faisaient un devoir d'exclure, Il n’en
était pas de même de cette partie de Ja composition qui
( 387 )
est l'exécution proprement dite, et qui comprend en pre-
mier lieu le style. lei le poëte, je dis l’auteur de l'Épitre,
se trouvait plus à son aise, et son propre style s'en res-
sent : sa marche, un peu heurtée parfois dans la partie
qui précède, devient plus dégagée; sa diction, toujours
également serrée et nerveuse, acquiert plus de souplesse
et même de la chaleur; elle est surtout plus claire; car si
nous nous trouvons toujours en présence des difficultés
qui résultent d’un langage bref et concis, et d’une grande
hardiesse dans les tours et les inversions (qualités qui for-
ment le caractère dominant du style de M. Fuss), elle em-
prunte, en cet endroit, je ne sais quelle lumière de la
nature même des idées qu’il avait à exprimer et avec les-
quelles la poésie latine est beaucoup plus familiarisée.
Or, ces idées, ou plutôt ces questions, les voici en peu
de mots : le Dante, obligé de lutter contre la barbarie de
son siècle, a-t-il trouvé dans son génie des ressources sulf-
fisantes pour donner à son sujet toute la perfection poéti-
que dont il était susceptible? A-t-il toujours observé dans
ses récits et dans ses descriptions certaines convenances
qu'un poëte ne doit jamais oublier ? Possède-t-il partout,
à côté de l'élévation des pensées et du sublime des senti-
ments, cétte pureté de goût, cette clarté d'expression,
cette netteté et cette élégance de langage, le nombre, l'har-
monie, en un mot, tout ce charme dans la composition et
cette magie de style sans lesquels, avec le sujet le plus
intéréssant et l'ordonnance la plus parfaite, on ne sera
jamais que la moitié d’un grand poëte?
Il'est évident que celui qui a posé ces questions n’a pu
y répondre lui-même que négativement. J'ajouterai qu'il
aurait pu aller beaucoup plus loin, et qu’au lieu de deman-
der si le Dante a toujours ces qualités, il pouvait aflirmer,
( 388 )
sans lui faire injure, que plus souvent il ne les a pas, et
qu'il est même quelques-uns des défauts contraires dont
il se défait rarement.
Mais M. Fuss ne s’est pas proposé de rabaisser le chan-
tre de la Divine Comédie, ni de lui faire son procès dans
les formes ; sans les exagérations de certains critiques mo-
dernes, qui lui ont voué une admiration outrée jusqu’à
l'absurde, M. Fuss n'aurait soulevé aucune de ces ques-
tions, et s'il eût parlé du Dante, ce n’eût été que pour
louer les qualités éminentes par lesquelles il se distingue en
tant d'autres endroits et qui compensent bien des défauts.
Dans l'analyse que je viens de faire de ce que j'appelle-
rai la première partie du travail de M. Fuss, où il ne fait
en quelque sorte qu'établir ses principes, j'ai cru pouvoir
déjà anticiper un peu sur la discussion qu'il engage ensuite
avec ces mêmes critiques, et qui comprend toute la seconde
moitié de son Épitre. Pour ne pas m’exposer à tomber dans
des répétitions au moins inutiles, je tàcherai, en vous en
rendant compte, de laisser de côté tout ce qui se rattache
aux questions précédemment indiquées, et sur lesquelles il
suffit de connaître l'opinion de M. Fuss pour qu'il n’y ait pas
de doute relativement aux prétentions de ses adversaires.
Témoin de l'engouement qui s’est déclaré depuis quel-
ques années pour tout ce qui appartient au moyen âge;
témoin des efforts que l’on fait pour le remettre en hon-
neur ou, comme M. Fuss interprète ce mouvement, pour
y ramener notre civilisation moderne; frappé surtout}
faut le croire, de l’extravagante croisade entreprise de-nos
jours même contre les grands écrivains de l'antiquité,
M. Fuss n’a vu dans le zèle qui a portées de l'Écluse;,les
Osanam, les Drouilhet de Sigalas et quelques critiques
visionnaires de l'Allemagne à vouloir diviniser le Dante,
(589)
en le plaçant au-dessus d’'Homère même, qu'une consé-
quence d’un même système, ou du moins d’une même ten-
dance; et l’on comprend dès lors que c’est dans la com-
paraison d'Homère avec le Dante qu'il a dû chercher ses
principaux arguments pour les combattre.
Parmi les critiques qui se sont occupés du Dante, Tira-
boschi est le seul qui soit nommé dans l’Épitre, précisé-
ment parce que c’est le seul dont l’auteur ait cru devoir
opposer le jugement aux éloges généralement outrés et
parfois ridicules des panégyristes modernes de ce poëte.
Les noms de quelques-uns d’entre eux, que je viens de
citer, se trouvent dans une note que M. Fuss à jointe à
son Épiître, et dans laquelle il signale les endroits de ces
écrivains qu'il a plus particulièrement eu en vue dans sa
critique. Cette note, également écrite en latin, est une
espèce d'analyse raisonnée de toute la pièce, et ne sera pas
inutile pour en faciliter l'intelligence. Un ou deux points
y ont même reçu des développements que je regretterais de
voir disparaître, quoique l’auteur semble lui-même, dans
une annotation marginale, en proposer la suppression. Je
n’y voudrais changer qu’une couple de mots, qu'un lecteur
peu attentif pourrait interpréter dans un sens que l’auteur
n'a certainement pas eu l'intention de leur donner. I] s’agit
de la langue dans laquelle le Dante a écrit sa Divine Comé-
die. On sait qu’il avait d’abord entrepris de l'écrire en latin,
et que nous avons encore le début de ce premier essai,
dont Boccace cite les trois premiers vers. Il était naturel
que ses admirateurs le félicitassent d’avoir renoncé à ce
projet et préféré la langue de son pays et de son temps;
mais onne peut que s'étonner du langage presque mysti-
que, comme l'appelle M. Fuss, de Drouilhet à cette occa-
sion , lorsqu'il s’écric : 11 (le Dante) sent qu'il a fuit fausse
( 390 )
route, et que, par ce chemin, il descend dans la mort, au lieu
de monter dans la vie. M. Fuss est parfaitement d'accord
avec ceux qui pensent que, si le Dante avait écrit en latin,
sa gloire eût été moins grande et son nom moins popu-
laire; et à toutes les raisons sur lesquelles ils fondent leur
opinion, il en ajoute une autre qu'il trouve dans les vers
latins mêmes du Dante, et que, à mon avis aussi, ils ont
eu tort d'oublier, c’est que ces vers ne sont pas bons, et
que, si les vers italiens du Dante, comme tout le monde en
convient, indépendamment des changements que la langue
a subis, sont loin d’avoir cette clarté, cette pureté, cette
douceur et cette élégance qu'on est en droit d'exiger dans
toute poésie, ni le Dante, ni peut-être aucun de ses contem-
porains n’était en état de mieux atteindre à ces qualités
ou de mieux remplir ces conditions en se servant .de la
langue latine. L'observation me parait aussi juste que pi-
quante, et je ferai remarquer, pour ma part, que le désa-
vantage aurait été d'autant plus grand, que la langue latine
possédait ses chefs-d’œuvre, dont la comparaison, toujours
redoutable, ne pouvait que l’écraser; tandis que la langue
et la poésie italiennes ne venaient que de naître et n’avaient
rien à lui opposer. Le Dante fut un grand poëte et un
poële populaire dès qu'il parut, parce qu'il était-le pre-
mier de sa nation qui eût produit quelque chose de grand.
La postérité a consacré sa gloire, parce qu’à travers ses
défauts, qu'elle a mis-sur le compte de son époque, son
génie continue de briller d’un éclat qu’on ne peut mécon-
naitre. Sous ce rapport, il est pour l'Italie moderne ce
qu'Ennius à été pour les Romains du siècle d’Auguste :
dr io ingenio matimus, arte rudis.
A toute poésie nationale il faut un père, de qui datent ses
(391)
titres à la considération, et ceux qui s'appellent ses descen-
dants ou ses héritiers sont naturellement intéressés à sa
renommée. L'éclat de celle-ci, loin d’offusquer la leur,
vient s’y confondre et la grandit. Entre eux et lui aucune
rivalité, aucune comparaison n’est possible ; à lui le génie
avec ses.élans sublimes, ses caprices, ses témérités et ses
chutes; à eux, s'ils sont poëtes, un génie moins élevé peut-
être, mais soutenu par l’art et puisant à volonté, dans une
langue déjà plus parfaite, cette richesse d'expressions et de
formes, et ces trésors d'harmonie, sans lesquels il n’y a
point de véritable poésie, Homère seul fait peut-être excep-
tion à cet égard, en ce qu’il réunit toutes les perfections.
Une réflexion de M. Fuss, concernant le titre de poëte
populaire accordé au Dante, me paraît pareillement fort
juste. Quand on cherche à s'expliquer l'affectation avec
laquelle certains critiques, pour faire valoir ce titre,
louent le poëte d’avoir préféré la langue italienne à la
langue latine, il semblerait que cette popularité lui ait été
ou lui soit acquise par cela seul qu'il n’a pas écrit en latin.
C'estapparemment, dit M. Fuss, parce que cela lui a valu
un plus grand nombre de lecteurs. Mais Drouilhet lui-
même cite Alfieri, qui déclarait, au commencement de
cesiècle, qu'il n’y avait pas peut-être, dans toute l'Italie,
trente personnes qui eussent vraiment lu la Divine Comé-
die. Tiraboschi aussi dit qu'elle renferme certains chants
dont on peut à peine soutenir la lecture; et, en général,
on n'en connait que la partie plastique, comme quelques-
uus l’appellent, c'est-à-dire l'Enfer. Vu les difficultés que
présente sa langue, qu’il dut créer, et encore si informe,
la dureté souvent insupportable de ses vers, ses rimes for-
cés et étranges, on peut douter qu’à aucune époque on ait
lu le Dante autrement que par curiosité, en exceptant
( 392 )
toutefois les érudits de profession. « Les Italiens l'appel-
» lent divin, dit Voltaire, mais c’est une divinité cachée;
» peu de gens entendent ses oracles; il a des commenta-
» teurs, c'est peut-être encore une raison pour n'être pas
» compris. Sa réputation s’affermira toujours, parce qu'on
» ne le lit guère. Il y a de lui une vingtaine de traits
qu’on sait par cœur; cela suffit pour s’épargner la peine
d'examiner le reste. »
On peut ne pas prendre ce jugement à la lettre, mais on
conviendra, sans doute, que les qualités d’un poëte popu-
laire ou national, comme on voudra l’appeler, devraient
être de nature à pouvoir se faire sinon apprécier, du moins
apercevoir ou sentir par le commun des lecteurs. Or, ce
qui attache le plus un lecteur ordinaire, la clarté du récit,
Ja netteté du langage, l'élégance des formes, l'harmonie du
vers, sont précisément les qualités que le Dante possède
le moins. Celles qui le distinguent sont plutôt abstraites
que sensibles : l'immensité du sujet, le sublime de la con-
ception, la grandeur du plan, sans parler des beautés mys-
tiques ou métaphysiques que ses admirateurs lui prêtent.
Tout cela est peut-être moins appréciable pour ceux qui ne
savent que l'italien, que ce ne le serait pour ceux qui se-
raient en état de lire une composition latine. Qu'on ajoute
à cela tout le bagage scolastique que le Dante, non moins
profond théologien que subtil philosophe, a entassé dans sa
Comédie , et l’on ne sera pas étonné que M. Fuss cherche
encore sur quoi se fonde son litre de poëte populaire. Il
ne doute pas, au reste, que la sagacité des zélateurs de
son culte n’en ait découvert de belles et bonnes raisons
qui doivent se trouver exposés quelque part; mais jusqu'ici
il n'a pas été assez heureux pour les rencontrer.
Je viens de vous faire connaître le fond et, jusqu’à cer-
5 Y
( 393 )
tain point aussi; la marche de l'Épitre de M. Fuss, ainsi
que l’objet de la note qu’il y a jointe. Peut-être désirez-
vous maintenant que je vous entretienne encore un instant
du mérite de la forme et, en particulier, du style de cette
composition. Je vous ai déjà dit que M. Fuss possède l’art
de choisir; maison ne saurait guère juger une épître, sur-
tout une épiître en vers latins, sans la comparer avec ce
que nous avons de plus parfait en ce genre, celles d’'Ho-
race, qui offrent une si grande variété de modèles, depuis
le simple billet jusqu’à la discussion philosophique ou lit-
téraire. Je n'oserais dire que la conduite ou le ton de la
pièce de M. Fuss rappellent complétement aucun de ces
modèles. Dans les deux plus longues des Épitres d'Horace,
celle à Auguste et celle aux Pisons, l’une et l’autre moins
longues pourtant que celle de M. Fuss, mais qui ont, du
reste, avec elle le plus de conformité, il est impossible de
prévoir dès le commencement l’espace que le poëte doit
. parcourir ou les questions qu’il se propose de traiter. On
n'en connaît bien le but et l’ensemble que lorsqu'on est
arrivé à la fin. Il est vrai qu'on y est conduit irrésistible-
ment; mais ce n’est point par la curiosité qu'inspire une
matière annoncée d'avance : c’est par l'intérêt des détails
et le charme d’une causerie facile et variée autant qu'in-
structive, qui s'emparent de vous tout d’abord et ne vous
lâchent plus. Le plan d'Horace semble donc être de n’en
point avoir, si l’on n'aime mieux dire qu'il met un soin
extrême à le cacher.
M. Fuss procède d’une manière tout opposée : dès le
titre, nous savons qu'il va nous parler du mérite poétique
de la Divine Comédie du Dante, et qu'il ne s’agira que de
cela. Un seul vers résume tout le sujet. Il est suivi d'une
exposition dans les formes, qui fait voir jusqu’à la divi-
TOME xx. — °° parT. 27
( 394 )
sion de la matière, telle que je vous l’ai fait connaître. Le
cadre est tracé; il n’y a plus qu’à le remplir, et chacun des
détails a en quelque sorte sa place assignée d'avance.
Cette régularité, propre en général aux épitres critiques
en prose, convient-elle également à une épitre en vers,
ou, si ce genre admet toutes les formes, faudra-t-il la re-
garder comme un mérite de plus? C’est une question que
je ne déciderai point; mais, dût-on considérer la pièce de
M. Fuss plutôt comme une dissertation en vers que comme
une épitre, il est certain que la nature d'un sujet si vaste,
sérieux et essentiellement un, ne lui permettait pas de le
traiter avec cet abandon et cette liberté d’allure qui donne,
d’un autre côté, tant de charme aux compositions d'Horace.
On comprend que la même différence doit se faire remar-
quer dans le ton. Celui de M. Fuss est plus constamment
grave. Si parfois il vous arrache un sourire, c'est plutôt
par ce qu’il y a d'inattendu ou de piquant dans une obser-
valion, par je ne sais quelle verve caustique, que parce que
vous retrouvez chez lui le spirituel badinage ou la fine rail-
lerie du poëte romain. Sous ce rapport encore, il y a entre
la manière de l’un et de l’autre une différence notable.
Il n’en est pas de même des autres caractères du style.
Les vers de M. Fuss vous révèlent à l'instant même, je ne
dirai pas un imitateur, car 1l y a imitalion et imitation, et
la meilleure est celle qui ne se fait pas sentir, mais un dis-
ciple, un poëte de l’école d'Horace. La propriété dans les
mots, la justesse dans l'expression, une phrase courte et
précise, n’admettant rien qu'il soit possible de retrancher
sans nuire à la netteté ou à la force de la pensée, des lours
vifs et souvent hardis, un vers toujours plein, sont les qua-
lités dominantes de l’un comme de l’autre. Je n’examine-
rai pas si tous les deux les possèdent au même degré, ni
si le disciple y a toujours gardé cette sage mesure qui fait
( 395 )
Ja perfection du maître. Ce serait demander si M. Fuss a
fait une œuvre parfaite. Vous n’admettez pas que des chefs-
d'œuvre absolus, Messieurs, et, sans aspirer à un si glo-
rieux titre, la pièce dont j'ai eu à vous rendre compte se
recommande par d'assez belles qualités, tant du côté du
fond que du côté de la forme, pour que je n'hésite pas à
vous en proposer l'insertion, soit dans vos Mémoires, soit
. dans votre Bulletin.
M. Fuss est connu depuis longtemps comme le premier
latiniste de notre pays, et je crois qu'il en est aujourd'hui
le dernier poëte, je dis le seul qui sache encore se servir
de la langue de Virgile et d'Horace, comme d’autres se ser-
vent de leur langue maternelle (1). Les Muses latines s’en
vont de la patrie des Hoschius et des Wallius; le dédain
d’une génération qui ne les connaît pas les chasse, et, avec
elles, les lettres latines elles-mêmes s’en vont, et tout ce
que l’on fait ou prétend faire pour retenir les unes sans
rappeler les autres, risque bien de n'être que des efforts
inutiles et trompeurs. Puissent ce malheur et cette honte,
dont nous avons tous le pressentiment, s’accomplir le plus
tard possible! Mais les Muses latines fussent-elles dès au-
jourd’hui proscrites partout ailleurs, l’Académie doit rester
pour elles un asile toujours ouvert. Ici du moins, si je puis
emprunter l’image dont le plus grand des poëtes qu’elles
ont inspirées se sert à l'égard d'une autre fille du Ciel,
également bannie de la terre, ici, dans cette enceinte, la
postérité doit retrouver la dernière empreinte de leurs
pas : Extrema per illos . .. excedens terris vestigia fecit.
(1) La derniére édition des poésies latines de M. Fuss, auxquelles on a
réuni quelques pièces grecques et allemandes, a été faite à Liége, en 1845,
deux volumes in-8°, formant ensemble pres de 800 pages.
( 396 )
Bapport de M. Lesbroussatt.
Les lecteurs, probablement peu nombreux, qui, à
notre époque, sont encore susceptibles de s'étonner,
éprouveront sans doute quelque surprise au seul aspect
du titre de ce manuscrit et de la langue dont l’auteur a
fait choix. « Quoi, diront-ils, appeler au tribunal de la
» critique, en plein XIX° siècle, un poète trépassé depuis
» plus de cinq cents ans, et rédiger en vers latins ce nou-
» veau mandat de comparution! À quel propos exhumer
» ce vieux rêveur florentin, et pourquoi surtout avoir
» employé une langue morte à l'évocation de ce mort? »
Nous allons essayer de répondre à la première de ces
questions. L'auteur de l'Épitre dont il s’agit s'est chargé
lui-même de satisfaire pleinement à la seconde.
Les derniers vers de cette œuvre remarquable semblent
indiquer assez clairement l'idée, ou, pour mieux dire, le
sentiment qui l’a inspirée. Depuis un certain temps, plu-
sieurs écrivains, en divers pays, paraissent s'être ligués,
non-seulement pour réhabiliter le moyen àge, trop long-
temps méconnu et dédaigné, mais encore pour lui immo-
ler en sacrifice expiatoire et les gloires consacrées depuis
la renaissance et même ces antiques renommées qui, tou-
jours grandissant, ont traversé les siècles pour arriver
jusqu’à nous. Religieux admirateur de l’antiquité, à l’étude
de laquelle il a voué son existence, M. Fuss s’est indigné
de cette réaction systématique et violente. Il s’est armé
pour son culte en péril, et Dante ayant été, plus que
d’autres, exalté par la coalition désignée ci-dessus, c’est à
lui que le vengeur des Muses grecques et latines a de-
( 397 )
mandé ses titres pour les soumettre à la plus rigoureuse
vérification. Voilà, selon nous, l’origine de la pièce offerte
à l'appréciation de l’Académie. Vu les temps et la circon-
stance, on ne peut guère la chercher ailleurs.
Quant à l’idiome choisi par le savant professeur pour
l'expression de sa pensée, nous ne pouvons mieux en justi-
fier l'emploi qu’en transcrivant ces vers, pleins d’une spi-
rituelle et maligne bonhomie :
Mec tam curo, meo multum an moveare libello,
Quam, versus valeas ut tot perferre latinos.
Sed linguam Latii, scribens quoque, scis ut amérim,
Ingenio stultè discors, quo vivimus , aevi.
Morbus cuique suus ; meus hic. Meliora secutus,
Littus arare senem patiare ; usumque ligato
Sermone excuset Flaccus ; magè mente modisque
Quo mihi suave nihil. Criticas hic versibus ipse
Implevit partes; romanum teulonus in queis
Ritè , vide , pravène sequar. Sed Flaccus, et illis
Eximius, nomen negat hinc se velle poetae ,
Nec, mihi ne poscam , metuas ; versus, licet omnes,
Qui faciunt , semper sic eodem nomine dicam ,
Quo Galli dominas dicunt quascunque maritas.
Ce passage, d’une grâce et d’une facilité charmantes,
suffira pour donner une idée du travail de M. Fuss, sous le
rapport de la forme. A l'égard du fond, il est des réserves
que nous ne pouvons nous dispenser de faire. Ce n’est pas
que nous ne soyons d'accord avec lui dans la plupart des
jugements qu'il a énoncés. Sans doute l'étrangeté même
du sujet, l’irrégularité (toutefois plus apparente que réelle)
de la disposition, le mélange choquant et presque mons-
trueux du sacré et du profane, l’abus excessif de l'allégorie,
surtout dans le Purgatoire, Vexcessive bizarrerie de cer-
taines imaginations, le tissu inégal et les transitions heur-
( 398 )
tées d’un style qui, tantôt s'élève jusqu'au lyrisme le
plus splendide, tantôt descend jusqu’à la plus basse trivia-
lité; d’autres vices encore, qu'il serait facile, mais trop
long de signaler, légitiment amplement de nos jours les
sévérités de la critique; et, vu la mission spéciale que
M. Fuss s'était attribuée, nous sommes loin de croire qu'il
ait exagéré le blâme et fait preuve de partialité envers les
objets de ses affections littéraires, en opposant à des dif-
formités trop visibles ces œuvres antiques, si grandes et si
simples dans leur conception, si régulières dans la dispo-
sition et la proportion de leurs parties, si naturelles et si
sages dans les hardiesses mêmes de l'invention, et où la
diction, dans l'infinie variété qu’impose la différence des
sujets, reste si soigneusement épurée. Mais ce n’est point
dans ce sens absolu qu’il convient de juger le poëte toscan.
Pour être équitable envers lui, on doit détourner son re-
gard de ces magnifiques produits des civilisations avancées
et des perfectionnements de l’art, atteints par une longue
suite de tentatives : il faut se placer, avec cet abrupt et
puissant génie, au milieu des temps et des lieux où il vi-
vait. Envisagé à ce point de vue, qui seul est juste, Dante
et son poëme constituent un merveilleux phénomène, dont
la grandeur et l'éclat justifient l'admiration qu'il a inspirée
et inspire encore à tant d'hommes supérieurs, sans auto-
riser cependant la prééminence que des sectaires mala-
droits ou intéressés prétendent leur attribuer sur tous les
chefs-d'œuvre de l'esprit humain et les souveraines puis-
sances de la poésie.
Il n'entre pas dans notre sujet, et les limites de ce tra-
vail y mettraient d’ailleurs obstacle, de refaire, après tant
d’autres, la biographie de Dante et l'analyse de son œuvre
principale. A notre point de vue, il ne peut et ne doit être
( 399 )
apprécié que relativement à son époque d’abord, et secon-
dairement , aux circonstances particulières de sa vie, Cet
homme extraordinaire appartient à la classe peu nom-
breuse de ces écrivains dont chacun fut et le produit natu-
rel et le représentant le plus complet d’une grande période
historique. Il résume en lui le XIE et le XII: siècle, si
agités, si audacieux, si féconds dans la confusion même de
leurs actes et de leurs idées, si avides de toute science, et
n'arrivant, dans cette poursuite, à aucun résultat complet;
enfin, et c'est là surtout le trait caractéristique de leur
physionomie, à la fois novateurs et routiniers dans tout ce
qui relève de l'imagination (1). Tels sont les faits généraux
(1) Nous avions, à une époque déjà ancienne , et en vue d’un autre travail,
réuni de nombreux documents sur le caractère historique, scientifique et
littéraire de cette période si remarquable du moyen âge; et nous aurions
vivement désiré en tirer parti pour la conjoncture présente, Ayant reconnu
l'impossibilité de placer ici des développements qui dépasseraient de bien
loin les limites matérielles où nous devons nous renfermer, nous nous borne-
rons à indiquer les sources principales où nous aurions aisément puisé les
faits justificatifs d'une argumentation dont nous sommes réduit à donner la
synthèse. C'est surtout dans Muratori, Crescimbeni, Salfi, l'abbé Andrès, les
nombreux biographes de Dante et même deux historiens politiques d’une
époque reculée (les frères Villani), que se trouvent les preuves dont la com-
binaison et le contrôle eussent servi de base à des assertions qui, dénuées de
cet appui, ne sembleront pas toujours incontestables.
Nous avons cru devoir imiter en cela le sage exemple donné par un des
commentateurs modernes du poëte italien, M. Zani di Ferranti, artiste émi-
nent en plus d’un genre, qui, dans la préface de ses Zllustrations de la
Divine Comédie (Paris, Londres et Bruxelles, gr. in-8°, 1846), explique ainsi
le système qu’il a jugé convenable d’adopter, en présence des opinions
diverses de ses nombreux devanciers : Zo dovuto attenermi a un ragionato
eclettismo , scegliendo anzi che accumulando, e valendomi di tutti; ma
non già (secondo il solito) a guisa del ladro, che cela accuratamente il
nome dei derubati, bensi come il povero onesto, che nomina à suoi bene-
fattori. Non moins fidèle que l’ingénieux écrivain à ce précepte de probité
( 400 )
dont il a subi et manifesté l'influence; le reste appartient
à sa personnalité, c’est-à-dire aux événements d’une vie
accidentée, orageuse, tissue d'amour, de gloire et d’infor-
tune. Il est donc impossible de le comparer aux autres
écrivains puissants, plus rapprochés que lui de la perfec-
tion absolue, mais qui ne se trouvaient point placés dans
les mêmes conditions. Cette vérité ne pouvait échapper à
l'esprit judicieux du savant critique : il a distingué le poëte
du poëme, et en censurant les défauts inévitables du se-
cond, il a rendu un sincère hommage au génie vaste et
créateur du premier (1). Ceci une fois établi, notre tâche
de rapporteur paraît fort simplifiée, puisque nous som-
mes d'accord avec M. Fuss dans les motifs sur lesquels
il fonde la prééminence des classiques, rabaissés, soit par
d’enthousiastes préventions, soit par les vues détournées
de l'esprit de parti, bien au-dessous du chantre florentin.
Mais, indépendamment de la différence d'appréciation qui
nous sépare de M. Fuss, quant au point de départ, il se
rencontre dans son beau travail quelques opinions, quel-
ques asserlions même, que nous sommes obligé de réfuter
ou du moins de combattre, parce qu’elles diminuent la
gloire de Dante, non-seulement là où il est mis en parallèle
avec les maîtres de l’art, mais sur son terrain propre et rela-
tivement aux circonstances essentielles de sa vie littéraire.
Ici la sphère de notre travail tend à s’agrandir considé-
littéraire, nous avons scrupuleusement indiqué les noms des différents criti-
ques qu’il nous a fallu citer, tantôt pour nous fortifier de leurs jugements,
tantôt pour les combattre.
(1) Voici comment s'exprime à ce sujet le critique, vers 429 et suivants :
. . . Criticos quo justius ores,
Ingenium vatis male ne cum carmine , quale
Nunc est, confundant, etc.
( 401 )
rablement : Nous nous efforcerons néanmoins de la res-
treindre, en disant avec le guide même du révélateur
toscan :
.… Summa sequar fastigia rerum.
(Ænan. lib. [.)
Ce sera moins sur le terrain des jugements (et nous y
voyons un grand avantage) que sur celui des faits qu'il
nous arrivera d’être en désaccord avec M. Fuss, quant aux
points que nous venons d'indiquer d’une manière générale.
À cet égard, nous nous appuierons d’autorités plus impo-
santes que la nôtre et dont la valeur paraît irrécusable, en
prévenant ceux qui veulent bien nous écouter, que notre
seul embarras a été de choisir parmi une foule de témoi-
gnages, et que nous avons jugé nécessaire de les peser plus
que de les accumuler. Encore nous a-t-il paru convenable de
rejeter ces citations dans des notes, par déférence pour les
lecteurs pressés, qui pourront se dispenser d'y recourir,
plus par une certaine paresse d'esprit, commune de nos
jours où l'on écrit tant, que par confiance dans nos lu-
mières : condescendance qu’au surplus nous sommes loin
de leur demander.
Un des points les plus importants parmi les critiques
et les controverses dont l’œuvre d’Alighieri a été l’objet,
est la singularité du titre Comédie (1) : car l'épithète di-
vine, suivant un ancien commentateur , n'y fut jointe que
(1) Dans une lettre adressée à son protecteur, Can ou Cane Grande Della
Scala, Dante semble expliquer lui-même la raison de ce choix, en établissant
trois genres de style, et ajoutant que, d’après la nature de son œuvre, il a
dû préférer le mode intermédiaire, Stile di mezzo. Quoique l'authenticité de
cette pièce n’ait pas, que nous sachions, été révoquée en doute, le motif
allégué par le poëte ne nous paraît pas bien concluant, et des considérations
d’un ordre plus élevé doivent avoir déterminé son choix. Philelphe, lun de
( 402 )
par l’admiration des contemporains du poëte. On a fait, en
ce qui touche cette question, une énorme dépense d’ar-
guments et surtout de conjectures. Sans les passer ici en
revue, j'émettrai une hypothèse que je livre aux habiles,
non comme bonne, mais comme mienne, et qui me semble
d’ailleurs n'être pas dénuée «de vraisemblance : C'est que
Dante a envisagé l'existence présente et même future du
genre humain comme un drame immense, dont l’autre vie
offre le dénouement. Cette interprétation est assez ac-
ceptable, d'après les idées philosophiques de son temps,
et doit plaire, particulièrement dans le nôtre, aux inven-
teurs et aux praticiens de la poésie humanitaire. Si l'on ob-
jecte que la narration occupe une très-grande place dans
celte œuvre, je crois pouvoir répondre que cette contra-
diction, née de la négligence ou du dédain des règles qui
constituent la distinction des genres, s'explique naturelle-
ment par l'état intellectuel d’un siècle qui touchait à tout,
mais où rien n’était bien défini, comme’par la nature d’un
ses plus anciens biographes, et presque son contemporain, fournit à ce sujet
une interprétation que nous citerons en partie, non assurément comme suf-
fisante, mais comme un curieux témoignage de la confusion d'idées qui exis-
tait alors en matière de poétique, et conséquemment comme justification de
l'erreur de Dante lui-même . . Zn eo codice cui titulus datur Comoedia, ego
verius tragicomoedia titulum dari censeam ; nam ut Comoedia de omnibus
hominum fortunis est composita, deque re ficta, quae tamen fieri potuit,
ac de tenuissimis et rebus et personis loquitur, Tragoedia vero historicam
saepenumero secuta veritatem, tumescit, . .... ita utrumque hoc opus
admäiscet , ut et multa figura poetica palliata sint, multa, ut sunt, apertè
dicantur, etc.
Dans la seconde partie de la vie de Dante, intitulée : le Dante eæile, le
comte César Balbo, après avoir, dans l'analyse rapide du poëme, fait res-
sortir l’universalité des matières qu'il renferme, s'exprime en ces termes,
que nous empruntons à l'élégante traduction de Mr: la comtesse de Lalaing :
.
( 405 )
génie bizarre, aventureux et plein de spontanéité. C'est
ainsi que ce titre fut évidemment interprété par les con-
temporains du poëte, même en dehors de l'Italie; et un
fait curieux, rapporté par l’un des biographes modernes
de Dante, en fournit la preuve irrécusable (1). Après tout,
peut-on s’élonner à juste titre de ce mélange des genres,
des formes et des couleurs au XII siècle, lorsque, après
tant de modèles et de poétiques, on l’a vu se reproduire
de nos jours, et qu’un esprit singulier, mais distingué par
l'élévation et le savoir, a systématiquement adopté cette
immense combinaison, avec toutes ses conséquences, el
fait entrer dans un seul cadre (moins étendu , parce qu'il
est purement humain), les faits, les idées, les passions,
les notions acquises ou incomplètes, en un mot toutes
les choses des siècles écoulés, en y répandant par masses
l’allusion, l’allégorie, la métaphysique, et tout ce qui fait
dépendre la compréhension d’une œuvre littéraire d'une
espèce de science divinatoire (2). Les grands moralistes,
“ Quiconque voudra pénétrer dans les détails, comprendra par lui-même
» pourquoi l’auteur, désireux d'employer toutes les figures et tous les styles,
» a donné à son ouvrage le nom de Comédie. »
Nous ne multiplierons pas ces extraits, crainte d’encourir l'application du
jugement porté par le commentateur moderne de Philelphe, C.-D. Moreni,
dans une de ses savantes notes : Per qual ragione volesse Dante cosi ap-
pellare un’ opera, a cui sembrava, che tut{” altro titolo le si convenisse,
se à lungamente , infruttuosamente , e noïosamente dispusata da molti sin
dal secolo XF1.
(1) Suivant un auteur français, cité, mais non pas nommé par M. Balbo,
la Divine Comédie fut souée, du moins partiellement, au XIV: siècle, dans
quelques villes méridionales de la France. Un des acteurs récitait la partie
narrative; les passages consacrés à l'action et au dialogue étaient reproduits
par d’autres personnages.
(2) Voir le poëme intitulé : la Panhypocrisiade, par Népomucène Le-
( 404 )
d’ailleurs, ne se sont-ils pas fréquemment, sous une forme
à la vérité plus spéciale, permis cette diffusion, que des
censeurs, trop rigoureux peut-être, appellent confusion; et
Dante ne s'est-il pas cru le droit, à une époque d'invention
bien plus que de critique, de dire avec le satirique romain :
Quidquid agunt homines, votum , timor , ira, voluptas,
Gaudia, discursus, nostri est farrago libelli.
(Juv., Sat., L.)
Qu'on ne s’y trompe point : nous ne voulons ici ni dis-
simuler, ni même atténuer les erreurs littéraires d’un
grand homme, moins encore les transformer en beautés :
nous cherchons seulement à les expliquer. Au surplus,
est-il vrai que la Divine Comédie soit entièrement dépourvue
de plan, d'ordre et d'harmonie, comme n’ont pas craint de
le déclarer, surtout en deçà des monts, certains Aristar-
ques un peu trop légers et parfois trop pressés de rendre
leurs arrêts pour sembler bien compétents en de si gra-
ves malières? Dans notre humble opinion, l'ordonnance
de ce poëme paraitrait plutôt mériter le reproche d’être
trop matériellement déterminée; et les neuf cercles con-
centriques (1), les deux enfers superposés, les crimes et
mercier, membre de l'Institut, auteur de la belle tragédie d'Ægamemnon et
de plusieurs autres ouvrages dramatiques ou lyriques. Dans l’œuvre singu-
lière mentionnée ci-dessus, on rencontre à chaque pas la narration mélée
au dialogue : les vertus, les vices, les affections de l'âme, les divisions du
temps, les grands effets de la nature y sont personnifiés; on y remarque
entre autres un entretien de la Méditerranée et de la Métempsychose. Du
reste, les sciences y coulent à plein bord, surtout la métaphysique.
(1) On a aussi recherché l'origine de cette division, qui nous paraît assez
clairement indiquée par les vers suivants : ‘
Fata obstant, tristique palus inamabilis undä
Alligat, et novies Styx interfusa coercet,
(Virg., AEneid., lib, VE.)
( 405 )
les peines distribués par compartiments (1) révèlent assez
chez le poëte l'intention de guider sûrement ses lecteurs
à travers ce labyrinthe infini. Une pareille marche n'est
certes pas celle des écrivains dont l'admiration légitime et
presque unanime du monde civilisé a consacré la gloire :
elle appartient évidemment à l'enfance, ou, si l’on veut
même, à l'absence de l’art, et voilà pourquoi il ne faut
pas chercher à classer cette œuvre multiple dans une ca-
tégorie dûment étiquetée. C'est à la fois ou successive-
ment, — nous disons ceci, non comme éloge, mais comme
fait, — un récit, un hymne, une élégie, une saure; le
chantre s’y élève aux plus sublimes hauteurs de la tragédie,
pour redescendre ensuite jusques à la bouffonnerie des tré-
teaux ; puis il enseigne la théologie (2), la philosophie,
l'astronomie et le reste : ce qui devrait peu étonner de la
part d’un esprit aussi vaste, aussi érudit, appartenant au
pays et à la période où un autre génie, également com-
préhensif, mais bien moins créateur, entrait dans l'arène
littéraire comme un paladin dans la lice chevaleresque,
portant sur son écu cette fière devise : De omni re scibili (5).
Mais Dante est, avant tout, didactique et descripuif :
(1) Dans l'édition Ældine de la Divine Comédie, Vinegia, MDXV, se
trouve le plan figuratif de l'Enfer (col sito et forma dell’ Inferno).
(2) Tous les commentateurs de Dante, surtout les plus anciens, ont signalé
l'étendue de sa science théologique. Parmi les modernes, Salvini, dans des
vers adressés à Redi, l’élégant auteur de Bacco in Toscana, s'exprime en
ces termes :
Ed ho imparato più teologia
In questi giorni, che ho riletto Dante,
Che nelle scuole fatto io.non avria.
(5) Pic de la Mirandole, qu'un savant désignait ainsi : Monstrum crudi-
tionts sine vitio.
( 406)
peindre et instruire, ce fut là l’idée fondamentale et géné-
ratrice de sa singulière composition.
« Alors, dira-t-on peut-être, où est l’unité, cette loi es-
» sentielle et vitale de toute œuvre bien conçue et bien
» accomplie? » — Dans le sujet même qu'il a traité, Rien
ne peut exister en dehors de la sphère indéfinie que le
poëte s’est attribuée : il est un parce qu'il est fout, comme
la Création (1).
On a demandé aussi pourquoi Dante, ayant écrit en
latin quelques-uns de ses ouvrages, n'avait pas employé
là même langue dans la composition du plus important
de tous. Les causes qui lui firent préférer l’idiome vul-
gaire étaient puissantes et nombreuses : nous n’en indi-
querons ici qu'une seule, renvoyant l'énonciation des
autres aux notes qui accompagnent ce travail. Malgré l’u-
(1) « Conception profonde ! entreprise sublime !
» Où, du monde idéal sondant le double abime,
» Le Dante parcourut sa double immensité,
» Et sut peindre à la fois le bonheur, les supplices ,
» Les vertus et les vices,
» L'Homme, l'Archange, Dieu , le Temps, l'Éternité. »
(De Chénedollé, Études poétiques, livre Il.)
Voilà comment parle un poëte; écoutons maintenant un docteur : $ed hoc
certe admirabilius , quod uno codice, nec admodüm prolixo , sit omnia
diligentissimé'Dantes complexus, quae ad bene beatèque vivendum a
philosophia dicta sunt et ad acternitatem gloriae consequendam sunt a
theologis explicata. Nullum est officii genus, vel publicum, vel domesti-
cum; vel forense, vel urbanum, vel militare de quo non abundè praeci-
piatur apud Dantem, etc.
(Philelphus, in Vita Dantis.)
C’est peut-être ici l’occasion de remarquer que Philelphe était loin de
considérer la Divine Comédie comme une épopée. La dénomination qu’il
applique généralement à cette trilogie est celle de Cantiques, également
employée par d’autres, et notamment par l’illustre auteur du Primato.
( 407 }
sage de ses contemporains, ou peut-être même à raison
de cet usage abusif (1), il ne se croyait pas assez maitre
de la langue de Virgile pour s'en servir dans une œuvre à
laquelle il attachait sa renommée, et qui, sous cette forme
antique, familière uniquement au petit nombre, n’eût ja-
mais obtenu cette popularité non-seulement nationale,
(1) Philelphe, déjà cité, explique ce choix par une raison aussi simple
que concluante : Cur hoc opus tam celebre , tam illustre, non ediderit ro-
mana lingua, si quis instet ... quod, ob romanae linquae atque elo-
quentiae desertionem , non esset ea vi dicendi qua cuperet..….
M. Balbo confirme ainsi ce jugement : « Dante dut être découragé, em-
barrassé par une erreur qu'il avait commise, par la mauvaise route qu'il
» avait choisie, par un instrument peu convenable à son génie libre et élevé,
s je veux dire par la langue latine, langue morte et qu'il ne maniait pas
» assez bien, Nous donnerons pour preuve évidente de cette assertion et de
» la faiblesse de ses essais, les trois premiers vers qui nous en restent. »
(Nous supprimons cette citation, qui a été faite par M. Fuss.)
Carlo Denina, dans son Tableau des révolutions de la littérature an-
cienne et moderne, explique autrement ce fait, en l’attribuant au besoin
d’une popularité qui ne pouvait être obtenue par l'emploi d’une langue an-
cienne et, de plus, fort dégénérée de son temps. Le savant historien entre,
à ce sujet, dans des détails pleins d'intérêt, et qui contiennent une dé-
monstration frappante, mais que leur étendue ne nous permet pas de repro-
duire. 11 dit ailleurs, d'accord en ce point avec un autre critique plus
ancien, pour donner une idée de la latinité de ce temps, qu'il s'y trouve
beaucoup de mots non admis dans le grand Vocabulaire de Ducange.
Philelphe, de son côté, parle de l’état d'abandon où était tombée de son
temps la pratique de cette langue. Un autre fait à l'appui de cette explica-
tion, c'est que Brunetto Latini, le savant instituteur de Dante, ne crut pas
devoir employer le latin à la composition de son Tesoro, que probablement
il n’osa pas non plus écrire en langue vulgaire; il fit usage du roman-pro-
vençal, considéré alors, dans le midi de l'Europe chrétienne , comme l’idiome
le plus parfait et le plus épuré. Cette circonstance relève encore l'heureuse
et féconde audace du poëte florentin.
Après ces autorités respectables, s’il nous est permis de hasarder notre
hypothèse personnelle, nous ferons observer que la langue de Virgile, dont
2
( 408 )
mais européenne, dont l'écho, quoique affaibli, se fait en-
core entendre de nos jours (1).
Une autre accusation plus grave, dirigée contre l'illustre
Toscan, est celle qui a pour objet la pureté du style. D'a-
bord nous ne pouvons admettre, en thèse générale, que
les étrangers soient appelés à juger de ce genre de mérite,
surtout à l'égard d'un écrivain du XHI° siècle; et, malgré
quelques études spéciales, nous refusons de nous ranger
parmi les rares exceptions que peut offrir cette loi com-
mune. C’est dans les plus éclairés, les plus célèbres de ses
compatriotes, surtout contemporains de son œuvre, que
nous avons particulièrement cherché et trouvé la réfuta-
tion surabondante et victorieuse de ce reproche (2).
Résumons-nous. On a pu voir, par ce qui précède, que,
dans l’ingénieux et savant travail de notre ancien col-
la grandeur et la dignité eussent parfaitement convenu à l’expression de ce
qu’on pourrait appeler la partie divine du poëme, fût nécessairement de-
venue peu maniable et même rebelle dans les endroits si nombreux qui
font allusion aux faits historiques de l'Italie contemporaine. Nous ajoute-
rons qu’il se fût même présenté, à cet égard, des difficultés matériellement
insurmontables, nées de la structure d'une foule de noms propres qui ne
pouvaient être ni lalinisés d’une manière intelligible, ni, sous leur forme
native, entrer dans l’hexamètre latin sans bouleverser toutes les lois de la
prosodie.
(1) Nous réservons, pour un travail ultérieur, ce qui touche aux vicissi-
tudes de la gloire de Dante.
(2) Il y aurait ici trop à citer : choisissons et abrégeons. Parmi les con-
temporains du poëte et ceux qui suivirent de près, Boccace, Léonard
d’Arezzo, Benvenuto d'Imola et plusieurs autres, ont parlé avec admiration
du style de la Divine Comédie. Pétrarque, cru généralement peu favorable
à son auteur, et soupçonné même de jalousie par quelques écrivains, mani-
feste le regret que « la pureté des mœurs d’Alighieri n’ait pas égalé celle de
» son Style. »
Philelphe s'énonce ainsi, sans doute avec un peu d’exagération : .., neque
( 409 )
lègue à l'université de Liége, il est plusieurs points impor-
tants sur lesquels nous n’avons émis aucune opinion et
que nous n'avons pas même mentionnés. Le motif de cette
omission volontaire et préméditée, c'est qu’en ces endroits
nous avons la satisfaction de nous trouver entièrement
d'accord avec lui, comme avec un petit nombre d’autres
critiques vraiment érudits et judicieux. Pour économiser le
temps et les mots sur un sujet traité tant de fois, mais qui
paraît inépuisable, nous avons cru devoir nous borner à
rencontrer certaines objections et à éclaircir certains faits,
au moyen de recherches qui, pour nous-même, n’ont
d'autre valeur que la patience opiniàtre d’un compilateur,
et dont le résultat est consigné dans les notes jointes à ce
texte. Ceux qui pourraient se résoudre à prendre connais-
sance de l’ensemble y trouveront, nous l’espérons du moins,
minus apus SuOS ELIMATUN esse duco hunc codicem quam apud Romanos
fuerit Maro.
Parmi les modernes, qui, presque tous, en traitant de la diction de Dante,
prodiguent les termes de bellezza et de soavita , nous retrouvons Denina,
généralement très-peu hyperbolique et qui, au milieu de critiques sévères à
l'endroit de la Divine Comédie, n'hésite pas à dire que « le style de ce poëte,
» qui est un peu vieux pour le goût de notre siècle, était en ce temps-là,
» au témoignage des deux Villani et de Boccace, le plus agréable et le plus
» poli qu’on eût vu jusqu'alors en aucun écrit fait en langue vulgaire, »
A ces témoignages, qu’il nous serait facile de multiplier, nous joindrons
une simple observation. Un des principaux éléments de la pureté du style est
sans doute la propriété des termes. Or, comment un philologue, un gram-
mairien tel que Dante aurait-il pu méconnaître la valeur et la véritable si-
gnification des mots dans une langue que lui-même avait faite, ou du moins
fixée? Une autre qualité, non moins essentielle, consiste dans l'application
du langage aux convenances du sujet, à la nature du fait ou de l'idée : et
chez Dante, quand cette nature est grave, élevée, sublime, l'expression,
presque jamais, ne fait défaut et ne devient disparate. Comme le dit avec
raison M. Brait de la Mathe, dans l'excellent discours dont il a fait précéder
TOME xx. — I" PART. 28
( M0 )
l'entière révélation de l’objet que nous nous sommes pro-
posé, savoir la fixation du véritable point de vue sous le-
quel Dante doit être envisagé de nos jours. OEuvre de foi,
de science, d'amour et de ressentiment , la Divine Comédie
est une composition sui generis, qui ne peut ni ne doit
être jugée par comparaison avec les épopées anciennes ou
modernes, et, par conséquent, suivant les lois établies d’a-
près les unes et appliquées dans les autres. Ne cherchons
point les savantes proportions, l’ornementation élégante
et choisie, l'harmonie complète et le fini de l’art gréc aux
temps de Périclès, dans les monuments gigantesques, étran-
ges, mais si imposants dans leur effet général, que nous a
laissés la statuaire de l’Assyrie, de la primitive Égypte
ou de la grotte d'Éléphanta. C'est ainsi seulement que
nous pourrons rester justes envers le moyen âge, sans mé-
sa traduction en vers de la première partie du poëme, on paraît avoir con-
fondu la pureté du style avec celle de certaines pensées qui déparent le
poëme. Ce sont toutefois deux choses très-distinctes, dont l’une tient à la
forme, en quelque sorte matérielle, l'autre à la délicatesse de la pensée ou du
sentiment. La Fontaine dans ses contes, Voltaire dans un poëme trop fa-
meux, n'ont pas respecté cette convenance morale de l’ordre le plus élevé :
qui cependant oserait accuser leur style de manquer de pureté ?
ke docte et judicieux censeur liégeois oppose à Dante, sous ce rapport,
les compositions châtiées, d'abord de Pétrarque, ensuite du Tasse et de
l’Arioste. Pour ces deux derniers au moins, le temps écoulé, le travail con-
tinu qu’exerce sur lui-même un idiome naissant, expliqueraient assez cette
prééminence que nous ne contesterons pas. Mais, qu’il nous soit permis de
le rappeler, on a vu en France plus d'un écrivain moderne, même en pré-
sence de la correction, de l'élégance et du fini des grands maitres du
XVI: et du XVIII: siècle, regretter le langage vert, naïf et nerveux de
Montaigne et d'Amyot. Une langue perd souvent en force et en originalité ce
qu’elle gagne en perfectionnement. Il est superflu d'ajouter que Bossuet,
Pascal, Labruyère, et souvent Corneille, sont d’immortelles exceptions à
cette loi de la nature.
(A1)
connaitre la gloire de l’antiquité savante, sans nier le pro-
grès moderne et sans compromettre le succès de l’avenir.
Quant au critique dont l’Épitre ou la dissertation a
fourni le sujet de ce travail, nous dirons qu'il a au moins
prouvé jusques à l'évidence un fait important : c'est que la
poésie latine n’est pas morte dans la patrie d'Hoschius et
de Torrentius. Il possède la langue d'Horace comme une
chose qui lui est propre et familière : c'est pour lui, en
quelque sorte, un élément vital, et lorsqu'il compose en
latin, on reconnaît qu’il parle sa pensée. Un petit nombre
de vers qui n’offrent pas toute la lucidité désirable,
quelques constructions un peu laborieuses, ne sauraient
infirmer en rien notre opinion à cet égard.
Après tout ce que nous avons dit, il paraît superflu de
réclamer, en terminant, l’insertion de cette pièce remar-
quable dans les actes de l’Académie. »
Rapport de M. le chanoine de Ram.
« L’épitre en vers latins de M. le professeur Fuss, sur
le mérite poétique de la Divine Comédie du Dante, pré-
sentée à la séance du mois de décembre, m’a été envoyée,
avec les rapports de MM. Lesbroussart et Bormans, le
1° mars. Le peu de temps qui me sépare de la séance du
7 mars, dans laquelle les rapports doivent être soumis à
l’Académie, m'impose l'obligation d’être court. D'ailleurs
les deux juges les plus compétents dans cette sorte de ques-
tions littéraires sont entrés dans des développements qui
( 412 )
facilitent le rôle d’un troisième commissaire et qui, peut-
être, rendraient même superflue toute observation de sa
part, s’il avait été convaincu que la question traitée par
M. Fuss repose sur une base entièrement solide.
En présence des rapports de MM. Lesbroussart et Bor-
mans, j'éprouve un véritable sentiment d’hésitation pour
oser communiquer, à mon tour, des observations que peut-
être leurs suffrages, dont je suis jaloux, ne confirmeront
point.
Quoi qu’il en soit d’une divergence d'opinions, j'ai hâte
de dire que je suis d'accord avec mes honorables et savants
confrères sur le mérite général du travail de M. Fuss et
que, comme eux, j'en propose volontiers l’impression, soit.
dans les Mémoires, soit dans les Bulletins de l'Académie.
C'est un hommage et une justice à rendre à celui qui, parmi
nous, à cultivé avec un remarquable succès la langue et la
poésie latines.
Les vers consacrés par M. Fuss à l’examen du mérite
poétique de la Divine Comédie ont incontestablement droit
à une large part d’éloges; mais à côté de l'éloge la eri-
tique même la plus bienveillante n'a-t-elle aucun reproche
à faire?
L'un de mes savants confrères trouve dans les vers de
M. Fuss quelques constructions un peu laborieuses ; l’au-
tre, en faisant ressortir les qualités dominantes de ces
vers et en reconnaissant dans M. Fuss un disciple de
l'école d'Horace, paraît douter si le disciple a toujours
gardé la sage mesure qui fait la perfection du maître.
Leur opinion m'engage à consigner ici une impression
que la lecture des vers a fait naître en moi : la correc-
tion du style y déguise mal, ce me semble, une forme
quelque peu rude et froide et ne se colorant presque jamais
( 415 )
par les étincelles poétiques qui élèvent et vivilient le sermo
pedestris d'Horace.
La pièce, dans son ensemble, est une protestation con-
tre les admirateurs outrés du Dante. S'il y a exagération
de la part des uns, il y en à bien aussi un peu du côté de
M. Fuss.
On peut admirer le Dante et l'admirer beaucoup sans
blesser le respect dû aux grands modèles des littératures
grecque et latine. Je me félicite d’avoir pour eux la plus
respectueuse vénération; mais j'aime aussi à entendre le
concert d’éloges et d’applaudissements que l'Italie, dans
ses élans de reconnaissance, adresse au génie qui a créé
sa langue et qui a fondé sa littérature.
Dans le jugement rendu contre le Dante, M. Fuss me
semble avoir le tort de se placer trop au point de vue clas-
sique grec et latin.
Il y a longtemps que Ginguené a dit qu'il ne faut point
juger la Divine Comédie d’après les données communes :
« aucun poëme ancien n’en fut le modèle ; aucune poé-
tique ne lui convient; la conception en est unique et ne
peut plus s'adapter à rien, mais l'exécution est presque par-
tout admirable. » Ce poëme, comme le remarque si bien
M. Lesbroussart, « est une composition sui generis, qui ne
peut ni ne doit être jugée par comparaison avec les épo-
pées anciennes ou modernes, ni, par conséquent, suivant
les lois établies d’après les unes et appliquées dans les
autres. »
La cause première ou unique de l'admiration pour le
Dante, M. Fuss ne craint pas de l’attribuer à l'engouement
qui s’est déclaré de nos jours pour tout ce qui appartient
au moyen âge et au désir d’y ramener la civilisation mo-
derne : una aut prima causa est aevum medium reducendi
(M4)
desiderium, dit-il dans les notes analytiques de l'Épiître.
Voici comment il développe cette pensée :
Nam laudibus inter
Qui Dantis nimii nunc sunt, plerique poesis
Multis neglectae saeclis, ac pene sepultae,
Miro , ne dicam, caeco, ducuntur amore,
In nova jurantes musae praecepta ; sed illi -
Nunc in nonnullis par se conjungit amori,
Aevi quae medii gliscit damnosa cupido.
Haec adeo multis est unica, primave causa ,
Dis cur Dantem aequent, id agentes scilicet , illud,
Quantus sit vates, tantum videatur ut aevum.
Cujus quae bona sunt ita sanis demus amare,
Ut paveant mala ; christicola ne rursus in orbe
Tetra superstitio regnet ; quam reddere velle
Aevo cum medio , redeat quo laetior aegro
Sors mundo, quidni stultumque et turpe vocetur ?
Artibus at pulchris, si gothica templa tacemus,
Aevum quid medium referet? ut caetera mittam,
Grandibus eloquii quid magnum foetibus addet?
Quam sortem faciet monacho sub Apolline musis ?
Cette appréciation si inexacte du moyen âge devait avoir
comme conséquence une conclusion bien plus inexacte
encore : celle d'attribuer l'admiration pour le Dante à
l'engouement actuel pour les œuvres et les idées d’une
époque déjà si éloignée de nous.
Certes, le soupcon d’avoir été dominé par une influence
de ce genre ne saurait atteindre un célèbre écrivain pro-
testant du dernier siècle. Le directeur de la classe des
lettres de l'Académie de Berlin, Jean-Bernard Mérian ,
aimait et admirait le Dante; sachant à fond litalien et
l'anglais, il associa toujours, dans ses études comme dans
ses délassements, le Dante et Milton à Homère et à Virgile.
(A5)
« Si on me demandait, dit-il (1), à quel genre la Divine
Comédie appartient, je serais fort embarrassé de le dire,
elle n’est d'aucun genre et elle est de tous les genres. Tan-
tôt le Dante prend la marche de l'épopée, tantôt le vol de
l'ode. Dans le Purgatoire, il fait retentir les sons aflec-
tueux et touchants de la plaintive élégie. Une grande par-
tie en est didactique, et ce n’est pas la meilleure; il tombe
souvent dans le comique et même dans le burlesque; enfin
il y-a peu de chants de ce poëme où l’on n’entende claquer
le fouet de la satire... Malgré des intervalles de langueur ,
malgré ce mélange de genre et de style, malgré le goût
défectueux et les autres vices qu'on peut reprocher au
poëme, d'où vient sa haute célébrité? A ceci, il n'y à
qu'une réponse : du génie transcendant de Dante, du su-
blime, de la force , de la nouveauté de ses idées. On a fort
bien comparé sa poésie à ces temples gothiques qui, non-
obstant les défauts de leur architecture, imposent par la
hardiesse de leur construction et par la grandeur de l’en-
semble. Le génie couvre une multitude de pêchés, et rien
ne couvre le défaut de génie. Avec du goût seul, on n'est
que médiocre, quelquefois même insipide et ennuyeux,
pour ne pas dire que le plus souvent ce mot a un sens
vague et précaire, au lieu que le génie se définit lui-
même; on ne méconnaitra jamais les monuments où luit
sa flamme sacrée; les vicissitudes de la mode n’y ont
point de prise : il triomphe du temps et des âges. C'est
lui qui assure à Dante une des premières places parmi les
grands poëtes, et surtout parmi les poëtes originaux. »
« Ce dernier caractère de la poésie, continue Mérian,
(1) Nouveaux Mémoires de l'Académie de Berlin, 1784, p. 455, cit. par
Artand dans l'Histoire de la vie et des œuvres de Dante, p.578.
(M6)
y est marqué en traits si forts qu’il est impossible de n’en
être pas frappé; il a sa manière propre de voir et de saisir
les objets; son expression s’élance du fond de sa pensée;
ses figures, ses images ont leur coloris particulier; celles
même qu’il emprunte, il sait les résoudre; son style, son
rhythme, et peut-être jusqu’à ses rimes tierces qui font un
effet si agréable, tout est à lui; on voit la langue italienne
se former, se féconder, naître, pour ainsi dire, sous ses
crayons; enfin, ses idées même les plus bizarres ,.ses écarts
les plus fantasques décèlent encore un écrivain qui marche
loin de routes battues et qui n’a que lui-même pour guide. »
C’est ainsi qu'en 1784, un philosophe et littérateur étran-
ger s’associait à l'admiration de l'Italie pour le Dante, et
qu’il justifiait d'avance les hommages qui lui sont rendus
aujourd’hui dans l’Europe entière.
Un de mes honorables confrères a cité, à l'appui d’une
opinion qui me parait trop sévère, la boutade d’un autre
philosophe-littérateur. Voltaire a fait le procès du Dante,
en disant : « Les Italiens l’appellent divin, mais c’est une
» divinité cachée; peu de gens entendent ses oracles; il a
» des commentateurs, c'est peut-être encore une raison
» pour n'être pas compris. Sa réputation s’affermira tou-
» jours, parce qu'on ne le lit guère. Il y a de lui une ving-
» taine de traits qu'on sait par cœur; cela suffit pour
» s'épargner la peine d'examiner le reste. » Je suis per-
suadé que mon savant confrère est d'avis que cette plai-
santerie est loin d'être irréprochable, et qu’il me permettra
d’y appliquer un mot du comte de Maistre : le rire qu'elle
eæcite n'est pas légitime ; c'est une grimace (1).
(1) Soirées de Saint-Pétersbourg ; t. 1, p. 248, édit, de Lyon, 1851.
(M7)
Malgré Voltaire et son école, la gloire de la divinité
cachée n’a fait que grandir. Le comte Balbo a décrit les
vicissitudes de cette gloire de 1521 à 1858. Au commen-
cement du XIX° siècle, Alfieri, qui professait pour le
chantre de la Divine Comédie l'admiration la plus vive, et
qui restaura ce qu’on appelait le culte du Dante, disait,
dans un accès de regret, qu'il n’y avait de son temps peut-
être pas trente personnes en Italie qui eussent véritable-
ment lu le poëme. « Et maintenant, ajoute le comte Balbo,
quoiqu’un peu plus du tiers de ce siècle soit à peine écoulé,
nous comptons déjà plus d'éditions, plus de commentaires,
plus de travaux que n’en eut aucun des siècles précédents;
il y a déjà plus de 70 éditions (1). » Le même écrivain énu-
mère ensuile les traductions et les travaux publiés hors de
l'Italie; « tout cela montre, dit-il (2), que le culte de Dante
est plus que jamais répandu au delà des monts et au delà
des mers; et il devait en être ainsi chez toutes ces nations
qui ne craignent pas de retremper leur liltérature aux
sources mêmes de la civilisation moderne, le christia-
nisme et l'Italie. »
L'étude et le culte du Dante se sont donc réveillés et
propagés par les efforts et par la protection d’Alfieri. Vai-
nement on invoquerait ses paroles, citées plus haut, pour
en déduire, comme fait M. Fuss, que le Dante n’est pas
véritablement un poëte populaire ou national. N’est-il
même pas plus et peut-être mieux que cela?
(1) Jie du Dante, par M. le comte César Balbo, traduite de l’italien,
par Me la comtesse de Lalaing, née comtesse de Maldeghem, t. I,
p. 425-454. Bruxelles, 1846. — C’est aussi à cette noble dame que nous devons
la traduction de la Vie du Tasse par Jean-Baptiste Manso: Bruxelles, 1842.
(2) Ouvr. cit., p. 449.
(M8)
S'il y a des critiques qui portent leur admiration jusqu'à
prétendre que cette popularité à été acquise au Dante par
cela seul qu'il n’a pas écrit en latin, c’est évidemment une
erreur. M. Fuss la condamne avec raison, en reconnais-
sant cependant que l'usage de la langue vulgaire a valu à
la Divine Comédie un plus grand nombre de lecteurs.
Boccace, dans la vie du Dante et dans le commentaire
sur la Divine Comédie, raconte comment une ébauche la-
tine du poëme, ou plus précisément celle des sept premiers
chants de l'Enfer , fut trouvée à Florence , et comment on
l’envoya au marquis Moroello, qui engagea le Dante à con-
tinuer le poème. Marchetti, Troya et d’autres traitent cette
narration de fable; Balbo admet le récit de Boccace; Artaud
s’abstient de prononcer sur le fait.
Les trois premiers vers qui en restent, sont ainsi rap-
portés par Boccace :
Ultima regna canam fluido contermina mundo ,
Spiritibus quae lata patent , quae praemia solvunt
Pro meritis cuique suis data lege Tonantis.
De ces seules trois lignes M. Fuss tire la conclusion
suivanle :
In versibus Dantis, Divinam Comediam nondum lingua
vulgari, quam latina, componere malentis, causam caeteris
addendam video, cur maximus îlle poela sapienter fecerit
latinae linguae renuntians ; qua scilicet satis recte, ne dicam
eleganter suaviterque , nec Dante, nec quisquam illi tempore
aequalis scriptor , quod sciam, usus est.
Balbo remarque que, dans un manuserit du Dante de la
bibliothèque Bartolini, on trouve, en outre, des fragments
nombreux du poëme latin, mais que ce n’est qu'une tra-
duction tout à fait liliérale de l'italien qu'on ne peut en
aucune manière attribuer au Dante. « Jamais, dit-il, je ne
( 419 )
pourrais me persuader que le Dante se soit ainsi traduit
lui-même en refaisant en italien les premiers chants déjà
écrits en latin.
En 1504, le Dante composa, dans un latin plus pur que
celui de ses contemporains, son ouvrage de Vulgari eloquio
sive idiomate (1); ouvrage d’un proscrit forcé de parcourir
les divers États de l'Italie et étudiant leur langage; livre
d’un homme de goût qui a déjà dit qu’il faut fonder la
langue italienne (2). Comme il a déjà été remarqué, le Dante :
avait commencé également en latin une ébauche impar-
faite de quelques chants de l'Enfer; mais ses premières pro-
ductions poétiques en langue vulgaire lui avaient fait con-
naître qu'il avait plus de puissance dans cet idiome : le
génie de la poésie, trop resserré dans la langue latine dont
l’'illustre exilé ne possédait pas bien les expressions éner-
giques, l’avertit qu’il devait confier ses chants et le soin de
sa gloire à un idiome nouveau (5). La postérité ne peut-elle
pas se féliciter de cequ’il ait suivi si noblement sa vocation ?
(1) Balbo prouve que cet ouvrage a été écrit en 1304, et non pas peu de
temps avant la mort de l’auteur, comme Boccace le prétend. Voyez ouvr. cit.
t. II, p. 109.
(2) Artaud, ouvr. cit., p. 181.
(5) Artaud, ouvr. cit., p. 144. — Nous aimons à citer encore ici une ob-
servation de M. Albert de Broglie. « Si, dit-il dans un travail sur /e moyen
âge et l'Église catholique, la Divine Comédie était écrite, comme on dit
que le Dante en eut un instant l'intention, dans la latinité du moyen âge,
elle nous paraïîtrait aujourd'hui, comme quelques-uns des damnés dont elle
décrit le supplice, chargée d’un manteau de glace. Grâce à la liberté d’une
langue populaire et cependant déjà élevée par l'étude à un rare degré de
noblesse et de clarté, tout vit, tout se meut dans l’Alighieri, avec une fran-
chise inconnue à la littérature du moyen âge. Pour la première fois l’Europe
moderne revoit les traits de la vraie beauté littéraire. » Revue des Deux-
Mondes, 1852, t. IV, p.156.
( 420 )
Je n’ai pu lire sans éprouver une vive satisfaction, sui-
vie d’une impression plus ou moins pénible, un remar-
quable passage du rapport de mon savant confrère M. Bor-
mans : « Le Dante, dit-il, fut un grand poëte et un poëte
populaire dès qu’il parut , parce qu’il était le premier de
sa nation qui eût produit quelque chose de grand. La
postérité a consacré sa gloire, parce qu'à travers ses
défauts qu'elle a mis sur le compte de son époque, son
génie continue à briller d’un éclat qu'on ne peut mécon-
naître. Sous ce rapport, il est pour l'Italie moderne ce
» qu'Ennius fut pour les Romains du siècle d'Auguste :
Ven ° Ùi A "+
Ennius ingenio maximus , arte rudis.
Mon savant confrère me permettra de lui déclarer que je
ne puis, sous aucun rapport, admettre la justesse de cette
comparaison.
C'est perdre son temps, dit Balbo, de comparer les
esprits relativement médiocres avec les esprits véritable-
ment grands; il est plus court, plus à propos de comparer
sur-le-champ ceux-ci entre eux. Ayant à parler de l’auteur
de la Divine Comédie, Balbo pense qu’on ne trouvera peut-
être pas plus de deux poëtes, Homère et Shakespeare,
qui soient comparables au Dante. « Ils ont de commun,
dit-il (1), ce mélange de quelques défauts et de beaucoup
de qualités. Tous trois enfants de siècles sortant à peine
de la barbarie, ils en empruntèrent leurs vertus de jeu-
nesse, la spontanéité, la liberté de génie, un style à eux,
amour, la force et la simplicité. Ils en reçoivent en même
temps leurs défauts de jeunesse; ils manquent de ce goût,
(1) Ouvr. cit , tom. IE, pp. 174 et suiv., et Artaud, ouv. eit., p. 210.
(421 )
de ce poli, de cette proportion qui, dans les littératures
et les hommes, sont les fruits des seconds âges, comme
dans toute œuvre ils sont les fruits des seconds travaux.
Ces défauts nous heurtent moins dans Homère, soit à
cause de cette grande vénération qui s’est accumulée à
travers les siècles, soit à cause du respect qui lui est
acquis dans le cours de nos études; mais ils blessèrent
Horace, l'homme le plus éminent par son goût dans l’âge
le plus-civilisé des anciens. Homère est le plus grand poëte
de l’origine des lettres; le Dante et Shakespeare sont les
plus grands du temps de la renaissance : Homère le plus
profond dans la civilisation antique; le Dante et Shakes-
peare grands ensemble dans la civilisation chrétienne. De
la différence des âges proviennent les différences de leurs
défauts et de leurs qualités. »
Au sujet de certains défauts de la couronne poétique du
Dante, M. Fuss a soulevé plus d’une question, plus d’une
observation critique. Sont-elles toutes bien fondées? L'exa-
gération d’une vive admiration a peut-être provoqué chez
lui certaine exagération dans un sens contraire. C’est une
excuse qu'on peut faire valoir en faveur de M. Fuss.
On reproche au Dante d’avoir usé trop largement de
l'allégorie; mais, après tout, c’est le défaut ou la qualité
de son époque. Le moyen âge avait un goût dominant pour
l'allégorie. La Divine Comédie est remplie d'aHégories,
presque toutes belles, quelques-unes médiocres, et bien
peu obscures ou mauvaises (1).
(1) Artaud, ouvr. cit., p. 215. — Balbo consacre en grande partie le
chap. 7 du tom. IL à la question des allégories du Dante; il pense qu'il faut
d'abord chercher le sens littéral, sans méconnaître cependant que, dans ce
sens, il peut en exister un qui soit allégorique.
(422)
Au reproche fondé sur la nature allégorique vient en-
core se joindre celui de l’obseurité.
D’après Auguste Schlegel (1), l'obscurité du Dante pro-
vient de son extrême laconisme, d'un langage suranné et
varié par des licences très-fortes, de mille allusions à des
détails historiques et biographiques, aujourd’hui peu con-
nus ou entièrement oblitérés, d'une sphère scientifique
différente de la nôtre; quelquefois aussi de la bizarrerie de
cet esprit solitaire qui, en tout, dans les expressions, les
métaphores et les comparaisons, évitait les sentiers battus ;
mais il n’y à jamais cette obseurité qui naît de la confu-
sion des idées et du style. Quand on a pénétré le sens, on
tient quelque chose de substantiel ; d’ailleurs les passages
restés ou devenus obseurs sont peu nombreux.
M. Lesbroussart nous a informé que, pour fixer le véri-
table point de vue sous lequel le Dante doit être envisagé
de nos jours, il a consigné le résultat de ses recherches
dans les notes jointes au texte de son rapport. Si ce tra-
vail, qui doit porter le cachet de la finesse de son goût et
de la profondeur de son érudition, comme tout ce qui
sort de sa plume, m'eût été communiqué avec le rapport
même, j'aurais pu me dispenser de faire le mien; je me
serais peut-être borné à une simple réclamation en faveur
de ceux qui sont traduits au tribunal de la critique et
prévenus, par un réquisitoire en vers latins, d’avoir porté
trop loin leur admiration pour le chantre de ‘la Divine
Comédie.
(1) Revue des Deux-Mondes , 1836, tom. VII, p. 401 , 4° série.
( 425 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
—
Dantis Divinae Comoediae poeticavirtus. Poëme par M. Fuss,
10
20
professeur à l’université de Liége.
Dius NUM QUID HABET, QUOD FAS SIT CARPERE, VATES ?
En versum, tibi, summa velit quid carminis hujus,
Qui satis ostendat, doctrinae, suavis amice,
Jam variae multis clarescens foetibus; isque
In criticis, te jure tui dicamus ut omnes
Dignum, mox critieum quem regem fama salutet.
Et pulchris studiis sic nobiliumque virorum
Reddis amore mihi regem, fera munera Martis
Inter, Nasonis tenuem dixisse beatam
Qui patriam fertur, genium Sulmonis adorans.
Et gravis et critica est, quam cernis, quaestio, quamque
À me tractari vis dudum, et, saepe rogato
Nunc instans, divina, rogas, comoedia Dantis
Quanti sit facienda; poetica, si quis, et una,
Quae laus ipsarum sit rerum, spectet; utroque
Carminis ut longi virtus examine constet.
Materies, fateor, pulcherrima : quaestio quam sit
Ardua, tunc satis reputaveris, ipse videbis.
Nam , si nil ultra quacras, quam, num mihi tantus,
Priscos quantus apud criticos, nostrosve, poeta ;
Et brevis et simplex sit perfacilisque profceto
Respondere labor; grave sed tu quaeris, amiei
Otia quod superet longe viresque seniles.
Ne tamen hic prorsus nil impetrasse queraris,
Ilius exiguum visum est mihi sumere partis,
Optima qua sine res frustra et pulcherrima ; magnus
(424)
Si vates vis audire, omne legique per aevum.
Ipsarum vero rerum virtute tenere
Cui satis est; vocem propriam numerosque poetae
30 Qui parvi facit; is placeat sibi jure licebit;
Vatem cur dicas, nil est, nisi sermo ligatus.
Ast ego, quae Dantis sit, quaero, poetica virtus;
Hic critico criticum, quo suevi, more modoque
Acturus; nil insolitum qui spiret, et inter
Nubila suspensus nolit fluitare, sed astra
Stans firmo spectare solo; quid Gœthe, recordans,
Quid Flaccus doceat, qui miscuit utile dulci
Lectorem delectando pariterque monendo.
Nempe, ut sit magna dignum mihi laude poema,
40 Quid poseam potius, quam; res, ubi nil vetat, ipsa
Ne valde placeat, felix accedat ut una
Tractandi ratio, purae quot suntque loquelae
Et numeri veneres? De quo, scis, credo, magistri
Quantum praecipiunt; nec me tentavit in istis
Quaerendi famam, nec tentatura cupido.
Quam vero pulchrum, seu longum seu breve, carmen,
Ante alios aequus censor mihi judicet omnes,
Inprimis sana qui pollens mente profundo
Cum pulchri sensu. Res autem si intucare,
50 Quid gravius dicas, prius optandumve poetae,
Quae faveat, quam scire, suae, quae discrepet arti;
Quam vitet, satis aut sit tangere? Saepe quod ipsos,
Queis felix nec deest linguae, nec copia rerum,
Nil eurare vides; quorum per rara volumen
Siqua tamen multa dignissima laude nitescant,
Pravorum moles, ne vivant, obruet; etsi
Olin fit, critici dum gaudent prava tueri,
Ut longum minima se vendat parte poema.
Singula, sed differt, pulchraene quis inserat, anne
60 Talem materiem tractet, paene omnis ut extra
Laus quacrenda, bonus qua sit magnusve poeta;
Exemplum cujus rarum dat musa Maronis.
70
80
20
(45 )
Sed nec, si nullum ducant aliunde decorem,
Versibus excludam, quae talia cunque, severus ;
Claris adscribat dum ne se vatibus auctor.
Sic operam, sine, ametque suam, meritaque fruatur
Laude, lyrae seu forte modis, quam voce soluta ,
Insignis lyricus patrios germanus ut inter,
Dicere quis malit, spondei, quaeve choraei
Sit vis in numeris; lymphatis sive medendi
Hexametris elegisve artem, legisve Quiritum
Exponat tabulas; functis, seu, corpora quaenam
Suprema reditura die; nunce qualia rari
Sunt sane metricis ausi committere formis.
In pulchro, dixi, quae sit mihi carmine felix
Materiae ratio; qua sis perfectus ab omni
Parte licet, summos tamen inter jure poetas
Non numerandus eris, nisi, virtus altera, rebus
Eximiis ars tractandi, sermoque beatus,
Miraque vis numeri eonspiret; nulla voluptas
Qua major magnis fuit aut dulcedo poetis.
Hactenus attigimus, quorum pars carmen ad omne,
Pars ad longa trahenda magis, quae nobilis inter
Aeterni Divina manet Comoedia Dantis.
Tu, mea de tando quae sit sententia vate,
Quaeris; cujus opus veluti genus omne, poesis
Quotquot doctores unquam statuere, refugit;
Nemo queat lyricum quod sanus dicere, nemo
Dramaticum; nec, epos, vero, cur dicere malis,
Causam repereris; nisi, quod narrantis, idemque
Sit longum, ex epicis ut sunt celeberrima; dii
Qualia Maconidae bina est mirata vetustas.
His licet adjicias non vanum ; scilicet, ulli
Magna quod ex epica veniet vix fama poesi,
Cui satis exiguo rem pulchram includere gyro;
Ingenii, unde patet, quanti sit condere vatis
Maeonii dignum musae certare. Quid autem,
Si Lamartini spatiis tibi finxeris orbem
TOME xx. — |'° PART. 29
100
110
1
4
0
0
( 426)
Immensis epicum ? eujus minimanr dedit ipse
Particulam, versus decies prope mille quaterque
Dum canit, aequa suae componens carmina venac.
Grande autem Dantis, causam modo vidimus, unde
Multum epicis sie distet opus, propius tamen his ut,
Quam reliquo dicam generi : quo rectius idem
Nos puto facturos, si, quam mirabile carmen ,
Quamque sit excelsum Dantis Comoedia dii,
Quacrentes, magnum, primum videamus, an illud,
Quamque habeat plene, critici quod carminis omnes
Nunc epici summum faciunt, quodque ipse poesis
Supremum, solis epicis propriumque poetis
Dicere non verear. Jam, si, suprema, requiris,
Illa mihi quaenam sit virtus, aspice, dicam,
Maconiden; qui praecipuae, per utrumque poema,
Personac mire varias res factaque nectit,
Ut coclum et terram referat manesque deosque,
Naturamque hominis moresque et fata, genusque
Heroum, famamque ; ut mundum denique, qualis
Humanis illo quantusque patebat in aevo,
Exhibeat. Laus est magnas haec scilieet inter
Maxima Maconidae; quique hane acquaverit omnem ,
Nec grajum, Latii vatem nec novimus ullum ;
Alti quin eliam hoc frustra tentasse Maronis
Ingenium videas. Medii, sed, quisve recentis
Hic cpicos inter conferri dignior aevi,
Quaerere non lubet. At, qui dissimilis sit Homero,
Ut nemo magis, hac, quam dixi, laude, poctam
Actatis nostrac nullum Messiadis ante
Auctorem referam. Medii, seis, quale sit, aevi
Quod sub principiis natum faciunt, Mibelunqum
Carmen, epos priscae Germanis nobile linguae;
Sacela per oblitum penitus, clari quod ovantes
In coclum critici, supra vel moenia mundi
Extollant ; magnus tamen illi Grimmius ipse
Virtutis, paucis modo quam laudavimus, umbram
140
150
160
170
( 427 )
Vix, credo, tribuisse ausit. Mundum, sed Homerus,
Mente suum qui complexus, mirabilis idem,
Quae possint, videt, utque velint tractata placere;
Ipsa, cavens, obsit ne copia ; neve poetae
Nil numeros habeat praeter, narransve, docensve.
En geminas, epicus quibus est insignis Homerus,
Virtutes : quarum praestare nec ipse priorem,
Quod supra dixi, potuisset carmine parvo;
Et multo minus angustum nunc cogat in orbem,
Excellat studiis licet ingenioque poeta.
Ut puro nebulae pendentes lumine solis;
Arbore cacruleis pallens ut imago sub undis ;
Sic illis distat virtus, quam serior aetas
Maeonidae tribuit. Nam, nulla ut vatis abesset
In mundo facies vitae; vulgata deorum À
Non parvam merito, partem hic quam tangimus unam,
Religio tenuit; qua grajae turpia gentes
Plurima miscuerant, omnis gentilis ut orbis.
Christicolas nec vero inter non multa pudenda
Per medium viguere aevum, nostrove supersunt;
Quae tamen hic illis nolim componere; quamvis
Ad rem, quam tracto, non uno nomine vere
Pertineant. Hac Maconiden ut labe sophistae
Purgarent, allegorico coepere profanum
Vertere verborum sensu ; placuisse quod illis
Ne mirere nimis, sententia, sunt, ubi sana
Nulla est, ni propriam mutes; quaccunque poetae
Mens fuerit. Longe sed differt, hoc fatearis,
Anne allegoricas res personasque labores
Fingere, per longum referas quo singula carmen.
En duplex opus, en fungentes munere voces
Ambiguo ; velut, exemplum sumatur ut unum :
Si verbis stamus, claudam credemus Olympo
A Jove dejectam sobolem; si, patre deorum
Quod mage sit dignum, volumus dixisse poetam ;
Quid proprius sensus possit simulare, videndum.
(498 )
Non parvus labor hic, numen si factaque divum
Intra constiterit : quid, si per cactera sensum
Sie geminum fingat? Sexcenta volumina, nempe
Materies, qua condat, erit. Distractus at ipse
Auctor quid fiet? Suavis quid fiet Homeri |
Aurea simplicitas, critici sub acumine docti
In sophiam conversa gravem? Ne singula longus
Persequar ; immensa est genus ipsum quaestio; vix ut
Hac gravius quidquam tractet doctrina pocsis;
180 Quo minus intactum linquam, dum quaero, poctae
Qualis sit prisci virtus. Sed, quid genus ipsum
Carminis ad longi laudem, me judice, possit
Addere, si quacras; aversis hunc ego dicam
Grande opus aggressum musis, allegoriarum
Quem sine deliciis nulli sit volvere gratum.
Aevi inter medii vatum fastidia partes
Sed genus hoc largas, nosti, plerumque reposcit ;
Quo magis in causis numeres, oblivio longa
Quare condiderit celebrata poemata multa :
190 Quae tamen in lucem nostrae, nova cuncta volentis,
Aetatis revocat genius; rursusque virorum
Doctorum labor esse probat sua fata libellis.
Ad Dantem redeo, qualisque poetica vatis,
Quantaque vis, partem selectam quam mihi dixi,
Hinc ostensurus, praemissis, censor honeste
Queis, norma ut, nitar. Verumque modumque colenti
Sic veniam det fama viri, quam crescere in horas
Nonne vides, claris ceu conspirantibus omnes
Per gentes criticis; germani tempore nostro
200 Supremae quales sophiae finxere magistri ?
Quanti sit, qui quaerit, opus; rem sive vel artem,
Vim sive ingenii raram, seu spectat utrumque ;
Pluribus aut uni saltem, genere in pare noto,
Conferet; hoc ipsum sed si Divina negarit,
Mirum non fuerit, Comoedia; quippe remota
Cunctis, ut dixi, doctrina poctica quotquot
210
220
230
240
(429)
Distinxit species. Sie vix inveneris ullum,
(
Quem, parvum magnumve, velis componere Danti;
Quo mage difficilis labor hic; sat reddere ni sit,
Notis quae criticis nunce stet sententia. Verum,
Qui nulli, scenae ceu gloria prima Britannae,
Se similem voluit, non jam fecisse minoris
Hine ausis; quanquam merito suspectus habetur,
Qualis sit, donec perspexeris , ire recusat
Qui tritam doctisque viam elarisque poetis ;
Quippe, novum nil praeter amans , monstrosa, videres,
Saepe ut parturiat, stolido placitura popello,
Et, si quis dignus, jactet qui talia, censor.
Nempe hic indignor, docti quandoque vel ipsi
Hoce agitant critici, nimis aut obscura, remota
Aut pulchri procul a sensu, nullique ferenda,
Turpia qui nolit, quamvis distincta decoris,
Ut quocunque modo laudent; ceu, carduus in quo
Horreret, campum quis haberi vellet amoenum ;
Rara quod in foedo niteat rosa. Quid, quod iidem,
Credere si nolis, mirum non esse, reponent,
Putida si cui sint, quae non intelligat? Hacc frons
Dura sibi sapiat. Quum plura placent, ego paucis
Ignoseam maculis; in magnis sed mage laedunt,
Quum mala multa, viris; in queis sua mansit, et alto
AEternum sacrata manebit gloria vati.
Dantis at hine dotes expendens, quid prius illa
Tangam, virtutes epici quam carminis inter
Jam mihi praecipuam dixi, longeque videri?
Namque, novus ceu Maconides, sua saecula Dantes,
Gentemque et mundum, complexus; seilicet haec est
De multis celsae laus maxima mentis, et, in qua,
Cactera discordes, seu non, videas tamen omnes
Consentire fere criticos; hoc quos habet aevo
Multos ille quidem; nusquam sed, nec, puto, plures,
Nec celebres mage germanis ; quorum, patrios si
Binos excipias, unum gentisque britannae,
(430 )
Nullius in laudem vatis par extitit ardor.
Ulterius, nec jam, quo progrediantur, habebunt,
Immensum, deus ut, quibus est Comoedia, nulli,
Mundus ut, humanae non impenetrabile menti ;
Quippe canens, terrestre deus qaodeunque creavit,
Aeternum ut, culpis Christi sub lege piatis,
Ad fontem redeat felix. His addere possum
250 Haud minus arcanum; nam plastica prima vocata est
Pars operis; mire ceu picturata secunda,
Tertia suave modis animum, ceu musica, mergens.
En critieum tibi, qui, coelo cognatus et ipse, | ;
Mystieus expendat, terrae solatia, vates;
Quemque putes, Dantis qualis sit quantaqué virtus,
Historico elaro digne monstrasse Leoni; e
Talia ni vano potius praeconia capti,
Quam recto, eredas. Equidem, impenetrabile quin sit,
Non dubito, deus ut mundus; sed, quomodo, pulchre
260 Quod componit homo, par ut nil fingere detur,
Humanae sit opus tamen impenetrabile menti, |
Me latuit, fateor. Laudem quam Dantis et ipse |
Praccipuam feci, non pugno, maxima ne sil;
Mox dicturus, eo quid nomine distet Homero.
Cactera si quaeris : per terna volumina fusa,
Membra tot ad corpus bene quam digesserit unum;
Temporis ingenio coalescat ut omhe poema ;
Cur Maro dux, eur Papinius, eur lecta Beatrix ;
Ut deceat Christi gentilis religioni
270 Passim mixta, profana sacris; ef plurima quae sunt;
Mirus, ubi, mage sit, quaeras, pulcherne poeta;
Ipsae, seu , quae res, et quanta licentia quidquid
Fingendi, spectes; seu, singula quomodo dicat;
Quis sermo, numerive, et quanta licentia fandi :
Haec equidem, ut decuit, perpendi, rite poetam,
Nec non censores veteresve novosve revolvens;
In queis quae recte, quae non, mihi visa notari,
Hic longum; et criticis, pridem scis tute, magistris,
(451)
Et nullis nimium suevi tribuisse sophistis.
280 Unum sed tamen est, quod eur non praetereamus,
Causa subest gravior. Nam rebus plurima Dantis
Personisque insunt, alia defendere nulla
Quae ratione queas, quin tanto indigna putentur
Ingenio; criticos, nisi, quod fecisse videmus,
Tu pariter facias; cura hic queis maxima longe
Res allegoricas exponere; mensque, docere,
Quam sublimis in his, quamque hac quoque parte verenda ,
Quae Divina canit sancti Comoedia vatis.
Quem, sane vereor, nimium hoc ne nomine tollant;
290 Nec, eur hic ingens laus sit, quod saepe poetis
Grande vel in magnis vitium, justas mibi quisquam
Explicuit causas. Genus id, sed, quale sit ipsum,
Quantumque ad pulehrum valeat conferre poema,
Maconidae supra virtutes tangimus inter.
Ilius at Danti summam quod defero lauden ;
Cantor uterque suum quoniam complectitur aevum ;
Non metuo, ne me minus expendisse rearis,
Ilorum queis dissimiles, discrimina, mundi,
Nec vero magis est, cur causas enumerando
500 Te morer; ut mihimet sim seilicet autor ineptus.
Mille modis nostro medium, quis nescit? utrique
Longius at differt aevum, quod pandit Homerus.
Nec modo, si totum geminis in vatibus orbem,
Sed pariter distant longe, si singula confers,
Quas tractant, rerum; queis hic, queis partibus ille
Sit multus, rarusve, intactas quasve relinquat.
Cernere quo facile est, angustus mundus Homeri
Plenior unde tamen, quam, Dantis grande poema
Quem canit; immensi prudens dum plurima mittit;
310 Nempe sui quae propositi non esse videret.
Materiae sed me faciat ne copia longum,
Ingentem binis includam versibus, addens :
Illi sors hominis stat finis, regnaque Christi;
Hic fida gentile refert sub imagine sacclum.
(432)
En tibi, s , cano pridem, quid judice fidis,
Dantis nunc criticos male quae meminisse putemus;
Ultra, quod satis, hune dum laudant, dumque minores
Hinc alios ducunt; de multis fecit ut ille,
Altior immensum est cui Dantes, visa renarrans
320 Somnia, quam Ditis Maro sedem, umbrasque nocentes,
Elysiisque canens felices vallibus; illi
Hie licet inferni dux missus coelitus. At nos
Pergimus etrusco chium contendere vatem.
Quorum si in rebus tractandis respicis artem,
Maconiden cernes, quae factis cunque remiscet
Praecipuis, vel quae personis, omnia suetum
Sic tractare, volens, quo ducat, ut usque sequaris;
Quantumvis minimis, tamen ut teneare; nee usquam
Ambiguae frustra tortus stomachere loquelae,
350 At contra Dantes inspergere plurima gestit,
Possintne, aut quonam pacto conjuncta, placcre,
Securus; veluti contentus nectere quali
Cunque modo partes, operis distinguere rite
Quas ordo ratioque jubent. Persaepe recepit
Quin etiam, plane quibus est aliena voluptas,
Omnis quam propriam sibi poscit jure poesis.
Parte operis prima sed culpa est rarior ista;
Nempe, quod in reliquo doctrina scholastica gignit :
Taedia, multorum, numeris quae libera malles,
340 Interpres; moesti at contra poenisque tremendi
Cantibus inferni regnat, quae plastica dicta
A criticis, virtus in magnis prima poetis.
Quippe mage haec nostrae cum laetis tristia gaudet,
Quam non visa canens coelestis praemia gentis :
Par quibus esse nihil, quidquid conceperit unquam,
Mortalem deus ipse monet. Sed fingere, veri
Queis conferre nihil possis, uteunque, relictis
Terris, angelicam te vates ducet in aulam,
Nec tanti ingenii est, quanti plerumque putabunt,
350 Credula queis aut aegra vagis mens pascitur umbris ;
(435)
Nec facile, in nostro sensuque animoque remotis,
Quid rectum sit, discernas ; res denique inanes
Nullae non parient fastidia. Forsan et ipse
Hic causam videas, clari Messiada vatis
Quisque fere eur mirari, quam evolvere, malit,
Sie doctis, nemini, criticis placuisse; nec ulla
Causa mihi major, eur, quanta poetica Dantis
Sit vis, énferno pateat; quamvis minor hac in
Parte locus sophiae; longum qua saepe laborat,
360 Ut dixi, carmen; doctrinae plastica virtus
Nempe ubi deest. Sapiens diversas censor in omni
Has dotes norit discernere rite poeta;
Nam magnis sane sapere est et seire necesse ;
Ad pulchrum carmen neutrum sed suflicit ulli.
Praecipue nobis hic quae memoranda, quis autem
Nesciat, ipsius Dantis nisi nominis idem
Famaeque ignarus, totum quae sparsa per orbem ?
Inferni inseriptis portae quid celsius? aut quo
Tantum contremuit mortalis fulmine linguae ?
370 Francisca, cui non doluit, narrante, poeta
Queis eadit exanimis, tenerae miseratus amores ?
Christicolae nempe in chartis nil pulehrius extat ;
Nec gentilis erat quidquam par fingere musae,
Quis non horrescit mirans infanda querentem,
Se natosque ut dira fame vindicta necarit?
Quid nostri praeferre velis, mundive prioris?
Quid Iyra, quid tuba majus habet, grandisve cothurnus?
His addi longo quae sint in carmine digna,
Ad finem mitto properants inquirere; multa
580 Nec, puto, repererit censor non vanus, at idem
Plurima, quae, nulla quamvis insignia dote,
Quo capiatur, habent. His insunt illius aevi
Historiae multae, multae, quibus ipse pocta
Miscetur; sunt ingeniose, sunt et acute
Dicta; nec insolito gaudentis plurima desunt,
Solum quae Dantem deceant; unde hace magis illi
400
410
(434)
Mirantur eritici, primis in dotibus ejus
Qui ponunt, tantum quod opus cum tempore vatis,
Indole, persona, penitus concreseat, ut omni
Quae concors numero naturae vivit imago;
Organicum proprie quod vulgo dicimus; at nune,
Et tropieus criticis est verbi plurimus usus,
Cactera tractatis bene rebus, plena voluptas
Quo sit, sermonis, jam vidimus ante requiri,
Ut par sit virtus; quam culta in diteque lingua
Qui nequeat praestare, hune dimidio.velut artis
Mancum jure voces; at pauper et horrida cujus
Contigit ingenio, pulchre ceu nescia fari;
Sive rudem felix formet, seu ditet egenam,
Ingentes mereat laudes. Eadem tamen hic est
Cunetis conditio, studio plus arteve nemo
Ut possit, seriptor quam possit maximus unus ;
Gloria nec minor est, post illum magna laboris
Si superet moles; sermo dum talis, ut omni
Ingemo pariter respondeat. Adjice, nullum
Quod recte dices opus excellentius omni,
In quo, qualemeunque ob causam, lingua sit impar,
Egregias res, seu tractandi respicis artem.
Ad Dantis quae si referas sublime poema,
Non dubitem, nimios quosdam quin hie quoque in illo
Vel claros inter criticos fateare fuisse.
Scilicet, in patriäm quamwvis insigne loquelam
Sit vatis meritum; justum verumque volentes,
Mirer, ni mihi dent, tantum praestare Petrarchae,
Ac mage Torquati linguam diique Ariosti,
His Dantem binis saeelis aequare priorem
Doctus uti nequeat judex, et, qualis utrinque
Sit sermo, reputans. En, eur, hie caetera mittens,
In queis lingua nihil vetuit, ne saepe poeta
Non paulo nobis Dantes perfectior esset,
Hoc saltem teneam : quale est comoedia, si quis
Nunce edat carmen, vel linguam propter, in illis
(455 )
Nemo neget simile hac nil esse actate ferendum,
Dantes queis jure est magnus celsusque poeta.
Quod multi, nempe hic pejori debuit aevo,
Cunctis ut sero venientibus anteferatur ;
Utque satis, quam sit magnus, dignoscere docti
Vix ipsi valeant. Criticos quo justius ores,
Ingenium vatis male ne cum earmine, quale
450 Nunc est, confundant ; tantum neve hoc sibi fingant,
Quantum ne faceret, Danti multaeque gravesque
Obstabant causae; merito ne multa reprendi
Posse negent; in queis unum licet hie grave ponas,
Sacpe adeo quod res, aut verba recondita, nemo
Ut non desperet; vatem ne denique fingant
Non modo mente, suo qua major tempore, mundum
Christicolam quaceunque agitabant, pectore condit,
Quavis eximium summi sed dote poetae;
Par operi cujus nil nec sperare futurae
440 Sit fas aetati, nec viderit ante vetustas.
Qui critices, sophiae fama qui crescis alumnus,
Jamne vides, quo me ducat comoedia Dantis?
Primo quem versu, talem quia sentio, dium
* Ipse voco; mihi me post ne pugnare rearis;
Neve viro quidquam indignum dixisse verendo.
Sed, laus ne lacdat, num quid prius esse putares,
Laudandi quam nosse modum ? Laudare maligne
Ne qua parte tamen videar; defendere quo me,
Dic, mage teste velis, quam, qui popularis, et idem,
450 Quantum sanumque et justum, doctumque decebat,
Mirator vatis? Plures Tiraboschius inter
Hie mihi sit, Tanti quid laudet, quidve reprendat,
Ingenii criticus; nostro queis maximus auctor
Judicio distet, queis congruat, ipse tuere.
Ilum, etsi brevis hie, momenta nec omnia pendit,
Quaestio queis constat; eunétis longe tamen unum
Praetulerim, vanae nostro Dantes quibus aevo
Materies famac; quo tollant altius illum,
( 456 )
Tanto, dum sperant, mage nos miremur ut ipsos;
460 Vatis qui mystae nobis arcana recludant.
Paucis sed genus hoc jam rite notavimus ante.
Commodus hic locus est addenti, quod nee inane,
Crede mihi, leve nec nimis est. Nam laudibus inter
Qui Dantis nimii nune sunt, plerique poesis
Multis neglectae saeclis, ac paene scpultae,
Miro, ne dicam caeco, ducuntur amore,
In nova jurantes musae praecepta; sed illi
Nune in nonnullis par se conjungit amori,
Acvi quae medii gliscit damnosa cupido.
470 Hæc adco multis est unica, primave causa,
Dis cur Dantem aequent, id agentes scilicet, illud,
Quantus sit vates, tantum videatur ut aevum.
ujus quae bona sunt, ita sanis demus amare,
Ut paveant mala; christicola ne rursus in orbe
Tetra superstitio regnet ; quam reddere velle
Acvo cum medio, redeat quo laetior aegro
Sors mundo, quidni stultumque et turpe vocetur ?
Artibus at pulchris, si gothica templa tacemus,
Aevum quid medium referet? Ne caetera quaeram ,
480 Grandibus eloquii quid magnum foctibus addet ?
Quam sortem faciet monacho sub Apolline Musis ?
Nonne vides, olim mundo quos ipse futuro
Exemplar pulchrae voluit deus esse loquelae,
Ut pictas insulsa gemat per saecla magistros,
Grande nefas! fandi nostrae mansisse juventae ?
Quid fiet, medii mens haec ubi vicerit aevi?
Nempe fere palmam mediocria, turpia nempe
Saepe ferent; alma tenebrae quum luce repulsae,
Qualem barbariem quondam fugere potentes
490 Ingenio studiisque viri, grajos latiosque
Dum miro vates una amplectuntur amore.
Additus his recte an vulgari carmine Dantes,
Quaestio non simplex; plus jamque ego candidus, altae
Mirandum mentis laudans carpensve poema,
( 457 )
Quam volui, dixi. Careat quae fine, patere
Materiem cernis; minimam satis esse putavi
Unde mihi partem; parvi duxisse, roganti
Si gratum facerem, ne possim jure videri.
Nec tam curo, meo multum an moveare libello,
500 Quam, versus valeas ut tot perferre latinos.
Sed linguam Latii seribens quoque, scis, ut amarim,
Ingenio stulte discors, quo vivimus, aevi.
Morbus cuique suus; meus hic. Meliora secutus,
Littus arare senem patiare ; usumque ligato
Sermone excuset Flaccus; mage mente modisque
Quo mihi suave nihil. Criticas hic versibus ipse
Implevit partes; Romanum Teutonus in queis
Rite, vide, pravane sequar. Sed Flaccus, et illis
Eximius, nomen negat hince se velle poetae;
510 Nec, mihi ne poscam, metuas; versus, licet omnes,
Qui faciunt, semper sic eodèm nomine dicam,
Ut Galli dominas dicunt quascunque maritas.
Hic finis fandi mihi sit; tu vive valeque.
—
‘NOTES. — Erisrozau sua, DE Danris Divina COMOEDrA DISCEP-
TATIONEM, LECTURO J.-D. Fuss.
In hac epistola, quam, ut Horatii ad Pisones, poeticam, utpote
poetica, eaque versibus tractantem, adpellare potes, minime
id agebatur, ut Divinae Comoediae qualis quantaque sit mate-
ries, nec magis, ut tres poematis partes, earumque ad unum
opus conjunctio, nec denique, ut mens auctoris, summaque ,
lanto in carmine, propositi illustrarentur : qualis disputatio
neque angustis epistolae meae finibus includi potuisset; nec
vero necessaria mihi erat, ad hominem doctum, eundemque
dantianae poesis bene gnarum, hoc solo proposito seribenti, ut
meam de poetica Divinae Comoediae virtute sententiam quam
brevissime, sed satis tamen et explicarem, et probabilem quoque
( 458 )
redderem. Hoc igitur praestare conatus, ex immensa longissimi
poematis materia, cujus et magnitudinem et religiosam sancti-
tatem agnoscebam, paucissima tantum sive memoravi modo,
sive aliquatenus illustravi; quae scilicet a poetica pulchritudinis
ratione, quam mihi partem tractandam selegeram, prorsus sepa-
rari non possent. Caeterum, crilico munere ita functus sum,
ut aliorum me auctoritas, quo minus meam sententiam profer-
rem, non facile impediret; quod ut facerem, vel sola servanda
disputationis meae brevitas suadere debuit. Quod autem decriticis
nullum praeter Tiraboschium (versu 451) nominavi, idemque reli-
quos non singulos, et plerumque, quid in illis mihi displiceret,
indicandi causa memoravi; mirum non foret, si cui nullum, aut
paucissimos certe, nec quenquam ex illis legisse viderer, qui cele-
brioribus Divinae Comoediae criticis nuper, viri profecto et doc-
tissimi et eloquentes, accesserunt. Sed hac me suspicione facile
liberabunt tria, quae hic indico, opera, locique epistolae meae
ad illorum unum pluresve locos referendi. En operum titulos :
Dunte Alighieri ou la poésie amoureuse, par E.-J. Delé-
cluze. Dante et la philosophie catholique au XIII siècle; par
M-A.-F. Osanam; nouvelle édition, suivie de recherches nou-
velles sur les sources poétiques de la Divine Comédie. Louvain,
1847. De l'art en Ltalie. Dante Alighieri et la Divine Comédie ;
par le baron Paul Drouilhet de Sigalas. Paris, 1852.
Restant loci his cum operibus, ut modo dixi, conjungendi; quo
simul, ipsa a me lecta esse, manifestum erit.
Versus a ur ad 120, conjunceti versibus a 295 ad 313 Dantem
Homero, in summa utriusque virtute, comparatum exhibent;
quo Lrahere potes Osanami, pag. 358 et sqq.
Versus a 445 ad 193 et a 280 ad 294, sententiam meam de
allegoria, gravissima : illa Dantianae poesis parte, explicant;
quam fuse tractatam habes in tribus, ad quae has notas refero,
operibus; unde hic indico Osanami pag. 53, 157, 264, Dele-
cluzii 132, 140, 263, 453, 613.
Versus a 247 ad 262 Divinae Comoediae ab auctoris mente,
ES rss,
(439 )
uni proposilo immensam materiem componentis, sublimitatem
explicant; in qua adumbranda Germanicos quosdam scriptores
clarissimos, Dantem supra, quod fingi aut pulchrum aut divi-
num possit, extollentes, respicio. Caeterum, cum his, in eadem
admiratione, adeo fere congruunt recentissimi, quorum tres
nominavi, auctores, ut mihi quidem et hic multum a Germanis
traxisse videantur.
Versus 268 poetae duces, in iisque Beatricem nominat; de qua
copiose Drouilhet, in operis ejus parte inscripta Paradisus. Cf.
eundem pag. 158, et Delecluze, pag: 129.
Versus 328 et 453 miram in Divina Comoedia, nec minus
frequentem sive linguae sive rerum obseuritatem notant; de quo
Dantianae poesis si non vitio, macula utique non levi, cf. Dele-
cluze, pag. 128 et 616.
Versus a 530 ad 364 fere ad poeticam modo Dantis ingenii
virtutem , non ad singulos locos, referre volui. In hac autem dis-
ceptationis meae parte inprimis à recentissimorum criticorum
judicio, multisque nominibus dissentio; quo magis par erat, in
iis, unde sententiam meam tuerer, pauca inveniri; quo trahenda
operis Osan. pag. 7 et 48, Delecluze 4035 et 124.
Versus à 365 ad 376 insignes vulgoque celebratos Divinae Co-
moediae locos designant; ‘de quibus Drouilhet, pag. 346, 350,
364. Ad portam inferni pertinent, quae Osanam pag. 81.
Versus 585 ad singularem Dantis, sive in loquendo, sive in
fingendo, quin etiam sentiendo, insolentiae amorem refertur;
quo non male traxeris, quae notat Delecluze pag. 120, 124, 140.
Cf. et Drouilhet, pag. 311.
Versus a 593 ad 420 Dantem in Divina Comoedia lingua vul-
gari usum, eoque cum de gentis suae litteris egregie meritum,
tum gloriae suae aeternitati consulentem referunt. De hac laude,
ut maxima, sic minime dubia, eademque cum linguae latinae
ad scribendum usu conjuncta, operae prelium est cognoscere,
quousque, doctae sapientiae absurda delirisque propiora mis-
centes, progressi sint nostrae aelatis critici; sive illi Dantem
( 440 )
praedicent, sive Petrarcae persuasionem , de Africa sua aut
solam aut praecipuam clari poetae famam sperantis, satis mirari
pequeant; in quo inclytos fratres, Fred. et Aug. Guil. Schlegel,
duces utique non spernendos, multi secuti. Religiosae quidem
virorum disertissimorum pietati quid, in quaestione, quam hic
tango, placuerit, placeatque, ut perspiciamus, quid prius lega-
mus Drouilheti pag. 535 et sqq.? Ubi equidem in versibus (1)
Dantis, Divinam Comoediam nondum lingua vulgari, quam
latina, componere malentis, causam caeteris addendam video,
eur maximus ille poeta sapienter fecerit, latinae linguae renun-
tians; qua scilicet satis recte, ne dicam eleganter suaviterque,
nec Dantes, nec quisquam illi tempore aequalis scriptor, quod
sciam, usus est. Drouilheti vero hic prope mystica verba habes:
Une révélation soudaine l'éclaire ; il sent qu'il a fait fausse route,
et que, par ce chemin (latine scilicet scribens), il descend dans
la mort au lieu de monter dans la vie : quae, videant alii, quo-
modo criticum deceant, qui, sicut alii plerique, et recte, multus
est in Homeri cum Dantis poetica excellentia conferenda. Equi-
dem, si e Drouilheti verbis res dirimenda, eur Homerus multis
ante nostrum saeculis poetice mortuus non sit, fateor me non
intelligere; nec vero magis intelligo, eur Dantes Divinae Comoe-
diae principium longe aliud latina, quam lingua vulgari, facere
coactus fuerit. Sed enim inateriem me ingressum sentio, de qua
praestet hic nihil amplius, quam non satis, dicere; idque eo
magis, quoniam eandem in seriptis meis et saepius attigi, et in
uno copiosius sum persecutus.
Vulgarem autem linguam praeferens Dantes, eo citius meri-
toque popularis nationi suae, sive mavis generi humano,
poetae laudem nactus est. Qua in re duo mihi inprimis conside-
randa videntur: alterum, quod illa laus in summis poetae nu-
(1) Ultima regna canam, fluido contermina mundo
Spiritibus quae lata patent, quae proemia solvunt
Pro meritis cuique suis data lege Tonantis.
(441 )
meratur, quem non semel vulgo neglectum esse constat; cujus-
que Divinam Comoediam qui vere legerint, fortasse in Italia non
triginta homines esse, Alfieri, hujus saeculi initio, dixit (vide
Drouilhet. pag. 608) : alterum, quod ejusdem poematis longe
maximam virtutem in rerum, et artis, qua ad totum compo-
nuntur, majore, quam humana, sublimitate critici velut uno ore
plerique posuerunt; qua virtute nihil a vulgi sensu et intelligen-
tia remotius cogitari posse, quidni existimes? Haec igitur duo
intuenti, nonne statim patebit, ut poetae popularis laus Danti
vere honesteque tribuatur, plurima in re tam vaga expendi et
discerni oportere : quae criticorum nonnullorum sagacitas quin
luculenter exposuerit, non dubito quidem; sed, quid de ea re
egregie animadversum legerim, reputanti in praesentia nihil suc-
currit.
Versus a 424 ad 440 eos, qui modum nescire in Dante admi-
rando mihi visi sunt, ne nimium laudando ejus gloriae detrahere
magis, quam adjicere pergant, precantur. De qua re vide inpri-
mis Drouilh. pag. 482 et sqq.
Versus a 462 ad 492 eos attingunt, quibus, cur Dantem supra,
quidquid vatum aut fuit, aut est, extollant, una, aut prima
causa est aevum medium reducendi desiderium; quales an hodie
vigens religiosa pietas protulerit, in diesque proferre pergat, me
tum aliae res multae, tum vero opera, ad quae notas hasce re-
tuh, non sinunt dubitare.
TOME xx. — Î"° paRT. 50
( 442)
VARIÉTÉS HISTORIQUES (1); par M. Gachard, membre
de l’Académie. :
VII.
Sur l'abolition du conseil des troubles, institué par le duc
d’Albe,
Lorsque je présentai à l’Académie ma notice sur le
Conseil des troubles (2), je n'avais, malgré toutes mes re-
cherches, pu découvrir la date précise de l'abolition de ce
tribunal extraordinaire, ni l’acte par lequel il fut aboli :
aussi je supposai qu'il avait été Supprimé de fait, à la suite
du mouvement populaire dirigé contre les membres du
conseil d'État suspects d’espagnolisme, le 4 septembre 1576.
Aujourd’hui je suis en état de combler cette lacune, et
c’est un des registres des archives communales de Bruges
qui m'en à fourni le moyen. Le Witten-Boeck À contient
des lettres patentes (3), données à Bruxelles, sous le nom
de Philippe IT, le 2 mai 1576, qui portent cassation du
conseil des troubles, et ordonnent en conséquence le
renvoi au conseil de Flandre de toutes actions et causes,
civiles et criminelles, concernant cette province, dont le
conseil des troubles devait connaître. D’autres lettres
(1) Voy. les Bulletins, t. XIX, 5° partie, p. 163-179.
(2) Voy. les Bulletins, t. XVI, 2° partie, p. 50-78.
(5) Elles sont au fol. 158 v’.
( 445 )
patentes de la même date (1) abolissent le 10° et le 20°
denier.
Les états de Flandre avaient subordonné à l'expédition
de ces deux actes l'accord qu'ils venaient de faire d’une
somme de 2,600,000 livres, pour tenir lieu de leur quote-
part dans la subvention demandée en remplacement du
10° et du 20° denier, et d’une autre somme de 1,200,000
livres, à titre de rachat du second centième denier con-
senti à la demande du duc d’Albe.
VITE.
Médaille instituée pour récompenser les services rendus à la
patrie, lors de l'insurrection contre Philippe IL.
Voici un fait que je ne crois pas Connu : c’est l’institu-
tion, à l’époque où les Pays-Bas se soulevèrent contre
Philippe Il, d'une médaille destinée à récompenser les
actions d'éclat et les services rendus à la patrie.
Un journal manuscrit des résolutions des états généraux,
que je possède, contient, à la date du 26 septembre 1578,
ce qui suit :
« Advisé de faire graver la forme d’une médaille, pour
de celle que l’on forgera faire présent à ceulx qui le mé-
riteront par leurs services faitz pour la patrie et estatz.
Et, pour adviser sur la figure, sont députez les pen-
sionnaires Imans, Provin, Vander Warcke et le maistre
des comptes Vande Bie. »
2
5 vw »%
(1) Elles sont aussi dans le H’itten-Boeck » fol. 154:v°,
(444 )
Je dois dire qu'il n’est plus question de cette médaille
dans les résolutions subséquentes : ce qui laisse des doutes
sur le point de savoir si elle fut réellement exécutée. Les
savants numismates que l’Académie compte dans son sein,
sauront bien, au besoin, faire cesser toute incertitude à
cet égard.
IX.
Contestation diplomatique entre la Belgique et la Hollande,
au XVII siècle, sur l'emploi des mots SIEURS ou SEI-
GNEURS.
La diplomatie est chatouilleuse sur les points d'étiquette.
L'histoire est pleine de contestations entre les puissances
de l'Europe, pour des questions de préséances, de titres,
de formules. Au concile de Trente, les légats du pape
eurent autant de peine à régler le rang entre les ambas-
sadeurs de France et d’Espagne, entre ceux du roi des
Romains et du roi de Portugal, du duc de Florence et des
cantons suisses , de la république de Venise et du duc de
Bavière, qu'ils en eurent à obtenir des décisions sur les
matières les plus épineuses de la discipline ecclésiastique.
Au congrès de Westphalie, des difficultés analogues arré-
tèrent pendant quelque temps l'ouverture des négocia-
tions, et la France et la Suède, quoiqu'elles fussent en
parfaite harmonie de vues politiques, cessèrent un mo-
ment de s'entendre, lorsqu'il fut question de rédiger le
traité qu'elles signeraient avec l'Empereur et l'Empire,
chacune d'elles voulant y être nommée la première. Wic-
quefort nous fait connaître la négociation qu'il entama
( 445 )
lui-même à Paris, en 1647 , afin que Louis XIV donnât à
l'électeur de Brandebourg le titre de frére; il rapporte
aussi les difficultés qu’il y eut, à Munster, entre les cours
de France et d'Autriche, sur ce que l'Empereur refusait
de répondre aux lettres où le roi très-chrétien , au lieu de
le qualifier de majesté, le traitait de sérénité seulement (1).
Le congrès de Vienne a fort sagement réglé tous ces
points, sources si fréquentes de disputes non moins vives
par la forme, qu’elles étaient futiles au fond. Mais cela
n'empêche pas que de temps à autre des discussions ne
s'élèvent encore en matière d’étiquette diplomatique. N’a-
vons-nous pas vu naguère l’Europe entière en émoi, et
agitée même de la crainte d’une conflagration universelle,
parce que, dans une correspondance entre deux puissants
monarques, l’un d’eux s'était servi d’une formule qui avait
blessé les susceptibilités de l’autre?
L'anecdote que je vais raconter peut être ajoutée à l’his-
toire des contestations diplomatiques.
Après la paix de Munster entre l'Espagne et les Pro-
vinces-Unies des Pays-Bas, et en exécution d’un des articles
du traité, une chambre mi-partie, composée de commis-
saires du roi Philippe IV et des états-généraux, fut établie
à Malines. C'était au mois de décembre 1652.
Dès les premières séances que tinrent les commissaires,
une grande discussion s’éleva entre eux.
Dans le pouvoir donné aux députés belges, il était dit,
en parlant des états généraux : Les S" états généraux des
Pays-Bas, le mot sieurs est abrégé. Les députés hollandais
(1) L'Ambassadeur et ses fonctions. Cologne, 1715, in-4°, partie I,
p. 419 et 430.
(446)
prétendirent que l'acte fût changé, et que le mot sieurs
abrévié fût remplacé par seigneurs ad longum. ls alléguè-
rent que, dans le traité de Munster, dans un autre conclu
peu de temps après, et dans l'instruction même de la
chambre mi-partié, leurs commettants avaient été quali-
fiés de seigneurs. Les députés belges répondirent que, dans
les deux traités invoqués, c'étaient les ambassadeurs qui
avaient parlé, non le roi ni l'archiduc Léopold (4); qu'on
ne devait pas tirer argument des exemplaires imprimés de
ces traités, où des erreurs pouvaient avoir été commises;
que, dans une procuration donnée, en 1651, pour la
conférence tenue en Flandre sur les limites, l’archidue ne
les avait traités que de S” par abréviation.
Les députés hollandais insistèrent, disant qu'ils étaient
traités de seigneurs par les autres princes. A quoi les dé-
putés belges répartirent qu’ils avaient vu des actes signés
de la main du roi très-chrétien , où les états généraux n’é-
taient qualifiés que de sieurs. 11 n’y avait pas moyen de
contester le fait; mais les députés des Provinces-Unies
soutinrent que, depuis dix ans et plus, la cour de France
donnait à leurs commettants le titre de seigneurs.
L'affaire fut soumise aux délibérations du conseil d'État,
à Bruxelles. On recourut aux archives; on écrivit à l’am-
bassadeur du roi, à La Haye.
Cet ambassadeur était le conseiller Antoine Brun, bour-
guignon , qui avait pris une grande part aux négociations
de la paix, et qui, selon Wicquefort, « estoit un adroit et
» un fort sage ministre (2). »
(1) Gouverneur général des Pays-Bas espagnols.
(2) L'Ambassadeur et ses fonctions, partie IL, p. 51.
( 447)
Brun fut d'avis « qu'on ne fit aucune difficulté de quali-
» fier les estatz généraulx de seigneurs tout au long, sans
» abréviature, car le roy le faisoit ainsi en tous les actes de
» ratification venus d'Espagne (1). »
Le conseil d'État exprima la même opinion (2).
L'archiduc Léopold donna des instructions, dans ce
sens, aux députés belges à Malines, et par là fut terminée
une discussion qui avait menacé, un moment, de faire
couler des flots d'encre.
X,
Sur les conférences pour le rétablissement des manufactures,
en 1699.
En 1699, l'électeur de Bavière, sur des représentations
que les états de Flandre et le magistrat de Bruxelles lui
avaient adressées concernant le tarif des douanes, résolut
de réunir des députés des magistrats des principales villes
du pays, assistés des fabricants et des négociants les plus
instruits de leurs localités, pour délibérer sur les mesures
propres à rétablir les manufactures et le commerce (3). Ce
congrès industriel se tint à l'hôtel de ville de Bruxelles.
Anvers, Gand, Bruges, Namur, Malines, Mons, Courtrai,
Bruxelles, Audenarde, Louvain, Limbourg, y furent repré-
sentés. Les résultats des discussions qui y eurent lieu sont
(1) Lettre du 12 décembre 1652.
(2) Consulte du 16 décembre,
(5) Il adressa aux villes, sous la date du 15 janvier 1699, une circulaire
que j'ai vue dans les archives de Louvain.
(448 )
consignés dans des procès-verbaux (1) qu’on jugera, sans
doute, convenable de publier un jour, car ils répandraient
des lumières sur l'état de décadence auquel était arrivée
l’industrie belge à la fin du XVIT*siècle. En attendant, voici
comment cette tentative de relever les fabriques nationales
était appréciée par le comte de Wynants, membre du con-
seil suprême de Flandre, à Vienne, —et dont les Mémoires,
quoique inédits, jouissent d’une grande réputation ,— dans
une lettre qu'il écrivait à un de ses amis à Bruxelles (2), le
7 juillet 1751 :
« Il y avoit, dans les conférences tenues en 1699, assez
de confusion, faute d’une tête d'autorité, qui présidât aux
assemblées. Ce nonobstant, les différentes propositions et
contestations donnèrent lieu à des idées qui auroient pu
être polies et rabottées dans la suite, pourveu que les cir-
constances et la situation des affaires de l’Europe nous
eussent favorisés. Notez cette dernière période.
» Tout le monde crioit commerce, fabriques, et nous
étions pas trop en état de les maintenir et soustenir
contre nos voisins, qui, en vue de la vie de Charles Il et
du défaut d'hériliers, dominoient.
» Le ministère du Pays-Bas n’ignoroit pas cette circon-
stance. L’électeur de Bavière avoit ses vues, qui ont ensuite
éclaté. On pensoit bien que ce n’étoit pas le temps de mettre
la main à un ouvrage si important et si contraire aux inté-
rêts de nos voisins : cependant, pour contenter et amuser
les peuples, on permit et autorisa les assemblées, et même
(1) Ils sont conservés dans plusieurs de nos dépôts d'archives, et notam-
ment aux archives de l'État, à Mons.
(2) L'avocat Creskens.
( 449 )
on fit un édit, avec titre d’édit perpétuel, qui est assez
bon (1).
» Nos voisins ne s’alarmèrent pas beaucoup de ces dé-
marches, prévoyant qu'elles auroient peu d'effet et de
suite; l'argent nous manquoit de tout côté; l'Espagne et
l'Empereur avoient besoin d'eux. La mort de Charles fut
précédée de différents traitez de partage, et suivie de la
guerre terminée par les paix d'Utrecht, Rastadt et Baden,
et, après tout, du charmant traité de Barrière.
» Voilà le fruit des conférences de 1699 (2). »
XI.
Sur les exécutions en Brabant, avant 1786.
Il existait autrefois, en Brabant, un usage particulier à
cette province. Lorsque, à la poursuite du procureur gé-
néral, ou de ses substituts, le conseil de Brabant rendait
une sentence portant condamnation à une peine afilictive,
ces officiers étaient obligés d'accompagner le condamné,
à cheval et en robe, depuis le palais de justice jusqu'au
lieu de l'exécution.
Aucun autre des officiers de justice du pays n'était assu-
jetti à cette formalité : ils se bornaïent à être présents à
l'exécution, sur un balcon , avec les juges. A la vérité, le
prévôt de l'hôtel et le drossard de Brabant se rendaient à
(1) Voy., dans les Placards de Brabant, t. VI, p. 450, l'édit du 1° avril
1699.
(2) Lettres autographes du comte de Wynants aux archives du royaume,
collection des cartulaires et manuscrits.
( 450 )
cheval au lieu de l'exécution; mais c'était moins pour y
présider, que pour commander leurs soldats et veiller au
bon ordre. d'aias
Au mois de janvier 1786, le procureur général de Lan-
noy représenta au comte de Belgiojoso, en ce temps minis-
tre plénipotentiaire pour le gouvernement des Pays-Bas,
qu’il lui était impossible de se conformer à cet usage : ear
il ne savait nullement monter à cheval, et il n’avait pas le
loisir de s'exercer dans l’art de l'équitation, tout à fait
inutile à la profession d'avocat qu’il avait embrassée. Il
demanda que, après être intervenu à la prononciation de
la sentence au conseil, il pût se rendre en voiture sur la
Grand’ Place, avec le conseiller commissaire, le conseiller
fiscal et le grellier, et assister avec eux à l’exécution des
criminels, du haut du balcon de la maison du Roi dite
Broodthuys.
Le conseil privé, consulté par le ministre, se montra fa-
vorable à l'innovation sollicitée par le procureur général.
Il ne voyait aucune utilité dans le maintien de l'usage
observé jusqu'alors. Certainement il fallait que le procu-
reur général füt présent aux exécutions, avec le commis-
saire de la cour et le conseiller fiscal, car il pouvait arriver
que, au dernier moment, un condamné eût des choses
importantes à déclarer à la justice; mais il n'y avait pas
de motifs pour qu’il s’y rendit à cheval, d'autant plus que
les condamnés étaient ordinairement escortés par un dé-
tachement de la compagnie du prévôt de l'hôtel, ou du
drossard de Brabant, ayant un oflicier en tête.
La décision du ministre fut conforme à la demande du
procureur général et à l'avis du conseil privé.
(481)
Inscription latine inédite, publiée et expliquée par M. Roulez,
membre de l’Académie.
Dans les fouilles qu’il fit exécuter à Majeroux, près de
Virton, au mois de mai 1845, M. Guioth, ingénieur en
chef des ponts et chaussées, trouva, entre autres objets
antiques, une petite plaque en bronze, portant une inscrip-
tion votive tracée en lettres ponctuées; nous donnons ici
le fac-simile de ce monument :
Le premier mot, si l’on s’en tient à la lettre, offre le
nom d’une divinité inconnue jusqu'ici; mais nous pensons
que LINO a été mis pour BELINO, et que l’omission de |
la première syllabe provient de la prononciation vicieuse
de ce dernier nom. Belinus (1) ou Belenus était un des
(1) Ce nom s'écrit plus souvent Belenus; mais la forme Pelinus se ren-
contre dans une inscription chez Gruter, p. 56; Zell, Delectus énser. Rom.,
p. 257, et chez Herodien, VIT, 5, p. 156,55, éd. Bekker: BéAuy d8 x Aodo1
robroy (rèv érimépioy Sedv), œéBouoi re Ürepyuëx , 'AréAAwya Eiyai
SédryTE:.
(452)
principaux dieux des Gaulois, correspondant à l’Apollon
des Romains. Il en est fait mention chez divers auteurs (1)
et sur plusieurs monuments épigraphiques déterrés dans
des pays habités par des populations celtiques (2). Belinus
se trouve convenablement associé à Mars, qui recevait éga-
lement un culte particulier dans la Gaule (5). L'interpré-
tation de la seconde ligne de l'inscription présente aussi
quelque difficulté. On pourrait croire que toute cette ligne
ne se compose que d’un seul mot : ce serait un nom
propre gaulois avec la terminaison latine, et il faudrait
lire EXSOBINNOVICYS. Nous préférons cependant y voir
deux mots : d’abord EXSOBINNO, se rapportant à MARTI,
et formant une dénomination locale de ce dieu ; c’est ainsi
que nous trouvons dans d’autres inscriptions : Marti Ca-
mulo, Marti Halamardo, Marti Belatucadro, Marti Brito-
vio, Marti Segomoni, etc. Restent ensuite les trois lettres
VIC, qui sont l’abréviation d’un nom propre que le man-
que d’espace n’a pas permis d'écrire en toutes lettres comme
le reste de l'inscription, à l'exception de la formule finale,
Nous renonçons à compléter ce nom; car nous ne sau-
rions le faire que d’une manière fort conjecturale, ayant à
choisir entre les suivants : Vicius, Vicasius, Viccius, Vice-
dius, Vicerius, Vicidius, Vicinius, Vicirius, Vicistius, Vi-
crius, Victorinus, Victorius et d’autres encore.
Nous lisons en conséquence l’inscription entière de la
manière suivante : Lino, Marti Exsobinno Vic. et Expec-
latus votum solverunt libentes merito.
(1) Herodian., L. c.; Capitolin., Maæim. duo, c. 22; Tertullian, Apologet.,
c. 24; Ausonius, Professor. Burdigalens., IV, 9; X, 19.
(2) Gruter, p. 56, 12. 14 15; Orelli, 1968.
(5) Caesar, Pell. Gallic., VI, 17 : Deum maxime Mercuriwm colunt.…….
Post hunc Apollinem et Martem.
> (455)
Plusieurs petites lames en bronze, portant des inserip-
tions votives, sont parvenues jusqu'à nous (1). L’Acadé-
mie se rappellera celle qui a été trouvée, en 1847, à Géro-
mont, près de Gérouville, par conséquent dans le voisinage
de Majeroux, et dont l'inscription a été publiée dans un des
derniers numéros de ses Bulletins (2). Nous mentionnerons
encore particulièrement une autre de ces lames, faisant
partie du Musée du Louvre (5), par la raison que, comme
la nôtre, elle est écrite en lettres ponctuées. Selon toute
apparence, ces plaques en bronze accompagnaient, soit des
statuettes sans base, soit des ex voto de toute autre espèce,
qui ne pouvaient pas recevoir eux-mêmes l'inscription (4).
Nous fixerons, en terminant, l'attention de l’Académie
sur une singularité offerte par ce monument épigraphique:
c'est que les lettres ne sont pas formées par des lignes,
mais par des points alignés. Les inscriptions ponctuées,
sans être précisément très-rares, sont loin cependant d'être
communes (5).
(1) Muratori, Thesaur. insc., 1, p. 29, n° 4; Gori, {nscriptiones antiq.
quae in Etruriae urbib. exstant, t. III, p. 8, n° 4; p. 15, n° 19.
(2) T. XIX, 5° partie, p. 495. Foy. le fac-simile dans les Publications de
la Société du grand-duché de Luxembourg, 1. VI, pl. V, fig. 2.
(5) De Clarac, Musée de sculpture antique et moderne, t.1, Znscript.,
pl. LIV, 594.
(4) Foy. Zell, Anleitung zur Kenntniss der roem. Inscrift, \ 51,.p. 152.
(5) Outre la plaque en bronze du Musée du Louvre, citée ci-dessus , nous
mentionnerons une patère en or du cabinet des antiques de la bibliothèque
impériale, chez Millin, Monuments inédits, t. 1, p. 258, pl. XXVI; un
manche de couteau représentant un groupe obscène, qui se trouve en notre
possession, et dont l'inscription seule a été publiée dans les Bulletins de
l’Académie , t. X, 2° part. , p. 20, et dans les Jahrbücher des Vereins von
Alterthumsfreunden im Rheinlande, VI, p. 221. Joy. d'autres exemples
chez Gori, Znscer. Etrusk., Il, p. 145, n° 15, et chez Caylus, Recueil d’an-
tiquités, etc., t. VI, pl. C, n° 6.
(454)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 3 mars 18553.
M. RoELanpT, directeur.
M. Querecer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alvin, Braemt, F. Fétis, G. Geefs,
Navez, Van Hasselt, Jos. Geefs, Erin Corr, Snel, Partoes,
Baron, Éd. Fétis, membres: Ed. De Busscher, correspon-
dant.
M. Mathieu, correspondant de la classe des lettres, assiste
à la séance.
CORRESPONDANCE.
Il est donné communication d’un arrêté royal qui
nomme M. le baron de Stassart, président de l’Académie,
pour l’année 1855.
M. le Ministre de la justice transmet une lettre de
MM. les marguilliers de l’église primaire de Tongres, qui
expriment leur regret de ne pouvoir satisfaire à la de-
mande faite par la classe des beaux-arts et tendant à
recevoir communication d’un ancien médaillon en ivoire
conservé dans cette église. « Cet ivoire, dit la lettre, est
fixé à un texte manuscrit des quatre évangélistes assez vo-
É
L
4
4
|
:
É
À
4
( 455 )
lumineux; toutefois nous offrons volontiers l'inspection
de ce double monument aux personnes qui voudront venir
l’examiner ou l’étudier. »
— M. Ch. Finelli, sculpteur à Rome, remercie la classe
pour sa nomination d’associé de la section de sculpture.
— La classe apprend avec douleur la perte qu’elle vient
de faire par la mort de M. Joseph Ernest Busshmann ,
l'un de ses membres, mort à Gand, le 16 février dernier,
à l’âge de 58 ans et demi.
— M. Renard, membre de la section d'architecture,
fait hommage d'un exemplaire de sa Monographie de l’église
Notre-Dame de Tournay. Remerciments.
— M. le secrétaire perpétuel dépose l'Annuaire de l’A-
cadémie royale pour 1853 , 19° année.
— M. Louis Hymans écrit qu’il tient à la disposition de
la caisse centrale des artistes et des gens de lettres belges,
une somme de 100 francs, produit d’une transaction qu’il
a acceplée tout récemment, pour dommages-intérêts, dans
une question de propriété littéraire. Remerciments,
—©
CONCOURS DE 1855.
Poëmes envoyés au concours de composition musicale
instilué par arrété royal du 16 août 1852.
N° 4. Sainte-Cécile; épigraphe : Sic itur ad astra.
N° 2, À la mémoire de la reine Louise-Marie; épigra-
phe : Sine macula enim sunt ante thronum Dei. (S'-JEAN.)
{ 456 )
N° 5. Jean de Bourgogne; épigraphe : Numero Deus
impare gaudet.
N° 4. Le Lépreux; épigraphe : Fides et amor.
N° 5. Le passage de la mer Rouge; épigraphe : Terribilis
atque laudabilis, faciens mirabilia. (Exone.)
N° 6. Le baptème de Clovis; épigraphe : Et de ce jour,
la race franque devint le plus ferme soutien de l'Église.
N° 7. Le prince Noir à Crécy; sans épigraphe.
N° 8. À la mémoire de la reine; épigraphe : Gratus
animus benefacli filius.
N° 9. Rosemonde Cliffort; épigraphe : Notumque fu-
rens quid femina possit.
N° 10. Dieu le veut ou le chant des Étoadua sans
épigraphe.
N° 11. Frédéric de Mérode; épigraphe : Aspice convexo
nutantem pondere mundum.
N° 12. Jean de Brabant ou le jugement de Dieu; épi-
graphe : Laisser le crime en paix, c'est s'en rendre complice.
(CRÉBILLON.)
N° 15. Anneessens ; sans épigraphe.
N° 14. L'Indépendance belge; épigraphe : Indépendance
et liberté.
N° 15. Liége et Franchimont; épigraphe :
Chanter de la patrie et la gloire et l'honneur ,
Pour chacun de ses fils est un devoir du cœur ;
N° 16. La, Croisade (1096); épigraphe : Diex el Volt.
Les commissaires sont MM. F. Fétis, Baron, Alvin,
Van Hasselt, Snel, Daussoigne-Méhul et Ch. Hanssens.
(457)
RAPPORTS.
Sur les communications adressées à l’Académie royale d’An-
vers, par M. Laureys, lauréat au concours d'architecture
de 1849.
Happort de M. HRoclandt.
« Dans le rapport que M. Laureys vient d’adresser à
l’Académie d'Anvers, et daté de Venise, 25 juin, il con-
tinue à suivre clironologiquement l’histoire de l’architec-
ture et des arts qui s’y rapportent intimement, tels que la
peinture, la sculpture et la mosaïque. Il décrit, d’après
les meilleurs auteurs, la disposition des premiers édifices
élevés par le christianisme, et démontre que la nudité des
lieux consacrés au culle était primitivement recomman-
dée par les pères de l’Église; ils craignaient que le luxe
extérieur et la richesse matérielle ne nuisissent à la pureté
du cœur et à l'élévation de l’âme. Cependant on comprit
bientôt que l’art, en suivant sa véritable mission, peut
avoir une influence favorable sur l'intelligence et la mora-
lité religieuse de l’homme. M. Laureys traite ensuite des
images et des symboles successivement admis comme
signes extérieurs de la religion. Tels sont la croix, l'agneau,
la colombe, les quatre emblèmes des Évangélistes : l'aigle,
le bœuf, le lion et l'ange; la branche de vigne, l'épi, etc.
Au IV siècle, lorsque la croix dominait partout, l’Église
appela la peinture et la sculpture dans son sein; mais ces
deux arts étant tombés dans une décadence extrême , les
TOME xx. — ]"° paRT. 51
(458)
images de cette époque étaient d’une difformité presque in-
croyable. Les premiers apôtres de la foi n’attachaient au-
cune importance à la beauté du corps, ils recherchaient
uniquement celle de âme. Leur mission était donc bien
différente de celle des artistes de l'antiquité, qui déifièrent
la nature en idéalisant les beautés matérielles. Ils devaient,
au contraire, chercher à s'élever vers l'esprit, et représenter
sous des formes humbles les manifestations divines.
Cependant les arts, une fois mis en pratique, atteigni-
rent un degré de perfection tel, que l’empereur d'Orient,
Léon Isaure (l'an 727), craignant un retour à l'antique ido-
lâtrie, proposa de les proscrire; ce qui eut lieu dans les
églises d'Orient. La mosaïque, qui avait pris une extension
considérable, fut employée à la décoration des églises chré-
tiennes, tant pour le pavement, que pour le revêtement
des murs. On se servit des marbres les plus variés et les
plus rares, ainsi que des émaux. Les autels, les bancs de
communion, les trônes épiscopaux étaient entièrement
revêtus d’émail, de même que les absides, où étaient re-
présentés des personnages de la sainte Écriture, se déta-
chant sur un fond d’or. Dans la description que M. Lau-
reys fait de la ville de Ravénne, il entre dans des détails
historiques et artistiques très-curieux. H explique l’origine
des baptistères primitifs, isolés et où le baptême s'admi-
nistrait par immersion. Il reproduit le plan de l'église des
SS.-Nazare et Celse, comme spécimen de la forme primor-
diale des églises souterraines, et communique un croquis
des restes du palais de Théodoric et de son mausolée, ainsi
que le plan et quelques détails de l’église de S'-Vital, qu'il
décrit d’une manière toute particulière. Ce monument est
celui qui donne le mieux une idée de l’état des arts au
temps de Justinien.
-
( 459 )
L'invention des cloches ajouta un troisième membre au
groupe qui constitua désormais l’ensemble des édifices
consacrés au culte catholique : l’église, le baptistère et le
clocher, Les campaniles qui furent élevés sont circulaires,
et c'est dans l’exarchat de Ravenne et à l’époque du cou-
ronnement de Charlemagne, comme roi des Lombards,
qu’on vit naître l'architecture connue sous le nom de lom-
barde, et dont on trouve les plus anciens exemples à
Pavie, à Vérone, à Milan et dans d’autres villes de la
Lombardie. C’est ainsi que les villes longeant les côtes de
l’Adriatique, et qui ont longtemps entretenu d’intimes re-
lations avec Constantinople, ont imité, comme dans les
églises de Padoue et de S'-Marc à Venise, le dôme byzan-
tin et d’autres particularités appartenant à ce style d’ar-
chitecture.
On voit par ce résumé combien le lauréat d’Anvers met
d'ordre et de zèle dans ses recherches et dans l'appréciation
des différents genres d’architecture qu’offrent les époques
et les localités mentionnées dans son exposé. Nous n'avons
qu'un vœu à former : c’est que, durant ses voyages à l’é-
tranger, M. Laureys puisse compléter ses utiles explora-
tions, et les étendre jusqu’à l’appréciation de l’architec-
ture des temps modernes. »
Une autre lettre de M. Laureys, datée du 20 février 1852,
ne contient guère que des renseignements particuliers ,
peu susceptibles de faire l’objet d’un rapport.
( 460 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
—_—…“…
Revenant sur l'annonce faite au commencement de la
séance, M. Alvin rappelle à la classe les titres nombreux
que M. Ernest Buschmann avait à l'estime de ses confrères
et comme homme et comme littérateur; il cite les diffé-
rentes branches dans lesquelles il s’est distingué, et donne
ensuite lecture d’une pièce de vers, Notre-Dame d'Anvers,
extraite du recueil de poésies publié par M. Buschmann,
sous le titre : Les Rameaux.
Dans le prochain Annuaire de l’Académie, il sera publié
sur le défunt une notice nécrologique que M. Van Hasselt
a bien voulu se charger de rédiger.
— Sur la proposition de M. le secrétaire perpétuel , il
est convenu que la commission pour les inscriptions des
monuments publics se réunira avant la prochaine séance,
et que la commission pour l’histoire de l'art en Belgique
continuera à rechercher tous les documents qui peuvent
jeter du jour sur la partie importante des lettres confiée
à sa sollicitude.
(461)
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
Dix-huitième anniversaire de la naissance de S. A. R. Mon-
seigneur le Duc de Brabant, prince héréditaire de Belgique,
cantate de M. Adolphe Mathieu. Bruxelles, 1853, 1 feuille in-
plano.
Études historiques et critiques sur les monts-de-piété en Bel-
gique, par P. De Decker. Bruxelles, 1844; 1 vol. in-8°.
De l'influence du clergé en Belgique, par P. De Decker. 2° édi-
tion. Bruxelles, 1843; 1 broch. grand in-8°.
L'esprit de parti et l'esprit national, par P. De Decker. 4° édi-
tion. Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°.
Quinze ans (1830-1845), par P. De Decker. 5° édit. Bruxelles,
1845; 1 broch. grand in-8°.
Biographie de M. le chanoine Triest, suivie d'une statistique de
tous les établissements qu'il a fondés, par P. De Decker. Gand,
1836, 1 broch. in-8°.
Monument élevé à la mémoire de M. le chanoine Triest, dans
l'église des SS. Michel et Gudule, à Bruxelles. Gand, 1850;
1 broch. in-8°.
Inauguration de Charles VI à Tournay, par R. Chalon.
Bruxelles, 1853; 4 pages in-8.
Tableaux chronologiques et synoptiques de l'histoire univer-
selle, de 400 à 1789. Nouvelle méthode pour apprendre et ensei-
gner l'histoire, par le major de Bormans. Bruxelles, 1853; 1 vol.
in-plano.
Du système cellulaire dans ses rapports avec le culte catho-
lique, par le baron de Hody. Anvers, 1853; 1 broch. in-8°.
Des ossements humains et des ouvrages de main d'homme en-
fouis dans les roches et les couches de la terre, pour servir à éclai-
( 462 )
rer les rapports de l'archéologie et de la géologie, par L.-F, Al-
fred Maury. Paris, 1852; 1 vol. in-8°.
Des travaux de l'érudition chrétienne sur les monuments de la
langue cople ; par Félix Nève. Louvain, 1853; t broch. in-8°.
Des travaux d'exégèse et de philologie de M. J.- Th. Beelen, pro-
fesseur à la faculté de théologie de l'Université catholique de Lou-
vain, par Félix Nève. Paris, 1852; 1 broch. in-8°.
Nécrologe liégeois pour 1852. Liége (janvier 1853); 4 vol.
in-12. |
Notice sur Pierre Van Baveghem, pharmacien, membre du
Jury médical du département de l'Escaut, etc., par C. Broeckx.
Anvers, 14853; 1 broch. in-8&.
Annales des travaux publics de Belgique. Tome XI, 3° cahier.
Bruxelles, 1852; 1 broch. in-8°.
Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de
la Société numismatique, par MM. R. Chalon, L. Decoster et
Ch.'Piot. 2° série. Tome II, 4° livraison. Bruxelles, 1852; 1 broch.
in-8°.
Histoire des environs de Bruxelles, par Alphonse Wauters.
A 1° livraison. Bruxelles, 4852; 1 broch. in-8°.
Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VII.
N° 1 et 2, janvier et février 1853. Bruxelles, 2 broch. in-8°.
Annales de l’Académie d'archéologie de Belgique. Tomes VIII
et IX. Tome X. 1'° et 2° livraisons. Anvers, 1851-53; 2 vol. et
2 broch. in-8°.
Rapport sur les échanges que fait l'Académie d'archéologie de
Belgique avec les associations savantes, par M. C. Broeckx. An-
vers, 4853; 1 broch. in-8.
Nobiliaire de Belgique, par N.-J. Vanderheyden. 15° à 18° li-
vraisons. Anvers, 1852; 4 broch. in-8°.
Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono-
mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume
de Belgique ; publié sous la direction et par la rédaction prinei-
pale de M, Charles Morren. Mars 1853. Liége; 1 broch. in-8°.
( 465 )
Journal d'horticulture pratique de la Belgique, directeur,
M. Galeotti. 40° année. N° 12. Bruxelles, 4853; 1 broch. in-8°.
Flore générale de la Belgique, contenant la description de toutes
les plantes qui croissent dans ce pays, par G. Mathieu. 8° livraison.
Bruxelles, 1853 ; 1 broch. in-8°.
Le jardin fleuriste, journal général des progrès et des inté-
réts botaniques et horticoles ; rédigé par Ch. Lemaire. Vol. IN,
94e liv.; vol. IV, 4° liv. Gand, 1855; 2 broch. in-8°.
Le Moniteur de l'enseignement, publié sous la direction de
Fréd. Hennebert. Nouvelle série. Tome HE. N° 6 à 8. Tournay,
1853; 3 broch. in-8.
Le Moniteur des intérêts matériels. N° 10 à 14. Bruxelles,
1853; 5 feuilles in-plano.
La Renaissance illustrée. Chronique des arts et de la littéra-
ture. 14° année. Feuilles 14 et 15. Bruxelles, 1852; im-4°.
Bulletin del Académie royale de médecine de Belgique. Tome XII.
N° 4. Bruxelles, 1853 ; 4 broch. in-8°.
Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié
par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles.
11° année. Mars 1853. Bruxelles; 4 broch. in-8°.
Archives belges de médecine militaire. Tome XI. Février 1855.
Bruxelles ; 4 broch. in-8°.
La presse médicale belge; rédacteur : M. 3. Hannon. 5° année.
N° 44 à 14. Bruxelles, 4853; in-#°.
La Santé, journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs :
MM. A. Leclereq et N. Theis. 4° année. N° 16, 17 et 18. Bruxelles,
1853; 3 broch. in-4°.
Annales d'oculistique, publiées par le doëteur Florent Cunier.
Tome XXIX (5° série tome 5°) 4" .et 2° livraisons. Bruxelles,
1853; 2 broch. in-8°.
Annales de la Société de médecine d'Anvers. 44° année. Livrai-
sons de janvier et février 4853. Anvers; 2 broch. in-8°.
Journal de pharmacie, publié par la Société de pharmacie
d'Anvers. 9° année. Février et mars 4853. Anvers ; 2 broch. in-8°.
( 464 )
Annales et Bulletin de la Société de médecine de Gand. 18%°
année. 12° livraison. Gand, 4852; 1 broch. in-8e.
Annales médicales de la Flandre occidentule ; publiées par les
docteurs Vanoye et Ossieur, 2° année. 5° livraison. 1852-1853.
Roulers; 1 broch. in-8°.
Annales de la Société médico-chirurgicale de Bruges. 14° an-
née. 2° série. Tome L*. 4"°, 2 et 3° livraisons. Bruges, 1853;
3 broch. in-8°.
Le Scalpel; rédacteur : M. A. Festraerts. 5° année. N° 21 à
24: Liége, 1853 ; in-4e.
De Vilaemsche beweging, maendschrift. N° 16. Juny 1852.
Bruxelles; 4 broch. in-8°.
Het leven en karakter van J.-B. Graaf Du Monceau, oud-
maarschalk van Holland, door J.-W. Van Sypesteyn. Bois-le-
Duc, 4859; 1 vol. in-8°.
» Rembrand. Redevoering over het leven en de verdiensten van
Rembrand Van Ryn, door D' P. Scheltema. Amsterdam, 1833;
4 vol. in-8°.
Kronijk van het historisch Genootschap gevestigd te Utrecht.
Achtste jaargang 1852. Tweede serie. Utrecht, 1852; 1 vol. in-8°.
Codex diplomaticus Neerlandicus. — Verzameling van oorkon-
den, betrekkelyk de vaderlandsche geschiedenis. Uitgegeven door
het Historische genootschap gevestigd te Utrecht. Tweede serie.
Eerste deel. 15“ en 2% afdeeling. Utrecht, 1851; 2 vol. in-8°.
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des
sciences ; par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXXVI. N° 8
à 42. Paris, 4853; 5 broch. in-Æ.
Quelques mots sur la théorie de la peinture sur verre, par
Ferdinand de Lasteyrie. Paris, 1852; 1 vol. in-12.
Bulletin de la Société géologique de France. 2° série. Tome X.
Feuilles 1-3. Paris, 4852-53; 4 broch. in-8°.
Société impériale et centrale d'agriculture. Bulletin des séances,
compte rendu mensuel, rédigé par M. Payen. 2° série. Tome VIII.
N° 5. Paris, 1855; 4 broch. in-8°.
( 465 )
Revue el magasin de zoologie pure et appliquée, par M. F.-E.
Guérin-Méneville, 1853. N° 2. Paris; 4 broch. in-8°.
Essai sur la statistique de la population du département du
Pas-de-Calais ; par M. Fayet. Arras, 1853; 1 broch. in-8°.
Essai sur la statistique de la population d'un département
(Pas-de-Calais); par M. Fayet. Paris, 1852; 1 broch. in-8°.
L'Investigateur, journal de l'Institut historique. Tome HI,
5e série, 218° et 219° livraisons. Paris, 14853; 2 broch. in-8°.
Société de la morale chrétienne. Tome III. N° 4 et 2. Paris,
4853; 2 broch. in-8°.
L'Athenœum français, journal universel de la littérature, de
la science et des beaux-arts. 2 année. N° 41 à 13. Paris, 1855;
5 doubles feuilles in-4°.
Recueil des actes de l Académie des sciences, belles-leitres et arts
de Bordeaux. 44% année. 1852, 5° trimestre. Bordeaux, 1 vol.
in-6°.
Bulletin de la Société industrielle d'Angers et du département
de Maine-et-Loire. 23° année. Angers, 4852; 4 vol. in-8°.
Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg.
47 volume. 4"° livraison. Cherbourg, 4832; 1 broch. in-8°.
Monumenta Zollerana. — Urkundenbuch zur Geschichte des
Hauses Hohenzollern. Herausgegeben von Rudolph Freidherrn
Von Stillfried und D' Trautgott Moercker. Erster Band, 1095-
1418. Berlin, 1852, 4 vol. in-4°.
Kaiserlich-küniglichen Reichsanstalt. Abhandlungen in drei
Abtheilungen. 1 band. — Jahrbuch, 4852. II Jahrgang. N° 5.
juli, august, september. Wien, 4852; 1 vol. in-folio et 1 vol.
grand in-8°.
Schluss der Herausgabe, der Naturwissenschafilichen Abhand-
lungen der k. k. geologischen Reichsantstalt; von W. Haïdinger.
Vienne, 4852; 2 feuilles grand in-8°.
Abhandlungen der kôniglichen Bühmischen gesellschaft der
Wissensschaften. Fünfter folge, siebenter Band. Von den jahren
1851-1852. Prague, 1852; 1 vol. in-4°.
TOME xx. — |'° PART, 32
( 466 )
Neun und zwanzigster Jahres-Bericht der Schlesischen Gesell-
schaft für vaterlandische Kultur. Enthält; Arbeiten und Verän-
derungen der Gesellschaft ,im Jahre 1851. Breslau , 1852; 1 vol.
in-4°.
Verhandlungen des naturhistorischen Vereines der preussischen
Rheinlande und Westphalens. Herausgegeben von prof. D' Budge.
Neunter Jahrgang. Bogen 19-58. Bonn, 1832; 4 vol. in-8°.
Archiv. der Mathematik und Physik. Herausgegeben von
J.-A. Grunert. XIX Theil. 3 und 4 Heft. — XX Theil. I Heft. —
Greifswald, 4852; 3 broch. in-&.
Société vaudoise des sciences naturelles. Bulletin n° 25. T. IN,
Année 1852. Lausanne: 1 broch. in-8°.
Bulletin de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel.
1849 à 1852. Tome II. Neuchâtel, 1832; 4 vol. in-&.
Schweizerischen Naturforschenden Gesellschaft in Bern. Mit-
theilungen. N° 195-257. Berne, 1851 et 1852; 1 vol. et 16 feuil-
les in-8°. — Neue Denkschrifien. Band XII. Zurich, 1852;
1 vol.in-4°. — Verhandlungen, 36%° Versammlung. Glaris, 1851;
1 vol. in-8.
Rendiconti delle adunanze e de’ lavori della Reale Accademia
delle scienze. Naples. Années 1842 à 1846. N°° 1 à 30. 1847,
n® 51 à 39. 1851, n° 51. 1852, nuova serie, n° 1, 5, 4 et à.
Naples; 45 cahiers in-&.
Rendiconti delle adunanze della R. Academia dei Georgofili.
Gennaio, 183. Florence, 4 broch. in-8°.
Di alcuni nuovi esperimenti del Dott. Allessandro Palagi di
Bologna, sulle variazioni elettriche a cui vanno sogyetti à corpi
scostandosi dal suolo o da altri corpi, ovvero accostandosi ad
essi; ricordo del Dott. Carlo Grillenzoni. Florence, 1853;
2 feuilles in-8e.
Bulletin de la Société Impériale géographique de Russie, pour
l'année 1852. 5° et 6° livr. St-Pétersbourg, 1852; 2 vol. in-&°.
Annales scientifiques de l'Université impériale de Casan. An-
née 1850. Casan; 4 vol. in-4° et 3 vol. in-&.
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et par conséquent -- 0°.25 pour les moyennes diurnes. Les moyennes par mois ont subi
ces corrections , de même que les moyennes de 4853-1852 (colonnes 5 et 9).
(477)
Etat de la végétation à Waremme, le 20 mars 1853 ; par
MM. Edm. de Selys-Longehamps et Michel Ghaye.
Pour la première fois, depuis cinq années que nous fai-
sons cet examen, les choses se présentent sous une forme
tellement anormale, que si nous en donnions un tableau
comme les précédents, ce tableau ne serait pour ainsi dire
que la reproduction de ce que nous avons présenté à l’Aca-
démie le 5 mars, et qui signale ce qui s’est passé au mois
de janvier de cette année, avec l’addition que presque
toutes ces feuilles ou ces fleurs sont aujourd’hui flétries par
la gelée.
Il vaut donc mieux renvoyer à ce tableau, car la gelée
commencée le 24 janvier (après six semaines d'un temps
de printemps) a été accompagnée de beaucoup de neige et
a fait rentrer la végétation dans une sorte de torpeur
presque complète. Ces deux derniers mois de frimas n’ont
été interrompus que par un dégel d’une huitaine de jours
à peine, dans la seconde semaine de mars.
Les feuilles hâtives sont gelées et flétries chez les :
Spiraea sorbifolia,
Salix babylonica,
Rosa gallica,
Pyrus japonica,
Sambucus nigra,
Lonicera periclimenum , etc.
Il en est de même des fleurs pour les :
Pyrus japonica,
Daphne mezereon,
Cornus mascula,
Magnolia yulans.
(478)
Parmi celles qui ont résisté à la gelée, et qui sont en-
core ou à peu près en état de floraison générale, je ne vois
guère que les :
Galanthus nivalis ,
Erica herbacea,
Anemone hepatica ,
Primula officinalis.
Les six à huit jours de dégel, en mars, ont seulement
amené un commencement de floraison chez les :
Crocus vernus (jaunes),
Salix capreaea (fleurs femelles),
Populus alba.
Un seul oiseau d’été est arrivé pendant ce dégel, savoir :
la Motacilla alba.
Description d'un appareil photo-électrique conservant la
lumière au même point, inventé et construit par J. Jas-
par, à Liége.
Cet appareil est représenté par la figure ci-contre.
AA""boîtes rectangulaires en laiton dans lesquelles sont
ajustées les poulies IT TT et les galets J 3 J'J'J".
B bobine sur laquelle se trouve enroulé un fil de cuivre
isolé, à travers lequel le courant électrique doit passer
lorsque les charbons DD’ sont assez rapprochés pour que
l’étincelle franchisse la distance qui les sépare; l’un des
bouts de ce fil correspond avec la pile par la pince P, qui
est isolée (en ) du reste de l'appareil par un manchon d'i-
voire; l’autre bout est soudé (en a) au corps de l’instru-
ment ; et comme cette partie est en métal, ainsi que la
(479 )
boîte A , le courant les traverse, et se
transmet au charbon inférieur D à
l’aide du godet à mercure H et du con-
ducteur qui plonge dans son inté-
rieur; On voit par ce qui précède que
le courant est forcé de traverser le fil
de la bobine pour arriver en D. La
communication du charbon supérieur
D’ s'établit de la même manière à
laide de la pince P', qui correspond
avec l’autre pôle de la pile; un man-
chon d'ivoire L intercepte la commu-
nication de la boîte A à la colonne K
et aux pièces supérieures de l’instru-
ment.
C cylindre en fer doux glissant, sui-
vant son axe, dans la bobine B, et por-
tant le charbon inférieur D, par l’in-
termédiaire de la chape de la poulie
mobile [”, à laquelle est fixée la tige
cylindrique G guidée par les galets JJ.
G tige cylindrique en cuivre gui-
dée, suivant son axe; par les galets à
gorge J'JJ" et portant à sa partie in-
férieure le charbon D’, et à sa partie
supérieure un bouton surmonté d’une
tige dans laquelle on enfile des ron-
delles de cuivre R, pour régler l’ap-
pareil, comme nous le verrons tantôt; cette tige est percée
latéralement en f’ d’un petit trou servant à attacher un
cordonnet de soie F qui, après avoir passé sur les poulies
ITIL FI", vient s'attacher en f à la boîte A.
( 480 )
D'après ce qui précède, on voit que les pièces qui por-
tent les cônes de charbon D et D’, reliées entre elles par
le fil de soie F, sont assujetties à se mouvoir ensemble
avec des vitesses différentes, celle de la pièce inférieure
étant réduite à moitié par le jeu de la poulie mobile I”.
Cela étant, si la tige supérieure G' a un poids moitié
moindre que le cylindre C, le système restera en équilibre,
quelle que soit la position qu'on lui donne; mais si l'on
augmente le poids de la tige G’, en la chargeant de ron-
delles R, cette tige s’abaissera et entraînera avec elle le
fil de soie qui, s’enroulant sur les poulies l'ITIT", forcera
le cylindre C à monter. Les cônes de charbon marcheront
donc l’un vers l’autre jusqu'a ce qu'ils soient en contact.
Voilà pour la partie mécanique de l'appareil; passons à
sa partie physique et posons ce principe connu et ralifié
par l'expérience :
« Si dans une bobine sur laquelle se trouve enroulé un
fil de cuivre isolé, on introduit un cylindre de fer doux
de la même longueur que la bobine, de manière à ce que
les deux tiers environ entrent dans celle-ci, ce cylindre
sera attiré suivant son axe jusqu’à ce que ses bouts soient
de niveau avec les bouts de la bobine, du moment qu’un
courant voltaique traversera le fil qui l'entoure. »
Jetons maintenant un coup d'œil sur la figure, et nous
verrons que si l'on met des rondelles sur la tige supé-
rieure, de façon ce que les cônes de charbon D et D’ se rap-
prochent jusqu’au contact, quand, après les avoir écartés
à la main, on les abandonne à eux-mêmes; et si, d'autre
part, on attache aux pinces PP’ les fils communiquant aux
pôles d’une forte pile ; le courant passant alors d’un cône
de charbon à l’autre et aussi par la bobine B, le cylindre C,
altiré dans l’intérieur de celle-ci, forcera les cônes de
( 481)
charbon D et D’ à s'écarter l’un de l'autre, pour être aus-
sitôt rapprochés par le poids des rondelles R; puis les
charbons seront de nouveau écartés par la force attractive
de la bobine, et ainsi de suite; il se produit une lumière
très-éclatante chaque fois que les charbons se touchent,
laquelle cesse aussitôt qu'ils s’écartent ; si maintenant on
augmente graduellement le nombre des rondelles R, jus-
qu'à ce que cette intermittence cesse et soit remplacée
par une lumière continue (ce qui arrive immanquablement
aussitôt qu’un certain équilibre existe entre la force attrac-
tive de la bobine et le poids qui sollicite les cônes de
charbon à se rapprocher assez pour que l’étincelle jaillisse
entre eux, effét auquel on arrive facilement après quelques
tâtonnements) , on a alors un foyer de lumière éclatante
qui, non-seulement persiste autant que le permettent la
longueur des charbons et la durée d'action de la pile,
mais encore reste exactement au même point, condition
très-importante pour les expériences d'optique de quelque
durée; arrivons aux avantages que cet appareil présente.
Les divers appareils proposés comme régulateurs de la
lumière électrique ont, entre autres inconvénients, les
suivants :
4° Ils exigent, pour marcher, l'emploi d’une pile ex-
trêmement puissante; afin que les intermittences aux-
quelles les astreint leur construction soient assez peu ap-
parentes pour être négligées ;
2 La fragilité et souvent la complication du méca-
nisme (mouvement d’horlogerie) qui, une fois dérangé,
exige beaucoup de temps et un ouvrier exercé pour être
remis en état ;
3 Leur prix élevé et la difficulté de leur emploi.
Je crois avoir paré à ces inconvénients. L'appareil décrit
(482)
ci-dessus marche bien avec vingt couples petit modèle,
exigeant pour être chargé une dépense en acides d'environ
trois francs; par sa construction même, on voit qu'il agit
sans intermittences et d'une manière continue; le méca-
nisme en est d’une extrême simplicité: il se règle avec la
plus grande facilité, puisqu'il suffit seulement d'ajouter
ou d’enlever les rondelles de cuivre pour arriver à une
marche parfaitement régulière. Le prix, moins élevé que
celui d'aucun appareil de ce genre, n’est que de 425 francs,
et pourra probablement être encore réduit par la suite.
Note sur un nouveau genre de crustacé parasite (PAGODINA) ;
par P.-J. Van Beneden, membre de l’Académie.
Nous avons fait connaître successivement plusieurs
crustacés parasites ; à ces divers types génériques nou-
veaux, nous en ajoutons encore un que nous avons observé
sur deux de nos poissons plagiostomes , et que nous dési-
gnons sous le nom de :
Pacopina RoBusra. Van Ben.
Caractères.—Corps de la femelle , de forme ovale, com-
posé d’anneaux nettement séparés les uns des autres, re-
couvrant comme une cuirasse toute la partie supérieure;
ces anneaux ou segments ont l'aspect de grandes écailles;
tête, thorax et abdomen distincts, ainsi que la région çau-
dale; une paire d'antennes sétifères et multi-articulées ,
insérée en dessous du segment séphalique; trois paires de
(485 )
pattes-mächoires terminées en crochet, dont la dernière
paire est longue et très-forte; la pièce terminale de cette
dernière paire s'étend jusqu’au second segment thoracique;
quatre paires d’appendices occupent le thorax; les trois
dernières sont entièrement semblables entre elles : ce sont
des pattes biramées et sétifères; l'abdomen se termine par
une paire d’appendices assez petits; il y a trois segments
dans la région caudale; tout le squelette tégumentaire est
de couleur jaunâtre ; il est très-solide , surtout dans la
partie supérieure du corps.
Le mâle est plus petit que la femelle; le corps est plus
allongé et plus étroit, ce qui lui donne une physionomie
différente.
Longueur totale de la femelle, 5%,
Ce crustacé habite les branchies du squale milandre
(Galeus canis) et du squale bleu (Carcharias glaucus). Nous
n'avons trouvé qu'un seul exemplaire sur une dizaine de
milandres ; un squale bleu nourrissait cinq individus,
trois femelles et deux mâles.
Description du mâle. — Le mâle est composé, comme la
femelle, de plusieurs segments, qui donnent à cet animal
quelque ressemblance avec certains crustacés isopodes.
La tête constitue le segment le plus volumineux : elle est
de forme ovale et légèrement bombée en dessus. Ce segment
de la tête est nettement séparé des anneaux thoraciques.
I n’y à que trois anneaux thoraciques bien distincts,
mais On voit que l’antérieur est atrophié et caché en des-
sous du segment céphalique; c’est ce que l’on voit aisément
d'après l'insertion des quatre paires de pattes.
Les segments thoraciques sont plus larges que longs et
recouvrent la partie supérieure et latérale du corps. Ces
trois segments sont également développés.
Tome xx. — [° parr. 54
(484)
Le segment abdominal est plus long que les segments
thoraciques et ressemble, par sa forme, à celui de la tête.
Le corps est ensuite terminé par quatre segments assez
étroits et qui constituent la région caudale.
Tout au bout, on aperçoit deux appendices, séparés
complétement l’un de l'autre et qui montrent chacun trois
filaments sétifères au bout.
Les appendices des mâles sont semblables à ceux des
femelles, à l'exception toutefois des antennes, qui sont
moins nettement articulées dans les femelles.
Les articles du milieu sont à peu près aussi longs que
larges ; les deux derniers sont un peu plus allongés.
Description de la femelle. — Le corps a une forme ovale,
très-large vers le milieu, couvert d’un squelette tégumen-
taire très-dur , surtout à la partie supérieure.
La tête est parfaitement séparée du thorax; elle consiste
dans un segment de forme ovale et légèrement bombée en
dessus. Cette tête ressemble, par sa forme et son volume
relatif, à la tête des Gryllotalpa.
Le thorax est formé supérieurement de trois segments ;
le quatrième ou l’antérieur est caché sous le segment cé-
phalique. Ces segments recouvrent la partie supérieure du
corps, comme la cuirasse des Tatous. Ces segments sont
très-larges.
En dessous, le corps est beaucoup plus mou; ce n’est
qu’à la base des appendices biramés que ces segments pré-
sentent quelque consistance. Ces appendices biramés pro-
tégent la face inférieure du corps et semblent servir autant
à la protection qu’à la locomotion. Le segment abdominal
est unique; il est un peu moins large que les précédents.
Quatre segments terminent le corps en arrière et con-
stituent la région caudale; les trois derniers sont fort
(485)
petits et très-rapprochés les uns des autres. Le dernier
segment porte deux courts appendices.
Les antennes sont très-développées dans ces crustacés ;
elles sont formées de plusieurs articles nettement séparés
les uns des autres, surtout vers le milieu; les articles de
la base sont plus forts que les autres; le dernier article
est le plus long. Tous ces articles portent des soies courtes
semblables à des épines.
Il existe trois paires de pattes-mâchoires très-distinctes.
La première paire est située à côté de la base des anten-
nes, un peu au-devant de la bouche. L’artiele basilaire est
le plus fort; celui du milieu est un peu plus long; l’article
terminal est légèrement courbé et montre deux dents sur
le bord eoncave.
La seconde paire de pattes-màchoires est très-forte;
tous ses articles sont courts et robustes; l’article terminal
porte un crochet au bout, à la base duquel on voit un
talon tout couvert de dentelures. Ce talon n’est pas sans
ressemblance avec une crête de coq.
La troisième paire est la principale: les deux pièces
terminales sont très-longues, et surtout la dernière, qui
forme un énorme crochet.
Il existe quatre paires de pattes: les antérieures sont
petites et cachées en grande partie en dessous des grands
crochets; elles diffèrent complétement des suivantes; elles
se composent d'une pièce prineipale assez large, à bord
externe tranchant et dentelé comme une scie; d’un tuber-
cule armé de trois onglets et d’un autre tubercule dirigé
du côté de la ligne médiane.
Les trois autres paires sont exactement semblables
entre elles. On voit d'abord en avant une sorte de lame,
qui est suivie d’une grande pièce presque carrée qui porte
( 486 )
deux doigts : celui du côté interne est plus fort que l’autre;
chaque doigt est formé de deux articles placés bout à bout;
le dernier, qui est le plus petit, porte six onglets, tandis que
l’autre porte, dans la même direction, une ou deux épines.
Ces appendices sont faciles à voir en dessous du corps,
et se meuvent, comme des nageoires, par un mouvement
de va-et-vient.
Les appendices abdominaux et ceux de la queue ne sont
formés que d'un seul article; les derniers sont un peu
plus volumineux que les autres.
La bouche est en forme d’entonnoir; on distingue faci-
lement une paire de mandibules, dont le bout est terminé
comme la pointe d’une pince à disséquer.
A côté, on voit encore deux paires de pièces plus petites
que les mandibules et qui se terminent par des soies flexi-
bles : ce sont les palpes.
Ces Pagodina diffèrent complétement, par leur facies ;
de tous les autres crustacés parasites ; le corps est toujours
régulièrement conformé, et ressemble plus, comme nous
l'avons déjà dit, à un crustacé isopode qu'à un siphonos-
tome.
C’est toutefois des Dichelestions et des Ergasiliens que
les Pagodina se rapprochent encore le plus; ils ont trois
paires de pattes biramées très-distinctes, une paire de
pattes antérieures non disposée pour la nage et différant
complétement des autres par la forme; la grande tête, les
pieds-mâchoires et les antennes éloignent les Pagodina
des genres connus.
C’est entre les Ergasiles et les Dichelestions que les Pago-
dina doivent prendre rang, tout en s’éloignant des derniers
par les quatre paires de pattes et le grand développement
de la troisième paire de pattes-màchoires.
Pull. de l'Hrad. how.
ss
LS
\
Fig. 1.
. Le même, vu sur les flancs, légèrement aplati.
. Le même, couché sur le dos, montrant la houche et tous ses appen-
oi 19
(487 )
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
Animal, de grandeur naturelle.
dices :
a. Antennes;
b. c. d. Trois paires de pieds-mächoires;
e. Première paire de pattes;
f. g. h. Les trois autres paires, qui sont biramées;
ä. Appendice abdominal;
k. = caudal.
. Antennes isolées, au grossissement de 300 fois :
a. Antennes;
b. Première paire de pattes-mâchoires;
. Seconde paire de pattes-mâchoires, montrant un crochet au bout et
un talon épineux.
. La troisième et principale paire d'adhésion.
La première paire de pattes, avec le bord externe en forme de crête,
. La première paire de pattes biramées d’un côté; toutes les autres
?
sont semblables.
. Une femelle légèrement grossie, vue du côté du dos.
. Un mâle, vu du même côté que la femelle et au même grossissement.
. Les cinq derniers segments du corps du mâle.
. L’appendice postérieur du corps, avec les filaments sétiformes.
. L'antenne et la première paire de pieds-mächoires :
a. Antennes;
b. Première paire de pieds-mâchoires.
14 Bouche montrant les mandibules et les palpes.
— M. le D' Gluge fait connaitre que M. Poelman a trouvé
de nombreuses filaires dans un grand nombre d'organes et
dans le sang d’un dauphin. M. Poelman sera invité à com-
muniquer une note sur le sujet qui se rattache à l’histoire
du développement des Entozoaires.
( 488 )
— La classe arrête ensuite les termes de l'inscription
qui sera placée sur la médaille décernée à M. Édouard
Morren, à l’époque du dernier concours :
Quor
COLORATIONEM VEGETABILIUM
ET IN PRIMIS FLORUM
COLORES
PENITUS PERSPEXIT
UBERIUS EXPOSUIT
Caroro-Jacoso-Epuarpo Monren
IN ACAD. LEOD.
onD. Puiz. ET LITT. CANDID.
axxo MDCCCLII.
( 489 )
CLASSE DES LETTRES.
Séance du À avril 1855.
M. le baron de Srassarr, président.
M. Querecer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. le chevalier Marchal, Steur, le baron
de Gerlache, Grandgagnage, De Smet, de Ram, Roulez,
Lesbroussart, Gachard, Borgnet, le baron de S'-Genois,
David, Van Meenen, P. Devaux, P. De Decker, Schayes,
Snellaert, Haus, Bormans, M.-N.-J. Leclereq, Polain,
Baguet, membres ; Nolet de Brauwere Van Steeland, asso-
cié; Arendt, Chalon, correspondants.
MM. Alvin et Éd. Fétis, membres de la classe des beaux-
arts, assistent à la séance.
CORRESPONDANCE.
M. L. Bara fait hommage de plusieurs exemplaires d’un
ouvrage qu'il vient de publier sous le titre : Introduction à
l'étude de la science de la méthode, et demande que la classe
veuille bien faire un rapport sur ce travail. Il sera répondu
qu'aux termes du règlement, la classe ne peut faire de rap-
port sur des ouvrages déjà soumis au jugement du public.
( 490 )
— M. Kervyn de Lettenhove, associé de l’Académie,
dépose le manuscrit d’un mémoire contenant des Études
sur le XII siècle. (Commissaires : MM. l'abbé Carton, le
chanoine De Smet et le baron J. de S'-Genois.)
— MM. Chalon et Ad. Mathieu, correspondants de l'A-
cadémie, font hommage d'ouvrages de leur composition;
et M. Gachard dépose, au nom de la Commission royale
d'histoire, les différents ouvrages qui lui sont parvenus.
RAPPORTS.
Sur les conclusions de ses commissaires, MM. Borgnet,
le chanoine de Ram et le baron de Gerlache, la classe or-
donne l'impression du mémoire de M. Gachard : Les mo-
numents de la diplomatie vénitienne, considérés sous le point
de vue de l'histoire moderne en général et de l'histoire de la
Belgique en particulier.
L'auteur débute par des considérations sur le rôle im-
portant que Venise et sa diplomatie ont joué pendant tout
le moyen àge, et même encore pendant les XVI et XVIF
siècles. Après avoir fait l'historique du dépôt qui contient
les archives de cette république, et la description de leur
état actuel, il s'attache à constater quels ont été autrefois
les rapports de Venise avec nos provinces, et il entre dans
des détails biographiques sur les ambassadeurs qui ont été
chargés de les entretenir. On ne commence à bien suivre la
filiation de ces rapports qu’à dater de la fin du XV° siècle, et
il faut même arriver jusqu’au règne de Charles-Quint pour
( 491 )
trouver une suite non interrompue d'envoyés vénitiens.
M. Gachard entre ensuite dans des détails sur la no-
mination des envoyés, la durée de leurs fonctions et les
devoirs qui leur étaient imposés; puis il donne la liste
raisonnée de ceux d’entre eux qui ont été accrédités suc-
cessivement auprès de Charles-Quint, de Philippe ET et de
leurs successeurs. L'auteur termine son travail par des
considérations sur l'importance que présenterait pour notre
histoire une exploration des archives de l’État vénitien, et
surtout des relations de ses ambassadeurs.
La ville de Gand considérée comme place de querre. Mémoire
par M. Vander Meersch, conservateur des archives de
l'État et de la Flandre orientale.
Happort de M. Steur.
« Quoique malade au lit depuis plus de 15 jours, j'ai
pris lecture da mémoire que M. ie Secrétaire perpétuel de
l’Académie m'a fait l'honneur de m'envoyer.
Cette matière ne rentre pas dans le cercle de mes études
ordinaires. Mais j'ai vu dans le temps, il y a une vingtaine
d'années , quelques ouvrages de topographie sur la ville de
Gand où la question des fortifications était plus ou moins
élucidée par les auteurs, qui prétendaient posséder cette
matière à fond.
Tout ce qui m'est resté de souvenir de ces anciens écrits,
c'est que la passion , à l'exclusion de la science, y dominait
d'une manière absolue.
Les formes dans les discussions étaient si peu observées,
( 492 )
et l’acrimonie des interpellations était telle, qu’on croyait
ces auteurs montés sur des hustings anglais de la dernière
classe, plutôt que renfermés dans le silence de leur cabinet.
M. Vander Meersch a eu le bon esprit de déblayer sa route
de ces ronces anciennes. Il a marché droit à son but sans
digression, sans s'arrêter à ce fatras d’érudition qui souvent
étonne, mais rarement explique des questions contro-
versées. |
Dans l’état où je me trouve, je ne saurais entrer dans de
plus longs détails; mes deux honorables collègues, MM. De
Smet et de Saint-Genois seront là sur leur terrain. Je ter-
mine ces observations en disant qu’il me paraît, à part quel-
ques négligences de style, que la manière d'écrire de l'au-
teur est la seule que comporte l’histoire: claire, sévère,
courte, cherchant toujours le mot propre et ennemie de
toute redondance.
Il me semble cependant, sauf l’avis de mes collègues,
que l’auteur ajouterait un intérêt de plus à sa narration, sil
intercalait dans son mémoire quelques plans de l’état des
anciennes fortifications de la ville de Gand, qu'il a si bien
décrites aux différentes époques de leur existence.
La matière traitée est du nombre de celles qui exigent
le secours de la topographie; car c’est le cas ou jamais de
dire : « que l’homme a généralement plus de peine à com-
» prendre ce qu'on cherche à lui inculquer oralement,
» que ce qu'il voit et observe de ses propres yeux. »
Segnius irritant animum demissa per aures ,
Quam quae sunt oculis subjecta fidelibus.
(Horar., De Art. poet.)
Je conclus donc à l'impression de ce mémoire dans le
recueil de l’Académie, destiné à recevoir les travaux scien-
üfiques des membres étrangers. »
(495 )
Rapport de M. le chanoine De Smet.
« On croira volontiers, je pense, que je n’ai pas plus
que mon honorable confrère, M. Steur, aspiré à posséder
les connaissances que demande le génie militaire et qu’ex-
cepté le titre, je n’entends rien aux traités de Vauban sur
la défense et l’attaque des places fortes. Je ne crois ce-
pendant pas devoir me reconnaître incompétent, car je
distingue assez aisément un bastion d’une courtine et une
demi-lune d’une contrescarpe, et je suis assez tenté de
penser que le savant auteur du mémoire soumis à notre
examen n’en sait guère davantage.
Dans un style simple, précis et en tout point convenable
à la gravité de l’histoire, M. Vander Meersch décrit les
fortifications qui ont été construites pour la défense de
notre ville de Gand, depuis les ouvrages qu'y ont faits,
selon toute apparence, les commandants romains jusqu’à
la forteresse établie au sommet du mont Blandin, d’après
les plans du lieutenant-colonel du génie Guy Van Pittius.
Sans s'arrêtér aux tristes débats du chanoine De Bast et
du conseiller Dierickx, débats, au reste, qui n'avaient pas
leur source dans la divergence de leur opinion sur lé chà-
teau neuf et le château vieux, mais dans leur antagonisme
politique lors de la révolution brabançonne, le docte
archiviste utilise avec beaucoup de sagacité, à mon avis,
leurs nombreuses investigations et les rectifie souvent avec
bonheur. Il en agit de même avec les écrivains qui ont an-
ciennement, ou de nos jours, parcouru la même carrière,
et n'adopte aucune opinion sans lavoir examinée conscien-
cieusement. Que l’on ajoute à ces mérites l'emploi, tout aussi
( 494 )
judicieux, d’une foule de documents inédits et la plupart
extrêmement curieux, et on sera convaincu que le mémoire
laisse peu à désirer pour le fond comme pour la forme.
Je doute seulement si l’hospice des orphelins, connu aussi
sous le nom de Kulders-huis, occupe tous les bâtiments
du manoir de Gérard le Diable. La caserne actuelle de nos
sapeurs-pompiers n’en faisait-elle pas partie? Le côté an-
cien du Kulders-huys, vu du Reep, ne montre que la vieille
église des Hiéronymites, qui ont longtemps occupé ce local.
La réduction de la ville de Gand sous Charles-Quint ne
peut s'appeler reddition, paree qu'il n’y eut aucune appa-
rence de siége.
Ce sont là des vétilles que je transcris seulement pour
prouver que j'ai examiné le manuscrit avec quelque soin.
J'adopte de grand cœur les conclusions de M. Steur et,
comme lui, je pense que quelques plans donneraient un
nouveau rellef à ce beau travail. »
Biapport de M. 3. de S'-Genois.
« Le travail de M. Vander Meersch, qui a été soumis à
notre examen, nous semble en bien des points aussi inté-
ressant que complet, et nous sommes heureux sous ce
rapport d’être parfaitement d'accord avec la manière de
voir de nos honorables confrères, MM. Steur et De Smet.
Toutefois, il est une source locale extrêmement impor-
tante que le savant archiviste de la Flandre orientale au-
rait encore pu consulter avec fruit pour expliquer certaines
constructions militaires exécutées à Gand à diverses épo-
ques. Nous voulons parler des comptes de cette ville, qui
(498 )
se suivent presque sans interruption dans nos archives
communales, à partir de l’an 1514 jusqu’à la fin du siècle
dernier. Chacun de ces documents officiels contient an-
nuellement une rubrique spéciale intitulée : Compte des
ouvrages où travaux publics. On y trouve sur la construc-
tion des remparts, boulevards (bolwerken), bastions, tours,
ponts, portes, etc., des détails très-précis qui démontrent
à chaque page combien les Gantois étaient soucieux de la
défense de leur antique cité, soit qu'ils eussent à repousser
l'invasion étrangère, soit qu'ils dussent se mettre en sûreté
contre les attaques des grandes villes voisines, à l’époque
où nos puissantes communes flamandes étaient entre elles
en guerre ouverte. Nous citerons, par exemple, cette mal-
heureuse période de notre histoire où Robert de Cassel,
élu ruvaert de Flandre par les Brugeois, en 1525, mena-
çait de venir attaquer avec son armée, les Gantois restés
fidèles au comte Louis de Crécy, son neveu.
Il est vrai que, pour les siècles suivants, M. Vander
Meersch rachète la pénurie de ces particularités stratégi-
ques par d’intéressantes pièces manuscrites conservées au-
jourd’hui aux archives de la Flandre orientale.
L'auteur, du reste, déduit bien les faits, explique clai-
rement les événements et fait preuve partout d'une saine
critique.
Nous concluons done à l'impression de cette disserta-
lion dans les Mémoires de l'Académie, et nous exprimons
le vœu, comme le font nos deux confrères, de voir élu-
cider les positions stratégiques par quelques plans. »
Ces conclusions sont adoptées.
( 496 )
COMMUNICATIONS ET LECTURES.
Conseils sur les devoirs des rois, adressés à saint Louis par
Guibert de Tournay; par M. Kervyn de Lettenhove,
correspondant de l’Académie.
On sait combien saint Louis recherchait les hommes
distingués par leur science et leur piété. 11 aimait à en être
entouré daus les assemblées où il rendait la justice; il les
faisait asseoir près de lui à sa table, et dès que le soir était
venu, on allumait une grande chandelle de cire (1) : lors-
qu'elle s'éteignait, elle marquait le terme de la lecture que
le roi faisait lui-même ou qu'il écoutait avec attention.
Vincent de Beauvais dut ainsi à sa vaste érudition l’hon-
neur d'être admis dans la famille de saint Louis. Il avait
enseigné la théologie à Paris et plus tard, au milieu des
travaux de la Bibliotheca mundi, cette immense encyclo-
pédie du XIE siècle, il écrivit, à la prière de saint Louis,
un traité sur les devoirs des princes.
Guibert de Tournay paraît avoir occupé une position à
peu près semblable. Si sa biographie n'est pas mieux
connue que celle de Vincent de Beauvais, il est du moins
certain que, s'appliquant avec le même zèle à l'étude de la
théologie, il composa, comme lui, un livre sur les devoirs
des rois, et cette phrase qui le termine: Supra me sunt,
(1) Accendebatur una candela cerea magnae quantitatis et dum illa
durabat.. Gesta S. Ludov. ap. Duchesne, V, p. 596.
( 497 )
clementissime rex, quae pro funclione praelibavi, permet
de croire qu'il fut également lecteur ou chapelain du roi
de France. HTC
Saint Louis aimait beaucoup les frères mineurs de
l'ordre de Saint-François, auquel appartenait Guibert de
Tournay. Élevé par eux, il leur contia l'éducation de ses
enfants et employa à la construction de leur église de
Paris l’amende payée par Enguerrand de Couey.
On conservait autrefois à Ja bibliothèque de l’abbaye de
Saint-Martin de Tournay un précieux manuserit de Gui-
bert, qui offrirait sans doute des révélations non moins
importantes pour la biographie de l’auteur que pour lhis-
toire de son siècle : c'est l’Hodoeporicon ou itinéraire de la
première croisade de saint Louis. Peut-être fut-ce pour le
consulter que Vincent de Beauvais; qui avait reçu de saint
Louis, dit Gilles li Muisis, le pouvoir de visiter toutes les
bibliothèques du royaume (1), se rendit à l’abbaye de Saint-
Martin; et s’il en était ainsi, on pourrait chercher dans le
Speculum historiale qui uous a conservé les relations d’As-
celin et de Simon de Saint-Quentin, quelques extraits de
celle de Guibert, Si l'Hodoeporieon se retrouve un jour, il
fournira la preuve que Guibert de Tournay assista aux
événements qu'il raconte. Une lettre adressée à Isabelle,
fille de saint Louis, sur le bonheur de la vie religieuse, où
il l’'exhorte et la console à la fois (2), ne pent avoir été
écrite qu’en Syrie, après les malheurs de la croisade d'É-
gypte (5), pour déférer au désir de saint Louis, qui croyait
(1) Auctoritatem videndi librarias in regno Franciae. Gilles li Muisis,
p. 152. ;
(2) Utinam vobis cedat in solatium et exemplum. MS. des Dunes.
(5) Æis partibus. MS. des Dunes.
( 498 )
fléchir la colère du ciel en pressant vivement sa fille de se
consacrer à la pénitence (1). Guibert de Tournay put ac-
compagner à Japhe ou Jaffa le roi de France, qui y fonda
un couvent de cordeliers. Cette ville était l’ancienne Joppé,
si fréquemment citée dans les récits bibliques. Le comte
de Japhe, qui appartenait au lignage de Joinville, avait
fait orner de targes et de pennonceaux d’or à la croix de
gueules les créneaux de son château, qui dominait le port
où avaient abordé les flottes de Salomon, et ces murs
mêmes au pied desquels Gauthier de Brienne, suspendu à
une potence, eriait aux siens de le laisser mourir plutôt
que de capituler, avaient été témoins de l’héroisme des
Macchabées. Si Guibert de Tournay ne se retira point à
Jaffa, il reçut au monastère de Ptolémaiïde les adieux de
Guillaume de Rubruquis, autre frère mineur qui allait
pénétrer au centre de l'Asie.
‘A défaut de l’AÆodoeporicon, c'est dans le traité De erudi-
tione requm (2) que nous chercherons les traces les plus
intéressantes du séjour de Guibert de Tournay en Orient.
Lorsqu'ea paraphrasant le dix-seplième chapitre du Deuté-
ronome, il arrive au verset : Nec reducet populum în
(1) Geoffroi de Beaulieu, ap. Duchesne, V, p. 449.
(2) Le traité De eruditione regum (MS. de la Bibliothèque de Bruges) est
formé de trois parties principales. L'auteur dit lui-même qu'il repose sur
quatre points: Fundatur super quatuor : Reverentia Dei; diligentia sui;
disciplina debita potestatum et officialium; affectus et protectio subdi-
torum. Voici l’incipit : Clementissimo domino suo Ludovico Dei gratia
illustrissimo regi Francorum., frater Guibertus de Tornaco, de regno
moimentaneo migrare feliciter ad aeternum. Il se termine par cette date :
Actum Parisius apud fratres minores anno gratiae MCC quinquage-
sèmo nono, mense octobri in die octavarum beati Francisci.
( 499 )
Aegyptum, la lettre même du texte sacré rappelle à sa
mémoire le souvenir tout récent de la désastreuse tenta-
tive de saint Louis, et il poursuit ainsi :
Si vero haec verba litteraliter exponantur , videtis, cle-
mentissime domine, quod oportunitas nacta est ut haec a
superioribus repetantur. Sciat ergo aetas postuma quod
dominum meum regem Franciae in aegritudine desperata
Dominus visitavit et vivificae crucis signaculo consignavit ut
levaret signum in nationibus procul, et factum est signum
istud in bonum, sicut subsecutae sanitatis effectus ostendit
et in procinctu itineris vale facto ecclesiae congregatae vi-
dere potuit clerus Parisiensis alterum Constantinum non
tumore superbiae sublevatum sed crucifixum corde signa-
lum, in hoc vero minoratum habilu, gestantem in ma-
nibus dominicae crucis lignum el pro reverentia successit
gratia Domini. Crucesignatos fluctibus maris expositos alio
tendentes porlus inopinatus excepit et-christianum exer-
cilum sine consueta bellorum sanguinis effusione Spiritus
Sanctus in civitatem Mempheos introduxit ; sed maledictum ,
mendacium , furta, adulteria inundaverunt et sanquis san-
guinem tetigit. Insolescentes pro victoria et ingrati pro
gralia , qui servicium ejus elegerant cui servire regnare est,
ad vomilum sunt reversi, suas despumantes libidines et sua
flagitia, sicut Sodoma, praedicantes. Inimici crucis Christi
cujus videbantur esse debere domestici, inercedem erroris de
manu Domini qui repulit tabernaculem Sylo, receperunt.
Nam ulterius dissimulare noluit Dominus ultionum, sed pro
plebis irreverentia, gratia commutatur in iracundiam, sere-
nilas in lempestatem, dispensatio in judicium, refrigerium
in vexationem , clementia in vindictam. Quid plura? Com-
pleta est praedictio Jheremiae ad eos qui habitant in terra
Ægypti, in Memphis et in terra Phatures, ubi commemoratis
TOME xx. — ['° PART. 55
( 500 )
eorum sceleribus subinfertur : Visitabo habitatores terrae
Aegypti sicut visitavi super Jherusalem in gladio et in fame et
in peste, et non erit qui effugiat et sit residuus de reliquiis
eorum qui vadunt ut peregrinentur în terra Aegypli, nec
revertentur nisi qui fugerint. Dixisti, Domine, et facta sunt.
Nam et in occisione gladii dati sunt, fame eruciati, peste in-
quinaria lacessiti : sancla in manibus exterorum data sunt
in illa die lugubri quae facta est tenebrosior omni nocte quum
manum suam misit hostis ad omnia desiderabilia. Sacer-
dotes et milites in gladio ceciderunt, convenere canes et
eorum slante corona in dominum regem qui fugae praesidio
consulere noluit, sed flere cum flentibus maluit et cum sibi
servo populo in carcerem vel in mortem ire. Tempore neces-
sitatis quid esset in homine claruit dum fidei titulum et
sculum opposuit ul animaret ad fidem exercilum in per-
sonis pluribus blasphemantem. Non expaluit ad Ghristi
judicium regis facies ,.non sanguis congelatus est, non ri-
guere comae, non mente turbata faucibus vox adhaesit, sed
intrepidus et solito longe securior nichil omnino de statu
regiae dignilatis amisit ; nichil in eo ininae, nichil exorti
gladii potuerunt…. Ecce liquidius ista persequerer sed vere-
cundia me cohercet. Sed ecce non est abolitus misereri Deus,
nec continuit in ira minas suas. Nam dato rege in partem
praedantium ad breve in castris gentilium spiritus dilectionis
exoritur, soldanus occiditur, dominus rex cum ommnibus
christianis, sicut Domino placuit, de gentilium manibus li-
beratur… Non reducel ergo rex populum in Aegyptuin quia
non in multitudine armatorum, nec in virtute pugnantium
datur victoria Christi mililibus, sed in Domino (1).
(1) Epist. 1, e. IL.
( 01 )
Peu importe que Guibert de Tournay se trompe, comme
le confesseur de la reine Marguerite (1), en prenant Da-
miette pour Memphis. Sa narration n'est pas seulement
éloquente; elle révèle un fait nouveau en faisant connaître
que saint Louis, resté seul à l’arrière-garde avec Geoffroi
de Sargines, tomba au pouvoir d'une troupe errante de
pillards, c’est-à-dire de Bédouins « dont la coustume est
» tele, dit Joinville, que il courent tousjours sus aus plus
» febles. » Lorsqu'elle s'étend sur la constance et la ma-
gnanimité du saint roi dans le malheur, elle confirme le
témoignage de plusieurs historiens en nous apprenant que
l'admiration qu'en éprouvèrent les infidèles prépara la
révolution où le dernier soudan de la dynastie de Saladin
trouva la mort et le roi de France, la liberté.
Il serait facile d'emprunter quelques citations au traité :
De eruditione requm, pour montrer saint Louis aussi grand
par sa clémence et sa justice dans le palais de Paris qu'il
le fut par son courage à Mansourab, chez l'eunuque Sabyh,
Ne reconnait-on pas le bon roi qui, assis sous le chêne
de Vincennes, laissait venir à lui tous ceux qui avaient
quelque sujet de se plaindre, dans ces lignes où Guibert
de Tournay nous peint saint Louis protégé par l'amour de
son peuple :
O laudabilem et salutarem potentiam quae armis utitur
ad regium ornamentum magis quam ad praesidium eo quod
suo tuta beneficio, nichil hostile, nichil efferum machinatur,
sed ab universis amatur, defenditur, colitur quia nichil a
subdilis demeretur ! Quis enim illi periculum strueret, quis
illum impeteret , sub quo securilas , pax et Loni operis semen
(1) Édition du Louvre, p. 505.
( 502 )
effloret, qui sermone affabilis, accessu facilis, vultu ama-
bilis, animo imperturbato serenus semper apparet (1)?
Je me bornerai à citer les titres de deux chapitres fort
intéressants : le dernier est justifié par les nombreux
exemples que l’on rencontre en feuilletant le recueil des
Olim.
Princeps affectum clementiae custodit et differenter inju-
rias proprias et alienas corrigit (2).
Justiciam debet facere princeps contra Seipsum pro pau-
pere (5).
J'aime mieux, en terminant, m'arrêter à quelques pas-
sages du livre De eruditione regum qui traitent du respect
que le prince doit avoir pour les lois et les bonnes cou-
tumes. Un jour viendra où le jugement impartial de lhis-
toire rendra à saint Louis ce témoignage que, depuis
Louis VI, père des communes, jamais roi ne contribua
d'une manière plus généreuse n1 plus sage au développe-
ment des libertés publiques.
Sapientes philosophi et divinilus loquentes dixerunt quod
in primis deceat regiam majestalem oblemperare in lega-
libus constitutis… Lex, etsi inventio sit hominum, est
tamen Dei donum, doctrina sapientum, correctio volunta-
riorum excessuum , secundum quam decet vivere omvnes qui
in politicae rei versantur universitate..….. Nonne omnes ex
elementis communibus oriuntur, eodem coelo freti, spirant,
vivunt et consimiliter moriuntur? Unum habentes et eum-
dem patrem et eisdem initiali mysteriis, in ejusdem matris
utero idem credimus, idem sapimus, ad idem tendimus quia
(1) Epist. ILE, ce. INT.
(2) Epist. II, c. V.
(5) Epist, Il, pars IE, c. X.
( 505 })
non est servus, nec est liber in Domino... Remota legum
Justicia, quid sunt regna nisi magna latrocinia?.. Conside-
ret ergo princeps consueludines quibus vivunt cives et leges
quibus reguntur sub eo singulae civilates, et quod inventum
fuerit dominicae legi contrarium fiat de medio ne populus
vivat sine lege (1).
Saint Louis, mourant en Afrique, disait aussi à son fils :
Maintiens les bonnes coutumes et abaisse les mauvaises (2).
Dans la patrie même de Guibert, il existait une de ces
mauvaises coutumes qui remontait aux temps barbares.
Les haines privées que la hache de Frédegund avait vaine-
ment frappées au VE siècle s'étaient perpétuées sans s'affai-
blir, et avec elles avait passé de génération en génération
l'usage du wehrgeld qui permettait de racheter, moyennant
quatre livres parisis, les sentences de ban prononcées pour
meurtre. Saint Louis supprima, à Tournay, le wehrgeld ,
par uné mémorable ordonnance qui fut accueillie avec
d'autant plus de joie, que l'ordre et la paix allaient succé-
der à des souvenirs pleins d’anxiété, de luttes et de deuil.
S'il est impossible de déterminer dans des questions
spéciales et isolées l'influence que Guibert de Tournay put
(1) Epist. IT, pars I, c. V, VI, pars II, c. I; epist. III, c. IV. Guibert de
Tournay se plaint vivement des exactions des prévôts et des officiers du roi,
exactions qu’arrêla la sévérité de saint Louis : officiales, dit-il quelque
part, ab hoc verbo : officio, officis, quod est : noceo, noces, non ab hoc
nomine : officium, officit, videntur vocabulum mutasse.. Pix est, excepto
Principe, qui tantis malis valeat efficaciter obviare. Il les appelle : infamis
familia Hellekini. Sur la Mesnie Hellequin , voyez les Manuscrits fran-
gais de M. Paulin Paris, t. I, p. 522.
(2) Consuetudines iniquas et pravas quantumceumque longaevas, si
commode poterant , aboleri jubebat. Guillaume de Chartres, ap. Duchesne,
V, p. 471.
( 504 )
exercer sur Louis IX, on peut aflirmer qu’elle ne fut pas
sans quelque fruit, puisque le roi de France réelamait ses
conseils. Guibert de Tournay, qui jouissait d’une si haute
renommée que le pape Alexandre [IV lui écrivit deux fois
pour l’engager à poursuivre ses travaux (1), se comparaît,
comme Horace, à la pierre modeste sur laquelle s'aiguise
le fer: « Je rends grâce au Ciel, roi très-clément, écrivait-
» il à saint Louis, de ce que vous écoutez si volontiers ce
» qui vous est utile ou nécessaire, et quelque occupé que
» soit votre esprit du soin assidu de rendre la justice,
» vous aimez à le nourrir par la lecture et de saintes mé-
» ditations (2). Ailleurs, il ajoute : « C’est à votre désir
» que j'obéis en poursuivant la tâche que j'ai commen-
» cée (5); » et cette seconde lettre fait suite à celle où il
avait retracé les revers de la croisade. Saint Louis aimait
lui-même à raconter ce qu'il y avait souffert. La piété qui
avait allégé le poids de ses chaînes en rendait aussi le sou-
venir moins amer, et Guibert de Tournay exprimait la
pensée du roi quand il lui disait : Flagellat Dominus jus-
tum ut vexatio intellectum tribuat ad cautelam et cautela
cedat ad gloriam et coronam.
Il est assez remarquable que le manuscrit unique du
livre : De eruditione requm, porte sur la reliure, qu'il reçut
au XVI° siècle, les fleurs de lis mélées aux salamandres
de François 1”. Le manuscrit de Guibert de Tournay avait-
il été excepté des livres légués par saint Louis à divers
(1) Guibertus de Tornaco in studio Parisiensi tanti nomäinis vir ut
bis eum Alexander pontifez suis litteris excitaret ad scribendum. Wad-
ding, #nn. ord. fr. min. IV, p. 57,
(2) Epist. I, prol.
(5) Epist. IT, c. I.
( 305 }
monastères, et fut-il l'un de ceux qui formèrent plus tard
la bibliothèque du Louvre, si fréquemment mutilée on dis-
persée? Que devint-il après y être resté jusqu’au jour où
François [”, revenant de sa prison de Madrid, eût pu y
chercher les enseignements providentiels qui n'avaient pas
manqué à saint Louis dans sa captivité d'Égypte? Une seule
hypothèse offre quelque vraisemblance. Jean de Witte,
évêque de Cuba, l'obtint peut-être de la reine Éléonore
dont il était aumônier , et celui-ci, avant de mourir à
Bruges, le 15 août 1540, put le déposer au milieu des ma-
nuserits de l’abbaye des Dunes, où Sanderus le vit en 1638.
Notice concernant l'extinction de l'esclavage; par M. le che-
valier Marchal, membre de l'Académie.
Lorsqu'au mois de février dernier, j'ai lu une notice
concernant le siége de Metz, en 1559, par l’empereur
Charles-Quint, je ne pouvais y intercaler, sans en inter-
rompre le récit par un fait étranger, l’anecdote recueillie
par les historiens contemporains de ce siége, qui nous
apprennent que Davila, général de la cavalerie espagnole,
réclama du duc de Guise, commandant en chef la défense
de la place, pour le roi de France, un esclave qui lui ap-
parlenait et qui s'était réfugié dans la ville de Metz,
Le duc de Guise répondit que cet esclave avait acquis son
affranchissement, par le fait de son entrée dans une ville
de la domination française, et qu'il ne pouvait le restituer.
Ferrière reproduit cette anecdote dañs une note ajoutée
à sa traduction des Institutions (1, 74). Il fait observer
( 506 )
que c'était selon l’ancienne et sage coutume de France,
qui interdit l’extradition des esclaves et l'esclavage.
En effet, l'édit du 5 juillet 4515 de Louis X le Hutin,
roi de France, qui est imprimé, entre autres, dans le Re-
cueil des ordonnances des rois (1, 585), a pour objet l’af-
franchissement de la servitude personnelle, sans aucune
formalité et sans aucune exception. Antérieurement , il y
avait un édit de 1270, du roi saint Louis, qui déterminait
la forme des affranchissements.
On lit au texte de l’édit de 1515: « Comme, selon le
droit de nature, chacun doit naître franc, et comme la'ser-
vitude moult nous déplait, considérant que notre royaume
est dit et renommé le royaume des Frances, et voulant que
la chose, en vérité, soit d'accord avec le nom, avons or-
dené et ordenons à tous lieux, villes et communautés et
personnes singulièrement et généralement, que par tout
notre royaume les serviteurs seront amenés à franchise. »
L’exécutoire qui termine cet édit est ainsi rédigé : « Or-
denons en mandement à tous nos justiciers et subjects, que
en ces choses ils obéissent et entendent diligemment. »
Je necommenterai point la définition donnée par l'Espril
des lois de Montesquieu (XV, 10), qui distingue la servitude
personnelle ou l'esclavage, et la servitude réelle frealis)
ou des choses (rerum) qui est le servage; je ferai observer
seulement qu'avant l'édit de 1515, l'esclavage existait en
France et en Lorraine, mais que, avant l’année 1506, il
était aboli en Brabant. Cependant, malgré l'influence du
christianisme, qui désapprouvait cet usage contraire à l'É-
vangile, on n’a point pu l’anéantir avant le XEV° siècle.
Pour le démontrer, je me borne à choisir trois cita-
tions à des époques réciproquement fort éloignées, dont
la deuxième se rapporte à l'Angleterre.
(507 )
4° En l’année 649, le jeune roi de Neustrie, Clovis IT,
épousa Bathilde, qui est admise au nombre des saintes,
comme on le voit à la collection des Bollandistes, au
26 janvier (MS 761).
Elle était née anglo-saxonne; elle fut enlevée par des
pirates qui la vendirent à Erchinowald, maire du palais.
Vili praetio venundata. Celui-ci la céda au roi. Cette vente
d'une jeune esclave était conforme aux coutumes anglo-
saxonnes et frankes.
% Je consulte une note de l'Histoire de l'Europe au
moyen âge, par M. Hallam (IV, 154), en ce qui concerne
l'Angleterre.
Il dit, d’après le témoignage de Gyraldus Cambrensis ,
que les parents vendaient leurs enfants et que les hommes
vendaient les femmes avec lesquelles ils avaient vécu en
concubinage. M. Hallam ajoute la citation d’un des canons
du concile de Londres en 1102, qui porte ces mots : Qu’à
l'avenir personne ne se permelle d'exercer ce criminel
trafic, en vendant ses semblables comme des bêtes brutes.
En effet, on lit au canon XXVIT (Voir Acta conciliorum) :
ne quis illud nefarium negocium , quo hactenus in Anglià
solebant homines, sicut bruta animalia venundare, deinceps
nullatenus facere praesumat.
Depuis le concile de Londres que je cite, cette coutume
est tombée en désuétude en Angleterre; elle n'y existait
plus au XVI: siècle; car je dois ajouter qu’un acte du pre-
mier Parlement d'Édouard VI, en 1547 (ch. IL, 5), porte
ces mots : Vagabonds running away from their masters
shall become slaves and may be sold or slept to work, in
chains and iron on the neck, ete., ele. « Les vagabonds qui
se sont enfuis de leurs maitres, deviendront esclaves et
peuvent être vendus pour deux ans, mis à la chaine, ayant
( 508 )
un collier de fer pour travailler. » L'acte ajoute qu'ils seront
marqués d'un V, c'est-à-dire Vagabond, sur la poitrnie, et
seront nourris au pain et à l’eau. En cas de récidive, ils
seront marqués d'un S, c’est-à-dire Slave (esclave), sur le
front : leur esclavage sera de cinq ans. Les enfants vaga-
bonds seront mis en louage ou vendus comme esclaves pen-
dant un certain temps. Ce vagabondage était la conséquence
des troubles de religion. Cet acte fut rappelé (rappeeled),
c'est-à-dire abrogé par les 5° et 4° parlements du même roi,
en 1549 (voir XVI, 501 de la Collection des records). C'é-
tait, par conséquent, la punition temporaire des vagabonds.
Il n’y avait donc plus d’esclavage d’une caste d'habitants.
J'ignore, ne connaissant pas assez les lois anglaises, à
quelle époque avant les chartes de Charles IT et de Guil-
laume et Marie en Angleterre, sur la liberté publique,
l’affranchissement des esclaves fut officiellement décrété.
Selon l'Encyclopédie de Chambers (Londres, 1745), tout
esclave étranger devient libre par le seul fait de son débar-
quement dans les îles Britanniques. Il dit qu'il y a d’au-
tres règlements pour les nègres des Antilles.
5° En l’année 1165, selon la chronique du monastère
de Vezelise, imprimée dans la collection de dom Bouquet
(XII, 241), l'abbé soutint un procès pour se maintenir
dans la possession d'un esclave qui était cuisinier de l’ab-
baye. 11 disait à la partie adverse : Et ait abbas : Andreas
de Palude nihil omnino ad te pertinet , meus est a planta
pedis usque ad verticem, sicut servus proprius monasteri.
Un peu plus loin, il réplique que ce serviteur ne possède
rien, pas même sa personne, nudo corpore. Je transeris
ces deux mots du texte latin.
Le 5 octobre 1685, Louis XIV fit publier un édit con-
cernant les esclaves dés colonies que les maitres envoyaient
( 309 )
dans la métropole pour les faire instruire dans la religion
ou pour leur faire apprendre un art ou un métier. Le
maitre, pour conserver ses droits sur l'eselave et le rap-
peler aux colonies quand il le voulait, devait faire une
déclaration au départ du navire qui sortait d’un port de la
colonie, el une seconde déclaration à l’arrivage en France.
Je reviens à ce qui concerne la Belgique. L’édit de 1515
fut exécutoire en Flandre et en Artois, qui étaient, au
XIV° siècle, des fiefs de France du ressort du parlement de
Paris. En Hollande et en Zélande, l'esclavage était tombé
en désuétude depuis un temps immémorial, comme le
démontre l'ouvrage de Groenenwegen, De legibus abro-
gatis. En Brabant, il y a la date certaine de 1506, par
conséquent de neuf ans antérieure à l’édit de 1515. En
effet, outre les manuscrits du XV° et du XVE: siècle, qui
sont à la Bibliothèque royale, je dois citer l'édition de
1580, des coutumes d'Anvers, que Plantin a imprimée. On
lit au commencement du texte : Extract uit zekere pri-
vilegie by hertog Jan (den tweeden) van Brabant, gegunt
ende verleent den wethouderen der stadt van Antwerpen, ter
date 1506 op S'-Nicolaes dach. Il y a ensuite la confirma-
tion de ces priviléges, en 1578, par Philippe I. On y lit
au premier article du titre qui concerne les conditions des
personnes (p. 159) : Alle slaven binnen de stadt oft vryheydt
gecommen wesende, syn vry en builen de macht van huer-
lieden meester oft vrouwe. « Tous les esclaves qui viennent
dans la ville d'Anvers ou ses franchises sont libres et hors
de la puissance de leur maître ou maitresse. » Cet article
ajoute, pour en assurer l’exécution : Ende s00 verre men die
wilde als slaven houden, etc. « Et si l’on voulait les main-
tenir pour esclaves et les forcer de servir, ils peuvent pro-
clamer la liberté de la patrie (proclameren AD LIBERTATEM
(510 )
PATRIAE), el leur maître ou maîtresse sera assigné devant la
loi, pour les voir légalement déclarés libres. » Le simple
bon sens fera tirer la conséquence que si un esclave arri-
vant au port d'Anvers, en 1506, était affranchi par le seul
fait de son arrivée, il n’y avait point d'esclaves dans le pays.
En voici une application à la Belgique entière par un
acte officiel de 1551 (vieux style), qui est par conséquent
de 21 ans antérieur à la réponse de M. de Guise, pendant
le siége de Metz, à la fin de 1552.
L’ambassadeur du roi de Portugal, dans les provinces des
Pays-Bas , fit réclamer à l'empereur Charles-Quint, par un
facteur, la recherche d’un esclave qui s'était évadé. Voici le
texte de la requête que je transeris du manuscrit 16021.
« À L'EMPEREUR !
» Remontre en toute humilité le facteur de Portugal,
au nom de l'ambassadeur étant présent vers Votre Majesté,
comment mondit ambassadeur a dès longtemps achepté
un esclave nommé Simon, ayant couleur brune , appelée
blanc-more, signé en ses joues, à savoir, d'un côté, 3. et
de l’autre côté, d’un M. Or est que dez votre dernier parte-
ment de ceste votre ville de Bruxelles pour les Allemaignes,
ledit esclave s'en est allé avecq mondit S° l'ambassadeur
jusqu’à Mayence, là où ledit esciave s’est enfui et depuis
retourné en vos pays de par deçà.
» Pourquoi vous supplie très-humblement ledit facteur,
au nom dudit ambassadeur, que votre très-noble plaisir
soit, lui accorder vos lettres-patentes par lesqnelles soit
ordonné et commandé à vos ofliciers de vos pays de par
deçà, qu'en tel lieu où ledit esclave soit trouvé, ils le pren-
nent prisonnier et le délivrent ès mains dudit facteur ou
sou commis, pour en faire son bon plaisir, et ce en suivant
(511)
la coutume d’Espagne, à cause que ledit esclave lui com-
pète et appartient par achat, comme ses propres biens, et
ferez bien. »
La reine de Hongrie, alors gouvernante générale, envoya
cette requête, par lettre du 6 mars 1551 (v. st.), à avis du
grand conseil de Malines, qui répondit le lendemain 7 mars :
« MADAïE,
» Par votre ordonnance, nous avons vu et visité la re-
quête du facteur de Portugal, qu'il a plu à Votre Majesté
nous envoyer pour y bailler notre avis, et ayant sur icelle
bien pesé et délibéré, il nous semble que le suppliant n’est
fondé en sa requête, et que ce qu’il requiert ne peut lui être
accordé, eu égard à la nature et liberté du pays de par deçà,
où l’on n’use pas de servile condition, quant à la personne;
lequel notre avis avec la susdite requête nous renvoyons,
Madame, pour en être fait et ordonné à votre bon plaisir. »
C'est dans la même intention qu'en l'année 1540,
Charles-Quint, né et élevé aux Pays-Bas, faisait rédiger, en
sa qualité de roi d'Espagne, les instructions qu’il donnait à
Vaca del Castro qu'il envoyait au Pérou pour organiser ce
nouveau royaume. Il lui prescrivait d'interdire à tous les
caciques de vendre ou d’acheter des esclaves ; mais on n'y
tint aucun compte de ses ordres; j'invoque le témoignage
de l’Histoire de l'Amérique, par Herrera (1, 595), qui le
déclare.
Voici un autre exemple de la liberté des esclaves dans
nos contrées; je l'extrais du MS. 15245.
Le 11 mars 1755, la gouvernante générale, Marie-
Élisabeth, transmit au conseil privé une réclamation du
23 février précédent, d’un capitaine de navire anglais, qui
se plaignait qu’à son arrivée dans le port d'Ostende , un
(12)
esclave mexicain, qui lui appartenait, lui ayant demandé
là permission de débarquer pour aller entendre la messe
dans une église de la ville, s'était réfugié dans un corps de
garde. En conséquence, le capitaine anglais, son maître, le
réclama au gouverneur, parce que l'autorité communale
avait fait mettre cet esclave en dépôt dans la prison de la
ville, en attendant les ordres de l'autorité supérieure.
Le conseil privé ayant été consulté, répondit à la gou-
vernante générale, en se référant à la coutume d'Anvers
que j'ai déjà citée, et à la décision du 6 mars 1531 que j'ai
transcrite. Les conclusions du conseil privé étaient en ces
termes : Qu'il n’y avait pas lieu à‘restituer l’esclave qui
était affranchi par son arrivée aux Pays-Bas. En consé-
quence, la gouvernante générale des Pays-Bas fit écrire ce
qui suit au gouverneur d'Ostende :
« Marie-Élisabeth, etc., etc. Très-cher et bien aimé.
Rapport nous ayant été fait de votre représentation du
25 février dernier, au sujet d'un certain Antonio Bartho-
lomeo de Lion, natif de Mexico, esclave de Juau Blanco,
capitaine d’un navire anglais, lequel esclave, arrivé au
port d’Ostende, s’est rendu en ladite ville et y aurait
réclamé sa liberté.
» Nous vous faisons la présente pour vous déclarer,
comme nous déclarons par cette, que ledit Antonio Bar-
tholomeo de Lion est à réputer comme une personne libre
de condition, dès son entrée dans la ville d'Ostende, sui-
vant les lois et usage des États de Sa Majesté dans les pro-
vinces des Pays-Bas de son obéissance, pour tant qu'il ne
peut ni ne doit être restitué à son maître, mais qu'il doit
jouir de la liberté dont jouissent les habitants de ces Pays-
Bas, selon que vous aurez à vous régler. À tant, elc., elc.
» Fait à Bruxelles, le 45 avril 1735. »
( 15 )
D'après cel exposé, on recounaitra que la Belgique a
devancé les autres natious de l’Europe dans l'abolition
oflicielle de l'esclavage.
Un membre fait remarquer que la Revue archéologique
publiée à Paris contient, dans sa livraison du 15 mars
1855, une note portant que l’Académie royale belge d'his-
loire et de philologie à élu parmi ses membres étrangers
M. le baron Chaudrac de Crazaimes, et qu’à la table de la
même livraison M. le baron Chaudrac est qualifié de mem-
bre étranger de l’Académie royale de Belgique.
L'Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-
arts, établie à Bruxelles sous la protection du Roi, étant
la seule à qui ce dernier titre appartienne, il est résolu de
relever, dans le Bulletin, l'erreur commise par la Revue
archéologique de Paris.
(514)
CLASSE DES BEAUX-ARTS.
Séance du 7 avril 1853.
M. RoELanor, directeur.
M. Querecer, secrétaire perpétuel.
Sont présents : MM. Alvin, Braemt, F. Fétis, G. Geefs,
Van Hasselt, Hanssens, Navez, Eug. Simonis, J. Geefs,
E. Corr, Snel, Fraikin, Baron, Éd. Fétis, membres ;
Calamatta , associé; Bosselet et Balat, correspondants.
CORRESPONDANCE.
M. le Ministre de l’intérieur fait parvenir à l'Académie,
pour être déposées, dans son médailler, quarante-huit
médailles historiques, avec la promesse que la Compagnie
sera dorénavant comprise parmi les institutions auxquelles
le Gouvernement distribue les médailles provenant de
commandes ou de souscriptions. — Remerciments.
M. Jouvenel , correspondant de l’Académie, fait égale-
ment hommage de deux médailles qu'il vient de terminer.
— M. le Ministre de l’intérieur transmet une expédi-
tion d’un arrêté royal du 7 mars, qui fixe les frais de route
(515)
et de séjour, tant de la Commission royale des monuments
que des jurys ou commissions temporaires que le Gouver-
nement institue dans un but scientifique, littéraire ou
artistique.
— Par une autre lettre, M. le Ministre de l’intérieur
exprime le désir de voir terminer le plus promptement pos-
sible le nettoyage de la statue en albâtre, que M. Melsens
a bien voulu entreprendre, d’après les procédés chimiques
qu’il a indiqués.
— M. Peut de Rosen demande que la classe veuille bien
lui renvoyer le manuscrit de la notice qu'il lui a commu-
niquée dans une de ses précédentes séances. Le renvoi est
ordonné.
— M. P. Scheltema, d'Amsterdam, fait hommage d’une
notice sur Rembrandt. — Remerciments.
RAPPORTS.
Sur une symphonie à grand orchestre el une ouverture dite
d'André Vésale, composée par M. E. Lassen, lauréat
du grand concours en 1851.
M. Fétis, président de la section permanente du jury
des grands concours de composition, donne lecture du
rapport suivant sur l’ouvrage de M. Lassen :
« Conformément aux prescriptions du règlement des
grands concours de composition, M. Lassen, lauréat de
Tome xx. — ['° parT, 56
(516 )
1851 , a fait parvenir au Gouvernement, à la fin de la
première année de ses voyages à l'étranger, une symphonie
et une ouverture à grand orchestre. Celle-ci, composée
pour le drame joué au théâtre royal de Bruxelles, sous le
titre d'André Vésale , n’a pas été exécutée. Renvoyés à la
classe des beaux-arts de l’Académie royale de Belgique
par M. le Ministre de l'intérieur, avec demande d’un rap-
port, ces ouvrages ont été soumis à l'examen des membres
de la section de musique qui composent le jury permanent
des concours. Cet examen a donné lieu aux observations
consignées ci-après.
Le début de M. Lassen dans la cantate sur le sujet de
Balthasar , couronnée en 1851, a révélé chez ce jeune
artiste un heureux instinet de l’expression dramatique, de
la nouveauté dans les idées, et de l’habileté dans l'usage
des ressources de l’instrumentation. Dans la symphonie
qu'il soumet aujourd’hui au jugement du jury, il a dû sa-
tisfaire à d’autres conditions; car le sentiment dramatique
ne peut entrer que secondairement dans ce genre de
composition , à moins que la symphonie n’appartienne au
genre spécial qu’on a essayé de mettre en vogue dans ces
derniers temps, et dont l’objet est de faire de la musique
instrumentale une sorte de drame sur un sujet donné.
Telle n’est pas la symphonie de M. Lassen. Ce jeune artiste
ne s'est pas proposé d'autre sujet que sa propre pensée; la
forme qu’il a adoptée a de l’analogie avec celle, des der-
nières symphonies de Mendelsohn Bartholdy.
La première partie (Allegro con brio) a pour phrase
principale une mélodie gracieuse bien ramenée dans le
cours du morceau, mais qui ne se distingue point par un
caractère marqué d'originalité. En général, cette partie
de. l'ouvrage est peu riche d'inspiration, et l'on voit que
( 17 )
lé compositeur s'est surtout préoccupé des-détails et des
eflets ; tendance qui, malheureasement, est celle de l'é-
pôque actuelle. Une autre remarque eritique peut être faite
à M. Lassen sur l'harmonie de ce morceau; harmonie
surclrargée d’altérations, ét souvent tourmentée jusqu’à
l'incorrection. Dans les autres parties de l’onvrage, elle
est beaucoup plus simple et plus naturelle.
Le tlième de la deuxième partie (andante) est plein de
charme et de naïveté. Distingué par le sentiment mélo-
dique et par la pureté de l'harmonie, ce morceau se fait
aussi remarquer par des épisodes imprévus , bien que non
étrangers au caractère général de l’ouvrage, et par des mo-
dulations heureuses.
Dans le scherzo, qui forme la troisième partie de la
symphonie, M. Lassen n’a rien changé à la forme de Beet-
hoven, qui paraît avoir été son modèle; mais le thème est
bien choisi et les détails sont traités avec beaucoup d’art.
La partie de l'ouvrage où l’auteur montre l'originalité la
plus évidente est le finale, dont le mouvement est vif, et
dont le thème a de la fantaisie. L'idée principale est bien
conduite, bien développée, et les détails ont beaucoup de
piquant. Dans les effets d’instrumentation, on remarque
d’heureuses oppositions; enfin , la péroraison a de la verve
et de l'entrain.
Au résumé, le jury est d'avis qu'après avoir fait la part
d’imperfections inséparables des premiers ouvrages d’un
jeuné artiste, dont le talent subit toujours certaines in-
fluences d'époques, il y a dans la symphonie de M. Lassen
un mérite réel et distingué qui témoigne en faveur de la
bonné direction qu’il donne à ses travaux, et qui est d’un
favorable augure pour l'avenir.
L'ouverture d'André Vésale n'est pas du nombre de celles
(518 )
dans lesquelles un ou plusieurs thèmes des morceaux
d'un opéra sont repris par le compositeur , traités de nou-
veau et cousus avec plus ou moins d’habileté : bien que
destinée à servir d'introduction au drame dont elle porte
le nom , elle appartient au genre imaginé depuis environ
vingt-cinq ans, et qu'on désigne sous le nom d'Ouvertures
de concert. À vrai dire, Cest une symphonie d’un seul
morceau. Le coloris en est sombre et vise à l'effet drama-
tique. Après une introduction dans un mouvement lent,
“vient un allegretto gracieux et naïf dont le thème n'est
malheureusement pas développé, et qu’on regrette de ne
pas voir reparaître, Le mouvement vif (allegro agitato) est
établi sur deux phrases principales, l’une rhythmique,
l’autre mélodique, lesquelles dialoguent et se font opposi-
tion. M. Lassen a fait preuve d’habileté dans l’enchai-
nement de ces phrases et la diversité des formes sous
lesquelles il les représente. Distinguée aussi par lélé-
gance de son harmonie et de son instrumentalion, ainsi
que par son caractère chaleureux et passionné, l'ouverture
d'André Vésale ajoute à la bonne opinion que le jury a de
l’avenir du jeune compositeur dont elle est l'ouvrage. »
Rapport de M. Snel.
« La première partie de la symphonie de M. Lassen ne
brille ni par le style ni par l'inspiration, et l’on n’y trouve
pas une mélodie caractéristique qui puisse charmer l'oreille
et toucher le cœur. Le thème n’est pas d’une originalité bien
tranchée, mais il est ramené par des combinaisons heu-
reuses dans le cours du morceau. Cet allegro, d'une couleur
(519)
orchestrale allemande, parait être écrit avec quelque peine;
il contient des transitions trop brusquement amenées et
des passages dont l’harmonie est tourmentée à l'excès.
La seconde partie (andante) contient quelques dessins
mélodiques empreints d'une grâce et d’une délicatesse infi-
nies; l'harmonie en est distinguée sans trop de recherche,
et l'instrumentation s’y fait remarquer par des combinai-
sons qui doivent frapper l'oreille d’une manière agréable.
Le scherzo, qui forme la troisième partie de Ja sym-
phonie, est écrit dans la mesure à trois temps brefs, comme
ceux de Beethoven que M. Lassen paraît avoir pris pour
modèle. Ce morceau, sans être bien original, est habile-
ment développé; il est vif, brillant et plein de verve.
Le final, écrit également dans un style vif bien déve-
loppé et d’un dessin original, contient de charmants dé-
tails sous le rapport de l'harmonie et de la modulation;
ce morceau est, à mon avis, ce qu'il y a de plus remar-
quable dans la symphonie, et il fait honneur au savoir et -
au goût de M. Lassen.
Quant à l'ouverture d'André Vésale, je partage entière-
ment l'opinion énoncée sur cette composition par mon
honorable collègue M. Fétis; mais, pour être sincère, j'a-
jouterai que des divers morceaux soumis à mon examen,
l'ouverture d'André Vésale m'a paru le moins remarqua-
ble. »
M. Hanssens, troisième commissaire, appuie les con-
clusions de ses collègues, lesquelles sont adoptées par la
classe : il en sera donné communication à M. le Ministre
de l’intérieur.
Rapport de M. Navez sur la dernière communication faite
à l'Académie royale d'Anvers, par M. Carlier, lauréat
du grand concours de peinture.
« L'auteur de la lettre sur laquelle je suis appelé à vous
adresser un rapport, M. Carlier, n’a pu examiner encore,
en Italie, que les coloristes, c'est-à-dire les maîtres de la
fin du XVI siècle et ceux du siècle suivant. Or, n’ayant
- rien vu de bien remarquable de cette primitive école de
la renaissance, du XIII, du XIV* et du XV:* siècle, je
m'étonne qu'il juge si sévèrement le Giotto, dont il trouve
l'exécution très-ordinaire, ajoutant toutefois que, par exé-
cution , il entend le dessin et le modelé, tandis que l'exé-
cution embrasse l’ensemble d’un ouvrage dans tous ses
rapports avec la conception. Vous le savez, Messieurs, une
foule d'artistes ont dessiné et modelé des têtes et des mains,
souvent avec plus d'exactitude que Rubens, Titien et d'an-
tres chefs d'école, et sont restés cependant dans la médio-
crité à défaut de génie et de talent, qui seuls font les
grands maitres. Nous en appellerons plus tard à M. Carlier
lui-même, lorsqu'il aura sévèrement étudié les grands ar-
tistes postérieurs au Giotto et qu’il aura apprécié toute la
grandeur que cet artiste célèbre a léguée à ses successeurs;
il reconnaîtra alors que l'exécution est toujours relative à
l’époque où l’on existe.
Notre jeune artiste a jugé trop légèrement cette époque,
qu'il représente à tort comme stationnaire. Sans doute,
elle n’a pas franchi d’un bond l'espace immense qui la sé-
pare du siècle suivant; mais elle a eu des hommes de génie,
de jugement solide et d'admirable persévérance, qui ont
( 524 )
fixé le principe du grand, du vrai et du beau. Simon
Memmi , Orcagna, Gaddi, ete., ete., que M. Carlier ap-
précie un peu en écolier, sont des maîtres dans la grande
école, et j'aime à croire qu'il les reconnaitra comme tels
après avoir vu le cimetière de Pise.
Masaccio fat certainement le précurseur de la belle épo-
que du XVF siècle, et M. Carlier l'a compris; il est à
regretter toutefois que, pour le louer, il l'ait félicité d'a-
voir banni le caractère barbare de ses prédécesseurs. Ce
qu'il appelle barbarie est une admirable naïveté dont la
tradition , hélas, est perdue!
L'auteur du rapport se trompe également en prétendant
retrouver dans le Poussin la reproduction des types de
Masaccio. À son époque, on recherchait d’autres carac-
tères, et l'on se livrait, par conséquent, à d’autres études;
chacun sait que le caractère de l’école florentine s’est arrêté
à Michel-Ange, à Raphaël et aux grands maîtres du com-
mencement du XVI siècle.
M. Carlier juge avec beaucoup d'élévation et de senti-
ment les œuvres d’Angelo de Fiesole. Je l’en félicite, parce
que c’est un des hommes de cette époque, qui ne se servi-
rent de leur art que pour exprimer tout ce que leur âme
avait d'élevé et de céleste. Son jugement sur les maîtres
de la même époque, Benedetto Gozzoli, Lippi, etc., est
assez juste, et la préférence qu'il accorde à ce dernier,
l’analyse raisonnée qu’il fait de ses œuvres, sont bien ex-
posées. J'aime aussi son appréciation de Ghirlandaïo, pour
qui il professe une grande admiration, admiration bien
fondée ; on comprend qu'un tel homme pouvait, par son
génie, par son talent, par le caractère si vrai de ses per-
sonnages, par son grand respect pour la nature, former
Michel-Ange. Par contre, il n’est pas aussi heureux dans
(52)
le parallèle qu’il établit entre Fra Bartholomeo et André
del Sarte. Tous deux portent certainement le caractère de
leur époque et de leur école; mais celui-là a été dominé
par la grandeur et l'élévation du style, tandis que celui-ci
semble souvent ne pas y penser et n'avoir d'autre but que
d’émouvoir par l’expression et le pittoresque de ses drape-
ries : Ses ajustements n’ont rien du caractère sévère et
imposant de Fra Bartholomeo. Ces deux hommes n’ont
entre eux d'autre rapport que de rappeler une belle époque,
mais dont les principes ont été différemment appliqués.
Le jugement du jeune artiste sur le Pérugin est trop sé-
vère, et nous l’attendons à plus tard, quand il aura vu et
étudié les œuvres de cet homme à Pérouse. Malgré l’uni-
formité de ses compositions et du caractère de ses têtes,
il faut reconnaitre, dans ses œuvres, un grand sentiment
du beau et une admirable simplicité ; Raphaël lui-même,
ne l’a jamais oublié. L'on trouve le Pérugin dans la Gloire
de la Dispute du S'-Sacrement, et j'oserais même avancer,
dans ce que Raphaël a produit de plus sublime : le Christ
de la Transfiguration.
Nos observations ne tendent cependant pas à contester
le mérite du rapport de M. Carlier; nous le louons même
avec plaisir, tout en en critiquant certaines parties, parce
que ce rapport prouve des études sérieuses, études dont
nous espérons voir un jour faire une heureuse applica-
tion. »
Une copie de ce rapport sera transmise à M. le Ministre
de l'intérieur.
(525 )
COMMISSION DES INSCRIPTIONS POUR LES MONUMENTS PUBLICS.
M. le secrétaire perpétuel fait connaître que la commis-
sion s'est réunie avant la séance. M. Alvin a présenté, pour
l'église de S'-Aubin, à Namur, le projet suivant d'inscrip-
tion, que la commission croit devoir présenter à l'appro-
bation de la classe.
ÉGLISE DE SAINT-AUBIN (à Namur).
Au X® siÈèCLE. — SIMPLE CHAPELLE HORS DES MURS.
1047. ÉRIGÉE EN COLLÉGIALE, PAR LE COMTE ALBERT Il.
1539. ÉRIGÉE EN CATHÉDRALE,
4750. DÉMOLITION DE L'ANCIENNE ÉGLISE.
21 suix 4750. Pose DE LA PREMIÈRE PIERRE DE L'ÉGLISE ACTUELLE.
1767. ACHÈVEMENT.
20 serTEMBRE 1772. DÉDICACE.
STYLE MODERNE. ArCHIT. : P1ZZONI.
Long. 78 mèt., dont 29 m. pour le chœur.
Dimensions. | Larg. 53 mèt. aux transepts, 35 m. aux nefs,
17 mèt. dans le chœur.
M. Schayes a promis de présenter, dans la séance sui-
vante, une liste des édifices anciens et modernes qui parais-
sent mériter de recevoir des inscriptions. Les membres de
la commission pourront alors indiquer plus facilement les
monuments dont ils désirent rédiger les inscriptions,
(324)
OUVRAGES PRÉSENTÉS.
f
A la mémoire de Charles-Joseph-Emmanuel Van Hulthem ;
par M. Ch. Morren. Liége, 1853; 4 broch. in-8°.
Biographie de Louis-Jean-Francois Legrelle-d'Hanis, d'An-
vers; par M. Ch. Morren. Liége, 1853; 1 broch. in-8°.
Deux monnaies italiennes du XV/II° siècle ; un sol de déciane,
un daldre de Correggio, par Renier Chalon. Bruxelles, 1853;
1 feuille in-8°. ;
Cours élémentaire de culture maraichère, publié sous le patro-
nage de la Société nationale d'horticulture de la Seine, par Cour-
tois Gérard. Édition belge, augmentée d'articles signalés par un *
et de notes sur les climats comparés de Bruxelles et de Paris ;
par H. Galeotti. Bruxelles, 1853; 1 vol. in-32
Carte topographique des environs du camp de Beverloo, en
90 feuilles. Feuilles n° 8, 9, 13, 14 et 19, et tableau d’assem-
blage. Bruxelles, 1848-1853; G cartes in-plano.
Ministère de l'intérieur. Rapports et documents officiels rela-
tifs à l'inoculation de la pleuropneumonie exsudative, d'après le
procédé de M. le docteur Willems. Bruxelles, 1853! 1 vol. in-8°.
Notice sur Jean-François Lemuire, professeur à l'Université
de Liége, par A.-C. De Cuyper. Liége, 1853; 1 broch. in-8°,
Introduction à l'étude de la science de La méthode, par Louis
Bara. Bruxelles, 4853; 1 vol. in-32.
Revue de la numismatique belge, publiée sous les auspices de
la Société numismatique, par MM. R. Chalon, L. Decoster et
Ch. Piot, 2 série. Tome HE, 4° livraison. Bruxelles, 1853;
4 broch. in-8°.
Bulletin administratif du Ministère de l'intérieur. Tome VII,
03, mars 1853. Bruxelles, 1 broch. in-8°.
(325)
Bulletin de l'institut archéologique liégeois. Tome 1, 2° livrai-
son. Liége, 4853; 4 vol. in-8°.
Annales de la Société pour la conservation des monuments his-
toriques et des œuvres d'art, dans la province de Luxembourg,
1849-1850 et 4850-1851. Arlon, 1852; 1 vol. gr. in-8°.
Journal d'agriculture pratique, d'économie forestière, d'écono-
mie rurale et d'éducation des animaux domestiques du royaume
de Belgique, publié sous la direction et par la rédaction princi-
pale de M. Charles Morren. Avril 4853. Liége, 1 broch. in-8°.
Journal d'horticulture pratique de la Belgique; directeur :
M. Galeotti, 11° année, n° 1. Bruxelles, 14853; 1 broch. in-8°.
Flore générale de lu Belgique, contenant la description de
toutes les plantes qui croissent dans ce pays; par G. Mathieu
9e livraison. Bruxelles, 1853; 1 broch. in-8°.
Le jardin fleuriste, journal général des progrès et des intérêts
horticoles et botaniques, rédigé par Ch. Lemaire. Vol. IV, 2° et
5° livraisons. Gand, 1853; 1 broch. in-8&°.
Journal belge de l'architecture et de la science des constructions,
publié sous la direction de MM. C.-D. Versluys et Ch. Vanderau-
wera, 6° et 7° livraisons. Bruxelles, 4853; 2 broch. in-4°.
Le Moniteur de l'enseignement, publié sous la direction de
Fréd. Hennebert. Nouvelle série. TomeIll, n° 9 à 11. Tournay,
4853; 2 broch. in-&.
Le Moniteur des intérêts matériels. N® 15 et 16. Bruxelles,
1853; 2 feuilles in-plano.
Journal historique et littéraire. Tome XIX, 12 livr., avril
1853. Liége; 1 broch. in-8°.
Bulletin de l'Académie royale de médecine de Belgique. Tome
XII, n° 5. Bruxelles, 1853; 1 broch. in-8°.
Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie, publié
par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles.
41° année. Avril 4833. Bruxelles, 1 broch. in-£°.
La presse médicale belge ; rédacteur : M. J. Hannon. 5° année.
N°5 45 à 17. Bruxelles, 1853; in-4°.
(526 )
La santé, journal d'hygiène publique et privée ; rédacteurs :
MM. A. Leclereq et N. Theis. 4° année, N° 19. Bruxelles, 14853;
4 broch. in-8°. |
Annales de médecine vétérinaire, publiées à Bruxelles, par
MM. Delwart, Thiernesse, Demarbaix et Husson. 2° année.
Avril 1853, 1 broch. in-8°.
Annales de la Société de médecine d'Anvers. 14° année. Livrai-
son de mars 1853. Anvers; { broch. in-8°.
Annales et bullelin de la Société de médecine de Gand. 19°
année, 1° et 2 livraisons. Gand, 1853; 1 broch. in-8°.
Annales médicales de la Flandre occidentale, publiées par les
docteurs Vanoye et Ossieur. 2° année. 6° livraison, 1852-1853.
Roulers; 1 broch. in-8°.
Le scalpel ; rédacteur : M. A. Festraerts, à° année. N° 95 et
26. Liége, 1853 ; in-4°.
Rapport , fait par la Commission générale pour la reconnais-
sance géologique de la Néerlande, sur les recherches exécutées par
ordre du Gouvernement pendant l'année 1852. Harlem, octobre
1852 ; { broch. in-4.
Notice carcinologique, par J.-A. Herklots. Leyde, 1853; 1
feuille in-4°, avec planche.
Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des
sciences, par MM. les secrétaires perpétuels. Tome XXXVI. N°° 13
et 14. Paris, 1853; 2 broch. in-#.
Moyens d'améliorer les conditions physiques et morales des
peuples, par Alexandre Foureault. Paris, 1853; 1 broch. in-8°.
Mémoire sur l'attraction moléculaire, par Th. d'Estocquois.
Besançon, 1853 ; 1 feuille in-8°.
L'Athenaeum français, journal universel de la littérature, de
la science et des beaux-arts. 2 année. N° 14 à 16. Paris, 1853;
3 doubles feuilles in-4°.
Archives historiques et litiéraires du nord de la France et du
midi de la Belgique. Troisième série. Tome III, 3° livraison.
Valenciennes, 1852; 4 broch. in-8°.
(527)
Société libre d'émulation de Rouen. Bulletin des travaux pen-
dant les années 1850-1851 et 1851-1852. Rouen, 1851 et 1852;
2 vol. in-8°.
Congrès scientifique de France. XX° session. Arras, 23 août
1853, Programme des questions. Arras ; 1 broch. in-4°.
Verhandlungen des naturhistorischen Vereines der preussis-
chen Rheinlande und Westphalens. Herausgegeben von prof,
D' Budge. Erster-achter Jahrgangen. Bonn, 1844-1851 ; 7 broch.
in-8°.
Jahresbericht des botanischen Vereines am Mittel- und Nieder-
rheine. Herausgegeben von der Direction des Vereines. Bonn,
1837-1839 ; 2 vol. in-8°.
Heidelberger jahrbücher der Literatur, unter Mitwirkung der
vier Facultäten. 46"* Jahrgang. 2° Doppelheft : März und
April. Heidelberg, 1853; 1 broch. in-8°.
_ Jahrbücher des Vereins für Naturkunde im Herzogthum
Nassau. Herausgegeben von D' Fridolin Sandberger. Erstes-
Siebentes Heft. Wiesbaden , 1844-1851 ; 7 vol. in-&.
Philosophical transactions of the Royal Society of London.
For the year 1853. Vol. 143. Part. I. Londres, 1853; 1 vol.
in-4.
Proceedings of the Royal Society. Vol. VI. N° 94. page 19.
Londres, 1853; 4 page in-8°. — The Royal Society, 30 th. No-
vember, 1852. Fellows of the Society. Londres, 1852 ; 1 broch.
in-4°.
Memorie dell J. R. Istituto Lombardo di scienze lettere ed
arti. Volume I. Milan, 1852; 1 vol. in-4°.
Giornale dell J. R. Istituto Lombardo di scienze, lettere ed
arti. Tomi VI, VIle VIIL Milan, 4846 et 1847; 3 vol. in-8°.
Giornale dell J. R. Istituto Lombardo di scienze, lettere ed
arti e biblioteca Italiana. Nuova serie. Vol. 1, I e HI. Milan,
1847-1832; 3 vol. in-4°.
Rendiconti delle adunanze della R. Accademia dei Georgofili.
Febbraio e Marzo 1853. Florence, 1853; 4 broch. in-8°.
( 528 )
Rendiconto della Società Reale Borbonicu. Accademiæ delle
scienze. Nuova serie, n° 6. Novembre et Décembre 1852. Naples,
1859; 1 broch. in-4°.
Un caso di ermafrodito vivente neutro-laterale. Memoria del
cav. Pietro Collenza. Naples, janvier 1855; 1 broch. grand in-8°
Eine chemische analyse des Wassers aus der Düna und aus
einem der in Riga befindlichen artesischen Brunnen, etc. Voraus-
schickung einer Uebersicht der bisherigen Wirksamkeit des natwr-
forschende Verein zu Riga. Riga, 1852; 1 broch. in-4.
The American journal of science and arts, conducted by pro-
fessors B. Silliman, B. Silliman Junior, and James D. Dana. Se-
cond series. N° 43. January, 1853. New-Hawen; 1 broch. in-8°.
Thirty-second congress.- First session. House of representa-
tives. — William T.-G. Morton.-Sulphuric ether. Washington,
1852; 1 vol. in-8°.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DU TOME XX.
ACADEMIE ROYALE
#CES, DNS LUTTRES ET DES DEAUX-AUTS
Bruzrelles, le 20 avril 1853
Lettre confidentielle }
Il eu €
bousieut el cher Coufrece
J'ai l'honneur de vous annoncer que Messieurs les Directeurs des trois classes de l'Aca-
démie ont fixé les séances du mois de mai de la manière suivant
Pour la Classe des
Sciences, le mardi 10, à 11 heures précises du matin
des Lettres, le lundi 9, à A1 heures précises du matin
des Beaux-Arts, le mercredi 11, à A1 heures précises du matin
Conformément à l'article 19 des Statuts organiques, les trois classes auront une
séance générale, le mardi 10 mai, à À heure de relevée, pour régler entre elles les inté-
réts communs. Il s'agira d'y examiner, en comité secret, les propositions suivantes
1° Les Classes de Sciences et des Beaux-Arts, ainsi que douze membres de la Classe des
Lettres, demandent que les associés habitant la Belgique soient assimilés aux
membres, pour ce qui concerne les jetons de présence;
2 Convenir des dispositions à prendre pour que l'Académie soit régulierement repré-
sentée par des députations dans les cérémonies publiques, aux funérailles de ses
membres, elc.
5° Aviser aux moyens de mettre striclement à exécution les dispositions réglemen-
taires , relatives à la publication du Bulletin et contenues dans les articles 48
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, 26 et 27 du règlement général.
Auæ termes de l'article 11 du réglement, la Classe des Lettres liendra sa séance
publique le mercredi 14 mai, à À heure de relevée. Dans cette séance, à laquelle assistent
les deux autres Classes, on proclamera les résultats du concours annuel, et il sera donné
lecture du rapport fait par le jury pour le prix quinquennal de littérature française.
Il a été décidé, en outre, qu'apres la séance générale du mardi 10 mai, un banquet par
souscription réunira les Membres, Associés el Correspondants de l'Académie (le prix de
la souscription est de huit francs, sans le vin). Comme, pour prendre les arrangements
nécessaires à l'organisation de ce banquet, il importe de connaître d'avance le nombre
eæact des personnes qui y prendront part, je viens vous prier, Monsieur et cher confrère,
de vouloir bien faire connaître votre détermination avant le 5 mai prochain, époque où la
souscription sera fermée. À cet effet , il suffira de remplir le billet ci-joint et de le renvoyer
par la poste, sous bandes croisées.
Agréez, Monsieur et cher confrère, l'assurance de mes sentiments les plus distingués.
Le Secrétaire perpétuel de l'Académie,
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Je soussigné déclare souscrire au Banquet des Membres, Assoctes el Correspondants de
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l'Académie royale de Belgique, qui aura lieu le mardi, 10 mai, à 5 heures, chez
restaurateur Dubos, Fossé-aux-Loups
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