EGQL^STLOM GEOL 55\A§ 6 5ol3b LIBRARY OF THE UNIVERSITY OF TEXAS W ■* i > -r \ =• THE UNIVERSITY OF TEXAS AT AUSTIN THE GENERAL LIBRARIES This Item is Due on the Latest Date Stamped XM: -rlA y /• ' ' y < •• / ' ‘ r ' -m - r- v- -..J * ' «. — . . - . ♦ SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE ma æsi&st®a» Soc. géol. , 2e série, tome IV. PARIS. — IMPRIMERIE DE L. MARTINET, IMPHlMtU'K 0 K LA SOC1KTK G F.i 1 1 UC. 1QL' K üfe FHAKCK, fil K ) A COB. Bulletin DE LA SOCIÉTÉ DE FRANCE J > J > . 'J ' ' . ' f) 'J * O 1 ’/v.’ > >’ ’ ' > O 3 1 5 -> * > ?bo//ie J3Lfiaf**tejne* m j y > ) j > 1 > J O > 5 J )3J > > j * 3 y » ? j > » > etaeeetite dwie. 1846 a 1847. ÏAUilIOo AD LIEU DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ, RC H DU VIEUX-COéOMBIKR , 26. 1847. 4 * » * • •e « 4 ** • s. ! * • • *> V tf « • • « * * 4 « * * « * «' «. r. 4 4 • • » O • BE FRANCE. Séance du 2 novembre 1846. présidence DE m. dufrénoy, vice-président. M. Le Blanc, secrétaire, rappelle que le procès-verbal de la dernière séance a été approuvé par le Conseil , le 3 juillet der¬ nier. Par suite des présentations faites dans les séances de la Réunion extraordinaire à Alais en août et septembre 1846, le Président proclame membres de la Société r 5 î*' ô L" > > ’ qv.Lv.r. > MM. 01 5,5 De Reydellet, ingénieur civil des mines , à Dcrnause (ïsè^)f , Jeanjean (Adrien), avocat, â Sti-Dvppolite-iè-Fort (Gard)’; T De Rou ville (Paul), à Alais (Gard) • Ewald (Jules), naturaliste, à Berlin (Prusse) \ . Présentés dans la séance du 31 août par MM. le baron d’Hombres et Dumas ; Scarabelli (Joseph) , à Imola (États de l’Église), Présenté dans la séance du 1er septembre par MM, Tosclii et le marquis de Roys -, Massin (Albin) , professeur au collège de Romans (Drôme) ; Gaffard, pharmacien, à Aurillac (Cantal)- Le Baron de Serres de Monteil , àSt-Paulin-Trois-Châteaux ( Drôme ) j Présentés dans la séance du 6 septembre par MM. Au- béry et Doublier. Le Président annonce ensuite six présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la maison du roi , Galeries 5 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. hist. du /mlais de Versailles ; t. VIII, in-8°, 402 p. Paris, 1846, De la part de P Administration des Mines, Compte-rendu des travaux des ingénieurs des mines pendant Vannée 1845 *, in-4°, 259 p. Paris , mai 1846. De la part de M. le Ministre des travaux publics, 1° Sta¬ tistique géologique et minéralogique du département de l Aude (avec atlas) -, par M. A. Leymerie; in-8°, 676 p. Paris, 1846. 2° Mémoire sur les bassins houdlers de Saone-et-Loire (avec atlas)*, par M. Manès *, in-4°, 17/ p. Paris, 1844. De la part de M. le Ministre de la justice. Journal des Savants; juin à septembre 1846. De la part de M. Frédérik Klee, Le Déluge ; Considérations géologiques et historiques sur les derniers cataclysmes du globe ; i"a^l,& , : 336 rp. Paris, 1847, De là part* de M. Virlet d’Aoust , Notice biographique sur Ém: de PjiiJlrm de Boblaye ( extr. de la Biographie univer- V'yeik ié-8°$i p.Tdr|{;*jtô44. De la part de M. Ch. Desmoulins, Documents relatifs à la faculté germinative conservée par quelques graines antiques ; in-8°, 31 p. Bordeaux, 1846. De la part de M. Boisse , Note sur les dépôts gypseux des environs de Sainte- Af rique (Aveyron) (extr. des Annales des mines , 4e série, t. VIII) \ in-8°, 32 p., 1 pl. Paris, 1845. De la part de M. Levallois , Observations sur la roche ignée d’Essey-la-Cô'e (arrondissement de Lunéville) (extr. des Mém. de la Soc. royale des lettres , sciences et arts de Nancy )• in-8°, 8 p. Nancy, 1846, De la part de M. Lortet , Support sur les travaux de la commission hydrométrique en 1845, présenté a M. le maire de Lyon; in-8°, 16 p., 4 tabl. Lyon, 1846. / De la part de M. Charles Lory , Etudes sur les terrains se¬ condaires des Alpes dans les environs de Grenoble ( thèse pré¬ sentée à la Faculté des Sciences de Paris pour le doctorat) ^ in-8°, 136 p. , 2 pl. Paris, 1846. De la part de M. le baron d’Hombres-Firmas , Becueil de mémoires et (V observations de physique , de météorologie , SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 7 (V agriculture et d’ histoire naturelle; 5 vol. in-8° ; Nîmes, 1841 à 1844. De la part de M. Barthélemy Lapommeraye , Carabe d’Agas- siz. Carabus Agassizi; in-8°, 4 p. Marseille, 1846. De la part de M. Achille Delesse , Notice sur la composition et V origine cle quelques substances minérales , in-8°, 22 p. Besançon, 1846. De la part de M. L. Agassiz , Résumé d’un travail d’ensem¬ ble sur l'organisa lion , la classification et le développement progressif des Echinoder mes dans la série des terrains fextr. des Comptes-rendus des séances de l’ Acad, des sc. , t. XXIII , séance du 10 août 1846); in-4°, 21 p. Paris, 1846. De la part de M. G. Fischer de Waldheim , Recherches sur les ossements fossiles de la Russie. — Lettre à M . Louis Agassiz sur deux poissons fossiles ; in-4° , 15 p., 2 pl. Moscou, 1838. De la part de M. A. Leymerie, 1° Coupe des collines com¬ prises entre Mancioux et V Escalère , au S. de Saint -Ma rtory\ comprenant une grande partie du système crétacé des basses montagnes de la Haute - Garonne , exposée devant l’ Acad, des sciences de Toulouse , dans la séance du 30 avril 1846; in-8°, 16 p. , 1 pl. Toulouse, 1846. 2° Rapport sur le concours pour le prix d’histoire naturelle a décerner en 1846 ( extr. des Mém. de V Acad, royale des sciences de Toulouse ) ; in-8° , 18 p. Toulouse, 1846. 3° Mémoire sur le terrain a Nummulites ( èpicrètacè ) des Corbières et de la montagne Noire ( extr. des Mém. de la Soc . géologique de France , 2e sér. , t. Ier 2e part.); in-4°, 41 p., 6 pl. Paris, 1846. De la part de M. Hardouin Michelin, Iconographie zoophy - tologique; livraisons 22 et 23. De la part de MM. de Hauer et Alcide d’Orbigny, Forami - nifères fossiles du bassin tertiaire de Vienne (Autriche), de- couverts par M. Joseph de Hauer et décrits par M. Alcide d’Orbigny ; in-4°, 312 p. , 21 pl. Paris, 1846. De la part de M. L. de Koninck , Notice sur quelques fos¬ siles du Spitzberg (Extr. du t. XXIII, n° 6, des Bulletins de l’ Acad, royale de Belgique ) ; in-8°, 8 p . 8 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. De la part de M. Léonard Horner, A dires s , etc. (Discours prononcé 4 la réunion anniversaire de la Société géologique de Londres, le 20 février 18/16) } in-8°, 85 p. Londres, 1846. De la part de M. Alexandre Vattemare , Movement , etc. (Mouvement des échanges internationaux delivres entre la France et l’Amérique du Nord , de janvier 1845 4 mai 1846 ); in-8°, 74 p. Paris, 1846. De la part de M. Y. Streffleur, Die Entstehung derKontinente und Gebirge , etc. (Influence de la rotation sur le niveau des mers et sur la formation des montagnes, avec un aperçu de l’histoire physique du sol de l’Europe); in-8° , 368 p. Vienne, 1847. De la part de M. Léopold de Buch , Ubcr Cystideen , etc. (Sur les Gystidées*, considérations basées sur les particularités du Caryocrinus orna tus , Say) *, in-4°, 28 p. , 2 pl. Berlin, 1845. De la part de M. le comte de Keyserling, 1° W iss en s ch a ft! i- che baebuchtungen , etc. (Observations scientifiques sur un voyage dans le pays de Petschora , dans l’année 1846) j par M. Paul de Krusenstern • in-4° , 336 p. , 13 pl. Saint-Péters¬ bourg, 1846. 2° Besc/ireibung , etc. (Description, par M. Alexandre de Keyserling, de quelques cératites rapportées de la Sibérie- Septentrionale par M. le Dr A. Th. Middendorff) (extr. du Bull, physico - mcithém. de l'Acad. des sciences de Saint- Pétersbourg , t.Y, n° 11-, in-8, 18 p., 3 pl. Saint-Pétersbourg, 1845. De la part de M. Bamon Pellico , Memoria , etc. ( Mémoire sur les mines d’argent de Hindelaencina , de la province de Guadalajara ) -, in-8° , 16 p. , 1 carte. Madrid, 1846. De la part de M. Giovanni Michelotti , Introduzione , etc. (Introduction 4 l’étude de la géologie positive) } in-18, 173 p. Turin , 1846. De la part deM. le comte D. Paoli , 1° Del solevamento, etc. (Du soulèvement et de l’abaissement de quelques terrains ) } in-8° , 143 p. Pesaro, 1838. 2° Bicerche , etc. (Recherches sur le mouvement molécu¬ laire des solides ) -, in-8% 452 p. Florence , 1841. 3° batv 9 etc. ( Faits pour servir 4 l’histoire des change- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/16. 9 ments survenus sur la côte d’Italie , de Ravenne à Ancône , communiqués à la 3e réunion des Savants italiens)*, in-8° , 51 p. Florence, 1842. De la part de M. L. Pareto , 1° Osservazioni , etc. (Obser¬ vations géologiques du mont Amiata à Rome) (extr. du Gionmle Arcadico , Tom . C. fasc. de juillet 1844 ) } in-8°, 53 p. , 2 pl. Rome 1844. 2° Su/ la costituzione géologie a , etc. (Sur la constitution géologique des îles de Pianosa , Giglio, Giannutri , Monte- Cristo et Formiche di Grosseto, lu à la section de géologie de la 5e réunion des Savants italiens en septembre 1843 ) • in-8°, 20 p. , 3 pl. Pise, 1845. 3° Ce nui geognostici , etc. ( Aperçus géognostiques sur la Corse) } in-4°, 38 p. 2 pl . De la part de M. L. Pilla, Distinzione , etc. (Distinction du terrain Hétrurien dans les plaines ( pieu à ) du midi de l’Europe)} in-Zi0, 107 p. 3 pl. Pise, 1846. De la part de M. Porta , Discorso , etc. (Discours prononcé par l’avocat Léonard Porta dans la section de géologie et de minéralogie du 7e congrès des savants italiens réunis à Naples en septembre 1845)*, in-8°, 19 p. Naples , 1845. De la part de M.Paui Savi, Su/la costituzione geologica , etc. (Sur la constitution géologique des monts Pisans): in-8° , 71 p. Pise , 1846. De la pari de M. Michel Wolkoff, Introduzione , etc. (In¬ troduction à une étude géologique de la chaîne de l’Oural ) } in-8° , 40 p. Naples , 1845. Comptes-rendus des séances de C Académie des sciences; 1846, 1er semestre, nos 24 — 26} — 2e semestre , nos 1 — 17. Bulletin de la Société de géographie , 3e série, t. Y, nos 29 —32. U Institut , 1846, nos 650 — 669. Annales de l’ Auvergne , t. XIY , mai — août 1846. Recueil des travaux de la Société 'libre dé agriculture, sciences , arts et belles -lettres du département de l’Eure; 2e série , t. VI, 1845-1846. Annales des sciences physiques et naturelles d’ agriculture 10 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. et (V industrie , publiées par • /« royale d'agncult., etc., de Lyon ; t. VIII, 1845. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 9 h. Bulletin des séances de la Société d agriculture , sciences , arts et commerce du Puy ; t. IV, lre— 2e livraisons, 1846. Mémoires de V Académie royale des sciences , inscriptions et belles- lettres de Toulouse ; 3e série, t. II, 1846. Mémoires de la Société de physique et dé histoire naturelle de Genève; t. XI, lre partie, 1846. Supplément à la Bibliothèque de Genève . — Archives des sciences physiques et naturelles ; n° 5, 15 juin 1846. Mémoires de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel; t. 111, 1846. Report , etc. (Relation de la 15e réunion de l'Association britannique pour l’avancement de la science , tenue à Cam¬ bridge en juin 1845); in-8% 471 p., 6 pi. Londres , 1846. The quarterly Journal oj the geological Society oj London ; n° 6 , 1er mai 1846. The Athenœum , 1846, nos 973 — 992. The Mining Journal , nos 565 — 584. The American Journal , by Silliman ; 1846, nos 1 — 4. Proceedings of the Academy oj natural sciences oj Phila¬ delphia ; vol. III, mai — juin 1846, n° 3. Nettes lahrbuch von Leonhard und Bronn; 1846, cahiers 3, 4, 5 et 6. Bericht , etc. ( Analyse des mémoires présentés à l’Académie royale des sciences de Berlin) -, juillet 1845— -juin 1846. Abhandlungen , etc. (Mémoires de l’Académie des sciences de Berlin pour 1844). Nachrichten , etc. (Bulletins de l’Académie et de la Société royale des sciences de Gottingue) \ nos 8 — 12 , juin — septembre 1846. Correspondenzblatt , etc. (Feuille de correspondance de la Société royale d’agriculture de Wurtemberg) *, nouvelle série, t. XXIX, année 1846,1er vol. 2e et 3e cah. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou; année 1845, n° 4 -, année 1846, nos 1 et 2. Delà part de M. Van der Maelen, 1° Atlas administratif et SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1S46. 11 statistique de la Belgique , carte n° 18 -, voies de communi¬ cation ; 1 feuille grand aigle. Bruxelles, !8/i5. 2° Carte et tableau statistique des chemins de fer exécutés , concédés et projetés en Belgique; dressés par M. Van der Maelen ; 1 feuille grand aigle. Bruxelles, 1846. 3° Carte itinéraire , historique et statistique des chemins de fer et autres roies de communication a vapeur de l'Europe centrale y dressée par G. Potenti de Pisloia; 1 feuille grand- aigle , (avec une Légende des matières; in-8°, 16 p. ) • publiée par Yan der Maelen. Bruxelles , 18/16. li° Carte des routes existantes en Belgique avant 1795 , exécutées depuis , sous les régimes français et néerlandais y et par le gouvernement belge jusquà 1846 , dressée par Sano d'après les instructions de M. T éichmann ; 1 feuille grand-aigle. Bruxelles, 1846. 5° Tableau statistique des chemins de fer du royaume de Belgique en 1846 • 1 feuille grand-colombier. De la part de M. L. Pareto, Carta geologica délia Liguria maritima ; 1 feuille grand-colombier . M. d’Archiac présente, de la part de M. le comte de Keyser- ling, r ouvrage que ce dernier vient de publier, en commun avec M. de Krusenstern , sur le bassin de la Petschora et les monts Timans (voyez ci-dessus). Ce travail, auquel il manque encore quelques parties , entre autres les planches de fossiles jurassi¬ ques, mais qui sera complété très incessamment, doit être regardé comme faisant suite & celui auquel M. de Keyserling a coopéré avec MM. Murchison et de Yerneuil ; seulement, en traitant d’une région si peu connue sous tous les rapports, les auteurs ont dû adopter un cadre différent. M. de Keyserling me signale en outre, continue M. d’Archiac,. l’existence, en Bussie, à la base de la craie blanche, d’un lit de chaux phosphatée de quelques pouces d’épaisseur, mais qui s’étendrait sur une surface de plus de 800 versîes. Enfin, dans un second Mémoire qui est sous presse , notre confrère s’est attaché à démontrer que les Goniatites à lobe dorsal simple, si souvent associées au Cardium palmatum , caractérisent un groupe de couches particulier situé à la base du système dévo¬ nien à la Nouvelle-Zemble, dans les monts Timans , comme en. 12 SÉANCE I)U 2 NOVEMBRE 184(5. r Allemagne, en Angleterre, et même dans 1 Etal de New-York, où il est désigné sous le nom de postage group. M. Alcide d’Orbigny présente, de la part de M. Joseph de Hauer, l’ouvrage sur les Foraminiféres du bassin tertiaire de Vienne, découverts par ce savant. (Voy. ci-dessus p. 7.) M. d’Archiac communique le passage suivant d’une lettre de M. de Verneuil, écrite des bords du Lac Supérieur (États-Unis), au mois d’août dernier. Après avoir quitté New-York et passé quelques jours à Albany, j’ai gagné Buffalo, en m’arrêtant à Trenton-Falls et dans quelques autres localités. J’ai ensuite passé trois semaines à parcourir l’Etat de l’Ohio en divers sens , et j’ai pu y étudier la superposition des couches sur lesquelles les travaux de MM. Matlier et Locke ont jeté quelque lumière. J’y ai entrevu la nécessité de changer les limites des formations telles qu’elles avaient été établies. Les for¬ mations calcaires de cet Etat avaient été divisées en deux groupes, le blue limestone et le cliff limestone , que l'on comparait aux groupes siluriens inférieur et supérieur. J’ai reconnu facilement que la partie supérieure du cliff limestone correspondait au sys¬ tème dévonien de l’Europe, tandis que le grand étage des psam- mites, situé au-dessous du grès houiller et du calcaire de montagne, là où il existe, et que l’on appelait dévonien, devait être rangé dans le système carbonifère. J’ai eu aussi le plaisir de retrouver au milieu de ce dernier système, dans l’État de l’Ohio, notre excellent guide en Russie, la Fusulina cylindrica; sa présence en Amérique m’a d’autant plus étonne que c’est un fossile propre aux parties orientales de l'Eu¬ rope, et qu on n’a jamais trouvé ni en Allemagne ni en Angleterre. J ai été ensuite dans l’Etat d’Indiana , et, accompagné de MM. Owen etNorwood, nous avons fait une visite à mon vieil ami le professeur 1 roost , de Nasliville. J’ai trouvé chez lui une ma¬ gnifique collection minéralogique , cristallographique et paléon- toiogique. De Nasliville je me suis rendu à Saint-Louis, où j’ai reconnu le calcaire de montagne blanchâtre comme en Russie, mais plus dur et plus compacte; j’en rapporte un superbe éclii- noderme , trouvé dans les environs de la ville même, et que M. Norwood décrira dans le journal de Silliman. Fai remonté le Mississipi jusqu’à la région métallifère de Ga- lenn, cl je serais aile jusqu aux chutes de Saint-Antoine, sans l’ex- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|G. 13 trême sécheresse qui avait interrompu la navigation dans cette partie du tleuve. Vous savez que toute cette région métallifère est formée par un calcaire magnésien plein de cavités dans les¬ quelles le plomb s’est accumulé : ce calcaire a été avec raison rapporté au calcaire silurien supérieur. A Dubuque , un peu au- dessus de Galena, on voit affleurer le calcaire bleu bien carac¬ térisé comme silurien inférieur. Je rapporte de cette localité la plus grande orthocère que j’aie jamais vue. De Galena, j’ai traversé les vastes prairies des Illinois. Sur la distance d’environ 60 lieues qui sépare Galena de Chicago , à l’ex¬ trémité S. du lac Michigan , j’ai pu , grâce à quelques affleure¬ ments , suivre le prolongement du calcaire magnésien , et à Chi¬ cago même j’ai trouvé quelques fossiles caractéristiques du système silurien supérieur : ce calcaire se voit encore à Mackinac. Plus au IN., et près du saut Sainte-Marie, j’ai atteint le commen- eement de cette grande formation de grès qui borde la cote méri¬ dionale du lac supérieur. Dans l’ile qu’on appelle Grand-lsland , ce grès ressemble d’une manière frappante au grès bigarré : il est tantôt rouge sang ou rouge amaranthe, tantôt grisâtre, et souvent bigarré; il est tendre et s’égrène sous les doigts, comme dans les Vosges. Ses couches sont horizontales. En arrivant demain à la Rivière du -Mort ( decul river), j’attein¬ drai les premières éruptions de trapp qui marquent le commence¬ ment de la région métallifère. 11 y a trois ans à peine, on n’avait pas encore pensé à exploiter le cuivre dans ce pays, et aujourd’hui il y a plus de cinquante compagnies formées, soit pour exploiter des mines déjà découvertes, soit pour en rechercher de nouvelles. Les immenses prairies, si bien décrites par Cooper, habitées encore par les Indiens il y a douze ou treize ans, sont défrichées aujourd'hui avec une grande activité par les émigrants de l’E. de l’Union et même par ceux d’Europe. C’est une véritable terre promise. Toutes celles de ee côté du Mississipi sont couvertes du même terrain noir que la Russie nous a offert sur une si grande étendue; mais ici l’herbe des prairies ne jaunit jamais, et lorsque je les ai traversées au mois d’août, avec une chaleur de 30°, elles étaient presque aussi vertes, aussi fleuries qu’au printemps. Le Secrétaire donne lecture de ia communication s ti î van te l/j SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. Observations geoguostujiies sur la S a rcohte et Ici Melhlite du Mont Somma , par Ferdinand de Fonseca. Naples, 1 5 juillet 1 846, Sarcolite Thomson . — C’est une substance vitreuse presque tou¬ jours de couleur de chair ; elle cristallise dans le système du prisme carré, terminé par plusieurs espèces de quadroctaèdres , dont le plus obtus a ses côtés inclinés à l’axe de 67° 18'. Elle fond au cha¬ lumeau avec grand développement de petites boules, et donne un globule d’émail blanchâtre , celluleux ; elle se délie aisément en gelée dans les acides , quand même elle ne serait pas pulvérisée. Quant à sa dureté , elle entame légèrement la phospliorite, et est entamée elle-même par le feldspath : elle n’a pas de clivage ap¬ parent; elle se compose de silex, d’alumine et de chaux , en pro¬ portions non exactement déterminées. Variétés. • — Cette espèce est de couleur de chair de plusieurs nuances; on la trouve rarement d’un gris foncé. La surface de ses cristaux est souvent légèrement voilée de chaux carbonatée, qui en diminue beaucoup la clarté : dans les fractures récentes on y aperçoit un grand éclat vitreux approchant l’aclamantin; lorsque les cristaux ne sont pas ternis par des substances étrangères , ils sont d’ordinaire transparents. Leurs dimensions sont en plusieurs occasions les mêmes en hauteur et en largeur , et comme ils se terminent par un grand nombre de facettes, parmi lesquelles celles qui sont de la même espèce n’ont pas les mêmes proportions dans leur étendue, ou manquent tout-à- fait , il arrive naturellement qu’il est fort difficile de se faire une idée précise de la forme du cristal qu’on voudrait observer. La fig. 1 (pl. I) représente la forme idéale sous laquelle chaque facette garde la proportion qui lui est propre. Outre les faces du prisme carré A B B, qui sont ordinaire¬ ment les plus grandes , on y remarque trois espèces d’octaèdre normal/, 2 y, 3 r, une espèce d’octaèdre diagonal x , deux espè¬ ces de dioctaèdre y 2, 2 y 2, les faces latérales du prisme carré dia¬ gonal x, et les faces latérales d’un prisme octangulaire x 2. De toutes ces faces, dont nous donnerons les mesures goniométriques dans le tableau suivant , les plus fréquentes et les plus étendues sont ordinairement A B 2 y x , auxquelles se réunissent générale¬ ment les autres 2 y 2,/ et .r, moins étendues que les précédentes ; on trouve moins fréquemment les facettes y 2, 3 y, et x 2. T I l O'. I > 1^4/ WA fl/7 w \ / T\ / >v J'X _ / I‘ iy. 2 .‘J !.r Vr\f.y\ l . Ar \ \ V|/2\ \ \J P» VJ J trr le JL J)m*oclioi ■ pZieruHnenej' errn- /c ht ôxvtnih'navn J'J'cne, 7. / I , /Y. /, / / J <•/ .na'oet/itiM' . .Voir ,i7//* ////<■ t’s/HTi" drCrani/r de la Xarmandu * <•/ ar JL Yïrlel . ////./ aej>i>, ■///! Parte Q.Yollairc la. l/l SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|Ô. Observations géognostiques sur la Sarcolite et la Mellitite du Mont Somma, par Ferdinand de Fonseca. Naples, \ 5 juillet 1 846, Sarcolite Thomson. • — C’est une substance vitreuse presque tou¬ jours de couleur de chair; elle cristallise dans le système du prisme carré, terminé par plusieurs espèces de quadroctaèdres , dont le plus obtus a ses côtés inclinés à l’axe de 67" 18'. Elle fond au cha¬ lumeau avec grand développement de petites boules, et donne un globule d émail blanchâtre , celluleux ; elle se délie aisément en gelée dans les acides , quand même elle ne serait pas pulvérisée. Quant à sa dureté , elle entame légèrement la phosphorite, et est entamée elle-même par le feldspath : elle n’a pas de clivage ap¬ parent; elle se compose de silex , d’alumine et de chaux , en pro¬ portions non exactement déterminées. Variétés. • — Cette espèce est de couleur de chair de plusieurs nuances ; on la trouve rarement d’un gris foncé. La surface de ses cristaux est souvent légèrement voilée de chaux carbonatée, qui en diminue beaucoup la clarté : dans les fractures récentes on y aperçoit un grand éclat vitreux approchant l’adamantin ; lorsque les cristaux ne sont pas ternis par des substances étrangères , ils sont d’ordinaire transparents. Leurs dimensions sont en plusieurs occasions les memes en hauteur et en largeur , et comme ils sc terminent par un grand nombre de facettes, parmi lesquelles celles qui sont de la même espèce n’ont pas les mêmes proportions dans leur étendue, ou manquent tout-à-fait , il arrive naturellement qu’il est fort difficile de se faire une idée précise de la forme du cristal qu’on voudrait observer. La fi g. 1 '(pi. I) représente la forme idéale sous laquelle chaque facette garde la proportion qui lui est propre. Outre les faces du prisme carré A B B, qui sont ordinaire¬ ment les plus grandes , on y remarque trois espèces d’octaèdre normal y, 2 r, 3 /, une espèce d’octaèdre diagonal x, deux espè¬ ces de dioctaèdre y 2, 2 y 2, les faces latérales du prisme carré dia¬ gonal x , et les faces latérales d’un prisme octangulaire ’x 2. De toutes ces faces, dont nous donnerons les mesures goniométriques dans le tableau suivant , les plus fréquentes et les plus étendues sont ordinairement A B 2 y x, auxquelles se réunissent générale¬ ment les autres 2 y 2, y et x, moins étendues que les précédentes; on trouve moins fréquemment les facettes r 2, 3 y, et x 2. de Granité de lu Normandie et de h Hrehu/ne | Note de M. 1'" . de l oi!. set j mv ItiAarcolùe et ht. llelldde du Mont tPonrma . Itr.mllu-nd ! IM A M) ! YlMLi.Vl- l\ lit! ’riYiiw Ifi/ni'iilr tteiwion /Jilvelian/imlialileitupli'li>iii/i‘meilhle*SJ/Sleiiii* Urine Tèntrenulè poinhu • de lu dt mouvement itc.r rn/en/s croeifè. le Granité dru' environ.* • JL Yïrlrt («IL- IC ;.<7 itant lu direction de. dan.* In partie mà’idwn «le la Scandinavie. Cuhnnrj Note de Al. Duroelier ivi’tWH 'lemvnauw lu Nillltl entièrement composes de ter* tnt de transport . t„,.sS 4 t’/.i— S, •étions des différentes especes TiidxtflüSiir it.-ck lesStries vont m -, Vue il un . dtton nllinih'oitlc heauci ni île jvrher très inei • aiei /en itinerijeanl il iSseMwfâtdss»? v ,*/ y i 2 P» r^p-rj p. 1 ^ y _v/ .... SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18 AO. 1 5 Mesures goniométriques de la sarcolite. A sur B = 1 A X r= } 90°, 0' //. A x& = \ A X — 138°, 23'//. 1 38°, 23' Brooke. A X = 137°, 18' //. 157°, 19' Brooke. A 2 Y = 128", 33' //. 128°, 33' Brooke. A 3 y 111°, 43'//. A j2 =s 1 36°, 55' n. A 2v2 - — ■ 109°, 37' //. B B — 90°, 0' //. B æ = 131°, 35' //. B X = 135°, 0' //, 135°, 0' Brooke. B = 153°, 26///. 153°, 26' Brooke. B y = 105°, 50' //. B 2 X = 123", 34' //. 123", 34' Brooke. B 3 r 131°, 4' //. B yb = 130°, 24' 7i. B 2r2 153°, 20' //. Observations. — La sarcolite a été pour la première fois décou¬ verte dans les blocs erratiques du Mont-Somma par le docteur Thomson, qui n’a publié aucun travail sur ce sujet, que je sache, mais qui fit pourtant connaître sa découverte à plusieurs orycto- gnostes, donnant à ce nouveau minéral le nom de sarcolite, à cause de sa couleur de chair. Jusque là cette espèce n’avait été dis¬ tinguée par aucun autre caractère , ce qui a occasionné beaucoup d’erreurs, le même nom ayant été donné à l’analcime rougeâtre de la vallée de Fasse , dans le Tyrol , et à l’hydrolite ou gmélinite , qui ont presque la même couleur. La même méprise en fait de cou¬ leur a fait que l’hydrolite et la vraie sarcolite ont été regardées comme des variétés de l’anaicime, et M. bre#stli , dans ses Insti¬ tutions géologiques publiées en 1818 , les a entièrement confon¬ dues. Voilà ce qu’il en dit : « La sarcolite ou l’analcime trapé¬ zoïdale de couleur de chair, fréquente dans le Tyrol et dans le Vicentin, a été encore reconnue par Thomson dans les laves erra¬ tiques du Mont-Somma , et dans celles du Cap de Bove , près Rome. » Le célèbre Haüy confirma encore cette méprise, parce qu’ayant reçu de M. Thomson la sarcolite du Mont-Somma, il dit, dans la seconde édition de son Traité de Minéralogie , pu¬ blié en 1822 , pag. 173 (1), que les mesures goniométriques qu’il (1) Il existe à la montagne de la Somma . des cristaux d'un rouge 1(5 SÉANCE I)ü 2 NOVEMBRE 184(5. a exécutées lui ont donné l indmaison des facettes 2 y, non seule¬ ment sur A , mais encore sur B B , presque égale à 125°, de sorte qu’il en concluait que le prisme A. B. B était un cube , et les facettes 2 y un octaèdre régulier. Il paraît, sans doute, qu il est tombé dans cette méprise à cause de l imperfection de son gonio¬ mètre, puisque, ainsi qu’on l’aperçoit dans le tableau sus-indiqué, les facettes 2 y sont inclinées sur A de 128" 33', et sur B B de 123" 34', c’est-à-dire qu’il y a une différence assez importante de cinq degrés. Cependant son opinion avait été reçue par tous les minéralogistes, jusqu’à ce que Brooke (1), il y a quinze ans, lit connaître, par d’exactes mesures goniométriques , les caractères cristallographiques de notre sarcolite , ayant ainsi démontré l’im¬ possibilité de réunir la sarcolite de Thomson, dont les cristaux se rapportent au système du prisme carré, soit à l’analciine , soit à l’hydrolite , qui cristallisent l’une dans le système du cube, l’autre dans le système du prisme hexagonal. D’ailleurs il ne faut pas omettre que du dioctaèdre y 2 Ihooke ne rapporte que la moitié des faces, deux à deux, prises alternativement , savoir, la forme hémièdre. Mais il ne me paraît pas que cette opinion soit conforme au fait, puisque, ainsi qu’on le voit dans un cristal dessiné dans la fig. 2 avec toutes les particularités qui existent dans l’original , on n’y aperçoit qu’une seule des seize faces né¬ cessaires pour compléter le dioctaèdre y 2. II manque pareille¬ ment quelques unes des faces latérales du prisme octogone x 2 A du quadratoetaèdre diagonal x etc. , ce qui ne peut certainement pas se rapporter à l’héiniédrie , et I on doit plutôt retenir que les laces qui manquent ont disparu à cause de la grande étendue des autres qui leur sont contiguës. Plusieurs écrivains d’ouvrages mi¬ néralogiques, parmi lesquels nous citerons Necker (2), Thomas de chai i , dont la forme est celle d un paralléhpipède rectangle avec huit facettes à la place des angles solides. M. Thomson , à qui la dé¬ couverte est due, leur a donné le nom de sarcolite. D après les obser¬ vations que j’ai faites sur des fragments de ces cristaux, qui m’avaient été env°yés par ce célèbre naturaliste, l’incidence de chaque facette additionnelle sur les faces adjacentes du paralléhpipède ne s’écarte pas beaucoup de 125 , ce qui paraîtrait indiquer que les faces principales .ont entre elles des angles droits. Ces cristaux ayant un tissu vitreux, et étant assez durs pour rayer le verre, j'ai présumé qu’ils étaient une variété de 1 analcime, p. 177. 0 ) Philosophical magazine and armais jor se/jt. 1831. i> minàral ra,iu'nc aux méthodes de l'histoire naturelle. Bans, 1835. SÉANCE DIT 2 NOVEMBRE 1 8/|(L 17 Thomson (1), etc , etc. , ont continué à regarder la sarcolite comme une variété de l’analcime, ignorant peut-être le travail de M. Brooke. D’autres auteurs, ainsi que Haidinger (2) et Al¬ lan (3), etc., etc., eu retenant toujours que la sarcolite cristallise dans le système du cube, ont séparé la sarcolite de l’analcime, parce que dans ces formes on reconnaît l’octaèdre et le rliombo- dodécaèdre en place du trapézoèdre. Quant à la composition chimique de notre espèce , elle a été ignorée jusqu’à ce que le professeur Scacclii, d’après son analyse publiée en 18à2 (à), eut trouvé qu’elle était composée de silex, d’alu¬ mine et de chaux , sans aucune trace d’eau , qui est un des éléments nécessaires à la formation de l’analcime et de 1 hydrolite. La for¬ mule qu’il en a obtenue, quoiqu’elle ne soit pas donnée avec assez tic certitude, est 3 C<7, S/ -h A/, S/ ; à l’égard de la proportion des ' éléments, on pourrait croire la sarcolite d’une composition iden¬ tique à celle du grenat (grossulaire), et on aurait dans ce cas un exemple de dimorphisme. D’autre part , si l’on voulait regarder l’idocrase, quant à sa composition analogue au grenat, il en résul¬ terait que l’idocrase et la sarcolite formeraient deux espèces de composition analogues et appartenant au même système de cristallisation , mais avec des mesures goniométriques tout- à-fait incompatibles pour la même espèce , parce que , en comparant l’in¬ clinaison de la base du prisme sur les faces des quadratoctaèdres , on a dans chaque espece, par les mesures qui se rapprochent davan¬ tage, une différence qui surpasse deux degrés, (A. U y — 113° à8' dans l’idocrase , A. 3 y = 111° à 3' dans la sarcolite.) La sarcolite est une espèce des plus rares et des plus belles parmi celles qu’on rencontre dans les blocs erratiques du Mont- Sonmia. Jusqu’ici elle n’a été trouvée dans aucune autre localité; la roche dans laquelle elle se montre est très souvent formée de mel- lilite, d’augite et de chaux carbonatée, qui, réunies ensemble, com¬ posent une masse presque homogène et d’une couleur verdâtre. On trouve souvent les cristaux de sarcolite réunis à ceux de mellilite et d’augite : et quelquefois je les ai trouvés mêlés au mica , à la chaux carbonatée et au grenat rougeâtre bien cristallisé. (1) Outlines of mineralogy, geology and minerai analysis. London, 1837. (2) Mon h’ s mineralogy translatcd , by W. Haidinger. Edinburgh, 1825. (3) Philip s introduction to mineralogy , by Allan London, 1837. ( 4 ) Distrihuzione sisternatica dei minerait. Napoli, 1842. Soc. géol. , 2e série, tome IY. 2 1S SÉANCE DU 2 NOVEMBRE De lu Mellilite du Mont-Somma. Humboldtilitc et Huniboldilite Monticelli et Ccivelli , Mellilite. — C’est une substance vitreuse ou pierreuse , à plusieurs nuances de gris et de jaunâtre. Elle cristallise dans le système du prisme à base carrée, terminé par un quadratoctaèdre , dont les faces sont inclinées à l’axe du cristal de 56° US'. Sa dureté est en quelque sorte moindre que celle du feldspath : elle a un clivage peu net, pa¬ rallèle à la base du prisme : elle est soluble en gelée dans les aci¬ des; elle se fond au chalumeau en un émail jaunâtre ou brun , selon la couleur du minéral qu’on a employé. Elle se compose de silice , d’alumine , d’oxyde ferrique , et de plusieurs bases monoxydes. Variétés. — La couleur de la mellilite du Mont-Somma est sou¬ vent grise ou gris-blanchâtre, ou même gris-jaunâtre; rarement elle est d’un brun jaunâtre, ou jaune de miel. Lorsqu’elle se pré¬ sente avec un éclat vitreux , elle est transparente ; elle est , au contraire , pierreuse lorsqu’elle est rendue sale par des substances étrangères. Elle est presque toujours recouverte d’une couche fort mince de chaux carbonatée , qui la voile en lui faisant perdre l’éclat et la couleur. Ses cristaux ont presque toujours la même mesure en hauteur et en largeur : quelquefois ils se montrent très écrasés, jusqu’à former des lames; ils présentent tantôt le prisme À B B isolé, et tantôt des arêtes latérales coupées par une face unique ou par trois faces, a: ou a? 2. Il est fort rare d’y trouver les angles trièdres coupés par les facettes de l’octaèdre ; on trouvera l’en¬ semble de toutes ces formes cristallines dans la fig. JN 3 et toutes leurs mesures goniométriques dans le tableau suivant. Outre sa variété bien cristallisée, on rencontre pareillement cette espèce en masses amorphes ou en cristaux fort allongés dans le sens de l’axe vertical , et circonscrits par seize faces latérales , si bien qu’ils semblent autant de petits bâtons cylindro'ides. Enfin , on la trouve conformée en paquets de fibres , qui convergent le plus souvent à l’une des extrémités et divergent à l’autre. Mesures goniométriques de In Mellilite. A sur B = ) A * = A x% = ^ y — 146°, 48' n., 147°, 5' Somervellite de Brooke B B = 90°. B x — 135°, 0' /?., 135°, 0' Somervellite de Brooke B x% = 161°, 34 ' n. B j = 1 1 2°, 47' n. Observations. — La mellilite de notre Vésuve fut reconnue pour SÉANCE Dlî 2 NOVEMBRE 1 8 Z| (3 . 19 la première fois par Monticelli et Cavelli, qui, en la regardant comme une nouvelle espèce minéralogique, la dédièrent au savant baron d’Humboldt , en la décrivant et en en faisant une ana¬ lyse quantitative (1) , sans annoncer cependant ses mesures goniométriques. Peu de temps après , M. Brooke eut entre ses mains une variété de cette substance de couleur jaunâtre , et ne trouvant pas d’autre minéral qui eût en commun avec elle les mesures goniométriques , il la regarda comme une substance nou¬ velle et l’appela somervillite (2). Les deux illustres minéralogistes M. Beudant et M. Necker rapportent dans leurs traités de miné¬ ralogie la somervillite de Brooke comme une variété de l’idocrase, quoique l’octaèdre de la première soit incliné à l’axe du cristal de 56° 48', et celui de la seconde, qui s’en rapproche davantage, de 52u 55'. Nous ne saurions adopter cette opinion , parce que la différence est presque de quatre degrés. En 1835, M. de Kobell (3) entre autres analyses, publia celle de la mellilite du ( ) Vésuve, en en tirant cette formule : TV S/1 2 3 * 5 — }— 5 A, S/ -f- 12 Mg- >S/. Le professeur Scacchi, en 1842 (4), annonça, dans une note de sa Distribution systématique des minéraux que la somervillite était la même espèce que lhumboldilite. Enfin M. Damour (5), en analy¬ sant , il y a trois ans , le minéral du Vésuve et celui du Cap de Bove, les trouva tous les deux identiques dans les qualité et quantité de leurs composants, et les réunit en une seule espèce, en conser¬ vant plutôt le nom d’humboldtilite que celui de mellilite , et en déduisant pour formule commune (A/ Fe) S / -j- (C<7, Mg-, K, N) 3 S/. J’ai adopté, au contraire, le nom de mellilite de préférence à celui de lmmboldtilite , parce que le premier est plus ancien que le second. Bien que la mellilite ne soit pas un minéral très fréquent parmi ceux du Mont-Somma, on la retrouve toutefois dans plusieurs (1) Prodromo di mineralogia Vesuviana , di J. Monticelli e M. Ca¬ velli. Napoli, 1825. (2) Quarterly journal of sciences , XVI, 276, ex Allan et Phillips. (3) J avale per riconoscere i miner ali , di Fr. de Kobell. Firenze, 1842. (i) Distribuzione sistematica dei m inerali per cuva , d i Ar. Scacchi. Napoli , 1 842. (5) Nouvelles analyses et réunion de la Mellilite et de la Hum- boldtili te , par M. A. Damour (extrait des Annales de chimie et de physique y 3P série , t. X). 20 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. espèces de blocs erratiques. Les plus remarquables dans lesquelles je l’ai rencontrée , sont les suivantes : 1° Bloc de couleur verdâtre composé de pyroxène, mellilite bien cristallisée , spath calcaire ; agrégat qui , par méprise , a été re¬ gardé par quelques uns comme une espèce minéralogique particu¬ lière, et appelé zurlite , et dans lequel on trouve des cristaux de sarcolite, de sphène, de néphéline, de mélanite et de mica. 2° Bloc de couleur blanchâtre, formé presque tout entier de petits cristaux de mellilite, avec peu de pyroxène et fort peu de chaux carbonatée. 3° Bloc composé en grande partie de mica , de quelque peu de pyroxène et de mellilite recouverte de chaux carbonatée en cris¬ taux bien nets, ou en lames octangulaires sur l’agrégat, ou bien tapissant les géodes formées dans le bloc. Zi° Bloc formé de leueite et de mellilite voilée de chaux carbo¬ natée, qui se présente en cristaux bien allongés, cylindroïdes, par¬ semés de pyroxène granulaire. 5° Bloc fragile de pyroxène de sommité et de mellilite, qui se montrent en cristaux crevassés, fragiles et imparfaits, tous confu¬ sément cristallisés avec texture granitoïde. 6" Bloc de spath calcaire lamelleux parsemé de cristaux de mel¬ lilite semblables à ceux de l’idocrase , qui pénètrent souvent les uns dans les autres. 7° Bloc de mellilite massive, couleur jaune de miel, translu¬ cide, pénétré par des cristaux de fer oxydulé, formant des vides dans sa masse, tapissés de cristaux de mellilite et de wollastonite. 8° Lave pyroxénique trouvée près de Pollena , renfermant dans ses géodes de jolis cristaux de pyroxène vert , avec d’autres de mellilite jaunâtre ou rougeâtre. Le secrétaire lit ensuite la noie suivante de M. Parrot : Observations sur- la note de M. Firlet d’sJoust , insérée dans le Bulletin de la Société géologique de France , 2e série, tome II, janvier et février 1845, p. 198, par M. Parrot, membre émérite et honoraire de l’Académie des sciences de Saint- Pétersbourg. Saint-Pétersbourg, avril 1846. Ces observations concernent uniquement ce qui a été dit dans ( ette note, p. 219, sur mon travail concernant les pierres d I matra, inséré dans les mémoires de l’Académie de Saint-Pétersbourg , 6e série, sciences mathématiques, physiques et naturelles, t. Y. Après une description pittoresque de la belle contrée d’Imatra, SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. 21 suit l’ouvrage proprement dit , qui se partage en six chapitres : Descriptions des formes extérieures ; Structure intérieure ; Propriétés physiques et chimiques ; Relations géognostiques ; Résultats tirés immédiatement des faits ; Hypothèses sur la formation des pierres d' 1 matra. M. Yirlet condamne, comme inutile dans la description des formes extérieures , l’idée de partager ces diverses formes en mo¬ notypes , bitypes, etc. , parce que le meme type se trouva répété dans la même pierre , et prétend que « les pierres d’Imatra ne sont cpie des nodules argilo-calcaires dont les formes et réunions peuvent et doivent même nécessairement varier à l’infini. » Mais cette division est précisément ce qui m’a guidé dans l’observation de la réunion de plusieurs monotypes en une seule pierre . obser¬ vation de grande importance dans la théorie. M. Yirlet se trompe en ce qu’il nomme ellipsoidales les formes des pierres monotypes qui ne sont pas des sphéroïdes. Ces pierres ne sont nullement ellipsoidales, mais ovales, comme je l’ai dit et dessiné, c’est-à-dire plus pointues à un bout qu’à l’autre (1). Cette différence est essentielle et se trouve dans tous les bitypes , tritypes , etc. , formés de monotypes agglutinés l’un à l’autre dans le même plan et dans la même direction du grand axe. Je n’en ai trouvé aucun où l’agglutination ait eu lieu dans le sens d’un petit axe , mais quelques uns dans un sens oblique. L’assertion de M. Yirlet, que les formes et les réunions des pierres d’Imatra peuvent et doivent varier à l’infini n’est pas juste. Les formes n’ont que deux caractères généraux , les pierres à mou-, lures et les pierres à rainures, et les jonctions qu’une seule forme, celle de deux ou de plusieurs ovales par le bout étroit (voy. les fig.). Je puis assurer en outre que le grand nombre d’exemplaires que je possède, et ceux que j’ai vus sur les lieux, offrent la même loi. Je demande à présent si des corps à types si constants , si régu¬ lièrement construits , composés d’individus réunis sous une loi si constante, peuvent être jetés dans la classe des nodules amorphes. M. Yirlet m’accuse de n’avoir pas prêté attention à la corres¬ pondance des différentes nuances des zones parallèles intérieures avec les disques ( moulures ou rainures ) à l’extérieur. Ce repro¬ che est au moins un peu fort ; car j’ai dessiné moi-même les con¬ tours intérieurs et extérieurs de ces figures qui se trouvent sur les (I) On peut, si l’on veut, considérer l’ovale comme une ellipse, mais à équation d’un degré supérieur, comme je l’ai enseigné il y a cinquante à soixante ans dans la description de mon ellipsographe , au moyen duquel on peut dessiner ces ellipses dans toutes les proportions voulues., 2*2 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. planches XI et XII , et je n’ai abandonné que les teintes au litho¬ graphe : ce n’est pas non plus un autre auteur qui a écrit le second chapitre intitulé : Structure intérieure des pierres d Imatrci , où la symétrie en question est décrite très au long , de même que les corps étrangers trouvés à l’intérieur et les dérangements occa¬ sionnés par eux dans les stries. M. Yirlet assure que les pierres d’fmatra ne sont autre chose que des nodules argilo -calcaires Jor/nes au milieu d argiles sa¬ blonneuses. Je vais considérer cette assertion sous deux points de vue , celui de la composition de ces masses et celui de leur gîte. A. Les pierres d’ [matra sont composées de : Chaux carbonatée. . . 0.4897 Silice . 0,1916 Alumine ferrugineuse. 0,2683 Soufre . 0,0444 Eau hygrométrique. . 0,0060 Je prends la liberté de demander d’où vient le presque 1/5 du tout en silice, et presque 1/50 en soufre? La pierre trouvée dans l’Amérique du Nord , assez semblable à la figure 21 , planche I\ , a fourni en silice 0,331 et en soufre 0,052 , ainsi plus que les pierres d’Imatra. Ne trouve-t-on pas remarquable cet accord entre des pierres isolées et trouvées à de si énormes distances? Cela ne prouve-t-il pas que la silice et le soufre sont des parties consti¬ tuantes , non fortuites , de ce genre de pierres? B. Où ai-je trouvé les pierres d’Imatra? Sur le bord d’un lleuve , dans le sein d’une montagne dont la composition est: Sable insoluble par l’acide hydrochlorique. 0,3350 Silice . 0,3633 Alumine ferrugineuse . 0,2770 J’ai été étonné de n’y pas trouver la moindre portion de chaux carbonatée, ni de soufre , ni une seule coquille visible à la loupe. Et ces pierres sont ensevelies dans une masse de cette terre de 36 pieds de hauteur et dont on ne connaît pas la profondeur au- dessous du fleuve. Il n’y a là ni lias, ni marne qui puissent échan¬ ger leurs portions inégales de chaux. Peut-être on me répondra , que les pierres d’Imatra n’ont pas été formées là où on les trouve aujourd’hui ; mais ce serait en vain. Le granité , auquel plusieurs de ces pierres sont agglutinées, se distingue par le grain et la couleur des grandes masses au tra¬ vers desquelles l’I matra roule ses flots écumeux. Si l’agglutina- i ion avait eu heu ailleurs, toutes ces pierres seraient écorchées. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. n auraient perdu leur belle forme ou eussent été entièrement fra¬ cassées. Mais on n’observe rien de tout cela; nulle part on n’y voit le moindre signe d’un transport à travers des quartiers de roches ou de masses sablonneuses. 11 en est de même des pierres d’Imatra libres. Ainsi , il est bien prouvé que ces pierres ont été formées dans le gîte où on les trouve aujourd’hui , dans un terrain sans calcaire et sans soufre , qui ensemble font la moitié de tout* leur poids , matières dont nous ne pouvons trouver la source que dans des êtres organisés et pétrifiés. Ainsi , la pierre d’Imatra est un eus sui generis indépendant de son gîte. M. Virlet dit (p. 220 ), que je parais disposé à admettre l’hy¬ pothèse stalactique. J’ai dit ( p. 97 ) : « Le principe de la filtration » qui est celui de la formation des stalactites, fournit une hypo- » thèse de formation qui , au premier coup d’œil , paraît pouvoir » expliquer celle des pierres d’Imatra » et j’indique à peu près comment on pourrait s’y prendre ; puis suit la théorie de la for¬ mation des stalactites , d’où je tire la manière dont on pourrait s’imaginer en gros la construction des pierres d’Imatra dans ces principes; puis j’ajoute: « Mais cette apparente simplicité de » construction est tout ce que nous pouvons dire en faveur de cette »> hypothèse qui succombe sous les objections suivantes. » J’en ai fait de même dans l’examen des autres hypothèses. Ainsi , si , en alléguant impartialement ce que l’on peut dire en faveur d’une hypothèse avant de la réfuter , je me suis déclaré plus ou moins disposé à l’admettre , je dois avouer que je l’ai fait en faveur de toutes celles que j’ai totalement refusées. M. Virlet dit : « On peut aussi reconnaître , à l’inspection des » figures de l’auteur, que plusieurs de ces nodules, gênés dans leur » développement par le voisinage des fragments de granité , sem- » blent comme brisés ou pénétrés par ces corps étrangers qui dé- >' rangent ainsi l’harmonie habituelle de leurs formes , et que » d’autres ont été réellement brisés postérieurement à leur forma- » tion et offrent de véritables failles remplies de terre jaune ou » noire. » Quelque attention de plus aurait évité, de la part de M. Virlet, l’obscurité ( pour ne pas dire les erreurs ) qui règne dans ce pas¬ sage. Voici le résultat qu’on doit tirer de mes dessins : Les pierres d’Imatra que j’ai décrites comme adhérant forte¬ ment à des morceaux de granité se trouvent sur les planches IX et X , à quoi il faut ajouter la figure 25 cle la planche XIII. Ces morceaux de granité varient de la grosseur d’une noisette jusqu’au poids de 31 livres 1/2 russes. Cette adhésion n’a nullement détruit SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|(5. ou même altéré le type de la pierre ; seulement la pierre est con¬ tournée sur la surface adjacente du granité , sans déranger la régu¬ larité du dessin. Dans quelques exemplaires le petit morceau de granité est enveloppé de la niasse de la pierre jusqu à moitié , plus ou moins; dans un exemplaire ( fig. 53 ) il se trouve un mor¬ ceau tacheté de quartz , totalement enterré dans la pierre d’Ima- tra. Sur aucune de ces pierres on n’aperçoit ni fente , ni rupture quelconque , aucun écrasement avec rupture. D’autres pierres d’ J matra ( mais aucune de celles qui se trouvent accolées à des granités) telles que les fig. 38 , 39, àO, pl. VU , et fig. l\\ , ù2 , pl. Vil J , sont plus ou moins écrasées , mais sans aucune rupture, quoique deux d’entre elles ( fig. ÙO et l\ 1 ) soient très minces. Il suit de ces faits que les pierres d’1 matra ont été primitive¬ ment très molles , ainsi dans un autre état que l’état actuel. Car si leur composition était assez argileuse pour subir une telle com¬ pression sans se briser , elles se trouveraient , continuellement en contact avec le fleuve, encore dans l’état mou. Si ces pierres avaient été formées, comme on l’assure, par des migrations de terre calcaire à travers diverses couches de marne, comme on le suppose pour les pierres de Lyme-Regis , quelle ré¬ volution n’eût-il pas fallu pour enlever les couches dans lesquelles celles d’lmati;a étaient enterrées , et eussent-elles résisté avec toutes ces fines et régulières moulures? Celles cpii sont écrasées ne se trouvent que parmi les roches chaotiques du granité qui font la lisière du rapide ; plus bas , où les quartiers de granité cessent , je n’en ai plus trouvé d’ écrasées , quoique là elles se trouvent par milliers avec toute la pureté de leurs formes. Quant à ce que j’ai dit des électromanes , on peut le pardonner à un vétéran qui a vu naître plusieurs générations de physi¬ ciens, et qui ne voulait blesser personne, et moins qui que ce soit M. Becquerel, que j’honore infiniment. Mais puisque l’hypo¬ thèse électrique a été nommée par M. Virlet d’Aoust, et que je n’en ai pas fait une mention particulière dans mon mémoire , je vais me permettre de l’analyser ici. Le premier principe sur lequel se base l’hypothèse électrique est que l’électricité est capable de transporter des substances pon¬ dérables. J’avoue qu’en envisageant les phénomènes connus , je ne puis adhérer à ce principe. Je ne vois partout que des chocs ou des courants qui éloignent de la pointe électrique des corps concrets très déliés ou des fluides vers des corps neutres ou chargés de l’électricité opposée. Mais de là jusqu’au transport de matière concrète , quelque déliée qu’elle soit , à des distances très consi¬ dérables au travers d’épaisses couches géologiques, c’est ce que je SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^0. 25 ne puis admettre , tant qu’aucune expérience n’en aura pas prouvé la possibilité. Que l’on prenne une poudre calcaire ou autre , de la plus grande finesse , comme les poudres d’ apothicaires nommées impalpables , et deux tables , l’une de marne ou de lias sur le de¬ vant et une de schiste derrière et en contact avec l’autre , sèches ou humides, et que l’on emploie une électricité très intense pour chasser la poudre au travers de la plaque antérieure sur la posté¬ rieure, la poudre arrivera-t-elle à sa destination? j’en doute fort, même si la plaque antérieure n’avait qu’une ligne d’épaisseur. L’on objectera peut-être que les pulvicules que nous pouvons produire sont trop grossières. Mais si l’électricité naturelle ( galva¬ nique ) en peut produire de plus fines ( et elle le doit dans l’hypo¬ thèse , puisqu’elle doit enlever ces pulvicules à la roche ) que l’on emploie l’électricité à cette pulvérisation. Si l’on répond que cette pulvérisation et ce transport n’ont pas été exécutés subitement , mais peut-être dans des siècles, je demanderai , puisqu’il s’agit ici d’une force mécanique , si une force très intense ne peut pas faire en très peu de temps l’effet d’une force très faible dans un temps très long. On pourrait , il est vrai , objecter, par exemple , que des poutres résistent pen¬ dant quelques jours à un certain poids et finissent par se casser au bout de quelques mois. Cela est vrai ; mais nous avons des pou¬ tres qui résistent pendant des siècles , et il suffit pour cela que le poids dont on les charge ne soit que 1 jlx ou 1/5 du poids sous le¬ quel elles rompent au moment où on les charge , et quelle énorme proportion n’a-t-on pas entre la décharge d’une forte batterie ou le courant continu d’une grande machine électrique à ces minimes degrés d’électricité , que l’électrométrie peut seule nous rendre sensibles ! Je passe à une seconde question concernant l’existence de l’élec¬ tricité qui doit avoir eu lieu pour produire les concrétions dont nous parlons. Assurément ce n’est pas rauteur de la Théorie chi¬ mique de l'électricité qui niera la possibilité de la production de faibles degrés entre les couches hétérogènes plus ou moins humides des roches ; mais il se permet d’affirmer que , à l’excep¬ tion des cas où la roche contient des métaux non oxydés , cette électricité sera très minime. Il pense de même que le cas peut avoir lieu où certaine suite de couches produise l’électricité en sens opposé à celle d’une autre et la neutralise. Il rappelle en outre le théorème qui lui appartient également, que la chaleur, la lu¬ mière et l’électricité s’affaiblissent considérablement en passant au travers de matières hétérogènes pondérables, et que par con¬ séquent l’électricité produite entre les couches dont se compose 2< 3 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. l’écorce de notre globe doit se trouve]- très affaiblie avant d’être arrivée à la surface ou à peu près. En effet , cette surface ne nous a encore décelé aucun degré permanent d’électricité , et ne peut, d’après les grandes et belles expériences faites récemment sur la force conductrice de la terre , qui s’est trouvée un parfait conducteur pour les petits degrés d’é¬ lectricité , nous en déceler aucun II y a plus : l’électricité d’un seul couple voltaïque disparaît à l’instant lorsqu’on met un des pôles en contact avec la terre. Or, cela serait impossible si la terre était pénétrée d’une quantité d’électricité égale à celle que produit ce seul couple. Mais il est encore une troisième considération , sous laquelle l’hypothèse électrique doit succomber. J’accorde pour un instant tout ce que réclame cette hypothèse; mais je demande comment ces petites pierres ont pu se former ainsi sous forme de nodules , rognons , etc. , et nommément les pierres d’Imatra avec toutes les singularités que j’ai décrites et dessinées? M. de la Bêche, qui pro¬ duit ces petits corps par des causes chimiques , assure avec raison que ces masses ont du avoir été préalablement des strates, qui ensuite ont été découpées, au reste sans avoir assigné la cause de ces décou¬ pures , qui en a élargi et arrondi les extrémités. L’hypothèse élec¬ trique se trouve dans le même embarras. En efïet, l’électricité, qui agit d’une couche à l’autre dans ces grandes strates géologiques , doit marcher également à travers ces strates et devrait former là , où on la fait travailler, une strate également modifiée sur toute l’étendue de sa surface , et non des rognons , nodules , pou- dingues , etc. , à moins de supposer qu’entre ces masses il y ait eu des plaques de verre, de résine , de soufre ou autres isolateurs. Mais on n’a pas encore annoncé cette trouvaille, qui serait d’ail¬ leurs si facile. Je demande enfin comment, même dans la supposition de ces isolateurs et sans parler des stries intérieures , on expliquera les moulures si exactement exécutées , les rainures , les types super¬ posés en dessus et en dessous de la couche du milieu et tant d’au¬ tres particularités qu il est impossible de rapporter à un agent électrique , mais uniquement à une spontanéité. En terminant ces considérations , je prie ceux qui voudront juger mon hypothèse de consacrer quelques heures à lire et à mé¬ diter tout mon mémoire , qui se trouve parmi ceux de l’Académie de Fétersbourg , 6e série, sciences math. , phys. et nat. , tome Y, publiés en 1840. Je les prie de ne pas chercher, avant tout, mon hypothèse pour la trouver insoutenable avant d’avoir lu attentivement les descriptions , les observations , les expériences , SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. 27 les conséquences nombreuses qui précèdent. En général , j’ai droit d’attendre que, si l’on veut présenter une autre hypothèse que la mienne sur les pierres d’Imatra , ce soit une solution précise et logique , et non des assertions vagues du genre de celles que le siècle actuel n’a pas encore fait disparaître de la géologie. M. Virlet répond que lorsqu’il a analysé le Mémoire de M. Parrot, il ne connaissait pas les pierres d’Imatra , mais que depuis il a eu occasion d’en voir un assez grand nombre d’é¬ chantillons, dont il possède plusieurs, et que l’inspection de ces pierres noduliformes l’ont confirmé dans l’opinion qu’elles sont bien le résultat d’un transport moléculaire, électrique ou non, postérieur au dépôt de la roche qui les renferme. En effet, à la cassure, surtout si on insuftle dessus, on reconnaît encore très distinctement les différentes zones ou strates du terrain, et leurs différents degrés de compacité, qui déterminent ouïes rainures ou les moulures des nodules. Cette agrégation de molécules calcaires ou silicéo-calcaires, qui sont venues s’interposer sur certains points au milieu des strates argilo-sableuses d’Imatra, et y former des nodules quelquefois très rapprochés et adhérents entre eux, est donc tout-à-fait analogue à celle qui a produit les sphcrosidérites , les Indus , les clavici (nodules de phlanite), les cherts , les chailles , les silex, les minerais de fer en grains et géodiques d’alluvions ou ces minerais en plaquettes connus sous les noms de minerais des lacs, des marais, de prairies, de gazons, etc. (1), et même certains grès qui doivent leur ciment siliceux ou calcaire à un phénomène de transport molé¬ culaire analogue. Enfin, les grès calcariféres cristallisés en rhomboèdres de Fontainebleau se sont encore formés de la même manière. Il y a des couches où les nodules sont encore bien plus nombreux qu’à Imatra , à ce point qu’ils se confondent les uns dans les autres , et qu’ils forment parfois des couches continues, où l’on ne distingue plus les formes nodulaires que par les ondulations que présentent les plans de surfaces. Quant à la présence du soufre à l’état de soufre dans les pierres d’Imatra, ajoute M. Virlet, le fait m’a paru assez difficile à expliquer pour que j’aie voulu le faire vérifier. J’ai prié, en (l) Voir à ce sujet une nouvelle note insérée au Bulletin , 2P série, t. III , p. 150. 28 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. conséquence un de nos jeunes chimistes , M. Alphonse Salvétat, de vouloir bien faire l’analyse d’une des pierres d’Imatra, rap¬ portées par M. Édouard de Verneuil, et l’on peut voir par les résultats ci-aprés de cette analyse, que sa composition diffère essentiellement de celle trouvée par M. Parrot; ce qui peut tenir, au reste, à ce que les mélanges des matières qui composent ces nodules peuvent varier beaucoup, suivant les échantillons et même suivant les parties d’échantillons ou des couches qui les renferment } quant au soufre indiqué, il est très probable qu il provient des réactifs employés : ainsi le carbonate de soude qui est très fréquemment mélangé de sulfate, pourrait, si on ne tenait pas compte de cette circonstance, donner un précipité de sulfate de baryte par le chlorure de barium. Analyse d'une pierre nodulaire d’Imatra, en Finlande ; par M. Alphonse Salvétat , chimiste de la manufacture royale de porcelaines de Sèvres. Cette pierre , attaquée comme à l’ordinaire par le carbonate de soude, a donné 34,06 de son poids de silice qui s’est dissoute complètement dans une dissolution de soude caustique assez éten¬ due , en laissant cependant de légers tlocons qui ont été reconnus être de l’acide titanique. Une seconde analyse a donné pour le poids de la silice titanifère 33,90 p. 100. Soumise à un lavage par l’acide nitrique faible , cette pierre donne un résidu plastique , de la couleur de la pierre elle-même, ayant tous les caractères d’une argile impure , laissant dégager de l’eau par calcination , et prenant , sous l’influence d’une chaleur rouge , une couleur brun-rouge prononcée , par suite de la per¬ oxydation du fer qui s’y trouve. Cette matière argileuse , soumise à des lévigations opérées avec soin, et répétées souvent, laisse un résidu de sable micacé à grains assez gros et transparents. Le mica est incolore mais à rellets nacrés et verdâtres ; on remarque aussi quelques grains noirs , solubles à froid dans de l’acide hydroclilo- rique. La présence du mica dans ces sables explique l’alcali , qu’une attaque par l’acide hydrofluorique m’a fait reconnaître. J’ai fait, selon votre désir, de nombreux essais pour arriver à constater la présence du soufre , mais je n’ai pu en reconnaître la plus petite Irace , et il est évident que la pierre que vous m’avez remise n en renferme pas du tout ; il paraît aussi résulter de mon analyse , comparée à celles qui ont été publiées , que le sable argi¬ leux , mêlé au calcaire , est très variable dans sa composition. Je SÉANCE 1)L 2 NOVEMBRE 18/|(>. 29 ne m’explique pas la forte proportion d’alumine ferrugineuse par rapport à la silice, trouvée dans ces analyses : l’argile la plus alu¬ mineuse n’cn contient pas autant , et bien certainement là , elle est mélangée à une forte proportion de sable. Yoiei les résultats de mon analyse : Acide carbonique . 21 ,03 i Chaux . 26,77) Eau . 2,51 \ Silice . 34,06 Alumine . 9,00 j Protoxyde et peroxyde de fer. 4,00 ( Oxyde de manganèse. . . . 2.00 ( Alcali . 0,49 \ Acide titanique et magnésie. traces ] Perte . 0,14/ j carbonate de chaux. 47, 80 i argile . \ sable . J> 52,20 ( mica . . 100,00 M. Durocher fait la communication suivante : 100,00 Etudes sur les phénomènes erratiques de la Scandinavie , par J. Durocher. Observations successives qui ont eu pour objet les phénomènes erratiques du Nord de V Europe. M. de Lasteyrie et M. Al. Brongniart ont décrit , il y a déjà longtemps, les caractères généraux des érosions et des dépôts erra¬ tiques de la Suède; plus tard, M. Sefstrôm a déterminé les direc¬ tions des stries dans le midi de cette contrée. Lors de son voyage dans le Nord, M. E. Robert a aussi observé ce phénomène ; la même année, en 1839, M. Bohtlink et moi avons déterminé les direc¬ tions des sulcatures dans des pays encore inexplorés, en Finlande et dans quelques parties de la Laponie. Les principaux faits du mémoire cpie j’ai rédigé sur ces questions, et qui se trouve dans la publication des voyages en Scandinavie (1), ont été mentionnés dans le rapport de M. Elie de Beaumont (2) ; j’y ai fait connaître les caractères des stries et du dépôt de transport , le gisement , la disposition des blocs erratiques, et leur dispersion en Russie, en Pologne, jusqu’au pied des montagnes delà Silésie, de la Saxe, du (0 Voyages en Scandinavie , en Laponie , etc. — Géologie. Par J. Durocher. (2) Comptes-rendus de /’ Académie des sciences , séance du 17 jan¬ vier 1842. $0 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. Hanovre, et clans les plaines des Pays-Bas. l’ai signalé la forme presque circulaire de leur limite extérieure , et leur distribution rayonnante à l’intérieur d’un vaste demi-cercle, dont Stockholm est le point central, et dont la circonférence passe aux environs de Kostroma , de Moscou , de Cracovie , de Leipzig , de Brétla , et dans le comté de Cambridge en Angleterre. Depuis cette époque, MM. Muvchison et de "Verneuil ont étudié ces phénomènes pen¬ dant leurs voyages en Russie et dans le midi de la Scandinavie. Je suis heureux de reconnaître que les observations relatées dans le bel ouvrage qu’ils viennent de publier sur la géologie de la Russie s’accordent pour la généralité des faits avec celles que j'avais pu¬ bliées depuis plusieurs années ; et la limite méridionale du terrain erratique, qu’ils ont tracée sur leur carte géologique, coïncide pres¬ que exactement avec celle que je lui avais déjà assignée : mais ils ont déterminé son extension , jusqu’alors inconnue, à l'E. du lac Onéga et de la mer Blanche. Observations faites en Norvège. Sur la partie du phénomène erratique relative à la Norvège, il a été publié moins d’observations que sur les contrées citées tout-à- l’heure; cependant, M. Reilhau a étudié depuis plusieurs années les directions des stries, et a reconnu, comme l’ont fait plus tard MM. Siljestrom et Daubrée , qu’elles ne sont pas constantes, mais que dans le fond et sur les flancs des vallées profondes il y a des stries dirigées dans le sens de leur axe, et descendant des mon¬ tagnes vers le littoral. Dans le voyage que je viens de faire en 1845. j’ai cherché quelle est la liaison entre les sulcatures de la Norvège et celles de la buecle ; le soin minutieux avec lequel j ai relevé les directions des stues dans les contrées que j ai explorées sur de très vastes éten¬ dues ma conduit à des résultats nouveaux. J’ai reconnu que la suiface de la Suede et de la Norvège a été érodée par plusieurs systèmes d agents sulcateurs, qui ont suivi des marches différentes, et qui, dans ceitaines régions, se sont croisés sous des angles plus ou moins grands, se rapprochant parfois de 90°. Caractères généraux des érosions dans la Scandinavie . Jetons d’abord un coup d’œil sur les caractères généraux des érosions. A la surface des collines mamelonnées et arrondies les sulcatures appartenant à un même système suivent une direction généralement constante, et ne subissent de déviation notable qu’à 1 approche de massifs rocheux un peu étendus et d’une certaine SÉANCE DU 2 NOVEMBRE l8/l0. 31 élévation. Souvent même sur des plateaux ondulés dont les par¬ ties hautes atteignent 1000 à 1200 mètres, et qui présentent des différences de niveau de 3 à 400 mètres , comme ceux de la con¬ trée de Roraas, les stries possèdent une allure propre et indépen¬ dante de la disposition des accidents de terrain. Dans les régions montagneuses, où il y a des vallées profondes et encaissées entre des flancs abruptes, on voit des sulcatures dirigées dans le sens des vallées; mais souvent sur les hauteurs qui bordent ces déchi¬ rures on voit des stries disposées obliquement ou transversalement, produites par des agents érosifs qui ont dû passer par dessus les vallées. Quelquefois on voit des stries descendre des plateaux en¬ vironnants dans les vallées , suivant des lignes obliques , et venir couper les sulcatures creusées parallèlement au Thàlveg, comme je l'ai remarqué sur le flanc droit de la vallée de la Driva, entre Kongsvold et Drivstuen. D’autres fois , au contraire , les stries sortent de la vallée et se reportent sur le plateau adjacent ; c’est ce qui a lieu, par exemple, dans la vallée du Nid Elv (Norvège mé¬ ridionale) : sur la rive gauche du lac Nisser , on voit , comme l’a indiqué M. Keilhau sur une carte de ce pays, des stries quitter la vallée, dirigée ici du N. au S., et s’élever vers 10. -N. -O., en faisant un angle d’environ 60° avec l’axe de la vallée, et se portant vers le plateau situé à l’E., qui est élevé de plus de 1000 pieds au- dessus du lac Nisser. Je signalerai encore une circonstance qui me paraît importante : ce ne sont pas les vallées longues et profondes , se rattachant aux plus hautes cimes , qui ont produit les grands systèmes de sulca¬ tures ; ainsi les agents érosifs descendus le long de la vallée du Guldbrandsdal, une des grandes vallées norvégiennes, qui remonte jusqu’au pied du Sneeliattan et reçoit un grand nombre d’affluents, ces agents, qui s’avancaient du N. -N. -O. vers le S.-S.-E. , ont laissé des traces peu nombreuses sur les collines mamelonnées du lac Miosen. Les sulcatures qui sont le plus marquées entre le lac Miosen et Christiania dérivent du N.-N.-E. , de régions où les cimes sont comparativement peu élevées; et les forces érosives, au lieu de suivre le cours d’une grande vallée, ont franchi beaucoup de plateaux et de vallons dans un sens oblique à celui de leur al¬ longement. Classement des directions des stries. Pour classer les directions des sulcatures, j’ai divisé les espaces que j’ai explorés en zones, dont chacune présente une certaine homogénéité et la prédominance de stries disposées de la même 32 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|(5. manière; puis j’ai réuni par tableaux les directions observées dans chaque zone, d’après le même procédé qu’a employé M. Elie de Beaumont pour les directions des couches de gneiss dans les mon¬ tagnes des Maures et de l’Este'rel (1). Dans ces tableaux, les sulca- tures appartenant à un même système se trouvent disposées par groupes, de façon que dans les zones où il y a plusieurs systèmes, chacun d’eux se manifeste par un groupe particulier qui en in¬ dique la direction normale, il est à remarquer que les directions dépendant d’un même système sont réparties sur une étendue an¬ gulaire un peu grande, qui est rarement inférieure à ù5°; cela provient d’abord de ce que les agents érosifs ont éprouvé des va¬ riations dans leur marche à travers un pays qui n’est pas tout-à- fait plat, et puis à ce que les stries latérales observées sur les deux côtés des monticules ne présentent pas exactement la même direc¬ tion que celles tracées suivant une ligne médiane, et il en résulte une cause d’erreur qu’il est impossible d’éviter complètement. Ce mémoire n’étant qu’un résumé des principaux faits que j’ai observés, l’énumération de toutes les directions de stries serait beaucoup trop longue pour y trouver place , vu qu’elles sont fort nombreuses : elle fera partie du mémoire plus détaillé qui doit être imprimé dans les voyages en Scandinavie ; je ne présente donc que les tableaux définitifs. Les nombres de directions relatifs à chaque angle ont été doublés, afin d’éviter la fraction 1/2 ; toutes les directions sont rapportées aux méridiens astronomiques. Système d'érosions s'étendant des environs de Calmar au : lac • • d’Ostersund. Dans la région située au midi de Stockholm et de la partie orientale du lac JYIâlar, entre Mariefred , Nykoping, Linkoping , sur le littoral et les îles de l’Archipel de Stockholm, toutes les stries que j’ai observées se rattachent à un même système dirigé en moyenne du N. 25° O. au S. 25° E., et sont pour la plupart com¬ prises entre le N. 15° O. et le N. U 0° O. (voir le tableau n° 1 ). Ce système d’érosions se montre seul le long du littoral, depuis Stockholm jusqu’aux environs de Calmar, et je l’ai suivi en remon¬ tant vers le N. depuis Stockholm jusqu’au-delà du 63e degié de latitude, jusqu’au-delà du bourg de Marby, sur la rive occidentale • • du lac d üstersund, où je les ai vues dirigées de la même manière que sur le littoral de Stockholm. (l) h. vj j h cation de la carte géologique de France, t. I . p. 465. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. 33 Le tableau n° 2 comprend toute rétendue de terrain située de- • • puis Sala jusqu’à la maison de poste de Klâppa sur le lac d’Oster- sund; j’ai fait ce trajet en passant par Falun, le lac Siljan, Furu- dal , Carlsberg , Karbôle , Berg , Skatgârd et Klappa. Toutes les directions que j’ai mesurées soit dans les plaines, soit sur les mon¬ tagnes, sont comprises entre le N. et le N. 40° O. ; elles ne forment qu’un seul groupe, dont la direction moyenne N. 20° O. ne diffère que de 5° de celle relative à la contrée de Stockholm et Linko- ping. Dans cette zone , les agents sulcateurs ont traversé oblique¬ ment plusieurs vallées, celles du Ljusue-Elf, de l’Oreân et du Dal- Elf, des dépressions occupées par des lacs; ils ont franchi les rochers avoisinant le Siljan et le Storsjon , et qui s’élèvent jus¬ qu’à 200 mètres au-dessus de ces lacs : sur le haut des montagnes de Carlsberg et de Gymâs, ils ont buriné leur empreinte exacte¬ ment dans le même sens qu’au bord des lacs, c’est-à-dire du N.-N.-O. au S.-S.-E. , Disposition des stries dans V Uplande . Dans l’ Uplande (province d’Upsal), les stries sont dirigées d’une manière un peu différente : au lieu de venir de l’intérieur des terres, comme celles de Falun et du lac Siljan, la plupart dérivent du golfe de Botnie ; il y en a encore quelques unes du N. N. -O. au S. S.-E., mais celles-ci sont croisées par des sulcatures beau¬ coup plus nombreuses qui viennent du N. et du N. -N.-E. Dans la partie de l’Uplande que j’ai explorée, entre Daneinora , Upsal et Sala, la direction la plus répandue est du N. au S. : c’est celle • « indiquée dans le tableau n° 3 ; mais sur la côte de Gefle et d’ Ore- grund , la plupart des stries observées par M. Sefstrom courent entre le N. N.-E. et le N.-E. Les agents erratiques, qui ont tracé les stries de l’Uplande dirigées du N. et N. N.-E., se sont élevés du golfe de Botnie vers la terre ferme ; car le côté choqué est tourné vers la mer. Leur empreinte est le plus fortement marquée sur les • • rochers de la côte de Gefle et d’Oregrund , parce qu’ils se sont trouvés exposés le plus directement à leur action ; mais, à une cer¬ taine distance de là, vers le S. -O. leurs traces deviennent beau¬ coup moins marquées, et les stries du système N.-N.-O. rede¬ viennent prédominantes. On peut expliquer cette circonstance en supposant que le système N.-N.-O. est le plus moderne, et qu'il a effacé l’autre ; il est effectivement le plus marqué sur la zone qu’il a envahie. Soç. géol. , 2e série, tome IV. 3 34 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/l6. Dans la contrée située au midi (le la partie occidentale du lac Malar, entre Strangnas , Thorslialla et Malmkoping , la plupart des stries sont dirigées du N. JN.-O. au S. S.-E., et appartiennent évi¬ demment au même système que celles du littoral compris entre Stockholm et Calmar, comme l’indique le tableau n° U; mais il y a, en outre, quelques directions groupées autour de la ligne N. -S. qui se rattachent probablement au même système que celles de l’Uplande. c Deux systèmes d’érosions dans la contrée d’ .il eskuttan . Le tableau u° 5 est composé des directions de stries que j’ai ob- • • servées depuis le lac d’Ostersund, ou Storsjbn , jusqu’au col de • • Skalstuga , sur la frontière de JNorvége (route d’Ostersund à Dron- theim), sur les bords du lac Liten et du lac Kalln , sur les flancs et o la crête de la montagne d’Areskuttan ; 10. 33° N. est la direction normale du système sulcateur qui prédomine dans cette contrée , et qui en a buriné les rochers dans un sens à peu près parallèle à la direction des accidents de terrain , en s’avançant de l’E.-N.-O. vers l’E.-S.-E. On remarque dans ce tableau un autre petit groupe beaucoup moins abondant, dirigé du N. 15° E. au S. 15° O. ; ces stries ont été creusées du N. vers le S , et coupent les précédentes sous des angles de 70 et 75°. J’ai vu plusieurs exemples de ces in¬ tersections, ainsi près du bourg d’Harsta et près d’Iljerpen; on voit sur un rocher, proche de ce village, des stries courant de l’O. 36° N. à l’E. 36° S., et d’autres du N. 22° E. au S. 22° O. , faisant avec les premières un angle de 76°. Le caractère des côtés frappés et abrités indique cjue les forces érosives venaient de l’O.- N.-O. et du N.-N.-E. Directions observées entre le lac Miosen et Christiania . Le tableau n° 6 , résumant les directions observées sur la rive orientale du Miosen , entre ce lac et Christiania , présente trois groupes; un premier, peu important (N. 22° O. ) , se compose de stries dérivant de la vallée du Guldbrandsdal ; un autre (E. 35° N.) renferme quelques directions observées un peu au N. de Christia¬ nia et se rattache probablement à un système d’érosions que nous allons voir très développé sur la côte orientale du golfe de Christia¬ nia. Le troisième groupe ( N. 13° E.) , qui est ici le plus important «le tous, paraît se rattacher au même ensemble de stries que le groupe (N. 15" E.) du tableau précédent. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. 35 Deux systèmes d érosions sur le côté oriental du Skagcr-rack et du C'ett ternit. O Les deux tableaux u° 7 et u° 8 embrassent les zones litto¬ rales situées sur le côté E. du Skager-rack , ou golfe de Christia¬ nia , et du Cattegat, depuis Christiania jusqu’à Kongelf, et depuis Kongelf jusqu’à Varberg (au midi de Goteborg). Chacun de ces tableaux indique les deux mêmes systèmes d’érosions , Lun dirigé du N. 15° E. au S. 15° O. , l’autre duN.-E. au S. -O. ; mais dans la première zone prédomine le système N. 15° E., et dans la se¬ conde le système JN .-E. , qui offre alors pour direction moyenne LE. 35° N. Le système N. 15° E. coïncide avec celui que nous avons observé entre le lac Miosen et Christiania, et probablement aussi avec le système analogue du tableau n" 5. Intersection des deux systèmes. Entre Christiania et Varberg , on voit fréquemment se coupel¬ les stries appartenant aux deux groupesN. 15°E. et N. 45 ou 55°E.; et quelquefois l’intersection a lieu sous des angles beaucoup plus considérables que l’angle 30 à 40° des directions normales : ainsi, que l’on examine la surface des collines basses et arrondies, entre lesquelles coule le Gëta Elf , principalement celles de la rive droite, entre la maison de poste de Holm et Kongelf, on verra se succéder brusquement des sulcatures dont la direction est comprise entre le N. -S. et le N. -N.-E. , et d’autres courant entre le N.-E. et l’E.- N.-E. ; entre Holm et Backa, je les ai vues, sur un même rocher, se croiser sous un angle de 65°. Les régions qu’ont traversées les systèmes sulcateurs du N. 15° E. et du N.-E. sont arrosées par un grand nombre de cours d’eau pa¬ rallèles entre eux , qui descendent du N. -N. -O. vers le S.-S.-E. : ainsi ils ne sont pas descendus le long des pentes que suivent au¬ jourd’hui les rivières, et ils ont du couper, sous des angles plus ou moins grands , les vallées où elles coulent ; ces vallées sont en général peu profondes , bordées de rochers mamelonnés et dis¬ continus. En combinant les observations que je viens d’exposer avec celles qu’a faites M. Sefstrom, il y a plusieurs années, on peut apprécier les caractères généraux du mouvement des appareils sulcateurs qui ont strié la partie méridionale de la Suède , et , pour faciliter cette appréciation , j’ai joint à cette notice une petite carte, sur laquelle j’ai tracé les stries observées par moi en Suède , en Norvège et en 3(5 SÉANCE DU '1 NOVEMBRE 1840. Finlande, et j’y ai joint celles indiquées par M. Sefstrom dans la partie de la Suède que je n’ai pas visitée. Il y a dans le midi de In Suède plusieurs directions normales ou plusieurs systèmes de stries. Je suis conduit à modifier la conclusion que M. Sefstrom avait déduite de ses recherches sur les érosions dans le midi de la Suède ; ce savant observateur a considéré la direction normale des stries comme étant , pour la Suède . du N.-N.-E. au S.-S.-O. , et, d’après son point de vue, toutes les stries courant du N. -N. -O. au S.-S.-E. sont des déviations produites par l’influence de certaines élévations du sol , et il les appelle stries latérales , relativement à ces éléva¬ tions : ainsi , à Falun , elles sont latérales par rapport aux hauteurs de la Dalécarlie, et, à AVestervick, relativement aux hauteurs si¬ tuées au S. de Jonkoping. Mais, comme j’ai suivi les sulcatures dirigées du N. -]\ -O. au S.-S.-E. , depuis le littoral jusque près de leur origine, jusque dans la région occidentale et montagneuse de la Suède , il n’est plus alors possible de considérer ces stries comme étant des déviations ou des stries latérales, et il devient évident qu’il n’y a pas lieu d’établir une seule ligne normale pour toute la surface du midi de la Suède ; mais il y a plusieurs directions que l’on peut considérer comme normales. Systèmes U 2 NOVEMBRE 1 8/|(). li 5 dans le même sens que ceux qui ont envahi les environs de Christia¬ nia et le côté oriental du Skagerrack. On voit un autre groupe peu considérable autour de la ligne E. 28° N., formé de directions mesurées principalement autour de l’île Langoe , et aux environs de Kra gerbe ; ce sont des stries à peu près parallèles aux côtes des îles Langoe et Koume , et à cette partie du littoral qui s’étend de Laurvig à Tvedestrand. 11 y a encore trois autres groupes appartenant à des systèmes d’érosions qui sont descendus des montagnes vers le littoral ; l’un est dirigé au N. 20° O. , l’autre au N. 40u O. , et le troisième à l’O. 10° N. Quelquefois sur les mêmes rochers on voit se croiser deux de ces systèmes, l’un venant du N -N. -O., l’autre du N. -O. ou de l’O-N.-O. C’est le système dirigé au N. Z|0° O. qui est le plus développé, comme le montre le tableau n° 9 : cependant les vallées qui débouchent dans la mer aux environs d’Arendal, telles que le Nid-Elv, présentent près de la mer des directions plus voi¬ sines du N. -S. que du N. -O. ; mais, à une distance de 12 à 15 lieues au N. -O. d’Arendal, il y a un assez grand nombre de vallées se¬ condaires dirigées au N. -O. et au N. 1N.-0 , telles que le Birtclal , le Topdal , le Shjœggedai , et c’est de ces vallées que paraissent être venus les agents qui ont érodé les rochers du littoral de Tvedes¬ trand et d’Arendal. En approchant de la côte , ils ont cessé de suivre la pente des vallées où coulent les eaux, et ils ont traversé directement les collines mamelonnées qui bordent le rivage, en conservant à peu près la même direction du N. -O. au S.-E , sui¬ vant laquelle s’effectuait leur mouvement en amont. Intersections de stries sous des angles de 72° et de 90°. \ Les érosions dérivant de l’intérieur des terres sont presque trans¬ versales aux stries dirigées de l’E.-N.-E. à 10. -S. -O. J’ai observé plusieurs exemples de croisements sous de très grands angles; j’en citerai deux seulement : là où la route d’ïlolmestrand à Laurvig at¬ teint le plateau, en quittant la gorge qu’elle traverse à la sortie de la ville, on voit des stries venant de l’intérieur, dirigées en moyenne au IN. ù0° O., couper sous un angle de 72, d’autres stries qui courent de l’E. 22° N. à l’O. 22° S. Le long du canal qui sépare l’île Langoe de Koume , située plus à l’E. , on voit en beaucoup d’en¬ droits des sulcatures dirigées à l’E. 30° N. ; on en voit d’autres, qui leur sont exactement perpendiculaires, descendre du N. 30° O. au S. 30° E., de dessus les rochers qui bordent le rivage , et près desquels on exploite des mines de fer. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|0. A 6 Les canaux sinueux et profonds , décrits précédemment , appartien¬ nent a différents systèmes d’érosions . J’ajouterai que les canaux et sillons profonds, sinueux et bifur¬ ques , que nous avons décrits dans un précédent mémoire (1), n’appartiennent pas exclusivement à un système particulier d’éro¬ sions; et c’est à cause de cela que dans les divers exemples men¬ tionnés dans ce mémoire les directions des sulcatures ne sont pas partout les mêmes ; les unes ont été produites par des forces éro- sives agissant parallèlement au littoral, d’autres par des forces obliques ou transversales venant de la région montagneuse. Ainsi les canaux et les stries de l île Sandoe et des rivages de Sandesund sont dirigés du N. quelques degrés E. au S. quelques degrés O., à peu près parallèlement au Sandesund et aux découpures de cette partie de la côte. S. es sulcatures de l’île Sciasteinholm , dirigées du N.-Q. au S.-E., ont été creusées par des forces érosives venant du N. -O. de l’intérieur des terres; par conséquent les sulcatures en forme d’ornières ondulées et bifurquées ne peuvent être considé¬ rées comme le résultat du ressac de la mer , ainsi qu’on l’a sup¬ posé dans les objections qu’a suscitées le mémoire déjà cité. D’ail¬ leurs les objections qu’ont émises les divers partisans de l’école glacialiste sont essentiellement contradictoires , et montrent com¬ bien il est difficile de mettre en harmonie avec la théorie glaciaire les érosions que j’ai signalées En effet, M. Agassiz attribue les canaux sinueux et bifurqués à l’action des fdets d’eau qui coulent des glaciers par l’effet de la fusion ; AJ. Marti ns les regarde comme produits par le ressac de la mer : mais l’un et l’autre supposent que c’est par des glaciers qu’ont été creusées les stries que l’on y voit à l’intérieur. Al. Esclicr de la Linth considère l’ensemble des stries, dessillons et canaux profonds comme ayant été creusés par des glacieis, et Al. Sclnmper, au contraire , qui fait aussi partie de 1 école glacialiste , prétend que les sillons , canaux et stries que l’on observe sur le littoral et les îles de la Suède et de la Norvège sont dues tout simplement à l’action de la mer, et qu’ils diffèrent par leurs sinuosités des stries rectilignes que l’on voit à l’intérieur de ces contrées. J’ajouterai que AJ. Scheerer, qui habite Christiania et qui a visité à plusieurs reprises les localités en question , consi¬ dère sous le même point de vue que moi les érosions dont est cou- (\ ) Bulletin de la Société géologique , séance du \ er décembre 1 8i5. SÉANCE DU *2 NOVEMBRE 18/16. 47 verte la surface des rochers. (Voir Ann . de Poggendorj , 3e série, t. VT. Beitrœge ziü' Kcntniss des safs trë/usch en jri cti on phenomené) St. ies observées aux environs de Vœrdalsore/i et Levanger . Le tableau n° 10 résume les directions de stries que j’ai obser¬ vées en descendant du col de Skalstuga vers la mer , le long de la vallée du Suul-Elv , aux environs de Vœrdalsoren et Levanger; elles appartiennent à un même système dirigé en moyenne à 10. 30° N. Cette direction se rapproche de celle de la vallée de Suul (O. 18° N.); mais elle ne coïncide pas tout-à-fait avec elle, et d’ailleurs cette disposition générale des stries reste la même en dehors de la vallée de Suul, sur les collines des environs de Vœr¬ dalsoren et Levanger. Systèmes d’érosions observés entre Levanger et Dronthcim . j’ai réuni dans le tableau n° 11 les observations que j’ai faites entre Levanger et Drontheim le long du littoral ; les directions v sont réparties suivant des angles très différents. On remarque un premier groupe dirigé au N. 30° O., formé principalement par les directions mesurées entre le bourg de Stordalen et Drontheim ; ce groupe se rattache au système sulcateur de la contrée de Roraas, que nous allons faire connaître tout-à-rheure, et qui s’est avancé du S.-E. vers le N. -O. Un deuxième groupe dirigé à l’O. 27° 1/2 N. paraît dépendre du système d’érosions (O. 32° N ) que nous avons décrit tout-à- l’heure comme étant très développé dans la contrée de Vœrdalsoren et Levanger; car il offre presque exactement la même direction. Un troisième groupe se voit à l’E.-N.-E., et pro¬ vient de directions observées principalement entre Hammer, Vor- dal et Forbord, le long de vallées étroites dirigées à l’E.-N.-E. et au N.-E. ; mais sur les rochers entourant ces vallées, on voit des érosions dirigées différemment, et cpii conservent une allure indé¬ pendante de la configuration du terrain. îl y a donc plusieurs systèmes de sulcatures que l’on voit fréquemment se croiser sur les mêmes surfaces ; ainsi j’ai remarqué sur les mêmes rochers, entre Haave et Hammer, des stries dirigées à l’O. 20° N., et d’autres au N. U5° E. , se coupant sous un angle de 65°. Entre le bourg de Stordalen et la maison de poste de Hougan , j’ai vu un autre exemple d’intersection, sous un angle de 71°; des stries cou¬ raient à 10. 10° N., et d’autres au N. 9° O. / h H SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/l6. \ Système d'érosions de la contrée de Roi ans. Dans le cours des explorations que j’ai faites près de Drontheim, entre cette ville et Roraas , dans la contrée de Rôraas , sur les plateaux ondulés où se trouvent les lacs Fœmund, Ferager, Mal- magen et Ôresund , puis entre Roraas et Jerkind , dans la vallée de la Giommen et celle de Foldal, toutes les stries que j’ai obser¬ vées paraissent se rapporter à un même système dirigé moyenne¬ ment à l’O. UO" N. (voir le tableau n° 12 ), et qui s’est avancé du S.-E. vers le N.-E. Ce système s’est développé sur une zone rec¬ tangulaire très étendue , limitée au N. par le 63e degré 1/2 de la¬ titude (c’est à peu près le parallèle de Drontheim), au Midi par le 62" degré, sur lequel se trouvent les cimes des Rundene et le Solcn Field ; à l’E. par la ligne de sommités qui sépare la Suède de la Norvège, et sur laquelle surgit la haute cime du Syltliellet (environ 1,880 mètres), à 10. par le massif du Sneeliattan et la par¬ tie orientale du Dovre, que traverse la route de Christiania à Dron¬ theim. Les stries que l’on voit sur cette zone ne divergent aucu¬ nement des sommités culminantes qui en bordent le contour ; au contraire , elles tendent à affecter un parallélisme général et sont disposées diagonaleinent du S.-E. au N.-E. Elles dérivent d’une région qui est comparativement plus basse que les hauteurs for¬ mant les autres parties du périmètre de cette dépression ; elle est située entre le Syltliellet et les Rundene , et consiste dans un ensemble de plates-formes bordant les lacs Fœmund , Ferager et • • Oresund , sur lesquelles s’élèvent plusieurs cimes dont la hauteur est en général inférieure à 1 ,400 mètres , sauf deux ou trois som¬ mités. En outre , les traits principaux de la structure de cette région , tels que les dépressions du Fœmund , du Ferager , Istern , etc., beaucoup de sommités sont alignées du N. au S. ; d’autres acci¬ dents du sol sont disposés du N.-E. au S.-E.; mais on n’en voit, pour ainsi dire, aucun dirigé du N. -O. au S.-E. ; cependant les stries suivent une direction généralement constante du S.-E. au N. -O. , et coupent obliquement les principales dépressions, même sur le bord des vallees un peu profondes ; ainsi dans celle de Fol¬ dal , on voit en plusieurs endroits , vers le haut du flanc septen¬ trional qui formait le côté choqué , des stries disposées transversa¬ lement à la vallée, allant du S.-E. ou du S. -S.-E versleN.-O. ou le N. -N. -O. SÉANCE DU "1 NOVEMBRE i 8 \ 0 . Les stries observées en Scandinavie tendent généralement et se rappro¬ cher de la direction N -O. S.- fi. On ne voit pas quelles causes ont déterminé les agents sulca- teurs de la contrée de Roraas et de Drontheim à se mouvoir sur une grande étendue de pays du S.-E. au N. -O. dans un sens obli¬ que relativement aux dépressions et aux exhaussements du sol D’ailleurs , c’est un fait assez curieux que dans la plupart des zones observées jusqu’à présent en Scandinavie les sulcatures qui ont une allure propre et à peu près constante, tendent à se rappro¬ cher de la direction N. -O. S.-E. plutôt que de la direction N.-E. S. -O. ; c’est une tendance générale, mais qui n’est pas absolue. Ainsi les érosions les plus développées dans la partie orien¬ tale de la Suède sont dirigées du N.-JN.-O. au S. -S.-E. ; mais dans la partie S. -O. elles courent du N. -N.-E., du N.-E., et de l’E. -N.-E. au S. -S. -O. au S.-O. et à l’O.-S.-O; entre la frontière de Norvège et le lac d’Ôstersund , elles courent de 10. -N. -O. à FE.-S.-E. En Finlande les directions des stries sont presque exclu¬ sivement comprises entre le N. -N -O. et le N. -O. ; sur la côte S.-E. de la Norvège , elles sont pour la plupart du N. -O. au S.-E. Les directions des stries que j’ai mesurées en 1839 , lors de mon premier voyage dans ces contrées , depuis le golfe d’Alten jus¬ qu’au milieu du haut plateau de la Laponie sont aussi groupées autour de la ligne N. -N. -O. Les sulcatures que M. Keilbau et IM. Siljestrom ont observées en divers points sur la côte occiden¬ tale de la Norvège , entre liront Le im et Hammerfest , descendent ries montagnes vers la mer, en affectant de préférence la direction N. -O. ou O.-N.-Q. 11 semble donc qu’une cause particulière ait déterminé la plu¬ part des agents, qui ont érodé les rochers de la Scandinavie, à se mouvoir suivant la direction moyenne N. -O. S.-E. plutôt que suivant d’autres directions. On peut en chercher l’explication dans ce fait que la chaîne norvégienne est dirigée en moyenne du N. -N.-E. au S. -S. -O., et par suite on est conduit à considérer le mouvement des appareils érosifs comme s’étant effectué per¬ pendiculairement à l’axe de la chaîne ou à la ligne de faîte ; mais cette explication n’est pas entièrement satisfaisante , car les mon¬ tagnes de cette contrée forment des masses aplaties , détachées les unes des autres , ne présentant point d’axe ni de véritable ligne de faîte ; il y a eu, en général, un mouvement descensionnel , mais bien souvent il ne s’est effectué ni suivant la ligne de plus grande Soc. géol.y 2e série, tome IV. 4 50 SÉANCK Dl 2 .NOVEMBRE LSZ|(5 . pente, ni suivant la direction des vallées; tantôt il s’est fait dans un sens presque perpendiculaire à la ligne de partage des eaux, tantôt dans un sens oblique , etc. D’ailleurs, nous avons fait voir qu’il y a quelquefois sur les régions littorales , outre les stries dérivant de l’intérieur des terres, des érosions tracées par des causes qui agis¬ saient parallèlement à la côte, ou en s’élevant de la mer vers la terre ferme. Un voit donc que le phénomène des érosions dans le nord de l’Europe est beaucoup moins simple qu’il ne le paraît au premier abord ; et quand on cherche à l’approfondir, on y re¬ connaît un degré de complication que les théories proposées jus¬ qu’à ce jour ne paraissent pas susceptibles d’expliquer complète¬ ment. Système d'érosions observé e/i Finlande. Le tableau n° 13 résume les directions des stries que j’ai obser¬ vées en 1839 dans la Finlande (1), en allant d’Uleâberg à Helsing- fors par Garnie Carleby , le lac de Lappayârvi , Tammerfors et Tavastékus, entre Helsingfors et Abo , puis en allant d Helsingfors à Soardawala , et enfin sur les rives N. -N -E. et N. -O. du lac- Ladoga. On voit que les directions sont concentrées d’une manière presque exclusive autour de la ligne N. 35° O. , à l’exception de quelques stries observées entre Brahestad et Garnie Carleby, qui s’approc lient de l’O.-N.-O. Sur la côte occidentale de la Finlande, les stries s’élèvent du golfe de Bothnie vers la terre ferme; mais, jusqu’à présent , on ne sait pas avec certitude si les actions érosfves ont pris naissance dans le golfe , ou si, comme il est plus probable, elles dérivent de la zone de plateaux montagneux qui séparent la Suède de la Norvège. Si on conçoit les stries prolongées vers le N. -O., suivant la même direction N. 35° O. , elles atteignent la frontière de Norvège , entre le 6àp et le 69e degré de latitude ; or, dans la partie de la Suède située à l’E. , les fleuves qui aboutissent au golfe de Bothnie , entre Ilernôsand et Tornéà , sont dirigés en général du N. 35° O. au S. 35u E. ; il est donc vraisemblable que les stries de cette région sont disposées de la même manière , et quelques observations qui ont été faites sur la côte occidentale du golfe de bothnie viennent à l’appui de cette supposition. (I) loyales en Scandinavie , etc. lre partie. Géi /ogie. Par J. Durocher. SÉANCE IUT '2 NOVEMBRE 1 8/|6 hi T abc aux résumant les directions observées en Suède , et Finlande . Norvège IC • — X sr, N — " C a * » JS JS " — IC IC sC CO O IC IC SC I^ Cl •*“ — CI Cl ** S JS a a » a s» * «s 2 * « » * X IC SC Cl Vt V- C» S v — ' C * S s> s îl -Jf I' ;_C CO Cl '-t K OC Cl C: CO Cl — IC « — — Cl s 2 «s A JS « «- •*- ic so ecS* i- ;c **«KSRRss X ^ rf* VG P sT Ci U O O o — N - - — ' - -s «si®*i';t'inc-o (N CI Cl Cl Cl IC IC Cl -S- 00 IC •X u £T c SD O O X ^ ^ ^ IC 2 * R * R R a r r £ 2 * « 2 R ft (Jl SI O 05 i<: 51 o h ^ 0 — •*-■*- IC IC Cl -J- — 1 CI l-’ u a O CD o ce ce to x © t- — ce ic — • * * * a * s « » a a a * » = * n r- <« ift h ic co C. co i" IC IC IC SI SI -e- ^ «r SI SI SI T- >rt CO IC y t»- ce ^ w O X Z IC lO ^ C b'î te — r, Vf Sf 2 R R 2 « « * R R S R R 2 2 R * « SI ^ SI * 2 S SI «r- «— F* g> i à ü O vÿ & ■shic^ci s s s s jsstjts s ic « ce cr. fflic^ooxcoaic-^sici <» « « a « s * a ■*— Cl — — -J- — Cl Cl IC IC •ST ^ IC IC Cl CI — -j- -J- Cl Cl IC IC “=? -El" «q> IC IC zzzzzzssa^ssis'ssazzooooooooocimMWu^utdwzzis - Tableau n<> 1. Directions mesurées dans la région littorale au midi de Stockholm , et sur les îles avoisinantes, entre Stockholm , Nykôping et Linkôping Tableau no 2. Directions mesurées entre Sala . Falun , le lac Siljan , Loos , Berg et Klâppa^ surle lac d’Ostersund. 52 SÉANCE Dü 2 NOVEMBRE 1 8 A (5, Tableau n» S. Directions mesurées entre Stockholm , Upsal, Danemoru el Sala. Tableau n» 4. Directions mesurées entre S'rengnâs , Thorshalla , Elkistuna , Malmkôping. O Tableau n*» 5. Directions mesure'es dans la contrée d’Areskuttan , entre le lac d’Ostersund el la frontière de Norvège. Tableau no 6. Directions mesure'es sur les bords du Midsen , entre ce lac et Christiania. Tableau t»o 7. Directions mesurées entre Christiania et Kongelf, le long du littoral. Tableau n° 8. Directions mesurées entre Kongelf et Yarherg, le long de la côte orientale du Cattegal. Tableau n« 9. Directions mesurées entre Christiania et Arendal , le long de la région litto¬ rale , sur les îles avoisinantes et aux environs de Kongsbeig et Modum. Tableau u« 10. Directions mesurées entre la frontière de Norvège, Vœrdalsôren et Levan- ger (Fiord de Drontheim ). Tableau n« 11. Directions mesurées dans la zone littorale entre Levanger et Drontheim. Tableau n° 1-. Directions mesure'es entre Drontheim, Rôraas et Jerkind , dans la région des lars Ferager Fcemund et Oresund. Tableau n® lô. Directions mesurées eu Finlande, entre Biahestad, Garnie Carleby, Lap- O pnyàrvi, Tammerfors, Tavustéhus , Helsingfors, Abo , Lovisa , Willmanslrand el sur les bords du lac Ladoga. Nota. Toutes ccs directions sont rapportées aux méridiens astronomiques. CARACTÈRES DU DEPOT DE TRANSPORT DANS LE NORD DE L’EUROPE. Le dépôt de transport du nord de l’Europe constitue une forma¬ tion géologique non moins remarquable'' par ses caractères que les formations plus anciennes; son épaisseur, qui est très variable, paraît atteindre une centaine de mètres dans certaines parties du nord de l'Allemagne, de la Russie et du Danemarek ; mais son développement principal est en surface; il s’étend en rayonnant autour du massif cristallin des contrées Scandinaves jusqu’aux îles britanniques, d’une part; de l’autre, jusque vers le 50e degré de longitude orientale , et du côté du midi jusqu’au pied des Carpa- tlies, des Riesen et des Erzgebirge. Un des caractères particuliers à ce terrain consiste en ce qu’il n’a pas été déposé seulement dans des centrées basses, dans des bassins, mais il se montre avec des caractères analogues au niveau même de la mer et à une élévation déplus de 1,000 mètres au-dessus, au sein même des régions montagneuses de la Scandinavie , sur les flancs des rochers, de même que dans les plaines. Cette circonstance , jointe à l'absence d une stratification régulière , à la forme accidentée de la surface du dépôt et à La présence habituelle de gros fragments roulés , montre que les conditions générales de calme et de repos dans lesquelles s’est effectuée la sédimentation pendant les époques an¬ térieures, ont été remplacées , pendant la période anté-bmnaine , par des conditions particulières d agitation et de mobilité. j^.. — - ■•”■■■ * * . t * ■— t ^ Passage entre le terrain diluvien et la formation tertiaire. Néanmoins, dans la partie méridionale de la zone où s'est déposé le terrain de transport, au S. de la Baltique, c’est-à-dire à une SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 53 assez grande distance des rochers d’où a été détachée la plus grande partie des matériaux qui ont formé les éléments de la sédi¬ mentation , il y a , sous le rapport pétrograpliique , un passage entre le terrain diluvien et la formation tertiaire sous-jacente; celle-ci se compose, en effet, de couches argileuses et arénacées , à l’intérieur desquelles il y a des blocs de granité provenant pro¬ bablement des rochers de la Scandinavie; niais elle est caractérisée par la présence de bancs de lignite et de coquilles tertiaires, ap¬ partenant à la période subapennine ou miocène, tandis que les coquilles contenues dans le terrain diluvien sont semblables à celles qui vivent aujourd’hui dans la Baltique. Toutefois, il est évident que le transport de matériaux très volumineux a pu s’effectuer dans des mers tenant en suspension des détritus aussi ténus que les argiles, et dans lesquels vivaient des animaux marins : c’est pen¬ dant la période diluvienne que ce transport a eu lieu sur la plus grande échelle; mais il s’est fait aussi pendant la période tertiaire, et maintenant encore il a lieu dans des conditions analogues, c’est-à-dire à l’aide de glaces flottantes, sur les rives de la Baltique, sur les bords des fleuves et des lacs du N. de l’Europe. En divers points de V Europe % les dépôts tertiaires moyens attestent le développement d’aetio/is diluviennes . 11 est à remarquer qu’au midi des Alpes, le terrain tertiaire miocène que l’on voit affleurer sur la colline de Superga, près Turin, contient des blocs très volumineux provenant des Alpes, de même que le terrain du Danemarck formé à la même époque renferme des blocs Scandinaves. J’ai aussi observé que les terrains tertiaires miocènes dans 10. de la France sont des terrains de transport , argileux et arénacés , renfermant de gros fragments arrachés aux roches palæozo'iques , et l’on voit même souvent à leur surface de véritables blocs erratiques dont le volume est supérieur à 1 mètre cube : ces dépôts attestent l’existence de grands courants qui ont couvert d’immenses étendues de terrain , et qui ont érodé les plateaux élevés de même que les plaines basses : ainsi , à la même époque , pendant la période tertiaire moyenne , le sol de différentes parties de l’Europe a été soumis à des actions dilu¬ viennes. 11 paraîtrait, d’après les observations de M. Forchammer, que l’agitation des eaux qui a déterminé le transport des détritus de roches Scandinaves vers le midi , aurait même commencé dès la fin de la période crétacée ; car on trouve dans le Danemarck ces SÉANCE DU 2 NOVEMBRE ôû détritjus associés à clés débris de coraux dans des couches situées à la partie supérieure de la série crétacée. Grandes accumulations de détritus granitiques. Le terrain de transport formé pendant la période diluvienne renferme, dans le Danemarck et dans le N. de l’Allemagne, une zone argileuse assez épaisse, située au-dessous des couches aréna- céesqui constituent la partie supérieure du dépôt; mais, au N. de la Baltique, il s’y trouve fort peu d’argile, et la masse principale est formée de détritus siliceux, ou plutôt granitiques. Des matériaux de diverses grosseurs provenant des roches primitives de la Scan¬ dinavie ont été transportés du N. vers le S., et ont formé des accu¬ mulations très épaisses sur les plaines et les plateaux de la Norvège, de la Suède et de la Finlande , au N. et au S. de la Baltique , et nécessairement aussi au fond de cette mer, qui paraît avoir été la partie centrale et la plus profonde de l’immense bassin diluvien. J’ai décrit précédemment (1) les caractères généraux du terrain de transport et des blocs erratiques en Finlande , en Russie, en Pologne , en Allemagne et dans le Danemarck. Je me bornerai donc à indiquer les principaux faits que j’ai observés dernièrement en Suède et en Norvège. Les accumulations de détritus primitifs qui couvrent la majeure partie du sol de la Suède et de la Finlande présentent diverses dis¬ positions, et donnent lieu à des accidents de terrain de formes très variées : on désigne généralement , en Suède , ces accidents sous le nom de as (au pluriel âsars ) ; mais on appelle ainsi les élévations de terrain formées principalement de roc solide , et ne présentant que des lambeaux superficiels de dépôt de transport , aussi bien que les collines composées entièrement de terrain meuble , et l’on dé¬ signe même habituellement ces dernières sous le nom de sandds ou colline de sable , car le dépôt qui les forme est, dans la plupart des cas, principalement sableux et graveleux. Dispositions principales du terrain de transport déposé sur les collines granitiques de la Suède. Souvent le terrain de transport a nivelé les inégalités que pré¬ sentaient les collines granitiques , et a produit des plateaux et des (l) J'oyages en Scandinavie, etc. — Géologie. Par J. Durocher. Et Bulletin de la Soc. géol., séance du 1er décembro 1845. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 184(5. 55 plaines d’une horizontalité remarquable ; d’autres fois les détritus ont été répandus comme un manteau à la surface du roc solide , et alors ils ont conservé la forme arrondie , conclioïde des mame¬ lons de granité et de gneiss. Cependant le dépôt s’est fait de pré¬ férence sur le côté méridional , ou plus généralement sur le côté abrité des rochers , et quelquefois il se présente, comme au Kin- nekulle , sous forme d’une longue traînée. Les entassements de débris que l'on voit sur le llauc ou au pied des collines ont sou¬ vent la forme de monticules mamelonnés , jonchés de quartiers de rochers de plus de 10 mètres de longueur. < es blocs gigantesques sont couchés pêle-mêle , les uns reposant à la surface du dépôt de graviers et de cailloux , les autres enfoncés dedans. Quelquefois le dépôt de transport simule un amphithéâtre ou un cirque, comme on le voit aux environs de la fonderie de canons d’Âker; il semble que ce soit l’effet d’un grand remous des eaux ; ailleurs on y re¬ marque des cavités en forme de bassins, de fonds de chaudière, beaucoup de lacs en Suède , et principalement en Finlande , pa¬ raissent occuper le fond de cavités situées au milieu du terrain sableux , et sont allongés parallèlement à la direction générale des stries dans la contrée environnante. Formes diverses des àsnrs entièrement composés de terrain meuble. Les figures 2 , 3 , U et 5 représentent les formes principales qu’affectent les âsars , lorsqu’ils sont entièrement composés de terrain meuble : très fréquemment , à la surface des plaines dilu¬ viennes très unies , on voit des exhaussements en forme de dômes surbaissés ou de calottes sphériques (voir la fig. 2), ayant de 3 à 6 et 8 mètres de hauteur , et parsemés de gros blocs anguleux. La fig. 3 indique des collines allongées en forme de ( haussées aplaties , semblables à la Serra du Piémont , déposée à l’embou¬ chure de la vallée d’Aoste dans la plaine ; cette forme est princi¬ palement développée dans la partie de la Suède que traverse le 60e degré de latitude , et qui est la plus fréquentée ; aussi a-t-elle été particulièrement remarquée ; mais elle n’est pas inhérente aux âsars d’une manière absolue. Ces chaussées sont souvent ébré¬ chées ( fig. lx ) ; elles ressemblent fréquemment à des prismes triangulaires, dont la section est représentée fig. 5. Elles se voient , en général , dans les parties plates de la Suède , à la sur¬ face des plaines ou des plateaux ; mais on en trouve aussi sur le bord et dans le fond même des vallées : dans ce dernier cas , elles ont presque toujours en coupe la forme triangulaire ; et il n’est pas 56 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE rare de voir trois ou quatre de ces traînées de détritus disposées parallèlement et formant des sillons inégaux , comme c’est indi- • • qué dans la fig. 6, dessinée entre Ofvre Ilogdal et Ratan (Jemtland). Quelquefois les âsars , aplatis en forme de terrasses , sont parse¬ més de monticules et disposés en forme de dômes semblables à ceux que j’ai dessinés ( lig. 7 ) entre la petite ville d’ Hcilmstad et la maison de poste de Kdrrby. Directions des as ors dans la partie S.-E. de la Suède Quant à la direction de ces collines allongées et de ces chaussées aplaties ou à section triangulaire, elle est en rapport évident avec le phénomène des érosions. Nous avons vu que les stries et les sillons ne sont pas dirigés du N. au S. dans toute l’étendue de la Scandinavie; il en est de même de ces âsars, et les observations que j’ai faites dans les différentes régions où j’ai voyagé m’ont amené à conclure que les traînées de détritus sont généralement allongées dans le sens du système d’érosions qui prédomine dans chaque zone , et , ce qui est encore plus remarquable , c’est que dans les régions où il y a plusieurs systèmes de stries , il va sou¬ vent aussi plusieurs systèmes d’âsars ou de traînées de détritus. Ainsi , j’ai mesuré la direction de plusieurs groupes d’âsars au nord d’Upsal , et j’en ai vu qui sont dirigés au N.-N.-E. et d'au¬ tres au N. -N. -O. Ce fait se reconnaît même sur les grandes traî¬ nées de terrain meuble qui sont indiquées sur les cartes d’Hermelin et Forselle , et à la surface desquelles sont ordinairement éta¬ blies les routes ; cependant il faut noter que ces traînées , qui se prolongent à de très grandes distances ne forment pas en gé¬ néral des âsars tout-à-fait continus , mais des séries ou de petites chaînes d’âsars successifs. La ligne d’âsars la plus considérable de rUpland , celle qui va d’Upsal à l’embouchure du Dalef dans la mer, près de Celle , présente certaines parties dirigées du N. au S.; néanmoins elle affecte plus généralement la direction N. 15° O. ; mais à l’est de cette ligne , il y a d’autres séries d’âsars qui courent entre le N. -S. et le N.-N.-E. sur de très grandes étendues; ainsi il en est une qui s’étend à l’est de Sigtuna de Asby à Ashusby du N. 13° E. au S. 13° O. sur 8 kilomètres, une autre, dirigée N. 15u E., s’étend sur 20 kilomètres de Lâby à Tobo ; une autre, dirigée N. 30 E., se prolonge de Carlholm , au bord de la mer , jusqu’auprès d’Ulfors, sur 28 kilomètres. Plus à l’Ouest , dans la IVestmanie , aux environs de Westerâs , 57 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Z|(5. Koping , Nora , etc. , les lignes d’àsàrs sont habituellement diri¬ gées, non plus entre le N. -S. et le N.-N.-E. , mais entre le N. -S. et le N. -N. -O. ; il y en a un grand nombre que l’on peut suivre sur des distances fort considérables ; je citerai pour exemple celle qui s’étend sur 28 kilomètres de longueur du N. 18 0. au S. 18° E., depuis Fellingsbro (entre Linde et Arboga) jusqu’à l’île fVino dans le Hjclmar; elle se dessine même au milieu de ce lac sous forme de banés de sable. Direction des âsars en Finlande. En Finlande , où les sulcatures sont dirigées en moyenne du N. 35° O. au S. 35 E. , les terrasses de dépôt de transport que j’ai eu l’occasion d’observer sont allongées dans le même sens ; mais il faut, en général, avoir soin d’examiner si les âsars sont com¬ posés entièrement de terrain meuble ou si ce terrain forme sim¬ plement une couverture au-dessus des rochers granitiques , car alors leur direction peut être fort différente de celle des stries. Directions des âsars dans l’Est du Jemtland. • • Entre le lac cl’Ostersund et la frontière de Norvège, dans la par¬ tie orientale du Jemtland , où la plupart des sulcatures sont diri¬ gées de 10. -N. -O. à l’E.-S.-E., les collines diluviennes sont al¬ longées dans le même sens. Mais sur la côte S. -O. de la Suède , on voit des terrasses telles que celle représentée par la fig. 7 (entre Halmstad et Kiirrby ), cpii sont allongées du N. -h. au S. -O., c’est- à-dire suivant la direction principale des stries dans cette contrée. Nous avons vu que dans les vallées norvégiennes dont les flancs sont continus et un peu élevés, les stries suivent la direction du Thalweg , il en est de même des traînées de graviers et de cail¬ loux que l’on rencontre fréquemment dans les parties où ces val¬ lées ont une largeur un peu grande. Dans les vallées de la Suède le dépôt de transport ne présente pas de terrasses en gradins comme dans les vallées des Alpes et des Pyrénées. On ne remarque pas en Suède le phénomène des terrasses dilu¬ viennes disposées en gradins, qui se montre si bien développé dans les grandes vallées des Alpes, des Pyrénées, voir fig. 8, des Vosges, et quelquefois aussi dans le nord de l’Allemagne, où les grands 58 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/l6. fleuves, tels que l’Elbe, l’Oder, etc., coulent à un niveau de 30 mètres environ au-dessous de la surface du dépôt diluvien : ces terrasses en gradins sont dues à ce que les eaux ont creusé leur lit au milieu d’un terrain de transport d’une assez grande épais¬ seur, et l’ont approfondi à plusieurs époques successives, entraî¬ nant avec elles les matériaux dont il est composé. Or les grands fleuves de la Suède , le Dal-Elf , le Ljusne-Elf, le Gôta-Elf, etc., ne coulent point entre des parois rocheuses continues; ils sont simplement bordés de collines détachées et laissant entre elles des intervalles vides : on comprend alors que les courants diluviens de la Suède n’ont point été resserrés entre des barrières continues, mais se sont répandus uniformément sur toute la contrée. Par suite il y a eu diffusion des matériaux transportés sur de très vastes surfaces, et non agglomération au sein des vallées, d’autant plus que le mouvement des agents de transport a eu lieu, dans beaucoup de cas, obliquement par rapport à ces vallées. E11 outre, leur fond n’offre pas une pente graduelle et continue, mais une succession de parties plates, souvent occupées par des lacs, et de cascades for¬ mant comme des barrages naturels ; des fleuves placés dans de semblables conditions ont peu de tendance à approfondir leur lit, et se rapprochent des rivières canalisées. Ces digues de granité et de gneiss maintiennent le niveau des eaux dans des conditions de fixité qui contrastent avec le changement perpétuel de niveau qu’éprouvent beaucoup de grandes rivières de l’Europe, lorsque leur régime 11’a pas été réglé par des travaux d’art. Les stries que l’on remarque en beaucoup d’endroits disposées obliquement sur les rochers des cascades, et que n’a pu encore dé¬ truire l’eau qui coule sans cesse à leur surface, montrent combien est faible l’action érosive de l’eau lorsqu’elle est pure ; elles at¬ testent aussi que ces barrages ou ces repères naturels sont encore aujourd hui tels qu’ils étaient à la fin de la période diluvienne , et par suite les eaux de ces fleuves ont été maintenues entre les mêmes limites depuis cette époque jusqu’à présent. Dans les vallées norvégiennes il y a des terrasses de dépôt de trans¬ port semblables a celles des Alpes et des Pyrénées . Dans les régions montagneuses de la Norvège, il y a des vallées bordées de flancs continus, comme dans les Alpes, les Pyrénées et les Vosges, et dans les parties ou le depot de transport est un peu épais, on y remarque souvent de belles terrasses disposées en ra¬ dins , ayant jusqu’à 20 et 30 mètres de hauteur; ainsi leur a b- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Z|(5. 59 dans la structure du terrain. La formation des magnifiques ter¬ rasses que l’on voit près de l'embouchure des larges vallées norvé¬ giennes dans la mer , ainsi dans les anciens fiords de Drontheim , de V œrdalsôren , dans le Finmarck, etc., paraît dépendre de Fac¬ tion des eaux marines, lorsqu’elles s’élevaient plus haut qu’ aujour¬ d’hui ; mais il y a aussi des terrasses à une altitude de 5 à 600 mè¬ tres au-dessus de la mer , ainsi dans les vallées de Foldal, de la Glommen , du Guldbrandsdal , etc. Nature des matériaux constituant le terrain de transport. Les matériaux constituant le terrain de transport du nord de l’Europe sont des détritus sableux , argilosableux , des graviers , des cailloux et fragments divers plus ou moins usés et arrondis pour la plupart : quant aux blocs erratiques , les plus gros et ceux qui ont les arêtes tout-à-fait vives et les angles aigus se voient à la surface du dépôt ; ceux que l’on trouve à F intérieur sont en général plus petits, ont les angles moins aigus, et beaucoup sont grossièrement arrondis. Quand le dépôt erratique forme des en¬ tassements irréguliers sur le flanc des collines, le mélange des ma¬ tériaux est plus confus, les cailloux et les gros fragments y sont en général plus abondants ; sur les plaines ou les plateaux qui ont été nivelés, et dont la surface se rapproche d’être horizontale, de même que dans les âsars en forme de larges chaussées plates , ou dans les terrasses en gradins des vallées norvégiennes , le dépôt de transport est plus sableux et graveleux , les cailloux y sont moins volumineux et mieux roulés; les blocs d’un volume de plusieurs pieds cubes se rencontrent plus habituellement à l’intérieur des dépôts qui renferment beaucoup de cailloux roulés, mais j’en ai aussi remarqué dans les parties formées de graviers ou de sable presque pur. D’ailleurs nous avons déjà dit que ces dépôts présen¬ tent quelquefois des indices de stratification , et offrent un com¬ mencement de triage des éléments d’après leur grosseur et leur nature. Les dépôts sont principalement sableux et graveleux avec mélange de fragments roulés. Cependant l’un des caractères principaux des terrains de trans¬ port dans le nord de l’Europe consiste en ce que, excepté à la surface, les gros fragments y sont en faible proportion, compara- 60 SÉANCE DU '2 NOVEMBRE 18/l6. tiveinent aux menus détritus; ce sont principalement des dépôts sableux et graveleux , mélangés d’une quantité plus ou moins grande de cailloux roulés, et c’est ce qui leur a fait donner le nom de collines de sable, sandasar. Entre ces collines et les moraines abandonnées par les glaciers, il y a des différences notables sous le rapport de la configuration extérieure, de la grosseur des ma¬ tériaux , de leur état de conservation et de leur distribution : les moraines n’ont pas la forme de terrasses ou de larges chaussées aplaties en haut, et à section trapézoïdale ; il s’y trouve en géné¬ ral plus de gros fragments, les matériaux y sont plus anguleux , mélangés confusément , et 11e présentent pas cette répartition par zones de sable et de cailloux que l’on remarque fréquemment dans le nord de l’Europe. D’ailleurs les blocs erratiques gigantesques , s’ils avaient été transportés par des glaciers, devraient se trouver ex¬ clusivement dans les accumulations de débris offrant les caractères des moraines , et l’on ne conçoit pas comment ils pourraient se trouver à la surface de dépôts qui présentent les caractères évidents de formations aqueuses. En outre, beaucoup de ces blocs provien¬ nent de contrées basses qui ont été entièrement couvertes par les agents érosifs, et, par suite, ils ne peuvent résulter d’éboulements ayant eu lieu au-dessus des glaciers que l’on suppose avoir strié la surface de ces collines : ils auraient alors l’origine qui leur a été attribuée par M. de Charpentier, savoir qu’ils auraient été arrachés par les glaciers à leur fond, et se seraient élevés progres¬ sivement à leur surface; mais cette opinion me paraît difficile à admettre , d’autant plus que les très grands blocs qui gisent â la surface des dépôts de transport ne présentent pas de traces de frottement. Abondance des fragments erratiques d’une meme espece autour de leur gisement originaire , et ailleurs prédominance des fragments granitiques . Comme l’ont remarqué MM. de Verneuil et Murchison , il y a des régions où les blocs erratiques sont beaucoup plus abondants qu’ ailleurs , et dans les lieux où ces blocs sont très gros , très rap¬ prochés et tous de la même espèce, ils ont été amenés de petites dis¬ tances ou n’ont même été que déplacés ; mais il n’en est pas ainsi dans d’autres régions où il y a des blocs de natures très diverses et aussi très abondants et formant comme une mosaïque, ainsi que je l’ai remarqué près de Falun et en beaucoup d’endroits, principalement sur les cotes de la Baltique. D ailleurs, l abondance des fragments SÉANCE Dl '2 NO V EM HH E l 8/l6. 61 erratiques il une même espèce autour de leur gisement originaire est un fait général, qui n’a pas lieu seulement en Norvège, en Suède et en Finlande , mais aussi au midi de la Baltique ; ainsi dans le voisinage des points oii affleurent des roches secondaires , du calcaire crétacé, par exemple, les fragments arrachés à ce terrain prédominent , mais seulement dans un cercle circonscrit autour ^e ces affleurements ; car à une certaine distance, là où le roc solide est recouvert par une grande épaisseur du dépôt de transport , ce sont les blocs et cailloux formés de granité, c’est-à-dire de la roche la plus répandue en Suède et en Finlande , qui redeviennent pré¬ dominants. Causes de la prédominance du granité dans les dépôts erratiques du nord de V Europe , des Alpes et des Pyrénées. Lors de mes différents voyages en Russie , en Allemagne , en Danemarck , en Suède , Norvège et Finlande , j’ai observé que les blocs de granité sont beaucoup plus abondants et plus gros que ceux de gneiss et des autres roches stratifiées , et que leur propor¬ tion est beaucoup plus grande qu’elle ne déviait être, même eu égard à la distribution relative du granité et des roches schis¬ teuses à la surface de la Scandinavie. Une observation analogue peut être faite pour le terrain erratique des A lpes et des Pyrénées; ainsi l’on trouve, sur le versant méridional du Jura, beaucoup plus de blocs de granité que de roches stratifiées ; et il en est de même dans les vallées pyrénéennes. Cela me paraît provenir de la tendance du granité à se diviser suivant des surfaces conchoïdales, tendance déjà signalée par M. de Buch ; en outre , sous l’in¬ fluence des causes atmosphériques, les roches pyrogènes ou mas¬ sives se divisent plus facilement en fragments volumineux que les roches schisteuses ; et, en vertu de leur plus grande dureté, ces fragments se conservent mieux dans le transport. D’ailleurs, la démolition des roches qui a fourni une si énorme quantité de gros blocs livrés au transport , ne me paraît pas avoir eu lieu exclusivement pendant la période diluvienne , mais aussi bien des siècles auparavant , et avoir été activée par la rigueur du climat qui est si favorable aux effets destructeurs de la congéla¬ tion de l’eau infiltrée dans les fissures des roches. La présence des blocs gigantesques à la surface du dépôt de transport de la Scandinavie, montre que c’est vers la fin de la période où il se formait que se sont rencontrées les conditions les plus favorables au transport de ces grands quartiers de rochers ; 02 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1 8Z|6. ils présentent souvent dans leur gisement des circonstances ana¬ logues à celles qui ont été remarquées en Suisse, comme le montre un gros bloc de granité que l’on voit à 800 mètres environ à FO. clés mines de Falun; il a 8 à 9 mètres de long sur 6 de large et U de hauteur ; il est divisé en deux parties et paraît s’être brisé en tombant. Le transport (les blocs erratiques du Nord a été effectué par des gl a ces fl o tta n tes . J’ai démontré, dans un précédent mémoire (1) , que les blocs erratiques répandus dans le nord de l’Allemagne et le Danemarck. se trouvant associés à des dépôts coquilliers, n’ont pu être trans¬ portés par des courants violents, qui auraient brisé les coquilles, mais par des glaces flottantes , et j’ai cité, à l’appui de cette ma¬ nière de voir, leur disposition en amas , en couronnes ou demi- anneaux sur les flancs des collines , et en général , leur abondance beaucoup plus grande sur les élévations de terrain que dans les dépressions. Cela résulte de ce que les radeaux de glace qui les transportaient ont été arrêtés sur les collines qui formaient alors des îles ou des bas-fonds , et en déposant leur chargement , elles y ont laissé une grande quantité de blocs , tandis qu’ ailleurs ils sont disséminés isolément. Le même caractère général se mani¬ feste en Suède; c’est à la surface des âsars, qui forment des exhaussements sur les plaines diluviennes, que les blocs erratiques forment des groupes ; ils sont habituellement plus nombreux et en amas plus considérables sur les élévations de terrain que dans les parties basses. Les glaces flottantes ne proviennent pas de glaciers situés sur les régions de V ancienne mer Scandinave. MAI. Murchison et de Verneuil regardent aussi le transport des blocs erratiques comme s’étant effectué à l’aide de radeaux de glaces flottantes ; mais dans l’explication de ce phénomène , ils ont attribué aux glaces une autre origine que celle indiquée dans mon précédent mémoire : ils supposent que des glaciers bordaient 1 ancienne mer diluvienne, rlont les rivages se trouvaient au pied de la chaîne de montagnes qui sépare la Suède de la Norvège et de la Laponie ; des masses de glace, détachées de ces glaciers, auront (1) J oy âge en Scandinavie . — Géologie , par J. Durocher. SÉANCE 1)1 ‘2 NOVEMBRE 1 8/|0. 63 emporté avec elles les blocs qui se trouvaient à leur surface, et auront déposé leur chargement à de très grandes distances. Mais cette bande montagneuse, d’où auraient été détachés les blocs, est composée principalement de roches schisteuses, et le granité y est en petite quantité , tandis que la plus grande partie des blocs transportés vers le Midi est formée de granité : la nature et la com¬ position minéralogique des matériaux déposés au sud de la Balti¬ que dans les parties méridionales de la Suède, montrent qu’ils proviennent des collines basses et mamelonnées de la Suède et de la Finlande plutôt que des hautes régions. Les blocs ont été saisis sur presque toute la surface des contrées soumises aux actions erratiques , même dans les régions situées au midi de la Baltique, témoins les blocs de calcaire jurassique de la Pologne et ceux de calcaire à bélemnites du nord de l’Allemagne ; mais ces roches étant beaucoup moins dures et moins tenaces que les roches gra¬ nitiques de la Scandinavie , les blocs qui en proviennent sont res¬ serrés dans des zones circonscrites autour de leur gisement origi¬ naire , et n’ont pas été transportés à d’aussi grandes distances. Puisque les blocs erratiques proviennent principalement de l’inté¬ rieur des contrées Scandinaves et non de la bande montagneuse située entre la Norvège et la Suède , on ne peut admettre que la glace qui les a transportés ait été détachée de glaciers situés entre les montagnes sur les rivages extérieurs du bassin diluvien ; une semblable origine pourrait être vraie pour quelques blocs prove¬ nant des régions élevées ; mais ce n’est pas le cas général. Il y a eu dans ce phénomène des circonstances locales d’une certaine complexité ; mais l’explication qui me paraît la plus simple et cpii rend le mieux raison de l’ensemble des faits, est celle que j’ai dé¬ veloppée dans le mémoire déjà cité ; elle consiste à supposer que pendant les hivers de la période diluvienne , plus froids qu’ils ne le sont aujourd’hui, des glaces d’une assez grande épaisseur se sont formées sur des cotes basses et ont emprisonné les blocs qui s’y trouvaient , et ensuite ayant été mises à flot lors des débâcles du printemps , elles les ont transportées au loin. Ce phénomène qui se produit encore aujourd’hui , sur une petite échelle, sur les côtes de la Baltique , sur les bords des fleuves et des lacs du nord de l’Europe , a du avoir lieu pendant toute la série d’années où s’est faite l’émersion graduelle des contrées Scandinaves , émersion par suite de laquelle les niveaux relatifs des roches et de la surface des eaux ont varié d’une manière successive. 11 est plus difficile d’expliquer le transport des blocs erratiques que l’on rencontre fréquemment sur le haut des sommités très éle- tf/l SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1 8 Z| 0 . vées, sur Areskuttan , par exemple , à une altitude de 1 ,48â mètres ; mais ces blocs sont , en général , beaucoup moins gros que ceux des contrées basses; leur volume dépasse rarement 2 mètres cubes, leurs angles sont aussi moins aigus; ils sont analogues à ceux que l’on trouve à l’intérieur des dépôts des débris entassés confusément sur le penchant des collines; leur transport se conçoit plus aisé¬ ment, sans avoir besoin de recourir à des glaces flottantes, que celui de blocs ayant un volume de plus de 100 mètres cubes et ne présentant aucune trace de frottement. Dépôts formés dans les ravins sur les flancs des hautes montagnes en Suède et en Norvège. J’ai encore à signaler une manière d’être sous laquelle se pré¬ sentent quelquefois les dépôts de transport de la Scandinavie , mais seulement dans les régions montagneuses de la Suède et de la Norvège, et cette manière d’être est la seule qui me paraisse offrir quelque analogie avec les moraines des glaciers; ce sont les dépôts occupant le fond des ravins ou de vallons étroits , fortement inclinés , peu étendus en longueur et aboutissant à une crête de montagne ou à un plateau élevé (fig. 8). On y voit une accumula¬ tion confuse de débris de divers grosseurs , qui diffère des âsars diluviens , non seulement par la forme, mais aussi en ce qu’il s’y trouve généralement moins de sable et de menus détritus, et en ce que les fragments , bien qu’un peu usés par frottement, ne sont pas arrondis comme dans la plupart des âsars, et au lieu de pro¬ venir de lieux éloignés , ils ont été détachés du massif monta¬ gneux sur le penchant duquel ils se trouvent; les torrents ont habituellement creusé leur lit au milieu de ces dépôts , et y ont fait des coupes sur lesquelles on peut en étudier la composition. On en voit beaucoup d’exemples dans les ravins ou petits vallons qui descendent du Dovre , du Langfield , etc. , et débouchent dans les vallées principales ; sur le penchant d’ Areskuttan et des mon¬ tagnes qui séparent la Suède de la Norvège. On voit des accu¬ mulations de débris du même genre dans les ravins ou décou¬ pures que présente le flanc ch s montagnes dans les Alpes et les Pyrénées. Remarques sur l'origine de ces dépôts. Les partisans de l’école glacialiste considèrent ces dépôts comme d anciennes moraines; cependant leur origine est problématique, et SÉANCE 1)1 2 NOVEMBRE l8/l6. 65 peut se rattacher à des causes diverses : ainsi ils peuvent avoir été formés par des courants boueux ou d’énormes avalanches de dé¬ bris provenant d’une fonte subite de neiges et de glaces , ou bien ils peuvent être le résultat d’une accumulation de détritus entraî¬ nés de dessus la pente des rochers à la fonte des neiges, qui a lieu chaque pri ntemps ; c’est surtout dans le nord de l’Europe q ue la sur¬ face des montagnes est couverte de débris , et souvent il est presque impossible de voir la roche en place. Au-dessous des grandes pla¬ ques isolées de névé , qui sont couchées sur le flanc des hautes sommités , dans les crevasses ou les ravins, et qui forment comme des glaciers éphémères, j’ai remarqué des amas souvent fort consi¬ dérables de gros et petits fragments, de menus détritus , constam¬ ment imprégnés d’eau par la fonte des névés , et formant une masse boueuse cpii glisse le long de la pente du terrain , et coule sous les pieds lorsqu’on se hasarde à marcher dessus, il en résulte des dépôts qui sont égalisés par les eaux , et qui ressemblent à ceux que l’on trouve aujourd’hui dans les ravins, à un niveau beaucoup plus bas, à 500 mètres seulement au-dessus delà mer. Quelle que soit l’origine de ces derniers, il faut distinguer les actions locales qui les ont produites des actions générales qui ont formé les dépôts des grandes vallées ou des plaines , et qui ont produit de profondes érosions sur le flanc des montagnes. Je n’ai point vu dans ces ra¬ vins de stries ni de sillons disposés dans le sens de leur inclinaison ; mais, sur les rochers qui les bordent, on voit très souvent des stries peu éloignées de l’horizontalité , disposées parallèlement à l’axe des montagnes , c’est-à-dire dans un sens à peu près transver¬ sal à ces ravins. Distinction des actions locales et des actions générales facile o à A reskuttan . O Sur le massif cFAreskuttan , qui est formé de micaschiste , la distinction est facile à faire; dans le ravin le long duquel descend le torrent qui fait mouvoir les soufflets de l’usine à cuivre à1 H usa „ est un dépôt formé de gros fragments non arrondis et de menus détritus de micaschiste détachés de cette montagne, et descendus de la crête vers le lac Kalin ; mais , sur le versant septentrional de cette montagne , on voit en beaucoup d’endroits une petite couche de sable , de graviers et de cailloux bien arrondis , les uns de mica¬ schiste et de gneiss, les autres de granité, et il s'y trouve aussi des blocs erratiques de granité. Quant aux stries que j’ai vues sur cette montagne et à son pied, elles sont toutes disposées à peu près pa- Soc,. géol.y V série, tome IV. 5 66 SÉANCE l)U 2 NOVEMBRE 18/|6. ♦ rallèlement à l’axe, ou coupant l’axe sous un angle de 15 à 20°; mais je n’en ai vu aucune qui soit disposée dans le sens des ravins ou transversalement, et que l’on puisse rattacher aux actions lo¬ cales qui ont formé les dépôts de débris remplissant le fond de ces ravins. « Ainsi le phénomène des sulcatures et des dépôts de transport est complexe; il y a eu des actions locales , resserrées dans des ravins ou des vallons étroits , et des actions générales , qui se sont déve¬ loppées d’une manière continue le long des vallées, sur les plateaux ondulés et sur les collines mamelonnées de la Scandinavie : c’est à celles-là que se rattachent les grands systèmes d’érosions , qui se sont étendus, comme nous l’avons fait voir , sur d’immenses sur¬ faces, en suivant des directions généralement constantes. OBJECTIONS A L HYPOTHESE DES GLACIERS QUI AURAIENT COUVERT TOUTE LA SCANDINAVIE. En décrivant quelques uns des caractères des érosions et îles dépôts de transport du nord de l’Europe, j’ai montré que la théo¬ rie glaciaire ne peut pas en rendre raison ; je vais indiquer ici quelques autres objections reposant sur ce principe, que la Scandi¬ navie n’a pu oflrir l’ensemble des conditions que nécessitent la fo rmation et le développement des glaciers actuels. Deux caractères essentiels aux phénomènes erratiques du nord de l’Europe. Deux caractères essentiels spécifient les phénomènes erratiques du nord de l’Europe, et les distinguent de ceux des Alpes et des Pyrénées : 1° Leur développement principal a eu lieu non au sein d’une région montagneuse , mais sur îles surfaces plates, ondulées, ma¬ melonnées, et jusqu’à des distances de plus de 200 lieues des hautes montagnes (en Finlande). 2° Dans beaucoup de régions, ainsi dans la partie de la Suède qui est située au midi du 6àc degré de latitude, et dans certaines parties de la Finlande, le mouvement général des agents erratiques ne s est pas lait dans le sens des pentes suivant lesquelles coulent les fleuves actuels, mais dans un sens oblique ou presque transver¬ sal, et souvent il a eu lieu en remontant; nous allons citer plu¬ sieurs exemples de mouvements ascensionnels sur des distances considérables. SÉANCE nu 2 NOVEMBRE 1846 67 Difficultés relatives au développement des glaciers en Suède et en Finlande. Jusqu’à présent on n’a observé de glaciers que dans des régions montagneuses; cependant des géologues fort distingués, et entre autres M. de Charpentier , prétendent que les montagnes ne sont pas nécessaires à la formation des glaciers : w ce n’est, suivant lui, (jrie leur climat froid , neigeux et pluvieux qui détermine la forma¬ tion , le développement et le mouvement des glaciers. » Mais cette manière de voir me paraît incompatible avec les faits que j'ai ob¬ servés dans les contrées boréales : ainsi sur le plateau de l’île Cherry (île de l’Ours), à l’île d’Amsterdam, à l’île des Danois, etc., qui se trouvent à peu près à la limite des neiges perpétuelles , on ne voit pas de glaciers, bien que leur climat puisse être pris pour type des climats insulaires ou maritimes, bien qu’il soit aussi neigeux et aussi humide que celui d'aucun lieu du monde; ces îles ont cependant une assez grande étendue, et il s’y trouve même des cîmes qui ont jusqu’à 300 mètres de hauteur (à l’île Cherry). Dans mon dernier voyage en INorvége , j’ai encore eu l’occasion - Sur les dépôts de transport dans les Pyrénées . Les dépôts de transport des Pyrénées offrent la même disposi¬ tion que ceux des Alpes et des Vosges; on y voit des entassements confus et des dépôts grossièrement stratifiés , semblables aux ter¬ rasses de la vallée de la Moselle, de celle du Rhône, du Rhin, etc,; ils présentent des indices de stratification d’autant plus visibles qu’ils sont plus éloignés de l’axe de la chaîne Ainsi il y a de magnifiques terrasses dans la vallée de la Garonne à partir de Saint-Bertrand-de-Comminges , dans celle de l’Ariége à partir de Tarascon , et aussi sur le versant espagnol des Pyrénét s , dans les vallées de la Segre , de l’Essera , etc. La plaine de Puycerda est assez remarquable , elle est formée de cailloux roulés , et dans le diluvium pyrénéen elle représente l’équivalent de la Grau dans le diluvium alpin, mais comme le dépôt des cailloux s’est fait beau¬ coup plus près de l’axe de la chaîne, ils sont plus gros et moins bien roulés. L’espace qu’ils recouvrent a été nivelé et a formé une plaine unie que l’on est étonné de rencontrer au milieu d’une région montagneuse. Le dépôt diluvien que I on voit près de Poix est stratifié , ren¬ ferme de très gros cailloux roulés et de petits blocs de granité d’environ 1 mètre de largeur ; il ne s’élève pas à plus de 50 mètres au-dessus du niveau actuel de l’Ariége ; on voit à sa surface, dans la plaine de Montgaillard des blocs erratiques de granité ayant jusqu’à 25 mètres cubes Dans les Pyrénées, le dépôt de transport forme souvent des brèches à ciment calcaire ; elles se produisent encore maintenant dans les lieux où les débris erratiques de ro¬ ches primitives ont été déposés sur des terrains calcaires, ou ren¬ ferment des fragments calcaires ; ils sont alors pénétrés par des infiltrations d’eau contenant en dissolution du carbonate de chaux qui cimente la- masse , et la fait passer à l’état de brèche ou de poudingue. Blocs erratiques dans les Pyrénées. Dans les vallées pyrénéennes les blocs erratiques les plus abon¬ dants sont formés de granité , il y en a quelques uns d’ophite , de roches porphyriques et de quartzite ; mais il est plus rare de trou¬ ver de gros blocs de roche calcaire ou schisteuse ; j’en ai observé dans toutes les grandes vallées et sur les flancs de rochers qui les bordent , soit sur le versant espagnol, soit sur le versant français ; mais en général les gros blocs anguleux me paraissent ne point SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/j6. S'| avoir pénétré dans les plaines qui s’étendent au pied des Pyrénées; la plupart se sont arrêtés avant l’embouchure des grandes vallées dans ces plaines, et même il en est peu qui se soient avancés jus¬ qu’aux dernières collines de terrain crétacé et tertiaire qui for¬ ment les contreforts des Pyrénées; ainsi dans la vallée d’Ossau* les blocs détachés soit du pic du Midi, soit des flancs de la vallée, ne s’avancent pas beaucoup au-delà d’Arudi , et je n’en ai point observé dans la plaine de Pau. Les blocs détachés des hautes cimes qui dominent Barèges, Gèdres, Gavarni, Cauterets , ont été déposés dans le bassin d’Argelez , ou un peu auparavant ; beau¬ coup d’entre eux se sont arrêtés dans les parties supérieures des vallées. Dans la vallée de la Garonne, on n’en trouve plus au-delà de la Broquère, et dans celle de l’Ariége au-delà de Saverdun. Dans celle de la Têt , on en remarque jusqu’à une assez grande distance de son origine ; ce qui paraît tenir à ce que les flancs de cette vallée sont formés de montagnes granitiques d’une assez grande élévation jusqu’auprès de son embouchure dans la plaine du Roussillon ; mais je n’ai pas remarqué de blocs errati¬ ques dans le grand bassin qui forme l’ancien Delta de la Têt , et dont Perpignan occupe le centre. En général , on en rencontre beaucoup plus loin dans les parties inférieures des vallées lors¬ qu’elles sont flanquées de hautes montagnes. Parmi les blocs erra¬ tiques qui ont parcouru la plus grande distance , on peut citer ceux que l’on trouve dans la vallée de la Garonne près de Saint- Bertrand-de-Comminge et la Broquère. Là , on en voit quelques uns de granité à gros cristaux de feldspath, semblables à celui cpii constitue le massif du port d’Oo; ils doivent avoir fait un chemin d’une douzaine de lieues. Les agglomérations de blocs les plus abondantes se trouvent vers les hautes régions des vallées , et j’ai observé que les grands quartiers de roche , partis de chaque vallée latérale , ne s’étendent pas beaucoup au-delà de sa jonction avec la vallée principale ; ainsi les amas de blocs granitiques sont très multipliés sur les montagnes calcaires de la vallée de Yicdessos, sur celles de Rancié, de Miglos , de Gourbit , de Rabat, etc. 11 y a une foule de vallées secondaires où l’on voit de très grands amas de blocs ; mais dans les grandes vallées , on ne voit guère d’amas partis des vallées latérales que près de leur jonction ; car c’est souvent à cet endroit que s’est arrêté le convoi parti de ces vallées , ou bien encore aux points de courbure des vallées, et ils sont placés habituellement sur le coté qui devait opposer comme une barrière au mouvement du convoi ; cette observation a été faite aussf par M. de Collègue. 85 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Z|6. En général , il m’a paru que la plus grande masse des gros blocs livrés au transport n’a pu être emportée fort loin , et qu’elle a été déposée en majeure partie avant d'avoir parcouru une longue distance , et que ce sont des débris de cette masse qui ont été en¬ traînés vers les parties inférieures des vallées. Le diluvium pyré¬ néen offre encore une circonstance remarquable , c’est la présence de détritus erratiques, de cailloux roulés primitifs , de sable et de graviers à l’intérieur des grottes que présentent des rochers cal¬ caires à une élévation de 50 à 100 mètres au-dessus du fond des vallées , ainsi dans les grottes d’Ussat , vallée de l’Ariége et dans celles de JNiaux, vallée du Vicdessos ; ces fragments roulés n’ont pu y être introduits que par des courants d’eau qui devaient s’élever à une grande hauteur au-dessus du fond des vallées , et qui devaient être animés d’une grande vitesse pour tenir des cailloux en suspension à un pareil niveau. Comparaison des dépôts de transport du nord de /’ Europe avec ceux des Alpes et des Pyrénées . La presque totalité des dépôts de transport du nord de l’Eu¬ rope se rattache à l’espèce de dépôts que nous avons désignée sous le nom de dépôts grossièrement stratifiés, vu qu’ils présentent des indices fréquents de stratification, et que la plupart des matériaux qui les forment sont usés ou arrondis, et que les sables et les gra¬ viers y sont en général prédominants. C’est seulement dans les régions élevées et accidentées, situées en Norvège, ou à la sépara¬ tion de la Norvège et de la Suède, que l’on trouve sur le flanc des montagnes, dans les ravins et dans le haut de quelques vallées des entassements de débris anguleux , qui ressemblent aux amas con¬ fus des Alpes et des Pyrénées. D’ailleurs ces amas , que les glacia- listes considèrent comme les témoins du grand développement des anciens glaciers , ont peu d’étendue , ne se prolongent pas sur les plateaux mamelonnés de la Suède ni en Finlande. Nous avons vu qu’il y a dans ces deux pays des âsars en forme de terrasses : mais ils diffèrent des terrasses des Alpes et des Pyrénées en ce qu’ils ne sont point adossés aux flancs des vallées , reposent sur des plaines unies, et ne présentent pas de gradins; mais dans les vallées nor¬ végiennes, encaissées entre des flancs continus, nous avons vu qu’il y a des terrasses semblables à celles du Rhin, du Rhône, de la Garonne , de l’Ariége, etc. D’ailleurs, dans le centre de l’Europe , les dépôts de transport offrent rarement la même disposition que les âsars diluviens de la Suède; cependant on observe quelquefois 86 SÉANCE 1)U 2 NOVEMBRE 18/l6. dans les larges vallées des Alpes, surtout près de leur extrémité, dans les plaines ou les bassins où elles se terminent, des collines de débris allongées et aplaties par le haut qui ressemblent aux âsars; ainsi la Serra du Piémont en offre un bel exemple. Difficultés que présente V explication (les phénomènes erratiques des Alpes et des Pyrénées d’après la théorie glaciaire. Les objections que nous avons faites à la théorie dans laquelle on suppose l'envahissement de la Suède, de la Finlande et des con¬ trées situées au midi de la Baltique par d’immenses glaciers, peuvent aussi s’appliquer aux Alpes, mais avec un degré moindre d’évidence. M. Elie de Beaumont a déjà fait voir (1), en compa¬ rant les pentes de la limite supérieure du terrain erratique de la vallée du Rhône avec celles des glaciers actuels et des cours d’eau, que les premières sont intermédiaires entre les deux autres, qu elles sont beaucoup plus faibles que celles des glaciers , mais incomparablement plus grandes que celles, des rivières les plus rapides, et qu’elles représentent l’inclinaison de torrents d’une extrême violence. Si l’on compare l’immense développement qu’auraient dù avoir dans les Alpes les glaciers diluviens avec ce qui a lieu dans les régions polaires, qui possèdent une température moyenne de - — 15°, il paraît difficile d’admettre une extension aussi considérable que l’exige la théorie des glacialistes. Les traces d’usure , de polissage, et les dépôts erratiques s’observent dans toutes les vallées alpines, et sur les pentes des montagnes au-dessous de certaines limites de hauteur ; ainsi toute cette région aurait été couverte par des gla¬ ciers qui se seraient étendus sur la basse Suisse , sur une grande partie du Jura, et qui auraient envahi le nord de l’Italie jusqu’à la vallée du Pô, car on observe des érosions jusqu’à l’embouchure des vallées alpines, dans les plaines de la Lombardie et du Piémont (ainsi dans la vallée d’Aoste, près Ivrée). Cependant, même dans la partie septentrionale du Spitzberg , ou la température se main¬ tient pendant peu de temps au-dessus de zéro , il y a de très grandes étendues de terrain dépouillées de neige et de glace, et les pentes exposées au midi offrent plus rarement des glaciers que celles exposées au nord ; on n’en voit point sur les îles qui bordent le littoral ; si l’on examine des vues de côtes du Groenland ou de la nouvelle Zembie , on reconnaît qu’il s’y trouve de grands es- (l) Annales des sciences géologiques de M. Rivière. 1842. SÉANCE 1)U 2 NOVEMBRE 18/|6. 87 paces sans glaciers ni sans neiges : on a donc de la peine à se repré¬ senter des glaciers directement exposés au midi, descendant jusque dans le bassin du Pô , à une hauteur peu considérable au-dessus île la mer. Je pense que l’on s’exagère l’influence des climats hu¬ mides pour favoriser le développement des glaciers : cette in¬ fluence est réelle , mais moindre qu’on ne le suppose ; ainsi sur les régions littorales du nord de la Norvège, de l’Islande, et sur les îles de l’océan glacial, qui offrent les types les mieux caractérisés des climats humides, on n’observe pas un développement d’effets glaciaires semblable à celui qui aurait eu lieu dans les Alpes lors de la période diluvienne. On sait cpie sur le flanc méridional du Jura les blocs erratiques amenés le long de la vallée du Rhône se sont déposés depuis Gex jusqu’à Bienne : si l’on réfléchit à la grande étendue en largeur occupée par ce dépôt, il paraît peu probable que ce soit la moraine frontale du glacier que l’on suppose avoir rem pu la vallée du Rhône. En effet , avant de déboucher dans la plaine suisse, ce glacier n’aurait eu que deux lieues de largeur au plus , tandis que sur la pente du Jura sa largeur eût été de plus de 30 lieues ; ainsi depuis Villeneuve jusqu’à la montagne de Cliasseron, sur une dis¬ tance d’à peu près 15 lieues, il se serait élargi de plus de 28 lieues. Je pense que les glaciers sont susceptibles de s’étendre un peu lors¬ que leur lit vient à s’élargir ; mais lors même qu’on les considère comme des masses douées de viscosité ou de plasticité , il paraît difficile d’admettre qu’ils puissent subir une pareille expansion. Si r on examine l’élévation du terrain erratique au-dessus du fond de la vallée du Rhône , on remarquera qu elle diminue très peu depuis l’origine de cette vallée jusqu’à son embouchure dans le bassin du lac de Genève , et là où il y a une diminution de hau¬ teur, elle paraît tenir principalement à l’élargissement de la vallée ; ainsi, d’après M. de Charpentier, dans les environs de Bex et d’Aernen , la limite supérieure du terrain erratique est à environ 2,800 pieds au-dessus du Rhône ; depuis Brieg jusqu’au-dessous de Martigny (partie large ) , elle est à 2,500 pieds; mais entre Martigny et Saint-Maurice , où la vallée se resserre , la limite s’élève jusqu’à 3,000 pieds, et, depuis là , l’élargissement qui a lieu la maintient à 2,300 pieds jusqu’à l’entrée dans la Basse- Suisse. L’épaisseur du glacier, supposé avoir produit le terrain erratique, aurait donc varié en raison des élargissements et rétrécissements de la vallée , mais elle n’aurait éprouvé qu’une faible diminution sur un parcours de 13à kilomètres , qui , en supposant un avancement de 200 mètres par an , aurait exigé un laps de temps de 670 ans 88 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1840. Ce fait a lieu d’étonner quand on voit les glaciers actuels , même à une élévation de 6 à 7,000 pieds, éprouver chaque année , à leur surface supérieure , une ablation de plusieurs mètres ; cette destruction superficielle est loin d’être compensée par l’accroisse¬ ment que peuvent éprouver les glaciers à l’intérieur, piir la congé¬ lation de l’eau qui s’y infiltre; elle augmente à mesure cjue les glaciers descendent dans des zones atmosphériques de plus en plus chaudes, et les maintient dans leurs limites actuelles. Pour que l’ablation des glaciers diluviens ait été très minime et ait pu être compensée par l’accroissement provenant de la congélation à l’in¬ térieur , il aurait fallu qu’à cette époque le climat fût peu diffé¬ rent de celui qui existe aujourd’hui dans la zone des neiges permanentes; mais il est remarquable que sur le Chasseron (versant méridional du Jura) le dépôt des blocs erratiques s’élève , d’après les mesures de M. de ilucli , jusqu’à 3 100 pieds au-dessus de la plaine suisse, tandis qu’à Villeneuve il ne s’élève qu’à 2,300 pieds au-dessus du Rhône; il faudrait donc qu’en traver¬ sant la plaine il eût éprouvé une augmentation d’épaisseur de 800 pieds , malgré son énorme élargissement , ou bien qu’il eût remonté sur la pente du Jura , conséquences difficiles à admettre si les glaciers se meuvent sous l’action de la gravité , comme le dé¬ montrent les expériences de M. Forbes. Considérations comparatives sur les théories glaciaire et diluvienne. Néanmoins, il faut reconnaître à la théorie glaciaire un avan¬ tage incontestable , celui de faire intervenir des agents qui produi¬ sent encore de nos jours, mais sur une échelle beaucoup plus petite , des effets analogues à ceux qui ont eu lieu anciennement , et c’est cet avantage qui lui a conquis beaucoup de partisans dans ces dernières années , tandis que , dans la théorie diluvienne , les causes que l’on suppose avoir été en jeu ne fonctionnent pas au¬ jourd’hui dans les mêmes conditions qu’ autrefois , et , par suite , elles ne produisent pas sous nos yeux des effets tout-à-fait sembla¬ bles à ceux du phénomène erratique ; ainsi on n’a pas observé que 1 eau des rivières produisît des érosions en forme de stries fines , lois même qu’elle entraîne avec elle des sables et des graviers; il est effectivement peu probable que des grains de sable disséminés dans un courant d’eau puissent entamer la surface de roches très dures et y creuser des cannelures rectilignes; mais si une masse énorme de détritus, formant un courant boueux d’une grande épaisseur, est entraînée avec rapidité, elle exercera un frottement SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. 89 considérable à la surface des rochers, et sera susceptible de l’éro¬ der de même que les glaciers. Cette supposition de courants très puissants, qui a été admise depuis Saussure jusqu’à cette époque, présente des difficultés véritables ; elle implique des conditions que ne peut réaliser l’état de repos où se trouve actuellement notre globe : elle exige un cataclysme , tandis que les conditions de la théorie glaciaire paraissent être plus simples et se réduire à un changement de climat. Mais si l’on examine les contrées boréales qui sont soumises à un très grand froid et entourées d’une atmo¬ sphère très humide , on n’y remarque pas un développement d’ac¬ tions glaciaires qui justifient les exigences de la théorie , surtout en ce qui concerne les phénomènes erratiques de la Scandinavie. Un abaissement de plusieurs degrés dans la température moyenne pourra produire , dans les Alpes et dans la Scandinavie , des effets analogues à ceux qui ont lieu au Groenland ou au Spitzberg, mais elle ne pourra déterminer le développement et le mouvement des glaciers dans des conditions autres que celles où ils ont lieu aujourd’hui. Un des points essentiels de la question consiste done à rechercher si ces conditions coïncident avec celles où s’est pro¬ duit le phénomène erratique , et jusqu’à présent les données que l’on possède à cet égard ne me paraissent pas être à l’avantage des glacialistes. Remarques sur le Mémoire de M. Durocher , intitulé : « Etudes sur les phénomènes erratiques de la Scandinavie , » par Ch. Martins. Lorsque M. Durocher publia son premier mémoire sur le terrain erratique de la Scandinavie (1) , j’eus l’honneur de faire remar¬ quer à la Société combien les faits observés par ce voyageur s’expliquent aisément, en supposant une ancienne extension des glaciers de la Suède et de la Norvège (2). Il en est de même de celui-ci , dans lequel l’auteur est obligé de se borner à raconter ce qu’il a vu , renonçant à expliquer la plupart des phénomènes géologiques qu’il signale par l’hypothèse des courants diluviens. (1) Bulletin de la Société géologique , 2e série, t. III , p. 45. 1845. (2) Ibid. , p. 102. 90 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1840. Direction des stries. Le nouveau mémoire de M. Du rocher commence par l’étude de la direction des stries dans le midi de la Scandinavie. Il donne une carte de ces directions variées dans laquelle il comble quelques lacunes laissées par MM. Seftstroem (1) , Boethling (2) , Sil- jestroem (3) et Keilhau(4). Mais ces lacunes sont peu nombreuses, et en réunissant les trois cartes dont nous venons de parler , il serait facile de reconstruire celle de M. Durocher. Le résultat général des nouvelles recherches de Fauteur, c’est que les directions des stries ne sont point parallèles, ni dans les différentes provinces de la péninsule ni même dans une localité très circonscrite ; mais qu’elles font souvent entre elles , soit dans la même contrée , soit dans des provinces fort éloignées , des an¬ gles plus ou moins ouverts. MM. Siljestroem et Keilhau étaient déjà arrivés au même résultat, sans en chercher l’explication. M . Durocher l’a essayé ; mais embarrassé de la multiplicité de ces directions , il s’efforce d’abord de les ramener à plusieurs systèmes ou groupes différents. Ainsi , par exemple (5) , aux environs de Christiania et du lac Mioesen , il constate que la plupart des stries ont une certaine orientation. Autour d’Areskutan, à 380 kilomètres, au nord, il en retrouve d’autres à peu près parallèles aux premières, et sans avoir visité la région intermédiaire , sans tenir compte des stries qui dans ces contrées forment des angles considérables avec celles qu’il a choisies , il en conclut qu’un même système sulcateur (1) Untersuchung über die auf den Felsen Scandinaviens in bes- timmter Richtung vorhandenen Furchen. Annales de physique de Poggendorff , t. XLI1I, p. 533. 1 838. Avec une carte de la direction de ces stries dans toute la Suède méridionale, du 56e au G Ie degré de latitude. (2) Ueber die diluvial Schrammen in Finnland. Annales de phy¬ sique de Poggendorff , t. LU , p. 641 . 1 841 . Avec une carte de l'orien¬ tation des stries en Finlande. (3) Foya ges en Scandinavie de la Commission du Nord. — Géo¬ graphie physique. T. I, p. 193, avec une carte de toute la Scandi¬ navie, et la direction moyenne des stries en Norvège, tracée par M. Bravais, d’après les indications de l’auteur. (4) Reise fra Christiania til den oestlige Deel af Christiansands stifti sommeren 1840. Nouveau magasin pour les sciences naturelles de Christiania , t. III, p. 169. 1841-1842. Avec une carte présen¬ tant 1 orientation des stries dans la partie occidentale du golfe de Chris¬ tiania. (5) Voyez dans ce volume la carte de M. Durocher. 91 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. (c’est l’expression qu’il emploie) s’étendait jadis du 63e au 59e de¬ gré de latitude , et marchait du nord vers le sud de la Norvège L’auteur agit de même pour les stries qui présentent une orienta¬ tion semblable à Gefle , sur le bord du golfe de Ilottnie et aux environs de Gothembourg , ville située sur la mer du Nord. Ce mode de procéder me semble tout-à-fait arbitraire ; car on pour¬ rait tout aussi facilement former d’autres groupes complètement différents des premiers , et qui ne reposeraient pas sur des bases plus réelles. Pourquoi , par exemple , ne pas considérer , comme faisant partie d’un même système , les stries dirigées du N. -N. -O. au S.-S.-E. dans les environs d’Areskutan , en Norvège , et les stries, orientées dans le même sens, qui couvrent la Finlande? Afin de justifier l’établissement de ces divers groupes , il aurait fallu prouver préalablement que les stries orientées de la même manière sont l’effet d’un agent unique , non discontinu, tel qu’un courant ôu toute autre masse capable de laisser des traces de son passage; or, c’est ce que M. Durocher n’a point fait. Ajoutons qu’il ne se laisse pas arrêter par les directions des stries qui viennent couper ses différents groupes sous des angles plus ou moins ouverts. Ainsi le prolongement du grand système dirigé du N. -N. -O. au S.-S.-E. du lac d’Oestersund au lac Maelar près de Stockholm , c’est-à-dire du 63e au 59e degré de latitude , est à angle droit avec la direction des stries de l’ile de Gottland. Les stries dirigées du N. au S. dans le midi de la Suède sont cou¬ pées sous un angle de à5° par celles des environs de Cimbri- shamn. En outre, M. Durocher laisse en dehors de ses dix systèmes d’érosions , toutes les stries dont la direction ne s’y rattache pas commodément; celles , par exemple , qui rayonnent autour des groupes des montagnes du Suletimten , au fond du Sognefiord ; celles des environs du Sneehaetten , d’Ekesjoë, de Wexioë , de Carlskrona , de Cimbrisliamn , de l île de Gottland , etc. ; et mal¬ gré toutes ces licences, quand il s’agit de conclure , l’auteur reste muet devant la puissance des faits qui lui démontrent que ce n’est pas l’eau qui a buriné les stries \dont il s’occupe : car il faudrait admettre dix courants parfaitement rectilignes qui se seraient di¬ rigés simultanément ou successivement vers les quatre points car¬ dinaux , sans se dévier de leur direction en ligne droite ; supposi¬ tion inadmissible et contraire à tout ce que nous savons des lois qui régissent les cours d’eau , quels que soient leur violence et leur volume. L’ancienne extension des glaciers Scandinaves explique facile¬ ment les directions variées qu’affectent les stries dans les cl i Dé- 92 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18A6. rentes régions de la péninsule. Leur parallélisme serait même une objection sans réplique contre l’hypothèse glacialiste. Examinons d’abord ce phénomène en Suisse, où il a été étudié avec le plus de soin et par des hommes qui ont une connaissance approfondie de la marche et des effets produits par les glaciers actuels. En Suisse comme en Suède , les stries affectent les directions les plus variées ; il est facile de s’en rendre compte. La plaine qui sépare les Alpes du Jura était autrefois remplie par des glaciers qui dé¬ bouchaient par les principaux bassins des rivières, dont la source est dans les Alpes : l’Arve , le Rhône , l’Aar , la Reuss, la Liimnat et le Rhin. Mais chacun de ces glaciers, charriant les espèces de roches qui le caractérisent , avait une direction différente : ainsi , tandis que le glacier du Rhône traçait dans le Valais , entre Sion et Martigny, des stries dirigées de l’E. -N. E. àl’O.-S.-O., l’ancien glacier du Rhin antérieur nivelait dans la direction du S. -O. au N.-E. les roches moutonnées qui portent les ruines de la Baeren- burg, près d’Andeer dans les Grisons, et le glacier du Val- , Montjoie rayait dans la direction du S.-S.-E. au N. -N. -O. les roches polies des environs de Nant-Bourant , au pied du col du Bonhomme. H y a plus ; la direction des stries gravées par un glacier n’est pas la même dails les différents points de son par¬ cours. Aux environs de Saint-Maurice , par exemple , le glacier du Rhône a laissé sur le calcaire des stries orientées du S.-E. au N. -O. , tandis qu’ au-dessus de Vevay, la gompliolite est striée presque dans la direction de l’E. à 10. Celui de l’Arve a buriné, à l’issue de la vallée de Cliamonix , en face du village desOuclies, des stries dirigées de l’E. -S.-E à l’O.-N.-O. , tandis qu’en sortant de la vallée on trouve , au-dessus de la gorge des Montets , des sillons de plusieurs mètres de longueur dont la direction est du S.-S.-E. au N. -N. -O. De plus, les stries tracées par l’affluent d’un glacier , viennent souvent couper sous des angles très grands les stries gravées par le glacier principal. Ainsi, le glacier d’Ar- gentière qui débouchait par le col de Salvent dans celui du Rhône , a laissé , comme traces de son passage , des stries presque perpendiculaires à celles de ce dernier. Les sillons de la vallée d’Urbacli coupent ceux de la vallée de Hasli, etc. , etc. Je pourrais multiplier ces citations ; je préfère emprunter quel¬ ques exemples aux glaciers actuels, afin de prévenir l’objection de quelques adversaires de l’ancienne extension des glaciers de la Suisse, qui, malgré l’identité des effets, nieraient l’origine gla- ciérique des stries qui se trouvent dans la plaine comprise entre les Alpes et le Jura. Imaginons un instant que le glacier de l’Aar ou SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/i(b 93 la merde glace de Chamonix viennent à disparaître. On trouvera dans la vallée qu’ils occupaient, des stries longitudinales tracées par le glacier principal , et des stries transversales burinées par les glaciers affluents qui couperont les premières sous des angles plus ou moins aigus. On verra des stries ascendantes au rétrécissement des vallées, des stries croisées au point de rencontre de deux gla¬ ciers; en un mot, tout ce qui existe sur une plus vaste échelle dans la plaine suisse et en Scandinavie. Les phénomènes et Im¬ plication seront les mêmes , seulement ils s’appliqueront à une plus grande surface de pays. Ainsi , dans les plaines de la Suisse comme dans celles de la Scandinavie, les stries affectent des directions variées; or, en Suède comme en Helvétie, ces stries sont identiques en tout point à celles que burinent les glaciers actuels, différentes en tout point des canaux sinueux creusés par les eaux ; or je ne crois pas qu’en bonne logique on puisse attribuer à un agent des effets identiques à ceux qu’un agent complètement différent produit tous les jours sous nos yeux. Pour achever de prouver combien la méthode de M. Duroclier est arbitraire et féconde en conséquences erronées , appliquons-la un instant à la Suisse. Un observateur trouve sur le bord méridio¬ nal du lac de Brienz des stries dirigées du N.-E. au S. -O. : dans le Valais , il rencontre des stries ayant à peu près la même direction, qu’il retrouve encore dans la vallée de Chamonix , entre le Prieuré et le village des Ouches. Mettant en pratique les principes de M. Duroclier, il réunit toutes ces stries, dont l’orientation est la même , et en fait un système d’érosion qui , de l’Oberland, passe par-dessus la haute chaîne des Alpes bernoises , traverse le col de Balme, et s’étend jusqu’au pied du Mont-Blanc, tandis qu’en réa¬ lité ces stries appartiennent à trois glaciers différents : celui de l’Aar, celui du Rhône et celui de l’Arve, qui n’avaient rien de commun entre eux , sinon que dans un point de leur parcours leurs directions étaient parallèles. Le même observateur sera forcé , pour être conséquent avec lui-même , de considérer comme faisant partie d’un seul système d’érosion les stries orientées de la même manière dans les Alpes, les Vosges et les Pyrénées , sur un espace embrassant quatre degrés latitudinaux comme celui que com¬ prennent plusieurs des systèmes de stries de M. Duroclier; tandis qu’il est de la dernière évidence que ces stries ont été gravées par des glaciers descendant des montagnes dans les vallées , et non par un agent général allant du nord au midi ou de l’est à l’ouest. Fidèle à sou principe de prendre la direction des stries pour V)/i SÉANCE DU 2 NOVEMBRE LS/|6. guide unique dans l’étude du trajet suivi par l’agent qui les a tra¬ cées, le même observateur sera forcé d’envisager comme apparte¬ nant à des systèmes différents les sillons creusés par un glacier principal , et ceux qui ont été gravés par ses affluents. Dans la vallée occupée par le glacier de l’Aar (1) , ce géologue considérera comme faisant partie d’un système les stries dirigées de 10. à l’E. que ce glacier a burinées sous nos yeux, et comme appartenant à un autre système celles de ses affluents , les glaciers du Thierberg , du Silberberg, du Grunberg et du Zinkenstock, qui viennent couper les premières sous des angles plus ou moins ouverts. La méthode suivie par M. Durocher me paraît donc vicieuse, soit qu’on l’applique à l’hypothèse des glaciers , soit qu'on veuille la faire servir à celle des courants; car, dans l’une et dans l’autre, on ne saurait prendre l’orientation des stries comme indication unique de la marche suivie par l’agent qui les a tracées, sans avoir égard à tous les autres indices qui peuvent nous faire connaître cette direction. Le problème n’est pas insoluble, puisque M. A. Guyot est parvenu à figurer sur la carte l’espace occupé par les différents glaciers qui couvraient autrefois la plaine comprise entre les Alpes et le Jura. Mais outre la direction des stries, il a eu égard à la nature minéralogique des roches transportées , à leur mode de dispersion , soit à l’état sporadique , soit sous la forme de moraines latérales, médianes ou terminales. Il a suivi ces matériaux depuis leur point de départ dans les Alpes jusqu’à leur point d’ar¬ rivée sur le Jura , et il a pu ainsi circonscrire le domaine de chaque glacier avec autant d’exactitude que l’on trace les limites d’une formation superficielle (2). (1) Voyez le plan du glacier de l’Àar. Bulletin tic la Société géolo¬ gique , 2e série, t. III, planche V, fig. 12. — Séance du 2 mars 1846. (2) Dans son premier Mémoire, M. Durocher avait attribué à des courants diluviens des canaux sinueux , ramifiés et anastomosés entre eux, qu il avait vus au bord de la mer fl). Dans celui-ci, il signale des contradictions dans les explications que nous en avons données , MM. Agassiz (2) , Escher de la Linth (3) . P Schimper (4) et moi (5). Or, tous les quatre, nous avons attribué à faction de Ieau les canaux sinueux et anastomosés observés par M. Durocher; seulement, MM. Agassiz et Escher ont considéré les stries gravées dans V intérieur de ces canaux comme des stries de glaciers M. Schimper les attribue (li Voye, 1 ci fui mi’ de ces canaux sinueux. Bulletin de la Société géologique , 2eseiic, ôlvP ' * * ’ ô < t 8; celle des stries de glaciers, pl. 11, fig. 5, 4, 5 et 6. J Z! „”lptes rendus de l'Académie des sciences , t. XXI , p. 135. - 13 décembre 1845. vil Bulletin de la Société géologique , 2e série, t. III . p. 236. — 19 janvier 1846. }*{ rendus de l’Académie des sciences , t. XXII , p. 43.- 5 janvier 1846. (o) Ut lie Un de la Société géologique, 2* série , t. lil , p. 11 1. — 15 décembre 1845. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/p). 95 Caractères des dépôts de transport dans le nord de l Europe. Dans le pays plat, ce terrain se présente tantôt sous l’apparence de vastes dépôts à surface plane , tantôt sous celle de terrasses éche¬ lonnées les unes au-dessus des autres , ou sous la forme de levées ou de monticules allongés , connus sous le nom d osais ( sandosars des Suédois). Dans les montagnes, il forme des amas irréguliers, sans figure géométrique déterminée. Au lieu de rechercher les signes caractéristiques qui peuvent éclairer sur la nature de ces différents dépôts, M. Duroclier se borne à décrire leur forme et celle des maté¬ riaux qui les composent , comme si cette forme et la plus ou moins grande proportion de sable , de cailloux , de blocs anguleux ou ar¬ rondis, pouvaient seules nous dévoiler leur origine. Dans son premier Mémoire , il semblait séparer les osais des autres terrains de trans¬ port, et admettre , d’après les observations de M. Lyell , que leur origine est plus récente. Dans celui-ci , cette distinction n’existe plus, l’auteur ne se préoccupe plus de savoir s’ils contiennent des co¬ quilles et si ces coquilles sont identiques à celles qui vivent actuelle¬ ment dans les mers voisines, ou bien si elles appartiennent à l’Océan glacial ou à des mers plus chaudes. Jamais il ne fait la moindre allu¬ sion à l’absence ou à la présence de ces cailloux frottés et striés (1), qui sont caractéristiques des moraines. 11 en résulte que le lecteur, après avoir parcouru ce chapitre , ne saurait se former la moindre idée de la nature et de l’origine de ces dépôts, si différents entre eux. Cependant, déjà avant M. Duroclier, les recherches de à l’action des vagues. Quant à moi, je ne me suis point prononcé sur l’origine de ces stries, qui ne m’étaient connues ni par des échantillons, ni par une description détaillée ou par des dessins fidèles. Aussi, dans ma première réponse, je n’ai point parlé de ces stries , et dans la seconde , je m’exprimais ainsi (6) : « Le reste de l’argumentation de M. Durocher, supposant ce que je n’ai pas dit, savoir, que les stries gravées à l’intérieur des canaux sinueux auraient été burinées par des glaciers , je n ai point à m’en occuper. '> Ainsi , comme on le voit , nous sommes d’accord sur l’origine des canaux sinueux, seulement M. Schimper diffère de MM. Agassiz et Escher dans l'explication d’un détail , les stries de l’intérieur des canaux. (1) Ces cailloux ont déjà été décrits en 1842 dans Y Edinburgh new ph ilosoph ical Journal , p. 223, et dans la Bibliothèque universelle f t. XLI , p. 125. (G) Ibid., série, ». III , p. 258. 96 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. MM. Hisinger (1), Lyell (2) , Keilhau (3), et depuis, celles de MM. Forchammer (4), Loven et Desor, ont jeté quelque lumière dans ce chaos. Sous le nom de dépôt de transport, M. Durocher a réuni dans une même dénomination trois terrains bien distincts : 1° les anciennes moraines , qu’il décrit (pag. 64) sous le nom de « dépôts formés dans les ravins de hautes montagnes. » Lui-même re¬ connaît l’analogie de leur forme avec celle des moraines des glaciers actuels. Malheureusement il ne s’est pas assuré s’ils con¬ tenaient des cailloux frottés ou striés. Négatif ou positif, ce carae~ tère était d’une telle importance , que je suis forcé de croire qu’il lui était complètement inconnu; car il aurait du rechercher ces cailloux avec d’autant plus d’empressement que leur absence eut été une preuve décisive que ces amas ne sont pas des moraines , mais des dépôts uniquement aqueux. 2° Lorsque le dépôt de transport se présente sous forme de sur¬ faces unies ou de terrasses, il offre une stratification imparfaite, et sa forme extérieure accuse l’action des eaux. Mais ces dépôts sont presqu’entièrement formés de cette couche de boue , de sable et de graviers ( moraine profonde ) qui se trouve à la partie inférieure de tous les glaciers , remaniée postérieurement par les eaux. La preuve en est dans la présence de gros cailloux , ou plutôt de blocs striés par la glace , blocs qui n’existent ni dans la mer, ni dans les lacs , ni dans les torrents ; car , non seulement le charriage par l’eau ne strie pas les cailloux , mais il efface les stries , comme on peut s’en assurer dans tous les torrents qui sortent des glaciers de la Suisse. Pendant le voyage qu’il a fait cet été dans la Scandinavie méri¬ dionale , M. Desor a trouvé ces cailloux striés, en Danemarck , dans le terrain de transport à surface plane , à travers lequel passe le chemin de fer de Copenhague à Roeskild , et aux environs de Kioege , sur la côte de Seeland , au sud de la capitale. En Norvège, il les a retrouvés dans le terrain de transport en forme de terrasses de Sorgenfry , près de Christiania , sur la route qui mène de cette ville à Krogleben , et dans les dépôts limoneux des bords de la (1) dntekmnger i physik och gcognosie , t. IV. (2) On the proofs of the graduai rising of the land in certain parts of Sweden. Phijosophical transactions , 1835; et en français. Mé¬ moires de la Société des sciences naturelles de Neuchâtel , t. I , p. 200. (3) Nyt rnagazin for naturviderskaberne , t. III, p. 169. 1842. (4) The Athenœum , n° 987, 26 septembre 1846, p. 1003. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 97 Drammen , à Son emboucliure dans le Drammen-Fiord. En Suède , il a revu ces cailloux striés dans le même terrain , en particulier dans les terrasses limoneuses de Berg , près du lac Wettern. Ces cailloux striés ne sont pas le seul indice qui dévoile l’ori¬ gine glaciaire de ces dépôts; ils renferment encore des coquilles marines. Un grand nombre n’ont pas leurs analogues dans les mers voisines: ce sont, suivant M. bovén , des espèces arctiques reléguées maintenant dans les mers glaciales, mais qui vivaient dans la mer du Nord à l’époque où la cote, en s’abaissant, plongea dans l’Océan les moraines déjà remaniées par les torrents dilu¬ viens, résultant de la fonte des glaciers. 3" Les osars [s and âsars des Suédois). Ces monticules aux formes si caractéristiques appartiennent à une époque fort différente de celle du terrain de transport erratique dont nous venons de parler ; ils sont une des nombreuses preuves de V immersion et de l’émer¬ sion de la côte Scandinave. Déjà MM. Al. Brongniart, Hisinger et Lyell y avaient reconnu la présence de coquilles vivant actuelle¬ ment dans la Baltique ( Tellina baltica , Cardinal edule , Mytilis cduli.s, Litton a a crassior t L. littorea , Neretina Jluoiatilis ) , à des hauteurs variant de 9 à 24 mètres au-dessus du niveau du golfe de Bottine. Ces osars sont donc l’ouvrage de la mer pendant la période d’im¬ mersion de la Scandinavie. Ce sont de véritables dunes (Revler des côtes du Jutland) à stratification non horizontale, formées par la lame qui, dans les gros temps, passe par-dessus ces rem¬ parts , et y dépose les cailloux et le sable qu elle a soulevés au fond de la mer (1). Les cailloux qui composent ces osars ne sont jamais striés : ils ne sauraient l’être; car, quand même ils eussent été striés auparavant, leurs stries auraient été bientôt effacées par le frottement qu’ils ont subi en roulant sur le rivage. Les osa s sont presque toujours recouverts de blocs erratiques anguleux , et l’opinion la plus probable est celle qui attribue leur transport et leur dépôt à des radeaux de glaces flottantes. Une autre circon¬ stance prouve encore l’origine récente des osars , c’est qu’ils sont superposés quelquefois à des dépôts tourbeux , dont l’origine peut être contemporaine de celle des glaciers , mais ne saurait lui être postérieure. En outre, on y a trouvé des bateaux , une maison enfoncée à la profondeur de 19 mètres, et dont le foyer (1 ) Ueber Geschiebebildungen und diluvial Schrammen in Dane- marck , von G. Forchammer. Annales de physique de Poggendorjf , t. LVIII , p. 609. — 1 843. Soc. g col. , 2e série, tome IV. 7 98 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. contenait encore du charbon (1). M. Duroclier a donc tort de terminer ce chapitre en disant (p. 64) : « Les partisans de l’école glacialiste considèrent ces depots comme d’anciennes moraines. >» Uéjà dans ma première réponse (2) j’avais longuement insisté sur l’action des eaux qui ont remanié les matériaux des moraines, ou les ont entraînés pour former les terrasses et les osais. En Suisse, la débâcle aqueuse, résultat de la fonte des glaciers, a produit des effets analogues ; mais en Suède , le phénomène s’est compliqué de l’immersion et de l’émersion successive d’une grande partie du littoral , avant et après l’ancienne extension des glaciers. Réponse aux objections de M. Duroclier contre V ancienne extension des glaciers de la Scandinavie . La péninsule Scandinave est un pays mixte composé de mon¬ tagnes, de vallées et de plaines ondulées. Ce pays n’a pas conservé et ne conserve pas un niveau constant au-dessus de la mer ; il a été émergé et immergé une ou plusieurs fois. Il a donc été soumis à des actions très complexes : action des glaciers plus étendus autre¬ fois que de nos jours, action de l’eau résultant de la fusion de ces glaciers, action de la mer à une distance plus ou moitis grande de ses rivages actuels. Il serait donc aussi peu logique de tout expli¬ quer par une calotte de glace, que de vouloir rendre compte de tous les faits au moyen d’un ou plusieurs courants diluviens. Or, M. Duroclier suppose toujours que les partisans de l’ancienne ex¬ tension des glaciers attribuent exclusivement à l’action de la glace tous les phénomènes erratiques de la Scandinavie. Il se crée ainsi un adversaire commode et facile à combattre. Venons aux faits : l’auteur , supposant , d’après la direction des stries, qu’un même agent a sillonné la Suède depuis le 63 jusqu’au 59‘‘ degré de latitude , calcule la pente générale du terrain sur une longueur de 450 kilomètres ; il la trouve de deux minutes seulement, et conclut qu’un glacier ne peut pas se mouvoir sur une pente aussi peu in¬ clinée. — Mais l’observation n’a rien décidé à cet égard ; le glacier de l’Aar se meut sur un fond dont l’inclinaison est de 1° 30' seule¬ ment, et M. Hopkins a prouvé expérimentalement qu’un bloc de glace qui fond par sa partie inférieure glisse sur une pente de (1) Lyell , On the proofs of a graduai rising of the land in certain parts ofSweden. Philosophical transactions , 1835, p. 8. (2) Bulletin de la Société géologique , 18 45, p. 122 et suivantes. 99 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 40' (1). En taisant cette objection, M. Du roelier suppose avec M. Forbes f|ue le mouvement des glaciers n’est autre chose que celui des corps graves (2); s’il avait étudié ce mouvement, il saurait qu’il n’en est pas ainsi. Le glacier de l’Aar se meut sur un fond très inégal d’une pente 1° .‘',0', pente presque nulle, et sur laquelle un corps solide resterait immobile ; car, suivant M. Morin , les deux corps qui glissent le plus facilement l’un sur l’autre sont le cuivre sur du fer graissé ; mais le premier ne se met pas en mou¬ vement tant que pente n’atteint pas 4" 35'. Dans un corps grave solide, visqueux ou liquide, l’extrémité inférieure marche avec une vitesse sensiblement égale à celle des parties supérieures. Dans un glacier le mouvement se ralentit vers son extrémité inférieure : ainsi cette année, tandis qu’à la partie moyenne de sa longueur, le glacier de l’Aar avait parcouru 75 mètres en 396 jours , il ne s’était avancé que de 41 mètres près de son extrémité. L’influence de la pente est même si faible sur la marche des glaciers qu’on ne saurait l’assimiler au glissement des corps graves. M. Desor l’a déjà démontré (3) ; nous l’avons vérifié cet été, M. Dollfus et moi. En effet , pendant que le glacier de Granberg , un des affluents de celui de l’Aar, avait marché en dix-sept jours de 2m,22 , celui-ci s’était avancé de 2™, 94 ; et cependant la surface du premier a une inclinaison de 30°, celle du second une pente de 3° seulement (4). La deuxième difficulté que M. Duroeher élève contre l’ancienne extension des glaciers en Scandinavie, c’est qu’ils n’auraient pu traverser des plans inclinés à pentes opposées. Pour se convaincre que cette objection n’en est pas une , il suffit d’aller en Suisse et d’examiner le profil de quelques glaciers, où l’on voit la roche sur laquelle ils reposent. On reconnaît que tous les glaciers passent par dessus des plans inclinés à pentes opposées. Je me contenterai de citer les glaciers du Rhin postérieur, d’Alalein , de Tscliingel , du Granberg. Les anciens glaciers de la Suisse offrent des exemples encore plus frappants de ce mode de progression ; je rappellerai à M. Duroeher la succession des collines qu’il a dû voir en cleseen- (1) On the motion of glaciers. Philosophical Magazine , t. XXVI , p. 4. — 1845. (2) Comptes-rendus de V Académie des sciences , t. XXIII , p. 200. 27 juillet 1 846. (3) Comptes-rendus de V Académie des sciences , t. XIX , p. 1303, 9 décembre 1 844.. (4y Comptes-rendus de /' Académie des sciences , t. XXIII, p. 823, 26 octobre 1846. 100 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/l0. dant la vallée de l’Aar, 1° les deux Baerenbühl , 2" les groupes de roches moutonnées que l’on traverse en allant du glacier de l’Aar à l’hospice du Grimsel , et qui forment le contrefort du Naegelisgraetli ; 3° la Spitalnolien , lx° le Kirchet qui sont couverts de tous côtés de stries caractéristiques de l’action des glaciers , identiques en tout à celles que le glacier de l’Aar burine sous nos yeux. J’ai été étonné , je l’avoue , de trouver parmi les objections contre l’extension des glaciers la remarque suivante : « Dans la contrée d’Areskutan , dit M. Durocher, l’agent erratique a eu nécessaire¬ ment un mouvement ascensionnel ; il est parti d’une contrée plus basse pour monter à 222 mètres plus haut que son point de dé¬ part : donc ce n’est pas un glacier qui a gravé les stries d’Ares¬ kutan. » Cette difficulté est incontestable ; mais il me semble que s’il est difficile d’admettre qu’un glacier puisse s’élever sur une pente , il est encore plus difficile de se figurer un courant diluvien qui remonte son cours ; et si l’on était forcé de choisir entre les deux suppositions improbables , il n’est personne qui n’optât pour le glacier. En effet, il n’est pas démontre qu’un glacier ne puisse pas remonter une pente en s’appuyant contre un obstacle inférieur , tandis que les eaux ne sauraient se mouvoir contre les lois de la pesanteur. Ainsi donc, cette prétendue objection contre les gla¬ ciers n’est qu’un problème local dont M. Durocher n’a pas trouvé la solution. Il en est une cependant que je vais essayer de donner, dans l’ intérêts des courants comme dans celui des glaciers ha côte de Norvège est , comme on sait, sujette à des oscillations considé¬ rables , et l’on peut affirmer avec confiance qu’à l’époque glaciaire les niveaux relatifs de la mer, de la côte et de l’intérieur des terres n’étaient point ce qu’ils sont aujourd’hui. Partout dans le golfe de Christiania et ailleurs les stries se prolongent sous la mer. 11 est donc extrêmement probable qu’à l’époque des glaciers la côte était plus élevée quelle ne l’est actuellement. En effet , pour que des glaciers puissent glisser sur le fond de la mer , il faut que sa tem¬ pérature soit constamment au-dessous de zéro ; car, si la tempéra¬ ture de celle-ci se maintient au-dessus du point de congélation pendant quelques mois de l’année seulement , le glacier surplombe la surface de la mer et ne strie pas son fond. Je crois avoir établi cette vérité dans mes observations sur les glaciers du Spitzberg (1). (1) Bibliothèque universelle de Genève , juillet 1 849; Bulletin de la Société géologique , séance du 4 mai 1 840 ; et Edinburgh new philosophical Journal , t. XXX, p. 28 4 , 1 8 41. 101 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1SZ|C>. A l’époque glaciaire , la cote était donc probablement plus haute qu’elle ne l’est aujourd’hui, puisqu’il faut la supposer plus élevée pour que toutes les stries soient émergées. Mais depuis elle a subi des oscillations remarquables , témoins les balanes d’Udevalla vues par M. Brongniart (1) , à 60 mètres au-dessus de la mer, les ser- pules fixées sur des roches polies, entre f hristiania et Aggersbach (2) , et plus que tout cela le banc argileux et coquiller [Shalcnschicht) , décrit par M. Keilhau , et qu’on retrouve jusqu’à la hauteur de 488 mètres au dessus de la mer, et à 12 myriamètres de la côte (3). L’oscillation du littoral de la péninsule est donc un fait mathéma¬ tiquement démontré. Voyons maintenant si la portion de la côte norvégienne , dont parle AI. Duroclier, présente des traces de ces changements de niveau. Areskutan est situé sous la même latitude que Drontlieim , mais à 10 myriamètres dans l’intérieur des terres. Or, dans le Beistadfiord , situé à 11 myriamètres au nord de Dron- theim et d’ Areskutan , AI. de Bucli (à) trouve, à 140 mètres d’éléva¬ tion, des coquilles marines qu’il considère comme les mêmes que celles du dépôt des environs de Drammen ; la plupart vivant actuel¬ lement dans les mers du Nord. Ce sont : Mytilus e du lis , Cardium cdule , Mya truncata , Venus islandica , etc. Un peu au sud de iJrontheiin , à l’entrée du Joergenfiord , par 62° 20' de latitude , AI. Keilhau (5) remarque des terrasses qui s’élèvent à 200 mètres au-dessus de l’Océan. Ainsi donc , la côte de Drontheim , qui correspond à la montagne d’ Areskutan , a été sujette , comme les autres , à des oscillations considérables , et l’on ne saurait con¬ clure de son relief actuel à celui qu’elle avait à l’époque où les stries ont été burinées. La difficulté soulevée par Ai. Duroclier n’est donc pas inso¬ luble , et tous ses calculs sur le mouvement ascendant du glacier sont sans fondement , puisqu’il est à peu près démontré qu’à (1) Notice sur les blocs de roches des terrains de transport. [Annales des sciences naturelles , t. XIV, 1828.) (2) Scheerer, Beytraege zur Kenntniss des Seftstroem’schen Frictions phenomen. [ Annales de physique de Poggendorff, 3e série, t. VI, 1844.) (3) Daubrée , Note sur le phénomène erratique du Nord de l’Europe. Bulletin de la Société géologique , t. XIV, p. 574, 19 juin 1843. (4) Reise durch Norwegen und Lappland , t. 1 , 251 . (5) Nyt Magazin for Naturel dershaber ne, 1 837, p. 220 ; et Bravais, Sur les lignes d’ancien niveau de la mer dans le Finmarck. ( Voyages de la Commission du Nord en Scandinavie. — Géographie physique , t. I, p. 117.) 'J 0*2 SÉANCE DC 2 NOVEMBRE 18^(5. l’époque glaciaire , les niveaux relatifs de la mer, de la cote et de l’intérieur des terres n’étaient point ce qu’ils sont aujourd'hui. Reste à vérifier si la direction moyenne des stries est réellement celle qu'il indique, car je dois faire observer que 31. Siljestroem , qui a visité cette localité avant M. Durocher, indique seulement des stries (1) dirigées du N. au S., d’autres de l’E. à l’O., et nulle¬ ment ces stries allant de l’O. à l’E., sur lesquelles u. Durocher a basé ses raisonnements. La quatrième objection de 31. Durocher est une difficulté du même genre. Il ne comprend pas qu’un glacier traverse obliquement la profonde dépression du golfe de Ilottnie pour remonter sur les collines de la Finlande. Je le comprends encore moins pour un courant ; en effet, un courant se dirigeant du N. -O. vers le golfe se serait évidemment dévié en entrant dans cette dépression , et aurait suivi sa direction , qui est celle du 1N.-E. au S. -O , de même qu’une rivière qui entre dans une vallée en prend immé¬ diatement la direction. 3Iais on conçoit qu’une masse de glace traverse obliquement une dépression. Les glaciers de la Suisse nous en offrent de nombreux exemples. 11 faut se rappeler ensuite que la pesanteur spécifique maximum de la glace de glaciers est , d’après les expériences de 31. Dollfus, à celle de l’eau pure dans le rapport de 909 à 1 000 , rapport qui devient pour l’eau salée celui de 883 à 1 000. Cette glace surnage donc en partie à l'eau , et il suffira qu’un glacier appuie ses bords sur le rivage pour pouvoir se soutenir au-dessus d’une masse liquide. Ces conséquences se véri¬ fient dans la nature. Le glacier d’Aletseh , en Suisse , surplombe le lac 31 oerill ; tous les glaciers qui occupent le fond des baies du Spitzberg s’avancent au-dessus de la mer, à une certaine distancé, en s’appuyant sur les cotés de la baie (2). Pour toutes ces raisons , il ne me paraît pas absurde de supposer, en grandissant les pro¬ portions du phénomène , que les glaciers traversaient autrefois le golfe de Bottnie , comme ils ont probablement traversé les lacs de la Suisse. Dans ce pays on peut démontrer, par la limite altitu¬ dinale des anciennes moraines latérales laissées par ces glaciers, que leur base ne reposait pas sur le fond du lac , mais corres¬ pondait à peu près au niveau actuel de la surface de l’eau. La portion de sa carte de la direction des stries , que 31. Du- (1) Carte de la Scandinavie par M Bravais. Atlas des voyages de la Commission du Nord. (2) Voyez mes Observations sur les glaciers du Spitzberg. Biblio¬ thèque universelle de Genève . t. XX VIII , p. 1 60 , juillet 1 840. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|(5. 103 rocher a calquée sur celle de M. Sefstrom (1), présente sur la côte du golfe de Bottnie , entre Gelle et Oeregrund , des flèches diri¬ gées du N.-E. au S.-O. , comme si la force qui les a burinées s’a¬ vançait de la mer vers l’intérieur des terres. M. Durocher en tire un grand argument contre les glaciers, qui, dit-il, ne sauraient s’élever du fond d’un bassin , comme le golfe de Bottnie , sur le rivage. L’objection s’applique également aux courants ; mais je ne la discuterai pas, car j’ai de fortes raisons de penser que la di¬ rection indiquée par M. Sefstroem n’est pas la direction moyenne , mais qu’il a été induit en erreur par des déviations locales. Les souvenirs de mon voyage de 1839, dans lequel j’ai fait la route de Gefle à Upsal qui traverse cette légion , ne me rappellent rien de semblable. Telles sont les objections que M. Durocher présente contre l’ancienne extension des glaciers de la Scandinavie. Pour ne pas prolonger ce débat , je n'entrerai pas dans l’énumération des difficultés qu’on peut élever contre l'hypothèse des courants dilu¬ viens ; ma tache d’ailleurs serait difficile , parce que dans ces deux derniers mémoires, l’auteur ne conclut pas. Jadis il admet¬ tait un seul courant (2) qui s’étendait du Spitzberg jusqu’en Allemagne ; maintenant, je suppose qu’il doit admettre dix cou¬ rants différents, successifs ou simultanés (3) , coulant vers les quatre points cardinaux , suivant les directions moyennes de ses flèches. L’auteur ne s’étant pas expliqué, je préfère attendre qu’il nous déroule lui - même les conséquences de ses observations , et démontre comment un ou plusieurs courants diluviens rendent mieux compte des faits observés que la supposition de l’ancienne extension des glaciers Scandinaves. Réponse aux objections contre /’ ancienne extension des glaciers dans les Alpes. M. Durocher termine son Mémoire par un parallèle entre le phénomène erratique du Nord et celui des Alpes, des Pyrénées et des Vosges. 11 reconnaît l’analogie des effets produits ; mais comme il ne tient pas compte de l’action puissante de la mer lors des immersions et des émersions du sol Scandinave , il la pousse , (1) Annales de physique de Poggendorfj , t. XLIII , 1838. (2) Comptes-rendus de l' Académie des sciences, t. XIV, p. 109, 17 janvier 1842. (3) Voyez sa carte. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 184(L 104 selon moi , beaucoup trop loin. Dans les Alpes , les Pyrénées et les Vosges , les efï’ets aqueux se bornent à ceux qui sont résultés de la fonte des glaciers et de l’action incessante des agents atmosphé¬ riques ; en Scandinavie , il y a de plus les puissants effets de la mer, qui a recouvert à plusieurs reprises une portion considérable de la plaine suédoise. Cette partie du Mémoire renferme une foule d’ob¬ servations , de détails déjà connus , et d’objections réfutées depuis longtemps. Ainsi, par exemple, M. Durocher fait observer qu’au rétrécissement des vallées les stries sont ascendantes. Qu’il visite le glacier de l’Aar, et il pourra toucher au bas du promontoire qui supporte le pavillon de M. Agassiz , des stries identiques , redressées de 64° d’amont en aval; il retrouvera le même phénomène à huit kilomètres du glacier, à l’étranglement inférieur de la petite vallée du Raetericlisboden , où les stries sont inclinées de 48° sur un pro¬ montoire très saillant de la rive gauche, et de 7° seulement sur les parois verticales de la rive droite. Qu’il se rende sur le glacier de Grindelwald inférieur, au défilé de la Stiergeg ; il les trouvera relevées de 45°. Partout, en un mot, où un obstacle s’oppose à la progression d’un glacier, il verra des stries ascendantes gravées par la glace , qui se redresse contre le rocher. C’est même un de ces phénomènes que l’eau ne saurait produire , car elle ne burine pas de stries rectilignes, mais creuse des canaux sinueux et ra¬ mifiés, des baignoires , des cavités conoïdes, des marmites de géants, etc., etc. L’auteur se livre ensuite à des considérations météorologiques pour montrer que, même avec un climat analogue à celui des régions polaires, les glaciers des Alpes n’auraient pu s’étendre jus¬ qu’au Jura. Pour le prouver, M. Durocher suppose que la tempé¬ rature moyenne de ces régions est de ■ — 15°. C’est une erreur; la moyenne du Spitzberg, suivant Scoresby (1), n’est que de — 8J, et ce chiffre est confirmé par les observations de Francklin , de Parry et de la commission du Nord. 11 affirme de plus que la tempé¬ rature est pendant très peu de temps au-dessus de zéro. Nouvelle erreur, car les moyennes des mois d’été sont les suivantes : Juin. . . . -f0°, 90 Juillet. . . . +3°, 51 Août. . . . — |— 2°, 8 8 Moyenne. . . -|_2°,43 ( I) Account of the arctic régions , t. I , p. 358. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|B. 105 Ainsi , pendant trois mois , le thermomètre se tient habituelle¬ ment au-dessus de zéro. Le climat du Spitzberg n’est donc pas aussi froid que le suppose JVJ . Uurocher , et cependant toutes les vallées de la cote occidentale sont remplies par des glaciers qui s’avancent jusqu’à la mer. Si le Spitzberg avait la température moyenne de — 15°, il n’y aurait pas de glaciers dans cette île; car les deux conditions essentielles à la formation des glaciers sont : 1" d’abondantes chutes de neige ; or, on sait que ces chutes ne sont jamais abondantes par de grands froids; 2° la fusion de ces mêmes neiges qui se pénètrent d’eau et se transforment ensuite en glacier : or, au grand plateau du Mont-Blanc, dont la température moyenne la plus probable est de — 9",1 , il ne se forme plus de glacier ; ci jortiori ne s’en formerait-il pas avec la moyenne de — 15°, que M. Duroclier s’imagine être celle du Spitzberg. Comme tous les auteurs qui n’ont pas fait une étude spéciale des glaciers actuels, M. Duroclier se figure que leur ancienne extension suppose un climat très rigoureux. 11 n’en est pas ainsi : quelques calculs très simples le prouvent avec la dernière évidence. La tem¬ pérature moyenne (1) de la ville de Genève est de 9 ,56 ; la ligne des neiges éternelles est 5 2 700 mètres au-dessus de la mer, et les grands glaciers de la vallée de Chamonix descendent , en moyenne , à 1 550 mètres au-dessous de cette ligne. Supposons cpie la tempé¬ rature moyenne de Genève s’abaisse de 2° et devienne 7°, 56 : la limite des neiges s’abaissera de 375 mètres, et ne sera plus qu’à 2 325 mètres au-dessus de la mer. Or, on accordera que les glaciers qui sont maintenant à 1 150 mètres au-dessus de la mer descen¬ dront de la même quantité , et cpie leur pied ne sera plus qu’à 775 mètres au-dessus de la mer. Mais il ne faut pas oublier qu’un glacier descend d’autant plus bas que le cirque dont il provient est plus vaste , plus élevé , et plus favorable à l’accumulation des neiges (2). Or, les cirques où la neige s’entasse pendant l’hiver seraient considérablement agrandis par suite de l’abaissement de la température; les glaciers ne descendront donc pas à 775 mètres au-dessus de la mer seulement , mais environ à 500 , c’est-à-dire (1) Voyez Météorologie de la France, dans P a tria, ou la France ancienne et moderne , p. 228. (2) Desor, Sur les rapports des glaciers avec les reliefs des Alpes. Comptes-rendus de V Académie des sciences , t. XX, p. 883, 24 mars 18 45. 106 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. aux bords du lac Léman. Si l’on était tenté de nier l’influence incontestable des cirques sur l’extension des glaciers , je ferais voir qu’il suffirait que la température moyenne de Genève s’abaissàt de à0, c’est-à-dire qu’elle devînt 5°, 56 (1), pour qu’avec le temps les glaciers du Mont-Blanc s’étendissent jusqu’au lac Léman. Cette extension est précisément celle qui a eu lieu à l’époque glaciaire L’abaissement de quelques degrés dans la température moyenne n’a rien d’impossible, et les géologues, qui n’hésitent pas à élever de 10 à 20° les températures moyennes de certaines régions pour y expliquer la présence de végétaux ou d’animaux des régions tropi¬ cales , ne sauraient être plus sévères parce que ce changement se fait dans un autre sens , et que le climat se refroidit au lieu de s’échauffer. Cela ne me paraîtrait pas logique , et quoique la cause du refroidissement qui a déterminé l’ancienne extension des gla¬ ciers nous soit encore inconnue , le fait en lui-même est certaine¬ ment une des hypothèses les moins hardies que la géologie se soit permises. Le Mémoire de M. Durocher se termine par cette concession remarquable : «Néanmoins, il faut reconnaître à la théorie gla- » ciaire un avantage incontestable , celui de faire intervenir des » agents qui produisent encore de nos jours, mais sur une échelle » beaucoup plus petite , des effets analogues à ceux qui ont eu lieu » anciennement, et c’est ce qui lui a conquis beaucoup de partisans » dans ces dernières années , tandis que dans la théorie diluvienne, » des causes que l’on suppose avoir été en jeu ne fonctionnent pas » aujourd’hui dans les mêmes conditions qu’ autrefois , et, par » suite, ne produisent pas sous nos yeux des effets tout-h-fait » semblables à ceux des phénomènes erratiques ; aussi on n’a pas » observé que l’eau des rivières produisît ces érosions en forme » de stries fines , etc., etc. » Cet aveu suffit aux partisans de l’ancienne extension des glaciers. Leur étude constante a été de faire voir que la plupart des phéno¬ mènes que l’on attribuait à des courants diluviens sont encore journellement produits par les glaciers ; ils ont adopté la méthode que M. Constant Prévost a introduite en géologie : « expliquer les laits qui se sont passés antérieurement à l’époque historique par les agents naturels qui fonctionnent encore aujourd’hui. » (1) Cette température moyenne est celle de Stockholm et de Chris¬ tiania. SÉANCE DU '1 NOVEMBRE 18/|6. 107 Les diiuvialistes , ou du moins M. Du rocher, tiennent un langage différent. Les courants actuels, disent-ils, ne produisent pas les effets qu’il s’agit d’expliquer, et cependant ce sont des courants gigantesques qui les ont produits : ainsi , de leur propre aveu , les plus fortes débâcles , les torrents les plus impétueux , les plus grandes inondations ne peuvent reproduire en petit les effets des courants diluviens. Cependant nous savons que le plus faible ruis¬ seau nous montre en miniature tous les phénomènes d’une grande rivière , et partout dans la nature, nous voyons les mêmes effets se reproduire sur toutes les échelles. Nos adversaires avouent qu’un torrent 11e trace jamais des stries rectilignes, et néanmoins ils pré¬ fèrent les attribuer à des torrents que de convenir qu’elles ont été gravées par des glaciers qui tous les jours en burinent de sem¬ blables sous nos yeux. Ce sont ces impossibilités qui ont empêché M. Duroclier de tirer aucune conclusion des faits qu’il expose dans ses deux derniers NI émoires. 11 cherche à prouver que ces faits ne doivent pas être attribués à l’action d’un glacier ; mais il oublie de nous montrer qu’ils s’expliquent avec une merveilleuse facilité dans l’hypothèse d’un ou de plusieurs courants. C’est cependant ce qu’il fallait faire pour porter la conviction dans les esprits. Mais l’auteur a si com¬ plètement perdu de vue les conditions de l’hypothèse qu’il s’est chargé de défendre, que ses objections contre les glaciers s’appli¬ quent presque toujours avec une plus grande force encore à la supposition d’un ou de plusieurs courants. J’ai négligé plusieurs de ces objections, dans la crainte de donner trop d’étendue à cette réfutation , et de prolonger un débat dans lequel j’accepte pour juges tous les géologues qui ont vu les glaciers actuels et comparé leurs effets à ceux qu’on observe dans les plaines de la Suisse et de la Scandinavie. Note en réponse aux remarques de M. Martin s sur le Mémoire précédent , par J. Duroclier. Dans mon Mémoire j’ai exposé les faits tels que je les ai observés, en faisant abstraction de toute idée théorique, sans 111e demander s’ils sont favorables à telle ou telle manière de voir ; à la suite de cette exposition , j’ai fait connaître les diffi¬ cultés que me paraît offrir l’hypothèse des glacialistes , lors¬ qu’on veut en déduire l’explication des phénomènes erratiques du Nord. Je ne prétends pas pour cela que l’hypothèse dilu- 108 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. ✓ vienne puisse aujourd’hui rendre parfaitement compte des mêmes faits ; je ne me dissimule pas qu elle donne lieu aussi à des difficultés , mais elles me paraissent moins graves que celles de l’hypothèse glaciaire. J’ai donc présenté mes observations con¬ sciencieusement , sans chercher à en donner une théorie qui n’est pas possible actuellement , car il reste encore une grande partie de la Scandinavie à explorer. Loin de reconnaître , comme le font plusieurs glacialistes consciencieux , les difficultés que présente l’application de l’hypothèse glaciaire au nord de l’Europe , M. Martins pense que tout s’explique avec la plus grande facilité ; mais les savants qui ont le plus étudié les phénomènes du Nord , Mi\I. Brongniart , Sefstrom , Keilhau, Bohtlingk , Sclieerer , Murcliison, de Verneuil , etc., sont fort éloignés d’y voir cet accord merveilleux entre les faits et l’hypothèse glaciaire. M. Martins n’apprécie les effets erratiques du Nord que par comparaison avec ce qu’il a vu en Suisse ; et tout le fond de son argumentation consiste à identifier les phénomènes de ces deux contrées; tandis que les observateurs qui ont examiné les uns et les autres reconnaissent qu’il n’existe entre eux qu’une similitude partielle. M. Martins commence par contester à mes observations le mé¬ rite de la nouveauté; effectivement, plusieurs savants, MM. Bron¬ gniart , Sefstrom , Keilhau et plusieurs autres , ont déjà décrit le phénomène du striage des rochers Scandinaves. J’ai présenté aussi , en 1840 , un mémoire sur ce sujet à l’Académie des sciences (1;. Suivant M. Martins, ma carte n’est autre chose qu’une repro¬ duction de stries déjà indiquées ; j’en ai en effet emprunté à M . Sefstrom pour les parties du midi de la Suède que je n’avais pas visitées , et je le dis positivement dans mon Mémoire ; mais , tant en Suède qu’en Norvège, j’indique un grand nombre de stries dans des régions encore inexplorées; et dans celles déjà visitées, j in¬ dique des systèmes de stries qui n’avaient pas encore été remar¬ qués. Parmi les stries que j’ai indiquées en Finlande , il n’en est pas une seule cpii n ait été observée par moi , comme on peut s’en convaincre, si on jette les yeux sur un Mémoire que j’ai publié il y a peu d’années (2). Mes observations sur la Finlande ont été (1) Comptes-vendus de U Academie des sciences , séances du 10 août 1840 et du 17 janvier 1842. (2) f orage en Scandinavie. — Géologie , par J. Durocher (1 842). SÉANCE 1)U 2 NOVEMBRE 1840. 109 laites en 1839 ; eelles qu’a imprimées M. Bohtlingk ( Annales de Poggendorf , 1841 ) ont été recueillies la même année que les miennes; mais le mémoire contenant la relation des faits obser vés par moi avait été présenté à l’Académie le 10 août 1840 (1), an¬ térieurement à la publication de M. Bohtlingk; l’accord de nos observations , faites séparément, mais à la même époque , est une garantie de leur exactitude. D’ailleurs, nos récentes observations font connaître un caractère non encore signalé dans les phéno¬ mènes erratiques du Nord , c’est le croisement à la surface des mêmes rochers de systèmes de stries qui se coupent sous des angles voisins de 90° ; déjà , ainsi que plusieurs observateurs , j’avais indiqué des exemples de croisement de stries sous des angles peu considérables, de 20° à 30°, tant en Suisse que dans le Nord; mais personne n’en avait encore observé sous des angles presque droits ; or , j’en cite de nombreux exemples en Suède et en Norvège. M. Marti ns s’attache ensuite à combattre la manière dont j’ai groupé les sulcatures par systèmes , et il conteste que l’on puisse réunir en un même système les stries que j’ai associées. Parmi les nombreux systèmes de sulcatures que j’ai déterminés, M. Martins en choisit précisément un que je n’ai pu observer élans toute son étendue ; car élans eles voyages el’ exploration ; il est impossible de parcourir toute la surface d’une contrée aussi vaste cpie la Scandi- O navie. Aux environs d’Areskutan, dans le Jeintland , j’ai vu un système d’érosions elirigées élu N.-N.-E. au S. -S. -O. , sur le pro¬ longement ele ce système , depuis le golfe de Christiania jusqu’à la partie nord élu lac Miosen , j’ai vu des stries dirigées ele la même manière , élu N.-N.-E. au S. -S. -O. , et qui paraissent former le prolongement des précédentes ; je les ai donc considérées connue appartenant probablement à un même système, que j’ai indiqué sur ma carte par une ligne pointillée en son milieu , dans la partie que je n’ai pas visitée et où il peut y avoir de l’incertitude. De cette lacune, que j’ai eu bien soin de signaler, M. Martins profite pour taxer ma méthode d’arbitraire et rejeter tout l’en¬ semble des faits. Je ne puis admettre cette argumentation , quand les principaux systèmes que j’ai indiqués, et que M. Martins a bien soin de passer sous silence , par exemple celui qui (I) Comptes-rendus de V Académie des sciences , séances du 10 août 1 840 et du 17 janvier 1842. 110 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 184 6. s’étend du littoral de Stockholm , Nykoping et Calmar jusqu’au • • lac d’Ostersund, sur plus de 600 kilomètres de longueur, celui qui traverse la Finlande des environs de Brahestad au lac Ladoga, sur 500 kilomètres de longueur, présentent dans toute leur éten¬ due une constance frappante de direction! Dans quelques uns des systèmes que j’ai établis , il y a des déviations locales , des direc¬ tions qui s écartent un peu de la normale , mais ces déviations sont dues à la configuration particulière des rochers qu’ont fran¬ chis les convois de débris erratiques. M. Martinsme fait le reproche de laisser de côté des directions de stries qui ne rentrent pas dans les systèmes principaux , et il cite par exemple les stries des environs de Cimbrishamn ; mais dans mon Mémoire, je rattache ces stries, ainsi que celles de l’île Gotland, à un système particulier qui n’est pas encore très connu; elles ont été tracées par des forces érosives qui ont agi dans le même sens que si elles étaient venues de la partie occidentale du golfe de Finlande. Quant aux érosions observées dans les vallées profondes qui découpent le massif des hautes montagnes de la Norvège , je dis dans mon Mémoire qu’il n’est pas possible de les grouper sui¬ vant des systèmes rectilignes , parce que , comme les stries des Alpes , elles suivent toutes les sinuosités des vallées. Après avoir cherché à prouver que ma méthode de grouper les stries par systèmes ne vaut rien, M. Mar tins s’efforce d’expli¬ quer les directions diverses que présentent les sulcatures Scandi¬ naves , en les comparant à celles de la Suisse. Mais cette assimi¬ lation n’a aucune espèce de fondement. En Suisse, les stries chan¬ gent d’allure conformément à la disposition des accidents du sol , et dès les premiers pas que j’ai faits dans les Alpes ( en 1840), j’ai reconnu cette différence essentielle qui les distingue des stries du Nord, et il ne m’est jamais venu à l’esprit d’y faire des systèmes rectilignes de sulcatures. Dans les déchirures profondes , à parois abruptes , qui séparent les crêtes du Dovre , du Langfield , de lMolongfiehl, etc., les stries sont disposées comme dans les Alpes: elles rayonnent à partir des hautes cimes en suivant les sinuosités des vallées; mais les stries que l’on voit en Suède et en Norvéee à la surface des collines ondulées et des plateaux moyennement élevés ( de quelques centaines de mètres ) présentent des carac¬ tères tout autres ; elles ont une allure généralement constante et qui bien souvent n’est point en rapport avec la configuration du terrain ; elles coupent , sous des angles très divers , les lignes SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 111 ue faîte de ces plateaux et les vallées ou dépresssions qui les sé¬ pare ut . Par des raisonnements que je ne chercherai pas à réfuter M . Martins arrive à conclure qu’il ne faut pas prendre la direction des stries pour représenter celle du mouvement des agents errati¬ ques, et, par suite, que les divers observateurs qui ont pris tant de soin pour déterminer la direction des sulcatures dans le nord de l’Europe se sont donné une peine inutile ! Comme dédommage¬ ment , M. Martins leur donne le conseil de rattacher, ainsi que l’ont fait les géologues suisses , les blocs erratiques à leur gise¬ ment originaire , et de déterminer ainsi la marche qu’ont suivie les agents de transport ; ce conseil est un peu tardif, car dès mon premier voyage dans le Nord , en 1839 et 1840 , j’ai tâché de rapporter les blocs erratiques dispersés dans le nord de la Russie et de l’Allemagne aux différentes régions d’où ils paraissent être partis , et je suis arrivé ainsi à conclure que les agents de transport ont suivi une marche rayonnante à l’intérieur d’un immense demi- cercle , dont Stockholm formerait à peu près le point central , et dont le contour s’étend des cotes d’Angleterre au midi de la Polo¬ gne et à l’est de la Russie d’Europe. Cette méthode de déterminer la direction du mouvement des agents erratiques fournit de pré¬ cieux renseignements , mais elle ne su Hit pas pour faire connaître dans tous ses détails la marche qu’ils ont suivie ; car dans une grande partie de la Scandinavie, le sol est uniformément composé de granité , de gneiss et de roches amphiboliques , et alors l’étude des dépôts de transport ne pourrait fournir des données assez pré¬ cises, et l’on pourrait même être induit en erreur si l’on détermi¬ nait la direction du mouvement des agents érosifs d’après l’exa¬ men des gros blocs anguleux , qui, en général, paraissent avoir été transportés par des glaces flottantes , et qui par suite n’ont pas dû contribuer au striage des rochers. Au sujet de mes observations sur les dépôts de transport , M. Martins remarque que, dans un précédent Mémoire, j’ai dis¬ tingué les âsars coqui lliers de ceux qui ne le sont pas, et que je n’ai pas fait cette distinction dans mon Mémoire actuel, il me semble qu’il était inutile de répéter des observations que j’ai exposées il y a quelques mois ; mon Mémoire actuel renferme seulement les faits qui ne trouvaient pas leur place dans le précédent ; aussi je n’insisterai pas sur ce sujet. M. Martins considère comme des moraines remaniées les dépôts de transport que j’ai décrits , ayant une surface plate et la forme 112 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. de terrasses, et il attribue une origine particulière aux âsars, qu’il considère comme des depots très modernes. Il y a là une confu¬ sion de mots , car as , cisar en suédois exprime d’une manière gé¬ nérale des élévations de terrain et s’applique habituellement aux élévations formées de dépôt de transport, quelle que soit leur forme, que ce soient de longues terrasses à surfaces unies, ou des monticules en dos d’àne ; d’ailleurs on voit en des endroits très voi¬ sins le même dépôt de transport offrir ces diverses formes. M. Martins me reproche de ne point avoir mentionné la pré¬ sence de cailloux striés auxquels il me paraît attacher une impor¬ tance exagérée. J’en ai observé en plusieurs endroits, à la surface du terrain de transport ; ainsi dans la Scanie , entre Malmô et Ystad , aux environs de Stockholm , dans le Jemtland et dans la contrée de Roraas , de petits blocs ( de 1/3 à 1 mètre cube ) pré¬ sentent des stries, mais ils ne me paraissent pas fournir une preuve certaine que les dépôts où on les trouve soient des moraines re¬ maniées ou non ; car ces blocs peuvent avoir été striés autrement que par le frottement de glaciers , et ils peuvent même provenir de la destruction superficielle de rochers striés. M. Martins regarde les âsars comme des dépôts très récents et même en partie postérieurs à la période humaine ; il y a en effet sur les régions littorales des dépôts modernes à la surface des¬ quels se trouvent des blocs erratiques , mais il faut se garder d'en conclure que la grande masse des âsars de la Scandinavie appar¬ tient à une époque aussi récente , car j’ai fait voir dans mon dernier Mémoire que généralement en Norvège , en Suède et en Finlande , les âsars sont alignés dans un sens à peu près parallèle aux sulcatures de la contrée où ils se trouvent , et par conséquent qu’il y a un rapport intime entre les causes qui ont tracé les érosions à la surface des rochers et celles qui ont dé¬ posé les âsars. Les objections que j’ai faites contre l’ancienne extension attri¬ buée aux glaciers en Scandinavie dépendent en général de ces principes : 1° que les glaciers se meuvent sous l’action de la pe¬ santeur ; 2° qu’en Scandinavie les circonstances locales étaient dé¬ favorables au mouvement des glaciers , tel qu’on le suppose avoir eu lieu , et que d ailleurs ils auraient du se mouvoir suivant des directions différentes de celles qu’ont suivies les agents érosifs. M. Martins combat d’abord mon opinion que les glaciers se meuvent sous l’action de la gravité , et il allègue que « dans an corps grave, solide, visqueux ou liquide , V extrémité inférieure marche 113 * |*’V SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. avec une vitesse sensiblement la même que les parties supérieures. » Quiconque connaît les lois de l’hydrodynamique ne manquera pas de remarquer combien il est inexact de prétendre que dans un corps liquide placé sur une surface diversement inclinée les parties infé¬ rieures et supérieures se meuvent avec la même vitesse. 11 paraît que ce ne sont pas toujours les glaciers les plus inclinés qui se meuvent le plus vite , quoique l’on n’ait encore fait que peu d’expériences sur ce sujet ; mais il ne faut pas en tirer des conclusions préma¬ turées sur la cause de leur mouvement , car les glaciers n’ont ni la rigidité des corps solides , ni la fluidité des liquides : ce sont des masses poreuses , réticulées , divisées par une quantité innombra¬ bles de fissures remplies d’air et d’eau , découpées par des fentes de toutes grandeurs ; ce sont des masses extensibles et ductiles , susceptibles de contraction et d’expansion , tiraillées en divers sens, entraînées par leur poids et gênées par les inégalités de leur fond et de leurs parois , possédant une mobilité plus ou moins grande en raison de la température extérieure et de la quantité d’eau qui les imbibe et qui diminue le frottement réciproque de leurs diverses parties et leur frottement au contact des rochers encaissants. Par leur nature , ces masses se rattachent aux corps solides ; mais , en raison de leur structure , de leur composition mixte et de la facilité avec laquelle une partie de leur substance peut devenir fluide , elles possèdent quelques unes des propriétés de cohésion et de mobilité des corps visqueux ou plastiques. Le sable , l’argile , la terre , la neige , etc. , suivant la forme et la grosseur de leurs éléments , suivant leur imbibition d’eau ou leur état de dessiccation, se meuvent sur un terrain imbibé dans des conditions diverses et d’une autre manière que des corps solides ou liquides proprement dits ; il en est ainsi des glaciers : un corps solide , possédant une rigidité et une cohésion absolues , retenu entre des parois sinueuses , serait entièrement privé de mouve¬ ment , lors même qu’il serait placé sur une pente forte ; un liquide , au contraire , se diviserait en plusieurs zones , en zones latérales et inférieure dont le mouvement serait ralenti par le frottement des parois , et en zone médiane qui se mouvrait plus rapidement , n’ayant à vaincre que le frottement des particules liquides les unes contre les autres , et la vitesse du mouvement général de cette masse fluide varierait en raison de la pente et de la section du canal. Le mouvement des glaciers est assimilable en partie , mais pas complètement , à celui des liquides ; on ne peut pas lui appli¬ quer rigoureusement les mêmes lois. Par beaucoup de causes un Soc. géol. , 2e série, tome IV. 8 114 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. glacier , placé sur une pente forte, pourra se mouvoir avec une vi¬ tesse moindre qu’un autre glacier dont la pente est beaucoup plus faible , si les obstacles de terrain qui s’opposent au mouvement du premier sont plus grands, si le fond sur lequel il repose est congelé, s’il est exposé à une température extérieure plus basse , à des cau¬ ses de fusion moins énergiques , s’il est imbibé d une moindre quantité d’eau ; l’état physique, la nature élémentaire du glacier, sa structure , le mode d’agrégation de ses parties , la forme exté¬ rieure, les dimensions et le poids de sa masse, doivent exercer une certaine influence, Aussi des faits cités par AI. Alartins on n est pas en droit de conclure qu’il faut attribuer le mouvement des glaciers à une cause autre que la pesanteur, quand les expériences de M. F orbes ont clairement démontré , connue l’indiquait la théorie , que la dilatation ne joue point dans ce phénomène le rôle qu’au lui avait assigné. M, Alartins veut montrer que les glaciers Scandinaves auront pu franchir des plans inclinés à pentes opposées, en disant que les gla¬ ciers actuels passent par dessus les inégalités de leur fond ; mais ces inégalités n’ont qu’une faible élévation; je ne connais pas d’exem¬ ple où on voie des glaciers actuels franchir transversalement des hauteurs de 5 à 800 mètres. D’ailleurs on ne voit pas quelle cause aurait empêché les glaciers Scandinaves de suivre le cours des val¬ lées ou des dépressions , comme le font partout les glaciers de nos jours, plutôt que de se mouvoir dans une direction transversale. Comme j’ai cité des cas où les forces érosives ont dû agir en re¬ montant, AI, Alartins objecte qu’il est aussi difficile de remonter pour des courants que pour des glaciers ; cependant on voit les lames de la mer s’élancer dans les tempêtes par dessus des digues ou remparts qui ont une dizaine de mètres d’élévation, et souvent elles entraînent avec elles des blocs de près d’un mètre cube : il n’y a donc rien d’impossible à ce que d’énormes masses d’eau, animées d’une grande vitesse, aient pu s’élever à une certaine hauteur; ce sont des conditions autres que celles d’un cours d’eau ordinaire, d’une profondeur et d’une vitesse peu considérables. Ici il faut te¬ nir compte du volume de la masse, de sou impulsion première , et aussi de la vitesse acquise, qui paraît être sans influence dans l’hy¬ pothèse des glaciers. Ai Alartins cherche à lever ces difficultés eu invoquant le mou¬ vement d’abaissement et d’élévation de certaines parties du littoral Scandinave; d’après la manière dont ce mouvement a lieu aujour¬ d’hui sur une partie des côtes de la Baltique , et dont il a eu lieu autrefois sur les côtes de INorvége , il a dû en résulter des change- SÉANCE DU 2 novembre 1846. 115 ments dans les niveaux relatifs des diverses parties de la Scandi¬ navie ; mais ce mouvement ne paraît pas susceptible de changer la disposition des lignes de faîte , de façon que l’on puisse supposer qu’ autrefois la surface du sol formait un plan incliné où des gla¬ ciers pouvaient se mouvoir comme l’ont fait les agents d’érosion. Dans mon mémoire j’ai déjà discuté cette hypothèse; j’ai mon¬ tré qu’en Finlande, par exemple , il faudrait supposer des dé¬ nivellations énormes et tout- à-fait, hors de proportion avec les changements qui ont pu se produire à la surface de cette contrée depuis la période erratique : pour former, en elfet , un plan incliné de -j0 seulement , le plateau finlandais , qui a été traversé par les agents érosifs sur une longueur de 50 myriamètres , aurait du présenter une différence de niveau de 4,363 mètres entre la rive orientale du golfe de Botnie et l’extrémité orientale du golfe de Finlande. Cependant on prétend que les glaciers peuvent se mou¬ voir sur des pentes très minimes , et on cite à l’appui le glacier de l’Aar, qui , d’après les expériences de M. Desor , se mouvrait sur un fond incliné de ly°; mais l’inclinaison que j’ai fait entrer comme élément dans mon calcul est trois fois plus faible , et de seulement. IL faut remarquer que le glacier de l’Aar est un des moins inclinés que l’on connaisse , puisque sa surface supérieure n’a qu’une pente de 3°; j’ignore si la pente de sa surface inférieure a été calculée d’après un ou plusieurs sondages : comme le fond sur lequel reposent les glaciers est inégal , présente des concavités et des convexités , il faut forer plusieurs tours de sonde pour dé¬ terminer leur épaisseur moyenne à une certaine altitude et en dé¬ duire l’inclinaison de leur surface inférieure. M. Martins pense que des glaciers auront pu traverser le golfe de Botnie, et il appuie son opinion sur ce que, au Spitzberg et au lac d’Aletsch en Suisse, on voit les glaciers surplomber au-dessus des eaux; cet avancement en surplomb s’explique facilement quand il est seulement de quelques mètres, mais il deviendrait inconce¬ vable s’il atteignait les dimensions du golfe de Botnie ! La disposition des stries du Nord donne lieu à une autre objec¬ tion très grave, à laquelle M. Martins n’a point répondu : en Fin¬ lande, en Suède et dans une partie de la Norvège, les érosions ne sont pas toujours en rapport avec la configuration du terrain, ne sont pas dirigées dans le sens des vallées ou dépressions ; or , les glaciers diluviens n’auraient-ils pas du descendre le long des val¬ lées, comme les glaciers le font aujourd’hui? On ne peut cependant pas supposer que depuis cette époque les vallées aient changé de 116 SÉANCE DE 2 NOVEMBRE 18/(6. forme. Mais suivant M. Martins il est encore plus difficile pour des courants que pour des glaciers de se mouvoir obliquement ou transversalement à des dépressions : je répondrai qu’il est facile de concevoir que les eaux de la mer, sous lesquelles était plongée une grande partie de la Scandinavie, soient poussées dans une certaine direction par un soulèvement brusque du sol; elles pourront alors en vertu de leur impulsion , se mouvoir dans un sens oblique ou même perpendiculaire aux accidents de la surface. M. Martins regrette de ne pas me voir entrer dans une expli¬ cation détaillée des phénomènes erratiques de la Scandinavie, de ne pas indiquer l’origine des courants auxquels je les attribue : je répondrai que les faits n’étant pas connus intégralement , qu’une partie très étendue de la Scandinavie restant encore à explorer , il est impossible de donner actuellement une théorie définitive ; celle qui me paraît convenir le mieux à l’ensemble des faits observés jusqu’à présent, et offrir le moins de difficultés, est celle qui sup¬ pose une émersion brusque de la Scandinavie. L’existence de plu¬ sieurs systèmes d’érosions n’est point aussi difficile à concevoir que le pense M, Martins ; elle montre simplement qu’il ne faut pas attribuer tous les effets produits à un soulèvement unique sur¬ venu en un point central , mais à plusieurs soulèvements locaux , dont les centres et les axes correspondent aux points d’où sont par¬ tis les divers systèmes d’érosion : beaucoup de ces soulèvements ont dû être simultanés , mais probablement pas tous , et il est vraisemblable qu'ils ont eu lieu pendant un certain période de temps. Les systèmes de sulcatures affectent en général une dispo¬ sition rayonnante , et il en est que l’on peut réunir ensemble , ou considérer comme les branches d’un système général produit par le soulèvement d’une même région ; tels sont les trois systèmes que j’ai indiqués comme ayant strié le midi de la Suède, suivant les lignes S. -S. -E., S. et S. -S. -O. ; ils paraissent former un même groupe et appartenir à un seul grand système , qui s’est étendu en rayonnant et a embrassé une étendue angulaire d’environ 50°. Mais je répète que je n’attache point à cette théorie une impor¬ tance fondamentale ; elle n’a d’autre avantage que celui de s’ac¬ corder mieux que les autres, à mon avis, avec la généralité des faits connus. M. Martins me reproche d’attribuer au Spitzberg une tempé¬ rature de — 15°: c’est en effet la température moyenne que j’ai at¬ tribuée aux régions polaires en général; or, voyons si j’ai tort. D’après M. Martins , la température moyenne du Spitzberg est SÉANCE DU 2 NOVEMBRE !8/l6. 117 de — 8° ; 011 n’a de données à cet égard que celles fournies par Sco- resby, car , la commission du Nord 11’ayant séjourné au Spitzberg que peu de jours de l’été , on ne peut déduire de ses observations la température de l’année. Or, Scoresby considère la température du 27 avril, — 8,3, comme représentant la température moyenne du Spitzberg sous le 78° de latitude, c’est-à-dire dans la partie méridionale du Spitzberg ; mais il y aune différence très marquée entre le climat de la partie méridionale et celui de la partie sep¬ tentrionale ( 80° de latitude ) , que nous avons visitée en 1839 ; dans celle-ci il est fort probable que la température moyenne est inférieure à — 8°, bien qu’étant supérieure à * — 15°. Mais à l’île Melville , la température moyenne de l’année est, d’après les ob¬ servations du capitaine Parry, de — 18 * ; on voit donc si j’ai com¬ mis une grande erreur en attribuant aux régions polaires une température de • — 15°. M. Martins avance que par une température moyenne de — 15° il ne se formerait pas de glaciers; mais c’est une erreur, car cela n’exclutpoint une température un peu supérieure à zéro pendant une partie de l’été; or ce qui importe pour la formation des glaciers, ce n’est pas que la température moyenne ait une valeur déterminée, mais c’est que la chaleur estivale puisse opérer une fusion partielle de la neige et produire assez d’eau pour imbiber la masse sous- jacente. D’ailleurs il peut y avoir d’abondantes chutes de neige dans les contrées où les hivers sont très froids , surtout si ce sont des contrées littorales; car les vents qui ont rasé la surface de la mer sont presque saturés d humidité, et en arrivant au-dessus des terres qui possèdent une température beaucoup plus basse que celle de la mer ils déposent, sous forme de neige, une grande partie de la vapeur d’eau qu’ils contiennent. M. Martins ajoute : Comme tous les auteurs qui n ont pas étudié les glaciers actuels , M. Durocher s’imagine que leur ancienne extension suppose un climat très rigoureux, etc. Je répondrai à M. Martins que j’ai aussi étudié les glaciers pendant mes différents voyages dans les Alpes, au Spitzberg et dernièrement en Norvège. M. Martins pense qu’un abaissement de 2° ou de 4° au plus dans la température moyenne permettrait aux glaciers actuels de descendre jusqu’au lac Léman ; son opinion est motivée sur ce que la température s’abaisse de l°parl87m,5 d’élévation dans l’atmos¬ phère. D’abord le chiffre de 187ni,5 me paraît trop élevé (1) ; d’a- (I ) Ce chiffre est déduit des observations comparées de Genève et du Saint-Bernard; mais ces deux stations sont trop éloignées l’une de 118 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. près l’ensemble des opérations relatives à ce sujet , le chiffre véri¬ table pour nos climats doit être égal à 170, ou s’en écarter fort peu. D’ailleurs l’extension des neiges perpétuelles ne varie pas directement en raison de la température moyenne ; elle dépend aussi de la température estivale. Mais sans faire des calculs dont les bases manquent de précision, il est un moyen plus simple d’ap¬ précier approximativement quelle devrait être la température moyenne de Genève pour que les glaciers de la vallée du Rhône descendissent jusqu’au Léman : c’est d’examiner quelle est la tem¬ pérature moyenne des parties hautes des vallées de Cliamouni , de Saint-Nicolas, du Rhône, del’Aar, etc., là où se terminent les glaciers actuels ; or cette température est en moyenne de A°,0 à ù°,50 ; il faudrait donc que la température de Genève (9°, 56) subît un abaissement non de 2° mais de 5°, 56 ou 5°, 06. Quant à l’augmentation que suppose M. Martins dans l’influence des cir¬ ques couverts de neige, elle ne me paraît pas suflisamment motivée, car les cirques des Alpes sont situés pour la plupart , comme l’a déjà fait remarquer M. Desor, dans la région des neiges perpé¬ tuelles, entre 2,600 et 3,000 mètres, et c’est là une des causes principales du grand développement des glaciers alpins ; mais je ne vois pas qu’un abaissement de quelques cents mètres dans la li¬ mite des neiges perpétuelles puisse augmenter beaucoup l’influence de ces cirques. D’ailleurs les positions de Cliamouni, Zermat, etc., dans l’état actuel des choses, sont fort différentes de celles qu’oc¬ cuperaient Genève, Berne, etc., dans l'hypothèse d’un abaissement de température de quelques degrés; car Chamouni , Zermat, sont pour ainsi dire au pied même des cirques de glace et de neige ; pour descendre jusqu’à ces villages les glaciers n’ont à parcourir qu’un trajet fort court , comparativement à celui qu’ils auraient à parcourir pour arriver à Genève ; aujourd’hui ils sont abrités par les flancs de montagnes abruptes , tandis que dans les plaines qui séparent les Alpes du Jura ils seraient beaucoup plus exposés à l’action des diverses causes de chaleur : si une température moyenne d’environ à“,50 ne permet pas aux glaciers de nos jours de s’avancer jusqu’au centre des vallées principales , et les force à se maintenir dans les vallées secondaires qui y aboutissent, il est très probable que la même température les empêcherait d’envahir le large bassin de la Basse-Suisse. l’autre, et soumises à des influences locales trop différentes, pour que l’on puisse en déduire la valeur du décroissement de la température en raison de l’élévation. SÉANCE 1)U 2 NOVEMBRE 18/16. 119 Par des considérations très simples on peut reconnaître que l’abaissement de température supposé par M. Martins n’e9t point une condition suffisante pour satisfaire à sa théorie; en effet la masse des glaciers éprouve chaque année une destruction ou uile ablation qui n’est pas entièrement compensée par l’effet, de la congélation produite à leur intérieur ; c’est en vertu de l’épaisseur qu’ils ont dans les parties élevées, et qui va en diminuant de plus en plus vers les parties inférieures , que les glaciers peuvent s’a¬ baisser dans des régions dont la température moyenne est supé¬ rieure à zéro. Ï1 est alors facile de concevoir que le développement d’un glacier en longueur dépend de la puissance des masses de glace et de névé qui lui donnent naissance : aujourd’hui les glaciers les plus étendus n’ont pas tout-à-fait 3 myriamètres de longueur; il faudrait donc une épaisseur de glace ou de névé incomparable¬ ment plus grande pour que les glaciers diluviens s’étendissent à plus de 21 myriamètres de leur origine, c’est-à-dire à une distance sept à huit fois plus grande ; cette augmentation d’épaisseur serait en effet justifiée par l’élévation de la zone erratique au-dessus du fond des vallées, élévation qui va jusqu’à 1000 mètres ; mais il est évident qu’un abaissement de température de 2 ou à0 n’est point une cause suffisante pour faire acquérir aux glaciers une puissance bien supérieure à celle qu’ils ont aujourd’hui. J’ajouterai que M. Martins a pris Genève pour point de compa¬ raison ; mais le phénomène erratique s’est développé sur les deux versants des Alpes ; les agents d’érosion ont laissé des stries dans les vallées jusqu’à leur embouchure dans le grand bassin du Pô (on voit encore des stries sur les rochers avoisinant Ivrée, dans la val¬ lée d’Aoste, et aussi dans la vallée de la Poire, près de son extré¬ mité ) ; des blocs alpins ont été aussi déposés à la surface des col - lines qui se trouvent dans cette plaine. En employant les mêmes considérations que nous avons exposées précédemment, on verrait que pour s’étendre jusqu’au bassin du Pô , les glaciers diluviens auraient exigé un abaissement de température encore plus grand de quelques degrés que celui nécessité par l’hypothèse de leur ex¬ tension jusqu’au bassin de Léman , vu la différence de température qui existe entre ces deux contrées. M. Desor ne pense pas que l’objection que l’on tire ordinai¬ rement de la pente des glaciers actuels , contre l’ancienne ex¬ tension des glaciers, ait la portée que lui attribuent quelques auteurs. Sans doute la pente moyenne de la plupart des grands 120 SÉANCE UU 2 NOVEMBRE d 8 Z| (5 . glaciers des Alpes est supérieure à celle des rivières. La pente du glacier d’Aletsch est, d’après M. Elie de Beaumont, d’en¬ viron 3° • celle du glacier de l’Aar , depuis l’Abschwung jusqu’à l’issue du glacier, est, d’après les mesures géodésiques faites par les soins de M. Agassiz, de 6m,904 p. 0/0, soit de 3° 57' 32", et, dans la partie supérieure, depuis le pied du col de la Sirahleck jusqu’à l’Abschwung, de 1° 40'. La pente moyenne de tout le glacier, depuis le pied de la Strahleck jusqu’à la sortie de l’Aar, est de 3° 1'. Mais il ne faut pas oublier que ces mesures ne concernent que la surface des glaciers, et nullement leur fond. En effet, de ce que les glaciers sont beaucoup plus épais dans leur partie supérieure qu’à leur extrémité, il s’en¬ suit que la différence de pente entre le fond et la surface doit être en raison de cette différence d’épaisseur. Or, en combinant l’épaisseur des différents points du glacier, telle que nous la connaissons maintenant, avec la distance qui sépare ces mêmes points , nous trouvons que la pente moyenne du fond du glacier de l’Aar est de moins d’un degré (0° 43'). M. Martins ajoute que dans la Scandinavie les stries res¬ semblent à celles des Alpes. M. Durocher convient que dans les montagnes il y a simili¬ tude complète, mais qu’il n’en est pas ainsi dans les plateaux de la Suède. M. Martins demande si M. Durocher admet qu’il y ait eu huit ou dix courants-, s’ils ont été simultanés ou successifs. M. Durocher répond que cela est très difficile à déterminer d’après un premier voyage. Il renonce cependant au courant unique qu’il admettait autrefois, et est disposé à en admettre plusieurs successifs j mais il ne croit pas possible, dans l’état ac¬ tuel des observations, de faire une théorie. Il est arrivé seulement à ce résultat, qu’il y a eu des centres d’action dans un pays où le niveau moyen est de 800 à 400 mètres et couvert de lacs. M. Y. Streffleur adresse à la Société le prospectus d’un ou¬ vrage publié en allemand et intitulé : Influence de la rotation sur le niveau des mers et sur la formation des continents et des montagnes t avec un aperçu de F histoire physique du sol de V Europe , et un atlas colorié; in-8°, 3(58 p. Vienne , 184(5. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18 A6. 121 La tablé générale, que nous donnons plus bas, présente une idée des matières traitées par l’auteur. M. Streffleur a envoyé en outre la traduction de l’introduction par M. Etienne. Il désire¬ rait voir tout l’ouvrage traduit en français. Table générale des matières. Chapitre I. Des causes de la différence du niveau des mers actuelles: 1° Faits; 2" Explications des naturalistes; 3° Vues de Fauteur. ( Nota. Chacun des chapitres suivants présente le même ordre de classification que celui-ci.) — Chapitre II. Recherches tendant à déterminer si le niveau de la mer s’élève, s’abaisse, ou si, pendant le cours des temps, il est resté à la même hauteur. — Chapitre III. De l'origine et des espèces de courants marins , ainsi que des causes de la différence locale du poids spécifique de l’eau de mer. — Chapitre IV. De l’origine des continents, des montagnes et des cou¬ rants marins , ainsi que des causes de leur distribution , de leur forme et de leur direction actuelles. — Chapitre V. Recherches sur les prétendus soulèvements et les abaissements des continents et du fond de la mer. — Chapitre VI. Recherches sur l’origine, la pro¬ pagation et les effets des cataclysmes. — Chapitre VII. Aperçu de l’histoire du sol de l’Europe sous le rapport géognostique. — Chapitre VIII. Phénomènes de la surface de la terre provenant de Faction du feu. r M. Lory offre à la Société ses Etudes sur les terrains secon¬ daires des Alpes dans les environs de Grenoble. Ce travail a principalement pour objet la puissante formation crétacée à laquelle appartiennent les montagnes de la Chartreuse, et dont les couches reposent, à l’E. et au S. , sur les assises jurassiques des vallées de l’Isère (entre Montmeillan et Gre¬ noble), du Drac et de la Drôme. Cette formation a été regar¬ dée comme représentant en Dauphiné l’étage néocomien. D’après les observations de M. Lory elle serait supérieure au terrain néocomien de la Savoie. M. Marcou donne lecture de sa réponse à une note de M. Royer ( Bulletin , 2e série, t. II, p. 705). Réponse à une note de M. Ernest Royer , sur la non -exis¬ tence des groupes portlandien et kimméridien dans les Monts-Jura ; par M. J. Marcou. Dans une Note sur les terrains jurassiques supérieurs et moyens de la Haute-Marne ( insérée clans le Bulletin , 2e série , t. II , 122 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18A6. réunion à Avallon, p. 705 ) , M. Royer prétend que les géologues du Jura ont synchronisé à tort plusieurs séries d’assises qui se trouvent dans ees montagnes avec les groupes portiandien et kimméridien de la Haute-Marne et des autres parties de la France ; et que MM. Thirria et Thurmann ont pris pour portiandien et kimméridien la base des marnes kimméridiennes et le groupe à Astartes du bassin de Paris, ainsi que quelques assises du corallien. Yoy ons si les opinions, ou plutôt si les conjectures probables de M. Royer ( car ce géologue ne les donne qu’avec beaucoup de ré¬ serve ) , sont en rapport avec les faits observés , et si réellement notre Jura est déshérité des groupes portiandien et kimméridien. M. Thirria, dans ses deux mémoires sur le terrain jurassique de la Haute-Saône, n’établit pas, à la vérité, une distinction bien tranchée entre les groupes kimméridien et portiandien , qu’il réunit sous le nom de calcaires et marnes à E.rogyres , quoique l’on trouve dans les coupes que ce savant géologue donne dans sa Statistique géologique de la Haute-Saône les assises constituantes du portiandien et du kimméridien , et qu’il n’y ait qu’à les grouper pour opérer les distinctions entre les deux divisions. Si M. Thirria n’a pas opéré ce groupement , cela tient à l’époque où ce géolo¬ gue étudiait la Haute-Saône , ainsi qu’aux difficultés que pré¬ sentent les dislocations jurassiques ; car le véritable portiandien ne se rencontre que par lambeau dans le fond de quelques vallées et sur de petits monticules , où il n’a pas été entièrement eidevé par les grandes dénudations qui ont eu lieu dans le Jura ; et d’un autre côté, il ne faut pas oublier que c’est à M. Thirria que l’on doit les premières bonnes descriptions du terrain jurassique sur le continent , et que l’on connaissait alors un très petit nombre de fossiles du sol français. Mais , avec les connaissances paléontolo- giqueset géognostiques actuelles , on ne peut pas visiter les diffé¬ rents points décrits par M. Thirria sans y reconnaître immédiate¬ ment les deux groupes kimméridien et portiandien. Ainsi, dans les environs de Gray, cités par M. Royer, on trouve ces deux groupes très bien développés et très distincts ^ comme je le montrerai plus loin. Dans ses Essais sur les soulèvements jurassiques du Poi rentruy f M. Thurmann donne une coupe descriptive du terrain jurassique à partir de Porrentruy jusqu’au cirque liaso-keupérien de Cornol dans le Mont-Terrible. Cette coupe , dont l’exactitude dans les détails ne peut être comparée qu’aux ingénieuses théories du sa¬ vant géologue du Jura bernois , ne renferme pas le véritable groupe portiandien, qui ne se trouve pas au Banné, point de départ 123 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. de la coupe. M. Thurmann désigne, à la vérité, le calcaire qui forme la montagne du Banne sous le nom de calcaire portlandien ; erreur qui provient de ce que M. Thurmann n’avait pas encore , à cette époque , reconnu le véritable portlandien dans les environs de Porrentmy, et de ce qu’il avait cru, par suite de la ressemblance de plusieurs fossiles des calcaires du Banné avec ceux décrits et cités par MM. Sowerby et Buckland dans File de Portland , pou¬ voir synchroniser ces calcaires avec le portland-stone. De sorte qu’il a désigné sous le nom de calcaire portlandien une série d’assises calcaires qui se trouvent au-dessus des marnes kimméri- diennes et qui ne sont autres que le faciès calcaire du kimmeridge- clay , que j’ai désigné sous le nom de calcaire kimméridien (voir Bulletin de la Société géol. , t. III , 2e série , p. 507 ). Avec les mé¬ moires de M. Thurmann à la main, sans avoir même visité les lieux , il n’est guère possible de pouvoir classer les marnes et cal¬ caires du Banné dans le groupe des Astartes, ou tout-à-fait à la partie inférieure du kimméridien, comme l’a fait M. Royer, qui du reste a visité Porrentmy lors de l’assemblée de la Société géologique de France dans cette ville , et qui alors a pu faire la comparaison avec le kimméridien de Bourgogne et du Boulonnais , dont les fossiles sont presque tous les mêmes. D’ailleurs le groupe séqua- nien ou à Astartes se trouve très bien développé sur la montagne la Perche, située vis-à-vis du Banné au-dessus du village de Fon- tenois, et dans le bois du côté de Courchavon près du pont d’Able. Ainsi , il n’y a aucune équivoque sur le synchronisme des marnes et calcaires du Banné avec le groupe kimméridien. Quant au vé¬ ritable groupe portlandien , M. Thurmann l’a reconnu depuis quelques années sur plusieurs points des environs de Porrentmy , notamment à Aile et au coin du bois près de Courtedoux , où j’ai eu le plaisir de l’étudier dernièrement avec ce savant géologue ; et si je n’en donne plus loin que quelques notes de description, c’est que M. Thurmann prépare en ce moment un travail très détaillé sur les groupes séquanien, kimméridien et portlandien des environs de Porrentmy , travail qui sera très prochainement adressé à la Société géologique. Un autre géologue , non moins savant et aussi bon observateur que MM. Thurmann et Thirria , M. Gressly , dans son excellent mémoire sur le Jura soleurois , n’établit pas d’une manière bien tranchée les subdivisions de la partie supérieure de l’étage oolitique supérieur, qu’il comprend sous la dénomination de terrain portlan- clien. Cependant M. Gressly avait très bien aperçu les différences notables qui existent entre la pétrographie et la paléontologie des m SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18 AG. différentes assises qui composent cette partie supérieure du Jura ; et il est certain que si ce savant géologue eût rencontré une coupe présentant la série bien complète et facile à suivre de l’étage ooli- tique supérieur , il aurait très bien distingué les groupes séqua- nien , kimméridien et portlandien , qu’il a réunis dans un même groupe , tout en établissant dans ce groupe des faciès tout-à-fait différents et qui ne sont autres que ces groupes , mais regardés comme étant des faciès du portlandien. De sorte que M. Grcssly n’a pas appliqué , dans ce cas, avec exactitude sa belle théorie des différents faciès d’un même groupe , et qu’une rectification est nécessaire pour cette partie de son beau mémoire. Les recherches que j’ai pu faire dans les diverses parties des Monts-Jura m’ont conduit à regarder de la manière suivante les différents faciès du terrain portlandien , établis par M. Gressly. Le faciès littoral (a) vaseux a Exogyrcs et à Ptérocères (1) n’est autre que le groupe kimméridien comprenant les marnes et calcaires kimméridiens , dont le type se trouve dans les environs de Por- rentruy, au Banné et à Haute-Cœuve. Quant à son faciès des mar¬ nes a As tartes de Bure près Porrentruy, qu’il regarde comme une transformation du faciès [a), ce n’est autre chose qu’un faciès vaso- marneux tout-à-fait analogue au faciès (a) , mais appartenant au groupe à Astartes ou séquanien. Déplus, partout où l’on rencontre des Exogyra virgula avec association d’Acéphales, faciès qu’il com¬ prend encore dans son faciès ( a ) ( voir page 133 du mémoire cité précédemment ) , on est dans les couches des marnes portlan- diennes véritables ; car Y Exogyra virgula ne se montre jamais dans le kimméridien des Monts-Jura. Le faciès corallien ( b ) n’est autre que le groupe séquanien avec bancs de coraux, dont le type se trouve dans les environs de Salins et à Rœdersdorf dans le Haut-Rhin. M. Gressly avait remarqué, avec beaucoup de justesse, que ce faciès coralligène se trouvait en compagnie des Astartes (voir pages 139 et 1A0) ; de sorte qu’il ne lui a manqué qu’une coupe où la superposition fût certaine , pour cpi’il distinguât les deux groupes séquanien et kimméridien dans les environs de Laufon. Le Jaciès de charriage portlandien (c) paraît devoir se rapporter au même faciès, mais dans le groupe séquanien. Quant à ses jaciès {cl) et (c) à polypiers spongieux , eugéniacrincs , et calcaire à tortues , pèlagicpœ et suhpélagique , ils se rapportent , (I) Voir Observations géologiques sur le Jura s o leur ois , pages 127 et suivantes , par M. Gressly ; inséré dans les Nouveaux Mémoires de la Société helvétique , tome IV. 125 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|6. selon toute apparence , au véritable groupe portlandien. Ainsi , l’on voit que les divers groupes de l’étage oolitique supérieur ne sont pas bornés au bassin parisien, mais se retrouvent encore dans les cantons de Berne et de Soleure , et que M. Gressly , en éta¬ blissant les divers faciès de son terrain portlandien , n’a fait que distinguer les divers groupes qui en réalité constituent cette partie jurassique supérieure , et qu’il ne lui a manqué qu’une coupe pré¬ sentant toute la série sur le même point , pour opérer cette dis¬ tinction par groupe , au lieu d’en faire les divers faciès d’un même groupe, comme il l’a établi. Après avoir passé en revue les ouvrages des trois principaux géologues qui ont écrit sur les Monts-Jura , et avoir cherché à montrer qu’en ayant seulement les mémoires de ces savants à sa disposition , on ne peut guère nier l’existence du kimméridien et du portlandien dans le Jura français et suisse , je vais essayer de prouver à M. Royer, au moyen des observations que j’ai faites sur divers points du Jura, que réellement nous possédons bien tous les groupes jurassiques supérieurs , et que l’opinion hardie ( comme il le dit très bien ) qu’il émet est des plus hasardées. Dans le Jura salinois , voici quel est l’ordre de superposition des couches et les fossiles principaux cpie l’on y rencontre. Avec l’apparition des Crinoïdes , Cidarides et Polypiers , commencent les premières assises calcaréo-marneuses du groupe corallien , cpii , suivant qu’on l’observe dans des régions littorales , subpélagiques ou pélagiques , présente trois faciès bien distincts. Le faciès litto¬ ral est caractérisé par un immense développement de Polypiers et de Radiaires , qui ont formé d’énormes bancs coralligènes , au¬ tour desquels vivaient quelques acéphales à test fortement plissé et orné le plus souvent de pointes aiguës, ce qui leur donnait un habitus propre à résister aux dangers continuels auxquels ils étaient exposés par les vagues qui venaient se briser sur ces bas- fonds et îles coralliennes. Dans les régions subpélagiques, les bancs coralligènes ont beaucoup diminué et ne se présentent plus que çà et là isolés sur quelques bas-fonds où ils ont été englobés au milieu des assises calcaires alors en voie de formation. De sorte que le faciès subpélagique est caractérisé par un immense développe¬ ment d’assises calcaires , qui succède à la formation vaso-mar- neuse de l’étage oxfordien , avec accidents de bancs de coraux et quelques couches lumachelliques formées par des polypiers roulés et usés parles charriages. Quant au faciès pélagique, on le distin¬ gue en ce qu’il est composé d’une énorme série d’assises de cal¬ caires compactes, renfermant de temps à autre quelques fragments 126 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. de Lithodendres ou d’Astrées, qui, détachés des bancs coralligènes littoraux ou subpélagiques, ont été entraînés en pleine nier par les courants océaniques. Les assises supérieures du groupe corallien présentent dans toutes les régions un calcaire très oolitique , qui les a fait distinguer des autres assises du groupe sous le nom (ïoolite corallienne. Quelque¬ fois on y rencontre plusieurs couches qui sont pétries d’une petite Nérinée connue sous le nom de Nerinea bruntrutana , Thurm. ; mais cette manière d’être de l’oolite corallienne est bornée à un assez petit nombre de points du Jura bernois , de la Haute-Saône et des environs de Salins , ce qui m’a obligé de supprimer cette division du calcaire à Nérinées , et de ne la regarder que comme un faciès de l’oolite corallienne. M. Royer, dans la coupe qu’il donne du terrain jurassique de la Haute-Marne , distingue , avec beaucoup de justesse , les deux manières d’être du corallien qu’il regarde comme synchroniques , et établit deux aspects pour ce terrain : son aspect («) qui n’est autre que le faciès pélagique , et son aspect ( b ) le faciès littoral coralligène. Cette remarque judicieuse de M. Royer, remarque qui avait été déjà faite bien antérieurement par M. Gressly , me fournit l’occasion de donner quelques explications sur la dénomi¬ nation de groupe corallien donnée aux assises de roches qui con¬ stituent ce groupe. Je pense que les désignations des différents groupes qui constituent un étage , puis un terrain , doivent être choisies de telle manière qu’elles rappellent la région géogra¬ phique où ce groupe se présente dans son plus beau développe¬ ment , en prenant ce point comme type descriptif du groupe. Si l’on avait toujours suivi cette méthode , au lieu de donner des noms paléontologiques ou technologiques , on n’aurait pas eu à rectifier et à replacer dans leur véritable ordre chronologique un grand nombre de séries de couches , dont le synchronisme avec les assises d’un pays décrit auxquelles on voulait les rapporter était loin d’être exact. Plusieurs géologues très distingués ont re¬ connu depuis longtemps l’abus que l'on pouvait faire de ces sortes de désignations empruntées à l’industrie et aux fossiles , et se sont appliqués à créer des noms qui , tout en rappelant la région géogra¬ phique où le groupe peut être le mieux étudié et présente son plus beau développement, n’entraînent pas avec eux les inconvénients de vouloir rappeler que les roches qui le constituent servent dans tel endroit à un usage industriel , comme le mot qnadersandstein , ou bien que l’on doit y trouver partout le même fossile , comme par exemple les marnes a Astartes , le calcaire à Nérinées , etc. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 127 M. Thurmann est un des premiers qui aient senti toute l’impor¬ tance de ces désignations géographiques , et les géologues français lui doivent plusieurs noms de groupes qui sont actuellement adoptés partout, et qui ne donnent lieu à aucune équivoque ; ainsi portlandien , kimméridien , oxfordieti , séquanien , néocomien , etc. M. Alcide d’Orbigny a introduit aussi très judicieusement plu¬ sieurs noms qui remplacent avec beaucoup d’avantage ceux que portaient primitivement ces groupes ; ainsi sénonien , turonien , aptien , kellovien , etc. Je citerai encore M. d’Omalius d’Halloy , qui, en voulant seulement établir avec régularité les divisions géographiques, a, en réalité, posé les bases d’une véritable classi¬ fication pour les divers groupes des roches sédimentaires qui se trouvent sur notre globe ( voir son excellent mémoire intitulé : Note .sur les divisions géographiques , Bulletin de l’ Académie royale des sciences de Bruxelles , t. XI, n° 9 ). Revenant à la désignation de groupe corallien , je crois que ce nom n’est pas très exact , et qu’en le remplaçant par un nom géographique on éviterait un très grand inconvénient. Car le mot corallien ne rappelle qu’une idée d’une association d’êtres organisés qui constituent ordinairement ces sortes de sta¬ tions, tels que Polypiers , Ecliinodermes etCrinoïdes. Or, cet en¬ semble d’organisme se trouve pour une même série d’assises dis¬ séminé çà et là sur des points où il a pu se développer , sans embrasser jamais toutes les localités , où cependant l’on reconnaît un autre ensemble d’êtres que l’on regarde comme ayant vécu à la même époque , et se trouvant dans des assises qui sont synchro¬ niques. De sorte que ce mot de corallien entraîne avec lui une idée qui n’est pas réellement celle que l’on doit se former du groupe que l’on a l’habitude de désigner sous ce nom. D’ailleurs un autre inconvénient non moins grave , c’est qu’il n’existe pas de terrain , pas même de groupe , qui ne présente cet ensemble d’êtres que l’on regarde comme constituant une région coralligène. Or, puisque cet ensemble d’organisme n’est pas exclusivement propre à un groupe , et de plus que dans ce groupe il n’est pas répandu sur presque tous les points , on ne peut le regarder que comme une manière d’être ou un laciès du groupe dans lequel on le rencontre : ce qui me conduit à regarder le mot coral¬ lien comme devant désigner un faciès dans un groupe et non pas être le nom même du groupe. Ainsi, il me semble plus logi¬ que de désigner le groupe corallien actuel par un nom géogra¬ phique ( que je laisse à la disposition des géologues qui s’occupent plus spécialement de ce terrain ) , en ayant soin d’établir les di- 128 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18&6. vers faciès et de dire : Dans telle région , comme par exemple dans la Haute-Saône , le Porrentruy , ce groupe présente le faciès corallien. Le corallien , ainsi que l’a établi M. Royer, se présente donc dans la Haute-Marne de la meme manière que dans les Monts- Jura , et les assises peuvent parfaitement se synchroniser dans les deux pays, car les fossiles les plus caractéristiques s’y retrouvent au même niveau géognostique , comme on peut le voir par la série suivante : Serpula gordialis , Goldf. — Jlaccida , Phill. — grandis , Goldf. — convoluta , Goldf. Nerinca bnuitrutana , Thurm. — suprajurensis (l ), Yoltz Ostrea eduliformis , Ziet. — var. cxplanata , Goldf. — vos tell avis , Goldf. Prcten vimineus , Goldf. — ingens , Thurm. Terebratula la gêna lis , Schlot. Pinna crassi testa , Thurm. A rca r in gens , Thurm. Corimya çorbuloidcs , Agass. Diadema subangulare , Agass. — priscum , Agass. Peclina sublœvis , Agass. flcmicidaris crenularis , Agass. Cidaris Blumenbachii , Agass. — • coron a ta , Goldf. — crucifera , Agass. — propinqua , Agass. — pustilifera , Agass. — subspinosa . Nob. Dans les dernières assises de l’oolite corallienne commencent à apparaître quelques couches marneuses interposées , renfermant quelques fossiles , qui indiquent le commencement des marnes (l) M. Royer place la Nerinca suprajurensis dans les deux divisions du corallien et des calcaires à Astartes; et il en agit de même pour plusieurs autres fossiles qui se trouvent quelquefois dans trois de ses divisions, tels que Gryphœa virgula , Ostrea sol i tari a, Isocardia ex- ccntrica et injlata , Pholadomya Protci , etc. Cette position d’un même fossile dans trois groupes différents d’un terrain d’une contrée très restreinte , est assez insolite et vient se placer en travers des beaux Echinas perlatus , Desmar. G ly p tiens hieroglyphicus , Agass. A p io crin us ro tan d us , Miller. Ceriocrinus Milleri , Kœnig. Millericrinus rosaccus , d’Orb. • — Beaumontii , d Orb. — Noclotianus , d Orb. — échina tu s , d Orb. Pcntacrinus scalaris , Goldf. — cylindricus , Desor. Astrea dccernradiata subtubulosa , Thurm. — sexradiata nostratam , Thurm. Agaricia fallax , Thurm. — confusa , Thurm. — concinna , Thurm. — G resslj i , Thurm. dnthophyllum variabile , Thurm. Scyphia ami cor uni , Thurm. — Broun ii , Münst. Cncmidium bulbosum , Münst. Lithodendron allobrogum , Thurm. Etc. 129 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1840. séquanie unes. Ces marnes grises-blancliàtres alternent avec de minces couches de calcaires compactes , à pâte très fine , qui finissent par prédominer et par former une très grande série d’assises calcaires que j’ai désignée sous le nom de calcaires séqua- niens. Ce groupe correspond parfaitement avec la division (c) ou calcaire à Astartes de M. Royer. Les fossiles les plus caractéris¬ tiques que l’on y rencontre dans le Jura salinois sont : Ammonites (2 espèces). Melcmici striata , Sow. — heddingtonensis , Sow. — abbreviata , Roem. Mclania turbiniformis , Roem. — macrostoma , Roem. Nerita cancellata , Ziet. Rostellaria JV agneri* (1 ) , Thurm. résultats auxquels sont parvenus MM. Agassiz et Alcide d’Orbigny. J'ai fait voir, dans le résumé de mon Mémoire intitulé : Recherches géologiques sur le Jura salinois (voir Bulletin de la Société géolo¬ gique , 2e série, t. III, p. 500), que si l’on trouvait dans les deux groupes séquaniens et kimméridiens des environs de Besançon et de Salins des fossiles identiques, c’est qu’il s’était effectué une migration de fossiles , et que des charriages les avaient ramenés dans leur pre¬ mière patrie ; de sorte que dans le Jura bisontin et salinois les lois des paléontologues se vérifient complètement. Tandis que dans la Haute- Marne , des fossiles identiques se trouvent dans trois groupes , qui , quelquefois, ne se suivent pas, tels que, par exemple, le Pterocerus oceani que M. Royer place dans le portlandien , le calcaire à Astartes et le calcaire corallien compacte ; dans ce cas il est impossible d’imaginer même une explication satisfaisante, et tout me porte à croire que les espèces identiques de M. Royer sont toutes différentes , et auraient besoin d’être déterminées un peu plus rigoureusement. De sorte que les faits de fossiles différemment distribués dans la Haute-Marne que dans le Jura, décrits par MM. Thirria et Thurmann , sur lesquels s’appuie M. Royer pour nier l’existence du portlandien et du kimméridien dans le Jura, sont basés sur des déterminations de fossiles qui ont besoin d’être étudiés de nouveau avec plus d’attention ; et je pense que si M. Royer avait eu sous les yeux les séries de fossiles des deux pays , classés chacun dans leur groupe respectif, l’étude comparative de ces séries lui aurait démontré le synchronisme qui existe véritablement entre les assises jurassiques de la Champagne et de la Franche-Comté. Avant de terminer cette petite note , je rectifierai la confusion qui existe au sujet de la Nerineci supra j are nsis. Par suite d’un malen¬ tendu , M. Goldfuss a donné ce nom à une espèce qui n’est pas de celles qui se trouvent dans le portlandien; car l’exemplaire qui a été figuré et décrit appartient et se trouve dans les collections de M. Thur¬ mann, qui l’a recueilli dans le groupe corallien des environs de Por- rentruy. (1 ) Les espèces marquées d'un astérisque, ainsi que plusieurs autres que je n’ai pas citées, sont celles qui ont émigré dans le Porrentruv à Soc. géol. , 2e série, tome IV. 9 130 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. Ostrea sandalina , Goldf. — sequana , Thurm. — bruntrutana *, Thurm. Terebratula (i ou 5 espèces). Mytilus pectinatus , Sow. — jurensis *, Mérian, • — - subœquiplicatus *, Goldf. Tricliites Sans suri *, Thurm. Ceromya injlata *, Agass. Trigonia suprajurensis *, Agass. — gcographica , Agass. — j)icta, Agass. As tarte mini ma , Phill. Lucina Elsgaucliœ *, Thurm. Ci davis bacculifera , Agass. — nobilis , Agass. Diadema pseudo diadema , Agass. Apiocrinus Meriani , Desor. Pentacrinus (inédit). Astrca sexradiata baugesica , Thurm. Lithodendron Rauracum , Thurm. — magnum , Thurm. Etc. Au-dessus des calcaires séquaniens se trouvent les assises des marnes kimméridiennes. Ces assises, d’une puissance assez notable dans les régions littorales, vont progressivement en diminuant à mesure que l’on s’avance dans les régions subpélagiques et finissent par disparaître complètement dans les régions pélagiques , où elles sont alors remplacées par les calcaires kimméridens , qui se con¬ fondent avec les assises calcaires séquaniennes et portlandiennes pour ne former qu’une immense série de couches calcaires sans interposition marneuse ( comme à la Dole et au Reculet ). Les marnes kimméridiennes du Jura correspondent bien aux marnes kimméridiennes de la Haute-Marne : c’est la division ( b ) de M. Royer ; et les calcaires que j’ai désignés sous le nom de kim- méridiens correspondent à la division (c) du portlandien ; ces deux divisions réunies forment mon groupe kimméridien. La liste des fossiles kimméridiens de M. Royer est à peu près la même que celle du kimméridien des Monts-Jura; seulement les Ammo¬ nites , qui se trouvent en assez grande abondance dans la Haute- Marne , sont excessivement rares dans le Jura suisse , ainsi que dans les départements du Doubs et du Jura , où l’on n’en rencontre que les fragments d’une seule espèce ; mais lorsque l’on s’avance du coté du bassin bourguignon , comme aux environs de Gray , de Champlitte , les Ammonites se montrent alors en plus grande abondance et finissent par être aussi communes que dans les ré¬ gions du bassin parissien. Voici la liste des fossiles caractéristiques de notre kimméridien ; Nautilus giganteus , d’Orb. Ammonites (3 ou 4 espèces). IJ erocerus oceani , Brong. Natica hœmispherica , Roem. Melania cristallina , Thurm. Trochus Bourguctti , Thurm. l’époque kimméridienne ; caron ne les trouve pas, dans ce pays, dans 1© groupe séquanien. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. Ostrea soli tarin , Sow. Ceromya excentrica , Agass. Pholadomya protei , Brong. — truncata , Agass. — myacina , Agass. Homomya hortulana , Agass. — compressa , Agass. Arcomya helvetica, Agass. Mac tro raya rugosa , Agass. Les marnes portlandiennes ( que je désignais auparavant sous le nom de marnes a Exogyres virgules ) viennent se superposer sur les dernières assises du calcaire kimméridien; elles correspondent à la partie inférieure de la division (b) du terrain portlandien de M. Royer ; et le calcaire portlandien qui succède à ces marnes correspond à la partie supérieure de la division (b) et à la divi¬ sion ( a ) du portlandien de la Haute-Marne. On retrouve dans le Jura , à la partie supérieure , les mêmes couches perforées et cariées que cite M. Royer ; j’ai même remarqué que ces cou¬ ches perforées étaient beaucoup plus puissantes lorsqu’on s’a¬ vance du côté de la Haute-Marne , comme par exemple aux en¬ virons de Gray. Les fossiles des marnes portlandiennes diffèrent complètement de ceux des marnes kimméridiennes , quoique cependant ils affectent des formes très analogues, surtout dans les environs de Porrentruy. Les plus caractéristiques sont les suivants : P leuromya donacina , Agass. Corimya Studeri , Agass. Avicula Gessneri , Thurm. Perna plana , Thurm. Spondylus inœquistriatus , Yoltz. Clypeus acutus , Agass. Hemicidaris Thurm anni , Agass. Ci dans pyrijera , Agass. Etc. Sphœrodus gigas , Agass. Pycnodus Hugii , Agass. Psammoclus , Agass. Nautilus (inédit). Pterocerus (inédit). Phasianella portlandien , Thurm. Nerinea tri no do s a , Yoltz. — Sa line nsi s , Thurm. — grandis , Yoltz. — macrogonia , Thurm. Exogyra virgula , Defr. Trigonia concentrica , Agass. Pholadomya multicostata , Agass. Pholadomya trigonata , Agass. — angulosa , Agass. Cercomya spatula , Agass. Arcomya gracilis, Agass. Corimya tenera } Agass. Terebratula bip lie ata suprajuren sis, Thurm. Gère ilia (inédit). P y garas jurensis , Nob. Acrosalenïa asperci , Agass. Discoidea speciosa , Agass. Etc. En résumé , l’on voit que tous les groupes et sous-groupes de l’étage supérieur jurassique de la Haute -Marne se trouvent aussi dans le Jura saiinois ; et que par conséquent nous possédons aussi les groupes kimméridien et portlandien tels qu’ils se présentent 132 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|0. dans le bassin parisien. Je ne crois pas hors de propos de mettre en regard ce synchronisme des couches : LE JURA SAHNOIS. LA HAUTE-MARNE. . ( Calcaires porllaudiens. . ) Divisions (a) et (b) du lenain Groupe porllaudicu. . 1 jyiarnes portlundiennes. . ) portlandien de M. Royer. a. . . ( Calcaires kimméridiens. ) Division (c) du lorrain poi llaudien Groupe kimmeridien. j Marnes kim méridiennes, j et (B) des marnes kimme'rid. roupe séquanien. . . \ ^a,caires sequamens. . . ) oivision (C)ou calcaire à Aslartes. 1 ^ ( Marnes sequamennes. . ) n ... ( Oolile corallienne. . . . ) Divisions (D) et (E), ou calcaire et Groupe corallien.. . . j Ca,caires coraUiens. . . y oolile corallienne. 11 me reste maintenant à examiner si les groupes kimmeridien et portlandien se trouvent bien aussi dans les autres parties du Jura. Je me bornerai à quelques mots de description pour deux ou trois points principaux de cette chaîne, pensant que cela suf¬ fira pour établir définitivement l’existence de ces groupes. Les environs de Porrentruy, devenus classiques pour le Jura suisse , depuis les excellentes descriptions qu’en ont données MM. Tliurmann et Gressly , présentent d’une manière très dé¬ veloppée les différents groupes de l’étage oolitique supérieur. Le groupe corallien s’observe avec son faciès littoral coralligène , soit en s’avançant du côté de Courtemaiche , soit en gravissant les lianes du Mont-Terrible derrière Yillars ; les fossiles s’y montrent en assez grande abondance , surtout les Polypiers et Cidarides ; et dans la partie supérieure on y rencontre dans l’oolite corallienne le faciès à Nérinées, pétri de Ncrinea bruntrutana et de Nerinca su - prajurensis. Au-dessus se trouve le groupe séquanien, renfermant un grand nombre d’ As tarte mi ni ni a, d’ Apiocrinus Mcriani , etc., et présentant le même faciès pétrograpliique que dans les départe¬ ment français du Doubs, de la Haute-Saône et du Jura. On peut surtout observer ce groupe près du sommet de la Perche , mon¬ tagne qui se trouve vis-à-vis le Banné , à gauche de la route en allant de Porrentruy à Fontenois. Puis viennent les marnes kiin- méridiennes , si bien développées au Banné et à Haute-Cœuve , où elles présentent le faciès littoral à Acéphales et Gastéropodes. Ces mollusques formaient dans ces régions d’innnenses bancs ( ana¬ logues à ceux que l’on observe aujourd’hui près des rivages de nos mers ) , où ils vivaient associés par familles de cinquante à cent individus de tout âge ; et on les retrouve encore actuellement dans la position normale qu’ils occupaient lors de leur existence. Les calcaires kinnnéridiens forment en entier la montagne du Banné , et se retrouvent Sur beaucoup d’autres coteaux des envi- 133 SÉANCE 1)U 2 NOVEMBRE 18 46. vons de Porrentruy. Enfin , l’on rencontre au-dessus de ces cal¬ caires les marnes et calcaires portlandiens , qui présentent une association de fossiles analogue à celle du groupe kimméridien , mais dont les espèces sont différentes. On peut surtout observer ce groupe au coin du bois , près de Courtedoux , et à Aile , localités que j’ai observées tout dernièrement en compagnie de notre savant confrère M. Thurmaun. On y rencontre surtout en abondance Y Exogyra virgula , le Trigonia concentrica , des Ceromya , Corimya , Pterocerus , Acrosalenici , etc. Les différents groupes qui constituent l’étage oolitique supé¬ rieur se présentent avec un aussi beau développement dans les environs de Besançon que dans les enviions de Salins et de Por¬ rentruy ; seulement les faciès pétrographiques et paléontologiques ne sont pas les mêmes que dans ces deux localités. Le corallien se montre à la Vèze et près du Trou-au-Loup , derrière le village de Maure, avec son faciès à Crinoïdes et à accidents cbailleux. On le rencontre encore sur plusieurs autres points , mais avec un faciès différent: ainsi, sur la route de Beurre, dans une carrière d’exploi¬ tation pour la cliaux hydraulique , il se présente sous la forme de calcaire marneux , avec quelques Polypiers siliceux et un assez grand nombre de Térébratules , Trochus et Turbo. L’oolite coral¬ lienne se montre très développée , soit en allant du Pont-de- Secours aux Trois-Chatets , soit en montant de Beurre aux car¬ rières de gypse keupérien que l’on exploite derrière ce village ; mais rarement on y rencontre le faciès à Nérinées ; cependant j’ai recueilli dans cette division plusieurs JAcrincci suprajurensi s dans la coupe de la route de Maure et près de Lapérouse ; il est vrai de dire que ce fossile y est assez rare. Le groupe séquanien, très dé¬ veloppé sur plusieurs points, peut s’observer dans la coupe de la route de Maure ainsi qu’à Lapérouse, au point de rencontre de la route de Maiche avec celle de Morteau. Dans cette dernière localité surtout les fossiles sont en très grand nombre et présentent des espè¬ ces identiques avec ceux que l’on rencontre dans les marnes kim- méridiennes des Trois-Chatets , derrière la citadelle ; mais il est facile de constater que les fossiles séquaniens sont sur la place même où ils ont vécu , tandis que ceux du kimméridien sont roulés et pêle-mêle , et appartiennent évidemment à un faciès de charriage , qui a ramené ces espèces identiques des rivages juras¬ siques actuellement occupés par le Jura bernois , où elles avaient émigré sur la fin de la péride séquanienne. Les marnes kinnnéri- diennes se présentent donc aux Trois-Chatets, où elles offrent un faciès de charriage ; au-dessus se trouvent les calcaires kimméri- 135 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1856. diens ; puis viennent les marnes portlandiennes , renfermant un très grand nombre d ' Exogyra virgula et quelques Myes; ce dernier genre de fossiles est beaucoup moins nombreux que dans le Por- rentruy, ce qui indique pour Besançon un faciès subpélagique. Quant aux calcaires portlandiens , ils se montrent très développés dans la coupe de la route de Maure , où ils présentent plusieurs couches perforées et cariées , ainsi que quelques assises dolo- mitiques. Je donnerai encore quelques mots de description pour les envi¬ rons de Gray, parce que ce point se trouve près de la Haute- Marne , et que M. Royer le cite à l’appui de ses conclusions. Les carrières qui se trouvent aux alentours du village de Cliargey-les- Gray sont toutes sur le groupe kimméridien , dont les assises , très développées dans cette localité , s’avancent jusque du côté d’Oy- rières , où elles sont remplacées par celles du groupe séquanien. Plusieurs carrières de Chargey présentent un très beau développe¬ ment des marnes kimméridiennes ; ainsi, au nord du village, immé¬ diatement en sortant , à gauche de la route , on les rencontre ren¬ fermant les fossiles suivants: Ammonites (trois espèces), Nautilus gi gante us y Pterocerus octant , Plwlaclomya protei , Ceromya excen- trica et infldta , Nerineu (plusieurs espèces), Terebratula , etc. Si l’on s’avance du côté de Gray, à moitié chemin entre Chargey et Arc, on retrouve les marnes kimméridiennes avec un plus grand nombre de fossiles que dans la précédente localité , et elles présen¬ tent alors tout-à-fait le même faciès que derrière la citadelle de Besançon. En s’élevant ensuite sur le coteau qui domine les Mai¬ sonnettes et Arc , surtout du côté qui regarde la ville de Gray, on parcourt successivement les différentes couches du calcaire kim¬ méridien , des marnes portlandiennes , et enfin des calcaires port¬ landiens qui couronnent le monticule. Les marnes portlandiennes ne m’ont offert que Y Exogyra virgula en assez grande abondance, une Térébratule et la Trigonia eoncentrica : quant aux calcaires, ils présentent une immense série d’assises, dont quelques unes ren¬ ferment plusieurs espèces de Nérinées , et dont la plupart sont per¬ forées et cariées. Ces couches perforées sont plus nombreuses dans les environs de Gray que sur aucun autre point des Monts- Jura ; et la ville de Gray elle-même est bâtie sur ces assises. Les marnes portlandiennes se montrent encore dans plusieurs carrières qui se trouvent dans l’intérieur même de Gray, ainsi que du côté du village de Gray-la-ville. D’après les considérations précédentes, l’on voit que les groupes kimméridien et portlandien existent dans quatre localités prinei- SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/46. 135 pales des Monts- Jura , situées dans les départements de la Haute- Saône , du Doubs et du Jura , ainsi que dans le canton de Berne. D’où l’on peut conclure que ces groupes existent dans le polygone formé par ces quatre points, comme je le prouverais facilement en donnant les coupes des terrains qui se trouvent dans les régions in¬ termédiaires ; mais je crois inutile de m’arrêter davantage sur cette dissertation , pensant que les observations que je viens de donner suffiront pour qu’à l’avenir on ne vienne plus contester l’existence des groupes kimméridien et portlanclien dans les Monts-Jura, et pour convaincre M. Royer cle leur présence dans les environs de Gray et de Porrentruy. Recherches géologiques sur le Juta sa/inois ( résumé de la seconde partie ), par J. Marcou. Dans la première partie de ce travail , que j’ai eu l’honneur de présenter à la Société dans le semestre d’été de 1846 , je me suis appliqué à décrire les terrains keupérien et jurassique , dont les assises constituent les principaux massifs des Monts-Jura. Dans cette seconde partie, je donne la description du terrain néocomien, dont le dépôt s’est formé après une première dislocation des cou¬ ches jurassiques. A la fin de la période portlandienne , des écaillements eurent lieu dans les dépôts qui venaient de s’effectuer ; ce qui apporta les plus grands changements dans la distribution géographique de la mer, et dans les êtres organisés qui l’habitaient. Les rivages qui , pendant toute l’époque jurassique, se trouvaient le long des Yosges et de la Forêt-Noire , furent transportés le long cle la lisière orien¬ tale de la Suisse , sur la ligne actuellement occupée par Soleure , Bienne, Neuchâtel, Orbe , Gex et Bellegarde. Mais plusieurs bras de mer s’étendirent dans les vallées longitudinales formées par les chaînes de montagnes , et formèrent des golfes et fiords sur plu¬ sieurs points du Jura oriental , et surtout dans les régions méri¬ dionales. L’un de ces fiords néocomiens se trouve compris dans les limites que j’ai adoptées pour le Jura salinois, et c’est à sa descrip¬ tion que j’ai consacré cette seconde partie de mon travail. La vallée de Nozeroy, connue aussi sous le nom de val de Miéges, cominunique au N. avec les vallées de Pontarlier, Morteau , les Yerrières , qui l’unissaient avec le grand bassin néocomien de l’JIelvétie. Les divers groupes constituant le terrain néocomien se trouvant sur plusieurs points de ces vallées, je serai souvent forcé de sortir des limites du Jura salinois pour aller chercher 136 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Ù0. sur les autres points des explications de plusieurs phénomènes isolés , qui se rattachent à des faits plus généraux. Les premières assises néocomiennes sont formées de marnes bleues , sableuses , non fossilifères, renfermant sur plusieurs points des dépôts gypseux. On 11e les a encore observées que dans les vallées de Nozeroy , de Mouthe et de Morteau. Immédiatement au-dessus se trouve une couche de calcaire compacte , renfer¬ mant une très grande quantité d’oolites ferrugineuses , dont la grosseur varie suivant les régions que l’on considère , et dont l’ori¬ gine est due aux dislocations jurassiques. Lorsque les couches se brisèrent pour former les chaînes du Jura, il y eut dans plusieurs vallées des régions bernoises et soleuroises des déjections de ma¬ tières ferrugineuses qui vinrent former le dépôt du Bohnerz. Ces dépôts , d’origine semi -plutonique , envahirent toutes les vallées et finirent par déborder au-delà des régions où ils avaient leur foyer d’action. De sorte que les parages actuellement occupés par les cantons de Neuchâtel et de Yaud, les départements du Doubs et du Jura, dans lesquels il se déposait des couches cal¬ caires , et sur plusieurs points des dépôts gypseux , reçurent de ces matières ferrugineuses qui vinrent augmenter et modifier les cou¬ ches en voie de formation. Mais cet envahissement du Bohnerz dans les autres localités suivit la loi imposée à son origine. A mesure que l’on s’éloigne des régions bohnerziques , on com¬ mence , comme entre Bienne et Neuchâtel, à rencontrer, dans les premières assises du calcaire néocomien , de nombreuses oolites ferrugineuses , dont la grosseur et le nombre va en diminuant à mesure que l’on s’avance dans les parties méridionales , et qui, d’abord occupant une grande place dans la hauteur des strates , finissent par devenir presque rudimentaires , comme par exemple au Salève, près de Genève. Dans la vallée de Nozeroy, les oolites sont miliaires et forment une espèce de limonite qui atteint 2 et 3 mètres de hauteur. Les premiers êtres organisés de la période néocomienne se montrent dans ce groupe ; mais on ne les rencontre que sur quel¬ ques points, pour ainsi dire privilégiés , où ils ont pu se déve¬ lopper. Car dans les régions bohnerziques les sources chaudes minérales formant ce dépôt s’opposaient aux phénomènes biolo¬ giques ; et ce 11’est que dans les localités où ces agents destruc¬ teurs de l’organisme n’avaient plus qu’une très faible influence , que les êtres ont pu exister et constituer une faune. Cette faune de la limonite est des plus curieuses à cause du petit nombre de points sur lesquels on a pu la constater jusqu’à présent. Ce 11’est SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/j(3. 1 37 que dans les deux vallées de Nozeroy et de Mouthe , et encore dans très peu de localités, qu’on a pu l’observer. Les différentes espèces qui la constituent sont presque toutes inédites et ont des formes tout— à— fait spéciales. Les deux seules qui aient été décrites jusqu’à présent sont Y Ammonites Gcvrilia/ius, d’Orb., et le Pyguras ro stratus , Agass. ; je les ai rencontrées aux mines de fer de Jlou- cherans , avec deux autres espèces d’Ainmonites , des Nérinées , Plioladomyes , Avicules , etc. Au-dessus de cette couche de fer limon ite se trouve un cal¬ caire très jaune , compacte , par assises régulièrement stratifiées , renfermant un très petit nombre de fossiles , le plus souvent indé¬ terminables et appartenant au groupe suivant des marnes bleues fossilifères ou marnes cl’ Jlauterive (1). Ces marnes d’Hauterive sont bleues, quelquefois grisâtres, pâteuses, subscliistoides ; et elles renferment une très grande quantité de fossiles. Suivant qu’on les étudie dans les régions pélagiques , subpélagiques , littorales ou fiordiques , elles présentent des faunes très distinctes et caracté¬ ristiques de chacune de ces régions. Ainsi , au Salève , les fossiles dominants sont , d’après M. Favre , les Céphalopodes et quelques Myaeées, et les marnes sont devenues un peu calcaires , ce qui constitue le faciès subpélagique ; à Neuchâtel, Orbe et la Sarraz , les Céphalopodes sont encore en assez grand nombre , mais les Myaeées dominent ainsi que les Spatangoïdes , et l’on y trouve aussi quelques Cidarides et Polypiers ; ensemble d’êtres qui constitue le faciès des grands littoraux. Mais si on les étudie dans les petits golfes et fiords qui existent dans les Monts- Jura, on y trouve des faciès beaucoup plus tranchés que le faciès littoral de Neuchâtel ; et c’est véritablement là que la faune néocomienne se montre dans tout son développement. J’ai dressé , pour le fiord actuellement occupé par la vallée de Nozeroy , une carte des dif¬ férents faciès que présente la faune de ces marnes d’Hauterive. Ces faciès sont au nombre de quatre : Le faciès corallien , que je n’ai encore pu observer que dans une seule localité , à l’Entrepôt, près de Censeau , présente une faune composée presque exclusivement de Polypiers et d’Echinodermes , avec quelques Acéphales à test fortement plissé et orné de } ointes ; les Oursins sont presque tous cassés et brisés, excepté ceux dont l’extrême petitesse les a protégés contre les chocs. Les Polypiers qui forment le banc appartiennent aux genres Scyphia , Scyphonia , Spongia et Ccriopora ; ce sont tous (l) Hauterive , village situé à 3 kilomètres N.-E. de Neuchâtel, où ces marnes sont très développées. 138 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18^6. des espèces nouvelles. Quant aux Radiaires, on y trouve en abon¬ dance les espèces suivantes : Dysaster ovalus , Des. , Toxaster com- planatus y A gass. , Nucleolites Olfcrsii , Agass., Galerites pygœa y Agass. , Diadema Bourgucti , Agass. , Diadcma Picteti , Desor. , Diadema Macrostoma , Agass. , Cidaris puncta ta , Roem. , C. du - nifera , Agass. , C. hirsuta , Nob. , C. neocomiensis , Nob. , Sa¬ le ni a areolata , Agass. , Goniaster porosus et Couloni , Agass. , Penlacrinus neocomiensis , Desor. Les mollusques les plus caracté¬ ristiques que l’on y trouve sont : Pleurotomaria neocomiensis et Pailleteana , d’Orb. , Cardium Cottaldinum , d’Orb. , Area Carte - roni . d’Orb. , Mytilus Couloni , Nob. , Lima unclata et Cartero- niana , d’Orb. , Pecten Goldfusii , Desh. , Janira neocomiensis et Atava y d’Orb. , Ostrca carinata , Lam. , Terebrcitula biplicata v. a uc ta , de Buch , et Tereb. depressa , Sow. * Le faciès à grandes Ostracées et Corbis est celui que l’on ren¬ contre le plus habituellement et qui se montre principalement à Nozeroy , Mièges et Censeau. 11 est constitué par un ensemble de grands Acéphales appartenant surtout à la famille des Ostracées , par quelques fragments de Céphalopodes , ainsi que par des Spa- tango'ides. Les fossiles les plus caractéristiques de ce faciès sont : Ammonites Leopoldinus , cryptoceras et clypeiformis , d’Orb. , Pleurotomaria neocomiensis , d’Orb. , Pterocera pelagi , d’Orb. , Nat ica bulimoides , d’Orb., Pleurotomaria gi gante a , Nob., Lucina Cornueliana , d’Orb. , As tarte transversa , Leym. , Ast. Beaumontii , Leym., Panopœa neocomiensis , d’Orb., Corbis cordiformis , d’Orb., Tri gonia cauclata , carinata et sulcata , Agass., Janira neocomiensis , d’Orb., Nucula impressa , Sow., Pecten Deshayei , Leym., Avicula Car ter o ni y d’Orb. , Perna Mulletii , Desh. , Area Gabrielis , d’Orb. Trigonia radis , .Park., P ho la do my a elongata , Agass. , Terebratula biplicata acuta , de Bucli , 7Vr. impressa , Sow., Toxaster compla- natus , Agass. , et Galerites pygœa , Agass. , etc. Le faciès à Myacées et Spatangoïdes s’observe surtout dans les localités retirées et tranquilles, où les dépôts se sont effectués dans le plus grand calme. Ainsi , je l’ai rencontré derrière le banc coralligène de Censeau et entre les bancs à grandes Ostracées et Corbis. Les fossiles les plus nombreux que l’on y trouve appar¬ tiennent à la famille des Myacées , tels que Panopœa , Myopsis et Pholadomya ; on les rencontre par familles de 50 à 60 individus de tout âge , à la place même où ils vécurent , la partie anale béante et placée en haut. Plusieurs autres genres et espèces d’ Acé¬ phales, à test mince et lisse, s’y trouvent aussi en abondance, ainsi qu’une très grande quantité de Spatangoïdes et de Diadèmes. Le SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18Z|6, 139 S erp al a quinquecostata , Roein. , est aussi très caractéristique de ces sortes de stations. Les principaux fossiles sont : Solarium neoco - mien se , d’Orb. , Rostellaria Dupiniana , d’Orb. , Cardium Voltzii. Leyin. , et Cottaldinum , d’Orb. , Ceromya neocomiensis , Agass., Area Raulini et Carteroni , d’Orb. , Trigonia eau data , Agass. , Panopœa neocomiensis , d’Orb. , Myopsis Carteroni , uni o ides, late - et etfrfar , Agass. , Pholadomya elongata , Müiist. , Anatina Agassizii , d’Orb., Venus Robinaldina , d’Orb., Terebratula im- pressa , Sow. , et ebrodunensis , Agass. , Nucleolites Olfcrsii , ,vm£- quadratus et tacimosus , Agass. , Discoidea macropyga , Agass. , Toxaster complanatus , Agass. , Holaster l’ Hardy, Dub. , Diadema rotulare , Agass. , Salenia folium querci , Desor, etc. Enfin le dernier faciès est un faciès de charriage que l’on ren¬ contre tout-à-fait à l’extrémité du fiord néocomien , du côté des villages de Syrod et de Syam. 11 est composé de fossiles roulés et usés qui appartiennent surtout à des espèces ellipsoïdales, tels que Dysaster ovalus , Toxaster complanatus , Galeritcs pygœa , 7V,'- rebraiula , etc. Au-dessus des marnes d’flauterive se trouve une série d’assises calcaires , alternant quelquefois avec de minces couches mar¬ neuses , surtout à la partie inférieure. Ces calcaires très com¬ pactes présentent souvent des lumachelles et des brèches , dans lesquels il est impossible de reconnaître les espèces et même les genres de fossiles qui ont contribué à les former. Le plus sou¬ vent ils sont colorés en vert par des grains de fer hydrosilicaté ; ils correspondent au terrain aptien de M. d’Orbigny. Le fossile le plus caractéristique est Y Exogyra si nua ta , Sow. En superposition de ces calcaires verts se trouve une très grande série de couches de calcaire blanc, quelquefois jaunâtre , correspondant à la pre¬ mière zone de Rudistes. Les fossiles y sont rares et très mal con¬ servés, à l’exception de quelques Térébratules et Polypiers; quant aux Radiol i tes neocomiensis , d’Orb. , je n’en ai rencontré aucun dans cette vallée ; on ne commence à en trouver dans les Monts-Jura qu’àTlioiry et Allemogne (Ain). Ici se termine l’étage néocomien sur lequel vient se placer le Gault ; mais comme ce dernier terrain ne se trouve que par petits lambeaux sur un nom¬ bre de points extrêmement restreint , et que je n’ai pu l’observer dans la vallée de Nozeroy que sur un espace de 3 mètres carrés, près de Charbonny, je renvoie sa description à un autre mémoire plus général sur les Monts- Jura. M. Desor dit qu’il a retrouvé le terrain néocomien parfaite- I!l0 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 18/|(5. ment caractérisé dans les environs de Hildesheim , dans le Hanovre, où il a été décrit, par M. Roemer, sous le nom à' argile de Hills. M. d’Orbigny avait déjà reconnu l’identité de cette argile avec le véritable néocomien 5 mais M. Roemer, dans son travail sur les terrains crétacés du nord de l’Allema¬ gne , n’avait admis ce parallélisme que pour les assises supé¬ rieures de cette formation , et il ne pensait pas que les couches inférieures y fussent également représentées , parce qu on n’y avait pas trouvé le Toxaster ( Spatangus ) cornp/anatus. M. Desor a vu récemment ce fossile en plusieurs exemplaires dans la collection de M. Roemer cadet \ en sorte qu’il ne peut plus exister aucun doute sur la correspondance parfaite de ces deux terrains du vrai néocomien et de l’argile de Hills. Note sur une espèce de grande provenant de la Normandie et de la Bretagne , par M. J. Durocher. M. Virlet a appelé l’attention des géologues sur une espèce de granité que l’on extrait de la Normandie , et que l’on emploie à Paris à la construction des trottoirs. En y annonçant la présence de galets de quartz (1) , il a été conduit à considérer cette roche comme ayant été dans l’origine un dépôt sédimentaire qui aurait pris ultérieurement l’aspect du granité. Un fait de cette nature et les conséquences qui en découlaient ne pouvaient être vérifiés que sur les carrières mêmes d’où on extrait la pierre. J’ai visité der¬ nièrement les principales exploitations situées aux environs de Vire , en Normandie , et j ’ai reconnu que c’est la même espèce île granité que j’avais observée depuis longtemps en Bretagne : elle se montre avec des caractères à peu près identiques sur de vastes surfaces dans les départements du Calvados, de la Manche , de l’Ille-et-Vilaine et des Côtes-du-Nord ; c’est elle qui constitue les îles Cliausey , situées près de Granville. O11 l’exploite dans un grand nombre de localités, principalement aux environs de Vire, d’Avranches, de Fougères , de Saint- Brieuc , Cliausey, etc. ; on en tire de superbes blocs dont une partie est employée dans les villes environnantes et dont l’autre est expédiée à Paris pour y être employée à la construction des trottoirs , aux revêtements des quais , etc. Ce granité plaît moins à l’œil que les granités porpliy- (I) Bulletin (le la Société géologique , séance du 1CI décembre 1 845, SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 14 1 roi des à grands cristaux de feldspath , mais il leur est infiniment supérieur par sa solidité , par la facilité avec laquelle on le tra¬ vaille et le peu d’altération qu’il éprouve à l’air. Ce granité est homogène , à grains moyens, contenant une assez forte propor¬ tion de quartz ; le feldspath y est de grosseur moyenne ; on en distingue deux espèces , de l’ortliose en lames un peu larges , et des cristaux hémitropes plus petits et un peu plus allongés , pré¬ sentant des stries formées par des liémitropies concaves : ce doit être de l’albite, ou peut-être de l’oligoclase, car il est très difficile de discerner ces deux minéraux l’un de l’autre quand ils sont en petits cristaux mélangés d’ortliose et de quartz. À la surface des roches , ce granité est généralement décomposé et devenu friable ; l’altération s’est produite pendant une longue série de siècles d’une manière assez bizarre , dont la figure 6 (pl. I) peut donner une idée. Au milieu des parties décomposées, qui se dégagent avec la plus grande facilité, on trouve des blocs de 5 à 10 et 20 mètres cubes qui ont conservé toute leur dureté et toute leur solidité , qui ne sont traversés par aucune fente, et beaucoup de carrières sont ouvertes sur des blocs de ce genre. Le granité intact offre presque toujours une teinte d’un gris bleuâtre, qui est le plus marquée sur les cristaux de feldspath ; le quartz présente aussi cette teinte , mais beaucoup moins prononcée ; il se rapproche davantage du gris clair ; le mica est très brillant , d’un beau noir , mélangé de quelques feuillets bruns , lilas et blancs. Mais dans les parties en décomposition le mica est tout-à-fait terne, d’un aspect terreux ; sa couleur noire a été remplacée par une couleur verdâtre et d’un gris sale ; souvent le granité altéré a pris une teinte jaunâtre , provenant de ce que le protoxyde de fer contenu dans les élé¬ ments de la roche s’est changé en hydrate de peroxyde , ou quelquefois provenant d’infiltrations ferrugineuses. En beaucoup d’endroits , dans les portions limitrophes de la Manche et de l’Ille-et-Vilaine , et surtout aux environs de Vire, dans le Calvados , on voit des parties noduleuses au milieu de ce granité ; il est peu de blocs extraits des carrières de Vire où l’on ne voie de ces gros noyaux dont la longueur et la largeur varient de quelques centimètres à 2 et même 3 décimètres, Il y en a de deux espèces , des noyaux ou rognons de mica , et des noyaux de quartz ; les premiers sont ordinairement un peu aplatis et offrent quelquefois une apparence schistoïde , mais en les brisant on re¬ connaît que les feuillets de mica sont orientés de diverses ma¬ nières , au lieu d’être couchés suivant un même plan comme dans SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. 142 le micaschiste ; le mica est d’ailleurs identique à celui qui se trouve disséminé dans la masse granitique. Les nodules qu’il constitue ont des formes très variées , généralement lenticulaires , mais offrant quelquefois des pointes saillantes et des parties concaves , fig. 2 et 3. Les nodules de quartz affectent aussi des formes di¬ verses, lenticulaire, spliéroïdale, polyédrique, avec angles saillants et rentrants. J’ai examiné avec soin les noyaux de quartz sphé- roïdaux pour constater si ce sont bien des cailloux roulés , mais je ne puis les considérer comme tels , bien que plusieurs d’entre eux, vus d’une certaine distance , paraissent être arrondis ; mais si on les observe de très près , on reconnaît que le contour de ces noyaux n’est pas nettement dessiné, qu’il forme une ligne si¬ nueuse dentelée , que le quartz se fond insensiblement dans la masse granitique environnante. On pourrait, il est vrai, expli¬ quer cette disposition en supposant que les noyaux ont été fondus sur les bords ; mais le quartz dont ils sont formés paraît être le même que celui de la masse granitique ; on y voit des parties blanchâtres , un peu laiteuses , mélangées avec les parties hyalines ; en les examinant avec une forte loupe , on y remarque des rudi¬ ments cristallins s’entre-eroisant en différents sens , de sorte qu’à l’intérieur de ce noyau il s’est produit un commencement de cris¬ tallisation confuse. Sur le bord de ces noyaux on voit des cristaux de feldspath qui pénètrent dedans, et j’en ai même observé au milieu des noyaux de mica. Il est une autre circonstance qui m’a convaincu que l’on ne peut considérer ces rognons comme des cailloux roulés , c’est que l’on trouve des nodules de mica interposés au sein des noyaux quartzeux , comme le montre la figure que j’ai dessinée aux environs de Fougères , sur la masse granitique séparant la Breta¬ gne de la Normandie , et qui me paraît très propre à éclaircir l’ori¬ gine de ce phénomène : ici la niasse a une forme branchue, à elle sont accolés des nodules de mica, tandis que d’autres sont en¬ châssés dedans; d’ailleurs , le noyau de quartz est de la même na¬ ture que les noyaux ovoïdes ou sphéroïdaux. On doit assigner la même origine à tous ces rognons de quartz et de mica qui forment, pour ainsi dire, les nœuds du granité, et que les carriers désignent sous le nom de nœuds blancs et de nœuds noirs ; ce sont des accidents de cristallisation (1). Lorsque (1) Néanmoins on rencontre quelquefois dans ces granités des Iragments étrangers qui ont été empâtés : ainsi, des lambeaux de SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1846. l/j3 le noyau granitique a passé de l’état pâteux à l’état solide , et que la cristallisation s’y est développée , le quartz formait une pâte molle au milieu de laquelle le feldspath prenait la forme lamel- leuse et le mica la structure foliacée ; alors une partie du quartz s’est agrégée comme par un effet d’attraction , et a donné lieu à des bourrelets , au contact et au milieu desquels ont pris nais¬ sance des bourrelets de mica d’une manière semblable. 11 est néanmoins remarquable de voir que le quartz et le mica ont pu s’isoler des autres éléments qui les environnaient. Les granités de la partie méridionale de la Bretagne offrent très souvent une structure schistoïde , mais cette manière d’être se montre rarement dans les granités à grains moyens que je viens de décrire; à ceux-ci je pense que l’on doit rattacher les granités porpliyroides à grands cristaux de feldspath, qui sont très déve¬ loppés aux environs de Cherbourg , de Brest, etc., et en beaucoup d’endroits de la Bretagne , bien qu’ils diffèrent sensiblement par leur aspect extérieur ; outre les larges lames d’ortliose , ils renfer¬ ment aussi des cristaux plus petits , hémitropes , à angle ren¬ trant , formés d’albite ou d’oligoclase. La différence entre ces variétés de granités provient de ce que dans les granités porpliy- roïdes le feldspath se trouve plus abondant et a pris de plus grandes dimensions. On a regardé ces granités comme produits à deux époques distinctes , mais ils me paraissent être simple¬ ment le résultat de deux modes de cristallisation différents. Légende des figures I , 2 , 3, 4 , 5, 6. 1 , 2 et 3. Figures représentant quelques unes des formes des nodules de mica. 4. Nodule de quartz grossièrement sphéroïdal. 5. Nodule de quartz branchu avec nodules de mica {ni) appliqués contre lui et enchâssés à l’intérieur. 6. Figure dessinée près de Louvigné (arrondissement de Fougères); elle représente la disposition du granité à grains moyens des environs de Vire , Fougères, etc. , en forme de blocs solides et intacts, entourés d’une masse granitique décomposée et tout-à-fait friable. M. Bertrand Geslin ajoute que les apparences de cailloux schiste micacé, et principalement de grauwacke métamorphique, mi¬ cacée et chargée de noyaux macleux ; mais ces fragments , provenant de la roche adjacente , sont anguleux et n’ont pas été roulés. SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1 8Z|G. m roulés ont l’air de fragments de micaschiste à Dinan , aux îles Jersey, etc. M. Yirlet répond à MM. Durocher et Bertrand Geslin , qu’il est bien vrai qu’un grand nombre de fragments renfermés dans les granités du Calvados sont des fragments schisteux micacés, quelquefois de gneiss , mais qu’il y en a aussi de différentes roches, comme des espèces de pétro-silex ou roches quartzeuses verdâtres; beaucoup sont composés d’une espèce de stéatite vert-foncé, à structure schisteuse ou compacte; il y en a en véritable quartzite et même en lydienne; ce sont surtout ces derniers qui ont conservé leurs formes de galets, ce qui doit être; plusieurs de ces fragments, étant d’ailleurs traversés par des filons qui ne pénètrent pas dans la masse de granité, indi¬ quent évidemment une existence antérieure et non une ségré¬ gation, comme le pensent encore M. Durocher et quelques autres géologues. Du reste , tous ces fragments , a>ant été sou¬ mis aux mêmes modifications que le terrain qui les renferme, doivent nécessairement, dans le plus grand nombre de cas, se fondre avec la masse ambiante; néanmoins ils montrent tou¬ jours une composition et un arrangement moléculaire différents. Au surplus , ajoute M. Yirlet, ces phénomènes peuvent s’obser¬ ver bien mieux à Paris que dans les carrières mêmes; car une cassure brute ne le laisse apercevoir ni aussi nettement ni aussi distinctement que sur les dalles qui ont reçu un certain poli par suite du piétinement , surtout quand celles-ci sont mouil¬ lées. 11 suffit donc, je crois, de parcourir les rues de Paris , après une forte pluie , pour bien se convaincre que la plupart de ces noyaux sont de véritables galets , dont la plupart ont des formes moutonnées mais anguleuses , comme de galets de rivières qui n’ont encore que leurs angles émoussés; au milieu de ce grand nombre de galets de formes et de compositions si diverses, il y en a aussi beaucoup qui ont conservé leurs formes parfaites de galets marins. Tel est celui que j’ai figuré pl. 1, fig. 1, page 13, et que j’avais déjà signalé rue du Rocher, d’où je m’occupe de le faire transporter à l’École des Mines de Paris. Ce galet est composé d’une masse granitoïde bleue , à petits grains bien distincts ; il se dessine très nettement par si?anci: ih * K) sm emiiue t S l » . j/|5 ami petite bordure noire qui tranche avec te fond blanc de la dalle. Le petit galet de 5 à (5 centimètres, représenté tig. 2, est en quarzite gris-noirâtre, également signalé dans une dalle de bor- dage «lu trottoir de la maison n° 73, rue du Bac; ce galet, quoique très adhérent à la masse , a conservé sa forme sphé- roïdale très nette-, il se termine par une bordure plus noire en tonne d’auréole, comme on en trouve dans un grand nombre de galets siliceux des alluvions anciennes du bassin de Paris. La dalle qui le renferme renferme aussi beaucoup d’autres noyaux île nature et de formes diverses. •1 ai représenté , tig. 3 , un autre galet granitique observé sur le quai d’Orsay, il est enveloppé par une surface ferrugineuse qui pénétre, en se fondant, dans le galet et dans la masse enveloppante en forme d’auréole double. Enfin, j ai indiqué , dans la fig. A, a , b , c , d , e , quelques uns des galets ou noyaux de la dalle signalée aussi rue Laffitte , mais aujourd’hui transportée à l’École des Mines, a indique le fragment semi-anguleux noir, à apparences organiques -, bien que, par suite des modifications subies par ce fragment siliceux, il ne soit pas resté de traces apparentes d organisation , cependant cette série d’anneaux et de petits points blancs au milieu même de ces anneaux rappelle assez bien l’organisation si curieuse des psarolithes silicifiées des environs d’Autun : b est un noyau noir siliceux , avec une petite lentille de quartz encla¬ vée ; c est un noyau en feldspath blanc grenu , moucheté de pe¬ tits points noirs -, d est un noyau gris à structure grésique ^ e est un noyau noir micacé, à structure gneissique très bien ac¬ cusée. Outre ces noyaux , la même dalle en renferme encore une multitude d’autres en quartz et autres matières, que l’on distingue très bien, lorsqu’on a soin de ta mouiller. Séante du 10 novembre 1H/|0. PRÉSIDENCE DE M. DE VERNE U il., M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du proces-verbal iv l i dernière séance dont la r/*da« rimi est adopté. Sor.-qpnl. t?* .•iprie : tome IV. *" SÉANCE DU 1(5 NOVEMBRE 18/|(5. 146 Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. » F Le comte D. Paoli , à Pesaro (Etats de l’Eglise), présenté par MM. le comte Spada et Orsini ; Martinet, imprimeur, à Paris, rue Jacob, 30, présenté par MM. Viquesnel et Le Blanc } D. Ramon Pellico, ingénieur en chef des mines, et professeur d’exploitation à l’Ecole des mines de Madrid, calle de las Fuentes, à Madrid, présenté par MM. Naranjo y Garza et Le Blanc -, De Rey, à Paris, rue Monsigny, 5, présenté par MM. llu- gard et Aie. d’Orbigny } Mallet (Adolphe), à Valence (Drôme), présenté par MM. Angelot et Alexandre Rouault • Pidancet, conservateur du Muséum , à Besançon (Doubs) , présenté par MM. Marcou et Hugard. M. le Président annonce ensuite quatre présenta ions. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des savants , octobre 1846. De la part de M. J. Durocher, Notice géologique des îles Féroe (extr. des Annales des mines , 4e série, t. VI) } in-8°, 24 p., 2 pi. Paris, 1844. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences , 1846, 2e semestre, t. XXIII, nos 18 — 19. Bulletin de la Société de géographie , 3e série, t. VI, n° 33. L Institut , 1846, nos 670 — 671. Mémoires de la Société royale des sciences de L il le , 1846, in-8°. The Athenœum, 1846, nos 993 — 994. The Mining Journal, 1846, nos 585 — 586. Correspondenzblatt , etc. (Feuille de correspondance de la Société royale d’agriculture de Wurtemberg)} nouvelle série, t. XXX, 1846, 2e vol., 1er et 2e cahiers. séance ni; !(> novembre j.8/|(). J/47 Les procès-verbnu \ «Je la séance d’Alais, (jui sorti sont renvoyés à la commission du Bulletin. M. Yiquesnel communique, au nom de M. Boué, suivante : arrivés, a notice Description de B Jltlas composé et présenté par M. le colonel de Hauslab sous le titre de : Représentation graphique des rapports entre V orographie , B hydrographie et la géologie du globe terrestre ; par M. Boué. M. le colonel de Hauslab a adressé, en juin 18/di , à la Société géologique de France , un atlas de Z|0 planches sous le titre de Représentation graphique des rapports entre V orographie , V hydrogra¬ phie et la géologie du globe terrestre. La courte notice jointe au texte et publiée dans le Bulletin (voir pages 569 à 573, t. I , de la 2e série) est insuffisante pour faire connaître le but de F auteur, qu’il faut pour ainsi dire deviner par l’inspection des planches. D’ailleurs , cette notice n’est que le résumé incomplet d’un mémoire dont une partie est restée inédite ; ce qui est d’autant plus regrettable que peu de personnes ont pu saisir l’ensemble du travail. Or, maintenant on vient d’illustrer, dans des ouvrages spéciaux, les idées de l’au¬ teur ; il est donc nécessaire et bienséant de rendre a chacun ce qui lui est dû , en analysant dans le Bulletin , quoique fort tard , un travail de cette importance d’un de nos plus anciens membres. La planche 1 de l’atlas est purement théorique. L’auteur, géo - graphe-ingénieur, a fait naturellement une étude particulière des formes du terrain , et a saisi leurs rapports avec celles des étendues hydrographiques et géologiques ; considérations qui trouvent leur application dans les levers géographiques comme dans l’art de la guerre. La surface terrestre, considérée en grand, se décompose en cavités ou bassins séparés par des arêtes ou montagnes qui , entre plusieurs bassins , prennent la forme de masses quadrangulaires, ou rhomboïdales ou triangulaires. La plus simple forme d’un bassin est celle d’un rond ou ovale avec un canal d’écoulement : c’est le type primitif des bassins pour notre auteur. Son second type figure une cavité à bords sinueux ; son troisième type un bassin à golfes ; son quatrième type une réunion de bassins séparés , liés par des canaux et subordonnés à un bassin primitif ; et son cin¬ quième type , plusieurs bassins séparés et isolés , subordonnés aussi en grand à un bassin primitif. Des coupes indiquent les ISS SÉ4NCE 1*11 10 NOVEMBRE 1 S /| ( > . formes individuelles de chacun de ces cinq types de bassins, Leei établi, l’ auteur considère les rapports des bassins, des arêtes et des cols, et reconnaît que les coupes d’un bassin sont toujours concaves, celles d’une arête toujours convexes et celles d un col toujours concaves dans le haut et convexes sur les cotes. De plus , dans chaque bassin , ainsi que sur chaque arête et chaque col , il y a un point ou un espace où la surface est horizontale. Dans le sens géologique, ces formes et limites énoncées se produisent également par la théorie des soulèvements ou par celle des érosions. Ensuite l’auteur considère les rapports de l orogra¬ phie avec l’hydrographie et la géologie , et figure pour cela un bassin orographique , c’est-à-dire limité par des chaînes de mon¬ tagnes, dont l’étendue coïncide avec son bassin hydrographique ou les détails des eaux qui l’arrosent. Une autre ligure montre , au contraire , un bassin orographique non coïncidant avec les bassins hydrographiques , savoir : un bassin traversé, par exemple , par un fleuve qui prend sa source dans un bassin voisin , ou une rivière sortant de son bassin supérieur par une fente dans une chaîne , accident jadis si méconnu par les géographes. Enfin , l’auteur re¬ présente d’un côté un bassin géologique , c’est-à-dire une cavité remplie de divers dépôts dont les limites coïncident avec celles d’un bassin orographique, et de l’autre un bassin géologique ou cette coïncidence u existe pas parce que des séries de hauteurs s y opposent, ou que certaines formations se prolongent au-delà de certaines chaînes. Les bassins géologiques, considérés à part , lui offrent les mêmes types que les bassins naturels , savoir : de simples cavités rondes ou ovales , des dépressions à bords sinueux ou à golfes , des bas¬ sins séparés, liés par des canaux et subordonnés à un bassin pri¬ mitif, ou des bassins séparés et isolés quoique subordonnés à un bassin primitif. En dernière analyse , toutes ces formes géologi¬ ques se réduisent, en négligeant les détails, au type primitif, savoir : une cavité centrale remplie par des formations supérieures, tandis que ces dernières reposent dans une cuvette composée de formations inférieures, dépôts qui les enveloppent et forment leur coutour extérieur. — On voit donc que l’auteur cherche à réduire les généralités de la géographie physique et géologique à leurs dernières expressions ou leurs foi mu tes} et à illustrer ces dernière* par des dessins. La planche 11 de son atlas est une représentation du relief de l'Europe et d'une partie de T fsie et de 1' Afrique j)ar tranches ho- nz.eiitvlef. \it lien tï emplo’ver |p svsième « >rd i iihjiv des haelnnv* SÉAISCK JUJ 1(5 XOVKMHHK I84t>. ! 49 plus foncées d’après les poules, il a essayé de foncer les tranches d’autant plus qu elles occupent un niveau plus élevé. La planche III donne la même représentation, avec la dilïérence que les tranches horizontales sont distinguées par des couleurs pour rendre plus aisée la reconnaissance de la hauteur égale des points éloignés les uns des autres. La planche IV donne une représentation détaillée des bassins orographiques de ï Europe et d’une partie de l’Asie et de l’ Afrique. La planche A donne celle de ces grands bassins seulement, tous leurs petits détails étant supprimés. De cette manière , l’auteur arrive à reconnaître , entre les grands bassins sarmate et africain d’une part, et les deux bassins atlantiques de l’autre, une grande digue isolée et courbe qui comprend tous les pays les plus mon¬ tagneux depuis l’Asie centrale et l’Ethiopie jusqu’au détroit de Gibraltar. La planche \ 1 représente les sillons les plus profonds du relief de f Europe et d’une partie de l’Asie et de l’Ajrique , et conduit à apercevoir dans ces sillons une répétition et un parallélisme re¬ marquable des mêmes formes. De plus , on observe, au N. de la digue montagneuse ou épine de l’Europe dont nous avons parlé, des accidents de formes qui sembleraient s’expliquer, jusqu’à un certain point ( et sans exclure les effets de soulèvement), par l’ac¬ tion des grands courants venus du N.-E. , tandis qu’au S. de la digue les formes de ce versant se rattacheraient aux effets destruc¬ teurs des courants provenus du S.-E. Les planches Ylï et YII1 offrent le relief du globe par tranches horizontales , en noir et en couleur comme les cartes précédentes, et l’auteur a fait choix pour cela d’une projection polaire ap¬ proximative, où le pôle du S. formerait, au lieu d’un point, un cercle. Les planches IX et X sont les représentations , l’une détaillée , l’autre en grand , des bassins orographiques du globe , ce qui con¬ duit notre auteur ( tendant toujours du composé à la plus simple expression ) à ne reconnaître sur le globe que cinq grands bas¬ sins, savoir : 1° le bassin océanique du S. ; 2° le bassin océa¬ nique du N. ; 3° le bassin indien ; 4° le bassin atlantique du N. ; 5° le bassin atlantique du S. La planche XI représente par des couleurs cette dernière abs¬ traction. Dans la planche XII on voit en très grand ce que l’auteur a re¬ connu en petit dans de petits bassins , savoir : des masses émergées restant entre trois bassins et formant les noyaux principaux des 150 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE I8/|6. continents , et des canaux liant deux des bassins. De plus , le massil fondamental de l’ancien monde est continu et a un éperon qui constitue l’Europe et qui a été entaillé, tandis que les massifs du nouveau monde sont disjoints , et autour du pôle N. rayonnent , comme d’un centre , des chaînes linéaires méridiennes. La planche XIII figure les sillons les plus profonds du relief du o- lobe , et donne occasion de remarquer les mêmes phénomènes de répétition de formes et de parallélisme que pour l’Europe , pl yi A quelque époque que tombe leur formation individuelle, tous ont été occupés plus ou moins longtemps par les eaux soit de nier, soit d’eau douce ; l’indication du sillon médian ou thalweg principal de ces courants doit trouver son application dans les théories géologiques ; et plus nous considérons l’état du globe à une période reculée de nous , plus les mouvements de ces masses d’eau ont dû dépendre de phénomènes astronomiques généraux, dont l’influence sur les dépôts , sur leur formation , sur les chaînes et sur les continents , doit avoir été d’autant plus grande que l’époque dont on s’occupe est plus ancienne. C’est aux personnes bien au fait des soulèvements à mettre cette donnée et ses effets en rap¬ port avec ceux des mouvements des eaux du globe ; car il est clair qu’avec des digues tropicales annulées les océans auraient de tout autres mouvements qu’ actuellement , et par conséquent de tout autres effets, soit mécaniques, soit climatériques. Or, plus l’édifice de ces digues a avancé , plus ont été modifiés les phénomènes marins. C’est la thèse que M. Streffleur a voulu illustrer d’après les idées du colonel de Hauslab. Les formes des chaînes et des continents dépendent donc autant des soulèvements que de l’action du liquide qui les a longtemps lavés, corrodés ou encroûtés. La planche XIY est une représentation des bassins hydrographi¬ ques de V Europe et d’une partie de l’Asie et de l’Afrique , dans laquelle on trouve de bons exemples de l’indépendance des bassins hydrographiques d’avec les bassins orographiques. La planche XY montre les cinq bassins hydrographiques du globe , savoir : les deux bassins océaniques du S. et du N. , le bassin in¬ dien et les deux bassins atlantiques du N, et du S. , chacun d’eux comprenant les bas pays des continents. On y remarque que l’Asie, l’Afrique, les deux Amériques, et peut-être la Nouvelle-Hollande, ont des bassins intérieurs , dont les eaux ne s’écoulent pas dans l’Océan. La planche XYI est la Carte géologique de l’Europe et d’une partie de l'Asie et de l’Afrique , avec les divisions adoptées par M. Boue , dans sa carte du globe. SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/|6. 151 La planche XYII est le premier essai d’une carte géologique de V Europe, y compris la constitution minérale du fond des mers d’après les faits et les analogies les plus probables. Pour saisir la liaison générale des formations ainsi que leur morcellement pos - térieur, la connaissance géologique du fond des mers est indis¬ pensable. La planche XYII! offre les bassins géologiques de V Europe , en omettant leurs canaux de communication , abstraction utile à con¬ cevoir. La planche XIX présente les grands bassins géologiques de V Eu¬ rope , en omettant les plus petits bassins et restaurant certaine digues de séparation démantelées dans la nature. La planche XX offre les principaux bassins géologiques de l'Eu rope et l’ossature fondamentale de V Europe. Cette dernière forme trois grands crochets tournés vers l’Occident , ce que l’auteur vou¬ drait peut-être lier en partie aux mouvements des courants à di¬ verses époques. La planche XXI représente la digue géologique démantelée de V Europe méridionale dans un état de restauration , avec ses deux grands canaux latéraux , où les eaux ont j oué si longtemps un rôle important. La planche XXII figure les sillons géologiques tertiaires d T Europe , et donne une idée de la figure du continent à cette épo¬ que où il y avait nombre de mers intérieures , de détroits et de canaux d’écoulement, maintenant à sec. La planche XXIII doit donner une idée de la forme des cavités géologiques et de leurs pentes en Europe , lorsqu’on suppose enlevées toutes les formations postérieures au lias. Les couches inclinent en général , vers le fond de ces grandes concavités. La planche XXIY est la carte géologique du globe , du Dr Boue. La planche XX Y doit présenter seulement la distribution générale des schistes cristallins et des roches granitoïdes sur le globe. Or, ces formations se trouvent surtout sur les bords des continents vers les grands océans, ainsi qu’autour des pôles, et elles forment les noyaux des grandes terres. La planche XXYI est la distribution générale et unique des for¬ mations primaires ( intermédiaires ) sur le globe. Ces formations pa¬ raissent se trouver principalement dans la partie boréale de la zone tempérée. Elles diminuent vers l’équateur et remplissent dans la zone tropicale de petits bassins isolés dans ces montagnes. Tel est l’état de nos connaissances, du moins à ce moment. La planche XXYII est la distribution des formations secon - 1 52 M'.AMCi: 1)1 l<> non KM il K I LS'iO. flaires L 1(3 ><)> KM Hll K I S/|(). I 5(3 comme en été. Il ikn est de même pour les glaciers. Notre géologue donne des détails sur la forme du terrain sous la ligne inférieure du Jim ou neige durcie à environ 7,500 pieds, sur les crevasses et brisures de cette neige et de la glace, sur leurs gouffres et cata¬ ractes d’eau. 11 a remarqué sur les surfaces planes du névé des entonnoirs cratériformes de 100 pieds de diamètre. D'après les observations de cinquante ans , le glacier du Dacbstein croît an¬ nuellement de quelques pieds par sa terrasse inférieure du Caris- Eisfeld, tandis qu’il augmente aussi en élévation. Dès qu’il aura pu dépasser sa barrière rocheuse actuelle de 10 toises de hauteur, il n’aura besoin que de trente à cinquante ans pour atteindre le lieu nommé Taubenkar, qui n’en est qu’à 3/4 de lieue et qui porte des traces évidentes d’un ancien glacier disparu. Une tradition du pavs place au lieu du glacier de Ilallstadt la prairie alpine en¬ sorcelée ( tcverwunschene Alm ). Cette tradition, réunie à d’autres semblables du Salzbourg et du Tyrol , ferait soupçonner (pie depuis les derniers temps géologiques l’Europe a éprouvé , au moins trois fois déjà , un changement dans ses rapport de tempé¬ rature. Le même 1VI. Simony , étayé par le prince de Metternicli , a commencé un relevé soigné et détaillé de tous les lacs de la llaute- Autriclie et du Salzbourg, en joignant à ses observations des cartes indiquant leur profondeur , leurs formes par des coupes et leur aspect. Il a commencé par le lac de Hallstadt , en grande partie bordé de montagnes rocailleuses et escarpées comme le lac de Wallenstadt en Suisse. Ce lac, occupant 2,414,400 toises carrées , a une largeur moyenne de 552,5 toises, sur une longueur de 4,370 toises ; sa plus grande profondeur est de 66 toises. Ses bords escarpés ont souvent 20 à 50 toises de hauteur verticale. Son fond est une surface régulière presque plane , qui ne remonte insensi¬ blement que vers l’entrée du Traun. Cette rivière , ainsi que les torrents de Waldbacli, Mulilbacli, Gosau etZlanbach, y ont formé des cônes d’alluvion inclinés sous un angle de 30 à 35° à leur confluent , et plus en avant sous un angle moindre. M. Liebener a décrit le Brandisite , nouvelle espèce minérale micacée du mont Monzoni Fassa , où il accompagne le Pléonaste. M. Loëve s’occupe de son analyse. M. Louis K. Schmarda a lu un Mémoire sur l’influence de la lumière sur les infusoires , après avoir rappelé qu’il avait reconnu, avec d’autres naturalistes, que beaucoup d’infusoires vivent et naissent dans des lieux obscurs (suivant nos sens ), mais qu’ils se développent mieux à la lumière , et que les animalcules verts de 157 SftANflE Ï>U î(> NO.VE>imUï 1 S . la matière de Priestley ne se produisent qu’à la lumière. (Voyez son Mémoire dans les Annales de médecine de /’ Autriche , 1855 , cali. 12.) M. J. K. Hoclieder communique le contenu d’un Mémoire de m. v irgile de Jlelmreiclien sur les gîtes du diamant au Brésil et leur exploitation dans la Serra do Grào-Mogor, province de Minas- (’.eraes au Brésil (entre 16 et 17° lat. S. et 56 et 57° longitude O. de Paris). L [tacolumite diamantifère y est exploité à ciel ouvert sur 3 lieues d étendue, de Patieiro à Taquara, et sur une largeur de 1 à 2 lieues. On y distingue çà et là jusqu’à huit couches d i tacolumite à diamants, chacune de 3 à 5 toises d’épaisseur et 15 toises de longueur. Ces quartzites sont blancs, rouges ou jaunes et ont souvent P apparence d’un agglomérat. Les premiers dia¬ mants furent trouvés par un nègre en 1827. Un échantillon de 7 1/3 carats fut découvert en 1836. Les diamants sont entourés d’une croûte plus tendre que le reste de la roche, masse quel¬ quefois mêlée aussi de mica vert ou rougeâtre. Ce Mémoire a été publié depuis à Vienne sous le titre de TJber dns Forkommen der dianiantcn , avec des planches et des détails statistiques. L’au- leur, M. Ifelmreichen , s’est rendu du Brésil au Pérou, et restera encore quelques années absent. Une partie de ses nombreuses collections géologiques est déjà arrivée au Musée impérial de \ ienne. Le 25 mai M. le capitaine Streiïleur a donné ses idées sur le relief de la eliaîue voisine de A ienne et l’origine du Wienerwald- (iebirge. M. Sclnnarda montre des figures de neuf nouveaux Infusoires polygastres. M. de 1 faner fils a indiqué l’utilité du ïFakserglass de M. Fuchs pour attacher, ou fixer et durcir, par enveloppe¬ ment surtout, li s restes organiques, dont plusieurs sont sujets à se détériorer ou à tomber en poussière à la longue. Le fP'asserglnss est une préparation siliceuse gélatineuse au moyen du carbonate de potasse. VI. Haidinger a parlé sur une loupe dichroscopique et. l’état de polarisation de la lumière colorée réfléchie. M. Simony a discuté les causes des taches, dites de pluie, sur la. surface des lacs alpins. Il apparaît sur ces derniers, tantôt tout à coup , tantôt petit à petit, des taches rondes, ovales ou à bords ondulés, où l’eau prend une couleur noire verte et un aspect huileux. Leur dimension varie de quelques pieds à plusieurs cen¬ taines de toises. L’auteur croit, que leur formation est liée à des effets de différents courants d air . ce* derniers variant beaucoup 158 SÉANCE Dll 1(5 NOVEMBRE !8/|(). sur les laesdes Alpes. Ces taches seraient sur l’eau ce que les groupes isoles de cumulus sont dans l’air. M. Haidinger a proposé d’entreprendre, par une souscription individuelle annuelle de 50 francs , l’impression de Mémoires in-4° avec planelies sur les sciences naturelles. Cette proposition est adoptée , et déjà maintenant , grâce à bon nombre de souscrip¬ teurs , un Mémoire sur l’optique minéralogique , par Haidinger, est imprimé; chaque année on espère compléter un volume. Le titre est : Naturwissensch aftl ic/i c Abhandliingen gcsamelt und durch subscription hcrausgegeben von Haidinger (Mémoires sur les sciences naturelles , recueillis et publiés par W. Haidinger). Cet ouvrage servira d’organe à la Société en même temps qu’un Bulletin contiendra le rapport des séances. M. A. Morlot a expliqué deux profils des couches de Teisen- dorf ( Bavière orientale ), couches composées de calcaire à Num- mulites , de grès vert , de calcaire et de grès et marne à Fuco'ides. Dans ce lieu, les roches à Fuco'ides sont sous celles à Nummulites, ce qui est l’inverse des positions en Suisse et indiquerait un ren¬ versement. Dans ce dépôt se trouve un agglomérat très grossier, qui renferme , outre des échantillons de toutes les roches des Alpes, des fragments granitiques fort gros. C’est le pendant de ce qui se voit au Bolgen, près de Sonthofen , et aurait induit en erreur MM. Murcliison et Sedgwick , qui auraient voulu y trou¬ ver du granité et du gneiss en place. M. Franz de Hauer a montré divers fossiles découverts dans le calcaire secondaire des Alpes de Vienne , près de Moedling ; ce sont des Lithodendron ou Caryophyllies , des portions d’Encrines , une grande Terebratule lisse, fort semblable à la T. perovalis, plusieurs Limes, une Huître, etc. Tous ces fossiles, si rares dans nos climats, auraient, suivant M. de Hauer, le caractère jurassique. M. Haidinger a parlé sur des métamorphoses du fer hydraté brun en fer oxydé rouge. D’après lui , les dépôts de fer hydraté brun, de fer spatliique , de fer oxydulé et de fer oligiste , forme- î aient , sous le îappoit de la métamorphosé, une série catogène , semblable a celle des substances végétales suivantes : la tourbe , h; bois flotté , l’humus , le lignite, la houille des Alpes, la houille ancienne, l’anthracite et le graphite. Le 8 juin, IM. ïlammei schmidt a parle sur la propriété de quel¬ ques coquilles de changer de couleur dans l’eau. Il a montré en¬ suite un des Vési morceau d’ambre. Coléoptère de 1 ordre des Heteromères, de la sous-division cants , et de la grandeur du Lytta vesicatoria , dans un SÉANCE DU 1(3 NOVEMBRE 18/|(>. 159 i\j. M orlot expose îles considérations sur ie métamorphisme, dans lequel il distingue une métamorphose latente et une méta¬ morphose inverse , c’est-à-dire que certaines roches ne paraissent pas seulement modifiées par le contact de masses éruptives , mais encore par un travail intérieur particulier , tandis que d’autres roches sédimentaires modifiées ont déterminé par leur nature le produit final de la métamorphose. M. le docteur Schmarda a donné des détails sur la distribution des animaux invertébrés sur les bords septentrionaux de l’Adria¬ tique. iVJ. Haidinger a montré la distribution particulière des cou¬ leurs dans l’améthyste. Le 15 juin, M. le docteur M. Homes a soumis à la Société un Coup d’œil sur les Mammifères fossiles du bassin viennois, au nombre de vingt espèces , savoir : Ursus spelœus , Hyœna spcJœa, Crïcetits vulgaris , Elephas primigenius , Mas to don angustidens , Dinothérium gigantcum , medium et Cuvier i A. , Rhinocéros ticho - rhinus , Acerotherium incisivum , Paléothérium aurelianense , An- thracotherium vindobonense (Partsch), neostadense (Partsch), Equus fossilis , Hippotherium gracile , nanum , Palœomeryx Kaupii (Meyer), Ccrvus megaceros , Phoca vitulina , Halitherium Christolii. La plupart de ces restes , conservés dans le musée impérial , pro¬ viennent des alluvions anciennes, des lits de grès dans l’argile ter¬ tiaire de Vienne ou du calcaire à Polypiers, qui lui est supérieur. Ce dernier contient encore nombre d’espèces indéterminées , car le Leithagebirge , leur gîte principal , n’est à la porte de Vienne , comme Montmartre , que depuis deux mois , par le chemin de fer allant en Hongrie. Maintenant les Viennois n’ont plus d’excuse pour laisser un pareil trésor enfoui. M . le professeur Leydolt a parié sur la formation de la pegma- tite, et M. F. Simony sur l’origine des cavernes dans les calcaires stratifiés. Il distingue les grottes en celles qui sont d’une origine primitive et en celles qui sont d’origine secondaire. Les premières auraient été formées par des effets platoniques , des gaz ou des glissements, tandis que dans les autres il n’y verrait que i’eflet très lent de l’eau et des agents atmosphériques. Le docteur Langer a lu un Mémoire sur la structure différente des os des animaux observée au microscope. M. Franc, de Jlauer vient de publier, aux frais du prince de Metternich, un ouvrage sur les Céphalopodes fossiles de la Haute- Autriche ( Palœontologische-Beitrage , n° 1 die Cephalopodc/i des Salzkammergutes ) , Vienne, 1846 , in-4° de 48 pag. avec 10 pl. s i. ^ n< :ït nu I fi no v k m tut i: î S /| fi , i fiO / dessinées et lithographiées par l’élève îles mines VI. Ed. Boschi. V oici les espèces qu’il y décrit : A. Ammonites. 1° Ammonites Metterniehii , superl)C espèce, quel¬ quefois fort grande, jusqu’à *25 pouces de diamètre. Elle se rap¬ proche pour la l’orme de Y A. (lisais (Sow.), des A. Coynarti et Lynx de d’Orbigny. Il forme le type d’une nouvelle famille des Vmmonées. Il se trouve réuni sous le même échantillon de véri¬ tables Orthoeères et des Béiemnites. Il provient de llallstadt. 2° A. neojurcnsis, ( Ouenstedt ), de llallstadt; 3° A. de b i lis, de la iamille des Ilétérophyllies de d’Orhigny , de la même localité ; !\“ d. ga/eatus , voisin du A. Gaytani ( Klipstein) ; 5° A . ga/eatus (?) ; ces deux dernières d’Àussce ; 6’ A. subumbiliratus (Broun) d’ Aussce; 7" A. amœnus , peut-être un passage de Y A. Lynx et Coynnrti à Y A. Metterniehii ; 8° A. Kamsaucri (Ouenstedt), voisin de Y A. infundibuluni (d’Orb.), belle espèce de llallstadt ; 9° A. nngnsti/o - bains, voisin de Y A. sternalis ( de liuch ) , de llallstadt; 10° A. tornntus (Bronn), de llallstadt et Aussce) ; 11" A. bicrenntus , voisin du bipunetntus (Ouenstedt), avec le Mon ntt s sali noria ( fîr.) , à llallstadt; 12° A. s a lin arius , espèce commune et associée avec Y Orthoccras alveolaris (Ouenstedt , à llallstadt, à Ad- netli , (de. ; 13M 7. John nui s A us tri œ (Klipst. , d Aussce; 14° A. diseoides ( Ziethen) , de llallstadt.; 15° A. resjwndens Ouenstedt : 16° A. biedrinatus (Munster); 17° A. an gus ta tu. s (Broun;. B. (iONiatites. 1° G. décoratifs , voisin du G. iris (Klipst.; , tle llallstadt. C. Clymenia. 1). Nautiles. 1° N. mesodiats (Ouenstedt) , voisin du N. gigan - te us (d’Orb.), de llallstadt; 2" N. rcticulatus (dito) ; 3° N. acutusy voisin du A’, tri an gui ari s ( Montfort ) , et d’autres esj>èees dou¬ teuses. E. Ortiioceras. 1° ü. alveolaris (Quenstedt); 2° O. latiscpta - tu m , voisin de l’O. bacilluni (Eichwald) , de llallstadt; 3" O. sali - narium , voisin del’O. striatum (Sow.), de llallstadt ; f\° O. regu! are; 5° stria tulum salinum , de llallstadt. E. Belemmtes de llallstadt. Espèces comparables , jusqu à un certain point , avec fi. h as ta tus et unisulcatus de Blainville Tous ces fossiles sont réunis dans les mêmes assises, couches et ro¬ ches calcaires blanches, grises ou rouges , qui avoisinent les dépôts salifères. Quelle est la place géologique de cette réunion de fossiles, qui offusque tant nos paléontologues de cabinet et des champs? I.ill les rapprochait du Jura , Bronn du lias, malgré les fossiles à "Aspect intermédiaire. Quenste.h vient d#- reproduire mon niée de SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/jO. 161 1830, que ces roches pourraient être supra-jurassiques ou du néoco¬ mien Pour les amateurs du primaire on trouve les Orthocères , les Clyménies , les Goniatites ; pour les liasiques ou jurassiques , les Ammonites salinarius , discoides et bicarinatus ; pour les néoco- mistes , les Nautiles, les Bélemnites, les Ammonites de la famille des Hétérophylles. C’est donc, comme le dit fort bien M. de Hauer, un cas qui nous ramène positivement à la géologie de superposi¬ tion pure et simple et sans zoologie, marche rationnelle qui seule peut nous sortir des brouillards théoriques , et qui a pour elle , si ce n’est les premiers géologues anglais , du moins les sommités des géologues français et allemands. Les niasses calcaires anormales reposent sur un épais dépôt de calcaire compacte gris à Isocardes et à Ammonites ; mais au-dessous de ce dernier on ne connaît guère jusqu’à présent qu’un assemblage de schistes rouges semi-arénacés, des grauwackes entre Werfen et Liepzen. Or, cette année , M. de Hauer a décidé l’Age de ces derniers dépôts par la découverte de fossiles intermédiaires d’espèces identiques à celles trouvées à Beraun en Bohême et dans d’autres lieux primaires. Ce sont des Orthocères, le Cardium priscum de Goldf. , et diverses petites Bivalves , fossiles changés en fer sulfuré comme certaines pétrifications du Nassau. M. Erlach les a découverts à Dienten , au S. -O. de Werfen , près de bancs exploités de fer spathique. Il n’y a pas là de mélange anor¬ mal de fossiles. Ce serait du bel et bon silurien supérieur, exemple unique jusqu’ici sur le versant N. des Alpes. Ce terrain primaire y sera probablement reconnu sur une grande étendue ; car du côté de l’O. il formerait une bande plus ou moins continue, ou effacée, ou métamorphosée au S. des Alpes calcaires secondaires du Tyrol ( surtout près de Kitzhabel) , tandis que vers l’E. il s’étendrait de Liezen vers Eisenarz et dans la vallée supérieure du Miirz, en n’y étant séparé que par une bande étroite de schistes cristallins d’avec l’amas considérable de monts primaires coquilliers à l’O. de Gratz en Styrie. Déjà M. de Hauer soupçonnerait aussi dans ces Alpes d’Eisenarz , etc. , la présence du dévonien à cause de certains schistes et grès rouges à fossiles particuliers. D’une autre part, sur le versant S. des Alpes orientales , M. de Hauer n’a pas de peine à retrouver à Bleiberg à peu près la même suite de dépôts , savoir : 1° des grauwackes à Trilobites , Productus , etc. ; 2° des grès rouges; 3° un calcaire gris à Isocardes ; A'1 le calcaire à Céphalopodes auquel appartient le marbre opalin coquillier de Bleiberg. Ce dernier offre des Ammonites Johannis Anstriœ. Soc . géol. , 2e série, tome IV. Il SÉANCE DU 1(5 NOVEMBRE i 02 Le 22 juin , M. Lüwe a donné à l’analyse des Jamesonite et Berthierite; il a analysé le Jamesonite , et M. Jean de Pettko , professeur de minéralogie et de géologie à Schemnitz, le Berthierite. il lait remarquer la ressemblance du gîte de ces minerais , d’un côté à Carcassonne et à Port -Y ieux , et de l’autre à Arany-Idka (Hongrie supérieure), oîi le Jamesonite est argentifère et aurifère comme en France. Le docteur Ricli. Condor t a donné un classement des races hu¬ maines , qu’il voudrait réduire à trois. Le docteur Hammerschmidt parle sur la vie dans les eeliules des végétaux , et le docteur Reissek sur les rapports d animalcules séminaux dans les plantes. Le docteur Zipser a annoncé avoir perdu toutes ses collections par un incendie et ne pourra de longtemps fournir des minéraux et des roclies. 11 envoie aussi son compte-rendu de la réunion des naturalistes hongrois à Neusolil le 4 août 1842. M. de Kudernatscli a exposé ses idées sur l’existence d’anciens lacs dans la Styrie supérieure dans les temps géologiques et histo¬ riques. Ces lacs ont laissé des traces manifestes de leur séjour ; une partie ont des fonds tertiaires et sont remplis de grès à lignâtes ou bien d’alluvions. M. le docteur de Ferstaparlé sur le coral-rag en liasse-Autriche, au N. du Danube , et y a cité les fossiles suivants : Tragos pâte lia (G.), Lithodendron , Apiocrinites mespiliformis (G.), C/da rites glandulijerus (G.) , Terebratula lacunosa (Bronn) , c data (Brong.) , perovalis (Brong.), Diceras arietina (L., , Pterocera Oceuui (Br.) , et des JNérinées. Haidinger a donné des détails sur un ouragan de grêle à Gratz le 1er juillet 1846. De très gros grêlons sont tombés; quelques uns avaient 2 pouces de diamètre. Le 13 juillet, iVl. J. Czjzek a décrit et indiqué les nombreux dépôts de bois bitumineux et de lignites tertiaires dans la partie méridionale du bassin de Vienne. Le docteur Botzenhart a donné ses observations sur les cristal¬ lisations de la glace , et le docteur Comfort sur les races cheva¬ lines. Le 20 juillet, M. Kudernatsch a lu un Mémoire sur la déter¬ mination de la quantité de carbone dans le fer brut. m. Sti ellleui a parle sur les courants des mers et leur salure, ainsi que sur les formations ignées. Le docteui Hammerschmidt a recommande le coloriage des SÉANCE m 1<> NOVEMBRE I 8/|6. l o:i fleurs par la voie du coloriage lithographique, et au moyeu de plusieurs plaques. M. Sclirotter a présenté des observations sur l’état moléculaire de la matière, eu donnant pour exemples des recherches sur l’oxyde de chrome et l'acide arsénique. Le 3 août, M. Leydolt a lu un Mémoire sur la structure macli- forme remarquable de l’ankérite , et le 10 août, M. Otto de Hin- genau a donné ses observations géologiques sur les environs de Tulleschitz , cercle de Znaim , en Moravie , district de roches schisteuses cristallines et de granité. Le 17 août, le docteur Hôrnes a décrit les échantillons remarquables de la collection de minéralogie de madame de Henikstein. M. H. M. Schmidt-Goebel , de Prague, a donné des détails sur la distribution géographique des animaux et des plantes de l'Indostan septentrional et oriental, en offrant la première livrai¬ son de l’ouvrage posthume du docteur J.-W. Helfers sur ces con¬ trées. ( Docteur ' Hcljer’s hinterlassene Sammlungen ans Vorder and H inter Indien.) M. Streffleur a donné une idée de son Essai intitulé : Origine des continents et des chaînes par Vinfuence de la rotation , Y ienne , 1846 , in-8°. M. Fr. de Hauer a fait une communication sur les couches tertiaires de Guttaring et Althofen , en Garinthie : ce sont des marnes à lignites recouvertes de calcaire à Nummulites et repo¬ sant sur des schistes cristallins. Les fossiles recueillis lui confirment notre classement de ce dépôt dans l’étage inférieur ou éocène (voy. Mém. Soc. géol. fr. , lre série , v II , p. 84) ; ce sont : le Mylio - hâtes goniopleurus (Ag. ); des restes de crustacés; Natica intermedia ( Lam.); T uni tell a , voisine du T. imbricataria (Lam.); Fusas s ca¬ lons (Desh.), Cerithium combustion (IL), lamellosurn ( Desh.) , mutabile (Lam.) ; Serpula nummularis , etc. Il y a aussi la Corbula crassa. C’est le seul point de la monarchie autrichienne ( excepté Ronca) où l’éocène aurait été reconnu jusqu’ici. Cependant on connaît un Fusus scalaris du lignite de Grau (Hongrie). Mohs ayant laissé en Autriche de nombreux élèves , on y est encore très engoué de son système , qui ne voulait pas voir tous les côtés de la science : aussi M. Pettko a-t-il donné scs raisons pour admettre les propriétés chimiques des minéraux en minéralogie , ce qui pouura paraître déjà ancien dans LO. de l’Europe. Le 31 août, M. R. Kner de Léopold a montré un Cephalapsis dans des roches arénacées siluriennes de la Gallicie orientale. On 164 SÉANCE J)ll 16 NOVEMBRE 1846. n’avait su longtemps que faire de ces fragments ; il a décou¬ vert enfin un échantillon complet , ce qui est un nouvel avis pour éviter la précipitation avec laquelle certains savants défendent ô tel ou tel genre d’animaux de ne pas paraître dans tel ou tel étage inférieur ou supérieur de telle ou telle contrée. C’est peut-être le Cephalapsis Lloyclii d’Agassiz. M. Jean de Pettko a parlé sur les passages des roches trachy- tiques entre elles et sur le cône basaltique d’Ostra-Hora, s’élevant du milieu du grès tertiaire à lignite de Tastraba , près de Krem- nitz (Hongrie). Il part de ce cône une coulée de 2 lieues de long et de peu de largeur ; elle repose sur le sol tertiaire et a été cou¬ pée par la vallée de Kremnitz , qui serait ainsi une vallée d’éro¬ sion, au moins pour sa moitié inférieure. Le même auteur a donné ses idées sur les systèmes cristallins et l’admission de formes fon¬ damentales parallélipipèdes. M. Breithaupt annonce sept nouvelles espèces minérales, savoir : le Plinien , pyrite arsénical d’Ebrenfriedersdorf ; un Spinellus superius de Bodenmais (Bavière) ; un Zygadite zéolite d’Andreas- berg ( Harz ) ; un Konichalzite malachite vanadifère et calcaire d’Espagne ; un Castor et Pollux ( ! ) de l’ile d’Elbe , transparent comme le quartz et d’une forme ressemblant à celle de ce dernier, quoique pyroxénique. Il contient de la silice, de l’alumine et du litliion ; enfin unsidérodote, fer spathique calcarifère duSalzbourg. M. Adolphe Patera a donné les résultats de son analyse du Co- r aliéner z , cinabre corallo'ide d’Idria. Ce sont deux espèces de Gastéropodes à test très épais avec des restes de bivalves. M. Hai- dinger les avait appelées Hipponix dans son Rap| ort sur la collec¬ tion des mines. Ces tests contiennent une quantité notable d’acide pbospborique. IM. Haidinger caractérise avec G. Rose le péricline non comme une espèce , mais comme une simple variété de l’albite. Il pense que dans l’origine un mélange de feldspath à soude et à potasse s’est cristallisé, et que chacun de ces composés a influé sur la forme ; mais plus tard, pendant que les roches contenantes ont été modi¬ fiées , le mélangé , en plus petite quantité , est sorti des cristaux et s’est placé sur leurs surfaces. M. Lôwe a donné l’analyse du minerai cuivreux d’Agordo. Il est composé de 2 atomes de pyrite cuivreuse et de 3 atomes de fer sulfuré. Par le rôtissage il se forme un noyau ( tazzoni ) de sul¬ fures avec une croûte oxydée sans soufre. M. Czjzek a dressé une carte géologique fort détaillée des envi- SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18^6. 1(35 l’ons de Vienne. Il y distingue sept dépôts tertiaires sons les allu- vions , savoir : 1° l’argile ou Tegel; 2° le grès et calcaire à Céritlies ; 3° les sables à lits d’argile et de gravier ; 4° le calcaire à polypiers du Leitlia ; 5° des agglomérats ; 6° des lits de quartzite et de roches cristallines dans des sables; 7° du calcaire d’eau douce. Au-dessus sont indiqués : 1° le loess , 2° les alluvions anciennes de grès secondaire, etc.; 3° les alluvions fluviales. Le 7 septembre , le docteur Homes a donné des détails sur les coupes du sol tertiaire qui ont été exposées par suite des travaux du chemin de fer conduisant de Wiener-Neustadt à Oedenburg , en Hongrie. Ces couches offrent surtout celles au-dessus de l’argile coquillière et bleue de Vienne , et les bancs sablo-marneux four¬ millent de beaux fossiles à Mattersdorf , Rohrbach , etc. : ce sont ceux d’Enzersfeld et de Gainfahrn ou de bordeaux. M. de Hauer fils a parlé sur les Caprines et leur place dans le système. 11 en a trouvé une nouvelle espèce dans un dépôt de Gosau, soit à Adrigang , près de Grunbach ( Basse-Autriclie) , soit à Gosau même. Quelques individus bien conservés lui ont offert leur c /lai¬ nière en bon état ; cette dernière se rapproche beaucoup de celle des Chaînes et des Dicérates, savoir : la valve inférieure a de très fortes dents, et la valve supérieure deux dents plus petites ; de plus , l’intérieur de chaque valve est séparé en deux par une cloi¬ son. L’auteur place les Caprines à côté de la famille des Chamides comme M. Deshayes. L’espèce observée se rapproche le plus de la C. Jngnilloni de d’Orbigny, et a été baptisée Caprina Partschii. Le Mémoire entier sera publié avec figures dans les Naturwissen- schaftliche Abhaiulliingcn de M. Ilaidinger. Le 21 septembre, M. Ant. de Wurth a fait un rapport sur la géologie des environs de Parschlug , dans la vallée du Murz , en Styrie ; c’est un bassin tertiaire avec des lignites exploitables. Le docteur Kner a détaillé les résultats intéressants de ses re¬ cherches sur les terrains anciens qui paraissent au fond de plusieurs vallées de la Gallicie orientale et au-dessous de leur revêtement tertiaire. Prenant Zaleszczyk , sur le Dniester, comme centre d’ex¬ cursions , il a repris les travaux de feu Lill , et a trouvé naturelle¬ ment des additions à y faire : ainsi le terrain de grauwacke s’étend dans la vallée de Niczlava , etc. De plus , grâce aux travaux récents des paléontologues , il a pu déterminer les espèces de fossiles , savoir : les Avicules, Cyrtocéras, Ortliis, Calymènes, Asaplies, etc. La grauwacke y est recouverte par la craie et le tertiaire , et entre deux se trouve un grès particulier secondaire sans fossiles. Il a 16(5 SÉANCE DU 1(5 NOVEMBRE 184(5. aussi signalé de nombreux Foraminifères dans le tertiaire de Tarnopol. M. de ïlauer fds a donné ses observations sur la distribution géographique des bancs a Monotis dans les Alpes autrichiennes. Le > Monotis salinarius, etc., étaient connus depuis longtemps au- dessus ou autour, si l’on veut , des amas ^alifères de Hall en 1 yrol , de Hallein en Salzbourg, de Hallstaclt dans la Haute- Autriche , et d’Aussee dans la Styrie supérieure. Ces bivalves, accolées et opposées les unes aux autres, remplissent des calcaires compactes secondaires , blanchâtres , gris ou rougeâtres. Nos voyages nous avaient démontré dès longtemps ( Journal de géologie , 1830) que ces couches se prolongent jusque très près du bassin de A ienne ; ce fait ne peut se méconnaître quand on parcourt l’intérieur de ces Alpes calcaires , par exemple , entre Steyer , Admont, Eisenârz , Mariazell et Gaming. M. de ïlauer vient de le préciser en décou¬ vrant les Monotis à Spital am Pyrlin , à Neuberg sur le Murz , et enfin à Ilôrnstein près de Piesting , à 7 lieues S. de A ienne. Probablement il y en a des bandes septentrionales et méridionales, et si la présence de ces fossiles ne doit pas toujours faire présumer le voisinage du sel , elle doit au moins exciter le paléontologue à rechercher les autres couches coquillières qui les accompagnent ordinairement. Ainsi s’expliquent déjà ces Ammonites à Hirten- berg et à l’O. de Gainfahrn, parce que ces localités sont voisines de Hornstein ; aussi leurs espèces sont-elles près des salines de Hallein, en Salzbourg, etc., etc. — Ceci me conduit à revenir sur la pau¬ vreté prétendue en fossiles de nos Alpes calcaires. Comparant leurs masses à celles de i’Alp du Wurtemberg et à celles des collines de l’Oxfordshire , les pétrifications n’y parais¬ sent plus si rares, mais leur conservation est seule fautive, de ma¬ nière que les Deshayes et les d’Orbigny regarderaient souvent ces reliques plutôt comme des jeux de la nature ou de la matière à mortier que comme des morceaux de cabinet. Dernièrement en¬ core j’ai reconnu dans des lieux négligés des rochers pétris de bi¬ valves et d’univalves, parmi lesquelles au moins quelques genres étaient déterminables, par exemple, des Huîtres , des Térébratules lisses, des Bucardes, etc. Les plantes fossiles du keuper, décou¬ vertes dans nos Alpes par Haidinger (iV. Jahrbuch v. Leonhard , 1846, p. 46) , le Saurien de Hieflau, les Monotis, certains bancs à Térébratules, d’autres à Polypiers, d’autres à Hippuri tes ou à Caprines, ou à Nunimulites , enfin les pâtés coquilliers de Gosau; voilà des matériaux pour un échafaudage théorique. Or, à présent 167 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1846. que plusieurs jeunes géologues sont à la tâche , et que ce n'est pins tel ou tel tout seul qui arpente nos monts et manie nos rocs , nous allons enfin toucher au but. M. Joachim Barrande a donné un aperçu de sa Notice prélimi¬ naire sur le système silurien et les Trilobites de Bohême , Leipsic , 1846, in-8° de 97 pages. Vous connaissez probablement cet opus¬ cule: 600 espèces de fossiles avec de nombreux Nobis, 129 espèces de Trilobites ! Souhaitons qu’il publie bientôt ce trésor. Il a dû se hâter, car M. Corda travaille le même sujet. M. Barrande est un homme instruit, et devrait être sur votre liste. Vous voyez, messieurs, ce que promet cette Société naissante, qui , dans son programme , comprend dans les sciences naturelles l’astronomie , la météorologie , la géographie , la géologie , la mi¬ néralogie , la botanique , la zoologie , l’anatomie , la physiologie , la physique, la chimie , et même les mathématiques. Si le gou¬ vernement la laisse marcher, et si elle fleurit à côté d’une Acadé¬ mie , ce ne sera plus un progrès notable , mais une véritable révo¬ lution scientifique dans cette capitale. Au milieu d’une nature si belle et si variée , au centre de tant de nationalités diverses , et entourée d’une auréole de voies de communication, auxquelles le 1er vient de mettre la quadruple ou cruciforme couronne , on peut hardiment prédire que sur cette large voie Vienne doit devenir et deviendra un vaste carrefour de renseignements et de découvertes pour les sciences naturelles. Or, dans nos temps si neufs , cl laque pas fait en avant doit être mûrement pesé, une fois fait, tout re¬ tour est impraticable ; c’est un fait accompli , une véritable cons¬ tante de la civilisation du genre humain. M. Damour, trésorier, présente l’état suivant des recettes et des dépenses de la Société, du 1er janvier au 31 octobre 1846. Il v avait en caisse au 31 décembre 1845. . 958 fr. 25 c. j La recette, depuis le 1er janvier 1846, a été de . 15,475 35 Total . 16,433 60 La dépense , depuis le I er janvier 1 846, a été de . 14,483 20 11 reste en caisse au 31 octobre 1846. . . . 1,950 40 1(58 SÉANCE 1)U 16 NOVEMBRE 18/lG. M. le secrétaire donne lecture de la note suivante de Al. Alau- duyt : Vu mot sur un morceau (le quartz d une variété particulière , ainsi que sur une substance minérale trouvée dans le dépar¬ tement de la Vienne , par M. Mauduyt. Je dois à l’obligeance de M. Ménard, proviseur du collège royal de la ville de Poitiers , de pouvoir faire connaître à la Société un minéral dont la bizarrerie de formation m’a semblé telle , cpi’elle m’a paru digne de lui être signalée; je n’ai donc pu résister au désir de le lui faire connaître , non plus qu’à celui d’émettre mon opinion relativement aux causes qui ont dû contri¬ buer à lui donner cette singulière conformation. Ce minéral , que d’abord on serait porté à regarder comme un quartz recouvert et pénétré de lames de barytine (baryte sulfatée), n’est qu’un quartz hyalin thermogène celluleux ou cloisonné , dont les cavités sont tapissées de jolis petits cristaux de quartz hyalin limpide. Cet échantillon, qui provient des terrains de cristallisation ou de soulèvement du département des Deux-Sèvres, dans la commune de la Chapelle-Saint-Laurent , a été extrait d’une carrière nou¬ vellement ouverte au lieu dit Pas-de-la- Vieree. Ces terrains, dont l’apparition à la surface du sol est probable¬ ment due aux mêmes phénomènes géologiques qui firent surgir ceux de même nature des départements de la Vendée , de la Vienne et de la Haute-Vienne, durent, lors de leur surgissement, occasionner des perturbations considérables dans le sol environ¬ nant, et modifier, même souvent changer de nature, les matières composant ce même sol, et contribuer aussi, à l’aide de dégage¬ ments gazeux à la formation de nouvelles substances. D’après cet exposé et l’examen de l’échantillon (1) , je suis porté à croire qu’au moment du soulèvement , il a dû jaillir du sein de la terre des sources d’eau d’une température très élevée, tenant en dissolution de la silice , si abondante à cette époque, telles que celles que l’on connaît encore aujourd’hui en Islande sous le nom de geyser , qu’elles déposèrent ensuite , sous forme d’incrustation de stalactites et de stalagmites, sur les matières environnantes; une portion de ces mêmes eaux , contenues dans les cavités des corps (I) Il se trouve déposé dans le Cabinet d’histoire naturelle de la n il le de Poitiers. SÉANCE DU 16 NOVEMBRE IS/|6. 169 par suite de leur évaporation , contribua à la formation de ces jolis petits cristaux qui se remarquent dans les cellules de notre échantillon. On pouvait peut-être, et avec raison, expliquer la singularité de forme du morceau qui nous occupe au moyen de la théorie du métamorphisme si en vogue aujourd’hui parmi les géologues , en supposant que la barytine , dont ce morceau paraît recouvert , a été convertie en silice par le contact d’un gaz siliceux , et que le quartz thermogène, qui recouvre et pénètre notre quartz hyalin , n’est qu’une épigénie de baryte sulfatée. Voici ce que j’avais à dire au sujet de ce joli échantillon; qu’un autre plus exercé et surtout plus habitué que moi à prendre la na¬ ture sur le fait et à lui dérober ses secrets vienne vous faire con¬ naître les phénomènes qui ont du contribuer à donner à notre échantillon la bizarrerie que je viens de vous signaler , j’aurai au moins l’honneur de l’avoir entrepris. J’ai maintenant à parler à la Société d’une substance que je n’ai pu , quoiqu’elle ne soit peut-être pas inédite , rapporter à aucune de celles décrites dans les ouvrages de minéralogie que j’ai été à même de consulter (1). Ce minéral , que je nomme montmorillonniste , se trouve près de Montmorillon , en un lieu dit de la Maison-Dieu , où il s’est rencontré dans les argiles supérieures du lias , et dépendant pro¬ bablement de l’oolite inférieure , ce que jusqu’à présent je n’ai pu constater, vu les circonstances particulières qui m’en ont empê¬ ché , mais ce que je me propose de faire incessamment. Mon fds, pharmacien à Poitiers, sur ma demande , a bien voulu faire l’analyse de cette substance, qu’il a reconnue être un silicate d’alumine de chaux et de magnésie , dont le principe colo¬ rant est le cobalt. Sa pesanteur spécifique est de 1,70. Ce minéral , d’un beau rose , et rarement taché de noir par le peroxyde de manganèse , si abondant dans les environs du lieu où il se trouve , a une texture grenue , et les grains qui le com¬ posent sont de deux sortes : les uns d’un rose parfait et d’aspect terreux, entièrement opaques; les autres sont d’un rose tendre, un peu hyalins et de forme arrondie ; entre ces parties se remarquent, surtout dans la première, comme des sortes de yacules , semblant (1) Haüy, Traité de. minéralogie. Brard, Manuel du minéralogiste. Vospeguel Beudant, Traité élémentaire de minéralogie , édition de 1824. Manuel de minéralogie , par Blondeau. Nouveau Manuel com¬ plet de minéralogie } par Huot. 1841. 170 SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 18/l0. indiquer le dégagement de quelques bulles d’air qui aurait eu lieu lors de la formation de cette substance et quand la pâte était en¬ core molle. Son aspect est terreux , ou plutôt il ressemble à un morceau de savon au toucher ; il en a l’onctuosité. Sa dureté est peu considérable ; se laissant entamer facilement par l’ongle et couper au couteau , surtout lorsqu’il est humecté , il se polit facilement sous le doigt. L’odeur ('e cette substance lui est particulière , n’ayant nul rapport avec celle dite argileuse, ni même avec celle d’aucun mi¬ néral connu. Cette sensation , qui se manifeste particulièrement lorsque la substance est mouillée , est aussi très sensible par l’in¬ sufflation. Elle happe légèrement à la langue ; sa saveur est nulle , et elle ne fait point effervescence avec les acides; mais elle se résout , de même que dans l’eau, en une sorte de pâte qui, au bout de quel¬ que temps, devient en partie gélatineuse. Exposée à l’air , elle ne s’y délite point; mais elle s’y durcit, de même qu’au feu ordinaire où elle blanchit en perdant l’eau dont elle était pénétrée. M. Martins donne l’analyse d’une note de M. De Luc, ayant pour titre : Mémoire sur la cause du transport des b tocs erratiques dans le nord de /’ Allemagne , par J. À. De Luc, de Genève. Il y a deux opinions pour expliquer le transport du terrain erratique : l’une qui l’attribue à des glaces d’une vaste étendue , qui partaient des Alpes et se prolongeaient jusqu’au nord de l’Eu¬ rope ; l’autre qui l’attribue à des courants de l’ancienne mer pro¬ duits par quelque grande révolution du globe. Ce sont les faits bien décrits et dans tous leurs détails qui peu¬ vent résoudre la question entre les deux opinions et décider laquelle s’accorde le mieux avec les phénomènes. Les principaux faits que je rapporterai sont tirés des voyages de De Luc, publiés à Londres en anglais, en 1810, en 3 volumes. Quoique ces faits soient imprimés depuis longtemps, ils sont in¬ connus sur le continent et auront le mérite de la nouveauté. De Luc partit de Berlin en juillet 1804 pour parcourir les côtes de la mer Baltique. Il passa par Strelitz , Malchin , Lages , Ros- SÉANCE DU 10 NOVEMBRE 18/|0. 1 .71 tock , et atteignit la mer à Warnomünde, distant de 50 lieues de Berlin. Pi 'ès d’Oranienburg , à 7 lieues au nord de Berlin, au sommet d’une colline , De Luc vit une grande abondance de blocs de ro¬ ches primitives, surtout des granités. Ces pierres avaient été tirées des champs et servaient de clôtures , placées les unes à côté des autres. De L uc fit le tour du petit lac Zierkesee , à une petite lieue au N. -O. de Strelitz. 11 trouva , sur le côté oriental , un grand nom¬ bre de gros blocs et d’autres pierres plus petites , principalement de granité. En passant par-dessus la colline , vers le côté occiden¬ tal du lac, il descendit dans un vallon où il trouva un grand nom¬ bre de blocs granitiques. Il s’approcha d’une colline élevée qui formait un promontoire dans le lac ; il monta à son sommet, qui est coupé à pic du côté du lac. Le côté très rapide par lequel il monta était jonché de gros blocs de granité. En partant de Strelitz , De Luc tourna l’extrémité N.-E. du lac et alla jusqu’au village de Liepen (1) ; il ne traversa que des sables sans blocs, et même sans petites pierres; mais en approchant de Liepen , il rencontra des pierres dans le sable , et lorsqu’il eut traversé le vallon et qu’il montait la colline vis-à-vis , il com¬ mença à observer des blocs ; leur nombre allait en augmentant , et enfin il arriva à un espace tout couvert de gros blocs, d’environ une demi-lieue de longueur. La route passe au travers , mais avec beaucoup de détours, à cause des grands blocs, enterrés en partie, qu’il faut éviter. Ils sont composés de granités de différentes espèces et d’autres pierres primitives. Les blocs continuent sur les collines environnantes avec une si grande quantité de pierres plus petites, qu’il a fallu en débarrasser le terrain et en faire des mon¬ ceaux pour obtenir seulement un peu de pâturage. Aux environs de Malchin , petite ville du duché de Mecklein- bourg Scliwerin, située entre deux lacs , près du lac au N.-E., on arrive à des collines semblables à des pains de sucre ; et quand on les voit du sommet de la plus élevée , le pays paraît un monceau de ruines , ces collines étant toutes jonchées de blocs de granité. Au N. -O. de Rostock , entre cette ville et la mer Baltique, et près de quatre villages , on voit des espaces de terrain couverts de gros blocs de roches primitives qui , par leur nombre, empê¬ chent de mettre le terrain en culture. ff) Liepen est à 23 lieues de Berlin et à 25 lieues de la mer Bal¬ tique. 172 SÉANCE Dl' 1(5 NOVEMBRE 184(3. Sur la route de Rostock à Warnomünde . sur le côté occi¬ dental du golfe , on rencontre d’abord plusieurs blocs épars , sur¬ tout de granité; il y en avait de très gros autour du village de Bra- mow , au-delà ducpiel il y a un de ces espaces où ils sont trop nombreux pour que le terrain puisse être cultivé. La route est bordée de ceux qu’on a tirés des champs mis en culture. On en voit de nouveau un grand nombre au village de Kleinkeen , et ils continuent jusqu’à Warnomünde , dont le quai est construit de grands blocs de pierres primitives , principalement de granité. De Warnomünde à Dobberan , à 2 lieues 1/2 au S. -O. , en pas¬ sant sur des collines basses, le terrain est couvert de blocs. On en voit un grand nombre rassemblés dans trois villages. Ils ont été tirés des champs , lorsque ceux-ci ont été mis en culture; mais il v a des espaces qui en sont tellement couverts qu’on n’a pas encore pu les en débarrasser , et qu’on n’en fait d’autre usage que pour faire brouter au bétail l’herbe qui croit entre les pierres. Toute la plaine entre les collines et la mer est jonchée de blocs. En revenant de Dobberan à Rostock par une route plus directe, on traverse d’abord une plaine où l’on observe la même quantité immense de blocs , quoique distribués inégalement. Les enclos des jardins et des vergers autour du village de Lam- brechts-Hagen , à 2 lieues à l’O. de Rostock , étaient formés avec des blocs ; il y en avait aussi le long de la route , et un grand monceau de blocs avait été accumulé près de l’endroit où l’on de¬ vait les employer. Cinq hommes , avec des leviers , étaient occupés à en faire mouvoir un vers l’endroit où il devait être placé. Un de ces hommes étant interrogé d’où ils avaient amené toutes ces pierres, il répondit : Elles ne viennent pas de loin, nos terres n’en sont que trop pleines. En effet , je n’avais pas fait bien des pas que j’arrivai à un grand espace qui était tellement couvert de blocs , qu’on ne pouvait en tirer aucun parti pour la culture ; plus loin , j’en rencontrai un très petit nombre ; mais de nouveau j’en vis un grand nombre en m’approchant des collines voisines de Rostock. De Rostock De Luc va à Wismar et visite l’île de Poel, située au N. de cette ville. On arrive dans cette île par deux ponts , sépa¬ rés par une petite île. Le premier pont est pourvu d’un pont-levis. En entrant dans l’île , on trouve le village de Fehrdorff, où un grand nombre de blocs étaient accumulés ; plusieurs avaient été employés pour des clôtures. De ce village on va à celui de Timen- dorff, sur le côté O. de l’île ; on rencontre de nouveau un grand nombre de blocs de granité sur le chemin. Le côté occidental de l’île est bordé de falaises basses , de 20 à SÉANCE DU J6 NOVEMBRE 18 /| 6. j 73 30 pieds de hauteur, et eu avant on voyait une quantité immense de blocs dans la mer, s’étendant à une distance considérable et reposant sur un bas-fond couvert de pierres , de chaque côté du¬ quel l’eau était plus profonde. Je descendis, dit De Luc, sur le rivage composé de ces pierres et de ces blocs ; quelques uns pré¬ sentaient de beaux échantillons de granité et d’autres pierres pri¬ mitives. Quand je tournai mes regards vers la falaise, je vis qu’elle était dans le même état que celle qui est près des bains de Dobbe- ran (1) ; quelques blocs projetaient de la partie supérieure , prêts à tomber, et d’autres étaient au pied , encore entourés de la terre et des pierres qui étaient tombées avec eux. Au printemps, lorsque la gelée a cessé et que les neiges commen¬ cent à fondre , de grandes masses de ces escarpements s’éboulent avec les pierres, dont on voit un grand nombre sur toute l’île ; les vagues lavent la terre et vont la déposer autour de File , laissant les pierres sur place. L’île s’étendait une fois sur tout l’espace où l’on voit des pierres. Description (le file de Rügcn , faisant partie (le la Poméranie suédoise (2). Avant de continuer les observations de De Luc , faisons connaître les phénomènes que présente File de Rtigen , faisant partie de la Poméranie suédoise , et placée directement au midi de la Scanie. Sa forme est très extraordinaire ; elle est composée de quatre par¬ ties : d’une grande île, appelée Rügcn propre , et de trois pénin¬ sules , celles de Wittow et de Jasmund au N., et celle de Monkguth au S. Les deux premières sont composées de couches de craie, contenant les silex et les corps marins communs à ces couches. Ces (1) A FO. de la maison des bains de Dabberan une suite de col¬ lines s’avancent jusqu’à la mer, se terminant par une falaise. En avant de cette falaise on voit dans l’eau une grande abondance de blocs sur un fond de gravier et de quelques grosses pierres. Le sommet de la colline est composé de même de gravier, de pierres plus grosses et d’un grand nombre de blocs. En s’avançant sur le bord escarpé de la falaise on voit des blocs plus ou moins enfoncés dans l’eau ; ils s’avan¬ cent dans la mer jusqu’à la distance où la colline s’étendait avant qu’elle fût dégradée par les vagues de la mer. Devant toutes les falaises qui terminent les collines du côté de la mer, jusqu’à Kiel , on voit des blocs sur le rivage et dans la mer, ils étaient dans le pays. (2) D’après des descriptions faites par MM. Yon Willich et Zollner, et communiquées à l’auteur. 17/| SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/|6. péninsules sont coupées à pic . Le grand glacier partait de a et transportait ses matériaux jus¬ qu’en b , puis, par la fonte successive, il a reculé jusqu’en c. Les vallons du Jorat , qui versent leurs eaux dans le lac de Genève , se sont trouvés encombrés de glace ; il y a eu temps d’arrêt dans la marche rétrograde; de petits glaciers se sont formés, et les maté¬ riaux qu’ils ont mis en mouvement ont pris la direction de c en 0Ü SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 18/l6. Scanie. Or, comme ces tourbes se rencontrent en plusieurs en¬ droits sous les césars , c’est une preuve que ces œsars sont de notre époque. Résumé. Je crois avoir prouvé dans ce Mémoire : 1° Qu'il existe la plus grande analogie entre le phénomène er¬ ratique du Nord et celui des Alpes, malgré les objections que l’on a élevées contre l’application de la théorie glaciaire aux régions Scandinaves ; 2° Que les traits propres du phénomène du Nord sont une con¬ séquence des changements de niveau auxquels le sol de la presqu’île est assujetti ; 3° Que ces changements de niveau ne sont pas limités à l’époque historique , mais qu’ils remontent au-delà du diluvium ; U° Que depuis lors le sol de la Scandinavie a éprouvé des sou¬ lèvements et des abaissements successifs. J’ai distingué trois mouvements principaux qui correspondent aux principales phases de l’époque diluvienne, savoir : 1° un pre¬ mier soulèvement, pendant lequel le sol était plus exhaussé que maintenant , c’est la période des glaces ; 2° un affaissement général entraînant à sa suite Y envahissement des plaines de la Scandinavie par la mer; 3° l’émersion de ces mêmes plaines, qui se continue encore sous nos yeux, l’époque des œsars. J’ai représenté ces trois périodes d’une manière graphique dans la fig. 1 de la planche II qui représente une coupe idéale de la Scandinavie de 10. à l’E. (1). physes dorsales du squelette du Muséum de Lund est percée d’un trou qui se continue dans l’apophyse de la vertèbre suivante. Ce trou est entouré d’une callosité qui indique que la blessure s’est cicatrisée pen¬ dant la vie de l’animal. En examinant attentivement ce trou, M. Nilson s’est assuré que sa forme correspond exactement à celle des lances en pierre à feu , qui était l’arme principale de ce peuple. (1) Il est une troisième théorie, une sorte de terme moyen entre la théorie glaciaire et celle des courants, qui consiste à attribuer le poli et le striage des rochers à des glaces flottantes qui auraient façonné les récifs et les bas fonds par leur base, en même temps qu’ils auraient déposé les blocs dont ils étaient chargés. Cette théorie, proposée en premier lieu par M Bronn (1) , et développée plus tard par MM. Mur- chison (2) et de Yerneuil, admet , comme la théorie glaciaire de ( (Y Jnhrbuch de Lienhard et Bronn, 1842 , t. X , ]>. 70. Tiad. fianç. Ann. de $coloèie , (2; Quarterly Journal of the geological Society of London , 1846 , t. Il , r. 349. 205 SÉANCE DU 1(5 NOVEMBRE 1846. Chacune de ces périodes a dti être d’une certaine durée. L'on conçoit , en eiïet, que pour qu’un agent se mouvant aussi lentement qu’un glacier ait pu transporter à la distance de plusieurs centaines de lieues des blocs et tout un terrain arraché aux montagnes de la Norvège, il ait fallu un temps fort long , dont le minimum se¬ rait de plusieurs milliers d’années, si l’on prenait pour base le mouvement des glaciers les plus accélérés de notre époque. La seconde période a dû être au moins aussi longue si l’on con¬ sidère le temps qu’il faut pour qu’une faune tout entière puisse vivre , se propager et laisser des dépouilles nombreuses sur un sol autrefois exondé. Enfin , la troisième période comprend l’époque historique , de- M. Agassiz, un climat plus froid que celui de l’époque actuelle, qui aurait permis aux glaciers de la Scandinavie de s’avancer jusqu’au débouché des vallées. La Scandinavie, selon M. Murchison , en se soulevant du sein de 1 océan glacial qui recouvrait tout le nord de notre hémisphère, aurait occasionné des courants violents capables de façonner le sol des plaines du Nord, et poussé vers le Sud une quan¬ tité considérable de glaces flottantes chargée de détritus des monts Scandinaves. Cette migration des glaces aurait été entretenue plus tard par les éboulements des glaciers septentrionaux. Partant de cette hypothèse, l'auteur anglais rapporte à une même époque le burinage des rochers et la disposition des coquilles boréales dans le diluvium. Si les choses s’étaient réellement passées de la sorte , il faudrait qu’on trouvât de ces coquilles aussi loin qu'on a signalé des blocs er¬ ratiques; or, on n’a jusqu’ici constaté leur présence que dans le dilu¬ vium de Scandinavie et de Finlande. D’un autre côté, en faisant in¬ tervenir des courants marins comme cause des sulcatures , la théorie de M. Murchison encourt le même reproche qu’on a si justement fait à la théorie des courants terrestres, c’est d attribuer à l'eau une fa¬ culté tout à fait imaginaire. Quant aux glaces flottantes, je conçois qu’elles puissent, dans certaines circonstances, user et strier les ré¬ cifs sur lesquels elles passent , mais il m’est impossible d’admettre qu’un système de sulcatures aussi uniforme , aussi continu et aussi ré¬ gulier que celui des plaines de la Suède, ait pu être gravé à la surface de tout un pays par des agents aussi mobiles que des radeaux de glace. Enfin, la théorie de M. Murchison a le désavantage de faire inter¬ venir deux agents sulcateurs, les glaciers pour les pays de montagnes, et les glaces flottantes pour les plaines et les plateaux. Or, pour qui¬ conque a observé les stries dans les différentes parties de la Scandi¬ navie , il est de toute évidence qu’elles ont partout le même cachet. Celles des plaines de la Suède ne diffèrent pas plus de celles des vallées de la Norvège , que celles de la plaine suisse et des flancs du Jura ne diffèrent de celles des vallées alpines. *200 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE '1S/|0. puis la prise en possession de ce sol par les populations de races étrangères dont nous trouvons les débris au fond des tourbières du Nord. Ainsi donc l’époque glaciaire n’est pns un simple accident dans l’histoire de notre globe : c’est une longue période , dont l’histoire est d’autant plus importante pour la géologie , qu’elle lait le pas¬ sage des époques antédiluviennes aux temps historiques. Séance du 7 décembre 1846. PRÉSIDENCE DE M. DE VERNE U1L. M. Bayle, vice-secrétaire, donne lecture du procès-verbal delà dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Le professeur Ansted, vice-secrétaire de la Société géolo¬ gique de Londres, Sommerset-House , Londres, présenté par MM. de Yerneuil et le V" d’Archiac-, James Tennant, professeur de minéralogie à King’s College, Sommerset-House, Londres, présenté par MM. de Yerneuil et le V" d’Archiac ; Paraguay, capitaine du génie, à Paris, rue de PUniver- site , 52 , présenté par MM. Le Blanc et Merlin. Le Président annonce ensuite huit présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit ; De la paît de M. J. 1 ournel : 1° A otes additionnelles aux Mémoires sur les sd/ces farineuses des départements du Puy- de-Dôme et de P Ardèche (exir. des Ann. de la Soc. ror. d agnc.y Inst, riat . et arts utiles de Lyon) -, in-8°, 8 p. Lyon... 2o Note sur le plomb molybdate rouge de Chene/ette (Phone) (exlr. des mêmes Annales )■ in-8°, 1 p. Lyon . 3° Mémoires sur les tremblements de terre dons le bassin 207 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 AO. du Danube , par M. Alexis Pierrey (exlr. des memes A anales). De la part de M. le D1 E u gène Robert , Recherches sur les mœurs et les ravages de quelques insectfs xylophages , etc _ (6 brochures réunies) , in-8°, 120 p., l\ pl. Paris, 18A6. De la part de M. le Dr J. Teissier-Rolland , Etudes sur les eaux de Aimes et de d aqueduc romain du Gard; t. II, 2e partie, in-8°, p. v— lxxvii et 321 — 562. Nîmes, 18A6. De la part de M. Charles Darwin , Geological observa¬ tions , etc. (Observations géologiques sur l’Amérique du Sud) -, in-8°, 208 p., 1 carte, 5 pl. Londres, 18/|6. De la part de M. L. Pareto : 1° Suit a costituzione géolo¬ gie a , etc. (Sur la constitution géologique des Iles Pianosa , Giglio, Giannutri , Monte-Cristo et Formiche di Grosseto); in-8°, 20 p., 3 pl. Pise , 18A5. 2° Cenni geognostiche , etc. (Aperçus géognostiques sur Pile de Corse)$ in-8°, 38 p., 2 pl . De la part de M. le baron de Cussy, Caria geographica , etc. (Carte géographique, statistique et géognostique de la partie de la Sicile où existe la masse des calcaires sulfureux, contenant la vallée de Caltanissetta et partie de celle de Girgenti , Catane etPalerme), par Joseph Sénés-, 1 feuille grand-aigle. Païenne. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences; 18A6, 2e semestre, nos 20 — 22. L}lnstitut , 18A6, n°* 672— 67A. Société royale d’ agriculture de Paris. — Compte-rendu des travaux de ta Société depuis l'exposition de 18A5, par M. Bailly de Merlieux; in-8°. 7 he London geological journal ; août — septembre 18/|6. The quarterly Journal oj the geological Society oj London ; n° 8 , novembre 18A6. The Athenœum , 18A6 , nos 995—997. The Mining Journal , nos 587 — 589. Aova acta Academiœ naturœ curiosiorum ; t. XXI, pars secunda , 18A5. M. Michelin offre à la Société : 3 échantillons de Bélemnites du col d’Anterne, prés de Servos (Savoie)-, 1 échantillon de Bélemnite de la Gemmi (Suisse) -, 208 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE !8/|6. 1 fragment (l’un bloc erratique à surface polie du glacier des Bossons, près de Chamonix, 2 galets striés , recueillis sous les glaciers des Bossons et de Taconnet, près de Chamonix -, Ces trois derniers échantillons recueillis par l\IM. Edouard Collomb et Michelin. M. le vice-secrétaire donne lecture d’une lettre de M. de la Marmora , qui envoie à la Société les prospectus d un prix pro¬ posé pendant le congrès de Gênes pour le Mémoire qui sera présenté sur la question des Nummulites et surtout des ter¬ rains nummulitiques du midi de l’Europe. Le Secrétaire pour l’Étranger donne lecture de la lettre suivante de M. Studer : Lettre de M. B. Studer à M. Martins sur les coins calcaires intercalés dans le gneiss des Hautes Alpes bernoises. Berne, le 16 novembre 1846. Lorsque pour la première fois, c’était je crois en 1831 , je visitai le Rotlithal et riJrbach-Sattel, je crus pouvoir expliquer ces grands coins de calcaire qui entrent dans le gneiss et les autres singularités dans le gisement des deux roches , par un refoulement de terrains calcaires, qui auraient été soulevés , brisés et repliés sur eux-mêmes pendant l’épanchement du granité ou du gneiss. C’est dans ce sens , à peu près , que je me suis exprimé dans la lettre à M. Boué , insérée dans le t. II du Bulletin , p. 51 , et la figure explique assez mes idées d’alors. Depuis ce temps j’ai fait mes voyages dans les Grisons, en Valais et en Italie, et je me suis familiarisé avec les idées de métamorphisme cpii , dans ces der¬ niers pays, se présentent au géologue presque à chaque pas. J’avais vu des schistes fossilifères passer insensiblement au micaschiste, talcschiste et au gneiss , et j’avais acquis la conviction que les gneiss dérivaient d’anciennes roches sédimentaires. Cette manière de voir devait naturellement me fortifier dans l’opinion de de Saussure , qui , après avoir passé sa vie au milieu des plus hautes montagnes de gneiss , regardait les strates de cette roche comme de véritables couches. J’adoptais les vues de Playfair, généralement admises , que les plans de séparation des strates de gneiss étaient les dernières traces de l’ancienne stratification sédi- mentaire. La structure de nos massifs de gneiss, cependant, est *200 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. assez singulière. Tous connaissez les coupes en éventails ouverts en haut que présentent les massifs du Mont-Blanc, du Saint-Gothard, du Grimsel , ces couches verticales de gneiss granitique sur l’axe même du massif, et celles des deux versants plongeant vers l'axe. En admettant l’horizontalité primitive de ces couches, on a besoin d’un grand effort d’imagination pour se former une idée nette du mouvement qui a pu produire une structure pareille, et, en supposant que, ce qui se présente d’abord, les couches aient été soulevées des deux cotés et forcées dans une position verticale par une pression latérale , on ne trouve pas , dans ces vallées étroites, la place nécessaire pour ce redressement en angle droit , et on devrait s’attendre à voir, en quelques points du moins, se former une vallée synclinale sur la crête du massif, puisqu’il ne serait pas naturel de supposer que la pression ait eu partout la même force. M de Bueh , si je ne me trompe, a donné une autre solu¬ tion de ce problème embarrassant. 11 regarde les couches du mi¬ lieu , dans lesquelles la structure de gneiss est le moins prononcée, comme un véritable granité , un dyke qui , dans le retrait du refroidissement , aurait entraîné les schistes des versants en les forçant dans une position inclinée vers Taxe. Une opinion assez semblable paraît être celle de M. Neeker, qui suppose à la base du massif une bosse granitique sur le contour de laquelle les couches de protoginc seraient implantées à peu près comme les dents sur le contour d’une roue. C’est le désir de me procurer quelques nouvelles données qui pussent servir à la résolution de cette ques¬ tion épineuse, c’est l’obligation que je me sentais de ne pas laisser subsister des obscurités dans la géologie de mes environs , qui me décidèrent à reprendre l’examen des points les plus importants où le gneiss, dans l'Oberland bernois, se voit en contact avec le cal¬ caire. Je crois, en effet, avoir constaté quelques faits décisifs qui , s’ils ne donnent pas la solution cherchée , la feront dépendre cepen¬ dant de données précises qui dissiperont le vague dans lequel jus¬ qu’ici elle me paraît avoir été envelopp e. La coupe de la Jungfrau ou du Roththal, que nous avons suivie ensemble avec M. Brunner, n’est pas, par rapport à la question qui nous occupe, la plus instructive. L’on y voit, comme le montre le dessin de ma lettre à M. Boué , les deux coins de calcaire enchâssés dans le gneiss , et vous avez observé avec nous que les couches du coin supérieur sont repliées sur elles-mêmes. L’on voit aussi qu’en général les strates du gneiss sont inclinés au midi sous un angle de Zj5 à 60°, tandis que le calcaire en dehors des coins plonge au N. (l’extrait de ma lettre à Boué lui attribue Son. qéol., V série, tome ÏV I i 2/|0 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. faussement une inclinaison contraire). Mais au contact la strati¬ fication du gneiss est peu distincte, et l’on reste indécis sur la ma¬ nière par laquelle ses strates inclinés au midi se joignent caire , s’ils se plient pour en suivre le contour, ou s il y a une véritable discordance de stratification. Cette lacune dans nos observations est remplie par la coupe du Mettenberg. Le magnifique escarpement d’au moins 1000 mètres de hauteui que cette montagne présente au village de Grindelwald est cal¬ caire ; mais les hauteurs qui le recouvrent et qui vont se liei à la cime du Grand-Schreckhorn sont de gneiss. Le calcaire y forme encore un coin dont la longueur, estimée de 1 escarpement jus¬ qu’au chalet de laStieregg, vis-à-vis du Zaesenberg, doit être poui le moins d’une lieue. L’on peut atteindre la hauteur du Metten¬ berg en montant par des couloirs assez escarpés qui suivent à peu près le coude du coin calcaire, et l’on s’y convainc a 1 évidence qu’en effet les couches du calcaire sont repliées sur elles-mêmes. Non seulement on les voit s’arquer et reprendre une position hori¬ zontale , mais la succession des diverses couches calcaires contiguës au gneiss sur la hauteur du Mettenberg est, en partant toujours de la ligne de contact, la même que celle que l’on observe à la Stieregg , c’est-à-dire que sur la montagne on trouve en descen¬ dant la même suite de couches que l’on trouve à sa base en mon¬ tant. La stratification du gneiss est presque toujours assez distincte, elle l’est surtout à la Stieregg auprès du contact. L’inclinaison , à l’instar de celle au ond de la vallée de Lauterbrunnen , est au midi , sous un angle d environ à5", et à la Stieregg on ne conserve pas le moindre doute que réellement le calcaire et le gneiss sont en stratification discordante. J’ajouterai , par parenthèse, que la dis¬ cordance est bien plus évidente que celle entre le schiste talqueux de Peycliagnard , près de La Mure , en Dauphiné , et le terrain 211 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 46. anthraciteux , ou entre celui-ci et le lias , et qu’à plus forte raison on en pourrait conclure qu'à la Stieregg le gneiss est antérieur au calcaire. Cette conclusion cependant serait évidemment très fausse. Nous avons vu , M. Br unner et moi , à peu près les mêmes faits sur la coupe opposée du Mettenberg, mise à découvert par le gla¬ cier supérieur de Grindelwald. L’on gagne le fond de ce glacier par un sentier assez scabreux qui traverse par le milieu à peu près les escarpements du Wetterborn , de manière que pendant près d’une demi-heure l’on a à sa droite des précipices de plus de 1000 pieds de hauteur. Dans ce fond de glacier l’on se trouve vis- à-vis du Wetterhorn , dans la même position qu’à la Stieregg , par rapport au Mettenberg. Le calcaire plonge au N. sous un angle très fort; le gneiss qui lui est adossé, et qui fait partie des mon¬ tagnes é,e gneiss qui séparent les glaciers de Grindelwald de ceux du Grimsel , est incliné au midi , et cela au contact même. La masse calcaire du Wetterhorn ressemble à une grande jatte rem¬ plie de gneiss ; c’est comme si le coude du Mettenberg avait été écrasé par le poids qu’il supporte ; c’est le poids d’une masse de gneiss de près de 2000 mètres d’épaisseur. De Rosenlaui nous escaladâmes le glacier qui descend de la face opposée du Wetterhorn pour gagner le col d’Urbach ou Urbachsnttcl. 11 y eut d’assez mauvais pas , parce que la grande fonte des neiges de cet été avait mis à découvert beaucoup de *212 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18Û6* crevasses qu’eu d’autres années on traverse sans danger. La belle coupe , de laquelle j’ai donné un croquis dans la lettre à M. Bouc , se trouve de l’autre côté du col. J’en répète ici la figure avec quelques corrections. D’abord, les coins de gneiss ne sont pas horizontaux , connue dans ma première figure ; ils plongent au N. , parallèlement à la stratification du calcaire ; ensuite, la cime du Stelliliorn est de gneiss , comme l’a vérifié M. Esclier, lorsque nous fûmes ensemble dans la vallée d’Urbacli en 1836. Lu fait assez curieux se voit dans un couloir près du chalet de Lau- clierli , c’est un des coins de calcaire qui se brise dans le couloir et dont l’extrémité méridionale suit la stratification du gneiss comme une couche intercalée. On remarque d’autres couches semblables en descendant la montagne, mais il n’est pas aussi facile de les suivre jusqu’à leur origine. Auprès de la limite supé¬ rieure du calcaire du Mettenberg, il y a également des alternances de gneiss et de calcaire et des fragments de couches calcaires enclavées dans le gneiss. La stratification du gneiss au col d’Ur- bacli et à la base de la montagne est très distinctement dévelop¬ pée ; on l’observe jusqu’à l’extrémité des coins qui s’engrènent entre le calcaire , et dans les premiers rochers surmontés de cal¬ caire qui affleurent au-dessus du sol de la vallée. Partout les strates sont régulièrement inclinés au midi , de manière que, dans les branches qui s’entrelacent avec le calcaire , la stratification est doublement discordante , par rapport au toit comme par rapport au mur. La conclusion la plus importante qui me paraît résulter de ces faits , c’est que la stratification du gneiss de ces montagnes ne peut être envisagée comme une stratification sédimentaire ; la roche est, suivant une nouvelle expression assez heureuse, un granité schisteux. Mais, si l’on se rappelle que ces strates de gneiss , incli¬ nés au midi , sont les mêmes que ceux qu’on traverse entre itn Grund et Guttanncn sur la route du Grimsel, et cju’ils font partie du grand massif en éventail qui sépare l’Oberland bernois du Valais, il est impossible de ne pas étendre la même conclusion à toutes les roches feldspath iques de ce massif, il est impossible de ne pas donner tort à de Saussure pour se ranger du côté du P. Pini et des autres géologues anciens qui ont nié la stratification du granité. Je ne me dissimule pas les grandes difficultés dans lesquelles ce résultat va nous plonger ; je connais assez les alter¬ nances du gneiss avec les couches de grès à anthracites et avec les poudingues de Vallorsine ; j’ai vu de mes yeux les passages insen¬ sibles de roches sédimentaires qui renferment des restes orgà- SÉANCli DU 7 DÉCEMBRE l8/|<5. *213 niques au gneiss et au micaschiste. Mais j’ai la conviction qu’un jour 110s théories géologiques réussiront à rendre raison de tous ces faits, en apparence si contradictoires, et que nous approcherons d’autant plus vite de cette époque , que nous tâcherons d’envisager le problème sous toutes les faces qu’il nous présente. Un autre résultat non moins évident, mais déjà admis dans la science , c’est que nécessairement la formation du gneiss et sa divi¬ sion schisteuse doivent être postérieures au dépôt du terrain cal¬ caire. Or, ce calcaire renferme des fossiles jurassiques dans les coins mêmes qui alternent avec le gneiss, et du côté de Rosen- laui il est surmonté par le terrain nummulitique qui a partagé ses dislocations. En admettant donc que ces dislocations aient été produites par le gneiss , celui-ci serait postérieur au terrain num- inulitique alpin. Il se pourrait cependant , et plusieurs faits me portent à le croire , que l’événement qui a formé le relief de nos montagnes fût différent de celui auquel nous devons rapporter les plissements du calcaire et ses enchevêtrements avec le gneiss ; il paraît que le terrain crétacé n’a pas pris part à ces contournements bizarres que nous voyons si souvent dans les Alpes , que nulle part il n’a été traversé ou recouvert par le gneiss, bien qu’il ait été porté avec sa base aux plus hautes sommités. En partant de cette der¬ nière manière de voir, il faudra placer la formation du gneiss entre l’époque jurassique et l’époque crétacée. En calculant la force qui était nécessaire pour produire ces replis de montagnes entières de calcaire, on a tout lieu de s’étonner de la faible inten¬ sité des effets métamorphiques au contact du calcaire et du gneiss. Vous en avez fait la remarque avec nous au Rotli thaï. Ils ne manquent pas, ces effets. Ou trouve sur la lisière du calcaire, des grès frittés, des calcaires dolomitiques , des schistes bigarrés ; ma s on dirait presque que les mêmes effets auraient du se produire par la pression et le frottement seul. Souvent aussi ils manquent entièrement , le calcaire gris compacte schisteux touche immédia¬ tement le gneiss ; on voit même des strates calcaires , au plus de quelques pouces d’épaisseur, être enclavés dans la roche feldspa- tliique , et garder tous les caractères du calcaire sédimentaire de nos Alpes. Les fossiles ne sont nulle part plus abondants que dans les couches les plus voisines du gneiss, et dans l’Urbachthal c’est surtout dans les coins calcaires qui alternent avec le gneiss qu’on trouve les Bélemnites et Ammonites aussi bien conservés que le sont les mieux conservés de nos fossiles alpins. L’union intime qui existe entre les deux roches , les alternances de couches calcaires et gneissiques, les enchevêtrements d’Urbach , ne permettent pas 21& SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. de supposer que le gneiss , en se moulant sur le calcaire , ait été rigide. D’autre part, si on le suppose dans un état de fusion ignée , on devrait voir toute la masse calcaire passée à l’état de marbre. Mais ce sont là des contradictions qui sont presque à l’ordre du jour en géologie. A la suite de cette lecture , M. Martins communique à la Société quelques autres détails accompagnés d’échantillons de ces coins calcaires intercalés dans le massif de la Jungfrau, qu’il a eu l’avantage d’étudier avec MM. Studer el Brunner, l’été dernier. Lorsqu’on s’enfonce dans la vallée de Lauterbrunn , on marche entre deux escarpements calcaires , dont la hauteur est rarement inférieure à 300 mètres; mais à la bifurcation de la vallée , près du village de Sichellauinen , à l’entrée de l’Ammertenthal , le gneiss commence à se montrer dans le fond et sur les côtés de la vallée. Si l’on s’élève sur le contrefort oriental , qui est à la base du massif de la Jungfrau , on trouve au-dessus du chalet de Kufistein des couches contournées de dolomies reposant sur le gneiss , puis des bancs peu puissants de calcaire contenant de la sidérose , au¬ trefois exploités. Ces couches sont surmontées de grands escarpe¬ ments de calcaire jurassique de plusieurs centaines de mètres. Ces escarpements se prolongent dans le gneiss sous la forme de deux coins calcaires : l’un , inférieur, forme la base de la gorge de Roththal , et est en partie recouvert par le glacier du même nom ; l’autre, supérieur, constitue une partie du sommet de la Jungfrau , dont la cime seule est gneissique. Le point que nous avons examiné plus spécialement, M. Studer et moi , c’est la partie supérieure du coin calcaire inférieur, sur le bord septentrional du glacier. Les strates gneissiques sont couchées, sans contournements violents, sur les couches calcaires. Ordinai¬ rement on trouve une cavité , un intervalle de quelques décimètres entre le calcaire et le gneiss qui le recouvre. Quelquefois néan¬ moins ces deux couches sont soudées, comme on peut le voir sur un échantillon que je mets sous les yeux de la Société. 11 est com¬ posé de dolomie fibreuse contenant 25 p. 100 de magnésie , soudée à une roche métamorphique pénétrée de substance calcaire. Les trois autres sont pris aux points de contact , où le gneiss est séparé du calcaire par l’intervalle que j’ai mentionné. Le premier, ou supérieur, appartenait à la masse gneissique de 215 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 llQ. la montagne. Mon collègue M. Hugard l’a trouvé composé de mica , de quartz et de carbonate de chaux. La matière calcaire a donc pénétré le gneiss dont le feldspath a disparu. Le second n’était séparé du premier que par la cavité dont j’ai parlé. C’est un calcaire dolomitique d’un aspect grisâtre à l’extérieur, et riche en magnésie. La couche dont il fait partie n’a qu’un mètre environ d’épaisseur ; elle repose sur le calcaire noir sonore , à grains fins, que les géologues suisses désignent sous le nom de Hochalpen-kalk . Celui-ci , dont la cassure rappelle celle du calcaire à Entroques , contient encore un peu de magnésie. Les effets métamorphiques du contact sont donc bien évidents dans ce point; mais je n’oserais décider s’ils sont dus à une péné¬ tration lente ou à des effets calorifiques ; tout ce que je puis affir¬ mer, c’est que la régularité des strates du gneiss reposant sur le cal¬ caire , dont elles sont séparées le plus souvent par un espace vide , ne donnent point l’idée d’une roche pyrogène en fusion , sortant de haut en bas à l’état liquide ou pâteux , pour s’épancher au-dessus du calcaire , et agir sur lui à la fois par sa pression et par sa haute température. M. Rozet demande si les roches de la Jungfrau sont bien du gneiss -, il pense que ce sont des roches métamorphiques gneissi- formes , mais pas de véritable gneiss. M. Virlet fait observer à M. Rozet que le mot gneiss, étant un nom générique comme le mot près, ne peut pas avoir de valeur géologique; qu une roche composée de mica et de feld¬ spath, fût-elle secondaire ou même tertiaire, n’en devrait pas moins être appelée gneiss, aussi bien que la roche ancienne à laquelle on a donné depuis longtemps ce nom. M. Martins répond que les roches de la Jungfrau sont de l’ordre des roches plutoniques formées de quartz , mica , ou talc et feldspath , associées en proportions variables , et qui , lorsqu’elles affectent la structure schisteuse, sont désignées par les géologues suisses sous le nom de gneiss. M. d’Omalius d’Halloy dit que le massif de Gondo, cité comme gneiss , est , au contraire , composé de véritable pro- togyne. M. Martins lit la note suivante de M. Édouard Collomb : 216 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. Sur les dépôts erratiques des Josges. Pourquoi y dans les anciennes moraines des Posges, les mate - riaux roulés et usés sont-ils beaucoup plus abondants que ceux à angles vifs , contrairement à ce qui se remarque en Suisse y oh les moraines en voie de formation sont presque en entier composées de matéria nx anguleux ? par M. Edouard Collomb. Plusieurs observateurs , avec lesquels j’ai visité les dépôts erra¬ tiques des Vosges , ont été frappés de la prodigieuse quantité de blocs et de cailloux complètement arrondis et usés, et du petit nombre de blocs anguleux qu’on remarque sur nos anciennes mo¬ raines et sur nos dépôts latéraux. Ces mêmes observateurs , qui connaissent aussi les hautes régions de la Suisse , et qui ont eu l’occasion de voir des glaciers en activité , trouvent qu’il y a une différence telle , relativement à la forme des blocs, dans ces deux contrées, qu’ils refusent de croire que la même cause ait pu pro¬ duire des résultats aussi dissemblables. Il importe de lever tous les doutes à cet égard et de démontrer que si nos anciennes moraines sont presque en entier formées d’un rassemblement considérable de cailloux roulés, ce fait n’est point contraire aux théories déduites d’un nombre considérable de faits observés sur les glaciers mêmes. • Tous les géologues qui se sont occupés de la formation des mo¬ raines savent très bien qu’elles sont le produit , non seulement des éboulements de roches qui se pr cipitent des montagnes encais¬ santes sur la mer de glace , mais encore des matériaux que le glacier lui-même , par sa force de propulsion irrésistible , détache des parties latérales et inférieures exposées à son contact. Le nombre et la nature des débris qui couvrent la surface d’un glacier dépendent des pentes des montagnes qui l’entourent. Les glaciers encaissés par des pics très abruptes , par des niasses de roches granitiques et gneissiques disposées naturellement à se séparer, à se cliver en frag¬ ments métriques, et qui sont à pentes fort roides , sont exposés à de fréquentes avalanches de pierres. Ces éboulements viennent augmenter le nombre des matériaux anguleux , et suivant la con¬ figuration de la localité, ils n’abanclonnent point la surface du glaciei ; ils sont entraînes par son mouvement , et restent anguleux jusqu’au point de débarquement, le talus terminal. Les glaciers de la Suisse, relégués dans les hautes régions, sont séance du 7 décembre 18/ië. *217 en général dominés par des montagnes primitives de 1,000, 1,500 et même 2,000 mètres au-dessus des mers de glace. Ces montagnes plongent sous des angles très forts ; les avalanches de pierres y sont fréquentes ; les personnes qui ont séjourné sur les glaciers ont pu remarquer qu’il ne se passe pas de jour sans qu’on en voie quel¬ qu’une se détacher. Quelques glaciers ont leur surface , surtout près du talus terminal, complètement couverte de pierres, et leurs moraines sont presque en entier composées de fragments minéra¬ logiques à angles vifs. Ceux , au contraire , où l’on rencontre beaucoup de débris ar¬ rondis , et ils sont plus rares , sont en général des glaciers simples qui n’ont que des moraines marginales , et les débris se trouvent alors serrés entre la glace et la roche comme entre les mâchoires' mobiles d’un étau , et finissent naturellement par s’arrondir, Dans les Vosges, les phénomènes des temps passés ont eu lieu dans des conditions orographiques différentes. Nos glaciers n’é¬ taient point dominés par de hautes cimes de 2,000 mètres; ils n’étaient point encaissés dans un système de montagnes à pentes abruptes. Les sommets des Vosges ne présentent nulle part de pics gigantesques; ils sont facilement accessibles, les pentes de 35° y sont fort rares. Dans nos recherches sur les anciens glaciers de cette contrée nous avons reconnu que pendant la période de leur plus grande extension ils étaient arrivés au point de présenter une épaisseur de 500 mètres. Ils étaient à cette époque dominés par des cirques neigeux qui ne s’élevaient pas au-delà de 500 mètres au- dessus du niveau des mers de glace. Dans un terrain pareil, et surtout avec des pentes moyennes aussi faibles , les avalanches de pierres devaient être fort rares , et , contrairement à ce qui se passe en Suisse, les matériaux ne devaient pas être abondamment répan¬ dus à la surface des glaciers. L’aliment principal des moraines à matériaux anguleux manquait , et par conséquent ceux arrondis et usés devaient y être relativement beaucoup plus abondants ; ces derniers provenaient donc de ceux que le glacier lui-même arra¬ chait incessamment aux masses soumises à son frottement sur ses flancs et sur son fond. De toutes les moraines que j’ai explorées avec soin dans les Vosges , je n’en ai rencontré que deux composées presque en entier de blocs et de cailloux qui ont conservé leurs angles intacts. L’une est située au fond de la vallée d’Urbès, à la distance de 1,000 à 1,200 mètres en aval du col de Bussang (1). Elle formait la tête î 1) Cette moraine ne figure pas sur ma carte ( Bulletin de la Société 218 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. d’un petit glacier qui encombrait ce fond à la fin de la période glaciaire ; elle a 10 à 12 mètres de hauteur verticale ; elle barre le vallon transversalement ; son talus en aval est incliné de 30 à 35°. La nature minéralogique des débris offre peu de variétés d’espèces; il n’y a point eu de transport lointain : on retrouve en place , sur une ligne de 800 à 1,000 mètres en amont , toutes les roches de cette moraine. Les parois du Drumont , que ce petit glacier était appelé à frotter, sont composées d’une roche de granité porphy- roide qui manque de solidité ; elle se sépare naturellement en frag¬ ments polyédriques avec la plus grande facilité Le pied de la mon¬ tagne en est encombré , non seulement par cette ancienne moraine , mais encore par les talus d’éboulement qui s’y forment tous les jours. Ces éboulements recouvrent sur certains points les débris erratiques ; mais , avec un peu d’attention , on peut facilement les distinguer les uns des autres. La seconde moraine, à débris anguleux , est située en aval d’un petit lac qui s’appelle le lac des Corbeaux , commune de la Bresse (Vosges). Elle y forme un barrage naturel ; les industriels du voi¬ sinage ont fait de ce petit lac , dont la surface actuelle n’est que de 9 hectares carrés, un réservoir pour l’alimentation de leurs usines; ils y ont établi une vanne d’écoulement ; la coupure pratiquée pour cet objet permet d’étudier l’intérieur de cet amas. Les ma¬ tériaux accumulés sur ce point sont entassés sans ordre , sans classement ; ils ne se composent que d’une seule espèce de granité blanc , identique à celui des montagnes voisines ; de gros blocs anguleux, de 8 à 10 mètres cubes, sont posés à la surface de la moraine sur du sable et du gravier (pi. Il , fig. B). Ancun de ces blocs ni des menus débris ne sont arrondis comme on en voit beaucoup dans les parties basses de nos vallées ; ils sont tous anguleux , les angles de quelques uns sont seulement légère¬ ment écornés. Le fond de ce petit lac est couvert d’une couche épaisse de terre tourbeuse , où l’on recueille une grande quantité de végétaux enlouis , d arbres tout entiers de même essence que ceux qui végètent actuellemement dans les forêts voisines. Ce bois se rapproche des lignites pour la qualité ; il est lourd et brûle mai. Cette moraine rentre évidemment dans la catégorie de celles que MM. Le Blanc et Hogard ont les premiers observées dans diffé¬ rentes contrées occupées autrefois par des glaciers {Bull., Ire série, géologique , 2e série , t. III , p. 1 88) ; elle est si bien cachée dans une forêt de sapins, que je ne l’ai découverte que tout récemment, après la rédaction de ma carte. 219 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 1838, t. IX, p. 600; 1843, t. XIV, p. 410; et Observations sur les moraines et sur les dépôts de transport des Vosges , par M. Ho- gard. Epinal , 1842). Après la fusion, après la disparition des mers de glace , les moraines sont restées en place ; elles ont retenu les eaux supérieures et donné naissance à des lacs. Pourquoi ces deux petites moraines font-elles exception dans les Vosges , pourquoi ne renferment-elles point de débris arron¬ dis ? Pai •ce qu’elles se trouvent placées dans des conditions iden¬ tiques à certaines moraines des hautes régions ; elles sont fort reculées , elles sont perdues dans les fonds des vallées les plus abruptes , fonds qui sont précisément dominés par des montagnes dont les pentes sont beaucoup plus escarpées que partout ailleurs dans les Vosges. Ensuite ces matériaux n’ont point effectué de voyage lointain ; ils n’ont parcouru qu’une ligne de 1 kilomètre avant d’arriver au point où on les retrouve aujourd’hui. Ces deux moraines possèdent encore une qualité négative qu’il n’est pas inutile de signaler : elles ne renferment point de galets striés ; ce fait , qui pourrait paraître extraordinaire dans nos vallées où ces galets sont répandus avec tant de profusion , trouve cependant son explication sans qu’il soit nécessaire de recourir à une hypothèse extraordinaire ; nous aurons l’occasion de traiter ce sujet plus tard. Les autres moraines qu’on rencontre dans toutes nos vallées , et qui ont été le plus fréquemment explorées à Giromagny, à Wes- serling , dans la vallée de Massevaux , et sur le versant occidental de la chaîne , sont presque en entier formées d’un rassemblement considérable de eailloux et de blocs arrondis. Qu’arriverait-il si nous admettions , par hypothèse , l’existence de mers de glace dont le développement serait tel qu’elles cou¬ vrissent tous les sommets d’un système de montagnes? Evidem¬ ment , dans cette hypothèse , nous n’aurions point de moraines superficielles ; les matériaux minéralogiques qu’un glacier pareil mettrait en mouvement seraient, pour ainsi dire, sous-marins pen¬ dant leur période de transport , si l’on peut s’exprimer ainsi ; ils arriveraient tous au talus terminal plus ou moins frottés et usés , sauf ceux que le glacier, par sa force d’expansion et par son abla¬ tion , repousse lui-même de son sein à la surface ; mais ceux-ci seraient également écornés. Si , par contre , cette mer de glace laissait percer au-dessus de son niveau des pics escarpés plus ou moins élevés , formés de roches peu adhérentes, faciles à démolir, les débris résultant de son action seraient en grande partie formés de roches et de cailloux anguleux. '2 ”20 SÉAiNLT DU 7 DÉCEMBRE 184(5. Ainsi donc, si nous rencontrons, sur la plupart des anciennes moraines des Vosges, des matériaux arrondis et usés en beaucoup plus grand nombre que ceux à arêtes vives, contrairement à ce que l’on voit sur les moraines en voie de formation dans les hautes régions , ce fait n’est point contraire aux théories reçues sur la matière , et nous sommes en droit d’attribuer cette différence a la forme des massifs montagneux qui , dans les Vosges , étant natu¬ rellement arrondis, ne présentent nulle part de pics à pentes escar¬ pées , et n’ont pu donner lieu , dans les temps erratiques , à de grands éboulements de roches qui demeurent à la surface des gla¬ ciers pendant leur période de transport. M. Yiquesnel communique, au nom de jVL Fournet, le Mémoire suivant, intitulé : fi ésu II a fs sommaires d'une exploration des l osges , par M. J. Fournet, professeur à la Faculté des sciences de Lyon. Je viens de visiter les principales stations géologiques du ver¬ sant oriental des Vosges, dans le but spécial d’étudier les roches éruptives et les phénomènes métamorphiques. Quelques sujets accessoires se sont naturellement rattachés à cette exploration , et j’en rendrai compte à la fin de ce résumé. Les points parcourus sont : les environs de (firomagny , IVlassevaux , Thann , Gueb- w il fer , le bonhomme , la Croix-aux-Mines , Sainte-Marie-aux- Mines , le Champ-du-Feu et Framont ; mais je rappellerai en même temps cpie j’ai habité les Vosges pendant longtemps , que je me suis occupé de leur étude depuis l’année 1823, en sorte que je réunirai quelques uns de mes anciens résultats avec ceux de mon dernier voyage. ^ I. Distribution des roches éruptives et des terrains sédimentaires dans les Vosges. Roches éruptives. — En ne considérant que l’étendue des surfaces qu’elles occupent , les roches éruptives peuvent se distin¬ guer en masses principales et en masses subordonnées. Dans les premières il faut classer les granités, les syénites et les porphyres ; les autres se composent des serpentines, des diorites et des mi¬ nettes. Gomme je me réserve de revenir prochainement sur le dé-* laii des caractères minéralogiques de ces roches , il ne sera ques- SÉANCE BU 7 DÉCEMBRE 1 8 /| G . 2*21 tien, pour le moment, que de ceux qui seront indispensables pour spécifier les masses. A. Le granité , proprement dit, englobe toutes les autres roches plutoniques ; on peut donc le regarder comme étant la plus an¬ cienne de toutes : cependant il est souvent difficile de trouver les lignes de séparation , soit à cause de la végétation , soit à cause de la kaolinisation , soit enfin à cause de V altération ignée qui est résultée de certains contacts. Cette roche varie d’une localité à l’autre. Tantôt son grain est homogène , tantôt il est porphyroïde et quelquefois gneissique. Certaines variétés sont rubéfiées et res¬ semblent singulièrement au granité de Saint-Bérain. Le quartz de celui du Spessbourg, près d’Andlau , est coloré en rouge de rubis comme au Windstein , et ce phénomène est en rapport avec la présence de petits grains de fer oxydulés disséminés dans la roche. Un autre élément beaucoup plus variable est le mica ; le plus sou¬ vent il est brun vitreux , quelquefois blanc nacré ; mais une autre manière d’être plus essentielle de ce composant est l’apparence verte et terne qu’il affecte très fréquemment. Dans ce cas, le gra¬ nité ressemble à une protogyne ou même à une syénite à cause de la physionomie amphibolique que ce mica prend alors ; cependant il est facile d’éviter cette dernière cause d’erreur. En voyant la reproduction si fréquente de ce mica vert , je me suis demandé s’il avait pris cette manière d’être au moment de la cristallisation de la roche , ou bien après coup et sous l’influence d’un faible métamorphisme. Les expériences de M. Rose ont en effet appris que, dans certains cas, le mica peut devenir vert par suite d’une simple distillation dans une cornue , et cela sans aucun dégage¬ ment de gaz. Malheureusement , je n’oserais pas encore affirmer que tous les granités des Vosges , à mica de ce genre , aient été chauffés en place par les svénites , les diorites , ou par les por¬ phyres , et je dois laisser à des études plus minutieuses le soin de décider la question. Ces granités sont d’ailleurs accompagnés , comme partout ailleurs , de leurs pegmatites , de leurs granulites et de leurs weisstein , qui sont inclus dans leurs masses sous formes de filons subordonnés. Cet ensemble traverse les schistes du terrain de transition, il en empâte des lames ou des fragments, ou bien encore il s’y ramifie en grand comme en petit, à Sainte-Marie-aux-Mines , à Ri- beauvillé, à Andlau , sur le chemin de Fouday à Rothaii; enfin, on le retrouve sur toute la longueur des Vosges , depuis les pentes occidentales du Ballon de Giromagnv jusqu’à l’extrémité nord du 222 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. Champ-du-Feu. Mais l’étendue des surfaces sur lesquelles il est en évidence varie beaucoup d’une latitude à une autre , et la plus grande largeur se trouve à celle de Munster. B. Les sy énites forment les masses les plus considérables après les granités; elles se présentent en gros fdons, ou bien en puissants amas qui s’élancent quelquefois en forme de cônes ; elles dominent la plupart des grandes élévations vosgiennes. Les masses du Ballon de Giromagny , du Cornimont, du Yaltin, de la Haute-Fête et du Champ-du-Feu en sont en grande partie composées ; on les re¬ trouve encore à l’extrémité de la chaîne, au château de Windstein, près du Tægertlial. Une ligne tracée sur la carte de manière à se terminer au N. sur le Windstein et au S. sur le Ballon de Giromagny traverse tous ces points en courant du N.-N.-E. au S.-S-O ; elle donne donc en quelque sorte l’idée d’un puissant filon , interrompu çà et là par les granités et par les roches sédimentaires , mais se renflant et se ramifiant dans divers sens , et perçant au jour sous formes de grosses branches et de culot. Sur une grande partie de cette étendue , la même ligne établit la démarcation entre les eaux du Rhin et celles de la Moselle; elle figure donc la ligne de faîte , et il devient assez probable que l’allure générale de la chaîne est due en grande partie à l’émis¬ sion syénitique. Ce résultat demeure le même , soit qu’on veuille concevoir un soulèvement suivant cet axe , soit qu’on admette la grande faille du Rhin , d’après les ingénieux aperçus de M. Elie de Beaumont. En effet, il suffit, dans ce dernier cas, de regarder la ligne syénitique comme constituant en quelque sorte , du côté des Vosges , le pied-droit de l’ancienne voûte rhénane ; la clef ainsi que les voussoirs se sont affaissés , mais le pied-droit ainsi que la culée occidentale subsistent. Il est encore sous-entendu qu’il faudra compléter cette manière d’envisager la formation de la chaîne vosgienne par l’addition des dislocations postérieures qui , d’après mes anciennes observations, ont redressé jusqu’aux ter¬ rains tertiaires des environs de Colmar. M. Elie de Beaumont dé¬ veloppera sans doute ses vues à cet égard dans la seconde partie de sa description géologique de la France. La texture des syénites est essentiellement granitique ; le mica y abonde , aussi les a-t-on désignées sous le nom de granité syé¬ nitique ; mais cette texture varie , comme celle des granités, d’une localité à l autre. Meme dans les grandes masses , et notamment en divers points , autour de Giromagny , elle devient très por- phyro'ide et donne naissance aux magnifiques granités feuille- 223 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. morte. Le grain est plus varié à la Haute-Fête , près de Sainte- Marie-aux-Mines , mais il est de nouveau plus largement déve¬ loppé au Champ-du-Feu. La décoinj osition de ces syénites est aussi très remarquable en ce qu’elle donne lieu à un sable kaoli- nique , empâtant des blocs souvent très volumineux et sphéroï- daux de syénite inaltérée ; ces parties semblent alors former un amoncellement de blocs erratiques roulés et de sables diluviens ; mais il est facile de se préserver de cette erreur. J’ai d’ailleurs déjà fait connaître les effets analogues que présentent les granités syénitiques des vallées de la Turdine et de Vazergue, dans les en¬ virons de Lyon. Quelques variétés deviennent granulitiques ou pegmatitiques , comme cela a lieu pour les granités par suite des expansions ou des altérations de la cristallisation ; mais ces apparitions sont pu¬ rement locales ; elles se manifestent surtout dans les petits fdons qui traversent les schistes de transition , ainsi que sur les bords de la formation , au contact des granités et des mêmes schistes. Dans ces cas de cristallisation imparfaite, l’amphibole est l’élément qui tend le plus à s’oblitérer : cette circonstance a pu contribuer à faire croire au passage du granité à la syénite ; peut-être aussi , comme je l’ai déjà dit, cette supposition a-t-elle été provoquée par le mica vert de certains granités ; mais on revient de cette idée d’un passage de F une de ces deux roches à l’autre quand on voit que les syénites affectent des positions spéciales , essentiellement caractéristiques , comme celles qui ont été indiquées plus haut. Diverses coupes peuvent d’ailleurs faire connaître leurs relations avec les granités. Si , par exemple , l’on passe de l’Alsace dans la Lorraine par le ballon de Giromagny , on voit que les syénites commencent immédiatement après les schistes et les porphyres de la région basse ; elles s’élèvent rapidement avec la montagne et s’étendent jusque vers le Tillot , où l’on entre dans la région gra¬ nitique de Remiremont. Ici donc, il y a simple juxta-position des deux roches , et si l’on s’en tenait à cette seule coupe , on ne pour¬ rait se permettre aucune conclusion légitime sur leur âge relatif. C’est , pour le dire en passant , une circonstance du même ordre qui m’a jusqu’à présent tenu en suspens sur l’âge du granité syé- nitique des environs de Lyon. Mais si l’on va de Ribeauvillé à la Croix-aux-Mines par Tan- nenkircli , on chemine d’abord sur les granités , puis à la Haute- Fête on trouve les syénites, et sur le versant opposé on voit repa¬ raître les granités qui se prolongent jusqu’auprès de Wisembach. La même succession se reproduit au Champ-du-Feu. En y mon- *2*24 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. tant par Breitenbach , ou bien par Andiàu, ou par Barr, on trouve, après le manteau schisteux , des granités qui s’élèvent jusqu au col du Hohwald , ou jusqu’à la base du Rosskopf ; vient ensuite la syénite des sommités , et sur le versant opposé , du coté de Bel- mont et de Rothau , on retrouve les granités dans lesquels sont injectés les filons de fer oxydulé et oligiste , de la Minquette , de la Voëte-basse , etc. Ainsi donc , dans ces deux derniers cas , la syénite se montre positivement circonscrite entre deux bordures granitiques, et quoi¬ que ses masses soient beaucoup moins volumineuses que celle de la roclie encaissante , elle ne s’élève pas moins au-dessus d’elle , à la manière d’un dôme au-dessus des autres parties d’un édifice ; ou bien encore comme la crête d’un fdon au-dessus de scs parois. Cette dernière circonstance , qui tend déjà à indiquer que la syénite est plus moderne que le granité , reçoit une confirmation plus évidente par les importantes observations de M. Voltz sur l’ existence des filons syénitiques inclus dans cette dernière roche; mais elle n’empêche pas de considérer les éruptions respectives comme s’étant suivies de très près. J admets entre autres volontiers que le granité à quartz rouge du Spessbourg n’est guère plus an¬ cien que la syénite qui apparaît non loin de là , vers la maison du garde Dietz. D’un autre côté , tout prouve que la formation en question est très ancienne , et différente en cela de celle des syénites iabradoriques de quelques autres pays ; elle est , en effet , traversée par les porphyres rouges quartzifères à Sainte-Mai ie-au\- Mi nés ainsi qu’au Champ-du-Feu ; l’on en trouve aussi des fragments , à l’état de cailloux roulés , dans les grès rouges inférieurs au grès vosgien, tandis que les porphyres quartzifères ont, au contraire , métamorphisé ces mêmes grès. Concluons donc que les syénites sont comprises , quant à leur âge, entre l’époque granitique et l’époque porpliyrique. C. Après les granités et les syenites, le porphyre rouge g st, sans contredit, la roche éruptive qui joue le plus grand rôle dans la constitution plutonique des Vosges; mais ses masses ne se mani¬ festent qu’en dehors de la zone des grandes hauteurs , et on peut les réduire à deux principales , l’une située à l’extrémité S. de la chaîne , l’autre reculée vers le N. La première occupe les environs de Fresse, de Mont-au-.Teu ; elle reparaît avec quelques légères solutions de continuité entre la Mer, Servance , Belfahy et Plan- ci ler-les-Mi nés. La seconde apparaît au N., vers Lutzelhausen et Oberhaslaeh. On sait d’ailleurs que ces roches < surgissent encore 225 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 48^6. plus loin , à Annweiler, et enfin autour de Kreutznach et d’Ober- stein. Dans ces diverses localités, le quartz hyalin , sans être com¬ plètement exclus , est , en somme , moins abondant que dans les porphyres du Lyonnais et du Forez. On est encore tenté de trouver un caractère minéralogique plus tranché entre les systèmes por- phyriques du Lyonnais-Forez et ceux du Rhin, dans la tendance des premiers à passer à l’état granitoïde indiqué par M. Gruner, tandis que les seconds affectent plutôt l’aspect terreux et brunâtre des argilophyres et des spilites. D’ailleurs ces deux systèmes pa¬ raissent encore se distinguer géologiquement par leur âge. En effet, les porphyres du Lyonnais-Forez sont plus anciens que le terrain houiller, puisqu’on en trouve les cailloux roulés empâtés dans les conglomérats de cette formation , tandis que ceux du Rhin ont réagi sur les grès rouges et même sur les grès bigarrés. Cependant on peut tout aussi bien admettre que les éruptions porphyriques occupent une longue page dans l’histoire des révolutions du globe, trahissant leur influence en un point plutôt qu’en un autre , sans qu’il soit nécessaire pour cela d’en disjoindre les diverses parties, en se basant sur quelques caractères minéralogiques. 11 existe d’ailleurs des porphyres granitôïdes dans les Vosges , sur l’arête entre le Bonhomme et laCroix-aux-Mines , et nous verrons même par la suite que les physionomies diverses de ces porphyres dé¬ pendent bien plus essentiellement de quelques effets métamor¬ phiques particuliers que de leur ordre d’ancienneté. En avançant le fait, je n’ai d’ailleurs pas besoin de rappeler ou de faire observer que je ne confonds pas ces porphyres quartzifères avec les por¬ phyres verts des Vosges ; je ne les confonds pas davantage avec les mélaphyres métamorphiques et les argilophyres de cette même chaîne , non plus qu’avec les mélaphyres basaltiques et les méla¬ phyres métamorphiques du Tyrol , ces diverses roches n’étant sus¬ ceptibles d’être confondues les unes avec les autres que dans quel¬ ques passages déterminés par des effets de contact, sur lesquels nous reviendrons bientôt. J’ai indiqué ci-dessus la position des deux masses porphyriques principales des Yosges; mais, en une foule d’autres localités, on voit les porphyres quartzifères former des filons dans toutes les roches plus anciennes. J’en ai reconnu : 1° dans le granité, à Rothau, près de la mine de la Minquette , auprès du château de Spessbourg , au Rosskopf , derrière Barr, à Roderen , et au-dessus de la Croix- aux -Mines, en allant vers le Bonhomme ; 2° dans la syénite des sommités du Champ-du-Feu , et notamment aux environs de la Snr. qéol. , 2" série , tome IV. F» 226 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/|6. maison du garde Herzog (1). Ses gisements dans les formations stratifiées sont encore plus nombreux. I). Les (lim ites , considérés sous le point de vue de la masse , viennent naturellement après les porphyres quartzifères. Je désigne sous ce nom les roches vosgiermes , composées d’un excès d’amphi¬ bole avec du feldspath et du mica , affectant une texture essentiel¬ lement cristalline et granitoïde ; elles peuvent cependant passer aux dioritines par la diminution de leur grain. 11 ne faut pas les confondre avec les porphyres verts, qui sont des produits méta¬ morphiques ; mais la distinction est souvent difficile à établir sur les échantillons de cabinet ; ce sont les circonstances de gisement qui doivent ici faire loi , et malheureusement elles ne sont pas toujours faciles à déterminer. La localité où le diorite m a paru offrir le caractère éruptif de la manière la plus prononcée se trouve aux environs de Ternuay et de Belonchamp. 11 forme là un filon très puissant , encaissé entre des schistes argileux , fendillés, durcis sur ses deux flancs. La belle dimension des blocs qu’on peut en tirer, ainsi que la richesse de leur teinte verte , en a fait un objet d’exploitation à l’époque où les scieries de marbre du Raddon fonctionnaient encore ; cepen¬ dant je dois faire observer que cette même roche , déjà désignée par i\! . Thir ria sous le nom d’ophite, tend tellement à se con¬ fondre avec certaines syénites à petits grains ; qu’elle devra pro¬ bablement être réunie avec celles-ci. Au col duHohwald, sur la montée du Champ-du-Feu , ainsi qu au Neuentenstein , on voit d’autres diorites dont la cristallisa¬ tion est très nette, et qui me paraissent devoir former le type de 1 espèce ; ils sont a peu près aussi riches en quartz qu’en feldspath ; ils contiennent du mica vert et de l’amphibole en abondance ; mais tantôt c est le premier, tantôt c est le second de ces minerais qui domine , sans écraser pour cela le feldspath, dont la teinte blanche ressort vivement au milieu des parties vertes de la masse ; le grain delà roche est d’ailleurs moyen et homogène, en sorte que l’on duait une syenite granitoïde a excès de mica vert ou d’amphibole. Donnons maintenaul un exemple de gisement complexe qui se voit sur la montée de Barr , à la maison du garde Dietz. Après (I) Pour faciliter les recherches, il est à propos d'indiquer ici que cette station est la même que celle qui est désignée par M Élie de Beaumont sous le nom de Maison Blind, et par la Société géologique sous celui de Maison Mecquer; elle a changé de nom avec 'les gardes forestiers qui 1 ont successivement habitée. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 227 avoir dépassé les châteaux d’Àndlau et de Spessbourg , ou arrive à la base du Rosskopf, ou, près d un contour du chemin , on trouve, immédiatement après le granité , des schistes argileux devenus plus ou moins cristallins ou micacés. Ceux-ci sont en quelque sorte liés à des diorites analogues aux précédents ; je n’ai du moins pas pu apercevoir une démarcation prononcée des uns aux autres, et il est possible que le point de contact m’ait échappé , car j’ai gravi sur le Rosskopf au lieu de me maintenir vers sa hase. Des filons de porphyre quartzifère compliquent d’ailleurs bientôt le phéno¬ mène , et cette nouvelle roche règne même à l’exclusion de toute autre à l’approche de la maison Dietz , où L’on rencontre les escar¬ pements et la syénite des parties supérieures du Champ-du-Feu. En revenant de là vers le château de Landsberg par l’autre liane de la vallée de Barr, on retrouve exactement le même ordre , ktVplid d’alxud le porphyre quartzifère , puis un beau diorite qui sc maintient à découvert jusqu’auprès de la maison du forestier Blicast. Malheureusement le grès vosgien masque dès lors cette succession jusqu’auprès du château du Landsberg , où l’on voit re¬ paraître les schistes prismatisés , fissurés, grenus et finement mi¬ cacés. Sous le château même, et jusqu’à la rencontre du calcaire jurassique des contre-forts extérieurs, c’est un granité analogue à celui d’Andlau et du Spessbourg qui forme la masse essentielle du terrain. 11 devient donc évident qu’en s’éloignant de la partie cen¬ trale du Champ-du-Feu, on a successivement, de part et d’autre de la vallée de Barr, 1° la syénite , 2° des porphyres quartzifères , 3° des diorites qui semblent liés aux schistes, 4° des granités finis¬ sant vers la plaine et sous les terrains secondaires. Cependant cette disposition en bandes prolongées d’un côté à l’autre de la vallée n’apprend rien sur la formation et sur l’âge relatif des diorites. Sont-ils des roches métamorphiques ? ou bien , dans le cas con¬ traire , sont-ils plus anciens ou plus modernes que le porphyre rouge? L’analogie de composition , les relations de voisinage avec les sy énites du Champ-du-Feu, me porteraient alors à les considérer comme une simple manière d’être de ces dernières , comme un membre particulier de leur ensemble. Mais on voit qu’il faut en¬ core multiplier les recherches pour confirmer ou pour détruire ces aperçus, et elles ne seront pas faciles ; car les pâturages et les épaisses forêts de cette partie des Vosges apportent bien souvent d’insur¬ montables obstacles à l’étude des localités, qui, au premier aperçu, semblent se montrer sous l’aspect le plus favorable. E. Je n’ai rencontré la serpentine qu’en un seul point , vers la *2*28 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/l(5. base occidentale du Brezouars , sur l’arête qui sépare le Bonhomme de la vallée de Liepvre. Elle y forme divers filons de 10 à 15 mè¬ tres de puissance, lançant de grosses branches au travers d’un ter¬ rain de gneiss et de pegmatite. Une de leurs directions est sur H U 1/2. Ce gisement n’apprend rien sur 1 âge de la roche en question , et l en est de même de tous les autres qui ont été indiqués par M . Élie de Beaumont. Il convient donc de s’en tenir provisoire¬ ment aux observations de M. Hogard, desquelles on peut conclure qu’elle s’est fait jour après le dépôt du trias et avant celui du cal¬ caire jurassique. Je crois encore devoir faire remarquer que la serpentine du Bonhomme diffère un peu de celle des Alpes et de la Toscane par une grande dureté et par l’absence de cette cas¬ sure esquilleuse ou céroïde qui caractérise si souvent ces dernières. Elle montre , au contraire , une plus grande analogie avec les serpentines dures de la base du Pilate , vers Saint-Julien-Molin- Molette et Pelussin. Elle contient en outre des rognons assez volu¬ mineux d’une substance assez semblable au premier aspect à certains péridots granulaires volcaniques, mais plus tendre , cli- vable dans un sens , à éclat gras tournant au vitreux , d’une cou¬ leur jaune verdâtre , et qui pourrait bien constituer une espèce nouvelle qui se classerait à côté de la marmolite. Faut-il, d’après ces seuls indices, admettre la possibilité d’ar¬ river un jour à déterminer l’âge des serpentines à l’aide de leurs caractères minéralogiques? C’est ce que je n’oserais pas affirmer; il m’a seulement paru convenable de fixer l’attention des géo¬ logues sur des faits spéciaux , et sur lesquels je reviendrai plus loin. L’étude des calcaires de Saint-Philippe , près de Sainte- Marie-aux-Mines , fera d’ailleurs connaître une serpentine noble , bien différente des précédentes par son mode de formation. F. La minette traverse indifféremment les granités à Andlau et à Rothau et les calcaires de transition dans les carrières de Schirmeck et de Wackenbach. Mes recherches sur son âge relatif me conduisent à la regarder comme étant plus moderne que les porphyres quartzifères. En effet , ses filons traversent des roches modifiées par ceux-ci sans porter eux-mêmes la moindre trace d’une modification correspondante à celle de leur encaissement. Or, ces liions sont trop peu puissants pour avoir pu échapper à la réaction porpliyrique si intense d’ailleurs ; donc ils ne sont surve¬ nus qu’ après l’achèvement de cette opération. Ces minettes pa¬ raissent en outre devoir être essentiellement liées aux formations SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18Z|(5. *2*29 métallifères de Framont et de Rothau, et j’ajouterai encore briè¬ vement qu’elles n’ont contribué en rien à la doloinisation des cal¬ caires du pays. TERRAINS SEDIMENTA1RES DES VOSGES. A. Les terrains sédimentaires anciens se composent d’un sys¬ tème plus ou moins puissant de schistes argileux non fossilifères , auquel se superpose un système de grès , de grauwaekes et de schistes à empreintes moins purs que les précédents et générale¬ ment mal feuilletés ; ceux-ci sont liés aux anthracites. Des cal¬ caires quelquefois surchargés de débris de Crinoïdes, ainsi que des dolomies, font encore partie de ce système supérieur. L’un et l’autre m’ont paru correspondre aux masses qui s’étendent depuis FArbresle jusqu’à Rigny, dans les environs de Lyon ; on y trouve de part et d’autre les mêmes dispositions relatives et les mêmes accidents minéralogiques, abstraction faite des elfets métamor¬ phiques. L’étage supérieur avec les calcaires pourrait donc être regardé comme l’équivalent du système carbonifère ancien , et cela d’autant mieux que les empreintes végétales sont très ressem¬ blantes à celles de Valsonne et de Tarare ; mais l’absence de ces coquilles bivalves caractéristiques, si abondantes dans les environs de Lyon , me laisse encore en suspens. Ces roches stratifiées anciennes forment en quelque sorte une ceinture autour des Vosges, car on les rencontre autour du Ballon de Giromagny, au Puix , à Auxelles, Plancher-bas, Fresse , Ter- nuay, la Voivre, Servance, Plancher-les-Mines , Séeven , Masse- vaux, Oberburbaeh , d’où elles se prolongent dans la vallée de Saint- Amarin. De là on les suit sur le ballon de Guebwiller par la montée de Bitschwiller vers Golbach ; puis , après une légère solution de continuité , déterminée par un percement granitique , on les retrouve au-dessus de Blanchut pour ne plus les perdre de vue jusqu’à Rimbach , Junghaltz et Guebwiller. Vient ensuite une interruption momentanée le long du massif granitique du Ilolilandsberg , des vallées de Munster et du Bonhomme ; mais on les retrouve sur la crête entre ce dernier point et la vallée de Liepvre, d’où elles s’étendent dans toute la vallée jusqu’à Ribeau- villé. Elles apparaissent ensuite d’une manière pour ainsi dire continue autour du massif du Champ-du-Feu, dans la dépression de Villé , à Breitenbach, Andlau , Barr, et sur l’autre versànt à Lrmatt, LutzelJiausen , Schirmeck , Framont, Fouday, pour re¬ venir de là à la rampe occidentale du Brézouars , en passant par 230 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 46. la Croix-aux-Mines ; il est même probable qu’à partir de là elles vont se raccorder au moins souterrainement avec les masses du versant méridional du Ballon de Giromagny. Nous verrons encore que , indépendamment de cet arrangement en lorme de bouton¬ nières autour des massifs granitiques et syenitiques , diveis lam¬ beaux ont été soulevés sur le plateau du Ghamp-du-Feu, etc., etc., en sorte qu’on ne peut pas méconnaître l action d anciens soulè¬ vements qui viendraient confirmer 1 aperçu déjà déduit de 1 ali¬ gnement des syénites. Il n’est pas non plus bors de propos d’ajouter qu’une dernière percee de ces sclnstes se manifeste eutie Weiler et Wissembourg , à peu près sur le prolongement vers le N.-E. du même axe syénitique. B. Sur les deux systèmes précédents repose un autre ensemble que l’on peut comprendre sous la dénomination collective de grès, dans l’unique but d’abréger. Il se compose du terrain lioud- ler, du grès rouge, du grès vosgien et du grès bigarré accompagné de son muschelkalk. Je n’en fais du reste mention qu’à cause de l’objet essentiel de mes études sur les métamorphismes et autres phénomènes pseudomorphiques qui ont afïecté quelques uns de ses membres. S u Phénomènes de métamorphisme occasionnés par les roches éruptives. Les métamorphismes du terrain sédimentaire ancien ont été provoqués, tantôt par les granités, tantôt par les syénites, et enfin par les porphyres quartzifères ; tandis que les métamorphismes du grès sont le résultat de l’action des seuls porphyres quartzifères. A. Réactions des granités. — Les métamorphismes occasionnés par les granités ont eu pour résultat principal la formation des schistes micacés , soit à cause de l’intensité particulière de la cha¬ leur qu’ils ont dégagée , soit parce qu’ils ont fourni à la matière métamorphosée les principes nécessaires pour cette conversion. M. Elie de Beaumont a déjà insisté sur les phénomènes de cet ordre, dont le bassin de Sainte-Marie-aux-]Mines a été le prin¬ cipal théâtre , et je partage pleinement sa manière de voir. Les détails dans lesquels il est entré suffisent d’ailleurs pour faire com¬ prendre que les micaschistes de cette localité sent en général bien éloignés d’offrir la cristallisation si nette et si développée des mica¬ schistes regardés comme anciens dans les diverses parties du globe ; ils se rapprochent sous ce rapport assez bien des micaschistes for¬ més aux dépens des schistes argileux des vallées de l’Azergue et de 231 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/Ï6. la Brevenne , quoique ici la transformation se soit effectuée sur une échelle infiniment moindre qu’à Sainte-Marie-aux-Mines. Ils se rapprochent encore de certains micaschistes des Alpes dont j’ai fait connaître les caractères dans une de mes dernières notices. Diverses autres localités des Vosges, telles qu’Andlau, Ribeau- villé , fournissent d’ailleurs des exemples d’ écailles schisteuses plus ou moins complètement encaissées dans le granité, et dont les pas¬ sages au micaschiste peuvent en quelque sorte servir de démon¬ stration pour le grand effet général de Sainte-Marie-aux-Mines. Parmi les résultats subordonnés à ce dernier, il faut aussi ran¬ ger la conversion des schistes en diorites schisteux. J’ai fait de longues recherches dans les vallons du Rauhenthal , de Surlotte , de Saint-Philippe et de Fertrupk , pour arriver à constater que ces diorites schisteux sont réellement des produits métamorphiques et non des produits éruptifs. J’ai finalement rencontré des exem¬ ples assez convaincants pour ne plus laisser de doutes à cet égard. C’est principalement autour des ramifications granitiques repré¬ sentées par les weissteins , les pegmatites et les granulites , que la cristallisation ampliibolique s’est développée soit d’une manière complète , soit en disséminant l’amphibole dans les micaschistes ; j’ai d’ailleurs signalé des exemples du même ordre pour les envi¬ rons de Lyon. Les schistes plus ou moins durcis, fissurés , plissés , verdis, sati¬ nés , ehloritisés et maclifères de la montée de Breitenbach au Champ-du-Feu , ainsi que ceux d’Andlau , sont encore en con¬ nexion avec les granités et plus ou moins traversés par des filons de quartz et de porphyre quartzifère. A l’occasion des clilorites , je dois encore faire remarquer que la chloritisation des schistes vosgiens est un phénomène très circonscrit et par conséquent bien éloigné de l’amplitude énorme qui caractérise l’effet lyonnais. Des actions d’un autre genre se sont naturellement développées sur les calcaires de Saint-Philippe au-dessus de Sainte-Marie-aux- Mines. Encaissés dans les schistes micacés, ils ont été comme eux subordonnés à l’influence granitique. En subissant le ramollisse¬ ment , ils ont réagi sur les silicates empâtés dans leur masse ou en contact avec eux. 11 en est résulté des cristallisations de pyroxène safdite , des amphiboles, des micas ou plutôt des talcs de couleur brune rougeâtre; le silicéo-titanate de chaux a cristallisé en forme de sphène , etc. Mais ce qui doit surtout fixer l’attention , c’est la singulière production de la serpentine noble au milieu de ces cal¬ caires. Evidemment elle n’y est pas entrée par suite d’une injec¬ tion plutonique ; la forme et la disposition des noyaux s’opposent 232 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/|6. à cette supposition ; mais tout démontre qu’elle est le produit d’une modification correspondante à celle de la masse englobante, et alors trois hypothèses peuvent expliquer le phénomène : Ou bien le calcaire était magnésien, et il a fourni de la magnésie à la silice disséminée dans sa masse ; Mieux encore, le calcaire contenait de l’hydrochlorate de ma¬ gnésie comme celui d’Argenteuil , près de Paris , dans lequel M. Berthier a trouvé : Carbonate de chaux . — de magnésie . i Silicate de magnésie et alumine. . . 27 Eau . 6 i 100 et de là des concentrations de serpentine par suite de l’épuration cristalline ; Enfin les espèces calcaires pouvaient se trouver séparées par des noeuds ou par des lits de magnésite. Si , par exemple , une cause de ramollissement agissait sur les dépôts de Salinelle , de Cou- lommiers, etc., près de Paris, il est évident que la magnésite intercalée en subirait l’influence, et alors il pourrait se former un minéral du genre serpentineux , d’autant plus facilement que, par suite de la rareté de la cristallisation , les silicates magnésiens affectent pour la plupart des physionomies passablement identi¬ ques. Une analyse éclaircirait facilement cette question , et , dans tous les cas, on voit qu’il faut distinguer soigneusement ces ser¬ pentines métamorphiques de celles qui sont éruptives. Peut-être même sera-t-on amené par la suite à expliquer, à l’aide de moyens tout aussi simples , la formation de certains marbres serpentini- fères dont l’origine est jusqu’à présent très problématique. On se rappellera d’ailleurs que M. Boué a déjà annoncé que les relations de la serpentine sont souvent en faveur de l’idée qui la considère comme une roche métamorphique. 11 est presque inutile de rappeler que les marbres de Laveline et du Cliipol présentent une grande analogie avec ceux de Saint- Philippe ; mais je dois signaler, en passant, l’existence de la chondrodite dans ceux de cette dernière localité. Ce minéral s’y présente sous la forme de petits grains d’un jaune rougeâtre, assez durs pour recevoir la trace d’un canif à peu près comme un papier reçoit celle d’un crayon. Leur cassure est inégale , d’un éclat vi¬ treux , un peu gras ; en un mot, je n’ai pu établir aucune diffé¬ rence minéralogique entre la chondrodite du Cliipol et celle de VV arwick dans les États— U nis. Mais 1 analyse doit confirmer cet SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 233 aperçu , et quoique le minéral en question soit mécaniquement inséparable de sa gangue, à laquelle il est lié d’une manière in¬ time, on pourra néanmoins s’en procurer des quantités suffisantes au degré de pureté convenable , en le dégageant du calcaire à l’aide d’un acide. Notre minéralogie française serait ainsi augmentée d’une espèce qui , jusqu’à présent , n’a été reconnue qu’en Suède , aux Etats-Unis , en Russie , en Saxe et au Vésuve. B. Réactions des syénites. • — Les syénites ont plutôt agi à l’instar des porphyres quartzifères qu’à la manière des granités ; leur intensité d’action semble avoir été insuffisante pour déterminer le passage des schistes à l’état micacé sur une grande échelle. Cepen¬ dant cette modification peut avoir lieu en petit, et l’on en voit un exemple assez remarquable sur les rampes du Champ-du-Feu, aux deux rochers de la Melkerey. En effet , les schistes, empâtés dans la syénite , se présentent au contact immédiat sous la forme d’une masse très finement micacée qui, un peu plus loin , dégénère en un magma noir, confondu avec du grenat et avec de l’épidote amorphes. Les lambeaux schisteux qui reposent, en forme de calottes, sur la voûte du Champ-du-Feu, et qui sont traversés par les filons de syénite et de porphyre quartzifère , ont été plus généralement ra¬ mollis , de manière à former des pâtes noires ou d’un vert sombre , plus ou moins malaxées, renfermant des épidotes, quelques gre¬ nats , quelques amphiboles et un peu d’ouralite ; mais le felds¬ path s’y développe aussi , de telle sorte qu’ils affectent une grande tendance à prendre l’aspect des porphyres verts ou plutôt des mélapliyres , dont nous allons parler avec plus de détail dans un moment. C. Réactions des porphyres. — J ’ai déjà dit que les porphyres quartzifères se montrent presque partout vers la périphérie des grands massifs vosgiens , et , comme les schistes de transition affectent les mêmes positions , on arrive naturellement à conce¬ voir que cette coïncidence a dû déterminer des effets de contact multipliés. Aussi les métamorphismes abondent sur tout le pour¬ tour méridional de la chaîne depuis Guebwiller jusqu’à Plancher- les-Mines, en prenant par Thann , Masse vaux , Giromagny , Auxelles , Fresse , Ternuay, la Voivre, Servance et Belfahy. Au N. les mêmes phénomènes se reproduisent depuis les environs d’Urmatt jusqu’au-delà de Fouday, en passant par Schirmeck et Framont. Si nous recherchons maintenant les productions les plus remar¬ quables de ce remaniement igné , nous reconnaîtrons : 23 h SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 /[6. 1° Une série de schistes prismatisés , cuits , demi-fondus et fondus complètement, en pâtes confuses, verdâtres ou noires, avec des veines d’épidote. Cet épidote est donc ici , comme dans le Lyonnais , comme dans le Tyrol , un indice de métamorphisme. L’ensemble de ces divers faits est, du reste , déjà trop connu pour mériter une plus longue description. 2° Une grande tendance de ces schistes fondus à passer a 1 état de pâtes verdâtres euritiques dures , compactes ou granulaires. Celles-ci se chargent aussi de cristaux feldspathiques générale¬ ment petits, quelquefois comme fondus avec la pâte; il en ré¬ sulte des porphyres, désignés par M. Thirria sous le nom de porphyres de transition ; ce même géologue y réunit les eurites sus¬ mentionnées , certains diorites et des porphyres-brèches. En effet, le développement de la cristallisation ajoute quelquefois l’am- pliibole au nombre des autres éléments de ces porphyres et déter¬ mine par conséquent un caractère minéralogique qui , touchant de près à celui des diorites éruptifs , vient augmenter les difficultés du classement de ces roches. Cependant on remarque que , dans les localités où les phénomènes sont bien caractérisés , ces diorites métamorphiques conservent leur pâte euritique verdâtre. L’am¬ phibole est d’ailleurs sujette à être remplacée par le pyroxène , et quelques lamelles de mica vert terne font aussi partie intégrante de ces composés. Quant aux porpliyres-brèclies de IM. Thirria, on peut quelquefois les regarder comme un résultat de l’infiltration des pâtes fondues entre, les éléments du conglomérat du terrain de transition , ou bien comme celui de la fusion plus ou moins complète du ciment de ces mêmes conglomérats ; quelquefois aussi ils proviennent du morcellement des schistes et de la brisure de leurs fragments par l’infiltration de la matière éruptive. 3° Enfin , ce remaniement détermine des transformations ana¬ logues aux précédentes, mais caractérisées par la formation d’une pâte dure , euritique , de couleur verte sombre , brune - vio¬ lacée , ou même noire , contenant du pyroxène augite et des cris¬ taux de feldspath verdâtre , quelquefois assez grands , mais plus ordinairement petits. J’ai fait quelques expériences comparatives pour m’assurer si le pyroxène n’était pas de la syénite avec la¬ quelle on pourrait quelquefois le confondre , mais il est beaucoup moins fusible ; de même l’espèce de feldspath en question est plus fusible que l’ortliose et elle me paraît se rapprocher beaucoup de l’oligoclase , ainsi que M. Daubrée l’a déjà avancé. Ces roches noires sont confondues, sous le nom de mélaphyres, par quelques auteurs, et M, Thirria en fait son porphyre noir SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18Z[6. 235 éruptif, auquel divers passages insensibles le déterminent à ajou¬ ter, comme clans le cas précédent , une opliite et un porphyre- brèche, L’ opliite en question est caractérisée par une pâte verte sombre, et elle rappelle le porfido-verde-antico . Quant à son por¬ phyre-brèche , il est constitué par le porphyre noir dans lequel sont incorporés des fragments quelquefois fort gros de pétro- silex grisâtre , jaunâtre ou rougeâtre , tantôt détachés nettement de la pâte tout en y adhérant fortement , tantôt pour ainsi dire fondus avec elle. J’en ai vu d’ailleurs dont les fragments sont aussi noirs que la pâte elle-même , et la formation de ces porphyres- brèches s’explique de la même manière que celle des roches équi¬ valentes du porphyre vert. Gisements des porphyres . • — 1° Les localités où domine le por¬ phyre de transition deM. Thirria sont comprises dans l’espace occupé par la base du Ballon de Giromagny , Plancher-Haut , Fresse , Ternuay , Champagny et la Voivre. C’est du moins sur cette étendue qu’apparaissent les masses douées de la teinte la plus claire. 2° M. Thirria indique, entre autres localités où l’on peut obser¬ ver son porphyre noir, Plancher-Bas, les environs de Fresse , Beloncliamp , près de la carrière d’ophite , Ternuay, IVIelisey , Servance et la Plauche-des-Belles-Filles. Récapitulons maintenant celles où j’ai fait mes observations , en avertissant les géologues que pour bien s’assurer de la nature métamorphique de ces por¬ phyres noirs , il convient d’explorer un certain nombre de ces gisements. 3° La station la plus remarquable , pour la perfection de ses produits, est sans contredit la hauteur qui domine au ]N. le col de la Chavestraye , près de Fresse ; on peut y observer tous les pas¬ sages d’un magma bréchifonne au beau porphyre noir antique d’Egypte, dit opliite. D’autres lambeaux à peu près pareils sont disposés en forme de calotte, davantage au N., sur le porphyre quartzifère du col de Belfahy, à Plancher-les-Mines. Une ébau¬ che de la formation est encaissée entre les schistes du mamelon de la Roche situé auprès du Ban-de-Plancher , et elle paraît s’élever de là vers la haute cime du Tannenkopf ; on retrouve, du moins ici , au milieu du gâchis porphyrique , des masses de mé- laphyre qui ressemblent à celles d’en bas. Entre le Puix et le dé- les mêmes effets se reproduisent sur les schistes et les grauwaekes. A l’entrée de Séeven , en descendant du Ballon de Giromagny , même formatioaavec porphyres quartzifères etsyénites, Sur l’arête, SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 46. en allant entre Massevaux et Oberburbach , les schistes voisins des anthracites subissent une transformation pareille. Le vallon qui descend à Roderen contient des blocs erratiques de porphyre noir aussi beaux que ceux de la Chavestraye. Entre Willer et Bitsch* willer , dans la vallée de Thann , la conversion est moins nette. Enfin , à la descente du Ballon de Guebwiller , vers Rimbach , ces porphyres noirs reprennent , en grande partie , la netteté des premiers. U° Pour retrouver maintenant des modifications analogues dans une autre partie des Vosges , il faut se transporter sur le Chainp- du-Feu , où les porphyres verts et noirs se montrent avec des ca¬ ractères exactement pareils à ceux de Rimbach et de Giromagny, passant de l’un à l’autre , ou bien à des pâtes noires , quelquefois épidotiques et même ampliiboliques dans les fissures. Quelques blocs m’ont offert le pyroxène ouralite ; et tout porte à rapprocher ces mélaphyrcs de ceux du mont Mulatto et des ravins de Can- zocali , près de Predazzo. Ces mélaphyres ont des caractères assez particuliers pour que M. de Buch ait déjà jugé à propos de les distinguer de ceux de Vigo et de Sein, en les regardant comme influencés par le voisinage des syénites ; j’ai constaté, de mon côté qu’ils ne sont que des bigarrés métamorphiques. 5° Les mêmes phénomènes se reproduisent à la base occidentale du même massif, depuis Fouday jusqu’à Schirmeck. Dans toute cette étendue , les schistes sont en quelque sorte divisés en grands quartiers par les filons de porphyre rouge et par quelques granités. Aussi sont-ils modifiés de toutes les manières , c’est-à-dire pris- matisés , durcis, verdis, jaspisés, épidoteux, convertis en magmas rubanés de parties vertes et noires, enfin, cristallisés en porphyres verts ou noirs , parfaitement développés , et contenant çà et là de rares cristaux d’amphibole. Quelques échantillons ne le cèdent guère en beauté à ceux des environs de Giromagny , et pour les découvrir il suffit de suivre les contacts du schiste et du porplivre rouge. Le trajet de Fouday à Rothau est donc, en quelque sorte, classique pour l’étude de ces phénomènes. A Framont, les mêmes roches ont été confondues avec les porphyres éruptifs proprement dits ; mais leurs passages aux schistes sont tels que l’on revient de cette opinion après une étude attentive , et l’on conçoit que cette circonstance entraîne la nécessité d’une modification dans la théo¬ rie des filons du pays ; en effet , au lieu de constituer des gîtes de contact , ils deviennent de simples filons d’injection , traversant indifféremment les schistes métainorphisés , les calcaires et les do¬ lomies du terrain de transition. SÉANCE 1)U 7 DÉCEMBRE 237 Porphyres métamorphiques. — M. Thirria considérait ses por¬ phyres noirs comme étant des produits essentiellement éruptifs , parce qu’il ne leur a pas reconnu d’indice de stratification , et qu’ils sont d’ailleurs fortement fendillés et comme tressailles. Il avance la même idée à l’égard de ses porphyres de transition ; cependant , comme il a fort bien observé aussi que l’eurite sans feldspath af¬ fecte souvent une texture schisteuse , et que les divers membres de ce dernier groupe semblent se lier intimement avec le schiste de transition , s’identifiant avec lui par une sorte de passage au point de contact , et même par quelques apparences d’alternances , il conclut que le porphyre pourrait bien s’être épanché pendant le dépôt du terrain de transition. Celui-ci, n’étant pas encore com¬ plètement solidifié , a du s’enchevêtrer avec les masses pluto- niques , et de là les transitions en question. Cette théorie a été émise en 1833 ; mais actuellement celle du métamorphisme écarte la nécessité de la contemporanéité. J’ai fait en 1835 quelques expériences qui démontrent que ces transforma¬ tions en roches porpliyriques ont pu s’effectuer parfaitement après la solidification des schistes ; j’ai repris la question dans un Mé¬ moire sur quelques points de la géologie des environs de Lyon , présenté à l’Institut en 1837, et, dans ces deux notices, j’ai cité des exemples de schistes verdis et feldspathisés , de grès de transi¬ tion convertis en porphyres; j’ai appliqué ces données aux roches dites cornes vertes et cornes rouges par les mineurs de Chessy. M. Gruner a fait en 18àl une étude plus générale de ces mêmes métamorphismes dans son important travail sur la géologie du département de la Loire. Il a désigné alors sous le nom générique de porphyres verts ce que M. Thirria appelle des porphyres de transition . Faisons maintenant un pas de plus. La couleur de la pâte est , comme on l’a vu, le caractère dont M. Thirria s’est servi pour établir ses deux groupes porphyriques. Cette différence mérite bien certainement de fixer l’attention , mais il ne s’ensuit pas quelle soit de nature à provoquer une distinction aussi absolue ; car on peut observer tous les intermédiaires possibles entre le vert le plus clair et le noir le plus intense. Le degré de pureté des schistes argileux paraît être la cause principale de la différence qu’on observe, sous ce rapport, entre leurs produits. On conçoit d’abord très bien que là où le métamorphisme aura été effectué sur des schistes peu ferrugineux, la teinte résultante sera le vert plus ou moins clair; c’est ce qui paraît être arrivé entre autres depuis Auxelles-Haut jusque vers Fresse, espace sur lequel j’ai pu 238 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. observer clés transitions remarquablement ménagées entre les por¬ phyres verts et les schistes argileux. Diverses relations de rencontre me portent, d’un autre côté, à supposer que le porphyre noir est plus essentiellement un produit du métamorphisme des grès schisteux et des grauwackes ; cependant on remarque parmi les grès un gros banc , qui est assez peu ferrugineux pour donner un produit euri- tique vert ; c’est celui cpie l’on voit dans les carrières d’Oberbur- bach , de Thann , et entre Scliirmeck et Lutzelhausen. 11 faut aussi tenir compte de la confusion qui s’opère habituellement entre les éléments du porphyre rouge et ceux des schistes ou des conglo¬ mérats de transition ; dans ce dernier cas , l’oxyde de fer du por¬ phyre a pu se trouver amené à l’état d’oxycle intermédiaire, et occasionner la coloration du produit artificiel en noir ou en vert plus ou moins sombre ; niais je n’en persiste pas moins à croire que c’est dans la composition ferrugineuse des roches du terrain de transition qu’il faut trouver la principale cause de la coloration plus ou moins intense de ces produits métamorphiques. Or, dès qu’il est établi que leur différence ne roule que sur les quantités relatives de matière colorante , on accordera volontiers qu’il n’y a pas lieu à faire des distinctions géologiques entre eux , et on réu¬ nira ces roches vertes ou noires sous la dénomination collective de porphyres métamorphiques , par opposition aux porphyres érup¬ tifs , en se contentant d’en spécifier les nuances, comme on le fait en minéralogie pour les variétés d’une même espèce. Porphyres métamorphiques du terrain de transition. — Je viens de dire qu’il s’opère assez fréquemment une sorte de confusion entre les éléments de la roche métamorphi santé et ceux de la roche sédimentaire. Cette circonstance est trop importante sous le point de vue théorique pour que je n’en dise pas quelques mots. Je possède des échantillons de la Chavestraye, de llelfahy, de Plancher-lcs- Mines, de Servance , et où l’on voit immédiatement cette incorpora¬ tion bréchoïde , parce que la fusion n’a pas été complète. Tantôt il y a pénétration surabondante de la pâte du porphyre rouge , et alors on a des roches rouges-brunâ très, qui sont simplement macu¬ lées de vert; tantôt la diffusion est plus intime; les deux roches ont contribué au produit pour une part à peu près égale , et alors on a déjà des pâtes porpliyriques dures et d’une teinte sensiblement uniforme, prenant la nuance noire, brune ou verte, suivant la nature des schistes soumis à l’action dissolvante du porphyre. Ce¬ pendant on peut très souvent s’assurer que les masses qui au pre¬ mier coup d’œil paraissent les plus dures et les plus homogènes dans la cassure fraîche , comme , par exemple , les porphyres noirs SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 239 de Framont, décèlent néanmoins la structure fragmentaire dans les parties extérieures qui ont été attaquées par les agents atmo¬ sphériques. En effet, l’action lente de ceux-ci s’exerce naturelle¬ ment d’une manière inégale sur une masse complexe; elle la dis¬ sèque en quelque sorte de manière à remettre à nu le tissu primitif des diverses parties dont elle est composée; elle fait par conséquent ressortir d’une manière tranchée l’hétérogénéité des unes à côté de l’homogénéité des autres, et l’on a en cela un exemple de plus à ajouter à ceux que j’ai déjà donnés comme preuve de l’importance qu’il faut attacher à l’étude des masses qui passent par les pre¬ mières phases de la kaolinisation. En décrivant les modes de diffusion de la matière métamorphi- sante dans la matière métamorpliisée , je dois encore insister sur une petite différence qui se montre entre les phénomènes vosgiens et quelques uns de ceux du Lyonnais. Ici , sous l’infhience com¬ binée des fondants et de la chaleur, les schistes se sont souvent exfoliés de manière à recevoir le liquide igné par suite d’une action capillaire. Il en est résulté des schistes verdis , rubanés de veines rouges très fines et parallèles entre elles, autant que le comporte ce genre d’action. Même quand les schistes sont saturés de la pâte porpliyrique au point de paraître complètement rouges , on peut encore très souvent reconnaître la nature primitive de la roche à sa fissilité , suivant les plans des feuillets. Le métamorphisme est donc incomplet dans ce cas , mais il n’en est que plus digne d’at¬ tention , parce qu’il donne l’idée la plus claire de la marche de l’opération ; c’est même cette circonstance qui m’a amené à faire les expériences citées dans le paragraphe précédent. Cependant, dans d’autres cas , l’i inhibition s’est effectuée dans des conditions telles, que la fissilité est anéantie , et que la roche prend un caractère décidément euritique ou porplryrique , suivant l’avancement de la cristallisation; en un mot, il semble qu’alors la chaleur ait été assez forte pour liquéfier complètement l’excipient et pour déter¬ miner son incorporation complète avec le fondant. Or, c’est ce dernier ea ; qui se présente le plus habituellement dans les Vosges ; je n’ai point découvert parmi leurs roches ces remarquables infil¬ trations capillaires du Lyonnais; la diffusion du porphyre y est en quelque sorte nuageuse, et j’en déduis naturellement que la tem¬ pérature a dû avoir été bien plus élevée pour produire les phéno¬ mènes des Vosges que pour effectuer ceux de nos environs. En avançant cette conjecture , je dois cependant faire observer que le pyromètre sur lequel je me base pourrait bien être fautif, car on conçoit que son action fondante a pu varier d’une localité 240 SÉANCE DI! 7 DÉCEMBRE 1840. à une autre; mais j’ai supposé d’abord que le degré de fusibilité des porphyres quartzifères était une chose à peu près constante , et , mieux encore , j’ai surtout pris pour point de départ 1 ampli¬ tude des imbibitions vosgiennes, sur lesquelles nous reviendrons bientôt. Porphyres métamorphiques du système des grès (1). — L action des porphyres rouges sur les grès rouges de Lutzelhausen et d’Oberliaslach a été analogue à celle qu’ils ont exercée sur les roches de transition ; de là ces passages du porphyre aux grès et aux conglomérats par l’intermédiaire de porphyres tachetés ou mar¬ brés , ou par des masses rubanées et jaspisées , qui sont si com¬ munes à Lutzelhausen, à Oberliaslach et à la cascade du Nydeck. Dans ce dernier point , ainsi qu’à Lutzelhausen , les modifications en question sont accompagnées d’une belle prismatisation des grès porphyrisés. On peut observer de plus à Lutzelhausen une kaoli¬ nisation subséquente , qui a fait croire à l’action de vapeurs acides émanées des porphyres. Mais il est facile de s’assurer que leur in¬ tervention est tout-à-fait inutile, en sorte que l’on a compliqué par là le phénomène en pure perte. Le passage du grès rouge aux porphyres a du reste depuis longtemps fixé l’attention de M. de Buch ; il a été observé depuis par M. Elie de Beaumont, à la cascade même du Nydeck, au Val-d’Ajol, ainsi que dans les mon¬ tagnes del’Esterel , en sorte qu’il serait superflu de nous appesantir davantage sur ces détails. s m Classification du porphyre des Vosges. Depuis mon retour à Lyon , la coordination de mes collections des Yosges m’a mis à même de découvrir certains phénomènes qui m’avaient échappé pendant l’activité des explorations sur le terrain, et ils m’ont amené à certaines généralisations du métamor¬ phisme , qui ne seront peut-être pas dépourvues de tout intérêt , en sorte que je vais les faire connaître. Si l’on considère l’amplitude des phénomènes de Framont ainsi que des environs de Giromagny, on arrive d’abord à admettre que dans ces points les roches ont, en quelque sorte, nagé sur un bain porphyrique , et je suis de plus en plus persuadé que l’on en viendra à généraliser beaucoup cette circonstance qui a été énon¬ cée , je crois , pour la première fois , par M. Boblaye. Il est même probable que la plupart des métamorphismes intenses , que ceux (1) Voir la définition de ce système, § Ir lettre B. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1840. 241 auxquels une grande puissance a fait prendre un caractère normal, que ceux-là , dis-je , ont été accompagnés quelquefois d’une action chimique souterraine, dont Y intensité a pu s’élever au point de dissoudre des couclies sous-jacentes entières , de manière à mettre la masse ignée en contact avec des terrains plus ou moins mo¬ dernes. On verra peut-être encore qûe dans beaucoup de cas d’é- pancliement, ce sont plutôt des actions chimiques qui ont été en jeu, qu’une simple force mécanique ; et l’on généralisera ce que M. Nau- mann a déjà dit en 1833, à l’occasion des leptynites de Mittweida, en Saxe. Enfin, s’il est établi qu’ alors les dislocations ainsi que les bombements ne sont survenus qu’ après coup , on sera en droit d’examiner si la force de cristallisation n’aurait pas quelquefois aussi joué un rôle capital dans le soulèvement. Ne produit-elle pas le dénivellement de la surface d’un bain métallique qui se solidifie, d’une nappe d’eau qui se congèle dans un vase à parois inextensibles, ou bien la rupture de ces mêmes parois si elles sont incapables d’opposer une résistance suffisante à cette action moléculaire? On remarquera, d’ailleurs, que je me sers à dessein de l’expression générale de dénivellement , parce que dans certains cas les sur¬ faces se dépriment , tandis que dans d’autres elles s’exhaussent. Mais laissons, pour le moment, ces déductions encore trop har¬ dies pour l’état actuel de la science , et abordons des effets plus saisissables qui sont la conséquence directe de l’amplitude des mêmes phénomènes vosgiens. Si des paquets de roches sédimentaires ont flotté sur un bain igné, ainsi que nous venons de le dire par avance, ils ont dû avoir été modifiés vers le haut et dissous dans leur partie infé¬ rieure ; cette partie dissoute , devenant donc un élément de la roche platonique , a dû lui imprimer une physionomie spéciale suivant sa nature. La même chose arrive dans une foule d’opérations chi¬ miques; le fondant que l’on introduit dans un creuset pour la matière duquel il a de l’affinité dénature le creuset tout en se dénaturant lui-même ; la potasse mise en fusion dans un creuset d’argile devient un silicate potassique ; un morceau de sucre , immergé dans l’eau sur une partie de sa hauteur , élève une cer¬ taine quantité de cette eau dans le reste de sa masse, tandis que réciproquement l’excédant de l’eau se charge de sucre. Les roches plutoniques auraient-elles donc été mises en dehors de la règle générale? seraient-elles des corps exceptionnels? On devrait l’ad¬ mettre si elles avaient simplement agi sans subir de réaction , et alors tous nos raisonnements , tout le laborieux enfantement du métamorphisme par des effets de contact , de capillarité et de Soc. géol. , V série, tome IV. IG 2/i2 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. confusion , n’auraient abouti qu à la production d une vaine chi¬ mère à placer à côté des vaporeuses rêveries auxquelles se laisse¬ rait aller une science encore dans son enfance. Heureusement qu’il n’en est pas ainsi. Depuis longtemps on a été frappé des changements que présentent , entre autres , les por¬ phyres , et l’on a jugé à propos d’en désigner les divers états sous les noms d’eurite , de porphyre quartzifère , d’argilophyre , de porphyre brun, de spilite, etc. On a même été plus loin en dési¬ gnant sous le nom de porphyres du grès rouge certains porphyres tels que ceux d’Oberhaslach , parce qu’à des caractères particuliers iis joignent la circonstance d’être, en quelque sorte, inhérents à cette formation aqueuse. Des différences aussi prononcées dans les caractères minéralogiques ont naturellement porté quelques géo¬ logues à considérer ces masses comme autant de systèmes distincts, tandis que d’autres réunissent tout , produits éruptifs et produits métamorphiques, en se basant sur les transitions qui existent entre les uns et les autres. Mais je crois qu’il y a excès de part et d’au¬ tre. Quelques nuances intermédiaires ne doivent pas déterminer à fermer entièrement l’œil sur les caractères fondamentaux des roches ignées , sédimentaires et métamorphiques ; autrement nous retomberions dans les anciennes idées des passages insensibles qui n’allaient pas à moins qu’à trouver des transitions du granité à la houille , du porphyre au grès , des basaltes aux calcaires co- quilliers , etc. Ceci posé, voici de quelle manière je suis porté à concevoir main¬ tenant les faits relatifs aux porphyres vosgiens. Quelques uns d’entre eux sont granitoïdes , quartzifères, ou enfin euritiques rouges dans les acceptions les plus exactes de ces expres¬ sions. Ces mêmes porphyres sont , en général , sous la forme de masses très puissantes , de filons très imparfaitement soudés ou liés aux roches encaissantes ; ils ne paraissent pas avoir agi sur elles ; ils sont donc purs de tout mélange , ils forment par consé¬ quent nos types éruptifs. D’autres porphyres très nombreux ont été désignés par M. Élie de Beaumont sous le nom de porphyres bruns , à cause de leur nuance dominante; ils sont encore durs , à pâte euritique , mais leurs cristaux feidspathiques sont généralement plus mal déve¬ loppés que dans le cas précédent ; le quartz y est aussi plus rare ; leui pâte est semee de taches vertes ou même chargée de quelques PJioxenes , et ils tendent ainsi à passer aux porphyres verts ou noirs métamorphiques. Au lieu d’une séparation nette, ils affectent d oïdinaue une soudure intime avec les schistes métamorphiques SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/ff). dont ils sont cependant distincts par la couleur et par la texture ; le caractère de l’intercalation postérieure n’est donc pas entière¬ ment effacé ; souvent même sa conservation est assez parfaite. Enfin, vient une autre série de pophyres auxquels une pâte rade, terreuse, peu dure , fait prendre la physionomie des argilophyres, ou de certains spilites , et ceux-ci sont liés aux grès rouges de la manière qui a été indiquée plus haut. Ces caractères , distincts pour chaque genre de voisinage , me semblent donc mettre à peu près hors de doute l’influence de la roche métamorpliisée sur la roche métamorphi santé ; et comme il y a réciprocité d’action , on peut distinguer ces deux cas par des expressions techniques. Je proposerai, en conséquence , pour dé¬ signer l’ensemble de ces effets , de conserver l’expression générale de métamorphisme , en l’appliquant indifféremment aux modifica¬ tions de la roche plutonique comme à celle de la roche sédimen- taire, puisque toutes deux sont dénaturées. Le cas particulier où la roche sédimentaire sera modifiée prendra le nom à1 ex amor¬ phisme ( changement en dehors de la roche plutonique). Enfin, quand on voudra indiquer spécialement les changements survenus dans les roches plutoniques , on se servira de l’expression d 'endo¬ morphisme (changement en dedans de la roche plutonique ). Pour classer maintenant l’ensemble des porphyres vosgiens d’après cette nomenclature , nous pourrons prendre par exemple la disposition suivante : ROCHES EXOMORPHIQUF.S. Schistes, grès modifiés. Porphyres verts. Porphyre noir passant aux . ROCHES ENDOMORPH1QUES. Porphyres modifies par les schistes et les grès. Porphyres bruns. Porphyres argilophyres. ROCHES ERUPTIVES NORMALES. Porphyre quartzifère. Por phyre granitoïde. Eurite rouge, etc. 11 est bien entendu d’ailleurs que dans les roches exomorphi- ques on comprendra les divers cas, de plus en plus complexes , d’endurcissement , de prismatisation , de changement de couleur , de cuisson en grais ou en thermantides , de fusion complète , de pénétration par capillarité , de confusion en magma et de cris¬ tallisation par le refroidissement subséquent. De même dans l’endomorphisme on réunira aussi bien les simples oblitérations de cristallisation que les phénomènes chimiques les plus com¬ plexes. On sera, il est vrai , quelquefois embarrassé pour distinguer l’endomorphisme de l’exomorphisme. Dans le cas des porphyres, par exemple , on peut manquer de limite tranchée , comme on le m SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/lÜ. voit sur le tableau ci-dessus ; mais les inexactitudes de ce genre se retrouvent dans une foule de circonstances sans avoir jamais fait rejeter les classifications , et l’on a toujours su conserver leurs immenses avantages en laissant à la sagacité de 1 observateur le soin de démêler les points douteux. Cette petite inexactitude me paraît du reste bien minime à côté de la confusion qui régnait auparavant, et j’ose espérer de n’ètre pas blâmé pour m’être hasardé à tirer l’objet quelconque que j’ai cru entrevoir au fond de l’obscurité où certains phénomènes géologiques sont encore plongés. exemples d’endomorphisme. — 1° Dans la pénurie actuelle , on ne saurait établir trop de parallèles pour faire voir la généralité des effets endomorphiques. Citons donc , pour premier exemple , une certaine roche du Cliamp-du-Feu qui me paraît mériter quel¬ que attention sous ce rapport. Elle se montre au col du Hohwald, et spécialement aux rochers dits Melkcreyfelsen , où les schistes exomorpliisés en micascliites, etc., sont soudés avec elle. Cette roche possède des caractères tels qu’on peut lui donner le nom de porphyre dioritique ; elle contient cependant tous les éléments de la syénite , avec cette différence cpie la texture en est d’autant plus oblitérée par les effets du contact , que l’on se rapproche davan¬ tage du schiste; il me paraît donc indubitable qu’il y a là un en¬ domorphisme delà syénite , et c’est dans ce sens que j’ai dénommé vaguement la roche en question dans le paragraphe K. Or, cet effet qui , au premier aspect , semble devoir demeurer dans la circon¬ scription des phénomènes purement locaux , est susceptible de se reproduire dans des circonstances assez importantes, comme on va le voir. 2° On a nié l’existence du porphyre quartzifère dans les Alpes; cependant M. Jurine, qui a enrichi la science de particularités importantes sur les roches de ces montagnes, en a déposé un échan¬ tillon dans la collection du IVÏusee de Geneve. II provenait de blocs détachés et encore anguleux , trouvés entre la montagne du Vent et celle de la Roche; ces blocs ne pouvaient évidemment pas venu de loin, mais ils étaient les seuls de ce genre qu’il ait pu trouver dans la vallée de Chainouni et même sur le pourtour du Mont-Blanc. La question de l’origine de ce porphyre n’était donc guère éclaircie; cependant l’attention fut fixée , et quelques années après M. Necker découvrit un porphyre en tout analogue , d’abord dans des murs en pierres sèches du hameau de la Cou- teraie, près de Valorsine ; enfin , en 1828 , il finit par le voir en place au-dessus du même endroit, ainsi que dans le ravin des SÉANCE 1)U 7 DÉCEMBRE 18/l6. Rupes. Dans ces gîtes , ce porphyre quartzifère affecte spéciale¬ ment le contact entre les gneiss et les granités ou protogynes. Ceux- ci , à l’approclie du gneiss , perdent graduellement leur large texture en passant à l’état porphyroïde qui, lui-même, dégénère en une eurite , tout en faisant partie de l'ensemble granitique ou pro- togyneux. Ces dernières roches ne sont donc pas du porphyre quartzifère dans l’acception géologique du mot, mais elles offrent un exemple d’endomorphisme bien étudié , et dont il ne s’agit plus que de mettre les caractères en regard de celui de la Melkerey pour constater l’identité des effets produits. CRANITE OU PROTOGYNE ENDOMOR- SYÉNITE ENDOMORPHISÉE DU COL DU PHISF.E DE LA COUTERAIS. HOHWALD ET DE LA MELKEREY. Caractère général. . . Eléments constituants F eldspath Quartz. Mica . • . • Amphibole. Pâte vue à la loupe. Action :himique. , ( Porphyre quartzifère grisâtre par- t Porphyre dioritiquc grisâtre parfaite* . \ failement caractérisé . ( meut caractérisé. ( Pâte contenant du feldspath , du ( Pâte contenant 0 : • U il H Av ii < ■ fc>1 lo Oh JIO SÉANCE 1)U 7 DÉCEMBRE 18^(5. 2(5! — Qualités. France, Grande-Bretagne. États-Unis de l’Amérique septentrionale. Autres. kil. kil. kil. kil. lie 2,380,200 4,760,400 3,175,600 1,386,800 — e 7,934,000 15,868,000 795,400 3.173,600 5« 13,868,000 6,347,200 » 1,386,800 26,182,200 26,975,600 3,967,000 6,347,200 1 En 1813 l’exportation s’es t partagée comme il suit : Ire 2e ( 14,642,730 18,062,100 3,011,600 7,935,500 5e Total en 1843 : 43,651,950 kilogrammes. Dans sa lettre qui accompagnait l’envoi de la communication qui précède M. de Cussy écrivait à M. de Wegmann : « Un bâtiment qui est en route pour Palerme m’apporte de Gir- genti quelques échantillons de soufre cristallisé -, s’il en est qui soient dignes de vous être offerts , à vous , mon vieil ami , pour votre collection particulière , et à la Société géologique pour les siennes , je ne manquerai pas de vous les faire parvenir. » M. Bayle lit la note suivante extraite d’une lettre de M. Matheron à M. le marquis de Roys. Sur les terrains traversés par le souterrain de la JSerthe près Marseille , par M. Matheron. Marseille, 22 avril 1846. Avant peu j’espère adresser à la Société quelques Mémoires sur des questions d’un assez haut intérêt , et notamment un travail sur le souterrain de la Nertlie, que l’on creuse en ce moment aux en¬ virons de Marseille pour le passage du chemin de fer. Yoiei , sur ce souterrain , quelques notions préliminaires que je suis heureux de pouvoir vous donner, en vous laissant la liberté de les commu¬ niquer ou non à la Société. 262 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. Pour pénétrer dans le bassin de Marseille , le chemin de fer d’Avignon doit traverser la chaîne de montagnes de 1 Etoile, qui limite au N. le bassin de Marseille , et dont le prolongement occi¬ dental , qui prend le nom de chaîne de l’Estaque , sépare le bassin de Marignane ou des Pennes , dépendant de la vallée de l’Arc , du bassin de Léon , qui appartient au bassin de Marseille , et dans lequel le chemin de fer débouchera tout près du bord de la mer. Le souterrain aura 4,600 mètres de longueur. 11 est situé à 50 mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Vingt-quatre puits, dont le plus profond a 186 mètres, sont creusés, à l’excep¬ tion de deux , qui ne sont point terminés encore. Le travail de la galerie est fort avancé, et déjà la communication est établie entre divers puits. Il résulte des observations que j’ai faites , soit à l’extérieur sur la ligne du souterrain , soit dans l’intérieur des puits et des gale¬ ries qui sont creusées , que la majeure partie du souterrain est ou sera creusée dans les couches des formations secondaires. C’est d’abord, vers la tète N. du souterrain, le terrain crétacé parfaitement caractérisé , avec des fossiles bien remarquables ; puis un lambeau de terrain néocomien , c’est-à-dire des couches de calcaire mar¬ neux , analogues à celles de la Bedoulé , près de Cassis et d’Escra- gnolle , dans le Var. Vient ensuite une énorme faille , remplie par un lambeau de terrain tertiaire, dont les couches inclinent forte¬ ment et en convergeant vers le milieu de la faille. Ce terrain ter¬ tiaire , qui appartient à notre grande formation à lignite , laquelle , je crois l’avoir démontré ailleurs, est, dans notre pays, l’analogue des terrains tertiaires inférieurs de Paris , est remarquable par une couche de brèches à fragments calcaires un peu roulés , liés entre eux par un ciment marneux fort noir, renfermant des co¬ quilles fossiles appartenant aux genres U nia, Melanopsis , Cerithiurn et Ampullciria , des fragments de bois fossile ayant souvent con¬ servé les caractères de l’écorce , et des ossements de Sauriens et de Chéloniens. Ces Sauriens sont : un crocodile bien caractérisé; j’ai des frag¬ ments de fémur, des vertèbres et de nombreuses dents ; un reptile qui doit , je crois , former un genre nouveau , et dont malheureusement toutes nos recherches n’ont pu faire trouver une dent bien conser¬ vée. Cet animal , dont je possède des os bien cai actérisés , et surtout un humérus, des vertèbres et un fragment de maxillaire, était dune taille colossale. Je l’étudie, et comme je n’ai point encore terminé de débarrasser de leur gangue tous les fragments qui ont été trouvés et religieusement conservés, je ne puis rien vous dire 263 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. de plus à ce sujet. J’ajouterai toutefois qu’un fragment de dent a été trouvé , et que ce fragment rappelle les dents figurées dans Cuvier, pl. CCXLIX, fig. 32. Toutefois , ce n’est point la même dent. Le Chélonien appartient au genre Trionyx. Après la couche à Sauriens, viennent des couches argileuses, des brèches , etc. ; puis , en stratification concordante , le calcaire connu sous le nom de calcaire à Charnu ahimonia , qui est brisé sur plusieurs points, et qui présente à toutes ses grandes fractures des traces manifestes de métamorphisme. Après ce calcaire, dont cette partie apparente a été évidemment détachée de couches qui sont restées invisibles , et qui ont été renversées presque totalement dans une grande faille de soulèvement , arrive , sur une longueur de près de 800 mètres , un amas de couches brisées et métamor¬ phiques. C’est le comblement de la grande faille faite avec des matériaux de divers étages jurassiques, et qui se présentent très peu souvent à l’état de pureté et presque constamment à l’état de dolomie ou de brèche dolomitique. C’est dans cette étendue que les phénomènes métamorphiques sont on ne peut plus intéressants à étudier. Je donnerai, dans un travail que je fais à ce sujet, la démonstration mathématique de couches liasiques transformées, ici en calcaire cristallin d’un blanc éclatant, là en dolomie plus ou moins friable , plus ou moins riche en magnésie , plus loin , en calcaire magnésien traversé par des veines d’oxyde de fer. Je ferai voir des couches qui n’ont été qu’en partie modifiées , et enfin je démontrerai que la dolomie qu’on rencontre là est métamorphique. La grande faille où se présentent ces phénomènes est une faille de soulèvement ; les couches de ses bords sont presque verticales , et celles qui l’ont comblée , du moins celles qui ont conservé des traces de stratification, sont-elles moins fortement inclinées, et, chose remarquable , ce sont les plus inclinées qui sont celles qui ont le plus changé de nature , tandis que des lambeaux de terrain qui sont restés dans une position se rapprochant de l’horizontalité sont peu modifiés , et ne le sont souvent que vers les extrémités du lambeau, là où se présentent des crevasses ou failles de deuxième ordre. Après ces couches métamorphiques, le terrain présente , sur 1,Ù00 mètres environ , une série de couches jurassiques correspon¬ dant à une épaisseur verticale de 1,200 mètres environ. Ces cou¬ ches jurassiques sont la partie supérieure du lias, des couches noirâtres correspondant à l’oolite inférieure, d’autres calcaires , toujours plus ou moins noirâtres , plus ou moins séparés par des lits d’argile , qui correspondent à Y argile d’Oxford ; enfin , au- 264 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 46. dessus , ce calcaire gris , si commun dans le S.-E. de la France , et que tous les géologues s’accordent à regarder comme le corres¬ pondant du coral-rag. Cette coupe jurassique démontre jusqu’à l’évidence combien est erronée cette opinion , assez généralement admise , que le ter¬ rain jurassique est peu développé en Provence. J’ai toujours com¬ battu cette opinion. Notez , je vous prie , qu’il ne saurait y avoir le moindre doute, pas plus au sujet de la nature géognostique du terrain que sur son épaisseur ; car l’épaisseur est déduite de me¬ sures directes par trop exactes pour une semblable question , et celle de la nature du terrain est établie par le Spirifer Valcotii et le Pecten priscus trouvés vers la base , le Belemnites hastutiis et autres fossiles bien caractéristiques trouvés vers la partie moyenne. Tout à coup , après ce terrain jurassique , se présente une faille d'affaissement remplie par de la dolomie : c’est le terrain jurassique qui a subi là une action métamorphique. Ce fait est démontré par les travaux qui ont atteint des couches dont le prolongement cor¬ respond à des couches d’une nature minéralogique très différente. Puis, après cette faille , qui a près de 300 mètres de largeur , se présente le calcaire gris , correspondant au coral-rag, lequel est là peu incliné , et cela dans un sens opposé à celui de l’autre côté de la faille. Enfin, vers la tète méridionale du souterrain, il existe une autre grande faille , qui a été comblée par des lambeaux de terrain jurassique et par le calcaire à Chaîna ani monta. Là , tout est bouleversé ; les phénomènes métamorphiques ont étendu leur action sur tous les calcaires qui ont été soumis à leur influence. Le calcaire à Chanta ammnnia a été transformé en sable magné¬ sien contenant jusqu’à 41 p. 100 de carbonate de magnésie. En suivant la faille et en s’éloignant de l’axe du souterrain , ce calcaire perd peu à peu ce caractère ; il devient moins magnésien , plus compacte ; plus loin , la magnésie diminue encore davantage eu quantité , et l’on commence à apercevoir des traces de fossiles dont les lits n’ont point été entièrement détruits par les phénomènes métamorphiques. Enfin , plus loin , les fossiles deviennent plus ap¬ parents , et ils le deviennent tout à fait là où la roche est dans son état normal. Cette dernière faille est d’autant plus intéressante à étudier quelle donne 1 âge géognostique du soulèvement à la suite duquel paraissent avoir eu lieu les phénomènes métamorphiques. En effet, des calcaires appartenant à un terrain lacustre qui est l’analogue du terrain à Gryphées d’Aix ont points, changés en dolomie. eux-mêmes été , sur quelques 265 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. Vous voyez , monsieur, cVaprès cet exposé , trop long sans doute pour faire le sujet d’une simple lettre, mais, dans tous les cas, bien imparfait au point de vue scientifique , que les travaux du souterrain de la Nerthe doivent donner la démonstration de plu¬ sieurs questions encore controversées. Il y a là question de soulè¬ vement et de failles , question de l’épaisseur du terrain jurassique, mais surtout question de métamorphisme. En étudiant cette ques¬ tion , je n’ai point du , cela est évident , me borner à l’examen de la ligne du souterrain. J’ai visité la chaîne de l’Estaque sur tous ses points, et partout j’y ai vu l’image du bouleversement. Ici c’est un lambeau de terrain néocomien bien caractérisé ; là c’est le gault avec ses Inoceramus concentrions et sulcatus. En suivant la chaîne , j’ai trouvé la position où se présente le point de départ de plusieurs failles qui vont en divergeant. Mon travail à ce sujet est très avancé. Une grande coupe de '2l\ mètres de longueur présentera, à l’échelle de 0nl,005 par mètre, toutes les couches traversées. Tous les échantillons sont conservés , et la collection géognostique que je forme pour l’administration éclairée du chemin de fer, sous les auspices de M. Talabot, son savant directeur, présentera, je crois, de l’intérêt; car les très nombreux échantillons qui la constitueront auront tous été re¬ cueillis sur place même dans des points déterminés d’une manière géométrique , et seront d’ailleurs accompagnés d’indications de toute nature sur l’inclinaison , la direction , le jour de l’attaque de la couche , le puits par lequel les déblais de cette couche seront sortis du souterrain , etc. Puisque j’en suis à vous parler des observations faites sur nos travaux , permettez-moi de vous dire un mot de la découverte d’un reptile monstrueux , dont les débris ont été trouvés dans une fouille d’emprunt pour le chemin de fer, aux environs de Rognac, non loin de l’étang de Berre. Cette fouille a été faite dans un terrain d’argile plus ou moins arénacée et micacée , dépendant de l’étage moyen de la grande formation à lignite. On a trouvé là des ossements dont plusieurs fragments ont du être brisés par des ou¬ vriers ignorants. Toutefois , la perte n’a pas dû être considérable, car les employés s’aperçurent de suite du fait. Je fus prévenu , et différentes fouilles faites ad hoc , à diverses reprises , m’ont procuré un os de 80 centimètres de longueur, qui paraît être un cubitus. Je dis qui paraît être, parce que les extrémités sont mai conservées, à en juger par la forme elliptique de la section laite sur la partie moyenne de cet os ; et en jugeant par la comparaison avec les os du crocodile , on est obligé de rejeter tout rapproche- 266 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18Z|6. ment avec un tibia ; et comme i’os ne présente rien qui permette de l’assimiler à un radius , à un humérus , pas plus qu’à un fémur ou un péroné , je suis amené à le rapprocher d’un cubitus. A côté de cet os était une autre pièce moins longue, mais tronquée, qui paraît être un radius. Un autre fragment paraît être le milieu de rhumérus ou du fémur. Deux magnifiques vertèbres, de 13 centimètres de longueur, ont été recueillies. Elles sont d’une très belle conservation , et pré¬ sentent des caractères extrêmement remarquables. Elles ont dû appartenir à la queue de l’animal, et comme elles sont très courtes par rapport à leur diamètre , et que d’ailleurs elles sont déprimées dans le sens vertical, elles démontrent d’abord qu elles ont appar¬ tenu à un animal qui n’était point un crocodile , et en second lieu que la queue de cet animal , quel qu’il ait été , devait être pro¬ portionnellement plus courte que celle du crocodile. Ces vertèbres ont d’ailleurs beaucoup d’analogie avec celles du crocodile. Elles n’ont point d’apophyses transverses, mais la place de ces apophyses est indiquée par une saillie rudimentaire bien conservée, qui est, je crois , l’indication certaine d’apophyses transverses dans des vertèbres plus antérieures. L’apophyse épineuse manque aussi et n’a certainement jamais existé , et les apophyses articulaires sont remplacées , antérieurement , par des points ou cônes obtus et di¬ vergents , et postérieurement , par une saillie impaire et médiane qui est fracturée dans les deux échantillons recueillis. Cette saillie et les deux points obtus antérieurs sont le prolongement horizontal de la saillie obtuse qui forme au-dessus du corps de la vertèbre la partie annulaire qui forme le canal rachitique. J’ai d’autres fragments , mais le temps m’a manqué pour les assembler et les réunir en corps. J’ai surtout de belles plaques de Trionyx , et des plaques qui ont certainement appartenu à un reptile. A en juger par les dimensions du cubitus présumé que j’ai sous les yeux, le reptile de Rognac , s’il avait quelque rapport de forme avec les crocodiles, devait avoir, queue non comprise , 10 à 12 mètres de longueur ; ajoutez à cela une queue , toute pro¬ portion gardée , moins longue que celle du crocodile , et vous arriverez à un reptile de 18 à 20 mètres de longueur. Je passe maintenant à une autre question. Vous m’avez fait l’honneur de m’écrire dans le temps pour me demander quelques renseignements sur le terrain à Nummulites de Provence , ou plu¬ tôt sui le terrain que j ai signalé à la base de notre grande for¬ mation à lignite. Dans votre lettre , vous m’exposez vos vues sur 267 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. les lignites de Saint-Paid et sur nos terrains tertiaires. J’ai vu avec la plus vive satisfaction que nos idées se rencontrent parfai¬ tement, et comme vous , monsieur, je ne comprends pas que des esprits aussi éclairés que telles personnes que je pourrais citer nient encore la similitude complète , absolue , du gypse d’Aix avec celui de Paris, et le parallélisme de notre terrain à lignite avec le calcaire grossier et l’argile plastique des bassins océa¬ niques. Dès 1832 , j’écrivais aans les Annales des sciences du midi de la France , tome III, page 55, qu’il existait à la base de notre terrain à lignite une assise marine , passant peu à peu aux couches lacustres. A l’époque de la réunion géologique à Aix , je fis re¬ marquer cette couche âmes savants collègues présents à la réunion, et à la Fare j’eus la satisfaction de leur faire recueillir des échan¬ tillons qui présentaient à la fois des Huîtres , des Cardium et des Mélanopsides. Depuis cette époque j’ai fait bien des courses pour vérifier des points douteux à cet égard et pour me former une conviction au sujet d’une opinion que je n’osais point présenter à cette réunion , par la raison bien simple que j’étais encore dans le doute , et que je n’avais pas une localité bien caractérisée à mon¬ trer. Le sujet en valait la peine. Je sais , hélas ! par expérience , ce qu’il en coûte pour faire admettre une opinion qui n’est pas celle généralement reçue , et je sais de plus, toujours par expérience , que les discussions qui s’élèvent à cet égard ne sont pas toujours ce qu’elles devraient être. Et d’ailleurs , comment oser attaquer des opinions établies , reçues par tous ou presque tous , lorsque pré¬ cisément, à cause de cette admission, la prudence vous rejette dans le doute? Ainsi, je le répète, j’ai revu les lieux, j’ai bien étudié la question ; et dussent trouver étrange ce que j’ai à dire ceux qui, sans voir les lieux que je cite, ne veulent pas ^ad¬ mettre, j’aurai le courage de le dire. Je répéterai donc ce que j’ai dit ailleurs : que rien au monde ne peut justifier l’opinon énoncée par ceux qui prétendent que notre terrain à lignite est lié à la mollasse marine. Cette erreur est d’autant plus grave qu’il existe entre ce terrain et la mollasse tout le dépôt gypseux d’Aix, lequel, pour le répéter en passant, n’est autre chose que le gypse de Paris. Mais il y a plus en l’état de choses; je dis non seulement qu’il existe à la base de notre terrain à lignite des couches marines , mais j’ajoute que ce terrain, marin par sa base, passe peu à peu au terrain crétacé. Je ne puis, dans une lettre déjà trop longue, déve¬ lopper tout ce que j’ai à dire à ce sujet. Cela fera le sujet d’un mé¬ moire; mais voici en résumé ce que mes observations m’ont “268 SÉANCE BU 7 DÉCEMBRE 18A6. fourni. Et d’abord, je dois rectifier une erreur que j’ai commise , et puisse M. d’Orbigny être convaincu, par cette déclaration, que, contrairement à ce qu’il m’a fait l’honneur d’écrire sans me con¬ naître , je ne suis pas du nombre de ces personnes qui s’obstinent à défendre une erreur par cela seul qu’ils l’ont commise. Vous savez peut-être que j’ai indiqué dans le terrain crétacé un étage de grès vert que j’ai appelé craie ligno-marneuse ; peu importe le nom ; le fait est qu’il existe au-dessous des grès et calcaires chlorités d’Uchaux et de Mornas, dont nous avons les correspondants dans les Bouches-du-Rhône , des couches de marne noirâtre , bitumi¬ neuse , renfermant du lignite en plus ou moins grande quantité. Ce terrain se montre sur quelques points dans les Bouches-du- Rhône , et notamment sur les bords de l’étang de Berre. Eli bien ! l’erreur que j’ai commise est celle-ci : j’ai rapporté à cet étage la majeure partie des couches du terrain crétacé du Plan d’Aups, des couches qui se montrent a la Cadière , etc. C’est une erreur. Ces couches sont supérieures aux Hippurites et Nurnmulites qui ter¬ minent notre série crétacée proprement dite. Je donnerai des coupes pour démontrer ce fait qui devra faire changer la posi¬ tion géognostique de divers fossiles décrits par M. d’Orbigny et par moi, et notamment la Turritella Coquandiana , la Voluta pyruloi- des , la Turritella funiculosa , Y Area alata , Y Area lœvis , etc. , etc. Toutes ces espèces n’appartiennent pas à la craie ehloritée ; elles sont renfermées dans des couches supérieures aux dernières cou¬ ches d’Hippurites et de Nummulites crétacées. "Voici ce que deux coupes ont établi à mes yeux d’une manière péremptoire. Au-dessus des Hippurites et de toutes les couches offrant les caractères crétacés proprement dits vient une assise qui renferme encore quelques espèces crétacées, le Pccten quinque - costatus , par exemple , mais qui présentait déjà des formes se rapprochant des formes tertiaires. Je n’y ai rien vu qui soit iden¬ tique avec les espèces du calcaire grossier parisien. A cet étage doivent être rapportées les espèces que j’ai citées ci-dessus, quel¬ ques autres qui sont décrites , et un grand nombre d’espèces iné¬ dites et que je ferai connaître dans mon travail. Au-dessus vient un banc d’Huîtres qui est quelquefois remplacé par une lumachelle renfermant des espèces peu faciles à déter- minei . L fluitie est 1 espece que j ai appelée Ost. galloprovincialis . Je l’ai citée comme appartenant à la craie supérieure. Au-dessus arrivent des Melanopsis , puis la même espèce d’Huître mêlée à des Cardiums inédits; puis des Cyrènes et des Melanopsides ; puis encore des Cardiums et des Huîtres , puis de nouvelles Melanopsi- 269 SEANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/|6. des. Or, tout cela est tellement arrangé, tellement concordant, tellement inséparable , qu’il est fort difficile de tracer une ligne de démarcation entre ce qui appartient à la craie et ce qui appar¬ tient au terrain à lignite. Eh bien ! monsieur, si vous remarquez que M. Leymerie parle des Hippurites et des Nummulites qui leur sont associées formant un système inférieur à ce qu’il appelle terrain épierétacé ; si vous remarquez que ce terrain épicrétacé passe , par sa partie supér ieure , à un terrain lacustre , ne serez - vous pas frappé , comme moi , de l’analogie de position qui existe entre ce terrain et celui du Plan d’Aups? C’est là, en effet , ce que je crois admissible ; seulement , il résulte des faits observés que notre terrain à Nummulites ne présenterait pas de fossiles appar¬ tenant à ce genre. Il est donc constant, à mes yeux, qu’il existe au-dessus des Hip¬ purites et Nummulites crétacés proprement dits, et au-dessous du lignite, des couches particulières dont les caractères sont variables suivant les lieux, fait qui démontre, je crois, l’influence des localités et qui doit porter à admettre déjà pour cette époque des petits bassins , estuaires, etc. Il ne serait donc peut-être pas impossible d’admettre que ces couches appartiennent à une époque de tran¬ sition ; mais c’est là une question sur laquelle , je l’avoue , il s’en faut de beaucoup que j’aie une opinion arrêtée. Je vais revoir di¬ verses localités , étudier avec soin tous les détails géognostiques et paléontologiques des couches que j’aurai occasion d’observer; après cela , peut-être pourrai-je me hasarder à vous dire ce que j’en pense. M, le secrétaire lit une lettre de M. Mousson à M. de Char¬ pentier. Lettre de M. Albert Mousson , professeur de physique et de mathématiques à V Université de Zurich , à M . le professeur Jean de Charpentier , directeur des mines du canton de VaiuL Zurich, {29 avril 1846. Dans la notice que vous avez publiée l’année dernière , dans le but de réfuter la théorie qui attribue à une fonte subite de glaciers les phénomènes erratiques , vous faites observer avec raison que ce moyen serait insuffisant pour rendre compte de la masse d’eau nécessaire au transport des blocs. La disproportion entre la cause qu’on admet et l’effet qu’il s’agit d’expliquer devient évidente lorsqu’on réfléchit au volume d’eau qu’il faudrait pour former et 270 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. pour entretenir, ne fiit-ce que pour quelques minutes , un courant cle quelques mille pieds de profondeur et de quelques cents pieds de vitesse par seconde , et cela sur toute la largeur d’une vaste vallée. Cependant vous n’avez pas voulu vous arrêter à une appré¬ ciation vague qui , à la vérité , pourrait suffire aux personnes auxquelles les considérations de ce genre sont familières , mais qui ne contenterait peut-être pas la majorité des géologues. Vous avez donc désiré soumettre le phénomène à une évaluation numé¬ rique. Ainsi que vous l’avez judicieusement indiqué , la question physique revient à un des deux problèmes suivants : Déterminer le temps nécessaire a la fusion d’une masse donnée de glace ; ou bien trouver la masse de glace qui , dans un temps donné , pourrait être convertie en eau. En vous exposant mes idées sur ce sujet , en apparence très simple , mais en réalité très compliqué , je dois protester d’avance contre la prétention que l’on pourrait me supposer de vouloir vous donner de ce problème une solution rigoureuse et à l’abri de toute objection, bien au contraire , je ne vous donne mon calcul que comme une approximation éloignée , mais qui dans l’état actuel de la science me paraît la seule possible. Quelques mots suffi¬ ront , je pense , pour faire ressortir non seulement la vérité de cette assertion , mais aussi pour justifier la voie indirecte que j’ai choisie pour tourner en quelque sorte les difficultés qui se présentent dès qu’on essaie de résoudre la question directement. Tout physicien auquel vous soumettrez ces questions sera embar¬ rassé d’y répondre, et sera forcé d’avouer, après mûr examen , que la science manque encore de données assez positives pour servir de base à un calcul tant soit peu rigoureux. En effet , il s’agit ici de températures bien supérieures à celles auxquelles se sont arrêtées les recherches des physiciens , de températures qu’il est même impossible de déterminer avec quelque exactitude au moyen des instruments dont nous disposons. En outre , dans la plupart des expériences sur les efïets de la chaleur on n'a eu en vue que l’état initial et final des corps soumis à l’expérience , sans s occuper de la manière dont les changements s’y sont opérés ; en conséquence, on n’a mesuré que des poids, que des températures et des quantités de chaleur, mais on a négligé un quatrième élément, 1 e temps ; élément sur lequel portent justement les questions dont il s’agit. Il n y a réellement que le problème du refroidissement des corps qui ait été soumis à un examen plus approfondi ; mais les lois auxquelles il a conduit ne sauraient trouver leur application dans le cas spécial qui nous occupe. 271 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. Ainsi , il faut abandonner le domaine de la physique exacte et tâcher de parvenir par une voie indirecte à une réponse approxi¬ mative. Or, il me semble qu’on y réussira , en mettant à profit les règles pratiques dont on fait usage dans la physique industrielle . Dans tous les calculs concernant le travail des moteurs et l’écono¬ mie du combustible , la considération du temps se place en pre¬ mière ligne. En outre , ces règles ont l’avantage de donner des valeurs approximatives sans exiger une connaissance exacte de tous les éléments qui concourent au résultat. Seulement , pour appli¬ quer les valeurs trouvées dans un cas à un autre cas , il faut s’as¬ surer auparavant de la similitude des circonstances et de la conve¬ nance du rapprochement. La pratique des chaudières à vapeur a démontré qu’avec un chauffage ordinaire on pouvait compter sur une évaporation de 20 à 30 kil. d’eau par heure et par mètre carré de surface chauffée; dans le feu le plus ardent , cette quantité s’élève à 100 kil., et ne surpasse ce chiffre que lorsqu’il y a contact immédiat avec le combustible incandescent : ainsi un mètre carré de surface à 100° centigrades , ou même un peu plus, absorberait en une heure, dans le feu le mieux nourri , la quantité de chaleur nécessaire à l’évaporation de 100 kil., ce qui, en comptant 550 unités de chaleur latente par kil. d’eau , donne 100 X 550 60 rr: 91 6. â , soit 1000 unités, en une minute. La température du foyer peut être estimée à 1000° Admettons maintenant que l’absorption par une surface de glace s’opère avec la même facilité que par une surface de fonte. Ce rapprochement se trouve appuyé par le fait bien connu que , quand il s’agit de foyers dont la température est très élevée , la nature et l’épaisseur des surfaces absorbantes n’exercent presque plus aucune influence , pourvu toutefois qu’en vertu d’un rempla¬ cement continu du calorique absorbé la température se main¬ tienne invariable. Cette condition est remplie dans les deux cas que nous comparons : dans l’un , c’est l’évaporation ; dans l’autre , c’est la fusion qui rend latente la chaleur à mesure qu’elle est absorbée. On peut aussi faire remarquer , au sujet des deux cir¬ constances qui concourent à la formation du flux calorifique , que l’une, le contact avec les gaz brûlants, agit généralement de la même manière sur toutes les surfaces, tandis que l’effet de l’autre , c’est-à-dire du rayonnement, diffère assez peu, soit qu’il s’agisse d’une surface mouillée , soit qu’il s’agisse d un métal oxydé ou 272 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 184(5. noirci. Donc , le rapprochement que nous proposons n’est point aussi arbitraire qu’il le paraît au premier abord ; il faut seule¬ ment considérer que , la glace étant à 0°, et la chaudière à 100°, l’absorption sera plus forte dans le premier cas, c’est-à-dire qu’elle sera dans le rapport de la différence des températures ; par consé- 1 quent, la quantité du calorique absorbé augmentera de—. Il s’en¬ suit que 1 mètre carré de glace , exposé au feu le plus ardent , pourra absorber jusqu’à 1100 imités de chaleur par minute. Cette quantité de chaleur étant employée en entier à la fusion , et chaque kilogramme de glace rendant latentes 79 unités, il en résultera par minute une quantité d’eau égale , 1110 a - 79 14,05 kil., 1405 représentant un volume de - = 0.0141 mètres eu lies. Le 1 1000 volume de glace correspondant sera plus grand dans le rapport ; , .10 inverse des pesanteurs spécifiques, soit : - X 0.0141 ou 0.0156 9 mètres cubes. Distribuée uniformément sur la surface d’un mètre carré, cette quantité répond à une couche de 15.6 millimètres d’épaisseur. Du cas spécial il est facile de passer au cas général. En effet, pour une température de t degrés du foyer, l’absorption chan¬ gera approximativement dans le même rapport, et restera de plus proportionnelle à l’étendue a2 de la surface exposée au feu et au temps T que durera l’action du feu. La quantité d’eau q produite en T minutes sera par conséquent, en mètres cubes : 0.0141 a2. 1000 . T '(1), et l’épaisseur d correspondante de la couche de glace , en milli¬ mètres : 15,6. 1000 . T (2) formules qui contiennent la solution de l’un des deux problèmes. Pour résoudre le second problème , admettons qu’il s’agisse de calculer le temps nécessaire à la fusion complète d’un cube de glace , dont le côté soit de A mètres , et qui serait exposé à un foyer ayant la température t. Si les six faces sont toutes également chauffées, ce qui , à la vérité, ne saurait avoir lieu , la fusion en SÉANCE mi 7 DÉCEMBRE 1840. 273 t line frac tion r/T de minutes sera de 6 X 0. 0141 X a2 X — — dT ^ ^ 1000 mètres cubes d’eau , ou de 6 X 0. 0156 X a2 X - -X d T mètres 1000 ^ cubes de glace. Cette dernière quantité représente en même temps la diminution — 3 a2 d a du volume total de glace. Égalant ces deux t expressions, on aura — • d a. = 2. 0, 156. - . d T. 1 1000 Intégrant depuis a — À jusqu’à a — 0 , l’on trouvera pour le temps T, nécessaire à la fusion du cube total , en minutes : T = 32. 05. Le temps , comme on voit , est en proportion directe des dimen¬ sions du cube , et en proportion inverse de la température du foyer. Ce résultat était à prévoir, attendu que la masse à fondre se trouve être proportionnelle au cube des dimensions , et la chaleur absor¬ bée proportionnelle à la surface ou au carré des dimensions. En définitive , nous voyons que dans le foyer le plus ardent des chaudières à vapeur, c’est-à-dire pour une température de 1,000° à peu près , 1 mètre cube de glace exige toujours de. 30 à 35 minutes pour être complètement réduit en eau. Une masse de glace qui ferait partie d’une nappe étendue , ayant une surface de A mètres de côté , et une épaisseur de D mè¬ tres , n’admettra de la chaleur que par ses deux faces supérieure et inférieure. Le temps nécessaire à la fusion totale de cette partie do la nappe sera , en minutes : T = 64. 4. 1000 d — w, ou bien le double de celui qu’exigerait un cube de même gran¬ deur chauffé sur toutes ses faces ; le temps doublerait encore, si réchauffement n’avait lieu que par l’une des faces. Ces formules contiennent, je pense, la réponse aux questions que vous m’avez adressées , et vous fourniront le moyen de trans¬ crire en nombres la théorie de M. de Collegno. N’ayant pas à ma disposition les données nécessaires pour faire l’application de mes formules, je dois vous en laisser le soin , et me borner aux considérations que je viens de développer sur la partie purement physique de la question. En terminant, je me Soc. (jM., 2e série, tome IV. 18 27/| SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. permettrai encore une remarque : l’élément sur lequel porte prin¬ cipalement T incertitude est la température du foyer. Avec cette température , varie en proportion directe la quantité de glace fondue , et pour apprécier un peu rigoureusement cette quantité , il faut encore connaître la quantité de calorique employée à la fusion. Cependant il est bien difficile de supposer une chaleur excessi¬ vement élevée, puisqu’il ne s’agit pas d’un phénomène circonscrit et purement local, mais bien d’un état thermométrique que l’on suppose avoir envahi de vastes étendues de pays. La même diffi¬ culté se présenterait avec plus de force encore si l’on voulait, pour obtenir une fusion plus considérable , recourir à l’hypothèse que le sol même sur lequel reposait le glacier avait acquis une tem¬ pérature incandescente. Ce que nous savons sur la conductibilité de l’écorce terrestre, et les données que nous fournissent les phé¬ nomènes volcaniques actuels , nous autorise à conclure , au moins pour ce qui concerne l’époque géologique en question, qu’une telle chaleur n’aurait pu se propager et s’établir que très lente¬ ment , ce qui nécessairement n’aurait produit qu’une fonte lente et progressive , et nullement une fonte instantanée , une débâcle subite et torrentielle, condition indispensable cependant à l’hypo¬ thèse. Comment, en outre, admettre des températures aussi éle¬ vées sans qu’elles aient laissé, dans le sol même, mille traces de leur action, du moins dans les endroits cpii n’étaient pas atteints par le niveau des eaux ? Plus on veut approfondir le mécanisme du phénomène suivant la théorie de M. de Collegno , plus on s’embarrasse dans des difficultés et des contradictions dont il paraît impossible de sortir. M. le secrétaire lit le Mémoire suivant de M. de Charpentier. Examen de la qu stion ; Si les effets produits par les inonda¬ tions prouvent en faneur de /’ hypothèse qui attribue les phé¬ nomènes erratiques a des courants ( Mémoire faisant suite à la lettre (le l\J. Mousson} -, par M. de Charpentier. Dans un Mémoire fort intéressant sur les Terrains diluviens des Pyrénées, publié en 1843 dans le Bu lt. de la Soc. géol. de Fr.1, tr séiie, t. X i \ , p. 402 , M. de Collegno , pour expliquer les phénomènes erratiques de ces montagnes, adopte l’opinion que iVl. Ehe de heaumont a omise sur la cause de ces mêmes phéno¬ mènes dans les Alpes. Ce savant, comme on le sait, croit l’avoir 275 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 46. trouvée dans des courants qu’il suppose avoir été produits par la fonte soudaine des glaces , qui , selon lui , auraient existé dans les Alpes occidentales au moment du soulèvement de la chaîne prin¬ cipale de ces montagnes , et qui se seraient fondues instantanément par l’action des gaz chauds auxquels il attribue la formation des dolomies et des gypses. Partant de cette hypothèse, M. de Collegno pense que les phé¬ nomènes erratiques des Pyrénées sont également dus à des cou¬ rants occasionnés par la fonte des glaciers opérée soudainement par les gaz chauds qui se sont dégagés probablement à l’instant de l’apparition des ophites , roches qui , avec la lherzolite ou pyroxène en masse , paraissent être les roches éruptives les plus modernes des Pyrénées. L’observation impartiale des faits ne m’ayant pas permis de me ranger à l’opinion de M. de Collegno , j’ai exposé les considéra¬ tions qui me la font rejeter dans un mémoire lu, en 1844, à la section géologique du congrès scientifique italien réuni à Milan (1), et qui plus tarda été inséré dans la Bibliothèque, universelle de Ge¬ nève (2). Parmi ces considérations il n’y en a qu’une qui ait donné lieu à quelque objection , c’est celle qui se fonde sur le degré excessif de température qu’il faut supposer aux gaz , si l’on veut qu’ils aient opéré soudainement la fonte des glaces , température , en effet, tellement élevée, qu’elle aurait instantanément converti l’eau en vapeurs sans lui laisser le temps de s’amasser et de former des courants A cette considération M. Elie de Beaumont a cru pou¬ voir opposer la cause et les effets des inondations occasionnées en 1742, dans les Andes, par la fonte des neiges du Cotopaxi, à la suite de deux éruptions de ce volcan (3). Avant d’entrer dans l’examen de la question de savoir si les effets de ces inondations et la cause qui les a produites peuvent fournir quelque argument en faveur de l’hypothèse des courants , il convient d’abord de déterminer d’une manière approximative le degré de chaleur nécessaire pour jondre dans un temps donné une masse de glace dont le volume et la force sont, connus. La solution de ce problème difficile étant au-dessus de mes forces et ne se trouvant pas non plus dans les ouvrages que j’ai pu con- (t) Atti clella ses ta reuni une clegli scienziati italiani , p 839 (î) Nr. 109. Janvier 1845. (3) Ballet' n de la Société géologique de France , 2e série , t. II , p. 406. 27(1 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1840. sulter, j'ai eu recours à l’obligeance et à l’habileté de mon savant ami M. Mousson , professeur de physique et de mathématiques à l’université de Zurich. Ce physicien distingué ne tarda pas à m’envoyer une solution aussi approximative qu’on peut l’espérer dans un problème aussi complexe et vu l’état actuel de la science. Il a consigné dans la lettre qui précède la méthode qu’il a employée , le raisonnement qu’il a suivi et le résultat auquel il est parvenu. Appliquons maintenant les formules de AI. Mousson à l’évalua¬ tion approximative du degré de chaleur qu’il faut supposer aux gaz qui , d’après AI. de Collegno , auraient fondu presque instan¬ tanément le glacier du port d’Oo , et auraient produit par là , s’il faut en croire ce célèbre géologue , les phénomènes erratiques de la vallée de Larboust. Le volume de ce glacier est d’environ 12,000,000 de mètres cubes, formant une nappe de 800,000 mètres carrés de surface et de 15 mètres d’épaisseur moyenne (1). Comme cette fusion doit avoir été subite , presque instantanée (2) , nous admettons qu’elle ait été opérée dans l’espace d'une seconde ; car si l’on suppose un temps plus long , il faut supposer aussi une masse de glace plus considérable que celle du glacier d’Oo , dont les dimensions actuelles ne sont pas même assez grandes pour qu’une fusion instantanée ait pu produire un courant aussi puissant que le demande le volume des blocs transportés et surtout leur élévation au-dessus de la vallée. La formule n° 1 , p. 272 de la lettre de AI. Mousson , évaluant la quantité d’eau obtenue dans le temps T par la température t agissant sur la surface a1 2, est exprimée par q = 0.0141 a2 t T, où T sont des minutes. Dans le cas spécial cp.ù nous occupe , nous avons : a2 = 800,000 mètr. carr. t — 1,000 degrés centigrades. T == 1 minute. Par conséquent q = 0.0141 X 800,000 X 1,000 1,000 xi = 11,280 mètres cubes d’eau par minute , soit - — — — n: 188 mètres cubes 60 d’eau par seconde , quantité qui, en admettant avec AI. Mousson la densité de la glace à 0.9 , serait le produit de 188+18. 8 =- 206. 8 mètres cubes de glace, volume qui correspond à une tran- (1) Mon Mémoire , p. 6. (2) Collegno, Terr. dilue. , p. 48 et 51. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 2'7 che de glace de 800,000 mètres carrés de surface et de 0.0002585 mètres d’épaisseur. L’épaisseur moyenne du glacier d’Oo ayant été estimée à 15 mètres, nous trouvons cpie le temps nécessaire pour opérer sa 1 5 fonte aurait été-— — 58,027 secondes = 967 minutes 0. 0002585 = 16 heures et 7 minutes. Cependant 1 hypothèse réclame un courant assez puissant non seulement pour déplacer et pour rouler des blocs de 20 à 200 mètres cubes (1), mais aussi pour les élever à 400 mètres au-dessus du sol de la vallée de Larboust; car c’est jusqu’à cette hauteur qu’ on les trouve sur les flancs des montagnes qui la bordent dans la localité appelée la plaine de Lastos (2), dont j’estime la largeur moyenne à 1,200 mètres. Par conséquent, la hauteur relative atteinte par les blocs oblige d’accorder à ce courant au moins 400 mètres de profondeur, et , en ne lui supposant que 100 mètres de longueur et 100 mètres de vitesse par seconde (quoique les calculs de M. de Collegno la portent à 121 mètres) (3), nous avons besoin d’une masse d’eau de 400 X 1,200 X 100 = 48,000,000 de mètres cubes. Mais , comme nous venons de voir que le glacier d’Oo, exposé à une chaleur de 1,000°, ne peut four¬ nir par seconde que 188 mètres d’eau, il est clair qu’il faudrait . 48,000,000 avoir - 188 = 255,319 fois cette quantité d’eau pour obte¬ nir les 48,000,000 de mètres cubes nécessaires à la formation du courant que réclame l’hypothèse. Il est donc évident que la chaleur de 1,000° est encore beau¬ coup trop faillie pour opérer la fonte soudaine du glacier , qui , comme il vient d’être dit , exigerait encore à cette température un espace de 58,027 secondes , tandis qu’elle devrait être sou¬ daine, presque instantanée. En efïet , on ne peut donner à l’hypo¬ thèse qui nous occupe quelque apparence de probabilité qu’ autant que l’on admet une fusion presque instantanée. Cette considéra¬ tion nous engage à rechercher quel degré de chaleur les gaz au¬ raient du atteindre pour effectuer en une seconde la fusion com¬ plète du glacier d’Oo. Le degré de température nécessaire pour obtenir un effet déterminé est en raison inverse du temps, c’est- à-dire de la durée de son action. Puisque avec une température l) De Collegno , Terr. cliluv ., p. 8. ’2) De Collegno, Terr. difuv., p. 52. • 3) Ibidem. 278 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18Û6. de 1,000° il faudrait 58,027 secondes pour fondre le glacier d’Oo, il suit de là que la chaleur des gaz capables d’opérer cette fusion en une seconde, aurait dû être de 58,027 X 1,000 = 58,027,000°, soit en nombre rond cinquante-huit millions de degrés centigrades, résultat devant lequel recule l’imagination la plus hardie et l’es¬ prit le plus habitué aux conceptions les plus aventureuses. Je n’ignore pas que les évaluations de hautes températures sont in¬ certaines et pèchent ordinairement par excès. Cette incertitude doit se rencontrer surtout dans la solution d’un problème aussi complexe que celui qui nous occupe, car la fonte d’un glacier doit être influencée et favorisée par une foule d’éléments et de circonstances qu’on chercherait en vain à apprécier et encore moins à faire entrer dans le calcul. C’est par cette considération que je consens à diminuer le chiffre obtenu et à réduire à 1 million les 58 millions de degrés que nous avons trouvés. Cependant, malgré cette immense réduction , nous aurons en¬ core une température plus de mille fois plus élevée que celle du fer fondu , chaleur capable non seulement de fondre et de vitrifier toute la chaîne des Pyrénées d’un bout à l’autre, mais même de la réduire en vapeurs. Mais si, contre toute attente, on n’était pas encore satisfait du rabais exorbitant que j’accorde, et que l’on voulut encore marchander sur le chiffre de 1 million de degrés, on ne contestera pas du moins , j’espère , ce que j'ai avancé ail¬ leurs (1) sur la température excessive qu’il faut supposer à des gaz capables de fondre instantanément un glacier. En effet, cette température est telle , que l’eau , bien loin de pouvoir former des courants , serait soudainement réduite en vapeurs et chassée à une distance immense des montagnes dont on veut faire le théâtre de ce phénomène incroyable. Cette température monstre, que l’on est forcé d’attribuer aux gaz , constitue déjà à elle seule une difficulté tellement insurmon¬ table , qu elle rend absolument inadmissible l’hypothèse que l’on voudrait défendre. Je me dispenserai donc de rappeler ici les autres objections que j’ai élevées dans mon Mémoire contre le système des courants , objections que je pourrais , au besoin , appuyer d’un bon nombre d’autres non moins concluantes. Mais ne nous arrê¬ tons pas davantage à tout ce qu’il y a d’extraordinaire, d’in¬ vraisemblable et même de contradictoire dans cette condition de l’hypothèse , et admettons sans difficulté que la fonte du glacier d’Oo a pu avoir lieu sans que l’eau ait été convertie en vapeurs. Dans (1) Mon Mémoire , p. K 3. 279 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. ce cas, nous n’obtiendrons que 11,040,000 mètres cubes , soit en nombre rond et en négligeant la diminution résultant de la moindre densité de la glace, 12 millions de mètres cubes d’eau, c’est-à-dire seulement le quart de la quantité dont on a besoin. En effet , comprenant que le volume du glacier d’Oo ne peut suffire à fournir les 48 millions de mètres cubes nécessaires pour former le courant dont il a besoin , M. Elie de Beaumont suppose que cette fonte des glaciers des Pyrénées a eu lieu en hiver , ce qui, dit -il, « ajoute à leur masse toutes les neiges de cette époque. » Quoiqu’on ne puisse comprendre pourquoi l’éruption des ophites et , par conséquent , la fonte des glaciers aurait eu lieu en hiver plutôt que dans une autre saison , nous admettrons néanmoins vo¬ lontiers cette hypothèse , et nous allons voir si elle peut servir à écarter la difficulté qui se présente. Le terrain dont les eaux se déversent dans la plaine de Lastos offre, d’après la feuille n° 76 de la carte de Cassini, une étendue de 31 millions de mètres carrés de surface. Supposons que, malgré la différence de leur latitude plus méridionale , il tombe dans les Pyrénées , durant un hiver , la même quantité de neige que dans les Alpes de la Savoie , quan¬ tité qui , d’après les observations de Mgr Rendu, est de ] 00 pouces, soit d’environ 3 mètres (1). Admettons encore que la neige réduite en eau donne le 0,3 de son volume, quoique , d’après les expé¬ riences de ce savant prélat , cette quantité ne s’élève en moyenne qu’à 0,229. Partant de ces données , qu’on n accusera pas de pécher par une estimation trop faible , nous trouvons que les 93 millions de mètres cubes de neige , qu’on suppose s’être accumulés dans le fond de la vallée de Larboust et sur les pentes des affluents de la plaine de Lastos, ne produiraient que 27,900,000 mètres cubes d’eau , qui , ajoutés aux 12 millions provenant de la fonte du gla¬ cier d’Oo, forment un total de 39,900,000 mètres cubes , total qui serait inférieur encore de 8,100,000 mètres cubes au nombre de 48 millions de mètres cubes dont on a besoin . M. Elie de Beaumont suppose, il est vrai, de plus, « que le globe étant alors en perturbation ( à l’époque de l’éruption des ophites ) , il pouvait se faire que cet hiver fut anormal. » J’avoue que je ne saurais deviner sur quelles données on fonde cette sup¬ position ni me rendre compte de la raison pour laquelle des rup¬ tures de la croûte terrestre , des éruptions de roches incandescentes et des dégagements de gaz doués d’une chaleur excessive , auraient ( 1 ^ Théorie des glaciers de la Savoie , p. 29. '280 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A(5. pu occasionner sur le théâtre même de cette perturbation et pen¬ dant sa durée un hiver anormal , une chute de neige extraordi¬ naire , anormale. Ceux qui adoptent mon opinion concernant la cause des glaciers diluviens comprendront aisément comment et pourquoi une grande perturbation du globe doit provoquer, non pendant sa durée ni immédiatement après , mais dans un laps de temps plus ou moins long , une suite prolongée d’années anor¬ males , c’est-à-dire d’années durant lesquelles la différence entre l’état thermométrique et hygrométrique de l’hiver et celui de l’été n’a pas été aussi grande dans nos climats quelle l’est aujour¬ d’hui (1). Mais ne contestons pas davantage sur la singulière coïncidence de l’éruption de l’ophite avec un hiver anormal , et admettons qu’il y ait eu à cette époque assez de neige et déglacé pour que leur fusion ait pu fournir l’eau nécessaire aux conditions de l’hypo¬ thèse. Dans ce cas-là, qu’aurons-nous obtenu? rien qu’un courant qui, dans la plaine de Lastos, aurait eu 400 mètres de profondeur, 100 mètres de longueur, 100 mètres de vitesse , et dont les extré¬ mités en aval et en amont auraient été terminées chacune par un plan vertical de 12,000 mètres carrés de surface. Mais pour peu que l’on veuille réfléchir à toutes ces difficultés , à toutes ces in¬ vraisemblances , je ne pense pas que l’on persiste à défendre sérieu¬ sement la possibilité d’un courant de cette forme , ni surtout à lui attribuer le transport d’énormes blocs , leur soulèvement sur les flancs des montagnes à droite et à gauche de la vallée , et à 400 mè¬ tres de hauteur, et tous les autres phénomènes qui accompagnent le terrain erratique. Pour soutenir l’hypothèse en question, M. de Collègue et M. Elie de Beaumont (2) s’appuient sur la cause et les effets des deux inondations auxquelles donna lieu la fonte subite des neiges du Cotopaxi le 24 juin et le 9 décembre 1742. Examinons , en premier lieu , si les effets produits par ces dé¬ bâcles peuvent fournir réellement quelque argument nouveau. Voici sur ce sujet les principaux détails que nous donne Boiiguer dans le passage transcrit dans le Mémoire de M. de Collegno (3). « L inondation du 9 décembre était la plus grande ; l’eau tomba de 7 à 800 toises ; les vagues quelle forma dans la campagne étaient élevées de plus de 60 pieds , et elle monta en certains en- (1) Essai sur les glaciers et sur le terrain erratique , etc. , p. 311. (2) Terr. diluv. , p. 50. Bull, de la Soc. gcol ibid. , p. 406. ‘ 3 ) Terr. diluv. , p , ' 30 . 281 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. droits à plus de 120 pieds. Ces eaux firent , en trois heures, de 17 à 18 lieues de chemin. A 3 ou 4 lieues de la montagne , elles de¬ vaient y parcourir encore de 40 à 50 pieds par seconde. Il y eut des pierres très pesantes , de plus de 10 ou 12 pieds de diamètre , qu’elles changèrent de place , et qui furent transportées à 14 ou 15 toises de distance sur un terrain presque horizontal. De grosses masses de neiges toutes fumantes (1) étaient entraînées par l’eau , et avaient encore , quoique brisées , de 15 à 20 pieds de diamètre. » M. Elie de Beaumont ajoute que cette débâcle a renversé des mai¬ sons, une église, etc. , et a fait périr un grand nombre d’indivi¬ dus. Les effets de l’inondation du Cotopaxi ont donc été exactement semblables à ceux que produisit, en 1818, la fameuse débâcle de Bagne, occasionnée par l’écoulement soudain d’un lac dont la digue de glace se rompit tout à coup ; à ceux causés , en 1834, par les inondations désastreuses qui eurent lieu sur les deux versants des Alpes par suite de la fonte rapide d’une grande portion de neiges et de glaces , fonte provoquée par les pluies chaudes tom¬ bées sur le faîte des Alpes , depuis le Siinplon jusqu’au Lukmanier ; à ceux enfin des coulées de boue qui eurent lieu en 1835 , à la suite de la fonte de grandes masses de glace détachées de la Dent du midi , et qui , après avoir couvert de leurs débris le fond d’un vallon , s’y fondirent rapidement sous l’influence d’une tempéra¬ ture douce. Ainsi , lors de l’inondation de Bagne, le 16 juin 1818, l’eau atteignit , dans l’Alpe de Marseriaz , à une hauteur de 38 mètres, emportant le pont de Mauvoisin , quoique élevé de 27 mètres au- dessus du lit du torrent et le dépassant encore de 11 mètres; à 8 lieues plus bas , dans le défilé du Brocard , le courant reprit en¬ core 30 mètres de profondeur. Le 29 août 1834, j’ai vu le Rhône, en amont des bains de Lavey, faire des bonds de 5 mètres de hau¬ teur dans les endroits où l’eau frappait contre de gros blocs. La débâcle de Bagne a franchi en une heure et demie les 42,224 mètres qui , d’après feu M. Escher de la Lintli, repré¬ sentent le développement du cours du torrent depuis la barre de (1) Il va sans dire que la neige ne peut pas fumer; mais elle prend cette apparence lorsque , venant en contact avec un air chaud et à peu près saturé d’humidité , elle en change l’eau en vapeur vésiculaire par le refroidissement. C’est de la même manière et par la même cause que dans les Alpes les torrents de glaciers semblent fumer le soir après une journée chaude, et même de jour par un temps chaud et humide. 282 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18 46. glace jusqu’à Martigny , ce qui donne environ 8 mètres de vitesse par seconde. A 1 ,000 mètres en amont du bourg de Martigny, quelques blocs de granité de 100 à 300 mètres cubes furent dépla¬ cés par cette même débâcle , qui les roula dans le lit du torrent à la distance de 600 mètres (1). Lors de l’inondation de 1834 , on vit, près d’Hospenthal , au pied septentrional du Saint-Gothard , la Reuss charrier des masses de glace de 3 mètres de diamètre , déta¬ chées du glacier de Weiswasser, situé à environ 2 1/2 lieues en amont de ce village. Enfin , à l’exception de la débâcle de la Dent du midi, ces inondations ont détruit nombre de maisons, d’églises, même un village (Champsec, dans la vallée de Bagne), et ont aussi fait périr beaucoup de monde. Mais, bien que ces inondations aient été formidables , leur ac¬ tion puissante et leurs effets étonnants, on ne peut cependant les mettre en parallèle avec ces énormes niasses d’eau que les parti¬ sans de l’hypothèse des courants sont obligés de mettre en mouve¬ ment. En effet , il y a bien loin d’un courant de 20 à 30 mètres de profondeur et de 18 1/2 mètres de vitesse par seconde (2) à un courant qui , sur toute la largeur d’une vaste vallée , aurait du avoir plus de 400 mètres de profondeur et la vitese prodigieuse, incroyable même, de plus de 100 mètres par seconde. Mais, me dira-t-on, les glaciers actuels , comparés aux anciens glaciers , n’offrent pas un volume plus considérable que les plus fortes inondations comparées aux courants diluviens. Cette re¬ marque , il est vrai, est de toute justesse; mais elle ne constitue pas par cela même un argument en faveur de l’hypothèse des cou¬ rants , parce qu’il existe entre les deux agents une immense diffé¬ rence dont il faut tenir compte. Cette différence , la voici : les glaciers actuels produisent exactement les mêmes effets qu’ont dû produire les grands glaciers diluviens , tandis que les inondations modernes ne produisent rien qui ressemble réellement aux phéno¬ mènes erratiques que l’on veut attribuer à l’action de prétendus courants , ou , en d’autres termes , que les effets des inondations ne sont point identiques avec les phénomènes erratiques. Les effets des glaciers actuels ne diffèrent de ceux des anciens glaciers que par leur étendue , c’est-à-dire que les premiers agissent sur une échelle infiniment plus petite que celle sur laquelle ont agi les im¬ menses glaciers diluviens. Mais quant aux effets considérés en eux-mêmes, ils sont, je le répète, parfaitement identiques dans (0 Mon Essai sur les glaciers , etc., p. 214. (2) De Collegno, Terr. diluv ., p. 54. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. 283 les uns et dans les autres. Ainsi , par exemple, les glaciers trans¬ portent encore de nos jours des blocs tout aussi gros et tout aussi bien conservés que ceux qui font partie du terrain erratique ; ils forment encore aujourd’hui de ces amas remarquables de blocs , tous de la même nature de roche ; ils ne mêlent point les pierres qui leur viennent d’un eôté de la vallée avec celles qui leur arri¬ vent de l’autre ; ils déposent encore aujourd’hui des blocs de toutes les dimensions sur les lianes des montagnes , à une grande hauteur au-dessus de leur lit ; les marques de frottement , les raies et les stries qu’ils produisent sur les rochers avec lesquels ils sont en contact ne diffèrent absolument en rien de celles qu’on observe dans le domaine du terrain erratique ; les accumulations de débris de roches que présente ce terrain ne se distinguent par aucun ca¬ ractère essentiel des dépôts de cette nature que les glaciers forment encore aujourd’hui ; en un mot , les effets des glaciers actuels sont parfaitement identiques arec les phénomènes erratiques , c’est-à-dire avec les effets des glaciers diluviens (1). Mais il s’en faut de beaucoup que cette même identité se re¬ trouve entre les effets des inondations et les phénomènes erratiques. Ni la débâcle du Cotopaxi , ni celles de Bagne , du Saint-Gothard , de la Dent du midi , sans oublier même les crues du Tarn, citées par Al . de Collegno (2) , n’ont rien produit de comparable avec ces grands phénomènes géologiques. En effet, leur action s’est bornée à enlever les terrains meubles qu’elles ont pu atteindre ; à former des ravins ; à couvrir de sable , de gravier et de pierres les champs et les prés sur lesquels elles ont débordé; à déplacer de gros blocs et à les transporter à quelque distance en les roulant sur le fond de leur cours ; à dévaster des forêts ; à détruire de grandes routes ; à emporter des maisons , des églises , voire même des vil¬ lages, et à faire périr un grand nombre d’individus et de pièces de bétail. Voilà à quoi se réduit tout ce que les débâcles les plus for¬ midables ont fait et ont pu faire. En effet , elles n’ont jamais trans¬ porté de gros blocs sans en altérer la forme ; elles ne les ont jamais déposés à quelque hauteur notable au-dessus de leur cours ; elles n’ont jamais produit sur les roches , tant en place que détachées, ces sortes de stries et de raies que forment les glaciers , et qui se (1) Dans mon Essai sur les glaciers , etc., § 80 , p. 248 , j ai fait voir que cette identité entre les effets des glaciers et les phénomènes erratiques se retrouve jusque dans les moindres détails. (2) Terr. dilue, , p. 36. 284 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. retrouvent dans le terrain erratique (1). Les matériaux quelles transportent , elles ne les ont jamais conservés sur le même côté de la vallée par lequel ils leur étaient arrivés ; mais elles les ont toujours mêlés et répandus sur toute la largeur de leur cours; elles n’ont jamais donné lieu à des accumulations semblables à celles du vrai terrain erratique , pourvu toutefois qu’on veuille bien ne pas confondre avec ces accumulations , comme on le fait fréquemment , les dépôts diluviens et alluviens. En un mot , les effets des débâcles les plus violentes ne sont en aucune manière identiques avec les phénomènes erratiques . Si les inondations ne prouvent rien en faveur de l’hypothèse des courants, elles nous apprennent, en revanche, à juger les effets qu’auraient dû produire les courants monstres qu’elle réclame. Ainsi , par exemple , nous voyons avec quelle facilité les inonda¬ tions attaquent et emportent les terrains meubles , tels que les éboulis qui, dans les vallées, constituent ordinairement les talus qui longent le pied des montagnes. Qu’on réfléchisse à l’action qu’aurait dû exercer sur ces talus un courant de la force de celui auquel on voudrait attribuer le transport îles débris erratiques de la vallée du Rhône. Ce courant aurait dû avoir, dans le voisinage de ma demeure , un profil de 5 1/2 millions de mètres carrés (2). (1) Dans ma Notice sur la cause probable du transport des blocs erratiques de la Suisse lue le 29 juillet 1834 à la Société Helv. des scienc. natur. réunie à Lucerne, et insérée dans les Annales des mines , vol. VIII , j’ai appelé le premier l’attention des géologues sur l’identité des raies et stries tracées par les glaciers avec celles qu’on observe dans les limites du terrain erratique, faisant observer que les maté¬ riaux charriés par les eaux ne produisent point ces sortes de sculptures. Ce dernier fait , qu’un très petit nombre de géologues voudraient en¬ core mettre en doute, a été pleinement confirmé par les observations de MM. Agassiz, Forbes, Martins , Esclier de la Linth, etc. M. Éd. Collomb s’est assuré de l’exactitude de mon assertion par une expé¬ rience très ingénieuse : il a soumis artificiellement des galets aux mêmes conditions dans lesquelles ils se trouvent pendant qu’ils sont charriés par l’eau , et il a reconnu que ce genre de frottement ne leur occasionne ni stries ni raies, mais qu’au contraire des galets rayés de¬ viennent lisses par cette opération. (2) D’après la feuille n° 17 de la magnifique carte suisse de la Confédération , la largeur de la vallée du Rhône , mesurée au sol , depuis le hameau deYilly jusqu’au pied de la montagne à Collombey, est de 4,960 mètres, et, mesurée à la hauteur jusqu’à laquelle on trouve les débris erratiques venus du Valais , et qui est de 747 mètres , nous la trouvons de 9,770 mètres. Par conséquent , la largeur moyenne SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 184B. 285 Si nous lui supposons , avec M. de Buch (1), 11 4 mètres de vitesse par seconde, nous trouvons que le volume d’eau qui y aurait passé dans une seconde aurait été de 627 millions de mètres cubes, quantité suffisante pour faire hausser instantanément le lac Léman de plus de 1 mètre , et pour convertir en un lac de 18 mètres de profondeur tout le terrain compris dans l’enceinte de l’octroi de Paris (2). Si donc un courant de cette force eut jamais passé par une vallée , il aurait emporté avec lui toutes les pierres détachées jusqu’à la hauteur à laquelle il aurait atteint. Mais cette dénuda¬ tion , cet enlèvement complet des terrains meubles n’existe dans aucune contrée offrant les phénomènes erratiques ; car on trouve non seulement dans les plaines au pied des montagnes, mais aussi dans l’intérieur des vallées , des terrains meubles qui datent évi¬ demment d’une époque antérieure au transport des débris erra¬ tiques , parce que ces débris leur sont superposés. Nous venons d’examiner les inondations du Cotopaxi sous le point de vue de leurs effets , et nous avons trouvé que ces effets sont absolument les memes que ceux de toutes les grandes inon¬ dations, mais nullement comparables aux phénomènes errati¬ ques. Il nous reste encore à voir si la cause qui les a produits peut étayer l’hypothèse à l’appui de laquelle MM . Éliede Beaumont et de Collegno ont cru pouvoir citer ces faits. D’après l’extrait donné par M. de Collegno , voici le seul pas¬ sage de la relation de Bouguer qui se rapporte à la cause de ces inondations : « Le dernier incendie du Cotopaxi , celui de 1742 , » qui s’est fait en notre présence , n’a causé du tort que par la » fonte des neiges. » Ce passage nous laisse dans l’incertitude sur le mode de la fusion , car il ne dit pas si elle a été opérée par la chaleur du volcan ou par des coulées de lave , ni si cette fusion a été augmentée et secondée par les pluies torrentielles qui accom¬ pagnent quelquefois les éruptions volcaniques. Malgré cette la¬ cune dans le passage du célèbre académicien , on voit cependant clairement que la fonte des neiges a été opérée par l’action du volcan. Voulant attribuer une cause analogue aux prétendus courants «les Alpes et des Pyrénées , montagnes dans lesquelles il n’y a de cette portion de la vallée est de 7,357 mètres, et son profil 7,357 X 747 = 5,501 ,655 mètres carrés. (1) Annales de chimie et de physique, t. X , p. 241 . (2) La surface de ce terrain a été indiquée par les derniers jour¬ naux à 34,596,800 mètres carrés. 286 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. point de volcans , M. Élie de Beaumont suppose que la lusion des glaciers des Alpes a été opérée par des gaz chauds qu’on croit avoir concouru à la formation des dolomies et des gypses. Quant aux Py rénées , M . de Collegno a également recours au dégagement des gaz chauds qui a probablement accompagné l’éruption desophites, et a métamorphosé en gypse et en dolomie le calcaire au milieu duquel cette éruption a eu lieu en nombre d’endroits (1). J’ai fait voir, dans mon Essai sur les glaciers et le terrain erratique (§ 82 ) , que le transport des débris erratiques n’est point contemporain du dernier soulèvement des Alpes, mais qu’il lui est postérieur , quoi¬ que le temps écoulé entre ces deux grands phénomènes ne pa¬ raisse pas avoir été , géologiquement parlant , bien long. L’érup¬ tion des ophites, datant probablement de la même époque que ce soulèvement, est donc aussi antérieure au transport des débris erra¬ tiques, ainsi que les gaz chauds qui durent l’accompagner. Déplus, tout engage à croire , comme je le fais voir dans mon mémoire, qu’il n’existait point de glaciers dans les Pyrénées à l’époque de cette grande catastrophe. Enfin , M. Elie de Beaumont conclut des etïets produits par les inondations du Cotopaxi que « si ce phénomène en petit fût » arrivé dans une grande chaîne , le phénomène diluvien aurait »> produit des effets comparables à ceux que nous voyons dans les » Alpes. » Cette conclusion paraît de prime abord admissible , mais en l’examinant de près on est forcé d’être d’un avis contraire. En effet , si une fonte de neiges semblable à celle du Cotopaxi eût eu lieu à la fois dans toutes les vallées des Alpes ou dans toute la chaîne des Pyrénées , nous n’aurions eu dans chaque vallée qu’ une inondation dont la force aurait été proportionnée à la quantité de neige fondue et à la pente de la vallée. Quelque considérables que l’on suppose et le volume des eaux et la vitesse des courants , leurs effets , comme je l’ai fait voir, n’au¬ raient jamais été identiques avec les phénomènes erratiques. Ils n’auraient fait que déblayer les vallées et augmenter ainsi consi- derableinent les depots qui constituent le sol de la plaine au pied de ces montagnes. Si de telles debacles avaient jamais eu lieu , s’il avait existé de tels cornants , nous icconnaitrions dans le diluvium leur action (!) Mon Essai sur la constitution géognos tique des Pyrénées p. 508 et 513. — Mémoires pour servir à une description géologique de la France , par MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont , vol. Il , p *\ 88. 287 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. soudaine et impétueuse par l’absence complète de stratification , caractère sur et constant de tous les dépôts produits subitement par une cause de cette nature, [\iais le diluvium , composé de cou¬ ches de galets , de gravier, de sable et de limon , démontre par la régularité de sa stratification qu’il n’a point été déposé à la fois et par une cause violente et soudaine , mais qu’il est le résultat des dépôts successifs qu’ont laissés après elles les crues et les décrues des torrents et des rivières qui pour la plupart se sont échappés des vastes glaciers qui , postérieurement au soulèvement des Alpes du Valais et à l’éruption des ophites, ont existé dans les Alpes et dans les Pyrénées. J1 résulte donc de l’examen de l’objection de Ai. Elie de Beau¬ mont qu’elle n’est point fondée , et que l’hypothèse de la fonte soudaine des glaciers est inadmissible : 1° Parce qu’elle exige le concours d’un degré de chaleur qui n’a pu être produit au moins depuis la solidification du globe ; 2° Pai ce que cette chaleur, convertissant instantanément l’eau en vapeurs , n’aurait pu donner naissance à des courants ; 3° Et parce que les effets des courants ne sont nullement identi¬ ques avec les phénomènes erratiques. Sur quelques Oursins fossiles de la Patagonie. M. Desor fait voir à la Société quelques Oursins fossiles d’une belle conservation , rapportés par M. Darwin de la Pata¬ gonie. Ce sont trois espèces du groupe des Scutelles, apparte¬ nant à trois genres différents, savoir : 1° un Echina rachnius très voisin de YEchin. P arma , Gray, mais qui en diffère cepen¬ dant en ce que l’anus, au lieu d’étre marginal , est à la face in¬ férieure. M. Desor propose de l’appeler Echina rachnius Julien - sis. Les échantillons ont été recueillis dans un grès tertiaire, d’apparence mollassique, du port Saint-Julien- 2° une vraie Scutelle, voisine du Sc. Paulensis , Agass., de Saint-Paul- T rois-Chateaux , mais proportionnellement moins large en ar¬ rière. Cette espèce, que M. Desor appelle Scute/la Patago- nensis , se trouve dans une brèche tertiaire du Port-Désiré \ 3° une espèce d’un type particulier, caractérisée par la pré¬ sence d’une seule lunule située dans faire interambulacraire postérieure, et dont M. Agassiz a fait un groupe à part, qu’il appelle Monophora . L’espèce porte le nom de Vf. Darwuu , 288 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1848. j^gass'. L’échantillon provient de la même localité que l’espèce précédente. Quoique aucune de ces espèces ne soit spécifiquement iden¬ tique avec celles d’Europe, elles n’en autorisent pas moins quel¬ ques déductions géologiques. Et d’abord le groupe des Scutelles tout entier ne remonte pas au-delà des terrains tertiaires (1). Le genre Echinarachnius ne comptait jusqu ici qu une seule espèce fossile, Y Ech. incisas, Àgass., du terrain tertiaire de Blaye. Le type des Scutelles à bord entier ne se poursuit pas au-delà des terrains tertiaires moyens, et même on n’en connaît aucune espèce dans le calcaire grossier. Il en est de même des Scutelles perforées. M. Desor en conclut que le dépôt dont proviennent ces espèces est sans aucun doute un dépôt tertiaire , appartenant probablement à la période moyenne (miocène) dont font partie la mollasse et les faluns , qui sont les terrains les plus riches en Scutelles. M. le secrétaire donne lecture de la note suivante : Note sur des moraines d’anciens glaciers à Olichamp , près de Remiremont , dans les V osges , par M. Ern. Royer (2). Plusieurs géologues se sont occupés des traces d’anciens gla¬ ciers que l’on rencontre dans les montagnes des 4 osges ; MM. Ho- gard , Le Blanc et Renoir ont publié , soit dans le Bulletin de la Société géologique (le France , soit ailleurs , le fruit de leurs obser¬ vations. La question des glaciers , intimement liée à celle des blocs erratiques , est une des plus intéressantes de la géologie et une de celles qui fixent le plus aujourd’hui l’attention des personnes qui cultivent cette science. Quelques courses dans les Vosges m’ayant donné occasion de voir aussi des moraines, je crois devoir ajouter les faits que j’ai observés à ceux déjà connus jusqu’ici. (1) On a, à la vérité, décrit dans le Bulletin de la Soc. géol. , sous le nom de Laganum Marrnonti , Baud., une espèce de l’oxfordien de Châtillon-sur-Seine. Mais cette espèce n’est pas un véritable Laganum; elle appartient au genre Prgurus , Agass. , qui est limité aux terrains secondaires. (2) Plusieurs causes ont retardé la publication de cette Note, qui de¬ vait paraître avec les séances d’Avallon. SÉANCE LU 7 DÉCEMBRE 1846. 289 Au mois de juillet 1843 j’allai visiter la magnifique vallée du Val-d’Ajol et la gorge sauvage , encaissée dans de sombres fo¬ rêts de sapins , où reposent les ruines de l’abbaye d’Erival. Je vins aboutir, à travers ces bois et les hautes terres couvertes de bruyères et de myrtiles , au hameau d’Olichamp, placé dans une espèce de bassin élevé , à surface presque horizontale , sur la route de Re- miremont à Plombières ; je fus frappé , dès ce jour , de la singu¬ lière apparence qu’offrent près de ce hameau certaines buttes allongées, et l’idée de moraines me vint immédiatement à l’esprit. Au mois d’août suivant , je traversai de nouveau la petite plaine d’Olichamp ; mes soupçons se confirmèrent ; enfin, le 24 juin 1844, je partis de Remiremont dès le matin pour aller visiter attenti¬ vement les lieux et dresser le petit plan cpie je joins à cette notice. La gauche de la vallée de la Moselle , depuis le ballon de Ser- vance jusqu’au-delà de Remiremont, est constituée par une chaîne de montagnes composées de roches anciennes dont la direction est du S.-E. au N. -O. La hauteur du ballon de Servance, qui en forme' le point culminant, est de 1,189 mètres au-dessus du niveau de la mer ; mais tout à coup la chaîne s’abaisse , et pendant environ 24 kilomètres , jusqu’en face de Remiremont , sa hauteur oscille entre 675 et 750 mètres. Cette chaîne, du coté de la Moselle , tombe tout à coup et forme un long rempart dont les pentes sont sillonnées seulement par quelques vallons dont les plus longs ont à peine deux kilomètres ; du côté de la Franche-Comté, au con¬ traire , à partir du sommet de la chaîne , des plateaux à pentes allongées vont en s’abaissant lentement vers la plaine , et sont sillonnés par des vallées profondes où des rivières assez importantes prennent leur origine. Quelques cols échancrent l’arête supérieure de cette chaîne et donnent passage aux vallées dont je viens de parler dans celle de la Moselle , mais néanmoins son ensemble donne l’idée d’une longue barrière qui borne tout à coup et d’une manière nette et précise le bassin de la Moselle sur sa gauche ; il n’en est pas de même de sa droite : des vallées importantes descendent de la chaîne centrale des Vosges et viennent apporter à cette rivière le tribut de leurs eaux. Cette description préliminaire m’a paru nécessaire pour faire comprendre l’origine des moraines d’Olichamp. On peut regarder ce que j’ai appelé la petite plaine d’Olichamp comme le point culminant d’un col conduisant de la vallée de l’Augronne dans celle de la Moselle à Remiremont; à la vérité, la chaîne, qui avait conservé une certaine hauteur jusqu’à la monta- Soc. géol. , 2e série, tome IV. Ï9 290 SÉANCE EU y DÉCEMBRE 1846. gne du Sapenois qui domine Olichamp, 11e reprend plus cette hau¬ teur au-delà du col , et de plus , ce col est peut-être trop évasé pour qu”il puisse se prêter complètement à l’idée que l’on attache ordinairement à cette dénomination ; ce passage en a néanmoins les principaux caractères. Au point culminant des deux pentes opposées , la montagne du Bambois, qui se rattache à celle du Sapenois, laisse entre elle et celle des bois de Humont un espace d’environ 800 mètres , occupé en partie par une surface plane d’environ 1,200 à 1,300 mètres de longueur , dont la pente est dans la direction du S. -O. vers Plombières , et dont les eaux forment deux petits ruisseaux qui se réunissent pour donner naissance à la rivière de l’Augronne , en partie par un terrain plus accidenté , dont la pente , à partir de l’extrémité N.-E. du précédent, se prononce rapidement dans la direction opposée , et qui est traversé également par un ruisseau qui va porter ses eaux dans la Moselle ( voyez la pl. I , fig. C ). Des deux côtés du col , la masse inférieure des montagnes est granitique ; leur partie supérieure est composée de grès des \ osges ; un abondant terrain de transport s’est accumulé dans la vallée ou espace qui les sépare ; les matériaux qui le composent sont de toutes dimensions : généralement c’est un sable , tantôt fin , tantôt grossier et terreux , mélangé de galets polis et arrondis et parsemé de blocs erratiques qui sont enterrés entièrement ou à demi , ou bien gisants à la surface. Ce terrain de transport ne se borne point à l’espace que je viens de décrire , mais on peut l’observer en allant vers la Moselle , et quand on marche dans la direction opposée on trouve qu’il a continué à remplir le vallon de l’Augronne jus¬ qu’à une assez grande distance vers Plombières. Cette rivière a tracé son sillon dans ce terrain ; l’ancienne route l’a souvent en¬ tamé , et , sur plusieurs points , les travaux de la nouvelle route ont mis à nu ses bancs de galets arrondis. Six moraines traversent le col en allant d’une montagne à l’au¬ tre ; je vais dire quelques mots de chacune d’elles, en commen¬ çant par celle qui est la plus rapprochée de Remiremont ; le plan et la coupe joints à cette notice suppléeront à l’insuffisance de la description. La route de Remiremont à Plombières , en quittant la première de ces villes , est tracée sur les flancs d’une montagne granitique ; elle laisse à sa droite un terrain surbaissé très accidenté, dans lequel est creusé le vallon sinueux par lequel le ruisseau dont j’ai parlé s’écoule dans la Moselle. Au point D elle a atteint des masses de matériaux de transport qui reposent sur les flancs granitiques SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE J 8/|(3. 291 de la montagne , et elle s’avance à partir de là sur ces matériaux qui forment des buttes terrassées démantelées, et qui pourraient bien s’ètre amassés autrefois sur les flancs du glacier. On peut voir la roclie ancienne , cpii est un beau granité gris , dans une carrière dans le bois en C, et le terrain de transport dans les coupures EE faites par la route. Bientôt se présente la première moraine terminale. C’est une chaussée d’environ 500 mètres de long, de 70 à 100 de large ; sa hauteur est d’environ àO mètres au-dessus du vallon du côté du N. , et de 15 mètres au-dessus de l’espace qui la sépare de la deuxième moraine ; sa composition est mise au jour dans la traversée de la route , et dans une excavation , près de la maison de Lorette , elle barrait entièrement le vallon et for¬ mait une portion de cercle dont la concavité fait face à la vallée de la Moselle. Le ruisseau qui prend naissance entre cette moraine et la suivante y a produit une profonde coupure qui la sépare en deux portions et par laquelle il s’écoule. La deuxième moraine a environ 800 mètres de longueur; comme la première , elle barre entièrement la vallée et forme une por¬ tion de cercle parfaitement dessinée , disposée dans le même sens. Sa plus grande largeur est d’environ 100 mètres ; sa hauteur au-dessus de la première d’environ 10 à 12 mètres , et par conséquent, au-dessus de l’espace qui les sépare, de 25 à 27 mètres, et au-dessus de la surface plane qui commence à son pied pour s’étendre vers les suivantes , seulement de 5 à 6 mètres dans sa plus grande hauteur. Quoiqu’elle ne soit plus traversée aujour¬ d’hui par aucun ruisseau , elle est néanmoins coupée vers son milieu par une échancrure ; la route de Remiremont profite de cette ouverture pour la traverser, après l’avoir suivie depuis le point ou elle s’appuie sur la montagne du Bambois. Pour établir cette route on l’a entamée latéralement dans toute cette étendue , et il est facile de juger de sa composition. C’est un sable terreux , d’un jaune rougeâtre , en couches courbées comme la surface du sol, mélangé de galets et de blocs de diverses grosseurs, de roches très variées; on y trouve du granité ordinaire, du granité porphyroïde , du trapp , du quartz , de l’eurite porpliy- roide , etc. Cette moraine a une grande ressemblance avec une chaussée ; aussi un chemin qui en parcourt une partie s’appelle-t-il le chemin de la jetée , et une maison voisine a-t-elle pris le même nom. C’est à partir de là que le sol s’incline vers l’Augronne et présente une surface sensiblement plane, due évidemment, comme je le dirai plus tard, à un remplissage qui s’est accumulé autour des moraines suivantes. 292 SÉANCE DU DÉCEMBRE L’espace compris entre la deuxième et la troisième est d’environ 250 mètres: c’est un sol marécageux, occupé en partie par un petit étang dont il sort un ruisseau ; la troisième moraine, dont on ne voit plus que le sommet très peu saillant au-dessus du sol de la plaine , est irrégulière et paraît se subdiviser. La quatrième , plus prononcée que la précédente , est coupée par le ruisseau qui sort de l’étang et par un fdet d’eau qui descend des bois à son autre extrémité , et enfin par la route ; elle est aussi fort irrégulière , et atteint parfois 5 à 6 mètres de hauteur. Un espace de 350 à 400 mètres la sépare de la cinquième , qui n’est qu’un reste fort peu apparent traversé par la route et com¬ plètement détruit à ses deux extrémités par les deux ruisseaux. Enfin, la sixième moraine est une des plus considérables : elle a été détruite vers son milieu par les deux ruisseaux qui se sont réunis et traversée par la nouvelle route ; vers son extrémité orientale, elle s’avance davantage vers le S. , tandis que vers le point F elle fait une inflexion , motivée par la butte de roches anciennes G. On aperçoit au pied de cette butte comme un reste d’un ancien amoncellement. Malgré la rapidité avec laquelle j’ai vu ces restes de l’existence de glaciers des Yosges , ces témoins m’ont paru évidents, irrécu¬ sables , et je n’ai point hésité à les appeler moraines; ils en ont toute la régularité , toute la disposition , tous les caractères ; il ne manque que les roches polies ; mais , si je n’en ai pas rencontré , c’est très probablement parce que je n’ai pas eu le temps d’en chercher. Je vais ajouter, à titre de conclusion, quelques observa¬ tions à la description précédente. La concavité de la courbe des moraines d’Olicliamp étant tour¬ née vers Remiremont , indique évidemment que le glacier cpii les a produites venait de la vallée de la Moselle ; sa direction dans le sens inverse ne pourrait être admise , puisqu’il faudrait pour cela que le glacier se fût dirigé vers le centre des montagnes au lieu de s’en éloigner. M. Hogard, d’ailleurs, a donné des preuves de l’exis¬ tence des glaciers qui ont couvert la chaîne des Yosges , et notam¬ ment le bassin de la Moselle ; appuyé sur un observateur aussi éclairé , je n ai point a hésiter, et sans chercher à prouver autre¬ ment que par la description que je viens de faire cette existence suffisamment établie par ce géologue , je vais dire ce que je pense pouvoir être admis comme ayant existé dans cette partie des Yosges. A une certaine epoque , un immense glacier remplissait la vallée de la Moselle, et avait sa direction vers le N.-O. ; il était limite, vers le S.-O. , par la chaîne dont j’ai donné la description au SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18A6. 298 commencement de cette notice , chaîne qui remplissait pour lui le rôle d’une immense chaussée latérale ; des rameaux de cette mer de glace profitaient , si je puis me servir de ce terme , des issues que leur fournissaient les parties basses de la chaîne pour descendre dans les vallées voisines ; le col d’Olicliamp était l’une de ces issues. Je n’ai point visité le Thalweg des vallées qui prennent leur ori¬ gine daus les autres cols échancrant la crête jusque vers le ballon de Servance; mais je ne serais point étonné qu’elles présentas¬ sent aussi des traces de l’action des glaces; j’ai vu dans l’une d’elles , dont j’ai parlé , celle d’Erival , notamment près de l’au¬ berge du Bas-Erival , et , au-delà des grandes roches de quartz de cette gorge sauvage , des blocs de transport de fortes dimensions de granité porphyroïde et de syénite. — Je reviens à Olichamp et à l’action du glacier, ou , pour mieux dire , du rameau qui prenait sa direction par la vallée de l’Augronne. Le vallon de l’Augronne avait d’abord une profondeur plus grande que celle que nous lui voyons aujourd’hui; les matériaux amenés par le glacier, non seulement se disposaient à son extré¬ mité sous forme de moraines, mais étaient transportés parles eaux résultant de la fonte de la glace jusqu’à une certaine distance dans le vallon qu’ils ont comblé en partie ; le cours du ruisseau , les deux routes , l’ancienne comme la nouvelle , entament çà et là ces an¬ ciens atterrissements. Pendant ce charriage , qui remplissait ainsi la vallée à partir de l’extrémité inférieure du glacier, l’espace qu’il occupait lui-même restait vide de tout dépôt , et ce n’était qu’à mesure qu’il se retirait que le comblement s’allongeait dans la partie qu’il venait d’abandonner. Quand son extrémité s’est arrêtée pendant un long espace de temps sur le même point , le dépôt s’y est accumulé à une plus grande hauteur sous la forme de bourrelet ou moraines ; puis, quand, par une circonstance quelconque, le glacier se retirait de nouveau , l’espace entre cette moraine et le dernier point où il s’était arrêté et où il commençait une nouvelle moraine , étant plus bas que les dépôts antérieurs, restait rempli d’eau , puis il finissait par se combler à son tour : telle est l’expli¬ cation probable du remplissage du bassin d’Olichamp. Les quatre dernières moraines reposent dans une plaine dont l’horizontalité est remarquable , et s’explique parfaitement par ce remplissage. Il est tout à fait probable que ces moraines étaient beaucoup plus élevées au moment où le glacier les abandonnait , et que toute leur base est cachée par les atterrissements qui se sont faits autour d’elles, lesquels constituent aujourd’hui le sol de la plaine; ce sol est, du reste, composé de matériaux complètement semblables à 29/i SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/16. ceux des moraines, sauf la dimension, comme on en peut juger par quelques excavations. La disposition de la deuxième et de la première moraine confirme entièrement cette explication de la manière dont les choses se sont passées; nous y surprenons la na¬ ture sur le fait , ou , pour mieux dire , la nature nous a laissé son ouvrage inachevé , comme pour nous laisser voir la manière dont elle a opéré , ainsi qu’un tisserand qui aurait laissé son étoffe sur le métier pour faire comprendre comment a été conduit son travail. Au moment où le glacier abandonnait la deuxième mo¬ raine , tous les espaces précédents étaient comblés , et la plaine était arrivée au niveau où nous la voyons ; en se retirant , il laissa , rempli d’eau , le profond espace H compris entre lui et cette deuxième moraine ; cette eau s’écoulait par i’écliancrurc I que nous y voyons aujourd’hui. Pendant ce temps, la première mo¬ raine , qui est la dernière dans l’ordre chronologique , se formait, et l’espace H se comblait insensiblement ; mais avant que ce rem¬ plissage fut terminé , avant que la moraine fût arrivée au niveau des autres, le glacier se retira définitivement, cessa son travail et disparut ; les eaux qui restèrent dans l’espace II , et celles qui y arrivèrent par la suite, ne s’écoulèrent plus par l’ouverture I , plus élevée que le sommet de la première moraine ; revenant en quel¬ que sorte sur elles-mêmes , elles passèrent par-clessus celle-ci , qu’elles finirent par couper complètement , comme elle l’est au¬ jourd’hui. Telle est l’explication simple , naturelle de la forme actuelle du petit bassin d’Olichamp; je ne crois pas qu’il soit possible d’expli¬ quer par une autre cause que les glaciers sa disposition si curieuse, .le serai heureux si ces notes peuvent ajouter à l’évidence de l’an¬ cienne existence de glaciers dans les Vosges. Lettre de M. Ern, Royer a M . V irlet , à V occasion de la précédente notice. Forges de Cirey, 25 janvier 1847. J’ai reçu votre obligeante lettre , et je m’empresse d’y répondre ; je pensais bien que M. Ifogard devait avoir vu les moraines d’Oli¬ champ: c’est, en effet, aux pages ù8 à 52 de son intéressante bro¬ chure (1) qu’il en parle , et sa planche VI est consacrée à la même localité , qu’il indique sous le nom de col de la Demoiselle. Dans (1 ) Observations sur les moraines et sur les dépôts de transport ou de comblement , par M. Hogard ; in-8 , Épinal, 1842. SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 18/16. - 295 les bourrelets figurés sur cette planche , entre C et B , vous recon¬ naîtrez les moraines nos 1 et 2 de mon petit travail. Ma notice , comme vous l’avez vu , se divise naturellement en deux parties : 1° la description des lieux ; 2° des conjectures sur la direction du glacier qui a produit ces moraines , et son mode d’ac¬ tion. La description des lieux est aussi exacte que le peu d’heures que j’ai passées à Olichamp me permettaient de le faire, et je vois avec plaisir que M. Hogard a pensé , comme moi, qu’un glacier seul pouvait avoir produit de tels effets. Quant aux conjectures auxquelles j’ai osé me livrer, il n’y a rien dans ce qu’il a écrit qui y soit opposé; cependant je sais qu’elles peuvent rencontrer des causes sérieuses de contradiction : 1° l’étude du voisinage d’Oli- champ , notamment du col de la Grande-Courrue , où des faits fort importants doivent exister, m’a manqué; 2° l’existence d’un glacier assez considérable pour remplir la vallée de la Moselle effraie l’imagination ; 3° les traces de glaciers que l’on rencontre en remontant la vallée de la Moselle, au lac de Fondromé, à Rémanvillers et près du TJiillot , étant situées dans cette vallée même , et annonçant l’ancienne existence de glaciers descendant des versants voisins dans la vallée , ces glaciers ne se compren¬ draient pas si elle avait été remplie par la glace à un niveau supé¬ rieur à celui de ces témoins actuels. Cependant ces faits , en appa¬ rence contradictoires , peuvent trouver une explication : 1° dans la différence de niveau du col d’Olichamp et des autres moraines de la vallée de la Moselle ; 2° dans la différence des temps dans lesquels le glacier ou les glaciers ont pu agir, et par conséquent dans les différents niveaux qu’aura atteints le glacier de la Moselle, allant toujours en diminuant , s’abaissant de siècle en siècle. J’ai senti les difficultés; cependant j’ai pensé que le glacier qui a produit les moraines d’Olichamp devait se diriger vers l’Au- gronne ; mon opinion est basée : 1° sur la courbe si prononcée des moraines, dont la concavité regarde la Moselle. Cette courbe est surtout remarquable dans la deuxième ; l’on ne comprend pas comment le glacier, dont la partie médiane devait, comme dans les glaciers actuels , être plus en avant , aurait pu lui donner cette forme s’il se fut dirigé dans le sens inverse ; et comment il aurait pu porter les matériaux aux deux extrémités, surtout à l’extré¬ mité S., dont l’emplacement aurait été comme abrité par la mon¬ tagne granitique , cjui s’avance comme un promontoire sur la plaine ; 2° sur le remplissage de la plaine d’Olichamp, depuis la deuxième moraine jusqu’à la sixième et au-delà , lequel a caché successivement la base des moraines , de manière à ne plus laisse 296 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. paraître que leur sommet ; ce remplissage a conservé , comme cela devait être dans la supposition où les matières qui le composent venaient du côté de la Moselle , une légère pente vers la vallée de 1-Àugronne , et s’est étendu vers cette vallée ; s’il s’était opéré au moyen de matériaux venus de l’autre extrémité , la plaine aurait une pente inverse ; 3° sur l’espace resté vide entre la première et la deuxième moraine , lequel aurait dû, dans l’opinion contraire , se remplir le premier ; l’étang marécageux existant entre la deuxième et la troisième ajoute à cette preuve, en indiquant que cet espace n’avait pas encore atteint le niveau des autres quand l’eau produite par la fonte du glacier cessa d’y apporter des maté¬ riaux ; 4° sur la direction de la cinquième et de la sixième moraines ; si le glacier se fut dirigé vers la Moselle , il n’aurait pu partir que d’un seul point , des hauteurs d’Erival ; dans ce cas , ces moraines auraient été dans une position oblique par rapport à son extrémité, ce qui ne peut se comprendre que difficilement. Telles sont , mon¬ sieur, les quelques observations que je crois devoir vous sou¬ mettre , en vous priant , si vous les croyez dignes d’intérêt , de les joindre à la lecture de ma notice à la Société géologique de France; la partie descriptive a seule du prix pour moi si elle peut ajouter quelque chose aux nombreux documents que l’on possède sur les Yosges : la partie conjecturale aurait bien son intérêt aussi , mais je ne la présente, comme tout ce qui est hasardé , qu’avec réserve, et en réclamant d’avance l’indulgence de nos confrères. M. Virlet fait la communication suivante : Sur les traces d'anciens glaciers aux environs de Lure , département de la Haute-Saône ; par M. Virlet d’Àoust. Depuis la publication de MM. Hogard et Ernest Royer sur les moraines du versant méridional de la chaîne des Yosges et de MM. Le Blanc et Edouard Coilomb sur celles de son versant orien¬ tal , on admet généralement que cette chaîne donnait autrefois lieu à la formation de glaciers qui rayonnaient de toutes parts au¬ tour du massif des ballons, à l’instar de ce qui se voit encore au¬ jourd’hui autour des sommets principaux de la chaîne des Alpes ; et M. Le Blanc a démontré (1) qu’il suffisait d’un simple abaisse¬ ment de 7° dans la température moyenne des lieux circonvoisins pour que le phénomène ait pu se produire. (1) Bulletin de la Société géologique , 1le série, t. XII, p. 132. 296 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1846. paraître que leur sommet; ce remplissage a conservé, comme cela devait être dans la supposition où les matières qui le composent venaient du coté de la Moselle , une légère pente vers la vallée de l’Augronne , et s’est étendu vers cette vallée; s’il s’était opéré au moyen de matériaux venus de l’autre extrémité , la plaine aurait une pente inverse ; 3° sur l’espace resté vide entre la première et la deuxième moraine , lequel aurait dû , dans l’opinion contraire , se remplir le premier ; l’étang marécageux existant entre la deuxième et la troisième ajoute à cette preuve, en indiquant que cet espace n’avait pas encore atteint le niveau des autres quand l’eau produite par la fonte du glacier cessa d’y apporter des maté¬ riaux ; 4° sur la direction de la cinquième et de la sixième moraines ; si le glacier se fût dirigé vers la Moselle , il n’aurait pu partir que d’un seul point, des hauteurs d’Erival; dans ce cas, ces moraines auraient été dans une position oblique par rapport à son extrémité, ce qui ne peut se comprendre que difficilement. Telles sont , mon¬ sieur, les quelques observations que je crois devoir vous sou¬ mettre , en vous priant , si vous les croyez dignes d’intérêt , de les à la lecture de ma notice à la Société géologique de France; la partie descriptive a seule du prix pour moi si elle peut ajouter quelque chose aux nombreux documents que l’on possède sur les Yosges : la partie conjecturale aurait bien son intérêt aussi , mais je ne la présente , comme tout ce qui est hasardé , qu’avec réserve , et en réclamant d’avance l’indulgence de nos confrères. M. Virlet fait la communication suivante : Sur les traces d'anciens glaciers aux environs de Lure , département de la Haute-Saône ; par M. Virlet d’Aoust. Depuis la publication de MM. Hogard et Ernest Royer sur les moraines du versant méridional de la chaîne des Vosges et de MM. Le Blanc et Edouard Col lomb sur celles de son versant orien¬ tal , on admet généralement que cette chaîne donnait autrefois lieu à la formation de glaciers qui rayonnaient de toutes parts au¬ tour du massif des ballons, à l’instar de ce qui se voit encore au¬ jourd’hui autour des sommets principaux de la chaîne des Alpes; et M. Le Blanc a démontré (1) qu’il suffisait d’un simple abaisse¬ ment de 7° dans la température moyenne des lieux circonvoisins pour que le phénomène ait pu se produire. (1) Bulletin de la Société géologique , 1 le série, t. XII, p. 132. SÉANCE DU 7 DÉCE-MEHE l8Zl(5. 297 Des observations que j’ai eu récemment occasion de faire dans la vallée de l’Ognon , vers l’extrémité septentrionale du départe¬ ment de la Haute-Saône , viennent ajouter à la monographie des anciens glaciers vosgiens , et offrent quelque intérêt en ce qu’elles indiquent la limite la plus méridionale connue de ces glaciers. La rivière d’Ognon court, à son origine , au S. -O. un peu S. , à travers une vallée profonde, dont l’existence se rapporte très probablement au système de dislocation de la Côte-d’Or. Lors¬ qu’on remonte cette vallée pour se rendre dans les Vosges , on rencontre , après avoir traversé le village de Saint-Germain , et à environ 6 kilomètres au N.-E. de la petite ville de Lure , une série de collines formant à travers la vallée une espèce de barrage. Ces collines s’élèvent de 50 à 75 mètres au-dessus du sol de la ville et sont entièrement formées de débris erratiques et de sables amoncelés pêle-mêle , déposés là par un grand glacier qui descen¬ dait évidemment du ballon de Servance et s’avancait par la vallée de l’O gnon jusque près de Lure. En effet , lorsqu’on examine l’immense accumulation de blocs erratiques composant cette moraine terminale , on voit que tous les matériaux qu’elle renferme appartiennent à ce massif de mon¬ tagnes , que c’est un mélange de fragments de poudingues ou de grès vosgiens , de fragments des roches métamorphiques scliisto- trappéennes qui constituent en partie les montagnes bordant la vallée jusqu’au-delà du village de Servance , de fragments de pra- sophyre (ophite , porphyre vert) qui se rencontre plus loin (1) ; (1) C’est au surgissement du prasophyre que les modifications subies par les roches avoisinantes paraissent particulièrement se lier, car elles ont acquis une partie de ses caractères extérieurs. On retrouve, en effet, là, une grande partie des phénomènes que M. Boblaye et moi nous avons signalés en Grèce ( Expédition scientifique de Morée, géologie et minéralogie , t. II, 2e partie , p. 115). Dans l’une et l’autre localité, de nombreux filons de fer oligiste paraissent avoir été la conséquence du surgissement du prasophyre et avoir contribué, avec cette roche plutonique, aux modifications subies par les terrains sédi— mentaires environnants. Seulement les phénomènes métamorphiques sont plus prononcés dans les Vosges que dans la Grèce ; car plusieurs des roches sédimentaires de cette contrée ont complètement acquis tous les caractères de roches plutoniques , circonstance qui fait que , comme je le disais déjà en 1 835 [Bull. , 1 re série, t. VI, p. 31 8), la limite entre les terrains soit pyrogènes , soit entre ceux-ci et les terrains sédimentaires en contact , est d’autant plus difficile à établir que les actions réciproques ont été plus intenses. En effet, parmi cette nom¬ breuse variété de roches métamorphiques de la vallée de Servance , 298 SÉANCE I)U 7 DÉCEMBRE 18/l6. et enfui de fragments d’un granité gris rosâtre ressemblant beau¬ coup à la syénite rose d’Egypte , et dont le gisement se trouve à l’origine de la vallée , vers Château-Lambert. Dans ces blocs de toutes dimensions , dont quelques uns sont anguleux et la plupart arrondis sous forme de galets , beaucoup de ceux-ci présentent encore des stries , signes caractéristiques de leur origine glaciaire. Ce dépôt morainique , qui paraît avoir été la station la plus avancée du glacier de Servance , s’appuie d’un côté, au S. du hameau de la Goulotte, aux collines de grès bigarré de Saint- Germain, que l’on exploite pour pierre à bâtir ; et de l’autre sur les flancs du mont de Vanne , qui termine de ce côté la chaîne des Vosges; les hameaux des Granges-Guénins et des Granges-Brûlées sont construits sur ce dépôt , et celui de Montessaux est placé à l’amont de la moraine et à l’endroit où l’Ognon s’y est ouvert postérieurement un passage. La plaine située au-delà formait avant cette ouverture un de ces lacs glaciaires, dont M. Le Blanc nous a aussi donné la théo¬ rie (1), et qui , à mesure que l’Ognon creusait son lit dans la mo¬ raine , se transformait successivement en marais dans lesquels se sont formés les différents dépôts tourbeux qui s’exploitent aujour¬ d’hui sur plusieurs points des environs, et signalés par M. Tliir- ria (2) notamment sur les territoires des communes de Mélisay et de Ternuay. que j’appelle provisoirement sthislo-trappêennes , et que les géolo¬ gues ont classées, les uns, dans les porphyres ou les eurites compactes, les autres, dans les dioriles, les trapps, etc., les unes, étant tout à fait passées à la structure lamellaire et même cristalline, sont de véritables porphyres , mais des porphyres métamorphiques , sur l’existence des¬ quels j’ai aussi depuis longtemps appelé l’attention des géologues ( Géol . et min. de la Morée , p. 295, 296 et 299. Bull. Soc. géol. , 1 re série, t. VI , p. 278 et 31 3 ; t. VII , p. 170 ; et lettre de M. Ké- ferstein , p. 1 97 ; t. VIII , p. 305 et 307 ; 2e série , t. I , p. 854 , et t. III, p. 329 ), les autres, celles où l'action métamorphique a été moins intense, mais encore suffisante pour faire disparaître les carac¬ tères de roches sédimentaires , et qui devaient naturellement laisser plus d’incertitude , peuvent être rangées dans la classe des roches cî i inhibition, que je signalais en 1844, au congrès de Chambéry [Bull. , 2e série , t. I, p. 845 ) , et dont j’avais déjà entrevu l’exis¬ tence en 1829, en parcourant l’île de Tynos, dans l’archipel grec ( page 64 de l’ouvrage cité ci-dessus). fl) Bulletin de la Société géologique , 1re série, t. XIV, p. 600. (2) Statistique minéralogique et géologique de la Haute-Saône ( P, 33). 299 SÉANClî DU 21 DÉCEMBRE 1840. Au nord de Montessaux , les villages de Saint-Bartliélemy et de Mélisay sont aussi en grande partie bâtis sur une seconde ligne de collines morainiques , et enfin , plus loin encore , entre ces villa ges et celui de Belloncliamp , mais plus près dè celui-ci , on trouve une autre ligne de petites moraines , plus particulièrement composées de débris granitiques et qui font suite à une série de monticules isolés ou pointements , composés de roches métamor¬ phiques , lesquels devaient former autant de petits îlots au milieu du lac auquel la grande moraine de Montessaux servait de barrage. Cette troisième ligne de moraines semble être la dernière station rétrograde du glacier; car au-delà de Belloncliamp et de Ternuay, on ne rencontre plus que des blocs isolés qui paraissent apparte¬ nir aux moraines latérales. J’ai rencontré de ces blocs jusqu’au sommet de la montagne, qui renferme les beaux et riches filons de fer oligiste connus sous le nom de mine de fer de Servance. Cette montagne s’élève bien à 8 ou 900 mètres au-dessus du niveau de la mer, tandis que l’altitude du ballon de Servance n’est que de 1,189 mètres. On a monté, dans ces dernières années, à Servance même, une petite scierie mécanique mue par l’eau et destinée au polissage des belles roches granitiques et porpliyriques provenant en grande partie des moraines latérales et que l’on trouve dans les environs en blocs souvent fort volumineux. Parmi ces belles matières dures travaillées et polies dans cet établissement, et dont le prix n’est cependant que de 10 francs par pied carré de surface , le granité et le prasophyre fournissent surtout de très grandes tables d’un fort bel effet. Le prasophyre des "Vosges présente donc de l’avan¬ tage sur celui de Grèce , qui , beaucoup plus fendillé , ne pouvait guère être employé qu’à la confection de petits objets d’art (1). Séance dit 21 décembre 184G. PRÉSIDENCE DE M. DE VERNEU1L. M. Bayle, vice-secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. (1 ) Géologie et minéralogie de laMoréc , parMM.Virlet et.Boblay®, p. 113. 300 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/16. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. ' Frignet (Ernest), docteur és-sciences, membre de la So¬ ciété d’histoire naturelle de Strasbourg, 38, passage Sandrié, à Paris, présenté par MM. Walferdin elle vicomte d’Archiac ; Le baron Gabriel de Latour-du-Pin Ghambly , à Nantes, présenté par MM. de Boissy et d’Archiac $ Bonnet, ingénieur des mines à Lisbonne (Portugal), pré¬ sent par MM. Cordier et Charles d’Orbigny; Feignoux, de Cussey (Allier), présenté par MM. Pomel et Virlet ^ Maclaren , à Edimbourg, présenté par MM. Martins et llugard ; r James Hall, à Albany, Etat de New-York, présenté par MM. Elie de Beaumont et de Verneuit 5 W. Redfield, à New-York, Greenwich Street, 324 , pré¬ senté par MM. Élie de Beaumont et de Yerneuil 5 Marie Rouault, à Rennes (Ille-et-Vilaine) , présenté par MM< de Pinteville et de Yerneuil. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice , Journal des savants , novembre 1846. De la part de M. Ach. de Zigno , Info rno di cenni, etc. (Observations sur les aperçus du professeur T. A. Catullo sur le système crétacé des Alpes vénitiennes) $ in-8°, 15 pages, Padoue, 1846. Comptes-rendus des séances de V J cadè mie des sciences , 1846, 2e semestre, t. XXIII, nos 23 — 24 5 — table du 1er se¬ mestre 1846 , t. XXII. Bulletin de la Société de géographie , 3e série, t. VI, n° 34 , octobre 1846. L'Institut , 1846, nos 675 — 676. The Athenœum, 1846, nos 998 — 999. The Mining Journal , 1846 , nos 590—591. \ SEANCE DU 21 DÉCEMBRE J 8Z|(> . 801 The americafl Journal of science and arts , by Silliman • ser. 2, n° 5 , septembre 1846. Mémoires de /’ Académie impériale des sciences de Saint- Pétersbourg , 6e série, t. Y, liy. 3 — 4. Mémoires présentés à V Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg par divers savants ; t. Y, liy. 1 — 6 • t. YI, liv. 1. M. le vice-secrétaire lit la lettre suivante de M. de Maissin, capitaine au long cours : Monsieur le Président, Je viens vous prier de vouloir bien offrir à la Société géologique quelques échantillons de roches ou débris qui se trouvent com¬ munément à la surface du sol , et cela à toutes les hauteurs , depuis le bord de la mer jusqu’aux terres les plus élevées, dans l’île de Borabora, une des îles du groupe clés Marquises. Je regrette infiniment de ne pouvoir joindre à cet envoi une notice plus étendue , mais je n’ai point recueilli ces échantillons moi-même; tout ce que je peux dire, c’est que la personne qui s’est chargée de me les apporter est mon frère , M. E. de Maissin , capitaine de corvette , qui a séjourné plus de deux ans dans ces îles. Il m’a assuré qu’il avait , sur ma demande , fait rechercher par toute l’île, mais toujours à la surface, toutes les pierres qui pou¬ vaient offrir un aspect différent , et qu’il n’avait pu trouver que ce que j’ai l’honneur cl’offrir à la Société. r M. le vice-secrétaire lit une lettre de M. Edouard Collomb, sur les galets striés, Wesserling, le 10 décembre 1846. Dans une note que j’ai envoyée à la fin de novembre à la So¬ ciété sur quelques faits relatifs aux anciennes moraines des Yosges , je faisais remarquer que , dans quelques uns de ces amas , je n’avais point trouvé de galets striés , et que ce fait négatif pourrait paraître extraordinaire dans nos vallées , où ces galets sont répandus avec autant de profusion. M. Agassiz , qui le premier les a découverts , a donné la description et la loi générale cle leur formation ; ce n’est que la question de leur distribution dans le terrain erratique dont nous allons nous occuper. En l’étudiant , soit dans les Yosges , soit en Suisse , j’ai remarqué 302 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. que dans certaines vallées , où tous les autres accidents qui carac¬ térisent ce terrain se trouvaient réunis, je ne rencontrais point de galets striés; en poursuivant ces recherches jusqu’au pied des gla¬ ciers, j’ai trouvé que parmi les débris minéraux déposés aux abords et sur les flancs de certains d’entre eux je n’en trouvais pas non plus , tandis que dans d’autres vallées et au contact d’autres glaciers , ils étaient fort abondants. Après un grand nombre d’observations, je suis arrivé à conclure que tous les glaciers ne donnaient pas lieu à la formation de ces galets. Pour que ce phénomène se produise , il faut qu’il existe dans les montagnes qui entourent un glacier plusieurs espèces de roches d’un degré de dureté différent. Ainsi , lorsqu’un glacier est encaissé par des masses purement granitiques ou purement cal¬ caires, il n’y a point de galets striés produits. Mais , si les roches d’où ils proviennent sont en partie cristallines et en partie sédimentaires , il y a production de raies sur les galets. Le galet de granité , lorsqu’il est charrié par un glacier, et qu’il ne trouve sur son passage que du granité , ou bien le galet de cal¬ caire qui ne rencontre que du calcaire, ne se raieront point. Ce fait nous explique pourquoi dans quelques vallées des \ osges, comme au pied de certains glaciers , il y a absence complète , et sur d’autres points et aux abords d’autres glaciers , il y a profusion de ces espèces de pierres. Dans les Vosges , en outre des deux petites moraines dont nous avons parlé ( note du mois de novembre), dans plusieurs vallées du versant occidental, où M. Hogard a remarqué et décrit des mo¬ raines qui ont un caractère erratique incontestable , il y a absence de galets striés , parce que le massif tout entier qui domine ces vallées est purement granitique. Sur le versant E. de la chaîne , la vallée de Guebwiller , qui prend naissance sur le point le plus élevé des Vosges , le Ballon (1,426 mètres) , est barrée , à 5 kilo¬ mètres en amont du village de Lautenbaeli , par une échelle de petites moraines qui ressemblent, sous les rapports de forme et de dimension , aux petites moraines qu’on trouve à quelques centaines de mètres en aval du glacier actuel du Rhône ; ces moraines ne contiennent point de galets rayés ; on y en chercherait en vain ; tous les massifs supérieurs sont formés de grauwacke plus ou moins compacte , qui a subi des actions métamorphiques plus ou moins énergiques , mais cpii n’est pas assez dure pour se rayer elle-même par frottement; elle s’use , se polit, mais ne se burine pas; on ne trouve dans ce bassin aucune masse granitique ; les liions de quartz y sont fort rares; la roche massive n’apparaît au jour, dans cette SÉANCE DU M DÉCEMBRE 18 A6. 303 vallée , que sur une ligne située en aval des petites moraines. Lorsque leurs matériaux étaient en mouvement, ils ne rencon¬ traient sur leur chemin que des roches identiques à eux-mêmes ; ils n’ont pu se strier. Par contre , la vallée de Saint- Amarin réunissait toutes les con¬ ditions nécessaires pour que le galet rayé s’y soit produit dans les temps erratiques. Les schistes siluriens à pâte fine y sont traversés à chaque instant et pour ainsi dire enchevêtrés dans des masses cristallines de granité , de granité porpliyroïde , de syénites, d’eu- rites, qui sont elles-mêmes coupées par d’innombrables filons ou la famille des Silicicles se rencontre sous mille formes diverses. On conçoit que de pareils matériaux , lorsqu’ils ont été déplacés et mis en mouvement par la force dynamique d’un glacier, lorsqu’ils étaient empâtés dans sa masse , ou lorsqu’ils ont servi de roulettes sous le glacier, ont dû exercer les uns sur les autres une action éro- sive qui a donné lieu à ces masses de détritus où les galets rayés sont si abondants. En Suisse , ecs galets sont fort rares parmi les débris du glacier inférieur de l’Aar, parce que la roche en place du bassin est formée de granité , de gneiss et d’une variété de micaschiste fort tendre et friable : ce schiste n’a pas le degré de résistance suffisant pour conserver des empreintes burinées. Ils sont également rares au pied du glacier du Rhône, parce que, dans cette localité, les dé¬ bris ne sont composés que de roche cristalline trop dure pour se laisser strier. Dans la vallée de Chamounix , les deux glaciers que j’ai plus particulièrement explorés cette année (avec M. Hardouin Michelin), celui des Rossons et celui du Taconnet, sont fort pauvres en galets striés. Les moraines du glacier des Bossons sont granitiques et gneissiques , et celles du Taconnet sont formées de schistes talqueux et de schistes chlorités ; les conditions nécessaires pour leur production se trouvent ici écartées. D’un autre côté, les débris rejetés par le glacier de Rosenlaui sont riches en galets striés; j’en ai recueilli de beaux exemplaires parmi les matériaux répandus sur le terrain que le glacier avait abandonné pendant le courant de l’été. Ce glacier n’a point de moraines frontales; il est simple, il n’apas de grands affluents qui lui apportent leur contingent de débris; ils sont accumulés sur ses flancs, et les pies gigantesques qui le dominent, les Wetterhôrner, sont précisément placés sur la limite du gneiss et du calcaire (1) : son bassin supérieur présente (1) Voir la carte géologique du Wetterhorn et des régions envi¬ ronnantes , par M. Desor. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. m cela de particulier, qu’il offre des alternances de roches cristallines et de roches de sédiment, disposition la plus favorable à la pro¬ duction de nos galets. Ce calcaire a le degré de dureté et de téna¬ cité nécessaire pour recevoir et conserver un burinage fort net ; sous ce rapport il a la plus grande analogie avec les schistes argi¬ leux des Vosges. Sans qu’il soit nécessaire de multiplier les exemples , nous pou¬ vons dès à présent conclure des faits qui précèdent , que la présence ou l’absence des galets striés dans le terrain erratique ou dans les débris des glaciers en activité dépend essentiellement de la nature des roches qui forment les bassins supérieurs. 11 faut le concours, ou plutôt le contact d’un corps dur contre un corps plus tendre pour que le burinage se produise et se conserve. M. Rozet communique la noie suivante de M. l’abbé Raquin. Note sur les mines de fer découvertes dans les cantons deSemür- en-Brionnais et de Marcigny ( Saône-et-Loire ) , en 18/|(3 , par M. l’abbé Raquin. On a récemment découvert , dans le canton de Semur et dans celui de Marcigny, des gisements de fer très importants, qui pa¬ raissent devoir donner lieu à une exploitation considérable. Lors¬ que j’ai visité cette localité , il y a environ deux mois , plus de deux cents ouvriers étaient déjà employés à l’extraction du mi¬ nerai , et le nombre des mineurs s’accroissait chaque jour. Ce gi¬ sement m’a paru intéressant sous le rapport géologique ; c’est ce qui m’engage à le faire connaître à la Société. Le pays où se trouve ce minerai est coupé par des vallées assez profondes, qui toutes se dirigent vers le bassin de la Loire. Dans le fond des vallées , la terre végétale repose sur les marnes supé¬ rieures du lias , et sur les versants on voit affleurer les bancs du calcaire à entroques qui reposent immédiatement sur ces marnes. Ces deux formations sont les deux formations dominantes du pays où se trouve le minerai. Pour rencontrer les assises moyennes et inférieures du lias, il faut se diriger plus à l’E. Sur tous les pla¬ teaux , le calcaire à entroques est recouvert par une couche plus ou moins puissante d’argile de couleur généralement jaunâtre. Dans cette argile se trouvent disséminés, sans aucun ordre apparent, des silex d’un volume quelquefois très considérable. Ces silex occupent surtout la partie supérieure des argiles. Le sol en est gé¬ néralement recouvert , soit que dans l’origine ils se trouvassent 305 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/l6. naturellement à sa surface , soit qu’ils y aient été amenés depuis par les travaux des hommes qui ont défriché ce sol pour le livrer à la culture. Ainsi, à partir de Semur, dans un rayon de U à 8 kilomètres, on rencontre une quantité parfois prodigieuse de cailloux anguleux de toute grosseur qui recouvrent la surface du sol. On ne peut supposer que ces cailloux aient été charriés par les eaux et que le terrain où ils se trouvent soit un terrain de trans¬ port; car leur forme anguleuse dont les angles sont à peine émous¬ sés ne permet pas d’adopter cette hypothèse. D’ailleurs , j’ai observé plusieurs fois , sur divers points , de ces silex formant de véritables couches , ayant une étendue de plusieurs mètres , et 0,50 centimètres à 1 mètre d’épaisseur. Ils étaient seulement re¬ couverts de quelques pouces de terre végétale. La texture de ces silex est ordinairement compacte ; ils présentent cependant quel¬ quefois une texture celluleuse analogue aux meulières des envi¬ rons de Paris. On en a même exploité , à ma connaissance , pour faire des meules de moulin, qui , il est vrai , étaient d’une qualité bien médiocre. Ces silex sont très souvent colorés en rouge par l’oxyde de fer , ou en jaune par l’hydrate de cet oxyde. Lorsqu’ils sont purs, ils ressemblent assez aux silex de la craie, sauf qu’ils ont toujours une teinte légèrement jaunâtre. Cette formation argileuse s’étend depuis les environs de Cliar- lieu jusqu’aux environs de Paray, en formant sur les rives droites de la Loire une zone dont la largeur ne dépasse guère 5 à 6 kilo¬ mètres. Cette formation argileuse ne présente pas les mêmes carac¬ tères sur toute cette étendue. Ce n’est qu’aux environs de Semur, dans un rayon de 7 à 8 kilomètres, que l’on trouve des silex dans le sein de l’argile. A mesure qu’on s’éloigne de ce centre , les silex diminuent et finissent par disparaître. Après avoir dépassé Marci- gny , on rencontre une plaine qui se prolonge jusqu’à Paray où l’on ne rencontre plus de silex , ni à la surface du sol ni dans son intérieur. Un fait digne de remarque , c’est que ces silex ne se trouvent que dans la partie la plus accidentée de la contrée dont je parle. C’est dans cette formation argilo-siliceuse que se trouve le mi¬ nerai de fer qu’on exploite. Il se présente en blocs isolés au milieu de l’argile , de la même manière que les silex avec lesquels il se trouve associé. Les deux éléments , la silice et le fer, se sont mé¬ langés dans toute espèce de proportions. Là, le minerai de fer est presque pur ; là , au contraire , c’est le silex qui est à peine coloré par la présence du fer. Entre ces deux extrêmes se trouvent tous les états intermédiaires résultant du mélange des deux substances Soc. géol ., 2e série, tome IV. 20 306 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1840. Le même bloc contient ainsi le minerai à différents degrés de pu¬ reté , et l’on est obligé de le casser en petits fragments pour faire le triage. Ce minerai est un oxyde de fer le plus souvent hydraté. Sa cassure n’est point homogène , mais elle présente des lignes qui indiquent de petites couches superposées les unes sur les autres ; quelquefois aussi elle est celluleuse. Ce minerai est très estimé , non seulement à cause de sa richesse , mais encore parce que sa gangue étant siliceuse sert de fondant aux minerais calcaires qui sont beaucoup plus communs que les minerais siliceux. Il est expédié au Creuzot ou à Saint-Etienne. L’extraction facile de ce minerai qui se trouve , pour ainsi dire, à la surface du sol , et la nature siliceuse de sa gangue , qui lui donne de la valeur , en rendent l’exploitation très importante pour le pays où il se trouve. 11 y a deux mois, le minerai n’était encore exploité que sur deux points , sur la commune du Lac ( canton de Marcigny ) et sur celle de Semur $ «au lieu dit les Cornus ; mais alors on faisait des fouilles nombreuses sur d’antres points, et quelques unes de ces recherches avaient fait conce¬ voir des espérances fondées de trouver le minerai én assez grande quantité. La présence de ce minerai est indiquée par la couleur rouge des cailloux qui sont à la surface du sol ; mais cette couleur n’est pas toujours un indice certain ; car il peut arriver que le fer ne se trouve pas en assez grande quantité pour être' exploité. L’étendue du terrain où l’on peut faire des recherches avec l’es¬ poir d’arriver à d’heureux résultats comprend plusieurs communes limitrophes, le Lac, Semur, Yguerande, Mailly, Saint-Julien, Ligny, Yauband, Briand, Sarry, Marcigny. Mais les gisements les plus importants paraissent situés sur les communes de Semur et du Lac. Cette formation argilo-silieeuse , où se trouve le minerai de fer, me parait être une formation tertiaire , probablement contempo¬ raine des formations lacustres qu’on observe sur les bords de la Loire et que M. Rozet a décrites dans son Mémoire sur la masse des montagnes qui séparent le cours de la Loire de ceux du Rhône et de la Saône. Jusqu’à présent on n’a découvert dans ce terrain aucun fossile qui puisse indiquer d'une manière certaine et dé¬ finitive dans quelles conditions il a été formé. Il n’est pas une dépendance du terrain jurassique sur lequel il repose ; car il n est pas aussi étendu que ce dernier , et il n’y a aucun passage de 1 un à% 1 autre. La ligne de démarcation entre ces deux ter¬ rains est toujours parfaitement distincte. L idée d’un transport n est pas non plus admissible à cause de la forme des blocs qui ne SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. 307 présentent aucun caractère des cailloux roulés. La position de ce terrain sur les plateaux les plus élevés et par lambeaux isolés , se trouve au contraire assez en rapport avec les caractères que pré¬ sentent les terrains lacustres. Il me paraît donc probable que ce dépôt a eu lieu dans des lacs peu profonds qui recouvraient les plateaux où on l’observe maintenant. C’est dans ces lacs que se déposaient les argiles amenées par les cours d’eau qui affluaient des montagnes voisines. Mais d’où sont venus la silice et le fer qui se trouvent en si grande quantité au milieu de ces argiles ? Une seule hypothèse me semble expliquer , d’une manière satisfaisante, la présence de ces substances dans les lieux où on les observe , et les diverses circonstances de leur mélange ; c’est l’hypothèse de sources siliceuses et ferrugineuses qui seraient venues de l’intérieur et auraient déposé, surtout autour des points où elles jaillissaient , les éléments qu’elles tenaient en dissolution. On conçoit alors com¬ ment le minerai de fer se trouve répandu çà et là dans toute la formation argileuse en amas plus ou moins riches. On conçoit aussi que les eaux des lacs où arrivaient ces sources étaient colo¬ rées par le fer dans toute leur masse , et qu’ ainsi les argiles qui se déposaient dans leur sein ont dû aussi être généralement colo¬ rées. Les silex l’ont été aussi , mais moins généralement que les argiles. Ainsi , au milieu d’argiles colorées on trouve des silex qui ne le sont pas ou du moins qui ne le sont qu’à l’extérieur. Cette particularité est probablement un effet de l’attraction molécu¬ laire qui tend à réunir ensemble les molécules homogènes. M. Rozet, dans le Mémoire que j’ai cité plus haut, en parlant de la formation des arkoses qu’on observe dans la partie orientale de la contrée dont il est question , a déjà émis l’opinion fondée sur plusieurs observations , que la silice qui sert de ciment aux élé¬ ments des arkoses , avait été fournie par des sources venues des profondeurs du sol. L’action de ces sources se serait prolongée pendant toute l’époque de la formation des arkoses, et aurait même continué pendant les premiers temps de la formation du lias, puisque, comme l’a observé M. Rozet, les couches infé¬ rieures de ce terrain sont , dans certaines localités, pénétrées de silice ; mais ensuite leur action se serait ralentie , ou aurait même cessé complètement pendant le dépôt de la plus grande partie du lias et du calcaire à entroques. La réapparition de ces sources dans les mêmes lieux, après un laps de temps considérable, indique donc quelques bouleversements dans le sol préexistant, bouleversements qui auraient déterminé de nouvelles fissures capables de livrer passage à ces sources. Or , c’est précisément ce qui paraît avoir eu. 308 SÉANCE DE 21 DÉCEMBRE 18/lG. lieu. J’ai déjà fait la remarque que la contrée où se trouvent les silex et les minerais de fer , est la plus accidentée des terrains stra¬ tifiés environnants. Les soulèvements qui ont donné au sol son relief actuel sont postérieurs à la formation du lias et du calcaire à entroques qu’ils ont dérangés de leur position horizontale. Ces mouvements du sol ont été occasionnés par l’éruption des basaltes que j’ai vus perçant les calcaires sur deux points différents, dis¬ tants l’un de l’autre d’environ 6 kilomètres , l’un sur la commune de Mailly et l’autre sur celle de Briaud. Ces deux points basaltiques sont dans la direction du N. au S. , parallèles au cours de la Loire ; c’est précisément la direction des couches calcaires. Autant que l’état de la culture du sol m’a permis de l’observer, ces basaltes formeraient un dike qui aurait tra¬ versé les couches calcaires du N. au S. , en leur donnant une in¬ clinaison de l’E. à 10. La réapparition des sources siliceuses accompagnées de sources ferrugineuses coïncide donc avec les phé¬ nomènes volcaniques qui ont donné à la contrée sa physionomie actuelle. Cette coïncidence rend donc probable l’opinion que j’ai émise sur l’origine du minerai de fer qu’on trouve dans le pays où est situé le centre de ces éruptions volcaniques. L’absence de la silice et du minerai dans un terrain de meme formation , mais dont le dépôt a eu lieu sur un sol plat et horizontal , assez loin du centre des phénomènes ignés , me semble une preuve de plus en faveur de cette hypothèse. S’il en est ainsi , ce serait là un fait nouveau ajouté à tant d’autres qui prouverait le rôle important des sources intérieures dans les formations géologiques. Après avoir donné lecture de cette note, M. Rozet ajoute qu’il adopte tout à fait la manière de voir de M. Raquin à l’égard de ces dépôts de fragments siliceux avec minerais de fer, bien que, dans son Mémoire sur la masse de montagnes qui sé¬ pare la Loire du Rhône et de la Saône, il ait considéré ce terrain comme une masse de transport provenant de la destruction des couches de l’oolite, remplies de productions siliceuses. L’action des sources siliceuses peut certainement s’être continuée à tra¬ vers tous ces terrains depuis l’époque des arkoses inférieures jus¬ qu’à celle des basaltes, ou bien s’être reproduite à cette époque avec une nouvelle intensité. 11 pense que les minerais de fer que l’on exploite sous le lehm delà vallée du Rhin doivent être ran¬ gés dans cette même époque géognostique , bien qu’ils soient accompagnés de fragments noduleux de jaspe, renfermant des 309 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18ZÏ6. fossiles du grès vert, ce qui les avait fait ranger dans cette for¬ mation par M. Vollz. Ces fossiles se trouvant là, comme les autres matériaux du terrain de transport , auront été englobés par l’incrustation siliceuse, et cela est d’autant plus probable qu’ils sont eux-mêmes changés en silex. Les roches basaltiques des bords du Rhin, et principalement celles du Kaiserstuhl, ayant fait éruption pendant la formation du lehm , ce phéno¬ mène se trouve donc produit ici par les mêmes causes qu’en Bourgogne. M. Rozet pense qu’il y a un grand nombre de gîtes de mine¬ rais de fer, en grains et en rognons, qui appartiennent à cette époque, et que l’on a rapportés à celle du grès vert, etc., à cause des fossiles qui s’y trouvent mêlés , et qu’il regarde comme y ayant été charriés , et englobés ensuite par l’incrusta¬ tion siliceuse. M. le vice-secrétaire donne lecture d’un Mémoire de M. Marie Rouault, où l’auteur cherche à démontrer que les proportions différentes du fer sulfuré qu’on observe dans les diverses parties du test des Trilobites de la Bretagne peuvent servir à recon¬ naître quelles étaient les proportions de carbonate de chaux et de matière animale qui composaient ce test, le fer sulfuré s’é¬ tant, suivant lui, substitué à la place du carbonate de chaux. Voici un extrait de ce Mémoire. Extrait du Mémo re sur les Trilobites du departement d’Utc-r et-Eilaine, par M. Marie Rouault. A l’aide des nombreux fossiles que j’ai trouvés dans le terrain paléozoïque des environs de Rennes, j’ai pu reconnaître parmi ceux que j’ai recueillis dans le N. du département un grand nombre des espèces qui caractérisent les terrains du système dévo¬ nien ; parmi elles se reconnaissent la plupart des espèces trouvées dans l’Eifel en Allemagne , en Belgique , en Normandie et dans l’Etat de New-York en Amérique. Quant à celles que j’ai trouvées dans la formation schisteuse qui constitue le S. du département, il m’a été également facile de reconnaître que toutes sont propres au système silurien. C’est sur les fossiles de cette dernière forma¬ tion que j’ai pu, à l’aide des échantillons que j’y ai recueillis, constater un fait sur lequel j’appelle l’attention des savants., 310 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18Z|0. celui de la présence du fer sulfuré , comme constituant le test de certains fossiles , et qui me paraît être le représentant du calcaire qui entrait primitivement dans sa composition. En effet, la constance avec laquelle j’ai remarqué ce fait sur les mêmes individus , jointe à l’étude des caractères que chacun d’eux a pu me fournir, m’ont misa même d’arriver à des conclusions qui me paraissent fondées. Ces fossiles appartiennent aux deux classes des mollusques et des crustacés ; en commençant par les pre¬ miers, il me sera facile de trouver parmi les êtres vivants plus de termes de comparaisons, et les conclusions que j’en pourrai tirer me serviront ensuite pour l’étude des crustacés de cette époque , lesquels aujourd’hui n’ont plus de représentants. DES COQUILLES. Pour plus de facilité , je vais diviser les coquilles en deux groupes, d’après la constance des caractères qu’elles m’ont offerts. Dans le premier figureront les espèces qui se sont toujours pré¬ sentées complètement transformées en fer sulfuré et constamment entourées d’une épaisse couche de chaux sulfatée, et qui ne m’ont jamais présenté de déformations ; ce sont des Belléroplies , des Evomphales, des Turbos, des Isocardes, des Arches, des Nu- cules, etc. Les, coquilles auxquelles on peut les comparer présentent leur test complètement formé de calcaire; il me paraît donc évi¬ dent que le fer sulfuré qui constitue le test de ces fossiles est le re¬ présentant du calcaire qui formait primitivement ces coquilles. Le deuxième groupe est formé par les coquilles dont le test ne m’a jamais offert dans sa composition que peu ou point de fer sulfuré et jamais de chaux sulfatée; elles m’ont toujours présenté des dé¬ formations d’autant plus marquées , que la quantité de fer sulfuré qu’elles m’ont offerte était moindre ; ce sont différentes espèces d’Orthis , ainsi que plusieurs espèces d’Encrines qui m’ont offert des caractères identiques sous les rapports de la composition. Or, comme, parmi les coquilles vivantes , celles qui sont flexibles pré¬ sentent un test dans la composition duquel la quantité de calcaire est d’autant moins grande que la flexibilité dont elles jouissent l’est davantage , et que c’est sur celles qui me paraissent avoir joui d’une plus grande flexibilité et qui par conséquent contenaient moins de calcaire , que je trouve le moins de fer sulfuré, je suis autorisé à penser que la quantité de fer sulfuré qui se rencontre chez ces coquilles est en raison même de la quantité de calcaire qui s’y trouvait primitivement. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18 Z|6 . 311 DES CRUSTACÉS, L'étude toute particulière que j’ai faite des organes et des dif¬ férentes parties du test des Trilobites m’a conduit à conclure que le test , chez certaines espèces , avait du nécessairement jouir d’une certaine résistance. Or, coiVune j’ai trouvé dans le test de ces mêmes espèces une quantité de fer sulfuré d’autant plus grande que la partie du test dans laquelle je l’ai rencontré avait présenté plus de résistance aux déformations accidentelles, je suis donc en droit d’établir les mêmes conclusions pour ces fossiles que pour les coquilles, c’est-à-dire que la quantité de fer sulfuré représente la quantité de calcaire qui s’y trouvait primitivement. Le tableau que je joins à cet extrait, comparant à la fois les organes et les caractères que présentent les différentes parties du test de ces fossiles, me semble suffire pour un extrait comme celui-ci, et en conséquence je me bornerai à donner la description d’une seule espèce qui , sous ce rapport, me paraît réunir toutes les conditions nécessaires pour la démonstration des faits que j’ai énoncés. TRINUCLEUS PONGERARDI J’ai observé plus de deux mille échantillons appartenant à ce fossile , et comme j’ai reconnu la constance avec laquelle les mêmes principes se rencontraient dans les mêmes organes , eu égard aux conditions dans lesquelles ils se trouvaient , je vais faire connaître le résultat de mes observations ; mais je crois devoir auparavant donner quelques détails sur les organes de cet animal. Du bouclier. — Le bouclier, très développé , est de forme exac¬ tement circulaire en avant et limité postérieurement par une ligne presque droite à laquelle viennent aboutir trois lobes lisses qui en oc¬ cupent le centre , le bouclier étant considéré comme un demi-cercle ; le lobe du milieu, plus développé en longueur, est séparé des deux lobes latéraux, sur lesquels on ne voit point de tubercule oculaire, par deux sillons qui se prolongent jusqu’à l’extrémité postérieure du post-abdomen où elles viennent presque se réunir. La partie circulaire qui entoure ces lobes, et que j’appellerai le bourrelet, dépasse et entoure complètement la tête ; il est formé d’une dou¬ ble membrane qui , après avoir couvert les lobes de la tète , se sépare , en s’écartant de plus en plus , jusqu’au-delà de la moitié de la largeur de ce bourrelet , et là , recommence à se rappro¬ cher pour venir se réunir et former le bord antérieur et circulaire 312 SÉANCE Dü 21 DÉCEMBRE 1846» du bouclier. Cette partie qui entoure la tête, et dont la coupe rap¬ pelle celle d’une lentille hi-convexe , présente nécessairement deux faces à peu près semblables , lesquelles sont couvertes , sur toute leur étendue , par des points renfoncés, formant six rangées circu¬ laires parallèles au bord extérieur, et dont les quatre plus voisines de ce dernier se maintiennent sur toute la partie circulaire du bourrelet , tandis que les deux autres ne s’aperçoivent que sur les côtés du bouclier seulement. Tous les points renfoncés de l’une des faces correspondent exactement avec ceux de l’autre face (chacun de ces points étant formé par un prolongement circulaire du test ) et les points d’une face se dirigeant vers les points de l’autre face et se réunissant ensemble , il en résulte autant de per¬ forations à travers le bourrelet qu’il y a de points , et il n’y en a pas moins de deux cents. Chacun de ces petits tuyaux résultant de la réunion de deux points renfoncés rappelle par sa forme autant de petits sabliers , et le bourrelet ressemble à un réseau dont chaque maille serait représentée par autant de petits entonnoirs plongeant dans le bouclier. Quant à l'intérieur de ce bourrelet , il a été, je crois, complètement vide, et chacun des petits tubes qui le traversaient d’une face à l’autre , jouant le rôle de piliers, maintenaient constamment la forme renflée de cet organe qui jouait très probablement le rôle de flotteur. Chacun des angles postérieurs de ce bouclier se prolonge en un long appendice , lequel dépasse beaucoup l’extrémité du post - abdomen ; leur forme très effilée et légèrement arquée en dedans, vers l’extré¬ mité seulement , est quadrangulaire , et chacun des angles est la continuité du bord circulaire antérieur du bouclier. L’angle inté¬ rieur dérive du bord postérieur , tandis que les deux autres pren¬ nent naissance à la saillie que forme la membrane entre la pre¬ mière et la deuxième rangée de points circulaires ; cette saillie est plus sensible , même à la face inférieure. Ces appendices pa¬ raissent avoir été, de même que le bourrelet, creux dans toute leur longueur. Ces appendices offrent, en outre, un caractère qui, je crois, n’a encore été observé sur aucune autre espèce, et qui mérite de fixer l’attention des savants : celui de présenter, dans un grand nombre de cas, ses appendices bifurqués ; je dis dans un grand nombre de cas , parce que c’est dans la proportion de deux sur cinq. Ce caractère , cpii d’ailleurs se remarque sui¬ des individus de tout âge , se présente indifféremment sur 1 un et sur l’autre des appendices , quelquefois sur les deux à la fois ; on le voit prendre naissance tantôt près de l’origine , tantôt au milieu et même vers l’extrémité des appendices, mais le plus souvent 313 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18 46. vers les deux tiers de leur longueur. La direction des deux parties qui en résulte n’est pas plus constante que leur point de départ , elles se présentent parfois également déviées de la direction normale qu’a suivie jusque là l’appendice; d’autres fois il n’y en a qu’une de déviée , et alors c’est le plus souvent la branche intérieure. De V abdomen et du post-abdomen. — Ces deux parties de l’ani¬ mal ne se trouvent nullement en rapport avec l’organe que je viens de décrire; car, si pour couvrir le bouclier d’un individu adulte la moitié d’une pièce de cinq francs suffirait à peine , la moitié d’une pièce de cinq centimes serait plus que suffisante pour couvrir l’abdomen et le post-abdomen réunis. Le premier de ces organes, dont la largeur égale au moins trois fois la longueur, est, comme chez tous les Trilobites , divisé longitudinalement en trois lobes, et le lobe moyen ne présente en largeur que la moitié de celle des lobes latéraux. Cet abdomen est divisé latéralement en six articulations qui présentent sur les lobes latéraux , d’une ma¬ nière bien nette , le caractère désigné sous le nom de bifurcation. Le post-abdomen , dont la largeur égale au moins quatre fois la longueur, est formé d’une seule pièce, divisée, en apparence seu¬ lement , en trois lobes par le prolongement des deux sillons qui , après avoir divisé la tête et l’abdomen, viennent presque se réunir à l’extrémité postérieure du post-abdomen. La partie moyenne de ce dernier, plus saillante que les deux latérales qui sont complète¬ ment aplaties , laisse apercevoir sur ses deux versants , près des sillons , quelques traces peu distinctes d’articulations. La forme de cet organe est telle que la ligne qui le limite à l’extérieur ressemble à une accolade très ouverte. On sait que la plupart des Trilobites jouissent de la faculté de s’enrouler à la manière des Cloportes ; les nombreux échantillons que j’ai vus de Trilobites à cet état , appartenant à différents genres, m’ont fait reconnaître que presque toutes les espèces possédaient plus ou moins cette faculté , mais qu’aucune d’elles ne pouvait exécuter ce mouvement d’une manière aussi complète que l’espèce ici décrite. Nous avons déjà remarqué que la tête de l’animal se trouvait comme encadrée dans une partie très développée du bouclier, que j’ai appelée bourrelet; or, comme l’abdomen se trouve tout au plus proportionné avec la tête , non compris le bourrelet , et que e post-abdomen présente des pro¬ portions encore moindres , voilà ce qui arrivait quand l’animal s’enroulait. D’abord le post-abdomen venait s’appliquer sur l’ab¬ domen, qui , à son tour, venait s’appliquer sous la tête de manière que le post-abdomen se trouvait entre la tète et l’abdomen ; l’ani¬ mal, par conséquent, se trouvait plié trois fois sur lui-même, de 314 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. sorte que , vu en dessus , il n’offrait de visible que les lobes de la tête entourée du bourrelet , et que , vu en dessous , il ne montrait que l’abdomen entouré du même bourrelet ; le post-abdomen se trouvant constamment caché au centre. Maintenant , je vais faire connaître dans quel état et dans quelles conditions j’ai trouvé les différents organes de ce fossile , et, je le répète, ce n’est qu’après un examen fait sur plus de deux mille échantillons que j’ai établi mes conclusions. Du bouclier. — Je l’ai toujours trouvé en fer sulfuré très pur et constamment recouvert d’une couche de chaux sulfatée ; mais ce dernier minéral se trouve toujours dans des proportions différentes suivant les parties qu’il recouvre , et j’ai remarqué cette différence sur tous les échantillons que j’ai été à même d’examiner : ainsi les appendices ou prolongements des angles postérieurs m’ont toujours présenté une quantité plus grande de fer sulfuré et de chaux sul¬ fatée que le bourrelet, qui, à son tour , m’en a toujours offert da¬ vantage que les lobes. De lyabdomen et du post-abdomen. • — Quant à l’abdomen et au post-abdomen, lorsque l’animal est redressé, ils ne m’ont présenté de fer sulfuré ni de chaux sulfatée que dans un seul cas; mais j’ai pu reconnaître dans ce cas qu’une partie du bouclier se trouvait reployée en dessous et que l’un des appendices longeait l’abdomen dans toute sa longueur. Ce fait me paraît d’une haute importance , par cela même qu’il vient appuyer les conclusions que je vais éta¬ blir. Sur plus de cinquante échantillons que je possède, présentant l’abdomen et le post-abdomen enroulés , tous , sans exception , se présentent à l’état de fer sulfuré et couverts d’une légère couche de chaux sulfatée. Après avoir fait connaître à quels états se présentent les diffé¬ rentes parties de cet animal , je vais dire maintenant quelles étaient les différentes modifications cpie chacune d’elles a pu subir dans sa forme. Du bouclier. — C’est bien certainement dans cette partie de l’animal que vont se rencontrer les caractères extrêmes En effet , dans tous les Trilobites que j’ai observés, je n’ai jamais vu d’or¬ gane aussi constant que les appendices des angles postérieurs de ce bouclier, qui présentent toujours la même direction. Quand une force les a obligés à se dévier , il m’a toujours été facile de reconnaître qu’à chaque endroit où il y a eu flexion , il y a eu en même temps rupture. Les caractères du bourrelet sont sensible¬ ment différents ; il a pu presque impunément être soumis à toutes espèces de modifications sans offrir de résistance , excepté dans SI 5 SÉANCE DU 21 DÉCËMBRE 18/l6. un très petit nombre de cas , comme celui, par exemple, où une force latérale tendait à en diminuer le diamètre par un rappro¬ chement des deux côtés. Je n’ai jamais rencontré de bouclier ainsi modifié sans que le bourrelet se soit présenté rompu vers son milieu ou à peu près , et toujours j’ai remarqué que l’endroit de la cassure le plus net était près du bord extérieur , tandis que , près des lobes, la cassure présente quelque chose de déchiré. Des lobes . — Les caractères que cette partie du bouclier présente sont diamétralement opposés à ceux que présentent les appendices; car si ces derniers n’ont pu subir aucune espèce de déformation, il n’en est pas, au contraire, que n’aient subie les lobes , de telle sorte qu’il ne m’a pas été possible de rencontrer deux échantillons dont les lobes eussent exactement le même aspect. Ces déforma¬ tions démontrent que ces lobes jouissaient de la plus grande flexi-^ bilité, et que la membrane qui les formait était assez tenace pour résister à toutes les forces qui se sont exercées sur elle. De V abdomen et du post-abdomen . — Ces deux parties de l’ani¬ mal présentent des cas de modification inégale : l’abdomen est ordinairement plus déformé que le post-abdomen , ce qui est dû , je crois, à ce que ce dernier était plus épais; car ces deux parties du corps me semblent avoir été de même nature. RÉSDMÉ. Après avoir reconnu de la manière la plus évidente que les ap¬ pendices ou prolongements des angles du bouclier avaient été d’une composition telle , qu’ils n’avaient pu se prêter à aucune modification dans leur forme, et qu’ils se présentaient toujours à l’état de fer sulfuré et constamment entourés d’une épaisse couche de chaux sulfatée ; après avoir démontré que tous ces caractères sont exactement les mêmes que ceux que m’ont présentés les co¬ quilles du premier groupe, dont le test était certainement de nature calcaire ; après avoir enfin fait observer que les coquilles du second groupe présentaient d’autant moins de fer sulfuré qu’elles paraissent avoir été plus flexibles , je me crois donc suffisamment autorisé à pouvoir conclure que , soit pour les différentes coquilles , soit pour les appendices de ce fossile , la quantité de calcaire qui entrait dans leur composition est justement représentée par la quantité de fer sulfuré qui s’y trouve. Quant au bourrelet, bien que, comme les appendices , il se présente constamment à l’état de fer sulfuré , et toujours recouvert d’une couche de chaux sulfatée , cependant , comme il a pu subir un grand nombre de déformations , sans 316 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. toutefois s’être prêté à toutes celles auxquelles il a été soumis , il y a lieu de supposer qu’il devait contenir une certaine quantité du principe solidifiant , c’est-à-dire du calcaire. Cette matière était probablement inégalement répartie, puisque la résistance qu’a opposée le bourrelet n’était pas égale partout, et que ce n’est que sur le bord circulaire extérieur que la cassure a pu s’effectuer d’une manière un peu nette, tandis que cette cassure est d’autant plus irré¬ gulière qu’on s’approche des lobes. Quant à ces derniers , ils m’ont toujours offert les déformations plus variées, sans qu’il m’ait été pos¬ sible de reconnaître qu’ils se soient jamais rompus ni même déchi¬ rés. J’en conclus donc que le bourrelet et les lobes étaient formés d’une substance cornée d’une flexibilité et en même temps d’une ténacité extrêmes , laquelle substance contenait du calcaire , dont la quantité la plus abondante se trouvait le long du bord extérieur du bourrelet, et diminuait de plus en plus en s’approchant vers les lobes où il ne s’en trouvait plus. Quant à l’abdomen et au post-abdomen , comme lorsqu’ils ne sont pas enroulés sur eux- mêmes, ils ne présentent pas de fer sulfuré, je suis porté à croire qu’ils ne contenaient pas de calcaire. Actuellement que je viens de poser en principe que le fer sulfuré est le représentant du cal¬ caire qui se trouvait primitivement dans le test de ces fossiles , voilà comment je m’explique la transformation qui a pu s’effec¬ tuer. Les molécules minérales qui entrent dans la composition des matières organiques se trouvent dans un état où les affinités chi¬ miques qu’elles peuvent avoir sont complètement neutralisées , état dans lequel elles se sont maintenues tant que l’animal a vécu. Mais dès que la cause qui les a réunies aura disparu , alors les af¬ finités qu’elles ont, soit entre elles, soit avec d’autres principes, agiront d’une manière plus ou moins simultanée , et la désorgani¬ sation de la matière organique en sera le résultat plus ou moins immédiat , et il ne restera plus, dans le plus grand nombre des cas , que la forme du corps. Je me contenterai de citer un seul fait , parce qu’il présente quelques analogies avec ce qui a du se passer chez les fossiles que j’étudie. J’ai remarqué ce fait en 1836 sur un os provenant d’un incendie qui eut lieu à Hernies en 1720: après l’incendie , on avait rempli des douves qui se trouvaient sur le bord de la Vilaine avec les décombres qui en provenaient ; là se trouvaient entassés des débris de toutes sortes , des os , des fer¬ railles, du cuivre, etc. , et, en 1836 , pour la reconstruction d’un pont, on mit à découvert beaucoup de ces objets. Tous les os se trouvaient déjà pénétrés d’oxyde de fer et de cuivre , dont la cou¬ leur vert-bleuâtre s’approchait parfois de la turquoise ; parmi les 317 séance du 21 décembre 18 1\6. nombreux échantillons que je ramassai , F un d’eux était couvert de phosphate de fer pulvérulent, et que je brisai: il me présenta à la cassure des taches bleues , où la structure organique avait fait place à une texture cristalline saccharoïde; je reconnus en même temps que la cavité médullaire était tapissée dans différents en¬ droits par des cristaux que je reconnus pour être de la vivianite , tandis que de l’autre côté de la rivière , dans une argile d’alluvion , je trouvai des débris et des fruits de coudrier complètement trans¬ formés en la même substance , mais à l’état pulvérulent. Or, voilà ce qui s’est passé : les os étant formés en grande partie de phos¬ phate de chaux, l’acide phospliorique ayant plus d’affinité peur l’oxyde de fer que pour la chaux , en présence les uns des autres, ils se sont combinés , et il en est résulté du phosphate de fer. Mais si , au lieu d’un phosphate de chaux , on avait eu affaire à un carbonate de chaux , il en serait résulté un carbonate de fer : c’est justement ce qui a dû arriver dans le cas où se pré¬ sentent les fossiles que j’étudie; il est même arrivé quelque chose de plus , car l’acide carbonique ayant plus d’affinité pour l’oxyde de fer que pour la chaux , ce dernier a été mis en liberté pour être remplacé par le fer ; celui-ci , à son tour, ayant plus d’affinité pour le soufre qui se trouvait en présence à l’état d’acide sulfurique que pour l’acide carbonique , il est résulté que ce dernier, à son tour, a été mis en liberté pour faire place au soufre. L’acide sulfurique se trouvant en excès, s’est combiné avec l’oxyde de calcium , qui avait tout d’abord été mis en liberté, pour former le sulfate de chaux qui maintenant enveloppe tous les fos¬ siles dans la composition desquels il entrait ; l’abondance de ce der¬ nier autorise à conclure que les fossiles , ou simplement la partie du fossile sur lequel il se trouve était plus riche en calcaire. En effet, c’est aussi sur les coquilles du premier groupe que je l’ai observé en plus grande abondance ; ensuite, ce sont les appendices ou pro¬ longements des angles postérieurs du bouclier des Trinucleus qui m’en ont offert le plus ; en troisième ordre se présentent les bour¬ relets ; il s’en trouve bien aussi sur les autres parties du même ani¬ mal quand elles sont transformées en fer sulfuré , mais c’est en très petite quantité , ce qui , du reste, prouve que l’oxyde de cal¬ cium avait été mis en liberté , puisqu’il s’en trouve un peu de dis¬ persé ; mais la plus grande quantité se retrouve dans le voisinage même de la partie qu’il occupait. Quant à la transformation en fer sulfuré des parties de l’animal qui ne contenaient pas de cal¬ caire dans leur composition , voici comment je me l’explique. Dès qu’un corps est en voie de se décomposer par les affinités qu’ont 318 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/l(5. ses principes constituants pour d’autres dont les molécules sont dispersées dans le milieu environnant, l’attraction , une fois déterminée , se continue sur toutes les molécules jusqu’à une cer¬ taine distance, et tant qu’elles trouveront à se placer en se juxta¬ posant , elles afflueront même après la complète transformation du corps qui en aura déterminé l’attraction. Tous les corps organiques en voie de se décomposer qui se trouveront en contact avec celui- ci subiront la même conséquence , et se trouveront bientôt trans¬ formés de la même manière que s’ils avaient joui des mêmes affinités , et c’est, en effet, ce qu’ont éprouvé les lobes de la tête , l’abdomen et le post- abdomen , quand ils étaient enroulés ou tout simplement en contact; alors ils se trouvaient en quelque sorte au centre d’un cercle d’attraction dont ils ne pouvaient manquer de subir les effets ; tandis que , l’abdomen étant redressé , comme il ne tenait à la tête que par une membrane très mince , toute commu¬ nication a cessé d’exister entre ces deux parties, et l’abdomen, qui par lui-même n’était pas de nature à subir les mêmes attractions que le bouclier, n’a pas été transformé en fer sulfuré. Substances minérales rappelant peu ou point des corps organiques. Dans les mêmes gisements, j’ai rencontré un grand nombre de corps qui , par leur aspect et les caractères qu’ils m’ont offerts , ont appartenu à des êtres organisés; mais le trop petit nom¬ bre, de caractères qu’ils m’ont présenté ne m’a pas permis de pou¬ voir les déterminer ; cependant , à l’aide des conclusions que je viens d’exposer , j’ai déjà pu reconnaître les classes auxquelles ils doivent avoir appartenu. Avec les fossiles dont je viens de m’oc¬ cuper, et ces restes qui ne rappellent presque plus rien du règne organique , se trouvent aussi des masses amorphes de fer sulfuré , recouvertes à Poligné de chaux sulfatée. Or, comme j’ai trouvé plusieurs coquilles qui , à cause de l’abondance de fer sulfuré qui les recouvrait , pouvaient à peine être reconnues pour des corps organisés , on peut concevoir que , dans le cas où le fer sulfuré se fût trouvé un peu plus abondant , elles en auraient été complète¬ ment recouvertes , et n offriraient plus maintenant qu’une masse informe; ce qui est bien certainement arrivé pour un grand nom¬ bre de cas ; et il a suffi que plusieurs coquilles ou autres substances calcaires se soient trouvées dans le voisinage les unes des autres , pour que 1 attraction moléculaire soit devenue plus puissante et ait pu donner naissance à ces masses amorphes que l’on rencontre si abondamment et qui n ont pu se former qu’autour d'un centre luiua ées , F ne iu su I w vo „ seu- 1. De 8 articulations très plates , bien peu arquées. mement plates, peu ar¬ quées, au lobe moyen seu¬ lement. • Occupant plus d’un tiers de la longueur totale de l’animal. N’occupant pas un quart de la longueur totale de l’a¬ nimal. es de nt on lieu , jints , e des laines Forme très plate, trilo- bation distincte, articula¬ tions séparées par un sillon peu profond. Forme très plate, trilo- bation très distincte seule¬ ment par la saillie que forme le lobe moyen , of¬ frant à peine quelques li¬ gnes 1 gères pour indices des articulations. • Comme ci-contre. Comme ci-contre. cal- e ai- mi lot rit an . Comme ci-contre. Ne présentant jamais que le bouclier à l’état de fer sulfuré ; trouvé dans un schiste ardoisier. nx qu’ils le les étaient coipartie III . fi§* 4ir pu Je ces aü/elop- S- 2); L’état et la disposition que présentent les diverses par¬ ties du test de ces fossiles, joints à l’imperfection et peut- être bien à l’absence complète des organes de la vue , nous indiquent suffisamment que leurs habitudes devaient être fort restreintes. Le développement qu’affecte le bou¬ clier, surtout dans ses appendices, en venant protéger l’abdomen , prouve que ce dernier n’avait pas en lui de suffisantes garanties, et, dans le plus grand nombre de cas, on peut regarder le bouclier comme étant la pièce principale sous le rapport de la sécurité (v. pl. 111 , fig. 1). Au bouclier des Trinucleus près , le test de ces fossiles ne présente jamais de fer sulfuré. . 318 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1 8 A<5 . ses principes constituants pour d’autres dont les molécules sont dispersées dans le milieu environnant , l’attraction , une fois déterminée , se continue sur toutes les molécules jusqu’à une cer¬ taine distance, et tant qu’elles trouveront à se placer en se juxta¬ posant , elles afflueront même après la complète transformation du corps qui en aura déterminé l’attraction. Tous les corps organiques en voie de se décomposer qui se trouveront en contact avec celui- ci subiront la même conséquence , et se trouveront bientôt trans¬ formés de la même manière que s’ils avaient joui des mêmes affinités , et c’est, en effet, ce qu’ont éprouvé les lobes de la tète , l’abdomen et le post- abdomen , quand ils étaient enroulés ou tout simplement en contact; alors ils se trouvaient en quelque sorte au centre d’un cercle d’attraction dont ils ne pouvaient manquer de subir les effets; tandis que , l’abdomen étant redressé , comme il ne tenait à la tête que par une membrane très mince , toute commu¬ nication a cessé d’exister entre ces deux parties, et l’abdomen, qui par lui-même n’était pas de nature à subir les mêmes attractions que le bouclier, n’a pas été transformé en fer sulfuré. Substances minérales rappelant peu ou point des corps organiques. Dans les mêmes gisements, j’ai rencontré un grand nombre de corps qui , par leur aspect et les caractères qu'ils m’ont offerts , ont appartenu à des êtres organisés; mais le trop petit nom- bre.de caractères qu’ils m’ont présenté ne m’a pas permis de pou¬ voir les déterminer ; cependant , à l’aide des conclusions que je viens d’exposer , j’ai déjà pu reconnaître les classes auxquelles ils doivent avoir appartenu. Avec les fossiles dont je viens de m’oc¬ cuper, et ces restes qui ne rappellent presque plus rien du règne organique , se trouvent aussi des masses amorphes de fer sulfuré , recouvertes à P aligné de chaux sulfatée. Or, comme j’ai trouvé plusieurs coquilles qui , à cause de l’abondance de fer sulfuré qui les recouvrait , pouvaient à peine être reconnues pour des corps organisés , on peut concevoir que , dans le cas où le fer sulfuré se fût trouvé un peu plus abondant , elles en auraient été complète¬ ment recouvertes , et n’offriraient plus maintenant qu’une masse informe; ce qui est bien certainement arrivé pour un grand nom¬ bre de cas ; et il a suffi que plusieurs coquilles ou autres substances calcaires se soient trouvées dans le voisinage les unes des autres , pour que 1 attraction moléculaire soit devenue plus puissante et ait pu donner naissance à ces masses amorphes que l’on rencontre si abondamment et qui n ont pu se former qu’autour d'un centre TABLEAU COMPARÉ DK TBILOB1TES TROUVÉS DANS LE DÉPARTEMENT DTLLE- ET -VILAINE. — Par M. Marie ROUAULT. TIUHUCLEIIS De Scs“£ ^Sgu-a -tSsïSSsrtfs 5»:ei.b.”.a ' srati-Æ^s aSSSsc . r..J. “* *swar~ -r,..r . , ... 0n s;?ï=S5 0., .. l-‘„, r.M. JSCnsLi,-!!: CBIlipItUIBilil ..U. ’TJSMt * — — Tm ïïr - — ... “~S~a lErÿrrg SïSSH 2-Æjü S £2^ Ê'Wa ,.S>S5i . r— -Atyttsys <— i-ïstfitti. r3ïüœss (-S“=r iSS’S! SS=S“ ~ÏÏS*£ =SIS « «: sr — i:=-SS5“ £-«*«= ” Z3*'Àz2::’?Z' ïtv:. — — patres» g^c^Ss.’1* isrSiït s=- H£? sss §fM£ <£uâr — — ...... ..... qJ*ülta 0. lim,u. — C-— . «~™ * Du TEST. ..in ÆWas =£S£S |'“"1.'"," "'?.»• ™"b" cessent £S="--‘ SK'S’;!" skis SS|iS3SS=S ' _ _ _ _ _ _ i - ■ — Sm * j . 01 . ‘1 . I . 1 > • ; > i ! 319 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/jÔ. d’attraction, La constance avec laquelle celles de Poligné se pré¬ sentent toujours , entourées d’une forte couche de cliaux sulfatée, comme tous les fossiles dans la composition desquels il entrait du calcaire, prouve bien évidemment que là aussi il y a eu des corps organisés (1). M. Delanoue demande à M. Rouault si sa théorie est relative au cas particulier des Trilobites de la Bretagne, ou s’il prétend la généraliser aux autres fossiles qui présentent des épigénies analogues. M. Rouault répond qu’il n’a observé encore que la Bretagne, mais que les fossiles qu’il a eu occasion de voir dans les collec¬ tions lui donnent lieu de penser que ses idées sont applicables à toutes les épigénies semblables. (I) Le schiste de Poligné est exploité dans le voisinage d’une faille, dont la direction est indiquée par le lit même de la rivière le Samnon, à peu près de l'E. à l’O . , et dont l’énergique action se manifeste par l’inclinaison constante que présentent les couches d’une extrémité à l’autre de cette rivière, et par les modifications apportées aux roches sur différents points, notamment à Poligné. L’état de modification que présentent les roches de cette localité est tellement caractérisé , qu’il a fait dire à plusieurs personnes qu’il y avait eu là un volcan , tandis que d’autres ont avancé que leur état était dû à l’inflammation des pyrites qui sont très abondantes dans ces schistes. Je ne partage au¬ cune de ces opinions; le phénomène d’inflammation, produit par la présence des pyrites se manifeste dans les houillères là où il peut se trouver à la fois dégagement d’hydrogène carboné et production de chaleur par la décomposition du fer sulfuré Mais dans le schiste ar- doisier où le fer sulfuré se trouve à Cabri du contact de l’air et de l’humidité, sans le concours desquels ce minéral ne peut être altéré, là où le combustible manque en même temps, on ne peut expliquer ainsi la production de la chaleur qui a modifié la roche elle-même et dont l’intensité était bien certainement supérieure à 3,000 degrés; fait qui est démontré par la nature même des roches modifiées qui s’y rencontrent. Ces conséquences me portent à conclure que cette hypo¬ thèse n’est pas plus fondée que la supposition d’un volcan. L’altération des roches de Poligné n’est due, ce me semble , qu’à ce qu’elles se trouvent sur l’emplacement d’une faille , dont la date me paraît ap¬ partenir aux dernières révolutions du globe. Dans un Mémoire que j’ai le projet de publier très prochainement sur les roches des environs de Rennes , je compte m’étendre plus longue¬ ment sur ce sujet et faire connaître les différentes roches que j’y au¬ rai reconnues , de même que celles d’autres points qui ne me pa¬ raissent pas suffisamment expliquées, et enfin d’autres qui , je crois, n’ont pas encore été observées. 320 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE '18/tO. M. de Yerneuil communique ix la Société le catalogue suivant des fossiles trouvés en Bretagne par M. Marie Rouault : Catalogue des fossiles du terrain paléozoïque des environs de tiennes. Trilobites. Genres Calymene. . . » I • Proetits. . . . PlIACOPS. . . . • • • • Espèces. Localités. 1. Blumenbachi ( Brongniart ) . La Couyère. !La Couyère, Angers, Bain, Vitré, la Hu~ naudière, Caro ' (Morbihan). 3. Tourncmini (Rouault), cette espèce a\ quelque rapport avec la Calym. Fis- \ chéri (Eichvv.) par la brièveté du lobe i médian du post-abdomen qui ne s'étend jLa c è pas jusqu à 1 extrémité de celui-ci; elle çrs J n’a en tout, abdomen et post-abdomen /y.^ ’ compris, que 15 articulations, au lieu l de 23 ; dans l’une comme dans l’autre, ) l’abdomen et le post-abdomen ne se 1 distinguent pas l’un de l’autre. . . h. Cuvieri ( Calymena concinna Dalman ). Gahard. 5. Macrophthalmus (Brongniart), sp. . Gahard. / La Couyère , \ Bain, Angers, 6. Daivmnyiœ (Murclnson ), sp. . . . < yjtr^ la Hu- V naudière. . . . . 7. Longicaudatus ( Murchison ) , sp. La/ p0ijen£ gajn réticulation des yeux, dans cette es-) j>0y ^es pèce, offre une disposition nouvelle.) r nrnt!L (Voir l’explication delà planche). . . . . 8. Dujardini ( Rouault ) , espèce voisine du Phacops Murchisoni (Portl.) ; elle n’a qu’un sillon transverse sur le lobe moyen de la tête, lequel sillon est à la hauteur des yeux ; la tête se ter¬ mine en avant par une petite pointe en forme de corne . Poligné. Crypheus. . . 9. Calliteles (Green) . Gahard. Polyeres. . . 10. Dufrenoyi (Rouault), se distingue des genres connus par des appendices subcylindriques, déliés, libres, et longs de 6 à 7 centimètres, qui font suite aux articulations latérales de l’abdo¬ men . Poligné. Prionocheilus. . 11. Verneuili (Rouault), se distingue des genres conuus par la réunion des quatre caractères suivants ; 1° la lèvre est garnie d’une série d’appendices courts en forme de dents dont la pointe est tournée en dedans ; 2° le lobe mé¬ dian de la tête se rétrécit d’arrière 321 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. trcnres. Cheïîrurus. IlLCENUS. Nilqeus. Ogïgia. Espèce*. Localité». en avant, et est divisé de chaque côté par deux sillons formant deux tuber¬ cules, dont les inférieurs sont sub- Iri angulaires ; 3U les deux lobes laté¬ raux se réunissent et forment un large limbe en avant du lobe médian ; 4° les articulations des lobes latéraux du post-abdomen sont divisés par un sillon à peine sensible. L’abdomen est formé de dix articulations . Poligné. 12. claviger (Beyrich) . Vitré. 13. Durocheri (Rouault), petite espèce; diffère de la précédente en ce qu’elle présente un nombre égal d’articula- tions sur les trois lobes du post-abdo¬ men ; les articulations des lobes laté¬ raux sont globuliformes. 14. crassicauda ( Dalman ) 15. Desmaresti ( Ogygia Desmaresti Bron- ( gniart , et Illænus qiqanteus Bur- < . c n bœuf’ BourS- meisle,; . { des-Comtes. 16. Beaumonti (Rouault); huit articula¬ tions à l’abdomen ; il se distingue du Nilœus Annadillo par sa grande taille, par une moindre inégalité entre les lobes latéraux et le lobe médian , enfin par quatre rangées de sept à huit points chacune sur le post-abdo¬ men . . La Couyère. j„4i (La Couyère, 17. 18. Trimcleus. Vitré. La Hunaudière. Angers, Bain, Vitré , Tre- (Brongniart), sp. .... • { Bain> Edwardsi ( Rouault ), plus ellipsoïde i La Couyère, que la précédente, ù bords plus épais, f Bain. (La Couyère, Angers, Bain, 19. Guettardi ( Brongniart ). ' Vitré , Si on , La Hunau- dière. 20. Pongerardi (Rouault), se distingue des autres espèces par la bifurcation du prolongement des angles postérieurs du bouclier. . . Poligné. Céphalopodes. Orthoceratites. 21. vegularis { Schlot. ), . 22. — Indéterminé Nautilus. . . 23. — Indéterminé Bellerophon. . 24. bilobatus (Murchison). . . . . Izé, Gahard. . La Hunaudière. . Gahard. . Bain, Vitré. G as téropodes. Evomphalus. . . 25. Letestu (Rouault), petite espèce fine¬ ment striée longitudinalement . . . Gahard. Turbo. . . . 26. — indéterminé. . . Vitré. Acroculia. . . 27. — indéterminé. . . Poligné. . . . 28. Autre espèce indéterminée . Gahard. Soc . géol.t 2e série, tome IV. 21 322 SÉANCE DU 21 DÉCEMCKE 1816. Conchifëres. Genre?. Espèces. Localités* Pholas. . • .29. Cordicri (Rouault) , ayant quelques rapports avec la Pholade silicule de Lamarck . Galiard. Isocardia. . . 30. Valencienni ( Rouault ) , rappelant à quelques égards une Isocarde de Chine. Galiard. Nucula. . . .31. Chauveli (Rouault), épaisse, triangu¬ laire, à lunule légèrement arquée. . LaCouyère. . . . 32. Duvaliana ( Rouault ), plus épaisse et plus grande que la précédente. . . Poligné. . . . 33. Deglandi (Rouault), transverse, épaisse, à lunule très arquée . Poligné. . . . 3 A. Bertrandi ( Rouault ) , triangulaire , peu épaisse ; lunule légèrement ar¬ quée . Poligné. . . . 35. Morreni (Rouault), très transverse, terminée en pointe du côté postérieur, crochets peu saillants . Poligné. Arca . 3G. Orbignyana (Rouault), traversée par une côte oblique qui s’étend à l’angle inféro-postérieur . Vitré. Aviclla. . . . 37. — Indéterminé . . . Galiard. Brachiopodes. Terebratula. . 38. lepida (Goldfus) . Galiard. . . 39 reticularis (Walli.) . Galiard. . . AO. conccntrica (Buch) . Galiard. . . A4. Wahlembergii (Goldfuss). Nos échan¬ tillons semblent en être une variété. Galiard. Pentamerus. . . A2. galeatus (Dalman) . Izé. . . A3. Saint-Hïlairei (Rouault), voisin du précédent , mais dépourvu de plis longitudinaux . Galiard. Spirifer. . . .AA- heteroclitus (Defr. ) . Galiard. . . . A'5. Bouchardi (Murchison) . Galiard. . . . A6. Verneuili (Murchison) . Galiard. . . . A7. Rousseau (Rouault), voisin du précé¬ dent, diffère par le sinus lisse. . . Galiard. . . . A3. Guyoti (Rouault) ; coquille transverse, plus large que longue, couverte de stries concentriques ; sinus marqué , ce qui la distingue du Spirifer li- neatus . Galiard. Orthis. . . . A 9. umbonata ( Dell hy ris Conrad). . . . Galiard. . . . . 50. Hamoni (Rouault), voisin de l’Orthis Galiard. Michelin i, et aussi d’une espèce propre au Hamilton group de l’État de New- York . Galiard. . 54. striatula (Schlotli.) . Galiard. . 52. umbraculum (Schlotli.), petite variété à stries fortement crénelées. . . . Galiard. . . 53. Baylei ( Rouault), très petite espèce finement striée, A valve dorsale pour¬ vue d’un grand crochet ( groupe des llecto-striala’ de M. de Verneuil). . Galiard. 323 Genre.». OSTHIS. Leptoena.. 1(1. . . Id. . . Id. ïd . • • Id. . . • Id. . • • Chonetes. • • Id. . Productus. Orbicula. . SÉANCE TU 21 DÉCEMBRE 18^6. Espèce*. Localité*. . 54. Voisini ( Rouault ), petite espèce à valves inégales , valve dorsale subcarénée et relevée au front, valve ventrale plate. Voisine de VOrthisparva . Galiard. • 55. Serrurieri ( Rouault ) , petite espèce à valves égales ; coquille finement striée ; valve ventrale creusée par un sinus et relevant au front la dorsale. . . . Galiard. . 56. laticosta (Conrad) . Galiard. . 57. Murchisoni (Arcliiac et Verneuil). . Galiard. . 58. Duteptrii (Murchison ). ..... Galiard. . 59. Gaultieri (Rouault); à stries fines très nombreuses, séparées par des stries plus épaisses : forme de la coquille peu bombée . Galiard. . 60. Fischeri (Verneuil) . Galiard. . 61. depressa (Sowerby) . Gahard. . 62. Caillaudi (Rouault), à stries inégales et à bords géniculés. Valve dorsale concave. Voisin du L. funiculata, . Gahard. . 63. Pechoti (Rouault); coquille transverse, 12 millimètres environ , très bombée ; stries très marquées ...... Gahard. . 64- Boulangeri ( Rouault ) , espèce distin¬ guée de la précédente par ses stries plus fines et plus nombreuses . . . Galiard. . 65. subnculeatus (Murchison) . Gahard. . 66. — Indéterminé . . . Gahard. Radiai res. Eugeniacrinites. 67. Boitardi ( Rouault ) , très voisine de l 'Eugeniacrinites mespiliformis de Goldfuss, distincte par sa forme plus allongée et le plus grand développe¬ ment de ses bras et des arêtes où ils prennent naissance . Gahard. Platycrinites. . 68. — Indéterminé . . . Gahard, Pentacrinites. . 69. — Indéterminé . . . Gahard. Rhodocrinites. .70. — Indéterminé . . . Galiard. 71. Plus une trentaine de fragments de tige f Gahard, de forme différente également indéter- j Vitré, minés . (La Couyère. Polypiers . Litiiodendron. . 72. — Indéterminé . . . Gahard. ( Hyenville, Cyatopiiyllum, . 73. 12 à 15 espèces . I La Baconnière, ( Gahard. Favosites. . . 74. Gothlandica ( Lamarck ) . Gahard. Criserpia. . . 75. Michélini (Edwards) . Gahard. Ceriopora. . . 76. — Indéterminé . . . Gahard. Rktepora. . . 77. — Indéterminé . . . Gahard. Tentacllites. . 78. — Indéterminé . . . Gahard. J / M. de Verneuil, qui a examiné avec intérêt le résultat des 32/j SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE !8/l(î. patientes recherches laites en Bretagne par M. Rouault,a vu avec plaisir que les fossiles qu’il y a découverts viennent confir¬ mer plusieurs conclusions auxquelles M. d’Archiac et lui étaient arrivés, touchant la classification des localités fossilifères les plus importantes de cette contrée. Il soumet à la Société les observations suivantes : 1° Les schistes d’Angers, de la Hunaudiére, de Sion , de Bain, de Poligné, de la Gouyère et de Vitré, ainsi que ceux de Siouville (Manche), sont contemporains, et contiennent pres¬ que les mêmes fossiles -, 2° Ces schistes appartiennent au système silurien inférieur. Les T rilobi tes que l’on en possède depuis longtemps, telles qu eV Ogygia Guet-tardif Brong., et YU/œnus giganteus, Burm., ainsi que celles que MM. de Verneuil et d’Archiac y ont décou¬ vertes, c’est-à-dire Y Illœnus crassicauda , Daim., et le Ckeirurus claviger , Beyr., suffisaient déjà pour leur assigner cette posi¬ tion j mais parmi les espèces que M. Rouault y a trouvées, il en est trois, Ogygia Buchii , Phcicops longicaudatus et Tri- nucléus Pongerardi , qui ne peuvent laisser aucun doute. La première est tout à fait caractéristique de l’étage inférieur du système silurien, et la dernière est si voisine du Trinucleus (urnetnei, qu’on peut croire qu’elle a vécu à la même époque (1). 3° Les calcaires et schistes de Gahard prés Rennes, sont les mêmes que ceux de la rade de Brest, d’Izé près Vitré , de la Ba- baconnière, de Chalonnrs sur les bords de la Loire, et très pro¬ bablement aussi les mêmes que ceux de Nchou (Manche). Quant à l’âge de ces roches, elles semblent être contemporaines de celles qu’on appelle dévoniennes dans l’Eifel, à Ferques près Boulogne, (l) Le genre Trinucleus se présente en Angleterre dans les deux divisions principales de Y étage inférieur du système silurien et en Amérique , dans les couches à peu près correspondantes de Trenton et de Hudson-Biver , qui ont ensemble une épaisseur de plus de 1,200 pieds. Il ne paraît pas, dans ce dernier pays, descendre tout- à-fait jusque dans les couches fossilifères les plus basses. 11 en est de même en Bohême, selon M. Barrande. Dans aucune contrée il ne s’élève jusqu’au système silurien supérieur , si ce n’est peut-être en Angle¬ terre, où l’on prétend qu’il vient d’être récemment découvert dans les couches inférieures de Wenlock. 325 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1840 . et dans le Devonshire. Le catalogue de M. Rouault contient les espèces dévoniennes suivantes, provenant de Gahard : Proetus Ciwieri , Phacops macrophtlialmus , Terebratala lepidci ,7. con- centrica , T. W ahlember^ii , Spirifev Bouchard; , N. hetero- clitus y S. Verneuili , Loptœna Dater trii , Orthls umhraculum . A ce sujet, M. de Verneuil appelle l’attention de la Société sur la découverte que M. Rouault a faite à Gahard de trois espèces de fossiles connues aux Etats-Unis, et qui n’avaient jamais encore été trouvées en Europe, savoir: Cijphœus calliteles , Orthis undjonata , Leptœna laticosta. La position si bien déterminée de ces trois espèces dans l’Etat de New-York peut aider à bien fixer la place que doivent occuper dans la série paléozoïque les calcaires et schistes de Gahard. En Amérique ces espèces se trouvent dans un grand étage de Psammites, appelé H antilion group, et supérieur non seulement au calcaire de Niagara , qui est l’équivalent du calcaire de Wenlock , mais encore aux couches d’IIelderberg. l\° Le terrain silurien supérieur , ou l’étage de Wenlock, pa¬ raît manquer en Bretagne, ou du moins n’y est pas représenté par des couches fossilifères. M. de Verneuil fait observer aussi que le nouveau genre pro¬ posé parM. Rouault sous le nom de Prionocheilus pourrait bien être identique avec la Calymene pulchra (Barrande) des grès de Wessela en Bohème. Les prolongements du bouclier, la forme et le nombre des articulations que M. Rouault croit être do dix, l’ont engagé séparer cette espèce du genre Calymene . Explication de la planche du Mémoire sur les Trilobites d’ 1 Ile-et-Vilaine , par M. Marie Rouault. Fig. 1. — Tri nucléus Pongerardi ; animal entier reconstruit d’après l’ensemble des caractères fournis par plus de deux mille échantillons ( grandeur naturelle ). I a. Le même , enroulé , vu en dessous , montrant à la fois la ponc¬ tuation de la face inférieure du bourrelet , lequel entoure la pièce épistomienne , qui se trouve en partie cachée par les lobes de l’ab¬ domen; le post-abdomen n’est pas visible, se trouvant constamment sous l’abdomen quand l’animal est enroulé. 1 b. Jeune individu enroulé, vu en dessous, et dont une partie des lobes de l’abdomen manque , ce qui permet de voir la position que prenait le post-abdomen quand l’animal s’enroulait. 326 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 1 c. Coupe longitudinale du même, faisant voir à la fois le rapport qui existait entre les points renfoncés de la face supérieure du bourrelet e,e,e , et ceux de la face inférieure dpi pi, l’épistome j , le lobe moyen delà tête g-, l’abdomen h , et enfin la position du post¬ abdomen i ( double de grandeur naturelle). Fig. 2. — Nilœus Bcaumonli ; individu de moyenne taille, montrant sur le milieu du post-abdomen quatre rangées de points, comme dernières traces des articulations (d’après nature). Fig. 3. — Prionoclieilus Verneuili (grandeur naturelle; d’après nature ). 3 a. Partie du bord inférieur de la lèvre du Prionoclieilus F er- neuili (d’après nature ). Fig. 4. — Calymcne Tournemini (grandeur naturelle ; d’après nature). Fig. 5. — Phacops Dujàrdini (grandeur naturelle; d’après nature). Fig. 6. — Pholas Cordieri (grandeur naturelle ; d’après nature ). Fig. 7 — Leptœna laticosta ( de moyenne taille ; d’après nature ). 7 a. Coupe du même. Fig. 8. — 8 a. 8 b. Orthis umbonatci (de moyenne taille; d’après nature ). Fig. 9. — Œil du Phacops Downingiœ (1), sur lequel il ne reste plus Note sur les organes de la vue des Trilobites , par M. Marie Rouault. (1) Jusqu’ici on n’avait encore signalé que deux parties distinctes dans la structure des yeux réticulés que présentent certaines espèces de Trilobites, savoir : un tubercule dont la forme rappelle plus ou moins celle d’un cône tronqué obliquement , lequel est couvert sur son pourtour seulement d’un grand nombre de petits corps de forme plus ou moins lenticulaire et dont l’ensemble constitue la réticulation de ces organes. A l’aide des observations que j’ai pu faire sur les nombreux échan¬ tillons que j’ai recueillis en Bretagne , et sur ceux venant de l’Eifel , que je dois à l’honorable libéralité de M. Dujardin , j’ai été à même de reconnaître dans la structure de ces yeux deux autres parties bien distinctes qu’il me semble important de faire connaître. La première se trouve interposée entre le tubercule commun et les lenticules dont je viens de parler ; elle est , suivant les espèces , re¬ présentée tantôt par une simple couche comme chez le Phacops Downingiœ , présentant autant de petites fossettes qu’il existe de len¬ ticules, chacune d’elles étant remplie par une de ces dernières ; chez d’autres espèces , telles que le Phacops macrophthalnuis , elle se com¬ pose d’une série de petites coupes indépendantes les unes des autres , égales en nombre à celui des lenticules qu’elles reçoivent; et ces pe¬ tites pièces qui ont la forme d’une capsule dans l’espèce que je viens de citer, se présentent chez le Phacops longi caudatus comme autant do petits tubes au sommet de chacun desquels se trouve une lenticule. Tous ces petits tubes réunis rappellent assez bien par leur disposition 327 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18 46. que quelques traces de la couche dans laquelle se trouvaient in¬ crustées les lenticules ; la forme très régulière et lisse de ce tuber¬ cule prouve bien que cette couche ne faisait pas corps avec lui (grandeur naturelle d’après nature). 9 a. Position de cette même couche, montrant les fossettes qu’occu¬ paient les lenticules (vue sous un très fort grossissemeut, d’après nature ). 9 b. Portion de la même couche avec les lenticules ( même grossisse¬ ment , d’après nature). Fig. 10. — Œil du Phacops Macrnphthnlmus ( grandeur naturelle d’après nature). 1 0 a. Position du même , montrant la forme des capsules ( même grossissement que pour les portions de l’œil de l’espèce précédente , d’après nature ). 10 b. Portion du même œil, avec les lenticules ( même grossissement, d’après nature ). 10 c. Portion du même, montrant la cornée dont les mailles servent celle qu’affectent les graines dans un fruit de tournesol , où chacune n’offre de visible qu’un petit mamelon au sommet duquel se distingue l’impression laissée par la fleur, impression qui rappelle celle des len¬ ticules dans les yeux de ce fossile. La deuxième partie que je signale à l’attention des savants est l’existence d’une cornée dont la disposition n’a rien de commun avec ce que l'on a pu ohserver jusqu’à présent. Chez ces fossiles , comme chez beaucoup d’animaux , la cornée fait partie du test ; mais ce qu’elle n’a de commun avec aucun autre, c’est la disposition qu’elle affecte, disposition qui a pu empêcher qu’on n'en ait reconnu l’exis¬ tence ; sa forme est celle d’un réseau dont les mailles correspondent exactement avec les lenticules pour le nombre et la disposition , et son épaisseur est telle dans la partie qui se trouve entre ces dernières , que non seulement elle remplit tout l’espace qui les sépare , mais en¬ core elle les dépasse de beaucoup à l’extérieur , de sorte que chaque lenticule occupe le fond d’un petit encadrement de forme hexagonale. Il résulte de cette disposition qu’un frottement pouvait avoir lieu sur l’œil de ces animaux, sans que les lenticules et même la partie de la cornée qui les recouvrait fussent attaquées. Cette disposition , que j’ai observée chez le Phacops macrophthcthmis , ne me parait pas être commune à toutes les espèces ; ainsi , tandis que chez le Phacops Do a> ni agi œ elle m’a paru excessivement mince sur toute la surface de l’œil, chez le Phacops longicaudatas, au contraire, elle me paraît avoir joui d’une très grande épaisseur. A l’exception de la figure 14c, toutes les autres portions d’yeux que j’ai figurées dans la planche sont représentées vues sous un même grossissement, ce qui permettra de voir la différence qui existe dans la disposition et le volume que présentent les lenticules chez ces di¬ verses espèces. 328 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846'. d encadrement aux lenticules, qui présentent dans ce cas un moins grand diamètre ( même grossissement; d’après nature ). Fig. 41. — Œil du Phacops longicaudatus (grandeur naturelle ; d’a¬ près nature ). 14 a. Position du même, faisant voir la partie supérieure des petits tubes sur lesquels on remarque l’impression laissée par les lenti¬ cules (même grossissement que les espèces précédentes; d’après nature ). 1 1 b. Le même avec les lenticules ( môme grossissement, d’après na¬ ture ). 41 c. Fragment d’un œil du même animal , dont la forme a été mo¬ difiée par une force qui s’est exercée perpendiculairement sur la ligne d , e , et d’une manière de plus en plus oblique à mesure qu’on s’écarte davantage de cette ligne vers la ligne J , g. Il résulte de cette déformation que les différents petits tubes qui supportaient les lenticules , ayant une certaine dimension en longueur , ont été déviés d’autant plus, qu’ils étaient plus écartés du point où la force a agi perpendiculairement ( vu sous un grossissement beaucoup moindre que les autres portions d’yeux; d’après nature). M. Vattemare écrit à la Société pour lui annoncer son départ pour l’Amérique et lui demander ses instructions. Cette lettre est renvoyée au Conseil. M. Mary lit, au nom deM. Belgrand , le Mémoire suivant- r Etudes hydrologiques dans les granités et les terrains juras¬ siques f ormant la zone supérieure du bassin de la Seine 9 par M. Belgrand , ingénieur des ponts et chaussées. 1. Exposé. — Ce Mémoire a pour but de déterminer le degré de perméabilité aux eaux pluviales de diverses natures de terrain qui forment le quart supérieur du bassin de la Seine en amont de Paris. Quoiqu’on ait quelques notions vagues sur la perméabilité des terrains calcaires et F imperméabilité des argiles, cependant jamais le problème que je me propose de résoudre n’a été étudié à fond , sans doute parce qu’il n’est pas susceptible d’une solution générale. Plusieurs ingénieurs font même abstraction complète de ces propriétés du sol. Ainsi M. Duleau, dans son Cours de routes et ponts, donne une règle pratique pour déterminer le débouché des ponceaux , en tenant compte seulement de la hauteur des mon¬ tagnes et de l’étendue de leurs versants. Je démontrerai (voir plus bas) que cette règle doit donner et donne en effet les résultats les plus erronés. M. Dausse , dans un article très intéressant sur la Bull, delà Soc. Géo 1. de France. 2 ? S‘.e T. IV. Pl.Iir.pag.328. ' fi'ü Thioiat dsl /m/i /facpptlin â C\ Trmucleus Pongen Nilœus Beaumonti a laücosta umbonata J teptœ Grthis m&l % § ;1 l ÈSF^ÊÊ -jâjgL v V **■? 3 PrionocHeilus Verneuili 4- Calymene Tournemini, 5 Phacops Dujardini. 6 Pholas Cordieri. 9 Obil du Phacops Downingioe... 10 id. id. macrophthalmus. 11 id. id. lonüicaudatus. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 329 pluie ( Annales des ponts et chaussées , 1842, 1er semestre, ri0 35), attribue à l’évaporation la totalité de la perte d’eau du bassin de la Seine en amont de Paris. Je ferai voir cpie dans les terrains dont il sera question plus bas, lesquels forment le quart de ce bassin, une grande partie de l’eau tombée est absorbée par le sol , et , par suite de la disposition des lieux , ne peut reparaître dans les sources en amont de Paris. Dans le présent Mémoire , je m’occuperai : 1° de la classification des terrains granitiques et jurassiques sous le rapport de la per¬ méabilité (3 et 4); 2° de l’influence que cette propriété exerce sur les cours d’eau (6 et 7 ) ; 3° de la détermination du débouché des ponts (8; 9, 10 et 11) ; 4° du tracé et de l’alimentation de canaux de navigation (11, 12 et 13); 5° de la nature des terrains où il est possible d’établir des canaux d’irrigation (14); 6* de la régulari¬ sation du débit des rivières et des movens d’arrêter la marche des alluvions (de 15 à 27); 7° de l’application de ces principes au premier quart du bassin de la Seine ; 8° et du reboisement et de l’influence des sous-sols sur les cultures (34 et 35). Les terrains granitiques et jurassiques que j’ai pu observer dans le bassin de la Seine forment une longue zone courant du S. -O. au N.-E. , entre Clamecy ( Nièvre) et Chaumont ( Haute-Marne ) ; sa longueur est d’environ 160 kilomètres, sa largeur de 70. La superficie totale est donc de 11,000 kilomètres carrés. La surface du bassin de la Seine en amont de Paris est en nombre rond de 44,000 kilomètres carrés; les terrains en question en occupent donc le quart. Ils forment une superficie à peu près aussi étendue dans le. bassin de la Saône et de la Loire. Cette observation seule donne de l’importance à leurs propriétés . quand bien même elles ne seraient pas constantes et ne s’observeraient pas dans les autres localités occupées par les mêmes formations. Si quelques personnes trouvent de l’intérêt à ce cpii va suivre et constatent par les moyens très simples indiqués ci-dessous , la constance des propriétés re¬ connues aux terrains jurassiques du bassin de la Seine, les propo¬ sitions contenues dans ce Mémoire prendront un caractère de gé¬ néralité qui doublera leur importance. La présente notice appelle donc la contradiction et doit être publiée dans un recueil ouvert à toutes les opinions impartiales. Avant d’entrer en matière, je crois devoir donner quelques expli¬ cations très simples sur la nature des terrains dont il va être question. 2. Granités. — Je me borne seulement à rappeler ici qu’ils for¬ ment une masse solide sans stratifications régulières, couverte d’une 1 330 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18A6. infinité de fissures qui la sillonnent dans tous les sens; qu’ils s’al¬ tèrent quelquefois au contact de l’atmosphère , et qu’ils produisent une arène grasse par sa décomposition. Il existe dans la Côte-d’Or, entre les granités et les terrains jurassiques , une épaisseur plus ou moins grande de marnes irisées. Mais cette formation étant , sous le rapport de l’imperméabilité , parfaitement comparable au lias dont il va être question ci-dessous, je la confondrai avec ce terrain . Terrains jurassiques. — Cette immense formation est composée, à partir de sa base , des groupes suivants : Lias.' — Terrain composé de bancs calcaires gris-bleuâtres, minces, alternant avec des couches argileuses de même couleur, dans lesquelles ils sont complètement noyés, à peu près comme le moellon dans le mortier d’une maçonnerie bien faite ; cette formation, de 30 mètres environ d’épaisseur, est terminée par plusieurs bancs d’un calcaire solide (calcaire à Grypliées arquées) . Marnes supra-liasiques . — Couches puissantes d’argiles, ayant au maximum 100 mètres d’épaisseur, divisées en deux par une série de bancs calcaires (calcaires à Grypliées cymbium) , ayant en¬ semble 3 ou h mètres d’épaisseur. Terrains oolitiques. — Ils sont composés des sous-groupes sui¬ vants : le calcaire à Entroques , la terre à foulon , la grande oolite , le forest-marble , l’oxford-clay, le coral-rag, les argiles de Rim- meridge , le portland-stone. Le calcaire a Entroques se compose d’assises minces d’un calcaire très dur, dont la cassure présente une multitude de petits cercles à surfaces spathiques brillantes , qui ne sont autre chose que des sections d’ Entroques ou bras d’Encrinites. Epaisseur maxima, 30 mètres environ. La terre à foulon est formée, à sa base, de bancs marneux grisâtres, d’un grain terne , alternant avec des argiles grises , renfermant un grand nombre de Térébratules. Au-dessus se trouve une série de couches calcaires minces , connues dans le pays sous le nom de laves , et par les géologues sous celui de dalle nacrée ; elles servent à couvrir les maisons; enfin, à la partie supérieure on retrouve les calcaires marneux, alternant avec les argiles grises, et renfermant un nombre prodigieux de Pholadomies. L’épaisseur de la terre à foulon ne dépasse pas 30 mètres. La grande oolite se compose à sa base de bancs minces marno- compactes alternant quelquefois avec des argiles. Au-dessus se trouvent un ou deux bancs calcaires renfermant quelques oolites, épais de 1 à 5 mètres, et connus des carriers sous le nom de gros bancs. La formation se termine par une série de bancs minces , 331 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18Z»6. d’un blanc mat, composées presque entièrement d’oolites miliaires parfaitement sphériques , réunies par une gangue calcaire si peu compacte , que dans certaines carrières on peut les égrainer à la main. Le forest-marble est formé d’une série de bancs calcaires plus ou moins minces , d’un grain gris très dur empâtant des oolites miliaires beaucoup moins distinctes que dans la grande oolite. La1 * * 4 surface des bancs est hérissée de pointes d’Oursins et de petits Polypiers. La grande oolite et le forest-marble ont quelque¬ fois jusqu’à 200 mètres d’épaisseur (1). L’ oxford-clay se compose à sa base d’un calcaire gris compacte , caverneux , très fossilifère , alternant quelquefois avec des argiles grises renfermant un mi¬ nerai de fer à grains oolitiques miliaires. Au-dessus se trouve une formation marneuse assez puissante , et enfin la plus grande partie de la formation se compose de bancs minces d’un calcaire gris marneux présentant l’aspect de la pierre à lithographie , alternant avec des marnes grises. Ces marnes renferment souvent des boules siliceuses géodiques auxquelles on a donné le nom de chai lies. L’épaisseur maxima de la formation est de 100 mètres. Je n’ai pas été à même de faire des observations suffisantes dans le coral-raget les terrains oolitiques supérieurs. Toutefois je pense que , sous le rapport de la perméabilité , le coral-rag et le portland-stone doi¬ vent être comparés aux terrains oolitiques inférieurs , et le kimme- ridge-clay aux argiles d’Oxford. Aspect des terrains jurassiques . Terrains liasiques. ■ — Lorsque les terrains liasiques se présentent dans leur ensemble au bord d’une vallée , les calcaires inférieurs forment une pente très abrupte et rendue très inégale par les assises calcaires qui se présentent irrégulièrement à sa surface, a. Le cal¬ caire à Gryphées arquées forme un palier bien marqué et quel¬ quefois un vaste plateau, b. Les marnes supra-liasiques sont dispo¬ sées en pente douce à la base , plus rapide au-dessus , à section concave, où M. l’ingénieur Collin a reconnu des arcs de Cycloïde. c. Le calcaire à Gryphées cymbium. forme au milieu une saillie prononcée qui rend les deux étages marneux très distincts. Une riche végétation, et souvent de belles prairies qui s’élèvent jusqu’au (1) Je comprends dans le forest-marble la formation calcaire dési¬ gnée sous les noms de corn-brash , kelloway-rock , calcaire a Oolites oviformes , qu'il est très difficile de distinguer du forest-marble, et qui ne présente aucun caractère saillant. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 382 sommet des collines , contrastent avec la nudité stérile des terrains supérieurs. — Terrains ooli tiques. — d. Le calcaire à Entroques pré¬ sente de grandes parois verticales , qui , de loin , lorsqu’elles cou¬ ronnent une vallée , ressemblent à de vieilles fortifications, a. La terre à foulon forme des collines arrondies où les assises solides moyennes figurent des murailles en ruine, f. Les parties infé¬ rieure et supérieure de la grande oolite sont disposées en grands talus plans , très roides ( de 35° ), recouverts de débris détachés par la gelée , au milieu desquels les gros bancs forment une saillie ver¬ ticale prononcée, g. Le forest-marble présente des parois tantôt verticales , tantôt plus ou moins inclinées , mais toujours peu ré¬ gulières en raison des bancs cpii viennent percer le sol. h. L’étage inférieur de l’oxford-clay , qui est compacte , a le meme aspect ; mais les parties supérieures forment de longues collines arrondies et à pentes douces , où les bancs calcaires forment quelquefois de faibles saillies. CHAPITRE PREMIER. — du mouvement des eaux pluviales DANS LES GRANITES ET LES TERRAINS JURASSIQUES. 3. Lorsqu’on examine attentivement une vallée entièrement ou¬ verte dans un des groupes des terrains ci-dessus définis , on est frappé d’abord des faits suivants : 1° si la vallée est basique ou granitique , quelque peu étendue qu’elle soit , n’eût-elle que quel¬ ques hectares de superficie , un ravin en occupe le fond ; 2 ‘ si les terrains cpii forment la vallée appartiennent aux quatre étages in¬ férieurs des terrains oolitiques, ordinairement on ne remarque au¬ cun ruisseau dan , la vallée ; la culture s’étend jusqu’au fond; quel¬ quefois il s’y trouve un ruisseau, produit d’une source abondante, mais qui décroît à mesure que son cours s’allonge , et finit presque toujours par disparaître. Les observations faites dans les arrondisse¬ ments de Cliatillon , de Semur et d’Avallon ont toutes prouvé l’exactitude de ces faits , même dans les vallées de 100 à 200 kilo¬ mètres superficiels ( voir la note C ). L’oxford-clay donne des ré¬ sultats très différents , suivant que les observations ont lieu dans la partie marneuse ou dans celle où les calcaires dominent. Tou¬ tefois, les vallées d’une certaine étendue présentent toutes un ravin dans leur partie la plus basse ; mais en été , même après de fortes pluies , ce ravin est rarement occupé par un ruisseau , à moins qu’il ne soit alimenté par des sources abondantes. Pendant une forte pluie , chaque sillon , dans les formations basiques , ou dans les granités, devient un ruisseau, chaque pli du sol devient un torrent; 333 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/jO. dans les formations oolitiques, au contraire , on voit rarement les eaux pluviales courir à la surface du sol. Les terrains jurassiques , pour ce qui concerne le mouvement des eaux pluviales à leur sur¬ face , forment donc trois groupes bien tranchés, savoir: 1° lias et marnes supra-liasiques , très peu perméables à l’eau (1) ; 2° formation oolitique inférieure comprenant le calcaire à Entro- ques , la terre à foulon , la grande oolite et le forest-marble , très perméable ; 3° l’oxford-clay , semi-perméable. — 4. Propriété jondamcntale. — En déterminant le rapport qui existe entre la plus grande section mouillée d’un pont exprimée en mètres car¬ rés, et la superficie des versants d’amont exprimée en kilomètres carrés (2) , et en répétant cette opération pour plusieurs vallées, on obtiendra des nombres qui , en supposant les vitesses d’écou¬ lement constantes , seront proportionnels au volume de l’eau qui , dans la plus grande pluie connue, s’écoule à la surface du sol. Les nombres seraient donc la mesure de l’imperméabilité de la vallée, puisqu’il est bien évident ( toujours en supposant la vitesse constante) que si l’on représente par 1 le débouché nécessaire par kilomètre carré pour une vallée laissant écouler à sa surface la totalité de l’eau tombée , pour des vallées qui n’en laisseraient couler que la moitié, le tiers, le quart, les débouchés nécessaires, par kilomètre carré, seraient 1/2, 1/3, 1/4. Mais il est évident que les vitesses d’écoulement ne sont pas constantes. Cependant, comme on remarque que les rapports obtenus pour un certain nom¬ bre de vallées, d’une même formation, ne varient pas beaucoup entre eux et sont, au contraire, très différents de ceux obtenus pour les autres formations, on peut admettre que ces nombres re¬ présentent, avec une approximation suffisante dans la pratique, la mesure de l’imperméabilité de chaque formation. Il y aura toute¬ fois à faire pour les granités une correction qui sera indiquée ci- dessous. En cherchant ces rapports , ou , en d’autres termes , le dé¬ bouché par kilomètre superficiel de vallée des petits ponts pour chacun des groupes qui nous occupent, on trouve que pour les granités il faut par kilomètre carré de versants ( voir la note A) une surface de ponceau de 0m c-,44 ; pour le lias [voir la note II), une surface cl lm c-,50 ; pour les terrains oolitiques inférieurs ( voir (1) Dans tout le reste du présent Mémoire, je désignerai ce groupe sous le nom de lias, bien que dans la carte de l’École des mines les marnes supra-liasiques soient comprises dans l’oolite inférieure. (2) On suppose ici les vallées très peu étendues, de 50 kilomètres carrés au plus , par exemple. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18Zj(5. 3M la noie C) , une surface plus petite que 0m-r-,009; pour l'oxforcl- clay ( voir la note D), une surface variant de 0m-c-,0366 à 0mc-,24. Les vallées granitiques où sont placés les ponceaux observés ont toutes de très grandes pentes ( 0m,01 par mètre ). La vitesse de l’eau y est donc très forte , et il est probable qu’à pentes égales il fau¬ drait pour ces terrains un débouché peu différent de celui des ter¬ rains basiques. Cette correction faite , représentons par 1 l’imper - méabilité des terrains basiques et granitiques; l’imperméabilité des terrains oobtiques inférieurs sera représentée par 0,006, et celle de l’oxford-clay par des quantités comprises entre 0,024 et 0,16. Remarquons que ces chiffres s’appliquent aux plus grandes crues connues , où la couche du sol est saturée d’eau. On peut donc ad¬ mettre que dans les terrains oobtiques et dans l’oxford-clay , les pluies ordinaires, même assez fortes, ne donnent exactement rien au fond des vallées. Ce qui est du reste parfaitement justifié par les observations que j’ai été à même de faire dans les diverses localités (voir la note C). — 5. 11 est intéressant d’examiner quel est dans un sous-sol imperméable le rapport moyen entre la quantité d’eau tombée annuellement et celle qui s’écoule à la surface , la diffé¬ rence de ces deux chiffres étant évidemment enlevée par l’évapo¬ ration. M. Minard ( Cours de construction des ouvrages qui établissent la navigation des rivières et des canaux , p. 317 ) cite les rapports sui¬ vants entre la quantité d’eau écoulée par la Brenne, à Gros-Bois, par mètre carré de versants , et la quantité observée à l’udomètre de Pouilly ( canal de Bourgogne). ANNÉES. NOMBRE de muis. «apports observes. PRODUITS des nombres des deux dernières colonnes. 1 834 . 3 0,32 0,96 1835 . 12 0,50 6,00 1836 . 12 0,70 8,40 1837 . 10 0,53 5,30 Totaux . 37 20,66 Rapport moyen cherché. . . . . . . 0,56 Or, le fond de la vallée de la Brenne est basique , c’est-à-dire 335 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/l6. imperméable. A la vérité, les coteaux qui le bordent sont cou¬ ronnés par le calcaire à Entroques. Mais l’eau qui y est absorbée est arrêtée par la masse argileuse et reparaît dans les sources nom¬ breuses qui coulent au fond de toutes les dépressions secondaires La quantité d’eau enlevée par l’évaporation est donc à peu près égale, dans le calcul actuel, à la différence entre le mètre cube d’eau tombée et le cube d’eau représentant le débit de la Brenne ; mais à coup sûr elle 11 est pas plus grande que cette différence. Les ver¬ sants sont du reste peu boisés, de sorte que l’évaporation agit avec son maximum d’intensité. Si les observations précitées étaient assez nombreuses, on pourrait admettre le principe qui suit : La quan¬ tité d’eau moyenne enlevée par l’évaporation dans un terrain dé¬ boisé est au plus égale aux jjfe de l’eau tombée annuellement; d’où découlent les corollaires suivants : « Dans les terrains granitiques et basiques déboisés , ô’ est- à-dire placés dans les circonstances les plus défavorables , la quantité d’eau qui s’écoule à la surface est en moyenne égale aux f^de l’eau tombée. Dans les terrains ooli- tiques inférieurs, cette quantité est sensiblement nulle. Et dans 1 ’oxford-clay elle est au plus égale aux de l eau tombée. » Tou¬ tefois les faits cités par M. Minard sont trop peu nombreux pour <{u'on puisse appliquer ce rapport, 0,56 , à tous les terrains imper¬ méables qui nous occupent. Il faudrait évidemment d’autres obser¬ vations faites les unes dans des lieux boisés , les autres sur des ter¬ rains découverts. CHAPITRE IL - DES MODIFICATIONS EPROUVEES PAR LES COURS d’eau DANS LA TRAVERSÉE DES TERRAINS GRANITIQUES ET JURAS¬ SIQUES. Des sources. 6. Dans les granités , il existe peu de sources très importantes, et l’on conçoit qu’il doit en être ainsi dans des terrains où il n’y a aucune stratification régulière. Mais en revanche on y trouve une quantité prodigieuse de petites sources superficielles , des suinte¬ ments à travers les mousses, les herbages , les fissures des rochers , qui grossissent immédiatement après les pluies , mais qui ne ré¬ sistent pas à une longue sécheresse ( voir la note E). — Dans les terrains jurassiques. — Les terrains basiques, étant très imperméa¬ bles , ne présentent dans toute l’étendue de leur masse que des nappes d’eau peu abondantes : 1° dans leur contact avec les gra¬ nités ; 2° au-dessous du calcaire à Gryphées arquées ; 3° au-dessous du calcaire à Gryphées cymbium. Mais entre les marnes et le cal- 336 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. caire à Entroques, il existe une très belle nappe d’eau qui, dans la Côte-d’Or , produit des sources extrêmement remarquables. Ce cal¬ caire couronne la plupart des vallées à leur origine, près du faîte de partage qui traverse tout le département entre Saulieu et la Haute- Marne. Aussi presque toutes les rivières qui coulent de ce faîte vers T océan , le Serein, 1 Armançon , la Brenne, l’Oze , la Seine, l’Ource , l’Aube, etc. , prennent leurs sources au-dessus des marnes basiques, et sont grossies, dans la première partie de leur cours, par les magnifiques fontaines qui coulent au fond de chaque pli des montagnes. On trouve, dans les plateaux de calcaire à Entroques, < le nombreux jets évidemment artésiens qui se font jour à travers les roches et dont l’origine est au-dessus des marnes supra-basi¬ ques. La partie marneuse de la terre à foulon donne naissance à quelques belles sources très chargées de matières calcaires qu elles déposent au fond de leurs lits. 11 est rare de trouver une source dans la grande oolite et le forest-marble. Les plus belles sources des terrains jurassiques sont à coup sur dans l oxford-clay , au moins pour la partie des départements de la Côte-d’Or et de 1 Yonne que je connais; on les trouve à tous les étages marneux. Mais presque toujours elles se montrent au jour près du fond des vallées , sans doute parce que les couches d’argile ne sont pas assez puissantes pour les soutenir à une grande hauteur ; elles diffèrent en cela des sources subordonnées au calcaire à Entroques, qui, soutenues par une grande masse de marnes, se font jour à toute hauteur au-dessus . du fond des vallées. Je citerai parmi les plus remarquables, dans l’Yonne , les sources de Crisenon , de Keigny près Vennanton , de Noyers , etc. ; et, dans la Côte-d’Or, de Laignes ( la plus abondante de celles que je connaisse ), de Châtillon , de Brion, etc. , etc. Des cours (Veau. 7. Dans les granités. — Pendant les pluies et les fontes de neige, les cours d’eau, en traversant les granités, reçoivent une alimenta¬ tion des eaux qui coulent à la surface du sol ; les sources superfi¬ cielles qui succèdent aux pluies soutiennent assez longtemps les cours d’eau secondaires ; mais ils tariraient entièrement pendant les sécheresses s’ils n’étaient pas alimentés par les nombreux étangs qui couvrent encore le Morvan. — Dans le lias. — Le bas, comme je l’ai dit plus liant, donne une énorme quantité d’eau superficielle pendant les pluies continues ; aussi les rivières au temps des crues s’enflent beaucoup en traversant ces terrains. Les nombreux ruis¬ seaux qui sortent des sources supérieures se soutiennent bien à 337 SÉANCE 1)U 21 DÉCEMBRE 18/l6. Fétiage. — Dans les terrains noli tiques inférieurs . — Le calcaire à Entroques , la grande oolite et le forest-marble 11e fournissent que de très faibles quantités d’eau aux rivières qui les traversent , et lorsqu’elles 11e sont pas trop fortes , ils les absorbent pendant les sécheresses. Le Serein , la Seine , l’Ource , etc. , disparaissent à l’étiage en amont de Noyers , Châtillon , Brion , en traversant les rocbei's de la grande oolite et du forest -marble ( voir la note C ). Toutefois on ne doit pas s’exagérer la puissance absorbante de cette partie des lits des rivières , ainsi que le prouve la remarque suivante : tant que les usines situées en amont de points absor¬ bants marchent d’une manière continue , la rivière ou le ruisseau peuvent atteindre, sans se perdre complètement , la formation de loxford-clay. Ce n’est donc que lorsque l’eau est tellement basse que les usines marchent par éclusées , que l’absorption complète a lieu. Mais aucune de ces usines n’use un mètre cube d’eau par seconde en marchant d’une manière continue ; ainsi toute ri¬ vière de quelque importance , débitant plus d’un mètre par se¬ conde à l’étiage , peut traverser les calcaires perméables en ques¬ tion sans être absorbée à l’étiage , mais aussi sans éprouver de gon¬ flement sensible par les plus grandes pluies. — Dans Voxjord- elny. — Les magnifiques fontaines qui sortent de l oxford-clay ré¬ génèrent les petits cours d’eau taris à l’étiage par le contact des rochers absorbants. Ainsi, le Serein, la Seine et l’Ource, que nous avons vus disparaître à l’étiage dans les rochers de la grande oolite, en amont de Noyers , Châtillon , Brion , renaissent de nouveau immédiatement au-dessous de ces trois localités. Dans les pluies ordinaires , l oxford-clay donne très peu d’eau aux rivières ; les crues d’été , par exemple , y sont assez rares. Ce n’est guère qu’à la suite des grandes pluies d orage et des fontes de neige que les cours d’eau établis entièrement dans ce terrain paraissent se gonfler. CHAPITRE III. - APPLICATIONS DES PRINCIPES Cl- DESSUS CONCERNANT L ART DE L INGENIEUR 8. Débouchés des ponts. — Un ingénieur qui a conservé, comme praticien, une juste réputation dans le corps des ponts et chaussées, AI. Duleau, a proposé, pour fixer le débouché des petits ponts, la règle pratique suivante ( Cours de construction lithographié ; ponts, p. 3 et h) : « Dans un pays plat , où les collines n’ont que 15 à 20 mètres de hauteur, on donne 0m,8Ü de largeur par lieue carrée, et d: 11s les pays où les montagnes les plus élevées ont environ Soc. géol. , 2e série, tome IV. 22 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1840. 338 50 mètres au-dessus du. fond des vallées , on donne 2 mètres envi¬ ron par lieue carrée. » En suivant cette règle, on aurait donné au pont de Luey-le-Bois sur le Veau-de-Bouche ( voir la note B) une superficie de 12 mètres superficiels au plus, au lieu de 36 mètres superficiels, débouché nécessaire. Depuis que j habite le départe¬ ment de l’Yonne (environ quatre ans), il aurait été insuffisant quatre ou cinq fois, et aurait probablement été emporté le 27 mai 1841. On aurait donné au pont de Puits ( route royale n° 80 ) ( voir la note G ) un débouché de 30 à 40 mètres superficiels au lieu de celui de lm,71 superficiel qu’il a actuellement et qui est plus que suffisant. Ces deux exemples suffisent pour démontrer avec quelle réserve on doit accepter la règle empirique de M. Duleau. Je crois que par sa nature le problème n’a pas de solution générale déter¬ minée. Pour les localités où mes études ont été faites, c’est-à-dire pour les départements de la Côte-d’Or , de 1 Yonne , et probable¬ ment de Saône-et-Loire, de la Nièvre, de la Haute-Saône , du Doubs , etc. , je pense qu’on pourrait adopter les bases suivantes : J allée ayant au plus une superficie de 50 kilomètres carres (1). 1° Dans les vallées granitiques boisées et à fortes pentes , débou¬ ché de 0rn-c-,40 à 0m °',50 par kilomèttre carré de versants; 2° dans le lias et les vallées granitiques non boisées et à faibles pentes , 4m Pans. 30. Superficie des terrains sur lesquels il jaut agir pour arrêter les alluvions. — Les terrains granitiques et jurassiques occupent, dans le bassin de Paris et dans les départements de la Nièvre, de I Yonne, de la Cote-d’Or, de l’Aube et de la Haute-Marne jusqu’à Chaumont, une superficie de 11,000 kilomètres carrés , savoir : 8,000 kilomètres superficiels de terrains oolitiques; 1,400 id. de granité; 1.600 id. de lias. îl n’y a rien à faire dans les terrains oolitiques qui donnent peu il alluvions. Les rivières qui coulent entièrement dans ces terrains sont, à l’étiage, très limpides , et, dans les crues, peu chargées de matières en suspension ; la couleur de leurs eaux en masse est le bleu azur. Les terrains granitiques sont en grande partie boisés ou couverts de prairies et de pâturages : aussi leurs eaux sont limpides à l’étiage ; dans les crues, elles deviennent plus ou moins louches et charrient, en petite quantité, des galets (en raison de la forte pente des vallées)et des sables provenant de la décomposition deces galets. Quoique limpides, les eaux granitiques en masse paraissent colo¬ rées en bistre très foncé. Les alluvions qui se déposent chaque jour dans la partie supérieure du bassin de la Seine qui nous occupe, proviennent donc presque toutes des 1,600 kilomètres carrés ba¬ siques. Les eaux des rivières qui traversent ces terrains sont, en effet, toujours louches à l’étiage , et très chargées de vase dans les 350 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1840. crues. Dans l’état actuel des choses, les terrains liasiques en ques¬ tion sont à peu près déboisés. Un peu plus du tiers de leur surface est occupé par des prairies; le reste, ou 1,000 kilomètres carrés, par des terres labourables. .T’ai dit (17, 18 et 34) que le meilleur moyen d’empêcher le déplacement de la couche superficielle de ces 1,000 kilomètres carrés consisterait à convertir en prairies toutes les parties à fortes pentes , ou qui reçoivent les eaux des vastes pla¬ teaux si communs dans le calcaire à Gryphées arquées. Ces 1,000 ki¬ lomètres carrés , ou 100,000 hectares, peuvent être estimés , à l’état de terre labourable , à raison de 1,500 francs l’hectare en moyenne, ou ensemble à 150,000,000 francs; convertis en prairies, ils vau¬ draient au moins 3,000 francs l’hectare, soit 300,000,000 francs. L’opération est donc excellente. Le plus grand obstacle à sa réalisa¬ tion est le morcellement excessif de la propriété. La loi sur les ir¬ rigations permettra peut-être de le vaincre en partie. 31. Régularisation du régime des cours d'eau. — Les principaux bassins liasiques sont les suivants (1) : 1° la vallée de l’Yonne et ses affluents, en amont de Clam ecv, jusqu’à un point situé un peu en aval des aqueducs de Moreuillon ; 2° une faible partie de la vallée de la Cure, entre Cure et Asquins (bassin de Vézelay) ; 3° la rive droite du Cousin , entre Cussy-les -Forges et Sermizelles (bas¬ sin d’ A vallon ) ; 4° sur le Serein, le bassin de Mont-Saint-.Tean , le plateau d’Epoisses (rive droite) , tout le fond de la vallée entre Toutry et Lisle, sur le Serein; 5° tous les vastes plateaux de rArmançon, depuis sa source jusqu’à Quincy, ] lès Montbard, à l’exception des ravins de Semur, dont le fond est granitique, et de quelques sommets occupés par le calcaire à Entroques ; 6° les val¬ lées de la Brenne et de ses divers affluents en amont de BufFon , tels que l’Oze, l’Ozerain , le ruisseau de Darcey, le Rabutin, la fontaine de Lormes, etc. ; 7° une bande très étroite de la vallée de la Seine et de ses affluents en amont d’Aisay-le-Duc; 8° une bande également très étroite des vallées de l’Ource, de l’Aube, de F Au- jon , de la Marne et de leurs affluents dans la partie supérieure de leurs cours, occupée par les marnes liasiques, ou une couche mince de calcaire à Entroques. La partie basique des vallées de la Seine, de l’Ourcc, de l’Aube, l’Aubette et l’Aujon, est très peu étendue , si on la compare à celle des vallées qui précèdent. Les (1) On ne doit pas perdre de vue ici que je comprends dans le lias les marnes supra-basiques , qui , dans la carte géologique de MM. Élie de Beaumont et Dufrénoy , sont comprises dans l’étage oolitique infé¬ rieur. SÉANCE DE 21 DÉCEMBRE J 8/jO . 351 principaux bassins granitiques sont: 1° la vallée de l’Yonne jusqu’à un point situé un peu à l’aval de Montreuillon ; 2° celle de la Cure jusqu’à Saint-Père, sous Vézelay; 3° celle du Cousin, en amont du Vault, près d’ A vallon ; à" celle du Serein, entre Lamotte (près Saulieu) et Toutry ; 5° celle de FArmançon (seulement le fond) aux abords de Semur. Toutes ces vallées ont un nombre prodigieux d’affluents à versants granitiques , qu’il est impossible d’énumérer. Voici quelques indications sur le régime actuel de ces rivières dans la traversée des terrains granitiques et jurassiques. Régime des liantes eaux . — L Yonne , la Cure, le Cousin, le Ser ein, FArmançon et la Brenne, qui ont des versants basiques et granitiques d’une étendue considérable , sont soumises à des crues très fréquentes et très fortes. La Seine, l’Ource , l’Aube j l’Au- jon, etc., ayant des versants presque entièrement oolitiques, sont beaucoup moins redoutables, leurs crues sont moins élevées , mais surtout bien moins fréquentes, et cependant , grâce à l’impré¬ voyance des riverains, elles produisent des résultats presque aussi funestes que dans les vallées imperméables. Ainsi la Seine , en amont de Cliâtillon , a la même longueur de cours à peu près que la Brenne, en amont de Montbard ; mais elle a trois ou quatre fois moins d’étendue de versants basiques. Les habitants ne se sont pas montrés plus prudents dans une ville que dans l’autre; le lit de la Seine , à Cliâtillon , est trois ou quatre fois moins large que celui de la Brenne à Montbard. Les deux rivières, ne trouvant pas un débouché suffisant , inondent , dans les crues , les parties basses des deux villes. J’ai signalé dans la note G la différence cu¬ rieuse qui existe dans les ouvrages de décharge des usines an¬ ciennes, suivant que la rivière coule dans des terrains absorbants ou imperméables. Ainsi les usines de F Yonne, de la Cure, du Serein, de l’Armançon , de la Brenne et de leurs affluents, ont toutes d’immenses déversoirs et des vannes de décharge insigni¬ fiantes. Sur les autres rivières, les déversoirs ont peu d’importance, et toutes les crues s’écoulent par les vannes de décharge. Dans le premier cas, il fallait ménager une issue aux crues subites, qui souvent ne laissent pas le temps de lever les vannes de décharge ; dans le second, l’usinier, même négligent, a toujours le temps de lever ses vannes avant que la crue lui ferme le passage. Régime de Vétiage. — La vallée de l’Yonne, en amont de Cla- mecy, est ouverte en partie dans les terrains basiques couronnés par les terrains oolitiques; aussi la nappe d’eau qui existe toujours entre ces deux formations donne-t-elle naissance à de nombreux 352 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/Ï6. affluents qui soutiennent bien l’étiage (n° 6). Les vallées de la Cure et du Cousin, en amont de leur confluent, sont presque entière¬ ment ouvertes dans les terrains granitiques ; les sources, quoique très nombreuses, y sont peu importantes; aussi une sécheresse de quelques jours fait promptement baisser les eaux , et sans les nom¬ breux étangs du Morvan, le Cousin principalement cesserait sou¬ vent de couler. Le Serein et l’Armançon , en amont de Lisle et de Quincy, coulent dans des terrains granitiques ou basiques assez rarement couronnés par les terrains oolitiques; les nappes d’eau y sont peu abondantes , et l étiagc de ces rivières est extrêmement faible. L’étiage de la Brenne est mieux soutenu, parce que les val¬ lons secondaires de la rive droite, en amont de Montbard, sont tous ouverts dans les terrains basiques couronnés par le calcaire à Entroques et , par conséquent , sont alimentés par la. belle nappe d’eau qui se trouve à la séparation de ces deux formations (n° 6). 11 en est de même de la Seine, de l’Ource, de l’Aube , etc. , en amont d’Aisay-le-Duc , Lugny, etc. ; le fond des vallées est occupé par des terrains basiques ou une faible' couche de calcaire à En¬ troques facilement percée par des jets artésiens; aussi une multitude de petits ruisseaux soutient bien l’étiage en amont des terrains oolitiques; mais dans la traversée de ces derniers terrains , le débit de tous les cours d’eau diminue rapidement et se réduit même sou¬ vent à rien (n° 7). 32. Toutes les rivières ci-dessus désignées ayant une partie de leurs versants dans les terrains basiques ou granitiques, sont sou¬ mises à des crues plus ou moins dangereuses. Voyons quels seraient les travaux à faire par l’Etat pour régler leur régime. L' Yonne et la Cure . — Les parties basiques et granitiques des versants de l’Yonne et de la Cure ont une étendue de 1,300 kilo¬ mètres carrés, c’est-à-dire presque égale à la moitié des terrains imperméables qui nous occupent. Malheureusement ces deux ri¬ vières sont soumises, dans la partie supérieure de leur cours, au flottage à bûches perdues. 11 serait doue difficile de leur appliquer les moyens de régularisation indiqués ci-dessus (n 25). Cependant m. r ingénieur en chef Chanoine a projeté , dans la Haute-Cure, un barrage destiné à convertir en réservoir l’immense plaine des Sey- tons. On pourrait sans doute améliorer considérablement le régime des deux rivières , en établissant des réservoirs semblables sur leurs affluents non flottables. Le Cousin et le Serein occupent un étendue de terrain basique ou granitique de 800 kilomètres carrés; dans les hypothèses ad- SÉANCE MJ 21 DÉCRMÜRE 484(5. 355 mises au u° 25, il faudrait huit réservoirs pour régulariser coin- pléteinent leur régime. M. l’ingénieur Chanoine en a projeté cinq. Ce nombre nous semble insuffisant. L’Armançon et la B renne occupent, avec leurs affluents, une su¬ perficie de terrains granitiques, mais surtout basiques, de 600 kilo¬ métrés carrés. Six réservoirs seraient donc nécessaires. 11 en existe déjà un (1) ( le réservoir de Gros-Bois). La Seine , l’Ource , l’Aube et VAubettc . — Le fond seul de la partie supérieure de ces vallées étant basique, il est bien difficile même sur une bonne carte, d’apprécier approximativement la sur¬ lace de cette nature de terrain ; je crois être au-dessus de la vérité en l’évaluant à 300 kilomètres superficiels. II fondrait donc pour ces vallées un certain nombre de réservoirs ayant ensemble 300 hectares de superficie. L'Jjon et la Marne. — Je ne connais pas la partie supérieure du cours de ces rivières. Je ne puis fixer l’étendue de leurs versants basiques. 33. Ainsi , pour obtenir la régularisation des cours d’eau du pre mier quart du bassin de la Seine, en amont de Paris , il foulait : 1° convertir en prairies tous les terrains fortement inclinés da«s les 1,000 kilomètres superficiels de formation basique, aiv^'d’bui à 1 état de terres labourables; 2° construire un cert0^1 nombre de ré¬ servoirs ayant ensemble 1,700 hectares de o-perficie. La première opération doit être à la charge des pariétaires. Elle est tellement lucrative, que beaucoup ont dé,a doublé leur fortune par ce pro¬ cédé ( voir la note P ). La deuxième doit être à la charge de l’État, et l’on doit vivement désirer l’exécution du projet de M. Chanoine, qui donnera la mesure de l’utilité de ce^ ouvrages. Si l’on consi¬ dère combien il intéresse l’agricidmre, l’industrie et la navigation, on ne peut s’empêcher de reconnaître combien ce moyen d’amé¬ lioration est préférable : 1“ aux barrages en rivière destinés à augmenter la pro^rndeur d eau à 1 étiage dans les rivières naviga¬ bles , barrais qui produisent des intermittences dans le débit de l’eau p* ne donnent pas toujours les résultats qu’on en attendait ; 2a aux endiguements des rives qui favorisent les dépôts des nl|(l_ vions (cours d’eau de l’Italie septentrionale ), si on les écarte trop des bords, et augmentent la rapidité de l’eau et par conséquent les désastres des crues, si on les resserre trop. (O» existe aussi dans la vallée de l’Armançon un réservoir (celui de Cerecy), mais beaucoup moins étendu que celui de Gros-Bois. Soc. géol. , 2e série, tome IV. 23 35/i SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. CHAPITRE Y. APPLICATION DES IDEES QUI PRECEDENT A L AGRI¬ CULTURE. 34. Influence du sous-sol sur les différentes cultures. — Quoique dans ce Mémoire je me sois proposé d’examiner spécialement les questions qui concernent l’art de l’ingénieur, je crois devoir don¬ ner ici quelques notions sur les différences qui existent dans les cultures suivant la nature des sous-sols. Le fait fondamental et qui frappe l’observateur le moins attentif, c’est que dans les granités et les terrains basiques les prairies naturelles existent à toute hauteur au-dessus du fond des vallées , souvent avec le simple se¬ cours des eaux pluviales. Dans les terrains oolitiques, au contraire, je ne connais de prairies naturelles que dans le fond des vallées et seulement sur les points accessibles aux crues des cours d’eau, ou assez peu élevés au-dessus pour que la couche de terre végétale soit main¬ tenue dans un continuel état de fraîcheur par le voisinage de l’eau. On remarque également que dans les granités et le lias , une frac- ta^ considérable des eaux pluviales s’écoulant à la surface du sol , h1 ' OiiéhQ superficielle la plus fertile , les engrais des terres labou- ïci s te^|cil(- sans cesse £ être entraînés vers le fond des vallées. Le % • meme llu 0,1 'nient n’existe pas dans les terrains oolitiques, où les eaux pluviales cou.^ peu à la Sllrfyce> Enfin , bien que les luzer¬ nes et les trèfles végète., trè§ bicn dans les terrains argileux du lias, loisque les agents atmosp,/lia(pies ne leur sont pas contraires, leur culture est bien plus sûre üa^ les terrains oolitiques. Le sainfoin ne se plaît ni dans le lias, ni dan, le granité • il végète ce¬ pendant dans les parties pierreuses de la première de ces^forma- tions. 11 réussit admirablement bien dans les terrains oolitiques. Ainsi, le lias et le granité paraissent éminemment propres à la cul¬ ture des prairies naturelles, les terrains politiques à celle des prai¬ ries artificielles. Les propriétaires ont intérêt a invertir en prairies naturelles tous les terrains basiques ou granitique avant' une inclinaison assez forte, puisque la couche de terre vçgialc tend sans cesse à être entraînée par les eaux pluviales. Dans je bas , les eaux pluviales sont souvent suffisantes pour l’irrigation d’une prai¬ rie ; dans le granité , dont le sous-sol est plus fendillé et la couche de terré végétale plus légère , ce moyen est insuffisant et il faut usci de nombreux petits cours d’eau qu’on trouve partout sous sa main dans les dépressions à pentes rapides qui sillonnent les flancs des vallées. Lorsqu’on est parvenu à amener les eaux pluviales ou celles d’un ruisseau au point culminant d’un terrain en pente , il SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 48/l(5. ^55 est facile de le convertir en prairie. Pour cela on fait d’abord dispa¬ raître les illégalités produites à la surface, soit par la culture, soit par la disposition naturelle du sol, de manière à avoir partout une courbure horizontale régulière, et à remplir toutes les dépressions où l’eau pourrait séjourner. Cette opération faite, on sème le pré, et, lorsque l lierbe est bien prise, on creuse dans le sol , à diverses hauteurs, des rigoles horizontales disposées à peu près comme les courbes de niveau d’un plan topographique. Ces rigoles doivent avoir au moins 0m,30 de largeur et de profondeur. Enfin, au bas du ter¬ rain une dernière rigole, aussi inclinée que possible, sert de canal de fuite et reçoit les eaux après 1 irrigation. Lorsqu’on veut arroser le pré , on introduit l eau dans la rigole supérieure , de telle sorte qu elle s’en échappe par déversement, puis dans celle qui suit , puis dans la troisième , et ainsi de suite jusqu’à la dernière. On a ainsi arrosé toute la surface du pré. Lorsque l’eau est limpide et ne porte pas avec elle de .limon, qu’il importe de répandre aussi éga¬ lement que possible sur toute la surface de la prairie , on l’intro¬ duit simplement dans la rigole supérieure ; de là, après avoir arrosé la première zone de pré , elle retombe dans la deuxième, puis dans la troisième , etc. , et arrive ainsi au canal de fuite après avoir ar¬ rosé successivement toute la surface du terrain. Je renvoie, pour ce qui concerne la construction des canaux d irrigation, à l’excellent ouvrage de M. Nadault de Buffon ( Traité théorique et pratique des irrigations) ; et pour ce qui concerne la scmaille des prés , aux trai¬ tés spéciaux d’agriculture. La conversion des terres labourables en prairies est presque toujours une très bonne opération, surtout dans les terres basiques en pente , amaigries depuis longtemps par les eaux pluviales et qui sont devenues impropres à la culture des cé¬ réales. Dans létat actuel des 'choses , un hectare de terre labourable s amodie dans les arrondissements de Semur et d Àvallon : Dans les granités, de . 12 à 30 francs Dans les lias . . . 30 à 70 Observons que les terres les moins chères sont celles à forte pente. L’hectare de pré se loue : Dans les granités, de . . 45 à 100 francs. Dans les lias, de . 75 à 130 La comparaison de ces chiffres: avec ceux qui précèdent suffit pour démontrer combien la conversion des terres labourables en prés est avantageuse. A la vérité, il faut, pour faire celte opération, 356 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. des déboursés assez considérables, qui peuvent s’élever jusqu’à 300 francs par hectare ; les produits des prés nouveaux sont mé¬ diocres pendant huit à neuf ans. Mais les fermiers intelligents ont un tel avantage à l’ exécution de ce travail , qu’ils se chargent sou¬ vent de tous les frais, pourvu qu’on leur accorde un bail assez long. Je pourrais citer, dans les arrondissements de Clamecy et d’A vallon, un grand nombre de propriétaires qui ont ainsi obtenu d’admira¬ bles résultats. Il est parfaitement évident que ce genre d’opération serait très inefficace, sinon impossible, dans les terrains oolitiques: 1° parce que les eaux pluviales sont toutes absorbées par le sol ; 2° parce que les ruisseaux y sont rares , et qu’en raison de cette ra¬ reté , chaque cours d’eau doit alimenter, et alimente en effet, de nombreuses usines, et qu’ ainsi l’eau y est très chère ; 3° parce qu’ enfin les canaux d’irrigation seraient très difficilement rendus étanches, et par leurs infiltrations convertiraient en marais tous les terrains inférieurs. Je ne prétends cependant pas qu’il soit impos¬ sible d’arroser une prairie existant au fond d’une vallée oolitique. Lorsqu’on a une quantité d’eau suffisante à sa dispositon , l’opéra¬ tion est toujours excellente. Mais elle exige un grand volume d'eau, de sorte qu’il serait difficile de conduire la rigole à de grandes dis¬ tances sans soulever de nombreuses réclamations. En un mot , en théorie, il n’est sans doute pas impossible de créer, avec un bon cours d’eau , une prairie dans un coteau oolitique ; mais en prati¬ que cette opération sera presque toujours dispendieuse et mau¬ vaise. Céréales. — Les terrains basiques peu inclinés sont d’une grande fertilité et produisent beaucoup de blé. Toutefois , dans les étés pluvieux, l’eau qui reste à la surface du sol le ramollit, et le moin¬ dre coup de vent suffit pour coucher la récolte. Les terres basiques étant toujours très fortes , la culture y est difficile; les pluies qui convertissent le sol en boue , et les chaleurs qui durcissent la croûte argileuse , augmentent encore les frais et les chances des pertes : aussi y a-t-il une énorme différence entre le maximum et le mi¬ nimum des produits. Les cultivateurs doivent avoir soin de diriger leurs sillons de telle sorte que l’eau s’y écoule bien , mais sans prendre une grande vitesse , afin d’éviter d’une part la pourriture des récoltes, et de l’autre l’ amaigrissement des terres. Les sillons ne doivent donc être ni des lignes de niveau , ni des lignes de plus grande pente. Terrains oolitiques. — Les terrains oolitiques sont moins fertiles que les terrains basiques ; cependant lorsqu’ils sont bien fumés , et surtout lorsqu’ils sont améliorés par la culture des prairies artifi- SÉANCE Dli 21 DÉCEMBRE 18/lt>. •a ► r-« 00/ cielles, ils peuvent donner de bons produits en céréales. Dans l’état actuel de la culture , voici à peu près quels sont les produits d’un hectare semé en blé , année moyenne et en tenant compte de la qualité du sol : Terre de mauvaise qualité, 45 doubles décalitres. Terre de très bonne qualité , 150 id. I Terre de mauvaise qualité ne produisant point de blé. ' Terre à blé de mauvaise qualité, 30 doubles décalitres, oolitiques. . . ( de très bonne qualité , 90 ut. Dans le- lias. . Dans les terrains \ Les terres granitiques du Morvan ne produisent que des seigles, des avoines et du sarrasin. Les produits ci-dessus pourraient être bien plus considérables avec une meilleure culture. L’assolement triennal est à peu près partout en vigueur , et tout le monde sait combien il est contraire à l’ amélioration des terres labourables. Prairies artificielles. — Les granités du Morvan, jusqu’à ce jour, ne produisent guère de prairies artificielles ; cependant quelques essais, couronnés d’un plein succès, prouvent qu’avec des améliora¬ tions convenables les trèfles y réussiraient. Le trèfle est cultivé avec succès dans toute la série des terrains jurassiques, lorsque le sol a été suffisamment amendé. 11 réussit surtout sur les plateaux basi¬ ques et oxfordiens. La luzerne réussit bien et dure longtemps dans le lias lorsqu’un banc calcaire, trop rapproché du sol, ne vient point arrêter ses racines. Il est à remarquer qu’elle végète très bien dans les marnes en pente presque complètement dénudées de terre vé¬ gétale par le passage des eaux. Elle peut donc , connue les prairies naturelles, être employée avec succès pour arrêter le mouvement des ail uvions. Les terrains oolitiques améliorés sont également pro¬ pres à la culture de la luzerne ; et comme ils sont difficilement en¬ vahis par les mauvaises herbes , les luzernières y durent très long¬ temps. J’en connais qui sont encore très productives et qui n’ont pas moins de quinze ans. Le sainfoin , jusqu’à présent , n’a pas réussi dans les terrains argileux. Il prospère, au contraire, admira¬ blement bien dans les terrains oolitiques. Sa culture a depuis vingt ans décuplé la valeur de certaines terres en permettant T introduc¬ tion des moutons qui jusqu’alors en avaient été écartés faute de fourrage. Je puis citer, comme exemple très remarquable d’amé¬ lioration de culture dans les terrains oolitiques, l’immense plateau situé entre les vallées de la Seine , de l’Oze , de la Brenne, de l’Ar- mancon, et la route royale n° 65, entre Tonnerre et Châtillon. Ce plateau était , il y a vingt ans , complètement dénué de fourrage ; aussi l’ agriculture y était réduite à un état misérable , et le prix 358 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. moyen de l’hectare de terre labourable ne dépassait certainement pas 200 francs. Aujourd’hui la culture du sainfoin y a pris une extension considérable, et on a pu introduire dans le pays une très belle race de moutons. Or, tout le monde sait que le fumier de mouton est un des engrais les plus puissants. Aussi l’agriculture a fait des progrès si extraordinaires , qu’aujourd hui les terres à 3,000 francs l’hectare ne sont pas rares dans le pays, et que certai¬ nement il serait difficile d’en trouver à 1,000 francs. Je ne m’éten¬ drai pas davantage sur ce sujet, qui est en quelque sorte un hors- d’œuvre dans cet article. Je dirai seulement que les races bovines ont fait la fortune des terres basiques, comme les moutons celle des terres oolitiques. Ainsi, dans ces deux sortes de terrains on re¬ trouve, pour l’agriculture comme pour le reste, des caractères par¬ faitement tranchés . Culture de la vig/lë. -- La culture de la vigne, dans la Bourgogne, donne lieu à une singulière observation. Tous les vins fins de la Côte-d’Or, entre Dijon et Mâcon, sont cultivés dans les terrains oolitiques du versant de la Méditerranée : ces vins ont tous une sa¬ veur particulière à laquelle on a donné le nom de bouquet. Le ver¬ sant de l’Océan, étant généralement exposé à 10., est peu propre à la culture de la vigne; mais dès que les vallées , en s’élargissant , présentent certains coteaux bien exposés , la culture de la vigne re¬ paraît, et dans les terrains oolitiques de Tonnerre, Ricey, Irancy, on retrouve des vins ayant le bouquet de la Haute-Bourgogne. Dans les terrains Basiques et notamment près d’Avallon , il existe aussi des vallées bien ouvertes et bien exposées où l’on récolte des vins qui ne manquent pas de mérite, mais qui n’ont pas de bouquet. 35. Du reboisement des terrains. — Tout le monde sait que la question du reboisement est aujourd’hui plus que toute autre à l’ordre du jour. On me pardonnera donc d’entrer ici dans quelques développements sur ce sujet. Avant de se décider à reboiser un terrain , il faut savoir si l’opération sera lucrative ou onéreuse , et par conséquent déterminer la valeur m'axima de l’hectare de terre à replanter. Il faut ensuite faire choix d’une essence. Je vais exami¬ ner successivement ces deux questions. — Valeur maxima du sol à replanter. « — Je suppose que le produit maximum d’une planta¬ tion à vingt ans (les essences d’acacia et de châtaignier exceptées), soit (180 francs par hectare. H faut que les frais de plantation, ca¬ pitalisés à 5 p. 100 pendant vingt ans , et les revenus des années de non-jouissance remplacés par des emprunts à 5 p. 100, et capi¬ talisés pendant vingt ans, fassent au plus ensemble 680 francs. La SÉANCE i>U 21 DÉCE.MbKE 1846. 350 méthode de plantation la moins dispendieuse exige un déboursé de 60 francs par hectare. Cette somme, avec les intérêts composés à 5 p. 100, vaudra au bout de vingt ans . 160 fr. On trouve qu’un emprunt annuel de 14 fr. 40 c., avec intérêts composés pendant vingt ans, donne au bout de ce temps . 480 Total égal au produit maximum de la plantation. . 640 fr. Or, cet emprunt annuel de 14 fr. 40 c. que le propriétaire est obligé de faire pendant les années de non-jouissance , est précisé¬ ment le revenu cherché de l’hectare de terre. Aujourd’hui la propriété doit donner un produit brut de 3 p. 100 ; un hectare de terre valant 489 francs doit donc produire 14 fr. 40 c., et par con¬ séquent représente le type le plus cher des terrains à reboiser, en admettant les hypothèses ci-dessus établies, c’est-à-dire un pro¬ duit de 689 francs à vingt ans et 60 francs de frais de plantation par hectare. Si ces chiffres sont changés , il faudra faire un nouveau calcul. .T’ai dit que le reboisement des terrains oolitiques était peu important dans l’intérêt général. Mais cette opération peut être excel¬ lente, financièrement parlant; caron y trouve encore aujourd’hui de grandes masses de terres qui se vendent moins de 480 francs par hectare. Le reboisement des terrains basiques , au contraire , serait désastreux même dans l’intérêt général, en raison de leur prix élevé ; car on n’y trouve aucune partie valant moins de 500 francs l’hectare. Les procédés que j’indique s’applicjuent spécialement aux terrains très secs , granitiques ou oolitiques. Choix d' une essence. — Les plantations d’arbres forestiers de toute nature réussissent généralement bien dans les granités , sur¬ tout lorsqu’ils sont moyennement humides ; mais dans les terrains oolitiques , les jeunes plants languissent longtemps, jusqu’à ce que le sol soit entièrement à couvert de l’action des rayons solaires. On peut admettre qu’en général les plantations de chênes , charmes , bouleaux, hêtres, etc., sont peu lucratives dans ces terrains, et que même dans les granités elles sont beaucoup moins utiles que les plantations d’arbres résineux. Le châtaignier dans le granité , l’a¬ cacia et le marsaule dans certains terrains, peuvent donner d’ex¬ cellents produits; mais il faut, pour obtenir une bonne réussite, certaines conditions qu’on ne retrouve pas toujours , et qu'il serait trop long de détailler ici. Je me bornerai donc aux indications suivantes. Les espèces qui paraissent le mieux réussir dans les terrains les plus secs sont l’épicéa et le pin sylvestre , surtout ce dernier. Jusqu’à présent les tentatives de semis faites clans les ter- 300 SÉANCE L)C 21 J) É CE 31 JP> HE 18/|(5. rains calcaires entièrement découverts n’ont pas donné de bons résultats. On doit donc employer autant que possible du plant venu sur couche ou arraché sous les pins qui portent graine. Le procédé le plus économique employé jusqu’à ce jour dans les terrains dont il est ici question a été préconisé et mis en pratique par M. Lam¬ bert, maire de Vilaine en Duesnois, près Châtillon-sur-Seine ; il est extrêmement simple et n’exige aucune culture préalable. Je voudrais pouvoir en donner ici la description ; mais cela me mène¬ rait trop loin, et je préfère renvoyer les personnes qui voudraient planter à M. Lambert lui-même , qui est d’une obligeance extrême, et qui se fera un grand plaisir de leur dominer tous les renseigne¬ ments utiles, l’ai dit que ce mode de plantation était des plus eco¬ nomiques; j’ai eu occasion de le mettre en pratique, et je puis certifier qu’en y comprenant l’acquisition de 3,300 pins pour une somme de AO francs , la dépense totale revient au plus à 60 francs par hectare (1). Les pins pour le reboisement doivent être préférés aux autres essences. En effet, d’après les plantations de M. Lam¬ bert , et d’après celles que je possède moi-même , et qui sont déjà âgées de douze ans, je crois pouvoir affirmer que le premier éclairci , supposé fait à vingt ans , donnera dans les meilleures par¬ ties 680 francs , frais d’exploitation déduits. Or, les meilleurs taillis sans futaie, essence de chêne, charme et autres arbres fores¬ tiers, ne se vendent guère en moyenne , à vingt ans, au-dessus de 6 à 700 francs l’hectare. 11 faudrait donc, pour qu’une plantation de ce genre fut équivalente à une autre d’arbres résineux , qu’au bout de vingt ans elle eût atteint son produit maximum , ce qui n’est pas possible. Ainsi le chiffre de 680 francs doit être considéré comme le produit maximum de l’hectare reboisé au bout de vingt ans. Les terrains plantés par M. Lambert appartiennent à la plus mauvaise nature de la formation de la grande oolite. Le sol , à peu près dépourvu de terre végétale , est composé de débris rocailleux désagrégés par la gelée. Le pays est si exposé à Faction du froid , que les bois qui couvraient primitivement le sol ont tous été suc¬ cessivement détruits. Aujourd’hui M. Lambert, pour le compte de M. Pasquier, frère du président de la chambre des pairs, pour son propre compte et celui de sa commune , a planté dans ces friches stériles plus de 300 milliers de pins sylvestres qui ont ad¬ mirablement bien réussi. Plusieurs propriétaires ont suivi son (1) Au moment où j'achève cet article, j’apprends qu’un pépinié¬ riste de Semur plante des pins sylvestres, avec garantie par la mé¬ thode de JV1. Lambert, à raison de 40 francs par hectare. 361 SÉANCE OU 21 DÉCEMBRE L8/j6. exemple , et les pentes dénudées de la grande oolite, aux abords de Chàtillon sûr-Seine , eoimnencent à se couvrir d’arbres verts. CONCLUSIONS. 36. Ce Mémoire, quoique bien long peut-être, ne doit être considéré que connue un programme des études à faire sur l’im¬ mense superficie qui forme le premier quart du bassin de la Seine, en amont de Paris. Plusieurs parties de ce travail sont incom¬ plètes, parce que je n’avais pas à ma disposition des moyens d’observation suffisants. Tous les chiffres donnés 11e sont sans doute pas d’une rigoureuse exactitude, mais les principes généraux sont vrais, et F expérience de chaque jour vient me le démontrer. Aujourd’hui que les questions du reboisement et des irrigations préoccupent si vivement les esprits sérieux, il est singulier que per¬ sonne 11’ait jusqu’à ce jour cherché à reconnaître quels sont les terrains qu’011 doit reboiser ou arroser. O11 a peine à croire qu’une société qui se forme pour entreprendre des irrigations sur 1111e grande échelle ait émis dans son prospectus le principe suivant : Partout on peut faire (las près avec le secours des eaux pluviales seulement. Il paraît bien démontré aujourd’hui que dans le projet d’alimentation du canal de Bourgogne 011 11e s’était nullement préoccupé de la nature absorbante des terrains à traverser. Je fais ces observations uniquement pour démontrer que l’hydrologie est une science toute nouvelle et qui doit attirer vivement l’attention des ingénieurs. Chacun sait construire un canal , endiguer une rivière, mais personne 11e connaît le secret des variations et des caprices des cours d’eau que tous ces grands ouvrages doivent maîtriser. Aussi, l’insuffisance des travaux exécutés, souvent leur inutilité , sont chaque jour démontrées par l’expérience! on ne connaîtra réellement le régime des rivières que lorsqu’on l’étudiera sur le terrain même où tombe la pluie qui les alimente. La méthode d’observation que j’indique (n° 4) peut être utile à tous les ingé¬ nieurs qui ne reculeront pas devant un travail ingrat, minutieux, mais dont l’importance est incontestable. Lorsqu’un ingénieur connaît bien la structure géologique de son arrondissement , cha¬ que tournée peut le mettre à même de faire d’utiles observations. Une bonne carte géologique éviterait bien des courses pénibles , surtout si les terrains calcaires et argileux n’y étaient pas confon¬ dus comme ils le sont pour diverses formations sur la carte de l’Ecole des mines. S’il m’était permis d’exprimer un vœu, je voudrais que des études analogues à celles qui font l’objet du présent Mémoire 362 SÉANCE 1)U 21 DÉCEMBRE 18/j6. fussent laites dans tous les bassins des rivières navigables. On re¬ connaîtrait alors le régime de ces rivières ; on saurait quels sont les terrains qui produisent les crues , les points où il faut travailler pour les régulariser, et on n’appliquerait pas en aveugle tel pro¬ cédé reconnu utile sur une rivière à tel autre cours d’eau où il doit être complètement inefficace. Àvallon , le 1*r février 1846. NOTES. roui* ne point compliquer le présent Mémoire, j’ai supprimé plusieurs parties essentielles que je reproduis dans les notes ci- dessous. Quelques uns des points où ont été faites les observations relatives à l’imperméabilité des terrains sont désignés dans les notes À, B, C, D. Pour abréger je ne citerai qu’un petit nombre d’exemples pour chaque nature de terrain. Note A. — Écoulement a la surface des granités. Ponceau sous le chemin des Pannats et sur le ruisseau de Mont- main, près d’ A vallon. Surface du débouché occupé par la crue du 6 mal 1836, 6m,17. Surface des versants d’amont, là kilomètres carrés. Débouché par kilomètre carré, 0,n,àà. La pente de la vallée est très forte (de 0ni,01 à 0m,0à par mètre). J’ai dit (n° à ) que les observations devaient être faites dans des vallées très courtes. En effet, l’on conçoit que pour une vallée plus longue la cause effi¬ ciente de la crue n’agisse pas partout à la fois avec la même inten¬ sité , de sorte qu’à mesure que la longueur de la vallée augmente , la surface du débouché nécessaire, par kilomètre carré, diminue. Voici deux exemples qui démontrent la vérité de cette proposition : Pont Clairaut, sur le Cousin, près d’ Avallon : Surface du débouche occupé par la crue des 5 et 6 mai 1836. 62,59 mèt. sup. Surf ace de la vallée en aval des étangs qui règlent les crues d’amont. . . . 210,00 kil. sup. Débouché par kilomètre superficiel . 0n\30 Pont de Bessy, sur la Cure ; surface du débouché occupé par la même crue . 213IU,00 Superficie de la vallée d’amont . 900 kil. sup. Débouché par kilomètre superficiel . 0'u,2à SÉANCE DU *21 DÉCEMBRE 18 Â6. 303 Note B. — Ecoulement clans les terrains liasiqiies. Premier exemple. Pont de Lucy-le-Bois, sur le Veau-de-Boucbe, route royale n° 6 (Yonne), surface occupée par la crue du 27 mai 18 VI . 36 met. sup. Surface de la vallée d’amont . . 23. k i 1 car. Débouché par kilomètre carré . lm,57 Deuxième exemple. Pont de Vitteaux sur la Brenne (Côte-d’Or), débouché du pont . * . . 26 mèt. sup. Surface de la vallée d’amont . 91 kil. sup. , dont 30 environ versent leurs eaux dans le réservoir de Gros-Bois et n’ont qu’une action très faible, par conséquent, sur les crues de Vitteaux, et 35, composés de terrains colitiques, ne donnent aucun produit dans les fortes pluies (voir plus bas la note C), et doivent être négligés. La surface à considérer ici est donc seulement de 26 kilomètres superficiels. Le débouché est ainsi de 1 mètre par kilomètre superficiel. Or, il est tellement insuffisant, que dans la crue du 30 avril 1842 l’eau passa pardessus le parapet du pont. En fixant à lm,50 le débouché nécessaire par kilomètre carré, ouest, suivant moi , un peu au-dessous de la vérité. Note C. — Ecoulement à la surjace clés terrains oolitiques inférieurs. C’est surtout pour cette nature de terrain que les résultats des observations faites sont remarquables. Les vallées entièrement ooli¬ tiques sont toujours sans cours d’eau , à moins qu’il ne s’y trouve une source très abondante. Dans ce cas , le ruisseau qu’elle produit va sans cesse en décroissant et finit par être absorbé en entier. Exemples : 1° ruisseau de Lucey (arrondissement de Cbâtillon , Côte-d’Or), traversant les villages de Faverolles, Lucey, la Chaume, disparaît même dans les plus fortes crues après un cours de 14 kilo¬ mètres ; 2° ruisseau produit par la fontaine de Jour ( arrondisse¬ ment de Cbâtillon, Côte-d’Or, après avoir traversé les communes de Chaume, Fontaines, Villaines-en-Ducsnois , disparaît près de Vauginois après un cours de 13 kilomètres; 3° la fontaine de Lu- cenay, près Montbâld , disparaît après un cours de quelques cen¬ taines de mètres, sous les roues mêmes du moulin qu’elle fait tour¬ ner ; 4° le ruisseau de Marot ( arrondissement d’Avallon , Yonne , après avoir traversé les villages de Fontenille, Brosses, et fait tour¬ ner plusieurs usines, disparaît en amont du hameau de Chevroches; 5° le Serein, la Seine et l’Ource, lorsque leur débit tombe au-dessous 364 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1 8 Z| (5 . de 1 mètre par seconde, disparaissent dans la traversée des terrains oolitiques, en amont de Noyers, Clïâtillon , Brion (n° 7). Les in¬ génieurs chargés de la', construction des routes dans ces terrains , semblent s’être préoccupés assez peu des moyens d’écoulement des eaux des vallées. Ainsi la route royale n° 65, entre Châtillon-sur- Seine et Cérilly, traverse deux vallées sur des ponceaux dont la clef de voûte à l’intrados est plus basse que le fond du thalweg, de sorte qu’à mon arrivée dans le département ces ouvrages étaient remplis de terre jusqu’à la clef, sans grands inconvénients pour la route et le roulage ' l’une de ces vallées , qiü aboutit sur Sainte-Colombe , a une étendue de 17 kilomètres superficiels. La route royale n° 80 franchit, au-dessous de Vauginois et à proximité de Puits, le vallon dont il est question dans le deuxième exemple ci-dessus. Quoique j’aie parcouru cette route plus de cinquante fois et par tous les temps possibles , je n’ai jamais vu d’eau sous le ponceau de lm c-,7 1, qu’on a cru devoir y construire. Or, la surface d’amont de la vallée est de 184 kilomètres superficiels. Le ponceau a donc un débouché de 0m c-, 0093 par kilomètre superficiel, et, je le répète, ce débou¬ ché est plus que suffisant. Les exemples ci-dessus suffisent pour dé¬ montrer que toujours et dans toutes circonstances les terrains oolitiques inférieurs absorbent l’eau tombée à leur surface. C’est toujours dans la grande oolite et le forest marble que la perte des cours d’eau a lieu. Ces terrains sont donc les plus absorbants de la série. Les couches marneuses de la terre à foulon ayant peu d’im¬ portance dans les lieux observés, il est impossible de dire l’in¬ fluence qu elles auraient si elles étaient plus épaisses. On conçoit cependant qu’une trombe d eau tombée sur la grande oolite ne puisse y être absorbée entièrement. C’est ce qui est arrivé dans une dépression de la vallée du Serein , près Grimault ( arrondissement de Tonnerre ) : une trombe étant tombée sur le plateau supérieur, creusa dans cette dépression , immédiatement au-dessus du mou¬ lin Bargeot, un ravin de plusieurs mètres de profondeur , arra¬ chant arbres et rochers, et roulant le tout sur les batiments du moulin que le constructeur avait établis en toute sécurité, il y a quelques siècles, sur le thalweg même de la dépression ; mais un semblable phénomène n’est qu’une exception bien rare heureuse¬ ment et qui ne peut être prise en considération dans la rédaction d’un projet. Note D. — Ecoulement à la surface de V oæford-clay . La puissance absorbante de l’oxford-clav est très variable suivant 365 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE l8Zj(5. la nature plus ou moins marneuse du terrain et les circonstances locales qui augmentent la perméabilité du sous-sol de la vallée. Je choisis ici les deux exemples qui donnent les résultats les plus dis¬ semblables : 1° Ponceau de Reigny, sur la vallée de Sacy, près Vermanson, route royale n° 6 ; Débouché occupé par la grande fonte de neige de l’hiver de 1844 a 1845. . . . . 17 met. s. Surface d’amont des versants . . . . 70kil. s. Débouché par kilomètre carré . . . . . 0m,c,,24. 2° Aqueduc à trois ouvertures sur la route départementale n° 16, sur le ruisseau de Riel-les-Eaux , arrondissement de Cliâtillon (Côte-d’Or ) ; Surface du débouché . 2mc*,16. Surface d’amont des versants depuis l’étang d’EpailJy 59 kil. car. Surface par kilomètre carré . Ümc-,0366. 11 faut observer, pour ce qui concerne ce dernier exemple, que la vallée de Riel-les-Eaux est presque sans pente ; que depuis Epàill y les eaux de pluie ou des sources nombreuses qui couvrent le sol s’écoulent si difficilement qu’elles forment des marécages d’une étendue considérable, où elles viennent en quelque sorte s’emma¬ gasiner dans les crues : de là , sans doute , le faible débouché du ponceau. Tels sont les exemples qui me semblent suffisants pour bien dé¬ terminer la classification des terrains en question , eu égard à leur pouvoir absorbant. En faisant d’autres observations on trouve des nombres qui, sans doute, ne sont pas identiques avec ceux cités plus haut, mais qui cependant varient pour chaque terrain dans des limites assez resserrées. Les observations que j’ai pu faire dans le coral-rag, les marnes de Kimmeridge et les calcaires dePortland ne sont pas assez précises pour que je les cite ici. Cependant tout me porte à croire que le coral-rag et les calcaires de Portland doivent être classés parmi les terrains les plus absorbants , et les marnes de Kimmeridge clans la meme catégorie que l’oxford-clay. Le sol des routes , des chemins , des sentiers et généralement de tous les terrains foulés par le passage des hommes , des animaux ou des voitures, doit être classé parmi les terrains les plus imper¬ méables. Que l’on examine par une forte pluie le frayé fait dans une terre fraîchement labourée par le passage de deux ou trois voitures , on remarquera, dès l’origine de la pluie, des flaques cl’eau dans les légères ornières formées par les roues, tandis que le fond des sillons voisins absorbera toute l’eau tombée. Dans la grande 3(56 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/jO. oolite (le plus absorbant de tous les terrainsdont il est ici question), les chemins en pente donnent souvent beaucoup d’eau, tandis que les versants dans lesquels ils sont tracés, quoique d’une superficie incomparablement plus grande , n’en débitent pas une quantité appréciable. Note E. Je crois devoir faire connaître les jaugeages que j’ai eu occasion de faite dans le courant de iSkk sur un petit ruisseau nommé le Ru d’Âillon, près d’Avallon. Ils donneront une idée des variations continuelles ‘éprouvées par les cours d’eau granitiques, suivant que le temps est sec ou pluvieux ; et comme la vallée est boisée à quel¬ ques hectares près , ils prouveront jusqu’à l’évidence que le re¬ boisement est un moyen insuffisant pour régler les cours d’eau. Les jaugeages étaient faits au moyen d’un petit déversoir en tôle mince de 0m,25 de largeur. Ces calculs ont été effectués au moyen * 3 de la formule Q = 1. 80 /. h- — ( Q = débit , l = largeur du dé- versoir, h = hauteur d’eau observée). DÉBIT EN MÈTRES CUBES. DATES, - - — - - OBSERV. 1 • i - ; • • i • i i ) li ! 1 i : . • - « - ; J ; PAR SECONDE. PAR 24 HEUKES. 1 5 mai . 0,00355 306,7 ( ;«) 1 er juin . 0,00526 4 54,5 o 15 juin . 0,0013 1 12,30 1 >0 '\ er juillet . 0,007 605,00 15 juillet . 0,00266 2-20,8 1er août . >. . 0,00 1 3 112,3 ( j) 1 5 août. .; . 0,0082 708 5 [f) 1er septembre . 0,0023 I 98,7 0 1 5 septembre . 0,00176 152,06 In 1er octobre . 0,0087 751,68 (a) Sécheresse, petite pluie trois jours avant l’opération, (b) Deux ou trois petites pluies dans la quinzaine. (r) ^.Sécheresse , sauf une pluie d’orage au commencement de la quinzaine, (r/) Depuis le 2k. juin temps pluvieux, faibles pluies presque tous les jours, (e) Sécheresse, sauf plusieurs jours de pluies au commencement de la quinzaine. (/) Sécheresse, (g) Il a plu le 11 , le 12 , le 13, le 307 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/lG. I 14 et le 15 ( faillies pluies ). (//) Sécheresse, sauf plusieurs jours de pluie au commencement Je la quinzaine. (; i ) Idem. (/) Plusieurs jours de pluie au commencement de la quinzaine. Pendant l’été très pluvieux de 1843. on a fait le jaugeage du même ruisseau, et on a obtenu des variations bien plus fortes ( le maximum a dépassé 2,177 mètres cubes par vingt-quatre heures , et le minimum a été de 128iU C-74. On voit par conséquent com¬ bien on se tromperait si l’on attribuait uniquement au boisement des vallées la régularité du débit de certaines rivières. Note F. Pour bien se rendre compte des effets de l’évaporation, il faut admettre : 1° que le volume de l’eau qui s’écoule à la surface du sol au moment même de la pluie , ou qui est rassemblé dans les cours d’eau dans le fond des vallées (je ne parle ici ni des canaux ni des étangs) n’est pas sensiblement diminué par l’évaporation; 2" que la partie des eaux pluviales qui reste clans la couche super¬ ficielle du sol est, au contraire , entièrement enlevée parce moyen, il est inutile de s’occuper ici des terrains absorbants où il s’é¬ tablit, au moment de la pluie, une multitude de petits cornants continus de la surface du terrain jusqu’au sous-sol. Mais voyons ce qui se passe dans les terrains à sous-sol imperméable. 11 est évi¬ dent que la quantité d’eau nécessaire pour abreuver la couche su¬ perficielle du, sol sera d’autaüt plus petite que le soi sera plus com¬ pacte et plus humide. Elle serait même nulle dans un terrain où la couche superficielle serait constamment tenue à son point maxi¬ mum d’imhibition. Dans ce cas, la totalité des eaux pluviales cou¬ lerait à la surface, et les produits de 1 évaporation seraient très faibles. Or, la surface du sol se présente généralement sous trois aspects. Ou elle est en nature de terre arable, ou elle est en prairie naturelle ou artificielle, ou en friche, ou elle est boisée. Dans le premier cas , en cultivant la terre , on se propose rie la rendre aussi peu compacte que possible , par conséquent l’humidité peut y en¬ trer à de très grandes profondeurs^ en outre , le sol est générale¬ ment peu couvert; dans des circonstances atmosphériques données, il est donc bien disposé pour rendre les produits de l’évaporation considérables. Dans le deuxième cas , le sol est très compacte, l’eau ne peut y pénétrer profondément; il est couvert jusqu’aux récoltes , et alors reste presque constamment humide , mais ensuite il est très découvert , et par conséquent au moins aussi facile à dessécher que les terres labourables. Dans le troisième cas, le sol est moins 368 SÉANCE nu 21 DÉCEMBRE compacte que dans le précédent ; mais il est bien mieux couvert ; et toutes les personnes qui connaissent les forets basiques et grani¬ tiques ont sans doute reconnu, comme nous, que la surface du terrain, sous les arbres, est presque toujours humide. Ainsi il faut une bien plus petite quantité d’eau pluviale pour abreuver la couche superficielle des prairies , et surtout des bois , que celle des terres labourables, et par conséquent, dans cette dernière nature de terrain , les pertes par l’évaporation sont bien plus importantes . Pour déterminer très exactement les produits de l'évaporation dans ces trois cas , il faudrait comparer aux produits d’un udo- mètre les jaugeages journaliers et longtemps répétés faits dans trois petites vallées à sous-sol imperméable, dont l’une serait boisée, l’autre couverte de prairies et la dernière labourée. Note G. — Effet utile des usines dans certains cas. Les moyens indiqués (n05 18 et 19) pour arrêter les alluvionsne s’appliquent qu’aux versants cjui forment les parties latérales des vallées. Mais lorsque la pente du fond est rapide, il est souvent utile de protéger les berges contre les érosions des torrents. Cela est nécessaire surtout dans les vallées granitiques , dont la pente est souvent de ■O™, 01, 0m,02 et 0m,05 par mètre, et dont le sol est très léger et très attaquable. Aussi, lorsque les eaux des ruisseaux y coulent librement et sans obstacle , pour peu que leur volume ait d’importance, les terres riveraines sont enlevées jusqu’au vif, et le sol reste dénudé ou couvert de fragments plus ou moins gros de rochers roulés. Bans ce cas, les déversoirs des usines, aussi élevés que possible, sont sans contredit le meilleur remède; ils détruisent la vitesse de l’eau , favorisent le dépôt des alluvions dans les champs voisins, et souvent suffisent pour convertir un sol stérile en terre à chanvre. Il est véritablement remarquable com¬ bien l’instinct des constructeurs des anciennes usines les a admira¬ blement dirigés dans l’établissement de leurs prises d’eau. Tandis que dans les terrains absorbants du Châtillonnais , les usines ont à peine des déversoirs , et que l’écoulement des crues s’opère par quelques vannes de décharge qui n’arrêtent point les alluvions, dans le lias de l’Auxois et les granités du Morvan surtout, les plus misérables moulins ont d’immenses déversoirs qui suffisent large¬ ment à l’écoulement des crues , et seulement une petite vanne de décharge pour vider le bief en cas d’avarie , mais qui ne suffit point pour rétablir en amont la vitesse primitive et favoriser l’éro¬ sion des rives. L’administration, en prescrivant des règles uni- SÉANCE Dtî 21 DECEMBRE 18/|(5. 369 formes dans 1 etablissement des usines, s’est donc écartée de la vérité*. Ainsi les grands déversoirs qu’on impose aux usiniers dans des terrains oolitiques constituent une dépense inutile , puisque les crues arrivent lentement dans ces terrains, et qu’il est facile de les taire écouler par les vannes de décharge, tandis que les vannes de décharge qu’on prescrit dans presque toutes les circonstances peuvent être funestes aux riverains des ruisseaux liasiques et granitiques , en augmentant la vitesse d’amont et en favorisant l’érosion des rives. Note H. Les étangs du Morvan contiennent peu de vase ; ils reposent presque tous sur un fondd’arêne granitique: aussi ils ne paraissent pas exercer une action fâcheuse sur la population , qui est généra¬ lement très saine. Les étangs du lias, au contraire, reposent gé¬ néralement sur un fond de vase. Ils peuvent donner lieu à des fièvres intermittentes, ainsi que le prouvent de nombreux exem¬ ples. Il y aurait donc de grands inconvénients à établir des étangs dans le lias, surtout dans le voisinage des villes. Les grands réser¬ voirs que je propose de construire (n°* 2â, 25, 26) doivent égale¬ ment être éloignés des centres de population. Les populations du terrain basique sont du reste très belles. Le canton de Guillon , près d’Avallon , qui repose entièrement sur cette formation , four¬ nit au recrutement les plus beaux hommes du département de l’Yonne. Cependant , depuis quelques années , les fièvres typhoïdes y régnent épidémiquement , ce qui doit être attribué à l’insalubrité des maisons, dont les caves, creusées dans un sol imperméable et humide en même temps, sont presque toujours malsaines, et communiquent bientôt leurs propriétés malfaisantes au reste du bâtiment. Les terrains oolitiques inférieurs sont très sains. La po¬ pulation y est remarquablement active et industrieuse. Les terrains oxfordiens, qui sont à une assez grande distance du point de par¬ tage , sont peu inclinés , surtout dans l’arrondissement de Châtil- lon-sur-Seine. Aussi les sources nombreuses qu’on y remarque manquent souvent d’écoulement , et forment dans le fond des val¬ lées des marécages qui ont longtemps exercé une fâcheuse influence sur la population. Il y a vingt ans, les villages de Belan , d’Antri- court, etc., sur la basse Ource , étaient décimés par les fièvres in¬ termittentes , les maladies scrofuleuses, etc. En hiver, on voyait des sources suinter des fondations de chaque maison. Des marais infects environnaient chaque localité. Aujourd’hui les marais sont devenus des jardins , les maisons ont été assainies, aérées; les ma- Soc. géol. . 2e série, tome IV. 24 370 SÉANCE T)U 21 DÉCEMBRE 18Z|6. ladies scrofuleuses sont devenues rares , et les fièvres ont presque disparu. L’établissement d’un canal dans les terrains oolitiques est presque toujours un fléau pour les populations , surtout dans les vallées peu inclinées ; les filtrations nombreuses qui s’établissent à travers les remblais ne tardent pas à convertir en marais toutes les parties basses du terrain : de là toutes les maladies dont j’ai parlé plus haut. Les canaux de bourgogne et du Nivernais peuvent être cités comme exemples. Sous ce rapport, les chemins de fer sont bien préférables aux canaux. Ils sont sans doute très incom¬ modes pour le propriétaire dont ils morcellent les domaines , pour le fermier, en augmentant les distances de transport des engrais et des récoltes ; mais au moins ils n’ont aucune influence fâcheuse sur la santé générale de la population, et les inconvénients qu’ils présentent sont bien compensés par les nombreux débouchés qu’ils ouvrent à toutes les industries. Après la lecture de ce Mémoire, M. Virlet communique l’extrait d’une lettre qui lui est adressée par M. Belgrand et qui contient les observations recueillies par lui sur le bassin de la Seine pendant les pluies qui ont amené dans le bassin de la Loire des désastres dont le pays est encore ému. » La quantité d’eau tombée les 16 et 17 octobre dernier dans le bassin supérieur de la Seine a été énorme, elle n’a cependant produit à Paris qu’une crue insignifiante, puisque les journaux n’en ont même pas parlé. » Yoici les hauteurs d’eaux pluviales constatées à l’hydromètre de Montsauche, à quelques kilomètres à l'aval des sources de la crue : Jeudi 4 5 octobre 1846 . Om,OI65 Vendredi 16 octobre 4 846 . 0n\0775 Samedi 4 7 octobre 4 846 . 0ni,0880 Dimanche 4 8 octobre 4 846 . 0m,01 15 Hauteur totale . 0m,4 935 » La hauteur moyenne des eaux qui tombent annuellement dans la cour de l'Observatoire de Paris est de 0m,57 ; ainsi la quantité tombée à Montsauche en quatre jours a été très approximative¬ ment égale au tiers de ce qui tombe dans lui an à Paris. Mainte¬ nant voyons ce que sera devenue cette énorme masse d’eau. Tous les ruisseaux à versants granitiques ou basiques: ont éprouvé une SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 371 forte crue ; mais ce qui m a véritablement surpris , c’est que tous les versants oolitiques, même ceux des argiles d’Oxford, n’ont exactement rien donné , sauf sur les points où il existe des sources. Je ne puis entrer ici dans le détail des observations que j’ai pu faire sur tous les cours d’eau de mon arrondissement ; je vous dirai seulement que les vallées de l’Yonne , de la Cure , du Serein , de 1 Armançon, qui ont des versants granitiques ou basiques impor¬ tants , ont éprouvé des crues très fortes. Celle de la Cure , à Arcy, s’est élevée à 3m,50 au-dessus de l’étiage, à 0 111 , 5 0 seulement en contre-bas de celle du mois de mai 1836. Les vallées de la haute Seine (en amont de Châtillon), de l’Ource , de l’Aube (en amont de Montigny), dont les versants sont presque entièrement oolitiques, n’ont éprouvé que des crues extrêmement faibles. Ainsi , sur les 11,000 kilomètres carrés qui forment le quart supérieur du bassin de la Seine, 3,000 seulement (les granités et les terrains basiques) ont donné de l’eau aux rivières à la suite des dernières pluies. Il ne faudrait cependant pas conclure de là que la Seine supérieure , l’Ource, etc., les autres rivières à versants oolitiques n’éprouvent ja¬ mais de fortes crues. Les nombreuses sources qui les alimentent sou¬ tiennent leurs eaux à un niveau très élevé pendant l’hiver et jusqu’au milieu du printemps ; alors les faibles parties des versants qui con¬ tiennent des argiles basiques suffisent à la suite d’une forte pluie pour produire une crue. Les fontes de neige donnent presque toujours de l’eau sur les versants oxfordiens et quelquefois dans les terrains oob- tiques (voir mon Mémoire), aussi ces cours d’eau éprouvent-ils des crues assez fréquentes en hiver; mais il difficile qu’ils sortent de leurs lits entre le 1er juin et le 1er novembre , lorsque les sources sont basses, comme le prouvent bien les observations faites en oc¬ tobre dernier. Ainsi donc ma théorie de l’écoulement des eaux pluviales à la surface des terrains granitiques et jurassiques de la Bourgogne est pleinement confirmée par mes dernières observa¬ tions. Il en a été de même de l’opinion que j’ai émise dans mon Mémoire sur le reboisement des mêmes terrains. J’ai dit que les bois ne pouvaient en rien prolonger l’écoulement des crues des cours d’eau , et par conséquent en diminuer la hauteur ; qu’ils pouvaient cependant, comme les prairies naturelles ou artifi¬ cielles, produire un effet salutaire en empêchant le déplacement de la couche superficielle du sol. La vallée de la Cure, en amont d’Arcy, contient environ 900 kilomètres carrés de terrains grani¬ tiques ou basiques ; cette surface est à peu près à moitié boisée ; quels que soient les efforts de l’administration et des propriétaires, on ne doit pas espérer arriver jamais, sur une vallée de quelque 372 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18A6. étendue, à un reboisement proportionnellement aussi considé¬ rable. Si donc le reboisement des montagnes doit diminuer la rapidité de l’écoulement des crues , et par conséquent leur hauteur, à coup sûr les crues de la Cure doivent s’écouler dans d’excel¬ lentes conditions. Or, voici comment s’est passée celle du mois d’octobre dernier. » Le samedi 17, à onze heures du matin, je visitai les travaux de deux ponts que je fais construire à Arcy. La Cure s’élevait à peine à O1", 30 ou 0,n,û0 au-dessus de l’étiage. La crue 11’a com¬ mencé à se faire sentir qu’à l’entrée de la nuit; à huit heures du soir, elle s’élevait si rapidement cpie les ouvriers qui travaillaient aux épuisements de l’un des ponts étaient forcés de quitter préci¬ pitamment les travaux , laissant sur place les pompes et autres agrès. Un instant après , le conducteur des travaux, pour sauver les registres d’attachements et autres objets déposés dans une bar- raque au bord de l’eau, était obligé de faire traverser à la nage , par un ouvrier, les prairies couvertes d’eau. Le lendemain, à huit heures du matin , l’eau s’élevait contre les piles à 3 ,n , 5 0 au-dessus de l’étiage, et le lundi 19 la rivière était rentrée dans son lit : ainsi la crue a duré à peine quarante heures. Or, si vous voulez vous reporter aux chiffres qui sont au commencement de cette lettre, et qui donnent les hauteurs d’eau tombée, vous verrez que la pluie a régné avec une grande intensité depuis le 16 jusqu’au samedi 17, c’est-à-dire pendant trente-six heures par conséquent. La crue n’a guère mis plus de temps à s’écouler que la pluie à tomber. Les nombreuses forêts qui couvrent les versants de la ri¬ vière n’ont donc pas prolongé l’écoulement de la crue, et par conséquent n’ont pu diminuer la hauteur. Mais j’ai constaté, dans les nombreuses excursions que j’ai faites depuis le 17 octobre , les désastreux effets des eaux pluviales dans les coteaux fraîchement labourés des terrains granitiques ou basiques. Je suis forcé d’en¬ trer encore ici dans quelques développements. Presque tous les propriétaires dans ces formations , pour se débarrasser plus promp¬ tement des eaux pluviales , dont le séjour nuirait à leurs récoltes , dirigent leurs sillons suivant la ligne de plus grande pente du ter¬ rain. Cette disposition préserve en effet les récoltes , mais elle a l’inconvénient de donner à l’eau la force érosive maxima, de sorte qu’à la suite de chaque pluie un peu forte , tous les sillons sont plus ou moins profondément ravinés, et les engrais , l’humus et , en général, les parties les plus fertiles du sol sont entraînées vers le fond des vallées. » Dans les parties couvertes de bois ou de prairies naturelles ou SÉANCE DU '21 DÉCEMBRE I8/|6. O r O 0/0 artificielles ? le déplacement de la couche superficielle du sol n’existe pas, non pas parce que les eaux pluviales s’y écoulent moins vite, mais bien parce que le sol , soutenu par les nombreuses racines des végétaux qui le couvrent , y est plus ferme et résiste mieux à l’action de l’eau. » On peut donc employer divers moyens pour empêcher le dé¬ placement de la couche superficielle du sol : » 1° Dans les terrains d’un prix peu élevé (les granités en géné¬ ral), le reboisement; » 2° Dans le lias et les bons terrains granitiques , la création de prairies naturelles ; » 3° Dans les terrains mal disposés pour recevoir des prés, le changement de direction de la culture. On doit, en général, don¬ ner aux sillons l’inclinaison la plus faible possible, en assurant toutefois l’écoulement des eaux pluviales ; » Lorsque les parcelles sont trop étroites pour qu’il soit possi¬ ble de changer le sens de la culture (ce quia lieu malheureusement dans tous les bons terrains basiques où le morcellement est exces¬ sif), il tant, autant que possible, développer la culture de la luzerne, qui végète très bien dans les terrains argileux du lias, même lors¬ qu’ils sont presque dépouillés de terre végétale. » Ainsi le reboisement est restreint aux terrains granitiques d’une faible valeur, et comme ces terrains sont déjà excessivement boisés , on peut dire qu’il n’y a sous ce rapport que bien peu de chose à faire dans le bassin supérieur de la Seine. Après la lecture de la lettre de M. Belgrand , M. Yirlefc ajoute que le plateau de la Brie, qui forme entre la Seine et la Marne un grand triangle déplus de 3,000 kilomètres carrés de super¬ ficie , et dont les angles aboutissent à Epernay, à Saint-Maur et à Moret, donne très rarement lieu, même par les plus grandes pluies, à des inondations locales. Cette circonstance tient ü ce que ce plateau , étant composé en grande partie par les calcaires siliceux de la Brie, qui sont généralement fendillés, et par quelques lambeaux du terrain de sables et grès de Fontaine¬ bleau, il constitue, comme certains étages oolitiques de la Bourgogne, un véritable terrain absorbant. Seulement, celui- ci rend presque directement ses eaux à la Marne et à la Seine par une infinité de petites sources qui vont sourdre à la base des calcaires, au-dessus des couches de marnes gypseuses qui 37 Zi SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. forment le fond des vallées. Les eaux de ces nombreuses sources contribuent ainsi, même pendant les époques de sécheresse, à maintenir en partie fétiage des affluents qui naissent sur ce plateau, et par suite celui de la Marne et de la Seine. En effet, appelé l’année dernière par le tribunal de Melun à donner, conjointement avec MM. Gentilhomme et Defresnes, ingénieurs des ponts et chaussées , un avis dans un procès très important, qui tenait précisément à cette curieuse circonstance géolo¬ gique (1), j’ai pu constater que, même à la fin de la grande sécheresse qui a signalé l’été de 1846, ces sources n’avaient point tari complètement, et continuaient à alimenter les cours d’eau. Voilà donc une surface considérable du bassin supérieur de la Seine qui ne contribue que bien rarement, et seulement dans les cas de pluies torrentielles et subites, aux crues de cette ri- (1) Il s’agissait de déterminer si le ru de Yoisenon , qui fait tourner le moulin de Rubelles, suivait son cours naturel, ou s’il n’avait pas été détourne à cet effet par la main des hommes. Cette question grave et très importante pour tous les propriétaires rive¬ rains, menacés de se voir enlever une partie de leurs propriétés, était fort difficile à résoudre, car il n’y avait aucun travail d’art, et il s’agissait d’apprécier un fait qui remontait à des temps très reculés. Nous croyons cependant avoir résolu la question d'une manière in¬ contestable en faveur des propriétaires riverains ; car s’il est vrai de dire, en thèse générale, d’après les principes de l'hydrostatique, que les eaux tendent toujours à parcourir, à la surface du sol , la ligne clc plus grande pente , ces principes ne sont cependant pas absolus, sur¬ tout dans le cas d’un plan très peu incliné , où la gravité qui meut la masse fluide est très petite pour vaincre les moindres obstacles qui s’opposent à la direction qu’elle tend naturellement à prendre , celle de la ligne de plus grande pente. Le petit ru de Yoisenon présente un de ces cas exceptionnels ; car son cours s’est trouvé en partie dé¬ tourné de la ligne de thalweg, d’abord par les nombreux blocs de grès de Fontainebleau restés disséminés à la surface du sol , comme autant de témoins irrécusables des dénudations qui , dans cette contrée , ont enlevé successivement les parties meubles de ce terrain , et ensuite par une de ces lignes de surgissement aquifère que je viens de signaler à la base des calcaires siliceux , qui se manifeste sur le revers gauche du vallon de Rubelles, un peu au-dessus de la ligne de thalweg, et dé¬ termine, à la limite des alluvions fluviales récentes, une zone de sources qui, en tenant le sol constamment détrempé , a dû nécessairement y fixer de préférence le cours du ru qui venait déboucher en face, s’y mêler et s’y alimenter. SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 375 vière , et où le reboisement n’aurait certainement pas une très grande influence pour les empêcher. A la suite de la lecture du travail de M. Belgrand , M. Rozct présente les observations suivantes : Toute l’eau des météores atmosphériques, qui tombe à la surface de la terre , se divise en trois parties : une portion pénètre par infiltration dans le sol , une autre retourne dans l’atmosphère par l’évaporation, et le reste coule dans le lit des cours d’eau , en sui¬ vant les lignes de plus grande pente des surfaces. Une grande partie de l’eau qui pénètre dans le sol est absorbée par les végétaux , dans l’intérieur desquels elle circule suivant plusieurs systèmes de vaisseaux capillaires. Une portion de celle- ci est certainement décomposée par la force de la végétation qui en absorbe l’oxigène , et le reste retourne dans F atmosphère après avoir traversé les parties les plus délicates des branches et des feuilles. Ainsi, de l’eau qui s’infiltre dans le sol , une partie seulement , la moitié peut-être , ce qu’il ne serait pas impossible de déterminer par des expériences , pénètre à une certaine profondeur ; le reste ne dépasse pas la couche, toujours très mince, dans laquelle s’étendent les racines des plantes et des arbres. Cette portion , qui arrive au-dessous de la couche de terre végétale , est elle-même sensiblement diminuée par suite du dessèchement de cette couche, produit d’une part par l’absorption des végétaux, et de l’autre par celui de sa surface exposée aux rayons du soleil et au frottement continuel des courants d’air. La partie des eaux tombées sur la terre qui s’enfonce à une cer¬ taine profondeur est donc beaucoup moins considérable que ne le suppose M. Belgrand et qu’on ne le croit généralement. Celle-ci s’enfonce toujours en diminuant de volume , jusqu’à ce qu elle rencontre une masse' imper méable , comme une couche d’argile. Alors elle coule sur cette niasse si elle rencontre entre elle et celle qui la recouvre des vides qui lui permettent de passer , ou elle s’imbibe dans la couche supérieure perméable comme dans une éponge. L’eau qui suit la déclivité d’une masse imperméable vient for¬ mer des sources sur les points où cette masse affleure à la surface du sol. C’est pourquoi il en existe un grand nombre au pied des escarpements de l’oolite inférieure, ayant pour base les marnes du lias, au pied des falaises du terrain crétacé, dont la base est formée 376 SÉANCE EU 21 DÉCEMBRE 18Æ|6. par le gault , etc. ; par leur réunion ces sources produisent des cours d’eau plus ou moins considérables. L’eau imbibée dans une niasse perméable des sables, des roches poreuses , vient aussi former des sources aux points d’affleurement de cette masse; mais celles-ci présentent des différences assez nota¬ bles avec les premières : le volume des eaux est beaucoup moins considérable et beaucoup moins variable en même temps , et le long des affleurements il existe beaucoup plus de suintements que de sources. Si la masse imperméable , au lieu de présenter une surface déclive , se trouve creusée en bassin , l’eau s’accumule dans ce bassin jusqu’à ce qu’il soit rempli , et le passage par dessus les bords donne naissance à des sources considérables et dont le vo¬ lume des eaux éprouve peu de variations. On croit qu’il existe un grand nombre de pareils bassins dans l’intérieur de la terre. Le phénomène des puits artésiens est certainement dû aux eaux qui circulent dans l’intérieur de la terre. On a souvent écrit qu’ils sont alimentés par des cours d’eau souterrains, provenant des mon¬ tagnes voisines : cela peut être ; mais ils sont aussi bien souvent dus tout simplement à l’infiltration des eaux des rivières à travers les couches perméables qui viennent affleurer dans leur ht, comme nous allons le prouver par quelques exemples. M. Degousée a établi , dans la ville de Chalon-sur-Saône , plusieurs puits forés , dont l’eau s’élève à peine à 1 mètre au- dessus de la surface du sol. Le fond de ces puits se trouve dans une couche de sable du grand terrain de transport du bassin de la Saône , reposant sur une puissante niasse argileuse que l’on voit affleurer sur plusieurs points dans les berges de cette rivière, et qui doit appartenir à la partie supérieure du terrain tertiaire. Le sol du quartier de la ville où se trouvent les puits forés est à 180 mètres au-dessus de la mer , nombre qui exprime aussi l’altitude de l’étiage de la Saône à 6 lieues en amont. Le pied des montagnes, de l’intérieur desquelles on a cru que pouvaient pro¬ venir les eaux jaillissantes , est à 212 et 220 mètres au-dessus de la mer ; ce qui donne , avec le sol de Cliâlon , une différence mi¬ nimum d’altitude de 32 mètres et montre bien que les eaux qui ne jaillissent que de 1 mètre ne peuvent en partir. En remon¬ tant la Saône jusqu’à Gray, on trouve SU mètres pour l’altitude de l’étiage. C’est donc dans les environs de cette ville que doivent pa¬ raître, dans le lit de la rivière, les couches perméables , les sables et graviers inférieurs du terrain de transport ancien , qui amènent l’eau jusque sous Châlon. 377 SÉANCE Dû 21 DÉCEMBRE 1846. Plusieurs faits ont démontré que les puits artésiens de Tours sont alimentés par des infiltrations de la Loire à travers les sables du grès vert. Il est généralement admis que l’eau du puits de Grenelle pro¬ vient des infiltrations de la Seine et de ses affluents aux environs de Troyes , dans le même étage géologique. Les sables verts qui sont à la surface du sol, entre Troyes et Bar-sur-Seine , n’ont été rencontrés à Grenelle qu’à 500 mètres de profondeur, et le jaillis¬ sement s’est produit dans des circonstances très remarquables. La colonne d’eau a apporté avec elle , et pendant plusieurs mois , une grande quantité de sable , et elle a été ensuite alternative¬ ment claire et chargée de sable jusqu’à ce qu’elle se soit tout à fait éclaircie. Cette eau se trouvait donc imbibée dans la masse sableuse , et elle n’est devenue claire que lorsque l’ascension a eu produit autour de l’orifice inférieur du puits une cavité assez grande pour que l’eau, qui venait remplir cette cavité, ait eu le temps de déposer tout son sable avant de monter aux environs de Paris; le terrain crétacé forme un vaste bassin , une espèce de cuvette dont les sables verts occu¬ pent le fond. L’eau infiltrée dans ces sables, à une altitude inférieure de plus de 500 mètres à celle des points d’entrée, doit donc éprou¬ ver une énorme pression qui détermine son ascension dans les puits forés. Ce doit être là la cause la plus générale de l’élévation de 1’ eau dans ces puits. Quelques faits ont prouvé aussi que cette élévation pouvait être attribuée à des courants souterrains ; mais ce cas s’est rarement présenté ; encore ces courants peuvent-ils provenir de la pénétration de l’eau des rivières et des lacs à tra¬ vers les fissures des roches et dans les cavités souterraines. Je ne nie pas cependant qu’il puisse exister de grands réservoirs d’eau dans l’intérieur de la terre , alimentés par celle qui tombe de l’atmosphère, donnant naissance à des courants ; mais ces réservoirs ne sont pas aussi nombreux qu’on le croit généralement , d’après ce que nous avons exposé au commencement de cette note ; et , bien certainement , la plus grande partie des eaux souterraines provient de l’infiltration des cours et des amas d’eau de la surface ; l’eau de la mer elle-même pénètre dans les profondeurs du globe : on connaît plusieurs points sur les côtes où existent des gouffres qui l’absorbent continuellement; la grande quantité de vapeurs d’eau mélangée d’acide chlorhydrique et de sel marin qui sort par les évents volcaniques situés sur le bord de la mer prouve que celle- ci s’enfonce jusque dans les foyers d’éruption. L’intérieur de la terre renferme donc , à diverses profondeurs , 378 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE !8/l6. des masses d’eau assez considérables , dont plusieurs circulent par les cavités des roches , à la manière des cours d’eau de la surface. Les eaux souterraines sont indispensables à la continuation de la vie sur la terre : sans elles point de sources , point de rivières , point de fraîcheur dans les temps de sécheresse; car l’eau retenue dans la couche de terre végétale est bientôt absorbée par les plantes , cpii ne tarderaient pas à périr, quand les pluies sont rares, si l’action capillaire des roches n’apportait continuellement dans cette couche une partie de l’humidité de celle qu’elle recouvre. Si dans plusieurs éruptions volcaniques, dans certains tremble¬ ments de terre , celui de Lisbonne , par exemple , on a vu des masses d’eau sortir de l’intérieur de la terre et inonder tout le pays environnant , il est certain que lors de ces grandes catastro¬ phes, qui Ont donné naissance aux chaînes de montagnes, le mente phénomène a dû se produire sur une très grande échelle. Là se trouve naturellement l’explication de ces puissants dépôts d’aîluvions qui couvrent le fond des vallées et la surface des plaines, dans l’intérieur et de chaque côté de ces chaînes. M. Pomel met sous les yeux des membres de la Société divers ossements de vertébrés fossiles du Bourbonnais, et fait les com¬ munications suivantes. Note sur des animaux fossiles découverts dans le département de /’ Allier (addition au Mémoire sur la géologie paléontolo- gique, etc. Bull., 2e série, t. III, p. 353) , par A. Pomel. Depuis la communication que j’ai faite à la Société du premier résultat de mes recherches sur la faune fossile de l’ancien Bour¬ bonnais , j’ai pu réunir de nouveaux et nombreux matériaux qui ont augmenté et rectifié un peu la liste des espèces qui habitèrent autrefois la fertile vallée de l’Ailier. Les ossements que j’avais alors pu étudier provenaient presque tous des gisements de Vaumas ex¬ plorés par M. Poirrier avec tant de zèle et de persévérance. .Te ne connaissais des gisements si curieux de Saint-Gérand-le-Puy qu’un petit nombre de pièces, caractéristiques il est vrai, mais insufii- santes pour y prendre une idée complète de la faune de cette ré¬ gion. Actuellement , grâce aux bienveillantes communications de M. Van-den-Iïecke, qui a consacré trois étés à la recherche des lossiles de Saint-Gérand, et surtout a celles de M. Feignoux, qui a bien voulu me confier pour l’étude sa belle collection paléontolo- gique , fruit des récoltes faites dans les mêmes localités depuis de SÉANCE EU *21 DÉCEMBRE 18Z|(5. 370 nombreuses années, je suis en possession des matériaux les plus riches qu’on ait encore réunis pour l’histoire paléontologique des principaux bassins ossifèresde la même époque. Je puis aussi ajou¬ ter, comme nouveaux et précieux renseignements, quelques déter¬ minations de poissons fossiles que M. Agassiz a bien voulu me faire. J’ai cru qu’il était utile de résumer dans cette note les obser¬ vations nouvelles que j’ai puisées aux sources précitées, afin de compléter le prodrome de la publication de tous ces fossiles que j’ai annoncée dans mon mémoire précédent. Le genre Ampliicyon a certainement vécu dans le bassin de l’Ailier aux époques tertiaires. Trois espèces y sont parfaitement caractérisées. La plus grande est intermédiaire pour la taille aux deux espèces de Sansan ; nous en avons un arrière-crâne , des vertèbres nombreuses , cervicales , dorsales , lombaires ,* sacrées et coccygiennes , bassins, fémur, tibia, calcanéum, métatarsiens, phalanges, etc. La seconde espèce ( A. lemanensis) , identique à celle de Digoin, mais différente de Y A. ni in or de Sansan, est aussi parfaitement représentée par des pièces nombreuses et d’une belle conservation. Enfin, la troisième [A. gracilis ), la plus petite con¬ nue, dont nous avons plusieurs mandibules , un humérus et plu¬ sieurs autres os , ne peut être non plus douteuse. On doit lui rap¬ porter la mandibule du Canis issiodorensis , Blainv. { Ost. jase, ('unis ). L’espèce établie sous ce nom, dans un manuscrit par M. Croizet, repose uniquement sur la mâchoire supérieure figurée dans l’ostéographie et trouvée dans un terrain pliocène à Perrier. Ce nom doit , du reste , devenir synonyme du C. megamastoides , que j’ai établi avant la publication de l’espèce par M. de Blain- vilie. Le Canis brevirostris a bien réellement deux tuberculeuses à la mandibule , et c’est par accident qu’un de nos échantillons était dépourvu de la dernière ; mais il ne nous paraît pas encore établi que cette espèce soit un vrai Canis ; la fracture de la mâchoire su¬ périeure ne permet pas d’assurer s’il n’y avait que deux tubercu¬ leuses. Nous pouvons établir la série des molaires inférieures du Viverra antiqua , dont la tuberculeuse a des formes et des pro¬ portions si différentes de celles des espèces suivantes, qu’on pour¬ rait former de l’ animal auquel se rapportent ces débris , un sous- genre nettement caractérisé , qui paraît devoir renfermer deux espèces distinctes. Nous n’avons rien vu de nouveau qui puisse se rapporter au Viverra primœva. Le genre Plesictis doit être maintenu et renfermer deux espèces ; 380 SÉANCE Dl 21 DÉCEMBRE 18/|0. l’une, de la taille du Putois, indiquée par la pièce de 31. de Laizer ; l’autre , de celle de la Marte , reposant sur le crâne de la collection de M. Croizet. Nous avons le crâne probablement d’une troisième et les mandibules des deux autres. On doit exclure de ce genre toutes les pièces figurées dans l’Ostéographie autre que les crânes. 1" La mandibule de droite est un jeune âge du Fi verra an ti¬ qua , puisque nous avons retrouvé, dans une pièce semblable, les germes de la carnassière et de la tuberculeuse de cette espèce. 2” La seconde mandibule est celle d’un nouveau genre caractérisé par une dentition intermédiaire à celles des Putois et des Martes, avant de celles-ci les nombres, et de ceux-là les formes. Nous avons con¬ firmé cette détermination par l étude d’un crâne de la même espèce. Nous donnerons à ce genre le nom de Plcsiogalc. 3° La canine isolée de gauche est celle du Lutra clermontensis Croizet , qui est le Lutra Fnlctoni , G. St-Hil. Nous avions admis d’abord les rap¬ prochements laits par M. de Blainville, parce que ne connaissant ces pièces que par des figures , il ne nous était pas possible d’en étu¬ dier tous les caractères; mais la simple inspection de fragments semblables nous ayant autorisé à établir les faits qui précèdent , nous avons eu la satisfaction de voir confirmer nos inductions sous les yeux même de M. Yan-den-Hecke par l’observation successive de pièces plus complètes. Nous ne concevons pas trop non plus pourquoi M. Gervais , dans P a tri a , a considéré comme de la même espèce le Zorille découvert par M. Bravard dans des couches bien plus récentes , dans le pliocène de Perrier. La présence de trois avant-molaires seulement ne pouvait même pas le laisser sup¬ poser. Le Lutra Faletoni n’est une Loutre que par la forme de ses membres , que nous possédons en entier ; les deux tuberculeuses de son maxillaire en font un viverroide , qui pourra porter le nom de Lutrictis Faletoni , pour indiquer cette combinaison de carac¬ tères. Nous n’avons rien à ajouter aux articles des Megan thercon et Pteroclon (1), dont nous n’avons pu constater la présence dans les deux collections que nous avons étudiées. Nous possédons les éléments d’une description complète du Stencofiber , qui a les proportions d’un Castor et la moitié seule¬ ment de ses dimensions. Un La go m ys très petit nous a été signalé par de nombreuses mandibules, des humérus , bassin, fémur, tibia. (I) Voyez à la suite de cette note celle sur le Pteroclon. SÉANCE DU *21 DÉCEMBRE 18ÜG. 381 A Saint-Gérand, il n’a encore été trouvé aucun débris de Dino- thcrhun ni de Tapir. Le Rhinocéros n’y paraît pas commun, mais dans d’autres localités , plus voisines des Puys-de-Dôme , on a trouvé de nombreux débris qui nous permettront d’établir facile¬ ment que le Rhinocéros incisivus , de RL ( non Car. ) , renferme au moins quatre espèces pour la vallée de l’Ailier seulement , et qu’il est impossible de lui rapporter le Rh. datas , comme l’a supposé le même auteur. Près des Anthracotheriums , des Cheropotarnus et des Cochons , se place un genre nouveau, tétradactile comme ceux-ci, dont les molaires, au nombre de sept au maxillaire, se composent de trois mâcbelières à quatre gros tubercules coniques simples , les inté¬ rieurs étant un peu dilatés transversalement et ayant une lame qui se porte devant le tubercule opposé. Cette lame est double dans le postérieur et enveloppe complètement le cône externe posté¬ rieur; aucune partie ne présente les tubercules et petits mamelons des dents analogues dans les Cochons ; les avant-molaires se compli¬ quent de plus en plus de la première biradiculée, et probablement comprimée et tranchante, à la quatrième à trois tubercules, deux externes conjoints , l’interne en forme de crête ou croissant et limi¬ tant en arrière une petite fosse. Ces dents sont toutes contiguës entre elles et avec la canine , dont l’alvéole est ovale presque ellip¬ tique , et assez peu développée. Les alvéoles des trois incisives sont presque disposées sur le prolongement du bord alvéolaire des mo- lai res , ce qui indique un museau très étroit ; les dents étaient sans doute obliques en avant , et la première paire était aussi grosse , dans sa partie radiculaire du moins , que la canine ; la troisième était la plus petite. De la mandibule nous ne connaissons que les trois arrière-molaires; les deux premières sont assez semblables à leurs analogues d’en haut , sauf plus d’égalité dans les tubercules , mais la dernière est augmentée d’un gros talon formé d’un ma¬ melon trilobé ou plutôt divisé en trois tubercules grossissant du premier au troisième, et flanqués de deux autres plus petits, un de chaque côté ; ce qui indique une certaine analogie avec le Cochon. Il est facile de voir que ce genre n’est identique ni au Chero - potamus , ni au Hyotherium , ni aux Cochons , et qu’il peut rece¬ voir une appellation générique particulière, celle de Palœochcrus , qui rappellera les analogies du fossile. Nous en connaissons deux espèces , l’une ( P . major ) dont la quatrième avant-molaire a ses deux tubercules externes bien séparés; l’autre ( 1*. typas), plus 382 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18Z|0. petite, dont la même dent n’a qu’un tubercule externe à peine bifurqué. Nous avons dit que ce genre était tétradactyle ; en effet, nous avons un Métacarpien et un Métatarsien médias de la grande espèce, et un analogue de la petite , qui ne peuvent laisser de doute à cet égard. Nous avons aussi quelques pièces nouvelles d’ Anthracotherium , qui ajouteront de précieux renseignements à ceux qui nous avaient été d’abord fournis. Mais c’est surtout pour le Cainothcrium que nous serons plus que tout autre en position d’en faire connaître l’ostéologie dans ses plus petits détails ; le nombre prodigieux des pièces , leur conser¬ vation parfaite, permettront de caractériser facilement et sûre¬ ment les formes spéoiliques nouvelles qu’elles indiquent. Nous pouvons déjà affirmer qu’il en existe quatre distinctes dans les terrains du Bourbonnais , et qu’elles paraissent toutes différentes de celles du Puy-de-Dôme , observées par 31. Bravard. Deux pa¬ raissent se rapporter aux Anoplotheriiun laticurvatum et cyclogna- tum ; mais ce ne sont point les mêmes qu'ont décrites MM. de Laizer et de Parieu. Une seconde espèce , plus petite que les deux précédentes, se rapproche du C. commune; elle se nommera C. clc- gans. Enfin , de nouvelles pièces du C. leptorynchum me portent à changer ce nom en celui de gracile , qui indiquera la forme de ses ossements, remarquables par leur gracilité ; c’est la plus petite de toutes. Nous avons enfin pu résoudre le problème de la détermination des Dre motherium G. St-Hil. , à l’aide des belles pièces de la collection de M. Y an-den-Hecke , qui en possède un squelette com¬ plet. Les animaux, ainsi nommés par M. Saint-Hilaire, d après des pièces de la collection de M. Feignoux , sont très voisins des Am - phitragulus et n’en diffèrent que par l’absence d’une première avant-molaire à la mandibule , et par la barre de celle-ci bien plus allongée , en faisant même abstraction de la première dent des A-mphitragulus. Nous croyons pouvoir admettre deux espèces dans ce dernier genre, et trois dans les Dremotheriuin. Dans notre précédente note , nous annoncions cinq espèces de Tortues appartenant aux genres Testudo , Emys , Emysaura ou Chclydra , Tri onyx. Le Testudo est différent du T. gigautca , Bravard , et ne paraît pas avoir atteint des proportions aussi colossales ; nous en avons étudié un plastron qui a modifié notre première opinion établie sur 383 SÉANCE PU 21 DÉCEMBRE 48 46. des pièces trop incomplètes pour fournir des caractères certains. Aujourd’hui nous serions mémo porté à distinguer dans ces débris deux formes distinctes , malgré le peu de matériaux que nous avons pour résoudre ce problème. Avec une carapace dont les formes sont propres aux Tortues terrestres , des Chcloniens de cette contrée portaient un plastron remarquable par plusieurs caractères , mais surtout par la mobi¬ lité des troisième et quatrième paires de pièces qui constituent la moitié postérieure du plastron. Cette mobilité est surtout déter¬ minée par le peu d’étendue des échancrures destinées au passage des membres postérieurs ; elle était nécessaire pour que ceux-ci aient pu acilement fonctionner dans l’acte de la marche. On ne connaît encore (à ma connaissance) que des Tortues dont la partie antérieure du plastron soit seule mobile, tandis que dans les fossiles cette même partie est très solidement fixée à la carapace dans toute son étendue. Ce nouveau genre ( Ptychogaster) comprend deux espèces au moins qui n’ont pas atteint de grandes dimensions, et qui seront décrites d’après des carapaces et des plastrons complets. A l’exception de quelques morceaux assez instructifs sur les formes du Trionyx fossile du même gisement , nous n’avons rien ajouté à ce que nous possédions déjà des autres espèces. Nous avons maintenant deux espèces de Crocodiles, caractérisées par des tètes presque entières et de nombreux ossements du reste du squelette , qui appartiennent au genre (Caïman ( Alligator ) , mais qui pourraient constituer dans ce genre une section caractérisée par la plus grande étendue des deux fosses du crâne , et surtout par la disposition des dents. Ce sont , en effet , les troisième et quatrième dents de la mandibule qui, très rapprochées, très fortes et presque égales , pénètrent ensemble dans la cavité de la ma¬ in axillaire; les dents sont aussi moins nombreuses que dans les espèces vivantes. On peut les nommer DijAocynodvn . Les poissons des mêmes terrains tertiaires , dont M'. Poivrier a récolté de nombreux ossements, malheureusement isolés, appar¬ tiennent à la famille des Perches. M. Agassiz a reconnu qu’ils différaient génériquement des Perches vraies , quoique très voi¬ sins ; mais leur détermination rigoureuse ne pourra être faite que lorsqu’on possédera une partie notable du squelette articulé , ou bien une portion d’empreinte. Ces poissons des terrains tertiaires ne son( pas les seuls qui aient SÉANCE Dll 21 DÉCEMBRE 18/|6. 38/4 été récoltés dans le Bourbonnais. M. Poirrier nous a aussi ad ressé des débris récoltés par lui dans le terrain liouillier de Bert , et M. Agassiz, qui a eu la bonté de les étudier, y a reconnu des formes tout à fait analogues à celles observées exclusivement dans les poissons des terrains houillers d’Angleterre ; ces poissons sont : 1° Le B ip Indus pnrcidoxus y 2° un genre nouveau voisin des Eugna- tus par la forme de ses écailles ; 3° des Tristichius ; U° un poisson cartilagineux nouveau, malheureusement en assez mauvais état, mais qui présente une partie de la colonne vertébrale , des cotes , et une empreinte considérée par M. Agassiz comme un débris de l’épaule. Les bassins voisins , et spécialement celui de Commentry, ren¬ ferment aussi un assez grand nombre de poissons d’un genre nouveau , voisin des Palœoniscus , d’après les observations de M. Agassiz. Nous terminerons cette liste des animaux fossiles du départe¬ ment de l’Ailier, par l’indication d’un insecte trouvé par M. Fei- gnoux dans les calcaires concrétionnés de Saint-Gérand-le-Puy. C’est un abdomen complet avec les insertions des deux paires postérieures de pattes , qui présente de grandes ressemblances avec celui des Latnelli-antenncs , sa taille est celle du Hanneton ordinaire. Si nous résumons les observations qui précèdent , nous voyons que la faune des terrains miocènes du Bourbonnais se compose actuellemeut de douze carnassiers, quatre rongeurs , quatorze pa¬ chydermes, cinq ruminants, de nombreux oiseaux, douze reptiles, d’un ou deux poissons, un insecte, et des Hélices, Lymnées, Palu- dines, Cérithes, Cyrènes et Unios. Ainsi nous connaissons soixante vertébrés au moins , tandis que dans notre première note nous n’en avions signalé que quarante , ce qui fait une différence en plus de moitié. Ces nombres devront encore certainement s’ac¬ croître , caries mêmes terrains, à quelques pas de là , ont présenté bien d’autres espèces mêlées à quelques unes de celles que nous venons de signaler. C’est donc encore une confirmation de ce qu’a dit Cuvier dans son bel ouvrage sur les fossiles : « Le temps complétera les êtres dont ces débris font encore conjecturer l’an¬ cienne existence , et je ne doute pas qu’à mesure que l’on achè¬ vera ainsi les découvertes déjà commencées , des découvertes nou¬ velles ne se multiplient , et que dans quelques années peut-être je ne sois réduit à dire que l’ouvrage que je termine aujourd’hui ne sera qu’un léger aperçu, qu’un premier coup d’œil jeté sur SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 184(5. 3B5 ces immenses créations des anciens temps. » ( Revit, sur les os s foss ., in à , t. Y, 2e part. , p. /|87 ). Explication de la planche IV. Fig. 1 . Palœocherus typas . . . . 2. — major. . . . 3. Plesiogale angustifrons. . 4. Plesictis Croizeti . 5. Lu trictis Valctoni . 6. Stencofiber castorinust . f 7. Dremotherium Fcignouæi, 8. Amphitragulus clegans. | 8. P tpchogas ter emydoides. . 10. Diplocrnodon Ratelii. . . mâchoire supérieure. 7e molaire inférieure, mâchoire supérieure, mâchoire inférieure, mâchoire supérieure, mâchoire supérieure , mâchoire inférieure, mâchoire inférieure, canine , mâchoire inférieure, plastron. bord antérieur du dentaire. Note sur le Pterodon , genre fossile voisin des D a spores , dont les espèces ont été trouvées dans les terrains tertiaires des bassins de Paris , de la Loire supérieure et de la Gironde , par A. Pomel. Les animaux fossiles dont il est question dans cette note ont été déjà le sujet de plusieurs travaux que nous allons analyser. Les premières pièces connues ont été décrites et figurées par G. Cuvier, en 1825, dans le tome I II de ses Recherches sur les osse¬ ments fossiles, p. 269 et suivantes. Elles ont été considérées comme indiquant un genre de carnassier voisin des Coatis et des Ratons ; mais l’état imparfait de leur conservation ne pouvait permettre d’en reconnaître alors les véritables analogies, et l’incertitude de cette détermination provisoire fut accusée par la non-création d’un nom linnéen particulier pour le type générique spécial , que l’au¬ teur reconnaissait dans cet animal. Le nom de Nasua parisiensis , qui est certainement en opposi¬ tion avec les opinions de Cuvier, n’a été créé que par les paléon¬ tologistes nomenclateurs. Dès 1828, une nouvelle pièce étant venue compléter les éléments de la détermination, Cuvier se hâta d’annoncer à l’Institut que son animal voisin des Coatis et des Ratons était un Didelphe voisin des Dasyures, genre exclusivement propre à l’Australasie. C’était, en effet , un fait bien plus important que celui de l’existence dans les mêmes couches d’un Didelphe du genre des Sarigues, vivant de nos jours dans l’Amérique du Sud. .Soc. qéol. , 2e série, tome IV. 25 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 1846. 386 En 1838, MM. de Laizer et de Parieu , dans un Mémoire lu à l’Institut, décrivirent , sous le nom de Hyœnodon l ep tory n chus , la mandibule complète d’une espèce du même genre. Les auteurs, ne reconnaissant pas l’analogie générique de leur animal avec celui découvert par Cuvier, crurent trouver, au contraire, une certaine ressemblance avec le genre Hyène , mais ils furent aussi portés à penser qu’il aurait pu appartenir à la sous-classe des Didelplies , ce qui fut même annoncé par M. Buckland. Toutefois , dans un résumé de leur Mémoire , inséré dans les Annales des sciences na¬ turelles, 1839, ils abandonnèrent cette dernière thèse, qui avait été rejetée par M. de Blainville dans son rapport sur le Mémoire des auteurs. C’est à M. Dujardin qu’est dû le mérite d’avoir reconnu le premier cpie le genre Hyœnodon , dont il décrivait une nouvelle espèce, était le même que le Dasyure des plâtrières de Paris, comme il l’a annoncé dans un Mémoire présenté à l’Institut, et inséré dans les Comptes-rendus des séances , p. 134, an 1840. M. de Blainville, dans l’ Ostéographie des carnassiers , a dfi figurer et décrire de nouveau tous les débris fossiles dont il vient d’être question , et il l’a fait, en efïet , en partie dans le fascicule du genre Subursus , en partie dans celui du genre Caïds , et dans une manière de voir qui est tout à fait différente de celles des ob¬ servateurs précités. 11 a cru reconnaître dans ces divers débris les types de trois genres distincts et très différents , dont les noms linnéens sont : Pterodon , Taxotherium , Hyœnodon. Le premier genre , reposant sur la pièce d’après laquelle G. Cu¬ vier avait annoncé l’existence d’un Dasyure fossile , a été établi dans la Monographie des Subursus , p. 48, après l’observation, toutefois , que ce n’était pas un petit Ours; mais sans indiquer ses analogies. Comparant cette pièce avec l’analogue des genres de carnassiers vivants , l’auteur établit facilement que le Pterodon ne ressemble à aucun des genres monodelphes connus ; mais ses raisons nous paraissent moins concluantes pour les Dasyures ourson et cynocéphale , surtout pour ce dernier; car les différences signalées dans les deux premiers alinéas de la page 54 ne sont relatives qu’aux formes de détail , aux caractères spécifiques-, qui ne Sauraient être pris en considération pour la détermination des divisions supé¬ rieures, reposant, au contraire, sur les formes en général et les fonctions de chacune des parties. La conclusion principale est que ce ne peut être un Didelphe , surtout à cause de V absence des lacunes d’ossification dans le palais. Le second genre est décrit dans le même fascicule , page 55, SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. 38: comme appartenant évidemment au genre des Petits-Ours, et sur¬ tout à une forme très voisine du Blaireau {Mêles taxas) , d’où le nom générique a été tiré. Après avoir fait ressortir par tous les moyens possibles , quelquefois même sans raison suffisante , sui¬ vant nous , et surtout sans une appréciation exacte des éléments de comparaison qui étaient entre les mains du créateur de l’ana¬ tomie comparée lors de ses diverses publications , l’auteur conclut que le crâne est plutôt celui d’un Blaireau que d’un Didelphe; que les dents n’ont aucun rapport avec celles du Pte.todon , et qu’elles sont omnivores comme dans les Blaireaux , ayant pour r 1 3 + 1 + 6 3 + 1 + 2 Jormule : - - - dont - : — , c est- a-dire en haut six + 1+6 3+1+2’ molaires, trois avant-molaires , une carnassière et deux tubercu¬ leuses ou mieux une seule très grande , comme dans les Blaireaux , et en bas trois fausses molaires, une principale, c’est-à-dire en¬ core une avant-molaire, celle qui précède la carnassière, comme l’avait bien reconnu Cuvier, accusé à tort de n’en avoir pas fait une principale, ce qu’il ne pouvait faire, puisque sa désignation était différente de celle adoptée par M. de Blainville ; enfin les incisives, au nombre de trois seulement, ne peuvent, suivant lui, laisser supposer un animal voisin des Didelphes. Remarquons que c’était à peu près le même résultat auquel était arrivé d’abord Cuvier, puisque les Blaireaux , les Coatis et les Ratons ne sont , pour M. de Blainville, que des espèces du même genre. Il est question du troisième genre {Hyœnodon) dans le même fas¬ cicule des Subursus , mais seulement pour dire que Y Hyœnodon de M. Dujardin ne peut se rapporter en même temps au Taxothe- riuni ou prétendu Coati et au Pterodon ou prétendu Dasyure , et qu’il est probable qu’il ne ressemble ni à ceux-ci ni à Y Hyœnodon leptorynchus , mais que c’est encore une forme animale distincte , de l’ordre des carnassiers monodelplies , du genre des Subursus ou des Coins , ce qui ne peut être décidé: singulière hésitation ! C’est, en effet, dans ce genre Canis que se trouve placé celui des Hyœnodon avec ses deux espèces, comme en constituant un sous-genre , un groupe d’espèces liyénoïdes, qui ne sont pas peut- être de véritables Chiens (p. 111, Ostéog. des Canis). Disons d’abord que la pièce décrite par MM. de Laizer et de Parieu ne provient pas du terrain diluvium ancien de Gergovia , mais bien des couches lacustres miocènes de calcaire marneux , dont la pièce a conservé encore une partie notable. D’après l’auteur , Y Hyœnodon leptorynchus doit avoir présenté dans le genre Chien la disposition la plus carnivore, de même que le Megalotis offre 388 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE l8/l6. la plus omnivore , « toutefois, il faut en convenir, dans une com¬ binaison de nombre , de forme et de proportion tout à fait parti¬ culière, et ne pouvant entrer cpie fort difficilement dans la série des espèces , telle cpie nous l’avons établie. » De la comparaison du fossile de JM . Dujardin, il résulte que e est bien un Hyœnodon d’une nouvelle espèce (//. brachyrynchus ) ; mais son rapprochement avec le Taxothcrium est bien plus dou¬ teux, surtout pour la mandibule. Toutefois 011 ne peut nier qu’il 11’y ait certaines ressemblances entre eux , mais on ne pense pas que les éléments actuellement connus soient suffisants pour décider la question du Taxothcrium . Néanmoins ce ne peut être un genre de Didelplies, à cause des différences dans le nombre des incisives, dans la forme du palais et du temporal, et dans le rétrécissement post-orbitaire. On voit donc qu’il y a déjà dans l’opinion de M. de Illainville bien moins de certitude pour la distinction du Taxothcrium et de Y Hyœnodon , et par conséquent du Ptcrodon , dont il 11’esl plus question. Il n’est même pas bien certain pour lui que ce soient plutôt des Digitigrades que des Plantigrades, des Subursus que des Canin , et on est obligé d’avouer qu’il faudrait plus d’éléments pour décider cette question. Avant d’établir la facilité de cette solution avec les matériaux que l’on possède , nous devons dire que nous avons exprimé nous— même notre opinion sur les rapports de ces divers genres entre eux dans le Bull. Soc. gcol . , 2e série, t. I , et ajouter que nous ne comprenons pas que IM. (servais ait pu dire que le Ptcrodon res¬ semblait plus au Dasyure ourson qu’au Dasyure cynocéphale ; car c’est évidemment le contraire aussi bien pour le nombre que pour la forme des diverses parties du système dentaire. (Voy. P a tri a , zool. ) On a pu déjà reconnaître par ce qui précède que nous voulons établir que les genres Ptcrodon , Taxotherium et Hyœnodon repo¬ sent sur des parties differentes du squelette , ou mieux de la tête d’un même genre d’animaux fossiles, ces parties étant : les arrière- molaires supérieures pour le premier, la portion antérieure de la mâchoire et de la série dentaire pour le second , en y comprenant certains os des membres, parmi lesquels plusieurs ont certainement appartenu à d’autres types ( Hum crus , par exemple), et enfin la mandibule pour le dernier. En second lieu, ces animaux ne peuvent certainement pas avoir appartenu au genre des Petits -Ours, pas même à celui des Chiens; quelque extension que l’on prête à ces appellations génériques , et quelque élargissement que l’on donne SÉANCE DU '2 1 DÉCEA1BKE 18/|(>. 389 à l i caractéristique dentaire, ils ne peuvent qu’être placés dans la sous-classe des Didelplies , à côté des Tliylaeynes , qu’ils lient plus intimement aux carnassiers monodelplies. Nous ne parlerons ici que de la tête et du système dentaire , parce que c’est de tout le squelette la partie qui fournit les meil¬ leurs et les plus sûrs éléments de la détermination. La dentition complète du Dasyure fossile se compose de trois incisives aux deux branches, une canine et sept molaires. Ces dernières sont divisées en trois finisses molaires en haut et quatre en bas, trois carnas¬ sières de chaque côté et une tuberculeuse seulement en haut. Ce 3 1 7 3 3 1 (jui peut se traduire par la formule — I - 1 — dont — I - 1 — , 11 1 3 ' lr 7 û ’ 3 ~ 0 qui conviendrait également au Dasyure cynocéphale ou Thylacyne s’il y avait une incisive de plus en haut. Cette différence est une des principales objections que l’on fait pour retirer les fossiles de la classe des Didelplies; mais elle perd toute sa valeur depuis que l’on sait que ce nombre de quatre inci¬ sives n’est pas constant dans les Didelplies , et que le nombre trois s’y trouve aussi dans un type particulier. Ce nombre et la forme même des incisives nous sont connus dans le fossile , pour l’inter- maxillaire dans le fragment des platrières de Paris et dans le Hyœnodon brachyrynchus , pour la mandibule clans les deux Hyœ¬ nodon tes. Le nombre des fausses molaires est fourni , pour les deux bran¬ ches par le fossile de M. Dujardin , pour la mâchoire par le palais figuré par Cuvier, et par une pièce de notre collection , apparte¬ nant à Y H. leptorynchus ; dans le Pterodon , la première est tombée, ce qui réduit le nombre à deux ; pour la mandibule nous les trou¬ vons dans celle des platrières , la première étant aussi perdue , et dans l’exemplaire de M. Laizer. À première vue, la forme de ces délits, dans les fossiles et dans le Thylacyne, paraît assez différente, mais ces différences restent dans des limites génériques ; car elles ne sont même pas plus grandes entre les deux espèces d 'Hyœnodon, qu’entre ceux-ci et le Thylacyne ; elles tiennent simplement aux différences de longueur dans le museau. Ce qu’il importe seule- 3 ment d’établir ici , c’est que ces dents sont au nombre de - dans h les deux genres , et qu’elles ne s’éloignent aucunement des formes affectées par cette sorte dans les carnivores didelplies et mono- delphcs. En outre , la forme hyénoïde des deux dernières de la mandibule des Hyœnodon se retrouve dans celle du Taxa the ri uni , où de plus la seconde est en crochet semblablement disposé; on 390 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/|6. peut , en ellet, remarquer que les premières ont leur coté oblique en arrière , et que les deux autres ont ce même coté placé en avant dans les deux prétendus genres, ce qui ne se voit certes pas dans le Blaireau. Les carnassières supérieures nous sont données par le Pterodon dans un état remarquable de conservation ; dans Y Hyœnodon brachyrynchu.s , elles sont très mutilées, et plus encore dans une pièce que nous possédons de Y Hyœnodon Icptorynchus . Le Taxo- thcrium nous donne la première et les racines ou alvéoles des deux autres ; car les quatre ou cinq alvéoles pour une dent simple, indiquées par M. de Blainville d’une manière vague et pour ainsi dire fugitive , sont réellement au nombre de six, deux antérieures fort serrées pour chaque dent, et une postérieure simple dans des positions et des proportions qui conviennent parfaitement à un système dentaire semblable à celui du Pterodon et nullement à une ou deux tuberculeuses dans la supposition d’un système omni¬ vore. L’iconogra Ph ie de l’ouvrage de IM. de Blainville a rendu parfaitement cette particularité du Taxothcrinni. Les carnassières inférieures nous sont connues dans les deux Hyœnodon , et surtout dans le leptorynchus , par deux sujets différents. Dans toutes ces pièces, il est évident qu’on ne peut donner d’autre signification aux dents que nous considérons comme des carnassières; en effet, non seulement elles en ont la forme , mais elles en remplissent aussi toutes les fonctions ; car les inférieures sont en contact par leur face externe avec la face interne des supérieures, ces deux dents faisant ensemble dans la mastication l’office d’instrument tranchant à deux lames croisées, comme toutes les carnassières , tandis que les tuberculeuses sont en contact par leurs couronnes, et que les avant-molaires s’engrènent entre elles comme des dents de rouages. On ne peut contester par conséquent l'existence de trois carnassières aux deux mâchoires des fossiles; et comme ce nombre n’existe dans aucun carnassier monodelphe , et qu’il se retrouve dans les Dasyures ourson et cynocéphale , dont il fait un des carac¬ tères les plus remarquables, nous nous croyons en droit de con¬ clure, sinon l’identité générique , du moins toute l’analogie né¬ cessaire entre des genres du même ordre, de la même famille. C’est en vain qu’en scrutant les formes de détail, on trouvera que dans le Thylacyne les tubercules de la base postérieure des car¬ nassières sont plus développés que dans les fossiles , et que les lobes moins ailés y ont aussi quelques particularités différentielles dans leurs proportions relatives ; on ne pourra pas établir que la fonction de ces dents ne soit pas la même dans les vivants et les fossiles , et 391 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18Z|6. que ces combinaisons de nombre et de forme existent ailleurs que dans les mêmes types que nous comparons , et c’est ici , en réalité, que repose toute la question. C'est même un caractère tellement remarquable , que la connaissance d’une seule mâchoire forcerait à priori à admettre que l’opposé renfermait les mêmes éléments, c’est-à-dire que le Pterodon avait trois carnassières à la mandibule , et que Y Hyœnadon avait également trois carnassières à son maxillaire , et que dans ces deux prétendus genres les proportions relatives, dans les diamètres antéro-postérieurs de chacune de ses dents, devaient être semblables; qu’elles de¬ vaient également croître de la première à la troisième ; ces seules considérations devaient faire reconnaître entre le Pte¬ rodon et Y Hyœnodon les plus grandes ressemblances ; et , nous ne craignons pas de le dire, raisonner autrement serait absurde, et vouloir faire admettre d’autres principes serait renverser toutes les bases sur lesquelles repose la bonne anatomie comparée , et par conséquent la bonne zoologie. Pour compléter la ressemblance des fossiles que nous rangeons dans le genre Pterodon avec le Thylacyne , il 11e resterait plus qu’à établir l’existence derrière les carnassières d’une petite tu¬ berculeuse plus ou moins transverse au maxillaire seulement. Or, cette dent a existé ; on en a la preuve convaincante dans le crâne figuré par Cuvier, t. 111 , pl. LXIX , fig. 4, par l’existence de son alvéole interne , parfaitement rendue dans le dessin , à la naissance de l’arcade zygomatique du côté gauche. Ce fait établit une particu¬ larité remarquable dans l’étendue postérieure du maxillaire , qui sert ainsi à former une partie latérale notable de l’arcade , laissant à la face palatine une échancrure profonde entre lui et le palatin. 11 est même facile de reconnaître que l’existence de cette dent et sa place étant ainsi déterminées, il doit y avoir dans l’échantillon de la même planche, fig. 2, derrière les trois racines de la seconde carnas¬ sière, les trois alvéoles de la troisième, plus séparées, puisque cette dent était plus large , et c’est en effet ce qui a lieu ; car ces alvéoles , fort bien représentées dans l’iconographie de l’ostéographie , sont aussi indiquées, à l’exception de l’antérieure externe, dans la figure des recherches sur les ossements fossiles. îl est également facile de voir que la tuberculeuse n’a pas laissé de traces à la place qu’elle occupait dans la fig. 4- On trouve donc encore là une preuve que le Taxa thorium ne peut être un Blaireau , et que l’intervalle com¬ pris entre la carnassière conservée et le bord postérieur du maxil¬ laire était occupé par deux carnassières plus ou moins semblables 392 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/tt). à celles du Ptcrodon , et ces dents ne peuvent être autre chose que des carnassières dont les racines ont des formes et des nombres constants et particuliers tels que nous les trouvons dans le fossile. On peut donc conclure de l’examen du système dentaire : 1° que les Ptcrodon , Taxothcrmm et Hyœnodon ne constituent pas des genres particuliers , et qu’il est impossible de les placer dans les genres des Subnrsus et des Canis , quand même on voudrait les séparer ; 2° que le genre auquel ils ont appartenu offre dans sa dentition les caractères essentiels de deux animaux de l’ancien genre des Dasyures, c’est-à-dire une plus grande compli¬ cation dans les nombres de la partie carnassière, de même que les insectivores didelplies comparés aux monodelplies présentent une augmentation constante dans la même partie du système , c’est-à-dire dans les mâchelières insectivores. Mais le genre fos¬ sile se distingue par l’absence d’une quatrième paire d’incisives à l’intermaxillaire. IL doit donc recevoir un nom linnéen spécial qui permette de le ranger à coté des Thylacynes dans l’ancien grand genre des Dasyures, où il constituera une forme plus voisine des monodelplies que le genre précité, qui , comme on le sait, a déjà ses os marsupiaux réduits à des cartilages. Le nom de Taxothc- riiun doit être rejeté comme essentiellement impropre; celui de Hyœnodon l’est presque autant, puisqu’il rappelle un genre qui n’a aucun rapport avec les fossiles , cependant il a la priorité. Le nom de Ptcrodon , indiquant la disposition si caractéristique des trois carnassières , nous semble en tout préférable aux deux autres, et devoir être adopté, en lui donnant une plus grande extension générique , ou plutôt une interprétation différente de celle pour laquelle il a été créé. Le genre Ptcrodon Pom. (non Blainv.) devra renfermer quatre espèces : 1° P. Parîsiensis , blainv.; 2° P. Cuvicri ( Taxothcriurn , Blainv.) , différentes par leurs avant-molaires supérieures , et appartenant toutes deux aux gypses de Paris; 3° P. Icptoiynchus ( Hyœnodon Icptorynehns , Laiz. et Par.) , d’Auvergne; 4° P. brn- chyrynchus ( Hyœnodon , Dujard. ) , du Tarn; ces deux derniers trouvés dans des couches miocènes. On a encore objecté à cette manière de voir l’absence des lacunes d’ossification du palais ; il est facile de voir que c’est un caractère tout à fait secondaire ; car dans les insectivores monodelphes, par exemple , ces lacunes existent dans certains genres, Macroscclis , Erinacetts , et manquent dans beaucoup d’autres. En second lieu , on ne peut méconnaître cpic si le rétrécissement post - orbitaire 393 SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE l8/l(5. n 'est pas aussi prononcé que dans le Tliylacyue , il n’en estpas moins évident que le crâne des fossiles est singulièrement réduit des pro¬ portions qu’il a dans les carnassiers monodelplies , par où il est plus semblable aux didelpbes; et enfin, lorsqu’on considère que l’angle de la mâchoire a son apophyse bien moins saillante à l’interne dans le Dasyure thylacyne que dans le Dasyure ourson, et que celui-là tient évidemment le milieu entre celui-ci et Y Hrœ- nodo/i (car il est inexact de dire que ce dernier a l’apophyse angu¬ laire comme les Ca/iis ) , 011 est en droit de conclure que le Ptero- don ne peut être rejeté , pour ce caractère , de la sous-classe des Didelphcs , et que tout au plus cette particularité tend à le rap¬ procher un peu plus des vrais carnivores monodelplies , comme cela a aussi lieu pour la partie incisive de son système dentaire. M. le vice-secrétaire donne lecture d’une noie de M. Chau- bard , ayant pour titre : Observations relatives a la note de M. Constant Pr évost sur les ossements fossiles de Sansan , insérée au Bulletin du 2 mars I8Z16,/;. 338 et suiv. -, par M. A. Chaubard. L’autorité d’un géologue aussi célèbre et aussi consciencieux que M. Constant Prévost ne pouvant manquer de faire sensation sur les personnes qui ne connaissent pas le bassin de la Garonne , j'ai cru qu’il était de mon devoir de redresser quelques assertions qui, dans sa note sur les ossements fossiles de Sansan , m’ont paru peu exactes. 1° Selon M. Constant Prévost, c’est presque toujours près de la surface , dans des matières meubles ou peu consistantes , que les fossiles du bassin de la Garonne ont été rencontrés et se ren¬ contrent tous les jours ( p. 339 et 3à0 ). Si M. Constant Prévost eut dit que dans sa course au travers du bassin de la Garonne , il n’a vu, dans les collections, que des fossiles recueillis dans les terrains meubles et principalement dans les terrains de la grande forma¬ tion de transport , fort improprement dite diluvium par certains géologues , son assertion serait l’expression de la vérité. Mais M. Constant Prévost parle sans restriction, et là est l’inexactitude. Ce n’est pas seulement dans le terrain meuble de la grande for¬ mation de transport , composé de gravier , de sable et de marne , et qui a tout recouvert dans le bassin de la Garonne, que se trou¬ vent les dépouilles fossiles. On en rencontre pour le moins autant et plus même dans les roches du troisième étage de sable et cal- m SÉANCE DU 21 DÉCEMBRE 18/16. caire qui , de part et d’autre de la Garonne , s’élève à 150 mètres ou environ au-dessus de la mer. Mais ceux-là sont rarement re¬ cueillis et ne peuvent l’être , parce qu’ils sont engagés dans un calcaire gris tellement dur et compacte , qu’il supporte le poli gras du marbre noir. C’est au reste à ce troisième étage de sable et calcaire qu’appartient la sommité même de Sansan , ainsi que celle de toutes les collines du second ordre au S. de la Garonne. Si le sommet de la colline de Sansan a fourni tant d espèces a la science , c’est parce qu’en cette localité la facilité de les extraire du rocher presque avorté de ce lieu , et surtout le zèle aussi loua¬ ble que rare de M. Lartet, sont venus en aide à la science. Ce troi¬ sième étage de sable et calcaire , auquel appartient le sommet de Sansan , est caractérisé dans la contrée par un horizon géognosti- que facile à saisir et qui fait rarement défaut. C’est un banc de grosses Huîtres , grandes comme la main , connues à l’état vivant sous le nom d’ Ostrea hyppopus , et à l’état fossile sous les déno¬ minations d’O. longirostris , O. crass iss ima^O.virgi ne a qui n en sont que des variantes liées entre elles par tous les intermédiaires dési¬ rables. Ce banc se trouve en place , dans cette contrée, au-dessus de ce troisième étage de sable et calcaire , partout où le quatrième étage est venu le recouvrir. Autrement les Huîtres se rencontrent dans les champs où il est aisé de les trouver , surtout après une pluie qui, en les lavant , leur rend leur blancheur et leur forme. Ainsi , ce n’est pas seulement dans les terrains meubles et à la surface que se trouvent les fossiles du bassin de laGaronne, comme a dû le croire M. Constant Prévost à l'inspection des collections , mais encore et avec plus d’abondance même dans l’intérieur des collines et à 150 mètres au-dessus du niveau de la mer. 2° Selon M. Constant Prévost, il y aurait mélange dans le bassin de la Garonne entre les coquillages marins et les ossements d’ani¬ maux terrestres. Il est aisé de comprendre qu’au voisinage du contact ces deux sortes de dépouilles puissent former un pêle- mêle ; niais ce n’est là qu’un fait local sans conséquence. Partout ces dépouilles terrestres se trouvent dans des bancs distincts et su¬ perposés à ceux où se voient les dépouilles de la mer. C’est comme dans le bassin de la Seine où les bancs de calcaire à coquilles ter¬ restres et d’eau douce se montrent superposés aux bancs de cal- cane à coquilles marines. Quant aux ossements isolés et séparés du reste du squelette , et qui sont ordinairement plus ou moins uses par le frottement, ce n’est pas ceux qui ont été voitures avec les dépouilles marines qui se montrent ainsi , mais bien ceux qui y sont arrivés avec les graviers et les sables. Ceux qui se trou- SÉANCE DU *21 DÉCEMBRE 18/|6. 395 vent dans les gisements de calcaire analogues à celui de Sansan , c’est-à-dire ceux qui gisent dans les marnes ou dans les calcaires, sont entiers . peu séparés du squelette ; mais, on le répète , ceux- là ne pouvant être extraits de la roche dure dans laquelle ils sont engagés, ne figurent point dans les collections, et M. Constant Prévost , en visitant ces collections , a dû être trompé à cet égard. Je ne saurais terminer ces observations sans remarquer combien il est à regretter pour la science que des hommes du mérite et de l’autorité de M. Constant Prévost et de M. Dufrénoy n’aient pu parcourir en détail , dans ce pays classique , des terrains dits ter¬ tiaires , où tout se voit à découvert , où, l’horizontalité des cou¬ ches n’ayant pas été détruite par les convulsions du globe qui les ont dérangées partout ailleurs , on peut les suivre avec la plus complète facilité d’une colline à l’autre , sans jamais les perdre de vue , et les voir former les cinq gradins de sable et calcaire qui composent les hautes collines de ces contrées. Si M. Constant P i évost , qui sait si bien voir, et est doué de tant de circonspec¬ tion , de zèle et de bonne foi , eût exploré cet intéressant bassin, qui n’a encore été étudié que par 1VI. Boue et par celui qui écrit ces lignes , il n’eût pas cherché à expliquer sa formation par son ingénieux système des affluents d’eau douce. 11 aurait vu, comme tout le monde , que dans tous les vallons des grandes rivières et dans tous les vallons latéraux , les angles rentrants et les angles saillants se montrent toujours vis-à-vis l’un de l’autre, et attestent l’intervention d’un courant venant de la mer, et augmentant progressivement de niveau. Il eût vu que les graviers de la grande formation de transport , qui a tout recou¬ vert, sont pareillement dus à une invasion de la mer ; car par¬ tout , dans la direction de ces courants , on trouve des amas de gravier, tandis que latéralement on ne trouve que des sables et des marnes. Ces graviers appartiennent évidemment aux roches des Pyrénées ; mais cela n’empêclie pas qu’ils ne soient venus de la mer. Le fond de l’Océan, à l’embouchure de la Garonne et sur la côte de Gascogne, n’en contient pas d’autres ; et il ne faut pas s’ima¬ giner que la Garonne les y ait apportés , car cette rivière , même dans ses plus fortes crues , ne voiture plus que de la vase pendant les 12 derniers myriamètres de son cours vers l’Océan. M. Constant Prévost , présent à la séance , répond : 1° A la première observation ue M. Chaubard: qu il n’a jamais pensé que les ossements fossiles du bassin de la Garonne 396 SÉANCE El 21 ÜÉCE31UHE J 8 Z| C5 . sc trouvaient exclusivement à la surface du sol et dans les ma¬ tières meubles ou peu consistantes-, il a dit, au contraire ( Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences , 30 juin 1845) : Tous ces animaux , dont les débris ne se ren¬ contrent, que très rarement et par hasard à la surface du sol , sont presque toujours enfouis dans et sous des couches solides de plusieurs mètres (T épaisseur , etc. Dans le Bulletin de la Société géologique , pag. 342, 345 , séance du 2 mars 1846, il a donné avec détail la description , et, page 339, la coupe de la colline de Sansan, desquels il ré¬ sulte évidemment que les ossements sont dans des couches so¬ lides, épaisses, profondes, dont plusieurs sont à plus de 150 mètres au-dessus du niveau actuel de la mer. 2° A la seconde observation : que non seulement le mélange des animaux terrestres, d’eau douce et marins, est incontestable sur une grande étendue du bassin de la Garonne (les Landes , l’Armagnac, le Gondomois), comme il est dit page 340 du Bulletin , mais qu’il est également certain que le centre et le pourtour de l’ancien golfe sous-pyrénéen (département du Gers, rives gauche et droite de la Garonne actuelle jusqu’auprès de l’embouchure du Lot) , sont exclusivement occupés par des formations d’eau douce, tandis que des formations marines ou fluvio-marines remplissent la partie 0. ouverte à la mer. C’est cette disposition qui conduit naturellement M. Constant Prévost à faire à la géologie des terrains tertiaires de la Ga¬ ronne l’application de la théorie des affluents que depuis long¬ temps il avait proposée pour expliquer une distribution ana¬ logue des formations et des fossiles dans les autres bassins, de la France notamment. En effet, de même que dans l’ancien golfe de la Seine, les formations d’eau douce des terrains tertiaires occupent les parties à l’E. et au S. de Paris, les formations marines celles à l’O. et au N. , et les formations fluvio-marines ou de mélange le centre ; Que, dans la grande vallée de la Loire, les formations d’eau douce se voient depuis la Haute-Auvergne jusque dans l’Or¬ léanais, et que, dans la Touraine et au-delà , commencent à se montrer les formations marines de rivage, puis pélagiennes. SÉANCE DU ‘21 DÉCEMBRE 1846. 397 De même aussi , dans le grand golfe sous-pyrénéen , tous les dépôts à l’E. et au N. d’Agen et d’Auch ne renferment que des fossiles terrestres ou d’eau douce, lorsqu’à l’O. de ces villes, les mêmes fossiles sont associés à des coquilles marines , qui de¬ viennent de plus en plus abondantes à mesure que l’on approche des rivages actuels de l’Océan. 3° A la troisième observation île M. Chaubard , M. Constant Prévost répond encore qu’il n’a pas vu dans le bassin de la Garonne (qu’il a cependant étudié autrement que dans les col¬ lections) des faits qui permettraient d’admettre l’existence constante des cinq gradins de sable et de calcaire que M. Ghau- bard croit avoir observés dans l’Agénais -, il lui paraît démontré que cet observateur zélé , mais peut-être trop préoccupé d’idées étrangères à la géologie, a imaginé une hypothèse incom¬ patible avec les observations les moins contestables , en cher¬ chant à retrouver ses gradins de l’Agénais dans le sol des envi¬ rons de Paris, en assimilant, par exemple, les sables à grandes Huîtres des rives gauches de la Garonne au grès de Fontaine¬ bleau, et le calcaire grossier de Paris à la craie de Caen , de la Saintonge et du Périgord , etc. M. Constant Prévost comprend beaucoup mieux la formation des angles alternativement saillants et rentrants que l’on ob¬ serve dans beaucoup de vallées , par l’action des eaux fluviatiles- courantes que par l’intervention de courants venant de la mer et augmentant progressivement, de niveau. Il trouve aussi plus simple et plus rationnel de faire descendre des montagnes environnantes les sédiments, les graviers, les cailloux roulés, ainsi que les ossements des animaux terrestres et d’eau douce qui ont en partie comblé le golfe sous-pyrénéen , que de les faire remonter par des irruptions marines qui auraient tout mêlé et tout confondu. Cela ne veut pas dire que tous ces matériaux, qui constituent aujourd’hui le sol du bassin sous-pyrénéen, aient été apportés par la Garonne actuelle -, mais que l’on peut raisonnablement penser qu’ils ont été charriés par les divers et nombreux cours d’eau qui descendaient de la chaîne des Pyrénées et du grand plateau central de la France lorsque ce bassin était submergé-, ce sont les deltas de ces anciens fleuves , ravinés et découpés 398 SÉANCE DU k JANVIER 1847. an moment de la retraite des eaux qui forment les collines et les vallées que baignent et parcourent la Garonne, l’Adour et leurs affluents. Quant aux réflexions générales et particulières que M. Chau- bard croit de son devoir de faire, sur la manière d’observer des géologues voyageurs , et sur l’avantage qu'il y aurait à n’ajouter croyance qu’aux observateurs sédentaires , M. Constant Prévost laisse h ses confrères présents et 4 venir à en apprécier la valeur et la portée, et il les renvoie aux ouvrages généraux et parti¬ culiers publiés parM. Chaubard , tels que sa Notice géologique sur les terrains du département de Lot-et-Garonne , ses Elé¬ ments de géologie , et enfin son Univers expliqué par la révéla¬ tion; il se permet seulement de signaler à cette occasion le danger auquel on s’expose en cherchant, avec la meilleure foi du monde, à soumettre les sciences d’observation à des opinions métaphysiques préconçues, et irrévocablement adoptées. Séance du h janvier 18 47. PRÉSIDENCE DE M. DE VERNEU1L. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le D1 Ch. Flandin, Traité des poisons ; in-8°, t. Ie**, 752 p., 1 pl. Paris, 1846. De la part de M. R.-I. Murchison, Address etc. (Discours prononcé à la réunion de l’Assoc. brifanniq. pour l’avancement de la science à Southampton, 10 septembre 1846)- in-8°, 24 p. Londres, 1846. De la part de M. L. Pdia , J s ton a del tremuoto etc. (Histoire du tremblement de terre qui a dévasté les contrées de la côte de Toscane le 14 août 1846)-, in-8°, 226 p. Pise, J 846. De la part de M. le Dr Alex. -Y. Volborth , Ueber die Rus- 399 SÉANCE DU 4 JANVIER 1847. sischen Sphœroniten (Sur les Sphéronites de la Russie) • in-8°, 38 p., 2 pl. Saint-Pétersbourg , 1846. (’omptes-rendus des séances de V Acculé ntie des sciences ; 1846, 2e semestre, nos 25-26. L'Institut ; 1846, nos 677-678. Commission hydrométrique de Lyon ,* mars, avril 1846; juillet, août 1846. Observations météorologiques faites à Dijon , de mars à août ] 846 , et à Lyon , de mars à juillet 1846. The Athencéutii ,* 1846, nos 1000-1001. The Mining journal; 1846, nfis 592-593. M. de Verneuil fait hommage à la Société, au nom des donateurs, des ouvrages suivants qu’il a rapportés de son voyage en Amérique : De la part du gouverneur de l’État de New-York f Natterai lus - tory o f New-York (Histoire naturelle de New-York , avec cartes, planches, coupes, etc., coloriées)*, in-4°. Les onze volumes parus , savoir : Zoologie par James E. Dekay, 5 vol. $ — Bo¬ tanique , par John Torrey, 1 vol. ; — Minéralogie , par Lewis C. Beck, 1 vol. ; — Géologie (1er district) , par Wm \Y. Mather, 1 vol. • — Id. (2e district), par Ebenezer Emmons, 1 vol.*, — Id. (3e district), par Lardner Vanuxem, 1 vol.* — IcL (4e district) , par James Hall, 1 vol. De la part du Sénat des Etats-Unis , 1° Report , etc. (Rapport de l’expédition exploratrice aux Montagnes Rocheuses en 1842, et dansl’Orégon et la Californie septentrionale en 1843 et 1844), par le capit. J.-C. F rémont*, in-8°, 693 p., avec pl. et cartes. Washington, 1845. 2° Report , etc. (Rapport d’une exploration géologique d’une partie de l’Iowa, du Vfsbonsin et de UHÎiriois , faite en confor¬ mité des instructions du secrétaire de la Trésorerie des États- Unis , dans l’automne de l’année 1839), par David Dale Owen ; in-8°, 191 p., cartes et planches. Washington, 1844. 3° Mag'iictic. and nieteorol . observations , etc. (Observations magnétiques et météorologiques faites à Washington par or¬ donnance du secrétaire de la Marine, en date du 13 août 1838), par le lieut. J.-M. Gilliss, in-8°, 648 p. Washington, 1845. SÉANCE DU 4 JANVIER 1847. 400 4° Astronomical observations , etc. (Observations astrono¬ miques faites à l’Observatoire de Washington par ordonnance du secrétaire de la Marine, en date du 13 août 4 838), par le lieut. J.-M. Gilliss-, in-8°, 671 p. Washington, 1846. De la part de M. Markoe, 1° First animal report , etc. (Pre¬ mier rapport annuel sur la description géologique de l’Etat d’Ohio), parW.-W. Mather; in-8°, 134 p., 1 pl. Columbus, 1838. 2° Second animal report , etc. (Second rapport annuel sur la description géologique de l’État d’Ohio), parW.-W. Mather ; in-8°, 286 p., 15 pl. Columbus, 1838. 3° Report , etc. (Rapport de la commission des brevets d’in¬ vention pour l’année 1845)- in-8°, 1376 p. 24 février 1846. De la part de M. Emmons, 1° American qnarterly journal oj agriculture and science , by DrE. Emmons and Dr À. -J. Prime ; vol. I, II, III, et vol. IY, n° 1. 2° The New-York , etc. (Rapports géologiques et minéra¬ logiques concernant l’État de New-York, pour l’année 1837), par Lewis C. Beck, W.-W. Mather, E. Emmons, T. -A. Conrad et L. Yanhuxem; in-8°, 214 p. Albany, 1840. 3° Communications y etc. (Communications du gouverneur de l’État de New-York, comprenant les rapports annuels sur la description géologique de cet État, 20 février 1838, 27 fé¬ vrier 1839, 24 janvier 1840, 17 février 1841); 4 vol. in-8° . 4° The T aconic system (Le système laconique, basé sur des observations faites dans les États de New-York, de Massa¬ chussetts, du Maine, de Yermont et de Rhode-Island) ; in-4°, 67 p., 6 pl. Albany, 1844. De la part de M. Henry D. Rogers, Address , etc. (Discours prononcé à la cinquième réunion de l’Association des géologues et des naturalistes américains, à Washington, en mai 1844) ; in-8°, 101 p. New-York et Londres, 1844. De la part de M. C. T. Jackson, 1° Abstract , etc. (Extr. des procès-verbaux de la sixième réunion annuelle de l’Association des géologues et des naturalistes américains, à New-Haven, avril 1845), in-8°, 87 p. New-Haven, 1845. 2° Report y etc. (Rapport de nomenclature scientifique fait 0 SÉANCE DU 4 JANVIER 184?. 401 à l’Association des géologues et des naturalistes américains, à New-Haven, niai 1845)* in-8°, 7 p. New-Haven, 1846. 3° Report , etc. (Rapport des deux administrateurs de la Compagnie pour l’exploitation du cuivre du Lac supérieur); in-8°, 19 p., 5 pl. Boston, 1845. 4° On the Copper and , etc. (Sur le cuivre et l’argent de Kewenau Point, Lac supérieur), (extr. de X American journal oj science and arts , vol. XLiX, n° 1)- in-8°, 13 p. De la part de M. Alget, Notices , etc. (Notes sur de nou¬ veaux gîtes de minéraux rares, et sur l’identité d’espèces suppo¬ sées distinctes (extr. de X American journal of sciences and arts)) in-8°, 13 p . De la part de M. W. E. Logan, 1° Message de S. E. le Gouverneur- général , avec rapports sur une exploration géo - logique de la province dû Canada , présenté a la Chambre le 27 janvier 1845 -, in-8°, 156 p., 2 pl. Montréal, 1845. 2° Exploration géologique du Canada. Rapport des progrès faits pendant Cannée 1-844 *, in-8°, 119 p. Montréal, 1846. De la part de M. Charles M. WhealJey, Catalogue , etc. (Catalogue des coquilles des Etats-Unis , avec leurs localités); in-S°, 35 p. New-York, 1845. De la part de M. James Hall, Notes explanatory, etc. (Notes explicatives d’une coupe de Cleveland (Ohio) à la rivière du Mississipi, dans la direction du S.-O. , avec des remarques sur l’identité des formations de l’Ouest avec celles de New-York); in-S°, 26 p., 1 pl . De la part de M. Augustes A. Geuld , Expédition shells , etc. (Coquilles de l’expédition autour du monde ordonnée par les Etats-Unis, et commandée par le capit. Charles Wilkes, pen¬ dant les années 1838-1842) ; in-8°, 24 p. Boston, 1846. De la part de la Société d’histoire naturelle de Boston, 1° Boston journal of naturcd history ; in-8°, t. 1, II, III, IY, 1834-1844, et vol. Y, nos 1-2, 1845. 2° Proceedings of the Boston Society of na tarai history ; in-8°, vol. I, 1841-1844. De la part du Lyceum de New-York, Aimais of the Lyceum of naturcil history of New-York; nos 5, 6, 7. Febr. and a il gu s t 1846. Soc. çjéoJ. , 2e série , tome IV. 26 402 séance du h janvier 1 847. AVIS. Messieurs les membres qui rédigent et adressent des Notes ou Mémoires destinés aux publications de la Société sont in¬ stamment priés : 1° De ne point placer de dessins de coupes ou autres dans le texte, mais de les réunir dans un cadre du format des planches du Bulletin ou des Mémoires , suivant qu’ils pen¬ seront que leur travail pourra être inséré dans l’un ou l’autre de ces recueils ; 2° De réduire les figures à une échelle convenable pour éviter toute réduction ultérieure de la part du graveur, et de tracer toujours cette échelle -, 3° De choisir autant que possible des échelles métriques en nombre rond , telles que 4 0 0 0 , 2"ô¥ô ? so o o ? 40000 > 20000 > 50000 ? ^ ptp • 400000 y ? Zi0 D’indiquer sur les cartes la direction des lignes suivant lesquelles les coupes ont été faites , et de placer le nord vrai en haut-, de marquer au moins un degré delongitude etde latitude-, 5° De marquer par une flèche la direction des cours d’eau s'il y a trop peu d’affluents pour que la direction de ceux-ci l’indique suffisamment-, 6° De placer sous les coupes une horizontale représentant le niveau de la mer, et, à l’extrémité, une échelle verticale pour les altitudes-, cette échelle devra être répétée pour chaque coupe, même si elle était semblable pour toutes. Il est préférable , quand cela est possible , d’avoir la même échelle pour les hauteurs et pour les longueurs-, et quand les hau¬ teurs sont exagérées , on fait bien d’ajouter au-dessous de la coupe principale une seconde coupe, dans laquelle les hauteurs sont à la même échelle que les longueurs. Cette coupe ne montre plus que la topographie et le résumé de la géologie -, 7° De colorier les cartes lorsqu’il y aura lieu, en prenant pour base la légende de la Carte géologique de France , par MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont, et de s’y conformer toutes les fois qu’il n’y aura pas de motifs qui s’y opposeront, comme cela peut se présenter dans l’étude très détaillée d’un pays ; de disposer autant que possible les légendes dans un ordre ana¬ logue à celui de la légende de cette carte ; SÉANCE 1>IJ 4 JANVIER 1.847. 403 8° D’ajouter toujours aux teintes des lettres et des signes en noir, qui seront reproduits par la gravure, et pourront , si on le juge à propos, suppléer seuls les teintes elles-mêmes, ou du moins permettre d’en réduire le nombre. Dans le discours, comme dans les dessins, les mots Nord, Sud, Est, Ouest, etc., sont seulement marqués par leurs ini- liales en gros caractères, N., S., E., 0., etc. Les nominations des diverses Commissions pour l’année 1847, faites par le Conseil dans sa séance du 21 décembre 1846, sont adoptées successivement par la Société. Ces Commissions sont composées de la manière suivante : Commission de comptabilité , chargée de vérifier la gestion du Trésorier : MM. Rozet, Angelot et Michelin. Commission des archives : MM. Fauverge , Delafosse et de Wegmann. Commission du Bulletin : MM. Alcide d’ÜRBiGNY, Hugard et T HIRR1A. Commission des Mémoires : MM. Angelot, Deshayes et d’ARCHIAC. On procède ensuite à l’élection du Président pour l’année 1847. Deux bulletins venant de l’étranger, imprimés, mais non signés, sont admis comme valables par le bureau. Il y a 41 membres présents, 97 bulletins cachetés. M. Dufrénoy, ayant obtenu 114 suffrages sur 138, est pro¬ clamé Président pour l’année 1847. Avant de quitter le fauteuil, M. de Verneuil remercie la Société de l’honneur qu’elle lui a fait en le nommant son prési¬ dent, honneur qu’il a regardé comme le plus grand qu’il pût ambitionner. Il la remercie aussi de la bienveillance qu’elle lui a témoignée, et qui lui a facilité la direction des discussions. La reconnaissance qu’il en conservera toujours lui fera un devoir de contribuer de tout son pouvoir à la prospérité de la Société et à l’avancement de la science. Il remercie aussi MM. les membres du Bureau du zèle et du talent avec lequel ils l’ont aidé dans sa tâche. 40/t SÉANCE I)U l\ JANVIER 1 8 A 7. La Société nomme ensuite successivement : • *i ' . r g , % Vice - Présidents , MM. Delafosse , Michelin , (TOmalius ü'Halloy et Graves. Archiviste , M. le marquis de Rois. Membres du Conseil , MM. de Verneuil, Rozet, Deville , de Wegmann et Constant Prévost. Il résulte de ces nominations que le Bureau et le Conseil se trouvent composés de la manière suivante pour Tannée 1847 : Pt 'è si dent. M. Dufrénoy. M. Delafosse , M. Michelin , V ice - présiden ts . M. d’Omalius d’Halloy, M. Graves. Secrétaires . M. Le Blanc, M. Ch. Martins. , \ f V ' '! \ !< ! ,•;* Vice-secréta ires . M. Bayle, M. Hugard. 7 résoi'ier . JA * *. I » ‘ ; À > 1 J : V M. Damour. Archiviste. M. le M‘* de Roys. Membres du Conseil. M. Angelot, M. lcYte d’Archiac de St. -Simon, M. d’Orbigny (Alcide), M. Deshayes, M. de Pinte ville , M. Virlet d’Aoust "(Th.) , M. Élie de Beaumont, M.Ed. de Yerneuil , M. Rozet, M. Deville , M. de Wegmann , M. Constant Prévost. j rï »... if U J J . t J SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. 405 Séance du il janvier 1847. PRÉSIDENCE DE ai. DUFRÉNOY. M. Le Blanc', secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. l’abbé Fontenaud, professeur au petit séminaire, 4 Ricliemont (Charente), présenté par MM. BaugaetCh. Martins. Le Président annonce ensuite deux présentations. j i j > f ’ ; : ri ■ . • ^ /* t i (* * i ‘ " DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des Savants ; décembre 1846. De la part de M. Ch. Martins, Voyage botanique le long des côtes septentrionales de la Norvège , depuis Drontheùn jusqu au cap Nord (extr. des Voyages en Scandinavie et au Spitzberg de la corvette la Recherche); in-8°, 138 p. Paris... De la part de M. le Dr E. Sismonda , Descrizione , etc. (Description des poissons et des crustacés fossiles du Piémont); in-/i°, 88 p., 3 pi. Turin, 1846. Comptes-rendus des séances de /’ Académie des sciences; 1847, 1er semestre, t. XXIV, n° 1. V Institut; 1847, n° 679. Annales de T Auvergne ; septembre et octobre 1846, The Athenœwn ; 1847, n° 1002. The Mining journal ; 1847, n° 594. Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou ; 1846, n° 111. Nouveaux Mémoires de la Société impériale des naturalistes de Moscou , t. VIII. M. Dufrénoy remercie la Société de l’honneur qu’elle lui a fait, honneur le plus grand qu’un géologue puisse obtenir. Il espère qu’il verra terminer, cette année, le travail si impor- A06 SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. tant commencé par un géologue dont le nom seul est un éloge, et il sera heureux s’il peut y contribuer. Il remercie M. de Verneuil, président sortant, au nom de la Société. Le Président donne lecture de la lettre de MM. les secrétaires- généraux du Congrès scientifique de France, annonçant que sa quinziéme session aura lieu à Tours, et s’ouvrira le 1er sep¬ tembre 18/17. M. Martins lit les observations suivantes : l)ans la séance du 16 novembre 1846, la Société a entendu la lecture d’une note de M. Studer sur les coins calcaires inter¬ calés dans les massifs gneissiques de la Jungfrau , du Wetterhorn et de la vallée d’Urbacli , dans le canton de Berne. M. Rozet , d’après des observations qu’il a faites dans les Alpes du Dau¬ phiné , a émis l’opinion que le massif de la Jungfrau n’était probablement pas formé de gneiss. Pour lever tous les doutes, s’il pouvait s’en élever à cet égard , M. Studer rappelle que tous les géologues qui ont visité les Alpes bernoises depuis de Saussure jusqu’à nos jours, sont unanimes à cet égard; mais pour qu’il n’en reste pas même dans l’esprit de M. Rozet , il envoie cinq échantillons. Le premier est un gneiss à texture granitoïde pris dans le fond de la vallée de Lauterbrunn , près de Trachsellauinen , au pied de la Jungfrau. Le second, plus pauvre en quartz, est pris près des chalets de Kufistein , c’est-à-dire au-dessous du premier coin calcaire que M. Studer a étudié , pour la seconde fois l’été dernier , avec MM. Brunner et Martins. Le troisième échantillon est du gneiss, sans quartz apparent, pris au-dessus de ce même coin calcaire , près du glacier du Rotthal. Ainsi, le coin calcaire de la Jungfrau qui est abordable dans le Rotthal , est bien intercalé dans un massif gneissique , comme l’affirmait M. Studer. Le quatrième échantillon provient du Sommet du Wetterhorn, qui est primitif, tandis que la partie moyenne de la montagne est calcaire. C’est un gneiss talqueux où domine le feldspath et où l’on remarque un peu de talc chloriteux. Le cinquième est de la protogyne prise au glacier supérieur de Grindelwald, au-dessous du calcaire. Ainsi donc , au Wetterhorn comme à la Jungfrau , il y a intercalation d’une roche de sédi- SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. 407 ment dans une masse cristallisée, et les faits décrits et figurés par MM. Arnold Escher (1) et Studer sont parfaitement exacts. M. Rivière demande si une roche composée de feldspath et de mica est par cela un gneiss. M. Martins répond que les géologues suisses, en consi¬ dérant l’ensemble , ont été conduits à ranger ces roches dans les gneiss , malgré les différences que présentent leurs variétés. M. Rozet dit qu’on fait un véritable abus du mot gneiss -, qu’il peut arriver qu’on ait des gneiss minéralogiquement , sans qu’on doive cependant les ranger parmi les gneiss géolo¬ giquement. M. Martins fait observer que M. Studer regarde le gneiss comme une roche éruptive intercalée dans les couches jurassi¬ ques avant leur soulèvement. M. Rozet répond à M. Martins que les échantillons déposés sur le bureau peuvent aussi bien provenir de masses métamor¬ phiques que de masses ignées proprement dites ; que dans le terrain anthraxifére des Alpes dauphinoises, on trouve des roches absolument semblables, qui passent à des poudingues et à des schistes argileux -, que ces roches offrent une telle analogie avec celle du Mont-Blanc, que la masse de la Jungfrau pourrait bien être de la même époque que celle de cette montagne, ce qui n’aurait rien d’extraordinaire-, car le système protogynenx a pris un grand développement dans toute la chaîne des Alpes. M. Studer, ajoute-t-il , a grand tort de donner le nom de gneiss à une roche qu’il dit être éruptive : le gneiss n’est point du tout une roche éruptive 5 nulle part on ne le voit s’introduire en filons ou en veines dans les autres roches ni déborder sur elles à la manière des granités et des porphyres. Dans les Vosges, dans la Bourgogne, dans l’Auvergne, dans la Vendée, dans la Bretagne, etc., le gneiss forme un groupe indépen¬ dant parfaitement développé , le plus ancien de tous les groupes connus, inférieur à tous ceux qui renferment des traces de (I) Erlaueterung der Ànsichten einiger Contactverhaeltnisse zwis- chen kristallinischen Feldspathgesteinen und Kalkim Berner Ober~ lande ( Nouveaux Mémoires de la Société helvétique des Sciences naturelles , t. III, p. I. — 1 839.) SÉANCE DU IJ. JANVIER '1847. 408 restes organiques, percé par toutes les espèces de roches pla¬ toniques, et dont les diverses variétés de la roche constituante, imparfaitement stratifornies, ne pénètrent jamais, soit dans les roches inférieures , soit dans les roches supérieures, avec lesquelles elles sont cependant souvent intimement liées. 11 faut bien distinguer entre le véritable gneiss, roche dominante du groupe précédent, et les roches gneissiformes , qui sont des roches métamorphiques pouvant appartenir à plusieurs forma¬ tions, et même à des formations très récentes. M. Martins regarde l'assimilation du terrain antliraxifêre du Dauphiné avec les gneiss de la Jungfrau et les protogynes du Mont-Blanc, comme complètement arbitraire. Les gneiss et la protogyne de ces mon agnes sont dépourvus de fossiles, tandis que le terrain dont parle M. Rozet est caractérise par la pré¬ sence des végétaux propres aux terrains houillers. Il doute do plus fortement que ce terrain renferme de vrais granités comme ceux de la base de la Jungfrau, et des protogynes comme celles des aiguilles du Mont-Blanc. M. Martins regarde comme égale¬ ment aventurée et dépourvue de preuves l'assimilation du Mont-Blanc à la Jungfrau, montagnes qui présentent tant de différences dans leurs éléments constituants. Une semblable proposition ne saurait être énoncée sans une étude préalable de ces groupes si compliqués. De Saussure, après trente ans de voyages, et les géologues qui lui ont succédé, se sont tenus, à cet égard, dans une sage et prudente réserve. M. Boubée regrette qu’on ne s’entende pas, en géologie, sur les noms des roches-, il voit dans les échantillons qu’a pré¬ sentés M. Martins deux granités et trois protogynes. M. Martins répond que lorsque l’on cherche une désignation générale , le mot gneiss est celui qui convient le mieux, à cause de la disposition en strates et de l’ensemble des caractères mi¬ néralogiques. Au sujet de l’opinion de M. Studer, queM. Martins a rap¬ portée, et par laquelle le professeur de Berne tend à admettre l’origine éruptive des gneiss, et pour répondre à une interpel¬ lation sur la nature géologique de certaines roches dont on présente quelques échantillons, M. Frapolli fait observer que le gisement de plusieurs roches gneissiques dans les Alpes, en SÉANCE 1>U 11 JANVIER 18Z|7. 409 Bretagne, en Allemagne, clans la Scandinavie, lui a paru dé¬ montrer leur origine neptunienne et l’altération de leurs carac¬ tères minéralogiques primitifs due à des causes qui ont agi postérieurement à leur dépôt 5 mais qu’il croit absolument impossible dç déterminer, d’après des échantillons pris dans un cabinet de minéralogie , si une roche donnée appartient à un système de couches complètement transformées., ou bien à cette partie des sédiments qui , par des circonstances particulières de position, a dû subir une métamorphose locale - si, en un mot, le métamorphisme a été normal ou accidentel; que d’ailleurs, ainsi que l’a fait observer M. le docteur Girard de Berlin, et cela surtout dans le cas du métamorphisme normal, certaines parties des couches ont pris l’aspect de véritables roches granitiques : ce qui fait qu’une collection de roches mé¬ tamorphiques ne peut être utile que lorsqu’elle accompagne un travail spécial et détaillé sur un pays, et qu’elle est plutôt propre à prouver la difficulté de déterminer les formations à l’aide de caractères autres que les caractères géologiques , qu’à servir de point de départ pour cette détermination. Le nom seul que les roches de ce genre ont reçu doit prouver l’impossi¬ bilité d’établir leur âge d’après leur aspect minéralogique. M. Martins répond que nulle part dans le voisinage de la Jungfrau, qui a été étudiée par tant de géologues, et dont l’escarpement est de A, 000 mètres, on n’a trouvé de véritable roche éruptive à laquelle on pourrait attribuer le métamor¬ phisme par contact de la roche gneissique qui constitue le massif de la montagne. Les roches éruptives incontestables les plus voisines sont les granités de Baveno, sur les bords du lac Majeur, en Italie. Les schiste de la Nufenen , qui renferment des grenats, des staurotites et des bélemnites, prouvent que le voisinage d’une roche métamorphisante n’est pas la condition nécessaire du métamorphisme. Le Secrétaire donne lecture de la note suivante : Note sur les variations de nature que présentent les roches pyrogènes , par M. J. Durocher. Bans les traités et dans les cours de géologie , 011 décrit les roches pyrogènes comme formant des espèces bien distinctes qui se rat- SÉANCE DU 11 JANVIER 18/|7. MO tachent à l’une des deux grandes classes des roches platoniques et volcaniques ; cette classification , qui est vraie en général , n’a ce¬ pendant pas une valeur absolue , et la nature nous offre de cu¬ rieux exemples de métamorphoses des roches , de leur passage réciproque , de façon que la même masse minérale , considérée dans des parties très voisines , appartient tantôt à une espèce , tantôt à une autre , et doit souvent même être classée dans un cas comme roche plutonique et dans l’autre comme roche volca¬ nique. Je vais citer des exemples que j’ai eu l’occasion d’observer. Les diorites de la Bretagne se transforment dans la rade de Brest en une roche composée en majeure partie de feuillets de mica ( le kersanton ) ; dans les Côtes-du-Nord et la Loire-Infé¬ rieure , ils passent à une roche diallagique et serpentineuse ; ailleurs, en Bretagne , ils passent à la syénite. Les diorites ne sont pas toujours complètement dépourvus de quartz et quelquefois ils offrent même les caractères du porphyre quartzifère et du pétro- silex , comme je l’ai remarqué sur les bords de la Mayenne, entre Laval etChâteau-Gontier.L’ophite des Pyrénées, qui est aussi une roche amphibolique analogue au diorite , mais plus moderne que ne le sont en général les diorites , prend quelquefois , dans la partie orientale des Pyrénées , l’apparence d’une roche volcanique ; il en est de même de la lherzolite , qui ofïre de grandes variétés de na¬ ture et d’aspect , et qui se montre même , en certains endroits , sous forme d’une pierre-ponce blanchâtre , semblable à celle des volcans. Dans la Scandinavie , on a bien des faits analogues ; le diorite y passe quelquefois à l’euphotide ; souvent il contient, ainsi que la serpentine , une forte proportion de fer oxydulé, et on le voit même se transformer en une masse de minerai magnétique. Le granité passe fréquemment à la syénite , et celle-ci se charge de grenats , de diallage et d’hypersthène , et forme alors des syénites diallagiques et hypersthéniques. Eu beaucoup d’endroits, en Nor¬ vège, on observe de semblables variations de nature, mais l’exem¬ ple de métamorphose le plus curieux nous est offert par une autre espèce de granité qui est plus moderne et qui forme une masse considérable dans la partie méridionale de la Norvège. Ce granité passe d’abord à une syénite à très grands éléments et forme alors cette superbe roche, célèbre par ses zircons et par l’énorme quan¬ tité de minéraux rares qui s’y trouvent ; elle est encore aujour¬ d’hui le gîte le plus fécond de nouveaux minéraux (1). Ensuite (1) Voici les principaux minéraux que l’on a trtmvés dans la syénite SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. 411 cette syénite passe au porphyre rhombique de M. de Buch , qui renferme de grandes lames d’orthose et des cristaux allongés , hémitropes , d’une espèce feldspathique appartenant au système cristallin de l’alhite ; ce porphyre devient lui-même , sur la côte occidentale du golfe de Christiania , une roche augitique , criblée de superbes cristaux noirs de pyroxène , offrant l’apparence et la structure du basalte, à tel point qu’elle a été citée comme ba¬ salte par d’aussi habiles géologues que MM. de Buch etNauman; la ressemblance est telle que l’on trouve même du péridot dans ce porphyre augitique (environs de Skien). On en trouve aussi dans la syénite d’Elfdaten en Suède , qui paraît correspondre à la syé¬ nite zirconienne des environs de Christiania ; il est à noter que celle-ci renferme plusieurs minéraux qui ne se trouvent ailleurs que dans des roches volcaniques. Une même masse minérale offre donc dans les mêmes lieux quatre types fort différents, le granité, la syénite ou zircon, le porphyre feldspathique et le porphyre augitique ; et l’on a en Norvège le singulier spectacle d’une roche semblable au basalte , associée non aux terrains tertiaires ou se¬ condaires , mais aux terrains de transition , contraste non moins frappant que celui d’une roche granitique associée, en Italie, aux terrains tertiaires. Ces variations de nature ne sont pas aussi extraordinaires qu’elles le paraissent ; en effet , toutes les roches pyrogènes contiennent les mêmes éléments : de la silice , de l’alumine , des alcalis , de la chaux, de la magnésie et de l’oxyde de fer. Les roches granitiques sont les plus riches en silice et en alumine , les plus pauvres en chaux , en magnésie et en oxyde de fer. Dans un même granité , et surtout d’un granité à un autre , les proportions de ces éléments varient un peu , comme je l’ai fait voir dans un Mémoire précé¬ dent (1) ; tantôt il y a une plus grande richesse en silice , tantôt en alumine, ou en bases à un atome d’oxygène. Quand un granité perd son mica pour devenir amphibolique et passer à la syénite , c’est alors la proportion de chaux et de protoxyde de fer qui augmente , en même temps que la proportion d’alumine et d’al¬ cali diminue. Les passages des roches amphiboliques aux roches zirconienne : le zircon, le sphène , le fer titane, la thorite , la chaux fluatée , l’analcime, l’amphigène, la néphéline, l’éléolite , la mésotype, lastilbite, la sodalite , cancrinite, praséolite, mosandrite, esmarekite , wohlérite, polymignite, pyrochlore , glaucolite , leucophane et égyrône. (l) Comptes - rendus des séances de l'Académie des sciences , séance du 28 avril 1845. k!2 SÉANCE DU il JANVIER 18/l7. pyroxéniques, diallagiques et hypersthéniques, sont faciles à con¬ cevoir, du moins quant à ce qui concerne leur composition élé¬ mentaire , car il y a des différences peu considérables entre ces diverses roches : celles à base d'amphibole sont plus riches en si¬ lice et en alumine; celles à base de pyroxène, en chaux et en oxyde de fer; celles à base de diallage et d hypersthène , en chaux et surtout en magnésie. Les roches amphiholiques étant celles où il y a le plus de silice, et souvent trop pour qu’elle soit combinée en totalité , forment pour ainsi dire la transition des roches où il y a beaucoup de silice à l’état libre , des granités aux roches py¬ roxéniques , diallagiques et hypersthéniques, où toute la silice se trouve combinée avec les bases et à un état plus voisin de la satu¬ ration. Quant à 1 exemple cité tout à 1 heure , où une meme masse se montre sous forme de granité , de syénite et de porphyre pyroxé- nique , il devient plus facile à concevoir , lorsqu’on sait que le granité en question , qui est postérieur au terrain silurien de la jNiorvége , et que la syénite zireonienne, à laquelle il passe très fré¬ quemment et d’une manière insensible , sont caractérisés par la faible quantité de quartz qui s’y trouve à l’état libre , et par la prédominance du feldspath orthose en très grandes lames , qui forme plus des deux tiers et souvent plus des trois quarts de la masse. Par leur pauvreté en silice, ce granité et cette syénite ten¬ dent donc à se rapprocher des roches pyrogènes plus modernes , et 1 on conçoit que dans certaines parties de la masse la chaux et 1 oxyde de fer se soient trouvés en plus grande abondance , et aient saturé la silice de manière à produire des cristaux de py¬ roxène et à prendre les caractères d’une roche basaltique. M. le Vice-secrétaire donne lecture d une lettre de M. Av- % mard, et dont voici le résumé : Résumé d'une lettre de M. Aymard sur les ossements humains fossiles des environs du Pur, et sur de nouvelles espèces de Mastodontes . Dans une lettre , communiquée à la Société géologique dans sa séance du 19 janvier, M. Bravarcl conteste P authenticité d’une dé¬ couverte d’ossements humains fossiles, que M. Aymard avait pré¬ cédemment annoncée à la Société (séance du 2 décembre 18ùù): « Ces squelettes humains ont été fabriqués, dit 31. Brava rd , par SÉANCE DU 11 JANVIER 18 /j 7 A 18 mi adroit industriel qu’on a pris en flagrant délit de fabrication d’un troisième bloc. » r Etranger au pays où ces ossements ont été trouvés, il es! pos¬ sible que M. Bravard ait entendu dire que des imitations plus ou moins grossières de fossiles aient été fabriquées; mais il n’en ré¬ sulte pas que le premier bloc, celui du musée du Puy, ne soit pas authentique ; or, le faciès de ce bloc et ses caractères excluent toute idée de falsification , comme Font reconnu MiVI. Lecoq et Croizet à la séance du 6 août de l’Académie de Clermont-Fer¬ rand (1). Cet échantillon présente des assises régulières de cendres argiloïdes et de brèches volcaniques semblables à celles du gisement d’où il provient. Seulement M. Croizet a supposé que ces ossements n’étaient pas contemporains de la brèche, et qu’ils pouvaient provenir d’une fente ou crevasse de rocher. Cette opinion ne peut être admise parce que les ossements proviennent d’une couche horizontale et régulière de cendres , recouvertes d’un puissant massif de brèches. « Un a renouvelé les fouilles depuis la première découverte , afin cle bien constater la régularité des strates ; l’une d’elles a produit un os métatarsien humain que je possède. » Considérant ce fait comme acquis désormais à la science , M. Aymard entre dans quelques considérations sur l’époque pro¬ bable de l’enfouissement de ces dépouilles humaines. La Denise est sans contredit l’un des volcans les moins anciens du Yelay, comme l’attestent la fraîcheur et la netteté des arêtes des matières scorifiées qui eu sont sorties, et comme l’établit encore bien mieux la considération suivante. En effet , les brèches argiloïdes à osse¬ ments humains , résultat d’éruptions boueuses à travers un puis¬ sant massif de brèches plus anciennes et d’alluvions ( sables et cailloux roulés), sont descendues des parties supérieures jusqu’à une assez grande profondeur dans le vallon de la Borne, et là le cours d’eau n’a pas sensiblement abaissé ni élargi son lit depuis ces dernières éruptions; tandis que les érosions dans les argiles, cal¬ caires et basaltes, pendant la période pliocène , sont attestées par des lits de cailloux roulés sur les versants et les plateaux supérieurs. Au N.-E. de la montagne, dans le bassin de Polignac , où les sables et cailloux roulés attestent la même origine , on retrouve les cendres argiloïdes et les brèches, descendues du sommet jus¬ qu’au fond du vallon , et dans lesquelles l’auteur a reconnu les (!) Tablettes historiques d' Auvergne } par M. Bouillet. hïH SÉANCE DU il JANVIER I8/|7. dépouilles de diverses espèces des genres élépliant, mastodonte? (1 ) , rhinocéros , cheval , cerf et bœuf. D’un autre côté , on trouve dans des sables , près de Polignac, des empreintes végétales, qui signalent une température semblable à celle des temps actuels ; ce sont des feuilles d’ormeau , de frêne, de platane , de peuplier , de chêne , etc. , dont les analogues vivent encore dans le pays ; il en est de même pour les mollusques de ces terrains : Clausilic par vide , Ancyle pluviatile , Cyclade des fontaines et diverses Lymnés. « Non seulement les conditions cli¬ matériques sembleraient avoir été pareilles à celles dans lesquelles le bassin du Puy est placé aujourd’hui , mais aussi les tempéra¬ tures devaient être réglées clans les mêmes rapports qu’elles le sont maintenant pour les différents points des régions centrales de la France. Ainsi , aux environs de Privas , M. Aymard a aussi récolté des végétaux (par exemple Castanea imlgaris ) et des mollusques {Cyclostoma elegans ) , qui n’existent dans le Velay ni vivants , ni fossiles , tandis qu’ils caractérisent les flores et faunes vivantes et souterraines de l’Ardèche. » C’est évidemment une confirmation des déductions de l’illustre Cuvier sur les climats des contrées habitées par les grands Pachy¬ dermes des terrains meubles qui « vivaient clans les lieux mêmes où ils ont été enterrés , sans que ces lieux aient éprouvé de grands changements dans leur température. » Si de toutes ces considérations on 11e peut rigoureusement con¬ clure que l’apparition des sociétés humaines dans nos contrées , a précédé la disparition des espèces éteintes , 011 conviendra au moins que l’homme habitait le Velay lors des dernières éruptions volcaniques , à une époque rapprochée de celle où avaient vécu ces animaux, puisque leurs dépouilles se trouvent également dans les moins anciennes émissions volcaniques. M. Aymard signale ensuite un Mastodonte surpassant de 1/3 le Mastoclon maximus de l’Oliio , d’après un quatrième métatarsien, long de 0,255, large en haut de 0,110 , en lias de 0,1^5 , et ayant 0,095 dans son moindre diamètre 11 propose pour cette espèce le nom de Mastodon vellavus. Un métacarpien de l’annulaire long de 0,152 , large de 0,072 en haut , 0,080 en bas , et 0,052 au milieu; deux arrières-mo- (1) J’emploie le signe de doute par ce que les déterminations repo¬ sent sur des os du pied , qui ont de l’analogie avec ceux de l'Éléphant, et qu’on a nié le synchronisme de ces deux genres. {Note da l’auteur.) SÉANCE UU 11 .JANVIER 1847. 415 laires à huit pointes, longues de 0,107 et larges de 0,096, à mame¬ lons comme dans celui de l’Oliio , indiquent une autre espèce , probablement la même que M. Bravard a signalée, peut-être à tort, comme ayant aux deux mâchoires une arrière-molaire à dix pointes précédée d’une molaire à six pointes; car l’auteur pense que cette formule aurait été déduite d’une arrière-molaire infé¬ rieure entière , et seulement d’une portion de mâchelière supé¬ rieure. Un troisième Mastodonte , plus petit de 1/3 que le précédent , caractérisé par un métatarsien long de 0,095 , large de 0,060 en haut , et 0,070 en bas , au milieu de 0,049 , et par des molaires larges de 0,074, à collines comme dans celui de l’Ohio ; il devra se nommer Mastodon Vialctii. Dans la même localité de Yialette , et dans un terrain alluvio- volcanique , d’où proviennent ces Mastodontes , on trouve aussi le M. angustidens . Enfin , on a trouvé près du Puy deux ou trois autres Probosci - die ns , du genre Eléphant , caractérisés par des différences très no¬ tables de grandeur. L’une provient de Sainzelles , près Polignac , et se trouve avec des Hyènes , grands Tigres , Chiens , Hippopo¬ tames , Rhinocéros , Chevaux , Cerfs , Antilopes et Bœufs. C’est la première fois que les Felis et Canis ont été signalés dans les ossuaires du Yelay ; ils y sont accompagnés de beaucoup d’os ron¬ gés et lacérés. M. Pomel dit qu’il a bien réellement été façonné un bloc renfermant des ossements humains , et qu’un troisième était même commencé lorsqu’on a surpris le contrefacteur en flagrant délit-, que c’est le même industriel qui a vendu le premier bloc au musée du Puy -, et, ce qu’il y a de plus concluant, une autre personne Cu Puy, marchand d’histoire naturelle, prétend en avoir suggéré l’idée et y avoir même travaillé. Je crois, dit-il, qu’au milieu de ces diverses circonstances, il est peu prudent de conclure sur un pareil fait. Cependant il en devra être autrement, si le métatarsien trouvé par M. Aymard était réellement en place et ne provenait pas des déblais antérieurs. Du reste, dans une communication faite en 1843 à la Société, il a signalé des faits qui semblaient devoir constater l’existence de l’homme aux dernières époques géologiques, mais non en même temps que les Mastodontes, comme le disait M. Aymard dans sa première communication. SÉANCE DU 11 JANVIER 1 8 /| 7 . 416 Il ne pense pas que les végétaux fossiles signalés par M. Ay- mard puissent indiquer pour celle époque un climat semblable à celui de nos jours-, carie Platane est étranger à l’Europe oc¬ cidentale, et les autres espèces s’étendent sur une grande lon¬ gueur en latitude. Il a, au contraire, signalé des animaux qui attestent par leur présence un climat plus rigoureux qu’ci l’époque actuelle. Il termine en disant que les différences métriques, quelque¬ fois suffisantes dans les petites espèces pour la distinction spé¬ cifique, ne peuvent nullement servir pour les grands animaux, dont les ossements augmentent en volume et en longueur môme après que leurs épiphyses sont soudées à la diaphyse , et cette remarque doit plus spécialement encore s’appliquer aux os du carpe et du métacarpe, du tarse et du métatarse, et des phalanges. Il pense qu’il pourrait bien n’y avoir qu’une espèce dans les trois premières espèces de Mastodontes signalées par M. Avmard. M. Frapolli présente les observations suivantes à propos de la Notice sur le phénomène erratique du Nord compare à celui des Alpes , par M. Desor (voy. p. 182 de ce volume). Je me permettrai de prendre note de ce que vient de dire M. Desor sur le soulèvement lent de la Scandinavie , qui est en relation intime avec la production des stries et sillons que l’on observe dans ces pays. Ce phénomène, qui , dans le Danemarck, sur les côtes de Norvège et dans la partie méridionale de la Suède, n’a rien de commun ni avec l’existence bien avérée de courants géologiques , ni avec l’existence de glaciers très étendus , qu’on ne peut admettre qu’en faisant abstraction de tout ce que nous ap¬ prend l’étude de la croûte terrestre , est dû à des causes dont l’ac¬ tion se continue encore de nos jours , causes que des savants anglais et américains ont déjà indiquées , et que M. Forchhammer a, le premier, bien établies par un Mémoire qu’on peut lire dans la quatrième division des Annales de Poggendorff , pour 1843. Je n’entends pas nier par ces observations l’influence de masses énor¬ mes de boue, de sable et de galets balayant le sol avec une grande rapidité , et qui ont pu , je le conçois , exercer sur les roches une action polissante et même de burinage ; ce fait a pu avoir lieu , lui aussi , sur plusieurs points ; je ne sais si c’est à de pareils agents que l’on doit attribuer les stries que l’on rencontre dans des massifs de montagnes plus méridionaux , et que je n’ai pas étudiées SÉANCE DU 11 JANVIER 18/l7. /il 7 sous ce point de vue ; peut-être même existe-t-il des traces de leur action dans un seul et même pays à côté des phénomènes que je vais exposer. Je veux seulement appeler l’attention de la Société sur cette immense quantité de glaçons armés de blocs et de galets qui , poussés par les vagues et par les vents pendant les tempêtes habituelles de l’hiver et du printemps , viennent frapper les côtes, ou se traînent lourdement dans les canaux , sur les bas-fonds et les écueils qui sont près du niveau de la mer (1). Le mouvement imprimé à ces glaces flottantes doit polir les roches soumises à leur action et doit produire des stries , dont l’aspect et la disposition seront en rapport avec les lois générales du mouvement des eaux, avec l’action des vents dominants et avec le relief des côtes. M. Forchhammer a démontré qu’il en était ainsi pour le Dane¬ mark et la Suède méridionale ; de mon côté , et sans avoir connu le mémoire de M. Forchhammer, je suis arrivé aux mêmes résul¬ tats que lui par l’observation d’une partie du littoral de la Norvège et par celle des côtes et de l’intérieur du midi de la Suède. M. AVeibye , jeune minéralogiste de Kragerô , a fait une carte qui présente , avec un grand détail , la topographie des parties qui avoisinent la mer dans le Bradsbergsamt et que j’aurai l’honneur de présenter à la Société ; cette carte sur laquelle , à l’appui d’une opinion cpii n’est pas la nôtre, M. AVeibye vient de tracer, avec la plus grande exactitude, les directions des stries et des sillons, prouve jusqu’à l’évidence cette loi générale : Que les stries et les sillons des surfaces horizontales ou presque horizontales , ont une direction toujours perpendiculaire aux côtes générales dans les haies ouvertes , toujours parallèle h l'allure des canaux dans les fiords étroits. Que ï horizontalité , ou le plus ou moins d’inclinaison des stries sur les surfaces inclinées ou verticales , dépend du relief des côtes de la localité , et est tou jouis en rapport arec ce relief et arec l’action des différents vents. (1) C’est un fait très connu que, pendant ces longs hivers du Nord , les côtes de la Scandinavie sont enveloppées d’une couche épaisse de glaces qui enclavent et entraînent avec elles, au dégel, les blocs et les * «alets de la plage ; ces blocs et ces galets formant comme une espèce de cuirasse au-dessous des glaces flottantes, sont transportés au loin. La seule portion des côtes de la Norvège qui subit directement les effets du gulf-stream est exempte en partie de ce phénomène. La formation des places se borne là à l’intérieur des fiords , et ce n’est que dans des saisons tout à fait exceptionnelles que la mer gèle; mais la diminution dans le poids et le nombre des glaçons est remplacée là par la plus grande agitation des eaux et par les marées beaucoup plus considé¬ rables. Soc. géol. , 2e série, tome IV. 27 SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. 418 Les observations , quoique rapides, qu’il m’a été donné de faire dans l’intérieur des terres , m’ont fourni ce même résultat , savoir qu’on trouve la confirmation des lois indiquées , toutes les fois qu’on rapproche le phénomène de striage de l’élévation graduelle du sol dans cette partie du continent, élévation prouvée par les observations de plusieurs savants , et en premier lieu par les re¬ cherches de MM. Alexandre Brongniart, Keilhauet Forchhammer; toutes les fois qu’on met en rapport la direction et l’inclinaison des stries et des sillons avec la section horizontale du sol, à la hau¬ teur de ces mêmes stries , ou , en d’autres mots , avec l’ensemble de la disposition des côtes au moment où ces stries étaient près du piveau de la mer. Or, la perpendicularité aux côtes générales des stries des surfaces supérieures , est le résultat de la loi bien connue du mouvement des vagues dans une mer ouverte ; tandis que le parallélisme que les stries, au fond des vallées , ont avec l’allure de ces dernières , est en relation avec l’effet de ce même mouve¬ ment qui produit des courants dans les canaux étroits qui séparent les récifs et dans les fiords qui se dirigent vers la côte , et avec l’ac¬ tion des vents qui poussent les glaçons dans une direction déter¬ minée ici par le rivage des détroits. La répétition des faits qui viennent à l’appui de ces assertions est tellement fréquente , leur évidence est telle , que tous ceux à qui j’ai eu occasion de montrer ce phénomène sur le terrain , et qui jusqu’alors n’avaient songé qu’à la possibilité des actions des courants diluviens ( car il faut le dire , presque personne , parmi les savants du Nord , n’a adopté l’hypothèse des glaciers universels), que tous en ont été frappés, étonnés qu’ils étaient de n’avoir pas aperçu jusqu’alors une chose aussi simple et aussi claire. Parmi les personnes qui ont été ainsi amenées à changer subitement d’opinion, je ne ferai mention que des suivantes qui m’ont autorisé à les nommer, ce sont : M. Erd- man, à qui l’on doit les grandes Cartes géologiques, encore inédites, de la Suède, et M. de Waltersliausen, l’auteur de l’ouvrage gigan¬ tesque sur 1 Ltna, et promoteur et membre de la dernière expédi¬ tion danoise d’Islande, avec lequel j’ai parcouru la côte occiden¬ tale de la Suède. Ainsi , la disposition des stries et sillons dans le N. est en oppo¬ sition directe avec toute idée qui puisse se rattacher aux théories glaciaires ou des courants. Leur production est un phénomène simple , naturel , dont la cause saute facilement , et avec la der¬ nière évidence , aux yeux de quiconque , sans une idée arrêtée , se donne la peine de vérifier les lieux et de rapprocher ce fait des conditions générales du pays. C’est un phénomène du jour qui a SÉANCE DU 11 JANVIER 1847. /|19 lieu tous les hivers et tous les printemps, qui a lieu par l’action des glaces combinées et des blocs qu’ elles renferment , mais tout bonnement par l’action des glaces actuelles que les vagues mettent en mouvement , non par celle des glaciers imaginaires auxquels on prête des forces surnaturelles pour se traîner sur des surfaces horizontales. Mais de ce qu’il se forme des stries actuellement et de ce que nous n’avons des traces du soulèvement lent de la Suède que pour notre époque , il n’est pas nécessaire d’admettre qu’il ne s’est formé des stries que pendant cette période. Le soulèvement zonaire lent et les abaissements qui s’ensuivent ne sont pas des phénomènes locaux , ni bornés à notre temps , c’est l’état normal pendant toutes les périodes de tranquillité ; or , tout nous prouve que pendant les périodes où se sont déposés les derniers terrains meubles , les climats de ces contrées ont été aussi froids et même plus froids qu’aujourd’liui. Songeons donc à ces deux faits, et nous verrons que des stries à de grandes hauteurs, tout aussi bien que des stries au-dessous du niveau actuel des mers, peuvent exister sans que pour cela la théorie de M. Forchliammer en soit affaiblie le moins du monde ; ces stries ne sont pas formées pendant l’épo¬ que actuelle. Si l’action striante des courants géologiques sur les roches de certains pays est bien constatée , ce que je n’ai pas encore eu le loisir d’examiner par moi-même, il en résulterait de ce que je viens de dire, l’existence de stries de deux origines différentes , de stries continentales et de stries littorales. Quant à la production des stries par l’action des glaciers démesurés, elle est en désaccord , je dois le répéter, avec tout ce que j’ai jamais pu observer en géologie. Du reste , la discussion sur le phénomène de polissage et des cannelures qui n’est qu’une partie minime de cette science, ne pourra conduire à quelque résultat satisfaisant qu’ autant qu’on les mettra en rap¬ port avec les mouvements nécessaires et successifs de la croûte du globe , avec la dispersion des blocs erratiques qui y est étroite¬ ment liée et avec tout ce que nous enseigne l’étude des terrains meubles. Comment discuter si les dépôts diluviens sont des mo¬ raines ou des sédiments dus à l’inondation , lorsqu’on voit encore confondre généralement en un seul magma des dépôts souvent dénudés qui n’ont rien de commun entre eux , dont les uns sont marins, les autres terrestres, qui portent l’empreinte de causes violentes ou de sédiments tranquilles, qui diffèrent par leur âge, par leurs matériaux composants, par la direction de laquelle ils sont arrivés ? Lorsqu’on voit encore confondre les blocs erratiques et le limon (lehm de l’Allemagne) avec le diluvium de galets 420 SÉANCE DU 11 JANVIER 18/(7. Scandinaves et avec les dépôts meubles inférieurs et supérieurs? C’est à regret que je me vois forcé de m’arrêter , tout détail ulté¬ rieur serait ici déplacé ; on pourra mieux apprécier, j’espère, les faits et les arguments dans un travail d’ensemble qui résumera le fruit des explorations que j’ai poursuivies pendant près de deux années, sur les terrains meubles de l’Allemagne du nord et de la Scandinavie , travail appuyé sur des levées trigonométriques et sur lequel j’aurai prochainement à implorer l’indulgence de la Société. M. Desor fait observer que la vague agit toujours perpen¬ diculairement au rivage, tandis que dans le fiord de Christiania les stries sont longitudinales. M. Frapolli prie M. Desor de se rappeler qu’il vient positi¬ vement de dire que les stries sont parallèles aux canaux. Du reste, il ne pense pas que personne veuille regarder le fiord de Christiania comme une mer ouverte. M. Martins constate que la nouvelle théorie suppose implici¬ tement : 1° Que la Scandinavie a été immergée jusqu’à la hauteur de 1,400 mètres, car on a observé des roches polies et striées jusqu’à cette hauteur ; 2° Elle devra expliquer pourquoi cette mer, qui a formé un dépôt argileux coquillier jusqu’à la hauteur de 240 mètres , n’a laissé aucune trace de son séjour au-dessus de celte hauteur- 3° Elle aura à démontrer que les stries formées par des glaces flottantes poussées sur les rivages sont semblables en tout point à celles qui sont gravées par les glaciers actuels -, car il n’y a point de différence entre celles-ci et les stries des rivages et des montagnes de la Scandinavie -, 4° La nouvelle théorie présentera sans doute aussi une ex¬ plication simple et facile de ce fait sans exception du Cap-Nord jusqu’à Christiania , savoir que dans tous les rochers du rivage , le côté arrondi , poli et strié , est tourné vers V intérieur des terres, tandis que le côté escarpé, anguleux et non strié , re¬ garde la mer. Ce serait, ce me semble, le contraire, si la nou¬ velle explication était la véritable. 5° Aux rétrécissements des hautes vallées de la Suède et de la Norvège, les stries sont redressées d’amont en aval , comme SÉANCE l)li II janvier 18/i7. A21 elles le sont dans les mêmes circonstances sur les bords des glaciers actuels. D’après la nouvelle hypothèse, ces stries de¬ vraient être inclinées précisément en sens contraire, puisque les glaçons auraient été poussés , dans les vallées , d’aval en amont. C’est encore une difficulté dont nous attendons la solution. M. Martins fait enfin remarquer que cette explication est la troisième que proposent les partisans de l’action des eaux. D’abord ils admettaient , avec M. Sefstroem, un seul cou¬ rant, dont M. Durocher faisait remonter la source jusqu’au Spitzberg. Puis, renonçant à un courant unique, M. Durocher en a supposé plusieurs divergeant à partir de la chaîne Scan¬ dinave. Voici enfin une troisième théorie. L’eau est toujours l’agent principal , mais ce ne sont plus des courants , c’est la mer qui a arrondi et strié tous les rochers. Après avoir épuisé toutes les combinaisons dans lesquelles les phénomènes erratiques sont attribués à l’action de l’eau, on reconnaîtra probablement que la supposition d’une ancienne extension des glaciers rend compte des phénomènes erratiques de la Scandinavie d’une manière aussi satisfaisante qu’elle ex¬ plique ceux des Alpes, des Pyrénées, des Vosges et des mon¬ tagnes de l’Ecosse. M. Frapolli répond que les dépôts à fossiles n’appartiennent qu’à l’époque actuelle, tandis qu’il s’est fait des stries pendant le cours de plus d’une des dernières époques. M. Rozet fait observer que ce qu’a dit M. Desor s’accorde avec l’explication qu'il a donnée dans les séances de la Société à Avallon. M. Grange, revenant sur la communication de M. Desor, fait observer que dans un grand nombre de cas les glaciers descendent dans la mer ; il rappelle qu’il a fait voir ( Bulletin de la Société t 2e série, t. III, p. 280) que les plus grandes accumulations de glaces avaient lieu dans les endroits où la température oscille autour de zéro. M. Martins croit qu’effectivement les glaciers peuvent des¬ cendre au-dessous de la mer ; mais ce ne serait qu’à la condi¬ tion que la température de la mer fût constamment au-dessous de zéro. 422 SÉANCE DU 18 JANVIER 1847. Séance du 18 janvier 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Axel Erdman , membre de l’Académie des sciences de Stock¬ holm , à Stockholm (Suède), présenté par MM. Frapolli et Angelot } Th. Scheerer, professeur de métallurgie, à Christiania (Norvège) , présenté par MM. Frapolli et Angelot. M. le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. L. de Koninck , Notice sur deux espèces de Bracliiopodes du terrain paléozoïque de la Chine (extrait des Bull . de U Acad, royale de Belgique , t. XIII, n° 12) -, in-8°, 11 pages, 1 pi. Bruxelles . Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences ; 1847 , 1er semestre , t. XXIV, n° 2. U Institut, 1847, n° 680. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse , n° 95. Société royale académ. de Saint- Quentin. — Ann. scienti¬ fiques , etc., du département de V Aisne; 2e série, t. III. — 1845. The Athenceum ? 1847, n° 1003. The Mining Journal , 1847, n° 595. Par suite de la correspondance M. de Wegmann lit la note suivante de M. Boué : M. de Hauer fils a publié un nouveau Mémoire sur les Cépha¬ lopodes du marbre coquillier opalisé ou chatoyant de Bleiberg en Carinthie ( Nciturwissenschaftliche Abhandlung. de la Société des SÉANCE DU 18 JANVIER 1847. 423 amis de l’hist. nat. de Vienne , 10 p. , 1 pl ). Wulfen l’avait décrit jadis. Il y décrit les Ammonites fiori dus ^ Wulf., A. Joannis Austriœ, A . Jarbes Munst. , Nautilus Saupcri , nov. sp. et des Orthocères de la division des annulati de Koninck, et figure ces fossiles. Il retrouve ces couches dans bon nombre de localités des Alpes de Carintliie, du Tyrol méridional et septentrional , et de l’Au¬ triche. Elles pourront servir d’horizon. Il distingue trois étages de Céphalopodes avec Orthocères et Bélemnites dans ces Alpes , et chacun caractérisé par ses fossiles , savoir : celui de Bleiberg , Raibl , Mont-Ovir et Wocliein (Carin- tliie ) , Saint-Cassian en partie , Hallstadt , Hallein , Aussée , Hall, Lavatscli ( Tyrol ) , Spital am Pyrhn , Neuberg (Autriche) , Hornstein près Vienne. Le second à Adneth et Wiess près de Hallein, Saint -Veit, près de Baden (Vienne), Turetzka et Herrengrund , près de Neu- sohl ( Hongrie) . Aucune de ces espèces ne se revoit dans le premier étage (? ). H y a aussi des Polypiers et des Aptychus. Le troisième étage : Rossfeld ; près de Hallein ; étage encore très peu connu et difficile à étudier, à cause de la mauvaise con¬ servation des fossiles dans des roches marno-arénacées (voy. mes Mém. paléont. et géol. , p. 190, Ammonites, Hamites , Bélem¬ nites et Aptychus ; le Mém. de Schahmitl sur le même sujet , dans les Alpes de Bavière ; N. Jahrb. j. Min ., 1846, cah. 6, carte. Voy. ce que j’en ai dit , Bulle t, , lre série , 1841, vol. XIII , p. 88 , 91, 131, 133; et Mémoires , l,e série, vol. II, part. 1, p. 48). Nous ne doutons pas que ces dépôts de Céphalopodes ne soient jurassiques et même assez supérieurs; le musclielkalk et le trias sont au-dessous à Saint-Cassian , comme , en général , dans le Tyrol méridional. M. Desor lit l’extrait suivant d’une lettre de M. Ch. Des¬ moulins. t Dans mes étiquettes j’emploie souvent, pour les Ecliinites sili¬ ceux, l’indication silex de la craie de Maastricht. Ce sont des blocs anguleux ou des rognons non roulés , que nous trouvons ici , sur les hauteurs , soit dans la mollasse , soit à la surface des coteaux , quand la mollasse est délayée et disparue. Ces silex sont éminem¬ ment caractérisés par le Spatangus Bucklandii (ou du moins ce cpie j’appelle ainsi ) , et I’Echinolampàs Faujasu , si bien figuré par Faujas, et qui n’était connu qu’à Maastricht. Jamais on ne les SÉANCE DU 18 JANVIER 1847. 424 trouve dans notre craie; il faut donc que ces silex proviennent d’une couche de craie supérieure et détruite: ils ne viennent pas de loin , puisqu’ils ne sont jamais roulés. ]Nous avons donc eu ici une couche de craie analogue à celle de Maëstriclit (supérieure au pre¬ mier étage décrit par M. d’Archiac) , et qui , fondue , nous a laissé ses noyaux. Cette idée , qui était confuse et timide dans ma cer¬ velle de géologue d’occasion , y a été éclairée , confirmée et rivée solidement par mon savant ami M. de Collegno , au vu des lieux et des choses. M. d’Archiac répond que les fossiles peuvent appartenir à une couche supérieure de la craie tufau des environs de Péri- gueux (2e étage du S.-O.), qui aurait été en partie détruite lorsque les premiers dépôts tertiaires se sont formés. L’état siliceux de ces fossiles, semblables d’ailleurs 4 ceux qui dans d’autres localités occupent cette position ou la hase du 1er étage, viendrait à l’appui de cette opinion. Quelles que soient d’ailleurs l’analogie ou même l’identité de quelques unes de ces espèces avec celles de la craie supérieure de Maëstricht, il ne peut y avoir aucune incertitude sur la position des couches qui les ont renfermées ; et, quant 4 leur relation avec les étages crétacés du N., M. d’Archiac s’en réfère 4 ce qu’il a dit 4 cet égard dans la seconde partie de ses Etudes sur la format ion crétacée. ( Mém . de la Soc. géol., 2e série, vol. II, p. 136. — 1846.) M. Delanoue présente 4 son tour les observations suivantes : 11 est bien à regretter que MM. JJesmoulins et de Collegno n’aient fait suivre d’aucuns détails l’annonce si extraordinaire de la craie de Maëstricht dans le S. -O. de la France; un fait aussi nouveau valait bien la peine d’étre étayé de quelques preuves. Ces deux savants n’ont pas dû adopter à la légère une idée de cette im¬ portance , et puisqu’elle est maintenant solidement rivée dans leur esprit, au vu des lieux et des choses, ils ont sans doute recueilli sur ce sujet une série d’observations qu’ils devraient bien nous faire connaître s’ils désirent que nous partagions leur conviction. Au commencement de la période crétacée, le canal peu profond qui avait jusqu’alors réuni les deux mers du S. -O. et du N. de la France se trouvait entièrement comblé par les dépôts du lias et de l’oolite. Les deux mers furent alors complètement séparées , et SÉANCE DU 18 JANVIER 1847. 425 leurs faunes devinrent si différentes -, que nulle part peut-être on ne pourrait citer des formations contemporaines aussi voisines et aussi dissemblables. Les terrains tertiaires eux-mêmes de Paris et de Bordeaux sont peut-être moins disparates que les terrains de craie qu’ils recouvrent. Celui qui ne connaît que la craie du bassin de Paris 11e peut point la reconnaître aux environs de Bordeaux dans ces calcaires pétris d ’Exogyra auricularis , Caprines , lehthyo- sarcolites, Ilippurites et Sphérulites. M. d’Archiac , qui a fait si consciencieusement l’étude compa¬ rée de ces deux régions crétacées , pourrait peut-être mieux que personne éclairer cette question. Il a établi dans la craie du S. -O. quatre grandes divisions ; elles sont tout à fait naturelles : ce sont les mêmes que celles que j’avais*' sommairement indiquées en 1837 (1), et je dois dire ici combien je suis heureux que mes aperçus aient obtenu la sanction d’un géologue aussi éclairé. Mais M. d’Archiac lui-même a cru devoir mettre beaucoup de réserve dans le synchronisme qu’il a cherché à établir entre les divers étages des deux bassins. Avant de classer comme craie de Maëstricht cette couche supé¬ rieure que M. Ch. Desmoulins dit être aujourd’hui détruite , ne serait-il pas tout à la fois et plus essentiel et plus simple de com¬ mencer par le classement des quatre grands étages aujourd’hui existant dans la craie du S. -O. ? Je vais en résumer ici quelques caractères principaux : on verra combien ils diffèrent de ceux de la craie du N. 1° Immédiatement au-dessus de l’oolite, calcaire grenu, aré- nifère, verdâtre (ou jaunâtre par l’altération) , pétri de miliolites (. Alveolina cretaccci , d’Arch.) , et caractérisé par des Caprines (C. adversa , d’Orb.) , Pterodonta elongata , d’Orb. ; une seule Sphérulite {Sph. joli area , d’Orb.), et surtout par X Ichthy os ar co¬ lites tri an gui aris , espèce unique. Au-dessus, marnes et sables avec Ostrea flabellata , Gold. ; O. biauriculata , Lmk ; Exogyra colomba , et une seule Hippurite fort allongée , espèce inédite. 2° Calcaire feuilleté, blanc, sans fossiles; au-dessus Trigonie ( T. scabra ) ; plus haut , une prodigieuse quantité de Rudistes , constituant à elles seules une roche tantôt très dure et tantôt très tendre; Hippurites organisons , Montf. , H. cornu pastoris , Desm., (1 ) Voyez Notice géognosticpie sur les environs de Nontron , Bulletin , 2e série , t. VIII, p. 98. SÉANCE DU 18 JANVIER 1847. 426 radiolites , lumbriccilis , d’Orb. ; et dans les dernières couches, des Sphérulites (6/>/z. Ponsianci , d’Arch.). La roche calcaire est quelquefois remplacée par un silex blond, blanc ou rouge, qui contient les mêmes fossiles et fournit, par cela même , d’excellentes meules. 3° Calcaire glauconieux , espèce de craie tufau , avec rognons de silex pyromaque , souvent pétri de fossiles, surtout d’Exogyra auricularis (Al. Brong. , ou E. lituola , d’après M. Deshayes); Ostrea vesicularis , carinata . diluviana; Terebratula alata ; Pecten quincjue- costatus (Lmk); Ammonites cPOrbignyanus (d’Arch.); Nanti lus Fleuri ausianus { d’Orb.); Lima maxima (d’Arch.) ; Mo- diola Dufrenoyi , Cucullœa tumida (d’Arch.); C. Beaumonti (d’Arch.); Cardiurn productum (Sedg. et Murch.) ; Polypothecia dicotoma (miss Bennett); Spatangus côranginum (Lmk); enfin quelques rares Sphérulites , Hippurites et dents de Lamna. 4° Calcaires grenus , blancs et jaunâtres, où réapparaissent plus abondantes les Sphérulites et les Hippurites, qui avaient à peu près disparu de l’étage précédent ; ce sont des espèces différentes , toutes découvertes et décrites avec soin par M. Ch. Desmoulins : Splierulites craterijormis , Hœninghausi , dilata , etc.; Hippurites radiosa , etc. On remarque parmi les autres fossiles Syphosoma magnificum (Agassiz) ; Ostrea vesicularis , var. A (Lmk); Globi - concha Marrotina , Clype aster Lcskii (Gold.). Le silex y remplace souvent le calcaire ; il n’est plus en rognons, mais en veines et bancs puissants de toutes couleurs , sous forme de bois et fossiles divers. Et nulle part encore on n’a cité dans ces quatre étages de Sca- phites et de Bélemnites. Que les paléontologistes se mettent donc à l’œuvre ; qu’ils étudient mieux qu’on ne l’a fait la craie du midi et ses nombreux fossiles : c’est un beau champ d’étude , et la question est d’une haute importance ; car la nombreuse famille des Rudistes , qui à elle seule caractérise si bien cette époque , se re¬ trouve en Italie , en Turquie, en Grèce et jusque dans l’Asie, où elle offrira de précieux points de repère dès qu’elle sera mieux connue. M. Michelin fait observer que dans la craie de Royans il y a des Polypiers qui se retrouvent à Maastricht. M. d’Archiac répond que ces fossiles correspondent à la partie supérieure de la craie tufau. M. Yiquesnel met sous les yeux de la Société un échantillon SÉANCE DU 18 JANVIER 18Z|7. 427 du calcaire de Gouziniè (Haute-Albanie) qu’il vient de retrou¬ ver dans ses tiroirs et qu’il avait cherché vainement à l’époque où il rédigea son premier Mémoire sur la Turquie d’Europe. La surface de cette roche , rongée par les agents atmosphéri¬ ques, présente, d’après M. Michelin, la structure du Nerticel- lites cretaceus , Defrance, qui ne s’est rencontré jusqu’à pré¬ sent que dans la craie tout à fait supérieure du Cotentin. Ce fossile se trouve associé, en Turquie, avec des Hippurites, des Sphérulites, etc. (1), dans des couches que MM. Boué et Viquesnel ont cru devoir rapporter à l’étage moyen de la for¬ mation crétacée. M. Viquesnel rappelle qu’il a formulé son opinion de la manière suivante : Les fossiles que nous avons rencontrés sont trop peu nombreux pour nous permettre de subdiviser le terrain crétacé en plusieurs étages. Nous croyons seulement pouvoir affirmer que la craie blanche n existe pas dans ces contrées , a moins quelle ne soit représentée , en Albanie , par les pitons dolomitiques de Sc libre f de Boga , de Schalia , des monts Proklêtia , etc. (2). Les couches fossili¬ fères de Gouziniè, ajoute M. Viquesnel, reposent sur le talc- schiste et se lient à cette dernière roche par des lits plusieurs fois répétés de talcschiste et de calcaire; elles supportent et alternent, au col de Schalia, avec des calcaires magnésiens renfermant les mômes fossiles. La dolomie compacte finit par dominer ; ses couches puissantes , n’offrant aucune trace de restes organiques, sont recouvertes par un banc très épais d’une belle dolomie blanche, grenue et quelquefois cellulaire, qui constitue les pitons de la chaîne. M. Viquesnel termine par la citation suivante : La position de la dolomie dans cette localité nous parait, mériter V attention des géologues. Si Von veut , d'après les idées modernes , attribuer à une modifi¬ cation la texture et les caractères minéralogiques de cette roche y il faut admettre que la transformation du calcaire en dolomie s' opère de bas en haut y présente des intermittences y se développe en montant y et acquiert toute son intensité dans (1) Voir les Mémoires de ta Société géologique de France , 1 re série, t. V, p. 109. (2) Voir le Mémoire précité ,, page 1 1 5f h 28 SÉANCE DU 18 JANVIER 18^7. les pitons de la chaîne. Ne serait-il pas plus naturel de regar¬ der la dolomie des montagnes albanaises comme le produit d'un dépôt neptunien (1) ? M. Deville lit la note suivante : Note sur le gisement du souf re à la soufrière de la Guadeloupe , par M. Ch. Deville. La soufrière de la Guadeloupe est un cône volcanique distant de la ville de la Basse-Terre d’environ 9,000 mètres. Elle est élevée, d’après la moyenne de plusieurs mesures barométriques , de 1,484 mètres au-dessus du niveau de la mer, et de 331 au-dessus du plateau qui le supporte. L’inclinaison en est très grande, et l’on ne peut guère l’évaluer à moins de 40 degrés. En plusieurs points le cône est complète¬ ment inabordable , et sur une foule d’autres on ne peut le gravir qu’à l’aide d’échelons taillés dans la roclie. 11 est entouré de toutes parts , excepté vers le S. , cl’une ceinture de montagnes d’une grande régularité, dont les sommets sont sensiblement inférieurs au sien , et composées d’une roche entièrement différente. Cette disposition circulaire est fort remarquable et constitue autour du cône central un véritable cratère de soulèvement. Le massif de la montagne est composé d’une roche solide ; ce n’est proprement qu’un dôme trachy tique creusé à son sommet. Il en résulte une dépression centrale peu profonde et à laquelle on a donné le nom de Petite Plaine. Le sol en est recouvert d’un grand nombre d’assises peu épaisses , de produits cinériformes ou fragmentaires. Cette dépression est dominée très irrégulièrement par de petites crêtes rocheuses , dont quelques unes sont formées comme par des écailles recourbées. Le soufre provient uniquement des fumerolles nombreuses qui s’échappent du flanc et du sommet de la montagne. Le fait prin¬ cipal est la présence d’une grande déchirure qu’on nomme la Grande-Fente , qui traverse presque exactement du N. au S. le massif de la montagne , et sur l’étendue de laquelle se manifes¬ tent les vapeurs sulfureuses. A l’extrémité septentrionale de la Grande-Fente on trouve une caverne assez profonde, où l’on pé¬ nétrait autrefois fort loin ; mais des éboulements qui ont com¬ mencé depuis plusieurs années , et qui se poursuivent encore au- (I) Voir le même Mémoire , page 1 1 I . SÉANCE DU 18 JANVIER 1847. 429 jourd lmi, l’ont presque entièrement obstruée. Sur les parois de la caverne ruissellent des eaux chargées d’alun , et du gypse y cris¬ tallise. Exactement au-dessus de cette caverne, la Grande-Fente se termine par deux murs verticaux , entre lesquels les vapeurs sortent constamment en très grande abondance et sans pression , sans sifflement. Les parois en sont tapissées de soufre. Il n’en est pas de même aux autres orifices d’où s’échappent , avec un sifflement très aigu, les vapeurs sulfureuses , et auxquels on donne, fort improprement, dans le pays, le nom de volcans. Parmi les principaux on peut citer au sommet du plateau et dans la direction de la fente , les fumerolles dites Napoléon , d’où s’échappait , lors de mon séjour aux Antilles , la plus grande masse de vapeurs; tout autour de l’orifice, le sol est miné de ma¬ nière à rendre les abords assez dangereux. A l’extrémité S. de la Grande-Fente , et sur le flanc du cône, s’est déclaré, en décembre 1836 , après une éruption de cendres, un nouvel orifice, d’abord très actif, mais dont la violence a considérablement diminué sans cesser entièrement , lorsqu’ en février 1837 une nouvelle éruption adonné naissance, vers le N. -O. du cône, à des fumerolles très abondantes. Celles-ci perdent à leur tour de leur intensité à me¬ sure que celles du centre en acquièrent. Il semble donc assez probable qu’au moins en temps de repos la quantité de vapeur sulfureuse rejetée par le volcan est à peu près constante ; que les petites éruptions en augmentent momen¬ tanément l’intensité et déplacent les centres d’activité. On distin¬ gue facilement plusieurs places qui ont été évidemment des ori¬ fices de fumerolles et qui n’en laissent plus échapper : on peut citer entre autres le point où se fit l’éruption de 1797, qui est la première bien constatée depuis l’arrivée des Européens. En ces divers points la roche est profondément altérée et offre tous les passages entre un trachyte solide et cristallin et une argile complètement décolorée. On y observe aussi à la surface des roches voisines des dépôts siliceux complètement analogues à ceux des geysers , et qui proviennent d’une cause semblable. La température de ces fumerolles, prise un grand nombre de fois en des points divers et dans des circonstances très variées, a été constamment de 95 à 96 degrés. J’avais trouvé celle de Ténériffe , à 3,700 mètres de hauteur, d’environ 8A degrés. Les fontaines bouillantes de la Guadeloupe , au niveau de la mer, sont des jets de vapeur à 100 degrés. En rapprochant ces faits , il semble qu’il existe une relation entre la température de ces vapeurs et la hau¬ teur absolue à laquelle elle trouve une issue. SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. 430 Au reste, la vapeur d’eau forme, comme partout, la partie essentielle de ces émissions gazeuses. Aux abords des fumerolles , l’odeur dominante est celle de l’acide sulfureux ; mais on ne peut douter qu’il ne se dégage aussi de l’hydrogène sulfuré, car j’ai souvent observé qu’à une certaine distance du volcan le vent apportait parfois des bouffées de ce dernier gaz. Dans les éruptions , il se dégage aussi de ces gaz acides en quan¬ tité notable. En 1836, à plusieurs milliers de mètres autour du volcan, on ne pouvait sortir sans éprouver aux yeux un vif pico¬ tement, et les végétaux perdirent leurs feuilles à une grande dis¬ tance. Le soufre ne se trouve en abondance qu’ autour des orifices des fumerolles ; mais là , il se trouve en très grande pureté , et géné¬ ralement cristallisé en petits octaèdres, dont les pointements très aigus se recouvrent en gradins. Ces petits cristaux ont un aspect poreux assez singulier; et le soufre n’a pas dans sa cassure la translucidité de celui de Sicile. La pesanteur spécifique en est ce¬ pendant sensiblement la même et probablement aussi l’état molé¬ culaire. Hors des orifices des fumerolles , le soufre ne se trouve sur la montagne qu’en quantité à peu près insignifiante. Les cendres d • 1836, analysées parM. Dufrénoy , en contenaient à peine. Sur les flancs de la montagne , quelques végétaux , à tissus peu résistants, ont été décomposés et la matière organique détruite remplacée par du soufre qui en conserve très bien l’empreinte. A propos de cette communication, M. Boubée annonce qu’il a reçu de la Nouvelle-Grenade un oiseau converti en soufre, avec son intérieur tapissé de cristaux. Séance du 1er février 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Le comte Keglevicz de Buzin, conseiller de S. M. l’Empereur SÉANCE DU Ie»' FÉVRIER 1847. 431 118 50 100 B 18,350 B 17,142 80 18,780 B RÉSULTAT GÉNÉRAL. La recette présumée étant de . 22.217 fr. 40 c. La dépense présumée s’élevant à . 18,780 » L’excédant de la recette sur la dépense est de 3,437 fr. 40 c. M. Marcou fait la communication suivante : Notice géologique sur les hautes sorti mités du Jura comprises entre la Dole et le Reculet, par M. Jules Marcou. Topographie. — Le massit de montagnes sur lequel je vais don¬ ner quelques remarques géologiques fait partie de la chaîne la plus orientale , et renferme les plus hautes sommités des Monts- Jura. Commençant à la route qui conduit des Housses à Nyon, par Saint-Cergues , il longe le bassin suisse de l’E. *E.-N. à l’O.- O.-S., suivant la direction générale des chaînes, se termine à la SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. /f 37 crête de montagnes qui unit le Reculet au Crédoz , et remonte le long de la vallée de la Valserine et des Dappes , qui lui fait suite, jusqu’au point de rencontre de la route de Gex avec celle de Nyon. Ainsi limité, ce massif présente la forme d’un quadrilatère paral- lélogrammique , dont les quatre points angulaires seraient les Housses , Trelex , Saint-Jean de Gonville et Chézery. Sa longueur, prise de la route des Rousses à Saint-Cergues , à la base S. du pi¬ ton du Reculet, est de 40 kilomètres, et sa largeur moyenne est de 12 kilomètres. — -Les differentes parties qui composent ce massif peuvent se réunir en trois groupes, séparés par des vallées ou gorges plus ou moins profondes. Ces différents groupes sont con¬ nus , en commençant par^e plus au N., sous les noms de la Dole , des Colombiers et du Reculet. La Dole, dont le point culminant se trouve à 1,680 mètres au-dessus du niveau de l’Océan , comprend différents pitons et crêtes, dont les plus au S. sont couverts d’é¬ paisses forêts de sapins , et sont connus sous le nom de Bois de la grotte aux loups. Elle est séparée, au N. du Noirmont, par la petite vallée qui conduit de Saint-Cergues aux Rousses , et, au S. des Colombiers, par la gorge de la Faucille. Les Colombiers se composent d’une suite de pics qui s’élèvent graduellement de la Faucille , et qui vont ensuite en s’abaissant du côté du chemin de Crozet, près du cliâlet de la Tremblaine, en formant une courbe de très grand rayon , dont les deux pointes les plus hautes portent le nom des deux Colombiers de Gex, et sont élevés de 1,691 mètres et de 1,665 mètres. Enfin le Reculet, qui se trouve compris entre le col de Crozet et la Roche , se compose d’une série de pitons , qui sont les plus élevés de tous les Monts-Jura , et dont les plus connus sont : le Montoisey, 1,671 mètres; le crêt de la Neige , 1,723 mètres; et enfin le Reculet, 1,720 mètres. — Les différentes assises de roches qui constituent ces montagnes sont généralement relevées de l’E. àl’O. , et plongent, à l’O.-O.-S., sous un angle qui varie de 10 à 30°; elles présentent leurs tranches du côté de la Suisse , et semblent , en regardant ainsi les Alpes et le Salève , indiquer une date à l’époque de leurs dislocations. Les accidents orogra¬ phiques sont très nombreux , et la régularité que l’on observe , et qui a été décrite avec tant de clarté et de talent par M. Thur- mann dans les dislocations de la partie N. des Monts-Jura , ne se rencontre plus ici. Terrains. — Les quatre étages qui composent le terrain juras¬ sique ne se montrent pas tous à découvert dans ces hautes sommi¬ tés du Jura, on n’y rencontre que l’étage oxfordien et l’étage ooli- tique supérieur ; les deux autres étages ne se trouvent que plus SÉANCE DU 1er FÉVRIER 18A7. m à l’E., clans les chaînes moyennes du département de l’Ain. Les pieds et les grandes vallées de la Dole et du Reculet sont occupés par les différents groupes du néocomien , qui s’étendent comme une ceinture autour de ce massif de montagnes ; de sorte que lors de la première période du dépôt néocomien , le massif que je con¬ sidère augmenté du Mont-Crédoz , formait une petite île ou récif près des côtes de la mer néocomienne. — Les deux étages supé¬ rieurs jurassiques cpie l’on rencontre sur ces hauteurs présentent les plus grandes difficultés d’études , non seulement dans les dé¬ tails, mais aussi dans la distinction même des deux étages. Je n’ai pu reconnaître sur aucun point du massif l’étage oolitique infé¬ rieur, qui est partout recouvert par l’oxfordien ; de sorte que je n’aurai à m’occuper que des deux étages supérieurs. — L’oxfordien se montre dans le fond de quelques vallées et ravins des sommets, et dans les gorges profondes et rapides qui se trouvent en montant au Reculet et au Colombier, depuis Thoiry, Allemogne , Crozet , les Echevenex et Divonne; je ne l’ai pas rencontré dans la partie N. du groupe de la Dole. Le caractère minéralogique ordinaire de l’oxfordien , qui est un très grand développement de marnes , avec nombreux fossiles pyriteux , tel qu’on le rencontre sur tout le pourtour des anciennes îles lierzyniennes et vosgiennes , se trouve complètement changé , et ne présente plus ici qu’un im¬ mense développement de calcaires gris-bleuâtres, plus ou moins compactes, un peu marneux, par assises variant de 10 à 60 centi¬ mètres. Ce caractère, qui indique un faciès pélagique, vient à l’appui de cette belle loi, posée par M. Constant Prévost, que « plus l’on s’éloigne des rivages, plus les dépôts marneux climi- v nuent de puissance , et finissent par être remplacés , dans les » parages de hautes mers , par des dépôts calcaires. » Ici la pro¬ gression est on ne peut plus évidente; malgré les difficultés d’ob¬ servation que présente un pays aussi disloqué que le Jura, on reconnaît très bien les différentes zones minéralogiques de l’étage marneux oxfordien. Ainsi les régions littorales , limitées par la courbe qui unirait Arau, Saint- Ursanne , Morteau, Ornans et Quingey, présentent un très grand développement de marnes, avec très peu de calcaires marneux; au S.-E. de cette courbe, les régions subpélagiques commencent , en présentant plusieurs cou¬ ches de calcaires marneux interposés, dont le nombre va toujours en augmentant à mesure que l’on s’éloigne de cette courbe et que l’on s’approche de la courbe limite des régions subpélagiques qui passe par les villes de Moyrans, Saint- Claude , les Rousses et Yverdop. Enfin les régions pélagiques , telles que le massif que je SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. 439 considère, ne présentent plus de marnes pures, et sont entière¬ ment composées de calcaires plus ou moins marneux. Ce faciès pélagique de l’oxfordien se trouverait probablement au Salève , si la dislocation qui a formé cette montagne avait amené au jour cet étage jurassique. La paléontologie établit pour l’oxfordien les mêmes zones que celles que je viens de distinguer pétrographiquement. Ainsi , dans les régions littorales , les espèces sont très nombreuses , dans un bon état de conservation , et sont presque toutes pyriteuses ; elles appartiennent surtout aux Céphalopodes , aux Gastéropodes et aux Acéphales. Dans les régions subpélagiques , le nombre des indivi¬ dus a beaucoup diminué ; les Céphalopodes sont rabougris, plu¬ sieurs espèces que l’on ne rencontre pas dans les régions littorales apparaissent, ainsi qu’une grande quantité de Polypiers spongieux et de grosses Térébratules. C’est surtout dans cette région que se trouve développé le sous-groupe contenant les fossiles non pyri- teux et les Polypiers spongieux , sous-groupe que j’ai désigné sous le nom d ' argovien (voir Bulletin de la Soc. géol. de France , t. DI, 2e série, p. 505 ). Enfin , dans les parages de hautes mers , comme au Colombier et auReculet, les fossiles sont extrêmement rares ; ils appartiennent exclusivement aux Céphalopodes , et c’est avec beau¬ coup de peine que j’ai pu en recueillir trois espèces, deux Ammonites et un Nautile. Déjà, aux approches des limites de la région subpéla¬ gique, comme aux environs des Rousses, en suivant la route de Morey aux Rousses, à Prémanon, au pied du crêt des Arcets et du Mont-Fier, les fossiles sont très rares et limités à la seule famille des Céphalopodes tentaculifères. J’y ai recueilli , après beaucoup de recherches, sept espèces d’ Ammonites et deux Nautiles. Ainsi , comme on le voit, les fossiles présentent, pour leur distribution géographique, les mêmes zones que celles établies par la pétro¬ graphie; de sorte que la loi du savant M. Constant Prévost n’est pas basée sur l’arbitraire , mais bien sur un ensemble de faits qui s’enchaînent et qui viennent , en convergeant , se réunir en un f usceau, dont le résultat est l’énonciation d’un des principes qui sont destinés à jeter le plus de clarté sur l’étude des roches sédi- mentaires. — Les trois espèces de fossiles oxfordiens que j’ai re¬ cueillis au Reculét, se trouvent dans les ravins en montant depuis Thoiry, dans le petit vallon d’Ardrant , où l’une des espèces d’Ain- monites se trouve encore assez fréquemment par fragment , présen¬ tant le moule interne à l’état calcaire , de même nature que la roche oxfordienne de ces régions. Le fragment de Nautiles gigan- teiis d’Orb., que j’ai rencontré , se trouvait derrière le Chàlet-sur- SÉANCE DU 1er FÉVRIER 18A7. mo Thoiry, où M. le docteur Roux , de Genève , a recueilli plusieurs fragments d’Ammonites , qu’il avait eu l’obligeance de me com¬ muniquer. J’ai rencontré aussi les Ammonites biplex et triplex , Sow., dans le ravin où se trouve le col de Crozet, et près du chalet de la Tremblaine. L’étage oolitique supérieur forme tous les sommets et les crêtes de ce massif de montagnes, ainsi que les flancs du val de la Aal- serine et de la vallée suisse ; les grandes dislocations auxquelles il a été soumis l’ont rejeté souvent dans des positions qui demandent encore de grandes recherches avant de pouvoir être expliquées d’une manière satisfaisante. Ainsi que je l’ai déjà dit dans ma Notice sur les différentes formations des terrains jurassiques dans le Jura occidental (voir p. 11 , insérée dans le IIIe vol. des Mémoires de la Soc. des sciences nat. de Neuchâtel) , et dans l’extrait de mes Recherches géologiques sur le Jura salinois (voir p. 507, Bulletin de la Soc. géol. de France , t. III, 2e série) , l’étage oolitique supé¬ rieur ne présente dans ces hautes sommités du Jura qu’un immense développement d’assises non interrompues de calcaires compactes, sans interposition de couches marneuses ; de sorte que l’on ne peut pas y reconnaître les différents groupes dont se compose cet étage. Cependant, avec un peu d’attention , on reconnaît assez facilement le groupe corallien , soit au moyen de l’ordre de superposition de l’étage oxfordien , soit au moyen des fossiles. Ainsi le groupe co¬ rallien est composé ici d’une très grande quantité d’assises d’un calcaire compacte , gris - blanchâtre , devenant quelquefois très oolitique , subcrayeux , et alors étant synchronique de l’oolite co¬ rallienne , tandis que les roches de l’étage oxfordien sont des cal¬ caires bleuâtres, un peu marneux , dont la hauteur des couches est beaucoup plus petite que celles des couches coralliennes. J’ai surtout remarqué des assises d’oolites coralliennes dans le chemin qui con¬ duit de la Faucille au sommet du grand Colombier, au point où l’on va quitter le bois pour entrer sur les pâturages , à gauche du chemin, dans une carrière qui a été exploitée pour bâtir les murs de séparation des châlets voisins. Les fossiles que l’on rencontre dans le corallien sont en assez petit nombre , et appartiennent seu¬ lement à trois ou quatre espèces; le plus commun est le Lithoden- dron Allohrogum , Tliurin., ou une espèce très voisine; on le trouve surtout quelques minutes avant d’arriver dans le vallon d’Ardrant, en montant depuis Thoiry, au Montoisey dans le fond du ravin, du côté du crêt de la Neige, ainsi que dans la gorge qui conduit de Divonne sur les pics du bois de la Grotte-aux-Loups ; j’ai aussi rencontré ce Lithodendron sur le Salève , près de Monetier, ainsi SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. hh 1 que sur les arêtes des Aiguilles de Baulmes , qui regardent le Sucliet (canton de Vaud). Les autres fossiles coralliens de ces régions pélagiques sont quelques Àstrées assez mal conservées ; elles sont roulées et usées, ce qui indique qu’elles y ont été conduites par des charriages ; je ne les ai rencontrées qu’en très petite quantité , et seulement près de la route des Rousses à Saint-Cergues, et au pied du grand ravin qui sépare les deux monts Colombiers; dans cette dernière localité, je les ai trouvées au milieu de cailloux éboulés, par conséquent, je ne puis assigner juste leur position ; mais ils provien¬ nent certainement des deux crêtes qui dominent le ravin , car le point ou je les ai trouvés est élevé de bOO mètres au-dessus de la li¬ mite du dépôt erratique du bassin du Rhône. Ces Astrées sont beau¬ coup plus abondantes et mieux conservées auSalève, où MM . Deluc et Favre en ont recueilli un assez grand nombre, qu’ils possèdent dans leurs belles collections. Dans les petites rectifications que l’on vient de faire à la route des Rousses à Saint-Cergues, j’ai recueilli plusieurs piquants des Cidaris Blumenbcicliii et coronata , Agass. Enfin j’ai aussi remarqué sur plusieurs points de ces hautes som¬ mités (notamment au vallon du Reculet proprement dit) des as¬ sises que je rapporte au groupe corallien, et qui sont composées d’une multitude de coraux roulés et agglutinés entre eux par un ciment calcaire subcrétacé. Ces coraux sont dans un trop mauvais état de conservation pour permettre même des déterminations de genre ; cependant on ne peut rapporter ces débris qu’à des Poly¬ piers roulés et triturés par les charriages. J’ai déjà rencontré des couches tout à fait analogues sur plusieurs points du Jura, et no¬ tamment derrière la citadelle de Besançon, en montant des Trois- Chatets à la chapelle des Buis; M. Gressly en signale aussi des assises dans plusieurs localités du Jura soleurois, de sorte qu’il est pro¬ bable que ces assises lumachelliques de coraux proviennent de la destruction de récifs de Polypiers , dont les débris auront été dis¬ tribués sur différents points du bassin jurassique par les courants qui existaient alors. Je n’ai pu distinguer, sur ces hautes sommités , les trois groupes séquanien , kimméridien et portlandien ; car on ne rencontre qu’une immense série d’assises de calcaires compactes , gris-blan¬ châtre , quelquefois oolitiques et bréchiformes , tout à fait sem¬ blables aux roches du groupe corallien, et ne renfermant aucun fossile , ou du moins très peu ; de sorte qu’il est impossible d’éta¬ blir des distinctions entre les différents groupes de l’étage oolitique supérieur, et qu’iei , plus que sur aucun autre point du Jura, on voit l’impossibilité de réunir le corallien à l’oxfordien pour en SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. 442 faire l’étage moyen jurassique, comme l’ont établi la plupart des géologues ; tout s’oppose à cette réunion , la pétrographie , la pa¬ léontologie, et même l’orographie. Déjà M. Gressly, dans ses Observations géologiques sur le Jura soleurois , sépare le corallien de l’oxfordien pour le réunir à l’oolite supérieure ; et M. Alphonse Favre, dans son excellent travail intitulé: Considérations géologi¬ ques sur le Mont-Salève et sur les terrains des environs de Genève , reconnaît l’impossibilité qu’il y a de séparer le corallien des autres groupes de l’oolite supérieur pour cette partie du Jura. — L’oolite supérieur de la Dole et du Reculet ne peut donc pas se subdiviser en groupes distincts , comme dans les régions subpélagiques et lit¬ torales. Les couches des marnes séquaniennes , kimméridiennes et portlandiennes ont entièrement disparu pour être remplacées par des assises calcaires. Cependant j’ai reconnu dans le magnifique ploiement du sommet de la Dole , une couche de calcaire un peu plus grisâtre que les autres assises , et qui renfermait un Ptérocère roulé, probablement le Pterocerus Oceani , Brong., et un fragment de bivalve ressemblant beaucoup à un Ceromya , Agass. , de sorte que cette assise pourrait peut-être bien représenter les marnes kim¬ méridiennes, ou du moins elle m’a paru être synchronique de Y assise moyenne du groupe portlandien , que M. Favre décrit au Salève, et que j’ai reconnu très bien dans le chemin qui conduit de Monetier à la grange des Treize- Arbres , sur le grand Salève. — Jjes fossiles sont extrêmement rares dans cette partie du Jura, je n’y ai rencontré que deux Nérinées et un Natice ; les Nérinées proviennent du Colombier et le Natice de la Dole. Cette absence de fossiles , et surtout le peu de Nérinées que l’on rencontre, vient encore indiquer pour ce massif une région pélagique ; car aussitôt que l’on entre dans la zone subpélagique, comme au Noirmont, au Rizou, à Saint- Laurent , dans la chaîne de montagnes qui sé¬ pare la vallée de Nozeroy de celle de Moutlie, on trouve dans les dernières assises de l’étage oolitique supérieur une quantité prodi¬ gieuse de Nérinées appartenant à sept ou huit espèces différentes. — Le massif de montagnes que je considère augmenté du Crédoz , est, ainsi que je l’ai déjà dit précédemment, entouré par une cein¬ ture de terrain appartenant à l’étage nepeomien. Mais toutes les différentes assises qui constituent cet étage ne se rencontrent pas également distribuées sur tout ce pourtour, et offrent, au con¬ traire, dans leur ordre de distribution, des faits de la plus haute importance pour l’histoire de l’élévation successive et lente de cette partie des Monts-Jura. — Les subdivisions néocomiennes sont les mêmes que celles que l’on établit pour le terrain des environs de SÉANCE DU 1er FÉVRIER 18A7. m Neuchâtel et du canton de Yaud; seulement on y trouve de plus la partie supérieure qui forme la première zone de Rudistes de M. Alcide d’Orbigny. On peut suivre toute la série néocomienne dans le val de la Valserine et la combe de Mijoux, ainsi que sur le revers suisse (canton de Yaud et pays de Gex) , où l’on trouve d’excellentes coupes qui permettent des descriptions très dé¬ taillées. Mais, comme la plupart de ces localités ont déjà été dé¬ crites , soit par M. Itier dans sa Notice géologique sur la formation néoco mienne dans le département de V Ain , soit par M. Alphonse Favre, dans le Mémoire cité précédemment, je crois superflu, dans cette petite note, de m’arrêter sur des descriptions détaillées de roches, préférant faire connaître la distribution géographique des différentes assises, et plusieurs localités où ce terrain n’avait pas encore été signalé. — En sortant du village des Rousses , on ren¬ contre les premières couches du calcaire jaune néocomien , au pied même du fort que l’on construit sur le mamelon à droite de la route ; ces couches occupent le fond de la vallée , et se prolongent d’un côté dans le val du lac de Joux , où elles présentent un bien plus grand développement , et de l’autre côté vers le village des Cressonnières. A ce dernier point , le néocomien se bifurque et suit les parties les plus basses des vallées qui conduisent des Rousses à Saint-Cergues et à Mijoux. Dans cette dernière vallée , il est assez difficile de le suivre depuis les Cressonnières jusqu’à l’extrémité méridionale de la vallée des Dappes ; car, comme il ne se compose que d’une dizaine de couches , présentant une hauteur de 2 à 3 mètres de calcaire jaune , quelquefois grisâtre , et à cassure mi¬ roitante , la végétation le recouvre le plus souvent , et ce n’est que dans les tranchées faites pour des constructions de murs de sépa¬ ration des pâturages des chalets , ainsi que sur quelques points de la route , qu’on peut le reconnaître. D’ailleurs on ne peut guère se servir de la discordance de stratification , car les couches ayant été fortement disloquées par les révolutions qui ont succédé au dépôt néocomien , il est presque toujours très difficile d’établir cette dis¬ cordance de stratification avec les assises jurassiques. Les fossiles sont assez rares dans toute cette partie de la vallée; cependant j’y ai rencontré plusieurs fragments d’ Ostrea Coula ni , d’ürb. , et la Pholadomya Scheuchzeri , Agass., ce qui ne laisse aucun doute sur la nature néocomienne de ces couches. — Lorsqu’on a atteint l’ex¬ trémité de la vallée des Dappes , là où la route la sépare de la combe de Mijoux , les assises néocomiennes s’étendent sur un plus grand espace, et présentent un bien plus grand nombre de couches. Ainsi , en suivant la route jusqu’à la Conxade , et même près de l\hh SÉANCE DU 1er FÉYRÏER 18&7. Lavatay , on est continuellement sur le néocomien , et je ferai re¬ marquer en passant que ces points sont cle 1,250 à 1,267 mètres d’élévation au-dessus du niveau de la mer ; tandis qu’à Allemogne, Thoiry et à Arbère , près de Divonne, de l’autre côté de ce massif, les couches supérieures néocomiennes à Rudistes ne sont qu’à 500 et 550 mètres d’élévation; cette remarque me servira plus tard, lorsque je parlerai de l’orographie de cette chaîne. Si , au lieu de continuer à suivre la route de la Faucille, on s’enfonce dans la combe de Mijoux, et qu’on suive toute la vallée de la Valserine, on parcourra avec détail toutes les assises néocomiennes et même le gault ; mais comme mon but n’est pas pour le moment de dé¬ crire cette vallée , je m’en rapporterai à l’excellent Mémoire cité de M. Jules Itier. Avant de la quitter, je ferai remarquer que l’on trouve sur la route de Gex , entre la Y asserode et la Conrade , dans les assises du calcaire jaune, une mince couche de marnes renfermant , presque à l’exclusion de toute autre espèce de fos¬ siles , une très grande quantité d’ Ostrca macroptera , Sow. J’avais déjà rencontré cette couche d’ Ostrca à Censeau (Jura). — La vallée qui conduit des Rousses à Saint-Cergues présente aussi les assises néocomiennes dans ses parties les plus basses; mais, de même que dans la vallée des Dappes , il est souvent assez difficile de le reconnaître , surtout depuis près de la croisée des routes de Gex et de Nyon , jusqu’au sentier qui conduit de Saint-Cergues au sommet de la Dole , près des rochers de la Tré- lat; cependant j’en ai constaté l’existence avec certitude, et je les ai même rencontrés sur les premiers gradins de la Dole, à une assez grande hauteur au-dessus de Saint-Cergues. Dans cette dernière localité, il recouvre tout le plateau, et s’étend du côté de la Reiclie etd’Arzier ; les calcaires jaunes y sont très développés, et présentent une très grande quantité de fossiles caractéristiques de la partie in¬ férieure, tels que Ostrca Couloni, cl’Orb.; Ostrca macroptera , Sow.; Janira neocomiensis , d’Orb. ; Ammonites radia tu s , Rrug. ; Corhis cordiformis , d’Orb.; Pholadomya clongata et Scheuchzcri , Agass. ; Toxastcr complanatus , Agass.; Nuclcolitcs Olfersii, Agass. ; Trigo- nia caudata , Agass., etc. — Le néocomien s’étend ensuite au pied E.-E.-S. du Jura, le long du bassin suisse du Léman , en présentant les mêmes séries d’assises que dans la vallée de la Valserine ; seule¬ ment il est souvent très difficile de l’étudier, parce qu’il est le plus souvent recouvert , soit par la mollasse , le diluvium , le dépôt gla¬ ciaire ou erratique , ou bien par la végétation , de sorte qu’on le suit assez difficilement depuis Gevrin , Gingins, Arbère, etc., jus¬ qu’à Thoiry. Dans cette dernière localité, ainsi qu’à Allemogne, SÉANCE DU 1er FÉ VR1RE 1847. 445 on y trouve la partie supérieure de l’étage néocomien , formant la première zone de Radis tes de M. Alcide d’Orbigny, ainsi que le calcaire d Pteroceras pelagi de M. Alphonse Favre. Les couches de ces deux divisions de la partie supérieure du néocomien sont ex¬ ploitées pour des marbres dans des carrières qui se trouvent derrière Thoiry , un peu au-dessus du village ; j'y ai rencontré le Radiolites ncocomiensis , d’Orb. ; des Térébratules , et le Pterocera pelagi , d’Orb. ; MM. Favre et Roux, de Genève, y ont aussi recueilli les mêmes fossiles , ainsi que plusieurs autres que j’ai vus dans la col¬ lection de M. le docteur Roux. Orographie. — Te ne donnerai pas la description orographique de chacune des montagnes qui composent cette chaîne , me bor¬ nant seulement à des généralités sur toute la chaîne , en la consi¬ dérant par rapport au Salève et au bassin suisse. Cependant je présenterai les coupes de plusieurs ploiements jurassiques qui se trouvent à la Dole , et que l’on rencontre rarement aussi bien déve¬ loppés. Si r on monte à la Dole depuis Saint-Cergues , on sera frappé , en arrivant sur l’avant-dernier gradin , près du chalet de la Dole , de la voûte de rochers qui se présentent à vous. Supposons l’obser¬ vateur placé un peu à droite et en avant du chalet , le dos tourné vers les Alpes; la Dole s’offrira à lui sous l’aspect d’une immense voûte ( voir fig. 2 de la pl. pag. 453 ) , dont les arceaux viennent s’arebouter aux pieds de deux pitons, placés F un au N. et l’autre au S. Les assises de roches qui forment ce magnifique ploiement appartiennent toutes à l’étage oolitique supérieur ; mais l’on ne peut y distinguer aucune subdivision en groupe , excepté une mince couche calcaréo -marneuse , que l’on rencontre en montant par le sentier qui porte le nom de Chemin de de Saussure ( en sou¬ venir du célèbre naturaliste génevois qui décrivit le premier la Dole ), à peu près au tiers de la montée, avant d’arriver au col qui sépare la Dole du piton N. ; je pense que cette assise , dans laquelle j’ai trouvé le Pterocerus Oceani et un Ceromya , est synchronique du Kimméridien de Porrentruy. — Le ploiement des couches ne se borne pas seulement au sommet de la Dole , mais une partie des mêmes assises se trouvent encore ployées au-dessous du piton S. , où elles ont la forme d’une S placée horizontalement. Cette forme s’explique assez facilement par le moyen des couches supérieures du piton, qui, par leur poids sur les couches inférieures, tendaient à faire glisser celles-ci du côté du S. , tandis que la montagne qui se trouve à côté présentant une résistance insurmontable à ces cou¬ ches , les a obligées de se ployer et de former un contournement à SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. MO la base du piton S. (1). Du coté du nord , les assises se sont rom¬ pues et ont formé une faille perpendiculaire à l’axe de dislo¬ cation de la chaîne ; cette faille occupe toute la gorge qui sépare la Dole de son piton N. Les couches se relèvent alors , puis elles inclinent de nouveau dans un sens inverse , pour former à l’extré¬ mité du piton une nouvelle voûte , mais qui se trouve dans une direction perpendiculaire à celle de la Dole. — Un des faits les plus curieux du ploiement de la Dole est sa position parallèle à l’axe de dislocation de la chaîne entière. Ordinairement les ploie¬ ments sont perpendiculaires sur le milieu de l’axe , ou bien réunissent, toujours perpendiculairement, les axes de dislocation de deux chaînes. Il m’a semblé que cette anomalie de position du ploiement de la Dole pouvait s’expliquer de la manière suivante. Lors des dislocations qui ont donné aux chaînes les plus orien¬ tales des monts Jura leurs reliefs, la Dole s’est d’abord présentée sous la forme d’une voûte , dont les arceaux étaient perpendicu¬ laires à l’axe de la chaîne ( comme le prouve encore le ploiement de l’extrémité du piton N. ) ; puis la force disloquante agissant avec plus d’intensité sur un point central , les deux parties extrêmes se sont affaissées et ont reçu en outre une partie des couches formant le sommet, qui, à mesure que le point central s’élevait, venaient en glissant se superposer sur les couches pla¬ cées à la base. De sorte que la Dole a fini par présenter un cône à angle très obtus , dont une des moitiés , celle placée au S.-E. , s’est affaissée pour former le replat où se trouve le chalet de la Dole ; tandis que l’autre moitié a présenté les couches ployées de la partie intérieure du cône. Vers le N.-E. la voûte ne s’est pas entièrement rompue , et alors il y a eu faille vers le piton N., et une partie de la voûte qui se trouvait perpendiculaire à l’axe s’est conservée et présente un ploiement superbe que l’on observe tout à fait à l’extrémité N. du piton , en un point connu sous le nom de Fin Château ( voir lig. 3). Ce dernier ploiement peut être vu par tous les voyageurs qui se rendent de Paris à Genève , car on l’aperçoit très bien depuis la route des Rousses à Saint- Cergues, à 7 kilomètres des Rousses, au point où l’on commence à descendre sur Saint-Cergues, à droite de la route, vis-à-vis une (î) Cet exemple de contournement de couches des roches juras¬ siques présente, dans la partie sud, plusieurs grottes et cavernes qui sont le résultat de ces ploiements. M. Martins, dans les remarquable* leçons de géologie qu il a faites cet hiver à la Sorbonne, les a cités comme exemples de cavernes par dislocation. SÉANCE LU FÉVRIER 1847. 447 mare cl eau. C’est de ce point cjue j’ai pris le croquis représenté dans la fig. 3. Maintenant, si l’on considère l’ orographie générale de la chaîne , on est trappe , ainsi cpie je l’ai dit précédemment , de cette direction des couches qui présentent leurs fronts relevés du coté des Alpes. Cette disposition des assises a fait admettre , par des géologues, cpie le Jura n’était qu’une conséquence de la grande dislocation des Alpes ; tandis que d’autres ont nié toute participation de la dislocation des Alpes dans le relief actuel du Jura. Je crois que cette divergence d’opinions pro¬ vient de ce que ceux qui ont admis que le Jura était comme un ridement de la dislocation alpine , n’ont étudié que la partie mé¬ ridionale des chaînes ; tandis que ceux qui ont nié toute partici¬ pation des Alpes ne connaissaient que la partie septentrionale. De sorte que je suis arrivé à admettre que les deux opinions trop exclusives pour toutes les chaînes jurassiques trouvaient leurs applications dans les détails des chaînes suivant les parties que l’on considère. Cependant je dois dire que l’opinion qui rejette toute action alpine dans les dislocations du Jura est celle qui explique le plus de faits; tandis que l’autre est tout à fait inadmissible comme thèse générale. En présentant ici mes idées actuelles sur les dislo¬ cations jurassiques , je ne prétends pas les donner comme défini¬ tives , car elles pourront très bien être modifiées par mes obser¬ vations ultérieures , ainsi que par les observations des géologues qui s’occupent de ces montagnes ; mais je les donne seulement comme étant le résultat actuel auquel les recherches que j’ai faites jusqu’à présent m’ont conduit. — A la fin de la période portlan- dienne , une énorme dislocation eut lieu sur le pourtour des îles formées par les Yosges et le Schwarzwald, surtout dans les parties méridionales et orientales , ce qui donna naissance au système de montagne des monts Jura. Les parties les plus proches de ces anciennes îles, formant actuellement les départements de la Haute-Saône , du Doubs , du Haut-Rhin et du Jura , ainsi que les cantons de Bâle , de ScliafFouse , d’Argovie , de Soleure , du Jura bernois et de Neuchâtel , reçurent à cette époque , et dans un espace de temps assez limité , le relief principal qu’elles ont ac¬ tuellement , sauf quelques légères modifications apportées plus tard , mais qui n’ont fait que de raviner un peu plus les vallées et creuser quelques cluses et ruz. Le mouvement qui a déterminé ce relief paraît s’être opéré de l’E.-E.-N. à l’O.-O.-S. en suivant une marche progressive et s’avançant ainsi des environs de ScliafFouse aux environs de Lons-le-Saunier et Saint-Amour. Ce 448 séance du 1er FÉVRIER 1847. mouvement produisit, au sein des couches que la mer jurassique venait de déposer , une série de dislocation affectant des formes plus ou moins régulières, suivant que les couches avaient été rom¬ pues , en s’écartant très peu des lignes de dislocation , ou bien en glissant sur de très grandes longueurs, ce qui produisit d’immenses failles , dont le résultat fut un très grand relèvement et un boule¬ versement complet des assises qui se trouvaient dans ces régions. — La régularité dans les dislocations eut surtout lieu dans les parties orientales et au milieu des chaînes , principalement dans le Porrentruy et le canton de Soleure , où M. Thurmann , puis plus tard M. Gressly, ont si bien étudié les phénomènes déter¬ minés par cette régularité des forces disloquantes. Mais dans les régions occidentales , surtout dans les vallées de l’Ognon et du Doubs , ainsi que dans les environs de Besançon et de Salins , on n’observe plus que très rarement cette régularité, qui se trouve remplacée par un système de faille, dont le résultat a été de jeter le plus grand trouble dans l’ordre de superposition des assises et dans les détails orographiques. Les failles , ainsi que les chaînes dont se compose le Jura , ne sont pas parallèles , mais se coupent sous des angles , il est vrai assez aigus , quoique plusieurs ren¬ ferment 60 degrés d’ouverture. A Salins , par exemple , deux failles énormes viennent se rejoindre au pied S. du mont Poupet, sous un angle de 6ù degrés ; l’une se dirige par Montmahoux, du côté de Vercel , en mettant en contact l’étage supérieur jurassi¬ que avec le lias et l’oolite inférieur ; tandis que l’autre suit le pied de la montagne qui longe de Quingey à Salins , traverse la Loue et va passer derrière Besançon près du marais de Sône ; cette dernière faille met aussi en contact l’oolite supérieur successive¬ ment avec le keuper, le lias et l’oolite inférieur. — Ces différentes failles que l’on remarque dans le Jura occidental sont les résultats de l’écaillement qui a formé les plateaux supérieurs du Jura ; car on les rencontre presque toujours sur les flancs des abruptes qui terminent ces plateaux , appuyés fortement contre les couches in¬ férieures, qu elles ont forcées à se relever beaucoup plus qu’elles ne l’étaient primitivement. Cette application à la base d’un pla¬ teau et en général d’une montagne quelconque ( pourvu toutefois qu’elle soit composée entièrement de dépôts sédimentaires), d’une force produite par l’immense poids d’un ou de plusieurs étages supérieurs par ordre chronologique à celui de la montagne , a dû souvent etre la force qui a contribué le plus au relèvement des couches de la montagne , surtout si l’on fait attention au certain degré de plasticité que devaient avoir des couches déposées depuis SÉANCE BU 1er FÉVRIER 1847. 449 peu ; plasticité prouvée par le grand nombre de stries parallèles entre elles que Ton trouve sur les roches aux points de contact des assises. 11 me semble que l’on n’a pas assez fait attention jus¬ qu’à présent, surtout pour le Jura, aux modifications qu’a du apporter le phénomène que je viens d’établir précédemment , et qu’en l’observant avec soin, on pourra , je ne dis pas toujours , mais souvent , rendre compte d’accidents orographiques, souvent très difficiles à expliquer. — Après que la principale dislocation jurassique se fut opérée , la partie méridionale présentait une grande quantité de golfes , fiords et bras de mer qui pénétraient dans les différentes vallées de séparation des parties S.-E. des chaînes. La nouvelle ligne du niveau de la mer se trouva reculée de l’ancienne par tout le massif de montagnes qui s’étend de Bâle à Saint-Amour ; seulement la mer n’abandonna pas immédiate¬ ment toutes les parties de ces montagnes , mais y resta sur plu¬ sieurs points pendant la première période crétacée. 11 serait assez difficile de tracer, avec les observations actuelles , les différentes lignes de niveau de la mer néocomienne dans le Jura ; car il se fit, pendant toute la durée du dépôt néocomien , une élévation lente du sol , analogue à celle qui s’opère actuellement en Scandinavie ; ce qui devait changer très fréquemment la ligne de niveau et l’orographie des bords de cette mer. J’essaierai seulement d’établir ces lignes pour le massif de montagnes que je considère ; plus tard j’espère pouvoir les donner pour tous les points où le néoco¬ mien se rencontre , mais cela me demandera encore beaucoup de recherches et de temps. — • Ainsi que je l’ai dit précédemment, le massif des hautes sommités du Jura est entouré par le dépôt néo¬ comien ; par conséquent , au moment du commencement de la période néocomienne , ce massif formait une île où un récif près de la falaise S.-E. du Jura, et alors la ligne de niveau de la mer passait par les Rousses , Lavatay , Neuchâtel , Bienne , Censeau , Pontarlier et Moutlie. Or, ces divers points se trouvent maintenant à des niveaux bien différents, car les Rousses sont à 1,130 mètres, Lavatay à 1,260 , Neuchâtel à Ù38 , Bienne à Ù36 , Censeau à 850, Pontarlier à 870, et enfin Moutlie à 936 mètres; de sorte que les dislocations ultérieures qu’ont éprouvées ces différents points ont agi avec beaucoup plus d’intensité sur les uns que sur les autres, et que l’on ne peut admettre une élévation régulière de la masse générale du Jura méridional et oriental. Noyons comment sont distribués les points les plus élevés , et si l’on peut tirer de leur distribution des conséquences sur ce qui a produit ces élévations. D’abord on remarque que c’est dans les chaînes le plus au S.-E., Soc. géol., 2e série, tome IV. 29 /l 50 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. comme les hautes sommités du Chasseron , du Mont-d’Or, du Mont-Tendre , de la Dole , du Reculet et du Crêt-de-Chalam , dont les chaînes bornent le bassin du Léman , que le néocomien a été élevé le plus haut , et que ses assises sont les plus relevées. D’un autre côté , ces élévations suivent une espèce de progression depuis Neuchâtel et Bienne , jusqu’à Lavatay où elles ont atteint leur maximum pour redescendre ensuite du côté de la perte du Rhône. Cette progression d’élévation du dépôt néocomien n a pas seulement lieu dans la direction du N. au S., mais aussi de 1E. à l’O. , où l’on trouve que plus l’on s’approche des plateaux les plus inférieurs du Jura , plus le néocomien se trouve peu relevé et a une hauteur relative bien moindre que dans les régions tout à fait à l’E. D’ailleurs, il faut bien remarquer que les plus hautes som¬ mités du Jura se trouvent vis-à-vis du massif du Mont-Blanc , là où précisément le bassin suisse est le plus rétréci , et où l’on ne compte que 24 kilomètres de distance entre les premières monta¬ gnes des Alpes ( les Voirons , le Môle , etc. ) et le Jura ; et que les assises néocomienues du pied suisse du Jura sont fortement rele¬ vées contre les abruptes des montagnes, tandis que les assises de la molasse, dont le dépôt s’est opéré après la dislocation des Alpes occidentales , sont presque toutes horizontales , ainsi que les cou¬ ches de l’alluvion ancienne ; et que ces assises molassiques ne se trouvent pas dans l’intérieur des chaînes de cette partie du Jura , tandis qu’on les rencontre depuis la Cliaux-de-Fonds, Pontarlier, jusque dans l’Argovie , dans l’intérieur des vallées longitudinales du N.-E. des chaînes ; et par conséquent la mer a changé de ni¬ veau au commencement de l’époque de la molasse , elle s’est re¬ tirée des parties méridionales pour se porter dans les parties septentrionales. — Pour expliquer les faits contenus dans les re¬ marques précédentes , il n’est guère possible de le faire sans admettre que la grande dislocation des Alpes occidentales a fait sentir son influence sur la partie S.-E. du Jura. Car, en admettant une nouvelle dislocation jurassique, agissant dans le même sens que la première , comment expliquer son action seulement dans la partie S.-E. , tandis que dans les autres parties elle n’a eu qu’une action excessivement faible par rapport à la première; et comment aussi , surtout , expliquer cette différence de niveau du néocomien dans la vallée de la Valserine et des Rousses , par rapport à la ligne néocomienne qui se trouve de l’autre côté de la chaîne, le long du bassin du Léman et sur le Salève (voir la planche p. 453, fig. 1) — Tandis qu’en admettant l’influence de la grande dislocation des Alpes occidentales , les faits reçoivent une explica- SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. 451 tion claire et naturelle. En effet , la grande masse des Alpes , en s’élevant, vint comprimer et encloisonner, entre elle et le Jura , les divers terrains qui se trouvent placés dans le bassin suisse actuel ; car les Alpes , par l’effet même de leur structure en éven¬ tail , ont rejeté les terrains calcaires sur leurs bords , et ont ainsi accumulé une grande force de pression latérale et perpen¬ diculaire dans le bassin de la basse Suisse. Ces deux forces , l’une latérale , provenant de l’encaissement des assises entre les Alpes et le Jura, et l’autre perpendiculaire au plan tangent au rayon du globe , aboutissant dans la basse Suisse et provenant du poids même des assises , ont eu pour résultante une force énorme cpii s’est appliquée au pied du Jura sous un angle qui a pu varier de 10 à 20 degrés. Cette force a eu pour conséquence un relèvement du massif du Jura. Mais comme elle avait beaucoup plus d’intensité vers ses points d’application , elle a dû relever davantage la pre¬ mière chaîne qui bordait le bassin suisse , et c’est en effet ce qui est arrivé, car c’est là que l’on trouve actuellement les points les plus élevés du Jura, et les assises aussi bien jurassiques que néoco¬ miennes, qui constituent ces hautes montagnes , sont redressées du côté de la vallée suisse. A mesure que l’on s’avance vers l’O. , la hauteur des montagnes diminue progressivement et le néocomien qui se trouve à 1,200 mètres à Lavatay, n’est plus qu’à 800 mètres à Censeau dont la position est à 25 kilomètres plus à 10. ; de sorte que la force diminuait d’intensité à mesure que bon s’éloignait de ses points d’application , et qu’elle a dû être excessivement faible et même presque complètement nulle sur le premier plateau placé à l’O., et qui s’étend de Salins à Lons-le-Saunier et Saint- Amour. En effet , on ne rencontre sur ce plateau aucun fait que l’on puisse rapporter à cette force alpine , le néocomien ne s’y trouvant sur aucun point , et les assises présentant leurs fronts re¬ levés du côté de la Côte-d’Or. — L’inégalité dans les cottes de hauteur des montagnes qui constituent la chaîne bordant le bassin suisse , s’explique très facilement par la topographie de la basse Suisse. En effet, c’est vers les points où ce bassin est le plus étroit que sont les plus hautes montagnes du Jura ; ainsi la Dole , le Colombier et le Reculet ne sont séparés des Alpes que par le petit bassin de Genève. A mesure que l’on s’avance du côté de Neu¬ châtel et de Bienne , le bassin suisse s’élargissant beaucoup, la force avait une bien moindre intensité ; aussi les montagnes di¬ minuent-elles de hauteur. Enfin , à partir de Bienne , et en sui¬ vant le long de l’Aar à Soleure , Arau , etc. , on voit que la force a eu une influence extrêmement restreinte ; ce qui se comprend SÉANCE EU 1er FÉVRIER 18/|7. lx 52 très bien par l’éloignement de ces points aux Alpes , et aussi par la moindre hauteur qu’ont les massifs alpins qui se trouvent de ce côté. D’ailleurs , dans les endroits où le bassin suisse est le plus large , les terrains jurassiques et néocomiens ont éprouvé des plissements et dislocations qui ont par ce moyen en partie dé¬ truit la force qui devait s’appliquer au pied du Jura ; ainsi le Jorat et plusieurs petites montagnes des cantons de Fribourg et de Berne doivent leur première origine à cette dislocation des Alpes. J^e Salève formait déjà une colline sous-marine lors du dépôt néocomien, comme l’a très bien démontré M. Favre ; mais son grand relief s’est pris à l’époque de la dislocation des Alpes. Ainsi, en résumé, on voit que si j’admets que les Alpes ont agi sur le Jura, ce n’est que d’une manière secondaire, et qu elles n’ont eu pour résultat que d’élever fortement au-dessus des eaux la partie comprise entre Bienne , Morteau , Censeau , Arinthod , Belley, Gex et Orbe , dont le relief était déjà pris depuis l’époque de la dislocation jurassique , et qui formaient des îles , îlots , récifs et collines sous-marines pendant la période néocomienne. Les autres dislocations qui ont amené le retrait des eaux de la mer des parties environnantes du Jura ont apporté peu de modifi¬ cations à ce système de montagnes , il n’y a guère eu que la dislo¬ cation molassique qui s’est fait un peu sentir dans la partie N.-E. En livrant ces réflexions aux géologues , j’ai moins eu pour but de donner cela comme une théorie achevée , que d’attirer leur atten¬ tion sur la manière d’envisager la question de la dislocation néo¬ comienne dans le Jura. 1 . Coupe du Salève au Reculet. a Salève, b Genève , c Thoiry, d Reculet, e vallée de Valserine, B blocs erratiques et alluvions , M molasse, N terrain néocomien , J terrain jurassique. 2. Coupe du sommet de la Dole , allant du N. au S. aaa chemin de de Saussure, b piton du S., c la Dole, d piton du N., c chalet du creux , f chalet de la Dole , g faille. 3. Vue du ploiement du piton N. de la Dole. a Fin Château , b piton N., c rochers de la Trélat. SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. 454 M. Rozei rappelle qu’il a publié clans le t. VI du Bulletin , lre série, un Mémoire sur les soulèvements jurassiques, où il assure avoir rapporté les mômes Faits que M. Marcou sur l’in¬ fluence des Alpes sur le soulèvement du Jura. M. Marcou répond que le soulèvement de la partie occiden¬ tale du Jura peut s’expliquer par celui des Alpes , mais non la partie septentrionale. M. Élie de Beaumont demande si les résultats de M. Marcou confirment les siens. M. Marcou répond affirmativement. M. Desor dit que le soulèvement septenlrional du Jura, depuis Neuchâtel, est indépendant de celui des Alpes. Il y a un soulè¬ vement portlandien avant le dépôt du néocomien, car il n’y en a pas dans les vallées intermédiaires. Mais dans le Jura méri¬ dional les voûtes seules ont été soulevées au-dessus de la mer néocomienne qui s’est déposée dans les intervalles. Les voûtes étaient probablement peu élevées au-dessus du néocomien, qui, dans les Alpes de Saint-Gall , a été élevé à 1500 mètres. Dans la vallée de la Chaux-de-Fond il y a des terrains tertiaires redressés. r M. Elie de Beaumont rapporte le soulèvement du Jura à celui de la Côte-d’Or, influencé ensuite par le soulèvement des Alpes. M. Rozet pense que les différents soulèvements de M. Thur- mann pourraient très bien avoir eu lieu en même temps. M. Marcou rapelle les différences que M. Renaud-Comte a signalées entre les vallées d’érosion et les vallées de disloca¬ tion (1) . M. Rozei dénie à l’eau le pouvoir de couper des rochers; il y a eu d’abord dislocation , puis érosion dans le sens des lignes de plus grande pente. M. Marcou répond que les vallées ne sont pas creusées uni¬ quement par les eaux, mais seulement érodées par elles. M. Constant Prévost communique l’extrait suivant d’une lettre qui lui est adressée de Vienne par M. Boué. (1) Voir Étude .systématique des vallées d’érosion dans le dépar¬ tement du Doubs , par Renaud-Comte; Mémoires de la Soc. d'ému¬ lation du Doubs , t. IF, 1 846. SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. 455 Mon cher monsieur , Je ne sais pas si ma lettre sera inutile ; si c’était le cas , je ne la regretterais pas, puisqu’elle m’aurait donné une occasion de vous renouveler mes sentiments d’estime ; si elle ne l’était pas , elle servira à éclaircir une question scientifique qui vous touche de près , d’autant plus que sa solution est contraire à celle que vous avez donnée. Mais je connais assez votre amour de la vérité pour prévoir que vous m’en voudriez presque , si j’adressais ces mots à quelque autre qu’à vous. La science marche toujours , tandis que nous vieillissons malheureusement ; heureux ceux qui ne se pétrifient pas et deviennent ainsi sourds à tout avertissement ou à toute nouveauté ! Nous ne sommes pas dans ce cas , ni vous ni moi. A la question . 11 s’agit de vos marnes en formes régulières pyramidales de Montmartre ( Journ . des mines , 1809 , p. 227, et Bull. Soc. philom . , avril 1809, Bull. Soc. géol. de Fr., 1837, lre série, v. "VIII, p. 320). Vous, Beudant [Traité de minéral., 1830, p. 152), etc., les déclarez un accident de retrait , etc.; vous protestez même ( Bullet ., p. 220) contre l’idée que ce sont des pseu- domorplioses de sel marin , quoique vous donniez bien des preuves à l’appui de cette idée , savoir , les formes , les stries des pyra¬ mides et les cavités vides avec des fissures à leur pourtour (p. 321). — M. Haidinger, qui a livré une suite de travaux consciencieux et remarquables sur les pseudomorphoses de 1827 à 1847, vient de prouver mathématiquement qu’on a pu tracer la série inter¬ médiaire entre vos marnes pyramidales et des pseudomorphoses incontestables de sel gemme. Son Mémoire intitulé Sur les pseudo¬ morphoses d’après le sel gemme [Natunvissenschaj tliche Abjiandlun- gen , publiés par lui pour la Soc. des Amis de l’hist. nat. à Vienne , 1847, v. I, p. 65-79). L’estimable auteur commence par parler de la description par Haussmann de pyramides quadrangulaires et de cavités de cette forme dans une marne bitumineuse du muschelkalk des bords du Weser ( Nachricht. v. d. K. Ges. d. fF iss. zu Gotti/igen , 1846, 7 décembre, n° 17). Haussmann déclare ces solides des pseudo¬ morphoses de sel , et les croit placés sur la limite des gypses secon¬ daires ; les cavités striées en forme d’escalier sont composées , à ce qu’on voit fréquemment dans les cuves à évaporation pour les eaux salées , de cristaux de sel s’y formant dans l’argile et sont dissous plus tard, en ne laissant que l’indication de leurs formes. D’une autre part , le professeur Amos Eaton a décrit des pseudo¬ morphoses toutes semblables dans des marnes calcaires salifères du SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. /|50 groupe silurien supérieur, savoir, le groupe dit d’Onondaga dans les États-Unis ( Amer. J. oj sc ., 1829, v. XY, n° 2 ; Phil. Mag. , 1829 , n° 31 , p. 72). M. Haidinger a obtenu de ces pseudomor- plioses, soit solides, soit creuses, de Syracuse (Et. de N. Y.). On y revoit les stries en escalier, en bosse et en creux. Pendant la disso¬ lution des particules du sel , il s’est déposé dans les cavités des cristaux microscopiques de quartz et de cliaux carbonatée. M. Haidinger a décrit des pseudomorplioses de gypse d’après des cristaux de sel de Gossling (Autriche) ; ce sont des cubes un peu déformés à cause de la pression éprouvée par le limon où ils s’étaient formés. Les cavités sont tapissées de cristaux de quartz et de spath magnésien ou dolomie. ( Zcit . f. Physik de Vienne , v. IY, c. 4 , p. 225. ) Mais on voit à Hall, en Tyrol, des cristaux de sel où cette opération de déplacement se continue encore , de manière qu’on peut collecter des échantillons qui montrent le passage de l’exis¬ tence entière de semblables cubes solides jusqu’à celle où il n’en reste que le squelette , ou même jusqu’au point où les cavités occu¬ pées sont totalement vides. Dans les intermédiaires, on voit les solides devenir toujours plus petits en laissant plus de vides. Ces apparences se revoient toutes dans les cuves à évaporation du sel. De F eau remplit encore quelquefois les cavités où le sel existait jadis. L’auteur vient ensuite à parler des pyramides marneuses de Montmartre situées dans un dépôt marin , ce qui est prouvé main¬ tenant aussi bien par la présence des coquillages cités que par la présence des pseudomorplioses en question. Une solution gypseuse a dissous vos cristaux de sel gemme em¬ pâtés dans la marne marine , tandis qu’il s’est formé des cristaux de sélénites dans les marnes plus compactes et sans fossiles , qui recouvraient la couche à cristaux de sel. Le gypse niviforme sem¬ blerait aussi une indication d’action pseudomorpliique. M. Fartsch a trouvé à Koneck , près du mont Oetscher, des cubes de 3/4 de pouce sur les côtés et composés de six pyramides dont les sommets convergent. Cette pseudomorpliose est dans un grès fin quartzeux et poreux. Les cubes solides sont composés de grains fins de quartz , mais on y reconnaît encore les surfaces en escalier des pyramides du sel , tandis que la surface du cube est encore bien visible par une fine ligne de séparation. La structure feuilletée du grès ne se prolonge pas à travers les cubes. Les parti¬ cules sableuses auront remplacé petit à petit celles du sel. M. Haidinger a des cubes de sel remplacés par de l’anhydrite SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. 457 bleue , dont les faces sont concaves et les arêtes saillantes par suite de la pression ; ces échantillons viennent de Hallein en Salzbourg. La collection des mines possède des échantillons de pseudomor- phoses cubiques de sel remplacé par des cristaux de sélénite d’Aix en Provence. Les cubes sont déformés. Des cristaux de sel dans l’argile ont été peu à peu dissous et comprimés pendant que du sulfate de chaux blanc se déposait sur la surface , tandis que Fin- térieur s’est rempli de sélénite coloriée par l’oxyde hydraté de fer. A Pirano , en Istrie , on a trouvé des petites cavités cubiques tapissées de cristaux d’anhydrite : elles sont dans une marne ap¬ partenant probablement au grand système à Nummulites, F épi- crétacé de Leymerie , l’hétrurien de Pilla , système qui comprend une grande partie de l’I strie, de la Dalmatie, la partie côtière de la haute Albanie , entre la mer et la vallée de l’Hismo , d’une portion de la partie de l’Epire entre la mer et la vallée du Voioutza ou Acres. Ce système y repose et recouvre le véritable système crétacé à Rudistes , qui ressort çà et là en montagnes ou chaînes , ou se montre dans le fond des vallées. M. Haidinger a reçu du terrain salifère de Soovar des pseudo- morphoses cubiques comprimées et déformées , qui offrent à leur extérieur une croûte de cristaux de dolomie et un seul cristal de gypse dans leur intérieur, cristal qui remplit tout l’espace de ce dernier. Il y a donc eu formation de sel dans la marne , présence d’une solution saturée saline qui a aidé la formation du double carbonate de chaux et de magnésie (opération catogène) , dispari¬ tion du reste du sel marin et cristallisation du sulfate hydraté de chaux par suite de l’arrivée de sulfates à la place d'hydrochlorates ; la solution de sel est devenue moins saturée , l’eau a dissous le gypse à la surface pour laisser entre lui et la dolomie un petit espace vide qu’on trouve dans tous les échantillons. Si le grès cristallisé rhomboédrique de Fontainebleau dépend bien de la chaux carbonatée infiltrée , il n’en est pas ainsi des grès cristallisés cubiques , qui existent dans certaines couches aré- nacéo-marneuses du keuper en Westphalie , en Wirtemberg et en Thuringe. Ces cristallisations si fréquentes ont frappé les minéralo¬ gistes et les géologues depuis longues années , et , à leur sujet , nous pourrions noter ici plus de douze citations d’auteurs depuis Bruck- mann en 1780 ( Schrift cl . Berlin G es cils eh . Naturforsch Freund. ) jusqu’à Noeggeratli (iV. Jcihrb. f. min., 1846, c. 3, p. 307). Ce dernier a déjà reconnu que ce sont aussi des pseudomorplioses de sel gemme. Yoici l’explication qu’en donne notre ingénieux Hai¬ dinger. Les surfaces couvertes de ces nombreux cubes de sel étaient 458 SÉANCE DU 1er FÉVRIER 1847. les parties inférieures de couches de grès reposant sur des marnes. C’est sur la surface de ces dernières que s’est cristallisé le sel , pen¬ dant que les marnes étaient encore un limon, de manière à y laisser l’empreinte de la surface inférieure de leurs cubes. Une eau limoneuse les a recouvertes de sable , ce qui a détruit peut-être déjà les parties supérieures des cubes , et a renfermé dans le grès le reste de ces cristaux. Plus tard ces derniers furent dissous et rem¬ placés petit à petit par des particules sableuses qui n’étaient pas encore agrégées en grès. Dans la Hesse il y a de ces mêmes cubes qui sont remplis de cal¬ caire compacte et qui offrent à leurs surfaces des stries en partie en escalier. Les pseudomorphoses de sel sont donc jusqu’ici les suivantes, savoir : 1° Celles du sel ayant remplacé du sel ( iMém. de Haidinger, Abh. d. K. Ges. d. hf^iss. von Bohmen , 5 sér., v. III, p. 3 , et Noeggerath , Jahrb.f. min.) ; 2° Le Polylialite (Mém. de Haidinger, Zeit. j. Phys , , v. IV), et Blum, Pseudomorphoses , p. 223 ; 3° Ps. en gypse ; Zi° Ps. en gypse avec croûte de dolomie ; 5° Ps. d’anhydrite ; 6° Cavités vides ; 7° Ps. remplies de grès ; 8° Ps. remplies de calcaire. M. Constant Prévost met ensuite sous les yeux de la Société plusieurs échantillons de marnes et de calcaires dans lesquels se voient les divisions à formes pyramidales qu’il a fait connaître en 1809, et dont l’explication, qu’il a cru devoir en donner alors, est aujourd’hui contestée par M. Haidinger. M. Constant Prévost renvoie pour l’exposition de la question dont il s’agit au Journal des mines pour l’année 1809 et au Bulletin de la Société géologique , lre série, t. VIII, p. 320, séance du 19 juin 1837, pl. VII, fig. 3. Sans prétendre discuter les opinions auxquelles M. Hai¬ dinger s’est arrêté de préférence, puisqu’il ne connaît, dans ce moment, ni les faits ni les raisons sur lesquels ces opi¬ nions sont fondées, M. Constant Prévost demande si dans les phénomènes observés il ne pourrait pas y avoir réellement deux causes : 1° le remplacement de cristaux cubiques, comme cela paraît incontestable, pour les cubes que l’on voit à la surface des plaques de grès du Keuper , et 2° un retrait qui se serait opéré d’une manière régulière dans des directions perpendicu- SÉANCE DU 1er FÉVRIER 18A7. A 59 laires à chacune des faces d’un cristal cubique , ou d’une cavité cubique laissée par un cristal de cette forme , dont la substance aurait disparu sans avoir été remplacée. C’est ainsi que M. Constant Prévost a conçu la division des marnes argileuses de Montmartre , dont il croyait avoir trouvé l’explication dans les cavités cubiques des marnes calcaires de Montmorency et de Moulignon. Il fait observer que dans aucun cas les pyramides quadrila¬ tères dont chaque face est plissée parallèlement h sa base ne sont isolées } qu’il y en a toujours six dont les sommets conver¬ gent vers une cavité centrale dont la forme est cubique ; que chaque face de chacune de ces pyramides est par conséquent et nécessairement en contact avec une face de l’une des cinq autres pyramides , et que rien , dans ce système , ne rappelle les trémies de sel marin. Il faut faire remarquer de plus que la base carrée des pyramides ne se sépare jamais de la gangue , comme le font les côtés , de telle sorte que l’existence d’un cube est plutôt idéale que réelle, puisque l’idée de ce cube ne résulte que de la juxtaposition de six pyramides quadrangu- laires dont les sommets convergent. Le fait est que pour les marnes des environs de Paris les résultats sont exactement ceux que l’on obtiendrait si l’on admet dans une masse suscep¬ tible de retrait une cavité cubique d’une dimension quelconque, et si l’on suppose que la matière s’éloigne du centre de la ca¬ vité perpendiculairement à chacune des six faces de cette cavité. On voit que nécessairement des solutions de continuité auront lieu suivant la ligne de jonction de chaque deux surfaces et dans un plan prolongé intermédiairement à ces deux faces ; qu’il en résultera la division de la gangue qui environne la cavité cu¬ bique en six pyramides dont les dimensions croîtront à mesure que le retrait augmentera , et la surface des côtés de chaque pyramide pourra être plissée par l’effet de ce retrait même. M. Constant Prévost, en terminant, remercie M. A. Boué du nouveau témoignage de confiance et de bonne confraternité qu’il a bien voulu lui donner en lui adressant directement des observations qui semblent contredire une opinion qu’il a cru pouvoir soutenir anciennement. 460 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. Séance du 15 février 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY . M. Ch. Martins, secrétaire pour l’Étranger , donne lecture du procès-yerbal de la dernière séance , dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société , M. Babeau (Eugène), notaire, à Langres (Haute-Marne), présenté par MM. Gornuel et Barotte. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la Justice, Journal des Savants , janvier 1847. De la part de M. Degousée, Guide du sondeur , ou Traité théorique et pratique des sondages ; in-8°, 504 p., avec atlas de 34 pl. Paris, 1847. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences ; 1847, 1er semestre, t. XXIV, nos 5 — 6. L’Institut ; 1847, nos 683 — 684. Mémoires de la Société d’agriculture , sciences , arts et belles-lettres de Baveux; t. III, in-8°, 1845. The Athenœum ; 1847, nos 1006 — 1007. The Mining journal; 1847, nos 598 — 599. M. Le Blanc, secrétaire, présente quelques développements sur le contenu de l’ouvrage de M. Degousée offert aujourd’hui à la Société. Le Guide du sondeur de M. Degousée, dit-il , est lin ouvrage entièrement neuf, et manquait à la science. La rapidité des progrès faits depuis quelques années dans l’art des sondages explique pourquoi on n’avait pas encore pu les réunir en un corps de doctrine. La table des matières que nous donnons ci-après indique les renseignements qu’on peut puiser dans cet ouvrage. Le chapitre VIII paraît devoir intéresser par¬ ticulièrement tous les géologues. — L’ouvrage est édité, au SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/l7. /|C1 prix de 15 francs, par MM. Langlois et Leclercq, rue de la Harpe, 81. Table des matières . CHAPITRE Ier. — Précis historique et théorique de l’art des SONDAGES. CHAPITRE II. — Précis géologique. Introduction. Définition et but de la géologie. — Origine présumée de la terre , développements successifs de sa masse; son état actuel. Etude systématique de l’écorce solide. Composition et structure. — Age (terrains). — Applications industrielles. L'étude systématique du sol est développée ainsi qu’il suit : Ce que l’on doit entendre par minéraux , roches , fossiles ; description sommaire des espèces les plus importantes. — Structure générale et particulière de l’écorce solide [couches , filons , amas, brèches, concrétions , etc.). Ce que l’on doit entendre par terrains. — Division générale des ter¬ rains en stratifiés et non stratifiés. — Nomenclature et description des terrains stratifiés (d’après MM. Élie de Beaumont et Dufrénoy). — Nomenclature et description des terrains non stratifiés. Ce que c’est qu’un bassin géologique. — Aspect général des bassins géologiques secondaires et tertiaires. — Dispositions favorables à l’établissement des puits artésiens. — Gisements habituels des com¬ bustibles fossiles qui peuvent être recherchés par sondages (anthra¬ cite , houille, lignite , tourbe). — Recherches du sel gemme et des eaux salées. CHAPITRE III. — Connaissances nécessaires et devoirs d’un conducteur de sondages. CHAPITRE IY. — Des différentes applications de la sonde. Des sondes d'exploration pour l'étude des terrains. — De l’enfonce¬ ment des pilotis et de la pose des pieux pour les lignes télégraphi¬ ques. — Des puits d’amarres pour les ponts suspendus. — Des sondages sous-marins pour la destruction des récifs et l’étude des ports. — Des sondages horizontaux. — Des sondages des mineurs et de la recherche des gisements minéralogiques et métallifères. — Des puits d’aérage des mines. — Des puits absorbants pour dessè¬ chements , ou absorption des eaux fétides provenant d’usines. — Des puits artésiens , ou recherche des eaux souterraines et de leur appli¬ cation. CHAPITRE Y. '—Des différents systèmes de sondages. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/|7. 46 2 CHAPITRE YI. — Des différents instruments de sondage et de ceux qui servent a les mettre en œuvre. Outils accessoires. — Outils percuteurs. — Outils rôdeurs. — Outils de nettoyage et de vidange. — Outils vérificateurs. — Outils rac- crocheurs. — Outils redresseurs. — Engins pour les sondages hori¬ zontaux. — Engins pour les sondages dans les angles de murs. CHAPITRE VIT. — Tubages. CHAPITRE VIII. — Instruments de précision. Grandes boussoles. — Instruments de poche pour les voyageurs , tels que boussole, niveau à réflexion , lunette à micromètre et à genou pour la détermination des distances; fabriqués par M. Gravet, rue Cassette, 14. CHAPITRE IX. — Puits artésiens. Résultats obtenus dans les différentes localités de France et à l’étranger. CHAPITRE X. — Tarifs des sondes. ■ Conditions générales de sondage. CHAPITRE XI. — Législation. Loi du 21 avril 1810 sur les mines. • — Loi du 1 7 juin 1 840 sur le sel. — Ordonnance du 7 mars 1 841 sur le sel. — Loi du 29 avril 1845 sur les irrigations. M. Barotte donne lecture de la noie suivante de M. Royer, Sur les glaciers. La question des glaciers est très intéressante, et je ne suis point étonné qu’on y revienne souvent. Chaque nouveau fait observé est une pierre nouvelle apportée à l’édifice dont VI. Agassi z a posé les fon¬ dements. L’existence des glaciers dans les Vosges est déjà évidente; les traces qu’ils y ont laissées ont une analogie parfaite avec les effets produits par les glaciers modernes des Alpes. On a fait moins d’observations dans le Jura, qui cependant présente aussi ses mo¬ raines. J’ai eu l’été dernier l’occasion d’en voir une qui sans doute n’a point échappé aux géologues qui s’occupent de cette partie si curieuse de la géologie ; je vais l’indiquer néanmoins à ceux que le hasard pourrait conduire de ce côté. Quand on pénètre en Suisse par la route de Fontarlier, on remonte d’abord, à partir de cette ville, la rive droite du Doubs, que l’on quitte bientôt près du fort de Joux. Depuis ce point , on suit une longue gorge jusqu’au village de Jougne , situé sur la SÉANCE DU 15 FÉVRIER J 8/l7. 463 frontière de la France, et où sont établis les bureaux de la douane. Arrivé à Jougne , le voyageur est frappé de la vue magnifique qui se développe tout a coup à ses yeux : une vallée profonde , en¬ caissée dans des montagnes élevées , couvertes de noirs sapins , s’ouvre à ses pieds ; ses eaux se dirigent vers la Suisse et vont se jeter dans l’Orbe. Le village de Jougne est posé de la manière la plus pittoresque sur le revers de la montagne, et comme à cheval sur l’arête qui forme le passage des eaux. De Jougne , la route, tracée sur le flanc de la montagne , descend en faisant un long circuit vers le fond de la vallée. Sur cette pente on observe un terrain de transport composé de galets arrondis et de gravier cal¬ caire. 11 n’offre point de forme spéciale , si ce n’est au-dessous du village où l’on distingue quelques mamelons à peine sensibles , mais à une telle hauteur sur le talus qui supporte Jougne que l’on ne peut attribuer ce dépôt aux éléments actuels. A quelques cen¬ taines de mètres du village , le terrain dont je parle prend une forme décidée , qui ne laisse plus de doute sur son origine : une butte élevée occupe le centre de la vallée et paraît l’avoir barrée entièrement autrefois ; elle est également composée de terrain de transport ; c’est un gravier calcaire mélangé de galets qui sont gé¬ néralement de petites dimensions. Je n’y ai pas vu de blocs ; on en trouve la raison dans la composition minéralogique de ce ter¬ rain , les roches calcaires résistant moins à la décomposition et à l’action destructive des agents atmosphériques que les roches sili¬ ceuses anciennes. Cette butte est évidemment une moraine termi¬ nale. Elle en a la forme et la disposition. Aujourd’hui elle n’appuie plus ses deux extrémités sur la base des montagnes voisines. Ces deux extrémités ont été en partie détruites par le ruisseau de Jougne qui s’écoule vers l’Orbe. Je n’ai pu , foute de temps , remonter la vallée de Jougne ; je ne serais point étonné que d’autres moraines supérieures à celle que j’ai vue ne s’y présentassent. La nature uniquement calcaire de ce terrain de transport annonce que le glacier qui l’a produit descendait des sommités de cette vallée ; le grand glacier qui cou¬ vrait la plaine suisse, et qui a semé sur les côtes orientales du Jura ses galets et ses blocs de roches anciennes arrachés aux Alpes , n’a point pénétré dans la gorge de Jougne jusqu’au point dont je viens de parler, puisqu’on n'y rencontre aucun débris de ces roches an¬ ciennes ; mais quand on Continué a descendre cette gorge, on ne tarde pas à trouver des galets et des blocs de ces roches alpines re¬ posant sur les croupes calcaires du Jura et attestant ainsi la pré¬ sence de l’action de ce grand glacier. Z|C/| SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. M. Damour fait la communication suivante : Notice et analyses sur un hydrosilicate d’alumine trouve à Montmorillon (Vienne), par MM. Damour et Salvétat. Dans la séance du h décembre 1846 M. Michelin a déposé sur le bureau de la Société géologique des échantillons d’un minéral trouvé à Montmorillon ( département de la Vienne ) , et envoyés par M. Mauduyt, membre de notre Société. Pour répondre au désir exprimé par notre confrère , nous avons, M. Salvétat et moi , étudié la composition de cette substance , et nous venons exposer aujourd’hui le résultat de nos essais. Cette matière , très tendre au toucher, est complètement amor¬ phe et se laisse facilement égrener entre les doigts. Sa couleur est le rose clair. Sans avoir les propriétés plastiques des argiles , elle se délaie dans l’eau avec une extrême facilité. Elle est infusible à la flamme du chalumeau , ainsi qu’à la plus haute température pro¬ duite dans le four à porcelaine. Chauffée dans un tube , elle laisse dégager beaucoup d’eau , perd sa couleur rose et passe au blanc grisâtre. A une très haute température , elle prend la blancheur et l’aspect du biscuit de porcelaine , et acquiert assez de dureté pour rayer le verre. Chauffée avec le sel de phosphore , elle se dissout partiellement et laisse un squelette volumineux de silice. La dissolution bouillante de soude caustique lui enlève une petite quantité de silice. L’acide chlorhydrique l’attaque partiellement sans produire aucune effervescence et dissout ainsi de la chaux , de la potasse , de l’alumine , de l’oxyde de fer et des traces d’oxyde de manga¬ nèse ; la majeure partie de la matière reste insoluble et conserve sa couleur rose. Si, après ce traitement par l’acide, on fait bouillir la portion insoluble avec une lessive de soude caus¬ tique , on dissout une quantité considérable de silice. La partie insoluble dans la soude étant traitée de nouveau par l’acide chlor¬ hydrique est décomposée complètement. La silice se sépare à l’état floconneux et la liqueur acide retient tout le reste de l’alu¬ mine. L’acide sulfurique , chauffé jusqu’au degré où il commence à en¬ trer en vapeur, décompose complètement le minéral. En versant de l’eau sur la matière ainsi attaquée, l’alumine et les autres bases sont dissoutes, et il se dépose de la silice pure. La dissolu¬ tion séparée de la silice donne , avec l’ammoniaque , un précipité SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/|7. 465 d’alumine colorée par un peu d’oxyde de fer. La liqueur , séparée de 1 alumine est troublée par l’oxalate d’ammoniaque. Le phos¬ phate de soude y produit un précipité appréciable. Un essai particulier, pour examiner si le minéral contenait de I acide sulfurique nous a donné un résultat négatif. Ces essais indiquent que ce minéral est essentiellement composé de silice , d’alumine et d’eau ; il contient en outre de faibles quantités de chaux, de magnésie, de potasse , d’oxyde de fer et de manganèse. La couleur rose particulière à cette substance nous paraît devoir être attribuée à la présence d’une matière combus- tible. La moyenne de quatre analyses, exécutées par M. Salvétat par des procédés différents , présente les résultats qui suivent : Silice . 0,4940 — Alumine . 0,1970 — 0,0920) Oxyde ferrique. . 0,0080 — 0,0072 j Chaux . 0,0150 — 0,0042 \ Pousse . 0,0150 — 0,0025 / Soude (traces). / Magnésie . 0,0027 — 0,001 0 y Eau . 0,2567 — Oxygène. Rapport. 0,2566 — 33 0,0992 — 12 0,0077 — 1 0,2282 — 28 0,9884 Tiois analyses, faites par M. Damour, ont donné en moyenne Silice . Alumine . Oxyde ferrique. . Chaux . Magnésie . Potasse . Ox. de manganèse. Eau . 0,5004 — 0,2016 — 0,0942) 0,0068 — 0,0021 j 0,0146 — 0,0041 ] 0,0023 — 0,0009 ( 0,0127 — * 0,0021 ) (traces). 0,2600 — Oxygène. Rapport. 0,2599 — 33 0,0963 — 12 0,0071 — 1 0,2311 — 28 0,9984 L’oxygène des bases à 1 atome , comparé à l’oxygène des bases à 3 atomes , de l’eau et de la silice , présente à peu près les rapports : 1 : 12 : 28 : 33 , ce qui permet de construire la formule : [àa, M., K.) S.3 + 4 (À/, ÿ.) S/2 + 28 -H-. En calculant les proportions relatives des divers éléments de ce Soc. géol., 2e série, tome IV. 30 SÉANCE DU \ 5 FÉVRIER 18Û7. /l 66 minéral , d’après la formule qui précède , et , pour simplifier, rem¬ plaçant la magnésie et la potasse par une quantité équivalente de chaux , on trouve les nombres suivants : En 10000e. 11 atomes de silice. . 635041 — 0,541 1 4 atomes d’alumine. 256932 — 0,2068 1 atome de chaux. . 35602 = 0,0287 28 atomes d’eau. . . 314944 == 0,2534 1242519 1,0000 On voit que ces nombres se rapprochent beaucoup de ceux qu’on obtient par l’analyse , nous pensons donc que la formule générale : r S.3 4 R S'2 -j- 28 H est celle qui permet de reproduire le mieux les résultats de nos analyses de ce minéral. M. Berthier a analysé une substance trouvée à Confolens ( Cha¬ rente ) , qui lui a présenté la composition suivante : Oxygène. — 0,2655 — 0,0965 — 0,0080 — 0,2252 Silice. . Alumine. Chaux. . Magnésie. Eau. . . Oxygène. 0,5750 — 0,2990 0,2080 — 0.0970 0,0240 — 0,0070 0,0240 — 0,0090 0,1540 — 0,1370 0,9850 M . Adam a bien voulu permettre à l’un de nous d’examiner , dans sa collection , un échantillon du minéral de Confolens ; les caractères extérieurs de cet échantillon sont identiques à ceux de la substance envoyée par M. Mauduyt. Il est très probable que ces matières constituent une seule et même espèce. Les différences qu’on remarque entre l’analyse de M. Berthier et celles que nous venons d’exposer tiennent à la méthode suivie pour effectuer le dosage de l’eau. Dans l’analyse de M. Berthier le minéral avait été desséché préalablement à la température de 100° ; cette matière avait dû perdre ainsi une quantité d’eau con¬ sidérable ; nous en avons acquis la certitude en opérant de la même manière sur le minéral de Montmorillon. 1 gramme de cette matière , conservé pendant quelques jours à la température de -j- \ 5° dans un vase fermé , puis chauffé SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/|7. 46 7 jusqu’à 100°, a perdu . 0S'-,1055 Chauffé au rouge , il a perdu . O8' ,151 2 En tout. . . 08%2567 Les quantités relatives des autres éléments doivent par consé¬ quent varier selon qu’on opère sur la matière plus ou moins privée d’eau. Craignant d’altérer la constitution intime du minéral en l’exposant à la température de 100°, nous avons préféré , dans nos analyses , effectuer le dosage de l’eau et des autres éléments , en prenant pour point de départ la température de 15°, dans une atmosphère dont l’état hygrométrique ne pouvait être affecté de variations sensibles. Le minéral de Montmorillon et celui de Confolens nous pa¬ raissent , d’après T ensemble de leur caractère , se rapporter à la famille des Halloysites ; leur composition se rapproche aussi beaucoup de celle du minéral décrit sous le nom de Lenzinite de Saint-Sever ; il nous paraît prudent de les classer sous le nom d1 Halloysite jusqu’à ce que les analyses qui seront faites sur les matières analogues aient permis d’établir entre elles des divisions bien déterminées. M. Delanoue prie M. Damour de vouloir bien lui dire s’il s’est bien rendu compte de la cause de la coloration en rose de l’Halloysite qu’il a analysée. La Quincyte blanchit au feu , elle doit évidemment sa cou¬ leur à une substance organique, et l’Halloysite, simplement rosée , devient aussi très blanche par la calcination ; mais lors¬ qu’elle est d’un rouge foncé , comme cela arrive quelquefois , elle prend au feu une teinte bleuâtre dont il se propose d’étu¬ dier la nature. M. Damour répond que celle qu’il a analysée a été soumise au feu de porcelaine et est devenue blanche; que la coloration qu’elle offre lui paraît due à la présence d’une matière combustible plutôt qu’à toute autre cause. M. d’Omalius demande si une quantité de matière colorante si petite peut être reconnue par l’analyse. M. Delanoue répond que moins d’un millième de cobalt ou de manganèse donne des réactions très sensibles. Il reconnaît, du reste , la substance en question comme parfaitement iden¬ tique avec les Halloysites blanches, vertes ou roses, qui caraeté- /i 68 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. lisent, avec le maganèse et la nontronite, l’oolite inférieure du versant S.-O. du Limousin. M. Virlet ajoute qu’il a observé dans les tufs ponceux modi¬ fiés de l’île de Milo , lesquels appartiennent à la formation ter¬ tiaire subapennine , des bancs d’une roche savonneuse d’un gris verdâtre assez remarquable , et que M. Sauvage , qui a aussi visité cette île de l’archipel grec en 1846, vient de recon¬ naître comme appartenant aux Halloysites. En effet, sa com¬ position étant : Eau . 1 2,70 — Oxygène. 1 1 ,20 _ 2 M Silice . 31,60 — 16,80 — 3 Alumine . 23,20 — 10,70 _ 9 /M Magnésie et alcalis. . . Quartz . 3,20 29,30 conduit à la formule Si ! A l2 Aq2. « La rencontre de cette roche dans les terrains de Milo, dit M. Sauvage (1), offre de l’intérêt. Elle dérive des roches du groupe feldspathique par un mode d’action qui s’est exercé sur de grandes étendues. L’Halloysite de Milo est la même que celle des terrains tertiaires de la Champagne , où nous avons rencontré ce minéral constituant les principales assises de l’ar¬ gile plastique. » M. Frapolli lit le Mémoire suivant de M. Scheerer, dont il a fait’ la traduction de l’allemand à la demande de l’auteur. Discussion sur la nature plutonique du granité et des silicates cristallins qui s’y rallient , par M. Th. Scheerer (traduit de l’allemand par M. L. Frapolli). J’ai publié dans les Annales de Poggendorff (t. LXVIII, p. 319) un mémoire sur une espèce particulière d’isomorphisme, Y isomor¬ phisme polymère , qui joue un rôle très étendu dans le règne mi¬ néral. Le mémoire dont M. Berzélius a communiqué un résumé, dans la séance du 11 février 1846 de l’Académie de Stockholm, sert en quelque sorte de base et d’introduction au travail actuel ; c’est pourquoi je crois essentiel d’en indiquer ici d’abord les con¬ clusions principales. (l) Ann . des mines , 4e série, t. X, p. 77. SÉANCE DU 51 FÉVRIER 1847. 469 Première partie. — Quelques mots sur l’isomorphisme polymère 4 Bans le gneiss primitif ampli iboli que du pays aux environs de Kragerde, petite ville du littoral de la Norvège méridionale , on rencontre de nombreuses parties de granité et de quartz caracté¬ risées par la présence de plusieurs minéraux. C’est dans le journal de Leonliard qu’on trouvera une description détaillée du gise¬ ment de ces minéraux, que j’ai publiée il y a quelque temps. Ils se présentent en petites masses disséminées irrégulièrement. Le dichroïte (1) et un autre minéral inconnu jusqu’à ce jour, et que j’ai nommé aspasiolite , sont de leur nombre. Ces deux minéraux ne diffèrent pas seulement par leur compo¬ sition chimique , mais en même temps par leurs caractères exté¬ rieurs. Quoique l’aspasiolite possède absolument la même forme cristalline (2) que le dichroïte , elle en diffère cependant par sa composition chimique , par sa couleur , sa dureté , son éclat et son poids spécifique , ainsi qu’on peut s’en convaincre par le tableau suivant : DICHROÏTE. Composition. ASPASIOLITE. Silice . Alumine . Magnésie . Chaux . Protoxyde de fer . — de manganèse. Eau . 50,44 . . . . 32,95 .... 12,76 . . . . 1,12 . . . . 0,96 .... traces .... 1,02 . . . . 50,40 32,38 8,01 traces 2,34 traces 6,73 99,25 99,86 Couleur. Tantôt incolore , tantôt une lé¬ gère couleur d’améthiste ou bleu clair, quelquefois brunâtre. Nuancé en vert d’huile d’as¬ perge , de poireau , rarement pas¬ sant du brunâtre au rouge brun. (1) Dans la traduction des noms allemands des minéraux, nous avons suivi dans ce Mémoire la nomenclature le plus généralement répandue et consacrée tout nouvellement par le grand ouvrage de M. Dufrénoy. C’est pourquoi , même dans ce cas spécial , nous substi¬ tuons à la dénomination de cordiérite, dont s’est servi l’auteur, celle de dichroïte qui a le mérite d’être plus ancienne , plus connue, et d’indiquer une propriété. ( Note du traducteur . ) || (2) L’aspasiolite se trouve rarement cristallisée ; cependantM. Scheerer en possède de beaux prismes hexagonaux réguliers. [Note du traducteur.) 470 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. Dureté (1 ). 7 à 7 1/2 ( le quartz est quel¬ quefois un peu plus dur). 3 à 4 (entre le spath calcaire et la chaux fluatée). Éclat. Vitreux. Gras sur les faces des cristaux , peu brillant et même mat dans la cassure. Densité. è,60 j 2,764 On peut se faire une idée exacte des différences extérieures de ces deux minéraux par la comparaison du dichroïte avec la ser¬ pentine ; car on ne distingue celle-ci de l’aspasiolite compacte que par l’analyse. Or, pour expliquer l’identité de forme que pré¬ sentent ces deux corps d’une composition si différente , nous sommes forcés d’avoir recours aux lois de l’isomorphisme. Mais quelles sont dans ce cas les matières isomorphes ? En comparant les compositions du dichroïte et de l’aspasiolite , on peut se convaincre tout d’abord que , par rapport aux propor¬ tions de silice et d’alumine , elles sont tout à fait les mêmes , et qu’il n’y existe qu’une différence , mais une différence essentielle , savoir : que le dichroïte, en dehors de ces substances , ne contient que de la chaux , de la magnésie et du protoxyde de fer , tandis que dans l’aspasiolite -on trouve en même temps une quantité con¬ sidérable d’eau. On ne peut donc se rendre compte de l’inégalité de cristallisation de ces deux minéraux qu’en admettant que X eau est susceptible de se comporter comme base isomorphe à l’égard de la magnésie , de l’oxyde de fer , etc. Cette explication devient en¬ core plus vraisemblable , si l’on considère qu’en regardant l’eau comme étant à l’état d’hydrate, la composition de l’aspasiolite ne saurait conduire à aucune formule admissible. Or, ainsi que le calcul l’a démontré , lorsque l’eau remplace la magnésie qui manque à l’aspasiolite, ce ne peut être un atome d’eau qui se substitue à un atome de magnésie , mais trois atomes d’ft remplaceront exactement un atome de magnésie. Ces trois atomes d’eau représentent un atome d’eau basique que je désigne¬ rai par _ (S) (1) Suivant l’échelle de Mohs. ( Note du traducteur.) SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1817. 171 J indiquerai également par (R) une molécule dans laquelle entre une base monoxygénée et qui renferme une proportion plus ou moins grande d’eau basique. De cette manière , tandis que la formule du dichroïte est zn R3 S;2 -{- 3 R Si , celle de l’aspasiolite sera = (R)3 S;2 -f 3 A Si ; cette espèce d’isomorphisme résultant de ces différents rapports entre le dichroïte et l’aspasiolite ne se borne pas à ces minéraux ; mais , ainsi que mes autres recherches l’ont confirmé , elle joue un rôle très étendu dans le règne anorganique. Dans ce résumé je me bornerai à développer ce fait par quelques exemples. Jusqu’à présent on n’avait pas réussi à trouver pour la serpen¬ tine une formule chimique qui représentât exactement la compo¬ sition moyenne obtenue par un assez grand nombre d’analyses. En considérant que treize analyses de serpentine faites par onze chimistes donnent une quantité d’eau variable entre 12,27 et 21,00 pour 100 , on concevra que cette question est difficile sinon impossible à résoudre. De quelle manière une seule et même for¬ mule aurait-elle donc pu représenter exactementla composition d’un minéral dans lequel la quantité d’eau est si inconstante ? La solu¬ tion de ce problème n’est devenue possible qu’autant qu’on prend notre nouveau point de vue comme point de départ. L’eau de la serpentine n’est pas de l’eau à l’état d’hydrate, mais elle fait jonc¬ tion de base et remplace une portion plus ou moins grande de ma¬ gnésie. En calculant les proportions d’oxygène de ces treize ana¬ lyses de serpentine, et en comprenant dans ce calcul un tiers de 1 oxygène de l’eau ( parce que 3 fi = (R)), on trouve cpie dans toutes les serpentines la proportion entre la quantité d oxygène de la silice et celle des bases est très près de 1 : 1 ; et l’on obtient des treize analyses la moyenne suivante : Si (R) 2 1 ,39 : 20,62 = 100 : 96,4 Il n’y a donc, entre ces deux proportions d’oxygène , qu’une faible différence de 3,6 pour 100; mais cette petite différence, qu’on pourrait même attribuer avec raison à diverses circonstan¬ ces accidentelles , perd beaucoup de son importance si l’on rem¬ place dans le calcul le poids atomique de la magnésie qui , selon SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 472 JBerzélius, est — 258,14 par la valeur que j’ai obtenue d’après mes recherches. Suivant mes analyses, le poids atomique de la magnésie est = 250,97. En appliquant ce poids atomique aux pro¬ portions de l’oxygène dans les serpentines , le rapport moyen in¬ diqué ci-dessus se réduira à : Si (K) 21,39 : 21,09 = 100 : 98,6 La petite différence de 3,6 pour 100 est donc réduite par l’in¬ troduction du nouveau poids atomique à 1,4 pour 100 , et il est prouvé , aussi exactement que l’analyse chimique a pu l’établir dans cette circonstance , que la proportion d’oxygène contenue dans la silice et celle contenue dans les autres bases , l’eau basi¬ que non exceptée , sont égales. D’où il résulte , pour la serpentine , la formule extrêmement simple que voici : (R)3 Si Et, si nous supposons que toute l’eau basique de la serpentine soit remplacée par de la magnésie, cette formule se réduira aux termes suivants : R3 Si- c’est-à-dire que ce sera celle de Yolivine. Ces deux minéraux , la serpentine et l’olivine, doivent avoir la même forme cristalline. C’est, en effet, ce qui a lieu ; car c’est un fait connu depuis long¬ temps , mais dont on ne parvenait pas à se rendre compte, que la serpentine cristallisée , telle au moins qu’elle se présente en Nor¬ vège et dans l’Amérique du nord, a une forme identique avec l’oli¬ vine. Yoilà donc une seconde preuve bien frappante en faveur de notre nouvelle espèce d’isomorphisme. Le dicliroïte est a Vas - pasiolite ce que l’olivine est à la serpentine (1). (1) Pourquoi la magnésie et les différentes bases isomorphes qui sont dans la serpentine et dans les autres minéraux contenant de l’eau basique ne sont-elles pas remplacées par celle-ci il atome a atome? Cela s’explique d’une manière très simple , car il est évident que des combinaisons comme les suivantes: . ... \ R2 I .. ( R ) . R3 Si, j • (SM • \ Si et (H-)3 Si, ((H-)] ((H-)2) 1 présentent nécessairement les mêmes formes cristallines, En çonser- SÉANCE DU 15 FÉVRIRE 18Z|7. h 73 11 résulte du calcul des proportions de l’oxygène de plus d’une centaine de minéraux qui contiennent de l’eau et que j’ai examinés avec soin , que presque tous , dès le moment que l’on considère l’eau qu’ils renferment comme étant de l’eau basique , donnent des formules plus simples , plus harmoniques et plus en accord avec la composition fournie par l’analyse chimique , ce que l’on n’obtient pas en admettant que cette eau s’y trouve à l’état d’hy¬ drate (1). De cette manière les formules deviennent extrêmement simples ; les minéraux serpentineux nous en fournissent entre autres un exemple bien intéressant. J’ai mis dans le tableau sui¬ vant les anciennes formules en regard avec les nouvelles : Formules anciennes. Formules nouvelles. Serpentine (2). . . 2 %3 Si3 + 3 îf g -H2. . . . (R)3 Si Gymnite .... . M g S i -|- Mg S3 . . (R)3 Si ( M^3 ) ... . Yillarsite. . . . . • ÏS/4-JL . . (R)3 Si (Fc3 ) ~ Dermatine . . . . Mg2 Si + 4 IL . . (R)3 Si Chrysolite. . . . . 3(MgJSi' + fi)-f MgH3. . (R)3 Si Chlorophaïte. . . , F e Si — )— 6 LL . . (R)3 Si ( %3 j ... Picrophyllite.. . . { ■ Si + 2B . { Fe3 ) . (R)2 Si Aphrodite. . . . . 4 Mg3 Si2 -f- 9 B . . . . . . (R)3 Si Spadaïte. . . . 4 Mg Si -j- Mg H4 . . (R)3 Si2 Picrosmine. . . . Mg3 St* + B . . (R)3 SP 1 4 M g •• Monradite. . . . .4 . 3 S. . . . ( F» ou creux de leur forme régulière ? C’est donc un fait général , » caractéristique de la structure du granité , que les substances » les plus fusibles y sont le plus souvent enchâssées et forment em- » preinte dans la moins fusible de toutes. Yoilà , certes, un grand » fait ; sans aucun doute , un utile enseignement y est renfermé , » et si l’on veut trouver quelque lumière sur l’origine du granité ; » c’est là qu’il faudra la chercher. » Enfin, M. Schafhâult, dans sa discussion des nouvelles hypo¬ thèses géologiques et de leurs rapports avec l’histoire naturelle (1), s’est élevé contre la nature plutonique du granité , en lui opposant plusieurs objections de la même nature. Ne possédant pas ce mé¬ moire , je suis obligé , malgré moi , d’y renvoyer le lecteur. § 3. Tableau des arguments principaux que la constitution chi¬ mique et mécanique du granité nous fournit contre les opinions qui lui attribuent une origine purement ignée. — 1° L’existence du quartz isolé dans le granité. Ce fait très simple, et auquel nos yeux trop habitués ne prêtent pas toute l’attention qu’il mérite , examiné avec plus de soin , suffit déjà pour donner lieu aux scrupules les plus fondés contre l’origine ignée du granité. Jusqu’à présent on n’a pu encore réussir à obtenir, par refroidissement lent d’un sili¬ cate en fusion et saturé de silice , la mise en liberté de cette silice à l’état de quartz. Que si l’on objecte à ce fait qu’un refroidisse¬ ment artificiel et même aussi retardé que possible est de trop courte durée en comparaison du refroidissement extrêmement lent qui a dû avoir lieu lors de la formation plutonienne de ce granité, nous rappellerons les coulées de lave qui , certes , ne se refroi¬ dissent pas trop promptement; car, d’après M. Alexandre de Humboldt , la coulée de lave qui sortit brusquement du Jorello de 1759 à 1760, et qui couvrit une vaste plaine jusqu’à la hau¬ teur de 550 pieds, avait conservé, après quarante ans , une chaleur assez considérable pour permettre d’allumer des corps suffisam¬ ment combustibles , comme le serait un cigare , dans les crevasses de sa surface. Est-ce que cette coulée gigantesque de lave , et mille autres épanchements volcaniques , presque tout aussi importants, ne devaient pas se refroidir bien plus lentement qu’un filon minime de granité qui s’introduit sur de grandes étendues au milieu de terrains à peine métamorphosés et renfermant des débris fossiles ? La masse de granité zirconien , par exemple , qui s’élève près du lac Maridal , aux environs de Christiania , et qui n’occupe qu’une (1) Münchener Gelehrte Auzeigcn , april 1845, p. 557 — 596; et Leonhard et Broun , 1845, cahier 7, p. 858. Soc. géol., 2e série, tome IV. 31 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/|7. 482 surface d’environ 1 myriamètre carré (1), projette des ramifica¬ tions de 1 à 2 myriamètres d étendue dans des couches d’argile schisteuses de transition , renfermant des débris fossiles, ainsi que dans le calcaire. On trouve dans ce granité des grains de quartz isolés même dans les endroits où le filon n’atteint qu’une épaisseur de quelques mètres, et où les roches voisines n’ont éprouvé qu’une altération très faible , visible à peine à deux ou trois pas du filon. Ce n est donc pas au refroidissement plus rapide de la lave qu’on doit attribuer l’absence de grains de quartz qu’on y observe. Mais une autre circonstance importante, la nature chimi¬ que de cette lave , peut avoir exercé dans certains cas une influence modifiante. Un grand nombre de laves sont composées, comme cha¬ cun sait , de labrador, de rhyncholithe , d’augite , d’ampliigène et d’autres minéraux semblables , qui tous consistent en silicates ayant des propriétés neutres et parfois même basiques. Les laves ne con¬ tiennent donc pas l’excédant nécessaire en silice qui, se séparant des silicates neutres par un refroidissement lent, pourrait être mis en liberté à l’état de quartz. Rien de plus naturel donc que l’absence de ce minéral dans ce genre de lave. Mais il s’en faut de beaucoup que toutes les laves soient composées de cette même ma¬ nière , ce que prouvent , par exemple , les obsidiennes. D’après les analyses de Klaproth , de Vauquelin , de Collet-Descatil et de MM. A. Erdman et Bertliier, les obsidiennes de plusieurs loca¬ lités, tant vitreuses que cristallines, renferment : Silice . Alumine et oxyde de fer. Potasse et soude . Chaux et magnésie. . . . 69,50 à 81,00 p. 100 5,20 à 14,50 » 6,40 à 12,20 » 0,30 à 10,10 » Cette composition se rapproche beaucoup de celle de plusieurs granités. D’api ès les recherches de M. Durocher (2) , la quantité de silice du granité ordinaire (3) est entre Silice . 68.00 et 74,00 Alumine et oxyde de fer. 15,00 et 21,00 Potasse . 6,40 et 7,80 Chaux et magnésie. . . . 1,60 et 2,30 p. 100 (1) L'auteur a indiqué ces mesures en milles de Norvège. Le mille de Norvège, mesure de longueur, est de 11 ,295 mètres. (iY. du trad.) (2) Sur l 'origine des roches granitiques ; Comptes-rendus de C Acad. t es sciences , n° 17 (25 avril 1845), p. 1275. (3) M. Fritzsche, de Freiberg, a bien voulu me communiquer les SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/|7. l\ 83 La composition de la pierre ponce est quelquefois identique avec celle des granités. Elle consiste, d’après M. Berthier, en Silice . 70,00 Alumine et oxyde de fer. . . 16,50 Chaux . 2,50 Potasse . 6.50 95,50 11 est donc démontré que l’on trouve parmi les laves des produits volcaniques en quantités considérables qui ont une composition tout à fait analogue à celle des granités , peu importe que ces pro¬ duits appartiennent au bain primitif ou cju’ils soient le résultat d’une nouvelle fusion de matières déjà solidifiées. Dans la consti¬ tution chimique des laves on ne trouve donc aucune raison qui s’oppose à la présence du quartz isolé dans leur masse. L’absence de ce minéral dans les laves ne saurait être justifiée en face des théories plutoniennes , qu’en supposant cpie toutes les laves riches en silice se refroidissent plus rapidement que la niasse de quel¬ que filon de granité que ce soit dans lequel on rencontre du quartz isolé. 2° Le groupement mécanique des éléments essentiels ou accessoires du granité. C’est précisément ce groupement qui déjà du temps de Breislak, et même auparavant peut-être , avait fait naître de justes scrupules contre la fusion ignée primitive du granité. Nous avons rappelé , dans la revue historique , les faits principaux qu’on avait remarqués à cet égard. Tous viennent prouver que dans la plupart des cas les composants essentiels ou accessoires les plus fusibles du granité se sont solidifiés les premiers , et les moins fu¬ sibles les derniers. Ce phénomène m’a intéressé de tout temps au plus haut degré , et je n’ai négligé aucune occasion pour re¬ cueillir des notes et des échantillons qui pussent m’éclairer sur ce sujet. D’après mes observations , l’aehmite, le grenat, la tourma¬ line, l’amphibole , l’orthite , l’allanite, la gadolinite , la pyrite de fer, la pyrite arsenicale, le cobalt gris et le mica, se sont soli¬ difiés avant le feldspath, et celui-ci avant le quartz. On peut sur¬ tout s’apercevoir de cette différence du point de solidification lors¬ que les minéraux de la première série , c’est-à-dire les plus fusi¬ bles, se trouvent immédiatement en contact avec le quartz (1). résultats de l’examen de sept espèces de granité et de gneiss. La quan¬ tité de silice qu’il a trouvée est de 63,42 à 77,26 p. 100. (1) Il n’est pas question ici du remplissage successif des filons, mais SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/|7. 48/i On voit alors que le quartz n’a jamais empêché ces minéraux de cristalliser parfaitement , lorsque toutefois les autres conditions nécessaires à leur cristallisation étaient réunies, lien est de même lorsque ces minéraux se trouvent en contact avec le feldspath ; il y eu a pourtant quelques uns d’entre eux, comme par exemple le mica, qui laissent entrevoir une certaine hésitation , en prenant ainsi à tâche de nous prouver que leurs points de solidification res¬ pectifs étaient très rapprochés les uns des autres. Nous voyons ce fait se reproduire entre le feldspath et le quartz. En règle géné¬ rale , il est vrai , le feldspath développe ses cristaux , atteignant quelquefois des dimensions énormes de 1 pied cube (1), sans éprou¬ ver le moindre obstacle dans l’intérieur de masses volumineuses de quartz , et il détermine la forme des petites parties de quartz dans le granité graphique ; mais les exemples où le contraire a lieu ne manquent pas. J’ai trouvé, par exemple , des cristaux de quartz à arêtes bien complètes dans une masse feldspath ique blan¬ che et cristalline , qu’on pouvait prendre pour de l’orthose , et qui, dans les environs de Modum , constitue comme une espèce d’amande granitique secrétée au milieu du gneiss primitif (2). M. Duroclier, dans son mémoire , rappelle , lui aussi , plusieurs exemples semblables Du reste , bien que chez quelques uns de ces minéraux , les points de solidification ne soient pas toujours bien saillants , il n’en est pas moins vrai que le plus grand nombre rentre tout à fait dans la loi générale; et le fait que des miné¬ raux, dont le point de fusion est beaucoup plus bas que celui du quartz , étaient déjà solidifiés lorsque celui-ci n’était encore qu’une masse plastique, n’en reste pas moins bien constaté. M. Fournet a cherché à expliquer ce phénomène éminemment paradoxal par rapport aux théories plutoniennes par l’hypothèse d’une surfusion de quartz. 11 admet que le quartz fondu , en se re - froidissant lentement , se comporte comme l'eau, le phosphore et le soufre fondus , corps dont la température , comme l’on sait , peut bien de l'existence de ces minéraux comme partie intégrante du gra¬ nité et des roches de la même famille. (1) C’est entre autres ce qui arrive dans les filons de granité de file d’Hilteroé et près d’Arendal. Voyez Paggcndorff, Ann., t. LVI, p. 489 ; et Leonhavcï s et Broun s Jcihrbiich pour Vannée 1843, p. 660. (2) J’ai publié une description plus détaillée du gisement de ces parties granitiques caractérisées par la présence du béryl , de la pyro- physalite, de la tourmaline, etc. — Ann. de Poggcndorff, t. XLIX, p. 533. SÉANCE IHJ 15 FÉVRIER 1847. 485 tomber bien au-dessous du point de leur fusion sans qu'ils se soli¬ difient. M. Fournet est même porté à penser qu’il existe peut-être une loi d’après laquelle les points de solidification et de fusion d’un même corps ne coïncideraient pas toujours absolument. Mais il ne faut pas oublier que le maximum de différence qu’on ait pu ob¬ server jusqu’à présent entre ces deux points pour un même corps , pour le soufre, n’atteint qu’ environ 100°. Quelles ne sont pas d’ailleurs les précautions qu’on est obligé d’employer lorsqu’on veut abaisser le point de solidification? Le repos absolu du corps soumis à l’expérience est de toute rigueur ; la moindre agitation, le contact le plus léger d’un autre corps, suffisent pour que la solidi¬ fication se fasse instantanément. Ajoutez que jusqu’à présent on n’a pu obtenir de résultats satisfaisants que sur des quantités de soufre qui ne dépassent point les proportions de quelques gouttes. Examinons maintenant quelle différence, en degrés centigrades, nous aurions entre les points de fusion et de solidification de la si¬ lice d’après l’hypotlièsc de AI. Fournet. Le point de fusion du quartz n’est pas bien connu , mais nous savons , à n’en pas douter, qu il est encore plus élevé que celui du platine. Ce métal peut être fondu, ou du moins ramolli parla chaleur la plus élevée que nous puissions produire dans nos fourneaux (1). J’avais déjà dé¬ montre que , d après des calculs , cette température pouvait être estimée a 2570°, lorsque M. Llattner, par des recherches directes , a fixé (2) le point de fusion du platine à 2534°. En prenant donc le chiffre rond de 2500°, nous ne dépasserons point la réalité. Il est également connu que la silice se fond à la flamme du chalumeau d’hydrogène. La chaleur produite par cette flamme est, d’après mes calculs (3) , d’environ 3100°, et plus exactement de 3170”; le point de fusion de la silice doit donc être entre 2500° et 3100°; en le rapprochant de la moyenne 2800° nous resterons plutôt au- dessous qu’au-dessus de la vérité. Il s’agit désormais de déterminer le point de fusion des minéraux les plus fusibles de la première série , tels que l’aehmitc , le grenat, la tourmaline et la pyrite de fer. Ce point ne pourrait être établi ( l) Sur le maximum de chaleur produit dans un haut fourneau et sur tes effets de V emploi de l’air chaud. Ann. de Poggendorff, t. LX, p. 518 ; et Ann. des mines, 3e série. (2) Détermination du point de fusion de plusieurs produits d’usine, et de la température a laquelle se fondent divers silicates j appendice au Mémoire de Merbach sur l’emploi de l’air chaud . (3) Voyez la première livraison de mes Éléments de métallurgie ; chez Vierveg , à Brunswick. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 480 rigoureusement que par des recherches pyrométriques et des ob¬ servations immédiates ; mais une exactitude scrupuleuse n’étant pas nécessaire , la comparaison avec des corps analogues dont le point de fusion est approximativement connu est plus que suffi¬ sante. Les mattes plombeuses de Freiberg, qui, d’après les ana¬ lyses de MM. Lampadius, Merbach et autres, renferment environ : Soufre . 20 Fer . 64 Arsenic . 6 Plomb , cuivre , zinc et argent. 1 0 fondent, selon M. Plattner, à 1047°. La pyrite de fer composée de Soufre. ... 54 Fer . 46 fondue sous une pression suffisante , n’a pas un point de fusion plus élevé , mais , suivant toute probabilité , encore beaucoup plus in¬ férieur. Mais, n’importe , nous l’évaluerons à 1000°. Il résulte de la comparaison des compositions de l’amphibole, de la tourmaline, du grenat et des autres minéraux qui nous concernent , avec celles des diverses scories dont les points de fusion ont été déterminés par M. Plattner dans son excellent ouvrage , qu’à l'exception de quel¬ ques micas on ne peut que difficilement attribuer à ces minéraux un point de fusion supérieur à 1500°. Car tout le monde sait qu ils peuvent être fondus complètement , et avec la plus grande facilité , à la flamme du chalumeau, à une température d’environ 2000°. Yoilà donc le quartz, dont le point minimum de fusion n’est cer¬ tainement pas au-dessous de 2800°, qui par suite des théories plu- toniennes de M. Fournet devrait s’être conservé dans les granités à l’état liquide, ou du moins d’une plasticité prononcée, jusqu à une température de 1000° à 1500°. Selon cette hypothèse, le quartz en fusion aurait par conséquent la propriété (le se refroidir jusqu'à 1300° et 1800® au-dessous de son point de fusion sans se solidifier. Une telle assertion , même en la réduisant de moitié , serait encore suffisante pour nous démontrer la hardiesse vraiment singulière de cette hypothèse. Je ne puis cependant me dispenser de rappeler que M. Durocher a indiqué une circonstance qui lui ôte un peu de sa rudesse. M. Durocher fait remarquer qu’on ne doit pas s’ima¬ giner les principes du granité dans le bain , l’un à côté de l’autre , mais qu’ils se trouvaient fondus ensemble, et (pie ce n’est que plus tard que les différentes combinaisons se sont séparées de cette masse SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 487 homogène, l’une après l’autre, dans l’ordre de leur puissance de cristallisation. Ce n’est pas le quartz envisagé comme silice pare qui aurait subi ce grand refroidissement sans se solidifier , mais bien le quartz combiné avec des bases , c’est-à-dire un silicate en fusion, visqueux et vitrifiable. Ce fait est en partie très réel; il explique, en la corrigeant, la théorie de M. Fournet, mais sans cependant la justifier. Car il est évident que le point de solidifica¬ tion du silicate , formant le bain dont les différentes combinai¬ sons se sont séparées, devait se rapprocher d’autant plus du point de fusion de la silice, de 2800°, que le nombre des combinaisons isolées devenait plus grand, ou, en d’autres termes, que la quantité des bases renfermées dans ce même bain diminuait. Donc, vu de près, l’argument de M. Durocher n’explique , d’une manière satis¬ faisante , que la formation des premiers cristaux ; plus tard , on est obligé d’attribuer au bain une surfusion toujours plus considéra¬ ble, jusqu’à ce qu elle atteigne précisément le même degré que celle que M. Fournet prête à la silice. Si l’opinion de M. Durocher était la vraie , on rencontrerait bien dans le granité des cristaux de feldspath et même de minéraux encore plus fusibles , mais non pas entourés de quartz , mais bien d’un silicate amorphe , d’une espèce de pétro-silex. 11 n’en serait pas résulté de granité , mais un por¬ phyre dépourvu de quartz. La deuxième condition que la théorie de M. Fournet exige pour acquérir un certain degré de probabilité, c’est la tranquillité abso¬ lue des masses granitiques pendant leur refroidissement infiniment lent. Je ne sais si ceux qui attribuent à plusieurs granités une ori¬ gine éruptive, et je suis de leur nombre , peuvent admettre un tel repos. Qu il n’ait pu avoir lieu dans quelques points , cela n’est pas impossible , mais qu’il ait été général , c’est ce que je ne puis admettre. Les cristaux brisés de tourmaline , d’amphibole, d’ach- mite , etc., que l’on rencontre si souvent dans le granité , et dont les débris sont entourés de quartz et de feldspath , prouvent suf¬ fisamment qu’il s est opéré des déplacements. Après une étude approfondie des circonstances qui accompagnent le groupement mécanique des éléments du granité, on ne saurait plus, il faut l’avouer, envisager cette roche comme ayant été pri¬ mitivement dans un état de fluidité purement ignée. Cette opinion ne peut être défendue qu’en ayant recours à des hypothèses dont la hardiesse même empêche l’admission. 3. La présence de minéraux p) rognomiques dans le granité . — J’ai désigné sous le nom de minéraux pyrognomîques certaines sub¬ stances qui , à une température dépassant à peine le rouge- brun , SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 488 possèdent la propriété de produire instantanément une lumière spontanée plus ou moins vive, qui, étant accompagnée , ainsi que M. Henri Rose l’a démontré, par un dégagement de chaleur, peut être considérée comme une véritable production de feu. Ce qu’il y a de plus remarquable dans le phénomène , c’est que ces minéraux, durant leur combustion apparente, subissent des modifications très sensibles dans leurs propriétés physiques , tandis que leur compo¬ sition chimique reste la même, sauf peut-être une certaine dimi¬ nution de l’eau qu’ils contiennent quelquefois. Plusieurs gadoli- nites, orthites et allanites sont pyrognomes au plus haut degré. Les recherches (1) que j’ai faites autrefois sur ce sujet m’ont appris que ces minéraux , après le phénomène lumineux , subissent dans leurs propriétés les modifications suivantes : a. Ils sont devenus plus insolubles dans les mêmes acides , puissants minéraux qui naguère les attaquaient complètement; b. leur couleur et leur transparence se trouvent plus ou moins altérées ; c. enfin leur poids spécifique a augmenté sensiblement et dans plusieurs cas jusqu’à 6 p. 100. Le poids spécifique de la gadolinite d’Hitterôe, dans son état naturel, est, par exemple, de 4,35 , tandis qu’après cette espèce de calci¬ nation il est de 4,63. Une différence aussi prononcée entre l’état delà matière avant et après le phénomène lumineux, et qui paraît tenir à une diminution instantanée de volume , de laquelle tous les autres phénomènes indiqués dépendent, s’explique d’une ma¬ nière très simple, ainsi que je l’ai démontré (2), par un déplace¬ ment d’atomes. Quoi qu’il en soit, les faits sont bien avérés. En les prenant pour base, je pense pouvoir demander comment il se fait que ces minéraux pyrognomiques (3) se rencontrent dans des roches qui étaient jadis en fusion ignée. Ce n’est point leur pré¬ sence dans ces, roches , mais bien leur état pyrognomique qui doit nous surprendre. Ces minéraux s’étant solidifiés avant le quart/ , s’ils eussent été isolés d’un fluide incandescent, auraient dû rester soumis à une haute température longtemps encore après leur fl) Annales de Poggendoiff , t. LI , p. 493. (2) Annales de Poggendoiff ^ t. LI, p. 495. (3) J’ai signalé, il y a quelques années , l’existence (voyez Ann. de Poggendorff , t. LXI , p. 655) de gadolinites , d’orthites et d’allanites dans les granités de soixante localités différentes en Norvège et en Suède , de cinq localités de la Finlande , de quatre localités du Groen¬ land et de cinq localités de l’Amérique septentrionale. Je me trouve aujourd’hui en mesure d’augmenter jusqu’à cent le nombre de ces gisements connus. J’y comprends celui d’un minéral voisin de l’orthite que M. Breithaupt a découvert près de Marienberg en Saxe, SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/47. 489 .solidification. Mais alors, comment auraient-ils acquis et conservé leurs propriétés pyrognomiques ? En réfléchissant sur l’ensemble de ees considérations tirées de la constitution chimique et mécanique du granité, on est convaincu que l’état primitif de fusion simplement ignée de cette roche , quoique les phénomènes de contact soient en faveur de cette hypo¬ thèse , n’est pas justifie par la nature intime de la masse grani- tique clic-meme. Quel a donc été l’état primitif du granité? Il est démontré qu’à l’origine il formait une masse plastique, et il n’est pas du tout improbable que cette masse possédait une très haute température ; mais en même temps cette masse n’a pu être aucu¬ nement dans l’état de simple fusion ignée. C’est dans le paragraphe suivant que nous essaierons de résoudre ces difficultés apparentes. § l\. Essai d'une détermination plus exacte de l’état du granité avant sa solidification. — Mon intention n’est pas d’introduire une nouvelle hypothèse dans la science ; il s’agit plutôt de tirer, d’après des faits irrécusables , des conséquences qui nous servent d’argu¬ ments à l’aide desquels on puisse parvenir, sinon à déchiffrer tout à fait le problème de la formation du granité , du moins à nous rapprocher quelque peu de sa solution. Je n’entre donc pas en ma¬ tière avec une supposition , mais avec un fait. Il est reconnu que plusieurs des éléments du granité contiennent de l’eau. Le mica, la pyrite, le talc, l’amphibole , la tourmaline, la gadolinite , l’ortliite et l’allanite peuvent renfermer depuis des traces jusqu’à 4 et 5 pour 100 d’eau combinée chimiquement. La chlorite , qui est un élément accessoire de quelques protogynes , en contient jusqu’à 9 et 13 pour 100. Dans quelques granités il se présente encore d’autres minéraux contenant de l’eau , comme, par exemple , dans la syénite zirconienne de Norvège. Dans bien des localités , et notamment près Brenr’g , Laurwig , Fr'àderikswarn et Sandefjord , on trouve dans cette syénite un minéral qui , par son extrême variabilité d’aspect, a tenu pendant longtemps les minéralogistes dans une fausse voie. On appelait autrefois radiolite une variété de ce minéral en grands cristaux rayonnants , tandis qu’une autre variété également rayonnée , mais en cristaux très minces , était connue en partie sous le nom de bergmannite , et en partie sous celui de sprenstein. Cette dernière variété avait été re¬ gardée par plusieurs géologues comme étant de la paranthine. L’analyse de ces minéraux , en apparence si différents , m’a dé¬ montré (1) qu’ils appartiennent à une seule et même espèce, c’est- (1) Ann. de Poggendorff, t, LXV, p. 276. I Z|90 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18Zl7. à-dire à la natrolite. L’aspect inaccoutumé qu elle revêt dans la syénite zirconienne est probablement du à ce qu’elle ne se trouve pas ici dans des géodes, mais que, ainsi que le feldspath et l’am¬ phibole , elle constitue réellement un élément de cette roche. La quantité d’eau, d’environ 10 pour 100, que contient cette natro¬ lite , est égale à celle de la natrolite ordinaire. Enfin , nous cite¬ rons l’aspasiolite , qui renferme 7 pour 100 d’eau, et qu’on trouve dans les parties de granité à gros grains qui sont renfermées dans les gneiss primitifs. Personne , que je sache , n’a contesté jusqu’à présent que l’eau contenue dans ces minéraux s’y est combinée dès l’origine , lors de leur solidification. Elle devait, par conséquent, s’y trouver déjà lorsque le granit ne formait encore qu’une masse pâteuse. L’existence primitive de cette eau dans le granité devient encore plus vraisemblable depuis que nous savons que l’eau joue , avec la magnésie , le protoxyde de fer , etc. , le rôle de base polyméro- isomorphique. Or, cette base exige, tout aussi bien que les autres, sa part d’action dans la formation du granité. Ce n'est donc pas en se fondant sur une hypothèse que nous attribuons à 1 eau une certaine coopération dans la formation de cette roche , mais par suite de l’existence d’un fait, et d’un fait aussi démontré que la présence de la magnésie ou des alcalis dans le granité. Il ne reste qu’à établir si cette coopération a été essentielle ou accessoire : question que nous allons examiner. Le granité ne pouvait pas renfermer moins d’eau qu’il n’en contient à présent en combinaison chimique ; la proportion d’eau était donc ou la même ou plus considérable. Nous connaissons par là le minimum; cherchons à en déterminer le maximum. Il ne saurait plus venir dans l’idée de personne de faire cristalliser le granité par précipitation dans une dissolution aqueuse ; mais on pourrait dire que cette roche formait comme une espèce de bouillie aqueuse , un mélange humide dans lequel les hydrates de silice , d’alumine et des autres bases seraient entrés comme composants. Or , un tel mélange aurait dû occuper un espace infiniment plus grand que celui qu’il occupa plus tard lors de sa solidification comme granité. D’ailleurs , soit de ce fait , soit des circonstances qui en résultent nécessairement , il aurait dû en arriver une foule de phénomènes si différents de ceux que nous observons réelle¬ ment, qu’il ne vaut pas la peine de poursuivre davantage une telle supposition. Les éléments du granité, ou du moins la totalité de ces éléments , n’a donc pu se trouver dans la pâte à l état d’hy¬ drate, car dans ce cas la quantité d’eau contenue dans la bouillie SÉANCE DU 15 FÉVRIER 185 7. 591 granitique n’aurait pu être moindre de 50 pour 100, tandis que la quantité d’eau dont l’existence dans les granités peut être dé¬ montrée de nos jours, ne dépasse guère un à quelques pour 100. La quantité (Veau contenue primitivement dans le granité doit par conséquent être entre 1 et 50 pour 100 , et il est très probable que ce quantum se rapproche davantage du minimum que du maximum. Voilà une idée approximative de la quantité d’eau renfermée dans la pâte granitique. Qu’on la fixe à 5 , 10 ou 20 pour 100 , c’est à peu près indifférent. Mais comment se formera-t-il un gra¬ nité cristallin d’une masse aussi passive dans laquelle les compo¬ sants ne sont pas même des hydrates? A moins d’en appeler direc¬ tement à la providence , en abandonnant ainsi les voies de l’expérience, nous ne saurions nous passer d’emprunter le feu des plutonistes ; nous y sommes forcés , non seulement parce qu’il nous paraît impossible de ramener par un autre moyen à l’action chi¬ mique la masse humide de granité, et de lui donner ainsi le degré de plasticité et même de mollesse dans lequel elle s’est trouvée un temps sans contestation , mais encore parce que nous ne pouvons nier que plusieurs phénomènes qui se voient au contact du gra¬ nité avec les autres roches rendent la haute température origi¬ naire de la masse granitique , sinon tout à fait certaine , du moins probable. Là, où il ne peut être question de l’emploi de la ba¬ lance ni de mesures , on ne saurait malheureusement parvenir à une démonstration mathématique ; il ne s’agit donc ici que de trouver un mode d’explication qui ne soit en contradiction avec aucune de nos connaissances actuelles. 11 n’existe pas une seule théorie, si ce n’est une théorie mathématique, dont on puisse dire qu elle soit absolument vraie. Pas une n’est assurée contre les chan¬ gements que l’avancement de la science nous contraint d’y appor¬ ter. Dès le moment que l’on prouvera que l’admission d’une haute température originaire conduit à des controverses , ou que cette hypothèse peut être remplacée par une autre plus vraisemblable , nous serons obligés de l’abandonner. Tant que cela n’a pas lieu, nous ne rejetterons point ce qui est admis généralement , nous ne démolirons point avant d’avoir édifié. C’est donc du point de vue de l’état actuel de nos connaissances, et convaincu de la possibilité que de nouvelles expériences peuvent changer cet état de choses , que j' admets le feu comme étant un agent essentiel dans la forma¬ tion du granité. Des proportions d’eau de un à quelques pour 100 se trouvent dans le bain granitique. Supposons que cette bouillie, épaisse et humide, soumise à une pression qui en empêche le dégagement de £92 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18£7. l’eau, soit chauffée jusqu’à une haute température ; qu’arrivera-t-il? Nous ne pouvons répondre qu approximativement , et par des in¬ ductions théorétiques , à un problème que nous ne saurions espérer de voir résolu par l’expérience. Il arrivera , avant tout, que cette pâte imprégnée d’eau et chauffée sous une forte pression fondra à une température de beaucoup inférieure à celle où fondrait un mé¬ lange identique , mais anhydre. Il me paraît démontré que les atomes des matières solides , déjà écartés les uns des autres par la simple chaleur, doivent l’être encore plus par la vapeur d’eau qui vient s’interposer entre eux sous une très haute pression, ce qui viendrait accélérer singulièrement le passage de toute la masse à l’état liquide. La fonte des sels, dans leur eau de cristallisation, nous fournit un exemple semblable. Le granité une fois amené à cet état qui, bien qu’étant un état de fusion , ne saurait être con¬ fondu avec une fusion tout simplement ignée , il en résultera néces¬ sairement, pendant son refroidissement lent , des effets d’une na¬ ture très différente de celle des conséquences qui suivraient le refroidissement d’une masse sèche, c’est-à-dire d’une masse qui aurait été en fusion purement ignée. Les vapeurs d’eau , ainsi inter¬ posées et soumises à une forte pression qui pouvait en partie les condenser et les maintenir à l’état liquide , ont du prolonger la liquidité ou du moins la plasticité du granité jusqu’à une tempé¬ rature proportionnellement très basse. Les minéraux qui avaient plus de tendance à cristalliser , ceux dont la puissance de cristalli¬ sation suffisait à vaincre l inlhience contraire des vapeurs aqueuses et à rapprocher et ordonner leurs atomes de manière à ce qu’il en résultât des cristaux ou une masse cristalline , ont dû être les pre¬ miers à se séparer. Toute l’eau que les minéraux ne se sont pas ap¬ propriée lors de leur cristallisation se concentrent successivement dans le bain riche en silice, puis enfin dans la silice pure , qui , en raison de son peu de tendance aux formes régulières et de l’ augmen¬ tation continuelle de cette eau , n’a pu se solidifier que très tard. Cela n’a dû s’opérer qu’ alors que la température du granité se fut encore considérablement abaissée, et lorsque l’eau, qui n’était pas en combinaison chimique, est parvenue à se dégager entière¬ ment de la masse granitique ; ce qui n’a pu avoir lieu qu’ après de très longues périodes. Par ce moyen , la séparation de la silice libre et le groupement , en apparence paradoxal , des éléments du granité, trouvent ainsi leur explication. Et nous voyons en même temps comment les minéraux pyrognomiques ont pu acquérir leurs propriétés caractéristiques au milieu d’une masse en fusion ; ils ont cristallisé à une température qui , non seulement était au- SÉANCE DU 15 FÉVRIER !8/j7. 403 dessous de leur point de fusion actuel , mais qui n’arrivait pas même à la chaleur rouge , degré auquel se manifeste cette produc¬ tion si remarquable de lumière et de chaleur. Dans une question aussi importante que celle de la formation, du granité, on ne saurait employer trop de circonspection. C’est pourquoi nous hésiterions encore à nous fonder sur ces conclu¬ sions , si d’autres phénomènes ne venaient augmenter encore da¬ vantage les chances de notre hypothèse et appuyer cet état de fusion ignéo-aqueuse du granité. En voici quelques uns : a. Les propriétés de certaines cavités géodiques , de certaines veines et de certains filons des roches granitiques. — On trouve fréquem¬ ment dans le granité et dans le gneiss primitif des cavités dont les parois sont revêtues de cristaux de diverses espèces. C’est surtout en Norvège que j’ai rencontré un nombre assez considérable de semblables cavités renfermées dans des masses compactes de roches imperméables; c’est là que j’en ai étudié la structure avec beau¬ coup de soin. Eh bien , toutes les circonstances qu’on y observe tendent à démontrer que les cristaux qu’elles renferment y ont été déposés par une solution quelconque. Dans plusieurs localités des environs de Modum , Snarum et Sigdal , j’ai trouvé , dans des ca¬ vités pareilles, des cristaux de quartz atteignant un poids de plu¬ sieurs livres, et dont la structure démontre évidemment qu’ils se sont formés par couches successives de dedans en dehors. Les di¬ verses périodes d’accroissement sont marquées par de minces cou¬ ches d’une matière pulvérulente et opaque, interposées entre les couches transparentes du quartz , et disposées souvent d’après les mêmes lois de gravité qui régissent les précipités qui se font dans un liquide. Dans une cavité révêtue de cristaux de quartz et d’amphibole on pouvait très bien s’assurer que ces derniers, dont quelques uns atteignaient la longueur d’un pied , s’étaient non seulement formés les premiers , mais qu’ils avaient gêné la cristal¬ lisation du quartz, cjui a eu lieu postérieurement. Je conserve, dans ma collection, un cristal de quartz recueilli dans cette cavité, qui se trouve fendu en quatre parties par trois cristaux d’amphi¬ bole libres auparavant , et dont l’axe longitudinal est presque per¬ pendiculaire à l’axe principal du cristal de quartz. Ces quatre parties dépassent plus ou moins les cristaux d’amphibole. Je pour¬ rais citer aisément encore bien des exemples qui démontrent l’ac¬ croissement successif des cristaux dans les cavités, et leur cristalli¬ sation dans un liquide. Ils sont tous très connus ; il suffit donc d’en faire mention pour appeler sur eux l’attention des géologues , qui , à la vérité, ne paraissent pas y avoir réfléchi suffisamment jusqu’à 494 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. ce jour. Nous observons les mêmes phénomènes dans une certaine classe de filons qui se présentent dans les roches granitiques ou autres. On peut y reconnaître d’une manière, je dirai presque ma¬ térielle , que leur remplissage s est fait par les dépôts de solutions ou de bouillies qui s’échappaient de la roche encaissante. C’est pourquoi on les a nommés filons de sécrétion. En résumé , F observateur attentif des roches granitiques ne peut se défendre de l’idée que celles-ci contiennent pour ainsi dire un suc qui , s’écoulant dans les cavités et dans les fentes , tapissait de cristaux leurs parois; ce suc pénétrait plus ou moins dans les roches stratifiées que le granité, pendant son état plastique, venant à toucher, et, en favorisant par imbibition leur métamorphose, prenait une part plus ou moins grande à la formation des produits de contact. Le fluide imprégnant la masse chaude du granité ne saurait être convenablement autre chose que de l’eau à une très haute température, mais maintenue cependant à 1 état liquide, et pouvant s’échapper en gouttelettes sous une énorme pression. Elle contenait en dissolution une partie des substances solides , et sur¬ tout de la silice. Nous savons , en effet, par les recherches intéres¬ santes de M. Scliafhâult (1), que l’eau chauffée au-dessus de 100°, dans la marmite de Papin , acquiert la propriété de dissoudre de la silice , et que de cette dissolution il se précipite des cristaux de quartz. Combien plus facilement ne devait donc pas être soluble la silice dans une eau possédant très probablement une température incomparablement plus haute l b. La transformation des schistes argileux en roches prenant l'aspect de gneiss et de granités. • — Dans plusieurs points de la Norvège méridionale on peut se convaincre facilement que les couches des schistes argileux du temps où les masses granitiques opérèrent leur injection n’étaient pas aussi solides, qu’elles n’é¬ taient pas encore endurcies comme elles le sont aujourd’hui , mais qu elles possédaient une certaine plasticité et pouvaient être plis— sées en grand. Sans cela , le granité pénétrant dans les couches des schistes n’aurait pu ni leur faire prendre la forme de rides on¬ dulées , ni les repousser sans les briser en morceaux nombreux et anguleux. Les schistes argileux , déposés sous les eaux , renfermant souvent des débris fossiles , n’étaient probablement redevables d’une telle flexibilité qu’à l’humidité qu’ils renfermaient en¬ core. Or, lorsque nous voyons ces schistes être transformés dans le voisinage du granité en gneiss et même quelquefois en des ro- (1 ) Münchener Gelehrte Anzeigen 1845 april , pag. 557 — 596. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 495 clies granitoïdes , qu est-ce que c’est que cela , sinon la transforma¬ tion en roches granitiques de masses contenant de l’eau et por¬ tées à une liante température? En considérant comme prouvé , par suite des faits positifs que nous venons de rappeler, que l’eau a joué un rôle essentiel dans la composition du granité , on se demandera si d’autres corps expan¬ sibles , comme , par exemple , l’acide carbonique , ou si même d’au¬ tres agents impondérables , en dehors de la chaleur, n’ont pas exercé une certaine influence dans cette formation. Quant au pre¬ mier point, les recherches de M. Brewster sur les liquides renfer¬ més dans divers cristaux transparents paraissent bien indiquer que, dans quelques cas au moins , des gaz fortement comprimés ont as¬ sisté à la formation des minéraux les plus anciens. L’influence des agents impondérables n est pas impossible non plus. Nous con¬ naissons à cet égard l’existence d’un fait qui n’est pas à négliger; M. Pierre Riess , à qui nous en devons l’observation, a démontré qu’un fil de platine, sous l’action d’un très fort courant électrique, peut fondre à une température qui ne dépasse que de peu 200°, c’est-à-dire environ 2300° au-dessous de son point de fusion ordi¬ naire ! Il serait prématuré de poursuivre l’examen de ces faits et de s’en faire un appui pour l’explication de la formation du granité ; car, dans l’état actuel de nos connaissances, cela ne serait possible qu’en nous lançant dans le domaine des hypothèses. Appuyons- nous donc aujourd’hui uniquement sur les faits , sur l’existence primitive de l’eau dans la masse plastique et fortement échauffée du granité. Dans tout cela je ne pense guère avoir exposé rien de bien nouveau , car un grand nombre de géologues ont admis depuis longtemps le concours de l’eau dans la formation du granité. C’est d’ailleurs un précepte ancien et reçu des plutonistes , qu’// faut se figurer les roches cristallines primitives comme ayant été fondues sous Veau et sous une forte pression. Suivant ce précepte , tâchons de nous former une idée claire des circonstances qui en résultent , et toutes les objections plus ou moins fondées qu’on a pu opposer jusqu’à présent à ceux qui admettaient l’état de fusion originaire du granité tomberont d’elles-mêmes. M. d’Omalius demande à M. Damour s’il admet que l’eau joue ainsi tantôt le rôle de base et tantôt celui d’acide. M. Damour répond que la question soulevée par M. Scheerer a beaucoup d’intérêt ; il rappelle à cette occasion les travaux de M. Millon sur les bases polyatomiques. SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/j7. 496 M. Delbos ajoute qu’il y a des chimistes qui regardent les acides comme formés d’un atome d’acide et d’un atome d’eau épigénique pouvant être remplacé par une base. M. Angelot fait, sur le Mémoire de M. Scheerer, les obser¬ vations suivantes : Dans l’intéressant mémoire dont nous venons d’entendre la lec¬ ture , IM. Scheerer inet en avant l’idée de la formation des gra¬ nités par une double cause , le concours de l’eau et du feu. Sans me prononcer d’une manière péremptoire pour ou contre cette idée très digne d’attention , je crois devoir faire remarquer cepen¬ dant que la présence d’une très petite quantité d’eau, dans certains micas et certains minéraux accidentels plus ou moins abondants dans quelques granités, n’a point, pour prouver une double cause de formation , l’importance décisive que M. Scheerer paraît lui attribuer. Cette présence peut parfaitement s’expliquer dans le cas de la fusion purement ignée des granités. L’eau, en effet, peut bien être un des cléments , sans être cause ou agent de cette formation plus que les autres éléments de la roche. Dans un assez long mé¬ moire, lu à la Société en février 1842 , je cherchais à établir, contre l’opinion d’un assez grand nombre de géologues , que très probablement il y avait communication entre les eaux superfi¬ cielles et les matières minérales à l’état de fusion ignée dans l’in- térieur du globe , et qu’au moyen de rénorme pression hydrau¬ lique produite par les colonnes d’eau descendantes, elles devaient rester liquides au contact des matières incandescentes et jouer un grand rôle dans les phénomènes volcaniques. Mais tout en donnant à cette idée toute la démonstration dont elle me paraît susceptible, je commençais par reconnaître , et je m’attachais même à établir, par une suite de raisonnements plus serrés , je crois, qu’on ne l’avait fait jusque là, q \x une dissolution primitive d’eau , dans les matières minérales à l’état de fusion ignée dans l’ intérieur du globe, était non seulement un fait probable , mais un fait nécessaire dans l’hypothèse, assez généralement admise maintenant, de l’état pri¬ mitivement gazeux de notre globe. En effet, dans une masse chaotique gazeuse , la loi de la diffusion des gaz a du agir et mé¬ langer ensemble toutes les matières. Quand certaines cl’entre elles ont graduellement passé à l’état liquide sous l’influence d’une cer¬ taine diminution de température et de l’augmentation de la pres¬ sion , il a dû y avoir, par suite de cette énorme pression même , dissolution de tous les gaz et vapeurs dans ce chaos de matières SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. /|07“ minérales liquides, malgré leur liante température. L’eau a donc pu entrer comme élément dans les roches qui se sont formées par suite du refroidissement de ces matières. Je ne veux pas abuser des moments de la Société en reproduisant ici les longs dévelop¬ pements que j’ai donnés à ces idées. Je me contenterai donc de renvoyer à mon mémoire lui-même (1). M. d’Omalius ajoute qu’il lui semble qu’il n’y a pas de diffé¬ rence d’opinion entre M. Scheerer et M. Angelot. M. Frapolli est de cet avis. M. Angelot dit qu’alors les opinions de M. Scheerer rentre¬ raient dans les siennes. M. d’Omalius croit qu’il y a tout - à - fait accord entre MM. Scheerer et Angelot. Il semble que M. Scheerer a voulu montrer la différence entre la manière dont a eu lieu la fluidité ignée et celle dont nous l’admettons ordinairement. M. Delanoue fait remarquer qu’il semble incroyable de prime abord que l’eau puisse rester partie intégrante de minéraux formés par suite d’une fusion ignée , et cependant rien de plus probable, dans certains cas fort exceptionnels, que l’hypothèse de M. Angelot (l’intervention de l’eau rouge et liquide 5 une haute pression); rien de plus évident et de plus ordinaire que l’existence de l’eau dans certains corps soumis à une fusion ignée (hydrates de potasse , soude, etc.). L’acide borique , qui est si fixe à la plus haute température , se volatilise en retenant de l’eau. Et, soit dit en passant, c’est probablement à cette propriété qu’est due l’arrivée, jusqu’ici assez énigmalique, de l’acide borique dans les sufioni Aq la Toscane. M. Hébert répond que M. Aug. Laurent a lu, le 25 janvier 1847, à l’Académie des sciences, un extrait d’un travail dans lequel il a constaté par des expériences précises et multipliées que le borate de potasse , chauffé à une température supérieure à celle de la fusion de l’argent dans un fourneau à calcination, a été fondu, mais retenait encore 1 pour 100 d’eau. Ce qu’il y ('1 ) Voir Note sur la cause des émanations gazeuses provenant de l’intérieur du globe , par M. Angelot. ( Bulletin de la Société géolo¬ gique de France , 1rC série, t. XIII , p. 178 — 194.) Soc. géol. , 2e série, tome IY. 32 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. 498 a de singulier, c’est que le môme borate de potasse vitrifié , chauffé de nouveau sur la lampe à alcool à une température bien inférieure à celle à laquelle il avait déjà été soumis, et à peine suffisante pour le ramollir, laissa perdre une partie de cette eau qu’on vit se dégager en bulles et se condenser à l’extrémité étranglée d’un tube bien desséché, dans lequel il avait renfermé le borate de potasse vitrifié. Cependant , comme il ne croyait pas toute l’eau éliminée , M. Laurent fit fondre le borate d’ammoniaque avec une petite quantité de spath d’Islande bien pur, et il obtint à la fin un verre transparent qui, pesé, montra que toute l’eau avait enfin été chassée. M. Boubée pense que M. Scheerer s’est fait une opinion exa¬ gérée de la présence de l’eau à l’origine des granités -, il semble qu’il était plus simple de supposer que les corps en fusion ont la propriété d’absorber les matières gazeuses et de les rejeter ensuite lors de la solidificalion. M. Frapolli fait observer que c’est là l’idée de M. Angelot, et que M. Scheerer ne s’est écarté de cette idée que pour s’ap¬ puyer uniquement sur l’expérience de la composition des miné¬ raux. M. Virlet ajoute à ce que vient de dire M. Angelot que l’in¬ tervention de l’eau dans les phénomènes volcaniques lui paraît d’autant plus difficile à nier, qu’elle se manifeste par la pré¬ sence de nombreux hydrosilicates zéolithiques que beaucoup de roches plutoniques renferment -, que d’ailleurs quelques unes de ces roches, comme les ophiolithes, ne sont elles-mêmes que des hydrosilicates, et qu’enfm, pour les personnes qui ont étudié les phénomènes des filons , l’existence d’hydrates pluto¬ niques n’est pas plus douteuse que celle des carbonates, des sulfures plutoniques, etc. Observations sur le métamorphisme normal et la probabilité de la non-existence de véritables roches primitives à la sur¬ face du globe , par M. Yirlet d’Aoust. Le mémoire de M. Scheerer, analysé d’une manière si claire par M. Frapolli , m’a fait éprouver d’autant plus de plaisir que la plupart des idées de ce savant chimiste sur la formation des SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/l7. /|99 granités viennent tout à fait à l’appui de mes opinions sur 1 existence des granités métamorphiques (1). L’auteur, à la vérité , n’explique pas d’une manière bien précise comment il entend que l’eau de composition qui existe dans quelques uns des éléments constituants, et qu’il regarde comme primitive , est originairement intervenue dans la formation ; mais cette intervention devient très simple et très facile à comprendre, si on admet que les gra¬ nités ont , comme les gneiss , une origine complexe due au méta¬ morphisme normal , et sont le résultat de la transmutation d’an¬ ciens dépôts formés sous les eaux. Cette hypothèse peut se déduire des propres observations de M. Scheerer, qui signale les gneiss de la Norvège méridionale comme étant non seulement le résultat de la transformation des schistes argileux , mais encore comme ayant été métamorphosés sur plusieurs points en roches granitoides. •b ai signalé aussi un exemple analogue au Montabon , près Châ- loi î-sur-Saône , où le granité rouge qui constitue cette montagne m a paru être également le résultat d’une sur-modification ou d’un métamorphisme plus avancé de la grande bande gneissique , dont il forme le prolongement oriental (2). La transmutation des (1) Bail. Soc. géol . , 2e série, t. Ier, p. 766 et 825; et t. III, p. 94. Voir au t. IV, p. 297, ce que j’ai dit aussi en note relativement à l’origine métamorphique de certains porphyres et d’autres roches réputées plutoniques. Depuis la présente communication , le Mémoire de M. Fournet sur le métamorphisme dans les Vosges , dont M. Vi- quesnel n’avait fait que donner une analyse succincte, a paru dans le t. IV du Bull. ; il y développe, à la page 239 , d’une manière très claire les phénomènes d’imbibition et de pénétration réciproque des masses ignées et neptuniennes , que j'avais décrits d’une manière plus générale dans ma Note sur les roches d’imbibition , t. Ier, p. 845. (2) Bull. Soc. géol., 2e série , t. III, p. 326. Depuis longtemps déjà M. Elie de Beaumont avait été amené à émettre une opinion semblable relativement aux gneiss charbonneux des Vosges, et voici comment il s’exprime à ce sujet à la page 316 du t. Ie1 de la Description de la carte géologique de France : « Il semble véritablement très probable » que toutes ces matières charbonneuses ont eu pour origine des végé- » taux déposés en même temps que les matières premières de la roche, » quelle que puisse être aujourd’hui la texture cristalline de celle-ci. » S’il en était ainsi, le gneiss dont nous parlons devra être classé » parmi les roches métamorphiques , ce que la présence des amas de » calcaire grenu tendait déjà à faire soupçonner; et cela ouvrira le » champ à bien des conjectures sur l’origine du leptynite et du granité » à petits grains auxquels le gneiss se lie si intimement. » L’hypothèse de l’origine métamorphique du gneiss des Vosges est » parfaitement en rapport avec son gisement qui est parallèle à celui 500 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. loches sédimentaires en granité, ou leur granitiftcation , pour em¬ ployer un mot qui caractérise le phénomène , n'est donc pas plus dillicile à admettre que leur changement en gneiss; il suffit seule¬ ment de supposer ou que l’action mctamorplii santé a été plus di¬ recte et plus intense , ou qu’elle a été plus prolongée. Aussi la gneissification et la granitification des schistes argileux de la Nor¬ vège portent-elles M. Scheerer à se demander en quelque sorte instinctivement qu’est-ce que cela , si ce n’est la transformation en roches granitiques de masses contenant de l’eau et portées à une haute température ? Evidemment s’il avait poussé comme moi un peu plus loin la conséquence , il arrivait à la seule application qui me paraisse pouvoir se concilier avec les faits ; car en envisageant la question de la génération des granités sous ce nouveau point de vue, on fait aisément concorder toutes les circonstances géolo¬ giques et minéralogiques avec les déductions de la chimie ; l’in¬ tervention de l’eau dans les différentes proportions constatées s’explique très bien ; sa conversion de l’état de simple mélange à celui de composition est facile à concevoir ; elle s’opérait en même temps que les autres substances se combinaient entre elles et passaient probablement aussi de l’état de mélange à celui de com¬ binaisons chimiques. 11 n’est plus besoin alors de supposer , soit avec les neptuniens, ce magma, cette bouillie granitique originelle devant contenir au moins 5 p. 100 d’eau d’hydratation ; soit avec les plutoniens , cette espèce d’oxydation chaotique des roches pri¬ mitives par l’eau, qui force à admettre, contre toute probabilité, qu’elle existait lors des premiers encroûtements de la surface du globe. Il n’est pas nécessaire d’admettre non plus, comme on le suppose trop généralement , qu’une très haute température ait toujours été indispensable pour produire le métamorphisme normal et les transformations granitiques , puisque les expériences de Al . Seliaf- liault ont démontré que sous l’influence de la pression la vapeur d’eau échauffée au-dessus de 100° jouit de la propriété de dissou- » du micaschiste et du schiste argileux, schistes qui passent de l’un à » l’autre et auxquels le gneiss passe lui-même. » M. Daubrée ayant de son côté signalé en Suède des faits tout à fait analogues (t. IV, p. 213, de la 4 e série des Ann. des mines} , M. Élie de Beaumont en a conclu, dans une de ses savantes leçons au Collège de France de 1846 , que la grande formation des gneiss de la Suède, sur laquelle repose le terrain silurien , était, comme celle des Vosges, le résultat d’une transformation de roches sédimentaires, due au mé¬ tamorphisme normal. 8ÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/|7. 501 dre la silice, et que très probablement , comme Ta également dé¬ montré M. Brewster , l’intervention d’autres gaz a dû avoir aussi une grande influence sur le développement de la cristallisation des roches modifiées. Cela est si vrai, que la plupart de ces roches ont conservé leur stratification, et qu’on voit même certains granités, comme , par exemple , ceux des Alpes de la France centrale , de la Bretagne (1) , etc., conserver encore quelquefois aussi leur schis¬ tosité et leurs plans de stratification primitive , en offrant des passages évidents avec des roches d’origine incontestablement stratifiée ; enfin l’on peut voir encore dans les granités de Nor¬ mandie (2) , qui servent au revêtement des trottoirs de Paris , et dont l’origine métamorphique est si évidente , des milliers de fragments non fondus, quoique le plus souvent aussi modifiés, des différentes roches plus anciennes qu’ils renferment ; ce qui annonce que très vraisemblablement leur granitification n’a exigé qu’un simple ramollissement des masses. L’hypothèse du métamorphisme normal , que les découvertes de la géologie, autant que l’avancement de la chimie inorganique, tendent chaque jour à élever au rang des vérités les mieux dé¬ montrées, conduit à faire admettre , comme conséquence natu- (1) M. Durocher, dans son intéressant travail sur l’origine des roches granitiques , s’appuie sur les liaisons intimes qu’il y a entre les granités , les porphyres quartzifères et les pétrosilex de la Bretagne , tant sous le rapport des passages insensibles qu’ils présentent sur une même zone et à des distances très rapprochées, que sous celui de la compo¬ sition chimique et de la pesanteur spécifique , pour en conclure avec raison que ces granités sont des roches pétrosiliceuses parvenues à un développement complet , et que les porphyres quartzifères, ou, comme il les appelle, les granités porphyroïdes , dans lesquels il reste encore une petite portion de la pâte qui paraît n’avoir pas été décomposée entièrement, offrent les derniers termes de l’état originaire de ces roches. Mais M. Durocher, partant de l’hypothèse ignée , pense que les pétrosilex ne sont que des granités dont la cristallisation n’a pu se développer ; tandis qu’ils appartiennent, en partie du moins, aux roches d’imbibition , et qu’il existe bien des raisons, surtout en Bre¬ tagne , pour n’y voir simplement que l’un des premiers termes d’une série de transformations métamorphiques dont les porphyres et les granités ne sont que les plus avancés. Dans le Morvan , les porphyres blancs quartzifères , à structure schisteuse et à noyaux étrangers de la Boche-en-Breuil , que je regarde comme métamorphiques, me pa¬ raissent aussi avoir donné lieu , par un développement plus considé¬ rable de la cristallisation, aux granités blancs très cristallins des en¬ virons de Formes. (2) Bull., 2e série, t. III, p. 94. 502 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 1847. relie, une autre hypothèse qui est depuis longtemps entrée dans mes convictions les mieux arrêtées et à laquelle le mémoire de M. Scheerer me semble donner toute actualité , savoir : qu’il ri existe très probablement plus , et qu’il ne peut même plus exis¬ ter à la surface du globe de roches primitives , c’est-à-dire qui n’auraient été soumises à aucune transformation soit chimique , soit simplement moléculaire, depuis son refroidissement ori¬ ginel. En effet, si, par un de ces hasards extraordinaires, il y avait encore, sur quelque point de la surface du globe, de ces roches de premier encroûtement , la condition première de leur existence serait de ne contenir aucune trace d’eau de combinaison : or, plu¬ sieurs des éléments constituants (1) de la plupart des roches gra¬ nitiques généralement considérées comme les plus anciennes en contenant toujours plus ou moins, ces roches ne peuvent évidem¬ ment être considérées comme représentant ces masses ignées anhy¬ dres. Au surplus , lors même que certaines de ces roches graniti¬ ques seraient tout à fait privées d’eau de composition , il y aurait encore bien des raisons pour les maintenir dans la catégorie des roches modifiées. Le métamorphisme normal , ainsi étendu à toutes les roches dites primitives , n’est d’ailleurs que le corollaire de la théorie de la chaleur centrale et de la fluidité ignée originelle du globe ; c’est la conséquence des nombreux phénomènes chaotiques qui ont dû signaler le refroidissement de la première enveloppe solide et le dépôt des premiers sédiments; car il suffit de tenir un peu compte des lois de la pesanteur, pour voir que, par suite de la simple pres¬ sion exercée sur la masse fluide par cette croûte encore mal con¬ solidée et flottant en quelque sorte sur un bain de densité moindre, il y a eu sur toute la surface du globe , pendant les premières pé¬ riodes géologiques , de nombreux flux et reflux de chaleur. C’est à ces retours fréquents de la chaleur, à ces effluves centrales, qu’il faut principalement attribuer le métamorphisme normal , qui a dû nécessairement s’étendre à toutes les masses primitives , tant (l) Ces éléments, reconnus déjà dans plus de cent gisements diffé¬ rents, sont le mica , la pinite, le talc, l’amphibole, la tourmaline, la gadolinite, l’orthite et l’allanite, qui peuvent renfermer depuis des traces jusqu’à 4 et 5 pour 100 d’eau de composition; le dichroïte et l’aspasio- lite, qui en contiennent depuis 1 jusqu'à 7 pour 1 00 ; la natrolithe des syénites zirconiennes de la Norvège, qui en contient 10* pour 100 , et enfin le chlorite des protogynes, qui en contient de 9 à 1 3 pour 1 00. M. Berthier a aussi reconnu que les pétrosilex des environs de Nantes contenaient 1 1 /2 pour 100 d’eau de composition. 503 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18A7. platoniques que neptimienn.es, lesquelles ont été modifiées et trans¬ formées bien plutôt deux et trois fois qu’une, si même, ce qui est fort probable , elles n’ont pas été fondues et refondues. Le défaut d’homogénéité générale des granités , dont la texture varie souvent d’un point à un autre , et les différences qu’ils présen¬ tent dans les proportions de leurs éléments intégrants sur des points quelquefois très rapprochés, viennent encore étayer l’hypothèse de la transmutation successive de toutes les roches anciennes; car les liaisons intimes qu’il y a entre les roches du groupe granitique , lesquelles passent souvent par les nuances les plus insensibles les unes aux autres, s’expliquent bien plus facilement par des actions métamorphiques variées ou qui ont agi sur des roches de compo¬ sitions différentes, que par pénétration ou juxta-position réci¬ proques de ces mêmes roches. N’est-ce pas l’idée qui doit venir tout d’abord, lorsqu’on examine, par exemple, les rapports, signa¬ lés pour la première fois par M. Rozet (1) , qui existent entre les leptynites , les gneiss et les granités des Vosges , rapports si intimes, qu’on ne pourrait le plus souvent dire où commence et où finit l’une ou l’autre de ces roches? C’est encore l’idée que je me suis faite depuis longtemps , relativement à la syénite, en voyant com¬ ment dans les montagnes granitiques de Myconos , l’une des îles de l’archipel grec , elle passe et repasse successivement au granité commun , sans que celui-ci éprouve d’autre modification cpie celle qui résulte d’un changement dans son mica , transformé en partie ou en totalité en amphibole. Ce changement du granité ordinaire en granité syénitique est rendu très vraisemblable par celui que l’on remarque quelquefois dans le voisinage de certains filons de quartz , où les roches micacées se trouvent transformées d’une ma¬ nière très évidente en masses amphiboliques , dioritiques ou chlo- riteuses (2). L’existence des nombreuses substances accidentelles (1) Description géologique (le la partie méridionale de la chaîne des Vosges , i n - 8 0 , 1 834. (2) C’est un phénomène que j’ai eu souvent occasion d’observer dans les montagnes d’entre Saône-et-Loire ainsi que dans celles du Pilât; M. Daubrée l’a également signalé aux environs d’Arendal , en Suède , où l’on voit des passages du gneiss au schiste amphiboleux dans le voisinage des mines de fer (page 212 du Mémoire précédemment cité). Enfin, M. Fournet , auquel on doit tant d’observations intéressantes sur le métamorphisme accidentel ou de contact, le cite à la page 74 de son Mémoire intitulé : Simplification de l'étude d’une certaine classe de filions , inséré dans les Annales de la Société royale d’ agriculture de Lyon pour 1845. 50 h SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18^7. des granités sur certains points , tandis qu’elles n’existent pas sur d’autres , s’expliquerait d’ailleurs bien difficilement , si l’on n’admettait ou une composition originelle variable , ou , ce qui est bien plus probable , l’intervention sur certains points d’éléments nouveaux qui sont venus pénétrer la masse , s ajouter à ses éléments constitutifs et les modifier. IN’aurait-on pas encore d’ailleurs une preuve de l’origine métamorphique de ces roches dans l’existence du bitume que quelques unes d’entre elles renferment, et qui , s’il n’est pas un produit s ai generis , indiquerait la disparition de corps organisés dont l’existence ne se révélerait plus que par la présence de cette matière minérale organique. Enfin , je crois que l’état d’agrégation mécanique même des ro¬ ches à structure cristalline peut encore très bien être invoqué comme l’une des meilleures preuves du métamorphisme général ; car leur cristallisation anormale , confuse et souvent imparfaite , il’ annonce certainement pas , comme l’a au reste fort bien démon¬ tré M. Scheerer, une fluidité ignée originelle et un refroidissement très lent, et tel que celui de la première croûte du globe , qui , quelque rapide qu’on le suppose avoir été , a pu durer des centaines et même des milliers de siècles. Cette agrégation, dont jusqu’ici les hypothèses neptuniennes et plutoniques ne sont point encore parvenues à donner une explication rationnelle , me paraît devoir s’expliquer, au contraire , très bien par l’hypothèse du métamor¬ phisme normal; et les expériences de MM. Schafliault, Brewster, Biess et Sclieerer font aisément concevoir que, sous l’influence de la pression , de la vapeur d’eau et des autres gaz , ainsi que sous celle des agents impondérables qui ont pu également avoir leur part d’influence, le feldspath , le mica et les autres substances mi¬ nérales ont fort bien pu aussi cristalliser à une température qui pouvait être d’autant plus basse , que généralement ces substances sont elles-mêmes d’autant plus fusibles, qu’elles sont plus basiques; tandis que , en raison de sa grande infusibilité , la silice , seulement ramenée à l’état de masse plastique , n’a pu cristalliser, et a con¬ servé les formes généralement amorphes et englobantes qu’elle montre dans presque toutes les roches à structure granitoïde. Ce genre de formation se concilie très bien avec la manière d’envisa¬ ger la cristallisation des roches granitiques par suite d’une fusion ignée aqueuse de M. Sclieerer, ainsi qu’avec les propriétés py- rognostiques qu’il a constatées dans un grand nombre des sub¬ stances minérales qui les constituent. Quelques géologues ne manqueront sans doute pas d’invoquer en faveur des anciennes idées exclusivement plutoniques les injec- 505 SÉANCE DU 15 FÉVRIER 18/17. lions évidentes de la plupart de ces roches ; mais je me bornerai à leur rappeler ici ce que j’ai déjà dit ailleurs à ce sujet (1), que le surgissement de telle ou telle roche n’entraînait pas nécessairement toujours la conséquence d’une origine ignée , parce que le méta¬ morphisme a pu, dans de certains cas, donner lui-même lieu et en agissant par pression sur les masses inférieures , à des surgisse¬ ments analogues. En résumé , je pense qu’un examen bien raisonné des roches cris¬ tallines et fait sur le terrain même , doit porter tout géologue qui réfléchit un peu aux conséquences de l’ensemble général des faits qu’ elles présentent à douter qu’il existe encore quelque roche que l’on pourrait réellement considérer comme primitive , dans toute l’acception de ce mot , qui ne devra plus avoir désormais qu’une valeur géologique purement relative ; car toutes les roches que l’on a appelées jusqu’ici primitives pourraient bien n’ètre que de deuxième , de troisième, etc., formation , si même elles ne sont d’une formation encore beaucoup moins ancienne. Je ferai observer, en terminant, que je ne pense pas, comme quelques géologues , que les cristaux de quartz observés dans les filons et les géodes des granités et des gneiss de la Norwége soient dus à des ségrégations , mais bien , comme le suppose M. Scheerer, à des sécrétions , lesquelles, ainsi que je l’ai dit ailleurs (2) , ont du être déterminées par des transports moléculaires postérieurs , tout à fait analogues à ceux qui ont donné naissance aux nodules siliceux , ferreux ou calcaires , ainsi qu’aux cristaux de quartz , de chaux carbonatée et de tant d’autres substances qu’on rencontre , soit dans les interstices , soit tapissant les cavités géo- diques ou l’intérieur des coquilles fossiles des terrains plus récents. Les granités et les gneiss ne sont pas, en effet, des roches assez uni¬ formément compactes pour que des courants, surtout s’ils étaient favorisés par une grande pression et une haute température, n’aient pu parfois s’établir dans leur intérieur, comme dans les autres ro¬ ches , et déposer dans leurs fentes ou cavités , sous forme de cris¬ taux , les molécules des substances qu’ils pouvaient contenir en dissolution et entraîner à leur suite. (1) Bull. Soc. géol. , 2e série, t. I, p. 854. Voyez aussi ce que vient de dire M. Fournet à la page 240 du t. IV, qui peut donner une idée exacte de la manière dont le phénomène a pu se produire. (2) Bull. Soc. géol. , 2* série , t. I , p. 746 ; t. II , p. 198; et t. III , p. 150. 506 SÉANCE DU 1er MARS 1847. Séance du 1er mars 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Hugard, vice-secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance , le Président proclame membre de la Société , M. le docteur William Roux, rue du Puits-Saint-Pierre , à Genève, présenté par MM. Ed. Ruinart de Brimont et Lévêque. Le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Alcide d’Orbigny , 1° Paléontologie fran¬ çaise. — Terrains crétacés ; livraisons 119 — 120. — Terrains jurassiques ; livraison 42. 2° Voyage au pôle Sud et dans V Océanie ; pl. I à VI. — Géologie ; pl. IV à IX, in-f°, sans texte. De la part de M. Paillette, 1° Piano general , etc. (Plan général des ravins et mines de la Sierra Almagrera , province de Murcie, par MM. J. M. et J. L. de Madariaga) -, 3 f. grand- aigle. Malaga, septembre 1845. 2° Piano , etc. (Plan des limites des mines du Ravin-du-Roi dans la Sierra Alhamilla, province d’Almeria, par M. Manuel Reynante) -, 1 f. colombier. Malaga , 1843. 3° Piano y etc. (Plan des concessions des mines du ravin du Jaroso et des mines adjacentes , par MM. J. M. et J. L. de Madariaga); 1 f. colombier. Malaga, 1842. 4° Piano , etc. (Plan des mines comprises dans le ravin du Jaroso et de la Sierra Almagrera , province de Alméria) ; im¬ primé sur soie. 1842. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences; 1847, 1er semestre, t. XXIV, nos 7 — 8. U institut; 1847, n°* 685—686. SÉANCE DU 1er MARS 1847. 507 Annales de V Auvergne , t. XIX, novembre et décembre 1846. The Athenœum , 1847; nos 1008 — 1009. The Mining Journal , 1847; nos 600 — 601. Neues Jahrbuch de Leonhard et Bronn ; 1846 , 7e cahier. — 1847, 1er cahier. Par suite de la correspondance, M. Alcide d’Orbigny présente à la Société 6 pi. in-folio de fossiles publiés en 1846 dans le Voyage de V Astrolabe de M. Dumont d’Uryille; ces planches contiennent, en dehors de quelques fossiles de transition , une série de coquilles des terrains crétacés du Chili et de Pondi¬ chéry. Quant aux fossiles de Pondichéry, pendant que M. d’Or¬ bigny les publiait en France, M. Forbes les étudiait en Angle¬ terre; il en résulte que les publications ont paru simultané¬ ment; et, en effet, il paraît que M. Forbes a communiqué son travail vers la moitié de 1846, mais il n’a paru qu’au com¬ mencement de 1847 dans les Transactions de la Société géologique de Londres. Ainsi, bien que M. d’Orbigny ait l’an¬ tériorité de publication, M. Forbes a eu celle de communication, et M. d’Orbigny se déclare tout prêt à abandonner ses dénomi¬ nations pour adopter celles de M. Forbes, sauf toutefois dis¬ cussion zoologique des espèces. Les planches présentées par M. d’Orbigny contiennent deux séries de fossiles; les uns de l’île Quiriquina, au sud du Chili, et les autres des environs de Pondichéry, recueillis par M. Fon- tanier et envoyés en France depuis un grand nombre d’années. Ces fossiles appartiennent tous à la même époque contempo¬ raine de notre étage turonien de France. Chacune de ces deux séries de fossiles présente non seulement des espèces com¬ munes aux deux localités , Pondichéry et Chili , mais encore des espèces identiques avec celles du même étage en France. On peut citer parmi celles-ci le Nautilus Sowerbianus , le Baculites anceps , la Gervillia aviculoides , la Trigonia sinuata , Park ; le Cardium caudatum , le Cardium Hillanum. De plus, parmi ces espèces identiques , il y en a qui ne se sont rencontrées jusqu’à présent que dans la craie , comme celles appartenant aux genres Avel/ann et J unira , et même toutes les autres espèces ont des formes à peu prés semblables aux nôtres. On remarque 508 SÉANCE 1)U 1er MARS 18ZÏ7. néanmoins une forme nouvelle pour le terrain de craie , c'est une Ovula qui a été prise mal à propos pour une Cyprœa par M. Forbes. Ces fossiles, comparés à quelques échantillons rapportés parM. Itier de l’tle de Java, ont fourni à M. d’Orbigny la certitude, par l’identité des espèces de ces diverses localités, que le môme dépôt se trouve à la fois sur les trois points. Par suite de cette communication, M. de Verneuil fait remar¬ quer qu’entre les terrains prétendus crétacés du Chili et ceux de Pondichéry, bien que M. d’Orbigny y ait trouvé des espèces identiques, il y a cette différence qu’au Chili ils paraissent former un passage vers le terrain jurassique, tandis qu’à Pon¬ dichéry ils se rapprocheraient des terrains tertiaires. En effet, M. Darwin a décrit toute la formation calcaire delaCordilière du Chili comme renfermant en différents endroits, et notamment àCoquimbo, à Copiapo et à Guasco , des espèces jurassiques et crétacées associées dans les mômes couches. M. d’Orbigny répond aux observations de M. de Verneuil que les fossiles décrits par M. Darwin comme provenant du Chili appartiennent les uns à l’île de Quiriquina et les autres à la Cordilière de Coquimbo, points distants de 7 degrés au moins en latitude. Les fossiles de la première localité se trou¬ vent au niveau de la mer, au pied occidental des Andes, et appartiennent bien , comme nous l’avons vu , à l’étage turonien de France } quant aux fossiles de Coquimbo, les uns appar¬ tiennent au terrain crétacé , les autres au terrain jurassique , à un étage qui rappelle le lias et caractérisé par une Gryphée voisine de la G. arcuafa, et des Spirifères également voisins du S. Walcotii , Sow. M. Dufrénoy rappelle à ce sujet que parmi des fossiles ré¬ cemment envoyés à l’Ecole des mines par M. Domeyko , et provenant du Chili, on remarque des Spirifères et des Téré- bratules d’un caractère jurassique non équivoque, et même des Gryphées arquées dont la forme spécifique ne saurait être douteuse \ il ne subsiste donc plus aucune incertitude au sujet de l’existence réelle du terrain jurassique dans cette localité , et à M. Domeyko appartiendrait l’antériorité de la découverte, car depuis longtemps ce géologue a envoyé des fossiles de ces localités, en annonçant dès les premiers envois leur caractère SÉANCE DU 1er MARS 18/l7. 509 jurassique. Cette opinion ne fut pas d’abord partagée à l’École des mines ; mais un dernier envoi a tranché définitivement la question. M. d’Orbigny confirme pleinement tout ce que vient de dire M. Dufrénoy : il rappelle môme que déjà en 18/i2 M. Dufrénoy lui avait communiqué quelques uns des fossiles de M. Domeyko, et que ces fossiles furent publiés la môme année dans la pl. XXII de la paléontologie de son voyage dans l’Amérique méridionale, avec indication positive de gisement jurassique. Compte des recettes et des dépenses exécutées pendant Vannée 18A6 pour la Société géologique de France , présenté parM. Damour, trésorier. RECETTE. RECETTES prévues au btidg et. 500 10.000 800 500 2,400 500 i,oao 18 1,407 50 100 25 193 30 » • 17,493 50 958 25 2,009 i 20,451 75 RECETTES effectuées. »? * C Cé 3 U) 3 < à .2 3 • G *3 P 752 50 252 50 B » 9,684 . » » 316 » 757 10 N M 42 90 510 » 10 » B B 2,100 » » B 300 » 641 50 141 50 B B 1,116 70 116 70 B B 92 . 74 » » B 1,43 i » 27 » B B 50 » S » » B 80 65 • B 19 35 15 50 » » 9 50 343 50 150 » B B 80 » 80 » B B 17 50 17 50 B B 17.674 9) 958 25 2,000 » 8G9 20 687 75 20,633 20 DÉSIGNATION dru chapitre» de lu recette. $1. Produit» ordinaire»! des réception». . ' S 2. Produit* extraord. ( de» réception». . | $3. Publication*. . . § 4 . Rentrées divrrt’i. . < 5. Solde du compte précédent . O S5 1 2 3 4 3 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 NATURE DES RECETTES. Droits d’entrée . C de l’année courante. . Cotisation» < de» années précédente». ( de l’année 184”. . . • Cotisation» une fois payées . ( de Bulletins et abonnent. . Vente < de Mémoire» . ( de cartes coloriées . Arrérages des Rentes sur l’Etat. . . . Arrérages des Bons du Trésor.. . . . Recette» imprévues . Remboursement de frais de mandats. Recette extraord. relative au Bulletin. Recette extr. relative aux Mémoire». Intéiêls de fond» placés ( placement temporaire cliex MM. Gouiu et C*. Totaux de.» recette*. . . . Reliquat en caisse au t numéraire. 31 décembre 1845. j Bon*. . . . Totaux de la recette et du reliquat en caisse . COMPARAISON. La Recette effectuée s’élève à . . . 20,635 20 La Recette présumée était de . âo,/|5i 75 L’excédant de la Recette réelle monte à . 181 45 510 SÉANCE DU 1er MARS 18/j7 DEPENSE. — DÉSIGNATION des chapitres de la dépense. S 1. Personnel . §2. Frai» de logement. §8. Frais de bureau. . S A* Encaissements. . . §5. Matériel . § 6. Publications. §7. Placement de capi¬ taux . §8, Dépense» impré?.. 3 des affaissements lents, à peu près insensibles, comme ceux que l’on observe en Scandinavie , peuvent produire les plissements et les déchirements de couches que l’on remarque dans nos montagnes, de dirai de plus que des hypothèses et des explications qui ne re- . montent qu’à un ordre de chose semblable à celui qui règne ac¬ tuellement ne satisfont pas notre esprit , qui désire toujours remonter aussi loin que possible. Je sais qu’il est un terme où l’investigation du naturaliste doit s’arrêter , et ce terme , c’est celui où cessent les inductions tirées de l’observation. Mais est-ce re¬ monter à ce terme que de dire que la terre a toujours été comme elle est? Je le crois d’autant moins, que je pense que si la terre avait toujours été comme elle est , elle ne serait pas comme elle est , c’est-à-dire que si certaines forces qui agissent sur elle n’avaient pas été dans le cas d’agir avec plus d’énergie, plusieurs circonstances que présente la terre n’auraient pu se produire. Les astronomes peuvent s’être trompés lorsqu’ils ont supposé que la terre avait été à l’état gazeux , comme les nébuleuses et cer¬ tains autres astres qui se meuvent dans l’espace ; mais ils ne sont certainement pas sortis de l’induction permise au naturaliste. lien est de même des géologues, lorsqu’ils ont dit que cette masse ga¬ zeuse s’était en partie transformée en une masse liquide qui tend à son tour à devenir solide. De semblables hypothèses n’ont rien de contraire à ce que nous connaissons des lois de la nature ; mais la question , pour nous, est de savoir si , en partant de cette hypo¬ thèse, nous expliquons mieux l’état actuel de notre globe qu’en supposant qu’il a toujours été à peu près tel cpi’il est? On sait que quand les gaz passent à l’état liquide , il se produit une chaleur considérable , de sorte que dès que l’on admet que la terre a été à l’état gazeux , quelque froide qu’ait pu être alors sa température, on répond à l’objection principale dirigée contre l’hypothèse de la chaleur centrale , c’est-à-dire à la question: D’où vient cette chaleur? D’un autre côté, on sait que quand un corp; liquide passe à l’état solide, il se produit des phénomènes plus énergiques que quand ce corps demeure dans le même état. D est inutile que je répète ici comment l’application de ce principe ex¬ plique d’une manière satisfaisante tous les faits cpie nous présente l’étude du globe , ces choses se trouvant dans tous les ouvrages élémentaires qui admettent la chaleur centrale. Tout ce que je tenais à faire voir, c’est que cette école peut aussi bien se dire fondée sur les lois de la nature actuelle cpie celle qui s’intitule des causes actuelles. J’ajouterai cependant une comparaison qui est dans la manière SÉANCE DU 1er MARS 18/l7. 534 d’argumenter de cette dernière école. Supposons que, dans un pays où l’art de fondre le bronze était inconnu , il soit venu s’établir des fondeurs qui , travaillant mystérieusement dans un lieu éloigné d’autres habitations , auraient été victimes d’une de ces explosions qui arrivent quelquefois quand on coule de grandes pièces. Lorsque les habitants du pays auront découvert le théâtre du désastre, il se sera établi entre eux une discussion sur les causes de celui-ci. Les uns auront jugé, ^ d’après le bouleversement de l’usine et d’après l’état des cadavres , que les fondeurs avaient été tués par une ex¬ plosion, tandis que les autres auront dit qu’il était bien plus na¬ turel d’admettre que les fondeurs avaient été asphyxiés ou empoi¬ sonnés p^r des miasmes délétères, plutôt que de recourir à une cause inconnue dont on n’avait aucun exemple dans les ateliers des maréchaux , des chaudronniers et des autres personnes qui travaillent les métaux dans le pays. Or, cette discussion aurait tout à fait représenté celle qui a lieu maintenant entre les parti¬ sans de la chaleur centrale et les géologues qui disent n invoquer ([lie les causes actuelles. Comme j’ai cité tout à l’heure 1 hypothèse de la submersion de vastes continents, je me permettrai encore de dire quelques mots à ce sujet, non pas que je veuille contester la possibilité de sem¬ blables phénomènes , qui d’ailleurs s’associent aussi bien avec le système que je soutiens qu’avec celui que je combats. Mais il me* semble qu’il n’est pas hors de propos de faire voir que cette hypo¬ thèse n’est pas aussi évidente que plusieurs géologues le pensent En effet , si* nous examinons le sol de nos continents , nous remar¬ querons que des parties plus ou moins considérables ne sont pas recouvertes par des dépôts marins postérieurs à la période pri¬ maire , et que, dans les portions où il existe des dépôts marins se¬ condaires ou tertiaires, ils sont souvent remplis de débris de corps organisés qui semblent avoir vécu sur la place même où ils se trouvent. Or,, comme il paraît que les êtres organisés ne peuvent pas vivre à de très grandes profondeurs, et qu’il est probable qu’une partie au moins des sols qui ne présentent pas de couver¬ tures marines secondaires ou tertiaires étaient déjà émergés lors de la formation de ces dépôts, on est porté à en conclure que ces terres avaient, dès les temps les plus anciens, des altitudes qui les plaçaient les unes au-dessus , les autres peu au-dessous du niveau de la mer. D'un autre côté, si nous examinons les parties de la surface terrestre occupée par de vastes mers , nous y voyons des profondeurs excessives et rien qui annonce les restes d’anciens con¬ tinents. On a cru , à la vérité , trouver ce dernier caractère dans 535 SÉANCE DU 1er MARS 18/|7. les îles de la Polynésie ; mais la nature presque exclusivement vol¬ canique et madréporique de ces îles , ainsi que les grandes profon¬ deurs de la mer dans leur voisinage, ne semblent pas très favorables à cette manière de voir. Au surplus, en élevant des doutes sur le déplacement des continents, je suis loin de contester que des suc¬ cessions de soulèvements et d’affaissements aient produit dans les parties de la surface terrestre où se trouvent nos continents et nos grands archipels des successions d’émersions et de submersions qui aient fortement modifié les formes des terres émergées. Tout ce que je veux dire , c’est que je suis porté à croire que les portions du globe où se trouvent nos terres actuelles ont été, dès les temps les plus reculés , celles dont l’altitude a été la plus considérable, et que la succession des phénomènes géologiques a eu pour résultat général de tendre à augmenter, dans ces mêmes portions de la surface du globe, l’étendue des terres émergées. 11 est à remarquer que cette manière de voir se trouve tout à fait en rapport avec la belle découverte de M. Elie de Beaumont, que les montagnes les plus élevées sont les plus récentes ; car on sait que , à l’époque où il y avait moins d’inégalités à la surface du globe, c’est-à-dire quand les masses qui s’élevaient au-dessus du niveau de la mer contenaient une moins grande quantité de matières solides, la surface couverte par les eaux devait être beaucoup plus étendue qu’à présent , ce qui nous explique pourquoi les débris d’animaux terrestres et d’eau douce sont si rares dans les terrains primaires. Cette manière de voir est également en rapport avec l’opinion cpù attribue l’origine de nos terres élevées au jeu des parties disloquées de l’écorce qui recouvre le noyau liquide du globe ; car on con¬ çoit que les parties qui auront été les plus disloquées et les plus soulevées dans les premiers temps auront continué à être celles qui offrent le moins de résistance à l’action des phénomènes qui ten¬ dent à dégager vers la surface certaines parties du fluide intérieur. M. Delanoue met sous les yeux de la Société un petit Bacon de protoxychlorure d’antimoine , qui a pris spontanément la forme oolitique dans un coin de son laboratoire, où il i’avait oublié. Il se trouvait, ainsi que beaucoup d’autres précipités de diverse nature, immergé dans l’eau de lavage et soumis aux légères oscillations produites par le roulement des voitures -, il est le seul qui ait pris la texture grenue. 536 SÉANCE DU 15 MARS 1847. Séance du 15 mars 18 4 7. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Delahaye, pharmacien, à Paris, rue de Lancry, 35, présenté par MM. Thirria et Sauvage. Le Président annonce ensuite trois présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le Ministre de la justice, Journal des Savants ; février 1847. De la part de M. A. Daubrée, 1° Recherches sur In forma¬ tion journalière du minerai de fer des marais et des lacs (extr. des Ann. des mines , 4e série, t. X, 1846) • in-8°, 3/t p. Paris , 1846. 2° Mémoire su/' la distribution de l'or dans la plaine du Rhin et sur V extraction de ce métal (extr. des mêmes annales , 4e série, t. X, 1846) j in-8°, 36 p., 1 pl. Paris, 1846. De la part de M. J. Durochcr , Etudes sur la limite des neiges perpétuelles (extr. des Ann. de chim. et de phys. , 3e série, t. XIX) ; in-8°, 47p., 1 pl. Paris, 1847. De la part de M. le baron d’Hombres Firmas, Rapport fait ci /’ Académie royale du Gard, su/' le Congrès scientifique de Gènes; in-8°, 24 p. Alais, 1846. De la part de M. Hardouin Michelin , Divers projets de lois et /'apports ( Chambres des pairs et des députes) relatifs d des collections d'objets d'histoire naturelle , etc . De la part de M. Ach. de Zigno, Nota, etc. (Note sur la séparation des fossiles du biancone et du calcaire ammonitique des Alpes vénitiennes) -, in-8°, 15 p. Venise, 1847. De la part de M. W. C. Redfield , On three several luirri- canes , etc. (Sur trois ouragans de l’Atlantique et sur leurs SÉANCE DU 15 MARS 1 8 /| 7 . 537 relations avec les vents frais de Mexico et de l’Amérique cen¬ trale, et quelques notices sur d’autres tempêtes) \ in-8° , 118 p., 11 pl. New-Haven, 1846. Comptes-rendus des séances de I Académie des sciences ; 1 8 Zi 7 , 1er semestre, nos 9 — 10. Bulletin delà Société de géographie , 3e série, t. VII, n° 37, janvier 1847. L’Institut ; 1847, n°* 687—688. Bulletin de la Société d’ agriculture , sciences , arts et com¬ merce du Puy ; t. IV, 4e livraison , 1846. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse ; n° 96. The Athenœum ; 1847, nos 1010 — 1011. The Mining journal ; 1847, nos 602 — 603. Boston journal of natural histoiy; vol. V, n° 11, 1845. A l’occasion du procès-verbal , M. Delbos exprime ses regrets de n’avoir pu prendre part aux discussions de la séance précé¬ dente. Dans le bassin de l’Adour, dit-il, les terrains nummuli- tiques s’offrent avec des caractères peut-être mieux tranchés que dans le reste du midi de la France-, ils y présentent trois étages bien distincts, qui ne sont pas seulement des subdivi¬ sions locales, mais qui paraissent, au contraire, se retrouver dans les Corbiéres, aux environs de Nice, en Grimée, etc. Ces ter¬ rains reposent sur une craie à Ananchytcs ovata , luoceramus Lamarckii , etc., qu’il croit du môme âge que la craie blanche du bassin de Paris. Des dolomies rougeâtres séparent les deux terrains et forment peut-être l’assise inférieure des terrains nummulitiques. Quant au véritable calcaire grossier, il ne croit pas à son existence dans les Landes et aux environs de Dax. On n’y trouve que le calcaire à Astéries , c’est-à-dire cette formation marine puissante qui recouvre les mollasses et une partie des calcaires d’eau douce du département de la Gironde. Les mollasses repo¬ sent elles-mêmes sur le vrai calcaire grossier de Blaye et de Pauiïlac (calcaire à Orbitolites). On voit donc, d’après cela , que le calcaire à Astéries se trouve aussi nettement séparé du cal¬ caire grossier par les caractères géologiques que par l’ensemble des fossiles. 538 SÉANCE DU 15 MARS 1847. Il croit que les faluns bleus de Dax correspondent exacte¬ ment au calcaire à Astéries de la Gironde. Les faluns jaunes représentent , au-contraire , les faluns des environs de Bordeaux , et offrent, comme ces derniers, plusieurs subdivisions , comme il se propose de le faire voir dans une notice qu’il prépare en ce moment. M. Boubée répond que cela n’infirme pas l’opinion de ceux qui disent que les terrains à Numinulites font partie de la craie. MM. Delbos et Michelin sont d’avis. que la forme de ces fossiles doit les faire rapprocher des terrains tertiaires. M. Del¬ bos ajoute que les terrains nummulitiques se présentent, dans le bassin de l’Adour, avec des caractères entièrement indépen¬ dants de la craie, et paraissent, au contraire, se rattacher inti¬ mement aux terrains tertiaires. M. Boubée fait observer que les Numinulites s’étendent jus¬ qu’au terrain néocomien. M. Michelin fait observer de nouveau que les Nummulites du terrain supérieur à la craie sont accompagnées de fossiles tous tertiaires. M. Deshayes oppose à M. Boubée le Mémoire deM. Leymerie. M. Delbos croit, d’après le Mémoire de M. Leymerie, que dans les Corbières les étages inférieurs dès terrains nummuli¬ tiques ne se trouvent qu’à l’état rudimentaire. L’étage supérieur s’y trouve seul bien développé. Les formations inférieures ren¬ ferment moins de fossiles analogues à ceux du bassin de Paris, mais on n’y trouve cependant aucune espèce crétacée, si ce n’est XOstrea l citer ails et Y O. 'vesiculciris ; encore cette der¬ nière est-elle très douteuse. M. Dufrénoy dit que tout le monde est d’accord pour placer le terrain à Nummulites dans une position déterminée , savoir à la séparation de la craie blanche et du calcaire grossier - que tout le monde sait aussi qu’il y existe des fossiles tertiaires et des fossiles crétacés -, la seule question qui reste est donc de savoir à laquelle de ces deux grandes formations il faut associer le calcaire à^Nummulites } les uns, dont il partage les opinions, le rangent dans les formations crétacées, par suite de l’étude de la stratification, tandis que les autres, faisant plus d’attention 539 SÉANCE DU 15 fil A II S 1847. aux fossiles tertiaires, l’associent à ces formations modernes. M. Constant Prévost demande à M. Delbos quelle est la position précise qu’il assigne aux bancs à Nummulites du port de Biaritz, et à quel point, suivant lui, serait placée la limite entre les terrains tertiaires et ceux de craie sur la falaise qui s’étend de ce même port de Biaritz à Bidart -, il est évident que les lits nombreux inclinés et disloqués que Ton poursuit, de cette dernière localité jusqu’à l’embouchure de la Bidassoa , appartiennent au système crétacé, et M. Constant Prévost avoue qu’il lui a été impossible de bien saisir la ligne de sépa ¬ ration-, il signale à M. Delbos un rocher de calcaire saccharin très volumineux, placé en mer en avant de la falaise, à peu de distance de Bidart, et nommé la Roche qui boit ,- ce calcaire contient une très grande quantité de Nummulites, peut-être d’espèces différentes de celles des rochers de Biaritz-, mais le rocher lui paraît faire incontestablement partie du terrain de craie. La roche, par son aspect , ses caractères minéralogiques, lui a rappelé , jusqu’à un certain point, les bancs évidemment crétacés du cap Passaro , du mont de Sciacca en Sicile , dans lesquels il a trouvé des Nummulites avec des Hippurites, bancs qui se voient partout concordants avec le terrain crétacé, dislo¬ qués comme lui, ‘et recouverts comme lui souvent en super¬ position ‘contrastante par le terrain tertiaire \ il rappelle à ce sujet la note qu’il a insérée dans le Bulletin de la Société géolo¬ gique , 2e série, t. II , p. 27, pl. I. M. Constant Prévost voit avec plaisir que les nouvelles ob¬ servations viennent chaque jour indiquer un passage entre les périodes secondaires et tertiaires , et contribuer à appuyer cette doctrine, que l’histoire des phénomènes géologiques ou au moins de ceux qui ont concouru à la formation du sol pourra être suivie sans interruption en partant de l’étude des causes actuellement en action jusqu’aux époques les plus reculées. Il pense que , comme l’a très bien dit M. Dufrénoy, la discus¬ sion se réduira bientôt à la difficulté d’appliquer les mots se¬ condaires et tertiaires à tels ou tels terrains , et qu’un jour on sera aussi embarrassé pour caractériser nettement ces deux groupes de matériaux du sol , qu’on l’est déjà pour séparer les terrains secondaires des terrains primaires. 540 SÉANCE DU 15 MARS 18/j 7. Ces divisions chronologiques des parties du sol sont des points pris par les géologues dans une série continue de pro¬ duits , comme ceux que les historiens prennent pour diviser L’histoire des hommes; mais, de même que certains faits et cer¬ tains évènements peuvent, dans l’histoire d’un peuple ou d’une contrée, telle que l’Europe, par exemple, servir à séparer l’an¬ tiquité, le moyen âge et les temps modernes, sans que les mêmes coupes naturelles puissent s’adapter à l’histoire de l’Asie ou de l’Amérique, de même les divisions créées par les géolo¬ gues européens ne pourraient sans doute s’appliquer à toute la surface de la terre que par des interprétations dangereuses pour les intérêts de la vérité. M. Delbos répond à M. Constant Prévost que la Roche (jui boit lui paraît appartenir encore â l’étage supérieur des terrains nummulitiques. Au-delà de cette roche, c’est-à-dire -après avoir passé le rocher du Goulet , on trouve des calcaires sa¬ bleux qui se rapportent à l’étage inférieur. Plus loin encore, les couches sont fortement disloquées par une éruption ophi- tique, et une partie des roches situées au-delà du rocher du Goulet se rapporte peut-être aux dolomies des environs de Dax. En tout cas, les assises qui forment la falaise entre ce centre de dislocation et Bidart se rapportent bien évidemment à la craie. Le contact des deux terrains doit donc se faire pré¬ cisément au point où les couches sont le plus tourmentées. M. Boubée cite Oleron, où l’on observe un mélange sem¬ blable. M. Delbos répond à M. Boubée qu’il ne connaît pas une seule Nummulite dans toute la craie authentique du midi de la France. Un fossile commun à Royan, qu’on avait rapporté à la Niuunmlites scabrci Lk., vient d’être reconnu pour n’êtrc autre chose qu’un Orbitolite. Les Nummulites, au contraire, se trouvent jusque dans le calcaire à Astéries. M. Michelin dit qu’on n’a jamais apporté des Nummulites avec des Hippurites, mais qu’il y a des bancs d’Orbitolites au milieu des terrains crayeux , et que ces fossiles ont été pris pour des Nummulites. M. Paillette dit qu’il a rapporté de Sicile des Nummulites SÉANCE DU 15 MARS 1847. 541 qui ont été vérifiées par les paléontologistes, et qui venaient d’un rocher contenant des Hippurites. M. Dufrénoy croit qu’on ne peut nier qu’il y ait des Hippu¬ rites et des Nummulites mêlées. Il faudrait établir une réunion de la Société dans les Corbières pour décider la question. M. Boubée demande que l’on continue la discussion jusqu’à ce qu’il en résulte une solution qui puisse être considérée comme l’opinion de la majorité dans la Société géologique. Il n’est pas donné suite à sa proposition. A propos de la correspondance, M. Elie de Beaumont lit les lignes suivantes de M. de Bucli : » » )> )> )) )) » » )) » » » » )) » )) » » )> /) » )) » » )) » )) )) « . J’ai retiré tant de profit des excellentes observations et descriptions consignées dans les Mémoires de Ici Société géologique de France , que j’en ai l’a nie toute remplie de reconnaissance. Je désirerais donc ardemment voir mon nom inscrit sur la liste des membres d’une Société à laquelle on est redevable de si beaux travaux... Les planches qui accompagnent le Mémoire de MM. d’Arcliiac et de Yerneuil sur les Térébratules des As¬ turies, dans 1 e Bulletin de 1845, sont admirables, et elles n’aug¬ mentent pas peu l’étonnement dans lequel doit jeter la connais¬ sance de toute une section de Térébratules jusqu’ici inconnues. Vous savez que le sinus dorsal, normal pour toutes les Térébra¬ tules, correspond à un bourrelet de la valve ventrale. Dans la section des enroulées ( cinctœ ) le sinus dorsal correspond à un sinus ventral , mais si exactement que les arêtes sur le bord du sinus sont placées sur les valves comme une espèce d’anneau qui les entoure. Dans la section des Asturies, la valve ventrale est aussi enfoncée que la valve dorsale ; mais ces deux sinus ne se correspon¬ dent pas, ce qui fait que la valve dorsale s’élève toujours vers la valve ventrale comme dans la ligure ci-jointe. MM. d’Arcliiac et de Verneuill observent très bien que cette section remar-| quable commence avec la Tcrebrcitula concen- tiica , et nomment , par conséquent , toute la section : Section des concentriques ; mais il n’y a rien de concen¬ trique dans les formes les plus remarquables : il serait donc à dé¬ sirer qu’ils eussent choisi un nom plus distinctif. .. Nous sommes enfoncés ici , presque étouffés dans les Trilobites. La Bohême en fournit une quantité étonnante , et plusieurs naturalistes les re¬ cherchent avec un soin admirable. Eu premier lieu, M. Joachim SÉANCE DU 15 MARS 18/l7. 5A2 » Barrande... Nous l’avons vu ici, et peut-être le verrai-je clans » peu à Prague, qui , grâce aux chemins de fer, est à nos portes. » J’ai reçu de lui ses noms pour les Térébratules nouvelles de la » Bohême et je m’en servirai. » ... Il fut un temps où vous aviez fait espérer une monogra- » phie de la formation nummulitique ; vous avez été le premier à » la séparer des formations crayeuse et tertiaire... Si je considère » que cette formation commence vers l’Atlantique et suit sans in- » terruption le pied des montagnes qui bordent la Méditerranée, » par l’Italie , par la Grèce , par toute la Natolie , où elle a été » poursuivie par MM. Hamilton, Edward Forbes et par les ofli- » ciers prussiens qui ont accompagné Farinée turque lors de la » bataille contre Ibrahim ; si je vois que cette formation traverse » l’Euphrate et le Tigre, qu’elle suit la chaîne des montagnes de )> Zagros (Susa est bâtie sur des nummulites) , qu’elle entre dans » le Mekran, le long du golfe Persique , qu’elle remonte les bords » de l’Indus et enfin se termine tout â coup à la jonction de la » rivière de Cabul et de l’Indus; si je vois que cette formation » s’étend sur un si grand espace du globe, je dois lui supposer une » très grande importance et j’aimerais bien à la voir décidément » séparée de la formation tertiaire. Mais ceci s’éclaircirait dans les » Àbruzzes , en comparant ce qu'on y remarque avec les pliéno- î) mènes des Alpes. M. Esclier de la Linth assure très positive- » ment que dans le Vorarlberg , au sautis du pays d’Appenzeli, » sur le lac de Wallenstadt , la formation nummulitique , sans » aucun caractère crayeux, est toujours recouverte par une masse » énorme de macigno. M. Gras nous apprend la même chose » pour les nummulites dans les Hautes-Alpes, à l’E. de Gap, » M. Pareto ne met aucun doute que les nummulites de Nice , du » col de Tende, de Menthon, ne s’enfoncent sous le macigno; » c’est encore une suite des observations de MM. Ailla dans la » Brianza. » M. Damour fait la communication suivante sur /es Geysers de /’ Islande. Analyses de quelques eaux thermales silicifères de V Islande , par M. A. Damour. Ges eaux recueillies , dans le courant de l’été de \ 8â6 , par M. Descloizeaux , chargé d une mission scientifique en Islande , ont été rapportées dans des bouteilles de verre , fermées avec des bouchons garnis de caoutchouc et soigneusement cachetées. Au SÉANCE DU 15 MARS î 8/|7. Ô/j3 sortir des bouteilles, l’eau était d’une limpidité parfaite, elle exha¬ lait une légère odeur d’hydrogène sulfuré. A l’aide des réactifs on reconnaît qu’elles renferment les prin¬ cipes suivants : soufre, chlore, acide sulfurique, acide carbo¬ nique, silice, soude, potasse, quelques traces de chaux et de magnésie . N’ayant à ma disposition qu’une petite quantité de ces diffé¬ rentes eaux, je n’ai pu toujours doser la totalité des principes qu elles retiennent en dissolution ; je me suis attaché principale¬ ment a doser, pour chacune d’elles, les proportions de la silice et des alcalis. A cet effet, un volume d’eau déterminé étant rendu acide par quelques gouttes d’acide sulfurique , a été évaporé à siccité, dans une capsule de platine, à la température de 60 degrés centigrades. Les chlorures , les sulfures et les carbonates ont été ainsi décomposés et les bases converties en sulfates. Le résidu de cette évaporation a été traité par l’eau chaude et lavé par décanta¬ tion. Le dépôt insoluble a été recueilli sur un filtre : il était formé de silice pure. La liqueur, séparée delà silice, a été évaporée à siccité, et le résidu sec chauffé au rouge dans un creuset de platine. Ce résidu , consistant en sulfate de soude, de potasse et de magné¬ sie , a été pesé exactement et redissous dans l’eau. La liqueur a été traitée par l’acétate de baryte, suivant la méthode dont on se sert généralement pour transformer les sulfates en carbonates. On a dosé la potasse au moyen du chlorure platinique , et la magnésie au moyen du phosphate de soude et d’ammoniaque. Le poids de la potasse et de la magnésie , ramené par le calcul à l’état de sul¬ fates, a été retranché du poids des sulfates réunis r I on a obtenu ainsi , par différence, le poids du sulfate de soude qui a permis d évaluer la quantié de la soude. Le chlore a été dosé à 1 état de chlorure argentique , sur une quantité d’eau à part. L’acide sulfurique a été dosé , également à part , au moyen de l’acétate de baryte. Le soufre avait été déterminé , à la source même , par M. IJes- eloiseaux , à l’aide du sulfliydromètre. L’acide carbonique a été déterminé dans le laboratoire de M. Millon , à l’aide d’un appareil analogue à ceux dont on se sert pour l’analyse des matières organiques. \oici le résultat de ces diverses analyses : SÉANCE DU 15 MARS 18/|7. 5/iZi Eau du grand Geyser. Un litre d’eau contient : c. m. r. Soufre . 0,0036 - - 2,448 hvdr. suif. par litre. Chlore . 0,1439 Acide carbonique. 0,1520 Acide sulfurique. 0,0897 Oxygène. Rapports. Silice . 0,5190 - — 0,2696 — 3 Soude . 0,3427 - °’°A7r ! 0 0892 — 1 Potasse . 0,0097 - - 0,0016 i ’ : Magnésie . 0,0031 1,2637 Si , faisant abstraction, de l’acide sulfurique , du chlore , de l’acide carbonique , on compare l’oxygène de la soude et de la po¬ tasse à l’oxygène de la silice , on observe le rapport fort simple 1 : 3. Maintenant si l’on répartit entre le chlore et l’acide sulfurique les quantités d’alcalis suffisantes pour former des sels neutres, il reste dans cette eau une proportion de soude et de silice dont les quantités d’oxygène présentent le rapport 1:9. Chlorure sodique. . 0,2638 Sulfate magnésique. 0,0091 Sulfate potassique. . 0,0180 Sulfate sodique. . . 0,1343 Acide carbonique. . 0,1520 Oxygène. Rappoits Silice . 0,5190 — 0,2696 — 9 Soude (1 ) . 0,1227 — 0,0314 — 1 Les^ autres sources m’ont également présenté entre la silice et les alcalis qu elles renferment , des rapports analogues. (■I ) -La soude, ici, n’est pas à l’état caustique, mais unie à l’acide carbonique. Or, c'est un fait connu depuis longtemps, et M. Berzélius le signale dans son Traité de chimie , savoir, que la silice se dissout à chaud dans les solutions aqueuses de carbonate de soude et de po¬ tasse, sans que l'acide carbonique uni à ces bases en soit éliminé. SÉANCE DU J 5 MARS 1847. 545 Eau de la source dite la Badstofa. Soufre . Chlore . Acide carbonique Acide sulfurique Silice . Chaux . Soude . Potasse . Magnésie. . . . 0,0061 0,1554 non déterminé 0,0397 0,2630 0,0166 0,2529 0,0124 traces Oxygène. — 0,1366 0,0647) 0,0021 \ 0,0668 Rapports. 1 si r on sature le chlore , l’acide sulfurique avec une suffisante quantité d'alcali pour former des sels neutres , on trouve : Chlorure sodique. 0,2873 Sulfate de chaux. 0,0400 Sulfate de potasse. 0,0229 Sulfate de soude. 0,0103 Oxygène. Rappoi tf Silice . 0,2630 — 0,4 366 — 8 Soude . 0,0744 — 0,0182 — 1 Acide carbonique». non déterm. Source sud du Hvergardin. Soufre . 0,0091 Chlore . 0,1732 Acide carbonique. non déterm. Acide sulfurique. non déterm. Oxygène. Rapport*. Silice. „ , . . . . 0,3105 — 0,1613 — 2 Soude . 0,3188 — 0,0815 — 1 Magnésie . traces Source du Store-H ver. Soufre. . . . Silice . Soude . Potasse. . . . 0,0030 0,3160 0,3072 0,0150 0,0785) 0,8025 j Oxygène. 0,4641 0,0818 Rapports. — 2 — \ Soc. géol 2e série, tome IV. 35 546 séance de 15 mahs 1847. Source de Laugarnes . litre d’eau contient : . O Soufre . 0,0019 Acide carbonique. . non déterm. Chlore . . . 0,0296 Acide sulfurique. . 0,0124 Oxygène. Rapports Silice . 0,1350 — 0,0701 — 3 Soude . 0,0942 — 0,0241 — 1 Potasse et magnésie. traces Ces résultats peuvent être présentés ainsi : Chlorure sodique. 0,0547 Sulfate SOdique. . 0,0221 Oxygène. Rapports. Silice . 0,1350* — 0,0701 — 5 à 6 Soude . 0 , 0 5*0 8 — 0,0130 — 1 Rapports entre les quantités df oxygène de la silice et des alcalis (1). Abstraction fuite des acides contenus dans l’eau. Déduction faite des sulfates et des chlorures. oxygéné. C Silice. . 5190 — — 0,2696 — Geyser. . . .< Soude.. 5427 — 0,0876 j 0,0892 — \ Potasse. 0097 — 0,0016 C Silice. . 2650 — — 0,1566 — Badstofa . . . < Soude. . 2529 — 0,0647 | 0,0668 — f Potasse. 0124 — 0,0021 r- 0,1615 — Hvergardin. . j goude. > 3188 - — 0,0815 - C Silice. . 5160 — _ 0,1641 - Slor-Hver. . .] Soude.. 5072 — 0,0785 J 0,0810 — ( Potasse. 0150 — 0,0025 T ( Silice. . 1550 — 0,0701 — Laugarnes. . j Soude> 094â _ — 0,0241 — oxygène. 3) ( Silice . 5190 — 0,2696 — 9 1 j ~ ( Soude. 1227 — 0,0514 — 1 2) ( Silice . 2650 — 0,1566 - 8 1 j — (Soude. 0711 — 0,0182 — 1 5 J ( Silice . *i550 — 0701 — 5 à0 1 j — ( Soude.. 0508 — 0)50 — 1 Sur ces différentes eaux, on voit qu’abstraction faite du chlore et de l’acide sulfurique, les rapports 1:3, 1 : 2, entre les alcalis et la silice, se représentent assez exactement, bien que la proportion de ces matières varie pour chaque source. Après la saturation des acides , on observe , sur les deux pre¬ mières sources , entre la silice et les alcalis restants , les rapports 1 : 8 ou 1 : 9. 11 semble que le moment où ce rapport commence (1) Ces eaux avaient aussi été analysées (les deux premières ) par le Dr Black, professeur de médecine et de chimie à Edimbourg; les ana¬ lyses de ce savant sont publiées dans les Annales de chimie de janvier à mai 1793. SÉANCE BU 15 MARS 1847. 547 à s établir soit le point de départ de la formation du dépôt sili¬ ceux. La source de Laugarnes nous offre à ce sujet un moyen de contrôle assez remarquable. Cette eau ne dépose pas d’incrustations siliceuses; M. Descloizeaux croyait que je n’y trouverais pas de silice. Or, il en est arrivé tout autrement ; elle en contient , il est vrai , moins que les autres sources , mais le rapport entre la silice et les alcalis est précisément celui qu’on observe dans l’eau du Geyser, 1 : 3. Le dosage du chlore et de l’acide sulfurique semble ici nous donner la raison de l’absence du dépôt silicieux. Il nous montre , en effet , que la proportion de ces acides étant relative¬ ment plus faible dans cette eau cpie dans les précédentes , une plus grande quantité d alcalis doit rester libre. Après la saturation faite, la soude et la silice que nous supposons, combinées dans la disso¬ lution aqueuse , présentent le rapport 1:5, ou peut-être 1:6, au lieu de 1 : 9. Pour déterminer la formation du dépôt silicieux il faudrait donc introduire dans cette source une quantité de chlore ou d’acide sulfurique suffisante pour rétablir entre la silice et la soude restées libres le rapport 1 : 8 ou 1 : 9. La silice contenue dans ces différentes eaux de sources de l’Islande , me paraît avoir primitivement été dissoute à l’état de silicate alcalin : (N«, K) Si : (Nu, K)3 S i(l) 2 Ces deux silicates que j’ai reproduits artificiellement , sont , en effet, très solubles dans l’eau (1). Plus tard, les vapeurs sulfu¬ reuses, chlorhydriques, etc., arrivant dans ces eaux par les con¬ duits souterrains et saturant la dissolution siliceuse alcaline , ont notablement modifié sa composition première. La quantité d’al¬ cali , combinée à la silice , a subi de cette manière une réduction continue , et le rapport primitif 1 : 2 ou 1 : 3 est devenu 1:9. A cet état de saturation , une certaine proportion de silice cessant d’être soluble, a du se déposer, et il semble assez vraisemblable que la quantité de silice qui se dépose journellement correspond à la quantité d’alcali qui se trouve saturée sans cesse , soit par suite de l’action des fumerolles , soit par l’effet de l’oxydation des sulfures alcalins transformés en sulfates au contact de l’oxygène de l’atmosphère. Le silicate alcalin, dont nous supposons la préexistence, ne (l) Je dois rappeler à cette occasion les travaux de M. Forchhammer sur les silicates artificiels de potasse et de soude. ( Annales des mines , t. IX, 3* série.) SÉANCE DU 15 MARS 18/|7. 548 peut-il pas avoir été enlevé aux roclies qui servent de réservoir à ces eaux? À cette occasion, je dois exposer ici le résultat de quel¬ ques essais que j’ai commencés pour étudier quelle est l’action de l’eau pure sur certains silicates. Comme les silicates de soude ne sc trouvent dans la nature que combinés avec une notable proportion d’alumine, j’ai voulu, pour ces essais , me renfermer dans la limite des composés naturels, et j’ai choisi d’abord un minéral qui se trouve assez répandu parmi les roches volcaniques anciennes. Ce miné¬ ral est la mésotype. 11 est, comme on le sait, composé de soude , d’alumine , de silice et d’eau , dont les quantités d’oxygène sont entre elles comme 1 : 3 : 6 : 2. Si l’on chasse l’eau de cette sub¬ stance , par une faible calcination , on obtient un produit qui re¬ présente exactement la composition du Ryacolithe, espèce minérale de même formule que le Labradorite, et que l’on considère comme faisant partie constituante de beaucoup de roches trachytiques. En chassant l’eau de la mésotype , je me suis donc procuré du ryaco¬ lithe pur, mais désagrégé , et offrant la propriété de se combiner de nouveau avec une certaine proportion d’eau , ainsi qu’il arrive pour le gypse cuit. Une quantité de cette matière , pesant 8gr,9770, a été placée dans une capsule de platine remplie d’eau distillée , et exposée pendant vingt-quatre heures à une température de 50° à 60° centig. La liqueur bien éclaircie a été évaporée à siccité dans une autre capsule de platine. Il est resté un résidu notable de matière alcaline silicifère. Traitée par l’eau, cette matière s est redissoute , et quelques gouttes d’acide chlorhydrique y ont dé¬ terminé une effervescence. Evaporée de nouveau, à une faible cha¬ leur, la liqueur a laissé apparaître des cristaux très nets de chlo¬ rure sodique. J’ai renouvelé cette expérience avec quelques modifications. 12Sr,8190 de mésotvpe préalablement chauffés au rouge, dans un creuset de platine , ont été mis en digestion dans un ballon de verre, avec 5 décilitres d’eau distillée ajoutés et décantés successi¬ vement. Chaque digestion a duré de vingt à vingt-quatre heures, sous l’influence d’une température de 80° à 90°. Chaque décilitre , évaporé à siccité , a donné un résidu salin dont le poids a été déterminé Résidu donné par le 1er décilitre. 0gr,1 330 Id. 2e — 0 ,0950 Id. 3e — 0 ,0830 Id. 4e — 0 ,0770 Id. 5e — 0 ,0510 Poids total de ces résidus . 074410 SÉANCE DU 15 MARS 1 8 Zl 7 . 549 Traitée par l’eau , la matière saline s’est redissoute en grande partie ; cependant la liqueur est restée troublée par une matière floconneuse très lente à se déposer. La liqueur exerçait une réac¬ tion alcaline. Traitée par l’acide chlorhydrique, elle a manifesté une vive effervescence, et est devenue parfaitement limpide. Eva¬ porée à siccité , elle a laissé apparaître des cristaux de chlorure sodique. Le dépôt salin, repris par l’acide chlorhydrique, et par l’eau, s’est dissous en majeure partie en laissant une quantité no¬ table de silice pure. La liqueur, séparée de la silice , a été saturée d’ammoniaque. Il s’est précipité de l’alumine qui a été recueillie. La liqueur séparée de l’alumine a été évaporée à siccité , et le ré¬ sidu chauffé au rouge pour chasser les sels ammoniques. Le poids du chlorure sodique , resté fixe , a servi à évaluer la proportion de la soude. Cette analyse a donné : Silice . 0,0395 Alumine . 0,0360 Soude . 0,2398 Acide carbonique (par différence). 0,1257 Matière dissoute par i/a litre d’eau. 0,3153 0,4410 Ainsi, un demi-litre d’eau, agissant par fractions sur 12sr,8190 de mésotype préalablement calcinée, a pu dissoudre 0§r,3153 des parties constituantes du minéral. L’acide carbonique, qui figure dans cette analyse avait été enlevé à l’air ambiant par la liqueur alcaline, pendant que cette liqueur était soumise à l’évaporation. Si I on compare entre elles les quantités d’oxygène de la silice et de la soude dissoutes par l’eau, on trouve le rapport suivant : Oxygène. Rapports. Silice. . . 0,0395 — 0205 — 1 Soude.. . . 02398 — 0613 — 3 Ce rapport est l’inverse de celui qu’on observe sur les quantités de silice et de soude contenues dans les eaux du Geyser et de Lau- garnes. 11 montre cependant avec quelle facilité certains silicates alumineux alcalins peuvent être attaqués et décomposés par l’eau. Un savait déjà que l’eau distillée enlève aux vases de verre , dans lesquels on la fait bouillir, des quantités appréciables de silice ; dans la dernière expérience que je viens de décrire, le minéral, mis en contact avec l’eau chaude , était contenu dans un ballon de verre ; l’opération terminée, je n’ai remarqué aucune altération sur ce ballon : il semble que l’action dissolvante de l’eau se soit ainsi portée exclusivement sur le minéral. En opérant, en premier lieu, 550 SÉANCE DU 15 MARS 1 8 Z| 7 . dans des vases de platine, j’ai cru d’ailleurs prévenir l’objection qu’on aurait pu me faire sur l’origine des matières dissoutes par l’eau. Ces observations me semblent venir à l’appui de l’opinion que j’ai émise sur l’origine de la silice et des sels contenus dans les sources chaudes de l’Islande. L’eau, agissant à une température de plus de 120°, sous une pression très considérable et pendant une durée indéfinie sur les roclies trachy tiques et zéolithiques probablement désagrégées qu’elle pénètre et traverse , doit dis¬ soudre une proportion notable des éléments qui constituent ces roches. Or, ces éléments ne sont autres que la silice , l’alumine , la soude, la potasse et la chaux. L’alumine et la chaux ne restent pas longtemps en dissolution dans les liqueurs siliceuses alcalines ; ces deux matières , en effet , m’ont paru ne pas se trouver, du moins en quantité appréciable, dans la plupart des eaux dont j’ai fait l’analyse ; la silice , la soude et la potasse y sont , au contraire , fort abondantes , et s’y conservent en différentes proportions. Je me propose de continuer ces recherches en étudiant l’action de l’eau sur d’autres silicates naturels, et sur les roches d’origine volcanique. M. Boubée dit que M. Damour nous met sur une voie très précieuse, et cependant il croit qu’en s’attachant exclusivement à la mésotype il s’écarte du but même qu’il semble se proposer j qu’il y a une foule d’autres silicates et particulièrement les feldspaths, qu’il faudrait essayer. M. Damour répond qu’il n’a pas eu la mésotype seule en vue ; qu’il a commencé cet essai sur la mésotype comme il eût pu le faire sur toute autre espèce minérale, et que les dernières lignes de la notice qu’il vient de lire exprimaient suffisamment son intention d’appliquer ce genre d’essai à des roches de diffé¬ rente nature. M. Descloizeaux lit la note suivante : Observation sur les deux principaux Geysers de V Islande , par M. Descloizeaux. Les deux principales sources thermales jaillissantes dont M. Des¬ cloizeaux a observé les températures à différentes profondeurs, au mois de juillet 18^6, sont celles qui sont connues sous les noms de Grand-Geysir et de Strokkur. Les expériences ont été combinées de manière à connaître les températures à différents niveaux , immédiatement avant et immé- 551 SÉANCE EU 15 MARS 18/|7. diatement après une grande éruption» Ces températures ont aussi été déterminées pendant une éruption et dans l’ijatervalle de deux éruptions consécutives. Les thermomètres employés par M. Descloizeaux étaient des thermomètres à déversement , construits , sur les indications de M. Régnault, par Bunten. M. Bunsen, professeur de chimie à Marbourg, qui se trouvait en Islande en même temps que M. Des¬ cloizeaux , a employé concurremment et aux mêmes expériences , des thermomètres construits par lui-même sur le même principe que ceux de M. Descloizeaux, et n’en différant que par quelques détails de construction. Voici les résultats obtenus par ces deux observateurs : 1° Grand Geysir. Le 7 juillet , à deux heures cinquante-cinq minutes du soir, quatre heures avant une grande éruption : bassin rempli; profon¬ deur totale, 23n,,50; longueur de la ligne , 22n,,85.. Températures. Hauteurs. 85°, 0 . 22“ 85 85°, 2 ....'. 4 9ni,55 4 06°, 4 . 4 4m,75 420°, 4 . 9m,85 4 23°, 0 . 5n\00 427°, 5 . 0m,30 fond. Température moyenne, 4 08°, 33 Le 7 juillet, à neuf heures qua¬ rante-cinq minutes du soir, deux heures après une grande éruption : le bassin à moitié plein ; hauteur de la colonne d’eau , 22lT\75 ; lon¬ gueur de la ligne , 22m,50. Températures. Hauteurs. 85°, 0 22m,50 4 03°,0 . 1 3m,50 1 24 °,0 9ni,70 422°, 5 .... 0n\30 fond. Température moyenne, 4 08°, 83 Le 7 juillet, à six heures cin- quante-huit minutes du soir, dix minutes avant une grande érup¬ tion : bassin rempli , profondeur totale, 23m,50; longueur de la ligne , 22m,85. Températures. Hauteurs. 85°, 0 . 22nl,85 84°, 7 . 4 9n,,55 4 4 0°,0 . 4 4m,75 4 24 °, 8 ..... 9,u,85 4 26°, 5 . 0m,30 fond. Température moyenne , 4 09°, 49 Le 6 juillet, à huit heures vingt minutes du soir, neuf heures après une grande éruption , et vingt-trois heures avant l’éruption suivante : •bassin rempli ; longueur de la ligne, 22m,85. Températures. Hauteurs 85°, 0 . 22m,85 82°, 6 . 4 9“,20 85°, 8 . 4 4m,40 4 4 3°,0 . 9m,60 4 22°, 7 . 4m,80 4 23°, 6 . . . , . 0m,30 fond Température moyenne, 102°, 30 SÉANCE DU 15 MA liS 1847. Le 14 juillet, à trois heures quinze minutes du matin , un ther¬ momètre, plongé-à 4 mètres au-dessus du fond pendant une grande éruption, a accusé une température de 124°, 24. Les résultats, consignés dans ce tableau, montrent donc qu’il y a , au fond du Grand-Geysir, un maximum de température immé¬ diatement avant, et un minimum immédiatement après les grandes éruptions ; la température moyenne de la colonne totale variant d’ailleurs dans des limites assez restreintes. Le calcul montre que le point d’ébullition d’une colonne d’eau , ayant la hauteur et la densité de celle du Geysir, serait : Dans les circonstances où ont été faites les deux premières expé¬ riences , de . 136°, 15 Maximum trouvé . 127° en moyenne. Différence . 9°, 15. Dans les circonstances où ont été faites les troisième et qua¬ trième expérience, ce point d’ébullition serait de 135°, 398, et 13 6°, 28. Les minima trouvés dans ces expériences sont 12 2°, 5 et 123°, 60. La différence avec le calcul est donc de 12°, 898 et 12°, 68. Ainsi , au point le plus bas de la colonne du Geysir que le ther¬ momètre puisse atteindre , l’eau n’est pas en ébullition. 11 faut donc en conclure que le foyer quelconque qui échauffe cette eau n’est pas placé immédiatement au-dessous de ce point inférieur, mais qu’il en est situé à une distance peut-être très considérable. Cette circonstance , ainsi que l’existence d’un maximum et d’un minimum de température, ont conduit M. Descloizeaux à donner l’explication suivante de la manière dont doit se produire le phé¬ nomène du Geysir. Supposons que la colonne d’eau du Geysir communique par un canal long et sinueux avec l’espace quelconque qui reçoit l’action directe de la chaleur souterraine; après une grande éruption, pen¬ dant laquelle il y a eu projection d’une grande quantité d’eau et de vapeur, les parties inférieures de la masse liquide sont refroi¬ dies , et la vapeur d’eau qui arrive toute formée du réservoir soumis à l’action de la chaleur , a une tension moindre que celle à laquelle peuvent faire équilibre le poids de la colonne d’eau et celui de l’atmosphère ; cette vapeur vient donc se condenser au contact de l’eau qui remplit le canal sinueux, et elle abandonne à cette eau sa chaleur latente. L’accroissement de température de l’eau du canal se transmet de proche en proche jusqu’à la partie inférieure de la colonne centrale du Geysir, où le ther- SÉANCE DU 15 MARS 1 8 Z| 7 . 553 momètre peut pénétrer, mais cet accroissement est retardé par l’air atmosphérique et les autres gaz que la vapeur entraîne avec elle ; cependant , au bout d’un temps plus ou moins long , l’eau du canal doit bouillir, et la vapeur qui continue à se former ne peut plus s’y condenser ; cette vapeur doit donc s’accumuler et acquérir une tension de plus en plus grande , jusqu’à ce que cette tension soit capable de vaincre la résistance de la colonne cl’eau, et de la lancCr en l’air. Si le dégagement souterrain de vapeur était parfaitement régu¬ lier , les éruptions devraient se succéder à des intervalles à peu près égaux ; mais il n’en est pas ainsi , et une série d’observations com¬ mencée le 3 juillet et terminée le 15 , a montré qu’il y a , à peu d’exceptions près , une éruption tous les jours , mais que les inter¬ valles qui séparent deux éruptions consécutives varient de douze à trente heures. Les deux plus hautes éruptions de la première quinzaine de juillet , dont la hauteur au-dessus de la base du cône du Geysir a été mesurée par M. Sartorius de Waltershausen, ont atteint, l’une à7m,10 , et l’autre 49m,37. 2° Strokkur. Le Strokkur, situé à une petite distance du Grand-Geysir, offre des dimensions beaucoup moins considérables que celui-ci ; cepen¬ dant les éruptions atteignent des hauteurs tout aussi grandes sans offrir plus de régularité dans leur retour. Voici les températures qui ont été observées à différentes hau¬ teurs de la colonne cl’eau qui remplit le canal du Strokkur : Le 8 juillet, à quatre heures trente-huit minutes du soir; hau¬ teur de la colonne d’eau au-dessus du fond , 1 0m,1 5. Le 9 juillet, à cinq heures trente-deux minutes du soir, une heure après une grande éruption : hauteur de la colonne d’eau au- dessus du fond, 10m,50. Températures. 100°,0 I 08°,0 I 11°, 4 112°, 9 Température moyenne, Hauteurs. I 0m,1 5 6m,00 3m,00 0m,30 fond. 104°, 77 Températures. . 100°, 0 . 100°, 5 . 109°, 3 . 11 4°, 2 . Température moyenne , Hauteurs. 10n\50 9m,20 6m,20 2ni,95 fond. 105°, 79 55Zi SÉANCE OU 15 31 A RS 18/l7. Le 10 juillet, à six heures cin- Température au fond pendant quante-sept minutes du soir, six une grande éruption, 115°. heures après une grande éruption : hauteur de la colonne d’eau au- dessus du fond, 10 mètres. Températures. Hauteurs. 99°, 9 10"\00 99°, 9 .... 8ra,85 11 3°, 7 4m,65 11 3°, 9 0m,35 fond. Température moyenne, 105°, 27 Le point d’ébullition d’une colonne d’eau d’une hauteur égale à celle du Strokkur, serait à sa base de 120°,0/i3. Le maximum trouvé est de 115° ; c’est donc une différence avec le point d’ébullition de 5°, 043. Ainsi, comme au grand Grand-Geysir, la colonne qui remplit la canal du Strokkur ne bout pas à sa partie inférieure ; l’explica¬ tion donnée pour la première de ces sources jaillissantes s’appli¬ que donc également à la seconde. M. Martins demande si l’explication de M. Descloizeaux dif¬ fère de celle de M. Lottin. M. Descloizeaux répond que M. Lottin n’a fait que répéter ce qu’a dit Mackensie. A la suite de la communication do M. Descloizeaux , M. An¬ gelot exprime l’opinion que , dans les canaux sinueux et les cavernes servant de conduits ou de réservoirs aux eaux des Geysers, l’accumulation des vapeurs d’eau n’est que la consé¬ quence de l’équilibre existant dans l’eau entre les températures et les pressions supportées, et de l’addition à chaque instant d’une nouvelle quantité de chaleur. L’équilibre, dans l’eau, des températures avec les pressions supportées est la loi géné¬ rale, non seulement des Geysers et autres sources jaillis¬ santes d’Islande, mais ce doit être celle de toutes les sources bouillantes dans tous les pays; et cela , quelle que soit la source de chaleur; que ce soit des roches fortement échauffées, ou môme des matières minérales liquides à de grandes profon¬ deurs , pourvu toutefois que cette source de chaleur soit suf¬ fisante et placée par en-bas ; ce qui est ici le cas le plus probable. 555 SÉANCE MJ 15 MARS 18/|7. C’est, en un mot, le phénomène de l’ébullition de l’eau sur une très grande échelle , mais dans un vase chauffé par dessous et d’une forme particulière. Si l’observation des températures de l’eau à diverses profon¬ deurs , dans les puits des Geysers , donne des résultats infé¬ rieurs de quelques degrés centigrades à ceux que doit donner cette théorie, ces résultats n’y sont cependant 'pas contraires-, ils en sont même beaucoup plus rapprochés que de ceux de la théorie de la diminution des températures avec l’augmentation de la profondeur, ou même de l’égalité des température^ toute profondeur. La cause de cette différence, d’ailleurs assez légère, est la perturbation momentanée que les éruptions apportent à l’état normal , parce que l’eau rejetée est remplacée par des eaux plus froides et originaires de la surface , apportées par d’autres canaux. Dans ces nouvelles eaux , la détente opérée de la vapeur d’eau produite inférieurement tend à ramener l’équilibre des températures avec les pressions, jusqu’à ce que, l’absorption de cette vapeur ne pouvant plus avoir lieu, le bouchon aqueux soit de nouveau projeté. Aussi les intervalles entre les éruptions naturelles doivent être à peu près propor¬ tionnels à la quantité d’eau projetée -, c’est-à-dire que l’inter¬ valle entre deux éruptions doit être d’autant plus grand que la projection d’eau dans l’éruption précédente a été plus consi¬ dérable, puisque la source de chaleur restant à peu près constante , la quantité d’eau à réchauffer est plus considé¬ rable. Mais la température des eaux superficielles amenées par des canaux déférents doit être quelque peu variable par suite des variations de la température extérieure, et aussi suivant leur abondance plus ou moins grande et leur séjour plus ou moins prolongé dans les réservoirs où elles se rassemblent. Il en résulte dés lors certaines variations dans la durée du réchauf¬ fement et par suite dans la proportionnalité absolue des érup¬ tions d’eau et dans la régularité de leur intermittence. Celte explication des phénomènes des Geysers a d’ailleurs beaucoup d’analogie avec celle par laquelle on peut rendre compte de l’intervention des eaux superficielles dans les phénomènes vol¬ caniques. 556 SÉANCE DL 15 MARS 18/j7. M. Descloizeaux répond que les dissolutions ne suffisent pas pour expliquer les différences de températures observées. M. Martins demande de quels instruments M. Descloizeaux s’est servi. M. Descloizeaux répond qu’il s’est servi des thermomètres à déversement construits par Bunten. M. Boubée rfe comprend pas la distribution de la chaleur dans les Geysers indiquée par M. Descloizeaux ^ il croit que ces eaux devraient être à une température uniforme après une éruption. M. de Verneuil présente à la Société une Orlhocératite gi¬ gantesque qu’il a rapportée d’Amérique, et donne les détails suivants sur les caractères et le gisement de cette espèce. Les Orthocératites , de même que les Ammonites , atteignent parfois des dimensions que n’ offrent plus les Céphalopodes actuels. Sous le rapport du volume et du poids , la coquille la plus con¬ sidérable de nos jours se rencontre parmi les Acéphales ; tout le monde connaît la Triclacne gigantesque (Lam.), cette coquille qui semble être hors de proportion avec toutes les autres. Quoique beaucoup plus pesante sans doute que n’ont dû l’être les coquilles pélagiennes des Orthocératites, les Tridacnes sont bien moins lon¬ gues , et aucune coquille , soit des temps géologiques , soit des mers actuelles , ne peut être comparée , sous ce rapport , à certaines ^ espèces d’ Orthocératites , telles entre autres que celle que je mets sous les yeux de la Société. Cette grande longueur des Orthocéra¬ tites avait déjà attiré l’attention des paléontologistes et plusieurs auteurs avaient soupçonné qu’il pouvait en avoir existé de 2 mètres de long. C’est lataille que M. d’Archiac et moi nous avions assignée à l’ O. triangularis , décrite dans notre mémoire sur les fossiles du terrain ancien des bords du Rhin. Cependant, jusqu’à présent, les échantillons connus dans les plus riches collections étaient loin d’atteindre cette dimension , et le fragment que nous possédons de Y O. triangularis n’a que 36 centimètres. Les échantillons les plus beaux que nous ayons vus sur les grandes dalles de calcaire rouge de la Dalécarlie , près du lac Siljan , n’avaient qu’environ 66 ccnti- / • (!) Cette espèce, très différente de la nôtre par sa forme effilée, n'a que 2 centimètres 1/2 de diamètre, c’est-à-dire le huitième de celle que je présente ici. SÉANCE DU 15 MARS 1847. 557 mètres (2 pieds); enfin la magnifique espèce que M. Défiance a présentée l’année dernière à la Société, et dont il a enrichi les galeries du Muséum d’histoire naturelle , n’a qu’un mètre de long , et n offre que 74 cloisons. L’échantillon que j’ai rapporté d'Amérique a ln,,85 de longueur, et on y compte 125 cloisons. 11 est composé de plusieurs fragments trouvés dans la même carrière , et ayant appartenu , sinon au même individu, du moins à la même espèce. Le diamètre de la coquille, mesuré à l’endroit de la dernière chambre, est de 20 à 22 centimètres, et la longueur de la dernière chambre de 40 centi¬ mètres. Ainsi que je viens de le dire , l’échantillon est fracturé, et si l’on cherche à le restaurer, voici ce que l’on observe. Le der¬ nier fragment est encore d’un diamètre considérable (7 centi¬ mètres), et il est facile de s’assurer que son extrémité est loin d’être celle de la coquille. En mesurant le décroissement du cône , on est conduit à supposer qu’il manque à cette partie au moins 70 à 75 centimètres. Entre les deux principaux fragments, c’est-à- dire vers le milieu , il y a également une partie qui manque , et qui devait avoir environ 30 centimètres; enfin la dernière loge paraît être brisée à son ouverture, et, en y ajoutant 20 centimètres, on restera encore au-dessous de la vérité. Ainsi restaurée, cette espèce aurait au moins trois mètres. Quant au nombre total présumé des cloisons , on voit que celles qui existent, très rapprochées les unes des autres, sont espacées de 10 à 13 millimètres près de la bouche , et de 5 à G à l’autre extrémité. Si on ajoute à cette extrémité, là où les cloisons sont très serrées , une longueur de 7 0 centimètres qui lui manque , on aura environ 100 cloisons de plus; la partie médiane qui manque pouvait avoir encore 25 cloisons, en sorte qu’on arrive à 250 pour le nombre total des cloisons dans cette espèce. Ces cloisons sont assez bombées ; leur convexité , mesurée là où la coquille a un demi-mètre de circonférence , est à peu près de 4 centimètres. Ainsi 3 mètres de long , 60 à 64 centimètres de circonférence , et 250 cloisons, telles sont en somme les dimensions et les divisions naturelles de cette gigantesque coquille. De pareilles proportions ne semblent-elles pas inconciliables avec l’idée que conservent encore certains paléontologistes , que les Orthocératites ont été des coquilles internes ? Pour achever de faire connaître cette espèce , il est important de parler du siphon. Placé sur le bord de la coquille, il occupe une partie de la cloison d’autant plus grande que l’animal est plus vieux, c’est-à-dire le tiers dans le jeune âge et la moitié dans l’àge 558 SÉANCE DU 15 MARS 18/|7. adulte. Le docteur Dale Owen possède une Ortliocératite de la même formation , où le siphon occupe les trois quarts de la co¬ quille. Dans la mienne , le siphon paraît n’avoir été destiné qu’à contenir une partie charnue, qui l’a laissé vide après la* mort de l’animal, car il est rempli, tantôt de spath calcaire, tantôt d’une pâte semblable à celle qui remplit les cloisons. Dans l’espèce que j’ai vue chez le docteur Owen , le siphon, au contraire , présente un tube calcaire intérieur , comme dans certaines espèces prove¬ nant du Trenton limestone de l’Etat de New- York (1). Quelle que soit la disproportion de ce siphon avec celui des Nau¬ tiles, je suis porté à croire qu’il avait la même destination , c’est-à- dire celle de fixer l’animal à son enveloppe calcaire. Dans des co¬ quilles droites et aussi longues , où les cloisons n’étaient pas main¬ tenues par leur forme spirale, on conçoit que l’animal ait eu besoin d’un muscle beaucoup plus fort que chez les Nautiles, et d’ailleurs h existence, dans certaines Orthocératites , de siphons assez sem¬ blables à celui du Nautile , et le passage qu’on observe entre ces petits siphons et ceux qui nous occupent, conduisent encore à la même conclusion. C’est un feit assez général et qui m’a frappé , que les Orthocéra¬ tites, à large siphon latéral ne se rencontrent que dans 1 étage infé¬ rieur du système silurien. Celle que je présente ici a été trouvée à Galcna , petite ville située au N. de l’Etat des Illinois, sur un affluent du Mississipi nommé fevcr river. La carrière d’où elle a été extraite est ouverte dans un calcaire bleuâtre , connu sous le * nom de blue limestone par les géologues des Etats du Tennessee, de l’Ohio et d’Indiana. Le blue limestone correspond à ce grand ensemble de couches que les géologues de New-York ont désigné sous le nom de Hudson river grôup et de Trenton limestone , et qui forme la partie supérieure et moyenne de ce que nous appelons étage silurien inférieur. Pour le comparer à nos dépôts d’Europe, je dirai que c’est à peu près le Caradoc. sandstane et les Llandcilo J/ags des géologues anglais. Avec l’ Ortliocératite et dans les mêmes couches, se rencontrent les fossiles suivants : Isotelus meeistos (Locke), Ccraurus p leur ex an th em us (Green), Subulitcs elongata ( Emmons), Leptæna alternata (Eminons), L. semi ovalis (voisine du L. sericea ) , Orthis testudinaria (Daim.). Ces espèces sont les (1) C’est dans un tube semblable que se moulent ces corps allongés que M. Eichwald a appelés Hyolithes , et que l’on trouve aux environs do Saint-Pétersbourg. Voir notre ouvrage sur la Russie et l’Oural , yoI. II , p. 350. 559 SÉANCE DU 15 MARS Î8/|7. plus caractéristiques du bluc limestone , et se rencontrent de l’E. à 10. , depuis l’Etat de New-York jusque sur les bords du haut Mis- sissipi , c’est-à-dire sur des points éloignés de 17° en longitude, et du N. au S. , depuis Galena jusqu’aux frontières méridionales de lEtat.de Tennessee, c’est-à-dire sur 8° en latitude. Qu’on ne croie pas toutefois que l’étage inférieur du système silurien soit à décou¬ vert sur tout cet espace : il y est souvent recouvert par l’étage silu¬ rien supérieur , par le système devonien , et par ces magnifiques dépôts carbonifères qui feront un jour la fortune des Etats-Unis. Galena est situé près du point de contact des étages inférieur et supérieur du système silurien , et notre grande Ortliocératite est à peine à 100 pieds au-dessous de cette limite. Le terrain silurien su¬ périeur se compose d’un calcaire magnésifère très riche en plomb, qui constitue la région métallifère du liant Illinois et du Wiscon¬ sin , et sur lequel je reviendrai plus tard. 11 existe , à ne prendre que les caractères minéralogiques , une démarcation assez nette entre le bine limestone et le calcaire magnésien métallifère qui le surmonte, mais cette démarcation minéralogique ne correspond pas à la division des deux grands étages siluriens fondée sur les carac¬ tères paléontologiques. Les couches les plus basses du calcaire ma¬ gnésien contiennent encore des fossiles de l’étage silurien inférieur, de sorte que la division des deux étages du système silurien s’éta¬ blit vers la partie inférieure du calcaire magnésien , mais non pas à sa base , et ne correspond à aucune différence tranchée dans la nature minéralogique des couches. Je terminerai en proposant pour cette espèce le nom d’O. Hcrcu- leanus , celui d’O. gi gantais ayant déjà été employé par Sowerby, et en faisant remarquer les grands rapports qu elle a avec les O. du¬ plex et commuais des calcaires siluriens inférieurs de la Russie et de la Suède , dont elle ne se distingue que par sa taille et par ses cloisons un peu plus rapprochées. M. Le Blanc montre un globe de 0m,56 de diamètre, qui a été publié par M. Albrecht Platt, à Magdebourg. Ce globe , très bien fait, sur lequel sont rapportés les courants marins, a été colorié géologiquement par M. Le Blanc, d’après la carte de M. Boué. 560 ADDITION A LÀ SÉANCE DU 1er MARS 48Z|7. Addition à la séance du 1er mars 1/|87. M. Leymerie, qui considère depuis longtemps le terrain à Nummulites comme lié au terrain évidemment crétacé du midi de la France, annonce qu’il a tout récemment découvert une preuve évidente de ce fait important. Ce fait consiste en la pré¬ sence , comme fossile habituel , de la Térébratule qu’il a décrite sous le nom de T. tenui- striata et de VOstrea latéral is Nilson, d’une part dans des marnes d’un gris bleuâtre , riches en fossiles tertiaires du bassin de Paris, et, d’autre part, au mi¬ lieu de marnes identiques minéralogiquement à celles-ci , qui dépendent d’un terrain où il n’existe plus de fossiles tertiaires, mais bien des fossiles évidemment crétacés , par exemple : le Peeten striato-costatus , Ostrea carinata , Terebratula al ai a , Eocogyra cornu-arietis , Ananchytes ocntus , etc. Pour M. Lev merie ces deux assises marneuses , dont l’une s’observe en un grand nombre de points des Corbiéres , et dont l’autre gît dans les départements de la Haute- Garonne et des Hautes-Pyrénées , ne sont que deux faciès d’un seul et même terrain , et consti¬ tuent un passage paléontologique irrécusable entre la faune ter¬ tiaire et la faune crétacée. M. Leymerie rappelle , à ce sujet , une idée qu’il a déjà émise dans une autre circonstance, et qui consiste en ce que les types géognostiques de la région méditerranéenne, à partir du trias, ne paraissent pas concorder avec ceux admis d’après les tra¬ vaux des géologues du nord de l’Europe. Peut-être faudrait-il un cadre spécial pour les terrains du midi. C’est sous l’empire de cette idée qu’il a considéré le terrain à Nummulites médi¬ terranéen comme pouvant représenter à la fois la partie supé¬ rieure du T. crétacé et la partie inférieure du T. tertiaire du nord, manière de voir qui se trouve assez bien représentée par l’expression ééépicrétacé dont il se sert pour désigner le terrain en question. M. Leymerie profite de cette circonstance pour appeler l’at¬ tention de la Société sur le danger d’employer exclusivement les caractères paléontologiques dans la détermination et dans le classement des terrains. ADDITION A LA SÉANCE DU lei MARS 1847. 561 M. Boubée répond ù M. Leymerie : Il est évident pour moi que tous les terrains tertiaires du Midi doivent être élevés d’un étage : ainsi il y a longtemps que j’ai sou¬ tenu que le prétendu terrain diluvien de l’Aude , notamment le diluvium des cavernes à ossements, devait être considéré comme postdiluvien , et j’ai cherché aussi à démontrer que les terrains qui occupent la presque totalité du département de la Haute-Garonne et une partie des départements qui l’entourent appartiennent, non pas au terrain tertiaire supérieur, comme on le pense , mais au terrain quaternaire de quelques auteurs , nom fort impropre , cf auquel j’ai proposé de substituer le nom de postdiluvium , en divi¬ sant ce terrain en deux groupes : le postdiluvium sicilien pour les dépôts marins , et le postdiluvium toulousain pour les dépôts la¬ custres. (Voir mon Manuel de géologie , p. 202, 4e édit.) — J’ai montré cjue les terrains de Perpignan sont aussi postdiluviens (post- diluvium sicilien) , et non pas tertiaires supérieurs , comme on le soutenait. Si maintenant on démontre que le terrain tertiaire in¬ férieur de Bordeaux est du terrain tertiaire moyen, il en résultera que les calcaires de l’Agenais et les autres formations marines de Bordeaux appartiennent à l’étage supérieur , et qu’ ainsi il faut remonter d’un degré tous ces groupes , qu’on avait tous classés d’un étage trop bas pour les avoir considérés chacun isolément. M. Dufrénoy fait remarquer que le terrain à Nummulites est recouvert, prés de Saint-Justin, dans les Landes, par le calcaire grossier en couches horizontales, en sorte qu’il lui parait plus rationnel d’associer le calcaire à Nummulites avec les formations crétacées qu’avec les terrains tertiaires. Quant à l’association qu’il fait du calcaire de Saint-Justin au calcaire grossier, elle repose sur deux observations : la première, son identité avec le calcaire de Saint-Macaire et de Blaye, dont la position sur la craie est bien caractérisée dans les départements de la Dordogne et de la Gironde -, la seconde, le grand nombre de fossiles com¬ muns entre ce calcaire et celui désigné par le nom de calcaire grossier dans le terrain de Paris. M. Leymerie répond que , sans avoir visité les localités citées parM. Dufrénoy, il connaît parfaitement les faits dont il s’agit, faits qui se trouvent consignés dans les Mémoires de ce savant o'éologuë. Mais la discordance de stratification sur laquelle s’ap- Soc. (jéol., 2'' série, tome IV. 3G 5t>2 ADDITION A LA SÉANCE Dü 1er MARS 18/|7. puie M. Dufrénoy perdrait beaucoup de son importance, si le terrain calcaire marin de Saint-Justin était, ainsi que celui de Bordeaux (non pas celui de Blaye), supérieur au terrain la¬ custre du bassin sous-pyrénéen, comme les travaux récents des géologues du Midi tendraient à le faire croire; car il faudrait alors ranger ces calcaires dans la mollasse. r A l’occasion de la communication de M. Leymerie , M. Elie de Beaumont expose en peu de mots la manière dont il a classé, dans ses derniers cours, la partie de la série des terrains stra¬ tifiés qui s’étend du grés vert au calcaire grossier. M. Elie de Beaumont croit que si la série des terrains fossi¬ lifères était complètement connue, on n’y trouverait nulle part, entre les fossiles de deux étages immédiatement superposés , une différence plus essentielle que celle qui existe entre deux étages tertiaires consécutifs. « Puisqu’on a reconnu un certain nombre d’espèces communes entre les deux étages tertiaires (éocène et miocène), il ne voit pas pourquoi la même chose n’au¬ rait pas lieu entre la craie et le terrain tertiaire (1) ; » car les soulèvements qui sont survenus pendant les périodes tertiaires et qui les ont séparées les unes des autres ayant été au nombre des plus violents, ils doivent avoir été aussi des plus propres à occasionner une grande différence entre les deux faunes qui, ayant et après chacun de ces soulèvements , ont peuplé une même portion de la surface du globe.- M. Elie de Beaumont s’est élevé depuis longtemps , soit dans ses cours , soit dans ses communications à la Société géologique, contre l’opinion qui regarderait chacune des révolutions de la surface du globe comme ayant déterminé, non seulement des déplacements (2), (4) Bulletin de la Société géologique de France , 1 re série, t. IV, p. 384. Séance du 5 mai 1834. (2) Des déplacements de populations suffisent quelquefois pour ex¬ pliquer les différences, souvent si tranchées, qu’on observe entre les fossiles de deux couches superposées. Dans mes recherches sur quel¬ ques unes des révolutions de la surface du globe, je me suis servi d’ex¬ pressions telles que celles-ci : Une violente commotion , a laquelle il est probable qu'aucun être virant n avait pu échapper , si ce n'est à une grande distance des contrées et des mers qui en avaient été le théâtre immédiat ( Annales des sciences naturelles , t. XVIII, p. 325, 1829). Le renouvellement presque périodique de la population ani- ADDITION A LA SÉANCE .DU 1er MARS 18/Ï7. 563 mais encore un renouvellement complet des êtres vivants. Ayant cherché à établir que les révolutions de la surface du globe se sont réduites à des soulèvements de montagnes cir¬ conscrits, chaque fois, dans un simple fuseau de la sphère ter¬ restre, il ne pouvait être conduit, par ses propres idées, à attribuer aux effets destructeurs de chacune d’elles un renou¬ vellement intégral de la nature organique sur tout le globe. De même que les terrains tertiaires, les terrains silurien , dévo¬ nien, carbonifère et permien, dont les dépôts ont été séparés en Europe par des dislocations si bien marquées, présentent cependant en Europe et dans les contrées mêmes où ils sont superposés en stratification discordante, des espèces com¬ munes qui font de chacun de ces terrains XEoc'ene des terrains suivants. Si quelques parties de la série géologique pré¬ sentent, en apparence, des lignes de démarcation paléontolo- giques complètement tranchées , telles que celles qui sont si¬ gnalées entre les terrains paléozoïques et le grés bigarré , et entre le muschelkalk et le lias , cela provient , dans son opinion , de ce que certaines faunes intermédiaires , telles que celles du grès des Vosges , de la partie inférieure du grès bigarré et des marnes irisées, nous sont encore entièrement ou à peu près inconnues. La faune si curieuse que MM. le comte Munster, Wissmann et Klipstein ont signalée à Saint-Cassian lui semble destinée à faire disparaître la lacune correspondante aux marnes irisées , et le terrain nummulitique lui paraît devoir combler de même une lacune qui existerait, suivant lui, entre la période de la craie blanche et celle de l’argile plastique. Lorsque les fossiles de tous les terrains seront complètement connus, depuis le terrain silurien jusqu’au terrain pliocène, ils formeront peut-être, dans leur vaste ensemble, une série aussi continue que l’est aujourd’hui la série partielle des terrains jurassiques et male et végétale de chaque contrée ( Annales des sciences naturelles , t. XIX, p. 226, 1 830). Ces expressions indiquent assez ce que j’en¬ trevoyais de partiel et de local dans les destructions d’êtres vivants opérées par les révolutions de la surface du globe. Il faut encore ajouter que les œufs des poissons et des mollusques , de même que les graines des végétaux, ont dû échapper bien souvent, sur le théâtre même des soulèvements, à leurs effets mécaniques. e. d. b. 5 (j/i ADDITION a LA SÉANCE Dl lel mars 1847. crétacés , et que l’est , d’après le beau travail de M. de Yerneuil , la série partielle des terrains paléozoïques. Pour réunir dans une série générale ces tronçons encore dis¬ continus, il faut travailler à faire disparaître les lacunes qui les séparent. M. Elie de Beaumont croit que les circonstances qui ont conduit les géologues à rapporter la classification des ter¬ rains crétacés et supra-crétacés à ceux de ces terrains que les illustres fondateurs de cette partie de la science ont observés dans le nord de la France et en Angleterre, leur ont fait prendre pour point de départ un type incomplet, dans lequel existait, à leur insu, entre la craie et l’argile plastique, une lacune. qui correspondait à une longue période de temps ^ de là la diffé¬ rence paléontologique si considérable qui existe entre deux ter¬ rains, la craie blanche et l’étage tertiaire inférieur, qui dans le nord de la France et en Angleterre sont le plus souvent en contact immédiat l’un avec l’autre. Des observations qui, au premier abord, ont pu paraître minutieuses, sont venues depuis longtemps signaler, aux portes mêmes de Paris , l’existence de dépôts d’un âge intermédiaire entre celui de la craie et celui de l’argile plastique , et fournir à M. Elie de Beaumont l’occasion d’indiquer la manière de voir que de nouvelles réflexions l’ont conduit à préciser davantage, a Une partie de Meudon , le chemin de la Princesse à Bou- )> gival , je Port de Marly, Vigny, Saint-Germain-Laversine , » voilà déjà, disait-il dans la séance du 20 juin 1836, une prc- )> mière suite de points où l’argile plastique ne repose pas irnrné- a diatcment sur la craie blanche ordinaire; on observe encore » des faits de même genre dans le midi de la France, etc.... » fl tirait « de ces faits la conclusion qu’à la période du dépôt du )) terrain crèlacé proprement dit a succédé une époque tran- » sitoire que l’on pourra, si l’on veut, distinguer de la période » crayeuse , et pendant laquelle les eaux , très basses en cer- a tains endroits, nourrissaient une population qui différait no- » tablement de celle qui existait lors du dépôt de la craie » blanche. C’est alors que se sont formées ces couches qui of- )) frent cpielques fossiles tertiaires avec ceux de la craie (1)... » (l) Bulletin de la Société géologique de France , 1 r4i série, t. VII, p. 291. Séance du 20 juin 1836. ADDITION A LA SÉANCE DU 1er MARS 1 8 Zi 7 . 565 Au Bas-Meudon « la partie supérieure de la masse crayeuse est )> formée par un calcaire jaunâtre peu solide, composé de pe- » tits grains ronds et de petits fragments de corps marins , 1res )) faiblement agrégés, à l’exception de quelques parties plus » dures qui forment dans le milieu de la masse des tubercules » irréguliers. On y trouve des polypiers, des coquilles turricu- »lées, quelques bivalves et de petites coquilles multilocu- » laires , qui ressemblent à des milliolites (1)... La plupart des » coquilles recueillies dans cette localité étant indéterminables... » on doit seulement admettre ici , comme il faut l’admettre » pour certains terrains crétacés du midi de la France, que » plusieurs espèces animales, dont les restes se présentent )> abondamment dans les plus anciens terrains tertiaires, exis- » taient déjà lors du dépôt des terrains crétacés (2). » En différents points de l’Europe, se montrent par lambeaux )> discontinus de semblables dépôts, qui correspondent à I’é- » poquc pendant laquelle se sont formées les couches de Meudon. » Ainsi il n’est plus possible d’y voir une anomalie (3) , » et M. Elie de Beaumont est d’autant plus naturellement porté à admettre le parallélisme des divers lambeaux de terrains su¬ perposés à la craie blanche, auxquels M. Desor propose de donner collectivement p. 179 le nom à' étage danien , que lui-même, en 183 h, il pensait que « ces couches qui, à Bougival et au Port » de Marly, forment comme l’écorce de la craie..., le dépôt )) calcaire posé immédiatement sur la craie blanche, entre » Vigny et Longuesse (Seine-et-Oise) , et les couches d’un ca- » ractère anormal que M. Graves a observées sur la craie à » Saint-Germain-Laversine (Oise).... pouvaient être les repré- » sentants de la craie supérieure de Maestricht. » Il les ci¬ tait pour montrer que « la liste des fossiles du terrain crétacé )> supérieur du nord de la France pourrait bien être encore très » incomplète (4). » A cette époque, il n’avait encore trouvé à (4) Bulletin de la Société géologique de France , 4re série, t. YI, p. 285. Séance du 1er juin 4 835. (2) Société philomatique , séance du 4 8 juin 4 836. — Journal l'Institut, n° 4 64 , t, IV, p. 209. (3) Bulletin, lre série, t. YII , p. 291. ( t) Bulletin. 1 re série, t. IV, p. 392 et 393. Séance du 1 9 mai 1 834. 50(i ADDITION A LA SÉANCE I)U 1er MARS 18/|7. Vigny , à Port-Marly et à Meudon que des fragments , très nom¬ breux à la vérité , de l’oursin dont M. Desor a formé une es¬ pèce nouvelle sous le nom de Cidarites Forchhcimmeri , oursin que, bien naturellement , il n’avait pu rapporter à aucune des espèces décrites et figurées jusqu’alors. Dans ses derniers cours M. Élie de Beaumont a figuré de la manière indiquée par le diagramme ci-dessous les relations de gisement qui lui paraissent exister tant dans le nord de la France que dans le bassin de la Méditerranée entre les ter¬ rains crétacés et supra-crétacés. Miocène. Eocène. Lacune < Calcaire pisolithiquc, étage danien. Craie blanche. Grès vert. Miocène. Eocène. Terrain nummulitique. Lacune? Grès vert. M. Dufrénoy a constaté que près des forges d’Abesse , non loin des rives de l’Adour et à Saint-Justin , sur la route de Mont-de-Marsan à Agen, le calcaire grossier, prolongement de celui de Bordeaux, repose en stratification discordante sur les couches redressées du terrain nummulitique. Ce dernier terrain constitue par conséquent un étage inférieur au calcaire grossier et tout à fait distinct de ce dernier. Il est bien constaté aujour¬ d’hui que parmi les fossiles du terrain nummulitique « une par- » tic appartient au terrain tertiaire, qu’une autre appartient à la » craie , qu’enfin une troisième partie sont des espèces nou- » velles , qui peuvent appartenir aussi bien à l’une qu’à l’autre » formation... , et que la majorité numérique des fossiles ap- » partient à des espèces différentes de celles du bassin pari- 567 ADDITION A LA SÉANCE DU 1er MARS 18/|7. r » sien (1). )) D’après ces faits, « M. Elie de Beaumont pense... » qu’on ne pourrait classer les couches alpines dont il s’agit » qu’après leur avoir appliqué la méthode des proportions nu- » mériques, que M. Deshayes (ainsi que M. Lyell) a si heu- » reusement appliquée aux divers étages tertiaires , et il croit » que l’application de cette méthode conduirait plutôt à séparer » les couches en question du calcaire grossier qu’à les en rappro- » cher (2). » Ces mêmes faits viennent directement à l’appui de la conclusion qu’à la période du dépôt, du terrain crétacé propi'e - ment dit a succédé une époque transitoire , que Von pourra , si Von veut , distinguer de la période crayeuse , et pendant la¬ quelle la faune maritime, sans être encore identique avec celle de la mer du calcaire grossier, était déjà très différente de celle de la mer crétacée. « On fera, si l’on veut, une ou plusieurs » formations nouvelles avec les dépôts (de cette époque) si¬ gnalés en divers lieux (3). » M. de Collegno, dans une note qui a été imprimée dans le Bulletin de la Société géologique , t. X, p. 310 (séance du 20 mai 1839), a cherché à faire voir que les couches nummulitiques de la falaise de Biaritz corres¬ pondent à celles du Vicentin. M. Elie de Beaumont partage complètement cette opinion. A ses yeux, les localités nummu¬ litiques du Vicentin, de la vallée de Glaris, des Diablerets, de la vallée de Sixt, d’Entrevernes , des environs de Gap, du col du Lauzanier, du cap de la Mortola , des environs de Gênes, de Biaritz, de la Navarre, du flanc méridien du Mont-Perdu, de la vallée de l’Essera (en Aragon) et autres, qu’il à visitées de 1826 à 1838, appartiennent toutes à un seul et même étage de terrain -, mais il est porté à croire que le terrain nummuli- tique , dont le dépôt , à en juger par l’énorme épaisseur qu’il présente , lorsqu’on y comprend le vaste système des grés à fu- coïdes (flysh) qui le recouvrent généralement (vallée de Barcelon¬ nette, environs de Gap, canton de Glaris), doit avoir embrassé (1) Bulletin de la Société géologique de France , I re série , t. IV, p. 381 et 382. Séance du 5 mai 1834 (2) Bulletin de la Société géologique de France , 1 rc série , t. IV, p. 385. (Séance du 5 mai 1 834.) (3) Bulletin de la Société géologique de France , 1re série, t. VII, p. 292 Séance du 20 juin 1836. 568 ADDITION A LA SÉANCE DU Ier MARS 18/|7. un très long espace de temps , est postérieur, au moins en partie, non seulement à la craie blanche, mais même à la craie de Maëstricht et au calcaire pisolithique. C’est dans cette pen¬ sée que , dans le diagramme ci-dessus , il a figuré une lacune entre la partie supérieure du grés vert et la base du ter¬ rain nummulitique. Il n’indique cependant cette dernière la¬ cune qu’avec doute, et ses doutes sont fondés sur ce que, si les couches à hamites, scaphites, turril ites , ammonites, etc., des hautes montagnes de la Savoie, ne sont pas plus récentes que la partie supérieure du grès vert, « on ne trouve pas dans » la Provence, le Dauphiné , la Savoie, la Suisse, de couches )> qu’on puisse rapprocher, par leurs fossiles, de la craie blan- )> che de Meudon (1) • » et sur ce que , dans les points de la Savoie où le terrain nummulitique repose sur les couches en question (notamment au col de Tanneverge , dans la vallée du Rcposoir, à Thone, etc., les couches nummulitiques « font suite » immédiate au terrain crétacé (2), » à turrilites, etc., de ma¬ nière à laisser difficilement concevoir qu’une longue période se soit écoulée entre les dépôts des deux systèmes en contact. M. le professeur Sedgwick et M. Murchisan, dans leur grand travail sur les Alpes orientales (3) , ont signalé des liaisons et des passages du même genre entre les couches crétacées et des couches plus récentes dont une partie rentre dans notre terrain nummulitique. Mais comme des liaisons apparentes de cette na¬ ture ont souvent été reconnues illusoires, et comme dans les ob¬ servations qu’il a faites en Crimée, postérieurement au printemps de l’année 1836, M. de Verneuil a trouvé le terrain nummuli- T tique superposé à la craie blanche , M. Eiie de Beaumont se borne à l’énoncé d’un simple doute , reconnaissant que l’exis¬ tence d’une lacune considérable entre les couches à turrilites et les couches à nummulites de la Savoie et des autres parties du bassin de la Méditerranée serait, en elle-même, plus favo- (1) Bulletin (le la Société géologique de France , 1 re série, t. IV, p. 389. Séance du 19 mai 1 834. (2) Bulletin de la Société géologique de France , 1 re série, t. IV, p. 389. Séance du 19 mai 1834. (3) Transactions of the geological society of London , second sé¬ riés, t. III , p 301 . ADDITION A LA SÉANCE DU Ie* MARS 1847. 569 rable à l’opinion de l’extinction progressive des espèces dites crétacées et de leur remplacement graduel par les espèces dites tertiaires et à la classification géologique qu’il rattache à cette opinion. Si cette manière de voir était reconnue exacte, la ligne de démarcation entre les terrains secondaires et les terrains ter¬ tiaires deviendrait aussi indéterminée et aussi peu nécessaire que celle des terrains secondaires et des terrains de transition. Mais si, pour ne pas rompre d’anciennes habitudes, on veut encore conserver la dénomination générique de terrains ter¬ tiaires, il semblerait à M. Elie de Beaumont qu’on ne saurait assigner aux terrains tertiaires une limite plus convenable que celle qu’on leur avait donnée dans l’origine, en l’appliquant aux dépôts qui se sont formés après le passage de ce flot im¬ mense qui a, presque partout, détruit et remanié les couches du calcaire pisolithique, de môme que les couches supérieures de la craie proprement dite. « Là où s’observent les traces de » cette révolution qui a raviné les terrains antérieurs , là com¬ mence proprement le terrain tertiaire (1). » Et comme cette révolution a coïncidé avec le soulèvement des Pyrénées, sur les flancs desquelles le terrain nummulitique se trouve redressé , M. Elie de Beaumont pense que ce dernier terrain décru être classé parmi les terrains secondaires , quand meme on le consi¬ dérerait comme constituant un étape complètement distinct de tous les étapes des terrains crétacés . M. de Verneuil remercie M. Elie de Beaumont de l’avoir cité relativement à la Crimée. Cette péninsule offre en effet cela d’intéressant, que la craie blanche , la même que celle de Meudon , s’y trouve en contact avec un dépôt analogue par ses fossiles à celui qui contient les grandes Nummulites du sud de la France. B ajoute que, n’ayant pas dans ces derniers temps étudié d une manière spéciale la formation nummuli¬ tique en général , il ne saurait avoir de conviction arrêtée sur le terrain auquel elle appartient ; mais il rappelle que, dans son Mémoire sur la Grimée , publié il y a dix ans, il avait ex- (I) Bulletin de lu Société géologique de France , 1 rc série, t. VII, p. 292. Séance du 20 juin 1836. 570 ADDITION A LA SÉANCE DU 1er MARS 18Z|7 . primé l’opinion qu’elle viendrait peut-être un jour établir un passage entre les terrains secondaire et tertiaire. « Peut-être , disait-il, admettra-l-on quelque jour que pendant l’intervalle qui paraît chez nous avoir séparé les périodes secondaire et ter¬ tiaire , la mer déposait ailleurs les calcaires à larges Nummu- lites, et alors se comblerait cette grande lacune qui n’a dû être qu’un accident propre aux localités que les géologues ont eu d’abord occasion d’étudier. M. Deshayes demande à M. Élic de Beaumont où est, dans le terrain danien, la lacune dont il vient de parler. M. Élie de Beaumont répond qu’il est difficile de préciser quelque chose à ce sujet -, mais il en existe certainement une entre la craie de Maëstricht et les terrains tertiaires. M. Leymerie répond que les espèces communes aux marnes à fossiles tertiaires et à celles à fossiles crétacés sont parfaitement en place et jouent même, dans l’un et l’autre gîte, le rôle de fossiles habituels. Quant 5 la question de la postériorité du terrain marin de Saint-Justin et de Langnn au terrain d’eau douce sous-pyrénéen, il désirerait connaître l’opinion actuelle de M. Dufrénoy. M. Dufrénoy répond que si l’on considère sur la carte géo¬ logique la position du calcaire de Saint-Justin, on voit qu’il se rattache par une série de petits îlots, notamment ceux de Névac et de Castelnau , au calcaire grossier de Saint-Macaire , dont on ne saurait contester l’identité avec ceux de Bordeaux et de Blaye -, en sorte que rien ne lui «fait penser qu’il y ait lieu de regarder le calcaire de Saint-Justin comme plus moderne, et que les conclusions qui ressortent de sa position transgressive sur le calcaire à nummulites restent dans leur entier. M. Boubée ajoute les observations suivantes : r Cette lacune , dont parle M. Elie de Beaumont , me semble très bien rendre compte de l’état des choses , et éclairer parfaitement cette question , car elle ouvre une place toute naturelle au terrain à Nummulites qui nous occupe. Ainsi , comme je l’ai déjà dit à une autre occasion , distinguant , dans les Pyrénées, les terrains qui font partie de la chaîne elle-mèine et ceux qui sont en dehors 571 ADDITION A LA SÉANCli DU 1er MARS 18/i7. grès vert et le terrain néocomien y sont largement développés , et s’étendent même très avant dans la chaîne. Mais la craie su¬ périeure ( la craie blanche du Nord ) ne se retrouve nulle part dms nos montagnes. On ne l’observe qu’en dehors de la chaîne, eu deçà de ce large fossé que j’ai déjà signalé au pied des Pyré¬ nées , et qui sépare ces montagnes des plaines de la Gascogne, comme un grand fossé stratégique sépare une place forte du ter¬ rain qui l’entoure. Eh bien , sur divers points en dehors de ce fossé , on découvre la craie blanche , caractérisée par sa structure terreuse et par ses fossiles les plus connus, notamment X Anan- chytes ouata , l’ Ostrea vesicularis , et c’est sur cette craie , l’ana¬ logue de celle du Nord, que repose le terrain à Nummulites, comme on le voit très bien aux environs de Dax , aux environs de Saint-Gaudens, etc. N’est '-il pas évident que ce terrain , dans lequel ôn peut , au reste , distinguer deux ou trois étages , vient remplir cette lacune, indiquée par M. de Beaumont. ■ — Mais on m’a dit : Qu’est-ce qui prouve que ce terrain à Nummulites qui repose sur votre craie blanche n’est pas tout simplement la partie inférieure du terrain tertiaire , puisqu’il s’y trouve des fossiles tertiaires? Il m’est facile de répondre nettement à cette objection , car j’ai trois sortes de preuves à donner pour démontrer que le groupe nummu¬ litique appartient au terrain crétacé et non au terrain tertiaire. D’abord , le véritable terrain nummulitique , celui qui renferme ces grandes Ammonites en couches relevées , que j’ai décrites dans le Bulletin d’histoire naturelle de France , sous les noms de Num¬ mulites rnillecaput , N. papyracea , N. crassa , N. planospira , etc. , je ne l’ai vu nulle part en couches horizontales. Or, par des con¬ sidérations d’un ordre beaucoup plus général, M. Elie de Beau¬ mont a démontré que le soulèvement des Pyrénées est postérieur à la période crayeuse et antérieur à l’époque tertiaire ; par consé¬ quent , c’est un premier caractère géologique qui suffirait à démon¬ trer l’âge du groupe nummulitique , et qui le déclare antérieur aux terrains tertiaires. — Secondement, le caractère minéralogique des roches qui le composent : ce sont , pour la plupart , des roches , les unes blanches et absolument de nature crayeuse; d’autres com¬ pactes , plus ou moins cristallines , mais sans mélange de tous les éléments divers sableux et argileux , qui semblent un caractère propre au groupe des roches tertiaires , caractère qui subit quelques exceptions , je le sais , mais qui n’en est pas moins le caractère prédominant. Enfin une troisième preuve, c’est que si, dans ce groupe nummulitique proprement dit , on trouve quelques fossiles tertiaires , je puis dire qu’ils n’y prédominent pas. SÉANCE MJ 5 AVRIL 18/|7. 57*2 Le caractère paléontologique est ici tout à fait insuffisant , puis¬ qu’il y a mélange de fossiles , les uns tertiaires , les autres crétacés. Or, y ai indiqué deux caractères géognostiques qui tranchent nette¬ ment la question ; par conséquent , je me crois parfaitement fondé à maintenir l’opinion que j’ai émise depuis longtemps, savoir, que ce groupe nummulitique appartient au terrain de craie; et main¬ tenant, éclairé par le parallélisme que iVI. de Beaumont vient d’établir entre les étages du Nord et ceux du Midi , et par les la¬ cunes qu’il signale , soit dans le Nord , soit dans le Midi , j’ajoute¬ rai : Non , dans le Midi , il n’y a pas de lacunes. La craie y est com¬ plète , et , en effet ,. . . terrain néocomien, grès vert et craie inférieure très développés dans la.chaîne même des Pyrénées ; craie tufau et craie blanche en dehors de la chaîne, surmontée par le groupe num¬ mulitique, qui complète la série crayeuse et fait le passage immédiat au terrain tertiaire ; en sorte que dans le Midi le groupe nummuli- tique remplit précisément cette lacune , constatée par M. Elie de Beaumont ,tout comme le calcaire pisolitique de M . Ch. d’Orbigny et la craie de Maëstricht semblent la combler dans le Nord. y 0 Séance du 5 avril 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Hugard , vice-secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suile des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Le baron Léopold de Buch , membre de l’Académie des sciences de Berlin, à Berlin, présenté par MM. Elie de Beau¬ mont et de Verneuil -, Féry, architecte, sous-inspecteur des travaux publics, à Paris, rue du Faubourg-Saint-Martin, 71, présenté par MM. les abbés Lévèque et Raquin -, Benoit (Paul) , élève de l’Ecole des mines, à Paris, présenté par MM. Dufrénoy et de Verneuil. M. Üomnando, correspondant du Muséum d’histoire natu- 573 SÉANCE Dli 5 AVRIL 18/|7. relie de Paris, résidant à Athènes (Grèce), est, sur sa demande, admis à faire de nouveau partie de la Société. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Hardouin Michelin, Iconographie zoophy- tologique; 25e livraison. De la part de M. Amédée Burat, 1° Etudes sur les mines . — Théorie des gîtes métallifères , appuyée sur la description des principaux types du Harz, de la Saxe , des provinces rhénanes , de la Toscane , etc. , in-8°, 358 p., 10 pl. Paris, 18/15. 2° Etudes sur les mines ( supplément ). — Description de quelques gîtes métalliques de R Algérie , de /’ Andalousie , du Taurus et du IVersterwald ( Prusse ) , et de la Toscane ; in-8°, 163 p., 1 pl. Paris, 1846. 3° Etudes sur les gîtes calaminifères et sur l industrie du zinc de la Belgique; in-8°, 47 p., 5 pl. Paris, 1846. De la part deM. leDrCh. Martins, De l'ancienne extension des glaciers de Chamonix , depuis le Mont-Blanc jusqu'au Jura (extr. de la Revue des deux mondes , t. XVII, 1er mars 1847) ^ in-8°, 25 p. Paris, 1847 . De la part de M. Ch. Lyell , Trav fs in North America , etc. (Voyages dans l’Amérique du Nord, avec observations géolo¬ giques sur les Etats-Unis, le Canada et la Nouvelle-Écosse)- 2 vol. in-8°, avec planches , cartes et coupes. Londres, J 845 . De la part de M. W.-C. Redfield, Sonie account , etc. (Rela¬ tion de deux visites aux montagnes du comté d’Essex (New- York) dans les années 1836 et 1837) (extr. du Journal de Sillimm , vol. XXXIII, n° 2)- in-8°, 23 p. De la part de M. le prince de Metternich, Die Cephalopo- den , etc. (Les Céphalopodes du Salzkammergute (Autriche) qui se trouvent dans la collection du prince de Metternich , pour servir i\ la paléontologie des Aipes, par Franz Ritter de Hauer, avec il planches lithographiées et une introduction de W. Haidinger) ; in-/i°, 48 p. 11 pl. Vienne, 1846. 57 A SÉANCE DU 5 AVRIL 1847. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences ; 1847, 1er semestre, t. XXIY, nos 11 — 13. Bulletin de la Société de géographie , 3e série, t. VU, n° 38. U Institut ; 1847, nos 689 — 691. Mémoires et Comptes rendus de la Société d’ émulation du Doubs; in-8°, t. Ier, 3e et 4e livraisons, décembre 1841 ; t. II, lre et 2e livraisons, juillet 1842 ; t. III, décembre 1842 et décembre 1843 • 2e vol., t. I et II, 1844, 1845. The Athenœum , 1847; nos 1012 — 1014. The Mining Journal , 1847 ; nos 60/i — 606. Arsberattçlse , etc. (Compte-rendu annuel des progrès de la chimie et de la minéralogie au 31 mars 1846, par Jacq. Ber- zélius); in-8°, 704 p. Stockholm, 1846. Kongl. Vetenskaps-Academiens Handlingar for ar 1844 (Mémoires de l’Académie royale des sciences de Stockholm pour l’année 1844); in-8°, 447 p., 13 pl. Stockholm, 1846. Oversigt , etc. (Bulletin des séances de l’Académie royale des sciences de Stockholm pour l’année 1845); in-8°, nos 1 — 10. M. de Yerneuil offre de la part de M. Ch. Lyell son ouvrage intitulé : Travels in North America , etc. (mentionné ci- dessus). M. d’Archiac propose, au nom de la Société d’émulation du Doubs, l’échange avec le Bulletin. — Renvoyé au Conseil. M. de Roy s présente, au nom du Trésorier absent, l’état de la caisse au 31 mars 1847. Etat des recettes et des dépenses depuis le 1 er janvier jusepd au 31 mars 1847. Il y avait en caisse au 31 décembre 1846. . 4,400 fr. 05 c. La recette, depuis le 1er janvier 1847, a été de . 4,124 » Total . 8,524 05 La dépense, depuis le Ier janvier 1847, a été de . 4,360 80 Il reste en caisse au 31 mars 1847 . 4,163 25 575 SÉANCE Dû 5 AVRIL 18/|7. M. Rozet fait une communication sur le terrain crétacé des environs de Dijon , sur lequel M. le Dr Jules Canat enverra une Note. Ce terrain borde toute la falaise de la Côte-d’Or. M. Thurmann communique des observations sur les relations qui existent entre la géographie botanique et les terrains de la chaîne du Jura et celle de l’Albe wurtembergeoise des Vosges, des collines lorraines et de Kaiserstukz. M. Thurmann cite un grand nombre d’espèces végétales qu’il a observées sur ces dif¬ férents points , et qui sont en relation constante tantôt avec la nature des roches, mais plus souvent encore avec les circon¬ stances topographiques de ces diverses stations. La conclusion générale de ses études, c’est que la composition chimique du sol est sans influence sur la végétation. M. Boubée s’applaudit de l’application de la botanique 5 la géologie , à cause des déductions qu’on peut en tirer pour l’agriculture^ mais , contrairement à l opinion de M. Thurmann, il pense qu’il y a des roches qui agissent sur les végétaux par leur constitution chimique, et il cite à l’appui plusieurs plantes qui ne se trouvent jamais que sur les mêmes roches : telles que le Teucrium pyrenciicum , qui apparaît , dans les Pyrénées , par¬ tout où se trouve quelque couche de calcaire, et qu’on ne ren¬ contre jamais sur aucune autre roche -, le Sedum sphœricum , qui est propre aux granités de l’ Ariége , et qu’on ne découvre non plus jamais sur aucune autre roche, etc., etc. N’est-il pas évident que l’élément calcaire est indispensable au T eucrium pyretiaicum , et que la matière alcaline du feldspath est néces¬ saire à la végétation du Sedum sphœricum ? M. Marcou combat l’opinion de M. Rozet qui pense que le Jura est le produit du soulèvement du Mont-Rose. M. Rozet répond que le Mont-Rose se trouvant au centre de la couche jurassique, il lui a attribué le soulèvement du Jura. M. Constant Prévost fait remarquer que M. Rozet a émis cette idée sous l’influence de cette doctrine qui admet un sou¬ lèvement partout où il y a des couches inclinées. M. Thurmann nie que le Grand-Vaux soit un cirque comme le soutient M. Rozet. M. Rozet appelle cirque le résultat du croisement des dislo¬ cations. 576 SÉANCE DU 5 AVRIL !8/l7. M. Thurmann montre que la vallée (le Grand-Vaux est bordée de montagnes à couches inclinées vers Taxe; mais un cirque , dit-il, est un amphithéâtre circulaire. M. Rozet définit une vallée une cavité où feau peut s’écouler et d’où elle peut sortir, tandis qu’un cirque n’offre pas une pente dans un sens -, les eaux ne s’en échappent que par des cluses ou y forment des lacs. M. Guihal, membre de la Société, à Nancy, annonce qu’il a entrepris de décrire et de figurer tous les fossiles connus des terrains du département de la Meurthe. Le trias lui a fourni 380 espèces, savoir : environ 100 pour le muschelkalk et le grès bigarré , 5 pour les marnes irisées , et 275 pour le lias. Les trois étages de l’oolithe lui paraissent devoir en fournir environ 600. Le Secrétaire lit la lettre suivante de M. de Collegno. Florence, ce 10 mars 1817. Monsieur le Président , Deux mémoires insérés dans le tome IIIe du Bulletin de la So¬ ciété contiennent sur les terrains de l’Italie des assertions qui ne s’accordent point avec ce que j’avais publié moi-même en 18 l\h et 1845 . Qu’il me soit permis de dire quelques mots à l’appui de mes opinions. Je ne saurais assez regretter , en premier lieu , que M. Fournet n’ait pas eu plus de temps à consacrer à l’étude des terrains sédimentaires des Alpes. C’est à cette circonstance que j’aime à rapporter la différence qui existe entre nous au sujet de la classification de ces terrains, différence qui disparaîtrait , je l’espère , si , avant de publier le travail plus développé qu’il pré¬ pare, M. Fournet voulait visiter en détail les Alpes italiennes. Ainsi , dans ses Notes sur le Tyrol méridional ( Bulletin , 2e série , t. 111, p. 27), il rapporte à la formation du grès bigarré et du muschelkalk toutes les assises calcaires et autres qui se trouvent inférieurement aux calcaires rouges à cassure pierreuse et com¬ pacte , avec Aptycliics et Ammonites jurassiques. 11 est vrai que « l’existence des grès bigarrés et du muschelkalk primitivement admise dans le Tyrol, puis niée , se trouve maintenant fortement appuyée par les observations les plus récentes » ( page 29 ) , et par¬ ticulièrement par celles de MM. de ïluch , Meneghini et Pasini. SÉANCE DU 5 AVRIL 1847. 577 C’est à tort que je pensais, en 1844, que le trias ne se voyait dans les Alpes italiennes que sur quelques points isolés et peu éten¬ dus que j’avais cru pouvoir négliger dans mon Esquisse d’une carte géologique , tandis qu’il se montre en réalité a la frontière de l’Italie , vers les sources de la Drave , du Gail , de la Piave et du Tagliamento , sur une étendue de plus de 60 myriamètres carrés, et qu’il y constitue quelques unes des hautes cimes qui dé¬ terminent la division des eaux de l’Adriatique et de la mer Noire. La limite méridionale du trias paraît suivre le cours même de laFella et du Tagliamento, depuis Cliiusa, par Resciutta, Tol- mezzo, etc. , suivant une direction générale sensiblement paral¬ lèle à la chaîne orientale des Alpes. Sur toute cette étendue le trias se compose principalement d’un calcaire argileux , grisâtre, qui contient les fossiles plus caractéristiques du musclielkalk ( En - crinitcs liliformis , Ammonites nodosus , etc. ) , outre une quantité d’Avicules, de Térébratules, de Posidonies moins bien conservées; au-dessus de ce calcaire on voit, sur plusieurs points, des grès plus ou moins schisteux , plus ou'moins micacés, dont la couleur bigarrée varie du gris verdâtre au rouge de brique. Ces grès contiennent en grande quantité Y Avicula socialis bien caractérisée, l’ Halobia Lomellii et plusieurs autres fossiles décidément triasi- ques. C est dans ces grès aussi que paraissent se trouver les dépôts de combustible de Raveo , sur lesquels M. Meneghini a présenté uu excellent travail au congrès de Gènes. Le trias des Hautes- Alpes tyroliennes s’étend vers l’ouest jusqu’aux grandes masses porphyriques de Bolzano, et c’est à ses assises qu’appartiennent les localités de Saint-Cassian , de Wengen, etc., devenues célèbres depuis quelques années par le singulier mélange des fossiles qu’on y recueille en si grande abondance. Au midi du Tagliamento le trias s’enfonce sous le terrain jurassique, mais il reparaît au fond de quelques unes des vallées du Bellunais et du Yicentiu , et no¬ tamment près d’Agordo et de Recoaro. M. de Bucli rapporte éga¬ lement au trias les marnes à Trigonia JVhatelyœ de S. Pelle- grino dans le val Brembana ( Bulletin , 2e série, t. II, p. 348), et je dois ajouter que plusieurs géologues italiens considèrent encore comme triasique le grès rouge si bien développé sur les bords du lac de Como et dans le Yal Sasina. Ce grès passe souvent au « conglomérat rouge avec cailloux de porphyre quart- zifère et d’autres roches cristallines plus anciennes, » qui est le onzième et le plus inférieur des groupes indiqués par M. Fournet. J’ai cru, de mon côté, pouvoir rapporter ces grès à la formation jurassique ( Bulletin , 2e série, t. Ier, p. 181); mais, lors même Soc. géol., 2e série, tome IV. 37 578 SÉANCE DU 5 AVRIL 1847. qu’il viendrait à être démontré qu’ils sont réellement triasiques, il ne pourrait en être de même des assises calcaires et marneuses qui constituent les groupes n0* 9 et 10 de M. Fournet. Ces assises pré¬ sentent une épaisseur totale de 6 à 7 mètres , et leurs fossiles , très abondants et fort bien connus aujourd’hui , appartiennent à la for¬ mation jurassique (depuis le lias inclusivement jusqu’aux assises les plus élevées du calcaire de Portland). Je regrette fort , je le répète , que M. Fournet n’ait étudié ces assises que dans la partie du Tyrol où elles ont été le plus disloquées, et qu’il ait cru ensuite pouvoir généraliser ses observations et considérer comme caractère normal de ces calcaires leur état fendillé , souvent dolomitique , qui n’est réellement qu’un état partiel , postérieur au dépôt du terrain. S’il avait pu prolonger son séjour dans les Alpes italiennes, il aurait trouvé assez d’exemples de passages latéraux depuis le calcaire compacte non magnésien à la dolomie la mieux caracté¬ risée. Dans la haute vallée du Tessin surtout il eût pu voir au pied des escarpements dolomiticpies desblocs dont une des faces est à l’état de dolomie grenue, tandis que la face opposée présente en¬ core la schistosité habituelle des roches calcaires de la contrée, qui ont conservé d’ailleurs leur composition primitive et tous leurs caractères sédimentaires à quelques mètres de la surface des escar¬ pements ( Bulletin , lre série, t. VI , p. 106). IM. Fournet eût pu d’ailleurs recueillir dans les dolomies du val Luinezzane , dans celles de Bellagio, de Grianta, des fossiles dont le test est lui-même devenu magnésien , et peut-être eût-il été amené à croire que ce n’est pas a tort que « cette série de couches a été le plussouvent citée » à l’appui de la théorie du métamorphisme. » Mais ces remar¬ ques s’appliquent plus particulièrement encore au groupe n° 7 de M. Fournet. « Les dolomies blanches , cristallines , en belles » assises régulières , passant vers le haut à des calcaires blancs, » compactes, veinés de dolomie sub-cristalline , » qu’il a vues à Santa-Agata, sont dues à un phénomène purement local. Les cal¬ caires rouges et blancs, qui constituent, en Italie, la partie la plus élevée de la formation jurassique , sont parfaitement connus au- jourd hui dans toute là Péninsule. Outre les localités indiquées par M. de Bucli ( Bulletin , 2e série, t. II, p. 359 ), on les a suivies dans les Apennins des Etats Romains et des Abruzzes, dans les Monti Pisani, dans les environs du Monte Amiata, etc. Nulle part on n’a vu entre le calcaire blanc et le calcaire rouge des assises régulières de dolomie ; seulement, dans certaines localités, àlaMadonnadel Monte de Varese, par exemple, le calcaire blanc est remplacé par une dolomie identique avec celle de Santa-Agata. Mais, de même 579 SÉANCE DU 5 AVRIL 18/|7. qu’à Santa-Agata, on voit près de la dolomie de Varese les masses ignées du Val Gana, que M. de Buch a appelées des porphyres pyroxéniques et que tous les géologues ont retenues pour telles jus¬ qu’en 1845... Mais je ne veux point entrer ici dans des discussions théoriques sur les causes de la dolomisation ; je cite simplement des faits qui sont connus de tous les géologues qui ont visité les Alpes italiennes, et j’en appelle en particulier aux membres de la Société qui ont assisté, en 1844 , au congrès de Milan , et qui ont pu voir à Gavirate le calcaire blanc reposer immédiatement sur le calcaire rouge à Ammonites , sans aucun indice des assises de dolomie. Rien ne me paraît donc mieux prouvé dans les Alpes italiennes que « l’interposition normale des dolomies parmi d’au- » très roches douées de tous les caractères d’une origine purement » aqueuse. » — La formation nummulitique n’étant citée que pour mémoire dans les notes de M. Fournet, je me bornerai à faire ob¬ server que des « calcaires grisâtres ou blanc sale , plus ou moins schistoïdes, oolitiquesou compactes, » se trouvent en effet sur plu¬ sieurs points des Alpes, mais le plus souvent inférieurement au cal¬ caire rouge avec Aptychies et Ammonites , et qu’ainsi ces calcaires du groupe n° 5 doivent bien être rapportés à l’étage jurassique. Je passe maintenant au Mémoire sur le gypse du Monte- Argen¬ tan o de M. Coquand (2e série, tome III, p. 302 ). Je disais, en 1844, dans mon premier Mémoire sur les terrains sédimentaires des Alpes (tome Ier, p. 179) , que les fossiles du calcaire rouge paraissent devoir faire considérer ce calcaire comme l’équivalent de l’étage oolitique inférieur , peut-être même de la partie supé¬ rieure du lias; mais je disais aussi que le calcaire rouge et le cal¬ caire blanc, qui lui est immédiatement superposé , constituent en Italie la partie la plus élevée de la formation jurassique. Si , en fait , la plupart des Ammonites du calcaire rouge se retrouvent dans le lias du nord de l’Europe , ces mêmes Ammonites ne s’en trouvent pas moins dans les Alpes italiennes au-dessus de 6 à 700 mètres de calcaires plus ou moins argileux, plus ou moins siliceux , mais contenant exclusivement , je le répète , des fossiles jurassiques. Je n’ai jamais pensé et je ne pense pas encore qu’on puisse établir, en Italie , des divisions et des.subdivisions qui cor¬ respondraient par leurs fossiles aux divers groupes de la série ju¬ rassique du nord de l’Europe. Voici, au contraire, comment je crois pouvoir me rendre compte des caractères paléontologiques des terrains jurassiques des Alpes et de toute 1 Italie. Qu’on se rappelle la disposition des mers jurassiques , telle qu elle est in¬ diquée dans l’explication de la carte géologique de la France , et 580 SÉANCE DU 5 AVRIL J 8Z|7 . l’on comprendra que les dépôts des mers qui recouvraient le midi de l’Europe actuelle devaient se former dans des circonstances bien différentes de celles qui influaient sur la nature des dépôts contemporains du nord. Dès lors, on ne saurait retrouver en Italie tous les caractères paléontologiques du lias de Lyme-Regis et ceux des divers groupes jurassiques du comté d’Oxford; autant vaudrait supposer que les dépôts actuels de la mer Rouge , par exemple, enseveliront toutes les mêmes espèces de mollusques que les dépôts qui se forment à l’embouchure du Nil , du Rhône , ou même à celle de la Seine et de la Tamise. Le lias de Lyme- Regis n’a guère que 30 à AO mètres de hauteur, tandis que l’en¬ semble des terrains jurassiques de l’Italie a une puissance de 1,000 mètres environ. Quelles que soient les circonstances qui ac¬ compagnent la formation de deux dépôts contemporains, il me pa¬ raît bien difficile qu’il en puisse résulter une différence aussi pro- dig ieuse dans l’épaisseur des sédiments déposés. Si , au contraire , on admet que le terrain jurassique de l’Italie représente l’ensemble de la formation de même nom dans le bassin septentrional de l’Europe, la puissance totale de chacun des deux dépôts sera sen¬ siblement égale. On peut d’ailleurs admettre, sans trop s’écarter des possibilités géologiques, que les événements qui ont modifié la faune des mers jurassiques septentrionales n’ont pas exercé une grande influence au-delà des détroits qui communiquaient avec les mers de l’Europe méridionale , et l’on expliquerait ainsi la permanence des espèces basiques en Italie , pendant que les mers de France et d’Angleterre étaient habitées par les animaux dont les restes caractérisent aujourd’hui les groupes jurassiques supé¬ rieurs. Cet état de choses aurait duré jusqu’au moment où , une révolution générale du globe suspendant la formation régulière des dépôts jurassiques, toutes (ou presque toutes) les espèces de cette période disparurent pour faire place à la nouvelle faune des couches néocomiennes actuelles. De quelques particularités relatives a la forme extérieure des anciennes moraines des l ot > Diptère qui aurait été simplement comprimé, ou certains Lé- » pidoptères dont les ailes seraient privées des petites écailles qui » les recouvrent , ou tel Coléoptère auquel on aurait enlevé les » élytres. » 11 en serait de même pour un concliyliologiste auquel on sou- » mettrait une collection d’ Hélices et de Mulettes ( unio) privées » de leur épiderme. » Or, si dans la nature actuelle on est quelquefois dans le cas de SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. Ô9l confondre des espèces différentes et de décrire comme espèces distinctes et quelquefois comme genres différents divers états de la même espèce , on conçoit aisément qu’une semblable confusion doit avoir lieu très fréquemment dans des déterminations qui ne peuvent être faites que sur des parties d’animaux ou de végétaux souvent mal conservées , déprimées , etc. Mais supposons que cet inconvénient n’ait pas lieu , et voyons quels secours la géologie peut tirer de l’étude des êtres organisés fossiles , 1° pour connaître l’âge relatif des couches superposées dans la même contrée; 2° pour comparer les époques, de formation des terrains situés sur des points éloignés du globe; 3° pour fixer les limites des diverses for¬ mations. 1. Lorsque l’on compare les formes organiques qui se trouvent dans une série de couches superposées , on remarque que ces for¬ mes diffèrent d’autant plus de celles des êtres vivant dans la loca¬ lité cpie les couches dont elles proviennent sont plus anciennes ; que ces formes nouvelles se rapprochent d’abord de plus en plus de celles des êtres vivant dans les pays situés entre les tropiques, et finissent même par annoncer une température supérieure à celle de l’équateur. Ces faits, aujourd’hui admis par la plupart des paléontologistes, ont été fortement soutenus par M. Desliayes dans sa Description des coquilles jossi les des environs de Paris , t. II , p. 776. Suivant cet auteur, « les derniers terrains tertiaires, les plus su- » perficiels,ont été déposés lorsque la température de l’Europe était, » à peu de chose près , semblable à celle que nous éprouvons . » Les terrains tertiaires de cet âge , de la Norvège , de la Suède , » du Danemarck, de Saint- Hospice près de Nice , d’une partie » de la Sicile , contiennent à l’état fossile toutes les espèces identi- » ques des mers correspondantes , et entre autres celles qui, plus » localisées, représentent bien mieux pour nous les températures. » Ces fossiles offrent les mêmes séries de variétés que les espèces » vivantes, ce qui annonce bien positivement que les terrains men- » tionnés se sont déposés dans des circonstances semblables à celles » dans lesquelles elles vivent encore maintenant. Ces mêmes ter- » rains du midi de la France, du versant méditerranéen de l’Es- » pagne , de l’Italie, de la Sicile , de la Morée , de la Barbarie » ( Alger ), recèlent une grande partie des espèces qui vivent dans » la Méditerranée, mais en contiennent aussi dont les analogues 592 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. » ne subsistent plus ou sont distribuées en petit nombre dans »> les régions chaudes de l’océan Atlantique et dans les mers de » l’Inde. » La seconde période tertiaire se compose d’un grand nombre » de petits bassins , la Superga près de Turin , le bassin de la Gi- » ronde , les faluns de la Touraine, le petit bassin d’Angers , le » bassin de Vienne en Autriche, la Podolie , la Volhynie, et » quelques autres lambeaux sur la frontière méridionale de la » Russie d’Europe , lambeaux dont quelques parcelles se montrent » non loin de Moscou. Les terrains lacustres de Mayence et des » bords du Rliin appartiennent probablement aussi à cette pé- » riode. » Pendant cette période la température a été bien différente de » ce que nous la voyons actuellement ; en effet , les espèces pi o- » près au Sénégal , à la mer de Guinée, celles qui représentent le » mieux la température de cette partie de la zone équatoriale , se » retrouvent à l’état fossile dans les divers lieux que nous venons » de mentionner. >» Pour déterminer la température équatoriale de notre seconde » période tertiaire , dit plus loin M. Deshayes, nous avons constaté » l’analogie de près de deux cents espèces de la zone intertropicale » avec les espèces fossiles répandues surtout à bordeaux et à » Dax, et dans les autres bassins appartenant à cette seconde pé- » riode. » Sur environ 1400 espèces trouvées dans la première période tertiaire, 38 seulement ont leurs analogues vivants, la plupart sous la zone équatoriale ; mais de ce que , à l’époque actuelle , le nombre d’espèces s’accroît avec la température; de ce que le bassin de Paris renferme, sur une étendue de 40 lieues de dia¬ mètre dans un sens et de 55 dans l’autre, 1200 espèces, c’est-à- dire un plus grand nombre qu’aucune de nos mers n’en rassemble dans un espace aussi restreint , et de ce que ces espèces sont particulièrement grandes et nombreuses dans des genres et de s familles dont les espèces se multiplient dans les régions les plus chaudes de la terre, de l’absence dans ce bassin des formes propres aux mers septentrionales , M. Desbayes conclut que les terrains tertiaires inférieurs du bassin de Paris se sont déposés sous une température équatoriale probablement plus élevée que celle de l’équateur actuel. On a remarqué ensuite que les divers embranchements des ani¬ maux invertébrés , et même les diverses classes de ces animaux , avaient été représentés aux diverses époques géologiques par des 593 SÉANCE DU 19 AVRIL d 8Z|7 . espèces de formes particulières, qui se sont successivement éteintes ou modifiées suivant les changements survenus dans les conditions de l’existence , et l’on a cru pouvoir admettre diverses grandes créations successives correspondant à autant de divisions géologi¬ ques des terrains neptuniens. On a enfin reconnu que les animaux vertébrés se sont succédé dans l’ordre de leur développement or¬ ganique, de manière que les poissons , les reptiles , les mammi¬ fères et l’homme ont successivement apparu ou au moins pré¬ dominé dans les terrains primaires , secondaires , tertiaires et modernes. Il résulte de ces considérations que les fossiles peuvent aisé¬ ment faire reconnaître dans une contrée l’âge relatif des terrains qui ont été formés à des époques éloignées ; mais, à mesure qu’il s’agira de déterminer l’âge relatif de couches appartenant à des époques plus rapprochées, elle offrira moins de valeur, et je doute fort qu'un paléontologiste , auquel on montrerait des fossiles nou¬ veaux de deux couches voisines , put dire laquelle des deux est la plus ancienne. II. Les animaux et les végétaux ont nécessairement une organi¬ sation en rapport avec les conditions d’existence que présente le milieu dans lequel ils se trouvent placés naturellement. On sait, en effet, que, toutes choses égales d’ailleurs , les êtres terrestres ou qui respirent 1 air en nature diffèrent essentiellement des êtres aquatiques , et que , parmi ceux-ci , ceux qui vivent dans l’eau douce diffèrent de ceux qui vivent dans la mer. On sait aussi que ceux qui habitent les régions polaires, tempérées et équatoriales, sont d’espèces différentes , et que si certaines espèces existent dans ces diverses régions, ce qui est rare, elles y présentent des modifi¬ cations particulières. « Le Buccinum undatum , dit M. Deshayes » ( Description des coquilles fossiles des environs de Paris , t. Il , »> p. 774 ), se trouve depuis le cap Nord jusqu’au Sénégal , allant » en se modifiant avec la température : aussi est-il assez facile de » distinguer les trois ou quatre termes principaux de tempéra- » ture. » On sait enfin que les animaux qui n’ont pas la faculté de se déplacer avec facilité , et qui habitent les profondeurs de l’Océan , diffèrent complètement de ceux cpii vivent à sa surface. Oi *, on doit le reconnaître, ces ‘trois circonstances , la nature du milieu, la température et la pression , varient d’un point du globe Soc. géol., 2* série, tome IV. 38 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 594 à l’autre , et l’observation démontre que les êtres varient avec ces circonstances. Au surplus, on ne trouve guère , sous la même lati¬ tude, sous le même climat, sous les mêmes pressions d’atmosphère ou d’eau , dans des circonstances qui nous paraissent semblables enfin, d’êtres organisés de même espèce dans des localités fort éloignées les unes des autres , telles que les cotes européennes et les côtes asiatiques par exemple. O11 ne saurait donc , de la comparaison des corps organisés que renferment les dépôts qui se forment actuellement dans l’ancien et dans le nouveau monde , conclure qu’ils appartiennent à la même époque. Ce qui se passe aujourd’hui a dû avoir lieu dans les temps an¬ ciens , même en supposant que la température y ait été moins variée, ear dans ce cas il en serait seulement résulté que les mêmes espèces pouvaient occuper une surface plus considérable qu’à l’époque actuelle, sans qu’aucune d’elles ait pu vivre en même temps partout où il se formait des dépôts , et il existait alors , comme aujourd’hui, des flores et des faunes particulières plus ou moins circonscrites. On peut, au reste, citer des exemples. Ne trouve-t-on pas dans le phyllade de AV issembacli (Nassau) un ensemble de coquilles que l’on ne retrouve pas ailleurs dans des dépôts de la même époque , etc. ? Enfin, on peut conclure des observations les plus récentes que lorsqu’une espèce se trouve exclusivement dans une couche , et pourrait par conséquent la caractériser par sa présence , cette espèce n’a jamais occupé qu’une très petite fraction de la surface du globe et ne peut dès lors caractériser celte couche dans toute son étendue. • D’un autre côté , lorsqu’une espèce a occupé une grande sur¬ face , c’est que son organisation lui permettait de vivre , jusqu’à un certain point , dans des circonstances variées ; mais alors on la trouve non seulement dans une couche , mais dans un système de couches et quelquefois même dans plusieurs systèmes de couches, de sorte qu’elle ne peut plus caractériser ces couches ou ces systèmes. Voyons au reste, en suivant les errements actuels, quelles sont les espèces qui peuvent être considérées comme caractéristiques et servir à constater l’identité d’àge de couches ou de systèmes de couches observés en des points éloignés les uns des autres. Parmi le nombre total d’espèce^ que renferme une couche dans uue première localité, certaines espèces existaient déjà dans les SÉANCE 1>1 1 9 AYRIf. 1 8/| / . 59-fr couches inférieures ; d’autres se retrouvent dans les couches su¬ périeures , et il n’y a qu’un certain nombre (V espèce# propres à la couche que nous envisageons dans celte première localité ; mais parmi ces dernières, les unes sont locales ou particulières à la localité, les autres plus répandues géographiquement se trouvent également dans une seconde localité. Ce ne sont que celles-ci que l’on peut considérer comme caractéristiques pour ces deux localités. On conçoit aisément que le nombre d’espèces caractéristiques va¬ riera en raison inverse du nombre de localités explorées , et meme en raison inverse de leur éloignement , et l’on sera sans doute un jour conduit à -reconnaître qu\7 id existe pas d’espèces caractéris¬ tiques d' une couche ou meme d' un système de couches pour tous les points du globe. Il ne peut donc exister d’espèces caractéristiques qu’entre cer¬ taines limites géographiques , et les espèces caractéristiques doi¬ vent varier d’un bassin à l’autre ou d’une latitude à l’autre. En¬ visagées sous ce point de vue, les espèces propres à un bassin n’ont pas toutes la même valeur comme caractère paléontologique ; il n’y a que les espèces les plus communes, et que l’on est dans le cas de rencontrer assez souvent dans tous les points où l’on observe , qui puissent être utiles au géoîogiste ; les autres , à cause de leur rareté, sont à peu près inutiles à ce dernier et n’intéressent que le zoologiste. Enfin , on doit observer que les espèces caractéristiques d’une couche différent des espèces caractéristiques d’un système dans lequel cette couche est comprise; que les espèces caractéristiques d’un système de couches diffèrent des espèces caractéristiques d’une formation dont ce système fait partie, et ainsi de suite ; d’ou il résulte que les espèces caractéristiques varient suivant la manière de diviser les terrains neptuniens. En effet , soient des couches A , H , G , etc. La première À renfermant les fossiles La deuxième B — La troisième G — La couche A, sera caractérisée par les fossiles. La couche B n’aura pas de fossiles caractéristiques. La couche C sera caractérisée par les fossiles Le système AB — Le système BC — V La formation ABG — m , n , o. n , o o, , ^ , p. P * 7- m. SÉANCE UC 19 AVRIL 1 8 Z| 7 . 615 partielle de ces mêmes matières a commencé à la surface. Cette première pellicule de cristallisation a dû se former à peu près partout dans le même temps. L’influence de la chaleur solaire 11e pouvant être bien considérable à une époque où la température intrinsèque du globe était aussi élevée, les mouvements atmosphé¬ riques ont dû être également laibles ; de là l’absence de grands courants équatoriaux , qui , sans cela, auraient pu retarder la fixa¬ tion des molécules fluides entre les tropiques. Pendant un certain laps de temps , le refroidissement de la pellicule terrestre ayant lieu rapidement , et ce temps a dû être assez long , sa contraction a dû être plus grande que celle de l’intérieur (1). De là de nom¬ breux fendillements et des crevasses dans cette pellicule qui , bri¬ sée , tourmentée de mille manières par les pressions variables et les vents d’une atmosphère chargée des vapeurs les plus pe¬ santes (2) , par les marées de cette mer ignée universelle , a dû donner passage , à tout moment , à des épanchements de la matière intérieure, et a dû être exposée souvent à être redissoute au moins en partie. Mais il est arrivé un point où la contraction de l’écorce solide a dû équivaloir à peu près à la diminution de volume des couches liquides qui se figeaient (3). L’action des marées générales ne dut plus être aussi sensible sur la croûte solidifiée ; l’atmosphère s’épura de ses vapeurs les plus lourdes ; la grande masse des eaux a pu se condenser à la surface. Cependant , l’influence du noyau incandescent était encore assez grande pour réagir sur la partie inférieure des dépôts qui se faisaient au fond des mers ; il sepro- (1) M. Elie de Beaumont, en s’appuyant sur les observations ther- mométriques souterraines d’Arago et sur les formules trouvées par Poisson et par Fourier, est arrivé par des calculs aussi simples qu’in¬ génieux au résultat approximatif, il est vrai, mais pourtant remarquable, qu’à dater de la solidification de la première pellicule terrestre, le re- froidissrmeut annuel de la surface du globe a du être, pendant environ trente-huit mille ans, plus grand que celui de sa masse totale; et qu’à dater de cette époque le refroidissement moyen annuel de la terre a dû surpasser celui de la surface et qu’il le surpasse de plus en plus. ( Comptes-rendus des séances de U Acad, des sc., t. XIX , séance du 16 déc. 1844). — Voyez encore les expériences de M. G. Bischof, à Bonn {Ncues Jahrbuch fur Min., etc., 4 8 41.) (2) Voyez l’élégante Exposition de /’ ensemble des phénomènes (/ni sc sont manifestés a la surface du globe , par M. le vicomte d’Archiac. Paris, 1840 , p. 12. (3) Comparez ce qu’en dit M. Angelot ( Bull . géol ., t. XIV, p. 51 ; 1842). 61(5 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. cluisait des couches cristallines par métamorphisme normal (l).Les inégalités du sol à l'extérieur n’étaient pas très considérables; de nombreuses terres basses seulement ont dû fournir matière (1) Voyez, pour ce qui regarde ce genre de métamorphisme, les leçons à l’École des mines de M. Élie de Beaumont (traduction aile- mande de M. Vogt; Brunswick, 1816), qui en 1833 en exposait la théorie au Collège de France, et les notes intéressantes de M. Yirlet, consignées dans le Bulletin de notre Société pour 1837 (séance du 19 juin), ainsi que dans celui de cette année (séance du 15 février). J’admets, avec M. de Beaumont et M. Virlet, le métamorphisme nor¬ mal des formations dites primitives de la Suède, tel queM. Murchison parait l’avoir compris, et que notre, confrère vient de l’adopter dans sa dernière note. Seulement , je dois le dire , je ne saurais le suivre dans l’application du même phénomène à la plupart des granités , et notam¬ ment à ceux de la Bretagne. Au surplus , je dois noter qu’il y a loin de ce genre de métamorphisme qui a du modifier les dépôts les plus an¬ ciens, tà ces idées singulières qui ont porté M. Keferstein et d’autres sa\ants même très distingués, mais trop préoccupés des conditions chi¬ miques de la terre, à admettre la transformation morphologique des grès rouges en porphyres , ou des schistes en granités, par la seule in¬ fluence des réactions moléculaires inhérentes à ces roches. La question de savoir quelle est la nature de la stratification des roches cristallines se rattache à celle-ci. Depuis que les principes de V> erner, qui les considérait comme un dépôt aqueux , ont été défini¬ tivement mis de côté , on a beaucoup discuté sur ces roches. M. Lyell, qui a là-dessus presque exclusivement suivi les idées de Hutton , s’ar¬ rête à l’action métamorphique qui aurait transformé et continuerait de transformer peu à peu en gneiss et en granités les débris de matériaux sédimentaires préexistants, stratifiés au fond des mers et enfouis à de grandes profondeurs. D’autres géologues, et parmi ceux-ci des sa¬ vants du Nord très distingués, n’ont pas regardé comme étant une vé¬ ritable stratification les divisions des schistes appelés primitifs, tels que ceux de la Scandinavie , et les alternances qu’ils présentent dans leur nature minéralogique ; ils ont même adopté l’opinion que ces appa¬ rences d’une stratification souvent très marquée et fortement inclinée ou presque verticale , n’étaient dues , ainsi que la formation des gra¬ nités qui en ma:nts endroits sont enclavés dans les mêmes schistes, qu’à des actions moléculaires et chimiques. D’autres encore ont rejeté en totalité ou en partie l’idée d’un métamorphisme normal , et se sont attachés à expliquer la stratification de ces dépôts « azoïques », soit au moyen d’un laminage lors de l’éruption des granités , soit par un procédé de dépôt chimique , ou par l’effet des attractions spécifiques combiné avec celui de la densité des substances composantes qui se précipitaient au milieu d’un bain igné. Vouloir étendre à l’infini la répétition des transformations sous le prétexte de s’attacher aux causes actuelles, ce serait une manière bien 6 17 SÉANCE DU 19 AVRIL 18A7. aux sédiments qui se formèrent dans ce temps. L’étendue des dépôts primaires , telle qu’elle nous a été démontrée par les grands voyages d’un de nos plus savants confrères (1) , est une preuve que les mers occupaient de vastes espaces. C’est alors qu’a com¬ mencé le régime actuel pour le globe que nous habitons ; la tranquillité venant à régner sur la terre , la vie organique a pu s’y développer. A dater de ce point , la contraction de l’écorce so¬ lidifiée , dont les dernières limites du refroidissement (2) n’a¬ vaient plus lieu qu’avec une extrême lenteur, ne suffit plus à ba¬ lancer la diminution progressive du volume du noyau liquide (3), dont la masse était d’ailleurs continuellement réduite par l’enlè- étroite d’envisager l'action des forces physiques qui, variables dans leurs effets, ne se modifient aucunement dans leur essence, et restent, en ce sens, toujours actuelles. Sans méconnaître donc qu’il doit y avoir eu du granité véritablement primitif, résultat de la coagulation de la première peliic ule, et qu’il peut y avoir eu une sorte de schistes cristallins également pri¬ mitifs, résultant de l’action des marées et des courants du bain igné au moment de la solidification , nous sommes convaincus que la plupart des roches dites primitives, autres que les granités ou leurs analogues, présentent les traces d’une véritable stratification, et qu’elles sont, ainsi que certains granités, etc., qui y sont renfermés, d’origine métamor¬ phique normale. Car il est difficile de concevoir que les dépôts réelle¬ ment primitifs aient pu sc conserver, sans se fondre , dans les profon¬ deurs oit ils étaient recouverts par les couches plus récentes , lorsque nous voyons la transformation en micaschistes et en gneiss de roches qui ne sont pas plus anciennes cpie les terrains jurassiques. Ce cas peut exister, nous ne le nions pas, mais la manière d’être de la plupart des dépôts primitifs, de ceux de la Scandinavie, par exemple, nous porte à douter qu’il ait réellement lieu. Quant aux gneiss qui renferment des fragments de roches étrangères, et aux gneiss formant des filons , ils ne peuvent entrer dans les catégories des roches primitives ou métamorphiques; leur origine plutonienne, et leur éruption postérieure au dépôt des terrains qu’ils traversent ne saurait être sujette à contestations; leur structure peut très bien être due à ce qu’on a appelé le laminage des roches ignées. ( I) Édouard de Verneuil, Voyages dans la Russie d'Europe et dans V Amérique du Nord. (2) D’après Fourier , l’effet thermométrique actuel de la chaleur centrale à la surface n’est que de de degré; d’après Poisson, il est encore moindre. La surface des laves se refroidit extrêmement vite , et elle reste alors dans un état de température à peu près stationnaire; tandis que, à quelques pieds seulement de profondeur, la roche conti¬ nue d’êire fondue, et elle ne se refroidit qu’avec une lenteur extrême. (3) La dilatation linéaire des solides diffère peu de > tandis que celle de l’eau est de (518 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. veinent des couches extérieures qui se solidifiaient. Le noyau liquide devenait trop petit pour remplir son écorce , tant que sa forme serait restée celle du sphéroïde primitif. 11 a donc dû y avoir pour le globe une tendance constante à s’éloigner de cette forme. L’accélération de rotation produite par la diminution du diamètre de la terre ne pouvait à elle seule donner lieu à une diminution de capacité (1); sa croûte étant loin de présenter une rigidité absolue, ne pouvait permettre qu’il se formât des vides; elle n’aurait pu se soutenir un seul instant sans surnager sur le bain qui la supportait. Or, à mesure que le niveau de celui-ci s’abaissait, il a dû en résulter entre les différentes pièces de la voûte solide une pression latérale énorme tendant à en faire sortir les parties les plus faibles , de la même manière que nous voyons des voussoirs d’anciens ponts en plein cintre , poussés en dehors par la pression des côtés surchargés. Mais un bombement cpii se fait de cette manière peu à peu sur un seul point de la surface , ne saurait produire une diminution de capacité de l’écorce. Pour qu’au contraire cette capacité n’en soit pas augmentée, il faut que le bossèlement se fasse , soit tout autour et parallèmeut à un grand cercle de la sphère, soit au moins sur toute la longueur d’une moi¬ tié delà surface de notre globe ; le bossèlement sera alors compris entre deux grands cercles qui , dans un cas donné , pourront être deux demi-méridiens. Que ce soit l’un ou l’autre de ces phéno¬ mènes qui s’accomplit , il n’en suivra pas moins F affaissement graduel et général des deux grands hémisphères latéraux , dans le premier cas ; de tout le reste de l’enveloppe , à l’exception de l’espèce de côte de melon ou de fuseau en bas-relief qui se sou¬ lève , dans le second. Les diamètres, dont les extrémités viennent aboutir à une grande zone qui parcourt tout autour la surface de la terre, auront été allongés dans l’un des cas aux dépens de tous les autres; ce seront, dans l’autre cas , les rayons qui aboutissent au fuseau de soulèvement qui auront subi un allongement analo¬ gue. Le soulèvement zonaire parcourant toute la circonférence du (1 ) M. Élie de Beaumont qui, on peut le dire, n’a oublié aucune des questions qui peuvent intéresser la géogénie, a fait des calculs qui , d’après le principe des aires, prouvent que si l’on suppose la croûte suffisamment solide pour se soutenir , le sphéroïde qui se formera à l’intérieur par le refroidissement , dont le mouvement sera plus accé¬ léré , et qui sera par conséquent plus aplati , ne peut être en aucun point tangent à la surface inférieure de la croûte primitive. Il s’en ap¬ prochera davantage à l’équateur qu’aux pôles , mais il ne le touchera point. SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z| 7 . sphéroïde , sa seule action suffira à conserver l’équilibre entre la croûte et le noyau. Les deux calottes s’affaisseront tranquillement. Mais pour que ce genre de soulèvement se fasse , il faut une énorme puissance de pression. Le soulèvement par côte de melon , tel que l’entend M. Elie de Beaumont , est plus concentré , il exige une dépense bien moins considérable de force vive , et se trouve être plus en rapport avec les faits que l’on observe sur la surface de notre globe ; mais dans ce cas le reste de la croûte ne peut s’affaisser qu’en se déformant, quoique très légèrement (1). Il ne pourrait s’effectuer si la croûte n’était pas aussi incohérente et peu rigide qu’elle l’est en effet (2). (yl) Il est important de îemarquer que ces changements de forme sont si petits qu’ils ne sauraient avoir aucune influence appréciable sur les révolutions régulières et sensiblement conslantes du globe , et qu’ils ne pourraient produire que des oscillations tout à fait minimes de son axe dans l’espace, oscillations incapables d’aucune action sur la réparti¬ tion des climats. (2) Notre savant secrétaire, M. Le Blanc, a cité un fait qui prouve, jusqu’à l’évidence, la nécessité de cette marche des choses pendant le refroidissement d’un corps fondu : « Quand on coule de grosses pièces » en fonte, comme des canons, dit-il , on établit les moules verticale- y> ment ; on coule une surcharge considérable de matière fondue, et » malgré cela on éyite rarement les vides ou chambres qui se forment » dans l’intérieur de la pièce. On a souvent attribué ces vides à des » bulles d’air; nous pensons que la cause qui les reproduit d’une ma* » nière si constante est le refroidissement subit de la croûte, accom- » pagné d’un refroidissement plus lent de l’intérieur... Quand on coupe » une balle de fusil , on trouve toujours dans son intérieur un petit » vide qui n’est pas souvent à son centre de figure. Ce fait, qui nuit à y> la justesse du tir, a été vérifié à l’arsenal de Metz sur 1,800 balles, » sans qu’on y ait trouvé une seule exception. » [Bull, de la Soc. géol. de France , t. XII, p. 140.) Ce vide inférieur, dernier résultat de la solidification d’une masse liquide, et qui, dans les balles de plomb, est excentrique, lenticu¬ laire , et opposé à la direction de la gravité au moment de leur solidifi¬ cation , remplacera probablement tôt ou tard la partie centrale de notre globe , et il sera sphérique. D’ici là , il arrivera même un phéno¬ mène assez curieux, et que M. Angelot a analysé avec une grande puissance de logique ( Bull ., 1re série , t. XIII, p. 248 ). Tant que la croûte de notre globe conservera encore une certaine souplesse, et les changements de niveau actuels nous montrent que nous sommes encore dans ce cas, elle ne discontinuera de s’adapter à son noyau; mais, « quand elie aura atteint une épaisseur suffisante pour ne plus s’écrou- « 1er, dit M. ilngelot, il devra se former une chambre concentrique « complète dans laquelle il se fera une nouvelle sphère solide. Un phé- 620 SÉANCE DU 19 A Y 11 IL 1 8 Z| 7 . Cette action de bossèlement a du être lente , extrêmement lente même à l’origine; mais la rapidité de sa progression a dû s’ac¬ croître à mesure que le bombement devenant plus considérable , et cette partie de la croûte se trouvant de plus en plus éloignée du centre de la terre et poussée en dehors du niveau moyen de sa surface , la résistance de la zone ou de la côte bombée par rap¬ port aux deux calottes latérales venait à diminuer, lia même dû arriver un instant où , la progression de rapidité dans le mouve¬ ment ainsi accéléré étant parvenue à sa dernière limite , la partie bosselée de l’écorce qui n’était plus en état de résister, a dû se briser en plusieurs points. La masse fluide intérieure pressée par le poids des deux moitiés de la voûte qui s’affaissait , soumise aux lois d’égalité de pression des liquides , a dû exercer à son tour des efforts puissants sur ces points de moindre résistance , et contri¬ buer, par son émersion , au bouleversement des parties avoisi¬ nantes , jusqu’à ce que les colonnes ignées balançant par leur hauteur la pression générale , n’eussent pu rétablir l’équilibre momentanément dérangé. C’est ainsi que, lorsque la pression inté¬ rieure agissait puissamment sur les deux côtés d’une longue fente, il se formait de grandes chaînes de montagnes ; et que, lorsqu’au con¬ traire les effets de cette pression limités par une disposition parti¬ culière des parties de l’écorce solide, ne portaient que sur des points isolés, il se faisait des cirques; ou qu’ après un écroulement plus ou moins partiel de la partie relevée, il en résultait ces cratères de soulèvement sur lesquels M. de Bucli a le premier appelé l’atten- tion des géologues (1). v nornène semblable pourra se reproduire clans cette nouvelle sphère, » une ou plusieurs fois, jusqu’à la solidification totale , qui pourra « peut-être produire, au sein de celte dernière sphère solide , une pe- » tite chambre centrale. » Que feront, pendant ce temps, les gaz qui se dégagent constamment pendant le refroidissement? (I ) C’est là ce qu’on a appelé la théorie des soulèvements . M. de Buch avait donné une forme pratique aux indications de plusieurs an¬ ciens savants lorsqu’il a attribué aux mélaplryres le soulèvement des terrains alpins ; il était réservé a ses successeurs de développer celte idée, d’en tirer une théorie et de la pousser aux dernières conséquences. O.i parlait encore, il y a quelque temps, d’une théorie des affaisse¬ ments. C’est la théorie de De Luc. De Luc faisait enfoncer toutes 'es plaines pour ne maintenir au même niveau que les arêtes des monta¬ gnes; des cavités intérieures auraient absorbé les eaux surabondantes de l’Océan. L’espace occupé par les montagnes n’étant guère, d’après Humboldt, qu’environ le centième de la surface des continents, et les arêtes étant encore une parcelle infiniment petite de l’étendue du SÉANCE DU 19 AVRIL 18/j7. De là deux états différents dans la vie de notre globe : 1° des p<-~ pays montueux , on voit quels bouleversements supposait cette hypo— th èse. On a voulu, plus tard, reproduire cette théorie, en admettant toutefois la contraction du noyau de la terre. J’ai lu attentivement ce qu’il en est dit dans le Bulletin de la Société , t. XI, p. 183, et ce n’a pas été sans étonnement , je dois le dire , que j’y ai vu , confondus dans un anathème commun , le principe des soulèvements des chaînes de montagnes , la théorie des cratères de soulèvement ou d’enfoncement (ce qui revient au même) produits par la force des gaz, et troisième¬ ment les idées sur lesquelles Hopkins a fondé ses calculs; trois choses qui n’ont rien de commun. Aujourd’hui, ces malentendus se sont éclaircis, et je suis heureux de constater qu’entre le savant défenseur des affaissements et les géologues qui ont adopté la théorie des soulè¬ vements, il n’y a plus aucune différence d’opinion. Dès qu’on reconnaît que la grande partie de l’écorce qui s’affaisse ne peut exécuter ce dé¬ placement qu’à la condition qu’il y ait un mouvement de bascule , et qu’une autre partie se soulève , il n’v a plus de diversité entre les deux théories. Seulement , puisque les soulèvements, en raison de l’espace restreint qu’ils occupent, sont beaucoup plus appréciables que l’affais- sc-ment, et que d’ailleurs l’affaissement ne peut avoir lieu que par suite du soulèvement, on permettra que je continue d’appeler les mouvements généraux de l’écorce, des soulèvements. Quant aux cratères de soulèvement, oh ! là on est encore bien loin de s’entendre, du moins en apparence. On a assez mis en doute l’exis¬ tence de ces cratères. Les uns ont attaqué l’ensemble de la théorie du célèbre géologue prussien; les autres, tout en admettant cette théorie dans son principe, ont contesté les faits particuliers qui en avaient été cités comme exemples. D’autres encore ont prétendu qu’il y avait bien des soulèvements cratériformes dans les terrains schisteux, mais qu’il ne s’en était point produit dans le sol volcanique. Quelle que puisse être ma conviction, après la lecture du grand et beau Mémoire de MM. Duf. énoy et Elie de Beaumont , sur le Cantal [Ann. des mines , 1833), et de leur réponse aux objections qu’on leur avait faites (réponse de JM. Dufrénoy dans le procès-verbal de la séance de la Société géo¬ logique de France , 10 juin 1833; Mémoire de M. de Beaumont, lu à la séance du 17 février 1 834), ainsi que de leurs Mémoires sur le Vé¬ suve et sur l’Etna; n’ayant pas étudié les localités mises en discussion, je dois me tenir dans la plus complète réserve sur les cas spéciaux. Je ne pourrais pourtant passer sous silence de combien de poids est pour moi l’opinion de M. de Waltershausen , qui , après avoir accompli son ouvrage monumental sur l’Etna, en avoir levé une carte topogra¬ phique, comme il n’en existe pas une seconde, et avoir consacré exclu¬ sivement à l’étude de cette montagne huit années de sa vie, et qui, après avoir couronné toutes ces recherches par la visite des autres volcans du Midi et par un grand voyage en Islande, vient d’écrire à l’Académie, en lui envoyant son ouvrage magnifique, que :« Ses vues sur la formation » et la structure des volcans, et spécialement pour ce qui regarde leur 62 2 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. riodes de tranquillité correspondantes à ce bossèlement, à ce souiè » soulèvement, coïncident dans tous les points essentiels avec celles de » M. Élie de Beau mont {Mém. sur /’ Etna)\ résultat d’autant plus décisif, » qu’il n’y est point arrivé , dit-il , par suite de discussions abstraites, » mais qu’il l’a déduit directement d’observations consciencieuses pour- » suivies sur la nature même pendant plusieurs années. » Mais qu’il me soit permis d’exprimer combien il m’est difficile de concevoir que cette théorie ait pu devenir l’objet de tant d’attaques. D’abord je ne saurais comprendre des éruptions vocaniques qui se feraient jour tout a coup du milieu d’une giande plaine, sans déranger le moins du inonde les couches environnantes. Ensuite, ou il faut nier toute espèce de soulè¬ vement et en venir aux idées de M. de Moritlosier, qui, en 1832, affir¬ mait encore « que les Alpes, et en général les groupes de montagnes, » ne sont que des continents élevés et à pente douce, déchirés par un «précipité tombé du haut de l’atmosphère dans leur milieu;» ou bien il faut admettre que , s’il y a eu des soulèvements longitudinaux , il peut y avoir eu également des soulèvements par cirques. Or, s’il a pu y avoir des soulèvements par cirques dans les terrains cristallins et schis¬ teux , pourquoi ne doit-il pas y en avoir eu dans les terrains volcani¬ ques? Je dirai plus; d’après les conditions qui sont nécessaires pour qu’il se fasse un soulèvement circulaire, et qui consistent dans l égalité de résistance de la surface, au-dessus du point comprimé, il est évident que ce genre de soulèvement a dû surtout avoir lieu là où des couches d’épanchement uniformes et multipliées présentaient à un haut degré cette condition voulue; car il ne faudrait pas s’imaginer, comme on l’a cru parfois, que ce fût toujours l'épaisseur totale de l’écorce de la terre qui a été déplacée lors de la formation d’un soulèvement circulaire ; ce cas n’est arrivé que pour des cirques où des masses ignées considéra¬ bles ont été poussées de l’intérieur à un état plus ou moins solide. Dans toutes les autres circonstances , et pour les terrains volcaniques en par¬ ticulier, il est très probable, ainsi que M. Elie de Beaumont l’a fait remarquer, que des matières liquides aient pénétré par des fentes jus¬ qu’au-dessous des couches les plus superficielles, qui seules ont subi le redressement. Supposons, par exemple, qu’un effort se fasse par la matière intérieure au-dessous d’un point où se trouvent des basaltes en couches étendues et horizontales ; la matière fondue remontera jusqu’au- dessous de ces couches unies, par les fentes résultant du retrait du dicke qui, s’étant refroidi plus tard que le chapeau de la nappe basaltique, n’avaient pu être remplies après coup par en haut; cette matière, arri¬ vée devant l’obstacle, s’y amassera comme un champignon, commen¬ cera à le soulever, et, après s’être introduite entre les couches supé¬ rieures et les inférieures , laissera retomber les premières au milieu , par cela même qu elle aura trouvé une autre issue. Quant à la question de savoir si c’est la pression générale de l’é¬ corce , agent ordinaire des soulèvements , qu’on doit attribuer la for¬ mation de ces cirques cratériformes , ou bien à toute autre puissance agissant sur un point de sa partie inférieure , elle ne me parait pas fa- SÊANClî DU 19 AVRIL î8/j7. 623 veinent lent d'une zone circulaire ou d’une cote de melon, et que plus cile à résoudre pour les cas particuliers. En général , la disposition des volcans sur les grandes lignes de soulèvement porterait à croire qu’ils se sont formés au commencement de l’époque à laquelle ils appartien¬ nent , et qu’ils ont profité des soupiraux que les ruptures qui l’ont im¬ médiatement précédée avaient établis à travers la croûte terrestre. A cet égard, M. Elie de Beaumont a fait remarquer non seulement que la plupart des volcans sont disposés suivant les grandes lignes de soulève¬ ment , et surtout à la limite de deux grandes plaines de hauteurs différentes •, mais que le pic deTénériffe et l’Etna se trouvent précisé¬ ment dans la prolongation des deux extrémités de la chaîne de l’Atlas , et que le second occupe le point de croisement de la direction de cette chaîne avec celle des soulèvements du Ténare , dans lesquels rentrerait le Vésuve; tandis que, d’autre part, quelques observateurs distingués sont portés à croire que les cratères de l’Auvergne se trouvent sur de semblables croisements, Bien cependant ne s’oppose à ce que des gaz accumulés sous un point donné de l’écorce , où des fentes les condui¬ saient jusqu’auprès de la surface du sol, aient pu parfois vaincre sa résistance et produire , sur une échelle plus grande , ce que M. Pilla a vu s’accomplir en petit, sous ses propres yeux, au milieu du cratère du Vésuve, en 1 834 ( Mém . de la Soc. géol. de Fr., t. 1 , 2e série, p. 1 76). Les phénomènes de toute espèce que l’on observe auprès des volcans et en mille autres endroits différents , les recherches de tant de savants sur les causes des propriétés des eaux minérales , celles surtout de M. Scheerer { Bull, géol., février 1847), qui prouvent que l'eau a été de tous temps combinée à l’état basique avec le* roches incandes¬ centes , sont des faits bien propres à faire attribuer à l’action des gaz et des vapeurs l’éruption des laves actuelles. Or, si des gaz, trouvant toujours une issue toute prête à mesure qu’ils arrivent, sont capables d’élever des colonnes de laves de plusieurs milliers de mètres au-dessus du niveau moyen de la surface , quelle ne doit pas être leur puissance lorsque, faute d’un soupirail , ils sont forcés de s’accumuler et de se comprimer! Les malheurs sans nombre qu’on a déjà eus a déplorer et qui sont dus à des explosions par la force de la vapeur à une haute température, ne nous avertissent-ils pas assez de la puissance de cette force si redoutable? Les faits historiques, tels que le célèbre soulève¬ ment du Jorullo rapporté par Humboldt , etc. , admettent-ils aucune réplique sérieuse? car il ne suffit pas de faire semblant d’ignorer la chose, et de dire que ce sont des laves accumulées, comme la fait M. Lyell (. Êlém . de géol., trad. française; Paris, 1 839). M. Elie de Beaumont a comparé l’action volcanique à celle du vin de Champagne, qui se répand en dehors d’un goulot par la force expansive de l’acide carbonique qui le fait mousser; cette propriété des gaz a été mise à profit dans ces derniers temps dans une saline de l’Allemagne , où l’on exploite le sel gemme par dissolution ; on y est parvenu à effec¬ tuer une grande économie de force motrice en remplaçant les pompes à eau par des pompes soufflantes ; l’air introduit jusqu’au fond des SÉANCE DU 19 AVRIL 184 7. tard M. de Waltersliausen a appelé soulève1 ment séculaire (1). Dans ces périodes , espaces de temps analogues à celui où nous vivons , des causes semblables produisaient des effets pareils à ceux que nous pouvons observer de nos jours. Une plus grande puissance des agents chimiques , et les influences météorologiques modifiées, surtout dans les premiers temps, par la plus grande uniformité d’une température plus élevée , par la composition des eaux et de l’atmosphère de l’époque , par la disposition des mers et des con¬ tinents , par l’existence probable d’une plus grande quantité de sources minérales et thermales, ont dû seules y apporter quelque sondages au moyen de tuyaux , suffit, dans son ascension par bulles, à diminuer tellement le poids de la colonne liquide , qu’elle remonte bien au-dessus de son niveau naturel, et peut ainsi arriver aux canaux d’écoulement. Les produits laviques actuels laissent échapper une énorme quantité de gaz et de vapeurs. En Auvergne , les basaltes modernes présentent plus de traces de gaz que les basaltes anciens. Les traehytes ont des scories; les porphyres, très rarement; les granités, jamais. Ainsi beau¬ coup de gaz accompagnent les éruptions modernes, très peu ou point les anciennes. Ce n’est pas une simple différence de nature dans les produits de diverses couches concentriques du globe que nous avons à considérer ; ce sont, d’un côté , des substances avec des gaz ; de faut e , des substances sans gaz. Cette idée, qu’on trouve consignée dans le Mémoire sur le Cantal de MM. Ehe de Beaumont et Dufrénoy ( Ann . des mines , 3e série, t. III, p. 568 , 1 833 ) explique jusqu’à un certain point pourquoi les volcans de nos jours forment une com¬ munication permanente entre l’intérieur de la terre et sa surface, tandis que les éruptions anciennes n’étaient que temporaires. Lors de l’abaissement de température, les gaz des couches extérieures n’étant pas soumis à de grandes pressions, se sont dégagés avant la so¬ lidification de la pellicule la plus superficielle. Dans les couches plus profondes , ils ont été retenus par la pression , et n’ont pu commencer à se dégager que lorsque ces couches étaient arrivées à une tempéra¬ ture beaucoup plus basse. Tant que la solidification s’est limitée aux couches supérieures, il n’y a pas eu de dégagement • les roches qui en dérivaient ne pouvaient renfermer de vapeurs. Plus tard , la solidifica¬ tion a atteint les couches à gaz , ils se sont alors dégagés. C’est le même phénomène que celui de la végétation de l’argent observé par Gay-Lussac : tant que ce n’est que la croûte qui se solidifie, il n’y a pas d éruption; mais lorsque la solidification atteint l’intérieur de la "masse, alors on voit le phénomène. Si la terre n’avait pas eu d’autres causes de dérangement, les éruptions de l’intérieur n’auraient commencé qu’avec les volcans. (1 ) TJiber die submarinen vulkanischen Ausbrùche des Val di Noto , Goettinger Studien ; 1 845. SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 625 différence , et réagir surtout puissamment sur la vie des végétaux et des animaux , en leur imprimant en général un cachet de con¬ temporanéité respective (1) ; 2° des époques d’agitation , moments de soulèvement brusque et de rupture , marqués par l’arrivée des matières intérieures à la surface. Des émanations nombreuses de vapeurs très variées ont signalé ces époques (2). il en est résulté la destruction et l’altération partielle des anciennes roches , et la production de nouvelles, par métamorphisme anormal (3) sur plu- (1) Lorsqu’une certaine forme d’organisation pour s’accommoder aux nouvelles conditions ambiantes a subi toutes les modifications dont elle porte les germes et dont elle est capable, si le milieu où elle vit continue de s’altérer, elle périt, elle cesse d’exister; une nouvelle forme vient la remplacer. « Il n’y a de créations possibles , dit Geof- » froy, qu’en raison de l’essence et selon la nature des éléments am- » biants qui s’organisent en eux. A chaque cycle géologique, ces élé- » ments se sont plus ou moins modifiés , et alors ce sont autant de » foi •mes qui varient dans une même raison. » ( Principes de philosophie zoologique ; Paris , 1 830.) Combien de fois ce changement aura-t-il encore lieu avant que l’existence de toute organisation soit devenue impossible sur la terre? (2) Voyez le Mémoire de M. Angelot sur les causes des émana¬ tions gazeuses provenant de l’intérieur du globe (Bull, de la Soc. géol. de France, t. XIII , p. 178; 1 842), où l’auteur, s’appuyant sur des arguments irrécusables, établit l’absorption primitive des gaz et des vapeurs par les matières liquides incandescentes , et leur dégage¬ ment progressif de toutes les parties de la masse, en raison de l’abais¬ sement de température , ainsi qu’il arrive lors du refroidissement des laves. La cause de la volcanicité actuelle n’est encore, pour nous, que la continuation de ce même phénomène pendant noire période de tran¬ quillité. M. Angelot émet également sur la formation des filons métalli¬ fères une hypothèse qui, comme tout ce qui sort de la plume de ce sa¬ vant éclairé, est empreinte d’un véritable sentiment scientifique; en se fondant sur la densité supérieure des parties centrales de la terre , den¬ sité qui , en supposant le globe partagé en trois couches concentriques donnerait, pour la plus inférieure, une pesanteur spécifique de 18,89, il admet qu’au moyen de l’espèce d’ébullition qui doit résulter des gaz qui s’échappent jusque des parties les plus profondes, de faibles traces des métaux les plus pesants peuvent être entraînées à l’état liquide des profondeurs où les relègue leur densité; la température de ces métaux serait tellement élevée, qu’arrivés subitement à des couches où ils sont soumis à une pression moindre , ils se subliment et vont s’y déposer. Voyez encore, pour la théorie des filons métallifères, la géologie de d’Aubuisson et les mémoires si pratiques et si importants de M. Burat sur les filons de la Toscane, de l’Allemagne et de l’Algérie. (3) L’idée et les premiers développements de la théorie du méla- Soc. géol., 2e série, tome IV. 40 6*26 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. sieurs points (le la terre ; un changement plus ou moins considé¬ rable des propriétés des eaux et de l’atmosphère; des modifications correspondantes dans l’organisme des animaux et des plantes. Une partie de la surface terrestre avait été dévastée; les eaux de la mer, déplacées rapidement pendant le mouvement accéléré qui avait précédé la rupture, ou lancées violemment pendant cette rupture elle-même , s’étaient changées en courants et en vagues énormes qui l’ont partiellement rasée et ravinée (1), et qui ont amené au loin ces matières dont l’immensité des dépôts a bien souvent exercé la raison ou l’imagination des géologues. La nature s était rajeunie par le contact de nouveaux éléments ; après la fin du ca- taclisme , un jour plus beau recommença à briller sur la terre ; des forces nouvelles travaillèrent à la marche de l’univers. La rupture achève d’établir l’équilibre de capacité ; elle n’est que la dernière expression du soulèvement séculaire. Le refroidis- raorphisme anormal sont dus à l’Italien Arduino et à l’école écossaise. Les ouvrages de Hutton et Playfair, de Mac-Culloc, etc., en sont pleins. M. de Buch , M. Boué, MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont, MM. de Collegno , 1J. Savi , Studer, G. Rose , etc. , les ont appuyés plus tard par un nombre infini d’observations. M. Forehhammer a prouvé, par des analyses, l’identité chimique des schistes argileux et des gneiss de certaines parties de la Scandinavie ( Report on the in¬ fluence of fucoidal Plants upon the Formations of the Earth , on Metamorphism in general , etc., by G. Forehhammer. — Rep. of the British association for the advancement of science for 1844 ). Cette espèce de métamorphisme a agi de deux manières : soit par un simple changement de température au moyen du contact des masses ignées, comme sur les calcaires transformés en marbres saccharoïdes, soit par l’action de cémentation des substances volatiles qui , comme nous venons de le voir, ont dû toujours accompagner les dislocations terrestres. C’est à ces dernières influences qu’est due l’origine des dé¬ pôts anormaux non organiques, tels que les gypses, les substances magnésiennes, la plupart des sels gemmes, etc. (1) C’est là une des causes de formation des diluviums proprement dits, et la seule parmi ces causes qui ne se manifeste que dans les mo¬ ments où les forces physiques du globe sont sur le point d’acquérir leur maximum d’effervescence. La délimitation exacte de ce qui dans le dépôt des terrains diluviens des différentes périodes, est dû à cette cause, ou bien aux agents ordinaires des forces physiques, l’action de 1 atmosphère et des éléments qu’elle renferme, et l’action des eaux de la mer et des eaux continentales, liquides ou solides, pendant les pé¬ riodes de tranquillité, constitue une des questions les plus importantes de la science. Malheureusement la substitution d’ agents fantastiques aux causes réelles et actuelles a jeté dans ces derniers temps cette partie de la géologie dans une si déplorable confusion , qu’elle est à peu près encore à refaire. SÉANCE DU !9 AVRIL 1847. 6 ‘77 sement étant progressif et continuel , ce genre* de soulèvement re¬ commence de suite après le rétablissement de cet équilibre (1). Mais l’action qui s est exercée a dû avoir pour effet de déformer légèrement le sphéroïde ; l’équilibre de capacité a été satisfait aux dépens de celui de la forme ; la direction du soulèvement qui va suivre sera déterminée par les conditions les plus propres à ra¬ mener le globe à ses dimensions normales. Que le soulèvement ait été zonaire ou circonscrit entre deux demi-grands cercles , les dia¬ mètres des grands cercles qui lui sont perpendiculaires auront été raccourcis. Supposons un moment que la direction du soulève¬ ment ait été parallèle à un méridien, ou bien qu’il se soit effectué dans P espace compris entre deux demi-méridiens d’un même hémisphère; il est évident que la circonférence de la terre aura diminué parallèlement à l’équateur, et que la croûte se trouvera être aux pôles à un niveau plus élevé que celui qui lui est propre par suite des lois de l’aplatissement. 11 faudra donc que le pro¬ chain soulèvement se fasse de manière à allonger les diamètres de l’équateur et des petits cercles qui lui sont parallèles, par rapport à ceux des méridiens. 11 en résultera un deuxième soulèvement se croisant à angle droit avec le premier. Or, admettons que les bossèlements se sont toujours faits sous la forme d'une côte de melon , et que le premier se soit fait par le relèvement d’un demi-méridien. Pour satisfaire aux conditions que nous venons d’indiquer, le second devra venir se placer en croix avec celui qui a eu lieu, et à peu de distance de l’équateur. 11 coupera perpendiculairement les cercles méridiens ; mais sa po¬ sition plus précise dans l’immense zone limitée par les tropiques , sera déterminée par les points de moindre résistance ; la côte de soulèvement pourra se trouver dans la demi-zone torride septen¬ trionale , ou dans sa pareille du Sud ; ce deuxième bombement pourra commencer à se développer sous le méridien de Paris, sous (1) A la rigueur, cette succession immédiate d’un nouveau soulève¬ ment lent ne serait pas absolument nécessaire. Des tiraillements , des commencements de relèvements suivant plusieurs des lignes antérieures, ont pu parfaitement suffire à maintenir l’équilibre de capacité pendant les périodes tranquilles. Dans ce cas, le soulèvement brusque du fu¬ seau ou de la zone de bombement ne devrait plus être regardé que comme l'effet (le la concentration instantanée de l’action , par suite de la résistance de l’écorce à de plus grands tiraillements. C’est là une idée sur laquelle M. Elie de Beaumont a souvent insisté, et qui , il faut l’avouer, a de grandes chances de vérité, et présente même, comme système explicatif des faits, des avantages qu’on n’obtient point en ad¬ mettant des soulèvements successifs, généraux et isolés. 628 SÉANCE DU 19 AVRIL 18^ 7. celui de l’île de Fer, ou bien sous tout autre quelconque, de ma¬ nière à venir se placer sur le premier ou du coté opposé ; ses effets embrasseront la longueur d’un demi-grand cercle ou à peu près. Cette action nouvelle aura eu pour effet de relever le niveau de la croûte à l’équateur. Les points de la surface qui se trouveront les plus déprimés , les plus rapprochés du centre après la deuxième rupture , et partant , ceux qu’il faudra relever pour rétablir la forme normale , seront les vastes espaces où aucun soulèvement n’a encore eu lieu , et qui dans notre supposition sont compris entre la direction du méridien soulevé et celle de l’équateur. La marche du troisième soulèvement devra donc être parallèle , ou à peu près, à l’un ou à l’autre de deux grands cercles qui , en partant simultanément de l’équateur, se dirigeraient vers le N.-E. ou vers le N. -O. Le fuseau en bas-relief pourra être situé dans la partie septentrionale ou dans la partie méridionale du globe ; dans l’hémisphère où les autres soulèvements ont déjà eu lieu , ou bien dans l’hémisphère opposé. Son emplacement plus précis sera encore déterminé par les points de moindre résistance. Plus tard , d’autres bossèlements demi-circulaires se feront dans les espaces intermédiaires ; mais après une suite plus ou moins longue de répétitions, les chances redeviendront favorables au re¬ tour des anciennes directions , et ainsi de suite. Ce fait de la répétition de directions analogues dans des soulèvements appar¬ tenant à des époques très éloignées l’une de l’autre , est complè¬ tement constaté par l’observation (1). Il n’est pas nécessaire d’a- (1) Tout le monde connaît les directions données par M. Élie de Beaumont sur le méridien du lieu, pour les treize soulèvements admis par lui actuellement dans l’Europe occidentale* nous ferons seulement remarquer qu'ils se partagent , d’après leurs directions, en sept groupes principaux, dont chacun renferme des soulèvements d’âge très différent. ] . Hundsrück , Côte-d’Or. 2. Ballons des Vosges, Pyrénées. 3. Nord de l’Angleterre, Corse. 4. Hainaut, Alpes principales. 5. Rhin, Alpes occidentales. 6. Thüringerwald. 7. Mont-Viso , Tenare, La reproduction de plusieurs directions à des époques très éloignées, indiquée dès le commencement par M. Élie de Beaumont, est si frap¬ pante , qu à une époque ou tous les soulèvements admis aujourd'hui «étaient pas encore reconnus, M. Le Blanc avait cru y .voir une loi de perpendicularité constante entre le soulèvement successif et celui qui, par son âge, le précède immédiatement. SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7 629 jouter que la direction méridienne du premier soulèvement n’est qu’une pure supposition , quelle n’est aucunement nécessaire ; que ce même bossèlement a pu se faire suivant une tout autre direction quelconque , entraînant alors également une position différente des bossèlements successifs. Nous avons dit de même que l’emplacement de ces bombements postérieurs pouvait être dans l’ hémisphère où s’est fait le premier, ou bien dans l’hémi¬ sphère opposé. Cela est vrai en théorie ; mais dans le fait, M. Elie de Beaumont fait remarquer que l’immense majorité des terres se trouve renfermée dans un hémisphère dont l’Europe occi¬ dentale est à peu près le centre ; ce qui tendrait à montrer que les soulèvements se sont plus souvent reproduits d'un même côté du globe que du côté opposé. C’est là une conséquence naturelle des conditions de moindre résistance ; la croûte , surtout dans les époques les plus modernes où elle était plus épaisse , a dû avoir toujours plus de tendance à se briser du côté où elle avait été déjà maintes fois bouleversée et où elle se trouvait plus élevée , que là où elle était encore plus intacte. Les couches de sédiment cpii se sont déposées pendant une pé¬ riode de tranquillité , venant à être relevées et bouleversées , à la fin de cette période, par le soulèvement accéléré et par la rupture, dans toute l’étendue du bombement , M. Elie de Beaumont a fait remarquer qu’on peut distinguer l’âge des dépôts sédimentaires en les mettant en rapport avec les différentes époques d’agitation ; car les couches déposées après un soulèvement n’ont pu être bou¬ leversées par lui, comme celles qui l’étaient avant. Or, les sou¬ lèvements s’étant faits parallèlement à des grands cercles , et ayant chacun une orientation différente (1), il suffira d’étudier la (I) M. de Boucheporn , qui admet !e parallélisme découvert par M. Elie de Beaumont, en voulant combattre sa théorie des soulèvements, dit, entre autres choses, que la simple contraction due au refroidissement aurait pour effet d’exclure tout parallélisme de fractures*, il donne à ce propos l’exemple «d’une pomme qui se flétrit et se dessèche, et dont » la peau, attirée par la partie intérieure en tous ses points, ne forme » pas des rides parallèles, mais qui se grimace, au contraire, de la façon >> la plus capricieuse. » {Etudes sur l’histoire de la terre , Paris, 1844, p. 86-) C’est là une comparaison qui confond deux forces physiques complètement différentes dans leurs manifestations : la jorce de cohé¬ sion d’une masse molle, humide, et même quelquefois un peu vis¬ queuse, où la résistance variée des fibres organiques , que le dessèche¬ ment déchire ou raccourcit, favorisée par l’absence complète de rigi¬ dité de la peau, produit toutes sortes de modifications capricieuses; et la force de gravité , la pesanteur, rapprochant uniformément de son centre toutes les parties de l’écorce de la terre, qui, même en adop- m) SÉANCE JJU 19 AVRIL 18/l7. direction générale du soulèvement qui a bouleversé les couches d’une époque donnée , pour pouvoir établir l’identité d’âge des couches dérangées par ce même soulèvement dans des bassins éloi¬ gnés. Les faits que M. Elie de Beaumont a réunis dans son Mé¬ moire sur les soulèvements des montagnes , et ceux qui sont venus s accumuler de tous les côtés, ceux que MM. Boblaye et Yirlet ont indiqués dans leur grand ouvrage sur la Morée ; ceux que M. Alcide d’Orbigny a reconnus en Amérique, etc., etc., prouvent assez la vérité de ce principe. C’est parce que je suis d’opinion qu’il s’est -élevé au rang d’un véritable caractère géologique , et qu’en dehors de cela , lorsqu'on s’éloigne des bassins types , on n’a rien de bien certain sur quoi s’appuyer, que je ne crois pas inutile de dire quelques mots sur son application. Les lois de parallélisme des soulèvements de même âge ont été l’objet d’attaques peu fondées d’un côté, et d’exagérations qui se sont également éloignées de la vérité de l’autre. On a dit que leur auteur avait voulu limiter le nombre des soulèvements brusques aux douze et quelques époques qu’il avait reconnues en France. Ce reproche n’a plus eu de sens , lorsqu’on a vu M. Elie de Beau¬ mont admettre successivement plusieurs époques de soulèvements qui avaient été indiquées par différents observateurs dans les pays les plus divers. Sur ce point la théorie laisse toute latitude , et jamais , j’ose le dire , bien que la largeur nécessaire des zones ou des côtes de bombement , qu’on pourrait peut-être fixer à une moyenne de 15 à 25 degrés , n’ait pas encore été établie par le calcul , et qu’elle ait du être très variable aux diverses époques, et aller en augmentant dans les périodes les plus récentes , en raison de l’ épaisseur toujours plus considérable de l’écorce , jamais il n’a pu venir dans la tête d’une personne raisonnable d’affirmer que toutes ces zones ou tous ces fuseaux , quelle que fût leur direction ou leur emplacement, avaient dû toucher au sol de la France, qui occupe une portion d’étendue aussi minime de la surface ter- tant les vues de M. de Boucheporn , repose sur son noyau, comme un grand radeau de planches reposerait sur une masse d’eau nivelée, et dont la demi - rigidité ne lui permet pas de se plisser sur un seul et même point dans plusieurs sens à la fois. Lorsqu’on n’a garde de fon¬ cer ses arguments en se mettant en une contradiction aussi flagrante avec les premiers éléments de la physique que l’on apprend dans les coll éges, il n’est pas étonnant que l’on arrive à des théories nouvelles et éblouissantes. On serait tenté, après cela, de demander à M. de Boucheporn si, en faisant sa comparaison, il a cru par hasard que l’axe terrestre fut aussi matériel que le point d’attache qui se prolonge dans le fruit. 651 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. restre (1). On a objecté encore que, dans une foule de montagnes, les directions des couches relevées ne sont aucunement parallèles à l’allure des chaînons ; que la plupart des chaînes ne constituent point des lignes droites , qu’aucune ne fait le tour du globe ; qu’on voit des chaînes s’arrêter brusquement et donner lieu à des plaines, à un pays ondulé ou fendillé ; que des couches d’âge différent pré¬ sentent souvent des directions analogues, etc., etc. D’un autre côté, on a cru qu’il suffisait , pour obtenir la direction d’un soulève¬ ment , d’aller dans une carrière , ou sur la berge d’un chemin vicinal , la boussole à la main , et de noter les degrés de l’angle que forment les couches relevées avec l’horizon; là-dessus toutes sortes de déterminations et de conclusions qui manquent par leur base. Il est bon de remarquer d’abord que M. Elie de Beaumont n’a jamais songé à attribuer à la direction des couches, même géné¬ rale dans une certaine contrée , une valeur absolue pour la déter¬ mination de leur âge ; et que s’il a avancé que la moyenne des directions des couches relevées peut quelquefois être un point de repère , ce n’est que pour des cas particuliers où l’on peut observer . > (I ) M. Elie de Beaumont vient d’annoncer dans son cours deux nouvelles directions de soulèvements, dont l’une, à laquelle il a donné le nom de système de Longmynd , marcherait entre le N. et le N.-E. , et aurait relevé en dernier lieu les couches antérieures au terrain silu¬ rien inférieur de M. Murchison; ces couches, dont l’ancienneté rela¬ tive se montre très distinctement dans le Cumberland , prendraient le nom de terrain cambrien. On aurait ainsi l’avantage d’effacer le nom de cambrien , devenu inexact depuis que les couches qui avaient servi de type , celles du Westmorenland , du Hundsrück, des Ardennes, etc., ont été reconnues appartenir au système silurien inférieur, et de pou¬ voir y rattacher les couches les plus anciennes de la Bretagne. Le sou¬ lèvement du Hundsrück viendrait se placer définitivement après le dépôt du terrain silurien et de certaines couches rangées peut-être im¬ proprement dans le terrain dévonien ; les directions de ce terrain dans les Ardennes, dans la Basse-Bretagne, etc., rentreraient donc dans le droit commun. M. Elie de Beaumont fait observer que la disposition du grauwaekengebirge de la Laponie dépend de ce même soulèvement. Un deuxième soulèvement nouveau est celui que M. Grimer, pro¬ fesseur à Saint-Etienne, a reconnu avoir agi sur les couches houillères de ce bassin. Ce relèvement , qui se serait fait dans la direction N. 20° O., servirait à expliquer une quantité de faits , et entre autres l’absence en France du calcaire carbonifère dont le dépôt en Angleterre et en Belgique aurait précédé ces dislocations. Ce dernier système vient se grouper avec les soulèvements du Mont- Viso et du Tenare. Le système de Longmynd se rapproche de la direc¬ tion de celui du Rhin et de celui des Alpes occidentales. 632 SÉANCE JUU 19 AVRIL 18/î7. des directions constantes sur de grandes étendues. M. Elie de Beaumont ne recommande ce caractère principalement que comme étant utile pour les régions, où le manque de roclies massives ali¬ gnées ne donne aucun autre moyen pour juger de la direction des soulèvements ; mais il insiste sur ce qu’on ne saurait tirer des conséquences acceptables qu’en se fondant sur l’observation des lignes générales des bosselures terrestres. Ce sont là les opinions que j’ai toujours entendu émettre à M. Elie de Beaumont dans ses cours. Pour répondre aux autres objections , nous allons analyser les phénomènes qui doivent résulter à la surface par suite des mouvements indiqués. Le premier soulèvement séculaire, qu'il se soit fait sur une zone ou sur une surface analogue à une côte de melon, n’a pu produire sur les couches superficielles que des fentes ou des rides, les unes et les autres parallèles , à peu de chose près , à la bosselure. Considé¬ rons d’abord une zone de bombement, il se fera : a des fentes dans les parties les plus faibles de la bande médiane de cette zone. Ces fentes, dirigées dans le sens du soulèvement, auront été accom¬ pagnées çà et là de quelques autres petites fentes transversales, résultant de la tension longitudinale produite par rallongement des diamètres du grand cercle de la spl. ère. Nous avons au croi¬ sement de ces deux systèmes de crevasses autant de points favora¬ bles à l’emplacement des foyers d’éruption postérieurs ; b des rides , résultant d’un soulèvement indirect des couches sédiinen- taires supérieures , dans les zones limitrophes des deux côtés du bossèlement. Car, à cause de sa répartition sur une étendue in¬ comparablement plus grande, l’affaissement général et tranquille de 1’ écorce en dehors de la zone soulevée , ne pouvait pas être aussi considérable que l’élévation du sol dans cette même zone ; il a dû donc en résulter, aux deux limites latérales du bossèle¬ ment , une grande pression horizontale analogue à celle qui pro¬ duit les effets qu’on observe sur la partie concave d’un bâton vert recourbé. Pendant cette action du soulèvement séculaire de la zone de bombement , les bandes limitrophes ont dû se trouver comme renfermées dans une dépression pour l’élèvement déme¬ suré d’un côté; bien plus, à cause du peu de flexibilité de la croûte terrestre relevée, il a dû se produire dans ces mêmes bandes pen¬ dant la durée entière du soulèvement , un enfoncement graduel du sol ; ce qui, dans les périodes successives, nous expliquera par¬ faitement et l’existence de dépôts riverains dont la puissance se¬ rait incompréhensible différemment , et la formation de ces tour¬ bières immenses , qui ont donné lieu à des dépôts de combustibles 033 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. d'une épaisseur étonnante (1). Ces mouvements généraux ont poursuivi leur cours régulier en même temps que des relève¬ ments et des écroulements partiels très nombreux , et des dégage¬ ments de gaz de l’intérieur, ont pu modifier temporairement plu¬ sieurs parties de cette croûte incohérente qui subissait des efforts aussi puissants ; de là , des tremblements du sol plus ou moins violents. A l’époque de la rupture , les fentes , dont la direction avait été préparée peu à peu par la tension transversale dans la partie convexe de la zone soulevée , se sont ouvertes ; les rides des bandes latérales qui n’existaient qu’à l’état de rudiment , se sont développées. Plusieurs crevasses se sont changées en grandes failles. Dans d’autres, des colonnes du fluide incandescent poussées violemment par la pression intérieure , ont monté ; leur poids réagissant sur les zones limitrophes a empêché la croûte de se bri¬ ser au-dessous d’elles et de se replier complètement ; elles ont sou¬ levé d une manière directe les parties solides adjacentes. D’où, formation de nouvelles rides, soit entre deux relèvements partiels, effets des émersions particulières de deux cheminées parallèles et placées sur un même méridien de la zone de bombement ; ou bien sur les côtés immédiats des lignes de rupture , où les couches ont dû être différemment plissées . bouleversées, et même renversées par la pression qu’exerçaient latéralement les masses encore p⬠teuses (2). Entre la partie convexe formée par le soulèvement qui s’est fendillée , et les parties latérales qui se sont ridées , il a dû rester deux bandes parallèles où la tension s’est trouvée en équi¬ libre ; là , rien de bien apparent n’est arrivé à la surface , et pour¬ tant le sol n’en a-t-il pas moins peut-être été exondé graduelle¬ ment. Les roches érupti ves en se refroidissant ont dû subir un grand retrait ; de là, formation de nouvelles failles qui, elles aussi, ont dû être sensiblement dans la direction du soulèvement. (1) Théorie des terrains houillers de De Luc, développée et mise au niveau de la science par M. Alexandre Brongniart ( Tableau (les terrains , etc. , Paris, 1829). Mém. géol. etpaléorit. de M. Bu ué , t. Ier. Mém. de M. Elle de Beaumont , dans le n° 15 de la Berne fran¬ çaise, 1830. Mém. de M. de Collegno sur le gisement de la houille en Eu¬ rope , etc., etc. (2) Ce sont ces rides par pression latérale que Hutton a reconnues, que sir James Hall a si bien décrites, auxquelles Saussure a donné le nom de refoulements , mais sans que ni les uns ni les autres se dou¬ tassent encore de la grandeur et des lois générales du phénomène. SÉANCE DU 19 AVRIL 18/j7. 63 Ix Que si la bosselure , au lieu d’avoir été zonaire , ne s’est faite que sur un espace plus circonscrit et semblable à un fuseau , tous les effets indiqués pour la zone de bombement auront également lieu à la surface , seulement ils seront encore plus compliqués. Ainsi , nous aurons des fentes dans la bande médiane de la côte; mais ces fentes se multipliant parallèlement sur une grande largeur au milieu du bombement, seront singulièrement réduites aux deux bouts du demi-cercle ; ici , tout le mouvement finira par se résoudre en un nombre plus ou moins grand de rides divergentes qui disparaîtront insensiblement. Les rides des bandes latérales et renfoncement graduel au-delà du ces mêmes bandes auront égale¬ ment lieu, mais elles ne pourront affecter un parallélisme absolu que dans la partie où le soulèvement acquiert son maximum de largeur ; ce n’est que dans ce cas , ou bien le long de la ligne mé¬ diane longitudinale de la bosselure , qu’elles coïncideront compté - tement avec la direction générale de cette dernière. Le soulève¬ ment par côte de melon exigera enfin une quantité de pression beaucoup moins grande , mais les périodes séculaires seront plus courtes et les moments d’agitation plus fréquents. La croûte ter¬ restre sera moins généralement bouleversée à l’époque de la rup¬ ture ; mais étant obligée de se déformer, quoique légèrement, sur toute sa surface, afin de pouvoir se rapprocher, sans déchirures transversales, à l’endroit du bombement, il en résultera, pendant la période tranquille qui la précède, des tiraillements, des soulè¬ vements ou des enfoncements locaux , produits par les pressions horizontales entre les différentes pièces qui la composent ; multi¬ plicité d’effets variés et partiels qui est bien en rapport avec l’état de l’écorce solide telle qu’on l’observe sur la surface terrestre , et avec son instabilité reconnue (1). Les chaînes de montagnes seront (I) Il est parlé ici des tiraillements que subit l’écorce comme d'un effet complexe, mais dépendant du soulèvement lent qui a lieu suivant une zone ou un fuseau. Que si, comme dans la note (2), à la page 626, l’on admet que la période de tranquillité commence par des tiraille¬ ments de toute espèce, au lieu d’être signalée par l’avénement d’un nou¬ veau système qui se développerait peu à peu , ces tiraillements ne doi¬ vent plus être regardés que comme les avant-coureurs et les prépara¬ teurs pour ainsi dire du soulèvement instantané. Dans tous les cas , il est certain que des tiraillements doivent se faire, et qu’ils ont lieu pen¬ dant tout le cours de la vie du globe. Dans la situation forcément hy¬ pothétique où se trouvent toutes ces questions, il ne nous reste qu’à souhaiter vivement que des calculs exacts puissent bientôt venir ré¬ pandre une lumière plus claire sur la géogénie. Peut-être trouvera-t-on 635 SÉANCK DU 19 AVRIL J8/j7. plus limitées dans leur étendue; car, non seulement au moment de la rupture l’action soulevante se partagera sur une multitude de chaînons isolés et en rapport avec les crevasses qui se sont produites , ainsi qu’il arrive lors du soulèvement zonaire ; mais les deux extrémités de la bosselure devant passer par un état intermédiaire avant que les rides qui en font la suite soient obligées de remplacer le fendillement , ces crevasses ne se prolon¬ geront pas même sur toute la longueur du bossèlement demi-cir¬ culaire. L’étendue longitudinale de la partie montagneuse ne pourra donc atteindre qu’un tiers environ de la périphérie du grand cercle (1). Dans le premier soulèvement arrivé sur une surface très peu ac¬ cidentée , et où les mouvements sont réduits à leur plus simple expression, les fentes, les rides, et les contournements des couches, à l’exception des plissements qui ont cluse faire près des cheminées d’émersion, et qui ont du être en tous sens autour des masses d’é¬ panchement, avaient toutes un alignement sensiblement parallèle à la direction générale de la zone de bombement. En prenant la moyenne d’une seule ride , on aurait pu en conclure F orientation de tout le soulèvement. Un seul cataclisme ayant eu lieu, les cou¬ ches relevées avaient été nécessairement dérangées lors de cette catastrophe. Plus tard, il n’en fut plus ainsi : les périodes vinrent s’ajouter aux périodes, les soulèvements aux soulèvements; ceux-ci s’entrecroisèrent de mille manières différentes. Dans les dernières époques, les fractures des bossèlements devinrent moins fréquentes, mais les nouveaux soulèvements qui en résultèrent étant beau¬ coup plus considérables , en raison de l’accroissement de l’épais¬ seur de l’écorce , masquèrent fort souvent les plus anciens (2) ; des points de la surface furent affectés par plusieurs ruptures suc- alors que les mouvements de la croûte terrestre et les catastrophes qui s’ensuivent, dépendent à la lois un peu de toutes les différentes causes que nous sommes obligés de supposer aujourd’hui , et qui ne se pré¬ sentent à nous qu’enveloppées des ténèbres du mystère. f l ) Leçons orales cle i Ecole des mines. (2) L’observation, constatée sur toute la surface du globe, que les plus hautes montagnes sont progressivement celles qui ont dérangé les couches les plus récentes , et par conséquent qui ont été formées en dernier lieu, est une preuve remarquable en faveur de ces théories. Les bouleversements les plus anciens n’ont formé que des plateaux dé¬ chirés ou des montagnes comparativement petites comme celles de la Scandinavie ou du nord de l’Allemagne et de la France; les Pyrénées, les Alpes, l’Atlas, le Caucase, les Andes, l’Himalaya , doivent aux dernières catastrophes leur principal relief. 636 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/[7. cessives, d’autres ont été renfermés entre les bombements de plu¬ sieurs soulèvements. Des masses liquides ou pâteuses de toute na¬ ture remplirent à plusieurs reprises des crevasses qui s’étaient formées; les oscillations de ces colonnes liquides tendant à rega¬ gner l’équilibre après être montées dans les cheminées d’émersion, produisirent des réactions de pression à l’intérieur, qui se tradui¬ sirent en dyckes et en filons pénétrant dans les parties fendillées (1). D’anciennes masses plutoniques déjà solidifiées furent relevées une deuxième et une troisième fois, sans que la pâte incandescente arrivât toujours à se procurer une issue sur un ou plusieurs côtés. Les couches environnantes ont été alors rejetées vers tous les points (1) Pour que de tels effets se produisent , il n’est pas nécessaire que la matière ignée soit à l’état liquide; il suffit qu’elle soit pâteuse. C’est même là l’état auquel se trouvaient les colonnes dont nous parlons, chaque fois qu*il y a eu redressement direct. Jamais, dans ce cas , la matière intérieure n’a été amenée liquide à la surface. Les granités dans l’axe des chaînes montagneuses , les trachytes au milieu des cirques de soulève¬ ments , etc., étaient , lors de leur épanchement, dans un état de demi- consistance ; lorsque les roches plutoniques venant de plus bas étaient liquides, elles n’ont fait que remplir des fentes, elles n’ont rien sou¬ levé. Ce fait , que nous observons sans exception , est une des preuves que ces masses pâteuses sont véritablement la cause du soulèvement direct, lequel n’est que le produit de la réaction de ces mêmes masses en ascension , et de l’inertie des couches préexistantes. Cet état pâteux est bien analogue à celui que nous connaissons dans le fer ou dans le quartz fondu ; la matière d’émersion a pu se trouver à cet état par plu¬ sieurs causes différentes , soit qu’elle appartint à celle couche intermé¬ diaire participant à la fois des propriétés de la croûte et de celles du noyau, et qui a dû se présenter la première pour le remplissage des fentes produites; soit que, dans le bombement, toujours plus sail¬ lant , qui a préparé la rupture , elle ait eu le temps de se refroidir da¬ vantage ; soit encore qu’elle se trouvât dans un état de combinaison particulier qui lui a permis de rester pâteuse à des températures fort différentes, ainsi que cela paraît avoir eu lieu pour le granité. L’état de combinaison dans lequel les granités se trouvaient lors de leur émersion est une des questions les plus importantes de la géologie, et qui se rattache aux phénomènes de métamorphisme et à toutes les grandes lois de la science. Ne pouvant nous occuper pour le moment que des phénomènes mécaniques qui régissent toute la géologie , il ne nous est pas permis de l’aborder; cette question n’en reste pas moins une des plus intéressantes, et, quoique les belles découvertes de M. Scheerer ( Uiber ci ne eigcnthiindiche Art der Isomorpliie , welclie aine ausgedehnte Rolle in Mineralreiche spielt ; von Th. Scheerer in Christiania; Ann. de Poggendorff, t. LXVIII, et Bull, de la Soc. gcol. de Fr., séance du 15 février 1847) lui aient fait faire un grand pas, elle n’est point encore résolue. G 37 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. de l’horizon ; de grandes fractures ont été déterminées dans le sol ; elles rayonnent autour du point ou du chaînon relevé. Parfois, des masses pâteuses se sont répandues sur des couches peu inclinées ; leur retrait de refroidissement a alors entraîné les tranches de ces couches, de manière que les roches sédimentaires ont l’air de plonger au-dessous des masses plutoniques. C’est ce que j’ai vu entre autres à YVettin, près de Halle (Saxe prussienne), où les couches houillères s’inclinent et vont s’enfoncer au-dessous des porphyres qui les ont débordées. Lorsque la pâte injectée venait en contact avec des roches de la surface, et que, par sa température ou par les émanations de quelque nature qu elles fussent , liquides ou ga¬ zeuses, qui ont toujours accompagné les épanchements de l’inté¬ rieur, elle a produit des altérations sur les roches avoisinantes, ou lorsqu’elle y pousse des filons, il est facile d’en conclure cpie les ro¬ ches qu elle traverse ont préexisté ; que si la masse plutonique n’a été que relevée, alors tout moyen de contrôle cesse. Des courants partis de soulèvements postérieurs dénudèrent les couches fractu¬ rées précédemment , et en portèrent les débris au loin. Des soulè¬ vements , traversant par leur direction une ancienne bande de ridement, y produisaient des fentes ou des chaînons ayant une di¬ rection quelquefois à angle droit avec celle des couches préexis¬ tantes, ridées et souvent déjà rasées par la dénudation. Nous avons dans ce cas des couches relevées fort anciennement, et qui pourtant forment le corps de montagnes ayant une tout autre direction , et dont l’âge est infiniment plus récent. D’autres fois, des couches horizontales, comprises dans l’étendue d’un soulèvement posté¬ rieur, ont été entraînées dans la direction des couches plus an¬ ciennes relevées suivant un tout autre alignement , ou bien des couches d’une telle époque, respectées par plusieurs soulèvements successifs , ne furent dérangées que plus tard. Les soulèvements brusques surtout ont été accompagnés d’une quantité d’affaisse¬ ments partiels qui donnent aux couches toutes sortes de directions. Parfois c’est le soulèvement séculaire qui a eu le plus d’influence dans la formation des continents (1), et alors on n’a d’autre indice (4) M. Pvozet ( Bull . de la Soc. géol. de Fr., vol. XII, 4 ,e série) admet, parmi les causes du changement relatif des niveaux des terres et des mers, les variations que la gravitation a du éprouver sur les dif¬ férents points du globe, par suite des déplacements de la matière qui s’accumule dans les bossèlements successifs. Les travaux géodésiques et les observations astronomiques, les résultats obtenus par le pendule et par le baromètre s’accordent , dit-il , à nous montrer que le niveau moyen des terres et des mers est loin d’être conforme dans tous les points du globe, à la surface d’un ellipsoïde de révolution ayant ou 638 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. de ce relèvement, qui a porté à des milliers de pieds de distance verticale le niveau de couches, restées d’ailleurs parfaitement hori¬ zontales (1), que dans les lignes d’anciens rivages, dans les roches percées par des mollusques saxicaves de l’époque , etc. (2) ; c’est d’aplatissement , forme régulière la plus rapprochée avec laquelle on puisse comparer les limites de notre planète; il existe des portions fort étendues du continent qui sont plus basses que le véritable niveau moyen de la mer, sans que pour cela elles soient envahies par les eaux ; d’autres où la mer remonte bien au-delà du point où l’ellipsoïde in¬ diqué serait osculateur à son niveau. Il est certain que les eaux de la mer doivent s’accumuler en excès à l’approche des continents , et sur¬ tout des continents très élevés, et que la surface de ces eaux ne saurait répondre d’une manière exacte à la convexité de la terre; mais si l’on a égard à l’importance infiniment petite des bossèlements , et surtout des plus anciens , par rapport au rayon terrestre , on ne saurait accorder à cette cause une très grande influence dans la répartition des terres et des mers Car l’attraction des eaux vers un point déterminé ne pou¬ vant se faire qu’à la suite d’une accumulation de matière, le soulève¬ ment a dû toujours précéder et dépasser de beaucoup les changements de niveau du liquide. Le niveau de la mer est , à la Rochelle , au-des¬ sous de la surface de l’ellipsoïde; mais, pour qu’il put la dépasser, il faudrait d’abord qu’un bombement se fit du côté du continent , bombe¬ ment qu’il ne pourrait que suivre de loin, et qui très probablement restreindrait encore davantage les limites de l’Océan au lieu de lui per¬ mettre de s’avancer dans les terres. Il ne faut pas oublier d’ailleurs que les petites différences qu’on observe entre le niveau moyen des eaux de plusieurs contrées du globe sont probablement dues en grande partie aux courants sous-marins qui sillonnent constamment l’Océan. Or, si un soulèvement a lieu au loin , et qu’à sa suite la disposition des mers, et partant la marche des courants, vient à être changée , il y aura éga¬ lement sur les points en question un changement relatif du niveau des terres et des mers. C’est là une cause d’immersion , et même de trans¬ lation de matières qui me paraît plus réelle que les variations dans la pesanteur par suite des ridements terrestres, et qu’il ne faudrait pas perdre de vue, car elle a pu avoir des effets partiels assez considé¬ rables. (1) Lorsqu’il n’y a pas de causes locales particulières, la déviation de l’horizontale produite par la courbure du bossèlement est infiniment petite et ne saurait être appréciable à l’œil. (2) Les recherches de ce genre sont d’une importance encore plus grande lorsqu’il s’agit des époques anciennes que pour l’époque actuelle. Personne n’a oublié le fait intéressant signalé par M. Deshayes , qui a trouvé en Belgique la craie inférieure superposée au calcaire de transi¬ tion percé par des coquilles lithophages de l’âge de la craie { Rapport de M. Boblaye sur les travaux de la société pour 1832). Si ce fait n’indique point un soulèvement lent, ce dont, ne connaissant pas l’état des lieux, je ne peux juger, il est toujours une preuve de la hauteur à SÉANCE DU 19 AVRIL 1 8/j7. 639 le cas qui se présente actuellement entre autres pour la Scandi¬ navie (1). D’autres fois, au contraire, c’est à la suite des ruptures brusques qu’un des côtés de l’écorce bosselée est retombé au- dessous du niveau moyen , en même temps que les matières d’é¬ panchements soulevaient de hautes chaînes de montagnes (2). Ici un certain bossèlement ayant passé, les couches de la formation qui l’a précédé ou de celle qui l’a suivi sont discordantes ; plus loin , l’affaissement général qui l a accompagné n’a pu causer sur leur gisement réciproque aucun effet sensible. . Da ns les époques secondaires et tertiaires , après que plusieurs soulèvements séculaires et plusieurs ruptures ont eu partagé la surface en mers profondes et en continents , une autre cause d in¬ certitude est venue s’ajouter à tant de complications et à accroître encore davantage les difficultés du géologue. De par les lois iso¬ thermes, la surface intérieure de la croûte terrestre est forcée de suivre une ligne ondulée en rapport direct, quoique éloigné , avec les différences de niveau du fond des mers et des continents. Le soulèvement zonaire ou en forme de côte qui vient passer sous une surface aussi inégale, produit, lui aussi, des fentes et des rides tout comme le premier soulèvement séculaire ; mais , abstraction laquelle arrivaient à un certain temps les eaux crétacées, et de la pro¬ fondeur où s’est fait le dépôt. (1) Observations de M. de Buch et de M. Al. Brongu iart ( Tableau des terrains qui composent l’écorce du globe ; Paris, 1 829 ; Bru x elles, 1 838 , p. 4 08 ; et Comptes-rendus de Berzélius pour 1 826 , p. 292). Voyez également le Mémoire de M. Keilhau ( Magaziu for naturel - denskaberne , 2e série, vol. I), et celui de M. Lyell ( Philosophical Transactions j 1835) , ainsi que le Rapport de M. Elie de Beaumont sur les Observations de M. Bravais dans le Finmark ( Comptes-rendus de l'Acad. des sc ., t. XV, p. 817, I 842). On sait , d’après les sondages ( Recherches sur la partie théorique de la Géologie , par M. de la Bêche , trad. de M. de Colleguo , 1 838 , p. 135), qu’une élévation du sol de cent brasses suffirait pour mettre à sec toute la mer du Nord, une grande partie de la Baltique et les mers intérieures de la Grande-Bretagne sur une étendue d’un grand nombre de millions de mètres carrés, et que toute cette vaste région conserve à peu près un niveau constant. Si , comme l’a pensé M. Le Blanc (séance du 25 janvier 1841), « l’exhaussement actuel des côtes de la » Baltique indique la direction d’un grand soulèvement futur; » si le soulèvement lent de la Suède continuait à agir jusqu’à cette limite, on aurait là une immense plaine où rien ne révélerait une action soule¬ vante déterminée. (2) M. Elie de Beaumont fait remarquer l’alignement de plusieurs ch aines , telles que celle des A.ndes, par exemple, et celle de la côte de Mozambique, etc., qui suivent la limite des continents. SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. 040 faite même des croisements et des dérangements locaux préexis¬ tants, ces fentes et ces rides seront sujettes à suivre dans plusieurs cas des alignements autres que celui du bossèlement. lien résultera toujours des fentes sur la surface d’un continent élevé au-dessus du niveau moyen des ondulations de la croûte ; ces lentes seront exposées , il est vrai , à suivre pendant quelque temps la direction des crevasses antérieures ; elles passeront souvent autour d’un massif igné peu étendu, au lieu de le diviser, etc.; mais leur marche générale ne s’éloignera pas beaucoup de celle du soulè¬ vement ; la matière ignée venant occuper ces fentes , engendrera des montagnes qui s’arrêteront , et quelquefois même brusque¬ ment, là où commence l’action que nous allons indiquer. Le remplissage des bassins profonds sous-marins se fait en gé¬ néral d’abord par un t dépôt en couches d’épaisseur inégale qui bouche toutes les parties les plus profondes et donne à la surface du fond une inclinaison faible, il est vrai , mais assez sensible pour que les sédiments supérieurs, bien que s’approchant conti¬ nuellement de l’horizontale au moyen d’une plus grande épais¬ seur de leur milieu, finissent par présenter toujours une certaine concavité qui suit au moins de loin les formes du bassin origi¬ naire (1). Lorsque le soulèvement séculaire, quittant le continent (1) Un des hommes qui ont fait faire le plus de progrès à la géolo¬ gie , M. de la Bêche, admet {Rech . sur la p'e . t/iéor. de la Géologie , trad. de M. de Collegno, p. 34 et suiv.) qu’à l’extrémité des deltas d’embouchure il peut se former, dans certaines circonstances, des cou¬ ches de 30° à 40° d’inclinaison ; je crois, avec M. de Collegno (note à la p. 54 de V Art d’observer en géologie ), que ce mode de dépôt ne forme jamais de véritables couches. S’il y a un cas, à mon avis, où il soit possible et même nécessaire que des couches à surfaces sensible¬ ment parallèles se forment dans une position assez inclinée, ce ne peut être lorsqu’un courant qui se traîne sur le sol tend par son action même à égaliser les matières qu’il charrie ou qu’il trouve accumulées; cela ne saurait arriver que dans un bassin profond, où des courants superficiels amènent des eaux chargées de matières en suspension ; ces matières , retombant après le ralentissement du courant , viendront se déposer tranquillement sur le fond, au-dessous de la portée du mouvement des vagues, et rien n’empêchera qu’elles ne forment un sédiment d’une épais¬ seur à peu près constante, et qui suivra assez bien les irrégularités du sol. D’après les expériences de M. Bravais dans le Nord et de M. Aimé à Alger, l’agitation des vagues se communique jusqu’à 30 et 40 mètres de profondeur; on s’aperçoit, par l’aspect de la surface de la mer, de l’approche du banc de Terre-Neuve, qui est à \ 60 mètres au-dessous du niveau des eaux ; on sait également que l’action des vagues se fait encore sentir, quoique faiblement , à \ 88 mètres, à l’ile de Bourbon, Ce n’est donc qu’au-dessous d’une profondeur moyenne de 200 mètres qu’il SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 641 où il a préparé des fentes et des montagnes , vient à passer infé¬ rieurement à un de ces bassins qui se trouvent au-dessous du niveau moyen de la croûte ondulée , les couches de sédiment qui y sont étendues et qui peuvent être récentes, ou mieux encore ap¬ partenir à une autre époque et avoir été recourbées en bassins même très concaves par des soulèvements antérieurs , subiront , par le seul fait du relèvement vertical du fond et de la diminution de sa capacité , une pression latérale puissante qui tendra à y former des rides. Or, la direction de ces rides lentement préparées et dévelop¬ pées par le soulèvement séculaire, augmentées et exagérées au moment de la rupture , sera toujours en rapport soit avec la di¬ rection des couches relevées plus anciennes qui les supportent, soit avec la forme des bassins ; car il est évident que , toutes cir¬ constances égales d’ailleurs , la direction de ces rides sera toujours suivant le sens de la plus grande longueur des mêmes bassins, c’est-à-dire dans le sens où un nombre moindre de rides suffit pour satisfaire le mouvement (1). M. Elie de Beaumont a fait re¬ peut se former des dépôts en couches assez inclinées. Mais de telles profondeurs ne se trouvent dans les cas ordinaires que bien avant dans la mer, oii les seules matières qui peuvent être encore mécaniquement conservées par les eaux sont aussi fines que des argiles, ce qui empêche encore le résultat que nous venons d’indiquer* car, ainsi que M. Elie de Beaumont l’a souvent rappelé ail Collège de France, les dépôts ar¬ gileux se font à la manière des précipités chimiques • les molécules so¬ lides répandues dans le liquide se condensent vers le fond pour former une bouillie épaisse qui naturellement va occuper les parties les plus basses et qui ne s’éclaircit par la sédimentation que bien peu de temps après et très lentement. 11 se fait donc dans ce cas un dépôt également presque horizontal. Ce n’est , par conséquent , que dans des conditions exceptionnelles, là où des forts courants superficiels existent dans des mers profondes , et plutôt lorsqu’il s’agit de dépôts sableux et fins, et non de dépôts de sables grossiers et de galets, ou de sédiments cal¬ caires qui, par suite des conditions d’existence des animaux sécréteurs, n’ont pu s’effectuer que dans les bas-fonds , qu’on peut attribuer une cause originaire naturelle à des couches faiblement inclinées; et cette inclinaison même ne saurait atteindre les limites extrêmes que M. de la Bêche et plusieurs autres géologues ont cru pouvoir lui attribuer : en¬ core faudrait-il en excepter les endroits soumis à l’action de courants sous-marins profonds , comme ce serait, par exemple , celui qui , sur les côtes du Chili , remonte vers l’Equateur. (1) Supposons que la rupture d’un bossèlement parallèle au grand cercle méridien de Paris vienne soulever par deux chaînons, d’un côté l’arête longitudinale de la Grande-Bretagne, de l’autre côté , la bande, qui lui est sensiblement parallèle , du Danemark et de la Norwége Soc. géol.} 2e série, tome IV. 41 6/|2 SÉANCE DU 49 AVRIL 48/j7. marquer que le fond des bassins , même les plus profonds , lors¬ qu’ils dépassent une certaine étendue , doit participer à la con¬ vexité de la surface terrestre. Dans ce cas , la partie du fond qui est soumise à cette loi sera sujette à se fendiller à la manière des continents ; mais les couches récentes qui recouvrent le fond des bords des bassins , lorsqu’il est concave , au-delà des bas-fonds qui entourent souvent les côtes, et des alluvions d’embouchure (1), seront forcées de se plisser, et cela dans un sens analogue à la marche du rivage. Si donc , par hasard , la direction du soulève¬ ment se trouve couper le rivage à angle droit , celle des rides lui sera perpendiculaire. Les terres dont le niveau de la surface ap¬ proche du niveau moyen de la croûte terrestre seront fendillées elles aussi , mais elles ne donneront lieu ni à des montagnes ni à des rides ; elles ne présenteront que peu de traces de la révolution qu’elles ont subie. Ces effets doivent avoir été surtout sensibles pendant les dernières périodes primaires et pendant toutes les pé¬ riodes secondaires; car alors l’écorce du globe était déjà suffisam¬ ment inégale et elle n’était pas encore aussi épaisse que plus tard (2). Le poids de puissants dépôts marins a pu avoir égale¬ ment une certaine influence dans les inflexions de l’écorce ter¬ restre, surtout lorsqu’elle était encore faible et lorsqu’il y avait déjà une tendance au mouvement. M. Elie de Beaumont , qui s’est méridionale. Ce soulèvement relèvera les deux côtes est et ouest de la mer du Nord, et, suivant le degré de son étendue verticale, il plissera les couches récentes déposées dans ce bassin peu profond , ou bien il se bornera à les recourber ; dans ce dernier cas, le fond du bassin aura acquis une plus grande concavité sans que les couches en soient sensi¬ blement dérangées. Mais qu’un soulèvement postérieur vienne passer dans quelques millions d’années, sous cette même mer; alors si le fond a été plissé, il y aura exagération de ces plis ; que s’il n’a été rendu que concave, à commencer d’une certaine distance des côtes où il n’aura pas été beaucoup encombré par des dépôts postérieurs, il sera obligé de se rider. Quelle que soit la direction du nouveau soulè¬ vement , les rides marcheront dans le sens de la plus grande longueur du bassin, c’est-à-dire du sud au nord. (1) D’apres les calculs de M. Élie de Beaumont, un talus dont le maximum n’est que 2°, 50', ne commence, dans l’Atlantique qu’à une assez grande distance des terres , au-delà du contour des sondes de 100 brasses. Les bas-fonds qui entourent les côtes sont souvent pro¬ duits par 1 action destructive et égalisante de la mer; c’est surtout sur les côtes anciennes et formées par des roches tendres que cet effet est très apparent. (2) Les calculs des conditions de concavité ou de convexité du SÉANCE DU 19 AVRIL 18/17. (5/|3 servi de ces considérations pour expliquer dans certains cas 1 é- paisseurtrès grande de quelques dépôts riverains des époques re¬ culées, admet que ces dépôts ont pu exercer parfois l’action du dernier grain que l’on ajoute sur l une des deux balances en équi¬ libre (1). Dans ce cas , si le bassin est concave , il y aura ridement dans le sens longitudinal , et le mouvement sera d’autant plus facile que les rivages se rapprocheront en s’abaissant; des forma¬ tions plus ou moins considérables de combustible pourront se rattacher à ce phénomène. S il est convexe, son enfoncement de¬ viendra beaucoup plus difficile , il ne pourra s’exécuter qu’au fond d’un bassin hydrographique sont d’une simplicité élémentaire : Soit rn la profondeur du bassin, c sa demi-largeur, R le rayon terrestre; On aura ,.2 ni ( 2 R — ni) A D’où m 2 R — m Et nous obtenons les conditions suivantes m > ni 2 R — m c2 2 R — ni concavité limite — - - convexité 2 R — rn Si nous appliquions ceci au cas d’un bassin qui aurait 2,000 mètres de largeur, et par suite, pour lequel c= 1,000 ; nous aurions pour condition de concavité m > 1,0002 2 R — m et nous ne trouverions pour valeur limite de m qu’un peu plus d’un mètre. (1) On pourrait peut-être expliquer de celte manière le rétrécisse¬ ment de certains bassins pendant le cours même d’une période tran¬ quille , fait qui vient répandre le doute sur la question si un dépôt in¬ férieur dépassant de toutes parts un dépôt supérieur, doit être par cela seul attribué à une période plus ancienne. Le lias de certaines parties de l’Europe se trouve dans ce cas. m SÉANCE LC 19 ANRIL 18^7. moyen d’un ridement , et il y aura pression contre ses bords, ce qui pourra déterminer un relèvement réel des côtes. Mais, en gé¬ néral , la plus grande masse des sédiments se faisant à peu de distance des côtes , l’effet probable pour les bassins très étendus, et par conséquent convexes , serait de faire plonger lentement le rivage pour soulever le milieu des continents et le fond du centre des bassins, ce qui serait en opposition à la majorité des faits observés actuellement , où ce sont , au contraire , les côtes qui se relèvent. Réfléchissons d’ailleurs que la partie des terres qui est émergée, en raison de son poids spécifique qui est plus du double de celui de l’eau , doit tendre à établir un niveau général uni¬ forme, ce qui n’arrive pas pour les terres qui sont au-dessous du niveau de l'Océan , puisqu’elles perdent beaucoup de leur poids. Les plaines ne se sont formées en couches horizontales que par abaissement lent pendant le dépôt, et presque toutes ont été mises à sec par soulèvement lent. Le fond d’un grand nombre de vastes plaines de la surface terrestre est formé par des couches ridées, plissées, ou même repliées et rasées quelquefois par une dénuda¬ tion postérieure, sans qu’on puisse y découvrir aucune roche ignée autrement qu’ alors que des soulèvements plus récents les ont re¬ levées encore une fois par leurs tranches. Ces couches sont souvent si peu inclinées , que c’est à peine si les métamorphoses qui sont arrivées au moyen d’émanations dans les axes de leurs rides, viennent témoigner de leur position dérangée, malgré l’absence de toutes roches plutoniques, qui, en s’élevant au-dessous, et même en restant cachées , auraient dû les briser et écarter les côtés des fentes en les soulevant. Les travaux de Hoffmann sur le nord de l’ Allemagne ; le magnifique ouvrage de MM. Murchison , de Yerneuil et de Keyserling sur la Russie ; les descriptions des Allé— ghanys; celle de la Bretagne, par M. Dufrénoy ; les beaux Mé¬ moires de M. Dumont sur le sol de la province de Liège , et de MM. 1 hunnann et llozet sur le Jura; et bien d autres ouvrages descriptifs témoignent , par les coupes qu’on peut y étudier, de l’importance de ces ridements par pression latérale , de ces relève¬ ments des couches indirects et indépendants des roches d’émer¬ sion, qui peuvent résulter soit du recourbement de la surface su¬ périeure d’une certaine zone entre deux chaînons d’émersion , soit du simple relèvement ou enfoncement vertical du fond des bassins. Ce que nous venons de dire suffit pour montrer tout ce qu’il y a de rude dans le métier du géologue , et combien ce serait hasardé SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. <5/{ 5 de vouloir pousser un principe juste et fécond au-delà des limites qu’une main de maître a su lui tracer. Le caractère géologique qui découle de toutes ces considérations est le seul qui nous amène à des résultats certains; mais, pour s’en servir, il faut savoir faire la part à tous les mille et un accidents locaux ; il faut étudier la surface des couches et suivre patiemment les formations quelque¬ fois sur des centaines de lieues ; il faut principalement avoir égard aux alignements des roches massives , aux fentes , aux failles et aux rejets des vallées; aux cours des rivières qui souvent sont en rapport avec ces phénomènes. Il faut considérer plutôt les couches relevées directement à quelque distance de ces mêmes roches, que celles qui doivent leur inclinaison aux pressions latérales indi¬ rectes et variables , et avoir bien soin , avant de rapprocher la di¬ rection générale observée dans une contrée, d’un des soulèvements adoptés pour un autre pays , de réfléchir d’abord si , d’après la longueur probable des bombements , le soulèvement qu’on prend pour modèle peut passer par cette contrée ; ensuite de déterminer la direction que ce soulèvement doit avoir sous le méridien du lieu (1). Pour arriver à de bonnes déterminations , on doit mettre également à contribution la pétrographie, en étudiant bien l’aspect des roches (2) et la nature des galets qui composent les différents (1) M. Elie de Beaumont n’a cessé d’appeler l’attention sur ce point* il n’est, en effet , cjue trop aisé, lorsqu’on rapproche des directions dans des pays éloignés, de faire abstraction de la courbure du globe, et de ne point songer à ce qu’à l’exception de ceux qui sont parallèles à l’équateur, les bossèlemetîts, à mesure qu’on les poursuit, viennent couper chaque nouveau méridien sous un angle différent; de manière qu’un soulève¬ ment qui, de Paris, marcherait vers le N.-E. , ne pourrait arriver aux antipodes qu’avec une direction N. -O. absolument contraire et à angle droit avec la première. Cette circonstance est trop évidente pour qu’il ne suffise pas de l’avoir indiquée; en calculant l'angle sphérique formé par le grand cercle de soulèvement avec le méridien du lieu, ou bien en construisant les directions sur un globe suffisamment déve¬ loppé, on parviendra aisément à des données exactes ou approxima¬ tives. (2) J’entends par aspect clés roches ce faciès général que conser¬ vent presque toujours les composants d’un môme étage, et dont un œil exercé peut découvrir les traces, soit dans des circonstances acciden¬ telles communes , soit encore entre une roche métamorphosée et son analogue à l’état naturel. Le faciès général dont nous parlons , qui tient ordinairement à un certain mode de structure originaire des ro¬ ches, est un véritable caractère auxiliaire, quoique empirique, qui est bien autrement important que celui qu’on tirerait de la classification 6Z|6 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. conglomérats (1), ainsi que le pays de leur provenance ; il faut s’ai¬ der de la chimie , de la minéralogie , de la zoologie , de la bota¬ nique. Il faut surtout ne point restreindre sa pensée a V horizon au¬ quel peut atteindre sa propre vue , et ne point s'imaginer que l’on domine la nature lorsqu'on n’en aperçoit que les exceptions j il ne faut point mettre en doute la vérité d’un principe général parce qu'on n’a pas su le suivre dans le labyrinthe de scs manifestations par¬ tielles. Il faut se rappeler le précepte du grand-prêtre de la géo¬ logie pratique , Saussure, qui , vers la fin du siècle dernier, s’é¬ criait que : « Les montagnes ne doivent pas être observées avec un microscope. » M. de Verneuil fait la communication suivante : Note sur le parallélisme des roches des dépôts paléozoïques de ly Amérique Septentrionale avec ceux de L’Europe , suivie d'un tableau des espèces fossiles communes aux deux conti¬ nents , avec V indication des étapes oit elles se rencontrent , et terminée par un examen critique de chacune de ces espèces ; par M. de Verneuil. Après avoir étudié pendant plusieurs années , en Russie et en Suède, la distribution des fossiles du terrain paléozoïque, l’objet principal de notre courte visite dans l’Amérique septentrionale était de vérifier si la distribution stratigrapliique des animaux y est la même qu’en Europe. 11 a donc fallu nous familiariser d’abord avec la géognosie de cette immense contrée , en rassembler couche par couche les divers fossiles (2), ou du moins les principaux , puis y distinguer : 1° les espèces propres à F Amérique; 2° les espèces minutieuse des roches par espèces ou suivant leur nature minéralo¬ gique, et qui est fort peu utile en géologie. (1) On sait tout le parti qu’a su tirer de ce caractère M. Al. Bron- gniart Iorsqu’en 1823 il était parvenu par ce simple moyen à rappro¬ cher les terrains de Superga de ceux du Vicentin , classement que la science paléontologique est venue confirmer plus tard. (2) En décrivant les espèces nouvelles que nous avons rapportées , nous aurons souvent occasion de rendre justice aux divers savants qui se sont occupés avec tant de succès de la géologie des États qu’ils ha¬ bitent, et à qui nous devons une bonne part de nos fossiles. Nous les prions , en attendant , de recevoir ici l’expression de notre reconnais¬ sance. SÉANCE DU 19 AVRIL 18A7. 6A7 identiques avec celles d’Europe. Les premières seront l’objet d’un travail postérieur où nous nous occuperons davantage de la géologie des Etats-Unis ; les secondes seront le sujet des considérations sui¬ vantes, que nous essaierons de restreindre dans les limites qui con¬ viennent au Bulletin. Pour bien faire comprendre la distribution des fossiles en Amé¬ rique , et pour mettre à même de juger si les espèces identiques avec celles d’Europe s’y trouvent dans les mêmes couches que ces dernières, si enfin l’époque de leur apparition et la période de leur durée sont concomitantes dans les deux continents, nous ferons connaître, aussi succinctement que possible, la série des dépôts qui composent l’ensemble du terrain paléozoïque , soit dans l’Etat de New-York , soit dans celui de l’Oliio , ou dans les autres Etats situés auN. -O. des Alleglianys. La superposition des couches et des étages une fois bien établie , nous dirons quelles sont les espèces identiques avec celles d’Europe qu’ils renferment. C’est là que nous chercherons les éléments nécessaires à la solution de cette double question : 1° Les espèces se présentent-elles dans le même ordre en Amérique et en Europe, ou, en d’autres termes, y a-t-il dans leur succession, depuis les couches fossilifères les plus anciennes jusqu’à l’étage liouiller inclusivement , une loi commune aux deux conti¬ nents? 2° Est-il possible de tracer, entre les divers groupes ou étages du terrain paléozoïque d’Amérique, des divisions correspondant à celles que nous avons établies de ce côté de l’Atlantique sous les noms de systèmes silurien , dévonien et carbonifère? L’importance que, dans ces recherches , nous sommes porté à accorder aux espèces identiques entre les deux continents, nous a engagé à en donner la liste avec l’indication des divisions où elles se rencontrent , et à joindre à ce tableau quelques détails sur chacune de ces espèces, et en particulier sur leurs divers gisements. Ce sont pour ainsi dire nos pièces justificatives. Composition du terrain paléozoïque dans l’Etat de New-York . Dans l’état actuel de nos connaissances, il n’est pas de terrain peut- être qui s’étende d’une manière continue sur une plus vaste surface que le terrain paléozoïque de l’Amérique septentrionale , et cela seul suffit pour le rendre digne de notre intérêt. Les parties déjà re¬ connues de cet immense bassin comprennent 30 à 35 degrés de lon¬ gitude et 15 degrés de latitude ; mais ses limites septentrionales sont encore incertaines , et si , comme le croient quelques voyageurs , elles s’avancent jusque vers le cercle polaire, le terrain paléozoïque SÉANCE DU 19 AVRIL 1 8 Z| / . 648 embrasserait, à partir de Tusculaosa en Alabama , son extrémité méridionale, un espace de plus de 30 degrés de latitude. Toute cette étendue est loin d’être également étudiée. Plusieurs Etats ont ordonné des études géologiques destinées à faire connaître les ri¬ chesses minérales de leur sol, et qui ont donné lieu à des publica¬ tions très remarquables, mais l’Etat de New-York a fait plus, il a entrepris la noble tâche de publier un ouvrage complet sur son histoire naturelle. Les travaux géologiques confiés à des hommes éminents ont jeté une vive lumière sur la constitution géognos- tique de cette partie des Etats-Unis. Un de ces hasards heureux , comme l’histoire des sciences nous en offre des exemples, a voulu que le territoire de l’Etat de New-York offrît précisément, au-des¬ sous du système carbonifère, la série paléozoïque la plus complète. Toutes les conditions favorables se réunissaient en outre pour y faci- 1 i ter les études stratigraphiques et pour donner à la superposition, et par conséquent à la paléontologie , dont elle est la base fonda¬ mentale , une certitude véritablement scientifique. En effet, dans la partie N. -O. de cet Etat , les couches inclinent très légèrement au S., de manière à faire affleurer, à mesure qu’on s’avance vers le N . , des couches de plus en plus anciennes. Le relief du sol pré¬ sente une pente précisément inverse ; il atteint une assez grande élévation près des limites de la Pennsylvanie et s’incline au N. vers le lac Ontario. Il résulte de cette disposition une série de lacs et de petites rivières qui, se dirigeant du S. au N. , coupent transver¬ salement les formations. Ces rivières , profitant probablement de fissures préexistantes , entament le sol comme le Niagara jusqu’à la profondeur de 200 ou 300 pieds, et permettent d’étudier et de reconnaître avec certitude la superposition des divers étages. Il nous est arrivé plus d’une fois de comparer les avantages naturels de cette contrée avec les difficultés que présente la Russie d’Europe , où les plaines sont si peu accidentées , et l’épais manteau diluvien qui les recouvre si peu déchiré. Aucun pays de l’Europe ne nous offre un développement com¬ plet et non interrompu des systèmes silurien et dévonien, et il faut, pour l’observer, traverser l’Atlantique. Depuis les couches fossili¬ fères les plus anciennes , qui correspondent à l’étage inférieur du système silurien, jusqu’à la houille exclusivement, il y a, dans l’Etat de New-York, une succession continue de dépôts qui se su¬ perposent en stratification concordante, sans cependant se recouvrir entièrement. Les quatre géologues officiels de l’Etat de New-York se sont accordés à y reconnaître 28 groupes ou sous-étages , qu’ils ont réunis de la manière suivante: SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. 649 Tableau clés groupes de la série paléozoïque de C État de New-York, Vieux grès rouge. Division Érie. Division Helderberg. Division Ontario. 28. Grès et schistes. Groupe de Chemung. Groupe de Portage. Schistes de Genessee. Calcaire de Tully. Groupe de Hamilton. Schistes de Marcellus. & M y Division Champlain. '21. Calcaire cornifère. 20. Calcaire d’Onondaga. 19. Grès de Schoharrie. 18. Grès à queue de coq. 17. Grès d’Oriskany. 6. Calcaire supérieur à Pentamères. 15. Argiles schisteuses à Delthyris. 1 i. Calcaire à Pentamerus galeatus. 13. Calcaire hydraulique. k12. Groupe salifère d’Onondaga. 11. Groupe de Niagara. 10. Groupe de Clinton. 9. Grès de Médina. 8. Conglomérat d’Onéida. 7. Grès gris. 6. Groupe de la rivière Hudson. 5. Schistes d’Utica. 4. Calcaire de Trenton. 3. Calcaire de Black river. 2. Calcaire siliceux. 1 . Grès de Postdam. Il ne faut pas perdre de vue que ces groupes sont de valeur iné¬ gale; en effet, les uns, tels que le grès de Schoharrie ou le calcaire de Tully n’ont que quelques pieds d’épaisseur, tandis que d’au¬ tres, tels que les groupes d’Iludson ou de Portage, atteignent jus¬ qu’à 1,000 pieds. C’est un inconvénient qu’il était difficile d’éviter, car là où de grandes masses n’offrent de changements ni dans leur nature minéralogique ni dans leurs fossiles , il devient inutile d’y établir des divisions. L’étendue horizontale de ces divers groupes n’est pas moins variable que leur épaisseur; chacun d’eux, suivi sur son prolongement , se renfle , s’amincit ou disparaît ; en sorte qu’il n’y a jamais deux points où la série soit complète , ni même où elle soit semblable, si ces deux points sont tant soit peu distants. Ces circonstances offraient d’assez nombreuses difficultés , qui ont été heureusement surmontées par les géologues de l’Etat de New- 650 SÉANCE DU 19 AVIUL 18Z|7. York , et nous devons rendre ici toute justice à la sagacité avec la¬ quelle ils ont su mettre au jour tous les détails de superposition des divers étages ou sous-étages dont se compose le terrain paléo¬ zoïque. Le groupement qu’ils en ont fait en cinq divisions est peut- être moins heureux ; ce sont des coupes assez artificielles, auxquelles ils attachent d’ailleurs eux-mêmes peu d’importance. Fondées sur des différences, soit dans les caractères minéralogiques , soit dans l’étendue de la distribution géographique, elles ne correspondent pas toujours , ainsi que nous le verrons par la suite , avec les divi¬ sions principales ou les systèmes de l’Europe. Si nous ne maintenons pas les divisions principales établies par les géologues de l’Etat de N ew-York , nous nous permettrons aussi de réu¬ nir quelquefois plusieurs des groupes partiels qui figurent dans le ta¬ bleau précédent, et que nous allons rapidement passer en revue (1). \ . Grès de Postdam. De même qu’en Russie et en Suède, les dé¬ pôts sédimentaires dans l’Etat de New-York commencent par un grès (2). A Keeseville, près du lac Champlain, où nous l’avons vu, ce grès est quarzeux , dur, et à grains fins, passant presque au quarzite. 11 est divisé en couches horizontales et a plus de 100 pieds d’épaisseur. Il contient une petite Lingule arrondie, presque toujours brisée, que M. Hall a figurée sous le nom de L. prima. C’est une coquille qui ressemble beaucoup aux Obolas ou Un gui i tes, lesquels en Russie caractérisent un grès analogue. Dans les deux pays, les fragments de ces coquilles , disséminés dans la roche , la divisent suivant des plans parallèles. Selon le docteur Emmons, le grès de Postdam devient en quelques endroits une roche poreuse , blan¬ châtre et presque friable , comme est en général le grès des envi¬ rons de Saint-Pétersbourg. D’après le même auteur, il présente quelquefois de ces rides ( ri p pie marks) qui indiquent des dépôts tranquilles dans une mer peu profonde. 2. Calcaire siliceux (calciferous sandrock). — Cette roche est la première d’une série de couches calcaires qui caractérisent, en Amé- l’avons examinée , c’est un calcaire foncé très impur , et mêlé d’ar¬ gile ou de silice ; quelques couches sont magnésiennes , remplies (1) M. llall lui-même , dans l'ouvrage qu’il prépare sur la paléon¬ tologie de l’État de New-York, reconnaît l’utilité de pareilles réunions. (2) Selon le savant professeur Emmons , il y a encore au-dessous du grès de Postdam un système de couches très épais, qu’il appelle Taco- nic system. Nous nous abstiendrons d’en parler ici; car ces couches n’étant connues nulle part, là où les formations sont horizontales, quelques doutes ont été élevés sur leur âge véritable. SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7 . 651 de fissures et de géodes , tandis que d’autres présentent une struc¬ ture oolitique ; la roche du reste est nettement stratifiée, et repose directement sur le gneiss avec une faible inclinaison. A Middle- ville , les géodes sont remplies de cristaux de quarz à double pyramide et d’une limpidité admirable. Cet étage est pauvre en fossiles; M. Hall y cite quelques Turbos, des Pleurotomaires et des Evomphales ; mais il est remarquable qu’il n’y existe que peu ou point de brachiopodes. Son épaisseur est d’environ 250 à 300 pieds. 3. Calcaire cle Black river comprenant le Chazy et birdseye limes- tone. — A la roche précédente succède un autre étage calcaire de 150 pieds de puissance environ, plus pur, de couleur bleu ou gris- clair, et qui paraît être le point de départ ou le berceau de la plu¬ part des êtres que nous allons voir se développer dans l’étage infé¬ rieur du système silurien. Quelques types cependant lui sont par¬ ticuliers , tels que les Lituites et le genre Maclurites Lesueur ( espèce d’Evomphale senestre). Les trilobites, encore peu nom¬ breux, y sont représentés par les genres Isotelus et Illœnus ; les Orthocératites , qui y acquièrent quelquefois la taille énorme de 8 ou 9 pieds , y présentent ces divers types que l’on a nommés Ormoceras et Eminceras , suivant que le siphon est renflé et annu¬ laire , ou qu’il renferme un tube dans son intérieur. Les brachio¬ podes , comme formes initiales , nous offrent les genres Orthis , Lcptœna et Terebratula . M. Hall remarque avec raison que le cal¬ caire de Black river, de même que tous les groupes subordonnés, pos¬ sède des espèces propres qui naissent et meurent dans ses limites , ou du moins qu’on ne revoit plus au-dessus, et des espèces qui lui sont communes avec les groupes subséquents ; parmi ces dernières, nous citerons Y Isotelus gigas^ Y Illœnus crassicauda et Y Orthocera- tites bilineatum Hall, Les trois groupes précédents renferment une grande abondance de fucoïdes. 4, 5, 6. Calcaire de Trenton. Schistes d’Utica. Groupe delà rivière Hudson. — Ces trois groupes ont tant de fossiles communs qu’ils doivent être réunis , et nous verrons bientôt cpic, dans les Etats de l’ouest, ils n’en forment en effet qu’un seul. Ils constituent sans contredit la partie laplus importante de l’étage inférieur du système silurien, par le nombre de leurs fossiles et l’immense étendue qu’ils occupent. Les caractères principaux de la faune de cette époque sont, d’une part, l’absence ou la rareté des animaux vertébrés, dont aucun débris n’a encore été découvert en Amérique (1), et de l’autre, (1) Nous apprenons par MM. Sedgwick et Murchison ( Proceed . of the Geol. Soc. 1847, p. 177) que des fragments de poissons du genre Onchus ont été récemment découverts dans les schistes de Llandeilo 652 SÉANCE IHJ 19 AVRIL 1847. le grand développement des trilobites et des mollusques , notam¬ ment des Orthocératites et des brachiopodes. Aux formes initiales des Isotelus et des lllœnus , que nous avaient offertes les trilobites dans le groupe précédent, se joignent iei les Tri nucléus , les Caly- mene , les Ceraurus , les Lichas et les Phcicops. Parmi les Ortho¬ cératites, se distinguent particulièrement ces grandes espèces à si¬ phon latéral , nommées Endoceras et Diploceras , que nous avons vues commencer dans le groupe précédent. Les gastéropodes et les acéphales lamellibranches présentent , dès cette époque , un assez grand nombre d’espèces ; mais ils le cèdent en importance aux brachiopodes, qui sont représentés par les trois genres que nous avons déjà cités dans le calcaire de Black river. Quant aux poly¬ piers , le Columnaria alveolata Goldf. , caractéristique de ce der¬ nier calcaire , est remplacé ici par le Chœtetes Petropolitanits , un des fossiles les plus abondants. Les fucoïdes s’y montrent aussi , particulièrement vers la base. Le calcaire de Trenton est ordinairement noir , bitumineux , et quelquefois un peu magnésien. Il a 2 à 300 pieds d’épaisseur , et est souvent, comme à Trenton Falls , divisé en strates minces et horizontales. A sa partie supérieure , il devient plus schistoïde , plus argileux, et passe insensiblement aux schistes d’Utica , remar¬ quables par leur couleur noire, qui semble indiquer une certaine pro¬ portion de bitume. La rareté des fossiles dans ces schistes contraste singulièrement avec l’abondaneedeceuxducalcairedeTrenton. Bien que la transition minéralogique de l’un à l’autre groupe soit insen¬ sible , et ne paraisse avoir été accompagnée d’aucun mouvement violent , les espèces du calcaire de Trenton finissent presque toutes là où cesse ce dépôt; mais cette disparition n’est qu’un de ces acci¬ dents locaux qu’il faut savoir apprécier et distinguer du phéno¬ mène de la succession normale des espèces , car ce n’est en réalité qu’un déplacement. Les espèces, détruites par des circonstances qui leur étaient défavorables dans le territoire de New-York, ont con¬ tinué à se propager dans les régions situées à l’ouest, et lorsque ces circonstances ont changé de nouveau , lorsque la nature des dépôts a été modifiée , et que les schistes d’Iludson ont remplacé ceux d’Ltica, alors les animaux qui composaient la faune de Trenton sont revenus occuper leur ancienne patrie , non pas tous in¬ tégralement, mais avec cette rénovation partielle et successive que et dans le calcaire de Bala. Si les poissons sont assez rares dans l’étage inférieur du système silurien pour avoir échappé jusqu’à ce jour aux recherches des géologues d’Angleterre, il n’est pas étonnant qu’on n’en ait pas encore trouvé en Amérique. SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 65,1 le temps leur avait imprimée. Les espèces caractéristiques des schistes d’Utica sont le Graptolites dentatus Yanuxem, orné d’une double rangée de dentelures, et un petit trilobite nommé Triarthus Beckii. Ces schistes peuvent avoir 75 pieds d’épaisseur. Le groupe qui nous occupe se termine, dans l’Etat de New- York, par des roches de 8 à 900 pieds d’épaisseur , et que l’on en a sépa¬ rées dans 1 origine sous le nom Hudson river group. Ce sont des schistes à grains plus ou moins fins, et des grès très argileux, gris et brun-foncé, que Ton pourrait appeler grauwaekes. La cou¬ leur verdâtre , assez claire , des schistes , en général, permet de les distinguer de ceux d’Utica, auxquels ils passent d’une manière in¬ sensible. La partie inférieure de ce groupe est, comme les schistes d’Utica, très pauvre en fossiles, excepté en Graptolites, dont on compte plus de dix espèces. 11 n’en est pas de même de la partie supérieure : on y trouve un assez grand nombre de bivalves incon¬ nues auparavant , telles que sept espèces d’un genre voisin des Mo- dioles , et appelé Modiolopsis , deux ou trois Avicules (genre très rare à cette époque), la Pterinea carinata Cour., etc. On y voit aussi apparaître quelques espèces nouvelles de trilobites, d'Ortlio- cératites, de Pleurotomaires, et enfin le Cyrtolites ornatus Conr. La plus grande partie des espèces , cependant , surtout parmi les bra- chiopodes, sont les mêmes que dans le calcaire de Trenton. 7 et 8. Grès gris et conglomérat d’Oneida. — Le groupe de la ri¬ vière Hudson est surmonté , dans 1 E. de l’Etat de New-York, par un conglomérat quarzeux , et dans 10. par un grès gris, qui, l’un et l’autre , ne contiennent que des fuco’ides. Ces roches, que nous n’avons pas eu occasion de voir , ont une épaisseur variable ; c’est avec elles que se termine ce que les auteurs de la Géologie de New-York ont appelé la division Champlain. Comme, selon ces mêmes auteurs, ces grès passent insensiblement à ceux de Médina, la limite entre les divisions Champlain et Ontario est tout à fait arbitraire. Il semble préférable de terminer la première grande division des dépôts américains avec les schistes de la rivière Hud¬ son, c’est-à-dire là où disparaissent la plupart des types d’ani¬ maux caractéristiques de l’étage silurien inférieur d’Europe. Les grès et les conglomérats qui succèdent aux schistes d’Hudson four¬ nissent une base assez naturelle à la division suivante. 9. Grès de Médina. — Les grès précédents, ainsi que nous ve¬ nons de le dire , se lient à ceux de Médina , sans qu’il y ait entre eux de démarcation tranchée. Ce nouvel étage se compose de grès rouge ou bigarré, très argileux, passant quelquefois à des roches presque entièrement argileuses , ou alternant sur d’autres points avec des grès quarzeux, et il se termine à sa partie supérieure par 65/i séance du 4 9 avril 18^7. une bande de grès gris assez constante , connue sous le nom de grey band. Les couches rouges et argileuses ont souvent leur sur¬ face couverte de corps cylindriques , se croisant en tous sens , et appelés Fucoïdes Harlcini. Près de Rochester , ils se trouvent à la partie supérieure de ce grès. Les couches quarzeuses renferment quelques fossiles marins, entr’ autres la Lingula cuneata Conr., une Cytficrinn assez semblable à la C. alta Conr., et le Bellerophon tri- lobatus , espèce commune en Angleterre dans les roches de Ludlow et de Caradoc. La présence de quelques sources salées pourrait fa¬ cilement faire confondre ce groupe avec celui d’Onondaga , si l’on négligeait l’étude de la stratification : ce sont les sources salées les plus anciennes de l’Amérique septentrionale. A la partie supérieure du grès de Médina , M. Hall signale l’existence de ces rides (ripple marks) dues à l’action des eaux , sur les bas-fonds ou le littoral de la mer. 10. Groupe de Clinton. — Ce groupe comprend des roches de composition assez différente. Prèsd’Utica, où nous l’avons vu pour la première fois, il nous a présenté un grès rouge rempli de petits trilobites , Agnostus lattis Hall. A Rochester , les bords de la ri¬ vière Genessee , profondément excavés, exposent une très belle coupe du groupe de Clinton. Les couches, en allant de haut en bas, sont dans l’ordre suivant : 1 . Argiles schisteuses renfermant des bancs calcaires avec Tercbratula hemisphœrica , environ \ 2 pieds. 2. Argiles schisteuses vertes . 15 à 20 pieds. 3. Calcaire à P entant crus oblongus ... 3 ou 4 pieds. 4. Roche de fer oolftique . 1 ou 1 1/2 pied. 5. Argiles schisteuses vertes . 23 pieds. La couche de fer oolitique, quelque mince qu’elle soit, aune constance remarquable et peut être suivie sur une distance de 160 kilomètres. Elle donne lieu à plusieurs exploitations. Le groupe de Clinton est assez riche en fossiles. Le plus remarquable par son abondance et sa vaste distribution, tant en Amérique qu’en Europe, est le Pentamerus oblongus ; puis vient la Tercbra¬ tula hemisphœrica. Ce groupe semble être la limite supérieure des Graptolitcs , qui n’y sont représentés que par une petite espèce , si abondante dans certaines couches qu’elle y laisse une matière charbonneuse colorant la surface en noir. M. Hall signale encore beaucoup d’autres fossiles, parmi lesquels nous cite¬ rons la queue d’un Hemicrypturus , voisin de l’ Asaphus expansus , les Leptœna depressa , L. elegantula ou sericea , Chonetes cor nuta Hall, Terebratula reticularis , T. conges ta Conr., Spirijer bra- SÉANCE DU 19 AYRTÏ. 1847. ()55 chynota (fragment assez analogue au S. lynx ) et des Tentaculites . 11. Groupe de Niagara. — Le groupe de Clinton est régulièrement surmonté par les argiles et les calcaires de Niagara, groupe presque aussi important que celui de Trenton , et qui mérite comme lui la plus grande attention. C’est la roche qui donne naissance à la célèbre cataracte de Niagara. La partie supérieure de l’escarpe¬ ment d’où les eaux se précipitent est un calcaire bleuâtre , légère¬ ment siliceux et magnésien, qui contient quelques géodes de gypses ; la partie inférieure est composée d’argiles schisteuses dont l’érosion peut expliquer la retraite, si lente d’ailleurs, de la cata¬ racte. A Niagara même, cet ensemble de couches contient peu de fos¬ siles , mais à Lockport et à Rochester on en trouve un très grand nombre , surtout dans les parties argileuses. Parmi les plus inté¬ ressants nous citerons les suivants : Phcicops limulurus Green , Bumastus Barriensis , Homalonotus delphinocephalus , Ortho - ceratites aiinulatus , Spirifer Niagarensis Conr. , S. cyrtœna , S. sulcatus , S. crispas , S. bilohus Linné, Ordiis cle gantai a , O. hy¬ brida, Leptœna depressa , L. transversales , Terebratula rcticularis , T. nitida Hall, T. cuneata , Caryocrinus orna tus , Hypanthocrinites décoras Phill. , Cyathocrinites pyrijormis Pliill. Tout ce groupe , déjà assez puissant à Niagara et qui augmente encore d’épaisseur vers les grandes plaines de l’O. , s’amincit au contraire et dispa¬ raît dans la partie orientale de l’Etat de New-York. A Sclio- harrie,par exemple, le calcaire de Niagara manque, ainsi que les groupes de Clinton et d’Onondaga, et les nos 6 et 13 de notre ta¬ bleau ( voir p. h ) se trouvent en contact. C’est ici que les géo¬ logues de New-York ont placé la limite supérieure de la division Ontario , et cette limite est aussi celle que nous adoptons pour les Etats de l’O. ; mais dans l’Etat de New-York, là où se développent les groupes inférieurs de la division Helderberg , nous les réunis¬ sons à la division Ontario , ainsi qu’on le verra plus tard , pour avoir un ensemble de dépôts analogues par leurs fossiles à l’étage silurien supérieur d’Europe. 12. Groupe s ali f ère d’Onondaga. — Au-dessus des calcaires de Niagara se développe une masse considérable d’argiles schisteuses et de marnes comprenant , d’après les auteurs de la Géologie de New-York , des bancs ou amas de gypse , des calcaires impurs , concrétionnés , souvent argileux et quelquefois poreux et magné¬ siens. Elle doit contenir aussi du sel, car elle donne naissance à un grand nombre de sources salées. Au point de vue économique, c’est un dépôt d’une grande importance, puisqu’il contient tous les gypses et tous les sels exploitables de la partie occidentale de l’Etat 656 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. de New-York. Au point de vue de la science , il vient confirmer un fait presque général en Europe, celui de l’association du gypse, du calcaire magnésien et des sources salifères. Quant aux fos¬ siles, il est très pauvre , comme tous les dépôts de cette nature, et n’a fourni aux observateurs que quelques moules de coquilles mal conservés. Malgré sa puissance qui , bien qu’imparfaitement connue , est au moins de 7 à 800 pieds , ce groupe est presque limité à la partie occidentale de l’Etat de New-York. 11 s’étend à peine dans le Canada au-delà de la rivière Niagara, et manque complètement à l’O., dans les Etats d’Ohio, d’Indiana et du Ken¬ tucky , etc. 13, là, 15 et 16. Calcaire hydraulique. Calcaire h P entameras galeatus. Argile à Delthyris. Calcaire supérieur a Pentamères. Ces quatre étages ayant peu d’épaisseur et présentant la même distri¬ bution géologique , nous croyons devoir les réunir en un seul. Le nom de calcaire hydraulique ou watcrlime , très défectueux en lui-même , puisque l’on trouve en Amérique de la cliaux hy¬ draulique à d’autres étages , a été appliqué à un calcaire peu épais et bleuâtre. A Schoharrie , ce calcaire, mêlé de parties plus argileuses , et stratifié en couches minces , peut avoir 20 ou 25 pieds d’épaisseur. Plusieurs des couches sont couvertes de Tenta- culites et de Cythérines ; les premiers , tous dirigés dans le même sens , semblent avoir pris cette position sous l’influence de cou¬ rants sous-marins , à l’époque de leur dépôt. Les fossiles caracté¬ ristiques sont le Ten tacu/i tes orna tus Sow., la Terehratula sulcata , voisine de la T. canalis Sow., la Cytherina al ta Conr., Y Euryp te¬ rris remipes Dekay, et un grand Phragmoceras , assez voisin du P. vcntricosum de Ludlow. Le calcaire à Pentamè/es qui surmonte le calcaire hydraulique s’en distingue par l’épaisseur de ses bancs , la compacité de la roche qui la rend susceptible de former des escarpements verti¬ caux sur les flancs des vallées. Il n’a que 12 à 15 pieds d’épaisseur aux environs de Schoharrie , mais selon M. Vanuxem , il atteint quelquefois jusqu’à 80 pieds. Les fossiles caractéristiques sont : le Pentamerus galeatus , Y Evomphalus profundus Conr. , les Avicula monticula et naviformis , Conr., et une singulière encrine, voisine des cystidées, appelée par AI. Conrad Lcpocrinites Guehhardi . Au-dessus de ce calcaire, viennent les argiles ou calcaires argi¬ leux à Delthyris, d’une épaisseur d’environ 30 à 40 pieds. On y voit apparaître un assez grand nombre d’espèces du genre Acrocu- lia Phill. ( Platyccras Conr. ), qui manque dans l’étage silu¬ rien inférieur et qui est encore très rare dans le groupe de SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 657 Niagara. Parmi les autres fossiles nous signalerons les espèces sui¬ vantes : Phacops Hausmanni Brongn. , Asaphus nasutus Cour. , Plcity - ceras ventricosum Cour, (1), P. Guebharcli Cour., Leptœna depressa , Leptœna punctulifera (voisin du L. miranda Barr.), Spirijer ma¬ cro pleuras Conr., S. pachyop taras Conr. , S. bilobus Linné, Pe¬ rd) rat u la deflexa Sow. , ou espèce très voisine , Atrypa inflata Conr., voisine de VA. sphœrica Sow., Atrypa œquiradiata Conr., Terebratula reticidaris , Orthis hybrida, Orthis voisine de Y O. oc - cl us a Barr., Millepora repens et autres petits polypiers. Plusieurs de ces espèces existent dans le groupe de Niagara. Le calcaire supérieur à Pentamères ne se distingue de L étage précédent que par la nature plus compacte de la roclie et par quel¬ ques fossiles qui s’ajoutent à ceux des couches sous-jacentes, tels qu’un Pentamère lisse, voisin du P. galeatus qui se trouve dans le calcaire dévonien de l’Eifel et probablement aussi dans les cou¬ ches siluriennes de la Bohême. Les quatre étages dont nous venons de parler forment la partie inférieure de ce que les géologues de New- York appellent la série d’Helderherg ; c’est dans ces montagnes et dans le voisinage de Sclioliarrie qu’ils sont le mieux développés. En contact immédiat avec le groupe de la rivière d’Hudson ( Hudson river group), ils sem¬ blent y remplacer les couches de Niagara. Lorsqu’on les suit vers LO., on les voit s’atténuer et disparaître là où celles-ci se déve¬ loppent. 17. Grès d’ Oriskany. — C’est un grès quarzeux qui , dans l’Etat de New-York , n’a jamais plus de 30 pieds d’épaisseur, et qui se réduit souvent à trois ou quatre. Il est rempli de fossiles, et son importance n’est pas due seulement à cette circonstance, mais en¬ core à ce qu’il se prolonge jusque dans les Etats de Pennsylvanie et de Yirginie, où il acquiert une puissance de 300 pieds; il manque au contraire à l’O. de l’Etat de New-York et dans tout l’espace compris entre les limites de cet Etat et le Mississipi. Selon M. Hall, ce grès semble avoir été déposé dans des dépressions dues , soit à des inégalités naturelles de la surface des roches préexistantes, soit à des dénudations. Les fossiles y sont toujours à l’état de moule , excepté dans les endroits où la roche est légèrement cal- carifère. Les plus communs sont de grandes Acroculia et les Spirifer cultrij ugatus Roemer ; S. macroptcrus Roemer ; S. arenosus Conr.; Atrypa elongata Conr. ; si. peculiaris Conr.; Orthis unguijormis (1) Le genre Platyccras de Conrad n'est autre que le genre Acro¬ culia de Phillips. Soc. géol. , 2e série , tome IV. 42 (558 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Zj7, Coin'. ( IHfjpcnioniæ proxi nuis Yanux. ). Le genre Spirijer , qui n’existait pas réellement avant le groupe de Clinton , et qui , soit dans ce sous-étage , soit dans les suivants, n’est représenté que par de petites espèces , prend ici un développement particulier et offre des espèces qui, par leur taille, ainsi que par leurs plis nombreux, se rapprochent du type dévonien et carbonifère. 18 et 19. Grès à queue de coq et grès de Schoharrie. — Ces deux groupes ont si peu d’épaisseur que nous croyons devoir les réunir ; ce sont l’un et l’autre des grès bruns à grains fins et très calcari- fèi es. Par l’action de l’atmosphère , le calcaire est entraîné, et la roche devient poreuse. Le premier de ces grès est caractérisé par des impressions énigmatiques en forme de queue de coq , et que l’on rapporte à quelque genre inconnu de plantes marines ; le se¬ cond mérite d’être signalé d’une manière toute spéciale comme le point le plus bas où l’on connaisse en Amérique le type des pois¬ sons dévoniens. M. John Guebliard de Schoharrie y a trouvé un fragment d ' Astcrolepis, que nous avons vu dans sa collection. Dans les mêmes couches apparaît aussi le genre Pteurorynchus , avec des dimensions qui rappellent les espèces carbonifères. Les autres fos¬ siles sont : 1 e Phacops macrophtalmus, le P. laticostatus Green; un grand Cyrtocère analogue à une espèce de l’Eifel , des Orthocéra- tites à anneaux transverses, et, selon M. Hall, un assez grand nombre de polypiers. Cette roche n’a que 8 à 10 pieds à Scho¬ harrie, et ne s’étend pas loin vers l’O. 20 et 21. Calcaire d’O/iondaga et calcaire cornifère. — Ces deux calcaires, presque toujours associés et difficiles à distinguer l’un de l’autre, nous paraissent devoir être réunis en un seul groupe, aussi important par l’étendue qu’il occupe que les groupes de Trenton et de Niagara. Dans toute la partie occidentale de l’Etat de New- York, où manquent les nos 13 à 19 de la division d’Helderberg , le calcaire d' Ononclaga repose immédiatement sur le groupe sali- fère. Il est gris., plus ou moins cristallin , et renferme beaucoup d’Encrines et de grandes espèces de polypiers qui ont construit à cette époque des récifs à peu près semblables à ceux qui s’élèvent encore dans nos mers tropicales. Les plus communs sont : les Fa¬ vorites Gothlandica et alveolaris , F. fibrosa , F. favosa Goldf. , des Lithodendron et de grands Cyathophyllum . Ces polypiers sont sou¬ vent à l’état siliceux et se dessinent en relief sur le calcaire. A Ca- ledonia, selon le colonel Jewett de Lockport , on y trouve aussi des Caténipores (1). (1) Ce point serait essentiel à bien établir; car, en Europe , on ne 659 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. Le calcaire cornijère , par sa structure compacte , forme souvent comme la roche précédente, des escarpements verticaux et des cas¬ cades ; il contient beaucoup de nodules siliceux ou pierres de corne. A Auburn, nous l’avons vu exploité sur une grande échelle comme pierre à bâtir. Au point de vue paléontologique , il se dis¬ tingue du précédent par l’absence des enclines et des polypiers. Ses fossiles principaux sont : les Calymene crassimarginata Hall ; Oclontoceplialus selenurus Cour ; Phacops macrophthalmus ; Cyrto- ceras undulatum Hall, et plusieurs autres Lyrtoceres analogues a ceux du Devonshire ; Platyceras dam osant ; Chemnitzia nexilis ; Acroculia crée ta . Hall; un grand Pleurorynchus assez semblable à celui du grès de Schoharrie ; Pterinca cardiiformis, Hall; Leptœna d< pressa et Tercbratula reticularis. Ces deux calcaires n’ont pas ensemble beaucoup plus de 40 à 50 pieds. 22, 23, 24 et 25. Schiste de Marcel las, groupe de Harnilton, cal¬ caire de Tully, et schiste de Genessee. — C’est un trait distinctif du terrain paléozoïque de New-York, d’être calcaire à sa base et schis¬ teux ou arénacé à sa partie supérieure. En effet, nous allons voir se développer, à partir du dernier groupe jusqu’au système carbo¬ nifère, une masse énorme de schistes et depsammites presque en¬ tièrement privés de calcaire. C’est ce qui nous paraît avoir déter¬ miné les géologues de New-York à placer ici la limite entre les divisions Heidelberg et Erie. L’étendue géographique du calcaire cornifère semble donner à cette limite une grande importance ; mais, outre qu’elle ne correspond à aucune limite des grandes di¬ visions européennes , son importance , même en Amérique , est considérablement diminuée, s’il est vrai, comme nous le pensons, que le calcaire cornifère des Etats de l’O. représente à la fois le calcaire cornifère et le groupe de Harnilton de celui de New- York. Le premier terme de la série qui nous occupe est un schiste noir, très bitumineux , de 40 à 50 pieds d’épaisseur, contenant en¬ core quelques couches ou concrétions calcaires. C’est principale¬ ment dans ces concrétions cpie se trouvent les fossiles. Bien que peu nombreux, on y remarque l’apparition de deux genres importants que l’on n’a pas encore trouvés plus bas dans l’Etat de New- York, les Goniatites et les Productus (1). Les premières espèces de Goniatites ont , comme on devait s’y attendre , le lobe dorsal connaît pas de Caténipores dans les couches dévoniennes inférieures , que nous considérons comme parallèles à celles d’Onondaga. (1 ) Dans l’Ouest, ces genres se rencontrent dans le calcaire cornifère. 660 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. simple et un seul lobe latéral arrondi ; c’est le type des Goniatites de Wissenbach , dans le duché de Nassau. Les schistes de Mar- cellus en renferment plusieurs espèces, dont l’une, le G. expansus Vanux., semble être identique avec le G. Nœggerathi Buch. Avec ees Goniatites, se présentent aussi de véritables Nautiles, genre presque inconnu auparavant. Le Productus des schistes de Marcellus pa¬ raît appartenir au type dévonien. Ges couches passent par degrés à d’autres schistes de couleur olive, dont la masse constitue ce que l’on appelle le groupe de Ha- milton. Ce dépôt, qui, à l’E. de l’Etat de New-York, atteint une épaisseur de près de 1,000 pieds, s’amincit vers l’O., comme la plupart des groupes supérieurs au calcaire de Niagara ; il perd ses parties arénacées et devient entièrement schisteux. Si l’on en juge par l’abondance des acéphales lamellibranches que l’on rencontre dans ces schistes , on reconnaît que les mers à fond vaseux conve¬ naient au développement de ces animaux ; les Avicules , rares dans les dépôts plus anciens , n’y présentent pas moins de 15 à 16 es¬ pèces. Les trilobites , au contraire , y décroissent d’une manière très sensible , et sont réduits à 3 ou U espèces : Dipleura Dekayi , Green ; Phacops inacrophtliahnus et Crypliœus calliteles Green. Les Goniatites sont représentées par deux espèces , dont l’une , le G. uniangularis Cour., a des cloisons plus compliquées que la plu¬ part des espèces des schistes de Marcellus. Parmi les acéphales si nombreux dans ce groupe, nous citerons comme particulièrement abondants les Microdon bellastriata Conr. ; Avicula orbiculata Hall; A.flabella Cour.; Orthonota undulata Conr.; Cardium loricatum Goldf. ; Terebratula reticularis et aspera (grande va¬ riété), T concentrica , Orthis umbonata Conr.; Productus subacu- leatus Murcli. ; Leptœna Dutertrii Mur ch. ; Spirifer mucronatus Conr. ; S. granuliferus Hall. Quelques couches calcarifères , au milieu du groupe d’Hamilton , sur le lac Skeneateles , sont entiè¬ rement remplies de Cystiphyllum et de Cyathophyllum , parmi les¬ quels se trouve le C. cylindricum Lonsd. Le calcaire de T ully est qu’une bande de 8 à 15 pieds d’épais¬ seur qui renferme , comme fossiles caractéristiques , la Terebratula cuboïdes Sow. , et l’ Orthis striatula Schlot. Ce calcaire, recherché pour les besoins de l’agriculture , est surmonté par un schiste noir ( G eues s ee slate) qui, à part sa position stratigrapliique , se distingue à peine du schiste de Marcellus. 11 renferme peu de fossiles, si ce n est l’ Orbicula Lode/isis Hall, la Lingula spathulata Hall, et le Clionctes setigera Hall , qui lui est commun avec les schistes de Marcellus. L’épaisseur de ce sous-étage est d’environ 150 pieds. 66 1 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. 26 et 27. Groupes de Portage et de Chemung. — Ces deux groupes ont entre eux la plus grande ressemblance minéralogique , et offrent une succession non interrompue de dépôts argileux et sa¬ bleux d’une très grande épaisseur, les premiers dominant princi¬ palement vers la base. Le groupe de Portage , près des cascades de ce nom , forme des escarpements de 300 à 350 pieds , entre lesquels coule la rivière Genessee. Les strates y sont horizontales, et com¬ posées d’un psammite ou grès argileux micacé , à grains très lins. L’épaisseur de tout le groupe est d’environ 1000 pieds. Ses princi¬ paux fossiles sont les Gouiatites retrorsus Buch . ; G . sinuosus Hall.; Bellerophon striatus Ferr. ; Cyathocrinus ornatissimus Hall. Le groupe de Chemung de 1500 pieds d’épaisseur présente, en général , une succession d’argiles schisteuses et de grès argileux , variant déstructuré, suivant les diverses proportions. de sable ou d’argile. A Ithaca, à l’extrémité méridionale du lac de Cayuga, les escarpements sont composés de grès argileux et de grauwaekes , de couleur plus foncée que les couches de Portage. Les fossiles, plus abondants que dans l’étage précédent , ont perdu leur têt , et n’ont laissé que leur empreinte ou leur moule. Selon M. Hall , il y a autant de bracliiopodes , et plus d’Avicules (1) encore que dans le groupe d’Hamilton. Peu d’espèces leur sont communes. Les tri— lobites, déjà assez rares dans ce dernier, le deviennent plus encore ici , et nous doutons même qu’on y en ait trouvé. Cependant rien ne serait plus naturel , puisque cette famille a encore des repré¬ sentants dans le système carbonifère. La seule Goniatite qui ait été citée dans le groupe qui nous occupe, le G. Chemungensis , est re¬ marquable par le grand nombre de ses lobes latéraux , qui indique, pour ce point de l’organisation, une complication en rapport avec l’àge relatif des dépôts. On y trouve un assez grand nombre de bracliiopodes , tels que: Spirifer Verneuili Murch.; S. mesastrialis Hall.; Lœpiena interstrialis Phill.; Terebratula reticularis et Pro~ ductus subaculeatus ou membranaceus . La rareté du calcaire ex¬ plique suffisamment le petit nombre de polypiers signalés dans les groupes de Portage et de Chemung; les fucoïdes , au contraire, y sont abondants. Pour terminer cette revue rapide de la série paléozoïque de l’E- (1) Le nombre des Avicitla et des Pecten croît à mesure qu’on s’é¬ lève dans les couches paléozoïques. Ce n’est pas sans étonnement que l’on voit deux genres, déjà si florissants aux époques dévonienne et car¬ bonifère, arriver jusqu’à nous sans perdre de leur importance, et en laissant dans chaque terrain de si nombreux représentants. 662 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. tat de New-York , il ne nous reste qu’à dire quelques mots des masses puissantes de vieux grès rouge qui forment les montagnes de Catskill , et qui , se prolongeant le long des frontières de la Pennsylvanie, pénètrent dans l’intérieur de cet Etat. Cet étage, de plus de 2000 pieds d’épaisseur, se compose d’alternances de grès et d’argiles schisteuses, contenant des parties endurcies et cimentées par du calcaire , où l’on trouve quelquefois des fragments de poissons analogues à ceux du vieux grès rouge d’Ecosse et de Russie , tels que l’ Holoptirhus nobilissimus. Le système carbonifère n’existe pas dans l’Etat de New-York, et la série se termine par les roches précédentes , que l’on voit s’enfoncer sous les dépôts carbonifères de la Pennsylvanie. Si l’on embrasse d’un seul coup d’œil l’ensemble du terrain paléozoïque de l’Etat de New- York, on peut saisir quelques traits généraux (pie nous ne ferons qu’indiquer ici , avant de .passer à l’étude de ce même terrain dans les Etats de l'Ouest. Un fait essen¬ tiel qui frappe tout d’abord, c’est que les couches y étant horizon¬ tales et concordantes , les êtres organisés présentent, sous la seule influence du temps, des modifications successives telles , que la plupart des groupes ou sous-étages sont caractérisés par des espèces propres aux diverses couches dont ils se composent, et par d’autres moins nombreuses qui les rattachent aux groupes supérieurs et inferieurs. La disposition des matières minérales donne lieu aussi à des considérations importantes. La prédominance des grès et des schistes dans la partie orientale de l'Etat de New- York semble indiquer que c’était de ce côté qu’existait le continent , dont les fleuves et les côtes fournissaient aux sédiments les élé¬ ments dont ils sont composés (1). Cette vue n’a pas échappé aux géologues américains , et ce qui vient encore la confirmer, ce sont les fucoïdes et les rides , ou ripple marks , dont la surface des couches est souvent couverte, témoins irrécusables du voisinage des bas-fonds et des rivages. Ce qui est important, c’est que ces fu¬ coïdes et ces ripple marks s’observent à tous les étages , depuis le grès de Postdam jusqu’au groupe de Portage; de sorte qu’il de¬ vient incontestable que toute la masse du terrain paléozoïque , quelque épaisse qu’elle soit , a été déposée dans une mer peu pro- (1) Comment ce grand continent n’a-t-il pas fourni aux sédiments formés sur son littoral des débris d’animaux ou de végétaux terrestres? C’est ce dont on ne saurait trop s’étonner. Les premières plantes ter¬ restres analogues à celles de l’étage carbonifère n’apparaissent que dans le groupe de Chemung, et elles y sont très rares. 663 SÉANCE DU 19 AVKIL 1847. / fonde , dont le fond probablement se déprimait successivement pour recevoir de nouveaux sédiments. Que devient alors l’opinion de certains géologues qui pensent que tous les dépôts siluriens se sont faits dans des mers très profondes , et qui attribuent à cette circonstance plutôt qu’à l’action du temps les différences qui distinguent la faune silurienne de celles qui l’ont suivie? Composition du terrain paléozoïque dans les États d' Ohio , du Kentucky et d' Indiana. Entre le grand bassin houiller qui occupe une partie de la Pennsylvanie et de l’Ohio , et celui des Illinois , s’élève un axe an¬ ticlinal qui les sépare , et qui fait affleurer toutes les couches plus anciennes jusqu’à l’étage inférieur du système silurien. Ce n’est pas un axe de véritable dislocation ; les couches continuent de rester sensiblement horizontales , leur pente n’étant que de 15 à 16 pieds par kilomètre ; mais cette pente se faisant en sens con¬ traire des deux côtés d’une ligne à peu près N. -S., qui passe par Cincinnati , suffit pour amener au jour , sur une grande éten¬ due et par larges bandes , les parties inférieures du terrain paléo¬ zoïque. Rien n’est plus intéressant, quand on s’est familiarisé avec la série des roches et des fossiles de l’Etat de New-York, que de se transporter à 150 ou 200 lieues à l’O., d’observer les changements considérables que cette série y présente , et d’en re¬ chercher la cause ; c’est ce que nous allons faire de la manière la plus succincte (1). (1) Nous recommanderons aux personnes qui désireraientplusdedétails sur ce sujet la lecture de deux Mémoires très intéressantsdeM. J. Hall, l’un sur l’identité des formations de l'O. des États-Unis avec celles de l'État de New-York, imprimé dans les Transactions de la Société géologique de Pennsylvanie ; l’autre sur la nature des strates et la dis¬ tribution géographique des fossiles dans les formations anciennes des États-Unis, inséré dans le Journal cl’ Histoire naturelle de Boston , vol. Y. Nous avons eu l’occasion de reconnaître l’exactitude des obser¬ vations de cet habile géologue et nous ne différons d’opinion avec lui , que sur l’âge et les véritables équivalents des schistes noirs bitumineux et de la masse principale des psammites micacés qui les surmontent, dans les États d’Ohio , d’indiana et du Kentucky. i 0(54 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. Système dévonien. Système silurien (étage supérieur). Système silurien (étage inférieur). Tableau (les groupes qui composent le terrain paléozoïque dans les Etats c l’Oliio , du Kentucky et dTndiana (1). f 8. Grès, schistes et calcaires houillers. Système carbonifère, j 7. Calcaire carbonifère. (.6. Psammites micacés à grains fins. 5. Schistes noirs bitumineux. 4. Calcaire coquillier et calcaire à coraux supérieur. 3. Calcaire siliceux ou magnésien ( clifj limestone). 2. Calcaire et marnes bleues. 1 . Calcaire compacte. Nous allons parcourir rapidement ces divers groupes , en coin mençant par les plus anciens. 1. Calcaire compacte. — La couche la plus inférieure que l’on voie affleurer dans ces contrées (2) est un calcaire gris ou jau¬ nâtre, compacte, ayant une certaine ressemblance avec du marbre , et qui existe , dit-on, dans les environs de Francfort en Kentucky. C’est le seul représentant des couches inférieures au calcaire de Trenton. Plus au S., vers la chaîne des Alleghanys , des grès se montrent dans cette position. 2. Calcaire bleu. — C’est, en général, le dépôt le plus inférieur que l’on puisse atteindre, et sa puissance, dans les environs de Cin¬ cinnati, est au moins de 5 à 600 pieds. De grandes masses de mar¬ nes calcaires bleues y alternent avec des calcaires de même cou¬ leur, stratifiés en bancs assez minces. Ces couches renferment une très grande quantité de fossiles qui offrent un mélange d’especes nouvelles et d’espèces caractéristiques du calcaire de Trenton , du groupe d’Utica , et de celui de la rivière Hudson. Le calcaire elles marnes bleues représentent donc dans l’Ouest trois des subdi¬ visions du terrain paléozoïque de New-York, et les schistes si épais, qui composent le groupe de la rivière Hudson, ont entière¬ ment disparu. (1) C’est à MM. DaleOwen, Mather, Locke, Hildreth et Foster qu’on doit la connaissance de la constitution géologique de ces États. (2) Selon M. Dale Owen, dans l’État du Wisconsin , on voit affleurer au-dessous du calcaire bleu un calcaire magnésien assez épais, renfermé entre deux masses de grès. Le grès inférieur est blanc, friable comme un grès tertiaire ou comme le grès silurien inférieur de Saint-Péters¬ bourg; il occupe en réalité la place du grès de Postdam. Le calcaire . magnésien rappelle beaucoup celui qui surmonte le calcaire bleu , et ne s’en distingue que par l’absence de tout débris organique. SÉANCE DU 19 AVRIL 18Zl7. 065 3. Calcaire siliceux et magnésien (Cliff limcstonc ). — Entre le groupe précédent et celui-ci s’interpose en certains endroits , comme à Dayton (Ohio), un calcaire jaune dont les fossiles pré¬ sentent un mélange des espèces qui caractérisent les deux grands étages du système silurien. En effet, avec Ylllœnus crassi cauda et le Lcptœna alternata Conr., M. van Cleve y a découvert le Phacops limulurus ou cauda tus , et le Ptilodictya lanceolata. Le Cliff li ni es- tone proprement dit est ordinairement siliceux à la base et se transforme peu à peu en un véritable calcaire magnésien II contient une quantité prodigieuse de P enta mer us oblongus et de Catenipora cscharoides à sa partie inférieure , puis quelques uns des fossiles de Niagara à la partie supérieure. 11 représente donc, dans son ensemble, les groupes de Clinton et de Niagara, devenus plus calcaires et plus magnésiens dans leur prolongement occidental. Son épaisseur est aussi beaucoup plus considérable que dans l’Etat de New-York , car il n’a pas moins de 7 à 800 pieds. En jetant les yeux sur la belle carte géologique des Etats-Unis par M. Lyell (1), on peut juger de l’étendue immense que cet étage occupe et du rôle important qui lui est assigné, particulièrement dans les Etats (P lndicuia , de Y Ohio , des Illinois et du JVisconsin . h. Calcaire à coraux et calcaire coquillier. — Le Cliff limestone des géologues de l’Etat de l’Ohio se termine, à sa partie supérieure, par deux calcaires que l’on peut assez bien distinguer en certains endroits, l’un, à la prédominance des coraux, et l’autre, à celle des mollusques. Ces deux assises représentent non seulement le calcaire d’Onondaga et le calcaire cornifère de l’Etat de New-York, mais, à en juger par leurs fossiles, ils correspondent encore à tout le groupe d’Hamilton. Il en est donc de ce dernier massif schisteux , qui dans l’Etat de New-York a plus de 1000 pieds d’épaisseur, comme des schistes de la rivière Hudson ; tous deux , formés près des riva¬ ges, n’ont que peu d’extension à l’O., où se déposaient dans une eau plus pure de minces couches calcaires. La partie inférieure du calcaire à coraux renferme des Caténipores, et l’on pourrait se demander si on ne doit pas la réunir à la masse principale du Cliff limestone qui , ainsi que nous le dirons bientôt, est l’équivalent de l’étage supérieur du système silurien. Le groupe qui nous occupe, bien caractérisé dans les Etats d'Ohio et d’Indiana , s’atténue et disparaît plus à l’O. sur les bords du Mississipi. A Columbus (Ohio) , à New-Albany et à Lewis s creek (Indiana), il nous a présenté exactement les mêmes (1) Travels in north America , 2 vol. 1845. 666 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847 . fossiles , et parmi ces fossiles les uns sont identiques avec des es¬ pèces du groupe de Hamilton , tandis que les autres ne peuvent être distingués de certaines espèces du calcaire cornifère et de celui d’Onondaga. Dans la première catégorie, figurent les Phncops macrophthalmus , Loxonenm nexilis, Lucina rugosa Goldf. , Modiola concenlrica Hall., Productus subaculcatus , Spirij er cultrijugatus , S. heteroclitus , S. mucronatus , Terebratula concentrica , T. aspera ; dans la seconde, nous citerons les Calymene crassimarginata Hall., Odontocephalus selenurus Conr. , Cyrtoceras undulatum Hall., Platyccras dumosum Conr., Pentamcrus clongatus Vanux., et Lep- tœna depressa. 5. Schistes noirs bitumineux. — Nous ne partageons pas l’opi¬ nion des géologues qui considèrent ces schistes comme le prolon¬ gement de ceux de Marcellus; ils sont plutôt à nos yeux les équi¬ valents des couches de Genessee, puisque les calcaires qui leur sont inférieurs contiennent , ainsi que nous venons de le dire , des fossiles caractéristiques du groupe d’Hamilton. Les schistes noirs de l'O. sont très pauvres en fossiles , et ne renferment pas les Goniatites si caractéristiques desschistes de Marcellus; ils nous ont offert , au contraire , une des espèces des schistes supérieurs au groupe d Hamilton , c’est-à-dire la Lingula spatliulata Hall. Cette petite coquille a été découverte par M. Dale Owen au pied de Par adl se liill pendant notre voyage dans l’état du Tennessee. Ces schistes, ordinairement noirs , secs et très finement feuilletés, for¬ ment dans les Etats d’Oliio , d’Indiana et du Kentucky un étage parfaitement caractérisé de 100 à 300 pieds d’épaisseur, qui par sa constance et son uniformité fournit un excellent horizon. G. Psam mites micacés a grains fins. — Les schistes noirs sont surmontés par un puissant et important étage de psammites mi¬ cacés appelés fine grained saiulstone , ou U'averley sériés , dans les rapports officiels sur la géologie des Etats de l'Ohio et d’Indiana. Au milieu de ces psammites, et à divers niveaux , se développent, en forme d’amandes , des calcaires chargés d’ encl ines et contenant quelques fragments de Productus et de Spirifer. C’est principale¬ ment dans les knobs , ou collines des environs de Louisville en Kentucky, que nous les avons observés. Dans le Tennessee , les psammites perdent leur partie argileuse et se convertissent en une roche très siliceuse souvent chargée de fer. Les calcaires à encrines s’y développent également , et , sous la conduite du professeur Troost , nous les avons étudiés à If’hite creek springs , près de Nash ville. 7. Calcaire carbonifère. — Tout autour du grand bassin houiller SÉANCE i)U 19 AVRIL 1847. 667 des Illinois et du Kentucky, se développe, entre les psammites mi¬ cacés et les grès qui forment la base des couches houillères , un calcaire gris ou jaunâtre, compacte, entremêlé de bandes siliceuses ou de concrétions de silex particulièrement riches en fossiles , et surtout en Rétépores. Ces bandes siliceuses, peu propres à la végé¬ tation, donnent lieu quelquefois, dans le Kentucky, à de véritables déserts. C’est dans le calcaire carbonifère qu’existent les principales cavernes des Etats-Unis, et notamment celle que dans le Kentucky on appelle Mammoth cace , à cause de son étendue, qui dépasse 15 kilomètres. Aux environs de Saint-Louis (Missouri), le grand nombre de ces cavernes qui se sont effondrées produit à la surface du sol des dépressions cratériformes , que les habitants désignent sous le nom de Sinh h oies , et dont, au premier abord, on a de la peine à s’expliquer l’origine. La partie supérieure du groupe qui nous occupe affecte assez sou¬ vent une structure oolitique, et est parfaitement caractérisée parles P entremîtes florcali s et pyriformis , ainsi que par un polypier très sin¬ gulier, que M. Lesueur a nommé Archi medes . C’est une espèce de Rétépore dont les expansions rétiformes s’attachent à un axe tordu en forme de vis. Le calcaire carbonifère a ordinairement de 100 à 300 pieds ; mais, dans l’Etat d’Alabama, sa puissance est plus consi¬ dérable. La présence de ce calcaire à l’extrémité occidentale du grand bassin houiller des Alleghanys et l’épaisseur qu’il y acquiert, com¬ parées à son absence totale dans toute la région moyenne et orien¬ tale du même bassin , sont d’accord avec les différences si remar¬ quables que l’on observe dans la distribution des matières miné¬ rales aux Etats-Unis , quand l’on se transporte de l’E. vers l’O. , et que l’on compare les dépôts de deux points éloignés. 8. Gt ès, schistes et calcaires houillers.' — C’est clans cet étage que se trouvent toutes les houilles et tous les anthracites des Etats-Unis, et il n’en existe pas au-dessous qui soient exploitables. Les couches qui renferment la houille reposent presque toujours sur un grès quarzeux , mêlé de cailloux roulés , qui a la plus grande analogie avec le millstone grit d’Angleterre. Elles comprennent un certain nombre de bandes calcaires de peu d’épaisseur (1) , lesquelles al¬ ternent plusieurs fois avec la houille, et renferment à peu près les mêmes fossiles que le calcaire carbonifère, dont elles se distinguent par une teinte brune foncée. (1) L’épaisseur réunie de toutes les bandes subordonnées de calcaire varie , selon le professeur Rogers , de 50 à 200 pieds, et augmente en allant de l’E. vers l’O. (368 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z| 7. L’étage liouiller occupe en Amérique trois grands bassins , dont deux sont très riches en combustible. Le plus étendu , celui des Alleghanys, n’a pas moins de 1,150 kilomètres de long sur 300 de large. Le second en importance, celui des Illinois, est encore à lui seul presque aussi grand que l’Angleterre proprement dite ; les couches y sont partout horizontales et les houilles toujours bitu¬ mineuses (1). Le troisième , celui du Michigan , paraît ne contenir que peu de bon combustible. Quant à l’épaisseur, il y a tout lieu de croire que ces grands bassins ne sont pas moins puissants que ceux de la Nouvelle-Ecosse, qui , d’après les coupes si détaillées, publiées dans les rapports sur la géologie du Canada , atteignent l’énorme épaisseur de là, 000 pieds (2). Avec l’étage des schistes et grès liouillers se termine le terrain paléozoïque des Etats de 10. Lorsque l’on compare sa composition si simple avec celle que nous a présentée 1 Etat de New-York , où manque cependant toute la partie supérieure, on est frappé du caractère général que prend le phénomène déjà observé dans les limites de cet état, et qui consiste en ce qu’en avançant de l’E. à l’O. les formations calcaires deviennent prédominantes aux dépens des formations schisteuses ou arénacées, qui finissent par dispa¬ raître presque entièrement. Tel est, en effet, le sort des schistes de la rivière Hudson , des grès et conglomérats d’Onéida , de ceux de Médina , du groupe schisteux d’Hamilton , des groupes de Portage et de Chemung, et enfin du vieux grès rouge. Ces groupes, dont l’ensemble forme plus des trois quarts de l’épaisseur du terrain paléozoïque de New-York , manquent dans FO. Les termes de la série, que, par opposition à ceux-ci, on pourrait appeler constants, sont les formations calcaires deTrenton, de Niagara, et le calcaire cornifère qui , ainsi que nous le verrons bientôt , correspondent aux étages inférieur et supérieur du système silurien et au système (1) Comme il n’entre pas dans notre plan de parler ici du métamor¬ phisme , nous rappellerons seulement que, d’après les belles recherches des deux professeurs Rogers , il est démontré que , dans le bassin des Alleghanys, les houilles perdent leur bitume progressivement à mesure qu’elles approchent des points de dislocation , et deviennent de véri¬ tables anthracites, là où les dislocations ont eu toute leur énergie. (2) C’est à M. Logan, directeur des travaux géologiques qui s'exécu¬ tent dans le Canada par ordre du gouvernement, et l’un des observa¬ teurs les plus exacts et les plus consciencieux , que l’on doit la connais¬ sance de ce fait si intéressant. Ses mesures ont été prises sur des cou¬ ches légèrement relevées, et qui affleurent sur les côtes de la mer, en sorte qu’elles offrent un grand degré de certitude. 669 SÉANCE DU i 9 AVRIL 18/Ï7. dévonien. On voit donc que les formations schisteuses , déposées plus ou moins sous l’influence des rivages, ont moins d’importance que les formations calcaires , et que , pour mettre en parallèle les étages de deux contrées distantes, c’est surtout à celles-ci qu’il faut s’attacher. Nous ne terminerons pas cet aperçu, sans faire remarquer combien la prédominance du calcaire dans le terrain paléozoïque des Etats-Unis, surtout vers sa base, contraste avec la composition du même terrain en Angleterre , où , selon les justes expressions du savant professeur Sedgwick, toutes lesbandes de calcaire au-dessous de la série carbonifère sont depuis phénomènes locaux qui n’ap¬ paraissent qu’à intervalles. Après avoir énuméré rapidement les divers groupes qui composent le terrain paléozoïque , soit dans l’Etat de New-York , soit dans ceux de b Ohio et d’Indiana , nous allons maintenant essayer d’établir, au moyen des débris organi¬ ques, un parallèle entre les deux rives de l’océan Atlantique. Parallélisme du terrain palétK>oïque de V Amérique du Nord arec celui de V Europe (1). Quand on peut suivre sans interruption les couches d’une con¬ trée à une autre , on parvient facilement à les rattacher ensemble et à démontrer comment elles se correspondent. Mais lorsqu’au contraire deux continents sont séparés par une vaste mer, on n’a d’autre moyen que d’étudier dans chacun d’eux une certaine série de couches comprises entre deux points connus et bien détermi¬ nés, de comparer leurs fossiles, de rechercher les espèces identi- (l) Depuis qu’on s’occupe de géologie aux États-Unis , on a cherché à comparer les dépôts sédimentaires de cette contrée avec ceux d’Eu¬ rope; mais ce n’est que depuis la publication du Système silurien de M. Murchison qu’on l’a fait avec quelque succès. Si les limites dans lesquelles nous sommes forcé de nous restreindre aujourd’hui ne nous permettent pas d’apprécier ici les essais tentés dans cette voie par MM. Conrad, Dale Owen, Rogers , Troost, Jackson et par les géologues de l’État de N6w-York, ce n’est pas que nous en méconnaissions le mé¬ rite. Personne, au contraire, plus que nous, et nous éprouvons le besoin de le dire , n’admire les grands travaux publiés dans ces der¬ niers temps par les géologues américains. Il faut louer surtout la sage indépendance avec laquelle ils ont d'abord étudié leur sol sans se préoccuper de l’Europe. Cette partie de leurs travaux est presque tou¬ jours irréprochable. Pour ce qui concerne la relation des dépôts sédi¬ mentaires dans les deux continents, nous espérons qu’ils nous par¬ donneront les légers changements que l’étude comparative des fos¬ siles nous engage à proposer. 670 SÉANCE 1)U 19 AYIIIL 18/|7. ques, et de voir si ces espèces sont réparties suivant une même loi. S’il arrive que dans les deux contrées un certain nombre de sys¬ tèmes caractérisés par les mêmes fossiles se superposent dans le même ordre, quels que soient, d’ailleurs, leur épaisseur et le nom¬ bre de groupes physiques dont ils se composent , il est philoso¬ phique de considérer ces systèmes comme parallèles et comme synchroniques. C’est précisément ce que nous allons faire ici. Les coupes des dépôts sédimentaires que nous comparerons dans les deux pays comprennent les plus anciennes couches fossilifères , et s’étendent jusqu’à celles qui renferment la houille. Elles sont donc de valeur égale, et si nous parvenons à établir qu’il existe en Amé¬ rique une certaine succession de systèmes ou d’étages disposés comme en Europe et caractérisés par les mêmes fossiles , nous au¬ rons , ce semble , suffisamment prouvé qu’ils sont parallèles. Une des difficultés principales du sujet naît de ce que , dans l’Amérique septentrionale, le ter ain paléozoïque est plus complet qu’en Europe. Nous avons vu, en effet, qu’il se compose d’une série de dépôts concordants entre eux , et qui se lient les uns aux autres de telle sorte qu’il est difficile d’y tracer des divisions tran¬ chées. Il en résulte que les limites qui correspondent à celles des différents systèmes d’Europe doivent , dans certains cas , offrir quelque incertitude ; mais cette incertitude a peu d inconvénients si nous pouvons reconnaître facilement et mettre en parallèle les parties moyennes de chaque système. En effet, le point important, c’est de s’assurer que pendant la période paléozoïque le règne ani¬ mal a subi , dans les deux continents , des transformations simul¬ tanées telles que les espèces identiques occupent des gisements correspondants. C’est là ce qui assure aux caractères paléontolo- gïques cette généralité d’application qui fait leur valeur, et c’est là aussi la partie la plus facile de notre tâche. La série des dépôts paléozoïques étant , comme nous venons de le dire , plus complète en Amérique qu’en Europe , la comparai¬ son que nous allons essayer de faire pourra éclairer quelques points contestés dans la classification européenne , et fournir certains liens qui nous manquent. La comparaison de l’Europe et de l’Amérique septentrionale aura encore cet avantage précieux, de déterminer quels sont, parmi les groupes dont se compose chacun de nos systèmes , ou chacune des divisions du premier ordre du terrain paléozoïque , ceux qui ont le plus d’importance par leur constance et la facilité avec la¬ quelle on les reconnaît dans tous les pays. Nous verrons ainsi que ces groupes sont, dans l’étage inférieur du système silurien, les cal- SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 671 caires à Ortliocératites de Suède et de Russie, dans l’étage supé¬ rieur, les calcaires de Wenlock et de Gothland , dans le système dévonien, ceux de l’Eifel, delà Bretagne, du Devonsliire, etc., etc. Système silurien {étage inférieur-). — Cet étage est représenté aux Etats-Unis par les six premiers groupes de la série de New- York. Le grès à Lingules de Postdam est probablement l’analo¬ gue du grès à Obolus de Russie et des grès inférieurs de la Scan¬ dinavie (1). Ce sont dans les deux continents les roches fossilifères les plus anciennes, et, quand on songe à leur antiquité , on s’é¬ tonne d’y rencontrer un genre de coquilles qui appartient encore à la création actuelle , ce qui prouverait que les conditions d’exis¬ tence n’étaient pas alors très différentes de ce qu’elles sont au¬ jourd’hui. Le calcaire siliceux , ceux de Black river et de Br en ton sont les équivalents d’une grande partie de l’étage silurien inférieur d’Eu¬ rope , et ils occupent la même position que les schistes bitumi¬ neux et les calcaires cà Ortliocératites de Suède et de Russie. Les schistes d’Uticaet le groupe de la rivière Hudson , avec lesGrapto- iites à leur base, représentent les schistes à Graptolites , qui succè¬ dent en Suède au calcaire rouge à Ortliocératites. Ce sont aussi les mêmes que ceux de Bain en France. Cet ensemble de dépôts renferme en Amérique une très grande quantité de fossiles (2), parmi lesquels nous avons reconnu dix-sept espèces qui , en Europe, se trouvent dans l’étage inférieur du système silurien , savoir : Calyniene Blumenbachi , C. Fischeri , C. puncta ta , Tllænus crassicauda , Lichas laciniata , Ceraurus pleure- xanthemus , Trinucleus Caractaci, Phacops Dalmani , Ortliocératites commuais ou duplex , IJtuites convolvans , Bellerophon bilobatus , Spirifer lynx , Orthis testudinaria , O. Verne ui li , Stromatopora concentrica , Ptilodictya lanceolata et Chœtetes Petropoli ta nus. A l’exception des Calyniene Blumenbachi , C. punctata , Spirifer lynx , Stromatopora concentrica , et Ptilodictya lanceolata , qui s’é¬ lèvent plus ou moins dans les couches supérieures, les espèces que nous venons d’énumérer peuvent être considérées comme caracté¬ ristiques de l’étage silurien inférieur dans les deux continents. (1) Selon le professeur Sedgwick , les plus anciennes roches fossili¬ fères du pays de Galles seraient aussi , comme celles d’Amérique, ca¬ ractérisées par des Lingules et des fucoïdes. {Journcd of the Geol. Soc., vol. III , p. 1 57.) (2) Le premier volume de la Paléontologie de T Etat de New-York , par M. Hall , qui va paraître, sera entièrement consacré à décrire les 672 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. t Le grand nombre proportionnel des trilobites nous donne l’idée du développement considérable qu’avait déjà pris cette famille, et qui correspond à ce que l’on observe en Europe. Mais outre les identités d’espèces, il y a encore certaines analogies de genres que l’on voit se manifester souvent dans les dépôts de même époque. Nous citerons ici comme exemple le genre Isotelus qui représente en Amérique nos Asaphus à huit articulations, et qui , comme eux , est propre à l’étage inférieur du système si¬ lurien. Les Ortlioeératites qui , par leur large siphon latéral vide ou muni d’un tube à l’intérieur, forment un type si remarquable que M. Hall appelle Endoccrcts (1), sont également caractéristiques du système qui nous occupe, soit en Europe, soit en Amérique, et ne paraissent pas avoir prolongé leur existence jusqu’à l’époque silurienne supérieure. Elles sont aussi abondantes dans les couches de Trenton que dans les calcaires à Ortlioeératites de Suède et de Russie , et nous pensons qu’il doit y avoir plusieurs espèces iden¬ tiques entre les deux pays, bien que nous n’en ayons encore reconnu qu une seule. Les Bellérophons datent aussi des premiers temps de la créa¬ tion , et l’on en trouve à peu près autant en Amérique qu’en Eu¬ rope. Le plus intéressant pour nous est le B. bilobatus du calcaire de Trenton , qui est certainement le même que celui que l’on trouve dans le calcaire silurien inférieur de Christiania, ou dans les grès et schistes contemporains du pays de Galles. Avec les trilobites et les Ortlioeératites , les brachiopodes , par leurs formes si variées, sont de tous les fossiles de cette époque, ceux qui contribuent le plus à donner un cachet particulier à la faune primitive du monde. Les OrtJ/is , les Leptœnct et les Téré- bratules sont les seuls, en Amérique comme en Europe, qui exis¬ tent dès les premiers temps ; les autres genres, tels que les Spirifer , les P entameras , les Produc tus , etc., n’apparaissent que plus tard. Les Ortliis à plis simples, si répandues en Europe dans les ccuches siluriennes inférieures, sont représentées en Amérique par les O. triceiuiria Conr., et O. pcctinella Emm. , toutes deux voisines de lossiles des groupes qui, selon nous, correspondent à l’étage silu¬ rien inférieur d Europe ; il contiendra plus de 80 planches. Le talent et les profondes connaissances de l’auteur disent assez l’intérêt qu’il aura pour la science. (I) L Ortlioeératites bisiphonatus Sow., du grès de Caradoc, ap¬ partient sans aucun doute à ce type. 673 SÉANCE DU 19 AVRIL 1 8 /l 7 . F O. ealligramma de Russie et de Suède. Les Orthis tcstudinaria et Verneuili sont également caractéristiques de l’étage inférieur du système silurien des deux côtés de l’Atlantique; le Spirifer lynx , que nous considérons comme intermédiaire entre les Spirifer et les Orthis, passe de ce même étage jusque dans le groupe de Clinton , et se trouve également en Angleterre depuis les argiles de Wenlock jusqu’aux couches siluriennes inférieures. Enfin, parmi les poly¬ piers, le Chœtctcs Pctropolitcinus est le seul qui soit très abondant dans tous les pays , sans cesser cependant d’être caractéristique. Le Stromcitopora conccntrica et le Ptilodictya lanccolatn ne se trouvent pas en Europe avant l’étage supérieur du système silu¬ rien. Le calcaire de Trenton est séparé du grès de Médina par des masses assez puissantes de grès et de conglomérats ‘ans fossiles. Le grès de Médina lui-même en renferme très peu , en sorte que lorsqu’on arrive de nouveau à des couches fossilifères , c’est-à- dire à celles de Clinton , les êtres organisés ont subi, dans la suite des siècles , de telles modifications , qu’on ne trouve plus qu’une faune entièrement nouvelle. C est là une des raisons principales qui nous ont engagé à placer le groupe de Clinton dans l’étage silurien supérieur et la ligne de séparation des deux étages au- dessous de la grande masse des grès de Médina et d’Onéida. En agissant ainsi , nous nous accordons à peu près avec les géologues de New-York, et nous pouvons dire que ce qu’ils appellent la di¬ vision Chan/plain , si l’on en sépare les grès qui la terminent, est l’équivalent de l’étage inférieur du système silurien d’Europe. Dans les Etats de F Ohio etd’Indiana, la différence entre les grou¬ pes de Trenton et de Clinton est, ainsique nous l’avons expliqué, beaucoup moins marquée , à cause de l’absence des grès de New- York. Le calcaire jaune de Dayton (Ohio), et quelques couches inférieures du Cliff limes tone, lient ensemble les deux grandes divi¬ sions du système silurien. Ainsi à Dayton, avec de véritables es¬ pèces de l’étage inférieur, on trouve le Ptilodictya lanceolata et des fragments de Phacops eaudatus , espèces qui, chez nous, sont caractéristiques de l’étage supérieur, tandis qu’à Springfield (Ohio), avec les Calymene punctata , Biunastus Barriensis , Sphœrexochus miras , Phacops linmliirus ou eaudatus, Spirifer cyrtœna , P enta¬ meras oblongus et Cornulites serpularius , qui sont des espèces silu¬ riennes supérieures , on trouve les Spirifer lynx t Terehratula capax , et Calymene. Blumenbachi , du calcaire bleu, qui représente l’étage Soc. géol. , 2e série, tome IY. 43 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Zl7 . 67/1 silurien inférieur. Aux environs de Galena , sur le haut AJississipi, la ligne de séparation des deux étages est encore plus obscure, et cela tient à ce que la distribution des fossiles n’est pas en harmonie avec les différences minéralogiques. Le calcaire bleu et le calcaire magnésien s’y trouvent bien encore, mais ils ne correspondent plus exactement , comme dans l’Etat de l’Ohio , aux deux grands étages du système silurien. Le calcaire magnésien s’épaissit aux dépens du calcaire bleu , et à sa base il contient la plupart des fos¬ siles de celui-ci. Tel que nous venons de le limiter, l’étage inférieur du système silurien a une très grande extension dans l’Amérique du N. ; à partir del’île d’Anticosti, il suit les bords du Saint-Laurent, passe au N. des lacs Ontario , 1 luron, Michigan, et aboutit sur le Mis- sissipi , près de Dubuque (Iowa). Au S., il suit de même les con¬ tours du grand bassin paléozoïque jusqu’en Alabama. Enfin , au milieu de ce vaste bassin, il forme deux larges îlots , dont Cincin¬ nati et Nashville sont le centre , et qui semblent avoir été lente¬ ment élevés au-dessus des eaux de la mer, pendant le dépôt des couches plus récentes. Système silurien (étage supérieur). — Nous comprenons sous ce titre , avec les grès qui terminent la division Champlain , trois groupes que les géologues de New-York réunissent sous celui de di¬ vision d’Ontario ( Ontario division) , et nous y joignons une partie de la division d’Helderberg , jusqu’au grès d’Oriskany exclusive¬ ment. Cette dernière partie a peu d’importance , étant limitée au territoire de New-York, tandis que les étages de Clinton et de Nia¬ gara, qui composent la division d’Ontario, occupent une immense étendue dans les régions occidentales des Etats-Unis. Si l’on com¬ pare ces groupes à ceux qui constituent l’étage silurien supérieur en Europe , on ne saurait douter un instant que le calcaire et les argiles de Niagara ne soient l’équivalent exact des calcaires et argiles de Wenlock et de Gothland , tant le nombre des espèces identiques qu’ils contiennent est considérable. Il en résulte que le groupe de Clinton , avec le V entameras oblongus , représente la partie tout à fait supérieure du grès de Caradoc , ou un étage intermédiaire entre les couches de Wenlock et celles de Caradoc , tandis que les cinq groupes inférieurs de la division Helderberg re¬ présentent les roches de Ludlow. Le Pcntamerus oblongus , ce fossile si répandu en Amérique et en Europe , y occupe donc toujours à peu près le même niveau , et se trouve partout à la jonction des deux divisions du système silurien; seulement, en Angleterre, on SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. 075 le place dans l’étage inférieur, tandis qu’en Amérique il fait plutôt partie de l’étage supérieur (1). Les espèces identiques entre l’Europe et l’Amérique sont ici plus nombreuses que dans l’étage précédent. Nous avons reconnu les es¬ pèces suivantes : Caly mette Blumenbachi , C. puncta ta, Phacops Haus- manni, P. limulurus , Bumastus Barriensi s , Homalo/iotus detphinoce phalus , Chciriii'us uisignis , Sphœrexoch us mi ru s , J g/ 1 os tus la tus , Orthoceratites annulatus , Bcllerophon dilata tus , Tcrebratula ca¬ ne a ta, T. dcflexa, T. marginalis, T. reticularis, T.aspera , T.hemi - spherica , T. turnida, T. Wilsoni , Pentamerus oblongus, P. galeatus, Spirijer cyrtœna, S. trapezoidalis , A. sulcatus, S. crispus, S. bi lobas, S. lynx , Orthis cl c gantai a , O. hybrida , Lcptœna depressa, L. subplana , L. transversalis , Hypanthocrinites décoras , lui rosi tes Gothlandica , Parités interstincta, Catenipora escharoides , Stroma - topora concentrica , Fungia Gothlandica , Cornalites serpularius, et Tentaculites ornatus. Le nombre des trilobites nous annonce que cette famille était encore florissante à cette époque. Quelques espèces sont assez rares et limitées à des groupes de peu d’épaisseur, qu’elles ca¬ ractérisent avec beaucoup d’exactitude ; telles sont les Phacops Hausmonni , Sphœrexochus miras , et Cheiruras insignis , qu’on trouve en Bohème et en Irlande. Les Ortliocératites sont moins abondantes que dans le système précédent ; l’O. annulatus est la seule espèce identique que nous ayons observée. Le Bellerophon dilata tas , que nous avons découvert à Chicago (Illinois) , est une de ces coquilles très caractéristiques de l’étage de Wenlock. Parmi les huit espèces de Térébratules citées ici , les plus intéressantes sont les T. marginalis , défi ex a , Wilsoni , reticularis et aspera. Ces deux dernières, qui apparaissent pour la première fois, ne sont représentées que par une petite variété propre au système silurien. Les deux Pentamères sont parfaitement bien connus ; le P. ga¬ leatus , en Europe, est à la fois silurien et dévonien , tandis qu’en Amérique il est limité au premier système. Les espèces digues d’at¬ tention parmi les Spirifer , sont les Spirijer crispas , sulcatus , bi- lobas et cyrtœna , qui sont si abondants dans l’île de Gothland. Le S. cyrtœna est le type d’un petit groupe d’espèces toujours très (l)Dans les États de 10. ? le Pentamerus oblongus paraît avoir prolongé son existence jusque dans le groupe de Niagara ; au moins il est très difficile souvent de distinguer de ce groupe les roches qui le contiennent. 676 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7. finement striées, avec ou sans plis longitudinaux , auquel appar¬ tient aussi le S. Niagarensis , et qui est caractéristique de l’étage supérieur du système silurien. Le S. lynx , si abondant dans l’étage précédent, devient ici une rareté. Les Orthis hybrida et elegantula sont bien les mêmes coquilles que nous avons maintes fois trou¬ vées dans l’étage silurien supérieur d’Europe. La première s’élève dans les couches d’Helderberg , que nous comparons aux roches de Ludlow. Parmi les Leptœna , il n’y a que le L. transver sali s qui soit exclusivement propre au système qui nous occupe ; le Z. sub- plana paraît exister dans les couches dévoniennes de Néliou, en France, et le L. de pressa , par une exception très rare, traverse tout le terrain paléozoïque. C’est à 1 époque silurienne supérieure, que se montrent, en Amé¬ rique comme chez nous, ces grands polypiers capables de con¬ struire de véritables récifs, tels que les Favositcs Gothlandica et al- veolaris , les Caténipores et le Porltes interstincta , etc., etc. Cette époque est aussi celle de l’apparition des Tentaculites (1) et de l’extinction des Graptolites. En résumé , sur 40 espèces identiques que l’on trouve dans l’étage supérieur du système silurien en Amé¬ rique et en Europe, 32 n’ont vécu ni avant ni après, et établissent la correspondance la plus parfaite entre cette partie du système silu¬ rien d’Europe et les couches que nous lui assimilons en Amérique. Quanta l’étendue géographique de cet étage, elle est au moins égale à celle de l’étage inférieur. Les roches dont il se compose sont particulièrement développées dans la presqu’île du Haut- Canada, dans les Etats de l'Ohio, d’Indiana, du Tennessee, de l’Illinois, dans les îles du lac Huron, et sur les rives du lac Mi¬ chigan. L’abondance des calcaires magnésiens y est véritablement remarquable. Système dévonien. — Ce système comprend les cinq groupes su¬ périeurs de la division d’Helderberg , les six groupes de la division Erie, et enfin le vieux grès rouge. Quelle que soit son épaisseur dans l’Etat de New-York , il n’est plus représenté dans les Etats de 10. que par les schistes noirs, et par le calcaire coquillier et le calcaire à coraux supérieur, tous deux très minces, et formant la partie supérieure du Clifj limestone. Le point où l’on doit placer en Amérique la limite inférieure du système dévonien est assez difficile à déterminer ; M. Conrad l’a (l) En Angleterre, les Tentaculites se trouvent, dit-on, dans le grès de Caradoc, mais non dans les couches tout à fait inférieures du système silurien. M. Salters pense que ce sont des animaux voisins des Dentales. SÉANCE DU 19 AV II IL 18/j7. 677 posée au-dessous du groupe de Portage. Dans notre ouvrage sur la Russie, nous avions cru, d’après certaines considérations, devoir la faire descendre au-dessous du calcaire de Tully. Puis quand , l’été dernier, nous étudiâmes sur place l’ensemble des fossiles du groupe d’Hamilton , et que nous y reconnûmes une partie de ceux de l’Eifel, nous vîmes qu’il fallait comprendre dans le système dé¬ vonien les schistes d’Hamilton et de Marcellus. Ce n’était pas assez, et notre voyage dans la partie occidentale des Etats-Unis nous four¬ nit la preuve que le système dévonien s’étendait plus bas encore. En effet , la partie supérieure du Clijf limcstone , qui , dans les Etats d’Oliio et d’Indiana , représente les couches de l’Etat de New-York appelées calcaire cornifère et calcaire d ünondaga, contient , soit à Colombus (Ohio), soit à Lewis’s creek (Indiana) , soit aux rapides de l’Ohio, des poissons analogues à nos poissons dévoniens. Ces fossiles sont associés à des coquilles identiques ou analogues aux espèces que nous trouvons en Europe dans le sys¬ tème dévonien. Ce sont d’abord des Goniatites voisines de celles du duché de Nassau , puis les Murchisonia bilincata , Chemnitzia ncxilis , Lucina proavia, L.rugosa7 Terebrntula ctspcra, T.reticularis (grande variété) , T. concentrica , Spirifcr heteroclitus , S. cul tri ju- gntus , Spirifcr voisin du S. ostiolatus , Chonetcs nana , Productus subaculcatiis et Plcurodyctium problematicum . Le calcaire cornifère et celui d’Onondaga doivent donc être rangés dans le système dé¬ vonien, et l’apparition dans ces couches , soit à Colombus , soit aux rapides de l’Ohio, du genre Pentremites, dont l’existence à l’époque silurienne est très problématique, vient encore confirmer la justesse de cette classification (1). De retour dans l’Etat de New- York , et en présence d’un fragment de poisson du genre Astcrolc- pis, trouvé par M. John Guebhard dans le grès de Scholiarrie, il nous fallut de nouveau faire descendre la limite inférieure du système dévonien. Mais devions- nous en rester là? ou fallait-il y comprendre encore le grès d’Oriskany ? Après beaucoup d’hési¬ tation, nous prîmes ce dernier parti pour deux motifs : le premier, c’est que , suivant l’opinion de M. Hall , le dépôt des grès d’O¬ riskany semble avoir été précédé d’un violent mouvement des eaux qui aurait dénudé le sol et creusé les dépressions où il s’est accumulé ; le second , c’est que certains fossiles ont encore quelque analogie avec la faune dévonienne , tels que cette masse de grands Spirifcr tout à fait inconnus dans les véritables roches siluriennes. ( I) Nous ferons observer toutefois que certains Cyrtocératites rap¬ pellent des formes connues dans les roches de Ludlow 678 SÉANCE I)U 19 AVRIL 18ZÏ7. Deux d’entr’eux , dont nous n’avons vu que les moules, nous ont rap¬ pelé les Spirifcr cultrijugatiis et macr opteras des schistes de l’Eifel. Le système dévonien ainsi constitué , il faut chercher à mettre en parallèle ses divers étages avec ceux d’Europe. Il est incontes¬ table que le grès rouge qui en forme la partie supérieure , et qui est si puissant sur les frontières des Etats de New-York et de Penn¬ sylvanie , est sur le même horizon que le vieux grès rouge d’Ecosse et du pays de Galles. L’est de même une formation locale , plus puissante qu’étendue , et qui ne contient que des restes de pois¬ sons. Les groupes de Chemung , Portage , Genessee , Tully et Ila- milton , représentent à nos yeux les formations de l’Eifel et du Devonshire; les schistes de Marcellus sont h s équivalents de ceux de Wissenhach dans le duché de Nassau , ainsi que le prouvent leurs Goniatites de forme si analogue. Tous les groupes que nous venons d’examiner ne sont pas, dans le système dévonien d’Amérique , ceux qui ont le plus d’impor¬ tance , puisque la plupart disparaissent en s’avançant vers l’O. Les couches les plus constantes sont le calcaire cornifère et le calcaire d’Onondaga, qui contiennent également plusieurs espèces du cal¬ caire de l’Eifel et du Harz, et doivent être parallèles à sa partie infé¬ rieure. Quant au grès d’Oriskany, ainsi que nous venons de le dire, nous sommes porté , d’après le caractère de ses Spirifcr , à le con¬ sidérer comme l’équivalent des schistes fossilifères des bords du Rhin (1). La comparaison que nous venons de faire des divers étages du système dévonien de l’Amérique avec celui de l’Europe donne lieu à plusieurs résultats intéressants : le premier, c’est de lever toute es¬ pèce de doute sur la classification des calcaires de l’Eifel , du Harz , etc., en faisant voir la place que leurs équivalents occupent dans la série américaine ; le second , c’est de démontrer le peu d’importance de l’étage de Ludlow, représenté seulement par quel¬ ques petits groupes qui ne s’étendent guères au-delà des limites de l’Etat de New-York, et peut-être de celles d la Pennsylvanie (2) ; le troisième enfin , c’est de prouver que le vieux grès rouge , en Amérique, est plus récent que les schistes et les calcaires qui re¬ présentent les dépôts de l’Eifel, du Harz et du Devonshire. (1) M. Yanuxem les a comparés au grès à Pentamères du Greifens- tein (duché de Nassau ). Si ce rapprochement est exact , les grès d‘0- riskany appartiendraient au système silurien supérieur, les Penta¬ mères du Greifenstein étant très voisins du P. Knightii. (2) L'étage de Ludlow est également assez difficile à reconnaître sur le continent d’Europe. 679 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7 . Les différents groupes du terrain paléozoïque d’Amérique , que nous assimilons au système dévonien d’Europe , ont avec lui un assez grand nombre de fossiles identiques. Nous avons reconnu les espèces suivantes : Holoptychus nobilissimus , dents de Denclrodus , Asterolepis , Phacops macmphthalmus , Cryphœus calliteles , Goniati¬ tes retrorsus , Bcllerophon s tri a tus , Murchi sonia bilineata , Chemnit- zia nexilis , Aviculci Damnoniensis , Pterinea jasciculatn , Modioln scpiamm ifera , Inoceramus Chemungensis, Cardinal loricatum , Lucina proavia, L. rugosa , Grammy si a Hamiltonensis, Sanguinolaria dorsata, Terebratula cuboïdes, T. reticularis et aspera, T. concentrica, Spirijer mucronatus , S. m acr opter us , A. cultrijugatus, S. hcteroclitus, S. Ver- neuili , Orth s striatula , O. umbonata , O. crenistria, Leptcena de- pressa,L. Dutertrii, I . laticosta, Chonetes nana , Productus subacu- leatus , Fa vos i tes Gothlandica , Porites intcrstincta , Stromatopora concentrica , Pleurodyctium problematicum . Les caractères communs qui unissent les faunes dévoniennes d’Amérique et d’Europe sont l’apparition de ces grands poissons ganoïdes, dont la peau était composée de plaques solides à sur¬ face chagrinée , et celle des genres Goniatites, Nautiles , Pentre- mites et Productus qui , jusqu’à présent , n’ont pas été authenti¬ quement reconnus dans les dépôts siluriens. La plupart des espèces que nous venons d’énumérer se rencontrent dans les calcaires du Devonshire , de la Bretagne et de i’Eifel , quelques autres dans les schistes qui leur sont inférieurs et qui s’y rattachent ; ainsi les Asterolepis , les Phacops rnacrophthal/nus, Bellcrophon s tri a tu s, Mur - chisonia bilineata , Chemnitzia nexilis , Inoceramus Chemungensis , Cardiiun loricatum , Lucina proavia , L. rugosa , Sanguinolaria dorsata. , Terebratula cubai des , T. reticularis et aspera , T. concen¬ trica , Spirifer cultrijugatus , S. heteroclitus , S. Verneuili , Orthis striatula, O. crenistria , Leptcena depressa , L. Dutertrii , Stroma¬ topora concentrica , se trouvent dans les calcaires dévoniens de l’Eifel, de la Belgique et du Boulonnais, le Goniatites retrorsus dans ceux de Nassau, le Cryphœus calliteles, T Orthis umbonata, le Leptœna laticosta à Gahard en Bretagne , le Chonetes nana dans le système dévonien de Russie, enfin les Grammysia Hamilto- nensis, Pterinea fasci culata , Spirijer macropterus et Pleurodyctium problematicum appartiennent aux schistes et grauwackes des bords du Rhin (1). (1) La présence de ces espèces fournit un argument en faveur de l’opinion de M. Roemer, qui considère ces schistes comme appartenant encore au système dévonien. 080 5ÉAISCE 1)U 19 AVRIL 1847. Le système dévonien occupe dans l’Etat de New-York une sur¬ face plus considérable que le système silurien. Comme il est principalement composé de schistes et de psammites qui , ainsi que nous l’avons dit , se perdent et disparaissent à 1 Ouest , il en résulte que dans les Etats de l’Oliio, d’Indiana et du Ken¬ tucky, il se réduit aux schistes noirs qui font suite aux seliistesde Genessee ( Genessee slate) , et à une bande calcaire qui repré¬ sente à la fois le calcaire cornifère , celui d’Onondaga et le groupe d’JIamilton de l’Etat de New-York. Enfin , il disparaît entière¬ ment sur les bords du Mississipi, où le système carbonifère paraît reposer directement sur les couches supérieures du système si¬ lurien. Système carbonifère. — De toutes les divisions principales dont se compose le terrain paléozoïque d’Amérique, le système car¬ bonifère est celui qui est le mieux caractérisé, et qui a le plus de caractères communs avec les dépôts européens de la même épo¬ que (1). 11 renferme deux ou trois étages, suivant qu’on le consi¬ dère dans les Etats de l’E. ou de 10. de T Union américaine. Il commence inférieurement par un psammite micacé qui ressem¬ ble tellement aux roches du groupe de Portage , qu’il leur a été complètement assimilé (2). Les géologues qui ont essayé de met¬ tre en parallèle les terrains d’Amérique avec ceux d’Europe avaient donc rapporté au système dévonien ces psammites, si bien connus, dans les Etats de l’Ohio et d’Indiana, sous le nom d e fine grained sandstonc ou de JV a verley sériés. Les recherches que nous avons faites au S. de Cleveland , dans l’Etat de l’Ohio , les fos¬ siles que nous avons trouvés près de Médina (3), de Cuyalioga et de Newark (Ohio) , nous ont donné la conviction qu’une grande partie de ces psammites appartiennent réellement au système car¬ bonifère. Leurs couches tout à fait inférieures pourraient seules peut-être représenter l’étage dévonien de Portage ; mais comme les roches de ce groupe ressemblent complètement à celles que ( I) Dans les diverses parties de l’Amérique que nous avons parcou¬ rues nous 1 avons toujours distingué facilement à ses fossiles, et nous avons reconnu l’exactitude de ce que nous disions il y a sept ans sur 1 importance de la limite qui le sépare des formations inférieures (Bull, de la Soc. géol . , vol. XI , p. 166 ). (2) Nous avons rapporté de Cuyahoga et de Médina (Ohio) des psammites avec Productas, qu’il est presque impossible de distinguer minéralogiquement des échantillons pris aux cascades de Portage. (3) C’est aux indications de notre collègue M. W C. Iledfield que nousdovons d’avoir trouvé des fossiles dans cette localité. SÉANCE DU 19 AVRIL 1S/|7 . 681 * nous rattachons au système carbonifère, et que dans L’Etat de l’Oliio elles ne contiennent pas de fossiles , on comprend qu’il soit pres¬ que impossible de faire dans les psammites de Waverley la part de ce qui peut être le prolongement des couches de Portage , et de ce qui appartient incontestablement au système carbonifère. S’il peut exister dans l’Etat de l’Ohio , à la base de ce qu’on appelle le fine grainetl sandstone ou grès à grains fins de Waverley, quelques représentants des couches dévoniennes , il n’en est pas de même plus à l’O. Dans les Etats d’Indiana , du Kentucky et du Tennessee , le système carbonifère comprend tous les psam¬ mites micacés jusqu’ aux schistes noirs [blach sla tes) , leurs couches inférieures renfermant de véritables espèces carbonifères , telles que S pirijer stria tus , Productus puncta tus , etc. (1). Dans le Ten¬ nessee une matière siliceuse très abondante semble avoir pénétré les psammites et les avoir quelquefois convertis en cherts ou es¬ pèces de meulières. Ce sont les siliceous strata du professeur Troost, si importantes sous le point de vue économique par la quantité et la bonté du minerai de fer qu’elles contiennent. Ces couches sont quelquefois remplies cl’encrines et de polypiers mêlés à un très petit nombre de coquilles caractéristiques du système carbonifère. Les psammites et les couches siliceuses que nous rat¬ tachons ainsi au système carbonifère ont une grande é, aisseur, et recouvrent des étendues considérables de pays , en sorte que le changement que nous proposons en entraînerait d’assez impor¬ tants dans une carte des Etats-Unis , coloriée d’après la classifica¬ tion Européenne, telle, par exemple, que celle de M. Lyell (2). En Europe , cet étage est probablement représenté par les grès jaunes d’Irlande , inférieurs au calcaire carbonifère, et par des schistes et psammites que nous avons vus en W estphalie , au N. de Hagen, et qui ont été décrits par MM. Sedgwick et Murchison. ( Geo/, trans. , vol. Y. ) Au-dessus des psammites ou des siliceous strata vient le cal- (1) M. Hall, dans son Mémoire sur l’identité des formations de l'O. des Etats-Unis avec celles de l’État de New-York , appelle subcarboni¬ fère la partie supérieure seulement de ces psammites. (2) Notre manière de voir a été adoptée par M. le docteur Dale Owen , qui nous a écrit que, depuis notre passage dans ces contrées, il avait eu occasion d’en vérifier l’exactitude dans le Kentucky, où il avait reconnu qu’en effet toutes les couches supérieures au schiste noir appartenaient au système carbonifère. Ce schiste fournit donc un hori¬ zon très constant pour distinguer le système carbonifère des dépôts inférieurs. 682 SÉANCE Dü 19 AVRIL 18A7. caire carbonifère qui est exactement l’équivalent de celui de l’Europe , et qui en renferme les fossiles les plus caractéristiques. Le troisième étage du système carbonifère est formé par les grès et schistes houillers qui surmontent le calcaire précédent. A part leur étendue et leur épaisseur sans exemples , ils nous paraissent être les représentants de nos dépôts houillers d’Europe. Ils renfer¬ ment , en effet , à peu près les mêmes plantes , mais ils s’en dis¬ tinguent , toutefois , par leur origine marine , ou du moins par leur alternance avec des calcaires remplis de fossiles marins. Ces calcaires , dont l’épaisseur est insignifiante , comparée à celle de l’ensemble de l’étage houiller, ont une grande importance pour la théorie de la formation des houillères. Leurs fossiles sont à peu près les mêmes que ceux du calcaire carbonifère. Les schistes houil¬ lers eux-mêmes contiennent très peu de coquilles fossiles. Cepen¬ dant, près de Blossburg, en Pennsylvanie, et dans le Maryland, on y trouve quelques espèces analogues à celles des environs de Glascow en Ecosse , telles que Evomphalus carbonarius , Bcllcrophon Urii , Macrocheilus curvil incas , Allorisma sa Ica ta , et quelques bivalves très rares semblables à des Unios. Parcourons maintenant la liste des espèces identiques entre les deux continents, et signalons rapidement les modifications paral¬ lèles qu’elles y présentent. D’après nos propres observations, cette liste se compose ainsi qu’il suit : Phillipsia senti ni fera, Orthoccra- tites cala mus , Goniatites rota tari as, Nautilus tuberculatus , Bcllcro¬ phon h iule as, B. Urii , Evomphalus carbonarius , E. pentangulatus , Macrocheilus curvilincas , Allorisma sulcata, Tcrcbratula Roissy i , T. planosulc ata, Spirifer lineatus , S. s tri a tas , S. attenuatus , S. cas- pi datas , Orthis créai s tri a , O. resupinata , O . Michclini , Lcptœna clepressa , Chonetcs sarcinulata , Productus semireticulatus , P. Corel, P. Fie mi agi, P. puncta tus, P . costatus, Ci décrites Nerei , Am plexus spinosus , Cyath ophy liant mitratum , Chœtelcs capillaris , Fusulina cyl in dri eu ; tota 1 , 31. Toutes ces espèces, moins le Lcptœna depressa et V Orthis cré¬ ais tri a, sont propres au système carbonifère et le caractérisent sur une grande partie du globe ; car, par une exception remarquable, plusieurs espèces de ce système ont à la fois des limites verticales assez circonscrites et une distribution horizontale très étendue : tels sont, par exemple, les Productus semireticulatus , Corn, Fle¬ ming, que l’on a signalés depuis l’Altaï et les frontières russo-chi¬ noises jusqu’au Missouri, et même jusque sur le plateau des Andes de la Bolivie. Quand on compare la faune carbonifère de l’Amérique avec SÉANCE 1)C 19 AVRIL 1 8 Zi 7 . 683 celle de l’Europe, on ne peut voir sans étonnement que, malgré la distance qui sépare ces contrées, les genres et les espèces y pré¬ sentent les mêmes modifications , les mêmes différences avec les faunes précédentes (1). En effet , tandis que les recherches persévérantes de M. King , en Pennsylvanie (2) , viennent nous prouver l’existence de grands animaux respirant l’air à cette époque , la découverte d’un Saurien , faite récemment dans les couches carbonifères en Allemagne (3), démontre que l’apparition de cette classe d’ani¬ maux, plus anciens qu’on ne le croyait jusqu’à présent , a été contemporaine dans les deux continents. Les Trilobites observent un ordre de décroissement parallèle, et sont réduits , en Amérique comme en Europe , à quelques petites espèces du genre Phillipsia. Les Goniatites y offrent également pour la première fois ce type nouveau où le lobe dorsal , au lieu d’être simple, est divisé par une petite selle médiane. La distribution des Productus offre encore une coïncidence re¬ marquable. Inconnus en Amérique dans le système silurien, appa¬ raissant sous une ou deux petites formes à l’époque dévonienne , ils prennent dans les roches carbonifères un développement tout à (1) L’analogie entre les deux continents semble être plus marquée à cette époque qu’aux époques antérieures, le nombre des espèces iden¬ tiques étant relativement plus considérable. Si l’on en recherche la cause , on est porté à l’attribuer à des conditions physiques plus ana¬ logues , ce dont témoigne l’uniformité des dépôts de cette époque , et peut-être aussi à une disposition particulière du relief sous-marin, c’est-à-dire à des bas-fonds et à des îles qui s’étendaient de l’Europe vers l’Amérique. M. Élie de Beaumont explique cette disposition d’une manière très naturelle. Il y voit un effet du soulèvement O. -N -O. qui a précédé l’établissement du système carbonifère , et qu’il a appelé système du ballon d’Alsace. Nous sommes heureux de voir ainsi se confirmer par des recherches indépendantes la belle théorie de notre illustre ami. (2) Voir l’intéressante lettre de M. Lyell sur l’évidence d’empreintes de pas d’un quadrupède voisin du Cheirotherium , dans les strates carbonifères de la Pennsylvanie (Silliman s journ., vol. II, p. 25). (3) Cette découverte, dont nous venons d’être informé par M. de Buch, détruit la principale objection que l’on pouvait faire à l’étendue que nous avons donnée au terrain paléozoïque dans notre ouvrage sur la Russie, en y comprenant le système permien ; car cette objection n’était fondée que sur l’opinion alors établie, que les sauriens se mon¬ traient pour la première fois dans ce système , et sur l’importance de l’apparition des animaux de cette classe pour déterminer le point de- départ du terrain secondaire. SfiANCE DU 49 AVRIL 1847. 684 fait en harmonie avec les faits observés en Europe. Les Spirifer de cette époque présentent aussi , en Amérique , ce caractère de plis souvent diehotomes que M. d’Archiac et moi nous avons déjà signalé en Europe (1) , et par lequel ils se distinguent des espèces de la période dévonienne , qui les ont toujours simples (2). Quant aux Térébratules , nous signalerons ce fait intéressant de la disparition simultanée de deux espèces, les T. reticuloris et ns- pcrn , qui , pendant les époques dévonienne et silurienne supé¬ rieure , s’étaient répandues avec une grande profusion depuis l’Altaï et l’Oural jusqu’au Missouri. Nous citerons enfin, comme phénomènes simultanés sur les deux continents , l’apparition de ces crinoïdes formant passage vers les échinodermes , tels que les Pnlœchinus ou Melonites , l’extinction de ces grands polypiers, tels que les Favosites Gothlandica , Poritcs interstinctci , etc., et leur rem¬ placement par des Chœtetes et des IJthosti'otion à peu près identi¬ ques en Amérique et en Europe. L’analogie entre les deux conti¬ nents se poursuit jusque dans les foraminifères et les plantes. On a vu en effet que la Fusulina cylindrica , si caractéristique du cal¬ caire carbonifère de Russie , se trouve dans les clierts ou couches siliceuses du grès houiller de l’Ohio. Et quant aux plantes , l’im¬ mense quantité d’espèces terrestres , identiques des deux côtés de l’Atlantique, prouve que la houille s’y est formée dans le voisi¬ nage ï- «3 O .t: U (N 23. Schistes de Genessee. 26. Groupe de Portage. 27. Groupe de Chemung. 28. Vieux grès rouge. J 29. Psammites micacés. 30. Calcaire carbonifère. ^ 3t. Étage houiller. J Bellerophon striatus . — Urii . — bilobatus. . . . — dilatatus. . . . J Pleurotomaria lenticularis. . . Subtilités elongata . Evomphalus carbonarius. . . — pentagulatus . . . 1 • » •!( • • • • * * * . i * j* ' • • • vnvjdqns — * • • * • « * * * * • • * • • 9 • * » | . mjjsniduo — * * . vjvuoqtun — . }\yndUJtdj \ — • \ ' • • ’ • Djnjmu)s — . üpuqfig — • • ; * ’mnmnfima — . 688 SÉANCE DU 19 AVRIL 18A7. Remarques sur les fossiles paléozoïques communs à F Amérique et à l'Europe , et ur les rapports qu'ils offrent dans leur distribution . Holoptichus nobilissimus Agass. — Ce poisson si caractéristique du vieux grès rouge d’Écosse, d’Angleterre et de Russie, se retrouve à Blossburg, en Pennsylvanie, dans le puissant étage de grès qui forme la partie supérieure du système dévonien. Dendrodus (Owen). — Nous croyons pouvoir rapporter à cette espèce la dent figurée par AI. Hall dans son rapport final sur la géologie de New-York, p. 281 , f. 4 , et trouvée à Blossburg avec l'espèce pré¬ cédente. Le genre Dendrodus est caractéristique du vieux grès rouge d’Ecosse et des couches dévoniennes de Russie. Asterolepis Eichw. — Nous rapportons à ce genre deux fragments de poissons américains; l'un que nous avons vu dans la collection de AI. Guebhard (1), et qu’il nous a dit avoir été trouvé dans le grès calcaire de Schoharrie , et l’autre que nous avons acheté , et qui nous paraît provenir des schistes d’Hamilton. Ce dernier n’offre aucune dif¬ férence avec un échantillon que j’ai trouvé dans l’Eifel. Calymene Blumenbachi Brong. ; C. salaria , Conrad. — AI. Conrad a donné le nom de C. salaria à une variété du C. Blumenbachi qui se rencontre dans les couches paléozoïques les plus anciennes (calcaire de Trenton et calcaire bleu de l’Ohio), et qui ne se distingue de l'es¬ pèce de AI. Brongniart que par le rétrécissement d'arrière en avant du lobe médian de la tête , caractère qui la rapproche un peu du C. Tris- tani. Le C. Blumenbachi véritable existe incontestablement en Amé¬ rique dans le système silurien supérieur [Clinton et Niagara groupé). Sa variété major, figurée par Alurchison (sil. syst., pl. 7, f. 6), et nommée par AI. Green C. plat y s , se trouverait, selon cet auteur, dans le grès calcaire de Schoharrie. Si le fait est exact, cette variété, qui appartient en Angleterre à l'étage de Ludlow, aurait vécu en Amé¬ rique dans des couches que nous considérons comme étant un peu plus récentes. C. Fischeri Eichw. — Cette espèce, caractéristique des calcaires siluriens inférieurs de Russie et de Suède, se retrouve à Ivnoxville, en Tennessee, à la base de la série paléozoïque. AI. le professeur Troosten possède un bel échantillon. Elle se reconnaît aux vingt-trois articula¬ tions dont elle se compose. Nous croyons qu’on peut y réunir V Am- phion pscudo-ai ticulatus Portlock, de l’étage silurien inférieur d’Ir¬ lande. C. punctata Brünn. sp. ; ( C . variolaris , Brong. nonAIurch.). — Cette espèce a été trouvée par Al. Hall à Aliddleville dans le calcaire (i) La collection de AI. John Guebhard est une des plus riches pour la série des roches et fossiles qui constituent les collines d’Helderberg, autour de la ville de Schoharrie , et son propriétaire se fait un plaisir de la mettre à la disposition des étrangers. 089 SÉANCE DU 19 AVRIL 18Z|7. de Trenton, et par M. Norwood à Madison (Ind.), dans les assises inférieures du Cliff limestonc, qui correspondent au groupe de Clinton. Nous l’avons vue aussi à Springfield (Ohio), avec le Pentamerus oblon- gus, dans les calcaires magnésiens tout à fait parallèles aux couches de Clinton. En Angleterre, le C. puncta ta se trouve à la fois dans les grès de Caradoc et dans les argiles schisteuses de Wenlock. C’est dans ;es mêmes schistes qu’il se trouve dans l’île de Gothland. Dans les lies de Dago et d’QEsel, ainsi que dans celles du golfe de Christiania, le C. punctata semble aussi se trouver près de la ligne de jonction des étages supérieur et inférieur du système silurien. Illœnus crassicauda , Wahl, sp . ; ( Bumastus Trenton ensis? Emmons.) — Nous n’avons vu que des parties détachées de celte espèce, et prin¬ cipalement le post-abdomen ou pygidium . Elle appartient aux couches les plus anciennes. Nous la connaissons sur le Black river et dans les environs de Trenton (New-York), en Pennsylvanie et à Knoxville (Ten¬ nessee), où elle est associée au C. Fischcri. Cette espèce occupe la même position en Europe, et est exclusivement propre à l’étage in¬ férieur du système silurien en Angleterre, en France, en Suède et en Russie. Licluis laciniata Wahl., ou peut-être Lichas sccibra Beyrich . — Il est fort difficile de dire à laquelle de ces deux espèces on doit rap¬ porter le bel échantillon trouvé par M. Carley dans. le calcaire bleu de Cincinnati. Le Lichas scabra de Bohème appartient, selon M. Barrande, aux couches les plus basses de l'étage supérieur du système silurien, tandis que le Lichas laciniata de Suède se trouve, comme celui d’Amérique, dans l’étage inférieur. Nous avons vu dans les collections de M. J. Hall, à Albany, un échantillon assez semblable à celui de Cincinnati, pro¬ venant du calcaire de Trenton. Ccraurus plewrexanthemus Green. — En comparant les fragments de tête que je possède de cette espèce avec le Chc intrus exsul Bey¬ rich, je n’ai pu y découvrir aucune différence. Cet auteur ne connaît, comme nous, du Chcirurus exsul , que la tête qui a été trouvée dans des cailloux roulés de calcaire venant de Scandinavie, et contenant les trilobites les plus caractéristiques de l’étage inférieur du système silu¬ rien , tels que Asaphus expansus et Illœnus crassicauda . L Am- phion gclasinosus Portlock, dont cet auteur n’a connu que la tête et qui paraît être encore la même espèce, appartient aux couches silu¬ riennes inférieures d’Irlande. Le Ceraurus pleur exanthe mus caracté¬ rise aussi le même étage en Amérique. Nous l’avons trouvé à Middle- ville (New-York) dans le calcaire de Trenton, et à Galena (Illinois) dans le calcaire bleu. M. Dale Owen dit l’avoir trouvé à Cincinnati, dans des couches du même âge. Trinucleus Caractaci Murch. — Cette espèce est abondante en Amé¬ rique, principalement dans le Hudson river group de l’Etat de New- York. On le trouve aussi dans le calcaire bleu de Cincinnati et de New- port, en Kentucky. Selon M. le professeur Emmons, le T. tessellatus Green, très abondant dans les couches inférieures, c’est-à-dire dans Soc. gêol. , 2fi série, tome IV. 44 690 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/{7. le calcaire de Trenton, à Sacket’s Harbour, à Glen’s F ails (New-York) et à Montréal, se distinguent du T. Caractaci par la moindre longueur des prolongements spiniformes, par la moindre largeur du limbe per¬ foré et par le nombre des cercles parfaits de perforations, qui seraient de trois au lieu de quatre (i). Le T. Caractaci appartient en Europe à la région moyenne et supérieure de l'étage silurien inférieur, et se trouve principalement dans le grès de Caradoc. Toutes les espèces de Trinu- cleus sont en général propres à l’étage inférieur du système silurien. Nous ne connaissons pas d’exception à cette règle en Amérique, et nous n’en connaissons qu’une seule en Europe (2). Phacops Hausmanni Brongn. sp. — Cette espèce , propre en Bohême aux divisions hautes et moyennes de l'étage silurien supérieur, se retrouve en Amérique exactement dans la même position, c’est-à-dire dans le calcaire à Pentamerus galeatus et dans les argiles à Delthyris de l’Etat de New-York. Elle a été décrite par M. Green sous le nom d 'Asaphus micrurus. Selon M. Troost (6Ul report ) elle existe aussi dans le Tennessee. P. Dalmani Portlock. — Découverte par M. Portlock dans l’étage silurien inférieur d’Irlande, cette espèce se retrouve au môme horizon dans le calcaire de Trenton (New- York). Très voisine du P. Downingiœ , elle s’en distingue par la glabelle plus triangulaire et fortement rétrécie d’avant en arrière. P. linmlurus Green. — La seule différence entre cette espèce et le P. mucronatas Brongn. ou longicaudatus Murch. consiste dans la forme de la queue, qui est plus courte et dont la base est plus large. Si cette différence, observée sur un plus grand nombre d’échantillons que nous n’avons pu le faire, oblige à maintenir la séparation spécifique du P . limulurus, peut-être pourrait-on le considérer comme intermédiaire entre le P. mucronatas et le P. caudatus. Il a d’ailleurs avec ces deux espèces de grands rapports de gisement. Il se trouve dans les argiles schisteuses de Niagara, comme les deux espèces précédentes dans les argiles de Wenlock. Le P. mucronatas descend cependant en Bretagne jusque dans les schistes siluriens inférieurs, tandis que le P. caudatus reste limité au groupe de Wenlock, de même que le P. limulurus au groupe de Niagara. Nous avons trouvé encore à l’O. des Etats-Unis des pygidium sé¬ parés, trop incomplets pour pouvoir être rapportés avec certitude, soit au P. limulurus , soit au P. caudatus. Ces échantillons ne sont pas rares dans le Clifj limcstonc de l’Ohio et de lTndiana, qui correspond au groupe de Niagara. Un de ces pygidium incomplets , appartenant peut-être au P. limulurus , nous a été donné à Dayton (Ohio), par M. van Cleve, comme provenant d’un calcaire jaune , qui paraît être intermédiaire entre les deux grands étages siluriens. P. rnacrophthalmus Brongn. ; ( Calymcne bufo Green ; Asaphus ( i) M. Hall croit néanmoins devoir réunir le T. tessellatus au T. Caractaci. (?.) On dit que dans ces derniers temps on a trouvé des Trinucleus dans les argiles de Wenlock. SÉANCE DU 19 AVRIL 18/j7. 691 megalophthalnms Troost; C. latijrons Bronn). — Une des espèces les plus répandues en Amérique comme en Europe, principalement dans le système dévonien. Nous ne la connaissons pas personnellement plus bas; cependant, nous en avons vu des échantillons provenant de Gaspe (Nouveau-Brunswick), localité qui, à en juger par d’autres fossiles, paraît être silurienne supérieure , et M. Conrad l’a citée aussi dans les argiles à Delthyris (n° 4 5). Rien n’est plus commun, au contraire, que ce trilobite dans le système dévonien, tel que nous le limitons. Il y occupe principalement les parties inférieures, depuis le Schoharrie grit jusqu’au groupe de Hamilton. Dans l’Etat de New-York, c’est à l’époque du dépôt des puissants schistes d’Ha- milton qu’il prend son plus grand développement, tandis que dans les Etats d’Ohio et d’Indiana , où ces schistes manquent, il se trouve abondamment dans les calcaires qui forment la partie supérieure du Cliff limestone. Localités : Lewis’s Creek, Charleston landing (Indiana); Cacapou, près Hancock (Virginia); Gaspe (Canada) ; Schoharrie, Moscow (New- York). En Europe, comme en Amérique, le P. macrophthalmus est assez rare dans le système silurien , tandis qu’il est très abondant dans les couches dévoniennes de VEifel. En Russie, il ne se trouve que dans le système dévonien de l’Altaï. Cryphœus calliteles Green. — Cette espèce est tellement voisine du Phacops stellifer Burm. qu’il y aurait peut-être lieu à les réunir, et qu’en tout cas il est impossible de les laisser dans deux genres dis¬ tincts. Si l'on conserve le genre Cryphœus , il faut y placer cette petite division des Phcicops dont la queue porte de longues épines, et qui ne comprend que deux espèces, P arachnoïdes et P. stellifer. Le C. calliteles est propre au groupe d’ Hamilton, et a été retrouvé par M. Marie Rouault, en Bretagne, dans les calcaires et schistes de Gahard. qui en sont l’équivalent. Les P. arachnoïdes et stellifer sont également propres au système dévonien de l’Eifel. Bunmstus Barriensis Murch. — Caractéristique des couches con¬ temporaines de Niagara et de Wenlock. Il se trouve à Lockport (New-York) et à Springfield (Ohio) dans le calcaire magnésien, où il est associé au Pentanierus oblongus. Dans la région métallifère des Illinois et du Wisconsin il se rencontre en général aussi à la base de l’étage supérieur du système silurien; cependant, nous en avons vu à Galena un échantillon dans le calcaire bleu, avec des es¬ pèces de l'étage silurien inférieur. Homalonotus delphinocephalus Green sp. — Cette espèce carac¬ téristique des couches de Niagara et de Wenlock se trouve à Ro- chester et à Lockport. 11 faut y réunir les H. atlas , giganteus et hcr- culaneus de M. de Castelnau. Cheirurus insignis Beyr. — Cette espèce, dont nous avons la tête bien caractérisée, a été découverte par M. Troost dans le comté de Perry (Tennessee) et par nous dans les calcaires siliceux de Chicago (Illinois). Dans ces deux points, elle appartient à l’étage silurien supé¬ rieur, et se trouve dans des couches que nous considérons comme plus 092 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. élevées que celles qui renferment le P. oblongus. En Bohême, selon M. Barrande, le C. insignis se trouve dans une position analogue, c'est-à dire dans la division moyenne de l’étage silurien supérieur. Sphœrexochus mirus Beyr. — Cette espèce très remarquable se rencontre à Springfield (Ohio) et à Madison (Indiana). Dans la pre¬ mière localité, elle est associée au P. oblongus ; dans la seconde, elle se trouve au sommet de la grande coupe, par laquelle passe le chemin de fer, dans des calcaires qui sont au point de jonction des deux grands étages du système silurien. En Bohême, c’est aussi à la base de l’étage silurien supérieur que cette espèce a été découverte. Le muséum de Dudley en possède un échantillon trouvé dans le calcaire de cette ville. En Suède, il paraît qu’elle descend dans l’étage silurien inférieur, car sous le nom de Ca- lymene clavijrons , Hisinger a figuré une tête de trilobite de Furudal, en Dalécarlie, qui nous paraît bien voisine de l’espèce de Bohême. Cependant, si la figure est exacte, il y aurait quelque différence. Jgnostus latus Conr. — Cette espèce nous paraît être la même que celle que M. Murchison a rapportée à tort, dans son ouvrage, à VA. pi- sijormis , pl. 3, fig. 17. Mais tandis qu'en Angleterre ce petit Agnostus se trouve à la partie tout à fait supérieure du système silurien, dans l’Etat de New-York il se montre plus tôt, c’est-à-dire dans le Clinton group, qui est à la base de l’étage supérieur. P/iillipsia seminijcra Phill. sp. — Ce petit trilobite , très voi¬ sin du P. Jonesii , si même il n’est identique avec lui, ne se montre en Amérique , comme en Angleterre, qu’à l’époque carbonifère. Il se trouve à Flintridge , dans l’étage houiller de l’Ôhio et à Leavens- worth (Indiana), dans le calcaire oolitique inférieur au grès houiller. On trouve encore près de Louisville (Kentucky), dans les psammites micacés inférieurs au calcaire carbonifère , une autre espèce de Phil- lipsia voisine du P. ornata Portlock. Nous avons aussi reconnu le py gidium d’une espèce de ce genre près de Nauwoo, sur le haut Missis- sipi , dans le calcaire carbonifère. Orthoceratites comrnunis Wahl. ( Cameroceras Trentoncnsis Conrad). — Cette espèce, à large siphon latéral, est caractéristique en Amérique des dépôts paléozoïques les plus anciens, comme la plu¬ part des Orthocératites dont elle est le type. Elle est commune dans le Trenton limestonc à Middleville et à Watertown (New-York). Le capitaine Bayfield en a rapporté des échantillons de l’île de Terre- Neuve et des îles Mingan, à l’entrée du golfe Saint-Laurent. Egale¬ ment caractéristique en Europe de l’étage silurien inférieur, elle est la plus abondante de toutes dans les calcaires rouges de la Suède et dans les calcaires verdâtres de Saint-Pétersbourg. On trouve souvent aussi dans le même étage, soit dans l’Etat de New-York, soit près de Richmond (Indiana), des corps semblables à ceux que M. Eichwald a décrits en Russie sous le nom d 'hyolythes, et qui sont des remplissages du siphon, ou du tube qui occupait le centre du siphon, chez certaines Orthocératites. 693 SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. O. annulatus Sow. ; (O. Dejrancii Troost). L'espèce améri¬ caine nous paraît identique à celle qui a été figurée par M. Murchison dans le Silurian System et à celle que Hisinger a décrite sous le nom d’O. undulatus . De même qu’en Angleterre et dans l’île de Gothland, elle caractérise de l’autre côté de l’Atlantique l’étage silurien supé¬ rieur. A Rochester (New-York) et dans le comté de Perry (Tennessee), elle est propre au groupe de Niagara. Orthoceratitcs calamus Kon. — Nous identifions avec cette espèce une Orthocératite petite, effilée, qui nous a été donnée par le docteur Hildreth, comme provenant des schistes houillers de l’Ohio. L’O. ca¬ lamus n’était encore connu que dans les calcaires carbonifères de la Belgique et de l'Oural. Nota. Il existe vraisemblablement plus de trois espèces d’Orthocé- ratites communes à l’Europe et à l’Amérique, et nous pouvons citer comme exemple d’une quatrième espèce l’échantillon figuré par M. le docteur Emmons dans son Rapport final sur la géologie de New- York , page 396, f. 3, et qui nous paraît appartenir à l’Ô. trochlearis Wahl. Limites convolvans Schlot. — M. J. Hall nous a montré parmi les fossiles du calcaire de Black river un échantillon, que nous avons con¬ sidéré comme identique avec le L. convolvans , qui , soit à Reval, soit dans l’île d’QEland, occupe une position analogue. Goniatites rotatorius Kon. — Cette espèce nous a été donnée par M. Dale Owen, comme trouvée par lui à Rockford, sur la rivière Mus- katatak (Indiana) ; elle est identique avec la Goniatite du calcaire car¬ bonifère de Tournay figurée par M. de Koninck. G. retrorsus Buch. ; (G. bicostatus Hall). — L’espèce figurée par M. Hall nous paraît identique avec celle des calcaires dévoniens de Nassau. M. Roemer a exprimé la meme opinion dans une lettre à M. de Buch. Cette espèce se trouve dans le groupe de Portage, que tout le monde s’accorde à considérer comme un des équivalents du système dévonien. Nautilus tubcrculatus Sow. — Cette espèce , très répandue , est propre au système carbonifère. Elle se trouve à ses deux limites verticales extrêmes, c’est-à-dire dans l’étage houiller de l’Ohio et dans les psammites micacés de Louisville (Kentucky). On la connaît aussi en Irlande, dans le Yorkshire et en Russie, où elle caractérise le calcaire carbonifère. Bellerophon hiulcus Sow. — Le professeur Troost de Nashville a rapporté avec raison à cette espèce des échantillons qu’il a découverts dans le calcaire carbonifère d’Eddy ville (Kentucky), localité que nous avons visitée. M. le docteur Prout a trouvé la même espèce dans le calcaire carbonifère de Saint-Louis ( Missouri), mais plus petite et tout à fait semblable à la variété de Tournay (Belgique), que M. d’Orbigny a nommée B. Munsteri. B. Urii Flem. — Propre en Amérique aux couches houillères de l’Ohio et de la Pennsylvanie. En Europe, c’est une de ces espèces qui, SÉANCE DU 19 AVRIL 18/|7 . 69/i par une rare exception, parcourent les systèmes silurien, dévonien et carbonifère. Nous l’avons trouvée dans les couches siluriennes d’Ony river en Shropshire , ainsi que dans le calcaire carbonifère de Tour- nay, et M. Phillips signale sa présence dans le Devonshire. B. dilata tus Murch. — Nous avons découvert dans le calcaire sili¬ ceux de Chicago ( Illinois) ce Bellérophon si remarquable et propre à 1 étage supérieur du système silurien. Les couches de Chicago, comme celles de Niagara, sont les équivalents des calcaires de Wenlock. B. striatus Férussac. — Nous possédons cette espèce des environs de Davenport (Iowa); comme elle nous a été donnée, nous ne pou¬ vons dire exactement l'âge des couches d’où elle provient. M. de Cas¬ telnau l’a aussi rapportée des bords du lac Erie, et M. Hall la signale dans le groupe de Portage. En Europe, cette espèce est dévonienne. B. bilobatus Murch. — Très abondant dans le calcaire de Trenton; particulièrement à Trenton F ails , à Middleville, à Watertown (New- York), à Cincinnati (Ohio) et à Montréal (Canada). Les échantillons de l’Etat de New-York sont tellement identiques avec ceux du calcaire silurien inférieur de Christiania, qu’on a de la peine à les distinguer. En Angleterre, le B. bilobatus appartient, selon M. Murchison , aux couches de Caradoc et de Llandeilo. Pleurotomaria lenticularis Murch — Figurée par M. Murchison comme un Traduis , et rangée par M. Emmons parmi les Pleuroto- maria , cette espèce se rapproche beaucoup de Y Evornphalus qualtc- riatus, et n'en diffère que par le bord extérieur des tours de spire, qui sont moins aigus. Il y a dans les couches de Trenton un véritable Pleurotomaria ; mais il se distingue facilement de cette espèce. Le P. lenticularis appartient, en Angleterre, au grès de Caradoc, et en Amérique, aux couches de Trenton qui sont un peu plus basses dans la série. Nous le possédons de Middleville, de Watertown, du calcaire bleu de Cincinnati (Ohio) et de Dubuque (Iowa). L ' E. qualteriatus , son analogue, est, comme on sait, caractéristique en Russie et en Suède de l’étage silurien inférieur. Subtilités elongata Emmons. — 'Cette espèce, que nous avons trouvée à Middleville, à Watertown (New-York) et à Galena (Illinois), repré¬ sente en Amérique la Phasianella gigantea Eichw. de Russie , si même elle ne lui est identique. Elle est propre, comme elle, à la base du ter¬ rain paléozoïque. Evornphalus carbonarius ( Inachus catilloides Conrad). — Espèce très petite, encore inédite, citée par M Lvell dans les schistes houil- lers du Maryland, et qui se rencontre aussi dans ceux de l’Ohio. C’est avec juste raison que M. Lyell l'a identifiée avec un Evomphale des couches houillères de Glascow. E. pentangulatus Sow. — Une petite variété de cette espèce se trouve à Paola ( Indiana) dans un calcaire que nous croyons devoir être carbonifère; l’échantillon nous en a été donné par M. Carley. L ' E. pentangulatus est une des coquilles caractéristiques du système carbonifère dans toute l’Europe jusqu’à l’Oural. Macrocheilus curvilineus ( Buccinum Phi 11.), — Cette espèce, qu SÉANCE DU 19 AVRIL 18/l7. (395 l’on trouve dans les calcaires carbonifères de Bolland (Yorkshire) et de Pola de Lena (Asturies), se rencontre aussi dans les schistes houil- lers du Maryland et de l’Ohio. Chcmnitzia nexilis ( Loxonema Phill.). — Se trouve dans le cal" caire dévonien des rapides de l’Ohio et dans le Hamilton group de l’Etat de New-York. Sa position dans les calcaires du Devonshire et dans ceux de Ferques est tout à fait analogue. Marchisonia bilinccita Goldf. sp. — Nous avons vu, dans la collec¬ tion du docteur Dale Owen, un échantillon de cette espèce caractéris¬ tique du système dévonien en Allemagne, en France et en Angleterre. Il provenait de Camp creek (Indiana) et avait été trouvé, avec le Pieu - rodyctium problematicum , à la partie supérieure du Cliff limestone. dans un calcaire analogue au cor ni ferons limestone de New-York. Avieula damnoniensis Sow. — M. Hall a identifié avec cette es¬ pèce dévonienne uneAvicule, que l’on trouve dans le Chemung group. Pterinea fasciculata Goldf.; ( Avieula flnbella Conrad). — Après avoir comparé avec soin X A . flabella à la figure et à la description que Goldfuss a données de la P. fasciculata , nous avons cru pouvoir les réunir; l’une provient du Hamilton group (New-York), et l’autre des grauwackes des environs d’Ems (Nassau). On sait que ces grauwackes , placées au-dessous du calcaire de l’Eifel , contiennent encore quelques espèces dévoniennes. Modiola squammifera Phill. — Nous possédons dans un échantillon de grès calcaire de Schoharrie l’empreinte d’une coquille qui nous pa¬ raît être identique avec le Modiola squammifera Phill. Cette espèce, carbonifère en Angleterre, a la plus grande analogie avec le Pterinea elegans Goldf., du calcaire dévonien de l’Eifel. Tnoceramus Chemungensis Conr. — La figure et la description que M. Conrad donne de cette espèce nous ont engagé à la réunir au Car- dium dimidiatum Goldf. que nous possédons. Cette espèce n’étant pas un Car dium , nous lui laissons le nom que lui a donné M. Conrad. L’es¬ pèce américaine se trouve à Chemung narrows (New-York), et le C. dimidiatum dans l’Eifel . Lucina rugosa Goldf.; ( Posidonia lyrata Conr.). — Ces deux coquilles, que nous possédons dans notre collection, ne présentent pas de différences spécifiques. L'une est de l’Eifel; M. Goldfuss la signale dans le calcaire, et nous l’avons trouvée dans les schistes qui lui sont immédiatement inférieurs ; l’autre appartient au groupe de Hamilton, dans l’Etat de New-York, et au calcaire cornifère, dans celui d’Indiana. L. proaria Goldf. — Cette espèce , si caractéristique du calcaire dévonien de l’Eifel , se retrouve à Lewis’s Creek ( Indiana ) et près de Louisville (Kentucky), ainsi que dans le terrain erratique aux envi¬ rons de Dayton (Ohio). G est une des espèces sur lesquelles j’établis le parallélisme de la partie supérieure du Cliff limestone avec le sys¬ tème dévonien d’Europe. Nota. On trouve encore àMaguagon, près Détroit (Michigan), et près de Louisville (Kentucky), une autre Lucine plus transverse et qui a (596 SÉANCE DU J 9 A Y 11 IL 18Z|7 . beaucoup d’analogie avec la L. Dufrenoyi , Arch. etVern., du cal¬ caire de l’Eifel. Grammysia Hcimiltoncnsis Nob. — Ne pouvant négliger cette es¬ pèce, qui a une grande importance par l’étendue de sa distribution, et ne trouvant pas de genre où elle puisse entrer convenablement, nous avons cru devoir établir pour elle le genre Grammysia , que nous ca¬ ractérisons de la manière suivante : coquille équivalve, inéquilatérale, non bâillante, munie de deux impressions musculaires très inégales; impression palléale arrondie postérieurement et venant aboutir à la grande impression musculaire, de manière à en laisser les 2/3 en dehors ; ligament extérieur assez prolongé dans la dépression du corselet ; surface traversée par une côte oblique, qui se rend du crochet au mi¬ lieu du bord inférieur, et par quelques plis concentriques arrondis Par l’inégalité de ses impressions musculaires et par la forme de l’impres¬ sion palléale cette coquille semble devoir être placée près des Cypri- cardes et des Cyprines. Ce genre, si bien caractérisé par la côte mé¬ diane qui traverse les valves, renferme plusieurs espèces, dont l’une a été nommée Nucula cingulata par M. Hisinger. La Grammysia Hamiltonen&is se distingue de la N. cingulata , que l’on trouve en Gothland et à Dudley, par sa forme moins transverse et par la position de ses crochets plus éloignés du bord extérieur. Elle est abondante dans le groupe d’Hamilton (New-York), et se trouve .en Europe dans le calcaire de Nehou (Manche), et dans les grauwaekes de Daun (Eifel). Nous en donnons ici plusieurs figures. Les échantillons représentés sous les nos 1 et 3 proviennent du Ilamilton groujj de l'État de New-York , "et celui qui porte le n° 2 est un moule intérieur trouvé dans le calcaire de Nehou (France). Sanguinolent a dorsata Goldf. — Cette espèce, du calcaire dévo¬ nien de l’Eifel, se retrouve dans le groupe d’Hamilton de l’Etat de New-York. Cardiuni loricatuni Goldf. — Comme la précédente, cette coquille est commune au calcaire dévonien de l’Eifel et aux couches d’Hamil¬ ton (New-York). Elle nous paraît plus voisine du genre Allorisma que des véritables Cardinal. Allorisma sulcata [Sanguinolaria Phill. ) ; ( P ho la dota fa elongata Morton). — Cette espèce se trouve en Amérique dans le voisinage des couches de houille, notamment à Blossburg (Pennsylvanie); dans l'Ohio ; à la charbonnière Saint-Charles (Missouri ) et aux environs de New-Harmony (Indiana). En Europe, sa présence a été signalée dans l’étage houiller de Northumberland. Tcrebratula cuboides Sow. — En Europe, cette espèce est com¬ mune aux systèmes dévonien et carbonifère, tandis que dans l’Etat de New -York elle n’a encore été trouvée que dans quelques couches cal- 697 SÉANCE DL 19 AVRIL 18/]7. (598 SÉANCE DE 19 AVRIL 18/17 . caires de peu d’épaisseur, qui font partie du Hamilton group, et que nous considérons comme dévoniennes. En Amérique elle a moins de plis qu’en Europe : (six au sinus au lieu de huit à onze. ) T. deflexa Sow. in Murch. — Cette espèce est un peu plus grande en Amérique qu’en Europe, mais elle y offre d’ailleurs les deux prin¬ cipaux caractères qui la distinguent, savoir: les plis dichotomes et la grande épaisseur de la valve ventrale. Celle-ci peut être facilement prise pour la valve dorsale, et le sinus paraît alors occuper, relative¬ ment aux valves, une position inverse à celle qu’il occupe dans la plu¬ part des espèces. C’est probablement ce qui lui a fait donner le nom de T. deflexa. Cette espèce se rencontre dans le calcaire de Wenlock, en Angleterre , et dans les argiles à Delthyris , de l’Etat de New-York, immédiatement au-dessus du calcaire à P entameras galeatus. T. cuneata Daim. — Cette espèce se trouve à Lockport dans les calcaires de Niagara, qui correspondent à ceux de Wenlock et de Gothland, où elle existe également. T. reticularis Linné ; ( T. prisca Schlot.). • — De même qu’en Europe , cette espèce présente deux variétés propres à deux systèmes de couches différens ; une petite dans les couches siluriennes, et une grande dans les dépôts dévoniens. La première se trouve à Madison et à Richmond (In- diana), à la base du Cliff limes tone ; à Lockport, dans les groupes de Clinton et de Niagara; dans les argiles à Delthyris de l’Etat de New- York; sur la rivière Ottawa, et à Gaspe (Canada). Elle s’élève jusque dans le calcaire dévonien d’Onondaga. La grande variété est exclusivement dévonienne, et se trouve dans les calcaires correspondant au Cornife- rous limes tone, à Columhus (Ohio); à Lewis’s Creek (Indiana); aux rapides de l’Ohio, près Louisville ; aux carrières de Maguagon, près Détroit (Michigan); enfin dans le groupe d’Hamilton, à Moscow (New- York) et dans ceux de Portage et de Chemung , où elle prend une forme assez sembfable à la variété explanata de l’Eifel. Ainsi donc, sous ces diverses formes, la T. reticularis s’étend depuis la base de l’étage silurien supérieur jusque dans le système dévonien , mais elle ne pénètre ni dans l’étage silurien inférieur ni dans le système carbo¬ nifère. C’est exactement la même distribution qu’en Europe. T. aspera Schlot.; (7*. spinosa Hall). — On trouve dans le groupe d’Hamilton, à Moscow (New-York), une Térébratule à plis larges et prolongés en tubes , si semblable aux beaux échantillons des couches dévoniennes de Ferques, en France, qu’on ne peut y décou¬ vrir la moindre différence. La T. aspera offre , comme la T. reticu¬ laris , une petite variété qui, en Europe, descend dans les dépôts silu¬ riens de la Suède et de la Bohême. Cette petite variété se trouve à Columbus ( Ohio ) ; près Louisville ( Kentucky); à Maguagon , près Dé¬ troit (Michigan) ; dans le comté de Perry (Tennessee), et à Gaspe (Ca¬ nada). Ces deuxdernières localités seules sont siluriennes. T. concenlrica Buch. — Une des espèces les plus caractéristiques du système dévonien , et qui n’a jamais été trouvée plus bas. Elle se montre en Amérique , à différents niveaux , dans l’épaisseur des cou¬ ches qui correspondent au système dévonien d’Europe, par exemple, SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. 699 dans les calcaires de Louisville (Kentucky), dans ceux de Charleston landing et de Washington (Indiana), dans les schistes et dans les psammites d’Hamilton (New-York); elle s’élève même jusque dans le ( h cm un g group. T. tumida Daim. — Cette espèce, trouvée par le professeur Troost dans le système silurien supérieur du comté de Perry (Ten¬ nessee) , appartient aussi , en Europe, aux dépôts du même âge, soit à Dudley, soit dans l’île de Gothland. T. Wilsoni Sow. — C’est encore à M. le professeur Troost qu’on doit la découverte en Amérique de cette espèce , si commune de ce côté-ci de l’Atlantique. La T. bVilsoni appartient en général au sys¬ tème silurien supérieur. Elle est représentée dans le système dévonien par des espèces à plis plus fins et plus nombreux. La variété trouvée dans le comté de Perry (Tennessee) est analogue tout à fait à celle des couches siluriennes de Gothland. T. Roissyi Lév. — Cette espèce, carbonifère en Europe, l’est aussi en Amérique. Elle se trouve dans les psammites micacés infé¬ rieurs au calcaire carbonifère des environs de Louisville (Kentucky), et dans l’étage houiller lui-même, sur les bords de la rivière Wabash, près Terre-Haute (Illinois), et à Greensburg (Ohio). T. planosulcata Phill. sp. — Cette espèce , du système carboni- lère d'Europe, occupe la même position stratigraphique en Amérique. Nous l’avons trouvée dans des calcaires alternant avec les grès et les schistes houillers à Zanesville (Ohio); entre Mont-Vernon et Harmony (Indiana), et à Sparta (Illinois). Pentcimerus oblongus Sow. — Espèce très intéressante et très ré¬ pandue. Les formes ordinairement réunies sous ce nom en Amérique sont si variables qu’il y aurait peut-être lieu de les séparer en plusieurs espèces ou variétés. Ces diverses formes se trouvent toujours à la même hauteur dans la série paléozoïque , et constituent un des horizons les plus importants. En Amérique, comme en Angleterre, le P. oblongus se rencontre à peu près au point de jonction des étages inférieur et su¬ périeur du système silurien , mais dans des couches qui semblent avoir plus de rapport avec l’étage supérieur, tandis qu’en Angleterre les couches où il se trouve paraissent se lier davantage avec l’étage infé¬ rieur. Dans l’État de New-York , le P. oblo//gus est limité à quelques couches calcaires de peu d’épaisseur, qui font partie de l’étage de Clin¬ ton. Dans l’ouest des États-Unis , le calcaire qui le renferme s’épaissit considérablement, et forme la base du Clifj limestone à Springfield et à Dayton (Ohio) ; à Richmond (Indiana); à Galena (Illinois); à Dubuque et autres localités (Iowa); à la pointe Seulchoix (Green bay); a Lime-kiln island , et aux autres îles du lac Huron. M. Logan l’a trouvé aussi sur la rivière Ottawa et à Gaspe (Canada). Le P. borealis Eichw., qui est assez voisin du P. oblongus , occupe en Russie le même horizon. P. galeatus Daim. sp. ( Terebratula tumida Eichw.) (1). — (î) Il existe au-dessus des argiles à Delthyris de l’État de New-York un 700 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. Cette espèce , qui , en Europe , est commune au calcaire silurien de Wenlock et au calcaire dévonien de l’Eifel , ne se rencontre en Amé¬ rique que dans le système silurien , où elle occupe une position un peu plus élevée qu’en Angleterre. Elle manque en effet dans les calcaires de Niagara , équivalents de ceux de Wenlock, et ne se trouve qu’au- dessus du groupe salifère et du calcaire hydraulique. Quand ces divers sous étages manquent, le P. galeatus est en contact avec le calcaire de Niagara. C’est ce qui a lieu probablement dans le comté de Perry ( Tennessee), où M. Troost a découvert cette espèce. Le P. galeatus est une des coquilles les plus répandues dans l’hémisphère boréal , et se trouve depuis le Tennessee jusque dans l’Oural. Spirifcr cyrtœna Daim. — Cette espèce occupe à Lockport la môme position qu’en Europe. A Springfield (Ohio) et à Madison (Indiana) elle est peut-être un peu plus bas dans la série. On trouve encore à Lockport une espèce couverte, comme le S. cyr- tæna , de stries très fines . et qui a la plus grande analogie avec le S. interlineatus : c’est le S ■ Niagarensis. En général, les Sptrijer ornés de stries très fines et de côtes , que nous avons nommés ailleurs costato- s triés , appartiennent au système silurien. Le S. mesastrialis de Che- mung est la seule exception à cette règle. S. sulcatus Daim. ( Delthyris decemplicata Hall). — Occupe à Lockport. la même position que dans Tîle de Gothland. S. crispas Daim. ( D. staminea Hall). — Cette espèce , quelque¬ fois confondue avec la précédente, s’en distingue par ses stries con¬ centriques fines et non écailleuses , ainsi que par l’area, plus courte que la longueur totale de la coquille. Nous possédons des échantillons de Gothland et de Dudley identiques avec ceux qu’on trouve en Amé¬ rique , dans les couches de Niagara et du comté de Perry (Tennessee). S. bi lobas Linné sp. (S. si/matus et cardiospermiformiy ; ( Delthyris varica Conr.). — Cette petite espèce si remarquable de l’étage de Wenlock se trouve dans des roches équivalentes à Rochester ( New- York ); mais elle est plus abondante encore dans des couches plus ré¬ centes , c’est-à-dire dans les argiles à Delthyris; c’est à celle-ci que M. Conrad a donné le nom de D. varica , comme se distinguant de l’autre par une charnière plus courte, par une forme générale plus élargie et par un sinus plus profond. Une comparaison exacte des deux variétés avec le .S’, bilobus d'Europe nous a engagé à les réunir. S. mucronatus Conr. (.V. comprimatus Schlot .). — Il est assez probable , ainsi que le pense M. Roemer, que ces deux espèces ne sont que des variétés l’une de l’autre, bien qu’il y ait entre elles une grande différence de taille , l’espèce d’Amérique étant beaucoup plus grande que celle de l’Eifel. Cette coquille est très abondante dans le Hamilton group de l’État de New-York , et se trouve assez souvent dans le dilu- Pentamère extrêmement voisin du P. galeatus , mais qui est entièrement dépourvu de plis. Cette espèce nous parait être identique avec celle qu’on trouve dans les couches siluriennes supérieures de la Bohême, ainsi qu’avec le P. fjlubus (T ri g o notre la Broun) du calcaire dévonien de l’Eifel. 701 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. vium de l’État d’Ohio , à Harrisville près Médina, et aux environs de Dayton. On la rencontre aussi dans les psammites de Chemung (New- York) à un niveau plus élevé. Le petit pli qu’elle porte au milieu du sinus, quelque indifférent qu’il paraisse, est caractéristique de plusieurs espèces dévoniennes, et n’a pas été observé dans les espèces plus an¬ ciennes. S. macropterus Roemer. — Nous avons trouvé en abondance dans les grès d'Oriskany des moules tellement semblables à la figure que M. Roemer a donnée de cette espèce ( Rhein ., pl. 1 , fig. 3), que nous ne pouvons nous empêcher de les réunir. Nous avons aussi comparé nos échantillons d’Amérique avec ceux que nous possédons de la grauwacke de Daun (Eifel ), et nous n’y avons reconnu aucune différence. Ce fait semble impliquer le parallélisme des grès d’Oriskany avec les grauwackes de l’Eifel. S. cidtrijugatus Roemer ( Delthyris prora ? Conrad). — C’est la seule espèce du système dévonien qui offre quelque trace de dichoto¬ mie dans les plis latéraux. Il est très remarquable de retrouver cette espèce aux États-Unis dans trois étages différents (nos 17,21 et 23 du tableau). C’est un des motifs qui nous ont engagé à placer ensemble les grès d’ Orishany, le Corn i ferons limcstone et Y Hamilton group dans le système dévonien. Localités : Monts-Helderberg , West-Hamilton (New-York), Columbus (Ohio), Charleston landing (Indiana). .S’, hcteroclitns Defr. — Espèce abondante dans le système dévonien sur une assez grande portion de l’hémisphère boréal , caractérisée par une lamelle verticale au milieu de la valve dorsale , comme chez les Pentamères, et par une ouverture triangulaire étroite et cicatrisée. Nous la connaissons dans les monts Timans, au nord de la Russie; sur les bords du Rhin ; en Bretagne; en Espagne et en Angleterre. Elle s’élève jusque dans le système carbonifère de Tournay, mais n’a jamais été trouvée dans les couches siluriennes. En Amérique, nous l’avons recueillie dans le Corniferous limcstone de Louisville et dans le Ha¬ milton group de New-York. Nous en avons vu dans la collection d6 M. Vanuxem un petit échantillon que ce savant disait avoir été trouvé dans les argiles à Delthyris , que nous considérons comme siluriennes. S. V erneuili Murch. (Z). cuspidata Hall). — Il n’y a pas de dif¬ férence appréciable entre les échantillons du Chemung group de New- York et ceux du système dévonien de Belgique ou de Ferques , en France. S. lineatus Mart. — Une des espèces les plus abondantes dans les calcaires subordonnés aux schistes et aux grès houillers. Elle se trouve à Zanesville, à Flintridge et à Greensburg (Ohio) ; sur la Wabash, près Terre-Haute (Indiana), et à la charbonnière Saint-Charles (Missouri). En Europe , elle appartient au calcaire carbonifère dans un grand nombre de localités. S. striatus Mart. — Cette espèce de nos calcaires carbonifères se présente au même horizon dans les États-Unis. Nous la connaissons dans les psammites micacés des environs de Louisville ( Kentucky) et au pied de Paradise-Hill (Tennessee ) ; dans le calcaire de montagne , 702 SÉANCE DU J 9 AVRIL 18/Ï7. près Jefferson ( Missouri ); à Hannibal, Oquawka et Burlington, sur les bords du Mississipi. S. attenuatus Sow. — Cette espèce , qui n’est peut-être qu’une va¬ riété de la précédente , est propre aux couches carbonifères , en Amé¬ rique comme en Europe; nous l’avons trouvée à Harrisville , à Greens- burg et à Zanesville (Ohio). Nota. On trouve encore à Zanesville, dans les calcaires de l’étage bouiller, un Spirifer facile à confondre avec le S. attenuatus , mais qui paraît plus voisin du S. fascigcr Kevserling, du calcaire carbonifère du nord de l’Oural. S. cuspidatus Mart. — Cette belle espèce se rencontre en Amérique dans deux étages du système carbonifère , c’est-à-dire tout à fait à la base, dans les couches à encrines subordonnées aux psammites mica¬ cés et dans le calcaire de montagne. Elle occupe la première position à Harpetb ridge (Tennessee), et la seconde à Nauvoo , près des rapides du Mississipi. S. lynx Eichw. — Une des coquilles les plus répandues en Amé¬ rique. Elle présente des variétés nombreuses, qui, dans les collections, ont été souvent érigées en espèces ; mais ces espèces sans fixité , et fondées sur le nombre variable des plis ou sur la forme plus ou moins transverse de la coquille , ne peuvent être conservées. Dans notre ou¬ vrage sur la Russie, nous avons considéré cette espèce comme tout à fait anormale parmi les Spirifer. Nous ne savions pas alors ce que nous avons pu vérifier depuis sur des centaines d'échantillons , c'est qu’elle ne possède pas d’armature spirale interne. C’est la seule espèce de Spi- rijer où cette armature manque, et, sous ce rapport, elle se rapproche des Orthis (1), avec lesquels elle a déjà des affinités par sa double area et par sa valve ventrale , plus épaisse que l’autre \alve. En Amérique comme en Russie, cette espèce est très abondante dans l’étage silurien inférieur. A Trenton (New-York), elle est toujours petite comme aux environs de Saint-Pétersbourg, tandis que, dans le grand bassin de l’Ouest, elle acquiert une taille considérable. Elle est extrêmement commune dans les États d’Ohio, d'Indiana , de Tennessee ; elle a aussi été découverte sur la côte de la baie de Noquet. à l’entrée de la baie Verte ( lac Michigan), et dans plusieurs points du Canada, entre autres à Montréal. C’est principalement dans le calcaire bleu qu’elle domine; cependant nous en avons découvert quelques individus à l’état de moule dans le calcaire magnésien de Springfield (Ohio), qui correspond au Clinton group de New-York. Elle n’est donc pas renfermée dans l’étage silurien inférieur, et s’élève dans les pre¬ mières couches de l’étage supérieur. Il en est de même en Angleterre. Orthis testudinarià Daim. — Espèce assez rare dans l’étage silu¬ rien inférieur d’Europe, et très commune , au contraire, au même horizon dans les États-Unis. On la rencontre dans les localités suivantes : (i) Les Orthi&y de même que les Leptæna , les Chonetes et les Productus, ne présentent jamais de spires solides analogues à celles des Spirifer et de certaines Térébratules. 703 SÉANCE DU 19 AVRIL' 18/|7. Trenton, Middlevil le , Sacket’s-Harbour (New-York); Davidson Co. (Tennessee); Cincinnati, Oxford (Ohio); Fever-river. près Galena (Il¬ linois); Madison (Indiana); Montréal, Quebec, et sur la rivière Ottawa ( Canada). Elle n’est pas limitée au calcaire de Trenton , et s’élève dans les schistes de la rivière Hudson , qui appartiennent encore à Y étage silurien inférieur. O. ci c gantai a Daim. (O. canalis Murch.). — Cette espèce , assez voisine de la précédente , se rencontre dans des couches plus récentes. En Amérique comme en Europe , elle y caractérise, soit à Rochester (New-York)’, soit dans le comté de Perry (Tennessee), des schistes et des calcaires qui sont les équivalents de ceux de Wenlock ou de Gothland. O. hybrida Sow. — Associée à la précédente des deux côtés de l'Atlantique , cette espèce est toujours propre à l’étage silurien supé¬ rieur; on la trouve dans le Niagara group , à Rochester et à Lockport (New-York); dans le comté de Perry (Tennessee); sur la rivière Chatte, district de Gaspe (Canada). On la trouve aussi plus haut dans les argiles à Delthyris des monts Helderberg. O. striatula Schlot. — Cette espèce dévonienne se rencontre dans les calcaires de Tully (New-York). Nous ne sommes pas certain qu’elle ne descende pas plus bas. O. Verneuili Eichw. — C’est avec un sentiment de plaisir que nous avons reconnu cette belle espèce des couches siluriennes infé¬ rieures de Russie dans les magnifiques collections de M. Logan, à Montréal. Ce savant distingué l’avait trouvée à Jesseps Rapids, sur la rivière Ottawa, dans des couches du même âge que celles de Trenton. O. unibonata Conr. — Petite espèce bien caractérisée des schistes d'Hamilton, que l’on trouve en abondance à Moscow ( New -York). Elle a été récemment découverte à Gahard (Bretagne) dans des calcaires dévoniens. O crenistria Phill. sp. — Nous avons ici le rare exemple d’une espèce commune aux systèmes dévonien et carbonifère. C’est dans le Corniferous limestone , à Camp creek et à Charleston landing ( In- diana), qu’elle se montre pour la première fois. On la retrouve dans le Chcnuing group , à Tioga (Pennsylvanie), et plus haut, dans les divers étages du système carbonifère, aux localités suivantes: Harrisville, Guernsey (Ohio); sud de Louisville (Kentucky); New-Albany, Elisa- beth-town (Indiana); Saint-Louis et charbonnière Saint-Charles (Missouri); rapides du Mississipi. En passant à travers des étages si différents, cette espèce offre des variétés assez nombreuses. Dans les couches carbonifères, aux environs de New-Albany et près des rapides du Mississipi , elle est très grande et rappelle certaines variétés d’An¬ gleterre, qui tiennent le milieu entre Y O. crenistria et l’O. senilis Phill. L’O. crenistria , par une concordance remarquable, est aussi en Eu¬ rope une espèce à la fois dévonienne et carbonifère ; elle est répandue sur une immense étendue, depuis l’Altaï et le nord de l’Oural , jus¬ qu’en France et en Angleterre. Orthis resupinata Mart. sp. — Cette espèce , en général plus grande 704 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. que YO. striatula , dont il est au reste souvent bien difficile de la dis¬ tinguer, se trouve dans le calcaire carbonifère des environs de Saint- Louis (Missouri). O. Michelini Lév. sp. — Cette espèce est assez répandue dans les divers étages carbonifères. On la trouve dans les psammites micacés de la partie inférieure, à Newark (Ohio); près de Louisville (Kentucky); à White creek springs (Tennessee), et dans le calcaire houiller propre¬ ment dit , à Zanesville ( Ohio). Les schistes dévoniens de Hamilton ren¬ ferment une Orthis qui, à l’extérieur, ne peut guère se distinguer de Y O. Michelini. M. Hall croit cependant qu’il y a quelque légère diffé¬ rence dans la disposition interne. L'O. Michelini caractérise le sys¬ tème carbonifère sur une grande partie de l’Europe, et a été signalée dans l’Oural, en Espagne, en Belgique et en Angleterre. Leptœna subplana ; [Stroph. id. Conr.). — Cette coquille, dont nous ne connaissons qu’un individu incomplet, nous paraît identique (au¬ tant qu’on peut en juger sur une valve isolée) avec un Leptœna de Nehou, en Normandie. Si cette comparaison est exacte, cette espèce serait dévonienne en France, tandis qu’aux Etats-Unis elle appartien¬ drait aux couches siluriennes. Leptœna depressa Sow. — Les diverses variétés que présente cette espèce se lient les unes aux autres par des nuances si insensibles, que nous les laissons provisoirement sous le même nom. La variété propre à l’étage silurien inférieur n’a que six à sept anneaux d’ac¬ croissement, assez irréguliers et peu continus. Elle offre, au sommet de la valve dorsale, une ouverture fort petite, et pourrait être considérée comme une espèce distincte. Nous ne la connaissons que du calcaire bleu de Madison (Indiana), et des environs de Nashville. La variété type abonde dans l'étage silurien supérieur, à Clinton, à Rochester, à Lockport (New-York); dans le comté de Perry (Tennessee); à Chicago (Illinois) et à Gaspe (Canada). Elle est là au même niveau que dans l’île de Gothland ou à Dudley. Celle qu’on rencontre plus haut et dans les argiles à Delthyris est à peu près identique; on y compte environ neuf à dix anneaux d'accroissement. Le calcaire d'Onondaga et le cal¬ caire cornifère, qui font pour nous partie du système dévonien , ont aussi leur variété, qui est ornée de douze ou treize anneaux d’accrois¬ sement; puis vient enfin celle que nous avons trouvée à Harrisville (Ohio), à la base du système carbonifère, et qui a quatorze anneaux d’accroissement. Cette gradation dans le nombre des anneaux s’ob¬ serve également en Europe, quand on compare des échantillons de L. depressa recueillis à des hauteurs différentes dans la série paléo¬ zoïque, car, de ce côté-ci de l’Atlantique comme de l’autre, cette espèce possède cette propriété si rare de traverser trois des systèmes du terrain paléozoïque L. transversales Daim. — Propre aux couches de Bochester et de Lockport, qui représentent celles de Wenlock et de Gothland, où elle se trouve également. L. Dutertrii Murch. ; ( Strophomcna inœquistriata Conr.). — Cette espèce caractéristique du système dévonien à Ferques, près Bou- SÉANCE DU 19 AVRIL ' 1817. 705 logne, se rencontre dans le Hamilton group de l’Etat de New-York, et principalement à Moscow. Elle est voisine de l’O. interstrialis Phill ; mais elle s’en distingue par le moindre espace qui sépare les stries principales et par le moindre nombre des stries secondaires. L. laticosta Conr — ■ Cette espèce, du groupe d’Hamilton, se trouve à Daun dans les schistes inférieurs au calcaire de l’Eifel et dans le calcaire dévonien de Gahard, en Bretagne. La découverte qu’en a faite M. Marie Rouault, dans cette dernière localité, est d’autant plus intéressante, que, par ses plis larges et non dichotomes, cette espèce s’éloigne de tous ses congénères , et que son identification n’offre aucune incertitude. Clionctcs nanti Nob. — On trouve dans la partie supérieure du Cliff limestone , à Louisville, près des rapides de l’Ohio et à Char- leston landing (Indiana) , un petit Chonetes semblable à celui que le comte de Keyserling a découvert dans les couches dévoniennes de Yoronèje, en Russie. C. sarcinulata Schlot. — Lorsque nous étions à Oxford (Ohio) , M. Christy nous a donné plusieurs échantillons d’une petite coquille qu’il avait trouvée dans les schistes houillers de Guernsey (Ohio), et qui est identique avec la variété du C. sarcinulata , si abondante dans le calcaire carbonifère de Russie. Le C. sarcinulata existe aussi en Belgique et en Angleterre. Productus subaculeatus Murch.; {Sti'ophomena lacrymosa Conr. ). — Petite espèce propre au système dévonien, et qu’on n’a jamais en¬ core observée plus bas. En Amérique, on la voit apparaître pour la première fois dans le Corniferous limestone de Charleston landing et de Lewis’s creek (Indiana), où elle est associée au beau poisson dé¬ crit par M. Norwood sous le nom de Macropetalichthys rapheido - labis ; elle se continue à travers tous les étages dévoniens, tels que ceux de Hamilton , de Portage et de Chemung. Le Strophomena pus - tulosa Hall , des schistes de Marcellus, est encore un Productus appar¬ tenant à ce type ; mais il est plus déprimé, et nous le réunissons pro¬ visoirement au P. Murchisonianus Kon. Le P . subaculeatus est un des fossiles les plus répandus dans l’hémisphère boréal; nous le con¬ naissons en Russie, depuis le gouvernement de Novogorod, jusque sur les rivières Wol et Uchta, affluents de la Petchora, au nord, et jusqu’à Yoronèje, au sud ; nous en avons même un échantillon venant do l’Altaï. Partout, en Russie, comme en Belgique, en France et en An¬ gleterre, cette espèce est dévonienne. P. semireticulatus Mart. — Se trouve à tous les étages carboni¬ fères , savoir: dans les psammites micacés, à Harrisville, Bagdad et Cuyahoga (Ohio); près Louisville (Kentucky); dans le calcaire car¬ bonifère, aux environs de Saint-Louis, et sur la rivière Missouri , près des cantonnements de Leavensworth ; en Alabama et en Tennessee ; dans les calcaires subordonnés aux grès et schistes houillers, à Zanesville, Flintridge, Greensburg et Antrim (Ohio); à Long creek, à Crawfordville, et près de New-Iiarmony ( Indiana) : à Sparta (Illi¬ nois) ; à la charbonnière Saint-Charles (Missouri), et enfin à Blossburg (Pennsylvanie). On sait que cette espèce, si répandue dans fhémi- Soc. yéol., série, tome IV. 45 706 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. sphère boréal , existe aussi dans l’autre hémisphère, et a été trouvée par M. d’Orbigny près du lac deTiticaca, au Pérou. Il est remarquable que, malgré une distribution horizontale aussi étendue, elle soit, dans le sens vertical, limitée au système carbonifère. P. Corn d’Orb.; [P. tenuistriatus Nob.). — Cette espèce est presque aussi répandue que la précédente, et, de même aussi, elle ne se trouve ni au-dessous ni au-dessus du système carbonifère, mais elle en occupe les divers étages. Nous la connaissons à Louisville (Kentucky); à Bagdad, Fl intridge, Zanesville, Guernsey (Ohio) ; à Sparta (Illinois), et enfin à Windsor (Nouvelle-Ecosse). M. d’Orbigny l’a rapportée avec la pré¬ cédente des bords du lac de Titicaca, dans l’Amérique méridionale. On la trouve communément aussi en Angleterre, en Belgique, en Russie et jusque sur le revers oriental de l’Oural. P. Flemingi ; [P lobatus). — Cette espèce, comme la plupart des Productifs, est encore circonscrite dans les limites du système carbo¬ nifère , et a, comme les précédentes, une distribution horizontale très étendue. Nous la connaissons à Antrim, Zanesville, Flintridge et Guernsey (Ohio) ; entre New-Harmony et Mont Yernon, et à Leavens- worth (Indiana). Elle existe aussi sur le plateau bolivien, d’où M. d’Orbigny l’a rapportée. Enfin, elle est répartie sur toute la sur¬ face de l’Europe, depuis l’Angleterre et l’Espagne jusqu’à l'Oural. P. punctatus Sow. — C’est l’espèce la plus abondante dans l’Amé¬ rique du nord, soit dans les calcaires subordonnés à la houille, soit dans ceux qui lui sont inférieurs. EÜ6 existe presque partout là où se montre le système carbonifère; mais nous ne citerons que les localités d’où nous la connaissons personnellement; ce sont les suivantes : Za¬ nesville (Ohio); sud de Louisville et Eddy ville ( Kentucky) ; Blossburg ( Pennsylvanie ); Clark Co. ( Illinois ) ; rapides du Mississipi, etc. Comme la précédente, cette espèce est commune en Angleterre, en Espagne, en Belgique, en Allemagne et en Russie. P. costatus Sow. — M. de Koninck, dans sa savante monographie des Productifs , indique cette espèce comme lui ayant été envoyée des calcaires carbonifères de Saint-Louis (Missouri). Hypanthocrinites decorus Phill. — Ce remarquable crinoïde , qui se trouve dans les couches de Dudley, de Gothland, et dans celles de Lockportou de Niagara, confirme le parallélisme de ces dépôts. Le pro¬ fesseur Troost a aussi découvert la même espèce dans le comté de Perry (Tennessee) Cidarites Nerei Munst. — On trouve dans le calcaire carbonifère de Saint-Louis des piquants de Cidaris lisses, d’une longueur de 35 milli¬ mètres, et que nous rapprochons du C. Nerei , du calcaire carbonifère de Belgique. C’est dans les mêmes couches qu’a été découvert ce re¬ marquable crinoïde décrit par MM. Owen et Norwood, sous le nom de Mclonites multipora. Des fragments de Cidaris ont été aussi décou¬ verts dans le calcaire carbonifère, à Leavensworth (Indiana), et dans les strates siliceuses du comté de Montgomery (Tennessee). On n’en connaît pas de traces dans le système dévonien. Favosites Gothlnndica Goldf. sp. — Espèce commune, en Amé- SÊANtfc DU 19 AVRIL [8/|7. 707 rique comme en Europe, aux systèmes dévonien et silurien supérieur. Les localités siluriennes où nous la connaissons aux Etats-Unis sont les suivantes: Drummond Island ; Lockport , Monts Helderberg , Scho- harrie (New-York); Chicago (Illinois); Richmond (Indiana); PerryCo. (Tennessee) ; comme localités dévoniennes, nous citerons Hamilton , Columbus (Ohio); rapides de l’Ohio (Indiana); Maguagon, près Détroit (Michigan). En Europe, cette espèce ne descend pas plus qu’en Amé¬ rique dans la partie inférieure de la série paléozoïque, mais cependant elle commence à se montrer dans les grès de Caradoc. Fungia Gothlandica Linné. — Petite espèce plate, décrite par Hi- singer, sous le nom de Cyclolites numismalis. Elle se trouve dans les couches de Clinton, au-dessous de celles de Niagara. Dans l’île de Gothland, c’est dans les argiles inférieures au calcaire, et parallèles à celles de Wenlock, qu'on la rencontre le plus communément. Pontes intcrstincta ( Mcidrcporites Wahl.; Astrœa porosn Goldf.). — Cette espèce , commune , ainsi que la précédente , au sytème dévonien et à l’étage supérieur du système silurien d’Europe, ne s’est présentée à nous en Amérique que dans ce dernier gisement; mais nous ne doutons pas qu’on ne la trouve bientôt aussi dans le système dévonien (1). Localités : PerryCo. (Tennessee); rapides de l’Ohio. Cateniporci escharoides. — Espèce très variable, et qui passe par des nuances insensibles au C. labyrinthica . Elle caractérise les groupes de Clinton et de Niagara, qui appartien¬ nent à la base de l’étage supérieur du système silurien. Nous l’avons vue provenant de l'Etat de New-York , du Tennessee , du Wisconsin, d’Iowa, de Richmond (Indiana), de Beargrass, près Louisville, des lies du lac Huron, etc. M. le colonel Jewet, de Lockport, nous l’a donnée comme l’ayant trouvée à Caledonia dans le Cornifcrous limestone. Si le fait est exact, les Caténipores s’élèveraient un peu plus haut aux Etats-Unis qu’en Europe; mais, en revanche, ils descen¬ draient plus bas sur notre continent, car, d’après le témoignage de M. Murchison, on les trouve en Angleterre jusqu’à la base de l’étage inférieur du système silurien. En Russie, ils ne paraissent descendre que jusqu’au point de jonction des deux étages. Stromatopora concentrica Goldf. — Cette espèce, en Amérique, parcourt l’ensemble des systèmes silurien et dévonien ; on la trouve près de Nashville, dans le calcaire bleu, et près de Schoharrie (New- York), dans l’étage supérieur du système silurien. Elle se présente dans le système dévonien, près de la rivière Delaware (Ohio), aux rapidesde l’Ohio et à Maguagon près Détroit (Michigan). En Europe, elle est également commune aux deux systèmes. Cyathophyllum mitratum Schlot. ; ( Cam nia cornucopîœ Mich. ). — Cette petite espèce, très bien figurée par M. de Koninck dans son (i) M. Phillips a essayé ( Palœoz . foss ., p. \\) de distinguer l’une de l’autre les espèces dévoniennes et siluriennes; il y a, en effet, dans les dépôts paléozoïques plusieurs espèces de Porites , mais nous pensons que le Porites intensifie ta se rencontre dans les couches siluriennes et dévoniennes. 708 SÉANCE DU 19 AVRIL 1847. bel ouvrage sur les fossiles du système carbonifère de Belgique, a été découverte par le docteur Yandell dans les collines au sud de Louisville. Elle s’y trouve dans les calcaires à encrines, subordonnés aux psam- mites micacés qui reposent sur le schiste noir, et qui forment la base du système carbonifère. Amplexus spinosus Koninck. — Nous avons reconnu aussi cette espèce avec la précédente dans la collection du docteur Yandell; elle provient des mêmes couches. On la trouve également dans le calcaire carbonifère de Tournay (Belgique). Chœtctcs Petropolitarius Pand. sp. ( Favorites lycoperdon Say. ). — Ce polypier, très abondant dans l’étage inférieur du système silu¬ rien en Amérique, prolonge son existence, selon M. Hall , jusque dans l'étage supérieur, et même dans le système dévonien. Nous ne le connais¬ sons que dans le premier de ces trois gisemens. Il abonde à Middleville et à Trenton-falls (New-York) ; à Oxford (Ohio) ; dans le comté de Perry (Tennessee); à Montréal, à Quebec , à Jessep’s-Rapids , sur la rivière Ottawa, et enfin dans l’île de Terre-Neuve, d’où il a été rapporté par le capitaine Bayfield. De ce dernier point au comté de Perry (Tennessee) il y a presque 30 degrés de longitude. En Europe, le C. Petropolitarius est très commun aux environs de Saint-Pétersbourg et près de Christiania, dans des couches contemporaines de celles de Trenton, et n’a jamais été trouvé plus haut. Il existe , il est vrai , dans l’Eifel , un polypier qui lui ressemble extrêmement , mais que M. Lonsdale en a distingué. C. capillaris Phill. sp. — Cette espèce si caractéristique du cal¬ caire carbonifère de Russie est rare en Amérique aussi bien qu’en An¬ gleterre. Le docteur Norwood l’a trouvée sur les bords de l’Ohio , à Newburg , près Evansville (Indiana), et le professeur Troost , au pied des monts Cumberland , dans le Tennessee. Fusulina cylindrica Fisch. — Rien ne nous a plus intéressé que de retrouver aux États-Unis cette espèce , si caractéristique , en Russie , du calcaire carbonifère, et qui manque dans toute la partie occidentale de l’Europe. C’est à Flint-Ridge (Ohio), au milieu de l’étage houiller, que cette coquille se rencontre. La roche siliceuse de cette localité est criblée de petites cavités laissées par les Fusulines , et c’est en partie à cette circonstance qu'elle doit sa qualité comme pierre meulière, usage auquel on l’emploie. Cornulites serpularius Schlot. — Cette espèce, de l'étage supérieur silurien en Europe , se retrouve dans les groupes de Clinton et d'Ha- milton. Les Cornulites sont encore très mal connues, et plusieurs ne sont que des tiges de Cystidées, ainsi que l’a démontré M. Volborth : c’est ce qui nous paraît avoir lieu pour le C. arcua tus Cour., du Nia¬ gara ^roup. Pleurodyctium problematicum Goldf. — Quoique de nature énig¬ matique, ce fossile est d’une utilité incontestable en géologie par les caractères tranchés qui le distinguent et qui permettent d’en identifier avec certitude les divers échantillons recueillis dans des localités dis¬ tantes les unes des autres. Le P. problematicum appartient , en Eu¬ rope , aux couches intermédiaires entre les systèmes silurien et dévo- 709 SÉANCE DU 19 AVRIL 18ZÏ7. men, c’est-à-dire aux grès argileux inférieurs au calcaire duDevonshire, aux mêmes grès à Nehou (Normandie), et aux grauwackes fossilifères des bords du Rhin , immédiatement au-dessous du calcaire de l’Eifel. Aux États-Unis, cette espèce se trouve à Camp creek (Indiana), dans un calcaire parallèle au Corniferous limestone de l’État de New- York. Tentaculites ornatus Sow. — M. Hall réunit à l’espèce de Wen- lock le Tentaculite si abondant dans le calcaire hydraulique ou IVciter lime de l’État de New-York , tandis que M. Conrad l’assimile au T. cinnulcitus Schlot. La distribution du genre Tentaculite en Amé¬ rique mérite quelque attention. Les auteurs en ont reconnu 4 espèces : 1° T. ornatus , du fVater lime ; 2° T. minutas Hall , du Clinton group (c’est, je pense, le T. parvus de Conrad); 3° T. scalaris Schlot., du Corniferous limestone ; 4° enfin, T. fissurella Hall, des schistes de Marcellus et de Genessee. Comme on le voit, les Tentaculites sont cir¬ conscrits à la partie moyenne du terrain paléozoïque , et ne se trouvent ni dans l’étage inférieur du système silurien , ni dans le système car¬ bonifère. Graptolites. — Bien que la spécification soit assez incertaine dans ce genre, «il nous semble qu’il y a une ou deux espèces communes entre les schistes à' Hudson- River et ceux de la Dalécarlie (1 ). Ces derniers , que nous considérons comme supérieurs au calcaire rouge à Orthocératites , occupent la même position que les schistes d'Hudson. La distribution des Graptolites , rapprochée de celle des Tentaculites, n’est pas dénuée d’intérêt. Ils sont d’un degré plus bas dans l’échelle géologique ; très abondants dans l étage inférieur du système silurien, ils s’élèvent à peine dans l’étage supérieur à Clinton , et n’ont jamais été observés dans les systèmes dévonien et carbonifère. En Europe éga¬ lement on n’a jamais signalé leur présence dans ces deux systèmes. P. S. Depuis que cette note a été communiquée à la Société géologique , M. de Buch a eu la complaisance de mettre à notre disposition une petite collection de fossiles d’Arménie, qu’il a reçue dernièrement de M. le professeur Abich , et dans laquelle nous avons reconnu plusieurs des espèces dont il vient d’étre question. L’examen de ces fossiles permet d’assurer qu’il existe en Arménie des dépôts analogues aux dépôts dévoniens et car¬ bonifères d’Europe et d’Amérique. Les couches dévoniennes, soit dans la vallée d’Arpatschai , soit dans celle de Bagarrach, ou prés du couvent de Corverab, contiennent les Terebratula (i) M. Hall, dans l’ouvrage qu’il prépare en ce moment sur la paléonto¬ logie de l’état de New-York, distingue dans les schistes d’Hudson \\ es¬ pèces de Graptolites, parmi lesquelles il reconnaît comme identiques avec des espèces de l’Europe les G. pristis , sagitlarius , scalaris et tenuis. 710 SÉANCE DU 3 MAI 18/17. reticularis , T . as per a , Spiri/er heteroclitus , V. Arckiaci , *7. Verneuili , Productus subaculeatus , Favosites spongites et polymorpha , tandis que le système carbonifère, clans la vallée de Dsynserly et dans le Baranko de Gyneschick, est re¬ présenté par le Spirifer mosquensis et par un Productus voisin du /*. semireticulalus . Berlin , 1 5 juillet 1847. Séance du 3 mat 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY, M. Ch. Martins, secrétaire pour l’Élranger, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. L’abbé Bazin aîné, à Quimper (Finistère), présenté par MM. le vicomte d’Archiac et de Verneuil -, Salomon, naturaliste au Muséum d’histoire naturelle, place Saint-Victor, 36 , à Paris , présenté par MM. Charles d’Orbigny et Mar cou. M. le Président annonce ensuite une présentation. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la marine, 1° Voyage au Pôle sud et dans V Océanie sur les corvettes l'Astrolabe et la Zélée, pendant les années 1837, 1838, 1839 et 1840, sous le commandement de M. J. Dumont d’Urville \ texte in-8° • Zoologie, t. I, II. Paris, 1846, chez Gide. — Planches in-f°, livraisons 5, 6, 7, 8, 9, — 17, 18, 19, 20, 21, 22, — 34 et dernière. 2° V oyage autour du monde sur la f régate la Vénus pendant 711 SÉANCE DU 3 MAI 1847. les années 1836, 1837, 1838, 1839, par M. Abel du Petit— Thouars. — Planches in-f°, livraisons 12 à 19 et dernière. De la part de M. le Dr A. Boué, 1° Notes , etc. (Notes sur quelques principes généraux en géologie et sur leurs applica¬ tions j, par J. P. Nichol j in-f°, 8 p. Édimbourg . 2° The géologie al structure , etc. (Structure géologique du globe, d’après Ami Boué), par A. K. Johnson \ 1 feuille colom¬ bier. Édimbourg, 1847. De la part de M. A. Delesse , Sur la villemite , etc. , (extrait des Annales des mines . ), in- 8°, 5 p . De la part de M. Lortet, Rapport sur les travaux de la. Commission hydrométrique en 1846, présenté à M. le maire de Lyon ; in- 8°, 6 p. et tableaux. De la part de M. Thomas Davidson, Observations , etc. (Observations sur quelques brachiopodes du calcaire de Wen- lock, avec la description de plusieurs espèces nouvelles), (ex¬ trait du London geological Journal for fe b mary 1847) ; in-8°, 12 p., 4 pl. Londres, 1847. Comptes-rendus des séances de V Académie des sciences , 1847, 1er semestre, nos 16 — 17. Bulletin de la Société de géographie , 3e série, t. VII, n° 39. L’Institut; 1847, nos 694 — 695. The Athenœum ; 1847, nos 1018 — 1019. The Mining journal; 1847, nos 609 — 610. Correspondenzblatt , etc. (Feuille de correspondance de la Société royale d’agriculture de Wurtemberg) -, nouvelle série, t. XXX, 2e vol., 3e cahier. M. Boucault présente à la Société les fossiles suivants pro¬ venant des mines de fer de Veyras près de Privas , Ardèche : 1° Belemnites compressas , 2° Ammonites radians , 3° Ammo¬ nites 'variabilis , 4° Ammonites annulatus. . . ? et 5° un Nautile du lias supérieur. Ces fossiles avaient été envoyés comme pro¬ venant de l’étage oxfordien. Parmi les fossiles envoyés existait Y Ammonites bifrons ou Wt alcolii. M. Berihelot montre un beau relief de File de Ténériffe. M. Delbos lit le travail suivant : SÉANCE DU 3 MAI 18 !\7 . 71 2 Notice géologique sur les terrains du bassin de V Adour , par M. J. Delbos (1). Introduction . • — * Le bassin de F Adour , dans le sens le plus large qu’on attache à ce mot en hydrographie , comprend tout le pays sillonné par les différents cours d’eau qui vont se réunir à la vallée principale de F Adour. Afin d’éviter tout malentendu , je lui assi¬ gnerai pour limites, au N., le département de la Gironde, à l’E., la vallée de la Baise , et au S., la chaîne des Pyrénées. Il com¬ prend donc les départements entiers des Landes et des Basses- Pyrénées , une partie du département du Gers , et un étroit ruban de celui des Hautes-Pyrénées. Les descriptions qui feront le sujet de cette note n’auront pour objet que la partie du bassin de F Adour située au N. du Gave de Pau (2). — La vallée de F Adour sépare , dans le département des Landes , le pays qui nous occupe en deux parties singulièrement distinctes par les caractères orographiques qu’elles présentent : le Marensin , qui s’étend sur la rive droite , et la Chalosse , qui forme la rive gauche et est limitée , au S., par le Gave de Pau. — Le Marensin est ce vaste pays sablonneux qui constitue les Landes proprement dites. C’est une plaine aride extrêmement unie, assez élevée, dont la surface incline doucement vers l’Océan et vers F Adour. Elle est traversée par deux rivières principales : la Midouze, qui vient se jeter dans F Adour, entre Dax et Saint- Sever, et la Douze, qui se réunit à la Midouze à Mont-de-Marsan. (1) Cette notice est un court résumé des observations que j’ai faites dans les départements des Landes et des Basses-Pyrénées , observations qui feront l’objet d’un travail spécial. Parmi les faits relatifs aux su¬ perpositions , il en est quelques uns que je suis obligé de ne donner qu’avec la réserve que nécessite tout travail non encore terminé sur un ensemble de terrains aussi compliqué que celui du bassin de l’Adour. Je me proposais d’abord de ne publier la description de ce bassin que lorsque j’aurais assez de matériaux pour en donner une histoire complète ; mais les discussions qui ont eu lieu dans le sein de la Société géologique au sujet des terrains nummulitiques m’ayant conduit à exposer quelques uns des résultats auxquels je suis arrivé, et ces ré¬ sultats ayant paru offrir quelque intérêt , je me suis décidé à en donner un extrait sous forme de notice, en renvoyant pour 16s détails au tra¬ vail d’ensemble que je publierai plus tard. (2) M. Grateloup a fait une étude toute spéciale des environs de Dax. Je suis redevable à ce naturaliste de plusieurs renseignements qui m’ont été d’une grande utilité dans mon voyage d’exploration. SÉANCE DU 3 NIAI 18/Ï7. 713 Ces deux cours d'eau suivent une direction S.-E., N. -O. — La Clialosse , au contraire , est remarquable par les accidents que présente le sol. L’Àdour coule au pied d’une série de coteaux élevés , qui contrastent avec F uniformité de la plaine des Landes , et qui semblent former le dernier gradin des Pyrénées. Ces coteaux deviennent de plus en plus élevés à mesure qu’on se rapproche de cette chaîne , et ils sont alignés en plusieurs bandes sensiblement parallèles séparées par les vallées du Gave de Pau , du Gave d’Oléron , de la Bidouze et de la Nive. — La première de ces bandes est la Clialosse proprement dite. Elle est elle-même subdivisée en quatre bandes plus petites , qui sui¬ vent la même direction S. -S.-E. à O. -N. -O. que l’Adour et le Gave de Pau , et qui sont limitées par trois cours d’eau secon¬ daires : le Gabas , le Louts et le Luy. — Les terrains qui consti¬ tuent le sol du bassin de l’Àdour se rapportent tous cà huit chefs principaux : Craie , Dolomies, Terrains nummulitiques , Grès et ligniles , Faluns bleus , Faluns jaunes , Sable des landes , Ophite. L'ensemble de ces terrains se relève sensiblement vers la chaîne des Py rénées. Leur superposition transgressive se fait d’une ma¬ nière extrêmement irrégulière ; cependant , dans la Clialosse , ils paraissent se recouvrir successivement du S.-E. au N. -O. — Les terrains de la Clialosse ont été extrêmement tourmentés par l’ap¬ parition des roches ignées. Des cônes d’ ophite ont disloqué de toutes parts les formations de tous les âges , et s’ils ne se sont pas fait jour constamment , on peut néanmoins reconnaître faci¬ lement leur voisinage par des traces évidentes de dislocations et par des changements très grands dans la composition des roches qu’ils ont redressées. — Les buttes formées par les ophites ont une forme tellement caractérisée, qu’elles ont reçu dans le pays un nom particulier (1). 1° Craie. — La craie forme le sol sur lequel se sont accumulés tous les terrains du bassin de l’Adour. Elle a été recouverte pres¬ que partout , dans la Clialosse , par les terrains nummulitiques et par les terrains tertiaires. Elle s’y montre pourtant sur plusieurs points, soit qu’elle ait été portée au jour par les ophites, soit qu elle ait subsisté sous forme d’îlots au milieu des mers qui ont (1) Pouy. SÉANCE DU 3 MAI 1847. 71 h déposé les terrains plus modernes. Sur la rive gauche du Gave de Pau ., entre Sallies et Bidaeh , elle forme des couches puissantes et qui se suivent d’une manière continue. Nous n’avons à nous oc¬ cuper ici que de celle qui est à découvert dans la Clialosse. — Cette craie est généralement d’un gris bleuâtre, toujours un peu argi¬ leuse, de dureté moyenne, à cassure compacte. Elle renferme des lits de silex pyromaques noirs , analogues à ceux de la craie blanche du nord de la France (Tercis, Rivière, Angoumé) ; quelquefois elle se présente sous forme d’un calcaire en plaquettes, d’un gris jaunâtre (Rivière). Enfin, à Pouillon (carrières d’Arriosse, de Bastères) , elle est blanche , un peu tranchante , et contient beau¬ coup de silex. — Les plus remarquables de toutes les localités de craie dans la Clialosse et le Marensin , sont celles de Tercis (rive gauche del’Adour) , de Rivière et d’Angoumé (rive droite ). Elle y forme des couches redressées sous des angles très considérables ; Ainsi , dans la grande carrière de Tercis , elles plongent vers leN.-E. avec une inclinaison de 45°. Pu reste , dans ces localités, les strates ne présentent pas d’inclinaison ni de direction bien fixes ; elles plongent vers divers points de l’horizon autour d’un massif central. — Ces couches crétacées sont très riches en fossiles dont les plus abondants sont les Inocérames et les Ananchytes , qui at¬ teignent dans quelques localités des dimensions énormes. Les es¬ pèces suivantes sont les plus répandues (1) : Tragos pisiformis , A s te ri as stratisfera , Ananchytes ovata , — - striata , — • striata , var. altissirna , — gibbus , Inoceramus regularis , lnoceramus Lamarckii, Lima Mantclli , Pecten nitidus , — papyraceus , Ostrea vesicularis , Nanti lus ind., Ammonites , 3 esp. ind., dont une très grande , Scaph ites compressas . La présence de plusieurs fossiles abondamment répandus à Tercis, Rivière, etc. ( Ostrea vesicularis , Ananchytes ovata , etc. ), me porte à croire que cette craie représente dans le Midi la craie blanche du nord de la France. — La craie de la Clialosse se pro¬ longe au-dessous de toute la plaine des Landes. A Villagrain, dans le département de la Gironde , une aspérité de cette craie a résisté à l’action des agents qui ont dénudé tout le pays situé sur la rive (1) Les mollusques de cette liste ont été déterminés par M. d Orbi- gny, et les échinodermes, ainsique ceux des terrains nummulitiques, par M. Desor. SÉANCE DU 3 MAI 1847. 715 gauche de la Garonne ; elle contient , comme celle de Tercis , des Ananchytes ovatat Asterias stratisfera, Tragos pi si j or mi s , Inocera- mus regularis , etc. — Enfin la craie de la Clialosse et de Yillagrain me paraît analogue à la craie grise à silex de la Saintonge et du Périgord. 2 0 Dolomies. — On a décrit, aux environs de Dax, deux ou trois petits lambeaux de dolomies que l’on a toujours considérés comme une modification métamorphique de la craie. Ces roches jouent pourtant un rôle important dans les terrains de la Clialosse, quoi¬ qu’elles s’y montrent plutôt sous forme de massifs qu’en couches suivies ( Tercis , Rivière , Dax , Benesse , Montaut , Arcet , Audi- gnon, Boulin). — Elles sont ordinairement compactes , saccha- roïdes , colorées en rouge plus ou moins foncé , ce qui les a fait confondre quelquefois avec des terrains infiniment plus anciens ( Zeelistein ). Leur structure est largement fragmentaire et n’offre aucune trace de stratification. Elles constituent des massifs assez considérables autour desquels les couches plus modernes se relè¬ vent sous des angles plus ou moins aigus. Partout elles sont dislo¬ quées, violemment tourmentées, et présentent toujours des traces non équivoques de l’action des agents souterrains. — L’âge de ces dolomies est une des questions les plus difficiles à résoudre dans la description du bassin de l’Adour. Je ne crois pas qu’elles puis¬ sent toutes être considérées comme de la craie métainorpliisée par les ophites , car elles ne contiennent aucun des fossiles ni des silex si abondamment répandus dans cette dernière. A Montaut et à Audignon , elles supportent les terrains nummulitiques auxquels elles semblent plus généralement se rattacher , et , quoiqu’elles aient été partout tourmentées par l’effort des roches éruptives , je ne pense pas que leur origine implique de toute nécessité le con¬ tact de ces dernières avec les roches calcaires. Au reste , la discus¬ sion d’une question semblable m’entraînerait trop loin hors des limites de cet opuscule ; j’en renvoie l’examen au travail d’en¬ semble que je me propose de publier. Je me bornerai , pour le moment , à les placer avant les terrains nummulitiques , dont elles forment peut-être l’assise inférieure. 3° Terrains nummulitiques. • — Les terrains nummulitiques sont , à beaucoup près, ceux qui entrent en plus grande proportion dans la composition des terrains de la Clialosse. Leurs limites superfi¬ cielles sont assez irrégulières. Cependant ce n’est guère qu’à 10. d’une ligne un peu sinueuse tirée de Montfort à Orthès qu’ils acquiè¬ rent une grande puissance. Les terrains tertiaires les recouvrent pres¬ que partout dans le triangle formé par cette ligne , l Adour et le 716 SÉANCE Dli 3 MAI 18/j7. Gave de Pau. J1 faut en excepter toutefois la vallée de cette dernière rivière où ils affleurent sur plusieurs points. — Ces terrains présen¬ tent dans la Clialosse au moins trois divisions bien tranchées et parfaitement distinctes entre elles par leurs caractères paléontolo- giques , géologiques et minéralogiques. Je désignerai ces trois étages par les noms suivants: marnes a Térèbratules , calcaires a Echinodermes , calcaires a Nummulites. Marnes a Térèbratules . — Ce sont des argiles calcarifères , ordi¬ nairement bleues ou verdâtres (Cassen, Nerbis, Coudures) , quel¬ quefois jaunes (Hontet) , assez riches en fossiles, dont les plus ca¬ ractéristiques sont le Cancer (juadri loba tus, Terebratula tenais tri ata, Orbitolites , etc. — A Montaut (carrière de Périgagne) , elles se présentent avec des caractères minéralogiques difïérents. Ce sont des calcaires tendres , sableux , contenant une énorme quantité de rognons géodiques de quartz blanc, mamelonnés à l’extérieur et présentant à l’intérieur de magnifiques cristallisations de quartz hyalin. Ces calcaires sont très riches en Orbitolites , etc., et renfer¬ ment quelques nodules de fer hydroxydé. Ils se retrouvent sur les pentes méridionales du Pouy-de-Monsouer, près Boulin. — Quant à leurs caractères de superposition , les marnes à Térèbratules re¬ couvrent les dolomies à Montaut. Peut-être aussi les argiles qui recouvrent la craie à Lespéron ( près de Tercis ) appartiennent- elles au même dépôt. — Voici une liste des fossiles que l’on peut recueillir le plus communément dans cet étage (1) : Orbitolites media , — submedia ; Serpula quadri carinata , Teredo Tournali , Piuna irid. , Ostrea hippopodium , Ostrea vesicularis , — gigantea, var. a (de Crimée), T al sella falcata , Terebratula tenuistriata , — 2 espèces ind. Cancer quadri lobai us. On devra probablement rattacher à cette formation les marnes rouges gypsifères modifiées par les Ophites qui se trouvent au Pouy d’Arzet, à Gaujac, au Pouy de Monsouer, et les argiles vio¬ lacées à Aragonites de Bastenncs. Calcaires à Echinodermes. — Cet étage a jusqu’ici été confondu avec la craie, ainsi que le précédent. 11 consiste en calcaires ordi- ( I) Tous les fossiles de mes listes des terrains nummulitiques ont été déterminés par M. d’Archiac, qui s’occupe en ce moment de la des¬ cription des restes organisés que renferment ces terrains dans le bassin de l’Adour. SÉANCE DU ù MAI 18/l7. 7l7 nairement très blancs, à grains fins , quelquefois colorés en bleu. C est la moins puissante des assises du terrain nummulitique , et elle n’affleure que dans un petit nombre de localités ( Montfort, Nousse, Laliosse, Baigtz, Brassempouy). Les Nummulites commen¬ cent à s’y montrer, quoique en très petit nombre, mais les restes organiques les plus importants qu’elle renferme se rapportent tous à la classe des Ecliinodermes qui présente ici de magnifiques es¬ pèces dont plusieurs sont très caractéristiques ( Schizastcr rirno- sus, etc. ) (1). — Les fossiles suivants se rencontrent fréquemment dans cet étage : Schiznster rimosas , Hem i aster cornplanatus , Brissopsis elegans , Macropneustes pülvinatus , Les calcaires à Ecliinodermes reposent sur les marnes à Téré- bratules à Brassempouy. — Aux environs de Montfort, à Baigtz , etc. , ils sont probablement recouverts par les calcaires à Nummulites, quoique je n’aie pu nulle part constater de superposition im¬ médiate. Calcaires a Nummulites. — C’est dans cet étage que les Num¬ mulites acquièrent tout leur développement. Elles y sont quel¬ quefois répandues en si grande quantité qu’elles constituent presque à elles seules la masse de la roelie. — Cette troisième assise présente elle-même plusieurs subdivisions : — 1° Ce sont d’abord des calcaires blanchâtres ou bleuâtres à Nummulina gra- nulosa , N. mamillata , Serpula spirulœa , etc., assez développés à Gibret, Donzacq, Audignon , etc. — 2° Viennent ensuite des cou¬ ches puissantes de calcaires marneux gris ou bleuâtres, pétris de N. crassa, etc. On y trouve aussi Y Ostrea gigantca, la Serpula spirulœa , etc. (Baigtz, Nousse, Montfort, Gamarde , Brassem¬ pouy, etc. ). ■ — 3° Au-dessus de cette assise apparaissent des cal¬ caires siliceux renfermant un nombre prodigieux d’ Operculina ammonea , Leym. et de N. Biaritziana (Gamarde). — U° Enfin je place encore dans cet étage le lambeau de calcaire sableux à Ostrea cyathula cpii repose sur des couches à N. intermedia au Tuc-du- (1 ) Les grandes et belles espèces d’Echinodermes que M. Grateloup indique comme provenant d'une assise qu’il nomme craie blanche , appartiennent toutes à cet étage. Tels sont le Clypeastcr altus, le Galcrltes connidcus , G. albo-galerus , G. excenlricus , etc., etc. (Voyez Mem . de géo -zoologie.') JSIummulina nullecapiit P Serpula spirulœa , Na tien sigaretina. 718 SÉANCE DU 3 MAT 1847. Saumon (commune de Louer). — L’étage supérieur des terrains nummulitiques se distingue bien , connue on le voit , des deux autres. Il repose, à Gibret, sur des calcaires qui paraissent se rap¬ porter aux assises à Echinodermes, de même qu’à Audignon il re¬ couvre les dolomies. C’est lui qui constitue la presque totalité des terrains des environs de Bayonne, des Corbières et de la montagne Noire (1). — Les fossiles qu’on y trouve le plus abondamment sont : Nummulina granulosa , — marri il la ta , — crassa , — intermedia , — Biaritziana , — caput-serpentis , Pygorhynchus Deibosii . Desor, L’ Ostrca Cyathula et Y Operculina ammonca caractérisent les couches supérieures. A° Grès et Lignites. — Je place provisoirement entre les terrains nummulitiques et les Faluns bleus des amas d’un âge très pro¬ blématique qui ne forment que des amas limités, sans jamais constituer de couches étendues et suivies. Ces dépôts consistent en grès et en lignites. Grès. — Ce sont des roches quartzeuses à assez gros grains, très solides, exploitées pour le pavage dans un grand nombre de loca¬ lités (Louer , Hauriet, Cardures, Horsarrieu , Gamarde , etc.). A Cassen et à Mugron, ils contiennent assez de calcaire pour être utilisés comme pierre de taille. — Jusqu’à présent on n’a trouvé dans ces grès que quelques rares empreintes de plantes d’eau douce indéterminables (2). Ils paraissent s’être déposés dans des dépressions peu profondes et peu étendues des terrains plus an¬ ciens (3). Leurs relations avec les autres formations ne sont bien visibles nulle part. Lignites. — Dans la commune de Saint-Lon , on exploite un dépôt de Lignite qui a pris, sous l’influence des Opliites, tons les caractères minéralogiques de la bouille et même quelques uns des caractères géologiques d’un petit bassin houiller. — Les tra¬ vaux d’exploitation ont été poussés jusqu’à AO mètres de profon- Operculina ammonea , Pecten opcrcularis ? Ostrca cyathula , — vesicularis , — gigantea , Serpula spirulœa. (1) Voyez le Mémoire de M. Leymerie. (2) Scirpus , Schœnus , d’après M. Grateloup. (3) M. Grateloup a déjà fait cette remarque sans donner aucune opinion sur leur âge. 749 SÉANCE DU 3 MAI 18/|7. deur sans qu’on ait pu atteindre le fond du dépôt houillier. On a trouvé quatre couches , dont l une à une épaisseur de 3 mètres. Les couches supérieures, très pyriteuses, sont disloquées par une mul¬ titude de failles comme les véritables cpuches houillères. Les as¬ sises inférieures fournissent, au contraire, une bonne houille sèche qui ne contient que peu de pyrites et dans laquelle on trouve de nombreux nodules de sucein (1). — Ces différentes couches sont séparées par des assises d’un grès à grains fins et de marnes noi¬ râtres plus ou moins imprégnées de sulfure de fer et pétries de tiges carbonisées de plantes. Un échantillon de cette marne retiré du fond de la mine m’a offert des empreintes de Mytilas ac u tiras- tris , d’un Mytilus voisin du M. scmiradiosus , d’Orb., d ' Anomia lœvigata , de Cardium obliquum , et enfin d’une coquille qui offre la plus grande ressemblance avec le Cardium Hillanum du grès vert (2). — Pendant le dépôt des grès et des lignites , la Chalosse devait être occupée par la vaste embouchure d’un cours d’eau puissant. Cette période , pendant laquelle des lacs , des marécages et des fleuves avaient remplacé la mer qui déposait les terrains num- mulitiques , me paraît correspondre parfaitement à l’époque des molasses, des calcaires d’eau douce et des meulières du bassin de la Gironde. Ces formations d’eau douce furent recouvertes , dans le S. -O., par des assises marines qui se déposèrent contemporaine- ment dans le bassin de la Gironde et dans celui de l’Adour. 5° Faluns bleus. — Je range sous ce titre une série de dépôts qui ont été considérés comme très différents les uns des autres, de même cpie j’élimine quelques assises que je rapporterai à des terrains plus modernes. — Les Faluns bleus se divisent en trois assises : Calcaires coquilliers. — Des calcaires grisâtres , très riches en fossiles, dont il ne reste plus que les moules, sont exploités dans la commune de Gaas ( carrière de Garans ) , où ils reposent sur une marrie d’un bleu foncé , renfermant quelques débris de tests cal¬ cinés de coquilles. Ces calcaires m’ont offert les fossiles suivants (3) : Astcrias lœvis , Fibularia ovata , Nummulites , Miliolites , Trochus Bencttiœ , Turbo Parkinsoni , Delphi nul a scobina , Pecte/i Billaudelli . (1) Je dois quelques uns de ces détails à M. Paul Barrère, directeur de la mine de Saint-Lon. f2) Ces fossiles ont été déterminés par M. d’Archiac. (3) Voyez la liste donnée par M. Grateloup dans le Mémoire de M. Dufrénoy ( Mém . géol.). -t 720 SÉANCE DU 3 MAI 18 A7. C’est-à-dire tous les fossiles caractéristiques du calcaire à Asté¬ ries du bassin de la Gironde. — Je rapporte à la même formation les couches de calcaire grossier qui forment l’éminence nommée Tuc-du-Saumon, dans 4 commune de Louer. On n’y trouve que très peu de fossiles , mais on y remarque des masses énormes de madrépores parfaitement conservés et identiques à une espèce commune aux environs de bordeaux. — Enfin , à Lesperon , à Lourquen, à la Hosse, il y a des calcaires bleuâtres, sub-spathiques, qui appartiennent probablement à la même assise. A Bastennes, des couches à fossiles analogues ( Crassatclla tamida ) sont impré¬ gnées de bitume. Marnes a Natica maxima. — Elles n’afïleurent que dans un petit nombre de localités ( Gaas , Cazordite ) . Ce sont des argiles bleuâtres, ordinairement très fines , qui se distinguent parfaite¬ ment des vrais faluns par les fossiles qu’elles contiennent : Natica maxima , A m p u II aria crass a l in a Trochus Boscianus, Trochas labaruni , Turbo Parkinsotii , Delphi nula scobina. Faluns bleus à Echinides. — Ce sont des marnes sableuses, d’un bleu foncé, mêlées de gros gravier, qui forment le sol d’une partie de la Clialosse (Ozourt, Narrosse , Sort, Garrey , Cambran , Poyartin, Clermont , etc. ). Elles sont remarquables par la grande quantité d’Echinodermes et d’ossements de cétacés qu’elles ren¬ ferment : Lunuli tes , Clypeaster marginatus , Echinolampas cnnnidra , — Richardi , — oviformis , — ovalis, Panopœa Faujasii , Cythcrea Islandicoides , Nautilus aturi , Côtes , vertèbres de très grands cétacés; dents de poissons , etc. Les calcaires et les marnes à Natica maxima , Turbo Parkinsoni , Delphi nul a scobina, etc., me paraissent correspondre parfaitement au calcaire à Astéries du département de la Gironde. On peut s’en assurer en comparant les listes de fossiles de ces assises avec celles du dépôt de Terre-Nègre (1) et du calcaire à Astéries des environs de Bordeaux (2'). — Quant aux marnes à Echinides , elles ren- (1) Voyez Mémoires géologiques ; Dufrénoy (2) Voyez mon Mémoire sur l’âge de la formation d’eau douce in¬ férieure du bassin de la Gironde, 721 SÉANCE DU 3 MAI 18/i7. ferment beaucoup d’espèces du calcaire à Astéries, ce qui fait que je les range dans la même formation que les couches précédentes, quoiqu’elles contiennent quelques fossiles que l’on n’a rencontrés jusqu’à présent que dans les couches les plus inférieures des faluns du bassin de la Gironde ( Clypeaster niarginatus , Echinolampas Richardi). — S’il vient à être prouvé par les recherches ulté¬ rieures des paléontologistes que le calcaire à Astéries appartient à l’étage moyen, ce qui paraît présenter quelque probabilité, les marnes à Echinides du bassin de l’Adour devront être sans doute assimilées aux molasses qui forment la partie inférieure des fa¬ luns dans le département de la Gironde. 6° F cdan s jaunes. — Les couches qui doivent réellement porter le nom de Faluns dans le bassin de l’Adour forment trois groupes distincts. Calcaires a Cardita Joaanncti de Mont-de-Marsan . — Cette assise fournit les seules pierres de construction que possède le Ma- rensin. Elle commence par des calcaires gris bleuâtre, durs, à moules de Cardinal hians et de Fusas clora tus , exploités comme pierre dure à quelque distance de Mont-de-Marsan. — Aux en¬ virons de cette ville et de Roquefort, de nombreuses carrières à ciel ouvert sont pratiquées dans des calcaires sableux , tendres, terreux , très caverneux , contenant un grand nombre de fossiles passés pour la plupart à l’état de moules spathisés. - — Le prolon¬ gement de ces calcaires couronne le coteau élevé de Saint-Sever, et des sables imprégnés de bitume, à Gaujac, renferment tous les fossiles qui les caractérisent [Gard ta Jouanncti , etc.). Ils présen¬ tent abondamment les espèces suivantes: Cardita Jouanncti , CrtJicrea I s lundi coi des , Pectunculus glycinicris , P ce te n Beudant i , Ostrea T irgin ica . Cette assise correspond aux faluns de Salles dans le département de la Gironde. Faluns jaunes de Saint-Paul. — C’est ici que commencent les vrais faluns. Je leur rapporte le dépôt de Saubrigues que l’on a toujours rattaché aux faluns bleus, parce qu’il renferme quelques fossiles qui ne se trouvent pas dans les dépôts coqui Hiers de la commune de Saint- Paul, disséminés dans un sable bleuâtre. — C’est dans la commune de Saint-Paul que les faluns jaunes acquiè¬ rent tout leur développement. Ils y présentent la plupart des fos- Soc. géol. , 2e série, tome IV. 46 722 SÉANCE DU 3 MAI 4 8/|7. siles caractéristiques des faluns de Léognan et de Sancats , aux environs de Bordeaux. Sables à Potamidcs et a Coquilles d’emboucliure. — A Saint-Avit, au N. de Mont-de-Marsan , M. Perris a le premier observé un gisement de faluns très riches en fossiles, dont j’ai trouvé le pro¬ longement aux environs de Saint-Sever (Meignos) (1). Le falun de Mandillot, dans la commune de Saint-Paul, paraît appartenir au même groupe. — Tous les fossiles de ces faluns se rapportent à des espèces que l’on ne trouve dans le département de la Gironde que dans certains gisements particuliers ( Mérignac, etc. ). Luciua scopulorum , Cytherea undata , Chaîna florida , Mytilus antiquorum , Melanopsis Dufourii , Neritina picta , Cerifhium plicatum , Pytula Lainei , etc., etc. 7° Sable des Landes. — J’ai peu de chose à dire sur ce dépôt, si ce n’est qu’il recouvre tout le Marensin et couronne tous les coteaux de la Clialosse. Il renferme , dans la Chalosse des lits de cailloux roulés qui paraissent augmenter en volume et en abon¬ dance à mesure qu'on se rapproche de la chaîne des Pyrénées. 8° Ophites. — Tes Opliites ont disloqué de tous côtés les terrains du bassin de l’Adour. Elles constituent dans la Chalosse une foule de buttes coniques élevées, à pentes plus ou moins roides (Pouy d’Euse , Pouy de Saint-Pandelon , Pouy d’Arzet , Pouy de Mont- peroux, Bastennes, Gaujac , etc.). Elles sont ordinairement pro¬ fondément altérées à leur surface et se désagrègent souvent en boules plus ou moins volumineuses , composées quelquefois d'é- cailles concentriques (Pouy d’Euse, Saint-Pandelon, etc.). _ Elles sont dans plusieurs localités accompagnées de petites masses de talcschiste à grain lin et d’une roche feldspathiqne boursouflée et poreuse comme une ponce volcanique. — Les substances miné¬ rales qui se trouvent le plus fréquemment associées à l’opliite sont le quartz , l’épidote , le talc , le fer oligiste , le fer hydroxydé et l’amiante. — Tels sont les caractères généraux des ophites consi¬ dérées en elles-mêmes. C’est à leur apparition que doit se rapporter l’origine de quelques nouvelles substances qui n’existaient point dans le S. -O. de la France avant l’époque où elles se sont but jour (soufre , arragonites, etc. ) , et celle des sources thermales, salées (1) Je dois la connaissance de ce dépôt à M. Léon Dufour, qui a bien voulu me diriger lui-même aux environs de Saint-Sever. SÉANCE DU 3 MAI 18/17. 723 et sulfureuses. • — Le soufre cristallisé s’est présenté dans la com¬ mune de Saint-Boés associé à une marne calcaire bitumineuse. Dans la même localité , le pétiole et le bitume imprègnent toutes les roches calcaires. — Les Arragonites se trouvent disséminées en grand nombre, à Bastennes, dans des argiles rouges ou lie de vin. Des cristaux de quartz hyacinthe adhèrent fréquemment à leur surface. — Des marnes violacées, analogues à celles de Bastennes, se présentent partout où les argiles se trouvent en contact avec les Opliites. Ces marnes renferment ordinairement des lits minces de chaux sulfatée. — Enfin le kaolin a été rencontré en Cliaiosse à Gaujac et au Pouy de Monsouer. 11 est recouvert, dans la pre¬ mière de ces localités, par les argiles rouges dont je viens de par¬ ler. — Les sources salées ne se rencontrent guère cpie dans le voi¬ sinage immédiat des Ophites. Dans la Chalosse , celle du Hourn, située au pied du Pouy d’Arzet , est peu abondante. Celle de Gau¬ jac, au contraire, est assez considérable, et contient une assez forte proportion de sel pour que l’exploitation pût en offrir quelque intérêt. Mais c’est surtout sur la rive gauche du Gave de Pau , à Sallies et à Oraas, que ces sources se présentent avec un grand dé¬ veloppement. — La fontaine d’eau thermale , qui est située au centre même de la ville de Dax , n’est chargée d’aucune matière étrangère , ou du moins n’en contient que des traces inapprécia¬ bles. C’est une des sources les plus chaudes que l’on connaisse ; sa température est voisine de l’ébullition. — Les sources sulfureuses sont très abondantes dans la Chalosse (Tercis, Dax, Gamarde, Pré- chacq, Donzaq). — Comme toutes les roches ignées, les Ophites ont agi sur les roches qu’elles ont traversées de deux manières dif¬ férentes: 1° comme force mécanique, elles ont redressé, disloqué les couches d’une foule de manières ; 2° comme force métamor¬ phique , leur voisinage a fait subir aux roches des modifications variées qui se sont manifestées tantôt par un changement de struc¬ ture et d’aspect (modifications physiques) , tantôt par un chan¬ gement de composition intime ( modifications chimiques). — 1" Effets mécaniques. — La date de l’éruption des Ophites se rapporte à une époque assez moderne. Elles ont redressé les con¬ ciles de craie à Tercis, Rivière, Angoumé, etc., sous des angles qui atteignent quelquefois 90". — bes terrains nummulitiques offrent un plongement assez considérable à Baigtz et à Audignon. Enfin les faluns bleus se présentent en couches inclinées de 10° à 15° à Lesperon. — Les formations supérieures à ces différents dépôts ne présentent pas de traces bien authentiques de relèvement ; mais ce¬ pendant il n’est guère douteux que l’apparition d’une partie au SÉANCE DU 3 MAI 1847. 724 moins des Opliites ne leur soit postérieure , comme nous le verrons en parlant des bitumes. — 2° Ejjets chimiques. — Le soulèvement des Opliites a été suivi d’un dégagement de plusieurs substances qui ont attaqué les roches voisines en agissant sur elles comme agents chimiques. C’est ainsi que les roches calcaires ont été chan¬ gées en sulfate de chaux dans une foule de localités (Arriosse. Cau- penne, Bastennes , Gaujac, etc ). Les dolomies , comme je l’ai dit, me paraissent devoir constituer une formation indépendante des autres terrains, mais à laquelle l’action platonique n’est peut-être pas étrangère. — 3° Ejfets physiques . — Je range sous ce titre les métamorphoses que les Opliites ont fait subir aux diverses roches par leur chaleur combinée souvent à une pression considérable. Telle est la transformation du calcaire en marbre (terrain num- mulitique de Bastennes), etc... — Mais il est deux questions qui réclament une attention toute particulière : 1° celle de la trans¬ formation du lignite en houille, et 2’ celle de l’origine des bi¬ tumes. — Comme je 1 ai déjà dit , la commune tic Saint-Lon ren¬ ferme un gîte considérable de lignite qui présente des phénomènes de dislocation singuliers qui lui donnent quelque ressemblance avec un vrai dépôt houiller. Ce petit bassin a été soumis à des actions mécaniques énergiques qui l’ont fendillé et relevé dans toute son étendue. L’effort des roches plutoniques a certainement joué un rôle dans sa constitution actuelle. — Les bitumes s’offrent avec un développement considérable à Bastennes et à Gaujac. Ils imprègnent des sables qui se rapportent à plusieurs formations différentes. Ainsi , à Bastennes , ils sont exploités dans les faluns bleus ; à Gaujac, dans les faluns jaunes, et, dans ces deux localités, dans le sable des landes. — La date de l’infiltration des bitumes est de beaucoup postérieure à l’époque du dépôt de ces divers ter¬ rains. Si l’on étudie avec soin les excavations et les galeries dans lesquelles on exploite les sables bitumineux , on ne tardera pas à reconnaître que les infiltrations se sont faites de bas en haut , qu’elles ont imprégné toutes les matières incohérentes, et qu’elles ont, au contraire, entouré les roches dures, les coquilles, etc., sans péné¬ trer dans leur intérieur. Les choses ne se passeraient pas autrement dans un laboratoire de chimie , si l’on soumettait à l’action du feu un vase contenant à sa partie inférieure des matières suscep¬ tibles de donner, par la distillation, des huiles ou des goudrons, et dont le reste serait rempli de sable froid. Les huiles les plus volatiles se rendraient à la partie supérieure , tandis que les pro¬ duits les plus fixes resteraient dans les parties moins froides. Des faits analogues se présentent dans les mines de bitume. A Gaujac, 725 SÉANCE DU 3 MAI 18/|7. le bitume devient de plus en plus fluide à mesure qu’on approche des limites supérieures de son infiltration ; à Orthez , les roches ne contiennent que du pétrole vers leur partie supérieure , et , à me¬ sure qu’on s’enfonce , le bitume devient de plus en plus solide , de moins en moins onctueux. Tout présente donc ici les caractères d’une volatilisation ou d’une distillation dont les produits se se¬ raient condensés dans les couches meubles qu’ils auraient tra¬ versées. — Que l’on suppose maintenant une masse minérale en fusion se faisant jour près d'un dépôt de lignite. Si cette masse n’arrive pas jusqu’au lignite meme , elle agira sur lui par une chaleur lente et progressive qui pourra le fondre, l’agglutiner et le transformer en houille , comme M. de Collcgno l a fait voir pour des gîtes semblables qui se trouvent en Toscane. Si , au con¬ traire, la roche ignée vient à pénétrer dans l’intérieur des dépôts, le lignite se trouvera subitement soumis à Faction d’une chaleur extrêmement intense qui le décomposera en huiles cmpyrcumati- ques, goudrons, etc., qui se volatiliseront et imprégneront les masses supérieures. — Cette théorie n’est point en dés .coord avec les faits chimiques. On sait que le bois, la houille , etc., se décomposent en une foule de substances voisines par leurs caractères du pétrole et des bitumes. La distillation sèche de la résine de pin , celle de la houille avec de l’eau, fournissent, d’après M. Cailliot et M. llei- chenbacli, des huiles qui présentent tous les caractères du pétrole. Les goudrons de houille, soumis à la distillation , laissent pour résidu un bitume solide dont les caractères se rapprochent de ceux de l’asphalte. Les bitumes de la Ciialcsse pourraient passer pour un mélange de pétrole et d’asphalte. — Si la théorie que je viens de proposer est vraie , la date de l’apparition des Ophites sera clairement déterminée, puisque les bitumes qui en auront été le résultat auront imprégné et traversé toutes les formations tertiaires , y compris le sable des Landes. Conclusions. — Les diverses formations du bassin de l’Adour pourront se grouper de la manière suivante dans la série générale des terrains : 1° Craie branche . I Craie de Tercis. 2° Terrains nummulitiques (I) Dolomies? Marnes à Térébratules. Calcaires à Echinodermes. Calcaires à Nummulites. (1) La question de l’âge des terrains nummulitiques n’étant pas 726 SÉANCE DU 3 MAI 1847. 3° T. tertiaire inférieur? 4° T. tertiaire moyen. . 5° T. tertiaire supérieur. 6° Roches d’épanchement Grès? Lignites? Faluns bleus. Faluns jaunes. Sable des Landes. Ophites. Je ne donne pas cet ordre de superposition comme irrévocable¬ ment fixé. De nombreuses observations sont encore indispensables avant que l’on puisse établir d’une manière certaine la constitu¬ tion géologique du bassin de l’Adour. Ma notice n’est qu’un simple aperçu géognostique que je donne avec toutes les restrictions que m’impose l’étude encore superficielle que j’ai faite de ces terrains aussi peu connus que compliqués. La nouveauté du sujet me ser¬ vira d’excuse si j’ai commis quelque erreur. M. Virlet d’Aoust fait observer à M. Delbos que, sans rejeter tout-à-fait l’hypolliése de la formation de certains bitumes par la décomposition des matières organiques, il faut cependant bien se garder de trop généraliser les théories de MM. de Reichen- bach , Turner et autres chimistes, qui attribuent exclusive¬ ment la formation des bitumes à la transformation et à la distil¬ lation lente des matières organiques; qu’il a démontré, en effet, depuis longtemps (1) , par un simple calcul appliqué aux sources de pétrole de File de Zante, qui sont bien loin d’être les plus abondantes , que ces théories sont tout-à-fait incon¬ ciliables avec les faits, lorsqu’on vient à soumettre ceux-ci à un examen raisonné. M. Frapolli présente à la Société la carte géologique d’une partie du nord de l’Allemagne , dont il est Fauteur, et lit la note suivante : encore vidée, je les classe en un terrain indépendant , intermédiaire à la craie blanche et aux terrains tertiaires. (1) Bull. Soc. géol. de France , 1rc série , t. IV, p. 203; 2e série, t. Ier, p. 844; et Dictionnaire pittoresque des sciences naturelles , à l’article Bitumes. V SÉANCE DU 3 MAI 18/Ï7. 727 Quelques mots à propos d’une carte géologique des collines subhaercyniennes , et essai d’une topographie géologique de ce pays, par L. Frapolli. § I. Exposition du travail. La carte que j’ai l’honneur de soumettre à la Société , com¬ prend le pays de collines qui s’étend au N. du Harz , entre ces montagnes et les hauteurs du Haekelwald d’un côté , entre la VVipper et la Holzemme de l’autre. Le tracé topographique est exécuté d’après les travaux géodé- siques les plus récents ; les nombreuses routes nouvelles y ont été introduites d’après des levées faites par moi-même ; le relief oro- gra phique a été revu et rectifié, j’y ai fait les changements qu’une étude approfondie des rapports de la surface avec la structure intime du sol m’a démontrés nécessaires. L’échelle de 5-q-q00 à laquelle j’ai exécuté le tracé de cette carte, m’a permis de n’y omettre aucun détail géologique de quelque importance. Cet es¬ pace , de plus de ùO lieues carrées , souvent rasé et recouvert, poul¬ ies trois quarts , par des dépôts meubles très épais , et qui , au premier abord , paraissent empêcher toutes les recherches géolo¬ giques, a été étudié pas à pas et de man ière à ne pas laisser l’espace de 50 mètres carrés sans qu’il ait été vu et visité soigneusement. J’insiste sur ce fait et sur ce que ma carte n’a pas été coloriée d’après les méthodes ordinaires , en prenant des coupes et en rac¬ cordant les points par des lignes arbitraires , car ce n’est que sur un travail exécuté de cette manière que je pouvais m’appuyer, pour en déduire les conclusions dont j’avais besoin. J’y insiste d’autant plus , qu’ayant eu le malheur d’être obligé de détruire souvent les travaux faits par mes devanciers , je crois devoir expliquer la cause de cette différence , qui ne tient qu’à la proportion du temps et des soins qu’ils ont pu donner à la description de ce pays, et de ceux que j’y ai pu consacrer moi-même. Les projections horizon¬ tales des affleurements de terrains y sont déterminées de manière que les lignes qui les représentent SGnt vraies toutes sans exception, à 20 mètres près. Les nombreux massifs de gypse sont indiqués par des signes ou par des lettres qni les rapprochent des diffé¬ rentes formations desquelles ils font partie. Des lettres, distribuées par centaines sur toute la carte , indiquent les points où les diffé¬ rentes formations sont à jour, et qui correspondent à des observa¬ tions spéciales que j’ai consignées dans mes notes. Une coupe 728 SÉANCE I)U 3 MAI 1 S Z| 7 . transversale, depuis le .granit du JTavz jusqu au Hackelvvald, et qui s’étend sur une longueur de 7 à 8 lieues dans la partie la plus accidentée du pays , a été levée par moi à l’aide de mesures trigo¬ nométriques ; elle représente le relief du sol à l’éclielle de ^ItmT ? avec hauteurs simples ; cette coupe a près de deux mètres de lon¬ gueur. Une quantité de hauteurs y sont calculées à l’aide de for¬ mules trigonométriques , en prenant pour point de départ le niveau de la Bodc , niveau dont la hauteur , au-dessus de la Bal¬ tique , est connue en plusieurs points par les travaux de Villefosse et de F. Hoffmann. Les angles donnés par le graphomètre , les pentes de la surface, les inclinaisons des couches, les divisions géologiques des terrains y sont indiquées. Un grand trapèze, d’une lieue de côté , choisi dans la partie du pays la plus appropriée , a été levé trigonométriquement avec le soin le plus scrupuleux ; il devra servir au calcul de la quantité des niasses enlevées par la dé¬ nudation. Une autre coupe longitudinale démontre l’affleurement successif des différentes formations dans le sens parallèle au Harz et s’étend en croix avec la première d’un bout à l’autre du pays étudié. Cette seconde coupe , d’une longueur démesurée et exécu¬ tée au , avec hauteurs doubles, a également été basée sur diffé rents travaux trigonométriques. Une vingtaine de sections des autres parties du pays, exactement dessinées, soit à vue, soit, pour plus de précision , à l’aide de carreaux , présentent tous les principaux accidents de superposition. Les directions exactes des coupes se retrouvent dans le plan ; j’ai du souvent suivre des lignes brisées, afin d’éviter les endroits où la dénudation a effacé toute trace de relief orographique. Un grand panorama , pris de la plus haute des collines suhliaercynienncs , levé à l’aide de car¬ reaux , suivant la méthode de Leonardo cia Vinci , et exécuté à la plume, représente, en perspective, le relief d’une grande partie du pays étudié. Ce panorama , ainsi qu’une douzaine de vues pittoresques et géologiques en même temps, car elles ne sont là que pour appuyer, par la vue de la nature , le récit de quelque fait , ou les conclusions de quelque théorie , sont destinées à orner le texte par des gravures sur acier ; une cinquantaine de vignettes sur bois, représentant autant de petites coupes ou d’objets géolo¬ giques, finiront de rendre l’exposition des faits tout à fait évi¬ dente. J’ai voulu que le lecteur , à l’aide de tous ces moyens , du plan colorié et accompagné du relief orographique exact, des coupes levées géométriquement, des vues pittoresques, d’une col¬ lection de roches et de fossiles à l’appui , qui compte plus de 1 ,500 échantillons , et cpii sera exposée dans quelque grande ville de SÉANCE DU 3 MAI -18/|7. 729 r Allemagne (1), pût , par sa pensée , sc transporter sur la nature elle-même , et qu’il pût y juger des faits , qu’il pût y observer par lui-même les superpositions , qu’il pût apprécier le relief orogra¬ phique et mesurer les rapports nombreux qui existent entre ce relief et la structure intérieure du sol. Ce n’est qu’après avoir fait un travail poussé à ce degré de scrupuleuse exactitude et de détail, que j’ai hasardé quelques conclusions. La grauwackea été partout la limite de mes études spéciales ; il importe donc bien de distin¬ guer ce que je peux dire sur le pays subhaercynicn , des excursions rapides que je fais dans l’intérieur du massif. L’un est le résultat d’un travail , l’autre une relation de voyage. Qu’il me soit permis , en terminant l’énumération des travaux que j’ai exécutés , de rappeler à la reconnaissance de tous les amis de la science ce génie exceptionnel, placé à coté du tronc , dont le savoir et la noble simplicité des manières évoquent à chaque instant le jeune voyageur qui apportait jadis, à l’Europe étonnée , la con¬ naissance de tout un nouveau monde. Alexandre de liumboldt , que L Allemagne s’est accoutumée à regarder, depuis un demi-siècle, comme le représentant de tous ses intérêts scientifiques , et dont l’appui est toujours assuré à quiconque désire s’occuper sérieuse¬ ment , à quelque nation qu’il appartienne , a bien voulu encourager mes faibles recherches ; c’est lui qui m’a obtenu les plans à l’aide desquels j’ai pu exécuter le tracé de ma carte ; c’est à la protection magique de son nom vénéré et tout-puissant que je dois d’avoir été le bienvenu partout où je me suis présenté ; sans lui mon travail ne serait pas accompli ; en le proclamant ici , je ne fais que remplir un des devoirs les plus sacrés. Grâces soient rendues aussi à mon savant ami le professeur Gus¬ tave Rose , qui a bien voulu visiter avec moi les lieux que j’avais étudiés , et me procurer l’assistance de son expérience consommée et du savoir profond de son illustre frère. Je manquerais égale¬ ment à la plus légitime reconnaissance, si je ne rappelais point les sentiments que m’ont inspirés , d’abord le professeur Schumann à Quedlinburg, physicien profond , homme probe et honoré dans tout le pays, qui, par son influence et par son amitié, n’a cessé de m’assister pendant quatorze mois de rudes travaux , et a su m’apla¬ nir maintes difficultés et maints obstacles ; puis feu le docteur Scliwalbe de la même ville , cet homme qui , étant jeune encore (I) M. Ernst Yxem, horloger à Quedlinburg, homme fort instruit et zélé pour la scicence, se charge de l’envoi des petites collections de roches et fossiles du pays qui pourraient lui être demandées. 730 SÉANCE DU 3 MAI 18A7. et riche , a employé sa fortune et sacrifié sa vie en soignant gra¬ tuitement tous les pauvres de sa province. .Te croirais, enfin, com¬ mettre un crime d’ingratitude et de lèse-liospitalité , si j’oubliais de nommer M. Friedrich Ludolf Haussmann, de Rothleberode , qui m’a facilité l’étucle de la Thuringe ; M. de Grocle, le chef bien¬ veillant du Harz hanovrien , et MM. Koch d’Andreasberg et Au¬ gustin d’Eisleben , ingénieurs du plus haut mérite, qui m’ont reçu avec l’hospitalité franche et cordiale dont j’ai joui au Aïagdes- prung comme à Goslar, et qui distingue tous les mineurs de ces pays. § 2. De quelques auteurs qui se sont déjà occupés de la géologie de la contrée. J’arrivais dans le pays, les cartes à la main; après quelques jours il me fut facile de me convaincre qu’aucun travail spécial n avait été fait sérieusement sur cette contrée; les indications don¬ nées dans les livres répondaient bien peu à ce que l’on voyait dans la nature. Il y a une trentaine d’années, M. Schulze avait élargi jusqu’à ce point une carte de Mannsfeld ; c’est même lui qui avait noté le premier les lignites du pays , mais l’époque seule de son travail indique assez ce qu’il a du en être. M. Boué avait fait quel¬ ques bonnes observations dans le Harz , mais il ne s’y était pas arrêté. M. de Buch avait dit quelques mots pleins de sens sur la Rosstrappe ; il avait parlé des émersions plutoniques dans le Harz; il ne s’était pas étendu au pays environnant. AI. Zincken, à qui l’on doit un travail développé sur l’intérieur d’une partie du pla¬ teau liaercynien , a fait une excellente monographie de cette même Rosstrappe, mais il s’y est renfermé. AI. Germar, une des an¬ ciennes colonnes de la science minéralogique allemande , et auteur du bel ouvrage sur les empreintes houillères de Wettin , n avait fait qu’effleurer ce pays. L’illustre savant de Gottingue , AI. Hauss¬ mann , qui nous a légué d’aussi beaux travaux sur le Harz propre¬ ment dit , et qui nous a fait connaître les bords du Weser, n’en avait parlé que par incident. Al. Keferstein , il y a quelque vingt ans et plus , s’est occupé spécialement de la géologie de ce district; quelque utiles qu’aient été ses écrits pour les progrès de la science , ils se ressentent du manque absolu de principes géologiques de cette époque , où une école nombreuse ne savait encore détermi¬ ner qu’à l’aide des caractères minéralogiques. Le grand ouvrage de Freiesleben n’a pas dépassé le Alannsfeld ; celui de Villefosse , rempli de données précieuses , reste pourtant assez étranger à 731 SÉANCE DU 3 MAI 1 8 Z| 7 . la géologie. Friedrich Hoffmann est le seul qui, à la suite de sa belle description topographique du N. -O. de l’Allemagne , et en combattant AJ. Keferstein , établit quelques vérités frappantes sur la géognosie de ce pays ; son ouvrage est excellent , et , tant qu’il ne s’agit que de la forme superficielle du pays , d’une exactitude que j’ai été toujours obligé d’admirer chaque fois que je m’en suis servi sur le terrain ; mais l’auteur, qui avait toutes les qualités néces¬ saires pour exécuter un travail géologique accompli , a été brisé par la mort, au plus beau de son ouvrage. Il n’a pu terminer la partie géologique , elle est à peine ébauchée. On dirait qu’il a craint de toucher à l’arche sainte, il n’en parle point, il passe vite et se perd dans la plaine lointaine ; il va se noyer dans les flots avec ces collines qu’il décrit rapidement. Sa carte géologique manque très souvent d’exactitude ; mais cela est naturel , car c’est un travail immense et dont l’accomplissement exigeait la vie d’un homme tout entière , et elle n’y aurait pas suffi. AI. Roemer, qui , par son essai de classement paléontologique des terrains de craie du N. de l’Allemagne (Hanovre 18àl ), a rendu un véritable service à la science , a déterminé 1 âge des couches dans quelques points de notre contrée ; ce n’était pas son but d’en faire la géo¬ logie spéciale. M. Dunker n’a parlé qu’en passant de quelques formations de ce pays ; d’ailleurs les beaux ouvrages de ce savant sont des travaux presque uniquement paléonto logiques. Ai AI. ÎSa Li¬ ma nn et Gotta sont restés au-delà des frontières du royaume de Saxe, et ce dernier savant n’a étendu ses belles cartes que du côté de la Tliuringe. Les personnes qui , après ces messieurs, y ont fait de la géologie , se sont limitées à des monographies plus ou moins restreintes ; et quelques unes n’ont même eu garde de co¬ pier ou de dénaturer, en y ajoutant de faux faits ou de fausses applications, les idées de Hoffmann. Je dois pourtant nommer quelques hommes très instruits qui habitent le pays , et cpii , s’ils cultivent d’autres sciences, ou si leurs occupations ne leur per¬ mettent pas de se dévouer à la géologie comme ils le voudraient, ne manquent point de s’intéresser, et avec un bon sens remar¬ quable, à toutes ces questions. Devant me limiter au pays compris dans ma carte , je citerai en premier lieu Al. Stiehler , à Wernige- rode. , qui a écrit un beau Alémoire sur l’origine de la houille ; Al. Giebel, de Quecllinburg ; AI. Heyse , auteur d une description des fossiles du muschelkalk des environs d’Aschersleben ; AJ . Ro¬ bert , à Rübeland ; AI. Hampe, le savant botaniste, à Blanken- burg , et bien d’autres amis de la science qui pullulent dant cette belle Allemagne , pour qui la probité antique de ses fils , le dé- 732 SÉANCE DU 3 31 AI !8/j7. veloppeinent de l’intelligence , la passion pour l’étude , et l’amour du travail , sont les meilleures garanties d’un avenir certain. § 3. Composition du sol cl gisement général des formations ; dgc des roches massives. Les terrains primaires constituent le fond de tout le N. de l’Al¬ lemagne. Ils se montrent dans l’Eiffel, ils se montrent dans le llarz , ils se montrent près de Magdehurg ; ils forment une seule et même grande formation à laquelle appartient le Cornouailles et la Bretagne. Plus on avance vers l’E. , moins ces formations sont tourmentées. En Bretagne, le terrain cambrien a été reconnu sur des étendues considérables ; on trouve encore le terrain silurien dans les Ardennes ; d’après la détermination qu’on a faite des restes organiques , et par suite de plusieurs considérations géologiques, le plateau de Magdeburg et le llarz paraîtraient recouverts, du moins en grande partie, par les formations auxquelles ou a jusqu’ici donné , peut-être avec trop de généralisation , le nom collectif de dévoniennes , mais la direction du terrain silurien domine dans ce dernier massif. Dans les plaines sans (in de la Russie , MM . Mur- cliison , de Verneuil et de Keyserling, ont reconnu ces deux der¬ niers terrains sur d’immenses étendues , et en couches à peu près horizontales. Des roches granitiques forment en quelque sorte le noyau du plateau haercynien. 11 ne faudrait pourtant pas s’imaginer que les grandes plaques rouges qu’on voit sur toutes les cartes du llarz soient tout à fait conformes à la vérité. L’influence que ces roches ont exercée sur les couches de sédiment environnantes, nous montre bien qu elles n’ont pas été formées à la place quelles oc¬ cupent actuellement. La direction moyenne, à peu d’exceptions près, N.-E. des schistes primaires, n’est pas souvent en rapport avec les masses irrégulières des granités , ou l’alignement général E.-S.-E. du massif liaereynien. Ce fait que M. Germar a indiqué depuis longtemps (1), et qui est notoire dans le pays, a donné (1) Gcognostlschc Bcmcrhingen auj ci/ier Reisc über den Harz and das Thüringcnvald — vom H erre n Professer Germar in Halle , 1819. Je trouve dans cette petite brochure , où M. Germar n’a fait que donner son journal de voyage, des observations d une exactitude surprenante , et qui n’auraient pas dû échapper à ses successeurs. M. Germar fait remarquer que dans le Bas-Harz (c’est-à-dire là où de grandes érup¬ tions postérieures ne sont pas venues bouleverser les formations) , les couches des schistes et des grauwaekes courent E.-ü. , et plus souvent SÉANCE DU 3 31 AI 18Zl7. 733 lieu à une théorie singulière , qui fait dériver les granités du ïlarz d’ une fusion successive des couches de transition qui se serait propagée des parties inférieures jusqu’à la surface. L’étude des phénomènes de contact , si variés et soumis pourtant à des lois fort simples, démontre facilement combien l’application de cette hypothèse à ce pays est insoutenable. Une partie des couches de transition était déjà relevée depuis longtemps ; les granités n’ont fait que les percer en redressant leurs tranches déchirées , ou en soulevant même certaines portions à la manière d’un emporte- pièce. Ce n’est que dans des localités très restreintes cjue les schistes et les grauwaekes ont passé à l’état de micaschistes , de gneiss , de quarzites ; mais presque partout , autour et à peu de dis¬ tance des masses granitiques , on voit s’y développer quelques petites paillettes de mica, ou bien les grauwaekes se sont transfor¬ mées en hornstein , les schistes en phtanites. Des masses de dia- bases , de porphyres, des nombreuses déjections d’amphibolites , quelques parties serpentineuses , le tout accompagné de roches métamorphiques de tonte espèce, de quarzites, de soi-disant gabbro , d’amygdaloïdes, de val idités , etc. , etc. , se rencontrent abondamment au milieu de ces sédiments d’une époque re¬ culée. Un grand nombre de filons remplis de minéraux variés, de fer carbonate et oxidé rouge ou liydroxidé , de plomb , d’argent, de cuivre , d’antimoine , de zinc , de manganèse , d’arsenic , de cobalt , de chaux fluatée , de baryte , de strontiane , forment la richesse de ce pays (1) ; une foule de minéraux improductifs, appartenant surtout à la classe des zéolites et des silicates , les accompagnent. Déterminer les relations d’àge des différentes roches massives qui ont percé les schistes et les grauwaekes, par rapport au terrains se- encore N.-E., S.-O. ; celte observation, qui à elle seule nous indique une loi générale , est fortifiée et précisée encore davantage par la cita¬ tion d’un fait qui m’est tombé également sous les yeux, savoir: que « près de la Bleclihütte , où la surface du granité s’abaisse et plonge » vers le nord, cette roche n’a pu changer en rien la direction géné- » raie des schistes qui vient s’arrêter brusquement à son contact. » Je possède des échantillons de cette localité, qui montrent que les tran¬ ches des couches , déjà auparavant relevées, des schistes , vont frapper contre les granités qui les ont altérés et qui ont rehaussé postérieure¬ ment le tout dans un autre sens. ( I) C’est près de Neudorf, dans le Bas-Harz , qu’on a trouvé du sé¬ lénium, et, associé à celui-ci, des traces d’une substance que Berzélius a reconnu être du palladium. 73/j SÉANCE DE 3 MAT J8/|7, condaires , est une tache extrêmement difficile , et je dirais presque impossible, si on se limite à l’observation superficielle du simple massif du Harz. A l’exception des porphyres d’ilefeld et de Halle, qui paraissent être arrivés après le dépôt du terrain houilleret s’être continués pendant la période permienne , ces roches ne sont ici jamais en contact avec les terrains secondaires. Dans Tétât actuel de la science pétrographique , qui ne permet guère encore de classer les âges des roches plutoniennes par des caractères tirés de leur structure intime , et tant que la géologie du Harz n’aura pas été étudiée en détail , ce qui est loin d’être fait , c’est donc dans le pays environnant ou dans d’autres groupes de montagnes qu’il faut faire de pareilles recherches; l’analogie des roches pourra permettre ensuite quelques rapprochements. Tout ce que j’ajouterai à cet égard ici ou vers la fin de cette notice, et , je dois le dire, tout ce qu’on a pu répéter là-dessus jusqu’à présent, ne doit, ne peut avoir qu’une valeur approximative. Dans son dernier ouvrage sur le Harz, M. Haussmann a admis l’ancienneté relative de certaines roches qu’il appelle diabases , et qui sont connues com¬ munément sous le nom de urgrünstei/? , par rapport aux granités du pays ; je suis porté à croire qu’il a raison ; en tous cas il me paraît absolument certain que ces roches n’ont pu s’injecter dans les couches schisteuses que lorsque celles-ci étaient déjà redressées et rasées ; les phénomènes de métamorphisme qu’elles présentent surtout du côté du toit, ne laissent point de doute à cet égard. J’ai, en cela , le regret de devoir être en contradiction avec l’opi¬ nion exprimée par quelques savants distingués. Hélas! on ne peut être de l’opinion de tout le monde. Je crois pourtant qu’on fini¬ rait par se mettre d’accord , si on voulait s’entendre hien sur ce cjue Ton appelle grünstein et urgrünstain d’émersion ; car il y a plusieurs masses qui portent ce nom dans le 1 larz , et qui ne sont autre chose que des roches de sédiment métamorphosées ; et M. doué, si je ne me trompe , a dû le faire remarquer lorsqu’il a trouvé un débris fossile dans une de ces prétendues masses d’é¬ ruption dans les environs de Goslar. Moi-même j’ai examiné , en parcourant le Harz, certaines roches auxquelles quelques géo¬ logues ont prêté le nom de gabbro , de porphyres , de grünstein, et qui ne sont évidemment que des roches altérées (1). Quoi qu’il (1) Je suis tout étonné de trouver que M. Germar avait également observé, en 1819, que certains gabbro’s étaient stratifiés. Ce que dit M. d’Omalius d’Halloy n’est que trop vrai : « La mode exerce son em- » pire sur les sciences comme sur bien d’autres choses, o D’abord , 785 SÉANCE DU 3 MAT 18Z|7. (Mi soit, il me paraît résulter de l’ensemble de la disposition des couches de ce plateau primaire qu’une partie des schistes était déjà relevée suivant une direction moyenne ]N.~E., et qu’ils étaient déjà rasés à la manière de ceux d’Angers ou de certaines steppes de la Russie, lorsque les premières roches massives sont venues s’inter¬ caler à la suite de fentes qui se sont produites dans le sol ; et, tout vu , je crois encore probable que les granités qui forment le noyau et le relief principal du Harz aient paru à la surface avant la formation des premières couches secondaires, car il est à peu près certain que le Harz, au moins en partie, formait déjà une île lors du dépôt du terrain houiller et du rothliegendes. Mais ces mêmes granités, et, en général, tout le petit chaînon , ont dû être relevés encore plusieurs fois, et même très brusquement, pendant le cours des périodes secondaires et tertiaires ; les grands boule¬ versements qui ont eu lieu dans le pays après l’époque du terrain crétacé en sont une preuve. Les éruptions porphyriques et la di¬ rection définitive du chaînon et de ses prolongements se rattachent à ces différents mouvements postérieurs. En tous cas , il me paraît certain que ces montagnes formaient, en totalité, une île au milieu de la mer triasique. Depuis cette époque, le Harz a toujours été à sec ; les eaux qui ont encore pu modifier son relief n’ont été que passagères. En était-il de même des îlots qui lui sont analogues, du plateau de Magdeburg, du Thüringerwald , etc. ? Je le pense ; c est même ce qui , pour ces contrées , établit, à mon avis, une différence plus marquée entre les terrains primaires et les ter¬ rains secondaires qu’entre les différentes parties de ces derniers : car les premiers étaient déjà en couches non seulement redressées, mais partagées en massifs à plusieurs niveaux différents, dénudées et rasées ; ils formaient des continents et des îles lorsque les ter¬ rains secondaires sont venus en recouvrir les parties submergées , tandis qu’entre les différents terrains secondaires et tertiaires il n’y a que l’écho des grands mouvements, dont le centre était plus loin, et des déplacements qui ont bien suffi à distinguer les époques tout avait été formé par les eaux, tout était stratifié; plus tard , il n’y a plus eu partout que des produits ignés , et de conclusion en conclu¬ sion on est arrivé à faire couler les gypses et les dolomies Plusieurs , parmi les questions géologiques , et parmi les plus importantes , ont subi de pareilles phases et en subissent encore. On dirait que rien , dans le monde moral comme dans le monde physique, ne saurait se passer que par action et réaction. Il y a bien peu d’hommes qui sachent s’ar¬ rêter devant l'exagération d’un principe. 736 SÉANCE DU 3 MAI 1847. différentes, mais qui n’ont pas complètement changé la disposition des continents. Cela me rappelle involontairement le fait cité par M. Alcide d’Orbigny, qui a observé en Bolivie une ligne de dé¬ marcation tranchée entre le terrain silurien et le terrain carboni¬ fère. 11 y a là une espèce de grand hiatus, dont un pareil ne saurait plus être observé entre les différentes périodes postérieures que lorsqu’on arrive aux derniers terrains meubles. Les terrains secondaires et tertiaires, en commençant par le ter¬ rain carbonifère, se sont déposés dans les mers méditerranéennes du nord de l’Europe , en s’appuyant sur les côtes des différents continents émergés , et reculant ou avançant leurs dépôts, qui va¬ rient de forme d’épaisseur et de nature, en raison des mouvements que subissait l’écorce terrestre à l’origine d’une nouvelle période ou pendant son cours, de la forme qu’acquéraient les golfes et les mers , de la disposition des rivières et des lacs. Entre les plateaux primaires du Harz et de Magdeburg , on retrouve presque toute la série des couches secondaires ; la plus grande partie des sédiments postérieurs aux schistes dévoniens qu’on a reconnus dans 1 Europe occidentale s’y sont succédé et s’y sont recouverts tour à tour ; les plus anciens emboîtent les formations récentes. Le terrain houiller, le rotliliegendes , le zechstein , les trois membres du trias, diffé¬ rentes formations de la période jurassique , plusieurs étages cré¬ tacés , des bas-fonds tertiaires , des dépôts meubles d’époques variées, et, parmi tous ces terrains, des sédiments pélagiens tran¬ quilles, mécaniques ou chimiques, des sédiments méditerranéens lacustres , d’embouchure , ou de marécages , des dépôts de transport sous-marin, diluvial ou fluviatile ancien, des gypses, des dolomies, du sel gemme , s y sont donné rendez-vous, et n ont été masqués qu’en partie par les détritus et les alluvions actuelles. La composi¬ tion de plusieurs d’entre cette longue série de dépôts nous rappelle , à elle seule, qu’ils n’ont pas été produits , tant s’en faut, sans que des causes étrangères ne vinssent apporter du dérangement dans leur formation successive , sans que des mouvements lents ou pré¬ cipités du sol lui-même ne vinssent en changer l’étendue, la forme, le niveau, la nature. La présence ou l’absence de plusieurs étages intermédiaires nous permet , même en nous renfermant dans la contrée limitée que comprend ma carte , de distinguer, d’après les simples lois de la stratigraphie, les principaux groupes de forma¬ tions. Les débris fossiles des corps organisés enfouis dans ces cou¬ ches viennent confirmer et préciser encore davantage les résultats obtenus, et nous faciliter 1<; rapprochement de ces mêmes forma- SÉANCE DU 3 MAI 1847. 737 tions avec leurs analogues dans le coté opposé des bassins, en France, en Angleterre, en Scandinavie, sans nous obliger à suivre rigou¬ reusement pas à pas les superpositions. § !\. Relie f oro graphique et structure . La nature des sédiments dont se compose le sol de la contrée sub- baercynienne , l’ensemble des mouvements qui l’ont bouleversée , les dénudations qui en ont dévasté la surface à plusieurs reprises, ont modifié diversement le relief orograpliique du pays. Ce relief, extrêmement pittoresque et varié par son aspect extérieur et sa vé¬ gétation , est , au contraire, très simple par les lois générales qu’on y reconnaît et qui découlent du mode de son origine. Le Harz lui-même, ce plateau arrondi, mais raviné, et quelquefois profon¬ dément entaillé , d’une hauteur assez uniforme , se terminant au N.-N.-E. par une ligne de falaises boisées et à pentes rapides, et dont le niveau moyen général, de 500 à 800 mètres , n’est dépassé que légèrement par des espèces de ballons isolés et moins fertiles dont le plus liant n’arrive pas beaucoup au-delà de 1,200 mètres de hauteur, est le résultat de la présence des couches primaires de schistes et de grauwaekes, de leur ridement primitif, de l’existence de nombreuses masses ignées qui les ont percées j ostérieurement, des fentes, des failles et des dénudations gigantesques qui en ont profondément modifié le relief, de la décomposition séculaire cpii en a façonné différemment les formes extérieures. Le plateau de Magdeburg, à pentes plus douces, moins haut, mais également élevé au-dessus du pays environnant, correspond à un deuxième affleurement des couches schisteuses et à des épanchements de roches éruptives. Entre les deux îlots primaires, les couches plus récentes ont subi un ridement général parallèle à la grande ligne de falaises qui termine au N.-E. le plateau haercynien et cpii se dirige vers l’JE.-S.-E. Ce ridement n’est pas l’effet d’une seule révolution; une étude attentive et détaillée nous montre qu’il est le résultat de plusieurs dislocations successives dont les unes ont pu être lentes , les autres brusques, et qui certainement ont eu des directions fort variées. Mais la disposition des golfes et des cotes était telle, que les mouvements successifs, dans quelque sens qu’ils fussent , n’ont pu que produire l’exagération et la répétition des dislocations an¬ térieures. Les couches plus récentes ont été constamment en¬ traînées, lors de leur redressement, dans la direction des ridements anciens. Il serait très difficile de déterminer lesquels de ces ride- Soc. gcol. , 2e série, tome IV. ^7 738 SÉANCE DU 3 MAI 1847. ments sont dus à Faction directe des soulèvements latéraux , ou bien à Faction indirecte du relèvement du fond des bassins ; ils tiennent probablement tout à la fois à l’une et à l’autre de ces deux causes. Le golfe subhaercynien , où se sont déposés les terrains secon¬ daires , était fermé vers l’orient. La cessation des dépôts supé¬ rieurs et le peu d’épaisseur des formations triasiques lorsqu’on s’avance vers FE.-S.-E. , l’apparition du terrain permien non loin de Cothen , en sont une preuve. Les rides des couches sont peu nombreuses et très peu importantes vers la limite orientale du bassin , où elles ne commencent que par une seule courbure presque insensible; mais cette courbure se modifie bientôt , et elle grandit et finit par donner lieu à des déramations qui , elles- mêmes, deviennent plus fortes et se subdivisent à mesure que l’on avance avec le soleil , c’est-à-dire à mesure que l’on s’approche du méridien géologique de Brocken. La simple inspection raisonnée .de la carte de Hoffmann suffit pour nous convaincre de cette allure des couches secondaires qui , ne formant entre Konnern et Magdeburg que deux rides légères et trois fonds de bateau , pré¬ sentent six rides et sept fonds de bateau entre Goslar et Klinze. Or, c’est précisément ici que le golfe s’élargit davantage et que les formations s’y trouvent plus puissantes et plus au complet. Si le ridement définitif n’était que l’effet d’une pression latérale, il de¬ vrait être plus fort là où les couches étaient plus élevées et plus horizontales ; mais c’est le contraire qui a lieu. Je crois donc ne pouvoir me passer d’admettre que le dernier ridement , le ride¬ ment qui a mis à sec et qui a transformé en une plaine ondulée le fond concave et profond de ce golfe , a été autant occasionné par le simple relèvement vertical même du fond , que la pression directe d’un soulèvement latéral. Plusieurs autres considérations de détail me confirment d’ailleurs dans cette opinion. Dans tous les cas , la forme allongée du golfe , dont le grand axe se dirige vers FE.-S.-E. , ne laissait point d’autre alternative à la direction des rides de tous les terrains, depuis ceux qui s’y sont déposés le plus anciennement jusqu’aux plus modernes. Ce sera donc dans l’alignement des massifs antérieurs , dans la succession des roches éruptives lorsqu’on peut l’observer , et dans la direction et l'âge des grandes failles , autant que dans la composition des couches et dans la nature des restes organiques qu elles renferment, que nous trouverons un appui pour leur classement. Un autre moyen très puissant de contrôle serait l’étude des directions , des inclinaisons et des époques d’ouvertures et de remplissages successifs des nom- 739 SÉANCE DU 3 M'AI 18/|7. breux filons de 1 intérieur du Harz. On pourrait peut-être parvenir de eette manière à rapprocher avec assez d’exactitude l’apparition des différentes substances minérales avec les diverses époques des dislocations; mais les phénomènes de ce genre, que je ne pourrais qu’indiquer sommairement dans un travail plus élaboré , ne sau¬ raient être étudiés et éclaircis que par la plume de l’auteur du grand ouvrage sur le Bas-Harz , qui en dirige les mines et qui possède en même temps, au Mâgdesprung, la plus belle collection de produits des filons de ce pays qu’il puisse être donné à un homme de désirer. Trois grands systèmes de failles se font remarquer dans le bassin subhaercynien. L’un , courant à peu près de l’E.-S.-E. , serait pa¬ rallèle à la grande falaise septentrionale du Harz , qui probable¬ ment lui devrait son existence. Un autre, courant à peu près sui¬ vant la d irection thuringienne, et dont on trouve un exemple dans le cours de la Wipper, depuis Freckleben jusqu’à Aschersle- ben , dans les marais de la Sée , etc. ; on a fait remarquer depuis longtemps que certaines parties du cours de plusieurs grandes rivières de l’Allemagne septentrionale avaient été déterminées par une cause analogue. Un troisième grand système de failles court du S. -S. -O. auN.-N.-E. ; ce système, qui n’a pas épargné les terrains crétacés les plus supérieurs de la contrée , est celui qui a laissé le plus de traces sur la surface du pays ; le lit de la plupart des rivières qui descendent au N. du Harz en dépend; l’Elbe, depuis Magdeburg jusqu’à la hauteur de Genthin , suit cette même di rection. De nombreuses et grandes dénudations ont marqué , pour ce pays comme pour tous les autres , le passage de plusieurs époques d’agitation aux périodes successives de dépôt tranquille. 11 en est résulté l’enlèvement des couches dans tous les endroits où elles étaient fracturées , et là où des solutions de continuité permet¬ taient aux eaux d’avoir prise. Les couches récentes sur les bords des massifs anciennement exondés ont été arrachées ; les parties convexes et fendillées des rides furent emportées ; les forma¬ tions ont été plus ou moins ravinées et décimées suivant le degré de résistance qu elles présentaient et la violence du courant. * Tout le relief du sol se ressent de cette triple action : du ride- ment , des failles, de la dénudation. Les ondulations de la plaine sont disposées en plusieurs séries de collines parallèles ; ce sont les débris des rides du sol que la dénudation n’a pu emporter. De larges vallées longitudinales sillonnent le pays peu profondément et marchent dans le même sens que les collines. Ces parties cou- 740 SÉANCE LU 3 MAI !8/i7. caves des rides partagent les croupes par de larges fonds de ba¬ teau; on peut les appeler des vallées (le séparation . D’autres grandes vallées qui se dirigent vers le N.-N.-E. coupent à angle droit tous les accidents du ridement ; elles servent de lit aux ri¬ vières principales du pays, et sont tout aussi bien taillées à travers les rides qu’à travers les vallées longitudinales. Le niveau des cou¬ ches d’une même formation varie ordinairement sur les deux côtés de ces vallées ; elles sont , dès lors , évidemment des failles élargies démesurément par les courants diluviens postérieurs, qui, par leur action successive , en ont même altéré parfois là direc¬ tion rectiligne (1). Souvent les rivières se détournent brusquement pour couler soit dans les vallées longitudinales, soit entre des cou¬ ches moins résistantes ; la fente continue alors dans sa direction primitive, ou elle se cache et ne reparaît que plus tard. C’est ainsi que la Wipper, après s’être traînée depuis Hettstaeclt jusqu’au-delà de Sandersleben , dans une de ces grandes failles élargies où le rejet n’est pas moindre de cent pieds , la quitte près de Freckleben et court sur la petite ville d’Aschersleben pour se diriger ensuite versGüsten, en suivant, après avoir opéré sa réunion avec l’Eine, une autre faille parallèle à la première. Rien mieux que le cours de toutes ces rivières au sortir du JTarz , de la Wipper, de l'Eine, de la Selke , de la Rode , de la Holzemme , de l’Ocker, etc. , ne pourrait démontrer la double origine des vallées , dues d’abord à des fentes profondes, remplies depuis par l’écroulement et élargies d’une manière démesurée par une action érosive postérieure. Rien n’apprend mieux la puissance de ces deux agents, du jeu intérieur et des eaux superficielles. Les traces de l’un sont voilées , on ne les découvre que par l’étude des couches solides; l’autre se manifeste de toutes parts à l’observateur du relief. En dehors de cette structure générale , de ccs deux grands sys¬ tèmes de vallées , les vallées de séparation et les vallées transver¬ sales , cpii forment comme un réseau sur le pays et le découpent en un grand nombre de parallélogrammes rhomboédriques plus ou moins élevés , le mécanisme du relief actuel de chaque ride offre encore une série de phénomènes aussi intéressants cpie ceux (1) Il y a longtemps que l’on sait que a plupart des rivières coulent dans des vallées qui doivent leur origine à des failles , leur creusement et élargissement aux eaux. M. de Buch et M. Boué l’ont démontré pour plusieurs cours d'eaux de l’Allemagne; M. Dufrénov, pour la Garonne; M. E. de Beaumont, pour le Rhin; M. de La Bêche , pour les vallées du terrain de craie de l’Angleterre; M. Dumont, pour celles de la Belgique. SÉANCE 1)U 3 MAI !8/l7. 7H que M. Thurmann a étudiés avec un soin si éclairé dans le Jura de Porentruy (1). On y distingue principalement : a. Les axes des rides qui , suivant la nature et la résistance de la plus inférieure des for¬ mations dénudées, sont occupées par une vallée de soulèvement ou par une croupe arrondie. — b. Les chaînes et les vallées latérales et longitudinales ; chaque ride peut en compter plusieurs; elles se ré¬ pètent et alternent doublement autant de fois qu’il y avait de for¬ mations alternativement solides ou meubles mises à découvert lors de la dernière dénudation, c. Les petits vallons qui découpent les séries des collines et qui ne sont dus généralement qu’à la simple érosion. Ces vallons ne pénètrent que dans les formations les plus superficielles ; les grandes vallées transversales atteignent jusqu’aux terrains primaires et au granité. Les abords du Harz sont défendus par une ceinture multiple de collines et de vallées qu’on pourrait appeler circonvallation , aux¬ quelles on donne collectivement dans le pays le nom de Harz - Jland , et qui sont également le produit du redressement , de la nature et de la dénudation des différentes formations. La hauteur moyenne de ces pays de plaines et de collines , au- dessus du niveau de la mer Baltique , est de 130 à 200 mètres. Série des différentes formations suivant V ordre de leur super¬ position et révolutions qu elles paraissent avoir subies. Je n’ai pas étudié spécialement les couches primaires, mais j’ai parcouru plusieurs fois, et dans bien des directions, les massifs du Harz et de Magdeburg. Après cela , et jusqu’à des études plus soignées qu’on n’en a pu faire jusqu’ici, je crois que, pour ce qui regarde les terrains appelés de transition , il n’y a rien de mieux à dire que ce que M. Élie de Beaumont écrivait en 1833 , dans l’Appendice au Manuel géologique de M. de La Bèclie. 1. Terrain silurien. — 2. Système du Hundsrück. — « Une grande » partie des schistes et des grauwaekes du Harz ont subi un pre- » mier redressement dans la direction liora 3-à, c’est-à-dire N. -E. » à N.-N.-E. » Ce redressement a dû être un ridement , et les sommités des arcs ont dû être de bonne heure emportées par une première dénudation. Cette dislocation se rapproche par sa direc¬ tion de la marche du soulèvement post-silurien du Hundsrück , et serait déjà une forte présomption en faveur de l’existence du (1) Essai sur les soulèvements jurassiques de Porentruy. T. II des Mèrn. de la Soc, d'bis, nat. de Strasburg. 1833. SÉANCE DU 3 MAI 18A7. 7/j2 terrain silurien , sinon partout à la surface , du moins à une petite profondeur. Pour ma part, je suis porté à croire qu’une bonne portion des schistes haercyniens , surtout dans la partie orientale du massif, appartient à la période silurienne. Le petit nombre de points où l’on trouve des fossiles , ces calcaires d’Elbingerode , qui occupent une aussi grande place au milieu de schistes sans fossiles, et desquels on ne sait pas bien d où ils viennent ni où ils vont , ne seraient-ils point de petits massifs dévoniens renfermés dans des bassins plus anciens? Les bouleversements ont été si grands et si multipliés dans le Harz , qu’il serait difficile de décider complè¬ tement cette question , même après une étude strati graphique détaillée avec des cartes à grande échelle. D’ailleurs il n’est pas encore bien sûr pour moi que ces calcaires d’Elbingerode doivent être définitivement placés dans la troisième période primaire. Les débris qu’ils renferment sont surtout des Polypiers , et l’on sait que cette classe d’animaux n’est pas bien exclusivement caracté¬ ristique de l’une ou de l’autre formation. 3. Terrain dévonien. — « Les grauwaekes qui forment les collines » au N. -O. de Magdeburg , dit M. Elie de Beaumont , et dans » lesquelles on trouve un grand nombre d’impressions d’Equisétacés » et d’autres plantes peu différentes de celles du terrain houiller, ne » partagent pas la direction hora 3-ù des autres grauwaekes de » l’Allemagne. Elles appartiennent probablement à la partie la » plus récente des dépôts dits de transition, et la direction de leurs » couches est presque parallèle à celle de l’escarpement N.-E. du » Harz, dont le soulèvement a sans doute eu quelque influence sur » le ridement qu’elles ont éprouvé. » Je ne saurais rien ajouter à l’exactitude de ce court aperçu, sinon que je crois vraiment difficile de réunir, après ces faits, en une seule et même formation , les collines de Magdeburg et la grande majorité des montagnes du Harz. La différence de l’inclinaison des couches , de leur direction , de l’aspect de la roche , etc. , et tout cela à si peu de distance , me paraît parler en faveur de cette distinction. » U Soulèvement post-dévonien. — C’est au système des ballons que M. Elie de Beaumont attribue le plus d’influence sur la forme générale du relief du Harz. C’est lors de cette dislo¬ cation post-dévonienne que seraient apparues les grandes masses granitiques du Brocken et du Rammberg , qui ne seraient pas ana¬ logues à ce granité qui , au Kiffhauser , paraît avoir soulevé une roche d’amphibole , et être postérieur aux terrains du trias. Ces roches éruptives ne sont point sorties à l’état liquide; leur SÉANCE DU 3 MAI 1847. 743 consistance est prouvée , soit par le, fait d’avoir arraché une partie des couches primaires à la manière d’un emporte-pièce, soit par l’influence métamorphique très bornée qu’ils ont exercée sur ces mêmes couches. La grande falaise septentrionale qui termine ce groupe de montagnes suit la direction E.-S.-E. du même soulève¬ ment ; une direction E.-O. se reproduit sur plusieurs points de l’intérieur du massif; les couches dévoniennes de Magdeburg et celles du Harz en auraient été redressées ou ridées. Dès cette époque , le Harz ainsi que les collines de Magdeburg ont constitué des îles au milieu de la grande mer carbonifère (1). 5. Dépôt du terrain hoailler. — Le terrain liouiller s’étend au fond du bassin intermédiaire ; on le voit reposer au pied du Harz, près de Maisdorf. Entre Ballenstadt et la Selke , ce terrain , composé de schistes et de grès noirâtres avec empreintes végétales, et ren¬ fermant quelques couches de houille et de calcaire peu puissantes, paraît être une formation d’eau douce; il s’appuie doucement, mais en stratification discordante , sur les couches primaires. Il est recouvert par une petite épaisseur de rothliegendes ; mais on l’a (l) Voilà, pour ce qui regarde les terrains primaires de l’intérieur du Harz et de Magdeburg, mon opinion actuelle: elle est incomplète, in¬ certaine, comme tous les systèmes qui ne sont pas basés sur une longue et minutieuse observation ; mais elle est, à mon avis , la seule ration¬ nelle. Aussi je demande aux savants géologues qui se sont occupés de ce pays , la permission de la garder jusqu’à ce que des cartes spéciales et faites sur une grande échelle , viennent nous apprendre la disposition exacte et les relations des différentes roches sédimentaires , éruptives, ou métamorphiques, dont l’emplacement, la nature, et les limites , n’ont été donnés jusqu’à présent que d’une manière tout à fait arbi¬ traire. Ce n’est donc que pour ne pas courir le risque d’être accusé d’igno¬ rance que je crois devoir rappeler l’opinion d’un savant paléontolo¬ giste , M. Adolphe Roemer, à Clausthal, qui paraît avoir rencontré dans le Harz la plupart des subdivisions des terrains dévonien et silu¬ rien de M. Murchison , et même du terrain cambrien de M. Segdwick , et qui admet qu’après le dépôt du trias et des terrains jurassiques, tout le massif du Harz a été renversé complètement, de manière que les couches qui occupaient la position supérieure vinrent se pla¬ cer à la partie inférieure : « Nach der Ablagerung , etc..., das ganze Uibergangsgebirge ist übergestürzt. » Du reste, M. A. Roemer dit lui -même qu’il n’a pas eu la temps de visiter convenablement les roches en place, et que pour ses déterminations il n’a pu compter que sur quelques fossiles appartenant a un petit nombre de points, et tirés d’anciennes collections. (A. Roemer, Die Versteinerungen des Harz- geb i rges . Han no ver, 1843.) SEANCE JJ U 3 MAI ISA/. 7 h h atteint en plusieurs endroits par des puits , et même par une galerie poussée du fond de la vallée de la Selke dans le flanc de la mon¬ tagne. Ce terrain est le premier dont les couches , s’appuyant fai¬ blement sur le plateau liaercynicn , affectent la direction E.~S.* E. , normale pour tous les terrains secondaires du pays. Au-delà des limites de ma carte , on le voit encore affleurer de dessous le rotli- liegendes, dans les environs de Halle, où il est bouleversé par les porphyres, et près de Neustadt et d’Jlefeld, au midi du Harz ; on le voit de nouveau apparaître sur les pentes du Tliüringerwald près d’ilmenau, etc. Des recherches l’ont déjà mis à découvert dans quelques autres points des différentes parties des anciens pays saxons. Ee terrain houiller est-il une formation générale indépendante appartenant à une seule époque, ou bien ne serait-ce qu’un acci¬ dent dans les terrains des périodes paléozoïques, ainsi que llum- boldt l’avait pensé il y a longtemps? L uniformité de composition et de végétaux qu’on y remarque parlerait pour la première hy¬ pothèse. Maison a trouvé des houilles dans le terrain dévonien (bassin de la Basse-Loire), tout aussi bien qu au-dessus du calcaire carbonifère. Au Harz, il paraît être intimement lié avec le nou¬ veau grès rouge. Je crois beaucoup plus rationnel et plus con¬ forme à l’observation d’admettre la deuxième opinion. En effet, le terrain houiller n’est ordinairement qu’un produit riverain de tourbières immenses qui se sont formées dans les périodes tran¬ quilles de la vie du globe , à une époque où la végétation avait déjà pu s’étendre sur la terre, mais où la température centrale , ayant encore beaucoup d’influence à la surface, donnait aux cli¬ mats une grande uniformité et encombrait de vapeurs humides l’atmosphère déjà chargée d’une grande quantité d’acide carbo¬ nique. Or, rien ne nous oblige à limiter ces conditions générales à une seule période. Dès lors, il est très probable que la même vé¬ gétation a pu se continuer à travers des révolutions partielles pendant tout le temps très long pendant lequel ces circonstances n’ont pas été sensiblement altérées. Quoi qu’il en soit, il me paraît assez vrai de dire que le terrain houiller du Harz est le produit de l’époque de tranquillité qui a précédé immédiatement la dispersion des immenses dépôts meu¬ bles qui ont donné lieu à la formation du rothliegendes , et que ce terrain étant plus ou moins riche, plus ou moins compliqué, s’étend non seulement sur une grande partie du fond du bassin subhaereynien du nord , mais également dans de grandes étendues de la Thuringe où il est recouvert partout par la formation puis** SÉANCE Dü 3 MAI 1 8 /§ 7 . 7Zh? santé de ce même rotliliegendes. Il est même très probable que son épaisseur ? à l’instar de celle des formations supérieures, aille en augmentant à mesure qu’on s’éloigne du bord des massifs pri¬ maires. Jusqu’à présent on n’a établi des exploitations que sur la limite des bassins, ou bien là où le terrain houiller a été relevé par les porphyres. Je pense que des recherches dirigées avec in¬ telligence dans des localités convenables, dans l’intérieur des bas¬ sins des anciens golfes , pourraient offrir de grands avantages. Les seules difficultés qui se présentent contre la réussite de sem¬ blables essais sont la grande profondeur à laquelle il faudrait aller chercher la houille , et surtout le système du morcellement des concessions qui régit , en Prusse , l’industrie minière , et qui , fa¬ vorisant une concurrence jalouse et formidable , s’oppose sans remède à toute avance de capitaux considérables. Mais la cherté du combustible , le développement toujours plus grand de l’in¬ dustrie , la prévision intelligente du gouvernement de Berlin, sauront bientôt venir à bout de ces obstacles. 6. Dépôt du rotliliegendes et du zcc/istein. — 7. Mouvements post-pcnn 'e is . • — Les formations permiennes recouvrent les couches houillères sans qu’on puisse bien s’apercevoir d’une discordance de stratification entre ces terrains. Elles se composent, comme chacun sait , de deux grands groupes , le rotliliegendes et le zeclistein , qui, dans ce pays, lui est concordément superposé. Une foule de dépôts subordonnés > tels que le weissliegendes , le kup- ferschiefer, la rauchwacke , l’asche , le stinkstein , les gypses, le sel, les calcaires magnésiens ou ferrugineux, les dolomies pro¬ prement dites , complètent ce terrain. Les couches permiennes affleurent presque partout autour des massifs primaires ou grani¬ tiques du Harz, de Magdeburg, du Kiffhauser, du Tliüringerwaid, sur lesquels elles s’appuient plus ou moins doucement. Elles sont très étendues à la surface dans le pays du Mannsfeld. Ce ter¬ rain entre dans le domaine de ma carte depuis Ballenstaedt jus¬ qu’à Hettstaedt. Il repose ici sur les couches anciennes ou sur le terrain houiller, avec une inclinaison N. -N. -E. d’environ 15° à 35°; et il se montre encore entre Blanckenburg et Wernigerode, mais en couches verticales. Freiesleben donne une description dé¬ taillée de ses caractères. Le groupe du zeclistein apparaît de dessous le grès bigarré ( Bun - ter-su ndstein), dans le fond d’une large vallée de séparation, près d’Egeln , au beau milieu du bassin subhaercynien , où il forme une petite croupe qui s’enfonce presque verticalement des deux côtés sous les dépôts triasiques et supérieurs. Cette circonstance me paraît 746 SÉANCE DU 3 MAI 1847. indiquer que ce golfe permien a été partagé de bonne heure en deux bassins par un léger ridement qui a eu lieu pendant et après le dépôt du zechstein , et avant la formation des terrains du trias. Le mouvement post-permien me paraît encore prouvé dans ce pays soit par les failles du Mannsfeld, soit par l’ensemble du gi¬ sement du grès bigarré qui parfois recouvre complètement les terrains antérieurs et va reposer sur les couches primaires, comme au nord du Harz, entre Ballenstaedt et Blanckenburg ; tandis que d’autres fois , et précisément là où il y a des éruptions de por¬ phyres en voisinage, il s’arrête à une grande distance de ces lo¬ ches qui ont évidemment exondé une partie des fondations per¬ miennes avant son dépôt. Nous en avons un exemple dans le Mannsfeld , près de Magdeburg et d’ilefeld , etc. Dans la plupart de ces localités, des éruptions de porphyres paraissent avoir eu lieu avant, pendant et après les époques houillère et permienne. Ces premiers ridements, qui ont eu lieu au fond des mers per¬ miennes, ont du suivre la direction du golfe dans le pays subhaer- cynien ; et d’ailleurs la marche du soulèvement du Hainaut , en¬ viron E.-O. sous ce méridien , n’était pas très apte à contrecarrer l’influence de la forme des côtes. 8. Dépôt du trias. — Les terrains du trias se sont déposés dans le golfe subliaercynien , comme dans le reste de l’Allemagne , au fond des bassins ainsi modifiés par les dislocations post-permiennes (1). Ils paraissent reposer immédiatement sur le groupe du zechstein. Le trias se compose là aussi , comme ailleur . , des trois dépôts princi¬ paux, le grès bigarré, le muschelkalk et les marnes irisées ( Ken per ). Ces formations renferment accidentellement des gypses et des do¬ lomies. Aucune discordance de stratification n’est appréciable entre elles dans ce pays ; les trois membres du trias passent , au contraire, de l’un à l’autre par de nombreuses alternances. Ils sont caractérisés par le même aspect général des roches qu’on a observé dans le Mannsfeld et en Thuringe , dans le AVürtemberg, comme au milieu des plaines diluviennes de Berlin , dans les Vosges. . . . , et qu’on trouve si bien décrit dans les ouvrages d’Alberti, (1) L’opinion qui réunirait en un seul groupe le terrain permien et le trias de l’Allemagne , étant fondée sur une erreur, à savoir, l'inter¬ calation des gypses comme masses éruptives dans toutes les formations de ces deux terrains n’est pas discutable. Si cela était, on devrait ajou¬ ter au nouveau groupe , les terrains de la craie , et, par conséquent, les couches oolitiques qui lui sont sous-jacentes , car on trouve du gypse tout aussi bien au milieu du plœner que dans le zechstein. SÉANCE DU 3 MAI 1847. 7A7 ✓ de Quenstedt , d’Elie de Beaumont, etc. Malgré tout cela, je ne crois pas loin le jour où on reconnaîtra dans le grès bigarré, le muschelkalk et les marnes irisées , trois terrains séparés par des révolutions dont on n’a pas encore pu découvrir les traces jusqu’à présent. Une différence de divers dépôts superposés, aussi grande et aussi soutenue que celle qui existé entre les trois formations triasiques, ne peut s’expliquer que par un changement complet des conditions orografiques générales. Du pays d’Aschersleben, où le trias repose en couches ordinai¬ rement très inclinées dans un fond de bateau étroit et profond, on le suit entre les limites de ma carte , au S. et au N. , le long du Harz et vers le Hackelwald. 11 forme une ceinture de couches presque verticales et même renversées à — àO°et' — 30°, qui entoure les formations permiennes de Hettstaedt et de Maisdorf, et le massif primaire au-delà de Ballenstaedt et près de Wernigerode. Recouvert et peut-être interrompu par les marais de la Sée , on retrouve le trias dans le large bombement du Hackel, du Huy et du grand Fallenstein, entourant et limitant de toutes parts le canal (1) jurassique et crétacé. On le revoit même pendant quelque temps paraître de dessous les couches récentes dans l’axe de la fracture d’élévation de Quedlinburg, au fond de la vallée du Hoppelherg et sur la croupe gypseuse du Sewecken. 9. Dislocations post- trias icjues . — Le soulèvement duThiiringer- vvald ne saurait être marqué avec certitude par les directions dans le bassin subhaercynien. Mais l’effet de ce grand cataclysme, qui a bouleversé l’Allemagne et qui a entraîné l’émersion de grandes étendues de pays au midi et au levant, est marqué indélébilement dans les rides et dans les failles qui ont affecté dès lors les dépôts du trias. L’immense étendue des mers du nord de l’Europe, qui entouraient les différents îlots de transition , s’est trouvée tout à coup découpée par ce ridement en plusieurs bassins qui restèrent souvent partagés par les lignes anticlinales des terrains récemment plissés. Notre golfe, qui n’a pas été mis complètement à sec , a cependant subi, lui aussi, un rétrécissement du côté duN.-E., (I ) Pour éviter toute confusion , on s’est servi , dans cet écrit . du mot golfe ou golfe subhaercynien , pour indiquer toute l’étendue des mers anciennes qui baignaient le pays compris entre les plateaux actuels du Harz et de Magdeburg. Nous avons plus spécialement employé le mot canal pour indiquer l’étendue comprise entre la falaise septentrionale du groupe haercynien et la ricle triasique du Hackel , du Huy et du grand Fallenstein. 7/i8 SÉANCE i)L O MAI 1 8 Zl 7 . et a été divisé en plusieurs canaux. La ride moyenne permienne d’Egeln et de hegerstaedt a été exagérée. Les couches du trias appuyées sur celle-ci et sur les bords du bassin ont été contraintes de se recourber, et deux nouvelles grandes rides se sont formées entre la voûte permienne et les massifs primaires. On les recon¬ naît dans le plissement qui a donné lieu aux rides dont les hau¬ teurs d’Aschersleben , du Hackel , du Huy et du grand Fallenstein , et la croupe large et élevée de l’Ehnwald , ne sont que l’exagéra¬ tion produite par des causes postérieures. La ride mitoyenne du terrain permien était sous-marine ; elle avait été recouverte par les dépôts triasiques, et le zechstein n’a pu paraître à la surface que par des mouvements bien plus récents et par le déchirement du trias. Sur les deux grands bombements post-triasiques que je viens d’indiquer, il me paraît ne s’étre plus déposé de terrains en couches. Dès ce moment l’axe qui réunissait les points où sc trou¬ vent le Hackel, le Huy et le Fallenstein , celui de l’Elmwald, une portion de la ceinture du Harz, et le côté IV. -E du bassin , ont été exondés en partie , et sont restés à sec jusqu’aux périodes les plus modernes. 10. Terrain jurassique. — Les formations jurassiques , dont on trouve à peu près tous les étages vers l’embouchure occidentale du canal, sous le méridien de Goslar , où M. Schuster les a dé¬ crites, et où M. Arndt les a si bien mises à découvert, ne sont re¬ présentées dans le pays compris dans ma carte que par un calcaire avec gryphées arcuées que M. Yxem a observé le premier auprès du Scvveckenberg , et par quelques autres calcaires coquilliers, par des marnes et des argiles noirâtres et des sables et grès à grain très fin, friables et tachetés en jaune orange, qui se montrent près de Halberstadt, sur la limite méridionale de rifuywald, et à l’O. de Quedlinburg , au milieu de la fracture de relèvement. L’état des lieux est tel, qu’une description exacte de la superposition de ces différentes parties ne deviendrait possible qu’à la suite de pro¬ fondes tranchées exécutées convenablement dans le terrain. La nature des fossiles fait rapporter la plupart de ces couches à l’époque du lias, et fait attribuer à plusieurs d’entre elles une ori¬ gine d embouchure (1) ; car les espèces marines qui s’y trou¬ vent à côté des espèces d’eau douce, et de nombreux débris de vé- (I) C’est là l’opinion qu’ont également émise M. Itoemer ( Vcr- steinerungen des Norddeutschen Oolithengebirgcs ; Hannovcr , 1836), et M. Dunker ( Monographie der Norddeutschen TV c a Iden b il du ng . — Braun sch (ecig , 1 846). SÉANCE DU 3 MAI 18/j7. 7/ff) gétaux , paraissent avoir été amenés des rivages voisins pour y être ensevelis. C’est dans un des calcaires de cette formation qu’on a trouvé ces plantes singulières auxquelles M. Adolphe Brongniart a donné le nom de Ch la trop ter i s mcniscioïcles , et dont M. Zincken a publié une superbe lithographie. Le grand golfe subliaereynien ayant été partagé par les disloca¬ tions post-triasiques , nous n’avons plus à nous occuper désormais que du canal encore mouillé qui s’est conservé entre le Harz et la ride triasique du Hackel et du Huy. Cette espèce de fjord long et étroit n’acquérait une certaine profondeur que vers 10. ; dans le pays de Quedlinburg il n’était encore représenté que par des ma¬ récages. On ne rencontre les terrains jurassiques, au bord du Harz, qu’au-delà de l’Ecker ; ils ne commencent, près de Quedlinburg , qu’au milieu de la ride ouverte, et ils n’arrivent pas même à l’E. jusqu’à la rivière de la Selke. Le trias , déjà exondé en grande partie, circonscrivait tout autour le canal jurassique; vers le Harz par la ceinture élevée qu’il y formait , à l’E. par le plateau d’Aschersleben , au N. par l’axe de relèvement où se trouvent au¬ jourd’hui les hauteurs du Hackel et du Huy. J. a ride de Quedlin¬ burg n’existait pas encore. Quelque grand courant d’eau pro¬ venant de l’intérieur des terres et arrivant du coté du levant par la grande faille d’Ascherleben , venait apporter aux marécages et aux mers jurassiques les eaux douces et les matières de sédiment. Ce fleuve a continué de couler pendant toute la période, son lit devait se trouver entre Halberstadt et Quedlinburg. Après le dépôt du lias, un mouvement lent de relèvement dans le sol paraît avoir reculé vers 10. les dépôts qui se formaient. 11. Mouvement post-jurassique . • — L existence de ce mouvement est évidente , mais ses effets ne furent pas grands dans notre pays. Le fond du canal a été replongé nouvellement d’une certaine quan¬ tité ; rembouchure du fleuve oriental a reculé, et le courant con¬ tinental paraît avoir établi son lit plus au N. Les eaux de la mer envahirent encore une partie des terres émergées, et les sédiments qui se sont faits depuis purent s’étendre jusqu’au-delà des limites de l’ancien bassin jurassique , et venir ainsi reposer, d’un côté sur les terrains primaires du Harz , de l’autre sur les couches du trias auparavant exondées du rivage oriental et septentrional. 12. Dépôt du terrain crétacé. — a. L’axe de la ride actuelle de Quedlinburg formait , lors de l’époque crétacée , la partie la plus profonde du bassin qui s’étendait entre le Harz et le plissement triasique le plus voisin au N. de Halberstadt. Un dépôt puissant de grès plus ou moins grossier et blanchâtre, amené probablement 750 SÉANCE DU 3 MAI 1847. par les eaux des rivières du Harz , est veini d’abord les combler en partie. Ce grès, depuis Ermsleben jusqu’au-delà de Wernige- rode , ne se trouve point au bord de 1 île primaire ; mais à l’E. de la petite montagne du Jloppel , on le voit dépasser, du coté du midi, les terrains jurassiques , et ceux-ci le dépassent à leur tour du côté du N. , vers Halberstadt. Au levant , on le retrouve plus au-delà de la Selke. On le rencontre au couchant près d’Ilsenburg et de Goslar ; il forme ainsi une bande qui longe les montagnes qui lui fournissaient les matériaux. Les formations su¬ périeures en recouvrent les limites de tous les côtés, et vont re¬ poser sur les couches plus anciennes. Sa position discordante par rapport au terrain jurassique, est donc parfaitement établie. Ce grès qui renferme quelquefois beaucoup d’empreintes végétales , mais qui ne renferme que rarement des fossiles, est un de ces dépôts auxquels la faculté de donner de bonnes pierres de taille avait fait attribuer par les anciens géologues allemands le nom collec¬ tif de quadersandstein ; c’est même celui qui me paraît mériter le plus de le conserver. Son épaisseur, qui atteint son maximum aux environs de Quedlinburg , est extrêmement variable , et cette irrégularité s’étend également aux couches qui le composent. Tout indique un dépôt fait dans des eaux peu agitées , et qui a occupé la partie inférieure d’un bassin dont la profondeur était très iné¬ gale. Ce quadersandstein paraît représenter assez bien le grès vert inférieur du puits de Grenelle (lower grcensand). b. Le fond du canal était devenu plus égal ; les montagnes voi¬ sines avaient été lavées des débris de la dernière révolution ; no¬ tre mer devint habitée. Une formation puissante de calcaire blanc grisâtre , friable , souvent marneux ou un peu siliceux , com¬ mençant à sa base par quelques couches très chloritées et même par quelques conglomérats peu grossiers et également clilorités (1 ), a recouvert les sables amassés et grossièrement stratifiés sur le (1 ) Ce sont ces couches chloritées qui . se développant plus loin dans l’intérieur des mers, représentent le gault et la partie la plus infé¬ rieure du firestone ou de la craie chloritée. Ces formations sont ici à l’état d'embryon. Il n’y a pas seulement que ces subdivisions inférieures au plaener qui se développent à mesure qu'on arrive dans des mers plus profondes; déjà, près de l’Ilse, on rencontre des marnes qui viennent se placer entre notre calcaire de Quedlinburg et le grès qui le recouvre , et ces marnes, qui deviennent bleuâtres, acquièrent une assez grande puis¬ sance à la base de Suttmerberg, près Goslar. M. Roemer les a com¬ parées à la craie marneuse. SÉANCE DU 3 MAI 1847. 751 fond. Elle s’est étendue démesurément en venant reposer au N. sur les couches du jura et triasiques, au pied de la ride du Huy; elle a recouvert au midi la ceinture relevée et déjà dénudée du trias , et jusqu’aux pentes primaires. A l’E. , ce dépôt n’a dépassé que lé¬ gèrement les terrains inférieurs ; ils sont à l’O. des limites de ma carte. Les débris organiques marins abondent dans ce calcaire, qui possède à peu près tous les caractères minéralogiques de la craie marneuse ou tufau. L’ AnanchyU s ovatiis , le Spatangus corcuigui- num , le Plagiostoma spinosum , plusieurs Inocérames, différentes Térébratules et diverses Schyphia, ordinairement changées en silex, y sont les plus communs. Le Scnphites œqualis paraît se trouver, mais peu abondamment , à toutes les hauteurs de cette craie, et même dans le grès qui la recouvre; j’en ai vu de beaux échan¬ tillons dans la superbe collection des fossiles de ces terrains , qui appartient à M. Jasclie , à llsenburg. On regarde généralement cette formation comme représentant le plaener-kcilk ; elle me pa¬ rait pouvoir être rapprochée, approximativement, de la craie chloritée ou tufau et du gault c. Un vaste dépôt de sables et de grès à ciment calcaire ou sili¬ ceux est venu recouvrir , dans la suite de la période crétacée, tous les sédiments antérieurs. Ce dépôt de grès, à grains parfois gros¬ siers, ordinairement d’une grosseur moyenne , très chargé de par¬ ties chloritées dans ses couches inférieures , abondant en argiles quelquefois marneuses , et renfermant des lignites plus ou moins bien carbonisés dans l’étage supérieur, est entremêlé , à toutes les hauteurs , de roches très dures et de portions de couches qui sont de véritables quarzites , souvent même lustrés et transparents. Cette formation , connue sous le nom de Greensand chez plusieurs géologues allemands , et sous celui de Oberer-creide- m ergel chez quelques autres, paraît se rapprocher assez de la craie supérieure et renferme même plusieurs formes de la craie de Maëstricht (1) ; elle s’est étendue bien au-delà des limites du calcaire sous-jacent , qu’elle a dépassé vers le S., en allant s’appuyer sur la grauwacke des pentes haercyniemies , tandis qu’à l’E. on la poursuit jusque sur les marnes irisées , et au N. on en retrouve des lambeaux sur les pentes méridionales de la ride triasique. Dans toute la partie occidentale du canal, où cette formation était encore plus puissante, les dénudations postérieures n’en ont épargné que quelques lam- (l) M. Roemer, qui regarde la craie de Maëstricht comme devant être placée au-dessous de la craie blanche supérieure, classe son Obervr-crcidt'-memel immédiatement au-dessus de la craie sans silex. n 752 SÉANCE DU 3 MAI 1847. beaux , qui , ainsi que le Galgenberg près Wernigerode , et le mont Suttmer en face de Goslar, restèrent debout , témoins irré¬ cusables de l’étendue du dépôt et de la violence des eaux dévasta¬ trices. Les dépouilles d’animaux marins sont très abondantes dans certaines parties de ces sédiments; on y voit entre autres d’im¬ menses Inocérames et des pattes d’Ecrevisses , et ees grandes em¬ preintes de feuilles qui sont connues sous le nom de Crc.dncria (Zenlser) ; la Fri go ni a nlœform 's ( Park . ) , le Pcvtcn quadricostatus (Sow.), et la Chrysaora j mlvhclla , y sont communs; on y trouve des feuilles de saule , et j’y ai recueilli , près Blanckenburg , le Baculitcs anccps ( Lamk. ) , et au Salzberg un Bélcnmitc qui me paraît être le Mucroncitus. Cet ensemble de formations termine , dans notre pays , la série crétacée. Au premier abord , on serait porté aies partager en deux étages ; une étude soignée ne tarde pas à démontrer que la divi¬ sion en un système chlorité inférieur et un système à argiles et lignites au-dessus n’est qu’apparente, et que toutes les couches, de quelque nature qu’elles soient, alternent entre elles sans au¬ cune règle constante. Il serait difficile de trouver dans une forma¬ tion une plus grande variété de composition et d’aspect minéralo¬ gique qu’il n’en existe dans ce dépôt. Les couches de grès, d’ar¬ giles , de marnes , de lignites, alternent et se suivent pêle-mêle , comme autant de lentilles très minces et enchevêtrées. Dans une seule et même couche, et à très peu de distance, le grès passe quel¬ quefois par toutes les grosseurs de grain imaginables. Il est siliceux ou calcaire; chargé de chlorité ou d’oxide rouge et d’hydroxide de fer; sa texture est lâche ou compacte, et il affecte tonies les couleurs possibles ; il passe soudainement du sable le plus délié au quarzite le plus compacte et le plus cristalloïde. Le caractère mi¬ néralogique est donc complètement en défaut ; et pourtant il existe un certain faciès général propre à la formation dans tout le bas¬ sin , qui ne permet guère de se méprendre. Pi ’ès de Quedlinburg, les lignites qui se trouvent dans ces grès en couches fort peu puissantes, et qu’on n’a ordinairement exploi¬ tées qu’avec perte, ont pris l’aspect de la houille, mais d’une houille mauvaise et non collante. Plus loin, au-delà de Warnstedt, près du bord du bassin , des couches qui se trouvent dans la même formation , mais peut-être un peu plus inférieurement , donnent une houille maréchale excellente. Malheureusement elles sont là aussi trop peu puissantes pour qu’elles puissent promettre des avantages industriels considérables; les travaux de recherche qu’on a faits , guidés par la spéculation , ont été d’ailleurs conduits avec SÉANCE DU 3 MAI 1847. 753 si peu d’intelligence, qu’il serait difficile d’en espérer un succès quelconque. Du coté d’Aschersleben , au fond des marais de la Sée, on voit un dépôt qui présente tous les caractères pétrographiques de celui de Quedlinburg ; seulement les couches de grès et de quarzites sont plus rares, les sables plus abondants, et le combustible, qui s’y trouve en bancs puissants , est à l’état de lignite brun , souvent même terreux. On y a reconnu, comme à Quedlinburg , des tiges de dicotylédones ; mais je ne sache pas qu’on ait trouvé , ni dans l’un ni dans l’autre endroit , ces tiges dans une position verticale. On y a également rencontré du suecin ; je n’y connais point de fos¬ siles. Ce dépôt n’est pas superposé au calcaire crétacé , comme ce¬ lui de Quedlinburg ; mais il s’étend au-dessous des tourbières de la Sée , au sein d’une dépression très allongée , qui , au midi de Hackel , court du S.-E. au N. -O., et qui est probablement en rapport avec une grande fente post-triasique ; là , il repose indis¬ tinctement sur les couches profondément dénudées des marnes iri¬ sées, du muschelkalk et du grès bigarré. 11 fait suite aux buttes sableuses qu’on retrouve sur les pentes du Huy. D’après les carac¬ tères pétrographiques de ses couches minérales , et d’après sa po¬ sition , il sera difficile de séparer complètement ce dépôt de celui de Quedlinburg. Et pourtant la nature de son combustible et d’autres analogies nombreuses tendraient à le faire rapprocher des gîtes tertiaires bien déterminés par les fossiles , et qui fournissent les riches exploitations de lignite du Mannsfeld, des environs de Halle , de la Thuringe et de la Prusse. 11 est en même temps évi¬ dent que le lignite d’Aschersleben n’a pas été soumis aux mêmes influences que celui de Quedlinburg ou de Warnstedt ; ou ce lignine a été déposé plus tard, ou il a subi un procédé de fossilisa¬ tion different. Ne pourrait-on pas admettre, ainsi que M. Girard, de Berlin , l’avait proposé , que les couches d’Aschersleben ont été déposées dans l’eau douce , en même temps que le dépôt de Qued¬ linburg se faisait au fond de la mer? Cette explication a des chances de vérité , surtout si on a égard à la probabilité de l’exis¬ tence d’une grande rivière qui, venant déboucher, vers la fin de la période crétacée , à l’O. d’Aschersleben , a pu amener ces masses de combustible , qui , déposées dans les eaux douces , n’auraient passé qu’à l’état de lignite brun, et qui , dans les eaux salées, se seraient changées en houille et en houille collante. C’est là , jus¬ qu’à une connaissance plus exacte des débris organiques , l’opinion que je crois la plus acceptable. 13. Cataclysme post-crétacé . — Cette révolution est celle qui a Soc. géol.% 2e série, tome IV. ^ SÉANCE T)ll 3 MAT 18/|7. 754 laissé le plus de traces dans la disposition des couches du pays. C’est à ce grand bouleversement qu’est du principalement le relief actuel de la contrée ; les fendillements et les dénudations suce, s- sives n’ont pu que le modifier. Pour bien comprendre tous les ac¬ cidents qui ont eu lieu à cette époque dans notre bassin de Quedlinburg , il faut bien se représenter ce qu’était sa surface au commencement de la période crétacée , ce qu’elle est devenue par suite des sédiments qui s’y sont faits , et la nature des mouvements auxquels 1’ nseinble des couches fut exposé à la fin de la même période. Au commencement de la période crétacée, les couches du trias reposant doucement sur les pentes N. -K. du Jlarz , dans sa partie la plus orientale , étaient fortement relevées à 10. sur tout le reste de son bord septentrional , et elles y formaient , par suite de la dénudation , une double ceinture à section triangulaire , où les tranches redressées et dénudées du grès bigarré et du muschelkalk formaient comme deux grandes enceintes qui défendaient les ap¬ proches du massif primaire. Les marnes irisées, ayant été rasées en raison de leur peu de consistance , venaient s’appuyer doucement sur le dos du muschelkalk. Plus loin, dans l’intérieur du golfe, ces mêmes formations se relevaient une première fois pour former la grande ride qui , sans s’élever à la hauteur actuelle du Jlackel et du Huy, était émergée depuis le commencement de la période ju¬ rassique. Les couches permiennes paraissent avoir été complète¬ ment recouvertes , à cette époque , sur toute l’étendue du pays que comprend ma carte ; celles du jura reposaient en couches peu in¬ clinées au fond du bassin , recourbé et rendu assez profond par le dernier mouvement post-jurassique. Ce même mouvement a dû produire un commencement d’action plissante au milieu des cou¬ ches du jura , qui étaient ainsi relevées des deux bouts. Pendant la période crétacée , le quadersandstein a comblé, près de Quedlinburg , les parties les plus profondes du canal ; mais il ne paraît pas avoir dépassé la ceinture triasique pour s’étendre jusque sur la grauwaeke. Peut-être même l’abaissement, qui avait commencé après la période jurassique, se continuait-il lentement, de manière que les flots ne vinrent que plus tard baigner les pentes des couches primaires, à l’époque du sédiment de la craie, laquelle s’étendit horizontalement sur le fond do tout le canal , depuis le ïïarz proprement dit jusqu’au pied de la ride du trias, en recouvrant ainsi , par ses couches les plus supérieures , la double ceinture du muschelkalk et du grès bigarré. Le grès à lignites ne fit que s’ajouter après le calcaire , en le dépassant de tous les côtés. séance du 3 mai !8/i7. 755 Entre ces deux derniers sédiments , il a dû y avoir un mouvement qui a permis à la rivière orientale de reprendre son cours , ou une partie de son cours, au midi du liackel ; ce mouvement n’est peut- être autre chose que la continuation de rabaissement séculaire qui a signalé la période crétacée dans ce point du globe. La figure suivante représente assez bien la section théorique du bassin vers la fin du dépôt du grès crétacé à lignites sous le méridien de Quedlinburg (i). S.-S.-O. N.-N.-E. A Le lïiir*. P> La ride du Hackel. O Niveau de la mer crétacée. G. Grès bigarré ( Bitn - tersandstein \ Trias. ( 7. Musohelkalk. 1. Granile. 2. Couches primaires 5. Terrain honilier. Terrain ( 4. Rothliegendes. permien. \ 5. Zcchstein. Craie. 8. Ken per (marnes ii i* sues). 0. Formation du Jura. 10. Quadersandstein. 11. Calcaire crétacé. 12. Grès à lignites. Vers les derniers moments de la période , le mouvement sécu¬ laire a eu lieu en sens contraire dans le golfe subhaercynien ; notre canal n’a pas tardé à être mis à sec ; de là l’absence des formations crétacées les plus supérieures. La petite ride du jura a été exagérée par ce mouvement , qui , en diminuant la capacité du bassin , ten¬ dait à développer, même dans les formations supérieures, les germes de cette ride. Au moment de la rupture , l’élévation verti¬ cale du bassin subhaercynien qui avait développé la ride intermé¬ diaire subit un accroissement rapide, en même temps que le massif primaire fut relevé démesurément. Le gisement actuel des couches est le résultat de ces mouvements combinés. La ride triasique , au N. de Halberstadt, a été exagérée, et le liackel, le Huy et le grand Fallestein se sont élevés à leur hauteur actuelle ; la ride permienne cl’Egeln a subi elle-même un mouvement , et le zeclistein a paru (1) L’échelle des hauteurs est , dans cette figure , extrêmement exa¬ gérée. 756 SÉANCE DU 3 MAI 18Z|7. à la surface au milieu du trias déchiré ; une nouvelle grande ride se forma au centre du canal et le partagea longitudinalement , à commencer de la Selke , en deux moitiés à peu près égales ; on en voit la suite à Vienenburg , à la hauteur de Goslar. Les couches supérieures ont été fracturées dans l’axe de cette ride, en sorte que la dénudation a pu ensuite avoir beau jeu pour y mettre à nu les formations les plus anciennes ; c’est ainsi que le jura , les marnes irisées, et jusqu’au muschelkalk, apparaissent dans la vallée du Hoppel et au Seweckenberg , en venant affleurer de dessous les terrains plus modernes (1). La ceinture à section doublement triangulaire du trias a été brusquement relevée au bord du Harz ; les couches crétacées qui la surmontaient en ont été brisées , et tandis que les tranches de ces couches étaient redressées sur le dos du muschelkalk , et y formaient les rochers de la Teufels-Mauer , ou bien qu’en s’appuyant sur la paroi qui se soulevait , elles se re¬ courbaient comme au Gelbcr-Hoj ', près de Thaïe , les parties de la formation de la craie et du grès crétacé à lignites qui se trou¬ vaient entre le grès bigarré et le Harz furent soulevées en sens contraire , et de façon à obtenir une inclinaison méridionale très forte qui a pu arriver jusqu’à la verticale. Dans les endroits où les tranches de la ceinture triasique étaient déjà à plomb , le nouveau mouvement les a renversées. C’est ce qui a eu lieu sur plusieurs points de notre district , et qu’on revoit plus loin , près de Goslar, où le renversement connu depuis longtemps s’est étendu également aux couches jurassiques, qui , dans cet endroit, étaient assez puis¬ santes et arrivaient jusqu’au bord du bassin (2). (1) Dans la ride pyrénéenne de second ordre, à qui sont dues les croupes du Hoppel et du Sewecken , le mouvement n’a suffi qu’à briser les couches crétacées. Sans l’action du gonflement des gypses , elle aurait partout une élévation uniforme , et les formations du trias n’auraient pu être mises à découvert par les dénudations postérieures, qui n’auraient peut-être pas même atteint le terrain jurassique. Aussi c’est surtout où les gypses se montrent que nous voyons un relèvement hors proportion des couches inférieures. Ce même phénomène a eu lieu dans la ride triasique du Huy. Cette ride existait lors de la période jurassique , mais sa hauteur était uni¬ forme, et, relativement au terrain environnant, encore moindre de celle qu atteignent aujourd’hui les dépôts keupriques près Groeningen ou Deersheim. C’est après la révolution des Pyrénées que cette ride a été rehaussée et que la gypsification y a produit des espèces de renflements qui ont donné lieu au Hackel , au Huy, etc. Je reviendrai sur ce sujet en parlant de l’origine des gypses. (2) Il est bon de noter ici que ce ne sont que les tranches des cou- 757 SÉANCE DU O MAI 18/l7. Il m’est impossible de déterminer, pour le moment, si ce grand mouvement pyrénéen n’a produit qu’un rehaussement des an¬ ciennes masses ignées de l’intérieur du Harz, ou bien s’il a été ac¬ compagné par quelque éruption de roches massives. Je ferai seu¬ lement observer qu’il reste encore au milieu des schistes primaires plusieurs roches éruptives, et surtout des produits de filon qui sont loin d’ètre classés. Dans tout le reste du golfe subliaercynien , entre le Harz et le plateau de Magdeburg , il s’est produit des effets analogues , et des rides intermédiaires sont venues subdiviser encore davantage le bassin déjà morcelé. Mais cela sort des limites que nous nous sommes posées. là- Je ne connais pas de terrains tertiaires en couches dans le canal compris entre la ride du Huy et le Harz ; mais une grande dislocation y est marquée par un système de fentes et de failles dont la direction oscille entre le N.-E. et le N.-N.-E. La plupart des rivières qui descendent des pentes septentrionales du Harz ont choisi dans ces failles leur lit originaire , et lorsqu’un cours d’eau les abandonne , on en voit bientôt un autre entrer dans la même direction et en marquer le prolongement. Ces accidents s’étendent à tout le golfe subliaercynien ; ils remontent j usqu’ au-dessus du grès crétacé à lignites , qui en a été rejeté tout aussi bien que les terrains plus inférieurs. Le rejet n’a pas été horizontal ; l’effet pro¬ duit , qui a toujours été le relèvement vertical cl’un des côtés , se manifeste à la surface , soit par des différences de niveau dans les couches contemporaines , lorsqu’elles sont peu inclinées , soit par des brisements dans les lignes des affleurements horizontaux . lorsqu’elles sont plongeantes. Les dislocations dont il s’agit ne sauraient donc être antérieures à la période crétacée ; mais on pourrait également les regarder comme appartenant au mouve¬ ment des Pyrénées , ou comme lui étant postérieures. On pourrait les attribuer au crevassement rayonnant qui a dû se faire dans tout le sol des environs par un rehaussement des granités du Harz qui aurait eu lieu à cette époque. Mais si l’on a égard à ce que ces fentes , non seulement ont rejeté tous les terrains secondaires de la plaine , mais qu’elles se continuent dans l’intérieur des mon¬ tagnes , et qu’ elles affectent tout aussi bien les roches primaires et ches triasiques et jurassiques qui sont ainsi renversées près de Goslar ; les couches primaires n’ont aucunement empiété sur celles-ci, qui reposent, au contraire, comme toujours sur les schistes et les grau- wackes. 758 SÉANCE 1)U 3 MAI 18/|7. éruptives (1), et qu’on les retrouve, quoique moins bien marquées, dans la Thuringe et plus au N.; qn’on les reconnaît à l’E. et à 10. du Harz , là où le relèvement de ce groupe ne saurait avoir eu au¬ cune influence , il est impossible de s’arrêter à cette idée (2). Ces grandes failles ont donc été produites après le cataclysme post¬ crétacé, et la circonstance que, sur un grand nombre de points à la suite , tels que la vallée de la Wipper, de la Selke , de la Bode , de laHolzemme, de l’Ocker, etc., c’est le coté droit qui a été relevé, nous montre qu’elles sont dues à une cause plus générale. 15. Plusieurs dénudations se sont succédé dans le pays après l’ouverture des grandes fentes transversales précitées , et plusieurs remblais ont été dispersés par les eaux diluviennes ou marines à différentes époques , soit pendant les périodes les plus récentes, soit à leur limite. L’étude de ces dépôts et de ces révolutions sera l’objet d’un travail tout spécial. Si , après avoir étudié le canal de Quedlinburg , nous venons à considérer le golfe subhaercynien , nous y verrons , à quelques mo¬ difications près, la répétition des mêmes dépôts ; nous y rencontre¬ rons les traces des mêmes révolutions qui y ont produit des effets analogues. Je dirai plus. Si d’un œil scrutateur nous cherchons à pénétrer par notre esprit dans les abîmes où les couches secondaires de la Basse-Allemagne cherchent un refuge ; si , en nous retour- (1) M. de Buch a attribué à une grande fente la vallée de la Bode , là où elle est entaillée dans le granité. M. Zincken a trouvé plus tard des accidents de la roche qui se correspondent des deux côtés de la rivière, et il en a déduit que l’opinion de M. de Buch était erronée. Les faits cités par M. Zincken sont très exacts, et, il faut le dire, par des recherches circonscrites au massif granitique il était impossible d’arriver à une solution certaine. Ce n’est que par des considérations générales et qu’après avoir étudié toute la plaine qu’on s’aperçoit du rejet évident des couches de sédiment, qui viennent appuyer et prou¬ ver matériellement l'hypothèse qu’un coup d’œil sûr et rapide avait fait naître dans l'esprit du doyen des géologues. Du reste , ce n’est pas seulement auprès de la majestueuse Rosstrappe que les granités haer- cyniens sont coupés par ces fentes. (2) La faille de la Wipper, avec plus de 1 00 pieds de rejet , passe à l’E.-S.-E. à côté du massif primaire du Harz. Elle paraît cesser au-delà du Sandersleben , mais bientôt elle reparaît dans la direction de la Saale, près de Berenburg, et elle conduit cette rivière vers l’Elbe. La vallée du Weser, près de la Porta tV es tp ha lien , appartient, elle aussi, à ce système de failles, dont je pourrais multiplier les exemples à l’infini, en les prenant dans toute l’Allemagne du nord, dans la Thuringe , dans la Westphalie. 759 SÉANCE DU 3 MAL 18Z|7. liant vers les plaines de Frédéric , nous essayons de dévoiler ces bassins que recouvrent les ruines d’un ancien inonde , nous y re¬ trouverons nos failles , nos rides , nos vallées de plissement. Pas une roche étrangère ne trouble rharmonie de ces lois. Quelques jalons perdus, quelques buttes de grès, de calcaires, de gypses, au Sperenberg , à Rüdersdorf , dans le Lüneburg ou le Holstein , viennent nous rappeler, nous conduire à la découverte des gise¬ ments inconnus des formations primaires et secondaires. Bientôt nous reconnaissons ces dépôts à Riigen et dans le Danemark ; nous les suivons sous les plaines mouvantes de la Baltique , pour leur dire adieu encore une fois sur les côtes de Helgoland , de la Scanie , de l’île de Gotlies ; pour les abandonner à leur immensité dans les déserts de la Moscovie. Ce Mémoire était déjà composé et sous presse lorsqu’il m’est parvenu une lettre que M. Edouard de Verneuil m’adressait de Blankenburg , après avoir fait une course rapide à travers les massifs primaires duHarz. L’autorité de notre savant collègue, en matière de terrains de transition, est si grande, que je ne saurais m’empêcher de commettre la petite indiscrétion de publier le ju¬ gement d’un tel paléontologiste , même avant d’en avoir reçu son autorisation. « N’ayant malheureusement pas rencontré M. Arendt à Goslar, » je n’ai pu voir que quelques fossiles du grès qui , au sommet du » Rammelsberg , recouvre les schistes. Ces fossiles sont dévoniens » et se trouvent dans la collection de M. Nessig. M. Nessig m’a » engagé à aller à Clausthal et surtout à Grund. C’est, en effet , »> l’Eden du paléontologiste , un paradis véritable par rapport a ce » qui l' attend presque partout ailleurs dans le Harz. Grund, à deux » lieues de Clausthal, est délicieusement situé, et dans ses envi- » rons se trouvent les monts Iberg , Winterberg et Hübickenstein , » composés de calcaire-coquiller associé à des gîtes de fer sem- » blablcs à ceux qui accompagnent les mêmes calcaires sur la » Lalin et dans le duché de Nassau. Les fossiles que j’ai trouvés » sont incontestablement dévoniens et appartiennent même à la » partie supérieure du système. Il y a trois espèces carbonifères, et » les schistes qui surmontent le calcaire contiennent la Posiclonia » Bccheri qui caractérise ailleurs les formations de passage du » système dévonien au système carbonifère. » Les plantes que l’on trouve dans les schistes des environs de » Clausthal, les fossiles des grès du Kaldeberg , tout annonce le 760 SÉANCE DU 3 MAI 18/17. » système dévonien et rien de plus ; on a trouvé même une espèce » réellement dévonienne dans le filon de Bockswiese. Yoici pour » la partie occidentale du Harz. » Je suis venu aujourd’hui de Clausthal à Blankenburg ; mal- » heureusement la pluie a été presque continuelle. Depuis Claus- » thaï jusqu’à Küheland , il n’est pas question de fossiles ; ce sont » des quarzels , des schistes , des granités , etc. Les calcaires de » Rübeland sont entièrement composés de coraux , on y trouve le » Stromatopora conccntricci , le Calamopora polymorpha , le C. » Got/ilandica , ou une variété à tubes étroits, le Pontes i/iterstinc- » ta , et un Cyathophyllum , voisin du C. ananas . Ce sont absolu- » ment les mêmes calcaires que ceux de la Lalin , un peu au- » dessous de son embouchure dans le Rhin ; ils sont accompagnés » de même de minerais de fer et de scliaalstein , au moins m’a-t-il » semblé voir de nombreux fragments de ces roches, mais je ne » les ai pas vues en place. Cet assemblage de coraux , remarquable » en ce que les caténipores ne s’y trouvent pas , rappelle absolu- » ment l’ensemble de ceux qui composent les calcaires de l’Eifïel, » et surtout ceux de l’Oural sur la rivière Febussawaya ; mais » dans cette dernière localité ces calcaires sont en contact avec le » calcaire carbonifère , tandis qu’ici ils paraissent être enveloppés » de schistes. » Yoici le peu que je puis vous dire de l’âge de quelques-unes » des roches du Harz. Qu’il y ait des roches siluriennes, c’est » possible , mais je l’ignore. Les fossiles du Rammelsberg , du » Kahleberg , de Grand et de Rübeland sont tous dévoniens. » Ces faits ne sauraient ébranler ma conviction que les schistes du Harz sont siluriens. En partant de cette supposition, nous avons deux cas seuls possibles à examiner : ou les schistes et les calcaires d’Elbingerode sont le produit de deux périodes successives , ou bien ils n’appartiennent qu’à une seule période. Le premier cas me paraît assez probable ; je me fonde pour cela sur la manière d’être de ces calcaires au milieu des schistes , et sur le mode de forma¬ tion rationnel des dépôts à coraux et ferrugineux. D’après cela, il est assez vraisemblable d’admettre que les calcaires d’Elbingerode et de Rübeland n’ont été déposés qu’ après que les schistes qui les supportent formaient déjà différents bassins isolés. De cette ma¬ nière serait expliqué ce fait si extraordinaire d’un amas calcaire très puissant sur un point isolé , mais très restreint et limité dans son étendue. Cette conclusion serait également conforme à ce qui paraît être indiqué par la moyenne générale des directions des schistes inférieurs. SÉANCE DU 3 MAI 18A7. 761 Comme en Belgique et dans l’Ardenne , il y aurait donc dans le Harz deux systèmes primaires , dont F un caractérisé par sa direction générale N.-E. , et composé de schistes sans fossiles , se rapprocherait du terrain ardoisier également pauvre en pétrifi¬ cations de l’Ardenne proprement dite, tandis que l’autre plus restreint , caractérisé par ses fossiles , caractérisé même , dans les environs d’Elbingerode , par sa direction environ E., 5° à 10° N., répondrait à une période plus récente et aurait l’age que lui assigne M. de Verneuil. Dans tout cela, il ne faut pas oublier que les grands bouleversements de l’époque des granités ayant eu lieu après le dépôt de tous les terrains sédimentaires qui se trouvent dans le Harz, les dépôts de difFérents âges ont pu subir des redres¬ sements communs qui leur ont donné une apparence de concor¬ dance de stratification. C’est ainsi que s’expliquerait le fait cité en premier lieu par M. Zincken, que les calcaires de Rübeland sont intercalés entre les schistes sans qu’on puisse remarquer une discor¬ dance. Lorsque des dépôts différents sont redressés après coup sous des angles de plus de 50°, toute discordance entre eux finit par disparaître. Le fait cité par M. de Verneuil que ces mêmes cal¬ caires sont , dans l’Oural , en contact avec le calcaire carbonifère , est bien propre à appuyer cette probabilité, que le massif d’Elbin¬ gerode ne soit formé que de couches brusquement repliées, qui s’étendaient auparavant sur le fond d’un petit bassin. Mais il se pourrait que , par la suite , des études plus soignées et faites avec de meilleures cartes que celles qui ont été exécutées jusqu’à présent vinssent prouver sans retour que les calcaires à fossiles dévoniens d’Elbingerode et les schistes qui les renferment appartiennent bien et dûment à une seule et même période. Cette objection, je l’avoue, serait très grave; mais le gisement des schistes haercyniens inférieurs aux calcaires est tel, leur diffé¬ rence d’avec les grauwackes de Magdeburg est si marquée , qu’il m’est imposible de consentir à ce qu’on les réunisse en un seul groupe. Dans l’état actuel de la question , je ne saurais convenir que les schistes et les grauwackes du Harz ayant une direction presque constante environ N.-E., soient les correspondants du vieux grès rouge des Anglais , et des couches qui , sur le continent , en sont le véritable représentant : le poudingue du Burnot , le cal¬ caire de Civet et le psammite du Coudras , dépôts dont la discor¬ dance avec le terrain ardoisier de l’Ardenne a été reconnue après les observations de M. de Collegno. 762 SÉANCE DU 17 MAI 1847. Séance du 17 mai 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. ]\I. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : Dervich-Paciia , général d’état-major, professeur de chimie et de physique à l’École militaire de S. H. le Sultan, à Constantinople, présenté par MM. Élie de Beaumont et Yiquesnel. Le Président annonce ensuite deux présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice, Journal des Savants , avril 1847. De la part de M. Alexis Perrey , Liste des tremblements de terre ressentis en Europe pendant les années 1844-1845-1840 ; in-8°, 71 p. Dijon , 1847. De la part de M. Lortet, Rapport sur les travaux de la Commission hydromètriqué en 1846, présenté à M. le maire de Lyon; in-8°, 6 p., avec tableaux. Lyon, 1847. De la part de M. Sardat, Loi dé Union , in-8°, 98 p., 1 planche. Paris, 1847. Delà part de M. R.-I. Murchison : 1° Address , etc. (Dis¬ cours prononcé à la réunion de l’Association britannique pour l’avancement des sciences à Southampton , le 10 septembre 1846)-, in-8°, 24 p. Londres, 1846. 2° On the silurian rocks , etc. (Sur les roches siluriennes de diverses parties de la Suède) (cxtr. du Quarterly Journal of the geological Society , 1er février 1847) -, in-8°, 50 p., 1 pi. Londres , 1847. 3° On the discovcry , etc. (Sur la découverte de roches silu¬ riennes dans le Cornouailles); in-8°, 8 p. Londres, 1847. 4° On the meaning , etc. (Identité du système cambrien et du système silurien inférieur) (extr. du Quarterly Journal of SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. 763 the geologïcal Society , mai 1847) -, in-8°, p. 165-179. Londres, 1847. 5° The Hakluyt Society ; in-8°, 4 p. Londres, 1847. De la part de M. le baron L. de Bucli , Die Baeren Insel , etc. (Description géognostique de l’île Cherry (Büren Insel) d’après M. Keilhau) \ in-4°, 16 p., 1 pl. Berlin, 1847. Comptes rendus des séances de ! Académie des sciences; 1847, 1er semestre, nos 18 — 19. L’Institut , 1847, nos 696 — 697. Annales de V Auvergne , janvier et février 1847. Mémoires de la Société royale des sciences , de l’ agriculture et des arts de Lille. Année 1845. Société d’ agriculture , sciences et arts d’Angers. — Travaux du Comice horticole de Maine-et-Loire , IIIe vol., nos 25, 26. The Athenœum , 1847, nos 1019 — 1020. The Mining Journal , 1847, nos 611 — 612. The Quarterly Journal of the geological Society ; nos 9 — 10. February-May 1847. Âbhandlungen , etc. (Mémoires de la Société royale des sciences de Bohême) j 5e série , t. IV, années 1845, 1846. M. Fauverge, ayant demandé la parole par suite du procès- verbal , fait les observations suivantes : Dans la dernière séance , M. Boucault a présenté à la Société des fossiles appartenant au lias , et recueillis aux mines de fer de Veyras (Ardèche), localité qui a été désignée comme appartenant au système oxfordien. J’ai très souvent visité les environs de Pri¬ vas ; à cette époque , on ne connaissait pas encore les mines de Veyras ; mais j’ai vu, entre cette localité et le Coyron, des marnes ferrugineuses anciennement exploitées que je n’ai cessé de regarder comme supra-liasiques , et qui , pour moi , sont les mêmes que celles dont on extrait le fer des Avelas dans le canton des Vans, et je pense , d’après les observations que j’ai faites dans ce départe¬ ment, que tous les gisements de minerai de fer qui , dans les en¬ virons de Privas, sont à 10. d’une ligne passant par cette ville et parallèle à l’axe des Cévennes, appartiennent à la partie supérieure du lias. Cette ligne n’est certainement pas la limite rigoureuse de ce terrain et de ceux qui le recouvrent immédiatement , car le lias s’étend aussi à l’E. ; mais il n’y a pas de terrain oxfordien entre cette ligne et les Cévennes , où sont les gisements de minerai de fer 7 <ô!l SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. de Privas, de Veyras, de Saint- Priest et de Saint-Etienne-do Boulogne. D’après les deux intéressants Mémoires, l’un de M. Emilien Dumas, et l’autre de M. de Malbos , lus à la Société dans sa réu¬ nion extraordinaire à Alais , le fer de la Voulte ferait partie de l’oxford-clay. M. de Malbos le dit positivement , et M. Emilien Dumas , en parlant des mines de Pierremorte, que cet observateur place avec raison, je crois , au milieu du groupe oxfordien , fait remarquer l’identité de position existant entre ce minerai et ceux de la Voulte , de Privas, etc., que plusieurs géologues , ajoute M. Dumas, s’accordent à considérer comme un équivalent du /el¬ le way. Cependant les fossiles de Veyras présentés par M. Boucault ap¬ partiennent au lias ; il ne peut donc rester aucun doute sur l’âge du minerai de cette localité , et je suis convaincu que toutes les mines de fer connues du canton de Privas sont de la même époque. Les gisements de minerai de la Voulte , de Charmes et de Soyons , qui se trouvent entre la ligne dont j’ai parlé et le Rhône, font partie du terrain déposé immédiatement après les marnes du supra-lias, ce qu’il est facile de voir au N.-E. et à peu de distance de Saint-Julien en Saint-Alban , où ces marnes passent insensi¬ blement au calcaire ferrugineux dans lequel sont ces gisements ; ils appartiennent donc à l’oolite inférieure de la rive droite du Rhône, très bien indiquée sur la carte géologicpie de France de MM. Dufrénoy et Elie de Beaumont ; ils sont par conséquent plus anciens que l’oxford-clay. M. de Buch, en présentant à la Société le Mémoire qu’il vient de publier sur l’île Cherry ( Baeren insel'), donne à ce sujet quelques explications verbales. Cette lie, située entre le Spitzberg et l’extrémité de la Laponie , et qui paraît être d’un accès difficile, a été visitée récemment par M. Durocher, membre de l’expédition du Nord -, mais elle l’avait été plus ancienne¬ ment par M. Keilhau, qui y était resté trois jours. Ce savant ayant détruit le Mémoire qu’il avait publié sur cette île , ses découvertes seraient restées ignorées , s’il n’avait mis à la disposition de M. de Buch le seul exemplaire qui lui restât de son Mémoire , ainsi que les belles collections qu’il avait rap¬ portées. 765 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. L’île Cherry est composée de couches horizontales de grés qui appartiennent au système carbonifère , et qui , vers le S. et vers l’O., forment des élévations coniques de 1,000 à 1,100 pieds. Vers leur partie inférieure , et prés du niveau delà mer, ces grés renferment quatre couches de houille. Les Productus et les Spirifer que M. Keilhau en a rapportés doivent faire considérer ces dépôts comme analogues à ceux qui , en Russie, sont inférieurs au calcaire carbonifère. M. de Buch entre à ce sujet dans quelques généralités du plus haut intérêt , et fait voir comment , lorsqu’on jette les yeux sur la carte géologique de la Russie , publiée par MM. Murchison, de Verneuil et de Keyserling, on voit très bien les dépôts dé¬ voniens et carbonifères s’infléchir depuis les monts Valdaï jus¬ qu’à la mer Rlanche, de manière à suivre les contours des masses cristallines de la Finlande et de la Laponie russe. La présence des grés dévoniens dans le N. de la Laponie, où M. Keilhau nous les a fait connaître récemment , et celle du svstème carbo- niiere à l’île Cherry nous démontrent que le massif des schistes cristallins de la Scandinavie est entouré d’une ceinture de dépôts sédimentaires de même âge ; en sorte que, en partant de sa par¬ tie centrale et en s’avançant au N. vers l’île Cherry et le Spitz— berg, les terrains se présentent dans le même ordre qu’en allant au S. vers la Russie et les monts Valdaï. M. de Buch ajoute que , d’après les rapports des navigateurs, la mer a peu de profondeur entre l’île Cherry et le Spitzberg , et qu’il est probable que les mômes dépôts se prolongent sans discontinuité d’un de ces points à l’autre. Dans le Mémoire qu’il présente à la Société géologique , M. de Buchadécritun Spirifer de l’île Cherry qu’il a dédié àM. Keilhau. Il montre l’analogie que cette espèce offre avec certains Spirifer de la terre de Van Diemen , et fait remarquer l’importance, pour distinguer les espèces dévoniennes et carbonifères, d’un carac¬ tère que l’on pourrait croire indifférent , et qui consiste en ce que la plupart des espèces carbonifères ont les plis latéraux dichotomes, tandis que toutes les espèces dévoniennes les ont simples. M. de Buch , en publiant cette observation , ignorait qu’elle avait déjà été faite par MM. d’Archiac et de Verneuil 70)0) SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. clans leur travail sur les fossiles des bords du Rhin, et se félicite de s’être rencontré avec eux. M. Murchison (sir Roderick) présente à la Société une nou¬ velle édition de la carte de Russie d’Europe, contenant des cor¬ rections aux contours des formations dans la Turquie et la Transylvanie, faites par M. Roué et M. Partsch de Vienne, et aussi quelques additions d’îlots jurassiques dans les steppes de Savatof, prises des derniers travaux du colonel Helmersen. En offrant ses deux derniers Mémoires sur les roches silu¬ riennes dans le pays de Cornouailles et dans le pays de Galles , ou Cambria , M. Murchison fait voir que , dans le premier de ces deux pays, les roches siluriennes, qui y succèdent au terrain dévonien , ont beaucoup de rapports avec les schistes et les quartzites du même âge en Bretagne. Quant au pays de Galles , il énonce rapidement quelques uns des arguments dont il s’est servi dans son Mémoire en réponse à la proposition toute récente de M. Sedgwick d’appliquer le mot Cambrien à des masses de roches dans le pays de Galles du N., qui sont remplies de fossiles longtemps reconnus comme caractéristiques du silurien inférieur , lower silurian. Le mot Cambrien n’a été choisi par M. Sedgwick qu’après la promulgation de la classification des roches siluriennes, et il s’appliquait à une région montagneuse et ardoisifère remplie de bandes immenses de porphyre, dans laquelle on espérait toujours trouver un ensemble de fossiles distincts de ceux qui avaient été publiés comme types du système silurien. Mais de¬ puis cette époque les recherches de MM. Sedgwick, de La Bêche, Phillips, Ed. Forbes et de beaucoup de géologues ont prouvé que ces roches contenaient en général les types domi¬ nants de l’étage inférieur du système silurien, c’est-à-dire les Orthis à plis simples, qui avaient été publiés dans l’ouvrage de M. Murchison avec les Trinucleus \qs Asaphus tjrannns, J. Par¬ oi si i , etc. M. Murchison ajoute aussi que la masse de ces roches ardoi¬ sières du pays de Galles jusqu’au Snowdon est concordante par sa stratification avec le terrain silurien anciennement décrit. Elle n’en est donc qu’une grande extension inférieure qui n’é¬ tait pas connue à l’époque de la publication du système silurien, 707 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. mais qui s’accorde parfaitement , sous le rapport des êtres or¬ ganiques , avec le terrain silurien tel qu’il existe en Scandinavie et en Russie. Selon les vues des auteurs américains , continuées par M. Lyell, et tout récemment par M. de Verneuil, la suc¬ cession de la partie inférieure des roches siluriennes du nouveau continent vient également confirmer cette classification ; car les roches fossilifères les plus anciennes y contiennent à peu près les mêmes fossiles qu’en Angleterre, et offrent à leur base les mêmes couches. En un mol , M. Murchison, en renvoyant à son Mémoire, a dé¬ claré qu’à l’exception de certaines masses de grauwacke très an¬ ciennes, sans ou presque sans fossiles, qui, à Longmynd, près de Saint-David’s , etc., se relèvent d’au-dessous du terrain silurien dans des positions contrastantes, toutes les roches sédimentaires du pays de Galles appartiennent au terrain silurien , soit parla liaison des masses physiques, soit par celle des êtres organiques. En désirant conserver son système tel qu’il fa proposé pour la première fois en 1835 , comme divisé en lowcr et upper silu- rian (1), il exprime l’espoir que les géologues de tous les pays n’abandonneront pas le véritable sens du mot silurien. La nouvelle découverte d’ichthyodorulites dans les schistes de Llandilo et dans les calcaires de Bala , associés avec des Cysti- dées et une infinité de restes caractéristiques du lower silu- rian , en modifiant une généralisation sur laquelle M. Mur¬ chison avait insisté une fois , savoir , que les poissons ne descendaient pas au-dessous du silurien supérieur, vient offrir un argument de plus en faveur de l’unité du système silurien. Il est bon aussi de faire remarquer que, si ce terrain se trouvait réduit à cette partie que son fondateur désignait comme n’en étant que l’étage supérieur, selon M. Sedgwick le mot même de silurien disparaîtrait des continents de la Russie et de la Suède , et se réduirait dans quelques parties de l’Europe à une bande mince et insignifiante. r M. Murchison confirme ce que M. Eliede Beaumont vient de dire quant à la direction de Longmynd et à la discordance de sa stratification avec le terrain silurien inférieur qui l’entoure, et (1) Voyez Philos. Mngaz. , juillet 1835. 768 SÉANCE DU 17 MAI 18/j7. se félicite de voir que dans les grands traits physiques si bien exposés parM. Elie de Beaumont on trouve la confirmation de ses opinions sur l’étendue qu’il donne à l’étage inférieur du système silurien. M. de Yerneuil communique l’extrait d’une lettre du profes¬ seur Forchhammer à sir Roderick Murchison , datée de Copen¬ hague, le 1er mai 18A7. Ü 780 SÉANCE DU 17 MAI 1 8 A 7. en effet , et sauf' les restrictions qui ont été admises , il est assez na¬ turel de penser que les laves et les roches volcaniques modernes représentent la composition de la partie fluide au contact de la croûte intérieure déjà solidifiée ; et, dans la suite de ce Mémoire, je démontrerai par des analyses nombreuses qu’elles sont beaucoup plus pauvres en silice , et qu’aux différences de cristallisation qu’elles présentent avec les roches granitoïdes correspondent en¬ core des différences dans la composition chimique. — Ainsi les roches d’origine ignée qui ont été formées à une même époque géolo¬ gique , peuvent bien présenter des passages à d’autres roches qui en diffèrent par l âge et par la composition chimique et minéralo¬ gique ; elles peuvent aussi avoir éprouvé des altérations dans quelques parties , mais ces altérations sont accidentelles, locales, et elles ne changent pas l’ensemble de la formation ; enfin elles sont absolument du même ordre que celles qu’on observe dans le caractère minéralogique des terrains d’origine aqueuse. Comme résumé de ce que je viens d’exposer, il me semble donc qu’il y a lieu d’établir pour les terrains non stratifiés le principe suivant : Le plus généralement les roches de même dge ont meme composition chimique et minéralogique , et réciproquement : des roches ayant même composition chimique et formées de minéraux identiques asso¬ ciés de la même manière sont du même dge. Pour les terrains stra¬ tifiés , la première partie du principe peut encore jusqu’à un cer¬ tain point être considérée comme vraie, mais il n’en est pas de même de la réciproque. 11 importe d’observer du reste que les pro¬ grès ultérieurs de la géologie donneront une démonstration ex pé¬ ri mentale de ces principes ; ainsi , pour les terrains non stratifiés, par exemple, l’étude du caractère minéralogique et chimique dans des roches dont l’identité d’âge aura été constatée d une manière certaine , en faisant connaître les exceptions nombreuses qui peu¬ vent se présenter, viendra rectifier ce que l’énoncé pourrait avoir de trop absolu. De la classification des roches des terrains non stratifiés. — Plu¬ sieurs géologues ont proposé divers systèmes de classification pour les roches des terrains non stratifiés , et d’après ces systèmes le ca¬ ractère minéralogique , qui est du premier ordre , a été générale¬ ment pris pour base de la classification ; quelquefois cependant ils ont eu recours au caractère assez secondaire de la structure (1), et en tout cas il me semble qu’on a le plus souvent attaché une importance trop grande aux caractères physiques extérieurs , sans (1) Linné, de Léonhard. 787 SÉANCE DU J 7 MAI 18/j 7. tenir compte, pour ainsi dire, de la composition chimique. Il suffit, pour s’en convaincre , de rappeler les noms qu’ont reçus quelques roches : le mot gneiss désigne une structure rubannée , particu¬ lière dans les roches granitiques ; porphyre , qui vient du mot grec 'Tzïpyvpoi , et qui signifie rouge , avait d’abord été employé pour dé¬ signer le porphyre rouge antique , et depuis , par généralisation , les géologues s’en sont servis pour désigner toutes les roches à base de feldspath qui renferment des cristaux isolés dans leur pâte ; mais dire d’une roche que c’est un gneiss ou un porphyre , c’est indiquer seulement un mode particulier de structure qui peut lui être commun avec un grand nombre d’autres qui en difïèrent ce¬ pendant complètement par leur âge ainsi que par leur composition minéralogique et chimique. Il serait facile de multiplier ces exem¬ ples : ainsi les roches qu’on désigne sous le nom d 'ophites , de variolites , d’n mygdaloïdes et de spilites , ont seulement une propriété physique commune , celle de présenter des taches , des noyaux et des cellules ; mais elle ne suffit pas pour les faire connaître et pour les définir. Quelquefois les roches sont désignées d’après une pro¬ priété tout à fait secondaire et encore moins importante que les pré¬ cédentes, comme, par exemple, d’après l’aspect ou la couleur; alors, la plupart du temps, leurs noms ont été empruntés au voca¬ bulaire des mineurs allemands; ainsi Hornstein , Pechstein , Gruns- tein , s’appliquent à une catégorie de roches si nombreuse et si variée, que cette première indication n’apprend pour ainsi dire rien , relativement à la nature de celle qu’on examine : enfin les dénominations d’ eurite , de trapp , sont en quelque sorte négati¬ ves , et on doit plutôt les considérer comme un aveu de l’igno¬ rance où l’on se trouve relativement à la nature de la roche , que comme une véritable qualification : quoiqu’on ait cherché à y at¬ tacher un sens précis , elles servent en réalité dans les descriptions géologiques à désigner toutes les roches grenues dont la classifica¬ tion présente quelque difficulté. Nécessite d’étudier l’ensemble des caractères . — On voit , d’après ce qui précède, que les roches ont été le plus souvent classées et dénommées d’après leur structure , leur aspect , leur couleur ; en un mot, d’après des propriétés physiques très secondaires et com¬ munes à un grand nombre de roches qui difïèrent , tant par l’âge que par leur composition minéralogique et chimique : ces pro¬ priétés, qui sont saillantes et qui frappent tout d’abord les yeux , ont dû attirer l’attention dans l’origine de la géologie ; mais si , à cette époque , elles ont pu suffire jusqu'à un certain point pour établir^quelques divisions générales , il n’en est plus de même ac- 788 SÉANCE BU 17 MAI 1847. tuellement : ce n’est pas en effet d’après quelques propriétés iso¬ lées , surtout lorsqu’elles sont aussi secondaires que cela a lieu pour plusieurs des exemples que je viens de citer , qu’on peut espérer de classer les roches ; de même qu’en zoologie et qu’en botanique, il est indispensable, ainsi que l’a fait M. Cordier, d’é¬ tudier à la fois leurs caractères physiques, chimiques et géologiques, afin d’arri ver à une classification naturelle ; parmi ces caractères , on attachera, du reste, une importance toute spéciale à ceux qui résultent de la composition minéralogique et chimique cpie l’on peut appeler caractères du premier ordre ou dominateurs. — Si nous examinons d’abord le caractère minéralogique , son importance est évidente ; ne résulte-t-elle pas en effet des considérations qui ont été présentées antérieurement? On peut , du reste , très bien le comparer au caractère paléontologique des terrains stratifiés; il y a cette différence cependant que les minéraux définissent les ter¬ rains non stratifiés d’une manière incomparablement plus précise que les fossiles ne sauraient le faire pour les terrains stratifiés ; car autant les produits du règne animal sont variés , autant ceux du rè gne minéral sont simples ; ainsi , tandis que les fossiles sont toujours en nombre presque indéfini et que c’est seulement, pour ainsi dire, d’après l’étude d’une faune entière qu’on peut compa¬ rer les diverses couches, les minéraux qui caractérisent une for¬ mation et cpii la distinguent nettement de tontes les autres sont au contraire en très petit nombre. — Il faut reconnaître toutefois que les minéraux sont souvent microscopiques et cristallisés d’une manière confuse ; de plus, ainsi que je l’ai déjà fait observer an¬ térieurement , le peu de connaissances qu’on possède , dans l’état actuel de la science , sur les minéraux des roches , et en particu- lie r sur ceux de la famille des feldspatlis , contribue encore à ren¬ dre le caractère minéralogique insuffisant. Pour des minéraux parfaitement cristallisés, une classification basée sur les caractères extérieurs serait possible jusqu’à un certain point ; c’est ce que prétendait faire Haüy , et quoiqu’il fut porté à attacher une im¬ portance en quelque sorte exagérée au caractère minéralogique , il reconnut la nécessité d’avoir recours aussi au caractère chimique. Pour les roches dont la classification présente de bien plus grandes difficultés , il est donc absolument indispensable d’avoir égard à la fois au caractère mi/iéralogique et chimique. Jusqu’à présent, cependant , on n’a lait qu’un très petit nombre d’analyses de ro¬ ches, et, à part quelques connaissances générales, on possède peu de données sur leur composition chimique, ainsi que sur les diffé¬ rences qu elles présentent, quand on passe d’une variété à une SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 789 autre : il est donc facile de concevoir combien ont été nombreux les obstacles contre lesquels ont eu à lutter les géologues qui se sont proposé une classification générale des roches (1). Dans l’état actuel de la science, et à cause du peu d étendue de nos connaissances sur deux caractères dominateurs et les plus importants des roches , le caractère minéralogique et chimique , une classification naturelle de toutes les espèces me semble bien difficile, ou, pour mieux dire, impossible , et elle ne deviendra possible , comme l’a fait obser¬ ver M. Beudant (2) , qu’ autant qu’on pourra l’appuyer sur un nombre suffisant de travaux de minéralogie chimique coordonnés avec des observations géologiques. — On conçoit donc que des études de ce genre doivent présenter le plus haut intérêt, et, indépendam¬ ment du but qu’ elles se proposent , elles auront aussi pour efï'etde compléter la série des composés qu’on connaît en minéralogie , et d’appeler l’attention sur des substances minérales nouvelles ou sur des variétés qui auraient échappé à l’étude ; c’est en effet ce que j’aurai l’occasion de faire observer plusieurs fois dans la suite de ce mémoire. Par ce qui précède , je crois avoir surabondamment dé¬ montré f utilité de recherches de minéralogie chimique , entreprises en même temps que des études géologiques sur toute la série des roches non statifiées ; il reste à cet égard à remplir une grande la¬ cune de la science. Dans ces derniers temps , du reste , on a com¬ pris toute l’importance des travaux de ce genre ; ainsi , M. G. Rose a fait connaître d’une manière complète les propriétés minéralo¬ giques des roches recueillies dans ses voyages et les analyses d’un très grand nombre de feldspatbs ont été exécutées sous sa direction. MM. Bertliier, C. Ginelin, Abich, Swanberg, Eersten, Forchliam- mer, Wolf, Ch. Deville , etc., se sont également occupés de l'exa¬ men chimique de roches , et principalement de roches basaltiques ou volcaniques ; toutefois jusqu’à présent on ne possède qu’un assez petit nombre d’analyses dérochés, et il serait assurément difficile d’en réunir une vingtaine. On conçoit du reste qu’il est nécessaire que ces recherches de minéralogie chimique soient exécutées sur des roches vues en place dans des localités bien déterminées, car une collection géologique , quelque complète qu’elle fut , serait loin ( l] Parmi les ouvrages les plus importants publiés dans ces derniers temps , sur la classification des roches , on peut citer ceux de MM. Cor- dier, Dufrénoy et E. de Beaumont, A. Brongniart, de Léonhard , d’Omalius d’Halloy, Walchner, Dumont, Rivière, Boué, Burat, etc. (2) Sur la discussion des analyses minérales. Tome VIII des Mé¬ moires de l'Institut. 790 SÉANCE DU i7 MAI l8/(7. de pouvoir suffire; le cîiimiste géologue doit doue étudier lui- même sur le terrain la roche analysée ainsi que les variétés miné¬ ralogiques qu’elle présente ; il doit la suivre dans ses passages suc¬ cessifs ainsi que dans ses dégradations ; enfin il doit examiner aussi son gisement. Guidé par ces considérations, j’ai pensé que la partie sud des montagnes des Vosges qui renferme une série nombreuse de roches d’origine ignée devait offrir, plus que tout autre groupe montagneux , un très grand intérêt pour des recherches entrepri¬ ses dans le but que je viens d’indiquer; car indépendamment de ce que ces roches sont très variées , elles sont connues pour la plus grande partie par les géologues , soit parce que plusieurs d’entre elles ont été envoyées dans les collections ou employées comme objets d’ornement dans des monuments publics, soit parce qu’elles ont été décrites dans un grand nombre de publications, et on peut même dire à cet égard qu’elles sont devenues en quelque sorte classiques en géologie par les descriptions qui en ont été données et surtout par celles de M. Elie de Beaumont. Je vais maintenant faire connaître d’une manière sommaire la marche générale qui a été suivie dans les recherches de mi¬ néralogie chimique dont le but vient d’être exposé. Je ne me suis pas attaché à étudier ces roches dans un ordre déterminé , par exemple d’après leur ordre d’ancienneté , car les données qu’on possède jusqu’à présent sur les roches des Vosges sont assez vagues , et la suite de ce travail contribuera sans doute à jeter du jour sur cette question en permettant de les rapprocher de roches dont l’âge est connu par leur gisement dans d’autres pays. Si on considère, par exemple, les porphyres des Vosges en parti¬ culier, on reconnaît facilement qu’il y en a plusieurs espèces dif- lérentes qui percent le terrain de transition et qui le relèvent ; les uns peuvent donc lui être contemporains , les autres postérieurs ; mais quels sont les termes de la série des roches stratifiées entre lesquelles ils ont apparu ? c’est un problème dont l’étude des Vosges ne me semble pas donner toujours la solution : toutefois la nature minéralogique et la composition chimique de ces porphyres étant connue et bien définie , il sera possible de les retrouver dans d’autres chaînes de montagnes dans des relations qui détermine¬ ront leur âge. Comme plusieurs roches des Vosges ont reçu , des divers géologues qui se sont occupés de leur étude, des noms dif¬ férents ou même contradictoires , autant que possible je les dési¬ gnerai par la localité dans laquelle elles présentent le type le plus remarquable ; je ferai connaître en regard leur synonymie. Pour faire l’étude d’une roche, j’en ai recueilli moi-même une série 791 SÉANCE 1)L 17 MAI 1847. d’échantillons qui ont été pris sur divers points de la chaîne des Vosges , et je me suis attaché d’abord à l’examen des types les mieux définis dans lesquels les cristaux étaient nettement séparés, et qui ne présentaient pas de passages aux roches environnantes ; puis j’ai étudié la roche dans ses diverses dégradations, et enfin lorsqu’elle prenait une texture grenue : il est très avantageux pour ces recherches minéralogiques , ainsi que l’a signalé M. Bron- gniart , d’avoir recours à la calcination , ce qui , en apportant une différence tranchée dans la couleur des minéraux constituants , permet de les reconnaître souvent plus facilement (1). Quand les cristaux étaient distincts, j’ai séparé successivement ceux des mi¬ néraux qui entraient dans la composition de la roche, en la brisant, et en faisant avec beaucoup de soin un triage mécanique à la loupe et au besoin à l’aide de l’augette , ainsi que je l’ai déjà indi¬ qué précédemment , et d’après la méthode proposée par MM. Cor- dier et Berthier : lorsque la pâte avait une texture cristalline non discernable à la vue , je l’ai examinée aussi sous le microscope , afin de reconnaître le nombre et , autant que possible , la nature des minéraux qui la composaient. Après avoir opéré ce triage , chaque substance minérale était décrite et étudiée séparément, tant sous le rapport de ses propriétés physiques que de ses propriétés chimiques : pour cela, je déterminais sa densité et ses formes cris¬ tallines les plus habituelles dans la roche ; puis j’examinais ses pro¬ priétés au chalumeau , et je terminais l’ensemble de ces recher¬ ches par son analyse chimique. La composition des minéraux iso¬ lés était ensuite comparée à celle de la pâte de la roche elle- même ou à celle de la roche à l’état de grenu , afin de rechercher quelle pouvait être la nature et la proportion des minéraux qui la composaient ; dans certains cas , la comparaison de la densité de la roche avec celle de ses minéraux permettait d’arriver aux mêmes résultats. Telle est la marche qui a été suivie dans l’examen des diverses roches des Vosges. Pour compléter cette étude , je ferai connaître successivement, à mesure que l’occasion s’en présentera, les dégradations et les passages de ces roches les unes aux autres : je signalerai enfin les diverses localités dans lesquelles elles ont été observées, ainsi que les principaux faits relatifs à leur gisement. Si les recherches dont je viens de tracer le plan n’avaient qu’un intérêt local et servaient seulement de base à une classification des roches des Vosges , il n’aurait peut-être pas été bien utile d’y con¬ sacrer tout le temps et tous les soins que réclament les travaux de (l) Brongniart , Dict. cl' hist. nat.} t. XLV1 , p. 28. 792 SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. ce genre ; mais il est facile de concevoir que ces recherches ont une plus liante portée , car comme les Vosges présentent une très grande variété de roches non stratifiées qui ont été rencontrées pour la plus grande partie dans d’autres chaînes de montagnes , il deviendra facile de généraliser les résultats qui auront été obtenus. Du reste , afin d’atteindre ce but , je ferai suivre l’étude de chaque roche des Vosges de l’énumération des principales roches connues qui peuvent en être rapprochées , et quand leur identité ne sera pas parfaite et ne résultera pas immédiatement du caractère mi¬ néralogique, j’aurai au besoin recours à l’analyse chimique. Les nombreuses collections du Jardin du roi renferment des matériaux très riches que j’ai eu souvent l’occasion d’étudier ; et je dois à la bienveillance de MM. Cordier et Brongniart, Rivière et Charles d’Orbigny , la communication de quelques échantillons qui m’ont permis de généraliser ce travail en comparant les résultats obte¬ nus pour les roches des Vosges à ceux des roches provenant des localités les plus diverses. — Je terminerai ce mémoire par un essai de classification et de nomenclature des roches des Vosges , basé sur l’ensemble de leurs caractères, et principalement sur le carac¬ tère minéralogique et chimique. Enfin , j’y joindrai par la suite une carte géologique détaillée , faisant connaître les relations de position de ces roches dans les principales localités où je les aurai étudiées , et surtout dans le département de la Haute-Saône. Porphyre de Belfahy. Cette roche, qui a la structure porphyrique la mieux caractéri¬ sée, a été désignée par MM. Voltz, Thirria, Cordier et Brongniart, sous le nom d’Ophite (1), par M. Elie de Beaumont sous celui de Mélapliyre (2), et elle appartiendrait au porphyre augitique de MM. Léopold de Bucli et G. Rose : elle forme la plus grande partie de la montagne sur laquelle est bâti le village de Belfahy ; on la retrouve au Puix, à Giromagny, à Bitschwiller, à IJorben (3) ; et elle présente un très grand nombre de variétés sur plusieurs points de la chaîne des Vosges. Comme ces variétés sont pro¬ duites tantôt par la disparition, tantôt par la prédominance des minéraux qui composent la roche , ou même seulement par (1) Voltz, Géognosie des deux départements du Rhin , p. 53. — Thirria, Statistique de la Haute-Saône , p. 361. (2) Explication de la carte géologique de France . (3) Id.} p. 367. 793 SÉANCE DU 17 MAI 18^7 . leurs différentes manières d’être, il est indispensable de s’occuper d’abord de l’étude de ces minéraux. Je commencerai donc par le feldspath, qui est incontestablement, et de beaucoup , celui dont la connaissance est la plus importante. Feldspath. — • Les cristaux de feldspath qui donnent à la roche sa structure porpliyrique sont blancs ou blancs-verdâtres. Dans la partie du ballon sur laquelle se trouve le village de Belfahy, il ; ont une légère teinte verte ; leurs arêtes sont vives, et par leur cou¬ leur ils se distinguent nettement de la pâte. Ils ont généralement 1 à 2 centimètres de longueur et quelques millimètres de largeur. Dans plusieurs variétés, qu’on trouve surtout au Puix, ils sont plus nombreux , mais en même temps ils sont beaucoup plus petits. Quant à la pâte de la roche , elle a une couleur qui varie du vert clair jusqu’au vert foncé et au vert noirâtre; quelquefois elle est mêlée de tons violacés, et, dans quelques cas plus rares, elle a une teinte violacée uniforme. La séparation du feld¬ spath et de la matière qui forme la pâte n’est pas toujours aussi nette qu’à Belfahy et qu’au Puix; alors le feldspath prend une teinte verte plus prononcée, qui est due, comme l’apprend l’exa¬ men sous le microscope , à ce que le minéral qui colore la pâte s’est formé aussi en petite quantité dans le feldspath lui-même pendant qu’il cristallisait. A la Grève, près de Mielin , par exem¬ ple, les cristaux de feldspath ont une couleur verte aussi foncée que la pâte, et même on ne peut les distinguer que quand ils ont pris une teinte blanchâtre par l’exposition à l’air. — Il arrive quel¬ quefois qu’on rencontre aux environs de Belfaliy, et surtout à l’état de bloc roulé dans le Rabin , une variété de la roche dans laquelle les cristaux de feldspath présentent une couleur rose ou rouge de chair. J’avais d’abord pensé que ce dernier feldspath était diffé¬ rent du premier, car il a une densité qui est plus faible; mais je ne tardai pas à reconnaître qu’il a des formes cristallines identiques et que ce changement de couleur est produit simplement par une altération atmosphérique. Cette altération , due à l’action de l’air et de l’eau , a sans doute pour effet de modifier l’état de combi¬ naison de l’oxyde de fer qui entre dans le feldspath , et , quelle que soit la manière dont elle s’opère , on peut facilement la con¬ stater, car, en montant du village vers le ballon de Belfahy, j’ai rencontré des cristaux de feldspath qui étaient roses dans la partie de la roche exposée à l’action de l’air atmosphérique , mais qui avaient conservé la couleur blanche verdâtre à l’intérieur de la roche ; de plus, on pouvait observer dans un même cristal un pas¬ sage insensible du rose au blanc. Il paraîtrait donc, d’après cela, 794 SÉANCE DU 17 MAI 1847. que l’apparition de la couleur rose est le premier effet de la dépo¬ sition de ce feldspath et de sa transformation en kaolin; elle indi¬ que que l’oxyde de fer commence à se dégager de la combinaison. Lorsque ensuite il est entraîné ou bien dissous par des acides or¬ ganiques (1) , le feldspath passe à une couleur blanche un peu mate , il perd de sa dureté et il prend une consistance farineuse. Pour le porphyre de Belfahy, dont le feldspath est du labrador, cette décomposition ne s’exerce presque pas sur la pâte, elle est même très superficielle , et elle ne s’opère pas dans toute la roche et sur une grande échelle comme cela a lieu pour l’orthose de cer¬ tains granités ainsi que pour la pegmatite. On a trouvé pour la densité du feldspath extrait de la roche (2) : a — Variété d’un blanc de lait légèrement verdâtre et compacte . 2,733 b — Variété d’un blanc légèrement verdâtre et la- melleuse . 2,706 c — Variété d’un blanc verdâtre , un peu altérée. 2,69 4 d — Variété altérée rose . 2,670 La moyenne entre les densités a et Adonne pour le feldspath du porphyre de Belfahy . 2,719 Cette densité est celle du labrador. On voit , d’après les variétés c et d , que l’altération due à Fac¬ tion de l’air et de l’eau a pour effet de diminuer la densité du feld¬ spath. La diminution est d’environ 0,049 dans la variété rose ; ce¬ pendant il est encore à l état cristallin , mais il se laisse cliver avec plus de facilité. Je n’ai pas pu réunir assez de kaolin, provenant de la décomposition de ce feldspath labrador, pour en déterminer la densité; mais, d’après l’état pulvérulent que prend la matière , la densité doit encore aller en diminuant à mesure que la décom¬ position s’avance ; on a d’ailleurs pour la densité du kaolin de Porthose environ 2,200 , et si on supposait que celle du kaolin provenant du labrador est la même, on voit qu’on aurait une di¬ minution très notable dans la densité , puisqu’elle serait d’envi¬ ron 0,4. Par la calcination sa densité devient plus petite, car elle est de 2,600; on a donc perte = 4,38 p. 100. Dureté. — La dureté de ce feldspath est un peu inférieure à [1) Bulletin de la Société géologique , année 1 846. Mémoire de M. Daubrée. (2) Pour la détermination de ces densités , ainsi que pour celle d’un grand nombre de roches, j’ai été aidé avec beaucoup de zèle par M. Paufert, garde-mines à Vesoul. SÉANCE Dll 17 MAI 18/Ï7. 79 J celle de l’adulaire du Saint-Gothard et à celle du labrador du Gi oënland ; elle est donc un peu plus petite que 6. tonne. — L’examen des cristaux de feldspath du porphyre montre d’abord qu’ils ne sont pas orientés suivant une direction déterminée, mais qu’ils sont dirigés indifféremment dans tous les sens , comme , de plus , ils sont beaucoup plus longs que larges ; dans la cassure d’un échantillon , ils doivent , toutes choses égales, présenter le plus généralement une forme allongée, ce qui con¬ tribue surtout à donner à la roche une structure porpliyrique bien caractérisée ; on reconnaît aussi que les cristaux isolés dans la pâte ne sont pas simples, mais qu’ils sont formés par les macles et par le groupement d’un assez grand nombre de cristaux. Il est facile de constater sur les fragments isolés du feldspath qu’il appartient au système tri/dinoedrique (1) ; on a un clivage facile suivant la face oP et un autre assez facile suivant co P co : c’est suivant cette dernière face que les cristaux sont allongés ; en outre, on peut ob¬ server, parallèlement à son intersection avec oP, une série de stries parallèles très fines, qui sont quelquefois très rapprochées et ne peuvent être bien distinguées qu’à la loupe; elles indiquent une macle formée comme celle de l’albite ; Y axe de rotation est la ligne menée dans le plan de la base, normalement à la petite dia¬ gonale ; la face à’ assemblage est la base elle-même. Des mesures faites avec le goniomètre d’application ont donné à peu près oP. oo P oo = 85" 30, ce qui est l’angle du labrador; l’angle rentrant produit par la macle est donc environ de 171°. Suivant co P oo , on ne voit pas le chatoiement qui s’observe généralement dans les cristaux de labrador. 11 est très rare de trouver des cristaux sim¬ ples; ils sont ordinairement formés par ragglomération d’une série de cristaux maclés et réunis en groupes. Ces groupes offrent le plus souvent la disposition de bandes parallèles , ou bien ils divergent d’un centre dans toutes les directions ; plus rarement enfin ils s’entre-croisent d’une manière capricieuse et qui n’est soumise à aucune loi. Du reste, les cristaux qui forment ces groupes sont gé¬ néralement sans modifications et affectent surtout la forme paral- lélipipédique oP. oo P oo : oo P oo , ou bien une forme hexagonale comme celle qui est habituelle à l’orthose. 11 en résulte que, dans la cassure, toutes les figures que présentent les cristaux sont les (1) Pour l’étude cristallographique des minéraux, j’ai le plus sou¬ vent employé les notations et la méthode de M. le professeur Naumann, de Leipsick. 7ü6 SÉANCE DU 17 MAI 1847. sections de parallélipipèdes par des plans et s’obtiennent en dispo¬ sant des parallélogrammes de diverses manières. Chalumeau. — Au chalumeau, il fond, quoique assez difficilement, en un verre blanc translucide et un peu bulleux ; la variété rose redevient d’abord blanche, puis elle fond comme la première : la variété d’un blanc verdâtre prend, avant de se fondre, une légère teinte jaune. Il est plus facilement fusible que le labrador cha¬ toyant et type de Finlande ou du Groëland. Dans le tube fermé, il donne de l’eau. Avec le borax, il se dissout aisément et la perle est parfaitement transparente. Avec le sel de phosphore, on a une perle jaune à chaud , incolore par refroidissement , dans laquelle nagent des squelettes de silice. Avec le carbonate de soude, la dis¬ solution n’est pas complète ; des squelettes gonflés restent dans la perle : sur la feuille de platine, une coloration verte indique la présence d’un peu de manganèse. Le nitrate de cobalt ne donne rien. Analyse. — Le feldspath s’attaque même à froid par l’acide hy- drochlorique très concentré , lorsqu’il a été préalablement réduit en poudre par la porphyrisation ; la silice reste alors à l’état grenu , mais elle se gonfle un peu. Cela peut fournir, comme on l’indique dans les traités de minéralogie , un moyen de distinguer le labra¬ dor des autres feldspaths qui ne sont pas attaquables ; car, bien que l’alumine reste pour la plus grande partie dans le résidu, on dissout assez facilement les autres bases, et, après l’évaporation à sec, il y a plus du tiers de la matière dans la liqueur. Toutefois, l’attaque complète du minéral par l’acide chlorhydrique est très difficile : elle aurait lieu plus facilement par l’acide sulfurique; mais , pour l’analyse quantitative , il m’a semblé préférable et moins long d’avoir recours au carbonate de soude et à l’acide fluorhydrique. La marche suivie dans ces opérations a été celle qui est indiquée dans les traités d’analyse chimique les plus ré¬ cents, et surtout dans celui de M. Rose. J’ai opéré sur 13,2, et je me suis conformé à toutes les précautions et vérifications prescrites ; j’ai recherché avec soin les alcalis qui ont été dosés à l’état de sul¬ fate de carbonate et de chlorure. Sans entrer communément dans le détail des opérations, ce qui pourrait nuire aux études minéra¬ logiques et géologiques que je me suis proposées dans ce mémoire, je vais faire connaître de suite les résultats obtenus, et dorénavant je procéderai toujours ainsi , à moins de circonstances particulières. SEANCE DU 17 MAT 18/|7. 797 g . g .. . g 2 a I,2-C,N * ,I2-C N A. 2. Fl. II. Moyenne. Oxygène. Rapport. Silice . 52,79 52,99 )) 52,89 27,480 6 Alumine. . . . » 27,14 27,64 27,39 1 12,801 | r \ O 1 O Cl O Peroxyde de fer. » 1,24 1,24 1,24 0,381 ' 13,182 3 Oxyde mangan. » 0,30 » 0,30 0,067 \ Chaux . » 6,01 5,77 5,89 1,654, Magnésie. . Soude . trace » » » » 5,29 » 5,29 » 1,353 > 4,525 1 Potasse . » » 4,58 4,58 0,776 1 Eau . » 2,28 » 2,28 »/3 2,027 j 99,86 Dans les premières analyses que j’ai faites de ce feldspath , j’ai toujours obtenu une perte de plusieurs centièmes, de laquelle il m’était impossible de me rendre compte ; j’eus alors l’idée de le calciner, et je reconnus avec étonnement qu’il contenait une quan¬ tité d’eau très notable : Pour la variété c j’ai trouvé — Eau nr 2,550. Id. rl » » 2,417. Et en général, j’ai toujours obtenu, à très peu près, le nombre 2,28 °j0 de l’analyse. Des essais analogues, faits sur des feldspatlis labra¬ dors appartenant à des roches de la meme famille, m’ont montré que la quantité d’eau est d’autant plus grande que le feldspath a une teinte plus verdâtre et un aspect plus cireux ; elle diminue, au contraire , ou elle devient nulle, quand sa teinte tire sur le gris. Comment une quantité d’eau aussi notable peut-elle se trouver dans le minéral constituant d’une roche que d’après tous ses ca¬ ractères on a toujours regardée comme étant d’origine ignée (1)? A cet égard, un vaste champ reste ouvert aux hypothèses; mais dans cette circonstance, comme dans toute autre, je m’abstiendrai, autant que possible, d’en proposer aucune, car l’étude des roches est généralement trop peu avancée pour qu’il soit possible d ap¬ puyer des hypothèses sur des bases solides. J’observerai , du reste, que cette eau n’est pas de l’eau hygrométrique ; car le feldspath avait d’abord été desséché à une douce température, et j’ai con¬ staté qu’étant mis dans l’eau après calcination, il ne reprenait pas (1) J’ai constaté , par des essais très nombreux et très variés , que ce ne sont pas seulement les mélaphyres qui contiennent de l’eau, mais que c’est une propriété à peu près générale des porphyres, qui s’étend même aux porphyres cranitoïdes. 79S SÉANCE DU 17 MAI J S/|7. l’eau qu’il avait perdue. Déplus, comme j’ai opéré sur des cristaux qui étaient aussi purs et aussi nets que possible, on ne saurait ad¬ mettre que l’eau provient d’un mélange de silicate hydraté, d’une zéolithe, par exemple, qui aurait pénétré les pores du feldspath. Par conséquent , quoique d’après les idées généralement reçues cela paraisse paradoxal au premier abord , cette eau entre dans la composition du feldspath, et c’est bien de X eau de combinaison . Au surplus , l’exactitude des considérations qui précèdent est démon¬ trée, a posteriori , par la composition même du minéral; car, en ne tenant pas compte de la quantité d’eau, on trouve toujours pour l oxygène de R un nombre trop petit, et il est impossible d’arriver à la formule du labrador, bien que les idées de M. Sclieerersur l’ isomorphisme polymère aient besoin, avant d’être adoptées d’une manière définitive, de la sanction de faits nom¬ breux , et que plusieurs chimistes ne les aient pas acceptées d’une manière complète, il résulte cependant de l’étude d’un grand nombre de minéraux que beau peut être considérée comme jouant le rôle de base dans ce feldspath. De plus, admettons aussi avec IM. Scheerer que 3 atomes d’eau peuvent remplacer 1 atome de chaux dans des composés isomorphes ; comme il est établi par les analyses antérieures de feldspath que la somme des quantités d’oxy¬ gène des bases à 1 atonie, bien qu elles ne soient pas isomorphes, est à l’oxygène de l’alumine dans le rapport de 1 à 3, il devra en être de même encore, quand, dans l’analyse précédente, on aura remplacé l’eau par son équivalent en chaux ; et c’est précisément ce que démontre le tableau ci-dessus. Il faut observer, cependant, qu’il est nécessaire aussi d’admettre que le fer est à l’état de per¬ oxyde , ce qui n’est pas impossible , du reste, malgré la couleur verdâtre du feldspath, car des hydrosiiicates renfermant du per¬ oxyde de fer peuvent avoir une couleur verte. Des études plus complètes sur risomorphisme polymère apprendront sans doute par la suite si cette conjecture est fondée. Quoi qu’il en soit , les considérations cpii précèdent conduisent, pour les rapports d’oxy¬ gène, aux nombres : 1 : 3 : 6, et par conséquent le feldspath ana¬ lysé est bien du labrador. 11 faut observer, toutefois, que ce labrador constitue une variété bien distincte de cette espèce minérale ; d’a¬ bord sa densité, lorsqu’il n'est pas altéré, est un peu plus grande ; il n’est pas chatoyant suivant la face o> P oo ; de plus, il ren¬ ferme 2,28 p. 100 d’eau jouant le rôle de base, moitié moins de chaux, une proportion très notable de potasse, et presque autant d’alcali que l’albite ou que Foligoclase. Quoiqu’il soit absolument sans objet de donner un nom particulier à ce labrador, il importe 799 SÉANCE DE 17 MAI 1 S 17. cependant de bien remarquer qu’il diffère notablement de tous les labradors types examinés jusqu’à présent (1), ainsi que de celui des laves modernes, analysé par M. Abicli ; il y a donc différence dans les propriétés physiques et chimiques, et en même temps différence d’âge et de gisement géologique. D’après la formule proposée par M. Berzélius pour le labrador, R est formé de 1 at. de soude et de 3 at. de chaux ; ce qui donne : ^ na si -f- Al si j -f* 3 (ca si -f- Al si). Pour le labrador de Belfahy, les résultats ne sont pas très éloi¬ gnés de r=(r, na'ca* 2, »), en sorte qu’on peut admettre qu'il y a environ 2 atomes de chaux, 2 atomes de soude, 1 atome de po¬ tasse et 3 atomes d’eau; cela conduit alors à une formule assez compliquée, mais qu’on peut cependant grouper d’une manière simple, comme il suit : f 3 ((ca,R) si -f Al si) 2 (na si -f- Âl si ( ( K SI -j- Âl SI ) Si on fait le calcul de la formule, on trouve : Silice. . , Alumine. Chaux. . Potasse. Eau.. . •V tomes. Poids atomiques. 12. . . . 577,48 . 52,88 6 . . 642,33 . 29,40 2. • 356,02 . 4,67 2. . 390,90 . 5,97 1 . . 589,92 . 4,50 3. . . . . 1 12,48 . 2,58 100,00 Comme on n’a pas lenn compte du fer et du manganèse, on voi rue la formule proposée s’accorde, aussi bien que possible, avec ÎS résultats de l’analyse. Dans l’explication de la carte geologiqu le France (2), M. Elle de Beaumont avait indique que ce le d- path était du labrador, en faisant observer, toutefois, que M. Da ,,ée le considérait comme de l’oligoclase : au premier abord, cela (1) Voir Rammelsberg , Handworterbuch , etc. 2 Explication de la carte géologique de France. \ osges. 800 SÉANCE DU 17 MAI 1847. paraît vraisemblable ; car, par ses propriétés physiques , il a de la ressemblance avec ce dernier feldspath ; il est, en efïet, presque toujours compacte, non transparent et quelquefois un peu laiteux ; en outre, ses cristaux présentent des stries dues à une macle qui s est formée suivant la même loi que celle de l’oligoclase, c’est-à- dire par une rotation de 180° s’opérant autour de la normale à la petite diagonale menée dans le plan de la base. Comme les cris¬ taux ne sont pas assez nets pour qu’il soit possible de mesurer avec quelque précision l’angle de la macle au goniomètre, l'ana¬ lyse chimique seule pouvait faire connaître, d une manière cer¬ taine, si ce feldspath était du labrador ou de l’oligoclase. Augite. — Après le feldspath labrador, le minéral qu’on ren¬ contre le plus ordinairement dans le porphyre de Belfahy est Y augite , dont la présence a été signalée depuis longtemps par MM. Voltz et Thirria. Il est rare de trouver des cristaux ayant quelques millimètres de dimension ; mais, à la loupe, on peut assez fréquemment distinguer le pyroxène sous la forme de petites agrégations d’un vert foncé, ressemblant à de la coccolite, et qui présentent quelquefois des cristaux mal définis. Tantôt il semble se fondre dans la pâte, tantôt, au contraire, il forme de petits glo¬ bules à peu près sphériques, qui s’en séparent d’une manière très nette par une surface lisse et qui donnent à la roche l’aspect d’une variolite à petit grain. Ce pyroxène est généralement d’un vert très foncé et tirant sur le noir. .1 ai extrait de petits cristaux d’un échan¬ tillon à pâte vert clair, dont le feldspath , quoique cristallisé, avait même couleur que la pâte, et qui provenait de l’ancienne galerie de mine dite la Sainte-Barbe, à la Planche-des-Belles-Filles. J’ai trouvé pour leur densité . 3,273. Les cristaux de pyroxène offrent , en général , dans la cassure de la roche, des parallélogrammes ou des rectangles indiquant cpie le minéral est cristallisé dans les formes limitées par les prismes ainsi que par les pinakoïdes ; souvent cependant on peut observer, des deux côtés du prisme, un biseau produit par la combinaison de la demi-pyramide primitive avec les formes précédentes. Dans la cassure, cela donne un hexagone allongé. Sur plusieurs cristaux verts-noirâtres, et surtout sur ceux qui sont d’un vert plus clair, j’ai observé la forme qui , d’après le système de cristallographie de N. Nauinann, est représentée par : oc P. oo P oc. ( oo P oc). P. C’est la forme habituelle de F augite des volcans. Outre le py¬ roxène, on rencontre encore dans le porphyre de Belfahy quelques minéraux accidentels et qui sont beaucoup plus rares. Pyrite de fer. — Ainsi on trouve de la pyrite de fer d’un jaune 801 SÉANCE DU 17 MAI 1817. pâle, disséminée en très petite quantité , et souvent elle n’est vi¬ sible qu’à la loupe. J’en ai observé plusieurs petits cristaux de forme cubique et qui présentent des stries sur leurs faces ; ces stries, qui ont des directions perpendiculaires sur deux faces con¬ tiguës, sont celles que M. Delafosse considère comme l’indication de dissemblance entre des parties du cristal géométriquement égales et comme pouvant servir à expliquer son hemiédrie. La pyrite de fer est disséminée dans tonte la masse du porphyre ; mais il n’en est pas de même des autres minéraux desquels il nous reste à parler, qui sont : l’épidote, le quartz, la chaux carbonatée et un minéral qui paraît se rapporter à une clilorite ferrugineuse. Remarquons d’abord qu’ils ne se rencontrent le plus ordinaire¬ ment que dans les parties de la roche dans lesquelles le feldspath ne forme pas des cristaux nettement séparés, et qui n’ont pas une structure porphyrique bien caractérisée Epi do te. — L’épidole est d’un beau vert pistache clair ; elle est radiée et cristallisée , mais le plus souvent ses cristaux sont mi¬ croscopiques ; j’en ai observe présentant la forme de prismes à 4 faces, allongés, qui sont formés par des faces parallèles à la dia¬ gonale perpendiculaire combinée avec des pointements latéraux à 4 faces ; ces cristaux sont implantés par une des extrémités de la diagonale perpendiculaire. Au mont Menais, entre Planclier-les- Mines et Auxelles-Haut, on trouve un porphyre vert-noirâtre, avec' quelques lamelles de labrador, paraissant n’ètre qu’une dégrada¬ tion du porphyre de Belfahy, et qui est à la limite de ce porphyre et du terrain de transition, du côté de Plancher- Bas ; l’épidote y forme des filons avec du quartz , qui occupe ordinairement la partie centrale du filon , et les bandes de quartz sont parallèles aux bandes d’épidote ; dans quelques parties, les filons d’épidote et de quartz se ramifient dans toutes les directions et se multiplient tel¬ lement, que la roche en est complètement imprégnée ; sa pâte est plus dure et elle prend à peu près la couleur vert pistache de l’é- pidote. On y remarque, en outre, de petits points sphériques verts- noirâtres qui la font ressembler à une variolite . Une variolite du même genre, et qui m’a paru être formée de quartz blanc entouré d’une couronne concentrique d’épidote vert pistache se fondant insensiblement dans la pâte, se trouve à l’ouest au fond de la vallée qui conduit de la scierie Saint-Antoine au Plain-des-Bœufs. En¬ fin , M. Thirria (1) a désigné sous le nom de variolite euritlque une roche qu on rencontre à la Chapelotte, près de la Ferrière, (1) Statistique de la Haute- Saône , p. 38 4. Soc. géol. , 2e série, tome IV. ol 802 SÉANCE DU \1 MAI 18/l7. sur la route de Faucogney à Coravi 11ers ; sa masse est imprégnée d’épidote qui lui donne une couleur vert pistache, en même temps elle présente des noyaux qui sont le plus ordinairement formés de quartz et d’une substance verte particulière qui sera étudiée plus loin ; en sorte que sa couleur, en tranchant sur le vert clair de l’é* pidote, lui donne l’aspect d’une variolite. Ces trois roches sont semblables, et on peut les considérer comme une dégradation du porphyre qui nous occupe, dégradation qui se présente à la limite de la formation ; car au mont Ménars et au Plain-les-Bœufs elle est près du terrain de transition , et à la Cliapelotte elle s’est pro¬ duite près du contact du porphyre avec des roches granitoïdes. L’épidote paraît, du reste, s’être formée surtout à la limite du porphyre de Belfahy, car on la trouve encore près de la Grève et de Mielin , à la séparation d’un autre porphyre très développé, aux environs de Servance. Ici , elle ne forme plus des filons ou des stoc.hwerh qui ont pénétré la roche ; elle présente des cristaux ra¬ diés , bacillaires, dans l’intérieur d’ amygdaloides contenant du quartz , de la chaux carbonates et quelquefois le minéral particulier que je viens de mentionner. Ces quatre substances ne sont pas dé¬ posées au hasard dans les amygdaloides, mais elles présentent tou¬ jours des couches concentriques, dont nous étudierons plus loin la disposition. Quartz. — ■ Le quartz se trouve en noyaux de forme plus ou moins sphérique dans ces amygdaloides du porphyre de Belfahy. Il est blanc, parfaitement transparent, et on n’y observe pas de couches concentriques de diverses couleurs, comme dans le quartz agate des porphyres d’Oberstein et de quelques autres localités : c’est du quartz hyalin pur, car je me suis assuré qu’il n’éprouve aucune perte par calcination : quand il est cristallisé, il est implanté par une de ses extrémités perpendiculairement à la sur¬ face de la géode. Les amygdaloides sont souvent formées seulement de quartz ; quelquefois aussi on y trouve du quartz et de l’épidote, mais le plus ordinairement l’épidote ne se rencontre pas sans quartz; quelquefois elles sont microscopiques et elles forment de très petites veinules de quartz répandues dans la pâte, où elles ne deviennent visibles qu après calcination. Chaux carbonatée. • — La chaux carbonates est blanche , à l’état spathique , et elle ne présente pas de cristaux définis ; cela tient d’abord à ce quelle remplit les amygdaloides d’une manière complète. A Giromagny, dans des amygdaloides de plusieurs cen¬ timètres de longueur, je l’ai rencontrée à l’état saccharoïde et ayant une couleur bleuâtre ; elle contient alors un peu de carbonate de 803 SÉANCE DU 17 MAI i 8 /| 7 . fer, car elle se colore en jaune par F altération de l’air;- mais elle ne renferme pas de carbonate de magnésie. Près de Faucogney, sur la route de Coravillers et à Eelonchamp , on trouve une assez grande quantité de carbonate de cliaux , répandue dans un por¬ phyre qui est une variété de celui de Belfahy. Les cavités qui con¬ tiennent la chaux carbonatée sont plus grandes , et ne sont pas à peu près sphériques ou ellipsoïdales , comme quand il y a du quartz et de l’épidote; elles sont , au contraire, angulaires, allon¬ gées , généralement très irrégulières , et elles peuvent avoir plu¬ sieurs décimètres dans leur plus grande dimension. Relativement au carbonate de chaux , on peut faire à peu près la même remar¬ que que pour le quartz et Fépidote : c’est qu’il ne paraît , en gé¬ néral , se trouver avec abondance que dans les variétés du por¬ phyre qui ne contiennent pas de cristaux de feldspath nettement séparé de la pâte , et qu’il semble être souvent à la limite de la formation. Quand le carbonate de chaux a été dissous par Faction des eaux pluviales , on a la variété de la roche qui est celluleuse , et qu’on désigne quelquefois sous le nom de Spilite. La chaux carbonatée qui se trouve dans les cellules du porphyre est le plus souvent accompagnée par une substance verte , fibreuse , cpie je vais décrire avec détail. Plusieurs excursions géologiques m’ont permis de l’observer avec JYI. Pidancet, dans un grand nombre de localités, parmi lesquelles je citerai surtout Belfahy , Mielin , Faucogney, Auxelles-liaut , le Puix et les environs de Giromagny. Elle n’avait pas échappé aux études si scrupuleuses de ÎVI. Yoltz , et, dans sa description minéralogique et géologique de l’Alsace, il la désigne dubitativement sous le nom de Picrolite ; mais il est fa¬ cile de reconnaître , par un examen attentif ou par des essais, que ce n’est pas de la picrolite , car elle n’a avec elle qu’une ressem¬ blance éloignée dans sa structure et dans son mode de gisement , tandis que sa composition-chimique est différente. — Le minéral duquel nous nous occupons en ce moment tapisse les cavités cellu¬ laires qui se trouvent dans la masse du porphyre ; il se rencontre dans presque toutes , mais ordinairement en très petite quantité. Il est formé de fibres contiguës , radiées , recouvrant comme un enduit l’intérieur des cavités , et disposées en éventail suivant les rayons de demi-sphères juxtaposées dont les centres sont sur la surface de contact ; ces fibres sont souvent recouvertes par de la chaux carbonatée blanche cristallisée : quelquefois aussi elles sont entourées de noyaux concentriques de quartz ; mais , quoi qu’il en soit , le minéral forme une bande fibreuse , de largeur uniforme , de couleur verte plus ou moins foncée , qui , par toutes ses pro- SÉANCE DU 17 MAI J 847 . $04 priétés et par son aspect , se distingue bien nettement de la masse de porphyre, ainsi que des autres minéraux qui peuvent l’accompa¬ gner. La densité du minéral est à peu près de 2, 89. Cette densité est élevée surtout pour un hydrosilicate ; mais cela doit être attri¬ bué à la grande teneur en fer. La couleur du minéral est tantôt le vert , tantôt le noir verdâtre ; les variétés qui ont la teinte la plus foncée paraissent contenir une plus grande proportion de fer, et en tout cas elles se décomposent plus facilement par l’action de l’air , et elles se recouvrent d’un enduit couleur de rouille , ou brunâtre comme l’oxyde de manganèse. La dureté du minéral est très faible ; elle est comprise entre 2 et 2, 5 ; aussi est-il rayé avec la plus grande facilité avec l’ongle. Sa poussière est d’un vert clair, tirant un peu sur le gris , comme celle de la sismondine ; il se laisse écraser avec beaucoup de facilité , mais en même temps il s’agglutine sous le pilon comme les minéraux à base de magné¬ sie , en sorte qu’il est difficile de le réduire en poudre fine. Dans le tube fermé, il donne de l’eau et il prend une couleur vert som¬ bre , ou brun tombac à reflets métalliques. Au chalumeau, il fond , mais très difficilement , et seulement sur les bords ; on a une scorie noire magnétique , dont la dureté est égale à celle du feldspath. Avec le borax la dissolution est complète, et on a une perle transparente colorée par le fer. Avec le phosphate de soude il en est de même ; la perle , jaune à chaud , est incolore à froid. Avec le carbonate de soude on a une perle dans laquelle tournoient des squelettes gonflés ; cette perle est opaque et jaune-verdâtre à froid. — Sur la feuille de platine on a la réaction du manganèse. Il s’attaque avec la plus grande facilité par les acides, soit avant , soit après calcination ; la silice séparée par cette attaque n’est pas grenue ; elle se gonfle , mais elle ne fait pas gelée , comme cela a lieu pour les zéolithes. Les essais par voie humide apprennent qu’il n’y a pas d’autres substances que celles qui viennent d’ètre indiquées , si ce n’est un peu de chaux : j’ai trouvé aussi quelque¬ fois une trace d’alcali , provenant probablement d’une petite quan¬ tité de porphyre mélangé , dont le feldspath avait été attaqué. — La matière dont j’ai fait 1 analyse a été extraite de plusieurs cellules, d un morceau de porphyre que j’avais pris en place dans un en¬ droit qu’on nomme la Grève, et qui est situé près de Mielin, sur la route entre Servance et Mielin : par le triage, je l’ai débarrassé, aussi bien que possible , du quartz , ainsi que des fragments de porphyre qui l’accompagnaient; puis j’ai enlevé la chaux car- bonatée , en la traitant par de l’acide acétique très faible ; j’ai re¬ connu que l’acide nitrique ne devait pas être employé à cet usage , 805 SÉANCE DU :L7 MAI 18/17. ni même 1 acide acétique concentré, car ils attaquent légèrement la substance ; ensuite le résidu a été lavé , et desséché à une douce chaleur. Pour faire l’analyse quantitative , j’ai attaqué 1»,2 du minéral par l’acide liydrochlorique ; après avoir évaporé à sec pour séparer la silice , la magnésie a été dosée à l’état de sulfate , en employant le procédé de Fuchs , et en précipitant le peroxyde de fer et l’alumine par le carbonate de baryte : j’ai déterminé le poids de l’alumine et du fer , puis j’ai dosé directement le fer en dissolvant à plusieurs reprises l’ alumine dans de la potasse liquide qui était évaporée à sec dans une capsule de platine. En retran¬ chant de la silice la portion insoluble dans la potasse qui prove¬ nait d’une petite quantité de la roche ayant échappé au triage , j’ai trouvé , dans deux analyses : 1o 2o Moyenne. Oxygène' Silice . 30,37 31,40 31,07 16,156 Alumine . 16,08 14,89 15,47 7,224 Peroxyde de fer . 22,42 22,00 22,21 6,897 Protoxyde de manganèse. . traces » » » Chaux . 0,36 0,56 0,46 0,129 Magnésie . 18,98 diff. 1 9,29 19,14 7,408 Eau . 11,43 11,66 11,55 10,268 100,00 99,80 100,67 Les nombres trouvés pour la silice, l’alumine et l’eau, semblent indiquer que le minéral est une chlorite; mais elle serait alors beaucoup plus pauvre en magnésie que toutes celles analysées jus¬ qu’à présent , et au contraire beaucoup plus riche en fer. Ainsi que cela avait été annoncé par M. de Marignac pour la chlorite qu’il a examinée, j’ai constaté que le minéral contient du peroxyde et du protoxide de fer ; j’ai même fait des essais au moyen du chlorure double d’or et de soude, ayant pour but de déterminer la proportion de ce dernier ; j’ai trouvé dans deux expériences sur 1 6 2 , fe = 4,67 — 3,78 — En moyenne — 4,07 — Oxygène 0,950 donc -Fe =17,54 Id. 5,382. Il faut reconnaître toutefois que la facilité avec laquelle le chlo¬ rure d’or se décompose, et que le temps nécessaire pour l’attaque complète du silicate, sont des obstacles qui s’opposent à ce qu’on soit bien sûr de ce résultat. Il est difficile de trouver une formule bien simple qui représente la composition de la substance ; peut- être conviendrait- il d’adopter celle qui a été proposée pour la chlo- 806 SÉANCE DU 17 MAI l8/l7. rite par M. Rammelsberg. Quoi qu’il en soit, d’après l’ensemble des propriétés physiques et chimiques, il me semble qu’on peut regarder le minéral comme une chlorite à base de fer; aussi le dé¬ signerai-je par la suite sous le nom de chlorite -ferrugineuse. « — La chlorite ferrugineuse se montre encore absolument avec les mêmes caractères dans le porphyre vert antique , dans les porphyres pyroxéniques du Tyrol et de l’Oural , et en général dans tous les mélapliyres; enfin , dans les cellules de toutes les roches de trapp et de porphyre , on observe aussi des terres vertes qui paraissent n’être que des variétés du même miné¬ ral (1). La chlorite ferrugineuse a du reste un mode de gisement particulier qu’il est nécessaire d’étudier avec quelques détails. Elle n’est jamais engagée dans la roche de porphyre ou mêlée aux cris¬ taux de feldspath, elle se trouve seulement dans des amygdaloïdes. Elle a toujours une structure grenue, mais cependant radiée et fibreuse, et ses fibres sont perpendiculaires à la surface sur laquelle elles reposent ; elle remplit tantôt partiellement et tantôt complè¬ tement les cavités celluleuses qui la renferment. La grosseur et la forme de ces cavités sont excessivement variables : le plus ordinai¬ rement, cependant, elles sont allongées et à peu près elliptiques; souvent on ne les aperçoit qu’avec le secours de la loupe , et on peut reconnaître alors que le porphyre en est complètement criblé; le plus généralement, cependant , elles ont quelques millimètres , et je n’en ai pas observé dans les Yosges dont la grandeur fut supé¬ rieure à un décimètre. Elles ne sont pas toujours isolées, mais elles communiquent quelquefois entre elles par de petits canaux dans lesquels se trouve également de la chlorite ferrugineuse ; c’est ce que j’ai observé au Puix, près de Giromagny. Le plus ordinaire¬ ment, la chlorite ferrugineuse n’est pas seule dans les cavités; elle est accompagnée de chaux carbonatée blanche , formant des lamelles cristallines dans l’intérieur desquelles elle s’engage : ainsi on observe une couche plus ou moins épaisse de chlorite dont l’épaisseur peut même quelquefois devenir microscopique, et dans l’intérieur de l’amygdaloïde se trouve la chaux carhonatée. Cette structure des amygdaloïdes est la plus générale ; cependant on observe quelquefois une structure inverse de celle-là , et la chlorite peut se trouver au centre d’une amygdaloïde cal¬ caire. — Le quartz , Vépidote tapissent également les cavités des amygdaloïdes, et il importe d’examiner quelle est la disposi- (1) Voir la notice spéciale publiée sur ce minéral par M. Delesse, dans les Annales des mines. 807 SÉANCE DU 17 MAI L8/|7. tion et 1 ordre de succession que présentent entre eux ces divers minéraux. Le quartz est blanc, transparent, quelquefois un peu laiteux; on trouve des amygdaloïdes formées seulement par la chlorite et par le quartz. Le plus ordinairement, le quartz est in¬ térieur et il est entouré par la clilorite, quelquefois cependant j’ai observé une disposition inverse ; de plus, il y a une bande tf d’un blanc laiteux, à limites mal définies, qui enveloppe concentrique¬ ment la chlorite et la chaux carbonatée. D’après la dureté, il m’a paru que c’était du quartz impur ou peut-être même du feldspath. A la Grève , près de Mielin , on rencontre de très belles amygda¬ loïdes dont quelques unes ont jusqu’à un décimètre de longueur; elles sont principalement formées de quartz hyalin et elles pré¬ sentent souvent des cristaux d’épidote dans leur intérieur ; quel¬ quefois même on observe du carbonate de chaux spathique , comme dans les amygdaloïdes que je viens de décrire , et on a la disposition suivante : au centre le calcaire spathique c, puis les cristaux d’épidote vert pistache e qui sont radiés et orien¬ tés de diverses manières ; ils sont entourés par une bande concen¬ trique q de quartz hyalin blanc transparent , dont les cristaux s’engagent entre ceux de l’épidote ; puis il y a un filet très mince de chlorite ferrugineuse /autour duquel se trouve une petite bande <{' d’un blanc laiteux qui paraît passer déjà au feldspath compo¬ sant la masse du porphyre. Il semble, dans certains cas rares, que la disposition de l’épidote et de la chaux carbonatée est inverse , c’est-à-dire que l’épidote est entourée par la chaux carbonatée; cependant cela m’a paru tenir à ce que des cristaux d’épidote tra¬ versaient l’amygdaloïde et pénétraient jusqu’au centre. Quelque¬ fois on trouve des amygdaloïdes formées de cristaux d’épidote seu¬ lement; mais, dans le plus grand nombre de cas, l’épidote est dans les amygdaloïdes riches en quartz, tandis que la chlorite ta¬ pisse celles dans lesquelles il y a de la chaux carbonatée. — D’après la description qui vient d’être donnée du gisement de la chlorite ferrugineuse et des minéraux qui l’accompagnent, il peut paraître bizarre de rencontrer un hydrosilicate dans l’intérieur de roches d’origine ignée, et on est alors naturellement conduit à le rappro¬ cher des zéolithes qui se trouvent dans les roches basaltiques et aussi dans divers porphyres. Je ferai remarquer cependant que, tandis que les zéolithes ont pour caractère de ne pas contenir de fer ou seulement une très petite quantité , la chlorite ferrugineuse en renferme au contraire beaucoup ; en sorte qu’on pourrait dire que c’est une zèolithe à base cle fer , et , dans une classification rai¬ sonnée des minéraux , elle devrait nécessairem -fit prendre rang à 808 SÉANCE DU 17 MAI JL 8 Z| 7 - la suite cle cette espèce minérale. Du reste , c’est seulement en partant de l’étude qui vient d’ètre faite du gisement de la cldorite ferrugineuse et des divers minéraux qui l’accompagnent, qu’il est possible d’expliquer par une théorie son mode de formation, ainsi que celui des zéolitlies, et c’est aussi ce que je me propose de dé¬ velopper par la suite. Pâte. — La couleur de la pâte du porphyre de Belfahy est le plus ordinairement un vert assez foncé ; elle varie du noir nuancé de vert au vert très clair et au gris. Dans quelques cas rares, elle a une teinte violacée ; c’est ce qu’on peut observer au Puix sur des échantillons qui renferment de petits cristaux de feldspath nom¬ breux et bien formés, qui sont quelquefois d’un beau vert tendre. La couleur grise ou gris verdâtre s’observe surtout dans les en¬ virons de Giromagny, mais alors la roche se présente souvent à l’état de spilite, elle renferme des amygdaloïdes contenant sur¬ tout de la cldorite et de la chaux carbonatée , et on n’v observe plus de cristaux nettement formés de feldspath ; elle paraît être une dégradation du porphyre type de Belfaliy. La couleur de la poussière de la pâte est généralement le gris clair. La structure est cristalline, mais les cristaux sont trop petits pour qu’il soit pos¬ sible de les distinguer à l’œil nu. Densité . — Dans plusieurs expériences, j’ai trouvé pour la densité : a Pâte noire avec une nuance violacée du village de Belfahy. . . . 2,803 h Pâte vert foncé , tirant un peu sur le noir, du bal¬ lon de Belfahy . 2,778 c Pâte vert foncé, tirant un peu sur le noir, du bal¬ lon de Belfahy . 2,771 d Pâte vert clair de la Planche-des-Belles* Filles , près la Sainte-Barbe . 2,767 On peut remarquer que la densité offre des différences très faibles et qui sont seulement de quelques unités dans le chiffre des cen¬ tièmes ; cependant j’ai opéré sur des échantillons qui représentent à peu près les limites extrêmes de la pâte du porphyre. Que la roche soit compacte ou caverneuse et amygdaloïde, elle attire d’une manière très sensible l’aiguille aimantée, et l’action qu’elle exerce est d’autant plus forte quelle a une couleur noire plus foncée ; elle l’attire encore quand elle a une couleur verte violâtre, mais cela cesse d'avoir lieu quand elle est gris clair ou violet rougeâtre. U en est de même lorsque la roche renferme une grande quantité 809 SÉANCE 1)U 17 MAI 18&7. d’épidole comme la variolite vert pistache de La Ferrière près Faucogney ; mais dans ces divers cas elle n’est plus qu’une dégra¬ dation du porphyre. De même que le feldspath , qui y forme des cristaux isolés, la pâte contient de l’eau de combinaison, et dans la série d’essais sur les variétés de la roche que j’ai décrites , j’ai obtenu les résultats suivants : («) (6) Pâte verte foncée du feldspath analysé . Id. noire bleuâtre . . . . . . Porphyre à pâte noirâtre et à grands cristaux de feldspath (Belfahy) . Id. à pâte violacée, avec petits cristaux de feldspath (Puix) . Jd. vert clair, avec pyroxène (Planche-des- Belles-Filles ) . Id. vert foncé, à grands cristaux de feldspath, sa pâte est (1 ) . Id. vert pistache , variolé (Laferrière). . . . Id. vert foncé, sans cristaux de feldspath iso¬ lés ( Puix) . 2,14 2,28 2,17 2,20 2,40 2,42 2,60 3,59 On voit d’après ce tableau que la teneur en eau varie peu dans le porphyre de belfaliy. Il y a à peu près la même quantité cl’eau dans le feldspath et dans la pâte du porphyre, et on peut ad¬ mettre que la moyenne , pour le porphyre bien caractérisé, est de 2,2 à 2,5 p. 100. Lorsque la teneur en eau est supérieure à ce nombre, la roche a perdu son caractère comme (7), ou bien comme cela a lieu pour (8) ; elle renferme un peu de carbonate de chaux ou de chlorite. Du reste, par la calcination, toutes ces ro¬ ches prennent une couleur verte brunâtre ou quelquefois rou¬ geâtre ; celles qui étaient magnétiques le sont encore, et celles qui ne l’étaient pas le sont devenues. Ces propriétés du porphyre, d’exercer de l’action sur l’aiguille aimantée et de contenir de l’eau de combinaison , qui , à ma connaissance, n’ont pas encore été signa¬ lées jusqu’à présent, me semblent importantes à constater relati¬ vement à sa nature ainsi qu’à son origine, et j’aurai l’occasion d’y revenir un peu plus loin. Chalumeau. — Au chalumeau , la pâte du porphyre fond à peu près aussi difficilement que le feldspath , et on obtient une perle d’un vert bouteille. Avec le borax , la matière se dissout complètement, quoique avec difficulté, et on a une perle forte¬ ment colorée par le fer. Avec le sel de phosphore , la dissolution est complète, ce qui n’a pas lieu pour le feldspath. Avec le carbo¬ nate de soude , il se produit une vive effervescence ; des squelettes 810 SÉANCE DU 17 MAI 1 8 Z| 7 . gonflés restent dans la perle ; après le refroidissement, on a un bouton cristallin d’un vert pistache clair. Sur la feuille de platine, on a la coloration verte qui indique la présence du manganèse; et c’est ce qu’indique aussi l’altération produite par l’atmosphère qui couvre la surface de la roclie d’une couche brunâtre tachant les doigts. Acides. — Quand on traite la pâte du porphyre par de l acide hydrochlorique, même à froid, l'acide prend immédiatement une couleur jaune qui indique qu’il s’est dissous une certaine propor¬ tion de fer. Bans le but de m’éclairer sur la nature des minéraux qui composent la pâte du porphyre, j’ai recherché la proportion de substances attaquées , soit à froid , soit à chaud , par l’acide hy¬ drochlorique. J’ai constaté ainsi qu’avec de l’acide hydrochlo¬ rique concentré, au bout de deux jours, on dissout à froid 23 p. 100, soit à peu près 1/5, de la pâte noire a. Avec le même acide, à chaud et au bout du même temps, après avoir évaporé à sec , la proportion dissoute est un peu plus forte que si on opérait à froid, et à peu près la même que pour les cristaux de feldspath pur ; elle est alors de 1/3. J’ai fait aussi , au moyen du carbonate de soude et de l’acide fluoryhdrique, des analyses ayant pour but de déterminer la com¬ position chimique de quelques variétés du porphyre, et j’ai obtenu ainsi : a) a) 1 g, 2 cos, nno et fl* h a ig,2coa,nao (3) lg.oSco* , nao. Silice . Alumine . Protoxyde de fer . Protoxyde de mangan. . Chaux . Magnésie . Soude et potasse. . . . Eau . 53,17 50,79 49,82 19,77 ) 8,56 0,51 ) 27,25 Al, Fe ■ 29,74 Al, Fe 3,87 8,02 7,31 4,96(diff.) \ 7,02 f 10,74 (diff.) j 10,93 (diff.) 2,14 3,50 2,20 100,00 100,00 100,00 (1) Pâle vert noirâtre du porphyre de Belfahy , à grands cristaux de labrador, et le mieux caractérisé. (2) Porphyre un peu bréchiforme, avec fragments de même nature que la pâte, et ayant une couleur verte ou légèrement vio¬ lâtre, de la scierie, près du Puix, route du ballon de Giro- magny, et non loin du contact de la roche avec le schiste de transition. C’est la pâte qui a été analysée : elle est d’un vert . assez foncé, elle contient de petits cristaux très peu nets de £11 SÉANCE DU 17 MAI l_8Zl7. labrador, et , dans quelques cas rares , des grains de pyroxène. (3) Porphyre de Giromagny , à pâte rouge violacée ; il renferme un très grand nombre de petits cristaux de feldspath , parfaite- ments nets et d’un beau vert d’eau ; quelquefois aussi il y a des cristaux de pyroxène d’un vert foncé : c’est la pâte qui a été analysée. Les résultats des essais et des analyses qui précèdent peu¬ vent se résumer brièvement de la manière suivante : Dans le porphyre de Belfahy bien caractérisé et à grands cristaux de feldspath, la quantité de silice de la pâte est égale a celle du labrador ; pour les porphyres qui , comme (2) et (3), ne sont plus que des dégradations de [1 ) , elle est inférieure de quelques centièmes . Dans toutes les variétés , il il y a moins d’alumine et moins cC alcali , beaucoup plus de fer, clc manganèse et de magnésie ; tantôt plus et tantôt moins d’eau et de chaux que dans le feldspath. M. Grézely, propriétaire de la verrerie de la Saulnaire, ayant bien voulu mettre à ma disposition ses fours de verrerie, j’ai es¬ sayé d’y fondre le porphyre de Belfahy; j’ai reconnu qu’à cette température il entre complètement en fusion : il donne alors un verre compacte à cassure conchoïde et fortement coloré par le fer (1). En fondant ainsi le porphyre, il est plus facile d’étudier ses propriétés chimiques, car j’ai reconnu qu’ après porphyrisation, il se laisse alors complètement attaquer par l’acide hydrochlori- que, mais la silice se sépare cependant toujours à l’état grenu : il est probable que la fusion a surtout pour effet de modifier la ma¬ nière d’être de l’alumine, qui , lorsque la roche est telle qu’on la trouve dans la nature, résiste surtout à l’action de l’acide. Le mor¬ ceau de porphyre de Belfahy que j’ai fait fondre appartenait à un échantillon semblable à celui désigné sous le numéro (1), dont j’ai analysé les cristaux de feldspath ainsi que la pâte ; il avait une pâte verte, tirant sur le noir, avec de grands cristaux de feldspath blancs-verdâtres ; on n’y distinguait pas de pyroxène. J’ai attaqué 2 g du verre provenant de la fusion par l’acide hydrochlorique, et j’ai obtenu : (l) Voir pour plus de détails le Mémoire publié par M. Delessô dans les Annales des mines. SÉANCE 1)C 17 MAI 18A7. 81-2 Silice . Alumine . Protoxyde de fer. . . . Protoxyde de manganèse. Chaux . Magnésie (diff.) . Soude (4) . Potasse . Oxygène. 33,45. . . 27,773 22,26. . . 40,593 8,42. . . 4 , 8 4 8 \ 0,96. . . 0,245 j 3,68. . . [ 6 3J3 3,65. . . 4 ,404 i 5,49. . . 4 ,404 \ 2,39. . . 0,405 J 400,00. Il résulte de cette analyse, comparée avec celle du numéro (1), que la composition moyenne de la pâte est à peu près la même que celle de la masse pour le porphyre de Belfaliy. 11 y a donc lieu de répéter, relativement au verre du porphyre, ce qui vient d’être dit relativement au porphyre lui-même, et j’observerai que la com¬ position de l’un ou de l’autre peut se représenter algébriquement par la notation suivante qui définit les rapports d’oxygène de R, R, Si , dans la pâte, par comparaison avec ceux du teldspath labrador constituant : r R : i < 3 : Si < 6. Quelquefois la pâte est assez rapprochée de la limite -fl: 3:6. Minéraux constituants. — Après avoir fait l’analyse élémentaire de la pâte du porphyre, il reste à déterminer, à l’aide clés résul¬ tats qui ont été obtenus, quelle est la nature des minéraux qui la composent ; mais la solution de cette question présente de grandes difficultés, d’autant plus que jusqu’à présenties données ont com¬ plètement manqué pour la résoudre. Labrador. — J’ai examiné au microscope et sous un grossisse¬ ment de cent fois les pâtes de plusieurs variétés de la roche, et j’ai reconnu d’abord que leur structure est a peu près la meme que celle du porphyre; seulement les minéraux qui les composent sont très petits et peu nets ; ils se fondent en partie les uns dans les autres, et ils ont rarement des formes géométriques ; mais , quoi qu’il en soit, j’ai observé deux substances cristallines : l’une trans- (4) La quantité de soude paraît être un peu forte ; cela tient peut- être à ce que le creuset qui a servi à la fonte ayant perdu par acci¬ dent son couvercle, les vapeurs de soude qui remplissent toujours le four de verrerie ont pu se déposer sur la surface en fusion. SÉANCE D(J 17 MAI 1 8 /* 7 . 813 parente et verdâtre, formant la plus grande partie de la roche, qui , bien quelle soit en cristaux très petits , présente souvent la macle caractéristique du labrador ; l’autre d’un vert foncé, intime¬ ment mêlée avec la première, et qui donne à la masse une teinte verte produite par le mélange des couleurs et qui fait paraître la roche homogène quand on la regarde à l’œilnu. La forte proportion d’alcali qu’on trouve soit dans la pâte, soit dans le verre du por¬ phyre, démontre ce fait important, que la pâte et sa masse, qui ont du reste à peu près même composition , sont en grande partie formées de feldspath labrador; car, le plus ordinairement, les sili¬ cates verts qui contiennent le fer comme base essentielle , et qui peuvent entrer dans le porphyre , ne renferment pas d’alcali en combinaison avec le fer ; il faut cependant en excepter une variété d augite de la Vetterau, analysée par M. C. Gmelin , et l’Àrfved- sonite qui paraît être une variété d’amphibole, contenant 3 atonies de fer pour 1 atome de soude. Quoi qu’il en soit, admettons que l’alcali entre surtout dans le feldspath , la quantité de feldspath du porphyre sera à peu près proportionnelle à la quantité d’alcali ; par conséquent on peut supposer qu’il y en a environ 70 p. 100 dans la pâte d’un vert foncé tirant sur le noir, qui est cependant une des variétés à structure porphyrique qui doit en contenir le moins. Quant à la masse même du porphyre de Belfahy, l’échan¬ tillon fondu qui a été examiné renfermait au moins 75 p. 100 de feldspath; et il est du reste facile de reconnaître, d’après les ana¬ lyses précédentes et d’après les caractères minéralogiques du por¬ phyre, que les variétés vert clair ne sont souvent autre chose que des masses presque compactes de labrador dans lesquelles les cris¬ taux existent toujours, mais sont tellement rapprochés que la struc¬ ture porphyrique a disparu. — On peut se proposer de déterminer la proportion du feldspath de la roche d’après la densité des miné¬ raux qui y entrent; c’est ce qui a été fait par M. de Bucli (1) pour le porphyre pyroxénique du Tyrol. En admettant que le feldspath est de l’adulaire, et que la substance qui donne à la roche la cou¬ leur vert noirâtre est du pyroxène, M. de Bucli a déterminé la proportion des deux minéraux par la formule d’alliage : D — M S -j- N F IJ étant la densité de la roche, S celle du pyroxène, F celle du felds¬ path ; M et N représentant les proportions en volume de pyroxène ( O Voir Annales de chimie , t. VI. 814 SÉANCE DU 17 MAI 1 84? . et de feldspath qui entrent dans l’unité de volume de la roche, en sorte que M -}- N = 1 . On déduit de ce qui précède : N S — D ~M = D — F 11 faut observer cependant que l’emploi de la formule repose sur une hypothèse peu probable , car elle suppose que le silicate de fer est dupyroxène, ce qui ne doit pas être, comme nous le ver¬ rons tout à l’heure; mais nous pouvons néanmoins essayer d’en faire usage pour le porphyre de Belfahy. Or, quelle que soit la na¬ ture du silicate vert qui colore la pâte, sa densité est égale à celle des silicates de protoxyde de fer en général , et on peut admettre par conséquent qu’elle est à peu près 3,00; le feldspath est du la¬ brador dont la densité est 2,719, et la pâte la plus noire pèse 2,803 : il résulte donc de là que les variétés les plus foncées de la pâte du porphyre de Belfahy contiennent au moins de deux à deux fois et demie plus de feldspath, c’est-à-dire en poids au moins de 65 à 70 p. 100. Ges nombres concordent assez bien avec ceux qui ont été dé¬ duits de la composition chimique, si on observe que S= 3,00 est tout à fait arbitraire. Du reste , il serait préférable de se servir de cette formule pour calculer la densité du silicate à base de fer et de magnésie : on trouve alors, d’après les analyses précédentes, qu’elle est comprise entre 2,897 et 3,018. Fer oxydulé . — J’ai constaté en outre que la pâte est magnéti¬ que ; cette propriété n’est pas exceptionnelle pour le porphyre de Belfahy, mais elle s’étend aussi aux porphyres pyroxéniques, des¬ quels je parlerai plus loin, et à tous ceux que j’ai eu l’occasion d’examiner dans diverses collections ; en sorte qu’on peut la con¬ sidérer comme une propriété générale de tous les mélaphyres. Dans le but de m’éclairer sur la nature du minéral qui , dans les méla¬ phyres, attire l’aiguille aimantée, j’ai fait divers essais sur quel¬ ques minéraux pouvant se trouver dans les roches. L’amphibole ne m’a paru magnétique que lorsqu’elle contenait visiblement du fer oxydulé. Pour le pyroxène, j’ai reconnu que l’augite de laFassa est magnétique; certains augites des volcans encore en activité le sont un peu quelquefois, et il en est de même de la sailli te et de la coccolite de INorwége : l’augite du porphyre de Belfahy, qui est noir foncé, est aussi magnétique, mais la lherzolithe , la sahlite, n’exercent aucune action sur l’aiguille aimantée. L’hypersthène , la diallage bronzite , sont souvent magnétiques. D’après M. Ber- thier, les silico-aluminates de 1er des minerais en grain , ainsi que 815 SÉANCE DU 17 MAI 1847. la chamoisite, sont magnétiques (1); et cela a lieu encore pour quelques grenats même lorsqu'ils sont transparents (2). Mais de ce que la pâte de tous les mélaphyres bien caractérisés contient , à très peu près , autant de silice que les cristaux de feldspath qu elle renferme , il est facile de conclure que ce n’est ni du gre¬ nat , ni de la chamoisite qui forme le silicate à base de fer, car ces minéraux renferment beaucoup moins de silice. On ne saurait admettre non plus que c’est de l’hypersthène ou de la diallage, car les roches dans lesquelles elles entrent comme élément constituant se distinguent assez facilement par un faciès particulier. J’exami¬ nerai plus loin si ce doit être du pyroxène ou de 1 amphibole ; mais, que ce soit l’un ou l’autre de ces deux minéraux, il me semble qu’on doit admettre que la pâte contient une quantité de fer oxydulé extrêmement petite à laquelle elle doit la propriété d’être magnétique : cela résulte en effet de ce qui a été dit sur le magnétisme, car, à cause de son irrégularité même , on doit pen¬ ser que c’est du fer oxydulé dont la présence ou l’absence rend magnétiques ou non magnétiques les mêmes variétés d’augite pro¬ venant des mélaphyres ou des volcans. — En examinant le porphyre à la loupe, il m’a semblé reconnaître quelques paillettes de fer oxydulé, mais je n’ai pu acquérir une entière certitude à cet égard; il me semble toutefois que l’existence de ce minéral est démontrée par ce que je viens de dire, et elle l’est encore par la couleur noire avec reflet bleuâtre qui fait ressembler beaucoup quelques variétés du porphyre au basalte. Du reste, le fer oxydulé magnétique a été observé quelquefois daus cette formation ; car, d’après des rensei¬ gnements que je dois à l’obligeance de M. Virlet, on trouve du fer oxydulé titanifère dans le lit du torrent de Seotino Langada (3), qui coule en partie sur le porphyre vert antique ; or nous verrons plus loin que ce porphyre est un véritable mélaphyre. Dans T Ou¬ ral, où les porphyres pyroxéniques sont très développés, M. G. Rose a signalé plusieurs localités , telles que Katschkanar et Bla- godat, dans lesquelles ils se chargent peu à peu de 1er oxydulé. La mine de Blagodat, qui est si renommée pour les aimants qu’elle fournit, couronne le sommet d’une montagne de porphyre pyroxé- nique qui contient du fer oxydulé, et, dans la description qu il en donne, M. G. Rose (4) fait observer d’une manière toute spéciale (G Haüy. (2) Berthier, Foie sèche , t. 11. Minerai de fer. (3) Au N.E. de Lebetsova , route de Sparte à Marathonisi. (4 J G. Rose, Reise nach Vrai , t. Ier, p. 345, ligne 10. 816 séance nu M mai 18/Ï7. que le fer oxydulé et le porphyre pyroxénique appartiennent à la même formation. Je pense donc qu’on doit admettre que c’est le fer oxydulé qui rend magnétique le porphyre de Belfahy et en général tous les mélaphyres Silicate vert. — 11 reste maintenant à déterminer quel est le mi¬ néral qui donne à la pâte du porphyre sa couleur verte, et la so¬ lution de cette question présente de grandes difficultés. Il était naturel de penser qu’on y arriverait par l’analyse élémentaire ; car en recomposant le feldspath dont les cristaux ont été analysés, ce qui reste représente à peu près la composition du silicate de la pâte ; mais il faut observer que si les minéraux qui forment des cristaux isolés dans les roches sont loin d’être purs, cela a lieu à bien plus forte raison pour ceux qui sont cristallisés d’une manière confuse, et qui composent la pâte dans laquelle se concentrent toutes les substances minérales en excès, séparées par les cristalli¬ sations antérieures. De plus, les substances qui composent le feld¬ spath et le silicate de la pâte sont en partie les mêmes, il n'y a guère que les proportions de chacune d’elles qui varient : ainsi ils renferment à peu près la même quantité de silice; l’un et l’autre contiennent du fer, quoiqu’il n’existe qu’en petite quantité dans le feldspath. L’alumine, la chaux , l’eau et même la magnésie , sont aussi partagées, et, ainsi que je l’ai déjà fait remarquer, il n’est pas impossible cpi’il y ait une petite quantité d’alcali dans le sili¬ cate vert. On ne peut donc pas être assuré qu’une substance entre exclusivement dans la composition du feldspath , et dès lors on ne peut pas calculer avec exactitude quelle est la proportion de feld¬ spath de la roche. Du reste, lors même que ce calcul serait pos¬ sible, comme le silicate vert est en petite quantité, il serait diffi¬ cile de trouver sa composition chimique, car des erreurs très légères d’analyse , comme celles par exemple qui portent nécessai¬ rement sur les alcalis et surtout sur la magnésie, pourraient ensuite être multipliées dans le calcul et donner des résultats assez éloignés de la vérité. Par conséquent, bien que la recomposition de la roche d’après son analyse élémentaire puisse avoir lieu quelque¬ fois, quand on connaît d’une manière précise la composition des minéraux constituants pour le porphyre, dont l’étude nous oc¬ cupe en ce moment, cette recomposition serait, sinon impossible, du moins bien incertaine, et on ne peut guère espérer qu’elle per¬ mette de déterminer la formule du silicate de la pâte. Mais on peut cependant tirer parti des analyses qui précèdent pour arrivera la solution de la question. — M. de Buch a établi depuis longtemps qu’un des principaux caractères du porphyre qui nous occupe est 817 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. de ne pas présenter de quartz dans sa pâte. Ce principe est vrai généralement, cependant il ne doit pas être pris dans une acception trop absolue, et il conviendrait peut-être d’y apporter quelques restrictions; car, indépendamment de ce qu’il y a accidentelle¬ ment du quartz dans les amygdaloïdes comme celles que j’ai décrites , j’ai pu observer, en calcinant des métaphyres , des amygdaloïdes microscopiques ou des veinules de quartz qui dé¬ montrent qu’il y a quelquefois un très léger excès de silice dans la roche : cela a lieu en particulier pour le spilite de Fauco- gney, pour le porphyre de la Grève, etc. Dans la description de la carte géologique de Saxe, M. Naumann signale aussi à Ro- dersdorf un porphyre vert contenant des cristaux maclés d’augite et qui est très riche en quartz (1). Mais c’est surtout l’analyse chi¬ mique qui permet de constater, dans des roches qui représentent le caractère du mélaphyre, la présence d’un léger excès de silice, sur la quantité théoriquement nécessaire à la formation des miné¬ raux qui les composent ; car, en analysant les cristaux de feldspath qui donnent au mélaphyre la structure porpliyrique, j’ai presque toujours obtenu, pour la silice , un nombre un peu supérieur à celui qui résulte de la composition théorique du labrador. — 11 ne serait pas impossible, d’après cela, qu’une petite quan¬ tité de silice eût été renfermée dans des cristaux de feldspath, de quelques mélaphyres, ou dans la pâte, à l'état de ce que l’on pourrai t appeler .silice de cristallisation. Du reste, on est naturellement con¬ duit à penser qu’il ne saurait y avoir plus de quelques centièmes de silice en excès , autrement elle aurait cristallisé elle-même au moment de la solidification. On la rencontre, en effet , à l’état hyalin, dans des roches qui n’en contiennent pas davantage, et dans lesquelles elle s’est nettement séparée, bien que leur struc¬ ture ne soit pas plus cristalline que celle de la roche que nous exa¬ minons en ce moment. Enfin, comme elle est en petite quantité, on peut admettre que les quantités qui se trouvent dans le feldspath et dans la pâte sont égales, ou tout au moins proportionnelles. Ces deux hypothèses, relatives à l’excès du silice et à la proportion de cette dernière qui entre , soit dans le feldspath , soit dans la pâte, ont , du reste , été vérifiées par l’analyse chimique , ainsi que ce sera démontré dans la suite de ce mémoire ; car, pour le labrador du cap Holmen , qui est exceptionnel , et qui ap¬ partient à une roche pouvant être considérée comme une li¬ mite des mélaphyres, l’excès sur la quantité de silice de la lor- (l) Naumann, Geognostiche Skizzç , Ier vol. Soc. gèol. , 2e série, tome IV. 52 818 SÉANCE Dll 17 MAI J 847. mule théorique, qui est alors de beaucoup un maximum, est 3,05 p. 100. De plus, j’ai reconnu que, quand la richesse en silice de la pâte augmente, celle du labrador, qui y forme des cristaux isolés, y augmente aussi et à peu près dans le même rapport. Ainsi, dans la roche du cap Dolmen en particulier, dont le labrador contient la plus grande quantité de silice, la pâte renferme 55,29 p. 100 de silice, c’est-à-dire quelques centièmes de plus que la pâte des nié- laphyres bien caractérisés. — Ce qui précède étant établi, on peut se proposer de rechercher la nature du silicate vert qui forme , avec le labrador, la pâte des mélaphvres. D’après les analyses delà roche, c’est principalement dans la pâte que les affinités de cris¬ tallisation ont réparti le fer et la magnésie; il y en aura d autant plus que la roche a une couleur verte plus foncée et tirant plus sur le noir: de plus, il résulte de ce qui a été dit antérieurement que le silicate vert de la pâte ne peut èfre que du pyroxène ou de l’amphibole. Quoique le porphyre de Belfahy et la plupart des mélaphyres ne renferment qu’assez rarement des cristaux de py¬ roxène, comme ils paraissent quelquefois se fondre dans la pâte d’une manière insensible, il semblerait assez naturel de penser que le silicate vert est du pyroxène ; mais il faut observer qu’il résulte de l’analyse que le silicate vert de la pâte contient beaucoup d’oxyde de fer, de la magnésie, de l’alumine et de la chaux, quoi¬ qu’il puisse y en avoir moins que dans le feldspath. En outre, dans la pâte vert noirâtre du porphyre de Belfahy le mieux carac¬ térisé, qui , à cause de sa couleur et de son aspect, semblerait ail premier abord devoir être formée de feldspath et d’augite, il y a au moins 53 p. 100 de silice: or, si on recherche dans le Manuel de minéralogie chimique de 31. Rammelsberg (1) quelle est la com¬ position des pyroxènes dont l’analyse a cté faite jusqu’à présent, on reconnaît qu’il n’y a que les pyroxènes riches en magnésie qui contiennent plus de 54 p. 100 de silice; et le pyroxène des mêla- Phy res duTyrol, analysé par M. Kudernastch, n’en renferme ([lie 50 p. 100. Le plus ordinairement, ceux qui sont riches en fer et en alumine, comme doit l'être le silicate vert de la pâte, n’ont que 40 à 51 p. 100 de silice ; et les dolérites, qui sont des roches de labrador et de pyroxène, n’en ont généralement pas plus de 51 p. 100. — Les amphiboles , au contraire , qui auraient les mêmes bases et qui seraient dans les conditions précitées, pourraient ren- termer 53 p. 100 de silice. C est ce qui a lieu , par exemple , pour l’amphibole de Garpenberg (Suède) analysée par M. Hisinger. (1) Rammelsberg, t. I, p. 38. SÉANCE DU J 7 MAI 18^7. Eu vertu de ce qui vient d’être dit ci-dessus relativement à la quantité de silice pouvant se trouver en excès dans la pâte, on doit donc présumer que le silicate vert est de l’amphibole, et c’cst aussi ce qui m a paru résulter d’une expérience très simple, .l’ai calciné, en effet, les variétés de la roche qui contiennent du pyroxène, et j’ai reconnu après cette opération que , tandis que le pyroxène prend une couleur plus foncée, la pâte prend au con¬ traire , généralement, une couleur brune ou rougeâtre beaucoup plus claire, ainsi que cela a lieu pour les diorites et pour les por¬ phyres dioritiques qui sont à base d’amphibole; de plus, on voit alors que les cristaux de pyroxène sont aussi complètement isolés que possible de la pâte, de laquelle ils se détachent d’une manière très nette par le contraste des couleurs. Ces effets inverses, pro¬ duits sur le pyroxène et sur le silicate vert de la pâte, ne permet¬ tent donc guère d’admettre que ce dernier soit du pyroxèn.*, et alors il est naturel de penser qu’il est de Y amphibole. Cela paraîtrait s’accorder du reste avec un fait relatif aux cristaux d’ouralite , et aussi à quelques expériences de MM. Bertliier et Mitsclierlisch. Dans l’ouralite, le pyroxène, qui est au centre, se serait formé d’abord , et l’amphibole aurait pris naissance ensuite par un refroidissement plus lent; de même aussi le por¬ phyre de Belfahy , le feldspath et le pyroxène ont dû nécessai¬ rement cristalliser les premiers; car ils n’auraient pas pu cristalli¬ ser si la pâte avait déjà été solidifiée ; ce n’est donc que postérieu¬ rement que la pâte aurait pris la structure cristalline, et alors il se serait formé de l’amphibole. Je dois faire remarquer cependant que, d’après M. G. Piose, c’est l’inverse qui aurait eu lieu , et dans l’ouralite l’amphibole serait au contraire une pseudomorpbose du pyroxène; on conçoit du reste que cette pseudormophose aurait pu se produire dans la pâte du porphyre de Belfahy et de plusieurs mélapliyres , sans que les cristaux de pyroxène isolés et visibles eussent été altérés. Si on admet que le silicate vert qui donne au porphyre sa couleur est une amphibole, cette dernière doit, dans tous les cas , avoir une composition particulière et peut-être même différente de celles connues jusqu’à présent qui n’ont que rarement 53 p. 100 de silice (1) ; indépendamment de l’oxyde de fer et de la magnésie, elle doit contenir de l’eau, car certaines pâtes en renferment une quantité plus grande que le feldspath , et c’est ce que j’aurai l’occasion de faire remarquer encore pour le porphyre vert antique et pour les autres mélaphyres que j’exami- (1) Voir Rammelsberg , Hornblende. 820 SÉANCE OU 17 MAI 18/|7. nerai plus loin : de plus , de F alumine entre très probablement dans sa composition , ainsi que cela a lieu pour la plupart des amphiboles des roches ; enfin il est remarquable que la quantité de chaux puisse y être moindre que dans le feldspath , tandis que les amphiboles analysées jusqu’ici sont en général riches en chaux. Lorsque, dans le porphyre que nous étudions, la pâte devient rou¬ geâtre ou violacée , comme cela a lieu pour quelques variétés de Giromagny , contenant des cristaux très nets de feldspath et de pyroxène , les éléments qui entrent dans la composition de la pâte ne paraissent pas avoir pu se séparer, et le silicate vert ne s’est pas formé , quoique la roche contienne encore une proportion nota¬ ble de fer. Spilite. Spilite de Faucogney. — Quand on quitte Faucogney ( Haute- Saône ) pour se diriger vers Saplioz-le-Bas et Emoulières , on re¬ marque à gauche un mamelon ayant tous les caractères d’une roche d’origine ignée , car elle se divise en prismes pseudo-régu¬ liers ayant quelques décimètres de dimension : cette meme roche forme la base des trois montagnes au pied desquelles est située la petite ville de Faucogney ; on la rencontre également au Plain- des- Bœufs , à l’étang des Grillots près de Saint-Bresson , à Mon- daliin , à la Cliapelotte , à Rimbach (1) , à Grindelbrucli (2), etc. Elle est d’une couleur verte ou violacée , tirant un peu sur le noir; son aspect est parfaitement homogène; sa texture est cristal¬ line , grenue, et elle ne présente pas de cristaux isolés bien nets. D’après rensemble de ses propriétés et d’après son gisement , on est naturellement conduit à la rapprocher du porphyre de Belfahy; c’est aussi ce qui a été fait par M. Thirria , qui la classe dans son groupe du porphyre noir et qui l’a appelée spilite (3). Les géolo¬ gues allemands désignent cette classe de roche , cpii accompagne presque constamment les formations porphyriques , sous le nom de manclelstein de porphyrite et de porphj rit-m andelstei n . À Faueo- gney , elle présente quelquefois des cellules allongées sans direc¬ tions déterminées, et le plus souvent angulaires : ces cellules, qui sont très rares et petites au pied de la montagne sur laquelle se ( I ) Élie de Beaumont, Explication de la carte géologique de Fiance, p. 366. (2) Voltz, Géognosie de l’Alsace , p. 53. (3) C'est le spilite bufonite de M. Brongniart. SÉANCE OU 17 MAI 1847. 821 trouve le hameau d’Emoulières, deviennent très nombreuses, très irrégulières et très grandes quand on se dirige de Faucogney vers le village des Mottes; elles sont ordinairement presque entière¬ ment remplies par de la chaux carbonatée qu’entoure un peu de chlorite ferrugineuse. Par l’altération de l’air , elle prend une couleur brune due à l’oxyde de manganèse. La densité de la roche est de . 2,906. Elle est donc un peu supérieure à celle de la pâte du porphyre de Belfahy. Comme cette dernière , elle est magnétique; à la loupe, elle présente des lamelles verdâtres paraissant presque avoir la même couleur que la roche, et qui s’entre-croisent indistinctement dans toutes les directions ; parallèlement à leur longueur , ces la¬ melles ont des stries très fines qui indiquent qu’elles sont formées de cristaux maclés de labrador. Quand on examine le spilite qui forme le bas de la montagne d’Emoulières, après l’avoir calciné, on y observe quelquefois une multitude de petites veinules de quartz, indiquant qu il y a une quantité de silice un peu plus grande que celle nécessaire à la formation des minéraux qui entrent dans la composition de la roche : on peut voir, du reste , par l’analyse qui suit, que cet excès de silice est très faible, et seulement de quelques centièmes, quoiqu’il soit facile de le constater par un examen à la loupe. Je n’ai pas rencontré de cristaux de pyroxène dans ce spilite. Quand on le pulvérise , il prend une couleur d’un gris verdâtre clair. Au chalumeau , il présente absolument les mêmes propriétés que la pâte du porphyre de Belfahy. J’ai fait une ana¬ lyse complète de cette roche , et j ’ai trouvé : 1%2 co2, no — Fl2 H2. Silice . . 54,42. • • • 28,276 Alumine. . . . 20,60. • • • 9,630 Protoxyde de fer (1 ). . . . . . 9,44. . . . 2,1 49 \ Protoxyde de manganèse. . 0,93. . . . 0,208 I Chaux . . 3,64. . . . 1,023 1 Magnésie . . . 3,87. . . . 1 ,498 ' > 6,767 Soude . 4,48. . . . 1,146 | Potasse . . . 0,94. ... 0,159 Eau . . 4,97. . . '/s 1,751 i 4 00,29. L’analyse montre que sa composition est, à très peu près, la (1) Une partie du fer est à l’état de peroxyde, quoique tout, ait été compté comme protoxyde. 8 2*2 SÉANCE J)U 17 MAI 18/17. même que celle de la pâte du porphyre de Belfahy, et qu’elle pré¬ sente les mêmes relations entre les quantités d’oxygène de R, -II, Si ; elle est seulement plus riche en silicate vert ou en amphibole. Elle ne contient guère que 55 p. 100 de feldspath labrador; elle con¬ stitue par conséquent un porphyre cellulaire qui n’est qu’une va¬ riété ou qu’une dégradation de celui que nous avons étudié. Porphyre brèche. Ainsi que cela a lieu en général dans les formations porpliyri- ques, le porphyre de helfaliy est accompagné de brèches, et elles sont même très développées. De concert avec M. Pidancet, con¬ servateur du musée de Besançon , j’ai observé ces brèches dans la vallée de Plancher-les-Mines, au village de Belfahy et dans ses environs, au Bois-du-Roi ainsi cpie sur le Ballon, aux Grands- Champs sur la route de Servance , au nord du Puix , etc . Les variétés du porphyre qui sont à l’état de spilite même très caverneux , présentent quelquefois des brèches dont la teinte géné¬ rale est verte ; ces spilites-brèches se rencontrent à Chauville- rain (1), près de Faucogney, aux environs de Giromagny. Quand leurs cellules sont grandes et très nombreuses , elles sont remplies par de la chaux carbonatée, mais on y trouve aussi du quartz et de la ehlorite ferrugineuse. Ces brèches ont quelquefois des cou¬ leurs vives, et elles prennent sous le poli de très belles nuances, qui les ont fait rechercher autrefois dans les scieries de pierres du département de la Haute-Saône. En examinant ces brèches avec attention , j’ai reconnu que, malgré la diversité de leurs couleurs, elles sont presque exclusivement formées de fragments à angles vifs qui appartiennent à la roche du porphyre elle-même ou à ses variétés; on y rencontre cependant aussi des fragments de roche pétrosiliceusc grise, violette ouverte, qui ne ressemblent à aucune des roches des environs et dont les caractères ont visiblement été altérés par la formation même de la brèche. Le plus ordinairement elles présentent une teinte générale qui est verte, mais souvent aussi elle est rouge ou violette; lorsque les fragments sont petits et n’ont cpie quelques centimètres, toutes ces nuances et leurs inter¬ médiaires sont quelquefois réunies sur un seul échantillon , qui frappe alors l’œil par la bizarrerie et le caprice de ses couleurs. (1) Thirria , Statistique de la Haute-Saône. SÉANCE DU 17 MAI 1SA7. 823 Da us les brèches à teinte verte de la vallée de Plancher, on ren¬ contre souvent des fragments avec de très gros cristaux de feld¬ spath labrador, et , sur une surface d’un mètre carré, on peut ob¬ server toutes les variétés que le porphyre présente tant sous le rapport de la couleur que de la structure. Dans les brèches à teinte rouge ou violette, on reconnaît encore très bien les cristaux de la^ brador qui sont caractérisés par leurs macles ; il est donc possible que leur couleur, qui n’est pas celle qui est la plus habituelle à la roche, soit due à un changement dans l’état d’oxydation du fer et du manganèse qui aurait été produit dans les fragments bréehi- formes. J’ai observé plusieurs fois des cristaux de labrador dont une partie se trouvait sur un fragment bréchiforme , tandis que l’autre était dans la pâte. Tout porte donc à croire que le ciment qui a réuni les fragments bréchiformes a dû pénétrer à l’état de fusion ; c’est ensuite par son refroidissement que des cristaux de feldspath labrador se sont développés à la fois dans la pâte et dans le fragment ramolli . Du reste, dans les variétés de brèches à teinte verte, les fragments sont quelquefois peu nombreux et espacés; de plus, leurs contours sont très peu nets ; il semblerait donc qu’ils ont été corrodés, et qu’ils se sont dissous en partie dans la pâte du por¬ phyre. Dans les variétés rouges et violettes, le même faitpeqt s’ob¬ server ; de plus, les cristaux de labrador des fragments bréchiformes paraissent généralement avoir été altérés ; ils ont une couleur blan¬ châtre et sont complètement opaques , leurs arêtes ne sont pas nettes, et enfin on n’y observe plus de clivage. Cette altération a sans aucun doute été produite aussi par le phénomène qui a en¬ gendré les brèches. J’ai cherché quelle est la quantité d’eau que contiennent les principales variétés de brèches , et j’ai obtenu les résultats suivants : (]) Fragment rouge d’une brèche à pâte verte, de Belfahy. 1,302 (2) Brèche à pâte violacée, contenant de petits fragments d’un vert foncé, de Belfahy . 1,723 Pour les brèches vertes , on aurait du reste la même perte au leu que pour le porphyre lui-même. Relativement à l’origine et au mode de formation de ces brèches, il importe de constater ici que celles dont la couleur est rouge ou violette ont une teneur en eau moins grande que le porphyre. Le porphyre brèche paraît être tantôt plus, tantôt moins élevé que le porphyre de Belfahy, et se trouver indifféremment soit à la limite, soit à l’intérieur dç la formation. 82/i SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. L’examen d’un grand nombre de collections géologiques m a fait rencontrer diverses roches qui présentent beaucoup d’ana¬ logie avec le porphyre de Belfahy; ces roches sont décrites dans des mémoires spéciaux auxquels je dois renvoyer pour une étude plus détaillée. Je ferai remarquer seulement que le feldspath la¬ brador n’y est pas toujours nettement séparé et en gros cristaux , comme cela a lieu pour le porphyre de Belfahy choisi pour type ; il y en a même qui paraissent former un passage du mélaphyre au basalte, et qui par leur aspect se rapprochent beaucoup de ce dernier ; mais cependant il m’a semblé qu’elles peuvent toutes être considérées comme des variétés ou comme des dégradations de la roche des Vosges. Les contrées dans lesquelles ces roches ont été observées sont la Morée , le Tyrol, l’Oural, la Norwége , les environs d’Edimbourg en Ecosse , Lamberg près de Dublin , Ta- bago , Hirschberg dans la liesse électorale , Rampas en Corse , le Thuringerwald (1) , Elbingerode et llefeld au Harz , la vallée de la Nalie aux environs de Kirn et de Wadern ainsi que plusieurs points du Palatinat et de la Bavière rhénane , Belting (2) près de Sarrebruck, Gottesberg dans la Silésie, Boston aux Etats-Unis (3), enfin la Saxe où MM. Naumann et Cotta (ù) signalent un méla¬ phyre grenu d’un gris noir éclatant qui forme un filon ayant en¬ viron 0m,33 de puissance dans le granité de Niderspaar près Meissen Je n’ai pas l’intention de généraliser, quant à présent, les ré¬ sultats des observations qui ont été faites dans la première partie de ce mémoire sur la constitution géologique et chimique des divers mélaphyres ; cette généralisation serait du reste facile, et il est évident qu’elle résulte immédiatement de ce qui a été établi rela¬ tivement à chacune de ces roches en particulier : mais , avant d’aller plus loin, je ferai observer, cependant, que quelques uns des faits constatés antérieurement acquièrent de l’importance à (1) Voir les excellents Mémoires publiés sur les mélaphyres du Thuringerwald par MM. Credner et Cotta. (2) Je dois la communication des échantillons de cette localité à l’obligeance de M. Pomel. (3) Cette désignation de localité est faite d’après une étiquette du Jardin du Roi; l’échantillon contient de grands cristaux de labrador, de la pyrite de fer et de la chaux carbonatée. (4) Naumann et Cotta , Ve vol. de la Description géologique de la Saxe , p. 401. SÉANCE DU 17 MAI 18A7. 8*25 cause des rapprochements qu’ils permettent d’établir entre les mê- lap/iyres et les basaltes. En effet , la base de ces deux roclies est la même, c’est le feld¬ spath labrador; elles contiennent en outre des minéraux com¬ muns qui sont le pyroxène et le fer oxyda lé ; de plus, toutes deux renferment de Veau. Les différences qu’elles offrent tiennent sur¬ tout à la proportion plus ou moins grande des bases dans le feld¬ spath labrador constituant ; ainsi on peut remarquer que la soude, la potasse et l’eau entrent en proportion notable dans le labrador des mélaphyres proprement dits , tandis que relativement ces bases diminuent ou même disparaissent complètement quand la roche se rapproche des dolerites , des basaltes , et même des laves modernes ; elles sont alors remplacées par de la chaux , qui de¬ vient la base dominante. On est donc assez naturellement porté à croire qu’il peut y avoir une série de roches intermédiaires formant, tant sous le rapport de la composition chimique et minéralogique que sous le rapport de l’âge, un passage en quelque sorte insensible entre le mélaphyre et la basalte : c’est ce que des études plus complètes de minéralogie chimique pourront permettre de vérifier par la suite ; mais, en tous cas, à cause de l’analogie minéralogique et chimique que présen¬ tent ces deux roches, il est bien probable que le labrador du ba¬ salte contient lui-même de l’eau de combinaison, ainsi que cela a lieu pour les mélaphyres. De plus, quoiqu’il y ait des zéolithes dans les basaltes et dans les autres roches auxquelles on attribue une origine ignée, est-il bien certain, comme on l’admet généra¬ lement, qu’elles entrent toujours dans la composition même de ce qu’il convient d’appeler là pâte de la roche ? D’après ce qui a été démontré relativement aux mélaphyres , ces zéolithes peuvent se trouver aussi dans les amygdaloïdes et dans les cellules nom¬ breuses qui pénètrent la pâte en tous sens , et qui sont tantôt visi¬ bles , tantôt , au contraire , microscopiques et invisibles. M. Nérée Boubée lit le Mémoire suivant : Rapport entre la nature des terres et T ancienneté relative des alluvions dans les vallées a plusieurs étages . Chargé par M. le marquis d’Orgein de faire une étude agri¬ cole et industrielle de son beau domaine de Guilhot , à l’occasion de la mise en vente de ce domaine, j’ai été conduit à recueillir quel- SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. 826 ques observations qui intéressent autant le géologue que l'agricul¬ teur; et c’est à ce titre que je viens soumettre à la Société géolo¬ gique la première partie de ce travail , comme renfermant quel¬ ques aperçus , nouveaux, je crois, pour la science. Ce premier chapitre a pour titre : Des tares, bois et prairies qui forment le Do¬ maine. Pour donner une idée exacte et précise de la nature des terres de Guilhot, je ne saurais mieux faire que de présenter d’une ma¬ nière générale le résumé de mes observations sur l’ensemble des terres de la vallée de l’Ariége proprement dite , dans laquelle est situé ce domaine. La vallée de l’Ariége dans laquelle est situé le domaine de Guil¬ hot ( communes de Rieux et Bénagues entre Foix et Pamiers) est comme la Seine, comme la Loire, comme la Garonne et comme la plupart des grandes vallées qui se partagent la partie cultivable et habitable du globe , une de ces vallées à plusieurs étages , dont les eaux diluviennes ont ouvert et creusé l étage supérieur sur une largeur toujours considérable , et dans lesquelles les eaux post-diluviennes et les eaux actuelles ont ensuite formé plusieurs étages (ou terrasses latérales) de plus en plus étroits à mesure que ces eaux devenant moins abondantes se resserraient dans un lit plus restreint et plus approfondi, abandonnant à droite et à gauche l’espace beaucoup plus large qu elles occupaient précédemment. Le premier étage (l’étage inférieur), le dernier formé, au milieu duquel la rivière s’est creusé son lit actuel, et qu’elle vient envahir et remplir encore dans ses plus grands débordements , est toujours celui dont la terre est la plus fertile et le sol plus précieux. Ce sont presque toujours des terres (t alluvion , ordinairement susceptibles d’irrigation, et dont la constitution minérale est d’autant plus parfaite qn il se trouve en amont un plus grand nombre de roches et de formations géologiques diverses , dont les débris , entraînés et mêlés ensemble par les grandes eaux, produisent au loin ces terres d’alluvion si fécondes. A cet égard, la vallée de Foix, comme la plupart des grandes vallées qui prennent naissance dans les Pyrénées , se trouve dans les conditions les plus parfaites; car le groupe de montagnes d’où jaillissent les sources de l’Ariége, et d’où descendent les nombreux torrents qui en font bientôt une rivière importante , offre dans son ensemble un vaste massif montagneux de plus de 80 lieues carrées de surface, et où se présentent des roches et des terrains géologiques de toute espèce , surtout des granités , des gneiss , des micaschistes et des phyllades ; des diorites , des talschistes, 827 SÉANCE DU 17 mai 1847. des pegmatites , des eu ri tes et des feldspatlünes ; des grauwackes, des schistes argileux , des quarzites , des grès , des talschistes et des calcaires de plusieurs âges; des gypses , des argiles bigarrées et des marnes irisées ; des roches pyroxén iques ferrijères , carbonifères , siliceuses , bitumineuses , aluni f ères , etc. , etc.; en un mot, les alluvions de l’Ariége comprenant des débris de toute espèce de roches et de toute la série géologique des terrains; condition in¬ faillible de fécondité. Car c’est un des principes fondamentaux de la géologie agricole , qu’une terre est d’autant plus fertile qu’elle est composée d’un plus grand nombre d’éléments minéralogiques divers , et récipro¬ quement quelle est d’autant moins productive que sa composition est réduite à un plus petit nombre de substances minérales , ainsi que je l’ai établi dans ma Géologie dans ses rapports avec V agricul¬ ture et l'économie politique , p. 3û , 2e édition. Ce qui précède suffit pour expliquer comment on peut trouver, au sein des montagnes, des terres douées cl’une fécondité que ne possèdent presque jamais au même degré les terres situées en pays de plaine , et notamment pour rendre raison de la fertilité géné¬ rale qu’on remarque dans la plus grande partie de l’arrondisse¬ ment de Pamiers. Mais j’ai dit qu’il y a plusieurs étages dans cette belle vallée de l’Ariége ; et , en effet, il suffit de parcourir les environs de Pamiers pour reconnaître : 1° que dans leur ensemble les terres des en¬ virons se partagent entre trois niveaux ou étages principaux nette¬ ment dessinés tout le long de la vallée ; 2° Que l’étage inférieur qui longe la rivière s’élève si peu au- dessus des moyennes eaux, que, sur beaucoup de points, il est ex¬ posé à être recouvert et envahi lors des grands débordements ; 3° On reconnaît sans peine, et abstraction faite de toute théorie, que cet étage inférieur a dû être entièrement occupé par l’Ariége avant la dernière période de son décroissement ; enfin , on s’assure que parfois elle se creuse un nouveau lit au milieu cle cet étage in¬ férieur, envahissant alors des propriétés qui n’avaient pas été pro¬ tégées par des travaux de défense suffisants , et laissant sur la rive opposée des espaces plus ou moins vastes qui s’ajoutent gratuite¬ ment , de par la loi , à l’héritage de l’heureux riverain. En un mot , on s’assure par ces diverses observations que l’é¬ tage inférieur de la vallée de l’Ariége est tout formé d’ alluvions plus ou moins récentes , au milieu desquelles on peut retrouver et reconnaître , sous forme de cailloux roulés et de grains sableux , des échantillons de toutes les roches qui constituent les montagnes 8*28 SÉANCE DU 17 MAI 18/17. de la haute vallée , échantillons qui deviennent en même temps la preuve matérielle et sensible des considérations théoriques précé¬ demment exposées. Si de cet étage inférieur on passe sur les terres plus élevées qui forment le second étage, l’étage intermédiaire, et si l’on examine le sol avec attention , on sera surpris d’y reconnaître diverses circonstances qu’on n’avait peut être pas remarquées au premier abord. Une grande partie des cailloux qui s’y rencontrent et qui appartiennent, on le reconnaît, aux mêmes espèces de roches, qui viennent dès lors, on n’en saurait douter, des mêmes montagues , des mêmes gisements que ceux qu on a reconnus dans l'étage infé¬ rieur, s’y montrent néanmoins avec un caractère particulier. Plu¬ sieurs de ces roches paraissent altérées ; il y en a même un grand nombre qui sont devenues friables, et l'on y voit des blocs de granit que , par le moindre coup, on peut briser et écraser comme un tuf sans consistance, comme une roche pourrie. En un mot, les dé¬ bris roulés des mêmes montagnes offrent , sur ce second étage , une physionomie toute particulière ; ils y paraissent beaucoup plus vieux , et ils y sont en proie, pour la plupart , à une décom¬ position manifeste. C’est qu’ils sont plus anciens, en effet , ces dé¬ bris, puisqu’ils datent de l’époque où l’Ariége , beaucoup plus large, plus profonde et plus puissante que de nos jours, remplis¬ sait ce second étage en entier, au moins dans ses grandes crues , et où son lit habituel , de la largeur au moins de l’étage inférieur ac¬ tuel , dépassait certainement en étendue celui qui remplit aujour¬ d’hui la Garonne à Bordeaux. Il en est des terres de cet étage comme des éléments géolo¬ giques du sol. Ici , comme dans l'étage inférieur, la terre se com¬ pose des mêmes débris que cet ancien sol d’alluvion; et, en raison de leur ténuité et des influences de la culture , ces débris y ont subi une décomposition encore plus complète. Lue partie des matières minérales et des sels qui entraient dans la composition de ces dé¬ bris a disparu; en sorte que la terre n’est plus d’une fertilité aussi parfaite , parce que sa composition minérale est devenue moins complexe. Toutefois on reconnaît encore dans ces terres un assez grand nombre d’éléments minéralogiques divers , et, selon qu’elles sont plus ou moins chargées d’humidité et que la décomposition y est plus ou moins avancée , elles offrent encore des sols, dont quel¬ ques uns sont d’autant plus précieux, que cette décomposition, qui s’y poursuit avec une certaine activité, fournit à la végétation un aliment très actif, savoir : les élémens alcalins, acides, salins, qui résultent de cette décomposition, tels que la soude, la potasse, SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 829 la magnésie, la chaux, les phosphates, les sulfates, etc., etc., qui entrent en diverses proportions dans la composition d’une partie des matières minérales dont ces roches se trouvent formées. On voit parla comment il se peut que, même avec une compo¬ sition géologique moins complexe , certaines terres de ce second étage soient aussi productives que celles de l’étage inférieur ; mais il est à remarquer qu’à mesure que cette décomposition s’avancera, ces terres deviendront moins fertiles ; en sorte qu’après un certain nombre d'années elles se trouveront , selon l’expression vulgaire, presque totalement épuisées. Et telles sont en efïet déjà , à un degré plus ou moins avancé, une partie de ces terres. Toutefois on voit qu’il sera extrêmement facile de les ranimer, de les amender, en un mot, et de les remettre en état de fécondité pendant une nouvelle et longue période d’années. Enfin , si l’on monte sur les troisième et quatrième étages , qui sont à un niveau beaucoup plus élevé , on sera frappé de voir qu’il n’y ait plus que de gros blocs de roches quartzeuses , et plus ou guère plus du tout de granités , de pegmatites, de diorites, et de ces diverses autres roches dont on voit une si grande variété dans les étages inférieurs. En un mot , la constitution géologique du sol est ici beaucoup plus simple minéralogiquement, bien qu’en y réfléchissant et en reconnaissant que tous ces gros cailloux sont arrondis et roulés comme ceux des autres étages , on ne puisse douter qu’ils n’aient la même origine ; qu’ils n’aient été de même charriés par les eaux, mais par ces eaux beaucoup plus abondantes, beaucoup plus puis¬ santes qui formèrent et occupèrent tout cet ancien et vaste lit de l’Ariége, plus large que ne l’est aujourd’hui la Gironde aux ap¬ proches de l’Océan. Mais alors pourquoi n’y a-t-il sur cet étage que des cailloux quartzeux ? Pourrait-on admettre que les alluvions à cette époque choisissaient leurs débris dans les montagnes , comme un géologue choisit ses échantillons ? Non , assurément , non ; et on ne saurait mettre en doute qu’à l’époque où ces grandes eaux ont pu déta¬ cher de leur gîte ces blocs quartzeux , elles n aient arraché et en¬ traîné pêle-mêle , comme aujourd’hui , des blocs de toute nature et de toutes les montagnes. S’il n’y a plus sur cet étage que des blocs quartzeux , c’est que ceux-là seuls sont inaltérables et absolument indestructibles, tan¬ dis que tous les autres ont subi cette décomposition lente , cette destruction inévitable à laquelle nous avons vu, dans le deuxième étage, la plupart de ces roches maintenant soumises. Ceci démontre 830 SÉANCE DU 17 MAI \ 847. au géologue que ce troisième étage est beaucoup plus ancien que le deuxième , et le deuxième plus ancien que le premier, puisque la destruction des roches décomposables est déjà terminée dans l’é¬ tage supérieur pendant que cette décomposition, qui marche à grands pas dans le second étage , est à peine commencée sur quel¬ ques blocs dans l’étage inférieur. D’un autre côté , l’agronome va reconnaître encore ici que l’état des terres est exactement en rapport avec l’état géologique du sol. Et en effet , les terres de cet étage supérieur sont beaucoup moins fertiles et beaucoup moins estimées cjue celles du premier et du deuxième étage ; leur taux , dans le pays , est moindre de plus de moitié ; c’est qu elles offrent une composition minérale beaucoup plus simple ; c'est qu’il n’y a plus guère de minéraux décomposables contenant de la potasse , de la soude , de la ma¬ gnésie , du calcaire, etc. , et qui puissent livrer à la végétation ces éléments précieux. Tout ce que ces terres possédaient jadis de semblable est presque totalement évanoui , disparu , absorbé par les milliers de plantes qui ont successivement vécu sur le sol à ses dépens , et par les eaux qui l’ont mille fois lavé et complètement lessivé (1). En un mot, ces terres sont épuisées, et on ne leur rendra leur fécondité primitive que par un amendement complet , et du reste facile à exécuter dans les conditions heureuses où elles se trouvent à cet égard. En résumé , on voit comment les terres d’alluvion de la vallée de i’Ariége peuvent se distinguer d’une manière générale en trois classes naturelles , correspondant aux trois étages géologiques de la vallée. On voit que les terres de l’étage inférieur seront , toutes choses égales d’ailleurs , les plus fertiles et les plus durables. On voit que les terres de 1 étage moyen offrent aussi des sols produc¬ tifs , mais à un degré moindre, et plus variables d’une pièce à une autre, et pour une durée beaucoup moindre. On voit enfin pour¬ quoi les terres des étages supérieurs sont , en général , beaucoup moins estimées et moins productives. \oilà, je puis le dire, la règle générale. On conçoit, il est vrai, (1) Je ne parle ici que des terres d’anciennes alluvions de l'étage supérieur, et non de quelques terres qui sur cet étage reposent sur des roches en place , et dont la nature est alors en rapport avec la composition de ces roches; ni de quelques terres qui longent les ruis¬ seaux que l’on rencontre sur cet étage, terres qui sont alors de véri- ritables alluvions modernes, et qui, en effet, sont en général extrême¬ ment fertiles. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 831 qu’elle admette des exceptions ; mais il sera toujours facile de s’en rendre compte. Ainsi dans l’étage inférieur, au milieu de ces ter¬ rains précieux , on trouve aussi des sols de faible valeur, par exemple des sols surchargés de galets ou qui sont même de vérita¬ bles graviers , parce qu’ils résultent en effet d’une accumulation de galets non encore décomposés , par conséquent plus ou moins dénués de terre végétale , et dès lors impropres à la culture. Ailleurs ce seront des terres de nature celluleuse d’après leur con¬ stitution géologique , mais remplies d’eau , et par là rendues im¬ propres à la culture , impropres même à être converties en prairie. Mais ne voit-on pas combien il est facile, dans l’un et l’autre cas, de corriger et amender de tels sols, et de les convertir en terres aussi productives que celles qui couvrent en général tout ce pre¬ mier étage ? Ceci posé, il va m’être facile de donner sur la nature des terres de Guilliot un aperçu exact et précis. A l’exception de quelques champs et de quelques bois qui sont sur l’étage moyen , toutes les terres dépendant du domaine de Guilhot sont comprises dans l’étage inférieur de la vallée de l’A- riége et peuvent être indiquées, pour la plupart, comme des types de la meilleure qualité de terre qui soit dans le pays. Toutefois quelques unes de ces terres sont mouillées, et récla¬ ment un assainissement dont l’exécution n’offrira d ailleurs au¬ cune difficulté. Mais, après les travaux d’assainissement, on devra jeter sur ces terres qui , en ce moment , sont acides et surchar¬ gées d humus , une bonne proportion de chaux vive , 4 hectolitres au moins par hectare pendant cinq ou six années consécutives, et ce seront pour longtemps ensuite les meilleures terres du domaine. Quant aux pièces qui sont sur le second étage (étage moyen de la vallée) , elles sont aussi d une bonne nature , et , à vrai dire , elles ne réclament encore aucun amendement. Toutefois il sera bon de leur donner un marnage d’ici à quelques années , et la marne qui se trouve dans le domaine , quoique plus riche en ar¬ gile qu’en calcaire , suffira parfaitement pour ce sol , et d’autant qu’elle est très à portée du point où il s’agit de l’employer, car elle est dans l’ escarpement qui monte du premier au second étage. En somme , j’ai reconnu, et la géologie permet de démontrer que les terres du domaine de Guilhot sont dans des conditions ma¬ gnifiques de culture , et qu’avec quelques réparations faciles et peu dispendieuses on les amènera au plus haut degré de perfec¬ tion et de fécondité que les meilleurs sols puissent atteindre. 1° Au point de vue de la géologie agricole , cette étude dé- 832 SÉANCE DU 17 MAI 1847. montre que Y épuisement des terres , tel que les agronomes l’ont de tout temps admis sans se l’expliquer, mais que les savants ont plu¬ sieurs fois elassé parmi les erreurs et les préjugés populaires , parce qu’ils ne pouvaient pas s’eu rendre compte , est dans beaucoup de cas la chose la plus simple et la plus positive. On voit que cet épuisement tient surtout à la décomposition d’une partie des ma¬ tières minérales qui constituent le sol ; 2° que pendant tout le temps que dure cette lente décomposition minérale , la végétation en retire une alimentation active et puissante ; 3° que, lorsque cette décomposition est terminée , il ne reste dans le sol que des ma¬ tières inertes, incapables de fournir aux plantes des éléments de nutrition , ce qui oblige alors le cultivateur à donner à la terre des engrais beaucoup plus abondants et plus complexes , jusqu’à ce que, par un amendement géologique convenable, il rende à sa terre les éléments naturels de son ancienne fécondité. 2° Enfin , pour la géologie pure , cette observation démontre que nos grandes vallées n’ont pas été creusées d’un seul trait , mais bien par des causes qui ont agi à des époques très différentes, ce qui au reste vient confirmer, par une observation matérielle et palpable , toute ma théorie du creusement des vallées à plusieurs étages, telle que je lai présentée à l’Académie des Sciences, en 1831 , et telle que je n’ai cessé depuis de la professer dans mes cours et dans mes ouvrages ( voir mon Manuel de géologie , p. 214 , 4e édition , mon Recueil d’itinéraires en France (Course de Lyon a Grenay) , et surtout le Bulletin de la Société géologique , lre série , t. IV, p. 376. M. Frapolli donne lecture du Mémoire suivant : Faits qui peuvent servit' à V histoire des dépôts de gypse , de dolomie et de sel gemme , par L. Frapolli. J’ai eu l’honneur, dans la dernière séance , d’exposer à la So¬ ciété la série de formations sédimentaires qui se rencontrent dans les plaines ondulées du pays subhaercynien septentrional. J’ai in¬ diqué dans cette occasion le gisement général de leurs couches pour chaque époque géologique. Pendant la période carbonifère , les différents groupes monta¬ gneux primitifs ou de transition émergeaient, comme des des, du milieu des mers du nord de l’Europe. La Thuringe et les grandes plaines de l’Allemagne étaient sous les eaux. Depuis lors , il s’est déposé dans ces pays à peu près tous les terrains sédimentaires ; 833 SÉANCE DU 17 MAI 1817. de nombreuses époques d’agitation successives y ont laissé leurs traces. 11 en est résulté un riclement général des couches qui rem¬ plissaient les différents bassins ; et ce ridement a été proportionnel avec l’étendue des soulèvements , et avec la profondeur ou la forme des réservoirs. Nous en avons étudié les différentes circon¬ stances dans le golfe subhærcynien , mais nous avons vu en même temps , par de rapides excursions au-delà de nos limites , qu’elles ne lui étaient pas exclusivement propres , qu’au contraire ce même mode de gisement des couches secondaires se reproduisait , à quel¬ ques modiücations près, dans la Thuringe et dans tout le nord des pays germaniques. Nous avons également vu en passant que ces formations sécli— mentaires postérieures aux terrains primaires renfermaient de nombreux massifs de gypses , de dolomies ou de calcaires magné¬ siens , et de sel gemme. Plusieurs de ces derniers dépôts acquiè¬ rent , par leur étendue et par leur multiplicité , une grande im¬ portance industrielle. Les études que j’ai été obligé de faire dans un but géologique , m’ont conduit à m’en occuper tout spéciale¬ ment. Nous verrons, par la suite de ce mémoire , que sous le rap¬ port de leur origine et sous le point de vue scientifique , leur im¬ portance n’en est pas moins grande. Dans l’étendue de la carte géographique que j’ai exécutée , entre le Ilarz, le Huy et le Ilackelwald , depuis Hettstaedt jusqu’à Wernigerode , les gypses se présentent en plus de vingt endroits différents et isolés. Des dolomies ou des calcaires magnésiens et des sources salées indiquant des dépôts de sel gemme les accom¬ pagnent le plus souvent ; on y rencontre aussi des anhydrites. Ces roches se trouvent répandues en égale abondance dans tout le pays de Brunswick, dans la Thuringe , et jusque dans les profondeurs des plaines septentrionales, d’où les gypses percent quelquefois sous forme de collines arrondies. § 1. Gisement des gypses dans les pays qui entourent le Harz. On y trouve du gypse intercalé entre toutes les formations secon¬ daires sans distinction , soit en petites masses isolées , comme gé¬ néralement dans le golfe subhærcynien , soit en grands dépôts , comme en Thuringe, où on le voit affleurer sur les limites des massifs du muschelkalk et keupriques, et entourer de sa muraille abrupte tout le côté méridional des montagnes du Ilarz, qu’il ren¬ ferme comme dans un immense croissant. Le gypse a toujours les caractères d’un dépôt en couches ; il est Soc. géol.f 2e série, tome IV. 53 834 SÉANCE DU 17 MAI 1847. toujours stratifié , et sa stratification est toujours parallèle avec la stratification des dépôts dans lesquels il est enclavé. La direction et l’inclinaison de ses couches est toujours conforme aux lois géné¬ rales de gisement qui dominent dans le pays. Elles occupent tou¬ jours la position qu’elles devraient occuper, si la roche dont elles se composent n’était point du gypse, mais bien du calcaire, et du cal¬ caire appartenant à la formation qui le renferme. Ce n’est que dans des points très restreints que la stratification du gypse manque réel¬ lement ; mais si l’on a soin de bien étudier tout un massif gyp- seux , on parvient presque toujours à en découvrir les traces d’un côté ou de l’autre. Lorsque cette stratification n’est pas très appa¬ rente , il faut l’attribuer soit à la grande puissance que possèdent les couches de gypse dans certains cas , ce cpii fait qu’on ne peut les observer que là où la roche est suffisamment à découvert, soit à son état de fracturement , soit à son peu de dureté et à sa solubi¬ lité. Car il suffit que des masses gypseuses restent pendant quelque temps à découvert dans des carrières abandonnées , pour que les molécules du gypse les plus voisines de la surface, dissoutes par les eaux de pluie ou entraînées mécaniquement après l’enlèvement de celles qui les rattachaient à la roche mère , finissent par établir sur les parois une sorte d’enduit , fort mince à la vérité , mais qui suffit pour effacer souvent à l’extérieur jusqu’aux apparences de la stratification. Ce qui est le plus singulier, c’est une légère efferves¬ cence que cet enduit , dans quelques rares circonstances , présente au contact des acides , comme si un excès d’acide carbonique ren¬ fermé dans l’atmosphère ou dans les eaux de pluie eût pu, sous des influences qui nous sont inconnues , se substituer à une petite partie de l’acide sulfurique. Dans tous les massifs de gypse que j’ai visités , aucun excepté, j’ai pu reconnaître distinctement la stra¬ tification ; partout, sur les flancs du Dorn , sur l’Asse , et près de Egeln , au milieu du Huy wald et près de Sandersleben , aux abords du Harz comme sur la croupe du Sewecken , aux pieds du Kiffhauser et dans le pays du Hanovre , j’ai pu m’assurer qu’elle est en rapport régulier avec le gisement général des couches du pays. Ma carte géologique de la contrée subhærcynienne , et son explication que je me propose de publier en Allemagne , appor¬ teront des preuves nombreuses et frappantes de ce fait fonda¬ mental. Dans la seule partie du bassin comprise par cette carte , on voit du gypse appartenant aux formations du zechstein, du grès bigarré, du muschelkalk , des marnes irisées et de la craie. On en connaît ailleurs dans le Jura. Le gypse de ces différentes formations n’est 835 SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. pas seulement caractérisé par son gisement , mais il l’est encore par son aspect minéralogique particulier. Ce faciès ne permettrait pas, il est vrai , de distinguer deux échantillons limites expressément choisis, mais, employé sur les lieux et sur de grandes masses , peut être regardé comme un moyen de reconnaissance empirique à peu près sûr, comme une donnée à peu près certaine pour réta¬ blissement de leur âge. Les caractères minéralogiques des différents gypses, leur couleur, leur éclat, et surtout leur structure générale et caractéristique, se rapprochent par une ressemblance marquée de ceux des calcaires des formations respectives. De nombreuses cavernes ( schlotten ) , dont les dimensions sont très variables , mais qui généralement sont plus étendues dans les gypses de la formation du zechstein que dans les autres, se trouvent répandues abondamment dans tous les gypses et dans tous les mas¬ sifs. Leur forme , qui est celle d’un corridor voûté , et constitué comme par une suite de renflements arrondis, et s’étendant au loin, même à des niveaux quelquefois fort différents , au milieu de la masse , ressemble beaucoup à celle que finiraient par acquérir des fentes dans lesquelles se serait établi un courant d’eau. S’il y a une règle générale dans les dimensions de ces cavernes , c’est qu’elles sont proportionnelles avec l’ancienneté et la masse du gypse ; ainsi c’est dans la formation du zechstein qu’on rencontre les plus étendues ; celles de la formation du muschelkalk se rap¬ prochent beaucoup plus de la forme de simples fentes élargies ; celles du gypse crétacé ne sont presque plus que des fentes. C’est là la règle générale. Dans les parties où le gypse du zechstein, comme dans le Mannsfeld et dans les environs de Rothleberode , est rendu tout à fait schisteux par l’intercalation de nombreux feuillets de bitume , on remarque que ces feuillets sont tous en saillie , quelquefois même de 2 à 3 et û centimètres en dehors du reste de la niasse, qui est comme érosée. L’ensemble des caractères que présentent ces cavernes qui , en grande partie , affectent une marche horizontale ou à peu près , indique assez que leur origine n’a rien de commun avec celle du terrain lui-même , et qu’on ne saurait en aucun cas les rapprocher des cellules plus ou moins petites, quelquefois même assez grandes, qui caractérisent si généralement les rauchwackes et les calcaires dolomitiques , et qui , comme nous le verrons , sont dues à des causes toutes différentes. M. Virlet , qui s’est beaucoup oc¬ cupé de la formation des cavernes , admet comme une des princi¬ pales causes de leur production , les mouvements de l’écorce ter- 836 SÉANCE DU 17 MAI 1817. restre et l’érosion des eaux (1). C’est à ces deux agents que je crois devoir attribuer le creusement de ces grottes , et principalement à la facilité avec laquelle le gypse , malgré son peu de solubilité , est démoli par les eaux de pluie qui s’infiltrent dans les fissures. Cette démolition , qui , comme nous l’avons indiqué plus haut, se fait en même temps par dissolution et mécaniquement , est si ra¬ pide , qu’un fort barrage construit en pierres de taille gypseuses, et que j’ai vu dans les environs de Rothleberode, était à peu près dé¬ truit , quoiqu’il ne comptât qu’environ dix-huit mois d’ancienneté. La large et profonde vallée de circonvallation qui entoure au midi les montagnes du ïlarz , et qui les sépare des plateaux de la Tliu- ringe , est due pour la plus grande partie à cette action , qui s’est continuée pendantle cours des différentes périodes géologiques, qui se continue encore de nos jours et qui est assez forte et assez rapide pour rendre dangereux et précaires les établissements placés au-des¬ sus. Les dénudations et les dépôts diluviens n’ont fait qu’y égaliser le sol et en recouvrir les aspérités après les diverses périodes et dans la mesure de leur puissance. Toute cette grande vallée est parse¬ mée de fontis et de petits lacs ou étangs, qui ne sont dus qu’à l’écroulement partiel du sol, miné en dessous par l'empiètement des cavernes. Plusieurs de ces mares sont remplies d’eau salée, ce qui nous indique la présence du sel dans les profondeurs , qui subit, lui aussi , à plus forte raison , l’effet des eaux courantes. Le Mannsfeld, les environs de Rothleberode , de Ellrich, de Saclisa, présentent une foule d’exemples de ces phénomènes. Il n’y a que quelques années qu’une ferme entière des environs d’Uftrungen a disparu par une cause semblable dans les abîmes souterrains. En dehors de ces propriétés générales, et qui leur sont com¬ munes à tous , les gypses de ces contrées se partagent principale¬ ment , sous le rapport de leur gisement , en deux groupes bien tranchés. Quelquefois seulement des circonstances exceptionnelles paraissent établir une espèce de passage entre ces deux groupes. Premier groupe. — Gypses plus récents , places parmi les dépôts du, trias dans le muschelkalk et au-dessus ou au-dessous de cette for¬ mation , et gypses du Jura et de la craie. — Dans ces formations on voit souvent les dépôts calcaires passer au gypse dans leur partie inférieure , tandis que leur partie supérieure est entièrement con¬ stituée par du carbonate de chaux ; le passage entre ces deux sub¬ stances est chimiquement et minéralogiquement tranché; mais (I) Mémoire inséré au Bulletin , séance du 2 mars 1833. 837 SÉANCE UC 17 MAI -18Z|7 . les lignes géologiques de contact présentent toutes sortes d’ondula¬ tions, et souvent elles traversent plusieurs couclies. Quelquefois encore on ne voit dans ces gypses que des espèces d’amandes cal¬ caires qui y sont renfermées ; dans ces cas , la stratification ou la schistosité se continue également et sans dérangements à travers ces amandes , et dans la roche encaissante ; seulement elle est plus marquée dans le calcaire que dans le gypse. Des parties d’anliy- drite plus ou moins considérables , entièrement enveloppées et em¬ pâtées dans le gypse, s’y trouvent souvent associées. Les gypses de ce groupe ne se suivent pas dans toute l’étendue des formations : on ne les rencontre que dans quelques points iso¬ lés des dépôts secondaires , au bord septentrional du massif pri¬ maire hærcynien ou bien dans les axes dénudés des rides de plis¬ sement , et quelquefois encore , lorsque ce plissement a été très fort, au fond' des vallées de séparation (1). Ils y forment alors quel¬ quefois des renflements considérables. Dans les intervalles des rides, même là où les profondes fractures des grandes vallées transver¬ sales découpent et mettent à nu toute 1 étendue des formations , aucune trace de gypse n’est visible, à l’exception de quelques petits cristaux renfermés quelquefois dans les marnes du Jura ou créta¬ cées et dans les lignites , et qui , dus d’abord à l’écho des causes générales , ont pris , suivant toute apparence , leur forme actuelle postérieurement et par des influences organiques. Cette loi du gi¬ sement des gypses récents au bord des anciennes îles primaires du Harz et de Magdeburg , et dans les axes des rides , c’est-à-dire partout où une solution de continuité de la croûte superficielle peut avoir eu lieu, partout où des fissures ont pu établir une com¬ munication de la surface avec l’intérieur, est si régulière , si con¬ stante , qu’en suivant de l’œil sur une grande carte géologique générale du pays , comme serait celle de Hoffmann , la position des petits massifs de gypse qui y sont marqués par une couleur propre , on peut en déduire avec certitude les limites de ces îles , le nombre et la marche des rides du terrain. En Tliuringe , où la dislocation peu apparente du sol ne permet pas aux couches de re¬ présenter le ridement avec la même régularité, on peut suivre le gypse qui affleure autour des massifs , à la partie inférieure* du musclielkalk ou des marnes irisées. En résumé , le gisement des gypses du deuxième groupe est tel qu’on ne peut se refuser d’ad¬ mettre que leurs couches sont placées dans le prolongement des (f) Ce dernier cas n’est qu’exceptionnel et bien rare. Il a lieu , par exemple, aux environs de Wesldorf, près d’Aschersleben. 838 SÉANCE DU 17 MAI 18A7. couches calcaires des formations respectives qu’on voit un peu plus loin , et qu’elles n’en sont que la continuation. Cette transforma¬ tion dans la nature d’une même couche peut quelquefois se suivre matériellement; elle ressort toujours de l’ensemble des conditions stratigraphiques. Dans le Huyvvald , au Seweckenberg près de Padeborn, sur différents points du bord septentrional du Harz, etc. , ce fait se présente avec la plus grande évidence. Le gypse le plus jeune que j’ai rencontré dans le pays est celui de Süderode et de Stecldenberg. Se développant en couches très fortement inclinées vers le sud , et s’appuyant immédiatement par leurs tranches redressées sur la grauwacke , renfermé entre le mas¬ sif primaire et la ceinture à section doublement triangulaire du trias , ce gypse représente, par toutes les circonstances de son gise¬ ment, la continuation et la limite extrême des couches duplæner- kalk brisées, renversées, et interrompues, par le cataclisme post¬ crétacé , par le soulèvement des dépôts inférieurs , et par les dénu¬ dations successives (1). Près de Stecklenberg , la carrière à gypse est ouverte dans un petit massif isolé, dont les couches supérieures, plongeant à environ 70° vers le midi, sont minces , presque schis¬ teuses et noirâtres , tandis que la partie inférieure du dépôt consiste en une masse blanchâtre tirant un peu sur l’azur, opaque , et à grain fin , et ressemblant assez , par son faciès , à la craie des cou¬ ches épaisses inférieures du plænerkalk , qui , dans son état natu¬ rel , est souvent surmonté par des couches marneuses , se rappro¬ chant assez , par leur aspect général , des couches noirâtres que nous venons d’indiquer. Dans cette masse inférieure , on voit ré¬ pandus assez fréquemment , mais sans ordre établi , des noyaux d’une substance brune et molle comme de la stéatite, semblables, par leur forme , par leurs structure et cassure , et par le mode de leur gisement , aux silex qu’on trouve à quelques centaines de mè¬ tres plus loin , également répandus dans le plæner, où ils ont très souvent remplacé des polypiers du genre des Serjj/iia . La ressem¬ blance dans la structure de ces corps va si loin , qu’ autour de tous les noyaux renfermés dans le gypse on remarque cette même au¬ réole d’un blanc de lait et à texture lâche , qui caractérise les silex de tous les terrains , et que l’on sait être de la silice à un état mo¬ léculaire différent ; mais, comme tout le reste du noyau, cette en¬ veloppe n’a ici qu’une dureté très faible. La seule dissemblance (1) Topographie géologique des collines subhærcyniennes. (Voyez p. 727 du Bulletin de cette année , séance du 3 mai , et la petite coupe qui est jointe au même Mémoire.) SÉANCE DU 17 MAI- 18A7. 839 qu’on trouve entre les véritables silex et ces corps est , en dehors de la dureté , dans l’éclat ; les silex sont transparents ou translu¬ cides; ceux-ci sont opaques et leur éclat est mat. Une analyse soi¬ gnée de la matière de ces noyaux, exécutée dans le laboratoire et sous les yeux du célèbre Henri Rose , a donné une formule ana¬ logue à celle de la stéatite. Les substances élémentaires s’y trou¬ vent combinées dans les proportions suivantes : Magnésie . 30,976 Oxidule de fer. . . 0,639 Silice . 62,964 Carbone . 4,083 98,662 Composition qui est extrêmement remarquable , surtout si l’on a égard à ce qu'une telle quantité de silice et de magnésie se trouve dans des corps complètement isolés au milieu d’un gypse très pur, et qui ne renferme à peu près de commun avec eux que le carbone. D’après les réflexions de M. Rose , ce carbone qui les colore pro¬ vient d’une certaiue quantité de bitume, et la coloration disparaît promptement par l’action du feu. Des noyaux analogues sont éga¬ lement parsemés dans la niasse du gypse de Siiderode et de Gern- rode , qui sont placés sur la même ligne que celui de Stecklen- berg (1). .l’ai trouvé , dans ce même gypse de Stecldenberg , deux échan¬ tillons de corps entièrement composés de sulfate de chaux hydraté, mais ayant des dimensions et des formes parfaitement semblables à celles des Spatangus , généralement un peu écrasés , qu’on ren¬ contre abondamment dans le calcaire crétacé [Placnci -Kalk), au- delà de l’espèce de coin triasique qui est venu briser la continuité du dépôt. Je possède ces deux échantillons , que j’ai abattus moi- même du milieu de la masse inférieure. D’autres traces de ces mêmes corps étaient clairement visibles sur la paroi du gypse lors (1) Des noyaux pareils, mais roulés et généralement en fragments à angles émoussés, se trouvent en môme temps que des petits galets de gypse à la partie supérieure de la même carrière de Stecldenberg et dans d’autres endroits , dans le limon (lehrn') appartenant à l’un des terrains meubles qui recouvrent le pays. Il est inutile de dire qu’ils ne sont pas en place. Ce n'est pas, du reste, la première fois qu’on signale des faits ana¬ logues. Freiesleben en avait indiqué l’existence , pour d’autres locali¬ tés , il est vrai, il y a longtemps. 8/ïO SÉANCE El 17 MAI 18/|7. de 111a première visite. Mais ils ne doivent pas s’y trouver très fréquemment ; car y étant revenu plusieurs fois par la suite , il ne m’a plus été donné d’en apercevoir. Second groupe. — Gypses plus anciens appartenant à la forma¬ tion du zechstein. — D’après des plans de mines du Mannsfeld , ils sont, dans ce pays, régulièrement interstratifiés entre des cal¬ caires et des dolomies auxquelles roches ils passent transgressi ve¬ inent et comme si c’étaient des couches alternantes d’argile et de grès. Ces gypses ainsi séparés d’une manière tranchée des dépôts qui les encaissent , paraissent s’étendre sans interruption sous forme de larges lentilles à la manière d’un grand sédiment neptu- nien parfaitement développé et régulier , dans le Mannsfeld et sous les massifs triasiques de la Thuringe , tout aussi bien que dans les profondeurs du pays , entre le Ilarz et le plateau de Mag- cleburg. Ainsique le calcaire bitumineux du zechstein, le sel et les rauchwackes magnésiennes qui les accompagnent , et avec les¬ quels leurs lentilles se trouvent comme enchevêtrées , sont placés au-dessus des minces bandes de schistes cuivreux qui recou¬ vrent le rothliegendes , et qui sont remplies d’empreintes de poissons ayant succombé apparemment en grande quantité à une époque donnée. Pas plus que ces roches qui leur sont asso¬ ciées, ils ne renferment, à ce que j’ai pu apprendre, aucune trace de corps organisés fossiles ; c’est même cette circonstance qui avait fait donner à l' ensemble de ces dépôts le nom de pénéen (1). Les gypses de zechstein sont généralement marbrés en blanc bleuâtre ou noirâtre par des veines bitumineuses se fondant dans la masse , et quelquefois le bitume s’y est concentré en de nom¬ breux feuillets qui les rendent schisteux dans le sens de la stratifi¬ cation ; c’est ce qui a lieu notamment au bord méridional du Ilarz , là où se développe cette grande ceinture gypseuse qui , par les conditions toutes spéciales de sa position , paraît participer aux caractères de ce groupe et du suivant. (1) Ce nom , remplacé en Angleterre par celui de système magné- sifàre, qui ne désignait que l’ensemble des formations du zechstein, et qui n’était fondé que sur une propriété locale, n'a pu se soutenir lorsqu’en Russie MM. de Verneuil et Murchison ont trouvé des terrains analogues, mais très riches en fossiles, et ne présentant aucunement les mêmes circonstances. Dès lors le nom de pénéen , qu'on avait voulu généraliser à tout le terrain, est tombé ; ceux de zechstein , de formation magnésienne , et de rothliegendes n’ont plus indiqué que des subdivisions , et tout le système a reçu le nom de terrain per - mien. SÉANCE 1)1 17 MAI -1847. 841 § 2. Quelle est la nature géologique et l'origine présumable des différents gypses subhœrcyniens? Théorie de leur j on nation. La manière d’être des gypses que nous venons d’étudier, leur stratification constante et constamment conforme aux lois du gise¬ ment général , leur intercalation toujours régulière parmi les for¬ mations de sédiment , éloignent toute idée qui pourrait leur faire attribuer, dès l’origine , une nature complètement étrangère à ces derniers dépôts. En vérité, après de tels faits on ne sait comprendre comment un géologue plein de génie et un véritable praticien , feu Hoffmann , trop tôt enlevé à la science qu’il avait illustrée , a pu soutenir que le gypse n’était jamais stratifié , mais que c’était une roche plutonienne arrivée à la surface par soulèvement , de 1 intérieur de la terre. Et pourtant il avait étudié ces mêmes gypses et il s’était surtout fondé sur la manière d’être des gypses récents I Exemple remarquable des erreurs auxquelles une idée fortement préconçue peut conduire les esprits , même les plus éclairés , et les observateurs les plus liabiles I Gypses plus récents du premier groupe. — Que si , d’un autre côté , l’on réfléchit sur les circonstances qui accompagnent la pré¬ sence des gypses du groupe le plus récent au nord du Harz ; que si I on observe son passage aux couches calcaires qui l’entourent , et dont il n’est souvent que le prolongement ; si l’on songe que le gypse de ces formations ne se rencontre qu’à la limite la plus im¬ médiate du Harz primaire , ou bien là où les couches des sédi¬ ments calcaires approchent des axes de relèvement des rides , et partout où il a pu se former des fentes dans le sol, où une commu¬ nication avec l’intérieur était possible; que très souvent la partie inférieure d’un dépôt est complètement en gypse , tandis que la partie supérieure est encore en calcaire ; si l’on se rappelle l’as¬ pect particulier et caractéristique de chaque gypse , et les rap¬ ports de ce faciès avec la structure habituelle du calcaire des for¬ mations respectives ; si l’on n’oublie point ces noyaux singuliers qui , par leurs propriétés et par leur gisement, sont bien évidem¬ ment des anciens silex transformés en une nouvelle combinaison par l’addition d’autres éléments ; si l’on se représente enfin ces corps spatangiformes , ces débris de têts calcaires d’autrefois , chan¬ gés en gypse , et se trouvant dans des couches qui , par leurs carac¬ tères stratigraphiques , appartiennent à la craie reposant plus loin et qui les renferme encore en abondance Y origine métamor¬ phique de ces roches devient un axiome clair et incontestable. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 842 Après tout cela , et après ce qu’en ont dit plusieurs d'entre les maîtres delà science, l’on croit rêver en songeant que , de nos jours encore, quelques géologues, et même des personnes d’un mérite très élevé , ne voyant ces dépôts que dans leurs détails , considèrent les gypses du nord de l’ Allemagne, les uns , comme étant un sédi¬ ment purement neptunien , les autres, comme une roche pluto- nienne; les comparant à une série de piliers qui , sortis à l’état p⬠teux de l’intérieur de la terre , auraient redressé les couches environnantes. Il est donc vrai , à ne plus en douter, qu’en premier lieu , les gypses récents de notre pays ont été autrefois des calcaires bien et dûment déposés dans la profondeur de mers où des corps organi¬ ques ont pu vivre , et que , ainsi que le prouve la présence des silex métamorphosés, ces calcaires étaient déjà déposés et parfaitement solidifiés ; car, d’après l’aspect de ces corps siliciformes , leur pre¬ mier changement en silex a dû être complètement achevé et dé¬ veloppé lorsque le second a commencé ; qu’en second lieu , ce métamorphisme des couches calcaires en voisinage des fentes de la croûte terrestre, sur la limite extrême des différents bassins, a dû s’opérer par l’influence d’une substance quelconque sortie de l’in¬ térieur pendant les bouleversements d’une époque d’agitation pos¬ térieure , et que d’après ce qui résulte de l’ensemble du gisement général des terrains, cecataclisme et ces changements sont arrivés dans ces pays après la fin de la période crétacée. Les gypses de ce groupe seraient donc le produit d’un métamor¬ phisme par la voie sèche , s’étant fait sur des couches déjà solidi¬ fiées et très probablement émergées. La vérité de cette proposition devient encore plus évidente si l’on observe que, par suite des lois d’après lesquelles se fait le relèvement d’un bassin , en même temps que les couches qu’il renferme se plissent et forment des rides, les parties sous-jacentes de l’écorce terrestre sont obligées de se frac¬ turer, et peuvent même en être détachées. Les substances volatiles ou gazeuses , dégagées par le refroidissement des couches du bain intérieur, ont pu donc arriver facilement de cette manière jusqu’à atteindre la surface inférieure et convexe des formations plissées , par lesquelles , lorsqu’elles étaient imperméables aux gaz , ces substances ont été amenées , comme sous des enveloppes de che¬ minée, jusqu’aux ouvertures extérieures à la limite des massifs de transition , ou bien aux fentes qui , dans les axes des rides , s’étaient ouvertes par suite du brisement dû à la quasi-rigidité des couches plissées. Les conditions géologiques rendent donc , à mon avis , l’origine SÉANCE DU 17 MAI 1847. 843 métamorphique de ce groupe de gypses , par des émanations de l’intérieur, tout à fait incontestable; nous allons examiner s’il y a moyen de se rendre compte de la manière dont le changement s’est opéré. Nous avons un fait , tâchons de l’expliquer. Le premier restera, il est l’expression de la nature; les hypothèses par les¬ quelles nous cherchons à l’éclaircir sont à prendre ou à laisser ; elles sont tout simplement l’expression de notre opinion propre. La transformation du calcaire en gypse par une influence pre¬ nant sa source dans les effets généraux de la chaleur centrale peut s’expliquer chimiquement de plusieurs manières. Berzélius, ce géant de la terre Scandinave , ce génie profond et bienfaisant de la Suède, dont toutes les nations lui sont jalouses , me disait un jour, dans un de ces entretiens intimes où il lui plaît de se mettre au niveau des plus humbles adeptes : « Donnez-nous une substance » renfermant du soufre , admettez l’arrivée de vapeurs de soufre , » sulfureuses ou sulfhydriques . , admettez la présence du cal- » caire , et de l’eau à la surface ou dans l’atmosphère , et nous au- » ions toujours du gypse avec la plus grande facilité. » Parmi ces différentes explications, j’en ai choisi une, et j’en ai émis la pre¬ mière idée dans une note allemande qui a été insérée dans les Annales de Poggendorff (1). L’abondance des vapeurs d’eau qui se dégagent des volcans et des laves, et qui fait supposer l’existence de l’oxigène et de l’hydrogène en dissolution dans les matières du bain intérieur ; l’invraisemblance et les inconvénients que présen¬ terait l’admission de l’acide sulfhydrique comme cause originaire des dépôts de gypse lorsqu’ils sont accompagnés de sel marin (2) ; la grande stabilité de l’acide sulfureux , propriété qui était bien nécessaire pour que le phénomène pût s’opérer facilement au mi¬ lieu de la haute température qui a dû régner dans ces crevasses de l’abîme , m’ont fait adopter ce dernier corps comme agent princi¬ pal de la gypsifreation. Quelques géologues ont mis en doute la production de l’acide sulfureux par les volcans actuels ; mais , outre que cette circon- (1) T. LXIX , p. 481 . 4e division de 1 846. (2) On connaît la promptitude avec laquelle le chlore décompose l’acide sulfhydrique en produisant un dépôt de soufre. Nous verrons plus tard que lorsque le gypse est accompagné par le sel gemme et par les calcaires magnésiens , il a dû y avoir du chlore mis en liberté à l’époque de sa formation. Dans ce cas, il ne se serait donc point formé de gypse , mais tout simplement un dépôt de soufre. Or, c’est précisé¬ ment le soufre qui , dans les gypses du zechstein qui sont toujours associés au sel, se fait remarquer par son absence, SM SÉANCE DU 17 MAI l8/j7. stance , si cela était réellement , n’impliquerait aucune impossibi¬ lité à ce qu’il s’en soit dégagé autrefois , car ce ne serait point la première ni la dernière substance dont l’émission ne se reproduit plus de nos jours; il n’y a pas de fait en géologie qui me paraisse mieux établi que celui-ci. On sait, en effet, que les vapeurs d’eau, le gaz chlorhydrique et les acides sulfureux et sulhydrique sont les principales substances gazeuses qui émanent des volcans, et que ces deux derniers dominent alternativement dans les éruptions. Ce fait a été encore tout nouvellement constaté par un des savants les plus distingués de l’Allemagne, M. de Waltershausen , qui m’a dit avoir observé , pendant son long séjour autour de l’Etna , l’émis¬ sion d’abondantes vapeurs d’acide sulfureux dans plusieurs localités de ce terrain volcanique. Les gaz produits par les volcans sont d’ailleurs très variables. On sait , par exemple , que Humboldt et M. Boussingault n’ont trouvé aucune trace d’acide liydrochlorique ni de sel gemme dans les volcans des Cordillères et au pic de Ténériffe ; tandis que , d’après M. Abicli , ce sel se dépose en pe¬ tite quantité au Vésuve et à l’Etna, it qu’il est très abondant et accompagné d’acide hydrochlorique dans le cratère de Vulcano. Ici , l’acide sulfureux n’y serait qu’en très petite quantité et acci¬ dentellement, tandis que , comme nous avons vu, il paraît très abondant à l’Etna , et qu’il ne s’en dégageait point du Vésuve lorsque M. Girard, de Berlin, a visité ce volcan. Ce même gaz semble également être assez commun dans certains cratères d’Amé¬ rique , car Humboldt l’a observé sortir violemment de la crevasse du volcan de Puracé (1). C’est d’ailleurs chose connue que le dé¬ gagement d’un gaz donné se fait, dans un seul et même volcan, par périodes irrégulières et intermittentes. Nous supposons donc que des vapeurs abondantes de gaz sulfu¬ reux , ayant une très haute température, et rampant au-dessous des couches imperméables et recourbées du fond des bassins de plissement , soient arrivées jusqu’au contact des tranches calcaires qui formaient les abords des fentes récemment ouvertes , et encom¬ brées dans leur partie supérieure par l’écroulement des matériaux. Ces vapeurs auraient remplacé l’acide carbonique des calcaires, dont la combinaison est si peu stable ; leur transformation en acide sulfurique aurait eu lieu aux dépens de celui que nous venons de nommer. Gêné par sa tendance à s’échapper par la puissance de la pression qui le maintenait malgré la chaleur , l’acide carbonique , en présence d’une base qui lui échappait et d’un acide qui récla- (I) Ann. de chim., 1 re série, t. XXVII, p. 113. SÉANCE DU 17 MAI 18 A 7. 8/|5 niait cl être propre à s en emparer, contraint par la pression , par la base , par 1 acide rival , par la température peu convenable à son organisation , se voyait force de céder à son compétiteur une partie de son oxigène , heureux de pouvoir s’échapper à l’état cf oxide de carbone lorsque la force de combinaison ne s’ajoutait plus à la pression pour le retenir. Les formules suivantes représentent la transformation cpie nous venons d’indiquer : C 02 — 0 “ C 0 ( S O(l) 2 + 0 = S O3 j = C0-f-S03, et en définitive , nous avions avant la métamorphose : S02 + Ca0,C(F; nous avons après : Ca 0 , S 03 + C 0. Mais l’acidification a pu aussi se faire exceptionnellement et peut-être dans des endroits où l’acide carbonique avait été déjà chassé par la chaleur, aux dépens de l’acide sulfureux lui-même ; c’est du moins ce à quoi portent à conclure les grumeaux de soufre qu’on trouve parfois , quoique rarement , renfermés au milieu de ce gypse , et dont M. F.-L. Haussmann, minéralogiste très dis¬ tingué et fils du savant de Gœttingue , a trouvé de beaux échan¬ tillons. 11 est arrivé dansée cas que trois molécules d’acide sulfu¬ reux se sont décomposées pour donner lieu à deux molécules d’acide sulfurique et à une molécule de soufre (1). 3S02=2S03 + S Nous avions avant : 3 S O2 -f- 2 Ca 0, C O2 Nous avons après : 2Ca0,S03+S + 2C02 (l) M. Axel Erdman , de Stockholm , me rappelait à ce propos que lorsqu’on laisse pendant longtemps de l’acide sulfureux en contact avec de l’eau distillée, il se produit non seulement de l’acide sulfurique, mais qu’il se fait en même temps un petit dépôt de soufre. C’est un cas analogue; la base est là , elle veut se marier; elle dit à l’acide : Transforme-toi, complète-toi, afin que tu puisses t’unir à moi ; et l’acide s’exécute. 846 SÉANCE DU 17 MAI 1847. Il ne faut pas oublier toutefois que l’action simultanée de la chaleur et d’un grand nombre de corps simples peut décomposer l’acide sulfureux; que l’hydrogène et le carbone, par exemple, agissent sur lui , même au-dessous de la chaleur rouge ; qu’il ne serait donc pas improbable que les petits dépôts de combustibles végétaux ou quelques parties du bitume disséminé dans les roches aient pu , lors du métamorphisme par la voie sèche , et dans des endroits soumis à une haute température , être remplacés par du soufre (1). Les noyaux et les parties en anliydrite que renferment souvent les masses de ces gypses du deuxième groupe nous montrent assez qu’ils n’ont pas été formés tout d’abord par la voie humide, et que l’agent gypsogène n’a pu produire par lui-même que du sulfate anhydre. L’hydratation a pu avoir lieu de deux manières , soit immédiatement par l’intervention des eaux superficielles qui peu¬ vent avoir pénétré à l’époque même du métamorphisme , soit plus tard par une transformation lente de l’anliydrite en gypse s’avan¬ çant de la surface vers l’intérieur, au moyen de l’humidité de l’atmosphère et sous l’empire de circonstances qui ne nous sont pas complètement connues (2). L’existence de cristaux prismatiques (1) Ce que nous venons de dire là ne peut s’appliquer qu’aux petits nids de soufre qui se trouvent renfermés dans les masses gypseuses. Les grands dépôts de cette substance, tels que ceux de la Sicile, ainsi que Humboldt l’a indiqué pour des dépôts ignés actuels de l’Amérique, paraissent bien plutôt être le résultat de la réaction directe des émana¬ tions terrestres entre elles. Aussi c'est aux environs des volcans, là où il se dégageait en même temps de l’acide sulfureux et de l’acide sulfu¬ rique, que ces dépôts sont le plus abondants. Nous citerons à ce sujet un fait observé près de l’Etna par M. de Waltershausen , qui prouve assez que ce métamorphisme du calcaire en gypse , par la voie sèche , n’est pas une chose si extraordinaire ni exclusive aux périodes éloignées de nous: «La formation du soufre, m’écrivait-il, s’élève du milieu du » terrain tertiaire de Caltanisetta , Girgenti et Cattolica. Les calcaires » de ce terrain sont souvent changés en gypse , et ce gypse est la con- » tinuation des couches calcaires. Le gypse est en outre traversé par » des filons de soufre; ce qui se voit très fréquemment près de Cattoli— » ca, et dans différentes mines de Girgenti. » (2) Il est difficile de constater cette transformation par des expé¬ riences directes ; car lorsque nous prenons de l’anhydrite en morceaux ou même en poudre , et que nous la laissons exposée à l’humidité de l’atmosphère, elle n’est nullement attaquée, pas même dans un temps très long. C est qu’il arrive ici ce qui est très commun lorsqu’il s’agit de la décomposition des roches, comme, par exemple, des granités, que tant que ces masses sont attachées à la roche mère , la décomposi- SÉANCE DU 17 MAI 1847. 847 droits , dans lesquels on peut voir clairement un passage graduel du gypse qui en forme la partie extérieure à l’anliydrite dont se compose le noyau , me paraît donner à ce fait toute la certitude désirable (1). Les renflements parsemés de distance en distance , qui rendent irrégulières les rides du terrain dans le golfe subliærcynien, et qui en font comme de longues séries de protubérances renfermant quelquefois des cirques; ceux qui constituent, par exemple, les bosses du Seweckenberg , du Hackel, du Huy, du grand Fallens- tein , de l’Asse , etc., sont dus à la transformation du calcaire en anhydrite et à cette hydratation ; ils ont été produits après la for¬ mation des rides , et ce sont des espèces d’accidents locaux qui ne dépendent point directement des mouvements généraux de l’écorce (2). tion progresse avec une rapidité beaucoup plus grande, et que lors¬ qu’on les isole du contact de la terre, elle s’arrête brusquement. (1 ) Ce fait , que j’avais observé sur des cristaux appartenant à l’École des mines de Paris, m’est confirmé par M. Hugard , qui m’a assuré que le cabinet de la Sorbonne en possède également. Le mélange d’anhydrite et de gypse, prouvé par les analyses de M. Stromeyer, aurait pu être expliqué par l’insuffisance de la quantité d’eau présente au moment de la gypsification. Mais ce dernier phéno¬ mène de cristaux ayant les formes de l’anhydrite , et qui ont commencé leur transformation par la surface, ne me paraît pouvoir être interprété que par l’hydratation postérieure. Cette même hydratation progressive de l’anhydrite s’observe en grand près de Bex. Elle n'a pas échappé à M. Élie de Beaumont, qui, dans sa notice sur les salines de ce pays, en 1824, décrivait ce gise¬ ment de la manière suivante : « Près de Bex, on trouve dans le cal- » caire deux couches courtes, et d’une épaisseur considérable, d’anhy- » drite saccharoîde , qui , près des surfaces exposées à l’air, est trans- » formée en gypse , et qui , en quelques points, est imprégnée de mu- » riate de soude, et contient même des petites masses de sel gemme, » quelquefois fibreux. » On ne peut s’empêcher de reconnaître , à ces lignes, le jeune observateur décrivant avec une exactitude scrupuleuse des dépôts qui, dès lors, lui paraissaient anormaux, mais qui, en même temps, voulait s’abstenir soigneusement de toute idée théorique prématurée. (2) M. Élie de Beaumont, appliquant à cette question la méthode rigoureuse dont il a doué la géologie , a indiqué la cause et calculé l’étendue de ce gonflement, qui est la suite de l’épigénie et de l’hy¬ dratation , et qui s'ajoute aux autres considérations pour venir confir¬ mer par le fait l’hypothèse de l’origine métamorphique : « L’épigénie, à laquelle peut être attribuée l’anhydrite, dit-il, consiste » en ce que , dans tous les atomes dont se composait une masse calcaire , SÉANCE DU 17 MAI 1847. 848 Gypses plus anciens du. deuxième groupe. — La stratification pa¬ rallèle de ce genre de gypses intercalés en grandes lentilles, mais régulièrement dans les formations sédimentaires , le développe¬ ment de leurs dépôts dans la Thuringe et dans le Mannsfeld , où ils paraissent s’étendre en lentilles entre des couches calcaires ou dolomitiques sur toute la surface du bassin , ne permet pas de les attribuer à un métamorphisme postérieur et par voie sèche des couches calcaires. Ces gypses ne paraissent point renfermer natu¬ rellement d’anhydrite; si on trouve de cette substance dans la ceinture liærcynienne du midi , comme près de Lauterberg , par exemple , c’est que là il y a eu action complexe. Leur stratification » l’atome d’acide carbonique a été remplacé par un atome d’acide sulfu- » rique, de sorte que chaque atome Ca C de carbonate de chaux dont le » poids était 632,456 est devenu un atome de sulfate de chaux Ca S, pe- » sant 857,184. De là il résulte que chaque mètre cube de calcaire, » dont le poids est de 2750 kilogrammes, aura produit 3727 kilo- » grammes d’anhydrite. Or, comme la pesanteur spécifique de l’anhy- » drite est 2,9, 3727 kilogrammes de cette substance occuperont un » volume de 4 m, 2852. Ainsi l’hypothèse de l’épigénie entraîne, comme » conséquence , celle d'un gonflement dans le rapport de 1 à 1 ,2852. » ou de La congélation de l’eau est accompagnée d’un gonflement » de seulement, et ce gonflement suffit pour faire crever les vases » les plus solides. Le gonflement, presque quatre fois aussi considé¬ rable d'un calcaire changé en anhydrite , doit de même avoir fait » éclater et avoir soulevé les parties superposées de l’écorce terrestre, » circonstance qui s’accorde de la manière la plus frappante avec le » gisement de l’anhydrite en amas des Alpes et des Pyrénées, qui » occupe généralement des centres de dislocation plus ou moins » complètement analogues à des cratères de soulèvement. » Que si un atome de calcaire est changé en un atome de gypse » hydraté Ca S -J- 2 IL, qui pèse 1 082,4 43, il doit en résulter un gonfle- » ment bien plus grand encore. La pesanteur spécifique du gypse étant » 2,332, un mètre cube de calcaire, qui pèse 2750 kilogrammes, » donnera 4705 kilogrammes de gypse, qui occuperont un volume de » 2m, 0 1 77 ; ainsi le gonflement sera de plus de moitié. Ce résultat est » également en accord avec la position ordinaire des gypses des Alpes » et des Pyrénées , dans des centres de dislocation , et même avec celui » des gypses des marnes irisées, dont les amas se présentent généra- » lement avec des formes et des positions indiquant une sorte de force v éruptive qui, du reste, pourrait déjà résulter de la seule introduc- » tion de l’eau dans de l’anhydrite contemporaine du terrain. » [Bull, de la Soc. géol. de France , t. VIII , séance du 6 mai 4837, et Mérn. pour servira une descript. géol. de la France , t. I, p. 4 48.) SÉANCE DU 17 MAI 18/|7 . SM) est en même temps plutôt marquée par la position du dépôt et par la schistosité que par des véritables couches , ou du moins elles sont si puissantes qu’on a beaucoup de peine à les reconnaître. Ces derniers faits , et surtout les circonstances nombreuses de gisement que nous avons indiquées plus haut , s’accordent beaucoup mieux avec l’idée d’une production contemporaine à leur dépôt au fond des mers. Car, si nous supposons que des fentes se trouvaient au fond de l’ancienne mer du zechstein , et que de ces fentes il sortait du gaz sulfureux ; que ce gaz avait le pouvoir ce former un pré¬ cipité de gypse ; que ce précipité a fini par boucher les fissures du sol , et qu’à une époque donnée ces soupiraux , par suite de nou¬ veaux mouvements de la croûte terrestre , se sont réouverts , la stratification presque régulière et alternante des gypses ne nous paraîtra plus extraordinaire. Ce mode de formation par la voie humide se conçoit du reste encore plus facilement que celui par la voie sèche. Lorsqu’on ajoute de l’acide sulfurique en excès dans une dissolution de car¬ bonate de chaux , il se fait un précipité, et l’acide carbonique est mis en liberté; cette action est beaucoup plus énergique lorsqu’il s’agit tout simplement d’une dissolution d’oxyde de calcium, et elle peut être encore singulièrement favorisée par la présence ou par l’intervention d’autres éléments. Du carbonate de chaux se trouve en dissolution dans presque toutes les eaux ; il s’en trouvait dans les eaux de cette époque , et même , à l’aide d’une plus grande quantité d’acide carbonique , probablement en plus grande abon¬ dance qu’ aujourd’hui. Il a pu encore s’en trouver tout d’abord formant le test de mollusques qui devaient bientôt périr, ou les ca¬ rapaces de milliards d’infusoires qui , tant qu’il n’y avait pas d’ex- lialaisons délétères , ont du habiter ces anciennes mers , comme ils sont venus peupler les mers crétacées, où le célèbre Ehrenberg nous lésa fait connaître. L’acide sulfureux , arrivant de l’intérieur « de la terre , se transformait au même moment , par le contact de l’eau et en présence de l’oxygène qu’elle tenait en dissolution en acide sulfurique. La mise en liberté d’une quantité proportion¬ nelle d'acide carbonique et la formation immédiate d’un précipité de gypse en étaient les suites naturelles et nécessaires. Nous ver¬ rons plus bas que cette action a du être singulièrement favorisée par la présence de plusieurs autres substances élémentaires. L’ab¬ sence à peu près absolue de fossiles qu’on remarque dans les gypses ainsi que dans toute la formation du zechstein , vient s’ajouter aux autres circonstances qui donnent à notre hypothèse de l’émis¬ sion du gaz sulfureux dans les profondeurs des anciennes mers une Sor. géol. . 2e s^rie , tome IV. 54 850 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. grande vraisemblance. Dès la première apparition de ce gaz , l’or¬ ganisation a dû disparaître (i). Sur les pentes méridionales du Harz et sur tout le pourtour de ces montagnes , comme dans le pays du Mannsfeld ou dans les axes des rides , et partout où le nouvel élargissement post-crétacé des sou¬ piraux a permis aux émanations métamorphosantes d’arriver en¬ core une fois jusqu’à la surface, cette action récente paraît avoir exercé , elle aussi , son influence sur les formations permiennes. Dans ces cas spéciaux , le métamorphisme par la voie sèche s’est ajouté au métamorphisme par la voie humide ; alors les couches du zechstein proprement dit ont été elles- mêmes partiellement attaquées , et les limites de ce dépôt et du gypse qui lui est subor¬ donné deviennent indécises et ondulées (2). Outre ces deux groupes de gypses , il y a encore dans le pays des gypses fibreux, transparents ou colorés , répandus en grande abon¬ dance entre les couches des marnes irisées ou dans le fentes qui les traversent ; et des gypses cristallisés , soit confusément à grandes parties, soit en beaux fers de lance remplissant des fentes ou des petites cavernes dans les masses gypseuses ; enfin du gypse en petits cristaux isolés dans les argiles jurassiques ou crétacées, ou qui se développe en petites roses sur la surface des lignites pyriteuses ex¬ posées à l’air. La nature, la position et les circonstances qui accom- (1 ) Il est vrai que Humboldt a trouvé que le sel peut produire , par sa seule concentration dans les eaux, un effet semblable ; car il chasse l’air qu’elles contenaient, et les poissons finissent par ne plus pouvoir respirer [Ann. de chi/n. et de />/irs., t. Xll , p. 300. 1819); mais ce n’est pas à cette action lente qu’on peut attribuer la destruction immé¬ diate d’une quantité de poissons aussi grande que celle dont on voit les débris dans les schistes cuivreux, et la cessation au même instant de toute vie animale dans ces mers. (2)*Toute la Thuringe paraît avoir subi, avec le reste du nord de l’Al¬ lemagne, le grand mouvement post- crétacé ; aussi les calcaires des couches triasiques y sont-ils attaqués, mais là seulement où les gaz étaient conduits par des fentes et retenus par la pression d’un toit non perméable. Les gypses se sont donc toujours développés, soit à la partie inférieure du muschelkalk , soit à la partie inférieure des keupers. Après avoir traversé le grès bigarré , ils se répandaient sous le muschel¬ kalk, et l’ayant traversé à son tour par quelques fentes, ils en faisaient de même sous les marnes irisées. Cette circonstance que la partie su¬ périeure du muschelkalk n’est attaquée en général que là où elle est recouverte par le dépôt marneux qui vient après, nous prouve que la dénudation de ce pays était déjà faite en grande partie lors du mouve¬ ment des Pyrénées. 851 SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. pagnent le gisement de ces gypses, leur assignent une origine secondaire au milieu des dépôts déjà formés, et par des causes dont l’action peut, en grande partie, se continuer de nos jours. Ce sont, pour la plupart, des productions dues au jeu régulier des éléments pendant les périodes de tranquillité, et dont nous n’avons pas à nous occuper pour le moment. § 3. Gisement et origine présumable des dolomies dit pays subhœrcynien. Les dolomies , et plus souvent les calcaires plus ou moins magné¬ siens, , accompagnent les gypses dans toutes leurs phases. D’après les plans des mines du Mannsfeld, la raucliwacke et les cendres dolo- mitiques se trouvent interstratifiées avec des calcaires au-dessus ou au-dessous des gypses permiens d'origine aqueuse. Elles y forment de vastes dépôts et reparaissent au loin dans les pays environnants. On les trouve également accompagnant les gypses récents et leur faisant passage , mais en petites masses , au bord septentrional du Harz et dans plusieurs points des axes des rides. Comme les gypses, les calcaires magnésiens des différents âges se distinguent par un faciès particulier qui se rapproche de celui des calcaires des formations res¬ pectives. Ils sont presque toujours percés par un grand nombre de cellules , et portent ainsi les traces du passage des substances vola¬ tiles. La stratification de ces roches , lorsqu’elles accompagnent le gypse produit par la voie sèche , n’est pas toujours bien distincte ; mais leur gisement ne permet pas de douter de leur passage ail gypse et au calcaire pur de la formation à laquelle ils appartien¬ nent. Cependant cette stratification est quelquefois très prononcée ; cela se voit notamment au Seweckenberg, où, étant avec M. Gus¬ tave Rose , j’ai pu remarquer à peu de mètres de distance la suite des mêmes couches minces ondulées qui d’abord étaient en gypse , et plus loin se changeaient en calcaire magnésien et en muschel- kalk pur. D’après les faits que nous venons de décrire , on l’a compris , nous sommes portés à attribuer aux dolomies et aux calcaires ma¬ gnésiens une origine métamorphique analogue à celle des gypses. Mais nous avons la preuve matérielle de cette hypothèse. Les cal¬ caires magnésiens sont souvent fragmentaires, ce qui est encore en relation avec ce mode d’origine que nous leur assignons. Or, il arrive que des fois , comme dans le petit massif de calcaire magné¬ sien crétacé qui surmonte le gypse entre Süderode et Gernrode , tout près de l’enceinte des jardins de cette dernière ville, les bords 852 SÉANCE DU 17 MAI 1847. des fragments qui limitent les fentes sont en calcaire magnésien très celluleux, brun et hérissé de petits cristaux rhomboédriques , tandis que le noyau de ces mêmes fragments est en calcaire pur ; ce dernier, à une légère teinte jaunâtre près, ressemble en tous points au calcaire crétacé quelque peu siliceux du même étage , qu’on voit à quelque distance dans la plaine , et qui ne renferme pas la moindre parcelle de magnésie. La transformation est dans ce point tellement avancée, que toute trace de stratification en a été effacée. M. Gustave Rose , à qui je montrais ces faits , ne pou¬ vait se défendre de l’étonnement en voyant combien tout cela était évident. Des analyses de cette roclie, également exécutées dans le laboratoire et sous la direction de son illustre frère, ont donné : N° t . Calcaire crayeux jaunâtre de Süderoclc formant le centre des jragments . Carbonate de chaux. . Ca C = 88,760 Silicate de chaux. . . Ca Si = 0,330 Alumine . Ad — 0,353 Oxyde de fer . Fe = 1,060 Silicates insolubles. . . = 9,490 99,993 Ces derniers silicates sont composés de : Si = 6,001 Fe -f Al = 2,510 Ca = 0,980 9,491 N° 2. Calcaire brun cristallin , saccharoïde et celluleux , qui forme les bords des fragments ou qui les traverse en veines. Carbonate de chaux. . . . Ca C — 87,570 Silicate de chaux . Ca Si = 00,597 Silice . Si = 00,210 Alumine . Al = Oxyde de fer . Fe — Carbonate de magnésie. . Mg C = 11,270 100.074 853 SÉANCE DU 17 MAI -18/|7. La première variété de la roche , celle cpii forme le noyau des fragments où les substances volatiles n’ont pu pénétrer, ne renferme donc point de carbonate de magnésie ; c’est de la craie pure , ne renfermant qu’environ 9 pour 100 de silicates insolubles, comme le plæner des environs. La deuxième variété , celle qui constitue l’enveloppe de ces fragments, qui ont de 0ra,05 à 2 ou 3 déci¬ mètres de diamètre , et qui est en contact immédiat avec les fis¬ sures qui amenaient les émanations de l’intérieur, ne renferme point de silicates d’alumine et de fer ; ces derniers y paraissent remplacés par une plus grande proportion de silicate de chaux et par de la silice pure , et au lieu de cela on y remarque plus de 11 pour 100 de magnésie carbonatée. Cette dernière roche n’est donc point encore une véritable dolomie ; c’est un calcaire magné¬ sien , une dolomie en voie de formation. La cessation de l’émission des gaz avant que la métamorphose complète fût achevée , par un fait semblable à celui de ces insectes fossiles frappés par la mort au moment de leur accouplement , nous a permis de surprendre la nature dans son laboratoire. Et quel laboratoire que celui de la nature ! Que de phénomènes que nous, pauvres pygmées, parcelles infinitésimales du grand Tout, nous efforçons plus ou moins mala¬ droitement d’expliquer, et que nous ne saurions jamais reproduire ! S’ensuit-il qu’il faille nier ces mêmes phénomènes? Je ne le crois pas. J’aime alors mieux rester dans la conscience de mon insuffi¬ sance, en m’inclinant devant la majesté de l’univers, que de me creuser le cerveau pour bâtir des systèmes impossibles. § 4. Du sel gemme dans le nord de l’ Allemagne et de son origine probable. La présence du sel dans ce pays est hors de doute ; mais, quoique cette roche y forme très probablement de grands dépôts dans les profondeurs, il est à peu près impossible de faire des observations assez sûres et qui puissent nous éclairer complètement sur ce sujet. Les sources salées sont très fréquentes dans tous les pays qui envi¬ ronnent le Harz , mais elles tarissent lorsqu’on s’interne dans les schistes et les grauwackes. Ainsi que le gypse et les calcaires ma¬ gnésiens , les sources salées se rencontrent , soit à la limite des montagnes de transition , soit là où des grandes fentes , espèces de puits artésiens naturels , permettent aux eaux pluviales de remon¬ ter à la surface. Naturellement on les trouve en règle générale dans les fonds les plus bas du sol. En raison de sa solubilité , le se gemme en nature n’est visible aucune part à la surface ; mais on SÉANCE DU 17 MAI 1847. 854 l’a atteint par des forages à Artern , au milieu de la Thuringe, et ailleurs. On vient même d’en découvrir un gîte très puissant à de grandes profondeurs dans les environs de Brunnswick. Il paraît s’étendre en grandes lentilles, à la manière des anciens gypses, dans le bassin profond du système permien supérieur. On dirait qu’il y repose, comme tout autre sédiment marin régulier, entre des dépôts de nature différente. Les eaux d’infiltration l’amènent de ces abîmes jusqu’à la surface. Je ne connais point de sel, dans le pays, qui puisse être réuni au groupe des gypses récents ; mais nous savons, par les belles observations d’un des premiers savants de F Allemagne, que du sel a pu exister autrefois associé au gypse, même là où l’on n’en trouve plus aujourd’hui (1). Nous n’avons donc point de preuves directes qui nous condui¬ sent à attribuer à une cause exceptionnelle l’origine des sels sub- liærcyniens. Il y a évidemment et il y a eu du sel gemme déposé par l’évaporation de bras de mer séparés de l’Océan, ou de lacs intérieurs; et les voyages de Humboldt dans l’Asie nous ont fait connaître l’étendue immense que peuvent avoir pendant une seule période de tranquillité « les effets d’un manque d’équilibre entre » l’évaporation, et le volume d’eau qui est amené par les affluents » et les précipitations de l’atmosphère (2). » Les adeptes de Werner, et Hassenfratz en premier lieu, avaient ad¬ mis exclusivement cette origine. M. Mathieu de Dombasle, dans les Annales des mines pour 1821 , allait plus loin ; il attribuait à l’éva¬ poration des lacs , même d’eau douce , mais sans issue , le dépôt des couches salines et gypseuses, et il espérait arriver à déterminer la durée absolue d’un dépôt par les alternances de ces couches et des bandes marneuses ou argileuses dues aux inondations pério¬ diques. C’est cette même thèse de la production du sel en couches par l'évaporation des eaux stagnantes qu’a soutenue également , niais avec des vues d’ensemble, M. Angelot, dans un Mémoire empreint d’une vaste érudition , qu’il a consigné dans notre Bulle¬ tin (3). Cette explication, dont la vraisemblance me paraît démon- (1) Dans un de ses nombreux et profonds travaux sur les métamor¬ phoses, M. Haidinger a démontré que des cristaux de sel gemme ont laissé leurs traces au milieu des formations gypseuses de Paris, qui, de notre temps, ne présentent plus aucun vestige de cette substance. (2) Asie centrale , t. II , p. 143. (3) T. XIV, p. 356. M. Hommaire de Hell , qui a visité après Humboldt le bassin aralo-caspien , et qui vient de publier un grand et bel ouvrage sur ces pays, attribue également les terrains ét étangs salés, et les dépôts SÉANCE DU 17 MAT 18^7. 855 trée pour tous les sels stratifiés qui ne se trouvent pas en lentilles enchevêtrées , associés avec des gypses , des dolomies et du soufre , ne peut suffire pour les cas très nombreux où ces dernières roches les accompagnent. La simple évaporation ne saurait former des lentilles ayant sans intermédiaires la puissance énorme qu’on re¬ marque dans certaines masses salines de l’ Allemagne. Mais s’il y a beaucoup de sel qui est déposé par l’effet de l’évaporation , il y en a aussi qui est en relation avec les phénomènes volcaniques ; telle paraît être, par exemple, la grande source salée que M. Rus- segger, le savant voyageur de l’Orient, a observée sur l’île de Milo, dans un sol volcanique, et près d’une solfatare (t). D’ailleurs je ne saurais admettre que le sel en général se soit trouvé à l’origine tout formé à la surface. Pour celui de l’ Allemagne, l’analogie de gisement avec le gypse me fait conclure à une analogie de forma¬ tion. Cette supposition s’accorde également avec l’origine présumée des dolomies ; elle en acquiert et donne en même temps à cet ori¬ gine une plus grande vraisemblance. § 5- Essai d’une explication rationnelle de la formation des calcaires magnésiens et du sel dont nous venons de parler. Les circonstances géologiques nous prouvent que les calcaires magnésiens sont, comme les gypses, d’origine métamorphique. Toutes les probabilités se réunissent encore pour indiquer que le sel gemme intercalé entre ces autres dépôts de l’ancienne forma¬ tion du zechstein est du à des causes peu différentes. Ce fait est incontestable pour les gypses et pour les dolomies ; il est vraisem¬ blable pour les sels. ]Nous serions trop heureux de pouvoir parvenir à l’expliquer en démontrant sa nécessité par des considérations salifères superficiels des plaines au nord-ouest de la mer Caspienne et de certaines localités des environs de la mer Noire, au dessè¬ chement de ces plaines, occupées autrefois par une mer plus vaste , qui se serait opéré à la suite d’une évaporation lente , inconstante dans ses résultats, et donnant lieu à de nombreuses oscillations dans l’étendue de cette mer, jusqu’à la fixation complète de la limite des eaux actuelles. Les eaux des étangs et des lacs, séparées alternative¬ ment du bassin de la mer à la manière de certaines limanes actuelles de la mer Noire, devenaient toujours plus salées par les inondations succes¬ sives qui apportaient des eaux salines , et par l’évaporation qui les dis¬ sipait pendant les grandes chaleurs de l’été [Les steppes de la mer Caspienne , le Caucase , la Crimée et la Russie méridionale , par M. X. Hommaire de Hell, t. III , chap. xi). (1) Noue. ami. de géol. et min. de Leonhard et Broun , pour 1 840. 856 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. théoriques. Malheureusement les conditions chimiques et phy¬ siques qui ont accompagné l’origine de ces roches nous sont trop peu connues , et nous en sommes réduits à faire des hypothèses sur les corps qui se trouvaient réellement en présence à ce mo¬ ment, sur leur état, sur la température à laquelle ils étaient sou¬ mis, etc. Ce serait donc de la présomption que de vouloir bâtir une théorie complète sur ce sujet. Mais nous pouvons essayer, même d'après nos connaissances actuelles, de répondre à quelques chimistes et à quelques géologues , qui , en se fondant plutôt sur leurs connaissances propres et théoriques que sur une étude patiente de l’état des lieux et de la nature, ont traité , je crois , avec trop peu de faveur les opinions encore susceptibles de développement , il est vrai , de M. de Buch , et celles qui ont attribué certaines dolomies à une métamorphose par la voie humide. Dolomies accompagnant les gypses formés par voie sèche. — Ar¬ rêtons-nous aux dolomies proprement dites , aux dolomies com¬ plètes. Nous supposerons , avec M. Elie de Beaumont , que dans ces roches un atome de dolomie, Ca 0 , C O1 2 + JVlg 0 , C 02, a remplacé deux atomes de calcaire CaO, CO2 + CO, C02; ce qui , du reste , est parfaitement en rapport avec l’état fragmen¬ taire que présentent les calcaires magnésiens (1). A quel état la (1) Nous ne pouvons nous empêcher de rappeler, à ce sujet, les paroles que M. Elie de Beaumont prononçait dans la séance de notre Société du 6 mars 1837, qui relient d'une manière remarquable l’as¬ pect géognostique de ces roches dans la nature, avec les spéculations chimiques que I on peut faire sur leur origine « L’hypothèse qui attribue à une épigénie l'origine des dolomies » caverneuses et fendillées, telles que celles du Tvrol et de Nice , se » prête , elle aussi, comme celle de l’épigénie des gypses, au contrôle » des calculs atomistiques. Une partie des Polypiers qui existent (à »Gerolstein, Eiffel) dans le système silurien se trouvent à l’état de «dolomie cristalline et caverneuse, et ont cependant conservé leur » forme générale, et même des traces reconnaissables des dessins déli— » cats de leur surface. Ces Polypiers, primitivement calcaires, ont « donc évidemment subi une épigénie qui, quel que puisse avoir été » l’agent chimique qui l’a produite, a amené une légère diminution « plutôt qu’une grande augmentation de volume. On satisfera pleine- * ment à cette condition en supposant que l’épigénie qu’a eu à subir la 857 SÉANCE DU 17 MAL 18/|7. magnésie peut-elle s’ètre ainsi introduite dans la masse meme des calcaires? Difficilement à l’état solide. On croyait autrefois que la cémentation de l’acier sc faisait par une compénétration des molé¬ cules solides de deux corps mis en contact à une température donnée; mais après le Mémoire classique de M. Le Play (1) , une telle opinion n’est plus discutable. D’ailleurs la magnésie ne pour¬ rait être arrivée de l’intérieur de la terre à l’état solide. Malheu¬ reusement la magnésie elle-même et son carbonate sont fixes , et nous ne connaissons aucune combinaison magnésienne qui soit complètement volatile. La plupart des chlorures sont volatiles , d’autres se fondent sans qu’il nous soit possible de les vaporiser ; et le chlorure de magnésium est précisément dans ce dernier cas. Mais le point de volatilisation est . comme celui de fusion , très variable , et il se pourrait très bien que ce qui n’est pas volatil dans nos laboratoires , le fût bientôt à des températures un peu plus élevées. C’est pourquoi nous ne saurions rejeter complètement l’idée que le carbonate de magnésie ait pu être rendu gazeux. Quant au chlorure de magnésium , il est en notre pouvoir de le rendre volatil ; il suffit pour cela de le placer dans des conditions » substance calcaire primitive de ces Polypiers a eu finalement pour » résultat de remplacer chaque double atome de carbonate de chaux r> Ca C -f- Ca C, pesant 1264,912, par un atome de dolomie » Ca C -f— Mg C , pesant 1 1 67,246. Dans ce mode d’épigénie, 1 mètre » cube de calcaire, pesant 2750 kilogrammes, aura donné 2537k,l,6 » de dolomie; et la pesanteur spécifique de la dolomie étant 2,878, » ces 2537kil,6 auront occupé un volume de 0m, 88175. Ainsi il y » aura eu retrait, et les interstices laissés par l’épigénie auront eu un » volume de 0m,1 1 825 ou d’environ de celui de la masse calcaire » transformée. Ce résultat répond pleinement à l’état caverneux de la » dolomie des Polypiers de Gerolstein , et de plus, il répond aussi à » l’état si remarquablement caverneux et fendillé de ces masses colos- » sales de dolomie du Tyrol, de Lugano, de la Franconie, etc., pour f> lesquelles l’hypothèse de l’épigénie a été proposée depuis longtemps » par M. Léopold de Buch. » {Bull, géol . , t. VIII.) (1) La cémentation de l’acier était une pierre d’achoppement pour toutes les théories chimiques; c’était une anomalie au grand précepte connu jusque là par les alchimistes : corporel non agunt nisi soluta (là l’état liquide ou gazeux). M. Le Play, en prouvant qu’elle se fait à l’aide de l’oxyde de carbone, a fait rentrer ce phénomène dans l’ordre des lois naturelles ; il a produit à ce sujet une véritable révolution dans les idées. (Voyez le Mémoire de M. Le Play, Ann. des mines , 3e sér., t. XIX, p. 267. 1841.) _ •* 1» A 858 SÉANCE DU 17 MAI 1847. où des vapeurs ou des gaz puissent l’entraîner mécaniquement par leur courant. Dans la nature, les dolomies portent l’empreinte du passage des gaz ; elles sont presque toujours associées aux gypses , et ceux-ci sont accompagnés de sel marin. Le chlore n’a donc pas été bien étranger à la formation de ces terrains ; et , d’un autre côté , les gaz sulfureux qui ont formé le gypse ont pu entraîner la magnésie qui se serait trouvée dans les profondeurs à l’état de chlorure. Il a dû en résulter dès lors avec le calcaire une double décomposition partielle ; nous avions : Mg, Ch2 -f 2 Ca O , CO2; il s’est fait : CaO, CO2 + MgO, CO2, plus une molécule du chlorure de calcium qui , étant déliques¬ cent , ne saurait plus se trouver dans les roches de la surface. Dolomies et sel accompagnant les gypses anciens formés par voie humide. — L’association des gypses, des calcaires magnésiens ou dolomies , et dusel marin, en lentilles alternantes et s’enchevêtrant réciproquement dans la formation du zechstein , nous prouve que ces dépôts pouvaient se former indifféremment à peu de distance et peut-être même eontemporainement dans la même mer. Cela s’explique parfaitement , si nous supposons la présence dans les eaux des carbonates de soude et de chaux , et l’émission simul¬ tanée d’émanations d’acide sulfureux et d’acide hydroehlorique ou de chlore avec du chlorure de magnésium par les soupiraux existant au fond de la mer ; et si l’on admet que l’abondance re¬ lative de chacun de ces corps a varié souvent pendant le cours des émanations, tantôt l’acide sulfureux étant prépondérant, tantôt le chlore, tantôt le chlorure de magnésium. Ce qui devrait résulter d’un pareil mélange de corps qui se trou¬ veraient en présence dans un liquide aqueux , à une température bien certainement au-dessus de la chaleur tempérée et dans des proportions variables , est clair pour tout le monde. Le chlore , lorsqu’il existe, viendra en aide à l’oxygène de dissolution; il complétera l oxidation de l’acide sulfureux aux dépens de l’eau. Les carbonates de soude et de chaux , attaqués dans les eaux où ils se trouvaient en dissolution ou en suspension , par les acides chlorhydrique et sulfurique , se décomposeront en partie , et il se 859 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. dégagera de l’acide carbonique. La soude pouvant former avec le chlore un sel moins soluble que la chaux , c’est sur lui qu’elle se portera de préférence ; par la même raison , la chaux se combinera plutôt avec l’acide sulfurique ; l’hydratation du sulfate anhydre , favorisée par la présence des eaux , se fera au même moment. Le chlorure de magnésium , inattaquable au milieu d’un excès de chlore, remplacera plus loin une partie du calcaire. Suivant l’a¬ bondance locale de l’acide sulfurique , du chlore ou du chlorure de magnésium , il se formera du gypse , du sel ou des dolomies. Un genre d’action une fois commencé, il se développera jusqu’à ce qu’une grande diminution dans la quantité du gaz agissant , ou l’abondance croissante d’éléments différents , viennent changer les conditions ambiantes. Voici , réduites à leur plus simple expression , les réactions qui ont dû se passer, et, j’ose le dire , que, d’après l’ensemble des phénomènes de gisement et géologiques , nous pouvons affirmer s’être passées au fond des anciennes mers permiennes ou au milieu des formations pins récentes disloquées de l’Allemagne du centre et septentrionale. Ces réactions s’appuient et s’expliquent mutuel¬ lement. L’émanation des gaz sulfatisants et du chlore ou de l’a¬ cide hydrochlorique a rendu possible l’arrivée des vapeurs magné¬ siennes ; l’intervention du chlore ou de l’acide hydrochlorique a facilité l’oxydation de l’acide sulfureux et la décomposition du cal¬ caire. La présence d’autres éléments , tels qüe le potassium , le brome , l’iode , le bore , le sélénium , etc. , qui ont du également accompagner, mais en de petites quantités , les émanations méta¬ morphosantes , ont pu compliquer, mais non altérer, la marche générale du phénomène. Le carbonate de soude étant soluble , se trouvait abondamment dans les mers du zechstein ; il s’y est fait d’énormes dépôts de sel. Ne pouvant exister dans les roches plus récentes qui étaient déjà solides , émergées, et exposées de¬ puis longtemps à l’action des eaux atmosphériques , le sel n’a pu s’y produire ; les vapeurs de chlore ou d’acide hydrochlorique se sont alors répandues dans l’atmosphère et ont été absorbées par les eaux. C’est pourquoi le chlorure de sodium accompagne le gypse de voie humide et manque à côté du gypse de voie sèche , comme l’anliydrite se trouve plutôt au milieu de ce dernier et ne se montre avec le premier que dans les cas complexes où les deux actions se sont ajoutées (1). (1) D’après la manière dont se comporte le sulfate de chaux avec la chaleur, l’anhydrite a pu encore, dans certains cas, être le résultat 860 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. Nous finirons ce paragraphe par une remarque qui pourra don¬ ner lieu peut-être à quelques réflexions. C’est la superposition presque sans exception et clans toutes les formations , des calcaires magnésiens et des dolomies au-dessus du gypse , tandis que le sel se trouve généralement à la partie inférieure. L’explication de ce fait, dont je ne sais pas assez jusqu’à quel point il soit général, est beaucoup plus facile dans le métamorphisme par la voie sèche que dans celui par la voie humide. § 6. Conclusion . La discussion que nous venons d’engager se rattache de bien près à celle du métamorphisme des roches en général. Si je vou¬ lais rappeler ici tous les savants qui, de près ou de loin , et sous des points de vue différents, ont traité de ces questions, je sorti¬ rais bientôt du cadre de ce Mémoire. Car le nombre des géologues qui s’en sont occupés , et même de ceux qui ont adopté partielle¬ ment des idées plus ou moins analogues, est très grand. Dès 1779, Arduino , frappé par les conditions de gisement des dolomies , et malgré l’état où se trouvait alors la chimie, et l’ignorance com¬ plète où l’on était à l’égard de la véritable composition des corps , avait positivement annoncé , dans un journal paraissant à Venise, que la dolomie , qu’il croyait alors être de la magnésie (1) , n’était due qu’à une altération du calcaire. AI. de Ifucli , de son côté , conduit par l’observation des faits , établit sa célèbre théorie de la dolomitisation. Cependant les théories du métamorphisme des roches de sédi¬ ment , cet enfant des écoles italienne et écossaise , étaient de plus en plus généralement acceptées , et venaient répandre la lumière et mettre de l’ordre dans ce chaos wernérien , auquel on avait su donner habilement des teintes si régulières. MM. Al. Brongniart, Elie de Beaumont, Dufrénoy, Bout*, Backewell, Savi, Studer, Sis- monda, etc., apportaient de nouveaux faits et de nouveaux dévelop¬ pements à l’appui de ces théories, que Hutton, Playfair et Mac-Cul- loc avaient défendues ; ils les renfermaient dans les limites du vrai d’une déshydratation du gypse lui-même et d’une recristallisation confuse du sulfate de chaux anhydre, fondu partiellement à de hautes températures, et refroidi avec une lenteur extrême. (1) Ce n’est que beaucoup plus tard que Klaproth et surtout Vau- quelin ( Journal des mines , t. XVI , p. 77, an xn) ont reconnu sa composition véritable. 861 SÉANCE DU 17 MAI 1847. et de la réalité. Les idées sur l’origine de nos dépôts anormaux suivaient de près tous ces progrès. M. Forchh animer attribuait une formation métamorphique aux gypses du Holstein et de la Zélande ; M. Dufrénoy regardait comme contemporaine de l’apparition des ophites l’origine des dépôts anormaux qu’on rencontre dans les terrains de craie des Pyrénées ; on dirait même que ce savant il¬ lustre a voulu dès lors établir nos deux groupes de gypses , ceux formés par la voie humide et ceux formés par la voie sèche , car il insiste sur ce « qu’il ne faut pas confondre ces gypses accidentels » associés aux ophites , aux sources salées, et aux cargneules , avec » les gypses tertiaires stratifiés régulièrement (1). » M. Elie de Beaumont consignait , dans le huitième volume de notre Bulletin , toute une série de considérations et de calculs du plus haut inté¬ rêt sur la dolomitisation et sur la formation des gypses. 11 profes¬ sait en 1833, au Collège de France, les théories du métamorphisme normal , qui venaient s’ajouter à celles des altérations acciden¬ telles. M. Boue défendait, de son côté, l’origine chimique des gypses et des dolomies; il osait même y ajouter le sel gemme. Peu de personnes ont contribué à propager la vérité sur ce point autant que M. Boué. MM. Beudant, C. Prévost, Desnoyers, Le Play, de Collegno , Coquand, Tirlet, d’Arcliiac , Pareto , Gueymard, etc., ont fait d’excellentes observations sur ces sujets , et ont tous adopté plus ou moins complètement cette idée fondamentale d’une ori*- gine métamorphique de nos dépôts anormaux. En présence des observations que nous venons de faire nous- mêmes , en présence des opinions émises par un si grand nombre de géologues, qui tous, quoique divergeant quelquefois, il est vrai , dans l’explication du phénomène , ont été amenés par l’étude de la nature à accepter pour nos dépôts, soit partiellement, soit en totalité , des idées peu différentes de celles que nous défendons, nous osons avouer que notre conviction est arrêtée. D’après les faits que nous a offerts l’étude de l’Allemagne cen¬ trale , nous nous croyons donc fondés à conclure : Que les gypses de ce pays se présentent de deux manières di¬ verses dans les terrains secondaires : en petits massifs isolés au milieu des terrains du trias, du jura ou de la craie , et en larges lentilles interposées dans les dépôts permiens supérieurs. Que dans l’un et dans l’autre cas , ces gypses sont toujours stratifiés, et qu’ils sont constamment accompagnés de dolomies, qui participent de la nature de leur gisement. Que les sources salées et le sel gemme (1) Ann. des mines , 3e sér., t. Tl ,p. 28. 862 SÉANCE DU 17 MAI 18A7. y accompagnent le gypse du zechstein ; mais qu’il n’est pas à notre connaissance qu’il s’en trouve d’associés aux gypses plus récents. Que l’anhydrite n’accompagne le gypse ancien que dans certaines positions particulières, comme, par exemple , à la limite des ter¬ rains de transition (Mannsfeld , Lauterberg). Que le soufre ne se trouve avec les gypses du pays qu’en très petite quantité et rare¬ ment. Que les gypses anciens du premier groupe , interstratifiés avec des calcaires bitumineux ou magnésiens en grandes lentilles en¬ chevêtrées parmi les terrains du zechstein , et sms fossiles , recon¬ naissent leur origine de la voie humide ; qu’ils sont dus à la préci¬ pitation du calcaire renfermé dans les eaux de ces mers anciennes par des émanations venues au moyen de fentes de l’intérieur de la terre ; que des causes analogues ont produit la dolomie et le sel qui les accompagnent ; que leur production au fond des mers a varié de proportions suivant que les gaz sulfatisants , magnésiaques ou salins arrivaient tour à tour en plus grande abondance , ou suivant qu’il se trouvait dans les eaux une plus grande quantité de carbo¬ nate de chaux ou de carbonate de soude ; que c’est précisément au mélange toujours présent d’une petite proportion de ces divers agents , de la chaux , de la soude , des acides sulfureux et carbo¬ nique , du chlore et du chlorure de magnésium, etc., que l’on doit attribuer la facilité avec laquelle les réactions ont pu com¬ mencer (1). Que les gypses plus récents du deuxième groupe placés par petits inassifs à la limite des terrains primaires ou dans les axes des rides, et quelquefois même dans les axes des vallées des formations secon¬ daires ; intercalés dans les calcaires de ces formations postérieures au zechstein et faisant suite aux couches de ces calcaires , renfer¬ mant des débris de corps organisés transformés en gypse , ou d’au¬ tres substances accidentelles se rapportant aux calcaires des forma¬ tions respectives , possédant chacun un faciès minéralogique prononcé qui les rapproche de ccs mêmes calcaires , sont dus à la transformation d’une partie des couches de chaux carbonatée ren¬ fermées dans les terrains de sédiment. Que cette transformation a (1) Nous savons, par la chimie, qu’il suffît de l’intervention de quelques atomes d’un corps étranger, quelquefois même de la simple application de la lumière, ou d’une simple action de présence, pour déterminer la combinaison de deux substances données, qui sans cela n’opéreraient jamais leur réunion , et que la réaction une fois com¬ mencée se poursuit par elle-même avec la plus grande facilité. SÉANCE DU 17 MAI 18^7. 863 du avoir lieu après le dépôt et la solidification de ces couches , et probablement après leur émersion. Qu elle a du donc s’effectuer par la voie sèche , et par suite de l’arrivée d’émanations de l’inté¬ rieur à une haute température. Qu’ici , comme dans les mers du zechstein , les calcaires magnésiens ou le sel ont pu et ont dû se former d’une manière analogue ; que si l’on ne trouve pas de sel , c’est que , faute de la présence de la soude , il ne s’en est pas formé, ou qu’il n’a été produit qu’en de très petites quantités, et qu’il n’y existe plus. A la suite de quelque grand bouleversement des fentes se sont produites dans le sol, au fond de l’ancienne mer du zechstein. Des émanations gazeuses sont arrivées par ces soupiraux. Partout ou leur action était sensible, la vie organique a été détruite; le cal¬ caire ou le nation qui se trouvaient dans les eaux ont été précipités à l’état de chaux carbonatée , de sel , de gypse ou de calcaires ma¬ gnésiens. Lorsque les précipités encombraient l’un des soupiraux , les autres continuaient leurs émissions , mais la nature de ces émis¬ sions n’était pas constante ; de là l’enchevêtrement des différents dépôts. Lorsque toutes les fentes furent bouchées , l’action a cessé ; elle a été nulle jusqu’à ce qu’une nouvelle révolution eût réouvert les conduits. Le grand cataclysme post-crétacé, qui, plus que tout autre, paraît avoir disloqué le sol de ces contrées , a donné lieu à une nouvelle émission de vapeurs et au commencement de la for¬ mation des dépôts anormaux des terrains secondaires plus récents. L’émission de ces vapeurs a pu se continuer pendant une ou plu¬ sieurs des périodes tertiaires , et s’ils étaient arrivés dans des eaux , ils auraient pu donner lieu à des dépôts stratifiés analogues à ceux du zechstein. L’hydratation du gypse s’est faite contemporaine- ment dans la transformation par voie humide ; elle a pu se faire en même temps, mais elle s’est opérée plus probablement après coup, dans la transformation par la voie sèche. Les bosses que les rides présentent sur plusieurs points du pays , sont dues au gonlleinent produit par la gypsification dans les endroits de ces rides où il y avait une émission de vapeurs métamorphosantes. Il a pu se for¬ mer en même temps , et par les gaz sortant d’une même cheminée , la transformation par voie sèche des calcaires encaissant la fissure , et celle par voie humide dans les eaux superficielles lorsque les va¬ peurs étaient amenées en dernier lieu dans la mer ou dans un lac. Le métamorphisme par voie sèche a pu s’ajouter au métamor¬ phisme par voie humide, lorsque des vapeurs, arrivant par des fentes réouvertes à travers des dépôts de gypse ou de dolomies in- 86/i SÉANCE DU 17 MAI 1 8/|7 . terstratifiés avec des calcaires, ont étendu ou complété la trans¬ formation. L’anliydrite a pu se former, soit à cause du défaut d’eau, et du premier coup dans le métamorphisme par voie sèche , soit après , par suite d’une déshydratation du gypse par la chaleur, et d’une fusion et refroidissement lent du sulfate qui en résultait. Dans ce dernier cas, elle n’est plus qu’un produit de ce métamorphisme ordinaire qui a donné lieu aux calcaires cristallins et saccharoïdes. Le soufre déposé avec les gypses de nos pays est en si petite quantité , que je ne crois devoir le regarder que comme un effet des réactions sulfatisantes à l’époque du métamorphisme. * M. Elie de Beaumont lit la note suivante : Note sur les systèmes de montagnes les plus anciens de VE urope , par M. L. Elie de Beaumont. J’ai eu plus d’une fois l’occasion d’entretenir la Société des re¬ cherches dont je continue à m’occuper relativement aux systèmes des montagnes de différents âges et de directions différentes qui sillonnent la surface du globe, et particulièrement celle de l’Eu¬ rope. Mon premier travail sur cette matière, lu par extrait à l’Aca¬ démie des sciences, le 22 juin 1829, était intitulé: Recherches SUR QUELQUES UNES DES REVOLUTIONS DE LA SURFACE DU GLOBE, pré-" sentant différents exemples de coïncidence entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes , et les changements soudains qui ont produit les lignes de démarcation qu’on observe entre certains étages consécutifs clés terrains de sédiment. Les exemples de ce genre de coïncidence dont j’avais cru pou¬ voir entretenir l’Académie étaient au nombre de quatre seulement ; c’étaient ceux qui se rapportent aux systèmes de la Côte-d’Or , des Pyrénées , des Alpes occidentales et de la chaîne principale des Alpes. J’y joignais, mais sous une forme hypothétique, un aperçu sur l’origine plus récente du système des Andes. Les systèmes dont je viens de parler figurent seuls dans le Rap¬ port que M. Brongniart a fait à l’Académie sur mon travail , le 26 octobre 1829, et dans l’article que M. Arago a bien voulu lui consacrer dans X Annuaire du bureau des longitudes pour 1830. J’avais cru devoir me borner d’abord aux exemples de coïnci¬ dence qui me paraissaient alors les plus frappants et les plus incon- 805 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. testables ; mais en imprimant mon Mémoire in extenso clans les Annales des sciences naturelles , t. XVII î et XIX (1829 et 1830) , je n’ai pas négligé d’indiquer en note d’autres exemples du même genre de coïncidence , qui avaient déjà à nos yeux un assez grand caractère de certitude pour mériter d’être enregistrés; car j’étais convaincu que le rapprochement général que je cherchais à établir entre les révolutions de la surface du globe et l’apparition succes¬ sive d’autant de systèmes de montagnes diversement dirigés pa¬ raîtrait d’autant moins hasardé que je pourrais citer un plus grand nombre d 1 exemples de coïncidence. Par l’effet de ces indications subsidiaires, le nombre des exemples de coïncidence se trouvait déjà porté à neuf, sans parler du sys¬ tème des Andes ; mais là ne s’arrêtaient pas mes espérances , car je disais [Annales des sciences naturelles , t. XIX , pag. 231 , 1830) : «Quand même les recherches dirigées vers ce but auraient été » poursuivies pendant longtemps , il serait difficile que le nombre » des connexions de ce genre qu’on aurait reconnues présentât » quelque chose de fixe et de définitif. Outre les quatre coïnci- » clcnces auxquelles j’ai consacré les quatre chapitres de ce mé- » moire, j’en ai ensuite indiqué d’autres dans les notes qui y » sont ajoutées; et ces premiers résultats, s’ils sont exacts, ne » seront peut-être encore que la moindre partie de ceux qu’on » peut prévoir lorsqu’on considère combien d’autres interruptions » présente la série des dépôts de sédiment, et combien d’autres » systèmes de montagnes hérissent la surface du globe. » Le même volume contient une planche coloriée (pl. III) qui est intitulée : Essai d'une coordination des âges relatifs de certains dépôts de sédiment , et de certains systèmes de montagnes ayant cha¬ cun leur direction. Cette planche, qui était le tableau graphique de mes premiers résultats, présentait, rangés de gauche à droite, neuf systèmes de montagnes ( sans compter celui des Andes ) , tous dé¬ signés suivant la méthode dont je me suis fait une règle constante, d’après des motifs que j’ai indiqués, non par des numéros d’ordre, mais par des noms géographiques. Et pour compléter l’expression de ma thèse fondamentale , j’y avais fait graver la note suivante : « On a laissé en blanc les montagnes dont la place dans la série n’est » encore que présumée : de vastes systèmes tels que ceux des côtes » de Mozambique et de Guinée ont même dû être complètement » omis; mais les modifications qu’on peut prévoir dans cette série » provisoire la changeraient difficilement au point de porter direc- » tement à croire quelle soit terminée , et que l’écorce minérale Soc. géol. , 2e série, tome IV. 55 866 SÉANCE DU 17 MAI 1847. » du globe terrestre ait perdu la propriété de se rider successive- » ment en différents sens. » Depuis lors cette série provisoire a reçu plusieurs termes nou¬ veaux qui s’y sont ajoutés ou intercalés sans en changer la forme générale , et sans modifier en rien les inductions auxquelles elle conduit si naturellement. Le but que je me propose aujourd’hui en appelant de nouveau l’attention de la société sur ce sujet, est d’étendre encore la série provisoire dont je viens de parler par son extrémité inférieure , c’est-à-dire par celle qui se rapporte aux phénomènes les plus anciens. Sur la planche coloriée que j’ai citée il y a un instant (. Annales des sciences naturelles, t. XIX, pl. III, 1830), j’avais fait graver une seconde note ainsi conçue : « On a figuré ici des fougères et des » prêles arborescentes , des lépidodendrons , pour rappeler que les » végétaux de cette nature , dont les débris enfouis ont produit la » houille , avaient crû sous nos latitudes peu de temps après le plus » ancien redressement de couches figuré dans le tableau', d’où il » suit que dès lors nos contrées se trouvaient dans des circonstances » climatériques dont nous pouvons nous faire quelque idée. » Ce plus ancien redressement de couches figuré dans le premier tableau graphique des résultats de mes recherches était celui des collines du Bocage (Calvados), où j’ai trouvé les premiers indices du système des ballons et des collines du Bocage dont je n’ai pu fixer que plus tard, d’une manière précise, la direction et 1 âge relatif. Aussitôt que l'observation m’a permis de définir d’une manière complète le système des ballons et des collines du Bocage , j ’ai aperçu qu’il existait des systèmes de dislocation plus anciens , et d’une direction différente. L’un de ces systèmes a été mis en lumière dès 1831 par M. le professeur Sedgwick , et il figure déjà sous le nom de système du Wcstmoreland et du Hundsruck dans l’extrait de mes recherches qui a été imprimé en 1833 , dans la traduction française du Ma¬ nuel géographique de M. de la Lèche, publiée par M. Brochant de Villiers, et en 1834 dans le IIIe volume du Traité clc géognosie de M. Daubuisson de Yoisin, continué par M. Arnédée Burat, p. 282. Mais je ne me suis pas arrêté à ce premier pas : je n’ai rien né¬ gligé pour en faire de nouveaux dans cette voie rétrospective qui conduit aux premiers temps de l’enfance du globe terrestre et du règne organique; malheureusement ces pas ont été lents, parce que les traces des ridements successifs de l’écorce terrestre sont d’autant 807 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. plus méconnaissables et plus cachées qu’ils sont plus anciens. Enfin je crois pouvoir indiquer dès aujourd’hui dans ma série quatre termes plus anciens que le plus ancien redressement de couches figuré dans mon premier tableau , et je conserve l’espérance que des recherches ultérieures nous feront pénétrer plus loin encore dans la nuit des premiers temps géologiques. Depuis quelques années les géologues ont marché dans cette direction avec une ardeur toute spéciale. C’est en effet dans le do¬ maine des terrains fossilifères anciens , antérieurs au calcaire car¬ bonifère , que la géologie a fait récemment dans les deux hémi¬ sphères les conquêtes les plus importantes. Elle les doit particuliè¬ rement aux travaux de MM. Murchison et Sedgwick, en Angleterre, à ceux de MAI. Murchison, Sedgwick, de Yerneuil et d’Arcliiac dans les provinces rhénanes, de MM. Murchison, de Yerneuil et de Keyserling en Russie et dans les monts Oural , des géologues américains et de AIM. Lyell et de Yerneuil dans les contrées transatlantiques. Je suis parti des faits connus. Je ne pouvais devancer ces vastes conquêtes, mais ma théorie aurait manqué d’un des éléments les plus essentiels de la vitalité scientifique , la faculté des progrès , si elle n’avait pas été apte à faire un pas immédiat à la suite des magnifiques résultats obtenus par nos savants amis. J’essaie au¬ jourd’hui de faire ce pas, et je suis heureux de pouvoir le tenter sous les yeux mêmes de AI. Murchison, dans une séance honorée aussi de la présence de notre maître illustre et chéri AI. Léopold de Buch. J’ai préparé lentement , au fur et à mesure des observations , les éléments de ce nouveau progrès. Tant qu’elles ont manqué de précision et d’ensemble, j’ai dû m’abstenir d’arrêter complètement l’esquisse de la partie correspondante de mon tableau, et je me suis borné à indiquer l'existence d’un système de dislocations an¬ térieur à celui des ballons et des collines du Bocage , auquel j'ai assigné la direction hora 3-4 de la boussole de Freyberg, c’est-à- dire celle que M. de Humboldt avait assignée dès 1792 aux ro¬ ches schisteuses de l’Allemagne. AJais cette désignation ne répon¬ dait pas à celles que j’avais données pour les autres systèmes de dislocation dont j’ avais fixé les orientations en degrés. Celle-ci comprenait toutes les directions plus rapprochées des heures 3 et 4 de la boussole que des autres heures, c’est-à-dire toutes celles comprises entre l’E. 22° | N. et l’E. 52° N., de manière qu elle s’appliquait également bien aux roches schisteuses des environs de Brest, dirigées E. 25° N. et aux roches schisteuses des mon- 868 SÉANCE LU 17 MAI 1847. tagnes des Mauves et de l’Estérel , dirigées moyennement à TE. 46° N. Cette trop grande généralité indiquait un état de choses provi¬ soire dont j’essaie de sortir aujourd’hui , en montrant que les orientations qui sont comprises dans la désignation hora 3-4 , ou qui approchent beaucoup d’y rentrer, constituent trois groupes distincts à la fois par leurs directions et par leurs âges relatifs , et comparables aux systèmes de montagnes plus anciennement définis des époques subséquentes. En joignant à ces trois systèmes celui que M. Rivière a indiqué depuis quelques années sur les côtes S. -O. de la Vendée et de la Bretagne, comme étant dirigé à peu près au N. -O. et d’une date très ancienne , nous aurons les quatre termes de ma série qui me paraissent pouvoir être indiqués dès aujourd’hui comme antérieurs au système des ballons et des collines du Bocage. Pour parvenir à disséquer et à analyser convenablement un ensemble d’observations aussi complexe que celui qu’on possède aujourd’hui sur les directions des roches stratifiées anciennes, il est indispensable de procéder avec méthode et précision. Bans la plupart des travaux de ce genre dont j’ai publié les résultats , j’ai employé un procédé graphique dans lequel j’ai fait usage d’une projection stéréo graphique sur l'horizon du Mont-Blanc , que j’ai calculée et fait graver exprès dès les premières années de mes re¬ cherches, et dont je me suis constamment servi depuis lors dans mes cours. Cependant comme je ne pourrais faire entrer cette pro¬ jection dans le Bulletin , et comme je désire placer complètement sous les yeux de la Société tous les éléments de la discussion à la¬ quelle je vais me livrer, je procéderai cette fois par la voie du calcul. La méthode graphique et la méthode trigonométrique ont cha¬ cune leurs avantages. La méthode graphique en a un qui me paraît inappréciable, celui de parler aux yeux , qui , pour des tâtonnements géomé¬ triques , sont toujours les premiers et les plus délicats des ins¬ truments ; mais elle semble au premier abord moins précise que l’autre , quoique , dans la réalité , sa précision soit au moins égale à celle des observations mêmes auxquelles on l’applique. La méthode trigonométrique , plus lente , et réellement plus ri¬ goureuse , donne surtout avec plus de sûreté le résultat moyen d’un grand nombre d’observations. 11 semble d’ailleurs qu’on se trouve plus naturellement porté à se servir de la méthode graphique lorsqu’on a à combiner de SÉANCE DU 17 MAI 18/17. 8(39 grands traits orograpliiques fortement" dessinés sur les cartes, et à suivre au contraire la voie du calcul lorsqu’on a à réduire à une moyenne de nombreuses observations exprimées directement par des chiffres, telles que celles qu’on peut faire sur les roches schis¬ teuses anciennes. Rien n’empêche au surplus, même lorsqu’on ne peut publier que l’un des deux modes de discussion , de s’aider aussi de l’autre dans les tâtonnements préliminaires, et c’est ce que je n’ai pas né¬ gligé de faire pour vérifier mes résultats. Lorsqu’on possède un grand nombre d’observations de direc¬ tion faites dans une contrée peu étendue , on peut aisément les assembler par groupes en dressant pour cette contrée une rose des directions suivant la méthode que j’ai indiquée , et dont j’ai donné un exemple dans l’explication de la carte géologique de France, t. I, p. âfil à 467. Le point délicat consiste à comparer et à com¬ biner sans erreur notable des observations faites dans des contrées plus ou moins éloignées. Les chaînes de montagnes et les couches redressées forment sur la surface du globe différents svstèmes dont chacun se fait remar¬ quer par le parallélisme qui existe approximativement entre ses divers éléments. La sphéricité de la surface du globe apporte des difficultés dans la définition et dans l’analyse de ce parallé¬ lisme si frappant pour les yeux ; et , comme je l’ai dit ailleurs (1) , v on sent bientôt la nécessité d’analyser cette première notion d’un » certain parallélisme avec assez d’exactitude pour que l’étendue » de l’espace , dans lequel ce parallélisme pourrait exister, ne soit » jamais dans le cas d’en mettre la définition en défaut. » Pour cela , il faut avant tout se rappeler que, lorsqu’on trace » un alignement quelconque sur la surface de la terre , avec un «cordeau, avec des jalons ou de toute autre manière, la ligne » qu’on détermine est la plus courte qu’on puisse tracer entre les >; deux points extrêmes auxquels elle s’arrête , et qu’ abstraction » faite de l’effet du léger aplatissement que présente le sphéroïde » terrestre , une pareille ligne est toujours un arc de grand cercle . »> Deux grands cercles se coupant nécessairement en deux points » diamétralement opposés ne peuvent jamais être parallèles dans (1) Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe (extrait imprimé dans la traduction française du Manuel géolo¬ gique de M. de La Bêche , publié par M. Brochant de Villiers . et dans le IIIe volume du Traité de géognosie de M. Dau.buisson de Voisin, continué par M. zâinédée Bu rat). 870 SÉANCE DU 17 MAI 1847. » le sens ordinaire de ce mot ; mais deux arcs de grand cercle » d’une étendue assez limitée pour que chacun d’eux puisse être » représenté par une de ses tangentes pourront être considérés » comme parallèles , si deux de leurs tangentes respectives sont » parallèles entre elles. C’est ainsi que tous les arcs de méridien » qui coupent l’équateur sont réellement parallèles entre eux aux «points d’intersection. En général, deux arcs de grands cercles » peu étendus , sans être même infiniment petits , pourront être » dits parallèles entre eux s’ils sont placés de manière à ce qu’un » troisième grand cercle les coupe l’un et l’autre à angle droit » dans leur point milieu. Par la même raison , un nombre quel- » conque d’arcs de grands cercles , n’ayant chacun que peu de lon- » gueur, pourront être dits parallèles à un même grand cercle de » comparaison , si chacun d’eux en particulier satisfait à la con- » dition ci-dessus énoncée par rapport à un élément de ce grand » cercle auxiliaire. Pour cela , il est nécessaire et il suffit que les « différents grands cercles qui couperaient à angle droit chacun de » ces petits arcs dans son milieu aillent se rencontrer eux-mêmes » aux deux extrémités d’un même diamètre de la sphère. Si cette » condition est remplie , et si en même temps tous les petits arcs » de grands cercles dont il s’agit sont éloignés des deux points » d’intersection de leurs perpendiculaires , s’ils sont concentrés » dans le voisinage du grand cercle qui sert d’équateur à ces deux » pôles , ils pourront être considérés comme formant sur la surface » de la sphère un système de traits parallèles entre eux. Les diffé- » rents sillons d’un même champ ou de deux champs voisins ne «peuvent jamais, à la rigueur, s’ils sont rectilignes, présenter » d’autre parallélisme que celui qui vient d’être défini , et cette » définition a l’avantage d’être indépendante de la distance à « laquelle ces deux champs se trouvent placés (1). » Le problème fondamental cpie présente un pareil système de petits arcs observés sur la surface du globe, où ils sont tracés par des crêtes de montagnes ou par des affleurements de couches , consiste à déterminer le grand cercle de comparaison à l’un des éléments duquel chacun des petits arcs observés est parallèle. Les petits arcs déterminés par l’observation, dont nous venon; de parler, peuvent généralement être considérés comme étant eux- mêmes des sécantes infiniment petites , ou des tangentes par rapport à autant de petits cercles résultant de l’intersection de la surface de la sphère avec des plans parallèles au grand cercle de comparaison (I ) Manuel géologique , p. 623, et F rai té de géognosie, t. III , p. 294. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 871 qui forme l’équateur de tout le système. Chacun de ces petits cer¬ cles est un parallèle par rapport à l’équateur du système , il a les mêmes pôles que lui et ces pôles sont les deux points où se coupent tous les grands cercles perpendiculaires aux petits arcs qui consti¬ tuent le système de traits parallèles déterminé par l’observation. Le problème auquel donne lieu un pareil système de traits pa¬ rallèles observé sur la surface du globe se réduit, comme nous venons de le dire , à déterminer ses deux pôles , ou , ce qui revient au même , son équateur ; c’est-à-dire le grand cercle de compa¬ raison auquel chacun des petits arcs observés peut être considéré comme parallèle. Cette détermination serait facile , et elle pourrait se faire d’après deux ou du moins d’après quelques observations seulement , si la condition du parallélisme était rigoureusement satisfaite ; mais comme elle ne l’est , en général , qu’ approximati¬ vement , la détermination du grand cercle de comparaison ne peut plus résulter que de la moyenne d’un grand nombre d’observa¬ tions combinées entre elles ; et tant que les observations ne sont pas très multipliées et répandues sur un grand espace , on ne peut que marcher vers cette détermination par des approximations suc¬ cessives. Afin de parvenir à résoudre le problème avec toute l’approxi¬ mation dont il est susceptible , on peut remarquer que si tous les petits arcs satisfaisaient rigoureusement à la condition de parallé¬ lisme que nous avons définie , les tangentes menées à chacun d’eux dans son milieu seraient toutes parallèles au plan du grand cercle de comparaison, qui est, comme nous l’avons déjà dit, l’équateur de tout le système. Dans ce cas , si , par un point quelconque de l’espace , on tirait des lignes droites respectivement parallèles aux tangentes menées aux petits arcs dans leur milieu, toutes ces droites seraient comprises dans un même plan , que deux quelconques d’entre elles suffiraient pour déterminer, et ce plan serait parallèle au plan du grand cercle de comparaison , équateur du système, et serait perpen¬ diculaire au diamètre de la sphère qui en joint les deux pôles. Mais en général la condition de parallélisme que nous avons définie n’est pas rigoureusement remplie par les petits arcs obser¬ vés , et par suite les tangentes qu’on peut mener à chacun d’eux par son point milieu ne sont pas parallèles à un même plan. Donc si , par un point quelconque , par exemple par l’un des points de la surface où on a observé , on mène des droites qui soient respec¬ tivement parallèles aux tangentes de tous les arcs observés , ces droites ne seront pas comprises dans un même plan ; mais elles 872 SÉANCE DU 17 MAI 18ZÏ7. formeront un faisceau aplati , et d’autant plus aplati que les petits arcs observés approcheront davantage de satisfaire à la loi du pa¬ rallélisme. On pourra alors faire passer par le point d’où partent toutes les droites qui composent ce faisceau un plan qu’on dirigera de ma¬ nière à représenter ce qu’on pourrait appeler la section principale de ce faisceau , c’est-à-dire de manière à ce que les sommes des angles formés par les sécantes de part et d’autre de ce plan soient égales entre elles et les plus petites possible. 11 est évident que le plan ainsi déterminé sera parallèle au plan du grand cercle de com¬ paraison auquel tous les petits arcs approcheront le plus d’être pa¬ rallèles et qui pourra être considéré comme Y équateur approximatif de tout le système et qu’il sera perpendiculaire à l’axe des pôles de cet équateur qui seront eux-mêmes les pôles approximatifs du système. Pour déterminer ce plan qui est en général celui d’un petit cercle, il suffit de déterminer, pour le point de la surface de la sphère qui forme le sommet du faisceau , une tangente à la sphère qui y soit comprise , et de fixer en même temps l’angle formé avec ce même plan par le rayon de la sphère qui aboutit au sommet du faisceau. Ces deux déterminations doivent être l’objet de deux opérations successives et distinctes. Il faut , avant tout , élaborer les éléments de la forme du faisceau dont la section principale détermine la position de tout le système sur la sphère terrestre. Pour cela on choisit parmi les points où les observations ont été faites un de ceux qui approchent le plus d’être le centre de figure du réseau formé par tous les points d’observation. Au besoin on prendrait même un point où aucune observation n’aurait été faite , mais qui serait le plus central possible par rapport à l’en¬ semble du réseau. Cette condition, qui, à la rigueur, n’est pas indispensable, devient cependant essentielle, ainsi que nous le verrons plus tard , lorsque , pour abréger les calculs , on se contente d’approximations. Par le point qu’on a choisi pour être le sommet du faisceau , et que nous nommerons centre de réduction % on imagine des droites respectivement parallèles aux tangentes menées à chacun des petits arcs observés dans son point milieu , et on prolonge ces droites par la pensée à travers la sphère terrestre jusqu’à ce qu’elles repa¬ raissent à la surface. Elles deviennent ainsi autant de sécantes de la sphère terrestre. Chacune d’elles sous-tend un arc de grand cercle qui part du sommet du faisceau et dont la grandeur et la position SÉANCE 1)U 17 MAI l8/l7. 873 peuvent être déterminées par la résolution de deux triangles sphé- riques dont nous aurons plus tard à nous occuper. Si tous les petits arcs observés faisaient rigoureusement partie d’un même système de traits parallèles , toutes les sécantes se trouveraient dans un même plan , et ce plan , qui déterminerait à lui seul tout le système , pourrait être nommé le plan directeur. Le plan directeur coupe le plan tangent à la sphère , au sommet du faisceau des sécantes, c’est-à-dire au point choisi comme centre de réduction , suivant une droite tangente à la sphère , qui repré¬ sente pour le sommet du faisceau la direction du système , et qu’on peut appeler la tangente directrice. Le plan directeur , qui est généralement celui d’un petit cercle , coupe le plan du grand cercle perpendiculaire à la tangente direc¬ trice , suivant une droite qui part du centre de réduction et qui rencontre l’axe des pôles du système. L’angle que forme cette droite avec le rayon de la sphère, qui aboutit lui-même au centre de ré¬ duction est égal à celui qu’elle forme avec le plan du grand cercle de comparaison , équateur du système , et pourrait être appelé 1 angle équatorial. L’angle équatorial E et l' angle A que la tangente directrice forme avec le méridien astronomique du centre de réduction déterminent à eux seuls tout le système. Ce sont ces deux angles A et E qu’il s’agit de déduire des obser¬ vations , c’est-à-dire des directions des petits arcs observés et de leurs positions sur la sphère terrestre. Si ces petits arcs étaient tous exactement parallèles à un même grand cercle de comparaison, les sécantes parallèles à deux d’entre eux suffiraient pour déterminer la position du plan directeur et par conséquent les deux angles cherchés A et E. Mais si , comme c’est le cas ordinaire , les petits arcs observés ne satisfont que d'une manière approximative à la condition du parallélisme avec un même grand cercle de comparaison , deux de ces petits arcs ne con¬ duiront pas exactement au même plan directeur que deux autres , et on pourra déterminer autant de positions du plan directeur qu’il y aura de manières possibles de combiner deux à deux les petits arcs observés , c’est-à-dire que si ces petits arcs observés sont m . m — 1 . au nombre de m , on aura - - - positions différentes du 2 m -, valeurs de l’angle A , plan directeur , et par conséquent formé par la tangente directrice avec le méridien du centre de ré- 87/i SÉANCE DU 17 MAI 18A7. m „ m ~ 1 duction , et - 2 j valeurs de l’angle équatorial E. Les valeurs de A et de E qui devront être employées s’obtiendront par une moyenne. On pourra cependant simplifier les calculs sans en changer le résultat d’une manière considérable , en prenant d’abord la moyenne de m . m valeurs de l’angle A formé par la tan¬ gente directrice avec le méridien du centre de rédaction , ce qui déterminera la position du grand cercle perpendiculaire à la tan¬ gente directrice; puis projeter les ni sécantes sur ce dernier plan et prendre la moyenne de leurs m positions , ce qui donnera la va¬ leur de b angle équatorial E. Mais le calcul , exécuté même de cette manière , serait encore d’une excessive longueur , et on n’aurait que bien rarement des observations de direction assez précises pour justifier une aussi longue élaboration. Il importe donc de simplifier ce travail au¬ tant qu’il soit possible de le faire , sans compromettre l’exactitude du résultat. Or , une propriété très générale des systèmes des petits arcs observés fournit un moyen de simplification très satisfaisant. Généralement tous les petits arcs observés sont compris dans une zone de peu de largeur, divisée en deux parties égales par un grand cercle qui est le grand cercle de comparaison ou l’équateur du système. Si donc on prend pour centre de réduction un point compris dans la zone occupée par les points d’observation et aussi central que possible par rapport à l’ensemble de ces points , ledit sommet ne pourra être très éloigné de la position encore inconnue du grand cercle de comparaison , équateur du système , et l’angle équatorial devra être très petit. On pourra par conséquent , sans commettre une très grande erreur, procéder d’abord pour obtenir au moins une première détermination approximative de l’angle A formé par la tangente directrice avec le méridien astronomique du centre de rédaction , comme si X angle équatorial E devait être nul , c’est-à-dire comme si le centre de réduction était placé sur le grand cercle de comparaison . S’il en était réellement ainsi , et si les petits arcs observés satis¬ faisaient rigoureusement à la condition du parallélisme , l’iine quelconque des sécantes déterminerait tout le système, et les arcs de grands cercles , sous-tendus par les diverses sécantes , seraient des parties cl’un même grand cercle qui serait le grand cercle de com - SÉANCE DU 17 MAI 1857. 875 pu rai son. L’angle formé par ce grand cercle avec le méridien astro¬ nomique du centre de réduction serait identique avec celui que forme la tangente directrice avec ce même méridien. Si les petits arcs observés ne satisfont pas rigoureusement à la condition d’être parallèles à un même grand cercle de comparaison , chacun d’eux donnera une valeur différente de l’angle formé par la tangente directrice avec le méridien astronomique ; et si les points d’observation sont en nombre /;?, on aura à prendre la moyenne de ces m valeurs. Cette première moyenne déterminera l’orientation de la tan¬ gente directrice , orientation qui est le plus essentiel des deux élé¬ ments cherchés. Ap rès l’avoir obtenue, il restera à déterminer Y angle équa¬ torial E formé par le plan directeur avec le rayon de la sphère passant par le centre de réduction , en projetant les m sécantes sur le plan du grand cercle perpendiculaire à la tangente directrice. La projection de chaque sécante se détermine par la résolution d’un triangle sphérique rectangle , dont l’arc sous-tendu par cette même sécante forme l’hypothénuse , et dont l’un des angles aigus est l’angle formé par cet arc et par le grand cercle perpendiculaire à la tangente directrice. Dans ce triangle rectangle on déterminera les deux cotés de l’angle droit qui seront \J> , l’arc mené perpendicu¬ lairement de l’extrémité de la sécante sur le grand cercle perpendi¬ culaire à la tangente directrice , et « , l’arc de ce grand cercle, com¬ pris entre le pied de la perpendiculaire et le sommet du faisceau des sécantes. La valeur correspondante de Y angle équatorial E sera donnée par la formule tan g E = - - — 1 • — cos a cos ^ Si on a pris l’un des points d’observation pour le centre de réduction , on aura pour ce point a = 0 xjj — 0 , et la formule se réduira à tang E = . La valeur correspondante de E sera donc indéterminée, et on devra prendre simplement la moyenne des valeurs correspondantes aux m — 1 autres points. Il est na¬ turel qu’il en soit ainsi , car le point qu’on a choisi pour le som¬ met du faisceau des sécantes ne peut donner lui-même de sécante ; ainsi il ne fournit pas d’élément direct pour la détermination de l’angle E. Il n’influe sur la valeur de cet angle que par l’effet de la supposition qu’on a faite volontairement que le grand cercle de comparaison passe par le point adopté comme centre de réduction , et cette supposition se trouve introduite dans les calculs relatifs à tous les autres points. Dans le cas où il n’y aurait qu’un seul point d’observation 876 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. et où ce point aurait été pris pour centre de réduction , l’angle E resterait complètement indéterminé , et il est clair, en effet , que dans ce cas le plan directeur doit rester indéterminé. Cependant si , dans le cas où il n’y a qu’un seul point d’obser¬ vation , on prenait un autre point pour centre de réduction, le calcul s’effectuerait sans difficulté , mais alors il y aurait une sé¬ cante , l’angle formé par le grand cercle perpendiculaire à la tan¬ gente directrice et par l’arc du grand cercle sous-tendu par la sécante serait droit ; l’angle a serait généralement nul et l’angle ^ ne le serait pas : donc tang E serait 0 , et l’angle E serait lui-même égal à 0 ; cela signifierait que le plan directeur passerait par le centre de la sphère , résultat qui ne fait que reproduire la suppo¬ sition introduite arbitrairement , que le point pris pour centre de réduction est situé sur le grand cercle de comparaison , équateur du système. Dans le cas seulement où la sécante sous-tendrait un arc de 90°, l’arc ^ serait lui-même de 90° , mais alors l’arc a serait indé¬ terminé et par suite la valeur de tang E serait elle-même indéter¬ minée. Tous ces résultats sont conformes à la nature des choses , et sont autant de confirmations de l’exactitude de la marche que j’ai indiquée. Toutes les sécantes étant projetées sur un plan qui passe par le centre de réduction , sommet du faisceau , on tire dans ce plan , par le même sommet, une ligne dirigée de manière, que la somme des angles formés au-dessus d’elle par la projection d’une partie des sécantes soit égale à la somme des angles formés au-dessous par les projections des autres sécantes. Cette ligne est la trace du plan directeur , c’est-à-dire du plan du petit cercle qui fixe sur la sphère la position de tout le système auquel les petits arcs observés appartiennent approximativement. Cette dernière ligne , qui passe au centre de réduction , forme , avec le rayon de la sphère qui part du même point , un angle E qui détermine la distance du petit cercle obtenu à l’équateur du système. Cet angle, qui représente la latitude du petit cercle par rapport à cet équateur, a pour valeur la moyenne des m ou ni — 1 valeurs de l’angle E ; si on trouve que cette valeur est nulle , ou pour mieux dire , que la somme des valeurs de l’angle E , qui tombent au-dessus du centre de la sphère , est égale à celle des valeurs du même angle cpii tombent au-dessous , on en con¬ clura que le point pris pour centre de réduction avait été choisi de la manière la plus heureuse, c’est-à-dire qu’il se trouvait réelle¬ ment sur le grand cercle de comparaison ; mais généralement il n’en sera pas tout à lait ainsi , et la position moyenne de toutes 877 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. les sécantes projetées passera au-dessus et au-dessous du centre de la sphère, et donnera une valeur approximative de Y angle équa¬ torial E , de laquelle on déduira d’une manière approximative aussi la position du grand cercle de comparaison. Si cet angle est petit, ce qui arrivera le plus souvent , on pourra considérer l’opération comme terminée ; mais si cet angle était un peu grand , on pourrait regarder seulement comme provisoire la position obtenue pour le grand cercle de comparaison , et recom¬ mencer toute l’opération en prenant pour centre de réduction un point situé sur ce grand cercle provisoire. On arriverait ainsi par des approximations successives , qu’on peut porter aussi loin qu’on le voudra , aux valeurs des deux angles cherchés. De ces deux angles, ainsi que je l’ai déjà dit, le plus important à connaître et le plus facile à déterminer approximativement est l ange A que forme la tangente directrice avec le méridien du centre de réduction. L 'angle équatorial E est généralement très petit. Il a besoin , par conséquent , d’être déterminé avec précision , et il arrive bien souvent que les observations qui fixent les directions des petits arcs observés en différents points de la surface de la terre ne sont pas assez précises pour que cette dernière détermination présente quelque chance d’exactitude. -Comme les calculs numé¬ riques qu’elle exige sont fort longs , on fera bien de ne les entre¬ prendre qu’autant que les observations de direction qu’on aura réunies paraîtront assez exactes pour mériter d’être soumises à une élaboration aussi ardue. Il ne faut pas perdre de vue que les angles oc et qui déterminent la valeur de l’angle équatorial E , dépendent eux-mêmes des différences entre la valeur moyenne de l’angle A et les valeurs particulières dont cette valeur moyenne est déduite. On concevra, d’après cela, que Y angle équatorial E devant géné¬ ralement être assez petit , il ne pourrait être déterminé d une ma¬ nière véritablement satisfaisante qu’autant que les observations de direction seraient plus exactes et plus nombreuses qu’elles ne le sont ordinairement. Au reste , renoncer à déterminer cet angle , c’est tout simple¬ ment se borner à admettre que le grand cercle de comparaison doit passer assez près du centre de réduction pour que la distance à laquelle il en passe et le sens dans lequel cette distance doit être comptée importent peu à connaître ; or, cette supposition est souvent indiquée par l’ensemble des observations , même de celles qui ne peuvent entrer dans le calcul d’une manière assez évidente pour qu’on ne pût songer à s’en départir que par suite de calculs basés sur des données rigoureuses. 878 SÉANCE EU 17 MAI 4 847. On s en tient alors à la première clés deux opérations cpie j’ai in¬ diquées, et on considère la tangente directrice qu’elle détermine comme celle d un grand cercle peu éloigné du véritable équateur du système et propre à le remplacer provisoirement. C’est en partie afin que cette substitution présente le moins de cliances d’erreur possible que le centre de rédaction , qui doit devenir un des points de cet équateur provisoire, doit être placé dans la position la plus centiale possible par rapport a 1 ensemble des points d’observation. L opération doit toujours commencer par mener d’un point central de réduction , que l’adresse de l’opérateur consiste à choisir le mieux possible , des sécantes parallèles à tous les petits arcs observes ; a déterminer les angles formés par le méridien astrono¬ mique du point qu on a choisi comme centre de réduction avec les arcs du grand cercle que sous-tendent ces sécantes, et à prendre ensuite la moyenne de tous les angles ainsi déterminés. Or, cette moyenne peut être obtenue très facilement avec une approximation suffisante. hn effet , pour déterminer le grand cercle qui , partant du point pris pour sommet du faisceau des sécantes ou pour centre de réduc¬ tion , i enferme dans son plan la sécante parallèle à un petit arc obseive en un point donne, il suffit de joindre ce dernier point au ce nti c de réduction par un arc du grand cercle qui forme la base d un triangle sphérique , dont les deux autres côtés sont les por¬ tions du mériden du centre de réduction et du point d’observation considéré , compris entre ces points et le pôle de rotation de la terre. On résout ce triangle , et on connaît ainsi l’angle formé par 1 aie de jonction des deux points avec leurs méridiens respectifs; on peut aussi déterminer la longueur de cet arc. On résout ensuite le triangle sphérique rectangle dont ce même arc est l’hypothénuse et dont l’un des côtés de l’angle droit est la moitié de 1 aie sous-tendu par la secante cjui correspond au point d obsci vation qu on a considéré. On arrive ainsi à connaître la longueur de l’arc sous-tendu par cette sécante et l’angle formé par cet aie et le méridien du point choisi comme centre de réduction . Ayant îepété la meme operation pour tous les points d’observa¬ tion , on connaît les angles formés avec le méridien du centre de réduction par tous les arcs sous-tendus par les sécantes , et on n’a plus qu a executer un simple calcul arithmétique. Lorsqu on doit s’en tenir à cette première partie du travail , à celle qui détermine la tangente directrice , l’opération, que je viens d indiquer, peut recevoir, sans inconvénient, de grandes simplifications qui la rendent d’une pratique très facile. 879 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. On n’a plus besoin alors de connaître la longueur de l’are sous- tendu par chaque sécante ; il suffit de connaître l’angle qu’il forme avec le méridien du centra de réduction. Cet angle lui-même n’a pas besoin d’être calculé directement ; on peut se borner à le supposer égal à celui que forme le petit arc observé au point d’observation auquel la sécante correspond avec le méridien de ce point , après avoir augmenté ou diminué cet angle d’une quantité égale à la différence des angles alternes internes que forme l’arc de jonction du centre de réduction et du point d’observation avec leurs méridiens respectifs. Cette différence est connue par la résolution du triangle sphérique dont ces deux points et le pôle de rotation de la terre constituent les trois sommets ; et c’est la seule quantité pour la détermination de laquelle on ait besoin de recourir aux formules de la trigono¬ métrie sphérique. Il est vrai que cette simplification introduit une inexactitude ; l’angle formé par le méridien du centre de réduc¬ tions , avec chacun des arcs sous-tendus par les sécantes , se trouve augmenté ou diminué d’une quantité égale à X excès sphérique (1) des trois angles du triangle sphérique rectangle dont la moitié de cet arc forme un des côtés de l’angle droit , et dont l’arc de jonction du centre de réduction avec le point d’observation cor¬ respondant forme l’hypothénuse. Mais il est aisé de voir que, dans la moyenne finale , les excès sphériques des triangles rec¬ tangles dont il s’agit doivent entrer les uns positivement , et les autres négativement , et que si le centre de réduction est habile¬ ment choisi , ces excès sphériques , dont chacun en particulier est ordinairement peu considérable , à moins que les points d’obser¬ vation n’en soient répartis sur un très grand espace , doivent se détruire sensiblement , et n’influer sur la moyenne que d’une quan¬ tité négligeable. L’opération se réduit alors tout simplement à joindre le centre de réduction avec les points d’observation par autant d’arcs de grands cercles , et à déterminer la différence des angles alternes internes que ces arcs de jonction forment avec les méridiens de leurs deux extrémités. •T’ai souvent employé , pour résoudre ce problème, une méthode graphique dans laquelle je me sers delà projection stéréo graphique sur l’horizon du Mont-Blanc dont j’ai déjà parlé ci-dessus; mais (1) Voyez, pour la définition et le calcul de l’excès sphérique de la somme des trois angles d’un triangle sphérique, la géométrie do Le¬ gendre et les notes qui font suite à sa trigonométrie. ( Géométrie et tri¬ gonométrie de Legendre , 10e édit., p. 225 et 424.) 880 SÉANCE DE 17 MAI 18Z|7. j’ai préféré employer aujourd’hui la méthode trigonométrique. Elle se réduit à la résolution d’une suite de triangles sphériques dont chacun a pour base l’arc de grand cercle qui joint le ce ntic de réduction à l’un des points d’observation , et pour sommet le pôle de rotation de la terre ; il n’est pas même nécessaire , pour notre objet actuel , de résoudre ces triangles complètement : on n’a pas besoin de connaître la longueur de leur base ; il suffit de calculer les angles qu’elle forme avec les deux méridiens auxquels elle aboutit , pour en déduire la différence des angles alternes in¬ ternes ([ii elle forme avec ces méridiens , différence qui entre seule dans la suite du calcul. Or, pour connaître cette différence avec une approximation suf¬ fisante , il n’est pas non plus nécessaire d’effectuer les calculs rela¬ tifs à tous les triangles sphériques indiqués. Ces calculs exigeraient beaucoup de temps , mais on peut les abréger singulièrement sans trop en diminuer la rigueur, au moyen du tableau suivant que j’ai formé des résultats obtenus par la résolution de trente-six triangles, ayant tous pour sommet le pôle boréal et pour leurs deux autres angles différents points de l’Europe pris à diverses latitudes , depuis la Laponie jusqu’en Grèce et en Sicile. Ayant eu l’idée de ranger les résultats suivant l’ordre des latitudes moyennes des deux som¬ mets méridionaux de chaque triangle , j’ai vu de suite que les ir¬ régularités de leur marche n’étaient pas assez grandes pour empê¬ cher de faire entre eux des interpolations approximatives d’une exactitude suffisante pour la pratique dans le plus grand nombre des cas. J’ai pensé dès lors que leur publication pourrait avoir son utilité. SÉANCE DU 17 MAI 1 «S /| 7 Ta bis au présentant, pour différents points de l Europe, la différence des angles Jbrmés l)ar llffn.f* ///* inns'frmt nty^n ls»iir-e .. ...» _ j - - Points comparé?. Latitudes. Laponie. ... 70°00'00"N Keswick . . 54 35 00 Viborg . 60 42 40 Stockholm . 59 20 34 Laponie . . . . 70 00 00 Prague . 50 5 19 (telle . 60 39 45 Gutheborg . 57 44 4 Südetkoping. ... 58 28 30 Kongelf . 57 51 45 Viborg . 60 42 40 Keswick . 54 35 00 Chrstiania . 59 55 20 Keswick . . 54 35 00 Stockholm . 59 *20 34 Keswick . 54 35 00 Laponie . . 70 00 00 Montagne Noiie.. 43 25 00 Grampians . 56 25 00 Keswick . 54 35 00 Golheborg . 57 44 4 Cliurch-Strellon. 52 35 00 Viborg . 60 42 40 Bresl . . 4» 23 14 Grampians . . 56 25 00 Chu rcb-Slreiton.. 52 35 00 Stockholm . 59 20 34 Brest . 48 23 14 Grampians . 56 25 OU Prague . . 50 5 19 Keswick . 54 35 00 Brocken . 51 4» 29 Grampians . 56 25 00 Saint-M alo. ...... 48 39 3 Keswick....» . 54 35 00 Prague . 50 5 19 Keswick . . 54 35 00 Binger-Loeh . 49 55 00 Keswick . 54 35 00 Budweis. . . . 49 38 00 Liiurch Slrellon. 52 35 00 Budweis. . . 49 38 0 ) Prague . 50 5 19 Bayreuth . . 49 56 41 Bayreuih . 49 56 ZD Binger-Loeh . 49 55 00 Prague . 50 5 19 Saint-Malo.. ...... 4S 39 3 Prague . 50 5 19 \1 orlaix . . 48 30 00 Binger-Locli*. .. . 49 55 00 Saint-Malo . 4S 39 3 Saint-Malo . 48 39 3 Brest . . 48 23 14 Keswick . 54 35 00 Ajaccio . 41 55 1 Cbnrch-Slretton. 52 35 00 Saint-Tropez,.,.. 43 16 27 Prague . . 50 5 19 Montagne Noire.. 43 25 00 Prague . 50 5 19 Saint-Tioppz . 43 16 27 Prague..... . 50 5 19 Ajaccio.. . . 41 55 1 Prague . 50 5 19 Constantinople... 41 î 27 Montagne Noire.. 43 *25 00 Saint-Tropez . 43 16 27 Brest . 48 23 14 Messine . . . 38 1 1 3 Brest . 48 24 14 Cap Colonne . 37 39 12 N par leur ligne de jonction avec leurs méridiens respectifs. Longitude.*. 23°30' 00" E 5 9 13 O *25 50 K 43 19 E 30 00 5 00 48 15 37 30 00 00 38 45 25 50 9 13 28 30 9 13 43 ly y i3 23 30 00 0 20 00 37 00 9 00 37 20 10 20 *25 50 49 35 37 00 10 20 43 19 26 15 23 13 14 9 14 9 26 5 8 5 15 5 6 5 9 5 26 6 6 5 15 6 6 12 5 8 6 4 5 12 5 5 5 13 5 13 12 9 9 5 12 4 12 6 5 4 4 6 5 6 5 4 12 0 12 4 12 6 12 26 0 4 6 13 6 21 E E E E E E E O E O E O O O E O E O 37 00 5 00 9 13 16 20 37 00 21 26 9 13 5 00 9 13 30 00 9 13 26 54 10 *20 26 5 4 5 00 15 20 15 29 30 00 5 00 21 26 5 00 10 00 30 00 21 26 *21 26 49 35 9 J 3 23 49 10 20 18 29 5 00 20 00 5 00 18 29 5 00 23 49 5 00 35 00 20 00 18 29 49 35 14 30 49 35 41 19 £ O O O E O E O E O E E E E E E O E O E O E E O E E E E O E O E O E Latitude moyenne Dillïrenee de* longitudes- 1 ’iirérence des angles alt.im. Rapports entre les dilL des long, ctdesang. ail. int. 62° 17 30" 28°39' 13" 25‘>42'24" 1 : 0,89715 j 60 1 37 10 42 31 9 17 00 1 : 0,86690 | 60 2 39 1 2 11 25 00 10 13 00 1 : 0,89489 [ 59 11 54 •1 2 5 10 45 4 27 2 1 ; 0,85932 | 58 10 7 A 2 4 21 15 3 42 00 1 : 0,84970 j 57 38 40 31 35 3 26 54 42 1 : 0,85206 | 57 16 10 13 37 43 11 28 26 1 . 0,84186 j 56 57 47 20 52 32 17 34 24 1 ; 0,84181 j 56 42 30 23 50 00 20 31 52 1 : 0,86084 | 55 30 00 1 2S 03 1 12 32 1 : 0,82424 | 55 9 32 14 47 40 12 10 40 1 : 0,82701 j 54 32 57 33 15 25 27 29 52 1 ; 0,82701 j 54 30 00 1 26 40 1 10 36 1 : 0,8146*2 | 53 51 54 22 33 4 18 21 32 1 : 0,81410 | 53 15 9 4 2 18 42 00 15 3 20 1 : 0,80510 53 1 1 44 A 2 13 25 33 10 46 10 1 : 0,80214 \ 52 32 1 1 1 2 2 16 34 1 48 40 1 ; 0,79570 | 52 20 9 A 2 17 14 13 13 41 42 1 : 0,79613 1 52 15 I 00 10 39 13 8 26 24 1 : 0,79219 1 52 6 30 18 36 17 14 44 40 1 : 0,79251 | 51 6 30 18 37 14 14 32 54 1 : 0.7S130 | 50 1 00 2 50 31 2 10 54 1 : 0,76767 j 49 55 50 4 2 3 45 29 2 52 35 1 : 0,76539 | 49 22 11 16 26 26 12 28 24 1 : 0,75811 J 49 17 39 ■1 2 18 15 00 13 53 10 1 : 0,76088 j 49 17 1 2 9 51 26 7 2S 46 1 : 0,75878 J 4S 31 8 2 2 28 9 1 51 00 1 : 0,74924 | 48 15 00 A 2 U 33 2 8 44 22 1 : 0,75663 | 47 55 43 2 9 28 49 7 3 50 1 : 0,74511 j 46 45 9 4 2 12 25 00 9 4 36 1 : 0,73101 | 46 40 53 7 46 31 5 39 00 1 : 0 72766 | 46 00 10 5 41 U 4 7 40 1 : 0,72590 J 45 33 23 14 50 00 10 39 8 1 : 0,71798 | 43 20 43 4 2 4 3S 29 3 U 28 1 : 0 69830 J 43 17 8 4 2 20 4 5 13 53 26 1 : 0,69217 | 43 1 13 2S 30 54 19 44 42 1 : 0,69*244 j Soc. ç}poI. , 2e série, tome IV. 56 882 SÉANCE DU 17 MAI 18/(7 . Les trois premières colonnes de ce tableau, vers la gauche, indi¬ quent, deux par deux, les points de l’Europe qui ont formé, avec le pôle boréal , les trois sommets de chaque triangle , ainsi que leurs latitudes et leurs longitudes. Les deux colonnes suivantes indiquent la moyenne des latitudes et la différence des longitudes des deux sommets de chaque triangle adjacents à sa hase. La sixième colonne indique la différence des angles alternes internes formés par l’arc du grand cercle qui joint les deux sommets méri¬ dionaux de chaque triangle avec les méridiens de ces deux points, qui forment les deux autres côtés du triangle. Cette différence est le moyen de comparaison des orientations observées aux deux sommets méridionaux. Enfin , la septième et dernière colonne du tableau indique le rapport qui existe dans chaque triangle entre l’angle au pôle , qui n’est autre que la différence des longitudes des deux sommets mé¬ ridionaux , et la différence des angles alternes internes formés par l’arc de grand cercle qui joint ces deux sommets avec leurs méri¬ diens respectifs. En examinant attentivement le tableau, on verra que ce rapport décroît avec une certaine régularité à mesure que la latitude moyenne des deux sommets méridionaux du triangle diminue , c’est à dire à mesure que ce triangle s’allonge vers l’équateur et p proche de devenir un demi-fuseau. Il est aisé de concevoir qu’en effet le rapport dont il s’agit doit suivre cette marche décroissante. Si le triangle était infiniment petit et que les deux sommets méri¬ dionaux fussent à une distance infiniment petite du pôle , le rapport serait celui de l’égalité ,1 à 1. Si le triangle était équivalent à un demi-fuseau, ce qui suppose cpie l’un des sommets méridionaux du triangle est aussi éloigné de l’équateur vers le S. que l’autre vers le N. , le rapport serait celui de 1 à zéro. Si le triangle était isocèle , ce qui suppose que les deux sommets méridionaux sont à la même latitude , le rapport s’obtiendrait par la résolution de l'un des deux triangles rectangles dont le triangle isocèle se composerait, et le rapport des tangentes des deux angles serait égal à celui de l’unité au sinus de la latitude. Enfin, dans le cas ordinaire où les deux sommets méridionaux du triangle ont des latitudes inégales , le second rapport a la valeur qu’il aurait s’ils étaient ramenés l’un et l’autre à leur latitude moyenne augmentée d’une petite quantité. En effet, la différence entre la différence des longitudes des deux sommets méridionaux du triangle et celle des angles alternes internes formés par l’arc qui les joint avec leurs méri¬ diens respectifs est égale «à l 'excès sphérique des trois angles du 883 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. triangle lui-même, et la somme des deux côtés de ce triangle qui aboutissent au pôle étant constante , Y excès sphérique de ses trois angles , qui est proportionnel à sa surface , est d’autant plus grand que les deux côtés approchent plus de l’égalité. Quand le milieu de la base se trouve sur l’équateur, l’excès sphérique est égal à l’angle au pôle , c’est-à-dire à la différence de longitude des deux côtés méridionaux , d’où il résulte que la différence des angles alternes internes formés par la base avec les deux méridiens est nulle , et que le rapport est , comme nous venons de le dire , celui de 1 à zéro. Il en serait de même si , la base étant oblique, elle avait son point milieu sur l’équateur. J’ai été étonné au premier abord de la petitesse des irrégularités que présente dans sa marche le rapport qui nous occupe, car il me paraissait naturel de croire que pour des points placés d’une manière aussi disparate que ceux qui entrent dans le tableau , le rapport de la septième colonne aurait varié d’une manière plus irrégulière. D’une autre côté, si l’on remarque que la marche dé¬ croissante de ce rapport n’est pas complètement régulière , et pré¬ sente même des anomalies, on pourra s’étonner que j’aie consigné ici cette série irrégulière. J’aurais pu en obtenir une parfaitement régulière en considérant une suite de triangles isocèles , qui tous auraient eu le même angle au sommet , et dont chacun aurait eu ses deux sommets méridionaux à la même latitude. Chacun d’eux se serait décomposé en deux triangles rectangles , et dans chacun de ceux-ci on aurait pu calculer la différence des angles alternes internes formés par la base avec les méridiens extérieurs au moyen de la formule : tang C = sin a tang B , où a représente la latitude comptée, comme à l’ordinaire , à partir de l’équateur, et B l’angle au pôle ; formule dans laquelle on lit que dans ce cas le rapport de la septième colonne décroîtrait régulièrement du pôle, où Userait 1 : 1 , à l’équateur, où il serait 1:0. Mais il n’y a aucune raison pour remplacer une formule très simple par un pareil tableau , qui lui-même n’aurait pu être appliqué à des triangles non iso¬ cèles et même à des triangles isocèles où l’angle B aurait eu une valeur différente de celle employée , que d’une manière approxi¬ mative et sans qu’on pût apprécier le degré de V approximation , tandis que le tableau que je présente fait voir d’un coup d’œil de quel ordre est l’erreur, toujours assez peu considérable , que l’on est exposé à commettre pour des points de latitudes différentes , et tous renfermés dans l’étendue de l’Europe , en remplaçant le calcul d’un triangle sphérique par une simple proportion dont il fournit le rapport. Il demeure bien entendu que ce tableau , de mêms que séance nu 47 mai J 8/(7. la projection stéréographique dont j’ai déjà parlé, n’est qu’un in¬ strument expéditif de tâtonnement , et que , si l’on veut obtenir un résultat absolument rigoureux , il faut prendre le temps d’exécuter le calcul trigonométrique ; mais en pareille matière on a plus à craindre d’être induit en erreur par les illusions qu’un simple calcul approximatif aurait fait disparaître , que par les inexacti ¬ tudes cpic ce calcul pourrait renfermer. Les géologues qui se livrent à des rapprochements entre les di¬ rections des différents accidents que présente l’écorce terrestre doivent toujours être en garde contre les illusions qui résultent de la forme sphérique de la terre et de la manière dont elle est représentée sur les cartes géographiques. Au moyen du tableau ci-dessus on pourra dissiper ces illusions pour ainsi dire d’un trait de plume , et son emploi pourra être utile non seulement pour les calculs qui me l’ont fait construire, mais pour une foule de tâtonnements géométriques relatifs à des comparaisons de directions. La combinaison élémentaire dont ces tâtonnements se compo¬ sent consiste essentiellement à examiner si deux petits arcs de grands cercles placés sur la sphère, à quelque distance l’un de l’autre , sont exactement ou à peu près parallèles entre eux. Ces deux petits arcs, d’après la définition rappelée ci-dessus, seront exactement parallèles entre eux , si un même grand cercle les coupe l’un et l’autre perpendiculairement par leur point milieu ; mais ils seront déjà très voisins du parallélisme , si l’arc du grand cercle qui joint le milieu de l’un au milieu de l’autre est peu étendu , et fait avec eux des angles alternes internes égaux. En effet , ils feront alors partie des deux côtés d’un fuseau de peu de largeur, dont le milieu de l’arc de jonction sera le centre ; ils occuperont sur les deux côtés de ce fuseau des positions symé¬ triques, et prolongés l’un et l’autre jusqu’à l’équateur du fuseau, ils y seront exactement parallèles. Considérés dans les points mêmes où ils ont été observés , ils ne peuvent être parallèles l’un à l’autre que par l’intermédiaire d’un grand cercle clc comparaison. Il est assez naturel de choisir pour grand cercle de comparaison l’un des deux arcs prolongé , et dans ce cas le défaut de parallé¬ lisme que les deux arcs présenteront dans les points où on les a observés a pour mesure Y excès sphérique du triangle rectangle formé par l’arc de jonction des points milieu des deux arcs, par l’un des deux arcs prolongés, et par la perpendiculaire abaissée sur sou prolongement du point milieu de l’autre arc. A moins que ce triangle ne soit très grand , ce qui suppose les deux points très éloi- SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 885 gnés l’un de l’autre , X excès sphérique dont il s’agit sera toujours peu considérable ; les deux petits arcs pourront donc , dans le plus grand nombre des cas , être considérés comme sensiblement paral¬ lèles si l are qui joint leurs points milieu forme avec eux des angles alternes internes égaux. Réciproquement , si en un point donné on veut tracer un petit arc de grand cercle parallèle à un autre petit arc de grand cercle existant en un autre point de la sphère, il suffit de joindre les deux points par un arc de grand cercle , et de tracer le nouvel arc de manière qu’il fasse avec l’arc de jonction le même angle que l’arc observé. En opérant de cette manière pour transporter une direction d’un point à un autre , on se rapproche, autant que possible , du procédé par lequel on trace , par un point donné d’un plan , une parallèle à une droite donnée dans ce plan. On a égard à la con¬ vergence des méridiens vers le pôle de rotation de la terre, comme on aurait égard sur un plan à la convergence des rayons vecteurs vers leur foyer; mais on fait abstraction, du reste, des elfets de la courbure de la terre. Pour se rendre raison de cette espèce de départ qu’on opère ainsi , entre deux effets provenant l’un et l’autre d’une même cause , la sphéricité de la terre , il suffit d’imaginer qu’on détache le réseau des points d’observation de la partie de la sphère terrestre à laquelle il appartient pour l’appliquer, sans le défor¬ mer, sur la zone torride , de manière que la ligne équinoxiale le divise en deux parties égales. On pourra alors , sans commettre de bien grandes erreurs , considérer les méridiens comme des droites parallèles , et transporter une direction d’un point à un autre par le même procédé que si on opérait sur un plan. On pourra , par exemple , prendre un point de la ligne équinoxiale pour centre de réduction , et mener par ce point des droites formant avec le méridien du lieu les mêmes angles que chacun des petits arcs observés avec les méridiens respectifs de leurs points milieu, puis prendre la moyenne des directions ainsi transportées en un même point, comme on le ferait sur un plan. Or , la zone torride , où la terre , abstraction faite de l’aplatis¬ sement , dont nous 11e tenons aucun compte , est courbe comme partout ailleurs , 11e présente ici d’autre avantage que le parallé¬ lisme presque exact des méridiens, parallélisme qui dispense de considérer la différence des angles alternes internes que fait avec deux méridiens différents un arc du grand cercle qui les coupe. Mais la courbure de la terre est ici, comme partout ailleurs, la 886 SÉANCE DU 17 MAI 18A7. source cTune petite erreur , mesurée dans la comparaison de deux points , par Y excès sphérique de la somme des trois angles d’un trian¬ gle rectangle, dont l’hypothénuse est l’arc cpti joint les deux points et dont l’un des côtés de l’angle droit est la prolongation du petit arc observé. On pourrait aussi imaginer que le réseau des points d’observa¬ tion , après avoir été enlevé de la surface de la sphère terrestre , fut appliqué sans déformation sur la région polaire , de manière à ce que son point central coïncidât avec le pôle qui deviendrait le centre de réduction. Chaque petit arc observé sur la surface de la sphère serait transporté au pôle de manière à y faire encore le même angle avec le méridien de son point milieu ; puis on pren¬ drait la moyenne des directions de tous ces petits arcs transportés au pôle. Ce serait opérer comme si on avait substitué à la surface sphérique de la terre un plan qui lui serait tangent au pôle même. Les méridiens seraient sensés développés sur des droites passant par le pôle , et les parallèles deviendraient des cercles ayant le pôle pour centre commun. Pour les points très voisins du pôle , cette substitution n’entraînerait que des erreurs insensibles; mais à me¬ sure qu’on s’éloignerait du pôle l’inexactitude serait de plus en plus grande. Dans le transport de tous les petits arcs observés au pôle exécuté ainsi , comme si on opérait sur un plan , il y aurait réellement un petit défaut de parallélisme entre l’arc transporté et celui qui aurait servi de point de départ , et ce défaut de pa¬ rallélisme aurait toujours pour mesure Y excès sphérique du triangle rectangle, dont l’arc de jonction du point d’observation au centre de réduction est l’hypothénuse , et dont le petit arc observé , pro¬ longé autant qu’il est nécessaire , forme un des côtés de l’angle droit. Dans tout l’espace intermédiaire entre la région équatoriale et la région polaire , les méridiens et les parallèles , qui servent de coordonnées pour déterminer les positions des points sur la sur¬ face du globe ,. cessent de pouvoir se construire sans erreur sensible sur des coordonnées rectangulaires ou sur des coordonnées polaires tracées sur un plan ; ils ont en quelque sorte une manière d’être intermédiaire entre celle des coordonnées rectangulaires et celle des coordonnées polaires. Projetés de telle manière qu’on voudra sur un plan qui serait tangent à la sphère terrestre vers le milieu de l’hémisphère boréal, les méridiens seront toujours représentés par les lignes convergentes. On doit avant tout tenir compte de cette convergence , et on y parvient au moyen de la résolution d’un triangle sphérique , ou par l’emploi plus expéditif du tableau 887 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. donné ci-dessus ; on fait ainsi l’équivalent exact de l’opération que je viens d’indiquer pour les régions polaires et équatoriales. Mais tenir compte de cette disposition des coordonnées n’est pas encore tenir un compte complet de la courbure de la surface , et l’erreur commise a toujours pour mesure , dans ce cas comme dans les pré¬ cédents, Y excès sphérique de ce même triangle rectangle dont j’ai indiqué les éléments. La région polaire et la région équatoriale , ainsi que nous venons de le dire , n’ont ici d’autre avantage que la simplicité de la dis¬ position des méridiens et des parallèles, qui sont les coordonnées au moyen desquelles les positions de£ points sont déterminées sur la surface de la sphère, et qui peuvent, sans erreur notable, être construites sur des coordonnées planes , savoir : pour la région équatoriale, sur des coordonnées rectangulaires, et pour la région polaire , sur des coordonnées polaires. Les dispositions particulières que présentent ainsi les coordon¬ nées sphériques dans les diverses régions de la sphère corres¬ pondent à celles qu’y présente la spirale loxodromique . On sait que l’arc de loxodromie qui coupe l’équateur se confond avec un arc d’hélice tracé sur le cylindre qui enveloppe la terre suivant son équateur, arc dont le développement est une ligne droite, et que la partie de la loxodromie qui se trouve à une très petite distance du pôle ne diffère pas d’une manière appréciable d’une spirale lo¬ garithmique; l’hélice et la spirale logarithmique sont des simpli¬ fications que la loxodromie éprouve en deux points particuliers de son cours sans que ses propriétés en soient altérées. De même les simplifications que la disposition particulière des méridiens apporte à certaines constructions près des pôles et de l’équateur ne change rien à la valeur réelle de ces constructions, et laisse exactement la même erreur que l’on commet lorsqu’on opère relativement aux deux extrémités d’un arc du grand cercle tracé sur la sphère , comme on opérerait aux deux extrémités d’une ligne droite tracée sur un plan. Or, c’est là précisément ce qu’on fait lorsque , en s’en tenant à la première partie des opérations que j’ai indiquées, on trace aux deux extrémités d'un arc du grand cercle placé sur la sphère terrestre d autres arcs , qui forment avec lui des angles al¬ ternes internes respectivement égaux ; car on fait abstraction de la courbure de cet arc , tout en tenant compte de la diversité des angles sous lesquels il coupe les différents méridiens. Cette diversité des angles sous lesquels l’arc de jonction des deux localités coupe les différents méridiens est toujours en effet la pre¬ mière chose à considérer. Lorsqu’on veut comparer la topographie 888 ■SÉANCE 1MJ J 7 MAI I8/|7. géologique d’une localité à celle d’une autre localité sous le rap¬ port du parallélisme des accidents qui s’y observent , la première chose à faire est de déterminer la différence des angles alternes internes que forment, avec les méridiens des deux localités, l’arc de grand cercle qui les joint. Des lignes (de petits arcs de grands cercles réduits à leurs tan¬ gentes), menées dans les deux localités perpendiculairement à l’arc qui les joint, seraient parallèles entre elles, dans toute la rigueur de l’expression. Si ensuite on faisait tourner ces petits arcs de quantités égales et dans le même sens , ils conserveraient encore l’apparence du parallélisme , mais ils ne seraient plus rigoureu¬ sement parallèles ; ils occuperaient des positions symétriques dans un fuseau dont le point central serait au milieu de l’arc de jonction des deux localités, et ils s’écarteraient d’autant plus du parallélisme que le fuseau serait plus large et qu’ils seraient plus éloignés de son équateur. On pourrait faire tourner le petit arc de grand cercle de l’une des contrées de manière à le rendre paral¬ lèle au prolongement de l’arc tracé dans l’autre contrée , c’est-à- dire perpendiculaire à un arc de grand cercle , perpendiculaire lui-même à l’arc prolongé. Or, la quantité dont le premier petit arc aurait tourné pour prendre cette position aurait pour mesure, comme il est aisé de le lire sur la figure même , Y excès sphérique de la somme des trois angles du triangle rectangle formé par l’arc de jonction des deux localités , par le petit arc prolongé et par la perpendiculaire abaissée de l’autre localité sur son prolongement. L 'excès sphérique de la somme des trois angles de certains triangles sphériques donne si souvent la mesure des erreurs qui se glissent presque inaperçues dans la comparaison des positions de différents arcs de grands cercles tracés sur une sphère, qu’il est naturel de chercher à se rendre compte , par la considération même de Y excès sphérique , de la grandeur que peuvent atteindre , dans tels ou tels cas , les erreurs dont il s’agit. L’excès sphérique se trouve introduit dans les calculs géologiques par des motifs analogues à ceux qui le font prendre en considéra¬ tion dans les calculs géodésiques . O11 se sert de Y excès sphérique en géodésie pour ramener le calcul d’un triangle sphérique à celui d’un triangle plan ; on s’en sert en géologie pour corriger l’erreur que l’on commet en supposant que la surface de la terre se confond avec un plan qui lui serait tangent dans le milieu de la contrée dont on s’occupe. Rien n’est si fréquent que de raisonner et d’opérer comme si la surface de la terre se confondait avec son plan tangent. On y est 889 SÉANCE 1)U 17 MAI l8/l7. conduit par l’apparence de platitude que cette surface présente à nos regards et par l’habitude de la voir représentée sur des cartes géographiques qui sont des feuilles de papier planes. Pour nous bien rendre compte des erreurs qui peuvent résulter de cette substitution du plan tangent à la surface sphérique , ana¬ lysons d’abord une opération très simple. Lorsqu’on veut planter une longue et large avenue , telle par exemple que celle des Champs-Elysées à Paris, on commence par en fixer la ligne médiane avec des jalons alignés; puis, aux deux extrémités de cette ligne médiane , on lui élève de part et d’autre des perpendiculaires d’une longueur égale à la moitié de la largeur de l’avenue , et on fixe ainsi les deux extrémités des deux files d’arbres qui doivent la composer ; enfin on aligne tous les arbres de chaque file d’après leurs points extrêmes. Si l’opération est exécutée avec une rigueur mathématique , chacune des deux files d’arbres est un arc de grand cercle et ces deux arcs font partie d’un fuseau dont le milieu de la ligne mé¬ diane est le centre. Ils n’ont de rigoureusement parallèles que les deux éléments situés au milieu de leur longueur. Prolongés l’un et l’autre à chacune de leurs extrémités par une suite de jalons , iis iraient se rencontrer aux deux extrémités opposées d’un même diamètre de la sphère terrestre ; prolongés par leurs tangentes ex¬ trêmes, ils se rencontreraient aussi à des distances qui, sans doute , seraient très grandes , mais qui ne seraient pas infinies. On pourrait se proposer de mener par l’extrémité de l’un de ces arcs une ligne exactement parallèle à l’extrémité correspon¬ dante de l’autre arc , et de déterminer quel angle ferait cette ligne avec l’extrémité du premier arc. On aurait ainsi la mesure du plus grand défaut de parallélisme qui existe dans la figure. Cette détermination peut se faire de deux manières ; par les for¬ mules ordinaires de la trigonométrie sphérique, ou par cette consi¬ dération que l’angle cherché est égal à l’excès sphérique de la somme des trois angles d’un triangle sphérique rectangle , où les côtés de l’angle droit sont un des côtés de l’avenue , et la perpen¬ diculaire abaissée sur ce côté légèrement prolongé de l’extrémité du côté opposé. Prenons un exemple, et le calcul même éclaircira cette double proposition . Supposons que l’avenue dont il s’agit ait 1,000 mètres de lon¬ gueur et 50 mètres de largeur. La diagonale de cette avenue for¬ mera avec l’un des côtés et avec la perpendiculaire abaissée sur celui-ci de l’extrémité de l’autre côté un triangle sphérique ree- 890 SÉANCE DU 17 MAI 1847. tangle où les deux côtés b et c de l’angle droit seront : 1° b , l’un des côtés de l’avenue, dont la longueur est de 1,000 mètres, pro¬ longé d’une quantité négligeable ; 2° c , la perpendiculaire abaissée de l’extrémité du second côté de l’avenue sur le premier légère¬ ment prolongé , perpendiculaire dont la longueur ne différera pas sensiblement de 50 mètres. Pour déterminer en degrés , minutes et secondes les valeurs de 7 b b et c , on aura c = - ’ 20 b : 360 : : 1,000* : 40,000,000*. 360°, 1000 _ 36° _ 540' __ 40,000,000 ~ 4,000 ~ 1,000 ~ 32", 4 20 1",620. Les deux angles aigus B et C de ce triangle doivent se déter¬ miner par les formules ; tang b tang B = s/n c tang C tang c sin b mais , dans le cas actuel , les valeurs de B et de C qu’il s’agit de tirer de ces formules forment une somme si peu différente d’un angle droit, que la .différence ne peut être calculée avec les tables de logari dîmes ordinaires , ce qui montre que l’excès sphérique du triangle dont nous nous occupons est à peu près inappréciable. En effet, en recourant au second mode de calcul, on trouve d’après la formule de Legendre (1), pour Y excès sphérique du B b c sin A triangle que nous considérons, t= - — — - = 0 ,00012733 , 2 r2 c’est-à-dire environ 13 cent millièmes de seconde sexagésimale, quantité absolument imperceptible ; ce qui montre que les deux côtés de l’avenue, dont nous avons parlé, doivent paraître bien réellement deux lignes droites parallèles. Mais l’application des mêmes formules prouve qu’il n’en serait plus ainsi d’une avenue mille fois plus grande : or les rapproche¬ ments auxquels on se livre de prime abord lorsqu on veut com¬ parer entre eux , sous le rapport de leur parallélisme , les accidents topographiques d’une vaste contrée , ses chaînes de montagnes , (1) Legendre, Géométrie et trigonométrie , 10e édition, p. 426. 891 SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. ses côtes , ses rivières , reviennent à peu près à concevoir une ave¬ nue très longue et d’une largeur plus ou moins grande , tracée à travers cette contrée, et à examiner si les accidents topographiques que I on compare pourraient en border les côtés. Concevons une pareille avenue , de dimensions mille fois plus grandes que celle dont nous venons de nous occuper, c’est-à-dire ayant 1,000 kilomètres de longueur et 50 kilomètres de largeur. En raisonnant sur cette avenue exactement comme sur la pré¬ cédente , nous aurons à résoudre par les formules , tang B ~ tang b sin c et tang C zrz tang c sin b un triangle sphérique rectangle , dans lequel les deux côtés de l’angle droit seront : b = 9’ = 32400" c = 27' = 1620" on trouvera B rr: 87° 9' 43", 28 C — 2° 52' 27", 30, la somme de ces deux angles surpasse 90° de 2 ' 10", 58, qui représentent Y excès sphérique du triangle rectangle dont il s’agit. Calculé par la formule de Legendre , Y excès sphérique du même triangle est de 127", 33 ou de 2' 7", 33. La différence de 3" qui existe entre cette solution et la précédente tient à ce que la formule approximative qui donne l’excès sphérique n’est déjà plus parfai¬ tement exacte pour un triangle de mille kilomètres de côté. Maintenant , si de l’extrémité de l’un des côtés de notre grande avenue idéale on abaisse une perpendiculaire sur le second côté prolongé d’une petite quantité, puis, que par l’extrémité du premier côté on mène une perpendiculaire à cette perpendiculaire , celle- ci sera rigoureusement parallèle à l’extrémité du second côté , et elle fera avec le premier côté un angle égal à Y excès sphérique que nous venons de calculer, c’est-à-dire de 2! 10", 58. Telle est l’erreur la plus grande que comporte , par suite de la sphéricité de la terre, la construction idéale à laquelle nous avons fait allusion en imaginant la vaste avenue dont nous venons de parler ; mais il est à remarquer que Y excès sphérique des trois angles d’un triangle étant proportionnel à sa surface , la même construction répétée pour une avenue de 100 kilomètres de largeur comporterait une erreur de Y 21",16; pour 200 kilomètres de largeur, 8' 42", 3 2 ; pour 1,000 kilomètres de largeur l’erreur serait de 43' 31", 6. Elle n’atteindrait un degré qu autant que l’avenue de 892 SÉANCE Ï)U 17 MAI 18/|7. 1,000 kilomètres de longueur aurait une largeur de 1,378 kilo¬ mètres , c’est-à-dire plus grande que sa longueur. La diagonale du quadrilatère sphérique orthogonal, dont le côté est de 1,000 kilomètres, est elle-même d’environ l,000m. V 2 — 1 ,414 kilomètres , qui font environ 350 lieues. Or, il est aisé de voir que l’erreur commise sur le parallélisme de deux lignes passant par deux points donnés de la surface terrestre sera la plus grande possible si ces lignes font avec la ligne de jonction des deux points des angles d’environ ù5° ; car l’erreur est nulle si les lignes comparées sont perpendiculaires à la ligne de jonction des deux points : elle redevient nulle si les deux lignes coïncident avec la ligne de jonction des deux points : l’erreur maximum correspond évidemment à la position moyenne entre ces deux extrêmes; ainsi qu’on peut d’ailleurs le démontrer par la formule même de Legendre. De là on peut conclure que tant que deux points ne sont pas éloignés déplus de 1 ,400 kilomètres ou 350 lieues, l’erreur qu’on peut commettre sur le parallélisme de deux lignes qui y passent, en faisant abstraction de la courbure de la terre, ne va jamais à Uhf. Embrassons un espace un peu plus grand encore. Concevons que par un point de la surface de la terre on mène deux grands cercles perpendiculaires entre eux , qui pourront être , par exemple , une méridienne et sa perpendiculaire , mais qui pourront avoir aussi une tout autre orientation. A partir du point où les deux grands cercles se coupent à angle droit , mesurons sur chacun d’eux une distance égale à 7° 1/2 du méridien, et par les quatre points ainsi déterminés élevons sur les deux grands cercles des perpendi- < ulaires. Par cette construction , qui est analogue à celle sur laquelle repose la projection de Ccissini , nous formerons un qua¬ drilatère sphérique orthogonal dont les quatre côtés seront égaux , et dont les quatre angles seront de même égaux entre eux , qua¬ drilatère qui se rapprochera d’un carré autant que peut le faire une ligure tracée sur une sphère. Ce quadrilatère serait même un carré exact s’il était infiniment petit , mais il aura un diamètre égal à 15° du méridien, et ses quatre angles égaux entre eux surpasse¬ ront chacun 90"' d’une quantité qui, répétée quatre fois, formera ce qu’on pourra appeler Y excès sphérique de la figure entière. Maintenant les quatre côtés du quadrilatère sont rigoureusement parallèles deux à deux dans leurs points milieu ; mais à leurs ex¬ trémités ils ne sont plus parallèles , bien que les diagonales fassent avec eux des angles égaux; ils s’écartent du parallélisme d’une 893 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. quantité égaie à la moitié de X excès sphérique de la figure totale, c’est-à-dire au double de l’excès de chacun des quatre angles sur 90°. 11 est aisé de voir que cette quantité est égale à quatre fois F excès sphérique d’un triangle sphérique rectangle dont l’un des cotés de l’angle droit est de 7° 1/2, et dont l’un des angles aigus est de 45°. Le second angle aigu G de ce triangle se calcule par la formule cas G = cos c sin B , qui donne cos G = cos 7° 30' sin 45° et G = 45° 29' 1 7". Cet angle excède 45° de 29' 17", et, en quadruplant cette quantité, ce ejui donne 1° 57' 8", on a celle dont les extrémités correspondantes des côtés de notre qua¬ drilatère s’écartent du parallélisme. Or, notre quadrilatère a une largeur égale à 15° du méridien , c’est-à-dire à environ 1,667 kilomètres, ou un peu plus de 400 lieues. Il pourrait embrasser la France avec la plus grande partie des Iles Britanniques , de l’Allemagne et de l’Italie septen¬ trionale. Les deux points situés aux deux extrémités d’une de ses diagonales sont éloignés de plus de 2,350 kilomètres ou de près de 600 lieues , et cependant l’erreur la plus grande qu’on puisse com¬ mettre en comparant des lignes situées aux deux extrémités de cette diagonale de la manière la plus défavorable ne s’élève pas à 2°. Ce résultat est conforme au précédent, auquel nous étions par¬ venus par une voie un peu différente , car pour des distances bien éloignées encore d’être égales au quart du méridien, les excès sphériques de triangles semblables auxquels elles servent de base sont à peu près proportionnels à leurs carrés; or on a (1414)2 : 43' 31", 6 :: (2350)2 : x = 2° 0' 13", proportion dont le quatrième terme ne diffère de 1° 57' 8" que de 3' 5", et cette différence vient en partie de ce que je n’ai calculé que d’une manière ap¬ proximative les diagonales dont j’ai comparé les carrés. La dia¬ gonale de 2,350 kilomètres est à peu près égale à la distance de Lisbonne à la pointe nord de l’Ecosse, ou de Naples à Christiania. On peut conclure de là que lorsque l’on comparera entre elles des directions observées dans l’Europe occidentale moyenne , en négli¬ geant l’effet de la courbure de la terre , mais en tenant compte de la convergence des méridiens vers le pôle , on ne commettra que rarement une erreur de 2°. Il y aurait cependant un cas où les erreurs pourraient devenir plus considérables ; ce serait celui où on procéderait de manière à en accumuler plusieurs: ce qui arriverait par exemple si, au lieu de comparer directement un point à un autre , on le comparait par l’intermédiaire d’un troisième , ainsi qu’on peut le faire impu¬ nément lorsqu’on opère sur un plan. En effet, on ajoute alors à 89 II SÉANCE DU 17 MAI 18Zf7. l’erreur qui résulterait de la distance des deux points comparés une quantité égaie à l’excès sphérique des trois angles du triangle formé par les deux points comparés et par le point intermédiaire , quantité qui peut être additive aussi bien que soustractive. Ceci s’éclaircira par quelques exemples. 11 s’agit , par exemple , de savoir quelle devrait être l’orientation d’une ligne passant à Bayreuth pour quelle fut parallèle à une ligne passant au Binger- Locli , sur le Rliin , au-dessous de Bingen , et dont l’orientation est donnée. Pour y parvenir d’une manière approximative , en faisant abs¬ traction de la courbure de la terre , on joint le Binger-Loch à Bayreuth par un arc de grand cercle , et on détermine la diffé¬ rence des angles alternes internes formés par cet arc avec les mé¬ ridiens du Binger-Loch et de Bayreuth. La différence est de 2° 52' 25", de manière que si une ligne se dirige au Binger-Loch, à l’E. 32° N., celle qui, à Bayreuth , fera le même angle avec l’arc de jonction, et qui sera réputée parallèle à la première, se diri¬ gera à l’E. 29° 7' 35" N. Mais si on commence par mener une parallèle à la ligne donnée au Binger-Loch , par la cime de Brocken , point le plus élevé du Hartz, puis que par Bayreuth on mène une parallèle à celle menée par le Brocken , on trouvera que du Binger-Loch au Brocken la différence des angles alternes internes formés par la ligne de jonction des deux points avec leurs méridiens respectifs est de 2° 9' 2". Du Brocken à Bayreuth , la différence est de 46' 2". D’après les positions de ces divers points , les différences doivent s’ajouter, ce qui donne 2° 55' 4" au lieu de 2° 52' 25" pour la diffé¬ rence d’orientation que devraient présenter deux directions paral¬ lèles entre elles , l’une au Binger-Loch , l’autre à Bayreuth. La différence est de 2' 39". Il est aisé de voir que cette différence doit être exactement égale à l’excès sphérique du triangle Binger-Loch — Brocken — Bay¬ reuth , et tout en me bornant à la calculer par des moyens expé¬ ditifs, je lui ai trouvé une valeur bien peu différente de celle-là. En effet, les longueurs des trois cotés de ce triangle (mesurées simplement sur la carte) sont de 289 kilomètres (72 lieues), de 272 kilomètres (68 lieues) et de 219 kilomètres (54 lieues) , et l’angle compris entre les deux premiers est de 45° 45'. De là il ré¬ sulte , d’après la formule de Legendre , que l’excès sphérique du triangle est de 2' 23" : cela fait 16" seulement de moins que nous n’avions trouvé il y a un instant, et il est à remarquer qu’outre les légères inexactitudes qu’entraîne nécessairement l’emploi du 895 SÉANCE DU 17 MAI !8/l7. tableau de la page 881 , je me suis borne à calculer Y excès sphé¬ rique d’après des mesures grossières. Une petite partie de cette différence peut aussi résulter de ce que le triangle Binger-Loch — Brocken — Bayreutli est beaucoup plus grand que les triangles de 8 à 10 lieues de coté, généralement employés dans les réseaux géodésiques et auxquels la formule est particulièrement adaptée. Dans l’exemple donné par Legendre , les deux côtés du triangle employés dans le calcul ont seulement, l’un 38,829 mètres (9 lieues) et l’autre 33,260 mètres (8 lieues), et l’excès spliérique est seule¬ ment de 9", 48 décimales, qui correspondent à 3", 07 sexagésimales ; cette quantité est complètement négligeable dans une opération géologique : ainsi, quand on compare des points situés seulement à 8 ou 10 lieues les uns des autres, il n’y a absolument aucun motif pour tenir compte de la courbure de la terre , et par conséquent il est indifférent de comparer les points entre eux directement ou par l’intermédiaire les uns des autres. Quoique Y excès sphérique de la somme des trois angles d’un triangle soit proportionnel à sa surface , elle n’est encore que bien peu considérable et bien peu importante au point de vue géologique dans le triangle Binger- Loch — Brocken — Bayreuth, puisqu’elle se réduit à 2' 23"; d’où il résulte que , même en opérant sur cette échelle, on peut encore comparer les points entre eux dans un ordre quelconque , sans craindre d’accumuler des erreurs appréciables en géologie. Mais il n’en serait plus de même s’il s’agissait de comparer des points éloi¬ gnés de 12 à 1,600 kilomètres (300 à 400 lieues). Considérons, par exemple, le triangle dont les trois sommets seraient Keswick en Cumberland, Prague en Bohême et Ajaccio en Corse. On trouve que de Keswick à Prague la différence des angles alternes internes que forme la ligne de jonction des deux points avec leurs méridiens respectifs, calculée rigoureusement, est de 13° Al' A2", tandis que de Keswick à Ajaccio cette différence est de 8° A4' 22", et d’Ajaccio à Prague de 4° 7' 40". Ces deux der¬ nières différences réunies ne donneraient que 12° 52' 2"; la diffé¬ rence trouvée directement est de 13° 41' 42", c’est-à-dire plus grande de 49' 40". Cette diff érence répond à l’excès sphérique du triangle Keswick- Ajaccio- Prague. En effet, le côté Keswick - Prague a environ 1,259 kilomètres (315 lieues), et le côté Keswick Ajaccio a ap¬ proximativement 1,630 kilomètres (407 lieues) ; l’angle compris entre ces deux côtés est d’environ 38° 20'. Ces données approxima¬ tives introduites dans la formule de Legendre donnent pour l’excès 89(5 SÉANCE DU 1 7 MAI 1847. sphérique du triangle 53' 55", c’est-à-dire k' 15" de plus que nous n’avions trouvé directement , différence qui provient sans doute en partie de l’imperfection des mesures prises simplement sur la carte et nécessairement aussi de ce que la formule de l’excès sphérique n’est plus complètement exacte pour un aussi grand triangle. On voit qu’en passant par Ajaccio , pour comparer Keswick à Prague , on joindrait une erreur de plus de trois quarts de degré à celle qui résulterait déjà de la distance de Keswick à Prague ; mais ce qu’il importe de remarquer , c’est que 1 erreur est ici soustrac¬ tive, tandis que , dans le cas du triangle Binger-Loch — Brocken — Bayreuth , l’erreur était additive. Il est facile de se rendre compte de cette circonstance d’après les positions respectives des points comparés entre eux, et cela permet de concevoir que, lorsqu’on a à opérer un certain nombre de comparaisons de ce genre et à en prendre le résultat moyen , il peut se faire que les erreurs ré¬ sultant de la courbure de la terre soient en sens inverses les unes des autres et arrivent à se détruire en partie ou même complè¬ tement. C’est ce qui arrive de soi-même lorsque le point choisi pour centre de réduction est à peu près central par rapport au ré¬ seau formé par tous les points d’observation. Dans ce cas, au lieu d’avoir à craindre dans le résultat une erreur moyenne, par exem¬ ple d’un degré, résultant de l’effet négligé de la courbure de la terre , on peut compter que l’erreur de la moyenne se réduit à quelques minutes, et rentre par conséquent dans les limites que ne peut dépasser la précision des observations de direction. Cette circonstance permet, comme nous le verrons bientôt, de prendre, par un procédé très simple et très expéditif, et cepen¬ dant suffisamment exact , la moyenne d’un grand nombre d’obser¬ vations de direction faites dans des contrées assez distantes les unes des autres , par exemple dans presque toute l’étendue de l’Europe occidentale. Au surplus, comme je l’ai déjà dit, l’erreur commise relativement à chaque point , par l’effet de la courbure de la terre , a pour me¬ sure Y excès sphérique d’un triangle rectangle qui a pour liypo- thénuse la distance de ce point au centre de réduction , et dont l’im des angles aigus est celui formé au point que l’on considère par la direction qu’on y a observée et par la ligne de jonction avec le centre de réduction. On peut calculer tous ces excès sphériques et voir de combien la somme de ceux qui sont additifs surpasse la somme de ceux qui sont soustractifs, puis tenir compte de la dif¬ férence dans le calcul de la direction moyenne rapportée au centre de réduction . On verra aisément que pour arriver au 897 SÉANCE DU 17 MAI 1 8 /f 7 . résultat dvec toute l'approximation qu’on peut désirer , il suHit de calculer les excès sphériques de ceux des triangles rectangles indiqués , dont l’aire est la plus grande, et qu’on distingue aisé¬ ment sur la carte. En réduisant ces calculs au degré d’approximation strictement nécessaire , on peut les simplifier considérablement et les exécuter d’une manière très expéditive. La formule donnée par Legendre (1) pour calculer l’excès sphé¬ rique s des trois angles d’un triangle dont deux côtés , b et c , for¬ ment entre eux un angle A , se réduit , lorsqu’on veut obtenir la valeur de £ en secondes sexagésimales à b c sin A 1,296,000 7 r b c sin A 81 tt ‘ = k (20,000,000 )2 = 100,000,000,000 Si le triangle sphérique auquel on doit appliquer cette formule est rectangle , que b soit son hypothénuse , c l’un des côtés de l’angle droit, et A l’angle aigu compris entre ce côté et l’hypothénuse , on aura tang c tang b et pourvu que b soit de beaucoup inférieur à 90% qu’il 11e dépasse pas par exemple 15 à 20°, ou pourra, sans erreur considérable, remplacer le rapport des tangentes par celui des arcs , et admettre que l’on a approximativement cos A = — c = b cos A b en substituant cette valeur de c dans celle de z , en ayant égard à la relation sin 2 A = 2 sin A cos A , et en supposant que b est exprimé, non plus en mètres , mais en kilomètres , on réduit l’ex¬ pression de £ à la forme b 2 . sin 2 A . 81 . tt S ^ 200,000 * Cette formule donnera approximativement X excès sphérique relatif à l’un des points d’observation , en y substituant , à la place de b , (l) Legendre, Géométrie et trigonométrie , 10e édition, Soc. géoL , 2e série, tome IV. p. 426. 57 898 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. la distance de ce point au centre de rédaction , exprimée en kilo¬ mètres ; et pour A , l’angle formé , en ce point , par la direction qu’on y a observée et par la ligne menée au centre de rédaction. On peut se contenter de mesurer cette distance et cet angle sur la carte. Le calcul est ensuite facile à exécuter; mais on peut encore, dans une foule de cas , se dispenser de le faire en eu prenant à vue le résultat approximatif dans le tableau suivant , dont la con¬ struction et l’usage s’expliquent d’eux-mêmes , et qui rendra , pour ce nouvel objet, des services analogues à ceux que peut rendre le tableau de la page 881. Il a suffi, d’y insérer les valeurs de A com¬ prises entre 0 et à5°, attendu qu’à partir de A = h 5°, qui donne 2 A = 90°, les valeurs de sin 2 A rentrent dans celles qui se rap¬ portent à des valeurs de A moindres que à 5°. Tableau des valeurs données par la formule t = b 2 . sin 2 A . 81 . TT 200,000 A =3X 5o 10o 1 5o 20o 25 O 30° 55o 40° 45° kilom. & “H 00 2 >r 4" 6" 8" 10" 11" 12" 15" 15" 200 9 17 25 35 59 44 48 50 51 300 20 39 57 Y 14 Y 28 1' 59 1' 48 1' 33 1' 53 400 35 1' 10 Y 42 2 11 2 36 2 56 5 11 5 20 3 24 500 55 1 49 2 59 5 24 4 4 4 53 4 59 5 13 5 18 600 1 20 2 37 5 49 4 54 5 51 6 57 7 10 7 31 7 58 700 1 48 3 35 5 12 6 41 7 57 9 00 9 46 10 1 4 10 2.5 800 ç> 21 4 39 6 47 8 43 10 24 1 1 45 12 45 15 22 15 54 900 2 59 5 52 8 53 II 2 1 5 9 14 52 16 8 16 33 17 1 1 1000 5 41 7 15 10 56 13 38 16 17 18 22 19 56 20 55 21 12 1100 4 27 8 47 12 50 16 50 19 39 22 15 24 7 25 16 25 40 1200 3 18 10 27 15 16 19 58 25 25 26 27 28 42 50 4 50 52 1300 6 13 12 15 17 55 23 2 27 27 51 2 55 41 53 18 53 50 1400 7 13 14 13 20 47 26 45 51 50 53 59 59 5 40 53 41 54 1500 8 17 16 19 23 51 30 40 36 52 41 19 44 50 46 59 47 42 1000 9 26 18 34 27 9 34 54 41 33 47 1 51 1 33 28 54 17 1700 10 39 20 58 30 39 39 24 46 56 53 5 57 53 k 0 21 1° 1 17 1800 11 56 23 30 34 21 44 10 52 57 59 50 lo 4 54 1 7 40 1 8 42 1900 13 18 26 11 38 17 49 12 58 58 lo 6 18 1 11 56 1 15 25 1 16 55 2000 14 44 29 1 42 25 54 31 lo 4 58 1 13 27 1 19 42 l 23 32 1 24 49 Il est aisé de constater le degré d’approximation des valeurs de t que renferme ce tableau. A et C étant les deux angles aigus du trian¬ gle rectangle , Y excès sphérique de ses trois angles sera z = A -j- C — 90°. A étant mesuré sur la carte de même que le côté b , on déterminera C par la formule cot. C — cos b tang A ; ici b doit être exprimé , non plus en kilomètres, mais en degrés , minutes et secondes. Si est sa mesure en kilomètres prises sur la carte , on aura b : h : : 90° : 10,000 ; b ~ - on o 10,000 U • Celte première ré- 899 SÉANCE l)ü 17 MAI 18/|7. duction opérée , on 11’aura que doux logarithmes à chercher pour trouver celui de cos. C. Supposons, par exemple, A = 40°, X = 1,000, nous aurons 1 d'abord b — 90° — 9°, et nous trouverons, d’où rot. C === cas 9° ton g 40° ; C = 5 0U 20' 57" / 40a + 50° 20' 50" — 90° = 20' 57". 2 Supposons encore A nz 4 5°, k = 2000 , nous aurons b z=z — — 90° — 18°, et nous trouverons C = 46° 26' 12", d* ou £ = 4 5° + 46° 26' 12" — 90° = 1° 26' 12". Le tableau donne approximativement les valeurs correspondantes de s , qui sont £ — 20' 53" et z = 1° 24' 49"; çes valeurs approxi¬ matives sont plus petites que les valeurs exactes : la-première de 4", et la seconde de 1' 23". Mais les différences, surtout la première, sont très petites. On voit par là que les valeurs de e, données par la formule approximative et celles données par un calcul rigou¬ reux , ne diffèrent que de quantités qui, pour notre objet , sont à peu près insignifiantes. Ces valeurs ne diffèrent d’une manière un peu notable que vers la fin du tableau où la seconde des deux valeurs de e, que nous venons de considérer, occupe la dernière place; mais l’erreur est encore si peu considérable, même pour cette dernière , qu’il ne peut y avoir aucun inconvénient réel à employer les valeurs approximatives à la place des valeurs rigou¬ reuses. Les valeurs rigoureuses sont, au reste, si faciles à calculer, qu’on pourra aisément les déterminer dans tous les cas où on en aura besoin , soit dans l’étendue embrassée par le tableau , soit au-delà de ses limites. Peut-être, en voyant combien ces valeurs rigou¬ reuses sont faciles à obtenir, s’étonnera-t-on que je me sois borné à consigner dans le tableau les valeurs approximatives; maison aura le secret de cette préférence en remarquant que la forme de la formule approximative m’a permis de remplir les 180 cases du tableau sans effectuer complètement la calcul pour chacune d’elles, facilité que la formule rigoureuse ne me donnait pas. Avec cette dernière il m’aurait fallu répéter 180 fois le calcul logarithmique. 900 SÉANCE DU 17 MAI l8/]7. La progression que suivent les deux différences que je viens de citer montre que la formule approximative , qui donne Y excès sphérique , presque rigoureusement exacte pour les triangles dont le plus grand côté n’a pas plus de 1000 kilomètres , l’est déjà beau¬ coup moins pour ceux dont le plus grand côté en a 2000, et devien¬ drait rapidement de plus en plus inexacte si on l’appliquait à des triangles plus grands encore. En faisant usage du tableau pour tous les cas auxquels il pourra s’appliquer, et en recourant , pour le petit nombre de ceux auxquels il ne s’appliquera pas , au calcul complet du triangle sphérique rectangle , on obtiendra aisément pour le centre de réduction une direction moyenne dont on pourra toujours répondre à quelques mi¬ nutes près. J’en donnerai ci-après des exemples , en m’occupant successive¬ ment des divers systèmes de montagnes auxquels cette note est consacrée. Parmi les systèmes de montagnes dont je me suis occupé jusqu’à présent de fixer l’âge relatif et la direction, le plus ancien était le sys¬ tème du JF cstmoreland et du Hundsrück . Ainsi que je l’ai annoncé en 1833, dans l’extrait de mes recherches sur quelques unes des révo¬ lutions de la surface du globe , inséré dans le Manuel géologique , l’idée première de m’occuper de ce système m’a été suggérée par les recherches dont M. le professeur Sedgwick a communiqué les résultats, en 1831 , à la Société géologique de Londres. « Ce » savant géologue, qui s’était occupé (dès lors) depuis près de dix » ans de l’exploration des montagnes du district des lacs du » Westmoreland , a fait voir que la moyenne direction des diffé- » vents systèmes de roches schisteuses y court du 3N .-E. un peu E. » au S. -O. un peu O. Cette manière de se diriger fait que, l’un » après l’autre, ils viennent se perdre sous la zone carbonifère qui » couvre les tranches de leurs couches ; d’où il résulte qu ils sont » nécessairement en stratification discordante avec cette zone. » L’auteur confirme cette induction en donnant des coupes détail— » lées; et de tout l’ensemble des faits observés il conclut que les » couches des montagnes centrales du district des lacs ont été pla- » cées dans leur situation actuelle avant ou pendant la période du » dépôt du vieux grès rouge , par un mouvement qui n’a pas été » lent et prolongé , mais soudain (1). » (1) Voyez Recherches sur quelques unes des révolutions de la sur¬ face du globe , etc.... Manuel géologique , par M. de La Bêche, tra¬ duction française par M. Brochant de Viliiers , p. 024; et Traité de 901 SÉANCE DU 17 MAI 1847. A cette époque, les belles recherches de M. Murchison sur la région silurienne n’étaient pas encore ou étaient à peine commen¬ cées , le nom même de terrain silurien n’avait pas encore été pro¬ noncé , et, frappé de l’irrégularité des couches de transition mo¬ derne que j’avais visitées à Dudley et à Tortworth, couches qui n’avaient encore été rapprochées d aucunes de celles duAVestmore- land, je disais que des circonstances autres que celles mentionnées par M. le professeur Sedgwick me faisaient regarder moi-même comme bien probable que ce soulèvement « avait même eu lieu « avant le dépôt de la partie la plus récente des couches que les »> Anglais nomment terrains de transition , c’est-à-dire avant le » dépôt des calcaires à Trilobites de Dudley et de Tortworth (1). » « M. le profeseur Sedgwick a aussi montré , continuais- je, . » que, si on tire des lignes suivant les directions principales des » chaînes suivantes , savoir : la chaîne méridionale de l’Ecosse , » depuis Saint- Abbs-Iïeacl jusqu’au Midi de Galloway, la chaîne » de grauwacke de l’ile de Man , les crêtes schisteuses de File »> d’Anglesea , les principales chaînes de grauwacke du pays de » Galles et la chaîne de Cornouailles, ces lignes seront presque » parallèles l’une à l’autre et à la direction mentionnée ci-dessus, » comme dominant dans le district des lacs du Westmoreland. » L’élévation de toutes ces chaînes qui influent si fortement sur le » caractère physique du sol de la Grande-Bretagne, disais-je en- » core, a été rapportée par M. le professeur Sedgwick à une même » époque , et leur parallélisme n’a pas été regardé par lui comme » accidentel , mais comme offrant une confirmation de ce principe » général , déjà déduit de l’examen d’un certain nombre de mon- » tagnes, que les chaînes élevées à la même époque présentent un >» parallélisme général dans la direction des couches qui les com- » posent , et par suite dans la direction des crêtes que ces couches )> constituent (2). » Passant ensuite de la Grande-Bretagne sur le continent de l’Eu¬ rope, je disais que « la surface de l’Europe continentale présente » plusieurs contrées montueuses, où la direction dominante des » couches les plus anciennes et les plus tourmentées court aussi , » comme M. de Humboldt Fa remarqué depuis longtemps, dans » une direction peu éloignée du N.-E. ou de l’E.-N.-E. ( Hara 3-à, géognosie de M. Daubuisson , continué par M. Amédée Burat, t. III, p. 297. fl ) Ibid., p. 624 et 298. (2) Ibid. , p. 625 et 299. 902 SÉANCE I)U 17 MAI 18/|7. » de la boussole des Mineurs). Telle est, par exemple, la direction » des e ouches de schiste et de grauvvacke des montagnes de l’Eiffel , » du Hundsrück et du pays de Nassau , au pied desquelles se sont » probablement déposés les terrains carbonifères de la Belgique et » de Sarrebrück (ces derniers reposent, à Nonnweiler , route de » Birkenfeld à Trêves (1), sur la tranche des couches de schiste » et de quartzite). Telle est aussi celle des couches schisteuses » du Hartz ; telle est encore celle des couches de schiste , de grau- » wacke et de calcaire de transition des parties septentrionales et » centrales des Vosges, sur la tranche desquelles s’étendent plu- » sieurs petits bassins houillers; telle est même à peu près celle des » couches de transition, calcaires et schisteuses, d’une date pro- » bahlemcnt fort ancienne , qui constituent en grande partie le » groupe de la montagne Noire, entre Castres et Carcassonne , et » qui* se retrouvent dans les Pyrénées , où , malgré des boulever¬ sements plus récents , elles présentent encore , et souvent d’une » manière très marquée , l’empreinte de cette direction primi- » tive. » Enfin , cette direction hora 3 — 4 est aussi la direction domi- » nante et pour ainsi dire fondamentale des feuillets plus ou moins «prononcés des gneiss, micaschistes, schistes argileux et des » roches qnartzeuses et calcaires de beaucoup de montagnes appe- » lées souvent primitives, telles que celles de la Corse, des Maures » (entre Toulon et Antibes) , du centre de la France , d’une partie >» de la Bretagne , de l’Erzgebirge , de Grampians _ » Le parallélisme de cette direction et de celle observéé par » M. le professeur Sedgwick , en Angleterre, joint à la circon- « stance que cette loi d’une forte inclinaison dans une direction a « peu près constante , à laquelle obéissent presque universellement » les couches et les feuillets des terrains les plus anciens de F Eu- » rope , ne comprend pas les formations d’une origine postérieure, « conduit naturellement à supposer que l’inclinaison de toutes les » couches de sédiment qui sont comprises dans le domaine de » cette loi est due à une même catastrophe qui , jusqu’ici , est la » plus ancienne de celles dont les traces ont pu être clairement re- » connues. Il ne faut cependant pas désespérer , ajoutais-je, devoir » des recherches ultérieures mettre les lignes de démarcation , que » V observation indique déjà entre les différentes assises des anciens >> terrains de transition , en rapport avec des soulèvements plus (1 ) Explication de la Carte géologique de la France , t. F1', p. 698. SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 903 » anciens et encore plus effacés que celui dont nous venons de » parler (1). » Ce sont ces espérances, de vieille date, que je vais essayer de réaliser; mais auparavant je dois compléter, autant que l’état des observations le permet aujourd’hui , l’étude du système dont je viens de retracer les traits fondamentaux et d’abord rappeler pour¬ quoi je l’ai nommé système du iVestmoreland et du Hundsrück . Les noms qui rappellent un type naturel bien déterminé , ,« tels » que ceux de calcaire du Jura, d’argile de Londres , de calcaire n grossier parisien, ont, en géologie, des avantages tellement mar- » qués, qu’il était à désirer qu’on pût en employer du même genre » pour les divers systèmes d’inégalités d’âges différents qui sil- » lonnent la surface de la terre. Il n’était pas sans embarras de » choisir, pour indiquer une réunion de rides qui traversent une » grande partie de l’Europe , qui probablement s’y sont produites » au milieu d’accidents préexistants , et qui , depuis, ont été sou- » mises à un grand nombre de dislocations , un nom simple et » facile à retenir , qui se rattachât à des accidents naturels du sol » et qui ne fût pas exposé, à cause de sa brièveté même , à donner » lieu à des équivoques et à des disputes de mots. Il m’a semblé » qu’on pourrait adopter pour le système dont nous parlons le » nom de système du JV estmoreland et du Hundsrück , en convenant » de prendre la partie pour le tout, et en rattachant tout l’en- » semble à deux districts montagneux , où les accidents très an- » ciens qui nous occupent sont encore au nombre des traits les » plus proéminents. On pourrait tout aussi bien l’appeler système » du Bigorre , du Canigou , du Pilas , de l’Erzgebirge , du Harz , » puisque les couches schisteuses anciennes , dont ces montagnes » sont en grande partie composées , paraissent avoir contracté eiles- » mêmes , à l’époque ancienne qui nous occupe , leurs inflexions » primordiales. Mais comme ces mêmes montagnes paraissent de- » voir une grande partie de leur relief actuel à des mouvements » beaucoup plus récents , j ’ai craint qu’en les faisant figurer dans » la désignation d’un système d’accidents bien antérieur à la con- » figuration définitive qu’elles nous présentent , on n’introduisît » trop de chances de confusion (2).. » Depuis que ces pages ont été publiées , la réunion en un même ( l) Manuel géologique , p. 625 et 626 — Traité de géognosic , t. III, p. 301. 1 (2) Ibid. , p. 626 et 301-302. SÉANCE I)U 17 MAI 1 8/f7 . 904 faisceau de tous les accidents orographiques et stratigraphiques , dont je viens de rappeler les noms , est devenue de plus en plus indispensable ; quelques autres même ont dû y être réunis , quel¬ ques accidents partiels et de peu d’étendue devront seuls être dé¬ tachés des masses avec lesquelles ils étaient confondus. J’ai cru pendant longtemps que les couches schisteuses les plus anciennes de l’Ardenne, du Hundsrück , du Hartz, etc., correspon¬ daient , par leur âge , à celles du Longmynd , sur lesquelles les couches siluriennes inférieures reposent en stratification discor¬ dante. C’est dans cette pensée qu’en 1835 je proposai à M. Mur- ellison, ainsi qu’il a bien voulu le rappeler dernièrement (1), de donner au groupe de roelies schisteuses anciennes qui forme la base du Longmynd le nom de système hercynien , nom auquel M. le pro¬ fesseur Sedgwick a préféré celui de système cambrien. Mes illustres amis ont conservé eux-mêmes, pendant longtemps, quelque chose de cette ancienne opinion ; car sur la belle carte des terrains schis¬ teux des bords du Rhin, qu’ils ont publiée en 1840, ils ont indiqué un noyau cambrien dans l’Ardenne , près de Bastogne et de Houf- falize, et un autre sur les bords du Rhin , près d’Oberwesel et de St-Goar. L’incertitude où nous étions sur l’existence réelle de ces noyaux cambriens , l’impossibilité de les limiter avec précision , et d’autres difficultés encore, nous ont déterminés, M. Dufrénoy et moi, à figurer une grande partie de ces contrées schisteuses, sur la carte géologique de la France publiée en 1841 , comme composées de terrains de transition indéterminés , désignés simplement par la lettre et j’ajoutais dans l’explication de la même carte: « L’expression terrain ardoisier laisse dans une indétermination » dont il ne me paraît pas encore prudent de sortir aujourd’hui , et » l’époque du dépôt des schistes et des quartzites de l’Ardenne , et » l’époque de la conversion en ardoises d’une partie des premiers. . . . » Les schistes verdâtres qui , près de Bingen , sur le Rhin , alter- » nent avec des quartzites , m’ont paru présenter une ressem- » blance frappante avec ceux qui alternent de même avec des quart- » zites près deNouzon, sur les bords de la Meuse. De part et d’autre >* les quartzites sont semblables , et ils rappellent en tout point (1) Murchison , Mémoire lu à la Société géologique de Londres le 6 janvier 1 847. — Quarterly journal oj the gcol agirai Society, t. III, p. 4 67. 905 SÉANCE DU 17 MAI J 84 7. » quelques uns de ceux de la Bretagne. Le calcaire qui se trouve à » Stromberg, un peu à l’E. de Bingen, constitue une analogie de » plus avec le terrain des bords de la Meuse et de la Semois (1). De » petits bancs calcaires , remplis de crinoïdes et contenant aussi des » spirifers et d’autres fossiles, sont intercalés dans les schistes ardoi- » siers , depuis Moncy-Notre-Dame , près de Mézières , jusqu’à » Bouillon » (2), suivant une ligne dirigée del’O.-S.-O. ài’E.-IN.-E. Tous les pas que la science a faits depuis lors ont tendu à rajeunir les terrains dont il s’agit, par conséquent à les éloigner du terrain du Longmynd et à les rapprocher du terrain dévonien. Mais je rappellerai d’abord les analogies qui , sans en fixer encore l’âge , me portaient déjà , il y a six ans , à reconnaître un grand ensemble de dépôts contemporains dans ces terrains de transition indéter¬ minés de l’est de la France , qui tous sont affectés de la direction horci 3-4. Je disais dans l’explication de la carte géologique qu’à l’angle septentrional des Vosges, « au N. -O. de Schirmeck, le terrain se » compose de couches parallèles dirigées de l’O. 30° S. à l’E.30°N. » et plongeant d’environ 60° au S. 30° E. , de schistes argileux à » surface luisante , de grauwacke et de calcaire gris. On trouve , » dans les calcaires et dans les schistes , des Entroques , des Poly- » piers et des coquilles univalves et bivalves, malheureusement »> peu distinctes (3). » Et j’ajoutais plus loin : « . Ce terrain » schisteux , avec grauwackes et calcaires subordonnés , me paraît » avoir une grande analogie avec celui des parties de l’Ardenne » voisines de Mézières et de Bouillon , et rien n’empèclierait qu’on » ne supposât que ce sont deux affleurements d’un même système , » qui . dans tout l’intervalle entre Mézières et Framont, demeure » couvert par des dépôts plus modernes (4). » Je disais encore que « dans la partie méridionale des Vosges et » dans les parties adjacentes des collines de la Haute-Saône, on » trouve , au-dessous des porphyres bruns , un système de roches » schisteuses dont la direction court généralement entre le N.-E. » et FE.-N.-E. Ces roches schisteuses renferment des couches de » grauwacke , des débris végétaux et quelques amas de calcaire :> fossilifère. C’est la même réunion d’éléments que dans le terrain ) Explication de la Carte géologique de la France , t. \ tr, p. 265. (2) Ibid. , t. Ie»-, p, 258 (1841). ‘ (3) Ibid. , t. I , p. 322. (4) Ibid . , chap. V, t. le,‘, p. 323. 906 SÉANci DU 17 MAI 1847. » stratifie clos environs de Schirmeck , on dans la partie de l’Ar- » denne qui avoisine Mézières et Bouillon. Ces schistes rappellent » également ceux qu’on observe dans les montagnes entre la Saône » et la Loire , et dans la partie méridionale du Morvan , entre » Autün et Decise , et qui contiennent de même des amas stratifiés » de calcaire avec Encrines et quelques autres fossiles en petit >» nombre. Tous ces terrains schisteux font probablement partie » d’un même système que les roches éruptives ont disloqué (1). » Dans l’espace compris entre les granités du Champ-du-Feu et » les montagnes granitiques de Sainte-Marie aux Mines , la direc- » tiou moyenne des schistes se rapproche, à la vérité, davantage de » la ligne E. -O.; je concluais cependant que l’étoffe fondamentale » sur laquelle la succession des phénomènes géologiques a, en quel- » que sorte, brodé le relief actuel.... des Vosges, était un terrain » pourvu , dans beaucoup de parties , d’une stratification assez ré- » gulièrement dirigée de 10. 30 à Zi0° S. à l’E. 30 à 40° N. (2), ( moyenne E. 35° N. ) J’ajoutais que « le sol des Vosges et de la Forêt-Noire avait été » compris dans un ridement très général qui avait affecté tous les » terrains anciens d’une grande partie de l’Europe et leur avait » imprimé cette direction habituelle versl’E. 20 à 40° N., que j’ai » signalée dans les gneiss, les schistes et autres roches anciennes, » dont les bandes juxtaposées constituent le sol fondamental des » Vosges (3). » Dans le chapitre suivant du même volume, j’ai signalé les ana¬ logies qui me paraissent exister entre les roches fondamentales des montagnes des Maures et de l’Estérel, qui bordent la Médi¬ terranée entre Toulon et Antilles, et celles des Vosges. «Les » roches cristallines stratifiées des montagnes des Maures for- » ment, disais-je , un système analogue à Celui que nous avons » déjà signalé dans lesVosges (p. 309). Elles semblent avoir pour » étoffe première un grand dépôt de schistes et de grauwackes à » grains fins , contenant des assises calcaires et des dépôts char- » bonneux. » La cristallinité paraît s’y être développée après coup , par » voie de métamorphisme, mais d’une manière inégale, suivant (1) Explication de la Carte géologique de la France , t. Ier, p. 326. (2) Ibid., t. Ier, p. 301. (3) Ibid. , t. Ier, p. 417. 907 SÉANCE DU 17 MAP 1847. » les localités. C’est aux environs de Toulon et d’Hyères que la » cristallinité a fait le moins de progrès et que les schistes sont le » moins éloignés de leur état primitif (1). » « . Dans la presqu’île de Giens , les couches schisteuses sont » verticales et dirigées de FE.-N.~E. à FO. -S. -O. (2)3 » Ce que les schistes de la presqu’île de Giens ont peut-être de » plus remarquable , c’est la présence des couches calcaires qui y » sont intercalées. Elles se trouvent près de la pointe occidentale, » où les roches du système schisteux qui nous occupe ont quelque » chose de moins cristallin, de plus arénacé , et une teinte plus » grisâtre que dans les autres parties , et se réduisent même , en » quelques endroits , à des quartzites schistoïdes blanchâtres ou » gris (3). » . Les assises calcaires et les quartzites intercalés dans les » schistes de la presqu’île de Giens rappellent naturellement les » schistes qui contiennent simultanément des couches subordon- » nées de ces deux natures, dans les Ardennes et dans les Vosges. » (Voyez ci-dessus, chap. IV, p. 25â, etchap. V, p. 321 (4).) » . Les schistes d ’Hyè res ont de grands rapports avec ceux » des Grampians, comme le montrent les descriptions de Saussure )> comparées à celles de Playfair (5) ; quelques unes de leurs va- » riétés ressemblent également au killas du Cornouailles (6). » Le principal groupe des directions observées dans les monta- » gnes des Maures se dirige moyennement au N. 44° E. , direction » peu éloignée de celle que nous avons déjà signalée dans les » Vosges (chap. V, p. 311 , 318, 324 et 417), et résultant du » ridement général qui , à une époque géologique très ancienne , a » affecté les dépôts stratifiés d'une grande partie de l’Europe (7). >» Cette direction moyenne est en effet comprise dans le champ trop large peut-être de la désignation hora 3-4 , cependant elle s’éloigne plus de la ligne E.-O. que dans les autres localités que je viens de citer ; mais nous verrons bientôt qu’on peut essayer de subdiviser le groupe de directions qu’elle représente. (1) Explication de la Carte géologique de la France , t. Ier, p. 447. (2) Ibid., p. 448. (3) Ibid., p. 449. (4) Ibid. , p. 450. (5) Ibid., p. 453. (6) Ibid., p. 454. il) Ibid. , p. 467. 908 SÉANCE DU 17 MAI 1847. La direction de la plupart des anciens terrains stratifiés de l’Eu¬ rope se reproduit plus exactement encore dans les îles de Corse et de Sardaigne. Les montagnes granitiques qui composent la partie occidentale de la Corse forment une suite régulière de rides paral¬ lèles, dirigées à peu près de l’O.-S.-O. à l’E.-N.-E. , et embras¬ sant dans leurs interstices les échancrures symétriques des golfes de Porto , de Sagone, d’Ajaccio , de Valinco et de Ventilegne (1). D’après M. de la Marmora, les crêtes qui forment , en Sardaigne , les terrains de transition affectent une direction semblable. Cette même direction reparaît avec de légères variations dans les terrains de transition de la montagne Noire , entre Castres et Carcassonne, et dans ceux d’une partie des Pyrénées. Le massif de la montagne Noire , entre Castres et Carcas¬ sonne , depuis Sorrèze et le bassin de Saint-Féréol jusque vers Saint-Gervais et le pont de Camarès, est formé de masses ellip¬ soïdales de granités séparées par des bandes de roches schisteuses et calcaires, dont l’une présente les belles carrières de marbre de Caunes , entre Carcassonne et Saint-Pons. Ces diverses roches ont une tendance prononcée à former des bandes dirigées vers l’E. 30 à 40° N. ; celles qui sont stratifiées se dirigent vers l’E. 25 , 30, 35, 40 et 45° N. La moyenne de toutes ces directions, que j’ai relevées en grand nombre en 1832 , m’a paru être E. 34" N. La même direction s’observe aussi dans beau¬ coup de points des Cévennes , entre Meyrueis et Anduze. J’avais cru reconnaître encore la même direction fondamentale dans les roches schisteuses et calcaires souvent pénétrées par des granités qui forment la base des Pyrénées. Al. Durocher, qui depuis lors a fait de nombreuses observations sur les terrains anciens des Pyrénées , a publié une nombreuse série d’observations de direction (2) dont la moyenne s’écarterait un peu moins de la ligne E.-O. ; mais peut-être ces directions devraient- elles être divisées en deux groupes. Les fossiles renfermés en différents points dans les roches de transition que je viens de passer en revue n’ont pu servir, pen¬ dant longtemps, qu’à montrer qu’elles devaient être fort anciennes, sans qu’il fut possible de s’en servir pour les rapporter à un étage déterminé. Dans cette incertitude , nous ne pouvions pas , M. Du- (1] J. Reynaud , Mémoire sur la constitution géologique de la Corse. Mémoires de la Société géologique de France , t. I, p. 3. (2) Durocher, Essai sur la classification du terrain de transition des Pyrénées [Ann. des mines, 4e série, t.VI, p. 24 etsuivantes. 1 844). 909 SÉANCE DU 17 MAI l8/j7. fréuoy cl moi , les figurer 'sur la carte géologique de la France autrement que comme terrains de transition indéterminés , et elles y sont en effet coloriées en brun clair et marquées de la lettre / , qui est consacrée à ces terrains. Nous sommes redevables à M. de Buch de la cessation de cet état d’incertitude. M. de Buch, qui nous honore aujourd’hui de sa présence, a fait, dans ces dernières années, plusieurs voyages en France. L’année dernière, il a parcouru une grande partie des Pyrénées. A diverses époques, il a bien voulu examiner les collections de fossiles des localités sus-mentionnées que nous avons réunies à l’Ecole des mines. 11 a vu aussi ceux qui se trouvent dans les musées de Strasbourg et de Lyon. Tout récemment encore, il a examiné sous ce point de vue les collections recueillies dans les Pyrénées et dans les carrières de Caunes, par AI. üufrénoy et par moi, et il a reconnu , à l’ensemble des fossiles dont il s’agit , un caractère dévonien. Il rapporte spécialement au système dévonien les fossiles des terrains de transition des Pyrénées orientales , de la vallée de Campan, des carrières de Caunes (montagne Noire) et de celles de Schirmeck dans les Yosges (1). Toutes ces localités fossilifères, de même que celles du Hartz et des environs de Bayreuth, sont donc dévoniennes, mais elles me parais¬ sent l’être de la même manière que les localités du Hundsriick, du pays de Nassau, de l’Eifel et de la Westplialie, que MM . Sedgwick et Murchison avaient coloriées comme siluriennes dans leur belle carte publiée en 18Ù0. Dans leur mémorable travail sur les fossiles (1) Depuis le moment où j’ai fait cette communication à la Société géologique , M. de Buch , en retournant à Berlin, a visité les environs de Schirmeck et de Framont avec MM. de Billy et Daubrée ; et dans une lettre subséquente , dont je suis heureux de pouvoir consigner ici un extrait, il a confirmé son opinion de l’àge dévonien des calcaires de transition des environs de Schirmeck et de Framont. Berlin, le 19 juillet 1847. . « Le calcaire de Russ, de Schirmeck et de Framont est un » banc de corail, Calamopora polymoip/ta , Spongites , Cyathophil- » lurn , ni silurien, ni carbonifère, donc dévonien; c’est Gerolstein et « plus encore le Mühlthal du Hartz. Vainement on cherche des Spiri- « fers, des Térébratules , mais on trouve entre Schirmeck et Framont » X Ortoceratites regularis assez grand; il est encore dévonien ù » Elbersreuth près de Bayreuth. » 910 SÉANCE DU 17 MAI L 8 A 7 . des terrains anciens des provinces Rhénanes , imprimé dans les Transactions géologiques , à la suite du mémoire de 1VIM. Sedgwick et Murchison (1) , MM . le vicomte d’Archiac et de Verneuil ont placé dans le terrain silurien les localités fossilifères d’Abentheur (Hundsrück) , deWissembach , Ems, Kemmenau , Niederosbach , Braubach, Haüsling , etc. (duclié de Nassau), de Prüm et de Daun (Eifel) , de Solingen , Liegen, Unkel , Lauderskron , Lind- lar, etc. ( Westplialie) , et ils les ont par conséquent distinguées des localités dévoniennes des mêmes contrées. Aujourd’hui il serait question de considérer toutes ces localités comme dévoniennes , et je suis très porté à croire que c’est particulièrement de ces loca¬ lités , regardées primitivement comme distinctes du terrain dâvo- nien proprement dit , que doivent être rapprochées les localités fossilifères de la France dont je viens de parler. Les terrains schisteux du Fichtelgebirge et du F rankenwald, dans lesquels sont encastrés sous forme lenticulaire les calcaires fossilifè¬ res d’Elbersreuth, près de Bayreutli, et des environs de Hof, appar¬ tiennent essentiellement au système de couches anciennes caracté¬ risées par la direction hora 3 -U. C’est là que M. de Humboldt, en 1792 , a été frappé pour la première fois de la constance de cette direction. Il en est de même des terrains schisteux de l’Erzgebirge qui sont le prolongement de ceux de Fichtelgebirge et du Fran- kenwald, et de la plus grande partie de ceux du Hartz. Enfin, cette direction se dessine encore de la manière la plus nette dans les couches fossilifères des environs de Prague. Le beau travail que M. Joachim Barrande a commencé à publier sur ces derniers dépôts ne permet pas de douter qu’ils n’appartiennent au terrain silurien ; mais ils paraissent cependant ne pas être dénués de quelques rapports avec le terrain fossilifère d’Elbersreuth, car on lit les lignes suivantes dans la savante notice de M. Barrande : «11 » ne sera pas hors de propos de faire observer en passant qu’un assez » grand nombre de nos bivalves du genre Cardium , etc., parais- » sent se rapprocher de celles que le comte Munster a décrites » comme appartenant au calcaire d’Elbersreuth (2).» Les lumières nouvelles que ces divers rapprochements jettent si (1) Transactions of the gcological Society oj London : new séries , t. VI. (2) Joachim Barrande, Notice préliminaire sur le système silurien et les Trilubites de Bohême (1846), p. 45. 911 SÉANCE EU 17 MAI 1847. heureusement sur les terrains de transition que nous nous sommes bornés à colorier , 1VI. Dulrénoy et moi, sur la carte géologique de la France comme terrains de transition indéterminés , ne per¬ mettraient pas encore de les colorier d’une manière bien certaine. Il reste toujours évident que le terrain ardoisier de l’Ardenne et du Hundsrück constitue un système différent du terrain antliraxifève de M. d’Omalius d’Halloy. Les trois assises inférieures de ce terrain que M. d’Omalius a désignées sous les noms de poudingue de Burnot, de calcaire de Givet et de Fsammitesdu Condros, me pa- raissent toujours former un système distinct du terrain ardoisier, sur lequel le poudingue de Burnot repose près de Givet et de Fumay, et à Pepinster, près de Spa, en stratification discordante. A mes yeux , ces trois assises constituent le terrain dévonien pro¬ prement dit , et les couches nommées aussi dévoniennes qui font partie du terrain ardoisier appartiennent stratigraphiquement à un système plus ancien. Le terrain de transition longtemps indé¬ terminé , qui comprend le terrain ardoisier de l’Ardenne et du Hundsrück, et ceux que j’ai cherché à y rattacher dans les Vosges, dans les montagnes des Maures et de l’Estérel, etc. , se compose de ces couches dévoniennes anciennes , de couches siluriennes et peut-être de couches plus anciennes encore. Ce terrain est la matière constituante essentielle du Hundsrück et de toutes les rides dirigées hora 3-4 , que j’ai désignées sous le nom de système du Westmoreland et du Hundsrück. Il devient évident, d’après cela , que ce système de rides est postérieur au terrain silurien et même à une partie des couches qu’on désigne aujourd’hui comme dévoniennes ; mais il demeure également évident qu’il est anté¬ rieur, d’une part, au terrain dévonien de la partie S. -F. des Vosges (1) , et de l’autre , au poudingue de Burnot qui repose en stratification discordante sur les couches redressées du terrain ar¬ doisier. Le système du poudingue de Burnot, du calcaire de Givet et des psammites de Condros , a été regardé pendant quelque temps comme représentant le terrain silurien. A la même époque , le terrain ardoisier a été considéré comme représentant le terrain cambrien. Cela expliquera naturellement comment j’ai été conduit à regarder le système de rides du Huudsrück comme se rapportant à une époque intermédiaire entre le terrain cambrien et le terrain silurien. L’indécision où on a été ensuite sur l’âge cl’une partie des (I) Voyez Explication de la Carte géologique de la France , t. I p. 363. 912 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. couches dont les rapports stratigraphiques déterminent l’âge re¬ latif de ce système de rides, a dii me faire prévoir depuis long¬ temps lin changement dans l’énoncé de cette détermination et me rendre en même temps très circonspect à proposer un nouvel énoncé; mais en envahissant ainsi le terrain ardoisier et en général tout notre terrain de transition indéterminé, qui est la matière constituante essentielle des rides du système du Hundsrück, les dénominations de couches siluriennes et de couches dévoniennes ont conquis le droit de préséance , par rang d’âge , sur le système du Hundsrück. Je ne puis qu’applaudir à une pareille conquête et m’empresser de la proclamer au moment où les derniers nuages qui me la faisaient considérer comme douteuse viennent de dis¬ paraître de mon esprit. Si tous les doutes n’ont pas encore dis¬ paru, relativement à la classification de ces couches, il est cepen¬ dant devenu évident que le système du Hundsrück est postérieur aux couches siluriennes et aux couches dévoniennes anciennes ; mais rien n’est changé quant aux motifs qui le faisaient considérer comme antérieur au poudingue de Burnot , au calcaire de Givet et aux psammites de Condros , qui me paraissent représenter le terrain dévonien proprement dit , en ce sens qu’elles sont l’équi¬ valent chronologique exact du vieux grès rouge des géologues anglais. Un coup d’œil sur la structure stratigraphique de la Grande- Bretagne va confirmer ce premier aperçu. Dès l’origine, je dois m’empresser de le reconnaître, M. le professeur Sedgwick a indiqué l’âge relatif du système de rides auquel il a rapporté les montagnes du Westmoreland , les Lead Hills, les Grampians, en des termes auxquels l’énoncé que je pro¬ pose aujourd’hui ne fait que donner peut-être une plus grande précision. Dans le mémoire qu’il a communiqué à la Société géologique , en 1831 , M. le professeur Sedgwick disait que les chaînes dont il s’agit avaient été soulevées avant le complet déve¬ loppement du vieux grès rouge (1). Il est vrai que ce premier énoncé ne s’opposait pas à ce qu’on supposât le soulèvement de ces mêmes chaînes plus ancien que le vieux grès rouge , mais les dernières publications du savant professeur de Cambridge ont levé à cet égard toutes les incertitudes. Dans un de ses derniers mémoires , lu à la Société géologique (1) . Ail elevated nearly of the some period , before the complété développement of the old-red-sandstone. ( Proceedings of the geolo- gical Society of London , vol. Ier, p. 244 et 285.) SÉANCE DU 17 MAI 1847. 913 de Londres, le 1*2 mars 1845 , M. le professeur Sedgwick dit que dans la vallée de la Lune , les roches de Ludlow supérieures sont recouvertes par une masse épaisse de tilestone , dont les couches les plus élevées sont remplies de fossiles appartenant tous aux espèces du terrain silurien supérieur. Il pense qu’il n’existe pas dé véritable passage entre ce tilestone et le vieux grès rouge qui le recouvre , et cette opinion est basée sur les trois faits suivants : 1° C’est une règle générale que les conglomérats du vieux grès sont en discordance complète avec les schistes supérieurs du Westmoreland : on peut en citer un grand nombre d’exemples in¬ contestables. 2° Les couches du conglomérat du vieux grès rouge, sur les bords de la Lune , ne sont pas exactement parallèles aux couches du tilestone. 3° Ces conglomérats contiennent de nom¬ breux fragments de tilestone qui doivent avoir été solidifiés avant la formation des conglomérats (1). M. le professeur Sedgwick a encore confirmé ces conclusions dans un nouveau mémoire lu à la Société géologique de Londres, le 7 janvier 1846, en disant qu’il existe une ressemblance générale entre les espèces que renferme le terrain silurien supérieur dans la région silurienne et dans le Westmoreland. Considéré comme un grand groupe, le terrain silurien supérieur peut, d’après le savant professeur, être regardé comme presque identique dans les deux contrées , et il se termine , dans l’une et dans l’autre , par des cou¬ ches appartenant à un même type minéralogique , c’est-à-dire formées de dalles rouges ou tilestones (2). Enfin , dans son dernier mémoire lu à la Société géologique, le 16 décembre 1846, M. le professeur Sedgwick regarde le conis- ton li m es to ne du Westmoreland comme l’équivalent du caradoc sandstonc , et les couches les plus élevées de la même série (entre Kendal et Kirby-Lonsdale) comme représentant les ludlow-rocks supérieurs et le tilestone de la région silurienne (3). Il est donc avéré que le redressement des couches du Westmo¬ reland est postérieur au dépôt du tilestone , mais antérieur à celui du vieux grès rouge proprement dit. Les couches schisteuses rouges qui sont désignées sous le nom de tilestone , ont été considérées jusqu’à ces derniers temps, surtout d’après leur couleur , comme formant l assise inférieure ('I) A. Sedgwick, Quarterly Journal of the géologie al Society, vol. 1er, p- 449. (2) A. Sedgwick, Ibid., vol. II, p. 119. (3) A. Sedgwick, Ibid., vol. III, p. 159. Soc. géol. , 2e série, tome IV. 58 SÉANCE DU 17 MAI 18/l7. 91 h du vieux grès rouge ; mais dans ses publications les plus récentes, M. Murcliison a , de son côté , séparé le tilestone du vieux grès rouge , pour le comprendre dans le terrain silurien. Dire que le redressement des couches du Westmoreland est postérieur au tiles¬ tone et antérieur au reste du vieux grès rouge , revient donc exactement à dire qu’il est postérieur au terrain silurien et anté¬ rieur au vieux grès rouge , dans V acception actuelle de ces deux expressions , et qu’il établit la ligne de démarcation entre ces deux grandes formations. Cet énoncé cadre , d’une manière remarquable, avec celui au¬ quel j’ai été conduit ci-dessus relativement au Hundsriick , lors¬ que j’ai dit que le redressement de ses couches est postérieur au dépôt du terrain silurien et des couches dévoniennes anciennes , mais antérieur au dépôt du terrain dévonien proprement dit. On doit , en effet , se rappeler que le terrain dévonien , tel que MM. Murcliison et Sedgwick l’ont défini originairement d’après l’étude du Devonshire , est la réunion des couches qui, sans avoir la couleur ni la composition du vieux grès rouge , en sont néan¬ moins les équivalents chronologiques. Or, à l’époque où cette dé¬ finition a été donnée , le tilestone était encore compris dans le vieux grès rouge. Le terrain dévonien , tel qu’on l’a poursuivi sur une partie du continent de l’Europe , d’après ses caractères pa- léontologiques , comprend donc des couches qui représentent chronologiquement le tilestone. .le suis porté à présumer que les couches dévoniennes anciennes , qui font partie du terrain ar- doisier de l’Ardenne et du Hundsriick , sont les équivalents chro¬ nologiques du tilestone , et que le poudingue de Burnot , le cal¬ caire de Givet et le psammite du Condros, que je désigne sous le nom de terrain dévonien proprement dit , représentent collec¬ tivement le vieux grès rouge dans le sens restreint actuel de cette expression , le vieux grès rouge proprement dit. Cette question pourra peut-être se décider par une étude nou¬ velle du Cornouailles et du Devonshire, faite dans ce but spécial. Des couches fossilifères, bien caractérisées comme siluriennes, ont été signalées dernièrement sur la côte S.-E. du Cornouailles, aux environs de Falmoutli et de Saint-Austle , par AI. Peach. Dans une lettre adressé le 12 avril .dernier à sir Charles Lemon, sir Roderick Alurcliison dit qu’à la première vue des fossiles re¬ cueillis par AI. Peach , il reconnut qu’il existe au Cornouailles de véritables couches siluriennes, et même des couches siluriennes inférieures , fait dont il trouve la preuve dans la présence de cer¬ tains Orthis à côtes simples, qui sont le caractère invariable de SÉANCE 1)U 17 MAI 1 8/|7 . 915 cette époque. Il annonce en outre que l’une des coquilles , le Belle- rophon tri loba tus , que M. Peacli a trouvées avec certains débris de poissons dans la zone des roches de Polperro , est une des coquilles caractéristiques des tilestones du Herefordshire et de Shropsliire, et a aussi été trouvé dans les couches du même âge du Cumberland (sur les confins du Westmoreland, entre Kirby-Lonsdale et Kendal), couches qui forment, dit-il, l’assise supérieure du terrain silurien ou une transition entre le terrain silurien et le terrain dévonien. M. Murcliison ajoute encore que le district du Cornouailles dans lequel existent des couches siluriennes incontestables, est celui dans lequel M. le professeur Sedgwick et sir Henry de La Pèche avaient indiqué l’existence d’une ligne de soulèvement dirigée du N. -E. au S. -O. , qui , en amenant au jour certains schistes quartzeux et argileux , avait relevé les couches de part et d’autre au S.-E. et au N. -O. suivant une ligne qui traverse la baie de Falmouth. Avant d’avoir subi ce nouvel examen , toutes ces couches fossilifères du Cornouailles avaient été coloriées comme dévoniennes. Ainsi que M. le professeur Sedgwick l’a annoncé dans le mé¬ moire de 1831 que j’ai déjà rappelé , les chaînes des Lead-Hills et des Grampians , en Ecosse , qui , lorsqu’on les considère avec leurs prolongations dans le nord de l’Irlande , forment deux des lignes fondamentales des îles Britanniques , paraissent avoir reçu les traits principaux de leurs formes en même temps que les mon¬ tagnes du Westmoreland et que la chaîne fondamentale du Cor¬ nouailles. Le vaste massif des montagnes de l’Ecosse, comme celui des contrées Rhénanes , a sans doute éprouvé , même dans les Grampians , plusieurs soulèvements successifs à des époques fort éloignées les unes des autres. On y en distinguera probablement de plus anciens que celui qui nous occupe. Il s’y en est aussi produit de plu» modernes. J’ai moi-même exprimé depuis longtemps l’opi¬ nion que les montagnes de l’Ecosse et de l’Irlande, depuis les îles Orcades et Shetland jusqu’aux granités de Wicklow et de Car- low , présentent des dislocations parallèles ' aux failles du système du Rhin, et qui en sont probablement contemporaines (1). J’ai aussi indiqué, dans ces montagnes, des accidents stratigraplii- ques postérieurs au dépôt du terrain jurassique et antérieurs à celui des terrains crétacés (2). Peut-être y en a-t-il d’autres encore (1 \ Explication clc la Carte géologique de la France , t. Ier, p. 434. (2) Annales des sciences naturelles , t. XIX. 916 SÉANCE DU 17 MAI 1847, de dates postérieures ou intermédiaires ; mais il paraît évident que la convulsion qui a façonné le relief principal des Grampians et des Lead-Hills , est précisément celle qui a redressé les couches sur les tranches desquelles reposent les conglomérats grossiers que M. le professeur Sedgwick et M. Murcliison ont si bien décrits comme formant dans ces contrées la base du vieux grès rouge (1). Ces poudingues , à très gros fragments , que les anciens géologues écossais signalaient, avec tant de raison, comme les témoins d’une grande révolution du globe , et qui marquaient à leurs yeux la limite entre les terrains primaires et les terrains secondaires , ne rappellent en rien le tilestone. Tout annonce qu’ils représentent la base du vieux grès rouge proprement dit. La présence du terrain silurien n’a pas encore été signalée en Ecosse d’une manière complètement démonstrative , mais je crois qu’on peut regarder comme extrêmement probable que les couches de schiste et de grauwacke des Lead-Hills , dont sir James JJall a si bien décrit les contournements , que les calcaires , les schistes ar¬ gileux et les roches arénacées des Grampians et des îles de Jura et d’Isla , que Playfair , le docteur Mac-Gulloch , 31. le profes¬ seur Jameson et d’autres géologues écossais ont étudiés avec tant de soin, appartiennent, au moins en grande partie, à ce terrain. Il paraît donc difficile de douter que la grande discordance de stratification de l’Ecosse ne corresponde exactement à celle du Westmoreland. Il me paraît également probable que le poudin¬ gue inférieur du vieux grès rouge de l’Ecosse correspond aux pou- dingues de Burnot et de Pepinster , et, par conséquent, que la grande discordance de stratification de l’Ecosse correspond à celle qui existe en Belgique entre le terrain ardoisier et le terrain dé¬ vonien proprement dit. Enfin , je crois reconnaître ce même pou¬ dingue dans celui de Poullaouen en Bretagne, et en général dans tous ceux que M. Dufrénoy a signalés comme formant dans celte presqu’île la base du terrain dévonien tel que nous l’avons limité sur la carte géologique de la France. Cet horizon géognostique me paraît le plus largement et le plus fortement marqué de tous ceux qu’on peut indiquer aujourd’hui dans la série des anciens terrains de transition. En l’adoptant comme base de classification on en reviendrait finalement à la principale division que M. d’Omalius (i) A. Sedgwick and R.-I. Murchison : On the structure and rela¬ tions of the deposits contained between the primary rocks and the oolitic sériés in the north of Scotland. — Transactions of the écolo¬ gie al Society of London , new sériés , t. III, p. 125. 917 SÉANCE r>U 17 MAI 18/|7. d’IIalloy a indiquée depuis longtemps dans la série des terrains de transition , par le partage en terrain ardoisier et terrain antliraxifère, dont il a posé les fondements dès 18U8, dans son£.v- sai sur la géologie du nord de la France , publié dans le Journal des mines , t. XXIV, p. 123. L’importance de cette ligne de démar¬ cation , si heureusement indiquée il y a bientôt quarante ans par l’un des observateurs les plus pénétrants qui aient exploré l’Eu¬ rope , me paraît d’autant plus grande , que les beaux travaux de MM. Murchison et de Verneuil sur la Suède et la Russie , et le dernier mémoire de M. de Bucli sur l île Baeren (1) , montrent qu’elle constitue réellement l’un des traits les plus étendus de la structure de l’Europe septentrionale. Quelques mots vont suffire pour faire comprendre ma pensée à cet égard. MM. Murchison et de Verneuil, dans leur dernier voyage en Suède , ont constaté que l’île de Gothland présente les différents étages du terrain silurien superposés l’un à l’autre, plongeant légèrement au S.-S.-E. , et formant des crêtes qui se dirigent à l’E.-N.-E. Le magnifique ouvrage de MM. Murchison , de Verneuil et de Keyserling , sur la Russie, nous montre la côte méri¬ dionale du golfe de Finlande , formée aussi par les différentes assises du terrain silurien, présentant encore une inclinaison légère, mais dirigée vers un point de l’horizon plus rapproché du S. que le S.-S.-E. , et avec cette circonstance que les couches silu¬ riennes supérieures ne se montrent que dans la partie occidentale de cette côte. Au midi , et à peu de distance de cette même côte , le vieux grès rouge , qui couvre en Russie de si grands espaces , se superpose au terrain silurien ; mais à l’O. , en face de l’île de Dago, il est en contact avec les couches siluriennes supérieures, tandis qu’à l’E., près de Saint-Pétersbourg et du lac Ladoga , il s’appuie directement sur les couches siluriennes inférieures: par conséquent il est superposé au terrain silurien en stratification discordante. De plus, il n’est assujetti en rien aux allures du terrain silu¬ rien. Il le déborde, à partir du lac de Ladoga, pour s’étendre vers Archangel , où il se perd sous les eaux de la mer Blanche. Enfin, les remarques ingénieuses que M. de Bucli a consignées dans son beau mémoire sur l’ile Baeren , nous conduisent à concevoir que , (1) Die Baeren-Insel nach B. M. Keilhau, von Léopold von Buch. — Berlin , 1 847. 918 SÉANCE DU 17 MAI 1847. s’étendant sous les eaux de la mer Glaciale , le vieux grès rouge entoure au N. le vaste système des montagnes de la Scandinavie pour aller se relever dans les îles Shetland et au pied des montagnes de l’Ecosse. Souvent disloqué dans ces contrées septentrionales, le vieux grès rouge y laisse cependant apercevoir un vaste réseau de disloca¬ tions plus fortes encore , et antérieures à son dépôt , dont une partie ont affecté les couches siluriennes d’une manière plus ou moins sensible. Ainsi l’horizon géognostique du poudingue de Burnot, de Pépinster et de l’Ecosse , forme un des traits les plus largement dessinés de la structure stratigraphique de l’Europe septentrio¬ nale, depuis la rade de Brest jusqu’à la mer Blanche, et depuis les îles Shetland jusqu à l’Ardenne et même jusqu’aux ballons des Vosges. J’ajouterai peut-être quelque chose encore à l’intérêt que peut présenter cette rapide esquisse, si je montre que dans tout ce vaste espace , et même dans des contrées cpii s’étendent beaucoup plus au midi , on peut suivre un grand ensemble de dislocations toutes concordantes entre elles par leurs directions, et toutes pos¬ térieures au terrain silurien et aux couches dévoniennes anciennes [tilestone fossilifère) , mais toutes antérieures au vieux grès rouge et au terrain dévonien proprement dit. Il ne me sera pas possible de comprendre aujourd’hui dans ce résumé !a totalité des localités européennes dans lesquelles on a observé des directions dépendantes du système du JV estrnoreland et du Hundsrück. Je me bornerai à un certain nombre pour les¬ quelles j’ai actuellement des observations plus nombreuses ou plus pr cises que pour les autres, et je m’occuperai de grouper toutes ces observations de manière à en déduire une moyenne générale par les procédés que j’ai indiqués au commencement de cette note ; puis je comparerai cette moyenne générale aux observations locales pour apprécier l’importance des divergences partielles qui pour¬ ront se manifester. Je vais passer en revue successivement , en allant du nord au sud, ces diverses localités ou cantons géologiques. Dans chacun d’eux , je remplacerai toutes les observations de direction par une moyenne qui représentera la direction d’un petit arc du grand cercle dont le milieu se rapporterait au centre du canton. On se rappellera qu’un léger déplacement dans ce point central n’ap¬ porterait pas de changement sensible dans le résultat final , cl’où il suit que la détermination de ce point n’exige aucun travail spécial. SÉANCE I)U 17 MAI 18A7. 919 Pour chaque canton , je désignerai le point central de la manière la plus simple possible, et j’indiquerai sa latitude, sa longitude et l’orientation du petit arc du grand cercle qui y représente les ob¬ servations de direction. 1° Laponie. Dans ces dernières années, M. le professeur Keilhau a lait d’excellentes observations géologiques dans la Laponie norvé¬ gienne. Elles ont paru dans sa G ca-Norvegi ca avec une carte géolo¬ gique de cette contrée , et M. de Netto en a publié, dans un des der¬ niers numéros du journal de MM. Lehouard et Bronn , un résumé accompagné d’une carte réduite (1) . Les formations sédimentaires de la Laponie, déjà décrites en partie, il y a quarante ans, par M. Léo¬ pold de Bueh , appartiennent, suivant toute apparence , au terrain silurien. Elles sont redressées dans des directions qui se rapprochent généralement de l’E.-N.-E. Je rapporte leur direction moyenne, déterminée simplement d’après la carte de M. de INetto , à un point à peu près central de la Laponie , pour lequel les désignations que j’ai annoncées sont : Laponie , lat. 70u N. ; long. 23° 30' E.; direc¬ tion E. 22° 30' N. 2° Côte méridionale du golfe de Finlande. La direction de la bande silurienne des provinces baltiques de la Russie , est assez exactement représentée par une ligne tirée de Revel à Cronstadt. Cette ligne , qui est sensiblement parallèle à la direction des cou¬ ches siluriennes et à la direction générale de la côte méridionale de la Finlande, coupe le méridien de Dorpat, qui répond au milieu de la longueur du golfe de Finlande , sous un angle de 73°. Pour ce canton géologique , les désignations seront : Estonie , lat. 59° 30' ; long. 2à 23' 1 5/y E.; direction E. 17° N. 3 0 Lie de Gothland. Dans l’île de Gothland, les couches silu¬ riennes plongent légèrement au S.-S.-E. et sont dirigées à l’E.-N.-E. (2). On peut prendre pour point central de ce canton la ville de Wisby, située à peu près au milieu de la longueur de l’île. If^isby , lat. 58° 39' 15/r; long. 16° 6' 15;/ E. ; direction E. 22° 30' N.. k° Gram pi ans. Le trait le plus facile à saisir dans la structure stratigrapliique des Grampians est la direction presque rectiligne de leur base méridionale. Cette direction fait , avec le méridien du Loch-Tay qui se trouve presque au milieu de sa longueur , un (1 ) Jahrbuch far minéralogie , geognosie un petref actenkunde , année 1 847, p. 129. (2) Murchison , Quarterly Journal of geology, février 1847, t. III, p. 21. 920 SÉANCE DU 17 MAI 1847. angle de 52°. Je prends pour point central de ce groupe un point situé sur les bords du Locli-Tay, par 56° 25' de latitude nord et 6° 37' de longitude à l’O. de Paris. La désignation que j’ai annon¬ cée devient alors pour ce groupe : — Grarnpians , lat. 56° 25' N., long. 6° 37' O. , direction E., 38° N. 5° JVestmorcland. D’après M. le professeur Sedgwick, les cou¬ ches du groupe montagneux du Westmoreland se dirigent généra¬ lement du S. -O. un peu O. , au N.-E. un peuE. J’adopte comme moyenne la direction E. 37° 30' N., et pour point central la ville de Keswick. — Keswick , lat. 54° 35' N., long. 5° 9' 13" O., di¬ rection E. 37° 30' N. 6° Région silurienne. Je prends pour centre de cette région le bourg de Churcli-Stretton , situé au pied du Longmynd, et pour direction la moyenne de celles que la belle carte de M. Mur- cliison assigne aux couches siluriennes. — Church-Strctton , lat. 52° 35', long. 5° 10', 20" O., direction E. 42° N. 7° Cornouailles. La ligne suivant laquelle les couches silu¬ riennes sont soulevées sur la cote S.-E. du Cornouailles, se dirige, d’après M. Murchison , au N.-E. et traverse la baie de Ealmoutb. Je prends cette ville pour point central. — Falmouth , lat. 50u 8', long. 7° 23' O., direction E. 45° N. 8° Erzgebirgc. D’après le travail publié dernièrement par M. le professeur Cotta sur les filons de l’Erzgebirge (1) , la direction moyenne des roches stratifiées de l’Erzgebirge rapportée au méri¬ dien magnétique, est hora 5 1/4. La déclinaison à Ereiberg étant d’environ 16° 40' O., cette orientation revient à E. 27° 55' N. par rapport au méridien astronomique. Je prends naturellement pour point central Ereiberg. — Freiberg , lat. 50° 55' 5" N., long. 11° 0' 25" E., direction E. 27° 55' N. 9° Frankenwald. Je prends pour point central la ville de IJof, où M. de Humboldt résidait lorsqu’il a eu la première idée de s’occuper de la direction remarquablement constante des cou¬ ches de ces contrées, et je prends pour direction celle figurée sur la belle carte géologique de l’Europe centrale , par M. de Declien , qui est E. 28° N. : les calcaires d’Ebersreuth,près Bayreuth, appar¬ tiennent à ce groupe. — Hof, lat. 50° 29' N., long. 9° 35' E., di¬ rection E. 28° N. 10° Bohême. J’ai fait en Bohême, en 1837, un certain nombre (1) Cotta, Die Erzgange und dire Bezeichnungen zu deu Erupti- vengesteinen , nachgewiesen im. departement de /’ Aveyron von Fournet. 921 SÉANCE DU 17 MAI 1847. tV observations sur les directions des couclies du terrain de cal¬ caire , de schiste et de quartzite dont M. Joachim Barrancle a si bien établi depuis lors l’ordre de superposition et l’âge silurien ; j’en ai fait aussi sur les directions des schistes et des gneiss qui avoisinent le terrain silurien. Vingt-huit de ces observations faites aux environs de Prague , de Przibram et de Brzezina , tombent entre 1 E et l’E. 50° N., et donnent, pour moyenne, la direction E. 28" 4 0' N. Si on se bornait aux observations faites sur les cou¬ ches siluriennes , la direction moyenne serait un peu moins éloi¬ gnée de la ligne E.-O. Je m’en tiens à la moyenne générale. • — Prague , lat. 50° 5' 19", long. 12° 5' E. , direction E. 28" 40' N. 11° A r derme. Les couches du terrain ardoisier de l’Ardenne se dirigent en général entre leN.-E. et l’E.-N.-E. ; d’après l’impor¬ tant mémoire que M. Dumont vient de publier sur le terrain ar- dennais , elles oscillent autour d’une moyenne qui est à peu près E. 25° N. J’ avais indiqué moi-même d’une manière générale entre Charleville et Fépin une direction moyenne de l’E.-N.-E. à ro.-s.-o. , en signalant en plusieurs points la direction E. 25° N. (1) ; et d’après l’autorité de M. Dumont, qui a fait dans cette contrée des observations plus nombreuses que les miennes, je n’hésite pas à m’arrêter à cette même direction E. 25° N. qu’on peut rapporter à Mont-Henné dans la vallée de la Meuse. — Ar- dcnne , lat. 49° 53', long. 2° 23' E. , direction E. 25° N. 12° Condros. La direction moyenne des couches de l’Ardenne présente quelque incertitude à cause des écarts nombreux et con¬ sidérables qu’on y observe , et cela m’engage à faire entrer en ligne de compte la direction beaucoup plus régulière des couches antliraxifères de Condros, direction que je regarde, ainsique je l’ai annoncé ailleurs (2) , comme une reproduction postérieure et accidentelle de celle des couches de i’Ardenne. D’après M. d’Oma- lius d’Halloy (3) , les crêtes du Condros se dirigent régulièrement à l’E. 35° N. Le centre du Condros est un peu au N. de Marche et Famene , par 3° de long. E. de Paris, et 50° 15' de lat. JN. — Condros , lat. 50° 15', long. 3° E., direction E. 35° N. 13° Taunus. La chaîne du Taunus présente sur la route de Wies- (-1 j Explication de la carte géologique de la France , chap. iv , t. Ier, p. 259 à 263. (2) Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe, extrait inséré dans la traduction française du Manuel géolo¬ gique de M. de La Bêche, p. 616. (3) D’Omalius d’Halloy [Journal des mines , t. XXIV, p. 275). 922 SÉANCE 1)U 17 MAI 1847. baden à Langen-Schwalbacli , une série de couches de quartzites et de schistes, dont la direction moyenne est à l’E. 33° 13' N. — Tannas , lat. 50° 41' N. long. 5° 47' E., direction E. 33° 13' N. 14° Binger-Loch. Le Taunus est le prolongement oriental de la chaîne du 1 lundsrück, dont il est séparé par le Rhin, qui s’échappe de la plaine de Mayence par le défilé appelé le Binger Loch. Dans ce défilé la direction des couches de quartzites et de schistes verts de l’extrémité de Hundsrück , est assez irrégulière , ce qui tient sans doute à la formation violente de la fissure dont l’élargisse¬ ment a produit le défilé. La moyenne des observations que j’y ai faites m’a donné la direction E. d3° 50' N. — Binger-Loch, lat. 49° 55', long. 5° 30' E., direction E. 43“ 50' N. 15° Hundsrück- Taunus. Le Hundsrück et le Taunus ne for¬ ment réellement, comme on vient de le dire, qu’une seule chaîne coupée en deux par un défilé. La direction moyenne de cette chaîne, qui représente assez bien celle des diverses bandes du terrain de transition de la contrée , est à l’E. 27° 30' N. On peut la rapporter au défilé qui partage la chaîne en deux tronçons. — Binger-Loch , lat. 49“ 55', long. 5° 30' E., direction E. 27° 30' N. 16° Bretagne. Parmi les directions comprises dans la désigna¬ tion générale h or a 3-4 qui s’observent dans les roches schisteuses d’une foule de points de la presqu’île de Bretagne, une partie seule¬ ment me paraît se rapporter proprement au système du AVestmo- reland et du Hundsrück. On en voit un exemple bien développé dans les départements de l’Ille-et-Vilaine et des Côtes-du-]\ord , aux environs de Cancale , de Jugon et de Lamballe. Point cen¬ tral, Saint Malo. — Saint-Malo , lat. 48° 39' 3", long. 4° 21' 26" O. , direction E. 42u 15' N. 17° Bi 'etagne. Lorsqu’on jette les yeux sur la partie de la carte géologique de la France qui représente la presqu’île de Bretagne, on est frappé de certaines lignes d’accidents stratigraphiques qui la traversent en entier, par exemple de Caen à Belle- lsle et du cap de la Hague à la pointe de Penmarcli. La direction moyenne de ees lignes est à l’E. 47" N.; elles me paraissent devoir repré¬ senter la direction du système de Westmoreland et de Hunds¬ rück ; on peut les rapporter à Saint-Malo comme point central. ■ — Saint-Malo , lat. 48° 39' 3", long. 4° 21' 26" O. , direction E. 47° N. 18° Schirmeck. Aux environs de Schinneck et de Framont les couches dévoniennes anciennes qui forment l’extrémité N.-E. du massif fondamental des Vosges se dirigent à l’E. 30° N. — Schirmeck , lat. 48° 26' 40", long. 4° 45', E., direction E. 3üu N. 19° Massif central des Vosges. Les couches schisteuses qui en- 923 SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. tient dans la composition du massif fondamental des Yosges se dirigent moyennement à l’E. 35° N. ; on peut rapporter ces direc¬ tions à Saint-Dié comme point central. — Saint-Dié , lat. 48° 17' 27", long. 4° 36' 39" E. , direction E. 35° N. 20° Montagne Noire. Les directions observées dans le massif de la montagne Noire, au nord de Carcassonne, dont j’ai déjà parlé, peuvent être rapportées à un point à peu près central de ce massif situé par 43° 25' lat. N. et 20' longitude O. de Paris. — Montagne Noire , lat. 43° 25' N. , long. 20' O. , direction E. 34° N. 21° Eyères. Les couches schisteuses de la partie S. -O. des mon¬ tagnes des Maures présentent, aux environs d’Hyères, des directions moins éloignées de la ligne E.-O. que dans le reste du massif; très souvent leur direction est à peu près E.-N.-E. — Hyères , lat. 43° 7' 2", long. 3° 47' 40", direction E. 22° 30' N. 22° Ile de Corse. Les roches anciennes de File de Corse se diri¬ gent moyennement, d’après M. Reynaud , vers FE.-N.-E.; on peut les rapporter à Ajaccio comme point central. — Ajaccio , lat. 41° 55' 1", long. 6” 23' 49" E. , direction E. 22° 30' N. Il s’agit maintenant de prendre correctement la moyenne générale de ces 22 directions moyennes partielles, en ayant égard aux posi¬ tions géographiques respectives des points auxquels elles se rappor¬ tent. Pour cela nous exécuterons l’opération indiquée dans le com¬ mencement de cette note. Nous choisirons un point sur la direc¬ tion présumée du grand cercle de comparaison, qui doit repré¬ senter le système du Westmoreland et du Hundsriick , et auquel tous les petits arcs qui représentent Ses directions locales sont considérés comme étant approximativement parallèles ; nous y transporterons toutes les directions et nous en prendrons la moyenne . Je suppose que le grand cercle de comparaison dont il s’agit passe au Binger-Loch , et je prends ce point pour centre de réduction. Pour transporter au Binger-Loch la direction E. 22° 30' N. , observée en Laponie par 70" de lat. N. et 23° 30' de long. E. , je détermine, au moyen du tableau de la page 881 , la différence des angles alternes internes que forme , avec les méridiens du Binger- Loch et du point d’observation en Laponie, l’arc de grand cercle qui réunit ces deux points : la différence est de 15" 35' 23". J’en con¬ clus que , transportée au Binger-Locli , la direction E. 22° 30' N., observée en Laponie , deviendra E. 22° 30' -j- 15° 35' 23" — e . N. , e étant l’excès sphérique d’un triangle sphérique rectangle dont je m’ occuper ai ultérieure m e n t . 02/4 SÉANCE DU 17 MAI 18A7. Exécutant la même opération pour chacun des 20 points dont les directions doivent être transportées au Binger-Loch, je forme le tableau suivant, dans lequel je comprends également les deux directions qui se rapportent au Binger-Locli même, et je fais l’ad¬ dition. 1° Laponie . E. 22° 30' + 15° 35' 23" £ . N. 2° Estonie . E. 17 » + 15 34 49 £ . N. 3° Wisby . E. 22 30 + 8 37 46 £ . N. 4° Grampians . E. 38 » 9 43 9 £ . N. 5° Keswick . E. 37 30 8 2G 24 £ . N. 6° Churcli-Stretton. . . . E. 42 » 8 20 56 £ . N. 7° Falmouth . fi 9 53 24 £ . N. 8° Freiberg . E. 27 55 4 1 16 f . N. 9° Ilof . fi 3 8 35 £ . N. 10° Prague . E. 28 40 5 3 14 £ . N. 11° Ardenne . E. 25 » 2 23 6 £ . N. 12° Condros . )> i 55 12 £ . N. 13° Taunus . 1 3 » 13 3 £ . N. 14° Binger-Loch (couches). E. 43 50 » » » » fi B N. 15° Binger-Loch (chaîne). . E. 27 30 * » fi a » fi N. 16° St-Malo (couches). . . . E. 42 15 7 28 59 + £ . N. 17° St-Malo (grandes lignes). E. 47 fi 7 28 59 + £ . N. 18° Schirmeck . E. 30 fi » 34 14 E . N. 19° St-Dié . E. 35 J» » 40 17 ( . N. 29° Montagne Noire. . . . E. 34 » 4 13 37 E . N. 21° Hyères . E. 22 30 1 13 47 £ . N. 22° Ajaccio . E. 22 30 4- » 38 53 £ . N. Somme. . 706° 53' 9° 29' 5" + Z±c La somme, toute réduction faite, est de 697° 23' 55" -j- S + et en la divisant par 22 , on a pour la moyenne des directions rap¬ portées au Binger-Locli E. 31° 41' 59" + 1f^-t N. Pour qu’elle ne renferme plus rien d’indéterminé , il reste seulement à apprécier la valeur de S 4 z. La quantité s que j’ai fait entrer dans le tableau, est, comme je l’ai indiqué ci-dessus, p. 888, Y excès .sphérique d’un triangle sphérique rectangle qui a pour hypoténuse la plus courte distance du point central de réduction ( Binger-Loch ) au point d’observation auquel elle se rapporte, et pour l’un des angles aigus, l’angle formé par la direction transportée au Binger- Loch avec la plus courte distance. 11 est aisé de voir que , suivant la position respective du point central de réduction et du point d’observation et suivant la direction qui a été observée , Y excès sphérique dont il s’agit doit être employé soustractivement ou ad- ditivement, ainsi que le tableau l’indique et comme je l’ai aussi 925 SÉANCE DU 17 MAI 1847. rappelé dans l’expression de la somme , en y écrivant 2 + £- k«e tableau renferme 20 de ces quantités t , dont 8 soustractives et 12 additives. La plupart sont nécessairement fort petites, et comme elles entrent dans la somme avec des signes contraires , elles doivent se détruire mutuellement, à très peu de chose près. Mais quelques unes , se rapportant à des points assez éloignés auxquels corres¬ pondent d’assez grands triangles , ont des grandeurs notables. La somme 2 + £ se réduit sensiblement à celle de ces valeurs plus grandes que les autres, prises elles-mêmes avec le signe qui leur convient. Il est nécessaire de calculer les plus grandes de ces valeurs de £ pour apprécier l’influence qu’elles peuvent exercer sur la dé¬ termination de la direction moyenne. Le calcul s’exécute très simplement au moyen du tableau de la page 898 , ou en se servant directement des formules consignées page 899. Par une simple construction faite sur une carte , on trouve que pour la Laponie on a approximativement 4 = 22° = 2444 kil. A = 34° 1/2 , ce qui donne , à l’aide de la formule cos C = cos b tan g A , s = 1» 59' 35". Pour tous les autres points on peut se contenter des résultats tirés à vue du tableau de la page 898, d’après les distances et les angles déterminés sur la carte , et on trouve : Pour Y Estonie , b — 1611 kil. , A = 18°, s = 33'; Pour fVisby, b= 1102 kil., A= 24°, c = 19'; Pour les Grampians , b — 1073 kil. , A = 74° 30', e = 12'; Pour Kcswick , b = 889 kil., A == 68° 30', c = 12'; Pour Church-Stretton , b = 786 kil., A= 60°, e = 12'; Pour Falmoutli , b = 907 kil., A zzz 41° 1/2 , z zzz 1 7' ; Pour Saint-Malo (couches) , b z— 722 kil. , A = 28°, z zzz 9' ; Pour Saint-Malo (gr. lignes), b= 722 kil., A zzz: 32° 45+ zzz 10'; Pour la montagne Noire, 4 zzz 741 kil. , A = 26u30', ezzzIO'; Pour Hyères , b — 772 kil. , A zz 57° 30' , £ = 12'; Pour Ajaccio, b zzz 893 kil. , A = 71° 30', z — 10'. Les valeurs de £ relatives aux autres points , tous plus rappro¬ chés du Binger-Locli que les précédents , seraient encore plus petites, et comme elles entrent dans la valeur de 2 + e, les unes positivement et les autres négativement , elles doivent se détruire presque exactement entre elles : on peut se dispenser d’en tenir compte. Quant aux valeurs de z qui viennent d’être calculées, la somme de celles qui sont prises négativement est 3° 23' 35" , la somme de celles qui sont prises négativement est 1° 12' ; donc 2 + z zzz — 2° 926 SÉANCE 1)U 17 MAI 1847. 11' 35" et 2± 22 — 5' 58", ou en nombres ronds à S -f- s = — -6'. Or, dans l’état actuel des observations , il n’y a presque pas lieu de tenir un compte rigoureux d’un pareil résultat. Plusieurs des direc¬ tions, dont nous prenons la moyenne , après les avoir transportées au Binger-Locli , présentent des incertitudes de plus de 3°, et le remplacement de leur valeur réelle exacte pour leur valeur ap¬ proximative actuelle pourrait faire varier la moyenne de plus de 6'. Toutefois , comme il est évident que la somme des excès sphériques est négative, et qu’elle tend à diminuer la moyenne de plusieurs minutes, nous y aurons égard , autant qu’il est permis de le faire aujourd’hui , en adoptant pour la direction moyenne du système du Westmoreland et du Hundsrück , transportée au Binger-Loch , un chiffre un peu plus petit que celui donné par notre premier calcul , et nous la fixerons en nombres ronds à E. 31° 30' N. Je ferai remarquer, en passant, combien le choix d’un point à peuprès central, comme le Binger-Loch, pour centre de réduc¬ tion, a simplifié notre marche : d’une part, la somme des angles ajoutés ou retranchés aux directions transportées pour tenir compte de la convergence des méridiens vers le pôle , s’est ré¬ duite , toute compensation faite , à — 9° 29' 5" ; d’une autre part , la somme des excès sphériques s’est réduite , toute compensation faite , à environ 2° 11'; de sorte que le nombre 31° 30', cjui représente la direction , diffère peu d’être la 22e partie tic 706° 23' , somme des nombres qui représentent les directions partielles , car 706° 23' - — 32° 6' 30". Le résultat de tous ces calculs est d’ar- 22 river à réduire cette moyenne de 36' 30". Or, en y arrivant, comme nous l’avons fait par une série de compensations , on évite beaucoup de chances d’erreurs dans lesquelles on aurait été plus exposé à tomber en prenant pour centre de réduction un point excentrique tel que la montagne Noire ou la Laponie. Il nous reste maintenant à nous rendre compte du degré de confiance que mérite notre moyenne. Pour cela j’exécute l’opéra¬ tion inverse de celle que j’ai faite , en transportant au centre de réduction toutes les directions observées ; je reporte la direction moyenne du centre de réduction à chacun des points d’observa¬ tion , et je la compare à la direction observée. Dans ce nouveau transport je ne tiendrai compte de l’excès sphérique que pour les points où je l’ai déterminé ci-dessus, points qui sont les seuls où il ait quelque importance. A la rigueur il faudrait calculer de séance mj 17 mai 1817. 927 nouveau l'excès sphérique pour cliacun des points d’observation en le rapportant à la direction moyenne déterminée pour le Binger- Loch , et non à la direction observée en chaque point ; mais les corrections qui résulteraient de ees nouveaux calculs seraient peu considérables et peuvent être négligées. D’après les calculs auxquels nous nous sommes déjà livrés , la direction E. 32° 1/2 N. transportée, ainsi que je viens de le dire, du Binger-Loch au point d’observation en Laponie , devient E. 31° 30/ _ 15o 35/ 23" + 1° 59' 35" N. = E. 17° 54' 12" N. Elle diffère de la direction observée E. 22° 30' N., de 4° 35' 48". En opérant de la même manière pour tous les autres points d’observation , j’ai formé le tableau suivant: . Direction calculée. observée. Différence. Laponie . E. 17° 54' 12" N. 2 2° 30' 4° 35' 48 Estonie . E. 16 28 17 N. 17 » 0 31 43 Wisby . E. 2 3 11 14 N. 22 30 0 41 14 G ram pians . E. 41 1 9 N. 38 0 3 1 9 Keswick . E. 40 14 24 N. 37 30 2 14 24 Church-Stretton. . . . E. 39 44 56 N. 42 » 2 15 4 Falmouth . E. 41 6 24 N. 45 )) 3 53 36 Freiberg . B. 27 28 44 N. 27 55 0 26 16 Hof . E. 28 21 2 5 N. 28 )> 0 21 25 Prague . E. 26 26 46 N. 28 40 2 13 14 Conclros . 33 25 12 N. 35 » + 1 34 48 Ardenne . E. 33 53 6 N. 25 )> 8 53 6 Taunus . 16 57 N. 33 13 + 1 56 3 Binger-Loch (couches). E. 31 30 00 N. 48 50 4- 12 20 00 Binger-Loch (chaîne). . E. 31 30 00- N. 2 7 30 4 00 00 St-Malo (couches). . . . E. 38 49 59 N. 42 15 + 3 25 1 St-Malo (grandes lignes). E. 38 48 59 N. 47 1) -f 8 11 1 Schirmeck . E. 32 4 14 N. 30 )) 2 4 14 St-Dië . 10 17 N. 35 » + 2 49 43 Montagne Noire. . . . E. 35 53 37 N. 34 » 1 53 37 Hyères . 32 55 47 N. 22 30 10 25 47 Ajaccio . 1 7 N. 22 30 8 31 7 + 2° 25" La somme des différences 11e devait pas être nulle , parce que nous avons adopté pour le point central de réduction ( Binger- Loch) la direction E. 31° 30' N. exprimée en nombres ronds, au lieu de la moyenne des directions transportées en ce point. Pour plu¬ sieurs des points d’observation les différences sont considérables, mais on n'a pas droit d’en être surpris cl après la nature même des observations faites dans ces points. Ainsi pour les couches du Bin¬ ger-Loch la différence est de plus de 12", mais nous avons remai- 928 SÉANCE PU 17 MAI ISA 7. que tout d’abord que la direction est probablement anomale. Pour Hyères, pour Ajaccio et pour la Laponie, les différences sont considérables aussi , mais nous avons simplement employé pour ees trois points la direction E.-N.-E. Or, lorsqu’on exprime une direction de cette manière, il est généralement sous-entendu qu’on ne prétend pas les fixer très rigoureusement. Pour les grandes lignes qui traversent la Bretagne la différence est de 8° 11' environ ; mais la direction de ces lignes ne se prête pas à une déter¬ mination complètement rigoureuse. Pour 1 Àrdenne, la différence est de près de 9° : c’est une des plus considérables et peut-être des plus singulières que renferme le tableau. .Te suis porté à l’attribuer principalement à ce que la dislocation qui a relevé le front de B Ardenne, près de Mézières, suivant la direction du système des ballons (1) , a comprimé la masse des terrains schisteux situés plus au nord , et rapproché leur direction de la ligne E.-O. La produc¬ tion des dislocations du système du Hainaut peut encore avoir con¬ couru plus tard au même résultat. Quant aux autres points , pour lesquels la direction observée paraît mériter plus de confiance, les différences ne dépassent pas A°, et elles sont le plus souvent au- dessous de 3", c’est-à-dire qu’elles ne sont guère au-dessus des incertitudes et des erreurs que comportent les observations elles- mêmes. Nous remarquerons encore que les différences les plus considé¬ rables sont les unes en plus et les autres en moins , d’où il résulte qu’elle approchent beaucoup de se compenser, et qu’on retrou¬ verait à très peu près la même moyenne , en regardant comme défectueuses les observations qui y ont donné naissance, et en ne tenant compte que des autres. Enfin , faisant un retour vers le point de départ de toutes les observations de ce genre , nous remarquerons que non seulement la direction E. 31° 1/2 N. , qui se rapporte à un point de l’Allemagne septentrionale , rentre complètement dans l'indication hora 3-A , donnée il y a plus d’un demi-siècle par M. de Iiumboldt ; mais que cette moyenne , transportée à Hof, ne diffère pas d'an demi- degré la direction générale des couches de Frankenwald que l’illustre voyageur a signalée , au début de sa carrière , comme se reproduisant d’une manière très générale dans les couches schisteuses anciennes d’une grande partie de l’Europe. La direction moyenne E. 31° 1/2 N. que nous avons adoptée pour (1) Voyez Explication de la carte géologique de la France, chap. iv, t. I", p. 266. 029 séance du 17 mai 18/j/. le Binger - Loch , détermine celle de. la tangente directrice du système du IVestmoreland et du Hundsrück. L’angle A, formé par cette tangente avec le méridien du Binger - Loch , est égal au complément de 31° 1/2 ou à 58° 1/2. Mais pour déterminer complètement sur la sphère terrestre la position de ce système dont nous avons supposé que le grand cercle de comparaison passe par le Binger-Locli , il faudrait confirmer ou rectifier cette supposition en déterminant , comme je l’ai indi¬ qué dans la première partie de cette note , Y angle équatorial E. Malheureusement les données que nous avons soumises au calcul ne paraissent pas assez précises pour conduire à une valeur de cet angle , à laquelle on puisse attacher une importance réelle. Le point de départ des calculs à faire se trouverait dans les différences contenues dans le tableau que nous venons de former; mais ces différences ne suivent aucune loi régulière , tout annonce qu elles sont dues en grande partie aux erreurs d’observation , et qu’en les employant dans un calcul , on le baserait sur une combinaison de chiff res presque entièrement fortuite. Il n’y a pas lieu d’exécu¬ ter un pareil calcul; ainsi , quant à présent, l’opération ne peut être poussée plus loin , et nous sommes obligé de nous en tenir à la supposition que le grand cercle qui passe au Binger-Locli en se dirigeant à l’E. 31° 1/2 N., est le grand cercle de comparaison ou l’équateur du système du Westmoreland et du Hundsrück . Il est probable , sans doute , que cette supposition n’est pas tout à fait exacte et qu’elle est destinée à subir une rectification ultérieure. Il est toutefois à observer que le grand cercle dont il s’agit divise à peu près en deux parties égales l’ensemble des points où ont été observés jusqu’à présent les ridements dépendants du système du fjHestm orcland et du Hundsrück , et cette remarque doit porter à présumer que le grand cercle de comparaison pro¬ visoire que nous adoptons ne sera pas déplacé, dans la suite, d’une quantité très considérable. Après avoir ainsi discuté la direction du système du IVestmore- lancl et du Hundsrück , après avoir reconnu que le groupe com¬ pacte et uniforme des lignes stratigraphiques dont ce système se compose , est antérieur , dans toute l’Europe , au vieux grès rouge et au terrain dévonien proprement dit , et postérieur au terrain silurien et aux couches dévoniennes anciennes ( tilestone et tilestone fossilifère ) , nous pourrons nous montrer plus difficiles que par le passé, pour y laisser renfermés des accidents stratigraphiques qui n’y figuraient qu’à titre d’anomalies. Nous pourrons , suivant la marche que j’ai indiquée depuis longtemps (voyez le coimiien- Soc . tjéol., 2e série, tome IV. 59 930 SÉANCE 1)U 17 MAI 18Z|7. cernent de cette note) , essayer de séparer ces anomalies et de les grouper elles-mêmes en systèmes. D’après les observations déjà anciennes de M. Murcliison, con¬ signées et figurées, dès l’année 1835, dans sa première notice sur le système silurien , les collines du Longmynd , dans la région silu¬ rienne , sur les pentes desquelles se trouve le bourg de Chureh- Stretton , sont formées de schistes et de grauwaekes schisteuses. Les couches de ces roches sont fortement redressées et courent au N. 25° E. Les couches siluriennes les plus anciennes reposent sur leurs tranches en stratification discordante. Ces dernières , beau¬ coup moins redressées que celles qui leur servent de support, se dirigent à l’E. 42° N. ; la différence entre les deux directions est de 23°, et la différence entre la première et la direction E. 39° 44' 56" N. du système du Westmoreland et du Hundsrück , transportée à Chureh-Stretton , est de 25° 15' 4", c’est-à-dire plus que double de la plus grande des différences contenues dans le tableau (les différences que j’ai présenté ci-dessus; bien que dans la région silurienne proprement dite les deux classes de directions forment deux groupes fort réguliers. Comme il est évident , en même temps , que les couches du Longmynd ont été redressées avant le dépôt des couches siluriennes les plus anciennes de la contrée , notamment avant celui du caradoc sandstone , j’ai cru devoir con¬ sidérer le Longmynd comme le type d’un nouveau système de montagnes plus ancien que le terrain silurien et que je propose de uominer système de Longmynd. Partant de ce premier aperçu, j’ai cherché si, en épluchant , pour ainsi dire , tous les accidents stratigraphiques des couches les plus anciennes de l’Europe , dirigés entre le N. et le N.-E. , je n’en trouverais pas un certain nombre dont l’âge fut de même anté¬ rieur au terrain silurien , et dont les directions fussent assez peu divergentes pour qu’il y eût lieu d’en prendre la moyenne après les avoir toutes ramenées à un point central de réduction par le procédé que j’ai employé ci-dessus. Voici les résultats que j’ai obtenus. Ils sont encore peu nom¬ breux ; ils me paraissent suffire cependant pour donner déjà une assez grande probabilité à l’existence réelle du système du Long¬ mynd. 1° Région silurienne . Dans les collines du Longmynd, aux envi¬ rons de Chureh-Stretton , la stratification des roches schisteuses et arenacées sur lesquelles le caradoc sandstone. repose en stratifica¬ tion discordante est dirigée au N. 25° E. — Chureh-Stretton , lat. 52° 35', long. 5° 10' 20" O., direction JN. 25° E. SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. 931 2" Bretagne. Les schistes anciens de la Bretagne présentent dans certaines parties de cette presqu’île beaucoup d’accidents stratigrapliiques dirigés à peu près au N.-N.-E. Cette direction se manifeste particulièrement parla forme allongée du S.» S.-. O , au N.-N.-E. d’un grand nombre de masses éruptives de granité et de syénite qui pénètrent les schistes anciens , et par la manière dont différentes masses de cette nature s’alignent et se raccor¬ dent entre elles. On voit beaucoup d’exemples de ce phénomène aux enviions de( Morlaix , notamment entre Morlaix et Saint- Pohde-Léon, où l’orientation de l’ensemble des accidents de cette espèce est assez bien représentée par une ligne tirée de Saint- Pol- de-Léon à Landivisiau , ligne dont le prolongement passe près de Douarnenez , et dont la direction est à peu près S. 2üu 30', O. -N. 20° 30' E. M. Dufrénoy me paraît avoir signalé un autre accident du même système, lorsqu’il a dit dans le troisième chapitre de l’expli¬ cation de la carte géologique de la France : « L’extrémité O. du » bassin de Rennes appartient encore au terrain cambrien. Nous » sommes, il est vrai , peu certains de la limite qui sépare dans ce » bassin , les deux étages du terrain de transition ; mais cepen- » dant nous la croyons peu éloignée d’une ligne qui se diri- » gérait du N. 15 à 20° E. , au S. 15 à 20° O. , et qui suivrait à » peu près la route de Ploërmel à Dinan. En effet , les terrains » situés à gauche et à droite de cette ligne présentent des carac- » tères essentiellement différents (1). » Enfin un examen attentif de la carte géologique montre que la classe d’accidents qui nous occupe se dessine à très grands traits dans la structure géologique de la presqu’île de Bretagne , par exemple par la ligne tirée du Cap de la Hagne à Jersey, à Uzel , à Baud , etc, , du N. 21° 30' E. , au S. 21° 30' O. : par la ligne de Guernesey aux îles Glenan qui est sensiblement parallèle à la précédente , et par la ligne tirée de Bailleur à file d’Hoedic , suivant la direction du N. 2ù° E., au S. 24° O. La moyenne des différentes directions que je viens de citer est le N. 21° E. Elle peut être rapportée à Morlaix qui est le point dans le voisinage duquel ces mêmes directions se dessinent le plus nette¬ ment. — Morlaix , lat. 48° 30', long. 6Ü 10' O., direction N. 21° E. 3° Normandie. Ou peut voir par différents passages du mé¬ moire de M. Puillon-Boblaye sur la constitution géologique de la (l) Dufrénoy, Explication de la Carte géologique de la France , t. l,r, p. 210, 932 SÉANCE DU 17 MAI 18 II'/. Bretagne , qu’il y avait aperçu, cette classe d’accidents en beaucoup de points ; mais il les signale surtout dans une région distincte de la précédente et située sur les contins de la Bretagne et de la Nor¬ mandie, entre Domfront , Vire, Avranclies et Fougères, où il a vu régner, sur une étendue de plus de 200 lieues carrées, une for- mation complexe de granité et de roches maclifères qui en est spécialement affectée. Il mentionne particulièrement le gneiss ma- clifère de Saint-James , département de la Manche , comme stra- titié du N.-N.-E au S.-S.-ü. (1) . Les accidents de la classe qui nous occupe, tant en Normandie qu’en Bretagne, s’observent seu¬ lement dans les terrains qui servent de base au terrain silurien, et sont par conséquent antérieurs au dépôt de ce dernier. — Saint- James , lat. ù8° 3 V 18" , long. 3° 39' 3ù" O. , direction N. 22° 30'E. ù" Limousin. — Les granités du Limousin forment , au milieu des gneiss , des bandes assez irrégulières qui cependant ont une tendance marquée à se rapprocher de la direction N. 26° E. S. 20° O. Le point central de la région où on les observe se trouve à peu près par Ù6° de lat. et ZjO' de long. O. de Paris. La formation de ces bandes de granité et de gneiss paraît être très ancienne. — Limousin , lat. Ù6°, long. 0° Ù0' ()., direction N. 26° E. 5° Erzgebirge. Un examen attentif de la belle carte géologique de la Saxe, publiée par MM. Naumann et Cotta , fait distinguer dans l’Erzgebirge quelques traces de dislocations dont la direction est comprise entre le N.-E. et le N.-N.-E. La limite N -O. du massif de gneiss de Freiberg en est un exemple. D’après M. Nau¬ mann , la ligne de séparation des deux roches entre Nossen et Augustusburg se dirige h or a 3 3/8 par rapport au méridien ma¬ gnétique. Cette ligne et toutes celles qui s’en rapprochent par leur direction sont promptement interrompues , comme le sont celles que je viens d’indiquer aux environs de Morlaix. Tout an¬ nonce qu elles ont été croisées par la plupart des autres dislocations qui ont affecté les couches de l’Erzgebirge ; elles doivent donc remonter à une époque antérieure au plissement et même au dépôt des couches dévoniennes anciennes ( tilestone fossilifère) et des couches siluriennes, ce qui les rapproche bien naturellement du redressement des couches du Longmynd. La direction hora 3 3/8 transformée en degrés devient N. 50° 37' 30" E., et, corrigée de la déclinaison magnétique qui est à Frei- (4 ) Puillon-Boblaye , Essai sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne. — Mémoires du Muséum d’histoire na¬ turelle , t. XV, p. 49 (4 827). SÉANCE DU 17 MAI 1847. 933 berg d’environ 16° 40', vers l’O., elle' devient N. 33° 57' 30" E. Les directions dont je viens de parler peuvent être rapportées à Freiberg, étant observées dans des points de l’Erzgebirge qui n’en sont pas très éloignés. — Freiberg , lat. 50° 55' 5", long. 11° 0' 25" E. , direction N, 33° 57' 30" E. 6° Moravie et parties adjacentes de la Bohême et de V Autriche . D’après la carte géologique de l’Allemagne , dressée par M. de Buch et publiée par Scliropp , et d’après la carte géologique de l’Europe moyenne , publiée par M. de Dechen , le sol de la partie S.-E. de la Bohême et des parties adjacentes de la Moravie et de l’Autriche est formé principalement de zones alternatives de granité et de gneiss , avec calcaire et autres roches subordonnées , qui se dirigent au N. 30 à 35° E. ; moyenne, N. 32° 30' E. Aucune trace de cette série d’accidents ne se prolonge à travers la bande silu¬ rienne des environs de Prague , ce qui indique qu’ils sont dus à des phénomènes d’une date antérieure au dépôt du terrain silurien. Les accidents stratigraphiques dont il s’agit s’observent particu¬ lièrement près des limites communes des trois provinces, dans une contrée dont le centre est peu éloigné de Ziabings. — Zlabings , lat. 48° 59' 54, long. 13° 1' 9" E., direction N. 32° 30' E. 7U Intérieur de la Suède. Les terrains anciens de l’intérieur de la Suède, sur lesquels le terrain silurien repose en stratification discor¬ dante , présentent beaucoup d’accidents stratigraphiques d’une ori¬ gine antérieure aux grès et poudingues quartzeux qui constituent la base du terrain silurien. D’après la carte géologique delà Suède pu¬ bliée par M . Hisinger, ces accidents forment plusieurs groupes dont l’un se dessine fortement dans le voisinage de la ligne tirée de Go¬ theborg à Gelie , tant par les accidents topographiques que par les contours de certaines masses minérales , et par des masses calcaires lenticulaires qui s’alignent entre elles. Ces accidents statigraphi- ques , dont le prolongement méridional passe très près des dépôts siluriens horizontaux du Rinneculle et des collines de Ballingen , sont dus , sans aucun doute , à des phénomènes antérieurs à l’exis¬ tence du terrain silurien. Les lignes suivant lesquelles ils se dessi¬ nent s’éloignent un peu moins du méridien que ne le fait la ligne tirée de Gotheborg à Gelle , qui, vers le milieu de sa longueur, coupe le méridien sous un angle de 42". Vers le milieu de l’inter¬ valle compris entre ces deux villes, les lignes stratigraphiques cou¬ rent sensiblement au N. 38° E. — Milieu de la distance de Gotheborg à Gejle , lat. 59° 11' 44", long. 12° 12' 42" E , direction N. 38° E. ■ 8° Nord-ouest de la Finlande. Dans la partie N. -O. de la Fin¬ lande , aux environs d’Uleaborg , la côte S.-E. du golfe de Bothnie SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7 . 934 se dirige, entre Vasa et Uleaborg , sur une longueur d’environ 300 kilomètres et avec une régularité remarquable, suivant une ligne qui fait avec le méridien d’Uleaborg un angle de 42° 1/2. La côte du golfe de Bothnie est formée, dans cette partie, de roches primitives dont les accidents strati graphiques paraissent être parallèles à la côte et se prolonger vers le N.-E. jusque dans les montagnes de la Laponie russe. Ces accidents stratigraphiques , de même que la côte dont ils ont déterminé la position 7 sont eux-mêmes très rap¬ prochés du prolongement de ceux que nous venons de signaler en Suède , entre Gotheborg et Gefle. La direction dont nous nous oc¬ cupons ne paraît pas se continuer à travers la partie silurienne ou dévonienne ancienne de la Laponie ; elle est due, suivant toute appa¬ rence , à des phénomènes d’une date antérieure au dépôt du terrain silurien. Je crois donc être fondé à rapporter au système du Long- mynd les accidents stratigraphiques dont je viens de parler. — Uleaborg , lat. 64° 59', long. 23° 9' 36" E , direction N. 42° 1/2 E. 9° Sud-est de la Finlande. D’après l’intéressante notice sur la géologie de la Russie que M. Strangways a communiquée en 1821 à la Société géologique de Londres (1) , les roches schisteuses de toute la partie méridionale de la Finlande, depuis Abo et les îles de Pargas jusqu’à Viborg, se dirigent en général à peu près au N.-E. Les granités des environs de Viborg sont limités du côté des plaines de Saint-Pétersbourg par une ligne qui court aussi à peu près au N.-E. M. le capitaine Sobloevski dit, dans son intéressant mémoire sur le S.-E. de la Finlande (2) , que la direction des gneiss des environs d’Imatra , au milieu desquels est creusé le lit de la célèbre cataracte de la Vokça , à quelques lieues au N. de Viborg, est presque de quatre heures , c’est-à-dire presque N. 60° E. par rapport au méridien magnétique. La déclinaison dans cette contrée étant d’environ 8° à l’O , je me crois fondé à conclure qu’une classe importante des accidents stratigraphiques du S.-E. de la Finlande serait assez bien représentée par une ligne passant à Viborg et dirigée vers le N. 50u E. Les accidents stratigraphiques ne se continuant pas dans les couches siluriennes de la côte méri¬ dionale du golfe de Finlande, doivent être antérieurs au dépôt du terrain silurien. — Viborg , lat. 60° 42' 40", long. 26° 25' 50" E., direction N. 50° E. (1) W. Strangways, An outline of the geology of Rus si a. Transac¬ tions oj the géologie al Society of London , new sériés, t. I , p. 1 (2) Sobolevski , Coup d’oeil sur V ancienne Finlande , etc. . . . Annuaire du Journal des mines de Russie (1 839) ; p. 117. SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 935 10° Montagnes des Maures et de V Esterai. Dans le chapitre sixième de l’explication de la carte géologique de la France , j’ai consigné un assez grand nombre de directions observées dans les roches stratifiées anciennes des montagnes des Maures et de l’ Esterai qui bordent la Méditerranée entre 'Foulon et Antibes (1). J’ai représenté ces observations par une rose des directions qui rend manifeste la tendance qu’ont les couches dont il s’agit à se diriger vers le N.-E. , ou plus exactement vers le N. 44° E. ( E. 46° N. ). Cette direction est comprise parmi celles qu’em¬ brasse la désignation générale hora 3-4, mais elle se trouve très rapprochée de leur limite nord , et elle s’éloigne beaucoup de la direction moyenne du système du fVestmoreland et du Hundsrück , que nous avons trouvée être au Bingcr-Loch E. 31° 1/2 N. , et qui, rapportée à Hyères, devient E. 32° 55' 47" N. , et rapportée à Saint-Tropez, E. 32° 33' 58" N. Ces deux dernières orientations se rapprochent beaucoup l’une et l’autre de FE. 32° 1/2 N., et par conséquent lorsqu’on les compare à la direction E. 46° N. indi¬ quée par la rose des directions , la différence est de plus de 13°. Ce fait est un des premiers qui m’aient porté à soupçonner que les directions de date très ancienne , comprises dans la désignation générale hora 3-4 ou très voisine d’y rentrer, devraient être divi¬ sées en plusieurs groupes. Cette subdi vision n’est pas indiquée sur la rose des directions des roches schisteuses anciennes des Maures et de F Esterai ; mais on peut croire que cela tient à l’imperfection de quelques unes des obser¬ vations dont cette rose offre le tableau. La plupart de ces observa¬ tions sont exprimées en degrés , cependant quelques unes le sont d’une manière plus générale, telle que N.-E. ou E.-N.-E. Les observations qui sont exprimées de cette manière sont celles qui ont été faites en des points où la direction de la stratification ne pouvait être mesurée avec plus de précision. Des recherches plus suivies les feraient disparaître du tableau, où elles seraient rempla¬ cées par des directions cotées en degrés qui ne seraient pas toutes E. 45° N. , ou E. 22" 1/2 N. , qui pourraient même s’écarter nota¬ blement de l’un ou de l’autre de ces deux points de la boussole. Si ce remplacement avait lieu , il est probable que les directions se presseraient en moins grand nombre dans le voisinage de la di¬ rection N.-E. Cette direction appauvrie diviserait alors le faisceau (l) Explication de ta Carte géologique de la France , t. Ier, p. 467. SÉANCE DU 1.7 MAI 1847. 936 en deux groupes , dont l’un se rapprocherait davantage de la di¬ rection E.-O., et l’autre de la direction N. -S. J’ai cherché à effectuer cette décomposition d’une manière ap¬ proximative pour voir quelle serait à peu près la direction du groupe le moins éloigné de la direction N. -S. Pour y parvenir j’ai remarqué que la rose des directions en contient 92, comprises entre l’E. 15° N. et l’E. 75° N. inclusive- 4275° _92~ = 46" 34' 34". J’ai retranché de ces 92 directions toutes celles qui sont comprises entre E. 15" N. et E. 32° 1/2 N., puis un certain nombre de celles qui sont plus éloignées de la ligne E.-O. de ma¬ nière à ce que la moyenne de toutes les directions retranchées soit environ E. 32° 1/2 N. Après le retranchement de ces directions, au nombre de 33, formant un total de 1075°, le tableau n’en ren¬ fermerait plus que 59, formant un total de 3200°, et donnant par leur moyenne la direction E. 54° 14' 14" N., ouN. 35" 45' 46" E., direction qui ne diffère pas de 4° de celle du Longmynd trans¬ portée à Saint-Tropez. Cette différence, toute faible qu’elle est , pourrait encore être atténuée. En effet, la division du groupe total des directions voisines du N.-E. en deux faisceaux , dont l’un donne à peu près pour moyenne la direction E. 32ü 1/2 N. , est un problème d’analyse indéterminée qui peut être résolu de plu¬ sieurs manières. Il est aisé de voir que parmi toutes les divisions que comporte le groupe de directions voisines de N.-E. consti¬ tué comme il est sur la rose des directions , j’ai adopté celle qui donnait pour le second faisceau la direction la moins éloignée de la ligne N. -S. Mais si le remplacement du petit groupe de di¬ rections rapportées exactement au N.-E. était effectué, ainsi que je l*ai indiqué , il existerait d’autres solutions , et dans celle que l’on obtiendrait en suivant la marche suivie ci-dessus, le faisceau septentrional se rapprocherait un peu plus encore de la ligne N. -S. que dans la solution que j’ai obtenue, de sorte que la différence , 4° , toute faible qu’elle est , se trouverait encore atté¬ nuée. Si les deux faisceaux dans lesquels on peut ainsi diviser les direc¬ tions des roches stratifiées anciennes des Maures et de l’Esterel cor¬ respondent à des phénomènes de dates différentes , il est évident que le plus moderne est celui qui se rapproche le plus de la (1) Explication de la carte géologique de la France . t. Ier, p. 467. ment (1). La moyenne de toutes ces directions est égale à 937 SÉANCE Dll 17 MAI 1847. ligne E.-O. , car on observe particulièrement des directions de ce groupe aux environs dTIyères et dans la presqu’île de Giens , où les roches schisteuses , quartzeuses et calcaires , paraissent appar¬ tenir au terrain silurien ou au terrain dévonien ancien [tilestone). Les directions , plus rapprochées tic la ligne N. -S. , s’observent au contraire plus particulièrement dans les micaschistes et les gneiss du reste du massif des Maures , ce qui semble indiquer qu’elles sont dues à des phénomènes plus anciens. Tout conduit ainsi à les rapprocher de celles de Longmynd et des autres localités que nous venons de parcourir. On peut rapporter ces directions à Saint- Tropez , comme à un point suffisamment central , relativement à ceux où elles ont été observées. On a ainsi pour représenter les directions qui nous occupent dans les montagnes des Maures et de l’Esterel. — Saint-Tropez , lat. 43° 16' 27" long. 4° 18' 29" E. , direction , N. 35° 45' 46" E. Les dix contrées dans lesquelles nous venôns de suivre des lignes stratigraphiques que je crois pouvoir rapporter au système Long- mynd sont réparties dans diverses parties de l’Europe situées les unes à 10. , les autres à l’E. , quelques unes beaucoup au JN. et les dernières au S. du Binger-Loch. Ce dernier point, qui nous a déjà servi de centre de réduction pour le système du, // est mo¬ rd and et du Hundsrück , remplit encore assez bien les conditions de point central par rapport au nouveau groupe d’observations cpie nous élaborons. En conséquence nous prendrons le Binger- Loch pour centre de réduction du système de Longmynd. En suivant la même marche que précédemment nous formerons le tableau suivant : 1° Church-Stretton. ... N. 25° »' »" -j- 8° 21' 18" — c . E. 2° Morlaix . N. 21 » » -j- 8 50 40 — i . E. 3° Saint-James . N. 22 30 » 7 5 55 — e . E. 4° Limousin . N. 26 » » -j- 7 56 52 — c . E. 5° Freiberg . N. 33 57 30 — 4 1 16 — c . E. 6° Zlabings . N. 32 30 » 5 42 53 — i . E. 7° Milieu de la distance de Gotheborg à Gelfe. . N. 38 » » — 5 32 56 -J- e . E. 8° uleaborg . N. 42 30 » — 14 57 6 -f- « . E. 9° Viborg . N. 50 » » — 17 14 48 — s . E. 10° St-Tropez . N. 3 5 45 46 -f » 51 58 -f- c . E. Somme. . 327° 13' 16" — 14° 22' 16" -j- ï ±1 En réduisant complètement la somme des données consignées dans ce tableau, elle devient 312° 51' -j- S ± e , et en divisant cette somme par 10 , nombre des directions partielles, on a pour la direction moyenne du système de Longmynd , rapportée au Binger- SÉANCE DU 17 MAI 1847. Loch N. 31° 17' 6" + S ± 1Ô . Dans cette expression il ne reste plus d’inderininé que S-f-c , c’est-à-dire la somme des corrections dues aux excès sphériques de certains triangles rectangles dont j’ai déjà indiqué plusieurs fois les éléments. Le Bingcr - Loch est placé presque aussi heureusement par rapport aux observations que nous discutons actuellement, comme déterminant le système de Longmynd , que par rapport à celles discutées ci-dessus pour déterminer le système du fV èstmoreland et du Hundsrück . Il se trouve peu éloigné du prolongement direct des directions signalées en Suède et dans le N. -O. de la Finlande , de manière que bien que les points où ces directions s’observent soient fort éloignés du Binger-Locli , les excès sphériques qui leur correspondent sont peu considérables ; ceux qui se rapportent aux autres points d'observation sont également assez petits. Au moyen de constructions exécutées sur la carte et du tableau de la page 898 , on trouve : Pour Church-Stretton Pour Morlaix , Pour Saint-James , Pour le Limousin , Pour Freiberg , Pour Zlabings, Pour la Suède , Pour Uleaborg, Pour Yiborg, Pour Saint-Tropez , h= 796 kil. , A = 82° 1/2, e = 3'; b= 806 kil., A *=54°, c = 13'; b = 680 kil., A = 52°, £ = 9'; b= 490 kil., A = 17ül/4, c = 3' ; b= MO kil., A = 44°, C = 3' ; b= 556 kil. , A = 71° 1/2, e = 4'; b — 1110 kil., A = 11°, t — 9' ; b == 1980 kil., A — 2° 25', f — 7'; b — 1 780 kil. , A — 6° 30', £ = 1 5' ; b = 450 kil., A = 29°, £ = 10'. En ayant égard au signe avec lequel chacun de ces excès sphéri¬ ques doit être pris , on trouve S + = — 24', et par suite S -f~ e 10 — 2' 24". Cette valeur est à peu près négligeable; nous nous bornerons, pour y avoir égard, à diminuer de 2' 6" la moyenne ci-dessus et nous adopterons , comme étant nombres ronds, la moyenne la plus correcte possible de toutes les observations que nous avons considérées rapportées au Binger-Loch N. 31° 15' E. Nous avions trouvé pour la direction du système du fFestmoreland et du Hundsrück , rapportée au même point E. 31° 1/2 N. , direction qui revient à N. 58° 1/2 E. Ces deux directions diffèrent de 27° 15'. On voit quelles sont parfaitement distinctes l’une de l’autre. Il nous reste à examiner comment la direction moyenne du système de Longmynd s’accorde avec les directions partielles que 939 SÉANCE DU 17 MAI 1847. nous avons combinées. Pour cela nous n’avons qu’à la transporter du Binger-Loch , auquel elle se rapporte , dans chacun des points d’observation. A la rigueur, pour exécuter ce calcul, il faudrait déterminer de nouveau Y excès sphérique relatif à chaque point , non d’après la direction observée en ce point, mais d’après la direction moyenne adoptée pour le Binger-Loch. Toutefois, comme les corrections qui résulteraient de ce nouveau calcul se¬ raient en somme fort peu considérables, je les néglige; et en me servant des valeurs de s déjà employées, je forme le tableau sui¬ vant : Direction calculée. observée. Différence. Cliurch-Stretton. . . . N. 22° 56' 42" "N E. 25° t » If » 4- 2° 3' 18' Morlaix . N. 22 37 20 E. 21 )> » — 1 37 20 Saint-James . N. 24 18 5 E. 22 30 )) — 1 48 5 Limousin . N. 23 21 8 E. 26 » » + 2 38 52 Freiberg . N. 35 19 16 E. 33 57 30 — 1 21 46 Zlabings . N. 37 6 53 E. 32 30 )) — 4 31 53 Milieu de la distance en- treGotbeborget Getle. N. 36 38 56 E. 38 » 1 4~ 1 21 4 Uleaborg . N. 46 5 6 E. 42 30 » — 3 35 6 Viborg . N. 48 44 48 E. 50 » )) + 1 15 12 St-Tropez . N. 30 13 2 E. 35 45 46 + & 32 44 — »° 3' f La dernière colonne de ce tableau donne , toute réduction faite , une somme égale à — 3'. 11 est aisé de voir, en effet, qu’en négli¬ geant 2' 24" — 2' 6" = 18" dans l’expression de la direction moyenne rapportée au Binger-Loch , nous avons dû rendre trop faible de 10 fois 18" et de 180" = 3' la somme des expressions des huit directions calculées. L’opération est donc correcte. Elle fait voir que pour sept des dix points que nous avons con¬ sidérés , l’accord entre la direction calculée et la direction observée est très satisfaisant , les différences entre les directions observées et les directions calculées étant de moins de 3°. Pour les trois autres points , les différences entre les directions observées et calculées sont plus considérables. Pour Zlabingsla différence est de plus de 4° 1/2 ; mais il est à remarquer que les contours des masses de granité et de gneiss du S.-E. delà Bohème ne sont ni rectilignes ni très bien définies. On peut en dire autant de celles dulX.-Ü. de la Finlande, où la différence est de 3° 35' 6" ; ces dernières sont d’ailleurs impar¬ faitement connues. Quant aux directions rapportées à St-Tropez , où la différence est de 5° 32', 44", nous avons vu que ce n’a été qu’après une discussion qui a laissé quelque incertitude que nous 940 SÉANCE DU 17 MAT 1847. avons pu les dégager des autres directions qui sont comprises dans la rose des directions des Maure; et de l’Esterel. Les différences que nous venons de remarquer n’ont donc rien qui doive sur¬ prendre, et il est à remarquer que les trois différences les plus considérables, — 4° 36' 53", — 3° 35' 6", -f- 5° 37' 44", étant affectées de signes différents , tendent à se compenser; leur somme est — 2° 34' 15", ou — 154' 15"; et il est aisé de voir qu’en n’ayant pas égard aux observations auxquelles elles correspondent, on aurait trouvé un résultat différent de celui auquel nous nous sommes arrêtés , de 15' seulement , c’est-à-dire la’direction moyenne N. 30° E. environ ; or la suppression de l’une quelconque des autres observations aurait produit une variation à peu près du même ordre. Il me paraît diflicile de ne pas admettre, en dernière analyse , que ces dix directions appartiennent à un même système , dont la direction , rapportée au Binger-Loch , est représentée le plus cor¬ rectement possible par une ligne dirigée au N. 30° 15' E. Cette ligne qui lait avec le méridien du Binger-Loch un angle de 30° 15' vers 1E. est la tangente directrice du système. Pour déterminer complètement ce système , il nous resterait à calculer, ainsi qu’il a été dit dans la première partie de cette note , l’angle équatorial E. ; mais le calcul serait encore moins exécutable pour le système du Longmynd que celui du Westmoreland et du Hundsriick , à l’é¬ gard duquel nous y avons renoncé par les motifs énoncés page 929. Nous serons donc réduits à nous en tenir, provisoirement au moins , à la supposition employée dans les calculs précédents , c’est-à-dire que le grand cercle qui passe par le Binger-Loch en faisant avec le méridien un angle de 30° 15' vers le N.-E., est l’équateur ou le grand cercle de comparaison du système du Longmynd. Cette sup¬ position est destinée sans doute à une rectification ultérieure; mais il me paraît fort probable que le véritable équateur du sys¬ tème du Longmynd n’est pas fort éloigné du grand cercle dont nous venons de parler. En effet, ce dernier laisse la Moravie et la Bre¬ tagne à des distances peu différentes l’une de l’autre ; il passe entre la Suède et la Finlande , où les accidents du système du Longmynd jouent un rôle si proéminent, et, indépendamment des directions dont nous avons pris la moyenne, on en trouve dans les contrées qu’il traverse, qui paraissent devoir lui être rapportées comme celles des gneiss de Sainte-Marie-aux-Mines et celles de beaucoup d’ac¬ cidents stratigraphiques plus modernes , mais dus à l’influence du sol sous-jacent, des couches de l’Eifel , du Hundsriick , de l’Idar- Wald , etc . i SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 9^1 D’après ce que nous avons vu de la structure de chacune des contrées où ont été observées les directions que nous avons fait entrer dans le calcul , il est clair que toutes les dislocations aux¬ quelles ces directions se rapportent sont dues à des phénomènes très anciens et antérieurs au dépôt du terrain silurien; et je crois qu’on peut considérer la formation du système du Longmynd comme ayant marqué le commencement de la période silurienne. Mais ce système de dislocations n'est pas le plus ancien de ceux dont on observe les traces en Europe d’une manière distincte , et la période silurienne n’est pas la plus ancienne de celles dont on y retrouve les dépôts. Je crois qu’on peut essayer dès aujourd’hui d’esquisser quelques traits de l’histoire an té-silurienne. 11 nous suf¬ fira, pour en trouver un très marqué, d’essayer de déterminer l’âge relatif de la partie des dislocations comprises dans la dési¬ gnation générale hova 3-â que nous n’avons pas employée dans les calculs qui précèdent. Lorsqu on ne pouvait encore indiquer la direction des disloca¬ tions des couches les plus anciennes que par la désignation géné¬ rale que je viens de rappeler, et lorsque l’âge précis d’une grande partie de ces couches était encore indéterminé, on était réduit à composer de toutes les dislocations dont il s’agit un seul fais¬ ceau , dont l’analogie conduisait à penser que l’âge relatif serait le même que l’âge de celles qui en auraient un bien déterminé. Mais le progrès des observations permettant aujourd’hui de procéder à une analyse plus exacte , on peut distinguer dans cet immense faisceau trois directions et trois âges. Nous en avons déjà extrait le système du JVestmoreland et du Hundsrück , que nous avons mis à sa véritable place, immédiate¬ ment avant le dépôt du vieux grès rouge proprement dit : nous venons d’en séparer également le système du Longmynd , que nous avons placé avant le dépôt du terrain silurien ; mais il nous reste encore un groupe assez nombreux de directions plus rapprochées de la ligne E.-O. que celles du système du JVestmoreland et du Hunds¬ rück , et en même temps plus anciennes, car elles sont antérieures au dépôt du terrain silurien. Je veux parler surtout des directions des roches schisteuses les plus anciennes de la presqu île de Bretagne. Jeles ai mentionnées dans l’extrait de mes recherches, consigné dans la traduction française du Manuel géologique de M. de La Bêche , et dans le Traité de géognosie de M. Daubuisson (1) , (l) Manuel géologique , p. 625 — Traité de géognosie, t. 111, p. 300. 9/f2 SÉANCE DU 17 MAI 1847. comme 1 un des types des dislocations hora 3-4 antérieures au dépôt des terrains de transition modernes de la Bretagne, qu’on sait aujourd’hui être siluriens et dévoniens. C’est frappés de leur constance et de l’évidence de leur âge relatif que nous avons cru , M. Dufrénoy et moi , devoir, dans le premier volume de l’explica¬ tion de la carte géologique , indiquer l’E. 25° N, comme la direc¬ tion du système (la fFestmoreland et du Hundsrük , indication qui a été reproduite par M. Beudant dans sa Géologie élémentaire , et par M. de Collegno dans ses Elementi di geologia. Cette direction, qui, en raison surtout de ce qu’elle s’observe dans une contrée aussi occidentale que la Bretagne , diffère beau¬ coup de celle du système du lEestmoreland et du Hundsrück , telle que nous l’avons précisée ci-dessus, est celle d’un système parti¬ culier, antérieur au terrain silurien, que je propose de nommer système du Finistère , en raison du rôle important et bien distinct qu’il joue dans la constitution du département de ce nom. Je vais d’abord rappeler les observations faites dans la pres¬ qu’île de Bretagne , et dans le Bocage de la Normandie , sur les¬ quelles repose rétablissement de ce système, .le signalerai ensuite , dans d’autres parties de l’Europe, certaines dislocations qui me paraissent devoir s’y rapporter. Je chercherai enfin à fixer son âge relativement au système du Longmynd , qui est lui-mèine antérieur au terrain silurien. Dans le chapitre III de l’explication de la carte géologique de la France , M. Dufrénoy partage les terrains de transition de la presqu’île de Bretagne en deux grandes divisions, dont l’inférieure est désignée sous le nom de terrain cambrien , et la supérieure comprend le terrain silurien et le terrain dévonien. « Les couches » du terrain cambrien , dit-il , généralement inclinées à l’horizon » de 70 à 80°, sont orientées de l’E. 20° N., à l’O. 20° S. Elles » ont été placées dans cette position par le soulèvement du granité « à grains fins (1). » Cette direction se rapporte surtout à la partie centrale de la Bretagne , notamment à la route de Ploërmel à Dinan. Dans la partie occidentale les directions s’éloignent un peu plus de la ligne E.-O. Dans le Bocage de la Normandie, et dans le département de la Manche, elles s’en rapprochent, au contraire, davantage. « Près du cap de la Hague , dit M . Dufrénoy , au contact de la » syénite , le schiste qui forme la côte d’Omonville est talqueux ; (l) Dufrénoy, Explication de la Carte géologique de la France , chap. iii , t. 1er, p. 208. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 94,3 » il contient de petits cristaux d’amphibole disposés dans le sens » de la stratification. Les couches de ce .schiste plongent N. 16° 0. » et se dirigent E. 16° JN., presque exactement suivant la ligne de » dislocation propre au terrain cambrien . Dans les carrières » d’Equeudreville , près de Cherbourg , les couches du schiste se » dirigent à l’E. 18" N. et plongent de 75° degrés vers le N. (1). » Aux environs de Saint-Lô , la direction générale des schistes » est à l’E. 20° N. (2). Au pont de la Graverie, on exploite plu- » sieurs carrières dans un schiste bleuâtre et satiné , dont la stra- » tification est dirigée à l’E. 18° N. avec une inclinaison de 80° (3). » Dans la pointe occidentale de la presqu’île, les roches schisteuses anciennes sont toutes affectées de la direction E. 20 à 25° N. , qui est la même que celle dont nous venons de parler, modifiée par l’effet de la différence de longitude. Cette direction se montre sur¬ tout d’une manière très prononcée dans les micaschistes et les gneiss qui forment le sol de la ville de Brest et d’une grande partie de la large pointe comprise entre la rade de Brest et l’île de Bas. AI. Puillon-Boblaye avait déjà été frappé de ce fait, que dans la région dont je viens de parler, la stratification, quoique rapprochée de la direction N.-E. S. -O., n’est plus la même que dans les autres parties de la Bretagne , où il l’indique comme comprise entre le N.-E. et le N. -N.-E. ; je trouve la trace de cette remarque, cpi’il m’avait communiquée de vive voix, dans les expressions suivantes de son mémoire, déjà cité: .... Des cotes de la Aïanche à Lander¬ neau , la direction des strates est dans le sens du N.-E. au S.-O. (4). La direction E. 20 à 25° N. se retrouve encore dans les schistes micacés et chloritiques cpii font partie de la pointe méridionale entre Gourin et Quimper. Dans le Bocage de la Normandie, ainsi qu’en beaucoup de points de la Bretagne , notamment au pied méridional de la Alon- tagne-Noire près de Gourin , les premières assises du terrain silu¬ rien sont superposées en stratification discordante sur les tranches des couches plus anciennes redressées par les dislocations dont nous venons de parler. AI. Lefèbuve de Fourcy, ingénieur au Corps royal (1) Dufrénoy, Explication de la Carte géologique de la France , chap. iii, t. Ier, p. 212. (2) Ibid., p. 213. (3) Ibid. , p. 214. ^4) Puillon-Boblaye, Essai sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne. Mémoires du Muséum d’histoire naturelle , t. XV, p. 66. (1827.) m séance 1)U 17 MAI 1847. des mines, dans sa Description géologique du département du Finis¬ tère , eite aussi une superposition semblable sur le rivage méri¬ dional du Goulet de Brest, depuis la pointe des Espagnols jusque près de Kerjean, et sur la rive méridionale de la rivière de Lan¬ derneau . La direction E. 20 à 25° N. des schistes les plus anciens se re¬ produit aussi quelquefois dans les couches siluriennes. M. L. Fra- polli cite de nombreux exemples de ce fait dans son excellent mémoire Sur la disposition du terrain silurien dans le Finistère et principalement dans la rade de Brest (1). Mais ces directions que les couches siluriennes ne conservent pas sur de grandes lon¬ gueurs ne sont probablement que des reproductions accidentelles de celles des couches inférieures, reproductions dont j’ai depuis longtemps cité un exemple frappant dans les couches dévoniennes et carbonifères de la Belgique où reparaît souvent la direction naturelle du terrain ardoisier (2). M. L. Frappolli dit, avec beau¬ coup de raison, je crois , que « ces directions anormales qu’affecte » le terrain silurien du nord du Finistère sont une des meilleures » preuves de la présence du terrain cambrien au-dessous des grès » qui forment la base du premier ; elles sont l’effet de cette pré- » sence ; elles n’existeraient pas sans cela (3). » Les directions que je viens de citer concordent ensemble d’une manière extrêmement remarquable. Pour s’en convaincre il suffit de les rapporter toutes à un même point, par exemple à Brest, pris comme centre de réduction. En transportant toutes ces direc¬ tions à Brest , sans tenir compte de X excès sphérique qui ne don¬ nerait ici que des corrections insignifiantes, nous formerons le tableau suivant : Brest . E. 20 à 25° Ile d’Ouessant. . . . E. 25 à 30 - - »c >25' 15” N. Ploërmel . E. 20 b 1 2 3 33 26 N. Omonville . E. 10 - i 54 » N. Équeudrevile. . . . E. 18 - 2 9 1 3 N. St-Lo . E. 20 - 2 32 44 N. Pont de la U l averie. E. 18 _ 2 32 44 N. En faisant la somme on trouve 137° à 147° -f- 10° 16' 52", qui (1) Bulletin de la Société géologique cle France , 2e série, t. II, p. 517. (2) Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe. Manuel géologique , p. 632. Traité de géognosie , t. III, p. 314. (3) L. Frapolli , Bulletin , . p. 561. SÉANCE DU 17 MAI 18Zf7. Ç^5 se réduisent en moyenne à 152» 16' 52". En divisant par 7 nom- bre des points d observation on a pour” la direction moyenne du s). sterne du binistere rapportée à Brest, E. 21° 45' 16" N Dans l’Introduction de l’explication de la carte géologique de la 1 ’jnCe’ ’ P S0’ nous avions indiqué, M. Dufrénoy et moi a direction E. 25» N., qui s’éloigne un peu plus de la ligne E -O ’ .nais nous comprenions dans le groupe de directions, dont nous cheminons a donner la moyenne , celle des schistes des environs e Saint-Malo et de Cancale qui me paraissent maintenant se rap- porter à un autre système. " Cette direction cadre avec les observations d’une manière qui ( evra paraître satisfaisante, si l’on remarque surtout combien de bouleversements ont affecté le sol de la Bretagne, après celui dont le système du Finistère est la trace. Pour s’assurer de cet accord il suffit de reporter la direction obtenue à chacun des points d’obser¬ vation , et de la comparer à la direction observée. On forme ainsi le tableau suivant : Direction calculée. observée. Différence. Ile d’Ouessant. ... e. Brest . E. Ploërmel . e. Omonville . e. Équeudreville. ... e. St-Lo . e. Pont de la Graverie. E. •22° 10' 21 45 20 19 19 19 19 11 51 36 12 1 2 31' 16 50 16 3 32 32 'N. N. N. N. N. N. N. 27° 30' 22 30 20 » .16 » 18 » 20 » 18 » + 5° 19' 29" + + 4 4 1 t 51 36 47 12 44 50 16 3 28 3 2 0° 0' 0' Les seules divergences un peu notables sont celles de l’ile d Ouessant et d Omonville ; or , il est à remarquer que l’une et 1 autre ont été observées dans le voisinage de grandes masses eiuptives, dune part les granités qui forment la plus mande partie de l’île d’Ouessant , de l’autre la syénite du cap de la Hague • or, on sait que ce n’est pas dans le voisinage de pareilles masses qu on rencontre le plus ordinairement des directions parfaitement régulières. On peut donc regarder la direction E. 21° 45' 16" jy ou négligeant les secondes , E. 21” 45' N. comme représentant 1 Brest le système du Finistère; ce serait celle de la tangente d,- rectnce du système menée par Brest. Le système du Finistère ne se montre pas uniquement en Bre¬ tagne et en Normandie Un examen attentif des cartes géologi¬ ques d une grande partie de l’Europe , permet d’y en découvrir Soc. géol. , 2' série, tome IV. 60 SÉANCE DU 17 MAI 1847. 9/l6 des traces qui , à la vérité, sont peu suivies à cause des nombreuses dislocations subséquentes qui les ont en partie effacées. Je citerai particulièrement la Suède et le midi de la Finlande. La direction E. 21° 45' J\., qui représente à Brest le système du Finistère , étant prolongée suffisamment, passerait un peu au midi de la Suède et de la Finlande. On trouve dans le tableau de la page 881 , que la différence des angles alternes internes formés par la plus courte distance de Brest à Stockholm avec les méridiens de ces deux villes est de 18° 21' 32"; entre Brest et Viborg, la même différence est de 27° 29' 40" ; pour Brest et Gotheborg la différence est de 13e 1' 40". De là il résulte qu’en tenant compte de l’excès sphérique calculé comme si le grand cercle qui passe à Brest, en se dirigeant à l’E 21° 45' N. , était le grand cercle de comparaison du système , la direction du système du Finistère transportée à Gotheborg est E. 9° 23' N., et à Stockholm E. 4° 21' N. La même direction transportée à Viborg est E. 4° 9' S. Dans le milieu de la Suède, près des lacs Wenern , Wettern, Hjelmaren , cette direc¬ tion serait environ E. 7° N. Dans le milieu de la côte méridionale de la Finlande, entre Abo et Friedriksvern , elle s’éloignerait peu de la ligne E -O. Or, si l’on examine avec attention la belle carte géologique de la Suède , publiée par M. Hisinger, on verra que dans la partie centrale de ce pays , entre Gotheborg et Upsal , il existe en effet dans les masses de roches anciennes sur lesquelles le terrain silu¬ rien est déposé en stratification discordante , un grand nombre de dislocations et de lignes stratigraphiques dirigées à l’E. quelques degrés nord. Tout annonce que le midi de la Finlande avait été fortement disloqué avant le dépôt du terrain silurien qui forme la côte mé¬ ridionale du golfe de Finlande , et qui n’a éprouvé depuis son dépôt que de faibles dérangements dont nous nous sommes déjà occupés. Les roches anciennes du midi de la Finlande présentent différentes lignes statigrapliiques dirigées à peu près N.-E. S. -O., que nous avons rapportées an système de Longmynd ; mais leur direction diffère essentiellement de celle de la côte dont elles ne déterminent que les découpures. Celle-ci doit se rapporter à une autre série d’accidents stratigraphiques qui ne peuvent être que fort anciens, car tout annonce que les roches cristallines de la Finlande étaient émergées dès le commencement de la période silurienne et qu’elles out formé la côte septentrionale de la mer dans laquelle s’est déposé le terrain silurien de l’Estonie. Enfin on peut remarquer que la partie méridionale de la Finlande renferme SÉANCE DU 17 MAI 18/j7. 9Ü7 une zone dirigée à peu près de l’E. à l’O. dans laquelle sont dissé¬ minées un grand nombre de localités célèbres par la présence de bande paraît être le prolongement de celle qui traverse la Suède suivant la direction que je viens de signaler ; or, ni en Suède , ni dans les parties de la Russie contiguës à la Finlande , ces gîtes de minéraux ne se prolongent dans le terrain silurien. Tout annonce donc qu’ils ont été produits avant le dépôt de ce terrain et que les accidents que présente la zone dont nous parlons appartiennent , par leur âge et par leur direction , au système du Finistère. Il sera peut-être également possible de reconnaître le système du Fi ni stère dans le sol fondamental des Pyrénées et de la Catalogne. La direction du système du Finistère transportée dans un point de la partie méridionale du département de l’Arriége , situé par l\T 40' de lat. N. et par 1° de long. O. de Paris, en calculant F excès sphé¬ rique comme si Brest se trouvait sur le grand cercle de comparai¬ son du système , se réduit à E. 17° 26' 37" E. La direction du sys¬ tème du fVestmoreland et du Hundsrück , qui est au Binger-Loch E. 31° 1/2 N., étant transportée de même au même point des Py¬ rénées , devient en ayant égard à la légère correction additive que donne la considération de Y excès sphérique E. 36° 27' N. Or, ni F une ni Fautre de ces deux directions ne paraît coïncider avec la direction moyenne des roches schisteuses anciennes des Pyrénées. M. Duroclier, dans son intéressant Essai sur la classification du terrain cle transition des Pyrénées (1) , indique d’une manière gé¬ nérale la direction E.-N.-E. comme propre aux roches stratifiées les plus anciennes des Pyrénées ; mais dans les nombreuses me¬ sures de direction qu’il a soin de rapporter, on voit que les direc¬ tions des roches dont il s’agit oscillent dans l’intervalle compris entre l’E. et l’E. 40° N., et que très souvent elles se rapprochent soit de l’E. 30 à 35° N., soit de FE. 15 à 20° N. , c’est-à-dire de deux directions peu éloignées, l’une de celle du système du IVest- moreland et du Hundsrück , Fautre de celle du système du Finistère. M. Duroclier compare ces directions à celles des roches schis¬ teuses anciennes de la Bretagne , et il me paraîtrait fort possible que dans les Pyrénées comme en Bretagne les directions dont nous parlons dussent être divisées en deux groupes appartenant aux deux systèmes dont je viens de parler. C’est, au reste , une question que je me permettrai de signaler à l’attention de M. Duroclier 4 e série , t. VI , p- 1 5. (1) Annales des mines , 948 SÉANCE DU 17 MAI 4 847. qui a exploré les deux contrées avec tant de soin et de persé¬ vérance. La direction du système du Finistère , transportée dans les mon¬ tagnes des Maures et en Corse, en tenant compte de l’excès sphé¬ rique calculé comme si le grand cercle qui passe à Brest , en se dirigeant à l’E. 21° 45' N., était le grand cercle de comparaison du système , devient , pour Hyères, E. 13° 46' N., et pour Ajaccio, E. 11° 42' N. Elle s’éloigne beaucoup des directions qu’on y ob¬ serve le plus habituellement dans les roches stratifiées anciennes. Si ces roches présentent quelques orientations qui se rapportent réellement au système du Finistère , elles doivent y être peu nom- bi euses. Peut-être serait-on plus heureux en recherchant cette même direction , soit dans les roches schisteuses anciennes des côtes de l’Algérie , soit au centre de l’Espagne dans celles des mon¬ tagnes de Guadarrama. La même direction, transportée dans l’Ardenne, à Montliermé, en observant que pour ce point la correction due à X excès sphé¬ rique serait complètement insignifiante, devient E. 14° 48' N. Elle s’écarte de 10° 12' de la direction moyenne E. 25° N. des couches ardoisières de cette contrée , tandis que celle-ci ne s’éloigne que de 8° 53' 6" de la direction du système du JVestmoreland et du Hunclsrück ; ce qui prouve que l’anomalie signalée ci-dessus , dans la direction des couches ardoisières des bords de la Meuse , ne se rattache pas , comme on aurait pu le croire au premier abord , au système du. Finistère. La direction du système du Finistère , transportée au Binger- Loch , devient E. 11° 35' N. Elle diffère par conséquent de 20° en¬ viron de celle du système du JVestmoreland et du Hundsrücl , qui est pour le Binger-Loch E. 31° 1/2 N., et de plus de 47° de celle du système duLongmynd , qui, rapportée au même point, est N. 31° 15' E. ou E. 58° 45' E. La comparaison de ces trois directions rapportées à un seul et * même point montre que les trois systèmes dont nous parlons sont parfaitement distincts l’un de l’autre sous le rapport de leur direc¬ tion ; mais nous ne les avons pas encore rendus complètement dis¬ tincts sous le rapport de leur âge relatif. Nous avons vu que le système du Longmynd et le système du Finistère sont antérieurs l’un et l’autre au terrain silurien auquel le système du fVestmoreland et du Hundsrücl est au contraire postérieur. Il reste à déterminer quel rapport d’âge les deux premiers ont entre eux. Quant à présent, je ne sonnais pas encore de terrain sédimentaire dont je pusse affirmer qu’il a été déposé sur les tranches des cou- SÉANCE DU 17 MAI 1847. 949 elles redressées de l’un des systèmes, et que ses propres couches ont été redressées par l’autre. Je ne puis donc déterminer le rap¬ port d’âge des deux systèmes par le moyen ordinaire et le plus di¬ rect, mais je crois qu’on peut y parvenir par l’application des remarques suivantes, que M. de Humboldt a consignées dans lo premier volume du Cosmos. « La ligne de faîte des couches relevées n’est pas toujours paral- » lèle à l’axe de la chaîne de montagnes ; elle coupe aussi quelque- » fois cet axe, et il en résulte, à mon avis, que le phénomène du » redressement des couches, dont on peut suivre assez loin la » trace dans les plaines voisines, est alors plus ancien que le sou- » lèvement de la chaîne (1). » IVJ. de Humboldt a souvent appelé l’attention sur ce point aussi important que délicat de la théorie des soulèvements. J sic centrale , t. I , p. 277-283. Essai sur le gisement des roches , 1822 , p. 27. Relut, hist . , t. III, p. 244-250. Or, il me paraît qu’en certains points de la Bretagne , dont j’ai déjà parlé des couches redressées suivant le système du Finistère , ont été soulevées de manière à constituer une arête appartenant par sa direction au système de Longmynd , et antérieure comme ce système au terrain silurien. Je le conclus des observations sui¬ vantes que M. Dufrénoy a consignées dans le premier volume de l’explication de la carte géologique de la France , et dont j’ai déjà rappelé une partie précédemment. « L’extrémité O. du bassin de Rennes appartient encore au ter- » rain cambrien. Nous sommes, il est vrai, peu certains de la » limite qui sépare , dans ce bassin , les deux étages des terrains » de transition ; mais cependant nous la croyons peu éloignée » d’une ligne qui se dirigerait du N. 15 à 20° E. au S. 15 à 20° O. , » et qui suivrait à peu près la route de Ploërmel à Dinan. En effet , » les terrains situés à gauche et à droite de cette ligne présentent » des caractères essentiellement différents : cette circonstance serait » impossible si elle ne résultait pas de leur différence de nature , h attendu que, la stratification étant généralement de l’E. à 10. , on » devrait retrouver, sur la route de Ploërmel à Dinan, les mêmes » couches traversées par celle de Nantes à Rennes ; mais il n’en » est point ainsi : en effet , les couches de grès, si fréquentes et si » caractéristiques dans le terrain silurien , qui forme tout le pays » à l’E. de la ligne que je viens d’indiquer, ne se retrouvent pas, » au contraire , dans la partie O. de ce bassin, que nous avons » coloriée comme appartenant au terrain cambrien. Les schistes (I) A. de Humboldt, Cosmos, t. Ier, traduction française, p. 352. 950 SÉANCE DU 17 MAI 1847. ” eux-mèines , entre Corlay et Josselin, c’est-à-dire dans toute » l’épaisseur de cette partie inférieure, possèdent des caractères » très différents de ceux des environs de Rennes ; ils sont , en effet , » bleuâtres et satinés, tandis cpie les schistes entre Rennes et >> Nantes sont de véritables grauwackes schisteuses. Enfin la direc- » tion des couches confirme cette distinction. A l’O. de la limite » que nous avons assignée pour les deux terrains de transition, les » couches se dirigent constamment de l’E. 20° N. à l’O. 20'* S., » tandis que les schistes qui sont à droite de cette ligne sont » orientés de l’E. 10 à 15° S., à 10 10 à 15° N. Ces deux directions « sont précisément celles qui caractérisèrent les terrains cambrien » et silurien (1). » Ces schistes satinés dirigés à l’E. 20° N. appartiennent, par le redressement de leurs couches, au système du Finistère , et ils ont été soulevés pour former une protubérance ou une crête di¬ rigée vers le N. 20° E. , qui a constitué la limite occidentale du bas¬ sin silurien de Rennes. Cette crête appartient par sa direction au système de Longmynd. On voit donc que le système de Longmynd est postérieur au système du Finistère. On arrive à la même conclusion en observant comment les dislo¬ cations dépendantes du système de Longmynd , qui se trouvent aux environs de Morlaix , accidentent les couches de roches schisteuses redressées suivant le système du Finistère. Les trois systèmes dont nous venons de parler, tous les trois fort anciens et tous les trois dirigés de manière à être compris dans la désignation générale hora 3 à ou à ne s’en écarter que fort peu, ces trois systèmes se croisent au centre de la Bretagne dans un es¬ pace assez peu étendu, entre Saint-Malo et Ploënnel. Ce ne sont pas cependant les seuls systèmes très anciens qui s’observent en Bretagne. Dans ces dernières années, M. Rivière en a signalé un autre , mais celui-ci se distingue complètement des trois premiers par sa direction qui s’éloigne peu du N. -O. , au lieu de se rappro¬ cher du N.-E. D’après M. Rivière, ce système est parallèle aux côtes S. -O. de la Vendée et de la Bretagne. Déjà M. Boblaye, dans son excellent travail sur la Bretagne, était arrivé lui-même, relativement aux côtes S. -O. de cette presqu’île, à des conclusions que je ne pourrais traduire aujourd’hui plus exactement qu’en admettant un système parallèle à la direction générale de ces côtes, et en le supposant (1) Dufrénoy, Explication de la Carte géologique de la France , chap. m , t. Ier, p. 21 0 et 21 1 , 951 SÉANCE DU 17 MAI 1847. fort ancien. Il signale comme un des -traits les plus marqués de la structure géologique de la Bretagne que ses côtes S.-O. sont bordées par un plateau plus élevé que l’intérieur de la contrée, à travers lequel les rivières s’écoulent dans des vallées profondément encaissées. « La côte méridionale , dit M. Boblaye (1), est décou- » pée par des sinuosités profondes et multipliées ; cependant une «ligne tirée de Saint-Nazaire à Pont-l’Abbé , ou de i’E.-S.-E à n l’O.-N.-O., représente assez bien sa direction générale. » Le pla¬ teau méridional, ajoute plus loin M. Boblaye (2), s’étend de LE.-S.-E à l’O.-N.-O., sur une longueur de plus de 60 lieues, de Nantes à Quimper. Cette même direction de l’O.-N.-O à l’E.-S.-E. est, d’après M. Boblaye, celle des roches cristallines an¬ ciennes dont le plateau est formé. Il la mentionne (3) comme existant uniformément dans les gneiss et les protogines. Il parle ail¬ leurs (4) des granités et protogines stratifiés de l’O.-N.-O. à l’E.-S.-E. licite en particulier (5) le gneiss de Quimperlé dirigé à l’E.-S.-E. , et il indique (6) dans le granité de Carnac de petites couches de micaschiste dirigées de même à l’E.-S.-E. Il est à remarquer que M. Boblaye reproduit pour toutes ces localités la même orientation exprimée seulement d’une manière générale O. -N. -O. — E.-S.-E., ce qui indique qu’il a fait abstrac¬ tion des variations locales, et qu’il n’a peut-être pas entendu fixer cette orientation avec une précision rigoureuse. Je crois que, dégagée de tous les accidents qui appartiennent au système des ballons, cette direction s’éloigne de la ligne E.-O. plus que ne l’a pensé M. Boblaye-, et que M. Rivière est plus près de la vérité en disant que dans la région dont il s’agit , la stratification se dirige du N. -O. un peu O. au S.-E. un peu E. (7). Il me paraît résulter, en effet, de l’étude que j’ai faite moi-même de ces contrées , en 1833, et de l’exa¬ men de la carte géologique de la France, que la direction du système qui nous occupe peut être représentée par une ligne tirée de l’île de Noirmoutier à l’île d’Ouessant, de ’E. 38° 15' S. à l'O. 38° 15' N. Cette ligne , qui est jalonnée par les masses isolées des îles d’IIœdic , (1) Puillon-Boblaye , Essai sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne. Mémoires du Muséum d’histoire naturelle , t. XV, p. 54. (1827.) (2) Ibid., p. 65. (!) Ibid , p. 75. (4) Ibid., p. 71 . (5) Ibid. , p. 70. (6) Ibid., p. 69. (7) A. Rivière, Études géologiques et minéralogiques , p. 264. 952 SÉANCE DU 17 MAI 1847. d’Houat, et de la presqu’île de Quiberon , se prolonge suivant la ligne des îles terminales du Finistère, de Beninguet à Ouessant. Le système qu’elle représente converge, à Ouessant, avec le système dirigé F. 20 à 25° N., dont nous nous sommes occupés en dernier lieu ; et considéré dans cette région seulement, il mériterait presqu’à aussi juste titre que lui le nom de système du Finistère. Mais comme il domine surtout sur les cotes du Morbihan et qu’il se prolonge dans les départements de la Loire-Inférieure et de la Vendée et jusque dans celui de la Corrèze , il est plus naturel de lui donner un nom tiré cl une contrée moins voisine de sa termi¬ naison apparente, et je propose, avec l’assentiment de M. Rivière, de le nommer .système du Morbihan. La direction E. 38H 15' S. — O. 38° 15' N., que j’ai indiquée ci-dessus, peut être censée rapportée à Vannes, ville située à peu de distance de quelques uns des points où cette direction se dessine le mieux, et qui serait un centre de réduction très favorablement situé pour toutes les observations de direction faites dans les di¬ verses parties de la Fiance occidentale où le système se montre avec le plus d’évidence. Il est probable, du reste, que ce système est fort étendu ; sa di¬ rection semble se retrouver dans les roches schisteuses du dépar¬ tement de la Corrèze, de la Dordogne et de la Charente, par exemple aux environs de Julliac, dans les schistes sur lesquels re¬ posent en stratification discordante les petits lambeaux de terrain houiller de Chabrignet, de Montchirel, de la Roche et des Bichers. La direction moyenne de ces roches paraît en effet comprise entre le S.-E. et l’E. 40° S. Or il est aisé de calculer que la direction E. 38° 15' S. , transportée de Vannes à Uzerche (Corrèze) , eu égard aux différences de latitude et de longitude des deux points, devien¬ draient E. 41° 22' S. D’après quelques observations que j’ai faites à la hâte en 1834, la moyenne des directions les plus fréquentes dans les gneiss et les micaschistes des environs de Messine, en Sicile, est E. 53° 45' S. La direction E 38° 15' S., transportée de Vannes à Messine, en ayant égard aux différences de latitude et de longitude des deux villes, devient à peu près E. 50° 55' S.; la différence n’est que de 2° 50'. On pourrait donc conjecturer que la direction des roches cristallines évidemment fort anciennes des environs de Messine, appartient au système du Morbihan. Peut-être cette direction existe-t-elle aussi dans quelques parties du Bohmerwald gebirge (sur les frontières de la Bavière et de la Bohème) et de l’Erzgebirge. M. Cotta, dans un travail que j’ai déjà 953 SÉANCE MJ 17 MAI 18/|7 . cité précédemment (1), indique dans ces contrées cinq directions presque parallèles entre elles qui me semblent devoir être distin¬ guées de celles qui se rapportent au système du Tliuringerwald. Ces directions courent sur 11 , 10 3/8, 11 , 10 3/8 , 10 7/8, heures de la boussole, c’est-à-dire en moyenne vers le N. 19° 7' O. magné¬ tique, ou vers le N. 35° 47' O. astronomique. Or la direction O. 38° 15' N. transportée de Vannes à Freiberg, eu égard aux diffé¬ rences de latitude et de longitude de ces deux points, devient O. 50° 28'N. ou N. 39° 32' O.; elle diffère d’environ 10° 1/2 de la di¬ rection O. 40° N. du Tliuringerwald, mais elle ne s’écarte que de 3° 45' de la moyenne des directions indiquées par M. Cotta. En tenant compte de l’excès sphérique , la différence pourrait aller en nombres ronds à 4° environ ; elle ne serait pas beaucoup au- dessus des erreurs possibles d’observation. Les accidents stratigra- pliiques auxquels se rapportent les directions dont nous venons de prendre la moyenne affectent les schistes anciens de l’Erzgebirge ; mais on n’en observe pas la prolongation dans le terrain silurien des environs de Prague : tout annonce donc qu’ils ont été produits immédiatement avant le dépôt du terrain silurien. 11 me paraît fort probable que les indices de stratification signa¬ lés dans les roches cristallines de l’Ukraine se rapportent aussi au système du Morbihan. Le sol d’une partie des plaines de l’Ukraine est formé par une masse de roches cristallines, connue sous le nom de steppe granitique qui s’étend de l’O.-N. -O. à l’E.-S.-E. de la Volhynie, par la Podolie aux cataractes du JJniéper et qui , traversant ce fleuve , va se perdre près des bords du Kalmiuss sous les dépôts carbonifères du Donetz. La direction des plis nombreux que présentent ces roches est en moyenne peu différente de celle de l’axe longitudinal de la steppe granitique, et M. Murcliison les attribue avec beaucoup de vraisemblance à un soulèvement de cette masse cristalline ; mais ces roches cristallines présentent des indices de stratification dont la direction est toute différente de celle de l’axe longitudinal de sa masse , et qui , ne se continuant pas dans les couches carbonifères , doivent avoir été produites avant leur dépôt. Diverses variétés de pegmatites sont les roches dominantes vers l’extrémité E.-S.-E. de la masse cristalline, près des bords du Kalmiuss (2) : plus près du Dnieper, sur les bords de (1) B. Cotta, Die Erzgange and dire Beziehungen zu deu Erupti- vcngesteinen. (2) Le Play, Voyage dans la Russie méridionale , par M. Anatole de Demidoff, t. IV, p. 61. 95 4 SÉANCE DU 17 MAI .1 S Z| 7 . la Voltcliia, au S. de Paulograd , et entre cette ville et Alexan- drovsk , M . Murchison a observé diverses variétés de gneiss quart- zeux et feldspathique passant à un quartz compacte gris qui alterne avec des lames très minces de talc verdâtre rarement micacé, un micaschiste grenatifére alternant avec des couches très minces d’un gneiss granitoïde , etc. Ces roches sont souvent en couches verticales, mais leur plongement habituel est du coté de l’E. sous un angle considérable. Leur direction, d’après M. Murchi¬ son, est presque parallèle au cours de la Voltcliia, qu’il indique dans son texte comme dirigé au IN. 15° O. ; mais qui , d’après sa belle carte zoologique de la Russie , se dirige au N. 28° O. 11 dit formellement que la direction dominante de ces roches est du N. -N. -O. au S -S.-E. (1), c’est-à-dire du N. 22" 30' O. au S. 22° 30' E. Or, la direction du système du Morbihan , transportée de Vannes v lat. l\l° 39' 26", long. 5° 5' 19" O. ) à Vassiliefka, dans la vallée de la Voltcliia (lat. 48° 11' 40", long. 33° 47' 6" E. de Paris) , en tenant compte de Y excès sphérique calculé comme si le grand cercle qui passe à Vannes en se dirigeant à l’E. 38° 15' S., était le grand cercle de comparaison du système , cette direction devient S. 25° 46' E. ; elle ne diffère que de 3° 16' de celle indi¬ quée par M. Murchison. La différence est encore moindre que celle que nous venons de trouver pour la Saxe ; seulement elle est en sens inverse. D’après ces rapprochements que le temps et l’espace ne me per¬ mettent pas de pousser plus loin en ce moment et de formuler aussi complètement que j’ai essayé de le faire pour le système du fVes tm o relan d et du Hundsrüch et pour le système du Longmynd , je suis porté à présumer que le système du Morbihan n’a pas été moins largement dessiné en Europe que les trois autres systèmes dont je me suis occupé précédemment. L’existence de ce système me paraît indiquée aussi avec assez de probabilité au-delà de l’Océan atlantique , dans des régions qui , à la vérité , ne nous sont que très imparfaitement connues , dans le Labrador et dans le Canada. Il est aisé de calculer en effet que le grand cercle qui passe à Vannes en se dirigeant à l’O. 38° 1 5' N. , coupe le 65e méridien à 10. de Paris, par 57° 23' 15" de lat. N., en se dirigeant de l’Ê. 11° 3' 42" N. à l’O. 11° 3' 42" S. , et le 90e méridien à LE. de Paris, par 51° 37' 54" de lat. N., en se dirigeant de l’E. 31° 33' 1"N. à l'O. 31° 33' 1" S. Si on trace (1) Murchison, de Verneuil et Keyserling, Russia i/i Europe and the Ural mountains , t. I, p 90. SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 955 approximativement cet arc cle grand cercle sur une carte de l’Amé- rique septentrionale , on reconnaît aisément qu’il coupe la cote N.-E. du Labrador près du port Manvers, un peu au N. de Nain , traverse le Labrador près du lac Seal , coupe la pointe méridio¬ nale de la baie d’Hudson , passe au N. de la rivière d’Albany dont il suit la direction , passe un peu au S. du lac Saint-Joseph , et coupe ensuite le lac des Bois. Dans cette dernière partie de son cours il passe à 60 lieues environ au N. -O. de la côte N. -O. du lac supérieur qui lui est parallèle dans son ensemble. L’axe longi¬ tudinal de l’Ile-Royale, située dans ce vaste lac , lui est éga¬ lement parallèle , et en général les accidents des côtes de la partie occidentale de ce lac , formées de roches primitives en masses élevées et escarpées , présentent dans leur configuration générale plusieurs lignes dirigées à peu près de l’E. 31° 1/2 N. à l’O. 31° 1/2 S. , de sorte qu’elles se coordonnent à la direction du sys¬ tème du Morbihan , à peu près de la même manière que les côtes S. -O. de la presqu’île de Bretagne. On peut remarquer en outre que la ligne générale qui forme la limite entre les parties du Canada et du Labrador, composées de roches primitives , et les con¬ trées qui plus au Sud sont formées de couches siluriennes presque horizontales , est parallèle dans son ensemble et dans beaucoup de ses parties à l’arc de grand cercle dont nous venons de parler. Le système du Morbihan est certainement fort ancien, et M. Bo- blaye , sans s’occuper précisément de son âge relatif, a eu bien évidemment le sentiment de l’ancienneté des accidents stratigra- phiques qui s’y rapportent ; on peut le conclure des passages sui¬ vants de son mémoire sur la Bretagne que j’ai déjà mentionnés dans mes recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe ( Annales des mines naturelles , t. X Y 111 , p. 312). « Les roches du second groupe, dit M. Boblaye (1), se mon- » trent partout en gisement concordant avec les terrains qui »> les supportent ; elles occupent une grande partie du centre du » bassin de l’intérieur ( de la Bretagne ) ; elles forment presque » partout une bande plus ou moins développée entre les terrains » granitiques anciens et les terrains de transition. » Dans les Côtes-du-Nord et le Finistère, elles appartiennent » donc au système de stratification dirigé entre le N.-E. et le •> N. -N.-E., et dans une partie du Morbihan et de la Loire-Infé- » rieure, au système dirigé à l’E.-S.-E. » Nous croyons donc que la Bretagne montre , dans des terrains (l) Puillon-Boblaye , loc. cit., p. 66. 956 SÉANCE DU 17 MAI 18u7. » très rapprochés d’âge et de position , la réunion de deux systèmes » de stratification à peu près perpendiculaires entre eux , dont l’un, » dirigé E.-S.-E. , se retrouve dans une partie des montagnes de » 1? intérieur de la France et dans les Pyrénées, et l’autre , si » depuis longtemps par M. de Jiumboldt, dirigé entre leN.-N.-E. » et le N.-E. , appartient aux terrains de même nature dans les » montagnes du nord de l’Europe (Angleterre, Ecosse, Yosges, » Forêt-Noire, Harz et Norvège ). » J’ajouterai à ce fait remarquable, continue M. Boblaye , que » la vallée de l’intérieur ( de la Bretagne) forme la séparation des » deux systèmes _ Je puis avancer, ajoute-t-il encore, comme » fait général , que la stratification du terrain de transition tend » partout à adopter la direction de l’E. à FO. , quels que soient » d’ailleurs l’âge et la direction des strates qui le composent. » 11 en résulte , dans la partie méridionale de la Bretagne , une » concordance apparente , mais dans la partie septentrionale et » surtout dans le Cotentin , une discordance absolue. » Si à ce fait nous ajoutons que, dans le Cotentin et la partie » limitrophe de la Bretagne , les axes des plateaux et les longues » vallées qui les séparent ne sont pas dirigés vers le N.-E. comme » la stratification des roches anciennes qui les composent , mais » constamment de l’E. à l’O., il résulte, à ce qu’il me semble, » du rapprochement de ces faits, que les axes du plateau ancien » ont subi des modifications postérieures à sa consolidation, et que » ce sont ces axes modifiés qui ont déterminé la direction de la » stratification dans le terrain de transition. » Il me paraît difficile tle ne pas conclure de ce passage que M. Boblaye regardait les accidents stratigrapliiques dirigés, sui¬ vant lui , à l’E.-S.-E. du plateau méridional de la Bretagne , de même que les accidents stratigrapliiques dirigés entre le N. -N.-E. et le N.-E. du plateau septentrional , comme produits à une épo¬ que antérieure au dépôt du terrain de transition , c’est-à- dire du terrain silurien. * Les observations de M. Dufrénoy , celles de M. Bivière et les miennes conduisent à la même conclusion. Si on promène un œil attentif sur la partie de la carte géologique de la France qui représente la presqu’île de Bretagne , on voit que les lignes assez nombreuses par lesquelles s’y dessine le système du Mor¬ bihan s’interrompent constamment dans les espaces occupés par le terrain silurien. Je citerai pour exemple la ligne tirée de l’île de Guernesey à Sillé-le-Guillaume (département de la Sarthe). Cette ligne, jalonnée par diverses masses granitiques, est en même 957 SÉANCE DU 17 MAI 18Ù7. temps dessinée par plusieurs massifs de schistes anciens et de gneiss , qui s’allongent suivant sa direction; mais elle n’est représentée par aucun accident remarquable dan£ les bandes de terrain silu¬ rien quelle traverse. Les bandes siluriennes et dévoniennes sont constamment orien¬ tées suivant la direction du système des Ballons , qui est postérieur aux terrains silurien et dévonien , et peut-être meme au calcaire carbonifère. Cette direction, dans la presqu’île de Bretagne , n’est nulle part aussi bien dessinée que dans les districts occupés par ces terrains. En cela elle contraste d’une manière frappante avec la direction du système du Morbihan , qui s’évanouit, au con¬ traire, généralement, lorsqu’elle arrive aux districts siluriens et dévoniens. Cette loi présente cependant une exception ; car on voit les lignes suivant lesquelles sont dirigés les plis des terrains an- thraxifères des bords de la Loire et des environs de Sablé, s’in¬ fléchir vers le S. , à l’E. d’une ligne tirée de Beaupréau à Ségré , et prendre à peu près la direction du système du Morbihan. Le même fait se reproduit plus au N., entre Domfront et Seez; mais ces faits particuliers me paraissent devoir être expliqués en ad¬ mettant que , dans ces parties peu étendues , la direction du sys¬ tème du Morbihan s’est reproduite accidentellement à l’époque de la formation du système des Ballons , phénomène dont j’ai déjà mentionné plusieurs exemples. L’exception dont il s’agit ne me semble donc pas infirmer la règle générale de laquelle je conclus que le système du Morbihan est aussi évidemment antérieur aux couches siluriennes de la Bretagne que le système des Ballons leur est postérieur. Le système du Morbihan se trouve par conséquent , relativement au terrain silurien, dans le même cas que le système du Longmynd et le système du Finistère. Mais quel est l’âge relatif du système du Morbihan comparé aux deux derniers? Je ne puis , pour le moment , appliquer à la solution de cette question que des moyens analogues à ceux par lesquels j’ai essayé de faire voir que le système du Finistère est plus ancien que le système du Longmynd ; leur application me conduit à conclure que le système du Morbihan est postérieur aux deux autres. Ainsi que je l’ai déjà remarqué, l’une des lignes les mieux des¬ sinées de ce système est celle qui s’étend de l’île de Noirmoutier à l’île d’Ouessant. Cette ligne suit de l’île de Beninguet à l’île d’Oues- sant la chaîne des îles terminales du Finistère, où la direction de la chaîne n’est pas parallèle à la stratification des roches qui la composent ; elle coupe la direction de la stratification sous un angle 958 SÉANCE DU 1,7 MAI 18/|7. d’environ 60°, ainsi qu’on peut le constater en considérant la direc¬ tion de la bande schisteuse qui traverse l’île d’Ouessant de 10. -S. - O. à l’E.-N.-E. En appliquant ici la remarque importante de M. de Humboldt, déjà rappelée ci-dessus, p. 9ù9 , on conclura que le système du Morbihan est postérieur , comme le système du Longmynd , au système du Finistère , auquel appartient la direction de la bande schisteuse de l’île d’Ouessant. On peut remarquer , en outre , sur la belle carte géologique du Finistère publiée par M. Eugène de Fourcy , ingénieur des mines, que les roches granitiques du plateau méridional de la Bretagne enveloppent , notamment près de l’embouchure de la rivière de Quimperlé , des lambeaux de roches schisteuses qui , malgré leur état actuel de dislocation , conservent la direction du système du Finistère , ce qui conduit naturellement à supposer qu’ils avaient été plissés par le ridement du système du Finistère avant d’être disloqués par le soulèvement des granités du système du Morbihan . Des considérations du même genre conduisent d’ailleurs à re¬ connaître que le système du Morbihan est postérieur au système du Longmynd , et cette seconde conclusion comprend implicitement la première , puisque nous avons déjà reconnu que le système du Longmynd est postérieur au système du Finistère. La ligne tirée de Guernesey à Sillé-le-Guillaume , qui est , ainsi que nous l’avons déjà remarqué, l’une de celles où se dessine le système du Morbihan , traverse la partie de la Normandie que M. Boblaye signale spécialement comme le domaine de la direc¬ tion N -N.-E., propre au système du Longmynd. Elle s’y dessine par divers accidents stratigrapliiques et orographiques , mais elle laisse généralement subsister la stratification N.-N.-E. Elle y joue , par conséquent, relativement au système du Longmynd , le rôle que la direction du Longmynd joue par rapport au système du Finistère , comme je l’ai rappelé ci-dessus, p. 9à9 , le long de la route de Ploërmelà Dinan. Ainsi les mêmes motifs qui nous font conclure que le système du Finistère est antérieur au système du Longmynd , doivent nous faire conclure également que le système du Longmynd est antérieur au système du Morbihan. Cette même ligne , parallèle à la route de Ploërmel à Dinan, qui élève , sans déranger leur stratification , les schistes plissés suivant le système du Finistère , se conduit tout autrement par rapport au système du Morbihan. 8on prolongement méridional traverse le plateau méridional de la Bretagne , qui appartient au système du Morbihan ; mais bien loin d’interrompre ce plateau, comme elle 959 SÉANCE DU 17 MAI 1847. interrompt les plateaux schisteux de Plpërmel , elle s’évanouit à son approche , et elle cesse de se dessiner par aucun accident stra- tigraphique ou orographique remarquable. Ainsi le même raison¬ nement qui montre que le système du Longmynd , auquel appartient cette ligne si remarquable, est postérieur au système du Finistère , montre aussi qu’il est antérieur au système du Morbihan. Il me paraît donc établi que les quatre ridements de l’écorce terrestre , dont nous nous sommes occupés dans cette note , se sont succédé dans l’ordre suivant : Système du Finistère , Système du Longmynd , Système du Morbihan , Système du FV estmoreland et du Hundsrück ; Et que le troisième est antérieur à toutes les couches siluriennes qui existent dans la presqu’île de Bretagne , de même que le qua¬ trième leur est postérieur. Les schistes anciens de la Bretagne ressemblent sous plus d’un rapport aux schistes anciens du Cumberland , à ceux de la série dont fait partie le schiste noir lustré et souvent maclifère de Skiddaw. Jusqu’à présent on n’avait pas trouvé de fossiles dans ces schistes anciens du Cumberland; mais j’apprends par une lettre récente de M. le professeur Sedgwick, que pendant l’été de 1847 il y a découvert des Graptolites et des Fucoïdes. Quelques rares fossiles (Encrines) se trouvent aussi au milieu des schistes anciens de la Bretagne et de la Normandie dans le calcaire de Car travers (Côtes- du-Nord) , qui forme une masse lenticulaire peu étendue, ren¬ fermée dans des schistes noirâtres lustrés et dans celui du Quency enclavé dans des schistes bleuâtres satinés , entre Saint-Lô et Lit— try (1). Dans les schistes anciens du Cumberland on ne trouve pas de calcaire , et le calcaire est fort rare aussi dans les schistes anciens de la Bretagne et de la Normandie où je ne connais d’autres masses calcaires que celles de Cartravers et du Quency , à laquelle il faut ajouter quelques plaquettes calcaires aux environs de Saint-Lô. Les schistes anciens de la Bretagne me paraissent avoir, au total 7 beaucoup plus de ressemblance avec les schistes anciens du Cum¬ berland qu’avec les ardoises vertes liées aux feldstones de M. le professeur Sedgwick. Cette circonstance concourt avec le fait que les schistes dont il s’agit sont tous affectés par les rides du système (1) Dufrénoy, Explication de la carte géologique de la France , t. I , p. 21 3. 9(50 SÉANCE DU 17 MAI 1S/|7. du Finistère aussi bien que par celles des systèmes du Longmynd et du Morbihan , pour nie faire penser que les schistes anciens de la Bretagne sont réellement très anciens. Dans l’explication de la carte géologique de la France ces schistes ont été coloriés en gris clair, indiqués par le signe i' et désignés sous le nom de terrain cambrien. Cependant si ces schistes correspondent aux schistes anciens du Cumberland, il est douteux, d’après les savantes re¬ cherches de M. le professeur Sedgwick, qu’ils aient aucun repré¬ sentant dans les montagnes cambriennes du pays de Galles , tandis qu’ils en auraient un certain dans les montagnes cambriennes du Cumberland Pour faire disparaître cette inconséquence de lan¬ gage sans altérer considérablement la nomenclature reçue , je pro¬ poserai de désigner à l’avenir les schistes anciens de la Bretagne sous le nom de schistes cambriens. Les schistes anciens de la Bretagne, soit qu’ils affectent la direc¬ tion du système du Finistère , celle du système du Longmynd , ou celle du système du Morbihan , sont recouverts en stratification discordante par un grand dépôt de grès , de poudingues quart- zeux et de quartzites, qui paraît être l’équivalent du grès de Cara- doc. Ce fait peut s’expliquer très simplement en admettant que la mer où s’est déposé le grès de Caradoc a été beaucoup plus étendue que celles où se sont déposées les couches fossilifères antérieures à ce grès. Je crois que cette mer a couvert les parties de la Bretagne , de la Scandinavie et de l’Amérique septentrionale où le terrain silurien s’est déposé , et que les premières couches siluriennes qui s’observent dans la Bretagne , la Scandinavie et l’Amérique sep¬ tentrionale, sont non seulement à très peu près contemporaines, comme l’établissent si bien les savantes recherches paléontolo- giques de M. de Verneuil, mais exactement contemporaines, et qu’ elles représentent proprement le grès de Caradoc. Je crois enfin que les couches souvent cristallines sur lesquelles ces dépôts quart- zeux reposent sont beaucoup plus anciennes, de sorte que dans ces diverses contrées il existe dans la série des terrains stratifiés une lacune considérable. En Bretagne cette lacune me paraît corres¬ pondre à la double période de tranquillité qui s’est écoulée entre le soulèvement du système du Finistère et celui du système du Mor¬ bihan. Suivant nos conjectures , les parties du sol européen et améri¬ cain qui forment aujourd’hui la Bretagne , la Scandinavie et les Etats-Unis, auraient été abandonnées par la mer au moment où se sont formées les rides de l’un des systèmes antérieurs ( en Bre¬ tagne celles du système du Finistère ) ; mais la mer y serait revenue 961 SÉANCE DU 17 MAI 18Û7. immédiatement après la formation des rides du système du Mor¬ bihan et un grand dépôt de grès et de poudingues quartzeux , dont le grès de Caradoc fait ‘partie, aurait été dans une grande partie de 1 Europe et de l’Amérique le résultat de son invasion. Le grès de Caradoc formerait ainsi un horizon géognostique comparable à celui du vieux grès rouge. Mais comment l’horizon du grès de Caradoc se dessine-t-il dans le pays de Galles? s’il est prouvé que le système du Morbihan est anterieur a toutes les couches siluriennes de lu Bretagne , doit-on en conclure qu il est antérieur à toutes les couches des montagnes du pays de Galles, que M. Murchison regarde comme appartenant à la partie inférieure du terrain silurien? Cette question importante se trouvera sans doute résolue lorsque M. Murchison et M. le professeur Sedgwick seront tombés com¬ plètement d accord sur la classification des couches de cette contrée si intéressante et si difficile. Tout le monde sentira combien il serait téméraire de ma part de vouloir résoudre dans mon cabinet une question qui tient encore en suspens les géologues les plus éminents et ceux qui ont le mieux étudié le pays. Je puis d’autant moins essayer de le faire, que les travaux dont le pays de Galles a été 1 objet dans ces dernières années n’ont pas encore été publiés d’une manière complète. Désirant cependant montrer combien j’attache d’importance à une question qui me paraît intéresser à un très haut degré l’avenir de la géologie paléozoïque, j’essaierai d’apporter pour sa solution le faible tribut de mes conjectures. Le point essentiel me semblerait être de trouver dans le dessin si compliqué de la structure stratigraphique des montagnes du pays de Galles un trait qu’on pût rattacher nettement au vaste horizon du grès de Caradoc. Or, je remarque que la ligne tirée du centre du massif du Longmynd au centre du massif de l’île d’An- glesey est sensiblement orientée suivant la direction du système du Morbihan ; que cette ligne passe dans le voisinage des sommités les plus élevées du pays de Galles; que les couches les mieux ca¬ ractérisées et les plus anciennement reconnues du terrain silurien s’en tiennent éloignées avec une sorte de respect; que cette ligne forme l’axe d’une zone qui semble avoir formé dans la meroù s’est déposé le grès du Caradoc , une île dont l’île d’Anglesey serait un reste, à peu près comme file de Guernesey est un reste d’une île que foi niaient , dans la meme mer, les niasses de granités et de schistes anciens , non recouvertes , qui s’étendent, ainsi que je l’ai remarqué précédemment, page 956 , de Guernesey à Sillé le Guil¬ laume. Soc. ijcol. , 2e série, tome IV. 61 962 SÉANCE DU 17 MAI 18Z|7. La réunion de ces diverses circonstances me conduit à conjec¬ turer que la zone du pays de Galles , qui s’étend de l’île d’Anglesey au Longmynd, a été élevée au-dessus" du niveau des mers, comme la bande de terrain ancien qui s’étend de Guernesey à Sillé le Guil¬ laume , par le ridement de l’écorce terrestre auquel est dû le sys¬ tème du Morbihan , et que la disposition affectée relativement à cette zone par le grès de Caradoc et par les couches siluriennes su¬ périeures à ce grès , fait partie intégrante de cette disposition géné¬ rale et toute nouvelle qui me portent à regarder le grès de Caradoc comme formant la base d’une formation indépendante et l’un des meilleurs horizons géognostiques qui aient encore été observés. Dans l’hypothèse que je me hasarde à proposer , le sol de cette île , premier noyau du pays de Galles , qui comprenait l’île d’An¬ glesey et les collines du Longmynd , aurait été traversé du S. -S. -O. au N.-N.-E. par la crête du Longmynd et par une série d’autres crêtes parallèles et contemporaines , qui sans être alors aussi éle¬ vées qu’elles le sont aujourd’hui, auraient présenté dès cette épo¬ que une première ébauche de leurs formes actuelles , dépendante du système de rides dont le Longmynd lui-même fait partie. Mais pendant la période qui a suivi immédiatement la formation du système du Longmynd , ces crêtes seraient demeurées en partie submergées, ou n’auraient formé qu’une série d’îles étroites, orientées du S. -S -O. au N.-N.-E. : elles n’auraient fait partie d’une grande île continue, orientée dans son ensemble du N. -O. au S.-E. , qu’après la formation du système du Morbihan. Les circonstances les plus énigmatiques que présente le gisement d’une partie des couches du pays de Galles , me paraissent con¬ corder avec mon hypothèse. Les couches du grès de Caradoc, qui reposent en stratification discordante sur les schistes du Longmynd, reposent au contraire en stratification concordante sur une longue série de couches fossilifères parmi lesquelles sont comprises celles du lac de Bala et peut-être d’autres beaucoup plus anciennes. Cette double circonstance peut s’expliquer très simplement en ad¬ mettant que les couches schisteuses du Longmynd et les couches du grès de Caradoc , qui leur sont superposées transgressivement , laissent entre elles une lacune égale à toute l’épaisseur des couches qui prolongent inférieurement, jusqu’au calcaire de Bala et plus bas encore , la série constamment concordante avec le grès de Caradoc . L’hypothèse proposée permet en effet de concevoir que la su¬ perposition du grès de Caradoc sur les couches redressées des col¬ lines du Longmynd ne se serait pas opérée immédiatement après SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 963 le redressement de ces dernières couches , mais seulement après la formation du système du Morbihan , que nous avons vu être pos¬ térieur au système du Longmynd. Pendant la période comparati¬ vement tranquille qui s’est écoulée entre la formation du système du Longmynd et celle du système du Morbihan il a dû se former dans les mers une série de couches régulières , et cette série peut exister dans le centre même du pays de Galles , si la mer n’en a été complètement exclue qu’au moment de la formation du système du Morbihan. Cette série, dans mon hypothèse, est parallèle au grès de Caradoc, du moins en apparence, parce que le bosselle- ment qui a émergé une partie du sol du pays de Galles , lors de la formation du système du Morbihan , et qui a empêché le grès de Caradoc et les couches supérieures du terrain silurien de s’ y déposer, n’y a produit que des dénivellations et presque pas de plis ni de fractures. Dans ma supposition , les fractures et les plis dont ces couches sont affectées , seraient généralement indépendantes de la forma¬ tion du système du Morbihan ; quelques unes dirigées presque exactement vers le N.-E. , appartiendraient au système du JL est- moreland et du Hundsrück ; d’autres appartiennent certainement à des systèmes plus modernes notamment au système de la Côte -d' Or. Peut-être y aurait-il aussi un partage à effectuer parmi les dislo¬ cations dirigées vers le N. -N.-E. J’ai exprimé ailleurs l’opinion qu il existe dans la partie occidentale de la Grande-Bretagne et en Irlande beaucoup de dislocations dirigées à peu près au N. N.-E. , dont la date est postérieure au dépôt des terrains paléozoïques (1) ; mais j’ignore si une part doit être faite au système du Rhin dans les rides des couches de la région du Snowdon , si profondément étu¬ diées par M. le professeur Sedgwick , ou si ces rides doivent être toutes considérées comme appartenant au même système strati- grapliique que les couches redressées du Longmynd dont elles se rapprochent par leur direction. Je crois cependant que la plupart des directions N. -N -E. qui existent en si grand nombre dans les parties montagneuses du pays de Galles , doivent en principe leur existence à un phénomène de ridement antérieur non seulement au grès de Caradoc, mais encore à un groupe considérable de couches fossilifères anté¬ rieures à ce grès. Ces couches fossilifères inférieures et le grès de Caradoc lui-même sont souvent affectés de cette même direction (l) Explication de la Carte géologique de la France , t. Ier, p. 435. SÉANCE DU 17 MAI 1 8Z|7 . 964 N.-N.-E. : la crête des stiperstones qui constitue le bord occiden¬ tal des collines du Longmynd en offre un exemple d’autant plus remarquable que le grès de Caradoc y est non seulement redressé dans la direction N.-N.-*E., mais en même temps passé à l’état mé¬ tamorphique. Les collines mêmes de Caradoc, et particulièrement le Lawley, présentent d’autres exemples du même fait , qui se multiplie presque à l’infini dans cette contrée ; il est dû à ce que les accidents strati graphiques du système du Longmynd ont été am¬ plifiés pour la plupart à l’époque où se sont produits les accidents du système du fVestmoreland et du Hundsrück , qui souvent ont dévié de leur direction naturelle pour se confondre avec les pre¬ miers. D’autres accidents postérieurs et surtout de nombreuses éruptions de roches de trapp , opérées suivant les fissures origi¬ naires du système du Longmynd , ont encore concouru selon toute apparence au même phénomène. Il me paraît en effet naturel d’appliquer à ces masses éruptives l’hypothèse que j’ai appliquée, dès la première publication de mes recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe, aux leucitophyres et aux tracliytes de l’Italie méridionale, dont les éruptions sont bien pos¬ térieures au système des Pyrénées et des Apennins. J’ai fait remar¬ quer dès lors qu’on observe la direction de ce système dans « deux » rangées de masses volcaniques , qui courent parallèlement aux » Apennins, l’un à travers la terre de Labour des environs de » Rome à ceux du Bénévent , et l’autre dans les îles Ponces de »> Palmarola à Ischia (1) » et je dirais des roches trappéennes du pays de Galles comme des opliy tes des Pyrénées, dont le soulèvement a aussi été postérieur à la formation du système des Pyrénées et des Apennins , « qu’ elles se sont souvent alignées par files qui suivent les » directions de tou tes les anciennes fractures , de tous les clivages » plus ou moins oblitérés que présentait le sol qu’elles avaient à » percer (2) ». Ces éruptions de roches trappéennes, ainsi que M. Murchison l'a parfaitement constaté , se sont renouvelées à diverses époques , pen¬ dant le dépôt des couches siluriennes et même longtemps après leur dépôt ; il en est résulté des accidents stratigraphiqu.es très variés dans leurs détails, mais la superposition contrastante des couches supérieures du grès de Caradoc sur les tranches des roches schis¬ teuses du Longmynd, observée par M. Murchison près du Mynd- (-l ) Annales des sciences naturelles , (2) Manuel géologique, p. 656. — p. 361 . t. XVIII, p. 297 (1829). Traité de géognosie , t. III, 965 SÉANCE DU 17 MAI 18^7. MiH farm et de Choulton Bridge (1) , au pied même des collines du Longmynd, est à mes yeux un trait caractéristique qui se rat¬ tache à l’horizon géognostique du grès de Caradoc , et qui me pa¬ raît ne devoir laisser aucun doute sur le point fondamental de l’explication que je propose. Les changements de niveau qui ont accompagné dans le pays de Galles la formation du système du Morbihan et qui en ont émergé une partie , ont été cause que la mer a couvert, dans le pays de Galles même , certaines régions qu’elle ne couvrait pas auparavant , notamment les pentes du Longmynd, en même temps qu’elle a en¬ vahi d’immenses espaces en Bretagne, en Scandinavie, en Amé¬ rique , etc. Cet envahissement me paraît indiqué d’une manière évidente par l’immense étendue horizontale que prend subitement la série de couches qui commence au grès de Caradoc , et cette ex¬ tension toute nouvelle établit à mes yeux une ligne de démarca¬ tion des plus tranchée entre la série des couches qui y participe , et que j’appellerais assez volontiers le terrain silurien proprement dit , et la série de couches plus ancienne et plus circonscrite ou du moins tout autrement circonscrite dont le calcaire de Bala fait partie. Un phénomène analogue s’est accompli , pendant la période jurassique , lorsque l’argile d’Oxford est venue s’étendre sur les couches paléozoïques et triasiques des plaines de la Russie, sans y avoir été précédée par le lias ni par le premier étage oolithique; et ce fait , sur lequel les savantes observations de MM. Murchison , de Yerneuil et de Keyserling ne laissent aucun doute, pourrait motiver de même le partage du terrain jurassique en deux terrains distincts. 11 appartient aux illustres géologues qui ont fait jaillir des mon¬ tagnes du pays de Galles tant de lumières inattendues , de fixer le nom qui devra être donné à la série de couches fossilifères , infé¬ rieure et parallèle au grès de Caradoc, dont le calcaire de Bala fait partie : je me bornerai à désigner cette série de couches sous la dénomination de série fossilifère du calcaire de Bala; mais quel que soit le nom qui pourra lui être imposé définitivement , il me paraît évident que cette série inférieure représente chronologique¬ ment la période géologique comparativement tranquille qui s’est écoulée entre la production du système du Longmynd et celle du système du Morbihan. La série fossilifère du calcaire de Bala n existe pas dans la pres- [\ \ Murchison silurian system , pl. XXXI, fia. 3; pl. XXXII, fig. 4 ; et pl. XXXI U, fig. U 966 SÉANCE DU 17 MAI 1847. qu’île de Bretagne. Les premières couches siluriennes qui s’obser¬ vent dans cette contrée et qui me paraissent représenter le grès de Caradoc , reposent constamment sur des couches beaucoup plus anciennes, de sorte qu’il doit exister, au point de superposition, une lacune dans la série géologique , comparable à celle que j’ai signalée précédemment (voyez page 564 du présent volume) entre la craie blanche et l’argile plastique de beaucoup de parties de la France et de l’Angleterre. La lacune doit être ici très considérable, car ce n’est pas seulement la série fossilifère de Bala qui me paraît manquer dans la plus grande partie de la Bretagne. Je n’y trouve pas non plus de représentants des schistes verts avec porphyres subordonnés ( Jeldstones ) du pays de Galles et du Westmoreland. Suivant mes conjectures, la mer aurait couvert l’emplacement des montagnes actuellement les plus élevées du pays de Galles pendant la période comparativement tranquille qui a suivi la for¬ mation du système du Finistère , et c’est pendant cette période que se serait formé le terrain des ardoises vertes et des feldstones. La mer n’aurait abandonné que partiellement cet espace au moment de la formation du système du Longmynd , et c’est pendant la période subséquente que s’y serait déposée la série fossilifère du calcaire de Bala. Le dépôt de cette série se serait prolongé sans interruption jusqu’au moment de la formation du système du Morbihan , et le grès de Caradoc ferait à peu près continuité avec cette même série , parce que le ridement qui a donné naissance au système du Morbihan ne se serait opéré dans le pays de Galles qu’avec une faible intensité. 11 aurait suffi cependant, pour que la mer du grès de Caradoc ne pût opérer aucun dépôt sur les couches fossilifères des parties aujourd’hui les plus élevées du pays de Galles, et pour qu elle pût en opérer au contraire sur le pied des pentes des collines du Longmynd que la nier précédente n’avait pas recouvert. Les quatre systèmes de montagnes dont nous venons de parler, quoique fort anciens , sont peut-être bien loin cependant d’être les plus anciens qui se soient dessinés sur la surface du globe. Le plus ancien des quatre , le système du Finistère , est postérieur aux schistes cambriens de la Bretagne , qui se présentent déjà comme un groupe régulier de dépôts sédimentaires, comparable , sous beaucoup de rapports, aux groupes de dépôts sédimentaires qui représentent les périodes de tranquillité subséquentes. L’analogie conduirait donc à supposer que le dépôt des schistes cambriens de la Bretagne aurait été précédé par la formation d’un système de SÉANCE DU 17 MAI 18ft7. 067 montagnes plus ancien que celui du Finistère. Peut-être même faudrait- il traverser une série plus au moins étendue d’époques de soulèvement et de périodes de tranquillité pour remonter jusqu’au moment où le refroidissement graduel de l’écorce terrestre a cessé d’être plus rapide que le refrodissement moyen de sa masse to¬ tale (1). Je manque de données pour rien préciser à cet égard, mais je m’empresse de prendre acte dès aujourd’hui de ce que M. Rivière , qui a beaucoup étudié le département de la Vendée et le S. -O. de la Bretagne, signale dans ces contrées un système de dislocations plus ancien que tous ceux dont nous venons de nous occuper. D’après M. Rivière , ce système, que je proposerais de nommer système de la Vendée , se dirige à peu près du N.-JN.-O. au S.-S -E. (2). Peut-être M. Boblaye a-t-il déjà signalé , sans le savoir, un ac¬ cident stratigrapliique en rapport avec ce système , dans le passage suivant de son mémoire sur la Bretagne , déjà cité ci-dessus. « Granité et micaschiste , stratification. Dans cette formation de » granité et de micaschiste , la stratification ne montre plus cette » uniformité de direction E.-S.-E. — O. -N. -O. que nous avons » vu régner dans les gneiss et protogines. A partir de Saint-Adrien » (près Redon), en suivant les bords du Blavet jusqu’à Pontivy et » de là au Guémené , on la voit se diriger au N. -N. -O. , puis s’in- » fléchir vers le N. -O. et 10., en approchant du Faouet, s’ap- » puyant constamment au S. *> Elle paraît ainsi envelopper le massif postérieur au leptinite , » qui prend un très grand développement dans cette partie cen- » traie de la Bretagne. Je dois dire en terminant ce qui est relatif » à cette formation , que parmi les micaschistes observés à sa sur- » face , il en est plusieurs qui m’ont paru plutôt superposés qu’in- » tercalés (Sainte-Barbe près le Faouet, etc. ) (3). »» Je crois avoir été dans le cas d’observer de mon côté des acci¬ dents stratigraphiques qui font partie de ce même système , à une époque où je ne soupçonnais pas encore son existence indépendante. (1) Voyez une Note sur le rapport qui existe entre le refroidisse¬ ment progressif de la masse du globe et celui de sa surface , que j’ai consignée dans les Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l’Académie des sciences , t. XIX, p. 1327 (16 décembre 1844) (2) A. Rivière , Etudcs géologiques et minéralogiques , p. 264. (3) Puillon-Boblaye , Essai sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne. — Mémoires du Muséum d’histoire na¬ turelle , t. XV, p. 75 (1827). 968 SÉANCE DU 17 MAI 18A7. En 1833 j’ai parcouru dans toutes ses parties l’île de Belle-lsle , où j’ai relevé un grand nombre de directions. Cette île est formée presque en entier par des schistes verts lustrés , avec veines irré¬ gulières < e quartz blanc laiteux , qui ressemblent beaucoup , sous le rapport minéralogique , à certains Aillas du Cornouailles. L’aspect lustré de ces schistes est évidemment dû à un phénomène métamorphique , et le métamorphisme est quelquefois poussé au point que des cristaux de feldspath se développent au milieu du schiste qui passe ainsi à un gneiss porphyroïde , dont on observe un exemple remarquable à la pointe des Canons 7 à l’extrémité S -E. de l’île. Les schistes de Belle-isle sont certainement fort anciens. Us me paraissent l’être au moins autant que ceux que j’ai cités ci-dessus , page 95 7 , comme enclavés dans les granités du plateau méridional de la Bretagne, on ils conservent, malgré leur état actuel de dislo¬ cation , la direction du système du Finistère. Le lambeau saillant de roches schisteuses qui constitue l’île de Belle-lsle est le dernier terme d’une série de lambeaux de gneiss et de schistes , qui , commençant à Redon , s’avance au milieu des granités du Morbihan dans la direction de l’E. 20° S., c’est- à-dire dans la direction propre au système du Finistère. Cependant la direction du système du Finistère n’est pas à beau¬ coup près celle qu’on observe le plus fréquemment dans les schistes de Belle-lsle ; des directions qui en moyenne sont presque perpen¬ diculaires à celle-là y sont infiniment plus habituelles. Les schistes de Belle-lsle sont extraordinairement plissés , mais leurs plis , quoique souvent très sinueux , présentent des directions qui se groupent pour la plupart autour des quatre orientations suivantes : O. 35° N. , N. 20“ O. , N. 3° 10' O. , N. 19° 32' E. ; les directions comprises entre l’E. et le N.-E. sont peu nombreuses. La direction O. 35° N. est à trois degrés près celle du système du Morbihan; la direction N. 19° 32' E. se rapproche encore davantage de celle du système du Longmynd ; la direction N. 3° 12' O. pourrait être rapportée au système du nord de /’ Angleterre. Quant à la direction N. 20° O. , je serais très porté à admettre qu’elle appartient au système de la Vendée. En admettant avec M. Rivière que le système de la Vendée est le plus ancien de tous ceux dont on observe des traces dans la France occidentale on concevrait comment les schistes de Belle- lsle, déjà fortement plisses suivant le direction de ce système , ont pu l’être encore par ceux des systèmes postérieurs dont la direction était peu différente, tandis qu’ils n’ont pu l’être aussi aisément par SÉANCE DU 17 MAI 1847. 969 ceux dont la direction était presque perpendiculaire comme le sys¬ tème du Finistère et le système du Wéstmorcland et du Hundsrüch . Je ne connais pas personnellement les faits d’après lesquels M. Ri¬ vière considère le système de la Vendée comme plus ancien que tous ceux auxquels nous pouvons le comparer ; mais indépendam¬ ment de la circonstance que je viens de signaler, les rapproche¬ ments suivants me portent encore à croire fondée la classification proposée par cet habile géologue. Les directions des cinq systèmes que nous venons de considérer, présentent entre elles des relations qui , sans se réduire à ce qu’on pourrait appeler des chiffres absolument mathématiques, sont ce¬ pendant remarquables par la simplicité dont elles approchent dans des limites qui ne dépassent pas beaucoup l’incertitude dont il est certain que chacune d’elles en particulier demeure encore affectée. Le système de la Vendée est dirigé , d’après M. Rivière , au N.-N.-O., soit N. 22° 30' O. La direction du système du Finistère , transportée à Vannes, est à très peu près E. 21° 5' N. La direction du système du Longrnynd , transportée à Vannes , est à très peu près N. 22° 49' E. La direction du système du Morbihan est à Vannes E. 38° 15' S. La direction du système du fVes tm or élan d et du Hundsrüch , transportée à Vannes , est à très peu près E. 39° 59' N. On voit, en comparant ces directions, que celle du système du Finistère est perpendiculaire, à moins d’un degré et demi près , à celle du système de la Vendée , auquel le premier a succédé peut- être immédiatement. On voit de plus que la direction du système de Longmyncl , qui a suivi les deux autres , forme d’une part , avec celle du sys¬ tème de la Vendée , un angle de 45° 19', et de l’autre, avec celle du système du Finistère , un angle de 46° 6' , c’est-à-dire que la direction du système du Longrnynd divise l’angle , formé par les directions des deux systèmes qui l’ont précédé , en deux parties égales entre elles à moins d’un degré près. La direclion du système du Morbihan forme un angle de 29° 15' avec celle du système de la Vendée , et un angle de 59° 20' avec celle du système du Finistère ; elle a divisé l’angle compris entre les directions de ces deux systèmes antérieurs en deux parties , dont l’une est à peu près double de l’autre. De plus , elle fait un angle de 15° 26' avec une ligne perpendiculaire à la direction du système du Longrnynd ( ligne qu’on pourrait appeler une direction, virtuelle ■), de sorte qu’elle a aussi divisé en deux parties, dont F une 970 SÉANCE DU 17 MAI 1847. est à peu près double de l’autre , l’angle formé par la direction du système de la Vendée , et la perpendiculaire à la direction du système du Longmynd. Il n’est pas inutile d’ajouter qu’en faisant subir à la direction du système du Morbihan un changement de vingt-cinq minutes seulement , on rendrait ce double rapport à très peu près exact , et que dans ces deux divisions comparées entre elles, la partie double de l’autre se trouve placée en sens inverse. Ces relations me paraissent très remarquables en ce qu’elles semblent indiquer que la direction du système du Morbihan a été une conséquence des directions des trois autres systèmes et en ce qu’elles tendent par conséquent à confirmer les raisonnements qui nous ont fait conclure qu i/ leur est postérieur. La direction du système du IV estmoreland et du Hundsrück fait , d’une part avec la direction du système de la Vendée , un angle de 72° 31', et de l’autre, avec celle du système du Morbihan , un angle de 78" 14'; ces deux angles ne différent l’un de l’autre que de 5° 43', ainsi on peut dire que la direction du système du V'estmo^ reland et du Hundsrück a divisé en deux parties peu éloignées d’être égales entre elles l’angle formée par les directions de deux des systèmes antérieurs. i)e plus, la direction du système du fVest- moreland et du Hundsrück forme d’une part , avec la direction du système du Finistère , un angle de 18" 54', et de l’autre, avec la direction du système du Longmynd , un angle de 27° 12'. Le pre-* mier de ces deux angles est à peu près , au second , dans le rapport de 2 à 3 , et on peut remarquer que si on faisait subir à la direc¬ tion du système du Finistère un changement de 29 minutes seule¬ ment, et qu’on le supposât E. 39° 30' N. , le rapport de 2 à 3 de-^ viendrait sensiblement exact tandis que les angles que cette direc¬ tion ferait avec celles des systèmes de la Vendée et du Morbihan ne différeraient plus que de 4°, 45'. Les directions des systèmes de montagnes qui , dans l’ordre chronologique ont succédé au système du W estmoreland et du Hundsrück , se prêtent également à des rapprochements du genre de ceux qui viennent de nous occuper. La direction du système des Ballons , transportée à Vannes, est à peu près E. 8° 40' S. La direction du système du nord de V Angleterre , transportée à Vannes , est à peu près N. 5° 25' O. Enfin , pour nous arrêter aux systèmes de la période paléozoï¬ que , la direction du système des Pays-Bas , transportée à Vannes, est à peu près E. 10° 10' N. I)e là il résulte , qu’à Vannes , la direction du système des Ballons 971 SÉANCE DU 17 MAI 1 S Z| 7 . fait avec la direction du système du fV-estmoreland et du Hunds- rück un angle de 48° 39', avec la direction du système du Morbihan un angle 29u 35', avec la direction du système du Finistère un angle de 29° 45', avec une perpendiculaire à la direction du sys¬ tème du Longmynd un angle de 14° 9', et avec la direction du système de la Vendée un angle de 58° 50'. Ainsi la direction du système des Ballons a divisé en deux parties à peu près égales l’angle formé par les directions des systèmes du Finistère et du Morbihan , et elle a formé , avec la perpendiculaire à la direction du système du Longmynd et avec les directions des systèmes du fV estmoreland et du Hundsrück et de la Vendée , des angles qui approchent beaucoup d’être dans les rapports de 1 : 3:4. On voit encore que la direction du système du nord de V Angle¬ terre a formé avec la direction du système de la Vendée uu angle de 17 ° 5', avec la direction du système du Longmynd un angle de 28° 14', avec la direction du système du Finistère un angle de 74° 20', et avec la direction du système des Ballons un angle de 75° 55'. Ainsi elle a divisé l’angle formé par les directions des systèmes du Finistère et des Ballons en deux parties à peu près égales, et l’angle formé par les systèmes de la Vendée et du Longmynd en deux parties, dont le rapport est à peu près celui de 2 à 3. Enfin , la direction du système des Pays-Bas a formé avec la direction du système du Finistère un angle de 10° 55', avec la di¬ rection du système des Ballons un angle de 18° 50', avec la direc¬ tion du système du FV estmoreland et du Hundsrück un angle de 29° 40', et avec la direction du système du Morbihan un angle de 48° 25'. Ainsi elle a divisé l’angle formé par les. directions des systèmes du Finistère et des Ballons en deux parties qui sont à peu près dans le rapport de 1 à 2. L’angle formé par les directions des systèmes du kV estmoreland et du Hundsrück et du Morbihan en deux parties qui sont à peu près dans le rapport de 2 à 3 , et l’angle formé par les directions des systèmes du Finistère et du Morbihan en deux parties qui sont à peu près dans le rapport de 1 à 5 . Ces derniers rapports exigeront une révision et probablement des rectifications ultérieures ; ils sont moins exacts que ceux que nous avions remarqués en premier lieu , et cela me porterait à conclure que la méthode de calcul que j’ai suivie dans cette note est , en elle-même , plus exacte que la méthode graphique dont je m’étais contenté dans mes recherches antérieures sur les directions de différents systèmes de montagnes. En tout état de cause , les rapprochements auxquels nous venons de nous livrer, me paraî¬ traient tendre à faire présumer que les directions assignées aux 972 SÉANCE DU 17 MAI 18Û7. divers systèmes que nous avons considérés , ne présenteraient guère que des inexactitudes de l’ordre de celles qui se manifestent dans les divisions d’angles que nous venons de considérer, inexactitudes dont la plus considérable est de moins de cinq degrés. On pourrait même en inférer que les inexactitudes de ces dé¬ terminations sont encore moindres , car d’une part il n’est pas établi qu’il soit dans l’essence du phénomène des ridements suc¬ cessifs de l’écorce terrestre que ces bissections et ces trisections s’opèrent avec une exactitude absolue et dans tous les cas cette rigueur ne devrait se manifester qu’ autant qu’on pourrait com¬ parer entre eux les véritables grands cercles de comparaison des différents systèmes au lieu des grands cercles de comparaison provi i soircs dont nous avons dû nous contenter : enfin les rapproche¬ ments auxquels nous venons de nous livrer ne conduiraient pas exactement aux mêmes résultats dans tous les points où on pourrait transporter les directions à comparer. Nous nous sommes borné à opérer uniformément toutes ces comparaisons sur les directions transportées à Vannes ; mais il y a telle de ces comparaisons pour laquelle un point de l’Europe, fort éloigné de Vannes, serait peut- être plus heureusement choisi , et dont le choix seul pourrait équi-t valoir, relativement à la plus incertaine de nos comparaisons , à cette modification de 25 à 29', dont nous avons parlé, et même à des modifications plus considérables encore. Nous avons vu, en effet, précédemment ( voyez ci-dessus , p. 893 ) que dans l’étendue d’un carré sphérique tle ûOO lieues seulement de coté , la correc¬ tion due à Y excès sphérique dans le transport d’une direction d’un point à un autre, peut s’élever à près de 2°. S’il y avait plusieurs directions à transporter en un même point dans cet espace cir¬ conscrit , les corrections seraient différentes et pourraient être en sens opposés. De pareils transports pourraient donc quelquefois changer de 3 à k" les angles formés par les directions transportées, et si les transports s’opéraient dans un espace plus étendu , les modifications deviendraient plus grandes encore. Pour chacune des divisions d’angles qui s’opèrent approximati¬ vement entre les directions transportées à Vannes, il y aurait géné¬ ralement un point de la sphère terrestre où il faudrait transporter les directions auxquelles elles se rapportent pour qu elles s’opéras¬ sent le plus exactement possible. La recherche de ces points ne serait pas sans intérêt pour la détermination des rapports des dif¬ férents systèmes comparés entre eux ; mais le temps et l’espace me manquent pour me livrer actuellement à cette recherche. Je remarquerai seulement que ces rapprochements , malgré leur im- SÉANCE DU 17 MAI 1 BZ|7 . 973 perfection , sont déjà plus voisins de l’ exactitude que plusieurs de ceux auxquels on s’est livré jusqu’à présent sur les directions des différents systèmes de montagnes. En effet, M. Rivière et M. Le Blanc se sont attachés à montrer que deux systèmes de montagnes dont les formations ont été con¬ sécutives , approchent souvent d’être perpendiculaires l’un à l’autre (1). M. Le Blanc a cité comme exemples de cette perpen¬ dicularité le système du nord de T Angleterre et le système des Pays-Bas ; le système du Rhin et le système du Thüringerwald , du Bohmerwald Gehirge , du Morvan ; le système de la Côte-d’Or et le système du mont Viso ; le sytème des Pyrénées et le système des îles de Corse et Sardaigne. Parmi tous ces exemples, un seul peut être mis en parallèle avec ceux que je viens de citer , c’est le pre¬ mier ; il t st en effet certain que le système du nord de l’Angleterre est perpendiculaire , à 5° près , au système des Pays-Bas. Mais le système du Rhin (N. 21° E.) fait avec le système du Thürin¬ gerwald (O. 40° N.) un angle de 71°; le système de la Côte- d’Or (E. 40° N.) fait avec le système du mont Viso (I\. 22° 30' O.) un angle de 72° 30'; le système des Pyrénées (O. 18° N.) fait avec le système des îles de Corse et de Sardaigne (N -S.) un angle de 72°. Dans ces trois derniers cas il s’en faut de 17 à 19 ‘ que les systèmes comparés ne soient perpendiculaires entre eux , et on ne peut même pas dire qu’ils le soient approximativement , attendu que les directions que j’ai assignées à ces systèmes , sans être sans doute d’une exactitude rigoureuse , ne présentent certaine¬ ment pas des erreurs de plus de 17°. Je serais d’autant moins porté à le croire, que dans chacun de ces trois exemples les deux sys¬ tèmes se coupent de manière à former entre eux des angles de 72 et de 108° à peu près, c’est-à-dire des angles qui sont entre eux comme 2:3. Mais lorsqu’il s’agit de rapprochements de ce genre , il n’est pas nécessaire de comparer toujours entre eux des systèmes de montagnes immédiatement consécutifs. Ainsi que M. L. Frapolli l’a parfaitement expliqué dans son remarquable mémoire sur la nature et l’application du caractère géologique (2) , il paraît bien qu’il existe dans la nature une cause puissante qui tend à donner (1) A. Le Blanc, Bulletin de la Société géologique de France , t. XII, p. 140 (1841). A. Rivière, Études géologiques et minéralogiques , p. 252. (2) L. Frapolli , Bulletin de la Société géologique de France , 2e série, t. IV, p. 628 (1847). 974 SÉANCE DU 17 MAI 1847. aux rapports de directions qui nous occupent une exactitude au moins approximative. Mais cette cause ne tend pas nécessairement à faire que deux systèmes qui se sont suivis consécutivement dans une même contrée, soient perpendiculaires entre eux, tandis qu elle peut très bien être cause que deux systèmes dont l’un aura succédé à l’autre, dans une même contrée, après la production de plusieurs autres systèmes intermédiaires soient réellement perpen¬ diculaires entre eux. Je remarque en effet que le système des Alpes occidendales (N. 26° E.) est perpendiculaire à 8° près au système des Pyrénées (O. 18° IN.); que le système de la chaîne principale des Alpes est perpendiculaire à 6° 30' près au système du mont Viso (N. 22° 30' O. ). Je remarque aussi que la direction du sys¬ tème îles îles de Corse et de Sardaigne ( N. -S. ) divise en deux parties , qui sont à peu près , dans le rapport de 2 à 3 , l’angle formé par la direction du système de la Côte-d'Or (E. 40° N. ) et par celle du système des Pyrénées (O. 18° N.). J’avais déjà remarqué anciennement, dans les directions des divers sys¬ tèmes de montagnes, une sorte de récurrence périodique (1), à laquelle les déterminations nouvelles contenues dans cette note pourront ajouter quelques termes assez curieux ; mais aucun de ces rapprochements n’approclie de l’exactitude dans des limites aussi étroites que ceux que nous ont présentés les systèmes de montagnes dont je viens de déterminer les directions par le calcul , et cela me confirme dans la présomption que cette méthode de calcul est supérieure à mon ancienne méthode graphique. Je me réserve de discuter ultérieurement ces rapprochements avec plus d’étendue et de rigueur; je tenais surtout à faire obser¬ ver aujourd’hui qu’ils font déjà entrevoir comment la direction de chaque système a été influencée par celle des systèmes anté¬ rieurs, et qu’ils offrent un moyen de contrôler les rapports d’âge que des considérations d’un autre genre établissent entre eux . Je n’ajouterai sur ce sujet qu’une dernière remarque , c’est que le fait que la direction du système du Finistère est perpendiculaire à celle du système de la Vendée , tandis que les directions des sys¬ tèmes qui les ont suivis , ont entre elles des rapports moins simples , semble venir à l’appui de l’opinion de M. Rivière , qui regarde le système de la V endée comme le système de montagnes le plus an¬ cien de l’Europe occidentale. (1) Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe. — Manuel géologique , p. 646 (1833). — Traité de géognosie , t. III, p. 343 (1834). SÉANCE DU 17 MAI 1847 . 975 En résumé , il me paraît résulter du contenu de eette note , déjà beaucoup trop longue quoique trop peu détaillée sous beaucoup de rapports, que l histoire géologique de l’Europe occidentale pen¬ dant les premiers temps de la période paléozoïque peut être repré¬ sentée par le tableau suivant. Tableau des terrains et des sytèmes de montagnes qui se sont formés dans l'Europe occidentale pendant les premiers temps de la période paléozoïque . Terrain des schistes verts satinés de Belle-lsle. SYSTÈME DE LA VENDEE. Direction N. -N. -O. — S.-S.-Ë. Terrain des schistes cumbriens de la Bretagne. SYSTÈME DU FINISTÈRE. Direction , à Brest , O. 21° 45' S. — E. 21° 45' N. Terrain des ardoises vertes du Pays de Galles et des feldstones . SYSTÈME DU LONGMYND. Direction, au Binger-Loch , N. 31° 15' E. — S. 31° 15' O. Série fossilifère du calcaire de Bala. SYSTÈME DU MORBIHAN. Direction, à Vannes, O. 38° 15' N. — E. 38° 15' S. Terrain silurien proprement dit et tilestone fossilifère. (Gîtes fossilifères de Plymouth, Elbersreuth, Schübelhammer , Abentheur , Stromberg , Wissenbacli , Kemmenau , Haüsling , Steinlacke près Weilbourg, Obersclield près Dillenbourg , Wip- perfurth , Niederosbach , Braubach , embouchure de la Lahn , Ems, Coblentz , Elirenbreitstein , bords de la Moselle , Unkel , Siegen , Salchendorf près Siegen , Solingen , Olpe , Landers- kron , Lindlar, Isarlohn , Gimborn , Siebengebirge , Altenahr, Daun , Prüm , Limbourg , Martelange , HoufFalise , Wiltz , Long- villy, Mondrepuis , environs de Mézières et de Bouillon (Ar¬ dennes), environs de Scliirmeck (Vosges), Montagne-Noire (Aude), vallée de Campan (Hautes-Pyrénées). ) SYSTÈME DU WESTMORELAND ET DU HUNDSRUCK. Direction, au Binger-Loch, O. 31° 1/2 S. — E. 31° N. Terrain dévonien proprement dit. 976 SÉANCE I)U 17 MAI 1847. Addition : sur les prolongations lointaines du système du Morbihan, du SYSTÈME DES BALLONS, du SYSTÈME DU WeSTMORELAND ET DU HuNDSltUCK et du SYSTÈME DE LA CÔTE-d’Ür. Nous avons été conduit ci-dessus , p. 954 , à jeter un coup d’œil sur la prolongation transatlantique du système du Morbihan. Le système des Ballons me paraît se prolonger aussi dans l’Amérique septentrionale. Dès l’origine de mes recherches sur quelques unes des révolu¬ tions de la surface du globe, j’ai signalé le parallélisme qui existe entre la direction qui domine dans la chaîne des Alleghanys et la prolongation de la direction des Pyrénées (1). Depuis lors, ayant reconnu que le système des Ballons , quoique presque parallèle au système des Pyrénées , est cependant beaucoup plus ancien, j’ai ajouté : « Il est naturel de penser que , si réellement le système » dont les Pyrénées font partie se prolonge depuis les Etats-Unis «jusque dans l’Inde, en traversant l’Europe, il doit en être de » même du système des Ballons , auquel il me paraît même bien » probable que les Alleghanys doivent une partie de leur configu- » ration (2) ». Aujourd’hui cette probabilité me paraît être devenue presque une certitude. Le système des Ballons et des collines du Bocage est postérieur au plissement des couches anthraxifères des bords de la Loire-Inférieure et des départements de la Sarthe et de la Mayenne, mais antérieur au dépôt du terrain houiller de Saint- Pierre-la- Cour (Mayenne), qui repose sur les tranches de ces couches repliées. J’ai cru pen.lant longtemps cpie toutes les couches anthraxifères des départements de la Sarthe et de la Mayenne appartenaient au terrain dévonien , et j’en concluais que le système des Ballons et des collines du Bocage avait pris naissance après le dépôt du terrain dévonien , mais avant celui de tout le système carbonifère , que je croyais être un tout indivisible. Cependant M. Buckland a signalé, dès l’année 1837, le calcaire de Sablé ( Mayenne) comme devant être rapporté au calcaire carbonifère, et, depuis lors, les recherches paléontologiques de MM. de Ver- neuil (3) et d’Archiac me paraissent avoir mis ce point hors de doute. Or, le calcaire de Sablé est compris dans le plissement de tout le (1) Annales des sciences naturelles , t. XVIII, p. 322 (1829). (2) Traité de géognosie , t. III, p. 36 5 (1834). (3) Bulletin de la Société géologique de France , t. X , p. 55 (1 839). 977 SÉANCE DU 17 MAI 1847. système anthraxifère des contrées environnantes qui appartient essentiellement au système des Ballons et des collines du Bocage , donc ce système doit être considéré comme ayant pris naissance après le dépôt du calcaire carbonifère et avant le dépôt du terrain liouiller , qui dès lors constituent réellement deux terrains dis¬ tincts. Le calcaire carbonifère devient quelquefois un dépôt principale¬ ment arénacé et presque semblable au terrain houiller propre¬ ment dit. Le terrain carbonifère du Northumberland , les grès calcifei es de 1 Écosse , le depot carbonifère du Donetz , sont déjà trois exemples bien avérés de ce fait; et l’Amérique du Nord me paiait en présenter un quatrième. En effet, les rapprochements pa- léontologiques que M. de Verneuil a si savamment établis entre les fossiles marins des couches calcaires qui alternent avec les dé¬ pôts houillers situés à l’ouest des Alleghanys (1) et les fossiles des terrains paléozoïques de l’Europe , rattachent directement les pre¬ miers aux couches calcaires du terrain calcifère des environs de Gloscow, aux couches à Jusulincs du terrain carbonifère du Donetz et non au terrain houiller proprement dit. Or, d’après les beaux travaux de MM. les professeurs Rogers et de plusieurs autres géologues américains , si bien résumés par M . Lyell (2 ) , les couches carbonifères du grand bassin , placé au pied occidental de la chaîne des Alleghanys, pénètrent dans l’intérieur de cette chaîne. Elles sont aussi essentiellement comprises dans les plis des couches qui la composent que le calcaire de Sablé dans les plis du terrain anthraxifère des bords de la Loire-Inférieure et de la Sarthe. Ces plissements séparés par toute la largeur de l’océan Atlantique, sont en eux-mêmes complètement analogues , et ils se présenteraient dans des circonstances exactement sem¬ blables , si , au lieu de trouver seulement le grès bigarré superposé en stratification discordante sur les couches américaines, on y avait découvert un terrain houiller comparable à celui de Saint- Pierre-la-Cour ; mais cette lacune n’empêche pas que la compa¬ raison des directions des deux groupes de couches repliées ne présente un véritable intérêt. Pour effectuer cette comparaison , je suis parti de la direction que mes recherches antérieures m’ont conduit à assigner au .s yS- (1) E. de Verneuil, JSote sur le parallélisme des roches des dépôts paléozoïques de l’Amérique septentrionale avec ceux de l’Europe p. 646 du présent volume. (2) Lyell, Travels in north America. Soc. géol., 2e série, tome IV. 62 978 SÉANCE DU 17 mai 1847. terne des Ballons et des collines du Bocage. J’avais annoncé depuis longtemps que les directions qui se rapportent à ce système « sont toujours très près d’être parallèles à un grand cercle qui » passerait par le Ballon d’Alsace (dans le midi des Vosges) en » faisant avec le méridien de cette cime un angle de 74°, ou en » se dirigeant de l’O. 16° N. à l’E. 16° S. (1) ». Afin de transporter cette direction dans la région des Alleghanys, *j ’ai résolu le triangle sphérique formé par le méridien du Ballon d’Alsace, le méridien de Washington et le grand cercle qui passe au Ballon d’Alsace en se dirigeant à 10. 16u N. Le Ballon d’Alsace est situé par 47° 50' de lat. N. et par 4° 36' de long. E. de Paris. Washington est situé par 38° 53' 25" de lat. N. et par 79° 22' 24" de long O. de Paris. L’angle formé au pôle par les deux méridiens est de 83° 58' 24", et la résolution du triangle sphérique en ques¬ tion montre que le grand cercle qui passe au Ballon d’Alsace , en se dirigeant à l’O. 16° N., rencontre le méridien de Washington par 28 1 2 24' 23" de lat. N., en faisant avec lui un angle de 47° 11' 15", c’est-à-dire en se dirigeant de l’E. 42° 48' 45" N. à l’O. 42° 48' 45" S. Le point d’intersection est à 10° 29' 2", ou à environ 1160 kilo¬ mètres au sud de Washington , mais cette distance est prise sur une ligne oblique par rapport au grand cercle prolongé depuis le Ballon d’Alsace : une perpendiculaire abaissée de Washington sur ce grand cercle a seulement une longueur égale à 7° 54' 58" du méridien, ou à environ 880 kilomètres (200 lieues). Cette distance , sans être énorme , est déjà assez considérable pour qu’il y ait lieu de calculer quelle serait la direction d’un arc de grand cercle qu’on mènerait par Washington parallèlement à celui que nous avons prolongé depuis le Ballon d’Alsace , c’est- à-dire perpendiculairement à la perpendiculaire que nous venons d’abaisser de Washington sur ce dernier. La résolution du triangle sphérique convenable apprend que l’arc cherché , passant par Washington , se dirigerait de l’E. 43° 18' N. à l’O. 43° 18' S. Telle elle est la direction du système des Ballons et des collines du Bocage transportée dans la région des Alleghanys ; or, en con¬ struisant cette direction sur l’excellente petite carte géologique des Etats-Unis, publiée par M. Lyell (2), je trouve qu’elle coïncide d’une manière satisfaisante avec la direction la plus générale des couches rediessées des Alleghanys, car elle suit à peu près (1) Traité de géognosie , t. III . p. 305 (1834). (2) Lyell, Travels in north America , t. IL SÉANCE nu 17 MAI 18/i7. 979 exactement à travers la Virginie et la Caroline du Nord la ligne de séparation du grès de Potsdam et du calcaire de Trenton. De là je conclus que très probablement les Alleghanys doivent en effet « une partie de leur configuration » au système des Ballons et des collines du Bocage , et que nous n’avons pas fait une chose exorbitante lorsque nous avons cherché ci-dessus, p. 955, la prolongation du système du Morbihan dans le Labrador et le Canada. Je dois ajouter cependant que c’est une partie seulement de la configuration de la vaste chaîne des Alleghanys, qui me paraît devoir être rapportée au système des Ballons , d’une part parce que je ne renonce pas complètement à y retrouver quelques accidents propres au Système des Pyrénées , presque parallèle à celui des Ballons, et de l’autre , parce que , comme l’ont parfaitement ob¬ servé MM. les professeurs Rogers (1) , et comme la carte le montre immédiatement , il existe dans les Alleghanys au moins deux di¬ rections distinctes. Celle qui joue le second rang , sous le rapport de son impor¬ tance , est beaucoup plus rapprochée de la ligne N. -S. que celle que nous venons de considérer. Elle court à quelques degrés à l’E. du Nord , mais elle se combine avec la première dans une foule de localités, et les observations de MM. les professeurs Rogers ne permettent pas de douter que les deux directions n’aient été imprimées simultanément aux couches carbonifères ; mais il me paraît extrêmement probable qu’ici, comme en Belgique, où j’ai déjà signalé ce fait (2) , la direction la plus rapprochée du méri¬ dien n’est autre chose qu’une direction plus ancienne , déjà exis¬ tante dans les couches qui servent de support aux couches fossili¬ fères , laquelle a été reproduite au moment où le système drs Ballons a pris naissance , de manière à s’allier avec celle de ce système sans se confondre avec elle. Cette manière de voir aurait l’avantage de se trouver presque complètement en harmonie avec les savants travaux de M. le pro¬ fesseur Hitchcock sur la géologie du Massachusetts (3). (1) Professors W. B. and H. D. Rogers, On the physical structure of the appalachian chain. — Transactions of the association oj American geologists and naturalists , 1840 — 1843, p. 474. (2) Manuel géologique , p. 632 (1833). — Traité de géognosie , t. 111, p. 31 4 (1834). (3) Professor Ed. Hitchcock, Systems of strata in Massachusetts . — Final report on the geology of Massachusetts , vol. H, p. 709 (1841). 980 SÉANCE DU 17 MAI 18^7. M. Hitchcock distingue dans le Massachusetts jusqu’à six sys¬ tèmes stratigraphiques. Le second de ces systèmes dans l’ordre d’ancienneté est désigné par lui sous le nom de système N.-E. S. -O. Suivant cet habile observateur, c’est le système le plus distinct du Massachusetts , il affecte la grauwacke (p. 712) contemporaine des couches carbo¬ nifères de 10., et M. Hitchcock ajoute qu’il correspond presque exactement en direction avec les principales crêtes de la chaîne des Alleghanys dans les Etats du milieu et du sud , et aussi avec des chaînes qui s’étendent de la nouvelle Angleterre vers le N.-E. Or, la direction du système des Ballons rapportée à Washington , qui est E. 43° 18' N. , O. 43° 18' S. , étant transportée de Washin¬ gton à Amlierst-College , au centre de l’Etat de Massachusetts ( lat. 42° 22' 1 3" N. , long. 74° 52' O. de Paris) , devient à peu près E. 40° 20' N. — O. £i0° 20' S. Elle ne diffère par conséquent que de 4° 40' de celle que M. Hitchcock assigne à son second système, et par cela même que ce savant géologue s’est borné à désigner ce système d’une manière générale comme courant du N.-E. au S. -O., peut-être ne faut-il pas prendre cette désignation comme équiva¬ lant à l’énonciation d’une valeur numérique rigoureuse. Je serais d’autant plus porté à le croire, que M. le l)r Charles T. Jackson indique aussi d’une manière générale , dans le New-Hampshire et le Maine , un grand nombre de couches anciennes comme se diri¬ geant du N.-E. au S. -O. , et en signale en même temps beaucoup d’autres comme courant suivant des directions plus rapprochées de la ligne E. -N.-E. — O. -S. -O. (1) , ce qui conduirait à une moyenne peu éloignée de notre direction E. 40" 20' N. — O. 40° 20' S. Ces rapprochements me paraissent tendre à confirmer les rapports que je crois apercevoir entre la direction générale des Alleghanys et celle qui est propre au système des Ballons. Mais M. le professeur Hitchcock signale, dans l’Etat de Massa¬ chusetts et dans les contrées adjacentes, un système plus ancien que le système N.-E., S. -O. ; il le désigne sous le nom de oldest méridional System {système méridien le plus ancien) , et il annonce (p. 710) que sa direction ne s’éloigne pas beaucoup du méridien , mais s’en écarte cependant de plusieurs degrés vers l’Est du Nord. Ce système paraît s’étendre vers le Nord , de manière à embrasser les masses les plus élevées de la nouvelle Angleterre , les ivhite moun- (1) D‘ Charles T. Jackson, Reports on t/ie geology oj Maine , et Final report on the geology and mineralogy of the State of New- Ma m psi dre (1844). 981 SÉANCE DU 17 MAI 1 8Z|7 . tains du INew-Ilampsiiire. Les couches auxquelles il a imprimé sa direction paraissent avoir été dérangées par le système N.-E., S. -O. , ce qui indique qu’il est plus ancien que ce dernier. Je suis très porté à présifmer que ce système méridien le pins ancien , dirigé un peu à l’E. du Nord, est en effet plus ancien que le système des Ballons , que toutes les couches siluriennes de l’Amérique du Nord , et même plus ancien que le système du Morbihan. La discordance de stratification que M. le professeur Emmons a signalée entre les roches primaires du New-Hampsliire et du Vermont, et le terrain taconique (1), doit faire supposer que le système méridien le plus ancien de M. le professeur Hitchcock est antérieur à la période de dépôt du terrain taconique. La discordance de stratification que M. le professeur Emmons signale aussi entre les couches les plus élevées du terrain taconique et le grès de Potsdam , qui me paraît l’éqviivalent du grès de Cara- doc , montre qu’un second mouvement de dislocation s’est opéré dans la Nouvelle- Angleterre avant le dépôt du terrain silurien proprement dit. Ce second mouvement de dislocation pourrait être contemporain de la formation du système du Morbihan , dont la direction, qui devient à Amherst-College E. 19° 20' N. O. 19° 20' S. , se rapproche des directions de beaucoup des couches an¬ ciennes observées dans le New-rHampshire et le Maine par M. le Dr Charles T. Jackson ; mais il pourrait aussi être plus ancien , au¬ quel cas il existerait entre les couches les plus élevées du terrain taconique et le grès de Potsdam , une lacune plus ou moins con¬ sidérable, analogue à celle que j’ai signalée sur les pentes des col¬ lines du Longmynd, Dans tout état de cause, le terrain taconique me paraîtrait devoir correspondre à La totalité ou à une partie de la série fossilifère du calcaire de Rala , et peut-être à une partie du terrain des ardoises vertes du pays de Galles et du Westmoreland. La série des roches primaires du New-Hampsliire et du Vermont correspondrait elle- même, dans cette hypothèse, à quelques parties, du terrain des ar¬ doises vertes du pays de Galles et du Westmoreland, et peut-être à certaines parties des schistes cumbriens de la Bretagne et des couches qui leur sont inférieures. Les deux groupes de couches américaines, dont je viens de parler, ne peuvent guère correspondre exactement à nos terrains européens, parce que le système méridien le plus ancien de M. le professeur Hitchcock, dont la formation a (I) Professeur Ebenezer, Emmons , The taconic System, in-i\ Albany (1844). 982 SÉANCE DU 17 31 AI 18/|7. eu lieu entre les périodes respectives de leurs dépôts , ne se dirige pas vers l’Europe, et ne doit correspondre exactement par son âge à aucun des systèmes de montagnes européens. La direction du système méridien le plus ancien de M. le profes¬ seur Hitchcock me paraît jouer, dans la constitution géologique de l’hémisphère américain , un rôle très étendu et très remarquable. D’après la belle carte géologique de l’Etat de Connecticut, publiée par M. Percival (1), cette direction se continue vers le S. -S. -O. à travers une grande partie de cet Etat, dont sa prolongation at¬ teindrait la côte près de l’embouchure de la rivière Connecticut. Dans le sens opposé, elle se poursuit à travers l’Etat de New- Hampshire jusque près des sources de la même rivière Connec¬ ticut. L’orientation générale me paraît être à peu près N. 15° E. — S. 15° O., et telle serait aussi a peu près la moyenne d un grand nombre de directions de roches anciennes , relevées dans les white mountains et dans les chaînes adjacentes par M. le docteur Charles T. Jackson (2). Or, cette direction ne s’arrête pas aux sources du Connecticut ; on peut la suivre jusqu’à la grande vallée du Saint-Laurent. Prolongée plus au N. , elle traverse le Labrador dans sa plus grande largeur , parallèlement à plusieurs des principaux cours d’eau que les cartes y figurent, pour aboutir un peu à l’E. du cap Chidley, dont la pointe se dirige elle-même du côté du N. Au-delà du détroit de Davis, elle traverserait le Groenland paral¬ lèlement à la direction générale de plusieurs paities fort étendues de sa côte orientale. Cette même direction , représentée par un grand cercle qui partirait d’Amherst-College (Massachusetts) (lat. A2° 22' 13" N. , long. 7à° 52' O. de Paris) , en se dirigeant au S. 15° O., court d’abord parallèlement à la direction générale de la côte des Etats-Unis, depuis remboucliure de la rivière Hudson jusqu’au cap Hatteras. Elle traverse ensuite la partie orientale de l’île de Cuba , puis l’isthme de Panama , et ne formant plus alors avec le méridien qu’un angle d’environ 10”, elle va raser la saillie que présente près de Guayaquil la côte de l’Amérique méridionale, après avoir passé un peu en dehors de la côte du Choco, paral¬ lèlement aux chaînes principales de la Nouvelle-Grenade , telles (1) J. G. Percival. Report on the geology of t/te State Connec¬ ticut, New-Haven, 1842. (2) Final report on the geology of the State of New- Ha/n ps/iire. SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 983 qu elles sont dessinées sut la belle carte, publiée tout récemment par M. le colonel Acosta. L’arc de grand cercle dont je viens d’indiquer le cours, est l’axe de r une des zones minéralogiques et métallifères les plus remar¬ quables du globe. Cette zone comprend , dans un espace compa¬ rativement peu étendu en largeur , les gîtes d’où proviennent les minéraux aussi remarquables que variés du Groenland et du La¬ brador, ceux plus variés encore , ou du moins plus complètement explorés de la Nouvelle-Angleterre , les gîtes aurifères du Ver- mont, de la Virginie, des Carolines , de la Géorgie , et ceux qui ont fourni l’or aux alluvions aurifères des mêmes Etats , les divers gîtes de Cuba , ceux qui ont fourni l’or aux alluvions aurifères de la Caroline, ceux d’Haiti (or, platine) qui les premiers ont donné l’éveil sur les richesses métalliques du Nouveau- Al onde, et enfin les gisements platinifères et aurifères du Clioco et des -Cordillères orientales de la Nouvelle-Grenade. Considérée dans son ensemble, cette zone minérale et métallifère est plus étendue et non moins rectiligne que l’Oural avec laquelle elle a plus d’un trait de ressemblance. Si elle n’est pas aussi conti¬ nue, cela tient seulement à ce quelle s’enfonce à plusieurs reprises sous la mer, au-delà de laquelle elle reparaît constamment jusqu’à ce qu elle se perde, d’une part sous la mer équatoriale, et de l’autre sous les glaces polaires du Groenland, au-delà desquelles son prolonge¬ ment traverse encore les régions aurifères et argentifères de l’Altaï. La constance de sa richesse minérale me paraît attester qu’on doit réellement la regarder comme continue dans toute l’étendue où je l’ai suivie , et que par conséquent on se tromperait complètement si on ne voyait dans la partie de celte zone qui traverse la Nouvelle- Angleterre , qu’une simple déviation de la direction habituelle des Alleghanys. Les gîtes de minerais d’étain découverts par AI. le Dr Charles T. Jackson dans le New-Hampshire , et la nature générale des minéraux de la Nouvelle- Angleterre me paraissent en même temps donner à cette zone un caractère d’ancienneté comparable à celui des zones minérales, parallèles aux systèmes du Finistère et du Longmynd , qui traversent la Suède et la Finlande , circonstance parfaitement conforme aux observations de A1M. les professeurs Hitchcock et Emmons , qui assignent au système méridien le plus ancien une antiquité supérieure à celle de tous les autres systèmes de montagnes reconnus jusqu’à présent dans l’Amérique septen¬ trionale. A une époque où je ne pouvais former encore que des conjec¬ tures assez vagues sur ces systèmes transatlantiques, j’avais cru 984 SÉANCE DU 17 MAI 1847. déjà pouvoir distinguer, comme constituant un système à part, les <« couches anciennes , redressée dans une direction presque »» N. -S. , qui forment les bords du Connecticut et de la rivière » Hudson » , et j’ajoutais que « le redressement des couches N. -S. >» dont nous venons parler , remonte sans doute à une époque » plus ancienne que celui des couches N.-E. — S. -O. qui consti- » tuent les Alleghanys proprement dits (1). » Cette relation d’an¬ cienneté me semble aujourd’hui hors de doute et c’est la direction de ces couches redressées antérieurement qui me paraît avoir été reproduite dans plusieurs parties de la chaîne des Alleghanys à l’époque de la formation du système des Ballons. M. Hitchcock indique dans le Massachusetts plusieurs systèmes stratigraphiques dont les directions ne se distinguent pas sensible¬ ment de celle du système méridien le plus ancien , mais qui sont d’une date plus moderne , ce qui me paraît indiquer que la direc¬ tion de ce système s’est en effet reproduite dans des phénomènes géologiques postérieurs à sa première origine. Le système méridien le plus ancien de M. le professeur Hitchcock serait donc un nouvel exemple à ajouter à ceux rappelés ci-dessus, de systèmes dont les directions se sont reproduites à des époques successives et très éloignées les unes des autres. Je vois en effet que M. le Dr Jackson , en explorant les mon¬ tagnes du New-Hampshire , y a observé la direction qui nous occupe non seulement dans les couches anciennes , mais aussi dans plusieurs filons qui sont, sans doute, plus modernes que les masses qu’ils traversent , bien que fort anciens eux-mêmes. Je remarque en outre que la direction du système méridien le plus ancien forme la limite orientale des terrains crétacés des Etats-Unis, qui sem¬ blent coupés abruptement à son approche , et que les terrains crétacés sont soulevés sur les flancs des Cordilières de la Nouvelle - Grenade , orientés parallèlement à la direction prolongée du même système. Je remarque enfin que vers les extrémités de la zone où nous l’avons suivie, cette direction est parallèle, d’une part à l’alignement général des volcans de l’équateur, et de l’autre à celui des volcans de l'Islande et de l’île de Jean May en. Or, il me paraît , au fond , peu surprenant qu’une direction , dont l’ori¬ gine première est extrêmement ancienne et qui a continué à in¬ fluer sur les phénomènes géologiques jusqu’aux périodes les plus récentes de l’histoire du globe , ait été reproduite partiellement à ( 1 ) Recherches sur quelques unes des révolutions de la sur j ace du globe. — Annales des sciences naturelles , t. XVIII, p. 322 (1829). SÉANCE DU 17 MAI 18/|7. 985 1 époque où les couches des Alleghanys ont été repliées suivant la direction du système des Ballons. La manière de concevoir la formation des principaux traits du relief des Etats-Unis, que je viens de proposer, se trouve confir¬ mée par une considération d un ordre complètement différent des précédentes. Toutes les formations paléozoïques qui s’étendent depuis la rivière Hudson jusqu’au Mississipi sont comprises dans un espace angulaire terminé à l’O. par les crêtes du système méridien le plus ancien de M. le professeur Hitchcock , et au N. par les terrains primitifs du Canada, que je suppose avoir été définitivement émergés lors de la formation du système du Morbihan. Cet espace angulaire, ouvert au S.-O. , me paraît avoir formé un large golfe dont le fond, situé vers le pied des white mountains , se prolongeait peut-être vers Montréal et Québec par quelque bras de mer étroit. Je suis porté à supposer que les sédiments descendus des montagnes pri¬ mitives de la Nouvelle-Angleterre et du Canada se sont accumulés de préférence vers l’extrémité de ce golfe , et je serais tenté d’expliquer par là pourquoi les terrains paléozoïques de l’Amérique du Nord sont plus épais et plus arénacés, comme l’ont remarqué M. James Hall et M. de Yerneuil, près de la rivière Hudson que vers le Mississipi , tandis que les couches calcaires qu’ils renferment aug¬ mentent au contraire en épaisseur à mesure qu’on s’avance vers l’O. Il se serait produit là, mais beaucoup plus en grand, quelque chose d’analogue à ce qui s’est passé dans le golfe de Luxembourg lors de la formation du Lias (1). Nous avons trouvé qu’à Amlierst-Collège , le système du Mor¬ bihan se dirige à l’E. 19° 20/ N., tandis que le système des ballons se dirige à l’E. à0° 20/N., et le système méridien le plus ancien à l’E. 75° N. De là il résulte qu’en ce point la direction du système des Ballons fait avec celle du premier un angle de 21°, et avec celle du second un angle de 34° 40'. Ces deux angles sont entre eux , à très peu de choses près, comme 3 : 5. Ce rapport n’est pas très simple ; mais si, comme tout semble l’indiquer, ce sont seulement les extrémités du système du Morbihan et du système des Ballons qui se montrent en Amérique, il n’y avait peut-être aucune raison de présumer à priori que la combinaison de leurs directions avec celle du système méridien le plus ancien dut rien présenter de re¬ in rquable. On pourrait être tenté d’objecter au rapprochement que je cherche à établir entre la direction principale des Alleghanys et celle ( I ) Explication de la Carte géologique de la France , t. II , p. 122. 986 SÉANCE I)U 17 MAI 18A7. du système des Ballons f que le grand cercle qui passe par la cime du Ballon d’Alsace , en se dirigeant à l’O. 16° N. laisse assez loir* de côté toute la masse des Alleglianys, puisqu’il passe à environ. 200 lieues au S.-O. de Washington. Un autre rapprochement que me fournit le grand travail géologique de MM. Murchison , de Verneuil et de Keyserling sur la Russie, va répondre à cette objection en montrant que le système des Ballons embrasse en Europe une zone d'une très grande largeur. La belle carte géologique de la Russie d’Europe , publiée par les savants géologues que je viens de citer, nous représente cette vaste contrée comme divisée en deux parties par un axe de terrain, dévonien , dirigé de Voroneje vers le golfe de Riga. Cet axe paraît dû à un soulèvement qui a émergé le bassin carbonifère de Moscou , et l’a rendu inaccessible aux dépôts de la période houillère; qui , par conséquent, doit être cl’ime date postérieure au dépôt du cal-, caire carbonifère et antérieure à celui du terrain houiller. Or, la direction O. 16° N. , transportée du Ballon d’Alsace à ürel , en Russie ( lat. 52° 56' à0" IN., long. 33° 37' E. de Paris), devient O. 36° 38' N. Construite sur la carte de Russie, cette direction, coïncide, à très peu de chose près, avec celle de l’axe dévonien dirigé de Voroneje vers le golfe de Riga. Je suis conduit par là à considérer l’axe dévonien du centre de la Russie comme étant en Europe l’un des membres les mieux définis et le plus largement dessinés du système des Ballons. Cet axe dévonien de la Russie comprend, entre lui et le grand cercle dirigé à l’O. 16" N. par le sommet du Ballon d’Alsace , un intervalle d’environ 350 lieues; par conséquent , si on le prolon¬ geait en Amérique , il passerait à plus de 100 lieues au N.-O. de la chaîne des Alleglianys. On voit par là que cette chaîne est complètement renfermée dans la prolongation de la zone qui , en Europe, est affectée par les dislocations du système des Ballons. Si , comme je suis porté à le croire, la montagne de la Lozère se rapporte au système des Ballons , et si, comme le pense AI. Duro- clier, ce même système se retrouve encore dans les Pyrénées, il embrasse en Europe une zone de près de A00 lieues de largeur; peut-être comprend-il dans l’Amérique septentrionale d’autres chaînes encore que celle des Alleglianys. Ce système me paraît avoir sillonné la surface du globe , du bassin du Volga au bassin du Mississipi, immédiatement après le dépôt des couches à Jusulines qui établissent dans ces deux contrées éloignées un horizon géologique si remarquable , et je ne puis me refuser à croire que le bouleversement auquel il est du , a inter- 987 SÉANCE DU 17 MAT 1 8 Z| 7 . rompu dans ce vaste espace le dépôt du. calcaire carbonifère dont les couches les plus élevées sont caractérisées par ces fossiles remar¬ quables. C’est ainsi que plus tard et dans une direction très peu différente la formation du système des Pyrénées est venue inter¬ rompre le dépôt du terrain nummulitiqvbe , depuis le golfe de Gas¬ cogne jusqu’aux rives de l’ Indus. On a proposé tout récemment de classer le terrain nummulitique parmi les terrains éncènes. Si cette classification est admise , il existera une ressemblance de plus entre le système des Ballons , soulevé au milieu de la période carbonifère, et le système des Pyrénées , soulevé au milieu de la période éocène. En reconnaissant ainsi des périodes zoologiques dont le milieu correspondrait au soulèvement d’un vaste système de montagnes, les paléontologistes effaceront eux-mêmes les derniers vestiges d’une opinion contre laquelle, ainsi que je le rappelais dernière¬ ment, je me suis élevé depuis longtemps (1), « qui regarderait » chacune des révolutions de la surface du globe comme ayant dé— » terminé, non seulement des déplacements, mais encore un re- » nouvellement complet des êtres vivants. » Ils rendront de plus en plus probable l’opinion contraire , qui admet que lorsque les jossi les de tous les terrains seront complètement connus , ils for¬ meront dans leur ensemble une série aussi continue cpie l’est aujour d’hui la série partielle des terrains jurassiques et crétacés ou celle des terrains paléozoïques (2) ; ils ramèneront enfin les géologues à baser surtout les divisions des terrains sur leur gisement. C’est ce qu’ils ont fait depuis Werner, et « la circonstance que les boule- » versements qui , en Europe , ont marqué le commencement et » la fin de la période secondaire, se seraient étendus jusqu’aux » Etats-Unis et dans l’Inde, expliquerait pourquoi ces grandes » coupures des terrains de sédiment semblent se retrouver dans » trois contrées aussi distantes (3) ». Le système des Ballons et le système des Pyrénées traversant les régions qui seront pendant bien des années encore le théâtre principal des travaux des géologues, on conçoit qu’ils fournissent pour la classification des terrains des points de repère précieux , et que les divisions qu’ils déterminent doivent présenter une apparence de généralité qu’on ne retrouve pas dans les autres. Il est donc à désirer qu’on s’accorde à y ratta- (1) Voyez ci-dessus p. 562. (2) Voyez ci-dessus p. 564. (3) Manuel géologique , p. 658. — 'Traité de géognosic t t. III ? p. 366. . 988 SÉANCE DU 17 MAI 1 8Z| 7 . cher le commencement et la fin de la période des terrains secon¬ daires. La probabilité avec laquelle je crois retrouver en Amérique le& prolongations du système du Morbihan et du système des Ballons , m’a engagé à revenir sur l’idée que j’ai eue il y a quelques années, de concert avec M. Pierre de Tchihatcheff , de cherchera suivre à travers l’Asie la prolongation du système du W èstmoreland et du Hundsrïick , et celle du système de la Côte-d’Or. Dans un rapport sur un mémoire de M. Pierre de Tchihatcheff, relatif à la constitution géologique de l’Altaï, que j’ai lu à F Acadé¬ mie des sciences, le 12 mai 1845 (1), je me suis hasardé à dire : « la direction E. 37° 30' N. du Hundsrück, prolongée à travers l’Asie, coupe le 85e méridien à l’E. de Paris par 54° 27' de lati¬ tude N. , en formant avec lui un angle de 61° 17'; d’où il résulte qu’elle traverse l’Altaï de l’O. 28° 43' N. à l’E. 28° 43' S. « On peut remarquer, de même , que la direction E. 40° N de la Côte-d’Or, prolongée à travers l’Asie, coupe le 85e méridien à l’E. de Paris par 57" 27' de latitude nord, en formant avec lui un angle de 62° 34' , et que par conséquent elle traverse elle-même l’Altaï de l’O. 27° 26' N. à l’E. 27° 26' S. »» Or ces deux directions , si peu differentes l’une de l’autre , re¬ présentent très sensiblement la direction de l’Altaï occidental telle qu’elle se manifeste sur la carte de M. de Tchihatcheff, par la disposition des bandes de roches granitiques et schisteuses. Elle se rapproche aussi beaucoup de la direction O.-JN.-O E.-S.-E. que M. de Humboldt assigne à l’un des systèmes de dislocation de l’Altaï (2). » En adoptant dans la présente note pour le grand cercle de com¬ paraison, destiné à représenter le système du fVestmoreland et du Hundsrück , un grand cercle passant au Binger-Loch et dirigé en ce point, à l’E. 31° 30' N., je n’ai pas changé sensiblement le point de départ de la direction à prolonger vers l’Altaï , mais j’ai changé cette direction de 6°, et cette modification exige nécessairement que des modifications correspondantes soient apportées à une partie des calculs et des considérations qui viennent d’être rappelés. L’arc de grand cercle qui passe au Binger-Loch (lat. 49° 55' N. , long. 5° 30' E. ) en se dirigeant à l’E. 31° 30' N., étant prolongé jusqu’au méridien du lac de Télétzk (dans l’Altaï) à 85° E. de (1) Comptes-rendus y t. XX, p. 1412. (2) Huinboldt, Asie centrale , t. 1 , p. 378. SÉANCE DU 17 MAI 1847. 989 Paris, couperait ce méridien par 49° 2' 34" de lat. N., et sous un angle de 56° 53' 2", c’est-à-dire en se dirigeant de FO. 33° 6' 58" N. à FE. 33° 6' 58" S. Il traverserait l’Altaï occidental dans le sens de sa longueur, suivant une direction presque exactement pa¬ rallèle à l’orientation générale des principales masses granitiques dessinées sur la carte de M. Pierre de Tchihatcheff, au pied desquelles semblent avoir du se déposer les calcaire carbonifères du bassin de l’Irtiscb. Comparée à celle qui se rapportait à l’orientation que j’avais pri¬ mitivement adoptée pour le système du JVestnioreland et du Hundsrück , elle est plus éloignée d’environ 4" 1/2 de la ligne O. -N. -O. E.-S.-E., et par conséquent de la direction assignée par M. de Humboldt aux couches de F Altaï occidental, de celle du cours de Flrtisch de Bouchtanninsk à Seinipolatinsk, de même que de la moyenne des directions que l\J. de TchihatchefF a tracées sur sa belle carte comme représentant les orientations des couches de l'Altaï occidental, notamment celles des couches carbonifères. On voit , d’après cela , que les directions des couches carboni¬ fères de l’Altaï occidental et celles des traits principaux de son relief extérieur actuel se rapprochent plus de la direction du système de la Côte-d’Or que de celle du système du TVestm or clan d et du Hundsrück. Ainsi l’indécision que j ’annonçais dans le passage rapporté ci-dessus , cesse d’exister, et si la configuration extérieure actuelle et les grandes dislocations des couches de l’Altaï occidental se rattachent réellement à quelqu’un de nos systèmes européens, c’est , suivant toute apparence , au système de la Côte-d’Or. Si le système du JVestmoreland et du Hundsrück s’y dessine en même temps , ce ne peut être que dans les profondeurs du sol primor¬ dial , c’est-à-dire dans l’orientation générale des masses graniti¬ ques, et de certaines roches schisteuses anciennes. Il paraîtrait cependant que la direction du système du IVestmorc- land et du Hundsrück poursuit son cours à travers tout l’empire de la Chine et même beaucoup au-delà. Le grand cercle qui passe au Binger-Loch en se dirigeant à l’E. 31° 1/2 N. , prolongé jusqu’au méridien de Canton (Canton, lat. 23° 8' 9" N. , long. 110° 42' 30" E. de Paris), va couper ce méridien par 31° 14' 40" de lat. N. , et sous un angle de 39° 57' 9", c’est-à-dire, en se dirigeant du N. 39° 57' 9" O. au S. 39° 57' 9" E. Il passe à 8° 6' 31" ou à environ 1000 kilomètres (200 lieues) au 3N. de Canton; mais, comme il est devenu très oblique par rapport au méridien , Canton ne s’en trouve guère qu’à 120 lieues vers le S. -O. 990 SÉANCE DU 7 JUIN 18/l7. Cette direction prolongée depuis le Binger-Loeh, atteint la côte de la mer de la Chine , entre l’île de Hong-Kong et celle de For- mose; elle passe ensuite au N.-E. de Elle de Luçon et de tout l’ archipel des Philippines, parallèlement à quelques unes de leurs lignes orographiques les plus remarquables, poursuit son cours à travers la Nouvelle-Guinée, le continue ensuite parallèlement à une partie des côtes N.-E. de la Nouvelle-Hollande, et à la di¬ rection générale de la Nouvelle-Calédonie , et finit par aller couper la Nouvelle-Zéelande parallèlement à la ligne droite à laquelle se terminent, vers le N.-E. , toutes les pointes de la grande île septentrional e 1 kana- M a wi . J’hésite à croire que cette identité de direction entre certaines chaînes de l’Australie et certaines chaînes de l’Europe occidentale, situées presque aux antipodes les unes des autres , soit l’indice d’une identité d’âge entre elles. Je crois que les chaînes d’un même âge sont généralement comprises dans un même fuseau de l’écorce terrestre. Un fuseau se termine nécessairement par deux pointes situées rigoureusement l’une à l’antipode de l’autre ; près de chacune de ces pointes la direction des chaînes doit tendre à devenir incer¬ taine. 11 y aurait donc, dans ma manière de voir, quelque difficulté à concevoir que des chaînes placées dans deux régions situées aux anti¬ podes l’une de l’autre et cependant parallèles à un même grand cercle de comparaison, soient les résultats d’un même ridement de l’écorce terrestre. 11 me paraît beaucoup plus probable qu’il existe ici un nouvel exemple d’une direction qui s’est reproduite à deux époques successives et fort éloignées l’une de l’autre. Deux ridements se seraient opérés dans deux fuseaux ayant leurs lignes médianes sur un même grand cercle, mais placés en partie l’un à la suite de l’autre, le long de ce grand cercle , de manière à embrasser à eux deux un espace beaucoup plus long qu’une demi-circonférence. Je suis d’autant plus porté à conjecturer que c’est là l’explication réelle du fait qui nous occupe , que les chaînes orientées dans l’Australie parallèlement à notre grand cercle de comparaison , paraissent plus modernes que celles auxquelles elles correspondent dans l’Europe occidentale , parce qu’elles sont plus saillantes et parce qu’elles sont en rapport avec la ligne volcanique en zig-zag, qui s’étend des îles Philippines à la Nouvelle-Zéelande. Mais la double origine du système que nous venons de suivre ‘depuis la France jusque tout près de nos antipodes, ne doit pas empêcher de remarquer que dans son cours à travers la partie orientale de l’empire de la Chine , sa direction est parallèle à 991 SÉANCE DU 7 JUIN 1847 . celles d’un grand nombre des rivières et des crêtes montagneuses que les cartes figurent dans ces contrées peu connues. Peut-être fournira-t elle , concurremment avec la direction de la Côte-d’Or, dont elle est devenue bien distincte, un des éléments dont on pourra se servir pour déchiffrer la structure orographique de l’Asie cen¬ trale. Vï*j * * . « . . ■ J ,-^SM > ' . ■ SÉANCE DE 7 JUIN 1847. 993 Séance du 7 juin' 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. Paul de Gaumont , lieutenant d’état-major, à Paris, rue Saint-Honoré, 371} présenté par MM. de Verneuil et d’Ar- chiac. M. Castano, chirurgien en chef, à Mascara (Algérie), est, sur sa demande, admis à faire de nouveau partie de la Société. Le Président annonce ensuite quatre présentations. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. le ministre de la justice , Journal des Savants , mai 1847. De la part de M. le ministre des travaux publics , Statistique minéralogique , géologique et métallurgique du département de Saône-et-Loire , par M. W. ManèS} in-8°, 242 p., 1 carte. Mâcon, 1847, chez Dejussieu. De la part de M. A. Dufrénoy, Traité de minéralogie ; 4 vol. in-8°. Paris, 1844-1847, chez Garilian-Gœury. De la part deM. Le Blanc, Instruments de reconnaissance à V usage des ingénieurs , etc., exécutés d'après les idées et les dessins de M. Le Blanc , par M. Gravet, à Paris, rue Cassette, 14} 8 p., 1 pl. Paris, 1847. De la part de M. Yirlet d’Aoust, 1° Notes sur la coloration de certaines roches en rouge (extr. du Bull, de la Soc. géolog. de Fr. y 2e série, t. III)} in-8°, 12 p. Paris, 1846} 2° Observations sur le métamorphisme normal et la proba¬ bilité de la non-existence de véritables roches primitives a la Soc. géol.f 2e série, tome IY. 63 SÉANCC DU 7 J U IX 1847. 994 .surface du globe (oxtr. du Zfo//. de là Soc. géol. de Fr.. 2esér., t. IV); in-8°, 8 p, Paris, 1847. De la part de M. Henri Lecoq, Des glaciers et des climats , ou des causes atmosphériques en géologie ; in- 8°, 566 p. Paris, 1847, chez P. Bertrand; Strasbourg, chez veuve Levrault. De la part de M. Cotteau, Aperçu sur la géologie du départ . de l'Yonne; in-8°, 23 p., 1 tabl. Auxerre, 1847. De la part de M. Ernest Puton , Essai, sur les mollusques terrestres et flaviatiles des V bsges (extr. de la Statistique du départ, des Eosges , publiée par MM. II. Lepage et Ch. Char- ton); in-8°, 104 p. Épinal, chez Valentin. 1847. De la part de M. Jules Grange, Recherches sur les glaciers , les glaces flottantes y etc...; in-8°, 142 p. Paris, J 847, chez Victor Masson. De la part de M. Àgassiz, Système glaciaire , ou recherches sur les glaciers , leur mécanisme , leur ancienne extension et le rôle qu'ils ont joué dans V histoire delà terre , par MM. Agassiz, A- Guyot, et E. Desor; lre partie. — Nouvelles études et ex¬ périences sur les glaciers actuels , leur structure , leur progrès- • sion et leur action physique sut le sol; in-8°, 598 p., avec un atlas in -fol0 de 3 cartes et 9 pl. Paris, 1847, chez Victor Masson. De la part de M. le professeur A. Favre, Notice sur les cartes géologiques de V Angleterre (extr. de la Bibl. unie, de Ge¬ nève . ); in-8°, 23 p. Genève, 1847, chez Ferdinand Ramboz. De la part de M. Joachim Barrande, 1° Notice sur le sys¬ tème silurien et les Trilobites de Bohème; in-8°, 97 p. Leipsic, 1846, chez C.-L. Hirschfeld ; 2° Nouveaux Trilobites , supplément à la notice ci-dessus ; in-8°, 40 p. Prague, 1846, librairie Calve. De la part de M. R. -J. Murchison , 1° On lhe silurian Sys¬ tem of rocks (Sur le système silurien des roches) (extrait du London and Edinburgh philo sophic al magazine , for july 1835) ; in-8°, p. 45-51. De la part de M. Léonard Horner, Address , etc. (Discours prononcé à la réunion annuelle de la Soc. géol. de Londres, le SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 995 19 février 18Z|7) * in-8°, 72 p. Londres 1847, chez Richard et John E. Taylor. De la part de M. James D. Dana, On the volcanoes ofthe moon (Sur les volcans de la lune) (extrait de X American Jour¬ nal of science , vol. II, 2e série); in-8°, 23 p. New-Haven , 1840, chez B.-L. Hamlen. De la part de M. Ed. Eichwald , 1° N a tu ? h istorische Ski s sc , etc. (Esquisse d’histoire naturelle de la Lithuanie, de la Volhynie et de la Podolie, sous le rapport géognostico-ininé- ralogique, botanique et zoologique) \ in-4°, 250 p., 3 pi. Wilna, 1830, chez Jos. Zawadzki; 2° Ueber (las silurische Schichtensystem in Esthland (Sur le système des couches siluriennes en Esthonie) *, in-8°, 210 p. Saint-Pétersbourg, 1840. Comptes rendus des séances de /’ Academie des sciences; 1847, 1er semestre, nos 20, 21, 22. Bulletin de la Soc. d’hist. liât, du départ, de la Moselle; 4e cahier. Metz, 1840. Mémoires delà Société royale des sciences , lettres et arts de Nancy. Année 1844. Bulletin des séances de la Soc. cVagricidt . , sciences , arts et co mm. du Pur ; t. V, lre liv. 1847. Précis analytique des travaux de P Academie royale des sciences , belles-lettres et arts de Rouen pendant Cannée 1840. Comité institué à Valenciennes pour la défense du travail national. — Rapport présenté au congres central (V agriculture au nom de la commis sühi des assurances , par M. Duchataux j in-8°, 20 p. Valenciennes, 1847. The Athenœum , 1847, nos 1021, 1022, 1023. The Mining Journal , 1847, nos 013, 014, 015. Proceedings of the royal Irish Academy \ 1844-1045 , vol. III, part. 1. — 1840, vol. III, part. 2. The Transactions oj the royal Irish Academy ; vol. XXI, part. 1. C orrespondenzblatt , etc. (Feuille de correspondance de la Société royale d’agriculture de Wurtemberg) , nouv. sér., vol. XXXL Année 1847, t. I, 1er cahier. 996 SÉANCE DU 7 JUIN 18/l7. Proceedings of the Àcademy of natural sciences of Phila¬ delphia • vol. III, nÜS /i-5, jnly-octoh. IS/16. Observations sur la position relative des terrains des Alpes suisses occidentales et des Alpes de la Savoie , par M. Favre , professeur à l’Académie de Genève. (Communication faite dans la séance du 4 9 avril dernier.) Si nous jetons un coup d’œil rapide sur les terrains qui forment les Alpes suisses occidentales et les Alpes de la Savoie , en nous at¬ tachant surtout à déterminer les relations de position qui existent entre eux , nous trouvons que ces montagnes sont composées de la manière suivante : 1° Terrains de cristallisation — formés par des roches variées fort généralement connues , et sur lesquelles nous ne nous arrê¬ terons pas. 2" Roches métamorphiques. — Ce sont des gneiss, des micaschis¬ tes , des protogynes schisteuses, etc. Ces roches reposent d’une ma¬ nière irrégulière sur le terrain de cristallisation. 3° Poudingue ou système de Valorsine en couches puissantes con¬ tenant souvent de l’anthracite. En général ce système est formé à sa partie supérieure par des schistes , des grès ou des calcaires très argileux, renfermant beaucoup d’empreintes de fougères; quel¬ quefois ces dernières roches manquent parce que dans les grands soulèvements les roches argileuses sont plus facilement comprimées que les autres et disparaissent. Je n’ai point encore eu l’occasion d’observer en Savoie de dis¬ cordance entre ce système à anthracite, et les roches métamor¬ phiques (1). U° Au-dessus du système de Yalorsine viennent les calcaires et les schistes plus ou moins argileux du terrain jurassique , terminés à leur partie inférieure par une couche de carnieule ou calcaire magnésien celluleux. Ces terrains jurassiques sont à stratification discordante avec le système de Yalorsine. On peut faire cette ob¬ servation sur la rive droite du Rhône , entre Rex et Martigny. Le Yalais forme là une immense coupure à peu près perpendiculaire (4) Cependant cette discordance a été indiquée dans les Alpes du Dauphiné, dans le Bulletin de la Société géologique de France , réu¬ nion à Grenoble , 4 840, t. XI , et dans mon Mémoire sur les anthracites des Alpes. SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 997 à la direction des terrains des Alpes. On y voit (fig, 1) que les ter- Dentdë.Morcle Terrains : N rmmmulitique, C crétacé , J jurassique, CA carnieule, Y système de Valorsine P protogyne. vains cristallins ou métamorphiques forment deux chaînes paral¬ lèles qui s’enfoncent sous les terrains secondaires de la chaîne sep¬ tentrionale du Valais. Le système de Valorsine est compris entre ces deux chaînes et les recouvre seulement en partie, tandis que la carnieule surmontée des terrains jurassiques les enveloppe en¬ tièrement , et l’on peut dire que ces terrains, malgré les accidents auxquels ils sont soumis, forment une espèce de voûte qui s’étend des bains de Lavey à Saillon en Valais, et qui s’élève dans le massif de montagnes couronné par la dent de Mordes. D’ailleurs la stratification des terrains jurassiques est transgressive avec celle du système de Valorsine. 5° Le terrain crétacé repose sur le terrain jurassique. Il se sub¬ divise de la manière suivante : a. Néocomien qui est caractérisé par Y Holaster complanatus , et où dans des blocs erratiques on a trouvé les Crioceras. b. Première zone de radis tes de M. d’Orbigny, ou calcaire à Hip- purites ou à Chama Ammonia. On n’y voit jamais de Nummulites. Cette couche est celle qui a le plus d’influence sur le relief du sol des districts crétacés des Alpes. Elle forme en général des arêtes dentelées , très élevées et très arides. c. Terrain albie/i , gault ou grès vert très riche en fossiles. Dans certaines localités il semble alterner avec des couches calcaires. d. AI. Studer a décrit dans le centre de la Suisse un terrain sous le nom de calcaire de Seeven. Ce terrain n’existe ni dans les Alpes de la Suisse occidentale , ni dans celles de la Savoie. Aux Diable- rets , par exemple , on peut placer la main de manière qu’une de ses extrémités repose sur le grès vert, et l’autre sur le calcaire à Nummulites ; souvent même les fossiles de ces deux couches sont 998 SÉANCE TU7 7 JUIN i. S/l 7 . mélangées. Cetle observation répétée dans plusieurs autres localités indique bien la non-existence du calcaire de Seeven dans ces régions. Tous ces étages du terrain crétacé sont concordants les uns avec les autres , mais ils sont à stratification discordante avec les terrains jurassiques. En effet, les terrains jurassiques ont été affectés par des dislocations avant le dépôt des terrains crétacés. Ces disloca¬ tions sont attestées par de grands contournements. Ils se voient dans le fond de quelques unes de ces profondes vallées qui laissent apercevoir la structure intérieure des montagnes. Ces contournements, ou plutôt ce contournement, car c’est un seul accident qu’on remarque en différentes localités, est placé sur une ligne à peu près droite et parallèle aux Alpes. Je l’ai observé sur une longueur de treize lieues environ , dont le point le plus septentrional est la dent de Daily, au-dessus des bains de Lavey (rive droite du Rhône). Ces couches contournées passent au-des¬ sous du grand massif de la dent du Midi , et reparaissent au sud- est sous les glaciers du mont Ruan, au fond de la Combe de Sixt; on les retrouve également dans la partie inférieure de la montagne des Fiz , du côté de Sixt , où les couches présentent l ai-rangement indiqué dans la lig. 2. Fig. 2. Le contournement nommé Faucilles du Chantet. vu des pentes du Criou. Terrains : J. jurassique , C. crétacé. I. Col d’Anterne , II. Les Fiz, III. Le Colet , !.V. Platet , Y. Petite Pelouze , VI. Passage des Tines , VII-VIII. Forêt de sapins, IX. Lac de Gers. SfiANCF. Dtl 7 JUIN 18/|7. Ce grand contournement traverse au-dessous des montagnes des Fiz, et se fait voir à la célèbre cascade de l’Arpennaz, sur les bords de l’Arve. Enfin , une cinquième localité où la même observation peut être répétée est près de la Uiétaz , dans la vallée de Alégève. Dans tou¬ tes ces localités le contournement des couches est situé dans les terrains jurassiques , tandis que le terrain crétacé recouvre ces dis¬ locations sans y participer. 6° Le calcaire a Nummulites qui a supporté toutes les disloca¬ tions qui ont donné au sol crétacé son relief. En outre des carac- tères indiqués par M. Leymerie pour ce terrain dans les Corbiè- res (1), il fournit dans les Alpes les deux observations suivantes. Nous remarquerons d’abord que ce terrain contient une cou¬ che de charbon assez considérable pour être exploitée en quelques points. Les localités sont, en allant du JN.-E. au S. -O. : la chaîne du Titlis (2) , à la limite des cantons de Berne et d’Unterwald ; les hauteurs de Beatenberg et d’Habkeren (3) , au nord du lac de Tlioune, et le Mittaghorn, au midi de Frutigeu. Ces localités sont indiquées par AI. le professeur Studer. Il en est d’autres encore que j'ai moi-même visitées, savoir : la célèbre couche des Diablerets , où le charbon se trouve associé au Cerithium diaboli et à d’autres fossiles , la mine de Peinant , non loin d’ Arrache , rive droite de l’Arve. Cette mine a été décrite par M. le professeur Necker , en 1826 (ù). J’ajouterai seulement à ses observations que la couche à fossiles est placée au contact et au-dessous du vrai calcaire à Num- rnulites, et fait partie de ce terrain. La mine de charbon du Petit- Bornant , près Bonneville et celle d’Entrevergne , sur la rive mé¬ ridionale du lac d’Annecy. Ces huit localités à peu près alignées parallèlement aux Alpes indiquent qu’il s’était formé , à l’époque du dépôt de calcaire à Nummulites , un terrain carbonifère ayant une grande étendue , qui a été soumis à des dislocations et à des dénudations. Un second caractère du terrain à Nummulites qui a une impor¬ tance théorique plus grande est le suivant : ce terrain est indépen- (1) Mémoires de la Société géologique de France , 2e sér., t. I. 1 2) Studer, Mémoires de la Société géologique de France , 1 re sér. t. III, p. 394. C'est seulement un schiste carburé. (3) Studer, Idem , p. 388. On y exploite du charbon depuis qua¬ rante ans. (4) Bibliothèque universelle de Genève, Sciences et Arts, t. XXXIII, p. 90. 1000 SÉANCE DU 7 JUIN 18A7. dant par un gisement des terrains crétacés qui lui sont inférieurs . Ce fait important mérite quelques détails. Les couches à Nummulites sont, comme je l’ai dit , superposées au terrain albien et à la pre¬ mière zone de Rudistes. Mais aux Voirons , près Genève , les roches nummulitiques , sous forme de grès (1) , reposent sur une couche peu épaisse de calcaire jurassique dont l’âge exact est indéterminé , mais qui est superposée à un calcaire incontestablement oxfordien. Lue discordance analogue a été signalée par M. Chamousset dans la chaîne du Nivolet , près d’Aix , où les roches Nummulitiques reposent sur le calcaire corallien , et il dit les avoir vues dans la vallée de Thônes en contact avec un calcaire noir oxfordien , et que M. S 'i s monda les a vues dans les Alpes maritimes reposant tan¬ tôt sur la craie inférieure , tantôt sur le néocomien , et tantôt sur des couches jurassiques qu'il présume être du lias (2). D’un autre côté M. le professeur Studer a trouvé le terrain à Nummulites reposant dans le canton d’Appenzell sur le calcaire de Seeven , qui , comme je l’ai dit, est supérieur au terrain albien, dans les envi¬ rons du lac de Thoune , sur le calcaire à Rudistes , et au mont Faudon , près de Gap , sur l’Oxford-Clay. Tous ces témoignages prouvent donc évidemment l’indépen¬ dance du terrain à Nummulites des Alpes. 7° Le Flysch ou le Macigno est formé par des grès lins, micacés ou talqueux , par des grès quartzeux grossiers , par des schistes ou des brèches calcaires qui ont parfois une ressemblance étonnante avec les roches du lias. Approximativement au tiers de son épaisseur ce terrain contient des carnieules et des gypses en couches. Jamais je n’ai trouvé de Nummulites dans le macigno , mais les débris de poissons y sont abondants dans quelques localités : ce sont des écailles, des nageoires et de petites mâchoires. M. Agassiz a reconnu quelques uns de ces fragments comme caractérisant des poissons de l’époque crétacée (3). Ce terrain paraît identique au macigno italien, quoique AI. Pilla, dans ses nouvelles observations sur le terrain hétrurien , le place (1) Depuis plusieurs années M. Boué a signalé les Nummulites dans les grès aux Voirons ( Guide du géologue voyageur , t. II , p. 393). J’ai pu répéter cette observation. — Les grès de la Valerette, au pied de la dent du Midi , près Saint-Maurice en Valais, contiennent aussi des Nummulites. (2) Bulletin de la Soc. géol. de France , 2e sér., t. I , p. 624. (3) Bull, de la Soc. géol. de France , 2e série, 1844, t. I, p. 626. SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1001 au-dessous du calcaire à Nummulites (1). Comme lui nous eu avons reconnu l’indépendance. En effet, lorsqu’on chemine de Saint- Jeoire à Samoens en Savoie, on voit que le macigno ou flyscli s’étend en couches à peu près horizontales , quoique ondulées , sur la rive gauche du Giffre. Ces couches s’appuient au N. -O. sur des couches jurassiques , et au S.-E. sur le calcaire à Nummulites qui lui-même est placé sur le calcaire à Chaîna Ammonia. Cette ob¬ servation constate que le macigno est indépendant du calcaire à Nummulites. Par conséquent ces deux terrains , le calcaire à 1\ uni nullités' et le macigno , sont tous deux indépendants des terrains crétacés et indépendants l'un cle l’autre. La pointe de Marcely qui s’élève à 1,280 mètres environ au- dessus de la petite ville de Taninge est entièrement formée par les couches à peu près horizontales dont je viens de parler. Ce nombre donne une idée approximative de l’épaisseur de ce ter¬ rain. Or, comme il a subi toutes les dislocations qui ont formé le relief actuel des Alpes , il est probable que pour avoir la vraie hauteur à laquelle se sont élevés anciennement plusieurs des dis¬ tricts calcaires de cette chaîne de montagnes , il faut ajouter à la hauteur actuelle des aiguilles et des pics dont ils sont hérissés l’épaisseur des terrains qui ont été soumis aux mêmes modifica¬ tions. Ainsi il faut ajouter à l’énorme hauteur de la Pointe- Percée (2) , formée par le calcaire à Chaîna Ammonia , l’épaisseur du terrain nummulitique et celle de macigno ; et au Huet dont la cime est jurassique il faut reporter les terrains crétacés et num- mulitiques ainsi que les 1,300 mètres de macigno. Les roches de ce dernier terrain étant assez friables , une partie a dû s’écrouler au moment du soulèvement , mais il est probable que dans quel¬ ques points elles ont subsisté , et que ce n’est que peu à peu , par dénudations et par éboulements , que certaines aiguilles se sont abaissées à la hauteur encore considérable qu’elles atteignent au¬ jourd’hui. M. de Wcgmann, au nom de la Commission nommée le 4 janvier dernier, lit le rapport suivant sur la gestion de l’ar¬ chiviste pendant l’année 1846 : (1) Mém. de la Soc. géol. de France , 2e sér., 1846, t. II , p. 163 et suiv. (2) Cette haute sommité est placée à la limite de la vallée du Repo- soir, et n’a jamais été mesurée. 1002 SÉANCE nu 7 JUTN i 8/|7 . Messieurs , La Commission que vous avez nommée le h janvier dernier, sur la proposition du Conseil d’administration, pour procéder à la vérification annuelle de l’état de vos archives , m’a chargé d’avoir l’honneur de vous lire son rapport. — Nous nous con¬ formerons au classement adopté , en passant successivement en revue les cinq sections en lesquelles se divisent vos propriétés scientifiques et mobilières. I. Archives proprement dites. — Elles sont partagées en trois divisions, savoir : — 1° Les litres concernant la Société et la comptabilité ; — 2° les archives générales ; — 3° la cor¬ respondance. — Dans la première section sont classés : l’ordon¬ nance royale constitutive de la Société-, l’ordonnance relative au legs Roberton ; les baux ; les états des lieux occupés par la Société-, les polices d’assurance ; les traités avec les imprimeurs de son Bulletin et les éditeurs de ses Mémoires. Les registres des recettes et des dépenses de 1830 au 31 décembre 18/16; les comptes et les pièces justificatives de toute nature concer¬ nant la gestion du trésorier; les notes des Mémoires retirés de chez l’éditeur et livrés aux membres font partie de cette section, et nous les avons trouvés dans le meilleur ordre. — La seconde section comprend les minutes des procès - verbaux des séances de la Société ; les Notices et Mémoires imprimés dans ses Bul¬ letins et ses Mémoires ; les minutes des registres des séances du Conseil ; les listes des noms des membres par ordre d’admis¬ sion; les registres des feuilles et volumes du Bulletin qui sont envoyés aux membres , aux Sociétés savantes , ou échangés contre des publications périodiques; les registres d’inscription des dons faits à la Société; le catalogue de la bibliothèque et des collections, et les inventaires du mobilier et du magasin. Votre Commission de l’année dernière avait fait observer avec raison que les minutes des procès-verbaux des séances de la Société et du Conseil semblaient devoir rendre inutile la conservation des ordres du jour. Nous avons partagé cette opi¬ nion, et autorisé la suppression de ces pièces, qui encom¬ braient inutilement les cartons. La correspondance forme la troisième section. Le nombre SÉANCE DU 7 JUIN 18/17. 1003 des lettres reçues depuis l’origine „de la Société, en 1830, jusqu’au 31 décembre 1845, portées sur un état particu¬ lier, s’élevait à 1,794, non compris les lettres d’envoi et de remerciements, qu’il eût été superflu d’enregistrer, non plus que celles qui concernent l’élection du président, lesquelles sont déchirées séance tenante. Ce chiffre s’est accru de 84 lettres reçues pendant l’année 1846-, mais, ainsi que cela s’est fait jusqu’à présent, nous n’avons conservé parmi ces lettres que celles qui nous ont paru de quelque importance. Huit lettres ainsi choisies sont venues se joindre à la collection d’autogra¬ phes, dont le nombre est aujourd’hui de 422, y compris la correspondance de M. Boué. Quant aux lettres relatives aux affaires constitutives de la Société, elles sont réunies dans une liasse particulière. — Ici , Messieurs , vient se placer une obser¬ vation. Nous avons voulu nous rendre compte de ce que coû¬ taient les lettres envoyées chaque année par les membres des départements et de l’étranger, à l’occasion de l’élection du pré¬ sident. Cette dépense, en 1846, ne s’est pas élevée à moins de 90 fr. Quelques unes de ces lettres ont coûté jusqu’à 3 et 4 fr. de port , et plusieurs , étrangement attardées , ne sont arrivées qu’un mois après l’élection. Il suffira sans doute de signaler ce fait pour espérer qu’à l’avenir ceux de nos lointains confrères quil concerne voudront bien s’y prendre de manière que leur vote, s’il ne peut nous parvenir à moins de frais, nous parvienne du moins en temps utile. II. Bibliothèque. — La Société a reçu, dans le courant de 1846 , 166 livraisons ou numéros de publications périodiques ou non périodiques-, 7 brochures-, 202 numéros de journaux ; 12 cartes ; 1 tableau, et 69 volumes. Par suite de ces accroisse¬ ments, la bibliothèque se composait, au 30 décembre 1846, de : 2,014 volumes-, 5,386 livraisons, brochures, cahiers et numéros de journaux-, 208 cartes, plans et dessins; 5 atlas; 10 portraits; 422 lettres autographes. Par décision du Conseil , les cartes qui peuvent être réunies doivent être reliées en atlas ; les autres collées sur toile , format in-4°. Cette mesure a reçu un commencement d’exécution. Le même esprit de conservation a porté M. l’archiviste à faire relier en volumes, autant que le comporte la diversité du format et 1004 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. de la matière, beaucoup de brochures qu’une lecture fréquente commençait à détériorer, et qui couraient risque de se perdre. Il résulte de là que les chiffres ci-dessus énumérés subiront nécessairement des modifications , puisqu’un certain nombre de cartes se convertissent successivement en atlas, et un certain nombre de brochures en volumes. Un travail aussi long que fastidieux, la collation complète de la bibliothèque et la refonte de son catalogue , commencé par M. Clément-Mullet , a été courageusement achevé par votre agent. Tous les documents ont été également préparés pour le classement des cartes , atlas, plans, coupes et dessins, et la confection du catalogue de cette importante division. Le cata¬ logue des livres sur cartes volantes et le registre d’inscription à l’arrivée des dons faits à la Société continuent d’ètre tenus avec exactitude. Grâce à tous ces soins , et moyennant la somme im¬ portante allouée pour la reliure, votre bibliothèque, déjà si riche dans sa spécialité, ne satisfera pas moins par sa tenue extérieure et par la facilité apportée dans les recherches. III. Collections. — La collection de roches, minéraux et fossiles comprenait, au 31 décembre 1845, 10,961 échantillons. La Société en a reçu 141 dans le cours de l’année dernière , savoir: 56 roches et 85 fossiles. M. l’archiviste a continué de caser dans les tiroirs, et par ordre géographique, tout ce qui lui a paru complet comme étude de localités -, le reste a été dis¬ tribué par terrains. Quelques centaines d’échantillons, sans indication précise d’origine , ont été conservés à part, dans le but de servir à des échanges. Il existe des catalogues partiels de ces subdivisions , mais le catalogue général reste encore à faire. Ce travail difficile, déjà accompli pour le bassin tertiaire de Paris par M. le marquis de Roys, votre archiviste actuel, sera sans doute achevé par lui \ nous avons lieu de l’espérer de son dévouement et de sa compétence. Un tableau récapitulatif de ces collections locales, dressé dans l’ordre géographique , accompagnait le rapport étendu qui vous fut fait en 1839 par M. Desnoyers, au nom de la Commission des archives ( Bull ., lresér., t. X). Nous y renvoyons les membres admis depuis cette époque, qui seraient curieux de s’y renseigner. Nous croyons, à vrai dire, peu désirable l’accroissement de ces richesses, qui SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. 1005 remplissent ou plutôt engorgent déjà 253 tiroirs. — Sans parler de la dépense à laire pour Fâchât de nouveaux meubles, qu’il serait même difficile de caser dans ce local, ces collections n’of- friront jamais des ressources suffisantes aux travailleurs : le voisinage du Muséum et de l’Ecole des mines en amoindrit encore Futilité. 11 est même à souhaiter qu’un triage intelligent remédie dés aujourd’hui à ce commencement d’obstruction , de manière à ne conserver dans les tiroirs , et surtout à n’y ad¬ mettre à l’avenir, que les roches et les fossiles présentés à Fappui de communications spéciales , relatives à des études de localités. IV. Mobilier. — Aucune acquisition qui mérite d’être men¬ tionnée n’a été faite en 1846. L’inventaire du mobilier est donc le même que celui de l’année précédente. Y. Magasin. — Il nous reste à vous dire un mot de la der¬ nière partie de vos archives, celle qui comprend l’enunagasi- nage des exemplaires restants du Bulletin et des Mémoires. Il existait en magasin au 31 décembre 1846, savoir : Mémoires: lre série, demi- volumes , 3- 2e série, tome Ier, lre partie, 52- 2e, 111* tome II, lre partie, 141. En tout 307 parties ou demi-volumes des Mémoires. Bulletin : 1,379 exemplaires. Il reste en outre une assez grande quantité de délets , sur lesquels on prélève les feuilles perdues réclamées par quelques membres. Votre agent tient avec soin des feuilles mensuelles indiquant, au 1er de chaque mois, la situation du Bulletin et des Mémoires. Ces notes sont remises au trésorier. Quelques exemplaires des Mémoires p (déontologiques et géo¬ logiques de M. Boué et de sa Description de V Ecosse sont encore disponibles. Ces ouvrages sont délivrés gratuitement à ceux des membres qui en font la demande. Le rapport que nous venons d’avoir l’honneur de vous lire vous garantit, Messieurs, l’état satisfaisant de vos propriétés scientifiques et mobilières : ces propriétés s’accroissent et s’a¬ méliorent * le meilleur ordre préside à leur conservation. Vous en êtes redevables aux soins éclairés de vos archivistes successifs. Votre Commission vous propose d’adresser des remercie- 1000 séance du 7 juin !8/i7. menls à M. Glément-Miillet , et de lui donner décharge hono¬ rable de sa gestion. Signé : F au verge , Delafosse , de Wegmann, rapporteur. M. D’Archiac remercie M. Dufrénoy, au nom de la Société, de l’hommage qu’il vient de lui faire de son Traité (le minéra¬ logie. M. D’Archiac met sous les yeux de la Société une collection de fossiles envoyée par M. Pratt , et communique ce qui suit : Extrait d'un Mémoire sur les f ossiles des couches ci ISum nul¬ lité s des et mirons de Bayonne et de Dax . M. S. -P. Pratt ayant bien voulu nous adresser de Londres la riche collection de fossiles qu’il avait recueillie avec le plus grand soin dans les falaises de Biaritz, et M. Delbos nous ayant également communiqué les échantillons résultant de ses études géologiques sur les couches correspondantes de l’arrondissement de Dax , nous nous sommes occupé d’un travail destiné à faire suite à celui qui a été publié l’année dernière (1), et qui avait pour objet la des¬ cription des corps organisés trouvés par M. Thorent aux environs de Bayonne , et présentés à l’appui de son intéressant Mémoire géologique sur cette localité. La collection de M. Pratt, la plus complète que nous ayons en¬ core vue des côtes de Biaritz, renferme 162 espèces, dont Ô8 sont décrites comme nouvelles , et elle confirme ce que nous gavions déjà de l’abondance et delà variété des petites espèces de polypiers dans cette localité ; mais elle fait voir en outre que les mollusques gastéropodes, sans atteindre encore le développement des acéphales, y sont cependant beaucoup plus communs que nous ne l’avions pensé d’abord. M. Delbos a décrit tout récemment les couches à Nummulites des environs de Dax et de Saint -Se ver, situées à 20 et 25 lieues au N.-E. des précédentes , et si ses recherches n’ont pas fait connaître un aussi grand nombre d’espèces , celles qu’il a recueillies sont intéressantes à d’autres égards. M. Delbos a établi, dans la série des couches nummulitiques qu’il a étudiées, des divisions qui n’avaient pu être tracées d’une manière aussi précise pour les en- ( I ) Mém . de la Soc. géol. de France , 2e sér., vol. II , p. 1 89. 1 846. SÉANCJi DU 7 JUIN 18/l7. 1007 virons de Bayonne, et la distribution dans ses trois étages des 39 espèees que nous avons déterminées' fait voir que les crustacés, les Térébratules et les ostracées dominent presque exclusivement dans l’étage inférieur, et les Nummulites dans le supérieur. Les radiaires échinodermes se montrent dans les trois étages, mais plus particulièrement dans le second. Quant aux polypiers et aux gas¬ téropodes, ils paraissent être fort rares partout. Si F on compare cette faune à celle des environs de Bayonne, on mune aux deux localités, et ensuite, que les Polypiers, dont nous connaissons 60 espèces dans les falaises de Biaritz , sont réduits à 4 ou 5 aux environs de Dax et de Montfort. Les Nummulites sont aussi nombreuses d’un côté que de 1 autre , et , sur 10 espèces que nous avons cru distinguer, 5 sont communes sur ces deux points et également abondantes. Les ostracées suivent un développement inverse de celui des polypiers, et sont infiniment plus nombreux et plus variés au N.-E. qu’au S. -O., et nous venons de dire que les gastéropodes , très rares flans la première localité , étaient au contraire assez répandus dans la seconde. La grande quantité d’échantillons recueillis par i\I. Deibos nous permet de juger de la proportion relative des individus et des genres dans cette partie du bassin , et d’apprécier les différences essentielles de ces deux faunes contemporaines, éloignées seule¬ ment de 20 à 25 lieues lune de l’autre. Ces modifications, en allant du S. -O. au N.-E., seraient en outre une forte présomption en faveur de l’opinion que nous allons émettre ; mais nous ferons remarquer auparavant que si l’on cherche à appliquer aux côtes situées à l’O. de Bayonne les divisions proposées pour les environs de Dax, on trouvera que les couches à Nummulites placées sous le phare de Biaritz, et qui disparaissent au N. sous les dunes, se pro¬ longeant au S. jusqu’au vieux port, comme l’a établi M. Thorent, représentent le premier étage de M. Deibos. Celles qui leur succè¬ dent , en se relevant du vieux port aux rochers du Goulet , appar¬ tiennent probablement au second; et, au-delà du ruisseau qui débouche près de ces rochers jusqu’à celui du moulin Sopite , on voit des calcaires marneux bleuâtres et grisâtres, puis des calcaires sableux jaunâtres avec les Térébratules, les ostracées et les crusta¬ cés de l’étage inférieur (1). (1) Nous ne pouvons dire encore jusqu’où ces trois divisions se maintiennent dans la région pyrénéenne; mais il est certain que , même en agrandissant considérablement leur échelle, elles ne seront 1008 SÉANCE I)L 7 JUIN 1847. Si nous rassemblons maintenant tous les éléments que nous con¬ naissons de cette faune nummuli tique des départements des Landes et des liasses-Pyrénées, nous trouverons un total de 265 espèces (1), dont 56 n’ont pas été déterminées spécifiquement , mais qui doi¬ vent être regardées en grande partie comme particulières à cette région. Des 209 espèces déterminées , les seules que nous considé¬ rerons ici, 128 ou plus de la moitié sont propres à ce bassin ; 10 ou 1/21 se retrouvent dans les couches à Nummulites des Corbières et de la montagne Noire ; 12 dans celles d’autres parties de l’Eu¬ rope. 48 ou un peu plus de 1/4 existent dans les dépôts tertiaires inférieurs ; 22 ou un peu plus de 1/9 dans ceux de l’époque ter¬ tiaire moyenne , et à cet égard il nous reste quelque incertitude, les couches d’Osnabruck et d’autres parties de la Westphalie que nous rapportons à cette époque pouvant être plus anciennes ; enfin 4 espèces ou 1/52 appartiennent aussi à la craie. Ces dernières sont une petite Térébratule de la craie supérieure de Belgique et trois espèces d’Huîtres, qui , sur la côte comme aux environs de Dax, se montrent dans l’étage inférieur du groupe nummuli tique, lequel repose immédiatement sur la craie. Nous sommes ainsi conduit à mettre d’abord en parallèle cette faune avec celle du terrain tertiaire inférieur ; mais ne perdons pas de vue que , dans le S. -O-, les recherches n’ont encore été diri¬ gées que sur quelques points, et n’ont été faites que par un bien petit nombre de géologues, tandis que la surface incomparablement plus grande des terrains tertiaires du nord a été étudiée avec le jamais applicables aux Alpes françaises, où les Nummulites se trou¬ vent, au contraire, à la base du groupe, qui s’y divise bien aussi en trois étages, mais caractérisés tout différemment. ( l) Nous n’avons point compris dans ce nombre les fossiles du lam¬ beau tertiaire de Saint-Pallais , près de Royan, rapporté par MM. Al. d'Orbigny et Delbos au groupe nummulitique , parce qu’il nous reste encore quelques doutes sur l’exactitude de ce rapprochement. Nos chiffres résultant de l’examen des fossiles que nous avons pu étudier nous-même directement ne comprennent pas non plus 17 espèces d’É- chinodermes dont M. Delbos nous a remis la liste, et quj ont été décrites par M. Grateloup comme se trouvant dans la craie des Landes, cou¬ che qui, en réalité, appartiendrait au système nummulitique. 11 en a été de même de 4 espèces dont le gisement est incertain. Nous avons dû nous abstenir d’autant plus de citer ces Échinodermes que plusieurs des espèces les plus caractéristiques de la formation crétacée se trou¬ veraient remonter ainsi jusque dans le second étage nummulitique de M. Delbos. Il est donc indispensable de vérifier de nouveau l’identité de ces espèces ou bien leur véritable gisement. 1009 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. plus gi ancl soin depuis trente ans. Nous connaissons déjà 60 espèces de Polypiers dans les falaises de Biaritz, et les couches tertiaires du nord de la France , de la Belgique et de l’Angleterre ne nous en ont encore offert que 70 à 75. Dans l’un ni l’autre de ces bassins, ces Polypiers ne formaient de récifs ; mais on doit reconnaître que dans celui de la Seine en particulier le développement de certains genres, tels entre autres que celui des Astrées, semble y indiquer des circonstances plus favorables qu’au S. -O., où toutes les espèces sont fort petites et annonceraient une température moins élevée. LesNummulites présentent 3 ou l\ espèces communes ; mais le nom¬ bre des espèces est de plus du double au S. ‘O. , et les formes comme les dimensions en sont infiniment plus variées, sans que l’abon¬ dance des individus y soit moins extraordinaire. Les échinodennes ne nous offrent aucune espèce commune , et 1/3 même des genres ne se trouvent qu’au S. -O., où les espèces atteignent en général des dimensions beaucoup plus grandes. Les annélides, très variés dans le bassin del’Âdour, n’ont point non plus d’analogue dans le Nord. Les conchifères, dont nous avons constaté que 1 jlx des es¬ pèces étaient communes , de même que les gastéropodes, se trou¬ vent , par rapport à ces derniers , dans des rapports numériques inverses au N. et au S. ; car, dans les deux arrondissements de Dax et de Bayonne , ils atteignent à peine la moitié du nombre des acéphales. Mais si nous comparons, comme nous lavons fait l’année der¬ nière , la faune nummulitique des deux extrémités du versant N. des Pyrénées, nous verrons que les fossiles recueillis par MM. Pratt et Delbos viennent à l’appui des conclusions que nous avions dé¬ duites de l’examen de la collection de M. Thorent, et les rendent même encore plus frappantes. Ainsi il existe des différences zoolo¬ giques beaucoup plus grandes entre les couches nummulitiques des Corbières et de la montagne Noire, telles qu’elles ont été comprises et décrites par M. Leymerie , et celles des environs de Dax et de Bayonne , qu’entre ces dernières et la faune tertiaire du nord. Ce résultat nous fait présumer qu’il existait à cette époque , entre le plateau central et les Pyrénées dont une partie avait déjà un certain relief, et comme nous avons essayé de le démontrer pour les divers bassins secondaires et tertiaires du nord, qu il existait, disons-nous, une banquette sous-marine ou un isthme étroit qui rendait in¬ complète ou interceptait même tout à fait la communication directe du bassin de l’O. avec celui de l’E., formant ainsi deux golfes pro¬ fonds au lieu d’un détroit ou d’un bras de mer, comme cela peut avoir eu lieu plus tard. Cette barrière nous serait-elle encore indi- Soc. géoL , 2e série, tome IV. 64 1010 SÉANCE J)L 7 J UN 1 8 Zl 7 . quée suc ie prolongement de la direction de la montagne Noire, par la ligne de partage sinueuse et largement arquée a l’O. des eaux qui se rendent à l’Océan et de celles qui se jettent plus direc¬ tement dans la Méditerranée? C’est une question que des études ultérieures pourront peut-être résoudre, et sur laquelle nous appe¬ lons l’attention des géologues. Liste des espèces nouvelles et déterminées de In collection de M . Pratt. Cycle li tes andianensis. — subcylindrica. — lenticularis . — sublœvis (1). Turbinolici atalayensis . Serpula alata. — subundata. — funiculosa. Caryoph yl l ici vertebrci ta. As tarte Prattii. O câlin a compressa. Cardium inscriptum . — rugosa . Chôma ante-scripta. Ceriopora in tricota. Mytilus subh ilia nus. Hcteropoi a subconcinna. Pecten subtripartitus. — rugosa. — Gravesi. Prattia glandulosa. — Michelotti. H ornera Edwards i i . Spondylus subspinosus . Idtnoneci trapezoides. — planico status. — hybrida. Ostrea a quivalvis. Eschara puncta . — longi caucla . — dentalina. Scalaria subundosa. E e te p o ra su becliinulata. Turbo calcar. F lustra glomcrata. — lapurdensis . Tragos mamillatus. — biaritzensis. Scyphia Scunucli. — Buchii . — quinquelobata. Turritella inscripta . V irgularia incerta. Mitra scalarina. Cidaris striato-granosa . Espèces nouvelles et déterminées de la collection de M. Delbo L ich en op or a sp ongio ides . V ut sel la lingulicform i s . Nu m malin a g ran u l osa . — ('•r'ogyra. — mamillata. — ■ (labia. J.i ma traba yen s i s . A nom i a in tus tri a la. Pecten subopereu loris . l'erebratala Dclbosi . Coniopygus pelagiensis (Sa i n t-Palais). (I) Nous n’avons point porté sur cette liste ni sur la suivante les • espèces d’Échinodermes déjà mentionnées dans le catalogue de MM. A gassiz et Desor, mais qui n avant point encore été décrites ni figurées nulle part le seront dans notre Mémoire. SÉANCE DD 7 JUIN 18/|7. 1011 M. Boubée présente les observations suivantes sur ce que vient de dire M. d’Archiac : Tant que l’on se bornera à discuter le terrain nummulitique par l’étude des fossiles , on ne sortira pas de la difficulté que sou¬ lève son classement ; il faut de toute nécessité consulter aussi , et avant tout , les caractères minéralogiques et les relations géognos- tiques et minéralogiques. Et cela est si vrai , que, parce moyen , on arrive tout d’abord à une distinction capitale qui me semble devoir dominer toute la question , et dominer même cet ingénieux et séduisant système de proportions et de relations numériques entre les espèces de divers étages et de diverses localités que M. d’Archiac vient d’établir avec son habileté ordinaire. Cette distinction qu’il me semble si important d’introduire dans la question , c’est qu’une partie du terrain nummulitique est en couches soulevées, disloquées, fortement inclinées, et l’autre partie, au contraire , est en couches horizontales et tout à fait à l’état normal. Par conséquent, une partie de ces roches à Nummulites est an¬ térieure au soulèvement des Py rénées, tandis que l’autre partie est postérieure à l’apparition de ces montagnes et par conséquent beaucoup plus moderne. Eh bien ! que l’on étudie , que l’on com¬ pare chacun de ces groupes , et l’on va trouver encore d’autres ca¬ ractères qui suffiront , je crois , pour fixer nettement leur place res¬ pective dans l’échelle des terrains et résoudre les difficultés qui , depuis longtemps déjà , tiennent en suspens l’opinion de plusieurs des membres de la Société géologique. En effet, les couches nummiditiques soulevées et disloquées sont précisément les plus riches en Nummulites, celles où l’on ne trouve que peu ou point d’autres fossiles , mais où abondent ces grandes espèces que j’ai décrites, dans mon Bulletin cV histoire naturelle de France , 1833, sous les noms de Nummulites mille cap ut , N.papy- racea, N. ci as sa , N. plan o-sp ira et N. lenticularis . Ces couches offrent d’ailleurs tous les caractères minéralogiques des terrains crayeux , et paraissent , sous ce point de vue , se distinguer nettement des terrains tertiaires. J’ajouterai que dans les Landes, les Basses-Pyrénées, les Hautes- Pyrénées et la Haute-Garonne, qui sont les seuls points où j’aie eu occasion de voiries terrains nummulitiques en question, le groupe de roches inclinées dont je parie est le plus développé et le plus puis¬ sant ; c’est même le seul auquel, dans mon espritï, s’appliquait jus¬ qu’ici le nom particulier de terrain nummulitique, dont les types 1012 SÉANCE DI / JUIN 1847. ôtaient pour moi une partie des environs de Bastennes (Landes) , une partie du territoire de lYIougue rre , à lest de Bayonne, les environs de Gensae , près Boulogne ( Haute-Garonne ) , etc. Sur tous ces points, j’ai toujours vu le terrain nummuli tique en cou¬ ches fortement inclinées reposant sur la craie à Anancliites et affec¬ tant les mêmes allures que le terrain crayeux proprement dit: aussi ai-je du le rapporter à la période crayeuse et y voir, ainsi que j’ai eu occasion de le dire dans la séance du 15 mars dernier, le groupe qui devait remplir, dans le midi , cette lacune indiquée par M. Elie de Beaumont comme existant entre la craie de Paris et le terrain tertiaire, lacune que paraissent remplir, dans le nord, la craie de Maëstriclit, et peut-être aussi le calcaire pisolitique de M . CJ taries d’Orbigny. Le fait qui me déterminait surtout dans ce classement, comme je l’ai dit aussi dans cette séance du 15 mars, c’est que le soulèvement des Pyrénées ayant été fixé par des obser¬ vations et des considérations d’un ordre beaucoup plus élevé après la période crayeuse et avant l’époque tertiaire , il est évident que ces roches à Nummulites doivent appartenir à la première de ces périodes, puisqu’elles sont évidemment antérieures au soulève¬ ment pyrénéen. J’ai déjà fait remarquer que ce groupe , où abondent les Num- mulites et particulièrement les grandes espèces , est très pauvre en fossiles de toute autre espèce ; néanmoins il n’en est pas entière¬ ment privé , et si parmi ces fossiles on a pu reconnaître quelques espèces du terrain tertiaire , il faut dire aussi qu’il y en a qui font évidemment partie de la formation crayeuse : tel est le Pectcn quin- rjuecostatus , qui est un des fossiles caractéristiques de la craie , et qui abonde à Gensae, parmi les grandes Nummulites, avec une belle Exogyrc non encore décrite , mais que sa physionomie range incontestablement parmi les fossiles de la craie. Au reste , aucun géologue ne sera surpris que ce groupe supérieur du terrain crayeux contienne à la fois des fossiles tertiaires et crayeux , s il est le chaî¬ non qui doit combler la lacune indiquée et faire le passage des ter¬ rains crayeux au terrain tertiaire. Quant aux roches à Nummulites qui sont en couches horizon¬ tales , elles forment , elles aussi , un groupe très naturel qui se distingue par beaucoup d’autres caractères de celui dont je viens de parler. Les types de ce groupe sont une partie des roches de Biaritz , cette épaisse couche rocheuse sur laquelle s’élève la ca¬ thédrale de Bayonne , ces hautes et belles falaises abruptes que l’on voit sur la rive droite de la Nive , en amont de Bayonne , etc. Sur tous ces points , on trouve ces roches horizontales et dans leur 1013 SÉANCE l)ü 7 JUIN 18/l7. état normal; les Nummulites y sont très nombreuses, mais ee sont en général de petites espèces mêlées de beaucoup de Lenticu- lincs, de Rotalites et d’un grand nombre de Mollusques, Oursins et Polypiers , sur lesquels se fondent surtout les proportions ingé¬ nieusement établies par M. d’Arcbiac. JNulle part ces roches hori¬ zontales n offrent le caractère minéralogique crayeux qui dis¬ tillerie à la première vue les roches du groupe précédent ; elles ont au contraire tout le faciès des calcaires grossiers grisâtres, et des molasses des terrains tertiaires. En un mot, on ne voit m sui le terrain ni dans l’étude des fossiles aucune raison pour ne pas ran¬ ger ces roches dans le terrain tertiaire avec les calcaires nummuli- tiques du Soissonnais et des environs de Paris, el poui moi, je dois dire que ce n’est point là du tout ce que j’appelais le terrain nummulitique , parce que je ne voyais aucune raison d’en former un groupe distinct. Je n’appliquais cette désignation qu aux lo¬ ches particulièrement et essentiellement nummulitiques dont j’ai parlé en premier lieu, que j avais rapportées d abord, il est \iai, au terrain tertiaire , lorsque j’en décrivais les espèces dans le Bulletin (V histoire naturelle , à cause de cette prévention , déjà an¬ cienne , en paléontologie , que les Nummulites sont des fossiles nécessairement tertiaires , mais que , depuis longtemps , je consi¬ dère comme crétacés , par toutes les considérations que je viens de résumer tout à l’heure, opinion que j’ai déjà émise lors de notre réunion en Suisse , dans une discussion qui s’engagea sur ce sujet à Bâle , à l’une des séances de la Société helvétique. M. Delbos répond encore en ces termes à la communication de M. d’Archiac : La découverte du lambeau tertiaire situé au nord-ouest de Royan (anse de Terre-Nègre , près Saint-Palais, Charente-Infé¬ rieure) fait disparaître , dans les sondages artésiens pratiqués sui les deux rives de la Gironde, quelques anomalies que l’on ne sa¬ vait comment expliquer. Ce lambeau se divise en efïet en deux as¬ sises principales dont les caractères minéralogiques sont très diffé¬ rents : 1° à la partie supérieure, des alternances de sables grisâtres et de marnes mêlées de gravier, avec rognons ou chai lies à cou¬ ches concentriques d’un calcaire marneux jaunâtre ; 2° des cal¬ caires qui présentent tous les caractères minéralogiques de la craie sur laquelle ils reposent. Les sables supérieurs ne renferment que des Huîtres ( O. flabel - lula d’après M. d’Archiac), des Peignes et des ossements de Cé- 1014 SÉ ANCE DU 7 J U [N 1847. tacés. Ils pourraient bien correspondre à des sables analogues qui forment la partie supérieure des terrains nummulitiques du bassin de l’Adour (1) , et qui contiennent des Huîtres au moins très voi¬ sines des précédentes [O. cyathula , d’après M. d’Arcliiac). J’ai recueilli dans les calcaires blancs inférieurs sept espèces d’Ecliinodermes, dont deux sont considérées par M. Desor comme identiques avec des espèces de Biaritz , décrites par M. d’Arcliiac ( Echinolampas subsimilis , Cœlopleurus Agassizii ). Le sondage artésien pratiqué à Peujard (rive droite de la Dor¬ dogne, 18 mètres au-dessus des eaux d’étiage) a traversé les cou¬ ches suivantes (2) : 1° Jusqu’à 43 mètres, série de bancs calcaires ; 2° De 43 à à 4 mètres , sable lin un peu marneux ; 3° A 44 mètres , sable fin , verdâtre , à nodules durs , demi-com¬ pactes , de grosseur ovulaire , renfermant à l’intérieur du calcaire cristallin. Epaisseur, 20 mètres. 4° A 110 mètres, série de bancs calcaires; 5° A 133 mètres , sable rouge , ébouleux. L’orifice des puits est ouvert dans la molasse , et les nos 1, 2 et 3 se rapportent à cette formation. Le n° 3 particulièrement possède les mêmes caractères que les molasses à calcaire globaire que j’ai signalées aux environs de Castillon-sur-Dordogne (3). Le n° 4 pourrait alors correspondre au calcaire à Orbitolites de Blaye, et les sables rouges inférieurs représenteraient les sables de l’anse de Terre-Nègre. Nous aurions alors la série suivante , en allant de liant en bas : 1° molasses; 2° calcaire à Orbitolites; 3° sables su¬ périeurs des terrains nummulitiques. De même, dans le forage de Béchevelle, ouvert dans le calcaire à Orbitolites même , la sonde a attaqué , à 48 mètres , des sables grisâtres à fragments d’Huîtres , qui correspondent aussi proba¬ blement à ceux de Saint-Palais ( V. Mém. de M. Jouannet , locu citato ). M. d’Archiac répond qu’il ne conteste nullement la distinc¬ tion que M. Boubée vient d’établir entre deux étages du sys- (1) Notice gcol. sur le bassin de l Ado ur ( Bull. Soc . géol ., 2e sér., t. IV, p. 712). (2) Voyez le Mém. de M. Jouannet [Act. Soc. linn. de Bordeaux , 1830). (3) Recherches sur la formation d'eau douce , etc. [Mém. Soc. géol., 2e sér., t. II, p. 244). 1015 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. tème nummulitique, dont l’un serait redressé et antérieur au soulèvement principal des Pyrénées, et dont l’autre, presque ho¬ rizontal, serait postérieur à ce soulèvement-, mais il fait remar¬ quer que, bien pénétré de l’importance du caractère stratigra- phique et de l’étude directe et détaillée du pays , il n’a préjugé dans sa communication ni la question d’âge ou de parallélisme des couches à nummulites des Pyrénées occidentales ni leur groupement en deux étages. Il a seulement considéré les fos¬ siles d’abord en eux-mêmes, puis dans leur distribution géo¬ graphique et stratigraphique locale , et enfin dans leurs rap¬ ports avec ceux des couches nummulitiques situées plus à l’Est, comme avec ceux des véritables terrains tertiaires du Nord. D’après cela la question purement géologique reste entière, et les données zoologiques quelles qu’elles soient devront néces¬ sairement se plier à l’évidence des faits géologiquement con¬ statés. ? Quant aux deux espèces d’Echinodermes citées par M. Del- bos comme se trouvant à la fois dans le lambeau de Saint-Pa¬ lais et à Biaritz, M. d’Archiac ne les regarde pas comme iden¬ tiques, mais comme constituant au contraire des variétés très distinctes dans l’une et l’autre localité. Cette circonstance jointe à l’absence de nummulites le confirme , du moins quant à pré¬ sent, dans sa première opinion , que tout le dépôt de Saint-Pa¬ lais peut appartenir au calcaire marin inférieur de Blaye et des environs de Panillac. M. Rivière lit la note suivante : Le tome IV du Bulletin (2e série, p. 468) contient la traduc¬ tion d’un Mémoire de M. Th. Scheerer. Dans ce Mémoire , l’au¬ teur présente comme nouvelle l’idée de faire rentrer l’eau dans la classe des corps isomorphes , et cherche à en tirer un parti avanta¬ geux , soit pour la spécification des minéraux , soit pour la forma¬ tion des roches. Je n’assistais pas à la séance dans laquelle M. Frapolli a lu la traduction du Mémoire dont il s’agit ; il m’a donc fallu attendre que cette traduction fût imprimée pour connaître le contenu du Mémoire de M. Scheerer. Pour le moment, je ne crois pas devoir entrer dans la discussion de ce Mémoire ; je me bornerai à constater le fait suivant. Depuis 1 01 0 SÉANCE DL- / J l IX 1847. 1835 , j’ai pensé que, si i’ou admettait la théorie de l’isomor¬ phisme , l’eau pouvait être comprise dans le nombre des corps iso¬ morphes , c’est-à-dire qu elle pouvait remplacer d’autres bases à la manière des corps isomorphes les uns par rapport aux autres. A propos d une nomenclature atomo-chimique des substances miné¬ rales, j’avais communiqué à M. Ampère mes idées sur ce sujet ; et en 1838 j’écrivais mon Mémoire sur les amphiboles ; mais ce n’est , il est vrai , qu’en 1844 que ce Mémoire a été publié dans le Bulletin de la Société géologique (2e série, vol. I, p. 528). On lit, page 532 : u Cette formule serait encore la traduction plus rigou- » rcuse des nombres , si l’on regardait l’eau comme isomorphe de » la magnésie, de la chaux, etc. ; car alors on aurait pour l’oxy- » gène des bases 17,39, au lieu de 16,69. » J’ai cru alors devoir me borner à l’énoncé de l’idée de 1 isomor¬ phisme de l’eau , parce qu’il se présente des difficultés touchant la théorie de l’isomorphisme en général, lorsqu’on veut la regarder comme la traduction d’une loi naturelle , et non comme une in¬ terprétation spéculative mais heureuse pour la chimie et la miné¬ ralogie. D’un autre côté , on rencontre aussi des difficultés très sé¬ rieuses quand on veut préciser la manière d’ètre de l’eau et de ses éléments dans la constitution intime et naturelle des substances, soit à l’époque de la formation , soit après la formation des sub¬ stances. Toutes ces questions sont loin d’ètre résolues et même sont loin cl offrir des éléments simples pour leurs solutions. Tels sont les motifs qui m ont engagé à beaucoup de réserve dans l’indica¬ tion d’une manière de voir , et à m’abstenir de développements dans un travail qui , avant tout , devait être caractérisé par l’exac¬ titude. Néanmoins, j’ai discuté ces diverses questions, autant qu il m’a été permis de le faire, dans un Mémoire relatif aux minéraux et aux roches , comme on le verra plus tard. D ailleurs , tous les chimistes , notamment ceux qui font de la chimie organique, re¬ garderont certainement comme ancienne 1 idée de l’isomorphisme de T eau ; en sorte que cette idée appartient plutôt aux chimistes qu’à M. Scheerer et qu’à moi. Dans tous les cas , il est évident que ce géologue n’est venu qu’ après moi énoncer l’hypothèse de l’iso¬ morphisme de l’eau. M. Frapolli répond à la noie deM. Rivière : En l’absence de AF. Scheerer, qui ne pourra répondre que dans six ou huit mois , et ayant eu l’honneur de le présenter à la So¬ ciété , ainsi que le Mémoire attaqué , je ne peux m’empêcher de SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. 1017 protester contre l’accusation de plagiat que la note du préopinant tend à établir à l’égard de la belle découverte du professeur de Christiania concernant Y isomorphisme polymère. Je ne trouve qu’un seul fait que JM. Rivière puisse citer à l’appui de sa réclama¬ tion , et ce fait n’infirme en aucune manière la priorité des tra¬ vaux de M. Sclieerer. D’après le fragment cité dans sa note, M. Rivière, en 1844, dans un Mémoire ou il s’agissait de tout autre chose , a dit qu’une certaine formule serait changée si on re¬ gardait l’eau comme isomorphe de la magnésie. 11 s’est arrêté là ; il n’a pas même donné le fait comme une hypothèse à laquelle il ait cru devoir s’arrêter. La question n’a pas avancé d’un seul pas , elle est restée là où l’avaient laissée ces chimistes éminents que M. Rivière lui-même reconnaît comme étant les seuls auxquels appartient l’idée originaire de l’isomorphisme de l’eau. M. Scliee¬ rer, dans son grand Mémoire inséré dans le volume LXVII1 des Annales de Poggendorff , dont T introduct ion au travail sur le granité n’est qu’un extrait très court , a prouvé le fait ; il en a dé¬ terminé les lois et les proportions atomiques. Exclusivement chi¬ miste , et relégué, comme il la été jusqu’à ces dernières années, au fond d’une usine éloignée de la Norvège, M. Sclieerer n’a pu consulter que ses connaissances chimiques , et ce n’est que comme résultat d’un travail d’analyse exécuté sur des centaines de miné¬ raux qu’il s’est hasardé à proposer des conclusions. Aussi les hommes les plus éminents de l’Allemagne, pays où le travail de M. Sclieerer a paru pour la première fois , et ces mêmes chimistes auxquels M. Rivière fait allusion, les Berzélius , les Mitscherlicli, les Rose , etc. etc., lui ont fait honneur de sa découverte. M. Rivière assure qu’il avait l’intention de s’occuper plus tard de ce sujet . Un autre a été plus heureux ; il est arrivé le pre¬ mier. C’est ce qui a lieu souvent dans la science. M. Fournet annonce à M. le Président qu’il adressera bientôt un travail d’observations critiques sur la communication faite au nom de M. Sclieerer -, spécialement, qu’il combattra ses idées relativement 4 l’obsidienne. — Il rectifiera en même temps la position qu’on lui attribue gratuitement par rapport à M. Durocher. M. de Collegno présente des observations sur l’île d’Elbe. M. Boué adresse à la Société un essai sur la distribution géologique et géographique des minéraux, des minerais et 1018 SÉANCE Dlr 7 JUIN 18/j7. des roches sur le globe terrestre, avec des aperçus sur leur géogénie. M. le baron d’Hombres-Firmas adresse une note sur la localité de Fressac, si riche en fossiles de l’étage inférieur du système oolithique, et qui offre au minéralogiste des filons in¬ téressants de galène, de calamine et pyrites avec chaux fluatée, barytine, etc. Il y joint la description de deux térébratules qu’il considère comme nouvelles. La première, qu’il nomme Tere - bratula mini ma , n’atteint jamais plus de 3 à /i millimètres de longueur-, sa largeur est plus forte d’un quart, et sa hauteur est les deux cinquièmes de sa longueur. Elle présente trois plis, l’un médian, les deux autres divergeant régulièrement vers l’angle des arêtes latérales et cardinales. Le sinus de la valve dorsale correspond au premier, qui occupe près du tiers de la largeur totale. Elle offre deux à trois stries d’accroisse¬ ment. La seconde, qu’il nomme Leopoldina , est presque exac¬ tement ronde, et sa hauteur est un peu moins de moitié des autres dimensions qui sont d’environ 8 millimètres dans les in¬ dividus adultes , et qui offrent plusieurs stries d’accroissement. Le crochet est très peu saillant. Au milieu du natis est une rainure entre deux bourrelets terminés quelquefois par des plis très déliés, qui se prolongent jusqu’au front de la coquille. Sur la valve dorsale on remarque deux petites échancrures aux côtés du crochet. M. d’Archiac fait observer que la Terebratula minirna existe dans le Calvados. M. Durocher adresse un Mémoire sur la cristallisation des roches granitiques. Recherches sur la cristallisation des roches granitiques , par M. Durocher. Le mémoire intéressant de M. Scbeerer, dont la traduction a paru dernièrement dans le Bulletin de la Société géologique (1) , a pour objet d’expliquer la manière dont s’est opérée la cristallisa¬ tion des éléments du granité. Depuis longtemps je me suis occupé (1) Bull, delà Soc. géol ., t. IV, p. 468, février 4847. 1019 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. de ce phénomène, et j’ai tâché d’en donner une explication en avril 1845 (1). M. Scheerer admet lès faits qui servent de base à mon explication , mais il la croit insuffisante et il a jugé nécessaire de faire intervenir un nouvel élément : néanmoins cet habile chi¬ miste n’a pas envisagé ma manière de voir sous sa véritable face et l’objection qu’il lui a opposée ne me paraît pas tout à fait con¬ cluante. Je vais commencer par rappeler les principaux points de la ques¬ tion et la solution que j’en ai proposée; j’examinerai l’objection de M. Scheerer; ensuite je discuterai l’hypothèse qu’il a émise, en m’appuyant sur des expériences qui me sont propres. Nous recon¬ naîtrons alors si la nouvelle théorie est plus en harmonie avec l’en¬ semble des faits, si elle en rend mieux compte. Les éléments du granité ne paraissent pas avoir cristallisé dans l’ordre de leurs fusibilités relatives; car la silice, qui est la partie la plus réfractaire , a formé comme un ciment pâteux au milieu duquel se sont développés les prismes de tourmaline , les lames de feldspath et d’amphibole , les feuillets micacés , les grenats dodé¬ caédriques. Ce fait fondamental est l’une des principales objections que l’on ait opposées aux théories plutoniennes , et il a servi de point de départ à M. de Boucheporn (2) pour imaginer une origine autre que celle d’une fusion ignée. M. Fournet a cherché à lever la difficulté en attribuant à la silice une surfusion très considérable , c’est-à-dire la propriété de se refroidir sans cesser d’ètre fluide jusqu’à une température beau¬ coup plus basse que le point où ce corps entre en fusion lorsqu’on en élève la température. Mais comme je l’ai déjà exposé ( Comptes- rendus de V Académie , t. XX, p. 1276 ) et comme le fait aussi re¬ marquer M. Scheerer, la distance qui sépare les points de fusion du feldspath et du quartz est beaucoup trop grande pour que l’ex¬ plication de M. Fournet soit suffisante : il faudrait supposer à la silice une surfusion de plus de mille degrés , tandis que jusqu’à présent les différences observées entre les degrés de température correspondant à la congélation et à la liquéfaction d’une même substance ne s’élèvent guère au-delà de 100. J’ai donné une face différente à la question en montrant que ce n’est pas le quartz qui s’est refroidi sans se solidifier jusqu’à une température voisine du point de fusion du feldspath , mais bien (1) Comptes-rendus de V Académie des sciences , t. XX, p. 1 275 , séance du 28 avril 1845. (2) Études sur Vhistoire de la terre , par M. F. de Boucheporn. 1020 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. une masse semblable aux pétrosilex , c’est-à-dire à des substances qui sont un peu moins fusibles que le feldspath, sans toutefois en différer beaucoup. Cette masse contenait , à l’état de combinaison , de la silice, de l’alumine, des bases alcalines et terreuses, potasse, soude , quelquefois litliine , avec un peu de chaux , de magnésie , d’oxydes de fer et de manganèse , ainsi que des quantités très mi¬ nimes d’acide fluorhydrique et souvent même d’acide borique. Lorsque cette masse , se refroidissant graduellement, a atteint une température qui probablement était voisine de 1500°, il s’est pro¬ duit un départ , une séparation entre ses divers éléments ; le mag¬ ma s’est décomposé en feldspath, quartz et mica; alors a com¬ mencé l’acte de la cristallisation. Au moment du départ, si la température de la masse était peu éloignée du point de solidifica¬ tion des deux éléments les plus fusibles , du feldspath et du mica , leur solidification aura eu lieu d’autant plus vite qu’ils avaient plus de tendance à cristalliser; de façon que le feldspath ayant une tendance beaucoup plus forte que le quartz aura cristallisé au¬ paravant. Il est important de remarquer que la solidification delà silice n’a pas lieu d’une manière instanlanée , que ce corps se com¬ porte comme les substances vitreuses et peut conserver assez long¬ temps l’état visqueux , surtout étant entouré d’une masse qui est elle-même très chaude. J’ai signalé dans mon premier Mémoire sur ce sujet deux causes de changement de température qui ont dû agir successivement et dans des sens inverses : avant le départ des éléments , la silice se trouvait combinée avec d’autres silicates et formait une combinai¬ son acide , analogue par exemple à celle de l’acide sulfurique avec un sulfate alcalin ; et , de même que cette dernière combinaison s’opère avec dégagement de chaleur , il est probable que l’acide silicique en s’unissant à un silicate alcalin et terreux doit produire de la chaleur; et inversement, lorsqu’il se sépare d’une combinai¬ son de ce genre , il doit y avoir absorption de chaleur : ainsi , à l’instant où le quartz a été éliminé d’une combinaison granitique multiple , cette espèce de réduction a dû produire un abaissement de température, faible peut-être, mais qui néanmoins aura pu contribuer à accélérer la solidification des éléments qui avaient le plus de tendance à cristalliser. D’ailleurs au moment où le feld¬ spath a pris une forme cristalline , son passage subit de l’état li¬ quide à l’état solide a donné lieu à un dégagement de chaleur qui très probablement n’était pas insignifiant (la chaleur dégagée par la congélation de l’eau est de 75). Cette chaleur se sera com¬ muniquée à la masse environnante et par suite aura contribué à SÉANCE 1)U 7 JUIN iS/|7. maintenu' le quartz dans un état de mollesse ou de viscosité suffi¬ sant pour qu’il ait pu prendre l’empreinte de la forme cristalline du feldspath. M. Scheerer reconnaît, comme je l’ai montré, que dans l’ori¬ gine tous les éléments du granité étaient combinés dans une masse pétro-siliccuse , mais il a interprété un peu inexactement mon Mé¬ moire en me faisant dire (t. IY du Bulletin, p. Zi86 et 487) « que les » dijjèreutcs combinaisons se so/it séparées de cette masse homogène » Uiuic après t autre dans l'ordre de leur puissance de cristallisa- » ti on . » M. Scheerer suppose ou plutôt me fait supposer que d'a¬ bord quelques cristaux de feldspath et. de mica se sont séparés et qu’il est resté une masse de plus en plus riche en silice , et qui par suite devait avoir un point de fusion de plus en plus voisin de celui de la silice, et ainsi il ne se serait pas formé de quartz libre, mais un pétro-silex très riche en silice. Dans cette supposition l’objec¬ tion de M. Scheerer serait parfaitement fondée, mais je n’ai dit nulle part dans mon Mémoire que les éléments du granité se sont séparés les uns après les autres; au contraire, j’ai toujours consi¬ déré dans le granité proprement dit le départ comme ayant été presque simultané pour tous les éléments , it je dis d’une manière précise (Comptes-rendus , t. XX, p. 1275) que la solidification des divers éléments constitutifs de la roche a dû se faire à peu près en meme temps ; c’est ce qui a dû avoir lieu dans la majeure partie des cas pour les granités proprement dits, mais pas toujours poul¬ ies porphyres , et dans ce dernier cas le phénomène a dû se pro¬ duire à peu près comme l’expose M. Scheerer. Il est facile de concevoir une masse homogène se séparant en plusieurs combi¬ naisons définies qui ne se solidifient pas à 1 instant même où elles se séparent, mais très peu de temps après; immédiatement après le départ ce sont des corps fluides juxtaposés, tendant tous à se solidifier, mais à des degrés différents. Les choses ont dû se passer ainsi , car le feldspath , le quartz et le mica sont enchevêtrés les uns dans les autres , de façon que le quartz devait déjà être libre , être séparé du magma, quand le feldspath a cristallisé. Il y a une circonstance fort importante dont M. Scheerer a fait complète¬ ment abstraction, c’est la propriété (que possède la silice) de passer par l’état visqueux avant de se solidifier : comme le mon¬ trent les expériences de M. Gaudin , cette substance amenée en fusion et abandonnée à un refroidissement spontané reste visqueuse pendant quelque temps et peut même se filer, bien qu’étant expo¬ sée à une température beaucoup inférieure à son point de fusion. Toute la difficulté qui peut exister consisterait donc à savoir si , à 1022 SÉANCE DU 7 JUIN 1 8 Z| 7 . partir de l instant du départ, la silice a pu rester assez longtemps visqueuse pour que le feldspath et le mica eussent le temps de cris¬ talliser avant qu’elle fût devenue complètement roide. Je ne con¬ testerai pas qu’il ait pu se produire des actions particulières qui aient prolongé la durée de la viscosité de la silice , peut-être des actions électriques , du genre de celles qui déterminent la liqué¬ faction d’un fil de platine à une température beaucoup plus basse que son point de fusion : on ne peut faire à cet égard que des conjectures, mais la partie essentielle du phénomène me paraît avoir eu lieu comme je l’ai exposé. Il y a un point de la question sur lequel je dois insister, parce qu’il aune grande importance : l’examen que j’ai fait d’un grand nombre de granités de contrées fort diverses, soit sur les rochers eux-mêmes , soit dans les collections , m’a convaincu qu’en gé¬ néral il n’y a point eu de démarcations tout à fait tranchées entre les instants de cristallisation des divers éléments de ces roches. Je crois qu’en cela, M. Scheerer et moi, nous différons un peu d’avis. En effet, ce savant a cherché à classer les minéraux que l’on trouve dans le granité d’après l’ordre chronologique de leur cristallisa¬ tion ; ainsi il dit (pag. 480) : « Que dans les filons granitiques de •> file d’Hitteroé, en Norwége, la cristallisation s’est effectuée d’a- » près l’ordre suivant : 1° l orthite et probablement presque en » même temps la gadolinite ; 2° le malacon et l’ytterspatli ; 3° le » polyklase et le feldspath ; 4° le quartz. » M. Scheerer dit aussi (pag. 483) que l’aclmiite, le grenat , la tourmaline, etc., se sont solidifiés avant le feldspath, et celui-ci avant le quartz. D’après les observations que j’ai faites cet ordre de cristallisation serait acci¬ dentel ; il ne me paraît pas avoir un degré de généralité tel qu’on puisse en déduire des conséquences positives; loin de là, je pense qu’au lieu de consister en une série de cristallisations successives , dans la plupart des granités , le phénomène a été caractérisé par la presque simultanéité des cristallisations ; c’est-à-dire que la gadolinite, la tourmaline, l’amphibole, etc., n’avaient pas achevé leur cristallisation quand le feldspath a commencé la sienne, et que déjà une partie du quartz avait commencé à se solidifier, était devenue un peu roide, quand le feldspath finissait de cristalliser. Déjà j’ai cité dans mon Mémoire présenté à l’Académie un granité à tourmaline de la vallée de Sut* (Ariége) , dans lequel on voit tantôt des cristaux de tourmaline ou de feldspath qui se sont formés au milieu du quartz, et ont marqué dessus leur empreinte; tantôt, au contraire, ce sont des cristaux de quartz qui sont en¬ veloppés d’une niasse feldspathique. Ces empreintes réciproques se 10*23 SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. montrent non seulement sur un même rocher, mais sur un même échantillon. On en voit un exemple dessiné fig. 1 ; il y a au centre un noyau de tourmaline qui , à une de ses extrémités E, a marqué son empreinte sur la masse de quartz environnante , mais en son milieu le noyau a été comprimé , et en A le quartz a pénétré au milieu du cristal de tourmaline qui était en train de se former ; de l’autre côté ce cristal a aussi été comprimé par du feldspath ; en b et b au contact du quartz et du feldspath la tourmaline a lancé deux veinules très minces, ce qui montre qu’elle devait être encore en partie fluide lors de la solidification du feldspath et du quartz. Dans le même granité on voit des cristaux de grenats qui se sont formés tantôt au milieu du quartz , tantôt entre le feldspath et le quartz. L’examen de semblables échantillons montre que la solidification du grenat, de la tourmaline, du mica, du feld¬ spath et du quartz ont dû se suivre de très près , et que les miné¬ raux qui semblent avoir cristallisé les premiers possédaient encore en quelques parties un état de mollesse lorsque les autres éléments se sont solidifiés. Je n’ai pas à ma disposition de ce granité d’Hitteroé qui a été observé par M. Sclieerer, mais j’ai sous les yeux un granité à ga- dolinite de Brodbo, prèsFalun (Suède) : on y voit, comme je l’ai indiqué fig. 2, que si la gadolinite a cristallisé au milieu d une 10*2/i SEANCE I)ü / JUIN 1847. masse de quartz et d’albite, que si elle a marqué son empreinte sur ces deux minéraux , ceux-ci ont aussi pénétré dans la gadoli- nite , et ont interrompu la régularité de ses faces et de ses arêtes. On est forcé de conclure, ou bien que le quartz était déjà en partie solide au moment où la gadolinite et le feldspath ont cristallisé , ou bien que ces deux substances étaient encore un peu molles quand le quartz s’est solidifié. La résistance que le quartz a opposée au dé¬ veloppement des autres éléments montre qu’à l’instant de leur cristallisation il était dans un état visqueux , intermédiaire entre l’état liquide et l’état solide. La pénétration réciproque des éléments les uns dans les autres est un caractère propre aux roches granitiques, et quelquefois un même noyau a pris à une de ses extrémités l’empreinte de sub¬ stances auxquelles il a communiqué la sienne à l’autre extrémité. Ce qui caractérise la structure dite granitoïde , c’est l’état de gêne, d’enchevêtrement, provenant de ce que les minéraux faisant partie du granité ont pris presque simultanément l’état solide ; aucun d’eux ne forme de cristaux nets et parfaitement terminés , excepté lorsqu’il s’est trouvé un vide, une géode où la cristallisation a pu se développer à l’aise. Quelques filons granitiques semblent déroger à cette loi d’eic- chevètrement ; ceux d’Mitteroé, par exemple, paraissent être dans ce cas. J’ai dessiné (fig. 3) près de l’usine à cobalt de Snarum, en mm* mmM jfcilüliiü Norwége , un filon de pegmatite à gros grains où le quartz et le feldspath sont en majeure partie séparés d’une manière nette : la zone centrale est occupée par du quartz à peu près pur , et les por¬ tions latérales sont formées principalement d’orthose en très grands cristaux , dont on voit les pointements pénétrer au sein de la zone siliceuse. A l’intérieur du filon le quartz est hyalin non cristallisé , mais au milieu de la masse feldspathique on voit un grand nombre de cristaux de quartz qui ont eux-mêmes marque leur SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1025 empreinte sur le feldspath. J'ai observé plusieurs exemples de ce genre en Scandinavie ; d’un autre côté M. Daubrée a signalé (1) des cas où le quartz se trouve concentré sur les bords des masses granitiques , tandis que les minéraux plus fusibles occupent la partie centrale , comme si la solidification des matières les plus réfractaires avait eu lieu d’abord sur les parois des fentes. On voit d’ailleurs beaucoup de filons granitiques , et c’est même le plus grand nombre , où les éléments sont mélangés et enchevêtrés ensemble comme dans les granités ordinaires : ainsi l’on a des exemples des trois cas possibles : 1° celui d’un mélange confus; 2° celui d’une concentration du quartz dans la partie centrale; 3° celui où le quartz se trouve principalement près des bords , le feldspath occupant la région médiane. Pour expliquer la disposition de certains filons granitiques où la silice est nettement séparée des silicates lamelleux ou cristallisés, et paraît s’être solidifiée tout à fait en dernier lieu , il peut être né¬ cessaire de recourir à des actions spéciales qui auront prolongé pen¬ dant longtemps la liquidité de la silice , ou qui auront déterminé les divers éléments à s’isoler et à cristalliser dans un ordre indé¬ pendant de leurs fusibilités. Mais cette intervention ne me paraît pas être indispensable dans la formation des granités les plus or¬ dinaires, ceux où les trois éléments sont enchevêtrés les uns dans les autres. M. Scheercr cite parmi les minéraux que l’on trouve cristallisés au milieu du granité , la pyrite de fer, la pyrite arsenicale et le cobalt gris : je ferai observer que ces substances ne s’y rencontrent qu’accidentellement. J’ai remarqué les deux dernières dans les mines de cobalt de Skutterud et de Snarum ; quant à la pyrite de fer, je l’ai observée dans plusieurs localités, mais c’est dans les mines de Foldal et alentour (Norwége) , que j’ai vu les plus beaux et les plus gros cubes de pyrite de fer dans une roche syéni- tique. D’après les relations de ces gîtes métallifères, qu’il n’entre pas dans mon sujet de faire connaître ici , il est possible que la cristallisation de ces sulfures ou sulfarséniures ait eu lieu après coup par suite d’un phénomène de substitution analogue, mais non identique aux épigénies ordinaires : souvent , en effet , on trouve dans le même lieu les mêmes sulfures cristallisés dans des roches de natures diverses , qui ne paraissent pas avoir la même (1) Ann. des mines , 4e série, t. IV, p. 221. Soc. 2e série , t. IV. 63 1020 SÉANCÉ DU 7 JUIN 18/j7. origine, et qui probablement n’ont pas été toutes à la lois dans un état de mollesse ou de fusion pâteuse. .l’ajouterai à la liste des minéraux qui paraissent avoir cristallisé dans le granité pendant sa solidification , et qui ont souvent mar¬ qué leur empreinte sur la silice et le feldspath , le fer oxidulé qui se rencontre fréquemment en noyaux octaédriques lamelleux, dans le granité à gros grains de la Suède , et dans celui des environs d’Arendal en INorwége. Je citerai ensuite le fer titané, qui est très commun dans la syénite zirconienne de la Norwége méridionale , et aussi dans le porphyre rliombique. Ces roches contiennent quel¬ quefois encore du fer oligiste : ces substances sont très réfractaires et même infusibles au chalumeau, il n’est pas étonnant qu’elles aient marqué leur empreinte sur le feldspath ; mais souvent aussi c’est le feldspath qui les a comprimées en cristallisant. On pourrait d’ail¬ leurs citer beaucoup de substances bien moins fusibles que le feldspath, telles que le zircon, le corindon, la polymignite , la gadolinite , l’yttrolantate , etc., qui ont cristallisé au sein d’une masse feldspathique ; il faut donc se garder de croire que ce sont toujours les éléments les moins fusibles qui ont cristallisé les der¬ niers. Après avoir discuté l’objection principale que Ion ait opposée à l’origine pyrogénique du granité , je vais examiner les autres diffi¬ cultés signalées par M. Scheerer.il objecte d’abord l’existence du quartz dans le granité : « Jusqu’à présent , dit-il pag. A81 , on n’a » pu encore réussir à obtenir par refroidissement lent d’un silicate » en fusion et saturé de silice , la mise en liberté de cette silice à » l’état de quartz. » Si cela tenait à ce que l’isolement de la silice exige un refroidissement lent, il devrait, suivant M. Sclieerer, s’en produire dans les coulées épaisses de lave qui se refroidissent avec beaucoup de lenteur; à la vérité M. Scheerer reconnaît lui- même que les laves des volcans actuels ne sont pas en général sa¬ turées de silice, et ne sont pas par conséquent dans les mêmes con¬ ditions de composition que les roches granitiques; mais il ajoute que parmi les produits volcaniques il y a les obsidiennes et les ponces qui renferment près de 70 p. 100 de silice, et se rappro¬ chent beaucoup de la composition générale des granités. C’est très exact, mais comme ces matières sont vitreuses ou scoriacées au lieu d’être cristallisées , les conditions de leur solidification étaient défavorables à la cristallisation , et il n’y a point à s étonner qu’il ne s’y soit pas formé de silice libre car elle n'a pu s’isoler qu’au- tant qu’il y a eu cristallisation plus ou moins développée. 1 027 SÉANCE Dlî 7 JUIN 18/l7. Cependant parmi les produits volcaniques il en est qui contien¬ nent de la silice libre, et qui répondent directement à 1 objection de M. Scheerer, ce sont les traeliytes dont on ne saurait contester l’origine volcanique ; beaucoup de laves des volcans actuels sont en effet de la même nature que ces roches. Or, il y a certaines va¬ riétés de#tracliytes , celle du Siebengebirge, par exemple , qui ren¬ ferment de la silice libre comme élément de la roclie, quelquefois même sous forme de petits cristaux hexaédriques. J’en ai observé aussi dans des trachytes de l’Auvergne , et dans une lave bulleuse qui paraissait être de nature trachytique , car il s’y trouvait de très petits cristaux de feldspath vitreux (1) : si le quartz est rare dans les roches pyrogènes de la période moderne , il n’y manque cependant pas d’une manière absolue. Il est à remarquer d’ailleurs que c’est à des laves trachytiques, c’est-à-dire à celles qui contien¬ nent le plus de silice , que se rattachent les obsidiennes et les ponces qui en sont saturées. Je ferai observer ici que les trachytes sont, parmi les roches vol¬ caniques, celles qui se rapprochent le plus des granités : 1° par la présence de l’albite et du feldspath vitreux qui correspond à l’or- those , et cristallise dans le même système ( ces trois feldspàths sont «les trisilicates) (2) ; 2° par l’existence du quartz libre dans plusieurs variétés de trachytes; 3° par la présence fréquente de l'amphibole et presque constante du mica dans les trachytes et les granités. Le pyroxène augite forme pour ainsi dire le lien qui rat¬ tache les trachytes aux produits volcaniques. Mais , comme on le voit , sous le rapport de la composition chimique et minéralogi¬ que , il n’y a pas de séparation absolue entre les deux ordres de roches : la seule différence de composition consiste en ce que les trachytes sont généralement un peu moins riches en silice que les granités ; ils contiennent une proportion un peu plus grande de soude , de chaux et de magnésie et un peu moins de potasse. Mais ces différences sont faibles , et l’on conçoit aisément qu’en Italie les tracliytespassent aux granités, etles porphyres trachytiques aux porphyres quartzifè res. Ces analogies de composition et ces passa- (1) J’ai môme vu dans un basalte de l’Auvergne un petit noyau de quartz bien caractérisé ; mais on pourrait objecter qu’il s’est formé après coup, et non pendant la solidification de cette roche. (2) L’orthose paraît môme exister quelquefois dans les roches tra¬ chytiques. 1028 SÉANCE DU 7 JUIN lS/j7. gcs sont à mes yeux un tics arguments les plus puissants en faveur de l’origine ignée des granités. Examinons maintenant la dernière objection de M. Scheerer, celle qui a pour objet la présence de minéraux pyrognomiques dans le granité; M. Scheerer désigne ainsi des substances qui, à une température dépassant à peine le rouge brun , produisent un dégagement de lumière et de chaleur, et éprouvent en même temps un changement notable dans leurs propriétés physiques et chimi- ' ques. Plusieurs gadolinites, ortliites et allanites étant pyrognomes au plus haut degré , M. Scheerer demande comment ces minéraux , qui auraient du rester soumis longtemps après leur solidification à une haute température , peuvent offrir aujourd’hui le caractère pyrognomique. Cette difficulté me semble très facile à lever, et M. Scheerer, qui est si familiarisé avec les phénomènes de la chi¬ mie et de la physique, comprendra sans peine que son objection n’est pas concluante. En effet, les minéraux pyrognomiques qui ont été calcinés ont éprouvé un déplacement moléculaire , une espèce de trempe : or, ne sait-on pas que beaucoup de substances minérales qui ont éprouvé un pareil changement , tendent à la longue à revenir à leur état primitif, à reprendre leur groupement moléculaire normal. Il y en a un grand nombre d’exemples : ainsi l’acide arsénieux obtenu par sublimation est vitreux , mais lorsqu’il est abandonné à lui-même il perd de sa transparence, de sa dureté, de sa densité; il devient d’un blanc laiteux, forme ce qu’on appelle Y acide arsénieux opaque , et acquiert ainsi un nouvel état qu’il conserve indéfiniment. Le soufre , lorsqu’il a été ref roidi rapidement , ne prend-il pas aussi un état particulier qu’il tend à perdre au bout de quelques jours. Ainsi , non seulement il est possible , mais il est même probable , à en juger par analogie, que les minéraux pyrognomiques abandonnés à eux-mêmes pendant un temps plus ou moins long, et qui peut être d’un grand nombre d’années, reviennent à leur état primitif. D’ailleurs dans les con¬ ditions de lenteur où s’est opéré le refroidissement des roches gra¬ nitiques , conditions complètement différentes de celles qui ont lieu dans des expériences de laboratoire, il n’y a aucune raison de croire que les gadolinites, ortliites, etc., qui se sont refroidies très lentement , doivent offrir les mêmes propriétés , le même arran¬ gement moléculaire que l’on observe dans les minéraux quand on les a calcinés et refroidis brusquement. J’ai discuté toutes les objections présentées par AI. Scheerer; il n’en est aucune qui me semble fournir des conclusions positivement SEANCE DU 7 JUIN 1-8 Z| 7 . 1029 contraires à l’origine pyrogénique du granité ; néanmoins, je serais le premier à admettre la théorie qu’il a imaginée , si elle me pa¬ raissait plus en harmonie avee les faits , si elle en rendait mieux raison. Cette nouvelle théorie a pour principe l’intervention de l’eau dans la solidification des roches granitiques, mais le> faits qui lui servent de base sont un peu vagues et manquent de préci¬ sion : « 11 est reconnu, dit M. Sclieerer (pag. Z|89), que plusieurs >> des éléments du granité contiennent de l’eau : le mica , la py- » rite, le talc, l’amphibole, la tourmaline, la gadolinite, lor- » thite et l’allanite peuvent renfermer depuis des traces jusqu’à » à et 5 p. 100 d’eau combinée chimiquement. La clilorite, qui est » un élément accessoire de quelques protogynes , en contient jus- » qu’à 9 et 13 p. 100. » Je ferai d’abord observer que la plupart de ces minéraux ne se trouvent qu’accidentellement dans les gra¬ nités : les éléments normaux qui constituent ces roches sont une ou habituellement deux espèces de feldspath (l’orthose et. l’albite ou l’oligoclase) , le quartz et le mica. Dans les deux espèces parti¬ culières de granités qui constituent la syénite et la protogyne , il y a , au lieu de mica, de l’amphibole ou du talc : l’amphibole ne contient habituellement que très peu d’eau , moins de 1 et demi p. 100 ; le mica en contient quelquefois un peu davantage de 0 à 3 et même U p. 100 , et le talc en renferme presque toujours de 2 à à p. 100 ; mais le talc n’est pas très fréquent dans les granités , de même que la clilorite ; on sait en effet que les protogynes sont des roches peu répandues comparativement aux autres roches gra¬ nitiques. Entre le mica il y a dans les granités un élément principal qui renferme habituellement une petite quantité d’eau , bien que cela n’ait pas encore été signalé ; je veux parler de l’élément feld- spatliique. J’ai essayé divers feldspatlis , et j’y ai presque toujours trouvé quelques millièmes d’eau ; j’ai même été incertain de savoir si les feldspatlis ne renferment pas tous un peu d’eau ; mais je n’en ai pas trouvé dans un feldspath chatoyant , transparent de Frédé- ricksvern que l’on avait pris pour du labrador , mais qui , d’après mes essais, est de l’orthose ; d’autres feldspatlis en contiennent de 1 à 2 millièmes , et comme ceux qui en renferment plus de 2 millièmes sont habituellement un peu opalins, peut-être la pré¬ sence de l’eau serait-elle l’indice d’un commencement d’altération , car à mesure que l’altération devient plus sensible, la quantité d’eau augmente rapidement. Quant au quartz des granités, je n’y ai pas trouvé plus de 1 à 1 et demi millième d’eau. D’après les quantités d’eau que renferment les (rois éléments 1030 SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. principaux des granités , et d’après les proportions dans lesquelles ils se trouvent généralement assemblés , savoir : 40 p. 100 de feld¬ spath (orthose et albite ou oligoclase) , 35 de quartz et 25 de mica , on peut prévoir a priori que la plupart des granités ne doi¬ vent contenir qu’une petite quantité d’eau, moins de 1 p. 100. Gomme ce point fondamental sert de base à la nouvelle théorie, il est nécessaire de savoir positivement quelle quantité d’eau ren¬ ferment les granités et les autres roches présumées plutoniques. M. Scheerer ne paraît pas avoir fait d’expériences directes sur ce sujet , car il n’en cite aucune dans son mémoire. J’ai examiné en 1845, lorsque j’ai fait mon premier travail sur les granités, un certain nombre de roches et de minéraux ; depuis cette époque j’ai fait encore quelques autres expériences sur ce sujet, et les résultats que j’ai obtenus me paraissent avoir de l’im¬ portance pour la question actuelle. J’ai déterminé les quantités d’eau renfermées dans beaucoup de roches plutoniques et volcani¬ ques , et j’ai recherché aussi dans quelle proportion l’eau se trouve distribuée entre les divers éléments des roches granitiques. J’ai réuni les principaux résultats dans le tableau qui termine ce mé¬ moire. J’ai indiqué dans beaucoup de cas la quantité expulsée entre 15° et 110°, pour faire voir qu’il n’yapas seulement de l’eau hygrométrique. On voit en examinant ce tableau que la plupart des roches dites pyrogènes , renferment de l’eau qui ne peut être expulsée complète¬ ment que par une calcination au rouge sombre ; mais beaucoup de roches n’en renferment que de très faibles quantités, comprises entre 1 et demi et 4 à 5 millièmes. Les granités , les pétrosilex et les porphyres quartzifères qui n’ont subi aucune trace d’altération, où le feldspath a conservé tout son éclat et sa transparence, m’ont toujours présenté moins de 5 millièmes d’eau. Presque toujours les roches ont subi dans leur partie superficielle un commencement d’altération qui se manifeste par une diminution dans l’éclat et la transparence du feldspath ; lorsque l’altération est devenue un peu plus forte, la lamellosité de ce minéral devient moins nette; les cas¬ sures sont moins brillantes, il devient laiteux et puis tout à fait opa¬ que. En même temps le mica tend à se ternir, et souvent il passe du noir au vert sale ou au gris. Dans tous les cas, lorsque le granité renferme de l’eau, quelle qu’en soit l’origine, elle se trouve répartie entre le feldspath et le mica; ce dernier élément en contient pres¬ que toujours beaucoup plus que le feldspath. Dans les granités et les porphyres qui sont un peu altérés, bien qu'étant encore solides SÉANCE 1)11 7 JUIN 1847. 1031 et non friables , la proportion d’eau peut s’élever jusqu’à 3 et même 4,70 p. 100. De même, dans les diorites en voie d’altération, la proportion d’eau augmente considérablement , et il en est proba¬ blement ainsi de presque toutes les roches silicatées. Relativement à l’introduction de cette eau , je pense que quand il y en a 3 ou à p. 100 au plus, elle est due en partie à un commencement de kaolinisation , c’est-à-dire à la disparition d’un peu de silice et d’alcali ; mais les roches cpii n’en contiennent pas plus de 1 à 1 et demi p. 100 me paraissent susceptibles d’absorber les premières parties d’eau sans se décomposer ; des expériences que j’ai entre¬ prises me démontreront plus tard si cette manière de voir est fondée. Dans les roches autres que les granités il est plus difficile de reconnaître si elles sont altérées , vu qu’elles ont habituellement très peu ou même pas de translucidité , que leurs couleurs sont un peu foncées ; cependant d’après leur degré de ténacité et leur as¬ pect , on peut apprécier jusqu’à un certain point si elles sont alté¬ rées , et lorsqu’il s’y trouve des cristaux feldspathiques , on peut, d’après leur apparence , juger s’il y a eu altération, car elle se pro¬ duit habituellement dans le feldspath comme dans le reste de la masse , et souvent plus encore dans le feldspath. J’ai reconnu , comme on le voit dans le tableau , que des ro¬ ches n’offrant pas de traces sensibles d’altération , peuvent conte¬ nir des quantités d’eau assez considérables; déjà dans un mémoire publié en 1841 sur les îles Feroe (1), j’ai montré que les roches de trapp de ces îles ainsi que celles de l’Islande , de l’Ecosse et de la chaussée des Géants en Irlande, renferment de 2 à 3 et 4 p. 100 d'eau ; il y a quelques variétés de ces roches qui n’en contiennent que de 0 à 1 et demi p. 100. On voit qu’il y a aussi des quantités d’eau notables dans les porphyres pyroxéniques , les basaltes, les laves et la pierre ponce. Il m’a paru inutile de faire des essais sur les roches serpentineuses et sur les phonolites qui, comme on le sait depuis longtemps , renferment des quantités d’eau assez consi¬ dérables. On voit que la présence de l’eau paraît être un fait plus général dans la classe des roches dites volcaniques ou pseudo- volcaniques , que dans les roches granitiques ; néanmoins , toutes les roches volcaniques n’en renferment pas , ainsi certains trapps en sont à peu près dépourvus, il en est de même du basalte de Saint-Fiour, et l’obsidienne en renferme généralement peu. (l) Ann. des mines, 3e série, t, XIX, p. 547. 105*2 SÉANCE DU 7 JC IN 1847. La faible quantité d’eau contenue dans les granités ordinaires (abs¬ traction faite peut-être de quelques granités talqueux ou chloriteux) , pourrait bien ne pas y avoir existé dès leur origine , mais provenir d’une réaction de l’eau contenue dans l’atmosphère, réaction ana¬ logue à celle qui paraît s’être exercée sur plusieurs masses de cliaux sulfatées , et les avoir hydratées dans leurs parties supérieures , de même que l’oxygène atmosphérique a exercé son influence d’une manière très inégale sur les différentes roches contenant du 1er à l’état, de protoxyde , et les a en partie rubéfiées , formant des por¬ phyres rouges dans la croûte extérieure des masses, au-dessous de laquelle les mêmes roches offrent une couleur verte. 11 ne faut pas perdre de vue que nous n’avons encore pénétré qu’à une très petite profondeur dans l’écorce terrestre, que nous en avons attaqué seu¬ lement l’épiderme : les échantillons de feldspatlis ou de granités sur lesquels nous expérimentons proviennent , soit de la surface , soit de carrières dont la profondeur atteint à peine 30 à à0 mètres ; mais l’action des agents atmosphériques s’est fait sentir en beau¬ coup de points jusqu’à une profondeur de plus de 100 mètres, comme le prouvent les parties du filon d’Huelgoet dans le Finis¬ tère qui ont été décomposées , changées en ocre et hydrosilicates avec argent natif, chloruré et chloro-broinuré. Je me liàte d’ajouter , pour qu’on ne généralise pas trop ma pensée , que beaucoup de roches ignées , même anciennes , les serpentines, les diallagites, etc., me paraissent avoir renfermé de l’eau de combinaison dès leur origine , de même que beaucoup de trapps , de laves, etc. Quelques granités peuvent aussi avoir contenu de l’eau au moment de leur formation : la syénite zir- conienne n’en renferme généralement pas aujourd’hui en quantité notable, ainsi que cela résulte de mes essais, mais en divers points elle peut en contenir , là par exemple , où la natrolite en fait partie. En un mot , mes expériences conduisent évidemment à cette con¬ clusion que les granités ordinaires et les roches qui en dérivent ne renferment, pour la plupart, que de 0 à un demi p. 100 d’eau lorsqu’ils n’ofirent pas de traces visibles d’altération , et la prove¬ nance de cette petite quantité d'eau est au moins incertaine : peut- être est-elle originaire, peut-être aussi est-elle le résultat d’une altération. Dans tous les cas la teneur en eau de la généralité des granités n’est pas de 1 p. 100, comme le suppose M. Sclieerer, mais inférieure à un demi p. 100 , et peut-être même à un quart p. 100 pour la plupart des granités tout-à-fait intacts. Voyons maintenant si , même en admettant les prémisses de la 1033 SÉANCE DU 7 J L IN 1847. théorie , nous y trouverons une explication vraiment satisfaisante: admettons que tous les granités aient contenu dans l’origine quel¬ ques centièmes d’eau , ce cpii n’est pas du tout démontré , com¬ ment cette eau aurait-t-elle pu les maintenir liquides à une tempé¬ rature beaucoup inférieure à leur point de fusion , et qui , suivant M. Scheerer, n’atteignait même pas le rouge? « Il me paraît dé- » montré , dit-il p. 492 , que les atomes des matières solides déjà » écartés les uns des autres par la simple chaleur, doivent l’être » encore plus par la vapeur d’eau qui vient s’interposer entre eux » sous une très haute pression , ce qui viendrait accélérer singu- » lièrement le passage de toute la masse à l’état liquide. » Pour moi , je ne vois pas comment de l’eau interposée entre les parti¬ cules des corps solides peut en opérer ou en faciliter la liquéfac¬ tion ; je ne connais aucun exemple que l’on puisse citer à l’appui. M. Scheerer invoque la fonte des sels dans leur eau de cristallisa¬ tion, mais je ne vois aucune assimilation possible entre cet exemple et ce qui a du se passer dans les granités ; en effet, les sels et les hydrates fondent dans leur eau de cristallisation à cause de leur solubilité dans cette eau, qui augmente généralement avec la tem¬ pérature, et aussi à cause de leur affinité pour cette eau qui leur per¬ met de la retenir jusqu’au degré de température suffisant pour que le sel se dissolve dans la quantité d’eau qu’il renferme. Or, quelle est la solubilité du quartz , du feldspath , du mica , de l’ainplii- bole, etc. , dans l’eau? quelle est leur affinité pour cette substance ? Elles sont bien minimes, sinon tout à fait nulles : il me paraît donc très hasardé de prétendre que le pétrosilex ou le granité ori¬ ginaire , c’est-à-dire des magmas de silice , de feldspath et de mica , peuvent être liquéfiés beaucoup au-dessous de leur point de fusion habituel , lorsqu’ils sont accompagnés d’eau et soumis à une forte pression. Il ne faut pas se le dissimuler, c’est un phéno¬ mène de dissolution aidé, il est vrai, de la chaleur que M. Scheerer veut substituer à un phénomène de fusion ; car la fonte des sels dans leur eau de cristallisation n’est autre chose qu’une simple dissolution : or, les sels qui possèdent cette propriété contiennent tous une quantité d’eau assez considérable ; je ne connais pas de substance qui en soit douée, sans contenir plus de 10 p. 100 d’eau. Mais, M. Scheerer en convient lui-même, le granité n’a jamais pu contenir que quelques centièmes d’eau , sans quoi en la perdant il s’y serait produit des vides considérables , ce qui n’a pas lieu. Pour s’éclairer dans des questions aussi épineuses , il est bon de comparer ce qui a eu lieu autrefois avec les phénomènes que nous SÉANCE EU 7 JUIN J 847. 1034 voyons se passer sous nos yeux. Dans la plupart des éruptions vol- caniques actuelles il se dégage une grande quantité de vapeur d’eau, les laves doivent en contenir notablement au moment de leur sor¬ tie du cratère , et il s’en dégage de la vapeur même dix ans après qu’elles ont commencé à s épancher sous forme de coulées. L’exis¬ tence de cette eau interposée dans la masse pâteuse sous une forte pression , nous est parfaitement indiquée par les nombreuses ca¬ vités , par la structure bulleuse de la plupart des laves; c’est seu¬ lement quand elles se sont tassées à l’état de repos, que les parti¬ cules ont pu se serrer mutuellement; alors les vides produits par l’interposition de l’eau ont disparu en grande partie , mais presque jamais en totalité, et la lave est devenue plus ou moins compacte. Cependant on ne voit pas cpie la présence de l’eau dans les laves , en quantité pour le moins aussi grande que dans les gra¬ nités , produise rien de semblable à ce que suppose M. Scheerer. Des expériences ont été faites sur la température des laves, prin¬ cipalement par H. Davy, mais on n’a pas remarqué, du moins à ma connaissance , que ces matières soient maintenues en fusion à une température plus basse, ou plus longtemps, ou dans des conditions autres cpie des scories de fourneau qui seraient compo¬ sées de la même manière , mais privées d’eau. Or, je ne conçois pas pourquoi l’eau qui aurait pu abaisser si considérablement le point de fusion des granités n’en ferait pas autant pour les laves actuelles , surtout pour les laves tracliytiques , les obsidiennes et les ponces qui ont une composition à peu près analogue. Je ferai observer, d’ailleurs, qu’il semble peu en harmonie avec les principes de la chaleur centrale , de supposer qu’aux premières époques de la géologie , où l’écorce terrestre devait être beau¬ coup plus chaude que maintenant, de supposer que les roches granitiques se soient formées à une température bien plus basse que les laves actuelles qui, cependant, sont en général plus fu¬ sibles. Je vais ajouter quelques autres considérations qui rendent, à mon avis , peu probable l’intervention de l’eau telle qu’on la suppose dans la formation des granités : ce sont en effet de toutes les roches celles qui offrent l’état de cristallisation le plus déve¬ loppé. Si l'on fait abstraction de quelques variétés de pegmatites et de syénites , il est à noter que ce sont les granités qui présentent le moins de vides , qui ont la texture la plus serrée , la moins caver¬ neuse. Dans les autres roches il y a habituellement ou de très pe¬ tites cavités dans toute la masse, ou des géodes en partie creuses, en partie remplies de minéraux présentant une composition diffé- SÉANCE DU 7 JUIN 18/l7. 1035 rente de celle de l’enveloppe. Dans les granités, en général , on ne voit pas, comme dans les roches volcaniques, les trapps et les basaltes fies cavités arrondies, bulliformes , annonçant l’interposition d’un gaz ou de la vapeur d’eau qui a exercé sa pression sur une masse pâteuse, et souvent est entrée en combinaison avec quelques uns des minéraux qui ont cristallisé à l’intérieur des vides au moment où la température s’est abaissée. Certaines zéolites, celles qui se trouvent dans des géodes entièrement fermées, pourraient bien avoir eu une origine analogue à celle que M. Sclieerer attribue aux granités , c’est-à-dire que ces hydrosilicates auraient éprouvé une espèce de fusion aqueuse à une température inférieure au rouge, et en cristallisant ils auraient retenu en combinaison l’eau qui les accompagnait ; pour rendre cette manière de voir très probable , il suffirait de montrer que sous l'influence de la chaleur et de la pression , les zéolites acquièrent une solubilité croissante avec la température. Certaines agathes , opales et quartz résinites ont peut-être aussi été formés d’une manière analogue; mais il faut faire attention que ces quartz sont en partie solubles dans une dissolution de potasse, tandis que le quartz des granités ne l’est pas du tout, .l’ajouterai que cette origine d’une fusion aqueuse , sous l’influence de la pression et d’une température un peu élevée , quoique inférieure au rouge, ne paraît pas convenir à toutes les zéolites, car il y en a qui se trouvent dans des tufs contenant des débris organisés de végétaux et d’animaux, ou dans des fissures ou bien encore tapissant de grandes cavernes , et à la formation de ces zéolites ont dû probablement concourir des actions électro- chimiques et des phénomènes d’infiltration , de même que pour la production de la calcédoine qui forme souvent de très belles stalactites, comme je l’ai remarqué aux îles Féroé Pour en revenir aux roches granitiques , je ferai encore observer que l’on y trouve bien plus rarement des zéolites ou des hydrosili¬ cates cristallisés que dans les roches volcaniques ou basaltiques. En résumé , ce qui rend difficile à admettre la théorie de M. Sclieerer, c’est que : 1° la plupart des granités non altérés renferment seule¬ ment quelques millièmes d’eau, et que dans l’origine cette eau n’a pas pu s’y trouver dans une proportion supérieure à quelques cen¬ tièmes; 2° c’est que les éléments du granité ne sont pas sensible¬ ment solubles dans l’eau , et ont peu d’affinité pour elle ; 3° l’eau de combinaison qui a pu s’y trouver est en quantité beaucoup trop mi¬ nime pour avoir pu donner lieu à une fusion aqueuse; U° le refroi¬ dissement des laves actuelles qui s’opère dans des conditions ana- 1036 SÉANCE DU 7 JUIN 18/l7. logues à celles qu’implique la théorie de M. Scheerer , n’olïre cependant rien de semblable à ce qui aurait dû avoir lieu d’après lui ; 5° les granités ordinaires ont une structure éminemment cris¬ talline; ils présentent quelquefois des druses irrégulières , mais point de cavités bulliformes , et les hydrosilicates cristallisés y sont beaucoup moins communs que dans les roches dites volcaniques . Si les matières sur lesquelles M . Scheerer a raisonné eussent contenu 12 à 15 p. 100 d’eau de combinaison comme la serpentine, et si les éléments de ces roches eussent été notablementsolubles dans l eau, son argumentation m’eût paru plus facile à admettre , mais les granités sont dans des conditions tout à fait différentes ; aussi , tout en reconnaissant que les faits exposés par M. Scheerer sont très intéressants pour la géologie , je ne puis les regarder comme con¬ cluants pour la question qui était à résoudre. Je dois ajouter qu’il ne faut pas considérer sous un point de vue trop exclusif la cristallisation des minéraux que l’on trouve dans les roches granitiques ; car la chimie nous offre beaucoup d’exemples de cristallisations d’une même substance obtenues par des voies différentes. Ce serait aller trop loin si l’on prétendait que partout où on trouve du feldspath, du quartz, du mica, de l’amphi¬ bole, etc., ils ont cristallisé par voie de fusion. Dans mon mé¬ moire sur le métamorphisme, j’ai fait voir que beaucoup de mi¬ néraux silicatés ont pu se former et cristalliser sans entrer en fu¬ sion ; ainsi j’ai cité des mâcles , du clistliène , etc., qui sont infu¬ sibles au chalumeau , et qui cependant ont cristallisé au milieu de schistes fusibles , sans que ceux-ci soient entrés en fusion , car ils renferment encore des empreintes organiques bien conservées. Le feldspath a pu aussi cristalliser dans certaines veines , druses , ro¬ gnons , ou bien dans des gneiss sans qu’il y ait eu ni fusion ignée, ni fusion aqueuse, mais par des phénomènes d’agrégation molécu¬ laire , de la même manière qu’un corps solide peut changer de forme cristalline sans avoir besoin de passer par l’état liquide. Conclusions déduites des expériences. Ce tableau montre que presque toutes les roches dites pyrogènes contiennent de l’eau de combinaison qui ne se dégage qu’entre 100° et le rouge sombre; elles en renferment des proportions très diffé¬ rentes et variables entre certaines limites. Les granités ordinaires, ceux qui n’ont pas éprouvé d’altération apparente, en contiennent de 1 à 5 millièmes; mais dès qu’une roche de cette nature a com- SÉANCE DE 7 JUIN 1847. 1037 mencé à s’altérer, la quantité d’eau qui s'y trouve augmente rapi¬ dement et s’élève à 0,030 et 0,040 ; d’ailleurs, même dans les gra¬ nités qui paraissent intacts, la partie feldspath ique contient habi¬ tuellement un peu d’eau , moins cependant que le mica. Les pétro- silex et les porphyres quartzifères renferment de l’eau comme les granités et d’autant plus qu’ils ont éprouvé une altération plus prononcée. Dans les roches dioritiques non altérées il y a des proportions d’eau variant de 0,008 à 0,020 ; la plupart des roches de trapp en contiennent de 0,020 à 0,060. Dans les porphyres pyroxéniques , les basaltes et les trachytes, il y en a habituellement de 0,007 à 0,030 ; néanmoins certains basaltes, tels que celui de Saint-Flour n’en contiennent pas plus de 0,001. Dans les laves volcaniques j’en ai trouvé de 0,0045 à 0,0451. Lorsque l’on recherche la quantité d’eau contenue dans les roches et que l’on opère par calcination, il faut avoir soin de re¬ connaître si elles ne renferment pas de carbonate calcaire , car on pourrait avoir alors une perte plus forte que celle produite par le dégagement de l’eau ; dans ce cas il convient de doser l’eau en l’ar¬ rêtant dans un tube à chlorure de calcium taré à l’avance. J’ai reconnu l’existence du carbonate de chaux et de la dolomie dans beaucoup de roches pyrogènes où il est impossible d’en aper¬ cevoir à la loupe ; j’y suis parvenu en traitant plusieurs grammes de ces matières par l’acide acétique ; j’ai ainsi trouvé des quantités notables de dolomie, s’élevant à 0,0092 dans un granité de Stock¬ holm (Suède) ; à 0,0050 dans une protogyne de la vallée de l’Agly (Pyrénées orientales) ; à 0,0043 dans un pétrosilex de Sala (Suède); à 0,0130 dans une euphotide de la Savoie; à 0,0024 dans un ba¬ salte de Saint-Flour (Cantal) ; à 0,0062 dans une lave bulleuse et péridotifère d’Auvergne. Dans une syénite hyperstliénique de Norvège, j’ai reconnu des traces de carbonate de magnésie, sans chaux et un trapp d’Ecosse m’a fourni 0,0151 d’un carbonate double contenant 3/i de chaux et 18 de magnésie. J’ai constaté la présence de 0,001 à 0,018 de carbonate calcaire pur ou peu ma- gnésifère, invisible à la loupe, dans 25 échantillons de roches gra¬ nitiques, amphiboliques , trappéennes, basaltiques, pyroxéniques, trachytiques et de laves de diverses contrées (1) : plus de la moitié des échantillons que j’ai essayés m’ont fourni du carbonate cal- ( \ ) Les échantillons que j’ai soumis à mes essais ne sont pas tous inscrits sur le tableau ci-dessus. 1038 SÉANCE DU 7 JUIN 18/|7. caire. Ainsi, indépendamment des silicates, les roches pyrogènes contiennent un peu d’eau et fort souvent de petites quantités de carbonates terreux qui paraissent en avoir fait partie dès l’origine et ne point résulter d’infiltrations; fréquemment aussi elles ren¬ ferment, comme on le sait déjà, de petites quantités de phospha¬ tes, de chlorures, de fluorures , de sulfures et des sulfarséniures. La propriété magnétique est beaucoup plus commune dans ces roches qu’on ne le croit en général; les granités seuls sont rare¬ ment magnétiques; mais sur 38 échantillons de diorites, trapps, basaltes, porphyres pyroxéniques , trachytes et laves que j’ai es¬ sayés, j’en ai trouvé quatre seulement qui fussent sans action sur l’aiguille aimantée. Le magnétisme de ces roches paraît dû en général à la présence d’une petite quantité de fer oxidulé et quel¬ quefois de fer titané ou de pyrite magnétique. D’ailleurs il est remarquable que presque toutes les roches cris¬ tallines, même celles qui ne sont pas magnétiques, cèdent un peu d’oxyde de fer à l’acide acétique bouillant; quand on les calcine, elles prennent presque constamment une teinte rougeâtre ou rosée. Cette rubéfaction paraît due, au moins dans beaucoup de cas, à une peroxidation du fer qui se trouve dans presque toutes les ro¬ ches, partie à l’état de peroxyde, partie à l’état de protoxyde; la rubéfaction est en général moins prononcée à l’intérieur de la masse calcinée que dans les parties extérieures. Je terminerai ce Mémoire en ajoutant que l’oligoclase , cette espèce feldspatliique , qui a été observée d’abord dans les roches granitiques du nord de l’Europe , se trouve aussi , mais en moindre quantité, dans celles de la France ; ainsi j en ai reconnu des lames dans une syénite des Vosges et dans plusieurs granités des Alpes, des Pyrénées et de l’ouest de la France. Légende de la figure 1 . Vue d’un fragment de pegmatite contenant du feldspath, du quartz et de la tourmaline (vallée de Suc, Ariège). F feldspath, Q quartz , T tourmaline. E portion de la tourmaline qui a marqué son empreinte sur le quartz. h , U veinules de tourmaline interposées entre le quartz et le feldspath. Légende de la figure 2. Vue d’un fragment de granité de Brodbo , près Falun (Suède), con- SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1039 tenant du feldspath albite, du quartz , du mica blanc et des noyaux prismatiques de gadolinite. F feldspath albite, Q quartz, G gadolinite, q ni mélange intime de quartz, de petits feuillets de mica blancs et d’un peu d’albite. Légende de la figure 3. Vue d’un filon granitique, dessinée près l’usine à cobalt de Snarum ( Norvège ). F feldspath orthose, pénétrant par des pointements à l’intérieur du filon. Q quartz hyalin formant la partie centrale du filon et répandu sûüs forme de noyaux cristallins au milieu de la masse feldspathique. 1040 SÉANCE DU 7 JÉIN 1847 « f % / 'a.iquios s \ aSnoj aj ia tu 1 lia * l o ro oo io ©i co O io 50 -=»• *r “.T. T- cT o' o' o~ o" o o D- CD ^ — O XT o cT o* •O 50 O "T IC oo o” O* T-" | ^ ’oOOX 13 oof a.nna O * «* S O O « B O S a A S «5 ( "O ‘S3J3)!lUU0|0p § 1 1 3 ?sajaji.nîD]nj « S A CJ S5 A O Ü a * c. c. D. g i *N ‘sanbpanSciu uou V :W ‘sanbijanSiîui • • • • • C3 • • :s & ^ £; s ^ j fc ^ r= i ^ 6s 03 a O a C3 w en 03 • 03 c — '03 03 '03 O 0* if) CS 03 03 CO ^3 O O O c/3 O O O O O — «- O O* — C/3 • 2 2 2 O 3.0 SI — O* .5 ~ u- u c/5 O 55 c/5 O >5 if) W W CJ O f£ if) LU Q t/î 'W H 13 < U O if) LU Q w CAi o eu C3 U o C3 6 E S 03 03 -a n £ £ 03 03 "3 3 03 — O ■? >>a = 2» u « '£ ,’ • = -C 3. ^ N U B »'» 3 JT C/3 _ , •- O '03 ^3 •S-5 n22 -*0 C/5 OO 9 <5 o 03 9 <13 *N e O 03 u s « '3 "= z: en »-* • O +-> XL 03 03 — 0) ÛD P mm c rs CO o « ~ 'o ca 03 r* *--« U w O. C 2 >> 3 ^ O ^ -Q c/3 _ „ o: ^ 03 -C C--S CJ -'05 2 S co jJ .o, — CU C/5 03 rj '03 £ S *03 “ *3 co C/3 u E û--S d„§ zz ^ ^ ° O o c5 -» 0X5 O O eu CO U o 03 C 0X5 O o Um eu to • 03 ''a; « a 0X3, çj '03 £ ’u <ÎCU o oc 9 < 'S) , t* !«\ C2I 03 03 J2 ^ « s 'K — o — .-s eu > •sauXScqo.ij 'sonFjçiçui’jS sotjDo.t sop assnj^ (I) .l’ai désigné par l’expression de feldspath et feldspathique en général toutes les substances se rattachant au groupe des feldspaths. SÉANCE DU 7 JUIN 4847 1042 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1043 (I) J’ai inscrit les noms des chimistes auxquels j’ai emprunté les résultats publiés par eux concernant la teneur eu eau de huit substances; toutes les autres expériences ont été faites par moi. 1044 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. M. Desor adresse à M. le secrétaire pour l’étranger la note suivante : A bord de la Sylvie , de Grasse , le 1 1 mai 4 847. Notre traversée m’a fourni l’occasion de faire quelques observa¬ tions sur les différentes espèces de glaces flottantes que les marins désignent sous les noms de ice-bergs et floating-ice ou drift-ice. Nous aperçûmes les premiers ice-bergs , le 16 mars, par 46°, 30 lat. et 51° long. O. de Paris. Leur présence à pareille époque dans ces parages nous surprit fort ; car d’ordinaire ils ne se montrent pas avant le mois de mai. Dans le nombre il y en avait d’énor¬ mes , bien que le capitaine m’assurât qu’ils n’étaient rien en com¬ paraison de ceux qu’on voit en été. J’en remarquai quelques uns qui avaient près de 60 mètres de longueur et 25 de hauteur ; mais la plupart n’avaient que 15 à 20 mètres de long, et s’élevaient de 8 à 10 mètres au-dessus de l’eau. Les plus grands avaient des formes anguleuses et massives ; les petits , au contraire , étaient rongés et façonnés de la manière la plus bizarre. On aurait dit des aiguilles flottantes de glacier. Leur teinte était d’un azur mat tirant au vert. Un seul de ces glaçons passa assez près de nous pour me permettre d’en observer la structure. J’y reconnus dis¬ tinctement une disposition par couches ou bandes parallèles , les unes étant d’une couleur sale et mate , les autres d’une teinte trans¬ parente. Cette disposition, jointe à la grande épaisseur des blocs, est une nouvelle preuve que ces glaces flottantes ne sont pas for¬ mées sur des fleuves , mais que ce sont des débris des glaciers po¬ laires (1). La température de la mer était de -}- 2% l’air était de + 0’,2. J’ai observé attentivement l’allure de ces glaces flottantes , et j’ai vu que leur direction n’est pas constante, mais qu’elles se balan¬ cent en tous sens , tournant tantôt à droite , tantôt à gauche , sui¬ vant le mouvement de la vague. Par conséquent, si elles étaient tapissées de sable et de gravier à leur face inférieure, et qu’en passant sur des bas-fonds ce gravier traçât des stries sur la roclie solide, ces stries ne seraient pas bien constantes, mais elles présenteraient toutes sortes de courbures et d’ondulations correspondant aux mouvements des glaces flottantes. Cette considération n’est pas (1) Les marins connaissent cette disposition par couches parallèles; mais ils l'expliquent d’une manière erronée, en prétendant qu’elle est due au mélange de glace d’eau douce avec la glace d’eau de mer. SÉANCE 1)U 7 J UN 1847. 1045 sans importance pour l’étude du phénomène erratique ; car, s’il était vrai que des glaces flottantes eussent jamais produit des sul- caturès , (ce dont je doute, pour ma part ,) ce ne pourrait être que des sulcatures irrégulières et onduleuses , et l’on ne saurait en au¬ cune façon leur attribuer ces sillons réguliers et rectilignes qui se trouvent à la surface du sol, dans un grand nombre de localités, surtout en Scandinavie. Le 20 mars, par lat. 42° et long. 49° O. de Greenwich, et en approchant du banc de Terre-Neuve , nous avons rencontré d’au¬ tres glaces , non plus des ice-bergs mais des ice-jields. Ce sont des glaçons en tout point semblables à ceux que la Seine charriait le mois dernier , avec ces mêmes rebords saillants dont nous avons observé la formation du haut de vos fenêtres , et qui proviennent du choc des fragments les uns contre les autres. Leurs dimensions n’étaient pas très considérables ; ils étaient même , en somme , plus petits que ceux de la Seine ; les plus grands n’avaient pas plus de 4 ou 5 pieds, et leur épaisseur ne dépassait pas 1 pied. La mer en était couverte sur une étendue de plusieurs lieues; ils étaient groupés par grandes bandes , au milieu desquelles se trou¬ vaient des espaces qui en étaient dégarnis et où la mer était plus calme qu’ailleurs. Je mesurai à plusieurs reprises la température de la mer, et le 20 mars je la trouvai : À 7 h. du matin, aux abords des premiers \ glaçons . — 4,5 A 8 h. au milieu d’une bande déglaçons . — 2,5 — Dans un espace libre , mais entouré de bandes de glaçons. — 2 A midi, après avoir perdu de vue les glaces . — 2 A 6 1/2 h. du soir . — 1 Temp. de l’air, - ,|o Air — 2° A mesure que nous nous éloignions du banc de Terre-Neuve la température de la mer augmenta. Le lendemain , 2i mars, par 42°, 54 lat. et 57°, 46 long., je trouvais déjà : A 8 1/2 h. Air Mer 1 °,8 0 A w Air - — 1°,5 Mer -f* 1 Quelle est l’origine de cette glace ? Mon opinion était que c’est de la glace de rivière , car elle a la même apparence et la même structure que la glace d’eau ordinaire , comme je m’en suis assuré en en examinant attentivement plusieurs fragments. Or, comme SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1056 ces glaces se trouvent dans le prolongement S.-E. de 1 embou¬ chure du Saint-Laurent , il me paraît tout naturel qu’ elles aient été poussées jusqu’ici par les vents du N.-O. , qui sont très fré¬ quents à cette saison. Mais telle n’est pas l’opinion de notre capi¬ taine, M. Rich. Il pense que c’est de la glace de mer , formée, sous la forme de grundeis , sur le banc de Terre-Neuve , où, la mer étant peu profonde , l’eau se refroidit plus qu’au large , témoin mes propres observations , qui indiquent une température de — 2° et — 2°, 5 (1). Il m’objecte en outre que les rivières qui au¬ raient pu fournir cette glace ne sont pas encore ouvertes. D’ail¬ leurs , le fussent-elles , la quantité de glace que nous avons vue est trop considérable pour qu’on puisse lui attribuer cette origine. Il faut convenir qu’il y a bien là quelque difficulté et que la question n’est pas encore entièrement résolue. Réponse de M. Frapolli à ta lettre écrite d' Amérique par M . Desor. Je suis heureux de pouvoir témoigner le plaisir que j'éprouve en entendant les belles observations que M. Desor vient de faire dans sa traversée sur les glaces flottantes, et surtout cette distinction entre les glaces qui proviennent des glaciers polaires et celles qui se forment dans les fleuves ou bien au fond de la mer, sous forme de grundeis. C’est là un fait qui est complètement d’accord avec l’idée que je m’étais faite de tout cela quand j’étais dans le Nord , et sur lequel M. Forchliammer revient dans une lettre remplie d’observations intéressantes, et que j’aurai l’honneur de communi¬ quer à la Société dans la séance prochaine. Je prendrai seulement la liberté de faire observer que les objections renfermées dans la lettre de M. Desor contre la théorie des glaces flottantes ne sau¬ raient avoir le poids qu’il leur attribue , car le mouvement des vagues au milieu d’une vaste et profonde mer ne ressemble aucu¬ nement , il s’en faut de beaucoup , à leur action sur les côtes ; et que d’ailleurs c’est précisément cette marche incertaine des stries, cette divergence, qui est en rapport constant avec les contours des côte! , ces courbures et les ondulations que les stries présentent dans certains cas , qui s’opposent sans retour à ce que nous puis¬ sions admettre sur le sol ondulé de la Scandinavie la formation des stries par les courants géologiques , la seule , parmi les explica¬ tions données jusqu’à présent, qui ne soit pas en contradiction avec (4) C’est aussi l’opinion des naturalistes de Boston. SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1047 tout le reste de la science. C’est précisément cette variabilité dans la disposition des stries que nous nous étonnons qui ait échappé à bon nombre de voyageurs. C'est cette divergence apparemment déréglée des stries autour des plateaux Scandinaves , qui est venue jeter dans l’esprit de M. Durocher le doute à l’égard des idées de Sefstrom , et qui lui faisait admettre la nécessité d’un nouveau voyage afin de pouvoir en tirer une théorie conforme à la multiplicité des faits (séance du 2 novembre 1846). Pourquoi tant de théories diver¬ gentes ? Cela dépend toujours du même défaut, défaut que de Saus¬ sure reprochait aux naturalistes de son temps , c’est que la plupart des voyageurs n’ont vu le phénomène qu’au microscope. M. Sef- strôm a vu que , dans la Dalécarlie et dans les environs de Stock¬ holm , les stries couraient moyennement du nord au sud , et il a songé à son courant polaire ; il ne s’est pas embarrassé de ce qui avait lieu sur les côtes de la Norvège ou de la Laponie. D’autres naturalistes ont vu le parallélisme des stries aussi loin que la portée de leur vue , et ils ont cru qu’elles étaient partout parallèles. D’autres , ayant remarqué que les stries changeaient suivant les côtes , et n’ayant égard qu’à leur pays , ont dit qu’elles étaient l'effet de l’eau. D’autres observateurs, enfin, ont étudié un gla¬ cier des Alpes , quelques vallées des Alpes où les glaciers se sont étendus autrefois , quelques moraines ayant plusieurs centaines de pieds de dimension , et ils en ont déduit un vaste linceul qui au¬ rait enveloppé de sa couleur blafarde le globe terrestre pendant des milliers d’années ; ils ont pris les immenses dépôts meubles des plaines de l’Europe septentrionale et en ont fait un pêle-mêle de moraines glacières. Et c’est après cela qu’on a pu dire qu’ils s’é¬ taient tenus aux conclusions rigoureuses fournies par une sage et prudente marche du connu à l’inconnu ! M. Ed. Collomb adresse à M. le secrétaire pour l’étranger la lettre suivante sur les neiges des Vosges : Wesserling, 5 mai 1847. J’ai déjà fait plusieurs courses sur nos montagnes ; le névé couvre tous nos sommets avec une persistance telle , que les an¬ ciens du pays ne se rappellent pas l’avoir vu aussi bas , à cette époque de l’année , depuis 1816. Dimanche dernier, par consé¬ quent le 2 mai , j’ai pu juger, du sommet du Hoheneck , de la masse considérable de neige qui couvre encore toute la chaîne. Sur tous les versants N. elle se maintient à un niveau moyen 10A8 SÉANCE DU 7 JUIN '18/|7. de 850 à 900 mètres; sur les versants E., à 950 — 1,000 mètres, et sur les versants S. et O. , elle est à peu près à 1,000 mètres. Vue à grande distance, la ligne des neiges décrit une droite ho¬ rizontale ; mais cette ligne , prise , par exemple , sur les flancs d’une vallée de 10 à 12 kilomètres de longueur, s’écarte de l’hori¬ zontale ; elle plonge de plusieurs degrés vers le centre de la chaîne. La zone neigeuse est, par conséquent , plus large sur le Hoheneck et le Rothenbach , qui sont des montagnes centrales , que sur les ballons , qui sont placés aux extrémités du système , et qui sont cependant plus élevés d’un centaine de mètres. Le Hoheneck, pris comme centre , est une espèce de pôle neigeux où sont venues se condenser les plus grandes masses. Si on les examine déplus près, on remarque que ces neiges sont, de préférence , accumulées en grande masse sur toutes les pentes du revers oriental ; partout où un col se présente , la neige sur¬ plombe et forme corniche, exactement comme vous avez pu le remarquer l’été dernier sur les crêtes dentelées qui bordent le glacier de l’Aar. Le surplomb est quelquefois porté à la distance de plusieurs mètres , et de longs glaçons pendent sous cette voûte de neige et font l’effet de gros tuyaux d’orgues. A la distance de 5 ou 6 mè¬ tres du bord de la corniche , il y a fréquemment une fente longi¬ tudinale de 8 à 10 centimètres de largeur; cette crevasse se pro¬ longe dans toute l’épaisseur de la masse , ce dont on peut s’assurer, parce que sur certains points la corniche de neige s’est détachée et a formé le noyau d’une avalanche. On peut alors voir la tranche dans toute son épaisseur ; sa partie inférieure est transformée en glace bulleuse d’une épaisseur qui varie beaucoup , mais qu'on peut porter, en moyenne, de 30 à 40 centimètres. Pour ce dernier fait, il faut tenir compte de l’époque de l’année où l’observation a lieu. Aux mois de février et de mars derniers, j’ai fait plusieurs observations analogues sur nos sommets et nos cols élevés , et je n’ai pas remarqué l’existence de cette couche de glace bulleuse ; les neiges étaient , à cette époque , transformées en névé , mais la glace bulleuse n’existait pas encore. Les avalanches ont été fréquentes cet hiver dans nos monta¬ gnes ; j’en ai traversé quatre dimanche dernier au fond de Wilden- stein ; elles sont descendues du sommet du Rheinkopf (1,319 mè¬ tres) , en ravageant un peu les forêts inférieures , sans toutefois avoir eu la force suffisante pour détruire les arbres de plus de 20 centimètres de diamètre. Mais sur le revers opposé de ce même Rheinkopf, dans la vallée de Munster, elles ont eu une force des- SÉANCE 1JU 7 JUIN 18/] 7. 1049 tructive beaucoup plus considérable. Une de ces avalanches entre autres , tombée dans le courant du mois de janvier, a enlevé une bande représentant une surface de plusieurs hectares de forêt de sapins et de hêtres. Le sol est complètement rasé , mis à nu : pas un arbre n’est resté debout sur toute la ligne du trajet parcouru , et il y en avait dans le nombre d’un assez fort calibre, ce qui donne à augurer que l’avalanche était animée d’une assez grande vitesse au moment de sa chute. Si elle était descendue avec len¬ teur, comme je l’ai remarqué ailleurs, les jeunes arbres eussent été pliés et non cassés. Le trajet parcouru est , en ligne droite , de 1,500 mètres , et la pente en moyenne de 46 pour 100. Dans nos montagnes , il faut distinguer les avalanches qui tom¬ bent en hiver de celles qui tombent au printemps. Au mois de janvier, la neige est sèche , elle se forme en boules , elle se roule sur elle-même et se précipite sur les pentes avec une force irrésis¬ tible. Au printemps, le phénomène prend un autre aspect : les névés se transforment , par le fait de leur chute , en une masse p⬠teuse, qui se charge de boue en passant ; cette masse se meut alors à pente égale avec beaucoup plus de lenteur et ne fait pas autant de ravages dans [les forêts. En examinant , dans le mois de mai ou de juin , le résidu d’une avalanche , au pied d’un couloir, on peut re¬ connaître , jusqu’à un certain point , à quelle époque de l’année elle est tombée , par la nature et la forme des matériaux qui res¬ tent sur place. M. Boué écrit à M. de Wegmann : 11 est parti de Constantinople , au mois de mai dernier , pour le Taurus et la Mésopotamie, une caravane de savants et demi-savants , en bonne partie turcs. A la tête se trouve un Alle¬ mand , M. Scliwarzenbach. Les Turcs sont des élèves de l’école de Galata-Seraï , et en particulier un élève du colonel de Hauslab, qui avait déjà manifesté à ce dernier beaucoup de goût pour l’é¬ tude des antiquités , dans un voyage fait ensemble à Pompéia. Ces voyageurs doivent se livrer à des mesures de hauteur, des recher¬ ches sur les antiquités, sur l’ethnographie, la géographie, et je pense aussi , sur la géologie. C’est la première expédition turque en¬ treprise dans un but scientifique. M. Damour lit le Mémoire suivant : 1050 I SÉANCE DU 7 JUIN 18A7. Nouvelles analyses de la prèdazzite et des produits qui résultent de sa décomposition. La prèdazzite , substance minérale trouvée à Predazzo , dans le Tyrol méridional, a été décrite et analysée pour la première fois par M. Léonardi , à qui la science est redevable d’utiles observa¬ tions. Les résultats de cette analyse ont été traduits en formules par M. Petzlioldt, et ce minéral a été classé comme constituant une dolomie hydratée ( Beitrage zur Geog/iosic von Tyrol , Leipzig , 1843 , § 194). Par suite d’un travail spécial sur l’origine géologique des dolo¬ mies , M. Fournet , ayant conçu quelques doutes sur la composition de la prèdazzite , a désiré que cette substance fût soumise à un nouvel examen et a bien voulu m’adresser à cet effet un échan¬ tillon très pur qu’il avait pris soin de détacher des parties centrales de la masse. 11 m’a remis également d’autres échantillons choisis sur les bords et formant ainsi une croûte extérieure , puis une ma¬ tière en concrétions blanches , recueillie dans les fissures de cette même masse. J’ai étudié successivement ces différentes matières ; je vais expo¬ ser le résultat des essais et des analyses auxquels j’ai cru devoir les soumettre. Prèdazzite pure , détachée des parties centrales de la masse. Cette substance , au premier aspect , ressemble à un marbre saccharoïde blanc , à grains très serrés ; sa dureté est égale à celle du calcaire ; elle présente plus de ténacité que le marbre ; j’ai trouvé sa pesanteur spécifique égale à 2,57. Si on l’examine à la loupe , on remarque qu’elle est pénétrée en tous sens par des lamelles qui présentent l’éclat du gypse cristallin ou de l’hydrate de magnésie naturel. Rougie dans un tube , la prèdazzite laisse dégager une quantité notable d’eau qui n’exerce aucune réaction sur le papier de tour¬ nesol. La matière ainsi calcinée présente à sa surface , après le re¬ froidissement , une multitude de petits mamelons blanchâtres qui ressemblent à une substance efîleurie. L’acide chlorhydrique dissout la prèdazzite avec rapidité en produisant une vive effervescence ; une faible quantité de silice en grains reste inattaquée. L’acide sulfurique faible , mis en contact avec le minéral non SÉANCE DU 7 JUIN 1847. 1051 pulvérisé , l’attaque partiellement et produit d’abord une effer¬ vescence. Bientôt cette effervescence s’arrête , et l’on remarque , après un quart d’heure d’action , un grand nombre de vacuoles uniformément réparties à la surface du minéral. Présumant que la prédazzite pouvait être un calcaire pénétré de lamelles gypseuses, j’ai taché d’y constater la présence de l’acide sulfurique ; le résultat de cet essai a été complètement négatif. Traité par l’acide acétique . le minéral se dissout avec efferves¬ cence et assez rapidement. M. Fournet , qui a plusieurs fois em¬ ployé ce réactif pour distinguer le carbonate de chaux des dolomies, a reconnu que ces dernières exigent pour s’y dissoudre un laps de temps considérable. Une analyse qualitative préalable m’a démontré que le minéral était essentiellement formé d’acide carbonique , de chaux , de ma¬ gnésie et d’eau ; qu’il contenait de plus une faible quantité de silice en grains et d’oxyde de fer. L’eau a été déterminée directement : l81, du minéral chauffé au rouge sombre dans un tube fermé à une extrémité et joint à un autre tube rempli de ponce sulfurique a perdu par cette calci¬ nation 0gr- ,1100. Le tube où l’eau a été recueillie a subi une augmentation de poids de 08r',1050. Une seconde expérience a donné, pour la quantité d’eau recueil¬ lie , 0SM089. - • L’acide carbonique a été également dosé directement. l»‘-,0000 de matière a été attaqué par l’acide chlorhydrique, dans un ballon de verre communiquant avec un appareil composé de tubes laveurs , de tubes à dessécher, de tubes de Liebig garnis de potasse liquide et de potasse en fragments , analogues aux appa¬ reils dont on se sert dans les analyses de matières combustibles. Les tubes à potasse pesaient : Avant l’opération . 78gr,6030 Après l’opération . , . 78gr ,8530 -il-- ■ "« Augmentation du poids due à l’acide carbo¬ nique absorbé . 0gr,2500 Un second dosage , effectué par le même procédé , m’a donné 0=r-,26ù0 d’acide carbonique. Pour déterminer l’oxyde de fer, la chaux et la magnésie, 1 sr*,0000 du minéral a été dissous dans l’acide chlorhydrique , la liqueur évaporée à siccité et le résidu sec repris par l’eau acidulée. Un faible dépôt siliceux a été séparé. La liqueur acide étant saturée 1052 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. d’ammoniaque, il s’est précipité de l’oxyde ferrique contenant un peu de magnésie. Cet oxyde a été dissous sur le filtre avec la ma¬ gnésie , précipité de nouveau par l’ammoniaque , puis séché et pesé. Les liqueurs séparées de l'oxyde ferrique étant réunies, la chaux a été précipitée par l’oxalate d’ammoniaque. L’oxalate de chaux a été transformé en carbonate , puis en sulfate. Le poids de ce sel a servi à évaluer la proportion de la chaux. La liqueur séparée de l’oxalate de chaux a été évaporée à siccité, et le résidu chauffé au rouge pour chasser le sel ammoniac mêlé à la magnésie. Le chlorure magnésique resté fixe a été dissous dans l’eau et décomposé par l’acide sulfurique. Le sulfate magnésique qui en est résulté a été desséché et rougi dans un creuset de platine à plusieurs reprises, jusqu’à ce que son poids demeurât invariable. La proportion de ce sel a servi à déterminer la quantité de la ma¬ gnésie. Le dosage étant effectué , je me suis assuré que le sel ma- gnésique se redissolvait aisément dans l’eau pure en dégageant une vive chaleur. Ainsi , en effectuant le dosage direct de chacun des éléments de la prédazzite , j’ai obtenu, sur l§r*,0000 : Ire Aualyse. 2e Analyse. Acide carbonique. . 0,2500 . . . . 0,2640 Chaux . 0,3542 . . . . 0,3547 Magnésie . 0,2432 . . . . 0,2461 Eau . 0,1089 . . . . 0,1050 Oxyde ferrique. . . 0,0045 . . . . 0,0050 Silice . 0,0060 . . . . 0,0055 0,9707 . . . . 0,9803 La perte qu’on remarque sur ces deux analyses , et notamment sur la première , affecte principalement le dosage de l’acide carbo¬ nique. Si , en effet , on calcule la quantité de cet acide d’après la proportion de chaux supposée à l’état de carbonate neutre (Ca C ), l’analyse devrait présenter Os* *,2751 d’acide carbonique au lieu de ()sr* ,2500 et 0§r*,2640. Cette différence de 1 à 2 centigrammes tient d’aborcl à la difficulté de doser directement l’acide carbonique sans perte , et aussi aux mélanges variables que la prédazzite peut contenir dans les diverses parties d’un même échantillon. • • . Supposant donc la chaux à l’état Ca C , l’analyse devra se pré¬ senter ainsi : SÉANCE DU 7 JUIN 1S/|7. 1053 1rc Analyse. Carbon . de chaux . 0,6293 Hyd. de magnésie. 0,3521 Oxyde ferrique. . 0,0045 Silice . 0,0060 Ac. carbon. 0,2751 Chaux.. . . 0,3542 Eau . 0,1089 Magnésie. . 9,2432 Oxygène. Rapport. — 0,1990 — 2 — 0,0995 — 1 — 0,0968 — 1 — 0,0941 — 1 0,9919 2 e Analyse . Carbon, de chaux. 0,6299 Hyd. de magnésie. 0,3511 ( Ac. carbon. 0,2752 (Chaux.. . . 0,3547 (Eau . 0,1050 (Magnésie. . 0,2461 Oxyde ferrique. . 0,0050 Silice . 0,0055 0,9915 Oxygène. Rappoit. 0,1991 — 2 0,0996 — 1 0,0933 — 1 0,0952 — 1 La prédazzite ne serait ainsi qu’un carbonate de chaux ordinaire contenant un mélange mécanique d’hydrate de magnésie. Les ca¬ ractères extérieurs du minéral concourent à rendre cette supposi¬ tion très vraisemblable. Voici maintenant les résultats de l’analyse de M. Léonardi. L’échantillon a donné par la calcination 0sr-,0698 d’eau. Repre¬ nant ensuite la matière ainsi privée d’eau, M. Léonardi a trouvé qu’elle contenait Carbonate de chaux . * . . 0,6870 Carbonate de magnésie . 0,3030 Silice , alumine et oxyde de fer. . 0,0100 1,0000 D’après ces données , M. Petzholdt a présumé que le minéral analysé par M. Léonardi était un hydrocarbonate de cbaux et de magnésie ayant pour formule : ( 2 Ce/ C -f M#-C) -f H . Cette formule donnerait : 105/1 SÉANCE DU 7 JUIN 1847. Carbonate de chaux . . 0,6595 j Chaux^0^116' Carbonate de magnésie. 0,281 3 j £^£mq"e; Eau . . 0,0592 0,2850 0,3745 0,1454 0,1359 1,0000 Cette hypothèse ne saurait s’accorder avec les résultats de mes analyses. M. Petzholdt admet que la chaux et la magnésie du mi¬ néral sont saturées par l’acide carbonique ; de mon côté , je trouve une quantité d’acide carbonique seulement suffisante pour saturer la chaux. Le mode d’analyse suivi par M. Léonardi pourrait donner raison de ce désaccord. L’hydrate magnésique contenu dans le minéral , étant décomposé par la calcination , a laissé de la magnésie caus¬ tique qui absorbe assez rapidement l’acide carbonique de l’air. Si la masse calcinée est restée quelque temps au contact de l’air, il a dû se former du carbonate magnésique. Je ferai aussi remarquer que la magnésie et l’eau déterminées dans cette analyse présentent entre elles le rapport approché de 1 à 1 , qui constitue l’hydrate magnésique. Ces considérations , jointes aux résultats exposés ci-dessus , m’a¬ mènent à conclure que la prédazzite ne doit pas former une espèce minérale distincte , mais qu’elle représente plutôt une roche cal¬ caire renfermant un mélange d’hydrate magnésique. Prédazzite détachée des bords de la masse. Cette matière se montre en masses poreuses d’un blanc jaunâtre ; vue à la loupe , elle présente une multitude de vacuoles uniformé¬ ment réparties à sa surface ; elle se laisse rayer et écraser plus faci¬ lement que la prédazzite saine. Placée dans l’eau , elle laisse dégager des bulles d’air qui pro¬ duisent un sifflement ; elle se dissout avec facilité et avec une vive effervescence dans les acides nitrique, chlorhydrique et acétique. Son analyse , faite par les procédés ordinaires , a donné : Eau hydroscopique.. Eau combinée. . . . Magnésie . Carbonate de chaux. Silice . Oxyde ferrique . . . 0,0050 0,0140 0,0300 0,9281 0,0150 0,0085 Oxygène. Rapports. 0,0124 — 1 0,0116 — 1 0,9976 SÉANCE DU 7 JUIN 18Zl7. 4055 On voit que cette matière , par suite de la disparition de l’hy¬ drate magnésique quelle contenait primitivement , n’offre plus qu’un squelette de carbonate de chaux .„ Les faibles quantités de magnésie et d’eau qu elle retient encore conservent entre elles le rapport de 1 à 1 . Hydrocarbonate de magnésie. Pour compléter les recherches sur la prédazzite , il restait à étu¬ dier la matière concré donnée trouvée par M. Fournet dans les fentes de la masse altérée. Cette matière , blanche , mamelonnée à la surface , est compacte dans la cassure ; chauffée dans le tube , elle laisse dégager beaucoup d’eau. Humectée de nitrate de cobalt et chauffée au rouge , elle prend une teinte rose pâle. L’acide sul¬ furique faible la dissout en produisant une vive effervescence. La dissolution , évaporée lentement , donne des cristaux de sulfate magnésique. L’analyse a donné : 1re Analyse. Acide carbonique. Magnésie . Eau . Oxyde ferrique.. . Silice en grains. . 0,3366 0,41 94 0,2060 0,0090 0,0250 0,9960 Oxygène. 0,2435 0,1623 0,1831 Rapports. — 6 — 4 — 4 2e Analyse. Oxygène. Rapport*. Acide carbonique. . 0,3367 — 0,2435 — 6 Magnésie . 0,4224 — 0,1635 — 4 Eau . 0,2060 — 0.1831 — 4 Oxyde ferrique. . . 0,0095 Silice . 0,0185 0,9931 La quantité d’eau est ici un peu forte ; une partie doit être com¬ binée avec l’oxyde de fer et former un hydrate. Ce composé a pour formule : 3 (UgC + S) + M$ H. C’est donc l’hydrocarbonate magnésique, espèce déjà bien con¬ nue, et qu’il est facile de reproduire artificiellement. La compo¬ sition de cette substance , son gisement autorisent ainsi à supposer qu’elle doit son origine à l’action d’un dissolvant qui aurait enlevé 1056 SÉANCE DU 7 JUIN 18/j7. l’hydrate magnésique contenu dans la roche , et aurait abandonné plus tard la magnésie. Celle-ci se serait unie à des proportions dé¬ terminées d’eau et d’acide carbonique. Ces faits me semblent venir à l’appui des conclusions que j’ai tirées de mon analyse de la prédazzite ; M. Fournet, ayant pu voir et étudier sur place le gisement de cette roche , s’est réservé d’en donner la description géologique et d’expliquer sa formation. M. Daubrée fait la communication suivante : Estimation de quelques émanations de chaleur naturelles et artificielles , par A. Daubrée. Parmi les différentes sources de chaleur naturelles ou artifi¬ cielles qui se répandent dans notre atmosphère , et dont l’action contribue pour une composante , extrêmement faible , il est vrai , à la température que nous observons , il en est quelques unes dont on peut chercher à estimer approximativement la valeur, au moins pour certaines régions. Telle est celle due aux sources ther¬ males , celle produite par les combustibles minéraux et par les combustibles d’origine contemporaine. Flux de chaleur due aux sources thermales de la France. — Chaque source d’eau thermale réchauffant la surface de la terre en raison de son excès de température sur la température moyenne du lieu, et en raison de son volume, on obtiendra son influence calorifique en multipliant ces deux facteurs l’un par l’autre. — En faisant ces calculs pour les 45 sources thermales de la France dont le volume est approximativement connu (1), on voit que leur effet équivaut, par minute , à celui de 253,534 litres , dont la température serait élevée de 1° C. au-dessus de la température moyenne de la contrée, cette température étant supposée 13° C. Cette quantité de chaleur pourrait fondre une couche de glace à 0 degré couvrant la France étayant d’épaisseur O"1, 00000324. — M. Elie de Beaumont, en s’appuyant sur des formules obtenues par M. Poisson (2), a calculé que le flux de la chaleur produit annuellement par le rayonne¬ ment intérieur du globe correspond, pour Paris, à la fusion cl’une couche de glace d’une épaisseur de 0,n,0065. — En adoptant ce chiffre comme général pour toute l’étendue de la France , on voit que la quantité de chaleur apportée par les sources de notre pays []) Comptes-rendus des ingénieurs des mines en 1843. (2) Poisson, Théorie mathématique de la chaleur. Supplément, p. 17. SÉANCE DU 7 JUIN i8/l7. 1057 n’est que les 5 millièmes environ du flux direct qui traverse le sol. — Dans certaines contrées peu étendues , la quantité de chaleur apportée dans l’atmosphère par les sources thermales est propor¬ tionnellement bien plus considérable. Mais comme , d’un autre coté , il existe de vastes régions dépourvues de sources thermales , peut-être la moyenne générale des continents ne diffère-t-elle pas très considérablement de la moyenne calculée pour la France. On ignore ce qui se passe dans les profondeurs de l’Océan , où peut- être les épanchements thermaux sont plus considérables. — Quant à la chaleur déversée par les volcans dans l’atmosphère , nous ne pouvons même nous en faire une idée grossière. Chaleur produite en France par le combustible minéral. — La combustion de 53,387,000 quintaux de houille et de 1,480,800 de lignite qui a été opérée en 1844, en France, correspondrait à la fusion d’une couche de glace couvrant le pays et ayant d’épaisseur 0m, 00067800. — En France , en Angleterre, en Bel¬ gique et en Prusse, on extrait à peu près les quantités suivantes de houille : France . 37,800,000 Angleterre . 200,000,000 Belgique . 32,000,000 Prusse . 29,000,000 ' 298,800,000 La chaleur produite par cette houille liquéfierait une couche de glace couvrant la superficie totale des quatre contrées mentionnées, ou 1,103,000 kilomètres carrés, et dont l’épaisseur serait de 0n\ 00161800. Cette dernière épaisseur est presque égale à la somme de celles qui résultent , en Fiance , du combustible vé¬ gétal et du combustible minéral , ce qui n’est pas étonnant , puis- qu’en Angleterre et en Belgique la houille est le combustible principalement employé. Chaleur produite en France par le combustible végétal. — La cha¬ leur produite en France par le combustible végétal pendant la même année , c’est-à-dire pour la combustion de 44,346,700 stères de bois et de 6,163,800 stères de tourbe (en supposant une puis¬ sance calorifique de 2,600 pour chacun des combustibles), corres¬ pond à la fusion d’une couche de glace qui couvrirait la France entière et aurait une épaisseur de 0m,001 05400. Chaleur développée par le genre humain. — Pour avoir une idée de la quantité de chaleur développée par le genre humain à la sur¬ face du globe , on peut supposer une population de 800 millions Soc, géol. , 2e série , t. IV. 6 7 1058 SÉANCE Dli 7 JUIN 1847. d’hommes , dans laquelle les sexes et les âges seraient répartis dans le même rapport que dans la population de la France. Rela¬ tivement à la combustion opérée par la respiration , on a admis , d’après les résultats de M. Dumas et ceux de MM. Andral et Ga- varret , une consommation, par heure, de 11 grammes de car¬ bone pour 250 millions , de 5§l’-,5 pour 400 millions , de 5 gram. pour 150 millions d’individus, ce qui donnerait une combustion annuelle totale de 49,612,260 tonnes de carbone. En supposant que la chaleur animale corresponde à la combustion de cette quan¬ tité de carbone, cela donnerait une quantité de chaleur qui, si elle était employée à fondre une couche de glace à 0° répartie au¬ tour du globe , en liquéfierait annuellement une épaisseur égale à 0m, 00000836. — Lors même que la chaleur développée par tous les animaux des continents et de l’Océan serait dix fois plus grande que celle qui vient d’être calculée , cette quantité totale serait en¬ core très faible, comparée aux émanations de chaleur du combus¬ tible charbonneux. Chaleur employée dans la circulation de l'eau. — La circulation de l’eau emploie annuellement une quantité de chaleur incompa¬ rablement plus forte que toutes les émanations qui viennent d’être mentionnées. On peut estimer cette quantité de chaleur comme équivalente à celle que pourrait fondre une couche de glace recou¬ vrant le globe entier et ayant une épaisseur de 10m,70 (1). Résumé. — - Ainsi , en résumé , les quantités de chaleur déga¬ gées annuellement dans les diverses fonctions naturelles ou artifi¬ cielles dont il vient d’être question peuvent être exprimées , en épaisseur de glace fondue , conformément à la notation employée plus haut , pour les chiffres qui suivent : Flux dûauxeauxthermales(pour la France). Chaleur produite par le combustible végétal (pour la France ) . . Chaleur produite par le combustible miné¬ ral (pour la France) . Chaleur produite par le combustible miné¬ ral (France, Angleterre, Belgique et Prusse) . . . Chaleur produite par le genre humain (pour la terre entière) . On sait en outre que le flux de la chaleur interne est représenté par . Et , d’après M. Pouillet, la chaleur due au soleil par environ . 0,n, 00000324 0n\ 001 05400 0™, 00071 220 0m, 001 70037 0n\00000836 0m, 00650000 31ni, 00000000 (1) Comptes-rendus de l'Académie des sciences , t. XXIV, p. 549. 1059 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. La chaleur développée journellement par les animaux et les végé¬ ta icv ne constitue pas une source réelle. - — il est toutefois à obser¬ ver que la chaleur développée à la surface du globe , soit par les animaux , soit par les végétaux , ne constitue pas une source réelle qui soit à assimiler à la chaleur du soleil ou à la chaleur interne ; car les animaux et les végétaux ne peuvent sans doute créer de la chaleur et de la force. Comme en général l’action est égale et con¬ traire à la réaction , la vie des animaux , ainsi que la combustion du bois et de la tourbe , ne font que restituer de la chaleur que ces êtres ont absorbée dans différentes fonctions organiques. Séance du 21 juin 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Le Blanc, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, dont la rédaction est adoptée. Par suite des présentations faites dans la dernière séance, le Président proclame membres de la Société : MM. Victor Thiollière, à Lyon, rue Saint -Dominique , 15, présenté par MM. Coquand et Le Blanc -, Haeiiner, consul-général de Saxe, à Livourne (Toscane), présenté par MM. Coquand et Le Blanc ; Angelo Vegni, directeur des mines duBottino, à Serra- vezza (Toscane), présenté par MM. Coquand et Le Blanc -, J. -B. Logan, à Singapour, présenté par MM. Élie de Beau¬ mont et Virlét. M. de la Pylaie, sur sa demande, est admis à faire de nouveau partie de la Société. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de M. Hardouin Michelin, Iconographie zoophy - to logique ; 26e livraison -, Paris, chez P. Bertrand. De la part de M. le Dr Eugène Robert, Des moyens propres 1060 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. a détruire les insectes nuisibles aux forets , aux grandes cul¬ tures , etc. (extr. des Mémoires de la Société royale et centrale d'agriculture , année 1847)-, in-8°, 12 p. Paris, 1847; chez Ve Bouchard-Huzard. De la part de M. Ilogard, Notice sur deux petits dépôts de tuf calcaire , situés a V inc ey ( Vosges ) (extr. des Annales de la Société d'émulation des Vosges , tom. VI, 1er cahier, 1846); in-8°, 12 p., 1 pl. Épinal , 1846, chez Gley. De la part de M. Ch. Desmoulins, Examen des causes qui paraissent influer particuliérement sur la croissance de certains végétaux dans des conditions déterminées ; in-4°, 16 p. Caen, 1847 ; chez A. Hardel. De la part de M. le baron de la Pylaie ; Notice sur Vile de Sein; in-8°, 8 p . 1846. De la part de M. A. G. G. Jobert, La philosophie de la géologie ; in-18, 195 p. Paris, 1846 ; chez A. G. W. Galignani et Compe. Comptes-rendus des séances de l' Académie des sciences; 1847, 1er semestre, nos 23 — 24. Bulletin de la Société de géographie , 3e série, t. VII, n° 40, avril 1847. . ■ L'Institut ; 1847, nos 701 et 702. Mémoires de la Société d' agriculture , des sciences , arts et belle s -lettres du département de l'Aube ; nos 98, 99, 100; 2e, 3e, 4e trimestres de 1846. — Nos 1 et 2; 1er et trimestres de 1847. Annales de V Auvergne ; t. XX, mars et avril 1847. Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse; n° 97. Bulletin des séances de la Société 'vaudoise des sciences na¬ turelles ; n° 15. The London geological journal; nos 1 et 2. The Athenœum ; 1847, nos 1024 — 1025. The Mining journal ; 1847, nos 616 — 617. M, le Trésorier présente l’état de la caisse au 1er juin 1847. j SÉANCE DÜ M JUIN 1847. 1061 Etat de la caisse au 1er juin 1847. ✓ Il y avait en caisse au 31 décembre 1846. . 4,400 fr. 05 c. La recette, depuis le 1er janvier 1847, a été de . 8,431 » Total . 12,831 05 La dépense, depuis le 1er janvier 1847, a été de . 7,984 90 Il reste en caisse au 31 mai 1847 . 4,846 15 M. L. Frapolli expose de la manière suivante l’extrait d’une lettre l\ lui adressée par M. Gustave Rose. M. Gustave Rose, ainsi que le professeur Bayricli/de Berlin, sont chargés des travaux pour les cartes géologiques d’une partie de la Prusse. M.. Rose a visité l’automne passé les montagnes du Zobten , en Silésie. Ï1 y a trouvé du gabbro stratifié enclavé entre une serpentine et le granité, et reposant sur ce dernier. Voici le profil de ces montagnes du N. -O. au S.-E : A. Gurkau. B. Le Zobten. C. Le Geiersberg. D. Les Mellenberge. E. Le Hohe Schuss. I. Gneiss. II. Serpentine. III. Gabbro. IV. Granité. Le gabbro dont le grain est très grossier sur le Zobten même se change dans d’autres endroits peu à peu, mais complètement, d’un côté en un schiste vert, tandis que de l’autre il passe à la serpen¬ tine. M. Rose en conclut que le gabbro, et peut-être même la ser¬ pentine , sont dus à l’influence exercée par les granités sur les for¬ mations sédimentaires préexistantes. Je pense comme lui que la plupart des gabbros sont des roches SÉANCE DU 21 JUIN 18/17. 1062 de sédiment altérées ; seulement je crois qu’ils sont dus à l’action magnésienne produite lors de l’éruption des serpentines. C’est ainsi que j’ai cru pouvoir m’expliquer la formation des gabbros évi¬ demment métamorphiques que j’ai vus dans le Harzgebirge. Il ne serait cependant pas impossible que M. Rose finît par s’assurer po¬ sitivement par la suite que certaines serpentines elles-mêmes sont le résultat d’une action moléculaire. J)ans ce cas , l’introduction de la magnésie aurait pu se faire delà même manière quelle a eu lieu pour les calcaires magnésiens et pour les dolomies. Ces serpen¬ tines ne seraient que la dolomie des terrains argileux. M. Frapolli présente ensuite la traduction de l'italien de la notice suivante de M. Pilla, envoyée par l’auteur à M. Élie de Beaumont. Notice sur le calcaire rouge ammonitifère de V Italie , par M. L. Pilla (1). ’ Dans la section de géologie du congrès de Milan , une longue discussion s’est engagée sur l’age du calcaire rouge ammonitifère de Lombardie. M. de Bucli, dans une note très savante, le clas¬ sait parmi les formations supérieures du Jura. — Il s’agissait alors de savoir si ce calcaire devait être regardé comme jurassique , ou bien comme appartenant au terrain crétacé. Les arguments de M. de Bucli firent abandonner cette dernière opinion. Cependant il reste encore un fait à éclaircir, c’est le gisement de la Terebra- tula diphya qui se trouve dans ce calcaire. Ce fossile élégant avait été déjà placé par l’illustre géologue de Berlin parmi les repré¬ sentants de la craie (2). M. Coquand affirme qu’en Provence , dans la Drôme et dans le Gard , c’est sans contestation le terrain néo¬ comien qui le renferme (3). Cette dernière opinion a été également adoptée par nos confrères, MM. Gatullo et de Zigno, pour ce qui regarde le gisement de cette espèce dans les Alpes vénitiennes. De mon côté , je tiens comme probable que cette térébratule nous fournit un exemple de plus, et ils ne sont pas rares, d’une même (1) Cette notice a été écrite avant la réunion du congrès scientifique de Gènes. La question dont il s’agit a été portée devant ce congrès; mais je ne connais point le résultat de la discussion. (2f) Mém. de la Soc. géol. de France , t. III, p 197. (3) Bull, de la Soc . géol. de France , 2e sér. , t. II , p. 192, dans BQt«v J I I VO 4 \»4 V4>J I SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1063 espèce traversant deux terrains successifs, bailleurs , n’ayant ja¬ mais été à meme de voir cette térébratule dans aucune localité de T Italie , je laisse à mes savants collègues le soin d’éclaircir la question. — Je m’attacherai davantage à discuter l’opinion de M. Coquand, qui fait redescendre ce calcaire rouge ammonitifère de l’Italie jusqu’au lias inférieur (1). Ses arguments sont puisés dans les différentes espèces d’ammonites que ce calcaire renferme, et qui , suivant lui , sont pour la plus grande partie caractéristi¬ ques du lias. Ayant comparé toutes les espèces d’ammonites qui le distinguent ou qui se trouvent dans les couches qui lui sont sub¬ ordonnées, AI. Coquand trouve que de vingt-huit espèces déter¬ minées, vingt-une appartiennent au lias, une aucoral-rag, et une au Jura supérieur; cinq ne peuvent être rapprochées d’aucun des étages adoptés. — A la vérité , si la nature des espèces d’ammonites devait à elle seule décider de l’âge de notre calcaire , l’opinion de AI. Coquand en serait fortement appuyée , car ce calcaire rouge de Toscane a fourni différentes espèces de la famille des Arietes , telles que X A. stellaris (Corfino) , X A. Conybcari (id.) , X A. costatus (Cetona). On trouve d’ailleurs dans le calcaire rouge du lac de Como , les A. Walcotii , radians , comensis , lieterophyllus . On a rencontré également ce dernier à Cetona dans le Siennois. Enfin , AI. de Buch lui-même dit que la famille des Ammonites falcifères prédomine dans la roche en question. Toutes ces espèces sont re¬ gardées comme liasiques par les géologues en général. Je ne parle pas des Ammonites de la Spezia , car j’aurai prochainement l’oc¬ casion de m’occuper de leur véritable gisement géologique. — Alais si en attendant l’on examine les caractères de superposition du calcaire ammonitifère , il est facile de se convaincre que ses cou¬ ches ne peuvent sortir de la série jurassique. Ce fait est d’autant plus certain , que les géologues les plus éclairés , tout en accor¬ dant une grande valeur aux déterminations tirées des fossiles , pensent que lorsque dans certains cas leur nature est en opposition avec les lois de la superposition, cette dernière doit l’emporter.— AI. de Buch , dans sa note lue au congrès de Alilan , a fait obser¬ ver avec raison que l’espèce qu’on retrouve le plus constamment dans le calcaire rouge ammonitifère du midi de l’Europe est XA. tatricus , voisine de X heterophyllus. Ce fait est incontestable. Il n’y a pas de localité en Italie où le calcaire rouge n’ait pas fourni cet ammonite. Il a été recueilli encore tout récemment par (1) Bull, de la Soc. géol. de France , 2cjsér., t. III , jp. 307 et suiv. iom SÉANCE DU 21 JUIN 18/j7. un de nos meilleurs élèves, M Yeeclii , dans les montagnes de Cetona, avec d'autres espèces sur lesquelles je reviendrai. Pour éclaircir la question , il ne sera pas inutile d’examiner la position du calcaire rouge ammonitifère dans les principales localités de l ltalie où on l’observe , et d’en étudier les relations stratigraphi- ques avec les autres séries jurassiques. Nous n’oublierons pourtant pas les caractères tirés de la paléontologie. — Je connais trois en¬ droits principaux en Italie où cette formation est bien déterminée : la Lombardie , le golfe de la Spezia, et les montagnes de Pise avec d’autres localités de la Toscane. La comparaison des observations faites dans ces trois contrées différentes nous fera connaître la place que doit occuper l’étage qui nous concerne. 1° Formation du lac de Como. — Après les travaux de MM. de Buch , de Collegno , et de plusieurs géologues distingués de Milan , la série du Jura et du lias du lac de Como , et des autres localités lombardes, est si connue que nous pouvons nous dispenser d’en faire la description. Je me bornerai donc à rappeler la succession des couches qui la composent et leur ordre de superposition. Je met¬ trai pour cela à profit une des coupes qui accompagnent le beau travail des frères Villa sur la Brianza (pi. II , fig. 1). Les couches en sont disposées du haut en bas comme voici (fig. i) (1) : — p. calcaire dit Majolica . Les fossiles y sont rares; les quelques es¬ pèces qu’on y trouve sont de la même nature que celles qu’on rencontre dans le calcaire que nous faisons suivre, et qui alterne avec la majolica. — /. Calcaire rouge ammonitifère , caractérisé par de nombreuses ammonites. Parmi celles-ci ies unes semblent appartenir au lias : ce sont les A. IValcotii , elegans , radians , hctc- rophyllus. D’autres sont particulières à la localité, telles que Y A. comensis (Buch). D’autres enfin , et surtout Y A. tatricus qui parmi toutes les espèces est la plus caractéristique , se trouvent dans le Jura supérieur. Nous ajouterons à ces céphalopodes quelques au¬ tres espèces qui paraîtraient appartenir à l’Oolithe supérieure , ainsi que Y Aptychus devis et lamellosus , et en dernier lieu la Terc- bratula diphya que plusieurs géologues rangent parmi les fossiles néocomiens. — k. Calcaire gris de fumée avec des couches de silex , et renfermant quelques fossiles de la série précédente. Dans plusieurs localités , ainsi qu’aux environs d’Induno , ce calcaire (1) Les lettres indiquant la succession des couches dans les figures jointes à cette note se suivent dans un ordre interrompu par le fait qu’on a réuni en une seule légende toutes les séries de couches dont il s’agit. Voyez l’explication des planches, p. 1077 et suiv. 1005 SÉANCE t>U 21 JUIN 18/Ï7. est remplacé par mie oolithe avec de nombreuses articulations de crinoïdes (Pentacrinites subangnlaris , -Miller). — h. Calcaire noi¬ râtre auquel appartient le marbre noir de Yarenna, renfermant quelques grandes ammonites que M. de La Bêche rapporte à X Am¬ monites Bucklandi. Dans d’autres endroits, comme à Perledo, dans la vallée d’Esino , ce calcaire se change en un schiste noirâtre où l’on a trouvé plusieurs fossiles qui varient de ceux des couches précédentes , c’est-à-dire les Nucules brevijormis et Hammeri , les Modioles hillana et plicata , le Pectcn lens } quelques Cardites et Plagiostomes, et un petit Cerithiam que M. de Buch croit analo¬ gue à une espèce caractéristique de la grande Oolithe , etc. Ces mêmes schistes ont d’ailleurs fourni des débris d’un reptile voisin du plésiosaure et différentes empreintes de poissons appartenant aux genres semionotus et lepidotus. Ce calcaire noir passe à un calcaire gris clair avec différents fossiles, c’est-à-dire une Rostel- laire gigantesque , diverses Turritelles et Natices, un Trochus et un Sigaretus. Il se réunit à la dolomie du mont Godeno dans la Grigna erbosa qui renferme le Cardium triquetrum (1). — Suivent plus bas les poudingues et les schistes cristallins dont nous n’avons pas à nous occuper. D’après cette coupe on ne saurait mettre en doute que le cal¬ caire elles schistes noirs appartiennent au lias, ce qui est démon¬ tré par la superposition et par les débris organiques qu’ils ren¬ ferment. — Le calcaire ronge ammonWfère qui est l’autre mem¬ bre le plus important de la série se trouve à la partie supérieure qui se termine par la majolica. Les débris fossiles qu’il renferme appartiennent les uns au lias supérieur; d’autres paraissent même se rapprocher des fossiles néocomiens. — Suivant plusieurs géolo- logues la Majolica complète supérieurement la série jurassique de la Lombardie. — MM. Catullo et Curioni persistent à croire que le calcaire rouge ammonitifère et la majolica sont crétacés; mais leur opinion n’a plus beaucoup d’adhérents. M. de Zigno , qui regarde comme jurassique le calcaire rouge , met la majolica de Lombardie en parallèle avec la Scaglia des Alpes vénitiennes, et ayant trouvé dans celle-ci des fossiles néocomiens , il attribue la première au même terrain. L’opinion de M. de Zigno me paraît également peu probable. Il est certain que le Biancone du vénitien est néocomien ; les fossiles cités par M. de Zigno le prouvent. Mais (1) Dans la coupe des frères Villa, cette dolomie est placée au- dessous du calcaire noir schisteux. Dans les autres contrées de la presqu’île, la dolomie est supérieure au calcaire. 4066 SÉANCE JDÜ 21 JUIN 1847. il n’est pas également sûr que cette roche soit la même chose que la majolica de Lombardie , car dans ce dernier calcaire l’on n’a encore trouvé jusqu’à présent aucun des fossiles néocomiens que M. de Zigno cite dans le Bianconc. 2° Formation de la Spezia. — Comparons la formation du cal¬ caire rouge de la Spezia avec celle du lac de Como. — J’ai eu oc¬ casion dans une autre brochure de traiter de la succession des couches du lias et jurassiques de la Spezia (1). Je doutais alors que les couches des montagnes occidentales fussent renversées. Désormais ce doute est devenu pour moi une certitude, ainsi qu’il est prouvé par les faits que voici (fig. 2) : — • Dans les montagnes à l’est du golfe , et plus précisément au cap Cerf, on voit au-dessus d’une série de roches cristallines stratifiées a, b, c , d, c, /, et au- dessus d’une anagénite quartzeuse rougeâtre g , un calcaire noir schisteux et stratifié h qui concorde par son gisement avec les ro¬ ches sous-jacentes. — Dans les montagnes à l’occident du golfe on voit du haut en bas les couches suivantes : — h. Calcaire brunâtre en tout pareil à celui qui , dans les montagnes de l’est , recouvre l’anagénite. Ce calcaire est, par sa composition minéralogique, par ses fossiles et par sa position , parfaitement semblable à ce¬ lui de la vallée d’Esino, près de Perledo , dans la Lombardie. Sa ressemblance avec le calcaire de cette dernière localité est telle , que M. Trotti, de Milan, m’a dit qu’en l’examinant il croyait ab¬ solument avoir affaire à celui de la vallée d’Esino. Les espèces fossiles de Perledo que j’ai vues à Milan sont les mêmes que celles qu’on a recueillies dans la grotte de Y Arpaja à la Spezia. — i. Une dolo¬ mie ayant une forme presque éruptive. — /. Des schistes calcaréo- marneux . Dans les montagnes de Parodi et ailleurs , j’ai vu ces couches inférieures aux dolomies prendre les caractères du calcaire rouge ammonitifère et présenter quelques ammonites empâtées dans la roche , et ayant des formes en tout semblables à celles qui sont communes dans cette formation. — p. Schistes marneux jau¬ nâtres alternant avec des couches d’un calcaire gris-rougeâtre à grain fin. C’est dans les schistes de cette série que l’on trouve les fameuses ammonites et les alvéoles de bélemnites de la Spezia , dont la plus grande partie sont remplacées par des pyrites. — r. Schistes jaunes dans lesquels M. Coquand a trouvé la Posidonia liasina. — s. Schistes bigarrés analogues de quelques gales tri de Toscane (2). (1 ) Saggio comparatwo cle' terreni che compongono il suolo cVIta- lia , t. IV, p. 6. (2) M. Coquand , n’ayant probablement égard qu’à la couleur rouge Séance du 21 JUIN !8A7. 1067 — t. Macigno. — En prenant le calcaire brun pour horizon géo- gnostique de cette série, on parvient facilement à reconnaître le renversement des couches dans les montagnes occidentales , et par¬ tant la véritable position relative de toutes ces couches. En effet , si l’on admet que le calcaire noir est parfaitement semblable à celui de la vallée d’Esino en Lombardie , et que comme ce dernier il s’appuie sur le poudingue quartzeux , il s’ensuit qu’il constitue la base de toute cette série de couches du lias et jurassiques. Les autres couches qui paraissent inférieures à ce calcaire sont de plus en plus récentes. Cela est confirmé par le contact de ces dernières avec le macigno. De cette manière l’ordre de succession des cou¬ ches vient correspondre à peu près à celui que l’on voit au lac de Como , et elles reprennent leur position naturelle par rapport au macigno qui les recouvre , et Fanagénite qui leur sert de base. — Le lait du renversement des couches dans cet endroit peut donc être regardé comme complètement prouvé. Nous n’en rechercherons pas la raison pour le moment. — Or, si nous prenons pour horizon le calcaire brun de la Spezia que nous regardons comme basique, on pourra comparer avec celles du lac de Como les autres cou¬ ches qui lui sont supérieures. — La dolomie qui succède au cal¬ caire brun est identique , sans aucun doute , à la dolomie du mont Godeno qui se trouve associée à ce calcaire. — Les couches super¬ posées à la dolomie dans les montagnes de Parodi ont été déjà rapportées plus haut au calcaire rouge à ammonites. Il manque¬ rait donc à la Spezia la série du calcaire gris de fumée avec silex À , qui se trouve entre le calcaire brun et le calcaire rouge amnio- nitifère. — La série des couches calcaréo -marneuses et des schistes siliceux qui , à la Spezia , reposent sur le calcaire rouge à ammo¬ nites , manque en général sur le lac de Como , car les schistes bi¬ garrés considérés par M. Coquand comme appartenant au calcaire qui domine dans ces schistes, les a rapportés au calcaire rouge ammo- nitifère. Mais il est facile de s’apercevoir que les schistes dont il s’agit sont ces mêmes schistes siliceux et bigarrés ( galestri ) qu’on voit sur plusieurs points de la Toscane, comme dans les montagnes de Pise, à Campiglia, à Montieri, à monte Rotondo, et qui sont placés à l’extré¬ mité de la série jurassique, au-dessous du macigno. C’est pourquoi quelques géologues , et le professeur Savi en premier lieu, les réunissent tous au macigno ou à la craie. Pour ma part, je pense qu’il est cer¬ tain qu’il y a en Toscane deux espèces de galestri , dont les uns doivent être réunis au macigno, tandis que les autres appartiennent à la partie supérieure du Jura. Parmi ces derniers je compte les schistes de la Spezia , indiqués par la lettre s. 1068 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. rouge ammonitifère ne représentent point cette série , mais bien les schistes siliceux (gales tri) jurassiques supérieurs de la Toscane, dont j’aurai à parler. — Enfin, le macigno succède également à ces couches de la Spezia comme à la majolica de Lombardie. — Il est temps de dire quelques mots des fossiles renfermés dans les schistes ammonitifères de la Spezia. Tout le monde connaît les déterminations de ces espèces par M. Sowerby , et que M. de la Bêche donne dans son Manuel. Depuis ce temps des études sui¬ vies ont répandu plus de lumière sur leur nature véritable. On a reconnu que les prétendues Ortliocères n’étaient que des alvéoles de bélemnites. L 'Ammonites Listcri cité par M. Sowerby n’est très probablement qu’une petite ammonite appartenant à la famille des Macrocépliales et non à celle des Goniatites ; du moins on retrouve dans toutes les anhnonites que j’ai rencontrées et qui peuvent se rapporter i\ cette espèce des lobes indiquant des persili lires qui manquent dans les individus appartenant au véritable A. Listcri ; la figure donnée dans le Manuel géologique de M. de La Bêche présente la même difficulté. Je ne parle point des autres espèces d’ammonites qu’on a trouvées dans ces schistes, et qui ont été dé¬ terminées par MM. Sowerby ou A. d’Orbigny; ce sont pour la plupart des espèces particulières de la localité ; elles ne sauraient donc nous éclairer dans la question d’âge. Leurs formes générales paraissent basiques. Mais je n’attache pas une importance absolue à une telle déduction. Ce que je peux affirmer avec toute certitude , c’est que j’ai trouvé dans ces schistes des individus bien conservés de VA. tatricus , et quelques Nérinées , fossiles qui sont plutôt ca¬ ractéristiques des formations oolithiques supérieures. Que si l’on joint à ces caractères paléontologiques la position des schistes am¬ monitifères de la Spezia qui sont supérieurs au calcaire rouge à ammonites , on est forcé d’en déduire que ces schistes appartien¬ nent à la série supérieure du terrain jurassique (1). (4) Voici une liste des principales espèces d’Ammonites trouvées à la Spezia : Ammonites particulières à la Spezia. A. Catcnatus (Sow); M. d’Orbigny rapporte à cette espèce les A. trapezoidal'is et comptas de Sowerby , qu’on a trouvés dans cette localité, lias inférieur (d'Orb.). — A. Sismorulœ (d’Orb.), lias infé¬ rieur [id.y, — A. Phillipsi (Sow.), lias inférieur; — A. articulatus (Sow.), lias inférieur (id.); — < A. Stella (Sow.). Suivent les autres Ammonites citées par M. de La Bêche. — Aucun autre gisement de ces espèces n’étant connu, ce n’est que d’après leur SÉANCE DU 21 JUIN 1.8 à7 . 1069 Avant de quitter les formations de la Spezia, je veux fixer la position géologique précise que les marbres statuaires de Carrare occupent dans la série du lias et du Jura. — Lorsque des hauteurs de la Spezia l’on passe dans la vallée de la Tecchia, qui s’ouvre dans les montagnes voisines de Carrare , on retrouve dans cette vallée un calcaire brun en tout pareil à celui que nous avons dé • crit sur les côtes du golfe ; on y voit les mêmes Gardites, Modioles, Peignes, Térébratules, etc. , de manière qu’il ne peut rester aucun doute que cette roche ne soit la même que le calcaire brun du lac de Como et de la Spezia. Que si de la vallée de la Teccliia le géologue avance peu à peu vers les carrières peu éloignées du marbre de Carrare , il pourra suivre le calcaire brun qui graduel¬ lement perd sa couleur et sa stratification , et se change en ce superbe marbre statuaire que tout le monde connaît. Que l’on ajoute à ce passage graduel la position relative identique des marbres de Carrare et de Serravezza et du calcaire brun de la Spezia avec celui du lac de Como ; que l’on observe que toutes ces roches sont superposées immédiatement aux schistes cristallins in¬ férieurs au lias , et l’on n’aura besoin d’aucune autre démonstra¬ tion pour en conclure avec certitude que les marbres des Alpes apuanes sont absolument la même chose que les calcaires de la Spezia et du lac de Como appartenant au lias. — Une opinion qui reconnaît le synchronisme des marbres blancs de Carrare , qui il y a quelques années étaient regardés comme primitifs , et des roches calcaires noirâtres voisines, peut paraître assez hardie. Mais cette idée que dans un temps on aurait appelée un paradoxe ou une fo¬ lie est aujourd’hui une des vérités géologiques le mieux démon¬ trées ; et cela est un des plus grands progrès de la géologie de notre époque. C’est à ce sujet que dans un de mes écrits je disais : — « Lorsque dans les Alpes apuanes on observe le passage singulier » des marbres statuaires aux marbres blancs ordinaires, de ceux-ci faciès zoologique général qu’on les regarde comme basiques, ce qui n’est pas un argument bien sûr. Ammonites communes a la Spezia et a d autres localités. A. Bucklandi (Sow.) , lias inférieur ; — - A. Conybcari (Sow) , idem ; _ A. stellaris (Sow.), idem; — A. amalthœus (Sow.), lias; — A. Boucaultianus (d’Orb.) , lias; — A. heterophyllus (Sow.), lias; _ A. tatricus (Pusch), oolithe supérieure; — A. Lamberti (Sow.), argile d’Oxford. — Je ne sais si Y A. Boucaultianus , que M. d’Orbigny cite dans la Spezia, peut se rapporter à VA. Lamberti. 1070 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. » au bardiglio et au bardiglio foncé, et de ce dernier au calcaire » noir , on dirait que toutes ces variétés ont été produites par les « différents degrés d’action que les causes plutoniques ont exercées » sur des calcaires imprégnés de matières charbonneuses. On dirait » que ces matières n’ayant subi dans les calcaires noirs aucune ac- » tion ignée y sont restées en entier ; dans le bardiglio commun » elles ont été chassées en partie ; dans le bardiglio fleuri elles se » sont évanouies inégalement dans les diverses parties de la roche; » on peut enfin penser que toutes les matières charbonneuses ont » été chassées des marbres statuaires et que c’est là la cause de » leur pureté (1). » 3° Formations des montagnes de la Toscane. — Une des localités où on peut le mieux étudier les relations du calcaire rouge à am¬ monites en Toscane sont les montagnes de Vecchiano, près de Pise, qui constituent les derniers prolongements des Alpes apuanes vers la vallée du Sercliio. Ici les séries basique et jurassique présentent de bas en haut les couches suivantes (fig. 3) : — h. Calcaire brun absolument identique avec celui de la vallée de la Tecchia. — i. Cal¬ caire celluleux , dolomitique dans plusieurs points , et ayant tous les caractères de la raucliwacke des Allemands. Ce calcaire , qui forme généralement des masses , représente précisément la dolomie de la Spezia et du mont Godeno sur le lac de Como. Cette roche et la précédente se font remarquer par l’absence absolue de silice. Lorsque le calcaire n’est ni dolomitique ni celluleux, mais com¬ pacte , on y voit souvent quelques fossiles turriculés dont la forme est constante dans toute la Toscane ; mais ils sont trop engagés dans la roche pour être déterminés. Dans différentes localités des montagnes pisanes , comme par exemple au-dessus des bains de Saint-Giuliano , à l’endroit nommé la Spelonca , j’ai trouvé quel¬ ques uns de ces fossiles ayant de telles dimensions qu’on y aurait trouvé une ressemblance générale avec les grandes Rostellaires con¬ nues dans le lias du lac de Como ; j’y ai également vu une ammo¬ nite dont on pouvait à peine reconnaître la forme générique. — l. Au-dessus de ce calcaire massif on voit un calcaire stratifié avec silice , qui présente en quelques endroits les caractères minéralo¬ giques du calcaire rouge ammonitifère , et dans lequel M. Savi a trouvé des ammonites peu reconnaissables à cause de leur engage¬ ment dans la roche ; les formes de ces ammonites rappellent celles qu’on est habitué à voir dans ce calcaire. Sa superposition au pré¬ cédent est évidemment discordante, ainsi qu’on peut s’en con- (0 Brève cenno sulla ricchczza minérale délia T ose an a , § 3. SÉANCE DU 21 juin 18A7. 1071 vaincre au lieu appelé la Paduletta. On verra encore mieux cette discordance dans d’autres localités de la Toscane. — • Vient ensuite une série de couches que nous allons énumérer en indiquant leurs principaux caractères. — ni. Couches de marnes et de calcaires mar¬ neux concordant avec les couches précédentes. M. Savi y a trouvé dé singuliers fuco'ides, et entre autres les F. Targloni. — «.Cal¬ caire brun stratifié et très siliceux ; ce dernier caractère et sa posi¬ tion le distinguent du calcaire brun i. On n’y voit pas de fossiles. • — o. Schistes siliceux bigarrés appelés communément galestri en Toscane. Ces schistes sont stratifiés en couches minces et très con¬ tournées. — p. Calcaire blanc à grain fin et cassure conchoïdale, ren¬ fermant de nombreux noyaux de silex. Cette roche stratifiée dis¬ tinctement ressemble grandement à la majolica de Lombardie. — q. Calcaire gris avec silex bien stratifié et dont les couches sont très bouleversées. — r. Série de couches marneuses jaunâtres ou verdâtres avec calcaire marneux à grain fin de même couleur. — Dans quelques localités des montagnes pisanes , on voit succéder à ces couches d’autres schistes bigarrés qui représentent parfaite¬ ment les mêmes schistes qu’on rencontre sur la côte occidentale de la Spezia, et qui sont au-dessous du macigno (1). Age de ces diverses séries de couches. — Nous avons vu : 1° que le calcaire brun représente le lias de la Spezia et du lac de Como ; 2° que le calcaire celluleux ou rauchwacke est l’équivalent de la dolomie de ces mêmes localités; 3° que le calcaire stratifié est pa¬ rallèle au calcaire rouge à ammonites de ces contrées. — M. Savi s’appuyant sur les fuco'ides trouvés dans les couches calcaréo-mar- neuses, au-dessus du calcaire rouge à ammonites, a placé dans la craie inférieure ces couches et celles qui leur sont superposées. J’ai quelque difficulté à admettre cette opinion de mon savant collègue, et j’ai même donné dans une autre brochure (2) les raisons qui me font croire que toutes les séries dont nous avons parlé sont l’équi¬ valent de celles qu’on trouve sur les montagnes occidentales de la Spezia entre le calcaire rouge à ammonites et le macigno. — Un fait très remarquable en géologie c’est la ressemblance des carac- (1) Il paraît exister dans les montagnes jurassiques de la Toscane deux sériesde schistes siliceux bigarrés, dont les uns sont au milieu des couches jurassiques ( près des montagnes de Yecchiano, au monte di Legnaja ), et dont les autres fermeraient la série (schistes de la Spezia, de Campiglia dans les Maremmes, de Gerafalco , etc.). Je ne saurais trop insister sur ces singuliers schistes siliceux bigarrés, car ils me paraissent être tous propres des formations jurassiques de la Toscane. (2) Distinzionc del terreno Etrurio , p. 28 et suivantes. 1072 SÉANCE DU 21 JUIN 18/l7. tères, la régularité et l’uniformité de superposition qu’on observe dans des couclies de contrées éloignées et séparées par plusieurs formations intermédiaires plus récentes. Si les preuves avec cette vérité manquaient, on pourrait citer la série du lias et du Jura italien. Nous avons vu que le calcaire brun et le calcaire rouge ammonitifère du lac de Como sont tout à fait identiques avec ceux de la Spezia et des montagnes de Pise , et que ces calcaires con¬ servent partout les mêmes positions relatives. C’est ce que l’on observe également dans d’autres localités de la Toscane qui ne s’en éloignent que par quelques petites exceptions provenant de la suppression accidentelle de l’une ou de l’autre couche. — Les montagnes de Campiglia dans les maremmes Toscanes nous offrent une série de couches du Jura et du lias parfaitement semblables à celles décrites dans les montagnes Pisanes , comme on les voit dans la fig h. — En partant du pied de ces montagnes dans la plaine de la Cor ni a, et en avançant vers la vallée del Seccatojo , on voit sur les pentes orientales du Rialto di monte Calvi , du haut en bas, la suc¬ cession des couches que voici : — t. Macigno bien caractérisé, sur lequel est bâti le village de Campiglia. — r". Une série nombreuse de couches de marne schisteuse et de calcaire marneux absolument identiques avec celles qui renferment les ammonites et les bélem- nites de la Spezia. Aucun de ces fossiles n’y a pourtant été trouvé jusqu’à ce jour ; l’identité n’est donc déduite que de leurs caractères minéralogiques et de la position qu’elles occupent (1). Ces couches supportent le macigno de la montagne de Campiglia-Vecchia. — /. Dans la eolline qu’on appelle du Gabbro ni F/co on voit se suc¬ céder une formation de calcaire rouge à ammonites avec silex (2) et très puissante. Dans cet endroit je n'ai pu retrouver d’ammo¬ nites, mais elles ont été recueillies par M. Savi, M. Coquand et moi dans la même formation qui se fait voir dans une localité du Cainpiglicse peu éloignée , et sur laquelle nous reviendrons. — i" . Le calcaire ci-dessus s’appuie par les tranches de ses couches redressées et bien distinctes contre la montagne escarpée qu’on appelle Poggio del Cerro crociato . Les couches de ce calcaire se diri— (1) Il est vrai que j’ai vu dan* la collection de M. Coquand, à Campiglia, un morceau de ces schistes marneux, avec une petite Am¬ monite défigurée , qui ressemble beaucoup à quelques unes de celles de la Spezia. (2) Le mot italien cou selce employé au singulier ne me permet pas de savoir avec certitude si l’auteur a voulu dire silice ou silex. ( Le traducteur. ) SÉANCE 1)C 21 JUIN 1847, 10/3 peut du nord au sud. Cette montagne laisse deviner meme de loin une structure complètement différente de celle de la colline pré¬ cédente; elle se compose d’une grande masse de calcaire com¬ pacte, blanchâtre, celluleux ou sub-cristallin, sans aucun indice de stratification. Au point où le calcaire rouge stratifié se joint à ce calcaire blanchâtre et massif, une petite dépression indique la dis¬ cordance de superposition des deux roches. — * Si du côté oriental du Monte-Colvi on passe, pour examiner les rapports de ces deux ro clics calcaires, sur la partie occidentale de la même montagne, on voit d’autres accidents qui rendent leur position géologique encore plus claire. — Dans le vallon de Fucinaja , et plus proprement au lieu appelé la Cran Cuva , le calcaire rouge à ammonites reparaît avec tous ses caractères; c’est la continuation de celui qu’on voit au lieu dit la Caldana , où l’on a trouvé des ammonites caracté¬ ristiques. On voit dans ce calcaire un grand nombre de débris d Enclines, qui peuvent se rapporter à V Apiocrinites rot un dus , et différentes couches de schistes siliceux rougeâtres qui l’accompa¬ gnent dans sa partie supérieure ; on peut suivre ces schistes vers Montione et Montc-Rotondo où sous l’influence des agents plu to¬ niques ils se sont changés en alunite. Mais ce qui donne une grande importance à cette localité, c’est la superposition transgres¬ sive du calcaire rouge qui par les tranches de ses couches dislo¬ quées s’appuie contre un mamelon de calcaire blanc cristallin et massif, dont il n est séparé que par un conglomérat de frag¬ ments de ce dernier calcaire (fig. 5). — il découle de tous ces faits : 1° que les schistes siliceux formant la partie supérieure de la série jurassique du Campigliese sont identiques avec ceux que, à la Spezia , on voit sous le macigno ; — 2° que les couches de calcaire marneux qui les supportent représentent les schistes clu même genre qui renferment les ammonites de la Spezia ; — 3& que le cal¬ caire rouge ammonitifère de cette partie de la Toscane n’est que la continuation de celui qui se montre en Lombardie , à la Spezia et dans d’autres localités du centre de l’Italie ; — que le calcaire massif et le calcaire cristallin qui est au-dessous du précédent, et en stratification discordante avec lui sont l’équivalent du marbre statuaire de Carrare , du calcaire brun de la Spezia , et de celui du lac de Como. Considérations générales. — La position exacte du calcaire rouge ammonitifère dans les différentes parties éloignées de l’Italie nous étant connue , nous pouvons désormais nous occuper de le caser dans la série jura-liasique. Ce classement nous permettra de dé¬ terminer les couches qui lui sont inférieures ou supérieures. — Sur Soc. géolt série, tome IV. 68 107 A SÉANCE DU 21 JUIN 1. 8 /| 7 . le lac de Como ce calcaire forme sans contestation la partie supé¬ rieure de la série jurassique. Sa position le prouve. Cela est si vrai, que quelques géologues , se fondant d’ailleurs sur la présence de la Terebratula diphya , l’ont placé dans la craie. D’un autre côté les ammonites qu’il renferme porteraient à le faire regarder non seule¬ ment comme jurassique mais comme appartenant aux formations les plus anciennes de ce terrain ; car, d’après les observations si justes de M. de Bucli, ces ammonites rentrent pour la plupart dans la famille des Falcifères, qui a vécu pendant le dépôt du lias supé¬ rieur et de la plus ancienne des oolithes. — La place que le calcaire rouge occupe dans le centre de l’Italie est plus en rapport avec les ammonites qu’il renferme. A la Spezia et dans les montagnes de la Toscane, il repose immédiatement sur une dolomie ou rauc/i- ( vackc , et sur un calcaire noir, roches qui, par leur position et parleurs fossiles, sont identiques à la dolomie et au calcaire brun de la vallée de l Esino sur le lac de Como, que tous les géologues regardent comme du lias. Dans les localités de la Toscane, on le voit d’ailleurs supporter une série de couches jurassiques , qui par leur position peuvent être classées dans la partie supérieure du Jura. Ces couches paraissent manquer au lac de Como, à moins qu’on ne les suppose représentées par la majolica ; mais les carac¬ tères minéralogiques si différents des deux roches et l'épaisseur des dépôts de la première rendent ce parallélisme un peu forcé. C’est donc par des considérations paléontologiques qu’il faudra tacher de fixer l’ùge de notre calcaire rouge dans l’Italie centrale. — Nous avons dit que les schistes à ammonites de la Spezia et les autres schistes jurassiques cjui les recouvrent reposent entre le cal¬ caire rouge à ammonites et le macigno. Ce caractère suffirait à lui seul pour faire placer ces schistes dans la partie supérieure de la série jurassique. Mais les géologues qui ont examiné les différentes espèces d’ammonites de- la Spezia, tels que iVIM. Sowerby, de Buch et d Orbigny, les ont regardées comme appartenant au lias et même au lias inférieur. Je crains de paraître téméraire en voulant discuter les conclusions d autorités aussi respectables. Pourtant, je prendrai la liberté de faire quelques observations sur ce sujet, avec tous les égards qui sont dus à des paléontologues aussi distin¬ gués. Il est bon de remarquer d’aborcl que la plus grande partie des ammonites de la Spezia sont des espèces nouvelles; elles ne sail¬ laient donc aucunement nous éclairer sur l’âge des couches qui les renferment, et l’on est réduit à se fonder sur ies caractères géné¬ raux des familles, ce qui affaiblit de beaucoup les conclusions qu’on peut tirer. Ensuite 1 on observe qu’avec les ammonites à 1075 SÉANCE DU *21 JUIN 1 8 Z|7 . faciès liasique on rencontre également VA. ta trie as , VA. Lambcrti , et quelques Nérinées qui caractérisent ordinairement l’oolitlie su¬ périeure et l’argile d’Oxford. Que si l’on ajoute ces caractères à leur position stratigraphique, on est autorisé, je crois, à conclure que ces schistes occupent la partie supérieure de la série jurassique, et représentent peut-être en grande partie l’argile d’Oxford. Il s’ensuit alors naturellement que le calcaire rouge à ammonites doit etre rapporté à la formation jurassique inférieure. — On arrive à la même conséquence par l’examen des caractères stratigraplii- ques du calcaire rouge à ammonites et des séries de schistes cal¬ caires qui dans les montagnes de Pise et de Campiglia lui sont superposées. Ces dernières séries occupent précisément la même position que les schistes ammonitifères de la Spezia, auxquels ils ressemblent beaucoup par leurs caractères minéralogiques; elles sont placées entre le calcaire rouge et le macigno. Il est vrai qu’une circonstance importante paraîtrait s’opposer à l’adoption de ce parallélisme; c’est que dans les calcaires schisteux de la Toscane on ne voit point les ammonites de la Spezia, et l’on y trouve au contraire différents fucoïdes semblables à ceux du macigno. Mais si l’on considère : 1° Que ces dépôts ont une grande ressem¬ blance minéralogique avec ceux de la Spezia ; 2° que quelques calcaires qui font partie de ces dépôts dans les montagnes de Mas- saciuccoli près de Pise ressemblent tout à fait à la majolica de Lombardie ; 3° que les dépôts dont il s’agit occupent exactement la même position que les schistes à ammonites de la Spezia; lv° qu’on n’y voit aucune trace de fossiles crétacés; 5° qu’en fin d’après M. Studer on trouve quelques fucoïdes du macigno même dans le flisch liasique des Alpes; je me crois en droit de repro¬ duire ce que M. de Buch a avancé pour le calcaire rouge amino- nitifère de Lombardie , c’est-à-dire qu’il est peu probable que ces quelques fucus rencontrés dans leurs couches suffisent pour les faire remonter jusqu’aux formations crétacées. — D’après les faits que nous avons passés en revue et que je crois exacts, on peut donc conclure que le calcaire rouge à ammonites de l’Italie a été déposé à la partie inférieure de la série jurassique. Cette position est dé¬ duite non seulement de ses rapports stratigraphiques, mais encore de la nature des fossiles qu’il renferme; caries ammonites falci- fères qui sont communes dans cette roche sont propres , d’apr ès M. de Buch , au lias supérieur et à l’oolitlie inférieure. — Un autre caractère vient d’ailleurs appuyer le classement parmi les formations jurassiques du calcaire rouge que nous retirons défini¬ tivement du lias. Il résulte de toutes les observations que j’ai pu 1070 SÉANCE 1)U 21 JUIN 18/j7 faire en Italie, que la silice commence a se montrer dans les der¬ nières couches secondaires, c’est-à-dire dans les couches étrusques, et qu’elle est très abondante dans toute la formation de la craie et dans la partie supérieure du Jura, puisqu’elle disparaît entière¬ ment dans le lias et dans les autres formations plus anciennes. Or, puisque cette substance se trouve abondamment dans le calcaire rouge ammonitifère et manque absolument dans le lias qu’il re¬ couvre, il s’ensuit même de ce coté une forte présomption en la¬ veur de notre opinion. — La position que je viens d’attribuer au calcaire rouge ammonitifère de l’Italie ne diffère pas beaucoup de celle que M. Coquand a soutenue dernièrement. La distance entre l’oolithe inférieure et le lias est si petite qu’on peut parfaitement placer un dépôt incertain dans l’une ou dans l’autre de ces for¬ mations , sans dépasser les limites d’incertitude inhérentes à notre science. Mais puisque M. Coquand déduit de sa classification du calcaire rouge une conséquence très importante et qui ne me paraît point exacte, je crois devoir examiner les arguments sur lesquels il s’appuie. — Voilà le raisonnement de M. Coquand: « Si le calcaire rouge à ammonites représente en Italie le lias iu- » férieur, on doit regarder comme dévonien ou silurien le calcaire » cristallin de Carrare et de Campiglia, tandis que les schistes » également cristallins qui le supportent appartiennent au terrain » cambrien (1). » Notre confrère trouvera bien peu de géologues qui voudront partager son opinion, .le suis parfaitement d’accord avec lui quant à la discordance de stratification bien évidente qu’on observe en Toscane entre le calcaire rouge ammonitifère et les calcaires saccliaro'ides, et comme lui je ne peux adopter l’opinion de quelques uns de nos confrères qui doutent de cette disposition transgressive ou qui ne lui accordent point l’importance qu’elle mérite. Mais je ne saurais aucunement admettre que le hiatus chronologique qui existe entre ces deux formations soit aussi grand qu’il le pense. Il suffit de suivre le passage du marbre de Carrare au calcaire brun de la vallée de la Tecchia renfermant des fossiles tout à fait identiques à ceux qu’on trouve dans le calcaire de même couleur de la vallée d’Esino en Lombardie qui est placé dans la même position , pour acquérir la conviction que les marbres statuaires des Alpes apuanes, les calcaires saccliaro'ides de Campi¬ glia , et la rauchwacke de la Toscane, ne peuvent absolument être classés dans le lias inférieur. — Les anagénites et les schistes cris- (1) Bull, de la Soc. géol. de France , 2e sér , t. II , p. 165 et suivantes. ' 1 - x'\ /Juif • (h* / m’avez adressés le Mastodonte à dents étroites; mais l’état de » leur conservation rend très difficile, pour ne pas dire impossible, » la détermination de l’espèce. Les Mastodontes jusqu’à ce jour » paraissent propres aux terrains tertiaires moyens et supérieurs. » Les M. angustidens et arvernensis sont de cette dernière époque ; » les M. longirostris et ta pi roi des sont de la première. Votre fossile » peut appartenir au Longirostris ou à X Angustidens. Si cette dent » a été trouvée avec les fossiles que vous m’avez déjà communi- » qués, je supposerais volontiers qu’elle a été transportée déjà » fossile dans ce gîte ; car je ne connais pas d’association pareille » dans le terrain diluvien , auquel le Mastodonte, dans notre » Europe, paraît normalement étranger. » A ces dernières observations de M. Pomel je dois faire plu¬ sieurs objections : Le terrain de la tranchée de Gorcelles est une argile qui a été formée par la précipitation de matières fines tenues en suspension dans des eaux tranquilles ou peu rapides. Ces eaux n’auraient pu charrier isolément un corps dense comme l’est cette dent de Mas¬ todonte. On ne voit pas dans la contrée un terrain tertiaire, plus ancien que le terrain de la plaine , d’où ce fossile aurait pu être entraîné. Quel que soit l’àge des terrains superficiels de la Bresse, ce n’est pas la première fois que des dents de Mastodonte y sont trouvées. Il existe à Châlon une dent de Mastodonte à dents étroites, recueillie par un propriétaire de la Bresse, près de Tournus, mais dont le gisement n’a pu être bien précisé. Il est fait mention, dans l’ouvrage de Cuvier d’une autre dent du même animal, qui fut trouvée à Trévoux dans un monticule de sable, et dans ce même terrain de la Bresse. Une découverte tout à fait inattendue a été faite dans la tran¬ chée de Saint-Cosme vers sa partie moyenne. On a rencontré, dans la couche de sable, à 5 mètres de profondeur, un de ces coins tranchants en pierre dure, armes ou ustensiles bien connus dont se sont servis les hommes primitifs vivant à l’état sauvage. Celui- ci, qui a 8 ou 9 centimètres de longueur, a été fait d’un morceau de diorite compacte artistement usé d’un côté. Le taillant en est très aigu et très régulier. Je l’ai fait dessiner afin que son authen¬ ticité comme œuvre de l’industrie humaine ne puisse paraître dou¬ teuse à personne (1). Cette découverte qui a fixé à juste titre l’at- (1) Le dessin de M. Canat était si parfaitement identique avec les autres pierres de ce genre , communes dans les collections , qu’on n’a pas cru devoir le reproduire. 1092 SÉANCE DE 21 JUIN 1 S Z| 7 . tendon de l’ingénieur du chemin de fer a été de ma part le sujet d une enquête minutieuse faite sur les lieux : c’est bien dans un terrain vierge de tout remaniement que cet objet a été trouvé. On a dû comprendre ? par ce qui précède, que ce terrain n’a rien de commun avec les alluvions de la Saône ou de la Thalie. r Le terrain lacustre de la Bresse est classé par M. Elie de Beau¬ mont comme appartenant à la troisième période de l’époque ter¬ tiaire, ce qui est la conséquence de son relèvement sur le flanc des Alpes principales. Pour M. Rozet le terrain lacustre tertiaire ne commencerait qu’à la couche d’argile grise que l’on voit au pied des berges de la Saône ; les couches supérieures appartien¬ draient à la période dite diluvienne. Il est certain que cette der¬ nière partie de son opinion trouve une confirmation heureuse dans la présence , au milieu de ces terrains, d’un objet de l’industrie humaine et de coquilles appartenant à une époque géologique très récente. Les érosions de la marne bleue inférieure de la tran¬ chée de Saint-Cosme pourraient donner à penser que là peut-être existe la démarcation entre le terrain tertiaire et le terrain dilu¬ vien , si cette manière de voir n’était contredite par la distribution des fossiles dans les couches. Le terrain caillouteux de la Bresse, qui est relevé sur le flanc des Alpes, serait-il plus ancien que le terrain d’argiles et de sables des plaines du Châlonnais? Le fond du lac aurait-il été d’abord immergé au sud à la lin de l’époque tertiaire, et la partie nord aurait-elle été comblée par des dépôts de la période suivante? Cette supposition ne paraît pas admissible quand on observe que le ni¬ veau si uniforme des plateaux dans la Bresse Châlonnaise se con¬ tinue dans la Bresse Màconnaise où commence le terrain caillou¬ teux. Il résultera au moins des faits qui ont été exposés que la race humaine a habité nos contrées avant la disparition de plusieurs grandes espèces animales. On était déjà porté à admettre quelle a existé en même temps que l’élépliant primitif, ce qui est con¬ firmé. Sa contemporanéité avec le Mastodonte à dents étroites ne paraîtra guère douteuse. L’homme a certainement assisté à des événements géologiques qui ont changé la face de ces contrées, tels que le dessèchement du lac de la Bresse , le creusement des bas¬ sins des rivières , l’établissement des cours d’eau actuels , et peut- être le soulèvement des Alpes principales , cause première de ces changements. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. M. Michelin communique l’extrait suivant d une lettre qu a reçue de M. Edouard Collomb, de Wesserling. 1093 ’il 1 9 juin 1 847. « A propos de neige et de glace je viens de recevoir, duunont » Saint-Bernard, des nouvelles qui m’annoncent un fait météo- » rologique extraordinaire , et je m’empresse de vous le commu- » niquer, tout en vous garantissant la véracité de la personne qui » m’écrit. » « En passant le Saint-Bernard j’ai été témoin des restes d’un phé¬ nomène qui a mis en émoi tout le pays ; il s’agit de la neige jaune qui est tombée dans les premiers jours d’avril, et qui existait encore au moment de mon passage. Cette neige avait une couleur cannelle claire. Je ne l’ai remarquée que sur le versant méridional de la montagne. La quantité tombée est d’environ 12 centime- mètres. Le chanoine Carrel , qui habite près du mont Saint-Ber¬ nard , ne sait que penser de ce phénomène , et il dit que le même jour une pluie laiteuse est tombée à Chambéry. Cette neige n’a aucun rapport avec la neige rouge , et elle était réellement jaune au moment de sa chute. Les paysans de la con¬ trée se rappellent avoir observé le même phénomène dans l’année 1799. » M. Michelin lit, au nom de M. Pierre Duchassaing, docteur médecin , au Moule (Guadeloupe) , la notice ci-après , envoyée en janvier 1847. Essai sur la constitution géologique de la partie basse de la Guadeloupe, dite la Grande-Terre . L'ile de la Guadeloupe est, ainsi que la plupart des Antilles, composée : 1° d’une partie montagneuse et volcanique ; 2° d’un plateau calcaire composé des dernières couches de sédiment repo¬ sant probablement sur une base dérochés volcaniques. Cette opi¬ nion émise depuis longtemps a été discutée par M. Moreau de Jonnès. Le plateau calcaire est appelé Grande-Terre , et la portion mon¬ tagneuse est la Guadeloupe proprement dite. Dans les Antilles, ainsi qu’il a été signalé par divers géologues, les terrains calcaires sont généralement situés à l’orient de la par¬ tie volcanique. A la Guadeloupe, ces deux parties sont assez bien 1094 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. délimitées par ce qu’on appelle la rivière salée. Il ne faut pas croire cependant que toute la portion située à l’occident soit en¬ tièrement volcanique ; ce serait une erreur , car souvent on y trouve des lambeaux de terrains semblables à ceux de la Grande- Terre. L exposé que nous faisons aujourd’hui de quelques faits n’a pas pour but d’expliquer par des hypothèses la cosmogonie de ncs îles qui ne pourra être entreprise que par de savants voyageurs , ayant beaucoup vu et ayant recueilli des observations nombreuses. M. Moreau de Jonnès, dans son ouvrage sur les Antilles, a commis quelques erreurs dans la distribution des terrains. Tout en signalant les services qu’il a rendus à la science par une foule de faits bien analysés, nous pensons que notre travail ne sera pas dépourvu d’intérêt en donnant nos rectifications. Notre étude de la constitution géologique du pays, quelque imparfaite qu elle puisse être , n en aura pas moins son utilité , d’abord en donnant aux na¬ turalistes une idée de sa constitution géologique , et ensuite en ser¬ vant de ciel pour aider à arriver à la connaissance des pays voi¬ sins , puisque tous les voyageurs sont d’accord pour trouver une grande analogie entre la composition géologique des diverses An¬ tilles. Une des choses qui nous a le mieux servi dans notre travail , c est la fouille des puits destinés à fournir de l’eau aux usines à sucre que 1 on vient d’établir. Nous avons pu y étudier la super¬ position de plusieurs terrains et y recueillir des fossiles très bien conservés , et notre surprise a été grande d’y rencontrer certaines espèces rappelant parfaitement le bassin Parisien. Nous signale¬ rons entre autres une espèce de Lunulites assez abondante qui nous a semble ne difïérer en rien de la Lunulites umbellata que nous avions trouvée aux environs de Paris , et une bivalve fréquente dans certaines couches, tout à fait semblable au Pectunculus pulvi~ natus. Enfin, parmi les Turbinolies plusieurs seront à rapporter à quelques unes des espèces des terrains les plus récents d’Italie et de France. Le tableau suivant, distribué d’après la classification deM. Lyell, fera connaître l’ordre de superposition des terrains tertiaires. Pliocène i -^buvions > terrains détritiques. nouveau. Formations madréporiques. { terrains des galibis ou anthropolithes. Pliocène ( Argile. ancien, f Tuf blanc, ou calcaire à foraminifères. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1095 i Roches à ravets. Miocène. \ Sables volcaniques remaniés par la mer. ( Tuf jaunâtre. La série toute entière des terrains secondaires , de transition et primitifs ne s’offre nulle part. Les assises tertiaires reposent proba¬ blement sur des couches volcaniques semblables à celles qui for¬ ment la partie montueuse de l’île. Formation madrèporique . Cette formation se présente le long des côtes , et ici se trouve une erreur à relever. Beaucoup de voyageurs , peu versés dans les sciences naturelles , ont appelé madréporiques les masses dont nous parlons , mais l’on se tromperait cependant si l’on croyait, d’après eux , que les récifs madréporiques sont seulement composés de zoophytes. Il y en a au contraire un grand nombre qui n’en renferment que peu , le surplus étant composé de certaines espèces de Serpules très fortes , entrelacées , formant d’énormes masses et entremêlées de nombreuses Balanes. Tout cela constitue des amas considérables dont quelquefois cependant les madrépores forment la portion principale. Ces récifs dans quelques endroits de la Grande-Terre ont éprou¬ vé un soulèvement très remarquable, et la conservation des corps organisés qui s’y trouvent constate bien qu’ils n’ont été ni roulés ni transportés. Les principales espèces de zoophytes qui y forment des masses assez considérables sont les Astrea argus , p l eyades et ana¬ nas, Meandrina gyrosa , cere.br alis et areolata , Madrepora cervicor- nis et palmata , etc. Lorsque ce sont des polypiers branchus comme le Madrepora cervicornis et qu’ils sont fortement altérés , les habitants les dési¬ gnent comme des branches d’arbres. Les polypiers ci-dessus nommés , les coquilles terrestres et ma¬ rines qui se trouvent empâtés dans ces récifs avec des débris d’au¬ tres animaux marins , appartiennent aux espèces les plus abon¬ dantes de la faune actuelle de la Guadeloupe. Du reste , cette formation , étant contemporaine des roches qui renferment les Galibis ou Anthropolithes, mériterait à peine d’être distinguée, si des phénomènes différents ne concouraient à la création de chacune d’elles. La formation madréporique consiste donc en dépôts littoraux s’appuyant sur des roches plus anciennes. En différents endroits looo SÉANCE DU 21 JUIN 1847. elle a subi des soulèvements de 2 à 3 mètres au-dessus du niveau de la mer, par suite desquels elle est bois des atteintes des plus hautes marées. Ce phénomène peut s’observer à la batterie du Moule , à l’Anse à l’Eau et en d’autres endroits de la côte Nord. Formation des roches à Galibis. Les Galibis sont les peuplades sauvages qui habitaient notre île avant que les Caraïbes ne s’en fussent emparés , et la croyance gé¬ nérale est que les ossements qui nous occupent appartiennent à la première de ces deux nations. Ce terrain se distingue par un mode spécial de formation , mais toutes les roches qu’il faut y rapporter ne contiennent pas des débris humains. Les eaux pluviales descendent du haut des mor¬ nes qui dominent les plages marines. Elles filtrent à travers les couches calcaires et se chargent du carbonate de chaux qu’ elles leur enlèvent ; aussi forment-elles des stalactites dans les grottes où elles pénétrent , ainsi qu’on peut le voir dans les hauteurs du gîte des Anthropolithes du Moule. Etant arrivées sur la plage au moyen du carbonate de chaux qu elles renferment, elles aggluti¬ nent les grains de sable et en forment une espèce de poudingue à grains très lins, et empâtant les divers objets qui s’y rencontrent. Cette consolidation se lait très rapidement , car nous avons trouvé au milieu des masses des tiges du raisinier ( Coccoloba uvifera , L.), qui n’avaient subi aucune altération autre que le dessèche¬ ment. C est ainsi que les ossements de Galibis se trouvent con¬ servés. L’endroit le plus connu pour trouver des anthropolithes est situé près du bourg du Moule , sur les terres de MM. Morrel. Il paraît en exister d’autres que je n’ai pas visités. L origine moderne de ces dépôts n’est plus contestée depuis les détails donnés par Cuvier dans son discours sur les révolutions du globe. Qu’il nous soit permis cependant d’ajouter que parmi les ossements humains on a trouvé des débris de vases faits avec la même terre que celle employée aujourd’hui dans nos colonies pour fabriquer les poteries poreuses propres à faire rafraîchir l’eau. On y rencontre aussi les Bah mus oc tonus et Giuidalupensis et des tiges de Gorgonia flabclliun . A la partie la plus supérieure de cette formation qui est aussi la plus récente, j’ai trouvé un calcanéum de chien , renfermant toute sa gélatine et un morceau de silex. Ces deux objets étaient emp⬠tés dans la roche , et il a fallu le marteau pour les détacher ; or. 1097 «ÉÀNCK DU 21 JUIN 1847. les chiens et les silex ayant été introduits dans l’île par les Eu¬ ropéens , tout tend donc à prouver l'origine moderne des osse¬ ments humains. Cette formation continue à s’accroître ; elle ne renferme plus d’anthropolithes, mais seulement des coquilles marines conser¬ vant en grande partie leurs couleurs. On en trouve de beaux exemples à la Pointe des Châteaux. Terrain d’alluvion et argile. Nous passerons rapidement sur le terrain d’alluvion déjà décrit et signalé par M. Moreau de .Tonnes, et nous ferons seulement observer que l’on y trouve assez souvent l’Amphibulime capuchon (Succinea cucullata) , fort rare aujourd’hui. Sous l’alluvion est une couche argileuse sans fossiles et de peu d’épaisseur. Tuf blanc ou roche à coquilles foraminifères. Ce tuf dont on se sert dans le pays pour amender certaines terres est généralement d’une blancheur assez grande et d’une solidité médiocre. Il se reconnaît toujours en ce que la masse est presque en¬ tièrement composée de coquilles polythalames des genres Mi liola et Vorticialis. C’est ce tuf blanc qui caractérise les sites du Moule , de Sainte-Anne, de Saint-François et du Morne à l’Eau , car c’est lui qui compose les mornes de ces différentes communes de la Grande-Terre , et qui forme leurs falaises escarpées. 11 se retrouve aussi à la Guadeloupe proprement dite , dans la commune des Trois -Rivières , et près du chemin dit de La Gabarre. On doit probablement le rencontrer encore dans d’autres endroits. Les coquilles que renferme ce tuf sont analogues pour la plu¬ part à celles vivant dans les mers voisines , mais elles sont parfai¬ tement pétrifiées, puisque leur coloration a complètement disparu, qu elles ont perdu leur nacre et que les Echinodermes y ont pris la texture spath ique. Une quantité prodigieuse de polypiers se trouve disséminée dans ce terrain , n’étant quelquefois représentés que par des moules ou empreintes, mais presque toujours analo¬ gues à ceux vivant actuellement, il en résulte que l’animalité de cette époque était peu différente de celle d’aujourd’hui. Parmi les fossiles les plus fréquents nous citerons les Clypeaster rosaceus , Sp a tan gus colutnbaris , Tellina virgata , Pccten nodosus et radula , Astrea argus, Agaricia.cristata , Par onia un data , etc., et, parmi 'J 098 SÉANCE DU 21 JUIN l8/l7. les espèces dont on n’a pas trouvé jusqu’à présent les analogues vivants, les Clypeaster par vus , nob., Cassididus Guadalupensis , nob. , et Caryophyllia pondcrosa , nob. M. Moreau de Jonnès qui a bien décrit ce tuf n’a pas fait res¬ sortir son origine aussi récente. On remarquera que les coquilles microscopiques forment ici des couches épaisses, ainsi que M. Alcide d’Orbigny l’a déjà lait ob¬ server pour le continent américain. Ce tuf présente de nombreux soulèvements, mais tous les mor¬ nes qu’ils forment courent sous forme de chaînes de l’est à l’ouest, tandis que la chaîne volcanique de l’île est dirigée du nord au sud. Auprès du bourg Saint-François on peut observer des plissements en zigzag. Roches a ravets (1) , sables volcaniques remaniés par la mer , et tuj jaunâtre. * INous décrirons ensemble comme se rapportant à la même épo¬ que ces trois terrains dont les fossiles sont à peu près les mêmes. Il y aura ici quelques erreurs à rectifier, car M. Moreau de Jonnès, qui a fait voir combien d’autres s’étaient mépris en croyant trouver dans nos îles les terrains granitiques et ardoisiers, a commis lui-même une faute en assignant une haute antiquité aux roches dont nous nous occupons. Voici textuellement ce qu’il dit (pag. 136 et 137 ) sur la pierre à ravets : » Quoi qu’il en soit, il faut ranger ce carbonate de chaux » parmi ceux appartenant aux contrées calcaires de première for- » mation ; il est analogue à celui que l’on trouve sur les flancs des » grandes chaînes de montagnes du globe , et il lui ressemble par » le défaut de stratification , par ses cristallisations nombreuses , » par le peu de coquilles qu’il renferme, par la nature de celles » que nous y avons reconnues (Térébratules) , et qui sont presque » les seules que l’on observe dans les couches calcaires les plus » anciennes. » Mais l’auteur que nous citons avait dit antérieurement, non pas qu’il a reconnu , mais qu’il avait cru reconnaître des térébratules dans la roche à ravets. Or, ce n est pas sur une seule coquille que l’on peut établir l’àge d’une roche , et , du reste, les Térébratules se trouvent non seulement dans les terrains de tout âge , mais en¬ core à l’état vivant. (1) Nom vulgaire des Blattes américaines. 1099 SÉANCE DU 21 JUIN 18/l7. Le calcaire à ravets est sonore , et offre dans son intérieur des parcelles brillantes dues à du carbonate de chaux cristallisé. Il est très dur et ne renferme en général que des coquilles mal conser¬ vées. Ainsi que le fait remarquer M. Moreau de Jonnès, il a tiré son nom des sinuosités caverneuses qu’il renferme, lesquelles ser¬ vent quelquefois de retraite aux blattes ; ces cavités ne peuvent être considérées comme des vides dus à des polypiers ou à des co¬ quilles , et elles sont ordinairement remplies d’argile. Dans les environs de la Pointe-à-Pitre, aux Abymes, au Go- zier, etc., ce sont ordinairement les roches à ravets qui se mon¬ trent à la superficie. Au-dessous de cette couche on trouve une roche composée de sables volcaniques très friables , d’un gris noirâtre , et qui vue au soleil présente des parcelles brillantes de mica. Elle est assez épaisse , et renferme de nombreux fossiles. Nous avons pu l’étu¬ dier dans les fouilles du puits des usines Marly et Zevallos, où nous l’avons reconnue à une profondeur de 23 à 25 mètres sous la roche à ravets , tandis que dans la commune des Abymes elle vient affleurer le sol, et a été regardée par M. Moreau de Jonnès comme la base du volcan sur laquelle s’appuyaient les autres ter¬ rains. Il est évident que ces sables volcaniques ont été remaniés par la mer, et c’est alors que les fossiles y ont été ensevelis et que le tout a acquis une certaine cohésion. Il arrive même assez souvent que ce mélange forme un poudingue grossier d’origine volcanique. Sous cette dernière couche est un tuf jaunâtre assez fragile qui renferme des fossiles peu nombreux , mais analogues à ceux des couches supérieures. Une grande partie des fossiles contenus dans les calcaires à ra¬ vets , les sables volcaniques et le tuf jaunâtre ayant leurs analo¬ gues vivants, nous avons cru pouvoir les rapporter au groupe mio¬ cène , quoique nous ne connaissions pas bien la proportion relative avec les espèces n’existant plus aujourd’hui. Nous espérons plus tard donner une liste complète des corps organisés fossiles , comparés avec celle des animaux que I on con¬ naît aujourd'hui. De l’exposé qui précède on pourra, je crois, tirer les consé¬ quences suivantes, savoir : Que l’on ne trouve à l’île de la Guadeloupe que des terrains tertiaires ; Que pendant le dépôt des diverses couches tertiaires il y a eu .1100 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. des déjections volcaniques dont les résidus ont été remaniés et stratifiés par les eaux marines ; Que l’on ne peut démontrer la haute antiquité d’aucun dépôt ; Que l’on ne peut adopter l’opinion d’Yssert, qui prétend que les ammonites sont communes à la Grande-Terre ; Que l’île n’est pas une formation dite madréporique , mais qu’elle est due à des sédiments formés sous des eaux marines. Et enfin que les anthropolitlies ou ossements humains fossiles ne remontent pas au-delà de quelques siècles. M. Pomel fait observer que partout où on a trouvé l'homme , on a trouvé le chien domestique, même dans les îles de la Polynésie. M. Michelin donne lecture de la note suivante de M. A. de Zigno. Sur les terrains stratifiés des Alpes 'vénitiennes ; par M. A. de Zigno. Padoue , mai 1 847. Dans la séance du 7 décembre 1846 de la Société géologique de France , M. Catullo m’accuse d’avoir annoncé comme un fait en¬ tièrement nouveau l’existence du lias dans les Alpes vénitiennes , et d’en avoir fait la communication dans ce sens à la Société dans la séance du 17 mars 1845. M. Catullo ayant répandu dans plusieurs écrits que je me suis arrogé cette découverte, il est nécessaire que je reproduise ici Farticle inséré par moi à ce sujet à la page 356 du tome II de la 2e série du Bulletin , séance du 17 mars 1845 de la Société géologique, afin que chacun puisse reconnaître que M. Catullo s’est trompé sur le sens dudit article, et que je n’ai jamais prétendu annoncer une découverte. Bulletin de la Société géologique , 2e série , t. II , pag. 356. « Guidé par le caractère minéralogique et par les lois de super- » position , ainsi que par l’examen de quelques fossiles , on a re- » connu le trias dans les montagnes du Vicentin. Moi-même j’ai » cru pouvoir rapporter au lias un assemblage de roches qui se trou - » vent dans les Alpes du Bellunais , entre le kcuper et le jura ; mais » toutes ces classifications restent toujours douteuses jusqu’à ce que SÉANCE DU 21 JUIN 18/(7. 1101 » les limites du jura et du terrain crétacé soient mieux établies a » f aide des caractères p (déontologiques clans toute V Italie boréale .» Depuis l’année 1845 j’avais en outre annoncé à l’Institut de Venise , à la Société géologique de France et au congrès de Naples, que j’avais trouvé des Criocères dans cette roche qu’on a jusqu’ici appelée biancone , et que des géologues croyaient jurassique , tandis que d’autres en faisaient une roche de l’étage crétacé su¬ périeur. J’étais au contraire entraîné par la présence des Criocères, et d’autres fossiles caractéristiques, à l’établir pour l’équivalent du terrain néocomien inférieur. Ce fait me paraissait donc de quelque importance, d’autant plus qu’il m’obligeait à séparer paléontolo- giquement le biancone du calcaire ammonitifère rouge qui con¬ tient des fossiles jurassiques en grande abondance. M. Catullo tâche de diminuer l’importance de cette observation en rappelant que les Criocères étaient connus du temps de Mos- eardo (1656) et de Mercati (1719), sans remarquer que, tandis que je crois être le premier qui en Italie ait appelé l’attention sur ce genre de céphalopodes , je n’ai jamais prétendu avoir été le premier ni le seul à le trouver. Des échantillons de Criocères existaient depuis longtemps dans les collections du comte Corniani et de l’abbé Corsequato , sans que personne les eût figurés avant l’ouvrage de M. d’Orbigny, et même, après la publication du genre Crîoceras , personne, avant moi, n’avait démontré que ces fossiles, qui se trouvaient dans nos collections avec le nom dè Hamites , ap¬ partinssent au nouveau genre Crioceras. Par les Crioceras je fus amené à établir l’étage auquel appartient le biancone , et ma classification a été admise par les géologues présents au congrès de Gènes. Cette roche immédiatement super¬ posée au calcaire rouge ammonitifère des Alpes vénitiennes a donc été reconnue offrir le type du terrain néocomien dans toute cette partie de l’Italie par MM. de Buch, Coquand, Ewald, Sismonda, Michelin, Pérez. M. Catullo seul s’y oppose, et cite une promiscuité de fossiles qui est bien loin d’être prouvée. Il suffit d’examiner les planches in-4° du mémoire de M. Catullo pour voir les erreurs qui s’y sont glissées. Voyez les figures de X Ammonites Beudantii , bicurvatus , latidorsatus , helius , etc. Ce sont de vains efforts pour faire rentrer le calcaire ammonitifère de nos Alpes dans le système crétacé. Dans le Taschenbucli de Leonhard et Bronn on a déjà signalé tou¬ tes ces erreurs. Aies planches de fossiles du biancone ont convaincu M. d’Orbi¬ gny que cette roche est décidément néocomienne , tandis que 1102 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. les fossiles du calcaire ammonitifère que je lui ai envoyés appar¬ tiennent, selon ce célèbre géologue , à ceux de ses couches kello- viennes et oxfordiennes. Ainsi la question entre AI. Catullo et moi a été décidée en ma faveur par les premières autorités scientifiques. La confusion qui a régné jusqu’ici sur la classification de ces deux roches tient à ce que souvent on n’a pu les distinguer des roches qui les recouvrent, et particulièrement de la scaglia rou¬ geâtre, blanchâtre et grise avec fucoïdes qui leur est bien supé¬ rieure, comme je l’ai prouvé dans d’autres écrits, et qui est ca¬ ractérisée par les fossiles de l’étage senonien. Cette dernière est recouverte par un calcaire sableux qui contient les fossiles de Biaritz et de Bayonne. Ainsi, récapitulant les observations des géologues qui m’ont pré¬ cédé, et y joignant celles que j’ai faites dans ces derniers temps , nous avons, dans les Alpes vénitiennes et tyroliennes de bas en haut, un système arénacé qui recouvre nos micaschistes, et qui est lui- même recouvert par le trias bien caractérisé et qu’on peut obser¬ ver à Recoaro, dans la Valsugana, dans le bassin de Trente , à Falcade, Agorclo , dans la vallée de la Boite et dans le Frioul , et qui continue dans les vallées de Fiume , deFassa, et dans la cé¬ lèbre localité de S. Cassian ; ensuite le lias et les couches dolomi- tiques et oolithiques recouvertes par les couches kelloviennes à Ammonites Tignoianus, an cep s, Homnmire , athleta, viator d’Orb. ; puis le biancone à Belemnites lotus , dilatatus ; Ammonites Astic- rianus , consobrinus , Grasianus , inf un dib aluni , quadrisulcatus ; à Crioceras Duvalii, Villiersianus ; à Ancyloceras pulcherrimus , Puzo - simius , etc. ; ensuite les couches à Hippurites et Actéonelles du Bel- lunais recouvertes par la scaglia à fossiles senoniens. Les terrains tertiaires du Vicentin, du Trévisan et du Padouan renferment dans les couches inférieures et immédiatement superpo¬ sées à la scaglia les fossiles de Biaritz. Le Pentacrinite trouvé par M. Catullo et par moi dans la Brecciole de Novave , dans le Véro- nais, n’est ni le Pentacrinites cnput Medusœ ni le bcisaltijonnisy mais bien le Pentacrinites didactylus des environs de Bayonne. Cet étage est recouvert par les couches du terrain miocène à bancs puis¬ sants de lignite , lequel , dans le Trévisan et en quelques endroits du Yicentin , est lui-même recouvert par les sables et poudin- gues que M. Murchison a rapportés depuis longtemps au terrain subappenin. M. le Président donne lecture de la note suivante de M. d’Archiac. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. nos Note sur un plissement du terrain tertiaire dans la vallée de la Dronne y et sur les couches que traverse Je chemin de fer entre Libourne et Angoulême , par M. d’Archiac. De Libourne à Contras, le chemin de fer qui parcourt la vallée de l’Isle est constamment en remblai; on ne coupe que le dépôt de transport diluvien composé de sable , de silex gris- noirâtre pro¬ venant de la craie , de cailloux très arrondis de quartz blanc ou diversement colorés, de granité , de roches amphiboliques , eu- ritiques et schisteuses et de quelques fragments de grès. Au-delà de Coutras , le chemin suit de même le fond de la vallée de la Dronne, et, au ruisseau de Malibeau, les fondations du pont repo¬ sent sur une marne sableuse en place, gris verdâtre, un peu mica¬ cée , avec quelques grains de feldspath altéré et qui appartient à la molasse du Fronsadais. En s’avançant vers la Roche- Chalais , les fondations des autres ponts sont aussi établies sur ces mêmes mar¬ nes, à 3 ou lx mètres au-dessous de la surface du sol. Les collines qui bordent la vallée sont entièrement formées par la molasse qui n’atteint pas moins de 100 mètres d’épaisseur entre Coutras et Saint-André de Cubzac. Le haut plateau ondulé qui sé¬ pare ces deux bourgs ne présente point de bancs solides d’eau douce ni marine au-dessus de la molasse , et ces dernières ne paraissent pas dépasser la crête qui borde au nord la route de Saint-André à Fronsac. La continuité et l’horizontalité de cette bande calcaire qui suit la rive droite de la Dordogne contrastent fortement avec les contours ondulés et flexueux des sommets et des flancs le plus ordinairement boisés des coteaux de l’Jsle et de la Dronne, qui accusent ainsi de loin leur composition et l’absence de couche so¬ lide dans toute leur hauteur. On n’a encore trouvé dans cette masse ai gilo-sableuse aucun fossile déterminable, si ce n est quelques tra¬ ces de végétaux cliarbonnés dans les bancs d’argile scliistoide. La craie ne se montre d’ailleurs nulle part , et le diluvium cpii s’élève assez haut sur les pentes recouvre quelques mamelons avancés. La Roche-Chalais est bâtie sur un promontoire composé vers le haut de molasse sableuse , à grain fin , gris bleuâtre , panachée de lie de vin ; au-dessous vient un petit ht de cailloux de quartz très roulés, puis une molasse grise non panachée, et vers le bas une molasse plus solide formant le lit de la rivière. De ce village à Parcou sont des collines recouvertes de diluvium , et l’escarpement qui domine la Dronne au nord de Parcou présente à sa partie su¬ périeure une masse puissante de grès formée par la molasse pa« im SÉANCE DU 21 JUIN 18/(7. naehée très endurcie recouvrant la molasse sableuse et friable. A la butte du Four-Latude que coupe le chemin de fer à l’O. de Parcou, on voit sur une hauteur de 9 mètres une molasse pas¬ sant à un grès tendre , micacé vers le bas, fendillé obliquement et simulant une fausse stratification. Dans une carrière ouvei te au- dessous du niveau du chemin la roche est fortemént. endurcie par une infiltration siliceuse et passe à un poudingue à petits éléments ou à un grès grossier lustré, gris ou jaunâtre, empâtant des nodules de quartz hyalin , de quartz blanc et d’argile grise. L’épaisseur de cette roche est de 2m,50 ; ses plans supérieur et inférieur sont irréguliers , ondulés , et au-dessus et au-dessous la masse sableuse est restée meuble et friable. On y remarque par places des veinules de silex jaspoïde et résino'ide, brun-jaune, de quelques centi¬ mètres d’épaisseur , et se fondant dans la masse arénacée. La butte de la Poterie située plus au nord présente aussi des bancs de grès subordonnés à la molasse. Par leur disposition arquée et en quel¬ que sorte testacée ils semblent s’enfoncer irrégulièrement dans la roche meuble. Une couche d’argile impure les sépare les uns des autres. C’est à quelques centaines de mètres au nord de ce dernier point que les travaux du chemin de fer ont mis. à découvert sur une longueur de 65 à 70 mètres et sur une hauteur de 5 mètres le plissement dont nous allons parler. Les couches tertiaires placées sous le diluvium présentent de haut en bas : 1° un sable gris un peu argileux ; T une glaise rouge ; 3° une glaise grise; 4° une argile impure ou glaise ferrugineuse. Ces quatre couches d’une épaisseur assez variable, mais qui pour chacune d’elles ne dépasse pas 1 mètre à lm,50 ne sont pas tou¬ jours nettement séparées et se fondent parfois les unes dans les autres. Elles offrent dans le talus de droite ou oriental des ondu¬ lations ou des flexions rubanées, tronquées à la partie supérieure par la dénudation à la suite de laquelle s’est déposé le diluvium , et à la base par le niveau même du chemin qui n’atteint point partout les plis inférieurs. Sur l’un des côtés de la coupe, ces ban¬ des diversement colorées se redressent presque perpendiculaire¬ ment et s’appuient contre un massif de craie jaune (1er étage). Cette craie qui semble avoir été triturée sur place n’affecte plus de stra¬ tification distincte et se voit sur une hauteur de 4 mètres. Au-delà les mêmes couches tertiaires semblent plonger dessous , quoique toujours placées dans le même ordre les unes par rapport aux autres ; et à peu de distance la molasse grise , friable , ordinaire , se retrouve dans sa position normale. Cet accident peut s’expliquer , en supposant que le froncement SÉANCE i)U M JtIN 1847. 1105 sionné par une pression latérale , et qu’à l’endroit où le maximum d’effet s’est produit la craie sous-jacente a été redressée en coin oblique et incliné du côté où la force était la plus grande. Dans ce mouvement , la craie est restée accompagnée des couches ter¬ tiaires qui la recouvraient et qui se sont repliées de ce même côté, de manière à paraître plonger dessous et dans le même sens que celles que l’on remarque à’ gauche du massif crayeux et qui sont dessus. La dénudation diluvienne a recoupé ensuite les courbes ou arceaux supérieurs des strates redressés dont on ne voit plus que les tranches et qui plongent au N. -E. La craie semble donc subor¬ donnée aux bandes tertiaires , mais la position relative constante de chacune de celles-ci suffit pour rendre compte de cette fausse apparence. A Matignon , à peu de distance au nord de ce point , un plisse¬ ment plus simple, ou mieux, un double soulèvement de la craie a donné aux dépôts tertiaires, sur une longueur de 100 mètres, une disposition en bassin extrêmement prononcée. Enfin, en continuant à s’avancer, la craie jaune se relève de plus en plus, mais d’une manière normale , de dessous les sédiments argilo-sableux , tertiai¬ res, et dans les collines de Gresly, de Chalais et de Montmorau on ne trouve plus que le second étage ou craie tufau. Dans un rapport fait à l’Académie des sciences (1), M. Dufrénoy en parlant des dislocations que nous avions signalées dans les couches crétacées du S. -O., et particulièrement dans celles des environs de Mareuil ( Dordogne ) , a indiqué l’existence probable dans ce pays de quelques roches ignées qui auraient apparu à tra¬ vers les dépôts secondaires. Si nous ne sommes point encore par¬ venu à constater directement la présence de ces roches, non plus que M. de Laroclie-Tolay, ingénieur de cette partie du chemin de fer et qui a bien voulu nous guider et nous accompagner dans nos courses , du moins les plissements que nous venons de mentionner sont-ils une présomption de plus en faveur de l’idée émise par le savant académicien. C’est d’ailleurs le premier exemple de dislo¬ cation cité jusqu’à présent dans la bande tertiaire située au nord de la Garonne. Se rattacherait-il à quelque phénomène contemporain de l’apparition des opliites sur le rivage tertiaire opposé ? C’est ce que l’on ne peut encore affirmer , car nous n’avons point vu , dans (1 ) Comptes-rendus de C Académie des sciences , vol. XVII , p. 382, 4 843. Soc, géol.f 2* série, tome ÎV, 70 1106 SÉANCE UC 21 JUIN 18/|7. le voisinage, de dépôts postérieu rs à la mollasse et dont la relation bien établie puisse éclaircir cette question (1). La coupe précédente fait voir en outre que la superposition du terrain tertiaire a lieu dans la vallée dans la Dronne exactement comme nous l’avons décrite à l est sur les bords de la Dordogne, autour de la Linde et de Bergerac , sur ceux de l’Isle près de Mu- ci dan , et à l’ouest autour de Montguyon, de Montlieu, de Ché- venceau, de laGraulle, de Keignac, de Montendre, etc. Nulle part la série argilo-sableuse de la partie inférieure de la mollasse n’est interrompue par deç bancs de calcaire marins ou par des sédiments déposés évidemment par les eaux de la mer (2). De Montmorau , en s’élevant vers la ligne de partage des eaux de la Charente et de la Dordogne, on voit le second étage de la craie augmenter d’épaisseur et former tout le massif qui sépare les bassins de ces deux rivières. Le plateau qui atteint son point cul¬ minant au signal de Brizard , à un kilomètre environ à l’E. de la route , est recouvert par des grès tertiaires dépendant de l’étage de la mollasse et par un dépôt caillouteux et glaiseux par place qui ne produit qu’une végétation maigre , rabougrie et rend presque inhabitable une assez grande surface de pays. Le tunnel de Livernan, (1) Ces plissements sont tout à fait analogues, quoique sur une plus grande échelle, à celui que M. de Verneuil et nous avons signalé au pont de Rentigny, sur le chemin de fer du Nord , entre Creil et Cler¬ mont (Oise) [Bull.. 2e sér. , vol. II, p. 334, 1 8 45); seulement ils sont plus complets en ce que la craie sous-jacente, fortement dérangée , a été mise aussi à découvert. (2) Sur une grande partie de la surface du département de la Charente - Inférieure , comprise entre la Seugne et la Gironde , et jusque sur les falaises qui bordent cette dernière, on trouve, recou¬ vrant çà et là les divers étages de la craie , des lambeaux de sable rou¬ geâtre ou jaunâtre , avec du grès en rognons aplatis et des roches siliceuses meuliériformes en plaques , qui ne sont probablement que des témoins de l’ancienne extension de la mollasse dans cette partie oc¬ cidentale du bassin , et peut-être aussi du calcaire lacustre qui lui a succédé. Ces couches doivent avoir recouvert le lambeau calcaire marin de Saint-Palais, aux environs duquel nous avons rencontré de nom¬ breux fragments de meulière et de grès, comme nous le voyons sur¬ monter encore le calcaire marin inférieur de Blaye. Ainsi la mollasse du Fronsadais, avec les dépôts lacustres, puis marins, qui la recouvrent, succèdent transgressivement sur tout son littoral nord au calcaire marin inférieur de Blaye, dont le substratum n’est pas encore bien connu. Elle appartiendrait donc à une époque tout à fait distincte , et en aurait été séparée par une véritable révolution, au moins dans cette partie du bassin. 1107 SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7. que parcourt le chemin de 1er, traverse ce massif sur une longueur de 1,500 mètres, et a 69 mètres au-dessous du sol du plateau qui en cet endroit est à 188'“, 09 d’altitude , c’est-à-dire à plus bas que le signal de Brizard, situé un peu à l'ouest. Dans le puits n° 2 on a traversé 64 mètres de craie gris-bleuâtre, tendre, marneuse, parfaitement homogène dans toute cette épais¬ seur comme dans toute la longueur du tunnel, et qui paraît cor¬ respondre à la partie moyenne du deuxième étage (craie tufau). Elle est surtout caractérisée par la Lima maxitna; les autres fos¬ siles (Pecten, Cyprina ligeriensis, une huître inédite, un nautile, etc.) y sont assez rares. On doit remarquer que la roche de cet étage, qui vient affleurer et qui a même été entamée souvent le long de la route, soit en montant, soit en descendant les versants du plateau de Livernan, ne présente nulle part une niasse continue , homogène , aussi con¬ stante que dans les puits et le tunnel , ni la teinte gris-bleuâtre si uniforme qui l’y caractérise. Ces différences sont telles qu’on serait porté à regarder cts calcaires comme réellement distincts et appar¬ tenant à des étages différents. Cette circonstance paraît due à ce que dans les escarpements naturels ou artificiels de la route on n’a sous les yeux que des parties toujours plus ou moins voisines de la surface qui sont fendillées et modifiées par les agents atmosphé¬ riques, jusqu’à une certaine profondeur, tandis que la roche tra¬ versée par les travaux du chemin de fer a toujours été soustraite à cette influence. En descendant vers la petite rivière de Bohême on atteint les couches scliistoï des et en plaquettes de la base du second étage , avec Terebratula atata, Area lîeaumonti , etc., et plus bas, à léfi- droit où le chemin de fer traverse la route , le petit talus qui borde le fond de la vallée est formé par un calcaire blanc jaunâtre caver¬ neux, très dur , à cassure compacte, avec des fossiles mal couservés mais assez nombreux. Cette assise paraît correspondre à celle que nous avons signalée au sommet du plateau de Beaumont, à l’E. d’Angoulême , immédiatement sous les calcaires en plaquettes , et qu’à cause de ses fossiles nous réunissons encore au second étage (1). En remontant sur le plateau qui sépare la vallée de la Bohême de celle de la Cliareau on retrouve les calcaires à pla¬ quettes de la craie tufau , qui cessent de nouveau à la première descente avant le village de Yeuil. Le sol est alors formé par les (1) Études sur ta formation crétacée , Ire part., p. 30 , et pi. XII , fig. 5. 1108 8ÉAWJ E DU 21 JtiN ISA/, calcaires caverneux compactes precedents , cpii , au second coude de la route vers le village , recouvrent des calcaires 'bréchoïdes durs, jaunâtres, avec Sphcrulites ponsiana et Hippurites cornupas- toris. Ces bancs ont de 5 à 6 mètres d’épaisseur et sont suivis par un calcaire marneux schistoïde sans fossiles , et par un calcaire jaune , également sans fossiles ; tous deux disposés en coin le long de la route et reposant sur la grande assise des calcaires blancs à Hippurites lombricalis , exploitée un peu plus bas, et constituant les pentes rocheuses inférieures du vallon de Yeuil. Les petites vallées cpie traverse la route depuis la descente de Livernan jusqu’ici, et qui sont dirigées du S.-E. au -N. -O. sont dues à des brisures qui ont affecté les couches assez sensiblement pour que celles-ci ne se correspondent plus exactement de chaque coté. Ap rès le village , les calcaires blancs du troisième étage sont surmontés comme de l’autre côté des vallons par des couches ana¬ logues aux précédentes et connues des ouvriers sous le nom de chaudron. Elles sont fort développées sur les plateaux environnants où elles forment souvent le ciel des carrières ouvertes dans les cal¬ caires blancs. Elles représentent celles que nous avons décrites dans la même position en sortant d’Àngoulême par la route de Péri- gueux et montant au hameau de Beaumont (1). Des Sphérulitcs assez grandes s’y montrent également , et leur position entre la grande assise des calcaires exploités , caractérisée par Y Hippurites lombricalis , et les calcaires jaunâtres de la base de la craie tufau , ne peut laisser d’incertitude sur leur position au S. comme à TE. cÿ la ville. Par suite du relèvement successif de tous les étages au N. , les bancs du chaudron ne nous ont point paru exister dans les escar¬ pements qui entourent immédiatement Angoulême , et à plus forte raison sur le promontoire qu’occupe la ville et que traverse le chemin de fer par un tunnel percé tout entier dans la même assise. Celle-ci constitue un calcaire marneux gris bleuâtre, homogène, peu dur, et ressemblant beaucoup à celui du tunnel de Livernan, quoique placé vers le milieu du troisième étage , tandis que l’autre se trouve vers le milieu du second. 11 peut donner aussi lieu à la même observation lorsque l’on compare la roche extraite du tunnel à celle qui affleure dans les escarpements de la colline. (1) Études sur la formation crétacée , Ire part., p. 57, et pl. XII, fig- S- SÉANCE DU 21 juin 1847. 1109 Cette coupe S. -IN. de Libourne à Angoulême confirme donc celles que nous avons données précédemment (1) d’ Angoulême à Montlieu et de Thiviers à Bergerac. Quant à la disposition géné¬ rale des divers étages de la craie du S. -O. , à leur succession et à leur puissance relative, seulement entre les calcaires en plaquettes de la craie tufau et le grand horizon des calcaires blancs d’Angou- lême , il se développe au S. et au S.-E. de cette ville deux assises qui ne paraissent pas avoir leurs représentants à une grande dis¬ tance à ro. et à l’E. dans les départements de la Dordogne et de la Charente -Inférieure. M. Martins donne lecture de la lettre suivante de M. Charles Desmoulins. Château de Lanquais, par Lalinde (Dordogne), 7 juin 1847. Monsieur le Président , Une discussion s’est établie dans le sein de la Société géologique réunie extraordinairement à Chambéry (séance du 23 août 1844 ; Bulletin , 2e série, t. I , p. 777 ), et s’est renouvelée à Paris ( séance du 12 janvier 1846 ; Bulletin , 2e série, t. III, p. 144) , relativement à la station exclusive de certaines plantes dans cer¬ taines zones et dans certains terrains. Cette question se résume ainsi qu’il suit : MM. Beaudouin , Yirlet d’Aoust, Clément-Mullet et Bernard ont parlé en faveur de la station plus ou moins exclusive ; le savant archevêque de Chambéry, monseigneur Billiet et M. l’abbé Clia- mousset ont paru se rattacher, d’une manière encore plus tranchée, à l’opinion de la station exclusive. M. Michelin l’a combattue , et en 1846 M. Bernard s’est rapproché de lui en admettant que l’altitude est plus importante en cette matière que la nature du terrain. Cette vaste et importante question ne peut être définitivement résolue, dans toutes ses parties, que par la comparaison d’une masse énorme d’observations de détails, faites spécialement dans ce but et accompagnées de conditions minutieuses autant qu’indis¬ pensables aux succès des recherches. Les observations de ce genre sont déjà nombreuses, mais éparses et non uniformément coor- (1) Loc. cit.t pl. Xljfig. 2 et 3. 1110 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. données. Bien que faites dans l’intérêt de la Géologie , elles sont beaucoup plus particulièrement botaniques , et n’ont pu être ex¬ posées in extenso devant une Société dont elles auraient trop long¬ temps détourné l’attention , au détriment de ses études spéciales et essentielles. On pourrait jusqu’à un certain point , en renversant cette proposition , l’appliquer à une Société purement botanique , devant laquelle une discussion de ce genre eut peut-être été trop longuement géologique ; et il m’a semblé que l’examen de la question devait trouver place dans un recueil qui ne fut ni exclu¬ sivement botanique, ni exclusivement géologique. C’est donc dans les Mémoires de V Institut des provinces de France ( classe des sciences, t. I) , que je me suis adressé à la fois aux géologues et aux botanistes, en les conviant à examiner avec moi , non la ques¬ tion principale , puisque sa solution dépend de longues et nom¬ breuses séries d’observations qui ne sont pas encore recueillies , mais une question préjudicielle , celle de savoir quelle est la direc¬ tion la plus fructueuse à donner aux recherches. J’ai l’honneur de faire hommage à la Société géologique d’un exemplaire de ce mémoire , intitulé : Examen des causes qui pa¬ raissent influer particulièrement sur la croissance de certains végé¬ taux dans des conditions déterminées ; et, conformément à l’usage adopté dans la Société pour les travaux qui ont un rapport direct avec les siens, j’en dépose ici, pour le Bulletin , une analyse très succincte. Il est divisé en quatre paragraphes dans lesquels je reprends , une à une , les diverses plantes que nos savants collègues ont nom¬ mément citées dans la discussion. De ces exemples et des faits que j’ai exposés à leur sujet , je tire des inductions partielles sur la voie qu’on devra suivre dans les recherches; puis j’arrive à deux pro¬ positions générales qui ont été énoncées devant la Société , et dont l’examen confirme, ce me semble , le choix de cette voie. Le premier paragraphe du mémoire est consacré aux Phanéro¬ games citées , au nombre de quatre , auxquelles j’ai ajouté le Noyer qui , bien qu’affectionnant presque exclusivement le sol calcaire, se montre exceptionnellement sur des sols siliceux. Le Châtaignier affectionne au contraire le sol siliceux , mais avec addition d’alu¬ mine , et abstraction faite de toute condition géologique. La Bus- serolle ( Arbutus uva-ursi ), qui a été citée comme croissant sur des roches calcaires , se trouve aussi , d’après les stations précises des échantillons que renferme mon herbier, sur le granité, ie schiste et le grès vosgien ; c’est l’altitude ou la latitude correspondante , 1111 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. qui paraît seul influer sur sa végétation. Le Galeopsis ochroleuca croît sur le granité , mais aussi dans un sol d’alluvion sablonneuse , comparativement moderne, et sur des roches volcaniques: il lui faut donc de la silice et de l’alumine. Le Hêtre croît sur divers étages des formations crayeuse et jurassique (calcaire, silice, alumine ) , et aussi dans les régions granitiques qui lui fournissent par conséquent ces deux dernières substances ; il n’est donc soumis qu’à des conditions climatologiques. Ainsi , sur cinq végétaux de familles assez variées, deux (Hêtre et Busserolle) obéissent à des influences thermologiques ; deux autres ( Châtaignier et Galéopside) à des influences minéralogiques ; le cinquième (Noyer), sauf de rares exceptions, semble se réunir aux deux derniers , et faire pencher la balance numérique du côté des influences minéralogiques. Pour tous les cinq V influence géologique est nulle. Dans le deuxième paragraphe , consacré aux Lichens , considérés comme propres aux roches granitiques ou calcaires . je cite trois espèces : 1° Parmelici ventosa (roches granitiques et schistes sili¬ ceux) ; 2° Lecidea geographica ( roches quartzeuses de toute forma¬ tion géologique, soit pures, soit avec mélange d’alumine). Je montre , d’après ma propre collection , que ce lichen croît aussi sur les substances artificielles formées d’alumine et de silice (tuiles), et ce n’est qu’au prix et une déformation notable qu’il se montre sur les calcaires, comme Fries l’a fait remarquer; 3° Lichen parellus Linn. (Orseille d’Auvergne), qui croît sur le granité, sur les roches volcaniques, sur les meulières, sur les grès ferrugineux de la mo¬ lasse , sur les tuiles ; qui se déforme sur les schistes siliceux , et qui enfin abonde sur les écorces. Ce dernier est évidemment ubiquiste , si ce n’est qu’à ma connaissance il ne croît pas sur le calcaire. Le premier paraît étranger aux roches qui contiennent de la chaux , et le second s’y déforme. En somme , influence minéralogique évidente (sauf les exceptions) : influence géologique nulle. Le reste du deuxième paragraphe traite- du genre Umbilicaria , généralement considéré comme absolument graniticole. Il est vrai que toutes les espèces, moins une, sont exclusivement silicicoles (mais non exclusivement graniticole s ) ; certaines formes de Y U. vellea croissent sur des rochers calcaires. L’ U. pustulata croît presque toujours, comme on l’a dit, sur les roches granitiques, mais je l'ai trouvée une fois sur le grès siliceux et ferrugineux de la molasse. — Depuis la correction des épreuves de mon travail , j’ai trouvé, dans la partie botanique de la Statistique des Vosges , par M, le docteur Mougeot , cinq variétés à! Umbilicaria indiquées 1112 SÉANCE MJ 21 JUIN’ 1847. sur les grès comme sur les granités : ces cinq variétés rentrent clans quatre espèces, y compris Y U. pustulata. A propos des Umbilicarîa , j’explique qu’ayant employé la no¬ menclature de Fries, qui a réuni beaucoup d’espèces ancienne¬ ment considérées comme distinctes par Acharius et son école , je pourrais me trouver en désaccord, pour les résultats, avec des botanistes qui suivraient la nomenclature de ces auteurs, et je donne des détails particuliers sur un lichen silicicole et alumini- cole ( Lecidea atro-alba ) , dont les divers états sont répartis dans deux genres différents par l’illustre De Candolle ( Flore française). — Pour mettre ceux de nos collègues qui pourraient le désirer à même de suivre les détails relatifs à la forme concentrique d’une des variétés de cette espèce , j’ai l’honneur, monsieur le Président, d’offrir à la Société un magnifique échantillon de cette forme si remarquable par la disposition régulière des apothécies. Le troisième paragraphe est relatif aux Plantes dont la station exclusive varie avec les localités. C’est là la première proposition générale émise par M. Michelin, et je la confirme par quelques exemples, desquels je tire cette conclusion, qu’il est impossible de résoudre le problème qu’elle présente à nos méditations, si ce n’est peut-être , un jour, par la comparaison de nombreux catalo¬ gues régionnaircs qui sont encore à faire presque partout , et qui doivent contenir toutes les indications géologiques, minéralo¬ giques, climatologiques, hypsométriques, hydrologiques, thermo¬ logiques et hygrométriques, qu’il sera possible de réunir sur chaque espèce et sur chaque modification d’espèce. Le quatrième et dernier paragraphe , intitulé : Influence de l’al¬ titude sur la végétation , se rapporte à la deuxième proposition générale énoncée par MM. Michelin et Bernard. Cette proposition est d’une vérité si incontestablement démontrée , que je n’ai pas cru devoir l’appuyer d’exemples particuliers. Je me suis borné à recommander l’étude de deux Mémoires qui doivent être re¬ gardés comme d’excellents modèles pour ce genre d'observations : ce sont ceux de feu Ramond ( Etat de la végétation au sommet du pic du Midi de Bigorre , 1826) et de notre savant collègue le doc¬ teur Ch. Martins ( Essai sur la topographie botanique du mont Ventoux , 1838) (1). — Je me suis permis d’indiquer aussi , comme (1) Ce n’est qu’en janvier 1847 que j’ai eu l’avantage de lire son excellent et instructif Voyage botanique en Norvège , et mon travail était livré à l’imprimeur, à l’autre bout de la France, depuis octobre 1846. SÊANCli 1)U 21 JUIN 18/i7. 111 S renfermant un certain nombre de documents afférents à la ques¬ tion, un Mémoire que j’ai publié en 1844 (État de la végétation sur le pic du Midi de Bigorre au 17 octobre 1840); je n’avais pas osé offrir à la Société ce travail essentiellement botanique , mais la discussion dont il s’agit me faisant penser qu’elle pourrait trouver quelque intérêt à le conserver dans sa bibliothèque, je vous prie, monsieur le Président, de lui en faire hommage en mon nom. La conclusion du Mémoire qui fait l’objet de ma lettre : est celle-ci : « La solution de la question semble devoir naître de » l'union des deux éléments , minéralogique et hypsométrique , qui » comprennent et résument tous ceux de moindre importance. » M. Martins fait ensuite la communication suivante : Du transport de certains blocs erratiques de la Scandinavie et de V Amérique septentrionale par des glaces flottantes 9 considéré comme conséquence de V ancienne extension des glaciers et des changements de niveau de ces contrées , par M. Ch. Martins. Trois théories divisent les géologues au sujet du transport des blocs erratiques de la Scandinavie. Quelques savants croient en¬ core qu’ils ont été charriés par l’eau; d’autres pensent qu’ils ont été déposés par d’anciens glaciers, qui ont disparu depuis. M. Murchison , enfin , a émis l’opinion que ces masses ont été transportées par des glaces flottantes provenant des glaciers du nord de la péninsule (1). Mon but, dans cette note , est de mon¬ trer que les glaces flottantes chargées de blocs erratiques , se sont détachées de glaciers plus étendus que les glaciers actuels , et que ce mode de dispersion des blocs n’est qu’une conséquence de l’an¬ cienne extension de ces glaciers, jointe à l’immersion et à l’émersion de la presqu’île Scandinave. Supposons , en effet , un instant , qu’à l’époque de la dispersion des blocs , les glaciers de la Suède et de la Norvège n’aient pas été plus étendus qu’ils ne le sont actuelle¬ ment , et voyons quelles seront les conséquences de cette hypo¬ thèse. (1) The geology of Russia and the lirai moun tains , t. I , p. 528; et Quarterly Journal of the geological Society of London , t. II , p. 349. — 8 avril 1846. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1114 1° Si l’on prétend que les blocs erratiques ont été transportés par des masses de glace détachées des glaciers actuels , il faudra nécessairement admettre que la Scandinavie était enfoncée sous les eaux de la mer jusqu’au niveau de ces glaciers. Or, sous le 61e de latitude , les glaciers du Justedal descendent (1) jusqu’à 485 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ceux de Lodal et de Nygaard, sont à 577 mètres et 340 mètres au-dessus du même ni¬ veau (2); ceux de Sala et d’Almjalos, qui descendent du Suli- telma , s’arrêtent à 778 et 974 mètres au-dessus de la mer (3). 11 aurait donc fallu que la Scandinavie s’enfonçât à 600 mètres en¬ viron au-dessous de son niveau actuel pour atteindre le pied de ceux de ces glaciers qui descendent le plus bas. Or, nous avons la certitude qu’ elle ne s’est jamais enfoncée à plus de 240 mètres au- dessous de ce niveau ; car la couche coquillère appelée skalen - skigt , qui règne tout le long des côtes de Norvège , et qui nous indique le niveau le plus élevé que la mer ait atteint par suite de l’enfoncement de la presqu’île , ne dépasse pas 240 mètres (4). Il n’existe donc aucune preuve que la Norvège se soit jamais en¬ foncée au-delà de cette hauteur et qu’elle ait atteint le pied des glaciers actuels. Si l’on objectait que cette immersion a eu lieu antérieurement à l’époque glaciaire , je répondrais avec M. Dau- brée (5) , que l’absence en Norvège de tous les terrains de sédi¬ ment compris entre l’époque de transition et les derniers dépôts tertiaires , montre que ce pays était émergé pendant la période antérieure au commencement des dépôts les plus modernes. 2° Si les glaces flottantes provenaient des glaciers actuels , elles n’auraient évidemment charrié que des blocs détachés des sommi- (1) L. von Buch, Ueber die Grenzen des ewigen Schnees im Norden. Gilbert’s Annalen der Physik , t. XLI , p. 22. — 1812. (2) Naumann, Einige Bemerkungen auf Ausfluegen in die norwe- gischen Schneegefilde. Leonhards Taschenbuch , t. XVII, p. 167 et 186. — 1823. (3) Wahlenberg, Bericht ueber die Messungen und Beobachtungen zur Bestimmung der Hoehe und Temperatur der Lapplaendischen Alpen unter dem 67em Breitegrad ; uebersetzt von Haussmann, § 17 et 29. (4) Desor. Notice sur le phénomène erratique du Nord comparé à celui des Alpes. Bulletin de la Société géologique de France , 2e sér., t. IV, p. 199. —1846. (5) Bulletin de la Société géologique de France , t. XIV, p. 573. — 1843. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1115 tés qui les dominent encore aujourd’hui ; mais il est avéré que les blocs erratiques Scandinaves proviennent de contrées où il n’existe actuellement aucun glacier. 11 suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup d’œil sur la carte qui accompagne l’ouvrage de MM. Murcliison et de Verneuil sur la Russie. On y voit, par exemple , que les blocs erratiques de la Pologne , sont en partie originaires des environs de Pliilipstadt , au bord du lac Wenern , contrée fort éloignée des glaciers actuels. De son côté, M. Duro- cber fait remarquer que les matériaux déposés dans les parties méridionales de la Suède , « proviennent des collines basses et ma¬ melonnées de la Suède et de la Finlande plutôt que des hautes ré¬ gions (1). v Or, dans l’hypothèse de l’immersion de la Scandinavie jusqu’au niveau des glaciers actuels, ces contrées auraient été immer¬ gées a une grande profondeur au-dessous de la mer, et ni les glaciers , ni les glaces flottantes, ni la glace de la mer, n’auraient pu en arra¬ cher des blocs gigantesques pour les transporter à de grandes dis¬ tances. L’origine des blocs erratiques nous prouve donc qu’ils n’ont pas été charriés par des glaces flottantes détachées des glaciers ac¬ tuels. 3° Si la Scandinavie avait été immergée au commencement de l’époque glaciaire jusqu’au niveau des glaciers actuels, comment pourrait-on concevoir le burinage des stries que nous voyons au bord, et même au-dessous de la mer (2). Quel est l’agent qui aurait pu graver des stries à 600 mètres de profondeur. Je n’en conçois aucun. On est donc invinciblement amené, pour se rendre compte de ces stries littorales et sous-marines , à supposer que les niveaux relatifs de la terre et de la mer étaient peu differents de ce qu’ils sont aujourd’hui , ou que la côte était plus soulevée qu elle ne l est depuis la période historique : mais alors les glaciers ac¬ tuels ne plongeaient pas dans la mer , tout le pays était émergé ; et on est obligé de renoncer à expliquer le transport des blocs erratiques par les glaces flottantes détachées de ces glaciers. La plupart des géologues qui ont étudié les phénomènes erratiques en Scandinavie , ont compris cette difficulté. Aussi M. Murcliison , qui a le plus insisté sur le rôle des glaces flottantes dans ce phé¬ nomène , a-t-il admis l’ancienne extension des glaciers du nord de la Scandinavie et de la Laponie , jusqu’au bord de la mer qui fl) Ibid . , 2e série, t. ÏV, p. 63. — 2 novembre 1846. (2) Dans les environs de Carlscrona, on les a poursuivis jusqu’à 6 mètres au-dessous de la surface de la Baltique Nyt Magazin for Naturvidenskaberne , t. IV, p. 312, — 1845. 1116 SÉANCE DU 21 JUIN 18/17. baignait les côtes de la presqu’île , après l’époque pliocène (1) , et le désaccord entre lui et nous ne porte plus que sur l’étendue de cette extension. Restreinte dans ses étroites limites, son hypo¬ thèse est, comme nous l’avons vu, évidemment insuffisante pour expliquer le transport des blocs erratiques originaires du midi de la Suède. Partiellement d’accord avec les glacialistes, M. Murchison se sé¬ pare d’eux complètement en attribuant à des cailloux charriés par l’eau les stries et le poli des roches Scandinaves. Mais ces stries étant identiques au-dessous de la mer du Nord, sur les côtes de la Nor¬ vège, et à 1230 mètres au-dessus, il en résulte qu’il serait forcé d’admettre, pour être conséquent avec sa doctrine, que la Suède, à l’époque de la dispersion des blocs , était immergée jusqu’à 1234 mètres, hauteur à laquelle M. Siljestroem a vu des stries (2). On voit donc que l’hypothèse de M. Murchison suppose une im¬ mersion qui dépasse de plus de 600 mètres le niveau inférieur des glaciers actuels , et de 994 mètres la limite supérieure de l’argile coquillère. Dira-t-on que la Scandinavie s’est soulevée brusquement , (1) The geology of Russia and tlie Ural mountains , t. I , p. 528 et 554. Voici les propres expressions de l’auteur , p. 528. « We therefore think that ice andsnow may, at on time, hâve cove- red large parts of Scandinavia and Lapland ; that glaciers advanced from thence to the edges of the sea of the post-pliocene or block pe- rîod, and that finally upon an alteration of climate, probably occasioned by sudden successive changes in the relations of land and water, these glaciers were broken up, and fragments of them, constituting isles with included blocks , were transported during long periods to the south. » Et p. 554. « But whilst we reject the application of the terrestrial glacier theory to Sweden, Finland, north-eastern Bussia and the whole of northern Germany, in short to the lowcountries of Europe, we believe, as before stated, that in the axis of northern Scandinavia and Lapland (the highest point of which is upwards of 8000 feet above the sea) arctic glaciers did formerly exist. Thèse glaciers, probably more extensive than those which therc now prevail , formed, we may imagine, the shores of the sea that then covered ail the low lands of Sweden, Finland and Russia and bathed the edges of such glaciers, just as those of the icy sea now ad- vance to the ice-bound cliffs of Spitzbergen. (2) Observations sur les directions qu’affectent les stries des rochers en Norvège, par M. Siljestroem. Voyages en Scandinavie , Géogra¬ phie physique , t. I , p. 21 1 . SÉANCE DU 21 JUIN 1847, 1117 de façon a déterminer une vague immense et a émerger rapide- tons les points situés au bord de la mer actuelle, jusqu’à 1234 mè¬ tres au-dessus , soulèvement qui expliquerait les surfaces arron¬ dies et striées par les cailloux ( drijt ) que charriait ce flot gigantesque (1). Mais tout nous prouve que ce soulèvement a été lent et insensible, comme il l’est encore aujourd’hui. Les inter¬ valles de repos complet sont marqués par des terrasses avec lignes d’anciens rivages que la mer a battus longtemps , comme le prouve l'aspect des rochers creusés et érodés par l’eau. C’est même une des conséquences du travail de M. Bravais sur les lignes d’ancien niveau de la mer, en Finmark, que M. Élie de Beaumont a fait ressortir avec le plus de soin dans son Rapport sur ce Mémoire (2). Supposons néanmoins un instant qu’il soit démontré que ce sou¬ lèvement a été brusque et qu’il ait produit la vague immense à laquelle on attribue le phénomène erratique de la Scandinavie, il resterait encore à prouver que l’eau charriant des cailloux et des blocs peut tracer à la surface des roches les plus dures des stries rectilignes et sensiblement parallèles. L’observation nous apprend que l’eau ne possède pas ce pouvoir. Vainement on invoquerait les dimensions énormes qu’on prête aux courants diluviens ; il existe la même disproportion entre les glaciers actuels et les glaciers qui couvraient autrefois la Suisse et la Scandinavie. Cependant les gla¬ ciers actuels nivellent et strient, comme leurs devanciers : par con¬ séquent, les débâcles, les torrents, les fleuves, charriant des masses de cailloux, doivent produire et produisent en petit les mêmes effets que les courants diluviens. Ils érodent les roches , ils les sillonnent de canaux sinueux , ramifiés , anastomosés ; ils y creusent des marmites de géants ; mais ils ne les nivellent pas et n’y tracent pas de stries rectilignes qui , au rétrécissement des vallées , se relèvent d’amont en aval et forment , avec la pente du Thalweg , des angles de 45 à 50 degrés. En outre , les cailloux roulés par les torrents sont arrondis, lisses et jamais striés ; ceux entraînés par les glaciers , sont usés , frottés et striés. Les effets de l’eau et de la glace peuvent donc être analogues , ils ne sont jamais iden¬ tiques. La manière dont nous concevons, M. Desor et moi , le phéno¬ mène erratique en Scandinavie , me paraît expliquer la plupart des (1) Voy. Murchison, On the Scandinavian drift. Journal oj the geological Society of London , t. II, p. 363. (2) Comptes-rendus de V Académie des sciences , t. XV, p. 847. — 4842. 1118 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. faits d’une manière plus satisfaisante. Les rochers striés se prolon¬ geant sous la mer, la péninsule devait être , au commencement de l’époque glaciaire , plus émergée qu’elle ne l’est maintenant. Les glaciers s’étendirent au-delà du rivage actuel et atteignirent le Danemarck , comme le prouvent les belles roches polies des envi¬ rons de Faxoe, découvertes par M. Desor. Alors les rochers furent arrondis, polis et striés, et les cailloux frottés , furent entraînés et dispersés par les glaciers. Quelle était la limite de la nappe de glace à cette époque? c’est ce que personne ne saurait dire, puisque les traces qu’elle a laissées sont cachées en partie sous les flots. Pendant cette extension, la Scandinavie s est peu à peu enfoncée dans la mer ; ce qui le prouve , c’est la couche argileuse à coquilles qui règne du cap-Nord jusque dans le S. de la Norvège et recouvre partout les roches polies ; ce sont les serpules qu’on trouve à Sorgenfry , près de Christiania , fixées sur des plaques polies et striées, à 60 mètres au-dessus de la mer. Les œsars se formèrent pendant cette période comme se forment les hauts fonds ou plutôt les revler du .lutland. Leur formation a été d’autant plus rapide que les moraines abandonnées par les glaciers étaient des matériaux tout préparés que la mer déplaçait et modelait à son gré. Les cailloux roulés, les coquilles marines ou littorales, dont se composent les œsars , les débris de bateaux fort anciens qu’on y a découverts témoignent assez de leur origine sous-marine. Pendant cette période d’immersion et celle d’exhaussement qui l’a suivie , les glaces flottantes , portant des blocs erratiques , se détachèrent des glaciers qui descendaient jusqu’à la mer , vinrent échouer sur les hauts fonds , et y déposèrent le fardeau dont ils étaient chargés , comme M. Murchison l’a très bien expliqué. La côte continuant à s’élever, ces hauts fonds littoraux ont été suc¬ cessivement mis à sec avec les blocs dont ils étaient couverts, ce sont les œsars ; et nous voyons maintenant dans la même contrée les traces d’un ancien glacier, les blocs apportés par lui et ceux qui ont été déposés sur les œsars par les glaçons flottants. Ce qui s’observe dans le sud de la péninsule se voit dans le nord. Tout le long du fiord d’Alten , sous le 70e de latitude, on suit des traînées de blocs disposées horizontalement le long des lignes d’ancien niveau de la mer, par exemple , entre le comptoir de Bossekop et la maison du Gouverneur du Finmark ( Fogeclgaarcl ). En outre, toute la contrée est couverte de roches striées et moutonnées comme celles qui avoisinent les glaciers de la Suisse. Aux Etats-Unis , près de Boston , où la côte présente aussi des traces incontestables de changement de niveau, M, Desor vient 1119 SÉANCE DU 21 JUIN 18/17. de retrouver les memes apparences. Des surfaces polies et striées s’observent sur toutes les espèces de roches ; le granité, la syénite, les schistes chlorités , les calcaires de transition et même des pou- dingues comme la Nagclflue des environs de Vevay, en Suisse. On y trouve aussi ces demi-cylindres en relief, si caractéristiques de l’action du glacier, signalés déjà dans la vallée deChamonix et en Scandinavie (1). Les cailloux, frottés et striés, sont extrêmement communs ; mais ce sont plutôt de petits blocs que des cailloux , comme ceux de la Suisse ou des Vosges, il existe aussi des œsars parfaitement caractérisés à Millton, près de Boston. Ils sont connus des habitants sous le nom de litiges , et ont la même forme , le même sommet plat , les mêmes pentes et la même composition que les œsars suédois. Comme en Suède, des routes, toujours pra¬ ticables , occupent leur sommet , tandis que la plaine voisine est souvent inondée. A Millton , une coupe perpendiculaire au rivage présente successivement la mer, une plaine diluvienne , l’œsar et une colline plus élevée de granité strié et poli dont le sommet est entouré d’une ceinture de blocs erratiques qui ne viennent pas de fort loin , et paraissent avoir été déposés sur la colline par un radeau de glaces flottantes un niveau supérieur à celui de la plateforme de l’œsar. Dans l’Etat du Maine , on trouve aussi des œsars que les habitants du pays désignent sous le nom de Indian roculs ou Horsebacks ( dos de cheval ) , et M . Lyell (2) , en décrivant les ridges du lac Ontario , a parfaitement reconnu leur analogie avec les œsars suédois. Je ne saurais quitter ce sujet sans insister sur la présence des cailloux et des blocs striés en Scandinavie et aux Etats-Unis. Ces cail¬ loux sont , pour ainsi dire , le fossile caractéristique de la présence d’anciens glaciers. Enclavés entre la roche et la glace, ils ont che¬ miné lentement avec elle; mais, dans ce trajet, ils ont été arrondis, usés, frottés et striés dans tous les sens. L’eau ne saurait produire ces effets. Les cailloux roulés de nos fleuves et de nos torrents, les galets des bords de la mer et ceux des lacs sont polis , roulés , ar¬ rondis, mais ils ne sont jamais striés. Il y a plus, les cailloux striés parles glacierg, entraînés par les torrents qui s’en écoulent, per¬ dent leurs stries au bout d’un trajet fort court, car , à 500 mètres de l’escarpement terminal d’un glacier, on ne trouve plus de cail¬ loux striés dans le lit du torrent. (1) Bulletin de la Société géologique de France , 2e série , t. III, p. 1 09. — -15 décembre 1845. (2) Trcwels in north America , t. II, p. 102 1 120 SÉANCE U(J âi JüIN 1847* Quand ou réunit toutes ces circonstances, on comprend diffi¬ cilement qu’il existe des cailloux striés dans les parties de la Scan¬ dinavie et de l’Amérique du Nord qui ont été jadis sous-marines, comme l’attestent les œsars qui les recouvrent. Il semble logique de conclure que ces cailloux ou ces blocs ont dû être roulés par les vagues à l’époque où les parties littorales de ces pays se sont immergées. Cette immersion s’étant faite avec lenteur, chacun de ces cailloux , pour ainsi dire , a dû se trouver à son tour au bord de la mer, et alors le mouvement de va-et-vient que lui imprimait la marée et les flots a dû effacer ses stries en le frottant contre les autres cailloux de la grève. L’examen des cailloux qui se trouvent dans les œsars semblent confirmer cette manière de voir; tous sont roulés, mais il est extrêmement rare d’en trouver qui conservent des traces de stries (1). L’existence simultanée dans une même lo¬ calité de cailloux striés par les glaciers et d’œsars formés par la mer semble donc contradictoire , quoique les œsars soient placés au-dessus du terrain de transport qui renferme les cailloux striés. Une analyse attentive des phénomènes que présentent ceux des gla¬ ciers actuels qui descendent jusqu’à la mer nous fournira la solution de ces difficultés. Au Spitzberg , où se réalise la conception d’un pays envahi par les glaciers , ceux-ci ne s’arrêtent pas au bord du rivage : ils s’avancent au-dessus de la mer en la surplombant (2). (1) Desor. Notice sur le phénomène erratique du Nord comparé à celui des Alpes. Bulletin de la Société géologique, 2e série, t. IV, p. 201. 1845. (2) Observations sur les glaciers du Spitzberg comparés à ceux do la Suisse. Bibliothèque universelle de Genève. Juillet 1 840 ; Edinburgh nciv philosophical Journal, t. XXX, p. 284. 1 84 1 ; et Voyages en Scan¬ dinavie de la corvette la Recherche , Géographie physique , 1. 1 , p. 176. J’ai constaté que ces glaciers surplombaient la mer en été , il en ré¬ sulte que les glaces flottantes qui s’en détachent ne sont pas hautes ; la partie émergée dépassant seulement de quelques mètres la surface de la mer. Danslabaiede Baffin, au contraire, les glaces flottantes [icebergs) ont souvent une hauteur énorme (voyez J. Ross, A voyage of dis covery in H. M. ships Isabella and Alexander for the pu/pose of cxplor in g Baffin’ s bay, pl. I , II , IV). Elles proviennent de glaciers tels que celui qui est décrit et figuré par fauteur p. 1 41 , et qui plongent dans la mer. Les glaces flottantes qui s’en détachent ont pour hauteur totale la somme de la partie émergée et de la partie immergée du glacier. Dans les pa¬ rages du Spitzberg, aucun navigateur n’a jamais rencontré de véritables montagnes de glace flottantes; d’où je conclus que dans aucune saison les glaciers ne s’avancent en glissant sur le fond de la mer, et n’attei¬ gnent la puissance des glaciers de la baie de Baffin. Ces différences tiennent à ce que les côtes du Spitzberg sont baignées par une branche SÉÀ3MCË DU 21 JUIN 1847. 1121 La projection horizontale du glacier occupe donc un segment ; la courbe du rivage en est l are et l’escarpement terminal du glacier, la corde. Il en résulte qu’un bloc ou un caillou strié enchâssé dans la glace (et ils sont encore plus gros et plus nombreux au Spitzberg que dans les Alpes (1)) est transporté par le glacier au-delà du rivage et tombe à la mer à une certaine distance du bord. Or , au Spitzberg , j’ai trouvé au pied de l’escarpement des glaciers de Bellsound et de Magdalena-bay des profondeurs comprises entre 30 et 123 mètres. Un bloc strié tombant des glaciers à cette pro¬ fondeur y est complètement à l’abri de l’action efficace des vagues qui cesse à 5 ou 6 mètres de profondeur ; il le sera d’autant plus que ces glaciers occupent presque toujours le fond des baies où les mouvements de la mer sont beaucoup moins sensibles que sur les côtes battues directement par les lames du large. Si ce bloc n’est point roulé par les flots , ses stries ne s’effaceront pas , car l’eau n’a pas le pouvoir d’enlever les stries en lavant le rocher , comme on en a des milliers de preuves en Suisse et en Scandinavie. Les choses se sont passées de la même manière à l’extrémité des glaciers Scandinaves lorsque ceux-ci arrivaient jusqu’à la mer. La côte étant fort escarpée, un grand nombre de blocs striés sont tom¬ bés dans une eau profonde. Cette profondeur augmentant sans cesse par suite de l’immersion de la côte , les mettait de plus en plus à l’abri de l’action des vagues. Mais, dira-t-on, après s’être enfoncé, le littoral s’est de nouveau relevé , et les cailloux , devenus les galets du rivage , ont du être roulés et perdre par conséquent leurs stries. Cela est vrai pour ceux de la surface , cela ne l’est pas pour ceux qui étaient recouverts d’une masse de débris, enterrés dans 1 argile ou d’un volume trop considérable pour être déplacés par les vagues. Aussi M. Desor a-t-il fort bien remarqué qu’en Scandinavie comme en Amérique, on trouve plus souvent des blocs striés que des cailloux striés, et c’est, enfoncés dans l’argile, ensevelis sous une couche de terrain de transport et mis à nu par des tranchées, qu’on les ren¬ contre habituellement. En résumé, parmi les blocs et les cailloux de Gulfstream , dont la chaleur fond sans cesse les glaciers par leur base à mesure qu’ils s’avancent dans la mer. (4) Les glaciers actuels du Spitzberg étant simples, ils nont pointde moraine terminale, et le milieu de l’escarpement est dépourvu de blocs ; mais les anciens glaciers Scandinaves étant des glaciers éminemment composés, avaient des moraines terminales énormes, et versaient dans l’Océan des quantités prodigieuses de fragments erratiques de tout genre. Soc. géol V série, tome IV. 71 1122 SfiANCE DU 21 JUIN 1847. striés par les anciens glaciers Scandinaves à l’époque où ils attei¬ gnaient la nier , un grand nombre ont été déposés sur les bords de cette mer ; ils ont été roulés et ont perdu dès lors toutes leurs stries, ce sont ceux qui composent les césars. Les autres, transportés à une certaine distance en avant du rivage par le glacier lui-même ou par les glaces flottantes, sont tombés dans une mer profonde où ils étaient à l’abri de l’action des vagues. Là, ils ont été recouverts successivement d’un dépôt de transport qui , lors de l’immer¬ sion de la côte , les a préservés de l’action des flots. Ces faits nous expliquent pourquoi le diluvium Scandinave se compose à la sur¬ face de cailloux roulés au-dessous desquels se trouvent des blocs striés que l’œil exercé d’un géologue familier avec l’étude des glaciers actuels pouvait seul y découvrir. L’on n’a pas encore tenté cl’ expliquer le transport des blocs er¬ ratiques de la Suisse par les glaces flottantes; si on l’essayait, on serait arrêté dès l’abord par de grandes difficultés et conduit iné¬ vitablement à combiner cette théorie avec celle de l’ancienne ex¬ tension des glaciers. Imaginons, en effet, qu’on voulut se rendre compte par des glaces flottantes du transport des blocs erratiques de la vallée de l’Arve , depuis Cliamonix jusqu’à Genève. Voici les faits cjui resteraient inexplicables clans cette supposition : on trouve à l’état erratique , sur le coteau de Saint-Rocli , au-dessus de la ville de Sallanches , un grès poudingue contenant des cailloux roses. Ce grès est en place, entre les villages des OucLes et la gorge des Montées, au débouché de la vallée de Cliamonix. Il faudrait donc admettre d’abord que l’ancien glacier de l’Arve remplissait toute la vallée de Cliamonix ; car on ne peut pas raisonnablement supposer que ces blocs soient tombés précisément au moment où des glaces flottantes passaient rapidement devant eux. Sur les flancs des Voil ons , près de Genève , les grès verts de la montagne des Fis ne sont pas rares à l’état erratique. Il faudra donc accorder que les glaciers atteignaient autrefois cette montagne , et qu’ils ont dé¬ bouché dans la vallée de Sallanches. Mais les Salé vos , encore plus rapprochés de Genève que les Voirons, sont couverts de cailloux striés , qui sont du calcaire jurassique , et proviennent par consé¬ quent de la partie de la vallée comprise entre Sallanches et Bon¬ neville. Le glacier s’étendait donc au-delà de Sallanches. On voit que , de proche en proche , on peut faire voir que c’est bien le glacier lui-même qui a transporté les blocs et les débris dont la vallée de l’Arve est jonchée. Les mêmes exemples s’appliquent au glacier du Rhône. Les eu phntides de la vallée de Saas et les serpentines de celle de Zermatt, SÉANCE DU 21 JUIN 1817. 1123 qui se trouvent à l’état erratique depuis Genève jusqu’à Soleure*, prouvent que ce glacier descendait jadis jusqu’au point où ces deux ■vallées débouchent dans ie \ alais. Les blocs monstrueux d’arkesine, de Steinhof , près Berne , que M. Guyot a retrouvés en place dans la vallée d’Erin , montrent que ce glacier atteignait Sion ; les blocs de protogine du Mont-Blanc et les poudingues de Vallorsine, si communs à l’état erratique dans la plaine suisse, témoignent qu’il dépassait Martigny. Le calcaire de la dent de Mordes et les gypses de Bex , nous apprennent qu’il a débouché dans la vallée du Léman. A partir de ce point , le glacier recouvrait toutes les basses montagnes de la Suisse et n’était plus dominé par des som¬ mets élevés d’où les blocs erratiques pouvaient tomber à sa sur¬ face pour être transportés au loin dans sa progression incessante. Aussi les roches erratiques des formations de la plaine suisse sont- elles infiniment plus rares que celles des hautes montagnes. Je ne nie point pour cela que les glaces flottantes n’aient pu jouer un rôle dans le transport des blocs erratiques de la Suisse à l’époque de la fonte et du retrait des glaciers. On voit aux envi¬ rons de Reichenau , dans les Grisons , des œsars bien caractérisés sur lesquels on trouve quelques blocs erratiques. On reconnaît dans la même vallée du Rhin et dans celle de Passeyr en Tyrol , que les moraines ont été remaniées à leur partie supérieure par les eaux résultant de la fusion des grands glaciers (1) ; mais il est facile de prouver que ces moraines ont été déposées directement par eux et qu’elles ne sont pas uniquement formées de matériaux transportés par les eaux ou par des glaces flottantes. En résumé , je ne pense pas que l’on puisse expliquer le phé¬ nomène erratique en Scandinavie , en Suisse , dans les Pyrénées et dans le nord de l’Amérique , par les glaces flottantes détachées des glaciers , sans admettre implicitement que les glaciers étaient plus grands qu’ils ne le sont actuellement , et sans adopter, par conséquent, la théorie de l’ancienne extension des glaciers telle quelle a été formulée par MM. Venetz, de Charpentier, Agassiz et Desor. M. Nérée Boubée demande la parole : Personne ne désire plus vivement que moi , dit-il , le triomphe des glaciéristes ; et au reste leur cause me paraît si forte par elle- (1) Voyez Bulletin de la Société géologique , t. XIII, p. 343, 2 mai 1842 ; et ibid., 2“ série, t. II. p. 123, 15 décembre 1845. .. li l'x SÉANCE i)ti 21 JtlK 1S/|7. même, et elle est soutenue par des géologues si habiles, que je crains peu pour elle les discussions même les plus approfondies. Aussi est-ce avec regret que je vois M. Martins introduire au- j ourd’hui dans cette thèse un élément que je considère depuis lort longtemps comme une des erreurs de la géologie actuelle , et d’autant que M. Martins saurait certainement très bien démontrer la théorie de l’ancienne extension des glaciers, sans la faire repo¬ ser en rien sur cet appui que je crois très mal assuré : je veux par¬ ler de cet affaissement et de cet exhaussement des continents que l’on met si facilement en jeu depuis quelques années, et que de tous côtés l'on parait admettre comme un fait très simple et incon¬ testable; pour moi je crois , au contraire, et j’ai la conviction la plus réfléchie, que cette opinion est une profonde erreur. Je dirai même que depuis huit ou neuf ans j’ai formé et nourri dans mon esprit le projet d’écrire un mémoire spécial à cet égard , projet que la multiplicité de mes occupations m’a seule empêché de réaliser encore , et me porte à livrer aujourd’hui verbalement, ne pouvant supporter plus longtemps le regret que j’ai de voir un principe aussi erroné prendre pied parmi les bases de la géologie. Je me bornerai donc à dire aujourd’hui que je crois être en mesure de démontrer que ces terrasses , ces cordons , ces lignes horizontales que l’on signale chaque jour sur de nouveaux points le long des mers, qui partout sont caractérisés, tantôt par de simples érosions marquées sur les roches du rivage jusqu’à une certaine hauteur, érosions dues à l’action de l’eau de mer ou des coquilles perforantes, tantôt par des sables, des argiles, des galets ou des agglomérats coquilliei s récents , où l’on trouve les coquilles même qui vivent encore sur place et presque toujours associées à quelques espèces perdues ou qu’on ne connaît qu’en d’autres parages plus ou moins éloignés, et qui s’élèvent tantôt à 10 ou 12 mètres seu¬ lement au-dessus du niveau de la mer, ailleurs à 20 et 25 mètres , ailleurs à 50 et 60 mètres, et jusqu’à 250 mètres sur les côtes de la Scandinavie , ainsi que M. Martins vient de nous l’indiquer, ne sauraient être considérées comme annonçant ni des affaissements ni des exhaussements du sol. De cela seul que ce fait est si général qu’on l’observe dans toutes les parties du globe , ne doit-on pas conclure qu’il résulte d’un phénomène général et non pas de causes locales et partielles, qui auraient soulevé à des élévations plus ou moins grandes, tantôt un rivage et tantôt un autre? Pour moi , je ne vois dans ce fait que la conséquence et le complément de celui que j’ai depuis longtemps cité et cherché à expliquer, je veux parler du creusement des vallées a plusieurs étages : il est évident 1125 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. pour moi que T ensemble des causes qui ont produit ces étages qu’on observe dans la plupart des grandes vallées, étages que l’on compte au nombre de trois , quatre et jusqu’à cinq le long de chaque fleuve , étages qui s’élèvent à 10 , 20 , 30,50 et 100 mètres au-dessus des fleuves actuels ; il est évident pour moi que ces mêmes causes ont dû laisser à l’embouchure de ces fleuves, et aussi le long des rivages , ces traces et dépôts élevés , ces terrasses suc¬ cessives qui bordent quelques mers , et qu’on attribue sans raison aucune à des exhaussements du sol. Or, pour rendre plus exactement ma pensée , mais sans vouloir la développer ici à l’ improviste , et me réservant de la traiter plus tard, je dirai que le phénomène maintenant reconnu général des anciens niveaux des mers , plus ou moins élevés au-dessus des mers actuelles, n’a rien de commun avec les soulèvements terrestres , mais qu’il se rattache au phénomène tout aussi général et contem¬ porain du creusement des vallées à plusieurs étages; toutefois je ne prétends pas dire qu’il n’y ait par exception quelques rivages dont l’exhaussement ne soit dû à des soulèvements lents ou même à des soulèvements brusques comme celui de la côte du Chili en 1822 ; mais on n’en peut considérer comme tels qu’un très petit nombre , et moins que tous autres ceux qui présentent des terrasses ou étages successifs. M. le baron de la Pilaye dit que les bords de la Somme pré¬ sentent plusieurs étages , tandis qu’on n’en voit pas en Bre¬ tagne. M. Martins donne lecture de l’extrait d’un Mémoire de M. Escher de la Linth. Gebirgskunde des kcinton Glarus. Géologie du canton de Glarus, in-12, 41 pages, avec une carte géologique du canton et une planche offrant 4 coupes. Cette description fait partie du livre intitulé Der kanton Glarus , le canton de Glarus, par le Dr Oswald-Heer et J. -J. Blumer-Heer, Saint-Gall et Berne, 1846. Le canton de Glarus renferme un des plus puissants massifs de la Suisse; M. Escher y a reconnu les formations suivantes : 1° Des cônes et des talus d’éboulements , de la tourbe et autres formations modernes ; 2<> Des blocs erratiques et d’anciennes moraines ; 112(3 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 3° L'alluvion stratifiée ou alluvion ancienne ; U° Les terrains tertiaires représentés par la molasse , qui se com¬ pose elle-même de trois couches : la couche supérieure ou molasse d’eau douce ; la couche moyenne qui a été formée au sein des eaux marines ; enfin la molasse d’eau douce inférieure; 5° La formation crétacée dans laquelle il distingue cinq étages principaux. A. Le flisch caractérisé par la présence du Fucus intriccitus et F. Tcirgionii. Les ardoises du Platenberg font partie de cette for¬ mation. Elles sont connues depuis longtemps des naturalistes à cause de leur richesse en poissons fossiles ; ceux-ci sont au nombre de quarante-uue espèces , distribuées en dix-huit genres , et qui , suivant M. Agassiz , n’ont été retrouvées nulle part ailleurs; on y a découvert aussi une impression de Tortue , et d’un oiseau que M. de Meyer a rapproché des Passereaux conirostres. B. L’étage nummulitique se présentant sous la forme d’un cal¬ caire gris, d’un grès vert ou d’un schiste argileux , et renfermant outre les Nummuiites , des Pecten , des Cônes et le Grypliœa ex¬ pansée Murcli. C. Le calcaire de Seewen représentant de la craie et renfermant l’ Inoceramus Cuvieri Sow. et Y Ananchytes ovata Lam. D. L’étage à Turrilites avec Turrililes costatus Sow., Ammonites navicularis Mant. , Inoceramus concentricus et 1. sulcatus Sow. E. L’étage inférieur de la craie renferme le calcaire à Hippurites ( H. Blumenbachii Stud.) et à Chama ammonia , et le calcaire à Spatangus retusus Lam., Exogyra subsinuata Leym. , et Ostrea carinata. 6° Les formations jurassiques sont représentées par trois couches principales. A. Le calcaire alpin qui représente l’oolithe supérieure et moyenne, mais qui contient malheureusement peu de fossiles, parmi lesquels on remarque néanmoins Y Ammonites biplex Sow. et le Belemnites hastatus Blainv. B. L’oolithe ferrugineuse est plus riche , car on y trouve : Am¬ monites Govceranius Sow., A. macrocephalus Sehlot., A. P ark in¬ scrit i , des Bélemnites : Ostrea pectiniformis Sehlot. , O. calceata Goidf., Tcrebratula digona Sow. ; et des Pentacrinites. 7° Des couches sédimentaires , schisteuses, contenant de la houille, et qui paraissent appartenir au terrain carbonifère. Nulle part dans le canton de Glarus les roches cristallines ne sont à nu; seulement sur le col appelé Sandpass, les schistes contenant du quartz et du talc sont inclinés du N. au S. , et vont se perdre sous SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7. 1127 les marnes calcaires du Todi. Ils montrent cette disposition en éventail , qui parait être le caractère de roches gneissiques au contact des roches de sédiment. Ces formations azo’iques paraissent être un prolongement du groupe du Finsteraarliorn. Notre but en faisant cette courte analyse du travail de M. Fscher a été d attirer 1 attention des géologues français sur les formations de la partie orientale du N. de la Suisse. C’est là (canton d’Appen- zell) qu’on trouve le plus grand nombre de fossiles. Or, on sait que malgré les recherches incessantes de MM. Studer, Esclier, Necker , Fournet, Favre , etc. , le manque presque total de corps organisés fossiles a toujours été le plus grand obstacle qui ait arrêté la solution des problèmes importants que soulève la structure de la plus haute chaîne de l’Europe. M. Tallavignes fait la communication suivante : Résume (V un Mémoire sur tes terrains à Aummulites du département de R Aude et des Pyrénées , par M. Tal¬ lavignes. introduction; * Les questions que soulève l’étude des terrains à nummulites sont nombreuses et complexes. Sans sortir des considérations pure¬ ment géologiques , l’intérêt qui s’attache à ces terrains me paraît tenir à ceci, que les difficultés soulevées par eux touchent à la méthode et par conséquent aux bases même de la science. Il semble , en effet , qu’on ait en présence , pour la classification de ces terrains , deux arguments , ou , si l’on veut , deux méthodes , l’une paléontologique , l’autre géognostique , et la question paraît ramenée à choisir la meilleure. Ce n’est pas ici le cas d’examiner s’il y avait réellement lieu à poser ainsi la question , ni de recher¬ cher le point précis où en est la solution de cette difficulté. Je ferai seulement observer que l’argumentation employée des deux côtés reposait sur un principe qui n’était pas démontré, quoique accepté des deux parts; à savoir, que les terrains nummulitiques des Pyré¬ nées formaient une seule formation , un seul et unique horizon géognostique. Un des résultats de ce mémoire est d’établir une pro¬ position contraire. Je ne pense donc pas que la question de classi¬ fication de ces terrains soit définitivement vidée. L’objet de ce travail n’est pas de comparer ces terrains à ceux du Nord, ni de rechercher la place qu’ds doivent occuper dans la série générale des dépôts de sédiments ; je me suis au contraire 11 ‘28 SÉANCE DU 21 JUIN 18/|7. attaché à étudier ces terrains en eux-mêmes et indépendamment de toute idée théorique ou préconçue ; j’ai cherché à faire connaître d une façon plus complète , particulièrement sous le rapport géo- gnostique , un des gisements nuinmulitiques les plus importants , celui de l’Aude, pour lequel on possédait déjà de bons renseigne¬ ments dans le mémoire de M. Dufrénoy, et dans celui tout récent où M. Leymerie a décrit une grande partie des fossiles qui le carac¬ térisent. Le résultat général auquel je suis arrivé est d’établir que les couches nuinmulitiques de l’Aude et des Pyrénées constituent deux formations distinctes par leurs caractères géognostiques et paléon- tologiques. Les terrains qui constituent la première ne contiennent que des espèces tertiaires ou nouvelles. Le caractère de leur faune est exclusivement tertiaire. Les couches qui ont tous les caractères d’une formation indépendante sont ordinairement horizontales , et reposent souvent sans intermédiaire sur le terrain de tran¬ sition. Je désigne ce groupe sous le nom de Système Ibérien. La deuxième formation ne renferme pas d’espèces tertiaires, et n’a jus¬ qu’à présent avec le système précédent aucune espèce commune. Le caractère de sa faune est tout-à-fait distinct, et se rapproche plus des formes crétacées que des formes tertiaires. Les couches sont constamment relevées , et dans X Aude elles sont en stratifica¬ tion discordante avec celles du système précédent. Je désigne ce groupe sous le nom de Système Alaricien. Les terrains nummuli- tiques des Pyrénées centrales appartiennent exclusivement à cette dernière formation. L’horizon nummulitique supérieur ou Ibérien comprend des couches situées plus en dehors de l’axe de la chaîne ; il forme sur le versant nord des Pyrénées deux bassins distincts et séparés : le bassin de l’est ou de l’Aude , et le bassin de l’ouest ou des Basses- Pyrénées. La suite de ce résumé va faire connaître les faits et les méthodes qui ont conduit à cette distinction des deux horizons nummuli- tiques dans le gisement de l’Aude. Dans une deuxième partie , je ferai connaître les observations que j’ai fixités dans les Pyrénées proprement dites. SECTION I. - TERRAIN NUMMULITIQUE PROPREMENT DIT, OU SYSTÈME IBÉRIEN (1). Les terrains dont la description fait l’objet de ce travail forment (1) Voir l’appendice , page 1141. 1129 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. un bassin circonscrit entre les terrains de transition de la Mon¬ tagne-Noire au N., et ceux de même nature qui constituent les Hautes-Corbières au S. Les couches qui appartiennent au groupe nummulitique supérieur se présentent en diverspoints de cette vaste surface avec des caractères minéralogiques et physiques très variés ; mais il est possible d’en suivre la continuité à travers ces diverses transformations. Les limites qui me paraissent devoir leur être assignées diffè¬ rent notablement de celles indiquées par la carte géologique de France et par la carte modifiée de M. Leymerie. D’après cette dernière , le terrain à nummulites occuperait dans les Cor bières tout l’espace compris entre le terrain de transition de ces monta¬ gnes et la vallée du Canal. Cette vaste surface me paraît compren¬ dre trois terrains distincts : le terrain à nummulites proprement dit ou supérieur, le système du mont Alaric , le terrain tertiaire moyen. Le terrain à nummulites supérieur est le moins développé des trois en puissance et en superficie ; je le divise en trois types ou faciès que je vais parcourir successivement. § 1- Type de la Montagne-Noire ( faciès calcaire). Le terrain à nummulites est représenté sur le versant S. de la Montagne-Noire par une bande étroite de calcaires qui s’étend sans interruption de Saint-Papoul à Saint-Chinian , s’appuyant constamment entre ces deux points sur le granité ou le terrain de transition. A l’E. de Saint-Chinian , les terrains tertiaires moyens s’appuient directement sur le sol ancien , et le terrain à nummu¬ lites reparaît , au milieu des plaines , entouré par les couches mio¬ cènes. Il constitue le sommet des collines , au pied desquelles coule l’Orb , entre Pierrerue et Cessenon. Peut-être se lie-t-il par des îlots semblables au lambeau signalé depuis longtemps à Balaruc par Astruc. Je rapporte enfin à ce type F îlot de Bize , dont il est impossible d’assigner les contours avec précision, à cause des mo¬ difications qu’ont subies tous les terrains entre Bize et Saint- Chinian. Les couches que je viens d’énumérer ont des caractères minéra¬ logiques et un faciès identiques. Ce sont des calcaires blancs quel¬ quefois friables, quelquefois siliceux (meulières de Saint-Julien) , le plus souvent compactes , pétris de Nummulites atacicus et globulus et d’Alvéolines. L’élément marneux n’est représenté que par des lits peu épais de terre grossière et sableuse, où existent des moules assez nombreux de fossiles, et qui sont intercalés entre des couches 1130 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. calcaires. Au-dessous de ces derniers, le contact avec le sol ancien a lieu par des marnes sableuses, et renfermant peu de fossiles. Dans le département de lTIérault , à l’extrémité orientale de la bande nummulitique de la Montagne-Noire, ce système repose di¬ rectement sur le terrain de transition ; des fentes profondes qui ont déchiré le sol , et dans lesquelles coulent des rivières, permettent d’évaluer sa puissance avec précision. Elle est en général inférieure à 50 mètres (Saint-Jean). Dans le département de l’Aude , et par¬ ticulièrement à l’O., l’ensemble des couches que je viens de dé¬ crire repose sur un système peu épais de calcaires compactes très durs et de marnes calcaires blanchâtres qui renferment des fossiles d’eau douce signalés dans le mémoire de M. Leymerie ; on peut voir cette superposition de la manière la plus précise à Cenne- monestiés. Ce terrain d’eau douce , peu puissant d’ailleurs et con¬ cordant avec le terrain nummulitique dont il forme le membre inférieur, repose lui-même sur le sol ancien. La ligne de séparation du système nummulitique et des terrains de transition est en général droite et les couches continues. La puissance de la portion marine est en général de 40 à 50 mètres ; la puissance de tout le système ne me paraît pas dépasser 100 mètres. Les couches appartenant à ce type sont toujours faiblement in¬ clinées vers le S. Sous le rapport de leur direction, elles constituent deux systèmes remarquables. Depuis son commencement à l’O. de Saint-Papoul jusqu’au delà de Cannes, la bande nummulitique de la Montagne-Noire est en couches à peu près horizontales; et dirigées O. 5 à 6° N. Ces couches sont recouvertes par le terrain tertiaire moyen en couches également horizontales. A partir de Felines Hautpoul, cette bande se trouve brusquement rejetée au N. Les couches nunnnulitiques et les couches miocènes qui les recouvrent sont fortement relevées et portées à une hauteur considérable. La direction de ce nouveau système , qui s’étend de Felines à Saint- Chinian, est E., 25° N. à O., 25° S. L’angle d’inclinaison des cou¬ ches est considérable et atteint 25°. La direction de ce système est parallèle à une autre grande ligne de dislocation qui a fortement relevé dans la plaine le terrain à nummulites du troisième type et le terrain miocène, et tracé le lit de l’Aude entre Puiclieric et Homps. L’îlot de Bize a seul été soumis à des actions métamor¬ phiques qui rendent sa stratification très difficile à étudier, et ont fair passer le calcaire à l’état saccliaroïde. Si l’on en excepte les couches d’eau douce, il est impossible d’établir dans ce type des étages ou subdivisions. Lés fossiles y sont 1131 SÉANCE DU 21 JUIN 18A7. distribués d’une manière très uniforme. J’ajoute peu de chose pour la connaissance de ces derniers aux travaux de M. Leymerie. Je ferai seulement observer que j’ai retrouvé dans les Corbières plu¬ sieurs des fossiles qui étaient considérés comme particuliers à ce type, la Natica longispira et le Nanti lus Lanmrckii , par exemple. Je me suis également convaincu qu’il existe dans la Montagne-Noire des moules très nombreux de Turritelles, genre considéré jusqu’à présent comme particulier aux Corbières. Néanmoins, la bande de la Montagne-Noire constitue un gîte paléontologique spécial assez distinct. Les caractères distinctifs du type de la Montagne-Noire sont les suivants : 1° sous le rapport pétrograpliique , le grand développe¬ ment des calcaires ; 2° sous le rapport paléontologique, le dévelop¬ pement et l’abondance relative des Echinides et des Nautiles; la présence exclusive, jusqu’à présent, des genres Solarium, Terebellum et Terebellopsis , l’absence ou le peu de développement des Poly¬ piers ; 3° sous le rapport de la nature du dépôt peu de variabilité dans les caractères sédiinentaires , les mêmes couches s’étendant à de grandes distances ; absence de golfes et de fiords. Espèces habituelles et caractéristiques. Nummulites atacicus. — globulus . Alveolina subpyrenaica. Hemiaster obesus . Teredo Tourna li. Lucina corbarica. Ostrea multicostata. i Terebratula montcolcu ensis. Neritina conoidea. Natica longispira. Terebellopsis Brauni. Turritella , indét. § 2. Type des Hautes-Corbières. Si nous nous transportons maintenant sur la limite S. de la mer nummulitique, nous trouverons dans les Corbières reposant encore directement sur le terrain de transition de ces montagnes des cou¬ ches puissantes renfermant les fossiles que nous venons d’étudier sur le versant de la Montagne-Noire. Le faciès est ici différent, et l’on peut reconnaître que les conditions du dépôt ont été égale¬ ment différentes. Je range dans ce type le bassin d’Albas et celui de la Caunette ; il devrait également comprendre les terrains de Couiza, de Sainte-Colombe, de Rivel, qui appartiennent à la zone nummulitique de l’Ariège , que je n’étudie pas dans ce mémoire. Le bassin d’Albas est très remarquable par la grande puissance du terrain à nummulites et les nombreux fossiles qu il renferme. 1132 SÉANCE DU 21 JUIN 18/j7. Il est constitué minéralogiquement de la manière suivante : à la base , des poudingues à gros éléments alternent avec des marnes rouges , sableuses , consistantes , ayant l’aspect des marnes mio¬ cènes de la plaine ; ces marnes alternent ensuite avec des grès et de faibles assises de calcaires. Toute cette partie est en général sans fossiles; de nouvelles marnes grises, fortes et plastiques, avecde nom¬ breux fossiles , alternant avec des calcaires blancs , pétris de nuin- mulites et couronnés par des grès grisâtres fossilifères, terminent le système. Les couches régulièrement dirigées 10° S. plongent au N. sous un angle d’environ 25". Leur puissance est considérable et ne peut être évaluée à moins de Ô00 mètres. Prolongées vers FO., elles ne forment pas de bande continue au-dessus du terrain de transition, comme l’indiquent les cartes. Un puissant terrain tertiaire qui recouvre ces couches au N. s’appuie directement sur ce dernier terrain entre Albas et la Caunette , et constitue les hauts plateaux de La Camp. La faune de ce bassin est assez bien connue. M. Leymerie en décrit quinze espèces, auxquelles j’en ajoute seize autres. Elle est caractérisée par un grand développement de Natices et de Cérites. Le gisement de la Caunette présente la plus grande analogie avec les couches d’Albas. La direction et le plongement sont les mêmes. La puissance seule est différente et peu considérable. Sa faune est caractérisée par un grand développement de Polypiers et d’Ostracées. Ce caractère, joint à son attitude élevée et à l’absence de couches nummulitiques entre ce dépôt et celui d’Albas, me fait penser que les deux bassins ne communiquaient peut-être pas. J’indique dans cette localité vingt-une espèces. On pourrait diviser le bassin d’Albas en deux assises, dont la supérieure serait assez bien caractérisée par les fossiles suivants : Natica acutella , Cerithium acutum , Ostrca multicostata , mais cette division ne s’appliquerait point au gisement de la Caunette. Les caractères distinctifs de ce type sont : 1° une grande varia¬ bilité de caractères minéralogiques , à la différence des deux autres types dont les caractères minéralogiques sont constants ; 2° l’ab¬ sence des fossiles qui caractérisent si bien le 3e type, les Terebratula icnuistriata , Ostrca la ter ali s , Serpula quadricar inata et Operculina pulchella (mihi) ; la prédominance dans sa faune des Natices et des Cérites ; 3° la nature du dépôt qui paraît avoir eu lieu dans des bas¬ sins séparés. 11 tient le milieu par tous ses caractères entre les deux autres types. SÉANCE DU 21 JUIN 1647, Espèces habituelles du type des Hautes Corbières. 1133 Numnudites atacicus Leym. — globulus Leym. Alveolina subpyrenaica Leym. Teredo Tournali. Ostrea gigantea Dubois. — multicostata — Chaîna gigas Desh. Luci/ia corbarica Leym. Natica acutella Leym. — albasiensis Leym. — brcc isp ira Leym. JYeriti/m conoidea Lam. Turritella imbricataria Lam. Cerithiiun acutum Lam. — albasi crise Leym. — Venei Leym. — involutiun Lam. Fusas bulbifarmis Lam. § 3. Type fies Basses-Corbières. Les couches du bassin d’Albas sont recouvertes par un dépôt formé de roclics marno-arénacées , rougeâtres , alternant avec des calcaires d’eau douce , et qui n’est autre que le terrain tertiaire moyen. Si on suit ces dépôts jusque vers les bords du Rabe, on verra paraître au-dessous, des couches puissantes de marnes noires et de grès, pétries de nummulites et de turritelles qui ont un faciès distinct des couches d’Albas , distantes seulement de quelques kilo¬ mètres. Ce dépôt est le type nuinmulitique que je désigne sous le nom de Type des Basses-Corbières . Les couches qui composent ce type d’une grande constance de caractères constituent le bas des collines qui bordent le Rabe de Castouge à Saint-Laurent; elles contournent le plateau élevé qui sépare les plaines de Fabresan et de Tourninan , pénètrent par une gorge étroite où coule la Nielle dans la pleine de Fabresan, qu’elles constituent presque en entier, et s’enfoncent par une espèce de golfe au milieu du massif du mont Alaric, vers Pellat. Au S. du plateau dont je viens de parler, ces couches suivent exactement la limite des calcaires de Lagrasse sur lesquels elles reposent , for¬ ment la plaine de Tournissan , le bas de la haute montagne de Lacamp, dont le haut est tertiaire , la vallée d’Agne où une grande dénudation a emporté ce dernier terrain , s’enfoncent par un nou¬ veau golfe dans le massif du mont Alaric vers Montlaur et Roque- negade, et constituent les collines qui s’appuient sur les couches d’Alaric, de Pradelles , jusqu’à Monze. Sur le versant N. du mont Alaric , ces mêmes couches forment une bande continue au pied de cette montagne, de Capendu jusqu'à Fontcon verte ; elles s’écar¬ tent ensuite pour constituer le bas du plateau entre IMoux et Lézignan , se présentent constamment à la base du terrain mio¬ cène vers Tourouzelle , sur la rive droite de l’Aude, quelles fran- 1134 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. chissent enfin à Argens pour constituer sur la rive gauche le gise¬ ment de Roubia, qui n’est plus qu’à quelques kilomètres de l’îlot de Î3ize. Ce terrain , distribué géographiquement d’une manière si capricieuse, est d’une uniformité de caractères remarquable. 11 se compose toujours à la base de marnes noires schisteuses avec de très minces couches de calcaire compacte intercalées. Dans leur partie supérieure, ces marnes deviennent sableuses et alternent avec des grès grisâtres, grossiers, passant quelquefois au poudingue. Les marnes sont pétries de Nummulites et de Turritelles ; les grès abondent en Cérites et Osirea multicostcita. 11 n’y a pas de diffé¬ rence à cet égard entre Roubia et Monze , entre Tourouzelle et Coustouge. Ces couches abondent en fossiles ; elles renferment presque tous ceux des deux autres types et d’autres qui jusqu’à présent leur sont particuliers. Ce sont précisément F Ostrea latcralis et la Terebratula te nui striata , qui d’après M. Leymerie existent à Gensac et à Mau- léon, associées à des fossiles du grès vert. Ces fossiles sont habituels et caractéristiques dans ces marnes; ils se retrouvent à de grandes distances associés à des Nummulites, des Serpules et des piquants de Cidaris , qui donnent à la faune de ces terrains un caractère tout particulier. Néanmoins, l’ensemble des fossiles est le même que dans les deux autres types , et l’on retrouve dans celui-ci la presque totalité des espèces que renferment les deux autres. V Ostrea gi gante a y joue , comme dans le type précédent, un grand rôle , et y forme quelquefois des couches de plus d’un mètre d’é¬ paisseur. Enfin , dans les golfes et les anses, se développent des faunes spéciales fort curieuses , dont je tache de restituer quelques unes (1). Ce terrain , si uniforme sous le rapport de ses caractères , l’est très peu sous celui de la direction et du plongement , ce qui est en partie une conséquence de sa distribution géographique. Les dis¬ locations qui l’ont affecté ont en général relevé en même temps le (1) Ce Mémoire était composé et déjà sous presse lorsqu’à paru le numéro du Bulletin qui rend compte de la séance du 3 mai 1847, et qui contient une notice de M. Delbossur les terrains nummulitiques du bassin de l’Àdour. Ce n’est pas sans intérêt qu’on verra dans les envi¬ rons de Dax la partie inférieure des terrains nummulitiques, constituée par des marnes noires à Térébratules , contenant précisément les fossiles qui , dans l’Aude, caractérisent le type des Basses-Corbières : les Terebr. tenuistriata , Ostrea lateralis , Serpula quadricarinàta , Ostrea gigantea , etc. SÉANCE DU 21 JUIN 18/&7. 1135 terrain tertiaire moyen qui le recouvre presque partout. Je me borne à rappeler ici la dislocation qui a affecté ce terrain au milieu de la plaine de l’Aude, entre Castelnau et Roubia , et dont la direc¬ tion O. 25" N. est parallèle à la grande dislocation de la Montagne- Noire que j’ai indiquée précédemment. La puissance de ce terrain est d’environ 100 mètres. Elle atteint son maximum sur les pentes de Lacamp et son minimum dans la plaine de Fabresan, où les grès supérieurs ont été en grande partie érodés. A Coustouge, ce terrain repose directement sur des couches d’eau douce, dont l’âge géologique n'est pas suffisamment déter¬ miné (1), et qui constituent un plateau élevé entre Coustouge, Caragulhes et Doues ; àCaunettes, et entre Pradelles etMonze,sur une longueur d’environ 8 kilomètres, on voit les couches qui consti¬ tuent ce type reposer sur les calcaires du mont Alaric dont il sera bientôt question. A Fontcouverte , à Pellat, elles s’appuient sur le terrain de transition qui affleure en ces deux points. Cette diversité des terrains sur lesquels reposent les strates appartenant à ce type en fait ressortir l’indépendance. Mais en dehors des points cpie je viens de citer, ou la stratification est évidente , il est des localités où les relations avec les autres terrains du type qui nous occupe sont plus difficiles à observer. Les caractères distinctifs de ce type sont : 1° d’être constitué minéralogiquement par des marnes noires à Turritelles terminées par des grès avec Ostrea multicostata et Cerithium ; 2° l’abondance et jusqu’à présent la présence exclusive des Terebratulci tennis tri ata , Operculina pulckella , Ostrea Iq ter ali s ; 3° de former des golfes et fiords dans des couches plus anciennes. Liste des fossiles habituels. N um nullités atacicus Leym. — • global us Leym. Operculina pulckella nov. sp. Astrea [Parités Leym.) elegans. Serpula q uaclri carinata. Teredo Tournali Leym. Ostrea gigantca Brauder. — multicostata Des h. — lateralis Nils Lucina corbarica Leym. Cytherea custugensis Leym. Venericardia minuta Leym. Chaîna gigas Desh. ; Terebratula tenui striata Leym — - Venei Leym. Turritclla imbricataria Lara. — cari ni fer a Des h. I Cerithium indét. ; Fusus bulbijormis Lam. j Voluta ambigua Lam. (1) .Je ne pense pas que ce terrain soit le représentant des couches d’eau douce de la Montagne-Noire ; il parait au contraire se lier au terrain crétacé inférieur. 1136 séance du *21 juin 1847, Les dispositions stratigraphiques très variées des couclies de ce type peuvent néanmoins se ranger sous deux chefs principaux. Lorsque les couches antérieures présentent leur dos , le dépôt des marnes noires s’est effectué exactement au-dessus d’elles, sur la même verticale, et la stratification, sauf la différence d’inclinaison des deux terrains, peut paraître concordante (Coustouge, Monze, Pra- delles). Lorsque, au contraire, les bords de la mer nummuli tique étaient formés par des couches présentant leurs têtes, le dépôt des marnes s’est effectué de façon à se juxtaposer contre les couches plus anciennes, de telle sorte qu’un plan mené perpendiculairement à la ligne de séparation présenterait d’un côté des couches appartenant au terrain ancien , et de l’autre des marnes noires. Ce dernier mode est celui que présentent les couches de ce type dans leurs relations avec le terrain crétacé inférieur (Villerouge-la-Crémade), avec le terrain d’Àlaric (Koquenegade , Fabresan), et avec le terrain ju¬ rassique (Coustouge, Jonquières). On peut diviser ce type en deux étages : 1° l’étage inférieur, composé de marnes noires alternant avec des couches minces de calcaire, serait caractérisé par les Tercbratula tennis tri ata, T. Venei, Ostrea lateralis , etc., qui s’y présentent exclusivement; 2° l’étage supérieur, composé de marnes sableuses et de grès grisâtres, serait caractérisé par l’absence des fossiles précédents et l’abondance des Cérites et de Y Ostrea multicostata. Tels sont les traits principaux qui caractérisent chacun des types du terrain nummulitique supérieur ou ïbérien de l’Aude, envisagés isolément. — Si l’on considère ce terrain dans son ensemble , on remarquera que les différences qui caractérisent les types que j’y ai signalés portent principalement sur la nature minéralogique des dépôts et la distribution des fossiles, mais que la masse générale des espèces est constante, un grand nombre d’entre elles se trouvant à la fois dans tous les types et dans tons les étages. On est dès lors conduit à penser que ces types ne constituent que des faciès diffé¬ rents d’un seul terrain , d’un seul et même horizon géognostique. Les observations strati graphiques confirment pleinement cette vue. Une coupe d’Albas à Coustouge montre, en effet, que les couches de ces deux gisements s’enfoncent semblablement sous les terrains d’eau douce, dont les couches sont inclinées en sens inverse, de telle sorte que le bassin d’Albas se trouve au même niveau géolo¬ gique que celui de Coustouge ; tandis que , d’après sa position sur les couches de transition , on eut pu le croire inférieur à ce dernier. On montrerait de même que les couches des Basses- Corbières et de la Montagne-Noire sont dans un rapport semblable SÉANCE DU 51 JUIN 1847* 1137 par rapport aux terrains miocènes de la vallée de l’Aude. Le ter¬ rain nummulitique supérieur ou lbérien de l’Aude constitue donc un seul horizon géognostique et pale ontologique. J’ai montré de plus que cet horizon unique était parfaitement indépendant , puisque chacun des trois types repose sur des terrains fort diffé¬ rents, et souvent directement, et sans intermédiaire sur le terrain de transition. Les fossiles les plus caractéristiques du système nummulitique lbérien dans le gisement de l’Aude considéré dans son ensemble, sont les suivants : Num mulites atacicus , — glohulus , Alveolina subpyrenaica , Turhinolia sinuosa , Ostrea gi gante a , — multicostata , Il est remarquable que ces espèces , qui sont les plus habituelles dans l’Aude , sont aussi celles qui ont la distribution géologique la plus étendue. La plupart des fossiles précédents sont répandus dans un grand nombre de gîtes nummulitiques , qu’il est bien dif¬ ficile de ne pas regarder comme contemporains. La T. imbricataria existe à Bayonne, en Espagne, dans le Yicentin, à Faudon, dans le Salzburg, à Althofen en Carinthie, en Crimée et en Egypte. La Neritina conoidea et Y Ostrea gigantea ont une distribution presque aussi étendue , et ces espèces sont bien connues depuis longtemps dans l’étage tertiaire inférieur de Paris et de Londres. SECTION II. — SYSTÈME DU MONT ALARIC. Les couches nummulitiques qui constituent le troisième type occupent en général des plaines peu élevées ; au milieu d’elles s’élève, comme une île, un système de calcaires et de grèsmarno- calcaires dont la crête principale court suivant la direction de 0. 1 6° N. Le point culminant de cette petite chaîne, désignée collective¬ ment sous le nom de mont Alaric, atteint 601 mètres. Des roches semblables constituent tous les environs de Lagrasse ; prolongées vers l’E., elles forment une chaîne élevée qui sépare les deux plaines de Fabresan et de Tournissan , occupées toutes les deux par des marnes noires à Turritelles , appartenant au système nummuli¬ tique supérieur. La distribution géographique de ce système est assez particulière. Soc. gèol. , 2* série, tome IV, 72 Lucina corharica , Neritina conoidea , Natica hrevispira , Turritella imbricataria , Cerithium acutum. 1138 SEANCE DU 21 juin 1 8 Zi 7 . Les couches qui le constituent, bien que formant une masse con¬ tinue, sont séparées par des vallées allongées qui forment au mi¬ lieu des massifs des espèces de digitations occupées en général par le terrain nummulitique supérieur. Cette circonstance permet de diviser les couches du système d’Alaric en cinq petites chaînes. Le terrain de transition perce les couches de ce système en deux points, aux environs de Fontcouverte et près de Pellat; cette disposition laisse apercevoir les couches intérieures. Les fossiles sont rares dans ce terrain , et lorsqu’ils existent ils sont mal conservés. J en ai rassemblé environ 40 espèces que j ai décrites et figurées avec l’aide et le concours d’un paléontologiste éminent, M. Desliayes. On en trouvera la liste ci-après. Presque toutes ces espèces sont nouvelles. Elles ne se rencontrent point dans le terrain éocène du Nord ou dans les divers gisements du terrain nummulitique supérieur ou Ibérien. Elles se retrouvent au con¬ traire dans diverses couches des Pyrénées centrales , de la Haute- Garonne , de l’Ariége et de l’Aude , qui me paraissent constituer un horizon distinct , inférieur au précédent , que je désigne sous le nom d’alaricien. Le caractère zoologique des faunes de ces deux systèmes est fort différent , même dans les espèces qui n’ont pu être rigoureusement déterminées. Les Natica , par exemple , se rap - proclient plus par leurs formes des Natices crétacés de Soulatge que de celles si abondantes dans le terrain nummulitique supérieur. 11 en est de même des Ostracées , des Eehinides et de Polypiers. Les caractères paléontologiques du système alaricien sont donc tout ci fait distincts de ceux des terrains nummulitique $ supérieurs. Les raisons géognostiques sur lesquelles je m’appuie pour sé¬ parer le groupe du Mont-Alaric du terrain nummulitique su¬ périeur ou Ibérien sont les suivantes : 1° le système du Mont- Alaric ne peut être regardé comme la partie inférieure des mar¬ nes noires nununulitiques qui le recouvrent en général , car ces mêmes marnes ne reposent pas toujours sur les couches d’Alaric (Coustouge, Fontcouverte, Roubia), et les couches d’Alaric ne sont pas toujours recouvertes par des marnes noires (Floure, Barbaira) j il y a donc indépendance entre les deux formations ; 2° la descente vers Monze montre les marnes noires reposant directement sur le dos des couehes d’Alaric , et la stratification peut paraître concor¬ dante ; mais si l’on suit ces marnes dans les vallées et fiords qu’elles forment au milieu des couches d’Alaric , on observe que lorsque les couches qui encaissent la vallée présentent leurs têtes, les cou¬ ches du terrain nummulitique supérieur se sont déposées au pied de ces collines en se juxtaposant contre elles (Roquenegade) . Quel¬ quefois les couches supérieures déposées dans le bas de$ vallées sont 1489 SÉANCE I>E 21 JUIN l8/l7. inclinées dans le même sens que les couches du système d’ Alaric, qui forment des collines encaissantes ; c’est ce qui arrive dans la plaine de Fabresan ; des marnes noires constituent cette plaine, au milieu de laquelle coule l’Orbieu, et dont le niveau général est in¬ férieur à 100 mètres. Leurs couches plongent légèrement au S. et semblent passer par dessous les calcaires du plateau élevé de La- costes, qui sépare les plaines de Fabresan et de Tounisan. Un ob¬ servateur qui n’aurait vu que cette localité échapperait difficile¬ ment à cette conclusion. Cette disposition se montre sur un déve¬ loppement en ligne sinueuse de plus de 10 kil. Du côté opposé de cette même plaine, au lieu dit le Congoust, les marnes noires num- mulitiques en assises horizontales ou faiblement rompues viennent buter au pied des couches du massif culminant d’Alaric qui , en ce point, ont subi les dislocations les plus bizarres et les plus variées, et ont même atteint la verticale. Cette cause ne permet pas de douter que le soulèvement principal du mont Alaric ne se fût effectué avant le dépôt du système nummulitique proprement dit. Le ni¬ veau général des marnes noires ne dépassant guère 100 mètres (à Roubia il n’atteint pas û0 mètres), ou peut en conclure que le mont Alaric, déjà soulevé, formait au milieu de la mer nummuli¬ tique une grande île élevée d’environ 500 mètres. Ce relèvement des couches d’Alaric a été le trait dominant de la distribution géo¬ graphique des terrains nummulitiques proprement dits du troi¬ sième type , qui semblent ordonnés par rapport à ce dernier sys¬ tème. Cette disposition réciproque des calcaires d’Alaric et de Lagrasse et des marnes noires des plaines avait été aperçue depuis longtemps, et il est impossible qu’elle ne frappe pas tous les observateurs. M. Leymerie l’avait attribuée à un changement de faciès, et avant lui M. Dufrénoy l’avait expliquée au moyen d’une faille. Il faut reconnaître que cette dernière explication était parfaitement plau¬ sible, et même qu’un observateur qui n’aurait vu que les localités indiquées par M. Dufrénoy eût été amené forcément à la même conclusion , mais il est facile de se convaincre que cette manière de voir est inadmissible : en effet, 1° cette disposition s’observe suivant une ligne sinueuse de plus de dix lieues de développement et l’on ne saurait admettre une faille suivant une direction aussi capri¬ cieusement curviligne -, 2° les couches de marnes noires apparte¬ nant au terrain nummulitique supérieur qui à Monze reposent sur le dos des calcaires d’Alaric viennent buter à Roquenegade contre la tranche de ces derniers sans solution de continuité ni change¬ ment de niveau , et l’idée même de faille implique celle de varia¬ tion dans le niveau. U 40 séance dü M jcin 184/ . Je conclus de là que les caractères gèognostiques du système du mont Alaric sont tout à fait distincts de ceux des terrains nummuli- tiques du système supérieur ou Ibérien , et qu’il y a entre eux dans l’Aude une véritable discordance de stratification. Les couches du système d’ Alaric ont subi un grand nombre de dislocations: des failles nombreuses, particulièrement aux environs de Lagrasse, en rendent l’étude fort difficile. Les directions prin¬ cipales sont O. 16° N. (la direction même des Pyrénées) pour la chaîne principale d’ Alaric, et N. 25° E. pour le massif où se trouve le point culminant. La chaîne principale d’ Alaric entre Monze et Moux a ses couches disposées en forme de selle ou de manteau, et présente, du côté de la vallée de l’Aude, les mêmes couches que vers l’intérieur des Corbières, de telle sorte qu’un observateur qui irait de Capendu à Pradelles , par exemple , marcherait constam¬ ment sur la même couche. Les autres massifs ne présentent pas la même disposition ; ils forment, soit des plateaux dont les couches, à peu près horizontales au milieu, vont en s’abaissant brusquement du côté des vallées (plateau de Lacoque, vallée d’Agne, Caunettes), soit de petites chaînes présentant dans ces vallées les têtes de leurs couches (Tournissan, Fabresan). Tels sont les faits qui m’ont amené à considérer les couches du mont Alaric comme un système géognostiquement et paléonto- logiquement distinct du terrain nummulitique proprement dit; la présence dans les couches d’ Alaric d’un grand nombre de fossiles qui se retrouvent dans les Pyrénées centrales , où manquent com¬ plètement les espèces du terrain nummulitique supérieur, m’a conduit à synchroniser ces deux terrains. L’étude des lieux et l’exa¬ men des riches collections rapportées des Pyrénées par M. Dufrénoy , et libéralement mises par lui à ma disposition, m'ont convaincu de la justesse de cette vue et de la distinction constante des deux systèmes. En exposant les faits qui m’y ont conduit , j’ai cherché à être clair et précis. Si je n’y ai qu’ imparfaitement réussi, je prie qu’on me tienne compte des difficultés du sujet. Ces difficultés, ceux qui ont étudié ces terrains les savent; ceux qui ne l’ont pas fait les peuvent soupçonner au nombre et à la diversité des opinions émises. Liste des espèces du mont Alaric . Nummulites Sabothi , n. sp. — Pradelles, Mont-Saboth (Haute- Garonne). — Garumnœ , n. sp. — Commelles, Boussan ( Haute-Garonne) — id., indét. — Pradelles. Alvcolina , esp. non dét. — Marsoulas (Haute-Garonne). séance Dit 21 juin 1847. 1141 Orbitolites , esp. non dét. ■ — Pradeîles. Mili olites , esp. non dét. — Mont Alaric. Turbinolia , esp. non dét. — Plateau de Lascostes ( Fabresanï . Quillan (Aude). Astrœci , esp. non dét. — Caunettes. Lunulites punctatus P Leym. — Pradeîles, Mauran (Haute-Garonne). Cidaris Gothorum , n. sp. — Pradeîles. Catopygus ajffinis? Ag. — Capendu. — parvulus? Ag. — Capendu. Echinolampas naviceîla , n. sp. — Pradeîles. — ovulurn , n. sp. — Pradeîles. — Deshayesi , n. sp. — . Comelles , Orignac ( Hautes-Pyrénées). Hemiaster Alarici , n. sp. — Comelles. — nucléus , Desor. — Comelles (esp. crét.). — globosus? Desor. — Comelles. — subcubicus , n. sp. — Pradeîles. — indét. — Capendu. Terebratula Alarici , n. sp. (1) — Comelles , Le Bordier ( Haute- Garonne) , Belbèze (Haute-Garonne). — sarracena , n. sp. — Comelles, Comigne, Monlaur. — tenuistriata? Leym. — Comigne. Ostrea IVisigotharum , n. sp. — Monze , Pradeîles, Moux , Alet. — Frecketi , n. sp. — Lagrasse, Frechet (Haute-Garonne), Aurignac (Haute-Garonne). — Rollancli , n. sp. — Plateau de Las Costes (Fabresan), Belesta (Ariége), env. d’Alet, Pech del Brau. Gryphœa , Dufrénoyi , n. sp. — Ribaute, Belesta , Foncirque. Spondylus , indét. — Pradeîles. — indét. — Comelles. Lima , indét. — Nebias, Alet. Calcaire pisolitique de Paris? Teredo , indét. — Comelles, Pradeîles. Crassatella , indét. — Caunettes , Masd’Azil? (Ariége). Natica , indét. — Capendu. — indét. — Caunettes. Cerithiurn? indét. — Marbre de Ribaute. — indét. — Sommet d’Alaric. — indét. — Caunettes , Belesta. Turritella disjuncta , n. sp. — Caunettes, Roveredo? Solarium , indét. — Caunettes. APPENDICE. Ce n’est qu’à regret que je me suis décidé à proposer des déno¬ minations nouvelles, mais j’ai dû le faire pour éviter de perpé- (1) Cette espèce et la Terebratula monteolarensis de M. Leymerie, dont elle est extrêmement voisine , ne sont peut-être que des variétés de la Terebratula biplicata. C’est du moins l’opinion de M. Davidson, 1142 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. tuelles confusions. Il est visible d’ailleurs qu’aucun des termes imaginés pour désigner ces terrains n’était acceptable ; ces termes se réduisent à trois : le terrain nummulitique de la plupart des au¬ teurs , le terrain épicrétacé de M. Leymerie , le terrain hétrurien de M. Pilla. Le mot de terrain nummulitique me paraît devoir être absolument rejeté. Un terrain ne saurait être désigné par le nom d’un genre de fossiles qui peut se trouver à la fois dans des horizons fort distincts et donner lieu ainsi à des assimilations inac¬ ceptables. M. Leymerie caractérise son terrain épicrétacé de la ma¬ nière suivante : géognostiquement , il comprend sous ce nom toutes les couches qui dans le bassin méditerranéen se sont déposées entre la molasse et le calcaire à Rudistes qui serait pour lui le représen¬ tant de la craie blanche; paléontologiquement, il assigne comme fossiles caractéristiques un certain nombre d’espèces décrites et fi¬ gurées dans son Mémoire ; de plus , les couches renfermant ces fos¬ siles formeraient un horizon unique et lié géognostiquement au cal¬ caire à Rudistes auquel elles sembleraient même passer. ( Mém . Soc. géol. , 1. 1, 2e série, p. 343 et 357.) Ainsi entendu, le mot d’ épicrétacé ne me paraît correspondre à rien de réel. En effet , il existe dans le bassin méditerranéen , entre la molasse et le calcaire à Rudistes , plusieurs horizons fort distincts par leurs caractères géognostiques et paléontologiques. Le but de ce Mémoire est précisément de ca¬ ractériser deux de ces horizons que je désigne sous les noms dlbé- rien et d’Alaricien. Le système alaricien seul se trouve lié géognos¬ tiquement au terrain crétacé. Les fossiles que M. Leymerie donne comme carabtérisant l’ensemble de son terrain épicrétacé se trou¬ vent au contraire exclusivement dans le système Ibérien , lequel n’est jamais en liaison avec le calcaire à Rudistes. Le mot d’épi- crétacé implique d’ailleurs des idées théoriques que le système moderne de nomenclature cherche à éviter. — Reste le mot de terrain hétrurien, proposé par M. Pilla pour désigner le macigno toscan qu’il considérait comme identique aux terrains nummuli- tiques de Biaritz , de la Montagne - Noire , du Vicentin et de la Crimée. Cette dénomination offre de graves inconvénients : 1° elle présente comme certaine l’identité géologique du macigno toscan et des gisements nummulitiques qui viennent d’être cités. Or, même après ce travail de M. Pilla , il est permis , conformément à l’opinion de M. Savi et d’autres géologues , de révoquer en doute la justesse de cette assimilation; 2° elle donne comme type clas¬ sique d’un terrain dont la place dans l’échellë géologique est vive¬ ment contestée un gisement , celui de la Toscane , qui est prëcisë- mèht dépourvu de toits fossiles autres que dés fUcoïdès, ét dont , par SÉANCE DU 21 JUIN 18Ù7. U/fcS conséquent, il est très difficile, sinon impossible, de restituer avec un degré de précision convenable la caractéristique paléontologique. Il resterait à examiner si la distinction qui vient d’être faite s’applique aux autres gisements nummulitiques et si elle peut servir à la solution de la question de classification. Dans le sens où je les ai employés, ces mots d Ibérien et d’Alaricien s’appliquent à des groupes de couches des Pyrénées assez bien caractérisés par leurs caractères géognostiques et paléontologiques pour former des unités géologiques distinctes. Ce Mémoire étant avant tout descrip¬ tif , je ne puis examiner ici comment cette division se pourrait ap¬ pliquer aux autres gisements nummulitiques ; ce serait la la matière d’un travail spécial qui embrasserait toute la partie systématique de la question. Je me contenterai d’énoncer quelques rapprochements sans pouvoir développer les raisons sur lesquelles je les appuie. — Je considère comme constituant un même horizon géognostique cor¬ respondant au système que j’ai désigné sous le nom cl’ Ibérien : sur le versant nord des Pyrénées , les terrains nummulitiques de Biaritz , de Bayonne , de Dax et de Montfort , ceux des environs de Pau , décrits par M. Alexandre Rouault, une partie de ceux de l’Aude et de l’Ariége. Sur le versant méridional , les couches appartenant à ce système paraissent occuper une surface très considérable qui s’étendrait, sans solution de continuité, de Rose à Pampelune. Je rapporte au même groupe le Vicentin , une partie du gisement nummulitique de Nice (La Palarea, Fontana-Giarrié , non pas les Baussi-Rossi et le pas de Brauss), les terrains nummulitiques de Crimée et d’Egypte , ceux de la Dalmatie , de la Carinthie (Altho- fen) et du Kressemberg. Tous ces gisements ont une faune à peu près identique et à caractères zoologiques exclusivement tertiaires. Dans quelques uns d’entre eux les couches renfermant les fossiles tertiaires reposent directement sur des terrains autres que le ter¬ rain crétacé, sur le terrain de transition à Althofen, dans le Vi¬ centin , sur le terrain jurassique. — Les terrains que je viens d’énu¬ mérer forment un horizon géognostique et paléontologique distinct qu’il est facile de suivre depuis les Asturies jusque dans rinclostan (pays de Cutcli ) et qui est nettement caractérisé et séparé du terrain crétacé, 1° par le caractère tertiaire de sa faune , 2° par l’indépen¬ dance de son gisement. Entre cet horizon et celui du calcaire à Rudistes également défini et constant , il y a certainement d’autres groupes de couches que l’étude encore si incomplète du bassin méditerranéen ne permet pas, dès à présent, de caractériser et de poursuivre. Ce n’est donc qu’avec doute que je rapproche du sys¬ tème alaricien qui comprend ia majeure partie des terrains nuni- mulitiques des Pyrénées, les couches nummulitiques de ia Brianza, SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 11M bien distinctes de celles du Yicentin, et le macigno de la Toscane. Enfin cet horizon me paraît devoir exister sur le versant nord des Alpes (au pied de l’Untersberg, à en juger par les coupes de MM. Sedgwick et Murcliison) et dans les environs de Bellune et d’Udine. Je ne dis rien des terrains nummulitiques de la Suisse ainsi que de ceux des Carpatlies dont la faune et la géognosie sont encore trop imparfaitement connues. — Quant à comparer ces terrains à ceux du nord, l’étude de la géognosie du bassin méditerranéen est trop peu avancée pour qu’on puisse le faire conve¬ nablement. Avant de comparer et de conclure , il est nécessaire d’étudier les faits en eux-mêmes et de les laisser s’accumuler. Dans ce travail, je n’ai voulu qu’une chose, établir et caractériser deux groupes de couches des Pyrénées, jusqu’à présent confondus. Puisse cette distinction être utile plus tard à ceux qui entreprendront l’étude si intéressante , au point de vue de la paléontologie géné¬ rale, du bassin méditerranéen! (Y. l’explic. delà planche, p. 1162). M. Delbos lit la lettre suivante de M. Ch. Desmoulins. » Château de Lanquais, par Lalinde (Dordogne), 8 juin 4 847. Monsieur le Président , Je profite de l’occasion qui m’est offerte par l’échantillon de Lichen joint à la lettre que vous venez de lire (voir ci-dessus , page 1109) pour vous présenter quelques observations relatives au silex sur lequel ce lichen s’est développé. Yous trouverez encore sur son étiquette ces mots : de la craie de Maastricht , que M. Desor a prononcés devant la Société , dans sa séance du 18 jan¬ vier dernier, en lui lisant un fragment d’une de mes lettres {Bulletin , 2e série, t. IY, p. 423). Je suis tout prêt à renoncer à mon erreur, dès que l’assimilation, examinée en détail, aura été jugée fausse, ou plutôt dès qu’il aura été proposé, après examen des pièces , quelque chose que je puisse mettre à la place de l’hy¬ pothèse annoncée : et je ne nie pas que je ne sois fort efïrayé de voir deux savants, aussi haut placés que MM. d’Archiac et Delanoue, répugner si fortement à l’idée de son adoption. Néanmoins, per¬ mettez (et nos deux honorables collègues , qui semblent attendre de moi quelque essai de justification , voudront bien également le permettre) que je vous expose, aussi sommairement que possible, les diverses circonstances qui nous ont pour ainsi dire forcés à nous réfu¬ gier à l’abri de cette hypothèse, incapables que nous nous trouvions d’expliquer les faits observés par nous dans le midi du Périgord. Il est évident que les silex auxquels je fais allusion sont au SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1145 nombre de ceux «qu’ont abandonnés derrière elles, comme des » témoins irrécusables de leur puissance et de leur énergie , ces » dénudations de la craie » , dont M. d’ Arcliiac a constaté l’existence, dans ses belles et consciencieuses Études sur la formation crétacée , 2e partie ( Mém . Soc. géol., 2e sér., t. III , p. 134). « Ces amas de » silex, continue-t-il, le plus ordinairement brisés, mais non roulés, » empâtés dans des argiles sableuses, grises, blanches ou rougeâtres, » nous représentent les éléments insolubles de la masse de craie » dont ils faisaient autrefois partie intégrante (p. 135 ) ». Il y a quinze ans que j’habite le midi du Périgord ; il y a quinze ans que j’en étudie l’histoire naturelle et que j’y recueille , outre ce que nécessitent mes travaux spéciaux , des notes , des échantil¬ lons ou même de simples observations géologiques; et je me hâte , avec bonheur, de dire que la description faite de ces silex , par notre savant collègue , est d’une exactitude si rigoureuse, que je ne sais pas un mot qui puisse en être retranché (quelle que soit Y attribution à laquelle on doive s’arrêter un jour) , pas un non plus qui puisse être ajouté au genre de description que l’auteur avait en vue, je veux dire à un signalement général et sommaire. Tout ce que j’y pourrai joindre se composera de ces menus détails qui étaient étrangers au plan de l’ouvrage de M. d’Archiac, et qui n’acquièrent aujourd’hui quelque importance qu’au point de vue de la question particulière qui nous occupe. Ainsi , je dirai d’abord que , quoique je n’aie parcouru qu’en diligence la portion de route qui sépare Campscgret (1) de la descente de Saint-Mamest , je crois pouvoir reconnaître avec cer¬ titude quelques unes des variétés de mes silex dans les « grès en » rognons aplatis, de 0m,30 à 0m,60 de longueur, très durs, » blanchâtres , zonés de brun ou de rose , compactes par place , » agathoïdes ou smalloïdes, renfermant des moules de coquilles » marines accumulées çà et là ; parmi ces fragments , nous en » avons recueilli qui étaient pétris de Spatangues d’une nouvelle » espèce ». C’est encore M. d’Archiac qui donne cette exacte , cette irréprochable description ( Études , etc., lr* partie; Annal, des scierie, géol., 2e année, 1843, p. 14). — Pour plusieurs de ces variétés , le mot grès est plus rigoureusement approprié , attendu la structure grenue quelles présentent (voir l’échantillon avec lichen, et celui marqué II); mais leur identité avec les silex à pâte fine est si parfaite sous le triple rapport de la nature , du gise- (1) J'ai vu ces silex avec leurs fossiles caractéristiques à 6,000 mè¬ tres de là , à la Monzie-Montastruc. 1140 séance du 21 juin 1847. ment et des fossiles qui s’y rencontrent , que je les ai toujours com¬ prises sous le nom commun de silex , réservant le nom de grès pour les roches à grains cristallins et distincts , à empreintes uniquement végétales , qui appartiennent au terrain tertiaire ( molasse d’eau douce), servent à paver la ville de Bordeaux , et sont généralement connues sous le nom de grès cle Bergerac. — Quant aux Spatan- gues que M. d’Arcliiac a rencontrés dans ces rognons , il a eu raison de les considérer comme une espèce nouvelle. En 1835 , dans mes Tableaux synohÿ iniques , je les avais assimilés, d’après les gravures de Goldfuss , à son SpÛtangûs Bucklandii ’ ; mais M: Desor leur im¬ pose le nom nouveau d 'Hémiaster buccardium , et son étiquette, écrite l’hiver dernier à Paris, porte ces mots : <* F espèce n’est pas » assez haute en arrière pour être le Bucklandii . » Soufïrez une digression , monsieur le Président ; elle a pour but d’en finir, avant de passer à d’autres sujets , avec ce que j’ai à dire à propos de ce Spatangue. 11 y a des rognons où on le trouve seul; dans d’autres, il est remplacé par Y Echinolampas Faujasii de mes Tableaux synonymiques [Etudes sur les Echinides , 1837, p. 346 (1) ) . L’Echinide dont je parle maintenant est devenu le Pygurus Fau¬ jasii Agass. du Catalogue raisonné dont M. Desor a fait imprimer déjà la majeure partie dans les Annal, des scierie, natur. de 1846 et 1847. Cë n’est pas ici le lieu de discuter la question de savoir si la précipitation inévitable (2) avec laquelle ce catalogue a été imprimé n’aurait pas introduit , pour mon espèce , un double emploi comme il s’en trou ve d’autres dans le même ouvrage , — si M. Desor a pu comparer en nature l’espèce périgourdine avec celle de Maëstriclit (pour laquelle je ne connais , moi , que la figure de Faujas) , — s’il est bien certain par conséquent que son Pygurus apicafis soit réellement distinct du P. Faujasii , — si M. Desor a atteint le vrai en rapportant, sans hésitation , à Yapi- calis , les figures 3 et 7 de la planche XXX de Faujas , — si je n’ai pas été pltis ên chance de rencontrer la vérité en ne citant qii’m>e<; doute la fig. 3 pour mon Faujasii , etc. Encore une fois, ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici (3). J’éprouve le besoin d’avouer, avec (4) J’ai eu l’honneur de faire hommage à la Société des trois Mé¬ moires dont la réunion compose ce volume. (2) A cause de son départ prochain pour l’Amérique. (3) II y aurait beaucoup à dire sur l’improbabilité d’une ressem¬ blance si parfaite dans la face inférieure (fig. 7) , et d’une dissemblance si notable dans la face supérieure ; — sur la distinction spécifique que Faujas lui-même attribue aux modèles de ces deux figures , et dans séance du 21 juin 1847. 1147 une entière franchise , que la première idée de l'assimilation de nos silex avec la craie de Maëstricht m’est venue , à moi concliylio- logiste, de la parfaite identité de la fig. 7 avec la face inférieure de l’Echinide qu’ils renferment : j'ai cru, et je crois encore avoir entre les mains un fossile identique avec celui de Maëstricht. Si donc M. Desor a eu raison de ne citer qu’A Lan quai s le Pygurus Fau¬ jasii , s’il a eu raison de ne citer qu’rt! Maëstricht le P. apicalis , s’il a eu raison de les considérer comme deux espèces distinctes et de rapporter la fig. 7 à la seconde espèce qui ne se trouverait pas en Périgord, si enfin j’ai eu tort de rapporter cette fig. 7 à l’espèce périgourdine qui ne se trouverait pas à Maëstricht, — j’avoue encore une fois que mon hypothèse perd par là même , non pas peut-être sa base principale , mais certainement sa base première dans l’ordre chronologique. Vous le voyez, monsieur le Président, je ne dissimule rien, parce que je désire que la question soit jugée à fond , et cela sans m’inquiéter du verdict qui peut me condamner. Je reprends. Le n° 1 ( Pygurus Faujasii ) et le n° 2 ( Hemi aster buccardium ) de la faune de nos silex , souvent séparés , sont au moins aussi souvent habitants du même bloc : ensemble ou séparément, ils forment parfois de véritables nougàts ; et im savaht illustre, que la Société s’honore de compter au nombre de ses membres , M. de Blainville , peut se rappeler qu’il a vu dans mon cabinet, en sep¬ tembre dernier, l’échantillon le plus magnifique en ce genre , sans doute , qui existe dans aucune collection. Cet échantillon , dont j’ai donné la contrepartie la moins riche (le couvercle ) au Musée de Bordeaux , contenait 26 Pygurus Faujasii , 5 Hemi a s ter buccar¬ dium , U Avicula . et 1 A s ter i as . . tous d’une fraî¬ cheur merveilleuse. Mon ami et collègue, M. Joseph Delbos, en pourrait, je crois, montrer un croquis à la Société. — D’autres fois (et c'est principalement le Pygurus qui se présente ainsi) les individus brisés , écrasés , brassés ensemble comme les éléments d’une pâte grossière , se trouvent au nombre de plusieurs centaines dans un bloc de 20 à ZiO centimètres de diamètre , qu’ils consti¬ tuent , pour ainsi dire , à eux seuls. — On voit que je dois la bien connaître , cette espèce si éminemment caractéristique , si parfai¬ tement identique avec la fig. 7 de Maëstricht : hé bien , neuf années l’hypothèse contraire, sur la possibilité d’une déformation qu’aurait subie l’échantillon de la figure 3 ; — sur l’élévation de la région api- cialë , qui peut être due à la présence du test , tandis qu’on ne trouve jamais; en Périgord , que le moule. SÉANCE DU 21 JUIN 1847. 1148 d’études spéciales sur les Ecliinides, les relations étendues que j’ai entretenues pour ces études , la suite très nombreuse de figures que je possède , la collection certainement la plus riche en France , hors de Paris , rien enfin de tout cela ne m’a fait connaître l’exis¬ tence de cette espèce ailleurs qu’en Périgord et à Maëstricht. Et quand je dis en Périgord, j’entends dire dans les silex dont il est ici question , car depuis quinze ans que je récolte et que je reçois des fossiles des diverses parties de la province , jamais je ne l’ai vue dans la craie. Avançons dans notre étude , et puisque nous en sommes à la paléontologie de ces silex , passons-la rapidement en revue. Après ces deux Ecliinides, qui en sont les fossiles dominants et par con¬ séquent les plus caractéristiques , j’ai cité : 3° Une Avicule : elle est assez commune, et je l’ai vainement cherchée dans les publications de fossiles de la craie, faites par MM. Goldfuss, d’Orbigny, d’Archiac , Dujardin, Leymerie et Matheron ; elle a beaucoup de ressemblance de forme avec VA. subradiata Desh., du grès vert ( Mém . Soc. géol. , lr* série, t. Y, pl. YI, fig. 5) du Mémoire de M. Leymerie, mais elle n'est pas radiée. U° Une seconde espèce du même genre , très ornée , rappelle \A. anomala Sow., de la craie chloritée ; mais l’imperfection de l’échantillon unique ( empreinte incomplète ) ne me permet pas d’avoir une opinion arrêtée , faute d’exemplaire authentique de l’espèce de Sowerby. 5° J’ai cité aussi une Astérie : elle n’est pas décrite dans l’ou¬ vrage de Goldfuss. 6° Le fossile le plus volumineux et l’un des plus importants de ces silex (où il n’est pas très commun) est une superbe Pholado- mie sillonnée comme le Lutraria Pareti de M. Matheron. Elle n’est décrite ni dans la Monographie des Myes de M. Agassiz , ni dans les ouvrages que je viens de citer. Je n’ai pu saisir aucune preuve de l’existence de dents à la charnière ; je ne pense donc pas que ce soit une Panopée pour M. d’Orbigny. Elle se rencontre aussi , mais très rarement , dans nos craies. 7° Une Modiole assez commune , mais dont il est presque im¬ possible de se procurer une empreinte entière. Je crois pouvoir la rapporter au Mytilus semi-ornatus d’Orb. Paléont. franc, crétac. , n° 759, t. III , p. 279, pl. 3ùl , fig. 9, 10. Les stries , plus nom¬ breuses que ne l’indique le texte , ressemblent davantage à celles que montre la figure. Je ne l’ai jamais aperçue dans nos craies. 8° Une autre Modiole (unique) , dont la forme rappellerait , en SÈAN'C E DÜ 3.1 juin ISA 7. 1149 petit , le Lithodomus interme lias d’Orb., si ce n’étaient les grosses côtes longitudinales qui se montrent sur le moule. 9° Un Pi nn ci qui pourrait peut-être se rapporter à un sommet de P. restituta Hœningh. in Goldf. (craie de Westplialie) ; mais les deux seuls fragments d’empreintes que j'ai trouvés sont si petits et si incomplets, que je crois impossible d’arriver à une détermi¬ nation certaine. 10° (??) Inoceramus regularisl d’Orb. , Paléont. franc, crêtac. , n° 923, t. III , p. 516, pl. 410 (terrain sénonien). Le doute ne porte que sur le gisement; l’échantillon est beau, mais je ne l’ai pas recueilli moi-même, et la nature du silex est telle, que je crois qu’il appartient plutôt aux silex ordinaires de notre craie , où d’ailleurs cette espèce se rencontre assez fréquemment. 11° Un autre Inoceramus plus petit et mal conservé. S’il était reconnu qu’il appartînt à 1 ’/. Goldf ussii d’Orb., qui se trouve assez fréquemment ici à l’état crayeux , ce serait encore bien favorable à l’opinion de M. d’Arcliiac, et bien défavorable à la mienne. Il est facile de le confondre avec la Plioladomie ci-dessus, n° 6, vu le mauvais état des échantillons du n° 11. 12° Moules de petites coquilles turriculées, indéterminables ( Ccrithiurn P ) . 13° Contre- empreinte (unique) de Venus? 14° Un seul petit fragment d’ Ammonites ! Mantelli? 15° Très rares fragments de Sphérulites indéterminables, qu’il faut bien se garder de confondre avec les échantillons silicijîés de nos Rudistes de la craie (qu’on trouve dans le diluvium /). Je parle seulement de ceux qui se trouvent dans les silex dont nous nous occupons , lesquels sont si bien distincts des autres. — On sait que M. Goldfuss a décrit un Hippurites Lapeyrousii de la craie de Maëstricht ( Petref . , t. II, p. 303 , n° 8 , pl. 165 , fig. 5 a, c, d, e ,/). Je crois plutôt que c’est une petite Sphérulite ( Radiolite , d’Orb.) , et je crois pouvoir aussi affirmer que la fig. d représente encore une valve inférieure (jeune ) et non une valve supérieure. J’ai, dans les silex en question, une valve supérieure qui paraît ressembler à ce que devrait être celle de la coquille fig. c . ; mais je ne veux pas m’arrêter à ces hypothèses , qui sont par delà les nuages. Il me suffit de rappeler qu’il y a un Rudiste à Maëstricht (1) , et de dire qu’il y a des fragments incontestables, mais fort rares , de Rudistes dans nos silex. 16° Nuclcolites lacunosa , Goldf. (ou très voisine). RR. (1) M. Hœninghaus m’èn a envoyé un échantillon tel, que je n’v 1150 SÉANCE DU 21 JUIN 18A”. 17° Nucleolites crucifcra , Morton (ou très voisine , ainsi déter¬ minée par IM. Desor). RRR. 18° Nucleolites Collegnii ! Desor, espèce nouvelle. RRR. 19° Un moule incomplet de Spatangue indéterminé. 20° Un moule de Natica lyrata? Sow. (craie cliloritée) , qui se retrouverait peut-être à l’état crayeux , et un autre moule très petit (jeune? ). 21° Un fragment de moule de Volute indéterminée , qui paraî¬ trait aussi se retrouver à l’état crayeux. 22° Enfin , quelques fragments d’empreintes dont le genre n’est peut-être pas même déterminable. — Pas une seule trace d’Huître , ni de Trigonie , ni de Térébratule. — Pas un seul Polypier bien caractérisé, si ce n’est, autant qu’il m’en souvient , une Lunulite que je ne pus pas recueillir. Voilà tout, si ma mémoire ne me trompe pas, car je n’ai pas, en ce moment, la possibilité de repasser un à un tous les tiroirs de ma collection. Relevons statistiquement ces vingt-deux espèces de genres déterminés. Espèce connue uniquement dans les silex en question et à Maëstricht [Pigurus Faujasii , n° 1), ci . Espèces connues uniquement dans les silex en question ( Hemi aster buccardium , n° 2, auquel j’avais jadis, à tort, assimilé une espèce de la craie de Provence ; Avicule , n° 3; Astérie, n° 5; Modiole , n° 8; Nucleolites Colle¬ gnii , n° 1 8 ) ; ci . Espèces des silex en question, qui ressemblent et sont peut- être assimilables à des espèces qui se trouvent dans les craies supérieures au néocomien ( Avicule , n° 4; P kola- do mye , n° 6 ; Mytilus semi-ornatus ? n° 7 ; Pinna resti- tuta? n° 9; lnocerarnus Golclfussii ? n° 1 1 ; Ammonites Mantelli? n° 14; Nucleolites lacunosa? et crucijera? nos 16 et 17; Natica lyrata? n° 20 ; Volute , n° 21 ) ; ci. Espèce douteuse pour le gisement ( lnocerarnus regularis , n° 1 0); ci . Espèces indéterminées, trouvées seulement dans les silex en question, et qu’on ne peut porter ni sur l’un ni sur l’autre plateau de la balance, tant qu’on n’est pas fixé sur leur autonomie ou leur synonymie [Cerithium ? n° 1 2 ; Venus? n° 1 3 ; Sphœrulites , n° 1 5 ; Sp a tan g us , n° 1 9 ; Lunulites , n° 22); ci . 22 1 5 10 1 5 vois absolument rien de reconnaissable, même génériquement, et m’a dit que ce fossile est d’une excessive rareté. 1151 SÉANCE 1)U 21 JUIN 1SZ|7. l’ai donc , en laveur de mon hypothèse, 6 espèces absolument spéciales jusqu’ici à nos silex , et trois d’entre elles sont domi¬ nantes. 10 autres espèces peuvent, en tout ou en partie, quand elles seront sûrement déterminées, prouver pour ou contre moi; une seule d’entre elles peut passer pour dominante. Même remarque pour la seule espèce dont le gisement est dou¬ teux. Même remarque encore pour les 5 dernières espèces non dé¬ terminées, si elles venaient à l’être. Comment y parvenir? Et pourquoi, me dira-t-on, ne pas dé¬ crire vous-même celles que vous croyez décidément nouvelles (au nombre de sept au moins)? le vais proposer un moyen d’atteindre le but, et c’est avec bonheur que je trouve l’occasion de dire pourquoi je ne cherche pas à le faire moi-même : c’est que j’ai promis à M. Alcide d’Orbigny de tenir à sa disposition et de lui adresser, au fur et à mesure de ses désirs , tout ce que ma collection renferme de matériaux susceptibles d’enrichir sa Paléontologie française ; c’est que j’ai renoncé à rien publier moi-même à ce sujet, jusqu’à ce que son magnifique ouvrage soit entièrement terminé : heu¬ reux d’expier ainsi , volontairement, le tort d’un moment de dépit qui n’était pas pardonnable, même à un vieux collection¬ neur. Et maintenant , d’ailleurs , je ne consentirais pas , pour tout au monde, à prendre la responsabilité de ces descriptions. Ea Société géologique étant saisie d’une question qui paraît exciter son intérêt, à cause d’un nom tel que celui de M. de Collegno qui s’y trouve mêlé, je désire que les déterminations soient faites plus sûrement que je ne les puis faire, en présence de matériaux de comparaison que je n’ai pas , avec l’autorité et le désintéressement dans la question que je ne puis avoir, le veux enfin que la Société sache indubitablement, et moi aussi , si j’ai tout simplement commis une erreur, ou si par hasard il y aurait quelque chose de vrai dans mon hypothèse , c’est-à-dire une distinction réelle a’ étage entre nos craies actuelles et celle où gisaient les silex qui nous occupent. Yoici donc ce que j’ai l’honneur de proposer à la Société : Que le célèbre auteur de la Paléontologie française veuille bien consacrer quelques jours à l’étude de ces 22 fossiles qui , de toute façon , rentrent inévitablement dans le cadre de son ouvrage , auquel il faudra bien un addenda quelconque ( et c est pour cette 1152 SËANUE 1)U 21 JUIN 1847. raison seulement que je n’offre pas le travail à M. d’Archiac qui , lui aussi , le ferait si parfaitement). Qu’il prenne ses heures ; qu’il ait la bonté de m’avertir un peu d’avance : pour ne rien omettre, je repasserai tous mes tiroirs, et je lui adresserai une bien petite caisse , mais qui contiendra tous les matériaux paléon - to logique s de la discussion , et des variétés de couleur et de texture de nos fameux silex. C’est déjà quelque chose, monsieur le Président, que d’avoir ainsi assuré la solution future de la partie paléontologique de la question ; mais ce n’est certes pas tout , car il reste encore sa partie géologique, qui est bien la plus grave, puisqu’après tout il ne s’agit ici, de l’aveu de tous, que d’un procès de craie à craie. Permettez donc que je passe à ce second point de vue. Je crains, malheureusement, d’être seul ou presque seul à porter le poids de la justification quil me faut essayer. Mon savant ami , M. de Collegno , n’est plus en France , et la géologie italienne absorbe toutes ses études. Il n’a d’ailleurs passé que bien peu de jours dans le Périgord, et peut-être n’ a-t-il pas recueilli assez de notes pour traiter de si loin la question. M. J. Delbos, qui y a passé un peu plus de temps , et qui a vu avec moi une partie de ce que j’ai vu moi-même, qui a reçu de moi des coupes de nos terrains et des notes que je n’ai plus sous les yeux (mon volume de notes , confié momentanément à un ami , est à soixante lieues d’ici) , M. Delbos, dis-je, pourra peut-être donner à la Société quelques explications afférentes à la question ; et elles mériteront confiance , car il n’est pas possible d’observer avec plus de con¬ science et de soins que lui. Et d’abord, puisque ce terrain, que j’ai osé appeler danien, n’est pas connu en place , puisque ses éléments désagrégés sont en partie déposés dans un terrain reconnu de tous pour tertiaire , il n’y a pas de coupes régulières à en donner. Nous sommes ici comme au milieu d’une forêt , et il s’agit de déterminer à quel tronc furent arrachées quelques feuilles que nous voyons à nos pieds. La géologie de superposition , si j’ose ainsi dire, n’a pas grand’- cliose à faire en ce cas : la parole demeure à la géologie d’induc¬ tion. Posons les faits : 1° Quinze ans d’observations et de comparaisons m’ont fait voir et manier assez de silex péri gourdins , pour que je me croie fondé à dire avec assurance que jamais les silex en question n’ont été trouvés dans nos craies; et, sauf de bien rares exceptions, je les distinguerai toujours aussi facilement à leur grain , à leur couleur, 1153 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. à leur opacité , à leur cassure , à tous leurs caractères enfin , des silex ordinairement pyromaques de nos craies, que des silex meulières que nos terrains d’eau douce fournissent si abondam¬ ment. 2° Jamais les silex de nos craies n’offrent , comme ceux-ci , la cassure conchoïdale en cuvette dont j’offre aujourd’hui à la Société, sous les nos I et 11 , deux des plus beaux échantillons qui se puissent voir. Ils sont de texture bien différente : le n° Il est un des grès désignés par M. d’Archiac. Ils sont à deux et à trois rangs de cuvettes superposées , dont des fentes vous font voir la séparation non consommée , et le moule de la cuvette supérieure du n° I est mobile ( bonne fortune très rare à rencontrer ) . Ce ca¬ ractère indique une propriété physique fort différente dans les deux classes de silex que je compare ici. 3° A travers les nombreuses variations de ces silex , rubanés ou on non , blancs ou colorés , fins ou grossiers , fissiles ou massifs , tendres ou durs , parfaitement opaques ou translucides sur leurs bords très minces , on les reconnaîtra toujours , soit à cette cassure particulière , soit à la présence du Pygurus ou de Y Hemi aster , soit, et plus souvent encore, à leur dissemblance absolue avec les silex de nos craies. 4° Ils offrent trois formes : 1° la forme fragmentaire récente , à angles vifs et sans altération de nature à la cassure; 2° la forme fragmentaire ancienne (de l’époque géologique) à angles moins vifs et avec altérations de nature à la cassure (sorte de croûte de couleur différente , sur laquelle un géologue observateur ne peut se tromper); 3° la forme primitive , en rognons plus ou moins aplatis , imitant tantôt une miche de pain , tantôt une portion de strate. Dans ce troisième cas , la croûte existe toujours , excepté aux cassures récentes. Dans ce cas encore , il arrive souvent ( ce qui ne se voit jamais sur les silex de nos craies) que les surfaces planes de la croûte sont criblées de très petites cuvettes, comme si une pluie forte et dure avait grêlé la pâte encore molle des silex. 5° Jamais on ne trouve ces silex roulés , si ce n’est dans un cours d’eau ou dans une alluvion moderne. 6° Il est assez difficile de les observer dans leur gisement normal , et celui-ci m’est resté bien longtemps inconnu. Ce gisement , c’est la molasse tertiaire cl’eau douce , argilo-sableuse , dont nous fai¬ sons nos tuiles , dans laquelle reposent nos mines de fer si abon¬ dantes et si connues par leurs produits ; molasse que M. Dufrénoy a placée dans le terrain moyen (sous le nom dè argiles maculées ) , et que des observations récentes, suivies pas à pas depuis l’embou- Soc. géol., 2e série, tome IV. 73 115A SÉANCE DÜ 21 JUIN 18Z|7. chure de la Gironde jusqu’à plus de 25 kilomètres au-dessus de Bergerac, ont conduit M. J. Delbos à faire redescendre dans le terrain éocène. Ce n’est point à moi de fournir des preuves pour ou contre ce changement de classification. C’est l’affaire de M. Delbos, à qui j’ai communiqué mes observations, mes notes, mes coupes , et qui en fera usage dans un travail spécial et tout à fait étranger à l’objet que je traite , puisque M. d’Archiac admet, pour nos silex , la même gangue où je les trouve. 7° Je dis seulement qu’il est assez difficile de les voir reposer dans cette gangue , parce qu’ils sont beaucoup plus fréquents hors de son sein. 1° Rien de plus facile à délayer que la molasse ; elle les abandonne à nu sur la craie. — 2° Rien de plus intéressé , de temps immémorial , à les déplacer que le paysan périgourdin , qui passe sa vie à fouir dans la molasse pour en tirer la mine de fer: il retire les rognons des puits et les laisse dormir sur n’importe quoi, sur le dilmnarii par exemple. — 3° Rien de plus intéressé que ce même paysan à les faire voyager quand ils ne font plus qu’encombrer la surface de son terrain : comme tous les silex , ils prennent mal le mortier , mais ils font d’assez bons murs en pierres sèches , et , tant bien que mal , on en fait du moellon pour s’épargner la peine d’en aller chercher plus loin. On en fait aussi des bornes indestructibles et individuellement reconnaissables à leur forme : enfin on les emploie, on les brise, on les torture de mille et mille façons, qui tendent toutes à les éloigner de leur gisement et à rendre celui-ci fort obscur pour le géologue voya¬ geur. 8° Comme la molasse a toujours été délayée dans nos vallées, il n’y a plus aucune chance de retrouver ces silex en place , ailleurs que sur les plateaux et le penchant des collines , dans la molasse vierge ou dans la molasse remaniée qui leur sert de manteau. 9° Je n’ai point étudié le nord du département de la Dordogne ; j’ignore si ces silex s’y trouvent ; et dans quelques courses faites aux environs de Péri gueux , je ne me rappelle pas en avoir vu un seul bloc. Je parle donc seulement de ce qui se passe dans le Midi du département. Yoilà mes prémisses établies: les conclusions, telles que peut les offrir un pauvre géologue d’occasion (qu’on me permette de répéter ce mot) , ne seront pas longues à exposer. Les hautes con¬ sidérations d’ensemble et de comparaisons qui ont dicté l’opinion de M. d’Archiac dépassent la somme et le rayon de mes obser¬ vations. Il en est de même de celles, non moins élevées, que M. Delanoue a tirées de l’étude comparative et de la séparation 1155 SÉANCE LU 21 JUIN 187|7. originaire des deux mers crétacées du S. -O. et du N. de la Fi ance : l’excessive dissemblance de leurs faunes est un fait incontesté. Je ne cherche donc nullement à combattre les graves obj ections de ces deux savants, et j’admets qu’elles pèsent de toute leur gravité contre moi. Mais voici la filiation de mes idées : Les silex dont il s’agit ne se trouvent jamais dans les craies du Périgord. Leurs fossiles dominants ne se trouvent jamais dans ces craies ; quelques uns, moins abondants, s’y retrouvent ou paraissent s’y retrouver, mais cette circonstance n exclurait pas une distinction d’étage ; et, parmi les fossiles caractéristiques cités par M. Dela- noue , pas un seul n’a été vu dans nos silex. Ils ne sont jamais roulés ; donc , ils ne viennent pas de très loin. Leur gisement normal est un terrain tertiaire inférieur, formé du remaniement de matériaux qui proviennent de terrains plus anciens. Le terrain solide le plus superficiel dans la contrée ( en dessous de celui-là) est la craie à Spliérulites ( craterijormis , Hœnin - ghausi , etc. ) , l’étage supérieur , en un mot, de la craie du S. -O. pour M. d’Archiac comme pout M. Delanoue. Donc , les silex en question sont délaissés par une craie fondue , différente de cet étage supérieur, et qui elle-même lui était encore supérieure. La craie blanche n’existe pas dans le S.-O. , et pas un seul des fossiles de nos silex ne nous porte à lui assimiler notre étage dissous. Au-dessus de la craie blanche on connaît encore la craie de Maastricht , la plus élevée de toutes, assimilée récemment par M. Deshayes au nouveau terrain danien de M. Desor. Or, le fos¬ sile dominant par excellence dans nos silex est identique à un fos¬ sile qui n’est connu que dans la craie de Maastricht. De là l’idée , pour moi , d’assimiler à cette dernière notre étage dissous. Mais cette idée est téméraire parce qu’elle est appuyée sur un seul fait ! — Soit , mais voilà comment elle est née ; et il fallait une hypothèse quelconque , un étage quelconque de craie supé¬ rieure, pour loger des fossiles et des silex de la craie , qui ne trou¬ vaient pas place dans les craies de ce pays. Mais encore , cette idée téméraire est , de plus , inacceptable parce que des considérations d’un ordre infiniment supérieur aux vôtres s’opposent à son admission ! — Soit encore une fois , je le 1156 SÉANCE DU 21 JUIN 18/Ï7. veux , puisque des savants aussi consciencieux que distingués per¬ sistent à repousser l’hypotlièse. Quelle soit donc à néant, cette hypothèse , si ces savants jugent, après la détermination authentique des fossiles, après 1 examen des caractères de nos silex , que nous n’avons pas pu posséder un lambeau de craie géologiquement identique avec la craie de Maëstricht. .l’accepte ce jugement; mais une fois le nom effacé, il restera la chose , dont je demande qu’on détermine la valeur quelconque. Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que, des faits que j’ai exposés , ressort la nécessité de choisir entre ces deux partis : Reconnaître dans notre lambeau de craie dissoute , sinon l’iden¬ tique , du moins X analogue , X équivalent , le remplaçant de l’un des deux étages connus ailleurs au-dessus du niveau de nos craies ; Ou bien admettre , pour notre contrée , l’ancienne existence d’un étage supérieur à ce que nous avons conservé , et établir les carac¬ tères qui s’opposent à une comparaison quelconque avec les étages supérieurs des autres contrées. Au résumé : Tout ce que je sais ou crois savoir, je viens de l’exposer aux yeux de la Société ; Tout ce que je possède en fait de matériaux susceptibles d’éclai¬ rer la question , je le tiens à la disposition d’un juge dont nul de nous ne décline la compétence ; Tout ce que j’ai vu et vois encore chaque jour, je serais heureux de le montrer moi-même à celui où à ceux de nos collègues que leurs courses géologiques conduiraient dans notre province , et qui voudraient bien accepter une toute simple, mais toute cor¬ diale hospitalité périgourdine. M. Rabusson présente une carte du golfe arabique des petits géographes grecs, et une carte générale de la mer Egée, dressée pour expliquer le voyage d’Hannon. M. Ed. Collomb adresse la note suivante : Nouvelles observations sur V ancien glacier de IVesserling ; par M. Éd. Collomb. . Depuis la publication de mon travail sur les anciens glaciers des 1157 SÉANCE DU *21 JC1N 18 A 7. Vos ges (1), j’ai eu l’occasion d’approfondir quelques questions se rattachant au même sujet, et que le temps qu’elles exigent pour être examinées à fond ne m’avait pas permis de traiter alors. Je puis aujourd’hui donner à la Société quelques détails précis : 1° Sur la pente exacte de la surface de l’ancien glacier de Wesserling ; 2° Sur la masse ou le nombre de mètres cubes de glace qui exis¬ taient au moment où ce glacier avait atteint le niveau qui m’a servi pour calculer son inclinaison. La pente. — Comme tous nos anciens glaciers ont subi pendant leur période d’activité des fluctuations profondes, j’ai choisi pour établir la pente de la surface de celui dont il est question une époque d’assez grande extension. Les mesures ont été prises sur une ligne de 8000 mètres de longueur. Pour éviter toute confusion, j’ai mesuré cinq stations différentes sur la rive gauche , stations faciles à reconnaître sur le terrain par la présence d’amas de blocs erratiques déposés horizontalement sur les flancs de la montagne encaissante. Ces blocs appartiennent évidemment à la même épo¬ que ; ils sont tous d’une même espèce de granité blanc sans mélange d’autres roches, et l’on sait que les glaciers, en transportant des matériaux sur leur dos, ont la propriété de ne jamais les con¬ fondre sous le rapport de leur qualité pétrograpliique. Ces blocs correspondent donc bien à la même époque de transport , et ils peuvent servir de station ou de point de repère avec toute chance d’exactitude. Ce premier fait était important à constater, pour qu’il n’y eût pas confusion entre les différents étages horizontaux correspondant à différentes hauteurs des glaces. Je n’ai pris de mesures exactes que sur la rive gauche de la vallée , parce que de ce côté-là le terrain est très favorable à ce genre d’observations; il est dépouillé de forêts et la position des champs de blocs facile à reconnaître; ils reposent en général sur des schistes stratifiés. Sur la rive opposée , les affluents latéraux ont un peu dérangé cet ordre de choses , puis , les fortes pentes et les forêts qui cou¬ vrent le sol sont autant de causes qui auraient entaché l’observa¬ tion d’inexactitude ; ensuite les blocs erratiques de granité gisent eux-mêmes sur du granité , autre cause d’erreur. Quoi qu’il en soit, autant que j’ai pu en juger, les stations de la rive droite, perpendiculaires à celles de la rive gauche relativement à l’axe du (l) Preuves de l’existence d’anciens glaciers dans les vallées des Vosges, 1 vol. in-8°. Paris, 1847. 1158 SÉANCE DU 21 JUIN 1847. glacier, n’étaient pas placées sur un plan rigoureusement horizon¬ tal. Le niveau des anciennes glaces était, dans cette vallée, plus élevé sur la rive droite que sur la rive gauche. Plusieurs causes ont sans doute contribué à ce résultat. La première est l’influence que les affluents latéraux ont dû avoir sur la masse principale. Les affluents de Saint-Nicolas, de Schliflels et d’Urbès déver¬ saient une masse énorme de glace qui devait nécessairement re¬ tarder la marche du grand glacier sur cette rive. Ensuite ces petits glaciers étaient chargés de débris ; leurs moraines superficielles étaient garnies de matériaux ; ces petits vallons en sont encore encombrés aujourd’hui. Cette couche de débris empêchait l’abla¬ tion et la fonte de s’opérer avec autant d’activité que sur les points découverts de la rive gauche. L’orientation des plans, exposés, soit au Midi, soit au Nord, devait aussi contribuer pour sa part à augmenter ou à diminuer le niveau relatif de la surface. En prenant en considération toutes ces causes réunies , on ne sera pas surpris si l’une des rives se trouve , sur certains points , d’une cinquantaine de mètres plus élevée que le même point cor¬ respondant de la rive opposée, en admettant toujours comme thèse fondamentale que les anciens glaciers étaient doués des mêmes propriétés que ceux qui sont en activité aujourd’hui. La première station au-dessus du Ilasenbiihl (1), en amont de Wesserling , est un champ de blocs situé à une trentaine de mètres au-dessus du Hasenbühl , ou à 100 mètres au-dessus de la rivière. Les blocs reposent ainsi qu’à la seconde station , au-dessus du Marleri , sur des schistes argileux régulièrement stratifiés. Ceux de un mètre cube sont assez nombreux ; il y en a quelques uns de 12 à 15 mètres cubes, et l’un d’entre eux se distingue des autres par sa taille ; il a 30 mètres cubes. A la station III , au-dessus de Krütli , l’amas de blocs est à 300 mètres au-dessus du sol de la vallée; leur qualité, leur vo¬ lume et leur position sont dans les mêmes conditions qu’aux sta¬ tions I et IL La station IV est à 400 mètres au-dessus du sol de la vallée , un peu en amont de Wildenstein ; les blocs y sont plus espacés les uns des autres , ainsi qu’à la station Y, à un kilomètre environ en amont de la précédente , et leur position est plus difficile à bien constater. Plus loin, c’est-à-dire plus en amont, on rencontre encore des champs de blocs, mais je n’ai pas cru devoir y établir de station , parce qu’il se présente ici une difficulté d’observation. (1) Voyez la coupe [Bull. Soc.géol., 2c série, t. III, p. 196. 1159 SÉANCE 1)U 21 JUIN 18A7. Les blocs arrondis ne sont plus aussi nombreux ; dans le nombre on en trouve une grande quantité qui sont anguleux , et comme le sol sous-jacent passe au granité , il pourrait y avoir confusion entre les roches d’éboulement contemporain et les roches trans¬ portées par les glaces , d’autant plus que les pentes deviennent très rapides. C’est , au surplus , une remarque générale à faire dans nos val¬ lées : partout le nombre des blocs arrondis et usés est en raison directe de leur distance à l’origine des vallées. Dans les moraines inférieures les blocs arrondis sont en grande majorité , tandis que dans les moraines ou les amas latéraux qui se rapprochent du point de départ des vallées , c’est l’inverse qui se présente ; la plupart des matériaux meubles ont conservé leurs angles vifs. Ces cinq stations sont du reste suffisantes pour établir la pente de l’ancien glacier avec autant d’exactitude que le sujet le comporte. Calculée d’après le tableau suivant , elle est en moyenne de 5,125 pour 100 sur une étendue de 8000 mètres (1). Dans ce chiffre ne se trouve pas comprise la pente du talus terminal qui n’a pas laissé de traces écrites sur le sol et qui reste inconnu. La pente du sol sous-jacent correspondant est, suivant la ligne médiane du fond de la vallée, de 1,362 pour 100. A la coupe longitudinale je joins une carte détaillée qui repré¬ sente les contours exacts de ce glacier, tels qu’ils existaient à l’époque dont nous nous occupons , et ensuite quatre sections transversales où l’on peut voir d’un coup d’œil la forme du relief du terrain. Une section transversale du Gresson à la maison de Steinte- bach (2) suit une courbe qui part du Gresson , descend dans le vallon de Storckenson , coupe le glacier latéral qui s’y trouvait , passe sur le Hüsselberg dont le sommet était entièrement investi de glaces, comme le jardin à la mer de glace de Chamounix ; cette section passe ensuite près de la partie frontale du glacier, à envi¬ ron 1000 mètres en amont , elle coupe les roches striées en place du Glattstein et du Hasenbühl ; elle quitte le glacier à la station I de la coupe longitudinale. (1) La pente de la surface du glacier de l’Aar est en moyenne , sur une ligne de 7,830 mètres comptée , à partir du pied de l’Abschwung, en aval de 6,90 pour 4 00, suivant M. Agassiz (voyez Nouvelles études sur les glaciers). (2) Voyez la carte du terrain erratique de la vallée de Saint-Amarin {Bull. Soc, géol ., 2e série , t. III, p. 4 96). 1160 SÉANCE 1)1! 21 J LIN 18/j7. La seconde section transversale part du sommet duDrumont, traverse le col qui sépare la vallée de Sehliffels de celle de Saint- Nicolas, remonte le Steinberg, descend sur le glacier principal en coupant la moraine par obstacle du Barenberg , puis remonte à la maison de Steintebach. La troisième section présente déjà une épaisseur de glace consi¬ dérable ; elle part de la Tête du Chat sauvage , descend par une pente rapide jusqu’au pied du rocher de Wildenstein, qui forme aussi moraine par obstacle et quitte le grand glacier pour couper encore un petit embranchement du glacier latéral de Kriith. La dernière section , près de l’origine du glacier , est celle qui présente la plus grande épaisseur de glace ; la vallée est , sur cette ligne , assez resserrée ; elle va ensuite en se rétrécissant de plus en plus jusqu’à son point de départ en amont. A l’occasion de ce rétrécissement des bords des montagnes en¬ caissantes, il n’est peut-être pas inutile de signaler ici une diffé¬ rence qui existe entre les anciens glaciers des Vosges et les glaciers actuels des Hautes- Alpes , sous le rapport orographique. En Suisse les glaciers sont, d’après les observations de M. Desor, et ainsi que je m’en suis assuré moi-même, liés à l’existence de cirques supérieurs, de vastes espaces couverts de champs de neige qui font l’office de réservoirs d’alimentation. Dans les Vosges les cir¬ ques manquent ; en jetant les yeux sur une carte de cette contrée, on remarque cpie les vallées, considérées sous le point de vue de leur projection horizontale , partent en général de l’arête dorsale de la chaîne, avec tendance à s’élargir d’amont en aval. Sauf quelques rares exceptions, la forme circulaire n’existe pas dans les fonds de vallées; elles se terminent ordinairement en coin plus ou moins rempli par des terrains de comblement. Cette disposition étriquée des vallées supérieures , ce défaut de cirques d’alimentation semble, au premier abord, présenter un fait contraire à la théorie que M. Desor a si ingénieusement déduite de ses observations dans les hautes régions. La difficulté n’est toutefois pas insoluble , et nous avons dans les Vosges un autre fait orographique qui a dû produire dans les anciens temps un résultat identique. Si les cirques manquent , ils sont remplacés par une infinité d’embranchements et de ramifications secondaires , qui , tous , viennent se jeter dans les vallées principales. Nos grandes vallées sont comme le tronc d’un arbre qui se divise en branches et en rameaux divergents. La théorie de M. Desor n’est, du reste , qu’une question de surfaces ; nos grands glaciers n’étaient pas alimentés par de grandes masses de neige rassemblées sur un 1161 SÉANCE DU 21 JUIN 18/l7. point orographique , mais ils étaient alimentés par les mêmes masses embrassant les mêmes surfaces disséminées et partagées en plusieurs lots , qui , venant tous concourir au même but, devaient produire les mêmes résultats. La niasse. — Les différentes coupes longitudinales et transver¬ sales de l’ancien glacier de Wesserling, que j’ai relevées, m’ont permis de calculer, avec une approximation suffisante, la masse de glace évaluée en mètres cubes qui encombrait cette vallée à cette même épocpie de grande extension. Pour le glacier principal, longueur 12500 mètres, largeur moyenne 1700 mètres, hauteur moyenne 333 mètres. 1 2,500 X 1,700 X 333 = 7, 076,250, 000n,c- Pour les affluents latéraux , sur la rive droite d’Urbès, 4,000 X 1,200 X 200 = de Schliffels, 2,300 X 500 X 200 = de St-Nicolas, 2,500 X 700 X 300 = 960,000,000 230,000,000 525,000,000 sur la rive gauche de Krüth , 1,400 X 2,200 X 300 = 924,000,000 9,715,250,000 — - . ■ Ce chiffre est établi au minimum ; il n’en est pas moins remar¬ quable que la masse de glace qui encombrait cette seule vallée à l’époque en question était d’environ 10 milliards de mètres cubes. Tableau de la pente de la surface de V ancien glacier de Wesserling. Du pied du Hasenbühl à la station V, sur la rive gauche, 8000 mètres. Niveau au-dessus de la mer. Du point I 540m II 640 III 800 IY 910 Distance des points. de là II 1 ,300 111 de II à III 2,900 de III à IV 2,700 de IY à V 1,100 Pente, en ir.èt. En degrés pour ioo. sexagésimaux. 7,69 4° 0' 20" 5,52 3 8 50 4,07 2 17 30 3,63 2 0 20 V 950 total de I à V 8,000 moy. 5,125 2° 56 Tente du sol sous-jacent , pris au bord de la Thur. Du pied du Hasenbühl jusqu’à la station Y, sur 8000 mètres, moyenne 1,362. 1162 SÉANCE DU 21 JUIN 18^7, Explication de la planche du Mémoire de M. Tallavignes , antè , page 1127. Lafig. 1 montre la disposition des couches dans le bassin compris entre les terrains de transition de la Montagne-Noire au N. de Trausse et ceux de même nature qui constituent les Hautes-Corbières au S. de Durfort. L’échelle esta 1 /2 Cassini , et l’on a cherché à conserver la même proportion pour les distances horizontales et verticales. Cette coupe permet d’apprécier les relations géognostiques des systèmes alaricien et ibérien , ainsi que des divers types que j’ai cherché à distinguer dans ce dernier système. On y voit : 1°que les calcaires nummulitiques du système ibérien (1er type) reposent directement sur le terrain de transition de la Montagne-Noire. ( Des fentes nombreuses permettent d'apprécier cette superposition avec la plus rigoureuse précision. ) 2° Qu’il en est de même dans les Corbières pour les couches ibériennes du 2e type. 3° Que les couches ibé- riennes des trois types, horizontales comme dans la Montagne- Noire, ou relevées comme auprès de Capendu , sont constamment en stratification concordante avec le terrain miocène. 4° Que ces trois types ne forment qu’un seul horizon. 5° Enfin que cet horizon est en stratification discordante avec les couches du système alari¬ cien. J’ai cherché à présenter dans la vallée de Roquenegade un exemple des deux modes de stratification que j’ai distingués entre les terrains ibérien et alaricien (voy. p. 1138). Ces deux modes existent en effet dans cette vallée, mais non pas de la façon pré¬ sentée par la coupe. Le point où les couches de marnes noires du système ibérien (3e type) viennent buter contre la tranche des cou¬ ches d’Alaric, est situé à l’O. et non au S. de Roquenegade. La fîg. 2 est une coupe prise aux environs de Limoux , Alet , Couiza et Quillan ; elle montre la disposition des couches comprises entre le terrain miocène des environs de Limoux et les calcaires regardés comme néocomiens, qui forment les hauteurs qui dominent Quillan. L’échelle est celle de Cassini et les hauteurs sont fort exagérées. La bande nummulitique dont cette figure présente la section, relie les terrains nummulitiques des Basses-Corhières à ceux de l’Ariége. Cette coupe fait voir combien la distinction des systèmes alaricien et ibérien est constante. Les marnes rouges alariciennes des Pa- tiassis et les grès micacés qui sont à leur base se prolongent sans solution de continuité jusqu’à Belesta, et forment le grès à lignites de l’Ariége. Ces mêmes marnes et ces mêmes grès reposent à Veraza directement sur le terrain de transition d’Alet et de Saint-Salvaire , tandis que sur le versant N. , à Arse, ce sont les marnes noires à Turritelles, appartenant au système ibérien, qui occupent la même position par rapport aux terrains anciens. c. calcaires, g. grès, p. poudingues, m. marnes, m. r. marnes rouges. Bull. île luSoc.Oeol. de France 2': *r* t. îv, pl vu, /’<*- l.llli Fticp/ic/ùi Paris Recherches sur "les Terrains jXiimimihtiqiies du Dep1. de l'Aude par M . T ALT. AVI GNK S . SÉANCE DU 5 JUILLET 1817. 1163 Séance supplémentaire du 5 juillet 1847. PRÉSIDENCE DE M. DUFRÉNOY. M. Martins, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la dernière séance dont la rédaction est adoptée. Par suite de la présentation faite dans la dernière séance, le Président proclame membre de la Société : M. le colonel Acosta, rue des Postes, n° 12 , présenté par MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont. DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit : De la part de Mr le ministre de l’instruction publique, Histoire générale du développement des corps organisés, par M. Coste; in-f°, livraisons 8, 9, 10. Paris, 1846, chez Amable Gostes. De la part de M. Ch. Sainte-Glaire Deville, Voyage géolo¬ gique aux Antilles et aux i les de Ténériffe et de Fo go ; in-f°, lre livraison, p. 1 à 118, pl. I à YI. Paris, 1847, chez Gide et Compe. De la part de M. Boivin, Kiliani Stobœi opusculci ; in-l°, 182 p., 7 pl. Dantisci, 1752. De la part de M. Victor Simon -, Observations sur les roches et les fossiles ; in-8°, 8 p. Metz, 1817, chez Verronnais. De la part de M. Charles Desmoulins, 1° Etat de la 'végé¬ tation sur le pic du midi de Bigorre au 17 octobre 1810 5 in-8°, 112 p., 1 pl. Bordeaux, 1811, chez Henry Faye. 2° Note sur le Sisymbrium bursifolium de Lapeyrouse (Flor. Pyrén., non Linn.) ; (septembre 1815); in-8°; 21 p. Bor¬ deaux, 1815, chez Henry Faye. De la part de M. Alcide d’Orbigny, Paléontologie française ; Terrains crétacés , livraisons 107 à 126 ; Terrains jurassiques , livraisons 36 à 15. De la part de M. le comte Keyserling, IVissenschaftliche Beobachtungen , etc. (Observations scientifiques sur un voyage dans le Petschora pendant l’année 1813, par MM. Paul de lia A SÉANCE EU 5 JUILLET 1847. Krusenstern et Alexandre comte Keyserling) *, in-4°, 465 p., avec un altas de 2 cartes et 22 pl. Saint-Pétersbourg , 1846, chez Cari Kray. Comptes rendus des séances de V Académie des sciences ; 18A7? 1er sem., nos 25 — 26. L’Institut; 1847, nos 703, 704. Bulletin de la Société dé agriculture , sciences , arts et com¬ merce du Puy ; t. V, 2e livraison. Annales de la Société d’émulation du département des Vosges ; in-8°, t. VI, 1er cah. 1846. The Athenœum ; 1847, nos 1026 — 1027. The Mining Journal; 1847, nos 618, 619. The American Journal of science and arts ; 2th ser., vol. II, november 1846, n° 6; vol. III, january — mardi 1847, nos 7 — g. Le Secrétaire lit une lettre de M. Collomb qui annonce que M. Schimper attribue au pollen des conifères la couleur jaune de la neige tombée sur le revers méridional du Saint-Bernard. r MM. Elie de Beaumont et Angelot avaient déjà émis cette opi¬ nion dans le sein de la Société. La Société adopte la proposition du Trésorier sur les mesures financières nécessaires pour compléter l’impression du Bulletin. M. Boubée présente un nouvel échantillon des calcaires de transition qu’il suppose percés par les Hélices, et qu’il a décou¬ verts dans les Pyrénées. Il en a déjà entretenu la Société dans l’une des séances de l’année dernière. M. Frapolli communique le travail suivant : Réponses à MM 1 . Martins et Desor concernant la Théorie des glaces flottantes, et analyse d’une notice manuscrite de M. Paul Weibye de Krag 'eroe sur celle des vagues, avec le Compte-rendu des nouvelles observations de M. Forchham- mer sur les surfaces polies et striées du Danemark , par L. Frapolli. Ayant lu dans le Bulletin , h la suite de ma note du 11 jan¬ vier de cette année sur la Théorie des glaces flottantes , plu¬ sieurs objections auxquelles, faute de les connaître, je n’avais SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. 1165 pu répondre de suite, je me vois obligé à regret de le faire tar¬ divement. M. Martins m’avait d’abord opposé « que la nouvelle théorie » suppose que la Scandinavie a été immergée jusqu’à la hau- » teur de 1400 mètres, car on a observé des roches polies et » striées jusqu’à cette hauteur, tandis qu’on ne trouve des » traces de la mer, consistant en un dépôt argileux coquillier, » que jusqu’à la hauteur de 240 mètres. » — A cela j’ai ré¬ pondu, et ma réponse, quoique placée à quelque distance, se trouve consignée dans le compte-rendu de la discussion, que les dépôts à fossiles n’appartiennent qu’à l’époque actuelle, tandis qu’il s’est formé des stries pendant plus d’une des der¬ nières périodes-, j’ajouterai que par suite des dénudations qui ont signalé généralement, et surtout dans la Scandinavie, la tin des périodes récentes, il n’y a rien de plus naturel que l’ab¬ sence des débris de ces temps sur les hautes montagnes qui depuis lors n’ont pas été réimmergées. Mais puisqu’on nous a appelé sur ce terrain, il ne sera pas moins instructif de rap¬ procher l’objection ci-dessus de M. Martins des conclusions que M. Desor son co-opinant prenait dans le Mémoire du 16 no¬ vembre 1846. Il y est dit : « Que les changements de niveau ne sont pas limités à l’é- » poque historique, mais qu’ils remontent au-delà du diluvium, » et que depuis lors le sol de la Scandinavie a éprouvé des sou- » lèvements et des abaissements successifs ; » Ce qui résume absolument la même réponse que j’ai dû faire à M. Martins, et qui est tout à fait contradictoire avec son objection. On a ajouté ensuite : 1° Que cette théorie « aura à démon- » trer que les stries formées par des glaces flottantes pous- )) sées sur les rivages sont semblables en tous points à celles » qui sont gravées par les glaciers actuels, car il n’y a point de » différence entre celles-ci et les stries des rivages et des mon- » tagnes de la Scandinavie. » Sans entrer dans la discussion du fait, question que je ne veux aucunement aborder aujourd’hui, et dans laquelle je n’entrerai point pour le moment, je me per¬ mettrai de faire observer que la dernière assertion , reposant sur l’appréciation incomplète des faits, telle qu’elle a eu lieu 1166 SÉANCE DU 5 JUILLET 18^7. jusqu’à présent, ne saurait entraîner la conséquence qu’on lui attribue ; « 2° Que la nouvelle théorie présentera sans doute aussi une » explication simple et facile de ce fait sans exception du cap » Nord jusqu’à Christiania, savoir que dans tous les rochers du )> rivage le côté arrondi, poli et strié est tourné vers l’inté- » rieur des terres, tandis que le côté escarpé, anguleux et non » strié regarde la mer, et que ce devrait être le contraire, si » la nouvelle explication était la véritable. » D’abord, il est complètement inexact de dire que tous les rochers du rivage sont escarpés du côté de la mer -, il n’y a d’escarpés de ce côté que les rochers qui, par leur élévation au-dessus des eaux, ont subi l’action des tempêtes et les éboulements du dégel. M. Mar- tins était plus que personne à même de connaître cette action, lui qui vient de résumer avec un style si élégant les observa¬ tions que de Luc avait faites à l’île dePoel. Deuxièmement, la conclusion , que d’après la nouvelle explication ce doit être le contraire, est en opposition avec les lois générales du phéno¬ mène indiquées dans ma note; car d’un côté la réaction de la vague, lorsqu’elle marche d’accord avec le vent, conserve en¬ core une très grande proportion de force vive, de l’autre les glaçons provenant, le plus souvent , de la côte et non du milieu de la mer, il en résulte que leur action doit être plus grande sur la partie des îlots qui est tournée vers l’intérieur ; « 3° Qu’aux rétrécissements des hautes vallées de la Suède » et de la Norvège, les stries sont redressées d’amont en aval, » comme elles le sont dans les mômes circonstances sur les » bords des glaciers actuels. Que, d’après la nouvelle hypothèse, » ces stries devraient être inclinées précisément en sens con- » traire, puisque les glaçons auraient été poussés dans les val- » lées d’aval en amont. Que c’est là encore une difficulté dont » on attend la solution. » Il est bon de remarquer que c’est surtout aux débouchés des vallées, là où des circonstances par¬ ticulières sont enjeu (des barres, etc., etc.), et là où elles s’é¬ largissent tout aussi bien que dans les rétrécissements, que les stries remontent d’amont en aval. Ensuite, que c’est ne pas connaître l’action des glaçons que de dire qu’ils ne sont poussés dans les vallées que d’aval en amont. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1167 4° M. Martins fait en dernier iieu l’observation « que cette » explication est la troisième que proposent les partisans de » l’action des eaux . Qu’aprés avoir épuisé toutes les combi- » liaisons . on reconnaîtra, etc. » N’ayant jamais émis d’autre opinion que la présente, les remarques de M. Martins ne peu¬ vent être à mon adresse -, les personnes que cela atteint y ré¬ pondront si elles le jugent convenable. Je me bornerai donc à demander qu’on veuille bien laisser à chacun sa part de respon¬ sabilité, et à déclarer que je repousse tout autant la formation des stries des parties de la Scandinavie que je connais , par V action des courants ou de la simple maguey que par l' enveloppe fantasque dont on a moulu douer le globe terrestre , par laquelle on a prétendu expliquer le phénomène erratique des , Alpes des Pyrénées y des Vosges et des montagnes de V Ecosse , et qui n a pas même le mérite d' être très poétique (1). Je dois également faire observer que ma note du 11 janvier avait été écrite , ainsi que le prouve son commencement , â propos d’une notice que M. Desor venait de lire dans la même séance, el que son auteur n’a pas présentée pour l’impression- que c’est donc par erreur que dans la rédaction du procès ver¬ bal, à la p. 416 du Bulletin de cette année, on m’a fait répon¬ dre à un Mémoire lu par M. Desor à la séance du 16 novem¬ bre 1846, et que je ne pouvais point connaître, car je ne faisais que d’arriver au commencement de janvier, et la livraison de cette époque n’a été publiée qu’en février. Si j’avais dû répondre au Mémoire du 16 novembre, je l’aurais fait autrement. — Je me bornerai, pour le moment, à relever une inexactitude qui s’y est glissée, et qui tend ù donner une idée complètement fausse des opinions de M. Forchhammer. Dans ce Mémoire, dont l’idée principale, celle du soulèvement et de l’abaisse¬ ment successif pendant la soi-disant période glaciaire, appar- (1) Le fait que les stries des parties basses de la Scandinavie ne pouvaient être expliquées par les théories répandues avait été déjà si¬ gnalé par M. Durocher (Bull, géol . , séance du 2 novembre 'I 846), qui reconnaissait plusieurs centres d’action dans un pays où le niveau moyen est de 800 à 400 mètres et couvert de lacs, en même temps que l’impossibilité d’en tirer une théorie conforme aux idées reçues. 1168 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17. tient à M. Daubrée (1), M. Desor parle à plusieurs reprises d’une Théorie des 'vagues . Il dit : « qu’une partie des » géologues Scandinaves rapportent le phénomène erratique » tout entier à l’action des flots de la mer . Que les sillons » à surface striée seront toujours une difficulté insurmon- » table pour la théorie des courants comme pour celle des » vagues, aussi longtemps que l’on n’aura pas prouvé que » ces agents ont la faculté de tracer de fines raies dans l’in- » térieur des sillons. » Après cela M. Desor ajoute au bas de la page une note, dans laquelle on affirme que cette théorie des vagues est celle que M. Forchhammer a développée dans son article des Annales de Poggendorff \ vol. L VIII . Je regrette beaucoup que M. Desor n’ait pas mieux vu tout ce que le cé¬ lèbre professeur de Copenhague a écrit dans le Mémoire précité. M. Forchhammer, après avoir admis que c’est la vague qui arrondit les rochers, ajoute que l’eau ne peut point par elle- même exercer une action de striage, qu’il faut pour cela des blocs durs, et que , quoique de gros débris non arrondis, même en se traînant par le seul effet de la vague , puissent former des stries, la petitesse et le parallélisme de ces dernières, tout aussi bien que leur présence sur le fond des larges sillons, ne peuvent être expliqués qu’en admettant qu’elles se produisent en temps d’hiver, lorsque la coagulation de la vague enveloppe les graviers et les sables dont le rivage est parsemé, etc., etc. On trouve tout cela épars dans les pages 638 à 6/il du volume indiqué des Annales de Poggendorff ', he division, 18Zi3. La théorie développée par M. Forchhammer n’est point celle de la 'vague, mais celles des glaces flottantes , et elle est complète¬ ment d’accord , dans sa substance , avec ce que j’ai eu l’honneur d’exposer dans la séance du 11 janvier. Je me vois donc forcé malgré moi de protester, au nom de M. Forchhammer, contre les opinions que M. Desor lui a prêtées. Je ne sache pas qu’on ait publié des études bien détaillées sur la théorie des vagues pro¬ prement dite, qui a été une des idées de M. Eugène Robert, (1) Extrait d’un Mémoire de M. Daubrée ( Comptes-rendus de V Académie des sciences pour \ 843, t. XYI , p. 328). SÉANCE l)li 5 JUILLET 1847. 11(59 et à laquelle adhèrent quelques personnes de la Scandinavie. Notre confrère M. Paul Weibye, de Kragerôe, qui défend celte opinion, m’ayant envoyé son manuscrit, je prendrai la liberté de le faire connaître à la Société. O11 y verra que M. Weibye n’attribue à la vague, aidée par les sables et les galets de la grève, que les stries et les sillons des rochers, et aucunement tout le phénomène erratique. L’action des glaçons y est égale¬ ment admise , mais exceptionnellement. L’exposé du minéralo¬ giste norvégien acquerra d’autant plus d’intérêt qu’il est ac¬ compagné d’une carte topographique d’une partie de la côte , où l’on voit les principales directions des stries, et dont, après avoir visité le pays, j’ai dû reconnaître la précision. Je regrette seulement beaucoup d’avoir à déclarer que, quoique recon¬ naissant l’exactitude de toutes les belles observations de M. Weibye qu’il m’a été donné de constater, je 11e peux m’associer aux conclusions qu’il en tire. Analyse dé une notice manuscrite de M. Paul Weibye, de Kragerôe , sur la théorie des vagues. « Placé depuis bien longtemps , dit M. P. Weibye, au milieu de rochers polis et striés, je cède au désir d’exposer au public géolo¬ gique le résultat de mes observations sur un phénomène si inté¬ ressant et si peu connu. J’ajouterai, quelques réflexions sur les causes qui l’ont produit. Mes conclusions précéderont même l’ex¬ posé des faits, qui en deviendront ainsi plus intelligibles, et en seront la preuve (1). » Dans toutes les théories imaginées pour expliquer le phéno¬ mène de friction , 011 a par trop oublié l’action que l’eau exerce sur (I) L’auteur ne parle point, dans sa notice, du soulèvement lent du pays , et pourtant c’est là la base de son système : c’est que ce sou¬ lèvement est un fait aujourd’hui connu de tout le monde, une croyance répandue même chez les paysans, et dont il ne croit pas nécessaire de parler. Il faut également avoir en vue , pour bien comprendre la portée de ce Mémoire, que l'auteur n’écrit que d'après l’expérience qu’il a acquise dans le pays de Kragerôe ; que donc toutes les directions géné¬ rales qu’il donne ne se rapportent qu’à cette contrée ; et que personne , dans ce pays, ne croyant aux effets prodigieux des glaciers, il n’a pu penser qu’il fût nécessaire de combattre cette opinion dans ses détails. Les milles dont on parle dans ce Mémoire sont des milles norvégiens de 4 4 ,295 mètres. (L, Frapolli.) Soc. geo série, tome IV.. 74 H 70 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. les roches en place et sur les détritus de la cote. Il ne sera donc pas inutile , ce me semble , avant d’adopter de nouvelles théories , de rechercher si une cause tout actuelle ne peut pas avoir produit le même effet. Je crois , d’ailleurs, que plusieurs causes ont pu également contribuer à ce phénomène. Souvent des agents fort différents produisent des effets analogues. » Je dois d’abord repousser la théorie des glaciers. Les observa¬ tions qui vont suivre ne laisseront, je pense , aucun doute sur l’inadmissibilité de l’hypothèse qui regarde les glaciers comme ayant exercé une action générale. » La théorie de Sefstrom ( Ann . de Poggendorff , vol. 13) a de fortes présomptions en sa faveur. On dirait à la première vue qu on en retrouve les traces dans tout le Nord, ici , en Suède , en Finlande. 11 est , en effet , impossible que des amas de blocs et de galets aussi énormes que ceux qu’on trouve amoncelés dans plu¬ sieurs localités, loin de leur gîte primitif, aient pu parcourir de grands espaces sans qu’une action de glissement et de polissage se manifestât sur la surface des rochers qui leur servaient de lit. » Les idées de M. Fromherz (1) se rattachent en partie aux pré¬ cédentes. M. Fromherz admet que le polissage des rochers a eu lieu par suite de la débâcle d’anciens lacs , c’est-à-dire au moyen de galets transportés par des eaux torrentielles. L’auteur ajoute pourtant que les rochers polis par les eaux dont il parle ne sont ja¬ mais striés. » Je vais essayer à mon tour de prouver combien l’action de la mer sur les côtes est considérable, et que c’est principalement aux eaux actuelles de la mer , des rivières, etc. , qu’est dû ce phénomène de Jriction ’ que dans tout cela l’action des courants diluviens n’a été que partielle. J’appuierai cette thèse de toutes les observations qui sont à ma disposition. » M. Keilhau a donné, il y a longtemps, le récit d’un fait dont j’ai du également être souvent le témoin , et qui montre avec une grande évidence la réalité de ce mode d’action. « Près de Brand- » wig, dit-il, sur la terre de Tusteren, où une tempête nous a » retenu pendant deux jours, nous avons pu étudier l’action que les » eaux , agitées violemment , exercent sur les rochers de la côte » au moyen des galets de toutes grosseurs. Plusieurs sillons creu- " sés dans un gneiss très dur descendaient jusqu’au niveau de la (1) Ceognostische Beobachtungcn über die Diluvial -Gebilde des Schwarzve aides . . etc. 1171 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. » mer sur un rivage bas et doucement incliné. Une grande quan- » tité de galets obstruaient ces sillons. À chaque retour de la va- » gue ils étaient lancés avec force vers la partie supérieure des » cannelures; lorsque la vague se retirait ils revenaient en roulant » à leur première place. » Cette description jette une vive lumière sur la formation des sillons dans des roches dures, surtout si l’on songe que ces sillons courent souvent parallèlement avec la stra¬ tification. Les bras de mer entrent dans les terres dans la direction de la stratification ; leur forme détermine à son tour la direction de la vague , et celle-ci exerce son action sur la surface du sol. Une telle action n’a pu se continuer pendant la longue durée des siècles géologiques, sans que les roches en aient été arrondies et polies, sans qu’elles en aient été recouvertes de stries et de sillons. » Que la mer soit agitée ou tranquille , elle est toujours animée d’un mouvement perpendiculaire aux terres, mouvement qui , chez l’habitant de la Norvège , est connu sous le nom de Donning , Dragsjôe , Dragsue. Tout le phénomène de friction peut se résu¬ mer dans ce mouvement qui , augmentant grandement par les temps d orage , exerce une action très forte sur les côtes. La vague entraîne alors avec elle le sable et les pierres de la grève , les lance contre le rivage , et, là où ces projectiles viennent frapper, des morceaux et même des quartiers de rochers sont détachés ; en¬ traînés par l’élément en fureur, ils lui servent comme d’outil pour de nouvelles démolitions. Or, tout cela ne peut se faire sans que le striage des rochers frottés et arrondis en soit la conséquence. » On est d’ailleurs également forcé d’accorder que les glaces actuelles, chargées toujours pendant l’hiver de galets de toutes di¬ mensions, peuvent, elles aussi, exercer une pareille action de striage ; car au printemps , lors du dégel , elles subissent de même ce mouvement perpendiculaire à la côte. » L’adoption absolue de la théorie de Sefstrom , du moins pour ce qui regarde la Norvège , ne saurait répondre aux faits observés. Il y a des endroits où le fond de la mer est formé d’une multitude de petites croupes rocheuses s’enchaînant l’une immédiatement à côté de l’autre ; si le niveau de la mer était plus bas , ces îlots , dont on ne voit que le faîte , se dessineraient sur un sol profondé¬ ment ondulé. Des sillons et des stries à double courbure en recou¬ vrent généralement les parties orientales et occidentales , souvent même les parois verticales ( pl . 11 20 et 21 ). Or, ces sillons et ces stries ne sauraient être attribués à un courant de galets , car, pour pouvoir suivre toutes les inégalités d’un sol accidenté , il au¬ rait fallu que ce courant eût un mouvement ondulatoire du nord il/2 SÉANCE I)U 5 JUILLET 18/t7. au sud, ce cjni n’est pas compatible avec les propriétés que Sei- strom lui reconnaît. D’après cet auteur, la débâcle a du former une masse pâteuse épaisse et même visqueuse; elle a du avancer avec une force et une rapidité extraordinaire, et exercer une haute pression sur les parties inférieures. Elle n’a donc pu suivre tous les contours du pays ; mais lorsque , par exemple , elle venait de se heurter contre la paroi d’un rocher plongeant vers le nord , tel qu’il est représenté dans la fig. 22, pl. Il , une partie delà bouillie diluvienne a dû s’arrêter en a , et tandis que celle-ci remplissait le creux , le reste a dû passer par-dessus : ce serait là l’eflet théorique d’un tel courant. Malheureusement le fait n’y répond pas, car même dans de telles localités on trouve souvent la surface de la roche à nu et recouverte de stries et de sillons. D’ailleurs, plu¬ sieurs de ces trous tuberculeux qu’on connaît sous le nom de mar¬ mites de géants qui s’y trouvent, et qui ont U et 5 pouces de dia¬ mètre sur plus de 2 pieds de profondeur, sont contraires à l’idée du mouvement d’une telle masse , et parlent en faveur de l’action de l’eau. Mais une autre circonstance s’oppose en dernier lieu à ce que l’idée de Sefstrom puisse prédominer : c est la quantité des galets indigènes des districts respectifs, qui ne forment pas moins des deux tiers des dépôts meubles de la contrée ; ces galets ne peuvent avoir été frottés , arrondis et polis que près de leur gise¬ ment et par les eaux. » La grande difficulté qui se présente est de savoir comment un certain parallélisme général des stries peut être également expli¬ qué par l’action d’un courant de galets ou par celle des eaux. C est un champ nouveau à travailler et où l’on n’a encore fait que très peu d’observations. » D’après M. Keilhau , si , sur les côtes occidentales de la Nor¬ vège, à commencer du cap Lindesnâs , les eaux delà mer se trou¬ vaient tout à coup élevées de plusieurs centaines de mètres au- dessus du niveau actuel , ces côtes seraient fort peu changées dans leurs contours ; les hauteurs en deviendraient plus déprimées , les vallées , sans varier dans leur direction , ne seraient qu’un peu plus larges et un peu plus étendues. Cette loi est également appli¬ cable au pays de Kragerôe et de Brewig , et même à toute cette portion de côte jusqu’à 7 milles environ à l’intérieur. Or, une fois qu’il est prouvé que la direction des hautes vallées est ordi¬ nairement la même que celle des vallées qui sont aujourd’hui au niveau de la mer, le parallélisme général des stries avec ces vallées devient dans tous les cas une condition nécessaire , soit que l’on admette des courants venant du nord et suivant le cours des 1175 SÉANCE 1)U 5 JUILLET 1847. dépressions du sol, soit que l’on adopte l'action des eaux. » Mais si le parallélisme général des stries, prises en bloc , peut être expliqué également par la théorie des courants et par celle des vagues , la disposition des stries sur chaque petit îlot ne peut l’être que par cette dernière. Les vagues de la mer se partagent après leur choc contre les côtes émergées des petits écueils (Schee- ren), et, par un mouvement circulaire , elles reviennent frapper ces mêmes rochers en les remontant du côté opposé ; or, ce mou¬ vement de l’eau a une direction parfaitement analogue à celle cpii est indiquée par les stries, cpii s’abaissent des deux côtés en par¬ tant du milieu de ces petites îles , lesquelles ne se montrent sou¬ vent au-dessus de la mer que comme de petites moitiés d’un sph éroïde allongé ou irrégulier. Au surplus, les vagues, en frap¬ pant avec une grande violence contre la partie sud des écueils , en détachent peu à peu des blocs de toute grandeur, ce cpii fait que ce côté est plus rarement arrondi cpie le côté nord , lequel n’est exposé qu’à l’action de frottement , de polissage, et striante , mais non à l’action démolissante des vagues. » Les vagues gênées dans leurs mouvements par les formes du rivage , et même par les accidents du fond , sont obligées de se ré¬ soudre souvent en des courants tortueux et complexes, dont l’em¬ preinte se trouve fixée sur les roches de la côte. Que si de pareilles actions sont évidentes près du niveau de la mer, nous pouvons également admettre qu’elles ont lieu sur son fond , et arriver ainsi à une explication du phénomène observé près de Carlskrona , en Suède, où l’on a trouvé dessillons à 21 pieds au-dessous du ni¬ veau de la mer. 11 n’est pas nécessaire alors de recourir à un en¬ foncement du sol postérieur au soulèvement du pays. » J’avoue qu’il est assez difficile d’expliquer par notre système les faits qu’on observe près des deux chutes de Dalelf, en Suède. On trouve dans le lit de cette rivière plusieurs rochers portant des sillons extrêmement bien conservés , et cpii font avec la direction des eaux un angle de 75° à 86°. Le Dalelf entraîne sans cesse par¬ dessus ces cannelures une immense quantité de pierres , de sable et de gravier, et pourtant la netteté des stries qui ornent les sillons n’a été aucunement affectée. Ce fait est à la vérité très scabreux; je ne crois cependant pas impossible de l’expliquer. Il suffit d’ad¬ mettre, ce qui n’est pas improbable , que les eaux du Dalelf pren¬ nent un cours différent près de ces sillons. « J’admets, du reste, que ce que j’ai dit de l’action de la mer peut s’appliquer tout aussi bien à celle des rivières. » 11 suffit de songer au recourbement des stries et des sillons 11 7 A SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8/j7 . qu’on voit si souvent sur des surfaces déjà arrondies et polies , pour qu on ne soit plus tenté d’attribuer le phénomène à l’action des glaces, car celles-ci, n’étant pas aussi malléables que les eaux, ne pourraient aucunement suivre des courbures aussi prononcées. » Les dépôts de galets abondent surtout près d’Arendal , et dans le midi de la Norvège , où ils recouvrent et oit quelquefois ils constituent même entièrement des îlots de toute grandeur. Dans ces dépôts les deux tiers des galets à peu près appartiennent aux roches du pays ou des environs ; les autres sont étrangers et pro¬ viennent du terrain de transition de Christiania. Qu'il en soit dit de même des dépôts des environs de Kragerôe. L’île de Jomfru- land, s’étendant sur un mille de longueur, est formée entièrement de galets de cette même nature , mélangés à du sable et à des ar¬ giles. On trouve également dans le pays des blocs isolés appar¬ tenant principalement à des porphyres, à des schistes argileux , à du calcaire de transition avec fossiles, ou bien à des conglo¬ mérats. » Explication des planches accompagnant la notice de M. ff^eihye , sur la théorie des vagues. Planche I. — Carte topographique des environs de Kragerôe, en Norvège. Planche II. — Fig. \ et “2. — Représentent des portions de la partie N. et de la partie S. de Hle de Fladskjôer, près de Portôer, où l’on voit des stries dans différentes directions et des sillons recourbés. Fig. 3. — Point correspondant sur la carte au Korsesund , près de Skadôe. On y remarque un sillon recourbé et strié en deux sens. Fig. 4. — Paroi d’un rocher strié et sillonné, près de Portoer. Il est marqué sur la carte par la lettre a. Fig. 5. — Représente une partie d’un îlot situé à environ un demi- mille à l’O. du port de Portôer, où deux sillons striés vont déboucher dans une grande marmite de géants. Fig. 6. — Paroi verticale d’un rocher près d’Osterriisôer , environ 3 milles à l’O. de Kragerôe , où l’on voit les stries arriver jusqu’au points, et s’arrêter lorsque la paroi tourne vers le N., ce qui prouve qu’elles ne peuvent être formées par une débâcle venant de ce côté. Fig. 7. — Fait voir des sillons x . y, z , qui remontent en rayonnant , et des stries. Næssundholm, près de Kragerôe; point d. tig. 8. C est une paroi inclinée vers le S. sur la partie orientale de Skarholm (point e) , sur laquelle on ne trouve pas seulement des sillons tortueux et striés , mais encore des stries droites , couchées presque horizontalement , et se dirigeant de l’E. à l’O. Fig. 9. — Représente une portion de la partie N. de la même ile (Skarholm), où l’on voit, au point x, des sillons tortueux et striés. 117/4 SÉANCE 1)U 5 JUILLET I8/j7. qu’on voit si souvent sur des surfaces déjà arrondies et polies , pour qu’on ne soit plus tenté d’attribuer le phénomène à l’action des glaces, car celles-ci, n’étant pas aussi malléables que les eaux, ne pourraient aucunement suivre des courbures aussi prononcées. » Les dépôts de galets abondent surtout près d Arendal, et dans le midi de la Norvège , où ils recouvrent et où quelquefois ils constituent même entièrement des îlots de toute grandeur. Dans ces dépôts les deux tiers des galets à peu près appartiennent aux roches du pays ou des environs ; les autres sont étrangers et pro¬ viennent du terrain de transition de Christiania. Qu'il en soit dit de même des dépôts des environs de Kragerôe. L île de Jomfru- land, s’étendant sur un mille de longueur, est formée entièrement de galets de cette même nature , mélangés à du sable et à des ar¬ giles. On trouve également dans le pays des blocs isolés appar¬ tenant principalement à des porphyres, à des schistes argileux , à du calcaire de transition avec fossiles, ou bien à des conglo¬ mérats. » Explication des planches accompagnant la notice de M. ff^eihyc , sur la théorie des vagues. Planche I. — Carte topographique des environs de Kragerôe, en Norvège. Planche II. — Fig. \ et 2. — Représentent des portions de la partie N. et de la partie S. de l’île de Fladskjôer, près de Portôer, où l’on voit des stries dans différentes directions et des sillons recourbés. Fig . 3. — Point correspondant sur la carte au Korsesund , près de Skadôe. On y remarque un sillon recourbé et strié en deux sens. Fig. 4. — Paroi d’un rocher strié et sillonné, près de Portoer. Il est marqué sur la carte par la lettre a. Fig. o. — Représente une partie d’un îlot situé à environ un demi- mille à l’O. du port de Portôer, où deux sillons striés vont déboucher dans une grande marmite de géants. Fig. 6. — Paroi verticale d’un rocher près d’Osterriisôer , environ 3 milles à l’O. de Kragerôe , où l'on voit les stries arriver jusqu’au points, et s’arrêter lorsque la paroi tourne vers le N., ce qui prouve qu’elles ne peuvent être formées par une débâcle venant de ce côté. Fig. 7. — Fait voir des sillons x . y, z, qui remontent en rayonnant , et des stries. Næssundholm, près de Kragerôe; point d. Fig. 8. — C’est une paroi inclinée vers le S. sur la partie orientale de Skarholm (point e ) , sur laquelle on ne trouve pas seulement des sillons tortueux et striés, mais encore des stries droites, couchées presque horizontalement, et se dirigeant de l’E. à l’O. Fig. 9. — Représente une portion de la partie N. de la même île (Skarholm), où l’on voit, au point x, des sillons tortueux et striés. - * | ** ■ SÉANCE DU 5 JUILLET L8/|/. 1175 Fig. 10. — Point remarquable sur Flumlevigholm , près d Arôe , où le sillon x , strié et recourbé, est coupé par les stries droites de la sur¬ face courant au N. 1 5° O. Fig. I I . — Marmite de géants sur Sanôe , près de Borôe , de laquelle sortent deux sillons recourbés, qui sont coupés par la direction d'autres stries rectilignes qui recouvrent la surface. Fig. 1 2. — Partie de Kielsôe , près de Gumôe , avec des sillons tor¬ tueux striés. Fig. 13. — Partie granitique sur Dybssundholm , dans le Kiilfjord , dans laquelle on voit des amas considérables de mica , dont les feuillets sont implantés verticalement à la surface. Les parties mi¬ cacées sont polies presque comme une glace, et très bien striées dans plusieurs directions, tandis que le quartz qui les entoure, et dont la surface est un peu plus élevée que celle du mica (voyez la coupe, où les lettres x , y indiquent le mica), ne montre aucune trace de polissage ni rien de semblable. Dans un cas pareil on ne saurait songer ni aux courants de galets ni à la glace; il n’y a que l’action de l’eau qui puisse expliquer un pareil fait. Fig. 14. — Portion de la partie N. de Fengesholm, du côté de Portôer. Les stries courent ici, près du niveau de l’eau, vers l’E. 15° N.; puis elles divergent toujours plus en s’élevant sur la côte, jusqu’à ce qu’elles acquièrent la direction rectiligne N.-E. Fig. 15. — C'est le point b sur l’île Fladskjôer, qui est très remar¬ quable à cause d’un sillon qui, après s’être recourbé plusieurs fois, finit dans une marmite de géants creusée en spirale. Fig. 16. — Montre une courbure marquée des stries sur un rocher in¬ cliné se trouvant dans le Sondeler-Fjord (golfe de la longueur de 1 mille , et qui entre , vers l’O., dans les terres près d’Osterriisôer), en un point où celui-ci , après avoir couru vers l’O., tourne brus¬ quement vers le N., et devient plus étroit. Fig. 17. — Sillon tortueux et strié x, au voisinage du point représenté par la fig. 1 6. Fig. 18. — Point sur Kaholmen , près Drobak , à 4 milles au S. -O. de Christiania. On y voit une paroi rentrante et arrondie, sur la¬ quelle se trouvent non seulement des sillons recourbés et striés, mais encore des stries courant dans deux directions différentes , et s’entre-croisant sous un angle de près de 40°. Fig. 19. — Petite rivière, à environ 2 milles au N. de Kragerôe, où j’ai trouvé des stries qui suivaient, dans quatre endroits différents, le cours du ruisseau. Fig. 20 et 21 . — Se rapportent au texte. Fig. 22. — Se rapporte au texte; c’est la coupe d’un point où les stries se prolongent sur la partie basse jusqu’en a. Fig. 23. — Représente plusieurs sillons tortueux sur Bjornôe , près du Havssund ; ils vont aboutir en partie à des petites marmites de géants. La surface sur laquelle on les trouve n’a qu’une très faible inclinaison vers l’O. Fig. 24. — Point /, au Valeberg , près Kragerôe, où l’on voit trois 1176 SÉANCE DO 5 JUILLET 18/| 7 . sillons striés x , y et z , courant du S.-E. au N. -O., contrairement à la direction générale du lieu. Les deux inférieures y et z vont finir dans la roche compacte, et ressemblent à deux grandes marmites de géants couchées. Il est évident que ces sillons et ces stries ne peuvent être formés ni par des courants de galets venant du N. ni par des glaces; leur production ne peut donc encore être due qu’au jeu des vagues marines, lorsque leur niveau était plus élevé qu’au- jourd’hui, car il n'v a point de doute que la Norvège s’élève. Des phénomènes pareils à ceux-ci sont visibles dans bien d’autres points. Pour que les opinions de M. Weibye eussent des chances d’être adoptées , il faudrait que les observations faites sur les côtes des autres pays à roches dures, telles que celles de la Bre¬ tagne ou des autres contrées du Midi et môme intertropicales, pussent concorder parfaitement avec celles, du reste très pré¬ cieuses, qu’il a faites dans la Norvège; mais le phénomène de striage n’est pas un phénomène général des côtes actuelles ; on • voit bien dans la Bretagne, par exemple, des surfaces à peu près polies parles eaux de la mer, et des cannelures d’érosion, mais aucunement des stries. M. Weibye a démontré que les stries ne sont pas disposées suivant une ligne unique, ni même toujours suivant les lignes de plus grande pente; il a démontré que la disposition de ces stries est en rapport direct avec le mouvement des vagues; mais après la lecture de sa notice on se demande si c’est bien l’eau aidée du sable et des galets qui les produit. Or, la plus simple réflexion nous fait dire oui, pourvu qu’on entende sous ce nom l’eau à l’état solide, pourvu qu’on y introduise l’idée des glaces hivernales. Or, c’est préci¬ sément ce qu’a fait M. Forchhammer et déjà depuis longtemps ; c’est là la véritable théorie de M. Forchhammer, celle des glaces flottantes. C’est là à quoi m’ont conduit mes propres observations, dont j’ai eu l’honneur de présenter les résultats à la Société, dans une note du 11 janvier de cette année. M. Forchhammer, qui n’a cessé de compléter ses idées par de nouveaux travaux pratiques , m’a écrit plusieurs lettres sur ce sujet. Je demanderai la permission de faire connaître quelques unes des observations nouvelles qu’il a faites, qui présentent le plus haut intérêt , et qui rendront toujours plus évidentes les différences radicales qui existent entre la théorie des glaces flot- 1177 SÉANCE BU 5 JUILLET 1847. tantes et celle des vagues, entre les opinions de M. Forchham- mer et celles de M. Weibye. J’aime mieux offrir sans plus de délai à la Société ces observations, que de les incorporer, sui¬ vant les intentions de M. Forchhammer, dans un travail dont je m’occupe, et qui n’est point achevé-, on aura l’avantage d’y suivre sans commentaires la pensée de l’auteur dans la marche qui conduit à ses conclusions. Nouvelles observations de M. Forchhammer sur les surfaces striées et polies du Danemark . (Extrait d’une lettre de l’au¬ teur àM. Frapolli. Une partie seulement de ces observations a été publiée, en danois.) « Bornholm est très riche en rochers arrondis et polis et en stries très bien caractérisées ; mais on n’y voit aucune part le phé¬ nomène de Stoss et Leeseite , tel qu’il a été trouvé si générale¬ ment en Suède (1). » Les rochers de granité et de gneiss sont ordinairement ar¬ rondis , et leur surface affecte une forme ellipsoïdale ; ce n’est que sur les côtes qu’on rencontre des falaises à pic , qui sont ici , de même qu’en Suède, produites par l’action combinée du fendille¬ ment vertical du granite-gneiss de la contrée qui est très riche en feldspath et des vagues de la Baltique. Mais ces falaises ne sont aucunement en rapport avec la direction des stries de friction. » La croupe arrondie et aplatie de la plus élevée parmi les col¬ lines de File , le Ryttefknegt , haute de 500 pieds, est recouverte de stries très bien marquées et d’une grande beauté; elles courent du N. l\T E. au S. hT O. Sur les pentes de la colline, les stries s’éloignent un peu de leur direction normale et elles se dirigent d’un côté vers le S. 33° O. et de l’autre au S. 51° O. L’orienta¬ tion des stries du sommet répond à la direction de la plus grande étendue de la Baltique. » A l’extrémité la plus méridionale du granite-gneiss , là où cette roche vient à être recouverte par les couches peu inclinées «gw I ' ... - I—- ■ I. . I , ■■ -■ ' ■ — ' . . . ■ — -• ■ ■ ■ (1) M. Forchhammer, fidèle à son système de s’en tenir à la stricte observation des faits, cite ici, pour les pays qui n’ont pas été l’objet de ses recherches spéciales , l’opinion commune sur la constance sans exception des Stoss et Leeseite ; mais il démontre en même temps que, pour le théâtre de ses observations, la croyance que ces parties se¬ raient en rapport avec la formation des stries, repose sur une erreur. ( L. Frapolli. ) 1178 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. du plus ancien grès de transition de la Scandinavie , les stries se dirigent du S. 3° O. au N. 3° E. Mais les stries les plus belles se présentent sur le Marteau (der Hammer ) , rocher insulaire qu’une plage sablonneuse rattache aux terres de Bornholm. Ce sont les stries les plus nettes et le mieux conservées que j’aie jamais vues ; elles sont gravées sur une roche dont le poli surpasse également en beauté tout ce que je connais ailleurs. L’outil de polissage , le sa¬ ble, recouvre encore cet îlot dans nombre d’endroits; il y est même continuellement accumulé par la mer qui le rejette sur les côtes. Les stries qui, suivant l’orientation des pentes, courent diffé¬ remment dans une direction O. 7° S. et S. 38° O. , sont ainsi moyennement parallèles avec la marche des eaux entre la Suède méridionale et la pointe septentrionale de Bornholm , c’est-à-dire avec le courant principal qui amène* au Sund les eaux surabon¬ dantes de la plus grande partie de la Baltique. » Sur les rochers qui se trouvent près du niveau des eaux à l’o¬ rient de l’ île , on voit çà et là beaucoup de stries et de sillons qui ne sont pas très marqués, il est vrai, mais qui sont disposés per¬ pendiculairement à la côte , et qui par conséquent , vu le soulève¬ ment régulier et continuel de l iie, ne peuvent pas être anciens. » Cependant ce qu’il y a de plus intéressant , ce sont les blocs isolés et striés qu’on voit sur l^i partie méridionale et occidentale de l’îie. La côte est parsemée sur ces points d’un nombre infini de gros blocs isoh's appartenant à différentes variétés de granité , au grès de transition ou au grès des keupers ; ces blocs s’avancent au loin dans la mer, et plusieurs d’entre eux présentent des surfaces striées régulièrement et en ligne droite. Les stries qui recouvrent la surface de ces masses isolées sont perpendiculaires à la ligne des côtes ; les rares exceptions à cette règle ne peuvent dépendre que d’une dislocation postérieure des blocs, effectuée soit par les glaces, soit par la main de l’homme. Jamais je n’ai vu striée la surface inférieure de ces blocs , en sorte que je ne saurais plus con¬ server le moindre doute que ces blocs ont été striés à leur place ac¬ tuelle , et depuis leur isolement de la roche-mère. Deux localités de cette côte se font remarquer par l’abondance des blocs striés. L’une est peu éloignée du petit village de pêcheurs du nom d’Arnager ; la plage, bornée par une falaise haute et verticale de grès vert mar- • neux, y est recouverte en même temps par les silex anguleux qui, havéset brisés par la vague, s’écroulent en grande quantité. Ce sont, à mon avis, ces silex qui, à l’aide du mouvement des flots et des glaces de la côte , ont servi et servent encore toujours de burin poul¬ ie striage des rochers de l’endroit. La deuxième localité, qui se SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1179 trouve près de Hoinandshald, présente des circonstances pareilles; on y trouve également dans la falaise des roches siliceuses renfer¬ mées au milieu des couches molles d une formation qui n’est pas encore suffisamment déterminée. » Un autre fait extrêmement remarquable, c’est le striage du rocher calcaire de Faxôe. Ce récif de coraux , appartenant à la craie la plus récente , est formé en partie de calcaire celluleux, en partie d’une masse molle presque crayeuse, et en partie d’un cal¬ caire dur et compacte susceptible d’ètre poli , et qu’on employé même parfois pour les usages du marbre (1).- Sur la pente O. de la colline deFaxôe, sur un point qu’on peut regarder comme étant à environ 200 pieds au-dessus du niveau actuel de la mer, on trouve le calcaire compacte marmoriforme très bien développé. En déblayant pour y établir une carrière , on a trouvé toute la sur¬ face découverte du calcaire très bien polie et striée. On y voyait clairement trois systèmes de stries , et en dehors de cela une quan¬ tité de raies courbes et irrégulières. D’après l’ordre avec lequel ils se coupaient , il était facile d’établir parfaitement 1 époque rela¬ tive de formation de ces trois systèmes de stries droites. Ils affec¬ taient les directions suivantes : le système de stries le plus ancien , qui était en même temps le moins évident , avait une direction E. 2° N. et O. 2° S.; le deuxième système, le plus marqué de tous , oscille entre l’E. 23° à 18° S. et l’O. 23° à 18° N. ; le dernier et troisième système de stries court E. 43° à 45° S. , à l’O. 43° à 45" N. L’action de déplacement qui a produit ces différents effets de striage s’est donc tournée pendant le cours des temps de FE. au S.-E. ou bien de FO. au N.-O. , et ce changement dans la provenance de Faction ne s’est pas fait peu à peu , mais dans des périodes séparées les unes des autres d’une manière tranchée. » Tout l’aspect de ce phénomène, soit à Bornholm, soit sur la Seelande orientale , me paraît absolument inconciliable avec la théorie qui admet les glaciers comme étant la cause du burinage. L e Rytterknegt, sur Bornholm, est, dans une étendue de 100 milles (de 15 au degré) du S. -O. au N.-E. , la montagne la plus élevée (1) Ces couches ont été soigneusement décrites dès 1833 par M. Forchhammer ( Danmarks gcognostische Forhold , Kj'ôbenhavn , 1 835), qui dès-lors les regardait comme appartenant à un étage par¬ ticulier de la craie , plus récent que la craie supérieure d'Angleterre, et auquel ce savant rapportait dès-lors le calcaire de Maëstricht. Ce terrain rentrait donc depuis longtemps dans l’étage inférieur des for¬ mations que M. Élie de Beaumont a toujours regardées comme inter¬ médiaires entre la craie blanche et l’argile plastique de Paris. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. du pays , et les glaciers qui auraient dû former les stries de Fax 6e auraient été obligés de changer plusieurs lois la direction de leur marche, et cela non successivement, mais d’une manière tranchée, ce qui me paraît incompatible avec la nature des glaciers. Ces ob¬ servations ne peuvent non plus être mises d’accord avec les théo¬ ries qui attribuent le burinage à une inondation , qu’on la fasse venir du pôle nord , ou qu’on lui assigne comme centre de prove¬ nance les hautes montagnes de la Scandinavie. Le changement de direction sur ces deux îles peu éloignées l’une de l’autre , Born¬ holm et Seeland , les stries courant au N.-E. sur le Rytterknegt , et au S.-E. surFaxôe (celles du dernier système), indique égale¬ ment un changement du point cl’origine dans le mouvement qui a donné lieu à ces stries. Or, les directions suivant lesquelles les stries de Faxôe ont changé dans le cours des temps sont précisé¬ ment en rapport avec les différentes hauteurs qu’atteint le pays entre Faxôe et la Baltique. Vers l’est s’élève la Stevens Klint , ro¬ cher de calcaire crétacé , ayant une hauteur maximum d’environ 100 pieds, et qui reste par conséquent au-dessous du rocher strié de Faxôe. Plus loin, également vers l’est, s’étend la partie méridionale de la Scanie, qui de même ne dépasse que légère¬ ment le niveau de la mer. Les stries de Faxôe les plus récentes sont tournées vers le golfe du même nom qui est encore complète¬ ment ouvert; le changement de la direction du striage me paraît donc être en rapport avec le changement de la direction de la va¬ gue produit par le soulèvement du fond de la mer. Le calcaire strié de Faxôe est recouvert immédiatement par une couche sa¬ bleuse épaisse de 12 à l/j pouces; cette couche sableuse a été, comme le sable du rocher du Marteau à Bornholm, la matière polissante ; les quelques galets isolés qu elle renferme rappellent l’outil qui a gravé les stries. Sur la couche de sable repose une autre couche de 6 à 8 pieds , appartenant à une formation dilu¬ vienne à laquelle j’ai donné le nom d’argile à blocs erratiques , et qui représente l’étage moyen de notre grand terrain erratique. L’époque où ce dépôt s’est formé tombe dans la période actuelle ; les fossiles qu’il renferme dans quelques rares endroits sont iden¬ tiques à ceux qui habitent aujourd’hui les profondeurs de la mer du Nord. Lorsqu’on rapproche cette formation des blocs striés de Bornholm , on ne peut que conclure à une durée très longue du phénomène ; car son dépôt paraît s’être continué depuis un temps antérieur à la présence de l’homme dans nos pays du Nord, jus¬ qu’à l’époque où la disposition des côtes était la même que celle d’aujourd’hui. 1181 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. » Je vais ajouter quelques observations qui, à mon avis, ne laissent plus aucun doute que de pareilles stries se forment encore de nos jours. Le golfe appelé Issefjord découpe profondément par ses mille détours la partie septentrionale de File de Seeland. Des millions de blocs et de galets gisent dispersés sur ses places sa¬ bleuses et doucement inclinées. Lorsqu’en hiver la glace se forme, elle les entoure et les enclave. Mais pour que la glace puisse soule¬ ver et entraîner toutes ces pierrailles, il faut une circonstance par¬ ticulière ; il faut que sa rupture au dégel coïncide avec la crue des eaux. Pendant Fhiver de 1844, les eaux s’étaient figées autour d’un des plus marquants parmi ces blocs ; la personne qui me ser¬ vait pour ces renseignements se servit de l’expression gros bloc , c’est-à-dire un bloc d’environ 60 à 80 pieds cubes; au printemps, à l’époque du charriage , un glaçon l’emmena au large avec lui. La pression que cette grande masse en mouvement a exercée sur la surface du sable , dont l’inclinaison était bien au-dessous d’un degré , a du être énorme ; car il en résulte sur une longueur de plusieurs centaines de pieds un sillon très profond, et comprimé si fortement dans le sable argileux et humide , que six mois plus tard , lorsqu’en septembre j’ai revu la localité , la trace n’en était pas encore eflacée, et pourtant les vagues n’avaient cessé de ba¬ layer cette plage. Il est clair que si ce sol peu incliné avait été constitué par du granité , le bloc y aurait empreint sa marche , en traces ineffaçables , par la gravure d’autant de raies que de pointes saillantes qu’il possédait, et qui pouvaient venir en contact avec le fond. Sur des roches tendres, comme du schiste ou certains calcaires, ce bloc aurait produit des stries et même des cannelures. Sur le sable il ne pouvait former qu’un sillon cpii devait bientôt disparaître de nouveau. L'exemple que nous venons de donner est un burinage exécuté par la vague en retraite. Il est naturellement perpendiculaire à la côte. » J’ajouterai encore le récit d’un événement qui pourra mon- lier d’un côté la force avec laquelle les glaces et les blocs qu’elles renferment peuvent être mis en mouvement par la vague lors¬ qu elle avance et remonte sur le rivage, et de l’autre comment les glaçons peuvent exercer leur action même à une certaine profon¬ deur au-dessous du niveau de la mer. Vers le milieu de février 1844, nous fumes surpris inopinément parun froid très intense, et le Sund, principalement vers la côte de Seeland, se couvrit rapidement de glaces qui , chassées par une violente tempête du S.-E. , venaient se jeter sur cette même côte. Les glaces s’amonce¬ lèrent principalement au fond de la baie de Taarbeijk , et l’on 1182 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. commença à avoir des craintes sérieuses pour l’existence du village de pêcheurs adossé au rivage. Mais les glaces ayant pris, et la côte s’étant fermée entièrement , on se croyait déjà hors de danger, lorsque tout d’un coup la masse entière des glaçons réunis se mit en mouvement, remonta sur la plage de manière à y former une digue de plus de 16 pieds de hauteur, et atteignit dans un clin d’œil les maisons les plus voisines. Les parois des bâtiments furent emportées , et la marche de ce terrible glacier ambulant continua d’être si rapide , que les habitants auraient eu de la peine à se sau¬ ver si un pêcheur, effrayé par le bruit sinistre de la mer, n’avait songé à les réveiller quelques minutes auparavant. M’étant rendu sur les lieux le lendemain , je trouvai non seulement la côte en¬ tourée par des chaînes de collines formées d’un conglomérat gla¬ cial , mais je vis plusieurs raies pareilles de collines se prolonger au loin dans la mer; ces collines, d’après le témoignage de tous les pécheurs , étaient bien fixées sur le fond de la mer ; la glace ren- fcrmait une grande quantité de fucus , des petites pierres et du sable. Or, il est clair qu’une telle masse de glace , ayant un mou¬ vement aussi rapide et aussi puissant , a du bouleverser et changer le fond de la mer, et que si ce fond eût été formé par une roche dure, le sable et les pierres qu’elle renfermait y auraient gravé des stries et des sillons. » Permettez-moi à présent d’appeler votre attention sur une distinction très importante , et qui a été oubliée ou imparfaite¬ ment comprise par la plupart des auteurs qui se sont occupés de ce sujet. C’est la différence entre les îles de glace (Eisinseln) et les glaçons de charriage (Eisschollen). Les îles de glace ( montagnes de glace) sont, comme tout le monde le sait, de véritables portions de glaciers qui , descendant des côtes abruptes des mers polaires, se jettent dans la mer et sont entraînées par elle. Ce phénomène des glaciers qui se précipitent est si commun sur la côte occiden¬ tale du Grôenland , qu’on y a consacré une expression propre ; les habitants disent : dus Eis kdlbt (la glace fait le veau, elle fait la culbute ). Ces îles de glace plongent profondément dans la mer. Elles ne peuvent jamais s’approcher des côtes peu inclinées , et si par hypothèse elles devaient produire des stries , elles ne pour¬ raient le faire qu’à des profondeurs considérables. Leur glace est très pure , et ils ne renferment des blocs que très rarement. M. Ulrich, jeune officier de la marine danoise, échoua, dans l’été de 1846, contre une île de glace dans le détroit de Davis. Séquestré sur la glace pendant que les autres naufragés s’étaient jetés dans les embarcations, et étaient allés à la recherche des côtes du 1183 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. Groenland, il vit passer plus de 400 grandes îles de glace sans qu’il put y découvrir un seul bloc; et pourtant il avait fixé tout spécialement son attention sur ce point. Les blocs ne sont donc pas communs dans cette région , et cependant les côtes du détroit de Davis abondent en montagnes escarpées , en glaciers et en mo¬ raines. » Les glaçons de charriage se forment dans la mer et dans les rivières. Ils se forment notamment dans le Sund et dans le grand Belt sur le fond de la mer, où l’on connaît cette espèce de glace sous le nom de glace de fond ( grundeis ) , et ils s’élèvent ensuite jusqu à la surface chargés de sable , de graviers et de fucus (See- gras ) (1). Sur les côtes, la glace entoure les blocs et les emporte avec soi. Par les temps d’orage, les glaçons sont poussés l’un au- dessus de l’autre , ils se vissent [es schraubt sich) , comme disent nos marins , et , lorsque la côte est escarpée , ces montagnes de glace peuvent atteindre jusqu’à 50 pieds de hauteur. C’est à ce genre de glaçons et principalement aux glaces de fond que j’attri¬ bue le striage des surfaces peu inclinées des rochers , lorsque les pierres enclavées et chargées de tout le poids de la glace sont lan¬ cées par les vagues contre la côte. » Vous pourrez voir par le fait suivant combien la quantité des (1) D’après les principes élémentaires de la physique, souvent rap¬ pelés par M. Élie de Beaumont dans ses cours , la formation du grundeis est facilitée, dans la mer et dans les bras qui communiquent avec elle, par la salure plus ou moins grande des eaux. La densité maximum de l’eau douce étant à environ 4°, 40, et son point de congélation à zéro , il en résulte , pour l’eau ayant une tem¬ pérature entre 0 et 8°, une tendance à descendre à la partie inférieure : c’est pourquoi il ne se forme jamais de glace au fond d'un étang ni d'un lac. Dans les rivières, les couches d’eau étant fréquemment mé¬ langées par le courant, et la rapidité minimum des eaux étant près du fond , il peut se former du grundeis , et il s’en forme en effet. Mais les conditions pour la formation du grundeis sont bien plus favorables lorsqu’il s’agit de l’eau salée. La densité maximum de l’eau de la mer à salure moyenne est à — 3°, 67. et elle se congèle à — 2°,o5. La différence entre ces deux points n’étant que 1°,12, on voit que le mélange de toutes les couches, dans les bras de mer et dans toutes les parties où sa profondeur ne dépasse pas de beaucoup la limite de l’agi¬ tation superficielle, devient très facile et un effet normal; la glace se forme dès lors dans la partie la moins agitée. Tour les eaux mélangées, telles que les eaux des fjords où vont déboucher les rivières, la facilité de formation du grundeis sera en rapport direct avec la proportion de l’eau de mer. ( L. Frapolli. ) liS/i SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8/f7 . ] )locs qui sortent chaque année de la Baltique par ce moyen est grande. Dans l’année 1807, lors du bombardement de la Hotte danoise, un cutter de guerre anglais, à l’ancre dans la rade de Co¬ penhague , sauta. En 1844, un de nos plongeurs, connu pour un homme probe et de confiance , se décida à descendre pour sauver tout ce qu’il était encore possible de trouver dans le bâtiment nau¬ fragé. Il trouva l’entre-pont intact mais recouvert de blocs , dont quelques uns pouvaient avoir une grosseur de 6 à 8 pieds cubes, et on y voyait même çà et là plusieurs blocs accumulés les uns sur les autres. Ce plongeur expérimenté assure que tous les navires coulés à fond qu’il a visités dans notre rade étaient plus ou moins couverts de blocs. C’est là une formation erratique appartenant aux dernières qua¬ rante années. La cause qui fait que les glaçons fondent aujourd’hui de préférence dans le Sund , entre Helsingor et Copenhague, et qu’ils y laissent leurs blocs , repose sur des circonstances particu¬ lières. Lorsqu’au printemps la neige du pays appartenant au bassin de la Baltique se fond, il s’établit un courant soutenu sortant de cette mer dans le Kattegat , et pendant les mois de mars et d’a¬ vril de grands amas de glaçons passent devant Copenhague. Mais en même temps un courant sous-marin reconduit des eaux du Kattegat dans la Baltique. L’eau du Kattegat et celle de la mer du Nord possèdent dans cette saison une température de beaucoup supérieure à celle des eaux de la Baltique , en sorte que ce n’est qu’au plus grand degré de sa salure (plus du double de celle des eaux cle la Baltique) qu elle doit la propriété de pouvoir se tenir à la partie inférieure. C’est ce courant sous-marin qui , en réchauf¬ fant peu à peu les eaux , facilite sur ce point la fusion partielle des glaçons , cpii laissent alors tomber les blocs ainsi dégagés qu’ils avaient transportés jusqu’ici (1). » M. Martins fait au sujet de la communication de M. Frapolli les observations suivantes : (1) Une autre cause accidentelle se joint souvent à celle qu’indique M. Forchhammer pour faciliter la fusion partielle des glaces devant le Sund : c’est le retard apporté à leur sortie par les vents du N. -O., qui , produisant un refoulement temporaire des eaux de la Baltique, les retiennent quelquefois prisonnières pendant plusieurs jours. C’est à des causes analogues ou à des remous qu’il faut attribuer l’accumulation des blocs erratiques par escouades. ( L. Frapolli, ) SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1185 Remarques sur la réponse de il/. Frapolli et la théorie des glaces flottantes de il/, le professeur Forchh animer , par M. Ch. Martins. M. Frapolli , attribuant toutes les stries de la Scandinavie à l’action des glaces flottantes poussées par la mer, je lui demandais ( p. 240) la preuve que la Scandinavie eut été immergée jusqu’à 1400 mèti ’es , hauteur à laquelle on a vu des stries. Au lieu d’une preuve, il renouvelle son affirmation, et son raisonnement est évidemment un cercle vicieux, car il se réduit à ceci : les mon¬ tagnes de la Scandinavie présentent des stries jusqu’à la hauteur de 1400 mètres; or ces stries ont été tracées par la mer, donc la Scandinavie a été immergée jusqu’à la limite de ees stries. Je demandais des preuves de cette immersion, je les demande encore. Puis il cherche à me mettre en contradiction avec M. Desor, qui , dit-il, a admis (p. 204) que la Scandinavie avait été immergée et émergée avant l’époque historique , et que ces changements de niveau remontent au-delà du diluvium. Mais d’abord , M . Desor ne dit nulle pai t que la Scandinavie ait été immergée au-dessus de la limite de la couche coquillière , c’est-à-dire au-dessus de 240 mètres; or, c’est là le nœud de la question, et M. Frapolli ne peut pas supposer que AL Desor ad¬ mette des changements de niveau pendant les périodes géologiques antérieures à l’époque pliocène, lorsque celui-ci commence son article (p. 197) en disant: «Il me reste à traiter des change¬ ments de niveau que le sol de la Scandinavie a éprouvés pendant l’époque diluvienne, et qui se continuent encore sous nos yeux. » Le paragraphe qui suit n’est que le développement de cette idée. M. Frapolli ne réfutant pas la troisième objection de la p. 420, elle subsiste dans toute sa force. En répondant à la quatrième, AL Frapolli nie un fait reconnu par tous les observateurs qui ont étudié les phénomènes erratiques en Suède. Selon lui, Al AI. Keilliau, Daubrée, Siljestroem, bra¬ vais, Alurchison, Durocher, Sclieerer, Desor et Schimper, se sont trompés, avec moi , en disant que les rochers étaient arrondis vers l’intérieur des terres, escarpés vers la mer, et en concluant de là que l’agent qui les avait arrondis s avançait des montagnes vers la mer. Comme c’est un fait de visu , j’en appelle aux voyageurs futurs. Ils décideront aussi la cinquième question (p. 420), qui est également un résultat direct de l’observation. Dans la seconde partie de son Mémoire , AL Frapolli expose, Soc. üèo 1. . 2° série , tome IV. 75 t 1 1 80 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. puis réfute lui-même une théorie de JM . Weibye,qui attribue, comme M. Eugène Robert, les formes arrondies des rochers de la Scandinavie à l’action des flots. Je n’ai donc point à m’en occu¬ per. La troisième partie est consacrée à l’exposé de la théorie de M. F orchhammer. Les observations de ce savant géologue n’ont point été faites en Scandinavie , mais en Danemark et sur 1 île de bornholm , où les phénomènes présentent une allure différente de celle qu’ils ont sur le continent. INe les ayant pas observés moi-même , je me contenterai de sou¬ mettre au célèbre professeur quelques doutes , et de lui demander quelques explications. Sa théorie est la suivante : il pense que les blocs ont été transportés et les rochers arrondis et striés par des glaces flottantes, résultat de la congélation de la mer. Pour expliquer le phénomène erratique de la Scandinavie par les glaces flottantes, résultant de la congélation de la mer , il fau¬ drait, ce me semble, établir les points suivants, qui me paraissent tous contestables : 1° Que les stries gravées sur les rochers, en Scandinavie, l’ont été par un agent qui marchait de la plaine vers les montagnes ; 2° Que les blocs et le sable entraînés par des glaçons et poussés sur des rivages peuvent strier les roches les plus dures ; 3° Que ces stries sont fines, rectilignes, presque parallèles, et identiques à celles que burinent les glaciers actuels. En efïet, j’ai mis plusieurs fois comparativement sous les yeux de la Société: lü des surfaces polies et striées détachées sous les glaciers actuels; 2" des surfaces polies et striées par les anciens glaciers de la Suisse et des Vosges ; 3° des surfaces polies et striées provenant des envi¬ rons de Christiania et de Faxoe, près de Copenhague. Les stries et le polissage étaient identiques sur ces trois sortes de roches. L’expli¬ cation de M. Forchhannner devrait embrasser évidemment les Alpes, les Pyrénées, les Vosges, etc. , qui 'présentent les mêmes surfaces polies que la Scandinavie. Or, dans ces montagnes, les adversaires de l’ancienne extension des glaciers invoquent un agent différent, savoir : des torrents boueux, charriant des cail¬ loux qui ont poli et strié les roches. Il faudrait donc prouver préalablement que les glaciers, les glaces flottantes poussées par la mer et les torrents boueux produisent sur les roches des effets identiques. l\° Une autre circonstance m’embarrasse : c’est l’existence , en Scandinavie et en Danemark , de cailloux frottés et rayés dans tous les sens. Ces cailloux ont-ils aussi été rayés par les glaces flottantes? Si l’on répond affirmativement, alors celles-ci produi- SÉANCE l>li 5 JUILLET 1847. 1187 raient, sous ce nouveau point de vue, un effet identique avec celui des glaciers. En un mot, je ne nie point à priori le rôle partiel des glaces flottantes détachées de glaciers ou dues à la congélation de la mer ; je le reconnais dans l'existence des blocs qui recouvrent les œsars. Mais, considérant avec MM, de Bucli , Elie de Beaumont et fîuro- clier (1) le phénomène erratique comme produit par les mêmes Causes générales dans les Alpes, les Pyrénées, les Vosges et la Scandinavie, je répugne à une explication qui ne s’appliquerait qu’à l’im de ces pays et point aux autres De même que les glaciers seuls ne nous expliquent ni les césars ni les blocs erratiques qui les recouvrent , de même la théorie de M. Forchhammer est inap¬ plicable au phénomène erratique dans les montagnes, même dans celles de la Scandinavie , ou tout montre que l’agent qui a nivelé et strié les roches descendait des sommets vers la plaine. La puissance des glaces flottantes poussées sur le rivage est sans doute fort grande , mais nous n’avons aucune preuve que tous les points de la Scandinavie , depuis 240 jusqu’à 1400 mètres, aient été successivement un rivage à l’époque de la dispersion des blocs. Nous avons même la preuve du contraire, puisque la couche co- quillière déposée antérieurement à cette dispersion s’arrête à 240 mètres au-dessus de la mer. Je terminerai en discutant un fait intéressant rapporté par M. Forchhammer. Un jeune officier danois nommé Ulrich, nau¬ fragé sur la glace, dans le détroit de Davis, dans l'été de 1846, vit passer plus de 400 grandes îles de glace sans qu’il put y découvrir un seul bloc. M. Forchhammer en conclut que les glaces détachées des glaciers ne transportent que rarement des blocs erratiques. J’ai fait la même observation que Ai. Ulrich, en traversant les ban¬ quises de glaces flottantes dans le premier voyage de la corvette la Recherche au Spitzberg. En étudiant de près les glaciers de cette île, j’ai trouvé la raison de cette absence apparente de blocs erra¬ tiques. Lorsqu’une portion de glacier tombe à la mer , il arrive de deux choses l’une : ou bien (et c’est le cas le plus fréquent) les blocs sont posés à la surface du glacier, et alors ils se séparent de lui au moment de sa chute et tombent séparément à la mer : ou bien les blocs sont enchâssés dans la glace , mais alors ils ne sont presque jamais visibles. En effet, les sept huitièmes d’une glace flottante étant immergés dans la mer, il y a sept à parier contre un que le bloc sera dans la partie immergée , et par consé- (1) Voyez Bulletin de la Société géologique , 2e sér. , t. 111. p. 102. 1188 SfiAXCE DU 5 JUILLET 18/|7. quent invisible. Cette probabilité augmente encore si l’on réfléchit que le bloc, en vertu de son poids spécifique, infiniment plus grand que celui du glaçon , tend à le faire chavirer et à occuper sa partie inférieure. Pour qu’une glace flottante transporte des blocs à sa surface , il faut qu’elle se détache d’un glacier sans chavirer, circonstance assez rare , comme j’ai pu m’en assurer dans mes deux voyages au Spitzberg. On trouve néanmoins dans les récits des navigateurs qui ont sillonné les mers polaires de nombreux exemples de blocs trans¬ portes par des glaces flottantes. Quelquefois ce ne sont pas des blocs isolés , mais des moraines entières qu’une portion de glacier entraîne avec lui en se détachant du reste de la masse. La preuve en est dans 1 exemple suivant que j’emprunte au de Saussure des mers polaires , à Scoresby : « Un grand nombre des glaces flottantes de la baie de Bailin , dit-il (1) , contenaient des couches de pierres et de terre , et quelques unes étaient chargées de rochers formant une couche de grande épaisseur et pesant , comme je m en suis assuré par le calcul , un million à (leux millions tic quintaux (50,000 à 100,000 tons). L’une de ces glaces flottantes , en parti¬ culier, était chargée, jusqu’à la hauteur des hunes du navire, d’une telle masse de blocs empilés les uns sur les autres, qu’on apercevait à peine quelques pointes de glace. J’ai recueilli des échantillons de ces blocs qui consistaient en gneiss, diorite, etc. » Ainsi, en résumé, des quantités prodigieuses de blocs sont transportées , même par une seule glace flottante , et quant à celles qui paraissent en être dépourvues , si on pouvait apercevoir les sept huitièmes qui sont immergés, on verrait que souvent des blocs sont enchatonnés dans la partie qui se trouve cachée sous la surface de l’eau. M. Goquand expose brièvement des observations géologiques qu’il a faites récemment sur le Maroc. Description géologique de la partie septentrionale de V empire du Maroc , par H. Goquand , docteur ês-sciences, etc. INTRODUCTION. Les recherches de la commission scientifique et les mémoires des savants géologues qui ont étudié l’Algérie ont déjà établi la série (1) Journal of a voyage to the northern , ff^hale Fisheryy p. 233. 1826. SÉANCE DU 5 -JUILLET JS/l7. IJ 89 des terrains qui composent le sol de cette partie de l’Afrique. Dans un travail publié récemment sur les filons reconnus dans ces con¬ trées peu explorées (1),-M. Burat nous a initiés à la connaissance des lois qui ont présidé à leur formation , tout en nous dévoilant l'a¬ nalogie qui existe entre ces dépôts métallifères et les conditions que l’on a signalées dans la composition et l’âge des dépôts clas¬ siques de l’Europe. Grâce à ces précieux documents que la science a enregistrés au nombre de ses conquêtes les plus intéressantes , on possède non seulement des données positives sur la constitution géologique de la partie occidentale du bassin méditerranéen, mais encore on a pu saisir et comparer les traits de ressemblance qui existent entre les montagnes africaines et celles qui leur sont op¬ posées sur le continent européen , et généraliser de cette manière les notions que nous possédons sur les grandes lois d’ensemble que la nature sait appliquer avec une uniformité si constante à toutes ses œuvres. C’est ainsi que l’Afrique française nous a montré le pro¬ longement de cette grande formation à Fucoïdes, dont les Apen¬ nins et les montagnes orientales de la France nous avaient pré¬ senté de si vastes lambeaux , et ce n’est pas sans quelque surprise que l’on a vu sur un point si éloigné l’identité des caractères mi¬ néralogiques correspondre à la reproduction des particularités exceptionnelles qui avaient déjà rendu fameux le terrain de ma- cigno et d’albérèse de la Toscane : nous voulons parler des fdons métalliques qui , dans la péninsule italienne comme en Afrique , ont pénétré dans ce terme le plus élevé de la formation secon¬ daire. Cependant, malgré les laborieuses recherches des géologues qui ont pour ainsi dire entamé le continent africain et posé des jalons sur quelques points de sa surface , il reste encore beaucoup à dé¬ couvrir et beaucoup à faire pour enrichir la science des documents plus complets au moyen desquels on puisse arriver à une formule rigoureuse de classification oryctognostique ; mais un grand pas a été fait et il est juste desavoir d’autant plus de gré aux savants qui parcourent l’Afrique des observations qu’ils nous lèguent , qu’on ne pénètre qu’avec les plus grands dangers et à travers mille ob¬ stacles dans les régions montagneuses , dont les tribus arabes , gé¬ néralement hostiles aux Européens, défendent presque toujours l’accès les armes à la main. Je viens à mon tour apporter ma pierre au monument commencé par mes confrères de l’Afrique française, et livrer au jugement des géologues le fruit de quatre mois d’é- (I) Études sur les mines , supplément. Paris, 1846. 1 1 90 SÉANCE DU 5 JUILLET 1 S /| 7 . tucles laites dans l'empire du Maroc et plus spécialement dans les provinces de Tétuan et de Tanger, dont j’avais la mission d exa¬ miner les gîtes métallifères. Bien cpie le temps qu’il m’a été donné de consacrer à cette exploration soit insuffisant pour mettre un obser¬ vateur, quelque zélé qu’on le suppose , en possession de tous les faits relatifs à la constitution géologique de ce vaste empire , sur¬ tout quand on considère qu’en Barbarie on marche constamment dans des contrées dépourvues de routes et sur lesquelles on n’a pas même l’avantage d’être renseigné par des cartes géographiques même mauvaises, contrées, en un mot, où chaque course est une expédition ; cependant la nature de ma mission , l’appui énergique que j’ai trouvé chez les autorités, la sûreté des guides qui m’ont été fournis par les Maures les plus influents, toutes ces circon¬ stances m’ont permis de pénétrer dans le cœur même des tribus les plus farouches et de recueillir sur les montagnes qu elles oc¬ cupent les renseignements qui peuvent intéresser la science. Des travaux de recherche que j’ai fait pratiquer sur le filon de cuivre de la vallée de Cuitan et sur celui d’antimoine de Benimzala m’ont aussi singulièrement aidé dans mes études; car. en m’appelant presque journellement sur les districts les plus montagneux de la province de Tétuan, ils me permettaient de constater avec soin la succession des terrains cjui se développent depuis la mer jusqu’aux cimes escarpées de Beni-Hassan. Ainsi le sujet de mes études em¬ brasse à peu près tout le littoral, depuis le détroit de Gibraltar jusqu’à la province d’Oran, et la partie du littoral océanique qui s’étend de Tanger à Larache. On comprendra, sans que je sois obligé d’en faire ici la déclaration , que ma relation ne peut don¬ ner dans tous ses détails la description des montagnes qui occupent un rayon aussi étendu et qu’elle renfermera par conséquent plus d’une lacune; mais je me suis appliqué à racheter cet inconvé¬ nient par de bonnes coupes perpendiculaires et parallèles à l’axe de la chaîne principale et prises sur des points éloignés les uns des autres , de manière à enlacer dans un réseau de coupes la géné¬ ralité des terrains et à faire servir successivement l’étude de chaque vallée de contrôle à mes observations précédentes. Ce mode d’in¬ vestigation , peut-être le seul praticable dans des régions habitées par les Arabes, m’a conduit à des résultats généraux dont je peux, sans être taxé de présomption , garantir l’exactitude , car j’ai vu se reproduire dans le même ordre de superposition les divisions que mes premières études m’avaient fait adopter. .Te déclare enfin que j’ai apporté d’autant plus de soin et de zèle dans mes explo¬ rations , que j’étais le premier géologue qui mît le pied sur le sol SÉANCE 1)U 5 JUILLET J 8 A 7. U 9] marocain, et que mes recherches, à défaut de tout autre mérite, auraient l’avantage d’étendre jusqu’aux colonnes d’Hercule les notions que nous possédons sur une partie de l’Afrique septen¬ trionale. Chapitre premier. — Aspect physique de la contrée. Quand on jette les yeux sur la carte de l’Afrique , on ne remar¬ que à la première inspection , comme traits dominants de sa partie septentrionale , que les deux grandes chaînes à peu près parallèles du grand et du petit Atlas qui , de Tunis au cap Guer au sud de Mogador d’un côté , et de Tunis à Ceuta de l’autre, la coupent dans la direction de l’E. à l’O., ou pour parler plus exactement du N.-E, au S. -O. Cet alignement , qui est aussi celui des Alpes prin¬ cipales et de la plupart des chaînes montagneuses de l’Espagne , se reproduit au-delà du grand Atlas dans la région Djezoula, dans l’Erhammad , dans le Djebel-Antar et sur la lisière du grand dé¬ sert de Sahara. Cependant en examinant avec un peu plus d’atten¬ tion les lignes de faîte et les cours d’eau qui sillonnent l’empire du Maroc, on s’aperçoit bientôt que cette direction générale est con¬ trariée par d’autres systèmes qui coupent l’Atlas sous des angles variables et qui marchent indépendants de la cause qui a donné à l’Afrique son relief actuel : c’est ainsi que la chaîne du petit Atlas commence à subir une inflexion assez brusque dans le voisinage de Mansour ( province du Rif) , inflexion qui se prolonge en arc de cercle jusqu’aux sommets de la montagne de Djebel-Mousa , où la courbe dessinée s’interrompt brusquement pour former ce fa¬ meux promontoire que Ion voit se dresser en face de Tarifa, de la baie d’Algeziras et des montagnes de l’Andalousie, dont il n’est séparé en réalité que par le détroit de Gibraltar. Ainsi des hauteurs de Beni-Btouia à Ceuta les arêtes culminantes se courbent insen¬ siblement vers le nord en parcourant les degrés de la boussole compris entre l’O. et le N. Entre Tétuan et Ceuta l’angle décrit est presque "de 90° ; de sorte que cette portion du petit Atlas coupe per¬ pendiculairement la direction générale de la chaîne. A ce système se rattachent plusieurs chaînons parallèles, qui tels cpie ceux de Djebel-Mezetalsa , Djebel- Marizan , Djebel-Magran , Djebel- Argan , Djebel-.Tazga, Djebel-Jechfeten , se détachent des cimes du grand Atlas en poussant leurs ramifications jusqu’au fleuve Oued-Sbou, bien au-delà deFez : cette directionN. N. E.-S. S. O, indiquée sur un si grand nombre de points dans l’empire du Maroc et parallèle , comme on le voit , à la chaîne des Pyrénées, 1192 ÜÉA2SCË DL 5 JUILLET lb/l7. se reproduit dans l'intérieur de l’Afrique et dépasse même le mé¬ ridien de Tunis. Nous démontrerons plus tard que la cause qui a imprimé à une portion des montagnes africaines cette direction est liée au soulèvement qui disloqua les couches nummulitiques dont le mont Perdu et les Apennins italiens sont en grande partie formés. Outre ces deux systèmes prédominants , on rencontre aussi quel¬ ques chaînes qui, comme le Djebel-Guibeleyn , la Djeniba, l’A- duhara , la Miaibiz , ainsi que le bourrelet qui , dans les provinces de Tanger et de Tétuan , sépare les versants méditerranéens des versants océaniques , s’alignent suivant la direction des Alpes oc¬ cidentales et se confondent même avec elles. Nous avons eu pareil¬ lement occasion de constater d’autres directions moins nettement accusées et qui se rapportent au soulèvement du nord de l’An¬ gleterre , à celui de la côte d’Or et du mont Viso. Dans une es¬ quisse générale de la contrée , nous devons nous borner à ce simple énoncé, nous réservant d’entrer dans déplus longs développements dans la description particulière des terrains. Mais ce qu’il y a de vraiment remarquable dans les résultats obtenus , c’est que ces in¬ dications concordent avec l’ordre de succession des formations observées en Europe, et confirment , en en contrôlant l’exactitude, la légitimité des grandes divisions géologiques fondées sur les ca¬ ractères fournis par les discordances de stratification. Cette tendance des montagnes de l’empire du Maroc à s’éloigner parallèlement à trois directions principales se soutient avec une remarquable harmonie jusqu’aux cimes du grand Atlas, malgré les croisements , les anastomoses fréquentes des systèmes entre eux et les nombreuses variations dévoilées par la boussole. On conçoit d’ailleurs la difficulté , pour ne pas dire l’impossibilité , d’arriver avec toute la précision désirable à une formule applicable à la gé¬ néralité des faits exprimés dans une contrée si vaste et dont l'ex¬ ploitation est hérissée de tant d’obstacles. Toutefois , quelque imparfaites que puissent être les observations des premiers géo¬ logues qui pénètrent dans des contrées inconnues, on ne doit point en accueillir avec trop d’indifférence les résultats, surtout lorsque leurs conclusions tendent à généraliser en dehors de l’Europe mieux connue l’application des lois fondamentales dont l’admirable théorie des soulèvements a doté la science. Abstraction faite du grand Atlas sur lequel nous ne possédons que des documents insuffisants , la portion du Maroc située entre cette grande chaîne et la mer se laisse diviser en trois zones dis¬ tinctes dorl l’aspect, la culture et les caractères d’accidentation SÉANCE EU 5 'JUILLET l8/[ 7, 1193 varient suivant la nature et la composition géologique du sol. La première , que nous nommerons la zone littorale , s’étend depuis les côtes jusqu’aux premiers ressauts du petit Atlas dont elle forme les contre-forts septentrionaux : c’est un assemblage de montagnes peu élevées, à formes arrondies et ballonnées, composées de mica¬ schistes , de phyllades , de grauwackes , d’anagénites , de grès et de conglomérats rougeâtres. La prédominance des couches argileuses et leur alternance avec des bancs d une consistance médiocre se prête à des désagrégations superficielles , grâce auxquelles les con¬ tours des montagnes s’émoussent et se recouvrent d’une couche épaisse de terre végétale sur laquelle les tribus arabes ont établi de préférence leurs cultures et leurs habitations ; cependant, lors¬ que la désagrégation a respecté des couches puissantes de quartzite intercalées dans les schistes argileux , ces couches se dressent alors comme de grands dykes au-dessus des terrains encaissants, et re¬ lèvent parleurs formes plus âpres la monotonie des lignes environ¬ nantes. Des exemples d’une pareille disposition se montrent dans les montagnes de Cuitan , entre Sidi-Ali -Riff et Djaritz , dans les plateaux écroulés de Zeinzein , entre les fleuves Smir et Nefza (province de Tétuan), dans les environs de Benimzala et sur plu¬ sieurs autres points de Beni-Hassan , de Guebara , et d’Orieguan. C’est ordinairement entre les caps formés par les contre-forts expi¬ rants du petit Atlas que s’étendent les plaines alluviales dont les parties les plus rapprochées de la mer sont couvertes par des eaux marécageuses , tandis que les portions que leur niveau plus élevé place à l’abri des inondations sont converties en vergers délicieux, vrais jardins des Hespérides où les caroubiers , les grenadiers, les palmiers, les figuiers , les jujubiers , les citroniers et les orangers, confondent leurs fruits et se mêlent à des myrtes odorants , à des lentisques et à des lauriers roses gigantesques. La seconde zone occupée par les crêtes montagneuses du petit Atlas dessine les traits géologiques les plus saillants et les mieux définis de la contrée , composée exclusivement de grandes masses calcaires: elle se détache à l’horizon en festons découpés de la ma¬ nière la plus capricieuse dont le profil prête au paysage des lignes du plus haut style. Les cimes du petit Atlas , dont plusieurs re¬ tiennent de la neige une grande partie de l’année , reproduisent par l’alignement et la disposition de leurs pics la physionomie majestueuse des montagnes du premier ordre , et elles dominent avec hardiesse les sommités de la première zone qu’elles abritent contre les vents du désert. Dépourvues en général de végétation à cause des débris qui encombrent le lit des ruisseaux et les flancs SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. 119/i des vallées supérieures, ces masses éclairées ne sont pas moins re¬ marquables par la stérilité de leurs pentes que par l’âpreté de leurs formes. La troisième zone embrasse le vaste espace compris entre le grand et le petit Atlas. A la forme ballonnée des montagnes de la première zone et aux crêtes sourcilleuses de la seconde succèdent des montagnes à contours vagues et mal définis , coupées par des plateaux ondulés et des plaines marécageuses. On dirait une suc¬ cession sans ordre de coteaux tertiaires perdus entre deux chaînes secondaires. Cette disposition est due à la nature du sol et à la prédominance des couches argileuses délayables dont la décompo¬ sition détermine la création de frondrières et de ravins profonds que les eaux creusent et comblent alternativement. Ce remaniement continuel des argiles et la propriété qu’elles possèdent de se répan¬ dre en coulant sur les flancs des montagnes ont fini par en mas¬ quer les accidents primitifs, en même temps qu’elles ont favorisé le développement d’une végétation vigoureuse sous laquelle la roche vive paraît rarement à nu. Cependant en dirigeant ses ob¬ servations dans les lits des rivières et des torrents ou sur les 1a* laises des côtes comprises entre Tanger et Laraclie , par exemple , ou bien sur quelques points intérieurs où la présence de couches solides de grès a protégé les argiles sous-jacentes contre les ébou- lements , il est facile de distinguer la nature des éléments miné¬ ralogiques qui concourent à la formation de ce système , ainsi que leur ordre de succession. Ce sont en général des argiles grisâtres, des calcaires marneux (albérèse) et des grès micacés (macigno) appartenant au terrain à jucoïdes et constituant la formation géo¬ logique la plus étendue de tout l’empire du Maroc ; il paraît en effet se prolonger jusqu’à la base du grand Atlas et envahir une grande portion de l’Afrique septentrionale ; il est bien connu en Algérie par les nombreuses difficultés qu’il a présentées à nos ar¬ mées , soit pour le transport de l’artillerie , soit pour le mouve¬ ment des troupes. La troisième zone est la terre labourable par excellence , et elle peut être considérée comme le grenier du Ma¬ roc ; cependant malgré sa fertilité et la nature du sol si favorable à la production des céréales , il n’y a guère que la centième partie de son étendue qui soit livrée à la culture. Les bas fonds où sé¬ journent les eaux deviennent des marécages, tandis que la pres¬ que totalité des montagnes et des coteaux est réduite à l’état de makis, grâce à la coutume qu’ont les Arabes d’abandonner au feu toutes leurs forêts pour les transformer en pâturages. L’esquisse que nous venons de tracer rapidement de la configu- 1195 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. ration des montagnes de l’empire du Maroc et de leurs directions principales ofïre cela de remarquable et de simple en même temps , que les grandes lignes physiques correspondent aux limites naturelles des formations géologiques avec une si grande précision que la première zone est occupée par le terrain de transition , la seconde parles calcaires jurassiques et néocomiens, et la troisième enfin par le terrain à fucoïdes. Grâce à ces divisions , les recher¬ ches géologiques dans l’Afrique septentrionale se trouvent singu¬ lièrement simplifiées et les traits généraux deviennent plus faciles à saisir et à comparer. Le géologue , qui a fait du midi de la France l’objet spécial de ses études, ne peut manquer d’être frappé de la ressemblance qui existe entre les montagnes méridionales du département du Yar et le littoral marocain , ressemblance que les mêmes accidents orye- tognostiques et une végétation à peu près identique rendent en¬ core plus complète. En effet, la grande bande calcaire qui, depuis le col de Tende jusqu’à la vallée du Rhône , compose le rempart protecteur au-dessous duquel s’étendent les coteaux et les plaines fertiles de Toulon , d’IIyères , de Fréjus et de Grasse , représente la chaîne également secondaire du petit Atlas. Les grès bigarrés de l’Estérel , du Puget, de Cuers , de Solliès , de la Yalette , retra¬ cent , en en reproduisant la physionomie générale , les caractères des grès rouges des provinces du Rif et de Tétuan : enfin les schistes cristallins des Maures et des environs d’Antibes trouvent leurs analogues, et dans une position semblable, dans la zone lit¬ torale du Maroc. La découverte que nous avons faite de quelques dépôts de serpentine et de spilite au sein des micaschistes de Ceuta et des grès rouges de la vallée de Cuitan , dépôts -si bien développés dans le département du Yar, ajoute encore à l’illusion qui com¬ plète l'existence dans les deux régions des lauriers roses , des myrtes, des arbousiers, des chênes lièges, des orangers, des agaves américaines et des cactus opuntia . L’ordre que nous suivrons dans la description particulière des terrains que nous avons reconnus dans le Maroc se trouve natu¬ rellement indiqué par l’ordre même de leur succession. Cette di¬ vision chronologique est au surplus en harmonie presque parfaite avec la position relative des zones que nous avons précédemment indiquées. Le tableau suivant résume les traits généraux des formations et leurs principales subdivisions. 1190 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. Terrain de transition. [ (a. Schistes cristallins. ) Silurien. .< b. Grauwackes et quartzifes. ) ( e. Calcaires fossilifères, y Dévonien. < l . Grès et conglomérats rouges. Roches ignées. — Granités. — Serpentines. — Spilites. — et Filons métalliques. / Terrains secondaires. Crétacé. . Jurassique. Néocomien. Grès vert à Nummulites. Calcaire à Fncoïdes. Terrain tertiaire. a. Lacustre. b. Molasse marine. c. Lacustre horizontal. Terrain contemporain. . a Travertins. b. Brèches osseuses. c. Fer des marais. La description de chacun chapitres suivants. de ces terrains trouvera place dans les Chapitre deuxième. — Ferrai il de transition. Ainsi que nous l’avons exposé dans le chapitre précédent , la pre¬ mière zone, c’est-à-dire le massif montagneux qui s'étend jusqu'à la base du petit Atlas dont elle compose le piédestal , est entière¬ ment envahie par le terrain de transition; il constitue une bande littorale dont le petit diamètre perpendiculaire aux côtes ne dépasse pas en moyenne douze kilomètres. Ce système , dont le maximum de développement s’observe à la pointe occidentale de F Afrique , dans les montagnes de Djebel-IYIousa ( montagnes des Singes des Européens) , paraît se prolonger sans interruption jusqu’à Tunis , car il a été signalé dans la province du Rif , dans les environs d’Alger, de Bone et de Philippeville. Le terrain de transition , dans la partie du Maroc que nous avons étudiée, peut se diviser avec netteté en quatre étages distincts, dont chacun, malgré des caractères de famille communs, possède cependant quelques caractères minéralogiques particuliers. La base est formée par des schistes cristallins, dans lesquels on ob¬ serve tous les passages, depuis le gneiss jusqu’aux schistes argileux ; le deuxième étage par des grauwackes noires, des conglomérats quartzeux et des quartzites grisâtres. Le troisième étage se coin- 1197 SÉANCE DU 5 JUILLET / . pose de schistes satines, de puissantes couches de calcaire, de calscliistes et de cipolins, dont quelques uns contiennent des Or - thoccrcs , des Orthis , des Encruws et des Trilobites. Le quatrième étage enfin se compose exclusivement de grès et de conglomérats rouges, dont la puissance et la couleur le distinguent d’une ma¬ nière tranchée des étages inférieurs. Ces divisions, que nous invoquons en aide de la classification, n’ont rien de bien absolu en elles-mêmes. Il serait même impos¬ sible de tracer des lignes bien précises de séparation , soit à cause du passage insensible qui lie les divers nombres les uns aux autres, soit à cause des altérations qui en ont changé les caractères pri¬ mitifs, altérations, en définitive , qui ne se sont pas arrêtées à des niveaux constants, mais dont les effets sont naturellement en rap¬ port avec l’intensité des agents métamorphiques eux - mêmes : c’est ainsi que, dans les environs de Ceuta , les calcaires noirs qui dans la vallée de Cuitan contiennent des Encrines et des Ürtlio- cères , sont convertis en cipolins, bien que la position des uns et des autres soit identique , et qu’une distance de 25 kilomètres sé¬ pare à peine les deux points. Toutefois, ces variations accidentelles ne sauraient effacer entièrement les caractères puisés dans l’en¬ semble des faits observés et être invoquées contre une équivalence que proclament le passage ménagé d’un calcaire cristallin à un cal¬ caire compacte et la liaison insensible qui unit les termes extrêmes; aussi la présence des calcaires fossilifères ou non au-dessous des grès rouges établit-elle un horizon constant , qui permet non seu¬ lement de discuter l’âge de la formation à laquelle ils appar¬ tiennent , mais encore d’appliquer aux terrains qui forment la grande bande littorale du nord de l’Afrique les conclusions que l’étude de quelques points classiques nous aura permis de formu¬ ler avec certitude. La base du système général est occupée par des gneiss, des mi¬ caschistes et des pliyllades satinés, qui se lient les uns aux autres par des passages minéralogiques et se font remarquer autant par la cristallinité de leurs éléments constituants que par la netteté de leur stratification. Les gneiss sont reconnaissables par la plus grande épaisseur de leurs couches , par la blancheur qu’ils em¬ pruntent au feldspath, ainsi que par les minéraux accidentels qu’ils contiennent. Ces minéraux sont des tourmalines noires et des gre¬ nats rouges trapézoïdaux. Lien que leur prédominance s’observe le plus fréquemment dans les montagnes les plus rapprochées des côtes, cependant ils alternent quelquefois avec les micaschistes , et ce n’est qu’après des oscillations plusieurs fois répétées que ces 1198 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. derniers se dépouillent complètement du feldspath pour ne retenir que le quartz et le mica. Les micaschistes établissent le passage entre les gneiss et les phyllades. Tels sont les trois types qui constituent, à proprement parler, la base du terrain de transition de la partie septentrionale du Maroc , et auxquels on peut rapporter les différentes roches qui composent ce qu’on est convenu d’appeler schistes cristallins. Aux micaschistes sont quelquefois subordonnées des couches peu puis¬ santes des talscliistes argentins , grenatifères , dont l’éclat rend plus sombre encore la couleur foncée des premiers, couleur qui a valu au promontoire situé entre la Rousfika et le Sinir la dénomination de Rastorf, que les Espagnols et même les Arabes de la cote ont traduite par celle de Capo nrgro , nom par lequel on le désigne aussi . Le cap Negro est peut-être le point oii les schistes cristallins présentent le* plus d’intérêt , autant par la variété des roches que l’on y rencontre que par les filons de granité et de pegmatite qui y sont injectés. Après avoir dépassé les monticules de sables mou¬ vants qui séparent les marais de la plaine de la ilousfika du cordon littoral, on commence à gravir, dans les environs des fermes arabes nommées Glieroura, les premières pentes du promontoire de Rastorf dont les contours, exposés à la fureur des vagues, sont taillés en falaises escarpées, qui seraient inabordables sans la grande quantité de blocs et de cailloux roulés que la mer pousse contre leur base dans ses moments de rage , et sur lesquels on peut s’aventurer comme sur un parapet quand le temps est calme. Un peu au-delà de Glieroura , en se dirigeant vers le N. , on aperçoit quelques filons d’une pegmatite scliistoide parallèle à la stratifica¬ tion des micaschistes; mais ils se confondent si intimement avec les couches encaissantes, qu’on ne saurait leur reconnaître encore les caractères de masses éruptives. A mesure qu’on se rapproche du corps-de-garde bâti sur le point le plus avancé dans la mer, les filons deviennent plus abondants, et ils constituent à divers ni¬ veaux un système de stokverts, dont les ramifications se déjettent dans tous les sens, sans qu’elles soient assujetties à aucune règle dans leur marche et à aucune constance dans leur puissance. Si la direction du plus grand nombre d’entre elles est parallèle à celle des couches, cette particularité tient principalement à la moindre résistance qu’ont eue à vaincre les clykes granitiques en s’insinuant entre les plans de séparation des couches, mais leur indépendance n’est pas moins dévoilée par la disposition capricieuse des réseaux au milieu desquels se trouvent emprisonnées des portions pinson SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1199 moins considérables de schistes cristallins, que par les caractères spéciaux de leur composition. On y retrouve, en effet, les élé¬ ments des granités et des pegmatites les mieux caractérisées. Quel¬ ques liions sont même formés par des granités grisâtres porphy- roides dont les cristaux accidentels de feldspath , généralement maclés , se distinguent du reste de la pâte par une couleur rosée et par le miroitement particulier qui résulte du phénomène de la transposition. Les autres dykes , du moins le plus grand nombre, sont entièrement composés de pegmatites très feldspathiques , blanches , pénétrées de milliers de cristaux de tourmaline noire , dont le volume est très variable, et de grenats rouges trapézoï¬ daux. La figure dessinée à Gheroura indique très exactement les relations réciproques des filons granitiques avec les terrains qui les renferment ; F épaisseur des plus puissants d’entre eux dépasse 7 mètres (voyez pi. X , Jig. 1). Pour retrouver les granités en association avec les schistes cris¬ tallins, il est indispensable de se transporter dans les régions où les altérations sont les plus profondes, c’est-à-dire vers les régions occupées par les couches les plus anciennes. Or, il n’y a geère que les caps où celles-ci se montrent franchement à découvert : aussi celui de Ceuta, qui se détache sous forme d’une péninsule très étroite du massif de Djebel-Mousa , et qui peut être considéré comme la sentinelle la plus avancée du continent africain, pré¬ sente-t-il à peuplés les mêmes accidents que Rastorf, des mica¬ schistes et des gneiss traversés par de nombreux filons de granité feldspathique. Les falaises orientales qui s’étendent depuis la Punta de la Almina jusqu’à l’îlot del Moro de la Vina sont les points les plus convenables pour l’étude de ces faits intéressants. Le cap Ras-ed-Deir, situé au nord de Mélilla, dans la province du Rif , est encore une localité à citer. Comme les zones de terrain comprises entre ces divers caps et le petit Atlas appartiennent pour la plus grande partie à l’étage des grauwackes, au milieu desquelles les granités n’ont point pénétré , il en résulte que la concentration de ces derniers paraît constituer une bande sous-marine dirigée parallèlement aux côtes , et à laquelle se rattacheraient dans la profondeur les filons que l’on remarque dans quelques points du littoral. Cette bande atteindrait, suivant toute vraisemblance , un développement très considérable , puisqu’elle manifesterait son existence jusque dans le Sahel algérien, où , suivant M. Burat, le mont Bouzareah reproduit les mêmes accidents de pénétration de granité que nous avons signalés dans les schistes cristallins des provinces septentrionales du Maroc. Cette supposition, au surplus. J *200 SÉANCE DL 5 JUILLET 1 847. repose moins sur des probabilités imaginaires que sur l'ensemble des faits observés et sur des analogies évidentes. Ainsi , dans des contrées où, comme dans le Forez , dans le Yar et lîle d’Elbe, les masses granitiques constituent des centres de soulèvement, on voit ccs mêmes masses pousser des filons et des ramifications dans les roebes environnantes , et comme l’île d’Elbe est sans contredit la région classique pour ces sortes de phénomènes, il résulte de sa constitution géologique que sa portion septentrionale , dominée par le mont Capana , est exclusivement granitique , tandis cpie sa portion orientale n’offre que des terrains stratifiés de tous les Ages , sillonnés par des veines et des dykes de granités. Si , par un accident particulier, il n’y eût eu que cette dernière mise à décou¬ vert par les soulèvements , la masse principale granitique aurait été cachée sous les eaux, et l’île d’Elbe, dans ce cas, eût montré seulement des falaises absolument analogues à celles du Maroc. C'est à la présence du granité que l’on peut raisonnablement attribuer l’origine métamorphique des gneiss , des micaschistes et des pbyllades; le passage insensible des gneiss aux granités et leur plus grande cristallinité vers les lignes de contact donnent la me¬ sure des altérations énergiques dont les couches sédimentaires ont été le théâtre ; c’est pareillement à la même roche plutonique que nous lierons l’existence des nombreux filons de quartz amorphe souvent imprégnés de fer oligiste, qui courent dans les micaschistes et qui dans la partie de l’Afrique que nous avons explorée reproduisent dans tous ses détails la théorie des filons embryonnaires que M. Eournet a établie pour les terrains analogues des environs de Lyon. Quelques uns de ces filons nous ont présenté de fort beaux cristaux d’andalousite rose engagés dans un quartz blanc, et associés à des petits nids de lépidolithe écail¬ leuse. La localité qui nous en a offert en plus grande abondance et les plus beaux exemplaires sont les pentes méridionales du Ras- torf , que l’on traverse quand on se rend de Tétuan à Ceuta , et qui sont remarquables par l’énorme quantité des fragments de quartz qui proviennent de la décomposition superficielle du terrain dont ils couvrent littéralement la surface. J’ai recueilli ce minéral et dans des positions identiques dans les micaschistes de l’Andalousie, qui se trouvent en face de la province de Tétuan. Depuis longtemps aussi les terrains primaires du Yar, et notamment les îles d’Hyères , sont cités comme renfermant abondamment l’andalousite. Aux pbyllades satinées succèdent après quelques oscillations des grauwaekes noires fines, des quartzites grisâtres, des conglo¬ mérats à éléments siliceux et des schistes argileux, ternes, sou- 1201 SÉANCE DU 5 JUILLET 1S/|7, vent délayables. Ces diverses roches , qui se montrent à plusieurs niveaux, constituent le second terme du terrain de transition, et ne peuvent guère être considérées que comme les dérivés d’un même type ; seulement F accumulation de cette quantité énorme de matériaux roulés dénote , au moment de leur précipi¬ tation , une agitation prolongée dans les mers anciennes, et dont la violence contraste avec la tranquillité avec laquelle les sédiments inférieurs, composés de principes infiniment ténus, se déposaient sousjes eaux. Nous croyons superflu d’entrer dans des détails cir¬ constanciés sur leur composition minéralogique, puisque le quartz et le mica, à divers degrés de trituration , sont à peu près les seules substances qui ont concouru à leur formation. Cette description , au surplus , ferait double emploi avec celles qu’on possède déjà des terrains de grauwackes des autres contrées. Les anagénites consti¬ tuent au milieu des quartzites et des schistes ardoisiers des bancs d’une épaisseur extrême , lesquels , ayant résisté mieux que ces derniers aux influences extérieures, se font remarquer par des ressauts brusques, à formes écroulées, qui se dressent majestueuse¬ ment au-dessus des roches encaissantes , et dont les contours sont généralement émoussés. Ces espèces de grandes murailles, que l’on voit se continuer quelquefois très au loin, interdisent fréquemment toute communication directe entre des points rapprochés, ou bien elles présentent à celui qui voyage à pied des obstacles qu’il ne lui est pas toujours facile de vaincre. Le sentier de montagne qui con¬ duit de Tétuan aux tribus de l’Angera par le Djebel-Mousa se trouve barré dans le voisinage de la rivière Jounai par des masses imposantes de ces anagénites , que les injures du temps ont décou¬ pées en obélisques , et dont les débris épars çà et là sur le sol font naître F idée de blocs erratiques dispersés sur les flancs des mon¬ tagnes par un courant énergique. Il n’est pas rare de voir les anagénites remplacées par des quartzites dont les couches plus distinctes et nettement séparées composent des étages plus réguliers qui constituent une série de plateaux alignés suivant la direction générale des terrains, et cou¬ pés de distance en distance par les rivières qui descendent du petit Atlas et suivent les fractures produites par les soulèvements. Le plus remarquable par son faciès et son étendue est, sans contredit, celui qui s’étend entre les fleuves de Smir et de Neiza , et que les Arabes désignent par le nom de Djebel-Zemzem. C’est un plateau allongé dont les deux extrémités s’abaissent graduellement vers les plaines marécageuses de Rastorf et d’Angera , et dont le couron¬ nement se termine par une ligne à peu près horizontale. LeZem- Soc. géol. , 2e série, tome IV. 76 % 1202 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. zem se détache si hardiment des terrains environnants , que l'on serait tenté de le considérer, à la première inspection, comne un ter¬ rain indépendant de celui de transition, tant ses caractères extérieurs revêtent des formes exceptionnelles. Mais en étudiant avec plus d’attention ses relations avec les autres membres de la formation de transition , on constate sa dépendance avec les schistes argileux qui alternent avec lui. On constate de plus son équivalence avec les couches qui , composées ailleurs d’éléments plus volumineux , passent graduellement aux anagénites. Ce système, ou pour mieux dire ce second étage coupe en écharpe la zone littorale , et se montre depuis la montagne des Singes jusque dans les districts les plus orientaux de la province du Rif, aux Benibojesed et aux Benijousech. On peut aussi en observer une bonne coupe dans le fossé qui sépare la ville de Tétuan du cimetière des juifs. Le troisième étage , dont nous avons à nous occuper en ce mo¬ ment, est presque exclusivement formé de couches calcaires d’un noir très foncé, schistoïdes à leur base, à cause de leur alternance avec des schistes argileux, et plus compactes à leur partie su¬ périeure. La rencontre que j’y ai faite des Orthis , des Ortho- cères , des Encrines et de fragments de Tri lob i tes , attache à leur histoire une grande importance , parce que ces fossiles , parti¬ culiers aux terrains paléozoïques , fournissent un caractère précieux de classification et tracent un horizon bien défini. Ces calcaires acquièrent surtout un développement considérable dans les mon¬ tagnes de Djaritz, sur les flancs orientaux des colonnes d’Hercule, et principalement dans les tribus des Beniouneus et des Benimzala; seulement , dans cette dernière localité, ils dévoilent une ten¬ dance prononcée à devenir saccharoïdes , et sur quelques points même ils sont convertis en cipolins. On se rend de Tétuan à Djaritz par la vallée de Cuitan. Cuitan est une rivière qui prend sa source dans les cimes du petit Atlas occupées par les Beni-Hassan et qui se jette dans la Bousûka , après avoir reçu les eaux de quelques versants tributaires. Lorsqu’on a dépassé les vergers d’orangers , c’est-à-dire que l’on franchit la première pente de l’Atlas , on commence à rencontrer la roche nue et à marcher sur les schistes argileux et les anagénites que nous avons déjà signalés et décrits. En face de Sidi-Ali-Rifi , village arabe dont le marabout s’élève à votre gauche , on observe sur les rives de Cuitan un système de schistes noirs très feuilletés, vraies ampélites oélitables, surmonté de bancs calcaires noirâtres, parfai¬ tement concordants , dont la surface est généralement écrasée par suite d’un principe de décomposition. Il est impossible, à cause 1203 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Zl7 . des escarpements perpendiculaires qui se dressent en cet endroit au- dessus de la rivière et interdisent l’accès de ses bords , de pénétrer plus avant dans cette direction et de suivre par conséquent les cal¬ caires dans tout leur développement ; on est obligé de regagner le sentier de montagne qui est tracé dans les grès rouges supérieurs ; mais les environs du village de Djaritz vous dédommagent ample¬ ment des contrariétés éprouvées à Cuitan. Comme au-dessus du chemin des Moulins les couches placées au-dessous des grès par suite d’un redressement considérable viennent affleurer à la sur¬ face et que les grès se trouvent rejetés en arrière , les calcaires se montrent dans toute leur épaisseur et se laissent étudier avec la plus grande facilité (voyez fîg. 2). Ce sont à la base des couches argileuses grisâtres qui , se chargeant insensiblement de carbonate de chaux, constituent des calschistes à structure rubannée. Ces cal- scliistes sont bientôt remplacés par des calcaires noirs plus com¬ pactes formant des bancs d’une épaisseur variable , et dessinant de distance en distance au-dessus des schistes alternant des saillies parallèles à la direction générale des terrains qui se prolongent et se perdent dans les vallées voisines. La texture de ces calcaires , abstraction faite des portions trop mélangées d’argile , est sub-sac- charoïde et légèrement grenue : leur couleur est presque constam¬ ment d’un noir foncé et rarement grisâtre. Entre la cascade qui se précipite des montagnes néocomiennes que l’on voit se dresser en face de Djaritz et le bouquet d’oliviers où reposent les restes d’un marabout , on observe sur les pentes les plus rapprochées de la rivière des couches qui sont entièrement pétries de fragments de petits polypiers ramuleux et de fragments d’encrines dont la struc¬ ture spath ique dévoile l’origine et dont l’organisation se montre plus distinctement encore sur les surfaces frustes des blocs épars sur le sol. Elles ressemblent d’une manière si complète soit par leur compacité , par leur couleur foncée, soit par la présence des corps marins qu’elles renferment au marbré des Ecaussines connu dans le commerce sous le nom de petit granité , qu’il serait difficile de reconnaître , d’après l’examen des échantillons , le lieu de leur provenance. Outre les enclines , ces calcaires nous ont aussi présenté des Orthocères et des Orth/s empâtées dans la roche et four¬ nissant assez difficilement des exemplaires isolés et d’une conser¬ vation parfaite. Cependant les caractères de ces deux genres sont trop reconnaissables pour qu’on puisse se méprendre sur la valeur de leur détermination ; la position de ces calcaires au- dessus des anagénites et des schistes micacés j ointe à l’existence de fossiles ca¬ ractéristiques du terrain de transition comme ceux que nous avons 1204 séance du 5 juillet 1847. cités , et leur recouvrement par un puissant dépôt de grès et de conglomérats rouges dont la description nous occupera bientôt , et qui , à nos yeux , est l’équivalent du terrain dévonien , suffiraient déjà peut-être pour nous autoriser à les introduire dans les étages siluriens , mais le moindre doute à cet égard doit s’évanouir en présence des débris d’un trilobite que MM. d’Orbigny et Bayle rapportent au genre Bronteas. Des recherches plus minutieuses, entreprises dans les environs de Djaritz , conduiraient , à ne pas en douter, à des résultats du plus haut intérêt sur la distribution géographique des fossiles des terrains anciens. Mais les contrées du Maroc, où les calcaires de transition sont développés , étant placées dans la chaîne monta¬ gneuse même de l'Atlas, il n’est pas toujours permis au géologue de diriger ses pas ainsi qu’il l’entendrait. Pour la localité surtout que je cite, j’ai dû m’estimer heureux d’avoir pu la visiter à deux reprises, grâce à l’énergie que j’ai déployée pour châtier la féro¬ cité de ses habitants. — Nous ne laisserons point la vallée de Cuitan sans mentionner quelques traces d’anthracite que nous avons eu l’occasion de remarquer au milieu de ces mêmes calcaires noirs, entre Djaritz et les derniers moulins de la vallée. Ce combustible constitue çà et là des nids très irréguliers et dépourvus de toute importance industrielle ; mais c’est un trait de ressemblance et de comparaison de plus qu’il est bon de signaler avec les terrains si¬ luriens de la Bretagne , qui fournissent aussi , comme on le sait , de nombreux exemples de dépôts d’anthracites. Les calcaires noirs que nous avons vus fossilifères à Djaritz re¬ paraissent à l’extrémité occidentale de l’Afrique , dans le massif de la montagne des Singes, mais avec des caractères un peu différents, quoique dans une position identique. Le système de cette contrée la plus montagneuse de l’Angera est formé exclusivement par les étages des schistes cristallins , des anagénites et des calcaires silu¬ riens. Ces premiers étages très bien développés dans la pointe d’A¬ frique , au nord de Ceuta , se prolongent sans interruption dans le massif de Beniouneus , se redressent fortement dans la montagne des Singes dont ils constituent les crêtes culminantes et s’abaissent ensuite suivant une charnière anticlinale vers les versants opposés des côtes d’Alcazar, où ils disparaissent sous les dépôts secondaires (voyez fi g. 3). Lorsqu’on laisse à sa gauche la vallée d’Iounai pour remonter celle de Mzala , on voit superposées aux micaschistes et aux schistes argileux des masses puissantes de cipolins grisâtres à surface raboteuse et rubannée, dont les éléments plus consistants, résistant mieux que les roches concomitantes aux injures dutemps, SÉANCE 1)11 5 JUILLET 18/|7. 1205 dessinent des saillies rocheuses que les éboulements ont façonnées en amphithéâtres et taillées en forme de grandes murailles écrou¬ lées. Avec les cipolins alternent des schistes argileux ardoisiers, verdâtres ou noirâtres , trgs fins et satinés, que les eaux imbibent avec la plus grande facilité et au milieu desquels elles creusent des fondrières infranchissables. C’est sur la plate-forme qui s’é¬ tend au-dessus du talus formé par ces schistes et dans une position que la nature a admirablement fortifiée , que sont bâties les cabanes éparpillées de la tribu des Benimzala. En suivant le sentier de montagne qui relie le village arabe à des constructions portu¬ gaises ruinées , dans le voisinage d’une mine d’antimoine , on tra¬ verse le système des calcaires noirs dont le maximum de puissance s’observe principalement au N.-E. de Benimzala et se continue sans interruption jusqu’au-dessus du fort Marocain , dans la vallée de Kénatorr. La couleur de ce calcaire est plus foncée que dans son équivalent de la vallée de Cuitan , mais sa cassure présente un grain moins saccharo'icle : il est de plus traversé par de nombreuses veines spathiques pénétrées d’oxycle de fer. Il m’a été impossible d’y dé¬ couvrir la moindre trace de fossiles : du moins je n’ai pas osé con¬ sidérer comme tels quelques points miroitants que l’on pourrait à toute rigueur rapporter à des fragments d’encrines. C’est également dans le terrain de transition qu’on exploite dans les environs de Bouzareah et à la pointe Pescacle, dans l’Afrique française, comme pierre à chaux et pierre de construction des couches calcaires subordonnées à des micaschistes ; mais, d’après M. Burat,ellesy sont dans un état tellement cristallin qu’on n’y a jamais aperçu la moindre trace de fossiles. Les calcaires de Benimzala à leur tour, quoique moins métamorphiques que les calcaires de l’Algérie , passent à un cipolin et établiraient ainsi une espèce de passage entre les couches franchement fossilifères des environs de Djaritz et les marbres saccliaroïdes de Bouzareah. Si la présence des Orthocères , des Orthis et des Trilobites permet de considérer le troisième étage du terrain de transition comme le représentant des couches siluriennes du continent européen, la classification de l’étage supérieur, entièrement composé de grès et de conglomérats rouges, se déduit naturellement du fait même de la superposition. Bien qu’aucun fossile ne puisse nous servir de guide dans cette appréciation , nous n’y rencontrons pas moins l’é¬ quivalent du terrain dévonien , Y O/d red sandstone des Anglais. Cet étage est très bien représenté dans la province de Tétuan, et forme au-dessous des montagnes calcaires du petit Atlas une large bande qui des montagnes de l’Angera se prolonge jusque dans la 1206 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. province du Rif. Il est d’autant plus reconnaissable qu’il tranche par sa couleur rouge-amarante sur le ton généralement pâle des terrains environnants ; on peut en observer de bonnes coupes sous les remparts de Tétuan , et notamment sur les sentiers qui conduisent à Angera ; mais pour se rendre compte des rapports intimes qui existent entre ces grès rouges et les autres termes du terrain de transition , il est utile d’étudier la coupc naturelle que présente la rivière d’Oirguan , à l’E. de Tétuan , et dans cette dé¬ chirure du petit Atlas qui livre passage aux eaux de la Bousfika En se rendant par cette vallée à la tribu des Benisalah , on tra¬ verse successivement les étages des grainvackes et des calcaires noirs que couronnent , au-dessous du village, des couches d'un schiste argileux grisâtre , très fin. Ce schiste alterne à sa partie su¬ périeure avec des marnes et des grès micacés rouges, lesquels, après quelques oscillations, passent successivement à un grès plus grossier, puis à des conglomérats à éléments polygéniques très puissants , et dont le nombre et le volume des matériaux dont ils sont composés dévoilent l’intensité des courants pendant la période de leur formation. Le passage des schistes siluriens aux grès dé¬ voniens et leur parfaite concordance de stratification se soutiennent dans toutes les localités où il devient possible de remarquer leurs points de contact. Le territoire de Benisalah se prête d’autant plus favorablement à cette vérification que les pentes supérieures de la vallée d’Oirguan sont découpées dans toutes les directions par des ravines et des fondrières profondes, dans lesquelles les superpositions se montrent avec toute la netteté désirable. De Benisalah à Djaritz , il existe un sentier qui suit tous les plis du terrain , qui vous fait recouper en écharpe la série des couches dont se compose l’étage dévonien et vous permet en même temps de saisir leurs rapports avec les étages inférieurs et le calcaire néo- comien. Cette étude est facilitée par la dénudation et la stérilité des grès, qui se recouvrent difficilement de végétation. Des grès , des argiles micacées et des conglomérats quartzeux rouges , telles sont les roches qui forment la charpente du terrain dévonien. Cette simplicité de composition nous dispensera d’en¬ trer dans des détails plus étendus sur leur nature minéralogique. Nous nous bornerons à ajouter que leur coloration, qui consti¬ tue un de leurs traits les plus saillants , nous paraît devoir être at¬ tribué. à l’apparition , à cette époque , de sources ferrugineuses dont les principes auront imprégné les eaux dévoniennes , de la même manière que, plus tard, certains grès tertiaires du midi de la France ont été agglutinés par des fers hématites dont l'origine . SÉANCE DU 5 JUTLLET 1847. 1207 par le procédé que nous signalons, ne saurait être contestée. La puissance moyenne que nous attribuons à l'ensemble des étages du terrain de transition se traduit, approximativement du moins , par les chiffres suivants : Étage des schistes cristallins . 350m — des grauwackes . 200 — des calcaires siluriens . 120 — des grès dévoniens . 200 Épaisseur totale. . . 870m Les couches dont nous venons d’esquisser les caractères de com¬ position , ainsi que leur ordre de succession, obéissent à une di¬ rection dominante qui est presque exactement N. -S., ainsi qu’on s’en convaincra par les indications ci-dessous transcrites, et que nous avons relevées avec le plus grand soin. Comme malheureuse¬ ment le littoral marocain est presque totalement désert et que les portions du territoire occupées sont toutes désignées par le nom gé¬ nérique de la tribu qui les habite, il n’est pas toujours aisé de bien préciser les points où les observations ont été recueillies; cepen¬ dant je me suis attaché à choisir autant que possible ceux qu’un accident particulier pourrait faire retrouver par les géologues qui seraient appelés à visiter les contrées que j’ai parcourues. Grauwacke fine , avec indices de galène , au-dessous de Benisa- lah , N. S. Grès rouge dévonien supportant les calcaires néocomiens, au- dessus de Benisalah , N. S. Grès rouge dévonien entre Sidi-Ali-Riffi et les moulins supérieurs de Cuitan, au dessus de la rivière , N. S. Grès rouge dévonien , à la mine de cuivre de Cuitan ( berge gauche J , IN. S. Grès rouge à Ouadasken, à 10. de Benisalah, N. S. Calcaire à Encl ines et à Ortbocères de Djaritz , entre sa cascade et le marabout, N. S. Micaschistes dans la vallée de Kénatorr, voisinage de la mine d’antimoine, N. S. Pliyllades entre les fleuves Smir et Vetza sur la côte, N. S. Anagénites sous le cimetière des juifs, près de Tétuan, N. S. Schistes et calcaires noirs dans le voisinage de la mine d’anti¬ moine de Benimzala , JN. 3° O., S. 3° E. Grès rouge à Ouedsegera , tribu de Kellallinn , N. 6° O., S. 6° E. Conglomérats rouges entre Cuitan et Djaritz , N. 8° O., S. 8°E. 4208 séaisue Dl 5 JUILLET 18A7. Micaschistes de Rastorf, à la Vigie, N. 3° E., S. 3° O. Grauwacke dans l’Oirguan , N. 5Ü E., S. 5Ü O. Schistes ardoisiers au-dessous de Benimzala, N. 7° E., S. 7° E. Schiste argileux de Djebel-Mousa (colonne d’ Hercule), N. 3" O., S. 3° E. Grauwacke d’Angera, N. 8° O., S. 8° E. Quartzites de Djebel-Zemzem , N. 13° O., S. 13° E. Les deux dernières indications sont celles qui présentent les angles de plus grand écartement ; mais on voit que les variations extrêmes ne s’éloignent pas sensiblement de la direction domi¬ nante; que la moyenne des indications précitées trace ]\T. 1° 3' O., S. 1° 3' E. J’aurais pu insérer un plus grand nombre de citations, mais comme elles oscillent entre les limites de 13° à l'G. et de 8° à l'E. de la direction N. S. , je me suis dispensé d’en surcharger mon travail, car elle n’aurait exercé qu’uue influence insignifiante sur les résultats obtenus. Le redressement du terrain de transition du Maroc est lié par conséquent à la catastrophe qui a disloqué le nord de l’Angleterre et dont les effets se sont propagés jusque dans le département du Var, ainsi que dans les îles de la Corse et de la Sardaigne. 11 est juste de dire cpie l’absence du terrain liouiller dans l’Afrique septentrionale enlève à cette déduction , tirée seulement de la di¬ rection des couches, ce cachet irrécusable de vérité que présentent les contrées où le terrain carbonifère est développé. Ce caractère cependant offre assez d’éléments rigoureux d’appréciation pour justifier notre opinion , surtout quand on réfléchit que les grès houillers constituent pour ainsi dire une formation exceptionnelle, et que les dislocations cpie le globe a éprouvées après leur dépôt a dû affecter plus spécialement les terrains de transition , dont une portion presque insignifiante était seule recouverte à l’époque du troisième soulèvement. Quoi qu’il en soit, la première zone , que nous avons nommée la zone littorale, était émergée au moment où le terrain jurassique est venu s’appuyer transgressivement sur elle ; car le massif de Djebel-Mousa forme non seulement un promon¬ toire naturel à l’extrémité de l’Afrique, mais aussi, par rapport aux formations secondaires , un promontoire géologique qu elles n’ont jamais pu franchir et qui limite, au N. -O. d’Angera, les points que la mer sous laquelle elles se déposaient a atteints. M. Sedgwick a rattaché le soulèvement du nord de l’Angle¬ terre à l’apparition des toadstone et des windstone , dont les dykes ont pénétré dans les bassins houillers du Cumberland et du Derby sbire. SÉANCE DU 5 JUILLET lb/|7. 1209 Nous avons eu le bonheur aussi de découvrir dans les grès dé¬ voniens de la province de Tétuan des dépôts de spilite qui, avec la concordance de direction , constituent un nouveau point de rapprochement du plus haut intérêt. Le seul gisement que nous ayons eu l’occasion d’étudier se trouve dans la vallée de Cuitan , sur les escarpements d’une gorge que l’on nomme Darh-Marroht, et qui débouche sur le chemin de jonction entre les deux tribus de Djaritz et de Sidi-Ali-Riffi. Les premières indications me furent fournies par des Arabes de la contrée , qui , considérant ces roches, ordinairement ferrugineuses à la surface, comme des mi¬ nerais dont ils espéraient tirer un parti avantageux , consentirent à me guider sur les lieux de leur provenance. Le vallon étranglé de Darh-Marroht est entièrement creusé dans les grès dévoniens ; cependant les montagnes qui le dominent presque immédiatement vers le N. -O. appartiennent à l’étage des grauwackes et des schistes argileux. Après avoir remonté une demi-heure à peu près le lit du torrent , on commence à rencontrer quelques fragments de spilite , dont les traînées , de plus en plus abondantes , mènent sur les points même dont ils ont été détachés. Les dépôts de cette roche pyrogène consistent en plusieurs dykes parallèles qui surgissent de distance en distance au-dessus des grès rouges, et s’alignent sui¬ vant la direction S.-E. N. -O., en recoupant ceux-ci sous un angle de A5° environ. Le plus puissant de ces dykes ne dépasse pas la mesure de 7 mètres. 11 est plus facile de se rendre compte sur place de la manière d’être de ces singulières roches désignées sous le nom de trapp , de spilite , cl’ amfgdaloïde , cpie de définir bien exactement leur composition minéralogique. Les spilites de Cuitan , comme leurs analogues de l’Ecosse , du Var et d’Oberstein , sont le plus com¬ munément des roches à structure terreuse ou finement cristalline , à odeur argileuse , de couleur grisâtre ou vert-bouteille , mais pas¬ sant au brun ocracé par un commencement d’altération et renfer¬ mant des noyaux de diverse nature , parmi lesquels dominent le carbonate de chaux, le quartz et la calcédoine. Il existe aussi, as¬ socié à ces substances , un minéral particulier à clivage rliomboïdal miroitant , composé de lamelles très minces et offrant , sinon la forme et la composition , du moins une partie des caractères exté¬ rieurs des micas. Lorsque les vacuoles sont vides, leur surface in¬ terne se revêt d’une pellicule verdâtre dont la ressemblance avec la terre de Vérone est grande. Ces spilites jouissent aussi, par suite des fêlures produites par le retrait, de la propriété de se débiter en fragments polyédriques qui, sous le moindre choc, se décomposent 1210 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. en nouveaux polyèdres plus petits, ce qui permet rarement d ob¬ tenir une cassure fraîche. La gorge de Darh-Marrolit n’est point la seule localité où soient représentées les spilites. Mais il m’a été impossible de visiter les autres régions des montagnes du Cuitan , dont des Arabes m’avaient montré des échantillons; le prix exagéré qu’ils exigeaient pour me livrer le secret de leur gisement m’a dû faire renoncer au désir que j’avais de les étudier. Toutefois , en réfléchissant que je ne devais qu’à des promesses, accompagnées de la menace de les faire bâtonner par l’autorité , l’avantage d’avoir été conduit sur les spi¬ lites de Cuitan , je pensai que l’examen des autres points ajouterait peu aux notions que je possédais déjà et qu’il suffirait d’indiquer le groupe montagneux qui les renfermait pour qu’on piit en dé¬ duire les conséquences naturelles. L’intérêt qui s’attache aux montagnes du Cuitan , dont l’ensem¬ ble nous a déjà offert un faisceau de faits si importants, s’accroît encore par l’abondance de leurs gîtes métallifères et par la con¬ nexion que ces gîtes ont avec les roches éruptives que nous ve¬ nons de signaler. Ils consistent en général en des filons-fentes en¬ clavés au milieu des grauwackes et plus abondamment dans les grès dévoniens. Le plus important d’entre eux n’est distant des spilites que de 11 à 1,200 mètres , et , comme elles, il se dirige exactement S.-E. N. -O. , tandis que les grès encaissants courent N. -S. plein. Les gangues se composent d’un quartz calcédonien très tenace, de baryte sulfatée laminaire et de fer spathique , dont des géodes ren¬ ferment des rhomboèdres parfaits. Elles accompagnent le cuivre pyriteux et quelques mouches de galène argentifère. Le toit et le mur présentent ces plaques polies et striées que les mineurs désignent par le nom de miroirs ; les stries sont parallèles et se dirigent E.-O. en faisant un angle de 55° avec la direction du filon , et elles se sont imprimées autant sur les grès que sur les conglomérats quartzeux : or, le burinage de roches aussi dures suppose un frot¬ tement dont nous pouvons nous former difficilement une idée. A l’ouest de Darh-Marroht il existe aussi un filon de cuivre moins important que celui de Cuitan , sous le point de vue indus¬ triel , mais qui lui ressemble par sa direction et par ses caractères minéralogiques. Dans le prolongement des montagnes de Cuitan, sur le territoire de la tribu de Benisalah , j’ai eu occasion d’exami¬ ner plusieurs indices de filons de plomb argentifère et de fahlers dont la position et le voisinage semblent les rattacher également à l’apparition des porphyres pyroxéniques , et il en est ainsi des gîtes métallifères de Kellallinn, dans la vallée de la Bousfika, et de beau- 1211 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. coup d’autres qui s’éparpillent dans les contrées environnantes et qui aboutissent à un centre commun d’émission qui est aussi ce¬ lui des spilites. J’ai profité de mon séjour en Espagne pour comparer les terrains du littoral avec ceux qui leur sont opposés sur le continent afri¬ cain. Les environs de iVJalaga , d’ Alméria m’ont offert des points de ressemblance bien frappants, et les gîtes métallifères que l’on ex¬ ploite sur les cotes de l’Andalousie sont à leur tour en connexion avec de nombreux épanchements de diorite et de spilite. Comme les formations secondaires qui succèdent aux terrains de transition clans le Maroc sont totalement privées de roches ignées et de filons, il serait prématuré de vouloir préciser l’époque géologique à la¬ quelle les spilites sont arrivées au jour. Mais n’est-il point déjà in¬ téressant pour la science que l’on soit enfin parvenu à découvrir dans une contrée si énergiquement accidentée et où les filons sont si abondants les produits plutoniques dans lesquels il est permis de deviner la cause de leur remplissage, et en même temps la cause soulevante de la chaîne , surtout quand on considère que de pareils produits n’ont point encore été signalés dans la composition de l’Algérie beaucoup mieux connue? Cette découverte inattendue, et qui en promet de plus importantes lorsque ces régions barbares seront explorées avec plus de soin , détruit ces lois d’exception cpie l’on serait tenté de proclamer d’après une inspection imparfaite , de l’absence complète des roches ignées dans une surface aussi dé¬ veloppée que celle de l’Afrique septentrionale. 11 m’a été rapporté des environs de Maroc par le Maure Abouderba, qui habite en ce moment Tétuan, des échantillons de granités et de porphyre rouge recueillis dans le lit d’une rivière qui descend du grand Atlas, et qui certainement se retrouvent en place dans cette chaîne ; il ne faut , par conséquent , cjue des occasions favorables pour nous mettre en possession de faits plus complets sur la composition de l’Afrique , et nous y montrer la reproduction de ces grands traits géologiques dont la physionomie a été saisie si heureusement en Europe. Outre les spilites , la zone littorale renferme encore dans la presqu’île 'de Ceuta un dépôt de serpentine enclavé dans les mica¬ schistes , et qui pousse des ramifications que l’on a recoupées dans un puits de recherches ouvert sur le bord de la mer, entre la ville et la citadelle. Ce que cette ramification offre de vraiment remarquable, c’est quelle est pénétrée de cuivre pyriteux , dont 1 abondance paraît augmenter en raison de la profondeur. Si cette fécondation progressive se vérifiait , elle fournirait un nouvel argu- 1212 SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8 Z| 7 . ment en faveur de la richesse métallifère de la serpentine , qui est en Toscane le siège par excellence des minerais de cuivre , et donne lieu à des exploitations de la plus haute importance. La ser¬ pentine constitue à la pointe de X Altnina un dépôt assez puissant, que la mer bat en brèche et qui se présente sous forme d’une vaste calotte sphérique. Les variétés que l’on y remarque tiennent plutôt à des accidents de texture qu’à la combinaison de plusieurs substances minérales; elles consistent en des serpentines brunes, unies, fouettées de veines jaunâtres , sèches au toucher, et en des serpentines onctueuses passant à la stéatite. On peut dire qu’elles sont surtout caractérisées par l’absence du diallage : du moins je n’ai remarqué ce minéral que dans un fragment qu’on avait retiré d’une galerie d’allongement et qui provenait de la ramification déjà indiquée. On a ouvert dans cette roche une carrière d’où on a extrait quelques pierres d’ornement pour la décoration des églises et les façades des édifices publics. Les cailloux que la mer use sur les côtes sont employés au pavage des rues , et comme ils sont associés à des cailloux de pegmatite d’une blancheur irrépro¬ chable, on a profité de ce contraste de couleur pour confectionner sur les places et dans les rues principales des mosaïques d’un nou¬ veau genre , avec lesquelles on a représenté des vases et des fleurs grossièrement dessinées. On ne saurait mieux comparer les serpen¬ tines de Ceuta qu’à celles du département du Var, qui reposent également au milieu des schistes cristallins, sans qu’il soit possible d’être renseigné d'une manière satisfaisante sur leur histoire et surtout sur l’époque de leur apparition. Toutefois leur voisinage, à Ceuta , d’une mine de cuivre et de mispikel sur laquelle on a entrepris quelques travaux , est une circonstance intéressante à relever et qui dévoile l’influence que les porphyres magnésiens ont dû exercer dans le remplissage des fentes. La rencontre inattendue que l’on a faite d’un dyke serpentineux cuprifère au contact du gîte arsénifère serait de nature à changer complètement les éléments jusqu’ici précaires de l’exploitation primitive , si les exploitants attachent à ce fait l’importance qu’il paraît mériter. Doit-on attacher à ces roches éruptives les nombreux filons cl’an- timoine cpie les schistes cristallins et les étages supérieurs du ter¬ rain de transition renferment dans leur voisinage , ou bien leur présence se lie-t-elle à une cause plus générale? Il serait téméraire de vouloir résoudre ces hautes questions théoriques d’après le petit nombre de documents que j’ai pu recueillir, bien que j’aie cherché à en rassembler le plus possible. Tour que les conclusions auxquelles on serait amené eussent une valeur scientifique , il eût SÉANCE DU 5 J UfLLET 18/|7. 1213 fallu visiter en détail les districts métallifères du Rif, lesquels, si on ajoute foi à tout ce que m’en ont raconté les Rifains qui fré¬ quentent les marchés deTétuan, renfermeraient des mines si nombreuses et si productives de cuivre, de plomb et de fer, que des tribus entières, et surtout celles des Benijousech , seraient exclusi¬ vement abandonnées à leur exploitation et au traitement des mi¬ nerais extraits. Ce qu’il y a de positif, c’est que les Arabes du Rif fabriquent du fer excellent, et qu’ils exportent des alquifous et des pains de cuivre et de plomb qu’ils obtiennent sans doute par des procédés routiniers. A défaut donc de renseignements plus com¬ plets et d’observations générales dont l’expression pourrait con¬ duire à une formule rationnelle , nous nous contenterons d’exposer avec réserve notre opinion ; mais en prenant en considération la présence du cuivre dans les serpentines de Ceuta, et en nous lais¬ sant guider par les lois de l’analogie , il nous semble qu’on peut raisonnablement leur attribuer en Afrique le même rôle quelles ont exercé dans les contrées où l’on a constaté leurs relations di¬ rectes avec des centres métallifères , et voir dans l’apparition des unes et le remplissage des autres des phénomènes connexes. Quoi qu’il en soit, les gîtes les plus importants d’antimoine sont ceux de Benimzala et de Kénatorr : ils reposent l’un et l’autre dans le calcaire silurien , et ils ne diffèrent guère que par leur puis¬ sance et l’abondance relative de leur gangue quartzeuse. Le filon de Benimzala a pénétré dans les premiers contre-forts de la vallée île la Mzala et se présente avec une épaisseur de 55 centimètres environ. Le minerai et le quartz , comme si une espèce de répul¬ sion s’était manifestée au moment de leur cristallisation , forment deux bandes juxtaposées , mais réellement tranchées. Ce rubané* ment paraît exister d’une manière constante , car il se reproduit dans deux points d’attaque fouillés par les Portugais à l’époque de leur occupation de Ceuta et de ses environs. La direction du filon est N. -S. inclinant à l'E., tandis que les calcaires encaissants cou¬ rent N. 3° O. , S. 3° E. L’antimoine sulfuré y est d’une compacité remarquable , et ce n’est guère que vers le plan de contact avec la gangue qu’il se trouve mélangé de quartz. Les affleurements que l’on remarque dans la vallée Kénatorr, au N. O. du premier filon dont ils sont distants de trois kilomètres à peu près, s’annoncent par masses de quartz blanchâtres amorphes, de la puissance de deux mètres au moins et, pénétrées de sulfure d’antimoine grenu. Ces masses se reproduisent des deux côtés de la vallée et au même niveau , mais elles plongent chacune dans un sens opposé. Cette disposition est celle même de la vallée qui 1214 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. est une vallée cT écartement , dont la rivière peut être considérée comme l’axe. Leur direction diffère sensiblement de celle du filon de Bénimzala; elle est S. -O., N.-E. ; cependant la ressemblance frappante des minerais et de la gangue dans l’un et dans l’autre gisement ne permettent guère de classer tous les filons antimoni- fèresque dans une seule et même catégorie. J’ai pu me convaincre par des échantillons que l’on m’avait rapportés, que le massif de Beniouneus renfermait d’autres dépôts d’antimoine ; mais n’ayant pas eu la faculté de les étudier, je ne les citerai ici que pour mé¬ moire. Avant de terminer ce cpie j'avais à dire sur le terrain de transi¬ tion , je ferai remarquer cjue la concentration des filons dans la province de Tétuan constitue deux groupes bien distincts , dont l’un circonscrit le gisement des serpentines et l’autre le gisement des spilites. Le premier comprend les minerais d’antimoine , le second les minerais de cuivre ; nous ne pousserons pas au-delà de ces rapprochements les déductions que nous serions peut-être en droit d’en tirer, afin de faire accepter nos idées avec moins de dé¬ fiance. Nous ne sachions point que le terrain de transition représenté dans tous les étages ait jamais été signalé en Afrique. L’Algérie n’a montré jusqu’ici que des schistes cristallins et des grauwackes. La présence , par conséquent , des calcaires à orthocères et des grès dévoniens donne au Tétuanais une importance incontestable et permet de transporter au-dehors du continent européen la li¬ mite des mers paléozoïques , dont les dépôts les plus rapprochés de l Afrique ne dépassaient pas le méridien de la Sardaigne et la chaîne des Pyrénées. Il y a plus : la description des terrains de transition de l’Angleterre offre avec ceux du Maroc un si grand nombre de faits identiques , que leur comparaison mutuelle seule met en lumière l’imité de plan qui a présidé à leur formation. Si ensuite aux caractères tirés de la superposition et de l’examen des fossiles on joint les données fournies par le parallélisme des direc¬ tions , par le remplissage des filons et par l’analogie des roches éruptives dans les deux régions , on sera amené naturellement à reconnaître dans les traits généraux de leur physionomie le ca¬ chet irrécusable d’une origine commune et à proclamer leur con¬ temporanéité. Chapitre troisième. — Terrain jurassique . Si dans le nord de l’Europe et principalement en Angleterre et SÉANCE DU 5 JUILLET 3 847. 1215 dans la France septentrionale la conservation des fossiles et leur rigoureuse distribution dans le sein des couches ont permis de diviser cette formation en plusieurs étages distincts, cette facilité de classification ne s’est point maintenue avec autant de netteté pour les terrains jurassiques du midi et du sud de la France, où les divisions générales se soutiennent assez bien jusqu’à l’oxford- clay, sans qu’il soit possible de distinguer dans les calcaires ru¬ banés qui recouvrent cet étage les subdivisions que l’on a établies dans les parties supérieures. Cependant les fossiles caractéristiques de l’argile oxfordienne tracent jusqu’à cette limite un horizon bien défini et forcent d'admettre pour les couches calcaires superposées un équivalent avec le coral-rag et le portlandien ; mais ce carac¬ tère s’affaiblit en Italie à un point que pendant longtemps on a nié l’existence du terrain jurassique, ou du moins on limitait son représentant à un coin du golfe de la Spezia , où la rencontre d’ammonites et de bélemnites avait obligé les géologues italiens d’arracher ce lambeau au terrain crétacé dont on supposait la pé¬ ninsule exclusivement formée. Les observations ultérieures ont détruit cet état de choses et les écrits récents de divers auteurs et les miens ont démontré que les formations calcaires que l’on re¬ marque au-dessous du macigno et de l’albérèse appartiennent en général au terrain jurassique. 11 existe encore quelque diver¬ gence , il est vrai , dans les opinions des auteurs relativement au classement des étages qu’ils ont reconnus et décrits , mais cette divergence tient principalement à la rareté des fossiles et au mau¬ vais emploi qu’on a su en faire. On a préféré alors recourir aux caractères minéralogiques qui malheureusement n’ont pas l’avan¬ tage comme les fossiles de fournir un élément fixe de classification. C’est ainsi que les calcaires rouges ammonitifères eux-mêmes , malgré le secours précieux qu’ils ont fourni pour la description de plusieurs localités , ont prêté à la confusion pour d’autres : et la raison en est facile à saisir. M. de bucli a fait remarquer que dans le nord de l’Italie , et l’on peut y ajouter l’Italie centrale , la cou¬ leur rouge caractérise la formation jurassique tout entière comme la couleur noire caractérise celle des Alpes et du midi de la France. Les auteurs qui ont écrit sur les terrains de la Péninsule , trompés par les caractères minéralogiques qu’ils ont employés exclusive¬ ment sans tenir compte des fossiles, ont confondu le plus souvent plusieurs étages distincts ou établi des divisions dont la détermina¬ tion rigoureuse des débris organiques a démontré le peu d’exac¬ titude : d’où les incohérences et les rétractations nombreuses que l’on remarque dans les écrits de savants très estimables d’ailleurs ? 1 210 SÉANCE DU 5 JUILLET 18 47. mais que les observations ultérieures ont fait disparaître en grande partie (1). Si des contrées explorées par des géologues habiles n’ont pu être encore classées d’une manière uniforme , il faudra moins s’étonner que sur une surface si étendue que le continent africain , sur le¬ quel abordent si rarement des géologues, il ne soit pas toujours possible de recueillir un assez grand nombre de documents pour apprécier toutes les circonstances qui se réfèrent à la composition ou à la position d’un terrain. Or cette difficulté se présente dans le Maroc pour la description du terrain jurassique que je n’ai eu la fortune de rencontrer que dans les environs de Tétuan, soit que le hasard ne m’ait pas conduit sur d’autres gisements, soit qu’en réalité la formation qui nous occupe soit très peu développée dans le Maroc , opinion vers laquelle je pencherais de préférence ; car j’ai eu l’occasion de parcourir assez fréquemment dans tous les sens les grands centres calcaires depuis le Rif jusqu’aux colonnes d’Hercule pour penser que j’eusse rencontré plus d’un lambeau jurassique , si le jurassique eut formé presque constamment le piédestal des montagnes néocomiennes comme on l’observe dans les Pyrénées et dans la Provence. Cependant l’indépendance des calcaires néocomiens et la constance de leurs caractères minéralo¬ giques fournissent, ainsi que nous le verrons plus tard, deux moyens faciles de les distinguer des autres formations géologiques. (1) M. Pilla qui, dans un travail précédent ( Saggio soprà i ter - reni che compongono il suo/o cle.W Italia), avait placé les calcaires rouges dans la partie supérieure de la formation jurassique , vient d’en faire la base de cette même formation dans un mémoire publié récem¬ ment. Cette concession, déjà très importante et que la position bien connue de la majolica rendait indispensable, est cependant insuffi¬ sante. M. Pilla, en n’accordant pas à la détermination et à la distri¬ bution des fossiles au sein des couches la valeur qu’elles ont en Italie comme ailleurs, et en considérant ces calcaires rouges comme une seule et même chose, confond deux étages distincts , un étage évidem¬ ment basique, caractérisé par les Ammonites fValcotii , heterophyl - lus, etc., et un étage jurassique moyen , caractérisé par Y Ammonites tatricus et la Terebratula diphya. Ces divers fossiles se trouvent bien à la vérité dans une même coupe, mais jamais dans une même couche ; toutefois il est juste de remarquer que les modifications que les savants italiens font subir à leurs idées, sont constamment amenées par les progrès de la paléontologie, et qu’à mesure que cette branche si im¬ portante de la géologie est mieux étudiée , les opinions de l’école fran¬ çaise finissent par triompher des hésitations qui se manifestent encore chez quelques auteurs SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8 /| 7 . 1217 En effet , depuis Ceuta jusque dans le Rif , c’est-à-dire jusque dans la province d’Oran , on les voit reposer indifféremment au-dessus de tous les termes du terrain île transition que nous avons déjà décrit; mais dans le district d’Angera se développe un système calcaire d’une épaisseur considérable , qui constitue non seulement la base de la seconde zone, mais encore jusqu’à la vallée de la Bousfika, au S.-E. de Tétuan , les montagnes indépendantes de Djebel-Dersah, sur les revers occidentaux des Beni-Hassan , des Ouadras et des Benidères , montagnes qui s’abaissent dans la di¬ rection de Fez et disparaissent sur la route de Tanger sous le ter¬ rain à fucoùlcs . Néanmoins quelques îlots, pointant de distance en distance sur divers points qui n’ont pas été découverts , tendent à démontrer que dans l’intérieur du Maroc et en dehors de la chaîne principale , elles sont la base sur laquelle se sont appuyées les for¬ mations plus récentes. En se laissant guider par les caractères minéralogiques, qui va¬ rient suivant l’ordre de superposition , le terrain jurassique se di¬ vise en quatre étages distincts qui sont, en partant de bas en haut, 1° l’étage marneux , 2° l’étage des dolomies, 3° l’étage des calcaires gris , à odeur de pétrole , U° enfin l’étage des calcaires lithographiques avec silex pyromaques (voyez fg. 6). Nous en examinerons successivement la composition. Du cimetière des juifs, au N. de Tétuan, jusqu’au fleuve Smir, qui sépare le Djebel-Dersah de l’Angera et le terrain jurassique des calcaires néocomiens , on remarque , reposant au-dessus des phyllades ou des grès rouges, qui appartiennent au terrain de transition , un ensemble de marnes et d’argiles rougeâtres , gris⬠tres et verdâtres , alternant avec quelques couches de dolomies minces et contournées. Les dolomies prennent , à mesure qu’on s’élève, un développement progressif, et elles finissent bientôt par s’affranchir des argiles bariolées que l’on voit constamment confinées à la partie inférieure du terrain jurassique. Comme le versant oriental de la chaîne littorale , et principalement la se¬ conde zone, est occupé vers son axe culminant par des pentes roides et escarpées , on a profité de la facilité avec laquelle les ar¬ giles se désagrègent pour y tracer les sentiers qui mettent en com¬ munication les tribus de cette partie du Maroc avec Tétuan , et , d’un autre côté , comme le passage continuel des hommes et des chevaux les creuse profondément , ces sentiers se convertissent à la longue en des torrents dont les escarpements montrent la suc¬ cession des couches qui les composent. Leur épaisseur ne dépasse pas une douzaine de mètres; aussi représentent-elles plutôt un Soc., y col , 2e série, tome IV. 77 1218 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. commencement de formation établie aux dépens de la surface ba¬ layée d’un terrain plus ancien qu’un véritable étage , et cette pré¬ somption est confirmée par la première des dolomies que l’on voit pénétrer au milieu d’elles , particularité qui , jointe à quelques lits de gypse séléniteux que l’on observe çà et là, donne à l’en¬ semble l’apparence des marnes irisées de l’Europe. Aux argiles bariolées succèdent les dolomies , système dont la puissance dépasse une centaine de mètres, et qui est composé en général de couches épaisses , que l’on reconnaît même de loin à leur surface rugueuse , déchiquetée , et entièrement dépourvue de végétation , si l’on excepte toutefois les bouquets de cactus opuntia , que l’on conserve dans l’espace laissé libre entre le mur d’enceinte de la ville de Tétuan et les habitations. Leur couleur, ordinairement foncée, varie du grisâtre au blanchâtre ; leur grain, serré et finement saccharoïde, présente ce miroitement particulier aux dolomies; elles alternent à leur partie inférieure avec des cal¬ caires noirs, fouettés de veines blanches, et à divers niveaux avec des marnes grisâtres très schisteuses, sans offrir d’autre particula¬ rité saillante. Des calcaires brunâtres, à cassures esquilleuses et compactes, constituent le troisième étage. Leur stratification est plus distincte que dans les dolomies, et au-dessous même de Tétuan on les voit s’élever sous forme de bancs gigantesques. Cette différence d’as¬ pect, qui à elle seule distingue les calcaires magnésiens de ceux qui ne le sont pas, tient à la propriété que possèdent ceux-ci de s’égrener au contact de l’air et de montrer des surfaces bosselées et inégales , tandis que les autres , dont la structure est plus serrée , résistent davantage aux injures atmosphériques et prennent un relief plus régulier : ce sont ces calcaires que l’on foule le plus communément entre Tétuan et Angera , parce que le sentier de montagne taille en écharpe les flancs de Djebel-Dersah , et qu’il est tracé à peu près dans le sens de la direction des couches ; on est alors dominé par les calcaires à silex, tandis qu’on a au-dessous tle soi les dolomies et les marnes bariolées. Cet étage admet rare¬ ment des couches subordonnées de schistes ou de marnes; seule¬ ment, par place, on remarque quelques bancs marneux à cassure terne et à structure feuilletée , lesquels sont traversés dans tous les sens par des fêlures où s’est infiltrée une substance noire bitumi¬ neuse qui possède les caractères du pétrole. Ces fissures sont rare¬ ment bâillantes; on dirait qu elles ont été produites à la manière de ces gerçures qu’engendre dans certaines roches leur exposition à la chaleur d’un fourneau, et qu’on appelle alors roches éton- 1219 SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8/|7 . nées. Exposés a un leu modéré, les calcaires se dépouillent de leur principe colorant, et fournissent la plus grande partie des matériaux avec lescpiels on fabrique la chaux , dont les Arabes font une consommation si considérable. Les dolomies exhalent aussi par le frottement ou par la percussion une odeur si pronon¬ cée de pétrole, que le Maure qui m’accompagnait ne doutait pas que par le temps la montagne entière ne finît par se convertir en charbon de pierre. C’est une odeur à peu près analogue que donnent les calcaires lacustres tertiaires. L’épaisseur de cet étage peut être évalué à 200 mètres environ. Les descriptions que nous possédons sur la fameuse majolica de l’Italie s’appliquent avec tant de vérité aux calcaires qui couron¬ nent le terrain jurassique de l’empire du Maroc, que nous pour¬ rions à toute rigueur nous dispenser de nous étendre ici sur leurs caractères minéralogiques. Ce sont les mêmes calcaires jaunâtres , verdâtres et grisâtres, à cassure lithographique , alternant de dis¬ tance en distance avec des lits d’un schiste argileux olivâtre qui se délite, mais sans se déliter en petites baguettes perpendiculaires au sens des couches , et constituant , en un mot, les gales tri de même nature que l’on rencontre dans le jurassique italien. La ressemblance est complétée par la présence de nodules et de plaques interrompues de silex blond engagés au milieu des cou¬ ches dont ils suivent et indiquent la stratification. Cet étage , dont la puissance ne dépasse pas une centaine de mètres, est remar¬ quable par l’ uniformité de ses caractères et par le rubanement de ses couches , qui en forment peut-être le trait le plus saillant. J’y ai recherché avec beaucoup d’attention, mais vainement, quelque fossile qui me perm it de saisir, dans cette succession inter¬ minable des calcaires, des preuves plus incontestables d’équiva¬ lence avec leurs analogues de la péninsule italienne ; je suis parvenu seulement à distinguer sur les surfaces usées des coupes de co¬ quilles qui se rapportent à des Térébratules indéterminables ; cependant je ne doute pas que des investigations plus minutieuses poursuivies avec persévérance ne mettent sur la voie de quelque découverte de ce genre ; on a tout lieu de l’espérer quand on con¬ sidère la nature non-métamorphique des étages placés au-dessus des dolomies. Relativement à l’origine de ces dernières, il serait téméraire de hasarder quelque conjecture sur l’époque de la transformation et sur la nature des agents qui l’ont opérée. Doit- on la rapporter aux dykes de spilite que nous avons signalés dans la vallée de Cuitan , ou bien à une de ces causes générales qui , à divers âges du monde, ont agi avec énergie, et dolomitisé, là ou SÉANCE DU 5 JUILLET J 8Z|7. 1220 leur action s’est fait sentir, les couches calcaires de toutes les for¬ mations, depuis les plus anciennes jusqu’aux tertiaires? La discus¬ sion d’une pareille question n’attaclierait pas un grand intérêt à une thèse déjà tant débattue , et nous nous contenterons d’enre¬ gistrer le fait sans nous livrer à d’autres commentaires; cependant nous ne pouvons nous dispenser de faire ressortir ici la ressem¬ blance frappante du terrain jurassique de Djebel-Dersali avec celui de l’Italie , qui , à part la couleur rouge qui prédomine au-dessous de la mu joli cci , offre une composition à peu près analogue; la couleur rouge même est loin de constituer un caractère constant ; car dans le promontoire du cap Argentaro , dans les vallées juras¬ siques du Tafone et sur les confins de la Toscane et des Etats de l’Eglise, les calcaires rouges ou leurs équivalents ont été transfor¬ més en grande partie en dolomies, sans présenter aucune de ces Ammonites ou de ces Encl ines qu’il n’est pas rare de recueillir sur d’autres points voisins , dans les couches qui n’ont subi aucune altération. Mais les dissemblances qui peuvent être remarquées dans les étages inférieurs s’effacent entièrement pour l’étage supé¬ rieur, où l’abondance des silex, la couleur, la finesse dans le grain des calcaires, ainsi que l’alternance de quelques bancs de galestri reproduisent tous les caractères de la majolicci. La montagne de Djebel-Dersali forme la portion orientale de la chaîne du petit Atlas, qui s’étend depuis la montagne des Singes jusqu’à la rivière de la Bousfika, près d’Angera. Ainsi que nous l’avons déjà dit , elle supporte directement la formation néoco¬ mienne , dont elle se distingue par la netteté de sa stratification , par la couleur foncée de ses roches , et surtout par la régularité et la monotonie de ses lignes terminales. Vu des hauteurs de Djebel- Zemzem , le profil de Djebel-Dersali dessine une immense terrasse dominée au midi et au nord par les coupoles colossales du terrain néocomien , qui semble la protéger à la manière des grosses tours (font sont flanquées les remparts d’une ville fortifiée. Cette diffé¬ rence d’aspect avait tellement attiré mon attention , lorsque je cherchais, les premiers jours, à m’inspirer de la physionomie gé¬ nérale de la contrée , qu’elle me fit immédiatement soupçonner l’existence des deux terrains distincts, et qu’elle dirigea mes re¬ cherches vers une solution déjà entrevue, et que mes observa¬ tions de détails ont résolue conformément à l’idée préconçue que je m’étais formée. Entre Tétuan et Angera les montagnes jurassiques sont cou¬ ronnées par une série de plates -formes dont quelques unes sont con¬ verties, pendant l’hiver, en lacs d’une certaine étendue. Ces pla- 1221 SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8Zl7 . teaux ouvrent des passages tellement faciles, malgré la raideur des pentes qui y conduisent , que les tribus s’en servent de préférence aux sentiers qui suivent le fond des vallées , tant les moindres pluies les rendent impraticables. L’ indépendance du terrain jurassique est rendue manifeste par l’indifférence avec laquelle il repose sur les tranches du terrain de transition, comme on le voit depuis le cimetière des juifs jusqu’au col qui conduit à Sempsa , à travers le Djebel-Dersah. Cette indé¬ pendance , dévoilée par la superposition , est aussi confirmée par la direction des couches qui est E. 48° N., O. Zi 8° S . , tandis que celle du terrain de transition est généralement N. S. Cette diffé¬ rence serait insuffisante cependant à elle seule pour établir un caractère bien tranché de séparation ; car elle pourrait être attri¬ buée à l’éloignement des points où les observations sont recueillies , si la discordance de stratification ne venait en fortifier la valeur ; mais la constatation de ce dernier fait a de rimportance , parce qu elle nous démontre que le relief de l’Atlas a changé par suite d’un second soulèvement postérieur à celui qui a disloqué les ter¬ rains de transition , dont les portions émergées sont toutes re¬ foulées vers le littoral. Cette observation n’est pas isolée ; elle se reproduit sur quelques points des collines de la tribu de Kellallinn , et principalement au nord de la tour assise sur le contre-fort de Djebel-Dersah qui des¬ cend jusqu’à Rastorf , où l’on remarque un lambeau du terrain jurassique très circonscrit reposer sur le terrain de transition, sans l’intermédiaire des marnes bariolées que nous avons vues en for¬ mer la base. Les dolomies, dans cette localité, sont remplacées par des couches épaisses d’un calcaire jaunâtre , à cassure très fine , mélangé de quelques veines de schistes argileux qui donnent à l’ensemble l’apparence amygdalaire et bréchiforme. Ce calcaire offre sur les surfaces exposées à l’air une grande quantité de lignes courbes spatbiques dues à des fossiles , parmi lesquels on distingue des Térébratules et d’autres bivalves. La présence, par conséquent, des marnes bariolées ne constitue pas un étage constant , mais bien un accident particulier qui s’est reproduit lorsque les eaux de la mer jurassique , en envahissant le terrain de transition , ont trouvé dans des argiles délayables des éléments de remaniement et de recomposition (voyez fig. 4). Malgré le développement considérable que le terrain oolithique prend dans le Djebel-Dersah, on peut néanmoins le considérer comme un point insignifiant , comparativement à la grandeur de la chaîne néocomienne qui s’étend sans interruption depuis le 1222 SÉANCE T) U 5 JUILLET 18A7. détroit de Gibraltar jusque dans la province de Constantine , d’où elle doit se prolonger plus loin vers la régence de Tunis. Cette prédominance se soutient encore en Algérie, car 1V1. Renou a pu à peine y trouver quelques surfaces jurassiques. Ce terrain est-il réellement représenté sur le littoral africain par quelques îlots disséminés çà et là, ou bien les soulèvements qui ont accidenté cette partie du continent africain ne l’ont-ils mis à découvert que sur quelques points , la presque totalité de la formation étant restée cachée sous les dépôts plus récents? C’est cette dernière opi¬ nion vers laquelle nous inclinerions , puisque sa présence en Algé¬ rie et dans le Maroc indique une continuité qui se poursuit jusque dans l’Espagne et principalement dans l’ Andalousie , où les mon¬ tagnes calcaires à stratification ondulée forment au-dessus des quartzites de transition des bandes très étendues. Le rocher de Gibraltar , les sommités de San-Rocco et de la baie d’Algeziras appartiennent bien certainement à la même formation que le Djebel-Dersah , et elles présentent , comme dans le Maroc , les mêmes caractères minéralogiques , c’est-à-dire des calcaires noir⬠tres et grisâtres, avec des silex à leur partie supérieure; ils repo¬ sent également en stratification discordante sur les quartzites dont la base des montagnes des côtes de l’Andalousie est en général formée. J’ai remarqué que le terrain jurassique, pris dans son en¬ semble , s’étend beaucoup plus vers le N. -O. que ne le font les montagnes néocomiennes : cette tendance à s’écarter de la chaîne principale est bien évidente quand on remonte la vallée de la Bousfika en passant par les escarpements de Sempsa, d’où le regard embrasse dans tous ses développements le front des couches néo- comiennes qui s’étendent de Djaritz à la tribu de Wadasken. On remarque de ce point l’extension irrégulière que prend le terrain jurassique en face de Benidères , et qui a forcé la rivière de la Bousfika à se couder de manière à faire l’angle droit; et comme les derniers contre-forts qu’il pousse vers le N. vont en s’abaissant graduellement, le terrain à fucoïdes finit par les recouvrir , mais non pas d'une manière tellement complète que quelques îlots ne se montrent de loin en loin , ainsi qu’on l’observe au-dessus d’un des douai rs des Benidères. Cette remarque conduit donc naturelle¬ ment à admettre que le terrain jurassique forme le sous-sol du revers méridional du petit Atlas, et que, lors des soulèvements qui ont accidenté le Maroc , les extrémités du bassin qui se trou¬ vèrent placées sur les lignes principales des fractures furent appe¬ lées à faire partie de cette chaîne , tandis que le restant du système SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. 1223 que son niveau plus bas ne mit point à l’abri du recouvrement par les autres mers est aujourd’hui étouffé sous des dépôts plus mo¬ dernes ; sans cela il serait difficile de concevoir comment, sur la côte d’Espagne, en face même de l’Atlas, le terrain jurassique a pris un développement très exagéré , et qui ne trouverait pas son équivalent dans la continuation des mêmes montagnes, à moins toutefois qu’on ne préfère admettre que la formation jurassique de la péninsule espagnole expire dans les environs de Tétuan. Cette double conclusion est justifiée par l’indépendance réciproque des terrains de transition , jurassique et néocomien. La direction générale , ainsi que nous l’avons déjà dit , est E. Zi8° N. , O. AS” S. ; elle représente la moyenne de cinq observations dont les limites extrêmes de variation ne dépassent pas cinq degrés ; nous n’avons pas eu la faculté , à cause du périmètre restreint qu’embrasse le terrain jurassique , de promener la boussole sui¬ des points éloignés les uns des autres , comme nous avons pu le pratiquer pour celui de transition ; mais les renseignements que nous possédons, malgré une différence de huit degrés environ , suffisent pour nous dévoiler dans le Maroc les traces du redressement qui a disloqué la chaîne du Jura, les Cévennes , la Bourgogne et les Vosges avant le dépôt de la craie inférieure. Chapitre quatrième. — Terrain crétacé. Le terrain crétacé , proprement dit , est représenté dans le petit Atlas marocain par deux étages infiniment liés ensemble et qui sont le calcaire néocomien à Chaîna animonia d’un côté, et le cal¬ caire à Nain /nul /tes de l’autre ; il ne faut point confondre ce der¬ nier avec le terrain à fucoïdes qui correspond au macigno et à l’al- bérèse des Italiens, et qui se trouve refoulé entre le grand et le petit Atlas. Les nummulites, suivant M. Bayle , sont associées dans les environs de Constantine aux couches à hippurites et ne peuvent point, géologiquement parlant , en être séparées, pas plus qu’on ne pourrait séparer le lias des autres étages jurassiques. Qu’elles constituent un système supérieur au grès vert ou que sur quelques points elles y pénètrent même , ce n’est pas là la question qui doit nous préoccuper. Comme un grand nombre de paléontologistes nient l’existence de ces fossiles dan? le sein des couches crétacées et les croient exclusivement propres aux terrains tertiaires, il est utile de bien éclaircir ce point de doute en comparant la valeur des caractères zoologiques avec ceux de la superposition. Et d’abord 122/i SÉANCE 1)L 5 J LILLE! 18/|7. les nunnnulites sont citées par M. Viquesnel (1) comme associées aux hippurites dans la Servie , dans l’Albanie supérieure et dans le Pinde. M. Pilla les signale ensuite dans les mêmes relations dans les montagnes de la Calabre et désigne le système qui les contient sous le nom de n u m inuli tico - h ip p u ri tiq ne. M. Matlieron proclame aussi leur présence dans les grès verts de la Provence. Ces exemples , en admettant l’exactitude des observations , me pa¬ raissent établir l’existence de ces singuliers corps dans le terrain crétacé. Nous laisserons de côté la confusion introduite dans la détermination des espèces qui ne saurait atteindre la détermina¬ tion du genre. Dès lors je ne conçois pas pourquoi on s’obstinerait, contrairement à l’opinion des géologues qui ont vu, à reléguer cette famille de foraminifères dans une formation dont elle n’aurait pas eu le droit de franchir les limites, lorsque chaque jour nous voyons des genres , que l’on avait supposés tertiaires , descendre jusque dans le terrain silurien. Je ne sais ce que nous apprendront de plus complet sur ce sujet les observations ultérieures ; mais , si à mon tour j’ai bien observé dans le Maroc, il n’y aurait guère possibilité de séparer, géognostiquement du moins , les calcaires à nunnnulites du calcaire néocomien à Chuma , et comme d’un au¬ tre côté les grès à fucoïdes se trouvent dans cet empire discor¬ dant avec les premiers , si ceux-ci renferment véritablement des nunnnulites, il en résulterait d’une manière incontestable qu’il existe en Afrique comme dans l’Italie , dans la Crimée et dans la Turquie d’Europe , en dehors du terrain tertiaire proprement dit, deux formations nummulitiques distinctes et séparées l’une de l’au¬ tre par un soulèvement. J’ai eu l’occasion d’étudier pendant quatre ans le terrain d’al- bérèse et de macigno dans l’Italie. Bien que ce terrain auquel M. Pilla a imposé le nom cl’Etrurien , et que ce savant fait paral¬ lèle avec le terrain épicrétacé de M. Leymerie, soit désigné aussi par l’épithète de nummuli tique, j’avoue que je n’y ai jamais ren¬ contré de nunnnulites; les corps organisés que j’avais pris pour tels, appartenant plutôt à des operculines, à des lenticulites ou à d’au¬ tres genres voisins et peu connus, les nunnnulites, suivant moi , ne se montreraient que dans l’étage supérieur que M. Pilla a in¬ troduit après son premier travail dans son terrain étrurien et dont les Apennins du Bolognais m’ont offert de nombreux exemples. C’est ee dernier étage bien distinct des couches à fucoides que je 2e série , Ier volume , f I ] Mémoires de la Soc. géol. de France , page 289. 1225 SÉANCE DU 0 JUILLET 1S/Ï7. considère comme l’équivalent des couches à nummulites des Basses-Alpes, des Gorbières et du Vicentin. Le macigno et lai- bérèse constitueraient par conséquent quelque chose de plus franchement crétacé , et j’ajoute qu’en considérant que cet étage est , en Italie comme en Afrique , le siège ordinaire des filons mé¬ talliques , filons qui ne pénètrent jamais dans l’étrurien supérieur ni dans le Vicentin, ni dans les Corbières, ni dans le col de Tende, je trouve dans ce fait d’abord, et dans celui de la superposition en¬ suite, des arguments puissants en faveur de l’opinion que j’émets. Toutefois il est bon de faire remarquer ici que quelque sentiment que l’on ait sur les couches à nummulites du Vicentin, dès l’instant que , conformément à ma manière de voir et à celle de M. Pilla , on les considérerait comme supérieures au macigno à fucoïdes , il ne resterait pas moins au-dessous d’elles les nummulites associées aux hippurites. Les géologues qui les introduisent au contraire dans la craie , et adoptent sans réserve les conclusions de M. Pilla , admet¬ tent par cela même cinq étages à nummulites qui sont de bas en haut : 1° celui des hippurites ; 2° celui du macigno ; 3° celui du Vi¬ centin; ù° celui du Soissonnais; 5° enfin celui du calcaire grossier. J’ai dû exposeiTétat où les controverses ont laissé cette question, avant de passer à la description du terrain crétacé que nous divi¬ serons en trois étages , néocomien , à nummulites et à fucoïdes. § 1er. E (âge n coco m i en . La première chose qui frappe le regard du géologue lorsqu’il met le pied sur le littoral marocain baigné par la Méditerranée est la forme des cimes du petit Atlas, dont les découpures en dents de scie donnent à cette chaîne un aspect des plus majestueux et des plus fantastiques. Cette structure festonnée saisit d’autant plus vivement qu’elle contraste avec celle du terrain de transition dont les contours sont émoussés et pour ainsi dire sans physiono¬ mie. L’œil aime à contempler ces enfilades de pics , ces coupoles isolées couvertes de neige et qui de loin ressemblent à des pro¬ montoires aériens que dominent hardiment le Djebel -Rudia- Bebrass, à l’extrémité d Angera , et le Djebel - Kilehi , dans le Beni-Hassan. A ces formes écroulées, à ces flancs déchirés et pri¬ vés de végétation , on reconnaît déjà le terrain néocomien , ce même terrain qui , dans le midi de la France , dans les Alpines et dans la chaîne de la Sainte-Baume, se dévoile par des caractères identiques et par la brusquerie de ses ressauts. Si les détails d’un paysage si accidenté sont difficiles à décrire et à circonstanciel*, à 1226 SÉANCE 1)11 5 JUILLET 1847. cause de la bizarrerie de ses lignes , par compensation rien n’est simple comme la composition des roches qui en constituent la charpente. Ces roches consistent exclusivement en un calcaire gris- jaunâtre , très compacte , à cassure conclioide et lithographique, excellent pour la fabrication de la chaux grasse, et meilleure en¬ core comme pierre d’appareil , si le Maroc était une contrée civi¬ lisée Il ressemble d’une manière si complète à la pierre dite de Cassis, que le cachet minéralogique devient un caractère rigou¬ reux de classification , ce qui empêche de le confondre avec les calcaires jurassiques de Djebel -Dersah. Le terrain néocomien a été cité dans l’Algérie , notamment dans les environs de Constantine. M. Bayle, qui a eu l’occasion d’exa¬ miner des roches et des fossiles recueillis dans ces localités par M. Fournel , a été tellement frappé de l’analogie qui existe entre les échantillons qu’il a examinés provenant de cette par¬ tie de l’Afrique et ceux que j’ai rapportés du Maroc, qu’à leur seule inspection il a proclamé leur identité; seulement j’ai été plus heureux cpie mes confrères, en ce sens que je suis parvenu à y découvrir quelques fossiles, et un surtout caractéristique, la Chaîna amnwnia , dont l’abondance dans les montagnes d’Angera suffit pour établir l’équivalence la plus complète entre le terrain néocomien du Maroc et celui du midi de l’Europe. Angera dé signe , comme on le sait , le groupe des montagnes secondaires qui vient se heurter contre les flancs redressés de la montagne des Singes. Si on en excepte le massif de Djebel-Dersali , les crêtes du petit Atlas sont entièrement occupées par la formation néoco¬ mienne. Cette formation, un instant interrompue par l’îlot juras¬ sique de Tétuan, reparaît de l’autre côté de la Bousfîka et se pro¬ longe à travers le Rif et la province d’Oran jusque dans celle de Constantine. Dans les alentours de Djebel-Soroul , où s’opère la superposition du terrain crétacé , il est facile de saisir la différence de leurs caractères, ainsi que leurs rapports réciproques. On y voit distinctement le calcaire à Chaîna s’appuyer sur les couches ondu¬ lées de la majolica , qui se terminent , sous forme étranglée , sur les grès dévoniens. Le calcaire néocomien , après avoir recouvert les derniers contre-forts jurassiques , comme on peut l’observer près du fleuve Sinir, s asseoit à son tour sur les mêmes grès dévo¬ niens et sur les micaschistes , et constitue jusque dans le Beniou- neus un système franchement indépendant des terrains plus an¬ ciens. Mais cette indépendance est encore plus nettement exprimée dans les montagnes de Djaritz et dans celles du Rff , où le calcaire à Chaîna est absolument affranchi de la présence des couches ju- 1227 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. rassiques, et recouvre d’une manière indifférente les grès rouges , les grauwackes et les phyllades, sans transition aucune J’ai re¬ cueilli en dessus de Benisalah des Phasianelles , des Troch us et des Chnma ammonia , qui sont surtout visibles dans les fragments à surface usée ; mais cette dernière espèce abonde principalement dans l’Angera , où des couches en sont entièrement pétries, et les nombreux échantillons que j’en ai rapportés ne laissent aucun doute sur la détermination de ce fossile si éminemment caracté¬ ristique de la formation néocomienne du midi de la France et de l’Italie. On a discuté vivement pendant ces dernières années sur la vé¬ ritable position du calcaire à Chnma. On sait que depuis long¬ temps MM. Eiie de Beaumont et Dufrénoy l’avaient introduit dans la craie inférieure ; mais d’autres géologues n’avaient pas cru de voir se ranger à l’opinion de ces deux savants observateurs et l’avaient considéré comme l’étage supérieur du terrain jurassique. Or, comme le terrain à Chnma , dans les Pyrénées, dans le midi de la France et dans quelques portions de l’Italie , recouvre immé ¬ diatement la formation jurassique , et qu’il n’est pas toujours fa¬ cile dans ces contrées de reconnaître dans les calcaires compactes qui en constituent le chapiteau les étages kimméridien et port- lanclien , on avait considéré comme leurs équivalents les couches à Spatangus retusus en traçant comme horizon de vraie craie l’étage du gault. Si cette manière de voir eut été exacte, l’Angle¬ terre , mieux que toute autre contrée , était favorablement placée pour justifier cette division , puisque le portlandien et le kimmé¬ ridien y sont indiqués par des fossiles bien déterminés. Cependant le Mémoire publié récemment par M. Fitton a démontré que l’étage inférieur du terrain néocomien , caractérisé par le Spa¬ tangus retusus , est placé au-dessus des couches à Gryphêe virgule; qu’il constitue un étage particulier séparé du terrain jurassique , et que cet habile géologue rattache à la formation du grès vert. Or, comme le calcaire à Chnma est supérieur au calcaire à Spa- tangues, il ne saurait, suivant nous, exister le moindre doute sur sa véritable position. Mais le Maroc rend cette démonstration plus évidente encore , puisque dans le petit Atlas le calcaire néo¬ comien repose sur le terrain de transition sans l’intermédiaire du terrain jurassique : s’il appartenait à ce dernier il y aurait lieu de se demander alors ce que seraient devenus ses étages inférieurs. Sa complète indépendance au contraire , je dirai même son anti¬ pathie pour le terrain jurassique, jointe à l’existence d’une faune spéciale et qui n’a plus rien de commun avec les couches aux- 1228 SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8 Z| 7 . quelles ou voudrait l’assimiler, est en harmonie parfaite avec les idées théoriques des savants qui les premiers l’ont introduit dans la formation crétacée. De plus, sa discordance avec le Djebel- Dersah est due , là comme en Europe , à la catastrophe qui a dé¬ terminé le système de redressement et de fracture désigné sous le nom de Mont-Viso. Nous verrons en effet que les grès à fu- coïdes, dont le développement est prodigieux dans l’Afrique septen¬ trionale, se sont établis après le redressement des grès verts dans une mer qui occupait l’intervalle laissé entre le grand et le petit Atlas. La direction N. -N. -O. , S.-S.-E. se retrouve dans une portion des chaînons secondaires que l’on observe depuis le fleuve Mansour jusqu’aux Reni-Hassan. Il est juste de déclarer qu’il est assez difficile d’en recueillir de précises dans le système néocomien , car les lignes de la stratification y sont si peu visibles que les indi¬ cations fournies par la direction des montagnes prises dans leur ensemble ne conduisent qu’à des résultats incertains; toutefois cette circonstance ne saurait prévaloir contre le fait solidement établi de l’indépendance du terrain néocomien et le fait de discor¬ dance entre celui ci et les grès à fucoïdes. § 2. Etage des calcaires à Nummulites. Ainsi que nous l’avons annoncé au commencement de ce cha¬ pitre , il ne nous a pas paru possible de séparer le calcaire à Chaîna des couches à Nummulites qui le couronnent, et notam¬ ment dans les montagnes de Djâritz , dans la vallée de Cuitan , qu’il est indispensable de remonter bien au-delà de la cascade que l’on observe en face des cabanes arabes. Le calcaire est grisâtre , compacte comme le calcaire néocomien ; seulement il est chargé d’une quantité de grains de quartz roulé qui s’y trouvent disséminés d’une manière assez régulière. Les Nummulites y sont très abon¬ dantes et remarquables par le diamètre qu’acquièrent quelquefois certains individus. Elles sont passées à l’état spatliique et ressem¬ blent à celles que M. Pilla a rapportées de la Calabre et qu’il annonce avoir trouvées associées aux Hippurites. Il m’a été im¬ possible de découvrir, malgré des recherches minutieuses, le moindre représentant de la famille des Rudistes , et par ces motifs je n’oserais pas me prononcer avec certitude sur le parallélisme qui pourrait exister entre les grès verts à Hippurites des environs de Constantine et les couches à Nummulites du Maroc. Mais si les observations de MM. Pilla et Viquesnel sont exactes, ainsi qu’on est en droit de l’ attendre du talent bien reconnu de ces deux 1229 SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8Z| 7 . savants, les Nunimuli tes , dans le royaume de Naples ainsi que dans la Turquie d’Europe , seraient mélangées à des Hippurites, et la signification de ces derniers fossiles pour l’âge des terrains qui les renferment ne saurait exciter la moindre réclamation. J’avoue , à mon tour, qu’ après avoir étudié sur place et avec soin la liaison qui existe entre les calcaires à Charnu et les calcaires à Nunimuli tes, il n’a pas pu s’élever de doutes dans mon esprit sur l’origine crétacée de ces derniers, d’autant plus que les grès à fucoïdes qui sont rejetés en dehors du petit Atlas se montrent franchement indépendants du terrain néocomien, sur les tranches duquel on les voit s’appuyer au-dessous de Ouedasken , dans la vallée de la Bousfika , c’est-à-dire sur la lisière où commence la troisième zone. Or, sans discuter ici si les grès à fucoïdes doivent être considérés comme tertiaires ou bien comme craie supérieure , leur discordance avec le terrain néocomien et par conséquent avec les calcaires à Nummulites implique , comme conséquence forcée , leur postériorité , et , en admettant même avec quelques géologues que les grès à fucoïdes sont du tertiaire inférieur, les Nummulites du Maroc seraient inévitablement secondaires. Outre les Nummulites, les calcaires de Djaritz renferment des Térébratules et des Oursins peu déterminables à cause de leur em¬ pâtement dans la roche. On peut en faire une récolte abondante en face du village de Sidi-Ali-Riffi , sur le chemin qui conduit aux moulins de Cuitan par la gauche de la vallée. Le sentier en cer¬ tains endroits est barré par des blocs énormes qui sont dévalés des cimes du petit Atlas et qui, à cause de la raideur des pentes, ont été roulés jusqu’à plusieurs kilomètres du lieu de leur provenance. Quelques-uns d’entre eux que j’ai mesurés ont un volume supé¬ rieur à 1700 mètres cubes. Le haut de la vallée d’Oirguan , dans le Benisalacli , est à proprement parler une vallée d’écroulement. Le lit de la rivière est obstrué d’une quantité si considérable de débris , et il est dominé par des crêtes tellement ébouleuses et fen¬ dillées que le spectacle de désolation et de ruines qui s’offre à vos regards vous impressionne si vivement qu’on ne pourrait en pein¬ dre les effets avec des paroles. Cette tendance des rochers crétacés à s’écrouler suivant des fissures verticales tient à l’absence de couches nettement séparées , qui, si elles existaient , arrêteraient la propagation des fentes produites par la pression ou le retrait. La montagne entière étant pour ainsi dire une seule couche , les divisions engendrées après la solidification des masses qui n’ont été gênées par aucun obstacle les ont découpées en grandes tranches dans le sens de leur épaisseur, et ont donné naissance, par suite 1230 SÉANCE DU 6 JUILLET 1847. des éboulements périodiques, à ces enfilades de cirques, de mu¬ railles, d’amphithéâtres, d’aiguilles, dont l’ensemble prête à la physionomie de l’Atlas des lignes magiques et fantastiques. § 3. Grès et calcaires ci Fucoïdes. Des calcaires bleuâtres traversés par des veines spathiques blan¬ ches , des marnes grisâtres très feuilletées et des grès chargés de mica; telles sont les roches qui constituent le terrain à fucoïdes, connu aussi sous les noms de macigaoe t d 'albérèse. Cette formation marine, qui compose la charpente de presque tout l’Apennin et la plus grande partie du sol de la Péninsule italienne , est remar¬ quable autant parla constance de ses éléments constituants que par l’abondance des Fuco'ides et des Foraminifères voisins des ]Num- mulites qu’elle contient. Elle renferme de plus des gîtes métalli¬ fères qui, tels que ceux de Péréto et du A lasse tan o , sont l’objet d’exploitations actives. Ces divers caractères se révèlent dans l’A¬ frique septentrionale avec une ressemblance si parfaite que la description d’une vallée des Apennins semble avoir été rédigée pour une vallée de l’empire du Maroc et réciproquement. 11 n’y a pas jusqu’aux roches dont le faciès, la texture et la composition ne reproduisent les memes particularités, au point de surprendre l’œil du minéralogiste le plus exercé. Nous savons aussi que les filons des Mouzaias et de Tenez reposent au milieu des argiles à fucoïdes. Nous avons dit dans le premier chapitre que la troisième zone constituait au-delà du petit Atlas des collines et des montagnes à contours vagues et mal définis , et que ce système s’étendait très avant dans l’intérieur des terres et probablement jusqu’à la base du grand Atlas ; d’où il suit que le moyen le plus instructif d’en étudier les accidents consiste à la couper obliquement , en pre¬ nant pour objet de ses recherches l'espace compris entre deux points , dont l’un s’appuierait sur le petit Atlas et dont l’autre aboutirait au rivage de l’Océan. Or, la coupe la plus commode et la plus convenable en même temps pour une étude de ce genre est sans contredit la route de Tanger à Tétuan, puisque la ligne par¬ courue fait , avec la direction de la chaîne principale , un angle assez ouvert , et que, ne laissant pas un seul instant jusqu’au coude de la Bousfika auprès de Sempsa le terrain à fucoïdes, elle vous permet , non seulement d’en saisir toutes les particularités , mais encore d’en constater la position par rapport aux terrains plus an¬ ciens. Elle présente de plus un autre avantage dont il faut savoir SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1231 tenir compte dans la Barbarie : elle possède à une égaie distance des deux villes qu’elle met en communication un Fundocb (cara¬ vansérail ) où l’on peut passer la nuit , ce qui vous laisse deux journées entières que l’on emploie avec d’autant plus de fruit à l’étude des terrains , que les Arabes de ces contrées , un peu plus familiarisés à la vue des Européens, ne se livrent à aucune hosti¬ lité contre ceux que la curiosité transporte dans leurs tribus. Tanger est bâti en amphithéâtre sur un monticule assez élevé , dont le prolongement forme à l’entrée même du canal de Gi¬ braltar une pointe avancée connue sous le nom de Ras Clibertil (cap Spartel). Sous Tanger les derniers ressauts montagneux s’a¬ baissent graduellement et disparaissent sous la plage sablonneuse dont quelques dunes désertes augmentent jusqu’à Tanger- Vieux la monotonie. La portion de la cote qui s’étend depuis le Ras- Chbertil jusqu au-dessous des fortifications, étant exposée à la fu¬ reur des vagues que les vents et les courants poussent contre la gueule du détroit, est taillée en escarpements abruptes dans les¬ quels les couches mises à nu se laissent étudier avec facilité. On y distingue la succession des couches suivantes : 1° Grès micacés grisâtres à grains très fins, feuilletés et con¬ tournés, puissance 15 mètres (voyez Jîg. 7 ) ; 2° Schistes noirs, fissiles, se débitant en plaques, mais ne pré¬ sentant aucune solidité, 3m,50 ; 3° Grès à grands bancs plus solides cpie les grès précédemment indiqués et pénétrés de nodules de pyrites en général décomposées, 14 mètres; 4° Schistes marneux bleuâtres très fissiles, remplis d’empreintes de Fucus Targioni et intricatu.s , 16 mètres ; 5” Gi 'ès micacé (, macigno ), 2 mètres; 6° Schiste rougeâtre feuilleté, 3m,50 ; 7° Macigno en grands bancs, 3 mètres; 8° Enfin un ensemble de schistes rougeâtres et verdâtres dont la puissance est de 35 à 40 mètres , mais qui se soude à d’autres bancs qui continuent la formation. Ce système dirigé E. 22° S. , O 22" V. , se poursuit dans le nord et à l’ouest de Tanger, où il forme le sol de ses environs jus¬ qu’à Laraclie et au-delà. A la Vieille-Batterie , près du cap Spartel , les macignos taillés à pic dominent majestueusement la mer, tandis que les argiles cléiayables se laissent entamer par les eaux et con¬ trastent par leurs profils émoussés avec la hardiesse des lignes dessinées par les grès. Ce contraste est indiqué d’une manière très saillante au-dessus de Tanger, sur l’emplacement du Socco (grand J 232 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. marché ) , où l’on voit de grandes assises de grès presque verticales se dresser sous forme de gradins étagés et déchaussés à leur hase , et alterner avec des bancs d’argiles que les eaux ou la désagrégation qui accompagne leur action ont enlevées jusqu’au niveau général du sol. Les jours du marché ou bien quand les fêtes nationales amènent le spectacle des fantasias , les Arabes occupent gravement ces gradins qui leur composent ainsi un amphithéâtre dont la na¬ ture a fait les frais. Quand on se dirige à travers le cimetière des Maures vers les ruines de l’aqueduc romain , on voit reparaître les argiles rouges entamées jusqu’au vif par des ravins profonds, ainsi que des calcaires à veines spathiques blanches. On recueille à la surface du sol une variété de fer hydroxydé remarquable par sa forme et par sa structure. Elle consiste en de petites baguettes ellipsoïdales aplaties et recouvertes d’un encroûtement granuli- forme et rugueux qui les fait ressembler à des étuis de peau de chagrin. Les environs de Tanger, grâce aux découpures des coles, ont l’a¬ vantage de vous initier avec rapidité à la connaissance du terrain à fucoïdes en vous en montrant à nu les éléments. Ce premier pas une fois fait , l’étude de la première zone ne présente plus au¬ cune difficulté, mais elle devient fatigante par la monotonie et la reproduction des mêmes faits : ce sont toujours des alternances d’argiles , de macignos et de calcaires. De Tanger au Fundock , on traverse un système très étendu de collines et de montagnes à contours arrondis, composées en général d’argiles grisâtres délayables qui donnent naissance à des plateaux fangeux et à des marais interminables. Lorsqu’on suit les sentiers tracés sur les flancs des vallées , on aperçoit dans les fondrières les argiles que les eaux convertissent en terres boueuses ; elles alter¬ nent par intervalles avec quelques bancs de calcaire qui forment des barrages dans ces terrains mouvants toujours prêts à couler dans les plaines. Les couches sont ordinairement inclinées de 55 à 70° ; cependant comme elles sont assujetties à des inflexions assez brus¬ ques, elles deviennent quelquefois horizontales. Dans ce dernier cas, les calcaires composent des plateaux isolés et taillés dans tout leur pourtour, comme si la main des hommes les eût façonnés en ouvrages de fortification. Les talus argileux sont jonchés de frag¬ ments aplatis qui proviennent de la portion des bancs calcaires qui se sont rompus , après l’enlèvement des argiles sur lesquelles ils s’appuyaient. On croirait alors avoir à faire à des constructions cyclopéennes dont les assises auraient été déplacées. Cet accident se répète pour les grès , mais comme ils se brisent avec irrégularité SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1233 et que les angles et les arêtes se détruisent avec plus de facilité , ils prennent en peu de temps la forme de gros blocs roulés. Cependant on observe de distance en distance des escarpements très hardis formés par les assises du macigno dans les montagnes des Oua- drass et qui établissent les lignes de faîte entre les vallées de la Bousfika et de Mgoga. Mais ces escarpements dépassés, la mono¬ tonie des argiles recommence et ne vous abandonne plus jusqu’au Fundock qui est bâti sur une montagne boisée d’oliviers. Dans le voisinage de ce caravansérail les argiles sont recouvertes par des couches très puissantes d’un calcaire ( (ilbérèse. ) bien stratifié et alternant avec des marnes grises, qui, lorsqu’elles sont détrempées par les eaux, forment des passages très difficiles. Les calcaires à leur tour sont couronnés par un système plus puissant encore de macigno dont la physionomie rappelle exactement celle des vallées supérieures des Apennins. Après avoir dépassé le territoire des Benidères , en face du coude de Bousfika, le terrain à fucoïdes vient s’appuyer contre les couches jurassiques de Sempsa , en longeant le revers méridional du petit Atlas, qu’il ne franchit jamais. Les bords de la Bousfika offrent quelques coupes heureuses qui rappellent celles de Tanger, avec les mêmes alternances des argiles , des calcaires et des grès caractérisés par la présence des Fucoïdes. Dans le sentier tracé au-dessus de la rivière on peut recueillir des échantillons cal¬ caires entièrement pétris de fragments d’Encrines , de Mélonies , de Miliolites, d’Orbiculites et d’autres corps cloisonnés très abon¬ dants en Italie , et que l’on a presque constamment confondus avec les Nummulites. Entre Fundock et Tanger j’avais aussi ob¬ servé quelques blocs remplis d’Huîtres et de Gryphées indétermi¬ nables , qui en font une véritable lumaclielle. Comme ces blocs n’étaient point en place , je n’ai pu constater leur véritable posi¬ tion; cependant la vivacité de leurs angles me fait penser qu’ils devaient appartenir à une couche subordonnée dont les affleure¬ ments auront été emportés dans la débâcle des argiles encaissantes. Le terrain à fucoïdes forme la charpente des régions monta¬ gneuses qui s’étendent jusqu’à l’axe de la Barbarie proprement dite, c’est-à-dire jusqu’au grand Atlas, en occupant l’intervalle compris entre cette chaîne et celle du petit Atlas. Son prolonge¬ ment dans les possessions françaises est un fait trop bien démontré pour qu’il soit nécessaire de l’établir ici par des preuves que ne comporte pas notre travail ; d’où l’on peut conclure qu'il recouvre à lui seul les quatre cinquièmes au moins de la portion monta ¬ gneuse de l’Afrique septentrionale qui nous est connue. Soc.géol . , 2e série, t. IV. 78 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1234 La présence des Fucoides et des Foraminifères dans les argiles inférieures , soit à Tanger, soit à la Bousfika, ne peut laisser aucun doute sur l’âge des couches qui les renferment et sur leur équiva¬ lence avec le terrain de macigno de l’Italie , qui présente à son tour les mêmes fossiles et occupe la même position. Seulement nous ne connaissons pas en Toscane et dans les Apennins ce déve¬ loppement excessif d’argiles qu’on a constaté dans le Maroc et dans l’Algérie; mais en revanche les grès, dans les Apennins, parais¬ sent s’être développés aux dépens des argiles, et l’on peut dire que l’épaisseur des trois termes qui composent le terrain à fu¬ coides dans l’Afrique n’a rien d’exagéré quand on la compare à la puissance de celui de T Italie. La direction E. 22° S., O. 22" N., que nous avons relevée sous Tanger, se maintient la même, malgré quelques variations, dans les diverses localités que nous avons eu l’occasion de visiter ; elle affecte en même temps une certaine portion de chaînons situés entre le grand et le petit Atlas, et qui sont tous formés par le terrain à fucoides : aussi peut-on dire qu’après la direction des Alpes principales , qui imprime au Maroc ses traits dominants , le soulèvement des Pyrénées est celui qui a influé avec le plus d’é¬ nergie sur le relief de cette partie de l’Afrique. La position de terrains à fucoides a donné lieu dans ces der¬ nières années à des contestations très vives, et la discussion conti¬ nue aujourd’hui encore , malgré les travaux spéciaux MM. Savi et Pilla. On sait que ce dernier géologue , dans la première partie de son Mémoire sur le terrain étrurien , considérait le macigno et l’albérèse , qui constituent, à proprement parler, le terrain à fu¬ coides, comme l’équivalent du terrain épicvétacé de M. Leymerie : cette assimilation n’était pas rigoureuse , car il est incontestable que les grès à fucoides, dans les Pyrénées, et notamment à Cleusae et à Villeneuve de Lécussan , forment un étage inférieur aux Nummulites des Corbières ; il y a plus, les fossiles que l’on avait pris pour des JNummulites dans le macigno de la Toscane ne sont pas de vraies Nummulites , mais bien des Foraminifères voisins des Lenticulites. Plus tard , M. Pilla observa au-dessus des grès à fucoides , dans le Massétano et dans la vallée supérieure du Tibre , un système de grès particulier qui ne se rencontrait qu’exception- nellement en Italie , et dont il fit , dans un supplément à son tra¬ vail, son étage supérieur du terrain étrurien. C’est le même système que j’avais déjà reconnu en 1845 dans les Apennins bolognais, et dans lequel j’avais recueilli des Nummulites et des Turbinolies. M. Pilla alors, au lieu d’assimiler le macigno et l’ai- SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1235 bérèse à fucoïdes au terrain des Corbière?, comme il lavait précé¬ demment établi , ne le lit que pour ce nouvel étage, et il proclama son équivalence avec les couches à Nummulites du Vicentin, des envi¬ rons de Nice et de Alpes maritimes. Je me trouve parfaitement d’accord avec mon savant ami pour cette concordance ; je me per¬ mettrai seulement de. lui contester l’exactitude de la détermination d’une Huître très abondante dans cet étage supérieur, et qu’il a considérée comme la Gryphœa columba. Il n’y a qu’à examiner les figures qu’il en donne pour reconnaître l’erreur dans laquelle il est tombé. Je remarque que des méprises de ce genre sont d’autant plus fâcheuses dans des discussions délicates que l’on a projet de résoudre par les arguments paléontologiques, que la fausse appli¬ cation de ce caractère jette de la défaveur sur tout ce qu’un travail consciencieux peut renfermer d’utile. Ainsi, en admettant sans preuves suffisantes que l’étage à Nummulites du Vicentin renferme la Gryphée colombe, on a l’air de préjuger par l’existence de cette coquille, si éminemment caractéristique du grès vert, l’ori¬ gine crétacée de l’étage contesté. Comme l’empire du Maroc ne renferme point les couches à Nummulites supérieures aux grès à fucoïdes , je ne m’occuperai que de ces dernières , que je considère comme représentant la craie supérieure. Je me fonde en premier lieu sur leur position incontestable au-dessus des grès verts et au-dessous du terrain épi- crétacé , comme on l’observe dans le Massétano et ailleurs , et, en second lieu, sur la valeur de leurs fossiles, parmi lesquels je citerai le Hamite et F Ammonite découverts par MM . Miclieli et Pentland dans le macigno des environs de Florence, où il n’existe réelle¬ ment que le terrain à fucoïdes. Si à ces considérations on ajoute les inductions tirées de la présence des gîtes métallifères, très nom¬ breux en Europe comme en Afrique , nos conclusions se trouveront corroborées par des arguments cpii , quoique moins absolus que les premiers , sur lesquels nous nous sommes fondé , ont cependant une portée dont il faut savoir tenir compte. Chapitre cinquième. — Terrain tertiaire. Ce que nous avons à dire sur le terrain tertiaire se réduit à quel¬ ques indications que nous rendrons aussi courtes que possible , alin de ne pas surcharger ce mémoire de détails fastidieux qui n’a¬ jouteraient rien à ce que l’on connaît de cette formation. Nous dirons de plus que nos observations se bornent à la vallée de la Bouslika : nous avons bien eu l’occasion d’en examiner quelque» 1236 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. lambeaux sur d’autres points , mais les traits de ressemblance qu’ils ont avec ceux des environs de Tétuan nous dispenseront d’en exposer les particularités. Nous avons reconnu que les terrains tertiaires se divisent en trois étages , dont les deux premiers appartiennent à la période pliocène la plus récente , et peut-être même au diluvium. Premier étage. — 11 consiste en un assemblage de marne, de calcaire blanchâtre et d’argile qui forme la base de quelques co¬ teaux kque l’on observe au milieu de la plaine de la Bousfika , et qui servent d’intermédiaire entre la plaine et les ressauts des montagnes secondaires. En se rendant de Tétuan à Tanger ou dans le Rif, on les traverse également, et, malgré les argiles qui en masquent le plus souvent les accidents , il est possible parfois de les surprendre dans les fondrières ouvertes au milieu d’elles. Les fossiles que l’on observe dans les calcaires marneux , les seuls qui résistent un peu, sont des Cyclades, des Paludineset des Planorbes. A mesure qu’on se rapproche des escarpements secondaires qui , de chaque côté de la Bousfika, dominent hardiment les monti¬ cules tertiaires , on aperçoit intercalés dans les argiles dont la cou¬ leur passe du jaune au rouge vif, des bancs de poudingues et de brèches dont la puissance va en croissant , et qui , sous Sempsa et sur les bords de la rivière , forment des masses considérables que l’on ne peut mieux comparer qu’à leurs analogues du Tliolonet, près d’Aix. Si le ciment argileux est d’origine tertiaire , les frag¬ ments empâtés appartiennent exclusivement aux calcaires et aux dolomies jurassiques du voisinage. Je crois avoir démontré dans la description que j’ai insérée dans mon Cours de géologie ( Aix , 1839, p. 211) le mécanisme qui a présidé à l’origine de ces dé¬ pôts remarquables. Cette explication s’appliquant aux brèches de Tétuan, je ne saurais mieux laire que de transcrire ce que j’en écrivais. « Les chaînes secondaires ont déterminé la forme des lacs au » fond desquels se déposaient les couches tertiaires. Les eaux des »> lacs ainsi limités ont du nécessairement exercer leur action éro- » sivesur les bords qui les contenaient, et tous les fragments dé- » tachés et remanies en se mêlant aux argiles rouges constituaient » un dépôt littoral de poudingues et de brèches , tandis que le » fond se comblait, à la suite de précipations chimiques , d’autres w matériaux. » Deuxième étage. — Aux brèches et aux calcaires lacustres suc¬ cèdent en concordance de stratification les molasses marines carac¬ térisées, comme dans le midi de la France, par des Gompholites, SÉANCE DU 5 JUILLET 184'. 1237 des grès effervescents et des calcaires empâtant des débris de co¬ quilles marines. Ces molasses s’appuyent sur les flancs méridionaux de Djebel -Dersali , en se moulant, suivant des lignes onduleuses , dans les dépressions préexistantes. Ces lignes représentent le lit¬ toral de la mer tertiaire dont les contours sont aussi indiqués par les perforations dePholades que l’on voit dans la roche jurassique. Ou y remarque des valves d 'Huîtres, des moules de la Peina Sol - (la ni , le Clypcastcr al tus , le Pecten latissinuis , des Spondyles et d’autres fossiles que l’on retrouve également dans la molasse moyenne du bassin méditerranéen. Le second étage forme une bande parallèle à la vallée de la Bousfika , et il s’étend le long de la fracture qui a divisé la chaîne du petit Atlas dans toute son épaisseur, ce qui démontre que cette rupture dans laquelle s’est engouffrée la mer tertiaire est antérieure à la période tertiaire. Une portion de la ville de Tétuan est bâtie sur la molasse. Le jar¬ din de l’empereur, le marabout et le chemin de Tanger sont au¬ tant de jalons dont l’étude vous dévoile les divers accidents de ces grès littoraux (voyez fig. 10). Les couches sont fortement redressées et elles se dirigent N. 22° E. , S. 22° O. Cette direction ne diffère pas sensiblement de celle des Alpes occidentales qui est N. 26" E. , S. 26° O. et qui af¬ fecte aussi le terrain de molasse des Alpes de la Suisse et de la Pi ovence. Le Maroc , principalement dans les montagnes trans¬ verses qui suivent le cours du fleuve Mlouia , présente de nom¬ breuses traces de cette dislocation. La régence de Tunis possède aussi un système de montagnes dont l’alignement parallèle à la direction des molasses de Tétuan offre des indices non équivoques de participation à ce même mouvement. Troisième étage. — Au-dessous des coteaux tertiaires marins s’étend au-dessous de Kellallinn un vaste manteau d’argiles rouges ou jaunâtres , mélangées de quelques débris remaniés , dont les couches peu distinctes , mais indiquées par une coloration diffe¬ rente , sont horizontales. C’est au milieu de ces argiles dont la sur¬ face est recouverte par des bruyères ou des eaux marécageuses que les ruisseaux qui se précipitent du Djebel-Dersali se sont ou¬ verts des lits profondément encaissés. INous avons été très embar¬ rassé , et notre embarras subsiste encore , pour assigner leur véri¬ table place à ces vastes dépôts argileux. Sont- ils réellement tertiaires? Pourraient-ils être assimilés à des dépôts analogues et parfaitement horizontaux que l’on rencontre dans le midi de la France et notamment dans les environs de Marseille? ou bien se¬ raient-ils le représentant du diluvium ancien , qui , après le sur- 1238 SÉANCE L)U 5 JUILLET 18/j7. gissement des Alpes principales aurait encombré les vallées infé¬ rieures? Ces diverses questions que nous nous sommes adressées n’ont pu trouver une solution satisfaisante dans les éléments que nous avons recueillis II nous a paru résulter seulement de leur position peu élevée par rapport au niveau de la mer, qu’ils ont été déposés dans un lac , mais nous n’oserions pas affirmer qu’elles sont parallèles aux couches sub-apennines. Nous exprimerons le même doute pour un dépôt de sables argileux jaunâtres que l’on observe au-dessous des batteries de Tanger, et qui repose sur le terrain à fucoïdes. Je laisse aux savants qui viendront après moi ce point de géologie à étudier ; car j’avoue que je n’ai pu bien saisir ses rapports et la place qu’il doit occuper dans l’échelle des formations. Le relief actuel de l’empire du Maroc n’est pas dû précisément à la catastrophe qui a disloqué les molasses : j’ai eu occasion de re¬ marquer dans la province d’Oran des terrains tertiaires sub-apen- nins soulevés et dont le redresse ment , par conséquent , se rapporte à celui des Alpes principales. Les montagnes alignées suivant la direction de ce système , que l’on doit considérer comme le plus général et le mieux exprimé , sont justement celles qui , par leur parallélisme et leur étendue , impriment à l’Afrique septentrionale le cachet de grandeur et de simplicité qui en fait en même temps un de ses traits dominants. C’est , en effet , dans le grand et le petit Atlas , ces deux colosses rivaux , cpie l’on voit la direction S. -S. -O., N.-N.-E. prédominer sur un si vaste rayon , que les autres di¬ rections s’effacent pour ainsi dire devant elle. Cette catastrophe a terminé pour cette portion de l’Afrique la série des événements violents qui ont tourmenté la surface du globe , et rien ne dé¬ montre que le relief du sol ait éprouvé depuis de nouvelles per¬ turbations. Chapitre sixième. — Formations modernes. Les formations modernes consistent en travertins , en brèches osseuses et enfer des marais. § 1er. Travertins. Les rivières qui prennent leur source dans les montagnes calcaires, ou qui les traversent dans leur parcours, jouissent de la propriété de dissoudre dans une proportion variable du carbonate de chaux dont elles se dépouillent en partie avant de se jeter dans la mer. Les SÉANCE DU 5 JUILLET 18Zl7. 1239 dépôts qu elles forment consistent en des encroûtements à structure spongieuse et tufacée, que l’on observe surtout à l’entour des res¬ sauts que franchissent les eaux , et où l’évaporation plus rapide accélère la précipitation des molécules calcaires. Il serait sans in¬ térêt de décrire ici les diverses localités où de pareilles incrusta¬ tions s’opèrent , puisqu’il faudrait alors décrire les bords de tous les ruisseaux ; mais il est utile d’établir une distinction entre les travertins modernes et les travertins anciens. Ces derniers occupent une position beaucoup plus élevée sur les flancs des vallées, et se montrent avec une puissance qui souvent dépasse une vingtaine de mètres. Les gisements classiques à signaler sont les vallées de la Bousfika et de Cuitan. La ville de Tétuan est bâtie en grande partie sur des travertins qui sont éloignés aujourd’hui de deux kilomètres au moins de la Bousfika , et qui forment à leur terminaison , vers l’E. , des escarpements verticaux que l’on a utilisés pour la défense de la place. Ces travertins sont là ce qu’ils sont en Italie, c’est-à- dire des masses énormes d’un calcaire grisâtre carié et tubuleux , reposant indistinctement sur tous les terrains et même sur des amas de cailloux roulés que la rivière avait autrefois charriés , ce qui dénote qu’à cette époque la Bousfika coulait sur un plan élevé de 12 à 15 mètres au-dessus du lit qu elle occupe aujourd’hui. Bien qu’il soit difficile de distinguer des couches distinctes dans le pla¬ teau qui s’étend à l’ouest de la ville, cependant on observe dans quelques lignes grossières de séparation , qui le divisent en tran¬ ches parallèles , les effets successifs de la sédimentation , et même quelques temps d’arrêt dévoilés par l’alternance plusieurs fois ré¬ pétée de sables et de graviers; d’où l’on doit conclure qu’à la pré¬ cipitation chimique du calcaire succédaient par intervalles des charriages passagers de matières meubles dus à la crue des eaux. Les Arabes ont profité de cette circonstance pour creuser dans ces graviers des tanières où ils renferment leurs bestiaux et où souvent même ils vivent en famille. Les seuls fossiles que j’y ai observés consistent en des Hélix , dont la forme se rapproche beaucoup de celles qui vivent encore au¬ jourd’hui dans le voisinage, et en des incrustations de plantes et de feuilles, parmi lesquelles j’ai reconnu des débris de Chtunerous humilis , palmier très abondant dans l’Afrique septentrionale. Si les travertins de la vallée de la Bousfika sont les plus impor tants , à cause de leur développement prodigieux , les travertins de la vallée de Cuitan sont plus intéressants par la manière dont ils sont disposés et par le mécanisme qui a présidé à leur formation. La rivière de Cuitan descend des montagnes néocomiennes de 1240 S É A JS CE L)L 5 JUILLET '18Z|7. Djaritz . et coule clans line dépression profondément encaissée , et qui n’est autre chose qu’une vallée d’écartement ouverte dans le terrain de transition , et dont la direction est à peu près perpen¬ diculaire aux crêtes de la chaîne principale. A partir du gué de Sidi-Ali-Riffi jusqu’au coude que fait le Cuitan , presque en face du douair de Djaritz, c’est-à-dire sur un rayon de 3 kilomètres environ , cette partie de la vallée est barrée par une série de gra¬ dins étagés en retrait les uns au-dessus des autres , de manière à reproduire , mais en grand, la disposition intérieure d’un amphi¬ théâtre romain. Ces gradins sont composés d’un travertin généra¬ lement assez solide , quoique très tubuleux , et sont séparés par des plates-formes peu étendues , dont le regard ne peut saisir l’en¬ semble quand on les considère de la base du système. Mais vues d’un point dominant et à vol d’oiseau, elles ressemblent à autant de petits golfes surmontés par autant de petits promontoires. Les eaux pluviales, en y amenant quelques terres, ont permis de les utiliser pour l’agriculture ; mais l’industrie en a tiré un parti plus avantageux en convertissant les ressauts brusques que chaque ligne de gradins forme au-dessus des plates-formes inférieures en autant de cascades qui mettent en mouvement une foule de mou¬ lins. J’ai compté jusqu’à vingt-trois de ccs barrages étagés dont le surplomb, uniforme pour chacun cl’eux pris isolément , varie entre les limites extrêmes de 1 à 8 mètres. Les eaux de Cuitan ont fini par s’ouvrir un passage à travers les tufs jusqu’à la rencontre des terrains anciens, et il est résulté de ce travail une vraie vallée d’érosion dominée sur ses deux flancs par des terrasses sciées ver¬ ticalement par la rivière même. I ne autre particularité assez curieuse consiste en la reproduction du même phénomène dans le lit de Cuitan au-dessous des escarpements anciens. Les eaux dé¬ posent, dans les espaces où elles peuvent s’étendre et se tenir en repos dans des flaques, du carbonate de chaux dont l’épaisseur s’accroît par des précipitations successives et constitue des bourre¬ lets, lesquels, la flaque une fois disparue, donnent naissance aux formes gradinées dont les dépôts anciens offrent de si beaux exem¬ ples : or, ces derniers n’ont pas d’autre origine , et l’explication se trouve toute écrite dans ce qui s’accomplit aujourd’hui. Il n’existe réellement de différence que dans l’échelle de proportion , suivant laquelle les uns et les autres ont été formés. On conçoit de cette manière que , dans les moments de crue, les eaux recouvrent avec la plus grande facilité les bourrelets qui sont en voie de formation et qu’elles s’épanchent en cataractes superposées. Dans les temps anciens, ces cataractes barraient la vallée entière , tandis qu’ac- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. 1241 tuellement elles sont limitées au lit même que la rivière s’est creusé dans les travertins. Il est utile de s initier par une étude sérieuse à la connaissance du mode de formation de ces travertins pour échapper aux erreurs dans lesquelles vous entraînerait 1 illusion, lorsque pour la première ibis on se trouve en face de ces amphithéâtres naturels. Comme la plate-forme de chaque gradin vient se souder exactement contre la base du gradin qui la domine immédiatement, cette juxta¬ position lait naître l’idée d’une superposition réelle, idée qui ten¬ drait à faire admettre la sédimentation successive de chaque étage , et attribuer au dépôt une épaisseur énorme , qui serait la somme de tous les gradins réunis , tandis qu’en réalité tous les gradins ayant été déposés simultanément , mais dans des bassins placés à divers niveaux, la puissance du dépôt ne dépasse pas 16 mètres, cette mesure s’appliquant aux escarpements les plus élevés que j’aie pu observer. Les travertins renferment , outre beaucoup d’Hélix , une Mêla- napsie qui vit en grande abondance dans les eaux de Cuitan , et que je crois être la M. buccinoïdes ; on peut dire que l’incrustation est déjà opérée en partie avant la mort de l’animal , car leur co¬ quille est constamment recouverte, dans les individus adultes , d’une couche très épaisse de calcaire. Outre ces travertins, que l’on peut appeler travertins d’eau douce par excellence , j’ai observé à l’embouchure des rivières quelques dépôts de même nature , mais qui contenaient les co¬ quilles marines que la mer rejette sur la côte, et parmi lesquelles dominent les Cardium , les Pectiuiculus , les Ostrœa et des valves de la Panopœa Faujasii. Avant d’être engagées dans la roche , ces coquilles ont été en grande partie usées par le frottement, car il est difficile d’en rencontrer une dont les deux valves soient unies. Le plus souvent aussi elles sont réduites à l’état de fragments arrondis et granuliformes. Elles sont empâtées dans une roche calcaire , mais tellement pénétrée de sables et de graviers, et même de cail¬ loux , qu’elle ressemble plutôt aux molasses tertiaires qu’à un dépôt contemporain. La présence de ces animaux marins et des sables dans ces travertins est facile à expliquer. Le vent d’E. qui souffle avec assez de violence et de constance dans ces parages élève , à l’embouchure des ruisseaux et des rivières , des barrages provenant de l’accumulation des sables, derrière lesquels les eaux forment des flaques plus ou moins étendues , dont le niveau est élevé de 1, 2 ou 3 mètres au-dessus de celui de la mer. Ces eaux , se débarrassant alors du carbonate de chaux qu’elles tiennent en I2/|2 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z| 7 . dissolution, empâtent les coquilles, les galets et les sables que les vents ou le flot de mer ont poussés jusque dans ces flaques , en don¬ nant ainsi naissance à une roclie arénacéo-calcaire , dans laquelle , malgré leur extrême abondance, les coquilles et les sables ne jouent qu’un rôle purement accidentel. Le volume des éléments sableux introduits dans ces formations d’eau douce est en rapport direct avec l’éloignement du dépôt de la côte , c’est-à-dire que les grains sont d’autant plus fins que l’on étudie les travertins plus en amont des rivières , ce qui indique évidemment que les vents seuls ont pu les chasser dans l’intérieur des terres ; car une fois qu’on a remonté les cours d’eau à 3 ou àOO mètres de leurs embouchures , les travertins sont entièrement privés de particules sableuses et ils reprennent les caractères géné¬ raux que nous leur avons reconnus dans les vallées montagneuses. Cependant cette loi souffre une exception qui justifie l’explication que nous venons de donner ; elle consiste dans la disposition de ces mêmes éléments , mais dans un ordre inverse que l’on remar¬ que dans les travertins qui se sont précipités entre la ligne du lit¬ toral , quand la mer est calme , et la limite extrême du bourrelet caillouteux formé à une certaine distance du rivage par le flot de mer au moment de ses plus grandes agitations. Comme les vagues, en déferlant sur la côte, ont la propriété de pratiquer une espèce de triage mécanique de tous les matériaux qu elles roulent, les corps les plus volumineux sont chassés le plus en avant et forment les arêtes culminantes du bourrelet dont nous avons parlé, tandis que les flots successifs, à mesure que la furie de la mer se calme, dé¬ posent à sa base d’autres bandes de matériaux dont le volume et la densité vont graduellement en décroissant. Ces crêtes deviennent alors une ligne bien nette de séparation entre les effets créés par l’action des eaux et celle des vents qui opère dans un sens diamé¬ tralement opposé et produit cependant des résultats analogues voyez Jîg. 8 et 9 ) . Lorsque, par suite d’un I arrage formé plus près du rivage, une de ces moraines marines est envahie par une rivière incrustante , les matériaux qui les composent se recouvrent d’un dépôt plus ou moins puissant de ces calcaires arénacés et pétris de coquilles , de sorte que l’ensemble acquiert une épaisseur de plusieurs mètres , en usurpant les caractères d’un dépôt marin plus ancien. Mais son étendue circonscrite à l’embouchure des rivières et la conservation du test des coquilles renferment son importance dans ses véritables limites, en démontrant que l’on n’a affaire qu’à des dépôts locaux, lesquels, malgré les circonstances curieuses qui les caractérisent , SÉANCE DU 5 JUILLET 1847 . 12/1 5 ne sont qu un épisode de la formation des travertins. On concevra facilement la possibilité d’une précipitation plus abondante et plus régulière du carbonate de chaux sur le rivage que dans les autres régions parcourues par les rivières, quand on réfléchira que les cours d’eau de peu d’importance , comme le sont en général ceux que 1 on observe sur le littoral marocain , sont ordinairement barrés à leur embouchure par des dunes et par des amas de galets derrière lesquels les eaux composent de petits lacs et des étangs. Entre Ceuta et Rastorf , on aperçoit à l’embouchure d’un torrent qui descend de l’Angera des vestiges de construction dont l’âge remonte probablement à l’époque de l’occupation portugaise. Une partie de ces fondements est recouverte par un travertin grési- forme analogue à ceux que nous avons précédemment décrits. Il serait par conséquent très possible qu’il renfermât quelque objet de l’industrie humaine ou quelques débris de poterie qu’on ob¬ serve quelquefois sur les côtes. Pour peu que ces objets eussent été portés par les flots ascendants à une hauteur de 2 ou 3 mètres au-dessus du niveau de la mer, et qu’ après avoir été empâtés par des travertins d’embouchure les rivières qui les ont déposés eussent subi un déplacement considérable , comme on le remar¬ que si souvent sur les côtes sablonneuses , certains géologues n’au¬ raient pas manqué d’attribuer à la mer ces dépôts que l’on suppo¬ serait avoir été soulevés postérieurement par une cause quelconque et qui constitueraient ces terrains quaternaires dont on a cité des exemples sur les bords de la Méditerranée. J’ai eu le temps d’é¬ tudier avec beaucoup de soin le littoral toscan , et notamment les alentours de Popolonia , en face de l’île d’Elbe; mais j’avoue que dans les bancs épais de grès calcarifères qui bordent la côte je n’ai jamais reconnu que la molasse marine ( panchina des Italiens) qui couronne les marnes sub-apennines et que l’on suit sans inter¬ ruption depuis la mer jusqu’aux montagnes de la Castellina et de Riparbella , où elle atteint une hauteur de plusieurs centaines de mètres, en conservant dans toute ses parties des fossiles exclusive¬ ment sub-apennins. A présent il se peut très bien que les nombreux ruisseaux qui se déchargent dans la ligne du littoral , comprise entre Piombino et Livourne , et dont l’embouchure est ouverte au milieu de ces grès tertiaires que les érosions de la mer décou¬ pent et dénudent dans tous les sens , que ces ruisseaux, dis-je, aient déposé dans la panchina même , avec le carbonate de chaux qu’ils tenaient en dissolution , des grès ou des graviers arrachés aux molasses ainsi que les fragments de poterie qu’ils auront entraînés dans leur course. C’est du moins ce qui se produit dans le voi- SEANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. mit sinage du fort de Torre-Nuova , au N. -O. de Popolonia, où les eaux de Caldana se jettent dans la mer. Ce ruisseau , à son em¬ bouchure, s’est creusé dans la ponchina sub-apennine un lit très profond et très étroit. Or, ces eaux forment sur les bords de la mer des encroûtements qui diffèrent minéralogiquement d’autant moins de la molasse qu’ils sont , pour ainsi dire , composés à ses dépens. Mais ces dépôts insignifiants sont limités à l’embouchure du Fusso- Caldo , tandis que la ponchina essentiellement marine constitue un plateau qui , sur la côte , s’élève jusqu’à 12 à 15 mètres, en s’avançant dans l’intérieur des terres jusqu’aux premières rampes montagneuses du Çampigliais. Aussi M. Savi, auquel on doit la description de ces grès qu’il regarde comme quaternaires, est-il obligé, pour expliquer leur position vraiment extraordinaire au- dessus des côtes , de supposer que les eaux de la mer actuelle à la¬ quelle il en attribue l’origine jouissaient non seulement de la propriété incrustante au-dessous de sa surface, mais encore d é¬ tendre cette propriété aux éclaboussures des flots, qui, dans les gros temps , auraient fourni le carbonate de chaux par lequel auraient été agglutinés les coquilles et les graviers que l’on observe au-dessus du rivage. Cette hypothèse entraîne, comme conséquence nécessaire , l’application du même principe aux pan- chi/ia du lac de Rimigliano qui sont la continuation de celles de la côte , ainsi qu’aux ponchina de la Toscane entière. Alors une ob¬ jection puissante vient heurter de front cette explication : elle est puisée dans la stratification et le redressement uniforme de leurs couches. Voudrait-on invoquer, pour justifier leur position , un soulèvement lent et progressif, comme on l’a constaté sur les côtes de la Scandinavie? Outre que cette supposition , en admet¬ tant même qu’elle rendît compte d’un fait local, devrait s’appli¬ quer également aux panchina de la Castellina et du Volterranno qui sont portées à une hauteur de 5à5 mètres , il serait nécessaire de fixer l’époque de leur soulèvement après l’établissement des sociétés humaines, à cause des fragments de poterie rencontrés dans les terrains en question ; mais la stabilité des ruines de Popolonia , la route E/ni lia , la porte Vecchio de Piombino sont là pour at¬ tester que depuis l’établissement des Etrusques dans ces contrées aucun déplacement ne s’est opéré dans le niveau des mers. On voit donc que l’appréciation de ce fait général est du domaine de l’histoire des formations sub-apennines (1). (1) Un puits que j'ai fait ouvrir dans les marbres de Campiglia a suivi jusqu’à la profondeur de 43 mètres une fissure de 3 centimètres SÉANCE Dl! 5 JUILLET 18/j' 1245 .Val été entraîné dans cette digression un peu longue par la nature même de mon sujet; car, comme je traite ici d’un terrain contemporain se déposant sur les bords de la Méditerranée, j’ai pensé que l’étude du mode de sa formation pouvait servir utile¬ ment l’étude des terrains analogues qui se sont établis sur d’autres points. Comme , d’un autre côté , sur la vaste plage qui s’étend de Ceuta au cap Négro et sur les autres lignes littorales du Maroc que j’ai eu occasion d’examiner, je n’ai jamais rencontré les mo¬ lasses marines, et cpie par conséquent toute confusion entre des grès anciens et des grès plus modernes est impossible, je n’ai pu me méprendre sur les vrais caractères de ces travertins d’embou¬ chure et sur les conséquences qu’on peut tirer de leur position au-dessus du niveau de la mer. C’est aussi de cette manière que je comprends et que j’explique, au milieu des ponchinas sub- apennines et littorales de l’Italie , la présence de fragments de po¬ terie que l’on y a observés. Je terminerai par une dernière remarque ce que j’avais à dire sur les travertins littoraux : c’est qu’ils ne s’écartent jamais des cours d’eau qui leur ont donné naissance ; du moins quand on en rencontre plusieurs lambeaux à l’embouchure d’un fleuve , ils cor¬ respondent aux diverses embouchures que ce fleuve s’est ouvertes au milieu des sables mouvants. On se rendra pareillement compte de leur épaisseur, comparativement plus grande, quand on réflé¬ chira que sur les bords de la mer le carbonate de chaux a la faculté d’agglutiner des sables et des graviers qui augmentent d’autant leur volume , tandis qu’en dehors des côtes le calcaire se dépose sans mélange. environ. Cette fissure était remplie par un limon argileux assez dur, mélangé de calcaire stalactitique; mais avec ces limons avaient pé¬ nétré quelques fragments d’amphibole et d’ilvaïte provenant de dé¬ blais anciens placés au-dessus du puits. En examinant au jour quel¬ ques échantillons recueillis à la profondeur d’une quarantaine de mètres, j'ai reconnu parmi les corps qui avaient engorgé cette fente un débris de poterie étrusque. Certainement si un fait pareil eût été constaté dans la panchina du Livournais, où il aurait pu se produire avec plus de facilité qu’à Campiglia , à cause des crevasses nom¬ breuses que l’on observe sur les bords de la mer, il eût été bien difficile, pour ne pas dire impossible de distinguer de la panchina le calcaire limoneux introduit postérieurement , et alors on eût pu consi¬ dérer comme très moderne un terrain que ses fossiles et sa position rapportent à l’étage des marnes sub-apennines. — J’ai cité cet exemple pour prouver comment quelquefois des faits bien constatés peuvent cependant entraîner dans des erreurs involontaires. 1246 SÉANCE 1)1 5 JUILLET 1847. § 2. Brèches osseuses. Les descriptions que nous possédons des brèches osseuses des bords de la Méditerranée nous dispenseront d’entrer dans de longs détails sur le gisement que nous en avons découvert dans les envi- virons de Tétuan. La forteresse qui couronne les murs de cette ville est assise sur la partie inférieure du terrain jurassique qui , dans le Djebel-Dersah , est composée de dolomies noirâtres très cristallines. A 300 mètres environ du pied de la forteresse , en se rendant en ligne droite vers le chemin d’Angera, les bancs dolo- mitiques se redressent presque jusqu’à la verticale en laissant dans leur intervalle un espace vide, produit par la désagrégation. Ce travail a donné naissance à des surfaces très raboteuses et surtout à une infinité de sillons à peu près parallèles, dominés par des escarpements que les parties de la mont >gne restée en place for¬ ment au-dessus d’eux. Ce sont justement ces sillons qui ont été engorgés par un calcaire stalactitique souillé d’argile jaunâtre ou rougeâtre. Quelquefois ce calcaire est pur, à cassure conchoïde , éclatant sous le marteau en écailles très nettes et avec un bruit sonore : il est alors un peu rubané et les zones sont indiquées par des lignes roses. Rarement il est cristallin : des bancs enfin constituent des brèches à gros éléments dans lesquels on distingue les dolomies du terrain encaissant, les calcaires, les phyllades, les grès rouges et des fragments de quartz , que les éboulements et les eaux auront entraînés du voisinage et qui auront été saisis par le calcaire incrustant. C’est au milieu de ce calcaire que j’ai découvert des fragments d’ossements emprisonnés, sans qu’il m’ait été possible de détacher aucune pièce qui m’ait permis de reconnaître à quelles espèces de mammifères ils avaient appartenu, il aurait fallu pour cela enlever des blocs plus volumineux que ceux que j’ai pu me procurer avec mes marteaux ; mais une opération de ce genre , exécutée dans les environs d’une ville arabe, aurait entraîné des inconvénients très graves, et il aurait été téméraire de tenter l’entreprise. Avec ces ossements on rencontre des Hélix dont la conservation est si par¬ faite que l’on peut en déterminer les espèces avec la plus grande exactitude ; car, bien que la fossilisation n’ait pas respecté le test, cependant le calcaire qui s’est moulé dans les cavités occupées par les coquilles a si bien conservé les détails de leurs caractères ex¬ térieurs, que l’on y reconnaît sans peine les Hélix lactea , Lapicida , naticoïdes , erycina , etc., toutes espèces qui vivent encore sur la SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8 Z| 7 . i'2h7 localité et dont les débris enfouis dans le calcaire stalacti tique indiquent le peu d’ancienneté du dépôt. L’intérieur des coquilles est généralement rempli par du carbonate de chaux blanc, lamel¬ laire et géodique , ainsi qu’on l’observe pour des fossiles des ter¬ rains anciens. § 3. Fer limoneux des marais. L’espace compris entre les cabanes de Gheroura, au S. de Rastorf , et les contre-forts expirants du terrain tertiaire de Kellal- linn, est envahi par les eaux et converti en grande partie en marécages. I e fond de ces marais est couvert d’un encroûtement de fer liydroxydé , qui y est laissé par les eaux qui y arrivent chargées de principes ferrugineux. Outre les variétés terreuses ou compactes qui y prédominent, on y observe aussi des couches entièrement formées de pisolithes de la grosseur d’une chevro¬ tine, libres ou adhérents les uns aux autres et agglutinés par le sable que les vents chassent des dunes voisines. Ce dépôt atteint sur quelques points la puissance de 75 centimètres; mais le fer y est souillé de tant de matières terreuses, qu’il est fort douteux qu’on puisse jamais en tirer un parti avantageux. CONCLUSION. Me voici arrivé à la fin de ma tâche : on trouvera peut-être à critiquer dans un travail qui, embrassant un sujet si vaste, a, avant tout, besoin d’indulgence. J’espère qu’on me tiendra compte de mes efïorts et de ma bonne volonté , si surtout on veut bien ne pas oublier qu’une excursion géologique dans le Maroc est une expédition périlleuse qui réclame du courage et de la per¬ sévérance ; mais elle offre aussi sa gloire. La seule qu’il me soit permis d’ambitionner et que je désire attacher à mon œuvre , c’est d’avoir servi utilement les intérêts de la science, en lui ouvrant un champ jusqu’ici inexploré. RÉSUMÉ. Le Maroc nous a présenté cinq grandes formations géologiques qui sont : 1° La formation de transition composée de quatre étages dis¬ tincts, dont les deux premiers, caractérisés par les schistes cristal¬ lins et les grauwackes , représentent le silurien inférieur ; le troi- 1248 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. sième, par des calcaires à Orthocères et n Tri lob i tes, le silurien supé¬ rieur; et le quatrième , caractérisé par des conglomérats et des grès rouges , représente le terrain dévonien. Cette formation est traversée par des granités, des serpentines et des spilites auxquels on peut attribuer les filons métallifères que l’on remarque dans leur voisinage. Son soulèvement se rattache au système du nord de l’Angle¬ terre et il est indiqué par la direction N. -S. 2° La formation jurassique, vaste assemblage de calcaires et de dolomies, indépendants et du terrain de transition et du ter¬ rain crétacé. Son soulèvement se rapporte au système de la Côte-d’Or. 3° La formation crétacée , composée de trois étages , dont deux , le calcaire à Charnel ammonia et le calcaire à Num nudités , con¬ cordants; et le troisième , le grès à Fucoï les , discordant. Le premier représente le terrain néocomien ; le second , le ter¬ rain du grès vert ; et le troisième , la craie supérieure. Le premier soulèvement qui a affecté les deux étages inférieurs se rapporte au système du Mont-Viso ; le deuxième , qui a affecté le grès à fucoides , à celui des Pyrénées. 4° La formation tertiaire, représentée par un terrain d’eau douce et un terrain marin, tous les deux miocènes et concordants, et par un terrain argileux horizontal. Deux soulèvements ont marqué cette période : celui des Alpes occidentales, dont la direction est S. 26° O. — N. 26° E. , et celui des Alpes principales, auquel le Maroc doit son relief actuel, et le grand et le petit Atlas leur direction. 5° Enfin les formations contemporaines , qui consistent dans les travertins , les brèches osseuses , les fers des marais et les dunes. Explication des figures. La fig. I montre les filons ramifiés de granité au milieu des mica¬ schistes de Gheroura. La fig. 2 montre la position du calcaire à Orthocères A , des grès dé¬ voniens B, des grauwaekes C , par rapport au calcaire néocomien N. La fig. 3 montre la disposition des schistes cristallins D, des grau¬ waekes C et des calcaires siluriens A , aux colonnes d’Hercule. La fig. i montre la disposition des terrains de transition et du terrain jurassique dans la vallée d’écartement de Ouedsegera. La fig. 5 indique les relations du terrain jurassique J avec le terrain de transition et le terrain à fucoides F. Bull, tic la Jbc. Oeol. Je / rance 2’>) 7pin.].1', PI. Xj Peu/e Jlânoire jur la partie septentrionale c/u Maroc, pur Æ. II. COQITAND. F to\ ] O/ienoura r 1^.2 Fio*.o IfrebéLDer&ah Fio\ 6 Djebel Dcr.eah Fio^.y Tiuio-ct» O Fiç'.ô Province de Tetucm Pi -ovin ce de I élu an B & t&ixi M rt ,.” ■ (iruur par dur il Zith.KtU ppelin Pan.-' ' . - ■ ’ SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17. 12 49 La fig. 6 indique les divers étages du terrain jurassique et sa discor¬ dance avec le terrain à fucoïdes F. A. Calcaire silurien. B. Grès et conglomérats dévoniens. C. Grauwackes. D. Micaschistes. La fig. 7 indique l’alternance du grès à fucoïdes B avec les schistes marneux A. Coupe prise sous Tanger. J Étage marneux. J'. Étage dolomitique. J". Étage calcaire. i"r. Étage avec silex. T. Terrain de transition. La fig. 8 représente un dépôt de travertin d’embouchure T, reposant sur un bourrelet littoral B et empâtant les galets, les coquilles et les sables rejetés par la mer. La fig. 9 montre un dépôt de travertin d’embouchure T, reposant dans un ancien lit de ruisseau creusé au milieu d’un bourrelet littoral. La fig. 10 donne la coupe de la vallée de la Bousfika, vallée remar¬ quable par la diversité des terrains qui s’y sont développés. C. Grauwackes. B. Conglomérats dévoniens. A. Calcaire à Orthocères. J. Jurassique. N. Néocomien. T. Terrain tertiaire lacustre. M. Molasse marine. T. Travertins. V. Alluvions. Nota. On peut voir à l’École nationale des mines la collection de roches de l’empire du Maroc que nous y avons déposée. 79 Soc. g col. y série, tome IV. ' ’ ,ï • '-i'O' 1 • • . I 1 ... ’ ' *■ ; • * ' • • • . « •-- *, i, ' r. . . ■ ■■' i\ ■ '■ -v i’-‘ . * !!: ' • ‘ . ' * /. / • .y: ■ > ■ *• ■ r . ■ • ' 1 • r*i ■ -t ) , ' )1 J • i *• *; ■ . ; >u ir \*> .. • i : . SÉANCE DU 5 JUILLET 1847 . 1 240 La fïg. 6 indique les divers étages du terrain jurassique et sa discor¬ dance avec le terrain à fucoïdes F. A. Calcaire silurien. B. Grès et conglomérats dévoniens. C. Grauwackes. D. Micaschistes. La fig. 7 indique l’alternance du grès à fucoïdes B avec les schistes marneux A. Coupe prise sous Tanger. J. Étage marneux. J'. Étage dolomitique. J". Étage calcaire. y ". Étage avec silex. T. Terrain de transition. La fig. 8 représente un dépôt de travertin d’embouchure T, reposant sur un bourrelet littoral B et empâtant les galets, les coquilles et les sables rejetés par la mer. La fig. 9 montre un dépôt de travertin d’embouchure T, reposant dans un ancien lit de ruisseau creusé au milieu d’un bourrelet littoral. La fig. 10 donne la coupe de la vallée de la Bousfika , vallée remar¬ quable par la diversité des terrains qui s’y sont développés. C. Grauwackes. B. Conglomérats dévoniens. A. Calcaire à Orthocères. J. Jurassique. N. Néocomien. T. Terrain tertiaire lacustre. M. Molasse marine. T. Travertins. Y. Alluvions. Nota. On peut voir à l’École nationale des mines la collection de roches de l’empire du Maroc que nous y avons déposée. M. Élie de Beaumont lit la note suivante : JSote sur les émanations volcaniques et métallifères , par M. Élie de Beaumont. Dans les leçons que j’ai faites au college de France pendant l’année scolaire qui vient de finir (1846-1 8^7) j’ai traité des éma¬ nations volcaniques et métallifères ; j’ai fait a cette occasion quel- Soc. géol. , 2e série , tome IY. ^9 1250 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. ques recherches, et je me suis livré à divers rapprochements dont je demande à la Société la permission de lui soumettre brièvement les principaux résultats. Le globe terrestre renferme dans son intérieur un immense foyer, dont l’incessante activité nous est révélée par les éruptions volcaniques et par tous les phénomènes qui s’y rattachent. Les éruptions volcaniques amènent à la surface du globe, d’une part, des roches en fusion, des laves, et tous leurs accessoires; de l’autre, des matières volatilisées ou entraînées à l’état moléculaire ; de la vapeur d’eau, des gaz, tels que l’acide hydrochlorique, l’a¬ cide hydrosulfurique, l’acide carbonique ; des sels , tels que les hydrochlorates de soude, d’ammoniaque, de fer, de cuivre, etc. Ces matières volatilisées se dégagent , tantôt des cratères en acti¬ vité, tantôt des laves qui coulent, tantôt des fissures voisines des volcans, comme les Etuves de Néron, les Geysers, et on se trouve naturellement conduit à y rattacher d’autres jets de vapeurs chaudes qui se dégagent à des distances plus ou moins grandes des volcans actifs, comme les soffioni et les la go ni s de la Toscane, ainsi que les sources thermales et la plupart des sources minérales. Ces éma¬ nations des foyers intérieurs du globe donnent généralement naissance à des masses plus ou moins consistantes, tels que le soufre et les sels des solfatares, les dépôts des eaux minérales, etc. On peut donc distinguer deux classes de produits volcaniques , ceux qui sont volcaniques a la manière des laces , et ceux cpii sont volcaniques à la manière du soufre, du sel ammoniac , etc. A toutes les époques de l’histoire du globe , les phénomènes éruptifs ont donné des produits appartenant à ces deux classes , mais la nature des uns et des autres a varié avec le temps. Si on remonte le cours des périodes géologiques, on voit les matières volcaniques à la manière des laces devenir de plus en plus riches en silice. Les plus riches en silice, les granités, sont, en masse, les plus anciennes. On voit en même temps les matières volcaniques ci la manière du soufre devenir de plus en plus variées. Je désigne l’ensemble de ces produits par la dénomination d 'émanations volcaniques et métallifères , parce que la plupart des filons métalliques me pa¬ raissent s’y rapporter. Il faut même y comprendre un grand nombre de gîtes de minéraux pierreux. Dans l’état actuel de la nature, les deux classes de produits sont presque complètement distinctes. Mais à l’origine des choses elles l’étaient beaucoup moins. On est conduit à concevoir qu’au moment où la surface du globe 1251 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. terrestre en fusion a commencé à se refroidir les différents corps simples s’y trouvaient répandus sans aucun ordre déterminé. Tout semble avoir été confondu dans ce chaos ] jri mit if où les pre¬ mières masses granitiques ont pris naissance ; mais peu à peu les matières éruptives à la manière des laves sont devenues moins si¬ liceuses, et les émanations volcaniques a la manière du soufre , qui à l’origine renfermaient presque tous les corps simples, sont deve¬ nues de plus en plus pauvres. C’est sur cette marche graduelle des phénomènes chimiques na¬ turels que je désirerais fixer un moment l’attention de la Société. M. de La Bêche a signalé depuis longtemps ce fait extrêmement remarquable, que, parmi les 59 ou 60 corps simples dont se compose aujourd’hui le répertoire de la chimie, 16 seulement sont générale¬ ment répandus en quantités appréciables à la surface du globe (1). Ces 16 corps, indiqués par des astérisques dans la première colonne du tableau placé à la fin de cette note (où les corps sont rangés dans l’ordre adopté récemment par M. Berzelius, en commençant par les plus électro-positifs), sont le potassium , le sodium , le calcium , le magnésium , Y aluminium , le manganèse , le fer, Y hydrogène, le si¬ licium , le carbone , le phosphore , Y azote, le soufre, Y oxygène, le chlore et le fluor. Quoique généralement répandus à la surface du globe, ces 16 corps simples sont bien loin de s’y présenter avec une égale abondance. Quelques uns d’entre eux , comme le manganèse, le phosphore et le fluor, ne se rencontrent que rarement en quantité un peu notable. D’un autre côté, quelques corps simples, qui ne sont pas compris au nombre des 16 signalés par M. de La Bêche comme le plus généralement répandus , ne le cèdent que peu à quelques uns de ces derniers. Ainsi on peut remarquer que, d’après le tableau même , le titane est très généralement répandu dans l’écorce minérale du globe terrestre ; mais il ne se présente que très rarement avec abondance. On peut ajouter que le brome et Y iode accompagnent très habituellement le chlore, et sont par conséquent à peu près aussi répandus que lui , quoique en propor¬ tion beaucoup moindre. On peut dire à peu près la même chose du sélénium , satellite assez habituel du soufre. Ces remarques porteraient à 20 le nombre des corps simples très généralement répandus. Mais sur ces 20 corps simples, 12 seu- (1) H. T. de La Bêche, Researchcs in theorical geology , p. 24, tra¬ duction française du même ouvrage, par M. H. de Collegno , Recher¬ ches sur la partie théorique de la géologie , p. 1 6. i 252 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. lement, c’est-à-dire | environ des corps simples connus, se rencon¬ trent fréquemment et en abondance. Les substances minérales fixes et solides à la température ordi¬ naire, dont se composent les diverses espèces de laves produites par les volcans actuels, renferment 14 corps simples, indiqués par des astérisques dans la deuxième colonne du tableau placé à la fin de cette note. Ces corps sont le potassium , le sodium , le calcium , le magnésium , Y aluminium , le manganèse , le fer , F hydrogène , le si¬ licium , le titane , le soufre , Y oxygène , le chlore , le fluor . Ces 14 corps simples sont tous compris, à l’exception du titane , parmi les 16 corps simples signalés comme le plus généralement répan¬ dus. Quatre d’entre eux ne se présentent dans les laves solidifiées que d’une manière exceptionnelle, comme par exemple le soufre et Y hydrogène dans l’acide sulfurique et l’eau de la Haiiyne contenus dans la lave de Niédermendig , le chlore dans la socialité qui forme un des éléments essentiels des laves du Vésuve, le fluor dans quel¬ ques lames de mica que contiennent certains produits volcaniques modernes. Ces quatre corps sont réellement étrangers à la plupart des laves, qui ne contiennent par conséquent que 10 des corps simples indiqués, tous compris, à l’exception du titane, parmi les 16 corps simples signalés par M. de La Bêche comme les plus répandus à la surface du globe. Les roches volcaniques anciennes contiennent 15 corps simples indiqués dans la troisième colonne du tableau ci-après. Ce sont les mêmes que ceux que l’on rencontre dans les roches volcaniques actuelles, auxquels s’ajoute le phosphore à cause de la chaux phos¬ phatée signalée dans quelques roches volcaniques anciennes , mais qui y est très rare. Sous le rapport de la rareté de quelques uns d’entre eux , ces corps simples peuvent donner lieu aux mêmes re¬ marques que ceux contenus dans les roches volcaniques actuelles. Les roches volcaniques actuelles et les roches volcaniques an¬ ciennes ont très habituellement pour hase des feldspatlis non sa¬ turés de silice où les rapports entre les quantités d’oxygène conte¬ nues dans l’alcali , l’alumine et la silice sont comme les nombres 1:3:6 (labrador), 1:3:8 (andesine, amphigène), 1:3:9 ( oligoklase ) , et des pyroxènes où le rapport de l’oxygène des bases à celui de la silice est comme les nombres 4:8. Certaines laves trachytiques et certains trachytes contiennent seuls des feldspatlis saturés , où les rapports des quantités d’oxygène, de l’alcali , de l’alumine et de la silice sont comme les nombres 1 : 3:12, et de l’amphibole où le rapport entre les quantités d'oxygène des bases et de la silice est comme 4:9. Certains trachytes seulement con- 1253 SÉANCE DU 5 juiLlkt 18/|7. tiennent dans quelques cas des grains de quartz isolés. Toutes les roches volcaniques contiennent au contraire, généralement, du fer oxidulé titanifère qu’on peut considérer comme un reste de base qui , ne trouvant pas à s’unir à la silice, s’est combiné avec une quan¬ tité variable d’acide titanique, par rapport auquel il s’est toujours trouvé en grand excès. Le caractère général de toutes ces roches e^t de contenir un excès de base plus ou moins considérable, et par conséquent d’être basiques ou au moins à peu près neutres. La 4e colonne du tableau est consacrée à des roches éruptives, dont le mode d’éruption paraît avoir différé sous plusieurs rapports de celui des roches volcaniques, notamment par la rareté beaucoup plus grande des scories , mais qui se distinguent encore par leur caractère essentiellement basique , comme les serpentines et une foule de roches de trapp où domine le labrador. On trouve dans ces roches, comme l’indique la 4e colonne du tableau, 30 corps simples , qui comprennent tous ceux déjà signalés dans les roches volcaniques actuelles et anciennes, auxquels s’ajoutent le cobalt , le zinc , le plomb , le bismuth , le cuivre , Y argent, le palladium , le rho¬ dium , le ruthénium , Y iridium, le platine , Y osmium , l’or, le chrome et F arsenic. Laplupart de ces métaux y sont, à la vérité, fort rares, no¬ tamment le palladium, le rhodium, le ruthénium, l’iridium, le pla¬ tine, l’osmium, qui ne s’y trouvent jamais qu’à l’état natif, et qu’on pourrait peut-être y considérer comme accidentels. Les corps sim¬ ples , qui sont abondants dans ces roches , sont généralement les mêmes que dans les roches volcaniques ( sauf la prédominance de la magnésie dans les serpentines ). Le caractère essentiellement ba¬ sique àe toutes ces roches leur donne des rapports frappants avec les roches volcaniques , rapports qui ont beaucoup contribué à faire admettre par les géologues modernes leur origine ignée. On peut seulement remarquer que l’eau, très rare comme élément essentiel dans les roches volcaniques modernes, d’où elle s’est presque tou¬ jours dégagée au moment de leur solidification , est moins rare dans les roches volcaniques anciennes , dont plusieurs comptent des zéolithes hydratées au nombre de leurs éléments essentiels, et moins rares encore dans les roches éruptives basiques, où le dial- lage et la serpentine en contiennent constamment. Pour achever de passer en revue les principales roches éruptives; il nous reste à considérer celles qu’on peut regarder, par opposi¬ tion aux précédentes, comme essentiellement acidifères , c’est-à- dire celles dans la composition desquelles entrent essentiellement des feldspaths saturés de silice, où les quantités d’oxygène de l’alcali , SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1254 de l'alumine et de la silice sont comme les nombres 1:3:12, et qui contiennent en outre généralement des grains de quartz disséminés : tels sont les porphyres quartzifères , le diorite, la syénite , la protogine , le granité et quelques autres roches qu’on peut considérer comme des dégénérescences ou des monstruo¬ sités du granité, telles que le granité à grandes parties, le feldspath lamelleux, lapegmatite, laleptynite, l’hyalomicte, l’hyalotourma- lite, etc. Afin d’abréger , j’ai considéré toutes ces roches éruptives, acidi * fèrcs, in globo, et je leur ai consacré la 5e colonne du tableau qui termine cette note, colonne que j’ai désignée comme se rapportant simplement au granité. Au nombre des traits caractéristiques qui distinguent essentielle¬ ment les roches aciclifères , on doit remarquer le grand nombre des corps simples qui entrent dans la composition , soit de leurs élé¬ ments essentiels, soit des minéraux qui s’y trouvent plus ou moins habituellement disséminés. Ces corps simples, indiqués par des asté¬ risques dans la 5e colonne du tableau, sont au nombre de 42. On trouve parmi eux tous ceux qui existent dans les roches volcaniques et basiques , à l’exception du platine et de quelques uns des métaux qui l’accompagnent constamment (rhodium, ruthénium, iridium, osmium) et de plus les 17 suivants : le lithium , l’ yttrium , le glucinium , le zirconium , le thorium , le cé¬ rium , le lanthane , le didymium , 1 ’ttrane, Y étain , le carbone , le bore , le tantale , le niobium , le pélopiurn , le tungstène , le mo¬ lybdène. Grâce à la présence de ces 1 7 corps , le nombre des corps simples qui existent dans les roches éruptives aciclifères est beau¬ coup plus grand que celui des corps simples qui sont connus pour se trouver dans les roches volcaniques et même dans les roches éruptives basiques. Ce fait est , si je ne me trompe , un des plus saillants que présente la distribution des corps simples dans l’écorce minérale du globe terrestre. Il est d’autant plus re¬ marquable que les corps simples dont il s’agit, loin de se trouver à l’état natif dans les roches qui les renferment et de pouvoir, jus¬ qu’à un certain point, y être considérés comme accidentels, ainsi que cela a lieu dans les roches basiques pour les métaux de la fa¬ mille du platine, s’y trouvent généralement oxidés et engagés dans des combinaisons plus ou moins complexes , dont la nature peut fournir des données sur les phénomènes physiques et chimiques qui ont présidé à la formation des masses qui les renferment. Les minéraux variés dans lesquels entrent ces corps simples s’ob- SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1255 servent surtout dans les roches acidifères les plus cristallines, telles que les granités à grandes parties, les pegmatites, les hyalo- mictes, etc.; ce qui peut faire conjecturer que leur présence est en rapport avec le fait encore si problématique de la cristallinité remarquable de ces mêmes roches. Cette circonstance exigera , pour être bien appréciée , que nous prenions en considération la connexion qui existe aussi entre les roches acidifères les plus cristallines et les roches métamorphi¬ ques qui les accompagnent le plus habituellement ( gneiss , mica¬ schistes, etc.), ainsi qu’entre les roches acidifères les plus cristal¬ lines et une classe particulière et très nombreuse des gîtes des minéraux que j’ai désignés collectivement (en prenant la partie pour le tout) sous le nom de filons stannifères. J’ai consacré la 6e colonne du tableau aux filons stannifères , en comprenant dans cette catégorie les filons , petits filons et amas qui contiennent des minerais d’étain ou même seulement les sub¬ stances qui , comme les minerais de tungstène et de tantale , sont généralement accompagnées d’étain et en sont en quelque sorte les représentants. Cette catégorie de gîtes minéraux est la plus riche de toutes en corps simples; on y en compte 48, c’est-à-dire les | des corps simples connus. Parmi eux se trouvent tous les corps simples signalés dans les granités, à l’exception du thorium qui n’y a pas encore été reconnu , et on y trouve en outre sept autres corps : le barium , le nickel , le cadmium , le vanadium , le tellure , l’ antimoine , le sélénium , dont quelques uns seront peut-être découverts dans les granités à la suite de recherches plus suivies , et qui tous se retrouvent dans les filons ordinaires. La nature spéciale des filons stannifères ne peut être bien appré¬ ciée que par comparaison avec les filons ordinaires , c’est- à-dire avec ceux dans lesquels s’exploitent les métaux les plus employés, tels que le plomb, l’argent, le cuivre, le fer. J’ai consacré la 7e colonne du tableau à ces derniers filons , qu’on pourrait dési¬ gner aussi sous le nom de filons plombifères , en raison de ce que les filons de galène argentifère peuvent en être considérés comme le type le mieux caractérisé, et j’y ai réuni les masses cristallines contenues dans les géodes qu’on trouve fréquemment dans les amygdaloïdes des roches basiques , dans les fissures] des septaria d’un grand nombre de formations et dans diverses cavités des terrains sédimentaires. Cette classe, très nombreuse et très variée, des gîtes de minéraux , est encore très riche en corps simples. On y en compte 43, dont 5 seulement, le strontium , le mercure, le platine , Y Iode et le brome , n’ont pas été signalés dans les gîtes 1256 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. stannifères ; mais ce qui les caractérise particulièrement , c’est , d’une part, l’absence de 10 des corps simples connus dans les gîtes stannifères, le lithium , Y yttrium , le zirconium , le cérium , le lanthane , le didymium , le tantale , le niobium , le pelopium , le tungstène , corps éminemment oxidables et dont les oxides jouent souvent le rôle d’acides, et de l’autre , la proportion très différente dans laquelle les corps communs aux deux listes se trouvent dans les deux classes de gîtes; car l 'étain, le molybdène ne sont abondants que dans les gîtes stannifères , tandis que le barium , le plomb , Y argent ne sont abondants que dans les fdons ordinaires. Parmi les 59 corps simples admis dans le tableau , 6 seulement: le thorium , le rhodium , le ruthénium , Y iridium , Y osmium , Y azote , ne se trouvent ni dans l’une ni dans l’autre liste. Le thorium est extrêmement rare , même dans les granités ; les autres , dont les combinaisons sont généralement peu stables et qui se fixent diffi¬ cilement, sont compris dans le nombre des corps qu’on rencontre à l’état natif. La liste des corps simples qu’on trouve dans les filons ordinaires prend un nouvel intérêt lorsqu’on la compare avec celle des corps simples qui, d’après les travaux d’un grand nombre de chimistes, notamment d’après ceux de M. Berzélius, et ceux plus récents de MM. Biscliof et Kopp , se trouvent dans les eaux minérales. J’ai consacré à cette dernière la 8e colonne du tableau. Elle comprend 25 corps simples et elle n’est, pour ainsi dire, qu'un extrait de la liste des corps simples trouvés dans les filons ordinaires, car Y azote est, parmi. tous les corps qui s’y trouvent, le seul qui ne se trouve pas en même temps dans les filons. Enfin, les listes des corps simples qui se rencontrent dans les éma¬ nations des volcans actuels n’est elle-même, en quelque sorte, qu’un extrait de celle des corps simples qui se trouvent dans les sources minérales. Cette liste , à laquelle j’ai consacré la 9e co¬ lonne du tableau, se compose de 19 corps simples, dont 3 seule¬ ment, le cobalt , le plomb et le sélénium , qui n’y figurent que pour des quantités très peu considérables, manquent à la liste des corps simples qui se trouvent dans les eaux minérales. Parmi les 19 corps simples trouvés dans les émanations des volcans actuels on trouve , sauf le magnésium , le titane et le fluor , tous les corps sim¬ ples qui entrent dans la composition des roches volcaniques ac¬ tuelles. On y trouve de plus le cobalt , le plomb , le cuivre , le car¬ bone , le bore , Y arsenic, Y azote ^ le sélénium. Ces derniers rap¬ prochent la liste des corps simples trouvés dans les émanations volcaniques de celle des corps simples trouvés dans les sources mi- SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. 1257 nérales et dans les liions , et ce rapprochement est d’autant plus important que les il corps simples qui se trouvent à la fois dans les laves et dans les émanations des volcans actuels se trouvent aussi dans les sources minérales et dans les liions. A l’égard de ces corps , la différence entre les deux catégories de gisements con¬ siste essentiellement dans l’état de combinaison dans lequel ces corps s’y trouvent. Je reviendrai , ci-après, sur ce dernier point , mais auparavant je dois jeter un coup d’œil sur les trois dernières colonnes du ta¬ bleau. J’ai consacré la 10e aux corps simples qui se rencontrent sur la surface du globe à l’état natif. Ces corps sont au nombre de 20, et ils paraissent figurer à différents titres dans cette liste supplémen¬ taire. Les uns , comme le palladium , le rhodium , le ruthénium , Y iridium , le platine , semblent relégués complètement ou presque complètement dans cette catégorie , à cause de l’instabilité des combinaisons qu’ils peuvent contracter avec d’autres corps. Ils ne forment guère de combinaisons stables qu’entre eux ; ils se trouvent généralement ensemble et paraissent constituer comme un monde à part au milieu du reste du monde minéralogique. Aussi les désigne- t-on assez habituellement d’une manière collective sous le nom de métaux de la famille du platine. L’or et Y azote semblent aussi devoir , en grande partie , le privilège de figurer dans cette colonne à l’instabilité de leurs combinaisons. L e plomb, le bismuth , le cuivre , le mercure , Y argent, le carbone , le tellure , Y antimoine , Y arsenic, le sélénium , le soufre , Y oxygène, semblent ne se trouver dans cette liste qu’en raison de circonstances accidentelles qui les ont soustraits aux combinaisons qu’ils auraient pu contracter. J’ai indiqué, dans la 11e colonne, les corps simples qui ont été trouvés dans les aérolitlies, d’après les recherches que M. Angelot a consignées dans deux volumes précédents du Bulletin (1). Ces corps ( en ne tenant compte que de ceux dont l’existence est bien constatée) sont au nombre de 21. Tous sont des corps déjà connus et même assez répandus à la surface du globe terrestre ; 15 d’entre eux sont compris dans la liste des 16 corps simples signalés par M. de La Bêche, comme les plus répandus à la surface de la terre. Le fluor manque, mais on trouve en revanche U autres corps assez communs aussi à la surface du globe; le nickel , le cobalt , le cuivre F. Angelot, Bulletin de la Société géologique de France , lre série, t. XI, p. 136 ; et t. XIV, p. 589. 1258 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. et le chrome. Je ne puis que renvoyer aux ingénieux Mémoires de M. Angelot pour les conclusions à tirer de cette identité des corps simples qui nous sont venus de l’extérieur, avec ceux que notre planète possédait déjà en abondance. Enfin, j’ai consacré la 12 ’ et dernière colonne de ce tableau à l’indication des corps simples qui entrent généralement dans la composition des corps organisés. Ces corps sont au nombre de 16, et ce sont précisément les mêmes que les 16 corps indiqués d’a¬ près M. de La Bêche, dans la lre colonne du tableau, comme les plus répandus à la surface du globe. Cette identité montre que la surface du globe renferme dans presque toutes ses parties tout ce qui est essentiel à l’existence des êtres organisés ; elle fournit un nouvel et frappant exemple de l’harmonie qui existe entre toutes les parties de la nature. Les 16 corps dont il s’agit se trouvant tous soit dans des productions volcaniques, soit dans les eaux minérales, on voit que la nature a pourvu non seulement à l’établissement , mais à la conservation de cette harmonie indis¬ pensable. Le globe en vieillissant ne cessera jamais de fournir aux être organisés tous les éléments nécessaires à leur existence. Après avoir ainsi jeté un premier coup d’œil sur l’ensemble du sujet de cette note, je dois entrer dans un examen plus circonstancié des principaux gîtes métallifères et des circonstances qui paraissent devoir nous en révéler l’origine. J’ai déjà fait remarquer que la liste des 19 corps simples qui figurent dans les émanations des volcans actuels est en quelque sorte un extrait de la liste des 25 corps simples qui ont été reconnus dans les eaux minérales. Parmi les 19 premiers je n’en trouve en effet que trois, le cobalt, le plomb et le sélénium qui ne figurent pas parmi les 25 autres. Or ces trois corps sont si peu abondants dans les émanations volcaniques qu’on ne saurait attacher une grande importance à une telle différence. Parmi les 25 corps trouvés dans les eaux minérales 9 n’ont pas encore été trouvés dans les émanations volcaniques , ce sont : le lithium , le barium , le strontium , le magnésium , le zinc , le phos¬ phore , Y iode , le brome , te fluor. Cette différence me paraît elle- même peu importante. Elle tient peut-être simplement à ce que les produits des émanations volcaniques sont bien loin d’avoir été l’objet d’analyses chimiques aussi multipliées et aussi soignées que les eaux minérales dont plusieurs chimistes éminents se sont oc¬ cupés avec un soin minutieux. Tout me conduit à présumer que ces deux listes seront identiques lorsqu’elles seront complètes l’une et l’autre , et je suis d’autant plus porté à le croire que les corps SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. 1259 qui se trouvent dans l’une et dans l’autre se présentent au même état physique et chimique dans les deux classes de produits. Le soufre possède deux systèmes cristallins, l’un propre au soufre qui a cristallisé par la voie humide , l’autre au soufre fondu qu’on a laissé refroidir. Or le soufre qui cristallise dans les fissures des cratères des volcans cristallise dans le même système cristallin que celui que déposent les sources minérales, et cela est naturel, puisque dans les cratères des volcans le soufre cristallise au milieu d’un dégagement abondant de vapeur d’eau. Le gypse qui cristal¬ lise dans les fissures de certains cratères volcaniques est hydraté comme celui qui est déposé par certaines eaux minérales. En un mot les matières qui sont volcaniques à la manière du soufre sont des produits de la voie humide , de même que les dépôts des sources thermales sont des produits de la chaleur, et ces deux classes de produits ne diffèrent que par la forme extérieure des phéno¬ mènes qui les amènent à la surface du globe. Ils ont au fond la même origine et ne constituent pas deux classes réellement dis¬ tinctes. Les vapeurs qui se dégagent , soit des laves qui se refroidissent , soit des fissures des cratères , produisent quelquefois , en se con¬ densant , des filets d’eau chaude chargée de différents sels , qui sont de véritables sources thermales. Un grand nombre de sources thermales ont probablement une origine de ce genre. Elles pro¬ viennent , comme les émanations volcaniques , d’une distillation ou d’une sublimation naturelle. Ce serait une supposition gratuite que d’admettre en géologie la sublimation isolée , la sublimation sèche de telle ou telle substance qui paraît avoir joué un rôle dans un phénomène particulier. La nature actuelle ne nous offre pas d’exemples de phénomènes de ce genre. Mais une sublimation , une distillation , un entraînement moléculaire , ayant la vapeur d'eau ou l’eau condensée pour auxiliaire et pour véhicule, sont des phénomènes dont les exemples abondent sous nos yeux et qui peuvent même avoir été plus fréquents et plus variés encore pen¬ dant les périodes géologiques qu’ils ne le sont de nos jours. Les émanations volcaniques et les sources minérales donnent naissance à différents dépôts. Les vapeurs dégagées par les volcans engendrent les solfatares où se trouvent, avec le soufre , des chlo¬ rures alcalins et métalliques, de l’hydrochlorate d’ammoniaque, du gypse et d’autres sulfates, etc. Les sources minérales douées de la puissance chimique la moins énergique produisent des dépôts cal¬ caires et ferrugineux. D’autres, chargées de principes plus actifs, produisent des dépôts siliceux ou des dépôts complexes contenant 1260 SÉANCE I)U 5 JUILLET 18Z|7. un grand nombre de substances telles que la baryte , la strontume , Y acide borique , Y arsenic , le phosphore , le soufre , le fluor. Le plus souvent nous ne voyons que Ja partie de ces dépôts qui se forme à l’extérieur. Cependant nous pouvons observer aussi les stalactites et les stalagmites auxquelles certaines sources donnent naissance dans différentes grottes et les incrustations que certaines eaux produisent dans les tuyaux de conduite. Il est indubitable que si nous pouvions pénétrer dans les conduits suivis par les sources minérales et par les émanations volcaniques nous les verrions fréquemment incrustés de dépôts analogues. Or ces incrustations auraient nécessairement la plus grande ressemblance, tant pour la composition que pour la forme, avec les filons métalliques ordi¬ naires tels que ceux où le soufre, l’arsenic, le quartz, la baryte sul¬ fatée, la chaux carbonatée jouent un rôle important. Les rapproche¬ ments établis ci-dessus entre la liste des corps simples trouvés dans les émanations volcaniques et dans les sources thermales et celle des corps simples trouvés dans les filons ordinaires et la ressemblance des combinaisons dans lesquelles les mêmes corps y sont engagés conduisent naturellement à cette conclusion, qui vient elle-même corroborer l’analogie signalée depuis longtemps dans les relations qui existent d’une part entre les sources minérales et certaines roches éruptives, et de l’autre entre les filons métalliques ordinaires et des roches du même genre. Une des circonstances qui portent à penser que beaucoup de filons ne sont autre chose que des dépôts opérés par des eaux miné¬ rales dans les fissures qu’elles parcouraient, c’est le gisement même de ces filons qui, à prendre la chose dans son ensemble, est tout à fait analogue à celui des eaux minérales. Les eaux minérales, en général , se trouvent plus particulièrement dans les contrées où il y a eu des éruptions volcaniques , ou du moins dans les contrées dans lesquelles le sol est bouleversé. Or, c’est là précisément le gisement général des filons ; ils se trouvent principalement dans les contrées dont le sol est disloqué et ils y sont groupés dans le voisi¬ nage des roches éruptives. La différence principale consiste en ce que les sources thermales sont coordonnées à des roches éruptives modernes, tandis que les filons sont coordonnés à des roches érup¬ tives plus anciennes. On peut même suivre d’une manière plus complète la liaison des gîtes métallifères en général avec les roches éruptives, que celle des eaux minérales avec les roches du même genre. Comme les eaux minérales se rattachent aux roches éruptives les plus modernes, à celles dont les niasses intérieures n’ont pas pu être mises à décou- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/f7. 12(31 vert j on voit facilement, quand on examine la disposition des sources minérales sur la surface du globe , comment ces sources sont pour la plupart groupées dans les contrées dans lesquelles il y a eu des éruptions modernes; mais on ne peut pas pénétrer jusque dans 1 intérieur pour voir la liaison entre les canaux de ces sources mi¬ nérales et les points où elles peuvent emprunter aux roches érup¬ tives la chaleur quelles possèdent et les matières dont elles sont chargées. Au contraire, les fdons dont la nature et la structure rappellent les dépôts des eaux minérales sont plus visibles que les dépôts formés par les eaux minérales actuelles à cause des bouleversements qu’a éprouvés dans beaucoup de cas le sol qui les renferme, de la destruction partielle de l’ancienne surface de ce sol cpii rend visibles des parties situées originairement dans la profondeur et des secours offerts à l’observateur par les travaux des mines qui pénètrent dans leur intérieur. A la vérité , l’analogie de ces fdons avec les dépôts des eaux minérales ne peut se conclure que de leur étude minéra¬ logique. Les eaux qui les ont formés n’y circulent plus aujourd’hui, ou si des eaux y circulent encore , elles ne sont plus thermales. Les anciens foyers se sont refroidis, l’activité intérieure a été transportée ailleurs; mais aussi, quand, cà la faveur même de leur refroidisse¬ ment, on examine d’une manière complète la série des gîtes métal¬ lifères qui se rattachent à certaines roches éruptives, on voit qu’il y a une liaison très intime entre ces gîtes et les roches éruptives. En effet les gîtes métallifères ne sont pas tous des filons absolu¬ ment semblables à ceux dont j’ai signalé les analogies avec les dé¬ pôts des eaux minérales ; il y a des gîtes métallifères renfermant absolument les mêmes métaux qui sedrouvent renfermés dans l’in¬ térieur de certaines roches éruptives ou tout à fait dans leur voisi¬ nage, et tous ces gîtes forment une chaîne continue dont les filons réguliers formés par incrustation dans des fissures constituent une extrémité et qui se rattachent à des gîtes tout à fait compris dans l’intérieur des masses minérales éruptives, ou bien situés immédia¬ tement à leur contact et qui en dérivent plus directement encore que par le' transport moléculaire dû aux émanations et à l’ac¬ tion des eaux minérales. Tout le monde sait que les filons sont des fentes remplies après coup ; mais on doit distinguer deux classes essentiellement différentes de filons : les uns sont formés par des matières concrétionnées appliquées dans les fentes sur leurs deux parois. Ces substances sont principalement des matières pierreuses ou gangues , telles que le quartz, la baryte sulfatée, la chaux car bonatée, souvent 1262 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. le spath fluor et différents minerais métalliques, tels que la galène, les pyrites , etc. Une autre classe de filons est formée de roches , telles que les basaltes, les mélapliyres , les porphyres, qui se sont introduites aussi dans des fentes. Mais il y a cette différence entre les deux classes de filons , que les premiers sont formés de bandes symétriquement disposées , en général formées de cristaux tournant leurs pointes vers l’intérieur de la fente originaire dont le milieu présente souvent un vide tapissé de cristaux libres, tandis que les filons formés de roches telles que le basalte et le porphyre rem¬ plissent entièrement les cavités dans lesquelles ils se trouvent et ne présentent la disposition en bandes symétriques que d’une ma¬ nière extrêmement peu distincte résultant simplement de ce que les parties moins cristallines des parois se distinguent légèrement des parties plus cristallines du centre , avec lesquelles elles font continuité. Les filons de cette dernière espèce peuvent être désignés , d’après leur mode de formation bien connu, sous le nom d q filons injectés. Ils se distinguent généralement des filons de la première classe composés de bandes symétriques, qu’on peut désigner sous le nom de filons concrétionnés, La plupart des filons métallifères appartiennent à la classe des filons concrétionnés ; cependant les filons injectés et les masses de formes moins régulières que constituent très souvent les roches éruptives, sont quelquefois métallifères. Ainsi les filons basaltiques renferment presque toujours du fer oxidulé qui y est disséminé en quantité plus ou moins considérable ; si le fer oxidulé avait une valeur plus considérable, égale seulement à celle du minerai d’étain, ils seraient certainement exploités pour en retirer le fer. C’est ce qui arrive en Suède pour la niasse de trapp de Taberg qui est exploitée comme mine de fer en raison des nombreuses veines de fer oxidulé qui y sont encaissées et qui forment une por¬ tion considérable du volume total. Les serpentines sont aussi très fréquemment métallifères. Elles renferment très habituellement du fer oxidulé et du fer chromé ; c’est même là le gisement habi¬ tuel du fer chromé, et le fer oxidulé y est quelquefois disséminé en assez grande abondance pour leur donner le magnétisme polaire. Quelquefois enfin , au lieu d’y être disséminé en petites parties, ce minerai y forme des masses considérables comme celle qu’on exploite à Cogne dans la vallée d’Aoste. Il existe même dans différentes contrées des masses de fer oxidulé et de fer oligiste qui peuvent être considérées elles-mêmes comme des roches éruptives. Telles sont notamment celles ^de T île d’Llbe \ ♦< •v* V SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. 1263 que M. Paul Savi et M. AmédéeB urat ont décrites avec soin (1). Outre ces minerais de fer sortis directement du sein de la terre par voie d’éruption, il en existe d’autres qui par leur gisement se rattachent plus ou moins immédiatement à des roches éruptives et dont la formation a dû être une conséquence plus ou moins directe de leur éruption. Les mines de fer des Vosges sont très instructives sous ce rap¬ port. Ainsi que je l’ai indiqué ailleurs (2), il y existe en plusieurs points des masses de minerai de fer qui se rattachent plus ou moins directement à des masses éruptives. On exploite notamment à Fra- mont, à la partie septentrionale du département des Vosges, des amas de fer oligiste, que M. De Billy a décrits avec beaucoup de dé¬ tails et de clarté et qui sont dans une connexion évidente avec des masses de porphyre quartzifère. Il n’est pas sans intérêt de re¬ marquer que les gîtes de minerai de fer de Frainont, outre la baryte sulfatée , le quartz , l’arragonite , les pyrites cuivreuses et autres minéraux plus ou moins habituels dans les filons ordinaires, ren¬ ferment aussi de la pliénakite {silicate de glucine) , qui établit entre eux et les filons stannifères un rapprochement correspondant à celui qui existe entre les porphyres quartzifères et les granités. A quelque distance de Framont, se trouvent des filons de mi¬ nerai de fer, qui probablement se rattachent indirectement aux mêmes roches éruptives, et dans plusieurs autres points des Vosges on trouve d’autres filons du même genre , qui tous ont probable¬ ment un point de départ plus ou moins analogue à celui des mi¬ nerais de fer de Framont. Ainsi , dans le nord des Vosges, dans le voisinage de Bergzabern et de Schoënau , on trouve des filons de fer hématite brun qui renferment en même temps du plomb phos¬ phaté , de la calamine , etc. Le cuivre se trouve aussi bien que le fer dans l’intérieur des roches éruptives ou dans leur voisinage immédiat. On le rencontre souvent à l’état natif ou sous forme de pyrites dans les serpentines ainsi que dans certaines roches trappéennes. Il est quelquefois ac¬ compagné par l’argent. L’un des plus beaux exemples qu’on puisse citer à cet égard se trouve dans les gisements de cuivre qui ont été explorés et décrits par M. le docteur Charles T. Jackson, de Boston. Ils sont situés sur les bords du lac Supérieur, notamment (f ) A. Burat, Géologie appliquée et description des gîtes métal¬ lifères. (2) Explication de la carte géologique de France , t. I, p. 423, et Annales des mines, 1rc série, t. VII, p. 526. 1264 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. à Kewenah-point et clans File-Royale. Là, le cuivre se trouve disséminé dans les roclies trappéennes , en globules et eu assez gros blocs ; il est accompagné de globules d’argent qui sont isolés , soit au milieu de la roche , soit au milieu du cuivre, avec lequel (chose singulière) l’argent ne s’est pas allié. Dans le voisinage de ces ro¬ ches trappéennes, on trouve encore le cuivre et l’argent natifs, ainsi que la pyrite cuivreuse, dans des filons qui coupent, soit les roches trappéennes elles-mêmes, soit les roches arénacées, au milieu desquelles les premières ont pénétré. Les gangues de ces filons sont remarquables par leur nature exceptionnelle. On y remarque tantôt la datholite (chaux boratée siliceuse) , tantôt Xépi- dote. L’Oural présente aussi plusieurs gisements de cuivre dans des roches éruptives ou dans leur voisinage immédiat ; telles sont les mines de Turjinsk. Le cuivre natif et les autres minerais s’y trou¬ vent toujours près des lignes de contact de masses nombreuses de diorites , et des calcaires au milieu desquelles les diorites ont péné¬ tré. Ils sont accompagnés en beaucoup de points de grandes masses de grenat qui séparent les diorites des calcaires , et qui , suivant toute apparence , ont été produites par l’action des premiers sur les seconds. Une des contrées les plus intéressantes sous le rapport des gîtes métallifères renfermés dans les roches éruptives ou en contact immédiat avec elles, c’est la Toscane. On y trouve un grand nombre de gîtes métallifères, particulièrement de gîtes cuprifères, exploités par les anciens comme mines de cuivre. La pyrite cui¬ vreuse est le minerai le plus répandu ; elle est accompagnée de cuivre panaché , de cuivre natif , de cuivre oxydulé , de cuivre gris ; on y rencontre aussi de la blende , de la galène , etc. Les mi¬ nerais de cuivre sont quelquefois répandus dans la roche serpenti- neuse de manière à faire corps avec elle ; d’autres fois , ils sont placés au contact de la roche serpentineuse avec les roches adja¬ centes ; on voit qu’ils ont été apportés par la roche serpentineuse de manière à être mêlés avec les débris produits par son éruption , qui ont formé à la surface de la masse un conglomérat de frotte¬ ment. M. Amédée Burat a décrit tous ces gisements avec beaucoup de soin (1). Les roches éruptives volcaniques et basiques sont tellement un des gisements essentiels des métaux , qu’il en est plusieurs aux- (1) Amédée Burat, Géologie appliquée et théorie des gîtes métal¬ lifères. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1265 quels on ne peut presque pas assigner d’autre gisement propre que certaines roches de cette nature, dans lesquelles on les a trouvés disséminés. Tels sont le platine et les métaux qui lui sont habi¬ tuellement associes, le palladium , le rhodium , le ruthénium , 17/7- dium &X osmium. Ces métaux , qui forment, dans la série des corps simples, une sorte de famille particulière , se rencontrent généra¬ lement ensemble. On les recueille ordinairement dans les terrains de transport superficiels ; mais quelquefois on est parvenu à trou¬ ver leurs gîtes originaires. Ainsi, M. Boussingault a découvert le gisement du platine exploité dans la province de Clioco (Nouvelle- Grenade). Il a trouvé un filon de grünstein qui traverse la base des Cordillères , et dans lequel le platine existe à l’état de grains métalliques renfermés au milieu de la roche éruptive. On exploite aussi des alluvions platinifères dans l’Oural ; il pa¬ raît que le gisement primitif du platine qu’elles renferment est dans des roches serpentineuses. On rencontre dans les lavages de platine une grande quantité de fer chromé , minéral qui se trouve ordinairement dans les serpentines; de plus, M. Gustave Rose a iudiqué l’existence de grains de platine enchâssés dans le fer chromé , et M. Le Play a observé une connexion très directe entre la disposition des alluvions platinifères et celle des masses serpen¬ tineuses. Il a même réussi à obtenir le platine en lavant certaines terres qui résultent de la décomposition des niasses serpentineuses. Il paraît que le platine sort de ces masses serpentineuses, mais qu’il y est excessivement disséminé: on ne peut parvenir à le recueillir que dans les points où il a été concentré par l’effet d’un lavage naturel qui a enlevé en grande proportion les substances accom¬ pagnantes et laissé le platine sur le lieu même de la désagréga¬ tion de la niasse qui le eontenait , à cause de sa grande pesanteur spécifique. Le platine et les métaux qui raccompagnent existent donc dans les roches éruptives. Mais il y a cette différence entre eux et la plupart des autres métaux qu’on rencontre également dans les roches éruptives , qu’on ne trouve guère les premiers que dans les roches éruptives mêmes ou dans les produits de leur désagrégation ; et qu’on ne les voit que très rarement former des filons ou d’autres gîtes à l’entour de ces mêmes roches. Cela tient probablement à ce que le platine et les métaux qui l’accompagnent sont trop faciles à réduire à l’état métallique , et qu’ils entrent trop rarement dans des combinaisons stables avec des corps étrangers à leur famille. La facilité avec laquelle se réduisent les oxydes de cuivre et d’argent explique de la même manière pourquoi on trouve aussi Soc. cjéol. , 2e série, tome IV. 80 1*26(5 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. très fréquemment ces métaux à l’état natif dans les roches éruptives. Il ne saurait en être de même par exemple du fer, qui, à une température élevée , ne peut manquer de s’oxyder aux dépens de ’ oxygène de l’eau qui, à l’état liquide ou à l’état de vapeur, existe toujours en abondance dans les laboratoires volcaniques. La diversité des propriétés chimiques des différents métaux per¬ met donc de concevoir assez aisément pourquoi le platine et les métaux qui raccompagnent sont presque uniquement concentrés dans les roches éruptives qui les recèlent, tandis que le fer, le cuivre , l’argent , le plomb, se sont répandus dans lésinasses au milieu desquelles les roches métallifères ont fait éruption et s’y sont répandus souvent jusqu’à des distances considérables. Tous ces métaux étant sujets à se trouver dans les roches érup¬ tives, et se rencontrant aussi quelquefois en dehors de ces roches, dans les masses qui sont immédiatement en contact avec elles, il est difficile de douter que, dans ce cas, ils aient été introduits par l’effet même de l’éruption de la roche qui en renferme ; cela paraît d’autant plus vraisemblable que lorsqu’ils se trouvent dans la roche éruptive ils sont ordinairement concentrés, surtout près de sa surface , ce qui semble annoncer que le phénomène qui les a fait pénétrer à l’extérieur, est la suite et la continuation de celui qui les a portés d’abord de l’intérieur de la masse éruptive vers sa périphérie. Et puisque les masses éruptives renferment quelquefois des métaux et les introduisent dans les terrains où elles pénètrent , il n’y a rien en soi-même d’ étonnant à ce qu’on trouve des mé¬ taux dans les filons ordinaires formés de substances concrétion nées qui sont cantonnés à l’entour de ces mêmes roches éruptives ; car, quoique ces filons concrétion nés et les roches éruptives forment deux classes de masses minérales tout à fait distinctes , on ne peut nier qu’il n’y ait entre elles une liaison qui se manifeste , d’une part par la coordination de leurs gisements, et de l’autre par l’identité même des substances métalliques qui se trouvent à la fois dans les unes et les autres. On est donc très naturellement conduit à penser que les substances métalliques contenues dans les filons d’incrusta¬ tion proviennent en principe de roches éruptives ; seulement elles ne paraissent pas y avoir été introduites tout à fait de la même manière que les roches éruptives se sont introduites elles-mêmes dans le terrain ou que les minerais se sont introduits , de la roche éruptive, dans les roches immédiatement adjacentes. Ils s’y sont probablement introduits par une voie pour ainsi dire détournée le plus souvent par un phénomène analogue à celui des eaux .mi¬ nérales , analogue à celui des dépôts que les eaux minérales for- 1267 SÉANCE DU 5 JUILLET JS/} / . ment au point où nous les voyons sortir, et qu elles doivent aussi former dans les canaux qu elles parcourent. En effet, si 1 on cherche à se faire en quelque sorte a priori une idée de la manière dont a pu s’opérer cette diffusion des sub¬ stances métalliques autour des points d’éruption des roches métal¬ lifères , il est naturel de considérer ce qui se passe dans les volcans , dont les émanations renferment encore aujourd’hui un certain nombre de métaux indiqués dans la neuvième colonne du tableau placé à la fm de cette note , le fer, le manganèse , le cobalt , le plomb , le cuivre , Y arsenic. Le fer, sous forme de chlorure , qui se change souvent en fer oligiste , est au nombre des substances les plus abondantes dans les émanations volcaniques actuelles ; le fer oxydulé est habituelle¬ ment disséminé dans les laves rejetées par les volcans, et on ne peut douter qu’il n’en existe aussi dans les laves , qui peuvent se consolider à la suite des éruptions volcaniques dans des cavités souterraines. Il doit nécessairement se déposer du fer à l’état d’oxyde ou de chlorure dans les fissures que les émanations volca¬ niques traversent avant d’arriver à la surface. De là , des filons qui se rattachent, dans l’intérieur du sol, à des masses éruptives ren¬ fermant du fer. Le cuivre étant un des métaux qui se rencontrent dans les éma¬ nations volcaniques, on peut faire à son sujet des conjectures ana¬ logues en remarquant qu’en raison de la plus facile réduction de son oxyde, il est naturel qu’il se trouve en globules métalliques dans les roches éruptives d’où se sont dégagées des émanations cuprifères. On est fondé à faire des suppositions du même genre relative¬ ment à tous les métaux dont la présence a été constatée dans les émanations volcaniques , et à ceux qui ont été reconnus dans les eaux minérales , c’est-à-dire relativement à presque tous les mé¬ taux qui se trouvent dans les filons ordinaires. Ces suppositions sont d’autant plus vraisemblables qu’un grand nombre d’eaux thermales semblent n’ètre qu’une forme particulière des émanations volcaniques , et que les filons, ainsi que je l’ai déjà rappelé, présentent dans leurs gisements de nombreuses analogies avec les eaux minérales , en raison de ce cpi’ils se trouvent aussi de préférence dans des contrées dont le sol a été bouleversé , et se groupent autour de certaines roches éruptives anciennes, comme les eaux thermales se groupent autour des roches éruptives mo¬ dernes et autour des volcans en activité. Certaines sources thermales, qui sont en même temps des jets de vapeur comparables à ceux qui se dégagent des volcans en ms SE AXEE DU 0 JUILLET 1847. éruption, comme les geysers de l’Islande, si bien étudiés par un grand nombre de voyageurs , et particulièrement par M. Eugène Robert et par M. Descloiseaux , montrent bien clairement la liai¬ son des deux genres de phénomènes. La supposition à laquelle conduisent les observations de M. Descloiseaux (1) pour expliquer les phénomènes que présentent les geysers de l’Islande, explique aussi de la manière la plus plausible la diffusion des substances métallifères autour des centres éruptifs. Toutes les substances qui émanent des masses éruptives s’en dégagent à l’état de vapeur ; mais lorsque ces vapeurs ont à parcourir de longs canaux ou de longues fissures avant de se répandre dans l atmosphère , elles doivent se condenser dans les parties de ces conduits qui sont les plus éloignés du centre d’émanation. Par suite de cette condensa¬ tion il s’est passé, dans la partie supérieure des filons, un phéno¬ mène analogue à celui de l’écoulement des eaux minérales par¬ leurs canaux et il s’est formé des dépôts sur les deux parois des liions; mais, dans la partie inférieure qui avoisine les masses éruptives avec lesquelles le filon se trouve en connexion , toutes les émanations ont du être d’abord volatilisées. Cette supposition d’une volatilisation initiale de toutes les sub¬ stances métalliques qui se trouvent dans les filons ordinaires , s’a¬ dapte d’autant mieux aux faits, que , dans ces filons , les métaux proprement dits se trouvent beaucoup moins fréquemment unis à l’oxygène qu’à des corps simples auxquels on a donné depuis longtemps le nom de minéral! satcurs , tels que le soufre , le sélé¬ nium , {'arsenic , le phosphore , Y antimoine , le tellure , le chlore , Y iode et le brome. Ces corps-là non seulement sont généralement volatils, de même que le bismuth qui les accompagne fréquemment, mais ils ont encore la propriété de rendre volatils beaucoup des corps avec lesquels ils se combinent. Il serait difficile de croire que cette propriété si remarquable n’ait pas joué un certain rôle dans la production des filons. Ces mêmes corps sont en même temps du nombre de ceux qui se trouvent dans les émanations volcaniques ainsi que dans les sources thermales, et leur présence dans les filons contribue à corroborer les rapprochements déjà signalés entre les filons, les émanations volcaniques et les eaux minérales. il est difficile de croire que , dans ces différents cas, ces miné- ralisateurs li aient pas joué à peu près le même rôle : tous ces phé¬ nomènes-là paraissent se tenir très intimement, et la nature même (1) Voyez dans le présent volume du Bulletin , p. 550 , et Annales de chimie et de physique , 3e série , t. XIX, p. 444. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. 1269 des corps mis en jeu indique leur liaison. On conçoit par là les rapports qui peuvent exister entre les filons ordinaires et ces gîtes particuliers que j’ai déjà cités , dans lesquels les substances métal¬ liques se trouvent concentrées près de la surface de certaines masses minérales , où ils constituent ce qu’on a souvent appelé des filons de contact. Les émanations qui sortaient de l’intérieur des masses éruptives ont entraîné les métaux volatilisés vers leur surface. Près de cette surface en partie refroidie , ces métaux ont pu se conden¬ ser en partie aussi , soit dans la roche éruptive elle-même , soit dans celles au milieu desquelles celle-ci avait fait éruption. Une partie seulement a été entraînée au loin avec la vapeur d’eau et les substances les plus volatiles , qui ont formé à la surface des geysers y des suffioni ou des sources minérales. La supposition de la présence d’une grande quantité de vapeur d’eau dans les points où s’opéraient ces sublimations intérieures , est la seule qui s’écarte des hypothèses les plus généralement ad¬ mises ; mais cette supposition n’a rien qui soit en contradiction avec les faits connus : elle se réduit à dire que les minerais métal¬ liques contenus dans les liions ordinaires peuvent être généralement considérés comme volcaniques à la manière du soufre. On est con¬ duit à penser que les choses ont du se passer ainsi , puisque c’est ainsi que les choses ont lieu dans les volcans, où tout se passe dans un milieu saturé de différents corps , et principalement de vapeur d’eau , et probablement aussi dans les sources minérales , qui sont un phénomène fort analogue, qui sont des volcans réduits, pour ainsi dire , à la partie aqueuse. L’aspect métallique de la plupart des combinaisons des métaux avec les minéralisateurs , et la ressemblance que cet aspect leur donne avec les produits des opérations métallurgiques , semble autoriser la supposition que ces combinaisons sont dues à la seule action de la chaleur, et cette supposition semblerait confirmée par l’hypothèse qui attribue aux minéralisateurs le rôle d’agents de volatilisation. Mais il faut remarquer que plusieurs des combinai¬ sons dont il s’agit se décomposent lorsqu’on les chauffe fortement. On voit sans doute certains sulfures se former ou se sublimer dans les fourneaux métallurgiques ; mais d’autres sulfures, tels que les pyrites de fer (pii sont si répandues dans les filons , se forment journellement sous nos yeux au sein des eaux, et même dans des eaux à la température ordinaire. L explication que M. Ebelmen a donnée récemment de la for¬ mation journalière des pyrites de fer , servira à faire comprendre que les actions chimiques mises en jeu dans la formation des mi- 1270 SÉANCE DU 5 JUILLET 18ZÏ7. nerais métalliques contenus dans les filons , ont dépendu plutôt par la voie humide , que de celles qui président aux phénomènes de la voie sèche. Dans beaucoup de cas , dit cet habile chimiste , la formation de la pyrite est due à la réaction des matières organiques en décom¬ position sur les sulfates alcalins ou terreux contenus dans les eaux marines, en présence de limons ferrugineux. « La formule de cette » réaction (dans laquelle M. Ebelmen ne fait intervenir que le » carbone de la matière organique) est la suivante : 2F203+ 8S03CaG + 15G = ZiF. S2+ 8Ca0C02 + 7C02 » Les Yg de carbone de la matière organique se précipitent à )> l’état de carbonate de chaux ; le reste se trouve restitué à l’at- » mosphère à l’état d’acide carbonique. Les 15 équivalents de » carbone avaient abandonné 30 équivalents d’oxygène avant de » passer dans l’organisation. Toute cette quantité d’oxygène reste » définitivement acquise à l’atmosphère. » La quantité totale d’oxygène contenue actuellement dans l’air correspond à peine à 50 centimètres d’épaisseur de pyrite , ce qui permet de concevoir, comme l’a remarqué M. Ebelmen, que la formation des pyrites est encore et a été pendant toutes les périodes géologiques , une partie importante du mécanisme que la nature a employé pour maintenir l’atmosphère dans sa composition normale. S’il en est ainsi , il est naturel d’admettre que la formation de la pyrite peut se continuer encore aujourd’hui sur une grande échelle à la surface du globe , et rien n’empêche de concevoir que des phénomènes plus ou moins analogues produisent des pyrites dans l’intérieur des fissures où circulent les eaux mi¬ nérales. On pourrait objecter qu’abstraction faite de la glairine ou de la barégine , il 11’existe pas de matière organique dans les eaux thermales qui circulent dans les fissures profondes de l’écorce terrestre. Mais il faut remarquer que dans -le phénomène auquel s’adaptel’ explication de M. Ebelmen, l’intervention de la matière or¬ ganique n’a d’autre effet que de mettre en présence le fer et le soufre à l’état naissant. Or, dans les eaux qui contiennent de l’hydrogène sulfuré avec des sels de fer et beaucoup d’autres sels , diverses réac¬ tions peuvent aussi mettre en contact et le fer et le soufre à l’état nais¬ sant ; et on peut conjecturer que cela arrive en effet, lorqu’on voit que les eaux thermales de Chaudesaigues , dans le Cantal, déposent des pyrites. \ SÉANCE DU 5 JUILLET \ 847. 1271 1 ajouterai que probablement ce ne sont pas seulement les pyrites de fer qui sont susceptibles de se former de cette manière ; car les minerais de cuivre qui s’exploitent dans le terrain permien , au pied occidental de l’Oural , se sont concentrés principalement au contact des matières végétales déposées dans ce terrain , et ces minerais sont formés en partie de pyrites cui¬ vreuses. Les minerais de cuivre des environs de Perm , au pied occidental de l’Oural méridional , se trouvent très fréquemment , dit M. Murchison , arrangés dans les interstices ou groupés autour de la surface des tiges et des branches des végétaux fossiles (à l’état charbonneux), ils présentent des passages du cuivre oxydulé au cuivre sulfuré gris ou à la pyrite cuivreuse , et quelquefois aux plus belles variétés de la malachite aciculaire, d’un vert éclatant, mêlée de cristaux de minerai bleu ( Kohlen-Sulz Kupfer ) (1). Plusieurs gisements de galène et de blende sembleraient indiquer des réactions semblables, et on ne voit pas pourquoi d’autres minéralisateurs que le soufre n’auraient pas donné lieu à des phénomènes du même genre. Ou peut citer, au con¬ traire , les schistes cuivreux de la Thuringe comme offrant une preuve de la variété des combinaisons métalliques qui out pu se produire par la voie humide , avec ou sans le concours des sub¬ stances organiques. Dans le Kupfer-Schiefer , on trouve répandus en particules très fines et souvent invisibles à l’œil nu, des mi¬ nerais de cuivre en grains cristallisés ou en veinules. Ce sont ordinairement le cuivre pyriteux , quelquefois le cuivre sulfuré , rarement le cuivre natif, le cuivre gris, le cuivre carbonaté , le cuivre oxydulé. Ces minerais de cuivre sont argentifères. On y trouve en même temps des pyrites ferrugineuses , quelquefois des minerais de zinc , de plomb , de cobalt, de nickel , d’anti¬ moine , de bismuth, d’arsenic, des veinules de spath calcaire et de gypse , de petites géodes de quartz , de petits feuillets de houille et d’anthracite. Ces substances charbonneuses proviennent des matières orga¬ niques qui ont probablement joué ici le même rôle que dans l’Oural ; les petites géodes de quartz, qui ne forment qu’une partie très peu importante de la masse , représentent seules les gangues ordinaires des filons. Ce qui confirme la supposition que des réactions chimi¬ ques, telles que celles qui ont pu être exercées par les substances organiques, ont dû contribuer à précipiter les minerais métalliques (1) Murchison, de Verneuil et Keyserling, Russia in Europa and t he ural mountain s , t. I, p. 14 A. 1272 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. dans les couches où on les rencontre, c’est que dans les exemples qui viennent d’être cités , iis s’y sont déposés sans leurs gangues habituelles ; mais ils s’y sont déposés dans le même état de com¬ binaison que dans les filons ; ce qui prouve que , dans les filons , ils se déposent par la voie humide. Les substances métalliques sont plus sujettes à se trouver oxy¬ dées dans certains filons ou dans certaines parties des filons que dans d’autres. Ce fait bien connu conduit à un nouveau rappro¬ chement avec les phénomènes propres aux eaux minérales. Le globe terrestre donne naissance à des émanations très variées cpii toutes se ressentent , mais à des degrés inégaux , de sa liaute température intérieure et de l’activité qui y règne encore. Citons seulement les sources ordinaires d’une température constante et les vapeurs dont elles s’entourent en hiver, les jets de gaz inflamma¬ bles , les sources de bitume , les sources minérales et thermales à toutes sortes de températures comprises entre 0n et 100° centi¬ grades , les geysers, les suffioni et les lagon i de la Toscane, les étuves de Néron , les vapeurs qui sortent des volcans en éruption, les solfatares. On peut distinguer deux espèces de sources thermales. 11 y en a qui, comme les geysers, émanent de roches éruptives qui ne sont pas encore refroidies , tandis que les autres ne doivent leur chaleur qu’au phénomène général de la haute température de l’intérieur de la terre. Les sources minérales sont généralement disposées par groupes, dans chacun desquels existent une ou plusieurs sources thermales principales qui pourraient être considérées comme des volcans privés de la faculté d’émettre aucun autre produit que des émana¬ tions gazeuses qui, dans le plus grand nombre des cas, n’arrivent à la surface que condensées en eau minérale ou thermale. Ces sources thermales principales sont généralement accompa¬ gnées d’autres sources moins chaudes , et ces dernières ne sont sou¬ vent que des eaux superficielles qui , après être descendues dans les fissures d’un terrain plus ou moins disloqué, remontent péné¬ trées d’une chaleur qu’elles ont empruntée au sol réchauffé par le foyer même de la source thermale principale , ou simplement im¬ prégné de la chaleur croissante avec la profondeur que le sol pos¬ sède partout; ces dernières ne sont en quelque sorte que des puits artésiens naturels. Les travaux lumineux de M. de Bucli, et ceux plus récents et plus étendus de M. le professeur Bishof , ont répandu de précieuses lumières sur ce groupement des sources minérales ; mais je dois SÉANCE DU 5 JUILLET 18Zl7. 1273 renvoyer à leurs savants ouvrages pour ce sujet , devenu aujour¬ d’hui une branche importante de la géologie. On aurait bien de la peine à expliquer les sources thermales prin¬ cipales, si on admettait que les eaux qui les composent descendent à une profondeur où se trouverait aujourd’hui , d’après l’accrois¬ sement ordinaire de la chaleur intérieure, la température néces¬ saire pour les réduire en vapeur et qu’elles remontent ensuite. Il est probable que les sources thermales les plus chaudes, les sources thermales principales émanent directement de roches éruptives ; mais les sources thermales accompagnantes peuvent être considé¬ rées comme résultant de l’eau qui descend de la surface dans les fissures et remonte à la surface du sol. Ce trajet suffit pour qu’elles se chargent de beaucoup de substances minérales ; et quoique ces sources en soient moins chargées que les sources thermales prin¬ cipales, elles en renferment cependant un grand nombre. 11 y a eu quelque chose d’analogue dans la formation des liions. Les sources thermales du second genre doivent se former non seulement dans les fissures ordinaires , mais aussi dans celles qui précédemment avaient été remplies par les masses des filons. Les eaux qui descendent ainsi de la surface du sol dans l’intérieur, pour remonter, descendent chargées d’air atmosphérique, par conséquent avec de l’oxygène. Au contraire , les sources qui se dégagent de 1 intérieur de la terre n’ont pas la propriété d’oxyder, du moins au même degré. Yoilà comment on expliquerait une cir¬ constance extrêmement générale dans les filons : c’est que , dans la masse générale des filons , la plupart des minéraux ont échappé plus ou moins complètement à l'action de l’oxygène. Au contraire, dans le voisinage de la surface, jusqu’à une certaine distance , ils sont oxydés , et ils présentent , par suite de l’oxydation du fer, une teinte ocreuse qui a fait donner à cette partie , par les mineurs allemands, le nom à? eiserner-hut (chapeau de fer). Ce fait si général tend à prouver que les filons ont été formés primitivement par des sources thermales profondes. S’ils avaient été formés par les eaux superficielles et aérées , ils se seraient formés oxydés , au lieu d’avoir à s’oxyder après coup. Les sources descendues de la sur¬ face qui sont venues plus tard s’y échauffer et s’y minéraliser, y ont produit les phénomènes d’oxydation que je viens de rappeler, et peut-être une grande partie des phénomène^ d’épigénie que M. Haidinger a si savamment étudiés, et même quelques uns des transports moléculaires qui ont concentré après coup dans cer¬ taines zones une partie des richesses métalliques. Un fait analogue à la formation non oxydée des filons et à leur 1274 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. oxydation subséquente s’observe dans les volcans : les substances volatiles en sortent le plus souvent non oxydées et elles s’oxydent au contact de l’atmosphère. Ainsi , le fer sort à l’état de chlorure ; mais il finit par se transformer en fer oligiste. L’hydrogène sulfuré sort des volcans non brûlé ; mais , au contact de l’air il brûle lentement et dépose du soufre , ou bien il brûle avec flamme et produit de l’acide sulfureux et de l’eau. Les flammes qui se montrent quelquefois à la surface des volcans sont , pour ainsi parler , X ciserncr-hut d’un filon d’hydrogène sulfuré. Ce qui arrive pour les émanations actuelles des volcans , est arrivé aussi pour les anciennes émanations. On voit , de cette manière , comment les deux phénomènes s’expliquent , et comment l’état des filons conduit à présumer que les substances non oxydées qui les remplissent en partie viennent de l’intérieur de la terre et ont été apportées par les sources ther¬ males principales ou par des vapeurs émanant directement des roches éruptives non refroidies. Si le dépôt des substances métalliques dans les filons ordinaires est dû à des phénomènes qui ont présenté les plus grands rapports, sinon une identité complète , avec ceux des émanations volcaniques et des sources minérales , on doit pouvoir comparer aussi les filons aux phénomènes volcaniques et aux sources minérales , relati¬ vement aux matières pierreuses qui , sous le nom de gangues , en forment une partie essentielle. Cette comparaison ne se présente pas aussi simplement pour ces dernières que pour les matières métalliques , parce qu’on 11e voit que rarement des substances qui jouent, à l’égard des matières pierreuses le rôle que les miné¬ ral isa teins par rapport aux métaux. Cependant , certaines substances pierreuses sont susceptibles d’ètre volatilisées par la chaleur des volcans, ou entraînées à l’état moléculaire par des courants gazeux. On cite des cristaux de py- roxène qui ont été sublimés sur la surface d’un mur au contact des laves du Vésuve qui ont couvert Torre del Greco en 1794. On sait aussi que les cristaux de feldspath trouvés dans un fourneau à Sangershausen , en Saxe , avaient cristallisé dans des fissures où leurs éléments devaient avoir été entraînés par les courants gazeux du fourneau. Mais il ne paraît pas que les matières pierreuses aient pu être entraînées de cette manière à une aussi grande distance que les métaux l’ont été par les minéralisateurs. On 11e voit guère qu'un pareil entraînement ait pu avoir lieu , si ce n’est par l’entre¬ mise de quelque corps tel que le fluor qui rend le silicium et le bore volatils, et qui a pu , comme l’a remarqué depuis longtemps SÉANCE! DB> JUILLET 18/|7. 1275 M. Daujjree , exercer une grande influence dans la formation de quelques filons , en jouant, par rapport à certaines matières pier¬ reuses , un rôle analogue à celui que les minéralisateurs jouent par rapport aux métaux. .Te suis très porté à croire que des substances propres à opérer la volatilisation de substances pierreuses et même de silicates , et à favoriser leur transport moléculaire bien au-delà des limites que la seule action de la chaleur n’aurait pu leur faire franchir, doivent avoir joué un grand rôle dans la production de certains gîtes très remarquables et très connus de substances pier¬ reuses, telles que les fiions de l’Oisans, du Mont-Blanc, du Saint- Gothard, où se trouvent les cristaux si connus d’épidote , d’axi- nite , de titane , d’albite , de prehnite , etc. ; mais les phénomènes dont il s’agit n’ont pas eu une bien grande généralité , car les gîtes que je viens de citer sont d’une nature exceptionnelle. M. Léopold de Bucli a remarqué depuis longtemps que les mé- lapliyres sont généralement accompagnés d’une auréole de liions dont les uns sont caractérisés par la baryte sulfatée et un grand nombre de minerais métalliques , tandis que les autres le sont par l épidote. Les variolites du Drac, très répandues dansl’Oisans, rentrent , sous ce rapport , dans la catégorie des mélaphyres épi— dotifères. Mais 31. de Buch , avec son tact ordinaire , a distingué ces deux classes d’émanations , et il est certain que l’épidote , comme presque tous les silicates , est au moins très rare parmi les gangues des filons ordinaires , dans la formation desquels les ma¬ tières pierreuses volatilisées , soit par la seule action de la chaleur, soit par l’intermédiaire de quelque substance particulière telle que le fluor, paraissent n’avoir joué qu’un rôle très restreint. La nature des matières pierreuses au milieu desquelles se trouvent les métaux dans les différents gîtes que nous venons de passer en revue , est parfaitement en harmonie avec les remarques qui pré¬ cèdent. Lorsque les métaux sont renfermés dans les roches érup¬ tives elles-mêmes , ils y sont simplement empâtés : il n’y a pas là de substances concomitantes, de gangues proprement dites. Lors¬ qu’ils se trouvent engagés dans les roches adjacentes à la roche éruptive , quelquefois , comme dans plusieurs des gîtes de la Toscane, si bien décrits dans les ouvrages déjà cités de M. Amédée Burat , les minerais métalliques sont renfermés dans les conglo¬ mérats de frottement qui se sont formés sur la surface extérieure des masses éruptives , ou dans les roches stratifiées (gabri) qui sont devenues métamorphiques par l’effet du contact de ces mêmes roches. Ils sont encore privés du cortège des gangues proprement dites. 1276 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. Ailleurs les matières métalliques qui se sont portées de la masse éruptive dans les masses adjacentes , sont accompagnées de silicates qui paraissent s’être formés au moment de leur introduction. Les silicates sont généralement des produits de la voie sèche, et on pour¬ rait au premier abord s’étonner qu’il s’en soit formé dans de telles circonstances, car les vides qui peuvent exister pendant le refroidis¬ sement d’une masse de roches injectées, le long de sa surface , sont des étuves saturées de vapeur et ce qui s’y passe ne s’opère pas plus par la voie sèche , que ce qui se passe dans les tissures du cratère d’un volcan ; mais la température y est très élevée , ce qui fait que des silicates peuvent s’y former. Ainsi dans la mine de Turjinsck , dans l’Oural, observée par JYI. de Humboldt et M. Gustave Rose, les minerais métalliques accompagnent des masses de silicates (gre- fiats) formés au contact de la roche éruptive (diorite) et des roches sédimentaires. Dans certains gîtes particuliers de la Toscane , dé¬ crits aussi par IR. Amédée Burat , les minerais métalliques ont pénétré dans les fissures des roches stratifiées où on les trouve encore accompagnées de silicates avec lesquels ils se sont consoli¬ dés. Tels sont, par exemple, certains filons cuprifères et plombi- fèi ■es qui se sont formés par suite de phénomènes éruptifs opérés au milieu de roches calcaires. Là , les matières éruptives ont pénétré dans les roches calcaires , y ont rempli les fentes , se sont combi¬ nées avec elles , ont donné naissance à des minéraux particuliers , par exemple à de l'yénite, cpii est un silicate de chaux et de fer. On trouve en outre , dans ces mêmes filons , de l’amphibole vert cristallisé en groupes radiés avec de la pyrite cuivreuse au centre. On voit donc très bien que ces filons ont été formés dans des circon¬ stances propres à la production des silicates. L’yénite et l’amphibole, en se formant par la combinaison des matières siliceuses et ferru¬ gineuses des roches éruptives, cpii renfermaient la silice et l’oxyde de fer nécessaires , avec les roches calcaires , ont constitué naturelle¬ ment des bandes grossièrement parallèles, de manière que, par exception , on retrouve la disposition en bandes parallèles qui ca¬ ractérise les filons d’incrustation. 11 est donc probable que les matières qui ont du se combiner avec les éléments du terrain pour composer ces silicates ont été quelque¬ fois introduites dans les fentes sous forme de roche éruptive; mais on pourrait supposer aussi qu’elles y ont été introduites par voie de sublimation , ainsi que nous venons d’en rappeler la possibilité. Ce qu’il y a de certain , c’est que les phénomènes qui ont présidé à la formation de ces filons doivent être d’une nature exceptionnelle; car les matières qui composent les gangues dans ces diverses circon- 1277 SÉANCE EU 5 JUILLET 1847. stances, rappellent les roclies éruptives qui se composent essen¬ tiellement de silicates, et ces roches sont toujours à une petite distance des gîtes métallifères dont nous venons de parler. Au contraire, dans les liions ordinaires, qui s’étendent généra¬ lement jusqu’à une grande distance des roches éruptives avec les¬ quelles ils paraissent être en rapport, les métaux sont accompagnés par une grande quantité de substances pierreuses concomitantes auxquelles on donne proprement le nom de gangues , et qui sont d’une nature tout à fait distincte de celle des roches éruptives elles- mêmes. Elles sont souvent formées en partie, à la vérité, des mêmes éléments que les silicates dont les roches éruptives se composent; mais cette identité de quelques uns des principes con¬ stituants ne rend que plus évidente la différence de leur nature. Les éléments analogues se trouvent dans un état de combinaison tout différent : ils sont séparés au lieu d’être combinés. Les roches éruptives se composent de silice , d’alumine et de diffé¬ rents alcalis tels que la potasse et la soude, ainsi que de chaux , de magnésie et d’oxyde de fer. Une partie de ces substances-là entre habituellement dans la composition des gangues des liions ordi¬ naires , mais jamais à l’état de silicates anhydres , très rarement à l’état de zéolithes et de chlorite , onde silicates hydratés, et le plus souvent dans un état très différent. La silice s’y trouve isolée à l’état de quartz, ha chaux , la magnésie, l’oxyde de fer quelque¬ fois accompagné d’une petite proportion d'oxyde de manganèse , s’y trouvent à l’état de carbonates simples ou de carbonates mul¬ tiples , comme la dolomie et le braun spath . On y trouve aussi le fer et la manganèse à différents états d’oxydation. Ces divers états des substances dont il s’agit sont analogues à ceux dans lesquels ils se trouvent dans les terrains sédimentaires et dans les eaux minérales , et l’analogie avec ces dernières est d’autant plus remarquable , que très souvent aussi , les gangues sont formées de baryte sulfatée et de spath fluor , substances dont la présence a été constatée dans les eaux minérales, et qui ne sont connues nulle part sous la forme de masses éruptives. La silice , la chaux , la magnésie , les oxydes de fer et de man¬ ganèse contenus dans les gangues des liions, de même que dans les eaux minérales ne sont pas nécessairement des émanations des roches éruptives. Ces substances peuvent très bien provenir, comme l’a annoncé M. Bishof (1) , de la décomposition de roches (1) Bischof, Lehrbuch der chemischen and physikalischen Géologie y t. 1er. 1278 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. traversées par les émanations souterraines , et le phénomène qui a transporté ces substances, au lieu cle les combiner comme dans les roches éruptives, les a, au contraire, décombinées, séparées, décomposées. Les substances qui accompagnent les minerais dans les filons métalliques, sont précisément celles qui sont habituellement em¬ portées lorsque les silicates des roches éruptives sont décomposées par la voie humide. La silice existe dans la plupart des eaux mi¬ nérales et sa présence explique l’origine des kaolins et celle des argiles lithomarges si fréquentes dans les filons. L’alumine, qui n’est soluble ni dans l’eau pure , ni dans l’eau chargée d’acide carbonique, n’cxiste d’une manière habituelle dans les filons que dans les argiles lithomarges; car les minéraux qui tiennent de l’alumine en combinaison , comme certaines zéolithes , le plomb- gomme, etc., y sont extrêmement rares. On y trouve aussi, comme je l’ai déjà rappelé , de la baryte sulfatée et du spath fluor, substances connues dans les eaux minérales ; et , abstraction faite de quelques rares zéolithes , on n’y rencontre ni la potasse , ni la soude qui ont pu provenir de la décomposition des roches éruptives. Cela tient à ce que ces alcalis ont formé des composés trop solubles. Dans l’état actuel des choses, ces substances sont au nombre de celles qui se trouvent dans les eaux thermales qui arrivent à la surface du sol ; mais il faut remarquer que , lorsque les eaux thermales ont circulé dans l’intérieur de la terre , elles apportent les sels les plus solubles, et ont déposé principalement les substances les moins solubles qui ont pu y être contenues. L’absence habituelle des alcalis dans les filons constitue donc un nouveau rapprochement avec les dépôts des eaux minérales. Cet ensemble de circonstances a des rapports frappants avec ce qui se passe dans la décomposition des silicates lorsqu’elle s’opère à la surface de la terre par la voie humide. M. Ebelmen a jeté dernièrement un grand jour sur ce sujet par ses Recherches sur les produits de la décomposition des espèces minérales de la famille des silicates (1). M. Ebelmen a considéré diverses roches qui avaient subi une décomposition au contact de l’air, par exemple , différents basaltes et des bisilicates , d’une nature analogue au pyroxène, tels que le bisilicate de manganèse d’Alger (rhodonite de M. Beudant), le bi- silicate de manganèse de Saint-Marcel ( Piémont ) , le bustamite de la mine d’argent de Tetala (Mexique). Il a vu que dans ces (1) Comptes-rendus , t. XX, p. 1415. SKAÎNCt DU 5 JUILLET 18/|7. 1279 décompositions, le minerai avait perdu une partie considérable de sa substance; que la matière qui était restée, qui formait la croûte extérieure, avait changé d’état d’une manière très sensible. Lorsqu’un morceau de basalte est exposé à l’air, il est assez or¬ dinaire de voir qu’il a pris une forme arrondie, dans laquelle on distingue plusieurs zones qui évidemment ont subi une décompo¬ sition. En faisant les analyses comparatives des substances décom¬ posées et non décomposées, M. Ebelmen a trouvé que ces roches avaient perdu une partie de leur silice ; c’était principalement de la silice qui avait été enlevée. Il y avait aussi quelquefois des al¬ calis dans ces substances ; ils étaient aussi enlevés. Quant à la chaux et à la magnésie, elles étaient quelquefois enlevées dans des pro¬ portions plus ou moins considérables. Voici comment il s’exprime lui -même à cet égard. 1° « Dans la décomposition des silicates contenant de la chaux » et de la magnésie , du protoxyde de fer , du manganèse , sans » alumine , on trouve constamment que la silice , la chaux et la » magnésie sont éliminées, et tendent à disparaître complètement » par le' fait de la décomposition. Mais tantôt le fer et le manga- » nèse restent dans le résidu de cette décomposition à un état supé- u rieur d’oxydation , tantôt ils disparaissent comme les autres bases. 2° » Dans la décomposition des silicates contenant de l’alumine » et des alcalis, avec ou sans les autres bases, l’alumine se con- » centre dans le résidu de la décomposition , en retenant une cer- » taine quantité d’eau. Les autres sont entraînées avec une grande ►> partie de la silice. Le produit final de la décomposition se rap- » proche de plus en plus d’un silicate d’alumine hydraté. Ce prin- » cipe comprend , comme cas particulier , la décomposition du » feldspath et sa transformation en kaolin (1). » L’entraînement de la silice est dû à la solubilité de cette terre à l’état naissant, dans l’eau pure et dans l’eau chargée d’acide car¬ bonique. Elle se trouve, en effet, dissoute dans la plupart des sources, et surtout des sources thermales; les geysers de l’Islande en sont un exemple célèbre. « Dans les roches d’origine ignée , on trouve du quartz et des si- » licates complexes dont les bases (sans parler de l’alumine) sont » la potasse et la soude , la chaux et la magnésie , du fer et du » manganèse , ordinairement à l’état de protoxydes. Toutes les >* bases se trouvent ici dans le même état de combinaison. » Dans les formations sédimentaires, nous retrouvons les mêmes (l) Ebelmen, Comptes -rendus , t. XX, 1415. 1280 SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. » éléments; mais les groupements moléculaires sont devenus beau- » coup plus simples, et le mode de combinaison, loin d’être le » même pour toutes les bases, comme dans les espèces des terrains » ignés, est essentiellement variable d’une base à l’autre, suivant » l’énergie des affinités de chacune d’elles. » Nous retrouvons dans les terrains formés par voie aqueuse la «silice, soit à l’état de quartz, comme dans les grès, les meu- » lières , soit à l’état soluble dans les alcalis, comme dans la gai se >> des Ardennes. » L’alumine se trouve constamment en combinaison avec la silice » et l’eau dans les argiles ; la chaux et la magnésie , le plus souvent » à l’état de carbonates, quelquefois purs, le plus ordinairement » mélangés avec des proportions variables d’argiles, dans les cal- » caires marneux et les marnes. Le fer et le manganèse se trouvent » également à l’état de peroxydes hydratés , mêlés en toutes sortes » de proportions avec les groupes moléculaires précédents , mais » isolés de toute combinaison avec la silice. Quant aux alcalis, on » ne les rencontre plus, en général, qu’en faible proportion dans » les terrains formés par la voie aqueuse (1). » Ils sont restés en dis¬ solution dans les eaux combinés avec les acides carbonique, sul¬ furique ou hydrochlorique. Ce n’est pas seulement dans les terrains sédimentaires , récep¬ tacle final des matières charriées parles eaux , que les diverses sub¬ stances dont il vient d’être question se trouvent respectivement dans les différents états signalés par M. Ebelmen. Il en est de même dans les filons ordinaires , et cette circonstance suffit à elle seule pour dévoiler leur mode de formation, etpour montrer que les substances d’origine souterraine dont ils se composent en grande partie sont volcaniques à la manière du soufre et non à la manière des laves. Ces rapprochements entre les matières constituantes des filons et celles que renferment les eaux minérales, méritent d’autant plus d’attention que dans le voisinage des fdons , soit à leur contact , soit même à distance , les roches présentent souvent des altérations plus ou moins grandes, et généralement différentes de celles qui résultent du contact des matières fondues, mais analogues aux altérations qu’éprouvent les parois des fissures traversées par les émanations volcaniques , et à celles que les eaux minérales pro¬ duisent , et par suite desquelles elles se chargent , comme l’ont si bien expliqué M. Bisliof et M. Ebelmen , d'une partie des sub¬ stances quelles contiennent. (1) Ebelmen, Comptes-rendus } t. XX, p. 1420. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1281 Ce serait peut-etre ici le lieu de citer les argiles bolaires bariolées produites par les geysers de l’Islande , et les analogies qu’elles pré¬ sentent avec différents terrains bariolés ou irisés, presque constam¬ ment en rapport avec des dépôts de sel gemme , de gypse, de dolo¬ mie ; mais je ne reviendrai pas ici sur cc que j’ai dit à cet égard dans le 8e chapitre de Y Explication de la Carte de France (1) , qui est déjà imprimé depuis plusieurs années , quoique le volume dont il fait partie n’ait pas encore été livré au public. Les rapprochements signalés ci-dessus sont d’autant plus im¬ portants qu’ils s’appliquent non seulement aux filons ordinaires , dont les filons de galène argentifère peuvent être considérés comme le type , mais encore à une foule de gîtes qui se rattachent plus ou moins directement à ces fiions , et qui , d’un autre coté , se rattachent très directement aussi et quelquefois simultanément à des phénomènes éruptifs , et à des dépôts sédimentaires. Les émanations auxquelles .sont dus les filons ordinaires ont agi sur les roches avec d’autant plus d’énergie , qu’elles ont évidemment possédé au plus haut degré le genre de subtilité nécessaire pour s’introduire dans leurs interstices les plus im¬ perceptibles. Les petits nids et les mouches de substances métal¬ liques qu’on trouve fréquemment dans les roches traversées par des filons remplis des mêmes substances , offrent des exemples remarquables de l’introduction des substances minérales par des fissures ou des pores trop déliés pour qu’on puisse supposer qu’elles y ont pénétré autrement qu’à l’état de vapeurs ou de dissolutions. Ces substances doivent, en effet, s’être insinuées par des fissures extrêmement déliées, ou même à travers les pores de la roclie , et cela jusqu’à des distances souvent considérables. On peut citer comme preuves les minéraux analogues à ceux des filons qui ont rempli, dans les terrains sédimentaires, les vides laissés par des coquilles fossiles et par d’autres débris organiques. Sous ce rapport , les pétrifications formées par des minéraux de filons , tels que la galène , la baryte sulfatée , la chaux fluatée , le fer oligiste , les pyrites cuivreuses, présentent un intérêt particulier , de même que les minéraux qui remplissent les fissures des septaria (quartz , pyrites , galène , blende , baryte sulfatée, strontiane sul¬ fatée ) . On peut encore citer comme exemples de substances miné¬ rales qui se sont introduites dans des cavités en apparence très closes , celles qui forment des noyaux d’amygdaloïdes et qui rem- (1) Explication de la carte géologique de la France , t. II, p. 94. Soc. géol ., 2e série, t. TV. 81 J 282 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Z|7. plissent des fissures dans les roches basiques ou volcaniques , telles que les agates , les calcédoines , les hydroplianes , les opales , les zéolites , etc. Les silicates non hydratés sont exclus de tous ces amas de minéraux, et les analogies qui portent à supposer que les filons ordinaires doivent leur origine à des eaux minérales ou à des émanations volcaniques , s’appliquent également à ces gîtes si variés. Les sources minérales des anciens temps ont dû , comme celles de nos jours , décomposer des masses minérales. Les argiles litho¬ mages , les quartz décolorés et devenus compactes ou grenus et souvent pyriteux , les gypses et les dolomies épigènes , sont aux filons métalliques ce que les roches altérées sous nos yeux par les eaux minérales ou par les émanations souterraines sont aux in¬ crustations formées par des sources ou aux solfatares. Les gypses et les dolomies épigènes sont des masses calcaires altérées par des sources minérales ou par des émanations venues de l’intérieur du sol. One montagne de dolomie épigène criblée de petites fissures tapissées de rhomboèdres de dolomie , est un stock-werk de magnésie. La formation par épigénie de grandes masses de dolomie ne peut se concevoir que par des émanations qui se seraient insinuées dans une multitude de fissures très éten¬ dues et très déliées , ou , pour me servir des expressions mêmes que j’employais , il y a près de vingt ans , en repoussant les objec¬ tions opposées aux idées de M. Léopold de Buch , « par des gaz qui » se sont dégagés du sein de la terre au moment de la sortie des » mélapliyres, en profitant de toutes les fractures que le sol venait » d’éprouver (1). » L’insinuation de la baryte sulfatée , de la blende , de la galène dans les fissures d’une foule de sep tari a , démontre victorieusement que l’hypothèse de l’introduction de la magnésie dans des fissures étroites et ramifiées n’a rien d’essentiellement contraire à la nature des forces qui ont régi les phénomènes de la nature minérale. Les substances qui se sont ainsi insinuées dans les fissures de l’écorce terrestre , celles notamment qui ont rempli les filons , se sont souvent épanchées au dehors , comme le font de nos jours les sources minérales et les émanations volcaniques , et elles se sont déposées à la surface du terrain ou répandues dans les roches sé- dimentaires qui s’y formaient par l’action des eaux extérieures. Il (1) Note sur la forme la plus ordinaire des objections relatives a /’ origine attribuée à la dolomie. — Annales des sciences naturelles t. XVIII, p. 269 (1829). SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. ma en résulte qu’il existe une liaison très intime , et même souvent une continuité non interrompue entre les filons et autres dépôts d’in¬ crustation formés à l’intérieur du sol déjà consolidé et des couches métallifères dans lesquelles les mêmes substances se trouvent dis¬ séminées , mais généralement en moins grande proportion. Gomme exemple de ces épanchements superficiels , je citerai , avec MM. Murchison et de Verneuil, les minerais de cuivre répandus dans le terrain permien, au pied de l’Oural , et sortis vraisembla¬ blement des mêmes foyers que les gîtes cuivreux contenus dans les roches de cette chaîne ; les minerais des schistes cuivreux de la Thuringe , sortis probablement des mêmes foyers qu’une partie des filons métalliques du nord de l’Allemagne ; la plupart des dé¬ pôts superficiels de calamine et de galène sortis des filons de blende et de galène des contrées voisines ; les minerais variés des arkoses répandues autour du plateau central delà France, que M. de Bon¬ nard a si bien décrits , et dont j’ai moi- même signalé ailleurs les relations de gisement (1) ; la plupart des gîtes superficiels de man¬ ganèse et des gîtes de minerais de fer oolithique et pisolitliique , ainsi que des gîtes considérables de fer oligiste , tels que celui de la Youlte ; les gypses et les dolomies déposés en couches ; les dépôts de strontiane sulfatée avec soufre de la Sicile ; enfin , la strontiane sulfatée répandue dans la formation gypseuse de Paris, qui, pro¬ bablement, sort des mêmes foyers que la strontiane sulfatée en filons dans la craie de Meudon dont elle partage la forme apotome , et à laquelle se trouvent associés le gypse même des environs de Paris , les marnes vertes qui l’accompagnent , les couches de quartz et de chaux carbonatée cristallisées des couches supérieures du calcaire grossier avec la chaux fluatée qui y a été observée , etc.. ..; et même quoique moins directement la blende trouvée avec les py¬ rites, dans quelques lignites, les filons de fer, de manganèse, de co¬ balt qui traversent la formation des grès de Fontainebleau , etc . On est conduit par l’ensemble des faits et des rapprochements que je viens de discuter à considérer la plupart des filons, des vé¬ ritables filons, des plus réguliers , en un mot, des filons d incru¬ station , comme ayant été produits par des dépôts opérés dans les eaux qui circulaient dans des fentes de l’écorce terrestre, à l’état liquide ou à l’état de vapeur. C’est là une opinion qui est bien loin d’être nouvelle , et qui a de grands rapports avec celle sur laquelle Werner basait sa théorie des filons. Werner supposait, en effet, que les filons sont des fentes rem- (1) Explication de la carte géologique de la France , t. II, p. 297. 1284 SÉANCE Dll 5 JUILLET 18/|7. plies, ce qui est une chose aujourd’hui généralement admise, li supposait, de plus, que les substances dont les fi on s se compo¬ sent ont été déposées par l’action des eaux , ce qui paraît encore être vrai dans le plus grand nombre de cas , pour les filons in¬ crustés formés de bandes parallèles. 11 supposait enfin que ces eaux ont formé sur la surface du sol des dissolutions superincom¬ bantes lesquelles ont pénétré dans les fentes qui ont été remplies par les filons. C’est sur ce dernier point qu’on s’est éloigné de l’opinion de Werner. On admet avec lui que les substances minérales ont été déposées par l’action des eaux , que les filons ont rempli les fentes ; mais on n’admet pas que c’ait été par des dissolutions su¬ perincombantes : on admet , au contraire , que les substances ré¬ pandues à la surface sont venues de l’intérieur de la terre ; qu’elles ont été entraînées , soit par des eaux minérales , soit quelquefois par des vapeurs aqueuses ; qu’elles ont été déposées en partie dans les fissures par lesquelles ces émanations passaient, et que le reste seulement de ce qui a pénétré dans les fissures et s’y est en partie fixé s’est répandu dans les eaux superficielles , et a été finalement déposé par elles. La dissolution allait en s’affaiblissant à mesure qu’elle s’éloignait du foyer d’où elle émanait, au lieu d’être, comme dans l’hypothèse de Werner, tout au plus aussi concentrée dans les fentes que sur la surface. Cette manière de voir est bien mieux en rapport avec les faits connus relativement aux filons , et elle explique parfaitement la relation qui existe entre les filons et une foule de gîtes métallifères qui se trouvent répandus sur la surface du globe. Tous ces faits qui s’enchaînent , et qui s’expliquent naturelle¬ ment lorsqu’on admet que les substances contenues dans les filons sont volcaniques à la manière du soufre , deviendraient autant d’énigmes inexplicables , si on soutenait quelles sont volcaniques à la manière des lares . Dans cette dernière supposition , on ne pourrait concevoir les faits les plus simples et le plus habituellement observés dans les filons. On a cité plus d’une lois les agates , les calcédoines, les cristaux de quartz hyalin et d’améthyste qui existent dans les cavités des amygdaloïdes, comme offrant une preuve de l’origine ignée de toutes ces substances. A cela on peut répondre que ces mêmes sub¬ stances se trouvent associées dans les géodes du calcaire siliceux de Champigny , près Paris , et dans celles qu’offrent assez fréquem¬ ment les silex de la craie tufau près de Rouen et du Havre. Si les géodes d agate et de quartz des amygdaloïdes provenaient SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1285 de portions de silice qui auraient été en fusion en même temps que la roche qui les renferme , on concevrait difficilement pour¬ quoi ces géodes se trouvent à peu près uniquement dans des roches ayant pour base un feldspath avec excès de bases. Si on admet, au contraire, que ces géodes ont été formées par infiltration, on conçoit aisément F origine du quartz en remarquant que les roches basiques ont été plus susceptibles que des roches sursatu¬ rées de silice d’être décomposées par des eaux ou des vapeurs acides , et que , quoique moins riches en silice , elles en ont fourni plus facilement. On pourrait expliquer de la même manière l’origine des hydroplianes contenues dans les fentes des serpen¬ tines du mont Musinet, près de Turin , celle des opales renfer¬ mées dans les conglomérats tracliy tiques , et l’absence de sub¬ stances analogues dans les porphyres quartz ifères et dans les granités. Les veines de quartz des granités possèdent d’autres caractères qui indiquent une origine différente. Beaucoup de géologues sont portés à admettre que tous les filons ont été remplis par l’injection de matières en fusion. Il est cepen¬ dant difficile d’admettre que des cristaux de quartz contenant des gouttelettes formées de deux liquides huileux , dont l’un est volatil à la température de 27° centigrades , aient cristallisé dans un bain de quartz en fusion. Or le quartz fait partie des gangues de la plupart des filons , et le quartz avec goutelettes liquides est loin d’y être une très grande rareté. Si les matières qui remplissent un filon y avaient toujours été injectées à l’état de fusion, comment expliquerait-on, par exemple, un filon composé de bandes alternatives de fer spathique et de quartz ? Au contraire, l’hypothèse qui attribue les filons métalliques ordinaires à des émanations sous forme de vapeurs ou d’eaux mi¬ nérales permet de concevoir les faits les plus variés que présentent les filons, et, par exemple, le développement des affinités chimi¬ ques , dont on a remarqué depuis longtemps l’influence dans la manière dont les métaux y sont associés. Les substances qui y sont généralement réunies ont beaucoup de rapports entre elles , et souvent même des propriétés tout à fait analogues. Le nickel et le cobalt , qui se trouvent très souvent ensemble , ont les plus grands rapports dans toutes leurs propriétés; il en est de même du fer et du manganèse. L’antimoine et l’arsenic, dont les propriétés sont analogues, jouent des rôles analogues et sont fréquemment asso¬ ciés. L’argent et le plomb ont beaucoup de rapports; ils sont très constamment associés dans les filons, il est assez rare d’v trouver 1286 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. de l’argent qui ne soit pas accompagné de plomb, et cela n’a guère lieu que lorsque l’argent est à l’état natif ou à l’état de chlorure , deux des états de l’argent qui diffèrent le plus des états correspondants du plomb. 11 est encore plus rare de trouver du plomb qui ne soit pas argentifère, parce que le minerai de plomb le plus répandu est le plomb sulfuré , dont les pro¬ priétés sont très analogues à celles du sulfure d’argent. Le plomb et le zinc , dont les sulfures ont des propriétés analogues, se trou¬ vent habituellement associés ensemble sous la forme de la galène et de la blende ; enfin il en est de meme de toute la grande famille des métaux qui entrent dans les filons stannifères , l’étain, le tungstène , le tantale , le niobium , le pelopium , etc. La division des filons en deux grandes classes, dont l’une contient habituellement un grand nombre de corps simples incon¬ nus ou très rares dans l’autre , est complètement en rapport avec la supposition que les filons se sont formés dans des circonstances qui ont permis aux affinités chimiques de déployer leur action avec une entière liberté. Elle met d’autant mieux en évidence l’in¬ fluence des actions chimiques sur la formation des gîtes métalli¬ fères , que les deux classes se rattachent à deux grandes classes de roches dont la composition chimique présente des différences qui sont en rapport avec celles de^ deux grandes classes de filons. Il existe en effet une relation impossible à méconnaître entre la nature des filons et la nature des roches éruptives dans le voi¬ sinage desquelles ils se trouvent , et avec lesquelles ils sont en connexion. Les filons ordinaires , que j’ai nommés aussi plombi- fères, parce que les filons de galène argentifère peuvent en être considérés comme le type , se rattachent souvent aux roches érup¬ tives basiques. Ils sont surtout caractérisés par le rôle qu’y jouent les minéralisateurs et par l’absence de silicates anhydres. Ils sont moins riches en minéraux et en corps simples que les filons stan- nifères , qui se rattachent directement aux granités et aux autres roches éruptives chargées d’un excès d’acide silicique. Je pourrais multiplier les exemples de ce fait général, mais je me bornerai à citer ici ceux que nous offre l’Angleterre. On trouve dans différentes parties de l’Angleterre un grand nombre de filons. 11 en existe d’abord en Cornouailles une pre¬ mière série dans laquelle on exploite les minerais d’étain ; ils sont très intimement liés avec les roches granitiques; ils contiennent une bien plus grande variété de substances minérales que les autres filons qui leur sont postérieurs. La seconde série renferme les filons qu’on exploite pour les mi- SÉANCE DU 5 JUILLET L 8 Zi 7 c 1287 lierais de cuivre. Ces minerais sont principalement de la pyrite cuivreuse; il y a aussi du cuivre sulfuré, du cuivre oxydulé, du cuivre natif, du phosphate et de l’arséniate de cuivre. Ces filons , qui sont quelquefois une simple extension des précédents, se rat¬ tachent encore, mais moins directement, aux granités dont ils s’éloignent souvent beaucoup plus. Les filons de la troisième série portent le nom de filons croi¬ seurs , parce qu’ils coupent ordinairement les autres , auxquels ils sont postérieurs ; ils renferment des minerais de plomb et de co¬ balt , du sulfure d’antimoine , de l’argent noir et de l’argent natif. Enfin , il y a une autre série de dépôts métallifères dans le Cor¬ nouailles et le Devonsliire , ce sont ceux qui renferment seulement du manganèse ; ceux-là pénètrent jusque dans le nouveau grès rouge ; tandis qu’on n’y voit jamais pénétrer les filons de plomb , les filons de cuivre , et encore moins les filons d’étain. Ces différents filons paraissent s’être formés successivement , à des époques de moins en moins anciennes , et on voit la quantité de substances minérales diminuer et leur nature changer, à mesure qu’on revient à des époques de plus en plus modernes , à des époques de plus en plus éloignées des éruptions de roches grani¬ tiques, qui paraissent avoir été le point de départ de la formation de la plus grande partie au moins de ces filons. Je dis de la plus grande partie , parce que certaines roches trap- péennes peuvent avoir été le point de départ de quelques uns d’entre eux ; mais il y a des différences entre les filons qui sont en rapport avec des roches trappéennes et ceux qui sont en rapport avec les roches granitiques. Les premiers , dont on trouve des exemples nombreux et célèbres dans le Cumberland et le Derby- shire , où ils se rattachent aux toadstones et aux whinstones , ren¬ ferment une variété bien moins grande de substances minérales , sont beaucoup moins riches en corps simples et surtout en métaux que ceux qui se rattachent directement aux granités et aux autres roches éruptives chargées d’un excès d’acide siiicique. Le Cornouailles et la Saxe, où les granités et les porphyres quart- zifères ont été les principaux centres d’émanation des richesses mé¬ talliques, renferment des filons des deux classes dont la distinction , sans être absolue , a été faite depuis longtemps. Parmi les filons qui paraissent se lier à des roches où la silice est en excès , ce sont seulement les plus modernes qui correspondent , par leur composi¬ tion , à ceux qui se rattachent aux roches neutres ou basiques. Les filons qui se rattachent aux masses granitiques ne sont pas tous éga- 1288 SÉANCE UU 5 JUILLET 1847. lement riches en corps simples. Les filons ou les parties de filons qui s’écartent des masses granitiques , bien qu’ils s’y rattachent encore , sont beaucoup moins riches que ceux qui y tiennent de plus près. Les émanations granitiques se sont visiblement appau¬ vries avec le temps et à mesure qu’elles se sont étendues à de plus grandes distances. Elles ont fini par se réduire au degré de richesse des émanations des roches basiques, et les derniers filons émanant des granités ne se distinguent pas de ceux qui émanent des roches basiques , de sorte qu’on ne peut décider s’ils émanent réelle¬ ment des granités ou de masses de roches basiques restées ensevelies au-dessous de ces derniers. Il y a ainsi deux classes de contrées métallifères : celles dans lesquelles ont eu lieu des éruptions de roches granitiques , où on rencontre tout le cortège de minéraux cpie j’ai déjà cités comme se trouvant disséminés dans les roches granitiques; et celles dont les richesses ne dérivent que des roches éruptives volcaniques et basiques. Les filons de celles-ci ne possèdent que la fin de la série des émanations métallifères ; elles ne contiennent que 43 corps simples , et il en est plusieurs qui ne figurent en quelque sorte que pour mémoire dans ce nombre 43 , parce qu’ils y sont fort rares : tels sont Y étain , qui n’est pas moins rare ici que n’est le plomb parmi les minéraux disséminés dans les granités; le pal¬ ladium , qui n’y figure que pour le palladium sélénié du Hartz ; le bore , que je n’y place qu’à cause des tourmalines, renfermés dans des dolomies du Saint-Gotliard et de la boracite disséminée dans certains gypses , et même le molybdène qui n’y est repré¬ senté que par le plomb molybdaté. Ils ne renferment que des si¬ licates hydratés, tels que la laumonite , riiarmotome et diverses autres zéolitlies , le silicate de zinc hydraté (calamine) et certaines chlorites. Il faut encore remarquer que Y aluminium ne s’y trouve guère à l’état de combinaison que dans les zéolitlies, dans les chlorites, dans le plomb-gomme et dans quelques autres minéraux qui peuvent être regardés comme des résultats de décomposition , et sous une forme pour ainsi dire mécanique , dans les argiles lithomarges. Son absence ordinaire coïncide avec l’absence des silicates non hydratés. Les 38 autres corps simples n’y sont pas tous également répan¬ dus. Parmi ceux qui s’y font le plus remarquer , on peut citer le barium , le strontium , le zinc , le plomb , le cuivre , le mercure , Y argent , le carbone , le tellure , Y antimoine , 10 corps qui sont beaucoup plus rares , dont quelques uns même sont inconnus dans SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1289 les granités et dans les filons stannifères. Les filons ordinaires sont surtout caractérisés par le rôle important qu’y jouent les minèrali - sateurs , et par X absence des silicates anhydres. Dans les filons stannifères , le rôle des minéralisateurs est moins prépondérant. Les gangues autres que la silice jouent un rôle moins habituel : des silicates anhydres y existent fréquemment. Enfin , ces filons , ou , pour mieux dire , la classe très étendue de gîtes métallifères , dont les filons réellement stannifères forment seule¬ ment une partie, se distinguent parla grande variété des minéraux qu’ils renferment. Comme le montre la 9e colonne du tableau placé à la fin de cette note, c’est la classe des gîtes minéraux la plus riche en corps simples. On y en trouve 48 , et ces corps , qui n’y existent pas tous en même temps et qui se remplacent souvent les uns les autres , jouissent en partie de propriétés analogues. Ils sont , pour la plupart , très avides d’oxygène , et , toutes choses égales , ils se rencontrent plus souvent oxydés et moins souvent combinés avec les minéralisateurs, que les métaux qu’on trouve dans les filons or¬ dinaires. Les oxydes de beaucoup de ces corps jouissent des proprié¬ tés acides , et se rapprochent, sous ce rapport , de la silice , ce qui rend d’autant plus remarquable la richesse en silice de ces gîtes eux-mêmes , et leurs rapports constants avec les granités , qui sont les roches éruptives les plus riches en silice. Ces gîtes tiennent d’extrêmement près au granité , et leur mode de formation a eu nécessairement les plus grands rapports avec le mode de formation des masses granitiques elles -mêmes. Indépendamment de ce que les gîtes stannifères se rattachent aux granités par de nombreux passages , la liaison est encore établie par la grande ressemblance qui existe , comme le montrent les colonnes 5 et 6 du tableau , entre les listes des corps simples con¬ tenus dans les uns et dans les autres. Ces deux classes de gîtes sont avec les filons ordinaires celles dans lesquelles il entre le plus de corps simples. Mais une partie considérable des corps simples qui se trouvent dans les filons ordinaires se retrouvent , comme le mon¬ trent les colonnes 8 et 9 , dans les sources minérales et dans les émanations volcaniques, tandis que parmi ceux qui sont communs aux granités et aux filons stannifères, plusieurs ne se trouvent jamais ailleurs, et un grand nombre ne se retrouvent ailleurs que très rarement et en très petite quantité. Il semble ainsi qu’il y ait eu une sorte de concentration d’une classe nombreuse de corps simples dans la première écorce du globe terrestre , et que , lors de sa formation , il ait existé une cause tendant à ce qu’un grand nombre de corps simples fussent retirés de la circulation. 1290 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. Les gîtes que je désigne sous le nom de filons stamiifères (en prenant , ainsi que je T ai déjà annoncé , la partie pour le tout ) sont sujets à contenir les Zj.2 corps simples contenus dans les granités, à l’exception du thorium que je n’y trouve pas encore indiqué , et qui est très rare dans les granités eux-mêmes. On y trouve , comme dans les granités , le lithium , X yttrium , le glucinium , le zirconium , le cérium , le lanthane , le didymium , le tantale , le niobium , le pelopium , X étain , le tungstène , le molybdène ; mais on y cite en outre 7 corps simples : le barium , 1 e nickel, le cadmium , le vanadium , le tellure , X antimoine et le sélénium , qui sont connus pour se trouver assez habituellement dans les liions ordinaires , mais qui n’ont pas encore été cités dans les granités. Ces 7 corps simples sont tous fort rares dans les filons stannifères , et si plusieurs d’entre eux n’ont pas encore été découverts dans les roches granitoïdes , cela tient peut-être au mode de concentra¬ tion que la nature a suivi dans la formation des gîtes stannifères. Les lx\ autres corps simples, qui sont communs aux roches grani¬ toïdes et aux fdons stannifères , y sont beaucoup plus répandus et y sont beaucoup plus caractéristiques. L’existence prédominante de ces 41 corps simples dans les deux classes de gîtes dénote entre eux des analogies et une liaison très intime. Cette liaison devient encore plus manifeste , quand on examine en quoi les fdons de la seconde classe diffèrent, par leur contenu, des filons stannijères. Les corps simples sont très notablement moins nombreux dans les filons ordinaires et dans les géodes des roches basiques ou volcaniques , qu’ils ne le sont dans les filons stannifères : on y en compte seulement à3. Certains métaux , tels que l’o7’, X argent, le palladium , se trouvent dans les filons ordi¬ naires et dans les filons stannifères. Quelques autres , tels que le strontium , se trouvent dans les filons ordinaires et sont encore inconnus dans les filons stannifères ; mais il n’est pas impossible qu’ils se trouvent plus tard dans ces derniers. L’absence de la plupart des corps simples qui forment l’attribut distinctif des gra¬ nités est ce qui distingue spécialement les premiers. La plus grande richesse des filons stannifères tient en effet aux rapports qu’ils pré¬ sentent avec les granités , et la présence de tous les corps simples cités dans les granités (le thorium seul excepté) , est ce qui leur donne un caractère distinct. La liaison que ces comparaisons nous révèlent entre les filons stannifères et les granités , d’une part , et entre les fdons stanni¬ fères et les filons ordinaires de l’autre , est un fait important qui montre que l’étude de l’origine du granité est un complément in- SÉANCE DU 5 JUILEET 1 8 Z| 7 . I29i dispensable de celle de l’origine des liions ordinaires, et que le mode de formation du granité doit avoir eu un caractère intermé¬ diaire entre l’origine des filons ordinaires et l’origine des roches éruptives volcaniques et basiques. Le granité , surtout lorsqu’il dégénère en certaines roches qui en sont des dégradations ou des monstruosités, est sujet à renfer¬ mer une foule de minéraux cristallisés qui ne se trouvent presque jamais ailleurs , si ce n’est dans les roches métamorphiques qui lui sont intimement associées et dans les gîtes stannifères. Tels sont la tourmaline , le zircon , l’étain oxydé , le wolfram , le tan- talite , etc. Ces minéraux contiennent eux -mêmes un certain nombre de corps simples , inconnus ailleurs , et qui n’ont pas continué à faire partie du répertoire des corps simples employés dans le laboratoire de la nature jusqu’aux époques géologiques récentes : tels sont le thorium , X yttrium , le tantale , le niobium , le pelopium y dont quelques autres , comme le glucinium , le zirco¬ nium , le cérium , le lanthane , le didymium , Xurane , X étain , le tungstène , le molybdène , bien que se trouvant quelquefois ailleurs , semblent avoir , dans le granité et dans les roches métamorphiques concomitantes , ainsi que dans les gîtes stannifères , leur gisement de prédilection , dont ils sortent presque aussi rarement que le pla¬ tine et les métaux ses satellites sortent des roches éruptives basiques. Le thorium n’a encore été trouvé que dans le granité ou dans les roches métamorphiques concomitantes ; il n’a pas encore été suivi jusque dans les gîtes stannifères. Le zirconium se trouve dans le zircon empâté au milieu de cer¬ tains basaltes, mais paraît ne s’y trouver que d’une manière acci¬ dentelle , comme élément arraché aux granités qui sont son véri¬ table gisement, et la zircone se trouve encore au milieu des gra¬ nités dans plusieurs autres minéraux. L 'étain, le tungstène , le molybdène , Xurane ne s’échappent en quelque sorte qu’à la dérobée, et en fort petite quantité, des gra¬ nités , des roches métamorphiques concomitantes et des gîtes stan¬ nifères. C’est là que tous ces corps ont , pour ainsi dire , leur quartier général , et ils ne font , dans le reste du monde minéral , que de rares et furtives excursions. Quelques autres corps simples , quoique très généralement ré¬ pandus , se trouvent dans les granités , dans les roches métamor¬ phiques concomitantes et dans les gîtes stannifères en plus grande abondance que partout ailleurs , ou sous des formes qu’ils ne re¬ prennent dans aucun autre gisement. Ils s’y trouvent, par exemple, dans des minéraux beaucoup plus nombreux que partout ailleurs , 1292 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. ce qui montre que , dans les circonstances où le granité s'est formé, ils sc sont trouvés plus à l’aise pour développer toutes leurs affi¬ nités et pour contracter toutes les combinaisons dans lesquelles ils sont susceptibles d’entrer. Ainsi, le lithium se trouve dans quelques eaux minérales , mais il y est assez rare et toujours peu abondant, et , indépendamment de cela, il n’a été reconnu que dans des minéraux contenus dans les roches granitoïdes , dans les roches métamorphiques conco¬ mitantes et dans les gîtes stannifères. Le titane se trouve dans une foule de roches : c’est un des corps simples les plus répandus , et qui peuvent servir à établir la liaison entre les roches volcaniques et les roches cristallines anciennes ; mais il se trouve dans les roches volcaniques à l’état de fer titané seulement , tandis que , dans les roches anciennes , il entre dans un très grand nombre de minéraux. Le cérium , qui présente des rapports avec le manganèse dans ses propriétés chimiques, sc trouve principalement dans les granités et dans les gisements concomitants , où il y entre dans la composi¬ tion d’une foule de minéraux inconnus ailleurs. Le bore se rencontre dans les émanations volcaniques actuelles , aussi bien que dans les roches granitiques. C’est un des corps qui peuvent servir à établir la liaison entre les phénomènes anciens et les phénomènes récents ; mais il se trouve bien plus habituelle¬ ment et en plus grande abondance dans les roches cristallines anciennes , où les tourmalines qui contiennent du bore sont géné¬ ralement répandues. Le Jluor ne joue qu’un rôle très peu appréciable dans les vol¬ cans. Il se trouve dans les eaux minérales et dans les filons , sous forme de chaux Ouatée ; mais on voit qu’il a joué un rôle impor¬ tant dans les anciens phénomènes de cristallisation , parce que beaucoup de composés qui renferment les corps simples propres aux terrains granitiques renferment en même temps du Ouor. Le phosphore contenu dans le phosphate de chaux se trouve dans les eaux minérales et dans la terre végétale qui le fournissent journellement aux corps organisés , et il se trouve répandu avec les ossements, les coquilles et autres débris organiques, dans toutes les roches sédimentaires ; mais le gisement essentiel de la chaux phosphatée cristallisée est au milieu des granités et dans les gîtes stannifères , où l’acide phosphorique se trouve encore dans le manganèse phosphaté et dans plusieurs autres minéraux. Le carbone se présente dans des circonstances assez analogues à celles où se présente le phosphore. Il entre, pour une partie SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1293 principale, ou au moins très notable, dans la composition des êtres organisés , qui l’empruntent à l’acide carbonique de l’atmo¬ sphère dans laquelle les émanations volcaniques et les sources mi¬ nérales le versent constamment. Il se trouve au milieu des roches sédimentaires et métamorphiques sous forme de combustibles minéraux et de graphite , qui doivent leur origine à des débris organiques , et il y entre dans la composition de carbonates qui proviennent ou de débris organiques , ou de sources minérales ; mais on ne peut lui assigner d’autre gisement indépendant des êtres organisés et des émanations souterraines , que les roches cris¬ tallines anciennes ; car il est très probable que le gisement origi¬ naire du diamant, qui n’est pas encore bien connu, se trouve dans certaines roches granitoïdes très riches en minéraux cristallisés qui sont le gisement originaire de La plupart des pierres précieuses. Tous ces corps , si remarquables par la vigueur de l’action cris¬ talline cpii a présidé à leur formation , sont, dans cette forme par¬ ticulière , au nombre des minéraux qui caractérisent les granités. Si la concentration de certains corps simples dans le granité se bornait à des corps généralement très rares et assez peu connus , comme quelques uns de ceux que nous venons de passer en revue, on pourrait l’appeler une bizarrerie de la nature , en supposant qu’un pareil mot pût être admis dans la science ; mais un phéno¬ mène analogue existe pour des corps extrêmement répandus dans tout le règne minéral et même dans le règne organique, particu¬ lièrement pour le potassium. Le potassium et le sodium se trouvent dans toutes les colonnes du tableau qui termine cette note , excepté dans celle des métaux natifs ; mais il est à remarquer qu’ils n’y sont pas dans la même proportion; que le potassium est plus abondant, proportion¬ nellement, dans les roches granitiques qu’il ne l’est dans les roches volcaniques actuelles et dans les roches volcaniques an¬ ciennes. 11 arrive très souvent que , dans les roches volcaniques , il est remplacé parle sodium. De même, la soude est plus abondante que la potasse dans les eaux minérales actuelles et dans les éma¬ nations volcaniques. Ainsi , le potassium et le sodium ont joué un rôle à peu près analogue ; mais le potassium a joué son rôle plus anciennement , et le sodium aune époque plus moderne. La potasse a des affinités plus fortes pour la plupart des acides , et surtout pour la silice, que la soude , et les silicates à base de potasse sont plus stables que ceux à base de soude. Cela explique comment les eaux thermales , en décomposant les roches qu’elles ont à traverser dans l’intérieur de la terre , s’v chargent de soude plutôt que de 1294 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. potasse, et cela permet aussi de concevoir pourquoi le potassium s’est concentré , de préférence au sodium , dans l’écorce granitique du globe terrestre , dans ce qui paraît avoir été la première croûte refroidie qui a pu se former à la surface du globe terrestre encore en fusion. Enfin , le même phénomène de concentration dans les granités existe pour le silicium , puisqu’en examinant les différentes classes de roches éruptives, on est conduit à les diviser en roches dont la masse est principalement formée par des feidspatlis où la silice se trouve en défaut, et en roches extrêmement silicatées , telles que les granités dans lesquels le feldspath est saturé de silice , et qui renferment même un excès de silice libre ; d’où il résulte que les granités et toutes les roches auxquelles se rapporte collectivement la 5e colonne du tableau placé à la fin de cette note , se distinguent essentielle¬ ment des autres roches éruptives , parce que la silice s’y trouve dans une proportion beaucoup plus grande. Cette dernière remarque doit faire concevoir que le fait de la concentration d’un certain nombre de corps simples dans les gra¬ nités et dans les gîtes concomitants doit tenir aux circonstances les plus caractéristiques de leur formation. Il est d’autant plus probable qu’il en est ainsi , que la plupart de ces corps simples jouissent en commun de certaines propriétés : la plupart sont très avides d’oxygène ; toutes choses égales , d’ailleurs , ils sont plus souvent oxydés et moins souvent combinés avec des minéralisateurs que les métaux, qui se trouvent de préférence dans les filons ordi¬ naires. En s’oxidant , ils donnent naissance soit à des substances alcalines plus ou moins analogues à la potasse , soit à des acides faibles qui ont des rapports plus ou moins marqués avec la silice. Tout porte donc à conclure que c’est la même cause , et par con¬ séquent une cause très spéciale qui a concentré tous ces corps dans les granités et dans les gîtes concomitants d’une manière si parti¬ culière. L’action de cette cause , quelle qu’elle puisse être , se révèle encore par les différences qu’on observe entre les effets métamor¬ phiques qui ont accompagné l’injection du granité et celle de la plupart des autres roches éruptives à travers les roches préexis¬ tantes. Quelquefois les effets métamorphiques du granité se bornent, comme ceux du basalte ou du porphyre , aux conséquences d’une élévation de température considérable, quoique généralement trop faible pour fondre les roches métamorphosées qui ont conservé presque partout leur stratification originaire ; mais , dans une foule de cas , les effets métamorphiques du granité , sans annoncer une 1295 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/i7. température capable de fondre les roches qui ont conservé leur stratification , annonce une énergie extraordinaire d’action chi¬ mique et cristalline, et ces effets dérivent tellement bien de l’action du granité et de l’action même à laquelle le granité doit sa propre cristallinité, qu’ils sont accompagnés de l’introduction de la plupart des corps simples et des minéraux caractéristiques des granités. L’origine granitique de ces minéraux est tellement évidente, que je n’ai pas hésité à comprendre, dans la 5e colonne du tableau placé à la fin de cette note , les éléments de tous les minéraux qui se trouvent dans les roches métamorphiques , dont le métamor¬ phisme est du au granité ; ceux , en un mot , qui , suivant l’heu¬ reuse expression de M. de llumboldt, sont compris dans la pé¬ nombre du granité et des roches granitoïdes. Les minéraux si variés qui se trouvent disséminés dans les micaschistes rentrent pour moi dans cette classe; et c’est pour cela que j’y comprends le spinelle zincifère des schistes talqueux du fahlun , l’or natif de certains micaschistes , l’argent que cet or renferme sous forme d’al¬ liage , etc. ; ce qui me donne des motifs pour comprendre le zinc, l’or et l’argent parmi les corps simples qui forment le cortège des roches granitiques. Les minéraux qui contiennent cette multitude de corps simples que j’ai signalés comme l’attribut spécial des granités, se trou¬ vent ainsi concentrés dans la zone dans laquelle la cause qui a pré¬ sidé à la cristallisation du granité a surtout exercé sa puissance ; leur présence est l’un des témoignages les plus palpables de l’action d’une réunion d’agents que l’on désignerait assez volontiers sous le nom d 'aura granitica , si l’on voulait se contenter d’exprimer les notions vagues que révèle le premier aspect des phénomènes. Mais si l’on veut y pénétrer plus avant et les analyser plus com¬ plètement , on remarquera que les minéraux qui contiennent cette multitude de corps ne sont pas disséminés arbitrairement dans toutes les parties des masses granitiques qui en renferment : ils sont concentrés dans certaines parties , et surtout vers la surface de ces masses granitiques. C’est la position dans laquelle se trou¬ vent ordinairement les minerais d’étain. Ils sont ainsi concentrés, non seulement dans la première écorce du globe terrestre , mais encore dans l’écorce de cette écorce et dans les ramifications que cette écorce a formées dans les masses à travers lesquelles elle était poussée par les agents éruptifs. On observera, en outre, que les parties des masses granitiques et de leurs ramifications dans lesquelles sont concentrées les richesses minérales qui nous occupent, se distinguent du reste des masses, non seulement par 1296 SÉANCE DU 5 JUILLET 18Zl7. leur position excentrique , mais aussi par l’excentricité de leur composition ou de leur structure. Elles sont souvent plus cris¬ tallines que le reste (granités à grandes parties , pegmatites ) ; plus souvent encore elles sont extrêmement quartzeuses , et sont même , sous ce rapport , de véritables monstruosités du granité (liyalomicte , liyalo-tourmalite , quartz en masse) . On est donc fondé à penser que l’action quelconque qui a concentré sur la limite des masses granitiques , les richesses minérales et la surabondance de quartz dont nous parlons, n’est qu’une application plus concentrée de la cause générale à laquelle les granités doivent d’être plus riches en silice que la plupart des autres roches érup¬ tives , et de s’en distinguer en même temps par une cristallinité particulière. C’est dans cette zone extérieure, désignée si heureu¬ sement par M. de Ilumboldt sous le nom de pénombre du granité , que la cause quelconque à laquelle sont dues la cristallinité et la richesse en silice du granité a surtout exercé sa puissance , et c’est là que le secret de son action peut être recherché avec le plus de chances de succès. L’origine éruptive des granités ne saurait être révoquée en doute. Les ramifications qui se détachent sous forme de filons ou de colonnes irrégulières de la plupart des masses granitiques , les fragments de roches préexistantes qui s’y trouvent empâtés , en fournissent des preuves incontestables. Les granités, au moment où ils ont fait éruption , étaient à une température élevée ; on en a la preuve dans les modifications qu’ont fréquemment éprouvées les roches préexistantes , au milieu desquelles ils ont été injectés. La question de l’origine des granités consiste surtout aujour- d hui à déterminer les différences qui doivent avoir existé entre le mode d’éruption des granités et le mode d’éruption des roches qui s’en rapprochent le plus par leur composition, différences qui doivent être en rapport avec la cristallinité particulière des gra¬ nités et avec toutes les circonstances qui les particularisent. 11 est certain qu’il a existé des différences essentielles entre le mode d’éruption des granités et celui de la plupart des autres ro¬ ches éruptives. Les filons de granité ont rarement la régularité et l’étendue que présentent habituellement les filons de basalte et de porphyre quartzifère. Ils ne sont jamais accompagnés de scories ni de roches vitreuses; ils ne sont presque jamais accompagnés de conglomérats qu’on puisse mettre en parallèle avec les conglomé¬ rats basaltiques, trachytiqu.es et porphyriques. On chercherait vainement à expliquer ces différences en disant que le granité est le produit d’éruptions intérieures qui auraient rempli de vastes ca- SÉANCE DU 5 JUILLET 18/j7. 1297 vîtes situées a de grandes profondeurs dans l’épaisseur de l’écorce terrestre. Les éruptions granitiques peuvent sans doute avoir rem¬ pli quelquefois de grands vides souterrains produits par les dislo¬ cations de l’écorce du globe ; mais la profondeur à laquelle ils pou¬ vaient être situés n’a eu qu’une influence très secondaire sur le phénomène. On en a la preuve dans la disposition des gîtes stan- nifères qui forment le cortège d’un grand nombre de masses gra¬ nitiques. La richesse de ces gîtes , notamment celles des masses d’hyalotourmalites schisteuses , d’origine métamorphique , qu’on exploite à l’Auersberg , en Saxe , varie rapidement avec la distance des points exploités à la surface du sol. Cette variation , observée dans les gîtes stannifères , est d’autant plus significative qu’elle n’est qu’un cas particulier d’une variation toute semblable obser¬ vée dans une foule de gîtes métallifères de la nature la plus variée. On peut citer comme exemples de cette variation les mines d’or de Beresowsk , en Sibérie , le G os s an , souvent stannifère des filons du Cornouailles , les minerais argentifères rouges de la mine d’Huel goet , en Bretagne, les Pacos et les Coloraclos du Mexique et du Pérou , une foule de dépôts calaminaires , et elle prouve que la surface actuelle diffère très peu de la surface qui existait lors de la formation de ces différents gîtes métallifères, et près de laquelle la richesse minérale s’est particulièrement concentrée. Cette remarque s’appliquant aux gîtes stannifères aussi bien qu’aux autres , on est conduit à conclure que depuis leur formation , et par conséquent depuis l’éruption des granités , à la pénombre desquels ils appartiennent , la surface du sol n’a guère été altérée que par le creusement des vallées. Les granités qui se montrent avec leur grain ordinaire, soit à la surface des plateaux , soit à une petite distance verticale au-dessous de leur surface, ne peu¬ vent donc être redevables de leur cristallinité à la grande pro¬ fondeur à laquelle ils se seraient consolidés, Si la forme particulière des roches granitiques et des roches métamorphiques qui leur sont associées tenait seulement à la grande profondeur à laquelle elles se sont produites , on les trou¬ verait également riches en substances métalliques , quel que soit leur âge. Or, il est certain que, parmi les roches de cette classe , les plus anciennes sont les plus riches, comme on peut s’en con¬ vaincre en comparant les roches cristallines anciennes de la Suède , de la Finlande , de la Bohème , de la Bavière , de la Nouvelle- Angleterre , etc., aux roches qui leur sont le plus analogues parmi celles qui sont dues à des phénomènes plus modernes. La Syénite zirconienne de Christiania , le Miascite et les autres roches cris- Soc. géol. , 2e série, tome IV. 4298 SÉANCE DU 5 JUILLET 4 8 /| 7 . tallines de l’Oural , sont du nombre de celles parmi lesquelles on a signalé la plus grande variété de minéraux contenant habituellement les corps simples spécialement concentrés dans les roches graniti¬ ques. Ils s’y trouvent en effet presque tous; cependant le molybdène et le tungstène paraissent y manquer. Or ces roches , quoique sans doute fort anciennes , le sont probablement un peu moins que la plupart de celles dans lesquelles se trouvent habituellement les minéraux qui contiennent ces deux derniers métaux. Ainsi leur ancienneté un peu moindre est accompagnée d’un premier degré d’appauvrissement. Cet appauvrissement devient bien plus sensible encore si on compare des roches cristallines acidifères d’âges plus différents. On peut alors faire porter la comparaison sur des localités très nombreuses. M. Scheerer, de Christiania , a signalé, il y a quelques années (1), l’existence cle gadolinites , d’orthites et d’al- lanites (minéraux pyrognomiques contenant du cérium , de V yt¬ trium et du zirconium , et le plus souvent accompagnés des autres corps simples , spécialement propres aux roches cristallines acidi¬ fères) , dans les granités de 7 à localités différentes , savoir : 60 en Norwége et en Suède, 5 en Finlande , l\ au Groenland et 5 dans l’Amérique septentrionale (Nouvelle-Angleterre). 11 se trouve au¬ jourd’hui en mesure d’augmenter encore considérablement le nombre de ces gisements et de les porter jusqu’à 100. Il y com¬ prend celui d’un minéral voisin de l’Orthite que M. Breithaupt a découvert près de Marienberg, en Saxe. 11 ne nomme pas une seule localité où ces roches granitoïdes et métamorphiques ne re¬ montent pas à une époque ancienne. Si de ces gisements anciens on passe aux roches jurassiques métamorphiques des Alpes , on y trouve encore la tourmaline et les minerais de titane, mais ils sont dépouillés de tout le cortège des minéraux qui contiennent les métaux de la famille du tantale. Les fdons à silicates qui accom¬ pagnent les roches granitoïdes de l’Oisans , du Mont-Blanc , du Saint-Gothard , renferment bien du titane et du bore ( dans l’axinite) , mais ils ne contiennent ni étain , ni tungstène , ni tantale , ni cérium , etc. Les granités de File d’Elbe , qui ont fait éruption postérieurement au dépôt des terrains crétacés, et même probablement après le dépôt d’une grande partie des terrains ter¬ tiaires renferment encore des tourmalines et quelques émeraudes , mais elles y représentent seules les minéraux variés et riches en corps simples des granités anciens. Les granités talqueux ou proto- (1) Scheerer, Annales de Poggendorjf, t. LXI, p. 655. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 1299 gincs de l Oisans, dont j’ai donné ailleurs la description (1) , n’ont cristallisé qu’après avoir été soulevés jusque dans la région des neiges perpétuelles. Ils peuvent être cités comme une des meil¬ leures preuves que les granités ne doivent pas leur eristallinité à ce qu’ils se sont solidifiés dans les profondeurs de la terre. Mais ces granités dont l’éruption a été si tardive n’avaient guère que le cortège métallifère des porphyres quartzifères, et en même temps ils n’avaient qu’une faible puissance cristalline ; car, près des points de contact avec les roches à travers lesquelles ils ont fait éruption , ils se sont consolidés à l’état d’eurites ; ce n’est que dans l’intérieur des masses que leur grain cristallin s’est développé. Cet appauvrissement des granités produits à des époques récentes est d’autant plus remarquable , que , dans les périodes modernes , les éruptions granitiques sont devenues comparativement beau¬ coup plus rares qu’elles ne l’étaient dans les périodes anciennes. Elles n’ont plus été que des exceptions , et elles ont été rempla¬ cées par des éruptions d’une autre forme , quoique composées à peu près des mêmes éléments. En effet , les granités les moins anciens sont généralement les plus sujets à prendre la forme por- phy roïde. Les éruptions granitiques sont devenues beaucoup plus rares vers l’époque du grès rouge ; et, à cette même époque, les éruptions de porphyres quartzifères sont devenues très nombreuses. Les éruptions porphyriques ont différé en plusieurs points essen¬ tiels de celles des granités. Les porphyres sont souvent accompa¬ gnés de masses vitreuses (rétinites) , de conglomérats porphyriques et de quelques scories , ce qui n’a jamais lieu pour les granités. La présence des conglomérats semble annoncer que les porphyres se solidifiaient par le refroidissement beaucoup plus aisément que les granités. La présence des roches vitreuses tend à confirmer cette conjecture. Les conglomérats, les roches vitreuses, les scories sont autant de traits de ressemblance entre les porphyres quartzi¬ fères et les trachytes , qui leur ont succédé et auxquels les por¬ phyres se lient souvent. Les porphyres quartzifères , et surtout les trachytes sont un peu moins riches en silice que les granités , quoique souvent ils aient pour base des feldspaths saturés. Cette diminution dans la proportion de silice , ce changement dans la forme des éruptions , cette diminution dans la force cristalline (1) Faits pour servir a V histoire clés montagnes de /’ Oisans. Mémoires de la Société d'histoire naturelle de Paris , t. Y, p. 1 . — Annales des mines , 3e série, t. Y, p. 3. — Mémoire pour servir à une description géologique de la France , t. Il , p. 339. 1300 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. sont accompagnés ci’un appauvrissement dans le cortège métalli¬ fère ; car , sauf quelques exceptions qui empêchent de poser la règle d’une manière absolue , telles que Velvan stannifère de la mine de Wherry , près de Peuzance en Cornouailles , et le por¬ phyre quartzifère de la mine d’étain d’Altenberg en Saxe , on peut dire généralement que le cortège métallifère des porphyres quartzifères ordinaires se réduit à peu près à celui des roches basiques ; celui des trachytes est encore plus réduit. Les porphyres quartzifères et les trachytes sont , pour ainsi dire , des granités éventé s. On voit ainsi le cortège métallique des roches éruptives acidi- fères s’appauvrir, à mesure que leurs modes d’éruption et de cris¬ tallisation se modifient pour se réduire au mode actuel. La richesse métallique diminue en même temps que la richesse en silice et que la puissance de cristallisation ; elle diminue même plus vite , puisque les derniers granités ont été privés de la partie la plus caractéristique du cortège métallique des granités anciens. 11 semblerait que lœ corps simples , spécialement propres aux granités anciens , se sont fixés dans les parties de l’écorce terrestre les plus anciennement consolidées , en même temps que l’action particu¬ lière à laquelle est due la cristallisation du granité a commencé à devenir moins intense et moins générale. Cette action elle-même ne s’est plus exercée que d’une manière exceptionnelle, comme dans le granité de l’ile d’Elbe. L’affaiblissement graduel de la puissance cristalline devient plus évident encore, quand on considère h s effets métamorphiques éprouvés par les roches sédimentaires à travers lesquelles les tra¬ chytes , les porphyres quartzifères et les granités ont fait éruption. On reconnaît, avec évidence, des effets calorifiques plus ou moins intenses et les modifications de structure cristalline qui peuvent en résulter, dans les roches qui ont été en contact avec les trachytes et les porphyres au moment de leur éruption. Mais ces effets sont loin d’égaler ceux qu’on observe souvent au contact des granités , et surtout des granités anciens , de ceux qui n’avaient rien perdu de la puissance cristalline , de la richesse en silice et de la richesse métallique qui semblent avoir été leur cachet originaire. En effet , si les granités se distinguent des porphyres quartzifères et des tracliites, en ce qu’ils ne sont pas associés , comme ccs der¬ nières, à des roches vitreuses et à des scories, en ce qu’ils ne le sont presque jamais à des conglomérats; ils s’en distinguent égale¬ ment en ce qu’il existe tant de passages entre le granité et le gneiss , entre le gneiss et le micaschiste, quelquefois même , entre le gra- \ SÉANCE DU 5 JUILLET 18/i7. 1301 nite et le micaschiste , que la question de l’origine de ces roches est nécessairement connexe. Je suis très porté à croire que beaucoup de micaschistes et de gneiss sont des roches d’une origine métamorphique : ce sont des roches déposées à l’état sédimen taire qui ont éprouvé un change¬ ment d’état cristallin. Cependant certains gneiss sont des roches éruptives qui , en s’étirant à la suite de leur éruption , ont pris une forme schisteuse ou plutôt fibreuse , et il est souvent difficile de distinguer les gneiss des deux origines. M. Virlet a fait voir de¬ puis longtemps combien il est probable que certains granités ont eux-mêmes une origine métamorphique , que ce sont des dépôts sédimentaires qui ont été altérés par l’action de la chaleur et par d’autres actions, jusqu’au point d’arriver à l’état de fusion. Ces mêmes granités , d’origine métamorphique, auraient pu former des gneiss d’origine éruptive , s’ils avaient fait éruption dans des circonstances convenables. Le sédiment dont la fusion aurait pro¬ duit ces granités ou ces gneiss pouvait provenir lui-même de granités plus anciens. On conçoit ainsi que l’origine des pre¬ miers granités, des gneiss anciens et des micaschistes qui s’y rat¬ tachent n’est pas complètement distincte. L’origine de ces roches est d’autant plus évidemment connexe , que les corps simples qui forment parmi les roches éruptives l’apanage distinctif des granités, se retrouvent souvent dans les gneiss et les micaschistes liés aux masses granitiques qui les renferment. Pour expliquer l’origine par voie métamorphique des gneiss et des micaschistes , il faut certainement admettre que la chaleur a joué un rôle essentiel dans l’origine du granité. Mais relativement à ces roches, comme relativement au granité, il y a aussi à tenir compte d’actions diverses , particulièrement d’actions chimiques de différentes espèces, et les considérations qui seront admises relativement à la classe particulière d’actions chimiques qui a présidé à l’origine du granité, doivent pouvoir s’appliquer au gneiss et au micaschiste , attendu que le gneiss et le micaschiste renferment , comme élé¬ ments contemporains , une quantité de minéraux qui contiennent les mêmes corps simples que j’ai signalés comme spécialement propres au granité. Ainsi la question de l’origine du granité est à la fois d’autant plus importante et d’autant plus difficile , qu’elle comprend celle de l’origine de plusieurs des roches cristallines les plus répandues à la surface du globe. C’est un vaste problème dont la question de l’origine du granité est le nœud. Cette question paraît encore aujourd’hui fort obscure ; mais ce serait déjà un pas important de parvenir à la poser dans toute sa 1302 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. généralité, et de signaler les faits principaux qui devront être expliqués simultanément. Quand même on devrait se borner pendant longtemps à grouper ces faits entre eux , on en formerait sans aucun doute un des plus intéressants chapitres de la géologie , qu’on pourrait perfectionner graduellement jusqu’à ce qu’il en découle une théorie. Coordonnés, comme j’ai essayé de le faire dans les pages qui précèdent, les faits conduisent à penser que les parties des granités auxquelles la cause essentielle de leur forme particulière a imprimé son cachet de la manière la plus caractéristique, sont celles où abondent le plus les minéraux qui contiennent les corps simples signalés comme l’apanage spécial des granités. On peut donc con¬ cevoir que les granités types , les granités modèles , ceux dont il suffirait d’expliquer l’origine pour être sur la voie d’expliquer com¬ plètement l’origine de tous les granités et de toutes les roches qui s’y rattachent sont les granités stannifères , et , en général , ceux dans lesquels sont répandus en abondance les métaux de la famille de l’étain. Mais, dans ces granités eux-mêmes , les minéraux qui contien¬ nent ces corps simples ne sont pas disséminés complètement au hasard ; ils sont particulièrement concentrés dans certaines parties des masses et surtout vers leur surface. On les trouve presque aussi fréquemment extravasés dans les roches , au milieu desquelles la niasse granitique a été injectée , que répandus dans l’intérieur de cette masse à une grande distance de sa surface de contact avec les roches pénétrées. M. Daubrée remarque, à juste titre, dans son intéressant mémoire sur les amas de minerai d’étain (1) , que tous les amas stannifères, quelle que soit la roche qui les renferme , granité, porphyre, gneiss ou micaschiste, se trouvent toujours pr ès du contact avec une autre roche. Aucun de ces amas ne s’é¬ loigne de plus de 500 mètres de la jonction de deux terrains. En pareil cas , l’une des deux roches en contact est toujours une des roches sursaturées de silice que j’ai comprises d’une manière géné¬ rale dans le groupe des roches granitoïdes. Ces masses stannifères ne le sont dans toute leur étendue que lorsque leur diamètre est peu considérable et ne dépasse pas quelques centaines de mètres , ce qui est du reste assez fréquent ; car les roches les plus stanni- fères sont souvent des masses détachées qui ont pointé en dehors les grandes masses granitiques. Ces masses éruptives qui se distinguent par la présence de (l) A. Daubrée, Annales des mines, 3« série, t. XX, p. 65. SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8Z|7 . 1303 l’étain , ou , en général, par celle des corps simples de la famille de V étain, du tantale , du tungstène, etc., sont rarement for¬ mées de granité d’une composition et d’une structure ordinaires ou bien du granité normal ; elles présentent le plus souvent ces diverses roches que j’ai désignées comme des dégradations ou des monstruosités du granité, telles que le granité à grandes parties , le granité graphique , l’hyalomicte ( greisen ) , etc. Ce sont même quelquefois les parties extérieures de ces masses stannifères qui présentent de la manière la plus frappante ce caractère ultra- granitique , si je puis m’exprimer de la sorte. Ainsi le massif stannifère de Geyer , en Saxe , a la forme d’un cône tron¬ qué dont le plus grand diamètre n’excède pas 260 mètres. 11 est encaissé dans le gneiss et formé d’un granité dont le grain est peu développé ; mais il est entouré d’une enveloppe désignée par le* mineurs sous le nom de stockscheider épaisse de 0m,25 à 3 mètres, composée de granité à grandes parties dont les cristaux sont d’une grosseur extraordinaire. Il semble que la cause particulière de la cristallinité du granité soit venue ici se jouer sur la surface de la masse éruptive , de même , si cette figure n’est pas trop hors de saison, que l’électricité se porte à la surface d’un nuage. On appréciera mieux encore les faits de ce genre en les compa¬ rant à des faits d’une nature contraire. Les granités talque ux ou protogines à gros grains des montagnes de l’Oisans que j’ai décrites ailleurs avec détail (1) perdent presque complètement leur cris¬ tallinité et se réduisent à peu près à des eurites dans les points où elles sont en contact avec les roches sédimentaires , à travers les¬ quelles elles ont fait éruption; c’est l’effet évident du refroidisse¬ ment causé par le contact de ces dernières, qui, elles-mêmes, portent les traces de l’action exercée par la chaleur de la protogine et ont passé à l’état métamorphique jusqu’à une très petite distance. Ces granités , dont l’éruption est très moderne , ne possédaient évidemment la vertu métamorphisatrice qu’à un très faible degré; le contact leur faisait même perdre très facilement la faculté de cristalliser à l’état granitoïde ; ils étaient , pour ainsi dire , éventés. Ils se sont conduits à leur surface comme des porphyres quartzifères , et ce qui est très remarquable , leur cortège métal¬ lique se réduit à celui des porphyres quartzifères et des roches ba¬ siques. Ils ne sont accompagnés que de filons plombifères et cu¬ prifères à gangues de baryte sulfatée. Ils ne sont pas plus quartzeux près de leur surface que dans l’intérieur de la masse. (1) Faits pour servir ci l’histoire des montagnes de l' Oisons. SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. 130 Ix La cause qui a rendu les granités plus riches en silice que les autres roches éruptives semble aussi s’être déployée dans les gîtes stannifères avec une prédilection particulière. M. Daubrée , dans son important mémoire sur les amas de minerai d’étain que j’ai déjà cité, insiste fortement sur ce fait , que dans tous les gisements de minerai d’étain (amas ou filons), le quartz existe avec une grande abondance. Quand le granité devient stannifère, il perd sa nature ordinaire, son feldspath disparaît, il passe à une roche principalement quartzeuse renfermant peu de mica. Dans tous les amas, les petits liions sont exclusivement composés de quartz, et l’existence du quartz se lie tellement à la présence de l’oxyde d’é¬ tain , que quand les roches encaissantes sont imprégnées de ce mi¬ nerai , elles deviennent, en général , plus quartzeuses, comme on le voit à Geyer et à Altenberg, en Saxe , où l’une des règles pra¬ tiques de l’exploitation est que la richesse de la roche imprégnée de particules invisibles d’oxyde d’étain, croît en proportion de sa richesse en quartz. On voit ainsi que les caractères qui distinguent essentiellement le granité, sa cristallinité , sa richesse en silice et sa richesse mé¬ tallique , atteignent de concert leur maximum de développement dans les mêmes points et très probablement par les mêmes causes. Nous ferions un nouveau pas vers la découverte de ces causes , si nous pouvions nous rendre un compte exact du rôle que le quartz a joué lors de la cristallisation du granité. Ce rôle paraît encore extrêmement problématique et a donné lieu , dans ces derniers temps , à d’importantes discussions. Les écrits récents de M Fuchs et de M. deboucheporn ont rap¬ pelé l’attention des minéralogistes et des géologues sur ce fait que le quartz renfermé dans les granités porte l’empreinte des formes cristallines des minéraux qui l’accompagnent. Ainsi , toutes les collections minéralogiques contiennent des morceaux de quartz hyalin portant l’empreinte extérieure d’aiguilles de tPhrmaline, et présentant les traces de leurs moindres stries plus exactement qu’on ne pourrait les prendre avec la cire. Dans d’autres cas , c’est le feldspath , ce sont des grenats ou d’autres silicates dont le quartz a pris le moule. Ces phénomènes paraissaient très simples aux géologues qui admettaient l’origine neptunienne du granité ; ils les rapprochaient de ceux dans lesquels la silice contenue dans des dissolutions a opéré cette multitude de pétrifications de coquilles , de polypiers , de bois , dont toutes les collections abondent et qui font admirer la finesse du travail lapidifique. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1305 Mais , depuis que l’origine éruptive et ignée du granité a été démontrée , ces mêmes faits sont devenus autant de difficultés. Comment, en effet, concevoir qu’un corps aussi réfractaire que la silice ne se soit consolidé qu’après des corps aussi fusibles que la tourmaline, le feldspath, le grenat? Plusieurs explications de ce phénomène singulier ont été pro¬ posées ; je ne parlerai que des plus plausibles. M. Fournet , professeur de minéralogie et de géologie à la Fa¬ culté des sciences de Lyon , a pensé que la silice pourrait jouir à un très haut degré de la propriété de la surfusion. La température de la fusion d’un corps et la température à laquelle il se consolide en se refroidissant ne sont pas nécessairement identiques. La glace fond à 0° ; mais l’eau , lorsqu’elle se refroidit dans deâ circon¬ stances convenables , peut conserver sa liquidité à plusieurs degrés au-dessous de 0°. Le soufre fond à 170° centigrades; mais le soufre refroidi dans certaines circonstances peut rester mou jusqu’à la température ordinaire ; le phosphore possède une propriété ana¬ logue. Pourquoi la silice ne jouirait- elle pas d’une propriété du même genre dans un intervalle de température plus grand en¬ core ? Non seulement on ne peut le nier , mais on peut assurer que la silice jouit de cette propriété dans une très large mesure. La silice est , en effet , parmi tous les corps connus , un de ceux où les changements de cohésion qui accompagnent le passage de l’état solide à l’état liquide , et surtout de l'état liquide à l’état solide , embrassent le plus grand intervalle thermométrique. Elle ne fond qu’au chalumeau de gaz oxygène et hydrogène , à une tempéra¬ ture qui a été évaluée à 2800° centigrades ; mais , lorsqu’elle a été fondue , on peut l’étirer en fils, comme l’a fait M. Gaudin , à une température beaucoup plus basse. Quoiqu’elle ne fonde qu’à une température double de celle de la fusion du fer , on peut l’étirer en fils à une température inférieure à la chaleur rouge , c’est-à- dire à une température qui surpasse moins la température ordi¬ naire , à laquelle le fer ne s’étire plus en fils qu’assez difficilement, que la température de sa fusion ne surpasse celle de la fusion du fer. L’intervalle thermométrique pendant lequel elle est malléable est donc plus grand pour elle que pour le fer ; mais le fer est presque également malléable à un même degré thermométrique, soit qu’on l’y ait porté à partir d’une température plus basse en le chauffant , ou à partir d’une température plus élevée en le refroi¬ dissant. Il y a toutefois line légère différence qu’on observe dans le fil de fer recuit , c’est-à-dire chauffé et refroidi. Pour la silice , 1306 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7. la différence est infiniment plus grande. Le quartz est un corps très réfractaire qui conserve probablement sa rigidité presque jus¬ qu’au moment où il entre en fusion ; mais , après avoir été fondu, il reste malléable, comme on vient de le voir, jusqu’à une tempé¬ rature bien inférieure à son point de fusion. . Je ne crois cependant pas que ce soit là la seule et véritable raison de la faculté qu’a possédée le quartz de prendre les em¬ preintes de la tourmaline et d’autres minéraux facilement fu¬ sibles. L’observation montre non seulement que le granité ne s’est con¬ solidé qu’à une température assez peu élevée , mais qu’il n’a pas même fait éruption à une température aussi élevée , à beaucoup près , que celle qui est nécessaire pour fondre le quartz. S’il avait possédé , au moment de son éruption , une température égale à celle qu’exige la fusion du quartz , il aurait fondu toutes les roches avec lesquelles il se serait trouvé en contact , même les quartzites purs. Or , on observe , au contraire , que le contact du granité n’a fondu que des roches extrêmement fusibles. Son action s’est le plus souvent bornée à les faire passer à l’état méta¬ morphique sans faire disparaître leur stratification. On pourrait chercher à expliquer ce résultat , en disant que le granité a été fondu, dans l’intérieur du globe , à une température capable de fondre le quartz ; mais que , dans les cas auxquels je viens de faire allusion , il n’a pénétré dans les fentes où il a formé des filons , qu’à une température déjà très réduite ; or , l’exa¬ men des roches stratifiées qui sont devenues métamorphiques au contact des granités , réfute complètement cette supposition ; car il est évident que le quartz qu’elles contiennent a été dans le même état de mollesse que celui du granité lui-même ; il a pris de même l’empreinte de minéraux plus fusibles que lui , tels que la tour¬ maline, le grenat, etc. Pour pouvoir prendre l’empreinte d’une tourmaline ou d’un grenat , le quartz a dû nécessairement être amolli ; mais il n’a pas eu besoin d’être fondu. Il est même certain qu’il a produit ce phénomène sans avoir été fondu ; car on l’observe dans les petites masses de quartz renfermées dans le micaschiste. Or , si le mica¬ schiste est une roche métamorphique , comme on l’admet géné¬ ralement aujourd’hui , il est certain que les agents quelconques qui l’ont fait passer à l’état métamorphique ne l’ont pas fondue , puisqu’elle a conservé sa stratification originaire, et que , par con¬ séquent , ils n’ont pas fondu le quartz qu’elle renferme. On peut supposer } à la vérité, qu’une partie au moins du quartz qui forme SÉANCE DU Ô JUILLET 18/l7. 1307 des ganglions dans les micaschistes y a été introduite à la suite de 1 éruption du granité ; mais il serait difficile de concevoir que cette introduction ait toujours eu lieu à une température assez basse pour que le quartz ne fonde pas le mica, et cependant assez élevée encore pour que sa mollesse lui permette de se mouler sur ce minéral. La silice possède une seconde propriété qu’on met en jeu tous les jours dans les verreries et dans les analyses de minéraux, celle de fondre et de produire un verre , lorsqu’on la chauffe avec des substances qui ont pour elle assez d’affinité pour l’attaquer, à une température bien inférieure à celle de sa propre fusion. Cette silice , séparée par la voie humide, au moyen d’un acide, des sub¬ stances qui l’ont attaquée , reste , à la température ordinaire , à l’état gélatineux , et la silice gélatineuse ne se durcit qu’à la longue. Elle finit cependant quelquefois par devenir très dure, et , au moyen de l’étlier silicique , M. Ebelmen en a obtenu qui avait presque la dureté du quartz. Cette silice qui , pendant longtemps, reste molle à la température ordinaire, présente, en quelque sorte, une seconde espèce de surfusion , et on pourrait admettre que c’est cette surfusion chimique ou gélatineuse qui a été mise en jeu dans la formation des roches granitiques. Cependant , M. Duroclier , ingénieur des mines , professeur de minéralogie et de géologie à la Faculté des sciences de Rennes , a proposé une autre hypothèse. L’eau mélangée de sels reste liquide à une température bien inférieure à celle de la congélation de l’eau pure et de la solidification des sels anhydres; les laitiers des hauts-fourneaux coulent à une température bien inférieure à celle à laquelle se solidifieraient les substances qui les composent , fon¬ dues isolément. Le granité fondu doit , par la même raison, rester fluide ou mou à une température inférieure à celle à laquelle se solidifieraient le quartz , et , peut-être même , le feldspath et le mica fondus isolément. Cette considération ingénieuse semble , au premier abord , ré¬ pondre à toutes les exigences de la question ; mais renferme-t-elle à elle seule la solution du problème ? Je crois qu’il est permis d’en douter. 11 n’existe pas une relation constante entre la forme que le gra¬ nité a prise et la marche que son refroidissement a dû suivre , eu égard à la grandeur de la masse et à la place que chaque partie y occupe. Souvent des fdons peu épais ont un grain gigantesque, tan¬ dis que de grandes masses granitiques sont partout à petits grains. On remarque fréquemment , il est vrai , que le granité a un grain 1308 SÉANCE DU 5 JUILLET 18^7. un peu plus fin , près du contact des roclies au milieu desquelles il a été injecté , que dans le centre des masses ; mais la différence n’est pas très grande et n’est pas même constante ; quelquefois on ob¬ serve une disposition inverse. Si le granité n’était qu’une roche ou tous les éléments aient été à l’état de fusion par la seule action de la chaleur , on ne verrait pas bien pourquoi toutes les masses de granité ne seraient pas enveloppées à l’extérieur par une écorce d’eurite ou de porphyre. Les éléments ayant été saisis instantané¬ ment par le froid, au contact de l’air ou au contact des roches dans lesquelles le granité a pénétré , il devrait y avoir une écorce de porphyre ou d’eurite; mais c’est ce qu’on n’observe pas générale¬ ment : les parties extérieures , quoique souvent le granité y soit à grains plus fins, sont généralement à l’état granitique ; quel¬ quefois même elles ont un grain plus gros que l’intérieur de la masse , comme on le voit d’une manière si remarquable dans le Stockscheiclcr de Geyer , que j’ai mentionné il y a un instant. Dans l’hypothèse proposée par M. Durocher , le granité aurait du sa liquidité à ce que le feldspath , le quartz et le mica auraient été en dissolution l’un dans l’autre , et auraient formé une sorte d’alliage fusible. Mais cela ne rend pas raison de ce phénomène très frappant , qu’il y a de grandes masses dans lesquelles le feldspath se trouve presque seul , et qui sont extrêmement cristallines ; d’autres dans lesquelles le quartz ou le mica se trouvent seuls , qui sont aussi cristallines à la manière du granité , et qui ne sont véritablement que des dégradations du granité. Les trois éléments habituels du granité , le feldspath , le quartz et le mica, sont en elïet bien loin de s’y trouver dans des proportions constantes. Sou¬ vent un ou deux de ces éléments disparaissent presque en entier ou sont remplacés par d’autres éléments , sans que l’aspect et la manière d’être de la roche indiquent qu’elle ait été formée autre¬ ment que le granité normal. Le feldspath lamelleux , l’hyalo- mite , l’hyalo-tourmalite , la minette , et même certaines masses purement quartzeuses , sont des monstruosités ou des dégradations extrêmes du granité que rien ne conduit à supposer formées au¬ trement que le granité ordinaire. Or, si , d’une part , ces monstruosités du granité se sont for¬ mées à peu près de la même manière que le granité normal , il est certain aussi que leur mode de formation a peu différé de celui des filons quartzeux; elles se lient en même temps aux filons quartzeux par les formes diverses des gîtes stannifères , qui passent insensiblement aux filons stannifères les plus réguliers , lesquels ne sont que le premier anneau de chaîne des filons métalliques SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1309 dans lesquels il est évident que le quartz a été déposé par l’action des eaux , ainsi que nous l’avons constaté précédemment. J’ai attiré, il y a quelques années, l’attention de l’Académie des sciences sur de nombreuses observations de 1VI. Rozet , qui me paraissent tendre à établir cette liaison entre les granités et les filons quaitzeux ordinaires , par l’intermédiaire de certains gîtes minéraux qui , sans renfermer d’étain , rentrent d’une manière générale dans la catégorie des gîtes stannifères par les minéraux qu’ils renferment (1). Je remarquais, en effet, que M. Rozet, dans ses Mémoires sur les montagnes situées entre la Saône et la Loire , a décrit un grand nombre de masses de quartz de natures et de gisements divers , qui semblent établir une chaîne presque continue entre deux classes de masses minérales d’origine proba¬ blement très différentes et en quelque manière opposées , les peg- matites et les arhoscs à ciment quartzeux. Je citais, d’après M. Rozet , les pegmatites des environs d’Autun , comprenant une très belle variété du granité graphique, qui se trouvent en filons et en masses transversales dans le gneiss, et qui ont apporté des tour¬ malines et des émeraudes. Près de Marmagne et de Saint-Sym- pliorien , on trouve des émeraudes en abondance dans les frag¬ ments de roches employées à ferrer les routes. Dans le gneiss et le granité de la même contrée , il existe des filons de quartz , avec mica, analogues à ceux qu’on rencontre habituellement dans les gîtes stannifères de la Saxe et du Cornouailles. Au S.-E. de Clii- seuil , près de Bourbon-Lancy , on observe une grande masse de quartz ferrugineux , quelquefois semi - vitreux , contenant de grandes paillettes de mica argentées, qu’on peut considérer comme un hyalomicte. Au pied S.-E. du Pilas, sur le plateau de Con¬ drieux , dans le département du Rhône , on trouve, au milieu du granité et du gneiss, du quartz blanc, semi-nitreux, enfumé quelquefois , jaspo’ide , qui s’élève sous la forme de cônes ir •régu¬ liers. Le quartz est fréquemment soudé au granité qu’il traverse , et il enveloppe souvent des fragments de granité de différentes grosseurs. A la base des cônes , le quartz pousse dans le granité des ramifications divergentes , comme si celui-ci avait été étoilé pour le recevoir. Ces masses de quartz paraissent donc avoir fait éruption à la manière des porphyres et des granités, et, quoi- qu on n’y trouve ni feldspath , ni mica , on peut les considérer, (J ) Rapport sur quatre Mémoires de M. Rozet. ( Comptes rendus hebdomadaires des séances de l' Academie des sciences , t. XI, p. 264. 1841.) 1310 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/17. de même que les masses de quartz qui font partie des amas stan- nifères , comme une monstruosité du granité réduit accidentelle¬ ment à un seul de ses éléments. Ce quartz ne diffère cependant du quartz qu’on trouve en si grande abondance dans les filons plombifères et dans les arkoses , qu’en ce qu’on n’y trouve pas la baryte sulfatée , le spath-fluor et la galène , si habituellement répandus dans les derniers , et on ne peut guère supposer que son origine ait différé très essentiellement de celle des quartz des arkoses , dont le dépôt par voie humide est si évident. Ce quartz éruptif renferme , sur le plateau de Con¬ drieux comme à Chiseuil , des traces d’oxyde de fer. On voit par là qu’il a fait éruption à une température trop basse pour former des silicates , et on a , d’ailleurs , la preuve du peu d’élévation de la température à laquelle il a fait éruption , dans les fragments de granité qu’il renferme , et qui ne présentent aucune trace de F action d’une température élevée. Ce cas est un de ceux où la fusibilité qui résulte du mélange d’éléments de natures diverses, ne facilite en rien l’explication du phénomène , et on est ramené à choisir entre l’hypothèse de la surfusion purement ignée et celle de la surfusion gélatineuse . Cette dernière est beaucoup plus en harmonie avec les analo¬ gies qui existent entre les quartz éruptifs dont nous parlons, et les quartz d’origine évidemment aqueuse qu’on trouve dans les filons plombifères et dans les arkoses. On observe dans ces contrées une foule de veines de quartz qui se lient , d’une part, aux quartz des arkoses , et de l'autre aux cônes quartzeux éruptifs ; et si l’on ad¬ mettait que l’eau a joué un rôle dans la formation des premiers , et a été complètement étrangère à la formation des seconds , la ligne de démarcation entre ces deux espèces de quartz , d’origines si différentes , serait très difficile à établir. Mais il est probable que l’eau a joué un rôle dans la formation de tous ces quartz , et qu’elle n’a pas même été étrangère à la formation des granités dont les cônes quartzeux éruptifs ne sont qu’une forme particulière et , en quelque sorte , une mons¬ truosité. M. Sclieerer , de Christiania , a développé des idées toutes nou¬ velles à cet égard dans un mémoire publié récemment et dont M. Frapolli a consigné la traduction dans le présent volume du Bulletin , page Ù68. L’hypothèse qu’il propose pour expliquer l’é¬ tat cristallin des granités est complètement différente de celles de M. Fournet et de M. Durocher. Il cite d’abord des faits nombreux, et particulièrement la présence dans le granité des minéraux pyro - SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1311 gnomiques , pour montrer que cette roche était à une température médiocrement élevée au moment de sa consolidation. M. Scheerer a donné le nom de minéraux pyrognomiques à certaines substances qui possèdent la propriété de produire instantanément une lumière spontanée plus ou moins vive , dont l’apparition est accompagnée par un dégagement de chaleur, à une température dépassant à peine le rouge-brun . Ces minéraux, durant leur combustion apparente , subissent des modifications très sensibles dans leurs propriétés phy¬ siques, tandis que leur composition chimique reste la même , sauf peut-être une certaine diminution dans la quantité d’eau qu’ils con¬ tiennent quelquefois. Plusieurs gado Unités, orthites , allanites , sont pyrognomes au plus haut degré. Si ces minéraux , qui , de même que les tourmalines , se sont solidifiés avant le quartz , s’étaient formés dans un fluide incandescent , ils auraient dû rester soumis à une haute température longtemps encore après leur solidifica¬ tion. Mais alors comment auraient-ils acquis et conservé leurs propriétés pyrognomiques? Il me semblerait difficile de répondre à l’argument de M. Scheerer. Les minéraux pyrognomiques ren¬ fermés dans le granité me paraissent équivaloir à des pièces cl'cssai démontrant qu’au moment où ils ont cristallisé et à plus forte rai ¬ son au moment de la solidification du quartz qui s’est moulé sur eux , le granité était à une température inférieure au rouge-brun . Je trouve donc difficile de ne pas admettre avec M. Scheerer que /’ hypothèse d’un état primitif de fusion simplement ignée du granité , quoique les phénomènes du contact soient en faveur de cette hypo¬ thèse , n’est pas justifiée par la nature intime de la masse granitique elle-même. 11 est démontré qu’à l’origine le granité formait une masse plastique , et il n’est pas du tout improbable que cette masse possédât alors une très haute température , mais il est cer¬ tain en même temps que cette masse n’a pu être à l’état de fusion simplement ignée. M. Scheerer a donné aussi beaucoup de motifs pour établir que le granité en fusion renfermait de l’eau. Plusieurs minéraux conte¬ nant de l’eau se trouvent dans le granité , et M. Scheerer a pensé que le granité en fusion devait renfermer de l’eau, qu’il en ren¬ fermait au moment où il a fait éruption , qu’il a conservé de l’eau jusqu’à son refroidissement définitif, que cette eau a pu jouer un rôle dans les phénomènes de sa solidification ; il a essayé de rattacher cette supposition à des considérations très ingénieuses sur la composition de différents minéraux et sur ce qu’il a appelé 1 iso- morpf Usine polymère. Il a cherché en outre à déterminer la quan¬ tité d’eau qui pouvait être contenue dans le granité encore mou ; 1312 SÊ4NCE DU 5 JUILLET 1847. et il a reconnu d’abord que cette quantité devait être inférieure à celle qui aurait été nécessaire pour tenir toutes les bases à l’état d’hydrate , car il en aurait fallu pour cela environ 50 pourlOO en poids , et comme l’eau est plus légère que ces mêmes bases , cela aurait fait beaucoup plus de 50 pour 100 en volume. Or , il est impossible d’admettre que le granité , au moment de son injec¬ tion, ait renfermé une pareille quantité d’eau, dont la disparition aurait occasionné une contraction énorme, et d’autant plus grande, que les éléments du granité éprouvent eux-mêmes , en se solidi¬ fiant , une contraction considérable , qui , d’après les expériences de M. Deville, est de plus de 10 pour 100. M. Scheerer se borne donc à admettre qu’il pouvait exister 2 ou 3 pour 100 d’eau dans le granité au moment où il a fait éruption. Je ne vois en effet aucune difficulté à supposer que le granité ren¬ fermait de l’eau quand il a fait éruption , car cela se réduit à ad¬ mettre que le granité ressemblait , sous ce rapport , aux roches volcaniques , aux laves des volcans actuels, qui, au moment où elles arrivent au jour, contiennent une grande quantité d’eau qui s’en dégage sous forme de vapeurs et dont elles mettent souvent plusieurs années à se débarrasser complètement. Le fait de la présence de l’eau dans les laves en fusion , de¬ venu familier à tous ceux cpii ont étudié les volcans , semble pa¬ radoxal aux personnes qui en entendent parler pour la première fois. Cela tient à ce que les idées de la masse du public et le lan¬ gage même de la science , sont restés sur ce point à la hauteur de la théorie des quatre éléments , au gré de laquelle le feu et l’eau sont deux principes antagonistes et antipathiques. Il n’est pas absolument nécessaire que l’eau ait été retenue en très grande quantité dans le granité pour avoir produit sur sa solidification et sur la cristallisation des effets très marqués. Les propriétés de l’acier et de la fonte, comparées à celle du fer forgé, montrent quelle influence exerce une très petite proportion de carbone ou de graphite. Les propriétés si diverses et la cristalli¬ sation si différente des diverses espèces de fonte montre quels puis¬ sants effets peut exercer une très petite proportion d’un corps étran¬ ger , tel que le silicium , le phosphore , le manganèse. Pourquoi une quantité d’eau , même très minime, n’aurait-elle pas produit des efïets du même genre dans le granité pendant tout le temps où elle y aurait été retenue ? Or, il me paraît probable que si le granité renfermait de l’eau au moment de son éruption, cette eau s’en est dégagée beaucoup plus lentement encore que celle que les laves renferment en arrivant SÉANCE DU 5 JUILLET 1 8/| 7 . J 3J 3 au ff111 s t'n dégagé au fur et a mesure que lu refroidissement 9 mars. » J’ai lu plus récemment encore, dans le n° du 25 dé¬ cembre 1847 du même journal , qu’à l’époque du 22 octobre 1847, « le gouverneur général des Indes néerlandaises venait d’accorder » à la maison Roselje frères et comp. de Batavia le monopole du » commerce de la glace , avec franchise de droits d’entrée, à là >> condition , acceptée par MM. Roselje, d’avoir toujours en magasin » une quantité do glace suffisante pour les besoins de Batavia et de ses » environs. » Enfin le n°du29 septembre 18 48 annonce que M. Berne , négociant français à Batavia, «a passé avec le gouverneur général » de Java un contrat en vertu duquel il s’est obligé à établir un » dépôt de glace sur chacun des trois principaux ports de Java , sa- » voir : à Batavia , à Smarang et à Soërbaja. » La glace de la Nouvelle-Angleterre, devenue ainsi dans l’Inde un objet habituel de commerce, vogue sur les mers de la zone torride plusieurs semaines, plusieurs mois après que les rivières où on l’a prise, les montagnes au pied desquelles elle s’est formée, ont été débarrassées de leurs glaces et de leurs neiges par les .vapeurs du prin¬ temps, et, traversant deux fois la ligne équinoxiale, elle arrive à Batavia sans avoir subi un déchet considérable. Pour Ja préserver de la fusion , que semblerait devoir provoquer si rapidement le soleil des tropiques, on se borne à entasser cette glace à fond de cale , sur des madriers disposés convenablement , en séparant les blocs do glace les uns des autres par do petits lits de sciure de bois; on a soin également de mettre obstacle à la circulation de l’air. La glace renfermée à fond de cale a promptement condensé, en presque totalité, la faible quantité de vapeur que pouvait contenir l’air qu’on y a renfermé avec elle, ce qui détermine la fusion d’un poids de glace égal à huit fois celui de la vapeur condensée , poids qui ne peut être considérable. Cette fusion opérée, la glace restante n’est plus entourée que d’air où sa température ne peut plus condenser de va¬ peur, et qui ne peut lui transmettre de chaleur que par son contact aux effets duquel se joignent ceux du rayonnement des parois de la cale. Cet air presque sec , la sciure de bois et la coque de bois du na¬ vire sont des corps assez mauvais conducteurs pour que la glace qu’ils séparent seuls des eaux des mers tropicales, dont la température est d'environ 27° 1/2, n’en reçoive qu’une très faible quantité de chaleur, et ne perde par la fusion qu’une partie minime de son poids. Au contraire, la glace restée dans les rivières se trouvant en çon- 1337 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/l7, dtscents. L’eau en contact avec un corps incandescent lui en¬ lève sa chaleur qu elle transforme en grande partie en calorique latent. La vapeur en contact avec, la glace lui rend ce même calorique latent qui sert à la fondre, et cpii ne fait que passer du rôle calorique latent de vaporisation à celui de calorique latent de fusion. » La quantité de neige que la vapeur saturée est capable de fon¬ dre , augmente dans une proportion très lente avec la tempéra¬ ture de cette vapeur. D’après le beau travail de M. Régnault sur la chaleur de la vapeur d’eau , la quantité de chaleur nécessaire pour transformer l’eau à 0° en vapeur saturée à 0°, est représentée par le nombre 606,5 , c’est-à-dire égale à 606,5 fois la quantité tact, dans les dégels du printemps, avec de la vapeur à une tempéra¬ ture môme très peu élevée, mais sans cesse renouvelée, se résout en eau et s’écoule avec une extrême rapidité. Elle est constamment en¬ veloppée par un air à peu près saturé d’humidité qui se renouvelle sans cesse et qui donne lieu à une condensation de vapeur continuelle . et par conséquent à la fusion d’un poids de glace égal à huit fois celui de la vapeur condensée. Le contact de l’air, la chaleur du soleil lorsqu’il brille, produisent aussi leur effet, mais cet effet est bien loin d’égaler celui qui résulte de la condensation de la vapeur. C’est ainsi que la glace embarquée se trouve encore presque intacte lorsqu’elle arrive dans l'Inde ou en Chine vers la fin de l’été, après avoir traversé deux fois la zone torride , tandis que la glace de la Nouvelle-Angleterre a disparu depuis six mois. ♦ La glace embarquée est soumise au mode de fusion dont M. Mousson a calculé la marche ; c’est pour cela qu’elle ne fond pas. La glace restée en place est soumise à la cause que j'ai indiquée, à la chaleur produite par la condensation de la vapeur d'eau ; c’est pour cela que le dégel s’en opère rapidement. L’air sec, même lorsqu’il est assez fortement échauffé, n'opère que très lentement la fusion de la neige. Il suffit, pour être bien pénétré de cette vérité, de s’ètre quelquefois promené sur les glaciers par un soleil de juillet ou d’août, accompagné d’un vent sec du N.-E. On voit en outre la preuve de cette vérité dans les iourtes où les Lapons, les Samoièdes et les Esquimaux passent l'hiver. L’air humide agit tout autrement, et ce n’est que dans un climat assez froid pour que l’air y soit presque sec , qu on peut vivre et faire du feu dans des cavités creusées dans la neige. La comparaison de ces differents faits aidera a conccvoii comment les calculs de M. Mousson, quoique très exacts en eux-mêmes, sont inappliquables à la question qui nous occupe. Ces faits montrent clai¬ rement l’extrême différence qui existe, relativement à la fusion de la glace, entre l’action de la vapeur qui lui cède sa chaleur latente , et ceile d’un gaz sec qui ne peut lui céder que sa chaleur sensible. 1338 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. quantité cVeau. D’après le tableau publié par mon savant con¬ frère, la quantité de chaleur nécessaire pour transformer l’eau à 0° en vapeur à 100°, est représentée par 637 ; pour la transformer en vapeur à 200" , par 667,5 , etc. ; et d’après la formule x=606,5-|-0,305T , déduite de l’ensemble des expériences (1) , on trouve : pour 300° . 698,0 pour 400 . 728,5 pour 500 . 759,0 pour 1000 . 911,5 La chaleur latente de l’eau ou la quantité de chaleur nécessaire pour convertir la glace à 0°, en eau à 0°, étant exprimée, d’après M. Régnault, par le nombre 79,25, on n’aura qu’à diviser les nombres précédents par 79,25 pour connaître la quantité de glace ou de neige 'à 0", qui devrait être employée pour convertir 1 kilo¬ gramme de vapeur saturée à 0°, à 100°, etc. , en eau à 0". On trouve ainsi pour la vapeur saturée : à 0° à 100° à 200", à 300° à 400° à 500° 606.5 * 79,25 637,0 79,25 667.5 79,25 698,0 79,25 728.5 79,25 759,0 79,25 = 7,65 = 8,04 = 8,42 = 8,81 = 9,19 = 9,58 (2) (1) V. Régnault, Mémoires de V Académie des sciences , t. XXI, p. 726. (2) Ces nombres, qui résultent d'expériences multipliées, dans lesquelles M. llegnault a encore surpassé, s’il est possible, son exac¬ titude si bien connue, ne s’écartent que faiblement de ceux qui , de¬ puis longtemps , servent de règle à la pratique, dans toutes les indus¬ tries qui emploient la vapeur. On admet dans l’industrie que la.vapeur saturée, quelle que soit sa température, contient par kilogramme 650 unités de chaleur, c’est-à-dire une quantité de chaleur capable d’élever d’un degré la température de 650 kilogrammes d’eau. Dans SÉANCE UU 5 JUILLET 1847. 1389 Mais au-dessus de 100°, la vapeur qui se dégagerait des fissures du sol ne pourrait plus être saturée ; il faudrait tenir compte de la chaleur qu elle aurait absorbée en se dilatant , et en supposant que la chaleur spécifique de la vapeur d’eau soit représentée par le nombre 0,8470 , que MM. Delarocbe et Bérard avaient déter¬ miné ( mais qui , d’après les dernières recherches de M. Pouillet , paraîtrait à la vérité un peu trop faible ) , on trouve qu’elle pourrait fondre un poids de neige égal au sien multiplié à 300° par . 9,10 à 300° par . 10,17 à 400° par . 11,24 à 500° par . 12,31 On voit par là (pie la vapeur d’eau est presque toujours sus¬ ceptible de fondre et de réduire en eau à la température de 0° un les machines à vapeur, on cherche à condenser cette vapeur sans que l’eau qui sort du condenseur dépasse la température de 35°. L’eau injectée étant à une température moyenne d’environ 15°, on a l'é¬ quation suivante pour déterminer la quantité x d’eau de condensation qui doit être employée pour chaque kilogramme d’eau vaporisée dans la chaudière. 650 — 35 = x (35 — 1 5) = x . 20 615 x — - — 30,75 20 Comme la vapeur avant d’être condensée perd toujours un peu de sa chaleur avant d’entrer dans le condenseur, celui-ci n'a pas besoin de recevoir une quantité d’eau absolument égale à celle indiquée par la formule, et la règle pratique est que le poids de l'eau d'injection doit être égal à trente fois le poids de l’eau d’alimentation. L’eau, dans les circonstances qui viennent d’être indiquées, sort en effet du con¬ denseur à la température de 35°. Maintenant, si on introduisait dans le condenseur de la neige à 0° au lieu d’eau, et si l’on voulait que l'eau sortît du condenseur à 0°, quelle devrait être la proportion de cette neige par rapport à celle de l’eau d'alimentation? En partant du résultat pratique, on peut déter¬ miner le poids de neige y qui devrait correspondre à chaque kilo¬ gramme d’eau d’alimentalton ou de vapeur par l'équation : 30 . 20 -f 1 . 35 — r . 79,25 635 79/25 8,01 Ainsi , dans le cas que j'ai spécifié, le poids de la neige de conden- 1340 SÉANCE 1>U 5 JUILLET 1847. poids de glace ou de neige égal à huit fois le sien , et qu’elle peu en fondre d’autant plus que la température est plus élevée; mais on peut observer en même temps que sa puissance de fusion n’augmente que lentement à mesure que sa température s élève, et on conçoit immédiatement que si l’air saturé d’humidité à 20 ou 30° produit un dégel plus rapide que l’air saturé d’humi¬ dité à 5 ou 6° seulement au-dessus de 0° , c’est presque unique¬ ment parce que, dans le premier cas, il contient, dans un volume donné , une quantité de vapeur d’eau beaucoup plus grande que dans le second. Indépendamment de ce qu’il néglige la chaleur latente de la vapeur, M. de Charpentier fait encore abstraction de cette circon¬ stance, que des gaz comparables à ceux auxquels est attribuée l’ori¬ gine des dolomies et des gypses auraient fait subir à la substance de la neige elle-mcme un véritable métamorphisme , en y intro¬ duisant des matières acides et salines qui lui auraient donné la propriété d’être liquide au-dessous de 0° du thermomètre centi¬ grade. Tout le monde sait que c c’est en mélangeant certains acides ou differents sels, et particulièrement du sel marin, à de la glace, qu’on produit les mélanges réfrigérants au moyen desquels on congèle même le mercure. Je rappelle ci-après , dans une note , la composi¬ tion de plusieurs de ces mélanges, que je tire de la physique de M. Pouillet, et j’ajouterai que c’est la considération de cette propriété qui m’a porté dernièrement à suggérer à des glacialistes pleins de zèle et de talent l’idée de transporter et de répandre sur les glaciers des matières salines à bon marché, telles que les rési¬ dus devenus inutiles des teinturiers de Zurich et de Mulhouse. On pourrait peut-être ainsi fondre, à peu de frais, certaines par¬ ties habilement choisies des glaciers , et en mettre le fond à décou¬ vert; ce qui permettrait d’examiner d’une manière plus étendue et plus satisfaisante qu’on ne l’a fait jusqu’à présent, les surfaces polies et striées que ces glaciers sont censés recouvrir. Ce n’est pas uniquement dans les laboratoires qu’on voit l’action sation devrait être égal (en nombres ronds) à hait fois le poids de l'eau (T alimentation , ce qui revient à dire que la vapeur saturée est ca¬ pable de convertir en eau à 0° un poids de neige à 0° égal à huit j ois le sien. Tel est le résultat de la pratique industrielle appliquée à la question qui nous occupe. 11 rentre dans celui auquel nous sommes arrivés par une autre voie. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 13/il des sels sur la glace produire des abaissements remarquables de température. M. Martins a constaté que près des glaciers du Spitz- berg (1), la couclie inférieure des eaux de la mer se trouve, au- dessous de 70 mètres de profondeur, à une température moyenne de ln,75 centigrade au-dessous de 0°. Ce fait paraît tenir à ce qu’un glacier à 0° en contact avec la mer, dont la température est supérieure à 0°, fond, en partie , par l’action de l’eau salée sur la glace , et donne de l’eau à une température inférieure à 0° et peut-être même à — 2°, constituant ainsi un appareil réfrigérant d’une grandeur gigantesque. L’eau de mer, qui ne contient pas au-delà de 0,04316 de matières salines où domine le sel marin , se congèle , d’après M. Despretz , à la température de — 2°, 5 5 et a son maximum de densité à — 3°, 67. De l’eau qui contiendrait seulement un centième de son poids du même mélange salin , se congèlerait probablement à — 0°,59, mais elle ne pourrait demeurer solide à 0°, et par con¬ séquent elle ne pourrait subsister à l’état de neige sur un sol que le séjour de la neige ou de la glace aurait amené à la température de 0 ’, quand même l’air qui l’environnerait serait lui-même à 0°. Si donc toute la neige qui recouvre une montagne venait à se trouver mélangée (V un centième de son poids de sels analogues à ceux contenus dans l’eau de la mer, sa température s’abaisserait à — 0°,59 , et il en fondrait une quantité correspondante à la quantité de chaleur dégagée par son abaissement de température, à celle que dégagerait l’action des sels sur la neige , et à celle qu’elle recevrait lentement du sol et de l’air extérieur, supposés l’un et l’autre à 0°. La vapeur, ainsi que nous l’avons vu ci-dessus , peut , au moyen récédè pendant deux ans par des tremblements de terre. Le soulèvement du Malpays de Jorullo (29 septembre 1759) et la grande éruption du Vésuve, en 1760, furent précédés pai une seiie de tiemblements de terre qui dura dix ans , et sur laquelle M. de Collegno a écrit une notice pleine d’intérêt. Les secousses s’étendirent de la Perse au Mexique. Le tremblement de terre de Lisbonne (1er novembre 1755) fut compris dans leur nombre. Plusieurs d’entre eux furent accompagnés de dégagements de vapeur. Les Hornitos de Jorullo fumaient encore en 1803 , c’est- à-dire quarante-quatre ans après le soulèvement. Un certain changement dans l’aspect du ciel et une baisse con¬ sidérable du baromètre (indice de la présence de beaucoup de vapeur d’eau dans Latmosphère) ont été les signes précurseurs d’un grand nombre de tremblements de terre. Je ne vois pas ce qui empêcherait de supposer qu’à l’époque de l’éruption des opliites , des vapeurs se sont dégagées pendant longtemps du sein de la terre ; que ces vapeurs ont couvert les montagnes de quantités immenses de neige; mais qu’à plusieurs reprises des bouffées plus considérables et subites de vapeurs aqueuses, acides et salines, ont liquéfié les neiges accumulées. Peut-être ne serait-il pas impraticable de concilier ainsi, jusqu’à un certain point , mon hypothèse avec la partie fondamentale des idées d’après lesquelles M. de Charpentier a si ingénieusement expliqué la formation de ses immenses glaciers. 11 suffirait d’ad¬ mettre qu’w/z dixième ou même seulement un quinzième de la vapeur se serait dégagé par accès brusques. D’après les calculs exposés plus haut , il n’en aurait pas fallu davantage , car la va¬ peur aurait pu liquéfier environ huit fois son poids de neige , les sels et les acides auraient concouru au même effet , et la neige n’a pas besoin d’être fondue en totalité pour produire un courant. Peut-être mon excellent maître et ami ne se refusera-t-il pas à me faire de son côté cette légère concession , qui se réduirait presque à reconnaître combien il serait difficile de concevoir que les efforts aveugles des soulèvements eussent réussi à produire de prime abord des générateurs de vapeur parfaitement réguliers et complètement exempts d’intermittences (1) et de soubresauts. (1) On expliquerait très simplement, par ces intermittences, les étages successifs que présentent les vallées des Pyrénées pt de beau- 1350 SÉAxNL'E DE 5 JUILLET 184”. On cherche sur la surface du globe des traces d’anciens glaciers, et il est naturel de les y chercher dans lus limites où , comme je me suis empressé de le reconnaître depuis longtemps (1) , on peut concevoir que le climat de l’Europe a été autrefois plus favorable qu aujourd’hui à l’extension des glaciers. Mais il est naturel de chercher aussi, sur la surface du globe, les traces de beaucoup d’autres phénomènes dont l’ordre actuel des choses nous conduit à concevoir la possibilité. Les inondations les plus étonnantes , et je pourrais dire les plus diluviennes, que les annales de la nature nous présentent, ont été produites , soit par des glaciers, soit par des volcans , et quel¬ quefois par les deux causes réunies. Je rappellerai la catastrophe de bagnes , celle de la Dent du Midi , celle qui a eu lieu dernière¬ ment , d’après M. le colonel Acosta , dans les environs de Bogota, les éruptions déjà citées du Coto-Paxi, celles de l’Islande, men-r données par M. Krug de Nidda, celle de l’Etna en 1755 , la ruine d’Herculanum et de Pompeia, l’éruption du volcan de Galung- Gung , en 1822 , dans l’île de Java , qui fit périr 4000 habitants , celle cl n volcan de YVunzen, au Japon, qui lit périr, par l’action des eaux , 53,000 personnes. Voici dans leur ensemble et dans l’ordre chronologique des phénomènes , les passages principaux des récits que La Conda- mine et bouguer nous ont laissés des éruptions semi-diluviennes de Coto-Paxi. bouguer et La Condamine, étant sur le Pinchincha, le 19 juin 1742, remarquèrent un tourbillon de fumée qui s’élevait delà coup d’autres pays, étages sur lesquels M. Boubée a appelé à plusieurs reprises l’attention des géologues. (I) Je demande la permission de reproduire ici le passage du rapport auquel je fais allusion... «Cette supposition d’hivers plus froids en » Europe, pendant la période qui a précédé la nôtre immédiatement, » serait d’ailleurs en harmonie avec plusieurs autres résultats d’ohser- » vations qu’il serait trop long de rapporter ici... Parmi ces faits cu- » rieux , je citerai certaines digues de débris qu’on observe dans les >. Alpes, à une certaine distance (quelquefois à près d’une lieue) de » l’extrémité inférieure des glaciers actuels , notamment dans la vallée » de Chamouny et dans celle de Ferret. Les digues dont je parle » m’ont présenté tous les caractères de véritables moraines. Peut- » être le Gulj-stream , qui réchaulfe aujourd’hui l’Europe occiden- » taie, n'existait-il pas encore pendant les dernières périodes géolo- » giques qui ont précédé la nôtre. » Comptes rendus des séances de V Académie, t XIV, p. 102 ( 1842). Rapport sur un mémoire de M. Durocher. 1 357 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. montagne dii^Coto-Paxi. Nous apprîmes, à notre retour à Quito, dit La Condainine, que cette montagne , qui avait jeté des flammes plus de deux siècles auparavant, peu après l’arrivée des Espagnols, s était nouvellement enflammée le 15 au soir, et que la fonte d’une partie des neiges avait causé de grands ravages. Revenus à Quito le 22 juin , on n’y parlait que de l’éruption du Coto-Paxi et des suites funestes de Y inondation causée par la fonte subite d’une grande partie des neiges, dont l’amas, entassé depuis deux siècles au moins, couvrait encore la veille toute la partie supérieure de cette montagne (1). . . Le dernier incendie (du Coto-Paxi), celui de 1742, qui s’est fait en notre présence , dit Bouguer , n’a causé de tort que par la fonte des neiges , quoiqu’il ait ouvert une nouvelle bouche à côté , vers le milieu de la hauteur. Il y eut deux inon¬ dations subites, celle du 17 juin et celle du 9 décembre, mais la dernière fut incomparablement plus grande; l’eau, dans sa première impétuosité, bouleversa entièrement le poste qui avait servi de sta¬ tion à nos sixième et septième triangles; elle monta de plus de 120 pieds en certains endroits. Sans parler d’un nombre infini de bestiaux qu’elle enleva, elle rasa 5 à 600 maisons, et elle fit périr 8 à 900 personnes. Toutes ces eaux avaient 17 à 18 lieues de chemin à parcourir ou plutôt à ravager vers le S., dans la Cordi- lière, avant de pouvoir en sortir par le pied du Tonguragua ; elles ne mirent pas plus de trois heures à faire ce trajet (2). (Cela suppose que la vitesse moyenne du courant était de 6 à 8 mètres par seconde. ) Après 1742 , il y a eu de nouveaux embrasements du Coto-Paxi à plusieurs reprises, particulièrement le 27 septembre 1743 et la nuit du 30 au 31 novembre 1744 , et les effets ont encore été plus terribles. . . En 1744, dit La Condamine, les rivières ou torrents s’enflèrent si prodigieusement que trois ou quatre ponts de pierre furent emportés , et qu’une manufacture de drap très solidement bâtie, à 12 lieues du volcan , fut entièrement détruite. Le village de Napo , distant de plus de 30 lieues en droite ligne , peut-être de plus de 60 par les grandes sinuosités du cours des rivières entre les montagnes, fut enlevé entre minuit et une heure du matin , cinq à six heures après la grande explosion (3). (Cela suppose que (1) La Condamine , p. 150. (2) Bouguer, Mémoires de V Académie pour 1744, p. 271. (3) La Condamine, p. 156. 1358 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. la vitesse moyenne du courant était de 10 à 15 mètres par seconde. ) Par des lettres de Quito , reçues pendant que cet ouvrage est sous presse, j’ apprends que le 3 septembre 1750 , Coto-Paxi faisait entendre depuis trois jours, sans discontinuation , de nouveaux mugissements plus terribles que jamais , entremêlés de sons écla¬ tants qui faisaient craindre une nouvelle explosion (1). On voit par ces différents récits que Bouguer et La Condamine ont eu connaissance de quatre inondations produites par le Coto- Paxi , dans l’espace de trois ans et demi , et que la seconde de ces inondations, qui a été l’une des plus désastreuses, est résultée de la fusion des neiges accumulées sur la cime de la montagne dans l’espace de moins de six mois, du 17 juin au 9 décembre 1742. La fusion des neiges n’a pu être produite par les laves , car le Coto- Paxi est du nombre des volcans qui n’en ont jamais rejeté. Elle ne peut être attribuée qu’au courant gazeux sorti du volcan au moment de l’éruption , et particulièrement à la chaleur latente de la vapeur d’eau contenue dans ce courant gazeux , et condensée en partie au contact de la neige. Cette vapeur s’est probablement trouvée en grand excès , car il n’est pas dit que la fusion de la neige ait influé en aucune manière sur l’allure générale des éruptions du Coto-Paxi comparées à celles du Pinchincha qui n’entre pas, ou qui entre à peine dans la région des neiges perpétuelles. Si , au lieu de se dégager en une colonne compacte par une cheminée établie depuis longtemps , le courant gazeux eût trouvé la cheminée fermée et se fût dégagé au-dessous de la neige par une multitude de fissures, comme par une pomme d’arrosoir, une niasse de vapeur infiniment moindre aurait pu produire la même inonda¬ tion. L inondation aurait été plus forte si le Tunguragua avait fait éruption en même temps que le Coto-Paxi; maison sait qu’il est très rare que deux volcans d’un même groupe fassent éruption en même temps. Si les cimes neigeuses des Andes , au lieu d’être iso¬ lées , formaient une crête continue , et si des vapeurs s’y déga¬ geaient simultanément par toutes les fissures du sol, au lieu d’un phénomène semi-diluvien , il se produirait un véritable déluge. Bouguer et La Condamine , on vient de le voir, parlent de ces inondations comme de phénomènes devenus habituels , devenus pour ainsi dire des phénomènes courants pendant la période d’érup- (4) Jd.y p. 4 60. 1359 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. tion du Coto-Paxi, dont ils ont été les témoins. On pourrait s’étonner de ne pas posséder encore de récits analogues pour les autres volcans des Andes ; mais on peut remarquer que ces volcans ne versent pas tous leurs eaux dans une vallée peuplée , cultivée , industrieuse, située aux portes d’une grande ville, et que la France, malheureusement , n’a pas constamment entretenu des académi¬ ciens à poste fixe pour observer ce qui se passe sur tous les volcans couverts de neige. Le Coto-Paxi est, au reste, un des plus remar¬ quables parmi ces derniers , tant par sa forme régulière que par la splendeur de sa calotte blanche. Coto-Paxi , dans la langue des Incas, signifie masse brillante . D’autres volcans couverts de neige ont d’ailleurs été cités comme donnant lieu à des inondations analogues. Yoici en quels termes M. Krug de Nidda, dans son beau Mémoire sur l’Islande, parle de phénomènes du même genre qui ont été observés dans cette île. '..... Les montagnes (1) qui, sur la côte méridionale, s’é¬ lèvent à une hauteur considérable (environ 4500 à 5000 pieds = 1461 à 1624 mètres) appartiennent à la formation trachy tique. C’est sur ces montagnes que se rassemblent les masses de glace très étendues de la partie méridionale de l’île. La hauteur, la con¬ tinuité , la masse non interrompue de ces montagnes de trachy tes, de même que la douceur et l’uniformité de leur pente méridio¬ nale , font que les rayons du soleil ont plus de force , et occasion¬ nent la fusion ou l’agglutination partielle de la couverture de neige , ce qui peut être la cause qui a favorisé la formation et l’accumulation de ces masses énormes de glace. Nulle part, en Islande, on ne trouve les Joküls (c’est ainsi qu’on nomme les montagnes environnées de glaces) plus grands que précisément dans la partie méridionale , où on devrait attendre un climat plus favorable. Sous ces puissantes couvertures de glace sont cachés les grands volcans de la partie méridionale de l’Islande , qui sont principale¬ ment connus par leur redoutable activité et par les ravages auxquels leurs éruptions sont liées... Les masses de glace qui couvrent le goufre souterrain éprouvent l’effet de la chaleur de l’éruption. Des masses d’eau immenses se précipitent dans les parties basses. Ce qui est épargné par elles devient la proie des courants de laves qui les suivent. En 1783 , le Skaptar Jokiil fit une éruption deve¬ nue célèbre par les ravages qu’elle a causés. Auparavant , on ne connaissait pas ce volcan , et aujourd’hui on ne connaît encore (4) Krug de Nidda, Archives de Karstea , t. VII , p. 42< . 1360 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. que les vallées dans lesquelles se sont précipitées les masses d eau et les laves ; mais on ne connaît pas jusqu’ici leur source , le goufre éruptif d’où proviennent tous ces ravages (1). M. Descloizeaux , en montant sur l’Hécla, en 1846, a reconnu que les laves de l’éruption de 1845 n’ont fondu les neiges accu¬ mulées que jusqu’à une petite distance de leur point de contact. De là , il résulte qu’en Islande, comme sous l’équateur, les neiges qui ont été fondues dans les éruptions volcaniques ont du l’être par l’action des vapeurs. Il est naturel de rapprocher de ces faits une observation inté¬ ressante que M. Eugène Robert a consignée dans son Voyage, en Islande. Cet infatigable voyageur a observé sur les dépôts siliceux des anciens geysers, depuis le pied de la montagne de Laugar- fiall , qui les domine à l’O., jusqu’auprès des geysers actuels, un grand nombre de blocs arrondis de mimosite (dolérite) à petits grains qui paraissent avoir été entraînés par les eaux. Il faut ad¬ mettre qu’il y a eu là une débâcle capable de transporter ces blocs sur la surface des dépôts siliceux. Ce phénomène est peut- être résulté de la fusion des neiges opérée par des éruptions volca¬ niques. M. Eugène Robert a aussi observé que la montagne de Lau- garfiall, composée de roches phonolitiques d’un gris bleuâtre est, à sa partie supérieure , mamelonnée et unie comme toutes les mon¬ tagnes qu il a supposées avoir été longtemps sous des eaux puis¬ santes et actives (2) [roches moutonnées). Je citerai aussi les effets des courants qui , au printemps de 1755 , descendirent de la cime de l’Etna, et qui produisirent dans le val del Bove des dégradations dont les traces sont encore visibles. Ces courants furent attribués par quelques auteurs con¬ temporains à une éruption aqueuse ; mais d’autres les attribuèrent, avec plus de probabilité , à la fusion des neiges dont l’Etna était encore couvert. Si les phénomènes observés à l’Etna en 1755 n’ont pas été le résultat de la fusion des neiges , ils peuvent être cités , comme quelques uns de ceux que présenta la première éruption du Vé¬ suve, qui détruisit dans l’année 79 les villes d’Herculanum , de Pompeia et de Stabia , pour prouver que des quantités d’eau con¬ sidérables sont quelquefois vomies par les volcans; mais, sous cc rapport , ils ont été bien dépassés de nos jours par les éruptions (!) Krug de Nidda , Archives de Karsten , t. VII , p. 421 . (2j Eugène Robert , Voyage en Islande et au Grnl and , miné¬ ralogie et géologie, p. 184 et 185. SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. ] 3(>1 du Galung-Gung , dans l’île de Java, etduWunzen, au Japon. M. Léopold de Buch , dans sa Description physique des îles Cana¬ ries , traduite en français par M. C. Boulanger, décrit ainsi, p. Ô40 , les éruptions du volcan Wunzen ouUnzen, survenues en 1793 : 5e ■volcan du Japon , U ns en , sur une presqu’île, à l’E. de Nan- gazaki. La montagne était autrefois large et pelée, mais point très éle¬ vée. Les vapeurs qui s’échappaient de son sommet pouvaient s’apercevoir à 3 milles de distance (Kampfer, I, 120); mais le 18 du premier mois (1793) , la montagne s’écroula, et il en ré¬ sulta un enfoncement tellement profond , qu’on ne pouvait en¬ tendre le bruit de la chute d’une pierre lancée de la partie supé¬ rieure. Des vapeurs épaisses s’élevèrent pendant plusieurs jours de cet orifice. Le 6 du second mois , le volcan Bino-n o-K o abi s’ouvrit à envi¬ ron une demi -lieue de son sommet , des gerbes de flammes en sor¬ tirent et s’élevèrent à une hauteur considérable ; en même temps , des coulées de lave se répandirent avec une telle vitesse sur le pen¬ chant de la montagne, que toute la contrée, sur un espace de plusieurs milles , fut bientôt en proie à un vaste incendie. Le 1er du troisième mois , à dix heures du soir, on ressentit dans toute l’île de Kiu-Siu (Ridjo), mais principalement à Simabara, un violent tremblement de terre qui fit écrouler des montagnes , renversa les maisons et crevassa le sol en beaucoup de points. Pendant ce temps la lave ne cessa pas de couler ( Titsingh , Mé¬ moire des Djogouns , par Abel llémusat , 1820, p. 203 sq., avec un dessin colorié de cette terrible éruption). Le 1er du quatrième mois , la terre fut de nouveau violemment agitée pendant une heure , et les secousses furent si fortes qu’elles renversèrent des montagnes , et un grand nombre d’habitations furent ensevelies sous les décombres. En même temps, on enten¬ dait de tous côtés un effroyable mugissement souterrain ; tout à coup la montagne Miyi Yama se souleva dans l’atmosphère, mais elle s’affaissa bientôt sur elle-même et disparut dans la mer. Les vagues, jetées avec force sur le rivage, détruisirent beaucoup de villages situés près de la mer, et une masse considérable d’eau , sortie par les crevasses de la montagne , submergea toute la con¬ trée. Simabara et Figo ne présentèrent plus en un instant que les traces de la plus affreuse dévastation. On évalue à 53,000 le nombre des personnes qui périrent dans cette épouvatable catastrophe. M. Lyell, dans la 6e édition de ses Principes de Géologie , et Soc. géol ., 2e série, t. IV. 86 1362 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. M. de Buch, dans sa Description physique des îles Canaries , tra¬ duite en français par M. G. Boulanger, p. 424, rapportent ainsi, d’après M. Van der Boon Mesch et d’après M. Van der Capellen, les principales circonstances de l’éruption de Galung-Gung en 1822. La montagne de Galung-Gung ( ou Galongoon ) , située un peu au S. du Talaga Bodas, et au milieu de la vallée , entre les deux chaînes de volcans de Java, dans une partie alors fertile et très peuplée de l’île, était couverte, en 1822, d’une épaisse forêt. On voyait à son sommet une cavité circulaire , mais il n’existait pas de tradition d’aucune éruption antérieure. Déjà , pendant le courant du mois de juin 1822 , les eaux de la rivière Chihunir , qui descend de la montagne , s’étaient troublées , elles déposaient une poudre blanche , exhalaient une odeur sulfureuse , devenaient acides et commençaient à s’échauffer considérablement , trahissant ainsi le grand mouvement de dissolution qui se développait dans l’intérieur. En juillet, les eaux delà rivière Kumir, l’une de celles qui coulent de ses flancs, devinrent pendant un certain temps chaudes et troubles. Le 8 octobre , à une heure après midi , des mugissements hor¬ ribles se firent entendre; la montagne se couvrit immédiatement d’une fumée épaisse, on entendit une forte explosion, la terre trembla , et d’immenses colonnes d’eau chaude et de boue bouil¬ lante, mêlées de soufre enflammé, de cendres et de lapilli, gros comme des noix , furent projetés de la montagne , comme une trombe, avec une violence si prodigieuse qu’il en tomba de glandes quantités au-delà de la rivière Tandaï, qui est distante de 40 milles (64 kilomètres). Chacune des vallées atteintes par cette éruption fut remplie par un torrent brûlant , et les rivières , enflées par l’eau chaude et la boue , débordèrent et entraînèrent un grand nombre d’habitants qui essayaient de s’échapper, et beaucoup de bestiaux , de bêtes sauvages et d’oiseaux. On vit avec étonnement à Badang , la ri¬ vière de Chiwulan charrier vers la mer un nombre immense de cadavres d’hommes , de bestiaux , de rhinocéros , de tigres , de cerfs, et même jusqu’à des maisons entières. Cette éruption d’eau chaude limoneuse continua pendant deux heures , qui suffirent pour consommer la ruine et la dévastation de toute une province. A trois heures , elle avait cessé , mais il tomba alors une pluie épaisse de cendres et de lapilli qui achevèrent de briller les arbres et les champs épargnés jusqu’alors. A cinq heures , la tranquillité était parfaitement rétablie , et la montagne se découvrit. Mais ce SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 1363 peu de temps avait suffi pour couvrir de limon tous les villages , toutes les habitations jusqu’à plusieurs lieues de distance. Un espace de 24 milles (39 kilomètres), entre la montagne et la rivière Tandaï , fut couvert de boue bleuâtre sur une telle épais¬ seur, que les habitants furent ensevelis dans leurs maisons, et que dans toute cette étendue , on ne voyait plus de traces des nombreux villages et des plantations qui y existaient auparavant. Dans cet espace, les corps de ceux qui avaient péri étaient enterrés et cachés dans la boue ; mais , près des limites de l’action volcanique , ils étaient répandus sur le terrain en grand nombre et exposés à la vue, en partie bouillis et en partie calcinés. On remarqua que la boue bouillante et les cendres furent pro¬ jetées de 1a. montagne avec une telle violence que , tandis qu’un grand nombre de villages éloignés furent complètement détruits et enterrés, d’autres , plus voisins de la montagne , furent à peine endommagés. La première éruption dura environ cinq heures , et les jours suivants la pluie tomba par torrents , et les rivières , fortement chargées de boue , inondèrent la contrée comme un déluge jusqu’à une grande distance. Au bout de quatre jours, le 12 octobre, à sept heures du soir, ces horribles phénomènes se renouvelèrent. Un tremblement de terre général fut suivi par une éruption dont on entendit le bruit pendant toute la nuit. De nouveaux torrents d’une eau boueuse chaude et chargée de limon , se précipitant vers la vallée , entraî¬ nèrent avec eux des rochers et des forêts entières , de manière que des collines furent élevées dans des parties où peu de moments au¬ paravant il n’y avait qu’une plaine. Il fut bientôt impossible de reconnaître cette vallée, auparavant si fertile et si peuplée. Tous les habitants , sans pouvoir seulement songer à la fuite . furent enterrés sous ces limons, et l’on pense que pendant cette nuit plus de deux mille personnes ont perdu la vie dans le seul district de Singapcirna , au N. de cette terrible montagne. Dans cette seconde éruption, plus violente que la première, de gros blocs de basalte furent lancés à 7 milles (11 kilomètres) de distance du volcan. Il est dit dans une des relations que la forme de la mon¬ tagne se trouva totalement changée : que ses sommets s’étaient écroulés, qu’elle était tronquée, et que l’un de ses flancs, qui avait été couvert d’arbres, était devenu un vaste abîme de forme demi- circulaire. Cette cavité se trouvait environ à moitié chemin , entre les sommets et la plaine , et était entourée de rochers escarpés , qu’on disait avoir été entassés dans un ordre nouveau pendant l’é- SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. 136 lx mption. On assure que de nouvelles collines et de nouvelles vallées furent formées. Les rivières Banjarang et W ulan changèrent de cours dans l’espace d’une nuit (celle du 12 octobre). Le rapport officiel porte que 114 villages furent détruits, et que plus de 4,000 personnes périrent (1). Après cette éruption, le volcan resta en mouvement; il fumait encore le 12 novembre, et lançait en l’air des nuées de vapeurs. Peu de jours après l’éruption , le peintre hollandais Payen se dé¬ termina à partir de la ville de Bndang pour le volcan qu’il a dé¬ crit dans une lettre à M. Reinwardts. 11 trouva que la quantité de cendres diminuait à mesure qu’il approchait de la base de la montagne; cependant il ne put l’atteindre: le limon et des cre¬ vasses nombreuses l’en empêchèrent , et les mêmes difficultés se représentèrent pendant tout le mois de novembre (Boon Mescli , p. 47 ). Il parle de changements que la forme de la montagne présentait après le 12 octobre , mais il ne décrit pas le goufre demi -circulaire ouvert dans son flanc. M. Blume, botaniste , a examiné sur les lieux le limon dévasta¬ teur vomi par le volcan. Il était d’une couleur brune jaunâtre , terreux, friable, exhalait une odeur sulfureuse et brûlait sans dif¬ ficulté. 11 n’y a point de doute qu’il ne fut en grande partie com¬ posé de soufre. Les Malais nomment ce limon hua h , c'est-à-dire pâte, et il est évident, dit M. de Bucli, que cette matière est ana¬ logue à la moja de Quito, qui, en 1798 , couvrit la malheureuse ville de Riobamba. 11 semble donc, ajoute cet illustre géologue, que l’effet de l’ac¬ tion volcanique dans l’île de Java serait de développer en même temps une immense quantité de vapeurs sulfureuses et aqueuses , qui s’emparent de la roche dont l’intérieur de la montagne est composé , la décomposent jusqu’à en faire une pâte , un hua h , et enfin, quand la niasse solide est détruite de manière à ne pouvoir plus opposer assez de résistance , les vapeurs se font jour au dehors, et la matière fluide s’échappe par les crevasses , non comme un courant de laves visqueuses, mais comme des torrents d’eau qui jaillissent par chaque petite ouverture qu elles peuvent atteindre. On ne peut donc regarder toutes ces eaux que comme des eaux distillées , et il faut croire qu’il en est de même de celles de ces deux rivières, qui sortent du cratère du volcan d’Idjen; car ce (1) Yan der Boon Mesch , De incendiis montium Javœ , etc. Lug. Bat., 18.^6, et rapport officiel du président baron Yan der Capellen. , • SÉANCE DÜ 5 JUILLET !8/j7. 1305 cratère se trouve presque à la cime d’une montagne isolée, qui n’est dominée par aucune autre montagne avoisinante. J e remarquerai en passant cette circonstance que le torrent, gonflé par les eaux chaudes provenant de l’éruption, flottait un grand nom¬ bre de cadavres d’hommes, de tigres, de cerfs, de rhinocéros. D’après M. Lyell (1) , la première indication que les habitants de Bndang reçurent de cette calamité, le 8 octobre, fut la nouvelle que la ri¬ vière Wulan entraînait à la mer des corps humains et des cadavres de cerfs, de rhinocéros, de tigres et d’autres animaux. Si Java avait renfermé des éléphants , comme Ceyian , le courant en aurait flotté également. Ces cadavres ont été portés jusqu’à la mer ; seulement , l’eau étant chaude, si la mer avait été à plusieurs centaines de lieues de distance et si le courant avait mis plusieurs jours à l’atteindre, ils y seraient arrivés en putréfaction. Mais si la même quantité de vapeur , accompagnée de sels et d’acides , avait rencontré à la surface du sol une quantité surabondante de neige, elle aurait donné naissance à un courant quinze fois plus considérable, à une température inférieure à zéro. Ce courant aurait produit des dé¬ gâts incomparablement plus grands , se serait chargé de beaucoup plus de débris terreux et pierreux, aurait flotté les cadavres d’un beaucoup plus grand nombre d’animaux , et on aurait vu une seconde édition du transport des éléphants et des rhinocéros de ï Asie centrale dans la mer Glaciale. On voit par là, une fois de plus, combien la discussion des points les plus épineux de la question des phénomènes erratiques se lie naturellement à la considération des effets les mieux constatés des émanations volcaniques. Tous ces effets tendent à prouver qu’il peut se dégager, du sein des laboratoires intérieurs du globe terrestre , des quan¬ tités immenses de vapeur d’eau, et peut-être même d’eau chaude et généralement salée. L’embarras n’est donc pas d’imaginer com¬ ment des neiges auront pu fondre, soit une fois, soit à plusieurs reprises, suivant l’hypothèse qu’on adoptera sur l’imité ou la pluralité des courants diluviens. Le point délicat , comme je le disais tout à l’heure, est de bien expliquer comment des neiges ont pu s’accumuler sur les montagnes en quantité suffisante. Nous entendons parler dès l’enfance des neiges qui couvrent les hautes montagnes , des vastes calottes de glace qui environnent les pôles. Ces régions glacées nous paraissent tellement le domaine de la neige que nous ne réfléchissons pas toujours assez au contraste (1) Lyell, Principes of geo logy, 6e édit., t. III, p. 263. 1366 SÉANCE DU 5 JUILLET 18^7. singulier que présente un globe , incandescent à l’intérieur, dont un simple puits artésien fait jaillir une source thermale , et dont la surface est en partie couverte de neige ; sur ce qu’un pareil état de choses offre en lui-même de dangereux , par la dispro¬ portion immense qui existe entre la quantité de la chaleur inté¬ rieure et celle qui serait nécessaire pour fondre toutes ces neiges ; sur ce qu’il y a d’improbable à ce que l’équilibre merveilleux qui permet à ces neiges de subsister pendant les périodes de tranquil¬ lité ne soit pas dérangé quand l’écorce solide et froide du globe terrestre vient à être violemment brisée et agitée. Il me paraît très difficile de concevoir que des glaciers se main¬ tiennent d’une manière permanente sur les parties de la surface du globe qui , dans ses révolutions, deviennent le théâtre spécial des phénomènes de soulèvement. On propose d’admettre que, pendant les premiers siècles qui ont suivi l’éruption des ophites, des gla¬ ciers immenses se seraient étendus dans les vallées des Alpes et des Pyrénées : une des nombreuses difficultés qui me paraissent s’op¬ poser à ce que cette hypothèse soit admise , consiste en ce que , pendant cette période peu stable encore et sans doute fertile en tremblements de terre , il a dû se dégager souvent du sol même des montagnes, des bouffées de vapeur capables de fondre les glaces et les neiges et de les faire couler en torrents. Dans ces montagnes, on ne saurait trop le rappeler, il existe encore des eaux thermales La source d’Ax (Ariége) a encore une tempéra- de 82°, 5 ; celle des vapeurs qui se dégagent des geysers n’est que de 12â°,2à. Qu’on imagine ce qui serait arrivé si toute l’eau sortie en 1793 du volcan d’Unsen , en 1822 de celui de Galung-Gung , était sortie à l’état de vapeur (comme cela a lieu le plus souvent) , et si cette vapeur avait rencontré sur les montagnes autant de neige qu elle peut en réduire à l’état de courant , c’est-à-dire un poids de neige égal à douze ou quinze fois le sien ! Or, qui pour¬ rait soutenir que la réalisation d’une pareille rencontre , à l’époque du soulèvement des ophites, doive être regardée comme im¬ possible , ou même comme improbable? Et s’il est probable qu’un phénomène pareil a dû se réaliser, oû aller chercher les traces qu’il n’a pu manquer de laisser sur la surface du globe , si ce n’est dans le terrain erratique ? Au point de vue de la géographie botanique , on a ingénieuse¬ ment comparé le globe terrestre à deux montagnes couvertes de neige , accolées base à base ; au point de vue géologique et parti¬ culièrement au point de vue spécial qui nous occupe , on peut le comparer de même à deux volcans couverts de neige , accolés base ! 1367 SÉANCE DU 5 JUILLET 1847. à base. L’analogie serait incomplète si les calottes de glace de ses pôles n’étaient pas entrées quelquefois en fusion , comme celle du Coto-Paxi , et n’avaient pas produit des débâcles proportionnées à leur grandeur. L’hypothèse que j’ai soumise en 1830 à l’appréciation des géo¬ logues a pour objet de faire entrer eu ligne de compte , dans l’ex¬ plication des phénomènes géologiques , la réalisation possible de ce danger de la fusion subite des neiges, qui menace réellement tous les jours les habitants du globe terrestre , et de faire entre¬ voir aux naissances des vallées , où les phénomènes diluviens ont laissé les traces les plus sensibles de leur passage , des causes ana¬ logues à celles qui produisent de nos jours les inondations les plus redoutables. S’il y a de la hardiesse dans mon hypothèse , ce que je suis bien loin de nier, peut-être n’y en aurait-il pas moins à vouloir limiter la puissance que la nature a pu déployer par cette voie dans ses moments de perturbation (1). Au reste , pour qu’on n’attribue pas à l’hypothèse dont il s’agit plus de hardiesse qu’elle n’en a réellement , je demande la per¬ mission d’en reproduire ici textuellement l’énoncé primitif. Je le transcris avec toutes les fautes que le progrès de la science a déjà corrigées, tel qu’il a été imprimé au printemps de 1830 dans les Annales des sciences naturelles , t. XIX, p. 213. Il constitue une note distincte qui, dans la table des matières (p. 239) , est indi¬ quée sous le titre suivant, qu’on n’accusera probablement pas d’être trop systématique : « Incertitude de la cause des phénomènes diluviens. » Les effets des courants diluviens sont beaucoup mieux connus » que leur origine. On ne doit pas perdre de vue qu’au moment de la » convulsion qui a donné son relief actuel à la chaîne principale des » Alpes (du Valais en Autriche), la contrée au milieu de laquelle » elle parut présentait déjà de très hautes montagnes, puisque le » système des Alpes occidentales existait déjà depuis longtemps , et » n était baigné , au moins dans une grande partie de ses con- » tours , que par les eaux de quelques lacs d’eau douce , élevés (1) Lorsqu’on raisonne sur les phénomènes qui pourraient avoir été produits par des vapeurs dégagées du sein de la terre , on ne doit pas totalement perdre de vue les raisons d’après lesquelles des astronomes de premier ordre ont regardé comme possible que les neuf petites planètes, Cérès , Pallas, Junon, Vesta , Astrée , Hébé, Iris, Flore, Métis , ne soient que les débris d’une planète plus grosse qui aurait fait explosion ; des débris erratiques ! 1368 SÉANCE DE 5 J LILLE! 1847. » eux-mêmes au-dessus des mers d’une quantité plus ou moins » grande. Les neiges dont ces hautes montagnes ne pouvaient man- » quer d’être couvertes ont dû être fondues en un instant (1) par » les gaz , auxquels est attribuée l’origine des dolomies et des » gypses, et les eaux provenant de leur fusion ont sans doute con- » couru, et peut-être pour beaucoup , à la production des courants » diluviens des Alpes. » Les Alpes Scandinaves donneraient lieu à une remarque du » même genre. » La chaîne des Pyrénées, au contraire , si remarquable par la «simplicité et, si l’on peut s’exprimer ainsi , par l’unité de sa » structure, semble s’être élevée en une seule fois (2) du milieu de » dépôts horizontaux, et, selon toute probabilité, du fond même »> des mers où s’étaient formés les derniers d’entre eux ; aussi ne » présente-t-elle pas , au moins sous une forme bien remarquable , « le phénomène des grandes pierres transportées (3). M. de Char- « pentier ne l’y mentionne pas; MM. Dufrénoy et de Billy ne » l’y ont jamais remarqué. Le témoignage d’aussi habiles ob- » secvateurs me fait supposer que les blocs du Pic du midi cl’Gs- »san, remarqués par Palassou, sont un phénomène purement » local, et probablement l’effet d’un ébotdement (4). » Tout porte à croire que le phénomène des grandes pierres » transportées n’existait pas non plus dans les Alpes occidentales , (1) Un instant géologique n'est pas une période de temps rigou¬ reusement définie ; une seconde, une heure , un jour , sont des du¬ rées qu’on peut également sous-entendre dans l’emploi de cette ex¬ pression sans en forcer le sens habituel. (2) C’était une erreur: l’unité de la structure générale des Pyré¬ nées n’empêche pas qu’on ne puisse y distinguer six à sept systèmes de dilocations, ainsi que je l’ai reconnu avec M. Dufrénoy, et comme M. Durocher l’a fait voir avec plus de détail encore. (3) Cette expression fait allusion au Mémoire de M. J. -A. Deluc (neveu), Sur le phénomène des grandes picores primitives alpines distribuées par groupes dans le bassin du lac de Genève et dans les vallées de V/lrve (1827) : mémoire qui, après les mémorables écrits de Saussure et de M. de Buch, me paraît un des plus intéressants qui aient été publiés sur ces matières avant le travail classique de M. de Charpentier sur le terrain erratique du bassin du Rhône. Je suis étonné de ne pas le voir cité plus souvent. (4) En visitant les Pyrénées l’année suivante (1831) avec M. Du¬ frénoy, j’ai reconnu mon erreur à cet égard , sur laquelle je me suis empressé de revenir dans mes publications subséquentes , et que M. de Charpentier et M. de Collegno ont depuis complètement rectifiée. SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. 1369 >* avant le redressement des couches de la chaîne principale des » Alpes. » Si la cause cpie j’ai indiquée précédemment a eu une grande » part à la production des courants diluviens , le célèbre torrent » de la vallée de Bagnes, produit par la rupture subite de la digue » de glace qui retenait un très petit lac , a dû en présenter, quoi'1 2 * 4- » que en petit, une image assez fidèle, et d’habiles observateurs ” °nt en effet été frappés de l’analogie des effets qu’il a produits » avec ceux des courants diluviens. » On peut encore déduire de ce qui précède que, si les Pyrénées » ont commencé à se couvrir de neige pendant le dépôt de l’argile » plastique et du calcaire grossier, cette neige n’a été fondue subi- » tement dans aucune des révolutions de la surface du globe arri- » vées depuis lors (1). On ne pourrait peut-être pas dire que les » Vosges aient de même été préservées, depuis leur dernière >* convulsion , de fontes de neige instantanées. On y observe en » divers points quelque chose d’analogue au phénomène des » pierres transportées (2). » Si on objectait à ce qui précède que le peu de permanence » de la neige et de la glace les fait sortir du domaine de la géolo- (1) C’était une erreur : il y a eu depuis lors le dégel ophitique. Je doute d’ailleurs aujourd’hui qu’à l’époque du calcaire grossier des montagnes de la hauteur des Pyrénées , situées sous la latitude des Pyrénées, aient dû être couvertes de neiges perpétuelles. (2) Des observations récentes et bien connues ont, en effet, montré que les phénomènes erratiques sont très développés dans les Vosges ; mais plus ils y sont développés et plus il est remarquable que le Jura , les montagnes de la Grande-Chartreuse, celles du Vercors, du Devoluy, le Mont-Ventoux, et en général toutes nos grandes montagnes cal¬ caires, quoique plus élevées que les Vosges, ne présentent que de très faibles traces de phénomènes erratiques qui leur soient propres. La raison pour laquelle , à hauteur égale , les traces des phénomènes erratiques sont beaucoup plus développées dans les montagnes primi¬ tives que dans les autres, tient probablement de très près à celle qui fait que les tremblements de terre et les sources thermales sont beau¬ coup plus fréquents dans les contrées composées de roches éruptives et dans celles que ces roches ont disloquées en se soulevant. Le Jura, privé de tout pointement de roches éruptives, remarquablement pauvre en sources thermales , très rarement secoué par les tremblements de terre , m’a frappé depuis longues années par le contraste qu’il offre avec les parties des Vosges les plus voisines de Plombières, de Luxeuil, de Sultzmatt , sous le rapport des phénomènes erratiques. Si des difficultés insurmontables ne me paraissaient pas s’oppo¬ ser à l’admission du système glacial, il me serait facile d’y rattacher 1370 SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. » gie , je rappellerais que les glaces voisines des embouchures des » fleuves Léna et Yiloui n’ont pas fondu depuis le redressement » des couches de la chaîne principale des Alpes , époque à laquelle » ont cessé de vivre les espèces d’éléphants et de rhinocéros , dont » un certain nombre d’individus se sont conservés dans ces glaces » avec leur poil, leur peau et leur chair encore mangeable. » L’état de conservation presque parfait de ces énormes cada- » vres serait une raison de présumer que la catastrophe qui les a » transportés jusqu’à leur position actuelle a eu lieu pendant » l’hiver de notre hémisphère boréal , ce qui supposerait beau- » coup plus de force encore à la cause dont j'ai essayé de faire » admettre au moins le concours dans la production des courants » diluviens. » En reproduisant ici cette note , je rappellerai que le même volume des Annales des sciences naturelles renferme , de la page 60 à la page 110 , une Description du second terrain de transport des vallées de la Durance , du Rhône et de l'Isère (diluvium de quelques géologues ) , dans laquelle j» crois avoir répondu d’avance à quelques unes des objections qu’on a élevées, dans ces derniers temps , contre la théorie des courants. Je crois inutile de reproduire ici mes arguments, non plus que ceux que M. de Col- legno a consignés dans son mémoire sur les terrains diluviens des Pyrénées, inséré, en 18à3 , dans les Annales des sciences géolo¬ giques , publiées par M. Rivière. J’aurai peut-être l’occasion d’y revenir une autre fois. Avant de terminer cette réplique , je crois devoir consigner ici , afin qu’on puisse la comparer plus facilement à la mienne , l’hypo¬ thèse par laquelle sir James Hall a proposé d’expliquer le phéno¬ mène erratique des Alpes. « . Il est évident , dit l’illustre auteur des expériences sur la » fusion du calcaire en vases clos, qu’une vague se répandant sur » ces hautes vallées alpines , en été , flotterait et entraînerait » toute la glace qui y existe sous forme de glaciers et qui est ac- mon hypothèse. Il me suffirait de supposer que pendant l’existence de ces immenses glaciers qui auraient couvert les Alpes , les Pyrénées, les Vosges , le Morvan , l’Ardenne [a] , seraient survenus des soulève¬ ments auxquels remonterait l’origine des dolomies, des gypses, des sources salines et thermales. [a) J’ai déjà mentionné ailleurs les moraines de Pont-Aubert et de Spa. Elles me pa¬ raissent exactement comparables aux prétendues moraines des. Vosges. (Comptes rendus hebdomadaires des séances de V Académie des sciences , t. XIV, p. 98.) 1371 SÉANCE DU 5 JUILLET 18A7. » cumulée dans les vallées plus élevées, et avec la glace tous les » blocs de pierre qui y sont enveloppés ou qui y sont attachés de » quelque manière que ce soit. Le courant chargé de ce fardeau » s’échapperait par toutes les ouvertures et coulerait en particulier >» par ces dépressions qui actuellement , ainsi que nous l’avons dit , »> permettent de voir le sommet neigeux du Mont-Blanc de cer- » tains points de la face du Jura où les blocs abondent. » On peut maintenant rendre raison de l’existence des masses » énormes, déjà mentionnées, qui se trouvent près de Genève et » au coteau de Boisy, et le même système s’appliquera aussi aux » blocs des rivages de la mer Baltique , qui peuvent avoir été por- » tés à leur place actuelle , non par une position permanente et » tranquille de l’Océan , variant par degrés très lents , comme » Wrede l’a allégué , mais par une vague diluvienne subite, dé- » ferlant sur quelque district situé, soit à un niveau assez élevé, » soit assez près du pôle pour être le siège de glaciers (1). » J’ignore pourquoi sir James Hall a supposé que la vague dilu¬ vienne , à laquelle il a recours , est venue battre les Alpes en été. S’il avait supposé que cette vague les eût battues en hiver , on pour¬ rait combiner l’hypothèse de sir James Hall et la mienne. En discutant les effets possibles d’une fonte subite des neiges accumulées d'une manière extraordinaire dans des circonstances anormales, je n’entends nullement faire abstraction de ceux qu’a pu produire le déplacement subit des eaux répandues sur la surface du (1) Sir James Hall, On the Révolutions of the Earth surface. ( Edinhurgh Transactions , t. VU, p. 59.) « . It is obvious , then , that a wave washing , over these » high alpine valleys in summer, would floot and carry off ail the ice » in the glaciers, and accumulated in the higher valleys , and, along » with the ice, ail the blocks of stone imbedded in it , or attached to » it in any way. The stream with this load , would find its way through » every opering , and would in a particular manner flow through » those dépréssions which at this day, as we hâve said, alford a view » of the Snowy summit of Mont-Blanc , from certain places on the face » of Jura were these blocks abound. » The enormous masses already mentionned , which are found near » Geneve and ad the coteau de Boisy may now be accounted for; and » the same system will apply also to the blocks upon the Baltic , wich » may hâve been brought to their présent place, not by a permanent » and steady position of the Océan, varying by slow degrees, as has » been alleged by M. Wrede , but by a sudden diluvian wave washing » over some district situated either at a sufficiently high level, or near » enough to the pôle , to be the seat of glaciérs. » 1372 SÉANCE DU 5 JUILLET 18/|7. globe. J’ai indiqué ailleurs (1) le concours probable du déversement vers le N. -O. des eaux du grand lac de la Bresse, dans la production des phénomènes diluviens qui s’observent aux environs de Paris. L’absence d’ossements cétacés dans les dépôts erratiques , qui con¬ tiennent tant d’ossements d* éléphants , devrait sans doute , comme l’a judicieusement observé M. Fournet, rendre très réservé dans l’emploi de l’hypotlièse des vagues diluviennes ; mais cette ab¬ sence est loin d’être constatée d'une manière universelle. Les dents d’éléphants, de rhinocéros, d’hippopotames sont faciles à recon¬ naître , mais les grands ossements trouvés dans les terrains dilu¬ viens ne sont pas toujours aussi faciles à déterminer, et beaucoup de ces ossements ont peut-être été classés un peu légèrement , à cause de leur grandeur seulement et de leur réunion avec des dents d’éléphant, parmi les ossements des grands quadrupèdes. D’ail¬ leurs, l’objection si spécieuse en apparence qu’on tirerait de l’ab¬ sence d’ossement de cétacés n’aurait une importance réelle qu’ au¬ tant qu’on supposerait que la mer qui a produit le courant était une nier peu profonde et peuplée jusqu ait jond. Le fond d’une mer profonde comme l’Océan loin des côtes, ou même comme la Méditerranée , ne renferme guère plus de cétacés que la Sibérie ne renferme aujourd’hui d’éléphants et de rhinocéros : la surface de la mer loin des côtes en renferme elle-même très peu. Si donc le fond d’un océan très profond avait été soulevé de manière que ses eaux dussent ruisseler sur les terres continentales, la plus grande partie de ses eaux aurait pu y ruisseler sans y entraîner de cétacés. Le fond du courant marin , qui aurait agi le plus directe¬ ment sur les continents , aurait été formé le plus souvent des eaux froides et désertes du fond de la mer, qui sont plus denses que tout le reste. Les carapaces des infusoires qui existent peut-être jusque dans le fond des mers les plus profondes , ont elles été suffisamment recherchées dans les dépôts erratiques? Les animaux qui pullu¬ lent quelquefois dans des régions de la mer très éloignées des côtes, ne seraient guère propres à laisser des débris reconnaissables dans de pareils terrains. La partie des eaux de la mer, qui est habituel¬ lement peuplée d’animaux propres à y laisser des débris distincts, est probablement bien loin de former un dixième de la masse totale. Il y a donc bien des chances pour qu’un dépôt diluvien , formé par une irruption des eaux marines , ne renferme pas de (1) Traduction française du Manuel géologique de M. de La Bêche, p. 655; — et Traité de géognosic de M. Daubuisson, continué par M. Amédée Burat, t. III, p. 359. 1373 SÉANCE DU 5 JUILLET l8/|7 . débris marins. J’ai supposé que les eaux du lac de la Bresse ont concouru à la formation du dépôt erratique de la vallée de la Seine. Au moment de son déversement vers le N. -O. , ce lac , ré¬ duit à une faible profondeur par les dépôts qui s’y étaient accu¬ mulés, pouvait être peuplé jusqu’au fond, et dans les parties les moins grossières du terrain erratique des environs de Paris on rencontre un grand nombre de coquilles lacustres. J’ajouterai encore, d’une part, que les eaux résultant d’une fonte subite des neiges auraient flotté les parties non encore fon¬ dues des glaciers avec tous leurs blocs , tout aussi bien que les eaux d’une vague marine diluvienne; et, de l’autre , que les cou¬ rants produits par une vague marine diluvienne se seraient chan¬ gés d’eux-mêmes en courants de boue tout aussi bien que ceux qui seraient résultés d’une fonte subite de neiges. Etant donnée une quantité d’eau placée à la naissance d’un sillon ou d’une fente susceptibles de devenir une vallée , les effets qu’elle produira seront toujours les mêmes , quelle que soit sou origine, et ces effets sont faciles, sinon à calculer, du moins à prévoir d’une manière générale. Le point délient de la question , comme je l’ai dit précédemment est de savoir comment une quantité d’eau suffisante a pu se trouver rassemblée aux points de départ des courants diluviens, de ceux qui ont parcouru les plaines aussi bien que de ceux qui ont sil¬ lonné les montagnes. • \ t> ; . i - - I. • • !.. , V ' ' . •• À - : i , - r . . ; ' ‘ •- i •/ > ; i • <■ • / ! ? ii V: i‘ * t ■■ ■ : t ri- ' 1 : iM> 0 3 : ■ > i ■■■■U • ■ *. . »J W 'i :• 1\r Il . A » i i > ». i 1. . * M.ftJ >. . ... -:i i r ■’ ’fl inlih > .• .. i . - - - : ... ' ■ . ? V ii ' . , • ' * . f ' ' * , . ■ • . ■ ■ ■ REUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL ( vosges) (i), Du 1 0 au 23 septembre 1847. Séance du 10 septembre 1847. Les membres présents se sont réunis à midi dans Tune des salles de PHôtel-de-Ville, que M. le maire d’Epinal a bien voulu mettre à la disposition de la Société géologique. Les membres de la Société qui ont assisté à la réunion sont : MM. Acosta, Bauja, Billy (de), Blanchet, Clément-Mullet, COLLOMB, CORNUF.L, Delesse, Desoudin. Dolfus-Àusset, Four, Gastaldi, Guibal, Hogard, Jourdan, MM. Lesaing, Leyallois, Lory, Maire, Martins (Charles), Mérian (Pierre), Michelin (Ardouin), Parandier, Puton (Ernest), Renoir. Rouville (Paul de). Royer (Ernest), Vaultrin, Zuber (Jean), Un nombreux auditoire a constamment assisté aux séances 5 on peut citer plus particulièrement les personnes ci-après , dont plusieurs d’entre elles ont pris part aux travaux de la Société (l) Différentes circonstances et des retards involontaires apportés à l’impression de ce compte-rendu ont mis le conseil de la Société géolo¬ gique dans la nécessité de supprimer une grande partie des nom¬ breuses et intéressantes communications qui ont été faites à la réunion extraordinaire d’Épinal; du reste , un certain nombre d’entre elles avaient été publiées depuis l’époque de leur présentation. Soc. géol. , 2e série , t. IV. 87 1378 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPTNAL, en s’unissant à ses membres dans leurs courses et leurs explo¬ rations scientifiques : MM. MM. MM. | MM. Alexandre, Didiergeorges. Leroy, Petitmongin, Ballon, DoLFus(Gustave), Mareine, Pion, Beriîer, Durand (Léon), Martinet, Préyotel (Vict ) Biche, Dutac, Mathieu, Rappin, Bienaymé, Gahon, Maud’heux, Ruaulx. Carrière, Grillot, Mougeot, père, SCHIMPER, Claudel, Haxo, Mougeot, fils, SONREL, Collin, Idoux (L’abbé), Moynier (Eug.), Tocquaink, COLLENNE, Jacquel (l’abbé), Moyon (Benito), Tiioillier, Danu, Larérard, fils. Perreau, Vancker, Déblayé. Laurent, Perrey, : La Société ouvre sa session extraordinaire sous la présidence provisoire de M. Bauja, doyen d’âge, qui , assisté de MM. Clé— ment-Mullet et Delesse, procède à l’organisation du Bureau. Elle nomme : Président , M. Henri Hogard. Vice-président , M. E. Pu ton. Secrétaires , MM. A. Delesse et Ed. Collomb. MM. Hogard et Puton remercient la Société de la distinction qu’ils viennent de recevoir ^ ils l’assurent qu’ils feront tous leurs efforts pour qu’elle puisse visiter les points les plus inté¬ ressants de la partie méridionale des Vosges avec utilité pour la science, et dans le peu de jours qu’elle consacre ordinairement à ses sessions extraordinaires. Dans ce but, M. le Président appelle la Société à arrêter l’itinéraire de ses excursions. La Société décide qu’elle suivra le programme qui a été ré¬ digé et envoyé â ses membres par MM. Hogard et Puton-, elle pense, en outre, qu’il convient, pour exposer plus complète¬ ment et plus exactement les observations faites pendant ses courses, de faire deux parts dans les comptes-rendus : 1° L’une relative à la géologie des terrains stratifiés et non stratifiés aux phénomènes qui s’y rattachent. 2° L’autre relative aux phénomènes erratiques. 1379 DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18Z|7. Le Bureau constitué, M. Colenne, maire de la ville d’Epinal, assisté de ses adjoints, exprime à la Société combien la ville d’Epinal attache de prix à sa présence dans les Vosges, et la remercie d’avoir choisi cette ville pour le iieu de sa réunion ex¬ traordinaire de 1817. One députation de la Société d’émulation des Vosges, ayant à sa tète son vice-président et son secrétaire perpétuel, est introduite dans ia salle ^ elle témoigne à la So¬ ciété ses vives sympathies, et lui adresse ses félicitations fra¬ ternelles. M. le Président répond à M. le maire que i’accueil que la So¬ ciété reçoit à Epinal ne permet pas de douter qu’elle n’ait à se féliciter d’y avoir fixé sa session $ il se rend l’organe de ia re¬ connaissance de 1a Société pour ia réception cordiale et hospi¬ talière dont elle est l’objet, il remercie la Société d’émulation des témoignages de sympathie qu’elle veut bien donner à ia Société géologique, qui savait bien trouver en elle des collègues distingués et des savants voués à l’étude de toutes ies sciences^ il invite les membres de la Société d’émuiation à assister “aux séances et aux excursions de la Société géologique. M. le Président donne lecture de i’extrait suivant de deux lettres qu’il vient de recevoir. M. Laurent, conservateur du Musée départemental, informe la Société que les galeries du Musée seront constamment ou¬ vertes aux membres de la Société géologique, et que des dispo¬ sitions sont prises pour leur faciliter l’examen des collections qui y sont réunies. M. Collin, directeur de la marbrerie d’Épinal , -fait hommage à la Société d’une collection des marbres des Vosges qu’il ex¬ ploite dans ses usines, et il l’invite à visiter ses établissements. La Société décide qu’elle visitera le Musée départemental après la séance. Elle remercie M. Collin de la collection des marbres vosgiens qu’il met à sa disposition-, elle nomme une commission composée de MM. Clément-Mullet, Putou et De- lesse, qui sera chargée de lui faire un rapport sur les établisse¬ ments de M. Collin , et sur les roches qu’il exploite comme marbrier. 1380 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPTNAL, DONS FAITS A LA SOCIÉTÉ. La Société reçoit ; De la part deM. Dufrénoy, Mémoire sur plusieurs gisements de pierres meulières des environs de Paris. De la part de M. J. -F. Soleirol , Mémoire sur les carrières des environs de Metz , qui fournissent la pierre à chaux hy¬ draulique. De la part de M. Hœninghaus , line lettre relative à la décou¬ verte qu’il a faite, dans un Cyatophyllum du Psammite de l’Eifel, d’une Trilobite à laquelle il a donné le nom de Harpes reflexus. COMMUNICATIONS. M. Delesse donne lecture de la notice suivante : Recherches sur les verres provenant de la fusion des roches , par M. Delesse, professeur de géologie à la Faculté des sciences de Besançon. Les roches auxquelles on attribue généralement une origine ignée peuvent, lorsqu’elles sont soumises à une chaleur convenable, être amenées à l’état de fusion ; quand ensuite elles se refroidissent brusquement, elles donnent lieu à des verres dont l’étude fait l’ob¬ jet de ce mémoire. 1. — Mode cl' expérience. — La température à laquelle j’ai soumis les roches que j’ai examinées est celle des fours de verreries ordi¬ naires chauffés au bois, et toutes les expériences que j’ai entre¬ prises depuis environ deux années ont été faites chez M. Grezely, à la verrerie de la Saulnaire. La roche était pulvérisée, tamisée, puis on remplissait aux trois quarts un bon creuset de Hesse ; le volume de ce creuset était , au plus, d’un décimètre cube; il était placé sur un fromage et muni d’un couvercle non luté destiné à empêcher, autant que possible , l’introduction des vapeurs alcalines; il était ensuite porté dans un four à dessécher, chauffé au rouge sombre, et cette précaution était surtout très nécessaire, quand la roche était en fragments, car au¬ trement elle se serait brisée en éclats qui auraient été projetés de tous côtés. Au bout de quelque temps le creuset était introduit dans l’intérieur du four de verrerie, et près de la porte de charge- DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18A7. 1381 ment afin qu’il ne supportât pas une chaleur trop forte; alors, ou bien on le laissait pendant 18 heures, après quoi on le retirait, ce qui donnait lieu à un refroidissement rapide ; ou bien on attendait une mise hors feu du four, pendant laquelle on diminue graduel¬ lement le combustible mis sur la grille, et on avait ainsi un refroi¬ dissement lent, dont la durée était d’environ une huitaine de jours; du reste, lorsqu’on retirait le creuset au bout de ce temps, la tem¬ pérature était alors assez basse pour que la matière fût entièrement solidifiée. 2. — Observations générales. — Que le refroidissement de la roche soit rapide ou lent, il importe de présenter quelques obser¬ vations générales relatives à la fusion. La température du four de verrerie à laquelle la roche était soumise était à peu près celle de l’orthose qui fondait en un verre bulleux. Au moment où la roche entre en fusion, il s’y forme un bouillonnement plus ou moins considérable , et souvent même il y a un boursouflement qui projetterait le couvercle si on rem¬ plissait presque complètement le creuset. Ce boursouflement, qui a surtout lieu au commencement de l’opération , ne saurait être attribué à la perte de l’eau ou de l’acide carbonique d’un peu de carbonate ; car leur dégagement a eu lieu avant que la roche en¬ trât en fusion ; peut-être est-il du à un dégagement de gaz oxygène produit par des réactions chimiques ou par des alternances d’oxy¬ dation ou de désoxydation ; ce qui aurait lieu , par exemple , si l’oxyde de fer ou de manganèse, transformé en peroxyde à la sur¬ face du bain, repassait à l’état de protoxyde qui est une base ayant plus d’affinité pour la silice, en pénétrant dans l’intérieur du bain par suite des mouvemements de la masse liquide ; ce serait alors une réaction analogue à celle que donne au chalumeau la perle de phosphate (1) , de soude et de manganèse quand on la maintient dans la flamme oxydante. Du reste, dans le verre de presque toutes les roches, il y a gé¬ néralement des bulles ; ces bulles peuvent être attribuées soit au bouillonnement, duquel il vient d’être question, soit plutôt à ce que dans certaines roches difficilement fusibles , telles que les roches granitoïdes, la matière ayant été seulement amenée à l’état pâteux, toutes ses parties ne sont pas réunies d’une manière parfaite, soit en¬ fin, dans le cas le plus général, à un refroidissement de la surface du (l) Berzelius, de l* Emploi ilu Chalumeau. 1382 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , bain, plus rapide que le refroidissement de la masse intérieure (1). Elles s’observent aussi dans les métaux comme le plomb et meme dans ceux qui, comme la fonte et le bronze, augmentent de volume en se solidifiant; or il résulte des observations de M. Bischoff(2), que quand une roche passe de l’état de fluidité ignée à l’étatsolide. elle diminue de volume ; par conséquent il doit a fortiori se former des bulles dans les verres provenant de la fusion des roches. Il est facile de reconnaître d’ailleurs , par l’examen du creuset retiré du four, que malgré le couvercle, une oxydation s’opère à la surface de la roche fondue ; on remarque en effet qu’elle est re¬ couverte d’une couche brun marron, de silicate de peroxyde de fer dont l’épaisseur est généralement très petite. C’est ce qui a lieu aussi pour les parois du creuset qui sont soumises directement à l’action delà flamme, tandis qu’à l’intérieur on a une couleur vert de bou¬ teille plus ou moins foncée, et qui tire sur le noir dans les roches qui contiennent une proportion notable de fer. Dans les circonstances ’que j’ai indiquées, la roche peut être maintenue en fusion pendant plusieurs jours sans que le creuset soit altéré d’une manière notable; il n’est pas déformé et les pa¬ rois ne sont pas corrodées. Il faut cependant faire exception poul¬ ies roches riches en mica, ainsi que pour les roches volcaniques qui corrodent fortement les creusets et peuvent les percer ; c’est même un fait sur lequel il importe d’insister, car la facilité avec laquelle les roches volcaniques entrent en fusion et dissolvent ce qui les entoure permet d’expliquer la différence de composition que présentent quelquefois les laves de volcans modernes, et aussi de rendre compte de la position de ces volcans dans les grandes chaînes de montagnes granitiques, c’est-à-dire sur les points du globe où l’épaisseur de l’écorce paraît être la plus faible, et où elle peut avoir été successivement amincie par corrosion, jusqu’à ce qu’il se forme un orifice. Le plus généralement cependant, l’action de la roche fondue sur le creuset ne s’étend pas à un millimètre au-delà de la surface de contact ; on peut y observer en effet une petite bande blanchâtre qui est porcelainisée et qui se détache assez bien sur le fond jaune clair du creuset. Il résulte donc de ce qui précède, qu’ abstraction faite de l’eau et des substances volatiles qui ont pu se dégager, la composition (1) Leblanc, Bulletin de la Soc. géol.f tom. XII, p. 140; et Frapolli, Bulletin de 1847. (2) Bischolf. N eues, Jahrbuch de Leenhardt, 1841, p. 565. 1383 DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1817. moyenne de la roche fondue sera généralement, à très peu près, celle qu’on aurait trouvée dans la roche elle-même, et c’est en effet ce que j’ai pu vérifier plusieurs fois par des analyses comparatives ; par conséquent aussi, dans la comparaison des densités de la roclie avant et après la fusion, on pourra négliger l’erreur qui résulte de la corrosion des parois du creuset. Pott , Gellert , d’Arcet et de Saussure , ont fait les premières recherches sur la fusion des roches et des minéraux; Gerhard (1781) et Klaproth (1), qui s’occupèrent ensuite du même sujet, se sont servis de creusets de charbon ou de brasque pour évi¬ ter les inconvénients du creuset de terre; mais, comme je viens de le dire, ces inconvénients ne sont généralement pas très grands, et d’ailleurs après la fonte dans un creuset brasqué à la tempéra¬ ture de l’opération , la roche a perdu son eau, son fer, son man¬ ganèse et même son titane ; par conséquent le verre qu’on obtient ne permet pins d’établir avec elle aucune comparaison sous le rapport des propriétés physiques ou chimiques; néanmoins j’ai fait des essais de ce genre sur un assez grand nombre de roches ; j’ai obtenu ainsi des verres blancs , grisâtres ou d’un vert peu foncé, et ils étaient presque toujours accompagnés par un petit culot, ou tout au moins par des grenailles de fonte qui adhéraient à la partie extérieure de la masse fondue ; et en outre ces verres étaient plus bulleux et moins fusibles que ceux qu’on obtenait dans le creuset non brasqué. . 3. — Verres . — Ce qui précède étant établi, on peut se proposer l’étude des propriétés des verres provenant de la fusion des diverses roches ; c’est ce qui fait plus spécialement l’objet de ce Mémoire. l\- — Dureté. — En essayant les duretés de ces verres, j'ai d’a¬ bord constaté qu’elles sont moins différentes qu’on ne serait tenté de le croire d’après leurs grandes différences de composition. Elles sont du reste assez grandes, ce qui tient peut-être à une espèce de trempe produite par le refroidissement brusque de la roche. Les verres qui proviennent des granités, des porphyres quartzi- fères, etc., ou des roches granitoïdes, ont une dureté inférieure ou - égale à celle du quartz , soit environ de . 7 Le verre de l’orthose a une dureté un peu inférieure à celle de l’adulaire ou à . 6 Les verres des porphyres, des diorites, etc., ont de même une dureté égale ou inférieure à . . 6 Enfin pour ceux des eupliotides, des basaltes, des laves mo- (1) Klaproth, Beitrdge , etc. 138Zl RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , dernes, des minettes, etc., elle est inférieure à celle de la chaux phosphatée ou à . 5 La dureté du verre est donc généralement d’autant plus grande, que la roche qui la produit est plus riche en silice. Faisons connaître maintenant les autres propriétés de ces verres et comparons leurs densités à celles des roches qui les ont fournis. 5 . — Densité. — Dans ses recherches sur l’action exercée par le feu sur les roches , de Saussure avait observé qu’elles subissent une di¬ minution de densité par la fusion. Magnus, en 1831 , avait remarqué que les verres provenant de la fusion du grenat et de l’idocrase ont une densité moindre que celle de ces minéraux : MM. A. Brongniart (1), G. Rose (2), avaient constaté aussi que la même relation existait entre les densités de l’orthose et de son verre, ainsi qu’entre celles du dégourdi et de la porcelaine ; par de nombreuses déterminations de densité, MM. A. Laurent, Malagutti et Salvetat ont établi que la densité de la porcelaine diminuait d’autant plus qu’elle avait été chauffée à une température plus élevée, résultat qui devait paraître d’autant plus surprenant que la porcelaine se contracte par la chaleur. Depuis, M. Bischoff, mais surtout M. Charles De- ville , ont fait une série d’expériences précises s’appliquant à di¬ verses substances minérales; dans ce travail, j’ai cherché moi- même à multiplier et à étendre ces recherches (3), en opérant sur les principales roches , et plus particulièrement sur celles que les géologues regardent en général comme étant d’origine ignée. Pour prendre les densités , j’ai employé les flacons desquels on se sert ordinairement en minéralogie, et j’ai opéré, soit avant, soit après la fusion , sur la matière réduite en petits fragments; j’ai eu soin surtout de n’opérer, autant que possible, que sur les parties du verre exemptes de bulles, et quand le verre était partout bulleux, il était pulvérisé. J’ai chassé aussi bien que pos¬ sible , l’air restant dans les pores , mais toutefois sans avoir recours à la machine pneumatique, caries corrections qui seraient ré¬ sultées de son emploi sont négligeables, tant à cause de la na- (1) Brongniart, Arts céramiques , t. I*r, p. 285. (2) G. Ilose, Annales des mines de 1847, livraison, p. 528. (3) Dans ces derniers temps, mon ami M. Descloiseaux s’est occupé de recherches du même genre sur un grand nombre de roches volca¬ niques qu’il a recueillies dans son voyage en Islande. M. Descloiseaux a, du reste, trouvé une diminution moindre dans la densité, parce que les produits qu’il a obtenus sont souvent redevenus cristallins par suite du refroidissement lent auquel ils avaient été soumis , la fusion de ses roches ayant eu lieu dans les fours à porcelaine de Sèvres. ' DENSITÉ DIFFɬ RENCE. d-dl DIMINUTION DE DENSITÉ. d-d' v’-v T‘Œ1T • r 1 ' DE LA HOCUK. d DU VE K HE. d‘ s et beaucoup de squelettes blancs ; 2,622 2,321 0,301 J 1,09 2,635 2,353 0,172 10,32 ement réfractaire . 2,730 2,450 0,280 10,26 2.623 2,360 0,263 10,03 2,684 2,423 0,261 9,76 2,680 2,427 0,253 9,44 2,751 2,496 0,255 9,27 ; grand nombre de petits squelettes lire . 2,651 2,336 0,315 11,88 2,617 2,376 0,241 9,21 2,700 2,447 0,253 9,37 2,660 2,425 0,235 8,84 2,643 2,478 0,165 6,2 4 fortement (bulleux avec squelettes 2,576 2.301 0,275 10,68 2,651 2,425 0,226 8,53 2,623 2,349 0,274 10,44 2,646 2,479 0,267 10,09 . 9. . 7 R -i 9.486 1 0 9/7 n 1 o ni I i DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1 8 /| 7 . 1385 ture des substances dont il s’agit d’obtenir la densité, que des erreurs que j’ai signalées, et qui sont inhérentes au mode d’expé¬ rimentation suivi pour obtenir le verre. Pour la détermination des densités, qui était une opération assez longue, j’ai été secondé par M. Paufert. J’ai résumé, sous forme de tableau, tous les résultats qui ont été obtenus dans une série assez nombreuse d’expériences. ( Voir pour ce qui suit le tableau joint à ce Mémoire après la page 1388.) Dans ce tableau les roches ont été réunies en groupes naturels , et dans chacun de ces groupes, elles ont été rangées d’après leur diminution de densité ; on peut voir du reste que leur ordre est à peu près le même que si on avait fait un seul tableau général. 6. — Influence de la teneur en eau. — La plupart de ces roches contiennent de l’eau de combinaison, ainsi que j’ai déjà eu l’occa¬ sion de le démontrer à plusieurs reprises dans des recherches anté¬ rieures (1), et elle est le plus généralement donnée par la quatrième colonne du tableau qui porte le titre perte au feu ; les guillemets indiquent d’ailleurs dans cette colonne qu’il y aune quantité d’eau nulle ou du moins très petite , qui n’a pas été déterminée , ou bien qui est égale à celle d’autres roches appartenant au même groupe ; comme cette eau disparaît par l’action de la chaleur, la densité de la roche n’est plus rigoureusement comparable à celle de son verre ; mais quoiqu’il soit impossible de calculer la densité qu’aurait eue le verre, si l’eau y avait été maintenue après la fusion, on peut cepen¬ dant se rendre compte de quelques anomalies qui sont présentées par les roches et principalement par celles qui contiennent une proportion notable d’eau de combinaison. En effet, j’ai constaté (1) que les feldspaths qui renferment de l’eau, tels que l’oligoclase , l’ andésite, le labrador, la saussurite, etc., ont une densité qui di¬ minue par la calcination ; il en résulte donc que pour des roches appartenant à un même groupe et ayant ces feldspaths pour base, la diminution de densité du verre devra, toutes choses égales, être d’autant plus grande qu elles renfermeront plus d’eau de combi¬ naison. On peut, du reste, observer aussi que les roches qui , par leur grande diminution de densité, paraissent faire exception à la loi générale et à l’ordre établi dans le tableau , sont surtout celles qui sont assez riches en eau , comme les euphotides , les vario- lites, etc., c’est-à-dire celles dont le verre n’est plus comparable à la roche. ( I) Voir les Mémoire s sur la composition minéralogique et chi - inique des roches des Vosges. — Annales des mines (1 847) , t. XII , p. I 95 et p. 283. — (1848), t. XIII, p. 667. du LO au 23 sEi'TJiMimE 1 8 /§ 7 . 1385 ture des substances dont il s’agit d’obtenir la densité, que des erreurs que j ai signalées , et qui sont inhérentes au mode d’expé¬ rimentation suivi pour obtenir le verre. Pour la détermination des densités, qui était une opération assez longue, j’ai été secondé par M. Paufert. J’ai résumé, sous forme de tableau, tous les résultats qui ont été obtenus dans une série assez nombreuse d’expériences. ( Voir pour ce qui suit le tableau joint à ce Mémoire après la page 1388.) Dans ce tableau les roches ont été réunies en groupes naturels , et dans chacun de ces groupes, elles ont été rangées d’après leur diminution de densité ; on peut voir du reste que leur ordre est à peu près le même que si on avait fait un seul tableau général. 6. — Influence de la teneur en eau. — La plupart de ces roches contiennent de l’eau de combinaison, ainsi que j’ai déjà eu l’occa¬ sion de le démontrer à plusieurs reprises dans des recherches anté¬ rieures (1), et elle est le plus généralement donnée par la quatrième colonne du tableau qui porte le titre perte au feu ; les guillemets indiquent d’ailleurs dans cette colonne qu’il y aune quantité d’eau nulle ou du moins très petite , qui n’a pas été déterminée , ou bien qui est égale à celle d’autres roches appartenant au même groupe ; comme cette eau disparaît par l’action de la chaleur, la densité de la roche n’est plus rigoureusement comparable à celle de son verre ; mais quoiqu’il soit impossible de calculer la densité qu’aurait eue le verre, si l’eau y avait été maintenue après la fusion, on peut cepen¬ dant se rendre compte de quelques anomalies qui sont présentées par les roches et principalement par celles qui contiennent une proportion notable d’eau de combinaison. En effet, j’ai constaté (1) que les feldspaths qui renferment de l’eau, tels que l’oligoclase , l’andesite, le labrador, la saussurite, etc., ont une densité qui di¬ minue par la calcination ; il en résulte donc que pour des roches appartenant à un même groupe et ayant ces feldspaths pour base, la diminution de densité du verre devra, toutes choses égales, être d’autant plus grande qu’elles renfermeront plus d’eau de combi¬ naison. On peut, du reste, observer aussi que les roches qui , par leur grande diminution de densité, paraissent faire exception à la loi générale et à l’ordre établi dans le tableau , sont surtout celles qui sont assez riches en eau , comme les eupliotides , les vario- lites, etc., c’est-à-dire celles dont le verre n’est plus comparable à la roche. ( I) Voir les Mémoires sur la composition minéralogique et chi - /nique des roches des Vosges. — Annales des mines (1 847) , t. Xll , p. 1 95 et p. 283. — (1848), t. XIII, p. 667. 138(5 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, Quand la composition des roches n’est pas telle qu’elles puissent cristalliser par un refroidissement lent ou rapide, ce qui est le cas le plus ordinaire, et celui duquel je m’occupe en ce moment, les verres qu’elles produisent présentent la plus grande ressemblance; voici quelles sont leurs propriétés générales : 7. — Diverses propriétés physiques. — Leur couleur est presque constamment celle du verre de bouteille plus ou moins foncé ; ce¬ pendant elle peut varier du noir au vert, au verdâtre et au blanc grisâtre suivant que la roclie est riche ou pauvre en fer. Tantôt le verre est parfaitement homogène, tantôt au contraire, ainsi que de Saussure (1) l’avait déjà remarqué , on y observe de petits squelettes blancs formés de quartz et quelquefois de feld¬ spath , qui ne se dissolvent pas dans la masse, lors même qu’elle est maintenue en fusion pendant plusieurs jours ; cela n’a lieu que dans les roches qui, le plus généralement, contiennent beau¬ coup de quartz, et qui sont peu fusibles comme les roches grani- toïdes et quelques porphyrfes. La difficulté que le quartz éprouve à se dissoudre dans les sili¬ cates ayant la composition de ceux qui constituent généralement les roches, est un fait qu’il importe de constater d’une manière spéciale, parce qu’il montre que des roches quartzeuses opposeraient une grande résistance à la dissolution, lors même qu’elles se trou¬ veraient en contact avec des masses à l’état de fluidité ignée. Examinons maintenant chacun de ces verres en particulier : 8 — Granités , Leptynites. • — Granités syé/ii tiques. — Porphyres granitoïdes , (1), (2), (3), etc., (14). Les granités, les leptynites, les syénites ainsi que les porphyres quartzifères et granitoïdes qui composent le groupe des roches granitoïdes , donnent des verres ayant un aspect bien constant; ils sont tous difficilement fusibles; la présence d’une très petite quantité de mica suffit dans les granités pour que le verre soit très notablement coloré par le fer; cependant pour le leptynite, pour le porphyre quartzifère, et aussi quelquefois pour le granité, on a des verres très peu colorés et ayant une couleur verdâtre claire; cela a lieu surtout pour celles de ses roches qui, étant très pauvres en mica, sont au contraire très riches en quartz, et qui sont par cela même très fortement réfractaires. Le granité de la Roche (Côte-d’Or), celui de la Serre (Jura), quelques leptynites et même des porphyres quartzifères sont dans ce cas ; ils s’agglutinent plus ou moins sans se fondre bien complètement, et la diminution de densité qu’ils éprouvent par la fusion , est plus considérable que (1) De Saussure, Voyages dans les Alpes , t. 1er, p. 126. 1387 DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. celle des roches granitoïdes ordinaires ; on peut observer en outre que leur verre est d’une couleur et d’une composition très inégales ; car à côté de parties presque blanches, on en a d’autres qui sont vert - noirâtres; cela tient à ce que les premières, plus riches en quartz , ont résisté à une fusion complète , tandis qu’au contraire les secondes proviennent d’une sorte de liquation du silicate de fer qui s’est formé, surtout près du mica , et qui, étant plus fusible, s’est réuni en gouttelettes au milieu de la masse. 9. * — Porphyres , (15), 16), etc., (21). Les roches réunies dans ce groupe àesporphyres qui sont d’une composition extrêmement variée, donnent des verres plus colorés, plus éclatants, plus compactes et plus fusibles que ceux des roches granitoïdes; ils s’en rapprochent cependant lorsqu’ils contiennent du quartz, car alors iis renferment des bulles inégales, et on y observe quelques squelettes blancs provenant du quartz non dissous. 10. — Diorites , (22), (23), (24). Les verres des (liantes et des porphyres dioritiques , quelle que soit la nature du feldspath qui leur sert de base, sont identiques d’aspect avec ceux des porphyres sans quartz, tels que ceux de (1 7), (20), etc. Il n’v a d’exception à faire à cet égard que pour la diorite orbi- culaire de Corse , qui ne renferme qu’une très petite proportion d’amphibole, et dont le feldspath très riche en alumine donne des squelettes blancs, * t ne se dissout que difficilement dans la masse d’une manière complète. 11 — Euphotides, Serpentines, etc., (25), (26), (27) et (28). J’ai réuni dans le groupe des eupliotides, des roches qui par leur grande diminution de densité , paraissent faire exception à la loi générale qui sera énoncée plus loin , car cette diminu¬ tion est plus grande que celle qu’on serait porté à leur attri¬ buer d’après cette loi; à cet égard, la variolite de la Durance et Yeuphotide de Corse offrent même des anomalies remarquables. Pensant qu’elles pouvaient être dues à la grande teneur de la roche en magnésie , ainsi qu’à la présence d’une quantité no¬ table d’eau de combinaison, j’ai cherché, pour reconnaître si cette conjecture était fondée , quelle était l’action de la chaleur de four de verrerie sur les roches à base d’hydrosilicate de magnésie ; mais elles n’y entrent pas en fusion complète ; ainsi la serpentine noire verdâtre avec nodules rougeâtres provenant de Cleury, vallée du Tholy, a donné un culot brunâtre assez bien agglutiné; la ser¬ pentine noire verdâtre , veinée de rouge du Goujot, près de Saint- Étienne ("Vosges) , a donné un culot mieux agglutiné que le pré¬ cédent et ayant une couleur plus foncée ; la serpentine blanc ver¬ dâtre et pseudomorphique de Snarum en Norwège, et une serpentine 1388 ' RÉUNION EXTRAORDINAIRE A Él’INAL , noble vert elair très onctueuse au toucher, ont donné, la première, une masse blanc jaunâtre, et la 2e une masse rouge de brique qui s’égrenaient l’une et l’autre entre les doigts; enfin la stéatite d’un blanc de lait, dite craie de Briançon a conservé absolument le même aspect; ces différentes roches, qui avaient cependant été ré¬ duites préalablement en fragments aussi petits que possible, se sont donc seulement agglutinées d’une manière plus ou moins incom¬ plète et à peu près proportionnellement à leur richesse en fer indiquée par leur couleur. 12. — Mélaphyres , Basaltes. Roches volcaniques anciennes et modernes , Laves , (29). (30), (31), etc., (43). Ces roches ont donné des verres qui se ressemblent beaucoup entr’eux, ainsi qu’aux verres des diorites et de plusieurs porphyres ; en sorte qu’il serait le plus souvent impossible de les distinguer ; les caractères généraux de ces verres sont : Couleur foncée qui varie du vert de bouteille au noir de jayet, suivant la richesse en fer de la roche, et qui les rend tantôt opaques et tantôt translucides. Compacité très grande, cassure bien conclioïde, éclat très vif, absence de squelettes blancs de quartz qui s’observent surtout dans les roches à base de feldspaths riches en silice , contenant du quartz en excès, et qui sont par cela même peu fusibles. Fusibilité beaucoup plus grande que celle des roches qui pré¬ cèdent, aussi n’y voit-on qu’ assez rarement quelques bulles bien arrondies qui se trouvent surtout au centre de la masse fondue. Dans l’énumération de ces roches qui a été faite sur le tableau, j’ai mentionné cl’une manière spéciale celles dont les verres pré¬ sentaient quelque particularité. Relativement aux roches volcaniques , il importe d’observer que certains produits des volcans peuvent avoir été soumis à un refroi¬ dissement aussi rapide que celui du verre obtenu artificiellement; on conçoit alors que la différence entre les densités devient très faible ou nulle: c’est ce qui a lieu pour certaines laves et pour l’ob¬ sidienne ; il résulte même des expériences de M. Charles Deville que la densité de cette dernière roche, qui n’est plus cristalline et qui est un verre naturel, peut être inférieure à celle de son verre artificiel. 13. — Roches ahase deMica , (44), (45), (46) et (47). Les résultats donnés par les roches à base de mica ou qui contiennent une forte proportion de mica varient entre des limites étendues, ce qui tient à ce que la composition chimique de celles de ces roches qui ont été essayées est elle-même très variée ; leur diminution de densité est généralement celle des 1389 DU .10 AU 23 SEPTEMBRE 18/Ï7. roches granitoïdes comme pour (44) , ou bien celle des roclies roches volcaniques comme pour (47), suivant qu’elles doivent être rangées à l’une ou à l’autre de ces roches d’après leur gisement et d’après leurs caractères minéralogiques; quelquefois au contraire la diminution de densité est moindre que celle qu’on serait tenté de leur attribuer d’après ces mêmes caractères. Il importe d’ob¬ server, du reste, que ces roches attaquent toutes très fortement les creusets à cause du fluor quelles contiennent, et par conséquent, les verres qu’elles donnent ne leur sont plus entièrement compa¬ rables ; c’est pour cette raison sans doute, que des recherches spé¬ ciales faites sur du mica pur m’ont toujours donné des résultats très peu concordants ; ainsi dans trois essais sur le lépidolite rose li¬ las et en petites paillettes de Rosena,qui ont été exécutés, l’un à la forge et les deux autres au four de faïencerie , j’ai obtenu pour le premier, une augmentation de densité de 0,49 p. 100, et au con¬ traire pour le deuxième et le troisième des diminutions de densité de 10 et même de 15 p. 100 ; la divergence de ces résultats doit être attribuée à ce que le lépidolite étant un mica très riche en fluor , dissout une portion plus ou moins grande de la matière du creuset suivant la durée de l’opération et à ce qu’une grande quantité va¬ riable de silicium peut se dégager avec le fluor. 14. - — Si on étudie sur le tableau qui précède les variations de densité qu’éprouvent les différentes séries de roches, on voit qu’il en résulte ce fait important, que généralement quand un silicate passe de l’état cristallin à l’état vitreux , il y a diminution de densité. On voit aussi que la constance des résultats obtenus pour les roches appartenant à un même groupe et auxquelles on doit appliquer la même dénomination, est assez grande, si on ob¬ serve qu’ elles présentent souvent de grandes différences d’aspect et qu’elles proviennent des gisements les plus divers ; cette con¬ stance est d’autant plus grande que par plusieurs motifs que j’ai exposés antérieurement, et par leur nature même, des expériences du genre de celles qui ont été entreprises ne sont pas susceptibles d’une grande précision. D’après cela on peut se proposer de généraliser les résultats des expériences de M. Charles Deville ainsi que les miens, et chercher quelle est la relation qui existe entre la diminution de densité d’une roche et sa composition chimique. Pour résoudre ce pro¬ blème d'une manière complète , il faudrait, il est vrai, des expé¬ riences beaucoup plus nombreuses que celles qui ont été faites jusqu’à présent, et embrassant toute la série des silicates simples, naturels ou artificiels, afin de décider quelle est, en particulier, 1390 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, l’influence des substances minérales qui ne sont dominantes dans aucune roche et qui se trouvent cependant à peu près dans toutes, telles que l’alumine, la chaux, le fer, la magnésie; on ne peut établir actuellement à leur égard que des conjectures; mais quoi qu’il en soit, si on considère seulement les roches , il résulte du mode d’association des silicates naturels qui les composent et aussi de recherches qui ont été faites sur leur constitution chimi¬ que (1), qu’on peut établir le principe suivant : « Quand les roches passent de l’état cristallin à l’état vitreux , >» elles éprouvent une diminution de densité, qui, toutes choses » égales, paraît être d’autant plus grande, qu elles ont plus de si- » lice et d’alcali , et au contraire d’autant plus petite , qu’elles ont » plus de fer, de chaux et d’alumine. » En rangeant ces roches par ordre de diminution de densité , » celles qu’on regarde comme les plus anciennes se trouvent géné- » râlement les premières ; tandis que les plus modernes sont les » dernières ; et en tout cas, leur ordre de diminution de densité est » à peu près 1 ordre inverse de leur fusibilité. » Les diminutions de densité d’une même famille des roches sont quelquefois assez variables ; cependant on peut généralement les considérer comme comprises entre les limites données par le tableau suivant : Granités, leptynites , porphyres, quartzifè- res , etc . Granités syénitiques et syénites . Porphyres rouges , bruns et verts, avec ou sans quartz qui sont à base d’orthose et d’oligoclase ou d'andesite . Diorites et porphyres dioritiques . Mélaphyres . Basaltes et trachytes , roches volcaniques an¬ ciennes . Laves , roches volcaniques et vitreuses. . . 9 à M 0/0 8 à 9 8 à 10 6 à 8 5 à 7 3 à 5 0 à 4 Les roches non cristallines qui, comme l’obsidienne, etc., sont déjà à l’état de verre dans la nature , échappent nécessairement aux principes qui viennent d’être énoncés ; cela paraît avoir lieu aussi polir les eupliotides, les variolites et pour quelques porphyres dans lesquels la diminution de densité est tantôt plus grande , tantôt au (\) Voir : Mémoires sur la constitution minéralogique et chimi¬ que des roches des Fosges qui font connaître la composition chi¬ mique de la plus grande partie de ces roches soumises à In fusion. (Annales des mines.) DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18^7. 1391 contraire plus petite qu’on ne serait tenté de le croire d’après leur teneur en silice et d’après leur composition chimique. Quant aux îoclies a hase de mica, elles doivent être considérées comme ex¬ ceptionnelles ; mais généralement leur diminution de densité est d autant plus grande qu elles sont plus riches en silice. 15- Si on désigne par Y et Y' les volumes occupés par une même roche à 1 état cristallin et à 1 état vitreux , par r/ et d! les densités correspondantes , on aura évidemment Y d — Y ' d' ou Y'- Y d-d! y/ î tout ce qui a été dit relativement aux variations de densité des roches s’applique donc aussi aux variations de vo¬ lume ; seulement ces dernières sont en raison inverse. 16. — Si on connaissait la composition chimique de toutes les roches qui précèdent, on pourrait calculer pour chacune d’elles la densité qu’aurait le mélange des différentes substances qui entrent dans leur composition. Soit en effet S cette densité, et pi} -j- p 2 jy3les quantités pon¬ dérales des substances minérales qui composent la roche, on aura d’abord p l -f- + p 3- etc. = 100. dl ch ch étant les densités des substances dont les poids sont respectivement^ p%p3, la densité <5 du mélange sera donnée par l’expression _ P}_ _j_ P* (A Dans l’état actuel de la minéralogie chimique des roches, il serait difficile de représenter chaque roche par une formule bien nette , et cette formule aurait d’ailleurs l’inconvénient d’être un peu compliquée; mais on peut observer que la composition de la plupart de ces roches est peu différente de celle des feldspaths con¬ stituants ; par conséquent on saura dans quel sens varie la densité $ pour une roche en la déterminant pour ses feldspaths constituants. 11 serait d’ailleurs facile de reconnaître que ce qui va être dit relativement aux feldspaths s’applique aussi à la plupart des sili¬ cates qui entrent dans la composition des roches ; en conséquence j’ai déterminé pour les principaux feldspaths la densité qu’on au¬ rait, en supposant que les différentes substances qui les composent ne fussent pas combinées mais simplement réunies à l’état de mé¬ lange; cette détermination a eu lieu au moyen de la formule [ci)y et le tableau suivant montre suffisamment quels sont les résultats qui ont été obtenus : 100 + ~ + etc- “3 M 1392 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , . COMPOSANTS. DENSITÉ des COMPOSANTS. DENSITÉ ET COMPOSITION DU FELDSPATH. ► Adulaire du s % Saint-Gothard. \ Orlhose de la Syénite (Vosges). Albite l à potasse. J eu C/3 C3 O O tfj O Andésite blanche / îles Ballons (Vosges). 1 Labrador 1 de Belfaliy. Vosgite (le Ternuay. Anorihite de la Somma. ! De- lessc. Abich Berré- liuj, D. D. D. Abich p, Silice. . . . dl=2,63 (Naumann) . 66 64 70 64 39 53 49 44 p Alumine. . d2=4,15 (Dumas et L.) 19 17 24 23 28 31 36 P j Oxide de fer d 3=5, 20 (Naumann) . » 1 1 9 9 1 \ 9 1 Pi Chaux . . . <14=5,1 8 (Gmelin) . . 1 9 2 3 6 6 6 19 p. Soude . . . d 5=2, 81 (Karsten) . . 1 3 6 8 7 5 5 1 Potasse . . dc=2,66 (Karsten). . 14 12 4 1 2 5 5 9 p. Eau . d7 — 1 . 9 9 9 9 1 2 .> » Somme . 100 100 100 100 100 100 100 100 2 f trouvée . d 2,376 2, Sol 2,622 2,668 2,683 2,719 2,771 2,763 Densité. . < 3 l calculée . S 2,847 2.900 2,861 2,934 2,907 2,901 2,883 3,163 4 Différence . ê-d 0,271 0,349 0,239 0,266 0,224 0,182 0.112 0,402 3 ê-d Augmentation de densité. . - d 10 14 9 10 8 7 4 13 Les colonnes (1) donnent, d’après différents chimistes, la com¬ position approchée des huit principales espèces de feldspaths ou j) p „2 , p ^ , etc. ; elles donnent , en outre , les densités , d3 . . . , admises pour la silice, l’alumine, l’oxyde de fer, la chaux, la soude, la potasse et l’eau, lorsque ces substances sont dégagées des combinaisons. Dans la colonne (2) se trouvent les densités d don¬ nées par l’expérience pour chacun des huit feldspaths; et dans la colonne (3) les densités S, calculées pour les mêmes feldspaths au moyen de la formule (a). On voit tout d’abord que les densités S sont plus grandes que les densités d; et il est facile de reconnaître, par un calcul très simple , que cela aurait encore lieu , lors bien même qu’on pren¬ drait pour les densités de la potasse et de la soude , qui sont un peu incertaines, des nombres plus petits que ceux de M. Karsten, tels , par exemple , que ceux adoptés dans divers travaux de I)U 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/|7 . 1393 M. Kopp etdeM. Filliol (1) ; les différences entre les deux densi- sités d et (S, ainsi que les augmentations exprimées en centièmes de la densité à l’état cristallin, sont d’ailleurs données par les co¬ lonnes (à) et (5) ; dans tous les feldspatlis il y a donc augmenta¬ tion dedensilé, et bien que cette augmentation ne paraisse pas suivre une loi simple , toutes choses égales , elle est d’autant plus grande qu’il y a moins d’eau de combinaison et plus de cliaux, de soude et d’alumine. Il résulte du tableau précédent que, dans le feldspath, la den¬ sité à l' état de mélange est plus grande que la densité a l'état cristallin , et plus grande , à fortiori, que la densité à l'état vitreux. Par conséquent , si on suppose que les composants du feldspath , d’abord à l’état de mélange, forment une combinaison cristalline, et soient ensuite vitrifiés par l’action de la chaleur, il y aura suc¬ cessivement augmentation de volume dans la cristallisation , puis dans la vitrification. Au premier abord , la relation $ > d 7> d\ qui existe entre les densités d’un feldspath à l’état cristallin d , à l’état vitreux d' , et à l’état de mélange $, paraît paradoxale , et même en contradiction avec ce qui a été dit antérieurement ; il semble , en effet , que la densité du mélange on n’a fait 1418 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉCINAL, aucunement mention de ces lambeaux de terrain de transition qui se sont conservés comme des preuves irrécusables des rap¬ prochements et des séparations (1) que nous avons établis , et que nous croyons devoir maintenir. » De la vallée des Roches la Société s’est rendue à Remiremont -, pendant ce trajet, et en remontant la côte de Layol , elle a observé dans les escarpements de la route un granité à petits grains décomposé et modifié -, un grand nombre de petits filons feidspathiques y sont injectés; ce granité qui diffère beaucoup quant à l’aspect de celui de Plombières se rencontre encore à la Maix d’Olichamp. Quelques membres ont quitté la Société pour visiter, au sommet de la montagne du Bambois, une carrière de grès bi¬ garré très siliceux que la ville de Remiremont fait exploiter pour ses constructions communales. Ce grés forme un îlot au milieu du grés vosgien, qui le domine à la montagne du Sapenois, dont il n’est séparé que par le vallon de la Maix d’Olichamp. M. Collomb , secrétaire, rend compte, à son tour, des excur¬ sions de la journée. Plombières et le -val (V Jjol. — En quittant Remiremont, par la route de Plombières , la première station de la Société a été sur les moraines d’Olichamp, décrites par M. Hogard en 18 42, ensuite par M. E. Royer ( Bulletin , t. IV , p. 288). Ces moraines , de plusieurs kilomètres de longueur, ont donné lieu à une discussion entre plusieurs membres. MM. Ch. Mar- tins, Hogard et Collomb pensent que ces moraines peuvent provenir des débris de la moraine latérale gauche du grand glacier de la Moselle, déposés sur ce point à une époque où ce glacier s’étendait â h kilomètres en aval de Remiremont. M. E. Royer a communiqué à la Société la note suivante, relative à de nouvelles observations qu’il a faites sur les mo¬ raines d’Olichamp. Depuis la communication cpie j’ai faite dans la séance du 7 décembre 1846, il n’y a plus de doute possible sur l’existence (1) Description du val d’Ajol , 1844, 1845. — Annales de la Société d émulation des V osges. M19 1)U 10 AU 23 SEPTEMBRE 18Z|7. d’un grand glacier remplissant tout le bassin supérieur de la Mo¬ selle, et c’est lui, ou plutôt un de ses rameaux, qui a produit la moraine d’Olichamp. L’existence de ce grand glacier peut cependant paraître incompa¬ tible avec l’existence de glaciers moindres qui auraient produit les moraines du Tholy, de Saint-Amé, de Rupt, du lac de Fondromé, de la Grande-Gourrue , de Lispacli , etc.; mais il faut observer que ce grand glacier, depuis sa plus grande extension jusqu’à sa dispa¬ rition , a dû passer par plusieurs périodes de décroissance , et on peut notamment en indiquer trois. La première époque est celle où le glacier, occupant un immense espace , et s’élevant à une hauteur considérable , couvrait comme une nappe toutes les vallées et les sommets principaux qui envi¬ ronnent le bassin de la Moselle , où l’on retrouve la preuve de sa présence dans le terrain de transport et les blocs erratiques si nom¬ breux qu’il y a laissés. Ces matériaux étaient puisés par lui dans quelques prés isolés restés émergés , et dans les plateaux de la crête centrale qui le dominaient. Son immense extension et le peu d’étendue du terrain qui lui fournissait ces débris, comparative¬ ment à sa propre diminution, doivent faire croire que les moraines de cette époque étaient peu importantes , ou plutôt moins bien ca¬ ractérisées quant à la forme que dans les formes suivantes. La seconde serait celle où, ayant déjà perdu de ses dimensions colossales, il était contenu dans les vallées , et limité par les mon¬ tagnes qui les flanquent ; sa branche principale s’étendait alors très probablement jusqu’au delà de Remiremont, vers Epinal. C’est l’époque où il poussait des rameaux dans les vallées voisines au sud-ouest par les cols qui n’étaient point trop élevés, notamment par celui d’Olichamp. La troisième enfin serait celle où le glacier n’occupait plus que le fonds des vallées , ou plutôt où il s’était divisé en autant de gla¬ ciers partiels qu'il y avait de vallées afîluentes ; c’est plus ou moins tôt dans cette dernière période que se sont formées les moraines de Saint-Amé , du Tholy, de Rupt, de Fondromé, de Lispacli, de laGrande-Courrue et autres. Le fonds de la vallée de la Moselle, aux environs de Remiremont, était alors déjà débarrassé des glaces, et les moraines qu’y avait déposées le glacier commençaient à être re¬ maniées par les eaux. Telle est , je crois, l’explication simple et analytique de ce grand et important phénomène dans cette partie des Vosges, phénomène auquel des études détaillées vont, je ne puis en douter, donner la consistance d’un fait désormais consacré dans la science. 14*20 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉP1NAL , M. Ch. Martins répond à M. Royer que le phénomène des moraines et des blocs erratiques déposés sur farête d’un col se rencontre fréquemment dans les Alpes ; il cite un fait analogue près de Mégèse , sur le col qui sépare la vallée de l’Aroc de celle de l’Isère. A la croix de Vargottes, point situé sur le col qui sépare le val d’Ajol de la vallée de la Moselle, la Société a remarqué des blocs erratiques de granit provenant des environs du lac de F on- dromé,à plusieurs kilomètres en amont, et qui reposent ici sur les assises supérieures du grès vosgien. — M. Hogard a signalé la position de ces blocs dans son Mémoire sur le val d’ Ajol , 1841-1845, p. 78-, il rappelle que, pour parvenir au point où ils se trouvent aujourd’hui , ils ont dû franchir en ligne droite les vallons des Mourots, du Gravier de la Diviére, et les vallées du Gihard et d’Hérival, puis les montagnes qui séparent ces dépressions, et dont les flancs sont moyennement inclinés de 25 à 30 degrés. L’examen d’un profil relevé suivant cette di¬ rection fait comprendre qu’on ne saurait s’arrêter un seul instant à l’hypothèse d’un transport par les eaux. En effet, de la côte moyenne du point de départ, un bloc entraîné, après être des¬ cendu dans le fond de plusieurs vallons très profonds, se serait relevé à la côte 710 mètres au Girmont d’Ornous, serait redes¬ cendu, etc., jusqu’à ce profil. Séance du 15 septembre 1847. PRÉSIDENCE DE M. HOGARD. La séance est ouverte à 7 heures dans le salon de la mairie de Remiremonl. M. Delesse, secrétaire, rend compte de l’excursion de la journée. La Société s’est d’abord arrêtée à la Poirie , où elle a pu ob¬ server de nouveau le granité commun de la vallée de la Moselle. La base de la montagne au pied de laquelle est bâti le vil¬ lage, appartient à un terrain de grés dont l’âge a encore donné DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 4 8/|7. 1Z|21 lieu à de sa vailles controverses, semblables à celles qui ont été rapportées dans le compte rendu de la séance du 1 Zi , à l’occa¬ sion du grès de Faimont, situé dans la vallée du Val d’Ajol. Quel que soit le terrain auquel cette roche doive être rappor¬ tée, elle présente bien tous les caractères d’un grés, mais ce grés a subi de notables modifications et on peut très bien lui appliquer la dénomination NArkose. On remarque en effet qu’il est formé de grains de quartz réu¬ nis par un ciment verdâtre ou blanchâtre à la partie inférieure, et d’un rouge d’oxyde de fer à la partie supérieure ; à différen¬ tes hauteurs dans la colline, on observe en outre des couches alternativement rougeâtres et verdâtres d’argile rubanée, qui par sa structure ainsi que par sa compacité , porte comme le grès des traces de modifications : sa teneur en eau n’est que de 2 0/0 * comme elle est toujours beaucoup plus grande dans les argiles à l’etat ordinaire, le métamorphisme de l’argile doit avoir été accompagné d’une élévation de température. Des cristaux de feldspath se sont développés dans le grés, surtout à sa partie inférieure, et ils forment comme un ciment réunissant très fortement ses diverses parties , en sorte qu’au premier abord ce grès ressemble complètement à une roche granitoïde. L’analyse de cristaux de ce feldspath extraits d’un échantillon d’arkose , pris à la partie inférieure de la colline de la Poirie, adonné silice 6/i, 57, — alumine avec traces d’oxyde de fer 18,98, — protoxyde de manganèse , traces , — chaux 0,58 , — magnésie 0,30, — potasse 12,69, — soude 1,59, somme totale =98,71. Ce feldspath est donc de Yorthose ayant une composition identique à celui des granités, et par conséquent on est conduit à ce résultat très important relativement à l'origine métamorphique des roches granitoïde s , que le feld¬ spath orthose peut se développer dans des grès qui se trouve¬ raient dans des circonstances géologiques telles que celles qui ont donné lieu à la formation de l’arkose (1). L’arkose de la Poirie est d’ailleurs traversé par de nom- (1) Voir, pour de plus amples détails, Bibliothèque universelle de Genève (mars 1848). — Notice sur les caractères de l’arkose dans les Vosges , par M. Delesse. 1422 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, breux liions de quartz, qui dans certaines parties ont en quel¬ que sorte imbibé toute la roche de silice , et avec lesquels on observe du sulfate de baryte crêté d’une couleur blanche ou rosée, du 1er oligiste, de la chaux iluatée ou des empreintes de cristaux détruits qui lui appartiennent^ ces minéraux tapis¬ sent des fissures ou les parois de liions qui pénètrent la roche dans tous les sens sans avoir une direction déterminée. A mesure qu’on s’élève sur la colline de la Poirie, les ca¬ ractères de l’arkose se perdent peu à peu, les cristaux d’or- those, qui deviennent de plus en plus rares , finissent peu à peu par disparaître et bientôt on n’a plus qu’un grés ordinaire qui est le grès rouge auquel succède le grès vosgien. En se dirigeant sur la grande route, la Société a observé plusieurs massifs de granité commun qui s’élèvent au-dessus des attérissements de la vallée de la Moselle • c’est sur ce même granité que s’appuie le terrain d’arkose de la Poirie. En allant de Rupt au lac de Fondromé, la Société observe principalement la variété de granité, dite granité porphyroïde des Vosges , ce granité présente des cristaux d’orihose blanc mâelé comme celui de la svénite, de l’andesite rouge qui est inàclé à la manière de l’albile, une assez grande quantité de mica qui lui donne une couleur foncée et l’aspect bien porphy- roïde, parce que les cristaux blancs de l’orihose se détachent d’une manière très nette de la masse ^ ce granité contient aussi des cristaux allongés et vert noirâtres d’amphibole hornblende , surtout en approchant de Fondromé. A droite du lac de Fondromé , la Société observe plusieurs variétés de leptynite bien caractérisé et ressemblant à plusieurs de celles qui ont été observées près du Tholy. Sur la gauche du lac, au contraire, on trouve une diorite schistoïde avec oélit, qui est très sonore et très résistante sous le marteau*, cette variété de diorite qui est au contact du lep¬ tynite, ne se fond cependant pas avec lui , et il n’est pas rare de trouver des échantillons où la séparation des deux roches est tracée par une ligne assez nette \ elle a la couleur verte foncée de la hornblende, et on n’y observe qu’accidentellement quel¬ ques cristaux d’un feldpath du 6e système -, mais un peu plus loin , la diorite est bien granitoïde, et les cristaux de hornblende DU 10 AIT 23 SEPTEMBRE 18/l7. 1/|23 et de feldspath sont complètement séparés : la diorite présente en outre dans des druses des cristaux très nets d’albite. Au sommet du bassin dans lequel est situé le lac de Fon- dromé, on rencontre, sur le chemin qui conduit à la Beuiile, un gneiss noirâtre très micacé , qui est pénétré ça et là par le gra¬ nité porphyroïde. « M. Puton regarde la diorite schisloïde de Fondromé comme une roche métamorphique-, en voyant le gneiss tout près de là il n’hésite pas à la faire dépendre de cette formation. Ii dit que si ie sol était dépouillé des cultures et des prairies, on verrait probablement le passage se faire. Le gneiss a très peu de feld¬ spath, il est noir , très micacé } il est très fissile et sa cassure est unie^ quand on 1e compare a la roche dioritique de Fon¬ dromé , on lui reconnaît une grande similitude, abstraction faite de la couleur et de l’amphibole qui remplace le mica. M. Puton trouve dans les Vosges des faits qui ont une certaine analogie avec ce qui s’est passé ici : le gneiss avec graphite de Wisembach et de Sainte-Marie aux Mines où le graphite a pris la place du mica, et le gneiss talqueux de la cote d’Anouid où le talc et la stéaiite remplacent le mica. On voit aussi des roches delà grauwacke avec amphibole-, d’ailleurs n’a-t-on pas de nom¬ breux exemples de gneiss et de micaschistes avec d’autres sili¬ cates alumineux , tels que la tourmaline, le disthène, la stauro- tide, ies grenats, etc. » A la Beuiile, la Société a visité plusieurs carrières ouvertes dans une argilolithe appartenant au grés rouge et qui repose sur le granité porphyroïde -, cette argilolithe se rencontre dans plu¬ sieurs parties de la chaîne des Vosges et notamment à Ron- champ, dans la Haute-Saône , où elle recouvre le terrain houil- ler. Elle a une couleur rougeâtre et elle est parsemée de ta¬ ches blanchâtres ou verdâtres} elle présente des cavités de forme irrégulière et qui sont remplies par une substance verdâtre , très tendre, très onctueuse au toucher et qui doit être un hy- drosilicate d’alumine et de magnésie : quand cette substance a été enlevée par l’action atmosphérique, l’argilolithe est caver¬ neuse et elle prend l’aspect carié de la meulière. Elle est exploitée pour la construction des foyers réfractaires, sous le nom de pierre a four. 1424 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPiNAL , En se dirigeant vers la Croisette, on ne tarde pas à ren¬ contrer des affleurements de grès rouge recouverts par le grés vosgien. Dans la vallée de Lépange, sur le revers qui regarde la Beuille, un lambeau de terrain de transition est adossé contre le granité ; il est formé de schiste gris noirâtre , qui se divise en feuillets minces comme celui de Bussang avec lequel il a une certaine analogie ; il renferme des cristaux et des veines de chaux carbonatée et de fer oligiste. Belativement à ce terrain de transition, M. Jourdan fait ob¬ server, en réservant toutefois son avis définitif jusqu’à ce qu’il ait eu l’occasion de le voir et de l’étudier d’une manière plus complète , qu’il pourrait se faire que le terrain de transition des Vosges dût être rapporté au terrain du calcaire carbonifère, ainsi qu’il l’a démontré par l’étude paléonthologique des terrains de transition développés dans le Lyonnais. MM. Puton et de Billy objectent que jusqu’à présent on n’a trouvé dans le terrain de transition des Vosges aucune forma¬ tion calcaire qui puisse être rapportée au calcaire carbonifère. M. Delesse fait observer en outre , qu’à la mine de houille de Bonchamp, on a traversé à plusieurs reprises toute l’épaisseur du terrain houiller •"or il a été constaté que ce terrain , formé uni¬ quement de schistes micacés et de grès houillers , repose en stratification discordante sur le schiste de transition, et sans qu’il y ait aucune formation calcaire intermédiaire. M. Ch. Martins rend compte à la Société des observations recueillies dans ses courses du 15. Le mercredi 15, la Société s’est rendue à Bupt, dans la pro¬ priété de M. Forel, où elle a reconnu la roche moutonnée et striée décrite par M. Hogard. Les membres de la Société qui ont eu l’occasion de voir les roches striées des environs du Grimsel , en Suisse, ont été frappés de l’identité parfaite qui existe entre ces deux manifestations du même phénomène. De Bupt la Société s’est rendue au lac de Fondromé, lac barré par une ancienne moraine semi-circulaire, comme une haute digue qui en retient les eaux. Un large créneau donne issue au ruisseau actuel. Ce lac et cette moraine ont été l’objet d’un travail deM. Hogard (1840-1842). DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/|7. I A 2 5 Séance du 16 septembre 1847. PRÉSIDENCE DE M . IIOGARD. La séance est ouverte à deux heures, dans le salon de la mairie de Remiremont. M. Delesse , secrétaire , rend compte de l’excursion de la So¬ ciété à Ranfaing , qui a été de courte durée â cause du mauvais temps. La Société a observé à Ranfaing de belles carrières ouvertes dans une roche granitoïde grenue qui paraît devoir être rap¬ portée au leptynite ; le plus généralement elle a une couleur blanche-, quelquefois cependant elle est légèrement rosée ou maculée de vert ; elle est riche en quartz , qui semble y former de petits globules ; on y observe , en outre , des grenats rougeâtres ou brunâtres transparents, ou au moins translucides, qui sont parfaitement caractérisés-, quelquefois aussi il y a de la pinite , et alors les grenats qui sont brunâtres ont plusieurs millimètres de diamètre; dans quelques échantillons exception¬ nels , la roche est même presque entièrement formée de pinite el de grenats : cette pinite est verte et nettement cristallisée-, elle se décompose par l’action de l’air; elle devient alors jaune brunâtre, et la variété de la roche dans laquelle elle se trouve se désagrégé avec beaucoup de facilité. Le leptynite passe d’ailleurs à un gneiss formé de quartz , de feldspath rose très abondant et de mica vert. A Ranfaing, comme sur la route du Tboly, on peut observer le contact du granité avec le leptynite, au milieu duquel il a fait irruption d’une manière violente , et dont il empâte des fragments anguleux. Enfin il y a aussi de la diorite qui a tantôt la structure por- phyroïde et tantôt la structure gneissique. Dans les mêmes carrières, la Société a vu encore plusieurs filons d’eurite compacte ayant une largeur de 1 à 2 mètres, dont la direction moyenne est de N. 265° à 270° E., et dont le pendage, dirigé à peu près du S. vers le N., est de 70°. Cette eurite a une pâte feldspathique brun rougeâtre parsemée d’un peu de mica ; on y remarque des lamelles de carbonate de chaux, et des taches vert foncé à aspect pailleté et â contours mal dé- ,9o r. géol. , 2e série, tome IV. 90 U26 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , finis, qui paraissent être produites par de la chlorite à base de fer, ou par du ripidolithe. Cette roche a été appelée par les géologues des Vosges : Eurite tigrée. De retour a Remiremont , la Société s’est rendue chez M. Puton, où elle a consacre quelques instants à l’examen de ses collections minéralogiques et géologiques des montagnes des Vosges. M. Collomb, secrétaire, résume à son tour les observations recueillies dans la journée. Le 16 , une pluie diluvienne n’a pas permis à la Société de faire des courses un peu longues, cependant quelques membres se sont transportés à h kilomètres en aval de Remiremont , sur la route d Epinal, pour examiner la grande moraine terminale de l’ancien glacier de la Moselle. Celte moraine correspond à l’époque de la plus grande extension des anciens glaciers; elle est située à ZiO kilomètres des sommets du Hohenuk et du Dru- mont, qui envoyaient les matériaux arrachés de leurs flancs jusqu’au talus terminal , h Longuet , comme nous vêtions de le dire, à Ix kilomètres en aval de Remiremont. Cette moraine barre la vallée transversalement sur une ligne de 200 mètres environ; elle forme une série d’ondulations, de petits monti¬ cules allongés, dont l’axe principal est perpendiculaire à Taxe de la vallée de la Moselle ; elle a 80 mètres de hauteur verticale au-dessus du lit de la Moselle. Les matériaux accumulés sur ce point sont entassés sans ordre, sans triage, selon le Volume; les sables , les graviers et les gros blocs sont confondus dans le même amas. Les blocs et les galets sont presque tous arrondis et usés, cependant quelques uns d’entre eux ont conservé la vivacité de leurs angles. Quant à la nature pétrogrâphiquè des matériaux, on trouve sur cette moraine des échantillons nom¬ breux des roches qui font partie du bassin supérieur. Néan¬ moins, MM. Ch. Martins, Hogard et Collomb ont fait remar¬ quer que les roches provenant des points les plus éloignés de ce bassin , les schistes de Bussang et les syénites du Ballon man¬ quaient, ou du moins y étaient fort rares. Cette absence de roches qui devraient se trouver sur la moraine terminale infé¬ rieure du grand glacier, d’après les lois connues du môuvême nt DU 10 AU 23 SEPTEMBRE !S/j7. 1/|37 des matériaux à la surface d’une mer de glace, n’est pas une exception particulière à la moraine dont il est question ; elle se remarque sur presque toutes les moraines inférieures des grandes vallées des \ osges. Ce fait s’explique en admettant qu’ù une époque de grande extension les glaces u’eucombraient pas seulement le tond des vallées, mais qu elles couvraient tous les sommets élevés de la chaîne. Si les glaces formaient une calotte par-dessus tous les ballons (1) , il est évident que les moraines superficielles devaient être à peu près nulles. Dans l’état actuel des choses , sur les principaux glaciers des hautes régions de la Suisse , on en remarque quelques uns dont la sur¬ face est presque en entier couverte de débris de roches, qui s’allongent, s’étalent et se tassent vers les talus terminaux. Ces glaciers sont dominés par des pics abruptes de 1,000 métrés d’élévation, et quelquefois au delà 5 ces pics sont en général formés de roches granitiques ou schisteuses, qui se détachent en fragments et se séparent facilement de la masse principale. C’est ainsi que les moraines superficielles se trouvent abondam¬ ment pourvues de matériaux. Mais si, par hypothèse, nous supprimons les pics abruptes ,» et que nous les remplacions par un système de montagnes aux formes arrondies et moutonnées , par les ballons des Vosges , et que, par-dessus ces ballons, nous construisions une calotte de glace correspondant à une époque de grande extension de nos anciens glaciers , nous aurons pour résultat d’un système pareil des moraines superficielles tout à fait nulles à l'origine du gla¬ cier -, elles ne commenceront à se montrer à la surface qu’à la distance de plusieurs kilomètres en aval , et elles ne seront alimentées que par les matériaux arrachés par le glacier sur son fond et sur ses flancs -, les débris provenant des points culmi¬ nants de la chaîne seront rares sur les moraines frontales infé- (1) L’hypothèse d’une calotte de glace couvrant les points culmi¬ nants d’une chaîne n'est pas si loin de la réalité qu’on pourrait le sup¬ poser; il existe dans les Alpes des exemples pareils. En 1844, MM. Agassiz, Desor et Dollfus, ayant entrepris l’ascension du Galens- tock, pic situé en amont du glacier du Rhône, éprouvèrent les plus grandes difficultés pour arriver au sommet; le pic supérieur était en entier couvert de glace, non point de névé durci, mais de véritable glace des glaciers. 1.42$ HÉLMON EXTRAORDINAIRE A ÉPI N AL , rieures. Ainsi s’explique l’absence de fragments de syénite du ballon, et de schistes de Bussang qu’on remarque parmi les dé¬ bris de roches delà moraine de Longuet. Une autre conséquence à tirer de cette extension des anciens glaciers par-dessus les sommets élevés de la chaîne des Vosges, et du mode d’alimentation des moraines superficielles à cette époque, est relative à la forme des matériaux. Sur la moraine de Longuet presque tous les débris sont arrondis et usés, les blocs d’un fort échantillon manquent, ceux mêmes mesurant un mètre cube y sont rares, et ceux dont les angles ont con¬ servé leur vivacité y sont distribués avec parcimonie. La grande masse des débris se compose de sable et de galets quartzeux, provenant de la désagrégation des roches cristallines, et surtout du grés vosgien. Si l’on compare cette moraine avec celles en activité de la Suisse , qui sont formées presque en entier de matériaux anguleux, on est frappé de la différence, et l'on se¬ rait tenté de donner à nos moraines vosgiennes une origine di- luvienne. — Mais si l'on prend en considération le moyen de transport employé par la nature; si, avant d’arriver au point de débarquement où nous les retrouvons aujourd’hui, ces débris ont effectué leur voyage en partie emprisonnés dans l'intérieur des masses déglacé, et ensuite seulement à la surface du gla¬ cier, on comprendra que, pendant toute la première période, ils auront été broyés et usés, et n’arriveront au terme de leur course que réduits à l’état de sable , ou fortement écornés et usés. Un autre caractère négatif de cette moraine, et qu'il n’est pas inutile de signaler, parce qu'il s'applique à la plupart des dépôts erratiques du versant occidental des Vosges, consiste dans l'absence complète de galets rayés; on en chercherait en vain à la moraine de Longuet : on y trouve des galets quartzeux couverts encore d’une poussière impalpable entremêlée de grains de sable, qui n’est autre chose que la houe du glacier, mais de rayés ou striés, point. M. Collomb, qui s’est occupé en 1846 de la distribution des galets rayés dans les dépôts erratiques, et qui a fait à cet égard des recherches comparatives en Suisse et dans les Vosges, est arrivé à cette conclusion : que les galets ne conservent le trait de burin imprimé sur leur surface que 1)U lu AO 23 SKFTJiMBKE ISA/. 3 A2U lorsque le galet est formé de roche dont le degré de dureté est tel qu’il se laisse facilement entamer. « Pour que le galet se » couvre de stries, il faut nécessairement admettre dans le ter- » rain erratique l’existence simultanée de deux roches d’un » degré de dureté différent : l'une faisant l’office de burin, et » l’autre assez tendre pour recevoir l’empreinte (1). » Ainsi donc, si dans les dépôts erratiques du versant occiden¬ tal on ne rencontre pas de galets rayés, ce fait provient de ce que la roche de sédiment est fort rare dans les bassins supé¬ rieurs, saufle grès vosgien et le grès bigarré , qui se rencon¬ trent en masses considérables dans les environs de Remiremont, mais qui ont été désagrégés et non rayés par le mouvement des anciens glaciers ; les massifs se composent de granité, de gra- nite porphyroïde, de syénite, de différentes variétés de por¬ phyres, d’eurites, de serpentines, etc., toutes roches trop dures, trop compactes pour que les galets qui en proviennent aient été susceptibles de recevoir des empreintes burinées. MM. Schimper, conservateur du Musée d’histoire naturelle de Strasbourg, et Antoine Mougeot, docteur en médecine à Bruyères , font hommage à la Société de leur Monographie des plantes fossiles du grès bigarré de la chaîne des Vosges , 3 parties in-A, avec AO planches imprimées en couleur, 18AA. M. Tocquaine, pharmacien , fabricant de produits chimiques à Remiremont, offre à la Société des échantillons de sulfate et de citrate de magnésie, ainsi que de magnésie blanche, prépa¬ rés avec la magnésie extraite de la serpentine des Vosges. La Société entend ensuite la lecture des Mémoires suivants : 1° Note sur quelques fossiles nouveaux , rares ou déterminés d'une manière incertaine , de la formation du trias de la chaîne des Vosges , par M. le docteur Antoine Mougeot. / égétaux fossiles. — Depuis la publication de la Monographie des plantes fossiles du grès bigarré de la chaîne des Vosges dont (\) Preuves de V existence d’anciens glaciers dans les vallées des V'nsges , par E. Collomb , p. 23. 1847. In»S. 1/foO RÉUJUON EXTRAORDINAIRE A Ê FINAL , noiis avons l’honneur d’offrir un exemplaire à la Société géolo¬ gique, nous n’avons rencontré dqns pe terrain aucune fronde nou¬ velle de fougères, dont le nombre reste fixé à neuf espèces, propor¬ tion considérable et presque moitié de la totalité des végétaux actuellement déterminés dans le grès bigarré; mais on a découvert à la partie supérieure du muschelkalk de Sainte-Anne , près Lu¬ néville, dans un calcaire sableux voisin du keuper , des empreintes végétales que M. Perrin , investigateur si zélé des environs de cette ville, a eu l’obligeance de nous communiquer, et parmi les¬ quelles nous avons eu le plus grand plaisir à reconnaître une espèce nouvelle de Névroptéris que nous lui dédions. Le Névroptéris Perrini est tout à fait distinct du N. Gaillardoti du même terrain ; sa fronde est bipennée ; et à en juger par la longueur des pennes, elle devait avoir des dimensions assez consi¬ dérables. Les pennes sont alternes, insérées obliquement sur le rachis et légèrement arquées, les pénulessont opposées, imbriquées, de forme arrondie et très courtes ; la nervure médiane se divise de suite en un grand nombre de nervules dichotomes bien marquées. Zoopkftes. — Les débris fossiles de zoopliytes, si communs dans les groupes du terrain jurassique et crétacé, le sont beaucoup moins dans le sol primaire et secondaire inférieur ; pour le muschelkalk particulièrement on n’avait jusqu’alors que des notions très vagues sur les restes d’animaux. De La Bêche énumère dans son Catalogue un Astre a pediculata du muschelkalk sans indication de localité; depuis il a été reconnu que cette espèce appartenait à la craie; M. Boué, un lithodendron très rare dans le calcaire coquillier du Vicentin. C’est dans ces dernières années seulement que MM. Perrin, de Lunéville, et d Arehiae, ayant fait voir à M. Michelin deux fragments de poly¬ piers , il a pu les figurer et décrire dans son bel ouvrage sous le nom de Spongia triasiuca et Snrcinula Archiaci. Ces deux espèces et Yistrea polygonalis sont les seuls représentants de ce groupe cl’animaux inférieurs dans la formation triasique. Une nouvelle espèce de sarcinule a été découverte à Girecourt (Vosges) l’an dernier ; elle diffère notablement de celle de Magnères (Meurthe). Elle se présente sous la forme d’une masse rétéporée, à tubes rapprochés , étroits , divergents , entrecoupés par des diaphragmes qui forment avec les rayons des cellules d’un milli¬ mètre et demi environ de longueur sur un millimètre de largeur, ayant beaucoup d’analogie avec les mailles d’un réseau , d’où le nom de Sarcinuia rcticulata que nous pensons lui convenir. Chaque diaphragme, qu’il est difficile d’étudier dans l’échantillon que nous DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847 . 1431 possédons , est perforé de quatre ouvertures allongées et s’entre¬ coupant crucialement. Une autre espèce de zoophyte du genre Turbinolia a aussi été rencontrée en 1846, à Rehainvillers, près Lunéville, dans le mus- chelkalk, par iVl. Lebrun. Cette espèce est petite , de l'orme conique , marquée de douze stries longitudinales profondes, la base en est circulaire. Le zèle que ce jeune géologue déploie nous engage à la lui dédier sous le nom de Turbinolia Lebrun iana. Radiaires. — Dans la classe des Radiaires, nous avons décrit et figuré dans le troisième cahier des Annales de la Société d'ému¬ lation des Vosges (1842) une nouvelle espèce d’opliiure , genre de radiaire échinoderme dont nous n’avons pu retrouver de nou¬ veaux individus. Les deux espèces connues dans le musehelkalk sont figurées dans Goldfuss, et proviennent du Wurtemberg et du grand-duché de Bade. Celle que nous avons trouvée à Padoux ( Vosges ) a quelque analogie avec Y Ophiura loricata . mais elle en diffère par la forme des écailles latérales, la disposition des pièces intercalées à la partie inférieure du corps entre ces écailles , et surtout par la lon¬ gueur des bras, qui sont grêles , aplatis , subulés , au lieu d’être arrondis et larges à la base , lancéolés en un mot, comme dans Y Ophiura loricata . Nous avons désigné cette espèce nouvelle sous le nom d Ophiura vogesiaca . Mollusques. ■ — Parmi les mollusques, le genre Ü>tn:a présente de grandes difficultés de détermination spécifique, à raison de l’ir¬ régularité du test ; cependant après Y Ostrea dijfor/nis, commun dans toute la formation , je citerai 1 Ustrça decenicostata ( Münster ) , dans le gré bigarré de Ruaux , et le niult'uostula (Munster), dans le musehelkalk de Dampierre (Vosges). Pecten. — Dans la première division du genre Peeten ( ceux dont les tests sont striés ) , nous avons rencontré deux espèces qui nous semblent nouvelles L’une, provenant du gré bigarré de Fon¬ tenay , offre des stries divergentes, du sommet à la base, très peu prononcées et très fines ; ce qui la rapproche beaucoup du Pecten tenais tri a tus de Munster , coquille appartenant au lias. Cette circonstance et quelque différence dans la forme générale, qui est oblique , nous déterminent à la désigner sous le nom de Pecten obliquas. L’autre , se trouvant c .ommimément dans le calcaire eoquillier de Dompierre et Padoux (Vosges), présente des lignes concentriques depuis les crochets jusqu’aiixdiords , et quoique la ■1432 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A É PIN AL , forme soit à peu près la même que celle du Pccten discites, le ca¬ ractère est tellement tranché, qu’il ne peut laisser aucun doute sur la différence. Nous pioposons de le désigner sous le nom de Pecten cou ce n tri cas . Spondylus . — L’espèce désignée actuellement par Goldfuss sous le nom de Spondylus comtes est généralement confondue avec Y Ostrnli tes spondyloides de Schlotlieim ; des échantillons pourvus de tous les caractères génériques déterminèrent Goldfuss à la ranger dans le genre Spondyle. Les individus jeunes de cette co¬ quille n’ont que des oreillettes rudimentaires ; le bord marginal delà valve droite seulement est garni d’épines qui sont ordinaire¬ ment détruites à cause de leur fragilité. Le Spondylus comtes est assez commun dans le grès bigarré supérieur de Ru aux. Avicula .- — L ' Avicula acuta est une espèce propre jusqu’à présent au grès bigarré ; c’est le Gervilia acuta de Sowerby. L identité de ces deux espèces ne me semble pas très bien démontrée. En effet, le caractère spécifique de cette dernière , A la antica acuta , n’est pas exact pour l’espèce du grès bigarré; l’aile antérieure est plutôt tronquée et recourbée que pointue : il s’ensuivrait qu’il faudrait plutôt en faire une espèce particulière ou au moins une variété truncata. L’ Avicula Bronii est commune dans toute la formation , dans les couches argileuses et posidonies de Soultz-les-Bains et de Ruaux , comme dans les grès supérieurs. 11 ne faut pas la con¬ fondre avec l’ Avicula Alberti (Münster) , dont le test est lancéolé très oblique , et l’aile postérieure obtuse , tandis que celle de Y A- vicula Bronii forme un angle droit. Cette dernière espèce présente trois variétés de forme bien distinctes. L’une , la plus commune , est presque lisse ou à peine striée de lignes concentriques ; la seconde est striée plus profondément , les côtes saillantes sont es¬ pacées par des intervalles plus que doubles ; dans la troisième va¬ riété , l’aile antérieure est toujours aiguë, mais la postérieure est très grande et falci forme. L 'Avicula crispata de Goldfuss est plus rare que la précédente, et propre jusqu’à présent au musclielkalk ; l'aile antérieure est plus droite que dans X Avicula Bronii, et les lignes concentriques , éloignées l’une de l’autre , comme dans la variété de l’espèce pré¬ cédente, présentent des ondulations régulières ; dans une variété jeune de cette espèce, qui n’est pas figurée dans Goldfuss, il existe des côtes rayonnantes très prononcées et des lignes concentriques, dont les ondulations correspondent aux côtes. Cette variété devrait être regardée comme l’espèce type, et la figure de Goldfuss , 1)U 10 AU 23 SEPTEMBRE i 8/] 7. 1435 « comme la variété. 11 est, en effet , évident que les l’estons des lignes concentriques 11e sont que le résultat du passage de ces lignes sur des cotes saillantes qui ont disparu dans l’espèce figurée dans Goldfuss. 1 ne autre espèce cl avicule , qui ressemble exactement à Y Avi- cula elegans (Munster) de l’oolithe ferrugineuse, et des grès du lias de Bantz , se rencontre aussi , mais rarement , dans le grès bigarré. Nous 11’osons nous prononcer sur cette singulière anoma¬ lie ; toutefois , nous ferons observer que le grès de Bantz n'est pas bien caractérisé comme appartenant au lias , et qu’il pourrait dépendre du keuper , ce qui expliquerait alors la présence de cette coquille dans le grès bigarré. Area. — 11 existe, à l’égard de Y Area inœquivahis , une incerti¬ tude de position analogue à celle de l’espèce précédente. Mention¬ née par M. Boué comme appartenant au musclielkalk , indiquée par Goldfuss , seulement dans les marnes du lias à Bretzfeld , et aux environs de Gœppingue , elle a été rencontrée par MM. Gui- bal et Lebrun dans le musclielkalk de la Meurthe , sous forme de moules indéterminables. L’échantillon que je dois à l’obligeance de M. Perrin , de Lunéville, provient aussi du calcaire coquillier de Sainte-Anne ; il est complet et bien caractérisé , et me semble trancher la question. Nucula. — On trouve fréquemment dans les marnes du mus- chelkalk de Dompierre (Vosges) plusieurs moules de nucule dont la détermination spécifique et très difficile ; cependant nous avons reconnu plusieurs formes assez distinctes pour les rapporter aux espèces suivantes : Nucula incrassata , Münster. — elliptica , Goldfuss. — line ata , id. Ljrodon. — Aux deux espèces de Ljrodon , vulgare et c ur vi¬ res tre , indiquées dans la liste des fossiles du grès bigarré , il faut ajouter les suivantes : Ljrodon orbiculare , très commun ; Lyrodon ovatum et lœviga- tum , dans le grès bigarré de Fontenay et Aydoiles. Isocardia. — Assez rare en espèces fossiles ; on en cite cependant dans le calcaire primaire , et un certain nombre dans le calcaire jurassique , mais pas dans le trias. Le moule que vous avez sous les yeux provient du musclielkalk de Gi recourt ; c’est bien celui d’une isocarde. La coquille est ventrue , cordiforme ; les crochets sont distants un RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, et retournés sur eux-mêm es. jNous lui donnerons le nom de tria- siaca qui indique son origine. Myacites. — Parmi les es])èces non déterminées du genre Mya- cites , qui se rencontrent très fréquemment dans le trias du sys¬ tème des Vosges, nous avons reconnu les Myacites veutricosus , musculoides , radiatus ; entin une espèce nouvelle beaucoup plus allongée et plus étroite que l 'elongatus, que nous désignerons sous le nom de Myacites an gus ta tus , assez commune dans le grès bi¬ garré à JDomptail et à Rembervillers et Aydoiles. A la suite de cette communication, M. Michelin fait observer que c'est à tort que, dans la première livraison de Y Iconogra¬ phie zoophytologique , il a désigné sous le nom de Sarcinulci Arckiaci une véritable styline. Après avoir exposé suivant lui les distinctions caractéristiques des deux genres, il pense que la nouvelle espèce décrite par M. Antoine Mougeot devra égale¬ ment rentrer dans celui de la stvline, et serait alors nommée t * Stylina reticulata , A. Mougeot. M. Levallois, ingénieur en chef des mines, donne lecture d'une Aotice très intéressante sur des roches d'origine ignée [arec talc et fer oxydulè ) qu'il a observées à la cote de Thelod . arrondissement de Nancy (jSieurthe) , et il met plusieurs échan¬ tillons de ces roches sous les veux de la Société. — Au-dessus «J d’un grés calcaire basique, avec Ammonites spinatus (Brug), qui se trouve aux deux tiers de la côte de Thelod, M. Levallois a reconnu la présence d'une roche se divisant en fragments pseudo- réguliers d’un gris à reflet verdâtre prononcé , qui est tenace , et qui résonne sous le marteau \ celte roche est un calcaire plus ou moins argileux appartenant à la marne supra- basique, qui a été métamorphisée , et qui contient des lamelles de talc. - — D’autres échantillons de la même localité paraissant tenir de près à la cause métamorphisante présentent, outre le talc, du mica, du fer oxydulé, du peroxyde de fer, etc., et M. Levallois a reconnu qu'ils sont naturellement mngnéti-polaires . — Ces roches forment comme un îlot au milieu de la marne supra- basique, mais nulle part on ne x oit paraître la roche éruptive qui a produit ce phénomène remarquable de métamorphisme. (Voir pour plus de détails la notice de M. Levallois. Nancy, LS/|7. Grimblot, imprimeur-libraire, place Stanislas, n° 7. l)ü 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/l7. 1435 M. Delesse (ait une communication sur un Mémoire ayant pour titre : Procède mécanique pour déterminer la composition des roches (1). En appliquant le procédé décrit par l’auteur à diverses roches, on trouve qu’en représentant par 100 leur \olume , ona pour les proportions en volume de leurs minéraux constituants : (1) Granité rouge d'Egypte. Orthose rouge . 45 Qligoclase blauc . 9 Quartz . 44 Mica noir . 4 (2) Granité porphyr oïde et syénilique de Rvpt. Orthose blanc. . . . Andésite vert d’huile 31 | Quartz gris , hornblende et mica 13 noirâtre . 56 (3; Granité un peu porphyroïde du Tholy ( Vosges \ — (4) Variété grenue de (3,. — (5) Granité porphyroïde des Vosges. Orthose blanc. . . . Andésite rougeâtre (3:1(4) (5) 45 »... 28 2 40 7 3 4) Quartz gris . 55 Mica . 2 (5) 60 5 6) Granité porphyroïde des Vosges (autre variété,. Orthose blanc. . . Andésite rougeâtre U o Quartz formant pâte avec les deui feldspaths et uu peu de mica. ... 80 Mica . 4 (7) Syénite du Ballon d’Alsace à andésite blanche *. («) (à) (*) rw (a) Orthose lauve . 17 IX 20 20 Hornblende vert noirâtre et Andésite blanc jaunâtre . . 34 56 50 54 très peu de mica. . . . { ,q Quartz gris . ] (4)1(0 (O 16 30 8; Sycnite du Ballon d’Alsace à andésite rouge. Orthose lauve brunâtre . Andésite rouge corail . (a) (b) 30 24 Hornblende vert noirâtre avec un 52 50 peu de mica . . 10 Quartz gris . (9 Diorile à gros grain. Oligoclase blanc avec uu peu de quartz. 62 jj Hornblende verte . . 48 (10; Diorile orbiculaire de Corse. Feldspath vosgite . 84 Hornblende . . 16 (U) Porphyre quartzifère des Vosges. Orthose blrmc . Il Pâte feldspatbique et quartzeuse blanc Quartz cristallisé . 15 jaunâtre . 75 jj Pinite et mica . 3 (I) Annales des Mines , 1848, 4e série, t. XIII, p. 379. (*■ Le= lettres a , b, e désignent les variétés d'une même roche; [a) , (à) indiquent les résultats obtenus sur deux faces parallèles d'un même échantillon poli ; ils ne diffèrent le plus généralement entre eux que de quelques centièmes, ainsi que j’ai pu le constater par plusieurs expériences. im REUNION EXTRAORDINAIRE A EPINAL , (12) Porphyre rouge antique. Oligoclasc rosfi . II Amphibole . 2 Pâte rouge marron . 87 (l.*>) Mélaphyre de la goutte des forges à Giromagny. I Labrador blanc verdâtre . 55 Amygdaloïdei calcaires . 3 Pâte sombre violacée . 62 (U) Porphyre vert antique. (a) analysé. — (i/)*variété de (a). — (c) variété de (a) riche eu labrador. Labrador verdâtre. foJlMlM . . 43 1 43 J 54 Pâte verte 57 j 58 | 46 M. Debsse ajoute que, le pins généralement, les proportions des divers minéraux qui se trouvent dans une roche oilicrenl assez notablement de ceile qu’on serait porté à ad- me'ti e à prioi i d’après sou inspection ; les différences tiennent à des effets très variés, pro¬ duits par le contraste des couleurs propres aux minéraux , et aussi au mode de re'i>arlilion de ces dernières dans la roche. M. Delesse fait remai quer à ce sujet qu’un minéral ayant une couleur éclatante comme le mica, et qui présente, comme lui, une multitude de cristaux toujours très petits , répandus dans la masse de la roche de laquelle ils se déta¬ chent très nettement, se trouve toujours en propoition beaucoup moins grande qu’on no serait tenté de l'admettre d'après l’aspect de la roche. À cinq heures, la Société s’est rendue à un grand banquet qui lui a été offert par la ville de Remiremont, dans le grand salon du palais abbatial , et auquel assistaient M. le maire et le corps municipal. Séance du 17 septembre 1847. PRÉSIDENCE DE M. HOGARD. La séance est ouverte à sept heures du soir à Gérardmer. M. Delesse, secrétaire, rend compte de l’excursion de la journée. En quittant Remiremont , et jusqu’à Vagney, la Société ren¬ contre d’abord quelques variétés de granité commun-, mais à partir du Sapois elle peut surtout observer, à plusieurs reprises, une roche à laquelle les géologues des Vosges ont donné le nom ééeurite porphyroïde , qui se trouve en place à la côte du Sapois, au saut du Bouchot, à Rochesson , à la roche des Ducs, dans la vallée des Truelles, et en descendant vers Gérardmer. Cette roche a la structure porphyrique la mieux caractérisée. Sa pâte est noire, grise, brune ou rougeâtre-, elle est feldspa- thique, et elle contient des paillettes de mica noir ou brun foncé en proportions très variables. Quelle que soit la couleur de cette pâte, de grands cristaux d’orthose d’un blanc de lait s’en déta¬ chent toujours d’une manière très nette \ ces cristaux sont ma- clés comme le sont le plus souvent les cristaux d’orthose dans les roches granitnïdes , et leur macle est formée de la même ma- DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 18/i7. 1/437 nière que celle de l’orthose de la syénite (1) ; seulement les axes des deux demi-cristaux ne se confondent pas en un seul , mais sont parallèles , ce qui donne lieu à des angles rentrants dans la cassure sous le marteau. Il y a en outre, mais accidentellement, des cristaux d’un feldspath verdâtre ou rougeâtre maclé à la manière des feldspaths du sixième système cristallin , et qui ne paraît pas différent de celui qui se présente avec les mêmes caractères dans le granité porphyroïde des Vosges. Ces eurites porpliyroïdes peuvent contenir du quartz, qu’on observe surtout dans les variétés à pâte grisâtre -, ce sont alors de véritables porphyres quart zif ères . On y trouve aussi quel¬ quefois de l’amphibole hornblende. Toutes ces roches forment dahs le granité encaissant, qui s’étend depuis Sapois jusqu’à Gérardmer, des filons séparés du granité d’une manière très nette : la direction d’un filon du Coucbetat (vallée des Truches), qui avait lm, 60 de puissance, a été trouvée de N. 105° E. Ainsi que l’a fait remarquer M. Le- vallois, leur puissance peut se réduire à quelques centimètres pour des ramifications à proximité d’autres filons - généralement elle est d’un mètre ou de plusieurs mètres-, cependant, au saut du Bouchot et à la roche des Ducs , leur puissance est beau¬ coup plus grande, et elle va jusqu’à 15 mètres, comme le font observer les auteurs de l’Explication de la carte géologique de France. Au haut des Truches, à l’Urson, la Société rencontre un filon d’ eurite micacée à pâte rose feldspathique, et renfermant quelques cristaux d’orthose avec de grands cristaux de mica brun noirâtre , sa puissance est environ de h mètres -, sa direction est à peu près N. 20° E., et son pendage de 75° de l’E. vers l’O. Un peu au delà on trouve un dépôt tourbeux qui paraît oc¬ cuper l’emplacement d’un ancien lac; cette tourbe, qui dans sa partie inférieure est d’assez bonne qualité, est exploitée sur une épaisseur de 1 à 2 mètres. La Société s’est portée au bas du Fény, à la ferme de la Breuchotte, pour visiter une roche assez anormale ; cette roche, (1) Voir Annales des mines , t. XIII, p, 667. 4 848. 1438 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÊPINAL , qui contient quelquefois des fragments de granité et des noyaux argileux verdâtres, qui tantôt est rubanée et tantôt parsemée de petites cavités irrégulières, a paru dépendre de la formation du grès rouge, et présenter de l’analogie avec les roches argi¬ leuses de Faymont et de la Poirie. Elle est fortement redressée , et elle est enclavée dans le granité. « M. Puton pense qu’il est hasardeux de se prononcer sur l’origine de cette roche avant d’en connaître la composition , elle lui paraît être autant feldspathique que siliceuse, et la manière dont elle se présente lui donne tout l’aspect d’une roche d’épan¬ chement en filon ou en massif dans le granité. Rien n’indique lâ une roche sédimentaire modifiée. Seraient-ce les fragments de granité? Mais on sait que les roches d’épanchement peuvent entraîner des débris de la roche encaissante. M. Puton ajoute que si le grès rouge se trouvait dans le voisinage, de manière â lui rattacher cette roche problématique , on serait en devoir de la rapporter à ce terrain -, mais il n’existe ni dans la vallée de Gérardmer ni dans les vallées adjacentes. » M. Hogard a indiqué sur ses cartes géologiques de 1845 et 1846 le lambeau de terrain dont il s’agit comme appartenant au grès rouge, et à l’égard de la dernière observation de M. Puton il fait remarquer quil existe plusieurs lambeaux du même ter¬ rain dans le voisinage, notamment dans la forêt du Haut-Poirot, lieu dit aux Bloquées, â la Neuve-Roche, commune de Sa- pois, etc. Les blocs erratiques des anagénites du grès rouge répandus à Rochesson feraient présumer que celte formation s’étendait sur quelques unes des cimes dominant cette vallée-, et, selon toute probabilité, ces lambeaux isolés aujourd’hui se rattacheraient à la formation du grès rouge comprise entre Dommartin et Corcieux , points dont ils sont à peu près égale¬ ment éloignés. A Gérardmer, M. Hogard a rendu compte de la partie de la course relative aux phénomènes erratiques. Il s’est attaché à démontrer et à faire sentir les différences qui existent entre les terrains de comblement des vallées des Vosges et les amas de débris transportés par les glaciers. — Moraines stratifiées. — Il a fait remarquer que les moraines présentaient fréquemment dans leur intérieur des traces de stratification 1439 DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. grossière. Ce fait, signalé par M. de Charpentier dans le bassin du Rhône, se représente quelquefois dans les moraines que la Société a été appelée à visiter dans les Vosges. L’explication qui en a été donnée est le résultat des observations faites sur les glaciers en activité, appliquées aux dépôts erratiques anciens. Ainsi , dans la saison chaude , la surface des glaciers est sillonnée de ruisseaux et de ruisselets provenant de la fonte superficielle : le glacier est en même temps couvert de particules innombra¬ bles de sable et de gravier. Ces petits cours d’eau , en circulant suivant la pente générale du glacier, entraînent les sables qu’ils rencontrent sur leur passage ^ il les rassemblent, les accumulent sur certains points et finissent par les entraîner jusque sur la moraine terminale. Si ces cours d’eau ne changent pas trop brus¬ quement de direction et qu’ils persistent pendant une saison tout entière, ils accumulent une quantité suffisante de sable pour former une petite couche qui, étant ensuite couverte par les matériaux que le glacier apporte par son mouvement propre, donne lieu à l’origine d’une stratification grossière. Dans les matériaux des moraines il faut donc distinguer : 1° Ceux qui ont été transportés par le mouvement du glacier sans l’intervention de l’eau. 2° Et ceux qui ont été transportés par le concours des ruis¬ seaux qui circulent à la surlace des glaciers. Ces derniers sont généralement fort menus et ne se compo¬ sent que de sable fin. Les premiers affectent de préférence la forme de blocs. Et comme le transport de tous ces débris est simultané, il en résulte qu’on rencontre quelquefois sur la tranche verticale d’une moraine des masses considérables de sable fin reposant sur des plans de stratification grossière, dans lesquelles se trouvent des blocs métriques à angles vifs disséminés à distance les uns des autres , ou plutôt empâtés. Dans la course du 12 septembre la Société a pu examiner une moraine de cette catégorie sur la route du Tholy à Remiremont, àSaint-Amé. Elle barre la vallée dans un sens transversal $ elle a 15 à 20 mètres de hauteur verticale, elle est presque en entier formée d’une accumu¬ lation de sable fin et d’une petite proportion de blocs empâtés. M. Hogard , tout en provoquant une discussion â l’égard des moraines, pour engager la Société à se prononcer définitivement i/i/iO HÉ UNION EXTRAORDINAIRE A K PIN AL, sur r origine qu’il leur attribue, cite l’opinion de M. de Billy qui pense que dans quelques unes des accumulations placées en aval du lac de Gérardmer, il a cru reconnaître plutôt l’action des eaux que celle des anciens glaciers. (Annales de la Société d’émulation des Vosges). M. Hogard demande à M. de Billy quelles sont dans les Vosges les moraines sur lesquelles ses observations portent le plus particulièrement. M. de Billy répond qu’il a examiné avec attention les blocs erratiques disséminés sur toute la ligne orientale du Jura, et les moraines décrites par M. Collomb dans la vallée de Saint-Amarin (Haut-Rhin), qu’il serait disposé à attribuer leur mode de transport et de dépôt à l’existence d’anciens glaciers ; toutefois il a aussi examiné certains dépôts du versant occidental des Vosges, dépôts dont l’origine lui paraît problématique. M. de Billy croit devoir se ranger l’opinion d’esprits éminents qui doutent encore. — M. Levaliois ajoute qu’il ne pense pas que la question puisse se décider dans une course rapide dans les Vosges; il ne la trouve pas suffisamment approfondie pour qu’on puisse lui appliquer une solution immédiate. M. Hogard ne croit pas devoir insister , V hypothèse du dilu - viuin de Gérardmer , ressemblant parfois aux moraines , ayant pu être pris pour ces dernières , paraissant une question jugée. Mais cependant il ne peut se dispenser de faire remarquer ù la Société : 1° Que le premier il a décrit et figuré les moraines de la vallée de Gérardmer ; 2° Que ces moraines ont ensuite été visitées et reconnues par divers géologues ; 3° Que les expressions employées pour rendre compte des résultats des observations récentes de M. de Billy dans les Vosges sont fort précises, et que tandis qu’aujourd’hui il dé¬ clare que le moment de se prononcer définitivement n’est pas encore venu, on lui a fait dire formellement, dans le passage cité des Annales, que nos moraines étaient des dépôts de diluvium ; l[° Que les points où la prétendue confusion introduite dans la séparation des dépôts formés par les eaux courantes et de ceux formés par suite de l’action des glaciers n’étant nullement indiqués , il n’y a pas lieu de s’arrêter à des observations cri- 1)U 10 AU 23 SEPTEMBRE L8/|7. l/j/jl tiques dont on n’a pas trouvé moyen de faire application sur les lieux. Quant au diluvium, M. Hogard pense que si l’on parvenait ii constater sa présence dans la vallée deGérardmer, en dehors des faillies nappes de terrain de comblement des anciens lacs de la contrée, ce serait un fait aussi curieux qu’extraordinaire-, mais qu’on ne parviendra certainement pas à l’établir, quand même, en renonçant à l’hypothèse d’une action subite des eaux , on se résignerait ix n’admettre que de faibles cours d’eau, exhaussant lentement et successivement leurs lits. Comment expliquer l’action lente d’un cours d’eau quelconque, se créant, de dis¬ tance en distance au travers des vallées, des barrages de quelques kilomètres de longueur, de 100 mètres moyenne¬ ment d’épaisseur, et sur h, 5 ou même 800 mètres de largeur; plaçant sur les crêtes de ces barrages, composés principalement de sable et de gravier, et sans les démolir, ainsi que sur les flancs des montagnes, d’énormes blocs anguleux, de 10, 20, 50 et 100 mètres de roches arrachées aux sommités fermant le bassin, et à 12, 15, 20 kilomètres et plus, des points d’où ils ont été extraits. Comment en même temps expliquer le nivelle¬ ment des matières transportées entre les divers barrages; et surtout transportées du Honeck au Tholy, en franchissant sans s’y arrêter, les lacs de Retoumemer , de Longemer et de Gé¬ ra rdmer; (pour ne citer que les lacs existant encore, et qui sont demeurés comme pour faire comprendre l’insuffisance de la théorie du transport des masses erratiques et détritus gla¬ ciaires, par les eaux courantes.) Lac de Gèrardmer . M. Ch. Martins donne à la Société des détails sur une parti¬ cularité intéressante du lac de Gèrardmer. Ce lac, d’environ 2,000 mètres de longueur, présente, dans son régime, un fait singulier et rare en orographie. La pente générale de la vallée, nivelée avec soin par M. Hogard, devrait porter les eaux dans le bassin inférieur de la Moselle, en passant par le Belliard, le Tholy et la vallée de Cleurie. Mais un obstacle infranchissable se présente en aval du lac, cet obstacle c’est la grande moraine frontale de Gèrardmer ; elle s’oppose ix ce que les eaux suivent leur cours naturel, et comme il faut qu’elles passent quelque Sor. géol. , 2e série, t. TV. 91 1442 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, part, leur écoulement se fait à contre-pente; c’est en amont qu’elles s’échappent pour gagner un point peu éloigné du saut des Cuves, et s’engouffrer au N.-O. dans l’étroite gorge de la Yologne. Séance du 18 septembre 1847. PRÉSIDENCE DE M. HOGARD. La Société se réunit le soir dans la salle de l’hôt.ei de la TT ' . » - 1 - ? : Truite, à Wildenstein. M. Delesse, secrétaire , rend un compte rapide de l’excursion de la journée , qui , à cause du mauvais temps, n’a pas été fa¬ vorable aux observations. Partie à huit heures de Glérardmer, la Société s’est arrêtée au Saut-des-CuYes , où la Yologne offre une cascade des plus pittoresques; là les mêmes eurites porphyroïdes que nous avons décrites , en rendant compte de la course du 17 septembre dans la vallée de Rochesspn , sont enchevêtrées daps le granité; elles forment des filons puissants à pâte de couleur brun- rougeàtrc, et elles se détachent d’une manière très nette sur le fond blanc du granité encaissant. Pour arriver au lac de Retournemer, la Société a franchi une barre de granité porphyroïde à mica noir qui dispute Je passage aux eaux qui sortent du lac, et donne lieu, pa^ceî obstacle, à une jolie cascade. Arrivée à la maison forestière , sur les bopds dp lac de Re¬ tournemer, la Société, arrêtée par une pluie torrentielle, p dû renoncera faire l’ascension du Hohneck et dp ftotabac; elle s’est dirigée rapidement sur Wildenstein , par 1$ valjée des Faings-Chauvelin et le col de Bramont. Pendant ce trajet, la Société a marché cppstaippipnt sur un granité porphyroïde à mica noir. Au somipet de la vallée des Faings-Chauvelin , elle a rencontré un grapd pombre de bJpcs d’eurite porphyroïde brune, qui indiquent qu’un filon de .cette roche se trouve dans le voisinage. Dans le bas de la vallép, et à la côte de Bramont , elle a observé un granité à grains ipoyeps remarquable par sa grande richesse en quartz ; il confient de l’orthose blanc , quelques rares lamelles rougeâtres appartenait DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. 1443 k un feldspath maclé du sixième système, deux micas, l’un noir, et l’autre blanc d’argent -, la marche rapide de la Société ne lui a pas permis de reconnaître ses relations de gisement avec le granité ordinaire de la contrée } il est désigné par les géologues des Vosges sous le nom de granité blanc' de la Bresse. Dans les berges d’un chemin forestier qui aboutit k la route de la Bresse k Wildenstein, on a remarqué un petit lambeau de gneiss décomposé et friable. Parvenue au col de Bramont , la Société est descendue dans la vallée de la Thur, où elle n’a pas tardé, en quittant le gra¬ nité, k se trouver dans le terrain de transition caractérisé par des schistes noirs fissiles et compactes, par des quartzites bleu⬠tres et jaspoïdes , et par des pétrosilex compactes. COMMUNICATION. M. Levallois, ingénieur en chef des mines, fait hommage k la Société d’une note qui a pour titre : Observations sur la roche ignée d' Essey-la-Côle (arrondissement de Lunéville) (1), de laquelle est extrait ce qui suit : « Le savant chimiste de » Nancy, M. Braconnot, en étudiant chimiquement la roche » d’Essey-la-Côte, avait été conduit k penser qu’elle avait une » origine aqueuse -, son opinion avait été basée sur ce que cette » pierre, soumise k la distillation, lui a fourni des produits « carbonés et ammoniacaux , de même que le trapp de Raon- » l’Étape, et le granité des Vosges, tandis que les basaltes de » Clermont , de Gundershoffen et du Kaiserthul ne lui avaient » pas donné de traces de matières organiques : mais M. Leval- » lois combat cette conclusion, et fait remarquer, k cet égard, « que M. A. Brongniart indique du bitume dans le basalte, « M. Knox en a trouvé, ainsi que de l’ammoniaque, dans la « pierre ponce d’Islande , dans le basalte de la chaussée des » Géants, dans l’obsidienne des îles Lipari, et dans les roches « dont l’origine ignée est la plus certaine -, d’ailleurs rien ne » s’oppose k ce que des roches ignées manifestent la réaction de » matières organiques , puisque les éléments de ces matières (4) Mémoires de la Société royale des sciences de Nancy. 4 846. iWt itÉtxiox t;\ïUAOUl>iNAnii: a ÉriNAi. » existent dans le grand laboratoire souterrain , ainsi qu’en font » foi les vapeurs de muriate d’ammoniaque , de naphte et d’hy- » drogène carboné qui se dégagent des volcans en activité ; il » résulte, du reste, de l’étude minéralogique et géologique que » M. Levallois a faite de la roche d’Essey qu’elle doit nécessai- » renient être considérée comme produite par la voie ignée. » Relativement à ce qui précède , M. Delesse fait les observa¬ tions suivantes : il a mis dans une cornue de porcelaine environ 500 grammes de mèlaphyre ou de porphyre de Beljahy , à base de labrador; il a chauffé fortement cette cornue dans un fourneau de calci¬ nation, et il a recueilli les produits volatils dans un tube en u refroidi artificiellement; il a obtenu ainsi de l’eau assez forte¬ ment colorée en brun par de l’huile empyreumatique, mais qui répandait surtout une odeur d acétone bien caractérisée : comme l’acétone est le produit de la décomposition de presque toutes les substances organiques à une température élevée , on ne saurait donc douter de la présence de ces dernières dans b* porphyre de Belfahy. En recherchant, au moyen du nitrate d’argent et du nitrate de baryte, s’il y avait de l’acide hydrochlorique ou de l’acide sulfurique qui auraient pu être entraînés à l’état de sels ammo¬ niacaux avec les produits de la distillation, il n’a d’ailleurs pas obtenu de précipité de chlorure d’argent ni de sulfate de baryte. Comme il résulte des recherches de MM. Braconnot et Leval¬ lois que des roches ayant une identité complète de caractères minéralogiques et géologiques, telles que le basalte de Gun- dershoffen et le trapp d’Essey, renferment tantôt des substances organiques, et tantôt, au contraire, n’en renferment pas, M. Delesse serait porté à croire que, dans les roches et surtout dans les granités, ces substances ne sont pas originaires , mais que généralement, sauf certains cas exceptionnels, tels que ceux cités par M. Levallois, elles proviennent seulement de la décomposition des végétaux, ainsi que de l’humus de la terre végétale qui s’ infdtre jusque dans les pores des roches, et ne s’en dégage plus ensuite d’une manière complète quand bien même elles sont -desséchées à une température inférieure i\ 100°. DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. \ l\!\b Séance du 19 septembre 1847. PRÉSIDENCE DK M. HOGARD. La Société se réunit le soir dans la salle de l’hôtel Berquand. à Bussang. M. Delesse, secrétaire, rend compte de l’excursion de la journée. Les montagnes élevées qui forment la vallée de la Thur sont de formation bien différente : le rameau à droite, appelé le grand Yen tron et le Drumont, est entièrement granitique , tandis que celui à gauche, qui dépend du massif du ballon de Guebviller, est presque entièrement constitué par le terrain de transition, qui est le plus «souvent fortement modifié ; c’est le fond de la vallée qui est à peu près le point de séparation de ces deux svstémes • cependant à 3 kilomètres de Wildenstein la rivière laisse à gau¬ che, en le contournant, un massif de granité qui s’élève au milieu de la vallée, et qui porte à son sommet le vieux château de Wil¬ denstein; ce granité est porphyroïde, â cristaux d’orthose blanc laiteux et à mica noir-, tout le granité de la contrée appartient à la même variété. Le terrain de transition est formé principale¬ ment de schistes noirs, dans lesquels on observe des porphyres granitoïdes, qui ont redressé et disloqué les schistes, auxquels ils ont fait subir des effets remarquables de métamorphisme. La Société s’est arrêtée à Oderen pour examiner le gisement d’euphotide et de serpentine de cette localité $ quand on a passé le pont, et que l’on monte vis-à-vis de l’église, qui est bâtie sur un monticule de schistes, on rencontre d’abord le prolongement de ces mêmes schistes, qui sont fortement redressés et modifiés, puis la serpentine, et après elle l’euphotide, ensuite vient le granité. La serpentine paraît être intercalée dans l’euphotide, et même sur certains points il y a un passage tout à fait insen-4 sible entre ces deux roches $ elles sont en contact avec le granité et avec le terrain de transition. L’euphotide, dans quelques échantillons, se montre bien caractérisée , et ses éléments sont nettement séparés. L’analyse a démontré à M. Delesse que cette euphotide est formée de feld¬ spath labrador et de dialiage : le labrador a une couleur verdâtre, et il présente quelquefois des filons dans la roche \ quant à la dial¬ iage, elle est verte foncée, avec reflets bronzés. La serpentine du l /l/|(3 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÊPINAL , val de Saint-Amarin a, en général, une couleur verte foncée; elle est compacte, et elle a souvent une cassure cireuse; elle con¬ tient des \eines de serpentine noble et de chrysotil asbestiforme et soyeux, mais on n’y observe que rarement les nodules qui caractérisent la serpentine de Sainte-Sabine. On trouve acciden¬ tellement, soit dans l’euphotide, soit dans la serpentine, du quartz, du mica rouge cuivré, etc., etc. Bien que Peuphotide soit généralement associée à la serpen¬ tine, elle peut aussi se trouver seule, et M. Ed. Collom a re¬ connu sur le ballon de Giiebviller un gisement d’euphotide sans serpentine. « M. Puton a fait remarquer qu’il avait observé à là sortie de Wildenstein des blocs de serpentine mélangés à d’autres moellons destinés à une construction, et il en conclut qu’il doit y avoir dans la vallée, et prés de Wildenstein , un gisement de serpen¬ tine qui ne serait pas connu. » Au Schliffels, la Société, conduite par M. E. Collomb (1), examine le contact du schiste de transition avec un porphyre granitoïde à pâte feldspathique brunâtre; il n’y a pas passage d’une roche à l’autre; m is, au contraire, la séparation se fait suivant des lignes brisées présentant alternativement des angles saillants ei rentrants. Le schiste de transition paraît avoir été peu modifié, mais la séparation bien tranchée des deux roches, et les mouvements opérés dans le schiste, portent à croire que le porphyre a pénétré violemment dans le terrain de transition. MM. Hogard, Delesse et Puton soutiennent cette dernière opi¬ nion contrairement à d’autres membres de la Société , qui regar¬ dent les deux roches comme produites par un métamorphisme qui se serait exercé différemment sur le terrain de transition. La Société est arrivée à midi à Wesserling, ou elle a reçu de la part des propriétaires de cette importante usine un accueil empressé. Après avoir accepté un déjeuner qui lui était offert par M. Collomb, la Société a visité les belles carrières de Thann , à l’entrée de cette ville. (1] Voir Bibliothèque universelle r/e Genève , t. VIII (août 1848), p m. 1M7 DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1 8Z|7 . Elles présentent les couches du terrain de transition forte¬ ment redressées, et quelquefois même verticales; dans l’une d’elles on observe des schistes avec anthracite, et renfermant des empreintes nombreuses de Sigillaria , de Lepidodendron , de Calamites y etc.; des grés dont le grain a une grosseur va¬ riable, puis une roche feldspathique verdâtre, renfermant quelques pyrites, et dans laquelle on peut observer que le feld¬ spath a pris une structure orbiculaire. Cette structure est sur¬ tout mise en évidence par la kaolinisation, qui, suivant qu’elle est plus ou moins avancée, donne une teinte blanche ou rou geâtre à toutes les parties feldspatijiques. La roche précédente est accompagnée de brèches présentant les plus belles nuances, et dont la couleur varie du vert au noir et au rouge. Ëlîe est en outre traversée par des filons renfermant de la chaux carbonatée et fluatée, du sulfate de baryte, de la blende, etc., etc. Les carrières de Thann fournissent des matériaux pour les constructions ainsi que pour le pavage de Thann et de Mulhouse. La Société, revenant sur ses pas, est arrivée â Orbey; en montant la côte de Bussang, elle a rencontré de nouveau , dans les escarpements de la route, les schistes du terrain de transi¬ tion redressés, bouleversés et modifiés par l’injection des roches de porphyre granitoïde qui y sont enchevêtrées. Des quartzites bleuâtres, jaspoïdes et rubanés, et des pétro-silex compactes accompagnent les couches schisteuses, qui, étant quelquefois peu fissiles, ont été décrites à tort comme des trapps. Dans un terrain aussi bouleversé que celui du val Saint-Amarin , il est difficile de distinguer les rôles différents que les roches d’épan¬ chement y ont joué; on y reconnaît cependant des roches por- phyriques et euritiques, ainsi quejdes mélaphyres avec épidote, fer sulfuré et vacuoles de chaux carbonatée. La Société a visité les travaux du tunnel que l’on construit pour le passage de la route royale ; la percée se fait dans les schistes au contact du granité. La Société s’est arrêtée à la fontaine minérale de Bussang ; ses eaux sont alcalines, gazeuses, elles sourdent des schistes de transition qui couvrent les flancs de la montagne. Les eaux de Bussang jouissent d’une grande célébrité, comme puissant auxi¬ liaire â toute espèce de médication, et aussi comme boisson IMS RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉlONAL, d’agrément. Tous les ans i! s’en expédie de la source environ cent mille bouteilles. M. Collomb, secrétaire, rend compte à la Société des obser¬ vations qu’elle a eu l’occasion de faire dans les courses du 18 et du 19. Pendant toute la journée du 18, une pluie diluvienne n’a pas permis ii la Société de suivre l’initéraire qu’elle s’était d’abord tracé-, elle a renoncé à la course du Hoheneck et du Rothen- bach -, elle s’est dirigée de Gérardmer à Longemer en s’arrêtant un instant au Saut-des-Cnves , cascade remarquable par l’effet pittoresque qu’elle produit dans des masses granitiques coupées à pic et entremêlées d’une vigoureuse végétation de sapins. M. Hogard a fait remarquer qu’il existe dans le lit du torrent au * Saut-des- Cuves de beaux exemples de marmites de géant , creusées dans le granit. De Longemer, la société a stationné quelques heures à lie- tournemer, elle a remarqué que le petit lac de Retournemer n’est point barré en aval par une moraine, comme le sont la plupart des lacs des Vosges, mais que c'est le granit en place qui s’avance en promontoire de 12 à 15 mètres de hauteur verticale, traverse le vallon et donne naissance à lin petit lac. De Retournemer la Société s’est dirigée par le col des Faings- Chauvelin dans la vallée de Vologne, où elle a reconnu l’exis¬ tence d’une série de moraines frontales, dans la partie de cette vallée comprise entre le col et le ruisseau de Blanchemer et nommée Belle-Hutte, et dont M. Hogard avait fait voir des » i coupes et des dessins avant de quitter Epinal. Elle s’est dirigée ensuite par le col du Bramont sur Wil- denstein au fond de la vallée de Saint-Amarin. L’état déplorable du temps n’a pas permis à la Société de se livrer dans la journée du 18, aux observations qu’elle se proposait de faire sur les dif¬ férents accidents du pays, avec toute l’attention qu’ils méritent. dallée de Saint-Amarin Le 19, le temps s’est remis au beau et la Société a pu exa¬ miner en détail les phénomènes remarquables que cette vallée présente relativement aux traces d’anciens glaciers. Les mo¬ raines désignées par M. Collomb sous le nom de moraines par obstacle ont été d’abord l’objet de l’attention de la Société. 1)L !() AU 23 SEPTEMBRE l8/i7. 1/l/lV» Moraines par obstacle. La pente moyenne du sol de la vallée nivelée de Thann à Wildenstein, sur les indications de la carte du dépôt de la guerre, » est que de 0,009. Cette vallée présente en outre un accident orographique qui a dominé lieu à l’exisience des moraines par obstacle. Ce sont des îlots de roche en place qui percent le sol , s’élèvent sous une forme qu’on pourrait rapporter à celle d’un cône tronqué, â la hauteur de 20, 50 â 4 80 mètres. Ces îlots sont placés au fond de la vallée, sur sa ligne médiane, complè¬ tement indépendants des parois des montagnes encaissantes. On en remarque quatre principaux, 1° celui qui porte l’ancien château de Wildenstein, de 180 mètres de hauteur - 2° celui du Barenberg d’environ 80 mètres-, 3° celui sur lequel est bâtie l’église du village d’Odern ; h° le monticule désigné dans le pays sous le nom de Marlen. Tous ces îlots sont situés en amont de Wesserling dans la partie haute de la vallée. Le premier que la Société a eu l’occasion de visiter est celui de Wildenstein -, c’est un petit massif de granit porphyroïde, dont le plan figure une ellipse allongée dans un sens parallèle au cours de la Thur. En aval , et sur ses flancs, ce rocher pré¬ sente des escarpements â pente rapide -, en amont , il s’abaisse par une pente douce jusqu’au niveau du sol. La face de ce so¬ lide tournée en amont est couverte, à la hauteur d’une trentaine de mètres , d’une masse considérable de débris , de blocs emp⬠tés, de sable, de graviers, en un mot de tous les matériaux qui forment ordinairement les moraines. Toutefois, M. Ch. Mar- tins fit observer que ce rocher ne peut pas être considéré comme une moraine par obstacle type, par la raison que, si l’on poursuit les débris déposés contre ce roc, on trouve qu’ils continuent à se montrer à droite et à gauche dans le fond de la vallée, et que ce point correspondait à une ancienne moraine frontale. Le glacier a stationné longtemps sur cette ligne, il venait butter contre le rocher, il y déposait ses matériaux, et en même temps il les déposait aussi dans la partie plate de la vallée, dans les deux couloirs qui séparent le rocher des mon¬ tagnes encaissantes. A quelques kilomètres en aval , la Société a remarqué une autre moraine par obstacle sur laquelle quelques détails sont 1 A 5 0 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL, nécessaires, parce qu’elle peut servir de type pour l’étude de ce genre de phénomènes. Elle mérite d’autant plus de fixer l’at¬ tention des observateurs qu’il existe peu de vallées, soit dans les Vosges, soit dans les Alpes, où l’on trouve avec le terrain erratique des accidents orographiques tels que nos îlots de roche en place, aussi bien accusés que dans la vallée de Saint- Amarin. La moraine par obstacle dont il est question est celle sur laquelle est bâtie l’église du village d’Odern. Le plan de l’îlot a, comme le précédent, la forme d’une ellipse, mais son grand axe est tourné dans un sens différent; il est perpendiculaire à l’axe principal de la vallée ; il n’a guère plus de 20 à 25 mètre» de hauteur verticale, et 200 mètres de diamètre. En aval, le rocher est escarpé et dénudé ; il a conservé toutes les aspérités naturelles à la roche. En amont, la position est différente; il est revêtu d’une masse épaisse de débris, de sable , de graviers, de blocs métriques qui percent le sol, ou qui sont complètement empâtés. Sur la rive droite de cette moraine on remarque des amas de terre rougeâtre argileuse très fine , entremêlée de bloc» de granit de 50 à 60 centimètres de diamètre; on y trouva aussi des galets rayés. Sur cette même rive, la Thur vient battre ce rocher; elle a entamé l’amas de débris à la hauteur de quelques mètres seulement; ceux qui résistent au torrent sont suspendus légèrement, la moindre force suffit pour les désagréger. Lorsqu’un bloc est à'moitié empâté, on peut facile¬ ment le faire rouler dans le torrent en dégageant un petit caillou faisant coin. La limite de ces débris est circonscrite au rocher même; dans la partie plate de la vallée qui fait suite â l’axe de l’îlot on ne trouve aucune trace de débris erratiques ce sont des prai¬ ries, des maisons, des champs cultivés sur un terrain de com¬ blement à surface horizontale. Nous trouvons donc contre ce rocher, et en amont , un revête¬ ment de détritus cjui renferme tous les éléments des moraines, y compris les galets rayés et la boue du glacier, qui s’y trouve représentée par la terre argileuse; puis l’extrême mobilité des matériaux, qui ne permet pas d’admettre que les courants d’eau soient intervenus d’une façon quelconque dafis rétablissement DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847 1451 de cet amas, puisque le courant de la Thur, qui passe auprès du rocher, détruit la moraine lorsqu’il peut l’atteindre. L’obstacle placé au milieu de la vallée a servi de point de dé¬ barquement aux débris pierreux transportés par le glacier. Il n’a pas séjourné sur l’Ilôt, autrement la moraine participerait de la forme des moraines frontales, et se prolongerait dans la vallée pour joindre le pied des montagnes encaissantes. M. Ch. Martinsa signalé ce fait remarquable à l’attention de la Société : il pense que, dans l’état actuel de nos connaissances sur le mouvement des glaciers, nous ne possédons pas un nom¬ bre suffisant de faits sur lesquels on puisse s’appuyer pour pou¬ voir donner un explication satisfaisante du mode de formation des moraines par obstacle. Il pense que l’étude plus approfon¬ die des phénomènes qui se passent au Jardin de la mer de glace de Cbamonix pourrait seule jeter quelque lumière sur ce sujet. Moraines frontales . Dans la vallée de Saint-Amarin, la Société a encore remarqué deux moraines frontales complé’ement indépendantes des ob¬ stacles dont nous venons de parler. La première en amont est celle de Krüth , sur laquelle la Société s’est arrêtée, et où quel¬ ques membres ont pu recueillir un certain nombre de galets rayés , galets possédant tous les caractères décrits par M. Agassiz. C’est la première des moraines visitées par la Société , sur laquelle des débris de schistes argileux de transition commen¬ cent à se montrer ; ils existent en place, sur la rive gauche de la vallée, en amont. La moraine de Krüth est triple. Le pre¬ mier pli du terrain en amont décrit une courbe, se prolongeant d’un bord à l’autre de la vallée, mais dont la hauteur verticale ne dépasse pas 12 à 15 mètres. Le second pli est parallèle au premier, à la distance d’une centaine de mètres-, puis le troi¬ sième mouvement du terrain s’écarte de la parallèle , il se pro¬ longe au S., jusqu’en face de la petite vallée de Saint-Nicolas, vallée qui débouche à angle droit dans le grand couloir principal. Moraine de IVesserling. A Wesserling, la Société a été reçue par M. Collomb, dont l’habitation est bâtie sur la moraine même. Cette moraine a été remarquée depuis longtemps et décrite par M. Le Blanc. C’est la première dans les Vosges qui ait été l’objet dé Fat- IA 6 2 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL . tention des géologues. Sa position est nette et bien dessinée} elle forme un barrage transversal dont le point culminant est à 35 métrés au-dessus du lit de la rivière. Elle est en entier com¬ posée des débris des roches du bassin supérieur-, on y reconnaît des fragments de granit blanc provenant des environs du Rothenbach , des granits porphyroïdes rouges du col du Bra- inont, des granits communs de Krtith sur la rive droite de la vallée } des euphotides d’Odern et de Schliffels, des eurites por¬ phyroïdes de l’affluent d’Urbés, puis toutes les roches de tran¬ sition du groupe de la Grauwacke qui gisent de préférence sur la rive gauche de la vallée. Ces matériaux sont distribués sans ordre selon le volume, sauf quelques couches informes de sable qu’on a exploitées pour les constructions. La plupart des gros blocs qui couvraient au¬ trefois la moraine ont été exploités-, il en reste cependant encore un certain nombre sur le dernier pli du terrain en aval-, l’un d’entre eux mesure 15 métrés cubes. La majorité d’entre eux sont arrondis et usés, quelques uns cependant ont conservé toute la vivacité de leurs angles-, et si les cryptogames n’étaient venus s’emparer de leur surface, on les dirait arrachés tout récemment des lianes de la montagne. Cette moraine est cou¬ pée par les eaux de la Thur} une large échancrure donne pas¬ sage aux eaux-, les fragments de moraines qui restent debout sur la rive droite et sur la rive gauche se correspondent exac¬ tement. L’ensemble de ces matériaux, mesurés par M. Collomb d’après un plan et des coupes levés avec soin, lui a donné un chiffre de 12,759,000 mètres cubes. On peut recueillir sur ce dépôt une grande quantité de galets rayés. Hoches striées. Le court séjour de la Société dans la vallée de Saint-Amarin ne lui a pas permis de visiter toutes les roches striées en place qui y existent; elle s’est plus particulièrement arrêtée au Glcittstein , déjà décrit par M. Collomb (1). On peut distinguer sur cette roche trois régions de stries : 1° Des stries rectilignes, fines, peu profondes. On leur a appliqué la dénomination de rectilignes ; toutefois, si on les L Ouvrage cité, p. -HS. lUi 10 AU 23 SEP 1EMRUR 18. 4 7. 145 .« O examine avec attention, on trouve qu elles décrivent toutes une courbe à grand rayon. Elles sont fréquemment croiséesentre elles et se coupent sous un angle aigu. Ce sont ces stries qui sont !es plus nombreuses -, elles frappent tout d’abord l’observateur. 2° Des stries saccadées. Elles sont creusées dans la pierre avec un burin fort tranchant-, leur sillon est formé par une in¬ finité de petits éclats de roche enlevée. 3° Des stries cannelées, formées de larges sillons faiblement cieusés, parallèles entre eux. Ces stries cannelées ne s aperçoi¬ vent point sur un échantillon de quelques centimètres carrés * il taut se placer à distance pour les bien juger. M. Collomb a mis à la disposition des membres de la Société des exemplaires bien choisis de surlaces striées provenant de la route du Glattstein. Séance du 20 septembre 1847. PRÉSIDENCE DE M. HOGARD. La séance est ouverte à 7 heures, dans la salle de Dhôtel du Canon d’Or , à Giromagny. M. Delesse , secrétaire, rend compte de l’excursion de la journée. La Société a fait l’ascension du ballon de Giromagny, en prenant à Saint-Maurice la route de Belfort. Elle a d’abord ren¬ contré des roches assez mal caractérisées qui doivent être rap¬ portées au terrain de transition et au porphyre brun de M. Elie de Beaumont^ puis elie a pu observer en place la syénite qui forme la masse du ballon de Giromagny et de Servance. Elle est formée de quartz, d’orthose fauve ou brunâtre , d’an¬ désite blanc de lait ou rouge de corail, de hornblende verte, de fer oxidulé, et accidentellement elle contient du sphéne brun rougeâtre, de la pyrite de fer, etc. L’analyse a montré que la composition de ses minéraux constituants est la suivante (1) : (1) Annales des J Unes , 4 848, t. XIII, p. 667. \hï)h RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINÂL , Orthos e. Andésite blanche. Hornblende. 0 f } ' J Silice . 64,26 58,92 47,40 Alumine .... 19,27 25,05 7,35 Oxyde de fer. . 0,50 15,40 Chaux . 0,70 5,64 10,83 Magnésie. . . . 0,77 0 41 15,27 Soude . 2,88 7,20 O QK Pulasse . 10,58 2,06 . . . Perle au feu . . 0,40 1,27 1,00 On peut admettre pour la com¬ position moyenne de la syénite normale — : silice 70, — alu¬ mine 13 , — oxyde de fer 3 r — magnésie 3, — potasse 4, — soude 3 , — eau , fluor, etc., 1. Un peu au delà et un peu en'deçà de la Jumenterie, sur le som¬ met du ballon, la syénite est coupée par plusieurs filons d’eurite micacée ou de minette (Yoltz)- comme cette roche ne présente pas une grande résistance à la cassure, on Ta exploitée pour l’entretien de la route, en suivant la direction des filons : leur largeur varie de 0tn,/i0 à 1 mètre, leur direction est de N. 90°E., et leur pendage dirigé du S.-S.-E. au N.-N-O. en est de 60°. La roche est formée de mica brun noirâtre engagé dans une pâte leldspathique-, elle contient une certaine quantité de lithine : on y observe de petites veines remplies de carbonate de chaux, et sur les salebandes, elle présente quelquefois une structure variolitique qui devient surtout visible après l’altération à l’air. Après avoir consacré quelques instants à admirer le pano¬ rama des Alpes qui se déployait à perte de vue, quoique le ciel fût un peu brumeux, la Société descend du sommet du ballon. Au Saut de la Truite, et à la limite de la syénite, elle examine une roche porphyrique verte paraissant se rapporter au por¬ phyre du terrain de transition, et dont la masse a été injectée de filets très fins de galène. Entre le Haut-Pont et la maison Fariole, commune du Puix, elle trouve des blocs roulés d’un beau mélaphyre à pâte vert clair, contenant beaucoup de grands cristaux de labrador verd⬠tres qui prennent une légère teinte rougeâtre par l’altération , ce mélaphyre est en place sur le revers. La Société observe ensuite la roche appelée par Voltz Roche sementineuse du ballon. Elle est formée d’un mélange de ser¬ pentine noble vert clair, et de parties quartzeuses blan¬ châtres-, dans certaines parties le quartz est bien visible et forme même d’assez gros filons:, dans d’autres, au contraire, il est DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. 1455 mélangé d une manière intime avec la roche, qui est grenue, mais qui fait feu sous le marteau. Au Chantoisot, avant d’arriver au Puix, la Société a ren¬ contré une variété de mélaphyre qui est brèchiforme ; le labra¬ dor y forme de petits cristaux verdâtres mal définis, et l’on n’y observe que rarement de petits grains d’augite ; il présente une teinte générale verte foncée, et les fragments bréchiformes qu’on y observe dans certaines parties ont môme couleur et même composition que la pâte. La Société, après avoir visité la mine de cuivre du Fainitorne, près de Giromagny, fait une excursion sur l’Ordon-Yerrier, au pied de laquelle est pratiquée la galerie de la mine, et elle observe en place d’autres variétés de mélaphyre qui sont carac¬ térisées de la manière la plus nette. Les cristaux de feldspath labrador, qui sont mâclés, ont quelquefois un centimètre de lon¬ gueur, et l’on y trouve assez souvent des cristaux d’augite noir. La pâte est généralement verte, mais elle présente cependant toutes les nuances depuis le vert noirâtre jusqu’au violet clair, et les grands cristaux de labrador s’observent surtout dans les variétés bréchiformes du mélaphyre. « M. de Billy appelle l’attention de la Société sur la manière dont le terrain de transition métamorphique se trouve disposé par rapport à lasyénite du massif des ballons. Dans les régions occidentale et centrale du groupe, le terrain de transition serait à la base des montagnes -, il est dominé par la syénite, qui constitue les deux ballons de Servance et de Gi¬ romagny, le Kleinlangenberg, etc. Tandis qu’au S. -E., et surtout au N.-E., la syénite pénètre dans le fond des vallées comme au haut de la vallée de Giroma¬ gny , dans celle de Massevaux en amont de Sewen , comme auprès des petits lacs de Sternensée et de Neueweyer $ ou bien elle forme des collines surbaissées semblables à celle qui sépare les vallons de Rimbach et de Harmsbach. Dans cette dernière région, c’est la syénite qui est dominée par les roches de transition, et les couches déchirées de ce der¬ nier constituent une portion d’enceinte dont les bords éraillés des assises supérieures forment le couronnement, enceinte dont Harben est à peu près le centre. l/|Ô6 «ÉIÎNION EXTRAORDINAIRE A É FINAL , En d’autres termes, dans la région centrale et occidentale du groupe des ballons, la roche soulevante a produit son effet d’une manière complète, et elle constitue des protubérances arrondies dont le pied est recouvert par les débris des couches qu’elle a traversées de part en part. Dans la région nord-est, les assises ont été soulevées aussi-, elles ont été rompues, mais seulement traversées partielle¬ ment par la roche soulevante, qui, au lieu d’atteindre le niveau le plus élevé, se montre au fond d’une espèce de cra¬ tère de soulèvement où la section irrégulière des couches frac¬ turées constitue les parois internes. » M. Delesse communique le Mémoire suivant sur la syénite du ballon (V Alsace. (Voir les Annales des Mines, 1848, t. XIII, p. 667. Mémoire sur la constitution minéralogique et chimique des roches des Vosges. — Syénite du ballon d’Alsace.) M. Charles Martins rend compte à la Société des observa¬ tions faites dans la journée sur les terrains erratiques. En sortant de Bussang par la route de Saint-Maurice et du Ballon, la Société a traversé une des plus grandes moraines frontales qui existent dans les Vosges. Elle a plusieurs kilomètres de lon¬ gueur; elle est formée par une suite de mamelons arrondis et allongés qui s’étendent dans le fond de la vallée de la Moselle, depuis le village de Bussang jusqu’un peu en amont de Saint - Maurice. Ces monticules s’élèvent à une soixantaine de mètres au-dessus du lit de la Moselle. M. Martins a fait observer que sur la rive droite, contre la montagne, la moraine devenant laté¬ rale, a donné lieu à l’existence d’un certain nombre de terrasses parallèles , de grandes marches d’escaliers superposés les uns au-dessus des autres, suivant des plans horizontaux, disposition qui porte M. Martins à croire que l’eau les a postérieurement remaniées. Le ballon d' Alsace. À Saint-Maurice, la Société a quitté la vallée de la Moselle pour gravir le ballon d’Alsace. Blocs déplacés. Près du sommet du ballon, sur son revers N.-O., on a remarqué des amas de blocs métriques gisant épars sur le sol, blocs de syénite à grands cristaux de feldspath DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. 4/|57 rosé, de qualité identique avec la roche qui constitue le massif du ballon. Ces blocs ne sont plus à leur place primitive : ils on ont été arrachés et transportés à une petite distance *, ils ne parais¬ sent pas avoir roulé d’un point supérieur* ils sont sur une espèce de plateau, trop près du sommet pour qu’on puisse ad¬ mettre cette supposition *, ils ne proviennent pas non plus de roche délitée. Ces amas de blocs, dans les régions supérieures des Vosges, ont été remarqués par M. Collomb, aux alentours du sommet du llohcnek et sur d’autres points élevés de la chaîne. On les a également signalés dans la forêt Noire, où il en existe de véritables champs, très voisins des points culminants. Les Allemands les ont désignés sous le nom de Teufelsmühlen. Nous proposerons de les indiquer sous le nom de blocs sporadiques , pour les distinguer de ceux qui sont véritablement erratiques et qui ont cheminé sur le dos des glaciers. Résumé. Dans sa course de dix jours dans les Vosges, course qui n’a pas toujours été favorisée par le beau temps, la Société a eu l’occasion de voir, dans toutes les vallées qui rayonnent autour du système, des accidents erratiques variés et nombreux ; des moraines frontales, soit stratifiées, soit non stratifiées, placées au fond des vallées, dans une position caractéristique ; des mo¬ raines latérales représentées par des amas considérables de blocs ou par des bourrelets, des plis horizontaux du terrain, sur le flanc des montagnes, et des moraines par obstacle. Puis cha¬ cun des membres de la Société prenant part aux courses a pu recueillir sur place des exemplaires concluants de roches striées et de galets rayés. La Société a pu remarquer que, dans tous ces accidents, l’eau à l’état de glace n’avait pas agi seule, mais que l’eau à l’état liquide était intervenue postérieurement, d’une manière très énergique : 1° soit comme courant puissant et rapide ; 2° comme torrent, ruisseau ou ruisselet ; 3° à l’état de repos, comme lac, étang . \o Comme courant puissant , l’eau est intervenue dans les terrains erratiques des Vosges, en coupant les moraines, en les démantelant, en dispersant leurs débris, en les étalant sous forme de nappe, et donnant naissance aux terrains de comhle- Soc. gcol. , V série t tome IV 92 i/j58 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , ment qu’on rencontre dans toutes les vallées. Cette action de l’eau comme courant rapide peut encore se concevoir de deux manières : l’une de grande énergie, ayant eu lieu à une époque correspondant à une fusion partielle et accidentelle des glaciers, époque où des courants d’eau d’une puissance considérable ont entraîné les débris arrachés primitivement aux Vosges par les forces erratiques, les ont conduits au delà des limites du sys¬ tème et répandus dans les pleines de la Moselle, de la Meurthe, du Rhin. L’autre action est celle qui s'exerce encore de nos jours, dans des limites infiniment plus restreintes-, les cours d’eau, réduits aux proportions que nous leur connaissons, n’exer¬ cent plus sur les terrains de transport qu’une action considéra¬ blement réduite. 2° Comme torrent, ruisseau ou niisselet. L’eau est intervenue pendant l’époque même où les glaciers existaient dans les Vos¬ ges. Les glaciers, par leur mouvement de progression, transpor¬ taient des débris de roches sur un point donné, et en même temps des ruisseaux et ruisselets sillonnant leur surlace en¬ traînaient les graviers et les sables-, ils les réunissaient sur le même point et donnaient lieu à des moraines frontales strati¬ fiées. Cette action des petits cours d’eau circulant à la surface des glaciers a été peu observée jusqu’à présent ; l’effet qu’ils produisent de nos jours sur les glaciers en activité est peu sen¬ sible. Mais si l’on considère que, dans les anciens temps, le grand glacier de la Moselle, par exemple, avait 36 kilomètres de longueur, quTil était appelé à frotter des masses où le grès vosgien et le grès bigarré entraient pour une bonne part, on comprendra que ces ruisseaux aient pu entraîner une très grande quantité de sable. — Comme torrent , l’eau a marqué son action pendant l’époque glaciaire-, lorsqu’elle descendait des vallons latéraux et venait butter contre un grand glacier, elle donnait lieu à des petits lacs et à de moraines latérales rema¬ niées. 3° Comme lac , étang , marais. L’eau renfermée dans l’en¬ ceinte d’un bassin tranquille n’a donné lieu qu’à des effets peu sensibles sur le relief du sol. La Société a remarqué que la plu¬ part des lacs dès Vosges étaient le résultat d’un barrage produit 1459 MJ 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. par les moraines terminales-, ils subsistent comme effet, mais ils n’entrent que pour une faible part dans le nombre des causes agissantes. De la disparition des anciens glaciers. Parmi les faits relatifs à l’existence des anciens glaciers, la Société a remarqué dans toutes les vallées qu’elle a explorées , que les moraines frontales étaient toutes placées dans le fond des vallées, à une certaine distance les unes des autres , par échelons parallèles, quelquefois très rapprochés, d’autres fois 4 plusieurs kilomètres de distance, dans la même vallée, sur le terrain qui a porté le même glacier. D’un autre côté, on sait que les glaciers en activité, s’ils ont plusieurs moraines super¬ ficielles, n’ont jamais qu’une seule moraine frontale, d’où l’on peut conclure avec toute certitude de ce fait de l’échelonne¬ ment des moraines, que les anciens glaciers des Vosges ont disparu de la surface du sol par une révolution lente et inter¬ mittente qui doit avoir embrassé un nombre considérable de siècles. De la calotte de glace. L’hypothèse d’une calotte de glace recouvrant tous les sommets des Vosges n’est pas encore arri¬ vée 4 l’état de démonstration scientifique. Toutefois, les faits recueillis jusqu’à présent sur cette singulière époque, et qui ont passé sous les yeux de la Société, semblent justifier cette opi¬ nion. La forme arrondie et moutonnée de tout le système, la présence, dans le voisinage des sommets élevés, de champs de blocs déplacés, et l’absence, dans les moraines les plus intérieu¬ res, de matériaux provenant de ces mêmes points, sont autant de faits difficiles à expliquer si l’on rejette cette hypothèse. Séance du 21 septembre 1847. PRÉSIDENCE DE M. ÏIOGARD. Le mauvais temps n’ayant pas permis à la Société de suivre l’itinéraire qui avait été adopté, elle retourne sur ses pas par la route du ballon de Giromagny. 1A60 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÊPINAL, La séance est ouverte à huit heures dans le salon de ThOlel de ville de Remiremont. M. Delesse, secrétaire, rend compte de l’excursion de la journée. Un peu avant d’arriver à la maison Bonaparte, la Société ob¬ serve dans la syénite un filon dont l’exploitation avait été entre¬ prise récemment par la Société des mines de Giromagny. Ce filon, dont les allures sont très irrégulières, avait d’abord pré¬ senté une assez grande richesse à l’affleurement ; mais bientôt il s’est perdu sans qu’il ait été possible jusqu’à présent de re¬ trouver sa trace, et à cause de la dureté de la roche encaissante, qui est la syénite, il a été abandonné. Le filon paraît se diriger à peu prés N. 30° E. Son pendage est considérable: il a une largeur d’environ 1 mètre. Les minéraux qu’il présente sont le quartz , du feldspath orthose d’un rose rougeâtre, un mica noir à éclat résineux for¬ mant quelques lamelles assez rares, du sulfate de baryte, ainsi que de la chlorito pailletée. — Les minerais sont la pyrite de cuivre, îo cuivre gris, quelques composés cuprifères en petite quantité qui paraissent provenir de la décomposition des pre¬ miers minerais, tels que le carbonate de cuivre, l’arséniatc et l’hydrosilicate 5 il y a en outre du molybdène sulfuré, de la py¬ rite de fer blanche cristallisée en cubes, du fer oligiste, etc. A Saint-Maurice, la Société a consacré quelques instants à l’examen de blocs de la syénite du ballon, qui se laisse facile¬ ment tailler, et qui est employée pour la construction d’un pont. Au Pont-Jean, elle a rencontré des blocs de syénite où le feldspath andésite a un tout autre aspect que dans les syénites des ballons de Saint-Maurice et de Servance : il est jaune de miel, et il passe par altération au rouge corail. La Société, en montant aux anciennes mines du Tillot, a passé encore une fois sur un lambeau de terrain de transition ; il est caractérisé par des schistes compactes , mais fendillés et décomposés. xYux anciennes mines, elle a recueilli des échantillons de mo¬ lybdène sulfuré provenant d’exploitations entreprises autrefois sur des filons qui ont même composition et même gisement que celui du ballon. On a pu choisir aussi de beaux échantillons de DU 10 AU 23 SEPTEMBRE 1847. 1461 feldspath orthose rose, qui accompagne le molybdène sulfuré. La Société a observé ensuite plusieurs variétés de diorites, sur tout le revers où se trouvent les mines du Tillot : tantôt elles sont granitoïdes, tantôt elles sont schistoïdes, tantôt elles présentent la structure orbiculaire; le plus ordinairement elles sont très riches en amphibole hornblende , qui a une couleur verte, et Ton ne peut môme reconnaître le feldspath qu’aux taches blanches qui résultent de sa décomposition à l’air : c’est ce qu’on voit surtout au Pont-Jean, où la roche semble quelquefois être presque entièrement formée d’amphibole, et mérite alors le nom d 'amphibolite. Séance des 22-23 septembre 1847. PRÉSIDENCE DE M. HOGARD. La Société retourne à Epinal, et elle se réunit à trois heures, pour la séance de clôture, chez M. Hogard, président. Après avoir consacré quelque temps â l’examen de ses collections géo¬ logiques et de divers dessins relatifs aux phénomènes erratiques dans les Vosges, sur l’invitation deM. le président, elle entend la communication suivante, qui lui est faite parM. Delessc (1) : La substance fibreuse asbestiforme qui se trouve en filons , dans la serpentine des Vosges, est du Chrjsotil dont la composi¬ tion est ; silice 41,58, alumine 0,42, protoxyde de fer 1,69, magnésie 42,61, eau 13,70. Sa composition est donc identique avec celle de la serpentine noble. M. Delessc donne ensuite lecture d’un mémoire sur le por¬ phyre de Ternuay (2). Les minéraux constituants de ce porphyre, qui est désigné sous le nom d ' Ophitone par M. Cordier, sont essentiellement un feldspath verdâtre et de Y a agi te vert clair qui ont la com¬ position suivante : (1) Voir, pour de plus grands détails, Bibliothèque unive\ selle de Genève , avril 1848, t. VII, p. 116, sur le Chrysotil des Vosges. (2) Voir Annales des Mines , 1 8 47, t. XII, p. 283. — Mémoire sur la constitution minéralogique et chimique des roches des Vosges. Porphyre de Ternuay. U62 RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉI’INAL, Silice. . . . Alumine . Oxyde île fer . Ox\de de manganèse. Chaux . Magnésie . Soude . Pelasse . üau . Feldspath. Angite. 4!), 32 40,00 30.07 5 01 0.70 7.19 0<6 ) ti aees 4.23 IX, 7S 1 .00 15,95 4, Ko » 4 4> » 5.15 2,26 Il contient en outre un peu de 1er oxvdule qui es! engagé dans les cris¬ taux d'augite. Ou peut admettre que la composition moyenne de ce porphyre est : silice 4!). alumine 24, oxyde de fer et de manganèse 3, chaux#, magnésie G, soude 4 , fjolasse 3 , eau 5. M. Guihal communique à la Société les premières planches de sa collection de dessins des fossiles du département de la Meurthe. Il n’a encore terminé que le grès bigarré. . 14 espèces. Le muschelkalk . 114 Le keuper . 6 Total pour le trias. . . 134 Lias . 1 . 254 11 a commencé l’oolithe dont il a déjà dessiné 1 30 Total. . . 548 Quoique l’oolithe supérieure ne se trouve pas dans la Meur¬ the, il compte en dessiner également les fossiles pour compléter le calcaire jurassique. La Société témoigne avec instance à l’auteur le désir qu’elle aurait de voir ces planches lithographiées. A la suite de cette communication , M. Delesse présente quelques considérations sur Tordre de succession des minéraux qui se trouvent en filons dans Tarkose des Vosges (1). L’arkose cle la Poirie, près Remiremont, est traversée par line multitude de filons qui la pénètrent en tous sens et qui ne pa¬ raissent pas avoir une direction constante. On peut observer que les substances minérales qui forment ces filons se sont succédé dans un ordre déterminé, qui est le même pour toutes et qui marque leur ancienneté relative; cet ordre est celui dans lequel elles se présentent de la salebande à la ligne médiane du filon. (1) Voir Bibliothèque universelle de Genève . (mars 1848), p. 177. Sc. pliys. , t. VIII Ï)U 10 AU 23 SEPTEMBRE 1 8 /| 7 . U63 En commençant par les plus anciennes on a d’abord le quartz. Quartz. — Quelquefois le filon est uniquement formé de quartz, mais quand il est accompagné d’autres minéraux il repose toujours immédiatement sur la salebande. Le plus ordinairement il est à l’état de quartz hyalin, très brillant, les axes de ses cristaux étant à peu près perpendiculaires aux épontes: quelquefois cependant, surtout au contact de la salebande, il est rougeâtre ou blanchâtre ;à la base de l’ai kose on trouve d’ailleurs près de la Poirie des filons quartzeux bréchiformes qui empâtent des fragments anguleux de quartz ayant toutes les nuances du brun rougeâtre et surtout du rouge. Fer oligiste. — Après le quartz est venu le fer oligiste qui le re¬ couvre en enduits très minces et qui tapisse même les fissures les plus étroites de la roelie. 11 est très éclatant et cristallisé , ses cris¬ taux sont très surbaissés dans l’axe du rhomboèdre, et, contraire¬ ment à ce qui a lieu pour le quartz, ils sont assez généralement dis¬ posés de manière que cet axe soit parallèle aux épontes; leur forme est du reste celle du fer oligiste spé cul aire des volcans , et par con¬ séquent ils doivent, comme ce dernier, avoir été formés par subli¬ mation. Baryte sulfatée. — En dernier lieu est venue la baryte sulfatée qui est blanche ou rosâtre, elle est toujours cristallisée et elle a une structure radiée, laminaire ou crêtée, l’axe du prisme rhomboïdal droit étant , comme pour le fer oligiste , parallèle aux épontes. Chaux fluatée. • — On trouve encore dans ces filons de la chaux fi u a té e verdâtre et des empreintes cubiques lui appartenant, qui sont moulées dans du quartz calcédoine , par conséquent ses cristaux étaient formés avant la venue du quartz; mais d'un autre côté on en rencontre aussi en veines intimement engagées dans le sulfate de baryte; il semblerait donc résulter de là que la chaux fluatée a paru plusieurs fois et à différentes époques de la formation du filon. La chaux fluatée , le quartz , le fer oligiste , la baryte suljatée sont les minéraux des filons qui coupent l’arkose de la Poirie et il importe de bien remarquer qu’ils ne se trouvent pas seulement dans les filons mais qu’ils ont aussi pénétré très souvent jusque dans la masse même de la roche. C’est d’ailleurs ce qu’il est facile de concevoir si l’on observe qu’étant formée de grès elle pouvait se laisser traverser assez facilement par des émanations, telles que celles qui ont donné lieu à la formation du fer oligiste. MM. de Bonnard, Dufrénoy et E. de Beaumont, Leymerie , Virlet, Moreau, ainsi que les géologues qui se sont occupés de l’étude de Farkose dans la Bourgogne, ont depuis longtemps fait 14G/| RÉUNION EXTRAORDINAIRE A ÉPINAL , ETC. remarquer l’importance du rôle joué par le quartz; comme c’est aussi le quartz qui domine dans les filons des Vosges tels que ceux de la Hoirie , de Faymout , d’Hérival , etc. , qui viennent d’être décrits, on peut caractériser et résumer les modifications complexes que ces filons ont produites dans la roche transformée en arrose en disant qu’ils ont donné lieu à une silicification. Après avoir adressé des remercîments à MM. les membres présents, M. le président (1) prononce la clôture de la session extraordinaire dans les Vosges, pour l’année 1847. (t) M. Hogard ajoute ce qui suit aux observations qu’il a présentées dans la séance du 14 septembre (voir p 1414), sur la présence du vieux grès rouge dans les Vosges. La puissance moyenne du grès rouge, au val d’Àjol et à la Poirie, est de 150 mètres; celle de l’arkose, dans ces deux localités, est de 200 mètres (moyennement). Si 5 la Rèche , l’arkose s’est formée aux dépens du grès rouge, par métamorphisme, il faudra bien admettre qu’il y a un foisonnement, puisque la puissance de ce dernier terrain aurait été augmentée de 50 mètres, c’est à-dire d’un tiers en sus. L’arkose ayant aussi moyennement 200 mètres à la Poirie, il y au¬ rait eu la môme augmentation Mais comment expliquer alors ce qu'on observe dans cette dernière localité, où nous rencontrons savoir (en adoptant la même hypothèse) : 200 mètres d’arkose qui se serait produite par la transformation du grès rouge (argiles, grès micacés, grès plus grossiers); puis ensuite, et par-dessus l’arkose, la réapparition du grès rouge, depuis sa base for¬ mée d’argiles, comme à Faymont (val d’Ajol). au Gehard , etc. (argi- lolites, pierres à four), jusqu’au grès argileux formant la transition avec le grès des Vosges, et ayant encore ici, comme au val d’Ajol, 150 mètres moyennement de puissance; soit en totalité 350 mètres, répartis ainsi qu’il suit : 200 mètres d’arkose représentant la masse métamorphique du grès rouge après foisonnement de 50 mètres, et recouverts par 150 mètres de grès rouge non métamorphique. Si ces observations ne paraissent pas concluantes, nous serons bien autrement embarrassés lorsqu’il nous faudra discuter la séparation du grès des Vosges et du grès bigarré. BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DÉ FRANGE. TABLE DES MATIÈRES ET DES AUTEURS POUR LE QUATRIÈME VOLUME. (DEUXIÈME SÉRIE. ) Année 1846 à 1847. Adour ( Bassin de (’). Craie, p. 712. — Terrain à Nummuliles, p. 54o, 566, 715, 1006. — - Ophites, p. 722. Albanie. Dolomie à fossiles crétacés, p. 4a6. Allemagne septentrionale. Indications relatives au phénomène erratique, p. 52. — Cause du transport des blocs erratiques, p. 170. Allier. Mammifères fossiles, p. 5j8. Alpes. Dépôts de transport, p. 80 et 83. — Comparaison des phénomènes erratiques avec ceux du nord de l’Eu¬ rope, p. 182. — Ancienne extension des placiers , p. io3, 118. — Galets striés, p. 3oi. — Hoches striées, p. 92. — Erosions sur les rochers, p. 74. — Pente moyenne des glaciers, p. 119. Alpes autrichiennes. Gîtes de fossiles, p. 166, 423. Alpes bernoises. Coins calcaires dans le gneiss, p. 208 et 4o6. Alpes suisses occidentales et de la Savoie. Position relative des terrains, p. 996. Angelot. Mode de formation du gra¬ nité, p. 496. — Sur les geysers, p. 554. Animaux fossiles du terrain de tran¬ sition d’Ille-et-Vilaine, p. 320. — Communs aux terrains paléozoïques des Etats-Unis et de l’Europe, p. 688. — Du trias des Vosges, p. 1149* — Soc. çjéol. , 2e série , tome IV Du Jura salinois, p. 128. — Du ter¬ rain à Nummuliles de PAdour, p. 1010. — Id. de l’ A iule, p. 1 1 4 0. Aacm ac (d’). Fossiles du terrain à Num- mulites dubassin del’Adour, p. 1006. — Couches traversées par le chemin de fer entre Libourne et Angoulême, p. iio3. — Observations diverses, p. 182,424,426, 1014. Archives. Happort sur leur état en 1846, p. 1001. Ardèche. Fossiles des mines de fer de Privas, p. 71 1 , 763. Ariège. Nature des terres en rapport avec les divers étages de la vallée, p. 825. Arménie. Terrains paléozoïques, p.709. Aude. Terrain à Nummuliles, p. 1127. Autriche (Basse). Fossiles dans le cal¬ caire secondaire, p. 1 58. — Fossiles du coral-rag, p. 162. — Etages ter¬ tiaires divers, p. i65. — Mammifères fossiles, p. 159. Autriche (Haute). Céphalopodes fossi¬ les, p. 159. — Orthocère réunie à une Ammonite, p. 1 55. — Caprine, p. 583. — Traces d’anciens glaciers, p. i55. — Lac de Hallstadt, p. 1 56. Avis sur la rédaction des notes ou mémoires destinés aux publications delà Société, p. 402, 58j. Aymard. Ossements humains et Mas¬ todonte fossiles du Puy (Haute- Loire), p. b 11. 93 1466 TABLE DES MATIERES H Bavière. Position relative des couches à Fucoïdes et à Nummulites p. 1 58. Beaumont (Elie de). Sur la série des couches entre le grès vert et le cal¬ caire grossier, p. 562. — Sur les sys¬ tèmes de montagnes les plus anciens de l’Europe, p. 864 à 991. — Sur les émanations volcaniques et métallifè¬ res, p. 1249. — Note relative à l’une des causes présumables des phéno¬ mènes erratiques, p. 1 354- — Obser¬ vations diverses, p. 433, 454. 517, 570. Belgrand. Etudes hydrologiques dans les granités et les terrains jurassi¬ ques de la Bourgogne, p. 3a8. Bertr and-Geslin. Observation, p. r 4 3. Bibliographie, p. 5, 120, i46, 2ü6,3o'>, 398, 4o5, 422, 4 3 1 , 460, 5o6, 536, 573, 687, 710, 762, 993, 1059, 1 1 63, i38o, 1 429. Billï (oe). Sur les roches de Framonl (Vosges), p. 1 4 1 2 - — Dispo-itton de la syénile des Vosges, p. i455. — Son opinion sur le terrain erratique des Vosges, p. i44o. — Observations diverses, p. 1424» i44°* Boissv (de). Coquilles fossiles de Rilty (Marne), p. 177. Boubée. Sur les terrains tertiaires du bassin de la Gironde, p. 56 1 . Sur le terrain à Nummulites des Pyré¬ nées, p. 571, 10 1 x. — Bapport entre la nature des terres et l’ancienneté relative des alluvions dans la vallée à plusieurs étages de l’Ariège, p. 825. — Terrasses successives des ('ôtes, p. 1123. — Observations diverses, j). 408, 43o, 498, 5 16, 538, 54i, 55o, 556. Boucault présente des fossiles de l’Ar¬ dèche, p. 711. Bouches- du - Rhône, Terrains traversés par le souterrain de la Nenhe, p. 261. — Terrains tertiaires, p. 266. — Reptiles fossiles, p. 265. Boue. Description de l’allas des rap¬ ports entre l’orographie, l'hydrogra¬ phie et la géologie du globe terrestre, par M. de Hauslah, p. 1517. — Sur les travaux de la Société des sciences naturelles et physico-chimiques de Vienne, p. 1 54- — Sur les pseudo- morphoses du sel gemme, p. 455. — Expédition srientilique turque, p. 1049. Bourgogne. Etudes hydrologiques dans les granités et les terrains jurassiques, p. 328. Brésil. Sur le gisement des diamants, p. 157. Bresse. Sur son terrain lacustre , p. ioS5. Bretagne. Granité à nœuds cristallins , p. 140. — Terrains de transition, p. 323. — Variations de nature des ro¬ ches pyrogènes, p. 409. Brie. Hydrologie, p. 375. Bucn (de). Sur des Térébratulçs et sur l’étendue du terrain à Nummulites, p. 54i. — Sur l’ile Cherry, p. 764. Budget pour 1847 P- 435. c Calcaire. Gisement du spath d Islande, P- 7. 6S‘ ... Calcaire pisolilhique du bassin de Pa¬ lis, p. 5 1 7. Canat. Terrain lacustre de la Bresse, p. 1085. Caprine à Gosa, p. i65, 583. Caractère géologique. Sur sa nature et son application, p. 6o4- Caractère palèontologique.So valeur en ^ géologie, p. 5go. Carinthie. Terrain éocène, p. 1 65. Catullo. Notes diverses sur la géologie de l'Italie, p. 25 j. Cephalaspis en Gallieie, p. t64. Céphalopodes fossiles de la Haute Au¬ triche, p. 159. — Des Alpes autri¬ chiennes, p. 422. Chaleur due aux sources thermales, produite par le combustible minéral, le combustible végétal, le genre hu¬ main, p. io56. Chaleur centrale, p. 53i. Chambbrs. Variations du niveau relatif de la terre et de la mer en Ecosse, p. 432. Charente-Inférieure. Terrain tertiaire près de Hoyau,, p. ioi3. Ch arpent kr (de). Si les phénomènes < rratiques peuvent être attribués à des courants, p. 274. ( haubard. Observations sur les ter- ET DES AUTEURS. rai ns tertiaires du bassin de la (J i- ronde, p. 393. Cherry (ile), p. 764. Chili. Fossiles crétacés, p. 5o;. Cinabre. Fossiles dans celui de la Car- niohj, p. 1G4. Collegno (de). Sur le Irias et la dolo¬ mie du Tyrol et le terrain jurassique de l'Italie, p. 5 76. Collomb. Ancienne extension des gla¬ ciers des Alpes, p. 176. — Sur les dépôts erratiques des Vosges, p. 216, ! 426. — Sur l'ancien glacier de Wes- 1 serling, p. n56. — Sur les galets j 4467 striés des Vosges et de Suisse, p.3oi, 433. — Forme des moraines des "V osges, p. 58o. — • Sur les neiges des Vosges, p. 104-. — Neige jaune au St-Bernard, p. 1093 et 1164. Comptes du trésorier, p. 167, 509, 5y4- — Rapport sur les comptes, p. 5 t 2, Coquand. Description géologique de la partie septentrionale du Maroc, p. 1 188. Crioceras en Italie, p. 254, 1101. Cussy (db). Note sur le sel marin et les mines de soufre de Sicile, p. 255. D D a mode. Hydrosilicale d’alumine de la Vienne, p. 4^4* — Sur les geysers de l’Islande , pt. 542. — Analyse de la Prédazzite, p. io5o. — Observa¬ tion, p. 4g5. Danemarck. Terrain dann n , p. 179. — Puits artésien à Copenhague , p. 768. — Surfaces striées et polies attribuées aux glaces flottantes, !■• 1177* Daubrék. Estimation d’émanations de chaleurs naturelles et artificielles, p. io56. Dblanoue. Sur le terrain crétacé de la Dordognp , p. 424. — Observations diverses, p. 467, 497» 335. Delbos. Sur les terrains du bassin de l’Adour, p.557. — Sur la craie, les ter¬ rains tertiaires et les ophites, p. 71 2. — Sur le terrain tertiaire de Royan et le sondage, de Peujard (Gironde), p. ioi3. — Observations diverses, p. 4t>6, 540. Delesse Sur la constitution minéralo¬ gique et chimique des roches des Vosges, p. 774. — Sur les verres pro¬ venant de la fusion des roches , p. i58o. — Procédé mécanique pour déterminer la composition des roches, p. i435. — Résultat de la distillation du porphy re de Belfahy, p. 1 4 44- — Chrysotil des Vosges, p. 1481. — Porphyre de Ternuay, p. i46i. — Ordre de succession des minéraux en filons dans l’arkose des Vosges, p. 14^2. De Lee. Cause du transport des blocs erratiques dans le nord de l’Alle¬ magne, p. 170. Descloizeadx. Sur les geysers de l’Is¬ lande, p. 55o. — Gisement du spath d’Islande, p. 768. Dkshayes. Observation, p. 181. Des Moulins. Craie de Maestricht dans la Dordogne, p. 4^3, u44. — Sur le rapport entie la nature du sol et la végétation, p. 1 109. Desor. Sur le terrain danien, p. 179. — Oursins fossiles de Patagonie , p. 287. — Pente moyenne des glaciers des Alpes, p. 1 19. — Sur le phéno¬ mène erratique du nord comparé à celui des Alpes, p. 182. — Glaces flottantes de l'océan Atlantique, p. 1044. — Observations diverses, p. 420, 454. Deville. Sur la soufrière de la Gua¬ deloupe, p. 428. Diamant. Son gisement au Brésil , P- *.57: Dolomie, à fossiles crétacés de la Haute- Albanie, p. 426, — du Tyrol, p. 576, — du llarz, p. 85 x. Dordogne. Terrain crétacé, p 4s3 — Silex de la craie de Maestricht , j). n44 Duchassaing Sur la Grande-Terre à la Guadeloupe, p. nog3. Dufrénoy. Cavités et courants souter¬ rains dans la vallée de la Loire, à Orléans, j). 772. — Observations di¬ verses, p. 4o5, 5oS, 517, 538, 541 , 56 1, 570. Dumont. Sur la valeur du caractère pa- léontoiogique en géologie, p. 590. Dubochkr, Eludes sur les phénomènes erratiques de la Scandinavie, avec des indications sur ceux des Alpes et des Pyrénées, p. 29, — Réponse à des remarques de M. Marlios , p. 107. — Granité à nœuds cristal¬ lins de la Bretagne , p. i4o. — Sur 14(58 TABLE DES MATIERES les variations de nature des roches pyrogènes, p. 409» — Sur la cristal¬ lisation des roches granitiques, p. 1018. — Observation, p. 120. E Elections , commissions, bureau et con¬ seil, p. 4o3. Elolherium du bassin de la Gironde, p. io83. Emanations volcaniques et métallifères. Marche graduelle des phénomènes chimiques naturels, p. 1249. Eschkr dk la Liniii. Formations du can ton de Glaris, p. 1 1 25, Fauverge. Sur des mines de fer de l’Ardèche, p. 763. Favre. Position relative des terrains des Alpes suisses occidentales et de la Savoie, p. 996. Finlande. Sur les pierres d’Imatra , p. 20, 27. — Leur analyse, p. 28. — Phénomènes erratiques, p. 5o. Fonsbca (db). Surla Sarcolite etlaMel- lilite du mont Somma, p. 14. Forchhammer. Puits artésien à Copen¬ hague, p. 7 68. — Sur les surfaces po¬ lies et striées du Danemarck, attri¬ buées à l’action des glaces flottantes, p. 1177. Fournbt. Résultats d’une exploration des Vosges. Roches érnptives, p. 220. Espagne. Mines de plomb de la partie méridionale, p. 5 17. Etats-Unis. Lettre sur sa géologie, p. 12. — Grande orthocère, p. 556. — Parallélisme de ses dépôts paléo¬ zoïques avec ceux de l’Europe , p. 646. — Transport de blocs erra¬ tiques par les glaces flottantes , p. 1 1 13. — Métamorphisme, p. 23o. — Clas¬ sification des porphyres, p. 240. — Pseudomorphose, p. 247. — Réac¬ tions aqueuses sur les filons métalli¬ fères, p. a5o. — Réclamation, p. 1017. Frapolli. Sur le gneiss, p. 408. — Sur les collines hærcyniennesau nord du Harz, p. 727. — Faits pour l’his¬ toire des dépôts de gypse, de dolo¬ mie et de sel gemme , p. 832. — Sur la nature et l’application du carac¬ tère géologique, p. Go4« — Sur le phénomène erratique du nord attri¬ bué aux glaces flottantes, p. 4*6, io46, 1164, 1 176. Galles ( Pays de). Terrains de transi¬ tion, p. 766. Gallicie. Terrains de transition , p, 1 65. Géographie botanique. Ses rapports avec la géognosie, p. 555, 1 109. Géographie physique. Rapports entre l’orographie , l’hydrographie et la géologie, p. 47. Geysers de l’Islande, p. 542. Gironde. Sondage de Peujard,p. 1014. Gironde ( Bassin de la). Couches tra¬ versées par le chemin de fer entre Libourne et Angoulême, p. 1 io3. — Notes sur les terrains tertiaires, p. 395 et 395, 56i. — Elotherium , p, iû83. Glaces flottantes transportant des blocs erratiques de Scandinavie et de l’A- méiique du Nord, p. 1 1 1 5 — Agents des phénomènes erratiques du Nord, p. <{16, 1046, 1164, 1176. — De l’Atlantique, p. io44* Glaciers. Lenteur de la fusion des an¬ ciens glaciers, p. 269. — Leur an¬ cienne extension en Scandinavie , p. 70, 98, 107 ; — dans les Alpes, io3, 176; — dans la Haute- Autri¬ che, i55. — Anciennes moraines à Remiremont (Vosges), p. 288, 4^3. — Anciens glaciers de Wesserling , p. n56. — Forme des moraines des Vosges, p. 58o. — Anciens glaciers à Eure (Haute-Saône), p. 296; — dans le Jura, p. 462. Grange. Observation, p. 421* El DES AUTEURS. Granité . Sur bu nature plulonique, p. 4/5. — A nœuds cristallins de la Bretagne, p. i4o. Granitiques (Roches). Recherches sur leur cristallisation, p. 1018. Graves. Observation, p. 1 S 1 . H aercyniennes (Collines sub-) au nord du Harz, leur constitution géologi¬ que, p. 727. — Gisement et origine des gypses , p. 833. — IJ. des dolo¬ mies, p. 85 t. — Id. du sel gemme, p. 853. IIaidingkr. Métamorphoses du fer hy¬ droxyde, p. 1 58. — Sur le périclin , p. 164. H acer. Orthoc ère réunie à une Ammo- nitede Hallstadt (Haute-Autriche), p. 1 55. — Fossiles dans le calcaire secon¬ daire devienne, p. i58. — Céphalopo¬ des fossiles de la Haute-Auti iche, p. 159.— Terrain éocèneen Carinthie, p. i63. — Caprine de Gosa , p. 1 65 , 583. — Fossiles dans les Alpes au¬ trichiennes, p. 166. — Trois étages à Céphalopodes, dans les Alpes autri¬ chiennes, p. 4^2- 1A69 Guadeloupe. Sur la soufrière, p. 428. — Sur la Grande-Terre, p. 1093. Gciral. Fossiles de la Meurlhe, p. 57G, 1462. Gypses. Gisement et origine de ceux du Harz, p. 833. Hébert. Note sur le calcaire pisolilhi- que du bassin de Paris, p. 517. — Observations diverses, p. 4.98» 604. LI k c m r k 1 c h k rf . Gisement du diamant au Brésil, p. 157. Hogard. Sur les roches de Faimont (Vosges), p. 144, 14.64. — Sur les moraines des Vosges, p. 438 Hombres-Firmas (o').Térébratules nou¬ velles du Gard. p. 1018. Homme fossile du Puy (Haute-Loire), p. 412. Hongrie. Ba^altesde Kremnitz, p. 164. Hydrologie générale, p. 375. — Des granités et des terrains jurassiques de la Bourgogne, p. 328. — De la Brie, p. 373. Hydrosilicate d’alumine de la Vienne, p. 168, 464; — de Milo, p. 468. 1 Ile-et-Vilaine. Trilobites et autres fos¬ siles, p.309. Imatra (Pierres d’). Leur analyse , p. 28. Inde. Fossiles crétacés, p. 507. Inondations du Cotapaxi et de Bagne , p. 280, i35o, 1 356 . Jourdan. Observation, p. 1424. Jura. Recherches géologiques sur le Jura salinois, p. 1 55. Jura. Existence des groupes portlan- Kbysbrling. Sur la Nouvelle-Zemble, Russie, p. 589. Islande. Sur les geysers, p. 54a. — Gise¬ ment du spath calcaire, p. 768. Isomorphisme de Peau, p. 468, 101 5. Isomorphisme polymère, p. 469, Italie. Terrain jurassique . p. 579. — Calcaire rouge ammonitifère , p. 1061 . dieu etkimméridiendansceltechaîne, p. 121. — Sur les hautes sommités entre la Dole et le Reculet, p. 436. — Anciens glaciers, p. 42* p. 11. — Lettre sur la géologie de la L Le Blanc. Observation, p. 55p. J Leplynite des Vosges, p. i5p5. 1470 TABLE DES MATIERES Levallois. Sur la roche ignée d’Essey- la-Côte (Meurlhe) , p. 1443. — Ob¬ servation, p. i44o. Lbymkrik. Terrain à Nummulites des Pyrénées, p. 56o. —Observations, p. 56 1 , 5jo. Loire {Haute-). Homme et Mastodon¬ tes fossiles, p. 41 2. Loiret. Cavités et courants souterrains près d’Orléans, p. 772. M Maissin (db). Envoi de roches, p. 3ox . Mammifères fossiles du bassin de Vienne, p. 159. — Nouveaux de l’Ai¬ lier, p. 078. M ahcou. Sur l’existence des groupes porllandien et kim méridien dans les monts Jura . p. 121. — Recherches géologiques sur le Jura salinois, p. i55. — Sur les hautes sommités du Jura comprises entre la Dole et le Keculrt, p. 4^6. — Observations di¬ verses, p. 454, 575. Marnes. Coquilles fossiles de Rilly, p. ™ *77’ Maroc. Description géologique de la partie septentrionale, p. 1x88. Martins. Coins calcaires dans le gneiss des Alpes bernoises, p. 214. — Pré¬ sente des échantillons de gneiss des Alpes suisses, p. 4^6. — Remarques sur les Etudes sur les phénomènes erratiques de la Scandinavie, par M. Du rocher, avec des indications sur ceux des Alpes et des Pyrénées, p. 89. — Objections à la note de M. Frapolli, p. 420, ii85. — Trans¬ port de blocs erratiques de la Scan¬ dinavie et de l'Amérique du Nord, par des glaces flottantes, p, 11 13, 1187.— Lac de Gérardrner, p. 1 44 1 • — Résumé des observations de la Société sur les phénomènes errati¬ ques des Vosges, p. 14 56, — Obser¬ vations diverses, p. 2i5, 4^7» 4uS, 409, 42i, 1400,1420, i45x. Mastodonte de la Haute-Loire, p. 412- Mathrbon. Terrains traversés dans le souterrain de la Ncrthe, près Mar seill e, p. 261. Mauddyt. Sur un morceau de quartz et un silicate de chaux et de magné¬ sie, p. 168. Mell'lite. Sa description, p. 18. Membres nouveaux , p. 5, x 46 , 206, 3oo, 4o5, 422, 45o . 46o, 5o6, 536, 572, 587,710, 762, 993, 1059, 1 ib5. Métamorphisme normal , p. 49^. — Dans les loches des Vo-g *s, p. 23o. Meurlhe. Fossiles, p. 576. — Roche ignée d’Essev-la-Côte, p. i44o. Michelin. Sur un polypier, p. 1 4^4- — Observations diverses, {>• 1 S 1 , 426. 538, 540, 6o4- MUo. HydiO'ilicatc d’alumine, p. 468. Minéraux. Leur ordre de succession dans les fiions de l'ai kose des Vosges, p. 1462. Mollusques fossiles de Rillv (Marne), [>. 177. Montagnes. System s les plus anciens de l’Europe (Vendée, Finistère, Lnng- mynd, Morbihan, Westmoreland et Hundsrück), p. 864 à 991. Morlot. Position relative des couches à Fucoïdes et à Numinuliles en Ba¬ vière, p. 1 58. Moxjgbot. Sur des fossiles du terrain triasique des Vosges, p. 1429 Mousson. De la fusion nécessairement lente des anciens glaciers, p. 269. Murchison. Terrain de transition du pays de Galles, p. 7 66. N Neiges sur les Vosges, p. 1047. — Neige r Nevropteris (Nouveau) du trias des Vos. jaune au Saint-Bernard, 1093, 1164. I ges, p. 1429. O Oise. Terrain danien à Laversine , p. *79- Omàlius dHalloy (d’). Sur l’hypo¬ thèse de la chaleur centrale du globe, p. 55 1. — Observation, p. 2x5, 467, 495, 497» 5x0, 604. ET DES AUTEURS. Opliitcs du bassin de l’Adour, p. 72a. Orbigny (Alcide n’). Fossiles crétacés du Chili et de l'Inde, p. 5oj. Orthocère réunie à une Ammonite de Paillette. Sur les mines de plomb du midi de l’Espagne, p. 5a2. — Obser¬ vation, p. 54o. Palæolherium , p. 584. Paris ( Bassin de). Calcaire pisolithi- que, p. 517,564. Parrot. Observation en réponse à M. Virlet sur les pierres d’imatra, p. 20. Patagonie. Oursins fossiles, p. 287. Pentacrinites en Lombardie, p. a55. Perrey. Surles tremblements de terre, p. 1 099. Phénomènes erratiques. Ne peuvent être attribués à des courants, p. 274* • — Sur une «le leurs causes présuma¬ bles, par M. Elie de Beaumont , p. i534. — Etudes sur ceux de Scandi¬ navie, par M. Durocher, p. 29. — — Ceux du Nord comparés à ceux des Aipes, p. 182. — Attribués à l’action des g'aces flottantes, par M. Frapolli, p. 416, 1046, 1164, 1176. — ld. à l’action des vagues . par M. Weibye, p. 1 169. — Dans le nord de l’Allemagne, par de Luc, p. 170. — Des Vosges, p. 216. Piémont. Indications géologiques, p. 53, 55. Pilla. Sur le calcaire rouge Ammoni- tifère de l’Italie, p. 1062. P tanches du Bulletin. T, p. i3; Tl, p. 296; III , p. 528; IV, p. 385; V, p. 727 ; VI, p. 1077 ; VII, p. 1162 ; VI 1 1 et IX, p. 1174? X, p. 1248. 1471 Hallstadt (Haute-Autriche), p. 1 55 ; — gigantesque des Etats-Unis, p. 556. Oursins fossiles de Patagonie, p. 287. P — Figures dans le texte, p. 176, 210, 311, 453, 520, 54i, 566, 597, 598, 696, 697, 755, 997, 998, 1023, 1024, 1061, 1089, 1 32 2 , 1404. Plomb. Mines dans le sud de l’Espa¬ gne, p. 522. Pomel. Animaux vertébrés fossiles de l’Ailier, p. 078. — Sur le genre Pté¬ rodon, 385. — Sur l’homme fossile du Puy en Velay, p. 412- — Sur le genre Palæolherium, p. 584- — Sur le genre Elothenum, p. io83. — Ob¬ servation, p. 1 100. Porphyre ne Belfahy (Haute-Saône) , p. 792, 1444. Prédazzite du Tvrol. Son analyse, p. 10Ô0. Prévost (C.). Note sur les terrains ter¬ tiaires du bassin de la Gironde, p. 395. — Sur les marnes à retraits py¬ ramidaux, p. 438. — Sur le terrain à Nummulites, p. 539. — Observa¬ tions diverses, p. 521,575. Ptérodon. Genrevoisin des Dasyures, p. 385. Puton. Sur le Leptynite des Vosges , p. 1395 et i4o5. — Sur les roches de Faimont, p. i4*4* — Observations diverses, p. i4a3, 1424, i438. Pyrénées. Terrain à Nummulites, p. 56o, 570, 1127. — Erosions sur les rochers, p. 74, 77. — Dépôts de transport, p. 80, 85. — Phénomè¬ nes erratiques, p. 274, i345 à 1370. R Raquin. Mines de fer du lias de Saône- et Loire, p. 3o4« Reptile des Bouches-du-Rhône, p. 265. — De l’Ailier, p. 382. Rivière. Réclamation au sujet de l’iso¬ morphisme de l’eau, p. 101 5. — Ob¬ servation, p. 407. Boches éruptives des VosgeS, p. 240. Rose (G.). Serpentine métamorphique de Silésie. p. 1061. Rouault (Marie). Sur les Trilobites d* I Ile-et-Vilaine, p. 309. Roykr. Moraines d’anciens glaciers près de Remiremuot (Vosges), p. 288, 1418. — Dans le Jura, p. 462. Rozkt. Notes sur l’hydrologie, p. 375. — Observation sur le gneiss, p. 407. — Rapport sur la gestion du tréso¬ rier pendant l’année 1846, p. 5i2. — Observations diverses, p. 21 5, 5o8,42i,433, 52i,5i3, 575. Russie. K oies géologiques, p. 589. 1472 TABLtë DES MATIERES I Salvéiat. Analyse d’une pierre nodu¬ laire d'Imatra, p. 28. — Analyse d’un hydrosilicate d’alumine de la Vienne, p. 464. Saône (Haute-). Porphyre de Belfahy, p. 792. — Spilite de Faucogney, p. 820. — Traces d’anciens glaciers à Lure, p. 296. Saône-el-Loire. Mines de fer dans le lias, p. 3 04. Sarcolite. Sa description, p. 14. Scandinavie. Variations de nature des roches pyrogènes, p. 4<>9- — Etudes sur ses phénomènes erratiques, par M. Durocher, p. 29. — Réponse par M. Marlins, p. 89. — Réplique de M. Durochec, p. 107. — Comparai¬ son de ses phénomènes erratiques avec ceux des Alpes, par M. Desor, p. 182. — Ils sont attribués à l'action des glaces flottantes, par M. Fra- polli, p. 4*6, 1164. — A celles des vagues, par M. Weibye, p, 1169. — Transport de blocs erratiques par les glaces flottantes, p. 1 1 1,3. Schebreh, Sur la nature plutonique Tàllavignes. Terrains à Nummulites de l’Aude et des Pyrénées, p. 1127 et 1 162. Térèbratulcs, p. 54- 1 > 1018. Terrain crétacé du bassin de l’Adour, p. 7 i3 ; — supérieur du Périgord, p. 1 144 5 — et à Nummulilcs du Ma¬ roc, p. 1225. Terrain danicn à Beauvais et en Dane- marck, p. 177. Terrain èocènc en Carinthie, p. i63. Terrain jurassique de l’Italie , p. 579, 1062; — du Maroc, 1214, — supé¬ rieur dans les monts Jura, p. 121. Terrains modernes du Maroc, p. 1238. Terrain à Nummulilcs . Son étendue, p. 543 ; — de l’Adour, p. 537, 715, Vagues. Agent des phénomènes erra¬ tiques du Nord, p. 416, 1046, 1164, 1 169. Vecchi. Sur la montagne deCctona en Toscane, p 1079. du granité et des silicates cristallins qui s’y rattachent, p. 468. Sel gemme. Sur ses pseudomorpboses, p. /,55. — Ses gisement et origine dans le nord de l’Allemagne, p. 853. Sel marin récolté en Sicile, p. 2 56. Sicile. Sel marin et mines de soufre, p. 255. Silcsie. Serpentine métamorphique, p. 1061 . Silicates cristallins qui se rallient au granité, b ur nature plutonique, p. 4/5- Si m on y. Extension des anciens glaciers dans la Haute-Autriche, p. 1 55 . — Sur le lac de Hallstadt, p. i56. — — Origine des cavernes, p. 169. Soufre. Son extraction en Sicile, p. a5j. Soufrière delà Guadeloupe, p. 428. Spilite de Faucogney (Haute-Saône), p. 820. Stcder. Coins calcaires dans le gneiss des Alpes bernoises, p. 208. Suisse. Formations du canton deGlaris, p. 1125. 1006; — des Pyrénées, p. 56o, 570; — des Pyrénées et de l’Aude, p. 1127; — du Maroc, 1228. Terrain primitif et de transition du Maroc, p. 1 196. Terrain secondaire supérieur, p. 564- * Terrain triasiq ne en Tyrol, p. 5q6. Terrains tertiaires des Bouches-du- Rhône, p. 266; — de la Guadeloupe, p. 1093; — du Maroc, p. 1235. Tiidrmann. Relations entre la géogra¬ phie botanique et la géognosie, p. 575. — Observation, p. 576. Trilobites dTlle-et-Vilaine, p. 309. Tyrol. Présence du trias, dolomies, p. 576. — Analyse de la Prédazzite , p. io5o. Vernecil (db). Lettre sur la géologie des Etats-Unis, p. t2. — Sur les terrains de transition de Bretagne, p. 323. — Sur une grande orllio- cère des Etats-Unis, p. 556, — Pa- ET DES AUTEURS. H73 rallélisme des dépôts paléozoïques de l'Amérique septentrionale avec reux de l’Europe. Composition dans les Etats de New-York, Ohio, Kentucky, Indiana, p. 646. — Paral¬ lélisme , 669. — Fossiles communs, p. 688. — Fossiles paléozoïques d’Ar¬ ménie, p. 709. — Terrain dévonien du Harz, p. 759. — Observations di verses, p. 182, 4o3, 455, 5o8, 56p. V erres provenant de la fusion artifi¬ cielle des roches, p. i38o. Vienne . Hydrosilicate d'alumine , p. 168, 4 64. Viqdesnkl. Sur la dolomie à fossiles crétacés de la Haute- Albanie , p. 4^6. — Observation, p. 435. V 1 blet. Réponse à l’observation de M. Parrot sur les pierres d’I ma¬ tra, p. 27. — Réponse à une note de M. Durocher sur le granité à nœuds cristallins de la Bretagne, p. 1 44- — Traces d’anciens glaciers à Lure ( Haute-Saône), p. 296. — Hydrologie de la Brie, p. 373. — Hydrosilicate Wegmann (de). Rapport sur la gestion de l'archiviste en 1846, p. 1001. Weibye. Sur la théorie des vagues par Zemble (Nouvelle-), p. 11. Zigno (de). Sur les terrains stratifiés d’alumine de Milo, p. 468. — Sur le métamorphisme normal, p. 498- — Observations diverses, p. 2 1 5 , 435, 4 98, 726. Vosges. Sur la constitution minéralo¬ gique et chimique des roches, p. 774. Roches éruptives, p. 220. — Méta¬ morphisme, p. 23o. — Classification du porphyre, p. 240. — Pseudomor- phose, p. v^y. — Réactions aqueu¬ ses, p. 25o. — Leplynite, p. 1595. — Fossiles du trias, p. 1 429- — dé¬ pôts erratiques, p. 216, 433. — Mo¬ raines d’anciens glaciers à Remire- mont, p. 288. — Ancien glacier de Wesserling, p. 11 56. — Galets striés, p. 5oi. — Roches striées, p. 78. — — Neiges, p. io4/. Vosges. Réunion extraordinaire de la Société à Epinal, p. 1378. — Excur¬ sions géologiques, p. 1401, i4o3, 1407, 1409, 1420, 14^5, 1 436, 1442, i445, i453, i46o. — Phénomènes erratiques, p. i4o6, 1 4 1 G , i424 > 1426, i436, 1 448, i456. rapport aux phénomènes erratiques du Nord, p. 1 169. des Alpes vénitiennes, p. 1100, FtN DE LA TABLE. * « «• ; ■ . * i f . • ( ■ . . :> • . • v \ • , ■ ' F. RR A TA. Pagfs. 12, l5, 18, i65, ‘69, 2 23, 020, 4^9. 4 1 4 » 418, 463, 465, 479? 48i, 48i, 481. 482, 482, 484, 489, 494, 5 00, 5oO; 5oi , 5oi, 5oi , 402, 5o4, 5o4, 567, 568, 67*, 675, 583, 606, 760, 955, 997’ Lignes. 2, au lieu de: postage, lisez : Portage. 28, au lieu de: Fasse, lisez: Fassa. 2. au lieu de: Cavelli, lisez: Corelii. 26, au heu de : Caprina Anguilloni, lisez : Caprina Aguilloni. 5 en remontant , au heu de: vaculesf lisez: vacuoles. 10, au lieu de: Vazergue, Usez: l’Azergue. 21, au Lieu de : Dawuingiæ, lisez : Downingiæ. 8 en remontant , au lieu de : Staurotites, lisez : Staurotides. 8, au lieu de: pluviatile, lisez : fluviatile. 24. au heu de : des actions, lisez : de Faction. 8, au heu de: passage, Usez: partage. 55, au lieu de: côtes, Usez : pentes. ligne dernière de la note , au lieu de : Hilleroé, Usez: Hittcrôq. 8, au lieu de : Sehafhault, Usez : Schafhaull. 28, au lieu de : Jorello, Usez: Jorullo. 2 de la note , au lieu de : Auzeigep,, lisez : Anzçjgeo,. 22, au lieu de: Descatil, Usez: Descotils. 4 de la note, au lieu de : ès sciences, lisez: des sciences. 4 des notes , au lieu de: Hilleroé, Usez: Hitterôe. 5o, au lieu de : BrenFg, Usez : Brewig. 20, au lieu de: Schafhàull, Usez: Schafhaull. 11, «a lieu de : application, lisez: explication. 23, au lieu de: 5 p. 100, Usez: 5o p. 100. 6, il faut une virgule après des Alpes. 4o, au lieu de : la Roche en Breuil» Usez : la Roche en Brenil. 5 en remontant , au lieu de : Roche en Breuil, Usez: la Roche en Brenil. 4o, au lieu de : le chloritc, Usez: la chlorite. 24, au lieu de: Schafhaull, Usez: Schafhaull. 25, au lieu de : Biess, Usez: Riess. 25, au lieu de: du liane méridien, Usez: du flanc méridional. 20, au lieu de : Murchisan, Usez : Murchisou. 24, au lieu de : Ammonites, lisez : N vumnuli les. 7, au lieu de : de Kaiserstukz, Usez : du IÇaiserstuhl. 28, au lieu de : Caprina Anguilloni, Usez: Caprina Aguilloni. 1 re, au lieu de : M. Prévost, Usez : M. Constant Prévost. 7, au lieu de : quarzels, Usez : quarzites. 29, au lieu de: mines, Usez : sciences. 2, au lieu de: carnieule, Usez: cargneule. Pages. ioi5, 1086, 1087, 1089, Lignes. 1089, IO9O, IO92, H97» 1221, • 1235, 124l, 1241, l337, 1377, i377» 1378, 1426, 25, au lieu de: Panillac, lisez: Pauillac. dernière ligne en note, au lieu de: Lenand, lisez : Lessard. 7 et 19, au lieu de: Orbin, lisez: Orbisc. pour l'échelle des deux figures, au lieu de: Hauteur, 5 millimètres Longueur, 2 id. pour mètre. lisez : Hauteur, 1 ,5 millimètres) \ pour métré. Longueur, 1 id. ) Nota. Dans la fig. 1, la ligne supérieure du terrain a été omise; elle doit être rétablie à i5 millimètres au-dessus de la ligne du fond de la tranchée. ire, au lieu de: Forges, lisez: Larges. 24> ci u lieu de : immergé, lisez : émergé. 10, au lieu de: nombres, lisez: membres. 25, au lieu de : reposer, lisez : reposant. 21, au lieu de : de ces dernières, lisez : de ces derniers. 18, au lieu de: Mélanopsie, lisez: Mélanopside. 19, au lieu de: buccinoïdes, lisez: buccinoides. 5, au lieu de: rôle calorique, lisez: rôle de calorique. MM. de Billy et Levallois n’ont pas assisté à la première séance (10 septembre) de la Réunion extraordinaire .à Épinal. U, au lieu de : Bauja, lisez: Bauga. 16, au lieu de : Bauja, lisez : Bauga. 16, au lieu cle: Hohenuk, lisez: Hoheneck. ERRATUM DU TOME PREMIER, envoyé tardivement par l’auteur. 356, 23. Dans ce cas, etc . Remplacer cette phrase par celle-ci : Dans ce cas, les lèvres de ces fentes, avec leurs matières encore in¬ candescentes, poussées en dehors contre l’enveloppe solide par le rétré¬ cissement de son intérieur fluide, seraient l’origine des chaînes. I