7 À EN 1855 (ee | BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION Fondée le°10 février 1854 TOME PREMIER ANNÉE 1854 Paris AU SIÉGE DE LA SOCIÉTÉ, RUE DE LILLE, 19 CHEZ GOIN, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ À la Librairie centrale d'Agriculture et de Jardinage, quai des Augustin, 41 A LA LIBRAIRIE AGRICOLE | A LA LIBRAIRIE DE V. MASSON Rue Jacob, 26 Place de l'École-de-Médecine, 47 cd mue BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE . D'ACCLIMATATION TOME PREMIER F | LE L Ph: LA à 4 k . d2 ‘ « Dhs . Q Le 4 - + à à CARRE ND EL e ! 1 4 De" s 1 JO NE n AN ATAK 54 é | : POFFETET ARUART. L # BULLETIN À DE LA JA! SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION FONDÉE LE 10 FÉVRIER 1854 TOME PREMIER PARIS GOIN, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION A la Librairie centrale d'Agriculture et de Jardinage 14 — Quar DES GnaNDs-aucusrixs — 14 1854 Li “ dd t Le à [AL j Fr É CH AUE ARARREEL + tr. Li : . x CMDRESSE . NU PL MP Fo AU0190100% .ATÈ 0) ee : ORTAEAMLRIA EE HJUNIOUL ETAAM4 L LATTES “hi Hi ist: où ten La pensée d’une association organisée en vue de l’acclima- tation, de la domestication et du perfectionnement d'animaux utiles, remonte à plusieurs années. Dès 1845, et surtout à par- tir de 14849, date de la publication du rapport général de M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire Sur la naturalisation des ani- maux utiles, cette pensée se faisait jour en plusieurs lieux et inspirait des projets divers. A Paris, M. le comte d'Éprémesnil formait, en 1851, le plan d’un jardin zoologique destiné à naturaliser des animaux utiles, et MM. Delon, Pomme, Richard (du Cantal), Saulnier, le comte de Sinety, se ralliaient à ce projet. En 1855, de nom- breuses adhésions, le concours de M. le baron de Rothschild, l'accueil favorable du gouvernement, permettaient d’en espérer la très-prochaine réalisation, lorsque survinrent les graves évé- nements qui ont troublé la paix du monde. En de pareilles circonstances, il parut sage d’ajourner une entreprise aussi coûteuse. De son côté, M. le baron de Montgäudry, neveu de Buffon. proposait, vers la même époque, de convertir une partie des célèbres jardins de notre grand naturaliste en un haras de na- turalisation, et M. Barthélemy-Lapomeraye avait élaboré à Mar an Ut — seille un projet analogue qui avait trouvé faveur auprès des hommes les plus éclairés de la ville et du département. C'est de ce mouvement général d'idées, de ces préoccupa- tions simulianément dirigées vers un même but, qu'est née la Société zoologique d’acclimatation. Les bases de son organisa- tion furent jetées dans deux réunions préparatoires de ses cin- quante fondateurs, les 20 janvier et 5 février 1854, sous la présidence de M. Isidore Geoffroy-Saint-Hilaire, et bientôt quatre-vinglsnouveaux adhérents concoururent à la constituer définitivement, telle qu’elle est aujourd’hui. Dès lors, comme on pourra le voir ci-après, le nombre des membres de la nou- velle Société s’est accru avec une merveilleuse rapidité. Elle est maintenant à l’œuvre, et peut, dès aujourd’hui, publier un pre- mier bulletin de ses travaux. On trouvera plus loin les statuts constitutifs de la Société zoologique d'acclimatation et le règlement administratif qui la complète. Au besoin ces pièces suffiraient à faire connaitre le but, le plan ‘et l'esprit de notre association; mais la Commis- sion chargée de la publication du Bulletin a voulu être encore plus explicite. Elle a pensé qu'un exposé général des vues qui présideraient à nos travaux devait en inaugurer le recueil, et qu’elle ne pouvait mieux faire connaître ces vues qu’en repro- duisant ici l’allocution par laquelle M. je président de la Société a ouvert la première réunion des membres fondateurs; ses propres souvenirs, aidés de ceux de quelques auditeurs, ‘ont permis à M. Gcoffroy-Saint-Hilaire de nous conserver les pa- roles qu'on va lire. x L'un des secrétaires, H, HOLLARD. ALLOCUTION DE M. ISIDORE GEOFFROY-SAINT-HILAIRE, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION, DANS LA RÉUNION PRÉPARATOIRE DU 20 5anviER 1854. Messieurs, Réunis iei par une pensée commune, vous désirez que Je m’en fasse l'interprète, et que, dans cette première séance préparatoire, je résume les grandes questions dont la solu- tion pratique va devenir l'objet de nos travaux. Nous voulons fonder, Messieurs, une association, jusqu'à ce jour sans exemple, d'agriculteurs, de naturalistes , de propriétaires, d'hommes éclairés, non-seulement en France, mais dans tous les pays civilisés, pour poursuivre tous en- semble une œuvre qui, en effet, exige le concours de tous, comme elle doit tourner à l'avantage de tous. Il ne s'agit de rien moins que de peupler nos champs, nos forêts, nos ri- vières, d'hôtes nouveaux ; d'augmenter le nombre de nos animaux domestiques , cette richesse première du cultiva- teur ; d'accroître et de varier les ressources alimentai- res, si insuffisantes, dont nous disposons aujourd'hui ; de créer d’autres produits économiques ou industriels ; et, par là même, de doter notre agriculture, si longtemps lan- guissante, notre industrie, notre commerce et la société tout NUL entière de biens jusqu'à présent inconnus ou négligés, non moins précieux un jour que ceux dont les générations anté- rieures nous ont légué le bienfait. Telle est l'œuvre, Messieurs, que vous n'avez pas craint d'entreprendre, et je n’hésiterai pas à le dire : s’il en est peu de plus difficiles, il n’en saurait être, du moins, de plus grande et de plus digne de l’époque où nous vivons, et qui est, par excellence, celle des grandes applications des scien- ces au bien-être des peuples. Dans ce grand mouvement des esprits vers les travaux utiles ; dans ces merveilles qu’il enfante chaque jour, et en présence desquelles on est tenté de croire que rien n'est plus au-dessus des ressources de l’homme, ni au delà de ses légitimes espérances ; dans ces bienfaisants progrès qui, à tous les étages sociaux, font ressentir leur heureuse in- fluence et relient tous les peuples par les arts et l'industrie, quelle part revient à la science illustrée par les Linné , les Buffon, les Pallas, les Cuvier ? Il faut l'avouer : une bien faible part: et, jusqu'à ce jour, on pourrait croire que celle belle science, cette première des philosophies, ainsi que l’a appelée un de nos plus illustres écrivains, ne saurait aspi- rer, en même temps qu’elle s'élève aux plus hautes vérités spéculatives, à nous enrichir de connaissances pratiquement utiles. Ce sont ces connaissances que nous voulons enfin obtenir ; c'est au règne animal que nous voulons demander à son tour des ressources, des forces, des richesses i ignorées, afin que l’homme soit maître enfin de la nature entière, ou, comme on disait il y a quelques siècles, roi de ses trois royaumes , dont le plus vaste est précisément demeuré le moins exploité; tellement qu'il nous reste, pour ainsi dire, à le conquérir dans plusieurs de ses parties principales. Quand je l'ai dit pour la première fois, et pourtant Buf- fon le disait déjà il v a un siècle, on s'en est étonné Less comme d’une nouveauté hardie et paradoxale. On nous trouvait assez riches pour n'avoir plus besoin de conquérir. Riches peut-être, si nous nous bornons à apprécier la va- eur absolue des dons que nous ont transmis les générations antérieures : mais assurément pauvres, si nous comparons ce que nous possédons à ce que nous pourrions posséder. J’essayerai de vous en faire juges. L'acclimatation d'une espèce dans une région très-diffé- rente de celle de sa patrie originaire peut paraître difficile à réaliser : la naturalisation, dans un pays, d'espèces de localités analogues au point de vue climatologique, est, au contraire, manifestement exempte de très-graves difficul- tés. Il est en Asie, en Amérique surtout, de vastes contrées dont le climat diffère peu de celui de la France, soit cen- trale, soit méridionale; et de là vient que nos jardins, nos champs, nos forêts, sont en grande partie plantés de végétaux exotiques, aujourd’hui productions naturalisées de notre pays, qui le disputent non-seulement en uli- lité, mais encore en vigueur à ses productions natu- rélles. Tandis qu’on a tiré du règne végétal tant de ri- chesses nouvelles, qu'a-t-on obtenu du règne animal? Presque rien. Nos forêts, nos montagnes, ne possèdent pas même un de ces mammifères industriellement utiles qui peuplent celles de l'Asie et de l'Amérique. Et qu'a- vons-nous ajouté à nos gibiers indigènes? Le Lapin, le Daim, le Faisan, trois espèces en Lout : c'est par centaines que se comptent nos nouvelles espèces végétales. Venons aux animaux domestiques , les plus précieuses conquêtes de l'homme sur la nature animale ; à ces espèces, dont ce n’est pas assez dire qu'il en possède d'innombrables individus : il les possède elles-mêmes, les ployant selon sa volonté à tous ses besoins, les multipliant autant qu'il lui plait, et où il lui plait. Une espèce, une fois domestiquée, X — l’est ainsi pour tous les temps, richesse inépuisable puis- qu'ellese reproduit sans cesse; et par cela même aussi, pour tous les pays : les différences elles-mêmes des climats, les plus fortes barrières que la nature ait opposées à l'expansion indéfinie des espèces, ne sauraient arrêter l'homme dans la propagation graduelle d'une race domestique, opérée par les soins lentement prudents de plusieurs générations suc- cessives. C'est ainsi qu'aujourd'hui, nous, hommes du dix-neuvième siècle, nous jouissons du fruit de travaux ac- complis loin de notre pays, à une époque reculée, pour la plupart même dans les temps antihistoriques ; travaux dont les auteurs inconnus, après avoir été les bienfaiteurs de nos pères, doivent l’être de nos descendants, jusque dans le plus lointain avenir. Admirable exemple, donné à l’origine même de la civili- sation ; mais exemple trop peu suivi! Par une exception qui reste unique dans l'histoire des progrès sociaux, celle de la domeslication des animaux nous montre l'homme restrei- gnant de plusen plus ses pacifiques conquêtes, à mesure qu'il a plus de moyens de les étendre. Tout ce qu'ont fait pour les hommes de tous les temps et de tous les pays civilisés ces an- tiques bienfaiteurs auxquels nous devons tous nos animaux les plus précieux, le chien, le cheval, l'âne, le bœuf, le mou- ton, la chèvre, le porc, la poule, le pigeon, le ver à soie; ils l'ont fait alors que les sciences n’existaient pas encore ; ils l'ont fait alors que, du globe encore à demi désert, cha- que peuple, peut-être chaque famille, isolé de tous les autres hommes, ne connaissait que sa patrie et ne pouvait compter que sur lui-même : ils l'ont fait, quand tout leur faisait défaut, tout, hors le sentiment religieux, qui fut alors leur puissant mobile. Et nous, peuples modernes, éclai- rés de toutes les lumières et forts de toutes les ressources de la science, en possession d'une navigation perfectionnée D et de communications internationales merveilleusement multipliées et rapides, si bien que la mer ne sépare plus, mais réunit tous les peuples, et que ious les mondes sem- blent se toucher ; nous qui n'avons pour ainsi dire qu'à vouloir pour pouvoir, qu'avons-nous fait pour étendre, pour achever une œuvre si admirableméent et si utilement com- mencée ? La réponse est triste ; elle est celle-ci : Depuis l'époque où, de l'Amérique récemment décou- verte , les Espagnols importèrent en Europe trois espèces fort inégalement utiles, quelles aëquisitions avons-nous faites ? Quatre oiseaux de luxe ont pris place dans nos voliè- res où sur nos bassins ; pas un seul animal utile dans nos fermes ou nos basses-cours. Dressez la liste des espèces auxi- laires, alimentaires , industrielles, que nous possédons au- Jourd'hui, el vous reconnaîtrez que Gesner et Belon eussent pu dresser cette même liste sans un seul nom de moins! Nous en sommes donc encore, à ce point de vue, où l’on en était au lendemain de la découverte de l'Amérique, presque où l'on en était dans l'antiquité! Sur plusieurs points, il serait facile de le montrer, nous avons même reculé depuis les Romains ! Voilà ce que quelques-uns ont appelé notre richesse ! Comme si ce qui a pu suflire aux civilisations antérieures était au niveau des besoins de la nôtre! Comme si les so- ciétés humaines, quand elles progressent sur tous les autres points, pouvaient s'arrêter sur un seul! Notre richesse ! la voici exprimée par quelques résultats numériques : | Il en est un qui peut-être vous frappera comme il m'a frappé moi-même : le grand nombrè des animaux qui nous sont connus, le petit nombre de ceux que nous possé- dons. L'ensemble des espèces animales est évalué par ne. | us les naturalistes modernes à cent quarante nulle Assuré- ment la grande majorité de ces espèces est destinée à rester toujours inutile à l'homme. Mais est-ce assez pour lui d'en avoir réduit en domesticité quarante-trois? Car tel est le nombre total des espèces jusqu'à ce jour conquises par nous sur la nature; et encore, Sur ces quarante-trois espèces, dix ne se trouvent-elles pas dans l’Europe occidentale! Le règne animal se compose de vingt-quatre classes. De combien d’entre elles avons-nous des représentants en do- mesticité? De quatre seulement. Il est des familles, des ordres presque entiers, remar- quables par leur fécondité, la précocité de leur développe- ment et l'excellence de leur chair : tels sont les Gallinacés, tels surtout les Rongeurs. À peine avons-nous dans nos basses-cours trois des premiers; nous ne possédons qu'un seul rongeur alimentaire : le Lapin ! A un autre point de vue, voici des résultats plus remar- quables encore peut-être : De nos trente-trois espèces domestiques, vingt-neuf nous viennent des contrées suivantes : Asie, et particulièrement Asie centrale, Europe, Afrique septentrionale. Restent done en tout quatre espèces pour toutes les autres régions du lobe, c’est-à-dire pour un tiers de l’ancien monde, pour le nouveau tout entier, et pour ces terres australes, ce troi- sième monde, plus nouveau encore, dont Hartighs et Tas- man ont été les Colombs; terres aussitôt conquises que con- nues, où s'élèvent aujourd'hui des cités européennes, où sont nos arts, nolre civilisation, notre luxe; où nous avons transporté nos plus précieux animaux, mais qui ne nous ont pas même donné un seul des leurs! Et pourtant, plus dif- férente encore des deux autres mondes par la spécialité caractéristique de ses productions que ceux ci ne le sont entre eux, l'Australie est la patrie des Kangurous, du Phas- CM, colome, des Phalangers, d’une foule d'oiseaux partout ail- leurs inconnus! Et pourtant son climat ne diffère guère de celui d’une grande partie de notre Europe que par l’ordre inverse des saisons ! Terre encore vierge, où la moisson sera aussi facile qu'abondante ! Voilà où en est la domestication des animaux. Et main tenant, messieurs, jugez si la nature a épuisé envers nous tous ses dons; s’il ne nous reste plus qu'à nous reposér sur nos trésors, où si nous ne devons pas dire : Une moitié du globe a été seule exploitée : à nous d'exploiter l’autre. Messieurs, toutes les fois qu’on aborde une des grandes questions de l’histoire naturelle, il est un homme que l'on trouve devant soi; étonnant génie, dans la destinée duquel il fut de prévoir et de préparer tous les grands progrès que devait réaliser notre siècle. Notre immortel naturaliste a été ici ce qu'il est partout, aussi bien dans l'ordre pratique que dans l’ordre philosophique. C’est Buffon qui à rappelé les modernes à l’œuvre négligée de la domestication des ani- maux, signalant tous ceux qu'il jugeait utiles, toutes ces espèces de réserve, comme il les appelait. «Non, » s’écriait- il, dans un de ces magnifiques passages que, non-seule- ment tous les naturalistes, mais tous les hommes éclairés devraient avoir présents à leur mémoire; non, « l'homme ne « sait pas assez ce que la nature peut, ni ce qu'il peut « sur elle. Nous n’usons pas à beaucoup près de toutes les « richesses qu’elle nous offre; le fond en est bien plus im- « mense que nous ne l'imaginons. » Il y a précisément un siècle que Buffon s’exprimait ainsi, et quarante ans après, Daubenton, s'inspirant de son mai- tre, passait de la parole à l’action, et, par la première, par la seule grande application de la zoologie à l'agriculture qui ait honoré le dix-huitième siècle, il enrichissait la France des moutons à laine fine d’Espagne. Pourquoi, depuis, la — XN — voix de Buffon n'a-t-elle pas été entendue ? pourquoi l'exemple de Daubenton n’a-t-il pas été suivi? N’en accusons ni les naturalistes qui ont succédé à ces grands hommes, ni les gouvernements qui ont depuis lors régi le pays : le moment n'était pas venu, l'idée n'était pas müre. Et cependant, parmi les naturalistes, plusieurs voix se sont élevées pour renouveler le vœu de Buffon, et, parmi les gouvernements, il n’en est pas un, quel qu’ait été son principe, qui n'ait fait quelques efforts pour le réaliser. Mais ces voix isolées n'ont pas eu assez de retentissement et de puissance, ces efforts pas assez de suite, et il n’en reste que le souvenir. Nous serons plus heureux; tar, par notre institution même, nous aurons ce qui a manqué jusqu’à ce Jour : l'es- prit d'initiative uni à l'esprit de suite; l'effort individuel, l’action passagère de chacun, unis à l’action collective et durable de tous. Hommes d’études, de professions, de situa- tions, de devoirs divers, nous nous complétons par cette diversité même; si bien qu’où l’on ne verrait peut-être que l'association de quelques amis du bien public, 1l faut voir aussi celle de ressources scientifiques, pratiques, maté- rielles, que nulle part encore on n'avait songé à réa- liser. Voilà, messieurs, où est notre force. Que peut chacun de nous? Presque rien. Tous ensemble nous pouvons, et nous ferons. "NN, — REGLEMENTS ET LISTE DES MEMBRES. RÈGLEMENT CONSTITUTIF. Article 1%. — La Société prend le titre de Société zoologique d'acclimatation. Art. 2. — Le but de la Société est de concourir : 4° A l'introduction, à l’acclimatation et à la domestication des espèces d'animaux utiles ou d'ornement ; 2 Au perfectionnement et à la multiplication des races nou- vellement introduites ou domestiques. Art. 3. — Le nombre des membres de la Société al illi- mité. Les Français et les étrangers peuvent en faire également partie. - Les cinquante premiers membres inscrits ont le titre de membres fondateurs. La Société, réunie en séance, sur la proposition *e A7 pourra conférer le titre de membres honoraires aux personnes qui, par leurs voyages ou par leur séjour à l’étranger, auront rendu d'importants services. Les membres honoraires, pendant leur séjour à Paris, jouiront de tous les droits des membres titulaires. Leur nombre ne pourra pas dépasser le quart des membres titulaires. Art. 4. — Pour faire partie de la Société, on devra être pré- senté par trois membres sociétaires qui signeront la proposition de présentation, et être admis à la majorité absolue des suf- ‘ frages des membres du conseil. Les candidats proposés ne pourront être élus que dans la séance qui suivra celle de leur présentation. Art. 5. — La Société est administrée gratuitement par un conseil dont les membres du bureau font essentiellement partie, — XV — Art, 6, — Le bureau est composé d’un président, de deux vice-présidents, d’un secrétaire, de deux vice-secrélaires, d’un trésorier et d’un archiviste-bibliothécaire,. Le jour où la Société aura atteint le chiffre de deux cents membres, le nombre des vice-présidents et celui des vice-se- crétaires sera porté à quatre. Art. 7. — Les président, vice-présidents, secrétaire el vice- secrétaires seront élus pour un an; le trésorier et l’archiviste- bibliothécaire, pour trois ans, Art. 8. — Le conseil est composé du bureau et de douze membres. Les membres du conseil seront élus à la majorité des sul- frages. Le conseil sera renouvelé par tiers tous les ans. Les mem- bres du conseil sortants seront rééligibles. Tous pouvoirs sont donnés au conseil pour poursuivre près de l'administration les moyens de donner à la Société un déve- loppement pratique plus considérable. Art. 9. — Le président et les membres du bureau seront élus à la majorité absolue des suffrages. Art. 10. — Tous les membres de la Société sont appelés à participer à l'élection directement ou par correspondance. Art. 11. — Tous les membres du bureau sont rééligibles à l'expiration de leurs fonctions. Art. 12. — La Société tient ses séances à Paris, de décem- bre à juin. Art. 15. — La Société const aux progrès de la zoologie pratique par des publications, par des encouragements honori- fiques et pécuniaires, et par des expositions, s'il yalieu. . Art. 14. — Un recueil périodique des travaux de la Société est gratuitement délivré à chaque membre. Art. 15. — La Société forme une bibliothèque et des collec- tions ; elle centralise et coordonne dans ses archives les docu- ments manuscrits qui lui sont transmis, et désigne ceux qu'elle veut admettre dans son recueil. Art. 16. — Les dons faits à la Société sont inscrits dans son compte rendu des séances avec les noms des donateurs. = AMI Pe— Art. 17. — Les animaux vivants, donnés à la Société ou ac- quis par elle, seront, jusqu'à ce que la Société soit mise en pos- session d’un terrain approprié à son but, confiés, sur la déci- sion du conseil, aux membres de la Société désignés par lu. et qui voudront s’en changer. Art. 18. — Chaque membre paye : 4° Un droit d’entrée ; 2° Une cotisation annuelle. Le droit d’entrée est fixé à dix francs. Ce droit pourra être augmenté dans la suite, mais seulement pour les membres à élire. La cotisation annuelle est invariablement fixée à vingt-cinq francs. à Elle peut être remplacée par une somme de deux cent cin- quante francs une fois payée. Art. 19. — La Société réglera annuellement le budget de ses dépenses. Dans la première séance de chaque année, le compte détaillé des recettes et dépenses de l’année sera soumis à l'approbation de la Société. Ce compte sera publié par extraits dans le recueil des travaux de la Société. Art. 20. — En cas de dissolution, tous les membres de la Société sont appelés à décider de la destination qui sera donnée à ses propriétés. RÉGLEMENT ADMINISTRATIF. CHAPITRE PREMIER. ADMISSION DES NOUVEAUX MEMBRES. Article 41°, — Quand un candidat aura été admis au nombre des membres de la Société, conformément à l’article 3 du L. 2 — XVI — règlement constitutif, il en sera prévenu par le secrétaire vénéral. Art. 2. — Le nouveau membre recevra un diplôme signé du président et de deux vice-présidents, d’an secrétaire, et, s’il s’agit d’un membre titulaire, du trésorier. Art. 5. — Le diplôme sera remis par les soins du trésorier, après payement du droit d'entrée et de la cotisation annuelle, qui devront être versés dans le délai d’un mois après la notifi- cation. Art. 4. — La cotisation annuelle est due et se percoit à par- tir du 1” janvier. Chaque membre ayant payé sa cotisation recevra une carte annuelle d’entrée indiquant les jours de réunion. Tout membre résidant en France qui n’aurait pas payé sa cotisation au À” avril, pourra être déclaré démissionnaire au A août. Le trésorier sera tenu de rendre compte au conseil des cotisations annuelles. Un membre honoraire qui serait resté pendant cinq ans sans avoir entretenu aucune relation avec la Société pourrait être déclaré dénussionnaire. , ° CHAPITRE II. DIVISION DE LA SOCIÉTÉ EN SECTIONS. Art. 5. — La Société est divisée en sections spéciales, cor- espondant aux principales branches de la zoologie. Chaque ection est présidée par un bureau composé de trois membres pris dans le sein du conseil, désignés par lui, et chargés de lui ransmettre les propositions adoptées dans les diverses sections. Art. 6. — Les membres de la Société peuvent faire partie d’une ou de plusieurs sections. Ils devront faire connaître leur désir, en s'inscrivant sur des listes préparées à cet effet, ou, en cas d'absence, par lettre adressée au secrétaire. CHAPITRE HE. DU BUREAU. Art. 7. — Les membres du bureau et du conseil seront élus, chaque année, à la première séance de février. Art. 8. — Il sera successivement procédé : 1° A l'élection du président par bulletins individuels ; 2° A celle des vice-présidents par scrutin de liste. 3° Du secrétaire et des vice-secrétaires, par scrutin de liste ; 4 S'il y a lieu, du trésorier et de l’archiviste ; 5 Des membres du conseil, par scrutin de liste. Art. 9. — Pour ces élections, tout membre qui ne peut as- sister à la réunion électorale, peut envoyer au secrétaire, avant la première séance de février, ses votes renfermés dans autant de bulletins cachetés et le tout contenu dans une lettre signée de lui. Ces bulletins ne peuvent être ouverts qu’au moment du dépouillement du scrutin. Art. 10. — Le secrétaire a le titre de secrétaire général. Il est chargé de la direction générale du secrétariat, et de faire exécuter le règlement. Les quatre vice-secrétaires sont sous la direction du secrétaire général. L’un aura le titre de secrétaire des séances ; il sera chargé de rédiger les procès-verbaux des séances de l’assemblée et de préparer les ordres du jour. Un autre aura le titre de secrétaire du conseil ; il sera chargé de rédiger les procès-ver- baux des séances du conseil et de préparer les ordres du jour- Un autre aura le titre de secrétaire pour l'étranger ; 11 sera chargé de la correspondance à l’étranger. Enfin, le quatrième aura le titre de secrétaire de la correspondance à l'intérieur, et sera chargé de la correspondance en France et des convo- cations. Les secrétaires dirigent, en outre, la publication du Bulletin des séances et, en général, toutes les publications scientifiques ou administratives de la Société, sous la surveillance de la commission de publication, dont ils font essentiellement partie. Sous la direction du président, ils correspondent avec toutes = jy — personnes pour ce qui concerne les travaux et les affaires de la Société, du Conseil et des Commissions. En cas d'absence ou d’empêchement, ils se suppléent les uns les autres. Art. 11. — Les vice-secrétaires sont chargés de rédiger un bulletin bibliographique contenant les titres des ouvrages et mémoires publiés, dans l’année, sur les questions qui intéressent la Société. Art. 19. — L’archiviste-bibliothécaire est chargé de la garde des propriétés de la Société ; il en est dressé un inventaire. Il a sous sa direction la bibliothèque, les archives, les in- struments et les collections; il en forme des catalogues. Enfin, il a sous sa garde tous les documents et titres appar- tenant à la Société, à l’exception des titres financiers. Art. 15. — Les secrétaires et les membres des commissions ont seuls le droit d’emporter des livres de la bibliothèque hors du local de la Société. Ils ne le peuvent faire toutefois sans en laisser un recu sur le registre tenu à cet effet par l’archi- viste, et doivent les rapporter dans la quinzaine. Art. 14. — Le trésorier est chargé du recouvrement des sommes dues à la Société et des sommes provenant de legs ou de donations, CHAPITRE IV. DU CONSEIL ET DES COMMISSIONS. Art. 15. — Le président convoque le Conseil toutes les fois que les affaires de la Société le demandent. Dans tous les cas, il est tenu de le réunir sur l'invitation signée de cinq membres du Conseil. Il préside toutes es Commissions, dont le secrétaire géné- ral fait aussi partie de droit. | Art. 16. — À chaque réunion du Conseil, ses membres con- statent leur présence par l’apposition de leur signature sur un registre à ce destiné. Art. 17. — Le Conseil ne peut prendre de décision s’il ne réunit au moins neuf de ses membres. — XX — Sur la proposition de trois membres, le vote peut avoir lieu au scrutin secret. Art. 18. — Le conseil se réunit dans la dernière semaine de décembre pour examiner l’état des affaires de la Société, et nommer la commission de comptabilité chargée spécialement de vérifier la gestion du trésorier, et la commission des archives chargée de vérifier celle de l’archiviste. Ces deux commissions ne peuvent être composées de moins de trois membres, et elles font leur rapport dans la dernière séance de janvier. Art. 19. — Le nouveau Conseil élit annuellement dans sa première séance une commission de publication composée de trois membres au moins. Indépendamment de ces membres, les secrétaires font es- sentiellement partie de cette commission. La commission de publication du Bulletin prononce sur l'insertion textuelle ou par extrait ou analyse, dans le Bulle- tin, des mémoires ou notes lus, et des communications ver- bales faites à la Société. Elle veille à ce qu’il ne s’y intro- duise rien d’étranger à l'intérêt de la science. Art, 20. — Il sera nommé aussi, à la même époque, une commission permanente chargée des menues dépenses d'ur- gence relatives aux animaux offerts à la Société ou possédés par elle. Cette commission sera composée de trois membres. Indé- pendamment de ces trois membres, le président et le secrétaire général en feront essentiellement partie. Elle aura aussi dans ses attributions le soin de tenir la So- ciété au courant des occasions qui pourraient se présenter, en France ou à l'étranger, d'acquérir des animaux de différente espèce. Art. 21. — Il sera nommé, à la même époque, une commis- sion permanente de comptabilité, composée de trois membres, Indépendamment de cestrois membres, un des vice-présidents et le trésorier en feront essentiellement partie. Art. 22. — Les rapporteurs des sections ou commissions spéciales qui ne feraient pas partie du Conseil, sont appelés EN avec voix délibérative à toutes les délibérations du Conseil re- latives à leurs attributions. Art. 25. — Tout membre d’une commission qui n’a pas assisté à ses réunions pendant trois séances consécutives, peut être déclaré démissionnaire. Après avoir été averti, il est rem- placé, à moins qu'il ne présente des excuses valables. CHAPITRE V. DE LA TENUE DES SÉANCES. Art. 24, — La Société se réunit deux fois par mois. Art. 25. — Les membres sont convoqués à domicile : 4° Pour la première séance de l’année; 9 Pour les séances d’élections, celle des comptes rendus de l’année, et dans les cas d’urgence. Art. 26. — Pour assister aux séances, les personnes étran- gères à la Société doivent être introduites chaque fois par un de.ses membres, qui devra en avertir le président. Art. 27. — La présence du président ou d’un des vice-pré- sidents, assisté d’un secrétaire, suffit pour constituer le bu- reau à chaque séance. En cas d'absence du président et des vice-présidents, le trésorier, ou, à son défaut, l’archiviste, occupe le fauteuil; et, en cas d'absence des secrétaires, le président du jour dé- signe un des membres du Conseil pour en remplir les fonctions. tisl En cas d’absence de tous les membres du bureau, les fonc- tions de président sont remplies par le plus âgé des membres du Conseil présents à la séance. et celles de secrétaire par le plus jeune. Art. 28. — Les procès-verbaux des séances sont rédigés dans l'intervalle d’une séance à l’autre. Art. 29. — Chaque séance commence par la lecture du procès- verbal de la séance précédente et de l’ordre du jour. Le procès-verbal de la séance qui précède les vacances de la Société est soumis seulement à l'approbation du Conseil. Les lectures faites par les membres de la Société ont lieu — XII — dans l'ordre de leur inscription, après celles des rapports qui auraient été demandées par la Société. Les communications de personnes étrangères à la Société pourront être lues, si elles sont présentées par un membre du bureau ou de la section compétente, et dans des cas d'urgence qui seront appréciés par le bureau. Dans le cas contraire, elles seront renvoyées à l’examen d’une commission. Art. 30. — Les membres de la Société ne peuvent lire devant elle aucun ouvrage déjà imprimé et publié. Art. 31. — Les membres qui ont fait des communications verbales, ou pris part aux discussions, peuvent remettre des notes au secrétaire pour la rédaction du procès-verbal. Art. 32. — Aucune communication ou discussion ne peut avoir licu sur des objets étrangers au but de la Société. Art. 33. — Il ne peut être question, dans les séances, d’au- eun objet relatif à l'administration que sur la demande du Conseil. Toutes les observations relatives à l'administration sont adressées par écrit au président, qui en réfère au Conseil à sa plus prochaine séance. CHAPITRE VI. DES PUBLICATIONS. Art. 34. — Le recueil de la Société porte le titre de Bulletin de la Société zoologique d’acclimatation. I est imprimé aux frais de la Société dans le format in-octavo, et peut être échangé contre d’autres recueils scientifiques. Îl'ne peut être vendu aux personnes étrangères à la Société qu'à un prix déterminé par le Conseil. Art. 55. — Le bulletin contient les procès-verbaux des séances de la Société, les mémoires et communications verbales ou écrites qui lui ont été faites, des analyses d'ouvrages étran- vers rédigées par l’un des secrétaires ou par d’autres membres de la Société, un bulletin bibliographique rédigé par les vice- secrétaires, et les décisions du Conseil qui peuvent être d'un intérêt général pour les membres de la Société. — XXIV — Art. 36; — Le bulletin des séances paraît, autant que pos- sible, au commencement de chaque mois. Art. 37. — Les mémoires, notes ou extraits lus à la Société, de même que les observations verbales rédigées ensuite par leurs auteurs, doivent être remis au secrétariat dans la quin- zaine qui suit la séance où la communication à été faite. A défaut de remise dans ce délai, il est passé outre à l'impression du bulletin des séances, et ces mémoires, notes ou extraits, prennent un rang de publication postérieur. Art. 58. — Les membres n’ont droit de recevoir que les volumes des années du Bulletin pour lesquelles ils ont payé leur cotisation. Toutefois, les volumes correspondant aux années antérieures à leur entrée dans la Société leur sont cédés à un prix déterminé par le Conseil. Art. 59. — Les auteurs de notes ou mémoires insérés dans le Bulletin, et contenant au moins un quart de feuille, peuvent obtenir la remise gratuite de quatre épreuves de ces communi- cations, en en faisant au secrétariat la demande avant l’im- pression. Art. 40. — Quelle que soit la longueur des notes où mé- moires insérés dans le Bulletin, les auteurs pourront en faire faire, à leurs frais, un tirage à part. L'exercice de cette faculté est soumis aux conditions sui- vantes : 1° L'auteur qui voudra en profiter devra en faire la déclara- tion expresse et par écrit en tête de son manuscrit. 2 Il devra s'entendre directement avec l’imprimeur pour le remaniement de la composition et le payement des frais, con- formément aux conditions énoncées dans le traité passé entre la Société et l’imprimeur. 9° Le tirage à part devra rester entièrement conforme au texte du Bulletin. I ne pourra être remis à l’auteur que huit jours après la publication de la partie du Bulletin contenant le mémoire. 4° Le faux-litre devra porter : Extrait du Bulletin de la So- aiélé zoologique d'acclimatation. Art. 41. — Les manuscrits déposés au secrétariat, et non — XXV — encore publiés, ne peuvent être communiqués ou remis qu'à leurs auteurs. Art. 42. — La Société reçoit les mémoires en langue étran- gère encore inédits, et le Conseil en autorise, s’il le juge con- venable, la traduction et la publication. Art. 45. — Les travaux envoyés par des personnes qui ne font point partie de la Société peuvent être publiés sur le rap- port des commissions d'impression. Art. 44. — Un travail en cours d'impression dans le Bulletin ne peut plus être retiré par son auteur, à moins d’une autori- salion spéciale du Conseil, et, dans ce cas, les frais faits jusqu’à ce moment sont à la charge de l’auteur. CHAPITRE VIL. DES PROPRIÉTÉS DE LA SOCIÉTÉ. Art. 45. — Les animaux, produits, dessins ou objets quel- conques envoyés à l'appui des mémoires sont considérés, par ce fait seul, comme donnés à la Société, à moins que les auteurs n'aient exprimé formellement, lors de l'envoi, une volonté contraire. Art. 46. — Les membres qui cessent de faire partie de la Société ne peuvent réclamer aucune part dans ses propriétés. CHAPITRE VII. PLACEMENT ET SURVEILLANCE DES ANIMAUX. Art. 47. — La Société confie aux membres qui en témoi- gnent le désir les animaux dont elle dispose; mais elle con- serve sur ces animaux et leurs produits tous les droits de pro- priélaire. Art. 48. — I sera remis à chaque membre dépositaire, en même temps que les animaux, un programme d'observations à faire, qu’il sera tenu de remplir et d’annexer à son rapport trimestriel. Art. 49. — Les membres auxquels sont confiés les animaux — XXVI — appartenant à la Société s'engagent à pourvoir à leur entretien. Sur leur demande, le Conseil statue relativement aux indem- nités à accorder. Art. 50. — Sur la simple déclaration du membre déposi- taire, la Société reprend les animaux qui lui avaient été confiés. Art. 51. — Les frais de séjour, de voyage ou de transport des animaux confiés à un membre, sont à la charge de ce mem- bre à partir du moment où la Société déclare les lui confier et où, de son côté, il déclare, par écrit, les accepter, jusqu’au moment où il en fait remise entre les mains des agents de la Société. Art. 52. — Le Conseil est Juge souverain en tout ce qui touche à la répartition des animaux. Il devra tendre à créer un nombre restreint de centres sur lesquels la surveillance puisse facilement s’exercer. Art. 53. — Quand le Conseil jugera que la reproduction d’une espèce est assurée, il pourra en remettre un ou plusieurs individus aux divers membres de la Société. Art. 54, — Sous aucun prétexte, un membre dépositaire ne peut placer un animal dans un local dont l’entrée serait payante, sauf délibération expresse du Conseil. Art, 55. — En cas de multiplication des animaux confiés à un membre, ce membre en informe sur-le-champ le Conseil. Art. 56. — En cas de mort d’un animal confié à an membre, ce membre en informe sur-le-champ le Conseil par un rapport contenant, autant que possible, des détails sur les causes qui ont amené la mort et un procès-verbal d’autopsie. Art. 57. — Quand il y a possibilité, le Conseil décide de la destination à donner aux restes des animaux morts apparte- nant à la Société. Art. 58. — Pourront être vendus au bénéfice de la Société, après délibération expresse du Conseil, les animaux excédant un nombre déterminé. Le prix et le mode de vente est arrêté par le Conseil. Art. 59, — Il est tenu un relevé détaillé des naissances et morts des animaux appartenant à la Société. — XVI — Art. 60. — Tout membre ayant reçu des animaux devra adresser au Conseil, dans le courant du mois de décembre et dans le courant du mois de juin, un rapport écrit sur leur compte. Ce rapport devra contenir tous les détails pouvant servir à l’histoire de leur éducation et de leur multiplication à l’état domestique ou sauvage. Art. 61. — Quand il le juge convenable, le Conseil nomme des délégués pour visiter les animaux confiés aux aivers mem- bres de la Société et faire sur leur compte un rapport détaillé. La délégation doit être signée du président ou d’un vice président, et de deux membres du Conseil. Art. 62. — Les délégués sont pris indistinctement parmi tous les membres de la Société. Art. 63. — En cas de difficulté soulevée par les détails de l’élevage des animaux appartenant à la Société, le Conseil juge en dernier ressort. Art. 64. — Le Conseil décide le déplacement des animaux toutes les fois qu'il reconnait pour peu convenable la rési- dence primitivement assignée, ou qu'il juge à propos de faire de nouveaux essais. CHAPITRE IX. COMPTABILITÉ. Art. 65. — Les dépenses sont divisées en ordinaires et ex- traordinaires. Les dépenses ordinaires se composent du loyer, des contri- butions, des frais de bureau et d'impression, des frais d’entre- tien des meubles et du local, et du port des lettres et paquets adressés à la Société. Les dépenses extraordinaires sont votées par le Conseil. Art. 66. — La Société se charge de l'envoi gratuit du Bulle- lin, et de l’affranchissement des lettres relatives aux publica- tions, des lettres de convocation et des avis imprimés. Les votes devront être envoyés par lettre affranchie, sous peine d’être nuls. — XXVII — Art. 67. — La Société ne s'engage jamais dans aucune dé- pense excédant son avoir. Art. 68. — Le trésorier devra tenir ses livres régulière- ment et conformément à la loi. Ils seront à la disposition des membres de la commission de comptabilité. Art. 69. — La situation financière de la Société sera pré- sentée tous les trois mois au Conseil, et tous les ans à l’Assem- blée générale. Art. 70. — Les fonds versés entre les mains du trésorier provenant, soit des cotisations annuelles, soit de dons faits à la Société, soit enfin de toutes les recettes, seront déposés à la Banque de France ou au Comptoir national d’escompte, si ce dernier établissement public consent à ouvrir un compte cou- rant portant intérêt, mais sans prendre de commission sur les payements. Ce compte courant sera ouvert au nom de la So- ciété zoologique d’acclimatation, et le trésorier seul pourra retirer les fonds sur sa signature. Art. 71. — Lorsque les membres de la Société verseront leur cotisation annuelle, le trésorier leur délivrera des reçus détachés d'un talon relié, et dont les numéros d’ordre devront se suivre. Pour les dons qui pourront être faits à la Société, le trésorier donnera de même des reçus motivés, également déta- chés d’un talon relié. Art. 72. — Le trésorier ne pourra faire des payements que sur reçus motivés ou sur factures des fournisseurs de la Société pour les dépenses courantes ou celles de bureau. Mais, pour les dépenses extraordinaires ou les appointements des agents de la Société, les payements ne pourront être faits que sur le visa du président ou du secrétaire général de la Société, ou, à défaut, sur l'avis qui en sera donné par écrit au trésorier par l’un de ces deux membres du Conseil. SR LISTE DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION (28 avriz 1854) BUREAU DE LA SOCIÉTÉ. M. Isidore GEOFFROY-SAINT-HILAIRE, président. MM. Le prince Marc de BEAUVAU Antoine PASSY Le baron de PONTALBA RICHARD (du Cantal) Le comte d'ÉPRÉMESNIL, secrétaire général. E. DUPIN, secrétaire de la correspondance à l’intérieur. GUÉRIN-MÉNEVILLE, secrétaire du Conseil. Le docteur HOLLARD, secrétaire des séances. De La ROQUETTE, secrétaire pour l'étranger. Paul BLACQUE, trésorier. Le comte de COUESSIN, archiviste. vice-présidents. CONSEIL D’ADMINISTRATION. MM. Le marquis AMELOT. MM. RUFFIER. Jules DELON. SAULNIER. Frédéric JACQUEMART. Le baron SÉGUIER. Le baron de MONTGAUDRY. Le marquis de SELVE. POMME. Le comte de SINETY. De QUATREFAGES. JACQUES-VALSERRES. MEMBRES FONDATEURS. MM. Amecor (Le marquis), propriétaire. Axvecy (D'}, ancien sous-préfet. Auzoux (Le docteur). Bayzex (De), chef de la division des haras au ministère de l'agriculture, du commerce et des travaux publics. Beauvau (Le prince Marc de), député au Corps législatif. Beruisy (Le marquis de), propriétaire. Béruune (Le comte de), propriétaire. — XXX — BLacQuE (Paul), banquier. Bconveau (Le docteur Léon). Brimonr (Roger de). Cazver-Roenrar, député au Corps législatif. CLary (Le vicomte J.), propriétaire. Cousssix (Le comte de), propriétaire. Dazmarie (Le duc de), ancien ambassadeur. Deco (Jules), propriétaire. Demerz, conseiller honoraire à la cour impériale de Paris, directeur de la colonie agricole de Mettray. Demnorr (Le prince A.), membre correspondant de l'Institut. Dur (E.), propriétaire. Ercurnaz (Adolphe d’)}, membre du conseil municipal de Paris. Errémesnis (Le comte d’), propriétaire. Foaczo», professeur d'histoire naturelle au lycée Louis-le-Grand, ancien ré- pétiteur à l’Institut agronomique de Versailles. Georrroy-Samnr-Hicaie (Isidore), membre de l'Institut, professeur au Museum d'histoire naturelle et à la Faculté des sciences. Ceorrroy-Sainr-Hizaire (Albert). Guérn-Méxevize, membre de la Société centrale d'agriculture, directeur de la Revue zoologique. ' Jacquemarr (Frédéric), ancien élève de l’École polytechnique. Maxorm (Le comte du), propriétaire. Marrin (Ernest), propriétaire. MoxresezLo (Le duc de), ancien ministre de la marine. Monxay (Le marquis de), propriétaire. Muzzer (Le baron de), ancien directeur du Jardin royal de zoologie de Bruxelles, à Stuttgard. Poume, agent de change. Ponrazra (Le baron Célestin de), propriétaire. Porer (Le comte de), propriétaire. Poucuer, membre correspondaut de l’Institut, directeur du Musée d'histoire naturelle de Rouen. Prévosr (Florent), aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle. Pucuerax (Le docteur), aide-naturaliste de zoologie au Muséum d'histoire na- turelle. Raven (Le docteur), membre de l'Institut. Ricarn (du Cantal) (Le docteur), ancien représentant, ancien directeur de l'Ecole des haras. Roquerre (A. de la), propriétaire. RoruscuiLp (A. de). Rurrier, propriétaire. Sacc, professeur à l’Académie de Neuchâtel (Suisse). Sawr-Gexesr (Le baron de), propriétaire. ANR — SAULNIER, propriétaire. Sécuier (Le baron Armand), membre de l’Institut. SÉéçurer (Le comte P. ), propriétaire. SELvE (Le marquis de), membre du Conseil général de Seine-et-Oise. Sery (Le comte de), propriétaire. Soxier, ancien préfet. Tazuouer (Le marquis de), député au Corps législatif. MEMBRES HONORAIRES. MM. Careuccra (Le général), membre correspondant de l’Institut. Casreznau (Le comte de), consul de France à Bahia. Daumas (Le général de division), conseiller d’État, directeur des affaires d’Al- gérie au ministère de la guerre. Decarorte, consul de France au Caire. Dussumier pe FomBRUNE, armateur, à Bordeaux. Jowarr, membre de l’Institut. Macxau (L’amiral baron de), sénateur. Moxriexy (De), consul de France à Chang-Ilai. Pouce, fondateur des bergeries du Pichinango (Uruguay). MEMBRES TITULAIRES. MM. Acary (L'abbé), curé de Genevilliers (Seine). Azur, directeur de la colonie agricole de Petitbourg. Anvré (A.). Anoré (Ernest). AnpRé (Louis). Aneuès (vicomte Raoul), propriétaire. Anos4 (Gustave). Aocaerrame (Le baron Henri). Aucnois (Louis), propriétaire. Ban (De), propriétaire. Barcenoy (Le comte de), propriétaire. Banocug (Ernest), maître des requêtes au Conseil d'Etat. Banraz, ancien répétiteur à l’École polytechnique, directeur du Journal d'Agriculture pratique. Banrnécemy LA Pomenaye, directeur du Musée d'histoire naturelle de Mar- seille. Bauvemenr, professeur au Conservatoire des arts et métiers. Baye (A. de), propriétaire. Baye (Le baron Christian de), capitaine d'artillerie. Beauneraine (Le comte de). — XXXI — Becquerez (Edmond), professeur au Conservatoire des arts et métiers. Bénacue (De, membre de la Société centrale d'agriculture. BerLevue (De), juge an tribunal de la Seine. Beccozanxe (Le comte de), propriétaire. ? Nous avons nous-même élevé notre faible voix en faveur des lamas dans un Mémoire qui fut inséré, en 1850, dans le Journal d'Agriculture pratique pour le midi de la: France, page 19, et qui a pour titre : Notice sur la nu- turalisation et la domestication en France du lama et de l'alpacu. UE Du reste, au moment où nous écrivons ces lignes, un des membres les plus actifs de cette utile association vient de l’en- richir de quelques couples de bœufs complétement inconnus en Europe, bien qu'ils soient domestiques en Asie depuis un temps immémorial. Je veux parler des Yaks amenés tout récemment du Shang-Haï au jardin des Plantes de Paris, par M. de Montigny, consul de France en Chine. Or, d’après M. Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire, à qui j’emprunte avec plaisir cette citation : « Au Thibet, l’Yak est pour les montagnards ce que sont pour nous le cheval, l’âne, la vache, le mouton. Il nour- rit les habitants de sa chair et de son lait; il porte les plus lourds fardeaux, s’attelle aussi très-bien, et sert à tous les tra- vaux de l'agriculture. De la longue et abondante toison de ce buffle, on obtient une laine soyeuse qui sert à confectionner des vêtements chauds et durables. La fourrure des jeunes, qui est laineuse et frisée, ressemble tout à fait à la fourrure dite astracan, qui provient d’une race ovine. D'une grande fécon- dité, très-sobre, l’Yak résiste aux froids les plus rigoureux et brave toutes les intempéries des saisons. Il y a donc lieu d’es- pérer que, par des soins bien entendus, on parviendra à accli- mater en France cet animal d’un produit si multiplié. » (Voir le Moniteur du 15 avril 1854, page 5.) En attendant la réalisation, peut-être prochaine, de celte, espérance dont nous flatte un des juges les plus compétents en pareille matière, et désireux de donner à la Société dont .j'ai l'honneur de faire partie, une preuve immédiate de mon zèle pour les graves intérêts qu’elle a pris sous sa protection, J'ai songé à faire l'analyse du lait d'Yak, que je devais à l’aimable obligeance de notre honorable président. Aidé de l’habile collaboration de mon ami M. le professeur Filhol, avec le concours duquel j'ai déjà analysé le lait de plu- sieurs mammifères, J'ai obtenu d’un premier essai des résul- lats qui porteraient à penser que le lait d’Yak est plus riche en principe sucré que celui de la Vache. Nous y avons trouvé, en revanche, peu de beurre; mais cela dépend sans doute de la fatigue dont les Yaks souffraient encore au moment où nous avons fait celte première analyse : aussi comptons-nous bien la renouveler dans de meilleures circonstances. NOTE SUR LA PERRUCHE ONDULÉE Par M. Jules DELOXN. (Séance du 24 mars 1854.) Il a été question dans nos précédentes séances de l’acclima- tation des oiseaux et des animaux utiles; mais le programme de notre Société dit aussi que nous nous occuperons de l’ac- climatation et reproduction des oiseaux d'ornement et d’agré- ment. Dans cette dernière catégorie, je placerai en première ligne la petite Perruche ondulée ou zébrée de la Nouvelle-Hollande (Psittacus ondulatus). Son plumage est si varié, son caractère et ses mœurs sont si intéressants, qu’un de nos acclimateurs distingués répète toujours, en parlant d’elle : Plus on la voit plus on l'aime. Il y a sept à huit ans au moins qu’elles sont répandues en France et en Angleterre, et plusieurs amateurs de volière, comme MM. Saulnier, à Saint-Brice, et Bissent, à Belleville, les ont acclimatées et fait reproduire depuis cette époque. Quant à, moi, je ne les connais que depuis cinq ou six ans; mais elles m'ont si vivement intéressé, que l’étude de leurs mœurs et de leur reproduction est tous les jours pour moi un nouveau su- jet d'observations. J'ai done pris des notes aussi exactes que possible sur leurs faits et gestes, et ce sont ces notes que plusieurs membres de notre oo bte, et notarament notre honorable président M. Geof- froy Saint-Hilaire, m'ont prié de vous communiquer. Il n’y a là aucune science ornithologique, mais seulement quelques essais pratiques que je viens soumettre à votre at- tention. —-#59" La Perruche ondulée, quoique originaire d’un climat beau- coup plus chaud que la nôtre, vit facilement dans une tempé- rature moyenne, descendant même jusqu’à zéro. Je la laisse en plein air, dans une volière exposée au sud-est, depuis le mois de mai jusqu’au mois de novembre, et, l'hiver, dans un appar- ment peu chauffé. Elle se nourrit de graines de millet blanc, de millet en grap- pes et surtout de graines d’alpiste. Elle boit très-peu, et même je n’ai jamais vu boire la femelle vivant avec un mâle dans une même cage. Elle niche dans des troncs d’arbre creux, comme les étourneaux. J'ai essayé des bois de chêne, d’orme, de chà- taignicret de saule, elle a toujours préféré ce dernier bois. Elle pond de deux en deux jours jusqu’à six et huit œufs blancs un peu plus gros ‘que des œufs de serin, mais moins allongés. Les petits éclosent aussi à deux jours de distance, ce qui prou- verait qu’elle commence à couver aussitôt après la ponte de son premier œuf, Il n’y a que la femelle qui travaille à creuser son nid, à en élargir l’entrée; elle pose ses œufs sur le bois même, sans y avoir porté aucune mousse, ni racines, ni au- cun des matériaux qu'emploient en général tous les oiseaux qui construisent un rid ; elle laisse seulement un peu de pous- sière du boïs, qu’elle a gratté avec son bec, et elle rejette en dehors tous les petits copeaux résultant de son travail. J'en ai vu qui pondaient même sur une planche lisse sur laquelle j'avais posé un tronc de saule creux et sans fond. Elle couve ‘en général vingt et un jours, pendant lesquels elle ne sort guère | de son nid que pour se vider, et je ne l'ai jamais vu boire ni | manger pendant le temps de l’incubation, ni même avant que ses petils ne soient complétement emplumés. C’est le mâle qui va lui dégorger la nourriture nécessaire à son alimentation et à celle de toute sa petite famille. J'ai eu l’année dernière une éclosion de six petits qui sont tous en ce moment en parfaite santé et complétement adultes. Ces petits restent dans le nid environ trente à trente-cinq jours après l’éclosion et n’en sor- tent que complétement emplumés comme les père et mère, quoique cependant leurs couleurs soient moins vives, el’ ils” sont reconnaissables surtout à ce que les raies transversales [. 7 7 de la tête se prolongent jusqu'à la naissance du bec, tandis que les adultes ont le front jaune jusqu'au sommet de la tête. Un fait assez remarquable à citer ici, c'est le soin que la fe- melle met à conserver son nid très-propre; on pourrait dire qu’elle fait sa chambre tous les matins comme une bonne ménagère, et elle épluche et nettoie ses petits avec un soin sans égal. La fécondité de ces oiseaux est telle, que souvent la femelle fait une nouvelle ponte açant que les derniers petits soient sor- üis du nid, et elle couve ses œufs tout en continuant à nourrir sa petite famille. Une seule et même paire m’a produit lan dernier douze petits en quatre couvées, et ils sont tous en par- faite santé. Je dois dire cependant que j'ai perdu le mâle à la fin de l’automne; est-ce d’épuisement, ou par quelque acci- dent que je n'ai pu voir? (est ce que j'ignore, mais il était parfaitement en plumes et pas trop maigre. J'ai reconnu d’ailleurs, en le dépoüillant, qu'il avait un peu de sang extra- vasé au cerveau. Ce quidistingue particulièrement l'Ondulée detoutes les au- tres petites Perruches, c'est son caractère aimable, vif, enjoué. Le mâle est vraiment le modèle des maris, comme la femelle est le modèle des mères. Il est toujours empressé, attentif, ardent, sensuel même, avec sa femelle ; il ne s'occupe que d'elle, et jamais d’autres qui pourraient se trouver dans la même cage. Posé sur une petite branche à la porte du nid, il lui chante ses plus jolis airs; il n’est jamais triste, immobile ou endormi, comme beaucoup d’autres espèces de Perruche; il ne nourrit pas lui-même ses enfants. Enfin, il a une telle expression d'in- telligence dans les. yeux, qu'on croirait qu'il parle et qu'il écoute; et. cela est si vrai, que j'avais une paire de Paroars huppés, qui vivaient dans une cage voisine, dont le mâle chan- lait admirablement; eh bien, le mâle de l'Ondulée imitait ce chant à s'y tromper. Enfin, messieurs, cette petite Perruche est, à mon avis, un des plus jolis. oiseaux qu'on puisse élever pour l'ornement d'une volière. Je pourrais vous citer un.grand nombre de faits physiologi- ui ques que j'ai recueillis depuis plusieurs années: mais je crain- drais d’abuser des moments précieux de l'Assemblée ct de fatiguer sa bienveillante attention. P. S. Voici cependant un fait connu déjà de quelques per- sonnes et qu'on me demande de vous raconter : M. Saulmier, à Saint-Brice, avait l’année dernière une cou- vée de quatre à cinq petites Ondulées parmi lesquelles se trou- vait un petit estropié et impotent sorti du nid quelques jours après ses frères et sœurs; il élait tombé au fond de la cage, où il serait mort de faim, car il ne pouvait aller aux mangeoires ; ses frères et sœurs ont continué à le nourrir pendant qualre à cinq mois, peut-être davantage, et il vit peut-être encore de cette manière, quoiqu'il soit plus probable qu’il s'est indus- trié lui-même depuis pour se passer de cette assistance. 3 468. — NOTE SUR LES MOYENS DE FAIRE PRODUIRE À LA CAILLE DE TRENTE-CINQ À QUARANTE PETITS, ET À LA PERDRIX DE CINQUANTE-CINQ A SOIXANTE (EN DOMESTICITÉ) Par M. P.-E.-J. ALLARYX, CURÉ DE GENNEVILLERS (Seine). (Séance du 7 avril 1854.) I. Le but de notre Société étant, ou d’acclimater, dans nos con- trées, les animaux utiles dont nous manquons, où d'améliorer la production de ceux que nous avons déjà, et dont l'utilité est reconnue de tout le monde, j'ai cru atteindre, sous certains rapports, un but si désirable, et aller même au-devant de bien des vœux, en vous exposant les moyens de doubler, de tripler même la production de deux espèces fort utiles et qui devien- nent de plus en plus rares : je veux parler de la Caille et de la Perdrix. La Caille, surtout, messieurs, devient fort rare, € cette assertion deviendra pour vous une vérité sensible, si vous voulez vous rappeler ce qu’elle était, ou vous en informer, il y a trente ou quarante ans. Je vais, en toute simplicité, vous exposer les moyens : tout ce que j’avancerai, je l’ai expérimenté pendant dix ou douze ans par moi-même ; dans tout cela, du reste, il n’y a rien d’ex- traordinaire; tout est simple, facile, à la portée de tout le monde; seulement, il faut certaines précautions et surtout certains soins réguliers et soutenus pendant un certain temps. Ici je crains que ces mots de soins soutenus ne soient pas bien compris et n’effrayent bien du monde ; cependant, en réalité, ce que je demande n’est rien ou presque rien; je ne réclame que cinq ou dix minutes par jour ; mais il faudrait régulièrement ac- corder ces quelques minutes avec une certaine intelligence, et voilà ce que j'entends par soins soutenus. Les moyens que je pro- pose conviennent également aux deux espèces ; mais, pour plus 2e. 5 — de clarté et de facilité, je ne parlerai que de la Caille, et, lors- qu'il y aura quelque chose de particulier à la Perdrix, je le mentionnerai. — Voici donc les moyens: IT. Procurez-vous dans une cour tranquille, ou dans un jardin, à l'exposition du levant (c’est la meilleure), une volière d’un mètre et demi carré (plus grande ne serait que mieux), à moitié couverte et à moitié en grillage sur le devant, pour laisser pé- nétrer la rosée, la fraicheur de l’atmosphère et les rayons du soleil. Cette dernière condition est presque indispensable ; elle est, du reste, toujours très-propice, très-favorable à tous les oiseaux en volière, et surtout à ceux que l’on destine à la re- production. — Bêchez la terre qui forme l'aire de votre volière, plantez-y de petits bouquets de buis nain; formez de petits sentiers comme une double bordure de jardin, et si la terre est forte, grasse, recouvrez-la d’une couche de sable. Dans ce local ainsi disposé, placez une paire de Cailles ou de Perdrix jeunes, bien portantes, élevées en cage ou en volière; cellés qui ont été prises au filet réussissent moins bien, à moins qu’une longue captivité n’ait adouci leurs mœurs; ne mettez jamais ensemble ces deux espèces, elles ne sympathisent pas entre elles, surtout au moment de la reproduction : à cette époque, c’est-à-dire dès le mois d'avril, séparez même les cou- ples des mêmes espèces que vous aviez mis ensemble, durant le courant de l’année, pour abrèger les soins à donner. La nourriture ordinaire, pendant l’année, doit être un mé- lange de blé, de sarrasin. de millet et un peu de chènevis, mais peu, un dixième : s’il active et échauffe les oiseaux pour la reproduction, il nuit, donné en trop grande quantité, à leur santé et à leur fécondation. En nourrissant vos oiseaux pres- que de chènevis (et, tant qu’ils en auront, ils ne mangeront que de cela et laisseront toute autre nouriture), vous aurez souvent des pontes plus précoces, plus hâtives, mais moins fécondes et souvent des œufs clairs, tandis qu’en mélangeant convenable- ment votre nourriture, vous aurez des oiseaux gais, bien por- lants et très-féconds, ce qui est l'essentiel, surtout si vous avez soin de renouveler exactement leur nourriture, de leur donner de l’eau fraîche, de la verdure, comme mouron, sa- > =. dé — lade, etc, ét de tenir leur volière dans une propreté convenable Vos oiseaux ainsi placés, ainsi nourris et soignés, commen- ceront et feront leur ponte aussi régulièrement qu’en pleine liberté. La Caille choisira les parties du milieu de la volière, grattera un peu la terre, fera un nid à peine sensible, mais le visitera souvent et pondra de douze à dix-sept, dix-huit œufs, un par Jour. La Perdrix choisira les coins les mieux abrités, les plus éloignés des regards : c’est pourquoi il est bon de gar- nir les coms de petits buis; elle pondra de quinze à vingt, vingt-deux œufs, un par jour aussi, ou presque tous les jours. IL. Maintenant, il s’agit d'enlever à temps cette première ponte, sans les dépiter, sans trop les décourager, et de leur en faire produire une seconde, et même une troisième. C’est ici que commencent, non pas les difficultés, mais cer- taines précautions. J'ai remarqué que, si on les laisse commen- cer leur couvée et qu’on leur enlève alors l’objet de leur affec- tion, on blesse profondément l’instinctadmirable de la nature: cet instinct est très-violent, &est une passion, une maladie même, ct brusquer cette maladie c’est s'exposer à en créer une autre plus dangereuse, c’est-à-dire un profond dépit, un ennui, un dépérissement à vue d'œil. Il faudrait donc tâcher de saisir la fin de la ponte et enlever leurs œufs; leur chagrin alors, quoique grand, est moins profond ; du moins, il ne m’a paru Jamais aussi dangereux, parce que la maladie de couver n’était pas encore déclarée. D’un autre côté, si vous enlevez trop tôt leurs œufs, un certain dépit les prend, elles abandonnent leur nid, pondent encore quelques œufs, par-ci, par-là, dans la vo- lière, mais bien moins que si elles n'avaient pas été dérangées: toutefois, il vaut encore mieux avoir deux ou trois œufs de moins que laisser la maladie de couver se déclarer. Pour cela, il est bon de savoir qu’il y a des Cailles, même des Perdrix (le cas est plus rare dans la Perdrix), qui ne pon- dent que cinq, six, huit œufs à la première ponte ; tandis que la seconde est tout à fait normale. Or, de crainte de se trouver dans ce cas, il faut, sitôt que la ponte est commencée, voir cha- 1 s’il y a un œuf nouveau, et tâcher de voir sans avoir l'air de voir, mais comme en passant, en donnant à manger, à +085 boire et sans s’arrêter à considérer, surtout sans déranger Île nid; car aussitôt son œuf pondu elle se retire, mais en arran- geant, en couvrant légèrement et comme négligemment son nid, pour mieux déguiser son trésor aux regards. Si vous y touchez, vous remarquerez à son air inquiet, à son petit cri, que cela la dépite; cependant il faut tâcher de voir s'il ÿ a un œuf nouveau chaque jour, et remarquer si elle ne reste pas trop sur son nid, surtout passé onze heures; car d'ordinaire elle pond avant cette heure. Si on remarquait qu'après cette heure elle reste plus longtemps que d'habitude sur son nid, c’est une preuve que la maladie n’est pas loin; cependant ne prenez pas les petits instants qu’elle aime quelquefois à pas- ser sur ses œufs, par pur plaisir, pour la maladie de couver:; un peu d'habitude vous en ferait saisir tout de suite la diffe- rence : quand c’est uniquement le plaisir du moment, elle y reste peu, elle est moins affaissée sur ses œufs, et comme en passant ; tandis que, lorsque c’est la maladie de couver, il y à che elle tout un monde de préparatifs; elle arrange son nid, ses œufs qu’elle soulève, qu’elle retourne ; puis elle saisit, pas- sez-moi cette expression, elle saisit ses œufs avec passion; on la voit s’affaisser, s’aplatir, pour ainsi dire, écarter légère- ment les ailes, écarter les plus latérales, et comme embrasser de tout son petit être l’objet de son affection : alors la maladie est déclarée. C’est fâcheux; mais n'importe, il faut malgré cela lui enlever ses œufs; car, comme nous verrons plus bas, elle réussit assez mal à couver; elle se donne trop de peine à éle- ver ses petits, et elle ne pondrait plus de cette année. La première ponte enlevée, même le plus convenablement, elle se dépite pendant un jour ou deux; on la voit courir, cher- cher partout; bientôt le mâle l’environne de nouvelles assidui- tés, et, au bout de cinq, six, sept jours, elle recommence une seconde ponte, mais dans un autre endroit. Cette seconde ponte est aussi abondante, souvent même plus que la première, sur- tout si la soustraction de la première a été faite convenable- ment. Vous enlevez celte seconde avec toutes les précautions. que vous aviez prises pour la première, et bientôt elle en re- commence une troisième. Celle-ci est presque toujours moins 606. abondante ; la Caille ne va guère qu’à six, huit, dix œufs; la Perdrix douze, quinze, dix-sept. Je n'ai pas eu de cas d'une quatrième ponte, mais presque toujours J'en ai obtenu une troi- sième, surtout lorsque l'expérience m’eut appris à leur enlever à temps les premières pontes. IV. Nous voici en possession de trente-cinq à quarante œufs de laille, de cinquante à soixante de Perdrix; mais vous com- prenez que les premiers ne peuvent attendre les derniers pour être donnés à couver; ils seraient trop vieux et ne seraient plus bons à être fécondés. Que faire donc alors? Le voici : il y a deux moyens; mais, avant de vous les désigner, je dois vous faire ob- server que la Caille et la Perdrix ne doivent pas ordinairement couver leurs œufs, 1° parce qu’il est d'expérience qu'elles ne réussissent pas bien : soit parce que le mäle, forcé par la cap- tivité d’être toujours là et trop près, les dérange, soit que la nourriture de l’état domestique ne convienne pas bien à la ma- ladie de couver, soit que les Souris les tourmentent pendant la nuit, j'ai toujours remarqué qu’elles ne réussissaient pas bien ; 2° parce que, mème lorsqu'elles réussissent, il est très- difficile d'élever leurs petits, d'abord parce que la nourriture dé- licate qu’on est obligé de donner aux petits est aussitôt dévorée par le père et la mère et les autres oiseaux de la vohière; car il serait dommage de consacrer uniquement à la Caille ou à la Per- drix un compartiment de volière; on peut y mettre des oiseaux des îles qui réussissent très-bien ensemble : on est sans doute étonné d'apprendre que le père et la mère dévorent la nourri- ture nécessaire à leurs petits; mais c’est un fait que j'ai tou- Jours remarqué, c’est une divagation aux plus belles lois de la nature, et on ne peut l’attribuer qu'à l’état de domesticité et à la rareté pour eux de cettenourriture ; ensuite on ne peut pas les mettre. comme les Poules, dans des boîtes; elles se dépitent trop. Done, on ne doit pas ordinairement laisser la Caille et la Perdrix couver leurs œufs, à moins qu’on ne veuille s'amuser ou en faire un objet de curiosité. Je l’ai fait plusieurs fois; sou- vent je leur ai abandonné la troisième ponte. 4, Voici maintement comment faire couver les œufs : Ayez dans un endroit convenable sept ou huit petites Poules anglaises = pe bien soignées, depuis longtemps avec leurs coqs; au moment de la ponte de vos Cailles, chauffez un peu vos Poules en leur donnant un peu plus de chènevis qu’à l'ordinaire, afin de les pousser à couver et pouvoir leur confier vos œufs. Premier moyen. — Prenez la première ponte et une dizaine d'œufs de la seconde, ce qui vous donne de vingt-quatre à vingt-cinq œufs, et mettez une Poule; vous donnez le reste de la seconde ponte et la troisième à une deuxième Poule. Deuxième moyen. — Il serait mieux et plus facile d’avoir deux paires de Cailles, de prendre les premiers œufs de cha- que paire et les donner à une Poule, puis les autres à une autre Poule, et ainsi de suite. On serait plus sûr d’avoir des ufs frais et hons; puis on serait moins embarrassé si une Caille venait à manquer. Au reste, quand on se met à même d’en élever trente, on peut en élever soixante ; le seul obstacle, c’est la place, comme nous verrons plus loin, lorsqu'ils ont cinq à six semaines et qu'ils commencent à sc piquer. , Au Süjet des œufs frais, j'ai remarqué une chose assez cu- rieuse, c’est que les œufs que vous enlevez et que vous conser-. vez dans un endroit convenable, c’est-à-dire ni trop froid ni trop chaud, se conservent moins frais ou moins propres à la fécondation, si vous les gardez de vingt à vingt-cinq jours, que ceux qui restent dans le nid de la Perdrix (je parle ici de la Perdrix, parce que c’est à peu près le temps qu’elle met à faire sa ponte); mais on pourrait en dire autant de ceux de la Caille en les gardant à peu près le même temps, quoique ceux qui restent dans le nid soient exposés à la fraicheur des nuits et quelquefois aux rayons du soleil assez ardent; il faut pour cela que la mère, dans les petites visites qu’elle aime à leur faire, et surtout dans le moment de la ponte d’un nouvel œuf, leur communique quelque chose de particulier et d’impraticable pour nous; mais le fait me paraît constant, Pour vous en con- vaincre, laissez un ou deux des premiers œufs hors du nid et pourtant dans les mêmes conditions à peu près que ces der- niers, moins les soins de la mère; au bout de vingt-quatre à vingt-cinq jours, lorsque la ponte est finie, marquez-les d’un numéro à l'encre, mettez-les couver avec les autres, et vous ou. 1 verrez que presque toujours ils sont gâtés et n’éclosent pas ; ce qui m'a comme prouvé que les soins de la mère contribuent beaucoup à les conserver dans un état convenable à la fécon- dation, et que ce que j'ai appelé plus haut plaisir de la mère à visiter sa progéniture, peut bien être en effet un plaisir, mais en même temps un besoin pour les œufs et un instinct admi- rable de la nature. Pour être exact, je dois dire qu’il y a une grande différence ‘ cependant entre ceux qu’on enlève et qu’on garde avec soin dans un endroit convenable et ceux qui restent hors du nid; Ceux-ci, au bout de vingt-cinq à vingt huit jours, sont presque toujours gâtés et souvent en moins de lemps ; tandis que ceux que l’on sait conserver sont presque toujours bons au bout de ce temps, à moins qu'ils ne le soient pas de leur nature, et çà doit être pour que notre moyen réussisse. ; V. Voilà vos œufs sous vos Poules. Ici, j'ai encore besoin d'indiquer quelques précautions, et ce que je vais dire peut s'appliquer à toute espèce d’œuf qu’on veut faire couver par des Poules. 1° IL faut des Poules douces et bien portantes ; je n’ai jamais bien réussi avec des Poules de ferme; elles sont trop volages ou farouches, et pas assez habituées au local et aux personnes nou- velles qui les soignent. 2 Choisissez pour mettre vos couveuses un endroit tran- quille, formez un demi-jour, que cet endroit ne soit mi trop froid, ni trop chaud, tenez-le toujours dans un grand état de propreté. 5° Ayez de petites boîtes en bois de vingt-cinq à trente cen- timètres carrés; faites avec de la paille fraîche, que vous aurez ur peu brisée avec les mains pour lui ôter sa rudesse, un nid convenable dans vos boîtes ; que ce nid ne soit pas trop creux, autrement les œufs se mettent en tas les uns sur les autres, et ceux qui sont par dessous ne reçoivent pas la chaleur fécon- dante; qu'il ne soit pas non plus trop plat, sans quoi les œufs s’échappent de dessous la Poule et coulent sur les côtés, et sont ainsi privés de la chaleur nécessaire; vos boîtes étant ainsi pré- parées, placez-y doucement vos Poules et couvrez-les d’un cou- = = vercle à ‘claire voie pour leur donner de l'air, et en même temps pour arrêter quelquefois leurs caprices et les mettre à couvert de tout danger extérieur. # Mais, avant de leur confier vos espérances, donnez-leur trois où quatre petits œufs de leur espèce, et, au bout de quel- ques heures, lorsque vous verrez qu’elles ont bien pris leurs œufs, glissez-leur tout doucement ceux que vous leur destinez et ôtez Îles autres. 5° Tous Les jours, vers les neuf, dix heures, visitez-les, levez- les doucement de dessus leurs œufs, prenez garde qu’elles n’en- lèvent avec elles quelques œufs ; souvent elles les font remonter jusque sous leurs ailes (ce sont ordinairement les bonnes cou- veuses qui font cela); déposez-les à terre; mettez devant elles, dans une mangeoire assez plate pour qu'elles puissent bien voir leur manger, de la graisse fraiche, un mélange de blé, d'avoine, de sarrasin, de chènevis, et de l’eau renouvelée chaque jour dans un vase convenable; si elles restaient affaissées sur elles- mêmes, comme si elles voulaient continuer de couver, faites- les lever doucement pour les dégourdir et les exciter à manger, donnez-leur un bon petit quart d'heure, puis remettez-les dou- cement sur leur nid, si elles n’y vont pas d’elles-mêmes. 6° Au bout de six à sept jours, il faut visiter l’intérieur de leur nid, de peur de la vermine, surtout si on voyait que leur crête pälit et se fane, qu'elles témoignent de l’impatience de se lever ; alors et même sans ces symptômes, par précaution, en- levez les œufs pendant qu'elles mangent; puis, vous mettant au grand jour, ÿtez la paille du nid, couche par couche; s'il y a de la vermine, vous ne la trouverez qu'aux dernières cou- ches. Ce sont de petits poux rouges qui se mettent ensemble et par pelotte; pendant le jour, ils descendent au fond du nid; mais la nuit ils envahissent la couveuse, et la tourmentent au point de la rendre malade et de lui faire abandonner ses œufs. Sitôt que vous apercevrez les traces de cette vermine, ne perdez pas de temps, ça pullule vite; changez vos œufs et votre cou- veuse dans une nouvelle boîte, préparée comme la première. Pour celle-ci, ne la laissez pas dans votre couvoir, enlevez-la, jetez la paille loin de là, et nettoyez bien votre boîte à l’eau TE -— bouillante de potasse avant de vous en servir de nouveau. Le meilleur moyen pour la purifier à fond, c’est de prier votre boulanger de vous la mettre cinq minutes dans son four, lors- qu'il est bien chaud :alors la vermine et ses œufs sont entière- ment détruits. VI. Voici vos petits éclos, ct, chose curieuse, ils sontéclos tous à la fois; les œufs se sont fendus par le milieu, et tous les pe- tits ont paru, formant comme une pelote de gros frelons : au bout d’une demi-heure, une heure au plus, à peine séchés, ils sortent de dessous la poule, commencent à courir et à chercher à manger. Enlevez alors doucement votre poule, déposez-la dans une boite ad hoc, sur la planche, sans paille ni foin, car autrement les petits entortillent leurs petites jambes, et vous en perdez souvent plusieurs; glissez sous la mère les petits et couvrez votre boite. ] Ces boites sont indispensables pour élever des petits Caille- teaux, Perdreaux ou Faisandeaux. 11 y a plusieurs manières de les faire; voici celle que l'expérience m'a démontré la plus - commode : faites-les en planches légères de sapin du Nord, afin u’elles soient plus faciles à remuer, il serait bon que les plan- ches fussent rabotées, rainées et peintes pour plus de pro- preté; donnez à ces boîtes 4 m. 40 à 50 c. de long, 35 à 45 c. de large; le compartiment destiné à la Poule aura 40 c.; le reste sera pour les pelits. Le côté de la Poule doit avoir 55 à 40 c. de haut pour qu’elle soit bien à son aise; celui des petits 25 à 50 c., un peu moins élevé, pour que l’air et le soleil puissent mieux y pénétrer, et que votre boîte n’ait pas la forme d’une bière; que les deux extrémités se ferment à coulisse, ainsi que la séparation de la mère, et cela pour une foule d’usages fort commodes : 1° pour nettoyer et laver plus facilement vos boites ; 2° pour laisser de temps en temps passer la mère du côté des petits pour qu'elle mange les restes qu'ils font ; 5° pour laisser sortir les petits ou dans le jardin ou dans la volière, comme nous verrons plus loin. Le côté de la Poule devrait avoir un couvercle à double pente en planche légère pour qu'elle soit à l'abri du mauvais temps et plus tranquille ; on ferait bien d’en avoir un pareil, mobile, de la longueur du — — compartiment des petits, afin que, dans une averse, on puisse couvrir la boite et mettre les petits à l’abri sans avoir besoin de rentrer les boîtes. Outre le couvercle mobile, qui n’est que pour la nuit ou pour le mauvais temps, la partie des petits doit être recouverte d’un filet; les deux tiers de ce filet sont fixés aux rebords de la boîte; l'autre tiers est mobile comme le couvercle. d’une tabatière, pour laisser une ouverture conve- nable et faciliter les soins à donner aux petits. Voici comment on peut rendre cette partie mobile : on prend un fil de fer d’une grosseur moyenne, on lui donne la forme d'un fer à cheval carré et de la grandeur du tiers du compartiment à couvrir; on passe les bouts de fil de fer dans les mailles des extrémités, de manière à former un couvercle à charnière. Maintenant, le plus important, c'est de bien élever cette fr- mille qui fait vos douces espérances. Je vais, pour cela, entrer dans quelques détails que l'expérience seule peut fournir. Ne donnez à boire à vos petits que dans des canaris en verre; avec tout autre vase, vos petits se noiïent, se mouillent, salis- sent leur eau, leur nourriture, et vous en perdez beaucoup; avec ce petit moyen, ils sont toujours propres et sans danger ; rapprochez assez votre canari des barreaux pour que la Poule puisse boire et montrer à ses petits à faire. comme elle. Pour les deux ou trois premiers jours, les œufs de fourmi sont iñdis- pensables aux Cailleteaux, et, pendant huit ou quinze jours, aux Perdreaux. À Panis, rien de plus facile que de s’en procu- rer; il s’agit de savoir l'adresse des personnes qui vont en ramasser dans les bois et de leur en demander. J’ai remarqué que ces œufs des bois sont un peu gros pour les Cailleteaux et même pour les Perdreaux, surtout les premiers jours; il serait à souhaiter que vous pussiez vous en procurer quelques-uns dans des pares où dans des jardins pour les deux ou trois pre- miers jours. Donnez-en peu et souvent à vos petits, et assez loin des barreaux, autrement la Poule vous les dévorera en un clin d'œil; cependant, le premier jour, on en donne quelques- uns près des barreaux, surtout si ce sont de gros, afin que la Poule en mange quelques-uns et excite les petits à en faire au- tant. Les premiers jours, visitez souvent vos pelits : presque + pe toujours vous trouverez quelque chose à faire, quelque soin. à donner ; dès les premiers lemps vous pouvez ajouter à vos œufs de fourmi quelques pincées de pâtée faite avec de la mie de pain fine, des œufs durs et de La salade bien hachés; chaque jour on augmente la quantité de pâtée; au bout de six à huit jours on donne un peu de mullet, qu'on augmente aussi chaque jour, puis un peu de chènevis, de blé, jusqu’à ce que la pâtée et la graine tiennent tout à fait lieu des œufs de fourmi. Sisur le nombre il y en avait quelques-uns d’un peu maladifs, on leur donnerait à part quelques œufs de fourmi, c’est pour eux el même pour tous les oiseaux de volière, jusqu'aux petits o1- seaux des îles, un remède salutaire dans leurs petites maladies et une nourriture favorite et féconde; c’est quelquefois le seul moyen de faire produire ces beaux petits oiseaux des iles, ou de leur faire élever leur petite famille. Il serait donc précieux d'avoir, dans le voisinage, une ou deux fourmilières, par exemple, dans un pare, un petit bois, afin d’avoir sous la main un moyen si utile, et quelquefois si né- cessaire. Une autre fois, peut-être, j'aurai occasion d'indiquer les moyens de créer de petites fourmilières et la manière de les faire produire, et de leur enlever leurs œufs, sans les détruire. Au bout de trois ou quatre semaines vos boîtes seront trop petites pour votre famille, qui a grandi à vue d'œil, surtout si elle est nombreuse; il faut agrandir vos boîtes en ajoutant l’une au bout de l’autre; ou mieux, mettez votre pelit troupeau en volière; sk votre compartiment est grand, vous. pouvez Y porter votre boîte, lever la coulisse, laisser sortir vos petits, mais laisser toujours la mère dans la boîte. Ne l'oubliez pas, plus la captivité est longue, plus elle a besoin de soins; prenez garde à la vermine, visitez souvent la boîte, les coulisses; rappro- chez la nourriture et l’eau à sa portée; donnez-lui souvent de la verdure; après tant de travail et de captivité, elle est long- temps très-échauffée. Si votre compartiment n’était pas très- grand et que la boite en prît une grande partie, ayez pour la mère seule une petite boîte exprès, de quarante centimètres carrés, avec barreaux, etc. Dans six à huit semaines, si vous avez dans chaque compar- EE timent de vingt à vingt-cinq Perdreaux ou Faisandeaux, votre volière d’un mètre et demi carré sera encore un peu petite, et vos Perdreaux sont en grand danger de se piquer; c’est un si grand inconvénient, un malheur même si difficile à réparer, qu’il faut faire tout son possible pour le prévenir. Pour cela donnez un second compartiment à votre famille, au moyen d’une petite porte de communication. On peut restreindre, pour un temps, un peu les pondeuses, et agrandir l'espace aux jeunes qui croissent tous les jours. Si vous ne pouvez absolument augmenter votre volière, voici un moyen de pa- _rer un peu à cet inconvémient : piquez en terre de petits fais- ceaux de branches, de petites bottes de broussailles, formant de petits bosquets, de petites haies, de petits sentiers, afin que les petits puissent fuir, s’éviter lorsque la malheureuse passion de se piquer les prend. Beaucoup de personnes ne savent pas ce que c’est que se piquer ; il est bon d'en dire un mot pour leur gouverne. Au bout de six à huit semaines, lorsque la jeune plume commence à former sur leur dos comme le grain d’avoine, les Perdreaux, les Faisandeaux, même les Cailleteaux, cependant c'est rare pour les derniers, à moins qu'ils ne soient très-nom- breux et trop resserrés, ce qui m'est arrivé quelquefois, mais c’est très-commun pour les Perdreaux et les Faisandeaux, se piquent l’un l’autre au-dessus de la queue, s’arrachent les plu- mes, le sang paraît, ce qui les excite encore d'avantage, et alors cela devient comme une épidémie, une fureur générale; en quelques minutes votre famille est tout en sang, abimée; et plus ils se piquent, plus la’ passion semble augmenter; alors il faut les séparer, et comment faire lorsqu'on en à vingt à vingt-cinq dans chaque compartiment, et que vous n’avez plus de place? Il faudrait, du reste, de la place pour mettre chacun en son particulier, J'ai quelquefois un peu calmé, un peu arrêté celte fureur, en faisant avec de la suie bien pulvérisée, un peu d'huile ou d’axonge, une pommade que je passais, avec un pin- veau, sur la partie blessée ; l’amertume de cette substance ar- rêtait un peu la passion des piqueurs; mais le moyen n'avait quelque réussite que lorsque l’on avait un peu espacé et séparé le troupeau : pour mieux réussir, dans cette triste circonstance, ait QU il faut les bien pommader et les lâcher dans le jardin, après leur avoir coupé les plumes d’une aile pour les empêcher de s'envoler. Je le sais. rien de si abominable qu'une aile coupée, comme on la coupe d'ordinaire, c’est-à-dire qu’on coupe tout droit plumes grandes, moyennes et petites, tout à la fois, de manière que l’oiseau a le flanc à découvert et tailladé : mais il y a une manière de la couper, toute simple, et qui ne laisse rien de visible à l’œil, en atteignant également le but qu’on se propose, c’est-à-dire empêcher de voler : pour cela, on ne coupe que les plus longues plumes, en ayant bien soin de les sé- parer des petites et des secondaires, destinées par la nature à re- couvrir le bas des longues, qui serait trop nu, et à ménager une douce et agréable gradation. Dans certains oiseaux, le canard, k pigeon, etc., on peut laisser les deux dernières longues pour soutenir l'aile sur la queue; ainsi coupée, l’aile n’a rien de visible et de désagréable, et cependant l'oiseau ne peut pas voler, il ne peut faire que certains bonds et retomber de côté. Cette méthode de lâcher ainsi les petits dans un jardin, un parc, même une cour, est excellente pour les voir venir vite et bien; au reste, ils ne dégradent rien, au contraire, ils détrui- sent beaucoup d’insectes et ne font que becqueter un peu les salades gt certaines herbes : c’est la Poule mère qui dégrade- rait beaucoup en grattant partout et dévorant beaucoup de cho- ses utiles; elle est beaucoup plus vorace que les petits Per- dreaux et les Faisandeaux ; pour les petits Caïlleteaux, à peine s’aperçoit-on qu’ils sont dans le jardin ; si on veut rendre cette méthode plus profitable aux petits, il faut changer de temps en temps la boite de la mère de place, afin que les petits qui restent au bord, et à une certaine distance, puissent ainsi peu à peu parcourir tout l’espace que vous leur destinez. Dès la fin de juillet, vous pouvez commencer à manger de vos petits, s’ils ont été hien soignés. Je m’arrête ici, messieurs. J'aurai paru bien long, bien dé- taillé, peut-être, pour un grand nombre; mais, pour l’homme pratique et qui n’a pas encore l'expérience de toutes ces choses, je suis sûr que j'aurai été trop court en bien des endroits ; du resle, je n’ai eu en vue que la plus grande utilité. OBSERVATIONS SUR UNE NOTE INSÉRÉE PAR M. MILLET DANS LE PREMIER NUMÉRO DU BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIVATATION Par M. COSTE, MEMBRE DE L'INSTITUT. En ouvrant le premier numéro du Bulletin de la Société 200- logique, j'y lis, à la suite de ma communication sur l’acclima- tation des poissons, une longue note de M. Millet, dont non- seulement la plus grande partie du contenu n’a point été articulée devant la Société, mais dont l’auteur ne m’a pas même communiqué les épreuves. Ce procédé n’est rien moins que régulier et convenable, Quand une note est donnée comme la reproduction d’une com- munication verbale, l’auteur peut'sans doute en perfectionner la rédaction ; mais il n'a pas le droit, s’il s’agit de remarques critiques, d'ajouter à ces remarques des choses qui, n’ayant pas été dites, n’ont pu être réfutées. M. Millet m'oblige donc de venir rétablir la vérité, qu'il a, selon moi, altérée, et d'en appeler à des documents qui infirment ses prétentions, par son propre témoignage et par celui des dates de nos publications. Il s’agit de savoir si, comme l’a gratuitement prétendu M. Millet, d’autres, avant moi, auraient mis en pratique des procédés dont je me serais attribué le mérite. Voici les faits : Daus la séance du 1” mars 1852, et après une longue série d'expériences, j'ai présenté à l'Académie des Sciences le mo- dèle d’un appareil à éclosion destiné à fonctionner dans un laboratoire, formé par des canaux parallèles, disposés en gra- dins de chaque côté d’un canal supérieur qui les alimentait tous au moyen d’un filet d'eau établissant un courant sur le Ê 8 sas fond de cailloux où reposaient les œufs. Cet appareil n'avait autre mérite que celui de rendre l’expérience assez facile à diriger pour qu’elle fût ainsi mise à la portée de tous; maïs il avait ce mérite, et, à cause de cela, il fut figuré dans tous les recueils et mis en pratique dans un grand nombre de loca- lités. Immédiatement après la publication de ce premier moyen d’expérimentation, j'eus l’idée de suspendre les œufs sur des elaies ou chässis de diverses natures, et de voir si on ne pour- rait pas, de la sorte, arriver à des manipulations plus sûres, ou à des résultats plus satisfaisants. M. Detzem', invité par moi, en fit l’essai sous mes yeux pendant que j'étais à Hunin- gue, et l'employé chargé de donner ses soins à mon labora- toire répéta les expériences dans l'appareil du collége de France. Le bruit de mes expériences, sur lesquelles mes rapports avaient appelé lPattention publique, attira des curieux en si grand nombre que c’est à peine si le surveillant pouvait suffire aux soins de sa charge. Parmi ces curieux, dont plusieurs avaient été délégués par leurs gouvernements, il s’en ren- contra qui demandèrent au surveillant, ou à M. Gerbe, la permission d’assister plus assidûment à ces expériences, afin de s'initier d’avantage aux nouvelles pratiques. De ce nombre furent M. Petithuguenin, officier en retraite, qui de- puis a fondé près de Nemours un remarquable établissement de pisciculture ; M. Millet, qui sollicita et obtint du surveillant, pendant ma mission en Italie, une collection de jeunes saumon- neaux, dans l'alcool, destinés, disait-il, à exciter le zèle des gardes-pêche, et, plus tard, une certaine quantité d'œufs de la mème espèce, les premiers qu'il ait jamais eus, et les seuls éclos chez lui à cette époque ‘. Il continua à fréquen- ter mon laboratoire, où, comme le prouve la lettre qu’il m’é- crivit le ‘45 janvier 1855, je l’avais autorisé à faire quelques 1 M. Millet memontra, à mon retour à Paris, les jeunes sortis de ces œufs comme, provenant de la Hollande, croyant que j'en ignorais l’origine. Quand il revint au Collége de France et que M. Samuel Chantrant lui annonça que je savais le fait, sa confusion fut extrême. 11 s’excusa près de lui, en disant qu'il avait-voulu lui éviter'des reproches. a AD ou essais. « J'aurai l'honneur, me disait-il dans cette lettre, de revoir M. Coste pour l’entretenir de mon projet d’établisse- * ment de viviers, par l’État, dans le département de l'Aisne. Le domaine possède en ce moment de très-belles pièces d’eau con- venant à la truite el au saumon, etc. J'attends les lottes et les grosses écrevisses que je dois déposer dans le bassin où M. Coste a bien voulu me réserver une place. — Signé : Millet.» Visgt-deux jours après le moment où M. Millet m'écrivait ces lignes, c'est-à-dire le 7 février 1855, j’exposais, dans un mémoire lu à l’Académie des sciences. inséré dans les Comptes rendus, reproduit intégralement dans presque tous les journaux politiques ou littéraires de l'Europe, l'ensemble des expérien- ces dont le résultat donnait à l’industrie un caractère nouveau en faisant prévaloir définitivement l’emploi des appareils à suspension des œufs. C'était bien le cas, après une publicité pareille, d'élever la question de priorité. Il aurait suffi alors, en effet, de dépo- ser sur le bureau de l’Académie les preuves qui auraient pu légitimer une pareille prétention; mais aucune réclamation ne s'étant produite, mon appareil à suspension, mis en vente un peu plus tard par M. Leune, marchand de poterie, par M. Blanchard, marchand d’instruments de pêche, et par M. Millet, inspecteur des forêts, a pris le rang qui lui appar- lient, sans que personne ait jamais cherché à me contester la priorité de l'invention. Aujourd'hui, après plus d'une année de silence et par une publication irrégulière, on essaye, en dissimulant les véritables dates, de prendre dans le Bulletin de la Société zoologique d'Acclimatation une position usurpée, dont certainement les hommes compétents feront facilement justice. Quel est le document que l’on invoque pour qualifier cette tardive et inqualifiable prétention ? Un écrit lithographié, ou rapport d'une commission forestière, fait à huis clos dans les bureaux de l’administration dont M. Millet fait partie, et ne portant ni la date de sa publication, ni la désignation du nom du rapporteur. La Société sera bien étonnée lorsque je lui apprendrai que L um BR les registres de l’imprimeur conservent la preuve que cet écrit lithographié n’était point sorti de ses presses avant le 50 mai 1855, c'est-à-dire quatre mois révolus après que mon mémoire du 7 février avait reçu une publicité européenne. : Du reste, ce travail, d’un rapporteur inconnu, n’a été déposé dans les cartons de l'administration qu’à la date du 5 mars 1855, c'est-à-dire un mois après l'insertion de mon Mémoire dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences. Les questions de priorité sont des questions de dates, et quand les dates sont aussi précises que celles dont il s’agit, il n’y a plus de place pour les allégations qui ne reposent sur aucun document devenu public. Quant aux assertions à l’aide desquelles M. Millet veut nous persuader que, depuis quatre ou cinq ans, il aurait fait des essais d’acclimatation sur plusieurs espèces, telles que le Sau- mon du Danube, l’Ombre-Chevalier, la Truite des lacs de la Suisse, la Fera, l'écrit Hithographié qu’il invoque prouve lui- même, de la manière la plus positive, qu’au commencement de l’année dernière, 1l n'avait opéré sur aucune de ces espèces. Si M. Millet a réellement, aux époques dont il parle, introduit ces poissons dans des eaux où ils n’avaient jamais vécu, il y a un moyen bien simple de l’établir, c’est d'indiquer, séance tenante, les bassins clos où, à l'heure qu'il est, chacun pourra voir des échantillons vivants ayant la taille correspondante à l'âge qu'il leur donne. : Comment pourrai-je croire à la réalité de ces anciens essais d’acclimatation par l’éclosion et l'élevage de ces espèces étran- gères lorsque j'ai vu, il y a quelques mois à peine, ce fonc- tionnaire public, dans l’impuissance où il était de se procurer des œufs de ces Poissons, proposer à un employé de l’établisse- ment d’Huningue de lui en livrer, comme le prouve une lettre en date du 9 décembre dernier, dans laquelle il promet à cet employé la plus complète discrétion et de fortes commandes. « Nous aurions à vous demander, lui dit-il, pour cette année et les années suivantes, de très-fortes commandes. Cela dépen- dra des conditions que vous nous ferez. Vous pourrez, du reste, compter sur notre discrétion la plus complète. — Signé: Millet.» , Es L'e Cette lettre, dont j'ai mis l’original sous les yeux de M. le président et de messieurs les secrétaires de la Société, n'a pas besoin de commentaires. Elle me dispense de toute autre dis- cussion. J’ajouterai seulement que’ le pêcheur auquel s'est adressé M. Millet, a refusé très-péremptoirement d'accéder à ses désirs en répondant les lignes suivantes : « Monsieur l'inspecteur, je dois supposer qu’en m'écrivant votre honorée lettre du 9 décembre vous ignoriez que Son Ex- cellence le ministre de l’agriculture et du commerce m’a donné une médaille d'argent pour prix de mon dévouement à la pis- ciculture établie par lui près d'Huningue. Je me suis chargé, pendant toute la durée de cet établissement, à lui livrer le frai des Poissons des diverses espèces existant dans nos fleuves, rivières et lacs de la Suisse. J’ai tenu religieusement mes en- gagements pour le frai de cette campagne, à peu près termi- née. Je les tiendrai de mème à l’avenir. Des traités avec les divers pêcheurs et fournisseurs des localités sont faits et seront “tenus irrévocablement, pour la livraison exclusive à cet établis- sement, de toute la quantité possible d’œufs à féconder chaque année. Je ne suis qu’un simple pêcheur, mais je tiens à obser- ver ma parole donnée. Je ne pourrai donc vous donner qu’une réponse négative à toutes les demandes que vous voulez bien me faire par votre dernière lettre. En agissant autrement, je me compromettrais, et l’on pourrait même vous reprocher d'avoir cherché à me faire partager mon dévouement. « Signé : GLASSER, « Maître-pêcheur. « Bâle, le 13 décembre 1853. » Ces documents sont mon dernier mot à M. Millet pour le présent et pour l'avenir. — 80 — OBSERVATIONS SUR LA PISCICULTURE Par M. le baron de MONTGAUDRY., (Séance du 7 avril 1854) Plusieurs fois déjà on s’est occupé de pisciculture dans les réunions de la Société zoologique d’Acclimatation. Générale- ment des tentatives sont faites en ce sens pour la multiplica- tion des diverses espèces de poissons. Peut-être la Société zoologique d’Acclimatation entendrait avec compl isance des observations faites sur une question qui paraît intéresser un grand nombre de personnes. J’ai considéré comme de mon de- voir, en ma qualité de membre de la Société, de venir lui of- frir, comme matière à juger, ce que je savais sur ce sujet. La pisciculture n’est pas chose nouvelle. Depuis plusieurs siècles, les moines s’en occupa'ent et savaient peupler les étangs et les cours d’eau de leurs domaines des espèces de poissons qui pouvaient y vivre et s’y multiplier. Dans le c-urs du quatorzième siècle, dom Pinehon, moine de l’abbaye de Réome, écrivait sa manière de procéder. Il avait des boîtes longues en bois, à fond de boi:, grillées aux deux extrémités en grillages d’osier, ouvertes en haut et couvertes d’un grillage d’osier. Sur le fond de bois, il formail un lit de sable fin, et, imitant la truite qui creuse un peu le sible avant d’y déposer ses œufs, il préparait une légère pre- fondeur dans la couche de sable pour déposer les œufs qu'il avait préalablement fait féconder. Il plaçait la boite dans un lieu où l’eau était faiblement courante et attendait l’éclosion, qui, à son dire, s’opérait après vingt jours rarement, et pour tous les œufs dans le mois à peu près. En 1755, dans les environs de Châtillon sur-Seine, suivant ce que disait dernièrement un journal de la localité, la pisci- culture était pratiquée dans le pays par les moines. Vers 1820, plusieurs personnes du département de la Côte- EN" d'Or, de la Haute-Marne et pays voisins, se sont occupées de piscicu.ture. MM. Hivert et Pilachon firent beaucoup d’épreu- xes à Touillon et Fontenay, près Monthard (Côte-d'Or). Ils com mencèrent en 1826, au muis de décembre. M. Pilichon co: tinua les années suivantes. Il possède encore à Nogent, près Monthard, les boîtes dont il se servait pour l’éclosion d's œufs de truites. MM. Hivert et Pilachon procédaient de la même manière que le moine dom Pinchon, dont i, vient d’être parlé; seulement, M. Pilachon se servait de grillages en métal au lieu d’osier. Il explique qu’il grillait ses boîtes avec des formes dont on se servait alors pour faire le papier avant l’usage des machines. II dit que dans sa localité les œufs s’obscurcissaient après. quinze jours, que cinq ou six Jours après ils tournoyaivnt avec rapidité et que peu de jours ensuite commençait l’éclosion, qui s’effectuait successivement en peu de jours. M. Pilachon a observé que les pelites truites récemment écloses réussissaient beaucoup mieux dans les sources, à leur sortie de terre. Il y portait, comme il le dit. ses enfants de truites, puis elles descendaient d’elles-mêmes dans la fontaine de Lorme, où elles arrivaient au poids d’une livre dans la pre- mière année. La pisciculture, qui est arrivée des Vosges en dernier lieu, pourrait très-bien avoir fait son éducation dans les départe- ments de la Côte-d'Or et de la Haute-Marne. Dans la Côte-d'Or, chez MM. Hivert et Pilachon, passaient des ouvriers papetiers qui séjournaient aux papeteries où se pratiquait la pisciculture, Dans la Haute-Marne venaient cha- que année des ouvriers luiliers, qui séjournaient pendant la saison des travaux sur les localités où la piscicu Lure était pra- tiquée, puis retournaien' aux Vosges, leur pays. Ils pourraient très-bien, les uns ou les autres, avoir appris et transporté l’idée dans les Vosges, si toutefois les Vosges, par un fait qui peut se produire, n'avaient pas vu naître chez elles la même idée. Néanmoins, les Vosges ont le mérite d’avoir propagé l'idée qui, soutenue, peut finir par produire de bons effets, lor:que par la pratique on sera parvenu à reconnaitre comment les es- pèces de poissons étrangères à la France peuvent y être accli- HN matées, et quelles sont les espèces connues en France qui peu- vent se prop ger d’une localité à l’autre. Jusqu’ de on ne s’est occupé que de la propagation des truites et des saumons, en raison de la supériorité de qualité reconnue à leur chair. Peu d’expériences ont été faites sur les œufs de carpes, brochets et autres espèces. Il est nécessaire de bien observer que les truites ne peuvent vivre que àans le plus petit nombre de cours d’eau, et que d’autres espèces vivent dans presque tous les cours d’eau. Ces espèces seraient peut- être plus utiles à propager; il est vrai qu’il est de beaucoup plus facile d'opérer sur les œufs des truites et des saumons, qui sont plus gros que ceux des autres poissons et présentent une plus grande facilité d'observation. Il serait bien à désirer que d’autres espèces fussent expérimentées, car les truites et les saumons ne conservent les avantages qui leur sont propres que dans les milieux susceptibles de produire ces avantages. Hors des eaux nécessaires, privés de la pâture qu'ils doivent rencontrer, les saumons ct les truites ne sont plus les mêmes, changent de nature de chair. Penser que des œufs de truites saumonées produiraient des truites de même nature partout serait s’exposer à des déceptions. Le saumon vit habituellement dans la mer et ne paraît dis les cours d’eau qu’à certaines époques de l'année. Il est donc préférable de s'occuper davantage de la truite au point de vue de l'acclimatation, bien que cependant il existe une variété de saumon qui ne quitte pas les fleuves ; cette variété est le sau- mon dit du Danube, qui se rencontre toute l’année dans le cours de la Theiss, fleuve de Hongrie. Les œufs de truites saumonées ne sont pas les seuls qui puis- sent reproduire ectte particularité; les œufs de truites non sau- monées peuvent donner naissance à des truites qui devieunent saumonées. Pour que les truites se saumonent, il suffit qu’elles croissent et vivent dans les eaux qui conviennent, et rencon- trent la pâture susceplible de produire cette particularité. Au contraire, les truites écloses de truites saumonées perdent la particularité rapidement, si elles vivent dans un milieu où ne se rencontrent pas les éléments du saumonage. La truite saumone dans les eaux très-froiches, et même froi- des, qui contiennent du sel de nitre et produisent en grande abondance de nombreux bancs de crevettes d’eau douce. de couleur blanche, dites, dans les campazsnes, grillotes. Ce n'est que vivant dans ces conditions que la truite peut monter aux qualités du beau et bon saumonage. L’une ou l’autre de ces conditions manquant, la truite ne saumone plus qu’à des degrés divers, et, au fur et à mesure que ces conditions disparaissent, la truite perd successivement en qualité, pour enfin devenir à chair molle et blanc terne. La couleur de sa chair passe du rouge au rose, du rose à la couleur citron, du citron au blanc vert d’eau, pour devenir enfin blanche terne. Ces déformations sont prouvées par ce qui se passe conti- nuellement p rtout, au loin comme près de nous. Les truites du Dessoubre, rivière qui prend sa source dans le Jura et passe à Saint-Hippolyte, sont très-saumonées en haut de la rivière, près des sources ; elles le sont encore compléte- ment à Saint-Hippolyte, à Saint-Maurice et jusqu’à un ancien monastère à peu de distance; puis elles vont, perdant couleur et qualité graduellement, jusqu’au Doubs, dans lequel tombe le Dessoubre. Dans le Doubs, elles deviennent à chair blanche et de qualité inférieure : ce sont cependant bien les mêmes truites, on ne peut en douter, bien que les habitants du pays nomment la truite blanche truite voyageuse. La Seine prend sa source à Saint-Seine (Côte-d'Or). Les truites sont saumonées à Saint-Seine; elles perdent le saumonage à Courceaux, village distant de Saint-Seine d'au plus trois myri:- mètres. Le cours de la Seine se dirige de Courceaux vers Ogny, où se trouvent des eaux qui produisent le siumonage. Les truites reprennent le saumonage aux sources d'Ogny. La Seine continue son cours à Chätillon-sur-Seine, où les truites perdent de qualité; puis à Mussy les truites reprennent les avantages. Plus loin, elles vont déperdant, pour enfin ces- ser de ressembler aux truites de Saint-Seine, Ogny et Mussy. Les plus savoureuses truites du monde entier naissent à Touillon, près Monthard (Côte-d'Or), dans une fontaine, dite la fontaine de Lorme, et dans un étang, dit l'étang de la Roche. Là, les truites sont saumonées au plus haut degré; leur chair est rouge, s’exfolie en pièces arrondies comme des pièces de NM = monnaie ; dans les interstices, entre chaque exfoliation, se ren- contre une délicieuse graisse figée par la cuisson, d’un blanc de crème et d’un goût exquis. | De Touillon à Fontenay la distance est d’un demi-myriamè- tre; les truites restent saumonées ; mais elles changent de qua- lité à Fontenay. De Fontenay à un étang dit l'étang de Choi- seaux la distance est d’une demi-lieue; les truiles déperdent dans l’étang de Choiseaux. De Choiseaux à Marmagne il n°y à pas plus d'une demi-lieue ; les truites changent encore dans la rivière de Marmagne. La rivière de Marmagne tombe dans la Brenne, où la nature des truites change complétement, et à une lieue du confluent les rares truites qui se rencontrent ne sont plus saumonées. Ces faits se passent à six heures de Paris : cinq heures de chemin de fer et une heure de route. Dans les ruisseaux de la haute Hongrie, les truites sont sau- monées ; arrivées aux rivières, elles perdent le saumonage. A Siegen, en Vétéranie, province de Westphalie, les truites saumonent, et ces mêmes truites perdent le saumonage aussi- tôt arrivées dans les rivières qui reçoivent des eaux argileuses. Les ruisseaux de la forêt Noire produisent énormément de truites ; elles ne sont pas saumonées. Les voyageurs de passage à Bâle, en Suisse, et ceux qui visitèrent le grand-duché de Bade, ont tous pu voir servir devant eux des buissons de truiles, et n'ont pu en rencontrer de saumonées. Les eaux des ruisseaux qui produisent ces truites sont vives et froides; mais elles ne portent pas les autres éléments de saumonage. Dans les montagnes du Taunus, non loin du Rhin, certains ruisseaux produisent des truites saumonées, d’autres ne les pro- duisent pas, selon qu’ils contiennent ou ne présentent pas les éléments du saumonage, et toutes les truites de ces montagnes, arrivées aux rivières, sont semblables; aucune d’elles n’est saumonée. Les mêmes faits se remarquent en Bohème, en Suède et en Norwége. La Providence a donné à chaque lieu ses produits généraux et particuliers ; des êtres existent pour tous les milieux. Mais l’homme ne peut forcer la nature à lui fournir ce qu’elle n’a pas décrèté de produire en telles ou telles conditions. La nature LR se laisse suivre ; elle permet de prendre à son passage, accepte que l’homme l’accompagne, lui vienne en aide, et, bonne com- pagne, elle donne largement récompense au compagnon qui a su l'aider; elle va même parfois jusqu'à se laisser détourner de sa route pour un instant, mais elle y rentre promptement, sans qu'il reste trace des œuvres que l’homme a pu lui faire pro- duire sur une voie qui n’était pas la sienne. Vouloir faire produire des truites à des eaux contraires se- rait s’exposer à des déceptions certaines. Si les truites sont portées dans des eaux qui leur permettent de vivre, bien qu’elles ne leur conviennent pas, l'espèce y dépasse rarement la troi- sième génération. Pendant ces générations, qu’on pourrait nommer de dépérissement, la truite reste poisson sous forme de truite; mais elle a perdu toute similitude au fond. Il en est de même pour les autres espèces de poissons. La carpe, transpor- tée dans les eaux qui saumonent à un haut degré, n’y passe pas la troisième génération et termine par la perte des sexes. Elle devient mulet et prend chair brune. Ces faits ont été obser- vés par un grand nombre de personnes qui se sont occupées de pisciculture. M. Hivert l’a remarqué dans l'étang de la Roche, à Touillon, qui est à nouveau cité comme un lieu peu éloigné de Paris. Les carpes mises dans l'étang de la Roche, qui sau- mone à un très-haut degré, contournent leurs formes peu après leur séjour dans ces eaux; elles deviennent, pour ainsi dire, bossues ; leur chair devient brune ; elles ne se perpétuent pas au-delà de la troisième génération ; elles deviennent carpeaux ou mulets. Les mêmes faits se présentent dans le Rhin, dont les carpeaux sont si réputés. Ces carpeaux arrivent dans le Rhin des eaux vives des montagnes du Taunus. Des faits qui précèdent on peut conclure que l'espoir de peu- pler de truites ou de saumons toutes les eaux n’aboutirait pas, et qu'on ne devrait porter aux diverses eaux d’autres espèces de poissons que celles qui peuvent y vivre ou s’y maintenir avec les particularités afférentes à leurs espèces. Des faits prouvent également que des espèces peuvent être acclimatées loin des contrées qui les produisent dans l’origine. La carpe venue de Perse, amenée graduellement en Europe, y pullule partout où les eaux lui conviennent, ct, bien qu’elle ne soit plus compléte- CR "A ment la carpe de Perse, elle n’en est pas moins un des bons poissons d'Europe. La variété de saumons dite saumon du Danube s’est natu- rellement acclimatée dans les rivières de Hongrie, et, à la dif- férence des autres variétés qui ne paraissent dans les cours d’eau qu'à certaines époques de l’année, le saumon du Da- nube demeure continuellement dans la Theiss et autres affluents du Danube. Toute l’année le saumon est pêché à Titul, à Beese, à Zegedin, à Colocza, à Debrekzin et jusqu’à Bolgar. Plus haut se rencontrent les petits cours d'eau où la truite est nom- breuse, et le saumon n'y demeure pas. Néanmoins il arrive parfois de rencontrer des saumons jusqu'à Ungwar; mais ils sont bien plus rares qu’à partir de Bolgar à Titul au confluent de la Theiss avec le Danube. La rivière de Temès, qui part de Temeswar, est aussi peuplée de saumons que la Theiss. La variété de saumons dite du Danube, déjà acclimatée dans les rivières de Hongrie, peut être très-utile en France. Très- probablement ces saumons, placés dans des rivières nouvelles, ne retourneraient pas à la mer, puisqu'en Hongrie ils ne le font pas. Les sujets de cette variété prennent beaucoup plus d’accroissement que ceux des autres variétés. Il est vrai que le saumon du Danube est à chair blanche, et que même ilest d’une qualité inférieure aux autres saumons à chair blanche. Cepen- dant il est bon et offrirait, dans les régions où il serait trans- porté, un aliment du goût de tout le monde. Son acclimatation en France et partout serait de bonne prévision. Cette variété, déjà acclimatée dans les cours d’eau, se fixerait plus facile- ment dans les régions nouvelles où elle serait transportée. Depuis que la pisciculture est reprise avec continuité, des ex- périences sont faites au collége de France en petit, et près d'Hu- ningue en grand. Au collége de France, au dire même de M. le professeur qui s'y livre, ces expériences se font dans les con- ditions les plus défavorables ; aussi il est très-difficile d’en rien conclure complétement. Il y aurait eu néanmoins des moyens à mettre en pratique qui auraient probablement aidé les expé- riences; ils n’ont point été employés. Par suite, lessujets quisont soumis aux expériences sont toujours souffreteux, ne prennent pas d’accroissement et sont dejà bien changés en leur nature. Le 22 acheté Te ne he OR Une première prévision facile à mettre en pratique ne parait pas avoir été appréciée. Les truites et les saumons ne vivent bien, à leur premier âge, que dans les eaux limpides et claires; c’est pourquoi les saumons sont instinctivement poussés à dé- poser leurs œufs dans les eaux limpides et claires. Les truites doivent toute leur vie habiter les eaux limpides. Au collége de France, l’eau est croupissante et presque verte; c’est le prin- cipal obstacle à des observations certaines. Le filet d’eau à dis- position au collége de France est assez faible pour que l’eau puisse être facilement filtrée. L'eau filtrée artificiellement au- rait préparé aux jeunes poissons des conditions aussi rappro- chées qu'on l'aurait pu du milieu où ils vivent habituellement ; puisque les expériences faites ne portent que sur les saumons et les truites. Pour filtrer le filet d’eau destiné aux poissons du collége de France, une cuve des porteurs d’eau de Paris suffi- sait. Il aurait aussi fallu créer des ombrages pour garantir les alvins ou jeunes poissons. Dans les conditions établies au col- lége de France, les poissons ne peuvent croître, changent de nature et n’offrent pas les moyens d’observations susceptibles d'amener à conclure. Pour l’éclosion, les récipients ou vases pourraient être autre- ment disposés. Il serait surtout nécessaire d'employer, pour les grillages sur lesquels sont placés les œufs, des cimes d’osier ou de l’osier fin, au lieu d’osier fendu, qui peut changer la nature de l’eau en y produisant ou la naissance de plantes parasites, ou une certaine fermentation nuisible aux œufs. Néanmoins, ce qui s’est fait au collége de France a eu un but d'utilité générale. Les expériences ont été vues par un grand nombre de personnes ; l’idée de la reproduction aruficielle des poissons s’est répandue. Plusieurs personnes se sont également appliquées à répandre l’idée qui, aujourd'hui prise en goût, produira de très-bons effets. Chacun observant de son côté, dans des localités différentes. l'expérience générale recueillie de tous les points par la Société zoologique d’Acclimatation servira à tout le monde, et dans la suite il en sera de la pisei- culture comme de l'élevage de tous les animaux domestiques: il n’y aura plus personne qui ne puisse la pratiquer. RE — 1. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIETÉ. SÉANCE pu 10 mars 1854. Présidence de M. GEorFRoY SaiNT-HiLaRe. M. Coste fait hommage de son ouvrage sur la pisciculture, ayant pour titre : Instructions pratiques de pisciculture. A l'occasion de la lecture du procès-verbal, M. Coste de- mande la parole pour donner quelques détails sur la nécessité de s'assurer que les œufs de Poissons que l’on veut faire voyager sant bien fécondés. Il s'étonne que l’on ait soulevé une ques- tion de priorité relativement à la détermination de l’époque à laquelle il convient de transporter les œufs fécondés artificiel- lement. Il a établi le premier, comme il le prouve par la cita- tion de deux passages extraits, l’un des Comptes rendus de l'Académie des sciences, en date du 26 février 1852, l’autre de ses Instructions pratiques de pisciculture, que, pour éviter des pertes trop considérables et la possibilité de la fraude, le trans- port des œufs ne doit s’effectuer qu’à une période avancée du développement, et particulièrement lorsque les yeux de l’em- bryon commencent à se montrer comme deux points noirâtres à travers la membrane de la coque. Il pense que la citation de ces deux passages suffit pour éclairer la Société sur ce point. — MM. Deleau et Millet entrent dans quelques détails sur le mème sujet. — Après ces communications, M. Coste présente, de la part de M. de Vibraye, un travail sur les essais de pisciculture qui ont été faits dans ses propriétés en Sologne. — M. le secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Truc, propriétaire à Eous, près Castellane (Basses-Alpes), qui de- mande à la Société de le mettre au nombre des dépositaires des Vers à soie chinois qui vivent sur le chêne vulgaire, aussitôt que la Société aura pu introduire cette précieuse espèce. — M. le président annonce que la Société a reçu plusieurs dons pour sa collection, et remercie les donateurs. Il annonce LOUaRr aussi qu’il se présente une occasion de faire venir vingt-quatre Alpacas, et que messieurs les membres qui en voudraient doi- vent s'adresser à la commission chargée de suivre cette affaire. — M. Yvart, chargé dans la dernière séance d’aller voir un Bélier extraordinaire qui était à vendre, annonce qu'il a re- connu que cet animal est un Mouton ordinaire et qu'il n’y à pas lieu de chercher à l’acquérir pour la Société. — M. Florent Prévost lit un Mémoire sur l’acclimatation des Kangurous (voir n° 2, page 53). — M. le secrétaire lit une notice de M. Barthélemy Lapom- meraye, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Marseille, sur l’acclimatation du Hocco. — M. le président donne connaissance d’une note sur le Tapir, due à M. Linden. — M. Guérin-Méneville lit la première partie de son travail ayant pour titre: Recherches sur les Vers à soie sauvages et do- mestiques. — M. de Sinéty demande s’ilneserait pas utile d'introduire le Martin pour la destruction des Hannetons, et il prie M. l'amiral bâron de Mackau de vouloir bien donner son avis sur ce sujet. M. l’amiral baron de Mackau, qui a introduit le Martin dans plusieurs de nos colonies, doute beaucoup de l’utilité dont cet oiseau pourrait être pour la destruction des Hannetons. Il rappelle que le Martin existait à l’île de France en 1819, et qu'il y avait surtout été introduit pour combattre un ver assez petit, qui nuit beaucoup à la canne à sucre. Il rappelle les cir- constances de l'introduction de cet oiseau à Cayenne, à la Mar- tinique et à la Guadeloupe, où il en porta un vrai chargement, et dit que ceux qu’il déposa à la Guyane s'y sont multipliés, tandis qu’à la Guadeloupe et à la Martinique ils ont disparu. Après avoir entendu les détails donnés par M. l’amiral de Mackau sur les mœurs du Mertin, M. de Sinéty reconnaît que ces oiseaux ne paraissent pas propres à être employés contre les Hannetons. M. le docteur Gosse, de Genève, fait observer qu’il y aurait un moyen peut-être plus certain de détruire les Hannetons : ce serait de les employer à quelque chose d’utile, ce qui engage- — 90 — rait à les rechercher. Il donne une note curieuse à ce sue. M. Guérin-Méneville partage l'opinion du préopinant et rap- pelle à cette occasion des essais de M. Florent Prévost, qui est parvenu à faire de la farine avec des Hannetons desséchés. Cette farine, mêlée avec une petite portion de son, constitue une nourriture pour les animaux de basse-cour. M. Sace dit qu'il y a longtemps qu’on est débarrassé des Hannetons dans plusieurs cantons de la Suisse, parce que le gouvernement oblige les propriétaires à faire détruire les larves. Il ajoute qu’un oiseau essentiellement destructeur de ces in- sectes, le Petit-Duc, devrait être multiplié à cet effet. M. de Montgaudry pense que les volailles suffiraient, mais on les empêche de manger des Hannetons, parce que cette nourriture donne un mauvais goût à leurs œufs. — A l’occasion d’une communication de M. Jacquier, qui se rend sur les bords du Danube et offre son concours à la So- ciété, M. Millet insiste sur l'utilité de s’enquérir de la culture des Sangsues dans les provinces danubiennes. Il promet des observations sur l’élève des Sangsues en France. _— M. Tastet présente des soies de la Chine et du Bengale provenant de Vers à soie sauvages vivant sur le chêne dans la province de Su-Chuen et de Vers à soie domestiques de diverses parties de l'Inde, qui donnent la soie dite de Tussah, lesquels sont nourris, dit-on, avec les feuilles du ricin, ou palma-christi. Ces soies servent à fabriquer des tissus très-solides, et il serait à désirer qu’on introduisît les Bombyx qui les produisent dans notre colonie d'Algérie et dans le midi de la France. M. Tastet pense que la Société devrait charger une commission spéciale de s'occuper activement de cette question en avisant aux moyens de faire arriver en France des cocons vivants et des œufs de ces races précieuses pour essayer de les acclimater. M. le président renvoie cette proposition à la quatrième sec- tion. M. Tastet ajoute que les Chinois recherchent beaucoup nos soieries françaises et qu’on pourrait profiter de cette circon- stance pour établir un commerce très-avantageux avec ce pays. Paris. — Typ. Simon Racon et Comp., rue d'Erfurth, 1. BULLETIN MENSUET DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION. Fondée le 10 février 1854. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE. hu. RAPPORT ET DOCUMENTS SUR LES VERS A SOIE SAUVAGES DE LA CHINE. : BAPPORT DE LA COMMISSION CHARGÉE D'INTRODUIRE EN FRANCE LES VERS À SOI SAUVAGES DE LA CHINE, ET DES ŒUFS DE VERS A SOIE ORDINAIRES 4 DES MEILLEURES RACES BLANCHES ET JAUNES ÉLEVÉES DANS CE MÊME PAYS: Lu à la séance générale du 26 mai 1854. A Commissaires : MM. Richard (du Cantal), Guérin-Ménevilie, Frédéric Jacquemart, Valserres, et M. ÉMILE TASTET, rapporteur. Messieurs, Au nom de la Commission chargée de recueillir les rensei- gnements nécessaires pour parvenir à introduire en France les Vers à soie sauvages de la Chine, se nourrissant de la feuille du chêne et du frêne, j'ai l'honneur de vous rendre compte des démarches qu’elle a faites pour préparer le succès de cette im- portante entreprise. L ) se, Vous vous rappellerez peut-être, messieurs, que la propo- sition d'introduire en France cet insecte vous a élé faite par moi à la séance du 10 mars dernier, et que, pour justifier les immenses avantages qui résulteraient pour notre pays d’une si utile acquisition, divers échantillons de tissus, fabriqués avec la soie de ces Vers provenant des provinces de Koïu-Tcheou et de Su-Tchuen, vous furent présentés. Nous avons fait analyser ces échantillons par M. Alcan, pro- fesseur de tissage de soie à l’École des arts et métiers. Cette analyse nous a confirmés dans notre première opinion, que la soie grége, obtenue avec plus ou moins de cocons, avait seule été employée à la confection de ces échantillons, telle qu’on l’ob- tient après le dévidage*. AU A la suite de cette séance, votre Commission se mit en me- sure de recueillir tous les renseignements qui pouvaient l’é- clairer et lui fournir les meilleurs éléments pour réunir, au profit d’une aussi utile tentative, le plus de chances possibles de succès. | En conséquence, plusieurs réunions de ses membres eurent lieu, et, après l’exposé des renseignements que nous possé- dions nous-mêmes et des considérations qui devaient nous guider, il fut décidé que, pour atteindre le but que se propo- sait la Société, nous devions recourir à l’indispensable inter- vention des missionnaires, pour obtenir d’eux qu’ils voulussent bien expédier un courrier chinois dans les provinces de Koïu- Tcheou et de Su-Tchuen, pour en rapporter des cocons et des œufs de Vers à soie sauvages, ainsi que des glands du chêne qui les nourrit, bien que nous sachions que ce chêne est le même que le nôtre. En effet, nous ne devions pas oublier qu’à l’exception des cinq villes du littoral ouvertes aux Eurcpéens, il est impossible, par les seules relations de commerce, de rien obtenir de vrai ni de bon de l’intérieur de la Chine, autrement qu'avec l’aide de nos missionnaires et des chrétiens chinois qui leur sont dé- voués, C’est de ce seul intermédiaire que nous devons attendre ! Voir la lettre de M. Alcan, jointe au dossier. De non-seulement les connaissances pratiques qui nous font es- pérer le succès, mais encore l’économie qui nous permettra de ne pas dépasser la somme affectée par la Société à cette dépense. Nous nous sommes donc rendus auprès de M. Baran, supé- rieur des missions étrangères, à Paris, qui a bien voulu nous promettre le concours le plus complet et le plus efficace pour seconder nos projets; et, afin de mettre le temps à profit, nous écrivimes, le 8 de ce mois, à M. l’abbé Libois, procureur dæ missions étrangères à Hong-Kong ‘, pour luf faire l'exposé som- maire de nos projets, lui rendre compte des démarches que nous avions faites ici auprès de son supérieur, et le prévenir des services que nous allions solliciter de son dévouement. Nous lui disions, de plus, que, par le prochain courrier, nous lui enverrions l’autorisation de son supérieur, avec nos in- structions, et qu’en attendant, il eût à se pourvoir condition- nellement d’un courrier chinois prêt à partir, à la réception de nos nouvelles lettres, pour le Koïu-Tcheou et le Su-Tchuen, desservis par MM. les abbés Perny, Furet et Bertrand, mis- sionnaires. , Ces préliminaires accomplis, nous avons dressé une note (trop longue pour être détaillée ici), sous forme de question- _naire, destinée à être envoyée à MM. les missionnaires. Cette note, à la rédaction de laquelle nous avons apporté toute l’at- tention et tous les soins possibles, si nécessaires lorsqu'on cor- respond, à des distances aussi éloignées, sur une question qui doit être si diversement instruite, a été autographiée à mi- marge, afin de faciliter les réponses qui pourront, de cette fa- çon, être faites en regard de chaque question. Nous avons cher- ché en cela à simplifier le travail des missionnaires, peut-être fatigués par l'influence du climat, et à obtenir plus d’ordre, de précision el de clarté dans tous les renseignements que nous voulons acquérir et de l’exactitude desquels dépend en grande partie la réussite de notre entreprise. S'il vous plait, messieurs, qu’à la suite de ce Rapport je vous ! Voir copie de cette lettre, jointe au dossier. donne lecture de ce Questionnaire, je suis prêt, au nom de la Commission, à déférer à ce désir. Vous verrez dans ce Questionnaire que votre Commission, vivement préoccupée du dépérissement rapide des races fran- caises de Vers à soie du mürier, des ravages toujours croissants causés par des épidémies désastreuses qui atteignent déjà nos meilleures espèces des Cévennes et de la Provence, a cherché lés moyens de les régénérer en demandant en même temps de la graine des meilleures.espèces de Vers donnant de la soie blanche et de la soie jaune de la Chine et se nourrissant sur le mürier. Ce Questionnaire et l’autorisation de M. Baran ont été adres- sés à M. Libois, hier, jour du départ du courrier pour la Chine, avec les recommandations nécessaires pour l'exécution de nos instructions ‘. Permettez-moi maintenant, messieurs, de rapporter ici quelques détails touchant l'éducation, les habitudes et la nour- riture des Vers à soie sauvages du chêne et du frêne, et sur le climat qui leur convient. . Nous avons pensé que ces détails se rattachaient trop étroi- tement à notre sujet pour ne pas vous en donner, dès auJour- d’hui, une connaissance sommaire. Voici, en abrégé, ce que le P. d’Incarville écrivait sur cette question, de 1740 à 1750, et ce qui a été confirmé de nos jours par le P. Bertrand, qui habite le Su-Tchuen, et par le P. Voisin, qui a séjourné pendant quatorze ans dans cette même province : « On compte, en Chine, trois espèces de Vers à soie sau- vages : ceux du fagara ou poivrier de Chine, ceux du frêne et ceux du chêne. « Le fagara est d’une culture aisée et très-commune dans la province de Canton, où abordent nos navires ; il serait très- facile et très-peu dispendieux d'en faire venir des plants en France. Les Vers à soie de cet arbre sont ceux qui donnent la plus belle qualité de soie et en plus grande quantité. « D'après M. Duhamel, qui a fourni, dans le siècle dernier, ‘ Voir copie de cette lettre, jointe au dossier. 7 + de si utiles observations sur la culture des arbres, il paraîtrait douteux que le fagara de Chine pût s’acclimater dans le nord de la France; mais ce savant auteur est persuadé qu'il réussi- rait parfaitement dans le midi, particulièrement dans la Pro- vence, le Languedoc et le Roussillon. « Le frène de Chine, appelé Tcheou-tchun, est le même que le nôtre, et sert à nourrir la même espèce de Vers à soie sau- vages que le Fagara; seulement, la soie qui en provient est d’une qualité un peu inférieure. « Le chêne, sur lequel se nourrit, en Chine, une espèce très- importante de Vers à soie sauvages, paraît être le même que celui d'Europe. Le P. Voisin l’affirme de la mamière la plus positive. Le P. d'Incarville le nomme, comme les botanistes : Quercus orientalis, glande recondita in capsula crassa et squa- ‘meros«. « Le chêne destiné à cette nourriture est cultivé en taillis, et on peut commencer à en utiliser la feuille dès la septième ou la huitième année. » Tout Ie monde-comprendra de quelle importance peut être pour notre pays la possession de cette espèce de Vers à soie sau- vages, qui pourrait se nourrir sur des arbres aussi répandus dans toutes les parties de la France que les chènes et les frênes, et qui créerait pour nos campagnes et notre industrie une source de produits aussi riche qu'abondante. Passant maintenant à la description des habitudes et de l'éducation de l’insecte, le P. d'Incarville dit : ° « Le Papillon des Vers du chêne est à ailes vitrées, de la cinquième classe des phalénes; il porte ses ailes parallèles au plan de sa position, et laisse son corps entièrement à décou- vert. Il n’a guère ses ailes plus étendues quand il vole que lors- qu'il est posé. « Les chenilles de cyprès, de térébinthe, de frène et de chêne, dont les habitants de l'ile de Co tiraient leur soie, s’élè- veraient aussi bien chez nous, puisque nous avons {ous ces arbres ou leurs analogues dans notre France. Les Chenilles d'un arbre dans un pays sont les mêmes dans un autre. » « Dès que les premiers bourgeons de l'arbre apparaissent, JR — on vient déposer sur chacun d’eux un certain nombre de Vers naissants ; ils y vivent sans nul secours, si ce n'est la protection qu’on leur doit contre la voracité des oiseaux. Quand les Vers à soie ont mangé toutes les feuilles de l'arbre sur lequel on les a placés, il suffit d’incliner les rameaux dépouillés vers un arbre voisin sur lequel on n'avait pas mis d'habitants : les Vers passent ainsi d’un arbre à un autre; ou bien, si les Chenilles étaient par trop agglomérées sur une branche, on la coupe et on va la porter sur un arbre voisin intact. « L'instinct du Ver à soie sauvage est bien supérieur à celui de nos Vers à soie ordinaires. Il semble que ces derniers, à mesure qu'ils se sont éloignés de leur état primitif, s’en sont reposés sur l’homme du soin de leur existence et de leur con- servation, tant ils montrent de faiblesse et de stupidité. Les Vers sauvages, au contraire, savent se protéger eux-mêmes à Vabri des rameaux et des feuilles, de manière à éviter la pluie et le vent, et à se garantir le plus possible contre les atteintes du froid ; ils sont assez robustes pour ne point périr, même ensevelis sous la neige. | « L'existence de ces Vers sauvages est plus ou moins longue, suivant la saison, et probablement aussi suivant le climat sous lequel on les élève. Il y a des contrées où ils commencent à faire leurs cocons apès le dix-huitième ou vingtième jour de leur éclosion; tandis que, dans d’autres contrées, ce travail ne se fait qu’au bout de quarante jours. « Les Vers à soie sauvages restent enfermés dans leurs cocons depuis la fin de l’été ou le commencement de l'automne jusqu’au printemps de l’année suivante. Ce long séjour explique pourquoi ils les font si forts et si compactes. On a même vu des cocons oubliés une année donner leurs papillons l’année suivante. » Après vous avoir fait connaître les mœurs de ces Insectes, et vous avoir indiqué que les arbres qui servent à leur nourri- ture sont analogues à quelques-uns de ceux que nous possédons en France, il ne nous reste plus qu’à vous dire que le climat des contrées où s’élèvent les Vers du chêne est au moins aussi froid, si ce n’est plus froid que celui du centre de la France. En effet, d’après le P. Voisin, la glace acquiert. au Su-Tchuen. PT —<- une épaisseur de trois travers de doigts, les rivières y gèlent ou sur les bords ou en totalité, et il y a vu, le 8 mai, la neige recouvrir des terres préparées pour ÿ semer du mais. Toutes ces circonstances nous permettent d'espérer qu'avec les précautions que nous avons indiquées dans notre question- naire, nous pourrons transporter avec succès en France des cocons dont les Chrysalides seront en parfait état de conserva- tion, qu’elles opéreront facilement leur transformation ,et que les Vers qui en proviendront trouveront sur nos arbres et dans notre climat toutes les conditions nécessaires à leur acclima- tation et à leur développement prospère. Nous avons donc la ferme confiance que notre Société, dès son début, aura le bonheur de doter notre pays d’un élément de richesse indiqué depuis plus d’un siècle par les travaux des missionnaires. Si nous espérons être plus heureux que nos devancièrs qui n’ont pu faire cette conquête, c’est qu’ils n’étaient pas comme nous favorisés, et par la rapidité des communications, et par le concours des savants distingués et des habiles praticiens que renferme la Société zoologique d’Acclimatation. QUESTIONS POSÉES A MM. BERTRAND, FURET ET PERNY, MISSIONNAIRES AU SU-TCHUEN ET AU KOIU-TCHEOU. et INSTRUCTION Pour qu'ils puissent envoyer cfficacement à la Société z00L0GIQuE D’ACCLIMATATION : Des Œufs et des Cocons de Vers à soie sauvages ; Des graines et échantillons de chénes, frênes, fagara, ete., qui servent à la nour- riture de ces Vers ;} Des graines de l’Ortie blanche, Et enfin des Œufs de Vers à soie ordinaires, Par la Commission nommée à cet effet, Les observations faites jusqu'ici sur les Vers à soie sauvages, et principalement sur celui qui vit sur le chêne, sont trop incomplètes pour que de nouvelles recherches ne soient pas nécessaires, ER MM. les missionnaires français seuls peuvent doter leur pays de ce Ver à soie, en expédiant en France, en temps opportun, des œufs et des cocons de ces précieux insectes. La Société d’Acclimatation pose les questions et fait les de- mandes suivantes aux missionnaires, si zélés pour le bien de la religion et de la France, qui résident en Chine, avec prière de vouloir bien mettre en marge ct en regard de chacun des pa- ragraphes la réponse qui le concerne. QUESTIONS. Il Quelle est l'importance, au Su-Tchuen et au Koïu-Tcheou, de la production du Ver à soie sauvage? À quoi emploie-t-on la soie qu’on en obtient? Les étoffes qu’on en fabrique sont-elles estimées en Chine? Sortent-elles du pays par le commerce? (Beaucoup de détails. } IT Quelle est la qualité de la soie produite par chacune des es- pèces de Vers nourris : Sur le frêne, Sur le fagara, Sur le chêne ? (Un renseignement particulier sur chacune de ces trois ori- gines, avec indication de celui des trois arbres qui nourrit linsecte produisant la plus belle soie, et que l’on dit être le Fagara.) IT Le Ver à soie sauvage qui vit sur le chêne donne-t-il son Papillon en été et pond-il immédiatement des œufs qui passent l'hiver et ne donnent des petites Chenilles qu’au printemps suivant ? Ou bien, après avoir fait son cocon à la fin de l’été, reste-t-il en chrysalide dans ce cocon jusqu’au printemps suivant, gif | comme le font beaucoup d’espèces de l’Europe et de l’Amé- rique ? Ou bien certains individus donnent-ils leur Papillon à la fin de l’été et leurs œufs immédiatement, tandis que d’autres (de lu même espèce) restcraient dans leurs cocons jusqu’au printemps suivant ? IV Comment fait-on éclore les œufs de ces Papillons, qu'ils aient été pondus à la fin de l’été ét conservés jusqu’au prin- temps, ou qu’ils proviennent de Papillons sortis des cocons au printemps et qui auraient pondu immédiatement ? Faut-il les humecter, les chauffer artificiellement ? Quelles sont les pratiques employées à cet égard par les Chinois ? ‘ Y - A quelle époque a lieu l’éclosion ? Quelle est la température de cette époque? Quelle est la température de la province depuis l’éclosion jusqu’à la formation des cocons? Au climat de quelle partie de la France peut-on comparer le climat des contrées où le Ver à soie du Chène prospère? VI Après l’éclosion, comment donne-t-on la première nourriture à la Chenille ? < VI Comment fait-on parvenir la Chenille sur les arbres? Quels soins lui donne-t-on pendant qu’elle est sur l'arbre? VII Combien de fois la Chenille change-t-elle de peau ? Quelle est la durée de sa vie? — 100 — IX Comment se rend-on maître des Vers à soie pour empêcher qu’ils ne s’égarent? Changent-ils d'arbre ou restent-ils sur le même jusqu’à la formation du cocon ? X Les Vers à soie sauvages ont-ils des maladies? Quelles sont ces maladies ? Leurs remèdes ? Xf A quelle époque les Chenilles commencent-elles leur cocon et le finissent-elles ? Où le font-elles ? XII Quand fait-on la récolte des cocons ? XI Comment fait-on mourir les chrysalides des cocons qui sont : destinés à être filés ? XIV Comment file-t-on les cocons ? Leur fait-on subir une préparation chimique ? (De très-grands détails et très-précis, car 1c1 on ignore tout sur cette dernière question.) XV Que fait-on des cocons qui doivent-être conservés pour faire des œufs? XVI Pour la race (ou espèce) dont le Papillon sort du cocon à la — A0l — fin de l’été et donne immédiatement ses œufs, que fait-on de ces œufs ? — Comment les conserve-t-on ? XVII Pour Ja race (ou espèce) dont le Papillon ne sort du cocon que le printemps suivant, demeurant ainsi en chrysalide et inactif neuf à dix mois, que fait-on des cocons destinés à la reproduction ? Les laisse-t-on dehors ou les enferme-t-on ? XVIII Quels moyens emploie-t-on pour faire éclore les Papillons? XIX Quand les Papillons éclosent, soit à la fin de l’été pour pondre des œufs qui resteront dans cet état jusqu’au printemps suivant, soit au commencefnent du printemps pour produire des œufs qui éclosent quelques jours après ayoir été pondus, comment se conduit-on avec ces Papillons ? Les tient-on dans des habitations fermées, et l’accouplement et la ponte ont-ils lieu dans ces habitations ? Ou les laisse-t-on libres en dehors, et la fécondation et la ponte ont-elles lieu en liberté ? Ou bien attache-t-on les femelles sur de petits paillassons ou nattes, et les mâles viennent-ils les féconder ? Comment les retient-on ? , En un mot, comment fait-on la graine des Vers à soie sau- vages ? Enfin, donner les réponses les plus développées, avec les détails les plus minutieux sur chacune de ces questions capi- tales. — Ne pas craindre de se répéter, d’être long. Raconter tout ce que l’on saura sur les mœurs de ces insectes et des per- sonnes qui les élèvent, sur les difficultés de cette récolte, sur ses avantages. Avoir surtout bien soin de distinguer les observations que l'on a faites par soi-même de celles que l’on recueille par oui- — 102 — dire des Chinois. — Distinguer aussi les rapports faits par les Chinois chrétiens de ceux faits par les idolâtres, qui, généra- lement, cherchent à tromper ceux qu’ils appellent les Barbares (les Etrangers). Après tous ces renseignements sur les Vers à soie du Chêne. il faudrait aussi des détails très-circonstanciés sur le ou les es- pèces de Chènes servant à la nourriture de ces Vers à soie. XX Ces chênes sont-ils les mêmes que ceux de la France? Ont-ils comme eux les feuilles découpées, ou bien ont-ils des feuilles allongées comme celles de nos châtaigniers? XXI A quelle époque ces Chènes commencent-ils à montrer leurs jeunes feuilles”? - À quel moment met-on sur eux les jeunes Vers à soie? LL XXII Quels moyens emploie-t-on pour faire coïncider la naissance des Vers avec la pousse des feuilles? XXII Ces Chênes sont-ils cultivés sur les limites des propriétés, en bordures, en bosquets, ou forment-ils des bois et des forêts ? s XXIV # Emploie-t-on, pour nourrir les Vers à soie sauvages, des Chènes jeunes ou vieux, des Chênes d'une espèce particulière ou de diverses espèces ? XXV Les arbres qui ont nourri les Vers à soie sauvage perdent-ils toutes leurs feuilles à la suite de ces éducations; en d’autres termes, les Vers mangent-ils toutes les feuilles ou n’en man- gent-ils qu’une partie? — 1035 — XXVI Après que les cocons sont faits et que l’arbre n’est plus mangé, donne-t-il de nouvelles feuilles avant l’hiver? Souffre-t-1l d’avoir nourri ces vers ? XXVII Ces plantations exigent-elles quelques soins particuliers ? XX VIII Indépendamment des Vers à soie sauvages qui vivent sur une ou plusieurs espèces de Frênes et sur l’arbre nommé Fagara par le P. d’Incarville, y en a-t-il qui vivent sur le Ricin, ou Palma- Christi, ou sur d’autres végétaux ? En envoyer, soit pour les introduire en France et en Algérie, soit pour collections industrielles et agricoles. (Vers, cocons, plantes desséchés.) Donner des renseignements très-détaillés sur ces Vers à soie, sur la manière dont on les élève, dont on les reproduit. Ré- pondre pour eux aux mêmes questions qui ont été posées pour le Ver à soie du Chêne. Ne pas épargner les détails les plus cir- constanciés et les plus minutieux. * : INSTRUCTION POUR LES ENVOIS A FAIRE _ Il serait très-essentiel d’avoir des œufs du Ver à soie sauvage du Chêne, de ceux qui sont pondus à la fin de l’été ou en au- tomne, et qui n’éclosent qu'au printemps suivant. Il faudra placer ces œufs dans des boîtes solidement con- struites et percées de trous, afin que l'air y circule, en ayant som de courvir ces trous en gaze ou en toile fine, ou de les faire assez petits pour que des insectes ne puissent y entrer pour manger les œufs. En tout état de choses, il faut se garder de mettre ces œufs dans des bocaux bouchés ou même dans des boîtes trop closes. I faut les mettre en couches séparées par des morceaux de — [08 — papier ou des rognures, pour qu'il n’y en ait pas trop dans un pelit espace, parce que le défaut d'air les ferait mourir ou pourrait au moins altérer la santé des Vers qui en naïitraient. Il faudrait expédier ces œufs de façon qu'ils voyageassent pendant l'hiver et de façon surtout qu'ils arrivassent à Hong- Kong en décembre et en France avant le printemps, au plus tard vers la fin de mars. Expédier également des cocons de Vers à soie sauvages nourris sur le Chêne et sur le Frène, et qui sont l’objet princi- pal de cette note; de ces cocons qui demeurent inactifs depuis le moment où ils sont construits jusqu’au printemps suivant (neuf ou dix mois). Il faudra les emballer dans une caisse à compartiments pou- vant contenir chacun de soixante à quatre-vingts cocons, avec de la rognure de papier bien sèche et employée froide, pour qu'ils ne soient pas ballottés ni soumis à aucune influence hu- mide. Il est essentiel qu'ils ne soient pas pressés les uns sur les autres, ce qui écraserait ou au moins blesserait les chrysalides qu'ils renferment. Il faut que la caisse soit percée de nombreux petits trous, pour que l'air y circule; car, sans cette précaution, les chry- salides seraient étouffées ou au moins rendues tellement ma- lades, que les Papillons qui en naïitraient seraient inaptes à donner de bons œufs. Une première caisse en plomb, à compartiments pouvant contenir chacun, comme on vient de le dire, soixante à quatre- vingts cocons, est sans contredit préférable. Cette caisse serait d’ailleurs percée de trous qui seraient en rapport avec ceux de la caisse en bois qui l’envelopperait, pour ménager la cireula- tion de l’air dans chaque compartiment. Un emballage extérieur en toile de Gonny préserverait très-bien le tout, sans empêcher l’air de pénétrer. Nous conseillons donc de préférence ce mode d'emballage, comme le meilleur de tous, et de l’employer pour tout ce qui sera expédié. Pour tenter, avec quelques chances de succès, cette intro- — 105 — duction du Ver à soie sauvage, il faudrait pouvoir envover SE» y quelques centaines de cocons vivants (de quatre à six cents) et quelques milliers d'œufs. Si l’on peut avoir en même temps des œufs de la race ou espèce qui pond en automne, el des cocons de celle qui reste dans le cocon jusqu’au printemps suivant, on pourra envoyer le tout, emballé comme nous venons de le dire. Les graines et les cocons devant être expédiés ensemble et pendant l'hiver, il faut les faire partir de la province au com- mencement du retour des froids, et de Hong-Kong en décem- bre ou janvier prochain, afin que leur voyage s’effectue pendant la saison d'hiver, et éviter ainsi les chances d’éclosion. Il faut recommander essentiellement au capitaine du bateau à vapeur de mettre la caisse loin des appareils de la machine, dans le lieu le plus frais, mais aussi le moins accessible à l’hu- midité. Pour envoyer des œufs et des cocons des espèces qui vivent sur le Frène, le Fagara ou le Chêne, il faut agir absolument de la même manière; car l’objet principal de cette note est l'intro- duction des races de Vers à soie vivant à l’état sauvage sur ces trois essences d'arbres, et particulièrement sur le Chêne, qui, en l’absence possible des deux autres espèces, doit être l’objet de toute votre attention. Envoyer en même temps un échantillon de soie grége sau- vage, un échantillon de Déchets de cette même soie, et enfin un spécimen de chacune des espèces de Tissus faites avec cette soie, si toutefois on tisse dans la province qui la produit. — Mais bien s’assurer que ces tissus sont réellement faits avec de la soie sauvage, et indiquer s'ils sont faits avec le premier brin ou avec des déchets. Outre ces envois, il serait très-utile que l’on adressât à la Société d’Acclimatation, dans une petite caisse séparée : 1° Des Chenilles de ces diverses espèces, prises à divers de- grés de développement et conservées dans des bocaux avec de l’esprit-de-vin. 2° Des Papillons séchés et piqués dans des boites, comme des collections, pour les comparer à ceux qu’on obtiendra des co- — 106 — cons envoyés, si nous parvenons à faire éclore ceux-ci chez nous. 5° Un bon nombre de Glands du ou des Chènes qui nourris- sent le Ver à soie sauvage. % Plusieurs rameaux du ou des Chênes, desséchés comme pour un herbier et conservés entre des feuilles de papier sans colle, afin de déterminer leur nom botanique. Il faut prendre ces rameaux à l’époque de la floraison de l’arbre et à celle où il commence à monter ses glands. Il faut que les Glands, pour être plantés en France, soient emballés de façon qu'ils ne pourrissent pas, c’est-à-dire dans une caisse percée, et séparés entre eux par des couches de papier rogné. Pour le ou les Frènes, le ou les Fagara, il faut agir de même et bien soigner leurs graines. Il faut envoyer aussi des Papillons lesséchés des espèces qui vivent sur ces arbres, des Chenilles dans l’esprit-de-vin, etc. La Société d’Acclimatation désirerait aussi avoir de la Graine de l’Ortie blanche, dont les Chinois font de très-beaux tissus. Elle saisit la présente occasion pour prier MM. les mission- naires de. vouloir bien joindre à cet envoi des graines de cette plante, avec les indications sur sa culture, sa récolte et son emploi. A ce sujet, ces messieurs sont priés de répondre en outre aux questions suivantes : Au climat de quelle partie de la France peut-on comparer le climat des contrées où l’ortie blanche est cultivée? Quelle est la température à l’époque de la semence? Quelle est la température au moment de la maturité? A quelle époque récolte-t-on cette plante? Ces graines devront être emballées dans une petite boîte, percée de quelques trous et recouverte en toile de Gonny. Il faudrait faire en sorte d’en envoyer une dixaine de litres, ou même un hectolitre, s’il est possible de les faire arriver au port d'embarquement sans de trop grands frais. (Cette demande a été suggérée à la Société pur M. l'abbé Vorsin.) égard rant les Coqs au milieu, et nous revinmes dans le même ordre par la même route. Aussi la promenade fut-elle souvent répé- tée, à ma très-grande satisfaction, et aussi à la leur, je dois le croire. Mais, si je proclame hautement ma sympathie pour les femelles de cette espèce, je suis bien loin d’éprouver le même sentiment pour les mâles, poltrons pour la plupart, n’ayant ni la fierté ni la vaillance de nos indigènes, gourmands sans déli- catesse, disputant à la Poule le grain de blé dont nos Cogs se privent toujours avec empressement pour l'offrir à leurs fe- melles avec tant de grâce et de galanterie. Les Cochinchinois ne possèdent ni la hardiesse, ni l’ardeur, ni l’audace des autres Coqs : leur enfance est semblable à celle des autres Gallinacés, mais leur adolescence est longue, et tandis que nos jeunes Coqs manifestent avant trois mois des tendances non équivoques, celles de l’étranger ne commencent à se révéler que vers le dixième mois au plus tôt! Jusque-là il est difficile de distin- guer le mâle de la femelle, puisque c’est à cette époque seule- ment que quelques plumes différentes apparaissent au cou et à la queue; la crête droiteet simple s’élève en même temps que le disque auriculaire s’élargit, et lorsque la voix grave, profonde et lente se fait entendre, c’est alors que la nubilité se mani- feste ; mais elle est si loin de la vivacité de celle qui anime nos Cogs, qu'ilestindispensable, pour que les Cochinchinoises soient bien servies (comme on le dit dans le Vexin), de leur donner le double de Coqs de ceux que l’on mettrait dans une basse-cour d'espèces ordinaires. M. le professeur Valenciennes m’apprenait dernièrement'que presque tous les œufs provenant des Poules qui vivent dans la plaine Saint-Denis, au village des Vertus et près des abaitoirs, avaient deux jaunes porteurs chacun d’un germe particulier, si bien qu'avec dix de ces œufs, par exemple, on obtenait quelquefois vingt poulets. À quoi cela tient-il? Je l'ignore, mais n'est-il pas rationnel de supposer que le voisinage des abattoirs permettant à ces volailles de se gorger de sang et de débris de chair erue, cette nourriture animale augmente chez elles l’activité vitale, en agissant directement sur toute Fé- conomie. Ce serait une étude curieuse à faire. et ie serais | d'autant plus empressée de la tenter, que je sais déjà par expé- rience quels sont les effets directs de la nutrition sur les orga- nes des Gallinacés, puisqu’en soumettant, l'an dernier, une Poule et un Coq de Cochinchine à un régime des plus stimu- lants, il devint évident, d'une part, que l’ardeur de celui-ci s’en accrut, et, de l’autre, qu’à l'ouverture faite ct comparée avec d’autres congénères de même âge, même force, mais dans des conditions alimentaires non semblables, les différences à noter furent très-considérables. Quant aux Cochinchinoises, une observation digne de remar- que est à faire : c’est que jamais elles ne m'ont donné d'œufs à membrane sans coquille, et j'ajoute que, obtenus même par l'ouverture de l'animal avant la sortie naturelle, ils sont formés d’un carbonate calcaire infiniment plus épais que celui des œufs provenant de nos indigènes, et que jamais non plus elles ne m'en ont donné de ces tout petits, appelés si ridiculement œufs de Coq. Malgré toute l'attention que j'apporte depuis plusieurs années à l’examen de cette nouvelle espèce de Poules, plusieurs demeurent encore pour moi des problèmes non résolus, dont je serais tris-heureuse, Monsieur, de devoir la solution à vos lu- mières. Ainsi, par exemple, pourquoi, contrairement à toutes les autres espèces de Gallinacés que nous connaissons, nait-il chez les Cochinchinoises infiniment plus de males que de fe- melles ? Comment se fait-il que, dans des conditions de santé excellentes, 1l arrive tout à coup que, vers l’âge de trois à sx semaines, sur cent poussins qu’on aurait, les deux tiers per- dent leur duvet, se déshabillent complétement, et ne conser- vent que quelques rares plumes à l'extrémité de leurs courtes iles, ne paraissant d’ailleurs nullemeit affectés ni souffrants de cette affreuse nudité, dont la métamorphose arrive sponta- nément en trois ou quatre jours seulement, sans causes que j'aie enc re pu m'expliquer? M. Accoyer, maitre de poste de Saint-Germain, possédant bon nombre d'individus de cette espèce, m'affirmait, l’autre jour, qu'il avait remarqué qu'il n'y avait que les mâles qui se dé- pouillassent ainsi. Pour moi, j'avoue que cette observation m'a échappé ; mais, en l’admettant nour fondée, comme j'ai lieu de GÇN«,;]y]y]— sé — 175 — le croire d’après l'affirmation de M. Accoyer, peu importe, en réalité, que cette bizarrerie arrive aux deux sexes ou à un seul, puisque dans l’un comme dans l'autre cas la cause de l'effet demeure inconnue. | Enfin, je signalerai une autre singularité, en commen- gant par affirmer que j'ai l’assurance positive que nul mélange d'espèces n’a eu lieu chez moi en 1852. À celte époque, il m'a surgi, au milieu des couvées de la fin de la saison, une vingt ine d'individus semblables en tout à leurs devanciers, si ce n’est qu'il ne leur poussa jamais de plumes, et que le fin duvet qui les couvrait était si épais et si doux, qu'il ressemblait au poil d’un chat, poil dans lequel ces Poules paraissaient fort sat sfaites de laisser passer un peigne très-fin. A tort ou à rai- son, les ayant considérés comme une dégénération, je les dé- truisis, et je le regretterais presque aujourd'hui, où la pensée m'est venue qu'il était possible que ce fût une sous-variété, si ma fille ne m’apprenait qu’elle en a quelques-unes à Trappes. séparées de celles de Bois-d’Arey, et qu'elle a tout lieu de pen- ser devoir être dans des conditions à peu près semblables. Je sais de M. Johnson que le même fait s'est présenté chez lui; Je crois même avoir compris, de ce qu’il a bien voulu me dire, que ce fut aussi spécialement en 1852, et je ne me rappel'e pas qu'il m'en ait expliqué la cause ; mais nous nous sommes trou- vés d'accord sur tant d’autres choses importantes, qu'il m’a été rassurant qu’il en fût ainsi, puisque cela me donne un peu plus de confiance en moi-même pour répondre au désir que vous me témoignez, Monsieur, de connaître le peu d'observations que je n’avais faites que pour moi, et dont le seul mérite, si même mérite il y a dans aussi peu de chose, ne consiste que dans l'exactitude et la vérité la plus simple. Je vous disais dernièrement que mon intention était de re- chercher, cette année, quelle serait l'espèce dont l'union avec celle de Cochinchine donnerait les meilleurs résultats comme production, soit en chair, soit en œufs! Vous le savez, notre belle asiatique peut pondre près de deux cents œufs par an, œufs très-petits comparativement à la force de sa taille, et que leur couleur roussätre fait doublement encore repousser sir 06 — nos marchés? La Poule de Bréda n’en pond guère que soixante- quinze, mais ils sont fort gros et d'un beau blanc mat. Je crois done que, de métis provenant d'une semblable alliance, on obtiendrait des œufs plus gros ct moins colorés que ne le sont ceux des Cochinchinoises, et en infiniment plus grande quantité que n’en donne la Poule de Bréda. Maintenant, si je voulais des métis qui m'offrissent en chair plus d'avantages que ne le peut faire la Cochinchinoise, chez laquelle le peu de dé- veloppement de l'aile nous prive de l’un des plus délicats morceaux, je l'associerais, ce me semble, à la Poule de Crève- cœur, qui, à cet égard, possède les avantages tout contraires aux désavantages des Cochinchinoises. Toutefois, je m'arrête dans mes suppositions touchant ceci, à cause de la révélation qu'a bien voulu me faire M. Johnson, sur les essais déjà tentés par lui l'année dernière; car son avis est, relativement à la chair, que ce qui réunit le mieux tous les avantages de quantité. et de suceulence, ce sont les métis provenant de l'alliance d'un Coq cochinchinois avec trois Poules de combat. Il m'a affirmé en outre que ceux obtenus de l'alliance d’un Coq de combat avec trois Cochinchinoises avaient donné des produits très- inférieurs aux premiers. Tenant donc bon compte de cette com- munication, il devient rationnel de laisser la suite de ces ex- périences entre les mains d’un praticien aussi éclairé que l’est M. Johnson. Je ne me rappelle plus si je vous ai dit qu'il y avait dif- férence dans la couleur des pattes des premiers poussins obtenus de vos premiers œufs. Les uns sont jaunes, très- munis de plumes; les autres sont blanc rosé, avec moins de plumes et quelquefois pas du tout. Or, il est à noter que la graisse, et même la chair des premières, restent jaunes; landis que celle des autres est toujours d’une blancheur et d’une finesse infiniment supérieures. Je m’arrèête enfin, Monsieur, toute confuse que je suis d’être entrée dans autant de détails; mais vous me les pardonnerez, j'espère, en ne considérant que le désir que j'ai eu de répondre à vos questions. Agréez, etc. — 177 — 11. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIETE. SÉANCE DU 7 AVRIL 1854 Présidence de M. GeorFroy SaIxT-HiLaiRE. M. le secrétaire général proclame les noms des nouveaux membres admis dans la Société. (Ils sont compris dans la liste générale, p. xxIx.) — M. Bourgeois, à l’occasion du procès-verbal, rappelle qu’il y a quarante ans quelques Chèvres d’Angora existaient à l'établissement de Rambouillet, dirigé alors par son père. Ces animaux ne pouvant s’accorder avec les autres espèces plus spécialement élevées à Rambouillet, on a été obligé de les envoyer ailleurs, Sur la demande de M. le président, M. Bour- geois promet une note sur l’objet de sa communication. — M. Ramon de la Sagra, pour compléter ces renseigne- ments, ajoute qu'il y a sur le même sujet un Mémoire de M. Polonceau dans le recueil de la Société d'agriculture de Seine-et-Oise, et un autre de M. Yvart, dans les actes de la Société impériale et centrale d’agriculture de Paris. — M. le secrétaire général donne. lecture des lettres de re- merciment de MM. les généraux Carbuccia et Daumas, nommés membres honoraires de la Société. — Il est donné aussi lecture d’une lettre de M. le préfet de police, qui autorise provisoirement les réunions de la Société. — M. Îe secrétaire général, en annonçant l’arrivée à Paris du troupeau d’Yaks, communique l’extrait suivant d’une lettre de M. de Montigny, relative à quelques particularités des mœurs de ces animaux : « Je transmets, ci-jointe, une note hygiénique relative aux Yaks; c'est bien positivement du Thibet qu'ils sont origi- naires, et de là ils se sont déjà répandus dans le Koukonnora. a vi une partie de la Tartarie mongole et dans la province chinoise du Æan-Sou, frontière du Tibet; mais ils ne peuvent s’accli- mater sur les versants indiens des montagnes thibétaines : ils y dépérissent et meurent très-promptement, ce qui peut expli- quer pourquoi les Anglais n’en possèdent aucun, et pourquoi Jacquemont n’en a pas rencontré un seul. « L'Yak, à l’état domestique, est employé aux travaux agricoles et sert, en outre, de monture et de bête de somme. Les premiers que j'ai reçus avaient porté leurs conducteurs et leurs bagages à travers toute la Chine, et me sont arrivés le dos entièrement pelé. « La chair des Yaks est plus délicate et plus savoureuse que celle du bœuf; leur lait, plus délicat, produit du beurre et du fromage. « Les Thibétains fabriquent avec la laine de l'Yak un drap à l'épreuve de l’eau ; veuillez réclamer au ministère des affaires étrangères les morceaux de ce drap et la laine des Yaks que J'ai envoyés. « J'ose recommander à votre attention la grande analogie qui existe entre la croupe de l'Yak et celle du Cheval; vous trouverez encore cette analogie dans la vitesse, la réaction douce de cet animal, et surtout dans ses saccades tout à fait chevalines. « L'acclimatation de l’Yak peut être considérée comme un fait accompli. Je possède les individus que j’amène depuis près de quatre années, et je les ai conservés et fait produire dans un climat beaucoup plus malsain et intempéré que le département de la Seine. Ils vivront donc et produiront ici, et beaucoup, car ils sont d’une fécondité prodigieuse ; mais il serait urgent, pour conserver à leur laine toute la richesse de ses utiles qua- lités, de diriger sans retard sur nos départements montagneux ceux que l’on destine à la propagation et à la culture de leur espèce. « Je retrouve et vous envoie, ci joint, un morceau du drap thibétain fabriqué avec la laine de l’Yak noir. Cet échantillon a été attaqué par les rats, mais il peut prouver, néanmoins, ce que nos nilnles fileurs pourraient obtenir de ces laines. » = (6 — — M. le président propose de nommer une commission pour recueillir tous les renseignements nécessaires sur ce sujet. Sont nommés : MM. Allier, Doyère, Duvernoy, Florent Prévost, Richard (du Cantal), le marquis de Vogué et Yvart. —M. Richard (du Cantal) demande que la Société charge M. Pucheran, prêt à partir pour l'Italie, de prendre tous les renseignements possibles sur l’acclimatation ou l'amélioration des auimaux. Cette proposition est adoptée. — Mlle président’annonce que mademoiselle Rosa Bonheur a déjà étudié les Yaks, et qu’elle vient d'adresser à la Société les premiers dessins qu’elle a faits de ces animaux précieux, en lui offrant de choisir les figures qu’elle voudra publier dans son Bulletin. Cette offre est accueillie avec une grande satisfaction. Il sera adressé des remerciments à mademoiselle Rosa Bonheur. — M. Richard (du Cantal) lit une note sur les moyens de multiplier et de perfectionner la production animale. Ce tra- vail sera imprimé comme annexe du Rapport adressé à la So- ciélé, par le même membre, au nom de la Commission d’or- ganisation. (Voyez pages 6 et suivantes.) — M. le président donne lecture de l’allocution qu'il a faite dans la première séance de la Commission d'organisation de la Société. L'impression en est ordonnée, et ce discours sera placé en tête du Bulletin. (Voyez page vu.) — M. le secrétaire présente deux ouvrages offerts par MM. de La Roquette et Aucapitaine. Des remerciments sont adressés à ces honorables membres. (Voyez, p. 186, le Bulletin bibliogra- phique.) — M. l’abbé Allary donne lecture d’un Mémoire sur les moyens de faire produire à la Caille (en domesticité) de trente- cinq à quarante petits, et à la Perdrix, de cinquante-cinq à soixante petits. Ce Mémoire sera imprimé en entier dans le Bulletin. (Voyez page 62.) — M. le baron de Montgaudry lit un Mémoire ayant pour titre : Observations sur la Pisciculture. — 180 — — M. Millet présente quelques observations sur lé travail de M. le baron de Montgaudry. — M. de Montgaudry répond à ces observations. Il ajoute qu’il se peut que la théorie ne soit pas d’accord sur quelques points avec ses résultats, mais que l’expérience et les faits par- lent plus haut que la théorie. Il engage les personnes qui au- raient quelques doutes à aller vérifier ses observations, et il indique les époques et les lieux où cette vérification sera fa- cile à faire. La Société décide que ce travail sera prochainement im- primé dans son Bulletin. (Voyez page 80.) — M. Guérin-Méneville donne lecture d’un passage d’une lettre de M. Sace, qui propose à la Société d’essayer d'introduire et d’acclimater quelques ruches des deux espèces de Mélipones, si abondantes à Pernambuco et à Bahia. Cette proposition est renvoyée à l'examen de la quatrième section (Insectes). SÉANCE DU 28 AVRIL 1854. Présidence de M. GeorFroy SaitT-Hinaire. — M. le président proclame les noms des membres admis depuis la dernière séance. (Ces noms sont compris dans la liste générale, p. XxIx.) — M. le secrétaire général donne lecture de diverses lettres de remerciments adressés par des membres nouvellementadmis. — M. le baron Aucapitaine adresse une note ayant pour titre : Des études historiques sur les animaux. (Cette note sera insérée dans le Bulletin.) — M. Chenu présente et offre à la Société une magnifique queue d’Yak garnie de ses longs poils soyeux, et prise en hi- ver, au moment où l'animal n’a pas commencé sa mue. Des remerciments sont adressés à M. Chenu. — M. Chenu à la parole pour donner lecture d’un travail sur l'éducation des Agoutis. En terminant, il offre à la Société quelques couples d’Agou- lis. Cette offre est acceptée avec reconnaissance. I CR SR = dr — — M. Valenciennes donne lecture d’un extrait d’un travail qui lui est commun avec M. Frémy, et qui a pour titre : Note sur un procédé qui permet de reconnaître la maturité des œufs de certains Poissons. (Voyez plus haut, p. 146.) — M. Tastet a la parole pour lire une note sur les Cailles, qu'il avait annoncée dans la séance précédente, à la suite de la communication de M. l’abbé Alary. (Cette note est insérée ci- dessus, page 444.) — M. Blanchard parle des Vers à soie étrangers que l’on pourrait acclimater. Il cite, outre les espèces du nord de l’Asie, celles de l'Amérique septentrionale. Il rend compte des expé- riences qui ont été faites au Muséum sur ces espèces. — M. Guérin-Méneville traite le même sujet. Il termine en annonçant la continuation de ses recherches sur les Vers à soie sauvages et domestiques, et dit qu'il s’abstient de plus amples développements, parce que la quatrième section est saisie de cette question et fera bientôt un rapport à la Société. — M. Quenard a la parole pour lire un Mémoire intitulé : De l'élève et de la multiplication des Sangsues. — À cette occasion, M. Chenu rend compte d'essais qu’il poursuit depuis plusieurs années, notamment au Val-de-Grâce. Il dit que, si la multiplication des Sangsues est d’une grande importance, il n’est pas moins utile de conserver celles qui ont déjà servi. Il parle des procédés que l’on emploie pour les faire dégorger, et des essais qu'il a faits à ce sujet. M. Chenu a fait une ponction à plus de dix mille de ces Sangsues, sans en perdre beaucoup. Après cette opération, il faut un intervalle assez long avant qu’on puisse les mettre en service. Après leur dégorgement, il les nourrit avec des têtards de Gre- nouilles. Ila remarqué, une fois par hasard, qu’en touchant une Sang- sue pleine de sang avec la main mouillée d’alcool, elle avait rejeté immédiatement tout le sang qu’elle contenait. Il emploie ce procédé pour faire dégorger celles que l’on conserve dans des parcs appropriés. Îl arrive ainsi à les faire servir cinq à six fois, en leur faisant rendre chaque fois {out le sang qu’elles ont pris. = 189 — —_ MM. de Pontalba et Séguier font à ce sujet quelques ob- servations, auxquelles répond M. Chenu. — M. Millet demande la parole pour combattre le système bordelais exposé par M. Quenard. Il signale les vices de ce système: il parle des alternances de sécheresse et d'humidité comme exhalant des miasmes pestilentiels. Relativement au système de niveau constant des eaux, il dit qu’il appartient à M. Moquinu-Tandon. IL trouve de graves inconvénients dans l’emploi des Chevaux comme nourriture. Il dit que ces Chevaux viciés donnent de mauvaises Sangsues. Il ajoute que les jeunes ne peuvent sup- porter le sang des Chevaux à trente-six degrés ; qu’elles aiment mieux le sang des animaux à sang froid. Il cite les Sangsues des provinces danubiennes, localités dans lesquelles on récolte les meilleures Sangsues. Il pense que celles qui vivent naturellement ainsi, et sont nourries de Mol- lusques et de Poissons, sont bien meilleures. Il reconnaît que les Sangsues élevées avec des Chevaux crois- sent plus rapidement : en deux ans, elles sont bonnes à être employées, tandis que celles des marais du Danube ne peuvent l'être qu'après quatre ou cinq ans. Il parle ensuite du dégorgement, et dit qu’il faut qu'il s’o- père naturellement. Il ajoute que M. Fournet à fait des expé- riences à ce sujet, et il en donne une idée. — M. Hollard lit une note de M. Joly sur le lait de l'Yak. (Cette note a été insérée dans le n° 2 du Bulletin, page 56.) — M. Richard annonce que la Commission nommée par la Société s'occupe aussi d’études sur le lait de ces animaux. M. Doyère s’est chargé de faire les analyses. — M. l'abhé Allary a la parole pour lire une note Sur les moyens d'importer en France le plus grand nombre possible d’a- nimaux propres à l'alimentation. (Voyez le n° 2 du Bulletin, page 62.) — 185 — SÉANCE DU 12 mai. Présidence de M. Georrroy SaiNT-HiLare. — M. le président proclame les noms des membres admis depuis la dernière séance : MM. AzexanoRE (A.), propriétaire agriculteur, membre du Conseil général de la Nièvre, maire d’Arleuf. Beura (François), directeur de l’École régionale d’agri- culture de Grignon. Berrraxn (Eugène), membre du Conseil général de l'Isère, au Villars de Lans. Bcacoue (Arthur), propriétaire. Boucuace (Le comte du), propriétaire. Bryas (Le comte de), membre du Corps législatif. Cuexesr (Ernest), propriétaire. Douesnir. GUERNET. Jogez, propriétaire, à Syam, près Champagnole (Jura). JonacE (Vicomte A. de). KerGorLay (De), membre du Corps législatif. Leseur ne Monréermonr (Adrien). Levé (Adrien), propriétaire. Micnon (Joseph). Péreire (Eugène). Rawpourc (Louis), propriétaire. SALMON (Auguste), propriétaire. SanT-Dinier (Félix de). £ SimoxeT (Le docteur). SOLLICOFFRE (Louis). Viarr (Le vicomte de), propriétaire. — Sur la proposition de M. Passy, vice-président, faite au nom du Bureau, conformément à l’article 3 du règlement constitutif, la Société nomme à l’unanimité membres hono- raires : MM. le vice-amiral comte Céczze, sénateur. L'abbé Cagrena, curé de Macusani, au Pérou. — 184 — On doit à M. l'abbé Cabrera la création de l'Alpa-vigogne, variété nouvelle provenant du croisement de l’Alpaca et de la Vigogne. M. l’abbé Cabrera est parvenu à obtenir tout un trou- peau d’Alpa-Vigognes. — A cette occasion, M. le président présente, de la part de M. Weddell, qui en fait don à la Société, des échantillons de laines d'Alpaca, de Vigogne et d’Alpa-Vigogne, et fait ressortir la supériorité des produits du métis sur ceux des espèces dont il est né. Il sera adressé des remerciments à M. Weddell. — Il est donné lecture d’une lettre de M. le Ministre de l’in- struction publique, qui annonce à la Société que ses statuts sont approuvés, et qu’elle est autorisée à se constituer définiti- vement. Cette lettre est accompagnée d'une ampliation de l’ar- rêté pris à ce sujet par M. le ministre. Voici les termes de cet arrêté : « Le Ministre de l'instruction publique et des cultes, « Vu la demande formée par le Président de la Société z00- logique d’Acclimatation, « Vu le projet de règlement de cette Société, « Arrête : «Article 1%. — Le règlement de la Société fondée à Paris sous le titre de Société zoologique d’Acclimatation est approuvé. et cette Société est autorisée à se constituer définitivement, conformément aux dispositions du règlement, qui reste joint au présent arrêté. « Art. 2. — Il ne pourra être apporté aucune modification audit règlement sans l'approbation du Ministre de l’instruc- tion publique. « Fait à Paris, le 30 avril 1854. « Signé : ForrouL. » — M. le président propose et l’Assemblée décide la nomi- nation d’une Commission chargée de préparer les voies à une reconnaissance de la Société zoologique d’Acclimatation comme établissement d'utilité publique. Sont nommés membres de RU — — 185 — cette Commission : MM. Antoine Passy, l'amiral de Mackau, d’An- decy, Ernest Baroche, de Belleyme, Eugène Dupin et Sohiecr. — M. le secrétaire annonce que le Bureau à reçu une ré- clamation de M. Coste au sujet de la note que M. Millet a in- sérée dans le premier numéro du Bulletin. Cette réclamation est renvoyée à la Commission de publication. — M. de Montigny offre un échantillon d’étoffe fabriquée avec la soie des Vers qui vivent sauvages dans la province du Su-Tchuen. $ Des remerciments lui sont adressés. — M. Tastet rend compte de la décision du Conseil, qui a voté une somme, dont il a fixé le maximum à mille francs, pour faire venir des œufs et des cocons des Vers sauvages, et autres objets, du Su-Tchuen. M. Tastet annonce un rapport pour ja prochaine séance, au nom de la Commission chargée de l’exa- men de la question. { Voyez le n° 5 du Bulletin.) — M. Ramon de la Sagra offre à la Société un cocon de Bom- byx Madruno, insecte qui vit au Mexique et dans la Nouvelle Grenade, sur le Calophyllum Madruno, de la famille des Gutti- fères. Ce cocon, œuvre commune de plusieurs Chenilles, atteint une longueur de trente centimètres, et fournit une soie fine et blanche qu'on peut utiliser à l’aide du cardage. M. Ramon de la Sagra dépose, sur ce sujet, une note qui est renvoyée à la Commission de publication. Des remerciments sont adressés à M. Ramon de la Sagra pour le don du cocon. — Il est donné lecture d’une lettre de madame Passy sur la Poule cochinchinoise, adressée à M. Florent Prévost. Cette lettre sera publiée dans le Bulletin de la Société. (Voyez ci-des- sus, page 166.) — M. Duvernoy lit, comme rapporteur de la Commission des Yaks, un travail sur les caractères zoologiques, les mœurs, les conditions d’acclimatation et l'utilité de ces animaux. La Société décide, sur la proposition de quelques membres, que ce rapport sera imprimé hors de tour, et que des copies en se- ront préalablement transmises à MM. les Ministres de l’in- struction publique, de l’agriculture et des affaires étrangères. OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ, SÉANCE DU 24 mans 1854. Recuencues sur la vitalité des Spermatozoides de quelques Poissons d’eau douce, par M. A. de QuarreraGes. — Extrait des Comptes rendus de l'A- cadémie des sciences, tome XXXVL. » Recuercnes sur les fécondations artificielles, par M. Mizcer. — Extrait des Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XXXVI. Ec Paecursor de la Esposicion de 4855, offert par M. R. pe La Saçra (N° 5 et 4). Piscicucrure : Rapport de la commission instituée par arrêté de M. le di- recteur général des eaux et forêts, en date du 28 janvier 1853 ; offert par M. Mixer. SÉANCE DU 7 AVRIL. Voyace AU SOUDAN ORIENTAL ET DANS L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE DE M. TRé- MEAUx, par M. le baron Henri AUCAPITAINE. NOTICE BIOGRAPHIQUE SUR LE PRINCE GALIYZIN ET SUR LE LIEUTENANT BELLOT, par M. ne LA RoQuETTE. SÉANCE DU 12 Mal. Rarporr sur le troisième voyage en Abyssinie de M. Rochet d'Héicourt, partie zoologique, par M. Duvernoy. (Extrait des Comptes rendus de l’Acadé- mie des sciences, t. XXXIL.) Offert par M. Düvernoy. Manuez de Hirudiculture, ou de l'Élève des Sangsues, par M. Léon Busquer. Buzcerix de la Société d'émulation du département de l'Allier (Sciences, arts et belles-lettres.) SÉANCE DU 26 Mal. Buzceri de la Société de géographie, 4° série, tome VII, n°* 39 et 40. — Offert par M. Jomard. Le Récemment nes DromaDaes à l’armée d'Orient (1798-1801). Emploi du Chameau à la guerre chez les anciens, par M. Jomarn. Du Drowapame comme bête de somme et comme animal de guerre, par le général J. L. Carsuccia, 1 vol. grand in-8; Paris, 1855. Paris. — Typ. Simon Raçon et C®, rue d'Erfurth, 1. BULLETIN #- MEN EL DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D’'ACCLIMATATION Fondée le 10 février 1854. + I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE. RAPPCRT FAIT A LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION, SUR SA SITUATION AU 93 Juin 1854, Par M. le comte d'ÉPRÉMESNIL, secrétaire général. (Séance du 25 juin 1854.) ( Messieurs, Le Conseil a pensé qu'il serait intéressant pour la Société, au moment de se séparer, d’être édifiée sur sa situation après quatre mois d’existence. Je vais vous soumettre cette situation. aussi brièvement, du reste, que possible. Le nombre des membres titulaires est aujourd'hui de quatre cent sept. Il est inutile d’insister sur ce chiffre, qui parle assez par lui-même; nous pouvons cependant espérer, sans crainte de nous flatter, qu’il s’élèvera beaucoup encore. Vous avez nommé, sur la proposition du bureau, treize membres honoraires; ce sont: MM. Becuroupr, conseiller intime de S. à R. le grand-duc de Hesse-Darmstadt, président du conseil supérieur des Hesses réunies ; l’abbé Cagrera, curé de Macusami, au Pé- rou; le général Canguccra, membre correspondant de l'Insti- ; le comte de Casrezau, consul de France à Bahia; le vice-amiral comte Cécuze, sénateur; le général de division Daumas, conseiller d'État, directeur des affaires d'Algérie; De- LAPORTE, consul de France au Caire; DussuwiERr DE Fou ONE" ar- L 45 — 188 — mateur à Bordeaux ; Joman, membre de l’Institut; l'amiral baron de Macka, sénateur; de Monniexy, consul de France à Chang-Haï; Poucez, fondateur des bergeries du Pichinango; le baron de Zeuxen, conseiller d'État, secrétaire de la Société centrale d'agriculture d'Allemagne, à Darmstadt. Il vous a suffi d'entendre ces noms pour voir que le bureau, selon l'esprit qui à dicté l'article du règlement constitutif, a voulu laisser au titre de membre honoraire toute son impor- tance en ne vous proposant que de rares nominations, dignes de votre unanime approbation, qu’elles ont en effet obtenue. Les cotisations ct droits d'entrée des 497 membres titulai- res, dont 60 sont à recouvrer, font une somme de 14,245 fr., à laquelle se sont joints plusieurs dons. Plusieurs membres ont aussi acquitté leur cotisation définitive *. Sur ces recettes, 4,515 fr. 95 ec. ont été absorhbés par les dépenses du secrétariat et du Bulletin; 1,000 fr. ont été votés par le Conseil pour les essais d'introduction en France des Vers à soie du chêne. Une autre dépense assez considé- rable et d’un intérêt incontestable pour la Société nous attend. Le Conseil a décidé, en effet, que, l’année prochaine, une séance publique aurait lieu, et qu’il y serait distribué des mé- dailies d’or et d’argent aux personnes qui auront obtenu le plus de succès dans les travaux qui nous occupent. Une Com- mission a été chargée de l'examen des questions relatives à l'exécution de ces médailles. Elle à l’avantage de compter parmi ses membres notre confrère M. Pelouze, directeur gé- néral de la Monnaie; c’est vous dire que nous pouvons être assurés du succès. Avant cette Commission, qui est la dernière nommée, plu- sieurs autres avaient été formées pendant le cours de nos séances. Je vous rappellerai les plus importantes ‘la Commis- sion nommée le 10 février pour s'occuper des questions rela- tives à la Chèvre d’Angora; celle qui fut chargée, dans la même séance, d’aviser au moyen de hâter l’arrivée du précieux troupeau de M. de Montigny; puis, plus tard, les Commis- sions d’études sur l’'Hémione, sur les Yacks, sur les Vers à ! Les ressources de la Société se sont accrues depuis ce Rapport, outre celles qui résultent de l'entrée de nouveaux membres, d’une allocation de 1,500 francs, faite spontanément à la Société par M. le Ministre de l’a- griculture et des travaux publics. — 189 — sole, etc.; enfin la commission qui poursuit la reconnaissance, comme établissement d'utilité publique, de la Société, con- stituée par un arrêté de M. le Ministre de l'instruction pu- blique. Les trois premiers numéros du Bulletin, qui vous entretien de ces divers travaux, ont paru pendant ces deux derniers mois. Le quatrième, qui est celui de juin, vous sera distribué en juin, en sorte que, dès ce moment, la publication est à jour. Le cinquième numéro, composé en partie du rapport si re- marquable de M. Duvernoy sur les Yacks, est imprimé depui: longtemps, et les gravures qui l’accompagnent sont prêtes. On s'occupe activement des gravures de l’Hémione et de l’Ane sau- vage, qui seront jointes à un des prochains numéros. Nou: donnerons un peu plus tard la figure de l’Yack, d’aprèsles des- sins dont mademoiselle Rosa Bonheur veut bien faire hom- mage à la Société. Le dernier numéro énumérera les dons faits à la Société. Qu’il me soit permis, en attendant, de vous rappeler les ouvrages importants adressés par MM. le général Carbuccia. Coste, le général Daumas, Geoffroy Saint Hilaire, Richard (du Uantal), et surtout la magnifique série donnée par M. le Mi- nistre de la guerre. Je mentionnerai aussi la belle collection de cocons et de soie offerte par M. Guérin-Méneville, les échan- tillons de poils de Chèvre d’Angora tissés, donnés par M. Ra- mon de la Sagra, les cocons et les laines que nous devons à M. de Montigny: enfin les deux belles Biches du Malabar, provenant du parc de Saint-Cloud, que nous devons à M. le comte Edgar Ney, premier veneur de S. M. l'Empereur !. Vous voyez, messieurs, que notre œuvre a rencontré par- tout les plus vives sympathies. La Société a toujours marché d’un pas égal et sûr, sans éprouver de ces secousses qui font craindre pour l’avenir. C’est à nous qu'il appartient de lui con- server cet heureux mouvement. Avec un peu de zèle et beau- coup de persévérance, soyez convaincus, Messieurs, que, dans quelques années, nous ne saurons si nous devons nous féliciter davantage d'avoir si bien commencé une œuvre si utile, ou de la continuer si heureusement. ‘ Depuis ce Rapport, la Société a reçu de M le Ministre de l'instruction publique cinq des douze Yacks ramenés par M. de Montigny, savoir: un Tau- reau blanc sans cornes, deux Vaches pleines et une Génisse de la même va- riété, et un jeune Taureau de la variété blanche à cornes. À MODE. RAPPORT SUR LES YACKS TRANSPORTÉS DU THIBET À CHANG-HAÏ ET DE CE PORT CHINOIS A PARIS. PAR LES SOINS DE M. DE MONTIGNY, CONSUL DE FRANCE A CHANG-HAÏ. (Commissaires : MM. Allier, Doyère, de Montigny, Richard, le marquis de Vogué, Yvart.) M. DUVERNOY, rapporteur. Nous avons cru devoir chercher, dans ce rapport, le double but que votre Société se propose d'atteindre : Répandre les lumières de la science: les appliquer à l'utilité publique. En ayant égard à ces deux points de vue, nous avons divisé notre travail en deux parties. La première comprend les caractères classiques du Yack, et l'exposé des connaissances acquises successivement à la science sur son histoire naturelle proprement dite, par les voyageurs qui ont pénétré dans les froides régions qu'il häbite à Pétat sauvage ou domestique. Nous en déduisons en même temps son histoire naturelle géographique. Dans la seconde partie, après avoir rapporté l'emploi qu’on en fait dans ces contrées, nous exposerons, par des observations directes, autant qu'il à été possible de les faire dans le court espace de quelques semaines, sur ses qualités physiques, sur la nature de son pelage, sur son lait, les divers usages aux- quels on peut présumer que cette espèce sera propre en France, à supposer que l'on réussisse à l’acclimater, sans modifica- tions qui en diminueraient les utiles qualités. D'ACCLIMATATION DE LA SOCIÉTÉ Z00LOGIQUE BULLETIN Er Tome Ï : 105 Mesures micrométriques des Laines de Mouton, de Lama et de Yack. Mae ra TR Ari es. x ke È EUR NU v m6 E LS D “27 ” . fe] NL LES LA on “CCQE dauep TL CE UONEUATp ‘1007 J0S ‘II = jÿt — : PREMIÈRE PARTIE. HISTOIRE NATURELLE DU YACK. La famille des Bœufs on des Bovidés, telle que votre rap- porteur l’a caractérisée dans un travail encore manuscrit", se distingue des autres Ruminants à cornes creuses par ses formes trapues, ses jambes robustes, son large mufle, son fanon plus ou moins prononcé et ses cornes en forme de croissant ou à peine courbées à leur extrémité (les Arnis), ou contournées en spirale (l’Ovibos). | Cette famille a encore, dans son système dentaire, quelques caractères qui la distinguent de la plus grande partie des au- tres Ruminants à cornes creuses, entre autres des colonnettes qui s’élèvent entre les demi-cylindres des arrière-molaires. Elle comprend quatre genres bien distinets et bien caracté- risés déjà dans la tête osseuse : 1° Le genre Bœuf proprement dit (Bos); 2° Le genre Bison (Bison ; 2° Le genre Buffle {Bubalus): 4° Le genre Ovibos (H. Smith et Blainville). I Genre. Bos. Les Bœufs, proprement dits, ont le front allongé et plat, quelquefois un peu relevé en bosse ou creux dans une partie de sa surface. Il est terminé en arrière et en haut par une saillie transver- sale plus ou moins anguleuse et arrondie, où viennent aboutir les faces frontale et occipitale, en formant un angle droit ou plus ou moins aigu. Ce bourrelet anguleux dessine une ligne droite, ou un arc, ou se relève seulement dans la partie moyenne, ou devient concave dans cette partie avec deux arcs ou saillies latérales. C’est aux extrémités de cette crête que se montrent les ‘ Dont on voit depuis longtemps les résultats dans l'arrangement des squelettes entiers et des têtes séparées des espèces vivantes et fossiles de cette famille, qui existent dans les galeries d'anatomie comparée. —. 499 — noyaux osseux des cornes. Les orbites sont peu saillants, très- ‘stants de la base des cornes, et caractérisent par cette posi- on, suite de l'allongement du front, les espèces de ce genre!. Les noyaux osseux des cornes sont de forme conique. Il° Genre. Bisox. Les Bisons ou Bonases ont la tête plus carrée que les Bœufs, e front plus large relativement à sa hauteur, un peu bombé entre les cornes ; il s'élève au-dessus et en arrière de celles-ci, en s'inclinant légèrement vers l’occiput. Cette portion du front, qui dépasse les cornes en arrière, ap- partient au pariétal ; elle est limitée par la crête occipitale, et, sur les côlés, par les fosses temporales, qui se prolongent ainsi plus en arrière et en haut que dans les Bœufs. [ci la face occipitale se réunit à la face frontale par un angle obtus. Les orbites sont rapprochés de la base des cornes; c’est une conséquence de la brièveté du front. Ils sont très-saillants de ‘haque côté, surtout dans les vieux mâles. Les noyaux osseux des cornes sont coniques. Ce genre comprend deux espèces vivantes, l’une du nord de l'Europe ct peut-être du nord-ouest de l'Asie; l’autre de l'Amé- rique septentrionale. Nous croyons devoir aussi distinguer deux espèces fossiles, l'une d'Europe et l’autre d'Amérique. TE Genre. Buerce (Bubalus, proprement dit). Les Buffles se reconnaissent, au premier coup d'œil, par leur front bombé dans tous les sens, moins large à la base qu'entre les cornes; par la dépression de la face au-dessous du front ; par la forme prismatique ou pyramidale des cornes, qui ont au moins leur face supérieure aplatie; par leur direction, qui “’abaisse plus ou moins dès leur base en se portant en dehors ‘ Dans les mesures précises du front, que je donne dans mon mémoire sur la famille des Bovidés, je prends la base de cette partie dans une ligne qui va d’un orbite à l’autre, au-dessus de l'extrémité supérieure des lacrymaux, dans chaque bori orbitaire, — 193 — et en arrière, puis se courbent un peu en dedans et vers le haut, près de leur extrémité. Les orbites, très-rapprochés de la base des cornes, descen- dent très-obliquement en dedans. Les faces occipitale et frontale sont séparées par une surface. intermédiaire, qui appartient au pariétal, dépasse les cornes en arrière d’une longueur variable selon les espèces ; elle dif- fère encore dans sa largeur et son degré d’inclinaison vers l’occiput ; de sorte qu’elle semble en faire partie ou appartenir au front, suivant cette inclinaison. Le système dentaire nous a présenté plusieurs caractères différentiels remarquables. L’émail des arrière-molaires montre, dans la face trilurante, une plus grande complication, plus de festonnement que dans les autres genres. Outre le repli qu'il présente entre les demi-cylindres des arrière-molaires, il dessine plus en dedans un petit anneau qui n'existe pas dans les Bœufs, ni dans Îes Bisons en général. Nous l'avons cependant signalé, mais pour les arrière-molaires supérieures seulement, dans les espèces asiatiques Benting et Gour du genre Bœuf, qui forment un passage aux Buffles. ; Le genre Buffle peut ètre sous-divisé en trois petits groupes : Les Buffles proprement dits ; Les Arnis: Et les Brachycères. Des côtes larges et aplaties sont encore un caractère qui dis- tingue le squelette des Buffles des autres Bovidés. IV° Genre. Ovos (Smith et de Blainville). Ce dernier genre, qui ne comprend qu’une espèce vivante et une espèce fossile, a les cornes élargies à la base, recou- vrant le front et contournées en spirale comme celles du Bé- lier. Les orbites sont très-rapprochés des cornes et très-saillants sur les côtés de la tête. au point qu'ils dépassent beaucoup en dehors les arcades zygomatiques. Les dents molaires sont plus étroites aux deux mâchoires — 194 — que dans le genre Bœuf. Leur émail est encore moins com- pliqué, moins festonné à la surface triturante. La dernière molaire est proportionnellement très-longue à la mâchoire inférieure ; taridis que les deux premières sont plus petites. L'émail dessine un petit anneau intérieur entre les deux collines de la surface triturante, comme dans les Buffles. Plus en dehors on ne trouve qu’un ou deux rudiments, très- peu reconnaissables, dela colonnette qui figure, à l’intérieur, les demi-cylindres des arrière-molaires, dans toutes les espèces de cette famille, et qui les caractérise. On n’a jamais hésité de classer le Yack dans la famille des Bœufs ou des Bovidés. Mais les naturalistes ont varié sur le senre de cette famille, auquel il doit être réuni. On en a fait un Bison, un Buffle, puis un Bœuf. A présent que nous en avons sous les yeux douze individus de divers âges, qui appartiennent aux deux races pourvues de cornes et sans cornes, grâce au zèle pour la science, à la fois éclairé, entreprenant et persévérant de M. de Montigny: il est facile de décider, au premier coup d'œil, que le Yack a tous les caractères du genre Bœuf, dans la forme générale de sa tête et dans celle de ses cornes rondes, lisses et courbées en croissant. Nous discuterons plus loin ses caractères distinctifs comme espèce. Le Bœuf grognant, le Bœuf à queue de cheval du Thibet, était déjà connu d’Ælien, qui vivait dans le troisième siècle de notre ère ; 1l le nommait Poëphagos, nom spécifique que lui a res- titué Pallas. À part quelques renseignements que l'on trouve sur cette espèce chez Marco-Polo' et d’autres voyageurs du moyen âge, on est obligé de descendre jusqu'à la seconde moitié du dix- huitième siècle et aux récits incomplets de J.-G. Gmélin et de Pallas, pour trouver quelques observations caractérisant cette espèce. 1973 —0 495 — Celles de Gmélin sont les plus exactes. Il avait vu à Tobolsk, chez le gouverneur de cette partie de la Sibérie, une femelle de Yack qui avait été amenée du pays des Kalmouks, où cette espèce n’est pas indigène, ajoute-t-il, mais bien du royaume de Tangut, au Thibet. Il juge que ses cornes sont analogues à celles du Bœuf vulgaire; cette vache ne souffrait pas le voisinage des vaches domestiques ; elle fai- sait entendre son grognement dès qu’elle les apercevait *. Buffon, qui rapporte intégralement la description de Gmé- lin, en conclut que le Fack n’est autre qu’un Bison et ne forme pas une espèce particulière *. Ce jugement montre que ces deux espèces, qui diffèrent même génériquement, étaient très-imparfaitement connues du temps de Buffon. Pallas eut aussi l’occasion d'observer des Yacks en Sibérie. C’est à Irkoutsk, où il se trouvait en 1772, qu'il en vit cinq de la variété sans cornes, deux mâles et trois femelles. Le Gouverneur les avait eus d'un chef mongol, sujet de l’em- pire chinois. Pallas remarque que les veaux ont un poil crépu, et qu'à trois mois il leur vient déjà de longs crins. Ces Yacks se plongeaient volontiers dans des mares d’eau à leur portée ; voilà pourquoi, ajoute-t-il, les Chinois les appel- lent si-nijou (vache qui se lave). Les deux sexes n’ont d'autre voix que le grognement du Cochon, mais grave et monotone *. Pallas termine ainsi sa description : « Si jamais un voyageur naturaliste vient à pénétrer dans le Thibet par la voie de l'Inde, il serait à souhaiter qu’il nous procurät une connaissance plus exacte du Yack sauvage, de ses rapports avec le grand Buffle domestique des pays méridionaux, des variétés dans la race domestique au Thibet, et de celles qu’on observe parmi les Buffles de l'Inde *. » ! Nova commentaria Academiæ scienharum imperialis Petropolitanæ, t. V, ad annos 1754 et 1755. Petropoli, 1760. ? Histoire générale et particulière, t. XV, édit. in-4°, p. 118. * Acla Academiæ scientiarum imperialis Petropolitanæ, pro anno 1777, pars posterior. Petropoli, 1780. # Ibid., p. 557. ee Le dernier mot de Pallas sur le Yack se trouve dans la Zoo- yraphie de la Russie. asiatique, où ile désigne sous le nom de B0s poëphagus. CIest par-ci par-là domestique chez les Mongols, et sau- vage, dit-on, entre le Thibet et l'Inde. « Par sa démarche, ses mœurs, son instinct'pour l’eau, il a tant de ressemblance avec le Buffle, qu'il semble avoir la même origine que celui que les Mongols appellent Chainak. Il en diffère surtout par son poil long, abondant, plus long en-des- sous, comme chez les Buffles, et Par sa queue de cheval très- longue, couverte partout de longs poils soyeux, souvent blancs comme tout le corps. » J'ai rapporté en détail les observations et les considéra- tions de Pallas, ainsi que sa détermination erronée, provenant surtout de ce qu’il n'avait vu que la race sans cornes : afin de montrer combien, dans les sciences d'observations. la vérité à de la peine à se découvrir, même au génie où au regard per- çant d’un Buffon et d’un Pallas. Turner, dans le récit de son ambassabe au Thibet et au Bou- tan”, qui eut lieu en 1785, compare le Yack à un taureau de race anglaise. « Ses cornes, ditl, sont rondes, arquées comme celles d’un Bœuf. Ses épaules sont hautes, chargées d’une grosseur comme celles des Zébus de l’Indoustan. « Les épaules, les reins et la croupe sont couverts d’une sorte de laine épaisse et douce. Il y en a de diverses couleurs: les noirs sont les plus communs. « Les Yacks vivent dans les plus froides parties du Thibet et paissent l'herbe courte qui croit sur les montagnes et dans les plaines voisines.» M. Cuvier, qui avait pu profiter des renseignements de l’am- bassadeur anglais, termine ainsi qu'il suit ce qui concerne ! Tome I, pages 248 et 249. * Traduit en français par Castera. Paris. an IX (1800), tome I, pages 227 et suiv., et planche xn pour la figure du Yack, assez exacte, sauf que sa lon- gueur me parait exagérée. — 197 — cette espèce dans l’article Bœuf du Dictionnaire des Sciences na- turelles, publié en 1817 : « IL faut attendre de nouvelles observations pour prononcer, si le Yack n’est pas la souche du Zébu, ou peut-être de notre bétail domestique. Les Thibétains ont pour le Yack le même respect que les Brahmines ont pour le Zébu. » Dans ses Recherches sur les ossements fossiles ‘, après avoir observé comparativement un crâne que MM. Diard et Duvancel lui avaient envoyé de l'Inde, il conclut que le Fuckest une es- pèce distincte de l’Aurochs, du Bœuf et du Buffle , mais plus voisine des deux premières que de la troisième. Nous avons comparé ce crâne provenant de MM. Diard et Duvancel et un crâne de la variété sans cornes qui fait partie d’un squelette incomplet, dont le Muséum est redevable à M. de Montigny, avec les cränes de Zébus et de la race sans cornes de notre Bœuf domestique. Les crânes sans cornes de ce dernier et du Yack ne diffèrent guère que par les proportions, qui sont beaucoup plus petites dans le Yack. Il y a cependant un caractère, signalé par M. Cuvier, qui appar- tient aux deux crânes des Vacks. Les intermaxillaires ne re- montent pas jusqu'aux os du nez, comme dans le Bœuf. J'ajoute que leur branche montante s’engrène entre deux lames du sus-maxillaire, dont l’interne se porte en dehors et borde, comme une étroite lisière, l’orifice des narines jusqu'aux os du nez. Parmi les nombreuses têtes de Zébus, de nos collections, il ÿ en a qui présentent aussi cette sorte de troncature des in- termaxillaires, qui les empêche d’atteindre les os du nez. Il serait donc nécessaire d’avoir plusieurs autres cränes des deux races de Yacks pour apprécier la valeur de ce caractère. En voici un autre dans les os du crâne. Le pariétal pénètre comme un coin entre les deux frontaux et remplit un ar pit espace triangulaire dans la face frontale. Les crânes de Zébus, qui ont pour ainsi dire toutes les pro- portions de ceux des Yacks, montrent aussi ce caractère, mais ‘ Tome IV, page 131, et planche x, fig. 13 et 14 — 198 — à un moindre degre. On ne le voit pas dans notre Bœuf domes- tique. Les dents du Yack ne présentent aucune différence saisissa- ble avec celles de notre Bœuf domestique ou du Zébu. Son caractère spécifique le plus frappant, avec sa longue fourrure, parait être son grognement. Concluons-en, avec Cuvier, que le Yack forme une es- pèce distincte du Bœuf domestique , mais en ajoutant qu’elle est très-rapprochée du Zébu ; que ses rapports avec les Bisons sont éloignés, malgré ce qu’en pensait Buffon; et que ceux avec les Buffles le sont encore davantage, quoi qu’en ait dit Pallas. Afin de compléter l’histoire naturelle des Yacks, il nous reste à rappeller quelles sont les contrées où il vit à l’état sau- vage ; celles où il a été réduit à l’état d'animal domestique; et les usages auxquels il est employé, ou les services qu'on en tire. Les questions pronosées par Pallas ont été résolues succes- sivement par plusieurs voyageurs anglais, qui ont passé du nord de l’Inde dans le Thibet, ou qui ont traversé l’Hymalaya plus à lorient; ou qui se sont élevés seulement sur le revers méridional de cette grande chaîne de montagnes, sans la tra- verser. HABITATIONS DU YACK A L'ÉTAT SAUVAGE ET A L'ÉTAT DE DOMESTICITÉ. Les Yacks habitent le revers sud de l'Hymalaya, entre le vingt-septième et vingt-huitième degré de latitude nord, et s'étendent de [à dans le petit Thibet, ou le Ladack, le grand Thibet. ou le Thibet proprement dit, et le nord de la Chine. Ils deviennent rares en Mongolie. Ceux que Gmélin et Pallas ont vus en Sibérie s’y trouvaient comme un objet de curiosité. Ils vivent dans ces contrées à l'état sauvage et à celui d’a- nimal domestique. lis s’y contentent de l'herbe la plus courte, qu'ils coupent tout près du sol avec une grande dextérité. Ils peuvent encore se nourrir des arbrisseaux qui végètent dans les froides mon- tagnes qui sont leur séjour de prédilection. ee — 499 — Dans le revers sud de l'Hymalaya, le Yack ne descend guère plus bas que dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Lorsque l’intrépide voyageur Moorcroft entreprit, en 1812, de traverser le col de Riti, il trouva des Yacks pour lui servir de monture dans le village de ce nom, qui est élevé de dix à onze mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Il pût gravir, par leur moyen, cette montagne escarpée et tellement froide, que l'air, par sa basse température et par sa vivacité, lui produisit des fissures à la peau du visage et des mains qui se changèrent en plaies, et que le sang jaillissait de ses lèvres *. AI. Gérard * a vu près de Nako, à une hauteur de onze mille huit cent cinquante pieds anglais, de forts Yacks trainer la charrue ; orge et le froment donnent encore, à cette hauteur, de riches moissons. Il avait rencontré près de Schipke, à dix mille pieds de hau- teur, les plus beaux Yacks paissant avec des Chèvres de Cache- mire et des Moutons à laine fine. Dans un autre voyage * exécuté en 1829 à travers le col de Para-Laha, au delà des frontières méridionales du royaume de Ladak, parvenu à une hauteur de seize mille pieds, le même Al. Gerard vit des troupeaux de Yacks et de Chèvres de Cache- mire, qui trouvaient encore le moyen de se nourrir dans les maigres pâturages de ces contrées élevées, tout près des limites des neiges éternelles. Ainsi dans ces régions glacées où le Cheval et le Mulet ne peuvent plus se nourrir, le Yack avec la Chèvre et le Mouton parviennent à s’alimenter de l'herbe courte qui y végète. DIFFÉRENCES QUE PRÉSENTE LE YACK DOMESTIQUE. 1° Dans son pelage. La couleur du pelage des Yacks varie, suivant Turner. 1 Asiat. research,, XI, p. 411. = Brewster Edinb. Journ. of sc.,t.1, p. M, 1844. Journal of an excursion through the Himalayah montains, from Schipketo the Frontiers of Chinese Tarctary. 5 Asiat. Journ., New series, V, p. 91. — 200 — Le noir et le blanc y prédominent. 11 n’est pas rare que ies longs poils de l’épine dorsale, du front, de la poitrine, des membres en dessous, et de la queue soient blancs; tandis que tout le reste du corps est noir. Il y a des Yacks blancs, des noirs, des gris et de couleur foncée. Les Thibétains et les Mongols cherchent à propager ceux qui ont une partie du corps blanche, surtout l’arrière-train et la queue ; les poils blancs étant plus avantageux au commerce, parce qu'ils sont plus propres à la teinture. 2 Dans sa taille. La taille des Yacks varie comme la couleur de leur pelage. Gmélin l'estime de deux aunes ordinaires de Russie. Pallas compare ceux qu'il a vus à une petite vache ‘. Turner estime que leur grosseur est celle d’un taureau anglais. Stewart affirme que la taille du Yack surpasse parfois celle du bétail rouge ordinaire. CLIMAT NÉCESSAIRE AU YACK. Hébert a remarqué qu’à cinq mille pieds de hauteur, dans la contrée alpine de Kamaux, près de la ville d’Almorah, dans l'Inde, il fait déjà beaucoup trop chaud pour le Yack, et qu'il dégénère, aussi bien que le Porte-musc, dès qu’il abandonne le voisinage des neiges éternelles ?. SECONDE PARTIE. EMPLOI DU YACK COMME ANIMAL DOMESTIQUE. — OBSERVATIONS PARTICULIÈRES SUR LES YACKS DE M. DE MONTIGNY. Partout où les voyageurs anglais ont tenté d’escalader les ‘ Ils avaient 6’ 9” du bout du museau à la naissance de la queue. — Lon- su des intestins, 130 pieds. > L'ouvrage le plus complet sur l’histoire naturelle du Yack est sans Con- tredit la Continuation de l'histoire naturelle des Mammifères de Schreber, par M.[.-A. Wagner. Voir l’article du Bos grunniens, t. Il, v° partie, Erlan- gen, 1837, et le vol. de Supplément, Erlangen, 1844, en allemand. — 201 — rochers escarpés du revers méridional de l'Himalaya, c’est au moyen des Yacks domestiques qu’ils y sont parvenus. Ils en ont rencontré de nombreux troupeaux servant, dans les villages les plus élevés de ces contrées montagneuses, pour le trait et la monture. Leur pied est si sûr qu'ils ne glissent pas en traversant les rochers les plus escarpés et les plus déchirés, et même les neiges glacées à leur surface. En descendant des sources thermales de Kienlung, par une pente rapide, le voyageur Moorcroft les a vus sauter en bas de rocs abruptes de dix à quatorze pieds de haut, sans se faire aucun mal. Vigne, en allant du Bengale au Cachemire ”, a rencontré le Yack sauvage sur le revers septentrional de l'Himalaya d’où l'on descend dans la vallée de Yarkund. Ce voyageur observe que les produits du Yack avec le Bœuf commun (probablement le Zébu) sont parfaits. Notre honorable et savant président, dans la description des Mammifères et des Oiseaux envoyés de l'Inde par Victor Jucque- mont, signale comme spécialement dignes d'intérêt les pas- sages des lettres de ce voyageur célèbre qui concernent le Dzo. « On nomme ainsi, y est-il dit, dans plusieurs parties de l'Himalaya, le métis, encore fort peu connu, que l’on obtient du taureau Yack avec la vache Zébu. C’est dans la vallée de Setludje que Jacquemont à commencé à voir des Dzos; et de- puis il a revu ces métis en beaucoup d’autres lieux où on les emploie à la manière des Yacks et souvent avec eux, au trans- port de la laine et d’autres marchandises. Ces métis sont beau- coup plus grands que la race des Zébus dont ils proviennent. Ils rappellent surtout le Yack par leur queue très-fournie, bien moins cependant que chez celui-ci, et à crins plus grossiers. Les cornes du Dzo sont grandes et presque droites; elles se di- rigent en dehors et en avant. Son poil plus long que celui du Zébu est irvariablement de couleur noire dans les lieux ou Jacquemont l’a observé ?. » ! Trav. in Kashmir, W, page 277. = Description des collections de Victor Jacquemont : Mammifères et Oi- 202 — EMPLOIS DES YACKS AUTRES QUE CEUX DE BÊTE DE SOMME OU DE BÊTE DE TRAIT. Suivant Pallas, la viande des vieux Yacks serait dure et de mauvais goût, comme celle des vieux Buffles ; cellé des jeunes est très-mangeable. Mais le missionnaire français Huc, dans les Souvenirs d’un voyage en Turtarie, au Thibet et en Chine, exécuté de 1844 à 1846, assure, au contraire, que la chair du YacK est excellente, comme l’est d’ailleurs, en général, celle des Moutons et des Lièvres qui paissent les pâturages aromatiques des montagnes. Le même missionnaire confirme ce qu'avait dit Turner des bonnes qualités du lait et du beurre de Yack. Le lait, suivant ce dernier voyageur, est en effet abondant et chargé de beurre. On conserve celui-ci, dans les climats froids qu'habite le Yack, durant une année entière, enfermé dans des peaux ou dans des vessies, et ilest l’objet d'un commerce important. Les poils blancs surtout, les crins de la queue sont recher- chés par les Chinois, qui les teignent en un rouge éclatant ou en bleu, pour toutes sortes d’ornements. La queue sert depuis un temps immémorial de chasse- mouche dans les Indes. C’est l’étendard de plusieurs nations de l'Orient. Telles sont les observations les plus exactes et les plus inté- ressantes sous le rapport économique, recueillies par des voya- geurs dignes de foi, sur l’histoire naturelle du Yack, et sur les usages auxquels il sert dans les froides contrées où 1l trouve, pour sa nature, les conditions les plus favorables à son exis- tence. Il nous reste à faire l’histoire particulière des Yacks que la France devra aux soins persévérants de M. de Montigny. Nous terminerons par quelques observations sur le parti que l’on pourra tirer de ces animaux ; observations trop courtes sans doute en ce moment, pour arriver à des conclusions défi- seaux, par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, membre de l'Institut, ete, etc., 1842 à 1843, page 73 — 205 — nitives; mais qui serviront du moins d'indications prélimi- paires pour les propriétaires-agriculteurs qui se chargeront de la conservation de ces animaux et d’en multiplier la race. Commençons par les observations de M. de Montigny, qui s’étendent à plusieurs années et qui résument en même temps «les récits précédents. Nous les trouvons dans une lettre à notre président en date du 6 avril dernier : « Le Yack, originaire du Thibet, mais répandu aussi dans les provinces chinoises du Kansoux, frontière du Thibet, et dans le Koukonnou, partie de la Tartarie mongole, est essen- tellement un animal de montagne. «Son extrême légèreté semblerait déjà l'indiquer. Il franchit facilement des distances considérables et pour ainsi dire d’un bond. « D'un caractère farouche à l'état sauvage, il s’apprivoise faci- lement, reconnaît la main qui le nourrit et s’attache à celui qui le soigne. Lorsqu'il vague librement dans de grands espaces, il revient aux mêmes heures à l’endroit où il reçoit son eau et sa nourriture; ce qui démontre son intelligence pour contracter des habitudes réglées, comme les troupeaux de nos animaux domestiques. | «Sa force est prodigieuse. M. de Montigny à vu le taureau noir qui fait partie des Yacks transportés en France, renverser, dans ses fureurs amoureuses, un Buflle presque du double de sa taille, et atteindre un cheval au galop, qu'il aurait renversé avec son cavalier, ajoute M. de Montigny, si je n’étais heureu- sement survenu. « Les Yacks sont loin de montrer l'instinct pour l’eau des marais qui caractérise les Buffles; mais ils se rafraichissent volontiers dans l'eau pure d’une rivière, lorsqu'ils sont tour- mentés par la chaleur et les insectes qu’elle anime. « Les Thibétains fabriquent avec la laine du Yack un drap à l'épreuve de l'eau. « L’acclimatation du Yack peut être considérée comme un fait accompli. « Les premiers que j'ai recus avaient porté leurs conducteurs L 16 204 — et leurs bagages à ‘travers toute la Chine et me sont arrivés le dos entièrement pelé. «Je possède ceux que j’amène depuis près de quatre années. et je les ai conservés et fait produire dans un climat beaucoup moins convenable à leur nature que le département de la Seine, Mais il serait urgent, pour conserver à leur laine toute . sa richesse et ses utiles qualités, de diriger sans retard vers nos départements montagneux ‘ceux que l'on destine à la pro- pagation de leur espèce, qui est très-féconde, » Voici la liste des douze Yacks dont M. de Montigny à enrichi la France : N® ]. Taureau blanc, à cornes. 2, Vache blanche, d. (sept ans.) 5. Génisse td. id. (dix-huit mois). 4. Veau id. id. (né du n° 2, onze mois). 5. Taureau blanc, sans cornes. 6. Vache blanche, id. 7. Vache "id. id. 8. Veau (métis), id. ‘douze mois). 9. Taureau noir, sans cornes, 10. Vache noire, id. ° AL. Génisse id. id. (seize mois). i2. Génisse td. id. (cinq mois). Nous joignons ici un tableau des dépenses qu'ils ont occa- sonnées pour leur alimentation depuis le 5 avril jusqu’au 5 mai. On sera frappé de la petite quantité de fourrages que consomme chacun de ces douze Yacks, en moyenne". DÉPENSE FAITE POUR LA NOURRITURE DES 12 YackS, DU 3 AVRIL au 5 mar 4854 INCLUSIVEMENT. 470 bottes de foin (850 kilogrammes), S5 Tr. »'c 96 bottes de pailie (480 kilogrammes), 24 » 15 hectolitres 70 litres de son (366 kilog. 595 grammes), 52 32 Total, 161 22 ‘ Ce tableau nous a été remis par M. Florent Prévost, aide-naturaliste, chargé de la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle, membre de la Société. — 9 - Douze Yacks, en vingt-cinq jours, ont done consommé les quantités ci-après : 850 kilogrammes de foin | 180 id. de paille 161 fr. 521: 366 id. 595 grammes de son | Douze Yacks, en un jour, consomment par conséquent vingt-cinq fois moins, c est-à dire les quantités ci-après : 34 kilogrammes de foin 19 id. 200 grammes de paille 6. fr. 46 c. 14 il. 664 id. de son. Puisque douze Yacks, en un jour, consomment 34 kilo- grammes de foin, 49 kilogrammes 200 grammes de paille et 14 kilogrammes 664 grammes de son, un seul Yack consomme nécessairement douze fois moins, c’est-à-dire les quantités ci- après : 2 kilogrammes 833 grammes de foin, 0 fr. 284 1 id. 600 id. de paille, 0 080 1 id. 222 id. de son, (] 175 Total, . 5 kilogrammes 655 grammes, () D!) On voit, par les détails qui précèdent, qu’un Yack consomme par jour, en moyenne, 2 kilogrammes 855 grammes de foin, 1 kilogramme 600 grammes de paille, 1 kilogramme 222 grammes de son. En tout, 5 kilogrammes 655 grammes; ce qui fait une dé- pense par jour de 0 fr. 54 cent. On donne, en ce moment, un peu d'herbe aux Yacks; sans cela Ta consommation serait un peu plus forte. Il est presque superflu d'ajouter que la dépense varie comme le prix des fourrages. DES QUALITÉS PHYSIQUES DU YACK ET DE SES FACULTÉS | COMME BÊTE DE SOMME. Cette appréciation est due, en très-grande partie, à notre confrère, M. le docteur Richard, dont le savoir et l'expérience doivent inspirer, à ce sujet, la confiance la plus entière. — 206 — Le dos et Les reins du Yack sont conformés de manière à don- ner à ce Ruminant une aptitude toute particulière pour le ser- vice de la selle et de la somme. Le garrot de cet animal est très-élevé ; cette saillie s’abaisse insensiblement jusque vers les lombes. Il ressemble à celui des Chevaux de race orientale et à celui de la race anglaise qui en dérive. Cette forme particulière vient de la longueur des apophyses épineuses des sept premières vertèbres dorsales et de la grande proportion, et conséquemment de la grande force des muscles qui s’y attachent. Elle contribue à rendre ces animaux plus propres à la course, soit en élevant le garrot pour le saut, soit en ramenant avec énergie les lombes en avant”. Cette proportion dans la longueur des apophyses épineuses des vertèbres dorsales et des museles qui s’y attachent fournit aussi aux ligaments une plus grande surface d'attache; elle doune à cette région plus de solidité et à l'animal plus de résistance ou de puissance pour supporter les fardeaux dont on le charge. Les reins du Yack sont courts, élargis, bien musclés; bien soudés à la croupe. Ils offrent tous les caractères de force, de solidité et de résistance que l’on recherche dans les bêtes de somme. Ce n’est pas seulement par la conformation de son dos et de ses reins que le Yack offre de l’analogie avec les bêtes de somme ou de selle. Sa croupe, relativement longue, arrondie, horizontale, ressemble à celle du Cheval. La queue s’y attache de la mème manière, et, lorsque l’animal marche ou qu'il court, il la relève comme le fait un cheval arahe. En résumé, le Yack ressemble au Cheval par son garrot, son dos, sa croupe. Ses grandes épaules, le développement en hauteur de sa poitrine, ses membres courts bien musclés, ses cuisses bien emboîitées, ses larges jarrets, son corps trapu, le caractérisent, : Nous avons constaté qu'elle se trouve exactement la même dans le Zébu, qui est également très-propre à la course. QT au premier coup d’œil, comme un animal rustique et vigoureux. Ses sabots élevés verticalement, arrondis, de petites propor- tions, montrent, par leur disposition, qu'ils reçoivent avec fer- meté le poids du corps dans celte direction, et non obliquement; ce qui explique, en partie, la démarche sûre de ces animaux. LAIT DU YACK. M. Doyère, notre confrère, a bien voulu se charger de l’ani- lyse de ce lait. Il a reçu, à cet effet, les deux traites du ma- tin et du soir du 22 avril dernier ; 85 centilitres de la première et 47 centilitres de la seconde. Le premier lait était blanc et avait 1,0571 de denote Le second était jaune, sa densité n’était que de 1,0320. M. Dovère a pu donner avec précision les proportions du beurre et de la caséine de ces deux laits. Sur cent parties il a trouvé 3,10 de beurre dans le lait du matin, .et 3,60 dans celui du soir. Le premier contenait 5,50 de caséine, et le second 5,80. Quant aux autres matières, les résultats ne sont qu'approxima- üfs; ce sont, dans le lait de l’une ct l’autre traites, 2,60 d’al- bumine et 3,40 de lait et de sels. Cette composition, ajoute M. Doyère, se rapproche beaucoup de celle du lait de Vache, et plus encore de celle du lait de Chèvre. Elle est remarquable par la forte proportion de la matière azotée coagulable par la chaleur (l'albumine). La caséine y est également en proportion relative très-élevée. DE LA TOISON DES YACKS. Avant de faire connaître nos observations sur la qualité des poils laineux et soyeuxet des crins qui composent cette toison, je demande la permission de rappeler ce que J'ai dit, concer- nant ce même sujet, dans la partie zoologique du rapport sur le troisième voyage en Abyssinie, par M. Rochet d'Héricourt *. ! Lu à l'Académie des sciences dans sa séance du 7 février 1851. Comptes rendus des séances, tome XX XII. ? Dont nous venons d'apprendre, avec un profond regret, la mort récente 006 de On sait que la fourrure des Mammifères se compose en géné- ral de deux sortes de poils: les uns plus longs, qu'on appelle soyeux, quoiqu'ils soient quelquefois très-grossiers ; les autres plus fins, plus courts, ondulés ou contournés plus ou moins, formant plus ou moins de replis dans une longueur détermi- née; ce sont les poils laineux. L'effet des climats froids et de la saison d'hiver est d’aug- menter le nombre, la finesse et les ondulations des poils lai- neux, et de diminuer les poils soyeux. Le Mouflon de Corse à de la laine de très-belle qualité, mais en très-petite quantité, et enfouie sous les poils grossiers et courts qui constituent essentiellement le pelage roux fauve de ce Mouton sauvage. Nos Moutons domestiques n’ont plus que quelques poils soyeux longs et grossiers, connus sous le nom de jarres, qui altèrent la perfection de leur toison, composée d’une laine d'autant plus précieuse qu’elle est à la fois plus fine, plus on- dulée et plus abondante. Les fabricants distinguent deux espèces de laines pour la confection des étoffes de cette nature : les laines courtes et frisées et les laines longues. Les premières sont propres à êlre cardées et se prêtent aux opérations du feutrage et du foulage; leur longueur moyenne ne dépasse pas 0,12. Les laines longues, qui atteignent jusqu’à 0°,50, sont, au contraire, propres à être peignées et non cardées. Elles ser- vent à la fabrication des étoffes peignées pour meubles, ta- pis. etc. Le degré de finesse du brin, le nombre et le développement des écailles dentelées dont la surface est hérissée, les ondula- tions plus nombreuses dont il est comme frisé, dans une lon- gueur déterminée, caractérisent les laines courtes et les laines frisées les plus parfaites, c’est-à-dire les plus propres à être cardées et à fournir le fil le plus fin et le plus résistant. dans la ville insalubre du Djedda, où il remplissait les fonctions de vice- consul depuis plusieurs années. — 209 — Nous avons Joint à notre Rapport un tableau comparatif de ces différentes circonstances, observées et mesurées dans le Mouflon de Corse, le Mouton d’Abyssinie, et dans sept des races principales de Moutons élevées en France et en Angleterre. dont M. le professeur Lassaigne avait bien voulu, à ma de- mande, me fournir des échantillons pris sur les individus des troupeaux de l'école d’Alfort. Ce tableau comprend encore l'étude des toisons de Lamu brun et de Lama blanc qui vivent dans la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle. Les dessins encore inédits de ce tableau, que je mets sous les yeux de la Société, ont été exécutés par M. Focillon, qui avait pris en même temps les mesures micrométriques au mi- croscope de George Obcrhæuser, à un grossissement de 250 d. Je jeune savant, membre de votre Société, a bien voulu dresser, à ma demande, un tableau micrographique semblable. pour les poils laineux ou soyeux de plusieurs de nos Yack:. vus au microscope de M. Nachez à un grossissement de 270 d Les Yacks n’ont, en ce moment, de poils laineux que sur le: flancs ; les autres parties du corps en sont dépourvues. Cette laine, assez ondulée, écailleuse, a une très-grande finesse et conséquemment toutes les qualités qui caractérisent la laine la plus propre à être cardée et filée fin. Trois brins d’un jeune Yack d’un an, pris sur les flancs, nous ont donné trois mesures de 0"",020, de 0"”,022 et de 0"",05C. Les deux'premières mesures sont au-dessous des plus fins mérinos de notre tableau, qui sont au moins de 0°",025, de -0°",028 et de 0°" ,050. D'autres crins plus longs du même animal, qui prennent le caractère de poils soyeux et sont légèrement ondulés, ont 0°",051 de diamètre. D'autres poils soyeux, de 0",16 de long et qui sont sans on dulations, ont jusqu’à 0"”,113 de diamètre. On voit dans le même tableau les poils laineux d’un Yack adulte de la variété sans cornes. Ces poils varient beaucoup en diamètre, puisqu'il y en a qui ont seulement 0"",020 et d’au- tres 0,050, — 210 — Ceux et ont de 0",07 à 0",08 de long ; tandis que les plus fins n’ont que de 0",04 à 0",05 de la même dimension. Les poils soyeux sont très-longs, surtout ceux qui tombent de la région la plus basse des flanes, de chaque côté du ventre; jusque près de terre, ces poils sont un peu ondulés, assez doux et flexibles. Ils doivent, selon toute apparence, cette souplesse au grand diamètre dé leur canal médullaire, ainsi qu'on le voit dans la fig. à, dont le crin est noir, tandis que celui de la fig. e était blane et n’a pas permis de voir le canal médullaire ou la partie spongieuse de ce poil. Enfin, nous devons encore distinguer les crins de la queue. Ils sont semblables aux poils soyeux des flancs et des autres parties du corps; seulement leur diamètre, qui varie de 0°" ,150 à 0°*,151, est moins fin. Leur longueur atteint 0",90 à 0° ,25. On aperçoit à leur surface des écailles larges, peu Sue, pareilles à celles des poils soyeux. Nul doute, après cet examen, qu’on ne puisse tirer parti des poils laineux du Yack pour les carder et les filer très-fins, et pour en tisser les étoffes les plus moelleuses. Mais la petite quantité qui subsiste, en ce moment, chez ces animaux, ne suffirait guère pour être utilisée, si la saison d'hiver ne les rendait plus abondants. Quant aux poils soyeux, propres seulement à être peignés, comme les longues laines, leur diamètre ne permettrait pas d’en faire des tissus très-fins. Mais leur abondance donnera du prix à la toison du Yack, si l’on parvient, comme on n’en peut douter, à les filer pour les étoffes pour meubles, tapis, ete. La laine entre pour une partie, suivant M. de Montigny, avec celle de la chèvre, dans la composition des fils de cache- mire. Les Thibétains emploient les poils soyeux à la fabrication d’un gros drap avec lequel ils confectionnent leurs tentes, etc. Le veau d’un jour est couvert d’un poil fin et frisé, sembla- ble à la toison précieuse des Agneaux d’Astracan. Au reste, des essais sur les qualités et l'emploi des poils de Yack, de toute nature, s’exécutent en ce moment, à Sédan, par M. Labrosse, habile manufacturier, auquel on a adressé ep — une partie de la tonte que M. de Montigny à fait faire de ses Yacks, avant sont départ de Chine, et qu'il a bien voulu don- ner à la Société pour des essais de cette nature. Une autre partie sera remise à la Société industrielle de Mulhouse, par lorgane de M. Sacce, notre confrère. La commission à laquelle vous avez confié le soin de vous faire connaître l’histoire naturelle proprement dite et l'histoire naturelle économique de ces précieux animaux, pense que M. de Montigny aura rendu un signalé service aux habitants des contrées montagneuses de la France, et ensuite de toute l'Eu- rope, où les Yacks pourront être importés, si l’on réussit à leur conserver la fourrure qu'ils ont au Thibet, et toutes leurs bon- nes qualités comme bètes de somme et de trait, ou pour servir d’aliment par leur lait, leur beurre et leur chair. Cet animal, très-sobre, se nourrissant des herbes les plus courtes, prospérant encore aux limites des neiges éternelles, supportant les plus grands froids, au moyen de son excellente fourrure, n’ayant pas besoin d’abri contre Le froid ou le mauvais temps; se laissant monter, ou charger, ou employer au trait, pourra devenir un excellent auxiliaire de Fhabitant des hautes montagnes, préférable, sous plusieurs rapports, à nos Bœufs ordinaires, quoiqu'il nous paraisse moins soumis et pour ainsi dire moins domestique. Mais il faudra se hâter de confier aux agriculteurs des Alpes ou du haut Jura qui en demanderont, les couples qui pourront leur être distribués. L'expérience, acquise par ce seul moyen, donnera la mesure précise de tous les usages, de toutes les utilités de ces animaux, sur lesquels- ce Rapport ne pouvait exprimer que des pré- somptions plus ou moins probables, d’après les récits des voyageurs et l'observation directe, mais courte et rapide. des individus qui habitent depuis quelques semaines la ménagerie du Jardin des Plantes. — 919 — EXPLICATION DE LA PLANCHE. Les figures 4 à 11 concernent la laine des différentes races de Moutons à laine fine, du Mouflon de Corse et du Lama blanc. Chaque brin est vu à un grossissement de 250 fois. Numéros des figures. Noms des races. Diamètres des brins. 1 South=Bbwn #2 fear et À 0°",056 2 Rambouillet aa a M CU En Ov» 025 5 Newkent-Mérinos. . «+. : : . . . . 0°" ,030 4 DST OVER DEN A T E CH ee RTREEe 0®",028 a] Anglo-Mérinos soyeux.. . . . . . . 0®,046 6 Rambouillet-Mauchamps.. . . . 0®",058 7 Mauchompsit-Mens lan art. 9:43 0,026 8 Mouflon de Corse (laine)... . . . . 0°°,065 9 Mouton d’Abyssinie (poil soyeux). . . 0" ,090 10 Lama blanc (laine). . . . . . . ske 0,052 11 Lama blanc (poil soyeux). + . . . . 0,068 Les figures « jusqu’à à concernent le poil laineux et le poil soyeux des Yacks. a Laine de Yack (jeune de 1 an — robe blanche).. .... 2 0,092. b Idem —— 0,020 e Idem = 0°%,036 d Idem. — Courbures des brins de laine. . . . c Poil soyeux du même.. . . . . . . 0°,113 f Laine de Yack (adulte sans cornes — robe noire).. . . . 0°°,020 q Idem — 0*,050 h Idem. — Courbures des brins de faine: AN IOTRRNE î Poil soyeux du même. . . . . . . . * 0"°,090 On voit, dans la figure à, un canal médullaire considérable, distinct par une couleur plus claire. On a dessiné avec soin les écailles qui distinguent, par leur plus grand nombre et leur petitesse, les laines les plus propres à être cardées. RAPPORT DE LA COMMISSION usé DE PRESS L'EXLOSITION DES ANIMAUX REPRODUCTEURS : SUR LES RACES BOVINES, PORCINES, OVINES. LES ABEILLES ET LES: POISSONS, Lu à la séance générale du 23 juin 1854. Commissaires : MM. Ferdinand Jacquémart, Johnson, le baron de Pontalba, de Quatrefages, le baron de Tecqueville, Yvart, eu: le baron de MONTGAUDRY,; rapporteur. (Séance: du 25 juin 1854.) À la séance du 24 mars, vous avez nommé une Commission que vous avez chargée de vous faire un rapport sur ce qui pou- vait se rencontrer au concours général agricole rentrant dans la voie qui conduit au but que se propose là Société zoologique d’acclimatation. Cette Commission, que vous avez composée de MM. Ferdinand Jacquemart, Johnson, le baron de Montgaudry, le baron de Pontalba, de Quatrefages, le baron de Tocqueville et Yvart, est allée au Champ de Mars, lieu de l'exposition des sujets présentés au concours; après avoir examiné fout ce qui composait l'exposition, elle a pensé que les animaux des diverses races étaient les sujets qui rentraient dans la voie conduisant au but de votre Société. Pour vous offrir un rapport aussi complet qu’il était en elle de pouvoir le présenter, elle a cru devoir en diviser le travail en deux sections. M. Johnson a bien voulu se charger de ce qui concerne les Oiseaux domestiques et les Lapins !; je me suis chargé de vous entretenir des races Bovines, Porcines, Ovines. des Abeilles et des Poissons. Les races Bovines étaient divisées en catégories : Normande, Flamande, Charollaise, Comtoise, Bretonne pure, Garonnaise, Ju sud-ouest de Ïa France; Salers, Aubrac et Limousin, Par- thenaises, qui comprennent la Choletaise et la Nantaise, for- ! Le travail de M. Johnson paraitra dans le prochain numéro: ou E maient trois sections ou catégories : Durham, Suisse, ete.; puis les divers croisements de races qui avaient été opérés suivant les lieux et les prévisions des éleveurs. Le nombre des animaux était grand; de magnifiques sujets s’y faisaient remarquer. Les Taureaux étaient généralement de formes très-belles; ils étaient nombreux. Les types Durham élaient variés. Presque tous les exposants auraient droit d’être cités. Au milieu d’eux nous croyons devoir vous faire remarquer MM. de Torcy, Tachard, de Béhague, de Scitivaux, Salmon, Poutrel et Massé. Au point de vue de la Société zoologique d’acclimatation, il suffit, nous le pensons, de citer un petit nombre de sujets qui forment, pour ainsi dire, les jalons de la marche de la propa- gation des races qui tendent à se répandre, par suite de la di- reclion qui se montre au concours. Les Taureaux désignés sous les numéros qui suivent nous ont semblé extrêmement remarquables. Le n° 51, Comtois de vingt-sept mois, dont la race est déjà faite au sol, promet des produits qui s’assimileront promptement aux localités de France; le n° 104. à M. Allier, de Petithourg, Ayr, âgé d'un an, dont la conformation est complétement belle; le n° 109, à M. Tachard de la Guerche, race Durham, premier prix de Ne- vers; le n° 115, à M. de Scitivaux, Durham, premier prix d'É- pinal, qui semble indiquer de: qualités laitières qui ordinaire- ment ne se rencontrent pas dans cette variété; le n° 117, à M. de Torcy, Durham de distinction fort remarquable; le n° 155, à M. Pargon, Durham suisse, deuxième prix d'Épinal. M. Ponsard avait un Durham, Ayr, deuxième prix de Beauvais, qui passe pour provenir d’une mère qui se distinguait par ses qualités laitières. Les types de Vaches qui nous ont semblé préférables en rai- son de la quantité de lait qu’elles peuvent offrir sont : le n° 180, à M. de Scitivaux, premier prix d'Épinal, qui passe pour rendre vingt-cinq litres de lait par jour; le n°54, à M. Grappe, deuxième prix d'Épinal, de race Comtoise, qui parait également donner beaucoup de lait; le n° 185, à M. Prangon, deuxième prix d’E- Eee pinal, de race Bouquenome, qui donne seize litres de lait; le n° 88, à M. de Boigne, petite Bretonne, qui rend douze à qua- torze litres de lait: le n° 37, à M. de Bouillet, de race Charol- laise, cinquième prix de Nevers. | Nous ne pensons pas qu'il soit possible de lire les noms des lauréats en une séance de la Société. Ils sont naturellement très-nombreux pour onze catégories. Nous proposons de pu- blier ces noms dans le Bulletin de la Société. Ils sont tous très- dignes d’être connus. Au point de vue de la Société zoologique d’acclimatation, qui est entièrement'utilitaire, il nous semble devoir donner la pré- férence aux races françaises, qui offrent plus d'avantages. En France, comme dans presque toutes les contrées d’Eu- rope, il est indispensable que la race Bovine offre réunis tous les produits qu’on peut en attendre pour qu’elle puisse y être élevée avec profit. Le Bœuf doit pouvoir travailler et donner de la viande; la Vache doit fournir du lait et donner des Veaux. Si les Bœufs n'étaient pas susceptibles de travailler, et, par suite, de payer en travail une partie du coût de leur élevage, le cul- tivateur, qui est le plus sérieux de tous les éleveurs, ne retrou- verait pas même sa dépense dans le prix de la viande et de Ja graisse, [l ne pourrait donc pas élever, car, pour lui, il est né- cessaire, non-seulement de retrouver ses avances, mais encore de se créer des produits. Il manquerait les deux buts. Les races étrangères introduites de l'Angleterre sont ou lai- tières ou susceptibles d’être engraissées à un âge plus précoce que les races françaises, non point en raison seulement de leurs dispositions naturelles, mais aussi en raison de leurs tailles, qui offrent plus de viande: Ces races ne réunissent pas les deux conditions travail et viande. Ce qui semble préférable pour la France et pour le plus grand nombre des contrées de l'Europe est la prudente amélioration des races déjà acclima- tées, les unes par les autres, au moyen des plus beaux sujets. En procédant ainsi on agirait avec des animaux déjà faits au sol, au climat, et Eabitués à vivre des ressources des localités: les pas faits dans le sens de l'amélioration resteraient, sans craindre de perdre le chemin parcouru ; tandis que, avec des ET races étrangères, si différentes de celles du pays, les éleveurs sont dans la nécessité de créer des milieux, de nourrir autre- ment qu'il n’est possible de le faire généralement, et partout où on s’en repose sur les ressources ordinaires des localités, les animaux s'assimilent toujours au milieu dans lequel ils croissent, et se font ce que le pays peut supporter. Il vaudrait done mieux améliorer ce qu’on possède d’acclimaté que de s’exposer à passer à nouveau par les modifications que subis- sent toujours les animaux transportés d’un pays en un autre. Nous possédons une assez grande variété dans la race Bovine pour en former les types qui peuvent prospérer et se mainte- nir sur notre sol. Dans les localités où l’espèce peut être plus grande, elle ne manquerait pas de gagner en taille. La nature a marqué le temps de la croissance; si l’homme donne à ses animaux assez de nourriture pour utiliser tout ce temps, les espèces s'élèvent toujours en taille et se développent. Race Porcine. — La race Porcine est celle dont la viande est le plus utilisée en France, comme dans l’universalité des con- _trées d'Europe : elle appelle tous les soins des reproducteurs pour parvenir à former une variété qui convienne partout par les qualités de sa chair, par la fermeté de sa graisse, et qui arrive à former le plus d'éléments nutritifs aux hommes avec le moins de dépenses possible. ; La presque totalité des habitants des campagnes m’utilisent que la viande de Pore. Des localités ne veulent pas de Mouton, d’autres n'aiment pas le Bœuf; mais il n’est pas un village, pas un hameau, pas une chaumière, où la viande de Porc ne soit la base nécessaire de l'alimentation de tous les jours de l’année. Aussi le nombre des Porcs élevés en France, comme partout, est-il considérable. La statistique parle de cinq millions de têtes de Porcs pour les diverses localités de France; mais le nom- bre est : ssurément plus élevé. Il y a en France onze millions de pères de familles ou de ménages, et il en est bien peu qui ne consomment au moins un Porc par an, ou qui, étant au ser- vice d’autres pères de familles ou de ménages, ne soient la cause de la consommation d’un Porc par an. Il est vrai qu'il arrive en France des Porcs étrangers et de la viande de P rede LA. 2. plusieurs points du globe; mais la presque totalité des Pores consommés hors des grandes villes sont élevés par les ménages et dans les maisons où ils doivent être utilisés. Ce serait vrai- semblablement se tenir plus près de la réalité en pensant que le nombre des Porcs élevés en France peut être de huit millions. Il y a un grand nombre de familles qui, par année, consomment trois, quatre et cinq Porcs. C’est avec la viande de Porc que se prépare le potage de chaque jour; c’est avec la graisse que se préparent presque tous les légumes. L’homme de la cam- pagne, surtout de nos temps, préfère vendre son lait et son beurre, et se satisfait, pour sa maison, de la graisse de Porc. Le concours général offrait à la vue de magnifiques Porcs. Ceux de M. Allier étaient surtout remarquables; ceux de MM. Rendall, Chomel. de Saint-Josse (Pas-de-Calais); Bella, de Grignon ; Ponsard à Omey (Marne); Giot, à Chevry-Cassigny (Seine-et-Marne); Lefebvre, de la Faisanderie (Seine-et-Oise); Au- bert, de Neuvillers (Meurthe); de Robien, dela Marie (Mayenne): "AT à Chauny; Lesenne, de Bermicourt (Pas-de- Ci sont également dignes d’être remarqués. Les races. anglaises sont plus jolies, d’une conformation mieux mesurée, mieux proportionnée que la plupart des races françaises; mais elles ont les désavantages de produire une chair qui ne fait pas le'même profit que celle des bonnes races françaises, unc graisse trop abondante en oléine. Les charcu- tiers préfèrent la viande de Pores français, et les habitants des campagnes remarquent que la chair des Porcs anglais se dimi- nue de beaucoup à la cuisson; que la graisse ne produit pas les mêmes effets dans l’usage que celle des races françaises. Assurément il ÿ a beaucoup de vices de conformation chez un grand nombre de races françaises, dont les parties inutili- sables du corps usent pour leur formation des aliments qui se- raient bien plus avantageusement employés à la création de chair et de graisse ; puis le besoin de mouvement de la plupart des races françaises les rend moins propres à l’engrais que les races anglaises. Mais ce dernier inconvénient vient principale- ment des effets du milieu où naissent les animaux et de celui où ils prennent leur accroissement. I sera difficile d’y remédier — 218 — sous le climat de France, si ce n’est au moyen de croisements rapprochés: néanmoins, M. le comte d’Esclaibes d’'Hust avait formé, à Chalancey (Haute-Marne), une variété de Porcs qui laissait peu à désirer et offrait presque tous les avantages : jus- tice lui était rendue par la commune renommée qui l'avait sur- nommé le créateur du Cochon. Cette variété s’est multipliée; ses bons effets se remarquent par les produits. Cependant, depuis la mort du créateur, les sujets ne sont plus entièrement les mêmes, soit par suite de croisements mal conçus, soit par suite du manque de bonne direction. Il serait possible, néanmoins, d'améliorer complétement les races françaises. et de parvenir à former la variété qui peut se maintenir et se propager en France. En croisant les races à jambes courtes avec celles à jambes hautes; puis, sur ce croi- sement, faire arriver les races qui fournissent beaucoup de viande, on parviendrait très-probabhlement à se former une va- riélé dont la chair et la graisse auraient des convenances pour tout le monde et qui s’éloignerait de presque tous les désavan- tages: qui. fondée sur bases françaises, pourrait vraisembla- blement offrir plus de chances de se maintenir au point de la formation où elle aurait été amenée. Les races anglaises fournissent une graisse abondante en oléime, et procurent aux falsificateurs des huiles, des beurres et autres produits, les moyens qu’ils recherchent. Il est vrai que le commerce recoit des milliers de barils d’oléine de Porc que luiexpédient plusieurs contrées d'Amérique; mais, en évi- tant de produire cette matière sur notre continent, on aurait l'avantage d'offrir à notre consommation la viande qu’elle pré- fère, et on ne fournirait pas des moyens de falsification préju- diciables pour tout le monde. Race Ovine. — La race Ovine avait au concours des sujets très-susceplibles, en général, de donner une haute idée des types qu'ils représentaient. Il s’y trouvait une grande variété des diverses races primitives et des résultats obtenus par les croi- sements. L'Ardennais, l’Artenais, le Berrichon, le Bourgui- gnou de Daubanton, le Champenois, le Solognat, étaient en Z M9 = ligne avec le Dishley, le Mouton du Cap, le New-Kent, le South- Down. Les mélanges de croisements attestaient ce qui devrait ne Jamais être perdu de vue dans les encouragements donnés aux producteurs de tous les animaux en général. On voyait claire- ment que la plupart des exposants avaient conçu les croisements de manière à produire ce qui convient le mieux à la vente, but général de toute production. Les prévisions, le travail, se mon- traient dans le sens de la création d’une variété dont la laine püt convenir aux fabriques, la viande être plus facilement acceptée par la consommation. Les traces des si savantes et si utiles pratiques de Dauben- ton montrent leurs bons effets sur les types de la Côte-d’Or; MM. Montenot, Rousselet et Guénébault savent complétement suivre les traces du grand maître et se montrer dignes, par leur bonne interprétation, leurs pratiques modifications des traditions, de figurer près de celui qui a ouvert la marche à Montbard. MM. Allier, Cécire, de Laboire, Poutrel, avaient aussi exposé de bien remarquables sujets. M. Allier avait un Dishley- mauchamp-mérinos, un Sauth-Down et un Dishley. Le premier est d’un volume qui annonce un poids tout à fait extraordi- naire ; les deux autres ont déjà été primés en province. Le Bélier de M. Montenot et celui de M. Cécire semblent s’indiquer d'eux-mêmes pour une reproduction qui pourrait vraiscmblablement parvenir à former une variété réunissant toutes les bonnes conditions de production de laine, de forma- tion de viande, de facilité d’engraissement. La finesse de leur ossature, leurs jambes courtes, l’absence de cornes, indiquent que ces animaux transforment en produits, tous utilisables, les aliments qu’ils reçoivent. Resterait à bien observer si ces Bé- liers sont à l'abri des défauts inhérents aux Mérinos, et à étu- dier, dans le cas où ils y seraient exposés, si l’acclimatation dans certaines contrées, sur des sols convenables, n’amoindri- rait pas ces défauts ou ne les rendrait pas, pour ainsi dire, sans effets. La sévère observation de ces points, bien essentiels à l'égard de ces Béliers, serait d’une haute utilité: car, s'ils I. 17 À fhha : : étaient exemptés des défauts des Mérinos, il y aurait intérêt pour tous les éleveurs de se porter sur cette variété. Le sol sur lequel est placé M. Montenot, les pâturages qu'y rencontrent ses Moutons, l'air qu'ils y respirent, la température au milieu de laquelle ils vivent, offrent à cet éleveur très-dis- tingué, très-prévoyant ct excellent observateur, tous les moyens de parvenir à décider les questions, Après deux ou trois géné- rations, personne mieux que lui ne pourrait rendre un compte plus exact et plus sûr de ce qui peut être attendu de la va- riété. Les observations auxquelles se livrerait M. Cécire offriraient également, au même degré, exactitude et sécurité. | Abeilles. M. de Beauvoys avait exposé sa ruche pour les abeilles, qui déjà possède une réputation justement méritée. Cette ruche offre les avantages de faciliter la visite de l’état dans lequel se tronvent les Abeilles, de permettre de leur venir en aide pour redresser les rayons de, miel dérangés par acci- dent. Avec la ruche de M. de Beauvoys, rien n’est plus facile que de former des essaims factices, soit en s’emparant de la reine et la transportant avec un certain nombre d’Abeilles dans une autre ruche, soit en détournant une portion de couvain pour le placer dans une ruche à part avec un groupe d’Abeilles assez nombreux pour amener le couvain à éclosion. Les Abeilles sont douées du, merveilleux instinct de :com- prendre que de la dimension de l'alvéole, où se trouve l’œuf de la reine, dépend la naissance d’une reine, d’un mâle ou d'un mulet. En donnant les proportions voulues à une alvéole, elles se donnent une reine. C’est ce pouvoir, dont la nature a doué les Abeilles dans le but de conservation de l’espèce, que M. de Beauvoys a su diriger dans le sens de ses utiles travaux, de ses recherches, si bien préconçues en apiculture. Poissons. La pisciculture n’était représentée au concours gé- néral que par M. Coste. Les appareils présents au Champ de Mars étaient à peu près les mêmes que ceux qu'il a présentés et expliqués à la séance du 24 février dernier de notre Société. Il n’est donc pas, je le crois, nécessaire de les décrire, puisque la Société zoologique d’acclimatation en a eu par lui-même la — 221 — connaissance la plus complète. M. Coste a également expliqué, à la même séance, son mode de procéder; tenter de le pré- senter de nouveau serait s’exposer à le rendre moins précisi- ment que lui. M. Coste a obtenu une médaille d’or. LISTE DES RÉCOMPENSES DÉCERNÉES ANIMAUX REPRODUCTEURS. PREMIÈRE CLASSE. — Race bovine. Première catégorie. — RACE NORMANDE. Mâles. — 1° prix, M. Lesenne, à Froberville (Seine-Inférieure ); 2° prix (rappel), M. Morin, à Caen (Calvados) ; 3° prix, M. Artus, maire de ‘ (Seine-et-Oise); # prix, M. Rabourdin à Sivry-Courtry (Seine-et-Marne). Femelles. — 1® prix, M. Bastard (Jules), à Carpiquet (Calvados); 2° prix, M. Gosse, à Villers-Vermont (Oise); 5° prix, M. Letellier (Jules), à Carpi - quet (Calvados); 4 prix (non décerné). Deuxième catégorie. —RACE FLAMANDE. Mâles., — 1° prix, M. Harvy, à Oisy-le Verger (Pas-de-Calais }; 2° prix, M Dutfoy, à Épr unes (Seine-et-Marne }; 3° prix, M. Gervais, à Maryeape: Marne (Seine-et- Marne). Femelles. — 1° prix, M. Devillers (Germain), à Breteuil (Oise); 2° prix, M. Labbesse, à Breteuil (Oise); 3° et 4° prix (non décernés). Troisième catégorie. — RACE CHAPOLAISE. Mâles. — 1% prix, M. Massé ( Louis }, à la Guerche (Cher); 2° prix, M. le comte de Bouillé, à Villars (Nièvre); 3° prix, M. Marquet (Charles), à Prix (Nièvre); 4 prix, M. Bellard jeune, à Saint-Aubin (Nièvre). Femelles. — 1° prix, M. Massé (Louis), déjà nommé; 2 prix, M Dindeau, à la Cour des Barres (Cher); 3° prix, M. Desjardins, à Isenay (Nièvre); 4° prix; M. le comte de Bouillé, déjä nommé. Quatrième. catégorie. — RACE GARONNAISE. Môles. — 4% prix, M. Truol de Beaulieu, à Limoges (Haute-Vienne), 2 prix, M. Davézac aîné, à Sauvimont (Gers). Mention honorable, M. Leblanc, à Artigues (Gironde). Fémelles: — 1" prix (non décerné); 2 prix, M. Mailhard de la Couture, à Limoges (Haute-Vienne). — 999 — Cinquième catégorie. — RACE COMTOISE. Mâles. — 1° prix, M. Charpentier-Courtin, à Béteny (Marne); 2° prix non décerné). Femelles. — 4° prix, M. Grappe, à Charmoille (Haute-Saône) ; 2° prix, M, Charpentier-Courtin, déjà nommé. Sixième calégorie. — RACE AUVERGNATE, etc. Mûles. — 1° prix, M. Bergeron, à Saint-Bonnet care 2° prix, ma- dame veuve Guérin-Lésé, à Couzeix (Haute-Vienne); 5° prix, M. Tarneaud aîné, à Limoges (Ilaute-Vienne). Mention honorable, M. Simon, à Saint-Martin-Valmeroux (Cantal). Femelles. — 1° prix (non décerné): 2 prix, M. Garcelon, à Saint-Bonnet (Cantal); 3° prix, madame veuve Guérin-Lésé, déjà nommée. Septième Calégorte. == RACE PARTHENAISE . Mâles. — 1* prix, M. Fillon, au Plessis ue 2° prix, M. Mabi- lais, à Saint-Étienne-du-Montluc (Loire-Inférieure); 3° prix, M. d’ Auzay, au Plessis (Deux-Sevres). Alention honorable, M. Boiscourbeau, à Couëron (Loire-Inférieure.) Femelles. — Pas de prix. Huitième catégorie. — RACE BRETONNE. Mûles. —1® prix, M. Allier, directeur de la colonie de Petit-Bourg (Seine- et-Oise); 2° prix, M. Goëlo, à Ploëmeur (Morbihan); 3° prix (non décerné); 4 prix, M. Boigues (E.), à Brain (Nièvre). Mention honorable, M. Allier, déjà nommé. Femelles. — 4° prix, M. Thomas, de Colmar, à Maison-Laffitte (Seine-et- Oise); 2° prix, M. Boigues (E.), déjà nommé; 5° prix, M. Allier, déjà nommé; 4° prix (non décerné); 5° prix (non décerné). Neuvième catégorie. — RACES FRANCAISES DIVERSES. Mâles. — 4* prix, M. Robin, à Rouez (Sarthe); 2 prix, M. Bidot, à Pau (Basses-Pyrénées); 3° prix (non décerné). ‘ Mention honorable, M. Robin, déjà nommé. Femelles. — 4° prix, MM: Touriel fréres, à Tantonville (Meurthe); 2° prix, M. Thiérot, à Reims (Marne). Dixième catégorie. — RACES ÉTRANGÈRES PURES. Mâles. — A® prix, M. Michel (Henri), au Vigen (Haute-Vienne); 2° prix, M. le comte de Vigneral, à Warvillers (Somme); 3° prix, M. le marquis de Tor à Durcet (Orne): 4° prix, M. Collet -Chouanniére, à Laval (Mayenne); b° prix, M, le comte de la Poëze, à Broc (Maine-et-Loire); 6° prix, M. AE, déjà nommé. — 923 — Mention très-honorable, M. Fontaine, à Roize (Seine-et-Marne); mention honorable, M. Poutrel, à Bavent (Calvados). Femelles. — 1* prix, M. Salvat (A.), à Nozieux (Loir-et-Cher); 2° prix, M. le comte de Falloux, au Bourg-d'Iré ( Maine-et-Loire); 3° prix, M. Fon- taine, déjà nommé; 4° prix, M. Tachard, à la Guerche (Cher ) ; 5° prix, M. Allier, déjà nommé; 6e prix, M. Bella, directeur de la Société agrono- mique de Grignon (Seine-et-Oise). Mention honorable, M. Salmon, à Saint-Fuscien (Somme). Onxième catégorie. — SOus-RACES PROVENANT DE CROISEMENTS QUELCONQUES. Mûles. — 14" prix, M. Chalumeau, à Saint-Laurent-des-Mortiers (Mayenne); 2° prix, M. Morin, déjà nommé; 3° prix, M. Ponsard, à Omey (Marne); 4 prix, M. Pargon, à Salival (Meurthe). ‘ Femelles. — 1° prix, M. de Laboire, à Castillon (Calvados); 2° prix, M. Du- bosc, à Epreville (Seine-Inférieure) ; 5° prix, madame veuve Grégoire, à Almenèches (Orne); 4 prix, M. Morin, déjà nommé. Mentions honorables, M. de Béhague, à Dampierre (Loiret), et M. Trézel, à Clichy-la-Garenne (Seine). Ë DEUXIÈME CLASSE. — Espèce ovine. Première catégorie. — RAGES MÉRINOS ET MÉTIS-MÉRINOS. Béliers. — 1° prix, M. Conseil, à Oulchy-le-Château (Aisne); 2° prix, M. Richer (François), à Gouvix (Calvados); 3° prix, M. Godin ainé, à Chàâ- tillon-sur-Seine ( Côte-d'Or}; 4 prix, M. le marquis d'Argent, à Bouville (Eure et-Loire); 5° prix, M. Maitre (Achille), à Châtillon-sur-Seine (Côte- d'Or); 6° prix, M. Guénébault, à Baigneux-les-Juifs (Côte-d'Or); 7° prix, M. Rousselet, à Coulmier-le-Sec (Côte-d'Or); 8° prix, M. Laluyé, à Clermont- les-Fermes (Aisne). Lots de cinq brebis. — 1° prix, M. Dutfoy, déjà nommé; 2° prix, M. Chau- dron, à Ampilly-les-Bordes (Côte-d'Or); 5° prix, M. Chopin, à Somme- Bionne (Marne); 4° prix, M. Cécire, à l'Aigle (Orne); 5° prix, M. Moniot fils, à Laperrière (Côte-d'Or); 6° prix, M. Beaudoin (Jules), à Châtillon-sur-Seine, (Côte-d'Or). Deuxième calégorie. — RACES A LAINE LONGUE. Béliers. — 1* prix, M. Allier, déjà nommé; 2 prix, M. Morin, déja nommé; 3° prix, M. Poutrel, déjà nommé, Lots de cinq brebis. — 1° prix, M. Poutrel, déjà nommé; 2° et 3° prix (non décernés). Troisième catégorie. — RACES À LAINE COURTE. Béliers. — 1° prix, M. Allier, déjà nommé; 2° prix, M. le comte Robert de Pourtalés, à Baudeville (Seine-et-Oise). …— 00f ‘Lots de cinq brebis. — 1* prix, M. de Béhague, déjà nommé; 2° prix (non décerné). Quatrième catégorie. — RACES DIVERSES. Béliers. — 1° prix, M. Allier, déjà nommé; 2° prix. M. Pluchet, à Trappes (Seine-et-Oise) ; 3° prix, M. Malingié, directeur dé la ferme-école! de Ja Charmoise (Loir-et-Cher) ; 4° prix, M. Fournier, à Rutel (Seine-et-Marne); 5° prix, M. le comte Robert de Pourtalés, déjà nommé. Lots de cinq brebis. — 1° prix, M. Malingié, déjà nommé; 2° prix, M. de Laboire, déjà nommé; 5° prix, M. Fournier, déjà nommé; 4° prix, M. Aer, déjà nommé; à° prix, M. de Béhague, déjà nommé. TROISIÈME CLASSE. — Race porcine. Première catégorie. — RACES INDIGÈNES. Verrats. — 1% prix, M. le comte de Robien, au château de la Marie (Mayenne); 2 et 5° prix (non décernés ); 4° prix, M. Aubert, à Neuviller (Meurthe); ° prix, M. Colleau, à Chaumes (Seine-et-Marne). Truies.—1® prix, M. Allier, déjà nommé; 2°, 3° et 4° prix (non décernés). Deuxième catégorie. — RACES ÉTRANGÈRES, Verrats. — 1" prix, M. Allier, déjà nommé; 2° prix, M. Grand, à Germi- guy-l'Exempt (Cher); 3° prix, M. Bella, déjà nommé; 4 prix, M. Lefebvre, à la Faisandérie (Seine-et-Oise); 5° prix, M. Lesenne (J.), à Bermicourt (Pas- de-Calais). s Mention trés-honorable aux animaux de M. Allier (non primés). Truies. — 1% prix, M. Allier, déjà nommé; 2° prix, M. Ponsard, déjà nommé; 5° prix, M. Bella, déjà nommé: 4° prix, M. Giot, à Chevry-Cossigny (Seine-et-Marne); 5° prix, M. ue fils (Léon), à Cravans (Charente-Infé- rieure). Mention trés-honorable aux animaux de M. Allier (non primés). Animaux de basse-cour. — 300'fr., M: Morin, déjà nommé; 200 fr.., M. Gérard, avenue de Ségur, n° 39, à Plbisz 50 fr., M. Barré fils (LEGN), déjà nommé ; 50 fr., M. Allier, déjà nomme; 50 fr., M. le comte de F'alloux, déjà nommé; 25 fr., M. Pennent, à Toulouse (Haute - Garonne); 25 fr., M. Loroue (Abel), rue Monthabor, n° 26, à Paris; 25 fr., M. Chautraut Samuel}, à Paris; 25 fr., M. Julliot, à Grenelle. à Po — ill. EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX DES SEANCES DE LA SOCIÈTE. SÉANCE Du 26 Mar. Présidence de M. Georrnoy SainT-HiLaiRE. — M. le président proclame les noms des membres admis depuis la dernière séance : | MM. Bourgox-Busser (Le comte de). Dopux ne Kéromax (Le comte). Grimazor (Le marquis de). Micaox (Le docteur), médecin des hôpitaux. — M. le président met sous les yeux de la Société des cocons de Vers à soie sauvages de Chine, qui lui ont été remis par M. de Montigny, consul de France à Chang-Haï , et membre honoraire de la Société. Ces cocons, dont le poids total est de trois kilogrammes et demi, sont donnés par M. de Montigny à la Société pour les essais qu'elle jugera utile de faire. Tous ces cocons sont de la Mantchourie, où l’insecte qui les produit est très-cultivé, ainsi que dans le nord de la province du Ho-nan *. M. le président présente aussi, de la part du même membre, des échantillons de la laine qui se développe en hiver sous le long poil des Yacks. D’autres échantillons de cette même laine et une grande quantité de poils soyeux de ces animaux ont aussi été donnés par M. de Montigny et viennent d’être envoyés en partie à Mulhouse, et en partie à Sedan, où ils seront mis en œuvre et convertis en étoffe par les soins de MM. De Labrosse, manufacturiers à Sedan. Des remerciments sont adressés à M. de Montigny pour ce ! Les cocons vivants envoyés de Chine par M. de Montigny, il y a plusieurs années, étaient aussi de la Mantchourie, C’est par erreur qu'on les a attri- bués à la province du Su-Tchuen. — 996 — double don, ainsi que pour la promesse qu'il a bien voulu faire au Conseil de la Société de lui procurer des cocons vivants en nombre suffisant pour que l’on puisse tenter, avec des chances de suecès, l’accmatalion du précieux insecte de la Mant- chourie. La direction des essais à faire sur les cocons de soie est renvoyée à une commission composée de MM. Blanchard, Guérin-Méneville, Frédérie Jacquemart, Richard (du Cantal) et Tastet. — Îlest donné lecture d’une lettre adressée par M. Barthé- lemy Lapommeraye au sujet des quatre races de chèvres étran- géères, comparées entre elles quant à leur chair, à leur lait et à leurs poils. Cette lettre, résumée dans un tableau synopti- que, sera imprimée dans le Bulletin. — M. Tastet lit le rapport de la commission instituée pour s'occuper de l'introduction en France des Vers à soie sauvages de la Chine, et des œufs des meilleures races blanches et Jaunes de Vers à soie ordinaires, élevés dans ce pays. M. le rapporteur dépose en outre sur le bureau les pièces qui ont servi de document pour le travail qu'il vient de lire, et un autre travail de la commission renfermant des questions et des instructions adressées à MM. Bertrand, Furet et Perny, mis- sionnaires au Su-Tchuen et au Kiou-Tcheou, au sujet de ces mêmes insectes et de leur expédition en Europe avec les graines et avec des échantillons des plantes dont ils se nourrissent. Des remerciments sont adressés à M. Tastet au nom de la Société, et il est décidé que toutes ces pièces paraîtront dans le troisième numéro du Bulletin. = —M.d’Eprémesnil annonce, de la part de M. Saulnier, qu'un Colin de la Californie vient de pondre trente-cinq œufs chez lui. — M. le président donne lecture de deux fragments d’un ou- vrage.inédit sur l’acclimatation. L'un d’eux a pour objet les animaux que les Romains élevaient et acclimataient avec plus ou moins de succès pour divers buts d'utilité ou d'agrément : l’autre, ceux qui ont été anciennement domestiqués en Orient, el particulièrement en Asie. = A — SÉANCE DU 9 guin 1854 Présidence de M. Georrroy SaiNT-HiLaime. — M. le président proclame les noms des membres admis depuis la dernière séance : MM. Bérancer (Le marquis de). < BérexGEr (O.-Camille), à Monts, près Loudun (Vienne). Bossix, horticulteur. Borrée pe TouLmowr, propriétaire. Damoiseau, propriétaire. DeHaye, propriétaire. Demanore (Charles), propriétaire à La Chandeau, par Saint-Lonp-sur-Angronne (Haute-Saône). Durour DE NeuvilzE, propriétaire. Féray (Le général). GazLann, agriculteur à Ruffec. Gama Macaano (Le-commandeur da), conseiller de léga-- tion de Sa Majesté très-fidèle. Gros (James), adjoint au maire de Claye, près Paris. JACQUESSON, propriétaire. Lenox (Léopold). Loucgois, étudiant en médecine. Maissiar (Jacques), agrégé de la Faculté de médecine. Massarrau (Le docteur), député de la Haute-Garonne. Menxer Possoz (Alexandre-Maximilien). Monreuyon (Le comte Edmond de). Ounrre (Le docteur sir Joseph), médecin de M. l’am- bassadeur d'Angleterre. PorEz, administrateur du Muséum d’histoire naturelle de Douai. Ray, propriétaire. Sens (Le comte Alexandre de), à Toulouse. Tag (Le baron du). Trousseau, professeur à la Faculté de médecine. Trousseau, agriculteur, au Plessis-Saint-Antoine (Indre- et-Loire). Zvven (Frédéric), propriétaire à Mulhouse. — M. le secrétaire donne pe de deux lettres de M. le général Daumas, au nom de M. le ministre de la guerre, adres- sées à M. le président. Par la première, en ps du 2 juin, M. le général Daumas annonce l'envoi de vingt-six exemplaires d’un Rapport présenté à l'Empereur sur la Rx de l'Algérie en 1853, destinés aux membres du bureau et du Conseil d'administration, et aux ar- chives de la Société, en offrant un plus grand nombre d’exem- plaires pour les membres de la Société qui en désireraient. Par la seconde, en date du 6 juin, M. le président est in- formé que le ministre de la guerre fait don à la Société d’une collection complète du Tableau de la situation des établissements français en Algérie (années 1830 à 1832). — M. le secrétaire pour l’intérieur est chargé d'adresser à M. le ministre de la guerre et à M. le général Daumas les re- merciments de la Société. — M. le secrétaire de la Société ‘philomathique écrit que cette Société a décidé l’échange de son Bulletin avec celui de la Société zoologique d’Acclimatation. — M. le secrétaire de la Société météorologique de France, en adressant un exemplaire de ses règlements constitutif et administratif et les livraisons de l'Annuaire météorologique publié par ses soins, demande l'échange de ce recueil annuel avec les publications de la Société zoologique. Cet échange déjà proposé est accepté. — M. le docteur de Beauvoys fait hommage à la Société de son ouvrage intitulé : Guide de l'apiculteur. — M. le président de la Société industrielle de Mulhouse, par une lettre datée du 7 juin, adresse à la Société ses remer- ciments pour l'envoi des échantillons de laine d’'Yack, qu'il pense devoir trouver un emploi utile dans diverses industries. Tout en regrettant de n’avoir pas les machines appropriées à la filature de ces laines, la Société industrielle de Mulhouse pro- met de faire travailler les échantillons reçus etde rendre compte des résultats qu’elle aura obtenus. — Il est donné lecture d’une lettre de M. de Charnisay, qui fait connaître son intention de s'occuper de l’acclimatation du — 9929 — ‘Lama et de l’Alpaca, et exprime Île désir de posséder quelques individus de ces races.” M. le président rappelle à cette occasion que plusieurs mem- bres de la Société se sont entendus pour faire venir d'Amérique, par l'entremise de M. Frédéric Jacquemart et de M. Crosnier, ingénieur français, résidant au Pérou, un troupeau d’Alpacas et de Lames. Depuis, plusieurs autres membres se sont adres- sés à M. Jacquemart pour le même objet, et un second trou- peau doit être demandé en Amérique. — M. Millet, par une lettre en date du 9 juin, demande à être entendu, en séance du conseil, pour présenter ‘ses obsér- vations au sujet de la note insérée au numéro deux du Bulletin par M. Coste, et obtenir l'insertion de sa réponte dans le nu- mére trois du Bulletin. 1 est décidé que le Conseil entendra M. Millet dans sa prochaine séance. — Sur la proposition du bureau, transmise par M. le baron de Montgaudry, chargé des fonctions de secrétaire général, et conformément à l’article 3 du règlement constitutif, la So- ciété nomme, à l'unanimité, membres honoraires :! M. de Bécnrozpr, conseiller intime de Son Altesse Royale le grand-duc de Hesse-Darmstadt, président du conseil supé- ricur d'agriculture des Hesses-Réunies, à Darmstadt. Et M. le baron de Zeixer, conseiller d’État, secrétaire per- pétuel de la Société d'agriculture d'Allemagne, à Darmstadt. — M. Richard (du Cantal), au nom de'la commission nom- mée dans la séance du 24 mars, fait un rapport Sür l'Hé- mione, sur la domestication de cet animal, et sur les avantages qu’elle peut offrir. Conformément aux conclusions dé ce rap- port, la Société vote des remerciments à l'administration du Muséum d'histoire naturelle, et particulièrement à MM. Gcoffroy Saint-Hilaire et Florent Prévost, pour les résultats obtenus à la Ménagerie. Sur la proposition de, M. le président, il est voté aussi des remerciments à M. de Pontalba pour les soins qu’il veut bien donner à deux Hémiones confiés par l'administration du Muséum, et pour le dressement de ces animaux ; l’un sur- tout est complétement dompté et peut être monté. DS — M. le président met sous les yeux de l'assemblée des "an > échantillons de poils de Chèvre d’Angora qu'il a reçus pour: la Société de M. Barthélemy Lapommeraye, directeur du Mu- séum d'histoire naturelle de Marseille. ” — M. le président annonce que M. Edgar Ney, premier ve- neur de Sa Majesté l'Empereur, fait don à la Société de deux grandes Biches du Malabar (Cervus Aristotelis), nées dans le pare de Saint-Cloud, de sujets provenant du Muséum. — M. le baron de Montgaudry rend compte de la visite que plusieurs membres de la commission nommée à ce sujet ont faite à l'exposition des animaux reproducteurs du Champ- de-Mars. Il annonce d’ailleurs qu’un rapport étendu sera fait à la Société par cette commission. — M. Pucheran rend compte des observations qu'il a faites dans son dernier voyage en Jtalie. En visitant, à San-Donato, la ménagerie d'observation et d’acclimatation créée par M. le prince Demidoff, M. Pucheran a surtout été frappé de plu- sieurs faits intéressants de reproduction chez divers mammi- fères et oiseaux. Parmi les mammifères, le Cerf hippelaphe a produit deux fois, en 1855 et en 1854. La Gazelle Dorcas, le Nilgaut et le Zèbu d'Afrique ont aussi produit deux fois. Le Mouflon à manchettes a produit deux jeunes en 1853, et deux en 1854. Parmi les Oiseaux se trouvent deux Kakatoes nasiques, deux Perruches de la Nouvelle-Hollande, une Colombe Iluma- chelle, etc. Le Hocco a pondu quatre œufs cette année, mais l’éclosion n'avait pas encore eu lieu en mai 1854. — M. le président lit un nouveau fragment de son ouvrage sur l’acclimalation, ayant pour titre ; Des vues émises par divers auteurs sur la naturalisation et la domestication des animaux. SÉANCE DU 23 Juin 1894. Présidence de M. GEorrroy SainT-Hiraire. — M. le président proclame les noms des membres admis depuis la dernière séance : — 251 — MM. Awez (Isidore), propriétaire à Villeneuve-du-Tarn, chef d'institution à Paris. Boucuor, membre du Conseil général du Doubs. Braçuier, naturaliste à Saint-Genest (Vienne). Briquer-JacquemN, agriculteur à la ferme Saint-Lazare, près Saint-Quentin. Davecous (Gustave). Gros (Aimé), propriétaire à Wesserling (Haut-Rhin). LuerBeTTe, ancien député. Marron (De), receveur général de la Haute-Loire. Masi (Louis), de Rome. Mur (Le docteur Auguste), filateur de laine à Mello (Oise). Poriquer, propriétaire à Montigny-sur-Aire (Eure-et- Loir). Vixcens-Gourcas Rs sea recteur de la Haute-Garonne, à Toulouse. M: le secrétaire général donne lecture : 1° D'une lettre de M. le Ministre des affaires étrangères en date du 44 juin, par laquelle il approuve les mesures que pourra prendre la Société pour utiliser et propager les Yaks apportés par M. de Montigny. 2° De trois lettres en date des 10, 14 et 17 juin, par les- quelles M. le général Daumas fait hommage à la Société d’un exemplaire de plusieurs de ses ouvrages, savoir : Mœurs et coutumes de l'Algérie; le Grand Désert, accompagné d’une carte du Sahara algérien ; les Chevaux du Sahara. Par une autre lettre, datée du 12 juin, M. le général Dau- mas adresse à la Société huit nouveaux exemplaires du rap- port présenté à l'Empereur sur la situation de l'Algérie, des- tinés aux membres qui en ont fait la demande. M. le secrétaire pour l’intérieur est chargé d’adresser à M. le général Daumas les remerciments de la Société. — M. l’archiviste de-la Société d'agriculture, des sciences, arts et belles lettres de l'Aube, par une lettre du 16 juin, de- mande l’échange de ses publications avec le Bulletin de la So- ciété zoologique d'Acclimatation, et propose des jeunes de l'Ou- CARE tarde :cannepetière ; espèce qui, depuis plusieurs années, ni- che en grande quantité dans quelques plaines des environs de Troyes. Ces propositions sont accueillies avec ‘empressement par la Société. — M, Goin, libraire de la Société, lui fait hommage de plu- sieurs ouvrages dont il est l'éditeur. (Voir le Bulletin bibliogra- phique du prochain numéro.) — M. le président lit un extrait d’une lettre qu'il a reçue de M. Bouteille, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Grenoble, et qui annonce qu’on s’oceupe activement, dans cette ville, de la création d’une société destinée à seconder les efforts de la Société zoologique d'acelimatation. — M. le président fait connaître que, dans l'intervalle qui s’est écoulé entre cette séance et la précédente, M. le docteur De Beauvoys, d'Angers, a désiré faire et a fait, devant les mem- bres du Conseil de la Société et ceux de la quatrième Section, ses expériences sur l’anesthésie des Abeilles par le Zycoperdon. M. De Beauvoys, dans une nouvelle lettre adressée à M. le président, exprime le désir que la nouvelle édition de son Guide de l'apiculteur soit examinée, par la Société, et qu'il en soit fait un rapport. M. le baron de Montgaudry est chargé de cet examen et de ce rapport. — M. le président fait hommage à la Société, Te sa biblio- thèque et pour MM. les membres du Conseil, de vingt-cinq exemplaires d’un ouvrage qu'il vient de publier et qui est intitulé : Domestication et naturalisation des animuux utiles. Cet ouvrage est dédié à la Société. — M. Richard (du Cantal) fait également hommage à la So- ciété d’un exemplaire de son ouvrage, intitulé : Conformation du Cheval, et des parties déjà imprimées de son Dictionnaire raisonné d'agriculture et d'économie du Bétail. — M. Casimir Noël fait hommage à la Société de ses ou- vrages sur l'équitation et le dressage du Cheval. (Voir le Bulle- tin bibliographique du prochain numérd.) — M. le secrétaire général donne lecture, au nom du Con- seil, d’un rapport sur la situation actuelle de la Société, Ce rapport sera imprimé dans le prochain numéro du Bulletin. Log — — M. Haxo, secrétaire perpétuel de la Société d’émulation des Vosges, adresse à la Société une lettre relative à la pis- HN Es dans laquelle il réclame la priorité en faveur de M. Remy. « Avant le rapport que j'ai fait à l’Académie des sciences, en mars 1849, dit M. Haxo, sur les résultats obtenus par Remy et Géhin, personne, en France, n’avait encore rien publié qui fût relatif à des essais de pisciculture. » Dans la même lettre, M. Haxo présente des observations sur différentes espèces de Truites. M. le baron de ] Montgaudry persiste à dire que MM. Hivert et Pilachon faisaient des expériences sur la pisciculture en 1826. — M. le baron de Montgaudry, au nom de la commission nommée pour visiter l’exposition des animaux reproducteurs, fait un, rapport sur les races bovines, ovines et porcines, les Abeilles et la pisciculture. | = — M. Johnson, au nom de la même Commission, fait un rap- port sur les animaux de basse-cour. __ M. Tastet rend compte des essais faits jusqu'ici sur la soie des cocons donnés par M. de Montigny, et des difficultés qu’on a rencontrées dans leur emploi. — M. le président annonce qu'il a reçu de M. Bourcier, ancien consul de France au Pérou, une communication à ce sujet. M. Bourcier, qui a eu l’occasion de voir et d'examiner une partie de ces cocons, se proposé de donner des rensei- gnements sur la manière d’en tirer parti en les cardant et en les filant; il adressera prochainement, à cet égard, un mot à la Société . — M. Bourgeois a la parole pour présenter quelques obser- vations sur la Chèvre d’Angora, et sur les avantages que pour - rait présenter son croisement avec la race de Cacnemire. I] fait. à cet égard, une proposition qui est renvoyée à l'examen de 1 commission de la Chèvre d’Angora; commission à laquelie M. Bourgeois est prié de s’adjoindre. — M. Blondeau lit une note sur la multiplication des Perdrix à l’état sauvage, Cette note sera insérée dans le Bulletin. À cette occasion, M. Delon rapporte qu'il a vu, plusieurs années de suite, près de Paris, dans le département de Scine- — 254 — et-Oise, des Perdreaux couvés sous des Poules, qui se sont en- suite joints à des compagnies de Perdreaux nés dans les pares, et ont été parfaitement accueillis et conduits par la mère. — M. Florent Prévost a constaté le même fait chez un pro- priétaire à Rozoy, en Brie (Seine-et-Marne). — Un autre membre de la Société déclare qu’il a vu le même procédé employé sur un autre point du département de Seine-et-Marne, où les Perdreaux étaient lâchés de même, trois ou quatre jours après leur éclosion, dans des endroits où l’on avait reconnu des compagnies qui adoptaient très-bien les nou- veaux venus. — M. le président lit une note sur l’état de la pisciculture chez les anciens, par M. Jules Haime. — Il dépose aussi un mémoire de M. le marquis de Vibraye sur la pisciculture, qui avait déjà été présenté par M. Coste dans une des précédentes séances. — Ces deux communications sont renvoyées à la commis- sion de publication pour être insérées dans le Bulletin. — M. Richard (du Cantal) lit un travail sur les productions végétales et animales des montagnes comparées à celles des vallées et des plaines. M. Coste a adressé au Comité de publication une lettre en réponse à celle de M. Millet, insérée dans le troisième numéro du Bulletin. M. Coste proteste contre les allégations de M. Mil- let, et maintient ses droits à la priorité d'invention sur les ap- pareils à suspension. Le Conseil n’a pas cru devoir insérer dans le Bulletin la lettre de M. Coste, afin de ne pas prolonger davantage une po- lémique sur une question de priorité qui n’est pas de la com- pétence de la Société. Le Conseil pense avoir agi avec impartialité envers MM. Coste et Millet, eu insérant, dans le Bulletin, une note de chacun d’eux. Paris. — Typ. Siuox Racox ct Comp., rue d'Erfurth, 4, : BULLETIN MENSUEI DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION Fondée le 10 février 1854. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. SUR LES PRODUCTIONS DES MONTAGNES, COMPARÉES A CELLES DES PLAINES ET DES VALLÉES, Par M. RICHARD (du Cantal). (Séance du 23 juin 1854.) L’observateur qui étudie avec attention les divers produits du sol ne manque jamais de trouver une différence plus ou moins tranchée entre ceux des montagnes et ceux des plaines ou des vallées fertiles. Cette différence se fait remarquer simul- tanément dans les deux règnes organiques de la nature, quels que soient d’ailleurs les points du globe sur lesquels on les examine. La végétation des montagnes, par exemple, ne prend pas, en général, un aussi grand développement que celle des plaines et des vallées ; mais, si elle est moins riche en quantité, elle l'est plus en qualité. Les végétaux des montagnes, en effet, [ 18 : bb sont en quelque sorte plus vivaces; leur tissu est plus com- pacte : les arbres, dont la croissance sur les lieux élévés est plus lente, ont les fibres plus fines; leur bois est plus dur, plus lourd; lorsqu'il est employé aux ouvrages d’art, il est d'une plus grande résistance à l'usure, d’une plus grande durée; employé au chauffage, il donne plus de braise, plus de cendres. L'herbe des montagnes est plus fine, sa texture est plus serrée, d’une part; de l’autre, elle est plus aromatisée, plus suceulente, relativement plus nutritive; il n’est pas un culti- vateur exercé qui ne saisisse au premier coup d’œil la différence qu'il ya entre le fourrage d’une prairie élevée des montagnes, et celui d’une prairie basse. Celui-ci est formé par des brins al- longés et gros; sa composition est généralement peu variée: il est à peu près homogène ; son odeur n’a rien de piquant, d’appétis- sant. Le premier, au contraire, est court, fin, aromatique; il est composé de mille plantes différentes de bonne nature, et les animaux le recherchent avec avidité ; c'est un fourrage nutri- üfet tonique : dans les pays qui le font consommer, surtout aux chevaux, on dit qu'il porte son avoine avec lui. Les animaux, eneffet, qui s’en nourrissent, sont‘vigoureux, énergiques, et ils supportent mieux la fatigue que quand ils ne consomment que le gros fourrage des prairies grasses, des plaines ou des vallées; il n’est pas un praticien judicieux qui conteste ce fait. Mais le règne végétal n’est pas le seul qui offre un parcil contraste dans les deux conditions que je viens de signaler; les différences que nous observons dans le règne animal ne sont ni moins tranchées, ni moins intéressantes pour le cullivateur; nous allons voir pourquoi. Nous avons dit que les plaines ont généralement une richesse de végélation en quantité plus grande que les montagnes; cette condition, avantageuse sous un point de vue, ne pouvait man- quer de réagir sur les animaux : ceux-ci, en eflet, consommant les végétaux dont ils ne sont, au fond, que la conséquence, ne pouvaient pas se soustraire aux effets de la cause qui les pro- duit ; c’est le cas de dire : Lis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es. Abondamment nourris, les bestiaux des plaines fertiles pren- — 257 — nent un grand développement ; leurs jambes sont allongées et leur taille est élevée ; mais le grain de leurs tissus manque de finesse ; leur tissu cellulaire, leur système lymphatique surtout, sont relativement très-développés; leurs os sont volumineux, peu compactes ; leur système cutané est épais; les poils et les crins qui les recouvrent, loin d’être fins, moelleux et rares, sont gros, ahondants et souvent rudes. Ces caractères généraux tra- hissent une organisation commune qui ne salisfait pas le véri- table connaisseur en bestiaux, surtout quand il s’agit d'animaux de travail. Je vais appuyer celte opinion de faits pratiques que nous avons à chaque instant sous les yeux. Lorsque, dans les voyages, dans les foires et marchés, on compare les animaux des diverses contrées, on est frappé d’un fait constant : c’est que, si les plaines fertiles ont le privilége incontestable de produire des sujets d’une taille élevée ct d’un poids considérable, les montagnes ont celui d’en fournir de très-vigoureux et de très-énergiques. On dirait que la nature a voulu compenser leur défaut de développe- ment par une plus grande somme de force vitale, d’une part, ct, de l'autre, par une organisation plus en harmonie avec leur pature; aussi ont-ils une conformation mécaniqué qui prouve ce que j'avance ici. Prenez des groupes de chevaux, de bœufs, de moutons, dans les plaines et dans les montagnes; comparez- les entre eux : vous trouverez ceux des montagnes petits, mais vous remarquerez plus d'ensemble dans leur structure ; leurs membres, courts, sont mieux muselés, mieux articulés; leurs conditions mécaniques sont plus favorables aux puissances mus- culaires qui les font mouvoir; de plus, leur poitrine, foyer de vie, de santé et d'énergie, est relativement plus développée; leur at- litude alerte, leurs allures dégagées, leur regard, ontuneexpres- sion de gaieté, de vivacité, de force, de vigueur, qui indique les bonnes conditions de tous les organes qui président aux fonc- üons de leur vie animale. Auwssi sont-ils généralement sobres, hardis et lestes, et résistent-ils admirablement aux fatigues, aux privations, aux travaux auxquels ils sont soumis. Si nous cher- chons la cause des heureuses dispositions physiques de ces ani- maux, nous la trouvons dans les conditions hygiéuiques que — 258 — la nature a mises à la disposition de leur élevage. Ces conditions sont un air pur, un fourrage de bonne qualité, tonique, riche en principes nutritifs proportionnels, et des eaux saines; joi- gnons à ces avantages l’exercice, la gymnastique naturelle et obligée à laquelle se livrent ces animaux dans les pâturages, en grimpant, dès leur bas âge, sur des pentes rapides, en fran- chissant des ravins, en gravissant ou en descendant des mon- tagnes escarpées, en surmontant des obstacles incessants cha- que jour, tantôt pour jouer et s’ébattre, tantôt pour chercher leur nourriture; et il nous sera facile de nous rendre compte de la supériorité d'organisation des ‘animaux des montagnes sur ceux des plaines. L'élevage de ceux-ci, en effet, se trouve dans des conditions tout à fait différentes et souvent mème opposées. Si leur nour- riture est plus abondante, elle est moins substantielle, rela- tivement moins nutritive, moins tonique ; elle donne du déve- loppement à l’animal en quantité, aux dépens de la qualité; Pair qu'ils respirent, l’eau qu’ils boivent, sont moins purs ; l’exer- cice, la marche, exigent peu d'efforts nécessaires, peu de fati- gue. Là, point de gymnastique sur un sol difficile, accidenté, pour chercher la nourriture. L'animal n’a pas besoin de monter et descendre, de franchir des obstacles de toute espèce; il n’a qu’à déplacer horizontalement les membres, sans effort, sans secousse. Aussi, ses muscles ont-ils moins de force, moins d'énergie; ses allures sont moins vives, moins dégagées; il est plus nonchalant, plus mou; il sue facilement, il résiste moins aux fatigues, aux travaux auxquels il est soumis ; 1l est loin d’avoir l’activité, l'attitude, la vivacité de regard du mon- tagnard, ce qui s'explique facilement par la différence de con- dition de vie, d'organisation physique, de structure mécanique de son corps. Qu’on me permette ici une comparaison dont les esprits ob- servateurs ne contesteront pas la fustesse. À mon avis, l’animal des montagnes est à celui des plaines comme une machine bien conditionnée avec des matières premières de bonne qualité, sortie d’une bonne manufacture, est à une machine fabriquée avec des matières premières médiocres et d’une structure — 239 — commune. La première, à égalité de frais de consommation, donnera des résultats plus avantageux que la seconde. Telle machine à vapeur, telle locomotive bien conditionnée, fera plus de chemin, trainera un plus lourd fardeau avec une quantité de combustible déterminée, qu’une autre dont les con- ditions mécaniques n’ont pas été bien remplies, dont la confec- tion n’a pas été exécutée suivant de bonnes lois dynamiques. Tel animal de la fabrique des montagnes donnera avec la même quantité de nourriture, de dépense quelconque, plus de béné- lice par son travail, parce que sa machine, mieux confectionnée, fonctionne mieux que celle de tel autre animal de la plaine qui lui est inférieur, sous ce rapport, parce qu’il ne tire pas le même parti du combustible consommé. La comparaison que j'é- tablis ici paraîtra un peu hardie, mais elle n’en est pas moins exacte. Si la machine animée recoit le principe moteur par sa bouche, la machine inanimée le reçoit par sa fournaise, et les résultats sont les mêmes. Je suis assuré que, si les agriculteurs étaient bien pénétrés de cette vérité, ils pourraient réaliser des économies notables en employant pour leurs travaux et leurs charroiïs des machines animées de la fabrique des montagnes, de préférence à celles des fabriques des plaines. Du reste, la pratique confirme par- tout le fait que je viens d’avancer. Qui ne connaît la force, la résistance, l’agilité, la sobriété, l'adresse de ces petits chevaux des montagnes que montent les buveurs d’eau dans les Pyré- nées ou le Mont-Dore d'Auvergne? Qui n’a été témoin de la rusticité, de la force des bœufs de ces pays pour les travaux agricoles ou les charrois? Les chasseurs eux-mêmes ont observé qu'un lièvre de montagne est plus difficile à forcer par les chiens courants que celui des plaines. La cause de l'énergie de la résistance de ce rongeur est la mème que celle que nous avons signalée pour les autres animaux. Si nous cherchons maintenant à nous rendre compte des faits que je viens de signaler, la physiologie générale nous en four- nira une explication bien simple. Les végétaux, dans les plaines fertiles, trouvent dans le sol une nourriture abondante. D'autre part, ils doivent avoir dans l’atmosphère une plus grande quan- — 240 — tité d'acide carbonique à décomposer pour s'en approprier le carbone. On sait, en effet, que l'air, contenant partout à peu près les mèmes quantités des principes qui composent l'atmosphère, mais plus condensé dans les régions basses que sur les lieux élevés, doit contenir une plus grande quan- tité d'acide carbonique dans un volume donné, et concourir ainsi d’une manière plus efficace au développement des vé- gétaux qui s’en approprient le carbone qui en forme la base. D'un autre côté, la température plus ou moins rigou- reuse des montagnes, loin de favoriser la rapidité de déve- loppement des végétaux, ralentit leur croissance, et la borne même sur les sommets élevés, où les arbres sont rabougris. Si nous ajoutons à ces causes le temps plus court du travail de la végélation annuelle dans les régions froides, nous pouvons comprendre les différences observées entre les végétaux des montagnes et ceux des plaines et vallées. Quant aux animaux, ils subissent les conséquences des con- ditions hygiéniques de leur élevage, auxquelles ils doivent leurs bonnes ou mauvaises qualités particulières. Pour conclure, je dis que, iorsque les cultivateurs peuvent faire consommer à leurs bestiaux des fourrages de prairies bantes, ils le préféreront à ceux des plaines et des vallées ; que l'emploi des animaux de travail des montagnes sera plus éco- nomique que celui des animaux de plaines, et que les bois des régions élevées doivent être choisis par eux pour la confection de leurs chariots ct de tous leurs instrumentsaratoires, comme pour les divers autres usages domestiques. — 941 — FRAGMENTS HISTORIQUES SUR LA DOMESTICATION ET LA CULTURE DES ANIMAUX. SECOND FRAGMENT. DE LA CULTURE ET DE L'ÉDUCATION DES ANIMAUX CIEZ LES ROMAINS, Par M. Is. GEOFFROY SAINT-HILAIRE ‘. (Séines du 2 mai 1854.) Les Romains ont fait peu d'efforts pour augmenter le nombre des animaux domestiques véritablement utiles, c’est-à-dire des espèces auxiliaires, industrielles, ou pouvant créer d’abondantes ressources alimentaires. [ci, ils ont profité des conquêtes an- ciennement faites en Orient; ils n’y ont que peu ajouté. En ce qui touche, au contraire, la culture et l'éducation des espèces qui pouvaient contribuer à leurs plaisirs dans les jeux da Cirque, ou ajouter au luxe de leurs tables, les Romains, ceux du moins de la fin de la république et de l'empire, ont surpassé ce qui a été fait partout ailleurs. Ce qu'ils ont obtenu au premier de ces points de vue étonne encore après tout ce qu'ont fait les modernes. Dans les der- niers siècles de la République, les consuls et les édiles avatent souvent donné au publie romain le hideux plaisir de voir mas- sacrer devant lui une multitude d'animaux rares. Quand on en fut venu à tuer dans les mêmes jeux des centaines de Pan- thères et de Lions, par exemple, en 55, à l'inauguration du Voyez, pour le premier fragment, le numéro 4 du Bulletin, page 155. théâtre de Pompée, quatre cent six Panthères et six cents Lions ‘; quand on eut inondé le Cirque du sang des animaux, au- quel vint bientôt se mêler celui des Mrs il fallut au peuple, non par humanité, mais pour la variété de ses plaisirs, des spectacles d’un autre genre. On commença alors à lui faire voir des animaux sauvages apprivoisés et dressés, des bêtes féroces merveilleusement domptées, et dans’ cette nouvelle voie, comme dans la première, chacun s’efforçant de surpasser ses devanciers, on finit par aller si loin, qu’il semble qu’on ait atteint les dernières limites du possible. Montaigne, dans son curieux chapitre sur les Coches?, a cité quelques-uns des attelages qui parurent successivement à Rome, aux grands applaudissements du public : « Marc- Antoine, dit-il, feut le premier qui se feit mener à Rome par des Lions attelez à un coche. Heliogabalus en feit depuis autant, se disant Cybèle, la mère des dieux, et aussi par des Tigres, contrefaisant le dieu Bacchus : il attela aussi parfois deux Cerfs à son coche, et une aultre fois quatre Chiens. L'empereur Firmus feit mener son coche à des Austruches de merveilleuse grandeur, de manière qu’il semblait plus voler que rouler. » De tels attelages ne sont pas sans exemples chez les mo- dernes. d’ai vu, et tout Paris a pu voir un dompteur (car ce mot est aujourd'hui devenu le nom d’une profession) trainé, sur un théâtre, par deux Lions. Mais verrons-nous jamais ce qui, à plusieurs reprises, fut montré aux Romains? des Élé- phants funambules *! Faits merveilleux, et qui pourtant sont ! Parmi ces six cents Lions, on comptait trois cent quinze mâles adultes. Dans les mêmes jeux, vingt Éléphants furent combattus et tués avec des circonstances horribles, et qui finirent par éveiller la pitié du public. Curius Dentatus est le premier qui ait montré au peuple et fait mas- sacrer devant lui des Éléphants. Ceux-ci, au nombre de quatre, étaient des trophées de la victoire de Curius sur Pyrrhus. 2 Essais, livre HT, chapitre vi. 5 Depuis que cette note à été rédigée et lue à la Société zoologique d’Ac- climatation, on a à Paris, de dresser des Éléphants à danser sur la corde. On assure qu'on y a réussi, et que bientôt ce spectacle sera donné au public parisien. EEE UMR MER ON . — 945 — mis hors de doute par un grand nombre de témoignages qu'ont recueillis divers auteurs modernes, notamment Cuvier et M. Pouchet. « Germanicus, dit M. Pouchet dans un savant et très-inté- ressant travail sur ces animaux‘, montra des Éléphants qui dansaient grossièrement. Les Romains ne s’en tinrent pas là ; leur passion pour les funambules leur fit essayer de faire parta- ger ces jeux à ces pesants Mammifères, et un sentiment d'admi- ration générale eut lieu, quand, aux jeux que Néron imstitua en l’honneur d'Agrippine, on vit des Éléphants danser sur la corde roide. » « L'art d’apprivoiser les animaux, dit de même l’illustre auteur du Règne animal?, élait aussi perfectionné que celui de les prendre. Dans le triomphe de Germanicus, on vit des Élé- phants qui avaient été dressés à danser sur la corde. » Et plus tard, sous Galba, un de ces animaux monta sur une corde ten- due, ct chargé d’un chevalier romain, jusqu’au sommet du théâtre. Cuvier ajoute que les Éléphants ainsi dressés étaient nés en captivité; ce qu’il conclut d’un passage d'Élien, qui est en effet fort explicite sur la reproduction de cette espèce à Rome même %. Il faudrait toutefois une autre autorité que celle d'Élien pour mettre hors de contestation un fait aussi contraire à ce qu'ont observé les modernes, non-seulement en Europe, mais dans l’Inde. Parallèlement à cet art merveilleux de dresser les animaux, s'était développé chez les Romains celui de les multiplier et de les engraisser pour leurs tables. Ils élevaient un grand nom- bre d'oiseaux que nous n'élevons plus : « Clausæ pascuntur, dit Columelle *, Anates, Querquedulæ, 1 Zoologie classique, tome 1°, page 146. * Histoire des sciences naturelles, tome I‘, page 234 et 235. Cuvier donne, dans le passage auquel je renvoie, de nombreux détails sur les jeux du Cirque et sur les animaux qui y parurent successivement. 5 Voyez Lib. W, cap. u. 4 Trailé De re rustica. ROME — Boschides, Phalerides, similesque volucres que st«gna et paludes rimantur. On engraissait le Lièvre, le Loir, le Paon, la Grue, et l’on nourrissait, dans de vastes pares, des Sanglicrs, des Cerfs, des chevreuils, que l’on habituait à venir au son de la trompette. On engraissait les jeunes. On engraissait même des Escargots, d’après M. Dureau de la Malle, qui a réuni dans son Économie politique des Romains un grand nombre de faits analogues. La pisciculture avait été elle-même portée à un degré que nous sommes loin d’avoir alteint aujourd'hui. On avait trans- porté le Scare de la mer Grecque dans la mer de Toscane, et on y avait naturalisé. On avait des viviers non-seulement d’eau douce, mais aussi d'eau de mer. Un auteur rapporte que. pour en établir un, Lucullus fit trancher une montagne, d’où il fat appelé par Pompée, Xerxes togatus ; et dans ces viviers. on produisait une prodigieuse quantité de Poissons des es- pèces les plus variées. La pisciculture était donc déjà chez les Romains un art très- avancé, et, sur plusieurs points, nous n’en sommes pas encore où ils en étaient il y a vingt siècles . ! Selon M. Dureau de la Malle, la fécondation artificielle des Poissons et aussi de quelques Mollusques aurait même été en usage chez les Romains ; fait attesté, dit ce savant, par l’exact et véridique Varron. Les Romains se- raient même parvenus, ajoute M. Dureau, à obtenir divers hybrides. Notre savant confrère, M. Haime, qui a fait tout récemment une étude attentive des textes de Varron, à reconnu que l'interprétation qu'en avait donnée M. Dureau de la Malle, et que j'avais un instant admise, n'est pas exacte. Il à bien voulu, à ma demande, pour rectifier cette erreur, rédiger et me remettre une note qui a été lue à la Société zoologique d'Acclimata- tion. Celte note est insérée ci-après. — 9% — NOTE SUR L'ÉTAT DE LA PISCICULTURE CHEZ LES ANCIENS ROMAINS, Par M. Jules HAIME. (Séance du 925 juin 1854.) Dans la séance du 26 mai dernier, notre savant président a eu occasion de rappeler les efforts accomplis dans l'antiquité, en vue de naturaliser et d'élever différentes espèces de pois- sons. On avait déjà fait honneur aux anciens des divers procé- dés piscicoles employés dans ces dernières années, ct M. Jsi- dore Gcoffroy Saint-Hilaire a répété, d’après un de nos érudits les plus distingués, M. Dureau de la Malle, que la fécondation artificielle était en usage chez les Romains, et que même ils “avaient obtenu des hybrides ichthyologiques. Les recherches auxquelles je me suis livré récemment dans le but d'écrire l'histoire de la pisciculture ‘ m'ont conduit à l'opinon op- posée. J'ai lu avec attention les textes souvent invoqués de Varron et de Columelle, et je me suis convaincu qu'on leur a donné au moins une interprétation beaucoup trop large. Rien n'indique, en effet, que les Romains aient eu connais- sance des fécondations artificielles. II est très-vrai qu'ils ont repeuplé des viviers, et même des lacs, en y transportant de la semence de poisson, ainsi que l'ont fait également les Chinois à une époque très-reculée. Mais il ne paraît pas qu'ils soient entrés plus avant dans cette voie, et l'on conviendra qu'il y à loin de là aux procédés imaginés par Jacobi. M. Dureau de la Malle ne dit rien de plus à ce sujet dans son Économie politique des Romains, où il a rassemblé les faits ! lievue des Deux-Mondes, numéro du 1° juin 1854. — 946 — relatifs à l’entretien des poissons dans les viviers et donné la traduction du chapitre de Varron De Piscinis. Il y parle des moyens employés pour nourrir les poissons, les engraisser, et les faire passer, à certaines époques de l’année, de l’eau de la mer dans les eaux douces. Seulement, douze ans plus tard (le 2 février 1859), le même auteur adressa à l’Académie des sciences une note très-expli- cite, dans laquelle il admet que les Romains avaient su déter- miner des conditions favorables « à la fécondation et à la pro- duction des Métis, des Mulets, en un mot des hybrides ichthyo- logiques artificiels de plusieurs espèces ‘. » Et, à l'appui de cette assertion, il se borne à renvoyer au chapitre de Varron pré- cédemment cité. Or Varron ne rapporte absolument rien de semblable. Le savant académicien a bien voulu chercher avec moi non- seulement dans l’ouvrage de ce dernier agronome, mais encore dans: Pline et dans Columelle; et il nous a été impossible d’y trouver aucun passage qui donnât à penser que les Romains eussent pratiqué la fécondation artificielle. Il faut donc qu'il y ait eu de la part de M. Dureau de la Malle quelque confusion ou quelque méprise. Il en est malheureusement résulté dans l'esprit de beaucoup de personnes la conviction que les procédés de multiplication des poissons récemment mis en pratique dans notre pays sont renouvelés des anciens Romains. Comme cette opinion vient d’être reproduite dans un ou- vrage important, principalement destiné aux membres de cette Société, et que l'autorité et le talent de l’auteur ne manque- raient pas de l’accréditer de nouveau, il m’a paru utile de montrer 1ci qu'elle est peu fondée. Je dois ajouter que cette rectification m'a été demandée par M. Geoffroy Saint-Hilaire lui-même. 1 Comples rendus, tome XXXIX, page 186. NOTE SUR L'ACCLIMATATION DU COLIN HOUI DE L'AMÉRIQUE DU NORD, Par M. FLORENT PRÉVOST, AIDE-NATURALISTE CHARGÉ DE LA MÉNAGERIE AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. (Séance du 24 mars 1854.) On sait que les Colins ont les plus grands rapports avec les Perdrix par l’ensemble de leurs formes et la disposition de leurs couleurs. C’est effectivement auprès de ce genre qu’ils ont été placés par les ornithologistes, et peut-être aurait-on pu ne pas les en séparer. Leur seul caractère différentiel est d’a- voir le bec comparativement un peu plus fort. Ainsi qu’on l’observe chez toutes les espèces de Gallinacés, lemäle du Colin-Houi diffère de la femelle. Voici d’ailleurs la description des deux individus. Le Colin est d’un tiers environ plus petit que la Perdrix; il est, sous ce rapport, intermédiaire entre elle et la Caille. Le mâle a le sommet de la tête et ledos d’une couleur brune, pas- santau marron ; le dessus du cou est marqueté de noir et de blanc. Les couvertures supérieures des ailes sont finement jaspées de grisätre et largement bordées d’un roux très-clair sur leur bord interne. Une bande blanche, en forme de sourcil, se prolonge jusque vers la nuque, tandis qu’une autre bande, d’un noir profond, partant de l'angle du bec, descend sur les côtés du cou, et vient encadrer la gorge, qui est entièrement blanche. La poitrine est mélangée de noir et de roux, ces couleurs se prolongent sur les flancs ; le ventre est parsemé transversale ment de raies noires. 9 — 248 — La femelle, toujours un peu plus petite que le mâie, en dif- fère en ce que toutesles parties noires chez celui-ci sont rousses chez elle; la gorge est aussi de cette couleur, mais beaucoup plus päle. À une époque déjà fort éloignée, J'ai cherché à acclimater et à propager plusieurs cspèces de Gallinacés, et en particulier le Colin Houi, non-seulement parce que c’est un excellent yibier, mais encore à cause de la quantité considérable d’in- sectes qu'il détruit. En mars 1816, une paire de Colins, remise par moi, dans ce but, à M. Lory de Fontenelle, fut placée dans un parquet d'accouplement, et au bout d’un mois à peu près, abandonnée dans un pare au milieu de la vaste terre de ce nom, voisine de celles de Ferrières et du Génitois, près Lagny. Ces Colins firent leur nid dans une luzerne, sur la lisière d'un bois, et une compagnie de quatorze petits se conserva presque intacte jusqu’à l’époque des chasses ; ils furent sans doute alors entièrement détruits; car au printemps suivant on n'en retrouva plus aucune trace sur la propriété de Fontenelle ni aux environs. En 1828, ayant eu l’occasion de me procurer encore deux paires de Colins. j'en lächaï une dans le clos de Chalais, ac- tuellement haras de Meudon, et l’autre sur le coteau de Bièvre, près du bois de Verrières. Cette seconde tentative fut encore moins heureuse que la précédente, car je ne pus même revoir aucun de mes quatre oiseaux. En mai 1857, M. de Rham m ayant envoyé de New-York quatre paires de Colins Houis, j'en donnai à M. Alfred de Cos- selte deux couples qui furent transportés en Bretagne. Ceux-ci multiplièrent beaucoup, et pendant plusieurs années le Colin a été chassé sur quelques terres de cette province. J'ignore s'il s’y retrouve encore aujourd’hui; mais le seul fait que je viens d'exposer suffit pour faire considérer l’acclimatation de l’es- pèce, en France, comme y ayant été accomplie, ainsi qu'elle l'est depuis longtemps en Angleterre. Le Colin est parfai- tement acclimaté, surtout dans les comtés de Norfolk et de Suffolk. — 249 — li faut, pour arriver à des résultats satisfaisants, en fait d’acclimatation et surtout de propagation, disposer de res- sources que je n'avais pas, pouvoir risquer un grand nom- bre d'individus et les placer dans des propriétés bien gar- dées; car les chances de destruction ne manquent pas à l'égard d'animaux qui, ne connaissant pas les localités, deviennent plus facilement la proie des espèces carnassières, ou celle du chas- seur qui poursuit ce nouveau gibier d'autant plus ardem- ment qu'il n’a pas l’habitude de le rencontrer. Le Colin Houi (Perdix virginiana, Lath; P. borealis, Vicillot ; — Ortyx virginiana, Bonap.), cst connu sous le nom de Caille dans la Nouvelle Angleterre, et sous celui de Perdrix en Pen- sylvanie. : Voici, d’après Vieillot, quelques détails sur l’origine de cet oiseau : « Comme on trouve cette espèce depuis le Canada jusqu’au « Mexique inclusivement, on ne peut la désigner par les dé- « nominations locales qu'on lui a appliquées jusqu’à ce jour; « nous avons donc préféré lui conserver celle de Ho-Oui, que « lui ont donnée les Natkès, ancienne peuplade de la Louisiane; « mot que le mäle articule plusieurs fois de suite, à l’époque « de ses amours, en trainant sur la première syllabe, et en . € prononçant l’autre d'un ton bref. Les habitants de Massa- « chusets l’appellent Bobwhte, d’après le même eri, mais dif. « féremment entendu par eux que par les Natkès. Ces Colins « sont plus nombreux au sud et au centre des Etats-Unis qu’à « la nouvelle Écosse et qu’au Canada, d’où la plupart émigrent « à l'automne. » Ce Colin est très-répandu dans une grande partie de l’Amé- rique du Nord, qu'il ne quitte jamais. Il est surtout abondant dans VEtat de l'Ohio. C’est un des gibiers les plus recherchés et les plus répandus. I vit ordinairement par couple, dans les plaines, sur la lisière des bois; il s: tient de préference dans les taillis et se perche sur les plus grosses branches, ainsi que plusicurs autres espèces du genre Perdrix, surtout lorsqu'il est in- quiéte, — 950 — Il se nourrit de grains, de baies et de jeunes pousses de vé- gétaux herbacés. Pendant la belle saison, il recherche avec avidité les insectes et particulièrement les coléoptères. Vers le mois de septembre et en octobre, on le vait se ré- pandre en grand nombre dans le voisinage des plantations pour y chercher les semences. L’accouplement commence à la fin d'avril et en -mai. Le Colin construit alors, avec des herbes et des feuilles sèches, un nid très-volumineux, de forme arrondie, ouvert sur le côté; il est placé à terre, adossé au pied d’un buisson ou à une touffe d’herbes., Le nombre des œufs varie de quinze à vingt-quatre. Ainsi que chez toutes les espèces de Perdrix, les petits Colins, con- duits par leur mère, quittent le nid presque aussitôt après l'éclosion. En août, ces oiseaux se réunissent en compagnie, formées ordinairement de deux couvées; ces compagnies, chaque soir, se rassemblent sur l'endroit le plus élevé, au milieu d’un champ, pour y passer la nuit, et se placent en cercle ayant tous la tête tournée en dehors, pour veiller ainsi à leur sûreté commune. : Il est facile de reconnaître le gite des Colins par l’accumula- tion de fiente déposée dans l'endroit où ils ont l'habitude de revenir coucher. Ces oiseaux se prennent ordinairement au filet et sont le plus souvent apportés vivants aux marchés de New-York et de Philadelphie. Je termine cette communication en présentant à la Société une liste des principales espèces des genres Colin, Perdrix et Tétras qui habitent des localités situées sous la même latitude que la France, ou sous d’autres latitudes, à des hauteurs qui reproduisent le même climat, ou s'en rapprochent. J'ai donc la conviction que l’acclimatation en France de toutes ces espèces offrirait beaucoup de chances de succès. Liste pes Cozixs, PERnRIX ET TÉTRAS SUSCEPTIBLES D'ÉTRE ACCLINATÉS COMME GIBIERS. Colin de la Californie (Ortyx Californica, Lath.). — Très- abondant dans toute la Californie. Colin peint (0. picta, Dougl.). — Californie. Colin de Douglas {O. Douglassiü, Vig.). — Idem. Colin coquet (0. eleqans, Less.) — Rapporté, pour la pre- mière fois, de Californie par M. Botta. Colin zoni-colin (0. cristata, Lath.). — Amérique du Sud. Perdrix de roche, ou Gambra (Perdix petrosa, Lath.) — Afri- que septentrionale et Europe méridionale. Perdrix du Liban (Botta). Tétraogalle de Nigel (Tetraogallus nigelli). — Himalaya. Tétraogalle caspien (T. caspius, Gould). — Vit sur les mon- tagnes neigeuses de la Sibérie méridionale. Tétraogalle de l'Altai (T. altaicus). — Caucase. Tétras huppe-col, (Tetras Cupido, Lin.). — Amérique sep- tentrionale. Tétras à fraise, Buff. (7. umbellus, Lin.). — Idem. Tétras obscur (T. obseurus, Say). — Idem. Tétras hyperborée (T°. Islandorum). — Islande. Tétras phasianelle (7. phasianellus, Lin). — Amérique sep- tentrionale. Tétras du Canada, Gélinoïte du Canada, Buff. (T. Canaden- sis, Lin.). — Idem. Tétras à queue de Faisan (T. urophasianus, Ch. Bonap.). — Idem. Tétras rouge (T. scotieus, Lath.). — Ecosse, Irlande. OBSERVATIONS PRATIQUES SUR LES ANIMAUX DE BASSE-COUR, Extraites du Rapport lu le 25 juin 1854, au nom de la Commission chargée de visiter l'exposition des animaux reproducteurs. Par M. JOHNSON. Messieurs, M. le baron de Montgaudry vient de vous dire que c’est comme: délégué par votre Commission, que j'ai l'honneur de vous présenter un rapport sur les animaux de basse-cour qui méritent le plus d’être propagés, et qui figuraient au concours général de l’agriculture pour 1854*. Ce travail, peu attrayant, ne vous dira rien que vous ne sachiez déjà du Lapin, du Pigeon, du Canard, de l’Oie, de la Dinde et de la Poule. Je vous demande, messieurs, de ne désigner à votre at- tention que les espèces dont la propagation peut offrir des avantages d’économie domestique et d'agrément. LAPINS. Le Lapin dit Bélier français est un produit qui étonne la vue, et qui doit plaire aux personnes qui recherchent de gros ‘animaux. Il présente d’ailleurs de grands avantages d'économie domestique, parce qu’il produit souvent, beaucoup à la fois et à peu de frais; la femelle, qui est très-bonne mère, donne à chaque portée dix à douze petits. Le Bélier français a le pelage d’un gris brun, le museau et la région labiale gris rouge, les oreilles d’une envergure de quarante centimètres de longueur et de quinze centimètres de . largeur, la tête large, la gorge, les Joues très-développées; 1 Voyez, dans le précédent numéro du Bulletin, pete et suivantes, le rapport de M. le baron de Montgaudry. L'insertion à la suite de ce rapport de la liste des récompenses décernées nous à paru rendre inutile l'indication des animaux de basse-cour qui avaient été plus particulièrement remarqués par la Commission. (Voyez, pour la parlie relative aux animaux de basse-cour, la fin de la liste, p. 224.) Sn CRC CPR sp he 21 ER — 955 — le corps a soixante centimètres de la queue à la nuque. Ce Lapin, qui pèse ordinairement cinq à six kilogrammes, se con- tente de la nourriture, et en même quantité, que le Lapin or- dinaire qui pèse rarement trois kilogrammes. Sa chair est ferme, blanche, d’un bon goût (surtout lorsqu'il est élevé à l'air) ; il atteint promptement tout son développement ; à trois mois sa chair est faite; elle est tendre et excellente. Les cabanes de ces Lapins, de quatre-vingts centimètres en- viron, doivent être élevées au-dessus du sol; leur plancher doit être bas, fait en grillage en fer, à claires-voies, de deux centi- mètres d'ouverture, de manière à ce que la litière laisse égoutter les urines. Eiles doivent être couvertes hermétiquement en tuiles, et le devant fermé par un grillage. Le Lapin dit de Sibérie est un fort joli animal; il semble tenir le milieu entre le Lapin de garenne et le lièvre; il a la tête forte, courte, presque ronde, le corps ramassé, les jambes de derrière et les cuisses plus développées que chez le Lapin ordinaire ; les pattes de devant courtes, finès, musclées. Le poil du corps est d’un beau blanc de lait, extrêmement net, fin, doux; les oreilles, le bout du museau, sont noirs, la région labiale et le nez blancs, les yeux vifs et rouges de feu, la queue, Jes extrémités des quatre membres d’un beau noir; les doigts sont armés de longues et fortes griffes. La chair de ce Lapin, quoique blanche, est excellente rôtie et en gibelotte. Ce superbe animal peut très-bien peupler et très-agréable- ment un parc, où 1l fera un gibier préférable au Lapin de ga- renne ordinaire. PIGEONS. Le Pigeon, dit Romain, a les pieds rouges, nus, les ongles noirs, le plumage uniforme, noir ou gris; les pattes, rouges, sont couvertes dans le haut d’un léger duvet; les ailes, d’une longueur de quatré-viugts centimètres d'envergure, sont sans bandes transversales sur le plumage. La tête est forte ; le bec, voûté et comprimé, porte à la base une peau légèrement ver- ruqueuse; les yeux ont l'iris d’un beau blanc; ils sont en- tourés d’une peau rouge finement caronculée. = Oh — Ce Pigeon est un bon reproducteur, qui fournit six fois par an deux Pigeonneaux forts, charnus, suffisamment faits à un mois, pour être appréciés et recherchés par les amateurs les plus difficiles des viandes de Pigeon tendres et de bon goût. Cet Oiseau sédentaire est préférable au Pigeon biset, car il produit autant; ses Pigeonneaux sont plus forts, et il ne coûte pas plus à nourrir. CANARDS. Le Canard dit Normand est le type de l'amélioration que peut produire la domesticité dans ce genre d’oiseaux. Le Canard normand est d’un bon rapport; il multiplie beau- coup, coûle peu, et atteint promptement un grand développe- ment. On aura une Cane de bonne race en choisissant la femelle rasant la terre, par conséquent les pattes très-courtes ; le plu- mage du cou, de la gorge, de la poitrine, du dos et du croupion gris foncé, maillé de lames noires, les pennes des ailes brunes, sans plumes blanches ; les pieds, les jambes et le bec couleur jaune olive noirâtre. Le mäle doit avoir le même fond de she la tête d'un beau vert, et le cou, la poitrine, le dos, nuancés plus finement. les couvertures des ailes barrées de blanc et d’un beau vert. Il est de même forme que la femelle, un peu plus élevé sur jam- bes; sa démarche doit être plus vive. Il est d’observation que les mâles et les femelles tachetés de plumes blanches ou huppés produisent moins. Si la Cane reçoit une nourriture suffisante, qu'elle ait en temps utile un nid bien ombragé, bien dissimulé, bien écarté, dans lequel elle puisse être tranquille à la ponte, elle donne de quarante à soixante œufs qui pèsent généralement un hec- togramme chacun. Il est à remarquer que la Cane n’abandonne pas le nid où elle a produit une première fois, mais que, si on laisse passer le moment de la ponte ! sans lui avoir fait un nid commode, si * Elle commence souvent dés les premiers jours de mars et continue jus- qu'en mai, — 955 — on lui à laissé déposer son premier œuf où elle se trouve, la ponte alors est beaucoup moindre, parec qu'elle perd les œufs. La méthode d'éducation à mettre en pratique, dans les en- droits marécageux de toute la France, pourrait être de faire couver les œufs de Cane à la maison, et dès le lendemain de la naissance des Canetons, de les porter au marécage ou dans une mare, sans plus s’en occuper autrement que d'éloigner les animaux de proie; puis, vers le mois de juin, on mettrait près de la mare, sur le chemin qui conduit à l'habitation, une suffisante quantité de nourriture, de manière à habituer les Canetons à venir à l'habitation, où ils doivent. tous les soirs, trouver une nourriture fraiche que l’on aura mise à leur dispo- sition. Les Canards aiment et profitent beaucoup d’une pätée faite à chaud, avec des pommes de terre cuites, des résidus de lé- gumes verts, tels que chou, salade, liés par un peu de son de froment ou de son de graines de lin, du son d’œillette, dans laquelle on ajoute un vingtième de son poids, de graines dé- trempées à froid, laissées entières, d'orge, petit blé, avoine ou inais. OIES. L'Oie, dite de Toulouse, a un plumage gris, rembruni sur le dos et sur les ailes, les pennes primaires terminées de noir, la poitrine, le ventre, le croupion, cendrés: elle n’a ni plumes ni taches blanches: le bec est gros, fort, d'un jaune orangé ; les pieds jaunes. Le mâle de l'Oie qui se nomme Jars, a la voix plus forte. On prétend généralement qu'il en faut un pour six femelles, si l'on ne veut pas s’exposer à avoir des pontes infécondes. L'Oie de Toulouse est très-apte à l’engrais; elle atteint faci- lement un développement de dix kilogrammes, et cela avec moins de frais de nourriture et en moins de temps que les Oies ordinaires. Ce n'est guère qu'au mois de mars que les Oies commencent à donner un œuf tous les deux jours; elles produisent ordi- nairement seize œufs. Il est d'une bonne économie, aussitôt = 6 — -qu’on s'aperçoit qu’elles veulent pondre, de les diriger du côté d’un nid préparé toujours avec de la paille, et, dès que l’on est parvenu à leur faire faire un œuf, il est bon de le dissimuler, à l’aide de planches et de paille, pour qu'elles continuent de pondre dans le même endroit. Lorsqu'après la ponte on remarque que l'Oie commence à garder le nid plus longtemps que de coutume, il faut conclure qu’elle ne tardera pas à couver : on met alors douze à quatorze œufs dans le nid que l’on a préparé à cet effet ; on place à peu de distance du nid un vase contenant de la nourriture et de l'eau. L'Oie couve avec soin, l’incubation dure un mois. Les Oisons sont peu délicats; on les laisse sortir deux ou trois jours après leur naissance. Dans les premiers temps on prépare leur nourriture avec des pommes de terre cuites, mélangées de petit blé, d'orge ou d'avoine ; on leur donne aussi quelques feuilles de salade. L’Oie conduit ses petits avec soin, leur indique avec ten- dresse et empressement la nourriture de choix, les rappelle avec précipitation au moindre danger. Le Jars, en tout temps d’une vigilance extrème, la porte en- core plus loin à l’époque de la couvaison, et lorsqu'il préside à la direction que donne la mère à la jeune famille, il est im- possible de le prendre en défaut ; son cri éveille vite l’atten- tion, et lui-même affronte avec hardiesse les dangers les plus grands, lorsqu'il voit les siens courir le plus petit péril. Quand les Oisons ont deux mois, on doit les réunir avec les mäles et tes femelles, les faire aller en troupe sur les bords des chemins, des étangs et des rivières. Les Oies donnent des preuves d’obéissance, d’attachement et de reconnaissance à ceux qui les nourrissent. L'opinion populaire sur la bêlise des Oies est peu exacte: elle n’est établie sur rien de positif, si ce n’est peut-être la dé- marche de ces Oiseaux et leur peu de défiance à l'égard de la personne qui leur arrache les plumes, que le commerce n'es- time que lorsqu'elles sont tirées des Oies vivantes. L'époque la plus convenable pour enlever les plumes est avant la mue. It faut faire l'opération en quatre ou cinq fois, et, après D er Ca MARNE A D a af > te ER ar à D pi — 957 — chaque opération, enfermer les Oies, de manière à ce qu’elles ne puissent aller à l’eau. Une observation encore fort importante, c’est que le duvet extrait trop longtemps avant la mue est attaqué très-facile- ment par les insectes (Mites). ? ‘DINDONS. ‘Le Dindon occupe le premier rang parmi les Oiseaux de basse-cour. Des expériences d’acclimatation faites à plusieurs reprises, et chaque fois plusieurs années de suite, m'ont prouvé que la couleur des Dindons n'est pas sans intérèt pour les éleveurs, au point de vue des usages domestiques. Les Dindons dont la plume est blanche sont plus impressionnables aux va- riations de température; leur chair est moins fine, moins ferme ; ils profitent moins, à nourriture égale, que les Din- dons dont le plumage, qui paraît souvent d’un noir uni- forme, offre des reflets présentant, en raison des effets de la lumière, des nuances pourpre, bronzée, cuivrée. Le Coq et la femelle ont le même plumage, becs et pieds noirs; mais la femelle, plus petite d’un quart, a moins de reflets. La peau qui recouvre la tête, le cou, est mamelonnée, plus dé- veloppée chez le mâle, et forme une caroncule pendante exten- sible, d’un rouge vif qui passe au bleu dans les fortes émotions. Il a le bec robuste, court, les plumes de la queue, longues de trente centimètres, sont susceptibles de former la roue, ct, lors- qu'il est parvenu à l’âge adulte, il a un pinceau de crins ou poil roides, long de quinze à vingt centimètres au bas de son cou. La Dinde fat une ponte, à peu près de ce qu’elle peut cou- ver, seize à vingt œufs; elle cherche avec beaucoup d'inquic- tude et choisit en cachette l'endroit où elle doit déposer ses œufs. Lorsque les femelles commencent à éprouver le besoin de pondre, on doit ménager autour de leur demeure des ca- chettes dans lesquelles on aura fait des nids en büchettes, légèrement recouverts de paille, et ne pas les laisser sortir de la cour. Il sera indispensable de séparer les mâles, parce qu'ils battent les femelles qui sont sur le nid, et qu'ils cassent les — 958 — œufs. On ne doit laisser dans le nid qu’un œuf et retirer les autres successivement, pour les réunir au moment de l’ineu- bation. Il est utile que ces œufs soient marqués, parce qu'il arrive : que la femelle pond encore après avoir commencé l’incubation ; ces derniers œufs doivent être retirés. Le meilleur endroit pour les couveuses est un local chaud, sec, sombre ; le succès de la nichée est plus certain quand Ja Dinde a elle-même choisi son emplacement; on doit toujours se garder de toucher à ses œufs. L'incubation duré trente à trente-deux jours, pendant les- quels il faut mettre à portée de la couveuse de la nourriture et de l’eau pure, afin qu’elle reste dans la même attitude sans sor- lir du nid. l Il est de bonne pratique que, malgré l'insuffisance même des efforts des Poussins pour sortir de la coquille, on ne doit pas les aider. * Quand il est question de fortes couvées, il ne faut pas perdre de vue que la santé des Poussins tient à la manière dont ils ont passé les quinze premiers jours de leur vie; ils seront beau- coup plus vigoureux s'ils ont été renfermés dans une pièce dont la température n'aura varié que de vingt-cinq à trente degrés Réaumur. La première nourriture à donner aux petits se formule par mie de pain émiettée, 6 parties; œufs cuits durs, 2 parties; som- mités vertes d'orties hachées menu, 2 parties; persil, feuilles et tiges vertes hachées menu, 2 parties; le tout bien mêlé. Cette nourriture doit être présentée aux Poussins dans le creux de la main pendant plusieurs jours, puis, pour les em- pècher de se nuire et pour prévenir l’empätement de leurs pieds, ilest bien de distribuer cette nourriture sur des pierres plates en autant de perts que l’on jugera utile. La mère doit être tenue dans une cage appelée mue, élevée au-dessus du sol, de manière à ce que les Poussins puissent en sortir et y rentrer facilement. On substitue peu à peu, à la première nourriture, un mélange fait comme suit: suif de Mou- ton, pain de suif, pain de croton (ou substance animale quel- — 259 — conque), À partie; pomme de terre, 2 parties ; eau, 4 parties ; faire cuire, etajouter soit orge, avoine, maïs ou sarrasin, 2 par- ties; persil, ou ortie ou salade coupées menu, 2 parties. Cette nourriture est à renouveler et à donner souvent ; car les Din- donneaux ont la digestion prompte; leurs piaulements annon- cent les besoins qu’ils éprouvent. Si l'on s'aperçoit qu'ils ne mangent pas avec avidité, on rétablit leur appétit en leur fai- sant avaler à propos, et de temps à autre, trois fois dans la journée, de quinze à vingt gouttes de vin de quinquina. Ce vin se prépare avec quinquina gris concassé, trente grammes; vin rouge de bonne qualité, sept cent cinquante grammes, et eau-de-vie, soixante grammes. On met le tout en- semble, on laisse en contact pendant trois jours, en ayant soin d’agiter de temps en temps le mélange, puis on tre à clair, ou mieux, on filtre à travers un papier, dans un en- tonnoir en verre. Lorsque le témps est sec, on peut donner aux Poussins Ja facilité de sortir, mais dans une cour séparée de la basse- cour. Il ne faut surtout jamais oublier de mettre, tous les jours, de l’eau propre à leur disposition, et comme ces animaux sont sujets à la diarrhée, lorsque les fientes cessent d’être moulées, il faut mettre dans leur eau un fer rouge, et laisser au fond des vases du fer rouillé. Les Dindonneaux ne sont hors de danger qu'après avoir poussé le rouge. C’est vers l’âge de six semaines que le duvet fait place aux mamelons qui se gonflent sur Ja lête et sur une partie dû cou. Il faut, pendant ce temps de maladie, la pousse du rouge, soutenir les animaux, surtout les languissants, avec quelques gouttes de vin de quinquina. On ‘continuera leur nourriture ordinaire, mais en y faisant entrer À partie sur six d'un mélange de semences de chènevis et de fenouil. L'époque de la poussée du rouge passée, les Dindonneaux n'ont plus besoin de nourriture particulière. En les menant aux champs jusqu'au mois d'octobre, le matin, depuis huit heures jusqu'à dixtheures, et le soir de quatre à sept heures, on doit surtout éviter qu’ils ne mangent de la digitale, de la — 260 — jusquiame ou de la ciguë, ces plantes étant pour eux des poi- sons violents. On s’occupe d'augmenter leur volume à l'approche des froids. La nourriture à leur donner alors dépend des ressources locales; tantôt on leur fait avaler des boulettes de pommes de terre cuites avec du pain de suif; parfois c’est la farine de sarrasin, tantôt la faine, la châtaigne, le gland cru et broyé avec une farine quelconque. Ces animaux sont gloutons, et prennent vite la graisse; aussi doit-on reculer devant la castration, qui est pour eux un moyen inutile et toujours dangereux. Une précaution fort importante pour l’éducation de ces ani- maux, c’est de leur choisir une habitation saine; le hangar non clos, garni de barres, est préférable au poulailler. Il faut leur faire une litière avec des feuilles mortes, recouverte avec dix centimètres äe terre sablonneuse que lon tient propre à l’aide d'un balayage et d’un binage, pour l'hiver comme pour l'été. La clavelée, espèce de pustules qui se développent sur la tête et dans l’intérieur du cou et sous les ailes, est de difficile guéri- son. C’est donc une sage pratique de tuer l’animal aussitôt le déve- loppement de la maladie ; s’il n’y a que la tête atteinte par la pus- tule, elle doit être rejetée de l'animal, qui est très-bon à manger. Si l’on tient, au contraire, à conserver l’animal et qu'on ne recule pas devant un traitement, on doit commencer par isoler l'animal, le mettre dans une température de 25 à 50 degrés, lui donner une nourriture plus tonique que de coutume, du vin de quinquina, par petites quantités (25 à 50 gouttes, à la fois). répétées quatre fois par jour, de l’eau très-propre, toujours à sa discrétion; puis on lavera toutes les pustules à l’aide d’un pinceau de charpie trempé dans une solution de Azotate d'argent. . . . . . . . . . 1 gramme. Han dishliée. 4 0037 M RNENPE D ere POULES. Les Poules forment un genre très-nombreux qui présente beaucoup de belles variétés. LS En DATES: mrdataté ne tie rh One à ht ant # — 961 — Nous en désignerons quatre assez distinctes. La Poule dite de Crèvecœur forme le premier groupe. La femelle, un peu plus petite que le mâle, est basse montée, en moyenne, d’une hauteur et-d’une largeur de 40 centimètres sur unc longueur de 70 centimètres de la nuque à la queue. Elle a les jambes et les pattes courtes, noires, sans éperon ni bou- ton ; les jointures peu saillantes, et toutes les plumes d’un beau noir ; la tête est forte, joufflue ; le bec noir, à bout droit, est placé au milieu de plumes légères, a deux petits barbillons; une crête transversale, divisée en deux cornes, est immédiate- ment au-dessus du bec. Elle est très-bien coiffée par une vaste huppe arrondie, formée de plumes effilées, susceptibles de changer de couleur en raison de l’âge ; chaque année, ct, dès la deuxième accomplie, une portion des plumes de la huppe passe du noir au blanc. Cette Poule, propre, soigneuse de sa parure, n’est pas fa- rouche, s'occupe toute la journée à chercher sa nourriture, à gralter la terre. Le froid, la chaleur, l'air humide, d'octobre à février, dimi- nuent bien leur ponte, mais ne paraissent pas altérer leur santé. Cette bonne espèce de Poule, qui n’est féconde que deux ans, manifeste rarement le désir de couver, mais pond beaucoup. Les œufs sont très-gros, d’un poids moyen de 90 grammes, d’un blanc de lait très-agréable à la vue. La Poule de Crèvecœur atteint facilement, par une nourriture ordinaire dans la basse-cour, le poids de quatre kilegrammes. Sa chair est délicate, sa peau blanche, fine : c’est un manger succulent, parce que sa graisse est placée entre les muscles qui deviennent veloutés par une cuisson bien entendue ; elle peut être transformée en poularde exquise à soixante-dix jours, et peser un kilogramme et demi. Elle se vend sur les marchés de Paris, même à la Vallée, dix à douze franes, pendant les trois mois du printemps. Le Coq, dont la crête bifurquée, très-développée, se lie à des mandibules pendantes sous le bec, a une figure bizarre; le cou, la poitrine, la huppe, les plumes dorsales qui pendent le long du croupion, maillé de plumes eflilées orangées, agen: M = lées ct dorées, éclatantes, et toutes les autres plumes du corps noires; les grandes couvertures des ailes ont un reflet cuivré, la couverture supérieure de la queue est mélangée de plumes longues, souples, de couleur argentée et dorée. La Poule du Gange a le plumage blanc de lait, la tête couverte de plumes blanches sur le sommet; elle a sur les côtés, près du bec, une peau rouge sans plumes, qui se lie à la crête, lisse, doublée et d'un rouge vif. | Le Coq à plus de crête que la Poule, mais ni l’un ni l’autre n'ont &’appendice charnu sous le bec. Les joues et le dessous de la gorge sont très-développés; le cou long, gros, est couvert de plumes courtes, fines; les jambes, longues, jaunes paille, complétement dégarnies de plumes et de duvet, sont armées d’un ergot relevé ; les ailes arrivent à l'origine de la queue: les plumes dorsales sont courtes et non flottantes : la queue a comme couvertures des plumes légères plus longues, teintées de jaune. Cette variété est très-bonne à faire des chapons; elle acquiert facilement le développement de 80 à 90 centimètres, des ergots à la tête. Les Poules pondent beaucoup, couvent bien jusqu’à l’âge de deux ans; elles deviennent dormeuses, et se laissent dépérir si l’on n’a pas soin de les empäter. La Poule de Combat, dorée et argentée, a la tête fine, la crête simple; les membranes charnues, attachées sous le bec, se re- trouvent dans les deux sexes ; mais leur volume est plus grand et les couleurs sont plus vives chez le mâie, dont les pieds et les jambes, d’un brun olivâtre, sont armés d’éperons très-acérés qui croissent avec l’âge, tandis que la Poule n'a à la même place qu’un petit bouton. On voit, chez tous les deux, à l’oreille, une tache qui est rougeâtre sur son bord extérieur et blanche au centre; leur plumage est de couleur jaune bistre, bien fondu ; les plumes du croupion, argentées, dorées, mêlées de petits points blancs, sont longues et étroites, flottantes, allongées et tombent sur l’extrémité de chaque côté des ailes, qui ont le couvert d'un rouge à reflet métallique vif, doré ou argenté; la queue a pour couvertures des plumes flottantes noires cuivrées. Celle espèce de Poule a le caractère belliqueux et indépendant, pond beaucoup; elle est la perfection des couveuses, des mères = — soigneuses, affectuouses, dévouées; elle sait diriger et faire obéir sa famille, qu'elle conduit encore lorsque les poulets sont arrivés à tout leur développement. Le Coq est la terreur d’une basse-cour, lorsqu'il en est devenu le maître ; il arrive souvent que son autorité est méconnue par sa Poule favorite ; elle ne craint pas de se mesurer avec lui ; le combat cesse vite; les plumes hérissées s’affaissent de tous côtés ; le Coq piaffe, près de sa Poule, qui fait la petite ; ilest vainqueur ; il chante sa victoire, puis se montre prévenant et toujours plein d'égards et de tendresse. La Poule de Cochinchine a un plumage chamois bien fondu du jaune paille à l'orangé foncé, émaillé sur le dos de légères plumes lamées de noir; de l'extrémité du bec à l'extrémité char- nue du croupion, elle a un développement de 80 centimètres; la tête, fine, allongée, porte une crête simple, dentelée, et deux courts appendices charnus sous le bec; les joues, l’occiput, la gorge, la poitrine, sont couverts de plumes jaunes chamois bien fondues. Les plumes dorsales, chez le Coq, sont très-effilées, d'un jaune doré, terminées à barbes désunies; soyeuses, les ailes, courtes, resserrent le dos et laissent un vide entre le rein et la queue. Cette séparation, de 10 à 15 centimètres, a, comme double couverture flottante, les plumes dorsales, la queue très- peu développée et formée de plumes douces à barbes désunies: sa couverture supérieure, plus longue, est en plumes noires flottantes; il a le regard hardi, le bec d’un jaune clair; les jambes épaisses, courtes, sont depuis le genou jusqu'à la nais- sance de l'ongle du milieu, couvertes sur le devant d'écailles jaunes, sur le derrière, d’une peau d’un rouge sanguin, fondu de Jaune, garnies de duvet léger et jamais de plumes. Dans son ensemble, le Coq doit paraître aussi large que long, être près de terre. La Poule doit avoir les plumes de l'anus touffues des- sus, désunies du bout, et présenter du côté de la queue un quart de développement de plus que du côté de la poitrine; elle est un tiers moins forte que le Coq. La Poule de Cochinchine est certainement l'Oiseau le plus perfectionné par la domesticité. Elle est féconde, sédentaie. — 9264 — douce ; elle plaît par son plumage et par sa forme; elle est at- tentive, assidue à pondre, à couver; elle est pleine de tendresse et de sollicitude pour ses Poussins; elle n'est pas difficile sur le choix de la nourriture; elle gratte à peine et ne fait aucun dégât dans les jardins, y détruisant les insectes qui sont à la surface de la terre; mais il faut dire qu'elle aime beaucoup et qu’elle attaque les bourgeons de la vigne. Sa chair, recouverte d’une peau jaune, déplaît au commerce de volailles. Cette Poule prend facilement la graisse et arrive promptement à l'état de poularde de première force sans être de première qualité, parce qu'elle n'a pas les muscles des ailes suffisamment développés ; mais elle offre tant d’autres qualités, etsurtout des œufs en telle abondance et d’un goût tellement fin pour être mangés à la coque, qu'il est impossible de leur com- parer tous les autres œufs, même les œufs de Faisan. Ces œufs sont couverts d’une écaille jaune chamois rosé, pointillé de blanc; ils dépassent rarement la longueur de 0,05 centimètres, et la largeur de 0,0% centimètres. La Poule pond habituellement seize œufs; elle exprime sa dé- livrance par des cris répétés à deux ou trois reprises. Son assi- duité au nid dépend beaucoup du local; s’il est peu éclairé, qu’elle jouisse d’une gra ndetranquillité, elleestuneexcellente couveuse. I est d’une bonne pratique de faire le fond du nid en treillage, en fil de fer à mailles de 0,02 centimètres, sur lequel on met la paille du nid que l'on distance au-dessus du sol de l’épaisseur - d’une brique. C’est après vingt et un jours d’incubation que la force des membres se développe chez le Poussin, qu’il respire et qu’il piaule dans l’œuf, que le bec agit, que la coquille est brisée, et que le Poulet s’en échappe. Dès le jour de leur naissance, les Poussins de Cochinchine sont couverts d’un duvet jaune serein, sans nuance. Ils n’ont pas besoin de manger; on les laisse se sécher dans le nid; le lendemain, on les porte sous une espèce de panier appelé mue, et on leur sert une nourriture faite avec des miettes de pain détrempées au vin, des œufs cuits durs, coupés menu : tous les jours ils doivent avoir une nourriture nouvelle et de l’eau UP a — 965 — fraiche ; on leur distribue de temps à autre un peu de blanc de poireau haché menu. Après les avoir tenus enfermés chaudement pendant cinq à six jours, quoiqu'ils soient encore mus, c’est-à-dire sans plumes, ils sont rustiques. On peut, vers le milieu de la journée, leur faire prendre l'air au soleil, et leur donner comme une bonne nourriture de l’orge bouillie mêlée avec le millet et quelques plantes potagères hachées. Au bout de quinze jours, la Poule peut conduire ses petits dans la basse-cour ; mais elle quitte souvent ses Poussins lors- qu’ils commencent à s’'emplumer : les Poules sont plus précoces et s’'emplument plus vite que les Coqs. La tendresse et la sollicitude maternelle de la Poule de Co- chinchine n’est pas de longue durée; sa dignité de mère cède promptemeni devant les avances du Coq; elle quitte sa jeune famille à un mois, six semaines, pour pondre et couver de nou- veau. La Poule et le Coq ne doivent être conservés que deux ans ; elle couve mal et pond moins à trois ans. Il est utile que Le Coq aït toujours un an de plus que la Poule. Si la Poule est plus âgée que le Coq, les couvées produisent tou- jours plus de Cogs que de Poules; ainsi on ne doit pas perdre de vue quele sexe que l’on veut faire dominer doit être le plus jeune. C’est avec le Coq de Cochinchine que l’on peut créer des es- pèces nouvelles de Poules. Le Coq de Cochinchine, placé avec les Poules de Crèvecæur, donne un croisement plus petit que père et mère, mais fécond, à plumage noir, à pattes et bec jaunes : le croisement est un superbe Oiseau pour basse-cour de ferme, il a toutes les qua- lités de la Poule de Cochinchine, mais la chair plus en rapport avec nos goûts. La Poule dite du Gange donne un croisement à plumage blane, à pattes et bec jaunes, à formes extérieures de la Poule deCochinchine, qui tient à la mère pour les qualités de la chair. Le Coqde Cochinchine, avec la Poule de Combat dorée, donne un croisement qui a les formes et les qualités des Poules de Co- chinchine et le plumage de la couleur de la Poule du Combat. Ces trois croisements de Poules, de races pures, donnent des — 266 — produits avec une race pure plus petite que père et mère, mais qui participent de toutes les qualités de père et mère, et sont plus hätifs. Le Coq de Cochinchine, mis dans la basse-cour de Poules de petites espèces ct très-bien acclimatées, leur transmet toutes ses bonnes qualités, et l amélioration du premier croisement est tellement marquée, qu’il n’est pas possible de le croire issu de l'espèce primitive ; la taille a pris plus de développement que père et mère, les œufs sont plus gros, les pontes plus fréquentes. Les Poulets, plus hâtifs, ont la peau et la chair blanche, les muscles plus épais; ils prennent un développement qui égale celui des grandes espèces. Ils s’engraissent facilement. On les chaponne avant ou après la ponte ; ils supportent bien l'opération qui se fait en intro- duisant le doigt index par une incision faite près des parties génitales que l’on saisit, que l’on attire au dehors sans offenser les intestins. Après avoir cousu la plaie, on la reconvre d'huile, puis on là saupoudre avec de la cendre de bois. Après celte épération, on les tient enfermés dans un endroit frais, on les nourrit à la soupe au vin pendant trois à quatre jours. Les Poulets desti- nés à devenir chapons doivent, autant que possible, ètre privés de la faculté de se reproduire avant le mois de juillet; ils de- viennent alors plus gras et se vendent un plus haut prix. Pour engraisser là volaille, il faut lui donner une véritable ma- ladie, la cachexie, ou embonpoint supérieur à celui dans lequel l'Oiseau a son énergie: Pour y parvenir, on enferme la volaille, dans un endroit obseur, on met à sa disposition et avec abon- dance une nourriture d'orge, de maïs, de sarrasin cuit et mis en boulettes, ou par bels de figure ovale de 5 à 6 centimètres de longueur sur une épaisseur au centre de 3 à 4 centimètres, faits à l’aide d’une pâtée composée 1e deux parties d'orge, d'une de sarrasin et d’une suffisante quantité de lait, qu’au lieu de lui laisser manger librement, on lui fait avaler, trois fois par jour, en quantité suffisante, pour emplir son jabot. Voici encore une autre méthode qui passe pour être plus expéditive. — 267 — On met la volaille en cage, dans un endroit chaud ; on l'em- pâfe, trois fois par jour, à l’aide d’un entonnoir, avec une pâtée demi-solide, par la raison que l’on ne donne pas à boire: cette pâtée est faite de farine d'orge, de maïs et de petit millet détrempé de lait. Il est à observer qu'il faut, chaque fois, em- plir entièrement le jabot, et qu'il faut laisser à la volaille le temps de se vider à son aise avant de recommencer l'opération. La cage, ou l’épinette pour renfermer les volailles, est faite de quatre planches ; celle du dessous, plus étroite d’un tiers, doit laisser par derrière un vide qui permet aux ordures de tomber hors de l’épinette. Une planche devant, une derrière, pour former les côtés, qui auront 40 centimètres de hauteur ; l'intérieur sera séparé à l’aide de planches de même hauteur, laissant une case vide de 0,95 centimètres. Le dessus de chaque case sera fermé par une planche qui fera couvercle ; elle sera solidement fixée, pour que la volaille ne puisse la soulever. L'entonnoir à empâter, dans lequel on verse la nourriture. doit être fait en zinc, et avoir au bas, adaptée à sa partie infé- rieure, une soupape qui se lève ou se baisse à l’aide d'un fil de fer que le pied fait marcher; à cette soupape est fixé un conduit en toile qui descend jusqu’à la hauteur d'un banc de bois sur lequel on se met pour empäter. L’engraisseur tient le bec de l’Oiseau ouvert, la lan.ue en dessous; le bout du conduit en toile est introduit dans le bec ; l'empäteur presse du pied, fait marcher la soupape qui pousse la nourriture, et donne la dose suffisante à l'Oiscau. Si la dose est dépassée, si elle est trop forte, on le fait dégorger dans un vase placé près de lui à cet effet. Il faut que tous les outils soient tous les jours lavés à l’eau bouillante et repassés à l’eau froide, Les volailles nourries de cette manière sont, en moins de. quinze jours, amenées à une haute graisse, et recherchées par les marchands de volailles fines et de bon goût. On ne peut assez recommander de n'être pas dur envers ces animaux, ct surtout de rejeter loutes les coutumes barbares, inutiles, détestables, qui, au lien de développer l'embonpoiat des volailles, leur sont contraires, puisqu'elles occasionnent des douleurs plus ou moins aiguës. L 20 — 268 — SUR LES CHEVRES D’ANGORA ET A DUVET ET LES AVANTAGES QUI POURRAIENT RÉSULTER DU CROISEMENT DE CES RACES, Par M. BOURGEOIS, ANCIEN DIRECTEUR DE LA BERGERIE DE RAMBOUILLET. (Séance du 25 juin 1854.) Messieurs, Dans l’une de vos précédentes séances ‘, j’eus l'honneur de prendre la parole, à l’occasion du procès-verbal, pour appeler de nouveau l'attention de la Société sur la proposition de M. Sacce, relativement aux avantages que présenicrait l’accli- matation en France de la Chèvre d’Angora *. Je n’ai pu, messieurs, vous rapporter à cet égard que des souvenirs d'enfance; car, né dans l'établissement rural de Rambouillet, c’est, il y a plus de cinquante ans que je me sou- viens d’y avoir vu arriver des Boucs el des Chèvres d'Angora, tous d’une éclatante blancheur, venant, Je crois, de la ména- gerie de Versailles. Les Boues, en très-petit nombre, furent mis dans le trou- peau dè Béliers mérinos, où ils se livrèreñt de nombreux combats. Quant aux Chèvres, autant que je puis me le rap- _peler, elles ne furent mêlées aux Brebis que durant un très- court laps de temps. On fut obligé de les faire garder à part parce qu’elles étaient très-vagabondes, et que dès qu’elles aper- ! Séance du 7 avril. ? Voyez, dans le premier numéro du Bulletin, la Note de M. Sace sur la Chèvre d’Angora, page 21, et le Rapport de M. Ramon de Ja Sagra, même numéro, page 23. — 269 — cevaient quelques parties de bois ou de broussailles, elles cou- raient y brouter, et Ie plus souvent elles y restaient accrochées par leur laine longue, et frisée en tire-bouchon : il fallait aller les en retirer, non sans y laisser quelques lambeaux de leurs toisons. On tondait chaque année ces animaux. Les toisons me paraissaient fort belles, et je crois avoir entendu dire qu’elles furent livrées à des fabricants de Louviers ou d’Elbeuf pour en essayer la fabrication; cependant je n’ai aucune idée d’avoir vu des étoffes en provenant. J'ai d’ailleurs eu une parfaite con- naissance qu'à une époque moins reculée, plusieurs toisons de mérinos, de trois, quatre et cinq ans de tonte (dont les échan- Go ont conservés à Rambouillet), ont été aussi données à essayer à des fabricants qui, malheureusement, n’en ont jamais rendu compte. Quoi qu’il en soit, les Boucs et Chèvres d’Angora ne séjour- nèrent à la ferme de Rambouillet que deux années, à cause, je ne saurais en douter, de leur peu de sympathie pour les Mérinos, qu'ils maltraitaient avec leurs cornes; et proba- blement encore, et surtout, parce que les pâturages du pare de Rambouillet sont trop entrecoupés de bois et de broussailles, non pas pour que les Chèvres s’y convinssent; mais parce que, même en les y faisant conduire en troupeau séparées les eussent bientôt tous dévastés. Il ÿ a eu aussi à Rambouillet, je crois, de 1800 à 1810, quel- ques Boucs et Chèvres à duvet, dites du Thibet, qui n’y séjour- nèrent que transitoirement, probablement par la même raison qui avait fait proscrireles Chèvres d'Angora ; je ne saurais dire où ces animaux furent transférés. M. le baron Dauzier, direc- teur actuel de la ferme impériale de Rambouillet, a bien voulu me promettre de rechercher s’il ne trouverait pas quelques documents à cet égard dans les archives de cet établissement rural. Je les communiquerai, s’il y a lieu, à la Société. Mais j'ai voulu surtout vous parler, Messieurs, des belles expériences de croisement de la race des Chèvres à duvet et de celles d’Angora, commencées à Versailles avec le plus rand désinléressement et le dévouement le plus éclairé par — 970 — M. Polonceau, cet amateur zélé du progrès, cet ingénieur aussi savant qu’il était habile, qui a tant fait, durant sa trop courte carrière, pour l’agriculture et pour l’industrie. M. Polonceau, pénétré de l’excessive rareté du précieux duvet, matière première unique de ces beaux tissus de l'Inde qui surpassent en finesse, en légèreté, et surtout en moelleux, tous les vêtements de laine et de coton, et sont une sorte d'in- termédiaire entre les lainages et les sojeries; frappé d’é- tonnement de ce qu'une Chèvre à duvet en donne à peine, en moyenne, cent quarante grammes, conçut l’heureuse idéc d’accoupler cette Chèvre avec le bouc d’Angora. Il avait en vue d'en obtenir des métis donnant, au lieu du rare produit que l’on ne peut recueillir de la race du Thibet qu'enle pei- gnant avec un soin minutieux dans le poil jarreux qui couvre tout le corps de l’animal, et, au lieu du long poil brillant et un peu grossier dont est composée la toison des animaux de la race d'Angora, un duvet presque homogène, beaucoup plus abondant, participant de l’un et de l’autre, et réunissant une finesse encore assez remarquable, une grande longueur, et le moelleux du duvet de l’Inde. M. Polonceau avait pressenti que ces métis produiraient nécessairement, à un moindre prix dé revient, un duvet présentant des qualités différentes de celles du duvet que fournit l'Asie, et dont on pourrait fabriquer des tissus moelleux comme les cachemires, plus légers et beau- coup moins chers. Les premiers essais que tenta M. Polonceau, au moyen des Boucs d’Angora, que Madame la duchesse de Berry lui avait accordés, donnèrent deux produits en 1825. Ces produits s’élevèrent à quatre dans l’année suivante, et le nombre fut porté à vingt-cinq métis Cachemire-Angora en 1825, donnant plus de quatre cents grammes, en moyenne, de duvet mêlé de très-peu de jarre. Il existe des tableaux d'échantillons de ce duvet de Cache. mire-Angora conservés à la Société d'agriculture de Ver- sailles; il est trois fois, au moins, plus long que celui de Cachemire, en sorte qu'on pourrait le traiter comme les laines longues, c’est-à-dire le travailler au peigne et obtenir des fils f * 190 — plus fins, plus forts et plus unis que ceux que donne le duvet de l’Inde. Les essais de M. Polonceau en étaient là, quand il fut forcé d'abandonner son petit troupeau, devenu si intéressant et si précieux. Je ne sais ce qu’il sera devenu, et si ces premiers résultats obtenus auront été perdus; je n’ai pu encore me livrer aux recherches que je me propose de faire à cet égard. Toutefois, il serait fort désirable que des expériences d’un sussi grand intérêt, si elles ne pouvaient être continuées, fus- sent recommencées dans le même but, et j'ai l'honneur, mes- sieurs, de faire la proposition formelle qu’elles soient reprises sous les auspices et sous l'impulsion de la Société zoologique d’Acclimatation. Je regarde comme tout à fait probable que l’on parviendrait par un second croisement, par un troisième, par un qua- trième, s’il était nécessaire, à obtenir une toison absolument homogène de duvet dont on augmenterait beaucoup l’abon- dance et le poids sur les animaux, en choisissant successive- ment pour la reproduction les femelles et surtout les mâles dont le duvet serait le plus pur et réunirait le plus de qua- lités *. ! La Société a pris en considération la proposition de M. Bourgeois, et l'a renvoyée, pour êlre étudiée, à la même Commission que la proposition pré- cédemment faite par M. Sacc; commission à laquelle M. Bourgeois a été prié de s’adjoindre. NOTE SUR LE MOYEN D'ORTENIR DES COMPAGNIES DE PERDRIX NOMBREUSES SANS PRENDRE LA PEINE D'ÉLEVER LES PERDREAUX, Par M. le docteur BLONDEAU. (Séance du 23 juin 1854. La lecture de la communication faite à la Société zoologique d’acclimatation par M. l’abbé Allary, dans sa séance du 7 avril 1854 !, sur les moyens de faire produire à la Perdrix de 50 à 60 petits (en domesticité), me remet en mémoire un fait dont j'ai été témoin l’an dernier, et sur lequel il me semble utile d’ap- peler l'attention de la Société. Il ne s’agit plus seulement ici de l'élève et de la multiplica- tion des Perdrix à l’état de domesticité, mais de leur élève, si je puis ainsi dire, et de leur multiplication à l’état sauvage. Si de nouvelles expériences venaient confirmer celle à laquelle j'ai pu assister, leurs résultats seraient d’un immense avantage et dignes du plus haut intérêt. Permettez-moi, monsieur le Président, de vous rapporter ce fait dans toute sa simplicité. Le propriétaire d’un château aux environs duquel j’habitais encore l’été dernier possède une chasse des plus belles et des mieux soignées. Chaque année on élève chez lui une grande quantité de Perdrix, provenant des œufs que les faucheurs trouvent en moissonnant les prairies artificielles, et que l’on recueille avec soin. L’an dernier encore, les Perdreaux éclos 1 Voyez le travail de M. l'abbé Allary dans le numéro 2 du Bulletin, pages 62 et suivantes. , — 2135 — sous des Poules étaient élevés dans des cages et nourris avec des œufs de Fourmis que l'on cherchait dans les bois. Mais ce procédé, indépendamment des peines et des soins qu'il occa- sionnait, ne donnait jamais de merveilleux résultats; c’est tout au plus si l’on conservait ainsi un liers des produits. Un jour, le garde chargé de cette éducation résolut de se soustraire aux ennuis et aux lracas qu’elle lui donnait. À cet effet, il imagina de confier aux Perdrix sauvages le travail dont il voulait se débarrasser, et voici comment il s’y prit : Aidé de son chien d’arrêt, il chercha dans la plaine des Perdrix qui pouvaient encore être sur leurs nids : on était vers la fin de juin. La première qu’il rencontra fut chassée avec précaution et rapidement ; on compta le nombre d'œufs qu’elle avait sous elle : ceci fait avec une grande prestesse et sans bruit, de façon à ne pas trop effrayer la mère couveuse, et à l'éloigner le moins longtemps possible de l’objet de sa ten- dresse. Le garde revint à son logis prendre sous une Poule, qüi les couvait depuis quelque temps déjà, un nombre d'œufs de Perdrix égal à celui compté dans le nid ; il eut grand soin de choisir des œufs assez avancés, prêts à éclore et même déjà béchés; puis il revint auprès de sa Perdrix, dont il avait gardé la place. Comme il lavait fait le matin, il la chassa avec pré- caution ; puis, avec une très-grande habileté, il substitua aux œufs qui se trouvaient dans le nid ceux qu’il avait pris sous la Poule, et, rentrant chez lui, il attendit le résultat de son expédition. Le lendemain matin, nouvelle visite à sa Perdrix : elle était à la même place et couvrait de ses ailes ses petits nouvellement sortis de leurs coquilles. Heureux de ce premier succès, le garde poussa plus loin l'expérience. Il revint chez lui prendre de nouveau sous la Poule un certain nombre de Perdreaux, du même âge que ceux qui étaient éclos sous la Perdrix, puis il vint encore une fois trouver celle-ci, qu’il ne fallut pas longtemps déranger, pour pouvoir adjoindre à sa couvée les nouveaux venus. Cette seconde expérience réussit comme la première, et l’on put s’en assurer. — 274 — Le garde la poursuivit dès lors sur d’autres Perdrix, et son maitre m’affirmait que toutes ses tentatives avaient eu le même succès. Il obtint ainsi des compagnies de trente à quarante Per- dreaux, qui, à l’époque des chasses (au 8 septembre), étaient plus forts, plus vigoureux, plus sauvages que ceux qui avaient été élevés sous la Poule et à l’état de domesticité. à Un épisode assez curieux se rattache à cette histoire. Un jour 4 d'orage, une compagnie de ces Perdreaux vint se réfugier dans les fossés qui entourent le pare du château, et l’on vit alors, non plus seulement la mère Perdrix, mais encore le père, occupés à protéger de leurs ailes leur nombreuse couvée. Tel est, monsieur le Président, le fait qui m'a paru digne d’être mentionné à la suite de celui qu'a rapporté M. l'abbé “ Allary. Tout en regrettant que cette expérience, faite par un autre que par mai, ne soit pas étayée d'un nombre plus nota- ble d'observations répétées; tout en regrettant, par conséquent, qu’elle ne présente pas, quant à présent, le degré de certitude désirable pour l’établir en fait acquis à la science, 1l m'a paru cependant utile de vous en faire part, afin que, si vousle jugiez convenable, vous engagiez les membres de la Société que cette question peut intéresser, à la prendre en considération, et à diriger vers ce côté les expériences qui tendraient à l’é- clairer ‘. 1 A Ja suite de la lecture de cette Note, plusieurs membres de la Société ont fait connaître des faits plus ou moins analogues à celui qui vient d'être rapporté. … Voyez le Procès-verbal de la séance du 25 juin, dans le numéro 5 du Bul- _ Jetin, page 233 et 234. Il. TRAVAUX ADRESSÉS ET COMMUNICATIONS FAITES A LA SOCIÉTÉ. SUR LE LYCOPERDON, ET L'EMPLOI QU'ON EN PEUT FAIRE POUR ENGOURDIR LES ABEILLES. Par M. le docteur DE BEAUVOYS. (Extrait d'une lettre à M. le président de la Société zoologique d’Acclimatation.) Monsieur le Président, J'ai l'honneur de vous adresser, pour la Société zoologique d’acclimatation, une Ruche réduite au quart. Je joins à cet envoi une Notice, où j'ai réuni £e que l’on savait sur la fécon- dation de la Reine, et ce que M. le docteur Auzoux a bien voulu me faire connaître. Il serait bien à désirer que M. Blanchard s’emparât de mon idée, pour lui donner, à l’aide de ses tra- vaux, tout le développement et la lucidité qu’elle mérite. J’ai aussi l'honneur de vous adresser une note sur le Lyco- perdon et sur son emploi, que vous avez pu constater dans l'expérience que j'ai eu l'honneur de faire chez vous, devant un grand nombre de membres de la Société zoologique d’Ac- climatation *. On sait que le Lycoperdon est un Champignon très-commun de la famille des Lycoperdacées , qui présente ce phénomène de lancer un nuage de poussière quand on vient à le compri- mer. Dans le jeune âge, il forme une masse charnue homogène, blanche, rarement colorée, composée de cavités et de cloisons ! Voyez les Extraits des Procés-verbaux des séances de la Société, numéro 5 du Bulletin, p. 232. ET Li semblables à celles d’une éponge très-fine. Quand il a acquis tout son développement, on le voit changer de couleur et de- venir brun; de ferme qu'il était, il est mou, s'écrase avec la plus grande facilité, et dégage une odeur forte et désagréable. Lorsque sa décomposition intérieure est opérée, il s'ouvre au sommet, montre des filaments bruns très-fins, et lance, à la plus légère pression, un nuage de poussière, d’où il tire son nom vulgaire de Vesse-de-Loup. Peu à peu la partie supérieure disparait, et il ne reste plus que le pied, qui persiste assez longtemps, et qui présente une espèce de coupe à bord large et irrégulier. Mais il en est qui restent spongieux, et dans le tissu desquels reste beaucoup de poussière. Le volume des Vesses-de- Loup est très-variable. Le Lycoperdon giganteum présente des individus dont le diamètre est de quarante à quarante-cinq centimètres. Czerniaiew en a rencontré en Crimée une nouvelle espèce, le Lyc. horrendum, dont le diamètre dépasse quelque- fois un mètre. On en mange quelques-uns en Italie quand ils sont jeunes : on peut, avec leur base, préparer un bon amadou, en le trem- pant dans une solution d’azotate de potasse. Pour se servir de ce champignon afin d’endormir les Abeil- les, on doit comprimer le Lyc. giganteum, afin de le mieux conserver, mais 1l n’y a pas besoin de le tremper dans une so- lution de sel de nitre (azotate de potasse). On en coupe un morceau qu’on met dans un enfumoir, avec quelques copeaux bien secs et quelques charbons ; on souffle, et le peu qui en brûle , ne füt-il grand que comme une pièce de cing francs, suffit pour endormir les Abeilles pendant près d’une demi- heure. Pour les ruches communes, on met sur des charbons contenus dans un réchaud et couverts d’un entonnoir en terre cuite, un morceau de Lycoperdon, dont on dirige la fumée dans la ruche tenue suspendue; un drap étendu à terre reçoit les Abeilles au fur et à mesure qu’elles tombent. Réaumur n’a pas connu l'usage du Lycoperdon, qui lui eût été beaucoup plusutileque le bain auquel il soumettaitles Abeilles. Voici ce qu’il en a écrit : « Vandergroen, dans le Jardinier des Pays-Bas, nous apprend que des personnes se servent de la — 9717 — fumée de Vesses-d p, qu’on fait tomber dans un baquet les Mouches étouffées et celles qui ne sont qu’étourdies, où on les pile avec les gâteaux de miel et de cire. Butler donne les mêmes moyens d’étouffer les Mouches à miel. (P. 664.) On trouve dans Schirach : « Lycoperdon criptus lupi, Vesse-de-Loup. Sa fumée ne manque jamais d’endormir les Abeilles pendant une demi-heure, de manière qu’on peut alors les manier facilement pour chercher la reine et la tuer, lorsqu'on veut marier les essaims faibles. » (P. 17, édit. de 1771.) Béraud, en 1785, dans son Traité, qui fut couronné à Mar- seille, dit, p. 229 : « Si on veut prévenir les combats des Abeilles, on n’a qu’à jeter de la Vesse-de-Loup sur un ré- chaud de charbons allumés, et exposer à la fumée qui s’en élèvera l’essaim qu’on veut passer dans une autre ruche. Elle engourdira les Abeilles, sans leur porter aucun préjudice, pendant une demi-heure. 11 sera facile de les manier sans danger pendant ce temps, de chercher la reine, de la tuer, et de mettre ensuite les Abeilles sur le support de la ruche qui doit les recevoir. » Dans le Dictionnaire d'Histoire naturelle de d’Orbigny, ar- ticle Lycoperdacées, on trouve encore le passage suivant : «M. Czerniaiew rapporte que, dans la Russie méridionale, on emploie le Lycoperdon horrendum et V Endoneuron suberosum, pour enivrer les Abeïlles, quand on veut recueillir leur miel. » Sur ces notions et quelques-unes qui m'ont élé communi- quées en Bretagne, où le Lycoperdon est abandonné, et aux environs de Lille, où on en fait encore usage, j'ai repris cette substance en sous-œuvre, et j'en obtiens des résultats fort utiles, en ce qu’ils rendent les Abeilles plus abordables, et permettent de les diviser pour former les essaims, de les ma- rier sans danger, et de tailler leurs rayons sans qu’elles s’en aperçoivent. Son emploi est facile, comme vous l’avez vu, el comme on l’a vu aussi aux congrès de Niort, à Angers et à Nantes, où j'ai fait la même expérience que je viens d'avoir l'hon- neur de répéter devant la Société zoologique d’Acclimalation. II. EXTRAITS DES PROCÉS-VERBAUX DES SÉANCES DU CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ. Conformément à une décision prise le 12 juillet, il sera pu- blié dans le Bulletin, pendant les vacances de la Société, des extraits des procès-verbaux des séances du Conseil, afin que MM. les membres continuent à être tenus au courant des faits d'intérêt général et du mouvement de la Société. SÉANCE DU 90 Juin 1854. Conformément à l’article 4 du règlement constitutif, le Con- seil admet au nombre des membres de la Société : MM. Cauvann, avocat. | Nec pe BréauTé, membre correspondant de l'Institut, à la Chapelle du Bourgey, près Dieppe. — M. le Ministre de l’agriculture, par une lettre en date du 253 juin, informe la Société que, par un arrêté pris le même jour, il vient de lui allouer une somme de quinze cents francs, en prévision des dépenses qu’elle pourra avoir à faire pour Vacclimatation des Yaks. M. le Secrétaire pour l’intérieur est chargé de transmettre à M. le Ministre les remerciments du Conseil pour l'allocation qu’il a bien voulu faire spontanément à la Société. SÉANCE DU 42 JUILLET. Le Conseil, conformément à l’article 4 du règlement consti- tutif, admet au nombre des membres de la Société: MM. Devpuecu (L'abbé), curé de Cros de Montamat (Cantal). Sournisse ne La Vaerre (Charles), maire de Villiers- Charlemagne (Mayenne). VazLomsrosA (Le duc de). — M. le baron de Montgaudry annonce que MM. de Zeller et Bechtold, de Darmstadt, l’ont prié de présenter leurs remer- : ;. T9 — ciments à la Société qui les a admis dans son sein comme membres honoraires. — Il est donné lecture d’une lettre de M. le docteur Millot, filateur de laine à Mello, près Creil, et membre de la Société, qui offre de faire dans son établissement les essais de filage et de tissage dont la Société voudra bien le charger. - Il sera adressé des remerciments à M. Millot, auquel M. le président se charge de faire parvenir des toisons de Méri- nos Mauchamp, et plus tard des poils et lainages de Lamas et d’Yaks. — M. le vice-amiral Cécille, par une lettre en date du 8 | uillet, remercie la Société de sa nomination comme mem- bre honoraire. — M. le Ministre de l’Instruction publique, par une lettre en date du 7 juillet, informe la Société que, par une décision spéciale, il vient de lui attribuer cinq des douze Yaks amenés en France par M. de Montigny, savoir : N° 1. Un veau blanc, à cornes, de treize mois ; N° 2. Un taureau blanc, sans cornes; N° 5. Une vache blanche. id., pleine; N° 4. Une autre vache blanche, id., 1d.: N° 5. Une génisse blanche, id., de quatorze mois (is- sue de la vache n° 4). — Le Conseil charge M. le Secrétaire de transmettre ses remerciments à M. le Ministre, et décide que les Yaks seront placés dans les montagnes du Doubs et du Jura, et confiés aux soins de MM. Cuënot et Jobez. Les n° À, 4 et 5, seront placés chez M. Cuënot, à la Malcôte, près Ornans (Doubs), et lesn” 2 et5, chez M. Jobez, à Syam, près Champagnole (Jura). Le Conseil nomme, pour prendre les mesures relatives au transport des Yaks, une commission composée de MM. E. Du- pin, le baron de Montgaudry, Florent Prévost et Richard (du Cantal). — Le Conseil vote des remerciments à MM. Cuënot et Jobez, et aussi à MM. Allier, Bertrand et Sacc, qui avaient également offert de recevoir les Yaks sur divers poiats de l1 France ou de la Suisse, 1980 — — M. le président, annonce, au nom de M. de Montigny, qu’un lot considérable de cocons de Vers à soie de Mantchourie, qu'il faisait venir et qu'il destinait à la Société, a été détruit par suite de l'insurrection chinoise. M. de Montigny a d’ail- leurs l'espoir qu'un autre lot arrivera bientôt, et que cette perte si regrettable sera ainsi réparée. — Le Conseil décide qu’une commission de la Société visitera la graride exposition d'animaux domestiques qui doit avoir lieu à Lincoln, par les soins de la Société royale d’a- griculture de Londres. Cette commission sera composée de MM. Allier, Mitchell, de Londres, Valserres et Walter Fraser, de Londres. Elle recueillera les faits qui lui paraïtront de nature à intéresser la Société, et en fera, s'il y a lieu, l’objet d’un rapport spécial. — M. le président présente au Conseil un petit modèle de ruche, dont M. le docteur De Beauvoys fait hommage à la So- ciélé. M. le président dépose aussi une lettre qu’il a reçue en mème temps de M. De Beauvoys sur l’anesthésie des Abeilles par le Lycoperdon. Un extrait de cette lettre sera inséré dans le Bulletin. (Voyez page 275.) La Société vient d’avoir le malheur de perdre un de ses membres. M. le général Carbuccia est mort le 17 juillet, à Gal- lipoli, où il commandait une des brigades de l’armée d'Orient. Nous n’avons à mentionner ici, ni les services militaires du général Carbuccia, n1 les travaux archéologiques qui lui avaient mérité le titre de membre correspondant de l’Académie des Inscriptions; mais nous rappellerons l'important ouvrage dont il s'était plu à faire hommage à la Société peu de jours avant son départ pour l'Orient, et qui renferme les résultats de ses observations et de ses essais pratiques, poursuivis durant plusieurs années en Algérie, sur le Dromadaire considéré comme bête de somme ét comme animal de guerre. M. le général Carbuccia appartenait à la Société, comme membre honoraire, depuis le 24 mars. L: | | À is mdas — 981 — OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ, SÉANCE DU 9 Juin 1894. Rarporr présenté à l'Empereur sur la situation de l'Algérie en 1853, par M. le maréchal Vaillant, ministre de la guerre, 1 vol. in-8°. — Offert par M. le Ministre, avec vingt-cinq autres exemplaires destinés à MM. les mem- bres du bureau et du Conseil d'administration de la Société. Tasreau de la situation des établissements français en Algérie (années 1830 à 1852), 12 vol. in-folio. — Cette précieuse collection est donnée à la Société par M. le Ministre de la guerre. Burremix de Ja Société philomathique de Paris (année 1853). Buzzer de Ja Société météorologique de France (année 1833 et feuilles 1 à 9 de l’année 1854.) Guine pe L'Aricuzreur, par M. De Beauvoys, 4° édition, 1 vol. in-12. Paris, 1855. £ SÉANCE DU 25 JuIN 1834. Moeurs ex courumes de l’Algérie, par M. le général Daumas, 1 vol. in-19. Paris, 1853. Le Gran Désert, par M. le général Daumas, 1 vol in-8°, Paris, 1850. Les cuevaux pu Sanara, par M. le général Daumas, 4 vol. in-8°. Paris, 1853. Carte du Sahara algérien. — Offerte, comme les trois ouvrages précé dents, par M. le général Daumas. L’Acnicucreur PrATICIEN, Revue de l’agriculture française (numéros 1 à 17). Guine du pisciculteur, par M. J. Remy; 1 vol. in-18, avec gravures. AMENDEMENTS ET PRAIMES, par M. Basset ; 1 vol. in-18. Do Béraic en ferme, par le même: 1 vol. in-18. TratTÉ pRarique de la culture et de l'alcaolisation de la betterave, par le même; 1 vol. in-18. Guwe de l’éleveur de Pigeons, par M. Mariot-Didieux; 4 vol. in-18. Gume de l'éducateur de Lapins, par le même; 1 vol. in-18. Le Fumer de ferme élevé à sa plus haute puissance de fertilisation, par M. Quenard. , Les huit ouvrages qui précédent ont été offerts par M. Goïn, éditeur, mem- bre de la Société. : Dowesrication ET NATURALISATION des animaux utiles, par M. IL. Geoffroy Saint-Hilaire, 4 vol. in-12, 5° édition. Paris, 1854. De La Coxronmariox du Cheval, par M. Richard (du Cantal), 4 vol. in-8’, Paris, 4847. ° Dicrionxaie raisonné d'agriculture et d'économie du bétail, par M. Ri- chard (du Cantal); ouvrage présentement en voie de publication; feuilles 1 à 14, in-8°. L'Équirariox naturelle, par M. Casimir Noël, et offert par lui; 1 vol. in-8. Exrnar de l'équitation naturelle, àd.; 4 vol. in-16, Paris. "19 Le Cuevar dompté et dressé par lui-même, àd.; 1 vol, iu-8, Paris. Science naturelle, science exacte, id. Buzzer du Comice agricole de l'arrondissement d'Alais (Gard) tjuin 1854). Procrës agricole et charité. Le Courwer de la province (juin 1854). Jouraz des haras (avril, mai, juin). Cosmos (3° année, 4° volume, 24° livraison). La Société a aussi reçu, dans les mêmes séances et dans celle du 26 mai, les journaux dont les titres suivent : | Journal d'Alençon et du département de l'Orne (14 mai). — Journal du tribunal de première instance de Rethel (14 mai). — Journal du départe- ment de la Meuse, Echo de l'Est (AA mai). — Le Courrierdu Pas-de-Calais (47 mai). — Le Pays d’Auge (18 mai et 22 juin). — Revue marmandaise (14 mai). — Le Glaneur de l'Allier (18 mai et 22 juin). — Le Bulletin d'Espalion (13 et 20 mai, 5 et 10 juin). — Le Messager du Midi (19 mai). — Journal de Péronne de mai). — Le Messager de la Manche (13 mai). — L'Echo du Hâvre (25 maiet 8 juin). — L'Album dôlois (16 mai). — Le Mémorial de l'Allier (21 mai).— L'Echo roannais (21 mai).— Affiches, annonces, avis divers d’AIt- kirch (20 mai et3 juin). — L'Echo de la Dore (20 mai). — La Tribune, revue de la Côte-d'Or (17 et 31 mai).— La France centrale (18 mai). — Echo des Cé- vennes (20 mai). — Le Salinois (21 mai, 4 et 11 juin). — Echo de Châtelle- rault (21 mai). — La Haute Auvergne (20 mai et 8 juillet). — Echo honfleu- rais (21 mai). — Journal d'Issoire (18 mai et 29 juin). — Echo de Paimbœul (20 mai). — PR du Jura (17 mai et 1* juillet). - Journal de Pon- tarlier (21 et28 mai, 4, 11 et 18 juin). — Le Sénonais (20 mai). — Le Bou-. logne-New-Times (17 . 2% mai, et 5 juillet). — Affiches de la Meuse (5 juin et 1° juillet). — Journal de Vervins, de Guise et de l'arrondissement (28 mai, 4 et 18 juin.) — Le Châtelleraudais de 1852 (4 juin). — L'Echo saumurois (25 mai). — La Presse grayloise (20 et 27 mai). — Le Publicateur de l'ar- rondissement de Meaux (27 mai). — Le Propagateur, journal de Florac (21 et28 mai). — L'Union malouine et dinannaise (28 mai). — Le Courrier de Verdun (31 mai et 2 juin). — Le Courrier de Bayonne (25 mai). — Revue de la Marne (22 mai). — L'Ami de l'ordre, journal des Basses-Alpes (25 mai). — Le journal de Cosne (25 mai). — L’Intérêt public, journal de Tarbes (23 mai). — Le Mellois (21 mai). — Le Courrier des marchés (31 mai). — Annonces marseillaises (28 mai, 4 et 18 juin). —- L’Impartial, journal du départe- ment du Cantal (24% et 25 mai). — Le Dos journal de l'arrondissement de Montbéliard (27 mai). — [Aigle des Cévennes (21 mai et 11 juin). — L'Echo de Châteaulin (3 juin), — Journal de Montfort (10 juin). — L'Union (19 et 25 juin). — L’Agriculture (22 juin). Presque lous ces journaux renferment des articles sur les travaux de la Société ou l'annonce de son Bulletin. l'aris. — Typ. Simon Paçon el Ce, rue d'Evfurth, 4. nn. É y ? he, mr peer" BULLETIN MENSUET DE LA SOCIÈTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION Fondée le 10 février 1854. 1. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. FRAGMENTS HISTORIQUES SUR LA DOMESTICATION ET LA CULTURE DES ANIMAUX. TROISIÈME FRAGMENT :. VUES ÉMISES PAR DIVERS AUTEURS DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE SUR LA NATURALISATION ET LA DOMESTICATION DES ANIMAUX UTILES. Par M. Is, GEOFFROY SAINT-HILAIRE. (Séanec du 9 juin 1854 *.) Tant que les questions relatives à la naturalisation des ani- maux utiles restaient généralement négligées, tant queles natu- ralistes eux-mêmes en détournaient pour la plupart leur atten- tion, il était inévitable qu’on laissät dans un oubli profond les efforts faits à diverses époques par quelques esprits d’élite, 1 Pour lés deux premiers fragments, voyez le n° 4 du Bulletin, p.155, et le n°6, p. 241. ? Une partie seulement de c: fragment a été lue à la Scciété. Nous avons cru devoir le mettre tout entier sous les yeux de os lecteurs, * [. 21 ere pour signaler, à ce point de vue, l'importance des applica- tions pratiques de la Zoologie. Par une raison contraire, nous devons aujourd’hui, tout en nous préoccupant surtout de l’ave- nir et du progrès, revenir, au nom de la justice, sur le passé, rappeler avec un sentiment de gratitude ces efforts si long- temps méconnus, et écrire, à son tour, l’histoire de la science pratique de l’acclimatation et de la naturalisation des animaux utiles, comme on a écrit, à mesure qu’elles se sont déve- loppées, celle de toutes les autres branches du savoir hu- main. Je ne prétends pas accomplir ici cette œuvre de Justice scientifique; je me propose seulement de la commencer, en rappelant, dans ce Fragmenit, les vues des naturalistes qui, dès le dix-huitième siècle, ont préparé le mouvement actuel des esprits vers les questions zoologiques d'utilité publique; mouvement dont la création de la Société zoologique d’accli- matation a êté l’un des heureux résultats, et qui, grâce à elle, ne peut manquer de se prononcer, de s’accélérer de plus en plus. Chacun comprend aujourd’hui que le moment est ‘ venu où la Zoologie, trop longtemps et trop exclusivement théorique, va prendre enfin, par la multitude et l'importance de ses applications pratiques, la place qui lui appartient à côté des sciences physiques. Î. BUFFON. A la tête des naturalistes dont j’ai à signaler ici les efforts, se place Buffen. C'est lui qui a rappelé les modernes à l’œuvre négligée de la domestication des animaux ; c’est de lui qu'est venue l'impulsion. Nous ne faisons, après un siècle, que réali- ser ses vues. Il les a exprimées sous deux formes et de deux manières. Tantôt, au moment où il fait l’histoire d’une espèce appelée à nous devenir utile comme auxiliaire, alimentaire ou indus- _trielle, il en recommande la domestlication, insistant sur les biens qu’elle peut un jour nous procurer. Ces biens, dit-il à plusieurs reprises, sont les vrais biens, les vraies richesses, et F4 Lee 2.2 mt D En Panne 2 ht ht nié tan ialé ad She: F 0, Me SOLE + — 285 — nuus ne devons rien épargner pour nous en rendre maitres. C'est ainsi qu'il dit du Lama et de ses congénères : « J'imagine que ces animaux seraient une excellente acquisition pour l'Europe, spécialement pour les Alpes et pour les Pyrénées, et produiraient plus de biens réels que tout le métal du nouveau mondet. » Il s'exprime ailleurs en ces termes, au sujet du Chameau : « E réunissant sous un seul point de vue toutes les qualités de cet ani- s les avantages que l'on en tire, on ne pourra s'empêcher de le re pour la plis utile et la plus précieuse de toutes les créatures subordonnées à l'homme; l'or et la soie ne sont pas les vraies, richesses de l'Orient ; c'est le Chameau qui est le trésor de l’Asie?.» Ailleurs, c'est la question tout entière que Buffon aborde dans sa haute généralité, signalant à l’homme ce qu'il appelle si justement des espèces de réserve. Le passage que je vais reproduire, et que l’on a trop long- temps laissé dans loubli, fait partie de l’article sur le Renne. Buffon insiste sur les services que rend aux Lapons cet ani- mal, qui est à la fois leur cheval, leur bœuf et leur brebis, et, passant de cet exemple particulier à de hautes vues générales, il ajoute : « Nous devons sentir, par cet exemple, jusqu'où s'étend pour nous la li- béralité de la nature : nous n’usons pas, à beaucoup près, de toutes les richesses qu’elle nous offre; le fonds en est bien plus immense que nous ne l'imaginons; elle nous à donné le Cheval, le Bœuf, la Brebis, tous nos au- tres animaux domestiques, pour nous servir, nous nourrir, nous vêtir; et elle a encore des espèces de réserve qui pourraient suppléer à leur défaut, et qu’il ne tiendrait qu'à nous d’assujettir et de faire servir à nos besoins. L'homme ne sait pas assez ce que peut la nature ni ce qu’il peut sur elle; ! Histoire naturelle, t. XII, p. 31, 1765. J'ai rappelé ailleurs (Domestication et naturalisation des animaux utiles, 3e édit., p. 56 et suiv.) les efforts de Buffon et des abbés Beliardy et Bexon pour obtenir le transport en Europe d'un troupeau de Lamas, d’'Alpacas etde Vigognes. Des essais allaient être faits peut-être par le gouvernement et par un particulier, M. de Nesle, lorsqu'on mit en avant l'impossibilité de nourrir les Lamas sans l’ycho des Cordiliéres. Les généreux projets qu'avait suscités Buffon tombérent devant cette absurde objection. 2 Jist. nat., t. XA, p. 239, 1754. Le Chameau ne semble pas destiné à devenir aussi l'un des érésors de l'Europe. W peut nous rendre de trés-grands services, mais seulementdans certaines localités et pour certains usages spéciaux. — 286 — au Jieu de la rechercher dans ce qu'il ne connait pas, il aime mieux en abu- ser dans tout ce qu’il connait. » Ce remarquable passage est de 1764". Comment de si hautes pensées, si admirablement exprimées, n’auraient-clles pas trouvé des échos dans le dix-huitième: siècle? Après Buffon, viennent en France, Bernardin de Saint- Pierre, Lécépades et surtout Daubenton; en Belgique, Nël et, quoique tous ne le disent pas expressément, comment doutt que ces auteurs s’inspirent du maître dont ils sont ici les con- ünuateurs ? Ce sont ses généreuses pensées qu'ils reprodui- sent tous, parfois en partie dans les mêmes termes, et que l’un d'eux, celui qui tenait de plus près à Buffon, développe, féconde et applique. IT. néus. C'est Nélis qui, dans l’ordre des dates, vient le premier après Buffon; car le travail qui lui donne droit d’être cité ici remonte à l’année 1777 *. Il porte un titre, alors bien nou- veau : « Mémoires sur la possibilité et les avantages de naturaliser dans nos pro- vinces (la Belgique, le Luxembourg) différentes espèces d'animaux étrangers.» On voit que l’auteur posait la question dans sa généralité, qu'il faisait plus encore : il se proposait de la traiter dans une suite de mémoires; en d’autres termes, de faire, il y a près de quatre-vingts ans, ce que j’ai récemment essayé, et non sans encourir, alors même, de la part de plus d’un naturaliste, ‘ Ie blâme qui accueille toute entreprise nouvelle. Pour poursuivre, dès 1780, une œuvre qu’on a jugée préma- turée, téméraire au milieu du dix-neuvième siècle, il eût fallu à Nélis, même écrivant sous l’inspiration de Buffon, une force de pensée, une énergie de volonté qui lui ont fait défaut. Il s’est arrêté dès les premiers pas, et la série de mémoires qu'il = Hist. nat., t. XIT, p. 95. Voyez les Mémoires de l'ancienne Académie impériale et rouale de Bruxelles, t. 1, 17° édit., 1777; 9° édit., 1780. 1 — 287 — projetait et annonçait s’est arrêtée à celui par lequel elle s’ou- vrait; mémoire d’ailleurs remarquable, et qui mérile, à plu- sieurs égards, de fixer lattention et de rester dans la science. Comme Bernardin de Saint-Pierre, dans le fragment qui va suivre, Nélis pense aux montagnes de son pays; il veut placer des animaux nouveaux, des Vigognes, dans les parties hautes du duché de Luxembourg; et sa conviction, qu'il es- saye de justifier par des faits et des inductions, est également ferme sur la possibilité et sur l’utilité de cette acclimatation. « On aura fait, dit-il, un plus beau présent à notre province que si celle de Lyon lui communiquait ses soies, ou le Pérou même ses mines... Les objections qu'on pourra me faire, on les à faites probablement, il y a deux mille ans, contre un animal aussi commun aujourd'hui qu’il est utile, contre J’Ane. Car il est sûr que l’Ane, originaire des pays chauds, ne se trouvait, du temps d’Aristole, dans ancune partie des Gaules, et il n'y a pas si long- temps qu'il se trouve en Suède. On nous a amené des Anes, et les objections ont cessé; et on a trouvé des Anes indistinctement partout. Le Buffle, autre animal originaire des pays les plus chauds, n’a CLé transporté et naturalisé en Italie que vers le septième siécle. Il n’était connu ni des Grecs ni des Ro- mains. La plupart de nos animaux d'Europe, transportés en Amérique, s’y sont mullipliés prodigieusement; nos Chevaux, nos Vaches, nos Taureaux, nos Brebis, nos Cochons, en un mot presque toutes les espèces de l'ancien continent étaient inconnues au nouveau. Et nous croirions que rien de ce qui était particulier à l'Amérique ne pourra réussir chez nous! » L'auteur rappelle ensuite les services immenses qu'ont ren- dus l'introduction en Angleterre des Moutons d’Espagne, et plus anciennement, à l'Espagne elle-même, celle des Moutons du nord de l'Afrique; ct il se résume ainsi : « La grandeur de l'objet et des espérances mérite bien qu’on hasarde quelque chose, si toutefois on peut dire que ce serait hasarder. » IIf, — BERNARDIN DE SAINT-PIERRE. Je ne trouve, chez Bernardin de Saint-Pierre, que des vœux exprimés. Mais le souvenir mérite d'en être recueilli : on aime à voir l’auteur des. Études de la nature s'associer le premier en France aux vues de l’auteur de l'Histoire naturelle. C’est vers nos hautes montagnes que Bernardin de Saint- Pierre porte d’abord sa pensée : « Ne pourrait-on pas accroître la famille de nos animaux domestiques en — 288 — peuplant le voisinage des glaciers des hautes montagnes du Dauphiné et de l'Auvergne avec des troupeaux de Rennes, si utiles dans le nord de l'Europe, avec des Lamas du Pérou, qui se plaisent au pied des neiges des Andes, et que la nature a revêtus de la plus belle des luines ? » Ce passage fait partie du premier volume des Études de la nature, et par conséquent 1l a été écrit vers 1780. Douze ans environ plus tard, dans son Mémoire sur la néces- sité de joindre une ménagerie au Jardin des Plantes ', Saint- Pierre est revenu sur le même sujet, mais en le considérant cette fois dans son ensemble. Plusieurs parties de ce Mémoire, aussi remarquable que peu connu, pourraient trouver iei leur place : je citerai du moins un passage où l’auteur, après l'énuméra- tion de plusieurs des végétaux utiles importés des régions étrangères, s'exprime ainsi ?: « Les mêmes contrées qui nous ont donné tant d'arbres qui enrichissent nos métairies el décorent nos jardins nourrissent des quadrupèdes et des eiseaux dont nous pouvons peupler nos basses-cours et nos bosquets. Le règne animal renferme encore plus de familles que le règne végétal, et, si nous avons naturalisé plus de végétaux que d'animaux, c’est que l'éducation des premiers est hien plus aisée que celle des seconds. On ne transporte pas d’un bout du monde à l’autre des quadrupèdes comme des plantes, ni des œufs comme des graines. Ces voyages, ces nourritures, ces premières éducations qui demandent tant d’expérience, sont au-dessus des moyens et du savoir de la plupart des hommes... Une ménagerie n’est done pas moïns in- téressante qu’un jardin pour l’économie rurale. 1] « Ces deux établissements réunis se prêteront mutuellement leurs lu- miéres. On y étudiera les rapports des animaux avec les plantes qui leur sont compatrioles : ce n'est que par cette double harmonie qu'on peut les natu- raliser.… » - L'auteur parle ensuite du parti qu'on pourrait tirer des serres où l’on cultive les plantes des pays chauds, pour l'élève de divers animaux des mêmes contrées, et il ajoute : « Plusieurs espèces de Vers à soie de la Chine fileraient leurs cocons do- rés sur son Mürier, et la Cochenille du Mexique couvrirait de sa postérité pourprée les feuilles du Nopal. C’est par des moyens semblables que déjà ‘ Adressé en 1792 à la Convention, et imprimé, à cette époque, eu un petit volume in-12. Bernardin de Saint-Pierre était alors intendant général du Jardin des Plantes. 8 P.,29 et, %5. — 989 — des curieux sont venus à bout de multiplier des Ouistitis, des Bengalis, des Perroquets… Peut-être un jour les îles des Antilles recevront le Nopal chargé de Cochenilles, du même établissement pour lequel je sollicite une ménage- rie, comme elles ont reçu de son jardin l'arbre du café. » On sait qu’en effet les Antilles ont dû le caféier au Jardin des Plantes de Paris, et aux soins, au dévouement du capi- taine Declieux! ; souvenir justement évoqué par Bernardin de Saint-Pierre, et qui prouve que non-seulement le Jardin des Plantes, mais tout établissement de culture et d’acclimatation, peut étendre au loin sa bienfaisante action ; utile d’abord et par-dessus tout au pays où il est établi, mais pouvant l'être aussi, dans une multitude de cas, aux régions elles-mêmes les plus éloignées; sorte d’entrepôt des productions de toutes les parties du globe, destiné à les relier par des échanges où elles s’enrichissent réciproquement. IV. — LACÉPÈDE. C’est aux régions élevées de notre sol qu’avaient surtout pensé Nélis et Bernardin de Saint-Pierre ; c’est de nos riviè- res, de nos lacs, que s'occupe d’abord Lacépède. Il veut peu- pler nos eaux d'hôtes nouveaux, et ce côté de la question appartenait naturellement à l’auteur de l'Histoire des Poissons. Aussi l’a-t-il abordé de bonne heure et à plusieurs reprises dans divers passages de ce livre; passages que lui-même, quelques années plus tard, résumait en ces termes * : « La classe nombreuse des Poissons peut donner lieu à des observations de la plus grande importance pour diverses branches de l’économie pu- blique. » 1 Le Caféier fut transporté, vers 1720, des serres du Jardin des Plantes à la Martinique, par Declieux, qui venait d’être nommé Lieutenant du Roi dans celte île. 11 obtint pour la colonie, disent les uns, trois caféiers; un seul, disent d’autres auteurs. Ce qu'il y a de certain, c’est qu'il n'en arriva qu'un seul, sauvé par Declieux, qui pour lui s'était imposé les plus dures priva- tions. La traversée avait été trés-longue; on manquait d'eau, et chacun ne recevait plus qu'une ration insuffisante. Declieux souffrit souvent de la soif, mais le Caféier fut toujours arrosé. Telle est l’origine des magnifiques plan- tations des Antilles. 2 Recueil des séances des Écoles normales, nouvelle édition, in-8°, 1800, t. VIE, p. 318. — 290 — Lacépède ne s’en est pas tenu là. Comme Saint-Pierre, ilne tarde pas à élargir son horizon, à porter ses vues sur l'en- semble du règne animal, disons mieux, sur tous les règnes à la fois; car il appelle à la fois les naturalistes à l'exploitation, au profit de l'humanité, de toutes les richesses encore négli- zées de la nature. Les fragments trop oubliés qu’on va lire font partie du Discours de clôture du cours de zoologie, fait par Lacépède en Van VIT au Muséum d’histoire naturelle ; discours qui nous a été heureusement conservé dans son entier, à la suite des le- cons de Daubenton, à l’école normale *. Ce Discours a ce titre très-significalif : « Sur les avantages que les naturalistes peuvent procurer au corps social dans l’état actuel de la civilisation et des connaissances humaines. » Titre après lequel vient ce début : « Essayons de contempler les productions de la nature d’un point de vue très-élevé. Plaçons-nous assez haut pour que, reconnaissant le passé, dis- tinguant le présent et entrevoyant l'avenir, nous puissions réunir tous les faisceaux de lumières qui parviennent jusqu’à nous, et les faire converger sur un objet sacré, sur la félicité publique. » L'auteur entre ensuite dans des considérations historiques sur les sciences naturelles, qui le conduisent à cette conclusion el à ces développements ?: « Jamais plus de lumière n'a éclairé les amis des sciences naturelles ; ja- mais plus de gloire n'a rayonné sur la Lête de ceux qui les ont fait fleurir; jamais, par conséquent, de plus grandes obligations n’ont été imposées à ceux qui les cultivent.. Ce devoir si impérieux, et cependant si doux, est de diriger lontes les forces de la science vers l'accroissement du bonheur pu- blic. » « Voyons donc ce que peut celle science pour la prospérité du corps social. » « Maintenant où les voyages sont si faciles, où l’art de la navigation est si perfectionné, où les rivalités des peuples, les jalousies du commerce, les fu- reurs #1ême de la guerre n'élévent plus d'obstacles au-devant des hommes éclairés qui cherchent de nouvelles sources d’instruction...; où l’on trans- porte au delà des mers les végétaux les plus délicats sans leur ôter la vie.…., où l’on sait, avec de l'adresse et du temps, dompter les animaux les plus ! Dans le recueil déjà cité, même volume, p. 281. * P. 289 et suiv. ES PP PP Te =. os impalient$ du temps et du joug, par l'abondance de l'aliment, la convenance de la température et les commodités de l'habitation ; comment ne pas espé- rer de découvrir. une plante qui, de même que le Café, le Tabac, le Thé, le Sucre, les épiceries, transportée avec soin et cultivée avec art dans les pays analogues à ses propriétés, et dans lesquels cependant Ja nature ne l'avait pas semée ou assez mullipliée, affranchisse les nations d'une dépendance ruineuse.….; où un animal qui, de même que la Vigogne du Chili ou la Ché- vre de l'Asie mineure, puisse fournir aux ateliers qui tissent nos vêtements un poil doux, soyeux, très-brillant et salubre?.. » « Que ceux que les peuples ont chargés du soin de gérer leurs affaires, pensent quelquefois que le Cerisier apporté en Italie par Lucullus, et la mémoire de son bienfait, y dureront peut-être plus que le souvenir de ses victoires. » «n ne se contentera pas d'acclimater dans sa patrie les espèces choisies d’a ux et de plantes, on usera de toutes les ressources merveilleuses de l’art vétérinaire ou de la culture des végélaux pour en perfectionner les races, pour en améliorer les variétés. » Qu'on me permette de citer, malgré son étendue, un autre passage plus remarquable encore de ce Discours, qui, depuis plus d’un demi-siècle, reste oublié, plus qu'oublié; la plupart des naturalistes n’en connaissent pas même le titre. L'illustre professeur reprend ainsi un peu plus bas : « Ces animaux, choisis avec convenance, fourniront, à ceux qui, dans de grandes manufactures ou dans des ateliers séparés, font fleurir les arts mé- caniques, des poils plus déliés, des soies plus belles, des laines plus fines, des fourrures plus touffues, des duvets plus doux, des plumes plus éclatan- tes, des aigrettes plus élancées, des écailles plus transparentes... Des ali- ments aussi agréables que sains, perdant de leur cherté en devenant moins rares, couvriront la tuble du pauvre aussi bien que celle du riche. Pendant que la Chèvre de Cashmir et la Vigogne, ainsi que l’Alpaca des Cordilieres, adopteront pour leur seconde terre natale les vallées de nos antiques Pyré- nées; pendant que l'Eider au duvet soyeux, plusieurs Grébes et plusieurs Hérons, oublieront sur les bords de notre Océan les rivages boréaux ou les plages éloignées qui leur servent d'asile, les Cabiais, les Agoutis et quelques Liévres ou Lapins étrangers peupleront nos garennes : plusieurs Cochons d'Afrique viendront s’allier avec les nôtres et en augmenter les qualités. Les Bœufs des environs du cap de Bonne-Espérance ou des vastes contrées de l'Amérique septentrionale, dont les voyageurs ont tant vanté la grandeur, la force et la bonté de la chair, se méleront, dans nos pâturages, à nos Bœufs européens. Nos bosquets et nos collines répéteront le chant de plusieurs espèces de Pruants, d’Alouettes, de Becs-Fins, de Motacilles, qu'il aura été 1°P. 991. — 292 — si facile d'y naturaliser..Nos terres marécageuses ou fréquemmentsinondées, ou arrosées par des étangs, des lacs, des canaux et des rivières, nourriront des Räles, des Bécasses, des Courlis, des Hydrogallines, des Vanneaux, des Pluviers, différents de ceux qui y pondent maintenant et dont ils partageront la demeure. La grande Outarde ne sera plus si rare dans nos champs. Nos parcs, nos jardins, nos basses-cours, auront recu de l'Orient et de l'Occident des espèces fécondes de Pigeon, de Tétras, de Perdrix, de Tinamou, de Tri- dactyle, de Paon, de Faisan, de Hocco, de Gouan. La Tortue franche, mul- tiphiée sur les rives maritimes de la France et de l’Europe méridionale, y présentera aux voyageurs une nourriture salubre et délicate. Les eaux qui coulent dans les lits de nos rivières, celles qui s’échappent dans nos ruis- seaux où qui se précipitent dans nos torrents, celles encore qui demeurent immobiles dans nos lacs, dans nos mares et jusque dans les bassins de nos fontaines, ne montreront plus leur dépopulation actuelle, n’offrir lus de tristes solitudes, mais paraitront animées, comme celles de l’ind se Chine, par des myriades d'individus d'espèces de Poissons propres à nourrir l’homme et les animaux qui lui sont utiles, ou à fertiliser les champs ingrats, en donnant, comme plusieurs Centronotes et plusieurs Gastérostées, un en- grais abondant à l’agriculture. « Quel est l'art, quelle est la science auxquels les progrès de l’histoire naturelle ne donneront pas une nouvelle vie!?... La science de la nature doit changer la face du globe?. » Ilest d’autres parties de ce même Discours que j'aimerais à reproduire aussi; mais il suffit, au point de vue où je dois me tenir ici, d’avoir fait connaître, par quelques citations, l’ensemble des idées de Lacépède. C’est assez pour que ce na- turaliste, trop loué pendant sa vie, trop sévèrement jugé après sa mort, comme Je le disais il y a quelques mois ?, reprenne la place à laquelle il a droit dans l'histoire de l’acclimatation. Sans doute 1l n’y a chez lui encore, comme chez Bernardin de Saint-Pierre, que des vœux, que des aspirations vers un but qu'il pressent plutôt qu'il ne le voit : mais ces vœux sont si bien for- mulés, ils sont exprimés si éloquemment dans quelques pas- sages, et dans d’autres avec tant d’élévation d’esprit et de cœur, avec un sentiment si juste de la mission et des de- voirs du naturaliste, que nulle part peut-être Lacépède n'est plus digne du titre d’élève de Buffon et de continuateur, 11112983 2 P. 300. 5 Histoire naturelle générale, Introduction. — 293 — désigné par l’auteur lui-même, de la grande Histoire na- turelle*. | V. DAUBENTON. E . Iln’y a, dans l’histoire de l’acclimatation, qu’un seul nom qui puisse se placer à côté de celui de Buffon : c’est le nom de son collaborateur et ami, Daubenton. Ce que Buffon a le pre- mier compris et proclamé, Daubenton l’a le premier démon- tré. Le premier, il a passé de la parole à l’action, et nous lui devons les seules grandes applications de la zoologie à l’agri- culture qui aient été faites en France dans le dix-huitième siècle : l'amélioration de nos races ovines, par une suite d’expé- riences dignes de servir de modèles à tous les essais de ce genre, et l’acclimatation des Moutons à laine fine d'Espagne. Double succès, dont l’histoire a été trop bien préparée par M. Richard (du Cantal) pour que je l’entreprenne ici; c’est à notre savant confrère qu'il appartient d’achever ce qu’il a si heureusement commencé ?. Un esprit aussi sagace que celui de Daubenton ne pouvait manquer de passer de l’étude expérimentale des races ovines à l’ensemble des questions relatives à l’acclimatation. Il l’a fait, et très-heureusement aussi. C'est lui qui le premier a dressé la liste des espèces de diverses classes dont notre sol 1 A Ja suite du Discours de clôture du cours de l'an VIIL, on trouve, dans le même recueil, celui du cours de l'an IX (p. 519), et un article Sur Les mé- nageries (p. 303), où se trouvent aussi quelques vues analogues à celles que je viens de rappeler. Voyez aussi le Discours de clôture du cours de l'an VI, imprimé à part (avec un autre Discours), Paris, in-4°, 1798. On y lit, entre autres pas- sages, p. 26 : « Quel est le climat où, transportant, multipliant, perfectionnant les es- pêces ou les races, et donnant à l'agriculture des secours plus puissants, au commerce des productions plus nombreuses et plus belles, aux nations po- puleuses des moyens de subsistance plus agréables, plus salubres, plus abondants, vous ne puissiez bien mériter de vos semblables? » ? Voyez son Rapport à l'Assemblée constituante sur la production des Chevaux au point de vue de l'armée, in-4°, 1849; Annexes, p. 8d. L'histoire des expériences de Daubenton, si admirablement conduites, et par suite si heureuses, a sa place marquée dans le Bulletin de la Société d'acclimatation. C'est l'un des points de départ de la Société, et ce sera tou- == 90% = ou nos eaux pourraient encore s'enrichir. On trouve cette liste dans la première lecon du Cours d'histoire naturelle à l'Ecole normale; mais il y avait plusieurs années déjà que Daubenton l'avait dressée, ct déjà Bernardin de Saint-Pierre l'avait pu- bliée, en 1792, dans les notes de son Mémoire plus haut cité sur un projet de ménagerie au Muséum d'histoire naturelle. Cette liste a, historiquement, trop d'intérêt pour que je n'en donne pas ici du moins une idée, en reproduisant quelques passages de la leçon de Daubenton*?: « L'objet de la science de l’économie vétérinaire est d'exposer les moyens de maintenir les animaux domestiques dans les bonnes qualités qu’ils ont acquises par nos soins, et de faire des tentatives pour rendre ces animaux encore plus utiles qu'ils ne l'ont été jusqu'à présent. Il faut Lâcher de sou- mettre à l'état de domesticilé des espèces d'animaux sauvages dont nous puissions tirer des services et de l'utilité. «Il y a beaucoup d'animaux des pays étrangers qui pourraient être d’une grande utilité en France, si l'on parvenait à les y naturaliser.. Nous pour- rions dompter le Zèbre comme l'Onagre et le Cheval sauvage, et nous au- rions une nouvelle bête de somme et de trait, plus forte que l’Ane, et plus belle toute nue que le Cheval le plus magnifiquement harnaché… Si l’on naturalisait le Tapir en France, nous aurions non-seulement une nouvelle viande de boucherie, mais encore un nouvel objet de commerce... Il y a beaucoup d’autres animaux en Amérique dont la chair est très-bonne à man- ger et trés-saine : le Pécari est une espèce de Cochon; le Cariacou ne diffère pas beaucoup du Chevreuil; le Paca est un des meilleurs gibiers de l’Amé- rique. On à comparé l’Agouti à notre Lièvre, et l'Akouchi à notre Lapin. I y a des Tatous dont la chair est blanche et aussi bonne que celle du Cochon de lait. Tous ces animaux mériteraient que l’on fit des tentatives pour les avoir en France et pour les réduire à l’état de domesticité. « Les recherches à faire pour l'économie vétérinaire ne se bornent pas aux animaux quadrupèdes; elles doivent s'étendre aux Oiseaux et aux autres classes d'animaux... Nous pourrions introduire dans nos basses-cours l'Ou- jours l’un des plus parfaits modèles que puissent suivre ceux qui s'occupent d’acclimatation et en général de zootechnie. J'espère que l'appel que je fais ici à M. Richard sera entendu de lui, et peut-être aussi de M. le baron de Montgaudry. Neveu de Buffon, par consé- quent allié de Daubenton, et instruit comme il l’est, par tradition de famille, de tous les détails des célèbres expériences de Monthard, M. de Montgaudry pourrait, même après tout ce qu'on a écrit, donner à leur histoire un inté- rêt nouveau. ! La liste de Daubenton est donc antérieure de plusieurs années au Dis- cours de Lacépède, dont on a lu plus haut quelques fragments. ? Recueil déjà cité des Séances des Écoles normales, t. 1, p. 108.! PA. IT ut ir PTS — 295 — tarde et la Canepetière. L'Outarde se trouve dans le Poitou et la Champagne; sa chair est excellente. La Canepetière passe dans la Beauce, le Maine et la Normandie; sa chair est noire, d’un goût exquis, et meilleure que celle du petit Coq de Bruyère. On dit aussi que ses œufs sont très-bons pour la cui- sine. Le Rouge! et le Pilet, le Faisan de montagne, et surtout le Coq de Bruyère, feraient de très-bonnes volailles. » Daubenton indique encore, parmi les oiseaux, le Tadorne, le Marail, le Hocco, le Camoucle ?, l'Eïder et l’Agami, au sujet duquel il s'exprime ainsi : « L’Agani est le plus intéressant de tous les Oiseaux, par les éloges que l'on en fait : on le compare au Chien pour l'intelligence et Ja fidélité ; on lui donne une troupe de Volailles et même un troupeau de Moutons à con- duire, et il se fait obéir, quoiqu'il ne soit guère plus gros qu'une poule. L’Agami est aussi curieux qu'ulile; il mérite de trouver place dans toutes les basses-cours.» Daubenton passe ensuite aux Poissons ; car il veut enrichir nos eaux aussi bien que notre sol : « Pourquoi y a-t-il des Poissons particuliers à cerlaines mers et à quel- ques lacs ?.. N'est-il pas possible de naturaliser en France, dans des eaux courantes, l'Umble ou l'Ombre chevalier, qui n’a été jusqu’à présent que dans le lac de Genève, et le Lavaret, qui n’est que dans le lac du Bourget et d'Aigue-Belette, en Savoie? « i ai insisté sur le rétablissement de l’art vétérinaire en entier pour faire voir que les rapports qu'il aurait avec l'histoire naturelle seraient plus uti- les que ne l’est à présent sa relation avec la médecine... Les animaux sau- vages, farouches ou étrangers dont on espérerait tirer du profit ou de l'agré- ment, seraient indiqués el remis aux vétérinaires pour les dompter, les apprivoiser et les dresser aux usages auxquels on voudrait les accoutumer.» Conserver, acquérir, voilà donc la double mission que Dau- benton assignait à l’art vétérinaire. Malheureusement bien peu le comprennent ainsi aujourd’hui! Et c’est pour parvenir à la réalisation de ses vues que Daubenton avait proposé d’annexer une ménageric à l’école vétérinaire d’Alfort, comme Bernardin de Saint-Pierre, vers la même époque, voulait l'établir à Paris. Ce sont, comme personne ne l’ignore, les vues de Saint- Pierre qui ont été réalisées, mais non plus par ses soins; il avait quitté depuis quelques mois la direction, ou, comme on disait alors, l’intendance du Jardin des Plantes. La première 1 Ancien nom du Souchet. * Ancien nom du Kamichi. — 296 — ménagerie qui ait existé, non pour le luxe ou l'amusement des princes, mais pour les études de tous, pour la science, a été créée en 1795 par une détermination hardie de mon père. On a souvent rappelé cette origine, et toutes les difficultés dont elle fut entourée, et j’en ai fait à mon tour, il y a quelques années !, une histoire détaillée que je ne saurais reprendre ici. J'y ajouterai toutefois un rapprochement qui se présente de lui-même après ce que je viens de dire de Bernardin de Saint-Pierre et de Daubenton. Privés l’un et l’autre de l’hon- neur de créer cette ménagerie qu’ils avaient tant à cœur de voir établie, ils furent, l’un et l’autre aussi, par un concours singulier de circonstances, les introducteurs, dans le grand établissement illustré par Buffon et dans la science, du jeune naturaliste qui allait réaliser ce même progrès. C'est le #4 novembre 1793 que la Ménagerie fut créée par mon père, alors âgé de vingt et un ans; huit mois auparavant, il avait dû son entrée au Jardin des Plantes à une décision prise, sur la demande de son maître Daubenton, par l'intendant général du Jardin royal. L'intendant était alors Bernardin de Saint-Pierre. Ainsi se rattache, du moins par des liens indirects, à ces deux hommes illustres qui l'avaient tant appelée de leurs vœux, cette création destinée à exercer une si grande influence sur l’histoire naturelle théorique et appliquée. L'observation des animaux à l’état de vie, bien plus, l’expérimentation, devenues enfin pos- sibles, les idées de Buffon, de Daubenton, de Bernardin de Saint-Pierre, de Lacépède, passaient, comme l’a si bien dit M. Richard *, dans le domaine des faits ; et la conquête, sur la nature, de nouvelles forces, de nouvelles richesses indus- trielles, de nouvelles ressources alimentaires, objet de tant de vœux éclairés dans le dix-huitième siècle, pouvait être désor- mais entreprise aux lumières de la science *. 1 Vie, travaux et doctrine scientifique d'Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, Paris, 1847, p. 48 et suiv. ? Rapport à la Société xoologique d'acclimatation, dans le premier nu- méro du Bulletin, p. 4. 5 Pour le dix-neuvième siècle, voyez, dans l'un des numéros suivants, le quatrième et dernier fragment. se mb Le RSS él ï — 997 — SUR LES CHAMEAUX D'ALGÉRIE, ET PARTICULIÈREMENT SUR LE MÉHARI. LETTRE A M. LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION, Par M. le baron Henri AUCAPITAINE. Le Méhari est au Djemel (Chameau) ce que le djeud (noble) est au khradim (serviteur). (Eug. Dausas, Mœurs et coutumes de Algérie.) Monsieur le Président, Vous aviez bien voulu, lors de mon départ pour l'Algérie, me demander des renseignements sur les Chameaux coureurs .du désert, connus sous le nom de Méharis, dont il a été der- nièrement beaucoup parlé en France. Je vous adresse aujour- d’hui quelques lignes à ce sujet ; elles sont fort incomplètes, se composant de notes prises dans des auteurs compétents, et de renseignements recueillis dans le pays , du côté de Blidah. M. Berbrugger, correspondant de l’Institut, conservateur de la bibliothèque d’Alger, qui accompagnait M. le général Jusuf lors de ses essais pratiques, m’a obligeamment indiqué le résultat de cette tentative, dont je vous entretiendrai un peu plus bas. On doit à M. le général Carbuccia les premiers ou plutôt les seuls essais pour plier le Chameau de l'Algérie aux besoins de l’armée, à l'instar du corps de Chameliers organisé par Napoléon lors de la campagne d'Égypte: ses résultats ont été consignés dans un remarquable travail ‘, annoté par M. Jomard, de l’Institut. Voici quelle opinion fut émise à ce sujet par * Armée d'Algérie. — Du Dromadaire comme bôte de somme et comme animal de guerre, par le général J.-L. Carbuccia ; in-8°, 1853. < — 298 — M. le général Oudinot (De la question chevaline en Afrique). « Sans donner des résultats concluants, les essais faits pen- dant l'expédition du Djebel Sahari eussent pu être au moins satisfaisants sans les prévenlions ridicules des soldats. Mais, lors de l'expédition d'El Aghouat , il fut prouvé par des faits irrécusables qu'avec de la persévérance et de l'énergie, l'ad- ministration française pourrait, sans le secours des indigènes, tirer un grand parti du Dromadaire. » Le général Jusuf, dont l'opinion est si compétente en pareille matière, publie une semblable conclusion dans son ouvrage sur la guerre d'Afrique; l'application des Chameaux aux divers services de l’armée et des colons pourrait avantageusement , je crois, remplacer les mulets très-Gispendieux el de moins d’usage. Si je vous parle de Chameaux à propos de Méharis, c’est pour reproduire des opinions concluantes en faveur de l'emploi de ces animaux pour la domination française, application qui peut aussi bien se faire à l’une ou à l’autre espèce. Aujourd’hui que les possessions françaises s’étendent vers le sud, et que le besoin de propager notre influence, de multi- plier les relations commerciales avec les oasis du désert est: devenu une nécessité, on sent plus vivement le besoin d’avoir des moyens rapides de communication : le Chameau connu en Afrique sous le nom de Méhari (M° hari) réunit toutes les conditions désirables pour remplir ce but. Le Méhari était presque regardé comme un animal fabuleux, du moins quant à ses qualités, avant l’expédition d'El Aghouat, en 1844, époque à laquelle M. le général Marey-Monge, com- mandant en chef, ramena (rois de ces animaux. Cependant le naturaliste Shaw, auquel on doit beaucoup de bonnes obser- vations sur le Nord de l'Afrique, parle plusieurs fois de leur légèreté (Voyage dans plus. prov. de la Barbarie et du Levant). Les auteurs anciens ont fréquemment mentionné ces rapides courriers du désert. C’est évidemment d’eux que parle Diodore de Sicile, hiv. XIX, c. xxxvIr : « Auzzaiver quo To Coov reuro cradicuz cÙ Rob Dérrous pimov rerarccios », Celle espèce de monture peut par- courir de suile, à très-peu de chose près, mille cinq cents stades, (plus de soixante lieues). Je ne citerai pas les nombreux témor- — 999 — gnages de ce genre que l'on retrouve à chaque page des historiens de l’antiquité. M. Jomard les a presque tous énu- mérés, avec l’érudition qui caractérise ses travaux , dans son opusecule, le Régiment des Dromadaires à l'armée d'Orient. La relation de l'expédition'd’'El Aghouat : élanttrès-peu répan- due, je crois intéressant de vous citer en quels termes le général Marey-Monge parle des Méharis : « J’avais beaucoup entendu parler des Mébaris du Grand-Désert ; ils font, dit-on, cinquante , soixante et mème cent lieues en un jour, il était intéressant de s’en procurer, non-seulement comme animal curieux à connaitre, mais encore pour l'utiliser par des cour- riers. Nous en avons reçu trois du kalifat des Larbas et des Ouled-Naïl ; les Larbas, cet hiver, en ont pris dix-sept à un parti de Troudes, qui, ayant pillé un de leurs douairs, fut pour- suivi, atteint ct détruit. Le Mékari n’est peut-être pas un animal à part : il parait être au Chameau ordinaire ce que le cheval de course est au cheval de trait. Sa bosse est très-exiguë et dépourvue de graisse. Il montre plus de vigueur et de vivacité que les autres; son allure habituelle est le trot, 1l peut le tenir pendant un jour enlier ; ce trot est comme lé grand trot d'un bon Cheval; quand le terrain n’est pas net, le Méhari ne trotte pas bien. Le Méhari des Ouled-Naïl avait été acheté chez les Cha- leambas ; il élait garni de sa bride qui agit sur le chanfrein et sur une narine, puis de la selle qui se pose en avant de la bosse, sur le garrot; l'homme s’y assied, et les jambes s'appuient sur le col de l'animal. » Le général Carbuccia reproduit à peu près les mêmes idées : « Le Mehäri est plus grand que le Droma- daire; on prétend qu'il est, par rapport à ce dernier, ce que le Cheval de course est au Cheval de trait. Sa bosse est petite, elle ne dépasse pas le garrot; l'extrême maigreur du corps et les fortes proportions des cuisses sont le signe de sa grande vigueur à la course... Il ne marche que le trot, quarante à soixante licues par jour, en douze heures... L'Arabe monté ‘ Expédition de Laghouut, dirigée, aux mois de mars et juin 1844, par le général Marey, commandant la subdivision de Tittery ; in-8° avec dessins el cartes. I. 22 — 500 — sur le Méhari est assis sur une selle particulière placée entre la bosse et le garrot, pour rendre le trot moins dur ; il n’a pas d’étriers , il croise les jambes sur l’encolure et dirige sa mon- ture au moyen d’une bride sans mors, et d’une corde passée dans l'aile de la narine droite, il presse l’allure en frappant sur l’épaule. » ; C'est à l'historien de l’Algérie, à M. le général Daumas, qu'on doit, comme pour les Chevaux arabes, les meilleurs et les plus complets renseignements sur les Méharis, auxquels il a con- sacré un chapitre de son dernier ouvrage !. «On ne sait point. dit-il, si Dieu créa les Méharas, on si les hommes ayant mis à part leurs Chameaux les plus fins et les plus agiles, et leur ayant fait faire alliance entre eux, les produits successifs de ces animaux se sont ennoblis de père en fils jusqu’à former une race distincte. Ce que mon œil a vu, c’est que la race des Méharas existe aujourd’hui avec des caractères qui sont à elle.» Les Méharis ne me paraissent point en effet constituer ce que les naturalistes nomenclateurs nomment une espèce , mais ils représentent parfaitement un type de variété, résul- tant de milieux particuliers ct des influences de l’homme. Beaucoup plus élancé que le Chameau (Djemel), il l'emporte encore sur celui-ci, non-seulement par sa légèreté, mais encore par sa sobriété et son courage, qui le rend propre aux expédi- lions militaires. È | Parmi les Chameaux de l'Asie, on remarque également une race plus perfectionnée, pour mé servir du terme agricole. Dans les célèbres voyages d’Edrisi (traduc. Amédée Jaubert, t. 1, p.169), on raconte qu’en Perse les Nedha « possèdent d'excellents Chameaux, et ils en élèvent particulièrement une espèce appelée Careh, très-estimée dans le Khorassan et dans le reste de la Perse, et qui ressemble au Chameau de Balkh et à la Chamelle de Sumarkhand, en ce qu'’elie est d’un bon naturel et qu'elle porte deux bosses. » Cetle espèce n'appar- tient point à une race semblable à celle de l'Algérie, comme 1 Mœurs et coutumes de l'Algérie. — Sahara, chap. vnr, p. 360. — Les Meharas où Chameaux coureurs. — 3501 — l'avance à tort M. Molh, dans son ouvrage sur la Colonisation et l'Agriculture de l'Algérie. Les Arabes font remonter l’origine du nom des Méharas jusqu’à l'établissement de l'Islamisme. Abou-Becker ayant défait les rebelles des provinces de lOman et du Mahra, on trouva parmi les dépouilles des vaincus une espèce de Cha- meaux particuliers au pays. M. le docteur Guyon, dans son Voyage aux Zibans, dit qu'au S. des Zibans, notamment chez les Touarecks, on désigne sous le nom de Mah' ara une race choisie qui tire son nom du Meh’ ara, contrée de l'Arabie renommée par ce genre de produits. La réputation des Méharis est parfaitement connue dans foute l’Afrique:les Chambaas, les Touarecks, généralement tous les habitants des oasis du Sud, en font un constant usäge. C’est la monture ordinaire des chouafs (éclaireurs). L’immensité des ser- vices que pourraient rendre les Méharis à la domination fran- çaise, dans le Sud, n’échappa pas plus à M. Yusufqu’à MM. Car buccia et Marey-Monge. En août 1852, cet officier général fit venir d'Ain-Mudi à Boghar (deux cent quatre-vingts kilom.), en vingt-quatre heures, deux magnifiques Méharis blancs, qui, dressés en peu de jours, pouvaient, attelés, faire seize kilomè- tres à l'heure. Le dernier dimanche du mois d’août, M. Jusuf, qu’accompagnait M. Berbrugger, venait de Blidah à Alger dans une calèche trainée par ces deux coursiers de nouvelle espèce. La population d'Alger applaudissait à cet essai, qui peut avoir une haute portée pour le commerce de la colonie, en facilitant les relations commerciales avec les riches populations du Soudan. Si cette tentalive n’a pas atteint tout d’abord la per- fection désirable, et à bien peu de choses près, cela s'explique facilement par le peu de connaissance de ce mode d’attelage. Harnachés par le cou, on a reconnu que dans Ja montée, la pression du tirage engorgeait l'animal et ralenlissait sensible- ment sa course. C’est par celte cause toute naturelle que M. Berbrugger m’expliquait le seule objection faite contre ce mode de locomotion, objection qui n’est évidemment pas sé- rieuse, comme il le disait. En étudiant avec soin la disposition du trait chez les Méharis , nul doute qu’on ne parvienne à trouver après quelques expériences un système d’attelage réunissant les conditions désirables. Puis il faut encore observer que les Méharis sont exclusivement des animaux sahariens, c’est-à-dire habitués et forcés par la conformation même de leurs pieds à habiter les plaines unies de l’Afrique, où leur vélocité peut entièrement se développer. Mais, je le répète, c’est un animal qui peut être d'une haute utilité en Algérie; le manque d’eau est une des plus grandes difficultés d’une oasis à une autre; avec le Méhari, qui peut passer einq ou six jours (facilement) sans boire, l'obstacle est vaincu. Ce ne sont plus de rares co- lonnes, épuisées de soif et de chaleur, qui avancent pénible- ment. Montées sur les Méharis, des compagnies légères pour- ront se porter partout où besoin sera, châtier les insoumis et répandre l’influence française. C'est pour le moment tout ce que je sais sur le Méhari; son utilité, comme je viens de vous le dire, me parait incontestable. Dans l'ouvrage cité de M. le général Daumas, se trouvent de très-intéressants détails sur la jeunesse, l’éducation, les ser- vices de ces animaux non moins remarquables par la rapidité de leurs courses que par leur sobriété extraordinaire. Je termi- nerai en disant qu'un Mébhari se vend de deux cents à quatré cents boudjoux, même plus. Le prix du Chameau ordinaire ne dépasse guère soixante-dix à quatre-vingts. « Vivant ou mort, le Chameau est la fortune de sen maitre... « C'est la source qui ne tarit point... » Eug. Daumas. Si, comme Je l'espère, je suis assez heureux pour aller dans #le Sud cel automne, probablement je pourrai observer d’une manière détaillée quelques faits relatifs à la manière dont sont utilisés les Méharis. En attendant, je m'estimerai trop heureux si ces notes vous ont paru de quelque intérêt. Koléah, 14 juillet 1854. se f) »\ »* our, or Eu - "NP | AR BPRr > 7 WEWw £ SUR LE COLIN DE CALIFORNIE ET SA REPRODUCTION, EXTRAIT D'UNE LETTRE ADRESSÉE À M. LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION, Par M. SAULNIER. Saint-Brice, le 25 août 1854. Monsieur le Président, A l’occasion de l'intéressante notice de M. Florent Prévost sur Je Colin houï ou de Virginie, vous avez bien voulu me de- mander des détails sur l’essai que j'ai fait cette année à l'égard d'une autre espèce du même genre, le Colin de Californie. Vous avez su qu'après avoir fait l'acquisition de deux paires de Colins de Californie, j'ai eu le malheur de perdre l'une de mes deux femelles. Ne sachant pas distinguer si le Colin qui restait de cette paire était mâle ou femelle, je pris le parti de laisser les trois Oiseaux ensemble, m'étant réservé le moyen — 904 — de voir et d'empêcher les batailles, s'il y avait lieu. Je remar- quai, non sans surprise, que l'accord le plus parfait régnait parmi eux. Le Colin veuf ne gènait en rien les rapprochements du ménage. Ma femelle a commencé sa ponte le 24 avril, et a pondu tous es jours. Le G mai, elle avait pondu quatorze œufs ; j'en pris douze, que je mis couver sous une Poule. Ce larcin n’arrêta pas la ponte de ma femelle; car, en trente-huit jours, elle m’a fait trente-six œufs, que j'ai de même successivement soustraits, eu ayant soin d’en laisser toujours deux. Ayant résolu de lui abandonner les œufs qu’elle pondrait, une fois le nombre de trente-six œufs atteint, je lui laissai couver sa quatrième dou- zaine, qu'elle pondit avec quelque irrégularité; elle couva quinze jours, mais, ayant perdu quelques-uns de mes Jeunes élèves Colins, et craignant de ne pouvoir donner tous mes soins aux jeunes qui écloraient sous la mère, je lui ôtai les douze œufs qu’elle couvait et les confiai à une Poule. Huit Jours après, elle recommença à pondre, mais ne donna pas plus de six œufs; je les fis couver, et, comme ils n'étaient pas fécondés, je n’obtins pas de jeunes; je ne m’en étonnai pas; car, lors de cette dernière ponte, le mâle était en pleine mue. Ainsi, cette femelle de Colin m'a pondu cinquante-quatre œufs ; elle se porte bien, a fait une très-belle mue et ne parait aullement fatiguée. Pendant tout le temps qu'ont duré la ponte et la couvée, le mâle Colin s’est toujours occupé de sa femelle; il ne quittait jamais les abords du nid pendant qu’elle pondait, et, durant les quinze jours qüe je laissai couver la femelle, il se tint sans cesse près d’elle, tandis que l’autre mâle ne s’occupait nulle- ment du couple. Des douze premiers œufs que je mis sous la couveuse, le 6 mai, onze Colins sont nés le 28 mai, à cinq heures du matin, tous ensemble; une heure auparavant, pas un seul des douze. œufs n'était bêché. Ces petits Oiseaux, sortant de leur coquille, sont vraiment merveilleux à voir :ils sont bien plus vifs que les Perdrix et — 305 — les Cailles. A peine éclos, ils se mettent à gratter et se font vivre d’une manière admirable. Quant aux soins que je leur donnai, ce furent les mêmes que pour les jeunes Faisans dorés. J'ai élevé mes onze premiers jeunes sans aucune difficulté, jusqu'à l’âge de six semaines. Alors, presque arrivés à leur force, ils sont morts tout à coup, avec la même promptitude, je puis le dire, qu'ils avaient mis à éclore. M. Florent Prévost se souvient sans doute que Je lui en portai sept qui étaient morts en moins de deux heures. Le lendemain, les quatre autres subirent le même sort. La mort de ces petits animaux a eu lieu avec des circonstances remarquables :ils se sont pe- lotés, réunis deux à deux, ct sont morts sans bouger. Aucun d'eux n’a eu de convulsions. Des quarante-huit œufs que j'ai fait couver, j'ai eu quarante- quatre petits, et il ne m'en reste, à l'heure qu'il est, que vingt-quatre : cela tient, sans nul doute, à quelque maladresse de ma part. La localité que J'ai choisie pour les élever est E. même que pour les jeunes Faisans dorés. Instruit par l’expérience que je viens d'acquérir à mes dé- pens, j'espère éviter l’an prochain les fautes que j'ai commises cette année, et obtenir un succès plus complet et plus digne d'être communiqué à la Société d’Acclimatalion. En attendant, cinquante-quatre œufs pondus par une même femelle et vingt- quatre individus élevés, sur quarante-quatre qui étaient éclos, sont peut-être déjà des résultats dignes d’attention. Ils sont de nature à nous encourager dans l'espoir de réussir bientôt à aeclimater en France l’élégante espèce que je possède, et que possèdent et cultivent aussi plusieurs autres membres de Ja Société d'Acclimatation. — 506 — RECHERCHES SUR LES VERS A SOIE SAUVAGES ET DOMESTIQUES, Par M. GUÉRIN-MÉNEVILLE. DEUXIÈME ARTICLE. INTRODUCTION ET ACCLIMATATION EN EUROPE DU BOMBYX CYNTHIA. Dans le premier article (n° 2, p. 45), j'ai pour ainsi dire donné une introduction à ces recherches en envisageant la question d’une manière assez générale. Aujourd’hui, je désire entretenir la Société de quelque chose de plus précis, d'un fait d’acclimatation qui semble accompli et qui n’est pas d'une im- porlance moins grande, dans la classe des Insectes, que l’ac- quisition du Bœuf Yak dans celle des Mammifères. Depuis longtemps, je ne cesse d'appeler l’attention des agri- culteurs et des sociélés savantes sur les grands avantages que la France et l'Algérie retireraient de l'introduction d’un Ver à soie domestique dans l’Inde, du Bombyæ cynthia, dont la Che- nlle se nourrit des feuilles du Ricin commun, ou Palma Christ, plante si vulgaire dans nos départements méridionaux et en Algérie ?. En parlant de ce Bombyx dans une leçon faite au collège de France le 12 février 1851, je disais : « On a lieu d’être sur- 11845. — Annules de la Société séricicole, t. IX, p. 269. 1847. — Encyclopédie moderne, t. VI, p. 448 (art. Bombyx). 1850, 1851. — Lecons faites au collége de France, grâce à l’obligeance de M. Duvernoy, qui ma cédé momentanément sa chaire à cet effet. 1854. — Bulletin mensuel de la société xoologique d'Acclimatation, »° 2, p. 43. — Recherches sur les Vers à soie sauvages et domestiques. 1854. — Domestication et naturalisation des animaux utiles, par 1. Geof- froy St.-Hilaire, 3° édit. in-12, p. 497, elc., etc. etc. — 3507 — pris, eten même temps très-affligé, de voir que des objets d’in- dustrie aussi importants, qui remuent dans certains pays des capitaux immenses, qui donnent des produits si utiles, soient à peine connus chez nous, qui faisons de si grandes dépenses en expéditions scientifiques de toutes sortes. N'est-il pas prodi- gieux, en effet, que nous ne puissions même pas vous montrer le cocon et la soie du Bombyx cynthia, et que nous soyons obligé de vous dire que cette fameuse Chenille, nommée vul- gairement dans l'Inde Arrindy eria, ét son cocon, matière pre- mière des foulards de l'Inde, ne figurent dans aucun de nos riches musées, dans aucune de nos collections particulières? Ne devrions-nous pas être depuis longtemps en possession de cette espèce, qui donnerait des produits si utiles dans le midi de la France et en Algérie?» | Dépourvu de moyens d’action, abandonné à mes seules ressources, tout ce que j'ai dit et écrit à ce sujet est demeuré stérile. En effet, comment faire venir des cocons vivants ou des œufs de ce Bombyx? A qui les demander? Où trouver les moyens de subvenir aux dépenses assez considérables nécessi- tées par de semblables tentatives d’intérèt public? Je ne m'étais cependant pas découragé, et il s’en est fallu de bien peu que l'honneur de cette introduction ne soit resté à la France. En effet, l’année dernière, un des élèves Lyonnais qui ont suivi le cours gratuit théorique et pratique de séricicul- ture que nous faisons, M. E. Robert et moi, à la magnanerie expérimentale de Sainte-Tulle, M. Camille Moyne, s'étant rendu au Bengale pour y établir des filatures perfectionnées et y faire des éducations de Vers à soie d’après nos meil- leures méthodes, m'écrivait qu'il se disposait à m'envoyer quelques centaines de cocons vivants de ce Bombyx cynthia et de ses œufs en quantité suffisante pour faire tous les essais d'introduction, si je consentais à supporter les frais, assez considérables, que nécessiterait cet envoi. Je n'avais pas hésité à m’engager dans cette dépense, et J'at- tendais l'envoi, qui devait m'arriver à Marseille, quand j'ai reçu une nouvelle lettre par laquelle mon élève m'annonçait qu'il était impossible de faire atteindre Marseille aux cocons vivants. ee « Si je vous avais envoyé des cocons, m'écrit-1l le 27 mai der- nier, tout vous serait arrivé gâlé. Le 8 avril, j'ai commencé à avoir des cocons. La malle d'Europe partait le 19 avril, et serait arrivée à peu près le 26 ou 27 mai, et, pendant ce temps, j'ai fait une éducation dont j'ai eu les cocons depuis le 23. Les Vers étaient éclos le 26 mai, sous une chaleur de vingt-huit degrés Réaumur. Dans ce moment, ces Vers ne peuvent voyager que vingt jours... J’ai appris qu'un Anglais a fait transporter de ces cocons à Malte ; j'ai fait des démarches pour savoir à qui ces cocons avaient élé envoyés, mais je n’ai pu y parvenir. Il faudrait faire comme les Anglais, car il est impossible de faire atteindre Marscille à ces Vers à soie en un seul voyage. Si done vous aviez quelques relations avec Malte, veuillez me donner l'adresse de vos correspondants, et j'expédierai des cocons fraichement commencés. On ferait une éducation à Malte, et de là l'espèce parviendrait facilement à Marseille et à Paris. Si vous aviez une connaissance à Alexandrie ou au Caire, cela serait encore mieux. » On le voit, il y avait là une infinité de difficultés à surmon- ter, ou bien il aurait fallu avoir le bonheur de connaitre à Malte ou en Égypte une personne capable et zélée, si l'on n’a- vait pu se rendre dans l’une de ces localités pour y attendre les cocons et y faire l’éducation en question. Obtenir une telle mission, peu coûteuse pour un gouvernement et très-limitée, dans un but aussi important, pour doter le pays d’une espèce aussi utile, cela était peu probable ‘. Cependant, avant de re- ! Déjà, l’année derniére, à la suite d’une lecture que j'avais faite sur ce sujet à la sociéte Impériale et Centrale d'agriculture, S. E. M. le Ministre de la guerre m'avait fait demander de la graine de ces Vers à soie exotiques, pour essayer de les introduire en Algérie. Ayant répondu au ministre qu'on avait mal compris l’objet de ma communication, que je n'avais pas de graines de celte espèce, mais que j’offrais de faire les démarches nécessaires auprès des savants piémontais, qui étaient parvenus, disait-on, à se procurer quelques sujet vivants de ce Ver à soie, je reçus une réponse négative et dus me rési- gner à voir celle introduction ajournée. Cetteannée, Son Excellence m'ayant fait écrire de nouveau à Sainte-Tulle pour me demander de la graine d’une race chinoise, j'ai pensé que je serais peut-être plus heureux cette fois, et j'ai renouvelé ma demande. Je viens d'apprendre, — 509 — noncer à mes tentatives, je me disposais à demander l'appui de la Société zoologique d’Acclimatation, quand J'ai appris, par les journaux de Turin et par ma correspondance avec M. Baruffi, que ce sayant, plus heureux que moi, était parvenu à introduire le Bombyx cynthia en Piémont, et je me suis empressé d’écrire à mon élève de ne plus tenter l’envoi si coûteux de ce Ver à soie. ) M. le chevalier Barufli, président de l’Université royale de Turin, professeur de physique, membre des Académies royales des sciences et agronomique de la même ville, ete., etc., n’a- vail cessé, depuis deux ans, de faire des tentatives pour faire venir à Turin tantôt des œufs, tantôt des cocons vivants de ce Bombyx. Avec cette modestie qui est le plus bel ornement du vräi mérite, M. Baruffi, que j'avais félicité bien sincèrement de son beau succès, m'écrivait : « Quant à moi, je n’ai aucun mérite, hors celui de servir de centre à tant de correspon- dants, vingt-deux ans de voyages en Europe, en Asie et en Afrique pendant mes courtes vacances d'automne, m'ayant procuré nécessairement beaucoup de connaissances. L’idée première d'introduire le Bombyx des Indes en Piémont est due à notre excellent ami Bonafous ‘, que nous regrettons toujours. disais-je, que l’on est parvenu à obtenir une génération de ce Ver à soie du Palma Christi ou Ricin, plante si commune dans notre midi de la France et surtout en Algérie, et j'éprouve un bien vif regret de ne pouvoir me rendre à Turin, afin de voir, par moi-même, où en est réellement cette grave question. Votre Excellence ne penserait-elle pas qu'il conviendrait à un pays comme la France de faire étudier promptement ce commencement d'introduction d’une espéce si importante par quelqu'un de compétent ?.. En ne demandant à Votre Excellence que le remboursement de mes frais de voyage, je lui montre que je ne cherche pas à faire de cela une affaire d'intérêt, et qu’elle peut être persuadée que je serais déjà parti sans rien demander, si je l'avais pu. Des impossibilités budgétaires ont fait que la réponse a été négative, et j'ai dû me résigner. Ce nouvel insuccès ne m’empêchera cependant pas de poursuivre des travaux que je crois utiles aux progrés de la science el surtout de l'agriculture, et, tant que je le pourrai, je continuerai de chercher à les mener à bien par des sacrifices, malheureusement fort au-dessus demes moyens, en y consacrant, à défaut de fortune, mon temps et mon travail. ! Du Ricin considéré sous tous ses rapports, et principalement comme plante textile, par M. Matthieu Bonafous, in-8, Turin, 1850, p. 7. — 310 — Le moteur principal est un Piémontais, mon ami, qui demeure à Boulogne-sur-Mer, M. Bergonzi. Son correspondant à Cal- cutta, M. Piddington, a fait faire plusieurs éducations du Ver du Palma Christi au Bengale, pour arriver à le transporter à Calcutta. De là, il m'a envoyé par la route de l'Égypte et de Malte, je ne me rappelle pas combien de fois, depuis.deux ans que cela dure, tantôt des graines, tantôt des cocons. qui, mal- gré toutes les précautions, arrivaient toujours morts à Turin. Mais vouloir c’est pouvoir, dit votre proverbe. J'avais proposé, pour abréger le chemin, de faire élever ce pauvre Bombyx en Égypte, et de le transporter de là à Gênes, le trajet ne durant que huit à dix jours. C'était notre dernière ressource; mais voilà que les graines ou les cocons arrivent un jour vivants à Malte, à M. W. Reid, savant agronome, gouverneur de l'ile, avec lequel je suis en correspondance fréquente. «M. W. Reïd est le seul qui puisse répondre à bien des questions sur cette première éducation, puisque, jusqu’à pré- sent, il est le seul en Europe, que je sache, qui soit arrivé à élever celte nouvelle espèce de Ver à soie. Les nôtres, à Turin, sont des fils de ceux de Malte. Je crois mème, d’après ma lon- gue correspondance avec M. Piddington, que ceux de Malte sont les fils de ceux de Calcutta, qui seraient déjà la seconde génération de ceux de la A très-éloignée (cinq cents lieucs) de la métropole des Indes. » J'avais lu ce qui précède à la Société impériale ct Étiile d’agricullure, dans sa séance du 9 août 185%, el j'attendais quelques renseignements que j'avais demandés à Turin à M. Baruffi, quand j'ai appris que ce savant, fidèle à son ex- cellente habitude de voyager pendant les vacances, élait à Paris. Nous nous sommes bientôt trouvés, et j'ai obtenu de 4 M. Baruffi avait parfaitement raison de songer à ce point d'arrêt, à cetle station intermédiaire. J'y avais songé aussi et j'en ai parlé dans mon premier mémoire, inséré dans ce recueil, où je disais, p. 50 : « Ce n'est qu'après des études préliminaires qu’il sera possible de tenter, avec quelques chances de succès, d'introduire quelques-unes de ces espèces en France ou en Algérie, en les faisant peut-être passer par diverses stations, telles que l'ile Bourbon, l'Égypte et autres lieux intermédiaires. » ver — 31 — son inépuisable complaisance tous les renseignements que sa mémoire pouvait lui fournir. Il nous manquait cependant toutes les gazettes dans lesquelles se trouvent, depuis 1852, les notes qu'il a publiées sur ce sujet, et qui nous étaient néces- saires pour bien préciser les dates des diverses phases de la question. M. Baruffi les ayant demandées à son ami, M. Ber- gonzi, à Boulogne-sur-Mer, celui-ci a fait exprès le voyage de Paris pour nous les apporter, ainsi que sa correspondance avec MM. W. Reid et Piddington, et il a bien voulu me don- ner une foule de renseignements verbaux du plus haut ihtérèt. | Je ne reproduirai pas ici toutes les notes qui font connaitre les nombreuses tentatives infructucuses qui ont pee l’ar-. rivée du Bombyx cynthia en Europe, mais je crois qu'une courte analyse de ces documents ést nécessaire pour donner une idée ‘ des vicissitudes qui ont précédé ce fait intéressant d’acclima- tation. C’est le 6 juillet 1852 que M. Baruffi annonçait pour la pre- mière fois, dans la Gazette piémontaise, que l'Académie royale d'agriculture avait agréé l'offre faite par M. Bergonzi d’une boîte de cocons du Bombyx cynthia arrivée de Calcutta le jour même. Malheureusement tous les cocons étaient éclos en route. M. Baruffi annonçait que M. Bergonzi attendait un autre envoi. Quant aux cocons arrivés à Turin, ils provenaient d'une édu- -calion faite dans l'Inde à cinq cents licues de Calcutta. Le 27 décembre de la même année, M. Baruffi annonçait que son ami, M. Bergonzi, qui s’obstinait si noblement avec lui à l'introduction de cet utile insecte, l'informait que M. Pid- dington expédiait deux boîtes de cocons vivants : l’une au gouverneur de Malte, M. W. Reid; l’autre à M. Baruffi, à Turin. Le 20 mars 1853, cette nouvelle boite, contenant des co- cons de Cynthia, venait d'arriver à Turin, mais tout était en- core mort. Une lettre de M. Piddington annonçait que ces cocons provenaient d’une éducation terminée peu de jours avant le départ du paquebot, et qu'il était impossible de les — 319 -—- avoir plus récents. À la fin de cet article, M. Baruffi revenait sur la nécessité d’une éducation au Caire, et il terminait en remerciant chaleureusement M. Bergonzi el ses amis si zélés de leurs généreux efforts pour enrichir le Piémont de ce pré- cieux insecte. Le 15 mai suivant, M. Lépine, président de l’Académie royale d'agriculture, dans le discours prononcé à la séance pu- blique de cette 1llustre Académie, appelait l'attention des agri- culteurs sur les efforts persévérants des savants et des agro- nomes qui s'étaient donné la mission d'introduire le Bombyx: cynthia, e& annonçait qu'on ne désespérait pas de réussir dans un avenir prochain. C'est le 20 septembre 1853 qu'a été publiée la première an- nonce de l'arrivée à Malte de graines vivantes. Quoique les jeunes Vers provenant de ces graines soient morts encore cette fois, ce fait avait donné l'assurance de la réussite prochaine des tentatives, en apprenant à M. W. Reid que des œufs et des cocons d'un prochain envoi pourraient arriver en bon état à Malte, et qu'on pourrait en faire une éducation dont les pro- duits seraient facilement expédiés en Europe et n'auraient à supporter qu'une courte traversée. ji M. W: Reid, dont j'ai vu la lettre à M. Bergonzi, avait rai- son d'annoncer la réussite prochaine, après tant d'efforts: d’une aussi belle entreprise. En effet, dans la Gazette piémon- taise du 19 janvier 1854, M. Baruffi crie enfin victoire, et c’est avec bonheur qu'il donne la lettre suivante de M. W. Reïd. «J'ai le plaisir de vous annoncer que je possède à présent plus de cent Vers à soie nés de graines reçues de M. Piddington de Calcutta. Les premiers nés sont morts, il paraît, par le froid ; mais à présent qu'il y a du feu dans la chambre, les autres se portent bien et mangent le Ricin. S'ils continuent à vivre, je vous en enverrai des cocons à Turin, » M. Baruffi, infatigable dans la réalisation de son œuvre et cherchant à préparer d'autres moyens d'introduction de cet in- secte en Europe, ajoute que, si l’on avait échoué à Malte, il avait songé à réaliser son projet d'en faire élever en Égypte. M. Pid- dington, favorisé par la Compagnie des bateaux à vapeur des LA — 315 — Indes en Égypte, et sur l'invitation de M. Bergonzi ', devait faire arriver des graines au Caire et essayer, en faisant faire une éducation dans ce pays, le transport de cet insecte utile de l'extrémité du Bengale dans l’Italie septentrionale. Les cent Vers à soie dont M. W. Reid annonçait la naissance à Malte avaient prospéré entre ses mains; ils n’avaient pas tardé à faire des cocons, qu’il s’était empressé d'envoyer à M. Ba- ruffi à Turin. C’est en mars 1854 que ce savant annonçait l’heureuse arrivée de ces cocons et l’éclosion des Papillons, qui n'avaient pas tardé à donner de la graine. A partir de ce moment l’introduction en Europe du Bombyx cynthia était presque assurée; car, ces graines ayant été con- fiées par M. Baruffi à M. Griseri, membre de l’Académie royale d'agriculture, savant chimiste et habile éducateur de Vers à soie, celui-ci n’a pas tardé à les faire éclore dans une pièce du laboratoire de chimie de l’Université royale de Turin, et il a pu obtenir de la graine parfaitement fécondée. C'est le 5 mai 1854 que M. Baruffi annonçait ces résultats en ces termes : | « Enfin, après deux années d’essais infructueux, nous avons eu le bon- heur de voir éclore à Turin le Papillon du Ver à soie Bombyx cynthia. Nos correspondants, persuadés que vouloir est pouvoir, ne se sont pas découra- gés; mais, redoublant de zèle et au moyen de plusieurs éducations succes- sives, ils sont enfin parvenus à transporter vivantes, du Bengale à Turin, les Chrysalides du précieux Ver à soie des Indes. Notre collègue M. Griseri, trés-expert dans l'éducation des Vers à soie, chargé spécialement de ces précieux insectes par l'Académie royale d'agriculture, m'a écrit cette note : « Les cocons que vous m'avez confiés le 19 mars ont été déposés dans « une chambre dontla température moyenne était de vingt degréscentigrades, « et l'espoir d’un résultat heureux commençait à diminuer quand j'ai vu s'é- « couler plus d’un mois sans qu'un seul cocon fût éclos, puisque, à égale « température, les cocons de notre pays emploient seulement de douze à 1 Outre les démarches nombreuses qu'il a faites, de concert avec M. Baruffi, M. Bergonzi a pourvu généreusement à beaucoup de dépenses faites dans l'Inde et en Europe pour faire venir plusieurs fois des cocons vivants de plus de cinq cents lieues de Calcutta, et pour faire faire plusieurs éducations afin d'avoir des cocons récemment formés à expédier en Europe. De son côté, M, Baruffi a eu à supporter aussi des frais de transport et de corres- pondance souvent répétés. — 314 — « quinze jours pour éelore. Toutefois l’état de la Chrysalide n’était pas encore « désespéré. « Les nouveaux Papillons qui viennent d’éclore sont Lrès-beaux, à grandes « ailes déployées de couleur grise fauve, avec des taches jaunes en forme « d'yeux. J'en ai déjà deux couples qui sont réunis depuis deux jours ; trois « autres mâles sont éclos hier, et ils attendent avec impatience l'apparition de « leurs compagnes. » « Le retard dont je vous ai parlé a été pour ainsi dire providentiel, parce- « que l'aliment de ces futurs Vers à soie n’est pas encore préparé, les jeunes « plantes des Ricins n'étant encore pourvues que des deux premières feuilles « (cotylédons), quoique dès le courant de l'hiver nous ayons pensé à semer « des graines de Ricin. J'espére que nous pourrons élever cette nouvelle es- « pêce de Ver à soie, qu'avec tant de zèle, Lant de persévérance et de dépense « on a obtenue finalement vivante en Piémont, » , « En attendant nous sommes informé que le gouverneur de Malte en a déjà fait une heureuse éducation à Valetta. «M. W. Reid nous annonçait dans sa dernière lettre qu'il espérait vaincre les difficultés rencontrées pour filer la soie des nouveaux cocons, en se ser- vant d'eau légèrement alcaline, et peut-être mieux avec de l’eau à peine sa- ponifiée, parce que la soude pourrait peut-être affaiblir la soie el nuire aux fileuses. « S. E. M. James Hudson, ministre de la Grande-Bretagne à Tunis, nous assure que, se trouvant, il y a deux ans, à Rio-Janeiro, il a appris qu’il ve- nait d'arriver un Suisse pour tenter sur une grande échelle l'éducation du Ver à soie du Ricin, parce que le Palma Christi et l'Insecte prospèrent très- hien au Brésil!. « M. Piddington nous écrit de Calcutta, dans sa lettre du 17 mars passé : « J'ai lu avec plaisir les différentes notices que vous avez publiées dans la « Gaxette officielle de Turin sur le Bombyx cynthia. Je sais que ces Vers à « soie prospèrent à Malte, quoiqu'ils aient souffert un peu du froid. Je viens « d'écrire à notre ami commun, le gouverneur de Malte, pour l'informer que la « Lempérature de l’Assam oscille entre cinquante-sept et quatre-vingts degrés «du thermométre Farenheit; donc la moyenne estdesoixante-huit Far. (20 cent. «et16 R.), et quelquefois souflent les vents du nord etdu N. E. trés-froids. Les {Il est probable que le Suisse dont parle M. James Hudson est un des élèves de la magnanerie expérimentale de Sainte-Tulle, M. Henry Doge, qui, aprés avoir suivi, en 1850, le cours théorique et pratique de sériciculture que nous y faisons gratuitement, M. Eugène Robert et moi, est parti pour le Brésil afin de s'y livrer à l’industrie de Ja soie. Un autre de nos élèves, M. Moutinho, après avoir suivi notre enseigne- ment, en 1859, a fait de nombreux achats de müriers et les a envoyés à Bahia, où il s'est rendu l’année dernière. Il va aussi essayer d’y introuuire l’industrie de la soie. — 915 — « graines que je lui ai expédiées, provenaient de Bogoroh (?}, à moitié chemin « entre Calcutta et l’Assam, où le froid est trés-intense. Nous fabriquons tous les « ans, pendant l'hiver, dans les plaines du Della, une grande quantité de « glaces à Hoogly, distant de 25 milles au nord de Calcutta, par le moyen « de l'évaporation de l'eau, dans des vases poreux et plats. Moi-même j'ai « élevé, en hiver, une couvée de Vers, chose que je n'avais pas encore expé- « rimentée, et j'ai vu qu’il en mourait plusieurs dans les premiers jours, « qu'ils retardaient la formation du cocon et qu'ils étaient tous très-petits « quand ils commencaient à filer. Dans ceci j'admire une des lois de la Provi- « dence, à laquelle doivent obéir tous les animaux et spécialement ces insectes «si féconds. Il y a des saisons dans lesquelles, par les conditions atmosphéri- « ques et par le défaut d’une alimentation suffisante, ces insectes meurent en « quantité, autrement en peu d'années le globe entier ne leur suffirait plus. « J'ai même observé à M. Reid que peut-être nos chambres donnent trop de « lumière à ces Vers à soie, la lumière étant défavorable aux œufs des insectes « comme aux graines des plantes. Dans l'etat naturel, le Bombyx cynthia « vit caché sous l'ombre épaisse des feuilles, pour échapper à la rapacité des « oiseaux par l'obscurité des forêts des tropiques. Dans les misérables cabanes « de nos rayaks (paysans du Bengale), il pénètre aussi bien peu de lumière. « On veut, en outre, que le trop de lumiére soit contraire à la plus grande « production de la soie. Je touche à ces idées sans y insister, persuadé, mon « cher, que vous prendrez tous les soins possibles pour assurer l’heureuse « réussite de ces précieux Vers à soie. Finalement n'oublions pas que ces « pauvres petites bêtes sont les premiéres de leur race qui ont la fantaisie de « voyager sur l’eau salée, et de s'installer dans les magnifiques palais des an- « tiques chevaliers de Malte. Et, s’il vous vient l'idée de les présenter à la cour, « je ne réponds pas des suites. » « Notre spirituel M. Piddington conclut en me recommandant d'envoyer ses salutations distinguées à l'excellent M. Bergonzi, à Boulogne-sur-Mer, au- quel nous devons l'idée première des tentatives et des soins pour enrichir l'Italie, s'il est possible, du nouveau Ver à soie des Indes. « Le problème parait donc résolu pour les naturalistes: on peut trans-- porter et acclimater cet insecte sons une latitude aussi différente que l'est celle qui sépare Turin de l’Assam, dans le Bengale, Le Ricin commun, aliment spécial du Cynthia, prospère suffisamment, même en Piémont. Actuellement la seule production de sa graine compense largement de sa culture !, Pans le comté de Nice, dans l'ile de Sardaigne et dans d'autres parties plus méridio- 2 1 On trouve dans les Annales de La colonisation algérienne, recueil si utile, publié avec tant de dévouement et de persévérance par M. H. Peut (n° 35, septembre 1854, p. 237), que la chambre de commerce d'Alger vient d'appliquer à la production du Ricin l'encouragement qu'elle a précédem- ment donné à la culture dés autres plantes oléaginenses :le Sisame et l'A- rachide. 25 — 316 — pales de l'Italie, le Ricin est vivace. Les sériciculteurs expérimenteront actuel- lement s’il convient d'associer l'éducation du Ver des Indes à celle du Ver de la Chine. Le premier donne sept fois des cocons chaque année, dans sa patrie, et nous donne une soie plus fine et plus belle que la même soïe venant de l'Inde. Les naturalistes et les sériciculteurs pourront même tenter lecroisement des deux espèces. En attendant, nos expériences sont destinées à produire une quantité suffisante de graine pour satisfaire, dans la suite, les plus zélés amateurs de la production de la soie. « Nous terminons ces lignes, écrites pour informer en même temps nos nombreux correspondants, avec la réflexion faite, dans ce moment, par le célèbre naturaliste français Geoffroy Saint-Hilaire, président de la nouvelle So- ciété zoologique d’Acclimatation dans la dernière séance : « Le nombre des espèces d'animaux généralement admis par lesnaturalistes « modernes va au delà de cent quarante mille, la plus grande partie desquels « restera peut-être toujours inutile aux usages de l’homme, tandis que, jusqu'à « présent, nous n’en avons réduit à l’état de domesticilé que quarante-trois «espèces. » Combien donc il nous reste à faire, et pourquoi, par exemple, pour ce qui nousregarde, l'exempledesiles Canaries, qui viennent de quadru- pler la valeur de leurs produits ruraux avec la facile culture de la cochenille, ne nous déterminerait-il pas à introduire de suite ce précieux insecte dans le comté de Nice et au moins dans l’île de Sardaigne, où le Cactus opuntia pros- pêre à merveille? » Le 24 mai 1854, on lisait encore, dans la Gazette piémon-, taise, un passage du discours prononcé par le président ‘de l’Académie royale d’agriculture dans sa séance publique du 91 mai, dans lequel il annonçait l’heureuse réussite des efforts de MM. Baruffi, Bergonzi, Reid et Piddington, pour intro- duire le Bombyx cynthia. Dans une note que M. Griseri m’a adressée le 26 mai der- nier, il fait connaître les précautions qu’il a prises pour faire éclore les cocons qui lui ont été confiés. Je crois utile de trans- crire enfin cette note, parce qu'elle donnera d’utiles indica- tions aux personnes qui vont se livrer à l'éducation de ce Ver à sole. « Les cocons du Bombyx cynthia sont arrivés, par les soins de M. Baruffi, le 19 mars. Ils étaient au nombre de vingt- quatre et de couleur blonde. Chaque cocon pesait deux gr. deux cents milligr. et contenait une chrysalide vivante et en bon état. Ces cocons ont été placés dans le cabinet de chimie de l’Université, dans lequel la température était de vingt degrés — 317 — centigrades. L'éclosion des Papillons n’a commencé que le 2% avril, après qu'on a eu augmenté graduellement la tempé- ralure jusqu’à trente degrés centigrades. Malheureusement ces Papillons sé sont trouvés presque tous des mâles. Les quatre seules femelles n’ont pas tardé à être prises par des mâles et ont formé quatre couples qui sont restés unis pendant trois jours. Elles ont ensuite donné un assez bon nombre d'œufs elliptiques et d’un jaune clair qui n'ont pas changé de cou- leur, comme cela arrive à la graine de notre race ordinaire. » « Après l’accouplement la température a été abaissée de nouveau à vingt degrés centigrades, parce que les continuels mauvais temps que nous venions de subir avaient considérable- ment retardé le développement de nos plants de Ricin. Ces œufs se trouvent encore dans le même état, et nous attendons que la feuille soit un peu plus avancée pour les mettre à l’éclosion. « Le 20 mai, était arrivée à M. le chevalier Baruffi une petite boite contenant de la graine de ce même Bombyx. En l’ouvrant nous avons trouvé les Vers éclos et en apparence morts. Cepen- dant, en les examinant bien avec la loupe, on a reconnu que plusieurs de ces petits vers donnaient encore quelques signes de vie. On les a placés sur des feuilles de Ricin, et l'on n’a pas tardé a en voir plusieurs se ranimer, puis attaquer les feuilles. Voilà cinq jours que ces jeunes Vers se nourrissent sans donner jusqu'à présent aucun signe de mue, et sous une température qui demeure entre vingt et viugt-deux degrés centigrades. « Comme les très-jeunes feuilles de Ricin que je donne à ces Vers se flétrissent très-rapidement, nous avons mis une plante dans un vase à fleurs que l’on tient dans le cabinet ct sur la- quelle ont été mis les pelits vers. Ils se sont aussitôt attachés à la face inférieure des feuilles et continuent à s’en nourrir et à y vivre comme s'ils élaient dans les condilions nalurelles. « La Chenille, à sa naissance, est longue d'environ trois mil- limètres, d’une couleur jaune serin, avec douze anneaux hérissés de longs poils, réunis en faisceaux et en étoiles. La têle et les six pattes de devant sont noires, les autres sont jaunes. » MM. Baruffi et Bergonzi ont eu la bonté de me donner beau- coup d'autres renseignements historiques sur ce fait capital de — 18 — l'introduction du Bombyx cynthia. Hs m'ont appris que la So- ciété des Georgophiles de Florence avait-donné à M. Salvagnoli la mission de se rendre à Turin pour y suivre les travaux de MM. Barufli ct Griseri, relatifs à ce Ver à soie. Du reste ces messieurs, voyant cette inlroduclion assurée et voulant que toutes les nations en profitent si elle doit être avantageuse à l’agriculture et à l'industrie, avaient invité M. W. Reid à en- vover, en même temps, des œufs et des cocons à toutes Îles personnes qui pourraient utilement faire des essais d'acclima- talion dans divers pays. C'est ainsi que cette espèce a été envoyée en Sardaigne, à Rome, en Toscane ', en Algérie, etc., pendant que M. Baruffi en envoyait en France au gouvernement, et en mettait à la disposition de notre Société. Dès la première géné- ration de Vers éclos à Turin, M. Baruffi en a remis à M. le duc de Guiche, ambassadeur de France, qui les a fait porter de suite à Marseille par un employé de la légation, chargé de les remettre au préfet des Bouches-du-Rhône. Je n'ai pu encore me procurer de renseignements sur les résultats des essais faits ainsi sur divers points et dus tous à la générosité de MM. Baruffi et Bergonzi ; mais je fais des démar- ches pour tächer de connaître ces résultats. L'un de ces essais a donné lieu à l’envoi en France de quelques graines, qui ont déjà parfaitement réussi à Paris. M. Paul Savi, en Toscane, avant reçu l'envoi que lui avait fait M. W. Reid et ayant obtenu de suite une génération de ces Vers et de nouveaux œufs, en a envoyé à M. Decaisne, qui les a remis à M. Milne-Edwards, pro- fesseur d'entomologie au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Ce savant, avant fait éclore ces œufs le 2 août dernier, a élevé les jeunes Vers qui ont parfaitement prospéré. Il les a montrés à l’Académie des sciences dans la séance du 98 août dernier, et aujourd'hui (13 septembre 1854) j'apprends qu'ils ont fait leurs cocons. 1 On lit dans le Moniteur universel du 20 juillet 1854: « Le Moniteur toscan du 14 juillet publie une notice sur les succès de l'élève, en Toscane, du Ver à soie des Indes orientales. Les expériences qui ont réussi ont commencé à Malte: elles ont été suivies à Turin, et eufin tentées en Toscane, sous les auspices du chevalier professeur Paolo Savi, qui avait reçu directement des œufs de Malte. La soie obtenue est três-belle. » OPA M. Baruffi m'aappris encore qu'un article étendu sur ce sujet, contenant la réunion des pièces adressées par M. W. Reid, gou- verneur de Malte, à M. le ducde Newcastle, ministre de l’agricul- ture d'Angleterre, avait paru dans le Journal of sciences (n° 14, juillet 1854), mais je n'ai encore pu me procurer ce journal. M. Monny de Mornay, chef de division au ministère de l’a- griculture, du commerce et des travaux publics, membre de la Société impériale et centrale d'agriculture, a informé cette So- ciété, à la suite de ma communication du 9 août, que l’admi- nistration de l'agriculture avait été aviséce d’un prochain envoi de graines du Bombyx cynthia venant de Malte. Il résulte de ce qui précède que l'introduction en Europe de celte nouvelle espèce de Vers à soie est due uniquement au zèle persévérant et désintéressé de MM. Baruffi et Bergonzi, si puis- samment secondés par MM. W. Reid et Piddington, et que les introductions de cette espèce qui se font actuellement en dé- rivent toutes. Aucun gouvernement n'a pris part à ces pénibles et coûteuses tentalives avant la réussite, aussi je pense que les agriculleurs amis du progrès n’hésiteront pas à se joindre à moi pour féliciter ces hommes de bien de leur succès, et pour les remercier d'avoir doté l'agriculture et l'industrie de tous les pays d’un nouvel animal domestique dont les produits servent à vêtir des populations entières dans l'Inde. Bientôt, j'espère, des expériences bien conduites permettront d'apprécier la valeur de la soic de notre nouveau Bombyx. Il est cerlain que cette soie ne pourra jamais entrer en comparaison avec la magnifique soie du Bombyx du müricr, surtout si l'on s’en rapportait à l'examen de ces soies filées dans l'Inde, et dont J'ai vu des échantillons à l’exposition universelle de Londres. Mais j'ai lieu de penser que les cocons du Cynthia, traités par des méthodes plus perfectionnées, donneront une soic bien su- péricure. Je m’arrêle ici, attendant, pour donner quelques renseigne- ments nouveaux sur la soie de cette espèce, que des cocons en assez grand nombre me soient parvenus. Du reste, j'ai fait connaitre ce qui a été publié à ce sujet par Heïfer et Hugon. (Journal de la Société asiatique du Bengale; Calcutta, janvier — 3520 — 1847) dans un Mémoire que j'ai inséré dans les Annales de la Société séricicole, t. IX, p. 269.) Qu'il me soit permis, en terminant, de faire remarquer com- bien l'introduction d’un nouvel insecte est plus difficile que celle d’un animal vertébré. Voilà un grand nombre d'années que l'on cherche à obtenir ce Ver à soie du Ricin, et ce n’est qu'aujourd'hui, après trois ans de tentatives actives et coûteuses, qu'on y est arrivé ‘. S'il se fût agi d’un quadrupède ou d’un oi- seau, un voyage aurait suffi; car, dans ce cas, il ne peut y avoir. le plus souvent, qu'une question d'argent : il faut pouvoir em- barquer et nourrir, sur un bâtiment et pendant une traversée plus ou moins longue, un troupeau ou des oiseaux en cages, des animaux dont l’existence est de longue durée et qui vivent très-bien et pendant assez longtemps sur un navire. Nous donnerons, dans le Bulletin, la figure des divers états du Bombyx cynthia, et surtout de sa Chenille à ses différents âges. En attendant, MM. Paulin et Lechevalier, éditeurs de l’1/- lustration, ont bien voulu mettre à notre disposition la belle planche qui accompagne un extrait de notre article, inséré dans le dernier numéro de ce journal. Nous devons ainsi à la bienveillance de MM. Paulin et Lechevalier l'avantage de pou- voir donner dès à présent à nos lecteurs une idée exacte du précieux insecte du Palma Christi. (Voy. pl. 2.) Au moment où ce petit travail est mis sous presse, je recois de M. Bergonzi des renseignements écrits, qui, sans différer de ceux qui précèdent et que je dois à M. Baruffi et à lui-même, sont remplis de détails intéressants. Si M. Bergonzi m'en donne l'agrément, et si je le puis, je publierai ces notes à la première occasion. 1 Lorsque les Anglais ont voulu introduire les Vers à soie des races ita- liennes dans leurs possessions des Iudes, ils n’ont pu faire arriver les graines jusqu'à leur destination, et, après plusieurs tentatives infructueuses, ils ont ‘eu l’idée de faire planter des müriers à Sainte-Hélène, d'y faire des éducations de ces races italiennes, qui ont donné des œufs qu'on a pu facilement faire arriver au Bengale vivants et sans qu'ils soient éclos en route. — 321 — Il. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES DU CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE pu 18 aout 1854. Présidence de M. Georrroy Saint-Hicarre. Conformément à l’article 4 du règlement constitutif, le Con- seil admet au nombre des membres de la Société : MM. Agpanre (Antoine d’)}, membre correspondant de l’Aca- démie des sciences, à Urrugne, près Bayonne. Burrox (Henri de). Canczaux (Le comte de), attaché au ministère des af- faires étrangères. Caeuvreux (Jean-Pierre-Casimir), propriétaire. Denis (Félix-Émile), propriétaire. Gaizarp (Paul). Gogy, maire de Blidah (Algérie). Mauniep (L'abbé), chanoine de Reims, directeur supé- rieur de l'institution Sainte-Marie-de-Gourin, à Gourin (Morbihan). MorgLor, propriétaire à Éguilly (Côte-d'Or). Ranevie (De), fondateur de l’Orphelinat du Petit- Mettray, à Amiens. RawsouxG (Charles), propriétaire à Chateauvert (Nièvre). Renouanp (Charlemagne-Alexandre), propriétaire. Rocer (Edgar). SourrLor, administrateur des messageries impériales et des paquebots d'Orient. — M. le Président annonce au Conseil que, par une lettre en date du 18 juillet, M. le Ministre de l’agriculture et du com- merce lui a adressé dix-huit échantillons de laines de différentes qualités envoyées par le consul de France au cap de Bonne-Es- -_I6ts. pérance. M. le Ministre témoigne le désir que la Société s’oc- cupe de rechercher s’il ÿ aurait possibilité d’acclimater en France, et notamment dans le Midi, les bètes à laine qu’on élève dans la colonie du Cap, et qu’elle étudie la nature et la valeur réelle, pour l’industrie, des laines dont il envoie des échantillons. Une commission est nommée pour se livrer spécialement à celte étude, et faire un rapport qui sera transmis à M. le Mi- nistre de l’agriculture et du commerce. Cette commission est composée de MM. Allier, Cartier père, Casimir Cheuvreux, Duvernoy, Focillon, Millot, Richard (du Cantal) et Émile Tastct. — Il est donné lecture de deux lettres de MM. Cuënot et Jobez, qui annoncent l’heureuse arrivée des Yaks à leur desti- nation. — M. le Président communique au Conseil une lettre de M. le capitaine Loche, actuellement en Algérie, qui offre ses services à la Société, au sujet des recherches et des études z00- logiques qu’il se propose de faire en Afrique. La proposition de M. Loche est acceptée avec reconnaissance, et il lui sera adressé une lettre de remerciments. M. le Président annonce qu’il a reçu de M. Ie baron Henri Aucapitaine une Note sur le Dromadaire et sur le Méhari en particulier. 1 Cette Note sera insérée dans le prochain numéro du Bulle- tin. (Voyez page 297.) — M. Guérin-Méneville communique au Conseil les résultats d’un Mémoire qu'il a lu à la Société impériale et centrale d'Agriculture le 9 août 1854, et dans iequel il présente lhis- ioire de l’acclimatation d’un nouveau Ver à soie domestique, le Bombyx cynthia, qui se nourrit des feuilles du Ricin commun, et donne la soie des foulards de l’Inde. Ce Mémoire sera inséré dans le prochain numéro du Bul- letin. (Voyez page 596.) SÉANCE DU ® SEPTEMBRE 1894 Présidence de M. Georrroy Sainr-HiLalRE. Conformément à l’article 4 du règlement constitutif, le Conseil admet au nombre des membres de la Société: MM. Berrraxp (Le docteur), professeur à l'École de médecine de Clermont, médecin inspecteur des eaux du Mont-Dorce. Caxsox (Étienne de), propriétaire à Annovay (Ardèche). Devon», instituteur primaire supérieur à Orléans. Estenxo (Le comte d’), propriétaire au château de la Vesvres, près Aulun (Saône-et-Loire). Le Perretier pe GLarieny, propriétaire à Annet, près Lagny (Seine-et-Marne). Lernesrre, chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu de Caen, professeur à l’École de médecine de Caen. Mureau, premier président de la cour impériale de Dijon, membre du conseil général de la Côte-d'Or. Saviexox (Jcan-Rodolphe), avocat à la cour impériale de Paris. VENGNOLLE, directeur du journal l'Industrie. — M. le uen présente au Conseil quelques échantillons de laine d’Angora dont M. Ramon de la Sagra fait don à la Société. — M. le général Daumas, par une lettre en date du 2 sep- tembre, adresse à la Sociélé un ouvrage intitulé : Recherches sur les roches, les eaux etes gîtes minéraux des provinces d'Oran et d'Alger, par M. Ville, ingénieur au corps des mines, en annonçant son intention de mettre à la disposition de la So- ciélé, pour sa bibliothèque, tous les ouvrages concernant l'Al- série qui pourraient avoir trait aux sciences naturelles. M. le président adressera à M. le général Daumas les remerciments de la Société. — Il est donné lecture d’une lettre de M. le baron de Mont- gaudry, en date du 31 août, dans laquelle il communique à M. le président une lettre de MM. Lopez, Dubec et compagnie, armaleurs à Bordeaux, qui veulent bien offrir leur concours à la — 54 — Société, et la faire profiter de leurs fréquents rapports avec l’Inde et la Chine, pour tous les renseignements ou les ser- vices qu’elle pourrait désirer d’eux. | Des remerciments seront adressés à MM. Lopez, Dubec et compagnie au nom de la Société, qui accepte leurs offres avec reconnaissance. — M. le président communique au Conseil une lettre par laquelle M. le général Daumas annonce qu’il vient d'écrire à M. le colonel d’Argens, et de le prier de procurer à la Société des Mouflons à manchettes, afin que ce magnifique animal puisse devenir l’objet d’une étude suivie, et, s’il y a lieu, d’un essai d’acclimatation en France. _ À cette lettre en était jointe une de M. le baron Rousseau, consul de France à Brousse, annonçant à M. le général Daumas qu’il enverra incessamment un rapport détaillé sur la Chèvre d’Angora. Il attend, pour le compléter, l’arrivée prochaine à Brousse d’un négociant arménien originaire d'Angora même, et sur lequel il peut entièrement compter. — M. Bouteille, secrétaire de la Société zoologique d’Accli- matation pour la région des Alpes, qui s’est définitivement con- stituée le 95 juillet 1854, adresse un exemplaire du Règlement de cette Société !, rédigé en grande partie d’après celui de la So- ciété zoologique d’Acclimatation. Le Conseil décide que le Bul- letin lui sera adressé, et M. Valserres, qui doit se rendre pro- chainement à Grenoble, est chargé de se mettre officiellement en rapport avec cette Société. — M. Guérin-Méneville annonce au Conseil que M. l’abbé Baruffi, de Turin, veut bien mettre à la disposition de la So- ciété des Vers à soie du Ricin (Bombyx cynthia). M. Guérin-Méneville est chargé, pour M. Baruffi, des re- merciments de la Société, qui accepte son offre avec empres- sement *. » 4 Voyez ci-après un extrait de ce règlement et une lettre de M. le prési- dent de la Société zoologique des Alpes, en date du 4 septembre. 2 Voyez fuits divers, p. 329. Hi. FAITS DIVERS. CONSTITUTION DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION POUR LA RÉGION DES ALPES. La Société zoologique d’Acclimatation pour la région des Alpes, dont la création a élé annoncée dans la séance du 23 juin ‘, s’est définitivement constituée le 25 juillet. M. le président de ia Société en a été informé par une lettre de M. Félix Réal, ancien député et conseiller d'État, président de la Société zoologique des Alpes, et par l'envoi de deux exemplaires du réglement constitutif de la nouvelle Société, transmis par son secrétaire, M. Bouteille, conservateur du Muséum d’histaire naturelle de Grenoble. Voici la lettre de M. le président : L Grenoble, ce 4 septembre 1854. Monsieur le Président, La Société zoologique d’Acclimatation, fondée à Paris le 10 février 1854, a fait appel au concours de tous ceux qui pourraient l'aider dans une œuvre au succès de la- quelle l’agriculture, les arts, l’industrie, l’économie publique, rattachent les plus lé- gitimes espérances. À Grenoble, cet appel a été entendu et accueilli avec empres- sement. ‘ Une Société zoologique d'Acclimatation d'animaux utiles, pour la région des Alpes, vient de s’y constituer. Elle espère comprendre plusieurs départements dans son cercle d'action. Le 25 juillet dernier, elle a approuvé son règlement cet elle a fait choix des membres composant son conseil d'administration. Le premier acte de ce conseil a été de charger son président du soin de vous pré- venir de sa constitution, et de transmettre à la Société que vous présidez notre désir d'établir avec elle des rapports de correspondance, d'échange, propres à hâter et à étendre les développements d'une œuvre à laquelle les deux Sociétés, dans la mesure de leur action respective, vouent leurs communs efforts. Je viens, Monsieur le Président, remplir cette mission auprès de vous. La Société zoologique des Alpes sera heureuse d'entretenir avec la Société mère des relations suivies. Elle recevra avéc intérêt et reconnaissance toutes les communications que ous jugerez à’propos de lui faire : par réciprocité, elle mettra à votre disposition tous les renseignements dignes d'attention que lui fourniront les essais d’aeclimatation auxquels elle va se livrer. La Société zoologique de Paris pourra ainsi suivre nos travaux ct nous éclairer de son expérience. Le conseil d'administration m'a invité à vous demander l'envoi, soit à titre de cor - respondant, soit à titre d'abonné, de deux exemplaires de votre Bulletin. Le conseil ne peul, quant à présent, arrêter de détermination sur la publication des observa- (1) Voyez le n° 5 du Bulletin, p. 252. — 526 — lions qu'il s’allachera à recueillir auprès des sociétaires qui, soil pour la Société des Alpes, soit pour eux-mêmes, entreprendront ces essais : encore moins peut-il prévoir si cette publication pourra prendre un caractère de périodicité. Mais le conseil s'em- pressera de vous communiquer ses procès-verbaux, au moins dans leurs parties essentielles. Il serait agréable au conseil d'administration que j'ai l'honneur de présider de pou- voir annoncer aux membres de la Société zoologique des Alpes que li Société de Paris les autorisera, sur leur demande, à assister à ses réunions et à en suivre les discussions. Le conseil me charge de vous prier, Monsieur le Président, de faire con- näailre à tous les membres de la Société zoologique de Paris qui auront occasion &e visiter les Alpes, que la Société, qui tient ses séances au Muséum même, à Grenoble, les recevra avec empressement, soit dans ses assemblées générales, soit dans les réu- nions périodiques du conseil. J'ai été chargé enfin de faire hommage à la Société de deux'exemplaires de nos statuts. Vous les recevrez prochainement. Je considère comme une bonne fortune pour mo:, Monsieur le Président, cette occasion, qui m'est offerte par le suffrage de mes confrères, d'entrer en relation avec vous : Veuillez agréer l'expression de ma considération Ja plus distinguée. Le président de la Société zoologique d’Acclimatation pour la région des Alpes, Féux RÉAL. Le réglement constitutif de la nouvelle Société, rédigé en grande partie d'aprés les règlements de la Société zoologique d'Acclimatation, se compose de sept chapitres. Le Conseil a décidé, dans sa séance du 2 septembre, qu'on en publierait les parties les plus importantes. RÈGLEMENT DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION POUR LA RÉGION DES ALPES, Fondée à Grenoble le 95 juillet 1854 CHAPITRE PREMIER. Ar, 1%. — La Société prend le titre de Soctéré zooLocique nes Azres. Elle à son siége à Grenoble. Aur. 2. — Le but de la Société est de concourir : 4° À l'amélioration et la propagation d'animaux utiles ou d'agrément: 2° A la domestication de quelques espèces indigènes; 5° À l'acclimatation de quelques espèces étrangères. Arr. 5. — Le nombre des membres de la Société est illimité. Pour en faire partie, il faut être présenté par un membre sociétaire ct ètre agréé par le conseil d'administration. Anr. 4. — Les ressources de la Société se composeront des colisations annuelles de ses membres, des dons et szhbventions qu'elle pourra recevoir, du produit des ventes qu’elle pourra faire dans certains cas déterminés par le règlement. Ant. 9. — La cotisation pour chaque membre de la Société est de cing francs par an. — 5 — Elle se perçoit à partie du 1° janvier de chaque année ou du jour de l'admission : le versent en est fait à Grenoble, dans la caisse du trésorier de la Société. Elle est due pour l’année qui court et même pour l’année qui suit, si, avant le 1° oc- tobre de l’année courante, le membre qui veut cesser de faire partie de la Société n'a pas fait connaitre son intention par une lettre adressée au conseil d'adminis- tration. Ant. 6. — La Société emploicra les fonds dont elle fera recette à ses frais de bu- reau, de correspondance, d'impression, s'il y a lieu; à l'achat ct aux dépenses de transport, de garde el d'entretien des animaux sur lesquels son conseil d'administra- tion aura jugé utile de faire des expériences; aux dépenses d’appropriation des lieux destinés à les recevoir, à les conserver, à les multiplier : ses fonds, en un mot, scront tout entiers et exclusivement employés à oblenir les résultats pratiques énumérés dans l'art. 2 du présent règlement. Arr. 7. — La Société est administrée par un conseil de quinze membres, dont le bureau fait nécessairement partie. Ce bureau se compose d’un président, d’un vice-président, d’un secrétaire-couser- vateur, d'un secrélaire-adjoint et d’un trésorier, , CHAPITRE IL. DU CONSEIL D’ADMINISTRATIOX. Anr. 8. — Le conseil d'administration est nommé pour une année dans j'assembléc générale des membres de la Société. Cette assemblée élit le président et le vice-président. Le conseil élu nomme, dans sa première séance, le secrétaire-conservateur, le sc- crétaire-adjoint et le trésoricr. Arr. 9. — Toutes les fonctions sont gratuites. Ant. 10. — Pourront être considérés comme démissionnaires tous membres du bureau qui, sans excuses agréées, auraient manqué à trois séances consécutives. Le conseil d'administration est autorisé à pourvoir aux vacances qui, pendant le cours de l’année, peuvent avoir lieu parmi ses membres où ceux du bureau. Le même droit lui est donné en cas d’empêchement prolongé d'un ou de plusieurs de ces membres. Ant. 11. — Il règle Lout ce qui concerne l'emploi des fonds de la Société, le mode des essais à faire et la série des expériences à suivre: il est juge souverain pour toul cc qui touche au placement des animaux et à la répartition ou l’emploi de leurs produits. Tous pouvoirs lui sont donnés à l'effet de poursuivre près de l’admimistration les moyens de donner à la Société un développement plus considérable. Il est investi des mêmes pouvoirs pour correspondre et entretenir des relations de concours et d'échange avec la Société zoologique d'Acclimatation de Paris et les So- ciétés de même nature constituées ailleurs, en France ou à l'étranger. - Anr, 42. — Par l'organe de son président ou de l’un de ses membres délégué à cet effet, il rend compte annuellement à l'assemblée générale de toutes ses opérations, et lui fait connaitre les résultats espérés ou déjà obtenus. Aur. 15. — Le conseil d'administralion se réunit chaque fois qu'il est convoqué par le président, et, autant que possible, une fois par mois. Ses décisions sont prises à la majorité des suffrages des membres présents, sans que le nombre de ces membres puisse être moindre de six. — 328 — En cas de partage, la voix du président est prépondérante. CHAPITRE V. PLACEMENT ET SURVEILLANCE DES ANIMAUX. * Anr. 24. — Les animaux vivants que reçoit la Société, qu’elle acquiert ou qu’elle obtient, quand ils ne sont pas placés dans un local dont elle ait la libre disposition et qu’elle ait approprié à cet effet, sont confiés par elle, sur la décision de son conseil d'administration, aux membres de la Société qui ont témoignéle désir de s’en charger, et qui ont, par écrit, déclaré les accepter aux conditions déterminées par le conseil. Aur. 25. — La Société fait tous les frais d'entretien ct de garde, ainsi que d’ap- propriation des lieux et de constructions de tout genre, pour les animaux qu’elle place au Jardin des plantes de Grenoble, dans la partie du jardin que voudra bien lui assigner l'administration municipale, ou dans tout autre local dont elle aura fait choix. Arr. 26. — Les frais de séjour, de voyage, d'entretien, etc., des animaux confiés à des membres de la Société, sont tout entiers à la charge de ceux-ci, à moins de con- ventions contraires, délibérées et acceptées par le conseil d'administration. Ant. 27. — Il sera remis à chaque dépositaire un programme d'observations à faire, qu'il devra remplir el annexcer aux rapports qu'il adressera au conseil. Arr. 28. — Sous aucun prétexte, un dépositaire ne peut placer un animal dans un local dont l'entrée serait payante. Arr. 29. — La Société conservant la pleine et entière propriété des animaux ainsi mis en dépôt, le conseil décide le déplacement toutes les fois qu'il reconnait pour peu convenable la-résidence primitivement assignée ou qu’il juge à propos de faire d’au- tres essais. Arr. 30. — En cas de multiplication des animaux confiés à un membre de la So- ‘iélé, ce membre en avise immédiatement le conseil d'administration. Il en est de même dans le cas de la mort d’un ou de plusieurs de ces animaux. Arr, 51. — Le conseil décide de la destination à donner, soit aux produits, soit, quand cela est possible, aux dépouilles des animaux apparterant à la Société, en quel- que lieu qu'ils se trouvent. Il peut décider que les produits ou les animaux eux-mêmes, selon les circonstances dont il est juge, seront vendus ou échangés au profit de la Société, et il détermine le prix, ainsi que le mode de vente ou d'échange. Selon les circonstances encore, et si la reproduction d’une espèce est assurée, il peut disposer d’un ou plusieurs individus en faveur de membres de la Société; la préférence sera, dans ce cas, accordée à ceux qui se seront chargés d'animaux d’un entretien coûteux. Aur. 52. — Les frais de retour des animaux déplacés et ceux du renvoi de leurs restes, lorsqu'il est exigé, sont à la charge de la Société. Ant. 55. — Tout membre ayant reçu des animaux devra adresser au conseil tous les six mois, et même, selon l'espèce, tous les trois mois, un rapport écrit sur leur compte. Ce rapport devra contenir tous les détails pouvant servir à l’histoire de leur éducation et des progrès de leur domeslication. Arr. 54. — Si Je conseil le croit utile, il nomme des délégués pour visiter les ani- maux confiés aux divers membres de la Société et faire sur leur compte un rapport détaillé. Les délégués peuvent être pris parmi tous les membres sociétaires. — 329 — La Société zoologique des Alpes se compose dés à présent (8 septembre) de trois cents membres. Son bureau et son Conseil d'administration sont ainsi constitués : Bureau. MM. Réaz (Félix), ancien député et conseiller d'État, président. ; Le docteur CLor-Bev, ancien inspecteur général du service médical d'Egypte, président honoraire. Micuaz-LanicnÈère, avocat, ancien avocat général à Ja cour de Grenoble, vice- président. Bovreize, conservateur du Muséum d'histoire naturelle de Grenoble, secrétaire- conservateur. Tuévexer (Jules), ingénieur civil, secrétaire-adjoint. PoussteLcur, directeur de la Société alimentaire de Grenoble, trésorier. Conseil d'administration. MM. Bacx, voyer en chef du département de l'Isère. Banc (Frédéric), adjoint à la mairie de Voiron. Cnaxnio, docteur-médecin. 4 Créru (Alexandre), ancien représentant et conseiller d'Etat. Gimaur (Henri), notaire. Gras (Albin), docteur-médecin. Guiccer, propriétaire, à la Terrasse. Juzner, ancien avoué et juge de paix, propriélaire, à Monthonnot. Perronn (Justin), pharmacien. Viaup, inspecteur des eaux et forêts. Le Conseil d'administration de la Société zoologique d’Acclimatation a délé- gué l’un de ses membres, M. Valserres, près de la Société des Alpes, afin de témoigner l'intérêt avec lequel elle a reçu les communications qui précédent, et de s'entendre sur les rapports à établir entre les deux So- ciétés dont les efforts doivent concourir à un but commun d'utilité publique. — Par une lettre en date du 6 septembre 1854, M. l’abbé Baruffi, de Tu- rin, a informé M, le président qu’il met à la disposition de la Société, pour les essais d'acclimatation qu’elle voudra tenter sur divers points, des cocons et des graines du Bombyx cynthia, ou Ver à soie du Ricin (Voyez ci-dessus, p. 506.) Ce don important avait été annoncé à l'avance au Conseil de la Société dans sa séance du 2 septembre. M. le général Daumas, directeur des affaires d'Algérie au ministère de la guerre, et membre honoraire de la Société, s'est empresséde lui offrir les moyens de faire en Algérie, dans les meilleures conditions, ses essais d'ac- climatation du nouveau Ver à soie. Le Conseil, en outre, a pris les mesures nécessaires pour que des essais puissent avoir lieu parallélement, à partir du printemps prochain, sur divers points de la France, notamment dans le Var, à Sainte-Tulle (Basses-Alpes), à Toulouse, à la colonie de Mettray (Indre-et-Loire), et à Paris. Le secrétaire du Conseil, Guérin-MÉNEvILLE, — 3530 — OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ. Séance pu 12 gJuiccer AS54. Jourxas des haras (juillet). Cosmos (3° année, 4° volume, 25° et 26° livraisons ; 5° volume, 1” livraison). Buzcenix de la Société météorologique de France (année 1854, feuil- les 4 à 8). Norice sur la fécondation de la reine ou mére des Abeilles, par M. le doc- teur De Beauvoys ; offert par lui. Busrerix de la Société industrielle d'Angers, département de Maine-et-Loire (N° 4, janvier et fevrier 1854). SÉANCE pu 18 AOUT 1854. Jourxar des haras (août). Cosmos (3° année, à° volume, 2°, 3°, 4°, 5°, et 6° livraisons. L'Issrirur (n° du 4 janvier au 17 août 1854). Moxreur des connaissances utiles et pratiques, (n° 1 à 6 de janvier à mai 4854). : Axnaes de la Société d'agriculture, sciences, arts et commerce du Puy (tome XVII, 1852). Mémomres de la Société d'agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département de l’Aube (tome V, 2 série, n° 25 et30, année 1854). Bozcerin de la Société de géographie (4° série, tome VII, n° 37, 58et 41). SÉANCE DU 2 SEPTEMBRE 1894. Recnercues sur les roches, les eaux et les gites minéraux des provinces d'Oran et d'Alger, par M. Vice, ingénieur au corps des mines, 1 vol. in-4°, Paris, 1852. Offert par M. le général Daumas. Bocceun de la Société industrielle de Mulhouse (n° 196). Buzzer de la Société de géographie, t. VIT, n° 42 (juin). Cosuwos (III° année, V° vol., 7°, 8° et 9° livraisons). L'Ixsrirur (23 et 30 août). La Société a aussi recu dans ces séances un grand nombre de journaux publiés dans les départements. Ils seront mentionnés dans un prochain nu- méro. Paris. -— Typ. Simon Raçon et C°, rue d'Erfurth, 1. "+ CR > nd des D D Sn 2 BULLETIN MENSUEL, DE LA SOCIÈTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION Fondée le 10 février 1554. 1. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIETE. OBSERVATIONS SUR LA PISCICULTURE, Par M. le marquis de VIBRAYE, Présentées à la Société zoologique d’Acclimatation, par M. Coste. Séances des 10 mars et 23 juin 1854". Depuis environ vingt-quatre années, j’accomplis, pour ma quote-part, l’œuvre de la régénération de la Sologne, et mes premiers essais, fort modestes au début, comme toutes les-amé- liorations du sol entreprises avec sagesse, prennent aujour- d’hui un développement plus rapide; et pourtant, désirant procéder avec ordre et méthodiquement, peut-être n’en serais-je 1 Voyez le numéro 2 du Bulletin, p. 88, et le numéro 5, p. 234. La publication de ce travail a été retardée par un voyage que M, le mar- quis de Vibraye a fait en Allemagne, et dont il est de retour depuis peu. L 24 oo — 592 — pas encore à vous entretenir de mes premières tentatives de piscicullure, si je n’avais été presque entraîné, provoqué même par l'engouement général. Possédant depuis longtemps les éléments d’un succès et des documents surabondants pour en venir à la pratique, il eût été presque ridicule d’arriver le dernier. Entouré de landes improductives qu’il fallut utiliser, dési- reux de régénérer le sol arable au moyen d’une meilleure cul- ture, il fallait savoir ce que l’on prétendait entendre par cette qualification de sol arable, tous les sols étant propres à la cul- ture dans le sens absolu; mais les forces de l’homme ont des limites, et les ressources pécuniaires de plus restreintes encore. Le secret d’une bonne et rationnelle culture est donc le plus souvent de savoir la réduire aux terrains naturellement les plus riches, et d’utiliser au moyen du boisement les sols na- turellement plus pauvres qu'ils ne seraient ingrats. Mais la création des bois est un travail de longue haleine, et ces vingt- quatre années d’efforts n’ont point encore vu complétement le terme de mes travaux, quoiqu’ils touchent aujourd’hui pres- que à leur fin. L'une des plus utiles améliorations du sol est l’assainisse- ment des terres : après avoir desséché trente étangs environ, j'ai commencé des travaux d’assainissement au moyen de son- dages; ces travaux, qui vont se compléter cette année et celles qui vont suivre, par des drainages, m'avaient fourni déjà des volumes d’eau qui purent me faire songer à la pisciculture, comme un des plus précieux moyeus de les utiliser. Mais je comptais ajourner encore et attendre le complément de mes travaux d’assainissement, si je n’avais élé presque entrainé, comme je l'ai dit plus haut, par le mouvement général. J'avouerai que d’abord mes efforts furent complétement in- fructueux ; et comment pouvait-il en être autrement? lorsqu’en 1849 je n'avais encore pour guide que les notions fournies par le Journal pratique d'Agriculture, le Mémoire de Goldstin, qui me servit à faire exécuter un grand coffre sur les dimensions indiquées par celte traduction française des œuvres de Jacob; des œufs enfin recueillis à la poissonnerie de Blois sur des — 330 — Poissons déjà morts sans être à maturité de frai, les mâles pourvus de laitances trop compactes qu’il fallait délayer avant de les employer. D'ailleurs l’espacement des grillages, tel que indiquait l’auteur allemand, n’était point un obstacle à l’en- vahissement des Byssus, des Conferves, non plus qu’à l’intro- duction dans les boîtes de myriades d’insectes. Il fallut donc, à mon grand regret, ajourner à l’année suivante, qui ne devait pas être plus heureuse pour mes tentatives, et peut-être me décourager, si les obstacles n'étaient pour la nature de mon esprit et de ma volonté des stimulants bien plus que des mo- üfs de désistement. En 1850, je fus mis en relation avec M. Géhin par M. Milne Edwards, dont je venais de lire le rapport envoyé par M. le ministre à la préfecture de Loir-et-Cher. M. Géhin, ne sachant quelle serait la valeur des expériences que je prétendais tenter, me procura des œufs défectueux, le rebut des expériences de Versailles et Fontainebleau. C’est de lui-même que je reçus plus tard cet aveu, lorsque, dans le cou- rant de la même année, il vint à Cheverny, trouva les eaux parfaites et me promit un concours qui ne s’est point démenti. La première boîte de Géhin, placée dans ur courant à la merci des curieux, des destructcurs, des incrédules ou de ces hommes aveuglément jaloux des innovations quelles qu’elles soient, cette boîte, dis-je, fut défoncée à coups de pierres. Les années s’écoulaient, et je sentais la nécessité de faire construire un pavillon destiné spécialement à l’éclosion. Lors- qu’il fut achevé, je fis venir des œufs de provenances diverses, mais tous arrivèrent broyés entre des lits de sable et de cail- loux : déception nouvelle! Géhin lui-même était du nombre de ces expéditeurs; depuis il a changé sä méthode, sur mon invilalion, et je m'en félicite. Il m’a procuré cette année d'excellents œufs venus de la forêt Noire et qui ont parfaite. ment éclos. Désespéré des insuccès dont je n'étais point cause et d’une fatalité qui semblait me poursuivre, je résolus d’aller moi- même féconder les œufs sur place : les éléments eux-mêmes semblaient déchaînés contre mon opiniâtreté. Des crues su- — 3574 — biles au moment du frai ne me permirent qu’une récolte peu fructueuse aux environs de Vendôme: J'eus quelques centaines d'œufs seulement, mais à parfaite maturité. La fécondation s'opéra dans les meilleures conditions, et l’incubation dura de trente-trois à trente-six jours, et fut suivie d’une belle éclosion ‘ Les premiers essais ne sont souvent que des tàtonnements; j'aurais donc à me reprocher d’avoir gardé trop longtemps les jeunes Truiles dans les bassins d’éclosion, si celte épreuve n'a- vait été tout au profit de mon expérience. J'ai gardé les jeunes sujets trois mois avant de les livrer à la pleine eau, soit dans un réservoir de plus de cent quarante mètres de long, soit dans un ruisseau qu'alimentent des sour- ces. Dans le premier cas, les Truiles ont atteint dix-huit centi- mètres de longueur, dus le second, je n’ai pu juger aussi bien de leur accroissement. Toutefois, lorsqu'une heure avant le cou- cher du soleil les Truites sortent de leurs retraites pour aller attendre leur proie, j'ai pu les apercevoir et évaluer leur déve- loppement à vingt-cinq centimètres environ. Peut-être aurais-je obtenu plus de volume, et fa mortalité se serait-elle moins fait sentir, si j'avais, aussitôt après la disparition de la vésicule om- bilicale, donné la liberté à mes jeunes Poissons. Pendant les trois mois de leur conservation dans les bassins d’éclosion, beau- coup de Poissons dépérissaient et leur épine dorsale se con- tournait; ce n'est qu'après avoir adopté pour nourriture les œufs de Carpe, que j'ai vu reuaitre, en quelque sorte à vue 1 Nous remarquerons que ces Caux, par leur température constante de ouze à douze degrés centigrade, accélèrent l'incubation, et que l’éclosion à lieu du trente-troisiéme au trente-sixiéme jour, landis que jusqu'à ce jour six semaines avaient paru la moyenne du temps réclamé pour arriver à léclo- sion. Cette précocité, qui n'a donné que des résultats avantageux pour les Truites, est une des causes de la mortalité pour les Ombres chevaliers, qui rcclament une température plus basse. L'expérience, grand maitre qu’il ne faut jamais se lasser de consulter, m'a, celle année même, appris que mes appréciations étaient justes, après avoir échoué sur plus de dix mille œufs d'Ombres chevaliers. J'ai fait éclore un dernier mille avec un ACTE succés, en abaissant la température de mes eaux. — 5935 — d'œil, les Poissons malades. En soumettant individucliement une Truite plus malade que ses compagnes à ce régime, ct en la nourrissant avec plus de soin, nous l’avons guérie d’abord, puis fait grossir proportionnellement davantage. Enfin, quinze Truites ont été conservées neuf mois dans l'établissement des- tiné spécialement à l’éclosion et dans des bassins de grandeur différente, et leur grossissement nous a paru proportionnel au volume d'eau qui leur était attribué. Cette loi doit avoir une limite que l'expérience pourra seule tracer ct circonscrire. . Dans mon ruisseau, les Truites doivent pourvoir elles-mê- mes à leur nourriture, et leur grossissement prouve surabon- damment que cet état libre leur convient. Dans le réservoir de cent quarante mètres, mentionné plus haut, elles ont trouvé suffisamment de nourriture par l’éclosion naturelle des Pois- sons blancs et autres, par l’addition des Grenouilles et d'Écre- visses que nous y avons introduites ensuite après leur éclo- sion, et par la présence de coquilles lacustes, notamment des lymnées qui s’y rencontrent naturellement en grande abon- dance. ù Je suis entré dans ces détails minutieux à dessein ; je vou- lais aborder la pratique de la pisciculture : faire éclore n'est, en définitive, que le premier terme de l’expérimentation, peut- être le plus facile, et se réduit en quelque sorte à une expé- rience de laboratoire; mais le grossissement, le développement du Poisson est le côté sérieux, économique de la question, l'avenir de la pisciculture. Si l'accroissement suit la même progression l’an prochain, ce que nous avons tout lieu d’espérer, les Truites pourront commencer à frayer, exceptionnellement peut-être; mais très- certainement dans deux ans nous obtiendrons ce résultat. Nous aurons donc sous la main les éléments d'une reproduc- tion artificielle et naturelle tout à la fois, sans déplacement, et, par conséquent, sans courir les chances défavorables du trans- port des œufs immédiatement après leur fécondation. Tout ce que j'ai dit des Truites s'applique également aux Saumons sauf les exceptions qui vont suivre. Au printemps dernier, j'avais obtenu de M. Coste cent cinquante Saumons — 556 — nouvellement éclos : ils ont pour la plupart assez bien sup- porté le transport dans un bocal rempli d’eau et par la grande vitesse du chemin de fer. Trois mois après, soixante-quinze individus ont été placés dans le même réservoir,et quelques- uns dans le même ruisseau que les Truites. Je n’ai pu revoir ces derniers; mais, les premiers, mesurés après neuf mois de séjour dans le réservoir, ont atteint quatorze centimètres : ils ont donc pris moins de développement que les Truites du même âge et dans les mêmes conditions d’existence. Ils ne pourraient très-probablement prospérer sans obéir à leur instinct de re- tourner à la mer au bout d’un temps donné, nos eaux stag- nantes, quelque vives qu'elles puissent être, ne pourraient donc s’en enrichir. Mais si l’observation faite en Angleterre ct en Écosse se renouvelle aussi chez nous, les Saumons, livrés à leur instinct, reviendront bientôt peupler les eaux dans les- quelles ils auront été déposés avant l’époque de leur migra- tion. La Cosson, la Brevron, la Sandre et bon nombre de leurs affluents ne pourront-ils être peuplés de la sorte si la multi- plicité des retenues d’eau des moulins ne vient y mettre ah- stacle? . Comme je lai dit plus haut, la pisciculture n’en est encore qu’à ses prolégomènes, ct rien n'est encore bien concluant, notamment sur la théorie de la domestication des poissons, et l'aptitude relative de telle ou telle espèce à s’acchimater et à changer de milieu. Nos devanciers, les Romains, nous ont, il est vrai, dotés de nombreux produits jusqu’alors inconnus, mais y at-il eu simple introduction, naturalisation ou véri- table acclimatation ? Les travaux de régénération de la Sologne tendront à modi- fier beaucoup le régime de ses eaux, et probablement à nous rapprocher beaucoup de cette ère gallo-romaine où les étangs n'existaient pas, du moins en aussi grande abondance ; où les dépressions du sol qu'ils occupent donnaient passage à des cours d’eau, comme le prouvent les étymologies, et qui n'ont cessé de couler qu'à la suite du déboisement. D'ailleurs l’art ne pourra-t-1l rien faire pour la domestication des poissons ? Aurait-on supposé, par exemple, qu'après l'extraction de la — 351 — tourbe, aux environs de Piney (département de l’Auhe), des excavations où l’eau semble dormir donneraient asile à des Truites de près de trois kilogrammes, et déposées de main d'homme dans ces eaux? que ces Truites qui ne frayent pas d’abord sous uu sol privé de consistance, pourraient se repro- duire par la consolidation du sol de ces bassins, au moyen de l'addition d’une simple couche de craie blanche? Certains étangs de la Sologne ne possèdent-ils pas d'aussi belles eaux que les tourbières de la Champagne? et les tourbières nous fe- raient-elles défaut si l'extraction de la tourbe devait procurer sûrement à son propriétaire un double bénélice ? On pourrait citer un grand nombre de poissons utiles à pro- pager. Jusqu'ici je ne me suis occupé que de lAnguille et des noyens de la transporter. J’ai répandu ceux millions huit cent mille jeunes Anguilles dans les étangs et les cours d’eau des communes de Cour et de Cheverny (Loir-et-Cher). Ces animaux, apportés de Nantes vers le milieu d’avril 1852, avaient décu- plé de volume en dix mois; on les retrouve aujourd’hui dans toutes les eaux des deux communes. J'avais espéré que M. Coste parviendrait à résoudre le pro- blème de la multiplication des Lamproies; je lui en avais adressé huit au Collége de France, où malheureusement elles sont mortes presque aussitôt leur arrivée. Le hasard m’a mieux servi : j'ai conservé pendant plus de six anois, vivantes, deux Lamproies mâle el femelle, les deux seules que je me fusse réservées. Au bout de ce laps de temps, vers la fin d’août, la femeile a pondu ses œufs dans les bassins de mou établissement de pisciculture, mais je n'ai pu les faire éclore, ne sachant s'ils étaient fécondés avant la ponte, ce que j'ai toutefois lieu de supposer, car le mâle semblait rechercher la femelle, ct ces deux poissons res- taient longtemps juxtaposés, sans qu'il ait été possible de con- stater un véritable accouplement. Au moment de la ponte, on pouvait observer vers la région anale de l'individu mäle l’ap- parition d’un nouvel organe externe, qui ne pouvait être autre, ce me semble, qu'un organe générateur. L'observation devra se répéter ultérieurement sur un plus grand nombre d'individus ; nous devons en outre appeler à notre aide la Gissection au mo- — 358 — ment du plus grand développement des organes générateurs, immédiatement, avant comme après l'émission des œufs de la femelle. Je n’ai rien dit encore des éclosions de cette année. J’opère malheureusement sur un trop petit nombre d'œufs pour doter suffisamment le pays de ces nouvelles espèces. Le résultat des éclosions de cette année est d'environ quatre mille Truites, six cent vingt Saumons et soixante Ombres chevaliers ‘. Le plus bel envoi de Truites m'avait été fait par le sieur Géhin; mal- heureusement j'en ai perdu quelques centaines après l’éclosion. par suite de la trop grande abondance de mes eaux. Les bas- sins élaient partagés en différents compartiments par des pla- ques de zinc perforées à la mécanique, et malgré l'extrême ténuité des ouvertures, la vésicule ombilicale entrainée vio- lemment par le courant, venait s’y engager et les Poissons pé- rissaient contre les parois du zinc. Lorsqu'un Poisson parve- nait à se dégager, la lésion opérée sur la vésicule amenait, les jours suivants, le dépérissement du jeune sujet et sa mort. Il fallait remédier immédiatement à ce fâcheux état de choses . qui menaçait de compromettre l’éclosion tout entière, et nos recherches, ou bien plutôt, je l'avouerai, nos tâtonnements, ont été couronnés d’un plein succès. En inclinant ie barrage de zinc perforé pour éviter les chocs, et en établissant en avant de ce barrage un obstacle en gutta-percha, pour provoquer l'établissement d’un courant, on arrive à reconnaître le point où les deux forces d’impulsion et de répulsion se neutralisent, et la répulsion, atténuée par l’inclinaison du zinc perforé, provoque une inflexion du courant qui rejette en arrière ceux des Poissons que le courant supérieur peut, au moment de leur passage, entrainer au-dessus du barrage en gutta-percha. On peut reprendre ces Poissons entre les deux barrages pour les replacer ensuite dans de meilleures conditions, cette attrac- tion, du reste, n'étant qu’une exception et ne s'appliquant plus qu’au petit nombre. 1 J'ai fait éclore, depuis la rédaction de cette note, un milier d'Ombres chevaliers, — 359 — Je n’ai rien dit encore sur le transport des œufs, la picrre d’achoppement de tous les pisciculteurs, pour une bonne rai- son : c'est que les œufs nouvellement fécondés sont dans les plus mauvaises conditions possibles pour le transport, qui s’o- père avec bien plus de facilité lorsque l'embryon est complé- tement développé : pourtant il faut bien transporter les œufs naturellement fécondés; car on ne peut, sauf de rares excep- tions, commencer une incubation sur le lieu même de la fécon- dation. Les conditions défavorables obligent donc à redoubler de précautions pour le transport des œufs nouvellement fécon- dés. En admettant que le transport dans des herbes humides ou de la mousse également humectée présente un réel avantage sur le sable et le gravier, anciennement employés au préjudice de la plupart des œufs, le déballage très-long et très-minutieux des œufs engagés dans cette mousse et ces herbes, peut, a for- tiori, compromettre gravement le succès d’une éclosion d'œufs nouvellement fécondés, puisque sur quatre mille œufs expé- diés d’Huningue dans les meilleures conditions d’existence, le développement complet de l'embryon, deux cent vingt-cinq à deux cent trente œufs sont seuls éclos. D'autre part, sur cinq cents œufs de Saumons, que je dois à l’obligeance de M. Coste, quatre cent quatre-vingl-dix-sept sont parfaitement éclos. Je les avais fait emballer entre des coussins de jaconas fort légers et légèrement ouatés, dont je me sers depuis nombre d'années pour le transport des fossiles et notamment les délicates es- pèces lithophages des bassins de Paris et de Touraine. Je termine en priant la Société zoologique d’excuser mes longueurs. Comme au temps des beaux esprits du siècle de Louis XIV, il faut aujourd’hui du temps pour être court ct coordonner ses pensées. J’avais à cœur, avant de retourner aux champs, de prendre date, ct je désirais en outre prouver à mes nouveaux collègues le zèle qui m'anime, et combien je m’ef- forcerai toujours de seconder leurs utiles efforts pour doter notre beau pays de nouvelles conquêtes zoologiques. LETTRE SUR LA PREMIÈRE ÉDUCATION DE VERS A SOIE DU RICIN FAITE EN FRANCE, ADRESSÉE A M. IS. GEOFFROY SAINT-HILAIRE Par M. MILNE EDWARDS. Mon cher collègue, Si la Société zoologique d’Acclimatation ne s’était trouvée en vacance depuis quelque temps, je me serais empréssé d’y aller pour vous montrer les résultats que j'ai obtenus relati- vement à l'introduction en France d’une espèce de Ver à soie de l’Inde, qui est nouvelle pour notre agriculture, mais qui de- puis un demi-siècle est bien connue des zoologistes ; et puisque vous désirez en entretenir les lecteurs du Bulletin, je me hâte de vous dire où J'en suis de ces essais de naturalisation. En juillet dernier, j’ai annoncé à la Société impériale d’Agri- culture, que M. le professeur Savi, de Pise, avait bien voulu envoyer au Muséum des œufs du Bombyx cynthia, grande et belle espèce de l’Inde, qui, dans ce pays, est l’objet d’une in- dustrie considérable, et qui a été désignée tour à tour par les entomologistes sous les noms, de Phalæna cynthia, Saturnia eynthia, Attacus cynthia, ete. J'ai dit aussi que les petits Vers à soie du Riein (ou Vers Arrindy des Hindous) ont commencé très-promptement à sortir de ces œufs, et que je comptais y donner tous mes soins, dans l'espoir de les acclimater chez nous. Dans une des séances de l’Académie, au mois d’août, J'ai rendu compte des détails de cette expérience, dont le succès a été complet. (Voyez les Comptes rendus de l'Académie, séance — 541 — du 28 août, p. 389.) Il serait, par conséquent, inutile d’y revenir, et je me bornerai à ajouter que mes Vers à soie, nourris avec des feuilles de Ricin, et élevés, les uns en plein air, les autres dans mon cabinet, à.la température ordinaire, ont prospéré. A la fin d’août, ils ont commencé à faire leur cocon, et, après être restés pendant trois semaines à l’état de chrysalide, ils viennent d’achever leurs métamorphoses. La semaine dernière, mes Papillons ont commencé à sortir de leur cocon. et plusieurs paires se sont accouplées. Enfin la ponte vient de conimencer. Ainsi donc, toute la série des opérations dont se compose la première éducation de mes Vers à soie du Ricin se trouve ac- complie, et j'ai déjà commencé à distribuer de la graine à plu- sieurs des sériciculteurs qui se sont déjà adressés à moi pour en obtenir. Dernièrement j'ai reçu aussi, par l’intermédiaire de M. le duc de Guiche, ambassadeur de France en Piémont, un lot de cocons provenant d'une éducation de Bombyx cynthia, faite à Turin, par M. Griseri. Quelques-uns des nymphes contenus dans ces cocons avaient péri en route, mais la plupart paraissent être en bon état, et j'ai tout lieu d’espérer que j’en obtiendrai bientôt un nombre considérable d'individus reproducteurs qui viendront utilement en aide à ceux fournis par les Vers à soie nés chez moi en août dernier. M. de Guiche a envoyé en même temps des cocons à Marseille et en Alyérie, et il nous an- nonce aussi que M. Griseri est parvenu à nourrir ses Vers avec des feuilles de Laitue et même avec des feuilles de Saule, aussi bien qu'avec le Riéin. Il en résulte que l’éducation de ces Vers à soie ne sera pas limitée aux pays où le Ricin prospère en toutes saisons, et pourra se faire dans le nord de la France aussi bien que dans le midi. Les cocons du Bombyx cynthia sont loin d’être riches en soie, et leur dévidage présente quelques difficultés ; mais les sériciculteurs de Turin s'occupent active- ment de cette opération, et, dans l’état actuel de la question, il me paraît probable que le Ver à soie du Ricin rendra des ser- vices réels à notre agriculture. Quoi qu'il en soit, vous voyez que depuis six semaines l'intro- _— “ao 2 duction du Bombyx cynthia chez nous est un fait accompli, et qu'il ne s’agit plus que de l'y mulliplier. Ainsi se trouve réa- lisé, en partie au moins, un désir qui avait été souvent ex- primé par feu notre collègue et ami V. Audouin, à qui la science est redevable des premiers essais de ce genre faits, il y a environ quinze ans, sur le Bombyx cecropia de l'Amérique. J'apprends avec plaisir, par votre lettre de ce matin, que di- vers membres de la Société d’Acclimatalion vont s'occuper de la propagation du nouveau Ver à soie ainsi introduit en France, et si Je puis faciliter en quoi que ce soit leurs essais, je m’em- presserai de le faire. Agréez, ete. Muxe Epwanrps. Paris, Jardin des Plantes, ce 5 octobre 1854. Le comité de publication a pensé que les lecteurs du Bulle- tin verraient ici avec intérêt la reproduction textuelle d’une partie de la Note plus haut citée. Nous l’extrayons des Comptes rendus de l'Académie, t. XXXIX, p. 570 et 571. EXTRAIT DE LA NOTE LUE LE 28 AOUT PAR M. MILNE EDWARDS A L'ACADÉMIE DES SCIENCES !{. J'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l’Académie un certain nombre de Vers à soie du Ricin, nés dans mon cabinet, au Jardin des Plantes. Le 24 juillet dernier, M. Savi envoya un petit paquet d'œufs du Bombyx cynthia à mon excellent ami et collègue, M. Decaisne, qui, sachant combien j'allachais d'intérêt à l'acclimatation de ce ver à soie chez nous, eut la bonté de me les donner. Je les plaçai immédiatement dans les conditions qui me paraissaient devoir être les plus favorables à l’éclosion, et, le 2 août, les jeunes Chenilles commencèrent à se montrer. L'éclosion s'acheva le lenñde- main, et j'oblins ainsi euviron cinquante individus en parfait état. Depuis lors, la mortalité a été trés-faible; mes vers ont déjà changé dé peau quatre fois?, et j'ai Lout lieu d'espérer qu'ils continueront à prospérer. Ils sont fort sédentaires et me paraissent devoir être faciles à élever. ! Cette note à pour titre : Note sur l'introduction en France d'une espèce de Ver à soie de l'Inde, qui vit sur Le Ricin commun. ? La premiére mue a eu lieu du 9 au 10, la seconde le 15, la troisième le — 35435 — Afin de mieux étudier les circonstances favorables à leur développement, j'en ai placé dans des conditions différentes. Les uns ont été mis en plein air sur les larges feuilles d'un pied de Ricin en pleine végétation et abrités seu- lement par un cèdre garni de mousseline ; d’autres ont été nourris avec des feuilles détachées et posées sur une claie dans mon cabinet où la tempéra- ture est restée à peu près constante entre 20 et 24 degrés ; enfin d’autres encore ont été placés dans le même local, mais sur des feuilles de Ricin dont le pétiole plongeait dans de l’eau pour empêcher la prompte flétrissure du limbe. Tous me paraissent avoir prospéré, mais ce sont ces derniers qui sont les plus gros et en apparence les plus vigoureux. Ces Chenilles ne tarderont pas à filer et à se transformer en Chrysalides ; suivant toute probabilité, elles achéveront assez promptement leurs métamor- phoses, et si, comme je l’espére, cette première génération de Vers à soie du Ricin me fournit uu nombre considérable d'œufs fécondés, je ne me bor- nerai pas à en faire par moi-même de nouvelles éducations, je m'empresserai de distribuer de la graine aux personnes qui pourront continuer cette expé- rience dans des conditions favorables, soit dans le midi de la France, soit en Algérie. Je me propose aussi de faire, le plus tôt possible, quelques essais sur l'emploi de la soie de ce Bombyce, que les Hindous ont l'habitude de carder et de filer seulement, mais qui parait être susceptible de dévi- dage. J'aurais dû peut-être n’entretenir l'Académie de ces résultats que lorsqu'ils seront plus complets ; mais l'intérêt qui s'attache à l'introduction en France d'un nouvel élément pour l'industrie agricole m'a semblé assez grand pour motiver cette communication, lors même qu’elle serait prématurée. Et, du reste, quel que soit le sort de ce premier essai, à contribuera au moins à susciter de la part d’autres expérimentateurs des tentatives analogues. 21, et la quatrième le 27. Pendant le premier âge, ces chenilles étaient d’une teinte jaune pâle, avec la tête, le dessus du prothorax et les tubercules d’un brun noir. Au second âge, elles sont devenues beaucoup plus pâles; la tête élait encore noirâtre, mais les quatre rangées tergales des tubercules étaient devenues blanchâtres. Au troisième âge, elles étaient presque entiérement d'un blanc tirant sur le vert; et, au quatrième âge, elles ont une teinte bleue trés-claire. IL est aussi à noter qu'elles ont la peau couverte d’une efflorescence blanche qui parait être formée d'une matière cireuse. — 54} — RECHERCHES SUR LES VERS A SOIE SAUVAGES ET DOMESTIQUES. TROISIÈME ARTICLE. OBSERVATIONS SUR QUELQUES ESSAIS DE DÉVIDAGE DES COCONS DU BOMBYX CYNTHIA. (Lu à l'Académie des sciences, séance du 9 octobre 1854.) Par M. GUÉRIN-MÉNEVILELE. J'ai reçu, le 26 septembre dernier, pour la Société zoolo- gique d’Acclimatation, un certain nombre de cocons provenant de la seconde éducation de ce nouveau Ver à soie, faite à Turin, sous la direction de M. le professeur Barufli, par M. Griseri, membre de l'Académie royale d'Agriculture. Ces cocons ren- formaient leurs chrysalides vivantes, et ont été soumis, dès leur arrivée, à diverses expériences pratiques dont je parlerai ultérieurement. J'en ai sacrifié quelques-uns pour faire des essais de dévidage, grâce à l’obligeance avec laquelle MM. Alcan et Maillard m’ont ouvert leur filature expérimentale des Bati- gncles, près Paris. Avant de faire connaître les résultats de ces premiers essais, faits sur une trop petite échelle, mais qui montrent déjà qu'il ne faut pas désespérer d'arriver à obtenir de la soie grége, et non de la filselle, avec ces cocons, il est utile de rappeler ce que l’on savait jusqu’à ce jour à ce sujet. Roxburg, dans les Transactions de la Société Linnéenne de ‘ Londres, en 1802, après avoir dit que l’étoffe faite avec la soie de ces cocons est en apparence lâche et grossière, mais qu'elle est d’une durée incroyable, ajoute : « La soie de cette espèce n’a pas encore élé dévidée, mais on a été obligé de la filer comme du coton. » Si l’on s’en rapportait à ce premier el ancien passage, repro- Ball. Soc. Zool. d'Acelimatation, T. 1. PRIE ù | ll 1 États divers et cocons du Bombyx cynthia. — 545 — duit par Hetfer dans le Journal de la Société asiatique du Ben- gale (Calcutta, 1837), on penserait qu'il est impossible de faire autre chose que de la filoselle avec ces cocons, et qu’on n’en tirera parti qu’en les cardant, ce qui ne serait pas une raison pour en repousser l'introduclion. Cependant il paraît que ce jugement n'est pas sans appel ; car on lit dans un mémoire de M. Thomas Hugon, de Nowgong. dans le royaume d’Assam, travail publié encore dans l’an- née 1857 du Journal de la Société asiatique du Bengale : « On fait bouillir les cocons sur un feu lent, dans une dissolution de potasse, jusqu’à ce que la soie se détache avec facilité. On les retire alors du feu, et l’on en exprime l’eau doucement ; puis on les prend un à un; on les dévide par l’une de leurs extré- mités, le cocon étant placé sur le pouce de la main gauche, tandis que de la droite on en retire une certaine quantité (de soie), que l’on a soin d’égaliser, en la frottant entre le pouce et l'index. C'est aussi de la sorte que les indigènes joignent de nouveaux cocons aux premiers, ct ils laissent le fil s’accumuler en tas d'environ un quart de seer (1/4 de kil. à peu près). On l’expose ensuite au soleil ou devant un feu pour lé faire sécher, et on le convertit en écheveaux à l'aide de deux bâtons attachés par l’une de leurs extrémités, et ouverts à la manière d’un compas. La soie est alors prête à être tissée, à moins qu’on ne veuille la teindre. » On voit par ce passage, si obscur et écrit par une personne qui se montre tout à fait étrangère aux procédés de filature des soies, que les indigènes de l’Assam semblent obtenir la soie des cocons de l’Eria en fils continus, en dévidant ces cocons et non en les filant ou en les cardant. Ils paraissent obtenir ainsi de la véritable soie gréye. Je pense donc, contrairement à l'opi- nion de M. Savi, de Pise, dans un rapport qu'il a fait le 7 juillet à l’Académie des Géorgofiles de Florence’, qu'il ne faut pas dé- 1 M. le comte de Gasparin a parlé de ce rapport dans le Journal d'Agri- culture pratique (t. I, p. 308, 5 octobre 1854), en ajoutant aux doutes de M. Savi, sur la possibilité de dévider les cocons, ses doutes sur les avantages que procurera la culture du Ricin, plante, dit-il, trés-avide d'engrais, et dont le produit en graine est maintenant déprécié par la concurrence des — 546 — sespérer d'arriver à dévider ces cocons pour en faire des grèges, et qu'on peut espérer d'y parvenir avec les moyens que Ja science et la pratique réunies mettent à notre disposition en Europe, quand on voit que des peuplades à demi sauvages sem- blent y être arrivées depuis longtemps. Du reste, les essais que j'ai faits chez M. Alcan me laissent le plus grand espoir de réussir, si je puis les recommencer sur une plus grande échelle, en y consacrant les dépenses et le temps nécessaires. Seulement, comme les cocons du Cynthia sont ouverts à l’une de leurs extrémités, je doute que des es- sais faits dans des filatures ordinaires donnent des résultats satisfaisants. Il ne me semble possible de réussir qu’en em- ployant un procédé de dévidage qui n'exige pas que les cocons flottent à la surface de la bassine. Le procédé Alcan est seul dans ce cas; c’est à lui que l’on devra peut-être de pouvoir dé- vider ces cocons. Le 28 septembre dernier, j'ai mis en expérience vingt co- cons frais qui pesaient 52 gr. 450 milligr. ‘. Dix ont été sou- mis au procédé de ramollissement par la vapeur et l’eau bouil- lante qui forme la partie essentielle du procédé Alcan, et ils étaient destinés à donner les deux bouts, composés chacun des brins de cinq cocons, que l’on dévide sur l’asple. Je n’entrerai pas dans le détail des nombreux essais faits pendant cette pre- mière journée sur ces dix cocons. Il suffit de dire qu'ayant été soumis à l’action de l'appareil Alcan pendant quatre minutes, comme on le fait pour des cocons ordinaires, regardés comme graines d'Amérique. Il parait cependant que cette dépréciation n'empêche pas la chambre de commerce d'Alger d'appliquer à la production du Ricin l'en couragement qu'elle a précédemment donné à la culture des autres plantes oléagineuses. (Annales de la colonisation algérienne, n° 35, septembre 1854, p. 237.) 1 Quatre de ces cocons ont élé pesés avec une balance de précision par M. Cloës, aide-naturaliste de M. Chevreul au Muséum d'histoire naturelle; leur poids total était de 8 grammes 198,5 milligrammes. Sur ce poids total, les chrysalides étaient pour 7 gr. 439,5, et la malière soyeuse pour 0 gr. 754,0 milligr.— Il résulte de cette pesée qu'il faut 489 cocons pour 1 kilog., et que ces cocons donneraient 92 gr. 988 milligr. de matière soyeuse (frisons et soics ou filoselle seule). — 547 — un pou faibles, ils n'en ont élé nullement ramollis. On les a . successivement remis dans l'appareil pendant quatre autres miuutes, puis pendant cinq autres, puis pendant sept autres, en tout vingt minutes ; mais, quoique l’ouvrière soit parvenue, après avoir enlevé le frison, à trouver le brin, celui-ci ne se dé- tachait pas bien, et elle disait qu’ils étaient durs et qu’il fallait les cuire encore. Cette fois on les a laissés dans l'appareil pendant dix autres minutes, ce qui fait en tout trente minules d’action successive de la vapeur et de l’eau bouillante ; mais la gomme qui agglo- mère les brins a résisté à tout; on n’a pu dévider que peu de ces brins, mais assez cependant pour penser qu'ils ne sont pas interrompus. Le lendemain on a soumis les dix cocons qui restaient au même appareil, en employant de l’eau alcalinisée. Cette fois le brin s’est montré plus facile à détacher ; on a vu qu’on pou- vait en tirer de grandes longueurs sans interruption; que les cocons tournaient très-bien dans la bassine, et j'ai reconnu, ainsi que les personnes qui m’assistaient dans ces expériences, que le brin était continu et susceptible de se détacher comme celui des cocons ordinaires, si l'on parvenait à micux dissoudre la gomme qui solidifie cette paroi du cocon, semblable, pour la consistance et l'aspect général, à du parchemin. Comme plusieurs de mes dix derniers cocons avaient été dé- truits pendant les tentatives diverses faites dans cette seconde journée d’expériences, quand le brin s’est enfin montré docile à la traction de l’asple, il n'est plus resté assez de cocons pour entretenir les bouts, et il a fallu arrêter là ces essais de dévidage. Après avoir employé deux journées de l’une des ouvrières de la filature de MM. Alcan ct Maillard, j'ai pu reconnaître qu'a- vec un certain nombre de cocons et en faisant une dépense qui consistera en quelques journées d’ouvrières, en combus- tible, etc., on pourra probablement résoudre complétement le problème. Il faudra déterminer la dose d'aleali à employer, le temps de cuisson des cocons, et la vitesse qu'il faut donner à l’asple pour que les brins ne cassent pas. Tout cela n’est 1. 25 ER done plus, Je le crois, qu’une affaire d'argent et de temps. La plupart des cocons du Cynthia sont composés d’une soie de couleur orangée, mais il y en a d’un blanc plus ou moins jaunâtre. Après la cuisson, cette soie prend une couleur grise ou de chanvre écru, mais avec un lustre, un soyeux semblable à celui de la soie ordinaire. Je mets sous les yeux de l'Académie un morceau de tissu ap- pelé Corah au Bengale, et qui est composé de soie du Ver Eria ou Bombyx cynthia. Ce tissu a été donné à la Société z0olo- sique d’Acclimatation par M. Tastet, négociant, qui a beaucoup voyagé en Chine et dans diverses parties de l'Inde, et qui con- naît parfaitement tous ces tissus et leur origine. On voit que cette étoffe est fabriquée avec de la soie grége, et non avec de la filoselle ; et s’il est positif, comme cela est très-probable, que celte soie est réellement celle que l’on récolte en élevant l'Eria, il est certain qu’on obtient avec ces cocons de très-belles soics gréges, et que nous pourrons aussi en obtenir en Eu- rope. £n comparant ce tissu à la soie, malheureusement en trop petite quantité, que J'ai obtenue de mes premiers essais, on voit qu'il y a identité parfaite pour la couleur et pour l'aspect général. Un fil de ce tissu, que j'ai détordu et placé à côté de la soie dévidée chez M. Alcan, ne pourrait être distingué de celle-ci, s'il ne conservait quelques traces de torsion. Dès aujourd'hui il semble résulter de ces premiers essais, faits dans des conditions si défavorables : 4° Que les cocons du Bombyx cynthia ont le brin collé avec une gomme que les procédés ordinaires de dévidage ne peuvent suffisamment ramollir ou dissoudre. 2 Que l'addition d’un alcali et une ébullition assez prolon- géce amènent ce ramollissement ou cette dissolution de la gomme, et permettent au brin de se détacher. 9° Que ces cocons, quoique ouverts à l’une de leurs extrémi- tés, sont cependant composés d'un fil continu, susceptible de se dévider en soie grége. 4° Que, pour arriver à dévider ces cocons, il faudra se ser- vir de la méthode Alcan, parce qu’elle permet de filer sans que — 349 — les cocons surnagent, comme ils le font dans l’ancienne mé- thode.. Qu'il me soit permis, en terminant, de dire que les cocons de l'Eria, ou Bombyx cynthia, ne sont pas les seuls sur les- quels nos méthodes perfectionnées de dévidage aient été es- sayées ‘. Des cocons autrement durs et gommés ont été soumis à des expériences dans la filature de la condition des soies et de la Société d'agriculture de Lyon, et ils ont été parfaitement dévidés par l'habile fileuse, madame Bournay, qui dirige cet établissement modèle. Un nombre suffisant de grossiers cocons, provenant de la Chine et appartenant au Ver à soie sauvage qui ! Longtemps avant ces expériences, M. J. Bourcier, à qui l’industrie de la soie doit tant de progrès, était parvenu à filer le cocon du Bombyæ mylitta (paphia, Fabr.), qui est si dur et si gommé, et qui donne dans l'Inde cette soie blonde qui nous arrive sous le nom de soie de Tussah. M. Bourcier et deux de ses collègues, délégués par la commission des soies de Lyon pour faire ces expériences, n'avaient à leur disposition qu'un seul cocon. Il a été plongé et est resté vingt-quatre heures dans l’eau bouillante, sans qu’on ait pu obtenir la dissolution de la gomme qui unit son brin. On essaya ensuite l’eau de savon bouillante sans plus de succès; on ne parvint enfin à le ra- mollir que le troisième jour seulement, en le mettant dans la même bas- sine avec un grand nombre de cocons ordinaires. Ce cocon, qui a été filé seul, présente un brin gros, fort, très-élastique ; sa grosseur et sa force peuvent être comparées à celles d'un brin de soie grége de cinq cocons représentant un 12 deniers; sa couleur est celle du lin blond. Celte soie commune et peu brillante peut aisément se filer à un seul cocon, et avoir un emploi particulier en fabrique. Elle présente la plus grande analogie avec les soies du Bengale, qui se vendent sur notre place sous la dénomination de soie sauvage où de Tussah. La premiére de ces dénominations semble in- diquer que la récolte s’est faite en plein air. On est porté à croire, pour le dire en passant, que c'est là la source de l'erreur de quelques voyageurs qui nous ont rapporté qu’en Chine l'éducation des Vers à soie domestiques se faisait en plein air. Avec d'aussi faibles matériaux, l'expérience dont nous rendons compte n'a pu donner des résultats fixes et positifs; mais notre essai nous à donné le désir d'en faire d'autres. Aussi espérons-nous que la Société priera M. le Mi- nistre des travaux publics, du commerce et de l’agriculture, de prendre les mesures nécessaires pour faciliter l'introduction en France de cette espèce, sur laquelle on tentcrait tous les moyens de naturalisation, qui nous fourni- rait une matière vouvelle dont l'industrie ferait son profit, et qui hâterai peut-être le perfectionnement de sa filature. — 5ù0 — se nourrit de feuilles de chêne, ont pu être dévidés parfaile- ment, et la soie grége qu'ils ont donnée, sauf la couleur, peut le disputer à nos meilleures soies ordinaires pour la beauté ct la régularité du brin. Cette grége, comparée à celle des mêmes cocons qui nous vient de ces pays, montre ce que l’on pourra obtenir chez nous de tous les cocons autres que ceux du Ver à soie ordinaire avec la supériorité immense de nos méthodes de filature. NOTE ADDITIONNELLE SUR LA PONTE DES PAPILLONS DU BOMBYX CYNTHIA, ENVOYÉS À LA SOCIÉTÉ PAR M. GRISERI. Après la lecture de ce petit travail, J'ai mis sous les yeux de l’Académie des sciences des Papillons vivants du Bombyx cynthia, sortis récemment des cocons que j'avais placés dans des conditions propres à amener ce résultat, et les œufs que ces Papillons ont produits. Aujourd’hui 15 octobre, la confection de la graine est ter- minée, et je crois utile de faire connaître sommairement les observations que j'ai déjà pu faire sur les mœurs et la nature de ces Papillons. Les cent vingt cocons reçus de M. Griseri le 26 septembre dernier ont été partagés en trois lots inégaux. Vingt ont servi aux expériences de filature ci-dessus ; quarante ont été placés dens l’escalier d’une cave fraiche, dont la température ne s'élève pas au-dessus de dix degrés centigrade, afin d'essayer de retarder la dernière transformation des chrysalides, la sortie des Papillons, jusqu’au printemps prochain ; et soixante ont été conservés dans un cabinet où j'ai maintenu, nuit et jour, une température de vingt-quatre à vingt-six degrés cen-, tigrade. Les résultats ont été tels que je les espérais, car les cocons mis à la cave, dans un endroit aéré de l'escalier, et non à l'humidité, n’ont pas donné de Papillons, ct semblent devoir : — 551 — altendre l’époque où il me conviendra de provoquer leur sortie en élevant la température, tandis que ceux que j'ai soumis à vingt-quatre et vingt-six degrés le 26 septembre, ont commencé à me donner des Papillons dès le 4 octobre, et ont continué jusqu'à aujourd’hui. Pour provoquer une bonne sortie des Papillons, une fécon- dation et une ponte dans des conditions convenables, j'ai appli- qué à ces cocons les procédés rationnels que nous employons chaque année. M. E. Robert et moi, pour confectionner la graine de Vers à soic ordinaires, demandée à la magnanerie expérimentale de Sainte-Tulle par S. E. le ministre de l’agri- culture, du commerce et des travaux publics. Ma vieille pratique m'avait appris que la température arti- ficielle obtenue par le feu, en desséchant l'air, rend l'ouverture des cocons moins flexible et la sortie des Papillons plus péni- ble, ce qui les énerve. Cette sécheresse, en solidifiant trop rapidement leurs ailes, empéche l'air qui doit pénétrer dans les trachées ou canaux aériens de leurs nervures d’y arriver et de les faire développer, et c’est pour éviter cette dessi- cation trop rapide que, dans l’état libre, tous les insectes, et surtout les Papillons, éclosent ou effectuent leur dernière trans- formation de grand matin, quand la rosée des nuits a suffisam- ment humecté l'air. J'ai donc maintenu cet air dans un état hygrométrique favorable, en piaçant près des cocons des linges mouillés et sur les calorifères des vases pleins d’eau, comme nous le pratiquons à Sainte-Tulle. Au moyen de cette précau- tion, j'ai obtenu des Papillons très développés, très-vigoureux, et dont les ailes ne sont-pas demeurées rabougries. De plus, pour qu’ils soient dans les conditions les plus favorables, j'ai attaché les socons à des supports qui les maintenaient dans une position verticale et élevée, afin que les Papillons pussent se suspendre au moment de leur sortie et quand ils sont encore humides, ee qui leur permet de laisser pendre leurs ailes en aidant ainsi par leur simple poids le développement de ces organes essentiels. De plus, un air suffisamment saturé d'humidité facilite la sortie des œufs en ne desséchant pas trop rapidement, à l'orifice de l'organe de la ponte (oviducte), — 352 — la gomme qui sert à coller ces œufs sur les corps où ils doi- vent demeurer jusqu’à l’éclosion des Chenilles. Au reste, j'ai vu combien celte précaution avait été favo- rable à ces insectes, en remarquant que plusieurs femelles, qui restaient sur les toiles tendues sans y déposer d’abord leurs œufs, élaient descendues sur ces linges humectés et y avaient immédiatement fait leur ponte. Une observation qui m'a démontré que ce Vers à soie doit être depuis longtemps à l'état domestique, c’est la facilité avec laquelle les Papillons mäles se réunissent à leurs femelles pour les féconder. J'avais eu l'occasion, il y a deux ans, d’es- sayer l’acelimatation d'une espèce de Ver à soie sauvage prove- nant de l'Amérique du Nord, du Bombyx polyphemus *. J'avais bien obtenu les Papillons mâles et femelles, mais jamais ils n'avaient voulu se féconder en captivité, de quelque manière que je variasse les conditions dans lesquelles je les avais pla- cés, ce qui eut pour résultat fâcheux de ne me faire obtenir que des œufs inféconds. Des observations faites au Brésil par M. le docteur Chavannes montrent que certains grands Bom- byx sauvages de ce pays, dont les cocons donnent une belle soic, sont dans le même cas. Pour avoir des œufs fécondés, l'on est obligé de laisser les males en liberté et d’attacher les femelles à des nattes qu'on laisse dehors. Pendant la nuit les mâles libres viennent trouver ces femelles et la fécondation a licu, tandis que si on les garde, même dans des chambres très-grandes, comme je lai fait pour mes Polyphemus, ils relu- sent obstinément de se rapprocher des femelles. Un autre trait de mœurs qui indique l’ancienne domestica- tion du Bombyx cynthia, c’est sa docilité à demeurer sur les toiles tendues où on le pose. Pendant toute la journée les deux sexes restent tranquilles sans chercher à fuir, et, le soir venu, les mâles seuls se mettent à voler et font avec leurs grandes ailes l'effet de chauve-souris. Ces Papillons, dont le corps n’est pas plus gros que celui du # Le vrai Bombyx paphia de Linnée. Voy. Ann. de la Société séricicole, t. IX, p. 270. — 353 — Papillon du Ver à soie ordinaire, ont les ailes beaucoup plus grandes, comme on le voit par la figure qui accompagne mon précédent article dans ce bulletin, septembre 1854, p. 315. Les œufs, d'un blanc mat, sont beaucoup plus gros ct, en même temps beaucoup moins nombreux. L’anatomie que j'ai faite d’une femelle pleine m'a montré qu’elle en contenait cent quatre-vingt-quatre, ct une autre femelle isolée avant sa” ponte m’en a donné deux cent cinquante etun!'. J’ai laissé les couples ensemble pendant trois jours, et ce n’est qu'après ce temps que je les ai séparés violemment. Cependant je crois que dans la pratique on pourra se borner à une union de huit à dix heures, et peut-être moins, comme on le fait pour les Papillons du Ver à soie ordinaire, afin de régulariser le travail dans la grande pratique. Ayant eu un peu plus de mâles que de femelles, je n'ai pas été obligé de faire servir le même mâle à la fécondalion de deux femelles, comme on est forcé de le faire quelquefois pour notre Ver à soie. Ainsi que cela arrive chez celui-ci et chez presque tous les insectes, les mâles ont paru les premiers, ct les dernières sorties de Papillons ont donné plus de femelles; mais, connaissant depuis longtemps ce phénomène, J'ai prévu ce cas en gardant dans des boîtes, pla- cèes dans une pièce moins échauffée, les mâles que j'avais en plus, et même ceux qui avaient déjà servi, en cas d'insuffisance des premiers. Ce qui distingue ce Bombyx de celui du mürier et de beau- coup d’autres espèces à cocons fermés, c’est l'absence, à la tête de la chrysalide, d'un réservoir rempli d'un liquide destiné à ramollir la gomme du cocon et à permettre ainsi au Papillon d’écarter les fils sans les couper, et de se pratiquer un passage pour sa sortie. Dans le Ver à soie ordinaire, ce réservoir forme, entre les yeux et les antennes, une tache transparente indi- quant bien la présence d’un liquide abondant, et d’où l’on fait découler une très-grosse goutte lorsqu’on le perce. Le Cynthia, faisant un cocon ouvert du côté de la tête de la chrysalide, n'avait pas besoin de ce moyen chimique pour se pratiquer * On sait que notre Ver à soie ordinaire donne jusqu'à cinq cents œufs. — 904 — un passage; il sort très-facilement de son cocon, et sur soixante je n'ai eu qu'un avortement, c'est-à-dire une grosse femelle qui n’a pu dégager son ventre du cocon, ce qui arrive bien plus souvent chez le Ver à soic ordinaire. Aujourd’hui (15 octobre) les femelles qui ont terminé leur ponte meurent sur les toiles ou s'en laissent tomber pour mou- rirau bas. Les mäles sont encore vivants et se tiennent tran- quilles contre les rideaux de la fenêtre, pour prendre leur vol pendant une demi-heure à la tombée du jour, puisils s’accro- chent à quelque corniche ct y demeurent tranquilles jusqu’au lendemain soir. Je vais remettre à M. le président de la société les œufs ob- tenus de ces cocons, afin qu'ils soient envoyés aux membres qui en ont fait la demande, et j'en prélèverai, avec l'autorisa- tion du conseil, une parlie pour essayer de les conserver jus- qu’à l’année prochaine sans qu'ils éclosent. Pour cela, j'en pla- cerai dans diverses conditions: à l’exposilion du nord à l'air libre ; dans une cave, et même dans une glacière. D'après ce qu’en écrivent les auteurs. les œufs éclosent quelques jours après avoir été pondus, ce qui permet de faire jusqu’à sept édu- cations dans l’Inde. En Europe, du moins dans la région où le Ricin est annuel et ne végète pas pendant l'hiver, il est impos- sible de faire des éducations à d’autres époques que celles de sa végétation. Il faut donc que nous parvenions à empêcher les œufs d’éclore pendant tout l'hiver, et si la chose n’était pas possible, il faudrait que l’on continuât des éducations en Algé- rie, où le ricin peut donner des feuilles en tout temps, pour conserver la race et en envoyer de la graine en France pour les éducations qui pourraient être faites du printemps à l’au- tomne. Je crois cependant que nous ne serons pas obligés d’avoir recours à ce moyen et que ces insectes, déjà modifiés par la domesticité, se ploieront aux nécessités du nouveau milieu dans lequel l'homme vient de les placer. Ils ne seront proba- blement pas plus rebelles que notre Ver à soie, qui ne donne qu'une éducation sous nos climats, et qui en donne plusieurs quandilest transporté en Amérique et dans l’Inde, comme cela bte — 355 — a été constaté par un savant sériciculleur, M. Perrottet, direc- teur du jardin botanique de Pondichéry, où il continue de rendre des services importants à l’industrie de la soie, ct qui a élé chargé plusieurs fois, depuis trente ans, de missions agri- coles au Sénégal, à Cayenne, à la Réunion et aux Antilles. M. le docteur Chavannes a également observé au Brésil que les œufs de nos Vers à soic éclosent peu de jours après avoir été pondus et qu’on en fait cinq à six éducations dans la même année. Qu'il me soit permis d’ajouter, en terminant, que le Bombyx cynthia doit avoir été introduit au Bengale et qu’il paraît origi- paire de laChine, d’où l’on recoit des individus bien plus grands. Un dessin chinois, représentant un Ver à soie sauvage,etqui faisait partie de la riche collection de M. le comte de Lasteyrie, donne les figures de la Chenille, du cocon et du papillon, du Cynthia de grandes dimensions, et d’une espèce de frène appelée fa- gara, grand arbre sur lequel on va recucillir les cocons. La domestication au Bengale et dans l’Assam de cette espèce l'a un peu modifiée en rendant les cocons et les Papillons un peu plus petits. Puisque cet insecte a été susceptible de modifications, il doit être aussi susceptible d'amélioration, quand il sera l’ob- jet de soins bien entendus, et que les papillons reproducteurs seront choisis de génération en génération, parmi les plus beaux, parmi ceux qui seront sorlis des cocons les plus gros et les plus riches en matière soyeuse. Tous les renseignements recueillis jusqu’à ce jour sont d’ac- cord pour faire remarquer que l’éducalion de ce Ver à soic est . bien plus facile que celle du Bombyx du mürier. Le savant na- turaliste, M. Verany, directeur du Musée d’histoire naturelle da Nice, vient de publier dans l’Avenir de Nice un intéressant article sur l'éducation de ce Bombyx, qu'il a faite avec deux cent cinquante jeunes Chenilles qui lui avaient été envoyées de Turin. Cet article a été reproduit dans l'excellent journal de Va- lence (Drôme), le Commerce séricicole, du 11 octobre 1854. — 556 — SUR LA CHEVRE D'ANGORA, LETTRE ADRESSÉE À M. LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION Par D. le général DAUMAS. Paris, le 30 septembre 1854. Monsieur le Président, Je m’empresse de vous transmettre les renseignements que vous désirez avoir sur la Chèvre d’Angora; je les dois à l'obli- geance de M. le baron Rousseau, consul de France à Brousse, à qui j'en avais adressé la demande *. On ne distingue qu’une seule race de Chèvres d’Angora; elles ne varient nulle part. On ne rencontre de différence que dans la qualité du poil, qui est plus ou moins fin dans les divers dis- tricts où on les élève, et cette différence ne provient générale- ment que de la nourriture qu'elles y trouvent. Le bourg de Yursik-Cazasi fournit la plus belle espèce de Chèvres ; leur toison est la plus estimée, attendu l'extrême finesse du poil. La Chèvre d’Angora se trouve dans un rayon de vingt à trente lieues à l’entour de cette ville. Sivré-Hissar et Tzongara, deux petites villes distantes de vingt à vingt-deux lieues d’An- gora, en fournissent un grand nombre. 1 Ces renseignements avaient été annoncés à l'avance au Conseil par M. le général Daumas, dans sa séance du 2 septembre. (Voyez le numéro 7 du Bulletin, p. 324.) — 357 — La qualité du poil diffère suivant la nature du sol où l’ani- mal est élevé; la race est toujours la même. Castamouni, district indépendant de la province d'Angora, produit aussi la Chèvre d’Angora: la qualité de son poil était, il y a quelques années, de beaucoup inférieure, mais on est parvenu à l’améliorer en important des boucs d’Angora. La couleur du poil de la Chèvre d’Angora ne varie presque jamais, elle est généralement blanche, et c’est celle qui est préférée; dans le pays, on en fabrique du soff, étofte très-forte qui sert communément aux vêtements d'hommes, et du schali. Il y a unc dizaine d’années trente à trente-cinq mille pièces de ces étoffes étaient livrées au commerce intérieur de la Tur- quie. Aujourd’hui, le débit en est devenu presque nul, ct il ne s’en fabrique que mille à douze cents pièces. On en fait aussi des gants et des bas, mais la quantité est insignifiante. La toison des jeunes Chèvres d’une année est estimée, le poil en est plus fin et plus soyeux ; à quatre ans il est déjà plus grossier, età six ans l'animal est vieux et son poil a peu de valeur. La durée de la vie de cet animal est en général de sept à neuf ans. La tonte se fait dans le mois d'avril. Dans quelques districts, elle est avancée ou reculée de quelques jours, selon le degré de température de la localité. La moyenne du poids d’une toison est d’une ocque par tête (soixante-dix-huit ocques valent cent kilogrammes); selon la taille et l’embonpoint de l'animal, ce poids est d’une demi- ocque jusqu’à une ocque et demie, et quelquefois même, mais rarement, deux ocques. Arrivée à son état complet de force, la Chèvre d’Angora pèse de douze à quinze ocques, très-rarement au-dessus ; elle donne peu de lait; on la trait peu ou pas du tout, afin que son Chevreau soit bien nourri. La chair en est incomparablement supérieure à toutes celles des autres Chèvres. et elle est très- renommée dans le pays. On donne très-peu de soins aux troupeaux en général, Les Chèvres d'Angora sont élevées à peu près de la même manière que les Chèvres ordinaires, ce qui fait que quand l'hiver est rigoureux il en meurt beaucoup, faute de nourriture et de ber- — 3558 — geries bien conditionnées. On leur donne un peu plus d'orge en hiver, et dans les grandes chaleurs on joint un peu de sel à leur nourriture : il est bien constant qu'un peu plus de soins donnés à cet animal aurait pour résultat d'augmenter la quan- tité de son poil et d'améliorer sa qualité. On ne donne aucune préparation à la toison ; après la tonte on emballe le poil tel quel. La durée de la gestation de la Chèvre d’Angora est la même que celle des Chèvres ordinaires; elle ne fait qu'une portée par an, ct rarement elle donne deux Chevreaux, jamais trois ; à Angora les Chèvres ordinaires mêmes, en général, ne don- nent qu'un seul Chevreau par an, cependant, chez celles-ci, les cas d’une portée de deux Chevreaux se présentent plus fré- quemment que chez les Chèvres à poil fin. Ainsi, dans un troupeau de mille bêtes de ces dernières, s’il y en a vingt qui donnent deux Chevreaux à la fois, il y en aura quarante dans un troupeau de même nombre de Chèvres ordinaires. Le pacage de la Chèvre d’Angora a lieu sur les collines et sur les coteaux; elle n'aime point la plaine, ni les montagnes escarpées ou très-boisées. Il y a dans leurs pâturages quelques herbes aromatiques que cet animal mange de préférence et qui ont la propriété de donner un bon goût à sa chair : telles que le Kékikoton, le Youmaoton et le Bayouthalik. On n’a pas pu me donner les noms français de ces plantes, mais il serait très-facile de se les procurer pour les IeE en France en même temps que les Chèvres. Fa taille de la Chèvre d'Angora est la même que celle de Ja Chèvre ordinaire, avec cette différence qu’elle a les jambes un peu plus courtes, ce qui la fait paraître un peu plus petite. Un troupeau de douze Chèvres dans les meilleures condi- tions coûterait sur les lieux de douze à quinze cents piastres du G. S.; et trois cents à trois cent cinquante piastres pour deux Boucs de premier choix : les frais jusqu’à Constantinople, y compris un berger pour les conduire, ne s’élèveraient pas à plus de cinq à six cents piastres. Le change de la piastre de Turquie est aujourd’hui de deux cent dix paras par franc, soit qualre piastres un quart pour un franc. — 339 — Les Chèvres ordinaires, transportées à Angora et accouplées avec des Boucs à poil fin donnent, à la troisième génération, des produits satisfaisants : il est à remarquer que, dans ce cas, les Chèvres à poil noir réussissent le mieux, leur toison de- vient beaucoup plus fine, ct que par ce croisement de race on a obtenu eton obtient chaque jour des sujets dont le poil cest plus estimé que celui des Chèvres d’Angora pur sang. On a fait plusieurs tentatives pour introduire la Chèvre d’An- gora à poil fin, dans d’autres provinces de la Turquie et même à l'étranger; les résultats obtenus n’ont point été satisfaisants; on y a transporté quelques troupeaux, mais le poil de cet ani- mal, au bout de quelques mois, a perdu de sa finesse et est de- venu aussi grossier que celui de la Chèvre ordinaire. Cependant, à Eski-Cheir, ville située à quarante-cinq lieues d’Angora, les essais ont été plus heureux depuis cinq à six ans. La race s’y est parfaitement acclimatée, et elle donne aujour- d’hui une toison aussi fine que celle d’Angora. On est parvenu à ce résultat en faisant venir des Boucs d'Angora qui ont été accouplés avec des Chèvres ordinaires du pays. C'est le moyen qui paraît offrir le plus de chances de succès. Dans diverses localités de la Turquie, on a fait de semblables essais pour le Mouton mérinos, en accouplant des Béliers mé- rinos avec des Brebis du pays, de l’espèce dite Kiverdjik ; à la cinquième génération on a obtenu des Mérinos d’une belle espèce. L'introduction et l’acclimatation de la Chèvre d’Angora à poil fin dans d’autres provinces de la Turquie, et surtout à l’é- tranger, paraît une chose très-difficile. Les gens du pays esti- ment que le moyen qui offre la plus grande chance de succès, serait, après avoir fait le choix d'une localité dont le climat serait à peu près le même que celui d’Angora, de faire venir des Boucs de cette ville et de les accoupler avec les Chèvres du pays à poil noir; si la toison de ces Boucs se détériore au bout de quelque temps et perd de sa finesse, il faudrait en faire venir de nouveaux et les accoupler avec les produits des premiers jusqu’à la quatrième et cinquième génération. On doit être assuré de la réussite à l'étranger par ce mode de croisement de — 560 — race. Les gens du pays estiment aussi que ces essais ne peuvent être entrepris efficacement que dans des localités éloignées d’au moins vingt lieues de la mer, dont le voisinage rapproché nuit à leur acclimatation. La province d’Angora produit de huit cent mille à un mil- lion d'ocques de poil de Chèvre par an. La plus grande partie s’exporte en Angleterre et est embarquée à Constantinople et à Smyrne. Le prix du poil dans le pays est de vingt à trente piasires l'ocque. 11 en vient très-peu à Brousse. La meilleure saison pour l’envoi des Chèvres à l’étranger est, dil-on, les mois de septembre et octobre. < Je me féliciterais vivement si ces détails avaient de intérêt pour la Société d’acclimatation, et s'ils pouvaient l'aider à pro- pager dans notre pays une race qui se trouverait une nouvelle source de richesse pour la France. La Société est, dans tous les cas, à mème d'apprécier si elle croit devoir provoquer l'acquisition d’un certain uombre de ces animaux, et, le cas échéant, je me mets à sa disposition. Veuillez agréer, etc. Le conseiller d’État, Général de division, Directeur des affaires d'Algérie, Daumas. — 561 — INSTRUCTION SUR LES MOYENS HYGIÉNIQUES A SUIVRE POUR L'ACCLIMATATION DES YAKS. Commissaires : MM. le baron de Montgaudry, de Montigny, Florent Prévost, ct M. RICHARD (du Cantal), rapporteur. Lorsqu'on veut acclimater un animal ou un végétal, et les faire réussir, il faut leur offrir, en général, des conditions d'existence qui aient le plus d’analogie possible avec celles de leur patrie originaire ; il faut de plus faciliter leur multiplica- tion par des soins spéciaux, qui sont des accessoires utiles et souvent indispensables au but proposé. Des importations pré- cieuses n’ont pas réussi quelquefois, parce qu’on a négligé l'emploi de procédés essentiels qui les auraient indubitable- ment fait prospérer. Nous en avons un exemple frappant en France dans l’acclimatation du Mérinos, vers la fin du siècle passé ; nous avons sous ce rapport un type de comparaison tout récent, fourni par le Lama. Les sujets de cette espèce ont été parfaitement acclimatés, et se sont reproduits comme dans leur patrie originaire, sous l'influence des soins bien dirigés qui leur ont été donnés au Muséum d’histoire naturelle de Paris, . tandis qu’un troupeau de ces animaux périt tout entier à l’in- stitut de Versailles, parce qu’on ignora les moyens, d’ailleurs bien simples, de le conserver et de le faire multiplier. Les Yaks, importés de Chine par M. de Montigny, sont ori- ginaires des montagnes du Thibet. Comme les animaux des montagnes, 1ls doivent être robustes, sobres, énergiques; mais, pour leur conserver ces qualités, il importe de les placer dans des conditions d'élevage qui puissent leur convenir, conditions que peuvent leur offrir seules les montagnes élevées sur les- quelles pâturent et prospèrent admirablement quelques-unes * de nos espèces bovines. Pendant la belle saison, les Yaks de- vront pâlurer dans des herbages secs, dans lesquels dominent les graminées et les légumineuses. Les herbages humides, — —— aqueux, ne leur conviennent pas, d’abord parce qu’ils n'offrent pas les conditions de salubrité nécessaires à ces animaux, et parce que les plantes qui y croissent (cypéracées, renoncula- cées, Joncacées, etc.) ne donnent qu'une herbe de mauvaise qualité et souvent mélangée de plantes vénéneuses. Les her- bages pourvus d'arbres, de hocages isolés, auront le grand avantage d'offrir de l'ombre aux animaux, de les préserver de l'ardeur du soleil; lorsqu'il sera possible de les mettre dans des étables bien aérées, pendant les grandes chaleurs d’août ct aux heures de la journée pendant lesquelles les insectes tra- cassent les animaux dans les herbages, on fera bien deles ren- trer et de fermer les ouvertures exposées au midi, on ouvrira celles qui sont exposées au nord, pour donner un demi-jour à l’étable etluisser s'établir, s’il est possible, un léger courant d’air frais, pour renouveler l’atmosphère dans laquelle se trouvent- les Yaks. Le demi-jour et l'air frais sont agréables à tous les bestiaux en général pendant les grandes chaleurs, parce qu’ils sont ainsi préservés des mouches qui les tracassent, et qu’ils se trouvent placés dans des conditions de tranquillité qui leur permettent de bien se reposer et de ruminer à leur aise. Les pays de montagne sont généralement pourvus de bonnes sources, qui donnent des eaux saines, fraiches et limpides. Ce sont surtout ces eaux qui devront être mises à la disposition des Yaks. Ils s’y abreuveront à volonté. Pour leur faciliter le moyen de bien se désaltérer, il serait utile que les eaux d’une bonne source fussent reçues dans un bac, souvent creusé dans le tronc d’un arbre, dans un bloc de roche, ou fabriqué avec des madriers de chêne; un baquet remplit le même but, faute de mieux. Si, pendant la belle saison, il était possible de laisser les Yaks dehors, pour respirer l’air frais de la nuit, leur santé n'aurait qu’à y gagner. On pourrait annexer dans ce but un petit parc attenant à leur étable dans laquelle ils rentreraient à volonté. Dans tout cas, le sol de ce petit pare devrait être élevé de manière à n'être pas humide. En automne, lorsque les gelées blanches couvrent l'herbe des pälurages, on ne devra jamais y conduire les Yaks avant — 965 — que le soleil ait dégagé l’herbe des glaçons cristallisés qui se sont formés sur elle. On devra veiller aussi à ce qu'ils n’aillent pas manger l'herbe gelée qui se trouve derrière les tertres, lorsque le’ soleil a fait disparaitre partout ailleurs la gelée blanche. Voici pourquoi cette remarque trouve ici sa place. Lorsque les vaches en état de gestation mangent de l'herbe couverte de gelée blanche, elles avortent quelques mois après. Ce phénomène de physiologie pathologique est resté inexpliqué jusqu'ici; mais il n’en est pas moins un fait incontestable pour les praticiens. Les femelles d’Yak pourraient subir les mêmes conséquences que les Vaches; il est donc important de préve- nir ces accidents, ce qui, d’ailleurs, est facile à faire. Lorsque le mauvais temps ne permet plus aux animaux de pâturer, quand la neige couvre les campagnes et que l'on est obligé de nourrir les animaux à létable, il importe de faire choix pour les Yaks d’une nourriture saine et de leur en ad- ministrer la quantité qui leur est suifisante; on choisira donc du foin de prairie sèche, haute, généralement composé de graminées à feuilles et à tiges fines, vertes el légèrement aro- matiques. Ces foins contiennent aussi quelques légumineuses, telles que diverses variétés de trèfles, de luzernes, de lotiers; quelques composées, comme des centaurées, des camomilles, des achillées, etc. ; enfin quelques labiées, telles que le thym, des sauges, du serpolet, etc. Ce genre de fourrage est de bonne qualité, il est nutritif, tonique, et convient bien aux Yaks; mais il faut qu'il soit bien récolté, qu'il ne soit ni vasé, ni rouillé, ni moisi, ni poudreux. Dans ce cas, il serait nuisible à la santé des animaux, ct il faudrait absolument se garder de le leur administrer. On ne leur donnera pas non plus de ces fourrages grossiers provenant des prairies basses, humides, ni ceux des licux ma- récageux, qui sont composés en partie de cypéracées, de re- nonculacées ou de colchicacées, Ces sortes de fourrages sont de la plus mauvaise qualité, et il est impossible que les animaux — qui s'en nourrissent puissent se maintenir dans un état de santé convenable à leur acclimatation et à leur multiplication. La disposition du tube intestinal des ruminants ne permet L. 26 — 364 — pas, sans quelques inconvénients, l’usage permanent d’une nour- riture sèche pendant tout l'hiver. Le troisième estomac de ces animaux, qu’on nomme le feuillet, en est quelquefois altéré. T1 faut donc donner aux Yaks des aliments aqueux, mélangés avec des aliments secs, et quelques farineux, pour que leur nourriture soit dans de bonnes conditions et que la digestion s'opère le mieux possible. Ainsi, pour un Yak adulte, on pour- rait donner, par exemple : Foin de montagne de bonne qualité. . . . 5 kilog. Betterave, ou carotte, ou rutabaga, ete. . . 10 Orge, ou avoine, ou mais, ou ne el et réduits en farine grossière. . . . . US Paille d’avoine, ou d'orge, ou de blé, ou de vésceshachée. + soccer RTS MIRE ee On mélangerait la paille hachée avec la farine, qu’on aurait soin d'humecter. Tel serait à peu près le mode de nourriture variée qu'il fie drait donner aux Yaks pendant l'hiver; mais il est bien en- tendu qu’on pourrait la modifier suivant les ressources des lieux et leurs produits. La pratique serait ici un guide qu'il faudrait consulter. Quant à La quantité-de la ration, il est probable que l’on pour- rait se baser sur celle que l’on doune ordinairement à l'espèce bovine, en tenant compte du développement des sujets. On a estimé que la ration d’un animal pouvait être à peu près de un kilogramme de foin par cent kilogrammes du poids de l'animal vivant; on pourrait donc se guider dans la pratique d'après cette donnée, sauf modification indiquée par l'observation. Cela dépendrait de la nature et de la sobriété des animaux. Je ne serais pas surpris que les Yaks fussent plus sobres que les Bœufs de nos espèces de France. Lorsqu'on donnera aux Yaks des betteraves, des carottes, des raves, des rutabagas, ou des parmentières (cuites de préfé- rence), on ne manquera jamais de les couper par tranches avec un coupe-racines. On à vu souvent ces racines, ou tubercules non coupés, avalés gloutonnement par des animaux, s'arrêter dans l’œsophage, dont le diamètre était relativement trop étroit. ES c — 56 — On est obligé, dans ce cas, de faire des opérations plus ou moins graves et difficiles pour extraire ces racines et en déli- vrer les animaux qui ne pouvaient pas les avaler. Ce fait est observé surtout assez fréquemment dans les herbages où se trouvent des poiriers ou des pommiers. Leurs fruits, man- gés par les vaches ou les bœufs, sans être mâchés, occasion- nent les accidents que je signale ici. Quant aux étables destinées au logement des Yaks, elles de- vront être saines, bien aérées et tenues dans un état de pro- preté exigé par une bonne hygiène. Leurs ouvertures devront être suffisantes pour le renouvellement de l'air jugé nécessaire, et leur donner la lumière suffisante pour les éclairer convena- blement. L'air et la lumière sont toujours indispensables à la conservation de la santé des animaux. Il serait utile que la place occupée par les Yaks dans les éta- bles fût disposée comme celle de certaines étables à Bœufs. Les animaux, dans ces étables, sont sur un sol pavé en briques, ou en dalles, ou avec d’autres matériaux. Il est incliné à raison de deux à trois centimètres par mètre environ, et exhaussé de douze à quinze centimètres en arrière des pieds postérieurs des bestiaux. Cette disposition permet aux femelles d'uriner en dehors de leur place dans une rigole pratiquée derrière l’éléva- tion, terminée à angle droit par des dalles. Les animaux y dé- posent aussi leurs excréments rendus sous forme plus ou moins molle, et leur place est ainsi entretenue propre et sèche. Si quelquefois les excréments ne tombent pas dans la rigole, ce qui arrive lorsque les animaux se sont trop avancés vers la crè- che, ou qu'ils sont placés en travers à leur place, on doit la net- toyer avec un balai, pour que les animaux ne se salissent pas en se couchant. Du reste, une bonne litière est utile pour con- courir au même but. Tels sont les principes généraux utiles à observer pour l’ac- climatation des Yaks. La pratique éclairée et l'étude de ces animaux procureront à ceux qui sont chargés de les soigner les moyens d'examiner avec détail les procédés capables de faire prospérer ces ruminants jusqu'ici inconnus en Europe. — 366 — li. TRAYAUX ADRESSES ET COMMUNICATIONS FAITES A LA SOCIÉTE. SUR L'ÉDUCATION DU VER A SOIE DU RICIN (Bombyx cynthia) SES HABITUDES ET LA POSSIBILITÉ DE LE NOURRIR DE LAITUE ET DE FEUILLES DE SAULE. LETTRE A M. LE DUC LE GUICHE, Ministre de France à Turin, Par M. Vincent GRISERI ‘, MEMBRE DE L'ACADÉMIE ROYALE D'AGRICULTURE DE TURINe Le vif intérêt que Votre Excellence a pris au Bombyx cyn- thia, en se donnant la peine de visiter mes éducations et en m’encourageant dans mes expériences, m'engage à vous com- muniquer quelques autres faits que je crois dignes de votre attention. D'abord, vous avez vu, Monsieur, comment dans le prin- temps une partie des Chenilles vivait très-bien en plein air, malgré la basse température de la saison, les longues pluies, les vents et quelques orages qui ont eu lieu dans la dernière 1 Cette lettre a été transmise par M. le duc de Guiche à S. E. M. le Mi- nistre des affaires étrangères. Le Comité de publication en a recu une co- pie du ministére, avec autorisation de publier, et il s'est empressé d'insérer dans le Pulletin cet intéressant travail du savant qui a si habilement di- rigé les premières éducations du Bombyx cynthia faites à Turin, et qui a ainsi une grande part dans l’acclimatation en Europe du nouveau Ver à soie introduit par MM. Baruffi et Bergonzi. — 307 — quinzaiae de juin. Votre Excellence a vu comment ils ont fait leurs cocons fixés à la plante comme un fruit, et ensuite comment, ayant été abandonnés pendant une quinzaine de jours à l’ardeur du soleil et à l'humidité de la nuit, ils n’ont aucu- nement souffert, puisqu'ils sont tous éclos quelques jours après. Les mêmes expériences se sont répétées dans la seconde édu- cation, et les résultats furent encore meilleurs, puisque les Vers qui vivaient sur la plante commencèrent leurs cocons au bout de vingt-deux jours, et les cocons furent meilleurs que ceux élevés dans la petite magnanerie, ce qui a démontré que les Vers ont trouvé en Europe le même climat favorable. Les habitudes de ces Vers sont très-curieuses: ils aiment à vivre en société tant qu'ils ont des aliments, mais si on les en laisse manquer, après quelques heures d’attente, ils se dis- persent pour chercher de la feuille, et ils rampent sur le som- met de l’échafaudage:; les Chenilles se rangent en pelotons lorsqu'elles vont commencer leurs mues, qui durent à peu près comme celles des Vers communs. Elles aiment une grande propreté ; aussi avec leur bouche se délivrent-elles de leurs peaux lorsque le mouvement vermi- culaire contractile ne suffit pas pour les en débarrasser à la partie postérieure, maladie qui produit quelquefois de grands déchets dans l’éducation du Ver du mürier. La Chenille se dé- barrasse même des excréments, maladie que M. Meifredy, chez les Vers communs, a appelée la lienterie. Vous avez vu la cou- leur jaune qu’ontles Vers dans les premiers âges, avec des poils d’un gris presque noir; vous avez vu aussi leur belle cou- leur bleu-céleste dans les derniers âges, et ensuite un joli vert émeraude lorsqu'ils sont prêts à filer. J'ai remarqué que, lorsqu'on voulait les changer de litière, le papier percé n’était pas trop adapté ; mais il vaut mieux les filets, parce qu’ils ne sont plus d'embarras pour lesstipites dont est recouvert leur corps. Ces Vers sont si robustes qu’il n’en meurt aucun, et tous ont fait leurs cocons, sauf un qui ne l’a pas terminé. A présent, d’habiles mouliniers essayent de les filer, et il paraît que la soie — 968 — est plus fine et plus élastique que celle des cocons communs. Maintenant, en étudiant cette Chenille dès le printemps, j'ai observé, par sa forme et ses habitudes, qu’elle a des rapports avec le Paon de nuit; j'ai tout de suite, dans la seconde éducation, essayé de lui donner plusieurs qualités de feuilles, et J'ai été assez heureux pour en élever une partie exclusive- ment avec de la feuille de saule. et une autre partie avec de la laitue. J'ai observé que les Vers mangeaient beaucoup moins de la feuille de saule que de celle de Ricin, parce qu’elle leur est peut- être plus substantielle, c’est-à-dire plus nourrissante. Au con- traire, ils consomment beaucoup plus de feuille de laitue, parce qu’elle est plus aqueuse. Mais ce n'était'pas assez; il fallait voir si ces aliments étaient capables d’être assimilés dans la Chenille en matières soyeuses, ei J'ai été encore assez heureux; car je les ai vus filer, et J'ai obtenu des cocons qui n'étaient pas inférieurs aux autres nour- ris avec la feuille de Ricin; j'en joins ici. J'ai aussi Phonneur de vous présenter des échantillons des cocons faits sur la feuille même et dans des cornets de papier. Vous voyez par là, Monsieur, qu'avec ces dernières feuilles, on pourra élever les Vers en tous climats et en toute saison, et l’industrie de la soie devra prendre un grand développe- ment. Au printemps prochain, je vais essayer aussi l’éducation de deux espèces d'insectes qui sont indigènes de l’Europe, man- gent plusieurs qualités de feuilles vulgaires, ct donnent aussi de la soie, ainsi que je m’en suis assuré par des expérien- ces; ces insectes sont le grand et le petit Paon (Pavonia ma- jor, Pavonia minor). Si vous croyez que la connaissance de ces résultats puisse être utile à l'industrie française, je serai très-heureux si Votre Excellence veut bien se donner la peine de les communiquer à son gouvernement. Je suis, etc. GRISERI. Turin, 49 septembre 4854. — 369 — Pour compléter les renseignements que la Société z00olo- gique d'Acclimatation offre aux personnes qui vont se livrer à l'élève de ce Ver à soie, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire l’excellente instruction sur la manière d'élever ces Vers, que vient de publier M. Griseri ‘ INSTRUCTION SOMMAIRE SUR L'ÉDUCATION DU VER-A SOIE DU RICIN ?, Par M. V. GRISERI. a On maintient les œufs à une température de dix-huit à vingt degrés Réaumur, et lorsque l’éclosion a lieu, on place quelques parcelles de feuilles de Ricin sur les œufs. Dés qu'elles sont chargées de jeunes Vers, on les transporte sur un papier étendu sur une claie. Tous ceux qui éclosent le même jour doivent être mis ensemble et ne forment qu'une seule famille. « Le lendemain de bonne heure, on recommence la même opération ; cette éclosion doit être également soignée et disposée comme on l'a fait pour la première. Les jours suivants on procédera de même, formant autant de familles qu’il y aura de jours d’éclosion. « Le nombre des repas doit être de cinq pendant les quatre premiers âges. « Le premier repas sera distribué de quatre à cinq heures du matin ; le second entre neuf et dix heures; le troisième entre une heure et HA le quatrième, de cinq à six, et enfin le cinquième, de dix à onze heures du soir. « Il est indispensable d'observer scrupuleusement ces préceptes, car ces Vers, quoique réunis en société, se dispersent dés qu'on retarde trop l’heure des repas et qu’ils manquent de nourriture. « Pendant le cinquième âge, il n'y a plus de régle possible : on leur ad- ministre la feuille au fur et à mesure de la consommation. C'est alors qu'il faut redoubler de soins pour ne pas les exposer à jeüner. « La feuille du Palma christi se fane promptement; on doit donc avoir l'attention de la couper pour tous ces âges, autrement on risquerait de per- dre bien des Vers qui mourraient étouffés dans les feuilles. D'ailleurs elles 4 Cette notice a été traduite de l'italien par M. de Frariére, l'un des col- laborateurs de l’Agriculteur praticien, Revue de l'Agriculture française et étrangére, où elle a déjà paru, Nouvelle serie, 2 année, p. 13 et suiv., à la suite d’un article de M. Guérin-Méneville. 2 Cette instruction, dont la Société a dù à un de ses membres, M. A. de la Roquette, l'un des premiers exemplaires venus en France, à pour titre : Breve cenno sul governo dei bachi du seta del Bombyx cynthia colle foglie del Ricino. — 310 — sont par leur nature même faciles à se corrompre ; c’est donc une précaution qu'il ne faut point négliger. On les coupera donc en bandes élroites pour le premier âge, soit avec des ciseaux, une demi-lune ou un couteau, exactement comme on le fait pour la salade à la chicorée. On l’administre plus grossiè- rement taillée au fur et à mesure de la croissance des Vers. L'expérience apprendra bientôt comment on doit procéder. «Il convient de maintenir la température toujours égale, à dix-huit degrés Réaumur environ, Cependant il n’y aurait aucun inconvénient à la laisser tomber à 16 degrés ; l'éducation serait seulement retardée. « Ces Vers à soie sont sujets à quatre mues ainsi que les autres, et leur éducation dure à peu près le même espace de temps. « À compter depuis le jour de l’éclosioni jusqu’à celui de la montée, ils emploient trente jours à peu prés ; durée qui peut être subordonnée à la température plus où moins élevée. Le troisième âge est celui dont la durée est la plus brève, puisque le Verne reste sous cette peau que trois jours en- viron. « La couleur du Ver à sa naissance est d’un jaunâtre obscur, avec la tête noire et ses douze anneaux_.ornés d’épines et de poils noirs en guise de pa- naches; mais, à mesure qu'il grandit, sa couleur devient plus claire, les épi- nes noires font place à d'autres presque blanches, et pendant les deux der- niers âges il prend une teinte blanche azurée. « À l'approche de chaque mue, ils se rangent en peloton, serrés en ligne comme des saldats, et se dépouillent de leur vieille peau. Leur tête alors est d’un blanc gélatineux, mais elle ne tarde pas à reprendre sa couleur noire, hormis durant les deux derniers âges, qu’elle conserve sa nuance blanchâtre azurée. « Lorsqu'il s’agit de transporter la feuille du Ricin, il est bien de la mettre dans des boîtes de bois mince; de cette manière on peut la conserver plus longtemps que sion la laissait exposée à l'air; mais lorsquelle vient à se faner, il faut étaler chaque feuille sur l'eau, et en moins de deux heures elle reprend sa fraicheur. « La maturité du Ver se reconnaît à sa transparence; il se raccourcit et tend alors à faire son cocon. Cependant il monte difficilement, préférant le faire sur les feuilles mêmes du Ricin où il se trouve. 11 est donc important de tenir les Vers sur une claie, une natte ou tout autre objet de semblable nature maintenu dans un état parfait de propreté; on peut alors laisser les Vers qui ne veulent pas monter libres de faire leurs cocons sur les feuilles mêmes où ils se trouvent placés. Ceux qui sont d'une humeur trop vaga- bonde, on les introduits dans de petits cartons ou cornets de papier, ils y fi- leront à merveille. « Une fois que le Ver est renfermé dans son cocon, il se passe cinq ou six jours avant qu'il se soit métamorphosé en Chrysalide; on doit attendre une dixaine de jours avant de détacher les cocons. On les dépose alors dans de grands cartons dont le couvercle doit être de gaze verte ou bleue, afin que l'air puisse librement circuler; c'est dans cet état qu'on attend patiemment la sortie des magnifiques Papillons, qui ressemblent aux belles espêces con- nues vulgairement sous le nom de Paons. — 311 — « Dès que ces Papillons se sont accouplés, on les saisit délicatement au moyen d'une pince et on les transporte dans une autre boite de la même di- mension que la précédente, dans laquelle on aura placé une grande feuille de papier bleu. « Les mâles ou femelles en nombre excédant, qui n'auraient pas trouvé à s'accoupler, seront enlevés et placés dans une autre boîte à part, afin de les réserver pour les accouplements du lendemain. « Ces Papillons restent accouplés pendant plusieurs jours, jusqu'à dix quelquefois; l'expérience a démontré qu'il ne fallait pas les désunir trop tôt, ni les laisser ainsi à leur volonté; car ils meurent souvent dans cet état. Il faut donc les laisser quatre ou cinq jours unis, et aprés ce temps il convient de les séparer. On mettra les femelles dans de grandes boites disposées comme il a élé dit ci-dessus, c'est-à-dire recouvertes d’une gaze bleu ou verte et l'intérieur revêtu d'une grande feuille volante de papier bleue. C’est sur cette feuille que la femelle déposera ses œufs en tas réguliers, ayant la forme d’une pyramide. « Les mâles qui ont déjà servi se mettent à part, pour les utiliser au be- soin. Lorsqu'on ouvre la boîte le soir, il faut le faire avec beaucoup de pré- caution, parce qu'ils s’envolent comme des oiseaux et qu’il devient ensuite fort difficile de les rattraper. « L'éducation se termine ainsi avec la ponte. ù « Il est ensuite trés-nécessaire de bien surveiller la semence; il faut la vi- siter tous les jours, car en moins de vingt jours les œufs sont tous éclos et où peut procéder à une nouvelle éducation. C'est pourquoi il sera prudent de semer du Ricin à différentes époques de l’année, afin de ne pas manquer de feuilles pour les éducations successives. « Si l'an voulait s'épargner la peine d'élever les Vers, on pourrait dispo- ser les premières feuilles chargées de jeunes Vers sur la plante même du Ricin, et l'éducation marcherait d'elle-même à ciel découvert. « Mais il faudrait alors faire une chasse active aux fourmis, aux arai- gnées, aux oiseaux et aux diverses espèces de souris qui toutes sont très- friandes de ces insectes. « Du reste, les Vers à soie du Ricin supportent parfaitement les intempé- ries de l'air, et ni eux ni leurs cocons ne souffrent des pluies, quelque fortes qu'elles soient, ni du {vent ni des orages. « Les rayons brülants du soleil ne les incommodent même point; mais la grêle pourrait les détruire ainsi que Ja plante. « Si l'on désirait en élever pour son agrément dans de faibles proportions, on pourrait en mettre sur des plantes de Ricin tenues dans des vases à fleur. En mettant une ou deux chenilles sur chaque feuille, on obtiendrait des co- cons sur la plante même. » « N. B. On fera paraitre incessamment une notice plus complète sur l'é- ducation du Bombyx cynthia, où l'on indiquera les règles à observer dans les diverses saisons de l’année. » =: III. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DU CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE pu À sepremBne 1854 Présidence de M. Georrroy Satst-Hiraire. Le Conseil, conformément à l’article 4 du règlement consti- tutif, admet au nombre des membres de la Société : MM. Conre (Eugène), propriétaire ; LaverriÈèRe (Jules), professeur d'agriculture et directeur de la ferme-modèle, à Mexico ; MarçuLé (Elie), lieutenant de vaisseau, à Toulon; Mesrro, conseiller d’État, directeur des colonies au Mi- nistère de la marine; Ricarp (David), directeur de l'asile public des aliénés, à Stephansfeld, près Brumath (Bas-Rhin); SorBer, propriétaire. — M. le Ministre de l'instruction publique, par une lettre en date du 11 septembre, accuse réception des instructions ré- digées par une commission de la Société sur les soins à donner aux Yaks. Il annonce qu'une copie de ces instructions vient d’être adressée par lui au Comice agricole de Barcelonnette, au- quel sont contiés deux Yaks, de la variété noire sans cornes. — Il est donné lecture d’une lettre en date du 4 septembre, par laquelle M. Félix Réal, président de la Société zoologique d’acclimatation pour la région des Alpes, annonce la constitution définitive de cette Société, déjà connue par l'envoi de son rè- glement, et demande l’établissement de rapports de corres- pondance et d'échange entre les deux Sociétés. Il fait connaître une décision en vertu de laquelle les membres de la Société zoologique d’Acclimatation qui visiteront les Alpes pourront assister, soit aux assemblées générales de la Société de Gre- noble, soit aux réunions périodiques du Conseil. (Cette lettre a été imprimée en entier dans le n° 7 du Bul- letin, p. 325.) — 315 — M. le président est chargé de transmettre à M. l’abbé Ba- ruffi les remerciments de la Société. — M. Lalanne, pharmacien et propriétaire à la Bastide- d’Armagnac (Landes), adresse à la Société, par une lettre à M. le président, ses offres de services, et donne des détails sur des Buffles qu’il a autrefois possédés et employés aux tra- vaux agricoles. — M. Barthélemy-Lapommeraye adresse de nouvelles obser- valions sur la reproduction des Hoccos, pour faire suite à celles qu'il avait faites il y a quelques années, et dont le résumé a été inséré dans le Bulletin. (Voyez ci-dessus, n°5, p. 125; et, pour les nouvelles observations, le numéro prochain.) — M. Andrac, juge de paix au Luc (Var), par une lettre du 20 août, et M. Gazan, colonel d’artillerie en retraite, membre du Conseil général du Var, à Antibes, par une lettre du 9 sep- tembre, demandent à être compris, lorsqu'il y aura lieu, dans la distribution de la graine du Ver à soie sauvage du chène, que la Société a demandée au Su-Tchuen par l'intermédiaire des Missions étrangères, et que M. de Montigny espère obtenir, de son côté, pour la Société, d’une autre partie de la Chine. — M. le président communique au Conseil une lettre de M. l'abbé Baruffi, qui confirme la promesse, déjà transmise par M. Guérin-Méneville, d’un envoi de cocons vivants et de graine de Bombyx cynthia', en quantité suffisante pour que la Société puisse faire parallèlement, sur divers points de la France et en Algérie, les essais d’acelimatation qu’elle jugera utiles. — M. le président communique aussi : 1° Une lettre en date du 5 septembre, par laquelle M. le gé- néral Daumas assure son concours à la Société pour les essais qu’elle voudra faire en Algérie. 9° Une lettre, en date du 12 septembre, par laquelle M. De Metz met à la disposition de la Société, pour ses essais d’édu- 1 Cet envoi est parvenu à M. le Président, le 13 octobre, par les soins de M. le duc de Guiche, Ministre de France à Turin. (Voyez les Faits divers, p.375.) — 6h cation du Ver à soie du Ricin, les ressources qu'offre la colonie agricole de Mettray, où la culture du Ricin a déjà été faite et est parfaitement connue. M. De Metza déjà fit semer des Ricinsdans des pots mis en serres, afin d’avoir aussitôt que possible des ali- ments pour les jeunes Chenilles, et il demande quels moyens il peut employer pour obtenir une quantité suffisante de feuilles dans toutes les saisons où elles peuvent être nécessaires. Cette lettre est renvoyée à M. Moquin-Tandon, qui sera invité à vouloir bien fournir les éléments d’une réponse à M. De Metz. — M. le président communique au Conseil : 1° Une lettre de M. le docteur Alphonse Sanson, chargé par le souverne- ment d’une mission médicale en Orient, qui offre ses services à la Société, et demande qu’il lui soit remis des instructions. 2 Une lettre de M. Jules Laverrière, qui, étant sur le point de se rendre à Mexico pour y diriger la ferme modèle, offre aussi ses services à la Société, et demande également des in- structions détaillées. MM. Geoffroy Saint-Hilaire, Guérin-Méneville, Sace et Val- serres sont chargés des instructions demandées par M. le doc- ieur Sanson; et MM. Geoffroy Saint-Hilaire, Guérin-Méneville et Richard (du Cantal), de celles que demande M. Laverrière !. — À cette occasion, le Conseil décide qu'à la rentrée de la Société, ses quatre sections seront invitées à rédiger, chacune en ce qui la concerne, une instruction générale pour les voya- geurs disposés à seconder les vues et les efforts de la Société, pour l'introduction et la naturalisation des espèces et races utiles ou d'ornement. — Sur la demande de M. le directeur du Moniteur industriel, le Conseil autorise l'échange du Bulletin avec ce journal. 1 Les instructions demandées par M. Laverriére lui ont été remises avant son départ. Celles qui sont destinées à M. Sanson ont été adressées pour lui à l'ambassade de Constantinople, par l'entremise de M. le Ministre des af- faires étrangères. II. FAÎTS DIVERS ET EXTRAITS DE CORRESPONDANCE. Les membres de la Société zoologique d'Acclimatation et les séricicul- teurs apprendront avec satisfaction que la Société est en pleine possession du Ver à soie du Ricin, Bombyx cynthia. M. l'abbé Baruffi, conformément à la promesse qu’il avait bien voulu faire à la Société, au mois d'août dernier (Voy. p. 524 et p. 574), et M. Griseri, ont fait parvenir à la Société cent quarante cocons vivants et des œufs, qui lui sont arrivés en deux envois. Le premier, fait par les soins de M. Griseri, et qui se composait de cent vingt cocons vivants, est arrivé le 26 septembre au siége de la Société. M. Guérin-Méneville, que M. Griseri avait prévenu de cet envoi en l’invitant à lui donner ses soins, a fait des cocons trois lots. L'un d'eux à été employé à des essais de dévidage{ ; un autre est conservé dans un lieu frais pour retar- der la dernière métamorphose ; le troisième a été mis, au contraire, dans les conditions de température nécessaires pour que la sortie des papillons et la ponte eussent lieu le plus promptement possible. Des œufs ont élé oh- tenus dès le 4 octobre, et la Société en possède aujourd'hui une grande quantité. Le second envoi, annoncé par M. Baruffi dans une lettre à M. le président, datée du 7 octobre, vient de nous parvenir (13 ectobre), el se compose de vingt cocons et de graine provenant de la seconde éducation de Turin. M. Ba- ruffi a remis ces cocons et celle graine pour la Société à M. le duc de Guiche, ministre de France à Turin, qui a bien voulu les apporter lui-même à Paris avec les précautions nécessaires, et qui, secondant les généreuses intentions de M. Baruffi, aura ainsi contribué à un titre de plus à l’acclimatation en France du nouveau Ver à soie 2. ‘ Voyez plus haut, p. 344, le résultat de ses essais. 2M. le duc de Guiche a pris, dés les premiers essais d'éducation du Bom- bya: cynthia, en Italie, des mesures pour en enrichir la France; et c’est à Jui aussi qu'on en doit un envoi en Algérie fait il y a deux mois environ, et qui, remis aux soins de M. Hardy, directeur de la pépinière centrale, y a parfaitement réussi, C'est ce que nous venons d'apprendre par une lettre de M. le général Daumas, et par un rapport qu'il a bien voulu transmettre à la Société. Ce rapport sur la première éducation du Bombyx cynthia en Al- — he Outre les deux envois qu'elle a reçus du Piémont et la graine qu'elle a obtenue, la Société peut disposer d’une partie des œufs obtenus au Muséum par M. Milne Edwards, qui s’est empressé de l’offrir à la Société. Elle peut donc, dès à présent, distribuer aux établissements séricicoles et à ceux de ses membres qui seraient en mesure de faire l'éducation du Ver à soie du Ricin, de la graine obtenue soit à Turin, soit à Paris. Un envoi, en partie de graine piémontaise, en partie de la graine provenant des cocons envoyés à la Société, vient d’être, sur la demande de M. le général Daumas, adressé, pour l'Algérie, à M. le Ministre de la guerre. D'autres ont lieu sur divers points de la France, en Espagne et en Autriche. Dans les cas où les envois déjà fails à la Société ne lui suffiraient pas, ou s'ils venaient à ne pas réussir à cause de la saison, M. l'abbé Baruffi offre de nous apporter lui-même au printemps d’autres œufs *. — La Société vient encore de recevoir de M. l'abbé Barufi, par M. le duc de Guiche, un mémoire sur la fabrication de la soie du Ver du Ricin dans le nord de Bengale par M. Payter, et les instruments qui servent à cette fabri- cation, envoyés de Calcutta par M. Piddington. M. Baruffi, auquel ils avaient été adressés par son zélé correspondant, a cru ne pouvoir mieux faire que d'en enrichir la Société; car, dit-il, dans une lettre à M. Guérin-Méneville ?, dont on aimera à retrouver ici les expressions elles-mêmes, « il faut qu'à « présent le mouvement et le perfectionnement viennent de la Société d’ac- « climatation. » — M. Frédéric Jacquemart, membre du Conseil de la Société, par l'inter- médiaire duquel elle a correspondu avec M. Crosnier, au sujet de l’acquisi- tion demandée d'un troupeau de Lamas 5, a adressé à M. le président une lettre que nous mettons, selon son désir, sous les yeux de nos confrères: « Quessy (Aisne), le 5 octobre 1854. \ « Monsieur le Présitlent, « Les membres de la Société zoologique d'Acclimatation, qui ont, en février et en mars dernier, expriné le désir de faire venir du Pérou des Lamas et des Alpacas, trouvent peut-être que leurs vœux sont bien lents à se réaliser. gérie sera inséré dans le prochain numéro du Bulletin, afin que les mem- bres de la Société et les sériciculteurs y trouvent réunis sur le Ver à soie du Ricin tous les documents qui sont de nature à les intéresser. 4 Lettre en date du 4 octobre. ? Depuis que ceci est écrit, les cocons que la Société a recus de M. Baruffi, par l'intermédiaire de M. le duc de Guiche, et qui ont été aussitôt déposés à la Ménagerie du Muséum, par MM. Auguste Dumérilet Guérin-Méneville, ont à leur tour donné leurs Papillons. Déjà même les pontes ont commencé. 5 Voyez le n° 1°* du Bulletin, p. 39, et le procès-verbal de la Société du 9 juin, dans le n° 5, p. 299. Men <:. — 311 — Je vous prie, Monsieur le Président, de leur faire connaître, par la voie du Bulletin, les circonstances qui sont venues retarder une expédition qui pré- sentait déjà de grandes difficultés, non encore résolues. « Notre ami, M. Léon Crosnier, a bien voulu se charger de faire au Pérou toutes les démarches nécessaires pour nous faire parvenir quarante Lamas ou Alpacas. En arrivant à Lima, le 20 avril dernier, il a trouvé le Pérou en proie à deux terribles fléaux : la guerre civile, qui est pour ainsi dire endé- mique dans le pays, et la fièvre jaune, qui, pour la premiére fois, apparais- sait dans cette contrée et y causait d’affreux ravages. Par suite de la guerre civile, les ministres s'étaient retirés au palais présidentiel, militairement gardé; il a été impossible à notre ami, malgré ses bons rapports avec l'ad- ministration, et bien qu'il eût pénétré non sans peine dans le palais, d’aper- cevoir un ministre, même après six heures d'attente. « Peu de jours après cette démarche infructueuse, M. Crosnier fut atteint par la fiévre jaune. Il eut le bonheur de guérir, mais sa convalescence fut trés-longue. Dés que ses forces le lui permirent, il dut partir pour la Cordil- liére, où l'appelaient des intérêts importants. Il m'a adressé de Pozo-Rico, à Ja date du 98 juillet dernier, une lettre dans laquelle on lit ce qui suit: « .….. Je pense que vous serez bien aise d'apprendre notre arrivée à Pozo- « Rico, dans la Cordillière (hanteur du baromètre 0",434; hauteur au-des- « sus de la mer : 4 mètres 377.)... » « .…. J'ai causé avec don L... F... au sujet des Lamas que vons deman- « dez pour la Société zoologique d’Acclimatation; l’exécution présente plu- « sieurs difficultés. « Le gouvernement prohibe d’une manière absolue l'exportation de ces « animaux, pour se réserver le monopole de la production de la laine. Peut- « être obliendrait-on d'embarquer un couple pour un musée, en faisant une « demande spéciale ; maisquarante Lamas forment un chiffre considérable. « .…. Quoi qu'il en soit, lorsque j'irai à Lima, à la fin de septembre, je « m'occuperai de cette affaire... Si j'obtiens l’autorisation et si je trouve « un navire convenable (autre difficulté), je ferai tout ce qui dépendra de « moi pour vous satisfaire. « Si M. Geoffroy Saint-Hilaire voulait m'adresser une demande officielle « de quarante Lamas ou Alpacas, je demanderais au chargé d'affaires de « vouloir bien me prêter son concours. Dans tous les cas, je vois que la « négociation serait simplifiée... » « Vous attachez, Monsieur le Président, une si haute importance à l’accli- matation des Lamas en France, que vous prendrez, j'en suis convaincu, soit par vous-même, soit avec l'intervention de M. le Ministre des affaires étran- géres, si bienveillant pour notre Société, toutesles mesures nécessaires pour obtenir au besoin du gouvernement péruvien qu'il autorise M. Crosnier à exporter quarante ou cinquante Lamas ou Alpacas, destinés à la Société z00- logique d'Acclimatation. « Fréd. Jacquemanr. » — 518 — — Les Yaks que la Société a confiés aux soins de M. Cuenot, dans le Doubs, continuent à jouir d'une parfaite santé, et paraissent être en bonne voie d’acclimatation. « Les trois Yaks qui sont chez M. Cuenot, écrit M. le « baron de Montgaudry à la date du 41 octobre, ont fait pelage nouveau; «ils sont devenus bien autres qu’à leur départ de Paris. Leur poil s’est fait « d'une finesse remarquable, d'une blancheur de neige. Les deux jeunes « croissent à vue d'œil; le petit mâle, qui, à son départ, était gros comme «un Mouton, est à peu de chose près aussi fort que la Vache. La petite « Génisse n'a pas autant de taille; mais elle est ronde de chair et d’une « agilité surprenante... 1 y a en gärnison à Besançon un colonel du génie « peintre très-distingué ; il travaille en ce moment à un tableau qui figure «les montagnes de Corée et du Thibet, les Yaks pâturent sur ces mon- « tagnes. Deux sculpteurs font aussi d’après eux des plâtres, des marbres, « des bronzes. » Les Yaks qui sont chez M. Jobez, dans le Jura, reçoivent de même d'’ex- cellents soins. M. Rouver, membre de la Société, qui vient de les visiler, a fait un dessin du Taureau, qu'il destine au Bulletin. — M. le président a reçu pour la Société un dessin fait au Muséum d'his- toire naturelle, d’après trois des Yaks ramenés par M. de Montigny, par mademoiselle Rosa Bonheur. Ce dessin, commencé au moment même de l'arrivée des Yaks à Paris’, et offert par l'auteur à la Société, a été mis sous les yeux du Conseil, dans sa dernière séance, et accueilli avec autant de satis- faction que de reconnaissance. Le Conseil s'est empressé de décider qu’il serait fait, par les procédés de la gravure ou de la lithographie, une reproduction aussi fidèle que possible du beau dessin de mademoiselle Rosa Bonheur. Chaque membre de la Société recevra un exemplaire de celte reproduction, et l'original sera placé, avec une inscription, dans la salle des séances. 4 Voy. p. 41 et 179. Pour les faits divers, L , L'UN,DES SECRÉTAIRES, H. HOLLARD. Paris. — Typ. Simox Raçon et Comp., rue d'Erfurtb, 4. BULLETIN MENSUEI, DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D’'ACCLIMATATION Fondée le 10 février 1854. I. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. RAPPORT FAIT À LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION, AU NOM DE LA COMMISSION NOMMÉE POUR ÉTUDIER L'HMIONE ACCLIMATÉ AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS. Commissaires : MM. de Baylen, le prince Marc de Beauvau, le baron de Fontalba, Florent Prévost, et M. RICHARD (du Cantal), rapporteur, (Séance du 9 juin 1854.)} Messieurs, Le genre Cheval, auquel appartient l'Hémione, comprend six espèces différentes, dont trois sont originaires de l'Asie, et trois de l'Afrique. Les espèces qui sont originaires d'Asie sont le Cheval, l’'Hémione ct l'Ane, Celles d'Afrique sont le Zèbre, le Dauw et le Couagga. Le Cheval et l’Ane ont été seuls soumis à la domination de l’homme de temps immémorial, l'Hémionc, au contraire, le Zèbre, le Dauw et le Couagga, sont L 27 — 380 — restés sauvages. À quoi devons-nousattribuer cette particularité? M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui a acclimaté et élevé au Muséum d'Histoire naturelle les Hémiones que nous y avons étudiés, pense que l’insouciance d’une part, l’état de barbarie de l’autre, ont été les causes principales de ce fait. « Si on se demande, dit-il", pourquoi ces quatre espèces ont échappé au joug de l'Homme, on trouve d’abord les éléments d’une réponse assez satisfaisante dans quelques circonstances particulières, par exemple, pour les espèces propres à l’Afri- que, dans leur habitation exclusive vers le Sud et vers l'Ouest de cette vaste partie du monde, c’est-à-dire dans des régions plongées de toute antiquité, et jusqu’à ces derniers temps, dans la barbarie la plus complète. Quant aux peuples civilisés qui maintenant ont porté leurs recherches et étendu leur do- mination, ou au moins leur commerce, sur une si grande partie de l’Asie et de l’Afrique, s’ils n’ont encore enrichi l'Europe ni de l’Hémione, ni de ses congénères africains, on pourrait se borner à en accuser cette incurie dont ils ont malheureuse- ment donné bien d’autres et de plus fâcheuses preuves en né- gligeant l'introduction de tant d'espèces, encore sans analo- gues dans notre économie domestique et notre industrie. » Lorsqu'on consulte l’histoire, on voit combien l’esprit hu- main a été de tout temps indifférent ou réfractaire aux nou- velles idées comme aux nouvelles découvertes, même les plus utiles. Sans remonter bien loin dans le passé, sans rappeler ici les faits nombreux que nous pourrions citer, n’avons-nous pas l'exemple récent de Parmentier en matière de naturalisation des végétaux ? N’avons-nous pas celui de Daubenton sur l’aceli- matation du Mérinos, considérée jusqu’à lui comme impossible en France ? Le Cheval est, des six espèces qui composent son genre, le type le plus tranché, celui qui, par son développement, par les dispositions particulières de sa charpente et par sa constitution générale, a pu être le mieux approprié aux besoins divers de 1 Mémoire sur le genre Cheval, et spécialement sur l'Hémione, dans les Nouv. Ann. du Muséum d'hist naturelle, 1. IV, p. 97, 1835. — 581 — l’homme; il n’est pas probable qu'il puisse jamais être rem- placé pour la selle, surtout pour le service de nos armées; mais suivant nos connaissances actuelles sur l’aptitude des es- _pèces du genre Cheval, l’'Hémione serait peut-être, après le che- val, l’animal qui pourrait le mieux répondre à nos besoins, si nous en jugeons par sa conformation comme par la condition spéciale de son tempérament. Aussi, bien qu'il n’ait été étudié jusqu’à ce jour qu’à l’état sauvage, les naturalistes ont-ils classé l'Hémione le second dans son genre, le premier après le Cheval, parce qu’il est, du genre même, celui qui semble s’en rapprocher le plus. Mais, nous dira-t-on peut-être, l'Hémione esl une espèce d'Ane, et, puisque nous avons ce dernier, pour- quoi chercher à réduire le premier, qui lui est peut-être infé- rieur pour notre service ? Si celte objection est facile à faire, il n’est pas diffcile d’y répondre. Tout naturaliste qui s’est occupé de la conformation des animaux considérés -comme locomotives animées; les hommes qui ont étudié la disposition de leur charpente, celle des muscles qui la font mouvoir, la nature de leur tempéra- ment, saisissent rapidement la différence qui existe entre l’Hé- mione et l’Ane. Si celui-ci a une constitution, une nature spé- ciales qui caractérisent sa sobriété, sa rusticité, sa résistance et sa force, surtout comme bête de somme, il n’est pas orga- . nisé pour la rapidité des allures comme son congénère, L’Hémione, en effet, a non-seulement tous les caractères qui indiquent la vigueur, l'énergie, la sobriété et la rusticité de l’Ane, mais il a de plus que lui l’organisation des animaux cou- reurs; Dans ce moment, il est facile de se convaincre de ce que j’avance ici, au Muséum d'Histoire naturelle de Paris ; on peut étudier dans cet établissement, l’Onagre d’Abyssinie (Ane sau- vage) qui a élé envoyé à la ménagerie par notre honorable con: frère, M. Delaporte, consul de France au Caire. Cet animal a le corps ramassé, trapu avec de forts membres, bien articulés, mais dont les rayons raccourcis sont disposés d’une manière peu favorable à une progression rapide. Pour bien faire ressortir la différence qu'il y a entre l'Hé- mione et l'Onagre, examinons les caractères physiques, la con- — 382 — stitution des animaux coureurs en général, comparons-les à ceux des animaux dont la vitesse des allures est bornée, il nous sera plus facile ensuite de conclure. Les caractères spéciaux propres à l'organisation des ani- maux coureurs sont la direction plus ou moins horizontale de la tête et de l’encolure, pendant la course; deux considéra- tions physiologiques nous rendent compte de la nécessité de cette disposition; la première nous fait comprendre l'impor- tance du redressement de l’angle formé pendant le repos, par la tête et l’encolure, afin que le canal aérien qui conduit l'air aux poumons soit disposé le plus possible en ligne droite. La colonne d'air peut ainsi librement circuler sans rencontrer des angles qui seraient un obstacle pour elle; ils ne seraient pas favorables à la respiration, qui doit avoir la plus grande liberté d'action dans les allures rapides. La seconde de ces considérations nous fait comprendre le besoin que l'animal éprouve de déplacer son centre de gravité le plus en avant possible, pour que son corps soit chassé hori- zontalement avec énergie par l’action des museles de la croupe et la détente des jarrets. Pour favoriser le libre passage de la plus grande quantité d’air dans les poumons, il faut, de plus, que l'animal ait les naseaux grands, largement ouverts, très-mobiles et très-dilatables. C’est surtout dans le genre Cheval que ce fait est important. Le Che- val et ses congénères, en effet, ne peuvent jamais respirer par la bouche comme le font les Ruminants, les Chiens, etc. Il en résulte que lorsque l'ouverture de ses naseaux ne suffit pas pour le passage de la grande quantité d’air nécessaire à la res- piration accélérée par les violents efforts exigés dans les grandes allures, il manque d’haleine et ne peut pas continuer sa course. Des naseaux largement ouverts sont donc une condition indis- pensable aux animaux du genre Cheval destinés à des services qui nécessitent une vitesse plus ou moins rapide; l’obliquité des épaules, l'étendue de leur jeu, le développement de la poi- trine, celui des muscles du dos et des reins qui transmettent à Vavant-train des animaux l’action de leur arrière-train ; la puissance musculaire de la croupe et des cuisses, la largeur des > ‘I d'y L ‘uoneeunporp ‘1007 ‘0$ “II — 585 — jarrets et l'étendue de jeu de cette articulation si importante pour la progression, sont les principaux agents physiques dont le travail sunultané favorise la rapidité des allures. A ces caractères de conformation spéciale joignons un tem- pérament sanguin et nerveux, ardent; une constitution peu disposée à l’engraissement ; la densité de tous les tissus en gé- néral, notamment des organes de la locomotion, comme les os, les museles, les tendons, un abdomen peu volumineux, souvent lèvreté, tels sont les caractères généraux de l’organi- sation des animaux coureurs, observés non-seulement dans les sujets d’un même genre, mais dans les divers ordres qui com- posent les Mammifères. Des naseaux rétrécis, au contraire, peu dilatables, une tête lourde portée verticalement et formant pen- dant la progression un angle avec une encolure courte et grosse, des épaules charnues, empâtées, noyées sous la peau et peu mobiles, un ventre volumineux, une poitrine peu spa- cieuse, des membres dont les rayons raccourcis forment des angles très-ouverts; une croupe courte, se terminant en pointe vers les fesses et indiquant ainsi peu de développement mus- culaire de cette région ; des cuisses grêles, amaigrics, des jar- rêts relativement étroits, un tempérament froid, qui manque d’ardeur, des tissus flasques, dont les fibres ont peu de den- sité, une conslitution lymphatique, disposée à l'engraissement, tels sont les caractères dislinctifs des animaux qui ont peu de force et peu de vitesse dans les allures. L'Hémione a de l’analogie de structure, et surtout de tempé- rament, avec le premier des deux types que nous venons de décrire rapidement ; l’Ane se rapproche du second par sa con- formation générale comme par sa nature. L'Hémione, en effet *, a les naseaux larges, très-dilatables et très-ouverts quand il est en action: sa tête est placée comme celle du Cheval de sang, elle tend à se porter en avant de ma- nière à se redresser sur lencolure. Cet animal porte le nez au vent, son dos est droit, bien musclé; son épaule jouit d'une grande étendue de mouvement, elle nous a même paru plus : 1 Voy. pl. HE. — 384 — mobile que celle du cheval ; sa croupe est arrondie, bien mus- clée à la région des fesses. Ses cuisses sont fortes, bien gigo- tées; son jarret est puissant, sec, large, bien constitué. Sa poitrine est bien conformée, et son ventre, peu volumineux, est comme celui des Chevaux de sang. Ses membres, dont les rayons sont allongés, se trouvent bien d’aplomb, dans une bonne direction, ils sont bien musclés, solidement articulés ; leurs cordes tendineuses sont bien détachées, bien dessinées, fortement tendues derrière les canons, ce qui fait paraître cette partie des membres aplatie d’un côté à l’autre, large d’avant en arrière, caractère distinctif de force et de résistance. L'Hémione a un autre genre de conformation propre aux animaux de course. Sa croupe est plus élevée que son garrot, c’est-à-dire que cet animal est plus haut de derrière que de de- vant, disposition architecturale du squelette qui favorise la vi- tesse. Les Chevaux de vitesse anglais, les premiers Chevaux coureurs connus, ont ce caractère distinctif dû à une plus grande longueur relative des membres postérieurs, qui peuvent ansi embrasser plus d’espace à chaque foulée en s’engageant fortement en avant. Le Lièvre, par exemple, animal essentiel- lement coureur, a les membres postérieurs beaucoup plus longs que les antérieurs, ce qui favorise sa vitesse par la grande étendue de leur détente au galop. Cette disposition est de plus favorable à l'impulsion horizontale du corps. Les animaux qui ont la croupe basse et l’avant-train élevé n’offrent pas les mêmes avantages pour la vitesse; nous en avons pour exemple les Chevaux andalous. Si nous examinons maintenant le tempérament de VHé- mione, nul herbivore n’en offre de plus caractéristique pour la vigueur, l'énergie, la vitesse des allures. Nous ne connaissons pas d’herbivore qui ait plus de vivacité, plus de pétulance, plus d’agilité que lui ; on peut le considérer comme un animal de pur sang au premier chef, toujours disposé à l’action, tou- Jours prêt au Gépart. Ses muscles, bien nourris, ont la dureté du marbre, et ils ressemblent, sous ce rapport, à ceux des Che- vaux de pur sang habilement entraînés et en condition de course. Lorsque l’Hémione adulte mâle, qu’on observe au Mu- te ‘ 4 hs #40" he bre LUE CE nb. / on d a M Re EL ‘ONEEMNATp ‘1007 20$ ‘ANA — 385 — séum d'histoire naturelle, est dans son enclos, on ne le voit jamais rester à la même place; il s’agite, il se promène sans cesse. Quand son gardien l’appelle, il s’approche toujours de lui avec vivacité, au trot ou au galop, rarement au pas. Lors- qu’on le contrarie, il trahit son mécontentement par une agita- tion brusque ou par des ruades d’une vigueur extraordinaire. Quand il fait entendre sa voix, le son qu’elle produit n’est ni le hennissement du Cheval, ni le braire de l’Ane. C’est une sorte de sifflement sauvage et énergique, qui trahit une grande puissance de poumons. Tout ce que fait l’'Hémione, en un mot, est l'expression de la force unie à une vigueur incontestable. Les voyageurs rapportent généralement que l’Hémione est d’une rapidité telle dans sa course, que les Chevaux qui courent le plus ne peuvent les atteindre. M. Dussumier affirme que des Anglais ont essayé de poursuivre ces animaux dans l’Inde, où ils vivent à l’état sauvage, avec des chevaux de vitesse, sans jamais pouvoir les joindre. «Ce sont des coursiers, dit Sonnini, plus rapides que les meilleurs chevaux; ces animaux seraient les meilleurs bidets du monde, s’il était possible de les sou- mettre à la domesticité. » (Nouveau dictionnaire d'histoire na- turelle, 1805, tome VII.) L’Ane ‘ est bien au-dessous de l’Hémione sous ces divers rap- ports. Ses naseaux sont rétrécis ; sa tête est lourde, portée ver- ticalement, et forme un angle plus ou moins fermé avec l’en- colure, même pendant l’action. Son dos généralement voûté, tranchant et amaigri, et ses reins, sont loin d’offrir un appareil musculaire dorso-lombaire aussi développé que chez l’Hé- mione. Sa croupe est courte, ses fesses se terminent en pointe, ses cuisses sont généralement plates, mal gigotées ; tout son train postérieur manque de puissance, et prouve que le corps de cet animal ne peut pas être énergiquement chassé en avant par lappareil musculaire chargé de donner l’impulsion. Joi- gnons à ces caractères des mémbres raccourcis dont les mou- véements manquent d’ampleur. Un corps trapu et ramassé, ra- bougri en quelque sorte, un ventre volumineux, etc., et notre 1 Voy. pl. IV, — 386 — opinion aura tous les éléments nécessaires pour être fondée. Toute la constitution physique de l’Ane, les dispositions de sa charpente, comme de son système musculaire, indiquent un animal propre à la somme, mais qui n'est pas organisé pour la vitesse. Quant au tempérament de l’Ane, on peut dire qu'il est, en quelque sorte, diamétralement opposé à celui de l'Hémione. Il en est de même de ses habitudes. Loin d’être vif, alerte. pétulant comme les animaux de sang, il est au contraire froid, calme ; on peut même dire qu'il est nonchalant et paresseux. S'il n’est pas dérangé, il reste longtemps à la même place sans remuer. Si son maître l’appelle, il n’y répond pas, ou il s’ap- proche de lui mollement ; il mange avec lenteur. On ne lui voit que rarement témoigner de l’impatience, tant il semble do- cile et résigné. Si on veut lui faire accélérer son allure, 1} faut le menacer ou le frapper; souvent même, au lieu de sesoustraire à un mauvais traitement par la fuite, il cherche à dérober aux coups la partie de son corps menacée, en la fléchissant, sans pour cela accélérer sensiblement son allure ordinaire. On peut dire enfin que, pour la vivacité, l'énergie, la vitesse, l’Ane est dans des conditions diamétralement opposées à celles de l'Hémione.. Maintenant, mettrons-nous en parallèle la so- briété, la rusticité des deux animaux que nous comparons pour en établir la différence? Si l’Ane à fait ses preuves sur ces deux qualités, l’Hémione étudié au Muséum d'histoire natu- relle de Paris ne paraît pas lui être inférieur. En effet, quoi- que de petite taille, l’Onagre du Jardin des Plantes consomme presque autant que l'Hémione, bien plus fort et bien plus grand que lui; quant à la rusticité, une femelle d'Hémione, avec son jeune poulain, ont supporté, sans paraitre s’en apercevoir, depuis octobre passé, les rigueurs de l’hiver dans un petit parc qui avait pour tout abri une cabane dont la porte était rare- ment fermée. Ces deux animaux ont donc subi, sans en être incommodés, toutes les rigueurs de la température de cette année (1854), preuve évidente de la force de leur tempérament et de leur rusticité. Enfin l’'Hémione nous paraîtrait apte à remplacer AU “108 “d'L CE ‘uonermmporp [007 206 ‘IQ — 387 — l’Ane: celui-ci, au contraire, ne remplacerait pas l’Hémione. C'est là notre conviction actuelle, que la pratique ne fera que confirmer, j'en ai la certitude. M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire a cherché à obtenir des Mulets d'Hémione avec des Anesses, et il y est parvenu. Deux hybrides de ce genre, un mâle et une femelle, sont aujourd’hui au Jardin des Plantes ; ils sont: tous deux d’une grande force : le mâle surtout, connu sous le nom de Polka, avait été dressé pour la selle; il est d’une énergie et d’une vigueur extraordinaires. Sa conforma- tion, du reste, est dans les meilleures conditions possibles de structure mécanique et physiologique. On pourra en juger par la gravure qui est jointe à notre rapport ‘. On a pensé que la nature énergique de l’Hémione rendrait sa _domesticité comme son dressage difficile. L'expérience a déjà répondu à cette objection : la domestication de cet animal a été faite sans difficulté au Muséum par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Depuis près de vingt ans, plusieurs Hémiones ont été aussi dressés sans beaucoup de peine pour la selle comme pour le trait, soitau Muséum même, soit à l’Institut de Versail- les, où une femelle d'Hémione était attelée à une voiture ?. Notre collègue, M. de Pontalba, qui s’est beaucoup occupé de lélevagé du Cheval, fait dresser dans ce moment, à sa terre de Mont- l’Évêque, des Hémiones qui lui ont été confiés par le Muséum d'histoire naturelle, et ces animaux ne Jui paraissent pas plus difficiles à dompter que les chevaux. Nous avons vu nous-même, à Mont-l'Évèque, les domestiques de M. de Pontalba harna- cher un Hémionc femelle adulte sans la moindre difficulté, quoiqu'il n’y eut pas bien longtemps qu'elle fût seumise au dressage. Nous avons vu cette charmante monture se laisser conduire sans résistance, et porter son cavalier sans mauvaise volonté, sans la moindre défense, et sans chercher à le ren- verser. Ramenée à l'écurie après avoir été montée, elle était aussi calme, aussi docile qu'avant sa promenade, ce qui nous . 1 Voy. pl. V. * Voy. l'ouvrage de M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire sur la Domestication el La naturalisation des animaux utiles, 3° édit., 1859, p. 69. — 388 — prouva qu’elle n’avait nullement été contrariée ni irritée par l'exercice auquel elle venait d’être soumise. Caressée après qu’on l’eut débarrassée de son bridon et de sa selle, elle nous ‘lécha les mains. Nous pouvons donc affirmer que l'Hémione n'offre pas plus de difficulté au dressage que les chevaux élevés dans nos pâturages et dressés vers l’âge de quatre ou cinq ans. Cependant M. de Pontalba, qui a bien étudié le caractère des Hémiones, affirme que ces animaux, très-intelligents, sont très-sensibles, très-nerveux et irritables, et qu’on doit les conduire avec adresse et douceur; les mauvais traitements réussiraient mal et les rendraient peut-être méchants ou rétifs. Pour conclure, votre Commission pense qu’à notre époque, où la rapidité des communications est devenue une nécessité, une sorte de loi sociale adaptée aux besoins de notre civilisa- tion, l'Hémione doit attirer l’attention de la Société zoologique d’acclimatation; il mérite d’être étudié sous le double rapport de sa production sans mélange et de son hybridation, soit avec la Jument mulassière, qui pourrait donner avec lui d’excellents Mulets de sang et de vitesse, soit avec l'Anesse, pour étudier ses produits avec elle et les services qu'ils pourraient rendre. Nous exprimons donc le désir de voir la Société s'occuper avec tout l'intérêt qui s’y rattache de la multiplication et du dres- sage de l’'Hémione, pour pouvoir bien juger de l'importance de l’acclimatation et de la domestication de cet animal, comme des services qu’il peut rendre à l’agriculture et à l’industrie. Enfin votre Commission vous propose de voter des remerci- ments à l’administration du Muséum d'histoire naturelle, et particulièrement à nos collègues M. Isidore Geoffroy Saint-Hi- laire, directeur de la ménagerie, et à son aide, M. Florent Pré- - vost, pour avoir acclimaté et domestiqué les Hémiones qui ont fait l’objet de ses études et le sujet du te qu “ENE a l’hon- neur de vous adresser sur ces animaux ‘ ! Les conclusions de ce Rapport ont été adoptées par la Société, qui, en outre, sur la proposition de M. le Président, a voté des remerciments à M. de Pontalba. (Voyez le procés-verbal de la séance du 9 juin, dans le n° à du Bulletin, p. 229.) — 389 — FRAGMENTS HISTORIQUES SUR LA DOMESTICATION ET LA CULTURE DES ANIMAUX. QUATRIÈME FRAGMENT :. WUES ÉMISES PAR QUELQUES AUTEURS DU COMMENCEMENT DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE SUR LA NATURALISATION ET LA DOMESTICATION DES ANIMAUX UTILES, {Par M. Is. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. (Séance du 9 juin 1854.) Dans une histoire des vues émises sur la domestication et la culture des animaux utiles, il est peu de naturalistes éminents du dix-neuvième siècle dont les noms ne pussent être placés à la suite de ceux de Buffon, de Bernardin de Saint-Pierre, de Lacépède, de Nélis, de Daubenton, Comment les nobles et élo- quentes paroles des premiers n’eussent-elles pas été entendues de leurs successeurs ? Comment l’exemple de Daubenton eût-il été perdu pour eux? Aussi est-il facile de voir, en suivant le mouvement de la science, que, peu à peu, dans notre siècle, la question avance, et que bientôt elle sera müre. 11 faut cependant le dire : les hommes qui, au commence- ment du dix-neuvième siècle, marchent du pas le plus ferme à la suite de Buffon et de Daubenton, ne sont pas ici ceux qui ! Pour les trois premiers fragments du travail dont nous publions au- jourd'hui la derniére partie, voyez le n° 4 du Bulletin, p. 455; le n° 6, p. 2H, et le n° 7, p. 283. Une partie seulement de ce quatrième fragment a été lue à la Société. — 590 — semblaient le mieux appelés à défendre, à développer, à réa- liser leurs vues; ce ne sont pas les naturalistes. Je suis loin de méconnaître la valeur de diverses indications données par Péron et Lesueur sur plusieurs mammifères qu’ils venaient d'observer en Australie ‘; par Cuvier, qui, s'inspirant ici de ces célèbres voyageurs, nous montre, à plusieurs reprises, dans le Phascolome et les Kangurous, de futurs « gibiers aussi utiles que le Lapin *; » par mon père, qui, au retour de l’expé- dition d'Egypte, insiste sur la naturalisation de l'Oie armée ?: par Bory de Saint-Vincent, qui, quelques années plus tard, veut enrichir l'Europe du Lama et de l’Alpaca*; par d’autres encore, frappés à leur tour des avantages que pourraient offrir d’autres espèces. Je reconnais aussi, el j'ai déjà signalé à plu- sieurs reprises l'intérêt qui s'attache au Mémoire si justement estimé de Frédéric Cuvier Sur la domesticité des mammifères *. Mais enfin, il faut le dire, car telle est la vérité, 1l est deux hommes, au commencement de notre siècle, qui, peut-être, ont compris mieux encore, et qui, assurément, ont mieux ex- primé qu'aucun autre l'importance future des applications de la zoologie; et ces hommes, les seuls qui, dans cette époque 1 Voy. l'Éloge de Péron, par M. Girard, professeur de sciences physiques au Collège Rollin; éloge qui vient d'être couronné par la Société d'émulation de l'Allier, et qui est en ce moment sous presse. L'auteur a mis en lumiére plusieurs passages jusqu'alors trop négligés, où Péron insiste sur les avan- tages que pourront offrir un jour à l'Europe plusieurs des animaux observés durant l’expédition aux terres australes. 2 Éloge de Banks, prononcé devant l'Institut le 9 avril 1821. Voyez le Recueil des éloges historiques de Cuvier, t. IL, p. 49. Cuvier a dit aussi, dans son célèbre Rapport sur les progrès des sciences na- turelles, 1810, p. 294 : « Cette période à fait connaitre de nouvelles espèces « de gibier que l’on pourrait répandre dans nos bois, comme le Phascolome « de la Nouvelle-Hollande, etc. » 5 Ou Oié d'Égypte. Voyez la Ménagerie du Muséum national d'histoire naturelle. 4 J'ai mentionné ailleurs (Domestication et naturalisation des animaux utiles, 3° édit., 1854, p. 39) les vues de Bory sur le Lama et l'Alpaca, et l'offre qu'il fit en 1815 au gouvernement français d'importer un troupeau de ces animaux. 5 Dans les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, t. XI, 1826. Je reviendrai plus bas sur ce travail. — dis et sur ces questions, puissent être comparés à Buffon, à Dau- benton, à Lacépède, pour la fermeté de leurs vues, l’énergie de leurs convictions, pour le désir ardent du progrès pratique, ne sont ni l’un ni l’autre des naturalistes. L'un, le premier par ordre de dates, est un ingénieur dont le nom est aujour- d’hui presque oublié, Rauch; l’autre, un homme célèbre à plusieurs titres : l'administrateur, lagronome, le poëte, Fran- çois de Neufchâteau. Quelques citations empruntées à l’un ct à l’autre, puis à Fré- déric Cuvier, m'ont paru former la suite nécessaire de celles qui précèdent, afin de compléter ce rapide tableau des efforts qui ont ouvert la voie aux naturalistes de la seconde partie du dix-neuvième siècle, et par là même préparé la formation de la Société zoologique d’acclimatation. JL Ravca. , Les naturalistes ont laissé Rauch dans un oubli aussi com- plet qu’injuste. Je ne crois pas que, depuis un demi-sièele, on l'ait cité une seule fois! C’est une raison de plus pour que je m’attache aujourd’hui à remettre ses vues en lumière et son nom en honneur. Heureusement, en science, il n’y a jamais prescription. Si tard que ce soit, la vérité, la justice, conservent ou peuvent reprendre leurs droits?. 1 Voy. le Troisième fragment sur les vues émises par quelques auteurs du dix-huitième siècle; n° 7, p. 285 à 295. ? Je n'ai trouvé le nom de Rauch dans aucune biographie ; mais notre sa- vant confrère, M. Jomard, que le corps des ponts et chaussées a eu l’hon- neur de compter parmi ses membres, m'a donné sur Rauch quelques rensei- gnements biographiques que je crois devoir consigner ici : Rauch, né en 1764, a été nommé, en 179%, ingénieur des ponts et chaus- sées, en résidence à Dieuse (Meurthe). Il était, en 1806, ingénieur ordinaire dans le département du Bas-Rhin. En 1810, il a été attaché aux travaux du canal des Landes. Mis en réserve, puis en retraite, il a successivement ha- bité Dieuse jusqu'en 1828, et Paris depuis 1829. Il y est mort en 1837, ne laissant, comme ingénieur, aucun travail important. J'ai reçu tout récemment sur Rauch, de M. Vallée, inspecteur général des pouts et chaussées, des renseignements qui concordent avec ceux que je devais à M. Jomard. — 592 — Rauch, ingénieur des ponts et chaussées à la fin du dix-hui- tième siècle et au commencement dw nôtre, a écrit, comme il le dit lui-même, sur «les corrélations existant entre les mon- tagnes, les forêts et les météores, » et sur « la régénération des sources et la repopulation des ruisseaux et des fleuves.» L’ou- vrage où il a exposé ses vues, parfois en les poussant jusqu’à l’ex- trème, et avec un euthousiasme qui a nui à leur expression, a été publié en 1802 sous ce titre: Harmonie hydro-végétale et mé- téorologique, et forme deux volumes, Une seconde édition a paru en 1818 sous ce titre : Régénération de la nature végétale, et forme aussi deux volumes. Dans cet ouvrage, après avoir traité du reboisement et de la plantation des grandes routes et de ce qu’il appelle les chemins champêtres, Rauch s’occupe des moyens d'utiliser nos cinq cent mille lieues de ruisseaux, des ressources que peuvent offrir nos étangs, et de la restauration et repo- pulation de nos douxe mille lieues de rivières et de fleuves. Voici quelques passages propres à donner une idée de l’en- semble des vues de l’auteur : “ « Tandis que les arbres relèvent la majesté des eaux et donnent aux fleu- ves cette gravité imposante qui leur appartient, les nôtres, au contraire, qui dans leur origine étaient ceints de belles forêts depuis leur naissance jus- qu’à leurs chutes dans les mers, coulent aujourd’hui obscurément à travers nos riches campagnes, sans être décorés de ces brillantes colonnades qui en releveraient la dignité. A l'abandon qui caractérise ces étonnantes merveil- les, on ne semble voir en elles que l’eau qui coule! Jamais on n’a songé aux plaisirs du nautonier et du voyageur, encore moins aux Poissons {.. » « On ne saurait trop appeler l'attention sur l'avantage qu'il y aurait à s’occuper en France de la multiplication des poissons, branche d'économie publique beaucoup trop négligée, malgré les expériences de nos voisins et les succès qu'ils ont obtenus. C’est uné mine encore vierge offerte à l’indus- trie nationale. Deux procédés, d'une exécution facile, peuvent également conduire à ce résultat : le premier consiste à faire passer des lacs dans les rivières et des rivières dans les lacs les poissons qui ne se trouvent que dans les uns ou dans les autres ; le second, à introduire dans les eaux douces, par une violence insensible et au moyen d’étangs artificiels, des poissons nés dans les eaux salées?. » L'auteur cite ici, à l'appui de ses vues (que Je ne saurais ‘ Édition de 1809, tome IL, p. 153 et 154, ? Page 142, 1 - — 395 — toutes partager), divers faits relatifs à l'Éperlan, à la Perche. à la Carpe, au Gourami, transporté par Poivre de l’Inde à l’He de France, au petit Cyprin doré ou Poisson rouge de la Chine, si commun aujourd’hui par toute l'Europe; puis il continue ainsi : u Ce qu'on n’a pas hésité de faire pour un poisson inutile, qui n’a de prix que dans la richesse de sa robe éclatante, qui nous empêche de l’entre- prendre pour des poissons utiles à l’homme, qui récompenseraient nos pei- pes et nos sacrifices ? « Nos fleuves ne contiennent qu’une vingtaine d'espèces indigènes et quelques poissons anadromes (ou remontant). Les petites rivières possédent beaucoup moins d'espèces encore; la plupart même sont bornées à la Tanche, à la Truite, à l'Anguille et à de moindres poissons de peu de valeur. Quel “avantage n'y aurait-il pas à introduire dans ces rivières une foule de Pois- “Sons étrangers 7... & Ouvrons donc avec les autres contrées un échange philosophique et li- béral, celui des meilleurs poissons de la France contre ceux dont nous re- cherchons la possession ?.… Ce qu'on a fait pour la surface de la terre en y réunissant sur différents points des végétaux de toutes les parties du globe, étonnés d'y vivre en- semble, qu’on le fasse aussi pour l’intérieur et la population des eaux ! Une gloire nouvelle et modeste en sera la récompense, et la philanthropie s’en applaudira® » Il n’est pas nécessaire de prolonger ces citations pour faire voir avec quel soin Rauch traite la question alors si neuve du repeuplement de nos rivières. Mais je n’aurais pas donné une idée complète de l’ Harmonie hydro-végétale, si je ne montrais l’auteur passant bientôt de nos eaux à notre sol, et abordant la question de l’acclimatation dans son vaste ensemble. Qu’on me permette donc de citer encore deux passages du livre de Rauch : « Nous avons, dans le temps de nos conquêtes, délégué des hommes éclai- rés pour recueillir non-seulement les chefs-d'œuvre des arts et des sciences de nos voisins, mais même jusqu'aux plantes et aux animaux rares qu'ils possédaient, et qui aujourd'hui enrichissent nos plus beaux établissements. Le gouvernement offre des prix dignes de la grandeur de l’objet à ceux qui per- fectionnent nos machines manufacturières; ne serait-il pas pour le moins aussi intéressant, dans un temps où nous possédons un grand nombre 1 P. 144 et 145. 3 P, 147. 3 P. 149. — 594 — d'hommes précieux qui s'entretiennent sans cesse avec la nature, d'en former une commission spéciale qui eût la mission et les moyens de voyager, d'observer et d'enrichir sans interruption nos eaux de peu- plades nouvelles”. Ces travaux, d’une importance si majeure, dont le succès serait certain, qui créeraient une des plus riches veines alimentaires à la nation, seraient certainement dignes des plus éclatants encourage- ments #. « Sur à peu près trois cents espèces de quadrupèdes et plus de quatre cents oiseaux qui peuplent la surface de la terre, l’homme n’en a, jusqu'à présent, choisi que dix-neuf ou vingt; ne pourrait-il pas encore s'enrichir de quelques espèces dignes de s'associer à son sort pour le rendre plus heu- reux?.. Combien la Vigogne, si précieuse par sa belle Loison, n’embellirait- elle pas les flancs de nos hautes montagnes? Pourquoi ne possédons-nous pas encore l'Eider, qui donne le duvet délicat que nous appelons l'édredon ? Le Pécari,.… le Hocco,… qui s'apprivoiseraient facilement, ainsi que l'Ou- tarde, et fourniraient abondamment une chair savoureuse et excellente, manquent encore à nos basses-cours… « Soyons plus confiants dans notre intelligence, et nous soumeltrons, par la force de notre génie, tous les biens répandus dans la création ?, » C’est à l’occasion des Poissons que Rauch a écrit le passage par lequel je termine ces citations ; mais il est d’une applica- tion générale, et qui peut même être étendue bien au delà de notre sujet : « S'il y a des hommes tièdes ou timides qui redouteni toujours les efforts généreux qui peuvent étendre le cercle de nos productions alimentaires; des indifférents, froids ou insensibles, qui, malgré les frappants exemples que l'on vient de citer, aient encore le courage de mettre en doute la possibi- lité de faire des conquêtes, on pourrait leur présenter encore la libérale do- cilité avec laquelle la bonne nature s’est prêtée aux riches métamorphoses, aux voyages heureux et de longs cours des plus grands comme des plus pe- tits individus du règne végétal... Leur nouvelle patrie les a adoptés. « Tous nos fruits d’espaliers, et les plus beaux de nos vergers, nous ont été apportés de pays étrangers et souvent fort éloignés, par des hommes bons citoyens qui, la patrie dans le cœur, ont su vaincre les obstacles du climat comme ceux de l’incrédulité, pour enrichir leur pays?. » II. Francois pe NEuFCHATEAU. Ce sont les mêmes vues qu’exprimait deux ans plus tard . > P. 161 et 16% P. 162 à 164. P. 153 à 455 1 PL — 395 — François de Neufchäteau ‘. Comme Rauch, et mieux que la plu- part des naturalistes de son époque, François avait nettement compris tous les avantages qui résulteraient pour le pays de la naturalisation et de la domestication de nouvelles espèces . , , , . A 4 . utiles. S'il n'a écrit sur cette question que quelques pages, s’il a eu peu d'occasions de s’en occuper pratiquement durant ses deux ministères. 1l l’a du moins conçue et posée avec une re- marquable fermeté: il la vue dans toute sa grandeur; il l’a mise à sa place. Mieux que personne aussi il a signalé l’une des causes principales qui, jusqu'à ce jour, ont rendu les gran- des tentalives si rares et fait échouer le petit nombre de celles qui ont été faites. Cette cause, c’est, selon cet ancien ministre, l'instabilité de l’administralion; par suite, la continuelle mo- bilité des intentions, des idées, des systèmes ; instabilité dé- plorable surtout dans les œuvres où, comme ici, le succès ne peut être obtenu qu’à la longue et à force de soins pcrsévé- rants. Quel autre qu’un ancien ministre, et un ministre aussi éminent, eût touché d’un main si ferme et si juste un mal si grave et si inévitable? d’où la nécessité, par là même indiquée, de recourir à l'association des efforts individuels. Quel autre eût eu le droit d'écrire et l’autorité nécessaire pour faire ac- cepter ces paroles, qu'il applique à la naturalisation de la Vi- gogne, mais qui ne seraient pas moins vraies de toute autre acelimatation difficile et dispendieuse : « La plus grande difficulté serait d’avoir un certain nombre de ces ani- maux, jeunes, sains, vigoureux, et en élat de donner de la race; mais quand il est question d'objets d’une aussi grande conséquence, quand il ne s’agit de rien moins que d'ouvrir à nos agriculteurs une mine de richesses nou- velles et aussi précieuses, est-il donc des obstacles qui doivent arrêter ? « Que l'on eût proposé une prime éclatante à ceux quijlauraient importé en France les espèces d'animaux ou de végétaux dont l'acquisition paraissait aussi importante ; qu'on eùt fait un sacrifice proportionné à l’objet, aux ris- ques et aux frais, et l’on eût été sûr de l'obtenir en peu d'années; mais il fallait ici deux choses qui ont été longtemps, chez nous, aussi rares que les ! Dans les notes du Théâtre d'agriculture d'Olivier de Serres, édition in-# de 1804, t. 1, p. 656. Son travail intitulé de la Zoologie rurale se di- vise en plusieurs chapitres, dont le premier a pour objet l'introduction de divers animaux dans notre économie rurale; le second, l'amélioration et la conservation des espèces connues; le troisième, leur perfectionnement. I 28 — 596 — Vigognes : 1° un gouvernement qui entendit les vrais intérêts du pays; 2 que ce gouvernement eùt un esprit de suite. On trouve assez de gens qui ont d'excellentes intentions, des idées et du zèle; mais la constance manque, mais le théâtre et les acteurs changent à chaque scène; tout est mobile et fugitif', L'auteur, qui, parmi les «animaux qu'on pourrait introduire dans notre économie rurale, » a successivement mentionné les Chameaux, la Vigogne, les Chèvres de Cachemire et du Thibet, termine ainsi son remarquable article : « Ce n’est pas seulement en fait d'animaux quadrupèdes qu’on peut aug- menter nos ressources; elles peuvent s’accroître dans toutes les divisions de la zoologie. Les Poissons, par exemple, n’ont pas encore été assez étudiés, quant au moyen facile d'importer les bonnes espèces d’une riviére dans une autre, des lacs dans les étangs, de la mer même dans les fleuves. Il n’y a pas deux siècles que la Carpe a été portée en Danemark. Le digne successeur de l’im- mortel Buffon, l’éloquent Lacépède, a insisté avec raison sur la nécessité de ces colonies aquatiques. Comment se fait-il donc qu'on n'ait pas encore ajouté à la Ménagerie de notre Muséum d'histoire naturelle des piscines im- menses pour essayer ce genre d'amélioration qui donnerait des résultats si neufs et si utiles? Mais ces sortes d'expériences ne sauraient êlre faites avec mesquinerie; on les manquera tout à fait si on ne les fait pas en grand; on travaille toujours sur une trop petite échelle. Les nations modernes ne sa- vent trouver de l’argent que quand il en faut pour s’entre-détruire. Quant aux arts et à la paix, s’ils obtiennent des sacrifices, les sacrifices sont st faibles qu’on doit leur appliquer le fameux vers d'Horace : Curtæ nescio quid semper abest rei. Voilà ce qu'écrivait, il y a un demi-siècle, un ministre jus- tement honoré : paroles qu'il sera encore longtemps bon de méditer. Puisse venir le moment où elles n’auront plus qu'un intérêt historique ! IT. Frénéric Cuviee. Des auteurs que je viens de citer, au seul naturaliste qui, dans la première partie du dix-neuvième siècle, ait abordé l’ensemble de la question de la naturalisation Ges animaux ‘ Loc. cit., p. 658. — 397 — utiles; de Rauch, de François de Neufchâteau à Frédéric Cuvier, il y a presque un quart de siècle ; et encore après tout ce temps écoulé, le progrès est-il peu sensible, si,même il y a progrès. Il est à peine besoin de dire qu'il y a plus de savoir zoologique chez Frédéric Cuvier : on trouve chez lui plus de précision, plus d’'exactitude, mais aussi moins d’élévation dans les vues, moins de conviction, et, par suite, moins de désir et d'espoir de réaliser les progrès que lui-même indique, en dressant à son tour la liste des Mammifères, dont il concoit la domestication comme possible et utile ‘. Voici cette liste, qu'il sera intéressant de comparer à celle qu'avait donnée Daubenton plus de trente ans auparavant ? : Carxassiers. Les Phoques5. On peut s'étonner, dit l'auteur, que les peu- ples pêcheurs ne les aient pas dressés à la pêche, comme les peuples chas- seurs ont dressé le chien à la chasse. » Pacuypennes. — « Presque tous ceux qui ne sont pas encore domestiques seront propres à le devenir; et l'on doit surtout regretter que le Tapir soit encore à l’état sauvage. Toutes les espèces de solipédes ne deviendraient pas moins domestiques que le Cheval ou l’Ane, et l'éducation du Zébre, du Couagga, du Dauw, de l'Hemionus, serait une industrie utile à la société et profitable à ceux qui s’en occuperaient. » Ruwmanrs. « La plupart des espèces de cette nombreuse famille seraient de nature à devenir domestiques. Il en est une surtout, et peut-être même deux, qui le sont à demi, et qu'on doit regretter de ne point voir au nombre des nôtres ; car elles auraisnt deux qualités bien précieuses : elles nous ser- viraient de bêtes de somme, et nous fourniraient des toisons d'une grande finesse : c'est l'Alpaca et la Vigogne #. { Loc. cit. 2 Voy. le septième n° du Bulletin, p. 294 et 295. 5 Nul doute que les Phoques ne soient trés-facilement éducables. Mais l'é- ducabilité des animaux est loin d’être la seule condition de leur domestica- tion, et cette prévision de Frédéric Cuvier me parait, pour ne pas dire plus, singuliérement tvinéraire. 4 Cette liste ne comprend, comme on le voit, aucune espèce ni d'Oiseaux, ni de Poissons, ni d'Insectes; ces classes étaient en dehors du cadre du tra- vail de Frédéric Cuvier. On remarquera que l'auteur ne fait figurer non plus dans sa liste aucun mammifére de l'ordre des Rongeurs ni de la sous- classe des animaux à bourse. Cette liste est donc beaucoup plus incom- pléte, non-seulement que les listes nouvelles publiées par moi-même en 1838, par M. Berthelot en 1844, par M. Joly en 1849, et, depuis, par une foule d'auteurs; mais même que l’ancienne liste de Daubenton, dressée vers 1790. — 359$ — Felle est, selon Frédéric Cuvier, la liste des Mammifères qui pourraient devenir domestiques, « si, dit l’auteur, nous éprou- « vions la nécessité d'augmenter le nombre de ceux que nous « possédons déjà. » Doute doublement regrettable chez un z00- logisle aussi distingué, et qui explique comment Frédéric Cuvier, si longtemps chargé de la direction de la ménagerie du Muséum d'histoire naturelle, n'a pas fait marcher de front les expériences pratiques, que lui rendait faciles une position si favorable, avec les observations de mœurs et les travaux descrip- fs auxquels il à si honorablement attaché son nom. Plus convaincu, il eût peut-être dès lors entrepris et poursuivi pa- rallèlement, pour le règne animal, cette même œuvre de pro- grès et de bien publie que notre illustre Thouin accomplissait à la même époque, et dans le même établissement, pour l’autre règne organique; Thouin, heureusement pour lui et pour le pays, aussi ferme et aussi convaincu que les zoologistes se montraient alors timides et hésitants; Thouin, qui, en digne élève de Buffon, nous a laissé ces belles paroles, dont j'aime à faire la conclusion de ce travail : « C'est surtout aux Phéniciens, aux Égyptiens, aux Perses, « aux Grecs, aux Romains, aux Carthaginois, que nous devons « ces avantages moins éclatants, mais plus solides et plûs réels « que leurs conquêtes. Ils ont transmis à nos ancêtres ces biens « liciles à conserver, et toujours à portée de l’homme; augmen- « {ons leur héritage, et, à leur exemple, préparons à nos neveux «ie nouvelle source de richesses ‘. » 3 Voy. Cours de culture et de naturalisation des végétaux, publié par M. Osear Leclerc. 1827, p. 19. — 599 — DES ÉTUDES HISTORIQUES SUR LES ANIMAUX, Par M. le baron Henri ALCAPITAINE. (Séance du 98 avril 1854.) Un célèbre professeur vient de publier unc histoire philoso- phique des sciences naturelles; mieux que tous ses prédéces- seurs 11 à alleint son but; mais il reste, précisément pour la partie dont nous nous occupons ici, d'importantes études à faire, études qui comprennent l'historique. de la majorité de nos richesses nationales : retracer l’histoire de nos troupeaux et de leurs produits, des nombreuses cartes, lois et coutumes auxquelles ils ont donné lieu, les prix auxquels ils se vendaient, les importations et les croisements; en un mot, tracer l’histoire de tous nos animaux dans sa plus large acception. Depuis l’é- poque reculée où certaines tribus gauloises faisaient frapper un Porc sur leurs monnaies, rappelant ainsi la source de leurs richesses, jusqu’au Stud-Book qui enregistre précieusement Ja généalogie des coursiers de race. n’y a-t-il pas de curieuses re- cherches à faire? Nous pourrions ainsi retrouver des docu- ments qui seraient, je crois, intéressants. Dans l’ancienne France, au milieu des barbares péripéties de la féodalité, les princes se plaisaient à entretenir pour leurs plaisirs une grande abondance de bêtes fauves, dont le poème sur Charlemagne, attribué à Alcuin, nous offre un tableau : His latet in sylvis passim genus omne ferarum !. (Azcuix, Opera, t, I, p. 452, v. 147.) ! Au commencement du dix-septième siècle, les bêtes fauves étaient en- core trés-abondantes dans certaines localités du royaume. Le 8 juin 1607, 400 — C'est ainsi qu’au milieu des bizarres coutumes locales, je re- trouve, dans les droits feodaux du Bâzois en Nivernais, les dé- tails du droit de moutonnage, ou redevances qui devaient être payées par ceux qui vendaient ou achetaient du bétail sur le fief du seigneur. Dans une recherche sur d’anciens cartulaires concernant l'histoire ñationale, je rencontre dans un manuscrit de la bibliothèque impériale 8406, ancien fonds, in-folio : Re- gistre original de la Chambre des comptes, depuis l'année 1229, un tarif des marchandises qui se vendaicnt à Paris à la fin du treizième siècle ; une note des plus curieuses à l’article Laines et Peaux, sur le pélis de Berry‘. C’est en feuilletant la collec- tion du journal des Petites affiches du Poitou, pour y trouver les marchés de Nantes, de Fontenay et de Poitiers, que j'ob- tiens la preuve d’anciennes cultures de garance, pouvant être aujourd'hui reprises avantageusement* dans l’ouest de la France. Dans tousîles traités de vénerie, tels que Rob. de Salnove”, du Fouilloux*, etc., on a des renseignements pleins d’intérêt les habitants de Gérardmer adressérent au duc de Lorraine une requête dans laquelle ils remontraient que ce lieu était limitrophe de l’Allemagne et de la Bourgogne, et environné de hautes montagnes : leurs bestiaux étaient en danger d'être mangés par les Loups, Ours et autres bêtes sauvages ; et, pour celte raison, ils demandaient qu’il leur fût permis de continuer à chasser sans payer aucun tribut au receveur d’Arches. (Voy. Lepage et Charton, le département des Vosges, t. Il, p. 255 ; et Alfred Maury, Histoire des grandes forêts, page 500.) : L Voy. Revue archéol., p. 217. 1852. On appelle pélis la laine du Mouton tué; elle est inférieure à celle qui est prise sur le Mouton vivant, ? Aucapitaine, Culture, de la gurance dans le Bas-Poitou, L. VI, p. 101 du Journal d'agriculture pratique. 5 La Vénerie royale, par Robert de Salnove. Paris, 1665, in-4, v. br. 4 Je viens de citer du Fouilloux : dans cet auteur, il y a, entre mille faits in- téressants, une nole que je ne puis m'empêcher de reproduire; car elle touche à la Faune francaise et aux variétés de nos animaux forestiers. « Dans la forêt de Mervent (c'est celle de Vouvant, dernier vestige des essences fo- restières du Bas-Poitou), dit-il, Les Cerfs ont la tête basse, petite et noire, tandis que, dans les bois de Chizé et dans ceux du Haut Poitou, ils l'ont grande et rouge. » Voilà certes une distinction qui a échappé à bien des — AÙl — sur les fauconneries, les animaux de chasse et bestes veni- meuses. Chaque bailliage avait des droits de pacage qui diffé- raient pour les espèces, et qui, réunis, fourniraient une Faune complète de la France rurale. Ne serait-il pas curieux de lire : Gratification à un fauconnier, pour lui aider à vivre et entretenir ses oiseaux; ainsi que : les dépenses pour les aires des oi- seaux de la reine; et encore cet autre : Philippe de Laloé, écuyer tranchant, ayant la garde des petits chiens blancs du roi, reçoit une certaine somme pour distribuer aux veneurs et vallets du dit seigneur’. Je n'en finirais pas si je voulais énu- mérer une à une toutes les pièces qui peuvent intéresser au plus haut point l’histoire de la zoologie pratique, sous son triple rapport industriel, alimentaire et auxiliaire, surtout si, depuis deux cents ans, on veut rechercher avec soin les quel- ques essais faits pour l'introduction de races nouvelles. On re- trouverait encore aujourd’hui de curieuses filiauons et l'ex- plication de faits remarquables. N'est-ce pas ainsi que M. le baron de Montgaudry nous retraçait la curieuse histoire des moines pisciculteurs dans la Côte-d'Or? On saurait à quelles causes on doit attribuer les résultats négatifs des rares tenta- tives d’acclimatation ou de croisement. J'avais essayé, trop har- diment sans doute, de compulser nos annales agricoles ; les documents ne me manquaient pas; malheureusement, forcé de quitter la France, je ne puis plus donner suite à ce travail : mais je serai heureux s’il m'a été possible d'en avoir suggéré l’idée à quelqu'un de nos collègues de la Société d'Acclimatation, qui, plus érudit, ne pourrait manquer de donner à un pareil ouvrage un attrait que j'aurais été loin d'atteindre. zwologistes de cabinet. M. Mauduyt, qui a publié une très-bonne Faune des vertébrés du département de la Vienne et des pays limitrophes, n'en fait au- cune mention. ! Archives de Joursauvault, Chasse et pêche, p. 115. _ 402 — . NOTE SUR L'EXISTENCE DU ZËÈBRE EN ESPAGNE DANS UNE ÉPOQUE RECULÉE, Par M. RAMOX de la SAGRA,. DÉDUTÉ AUX COUTÈS ESPAGNOLES, MEMBRE CORRESPONDANT DE L'INSTITUT LE FRANCE. Ayant fait un court séjour dans la Galice, contrée monta- gneuse située dans la partie nord et occidentale d Espagne, et m'occupant de feuilleter des manuscrits où se trouvent des in- dicaliens très-curieuses sur ce pays, J'ai fixé mon attention sur quelques détails relatifs à l'existence d'un solipède sau- vage, vraisemblablement du Zèbre dans la péninsule Ibérique. Ces détails auront, j'espère, quelque intérêt pour la Société. J'ai puisé ces notices dans les manuscrits du moine fra; Martin Sarmiento, de l’ordre de Saint-Martin, qui a vécu de- puis le commencement jusqu'à la moitié du dernier siècle : premièrement dans le couvent de l’ordre, à Saint-Jacques-de- Compostelle, et après, dans celui qui étaità Madrid. Les manuscrits que j'ai eus sous la main étaient datés de cette dernière ville, 1756, et 16 janvier 1757. Ces manuserits sont de longues lettres, adressées à divers per- sonnages de l’époque, sur un grand nombre de questions inté- ressant l'Espagne en général et la Galice en particulier, et re- latives à l’agriculture, l'industrie, la pèche, le commerce, les voies de communication, en un mot l’administration. Le père Sarmiento élait un homme très-éclairé et extrème- ment zélé pour le progrès de son pays. Ses conseils, ses pro: _ Aj jets, ont encore une incontestable actualité ; et 1l est à regretter que tous ses manuscrits restent encore inédits. Blämant, dans un de ceux que j'ai parcourus, l'indolence des Espagnols en général et des Galiciens en particulier, il leur reproche d’avoir détruit et laissé disparaître les nombreuses bandes ou troupeaux de Zèbres, qui exislaient à une époque reculée, dans les montagnes élevées, qui portent encore le nom de Zebrero, dérivé de Zèbre. La chaine à laquelle appartien- nent ces montagnes sépare l’ancien royaume de la Galice de celui de la Castille et de Léon. Les mots de Zebro et de Zebre (Zèbre mâle et Zèbre femelle) étaient anciennement aussi communs dans la langue castillane et dans celle de la Galice, que l'existence de ces animaux dans les montagnes méridionales d’Espagne. On les chassait alors, on en mangeait la viande et on en employait la peau, qui était vendue à un prix double de celle du Cerf. Ces faits se rapportent à de longues périodes de siècles, avant le dixième et jusqu'au trei- zième. Ainsi l'écrivain Zampiro, du dixième siècle, fait men- tion des monts du Zebrero, qu'il appelle en latin Zebrarius et Exebrarius. L'archevèque don Rodrigo, qui écrivait vers la moitié du treizième siècle, en parvenant au passage de Zam- piro, qu’il copie textuellement, change les mots mons Zebra- rius en mons Onagrarum, c'est-à-dire montagne des Ona- gres: car don Rodrigo savait alors, comme tout le monde en Espagne, que l’animal Zèbre, si connu dans le pays, était l’Onagre des Grecs et des Latins. _ On trouve aussi, dans une version castillane extrêmement ancienne des Psaumes, le nom d'animal Zebra, toujours à la place de celui d'animal Onagro. Ces connaissances relatives au Zébre n'étaient pas bornées aux écrivains espagnols ; car un contemporain italien, Brunel, le maître du poëte Dante, dans un ouvrage latin, Thesaurus, très-rare aujourd’hui, et qui a été traduit en castillan par. ordre du célèbre D. Alfonso le savant (don Alfonso el sabio), dit clairement que le Zèbre était un animal spécial à lEs- pagne. D'après les notes que j'extrais, le Zèbre n'aurait pas existé — 40% — seulement dans les montagnes du Zebrero (mons Zebrarius) qu séparent la Galice, mais aussi dans celles de l’Estramadure et de l'Andalousie. A ce sujet, le père Sarmiento indique diverses chaînes de montagnes qui portent en Espagne le même nom ancien de Zebreros ; telles sont, outre la montagne très-connue que franchissent les voyageurs qui vont en Galice, près le Bierzo, de laquelle parlent Zampiro et D. Rodrigo, d'autres montagnes assez éloignées de celle-là, dans la vallée de Salas, limitrophe du Portugal, et endroit le plus méridional de la Galice. Elles sont la suite des Cordillères, qui séparent ces deux contrées, et qu’on désigne dans la seconde sous lenom de Gralleiros. On trouve, enfin, dans l’ancien royaume de Tolède, des montagnes avec le même nom Zebrero. Comme les mon- tagnes de la Galice communiquent avec l’Estramadure par celles du Portugal, on comprend de suite comment les Zèbres ont pu se répandre sur une si longue étendue. Maintenant, on peut se demander si ces animaux étaient natifs ou originaires de l'Espagne, ou si, ayant été introduits par les Arabes, pendant leur longue domination, ils se sont répandus, du midi vers l'occident, par la série des montagnes qui traversent la péninsule Ibérique. Les livres anciens parlent de troupeaux de Juments dans la Galice et le Portugal, douées d’une incroyable vélocité, parce qu'elles étaient fécondées par le Zéphyr. Cette version, d’après ce que dit Oppien, cité par le père Sarmiento, devrait son ori- gine à la vélocité de ces animaux, et à ce qu'un troupeau de Zèbres femelles n'avait qu’un seul mâle. Les anciens, portés vers le merveilleux, ne voyant pas de mâles et seulement beau- coup de femelles douées d’une vélocité prodigieuse,. admet- ‘taient volontiers qu'elles étaient fécondées par le vent. Avec toutes ces données, le père Sarmiento blâme aussi l'igno- rance des écrivains qui rapportent la découverte du Zèbre à l'époque de la conquête du royaume de Congo, par les Portu- gais, au quinzième siècle; car le Zèbre existait déjà en Espa- gne bien avant cette époque, avec le même nom espagnol que les navigateurs lusitaniens donnèrent naturellement à les- pèce qu'ils retrouvaient sur la côte occidentale d’Afrique ; —" A0 espèce qui avait déjà disparu de la péninsule, par l'effet d’une chasse aussi active qu'imprévoyante. Telles sont, Messieurs, les quelques données que j'ai pu re- cueillir à la hâte et vous présenter dans une très-imparfaite rédaction. Mais j'ai l’espoir de compléter ces renseignements sur l’histoire ancienne du Zèbre, et je m'empresserai de vous les transmettre. Paris, S novembre 1854. RAMON pe ra SAGRA. P.S. J'ai trouvé deux autres renseignements curieux dans les manuscrits du père Sarmiento; l’un se rapporte à l'intro- duction des Mérinos en Espagne, l’autre à un essai d’acclima- tation des Chèvres d'Angora. C 1° Dans une lettre écrite Ie 13 septembre 1765, par le père Sarmiento au duc de Médina Sidonia, au sujet de la Mesta, ce moine dit : « Que c’est vers la fin du royaume de D. Alfonso le dernier (il mourut de la grande peste en 1750) qu'il fit apporter de l'Angleterre les premières Pecoras, dans les na- vires Carracas. À cause de leur origine, elies s’appelaient Bre- bis marines (Ovejas marinas) et non pas Mérinos, comme le vul- gaire les dénomme : ces Brebis ou Pecoras ont été placées dans les montagnes de Ségovie, et non pas en Estramadure. Alors, on ne connaissait pas la Mesta, ni les troupeaux nommés plus tard Mestenos. L'emploi de Juge de la Mesta, d’où est venu le célèbre tribunal de la Mesta, eut son commencement dans la- dite époque, d’après le bachelier de Ciudad-Réal, dans son épitre soixante-treizième. » 2 Dans la même lettre du père Sarmiento, est cité le fait contemporain (1765) de l'introduction d'un troupeau de Chè- vres d’Angora ou Ancira, en Galatie : « Introduction faite par ordre du roi, à cause de la finesse de la laine de ces animaux, et dont la multiplication en Espagne semblait possible, parce qu’elle se trouve sous les mêmes parallèles que la Galatie, » — 106 — SUR LA REPRODUCTION DU HOCCO EN FRANCE, EXTRAIT D'UNE LETTRE ADRESSÉE À M. IS. GEOFFROY SAINT-HILAIRE ; Addition à la note présentée à la Société zoologique d'Acclimatation dans la séance du 40 mars 18541, Par M. BARTHÉLEMY-LAPOMMERAYXE. DIRECTEUR DU MUSÉE D'HISTOIRE NATURELLE ET DU JARDIN ZOOLOGIQUE DE MARSEILLE. Monsieur le Président, Comme continuation à ma notice sur les Hoccos, je puis ajouter le résultat de cette partie tardive de l’année 1854 où nous nous trouvons. La femelle, qui jusqu'ici avait été si douce, a donné des signes multipliés d’une véritable fureur. Elle poursuivait quiconque se présentait devant elle, attaquant du bec et des ongles les vêtements de ceux qui l’approchaient, déchiquetant les doigts si on les laissait à sa portée, s’élan- çant jusque sur nos épaules pour atteindre nos yeux; c'était. en un mot, un gallinacé presque aussi redoutable qu'un aigle, contre lequel il fallait lutter avec énergie sans se laisser inti- mider. Le piaulement mélancolique et doux a été remplacé par des sons gutturaux exprimant la colère et la menace. Plus d’allures gracieuses et coqueltes, mais des mouvements gro- tesques et saccadés de la partie du cou, qui s’agitait d'avant en arrière, avec soulèvement des plumes qui le recouvrent. J'inférai de ce changement si singulier que quelque chose de nouveau s'était passé pour cette femelle. Je me mis à fureter les coins et les recoins, mais je ne vis pas de trace d'arrange- ! Voyez le troisième numéro du Bulletin, p. 123. — 407 — ment pour un nid, encore moins de vestige de ponte. Le même état d’exaltation s’est prolongé bien longtemps; mais une in- vestigation nouvelle nous offrit le spectacle agréable de deux beaux œufs alignés, dans une crèche, sans précaution aucune, sans qu’un brin de foin ou de paille eût été apporté en cet en- droit, dans la prévoyance de ce qui allait se passer. Afin de ne pas laisser ces deux premiers œufs improductifs, ét pour solliciter une ponte nouvelle, je les ai placés sous une Poule d'Inde, et j'ai fait transporter mes Hoccos adultes au jardin zoologique. La loge qu'ils occupent est spacieuse ; la poursuite de la femelle par le mäle s’y opère plus commo- dément. À peine installée, la femelle a pondu une troisième fois. C'était dimanche 3 septembre. Le 6, nouvelle ponte ; malheureuse- ment l'œuf s'est cassé. Le 8, c'est-à-dire ce matin, le cin- quième œuf a été recueilli; l’un et l'autre sont déposés dans un creux en entonnoir, pratiqué dans la paille par le mâle, qui s'y établit et siffle une singulière chanson pour y attirer sa femelle. J’ai licu de croire que d’autres œufs viendront faire nombre à côté de ceux-ci; mais évidemment la pondeuse, toute novice, n’a point encore l'instinct de la maternité suffisamment déve- loppé. Elle lâche son œuf là où elle se trouve, le plus souvent du haut de son perchoir. J'ai fait refouiller le sol à une assez grande profondeur, et substituer du sable très-fin à la terre calcaire. Il faut bien remarquer ceci, c’est que mes Hoccos, deve- aus la propriété du jardin zoologique, ex dono, n’ont pas plus d’un an d'importation en Europe, et qu’ils subissent en plein l'influence de la patrie originelle, sous le rapport des actes de la reproduction. Notre mois de septembre correspond avec la saison printanière de la Côte-Ferme, de même que l’hivernage de ces contrées correspond aux premiers beaux jours qni succèdent à notre hiver. Vous le voyez, monsieur et très-honoré confrère, les faits que je viens de vous signaler, auxquels j'aurai à joindre des faits nouveaux, donnent raison à ma première notice, pour ce — 408 — qui est de la ponte. Dans l’ordre des gallinacés, 1l est rare qu'il se rencontre quelque genre chez lequel la ponte se borne à uné paire d'œufs. Je renoncerais volontiers, sans aucun re- gret, à une race qui n'aurait que des moyens si limités de re- production. Le Hocco ne pouvait faire exception à ces règles de fécondité si bien établies. Que si, à Paris et autre part, les Poules se bornent à deux œufs, il faut attribuer ce phénomène a minima aux conditions climatériques. Ici, sous le ciel pro- vençal, nous devons nous rapprocher de l’état normal des Hoccos de la Guyane, du Brésil et de la Côte-Ferme. Toute- fois, s’il est vrai que les conditions les meilleures ont été offertes aux Hoccos de M. le marquis de Montgrand, conditions très-voisines de l’état de nature, lesquelles ont permis d’obte- nir de nombreuses couvées, je dois constater par avance que ce même résultat ne saurait être attendu de la part de nos Hoccos nouveaux venus, condamnés à une quasi-réclusion. Le vagabondage et le libre choix d’un emplacement pour la ponte sont, avec une bonne température, les éléments assurés du succès. Vous jugerez s’il n'y aurait pas lieu de porter les faits ci- dessus à la connaissance de la Société zoologique d’Acclima- tation. P. S. Ma Chèvre d'Angora commence à se couvrir de ses longs poils frisés. J'aurai sans doute à vous signaler plus tard une récolte aussi abondante que celle du commencement de cette année. Ne faut-il pas tirer de là cette conséquence que les Chè- vres d'Angora sont ici placées dans des circonstances très- favorables ‘? 1 Voyez l’article de M. Barthélemy sur les Chévres, dans le Bulletin, n° 4, p- 147. OBSERVATIONS SUR LE CYGNE NOIR. Par M. LE PRESTRE. CHIRURGIEN EN CHEF DE L'HÔTEL-DIEU DE CAEN. Une des plus gracieuses conquêtes faites en histoire natu- relle, pour la domestication des oiseaux de luxe, est celle du Cygne noir d'Australie. Ce magnifique palmipède, contraste frappant avec le Cygne de nos contrées, est arrivé aujourd'hui à l’état complet de domesticité : les plus incrédules sont obligés de convenir qu'il est aussi rationnel de dire : Noir comme un Cygne, que Blanc comme un Cygne. Les premières notions que l'on ait eues dans notre pays sur le Cygne de la Nouyelle-Hollande ont été consignées dans le Voyage du général d'Entrecasteaux, par Labillardière. D’a- près les ordres de l’Assemblée constituante, en 1791 et 17992, un voyage fut entrepris pour aller à la recherche de La Pérouse, et des diverses observations recueillies, la plus intéressante dans le domaine de l’histoire naturelle est la tn très- exacte du Cygne australien : « On tua », dit M. de Labillardière, I” vol. du Voyage, «sur « un lac, un oiseau fort étonnant {avril 1792) : c'était une nou- « velle espèce de Cygne, un peu plus gros que les nôtres. Il en « a toutes les belles formes ; sa couleur, d’un noir luisant, est « aussi remarquable que la couleur blanche de notre Cygne; «il a seulement six grosses plumes blanches à chaque aile, « caractère que j'ai constamment remarqué dans plusieurs « autres qui furent tués par la suite. Le bec a la mandibule « supérieure de couleur rouge, avec une bande transversale « blanchâtre vers l'extrémité... » Cette très-exacte description qui,. par sa simplicité même, présentait le cachet de la vérité, fut cependant l’objet d’un doute général ; il ne fallut rien moins que l’arrivée à la Mal- maison, quelques années plus tard, du premier couple qui ait — M0 — pénétré en France, pour convaincre Pincrédulité. Depuis ee temps, les Cygnes australiens, en Angleterre d’abord, puis en France, parurent dans quelques grands domaines. Madame la Dauphine en possédait de très-beaux à Villeneuve-l'Étang ; mais ni à la Malmaison, ni dans ce domaine royal, ni au Muséum, ils n’a- vaient pu reproduire. Les recherches que j'ai faites à cet égard m'ont appris que ce fut dans le pare de lord Derby, et, plusieurs années après, en 1850, à Clifton, près Bristol, que les Cygnes noirs se sont reproduits. Le 22 janvier, par un froid très-rigou- reux, une couvée de quatre Cygnes, malgré la sévérité de Ja température, fut amenée à bien, et depuis, les journaux anglais ont plus d’une fois rapporté de nouveaux exemples de la fécon- dité du Cygne noir, tant au jardin zoologique de Regent’s Park que dans les pares des grands seigneurs anglais. En France, je crois être un des premiers, sinon le premier, qui ait élé assez heureux pour obtenir à plusieurs reprises la re- production de ce bel oiseau. En 1851, j'achetai en Angleterre deux couples de Cygnes noirs ; un adulte, très-beau, et d’un prix fort élevé; le second, chétif, malingre, en mauvais plumage : la femelle était atteinte d'une torsion permanente du col, sorte de torticolis, dont je parlerai plus loin, qui la rendait disgracieuse et menaçait mème de la faire périr d'inanition. La déviation très-prononcée du bec ne lui permettait que très-difficilement de saisir le son mélangé de grain dont je nourris mes palmipèdes : c’est cependant ce couple, aujourd'hui magnifique, qui, avec des soins hygiéniques convenables, m'a produit, depuis deux ans, six couvées, toutes fécondes, et composées chacune de cinq ou six œufs. Ayant l'habitude d’enlever les petits à leur mère le jour même de leur naissance et de les élever dans une serre, quatre mois après, J’obliens une nouvelle ponte du même nom- bre d'œufs; le nid se fait avec le même soin, l’incubation avec le même amour. Le Cygne uoir, adulte à un an, ne reproduit qu'à trois; il est monogame, et cependant inconstant, si j'en juge par l'ob- servalion suivante. Je possède dans une vaste enceinte une pelite colonie de Cygnes australiens : cinq couples se promè- = AN nent gracieusement et majestueusement au milieu d'un très- grand nombre de grands palmipèdes et de leurs frères les Cygnes blancs domestiques et sauvages : un des mâles, qui sans doute avait d'excellentes raisons pour répudier sa com- pagne, s'avisa de faire une cour très-assidue à celle de mon Cygne reproducteur. Ce ne furent d'abord que des propos ga- lants, des chants harmonieux, de gracieux saluls à sa future maitresse. Le mari laissa faire, mais lamant, devenu plus pressant, excita la jalousie du légitime possesseur : alors dé violents combats eurent lieu, et comme cela s'observe trop souvent, hélas! le bon droit fut le plus faible, le vainqueur s'empara de sa conquête. J’aurais peut-être laissé faire, mais ne sachant pas ce qu'il adviendrait de cette nouvelle union, je rendis à César ce qui appartenait à César. et séquestrai le mâle inconstant et perturbateur. Depuis ce moment mes deux Cygnes se livrent sans contrainte à leurs fécondes amours; le mari trompé n’a manifesté ni défiance, ni mauvaise humeur. Les Cygnes noirs règnent en maitres dans l’enceinte de mes palmipèdes, les blancs cèdent le pas, et jamais encore ni des . Cygnes blancs à tubercules, ni des sauvages, je n’ai observé d’hostilité : au milieu de la foule, les Cygnes australiens vivent et reproduisent comme s’ils étaient seuls. Cette observation est en complète opposition avec les remarques faites en Angle- terre, à Clifton..….. Un journal anglais, s'exprime ainsi... « Quoiqu’ils fussent (les Cygnes noirs) depuis plusieurs années « habitants de ce jardin, ils n’avaient jamais encore manifesté « le désir de faire un nid, probablement à cause des discordes « incessantes qui régnaient entre eux et les Cygnes sauvages « du jardin : ces derniers ayant été renvoyés à cause de leur « humeur querelleuse, les Cygnes noirs, deux mois après, en- « viron, firent un nid... » En 1852, au mois de décembre, mes jeunes Cygnes ont construit leur premier nid. Le mâle ainsi que la femelle charrie, sans relâche, des brins de paille, des feuilles, de l'herbe, de petits bâtons pour le former : la base en est large et soutenue par des fragments de bois qu’ils croisent en lous sens; son élévation est d'environ trente centimètres, les bords, en glacis, L. 29 — 4192 — permettent aux Oiseaux d'y monter facilement. Jamais ils n’ont voulu le placer sous aucun abri : à deux reprises J'enlevai les matériaux déposés en plein air: deux fois ils travaillèrent plus loin à nouveau, pour le replacer dans les mêmes conditions. La ponte commença dans les premiers jours de janvier 1853, et se continua de deux jours l’un. Elle se compose habituellement de six œufs du volume des œufs de Uygnes blancs, à coquille très-dure et d’un vert clair. Il est très-important de ne laisser qu’un œuf dans le nid jusqu’à la fin de la ponte, pour les re- placer ensemble le jour où elle se termine; autrement la moitié des œufs serait perdue. La femelle a la funeste habitude de ne jamais quitter le nid dès qu’elle commence à pondre, et comme il y a constamment un espace de dix ou douze jours d’inter- valle entre le premier et le dernier œuf, il arriverait ce que j'ai pu constater malheureusement : trois petits éclos, le nid fut abandonné, et les trois derniers, prêts à sortir, périrent dans la coque. Depuis cette fâcheuse observation, J'ai fait enlever les œufs {ous les deux jours, en prenant la précaution de laisser dans le nid le dernier pondu : l’éclosion se fait ainsi le même jour, à quelques heures de distance. La durée de l'incubation est de trente-six jours ; elle com- mença le 22 janvier, pour se terminer le 28 février. Exposés, sans abri, au vent, à la pluie, à la neige ou à la gelée pendant les mois les plus rigoureux de l’année, les Cygnes sont restés bien portants. Les petits arrivèrent à terme, robustes et bien conformés. Les Cygnes se relèvent alternativement sans Jamais laisser leurs œufs un seul instant exposés au froid. Le mäle couve pendant la plus grande partie du jour, la femelle se réserve la nuit. Rien de plus suave, de plus gracieux que les mouvements de tête, les ondulations du cou, le cri doux et plaintif, qui pré- cèdent toujours le changement sur le nid. Malheur aux iudiscrets ou aux curieux qui se permettraient d'approcher de l’heureux et discret ménage ! bonne garde est toujours faite autour du nid; dans un rayon plus éloigné, le — 13 — naturel doux et pacifique de ces beaux oiseaux reste le même. Eu hiver ou en automne, dès que les petits sont nés, il faut les enlever au père et à la mère: la rigueur de la saison ne permettrait pas de les élever ; s’ils ne succombent pas immé- diatement, l’eau des étangs, la pluie, la rosée engourdissent leurs pattes, les paralysent, ou déterminent des engorgements afticulaires. En été même, j'ai observé des accidents semblables qui finissent toujours par amener la mort. Une autre raison tout aussi puissante me détermine à agir ainsi en toute saison, c’est que j'obtiens beaucoup plus vite une nouvelle ponte. De- puis le mois de janvier de cette année 1854, mes Cygnes en sont à leur troisième ; chacune a été de six œufs. Je place les petits dans un panier bien doublé de ouate à une température de dix-huit à vingt degrés, que j'obtiens près du foyer d’une cheminée ou sur une chaufferette. IL faut exercer une surveil- lance très-active, éviter les refroidissements, ou plus encore une température trap élevée. Les petits ne commencent à bec- quetcer la nourriture qui leur est donnée qu’au bout de vingt- quatre heures: elle se compose de mie de pain, d'œufs durs, humectés d’eau lactée ; il faut que ce mélange soit toujours frais, et surtout exempt d’acidité. Au bout de douze ou quinze jours, on doit y ajouter quelques brins de laitue hachée; mais il est important de ne pas en trop donner, elle amènerait in- falliblement de la diarrhée sanguinolente et la mort des jeunes Cygnes. Quelles que soient les précautions qu’on mette en usage, on ne peut amener à bien toute la couvée; un certain nombre de petits succombent, de la goutte, de l’atrophie et surtout du ver- tige: dans ce dernier cas, le plus commun, les jeunes oiseaux semblent gais, courent, mangent, barbottent, puis tout à coup sont saisis d’un étourdissement, tombent, et succombent en quelques minutes. Presque toujours, en examinant le cerveau, j'ai trouvé une congestion dans les membranes où un petit noyau apoplectique dans les lobes cérébraux. Si les jeunes Cygnes sont atteints de la goutte, en s’y prenant à temps on peut presque toujours la guérir par des frictions avec la pommade camphrée et les bains — M4 — dans une infusion vineuse de plantes aromatiques. On ne doit les baïguer que dans l’eau dégourdie, et ne les replacer dans leur panier qu'après les avoir séchés avec des linges chauds. Au bout d’un mois, il faut ajouter du millet au pain humecté de lait ; les œufs deviennent inutiles. Ces soins incessants exigent une attention soutenue de la part de la personne chargée de les donner ; quelques instants d'oubli, dans le premier mois de la naissance surtout, com- promettent la vie des jeunes Cygnes. L'instinct intelligent, je dirai presque affectueux de ces oiseaux, se manifeste dès les premiers jours de leur naissance ; ils prennent en affection la personne qui se charge de leur éducation, ils l’appellent, la reconnaissent à la voix; s’ils sont libres, ils accourent au-devant d'elle, et manifestent leur joie par de petits cris et des mouve nents de têle. Dès six semaines, il faut les promener et les baigner en plein air; le moindre rayon de soleil doit être mis à profit pour les mener paitre. On n'éprouve jamais d’embarras ni de difficulté à les diriger ; ils suivent, marchent et s’arrêlent quand leur gardien fait un mouvement ou le suspend. - Les grosses plumes succèdent au duvet à deux mois, et, dès que les grandes pennes sont poussées, la vie des Cygnes est assurée ; on les nourrit alors avec de l’orge ou du son mélangt d’avoine. C'est ordinairement dans leur première année, alors que le développement est complet, que j'ai observé la déviation du cou. Sans pouvoir expliquer les causes qui la produisent, en quinze ou vingt jours la tête s'incline à droite ou à gauche. entraînée par le cou, qui semble collé au dos et parfois à l’une des ailes. Dans ce dernier cas, l'oiseau éprouve de grandes difficultés pour se nourrir ; il n’arrache l'herbe ou ne saisit le grain que très-difficilement, il souffre et maigrit, s’isole de ses compagnons. J’ai eu plusieurs de mes Cygnes atteints de cette maladie, qui dure trois ou quatre mois; aucun n’a succombé. Cette épreuve subie, le Cygne retrouve, avec sa santé, sa grâce et son énergie, et peut vivre de longues années. — 415 — DE L'ACCLIMATATION DES BOMBYX QUI PRODUISENT DE LA SOIE, ET PARTICULIÈREMENT DE TROIS ESPÈCES AMÉRICAINES, BOMBYX CECROPIA, BOMBYX LUNA ET BOMBYX POLYPHEMLS, Par M. EMILE BLANCHARD. La facilité avec laquelle le Bombyx du mürier a pu se de- mestiquer loin du pays d’où il est originaire, aurait ù, paraît- il, donner bien vite à penser que d’autres espèces pourraient être également importées en Europe, et y devenir la source de nouvelles richesses. Il n’en a pourtant pas été ainsi. Depuis peu seulement on a songé d'une manière séricuse aux avantages que l'on oblien- drait de l'introduction de nouveaux Bombyx produisant de la soie. Aujourd'hui tout semble faire espérer que bientôt la France et sans doute une grande parte de l'Europe, seront en posses- sion de nouvelles industries séricicoles qui prospéreront à côté de l’industrie séricicole ancienne. Le succès obtenu en Italie, dans l'éducation du Bombyx cynthia, par deux savants piémontais que l'on cite souvent en ce moment, MM. Baruffi et Bergonzi; le succès obtenu partout où ces naturalistes ont envoyé soit des œufs, soit des cocuns, autorisent déjà à regarder ce nouveau Ver à soie comme étant dès à présent un animal de plus à livrer à l'exploitation. Néanmoins, je crois que l'espèce qui a reçu des entomolo- — 416 — oistes le nom de cynthia n’est pas la seule que l’on doive chercher à propager dans notre pays. Plusieurs autres espèces présenteraient des avantages particuliers ; il est donc extré- mement désirable de les voir s'ajouter à la liste des insectes utiles. Quelques Bombyx (genre Attacus des entomologistes) propres à l'Amérique du Nord vivent sur des végétaux tout à fait voi- sins de ceux de l’Europe. Le jour où l’on aura réussi à faire venir des cocons de ces Bombyx en nombre un peu considé- rable, ces espèces se propageront aisément , j'en ai la ferme conviction ; pour moi, d’ailleurs, l'expérience est faite en grande partie. Il y a déjà cinq à six ans, j'ai cherché à appeler l'attention de ce côté, dans l’espoir que des personnes placées pour obte- nir aisément les Bombyx que je regardais comme faciles à acclimater en Europe, s’efforceraient de concourir à cette œuvre utile. ” Le 5 décembre 1849, j’adressai sur ce sujet une note à l'Aca- démie des Sciences: cette note fut insérée dans les comptes rendus de l’Académie , mais jusqu'à présent, Je n’ai pas été assez heureux pour voir se produire le résultat que je désirais si vivement. Alors, le zèle pour ces sortes d'objets n’était pas excité de toutes parts, comme il l’a été depuis d’une façon si heureuse, par Le savant qui aujourd’hui préside la Société 300- logique d’Acclimatation. En demandant à chacun d’employer les relations dont il dispose pour nous procurer une certaine quantité de cocons des Attacus, qui sont communs dans plusieurs parties de l’Amé- rique septentrionale, je n’agis pas au hasard, ainsi que je l'ai dit. Des éducations de ces insectes ont été faites à diverses re- prises au Muséum d'histoire naturelle de Paris; ces éducations ont réussi. On ne possédait malheureusement qu'un très-petit nombre d'individus ; cette circonstance fâcheuse a seule em- pêché d’arriver à un résultat complet. Je mentionnerai particulièrement trois de ces Bombyciens, 1 Comptes reñdus de l'Académie des sciences, t. XXII, p. 670 (1849). — 417 — dont l'introduction ne me parait devoir offrir aucune difficulté. Ce sont ceux qui ont reçu dans la science les noms de cecro- pia, de luna et de polyphemus. Leurs cocons sont très-volumineux : la soie en est solide et brillante, surtout celle des deux derniers. Le cecropia est un grand papillon d’un brun noirâtre avec des taches lunulées et une raie transversale sur les ailes. Sa chenille est verte avec des tubercules colorés d’abord en rouge et ensuite en jaune; elle forme un double cocon d'une soie brunätre. Pendant l'hiver de 1840, M. Audouin, alors professeur d’en- tomologie au Muséum, reçut de la Nouvelle-Orléans quelques cocons de celte espèce. Au mois de mai, les Papillons vinrent à éclore, l’accouplement eut lieu, les femelles pondirent des œufs et les Vers ne tardèrent pas à naître. Il fallait tenter de les élever ; un embarras se présenta, on ignorait quelle était la nourriture de ces chenilles. Un ouvrage américain, celui de Smith et Abbot, contient l’histoire des Lepidoptères des États- Unis; on devait naturellement y recourir de suite ; mais dans le seul exemplaire qu’il fût possible de consulter, la planche et le texte relatifs au cecropia manquaient. Une seule ressource se présentait : offrir aux jeunes Vers diverses plantes et voir s'ils feraient un choix parmi elles. Les feuilles de la plupart des arbres, chênes , peupliers, saules, pruniers , aubépi- nes, etc., furent rongées à peu près indifféremment ; toutefois, le prunier sembla avoir été plus recherché, et dès lors, on ne donna plus que cette nourriture aux jeunes cecropia, qui pros- pérèrent rapidement. Plus tard, on apprit que le saule était la nourriture la plus ordinaire de l’espèce. Je cite ces faits, pour montrer que notre insecte est bien loin d’être exclusif pour son alimentation comme le Ver à soie ordinaire; cette circon- stance me paraissant être des plus favorables pour les éduca- tions qu’on pourra faire en France. Nos Vers, ayant acquis toute leur croissance, filèrent leurs cocons, et au printemps suivant on eut l’éclosion de nouveaux Papillons dont les pères et mères étaient nés dans le labora- toire d'entomologie du Muséum. A leur tour, ils s’accouplèrent — M8 — et donnèrent des œufs ‘. Le succès dans l’éducation de ces Bombyx avait été tel, que M. Audouin n'hésita pas à livrer cette nouvelle génération à un sériciculteur qui fut moins heu- reux qu'on ne l'avait été au Muséum. Des essais furent tentés pour le dévidage de la soie, et on put se convaincre que cette opération élait parfaitement prati- cable. Quelques années plus tard, M. Doyère, ayant reçu de la Nouvelle-Orléans plusieurs cocons de cecropia, les remit au Muséum, et là encore, dans le laboratoire d’entomologie, on fit une nouvelle éducation avec Je même succès que la première fois *. Ces essais permettent d'affirmer qu’il sera aisé d’acclimater ce Bombyx dans notre pays, en employant pour sa nourriture nos végétaux les plus communs. La seconde espèce dont j'ai à parler est le luna; c’est un élégant Papillon de couleur verte avec les ailes postérieures prolongées en forme de queue. Son cocon est d’un gris chur, d’une soie brillante et assez fine. En 1850, on acheta au Mu- séum quelques cocons de cet insecte, contenant des Chrysa- lides vivantes. L’éclosion eut lieu à la fin de mai ; l'accouple- ment, la ponte des œufs, s’effectuèrent sans difficulté ainsi que l’éducation des Vers. L’année suivante on eut l’éclosion des Papillons, mais encore une fois on opérait sur quelques indi- vidus, et avec si peu, il était difficile de songer séricusement à propager l’insecte. Le luna vit sur le Liquidambar. Smith et Abbot l’ont repré- senté sur le Liquidambar styracifolia, mais il se nourrit égale- ment de diverses espèces de noyers et de plusieurs autres végétaux *. { M. Audouin à fait connaitre le résultat de cetté éducation dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. XI, p. 96 (1840). ? Dans le Bulletin de la Société entomologique de France, 2° série, t. I, p. », 56, 73 et S4 1845), M. Lucas a noté les mues que subit la Chenille, l'intervalle qui s'écoule entre chacune d'elles, etc. 5 M. Milne Edwards a fait représenter les différents âges du luna; c’est un dessin qui fait partie de la collection des vélins du Muséum. = gi La troisième espèce dont il doit être question ici est Le poly- _phemus. C’est encore un grand Attacus, d'un gris brunâtre clair avec des taches ocellées. Quelques chrysalides enfermées dans leurs cocons avaient été achelées en même temps que celles du luna; on en obtint les Papillons, malheureusement les œufs restèrent inféconds. Les femelles étant écloses plusieurs jours après les mâles ; ceux-ci se trouvèrent alors très-affaiblis : le rapprochement sexuel n'eut pas lieu. Néanmoins, il n’y a rien 1à qui soit véritablement de nature à faire croire que le poly- phèmus réussirait moins bien en France que les deux autres espèces, si l’on avait à sa disposition une quantité d'individus tant soit peu notable. La soie de ce Bombyx, lorsqu'elle est dévidée, est d’un gris cendré pàle et d’un brillant qui laisse peu à désirer. Le polyphemus se nourrit des feuilles du chêne, du pommier, du coignassier, du hêtre, et sans doute de bien d’autres arbres. Les trois Bombyx que je voudrais voir acclimatés en Europe sont extrêmement communs dans les États du Sud de l'Union américaine ; on les trouve abondamment dans les bois, à la Louisiane, en Géorgie, dans la Caroline du Sud, etc. Il suflis rait donc, de pouvoir faire récolter une quantité aussi considé- rable que possible de ces cocons, et de les faire expédier à Paris, pour être à peu près certain d'obtenir un bon résultat, et cela presque sans frais. La durée des métamorphoses est exactement la même chez le cecropia, le luna etle polyphemus. Ces espèces n’ont qu'une seule génération par an. Les Vers filent leurs cocons à la fin de juillet ou au commencement d’août, les Papillons n’éclosent qu’au mois de mai suivant. L'insecte passe la fin de l'été, l'automne et l'hiver sous la forme de chrysalide. Cette heureuse circonstance permet d'envoyer des cocons d'Amérique en Europe, sans la moindre difficulté, pendant cette longue période de l’année; le destinataire serait lou- jours sûr de voir naître les Papillons au mois de mai. Pen- dant huit ou neuf mois consécutifs, ces envois peuvent s'effec- tuer ; c’est le temps de faire vingt ou vingt-cinq fois le voyage d'Amérique en Europe. + Le Certaines personnes pourraient croire à la possibilité de faire venir de la graine des Bombyx américains, comme s’il s’agissait du Ver à soie ordinaire; 1ilest bon de dire qu'il n’y a pas à songer à cela. Les Chenilies ou les Vers du cecropia, du luna et du polyphemus éclosent environ une semaine après la ponte. Pour ces espèces, ce sont donc les cocons seuls qui peuvent êlre envoyés. Quant aux avantages que procurerait au pays l'introduction définitive des espèces dont je viens de parler, ils me paraissent devoir être immenses ; Je me suis attaché à les faire ressortir dans ma note publiée en 1849. Les plantations de müûrier ne réussissent pas à beaucoup près dans toutes les parties de la France ; les éducations de- viennent, par là, impraticables dans certains départements; cet inconvénient n'existerait pas pour les espèces américai- nes, vivant de végétaux qui croissent partout sur le sol de la France. z La soie du cecropia, du luna et du polyphème sera d’une qua- lité inférieure à la soie ordinaire, d'une valeur moindre, je n'hésite pas à admettre ceci pleinement. Pourtant, malgré l’infériorité relative de ce produit, ce sera certainement encore un beau produit, et s’il coûte très-peu à obtenir, l'importance du résultat ne tardera pas à être appré- ciée. Pour se livrer à l'éducation du Ver à soie ordinaire, il faut de toute nécessité posséder des plantations de mürier, en un mot avoir un bien, une propriété. Si on ne l’a pas, il faut ache- ter la nourriture des Vers, c’est autant à déduire sur ce que l’on obtient ensuite de la vente des cocons. Tout le monde indistinctement ne peut donc faire des éducations de Vers à soie. S'il s'agissait des Bombyx américains, il en serait autre- ment, il n’y a plus besoin de culture spéciale. Les feuilles que l’on aurait dans les bois, le long des chemins, au bord des baies, suffiraient à l'alimentation de ces insectes. Dans les plus pauvres habitations des villages, dans les plus humbles — 491 chaumières, les femmes et les enfants, pour quelques soins donnés aux Vers pendant les mois de juin et de juillet, réali- seraient sans aucune dépense un produit d’une assez grande valeur. Le bien-être de ces familles se trouverait augmenté d’une façon bien notable, et l'industrie séricicole profiterait singulièrement de la quantité de matière première qui serait obtenue à un prix modique. C’est dire assez que l'introduction dans notre pays des Bombyx de l'Amérique mérite que l’on s’en occupe sérieusement. Si l’on parvient à nourrir le cynthia avec les plantes qui croissent sous notre climat, cette espèce présentera sans doute à peu près les mêmes avantages que les autres: je dis à peu près, son cocon étant beaucoup moins volumineux ; mais s’il faut l’alimenter avec le Palma Christi, son éducation devien- drait coûteuse, dans la plus grande partie de la France; elle devrait probablement être réservée pour nos départements méridionaux et pour l'Algérie; c’est ce qui ne saurait être pour nos Bombyciens de l'Amérique‘. 1 Cette notice est le développement d'une communication faite par M. Blanchard à la Société dans sa séance du 28 avril (voyezle n° 4 du Bul- letin, p. 181). Elle a été rédigée par l’auteur à la demande de M. le président de la Société, et transmise à M. le Ministre des affaires étrangères, conformé- meut aux intentions du Conseil. M. le Ministre a bien voulu l'envoyer aussitôt en en recommandant l’objet, à M. le consul de France à la Nou- velle-Orléans, afin que la Société reçoive, s'il est possible, pour le prin- temps prochain, un certain nombre de cocons vivants, envoyés avec toutes les précautions nécessaires. M. le baron de Pontalba, qui a de nombreuses relations à la Louisiane, à bien voulu promettre aussi son concours à la Société, pour faire venir une ou plusieurs des espèces que M. Blanchard désire soumettre à des essais d’acclimatation. il. TRAVAUX ADRESSES ET COMMUNICATIONS FAITES A LA SOCIETE. SUR DES FILÉS DE POILS D'YAKS GBTENUS A GUEBWILLER PAR M. N. SCHLUMBERGER. LETTRE ADRESSÉE A M. LE PRÉSIDENT DE TA SOCIÉTÉ ZOULOGIQUE D'ACCLIMATATION Par M. ÉMILE DOLEFUS, PRÉSIDENT DE LA SUCIÉTÉ INDUSTRIELLE DE MULHOUSE. Mulhouse, le 2 novembre 1854. Monsicur le Président, J'ai l'honneur de vous donner avis que je remets aujour- d’hui au chemin de fer un petit paquet à votre adresse, con- tenant des échantillons de filés, obtenus avec les lainages d’Yaks, que la Société zoologique d’Acclimatation a bien voulu faire parvenir à la Société industrielle, pour les soumettre à des essais de filature. Ces essais ont été confiés par elle aux soms obligeants de MM. Nicolas Schlumberger et C°, de Guebwil- ler, et je suis heureux, Monsieur le Président, de pouvoir au- jourd’hui vous en faire connaître les résultats. Je ne saurais mieux faire, pour cela, que de transcrire ici textuellement les propres observations de MM. Schlumberger : «Les échantillons reçus se composaient, disent ces fabricants : « 1° De filaments longs et noirs, un peu plus fins que le « crin ordinaire, mais présentant à peu près la même apparence ; «2° De filaments gris, de même longueur, mais plus souples «et plus soyeux ; ——— —————— — 123 — « 5° De filaments plus courts, gris de lin, beaucoup plus « doux ; mais chargés de brins longs et rudes dans le genre de « ceux que l’on remarque dans le cachemire, quoique en beau- «coup plus grande proportion. « Nous avons traité les deux premiers échantillons identi- « quement de la même manière, ct nous croyons, vu la grande « épaisseur des brins et leur roideur, qu'il serait difficile d’en « tirer parti en suivant une autre méthode. « Après avoir un peu graissé, nous avons soumis ces ma- «tières à la nappeuse, construite pour les fortes laines. En- « suite, nous lui avons donné un passage de démêloir, pour « dégager les longs brins des parties courtes qui y étaient en- « chevètrées, et pour former des rubans que nous avons pré- « sentés directement à la peigneuse Heilmann (modèle destiné « aux longs filaments). Après un passage d’étirage et un pas- « sage de banc à broches (à Gills), nous avons filé sur le métier « continu à lin sec. « Les écheveaux ‘ de notre envoi vous représentent le fil que « nous avons obtenu. « Il ne serait guère possible de filer plus fin que nous l’avons fait, eu égard à la roideur des brins. « Le peignage a donné environ vingt-trois pour cent de dé- chet, dont nous vous adressons la presque totalité. (Les dé- chets gris ct noirs ont été mélangés.) «Si la quantité n’avait pas élé si minime, nous aurions «traité ces vingt-trois pour cent, dont au moins les trois « quarts auraient été faciles à convertir en un fil très-brillant «et très-fort, soit en cardant, soit en préparant à la peigneuse- « laine. « Le troisième échantillon a été traité tout différemment : « les brins courts et fins que le peignage eût enlevés étaient en « grande majorité et nous paraissaient doux et soyeux. Nous « n'avons pas cru qu'il fût avantageux de peigner cette ma- « tière, et l’avons en conséquence cardée, sans la graisser. = = = À 1 La différence entre les écheveaux ne consiste que dans des variations de toison. — En — « Deux passages d'étirage et le Mule Jenny à laine ont produit « l'écheveau N° 5 de notre envoi. Vous remarquerez que ce « fila une douceur remarquable. Nous aurions pu, à la rigueur, « filer un peu plus fin, mais les erins roides dont nous avons « fait mention, et qui se trouvent parsemés dans cette matière, «eussent été beaucoup plus en évidence. « En somme, il est facile de reconnaître que, sur des ma- «chines construites ad hoc, la filature de la toison d’Yak « serait fort peu coûteuse, et qu'un petit assortiment pourrait « produire de grandes masses. Reste à savoir comment l'in- « dustrie trouverait avantage à utiliser ces filés. Nous ne som- « mes pas compétents dans cette question; mais nous ne dou- «tons pas que les fabricants de tapis ne parviennent à obtenir « de très-beaux résultats avec une matière très-brillante, qui « joint la douceur et l’élasticité de la laine à la force du erim « le plus épais. » = À « Agréez, elc., etc. « Signé :N. SCHLUMBERGER er C°. » Je désire vivement, Monsieur le Président, que ces rensei- gnements puissent être utiles à la Société d’Acelimatation. Des essais pour la teinture des filés de poils d’Yaks vont en- core être entrepris par la Société industrielle, et je m’em- presserai de vous informer de leurs résultats dès qu'ils seront terminés. Veuillez, je vous prie, agréer, monsieur Île Président, l’as- surance de ma considération la plus distinguée. Le Président, Emice DOLLFUS. — 415 — NOUVELLES EXPÉRIENCES SUR L'ANESTHÉSIE DES ABEILLES, LETTRE ADRESSÉE A M. LE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION, Par M. le docteur DE BEAUVOYS, Monsieur le Président, Pardonnez-moi si je viens encore vous entretenir de l’anes- thésie des Abeilles. Cette fois j'ai employé, au lieu du Lycoper- don, d’autres substances qui ont aussi produit l’anesthésie ou asphyxie momentanée des Abeilles. Depuis les expériences que j'ai eu l'honneur de faire chez vous en présence d'un grand nombre de membres de la Société, j'ai endormi des Abeilles plus de quarante fois peut-être. J'ai pensé que l’amadou, que l’on trouve partout dans les communes, produirait peut-être les mêmes effets que le Lyco- perdon, et, l'ayant employé de même, mais en plus grande quantité, j'ai vu s’opérer le même phénomène. De cette analo- gie de résultats j'ai conclu qu’il devait y avoir entre le Lycoper- don et l’'amadou analogie de composition, et que les principes quis’exhalaient de l’un en brülant devaient être produits durant l'ignition de l'autre. Étranger à la ckimie, et n'ayant malheu- reusement pas auprès de moi de chimiste obligeant et habile, je ne pus connaitre ces principes. Mais, considérant que l'aga- ric du commerce est trempé dans unè solution de sel de nitre (nitrate de potasse), j'eus l’idée d'essayer aussi ce sel. Je fis dissoudre quinze grammes de sel de nitre dans de l’eau ordi- naire, et j'y trempai une poignée de filasse, que je brülai dans mon enfumoir après l'avoir préalablement fait parfaitement mg, > sécher. Les abeilles que je soumis à ce nouveau procédé ont été endormies si vite, que je n’entendis même pas le bruissement qu'elles font entendre Iorsqu’on emploie pour les anesthésier le Lycoperdon. L'emploi de ce procédé est donc maintenant un fait confirmé par l'expérience, et dont la pratique pourra, je crois, tirer un grand parti, les matières employées se trou- vant partout et à très-bon marché. Dans le pays que j'habite, il y a longtemps déjà que l’on em- ploie, pour soulager les maux de dents, la vapeur de graines de jusquiame, brûlée sur des charbons, en y exposant la partie endolorie. Voulant essayer l'efficacité et la propriété narcotique des graines de cette plante, je cueillis une tête de jusquiame, et la fis brûler comme les autres matières : les Abeilles ont été parfaitement anesthésiées par ce procédé. Des têtes de pavot blanc, brülées de la même manière, ont produit le même effet. Enfin j'ai employé aussi le tabac; j'en plaçai dans mon en- fumoir une très-pelite quantité, qui suffit pour faire tomber toutes mes Abeilles sur le plancher ; elles sont restées endor- mies plus longtemps que de coutume ; mais, le lendemain, elles avaient toutes déserté la ruche, qui conservait encore une odeur très-forte de la fumigalion de la veille. Je regrette beau- coup la fuite de mes Abeilles; car j'aurais été curieux de voir combien de fois elles auraient pu supporter cet empoisonne- ment sans que leur santé fût altérée, ce qu'il eût été certaine- ment très-important de connaitre. Les Abeilles qui m'ont quitté avaient déjà été anesthésiées dix à douze fois. Je suis entièrement persuadé que ces procédés sont de la plus grande innocuité; je pense aussi que, grâce à leur usage, les abeilles se multiplieraient rapidement parmi nous. Aussi serais-je heureux, Monsieur le Président, que vous veuilliez bien attirer attention de la Société zoologique d’Acclimatation sur ces dernières expériences, que je me propose de répéter fréquemment, si, pendant l’Exposilion universelle, on m'en donne la facilité. Seiches, 26 septembre 1854. SUR LA NATURALISATION DU BOMBYX CYNTHIA EN ALGÉRIE, LETTRE ADRESSÉE A M. LE PRÉFET D'ALGER, Par M. HARDY, DIRECTEUR DE LA PÉPINIÈRE CENTRALE DU GOUVERNEMENT A ALGER; Communiquée à la Société par M. le général Daumas. Mamma, le 27 septembre 1854. Monsieur le Préfet, Par votre dépêche du 21 courant, vous m'avez fait l'honneur de me demander si de nouvelles graines du Bombyx cynthia ne seraient pas nécessaires pour les expériences que je pour- suis sur cette nouvelle race de Vers à soie, et vous exprimez l'avis qu'il y aurait lieu de profiter de cette circonstance pour donner aux expériences le plus de champ possible. Quoique les résultats que j'ai obtenus mé donnent la presque certitude d'arriver à naturaliser le nouveau Bombyx en Algérie à l’aide des produits du premier envoi que j'ai entre les mains, J'exprime l'avis qu’il y a lieu d'accepter l'offre de M. le pré- sident de la Société zoologique d'Acclimatation de mettre à la disposition du département de la guerre de nouveaux œufs du Bombyx cynthia. Je vais maintenant vous donner des renseignements sur les résultats que j'ai obtenus, me réservant de consigner mes ob- servations dans un mémoire spécial, que le manque de temps m'empêche de rédiger dès à présent, et pour lequel j'ai encore besoin de vérifier plusieurs faits. La durée moyenne de l’éducation a été environ de vingt- cinq jours jusqu’à la formation du cocon. Je n'ai pas, à cet égard, de renseignements bien positifs, attendu que les Vers me sont parvenus éclos et à des âges différents, Ce fait sera à vérifier lors de la prochaine éducation. J'ai obtenu soixante-huit cocons ; trois Vers paresseux ont 1. 30 — été mis en cornets, où l’un a fait son cocon et les deux autres s’y sont transformés en chrysalides sans donner de soie. Trois Vers seulement sent morts pendant le cours de l’édu- cation. La nourriture s’est toujours composée de feuilles sèches de Ricin, hachées avant de le servir. Les cocons sont de couleur rousse, de forme irrégulière et de construction particulière qui ne peut en permettre le dévi- dage comme les cocons ordinaires. Le Ver, en construisant son cocon, se ménage une ouverture à l’un des bouts, afin d'en sor- ür plus facilement lorsqu'il sera transformé en insecte parfait. Les brins de soie sont interrompus et comme coupés en cet endroit. Les bouts sont agencés comme le sont à peu près les soies d'un pinceau; ils se réunissent pour fermer légèrement l'ouverture, de manière à laisser pénétrer l'air et à s’écarter facilement pour donner passage au Papillon. En définitive, le cocon n’a pas plus de valeur avant la sortie du Papillon qu'après, et il ne sera pas nécessaire ici d’asphyxier la chrysalide pour utiliser le cocon. Cette disposition ne permet pas le dévidage par les procédés ordinaires, car le brin est naturellement coupé tous les deux ou trois tours; il ne peut tenir à la bassine, car, l’eau pénétrant par l'ouverture, le cocon coulera immédiatement au fond. Il y a donc à rechercher un moyen de dévidage approprié à ces cocons. Il me paraît on ne peut plus probable qu’ils de- vront être traités comme de la bourre de soie, ainsi que les co- cons ordinaires percés de graine et filés à la bobine. La valeur des cocons de la nouvelle race serait à peu près équivalente à celle des cocons ordinaires percés de grainé, c’est-à-dire de trois francs environ le kilogramme, dépourvus de chrysalide. La soie me paraît aussi fine que celle des cocons de la plu- part de nos grosses races ordinaires, mais elle est beaucoup moins fournie dans un même cocon. L'avantage que peut présenter cette espèce me paraît se ré- sumer en entier : 1° dans cette particularité qu’elle présente de faire sa pâture du Ricin, plante qui croit avec la plus grande facilité ici, qui donne des feuilles en abondance, et dont on — 499 — peut obtenir une masse considérable de nourriture pour les nouveaux Bombyx en une seule saison; 2° dans la propriété qu’elle a d’éclore ses œufs presque aussitôt la ponte, et de permettre ainsi d’en faire des éducations permanentes. J'ajouterai même que nulle part, en Europe, le Ricin ne vient aussi rapidement et aussi vigoureusement qu'ici, et que cette circonstance tend à faire de l'éducation du Bombyx cyn- thia une spécialité pour l'Algérie. La naturalisation complète du Bombyx cynthia en Algérie ne fait plus un doute pour moi. Il reste à poursuivre des expériences au triple point de vue de la culture du Ricin, de la quantité de Cocons produits par les éducations régulières, et de l’application industrielle de la soie de ces cocons. En d’autres termes, il y a à rechercher quelle est la valeur de la soie produite par un hectare de Ricin comparée à celle d’un hectare de mürier. C'est une tâche à laquelle je ne manquerai pas de donner tous mes soins. Déjà vingt Papillons sont sortis des cocons, dont huit fe- melles et douze mäles ; huit accouplements ont eu lieu, et les femelles commencent à pondre leurs œufs. J'espère, vers la fin d'octobre, être en mesure de commencer une nouvelle éducation, mais cette fois avec des éléments meilleurs et plus nombreux. Quant à la nourriture pour alimenter cette éducation, elle ne fera pas défaut. Depuis longtemps, et d’après les instructions de M. le Mi- nistre de la Guerre, je tenais en réserve une plantation de Ricins dans les dépendances de l'établissement; je fais exé- cuter en ce moment de nouveaux semis, en prévision des be- soins plus étendus qui pourront se manifester au printemps". 1 À l'occasion de cette lettre communiquée par M. le ministre de Ja guerre à l'Académie des sciences, dans sa séance du 16 octobre, M. le pro- fesseur Duméril a présenté quelques remarques qui complètent, sous un point de vue important, le travail de M. Ilardy, et que nos lecteurs nous sauront gré de reproduire ici. Nous les donnons telles qu'elles se trouvent résumées, — 450 — dans les Comptes rendus des Séances de l'Acadénue, 1. XXXIX, p. 707 : €... M. Duméril demande à faire remarquer que ce Bombyx n'appartient pas à la même section que celui dont la Chenille se nourrit des feuilles du mûrier. Le cocon que construit celle-ci est arrondi et complétement fermé ou clos à ses extrémités ; de sorte que le Papillon, après être sorti de sa chrysalide, est obligé de ramollir les fils de son enveloppe soyeuse, en dé- gorgeant une sorte de bave ou une humeur rougeûtre qui salit, mais qui dissout le bout du cocon : ce qui doit favoriser sa sortie. Malheureusement ce cocon est altéré, et il ne peut plus être dévidé. Pour obvier à cet incon- vénient, et afin d'obtenir la soie dans son intégrité, on est obligé d'exposer les cocons à une forte chaleur qui fait périr leurs chrysalides et détruit ainsi chaque année le plus grand nombre des individus de la même race. « Dans la nouvelle espèce, qui a le plus grand rapport avec notre Paon de nuit, dont la grosse Chenille se nourrit des feuilles de l’Orme, le cocon filé est conique à l’une de ses extrémités, qui présente là une sorte de pointe formée par des fils roïdes, convergents, au centre desquels la Chenille à ménagé une sortie. Le Papillon, lorsqu'il est éclos, peut forcer et franchir cette issue, quand il s’engage dans cette sorte de trémie ou de nasse, dont il écarte les parois résistantes, en les traversant, en même temps que son glissement forcé de dedans en dehors sert à faire mieux développer ses grandes ailes. Les fils roides qui constituent la pointe des cocons étant con- tinus entre eux, mais doublés, collés, repliés les uns sur les autres, la co- que, aprés l’éclosion ou la sortie du Papillon, reste dans son intégrité. II résulterait par cela même un grand avantage pratique dans la sériciculture : ce serait de conserver les insectes de cette race dans leurs cocons, sans êlre obligé de les soumettre à l’action d’une forte chaleur pour dessécher les chrysalides et éviter ainsi leur éclosion, qui, chez le Bombyx du mürier, altére nécessairement la soie. «M. Guérin-Méneville s'est assuré que les Bombyx cynthia peuvent être facilement dévidés dans leur intégrité, lorsqu'à l’aide de certains liquides dissolvants on a dépouillé les fils dont ils sont formés de la matière gom- meuse qui les réunit comme une sorte d'étoffe, et qu'ils fournissent ainsi une soie d'un brillant satiné et d’une ténuité ou d’une finesse trés-remar- quable . » ‘ M, le président de la Société zoologique d’Acclimatation vient de recevoir (25 novembre) une lettre de M. Hardy, qui continue avec succès ses essais d’acclimatalion êt ses observations sur le Bombyæ cynthia et la structure de son cocon. Les graines de ce Ver à soie, adressées par la Société à M. le Ministre de la guerre (voyez p. 459), sont arrivées à Alger en bon état. Déjà l’éclosion a eu lieu, et l’'édu- cation des jeunes Vers se fait heureusement sous la direction de M. Hardy. Nous regretlons de ne pouvoir donner place dans ce numéro à l'intéressante lettre de M, Hardy. = AE HI. EXTRAITS DES PROCES-VERBAUX DES SÉANCES DU CONSEIL DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE pu 11 ocropre 1854 Présidence de M. Georrnov SaxT-Hiraire, Conformément à l’article 4 du règlement constitutif, le Conseil admet au nombre des membres de la Société : S. À. R. Eucèwe, prince de Savoie CariGNan. MM. Anponx (Le docteur), membre du Comice agricole de Toulon. BeaurecanD (Le comte David de), président du Comice agricole de Toulon, maire de la ville d'Hyères. Manozeau, ancien élève de l’École polytechnique, pro- priétaire à Wesserling (Haut-Rhin). Moraes, docteur en droit, propriétaire à Rio-Janeiro. Neuwerkerxe (Le comle de), intendant général des beaux-arts de la maison de l'Empereur, directeur général des Musées impériaux, membre de l’Institut. Tuerez (Le docteur), secrétaire du Comice agricole de Toulon. Typcapr (Louis), docteur en droit, secrétaire gérant de la Société royale d'histoire naturelle, à Gand. — M. le président annonce que les deux commissions nom- mées dans la séance du 15 septembre ont rédigé les instruc- tions dont elles étaient chargées. Les instructions destinées à M. Jules Laverrière lui ont été remises avant son départ; M. le docteur Sanson recevra les siennes par l’entremise de M. le chargé d’affaires à Constantinople. — M. le président informe le Conseil que Mgr Serre, évêque de Daulia, administrateur du diocèse de Perth (Aus- tralie occidentale), promet son concours à la Société, Le Conseil l'accepte avec empressement, et adressera ses remer- ciments à Mgr Serra. — M. le baron de Montgaudry, par une lettre écrite du dé- — 4352 — partement du Doubs, annonce qu’il a vu chez M. Cuënot les Yaks dans les meilleures conditions possibles *. M. Rouyer donne également, dans une lettre, des nouvelles satisfaisantes de ceux que la Société a confiés à M. Jobez. — M. le secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Frédé- ric Jacquemart au sujet des Lamas et Alpacas, dont plusieurs membres de la Société ont voulu faire l’acquisition en Améri- que. Dans cette lettre, M. Jacquemart fait connaître les diffi- cultés qui se sont opposées jusqu’à ce jour à l’envoi du trou- peau que la Société a demandé. Le Conseil décide que cette lettre sera insérée dans le Bul- letin (voyez n° 8, p. 576), el qu'un extrait en sera adressé à S. Exec. M. le Ministre des affaires étrangères, avec prière d'écrire à M. le chargé d’affaires au Pérou et de l’inviter à faire auprès du gouvernement péruvien des démarches propres à assurer la réalisation des intentions de la Société. — M. le général Daumas, par une lettre en date du 20 sep- tembre, transmet à la Société les renseignements qui lui ont été adressés au sujet de la Chèvre d’Angora par M. le baron Rousseau, consul de France à Brousse. Ce travail sera inséré dans le Bulletin (voyez n° 8, p. 556). — M. Mestro, directeur des colonies, par une lettre du 2 octobre, adresse ses remerciments et promet son concours à la Société, qui l’a admis au nombre de ses membres. — M. le Président communique au Conseil des renseigne- ments donnés par M. le duc de Guiche et par M. Griseri sur le Bombyx cynthiu. Ces renseignements ont été transmis par M. A. de la Roquette. — M. Guérin-Méneville annonce qu’il a reçu des cocons de Bombyx cynthia envoyés à la Société par M. Griseri, et M. le Président qu’un second envoi de cocons et aussi de graines vient de lui être fait par M. l'abbé Baruffi. Ces derniers objets ont été apportés par M. le duc de Guiche, ministre de France à Turin (voyez le n° 8, p, 979). 1 Un extrait de cette jettre a été inséré dans le numéro 8 du Bulletin, page 3178. — À55 — Des remerciments seront adressés à MM. Baruffi et Griseri et à M. le duc de Guiche. — À cette occasion, M. le président annonce aussi que M. Milne Edwards met à la disposition de la Société des graines de ce précieux insecte, qui vient d'être élevé par ses soins au Muséum. — Il est donné lecture de trois lettres relatives aux Vers à soie du Ricin et à cette plante. 4° M. Moquin-Tandon adresse une Note sur la culture du Ricin, conformément à la demande qui lui avait été adressée par le Conseil. 2° M. Barthélemy Lapommeraye entretient la Société de cette même question, et dit qu'il se propose d'essayer si le Bombyx cynthia ne s'accommoderait pas, aussi bien que du Ricin eom- mun, d’un Ricin arborescent à très-grandes feuilles qui pros- père à Marseille, et dont l'usage serait beaucoup plus avanta- geux, s’il convient aussi bien à la nourriture du Bombyx. 3 M. l’abbé Barufli adresse à la Société une notice sur le filage des cocons du Ver à soie du Ricin, par M. Payter, et les instruments qui servent à celle fabrication, envoyés de Cal- cutta par M. Piddington. — M. Tastet écrit qu'il a reçu de Hong-Kong une lettre annonçant que l’état politique de la Chine rend impossible. en ce moment, l'envoi du courrier qui doit aller au Su-Tchuen chercher, pour la Société, des cocons et des graines des Vers à soie du Chêne. — M. le président place sous les yeux du Conseil le dessin des Yaks, offert à la Société par mademoiselle Rosa Bonheur. Le Conseil décide que ce beau dessin sera reproduit par la gravure ou la lithographie, qu’il en sera fait un tirage à part, et qu’un exemplaire en sera remis à chacun des membres de la Société. L’original sera placé, avec une inscriplion, dans la salle des séances. : M. le secrétaire est chargé de transmettre à mademoiselle Rosa Bonheur les remerciments du Conseil. SÉANCE DU %4 OCTOBRE. Présidence de M. Georrnoy Saixr-HiLaire. Conformément à l’article 4 du règlement constitutif, le Con- seil admet au nombre des membres de la Société: MM. Drever (Th.), propriétaire à Saint-Amarin ( Haut- Rhin). Enuncer (Ambroise), propriétaire et conseiller munici- pal à Husseren (Haut-Rhin). Geuy (André), ancien chargé d’affaires du Paraguay, à l’Assomption. Gros (Albin), propriétaire, à Wesserling (Haut-Rhin). Gros (Gustave), propriétaire, à Lyon. Mexnez (Fernando), professeur d'histoire naturelle in- dustrielle à l’Institut industriel de Madrid. Mexy (Ch.), adjoint au maire de Husseren (Haut-Rhin). Peyruc (Pons), ingénieur civil, membre du conseil d’ar- rondissement et du conseil municipal de Toulon. Rowan (A. P.), membre du conseil général du Haut- Rhin, maire de Husseren, à Wesserling (Haut- Rhin). Roman (Eugène), propriétaire, à Wesserling (Haut- Rhin). | Rouax (Gaspard), propriétaire, à Wesserling (Haut- Rhin). SauLey (De), président de l'Académie de Metz. Wipman (De), propriétaire à Wesserling (Haut-Rhin). — M. le président communique au Conseil deux lettres de M. le général Daumas. La première annonce l'envoi du rap- port que M. Hardy, directeur de la pépinière centrale d’Alger, vient d'adresser à M. le Ministre de la guerre, sur l'éducation qu’il a faite avec succès du Bombyx cynthia en Afrique. Par sa seconde lettre, en date du 13 octobre 1854, M. le général Daumas, en autorisant la publication de sa lettre du 50 septembre sur la Chèvre d'Angora, renouvelle l'offre de son concours, si la Sociélé se décide à acheter un petit trou- — 455 — peau de ces Chèvres, par l’intermédiaire de M. le baron Rousseau, consul de France à Brousse. Par la même lettre, M. le général accepte l'offre que lui a faite le Conseil, d'œufs de Bombyx cynthia, destinés à l’AI- gérie, et il fait hommage à la Société d’un exemplaire d’une grande carte de la plaine de la Mitidja, dressée par le service des opérations topographiques de l'Algérie, et qui vient d’être publiée par ordre du Ministre de la guerre. Des remerciments seront adressés à M. le général Daumas. — M. le Président annonce qu'il a reçu le travail dont M. Blanchard a bien voulu se charger sur le Bombyx polyphe- mus et les autres espèces de Bombyx de l'Amérique du Nord qui pourraient être acclimatées en France. — M. le Ministre de l’agriculture, du commerce et des tra- vaux publics, par une lettre du 10 octobre 185%, informe M. le président qu’il met à la disposition de la Société un exemplaire de l'Atlas statistique de la production des Chevaux en France. Des remerciments seront adressés à M. le Ministre de l’agri- culture. — M. le secrétaire lit une lettre de M. Jobez renfermant des détails satisfaisants sur la situation des Vaks qui lui ont été confiés *. — M. Sacc envoie, pour M. le docteur Sanson, un supplé- ment d'instructions que l’on fera parvenir à M. Sanson, comme les précédentes, par l’ambassade de France à Constantino- ple. — M. Guérin-Méneville, secrétaire du Conseil, communique une lettre que lui a adressée M. le baron James de Rothschild, consul général d'Autriche, pour demander à la Société de la - graine du Bombyx cynthia, qu'il désire envoyer à l’Académie des sciences à Vienne, avec un rapport sur les faits et les ex- périences qui se rattachent à cet objet si important pour l’in- dustrie. — M. Guérin-Méneville annonce, à cette occasion, que l'é- ‘ Une lettre postérieure de M. Jobez a annoncé la naissance d'un jeune Yak mâle. — 456 — ducaton qu'il a faite des Vers à soie envoyés par M. Griseri a produit beaucoup d'œufs, et que les précautions qu’il a prises pour les conserver n’ont pu empêcher un commencement d’é- closion. Il fait alors remarquer la nécessité de les expédier, sans le moindre retard, aux personnes qui peuvent s'occuper de cette acclimatation dans le Midi. — Le Conseil décide qu'une partie de ces œufs sera déposée dans une glacière convenablement choisie‘, afin de retarder le plus possible l’éclosion, et que le reste sera immédiatement distribué. M. Guérin-Méneville est chargé de faire, avec toutes les précautions nécessaires, et par les voies les plus rapides, des envois de graine : 1° A M. le Ministre de la guerre pour l’Algérie, conformé- ment au vœu exprimé précédemment par M. le général Daumas. 2 A M. le consul général d'Autriche, qui vient d’en faire la demande pour l’Académie des sciences de Vienne. 5° À M. Fernando Mendez, membre de la Société, qui est sur le point de partir pour l'Espagne, où l'on tentera sur deux points l’acclimatation du Bombyx cynthia. Une partie de la graine remise à M. Mendez sera adressée par lui à M. Graells. membre de la Société et directeur du Musée d’histoire na- turelle de Madrid. 4° Sur divers points de nos départements méridionaux, no- tamment à Hyères, à Toulon, à Antibes, au Luc, à Marseille, à Nimes et à Montpellier. — A cette occasion, M. le président annonce que M. Moquin- Tandon, directeur du jardin botanique de la Faculté de Méde- cine, et M. Chatin, directeur du jardin botanique de l’École de pharmacie, se sont empressés de faire semer des Ricins en serres, pour les mettre à la disposition de la Société. En atten- dant que ces Ricins et ceux que M. de Metz a fait semer à Mettray soient développés, la Société a à sa disposition plusieurs pieds de Ricins que M. Legouvé vient de lui envoyer de Seineport. { M. Chevet a bien voulu mettre à la disposition de la Société sa glacière, qui avait été désignée comme offrant toutes les conditions désirables, L'art Sam — À5T — — M. le secrétaire donne lecture d’une lettre de M. Victor Motschulsky, datée’de Saint-Pétersbourg, 28 septembre (10 oc- tobre), qui offre, au nom de la Société impériale économique de Russie, l'échange des publications de cette Société et des échantillons et autres objets dont elle peut disposer, contre le Bulletin que publie la Société zoologique d’Acelimatation et les objets de ses collections dont elle pourrait également dispo- ser. Cette offre est acceptée par le Conseil. — Îl est ensuite donné lecture d’une lettre de M. de Mont- seignat, qui offre ses services à la Société pour l’acclimatation de quelques animaux, en faisant observer qu’il est placé, à ce point de vue, dans d'excellentes conditions. Des remerciments seront adressés à M. de Montseignat. SÉANCE DU 8 NOVEMBRE. Présidence de M. Georrroy Sanr-HiLaiee, Conformément à l’article 4 du règlement constitutif, le Con- seil admet au nombre des membres de la Société : MM. Camozzi (Jean-Baptiste), propriétaire à Bergame (Lom- bardie). Georrroy (Paulin), capitaine de frégate, à Brest. Gerx (Charles), avocat, à Limoges. Gros (père), propriétaire, à Wesserling (Haut-Rhin. Gros (Edouard), propriétaire, à Wesserling (Haut-Rhin). Heunrier, conseiller d'État, directeur général de l’agri- culture. Joxcn (Charles de), propriétaire, à Guebwiller (Haut- Rhin). Roxvor (Natalis), négociant, ancien délégué du com- merce de France en Chine. | ScaLuwgerGer (Henri), propriétaire, à Guebwiller (Haut- Rhin). Zurcnenr (Alphonse), propriétaire, à Cernay (Haut-Rhin). — M. le président communiqué au Conseil plusieurs lettres intéressant la Société, qu'il a reçues depuis la dernière séance. 1° M. le capitaine Loche écrit de Milianah (Algérie), qu'il — 458 — espère faire partie d'une expédition qui se prépare au sud de notre colonie, et qu'il fera tous ses efforts pour procurer à la Société tous les renseignements possibles, et lui envoyer à l'époque de la nichée, des œufs propres à être couvés, tels que ceux de Gangas, d'Outardes, de Porphyrions et de plusieurs autres espèces. Cette communication est accueillie avec recon- naissance par le Conseil. 2° M. le docteur Le Prestre, chirurgien en chef de l’hôtel- Dieu de Caen, et membre de la Société, annonce qu'il vient d’ac- quérir des Lamas et des Kangurous géants, et qu'il se propose de donner tous ses soins à l’acclimatation de ces animaux. 3° M. Jobez s’empresse d'annoncer à la Société que la fe- melle d’Yak qui lui à été confice a mis bas un Yak mâle le 27 octobre, et que le jeune Veau est dans d’excellentes conditions. M. Jobez se propose de faire mesurer exactement tous les jours la quantité de lait que donnera la mère, de la comparer à celle que donnent ses autres Vaches, ei de faire part de ses observations à la Société. % M. le président de la Société industrielle de Mulhouse envoie des échantillons de différentes qualités des produits filés des poils d’Yaks, qui sont mis sous les yeux du Conseil. Ces filés ont été obtenus par MM. Schlumberger, de Gueb- willer. Le Conseil, sur la proposition de M. le président, renvoie l'examen de ces produits à la Commission nommée le 18 août pour étudier les laines du Cap envoyées par M. le Mimistre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics. 5° M. le baron de Montgaudry rend compte, dans une lettre adressée à M. le président, des démarches qu'il a faites, au sujet de l’acquisition d’un troupeau de Lamas, auprès de M. le colonel marquis de Guido. 6° M. le président de la Société d'agriculture de La Rochelle demande que cette Société soit inscrite pour être comprise, s'il y a lieu, dans la distribution des graines de Ver à soie sauvage du chêne. A cette occasion, le Conseil décide que les diverses de- mandes adressées déjà ou qui pourront l'être, seront consi- LR gnées sur un carnet d'ordre, et que la Société d'agriculture de La Rochelle y sera comprise. 7° M. de Gouet demande des graines du Bombyx cynthia, qu'il désire envoyer à Romans, en Dauphiné. 8 M. le maréchal Vaillant, ministre de la guerre, adresse des remerciments à la Société, pour l'envoi des graines de Bombyx cynthia qui ont été expédiées récemment en Algérie. Dans la même lettre, M. le maréchal Vaillant demande que les numéros déjà publiés du Bulletin, et les suivants, soient envoyés à la Direction de l'Algérie. Le Conseil s’em- presse de décider que le Bulletin sera adressé régulièrement à la Direction de l'Algérie, conformément au désir exprimé par M. le Ministre de la guerre. — M. le président annonce au Conseil que M. de Metz, direc- teur de la colonie agricole de Mettray, qui a offert son concours à la Société pour la culture du Bombyx cynthia, a fait semer en serres trois cents Ricins, et qu’il sera par conséquent en mesure de se livrer sur une assez grande échelle aux essais d'acclimatation du nouveau Ver à soie. — M. Guérin-Méneville, secrétaire du Conseil, annonce qu’il a reçu de M. le baron James de Rothschild, consul général d’Au- triche, de M. le général Daumas, de M. Crespon, naturaliste à Nimes, et de M. Andrac, juge de paix au Luc, des lettres de remerciments au sujet des envois qui leur ont été faits par la Société, des œufs du Bombyx cynthia et des notices sur ce nou- veau Ver à soie. — Le Conseil s'occupe ensuite de l’examen de la proposition faite par M. Sacc en février dernier, au sujet de l'acquisition d’un troupeau de Chèvres d'Angora ‘. M. le président rappelle alors le rapport présenté sur cette question par M. Ramon de la Sagra dans la séance d’abord du 2% mars *. Les conclu- sions de ce rapport ont été adoptées par la Société. Il a été pleinement satisfait, par l'intermédiaire de M. le général Dau- mas et de M. le baron Rousseau, consul de France à Brousse, 1 Voy. le n° 1 du Bulletin, p. 21, et Procès-Verbaux, tbid., p. 53. ? Ibid., p.23, = hi à la première de ces conclusions, tendant à se procurer d’a- bord tous les renseignements nécessaires sur ces animaux, le Conseil a aujourd’hui à statuer sur la seconde, par laquelle la Commission proposait l’acquisition d’un certain nombre de ces Chèvres. M. le président rappelle encore que M. le général Déimas en offrant son concours dans cette importante circonstance, a adressé à la Société des renseignements très-précis dus à M. le baron Rousseau, et que, d’après ces renseignements qui lui ont été aussitôt communiqués, M. Sacc conclut à l’acquisition de vingt-cinq Chèvres et de dix Boucs d’Angora, de la variété blanche, et de cinq Chèvres noires, dont le prix pourra s’élever, d’après ses calculs, à [a somme de treize cents francs environ. Après avoir fait observer qu'il est de l'intérêt de la Société, vu les rapports fréquents qui existent actuellement entre la France et l'Orient, de profiter sans retard des offres généreuses de M. le général Daumas et de M. le baron Rousseau, M. le pré- sident communique au Conseil une lettre de M. le comte d’É- prémesnil, secrétaire général, qui, après avoir exprimé ses regrets de ne pouvoir assister à cette séance, témoigne le désir que la Société fasse celte importante acquisition le plus promptement possible. Il s'engage ensuite sur tous les points de cette question une discussion à laquelle prennent part MM. le prince Marc de Beauveau, Frédéric Jacquemart, de Quatrefages, Richard (du Cantal), Ramon de la Sagra et Valserres; et le Conseil décide, à l’unanimité, que cette acquisition sera faite con- formément à la proposition de M. Sacc, c’est-à-dire que la Société priera M. le baron Rousseau, par l'intermédiaire de M. le général Daumas, d'acheter pour celle vingt-cinq Chè- vres et dix Boucs d’Angora de la variété blanche, et cinq Chèvres noires. Le Conseil vote une somme de quinze cents francs pour lac- quisition de ce troupeau. M. le président est chargé de transmettre cette décision à M. le général Daumas et à M. le baron Rousseau. == EM — OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ, SÉANCE DU 15 SEPTEMBRE 1854. Bozuerix de la Société de géographie (Tome VII, n° 43). Jounxaz des haras (septembre 4854). Cosmos (3° année, d° volume, 10° livraison). L'Ixsrirur (6 et 13 septembre 1854). Le Courrier de la province (juillet et août 1854). Société protectrice des animaux. — Séance solennelle du 21 mai 1854. Récement de la Société zoologique d’Acclimatation pour la région des Alpes, fondée le 25 juillet 1854. Buzzenn du Comice agricole de l'arrondissement d’Alais (Gard) (juillet et août 1854). Programme des prix proposés par la Société industrielle de Mulhouse, pour être décernés dans les assemblées générales de mai 1855 et 1856. Exrrair du Journal des travaux de l'Académie nationale. — Statistique. Vingt exemplaires offerts par M. R. de la Sagra. SÉANCE pu 11 ocrore 1854. Axnuame de la Société météorologique de France (2° partie. Tableaux météorologiques. Tome II, feuilles 4 à 8). Jourxaz des Haras (octobre 1854). Cosmos (3° année, 5° volume, 41°, 19°, 13° et 14° livraisons). L'Ixsrirur (20 et 27 septeuibré et 4 octobre 1854). Le Courmer de la province (septembre 1854). Bucerin du Comice agricole de l'arrondissement d’Alais (Gard) (septem- bre 1854). SÉANCE DU 24 OcTOBRE 1854. Arzas statistique de Ja production des Chevaux en France. Documents pour servir à l'histoire naturelle agricole des races chevalines du pays réu- nis par M. Eugène Gayot, inspecteur général chargé de la direction des haras, avec des dessins de M. Hyppolite Lalaisse, professeur à l'École po- lytechnique. — 4"°, 2° et 3° livraisons, grand in-folio, Paris. — Publié par ordre de M. le Ministre de l’agriculture et du commerce, et offert par M. le Ministre. Canre de l'Algérie. Sahel et plaine de la Mitidja, — Offerte par M. le gé- néral Daumas. Me Bozceri de la Société industrielle de Mulhouse (n° 1271. 1 Norice sur l'essai et l'emploi de l’aloës à la coloration des tissus, par M. le docteur Sacc. — Extrait du Bulletin de lu Société industrielle de Mulhouse, 1854. Offert par M. Sacc. SoctéTÉ z00106IQuE d'Acclimatation pour la région des Alpes. Assemblée générale du 22 juillet 1854. Annuaire de la Société météorologique de France ( 1" partie. Bulletin des séances, feuilles 10 à 13). Cosmos (3° année, 5° vol., 15* et 16* livraisons). L'Insrrrur (11 et 18 octobre 1854). Le Courrier de Ja province (octobre 1854). La Société a aussi reçu, en juillet, août, septembre et octobre, les jour- naux dont les titres suivent : Le Courrier de Nantes (29 juillet). — Le Mercuriale des halles et des mar- chés (9 juillet). — Le Guetteur, journal de Saint-Quentin et du département de l'Aisne (95 juin). — Le Phare de la Loire (26 juin). — Revue de la Marne (27 juillet). — La Tribune, revue de la Côte-d'Or (2 septembre), — Nou- velliste du Jura (1* juillet). — Le Messager, moniteur de l'Allier (5, 14 juil- let et 22 septembre). — Le Courrier des Marchés (5 juillet). — Le Salinois (50 juillet. — Affiches de la Meuse (3 août, 50 septembre). — Écho de Paimbœuf (19 août). — Réforme agricole gun et juillet). — Journal de Montfort (5 août). — L'Echo des Gcvénites (22 juillet, 5 août, 23 septem— bre). — L'Écho de Chateaulin (25 juin, 12 août et 16 septembre). — L'Écho saumurois (18 juillet et 22 août). — Écho du Havre (7 septembre). — Écho honfleurais (6 août, 3 et 24 septembre). — Journal d’Issoire (13 juillet, 98 septembre). — Le Glaneur de l’Allier (15 et 27 juillet, 21 septembre). — La Presse Grayloise (24 juin, 22 et 29 juillet et 9 septembre). — Boulogne New Times (5 juillet et 27 septembre). — Le Publicateur de l’arrondissement de Meaux (22 juillet). — Le Mellois (15 octobre). — Le Journal de Cosne (5 octobre). — L'Aigle des Cévennes (16, 23 juillet, 13 août, 10 septembre et 1° octobre). — Annonces marseillaises (2, 23 et 30 juillet, 15 et 20 août, 3, 10, 17, 24 septembre, 1° et 22 octobre). — Affiches, annonces et avis divers d’Altkirch (2 septembre et 21 octobre). — Le Pays d’Auge (29 juin et 12 oetobre). — Journal de Vervins, de Guise et de l'arrondissement (9 juillet, 1* et 8 octobre). — La Haute-Auvergne (29 juillet, 26 août, 2 sep- tembre et 21 octobre). — L'Agriculture (10, 11 ee 91, 24, 25, 26, 28 septembre, 1°, 2, 3, 5, 8, 9, 10, 12, 45, 16, 17, 22, 25, 24 octobre). — Journal de Pontarlier (9 juillet, 17, 24 AE 8, 15, 22 octobre). — Bulletin d'Espalion (24 juin, 1* 8, 15, 29, 29 juillet, 5, 12, 19, 26 août, 2, 9, 16, 25, 50 septembre, 7 et 14 octobre). Paris. — Typ. Simox Bacox et Comp. rue d'Erfurth, 4. BULLETIN MENSUEL DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION Fondée le 10 février 1854 1. TRAVAUX DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ. COMPTE-RENDU DE LA SITUATION ACTUELLE DE LA SOCIÉTÉ Par M. le Comte D'ÉPRÉMESNIL, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL. {Séance du 22 décembre 1854.) Messieurs , Bien que les procès-verbaux des séances du conseil pen- dant les vacances de la Société aient été imprimés dans le Bul- letin, et que la séance générale du mois de février doive être l’occasion d’un rapport étendu sur l'état de nos affaires, je viens cependant réunir sous vos yeux les faits les plus impor- tants qui se sont passés depuis le mois de juin. Le nombre des membres, qui s'élevait à 400 lorsque nous nous sommes séparés, est aujourd'hui de 550. Nous avons maintenant des confrères non seulement dans toute l'Europe, mais encore au Brésil, aux Etats-Unis, au Mexique, à Véné- zuela, au Paraguay, au Pérou, en Asie et en Afrique. Nous pouvons donc dire, dès ce moment, que nos relations sont éla- blies dans toutes les parties du monde, avantage qui résulte pour nous et du nombre toujours croissant de nos adhérents et de leur dissémination jusque dans les contrées les plus éloignées. 1 31 — AA — M. le Ministre de 1 Instruction publique, au mois de juillet dernier, a informé la Société qu’il lui avait attribué cinq des douze Yaks amenés en France par M. de Montigny. Le Con- seil a décidé que ces précieux animaux seraient placés dans les montagnes du Doubs et du Jura, et confiés àMM. Cuënot et Jo- bez, membres de la Société. Cet essai d'aeclimatation à déjà donné de bons résultats, sous l'influence de ce nouveau climat et grâce aux soins éclairés et constants dont les Yaks sont l’ob- jet. Notre petit troupeau s'est accru d'un jeune mâle, né ré- cemment chez M. Jobez. La Conseil a donné suite au projet d’acclimatation des Chè- vres d'Angora, dont notre honorable confrère M. Sacc avait le premier signalé les avantages pouf notre agriculture et notre industrie. Le Conseil a voté les fonds nécessaires pour l’ac- quisition de 35 Chèvres et Boucs d'Angora de la varieté blan- che, et de 5 Chèvres de la variété noire. Depuis cette époque, comme vous allez l'entendre, M. le Ministre de la guerre a bien voulu faire don à la Société de 16 Chèvres et Boucs de la même race, envoyés par l'émir Abd-El-Kader. Vous avez pu lire dans le Bulletin le règlement d’une So- ciété qui s’est fondée à Grenoble sous le titre de Société z0olo- gique d acclimatation pour la région des Alpes, et qui va se- conder activement nos travaux. Des relations de plus en plus étroites ne manqueront pas de s'établir entre eile et nous. Enfin , il me reste à vous parler de l’heureuse introduction en France du Bombyx cynthiæ, ce producteur de la soie, nou- veau chez nous, qui promet d’être si utile , et qui méritera, sans doute , dans l’avenir, à ses zélés introducteurs , des témoi- gnages de reconnaissance. La Société l'a déjà répandu sur un très grand nombre de points de la France et de l'Algérie, et l’a envoyé en l'Espagne et en Autriche , où il n'existait pas encore. Tels sont, Messieurs, les faits principaux qui se sont produits pendant la suspension de nos séances , et qu'il a paru utile de vous rappeler au moment où nous reprenons nos travaux. — 445 — RAPPORT FAIT À LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D’ACCLIMATATION, AU NOM DE LA COMMISSION NOMMÉE POUR ÉTUDIER LES LAINES ENVOYÉES A M. LE MINISTRE DE L'AGRICULTURE, DU COMMERCE ET DES TRAVAUX PUBLICS Par M.le Consul de France au Cap de Bonne-Espérance. Gommissaires : MM, Allier, Cartier père, Casimir Cheuvreux, Duvernoy,. Millot, Richard (du Cantal), Emile Tastet, et Ad. FOCILLON, rapporteur. (Séance du 22 décembre 1854) La Société a reçu, dans le mois de juillet 1854, de M. je Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, dix-huit échantillons de laines envoyés du cap de Bonne-Espé- rance par M. le Consul de France en cette résidence. M. le Mi- nistre désirait que la Société répondit aux questions sui- vantes : 1° La Société pense-t-elle qu'il y ait possibilité d’acclimater en France, et notamment dans le midi, les bêtes à laine qu’on: élève dans la colonie du Cap? 2° En cas de réponse affirmative , y aurait-il un intérêt réel pour nos agriculteurs et nos manufacturiers à tenter cette ex- périence d’acclimatation? Pour répondre à ces deux questions, la commission que vous: — 446 — avez chargée de l'examen des échantillons dont il s'agit, a dü considérer ces laines au double point de vue de la production agricole et de l'emploi industriel. Deux sous-commissions ont donc été formées dans son sein : l’une, composée de MM. Émile Tastel et Richard (du Cantal), a recherché quelle valeur indus- trielle pouvaient avoir les laines du Cap; l'autre, composée de MM. Duvernoy et Focillon, s’est occupée de l'étude de leurs qualités intrinsèques. C’est de cette double série de travaux qu'est résulté le présent rapport. L'envoi de M. le consul comprend six échantillons de laines longues, rangés sous les nes 14 à 6, et douze échantillons de laines courtes, sous les nos 7 à 18. Elles proviennent de la ferme de M. Joubert (descendant de famille française), située dans le district de Swillendam , au cap de Bonne-Espérance. Elles ont été recucillies en 1853, pendant l'allaitement, sur un troupeau de brebis indigènes croisées avec des béliers de Saxe. La lon- gueur comparative de ces laines est peu différente, comme Île tableau ci-dessous en fera juger facilement. Leur aspect est très uniforme. Douces et molles au toucher, elles montrent toutes une frisure prononcée et une finesse assez grande. Les qualités caractéristiques des deux espèces de laine auxquelles elles ap- partiennent sont trop faiblement marquées, et les rendent sans doute peu propres à tel ou tel usage spécial dans l'industrie. Nous trouverons bientôt l'opinion des industriels en parfait ac- cord avec ces prévisions. A l'examen microscopique, ces laines se montrent inégales et peu riches en écailles, Chaque brin pré- sente des diamètres assez brusquement variables dans le cours de sa longueur, et la saillie des écailles, qui sont grandes et peu nombreuses, est presque insensible dans la plupart d’entre eux. Le n° 6, parmi les laines longues, et le n° 18, parmi les courtes, montrent les écailles les mieux détachées, mais elles sont loin d'atteindre , sous ce rapport, la perfection des laines produites par les anglo-mérinos ou les mérinos de Rambouillet. Pour la finesse, elles se placent à côté des races de Newkent-mérinos et de mérinos-VMauchamp, que nous avons eu l'occasion d'examiner, car leur diamètre moyen est de 0®,026. On compte, dans les = 4AT — laines longues du Cap, environ neuf courbures, en moyenne, pour 1 centimètre; enfin les six échantillons de celles-ci ont une longueur totale de 70 à 55 millimètres, tandis que la lon- gueur des douzes échantillons de laine courte varie entre 56 et 36 millimètres. Le tableau suivant montrera les résultats’pré- cis des observations auxquelles s’est livré l’un de nous pour ré- pondre au vœu de la Société et de M. le ministre. ÉTUDE DES LAINES DU CAP. Numéros * Longueur Nombre des Diamètre des de courbures par chaque des échantillons. la laine, centimètre. brins. Millimètres. Millimètres. 0,030 0,028 0,030 0,025 0,024 0,027 0,021 0,026 0,029 0,028 0,020 0,030 0,027 0,024 0,027 0,025 0,026 0,023 LAINES LONGUES. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 COURTES, LAINES Ces documents suffisent pour établir que ces laines ont de — 418 — grandes analogies avec celles de quelques unes de nos races in- digènes. Sans doute les moutons qui les ont produites s ba- bitueraient sans aucune peine à notre climat, Mais la qualité des échantillons qui ont été envoyés à M. le ministre est loin de recommander comme utile une pareille tentative d'acclima- tation. La laine «est généralement fine, à la vérité, mais nos races européennes ne leur cèdent en rien sous ce rapport. D'ail- leurs la finesse des toisons, si recherchée à l’origine du perfec- tionnement de la race ovine en France , m'a plus aujourd'hui le même intérêt en présence des beaux résultats qu'ont obtenus nos éleveurs, et des besoins actuels de l'industrie, qui à perfectionné ses procédés de fabrication. Mais les conditions d'égalité de brins, de résistance au foulage, d'aptitude au feu- trage, que l’on réclame maintenant, ne se trouvent pas ici. Les industriels l’ont reconnu , et l'examen microscopique en fait comprendre les raisons. Les laines du Cap montrent en effet un brin très inégal, brusquement aminci dans certains points, renflé dans d’autres; puis les écailles y sont trop peu saillantes et trop rares. Nos races de bêtes à laine n’ont donc rien à at- tendre de l'introduction de ces races moins perfectionnées, où plutô dégénérées : car les Moutons du Cap ne sont que des Mérinos venus de France ou d'Allemagne. L'examen de leurs Loisons confirme cette conjecture, et, loin de pouvoir améliorer nos bêtes à laine, ils ont perdu sous l'influence d’un autre cli- mat la plupart des qualités qui nous sont si précieuses et que nos espèces ont conservées. Les renseignements que la com- mission à pu recueillir sur l'état des troupeaux du Cap sont d'ailleurs peu satisfaisants. Chétifs et malingres, ces Moutons portent une toison d’une croissance inégale, qui indique un trouble habituel dans les fonctions de la peau. En un mot, rien ne saurait engager à ramener au milieu de nos troupeaux ce type réellement dégénéré et complétement inférieur à celui de nos bêtes à laine. Au point de vue industriel, nous ne saurions voir avec plus de faveur l’acclimatation en France de la race des Moutons du Cap. La sous-commission chargée de l'examen de cette seconde 2 2 LL, /2. — 449 — question est arrivée à des conclusions parfaitement analogues à celles qui sont ressorties de la première partie de notre travail. MM. Emile Tastet et Richard (du Cantal) ont ramené leurs recherches à la solution de quatre questions, cet ils résument ainsi leurs ebservations : 1° Quelles sont les qualités industrielles des laines du Cap? — Leur seule qualité est d’être douces. 2° Quels sont leurs défauts ? — Elles sont courtes, de qualité inégale, et quelquefois jarreuses. On ne peut pasles traiter par le peigne. 3° À quel genre de fabrication conviennent-elles? — Elles sont propres à la fabrication des articles nommés, dans l'indus- trie, nouvegutes (étoffes légères à pantalons, à gilets, etc. , très peu foulées). On ne les emploie pas pour faire des draps , parcequ'elles manquent de consistance et de brin, et ne sup- porteraient pas un fort foulage. 4° Leurs qualités manquent-elles d'analogues dans nos laines indigènes? — Non; les laines des peaux provenant de la bou- cherie, et des agneaux , ont des qualités équivalentes. Du resie, ajoutent nos deux collaborateurs, les renseigne- men{s des hommes pratiques nous ont révélé que , de toutes les Jaines coloniales importées en Angleterre, celles du Cap sont les moins estimées. La valeur actuelle de ces laines varie de 2 fr. 75 c. à 4 fr. 50 c. lekilogramme, à l'entrepôt, suivant leur qualité et leur lavage. Toutes les laines du Cap introduites en France ont été aclietées en Angleterre, quoique, dans ce cas, elles subissent un droit de 22 p. 100 de la valeur, qui peut être calculé sur la moyenne des prix ci-dessus énoncés. Dans cette hypothèse, la qualité la plus basse peut donc être estimée 3 fr. 35 c., et la plusélevée 5 fr. 50 e. environ le kilogramme, droit payé. Ces droits, d’après la loi actuelle , ne seraient que de 27 centimes et demi le kilogramme pour une importation directe sous pavillon national. La sous-commission, s'étant procuré un échantillon des laines du Cap qui sont dans le commerce, a cru y trouver une telie dissemblance avec les échantillons envoyés par M. le consul, — À50 — qu'à ses yeux, ils ont été choisis dans les parties les plus belles de la toison. Nous devons ajouter cependant qu'à l'examen mi- croscopique, ces laines fournies par le commerce ont montréune analogie complète avec celles qui font l’objet de l'envoi. Leurs défauts sont les mêmes, et voici les mesures qu’elles donnent : ÉpnBUouc ES DANS... A. HD Nombre des courbures par centimètre. 10 Diamtre.des DrINS ES. 14 420. 0 DrCIRre, Cette analogie prouve l'identité de provenance, mais n’établit nullement l'égalité de valeur commerciale. Evidemment les échantillons envoyés sont des pièces de choix. La sous-commission a regretté de ne pas avoir à sa disposi- tion un échantillon représentant l’ensemble d’une toison , avec les prix de vente au Cap; un pareil renseignement lui aurait été très utile pour baser son jugement sur la question d'importation. Du reste, les journaux de la localité publient ordinairement les observations qui se font en Angleterre après chacune des quatre ou six ventes publiques de l’année où se négocient les laines du Cap et d'Australie; et ces observations ont toujours de l'impor- tance, soit pour l’industrie , soit pour la production locale, qui peut se modifier suivant les besoins indiqués. Les laines du Cap paraissent d’ailleurs être connues du com- merce français depuis leur origine, qui réellement ne remonte pas au delà de 1831. Cette année-là même, il en fut expédié à Londres 263 balles, représentant environ 38,000 kilogrammes. En 1841, la production était de 4,191 balles. En 1846, elle s'élevait à 11,626 balles. Enfin, en 1851, elle atteignait le chiffre de 19,668 balles, environ 3,000,000 de kilogrammes. Ce développement rapide de la production durant ces vingt années ne paraît cependant , au dire des hommes compétents , avoir été accompagné d'aucun progrès réel dans la qualité de ces laines. D’après ces résultats, la commission pense que : 1° Les moutons du Cap qui ont fourni leséchantillons envoy — 451 — par M. le consul de France viennent de Mérinos exportés de France et d'Allemagne. 2e Le climat ou les conditions dans lesquelles se trouvent les Moutons au Cap paraissent avoir altéré les qualités de leur race originelle et fait dégénérer leurs toisons. 3° Par conséquent, il n'y a aucun intérêt à tenter l’acclima- tation en France de ces Moutons, d’une qualité inférieure à celle des nôtres. La commission vous propose donc de répondre en ces termes aux questions que M. le ministre a bien voulu nous adresser : 1° Il serait, sans aucun doute, possible d’acclimater en France les Moutons que l’on élève dans la colonie du Cap. 2° Hiny à aucun intérêt réel pour nos agriculteurs et nos manufacturiers à tenter cette expérience. 3° La Société est cependant heureuse de constater le zèle éclairé qui a porté M. le consul de France au Cap à fixer l'at- tention de M. le ministre sur une question importante, et à don- ner ainsi une nouvelle preuve de son devoüment au bien public. Les conclusions de ce rapport sont adoptées, et la Société décide qu’une copie en sera immédiatement adressée à S. E. M. le Ministre des travaux publics, de l’agriculture et du com- merce. — 452 — DU CHAMEAU D'AFRIQUE, LETTRE ADRESSÉE À M. LE PRÉSIDENT BE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION, Par M. le Général DAUMAS, Paris, le 5 décembre 1854. MONSIEUR LE PRÉSIDENT, Il s'est passé peu de jours, pendant mes seize années de rési- dence en Algérie, où je n’aie consigné dans des notes, souvent écrites en courant, le résultat de mes investigations sur les hommes et les choses de ce pays. L’Arabe est peu causeur de sa nature ; il est, en outre, très méfiant, et ce n'est qu’en y appor- tant la persévérance la plus opiniätre que l’on parvient à le faire discourir Sur sa croyance, sur sa manière de vivre, sur ses COn- naissances générales ou spéciales, en quelque matière que ce soit. Mais, plus les Arabes avaient envie de se taire, surtout avec un chrétien, plus je m'efforçais de mettre d'adresse et d'ob- stination à les interroger : car une étude approfondie du peuple vaincu me paraissait indispensable, si nous voulions faire tour- ner au profit de notre domination et ses défauts et ses qua- lités. C’est en agissant ainsi que j'ai pu publier quelques mo- destes ouvrages sur l'Algérie, faits non avec des livres, mais avec des bibliothèques humaines assez difficiles à feuilleter. C'est encore de cette manière que je me suis mis en possession des renseignements que je prends la liberté de vous adresser aujourd'hui sur la vie du Dromadaire. Sans aucun doute, ils ne sont point aussi complets que je l'aurais désiré, mais enfin, tels qu'ils sont, je m'estimerai très heureux s'ils peuvent ap- porter quelque lumière dans l’importante question de l'acclima- tation du chameau en France, question dont paraît vouloir s'occuper la haute société que vous présidez. er Le — A53 — Toutefois, il est bien convenu que je n’entends, en aucune facon, me rendre le défenseur des idées bonnes ou mauvaises, des vérités, des erreurs ou des préjugés, qui sont consignés dans ces notes; comme par le passe, je reste le narrateur fidèle de ce que j'ai vu et entendu. Voilà tout. Ceci vous expliquera aussi, M. le Président, pourquoi, toutes les fois que je l’ai pu, j'ai conservé à mon récit la couleur locale; vous ne m'en blà- merez pas trop, si vous voulez bien vous rappeler, en me lisant, que ce n'est pas le général Daumas, mais tout simplement un Arabe, qui parle. J'entre en matière. LE CHAMEAU (1) Le Prophète a dit : « Les biens de ce monde, jusqu’au jour du jugement dernier, » sont noués au toupet de vos Chevaux, » Les Moutons sont une bénédiction, » Et le Tout-Puissant, en fait d'animaux, n’a rien créé de » préférable au Chameau. » Le Chameau est le vaisseau du désert; Dieu a dit : _« Vous pouvez charger les marchandises sur les barques et » sur les Chameaux. » Mais, comme dans le désert il y a peu d'eau et de grandes distances à franchir, c'est pour cela que le Tout-Puissant leur à donné la possibilité de supporter très facilement la soif. En hiver, ils ne boivent jamais. Le Prophète a souvent fait les recommandations suivantes : « Ne poursuivez jamais de propos grossiers ni le Chameau, 2 2 ———————_—_—_— ———————————_—_—_— (1) Je n’ignore pas que cette dénomination n’est pas celle que la science donne à cet animal, qui est le Dromadaire ; si j'ai conservé l'appellation de Chameau, c'est parcequ'elle est la seule qui soit en usage en Algérie. D'ail- leurs le mot arabe Djemel s'applique aussi bien au Chameau qu'au Droma- daire, » ni le vent : le premier est un bonheur pour les hommes, et le » second est une émanation de l'âme de Dieu. » Les Chameaux sont les plus extraordinaires de tous les ani- maux, et cependant on n'en voit pas de plus soumis, à cause de leur fréquentation avec les hommes; leur habitude de doci- lité est telle qu'on en a vu suivre un rat qui, en la rongeant, tirait sur une corde enduite de beurre, avec laquelle on les avait attachés. C’est Dieu qui l'a voulu ainsi ! Sans tirer des conclusions immédiates de tous ces apo- phthegmes, on voit déjà que le Ghameau est l'animal le plus utile créé par Dieu pour les besoins de l’Arabe. Montrons d'abord ce qu'est le Chameau depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Acceptons aussi ce que les Arabes disent sur cet animal dans leur langage tantôt poétique et tantôt trivial; qu'importe, si ce qu’ils disent peut mettre sur la voie de renseignements utiles ou nouveaux ? L'YBEUL. On appelle Fbeul un troupeau de cent Chameaux, et il n’est pas rare de voir des Arabes riches posséder deux à trois Fbeuls, c'est-à-dire de deux à trois cents Chameaux. Un Ybeul renferme trente-cinq à quarante Chamelles (naga), deux Chameaux destinés à la reproduction (faâl); quant aux autres, ils sont impitoyablement bistournés ou châtrés. LE FAAL. , Les faäl ne sont jamais employés comme bêtes de somme ; on les choisit autant que possible d’une robe sans mélange, tout noirs, tout bais, tout blancs ou tout gris; l'œil grand et noir, hauts de taille, bien membrés, la bosse forte , l'encolure longue , le poitrail large , le kuerkuera (1) bien saillant , et on en à le plus grand soin. (1) Le sternum. Ru — À55 — Avant de s'en servir, il faut qu'ils aient prouvé, dans plu- sieurs voyages, leur force, leur vigueur, et surtout leur sobrié- té. Cette dernière condition est indispensable; on ne fera ja- mais un étalon d'un Chameau qui ne peut supporter la faim, ce qu'on reconnait quand il s'arrête ou se fait pousser et sue beaucoup ; on l'appelle alors nezaf. Il est rare aussi que l’on consacre à la reproduction un Cha- meau avant l'âge de cinq ou six ans, il faut qu il soit dans toute sa force. DE L'ACCOUPLEMENT. Le faäl entre en rut dans le second mois de l'hiver ; il fait entendre un bruit extraordinaire en sortant le pharynx : on dit alors le faâl ihydje. 11 ne ressemble en rien aux mâles des au- tres animaux. Îl suinte, il écume, il beugle, il lui sort de la bouche comme une vessie de chair, il ne veut plus manger, il perd son ventre, il est souvent en érection, et, comme il urine toujours en arrière , il pisse souvent sur sa queue. Le faâl en rut devient tellement méchant que son maître ou son berger seuls peuvent l’approcher, et, si par hasard, mal- gré les précautions minutieuses qu’on prend, il vient à sc ren- contrer avec un autre faûl, il fait craquer ses dents et lui livre un combat furieux. Si l’on ne parvient pas à les séparer à coups de bâton, ils se font des blessures épouvantables, et il n'est pas rare de voir l’un d'eux mourir avec la colonne cervicale ou vertébrale cassée. Or laisse le fa4l dans cet état pendant cinq ou six jours, en avant soin de l’entraver pour éviter les accidents. Puis, quand ilest bien préparé, on commence à lui livrer les Chamelles ; mais, pour le ménager, on ne lui en donne qu’une par jour, et on choisit celle-ci parmi celles qui sont le plus en chaleur, ce qu'on appelle mysseur. On la lui amène , on lui ôte ses entra- ves , il se précipite sur elle, lui met son cou sur le sien, et la force à s’accroupir (comme quand on charge les Chameaux). Alors il s'étend de toute sa longueur sur le dos de la Chamelle, ses yeux brillent d'un éclat extraordinaire, l'écume lui sort de — 456 — la bouche , et il reste long-temps dans cette position. L'acte de la copulation terminé, il se relève, la Chamelle en fait autant, et on lui remet les entraves. Le faäl, disent les Arabes, est véritablement noble. Ils en trouvent la preuve dans ce fait, qu'il repousse énergiquement toute alliance avec sa mère ou sa sœur. Pour tromper un Cha- meau , on lui présenta un jour sa mère couverte avec des étof- fes de laine de la tête aux pieds ; mais la ruse ne réussit nulle- ment. Après s’en être approché, il la reconnut; alors il se dé- chira avec ses dents, et, furieux, se précipita sur l’auteur du stratagème et le tua! Ce conte, très répandu dans le désert, prouve, suivant moi, que, dans l’accouplement, la consangui- nité est partout impitoyablement repoussée. Un faäl ne monte pas plus de 40 à 50 Chamelles dans une saison. Si on lui en donnait davantage, on risquerait de le rui- ner. Vers le milieu du printemps passe son rut (ydjefeur,, ct alors il se met à manger avec une voracité inconcevable, pour réparer ses pertes et se refaire de sa longue abstinence. JALOUSIE DU FAAL. Lorsqu'un troupeau est à paitre, les Chamelles se dispersent à droite et à gauche, et le faäl qui est en rut, déployant une grande jalousie, les surveille toutes de l'œil, et, si l’une d'elles vient à s'approcher de l’un de ces mäles destinés à porter seu- lement des fardeaux, que l’on a appelés aäzeri (domestiques), il se précipite sur elle, la mord, la bat et la rappelle à l’ordre. C'est absolument comme un coq avec ses poules. Le faäl vigou- reux prend un tel ascendant sur les autres Chameaux du trou- peau que ceux qui portent les fardeaux, adzara, quoiqu'au milieu des Chamelles en chaleur, n’osent pas s’en approcher, et, disent les Arabes, n’'osent même pas les regarder, Si l’un. d’eux cherchait à usurper ies droits exclusivement réservés au faäl, 11 supporterait immédiatement la colère de ce dernier et recevrait l& punition de son audace. C'est bien autre chose quand deux faäl viennent à se ren- + — 457 — contrer. Cependant on à remarqué que toujours l’un d'eux re- connaît la puissance de l’autre et lui cède le terrain. AMOUR DE LA CHAMELLE POUR LE FAAL. La Chamelle qui a été montée a conçu un tel amour pour le faäl qu’elle ne veut plus le quitter. Cet attachement singulier est bien plus fort chez les jeunes Chamelles que chezles vieilles. DE LA GESTATION ÆT DE LA PFARTURITION. La Chamelle porte douze mois: elle met bas à peu près vers la fin de l'hiver. Dans cet état , on l’appelle legha ou aâcher«. Les Arabes en ont soin, ils la ménagent beaucoup ; il n’y a que les pauvres qui la chargent comme d'habitude, et encore ont- ils l'attention de ne plus le faire un mois au moins avant le part. _Les avortements sont communs. Un berger qui par sa faute a laissé une Chamelle avorter, ou un Chameau s’estropier, est obligé d'en payer le prix. La Chamelle ne met jamais bas qu’un seul petit. On lui donne souvent le mâle immédiatement après le part; et, si elle conçoit, le petit qui est déjà né prend le nom de ould aâchar. Souvent, cependant, on est obligé d'attendre jusqu’à l'hiver suivant pour lui donner le mâle ; cela dépend de son état. Une Chamelle qui reçoit le mâle après le part, et qui conçoit, est très estimée ; c'est une source de richesse ; on dit d’elle : « Naga kuessab khèr min fareus saâdi. » « Une Chamelle fertile vaut mieux qu'un cavalier heureux » pour le butin. » SOINS A PRENDRE APRÈS LA PARTURITION. Aussitôt que la chamelle a mis bas, on la couvre avec soin depuis la bosse jusqu'à la queue. Son petit prend le nom de haouar ; on le couvre aussi, mais en entier, et avec la précau- tion de pratiquer dans la couverture une fente pour faire passer la bosse, ce qui doit la faire pousser droite et non penchée. La — 458 — Chamelle ne va plus au pâturage; pendant sept ou huit jours, on la fait coucher auprès de la tente sous laquelle on abrite son petit à cause du froid. On lui apprend à téter ainsi : un homme se graisse le doigt avec du beurre chaud, et le lui introduit dans la bouche; le petit se met à sucer ; on le porte alors sous la Chamelle. 11 tète au bout de quelques leçons, et continue après tout seul. Pour éviter les accidents qui pourraient arriver au petit les premiers jours de sa naissance, il y a des Arabes qui poussent l'attention jusqu’à le mettre dans un sac gherara (sac à porter les fardeaux), enveloppé jusqu'à l’encolure, la tête seule de- hors, et le placent ainsi près de sa mère. La Chamelle aime beaucoup son petit, et cependant il faut d'autant plus de précaution pour le lui présenter à la mamelle qu'elle est plus jeune. Au bout de sept ou huit jours, on peut renvoyer la Chamelle et son petit au pâturage; plus tard le jeune Chameau apprend de lui-même à s’accroupir ; quand il voit sa mère le faire, il suit son exemple. NOMS DU CHAMEAU A SES DIFFÉRENTS AGES. Le petit de la Chamelle tète sa mère pendant le printemps et l'été ; dans l'automne et l'hiver qui suivent, il ne peut plus la téter qu’un peu le matin et le soir. On commence alors à traire la Chamelle pour les besoins de la tente. Pour empècher le pe- tit de téter sa mère pendant les derniers mois, on met à cette dernière un filet aux mamelles, lequel vient se nouer sur ses reins ; ce filet s'appelle chemäl. Quand on veut enfin sevrer tout à fait le jeune Chameau, on le met dans une autre tente, ou dans un autre troupeau : au bout de vingt à vingt-cinq jours; il oublie sa mère, et le lait de celle-ci passe. Le petit, ainsi sevré, prend le nom de mekhreloul ; il va pai- tre avec les Cautres hameaux, on ne le tond pas encore: il aun an. A deux ans, on l'appelle ould el boun : on commence à le tondre. — 459 — À trois ans, on l'appelle djedäa ; on le tond, et les gens pau- vres qui n’ont pas le temps d'attendre commencent à le char- ger légèrement. A quatre ans, on l’appelle heuy : tout le monde peut le char- ger, pauvre ou riche. A cing-ans, on l'appelle arbaa, ou bien el goôud : c'est un chameau fait. La Chamelle se nomme bekra. A six ans, on l’appelle définitivement djemel : on peut en faire un faäl. Les Chamelles sont plus estimées que les Chameaux, cela se comprend; celles qui sont stériles prennent le nom de ferougça. Des soins que demandent les Chameaux. Médecine usuelle. « Maiaarefc hi lel behairé tob Ghèr li rebbah. » « Ne connaissent la médecine des chameaux que ceux qui » en ont élevé. » COMMENT ON RECONNAIT L'AGE DU CHAMEAU. Les Arabes du Sahara prétendent très bien connaître l’âge du Chameau par ses dents. Ils disent qu'il vit long-temps; ils ne peuvent donner des renseignements précis, mais ils le peignent de cette manière : un Chameau naît le même jour qu’un en- fant , et il est vieux quand cet enfant s’est déjà fait connaître par son courage dans les combats; ce qui suppose 18 à 20 ans. LES CHAMEAUX AU PATURAGE. Les Chameaux demandent beaucoup de soins et une grande expérience dans leur conduite. Toutes les fois qu'on le peut on fait paître les Chameaux mâles séparément des femelles. A dater du 15 avril on n'envoie plus les Chameaux âu pâtu- I 32 — À60 — rage qu'après midi, parceque alors on a remarqué que l'herbe est couverte d'une rosée (Veda) qui deviendrait la source de maladies mortelles. On fait aussi attention à ce que les Chameaux ne mangent pas dans les douars l'herbe qui reste, le matin, de la pitance don- née aux chevaux pendant la nuit; on doit prendre ces précau- tions pendant un mois et demi ou deux, jusqu’à ce qu'il n’y ait plus de rosée. Pendant l'hiver entier, la fin de l'automne et le premier mois du printemps, on peut laisser manger des arbustes salés aux Chameaux, ils s’en trouvent bien; mais, au commencement d'a- vril et à la fin de mai, on ne doit leur permettre que pendant cinq ou six jours seulement. Voici la nomenclature des arbustes et des site dont se nourrissent habituellement les chameaux ; beaucoup sont con- nus, d’autres ne le sont pas; mais, pour faciliter les recherches je donne en arabe les noms de ces derniers : Nourriture du Chameau. ARBUSTES, Ed-djefen. Radix vitis. ot El-guezahh. Seminis cepæ. 20) Ez-rit. Oleum olivarum. cas) El-belbal. » JU} El-igthn. jo uk) El-ghâres. » Lo) El-guethof. Androsœæmum. kU} En-nasi. Cardui species. ee) Es-saliän. Herbæ seu oleris species. Qlalal}i Es-sefar. Herbæ spinosæ. jJluali Er-regui. » 5n) El-koupbar. »” AA En-nagad. Ech-chabrag. Teskir. EI-fil. Ed-djelàb. El-ferou. El-djad. Et-bethom. Larth. Es-sad. El-alned. Lazal. El-merakh. Er-râbi. Et-tafegh. Er-reteum. Es-sedra. El-gueteum. Et-tharf. El-kelokh. El-arfedj. Ed-djedar. ÆEl-karteum. Æl-meker. El-yanthite, Yathi- thar. El-hadj. El-zateur. El-khorchef. Zeboudje. El-dereuf. — 461 — Anthemis. Planta rubros fructus habens et rubrum lignum quocum san- guis occisorum comparatur. Hyoscyamus. Terebinthus. Cyperus. » » Cynanchum viminale. » » Genista frutex. ZLizyphus lotus. » Tamarix. » Arboris spinosæ species. Nomen herbæ crescentisin are- nis. Herniaria, » » » Artichauts sauvages. Oliviers sauvages. » El-kuertem.. Ed-doum. Tiguenteuse. El-nedjil. EI-koddar. Chihh. EI-kuesob. El-guetof. El-oussera. El-adjerem.. El-karneb... El-bedjig. El-heulm. Er-reguigue.. Es-samhari. Ticheret. Ed-demrâne.. El-bageul. Ed-drine. Er-reumt. El-chegäa. Ez-zafzaf. El-mrar. Es-seleuse. El-hama. El-mechith. El-kheud. El-garthoufa. El-guelgeläne. El-guiz. PLANTES (EL-44acnes). Brassica. » Herba arnoglossa albicans foliis et lanuginosa. (] Olus, speciatim portulaca.. » » » Zizyphum. Absynthum. Cardui species. » Polypodium crenatum. » Olus. Dolichos cuneifolius. ». — 463 — Lezoul. » Ech-cheliath. Et-ghebir. El-kuikoute. Etaarich. Oudene-en-nadjh. Liedene. » Réellia Guttata. » | Scabiosa. Mot à mot : Oreille de brebis. » El-ademe. | Zizemia. El-ksibeur. » El-khebir. Malva. Dil-cl-far. | Mot à mot : Queue de ra. Eü-delnef. » El-khanfeur. » Afli. » El-halfa. » Hamimeuch. À » Ben naamän, { Coquelicot. Él-bine. » El-harmel. | Pegamem harmala. En-neguig. » Sor. » El-adjerem. ÿ El-kerat. » En-netil. » El-metnän. ” El-melahh. n” Ét-tâlem. » El-mäk. » Bou-nagat. » Deubal. » Él-añkuif. » El-ouchäm. Plantæ germen. Anthemis. ] La patte du corbeau, El-guehouan. Sag:cl-gherabe. — A64 — El-khemoun. Cuminum. owefti El-reguime. Malva. ex) El-mourar. Species arboris seu plantæ ama- bi ra (sic). Aïhiän. » ul El-bibache, | » Li Ech-cherirah. » 527) j Ez-zagzag. D" hs) Elhhar. » 26 El-haref. » Gyr4 El-kerkaz, » ELA Ed-djémir. Ficus sycomorus. pere Boü kharis. » VU » En-nedjem. Nomen plantæ (sic dans le dic- ei) tionnaire). Es-sigue. » ciual) Es-senagh. » md Lella. » mic Eläzir. » y} Drâa. » QUAND LES CHAMEAUX DOIVENT BOIRE. On doit faire boire les Chameaux tous les trois jours enété et enautomne. En hiver, ils ne boivent jamais, à moins qu'il ne fasse chaud, et, dans ce dernier cas, tous les huit ou dix jours. Daus le commencement du printemps il ne boivent pas ; à la fin ils: boivent tous les trois jours: cela dépend de la quantité des pâturages et de leurs qualités plus ou moins aqueuses. _ H ne faut pas non plus, depuis le mois d'avril jusqu’à l’au- tomne, faire boire les Chameaux dans des mares (ghedir) : cette eau.croupie est la cause de maladies graves, el ghodda , el théan, etc., ete., que leur évitera l’eau limpide. DE LA CASTRATION: Les gens riches font castrer, dans leurs troupeaux, les Cha- — 465 — meaux destinés aux voyages, et cela pour se débarrasser de l'ennui qu'ils leur causent quand ils sont en rut. Cette opération se fait ordinairement avec une faucille rou- gie au feu. On fait sortir le testicule par une raie de feu sur la peau; puis on coupe encore le cordon suspenseur par une au- tre raie de feu. Cette opération , qui réussit généralement, n'est cependant pas sans danger. On ne doit pratiquer cette opération ni par les temps froids, ni par les grandes chaleurs. Le Chameau châtré prend le nom de zouzäl. GOUDRONNAGE DU CHAMEAU. Chaque année, après la tonte des Chameaux, on les gou- dronne, grands et petits, deux fois pendant le printemps et une fois en été. Cette opération a pour but de les préserver de la gale ; et, si on ne la praliquait pas, disent encore les Arabes, le tiers du troupeau mourrait, car il se fait alors (au printemps) un travail dans le sang et dans la peau. Quand un chef de tente veut goudronner ses Chameaux, tous ses voisins, sur son invitation, viennent l'aider. On fait cou- cher les Chameaux , on leur serre la lèvre inférieure avec une corde, et on les enduit de la tête aux pieds. Cette opération est terminée dans la même journée. Le goudron est liquide ; on le mêle avec du leben, lait aigre. On fait du goudron dans presque tous les kuessours du dé- sert; celui qu'on fait avec le faga vaut mieux que celui qui pro- vient du aârare. Une peau de bouc de goudron, de vingt-cinq litres à peu près, vaut un douro d'Espagne {5 fr. 40 à 5 fr. 60). DE LA PURGATION. C'est à l'époque de la tonte et du goudronnage qu’on purge ordinairement les Chameaux. On prend une livre de beurre rance (deheun), on la fait bouillir dans un pot, on la mélange de trois ou quatre œufs, puis on y ajoute de la laine en suint. On retire la laine, on fait — 466 — avaler aux Chameaux la potion, et l'on obtient ainsi une vio= lente purgation. MALADIES DU CHAMEAU. Les maladies principales du Chameau sont : El Ghredda. maladie interne ; Bou Chelalle, maladie interne et pissement de sang ; Tehan, maladie interne ; El Djereub, la gale ; Et les blessures du garot. On dit aussi que, s’il vient à manger de l'herbesur laquelle on à répandu du sang, il meurt inévitablement. Il est encore généralement reçu que, si une femme avait des relations avec son amant au milieu d'un troupeau de Chameaux, pendant la nuit, ces Chameaux tomberaient tous malades et périraient en partie. C'est ce qu’on appelle El Nedjeuss. EL DEBAB. El Debab sont des mouches très grosses qui paraissent à la fin d’avril et dans le mois de mai; quand elles s’attachent aux animaux, elles leur font des piqüres tellement sanglantes, telle- ment douloureuses, qu'ils en deviennent comme fous et contrac- tent quelquefois des maladies mortelles. Les Chameaux redoutent beaucoup les debab ; aussi prend: on toutés les précautions imaginables pour les en préserver. Voici la plus efficace : La tribu réunit tous ses douars, afin d’a- voir une grande quantité d'animaux dans un petit espace, ce qui divise les debab à l'infini et les rénd moins dangereuses (Tedjenäd). Si, par hasard, on est en route dans la saison des debab , on n’a pas d'autres moyens pour s’en débarrasser que de les chas- ser avec la fumée de petits feux que l'on allume autour des cha- meaux. Les debab sont inconnus au delà de Laghouate et des Oulad- Sidi-Chikh, — À67 — De l'utilité du Chameau, du parti qu’on en tire. DE LA TONTE ET DE L'EMPLOI DU POIL. C'est vers la fin d'avril que l’on #ond les Chameaux. On s’y prend de la manière suivante : on les fait coucher, puis les négresses et les bergers opèrent avec un couteau bien tranchant, tandis qu'une femme est derrière eux pour ramasser le poil (ET Oubeur), qu'elle met dans des sacs. Cette opération demande assez de temps. ET Oubeur sert pour faire des étoffes de tentes , des cordes de Chameaux, des sacs nommés Gherara, des couvertures pour les chevaux (Djellale). On mêle presque toujours El Oubeur avec la laine ordinaire. DU CHAMEAU COMME BÊTE DE SOMME. La charge ordinaire d’un Ghameau est de deux tellis de blé (250 kil. environ). Si son conducteur ne le pousse pas, il peut marcher depuis la pointe du jour jusqu'au coucher du soleil, à la condition en= core qu'il puisse, allongeant le cou à droite et à gauche du che- min, grapiller l’herbe et les arbustes à sa portée. Le Chameau fait de cette manière à peu près dix à douze lieues par jour , el il faut, tous les cinq jours, lui donner un jour de repos. Dans le désert, on loue les Chameaux non à tant la journée, mais à tant le voyage, pour l’aller et le retour, suivant la di- stance , par exemple d'El-Biod des Oulad-Sidi-Chikh au Beni- Mzab (50 lieues environ), deux ou trois douros, et du même point à Timimoun, six ou sept douros. DE LA CHAIR DU CHAMEAU. Le savant Monalef à écrit quelque part que notre seigneur Jacob avait défendu de manger la chair du Chameau, parcequ’en ayant goûté, 1l s'était senti transporté de désirs inconnus pour les femmes. Ben-Zoubir à dit : « La viande du Chamean augmente la vigueur de l'homme, son urine dégrise les gens ivres, son poil réduit en cendres arrête — À68 — les hémorrhagies, et ses poux (Guerade), placés sur les vête- ments d’un amoureux, lui Ôtent son amour.» Quoi qu'il en soit, les Arabes mangent la chair du Chameau ; on ne le saigne cependant que quand il a une jambe cassée ou quand il estmalade : car il est très rare de voir tuer un Chameau bien portant. On sale aussi sa chair ; on la fait sécher au soleil, et on la conserve comme provision pour les voyages. On appelle cette viande sèche El Khelea. On comprend l'amour, la vénération, que les Arabes du Sa- hara ont pour les Chameaux. « Comment, disent-ils, ne les aimerions-nous pas ? Vivants, ils nous portent, nous, nos femmes, nos enfants, nos bagages et nos provisions, du pays de l'oppression dans celui de la liberté ; les poids dont on peut les charger sont énormes , les distances qu'ils parcourent considérables : c’est assez dire qu'ils favorisent les relations commerciales et se rendent utiles à la guerre. Grâce à eux, nous pouvons, tant qu’il nous plaît, changer de campe- ment pour trouver de nouveaux pâturages ou fuir nos ennemis. Nous buvons le lait des Chamelles, qui est encore précieux dans la préparation des aliments et pour atténuer les effets pernicieux de la datte. » Morts, leur chair sera partout mangée avec plaisir ; on en recherchera partout la bosse (deroua) comme un mets délicieux. Leur peau sért à faire des chaussures; mouillée, puis cousue sur l’arçon de la selle, elle lui donne , sans le secours d’un seul clou, d'une seule cheville, une solidité à toute épreuve. Enfin, leur sobriété et leur résistance à la soif et la chaleur en permet- tent l’entretien au pauvre comme au riche. Ils sont vraiment le bien de Dieu ; il a fait : El Kheïill el Bela, El Brgeur lel Fekeur , El Ybeul lel Khela ; Les chevaux pour la dispute, Les bœufs pour la pauvreté, Les chameaux pour le désert. — 469 — Maintenant, peut-on acclimater le Chameau en France? Telle est la question que j'ai dù me poser comme conclusion de tout ce qui précède. Pour la résoudre, cette question, je viens encore de consulter un Arabe fort intelligent, en ce moment de passage à Paris. Il se nomme Abd-el-Kader - Ben-Khatir et ap- partient à une tribu. considérable de la province d'Oran, à la tribu des Zemalas. Voici ce qu’il m'a répondu : « Je crois très difficile en France l’acclimatation du Chameau. » Le Chameau aime les terres sablonneuses et chaudes. Il fait les terres humides el marécageuses. » Le Chameau veut le large; vos propriétés me paraissent bien morcelées, et ceserait le tuer que de l’enfermer. » La France ne me paraît pas non plus posséder les arbustes salés et les plantes que le Chameau mange en Afrique. Mais, en supposant même qu’elle les possédat , le Chameau pourrait-il, quand il voyage, s'amuser à glaner partout, à droite et à gau- che, le long de la route? Evidemment non: vos lois et la divi- sion de vos terres s'y opposeraient d’une manière invincible. » Vos fourrages remplaceraient-ils avec succès la nourriture variée que le Chameau trouve chez nous ? Je ne le crois pas. » Et enfin le Chameau craint le froid. La terre est chaude en Algérie et le froid n’y dure pas. En Algérie, chaque état de température est de trois mois; en France, le temps ne se fait pas, et les saisons y sont souvent interverties, » Telle est la pensée d'Abd-el-Kader-Ben-Khatir : J'ai l'hon- neur de la transmettre à la Société zoologique d’acclimatation , en abandonnant à ses méditations et à sa haute expérience le soin de décider si l’on peut trouver en France les conditions de température, de nourriture et d'espace que demande le Cha- meau en Afrique. Veuillez agréer, Monsieur le Président, la nouvelle expres- sion de ma haute considération et de mon entier dévoment. Le conseiller d’état, directeur des affaires de l'Algérie, membre de la Société zoologique d'ac- climatation, G* E, DAUMAS. = 410 — SUR DIVERS ANIMAUX DOMESTIQUES D'ARABIE, DE SYRIE ET DE NUBIE, LETTRE ADRESSÉE A M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION, Par M. ANTOINE D'ABBADIE, MEMBRE CORRESPONDANT DE L'INSTITUT. {Séance du 22 décembre 1854.) Urrugne (près Béhobie), 13 décembre 1854 MoN cher COoNFRÈRE, En lisant la notice si intéressante sur l’'Hémione, j'aiété frap: pé de voir que les anatomistes regardent l’Anc comme impropre à la course. Je voudrais, du moins pour l'Arabie, qu’on le re- gardât comme excellent dans la course de longue haleine. En 1839, j'allai par mer de Moka à Hodaydah, dans la mer Rouge. Ibrahim-Pacha fit le même trajet par terre sur un baudet de l'Oman qu'il avait payé 310 francs, et qui acheva la traite, ne dit-on, en 24 heures, après avoir distancé toute la cavalerie du pacha, dont deux chevaux seulement entrèrent avec lui à Hodaydah pour y expirer de fatigue. Je vis, au lendemain, l’Ane du pacha piaffant et brayant sur tous les tons âvec un de ses pareils. Il était impossible de trouver ane bête plus élégante ni plus coquette. Il semblait attendre poliment, tout en remuant les oreilles et en frappant la terre, que son interlocuteur eût achevé son braiment, j'allais dire sa phrase. Ces Anes, célèbres en Arabie, sont quelquefois importés en Égypte, et particulièrement au Caire; mais on m'assura qu'ils pérdaient beaucoup de leur feu en arrivant dans le climat plus froid d'Alexandrie. Néanmoins, je voulais en emmener en France pour perfectionner nos mulets, quand j'ai cédé aux — 471 — désirs de mon frère en achetant des chevaux, qui sont chez moi et qui ont produit trois élèves J'ose appeler l’attention de la Société sur les Anes arabes : ear, à ce qu’il semble, personne ne songe à améliorer nos baudets. Vous connaissez ces Chèvres Zubaydah au nez de travers, aux dents apparentes comme chez le bouledogue, dont les Nubiens gardent soigneusement la généalogie, tout en les vendant au Caire, et qui sont précieuses parcequ'elles donnent par jour trois kilogrammes de lait. Jeregretterai en passant que nos agro- nomes , qui mesurent le lait, n'aient pas songé à le peser en même temps. Quoi qu'il en soit, ils me paraissent dédaigner la Chèvre en France ; mais, le lait de brebis étant, je crois, la base du fromage de Roquefort, ne devrait-on pas s’enquérir des Bre- bis de Syrie, qui, sur de maigres pâturages, fournissent aux Arabes jusqu’à 3,200 grammes de lait, en supposant qu il s’a- gisse ici du rati du Caire, égal à 430 grammes? Cette race de Moutons n’est pasla seule que renferme l'Ara- bie : car on a vendu à Jiddah une toison venue de l’intérieur et bien comparable à celles de l’Abyssinie, cueillie sur les Mou- tons du Kollo, et dont les plus beaux brins ont jusqu’à 144 cen- timètres de long. Mais en voilà assez de mes indications de voyages. Tout en travaillant à ma-carte d'Abyssinie , je me borne ici à élever mes deux races de Cochons anglais pour relever la renommée des jambons de Bayonne, et je tâche d'améliorer par elles-mêmes nos Vaches pyrénéennes, si bonnes à plus d’un titre, mais si peu laitières. Cette entreprise , si vulgaire, est fort difficile dans nos contrées ; mais je ne vous en ai tant dit que pour vous montrer le vif intérêt que je prends à vos travaux, et combien je serais heureux d'élever chez moi un de vos nouveaux animaux. Agréez, elc. Antoine D ABBADIE. — 17e — SUR LE ZÈBRE, Leitre adressé à M. Geoffroy Saint-Hilaire, Membre de l’Institut, Président de la Société zoologique d’acclimatation, Par M. DUREAU DE LA MALLE, LD MEMBRE DE L'INSTITUT, DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D’'ACCLIMATATION, ETC. Monsieur le Président, Je pense que le père Martin Sarmiento, qui a donné des renseignements sur le zèbre à M. Ramon de la Sagra, pouvait être un homme très zélé pour le progrès de son pays, mais il n’était pas naturaliste. Il reproche aux Galiciens « d'avoir dé- » truit et laissé disparaître les nombreuses bandes de Zèbres qui existaient dans l’état sauvage, à une époque reculée, » dans les montagnes élevées qui portent encore le nom de » Zébrero, dérivé de Zèbre. » La chaîne à laquelle appartiennent ces montagnes sépare » l’ancien royaume de la Galice de celui de la Castille et de » Léon. » Ce moine, d’après le nom de Zébrero, aura cru que le Zèbre existait dans le nord de l'Espagne, et tout son système s'appuie sur une assimilation de nom. Il ne dit pas avoir vu ces bandes innombrables de Zèbres. Je pense et je crois que tous les natu- — 473 — ralistes sont du même avis, que le Zèbre est indigène du sud de l'Afrique. Le Zèbre, equus zebra, dit Lesson ( Manuel de mammalo- gie, pages 346-347), habite le cap de Bonne-Espérance et se plaît sur les montagnes. Une autre espèce, ou plutôt le mâle de cette espèce (equus zebroïdes : Frédéric Cuvier, Ménagerie, pages 346-347), est blanc; la nuque et le dos sont rayés de bandes alternativement noires et fauves, dont les plus larges sont noires. Une ligne occupe la longueur du dos; elle est noire et bordée de blanc. Il habite le cap de Bonne-Espérance, dans l'intérieur, et se tient de préférence dans les plaines. M. Ramon de la Sagra indique les zèbres comme entièrement sauvages et vivant par troupes et par bandes dans les monta- gnes de ce pays. Je ne terminerai pas cette note sans consigner ici un fait qui intéressera sans doute la Société. Je me rappelle nettement qu’en 1802, M. Correa de Serra, secrétaire perpétuel de l’A- cadémie de Lisbonne , étant alors à Paris, me dit que la reine Charlotte avait un équipage de huit Zèbres qui lui venaient du cap de Bonne-Espérance. Ces animaux étaient parfaitement domptés et doux comme des agneaux. M. Correa de Serra a vu cent fois la reine traverser, avec son équipage de Zèbres, la ville de Lisbonne, pour se rendre à ses résidences, situées à cinq ou six lieues de la ville. Mon digne ami M. le comte de Santarem, qui est heureu- sement beaucoup plus jeune que moi, m'a dit avoir reçu les mêmes renseignements de Correa de Serra dix ou douze ans après moi. Je crois donc qu'on peut espérer l’acclimatation et la domes- tication du Zèbre, comme le président de notre Société a obtenu celles de l’Hémione , au Jardin des Plantes. — 474 — PISCICULTURE. DE L'HYGIÈNE ET DE L'ALIMENTATION DES POISSONS NOUVELLEMENT ECLOS, Far M.F. POUUHET, MEMBRE CORRESPONDANT DE L'INSTITUT, DIRECTEUR DU MUSÉE D'HISTOIRE NATURELLE DE ROUEN. {Séance du 22 décembre 1854.) Ce qu'il faut absolument réaliser dans la pisciculture, ce ne sont pas des établissements dans lesquels chaque animal revient à son pesant d’or, mais ce sont des fabriques de poissons, de véritables piscifactures, dans lesquelles, ainsi que dans nos grandes usines, à l’aide de procédés économiques, on multipliera à l'infini les produits pour les distribuer au plus bas prix à la consommation. Tel est le problème dont les savants et les praticiens doivent se proposer de résoudre les difficultés. I ne faut pas que les pre- miers dédaignent le concours des personnes qui ne peuvent leur offrir que le résultat de leurs patientes observations; mais il ne faut pas non plus que les expériences fécondes que les natura- listes suivent attentivement dans leurs laboratoires soient amè- rement dénigrées par ceux qui, plus heureux, opèrent sur une vaste échelle : les expériences des savants , ainsi que les essais des praticiens, sont également appelés à élucider la question. Ces réflexions me sontsuggérées par la lecture d’une brochure dans laquelle un praticien des Vosges se livre à d’injustes atta- ques contre les expériences que l’on entreprend au Collége de France et à Huningue. Une question semblable ne se résout pas en un jour; il faut attendre, et bientôt on reconnaîtra, je n'en doute pas, quelle a été l'utilité de celles-ci, quels ont été leurs résultats pratiques. , De mon côte, moi aussi, Messieurs, je viens vous soumettre = = quelques résultats, qui, quoique obtenus dans un laboratoire , ne me semblent pas moins destinés à avoir sur la pisciculture en grand une heureuse influence. Sans me préoccuper de ce qui a été déjà dit sur cette matière, je vais traiter de deux sujets à l’égard desquels je crois parcou- rir une route presque inexplorée : je veux parler de l'hygiène des jeunes poissons et de leur alimentation. 1° DE L'HYGIÈYE DES JEUNES POISSONS. Depuis que mes appareils de pisciculture fonctionnent, jeme suis allaché à étudier les causes de la mortalité des jeunes pois- sons que l’on y produit, ensuite je me suis appliqué à décou- vrir les moyens d'y remédier, et je crois, dans l’un et l’autre cas, avoir réussi. J'ai commencé par faire une autopsie microscopique fort at- tentive de tous les sujets qui se trouvaient frappés de mort dans mes appareils, et sur chacun d’eux la cause de celle-ci est deve- nue évidente pour moi; et, en même temps que cette cause se révélait, elle indiquait le remède qu'on pouvait lui opposer. Lorsque les appareils sont exposés à l'air libre et que les poissons se trouvent assez développés pour qu’il faille leur don- ner de la nourriture, voici ce qui arrive. Les corpuscules qui flottent dans l’air et viennent tomber dans l'eau des bassins se rassemblent bientôt au fond de ceux-ci et y forment de petits flocons que le courant du liquide ou que les mouvements des poissons dispersent de place en place , en les enchevêtrant plus ou moins. À ces détritus atmosphériques se joignent quelques débris de nourriture et de nombreux filaments de végétaux mi- eroscopiques; enfin , lorsque la température s'élève au dessus de 10° centigrades, on voit naître, au milieu de ces flocons en- chevêtrés, des myriades d'animaux infusoires, dont ils devien- nent l'habitat de prédilection. Il est essentiel de noter que les plus grands soins de propreté ne parviennent pas à pouvoir obtenir l'enlèvement radical de tous ces détritus. On pourrait le faire si, en négligeant de donner I 33 — 476 — aux poissons un habitat en rapportavec leurs mœurs, on laissait le fond des vases sans cailloux; mais, lorsqu’au contraire on y met un cerlain nombre de pierres, les détritus s’amassent en flo - cons dans les interstices de celles-ci, la brosse n’y pouvant pé- néirer. Ces faits étant positivement établis, on reconnaît, d’un autre côté, que tous les jeunes poissons qui n’ont pas péri par vice de conformation ou par accident succombent par asphyxie : ils meurent étouflés. Leur autopsie, exécutée attentivement à l’aide du microscope, me l’a évidemment démontré. Tous suceom- bent par l'obstruction de leurs organes respiratoires par l’un de ces flocons de détritus de matières organiques dont nous ve- nons de parler. J'ai vu parfois de petits saumonss’'étouffer sous mes yeux quelques instants après avoir avalé un de ces amas, qui s'embarrassait dans leurs branchies. Lorsqu'on retire de l’eau le jeune poisson qui vient de suc- comber, on aperçoit facilement quelle a été la cause de sa mort. L'ouverture de la bouche est béante et toute la cavité buccafe est obstruée par un flocon noirâtre. Celui-ci, en s’insinuant entre les arcs branchiaux, a écarté les opercules, ce qui donne au derrière de la tête plus d'ampleur qu'il n’en possède sur le vivant. Avec une pince très fine, on peut facilement saisir dans les branchies le corps étranger qui les embarrasse; et si, après l'en avoir extrait, on l’examine avec un instrument grossissant, on reconnaît que l’on a exactement affaire à l’un de ces flocons qui se forment sous l’eau et s’insinuent dans les fissures des pierres : trop peu consistant pour être avalé, il a passé dans le tamis des voies respiratoires et l’a obstrué. Examiné plus attentivement au microscope, ce flocon nous paraît extrêmement complexe. Il se compose principalement d’un lacis de petites algues ayant l'aspect de filaments articulés, d’une extrême ténuité et appartenant au genre conferve. Quel- ques filaments de laine et de coton, produit des détritus qui voltigent dans l'atmosphère, se trouvent enchevêtrés dans ce lacis inextricable. Parfois aussi on y rencontre quelques fibres musculaires, mais beaucoup plus rarement. Enfin, cet amas de — ÀTT — végétaux rudimentaires nourrit déjà des légions d’animalcules microscopiques ; jy ai découvert ceux qui suivent, souvent assez abondamment : des Vorticelles, des Kolpodes, des Kérones. On trouve parfois aussi dans ce lacis confervoïde queiques parcelles de matière verte et des Diatomes. L'observation physiologique est venue confirmer tout ce que je viens d'avancer. Deux fois j'ai trouvé de jeunes saumons qui étaient expirants, couchés sur le flanc, et chez lesquels la vie ne se révélait plus que par de très faibles mouvements des opercules ; après les avoir tirés avec précaution hors de l’eau, je saisis de fines pinces et j'arrachai très délicatement le flocon qui obstruait la bouche, ensuite j'isolai ces animaux et je les observai. La respiration se rétablit peu à peu et la circulation reprit en même temps son cours; mais ce ne fut qu'environ une demi-heure après cette opération que les poissons reprirent leur situation normale, et ce ne fut que deux heures après qu'ils parurent jouir de la plénitude de leurs mouvements. Je me hâte de dire que ce moyen n'est qu'un complément expéri- mental, et que dans la pratique en grand il serait puéril de prétendre y songer. J'avais d’abord cru que c'était quelque végétal analogue au Botrytis bassiana qui envahissait les branchies de mes jeunes poissons : aussi je ne pensais pas pouvoir conjurer cet accident. Mais les dissections attentives que je fisau microscope me prou- vèrent immédiatement que les organes respiratoires de ces animaux étaient parfaitement sains, et que les végétaux que j'y rencontrai n'avaient pas la moindre connexion avec eux et se bornaient simplement à les obstruer. A posteriori, il ne pouvait donc y avoir de doute, puisque les flocons extraits des branchics étaient parfaitement iden- tiques, par leur nature, avec ceux que l’on rencontre flottants au fond de l'eau, et que d’ailleurs ils se trouvent composés d'êtres fort divers, bien définis et nullement parasites. ( Dia- tomes, filaments de laine, de coton, Kolpodes, Kérones, ete.) Ces diverses observations démontrent jusqu'à l'évidence quelle est la principale cause de la mortalité. Celle-ci bien — 478 — connue, on entrevoit facilement quel doit être le remède infail- lible qu'on peut lui opposer. Il faut adopter un système d'iso- lement qui place les jeunes animaux dans un milieu où ils ne puissent absorber les détritus qui les étouffent. Nous pensons être le premier qui y ait songé, et nous le pratiquons déjà avec un incontestable succès. Nous établissons notre système d'isolement en parquant les jeunes poissons dans des ruisseaux artificiels à double fond. Ce double fond est formé d’une claie en verre sur laquelle repose un petit lit de cailloux. Voici les avantages qu’offre ce système : 1° Il force les jeunes poissons à stagner dans un Heu qui est dénué des corps étrangers qui les étouffent. 2 Il offre une grande économie de temps pour les soins D propreté ou la distribution de la nourriture. 3° Enfin, il permet de distribuer sans crainte une nourriture plus abondante aux élèves. En effet, comme nous l’avons vu, les détritus de la nourri- ture et de l'atmosphère qui tombent au fond des bassins dé- pensaient toujours beaucoup de temps pour être enlevés, et y séjournaient souvent malgré des soins assidus. En employant désormais des claies en verre, on évite ce double inconvénient. A l’aide de ces claies, l’alevin recoit constamment une eau pure dans ses branchies, parceque par leur pesanteur les corpuseu- les atmosphériques et les restes d'aliments vont toujours se pla- cer au dessous de la région habitée par les poissons, en pas- sant à travers les espaces des baguettes de verre. Celles-ci of- frent même à ces animaux un corps dont la nature se rapproche de celle des cailloux sur lesquels ils aiment à résider. Le système d'isolement que nous employons se compose sim- plement d'un bassin moins profond et moins large que celui qui le reçoit, et dont le fond est formé par une claie en verre. Ce bassin est en quelque sorte suspendu dans l’autre; son fond est situé au dessus de celui de ce dernier à deux cemMinés tres environ, et il offre un centimètre de jeu de chaque côté, de manière à bien isoler les poissons du lieu où s’amassent les dé- — 479 — tritus, et en outre à permettre d'enlever facilement ceux-ci à certains moments. Les baguettes de verre doivent être assez écartées non seulement pour donner passage aux corpuscules qui tombent de l'atmosphère dans l’eau, mais aussi aux frag- ments de nourriture qui échappent aux jeunes poissons ; mais leur écartement doit être tel qu’il ne puisse jamais permettre le passage de l’un de ceux-ci. Je les tiens à deux millimètres d'é- cartement, au plus. J'ai remarqué que les jeunes Saumons et les Truites recher- chent avec constance les endroits où il y a des cailloux : aussi j'en place une simple couche sur la claie en verre, vers l’en- droit où l’eau arrive, et c'est là qu'on les voit se rassembler de préférence. Gette disposition laissant de nombreux interstices entre les pierres, on obtient ainsi deux avantages, celui de fa- voriser les goûts des jeunes élèves, et celui de permettre aux débris de nourriture ou à la poussière de passer dans l’inter- valle des cailloux. De cette’ manière j'obtiens toujours pour les poissons un ha- bitat parfaitement sain, et dont l'eau est tout à fait limpide, car si quelques détritus tomhent parfois sur une surface de caillou disposée horizontalement, les mouvements des poissons les re- jettent de côté et d’autre, et, bientôt engagés dans les intersti- ces, ils passent à travers la claie et tombent au fond du bassin inférieur. | Ÿ Un soin que j’observe encore dans mon appareil d'isolement, qui permet d’élever les poissons à l’aide de la moindre quantité d’eau, c'est de ne faire arriver celle-ci que goutte à goutte, tombant d’un peu haut, et non par jet continu, ayant remar- qué que l’ébranlement qui en résulte dans le liquide semble plaire aux jeunes poissons. Nous avons dit que l'un des avantages du mode nouveau-que nous nous proposons était d'offrir une grande économie de temps. En effet, lorsque les appareils se trouvent sous des hangars ou dans des appartements mal fermés, il advient que le fond en est bientôt sali, el il faut chaque jour un temps fort long pour nettoyer parfaitement les bassins, souvent même, après de pa- — 480 — üents efforts, il reste encore dans l’eau quelques parcelles de substances putrescibles. A l'aide du système que j'emploie le nettoyage est l'affaire d'un moment, et il s'exécute avec un tube de gomme élas- tique fixé sur un fil de fer recourbé. Ce tube, que l’on promène sur tout le fond du bassin en fonctionnant comme un siphon, enlève , en un instant, la couche de détritus qui réside dans tout l'endroit qu'il parcourt. Enfin pour contribuer à placer mes jeunes poissons dans les conditions hygiéniques les plus favorables, j’entretiens à la sur- face de l’eau quelques végétaux qui en augmentent la pureté par l’action chimique de leur respiration. Ce sont surtout des Callitriches que j'emploie à cet effet, et que je laisse flotter sur mes vases. Le système d'isolement que nous proposons a encore un avantage : c’est de permettre de distribuer sans crainte une abondante nourriture aux jeunes animaux, et par conséquent de les faire arriver à une taille plus considérable en moins de temps. Lorsque l’on élève de jeunes poissons dans des vases, on ne leur offre souvent qu'une alimentation assez précaire, et qui n’est pas en rapport avec leurs besoins : on craint, en leur dis- tribuant une trop abondante nourriture, que l’excédant de celle-ci n’altère la pureté de l’eau, et ne devienne une cause de mortalité. Il résulte de là que la jeune génération que l'on élè- ve reste affamée, et maigrit au lieu de prospérer. A l’aide du système que nous prétendons substituer au pro- cédé en usage, toutes ces craintes disparaissent. On peut dis- tribuer sans scrupule un excédant de nourriture à ces jeunes poissons. Les fragments d'aliments qu'ils ne saisissent point lors de leur trajet à travers l’eau passent immédiatement sous le double fond, et vont se précipiter dans une région inaccessi- ble aux jeunes animaux. Lorsque ceux-ci cessent de convoiter les aliments qui leur sont offerts, comme il devient inutile d’a- bandonner dans l'eau ce qui n'a point été dévoré, immédiate- ment on procède au nettoyage de l'appareil. ë — 481 — .… C'est à l'aide de ce système d'isolement que pendant deux mois j'ai élevé deux cents jeunes Saumons sans en perdre un seul. 90 DE L'ALIMENTATION DES JEUNES POISSONS. Ea scrutant attentivement les divers écrits qui ont paru dans ces derniers temps sur la pisciculture, on reconnaît que tous les points qui la concernent ont été élaborés avec le plus grand soin, et que déjà les travaux des savants peuvent guider avec assurance les personnes qui veulent se livrer à la pratique de cet art nouveau. La fécondation, l’incubation, le transport des œufs et de l’alevin, ont tour à tour été étudiés ; mais il existe, selon nous, un point qui a été presque absolument négligé : ce sont les moyens de nourrir les jeunes poissons. Tous les ouvrages ou les divers mémoires consacrés à la pisciculture passent avec un extrême laconisme sur ce sujet, qui est cependant un des plus capitaux : les uns, dans les quelques lignes qu'ils lui con- sacrent, ne contiennent que des documents erronés ; d’autres, pour trancher la difficulté, prétendent qu'il ne faut point nourrir les jeunes poissons, mais les disséminer avant l’époque à laquelle ils vont manger. Nous ne discuterons point ici si l’ondoit, ou non, nourrir les jeunes individus dans les conduits resserrés où on les fait éclore. Il n'est pas douteux qu'il vaut mieux les disséminer lorsqu'ils sont encore peu éloignés de leur naissance. Mais avant de les mettre en liberté, il nous semble préférable de leur donner pendant un certain temps une nourriture qu'ils auraient de la peine à trouver tout d’abord, et qui, en leur permettant de grandir sous les yeux du pisciculteur, leur donne, lorsqu'il les abandonne, plus de force pour chercher leurs aliments et pour se dérober aux dangers qui vont les menacer. Dans le cas même où l'on n'adopterait pas cette manière de voir, il n'en est pas moins fort utile d'apprendre à nourrir les jeunes pois- sons, afin de pouvoir les garder dans des espaces rétrécis, dans le cas où l'on se trouverait empêché momentanément de les dis- — 482 — séminer. Quand il n’y aurait que ces cas, cela rendrait encore fort important ce point que nous allons examiner sous le rap- port pratique. Notre travail aura aussi ün autre but, ce sera celui de guider les pisciculteurs qui ne pourraient disséminer leurs jeunes que dans les eaux où la nourriture manque, et où par conséquent il faut leur délivrer un supplément d'alimentation. Une règle fondamentale du sujet qui nous occupe, c’est qu'il faut absolument que la nourriture soit distribuée aux jeunes poissons en se basant sur une stricte étude de leurs habitudes : c'est pour ne l'avoir nullement fait qu’on trouve tant de conseils erronés dans les divers mémoires qui ont paru jusqu'à ce mo- ment; conseils qui constatent que jamais leurs auteurs n’ont nourri de jeunes poissons dans l’acception rigoureuse du mot , c'est-à-dire en leur offrant des aliments dont ils faisaient reel- lement usage. Ce n'est que fort long-temps après leur éclosion, et constam- ment plus d'un mois après, que les Saumonneaux, les Truitons et les Ombres-chevaliers commencent à s’alimenter. Ils ne pren- nent aucune nourriture du dehors pendant le premier mois qui suit la sortie de l'œuf, ce qu'a très bien signalé M. Coste; et même, si la température de l'eau dans laquelle ils vivent reste au-dessous de 10° centigrades, ils sont, ainsi queje l’ai observé, jusqu'à six semaines avant de faire usage de la moindre par- celle de nourriture. Le contenu de leur vésicule abdominale est successivement absorbé pour y subvenir, et celle-ci est même déjà disparue depuis un certain temps que le Saumonneau et la Truite ne manifestent nullement encore le désir de manger. Lorsque celui-ci se fait sentir, on s’en aperçoit aussitôt dans l’essaim de poissons que l’on possède. Durant toute la période où ceux-ci n’ont aucun besoin d'aliments, ils vivent cachés ou entassés pêle-mêle; mais au moment où les premiers besoins se manifestent, on les voit immédiatement se disséminer, et, guidés par leur instinct carnassier, ils se parquent à distance les uns des autres, à environ un pouce ou deux, dans le fond de l’eau qu ils habitent. Ils ne vont jamais à la recherche de leur proie ilsla guettent au passage, immobiles, et appuyés, comme sur un ñ à] — 483 — u êé trépied, sur leurs nageoires pectorales et sur leur queue. Dé là ils observent tout ce qui se meut dans leurs environs, et aussitôt que quelque proie tombe ou vient à passer près d’eux, ils s'é- lancent sur elle comme un trait et ils l’avalent d’un seul coup. Mais il faut toujours que celle-ci flotte à la surface du liquide ou le traverse, car ce n’est que très rarement qu’un Saumon ou une Truite ramassent ce qui est au fond. La proie placée tout près d'eux n’est pas même engloutie, quoique fort recherchée. On les voit souvent manquer une bouchée qu’ils voient tomber sur le fond et cesser toute tentative aussitôt que celte proie convoitée l'a touché. Il est de la plus haute importance d'observer qu'il faut tou- jours que le fragment d'aliment soit exactement en rapport avec les dimensions de l'appareil buccal des jeunes poissons. Il faut indispensablement aussi offrir à celui-ci une proie con- sistante, qui puisse être avalée d’un seul coup et former une bouchée, Si le bol alimentaire est trop volumineux , aucun poisson ne se déplace pour le dépecer. Quand le contraire a lieu, c’est seulement lorsque sa masse ne dépasse pas de beaucoup les di- mensions de la bouche , et qu'un individu affamé se jette incon- sidérément dessus; croyant pouvoir l’avaler. Fréquemment alors, comme il n’a pu en engloutir qu’une partie, et que l'au- tre pend hors de sa bouche, quelque individu du voisinage se précipite sur ce qui passe, et il s'établit un véritable combat entre ces jeunes animaux, chacun tirant de son côté. Si, au contraire, la nourriture est trop tenue, elle s'étend dans l’eau sans qu'aucun des poissons se donne la peine de la glaner, et c’est surtout cette poussière de viande qui altère la pureté du liquide. Si, comme nous venons de l’établir il est utile d'offrir con- slamment aux jeunes poissons un bol alimentaire exactement en rapport avec la dimension de l'organe buccal, afin qu'il soit avalé, et non perdu, il l’est aussi de tâcher que la proie soit as- sez colorée pour être aperçue de loin. Lorsqu'elle est trop dia- phane, ces animaux la voient mal. Enfin pour éviter toute perte a EE de nourriture, ilest encore utile que celle-ci arrive petit à petit, » afin qu’il se trouve toujours quelque individu pour la saisir. La difficulté ne consiste pas à résoudre tous ces problèmes, la solution en est facile ; mais ce qui l’était moins, c'était de leur donner une solution véritablement pratique et économique... qu'on me permette de le dire, tout à fait mécanique. Je crois y être arrivé. A l’aide de mes bassins d'isolement j'avais déjà remédié à l'énorme perte de temps que demandaient les soins de propreté. J'ai voulu aussi m'occuper d’abréger le temps que l’on dépen- se chaque jour pour distribuer la nourriture, et j'y ai réussi. Maintenant tout marche comme une machine bien montée, et avec une dépense d’une heure seulement, chaque jour, un hom- me pourra soigner 100,000 poissons. J'arrive à distribuer la nourriture sans aucune perte dans les bassins en n’offrant aux poissons que des bouchées d’un calibre donné, exactement en rapport avec celui de leur bouche. Je fais à cet effet hacher de la viande cuite, avec des couperets de cui- sine ; puis, lorsque celle-ci est assez finement divisée, je la sou- mets à l'épreuve de deux tamis placés l’un sur l’autre, et que l’on agite simultanément. Cette viande hachée est déposée sur le tamis du haut, fait en toile métallique, et dont les mailles ont juste la dimension que réclament les bouchées. Celles-ci, par le mouvement de va-et-vient imprimé à l'instrument, tombent sur le tamis inférieur, tandis que les trop gros morceaux restent à la surface du premier tamis. Le tamis d'en bas est aussi en toile métallique, mais ses mailles sont d’un diamètre inférieur à celui des bouchées. Aussi, tout en retenant celles-ci à sa surface, laisse- t-il passer toute la poussière de viande, toutes les fines parcelles que dédaigneraient les poissons, et qui ne seraient propres qu'à altérer l’eau. Ce tamisage est aussi rapide qu'économique , il empêche de perdre beaucoup de nourriture et il abrège infiniment la manu- tention. Lorsque l'on hache de la viande pour les jeunes poissons, il faut un temps considérable pour arriver à lui donner partout — 485 — un calibre à peu près uniforme. À l’aide de mes tamis on n’a nullement à se préoccuper de cela; on hache grossièrement et rapidement la ration, et ceux-ci se chargent de la trier instan- tanément. Par ce procédé j'ai nourri pendant plusieurs mois des Sau - monneaux, et je les voyais manger avec avidité toutes les es- pèces de viandes que je leur donnais. En grand et avec une ex- trême économie on devra employer la chair musculaire des ani- maux que les écarrisseurs abattent. Pour moi, j'ai alimenté parfaitement mes jeunes poissons avec du bœuf bouilli, avec du mouton grillé, avec du veau , et lorsqu’à ma cuisine on ou- bliait de mettre de côté quelque nourriture pour mes élèves, on achetait du jambon, et ceux-ci le mangeaient sans en perdre une bouchée , c'était pour eux un festin d’apparat. Tout ce que je viens d'avancer dérive d'observations positi- ves el pratiques ; mais, pour en faire mieux ressortir l'impor- tance , je signalerai succintement les incertitudes qui, jusqu’à ce jour, ont régné à l’égard du sujet qui nous occupe. Il n’est point ici question de nourrir des poissons carnassiers ayant déjà acquis un certain développement: pour ceux-ci il ne s’agit que de multiplier les espèces herbivores; nous n’avons à nous occuper que de l'alimentation des jeunes individus dans les pre- miers mois qui suivent leur sortie de l'œuf. MM. Rémy et Gehin avaient avancé que l’on pouvait nourrir les Saumonneaux et les Truitons avec du frai de Grenouilles. Mais, quoiqu’on ait soutenu cette assertion avec une grande in- sistance, nous pouvons affirmer que ce procédé est absolument impraticable La première raison , et elle est péremptoire, c’est que, comme les jeunes Saumons et les Truites ne mangent que quatre à six semaines après leur sortie de l'œuf, c'est-à-dire vers le commencement du mois d'avril, alors il y a déjà long- . temps que les Grenouilles sont écloses, et que, par conséquent, leur frai est dispersé. Une autre raison, c’est que jamais les jeunes poissons ne s'attaqueraient à une masse de frai de Gre- nouilles , leur appareil buccal n'étant pas fait pour dépecer une proie quelconque ; il leur faut des bouchées toutes formées. En- — À86 — fin je puis ajouter que j'ai mis des détritus de frai avec des Saumonneaux âgés de quinze jours, à une époque où j'étais en- core sous l'impression des idées des pêcheurs des Vosges , et que jamais je n’ai vu un jeune poisson s’en approcher. Les tè- tards sortis des œufs de Grenouilles ne pourraient pas plus ser- vir que le frai , ils sont beaucoup trop gros pour le poisson de la même année. Déjà M. Coste avait fait de semblables obser- vations. Certaines personnes qui s'occupent de pisciculture avec dis- tinction prescrivent la chair du bœuf, convertie en une pâte, soit par le moyen de l’écrasement, soit à l’aide la râpe , et qui, après cette préparation, possède la propriété de se désagréger facilement dans l’eau. D’après ce qui précède on a dû voir que c'est cette désagrégation dans l’eau qu'il est surtout essentiel d'éviter, soit parceque, parmi la bouillie que l’on sert aux jeunes poissons, ceux-ci ne prennent que les bouchées d’une dimen- sion donnée , soit parceque la partie notable qui en reste salit l'eau et devient une cause de mort pour les élèves. C'est donc un précepte tout opposé que nous proclamons; en cela nous différons absolument du savant professeur du Collége de France. MM. Berthot et Detzem nourrissent leurs élèves dans les vi- viers d'Huningue avec de la chair de poisson bien broyée, com- me le dit M. Coste dans son instruction sur la pisciculture. La chair de poisson doit être un bon aliment pour les Saumonneaux et les Truites, mais cet aliment revient à:un bien plus haut prix que la chair des animaux abattus, qui est tout autant recher- chée par les poissons. Seulement , dans aucun cas il me semble qu'il ne faudrait la bien broyer, mais seulement la hacher par petits fragments. Les œufs de certains poissons qui ont l’avan- tage de présenter autant de bols d'un volume de rigueur m'ont paru extrêmement convenables, et je les ai vu employer avec avantage au Collége de France. Les poissons avalaient succes- sivement chacun d’eux à mesure qu'ils tombaient dans l’eau." En achevant cet esamen de la nourriture des jeunes élèves de nos piscicultures , je dirai qu'il est évident que ce qui leur conviendrait le mieux ce serait une infinité d'insectes ou de — À87 — crustacés qui abondent dans certaines eaux, et qu’il faudrait es- sayer de multiplier dans nos piscines. Lorsqu'ils commencent à manger, les Saumonneaux et les Truitonsse jettent avec avidité sur les Cyclopes , les Polyphèmes, les Cvpris, et divers autres crustacés microscopiques ; alors aussi ils dévorent les jeunes larves des Cousins , des Agrions, des Éphémères; plus tard, ils engloutissent une énorme quantité de Crevettes des ruisseaux. Connaissant cela , il faudrait s’enquérir des cours d’eau dépour- vus de poisson où ces pelits animaux abondent, et les en enle- ver pour les faire pulluler dans les piscifactures. En terminant ce mémoire, j'espère que l'on appréciera quel a été le but que j'ai essayé d'atteindre par mes recherches. Si celles-ci ont été minutieuses, c'était pour arriver à poser des préceptes qui fussent exempts de tàtonnements; si elles m'ont demandé du temps, c’était pour enseigner aux autres à n’en point dépenser. Ce que je veux, c'est l'économie du temps et de l'argent, et je crois y être arrivé. Je sais qu'au premier abord on trouvera mes appareils plus compliqués et plus coù- teux que les vases que l’on emploie généralement; j'en con- viens immédiatement , mais on reconnaïîtra que c’est à cette même complication qu'ils doivent leur incontestable économie et leur sécurité pratique En effet, lorsqu'ils sont bien installés, ils fonctionnent sans qu'il soit presque besoin de s’en occuper, et la mortalité y est presque nulle. Enfin , si dans ce mémoire nous avons été forcé d'entrer dans quelques détails, on reconnaîtra aussi, je l'espère, que les pré- ceptes qu'il expose sont simples et faciles à mettre en pratique. Relativement à l'hygiène , ils consistent uniquement à adop ter un système d'isolement qui force constamment les jeunes poissons à séjourner dans une région toujours pure et limpide. Relativement à la nourriture, je l'obtiens en donnant aux jeunes poissons non des aliments finement broyés, mais des bouchées de chair d'un volume égal et proportionné à leur taille. Par ces moyens, j'espère avoir fait faire un pas à la piscicul- ture, soit en grand, soit en petit. — AÀ88 — LES ABEILLES, Par M. leo Baron DE MONTGAUDR Y. (Séance du 22 décembre 1854.) L'Abeille est peut-être, de tous les travailleurs que l’homme peut utiliser, celui qui demande le moins de soins, et qui, pres- que sans dépenses, fournit le plus de produits; bien rarement elle demande, et elle offre toujours à celui qui l’aide dans ses travaux. Ses produits sont du goût de tout le monde ; parsuite, la vente en est certaine, et la conversion en argent de la récolte ne manque jamais. Ce que recueille l’Abeille serait perdu sans elle; ce qu’elle enlève ne peut en rien amoindrir la production des plantes sur lesquelles elle prend ; souvent même ses mouve- ments sur les fleurs favorisent la fécondation, et, par suite, la reproduction. Etudier la nature de l’Abeille, observer ses mœurs, suivre ses instincts, la disposer de la manière la plus convena- ble, pour la faire parvenir à la destination qui Ini fut assignée, l'aider dans ses travaux, la mettre à couvert des attaques de ses ennemis, aussi nombreux que divers, prévenir ses maladies , la soigner dans le petit nombre de ses indispositions, seconder la nature à lui faire naître des fleurs et lui procurer tous les moyens de travail, est non seulement attrayant et intéressant, mais en- core devient assez productif pour qu'un rucher bien administré arrive, presque toutes les ‘années, à se rendre plus fructueux que le domaine auquel il est attaché. Heureux celui qui sait parvenir à se faire bon roi d'une popu- lation d’Abeilles ! il trouve sans cesse au milieu d’elles l’aisance et la richesse, des reines amplement dotées. !Si des murmures se font entendre au moment du prélèvement sur letravail, toute rumeur cesse aussitôt que les Abeilles se sont assurées qu'elles peuvent récolter à nouveau ; elles reprennent alors leur ardeur première, portent en abondancé à la ruche ce don céleste célé- ee ame tE tape ET ee à L'E | CE | Bull. Soc. Zool. d'Acclimatation, T. 4, p. 488. 10! 20030 240% :5b 1 1 Mérre. FBRFVAL — 489 — bré par Virgile, apprécié et chanté par tous les hommes , dans tous les temps, dans tous les âges , et le roi des Abeilles, sans être continuellement placé sousles angoisses du cultivateur, qui, toute l’année, voit l’avenir de son travail suspendu à un crin sous la grêle, la gelée, la sécheresse et les autres intempéries, sans éprouver les craintes du financier, qui n’est pas toujours certain de voir rentrer en caisse le capital sorti parfois sur un chiffon de papier, l’apiculteur soigneux n’est exposé qu'à des pertes qui se réparent d’elles-mêmes, sans qu'il lui en coûte. 1] n’a pas à craindre que ses Abeilles le quittent ; si elles s’envolent , c’est pour rentrer couvertes du butin dont elles ne cessent de remplir la ruche, butin sa richesse, richesse couleur d’un métal qui plaît à tout le monde, et qui, administrée comme elle le demande, voit arriver avec empressement le métal en échange du doux produit. La France, malgré sa production en miel et en cire , est en- core aujourd'hui tributaire à l'étranger de sommes considéra- bles pour ces deux matières premières. Cependant les Abeilles réussissent dans presque toutes les localités du nom français; il n’est même pas de pays plus susceptible de produire toutes les sortes de miels et de cires connues, en qualités supérieures vis-à-vis des autres contrées. La situation géographique de la France, pays intermédiaire, la fait participer aux avantages de presque tous les climats. Elle recoit les bienfaits des latitudes d'orient et du midi; elle a ses contrées tempérées, et, dans chacune de ces expositions qu'elle possède à l'abri des excès de température des latitudes trop tran- chées, elle peut recueillir des miels qui réunissent les qualités dues à toutes les situations, sans en ressentir les dépréciations. Les Abeilles, si habiles à composer leur miel des diverses pro- ductions des plantes, qui, réunies, peuvent le rendre préférable à leur goût, trouvent en France les éléments susceptibles de compenser les effets des fleurs et des fruits, et souvent ne peu- vent pas les rencontrer sous les latitudes tout-à-fait tranchées. Les francs miels de Narbonne ont tout le parfum des miels de Grèce, sans porter en eux la trop forte exbalaison qui finit par — 490 — détruire elle-même le parfum. Les francs miels de Bourgogne, de Champagne, de Franche-Comté, de Gatinais, dépassent en qualité les miels de Hongrie, de Pologne et de Russie , et ne renferment pas en eux l’arrière-goût qu'ils doivent à la pré- sence, sur ces contrées, de plantes qui en portent les éléments. Il y a bien, il est vrai, en France, des localités où le miel se sent du sarrasin, des genêts et autres plantes qui en altèrent la qua- lité; mais ces localités sont rares, et il est facile, avec une bonne administration du rucher, de séparer les rayons de miel enta- chés des effets des végétaux qui peuvent nuire à la qualité. En ces conditions, il pourrait paraître extraordinaire que la France ne possède qu’un petit nombre de ruchers assez pro- ductifs pour rendre un revenu de valeur, si on n’observait pas les causes qui s'opposent à la multiplication des Abeilles. Ces causes prennent presque toutes naissance dans l'inobservation des conditions nécessaires aux Abeilles et dans l’oubli de la marche de la nature. Les Abeilles sont généralement placées dans des conditions qui ne leur permettent pas de récolter. Les ruches doivent avoir la capacité nécessaire, le rucher être placé cn un lieu voisin des diverses plantes sur lesquelles butinent les Abeïiles, et se trouver défendu des vents et de la pluie. La construction de la ruche est un point très important : de la composition de la ruche dépend presque entièrement le succès. Dans une même localité, à toutes les autres conditions égales d’ailleurs, la ruche, préparée comme le veulent les Abeilles, fait réussite, et celle qui n’offre pas les conditions ne donne pas de produits, elle peut même devenir la cause de la perte des Abeilles. La ruche doit être assez grande pour loger trente-cinq à qua - rante mille Abeilles, le couvain de la reine et les résultats des travaux de la colonie. Du nombre des Abeilles naît l'assurance de conservation de la ruche, la certitude de son produit et la garantie de sa perpétuation. L'éleveur d'Abeilles ne doit pas oublier l’ancien proverbe : Essaim de mai vaut une vache à lait. On sait que les essaims de mai sont toujours les plus nom- — AN — breux en population. L'improduction des Abeilles vient presque toujours d'une trop pelite dimension de la ruche. Lorsque la 2 r ruche ne peut contenir qu'un pelit nombre d’Abeilles, il wa plus souvent émigralion, et la population est toujours trop faible. Un petit nombre d’Abeilles ne peut butiner assez vite au pas- sage des fleurs, qui souvent ne durent qu’un matin; il ne fait pas rècolle suffisante pour lui, et l’homme, qui ne doit prétendre qu'au superflu de la colonie, ne trouve rien à prendre. La moisson des Abeilles’demande, comme celle de l’homme, un grand nombre de travailleurs pour la recueillir. Le temps s'écoule pour tous, sans attendre, et si les Abeilles ou l'homme ne sont pas en mesure de mettre à. couvert les récoltes dans leurs demeures, ce qui est resté sur le champ est perdu pour eux; le mouvement général de la nature suit sa marche et n’at- tend pas plus les hommes que les animaux. C’est à eux de se trouver prêts quand l'heure sonne, plus tard il n’est plus temps. La nature a. donné à tous les êtres animés l'instinct de conser- vation qui les pousse à rassembler, dans les saisons qui pro- duisent pour eux les moyens d'alimentation, les provisions nécessaires pour les saisons qui ne leur offrent plus rien. Cet iastinct très pressant les conduit àamasser autant qu'ils peuvent le faire, et il arrivera Loujours que les provisions montreront plus ou moins de superflu, selon ce qui aura pu. se récolter. Puisque le superflu est la part de l’homme, c’est à lui de pro- curer tous les moyens de le créer abondant. Les saisons de récoltes abondantes pour les Abeilles ne sons qu’au nombre de deux par année. Le printemps et l'automne offrent aux Abeilles de riches moissons; l’été ne produit ordinai- rement que le nécessaire à la vie de chaque jour, il ne donne que bien peu au-delà de l’alimentation nécessaire aux Abeilles. Il arrive même que les étés trop secs ou trop humides ne four- nissent pas l'indispensable ; les Abeilles ne trouvent pas de quoi vivre et sont obligées, bien malgré elles, de s'en prendre à leur trésor. Cette nécessité est très fâcheuse. Rien ne contrarie plus les Abeilles que de toucher au miel déjà déposé dans les alvéoles, Elles hésitent longtemps avant de se soumettre à la k 34 — À92 — nécessité. Souvent on les voit, le matin des mauvais jours, bourdonner autour de la ruche, voltiger de toute part, partir et revenir, montrant l'espoir d'aller trouver au loin leur ali- mentation. Elles ne se déterminent à s’en prendre au miel, qu’en définitive, lorsque la faim prononce sa ferme résolution. Les Abeilles trouvent plus généralement leur récolte sur les fleurs , dans la sève surabondante des arbres, dans les larmes de certaines plantes, dans les fruits. C’est au printemps que se montre le plus grand nombre de fleurs. Les arbres, les prairies naturelles, les prairies artifi- cielles , les céréales, et presque toutes les plantes cultivées par l'homme, fleurissent au printemps. C’est aussi au printemps que la sève des arbres se montre assez surabondante pour lais- ser sortir de l'écorce un trop-plein dont les abeilles s'emparent. C’est encore au printemps qu’un grand nombre de plantes, dans la force si vive de la végétation de cette saison, laissent échapper des larmes de sève que les Abeilles s'empressent de recueillir : toutes ressources qui, réunies, forment, sans au- cun doute, un champ de récolte incomparablement plus riche qu’en aucune autre saison. Il se fait bien , il est vrai, un mouvement dans les végétaux vers le mois d'août, mouvement de sève qui, en raison de son temps, à été nommé sève d’août ; mais cet effet ne peut en au- cune façon se comparer à la reprise de vie qui se manifeste si vigoureuse et si forte au printemps, et ne peut fournir aux Abeilles une récolte dont il y ait pour elles un parti bien utile à tirer. La reprise de vie au printemps, ce sublime et si puis- sant mouvement de toute la nature , ne se laisse voir que bien peu de temps. Tous les végétaux semblent rivaliser d'existence et vouloir faire admirer à la même heure les dons qu'ils ont re- çus ; mais la saison des fleurs, l’époque de la vigueur, passe avec la plus rapide célérité : vingt ou trente jours s’écoulent, les fleurs sont disparues pour le plus grand nombre des plantes. ._ Si la population d'une ruche estnombreuse, elle peut rassem- bler beaucoup de récolte en peu de jours; si les Abeilles sont en petit nombre, la ruche recoit peu , et souvent reste vide. — 493 — Chaque Abeille pouvant récolter plus que son nécessaire, il y aura bien plus de superflu avec un grand nombre d’Abeilles. En automne les Abcilles peuvent encore faire une récolte, mais bien moindre qu’au printemps. Néanmoins l'automne peut four- nir assez de miel; aux plantes de la saison.se joignent les fruits pour offrir aux Abeilles. L'automne produit presque toujours assez pour la provision d'hiver des Abeilles. L’homme doit choi- sir pour lui le printemps, s'emparer du miel qu'il produit, et laisser aux Abeilles l’automne pour leur part. Cette part suftit, elle est parfois trop forte; mais il ne doit y être touché cepen- dant qu'avec bien du discernement. La seconde condition de réussite d’un rucher dépend de la situation où il est placé. 11 demande à être fondé autant que possible dans le voisinage des bois, des prairies naturelles et artificielles, des champs cultivés, et près d'un cours d’eau. Dans un tel milieu les Abeilles prospèrent et produisent toujours. Pour offrir aux Abeilles l’espace suffisant la ruche doit être de la hauteur d’un mètre , se composer de trois compartiments séparés: un premier, en bas, nommé défense , de la hauteur de vingt-cinq centimètres, avec cinquante-cinq de diamètre; un second , au dessus, nommé couvain, de la hauteur de cin- quante centimètres et cinquante de diamètre; un troisième, nommé cabochon, de la hauteur de vingt-cinq centimètres et du diamètre de quarante-cinq. La ruche se fait en paille de seigle , tordue en rond par poi- gnées de l'épaisse ir de quatre centimètres, cousues les unes aux autres avec dé Vosier ou de la ronce fendus; elle doit être de forme circulaire dans toute sa hauteur. La défense se ferme en haut de la moitié de sa circonférence ; la moitié qui reste ouverte doit être grillée en osier croisé. Le couvain se ferme presque entièrement en haut; on laisse seulement au mi- lieu de la circonférence une ouverture de six centimètres de diamètre pour la communication du couvain au cabochon. Le cabochon se fait en forme de dôme. Pour mettre la ruche à l’a- bri de la chaleur etdu froid, elle doit être enduite d’un mortier composé de chaux mélangée de foin haché très fin ; pour la ga- — 494 — rantir de la pluie on la recouvre d’un faisceau ou botte de paille de seigle, qui se lie autour de la ruche en haut et par le milieu au moyen d'une espèce de corde d'osier ; le faite de cette botte de paille doit être recouvert d'un cône en bois, ou, mieux en- core , d’un vase en terre cuite, pour empêcher l'introduction de la pluie à l'intérieur. Le premier compartiment, ou défense, éloigne des travaux des Abeilles les ennemis nombreux qu'elles ont à redouter; les Abeilles n'y travaillent point. Ce compartiment, à moitié fermé dans le haut, présente une disposition difficile à parcourir, un obstacle à surmonter ; pendant que les fourmis el autres insec- tes traversent l'éloignement ou la distance qu'il crée entre l’en- trée de la ruche et le couvain, où se trouvent les premiers tra- vaux des Abeilles, ces dernières, qui, sans cesse, font bonne garde, ont tout le temps de voir l'ennemi qui vient à elles, de le mettre à mort, de le transporter hors de la ruche, ou de le cou- vrir de cire, s'il est trop lourd pour leur force. Ce comparti- ment met les Abeilles à l'abri des attaques du plus grand n6m- bre de leurs ennemis; en même temps il sert à la ruche de réservoir d'air, et les tient en un état d’aération aussi utile pour ellesque pour le miel, qui est moins sujet à s’échauffer. Le second compartiment, où couvain, est destiné à recevoir les alvéoles où la reine dépose ses œufs, C’est là aussi que les . Abeilles construisent les rayons de cire; elles habitent exclusi- vement celte partie de la ruche; elles y couvent les œufs de la reine, en les entourant, pour produire le degré de chaleur né- cessaire à l’éclosion. C’est donc là que se déploïent l’action vitale de l'être et les moyens de continuation. Ce Compartiment est, comme nous l’avons expliqué déjà, presque entièrement ferme en haut, et ne laisse qu'une ouverture suffisante à la communi- cation avec le cabochon. Cette disposition persuade aux Abeilles que le miel déposé dans le cabochon est d'autant mieux à l'abri, elles regardent leur trésor comme caché ; ce qui rentre complé- tement dans le sens de leur instinct. Le compartiment couvain est beaucoup plus grand que les autres, en raison de sa desti- vation ; aussi doit-on fixer à moitié de sa hauteur un croisil- — 495 — loû, composé de deux petits bâtons qui se croisent au milieu, Le troisième compartiment, ou cabochon, quiterminela ruche, est celui où les Abeilles placent leur trésor, que toujours elles portent en haut de leurs travaux; presque jamais on ne ren= contre dans le cabochon autre chose que du miel ou des rayons préparés pour en recevoir. Les Abeilles y laissent plutôt un vide quand elles ne peuvent pas le remplir de miel. Elles n'y habitent point; la reine elle-même se place toujours ailleurs. Mais elles font bonne garde continuelle au trésor commun ; elles circulent sans cesse, jour et nuit, inspectent les alvéoles, ré- parent les unes, ferment les autres, examinent les attaches des rayons de miel, nettoient jusqu'aux moindres parcelles qui leur semblent nuisibles, et font de ce compartiment l’objet de leurs soins les plus assidus. Ainsi constituée, la ruche se trouve entièrement du goût des Abeilles. Elles y trouvent les moyens de s’y établir commodé- ment, de maintenir dans leurs travaux l’ordre admirable qu’elles observent sans cesse, et de diviser leurs possessions comme il leur plait de le faire. Si celle ruche est convenable pour les Abeilles, elle n'est pas moins facile pour l'administration de l’homme. Chaque com- partiment, se détachant sans peine du surplus de la ruche, peut recevoir les soins qui doivent venir de l'homme, sans qu'il soit besoin de toucher à ce qui existe ailleurs. Et pour enlever le "miel, il n’est pas nécessaire de tourmenter les Abeilles. Simu- ler une attaque en frappant sur le bas de la ruche suffit pour faire porter toute la population mellifère sur le point qu’elle pense être en danger ; elle quitte couvain et miel pour parer au péril qu'elle croit le plus pressant. Pendant ce moment de surveillance concentrée sur un autre point, l'homme enlève le cabochon et son miel, et remet un vide à la place de celui qu'il vient d'enlever. Après peu de temps de colère et de regrets bien accéntués, les Abeilles reprennent le travail avec ardeur, et ré- parént la perte qu'elles ont éprouvée; mais aucune n’a péri. Le moment de récolter le miel varie suivant les localités, Dans les unes juillet est le mois préférable, dans les autres — À!G — c’est le mois d’août, suivant les latitudes sous lesquelles se trou- vent les ruchers ; mais en toute localité il faut se garder de prendre le miel en mars ou avril. Le miel qui se trouve dans la ruche en mars ou avril a passé l'hiver avec les Abeilles et à perdu pendant ce séjour la plus grande partie de ses avantages ; il a peu de valeur pour les hommes, il est très utile aux Abeilles pour attendre le temps de la récolte. L’enlèvement du miel en mars ou avril est presque toujours la cause de la perte d'un grand nombre d’Abeilles. Le miel de juillet ou août, au contraire, est tout frais recueilli ; il est sain, il n’a pas pu s'échauffer ou éprouver fermentation, il n'a pu se congrainer, il a tout le par- fum des fleurs dont il provient. En juillet ou août tout le miel peut être enlevé, sans avoir à apprécier la part à laisser aux Abeilles ; il n’y a pas à craindre de se tromper, la saison produit presque toujours de quoi vivre , et l'automne arrive pour offrir les moyens d'emmagasiner les provisions d'hiver. Un rucher est toujours plus sûr de réussir en plein air que sous couverture : les couvertures ou toitures favorisent les atta- ques des ennemis des Abeilles, qui ont beaucoup plus de peine à s’en défendre. Les souris, les araignées, les papillons qui en- gendrent la teigne. les oiseaux qui recherchent les Abeilles pour s’en nourrir, trouvent également abri sous le couvert ou toiture et viennent s’y établir. Une ruche solidement construite et bien couverte de paille n’a rien à craindre des intempéries d'aucune saison. Chaque ruche doit être isolée et placée sur un dé er pierre de la hauteur de trente centimètres, ou sur une table de chêne, si on ne veut pas faire la dépense que demande le dé en pierre. La ruche, une fois placée sur le dé ou sur la table, doit être scellée à l’un ou à l’autre avec du mortier de chaux et de foin haché. Le sol destiné à recevoir le rucher doit être sablé et entretenu sans herbes ni aucune végétation ; les herbes servent de repaire aux ennemis des Abeilles. A trois ou quatre mètres au devant du premier rang de ruches, il est utile d'entretenir une plate bande de gazon de la largeur de cinq ou six mètres. Sur ce gazon les Abeilles trouvent près d'elles les gouttes de rosée du — 497 — matin qu'elles recherchent, et le travail d’aller les prendre au loin leur est évité : c'est toujours le matin que l’eau leur est le plus nécessaire. L'exposition préférable pour un rucher est entre le levant et le midi; l'ouverture des ruches doit autant que possible regarder le sud-est : si l'ouverture des ruches recevait le midi, ce serait un sujet de pertes considérables. Lorsque les premiers effets du printempsse font sentir, l'air estencore froid. Les Abeilles, trom- pées par la vue du soleil, espèrent la chaleur, et, dans leur ar- deur de travail, elles se hasardent à sortir de la ruche ; à peine sont-elles sorties qu'elles sont saisies par le froid et périssent. L'exposition du levant ne serait pas suffisante et les priverait de soleil une partie de la journée. En plaçant le rucher entre les deux expositions, il ne reçoit aucun effet tranché, et cependant il profite des avantages; puis en toute saison les Abeilles sont préparées graduellement par le soleil du matin à recevoir les effets de la chaleur du jour. Le sud-est se nomme à la cam- pagne le grand levant d’été, c’est pourquoi les éleveurs d’Abeilles ont créé leur proverbe : Pas de rucher sans grand levant d'été. Il est nécessaire de préserver les ruches des effets des vents du nord et de les garantir des pluies de l’ouest. Pour atteindre ces buts, il suffit d'entretenir derrière le rucher, à ces deux expositions, des haies vives de la hauteur d'un mètre soixante centimètres. Les haies sont préférables aux murs : elles per- eltent la circulation de l'air, tout en empêchant les vents de devenir nuisibles; les murs s'opposent à la circulation de l'air, et souvent produisent, par le reflet de la chaleur du soleil, une température locale trop élevée pour les Abeilles et leur miel. La population d'une ruche se compose d’une reine, de plu- sieurs centaines de mâles ou frelons, et des Abeilles sans sexe, qui sont les ouvrières. L'ordre des travaux des Abeilles, leurs habitudes, leurs combats, et ce qui est relatif à cette colonie, seront le sujet d'une description dont bientôt hommage pourra être offert à la Société zoologique d’acclimatation. [n’eût pas été possible de résumer tout ce qui concerne ce précieux insecte dans une seule description, sans lui donner beaucoup trop d’étendue. — 498 — SUR LE VER A SOIE DU RICIN (BOMBYX CYNTHIA), LETTRE ADRESSÉE À M. LE PRÉSIDENT Par M. le Chevalier BARUFFAE, PRÉSIDENT DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE TURIN. (Séance du 22 décembre 1854.) Turin, le 10 décembre 1854. Monsieur le Président, Je profite avec un vrai plaisir de l’occasion favorable que me présente M. le comte de Guitau de Cominges, chargé d'affaires de France à Turin, pour offrir à la Société zoologique d’accli- matation une petite paire de bas d'enfant faite de la soie du Bombyx cynthia, à Malte. Voici fa traduction littérale de la lettre que je viens de rece- voir de S. Exec. le gouverneur de Malte, sir William Reid : « J'éprouve un grand plaisir à vous annoncer que les vers à soie Cynthia réussirent très bien à Malte en plein air, l'été dernier. Ils se sont developpés en moins de temps qu’il ne nous -en à fallu pour semer et faire prospérer le ricin. » Je les ohservais passer d’une plante à une autre dans le jardin, en mangeant sur plusieurs de différentes espèces; mais il paraît qu'ils prospéraient mieux sur le ricin. » Nous devors beaucoup'au syndic du easal Zebbuy de cette île, le docteur Paul Vella, pour avoir pratiqué le premier Î: méthode indienne d'extraire la chrysalide du cocon et l'as oi enseignée aux habitants de son casal. Voici le moyen : on fait fermenter la chrysalide quand elle a cessé de vivre, et alors, renversant le cocon sur le pouce de la main gauche, avec la droite, on extrait l'insecte de la soie. M. Vella n'a pas éprouvé de difficultés pour obtenir la soie filée, et je vous envoie comme échantillon de ces produits une paire de petits bas pour un enfant. » On m'a dit que ces Vers à soie réussissent très bien dans le jardin du prince Borghèse, à Rome; j'ai même entendu dire qu'ils sont arrivés sains et saufs à Tripoli, où on les a confiés aux mains d'un Italien très habile dans l'éducation des Vers à soie, et qui désirait depuis long-temps avoir le cocon d’Assam. — 499 — » Dans peu de jours, j'en ferai partir pour les îles Joniennes, et, d’après la demande de la Société d'agriculture de l'ile de Grenada, je m'occupe d'en envoyer aux Indes occidentales. : À Malte nous avons eu quatre générations depuis le 2 dé cembre 1853. » Je vois avec un vif plaisir l'intérêt que vous ne cessez de prendre à l'éducation du Bombyx cynthia, et je vous informerai de tous les progrès que nous ferons à Malte à ce sujet. » Croyez-moi, mon cher Monsieur, votre très fidèle W. Rein. Malte, 16 novembre 1854. J'ai répondu de suite à M. le souverneur de Malte que j'al- lais expédier le petit essai des produits du nouveau ver à soie de Malte à Paris, à l’illustre président de la Société zoologique d'acclimatation. M. Griseri poursuit sa quatrième éducat'on du Bombyx cyn- thia, en petit, dans son cabinet. On nourrit les vers avec un * peu de ricin et de laitue. [ls se portent très bien, même à la température de 7 degrés Réaumur. A Florence , On les a nour- ris avec la chicorée sauvage, mais le ricin est toujours et par- tout l'aliment naturel et substantiel du Bombyx cynthia, comme F on le reconnaît en examipant et en pesant les cocons. 1 La Société des arts de Malte m'écrit aussi une longue Jettre dr m'annoncer que, jusqu'à présent, on n'a encore rien de bien positif sur le dévidage. On me parle d'un essai de M. Lo- teri de Bergaine , qui demeure à Malte. On se latte beaucoup, mais il n’y a rien encore de certain jusqu'à présent. Les meil- leurs essais connus sont dus à M. Bellini, syndic de Rivoli, près Turin. Je regrette de ne pouvoir vous envoyer un échan- tillon de la soie dévidée par M. Bellini; mais je vous en enver- rai un peu plus tard, dès qu'il en aura obtenu une plus grande quantité, car nous n'avons pas encore assez de Cocons pour en= treprendre quelque essai sur une grande échelle. Agréez, cte., ele, GE, Barurrr. = mai — 500 — NOTE SUR LE VER A SOIE DU RICIN (BOMBYX CYNTHIA), Par M. GUÉRIN-MÉNEVILLE. 2 (Séance du 22 décembre 1854 [1].) Depuis que la Société à interrompu ses séances générales, un fait d’acclimatation d’une grande importance s'est produit. Un ver à soie indien, le Bombyx cynthia , dont je n'avais cessé de demander l’acclimatation en France, a été enfin introduit, grâce aux efforts généreux et persévérants de MM. Baruffi et Bergonzi, aidés d’abord par MM. Piddington et W. Reïd, en- suite par MM. Griseri, Savi et Milne- Edwards , et en même temps par le gouvernement et par notre Société. Dans deux mémoires qui ont paru dans notre Bulletin, j'ai exposé l'histoire de cette introduction et de quelques essais préparatoires que j'ai pu faire sur la possibilité de dévider les” cocons du Bombyx cynthia. Je ne reviendrai pas sur ces su- jets. Il suffit de rappeler que la soie de ce Bombyx, jointe à celle du Bombyx mylitta (ou paphia), est un objet de grand commerce, et qu elle habille des populations entières Gans l'In- de. On l’emploie sous forme de filoselle, après avoir simple- ment cardé les cocons pour en obtenir une bourre de soie d'une qualité remarquable. On l'emploie aussi à l’état de soie grège, (1) Cette communication a été faite à l'occasion de la présentation des Vers à soie vivants du Ricin qui ont été mis sous les yeux de la Société (voy. ci-après, et dans les procès-verbaux, p. 527). — 501 — c'est-à-dire à fils continus , comme le témoignent des échantil- lons de tissus fabriqués dans l'Inde et offerts à la Société par notre honorable collègue M. E, Tastet. Dès qu’une première éducation de ce nouveau ver à soie a été faite à Turin, M. Baruffi s’est empressé d'envoyer des co- cons vivants à la Société. Ces cocons, confiés à mes soins, ont donné des papillons très beaux, qui ont produit une quantité d'œufs suffisante pour qu'il nous ait été possible d'en envoyer à divers agriculteurs en France, en Algérie, en Espagne, et même dans notre colonie de l'Inde, à Pondichéry, où M. Perottet fait prospérer l'industrie de la soie. Des œufs de Cynthia ont été conservés à Paris et mis dans diverses conditions afin de retarder leur éclosion jusqu'au printemps, et ils se conservent très bien. Nous en conservons à l’air libre, dans des caves, et même dans une glacière, grâce à l'obligeance de notre confrère M. Chevet, et tout nous fait espérer une réussite complète. Vers la fin de l'automne, quelques œufs conservés en plein air avaient commencé à éclore, ce qui nous avait obligé à faire immédiatement des envois dans le midi et en Algérie, où l’on peut avoir du ricin en tout temps. Quelques vers ont aussi été élevés au Jardin des plantes, dans la ménagerie des reptiles, par les soins de M. Albert Geoffroy Saint-Hilaire, et ils ont prospéré. M. Vallée, gardien de la Ménagerie des reptiles, les a élevés sur des ricins en pots, et il est parvenu à les conduire à parfait développement, comme on vient de le voir (1). C’est à M. Vallée que l'on doit aussi la con- fection de graines ou œufs de cette précieuse espèce obtenus d’un second envoi de cocons fait par M. Baruffi, et apportés à (1) Ils viennent de filer dans les derniers jours de décembre. Leur éclosion, d’après les renseignements que nous a donnés M. Albert Geoffroy Saint-Hilaire, avait eu lieu du 8 au 12 novembre. La tempéra- ture a varié entre 15 et 17 degrés centésimaux. M. Vallée a tenu très exactement note de tous les faits relatifs aux Vers qu'il a élevés. 5% — 502 — la Société par M. le duc de Guiche, ambassadeur de France à Turin. L'appareil à incubation inventé par M. Vallée a été d'un grand secours pour celte opération. Un ver de Cynthia que j'ai gardé, lors de l'envoi en Algérie des œufs qui annonçaient une éclosion prochaine, m'a donné l'occasion de faire une expérience curieuse et d’étudier les pha- ses de la vie de celte chenille. Ce ver a été élevé, à une tempé- rature très variable, dans une pièce de mon appartement, chauffée le jour seulement. {l a été nourri avec de la laitue, et s’est développé aussi normalement que s’il n’avait jamais mangé que du ricin, Ilest prêt à faire son cocon. Déjà nous savons que lès œufs envoyés par la Société ont donné de bons résullats, notamment en Algérie, et l'on peut dire dès à présent que l'acclimatation de cette espèce est en voie de réussite sur beaucoup de points de l'Europe. Il est pro- bable que i'année prochaine les expériences ne demeureront pas à l’état de petits essais destinés d'abord à assurer l’intro- duction et l'acclimatation de cette espèce. Des essais sur une plis ou moins grande échelle feront savoir jusqu’à quel point ce nouveau Ver à soie pourra rendre des services à notre agri- culture et à notre industrie, et l'on pourra être fixé sur l'op- portunité de la propagation de cette espèce chez nous. Dans une prochaine communication je donnerai d’autres dé- tails à Ja Société. Aujourd'hui j'ai désiré la mettre succincte- ment au courant de celte importante question. J'ajouterai ce- pendant que notre confrère M. Eugène Robert m'annonce qu’il va faire des semis de diverses variétés de Ricin, pour les éducations que nous ailons faire en 1855 à la magnanñerie ex- périmentale de Sainte-Tulle. ss ts — 503 — H. TRAVAUX ADRESSES ET COMMUNICATIONS FAITES. A LA SOCIÉTÉ. * SUR LE VER A SOIE DU RICIN, ET LA POSSIBILITÉ DE NOURRIR CET INSECTE DE CHICORÉE SAUVAGE, Lettre adressée à M. le Président de la Société d’acclimatation des animaux utiles , Par M, MONTAGNE, MEMBRE DE L'INSTITUT. Monsieur le Président, . Le but noble et éminemment utile que s’est proposé la So- ciété dont vous dirigez si habilement lestravaux m'est un sûr garant que vous daïgnerez accueillir, au moins à titre de ren- seignement, la communication que j'ai faite dernièrement à l'A- cadémie des sciences et à la Société impériale et ecntrale d’a- griculture. Les relations intimes et suivies que vous avez établies dans plusieurs départements avec d’autres Sociétés poursuivant le même but vous fourniront sans douteles moyeas de vérifier les faits si dignes de votre attention qui font la base de ma com - municalion, et proviennent d'une source qui mérite la plus en- tière confiance. M. Pelli-Fabbroni, ancien secrétaire perpétuel de l'Académie des Géorgophiles, et maintenant conseiller d'état à Florence, m'écrit, en date du 30 octobre dernier, que l'on est parvenu à — 504 — nourrir ie Bombyx cynlhia, dont l'acclimatation vient d’être tentée en Italie et en France, non seulement avec les feuilles du saule et de la laitue, mais encore, et tout aussi bien qu'avec le ricin , avec celles de la chicorée sauvage (cichorium intybus). Or chacun sait que cette dernière plante est culuvée en grand dans nos départements du Nord, et qu'on retire de sa racine une sorte de succédané du café. Cette même composée est d’ail- leurs commune partout à l'état sauvage, et se retrouve surtout le long des chemins. C’est M. le comte Digny qui a expérimenté avec soin ce nouveau mode d'alimentation du Ver à soie du ricin, et constaté son succès. M. Pelli-Fabbroni nous fait connaître en même temps les différences qui résultent des deux modes d’alimenta- tion en question, soit dans la quantité, soit dans la qualité de la soie produite. Ainsi on est arrivé à constater expérimentale- ment que, pour obtenir 30 grammes de soie, il fallait dévider 21 cocons des vers nourris avec la chicorée , tandis que 18 suf- fisaient quand on opérait sur ceux des vers alimentés avec la feuille du ricin. Or cette légère différence dans le rendement, comme le remarque le savant agronome toscan, ne doit pas di- minuer l'importance du résultat acquis. Ce que j'ai dit en commençant me dispense d'insister sur l’in- térêt que cette découverte doit exciter dans les départements du centre et du nord de la France, lesquels pourraient de cette facon participer également aux avantages que promet celle nou- velle source de richesse et de prosperité. Veuillez agréer, monsieur le Président , l'hommage des sen- timents respectueux de Votre tout dévoué confrère, MONTAGNE. Paris, le 29 novembre 1854. PRE | : | 1 « Î de — 505 — NOTE SUR LA CULTURE DU RICIN (Ricinus communis , LINN.) Par M, PEPIN, JARDINIER EN CHEF DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE ET CENTRALE D’AGRICULTURE, SECRÉTAIRE DE LA SOCIÈTÉ IMPÉRIALE ET CENTRALE D'HORTICULTURE, ETC. (Séance du 22 décembre 1854.) Le Ricin est un arbuste de la famille des euphorbiacées, ré- pandu sur plusieurs points du globe. Tous les auteurs anciens en ont parlé et le décrivent sous le nom de Palma-Christi. Dans les Indes-Orientales, celui d’Agnus-castus lui a été aussi donné. 6 73 Le genre Ricinus n’est composé que de quelques espèces ; en- core sont elles douteuses : car je suppose, d’après les observa- tions que j'ai faites sur la culture de plusieurs d'entre elles, que ce ne sont que des variétés qui se modifient suivant la na- ture du sol et du climat. Cependant les botanistes en ont dé- crit douze environ : 1° Le Ricinus communis, Linn., qui est le plus répandu, a ses tiges glauques et purpurines. 2° À. inermis, Jacq., originaire de l'Inde; il diffère du premier par ses capsu- les lisses, mais dans la culture il perd souvent ce caractère, et les fruits se couvrent également de pointes subulées. 3° R. vi- ridis, Willd, Cette espèce croît dans les Indes-Orientales, et ne diffère des précédentes que par ses capsules de couleur verte et — 506 — luisantes qui couvrent toutes les autres parties de ses organes. 4° _R. lividus, Jacq. croît au cap de Bonne-Espérance. Toute: la plante est glabre, luisante et de couleur vert pourpre. 5° R. integrifolius, Wild. A l’île Maurice, il forme un arbre de plusieurs mètres: ses tiges se divisent en plusieurs rameaux glabres. 6° À. speciosus, Willd., île de Java. Les tiges et les fruits sont d'une couleur purpurine claire. 7° R. apelta, Lou- reiro. Il croît en Chine, dans les environs de Canton. C’est un arbuste qui paraît s'élever à 1 m. 33; mais l’auteur ne dit pas qu'il soit employé, et je ne l'ai jamais cultivé. 80 À. mappa, Linn., arbuste, originaire de Pîle d’Amboine ; on le trouve sur les montagnes. Il croît aussi dans les Indes. Il paraît se distin- guer des autres par ses feuilles entieres et peltces. Je ne Fai ja- mais vu dans les collections. 9° À. tanarius, Lian. H à du rapport avec le À. mappa; ses tiges sont peu élevées, ses feuilles ovales , sinuées à leur bord, et ses rameaux se divisent vers le sommet des tiges. Il croît à l'île d'Amboine , dans les .campagnes et sur les bords des forêts. 10° À. armatus, An- drwz. On dit qu'il ressemble au R. viridis de Willd., et qu’on le cultive à Malte comme plante médicinale. Je considère cette espèce comme une simple variété, attendu que les pointes que en hérissent les fruits, et qui sont en effet plus courtes et plus dures que dans les autres espèces, disparaissent au bout de quel- ques années dans les cultures européennes. 11 0 R dioicus, Fors- ter, croît dans les îles de la mer du Sud. L'auteur dit que les fleurs sont dioïques, et que les fleurs mâles sont portées sur des pieds séparés des femelles ; les feuilles sont entières , cor- diformes et acuminées à leur sommet. Cette espèce pourrait bien appartenir au genre ceroton. Nous ne l'avons jamais cul- tivée. 12° À tunicensis, Desfont. Cette espèce, d’après ce- que m'a dit M. Desfontaines, est très répandue en Algérie, où elle s'élève à la hauteur de 6 à 8 mètres. Elle est très glau- que et blanchâtre dans toutes ses parties, ce qui lui a fait donner aussi le nom de Leucosperma. Nous avons reçu plusieurs fois de l'Algérie des graines de cette espèce , qui ont élé semées ct cullivées à côté du R. commun, et il.a presque toujours perdu — 507 — ses caractères dès la seconde ou la troisième année de semis. On la dit encore assez commune aux environs de Bone, où elle prend une forme presque sphérique. 1 Le Dictionnaire des Jardiniers, de Miller, en eite aussi quelques espèces; mais oh voit d’après celle énumération qu'elles peuvent bien, n'être que des variétés qui, suivant les localités, subissent les modifications de terrains, de tempéra- ture ou de climat sous lesquels elles sont cultivées, Le Ricin est un arbre qui s'élève, dansles pays chaude, de 1 mètre 33 cent. à 10 mètres de hauteur ; sa tige atteint souvent 10 à 15 centim. de diamètre. Sous nofre climat il est cultivé comme plante annuelle, c'est-à-dire qu'il fleurit et fructifie en six mois, de mai en octobre, et souvent moins. C'est un bel arbre produisant beaucoup d’effet par ses feuilles alternes, am- ples et palmées, et par ses Liges élevées, glauques, plus ou moins purpurines, terminées par de longs épis paniculés. Les rameaux étant alternes comme les feuilles, on voit se dévelop- per à la partie supérieure des tiges, à droite et à gauche de Fépi de fleurs, un rameau qui sort de l'aisselle d’une feuille, prolonge la tige et produit pendant un moment une sorte de dichotomie entre lépi et le bourgeon. Ce dernier se prolonge et eontinue de donner à la tige sa direction. Il n’est pas rare de voir dans nos cultures et dans les jardins particuliers des tiges de Ricin s'élever à 2 et 3 mètres 30 centim. Les pétioles, de même que les feuilles, ont de 30 à 45 centim. de longueur. La racine, d'abord pivotante, simple ou bifurquée, autour de la- quelle se développe un assez grand nombre de racines secon- daires, minces, longues de 16 à 35 centim., devient dure et li- gneuse au bout de quelques mois. Les tiges creuses, fistu- leuses, d’abord droites, simples, cylindriques, de couleur glau- que un peu purpurine , et souvent Lout à fait pourpre , s'élèvent en moyenne à 2 mètres, mesurant de 1 à 3 centim. de dia- mètre. Elles sont lisses, articulées, cannelées, se divisant vers la partie supérieure en plusieurs rameaux alternes. Les feuilles sont alternes, amples, palmées , pétiolées, pel- tées, lisses à leurs deux faces, mais plus pâles en dessous, 1 35 — 508 — composées de 7 ou 9 lobes inégaux, dentées en scie sur les bords. Le pétiole est cylindrique , strié, glanduleux , de la lon- gueur des feuilles, garni à sa base d’une stipule caduque, glabre, membraneuse, concave, amplexicaule, aiguë , laissant une trace en forme d'anneau sur la tige. Les fleurs mâles oc- cupent la partie inférieure des tiges et des rameaux; elles sont disposées en un long épi rameux composé de plus petites pani- cules, presque en ombelles, munies de bractées membraneuses très petites. Les étaminés sont portées par des filaments qui se ramifient à leur base et forment une grosse masse presque glo- buleuse. Les fleurs femelles sont nombreuses , situées à la par- tie inférieure de l’épi. C’est un caractère remarquable dans les fleurs monoïques, car ordinairement elles sont sur le même cha- ton et occupent la partie supérieure, ce qui facilite l'émission du pollen sur le stigmate, tandis qu'ici c'est l'opposé. Le ca- lice est petit, d’un vert glauque mélangé de pourpre. Les fruits consistent en trois coques conniventes, ovales, hérissées de pointes plus ou moins longues et subulées ; chaque coque ren- ferme une graine en forme d'amande, ombiliquée à son som- met, luisante, marquée de taches et de stries brunes à leur superficie. La substance blanche que renferme la graine contient une grande quantité d'huile grasse et douce qui appartient au pé- risperme, et les qualités âcres et irritantes résident dans l'em- bryon. Ce sont deux propriétés médicales toutes différentes, qu'il ne faut pas confondre : l’une fournit une huile purgative excel- lente, l’autre un bon vermifuge. Les semences entières, avalées à la dose de 2 ou 3, excitent des vomissements. J'ai vu des personnes ouvrant seulement les coques pour en extraire la graine avoir de fortes nausées par l'odeur qui s'en échappait. Les feuilles au contraire sont émollientes et adoucissantes. Sous le climat de Paris elles se flétrissent aussitôt que le ther- momètre descend au dessous de zéro; mais les tiges ne gèlent qu'à 2 ou 3 degrés, et les graines mürissent sous notre lati- tude. — 509 — A Montpellier par exemple, les Ricins ne supportent pas l'hiver, en couvrant même les tiges avec de la paille et les ra- cines de plusieurs centimètres de feuilles, comme on le fait à Paris pour les figuiers. Ils y gèlent même sous des abris faits en planches et couverts de paille. Dans la partie plus méridionale de l’Europe, le ricin eroît très bien; ainsi, à Nice (1), dans l'île de Sardaigne et dans les parties chaudes de l'Italie, il se développe sous forme d’ar- buste, et ses tiges ligneuses résistent aux hivers comme ceux que l’on trouve dans l'Inde et en Algérie, où il croît à l'état spontané. En Égypte il est cultivé depuis long-temps pour son emploi en médecine. L'huile est susceptible de divers emplois dans les arts; mais le plus important est celui qu’on en fait en médecine. On a cal- culé qu'un are pouvait donner 14 kilog. de graines et environ 2 1/2 kilog. d'huile. Le Ricin a depuis quelques années pris une place notable dans les cultures de la plaine de Nîmes ; aussi l'huile que la médecine française emploie provient en partie de là; il en vient bien aussi de l'Algérie, mais celle du midi de la France est préférée. Dans une analyse traitée avec beaucoup de soin par M. Mayet (Journal des connaissances médicales pratiques, pageT, octobre 1854), sur l'extrait d'huile de Ricin de graines venant d'Afrique, comparée avec celle tirée des graines récoltées dans le midi de la France , il a trouvé pour 5 kilog. de chaque sorte : (1) A. Richard a observé en 1818, à Villefranche, près de Nice, un bois naturel de Ricin en arbre. Il a vu, dans la cour de l'arsenal de la première de ces deux villes, dans le cimetière et sur une colline à l’ouest de la cita- delle, des Ricins-arbres dont quelques individus offraient au moins 35 pieds d’élévation. (Note de M. Moquin Tandon.) Au moment où cette plantation de ricin aurait pu rendre de grands ser- vices aux sériciculteurs du Midi, cette petite forêt a été abattue#{juin ou juillet dernier, un mois environ avant que l'on reçût le Bombyæ eynthya). — 510 — Ricin de France ;: eoques. . :. . . . . 1,335 Amandes mondées . . . . . . 0.108 Perte par poussière et débris. . . . 3,557 75.000 Ricin d'Alger : coques. . . . . . « 1.538 Amandes mondées . . . . . . 3,366 Perte par poussière et débris . . . 0,096 8,000 1,000 grammes amandes mondées de Ricin de France ont donné huile à froid, 374 grammes. 1,000 grammes amandes mondées de Ricin d'Alger ont . donné huile à froid. 304 grammes. Ainsi, à poids égal, les Ricins de France donnent un sixième. d'huile en plus que ceux de l'Algérie, et il reste encore les. tourteaux, qui ont une cerlaine valeyr dans l'exploitation, agricole. ’ Comme les feuilles de Ricin sont le principal aliment du Bom- bix cynthia (1), que ce ver (2)se fixe de préférence sousle paren-. chyme, et qu'il n’a pas cherché jusqu'à ce jour à attaquer les tiges et les fruits de cette plante, on pourrait donc, sans trop auire à son développement, et par conséquent, à sa végétation , xetirer de ses graines un produit avantageux qui compenserait éducateur de ses frais de culture. - Comme le Ricin ne résiste pas aux hivers des latitudes tem- pérées , on devra, dans les localités où il n’y aurait pas de serres pour le conserver, te semer en février et mars sur une couche sourde, creusée en terre à 16 cent. de profondeur, 1 mètre 33 cent. de large, d’une longueur indéterminée et suivant le besoin que l'on aurait de ses feuilles pour la nourriture des (4) On a fait quelques essais cette année à Florence; il a été donné, faute de mieux, pour nourriture, à ce bombyx, des feuilles de laitue, de. saule et de chicorée, qu'il a mangées sans qu l en parût incommodé. (2) L'introduction en Europe de ce nouveau ver à soie est due au zèle. Vers. On pourrait même le semer en janvier, pourva que l’on eût soin de réchauffer tous les huit ou quinze jours le tour exté- rieur des couches avec de nouveau fumier ou des feuilles. Ces couches peuvent se faire avec diverses substances , seules ou mélangées, telles que des feuilles, de la mousse, du fumier de cheval, et, si l'on voulait en faire une plus grande culture , on élablirait un chauffage au thermo-siphon , dont les tuyaux passeraient dans toute la longueur à l'intérieur des coffres. Les couches devront avoir de 50 à 60 cent. d'épaisseur, sui- vant la localité; elles seront bien foulées et ensuite chargées de 12 à 15 cent. de terre de jardin ou de terre normale mêlée d’un tiers de sable et d’un tiers de terreau de feuilles ou de fumier bien consommé. Les arrosements, dans cette saison , Se ré- duiraient à de légers bassinages quiseraient donnés avecla pom- me de l’arrosoir, de onze heures à midi, lorsque le temps le permettrait. La couche ainsi préparée, on placerait dessus un coffre en bois établi en planches de chêne ou de sapin, et l'on couvrirait de châssis, que l'on tiendrait fermés pendant la nuit, en ne les ouvrant, le jour, pour donner de l'air, que lorsque le soleil pa- raitrait et que le thermomètre centigrade serait à 5 ou 6 de- - grés au-dessus de zéro. Des nattes ou paillassons serent étalés sur les châssis pendant la nuit et retirés daus la matinée, s’il ne gèle pas. On sêmera les graines une à une et en rayons sur là couche, à la profondeur dé 1 cent. et à la distance de 10 à 12 les unes €t à la persévérance de M. le chevalier Baruffi, de Turin, et de M. Ber- gonzi, agronome distingué de Belle-Isle-en-Mer; et ce sont MM. Reid, gouverñeur de l'ile de Malte, et Piddington, de Calcutta’ qai l'ont reçu et lui ont fait faire sa première éducation. C'était au mois de mars 1854 que M. le chevalier Beruffi recevait les premiers cocons. Le professeur cheva- lier Paolo Savi, de Pise, envoya des œufs de ce bombyx, en juillet 1854, à M. Decaisnë, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris, quiles remit à M. Milne-Edwards. Ces œufs ont éclos le 2 août suivant, Le Bombyx cynthia porte aussi dans l'Inde; d'où äl est indigène, le nom d'Arryndy arria des autres, après toutefois les avoir laissées tremper vingt-quatre heures dans l’eau, ce qui fait renfler et développer l'arille et l'embryon; et, mises en contact avec le soleil, elles ne tardent pas à pousser. Il faut 12 à 14 jours, sous une température de 10 à 12 degrés, pour voir développer la tigelle, et 8 ou 10 dans une serre chaude tenue à une atmosphère de 16 à 20 degrés. Par ce procédé, on peut très facilement cultiver cette plante dans le nord, mème en pleine terre, attendu que ses graines, semées vers la fin d'avril, ne lèvent guère avant la fin de mai; mais, avec des châssis, on peut en activer la germination en semant plus tôt et en repiquant ensuite le jeune plant au mois d'avril, lorsqu'il a développé ses deux feuilles primordiales. On le place alors dans une position abritée des vents nord et nord- ouest. Ces graines seront semées plus drues et plus rapprochées les unes des autres, et l’on aura soin , en arrachant le jeune plant pour le repiquage, de ne pas briser le pivot , qui, à cette période, est très tendre et cassant, et n'a pas moins de 8 à 10 cent. de longueur. On aura égard aussi aux jeunes et nombreu- ses radicelles blanches qui l'entourent. Après cette époque, on peut ne plus semer sous châssis, où l’on aura bien soin de don- acr de l’air et de copieux arrosements , s’il fait soleil, aux Ri- cins qui s’y trouvent encore. Du 10 au 15 mai, lorsque les gelées ne sont plus à craindre, on retirera les chàssis et les coffres de dessus la couche, et par ce moyen les Ricins se trouveront placés à l’air libre. Si le plant alors élait trop près l’un de l’autre, au lieu de l’arracher, on en couperait à rez-terre, de manière à ne laisser qu’un intervalle de 33 à 40 centim. entre chaque. On pourra doncainsi faire trois saisons : la première, attribuée aux semis, en janvier et février, la deuxième en mars et la troi- sième en avril pour la pleine terre. Lorsque, dans le nord et dans le centre, on aura des serres à sa disposition, on pourra toujours avoir des Ricins en végétation, car c'ést une plante qui poüsse toute l’année. Pour cela on de- vra semer dès le mois d'avril, soit en pots ou en pleine terre meuble et légère; on repiquera en mai, lorsque le plant aura = en développé sa deuxième feuille, en prenant toutes les précautions que j'ai indiquées pour la culture sous châssis. Chaque pied sera mis dans un pot de 10 centim. de diamètre, bien drainé dans le fond, et rempli de terre substantielle, qu'on placera ensuite à l'ombre pendant six ou huit jours, pour en assurer la reprise; puis on les enterrera jusqu’au bord en les plaçant en ligne sur une plate-bande. Dans le courant de juin on les rem- potera de nouveau, c’est-à-dire qu'on les mettra dans des pots de 20 centim., sans toucher à aucune de leurs racines, et que l'on remplira avec de bonne terre neuve, riche d'engrais ; on remettra une seconde fois les pots en terre, et à la fin de sep- tembre on les retirera pour les transvaser dans des pots de 25 centim., qu’on placera, sans les enterrer, à l'abri des vents du nord, et vers le 12 ou 15 octobre on les rentrera dans une serre aérée, dont la températare ne devra pas monter à plus de 10 et 12 degrés. Comme les fleurs et les fruits arrêtent toujours la végétation des plantes qui les produisent, et que le but que l’on se propose dans cette culture artificielle du Ricin consiste à avoir constam- ment une végélation de feuilles, on supprimera, au fur et à mesure, les épis de fleurs qui se développeront sur chaque pied, afin que la sève se porte entièrement au profit des feuilles. J'ai vu des pieds de Ricin vivre pendant dix et douze ans dans lesser- res; mais il faut dire qu’à cette période ils ne font plus que vé- géter, tandis que dans les deux premières années ils poussent avec beaucoup de vigueur. On pourrait au besoin renouveler les plants tous les trois ans, et les anciens pieds seraient livrés à la pleine terre dans les premiers jours de mai ; ils donneraient pendant l’année une riche végétation en feuilles, et l'on pour- rait alors laisser les fruits pour être récoltés à l'automne sui- vant. Cette plante est très absorbante en eau et en matières nutri- tives : il conviendra donc, pour les pieds cultivés en pots, de ne pas négliger les arrosements pendant l'été, et même dans la serre pendant l'hiver, chaque fois que l’on verra la terre se sécher à ia superficie des vases, Je conseillerai d'employer à cet effet, deux —: 514: — ou trois fois l'an seulement, les arrosements du liquide qui rêus: sit si bien dans le département du Nord et les Flandres pour la culture du tabac et des plantes oléagineuses. Il n'est pas nécessaire d'avoir pour la culture du Ricin des serres trop élevées; on peut par le procédé du pincement le con- tenir et l’élever en buisson de 4 mètre à 4 mètre 30 cent. H pour : rait en être de même pour les pieds caltivés en pleine terre, à l'air libre, car je ne suppose pas qu’il soit nécessaire que cet arbre atteigne une plus haute élévation pour l'éducation du Bombyx cynthia. La faculté germinative des graines de Ricin se conserve plus long-temps qu’on ne pourrait le supposer; leur com- position grasse et huileuse pouvait faire croire qu’elles ne se conserveraient guère au-delà de deux années. Cependant j'ai semé plusieurs fois des graines récoltées depuis 4, 6 et 7 ans, qui ont parfaitement germé, malgré qu’elles fussent extraites de leurs coques, et leurs plants se sont montrés très vigou- reux. On voit très fréquemment, dans les jardins où l'on a cul- tivé celle plante, que des graines tombées sur le sol pendant les chaleurs par la dilatation de la coque germent naturellement au printemps suivant, Îl n’est-pas rare même d’en voir les coty- lédons apparaître sur le sol, quoique ces graines fussent à 8 où 10 centim. en terre, et former de beaux sujets. Dans le midi, c'est ordinairement à la fin de mars et avril que ce fait a lieu, et dans le centre de la France en mai, et le plus souvent en juin, lorsque la terre est suffisamment échaufée. En 1823, au Muséum d'histoire naturelle, on défonçca à 1.30 de profondeur un carré où l’on cultivait depuis dix ans une plate-bande de Ricin commun, et la terre de la superficie du sol fut répandue au fond de la tranchée. En 1843, on dé- fonça de nouveau ce même carré, et, par conséquent, la terre du fond fut ramenée à la superficie ou à peu près. Alors j'ai re- marqué qu'à l'endroit même où les Ricins avaient été cultivés vingt ans avant, il s'est développé pendant le mois de juin une pépinière de jeunes Ricins dont les pieds très vigoureux se sont clévés à une hauteur moyenne de 1,80, Il en est encore levé — 515 — au printemps suivant, mais en moins grand nombre. H est pro: bable que toutes les graines enterrées à plus de 16 à 18 centim, germeraient encore si elles étaient plus rapprochées de la su: perficie du sol, où la chaleur et l'air les feraient développer. La culture du Ricin en plein champ est des plus simples (1); cependant il faut encore choisir le sol et tàcher d'éviter les coups de vent d'ouest et nord-ouest, qui brisent ses amples feuilles eu couchent quelquelois ses tiges. Le sol argileux, qui ordinaire- ment est de nature difficile à diviser, est aussi très froid, et le Ricin (2), malgré sa nature vigoureuse et ses racines absorban- tes, préfère une terre plus chaude, meuble, argilo-siliceuse et bien amendée. H sera bon de la préparer par plusieurs labours, soit avec la charrue, la bêche ou la houe. Après que le sol sera ainsi bien préparé, en sèmera en lignes, en rayons ou en po= chets, dans la première quinzaine d'avril pour les climats tempé- rés, et dans les premiers jours de mars pour le midi de la France. Les rayons seront tracés à la distance de 70 centim. à 1 mè- tre, et chaque pied sera semé à 50 ou 70 centim. l’un de l’au= tre et enterré de 2 centim. J'ai remarqué que les semis en place étaient préférables aux repiquages, attendu que les jeunes plants repiqués restaient ‘comme flétris pendant 6 à 8 jours par la rupture de leurs ra- cines, el que toujours ils montraient teurs fleurs beaucoup plus tôt que ceux qui n'avaient pasété relevés, etqu ils ne s'élevaient jamais autant que les semis faits en place. Si le semis se fait en rayons, ce qui est plus économique pour employer moins de graines, on sèmera de préférence à la main (4) On lit dans le n° 33, septembre 1854, dès Annales de la colonisa- tion algérienne, que la chambre de comtherce d'Alger vient d'appliquer à la production du Ricin un éncouragement, comme ellé l'a fait pour la cul- ture du Sésame et de l'Arackis ou Pistaché de terre: (2) Lés graines de Ricin, aù moment de leur germination, redoutent uné humidité froide; les cotytédons deviennent jaunes et les radicelles noir+ cissent. [l faut, pour qu'un semis germe bien, que la terre soit déjà suffi= samment échauffée, — 516 — en enfonçant la graine avec le doigt à la distance donnée et à la profondeur de 2 centim. Si, au contraire, on sème en pochets, on mettra 4 à 5 grai- nes au moins dans chaque trou, que l’on recouvrira ensuite avec la binette. Il sera nécessaire de donner un premier binage en mai ou juin, puis les autres se feront successivement pendant le reste de la saison, afin de détruire les mauvaises herbes et don- ner au sol, souvent battu par les pluies ou les orages, un peu d'aération à la superficie, pour que la chaleur pénètre avec plus de facilité jusqu'aux racines. La culture du Ricin en pleine terre est plus facile, comme on le voit, que celle faite artificiellement en serres ou sous châssis. Il ne reste plus que la récolte des graines, qui se fait en septem- bre et octobre. On doit avoir soin de les cueillir avant la maturité parfaite, car elles s’échappent facilement de leurs coques, et sou- vent elles sont lancées à plusieurs mètres Ce sont presque toujours les meilleures et les mieux constituées que l’on perd ainsi, et leur dissémination devient un déficit pour le cultiva- teur. Partout où le Ricin ne supporte pas la rigueur des hivers, les tiges devenues assez ligneuses peuvent être employées à chauf- fer le four. Elles cessent de végéter dès le mois d'octobre, novembre ou décembre, suivant la température de la localité, et on ne les arrache qu'après qu'elles ont été détruites par les gelées. — 517 — IN. EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. 1° SÉANCES DU CONSEIL. SÉANCE DU 17 novemere 1854. Présidence de M. GEoFFROY SAINT-HILAIRE. — M. le Ministre des affaires étrangères, par une lettre en date du 8 novembre 1854, informe M. le Président qu'il vient de transmettre au gérant du consulat de France à Lima des instructions pour que cet agent fasse auprès du gouvernement Péruvien les démarches nécessaires, afin que la Société zoolo- gique d'’acclimatation obtienne l'autorisation d'exporter de ce pays un troupeau de Lamas et d’Alpacas (voy. p. 534). — M. Heurtier, conseiller d'état, directeur général de l’a- griculture et du commerce , adresse ses remerciments à la So- ciété, et lui promet son concours. — M. Gazan, colonel d'artillerie en retraite, membre du conseil général du Var, adresse ses remerciments pour les graines de Bombyæ cynthia qui lui ont été envoyées par la So- ciété, et promet de donner tous ses soins à l’acclimatation de ce précieux insecte. — M. dela Roquette père, vice-président de la commis- sion centrale de la Société de géographie, par une lettre en date du 13 novembre 1854, annonce que M. Henri de Saussure, de Genève, se dispose à entreprendre, à ses frais, avec deux autres naturalistes , un voyage scientifique au Mexique, où il doit séjourner un où deux ans, et qu'il offre ses services à la Société zoologique d'acclimatation, dont il est membre. . Le Conseil accueille avec reconnaissance les offres de M. de Saussure. Des instructions seront rédigées par une commis- sion composée de MM. Geoffroy Saint-Hilaire, Guérin-Méne- ville, Richard (du Cantal) et Valserres, et remises à M. de Saussure avant son départ. — 318 — —Par une lettre du 16 novembre 1854, M. ledocteur Turrel, secrétaire du Comice agricole de Toulon, annonce que ce comice désire vivement être affilié à la Société zoologique d'acélimata : Lion , recevoir son Bulletin, et accomplir sous son impulsion, dans là limite de son activité, tout ce que la Société jugera profitable aux intérêts de la science. M Turrel ajoute que, dès les premiers jours du mois d'octobre, le Comice agricole de Toulon avait voté les fonds nécessaires pour que cette associas tion devint, comme synthèse de tous ses adhérents, membre elle-même de la Société zoologique de Paris. — M. Guérin-Méneville annonce, à cette occasion, que M. le secrétaire de la Société industrielle d'Angers l’a prié de soumettre au Conseil le désir exprimé par cette société d'établir des rapports très intimes avec la Société zoologique, de s’occu- per activement, dans son département, d'essais d’acclimata- tion , de donner tous ses soins à ceux que la Société zoologique pourra y tenter, et de rendre compte de tous ces travaux dans son Bulletin, qu’elle propose d'échanger avec celui dela Société, M. le Président fait observer que d’autres sociétés des dé= partements ont déjà directement ou indirectement témoigné le même désir, et qu'en considération des demandes semblables, qui peuvent devenir fréquentes, le Conseil a besoin de prendre ane décision mûrement réfléchie. M. le Président propose donc de nommer une commission pour examiner cette question. Le Gonseil approuve cette proposition, et la commission nommée se compose de MM. Richard (du Cantal), de Quatre- fages et Valserres. M. Mennet-Possoz est prié de s’adjoindre à cette commission. — Par une lettre adressée à M. le président, M. Duvernoy annonce que M. Bouchot, membre du Gonseil général du dé- partement du Doubs et membre de la Société, lui a écrit pour le prier d'offrir ses services au Gonseil. — M. le Président annonce que M. le général Yusuf, prêt à retourner en Algérie, lui a renouvelé ses offres de services pour la Société, surtout si la Société peut lui indiquer un correspon- dant à Alger, qui soit en mesure de donner les soins nécessaires — 519 — aux animaux quil pourrait lui adresser et à leur prompte expé- dition en France. — Sur la proposition de M. de Quatrefages, le Conseil dé- eide que M. Bisson sera chargé de faire une épreuve photogra- phique du dessin offert à la Société par Mademoiselle Rosa Bon: heur, et que cette épreuve sera remise à M. Niepce-Saint-Victor, qui veut bien se charger d'en faire faire la gravure par son pro= cédé. SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1854. Présidence de M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. : M. le Président informe le Conseil que M. Alexandre Vatte- mare, agent de l'échange international pour les États-Unis et la Hollande, offre de servir d’intermédiaire pour des échanges du Bulletin de Ja Société avec des publications étrangères, et demande qu'un ou deux membres du Conseil soient désignés pour aller choisir au dépôt les ouvrages qui pourront convenir à la Société. M. Passy est prié de vouloir bien s'entendre avec M. Vattemare pour ces échanges, que le Conseil accepte. — M. Frédéric Jacquemart annonce qu'il vient de recevoir une lettre écrite par M. Crosnier, de Lima, en date du 15 Sep tembre, danslaquelle M. Crosnier dit qu’il continue à s'occuper de l’acquisition d’un troupeau de Lamas, et qu'il attend un ca- pitaine de navire qui pourra se charger de les transporter. — M. le Président annonce au Conseil que M. Geoffroy, ca- pitaine de frégate, membre de la Société, vient de l'informer du prochain envoi, de Brest, de poules de deux CSpèces, acquis . ses par lui à Chang-Hai (Chine). SÉANCE DU 1°" pécemBre 1854. Présidence de M. Georrnox SAINT-HiLAIRg. — M. le Président annonce qu'il a reçu de M. ke général Daumas vingt exemplaires de l'Almanach de l'A lyérie, 1855, guide du colon, publié d'après les documents fournis par le Mi- nistre de la guerre. Ces exemplaires sont distribués à MM, les membres présents. — 520 — —M. Guérin-Méneville distribueégalementun certain nombre d'exemplaires d'une brochure intitulée : Le Problème des Fo- rêts au double point de vue physique et social, par M. Ramon de la Sagra, correspondant de l'Institut, député aux Cortès es- pagnols, l’un es vice-présidents de l’Académie nationale. Ces exemplaires sont offerts par l’auteur. — M. le Président a encore recu pour la Société : 1° Le Bulletin de la Societé d'émulation du département de l'Allier (juin et août); : 20 L'Annuaire de la Societé météorologique de France, t. 2,1854, 2° partie, tableaux météorologiques , feuilles 9 à 13. — M. Hardy, directeur de la Pépinière centrale du gouver- nement en Algérie, annonce que les graines de Bombyx cyn- thia envoyées en Algérie y ont parfaitement réussi, et que l’ac- climatation de cet insecte peut être considérée comme complète. — M. le baron Aucapitaine adresse de Blidah un travail sur les races ovines de la province d'Alger, et propose à la Société de s'occuper de la création de bergeries en Algérie, destinées à l'amélioration et à la propagation des races ovines; établisse- ments où l’on s'occuperait aussi de races bovines qui pourraient donner d'excellents résultats. — M. le Président rappelle à cette occasion que M. Xavier de Nabat a fait antérieurement une proposition semblable dans la séance du Conseil du 19 mai 1854, et qu’une commission a été nommée pour l’examiner. M. Richard (du Cantal), qui fait partie de cette commission , fait observer qu’elle s’est réunie déjà, et qu’elle va reprendre le cours de ses travaux, interrom- pus par les vacances de la Société. Il ajoute que depuis long- temps il a remarqué que la production animale de l'Algérie est encore peu connue, qu'elle ne semble pas avoir été compléte- ment étudiée, malgré le haut intérêt que présente cette impor- tante question et les avantages considérables que le pays peut en retirer. M. Richard demande s’il ne serait pas opportun de conslituer une commission, choisie parmi les membres de la Société, sous le nom de Commission de l'Algérie, chargée de faire des études théoriques et de préparer des applications pra- — 521 — tiques sur la production animale et végétale dans notre colonie. Cette institution serait appelée, sans aucun doute, à contribuer pour une grande part aux progrès de notre colonisation. A l'appui de ces observations, M. Valserres, en exprimant aussi l'opinion qu'au point de vue de l’espèce ovine seulement il y a de très grands résultats à obtenir, rappelle ce qui est ar- rivé en Australie, où les seuls produits de cette espèce sont de la plus haute importance pour la laine et la graisse seulement, puisqu'un Mouton n'y coûte, d'après une enquête rigoureuse faite à Sydney, que 50 cent. par an. M. Valserres ne doute pas qu'on ne puisse obtenir les mêmes avantages en Afrique, et même dans de meilleures conditions, car les éleveurs austra- liens sont obligés de se procurer à grands frais, tous les ans, des Béliers étrangers, pour remédier au dépérissement des races en Australie. Cette proposition est accueillie avec empressement par le Conseil , qui nomme une commission chargée de l’examiner et de faire un rapport qui sera soumis à M. le Ministre de la guerre. Cette commission se compose de MM. le général Daumas, Gué- rin-Méneville, le baron de Montgaudry, le prince Marc de Beauvau , Richard (du Cantal) et Valserres. — M. Armange, capitaine au long cours, de Nantes, adresse ses offres de services à la Société dans des conditions qui seront ultérieurement examinées. SÉANCE pu 8 DÉCEMBRE 1854. Présidence de M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE. M. Guérin-Méneville communique au Conseil une proposi- tion de M. de la Roquette père, qui demande que le Bulletin soit adressé à la Société smithsonienne des États-Unis, en fai- sant observer que cette Société peut envoyer des livres en échange, puisque c'est le but de son institution. M. de la Ro- quette ajoute qu'il se chargera volontiers de cette expédition. Le Conseil accepte la proposition de M. de la Roquette et lui adresse ses remerciments, —- 522 — —M. Richard {du Cantal) donne communication d'unelettre, en date du 6 décembre 1854, par laquelle M. le général Dau- mas, après avoir exprimé son regret de ne pouvoir, à cause de ses nombreuses occupalions, prendre une part active aux tra- vaux de la Commission de l'Algérie, offre de concourir de tout son pouvoir à seconder les vues de la Commission, en mettant à sa disposition tous les renseignements dont elle pourra avoir be- soin. M. le général Daumas entre ensuite dans quelques détails pour faire remarquer que la question de la production ani- male en Algérie est depuislong-temps l’objet des préoccupations de la direction des affaires de l’Algérie, comme en témoignent te rapport de M. Bernis, vétérinaire principal de Farmée d'A- frique, transmis en 1853 au Ministre de la guerre par le gou- verneur général de l'Algérie, et le travail de la commission nommée à la suite de ce rapport, en mai 1853, par le ministre de laguerre. Gettecommission, dont faisaient partie MM. Yvart, inspecteur général des écoles vétérinaires et des bergeries im- périales, Moll et Émile Baudement, professeurs à l’école cen- trale des arts et métiers, et Magne, professeur à l’école vétéri- naire d’Alfort, a remis son travail le 5 mai dernier. — M. le Président donne ensuite lecture d’une seconde lettre de M. le général Daumas, en date du 7 décembre 1854, qui lui annonce qu'une nouvele circonstance va permettre l'essai de l'acclimatation de la Chèvre d’Angora sur une plus large é- chelle : l'émir Abd-el-Kader vient de faire hommage à M. le maréchal Vaillant de seize Chèvres ou Boucs d'Angora qui vont être dirigées sur Constantinople pour y être embarquées. — M. le Président annonce que M. Hollard donne sa démis- sion des fonctions de secrétaire des séances de l'assemblée. Cette démission est motivée par les nouvelles fonctions auxquelles M. Hollard vient d'être appelé à la Faculté .des sciences de Poitiers. —M. lebaron de Montgaudry met sous les yeux du Conseilun petit modèle de ruche dont il fait hommage à la Société, et de mande s’il ne serait pas utile d'en reproduire le dessin pour ac- compagner son travail sur les Abeilles qui doit être inséré dans nn le prochain numéro du Bulletin. Le Conseil adresse ses remerci- ments à M. le baron de Montgaudry. M. Richard (du Cantal) est prié de donner ses soins à la prompte exécution du dessin et de la gravure de la ruche. SÉANCE DU {5 DÉCEMBRE 1854. Présidence de M. Ricuarp (pu CANTAL), Vice-Président. M. le Secrétaire donne lecture d’une lettre de M. le Ministre de la guerre, en date du 14 décembre, annonçant qu'il fait don à la Société zoologique d’acclimatation de seize Chèvres et Boucs d’Angora que lui envoie l’émir Abd-el-Kader. (Voy. p. 536:) M. le Ministre de la guerre invite le Conseil à prendre les mesuresqu'iljugera convenables pour que ces précieux animaux, qui doivent arriver prochainement à Marseille, y reçoivent les soins nécessaires. M. Geoffroy Saint-Hilaire à adressé au Conseil une note pour l’informer qu’il ne doute pas que MM. Bar- thélemy Lapommeraye, directeur du Muséum de Marseille, et Antoine Hesse, membres de la Société résidant à Marseille, ne se chargent volontiers de faire donner au troupeau les soins né- cessaires en attendant que la Société en ait fixé la destination. Le Conseil accepte avec une vive reconnaissance le don de M. le Ministre de la guerre, et prie M. le Président de lui adres- ser les remerciments de la Société. — M. Guérin-Méneville communique un travail qui lui a été adressé par M. le marquis de Jessé-Charleval, et qui renferme des détails très circonstanciés sur la culture des différentes es- pèces de Ricin. Le Conseil décide que cette note sera insérée dans un prochain numéro du Bulletin. — M. le baron de Montgaudry propose de placer, à l'ave- nir, comme vigneltes, sur la couverture du Bulletin, les por- traits de Buffon, de Daubentonet de Thouin, sous forme de mé- daillons. Cette proposition est accueillie par le Conseil et renvoyée à la Commission de la médaille, qui devra ea faire l'objet d'un rapport spécial. { 36 SW %d SÉANCES GÉNÉRALES DE LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1854. Présidence de M. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, M. le Président rappelle que le procès-verbal de la séance précédente (23 juin 1854) a été, conformément au règlement, approuvé par le Conseil, et qu'il a été imprimé dans le Bulle- tin. (Voy. p. 230 et suiv.) M. le Président proclame les noms des nouveaux membres admis par le Conseil depuis la séance du 8 novembre dernier, sé- ance dont le procès-verbal a été publié dans le n° 9 du Bulletin. Ont été admis dans les séances du Conseil des 17 et 24 no- vembre 1854 : ’ MM. “#5 Cazmecs (Sylvestre-Alphonse), défenseur près la Cour impé- riale d'Alger. Caanaz (Victor de), ancien Préfet du département du Bas- Rhin, chef d’escadron d'artillerie, à Rennes. Carruau (Le docteur Adolphe), président de la Société des arts et méliers. Cornazia (Emilio), professeur de zoologie, physiologie, ana- tomie, et directeur-adjoint du Musée civique, à Milan. Dacer (Théodore), négociant, à Saumur. DurEaAu DE La MaLLe, membre de l'Institut. FauGÈre (Prosper), sous-directeur des affaires politiques au ministère des affaires étrangères. FLury-Hérarp , consul général de Perse, banquier du Corps diplomatique. à FRaNGoNiIÈRE (Paul-Charles-Etienne de), lieutenant-colonel d'état-major, chef du cabinet da Ministre de la Guerre. LEpouL (Le général d'artillerie), ancien élève de l'Ecole poly- technique, à Paris. Le Guay (Le baron Léon), Inspecteur des parcs et jardins uupériaux, à Paris. — 5925 — ParCHaPpE, inspecteur général des établissements d'aliénés. Persoz, professeur au Conservatoire des arts et métiers. Porrox (Charles), propriétaire , à Paris. TAVERMIER (père), ancien négociant , à Paris. Ont été admis dans les séances du Conseil des 1er, 8, 15, 19 et 22 décembre pour faire partie de la Société à dater du 4er janvier 1855 (seconde année), suivant la décision prise par le Conseil dans sa séance du 1er décembre 1854 : MM. AYÈNE (Le baron Gustave d’), propriétaire, à Paris. Barrot (Ferdinand), sénateur, ancien ministre de l’inté- rieur. Baumerr, docteur en médecine, professeur de chimie physiolo- gique à l'Université de Bonn (Prusse rhénane.) Beauxe (Phili ert), ancien conseiller de préfecture, secrétaire du comice agricole de Vitteaux (Côte-d'Or). BonaparTE (S. A. Charles-Lucien, prince), membre corres- pondant de l’Académie des sciences. Bourée (Prosper), ministre plénipotentiaire de France. BourTeiLce, conservateur du Muséum d'histoire naturelle de Grenoble, secrétaire-conservateur de la Société zoologique d’acclimatation pour la région des Alpes, à Grenoble. CarLier (Pierre), conseiller d'état, à Paris. Cnavannes (Le docteur), à Lausanne (Suisse). CHEVET (aîné), propriétaire , à Paris. Czément DE Ris (Le comte Louis-Athanase), attaché à la con. servation des musées impériaux. Curnieu (Le baron de), propriétaire , à Paris. Davin, chef de la maison David de Souvigny, à Poitiers. Dawix (Frédéric), manufacturier, peigneur et filateur, à Pa- ris. Depaix , ancien représentant, à Paris. Dernomez (Emile), négociant et propriétaire à Montreuil-gur2 Mer (Pas-de-Calais). — 526 — EssLixe (Victor Masséna , prince d’). Foxrenay (Le comte de), propriétaire, au château de Vau- hernu, à lgé, près Bélesme (Orne). GonsE (Emmanuel), propriétaire, à Paris. GuËun (Le contre-amiral Nicolas-François), commandant en chef la station navale de l’Indo-Chine. GuirFrey (Georges), rédacteur en chef du Journal général de l'instruction publique. GuILLEMIN (Auguste), propriétaire, à Paris. Haxpy, directeur de la pépinière centrale du gouvernement en Algérie, à Hamma, près Alger. Humserr (Le docteur) , à Paris. Jacquemin (Le général), ancien commandant en second de l'E- cole de cavalerie de Saumur, à Lunéville. LarcHER, propriétaire, au Mesnil, près Saint-Arnaud, canton de Rambouillet. L’'Espine (Le vicomte de), propriétaire, à Paris. PATU DE SAINT-ViINCENT, propriétaire à la Pellonnière, commune du Pin-la-Garenne, arrondissement de Mortagne (Orne). RanDon ( Le général de division comte), sénateur, gouverneur général de l'Algérie. Say (Leon), chef du secrétariat du chemin de fer de Lyon. Temminck , directeur du Musée royal d'histoire naturelle et membre de l’Institut des Pays-Bas, membre correspondant de l’Institut de France, à Leyde (Pays-Bas). VERNET (Horace), membre de l’Institut, propriétaire de Ben- Koula (Algérie). VaiLLanT (Son Exc. le maréchal), ministre de la guerre, grand-maréchal du palais de S. M. l'Empereur, sénateur, membre de l’Institut. X64- — M. le Secrétaire général donne lecture, au nom du Conseil, d’un rapport sur la situation de la Société. Ce rapport sera imprimé dans le prochain numéro du Bulletin. — Sur la proposition de M. le Président, faite au nom du Bureau, conformément à l’art. 3 du règlement constitutif, la So- ciété nomme à l’unanimité membres honoraires : MM. Barurri (Le chevalier), président de la Faculté des sciences de Turin. BERGONZI, propriétaire, membre de la Société d'agriculture de Boulogne-sur-Mer. Guivo (Le colonel), à Lima. PippiNGTon, à Calcutta. Rein (Son Exc. Sir William), gouverneur général de l’île de Malte. — À l’occasion des services rendus par MM. Baruffi, Ber- gonzi, Piddington et Reid, M. le Président rappelle que MM. Milne Edwards, Guérin-Méneville et Hardy, membres de la Société, et MM. Paul Savi, de Pise, et Griseri, de Turin, ont pris aussi une part active aux cssais qui ont eu pour résul- tat l’heureuse introduction du Bombyx cynthia en Europe et en Algérie. — M. le Président met sous les yeux de l’assemblée un cer- tain nombre de Vers à soie du Ricin élevés au Muséum, dans la ménagerie des reptiles. Ces précieux insectes sont préséntés sur le plant de Ricin qui sert à leur alimentation, et sont l’ob- jet du plus vif intérêt de la part de toute l'assemblée. — M. le Secrétaire donne lecture de la ccrrespondance : — M. le général Daumas, par une lettre en date du 4 dé- cembre 1854, annonce à M. le Président qu'il a fait connaître à M. le baron Rousseau, consul de France à Brousse, la déci- sion du Conseil (séance du 8 novembre 1854) relative à l'ac- quisition d’un troupeau de Chèvres d’Angora, et a prié M. Rous- seau d er rame le port où l'embarquement de ce troupeau pourra avoir lieu. — M. le Ministre de la guerre, par une lettre en date du 14 décembre, offre à la Société zoologique d'acclimatation un troupeau de 16 Boucs et Chèvres d’Angora qui lui est adressé par l'émir Abd el Kader. Le Conseil a accepté avec empresse- ment et reconnaissance ce don de M, le Ministre de la guerre, ela chargé M. le Président de lui adresser les remerciments de — 528 — | la Société. La lettre de M. le Ministre sera insérée dans le Bulletin. (Voy. p. 536.) — M. Barthélemy-Lapommeraye, directeur du Jardin z00- logique de Marseille, par une lettre du 19 décembre 1854, en réponse à celle de M. le Président, promet de donner tous ses soins au débarquement et à la réception, déjà préparée, des Chèvres d’Angora destinées à la Société, et provenant soit du don fait par M. le Ministre de la guerre, soit de l'achat voté par le Conseil. —M. Bouteille, secrétaire de la Société zoologique d'accli- matation pour la région des Alpes, annonce par unelettre du 8 décembre 1854 que cette société vient de voter une somme de trois cents francs pour l'acquisition d'un petit troupeau de Chèvres d'Angora et désire être comprise pour cette somme dans les demandes que la Société zoologique d'acclimatation se propose de faire en Orient. f M. le Président à répondu à M. Bouteille, au nom du Con- seil, que la Société de Paris prêterait son concours à la Société des Alpes pour cette acquisition. — M. le Président annonce, à cette occasion, à la Société, que M. le docteur Sacc a envoyé une somme spécialement destinée à l’achat d'un troupeau de ces Chèvres, offert par lui à M. le Gouverneur général de l'Algérie, qui l’a accepté pour notre colonie d'Afrique; et il fait remarquer que l’acclimata- tion si intéressante de la Chèvre d'Angora va pouvoir ainsi être tentée sur une grande échelle et dans un certain nombre de localités à la fois. dite, — M. Turrel, secrétaire du comice agricole de Toulon, membre de la Société, annonce par une lettre datée du 18 dé- cembre 1854 que ce Comice agricole a voté une somme de deux cents francs pour un achat de Chèvres d’Angora, désirant que la Société lui prêtàt son concours pour cette acquisition. Le Conseil s'est empressé de répondre à M. Turrel que rien ne serait négligé pour satisfaire au désir du Comice agricole de Toulon. — M. le docteur Leprestre de Caen, membre de la Société, par une lettre du 15 décembre , témoigne le désir d'acquérir rc aussi un sine de Chèvres d’Angora, et, en outre, de tenter l’acclimatation de l’'Hémione dans la contrée qu'il habite. — Il est donné lecture d’une lettre de M. le Ministre de la guerre, du 16 décembre 1854, qui adresse à M. le Président copie du second rapport de M. Hardy sur un premier essai de dévidage des cocons du Bombyx cynthia, avec autorisation de le publier dans le Bulletin. Cette pièce sera lue à la Société dans une de ses plus prochaines séances. — Îl est donné lecture d’une lettre de M. le chevalier Barufñfi de Turin, qui transmet à M. le Président des détails intéressants sur l'éducation du Bombyx cynthia contenus dans une lettre qu'il a reçue de sir William Reid, gouverneur général de l’île de Malte. M. Baruffi a adressé en même temps à la Société une petite paire de bas en soie filée et non dévidée de Bombyx cynthia nés à Malte, que lui avait envoyée sir William Reid. — Par une lettre datée de Hamma, près Alger, le 19 no- vembre 1854, M. Hardy annonce que les œufs du Ver à soie du Ricin qu'il a reçus de la Société ont produit une éclo- sion {rès satisfaisante, et qu'il espère recueillir bientôt de ses diverses éducations au moins dix kilogrammes de cocons. — M. le docteur Montagne, membre de l'Institut, par une lettre du 29 novembre 1854, adresse à M. le Président une note sur le Ver à soie du Ricin et la possibilité de le nourrir non seulement avec les feuilles du saule et de la laitue, mais encore avec celles de la chicorée sauvage. Cette lettre sera insérée dans le prochain numéro du Bulletin. — M. Tastet à transmis à M. le Président une lettre de M. l'abbé Libois, datée de Hong-Kong, 20 juillet 1854, qui lui anaonce qu’il à fait parvenir au Su-Tehuen les demandes de la Société et le questionnaire rédigé par M. Tastet au nom de la commission des Vers à soie sauvages du chêne, mais que les troubles actuels de la Chine ne permettent pas pour le moment l'envoi du courrier qui doit rapporter ces précieux insectes. — M. le Ministre de la guerre, ne lettre du 5 dé- cembre 1854, accuse réception des s du Bulletin, et adresse à la Société les numéros de l’année 1854 des Annales — 50 — de la colonisation algérienne, publiées sous la direction de M. Peut (voir le Balletin bibliographique). — M. Peut, par une lettre du 22 décembre 1854. fait hom- mage à la Société des deux premières années (1852 et 1853) des Annales de la colonisation algérienne, pour compléter la col- lection offerte par M. le Ministre de la guerre. — M. je Ministre des affaires étrangères, par une lettre en date du 15 novembre 1854, accuse réception de la note rédigée par M. Blanchard sur les différentes espèces de Bombyx producteurs de soie qu'on trouve aux Etats-Unis, et informe M. le Président qu'il vient de transmettre au consul de France à la Nouvelle-Orléans les renseignements nécessaires pour que la Société recoive le plus promptement possible des cocons et des graines de ces différentes espèces de Bombyx. — Par une seconde lettre, en date du 22 décembre 1854, M. le Ministre des affaires étrangères exprime à la Société ses regrets de ne pouvoir assister à la séance de l'assemblée. — M. Pépin, jardinier en chef du Jardin des Plantes, adresse à la Société un mémoire sur la culture du Ricin en pleine terre dans le midi de la France, et artificielle dans le centre, pour servir à la nourriture du Bombyx cynthia. Ce mémoire sera publié dans le prochain numéro du Bulletin. — M. le colonel de Franconière, chef du cabinet du Ministrede la guerre, par une lettre du 4 décembre 1854, adresse ses re- merciments à la Société pour sa récente admission, lui offre son concours, et exprime le vœu que la Société s'occupe du règne végétal comme du règne animal, dont il ne peut guèrese séparer. — M. Jobez, par une lettre du 3 décembre 1854, con- firme les bonnes nouvelles que la Société. a reçues des Yaks qui lui sont confiés, et envoie deux échantillons de poils pris sur le dos et sur les cuisses du jeune taureau Yak né dernièrement. — M. Antoine d'Abbadie, membre correspondant de l'In- stitut, membre de la Société, a adressé”à M. le Président une lettre datée d'Urrugne , 13 décembre 1854, qui renferme des observations intéressantes sur l’Ane et d’autres animaux de l'Abyssinie. Cette lettre sera insérée dans le Bulletin. — 531 — — M. le Président met sous les yeux de l'assemblée divers échantillons de filés d'Yaks obtenus par MM. Schlumberger, et transmis par M. le président de la Société industrielle de Mulhouse ( voir le n° 9 du Bulletin). Ces filés sont renvoyés à l'examen d'une commission composée de MM. Allier, Cartier père, Davin, Duvernoy, Focillon , Millot, de Montigny, Richard (du Cantal) et Tastet. — M. le Président présente à l'assemblée divers oiseaux montés qui ont été offerts à la Société, savoir : Deux Pénélopes, Offerts par M. le docteur Un Tocro ! ; ae ; Peyxoto, de Rio Janeiro ; Un Tinamon du Brésil, j Un Tétras Cupidon, donné par M. Pomme; Deux Colins de Californie, jeunes, donnés par M. Saulnier. — M. le Secrétaire général présente les différents ouvrages offerts à la Société depuis la dernière séance de l’assemblée, et dont la liste sera insérée au Bulletin bibliographique. — M. le président met sous les yeux de l'assemblée : 1° le dessin d’Yak offert à la Société par Mademoiselle Rosa Bon- heur, et rappelle que le Conseil a décidé, dans sa séance du 11 octobre 1854, que ce beau dessin serait placé avec une inscription dans la salle des séances, qu'il serait reproduit par la gravure d’après les procédés de M. Niepce Saint-Victor, et qu’un exemplaire en serait remis à chacun des membres de la Société, dont les remerciments ont été adressés, au nom du Conseil, à Mademoiselle Rosa Bonheur ; 2° Un autre dessin, fait d’après le Taureau Yak de la Société, par M. Rouyer, membre de la Société, et destiné à être publié dans le Balletin ; 30 Un petit modèle de ruche offert à la Société par M. le docteur de Beauvoys. L'assemblée procède à l'élection d’un nouveau secrétaire des séances, en remplacement de M. le docteur Hollard, que les nouvelles fonctions auxquelles il vient d'être appelé à la Fa- culté des sciences de Poitiers obligent de se démettre de celles qu'il avait dans la Société, — 532 — Une commission choisie parmi les membres du bureau pro- cède au dépouillement du scrutin, dont le résultat est proclamé par M. Richard (du Cantal), président de cette commission , ainsi qu'il suit : Nombre des votants, 103. M. Auguste Duméril a réuni 100 suffrages. Voix perdues ou illisibles , 3 En conséquence, M. Auguste Duméril, ayant réuni la majorité absolue des suffrages, est élu secrétaire des séances de la Société zoologique d’acclimatation. Sur l'invitation de M. le président, M. Auguste Duméril prend place au bureau de l'assemblée. —M. le Secrétaire général communique àl’assemblée diverses notes adressées à la Société par M. Dureau de la Malle, mem- bre de l’Institut, membre de la Société : 1° Une note au sujet du mémoire de M. Ramon de la Sa- gra, inséré au Bulletin , sur l'existence des Zèbres en Espagne à une époque reculée (voy. p. 402) ; 2 Deux autres notes, l’une sur une espèce de Bambou in- dien dont parle Mela et une autre espèce de Bambou africain, et sur la possibilité d’acclimater des Bambous dans le sud et même le centre et le nord de la France ; l’autre sur diverses espèces de Bombyx des pays chauds que M. Dureau croit pou- voir être aussi importés en France. L’un d'eux, dont parlent Pomponius Mela et Pline, est regardé par M. Dureau de la Malle comme pouvant être le Bombyx cynthia. — M. Émile Tastet donne lecture, au nom du rapporteur, M. Focillon, qui n’a pu assister à Ja séance, du rapport de la commission nommée, sur la demande de M. le Ministre de l'a- griculture, du commerce et des travaux publics, pour étudier di- vers échantillons de laines de brebis qui lui ont été envoyés du Cap de Bonne-Espérance par M. le consul de France. Les conclusions de ce rapport sont adoptées. M. le secrétaire général est chargé d'en adresser une copie à M. le Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics. — 533 — — M. Richard (du Cantal) fait hommage à la Société d’un exemplaire du Dictionnaire raisonné d'agriculture et d'éco- nomie du bétail, en deux volumes, qu'il vient de publier. —M. Guérin-Méneville rappelle les travaux exécutés jusqu’à ce jour pour l’acclimatation du Bombyx cynthia. I donne quel- ques détails sur l'éclosion et l'éducation des Vers à soie de cette nouvelle espèce mis sous les yeux de l’assemblée, et termine en montrant les résultats intéressants des essais de dévidage des cocons du Cynthia, auxquels il a pu déjà se livrer, à l’aide des machines de M. Alcan, et qui lui donnent le plus grand espoir de parvenir à utiliser ces cocons jusqu'à en obtenir de la soie grége. — M. le Secrétaire général donne lecture d’un mémoire sur le Chameau, adressé à la Société par M. le général Daumas. Ce mémoire sera publié dans le prochain numéro du Bulletin. — M. le baron de Montgaudry lit un mémoire, qu’il présente à la Société , sur les Abeilles et les conditions dans lesquelles les ruches doivent être construites. Un dessin de la ruche de M. le baron de Montgaudry, dont une épreuve est mise sous les yeux de l'assemblée, accompagnera ce mémoire, qui sera pu- blié dans le prochain numéro du Bulletin. — M. le Président donne lecture d'un mémoire sur la Pisci- culture qui lui a été adressé, pour être présenté à la Société, par M. Pouchet, directeur du Muséum d'histoire naturelle de Rouen, membre de la Société. Ce mémoire, qui renferme des notions nouvelles sur la Pisciculture, et en particulier la descrip- tion d'appareils et de procédés inventés par l’auteur, est l’objet de diverses observations de la part de M. Millet, qui annonce qu'il remettra à la Société une note en réponse au travail de M. Pouchet, note dans laquelle il présentéra d’une manière plus complète les observations qu'il ne peut qu'indiquer sommaire- ment à celte séance. Le mémoire de M. Pouchet sera publié dans le prochain nu- méro du Bulletin. La séance est levée à six heures moins un quart. — 534 — IV. FAITS DIVERS ET EXTRAITS DE CORRESPONDANCE Par deux lettres adressées en octobre et décembre à Son Exe. M. le Ministre des affaires étrangères, M. le président de la Société lui avait demandé de vouloir bien prêter son concours au Conseil, d’une part, pour lever, à Lima, les difficultés qui s'opposent à l’exportation du troupeau de Lamas et d'Alpacas demandé par la Société ; de l’autre, pour faire venir de l'Amérique du Nord plusieurs insectes producteurs de soie. Nous croyons devoir insérer ici textuellement les réponses que M. le Ministre a adressées à M. le président, et qui sont de nouveaux témoignages de l'intérêt que M. Drouyn de Lhuys veut bien porter aux travaux de la Socièté, dont il est membre presque depuis l’o- rigine. MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES. Paris, le 8 novembre 1854. Monsieur, J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, le 26 du mois dernier, et par laquelle vous m'exprimez le désir, au nom de la Société zoologique d’acclimatation, d'une part, que le Consul général et chargé d’affaires de France au Pérou soit invité à faire, auprès du gouvernement péruvien, les démarches nécessaires pour que cette Société obtienne l'autorisation d'exporter de ce pays un troupeau de Lamas et d’Alpacas; d’un autre côté, que le Consul de France en Louisiane soit chargé de recueillir divers Lépidoptères producteurs de soie, au sujet desquels vous m’annoncez, en même temps, devoir m'adresser prochainement une notice rédigée par M. Blanchard. Je viens, Monsieur, de transmettre au gérant du consulat général de France à Lima des instructions pour que cet agent fasse tout ce qui dépendra de lui dans l'intérêt des utiles expériences que la So- ciété d'acclimatation se propose de faire. Quant à la seconde partie de votre demande, il y sera donné suite dès que vous aurez bien voulu m'adresser la notice précitée. Recevez, Monsieur, les assurances de ma considération distinguée, DrRouyYN DE L'Huys. — 535 — Paris, 15 novembre 1854. Monsieur, J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, le 41 de ce mois, en me transmeltant la notice rédigée par M. Blanchard au sujet des Lépidoptères producteurs de soie que vous m'avez ex- primé le désir de recevoir des états sud de l'Union américaine, pour le compte de la Société zoologique d'acclimatation. Je m’empresse de vous informer, Monsieur, que je viens de trans- mettre au consul de France à la Nouvelle-Orléans les instructions nécessaires pour qu’il soit donné suite à cette demande le plus Promptement possible et avec tous les soins qu’elle comporte. Recevez, Monsieur, les assurances de ma considération distinguée, DROUYN DE L'Huys. — M. le Président a reçu aussi de Son Exc. M. le maréchal Vail- lant, ministre de la guerre, la lettre suivante, que le Conseil a enten- due avec une vive reconnaissance. Les membres de la Société savent déjà qu’un troupeau de 40 Chè- vres d’Angora a été demandé en Asie par le Conseil, et qu'il doit être acquis par les soins de M. le général Daumas et de M. le baron Rous- seau, consul de France à Brousse (voy. pages 356, 439 et 440). Par la lettre ci-après, M. le Ministre de la guerre veut bien faire don à la Société d’un second troupeau, et la mettre ainsi à même de faire ses essais sur une plus grande échelle et dans des conditions et des lieux plus variés. MINISTÈRE DE LA GUERRE. Paris, le 44 décembre 1854, Monsieur le Président , Abd-el-Kader m'a annoncé le prochain envoi d’un petit troupeau de seize Boucs et Chèvres d’Angora. J'ai donné des ordres pour que ce troupeau fût reçu à Constantinople et dirigé de là sur Marseille, Je pense qu'il pourra arriver dans cette ville dans un mois ou six se- maines. La Société zoologique d’acclimatation jugera sans doute, comme moi, qu'il serait intéressant de pouvoir doter la France de celle espèce de Chèvres, et je ne puis mieux faire, dans ce but, que d'offrir à la Société le petit troupeau qu'Abd-el-Kader va m'adresser. | — 536 — Si la Société accepte cette offre, je vous prierai, Monsieur le Pré- sident, de vouloir bien me le faire connaître, et de prendre des me- sures pour la réception de ce troupeau à Marscille. Recevez, Monsieur le Président, l'assurance de ma considération la plus distinguée. Le maréchal de France, ministre secrétaire d'état de la guerre, VAILLANT. M. le Président a été chargé par le Conseil de transmettre à M. le maréchal Vaillant ses remerciments pour ce précieux don, et de s’en- tendre avec les membres de la Société résidant à Marseille sur les mesures relatives aux deux troupeaux de Chèvres d'Angora qui vont successivement arriver en cette ville pour la Société. MM. Barthélemy- Lapommeraye et Antoine Hesse ont bien voulu se charger de faire donner à ces animaux tous les soins nécessaires lors de leur arrivée et pendant leur séjour à Marseille. — La Société vient de recevoir (26 décembre)de M. John LeLong, consul général de la République orientale de l’Uruguay, tout récem- ment arrivé en France, 15 cocons vivants d’un nouveau Ver à soie qui vit au Brésil, dans la province de Fernambouc, sur diverses Térébin- thacées. Ges cocons sont formés d’une belle soie, et très remarquables par leurs grandes dimensions. A ce don M. Le Long a bien voulu joindre quelques plantes du Brésil, dont une paraît pouvoir offrir des avantages comme plante textile. Ces objets seront mis sous les yeux de la Société dans la première séance de l’année 1855. Pour tous les faits divers, L'un des secrétaires, GuÉéRIN-MÉNEVILLE. — 537 — OUVRAGES OFFERTS A LA SOCIÉTÉ. SÉANCE DU 8 NOVEMBRE 1854. BULLETIN de la Société de géographie (tome VIF, n°s 44 et 43). L’AGRICULTEUR PRATICIEN, revue de l’agriculture française et étrangère (n°5 18 à 24), offert par M. Goin, libraire de la Société. Cosmos (3° année, 5° vol., 17° et 18° livraisons). L'InsriTuT (25 octobre et 2 novembre 1844). JOURNAL DES HARAS (novembre 1854). BuLLETIN du Gomice agricole de l'arrondissement d'Alais (Gard) (octobre 1854). SÉANCE DU 24 NOVEMBRE 1854. LE Cosmos (tome III, 5° volume, 19€ et 20° livraisons). L'Insrirur (8, 15 et 22 novembre). NoTIZIE DEL BOMBYX CYNTHIA, notice sur le Bombix cynthia, par M. Baruffi de Turin, et offert par lui. LE COURRIER DE LA PROVINCE (novembre 1854). SÉANCE DU 1° DÉCEMBRE 1854. BuLLETIN de la Société d’émulation du département de l'Allier (juin et août 1854). ALMANACH de l'Algérie, 1855, guide du colon, offert par le gé- néral Daumas. LE PROBLÈME des forêts au double point de vue physique et so- cial, par M. Ramon de la Sagra, et offert par lui. ANNUAIRE de la Société météorologique de France (tome IL, 1854, 2e partie; tableaux météorologiques , feuilles 9 à 13. Cosmos (3° année, 5° volume, 21° livraison). L'Ixsrirur (29 novembre). SÉANCE DU 22 DÉCEMBRE 1854. DICTIONNAIRE RAISONNÉ D'AGRICULTURE , par M. Richard (du Cantal). Paris 1854, 2 vol. gr. in-8. JOURNAL DES HARAS (décembre 1854). L'Insrrrur (6,13 et 20 décembre 1854). Cosmos (3° année, 3° volume, 22° et 23° livraisons). "hi — LE COURRIER de la province (décembre 1854). BULLETIx de la Société de géographie (tome VII, n° 46). ANNALES de la colonisation algérienne (1852 et 1853), publiées sous la direction de M. Hippolyte Peut et offertes par lui (4 vol. gr. in-8. Paris). MÈME OUVRAGE (n° 25 à 36, de janvier à décembre 1854), of- ferts par M. le Ministre de la guerre. DRESSAGE naturel et immédiat du cheval, par M. Casimir Noël, et offert par lui (in-12. Paris, 1854). L'UTiLE ET L'AGRÉABLE et JOURNAL UNIVERSEL réunis ( dé- cembre 1854). RaPPORT sur une maladie des oliviers caractérisée par la chute prématurée de leurs feuilles, par M. le docteur Montagne, et offert par lui. Rapport à M. le Ministre de la guerre sur la culture du Sorgho à sucre, par M. le docteur Turrel, secrétaire du comice agricole de Toulon, et offert par lui. BULLETIN du comice agricole de l'arrondissement d'Alais (Gard) (novembre 1854). La Société a aussi reçu les journaux dont les titres suivent : Le Moniteur de l’agriculture , Bulletin commercial agricole (les n°° du 26 octobre au 24 décembre). — Bulletin d'Espalion (21 et 28 octobre; 4, 11, 18 et 25 novembre; 2, 16 et 23 décembre). — Journal de Pontarlier (29 octobre, 5, 12, 19 et 26 novembre; 3, 10, 17 et 24 décembre). — Réforme agricole, scientifique , industrielle (août et septembre). — Annonces marseillaises (15 et 29 octobre; 5, 12, 19 et 26 novembre; 10 et 24 décembre). — L'Echo de la Dore (14 octobre et 25 novembre).— La Presse grayloise (28 octobre et25 novembre). — Journal d'Issoire (12 octobre; 9 et 30 novembre et 44 décembre). — Journal de Cosne (9 novembre et 14 décembre). — Boulogne New-Times (15 novembre). — Gazzelta piemontese (2 et 9 novembre). — Journal de Vervins (19 novembre). — L'Echo des Cévennes (11 novembre). — La Haute-Auvergne (2 et 16 dé- cembre). — L'Echo de Châteaulin (2 décembre).— Journal de Seine- et-Marne (3 décembre). — Journal de Montfort (16 décembre).—Le Messager, Moniteur de l'Allier (22 décembre). PARIS. — IMPRIMERIE GUIRAUDET ET JOUAUST, rue Saint-Honoré, 238. — 539 — ETAT DES ANIMAUX VIVANTS OBJETS DE COLLECTION, PRODUITS INDUSTRIELS, MODÈLES ET OBJETS D'ART, DONNÉS À LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE D'ACCLIMATATION DU 10 FEVRIER AU 51 DECEMBRE 1854 (1). Noms DES DONATEURS. À ANIMAUX DONNÉS. AU BULLETIN. . 4° ANIMAUX VIVANTS (2). S. Exec. le Ministre DE LA| Un troupeau de Cnèvres D’ANGORA Poser GUERRE. (16 individus), envoyé à M. le maréchal! 523, 526 Vaillant par l’émir Abd-el-Kader. 536 S. Exc. le Ministre pe! Cinq YAKSs, variété blanche sans cor- L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET|nes; 2 mâles et 3 femelles ; faisant partie DES CULTES. du troupeau amené en France par M. de Montigny. 279 De deux de ces individus, confiés, dans le Jura, aux soins de M. Jobez, est né, le 27 octobre, un veau mâle. 438 Le Moséum p'misromme| Six Cocmons pe CHINE, nés à la Me- NATURELLE. nagerie ; Un Cerr et une Bicne Cocxoxs, id.; Une Cnëvre D'ÉGvere, envoyée par M. Delaporte, consul de France au Caire. L'administration du Muséum d'histoire naturelle a, en outre, confié à la Société deux HÉmioxEs, qui ont été placés à Mont- lEvêque, chez M. le baron de Pontalba, sous la direction duquel ces animaux ont été dressés et employés à divers croise- ments. MM: Le chevalier Barurri,| Vingt Cocons vivants et graines du| 324, 373 président de la Faculté des|Ver À sorte pu Ricix, provenant des é-| 375, 432 sciences de Turin, membre|ducations faites à Turin par les soins de honoraire de la Société. M. Grisenr. Barurri et Griserr. Cent vingt Cocons vivants du mêmel 324, 373 VER A S01E ; même provenance. 375, 432 De cet envoiet du précédent sont pro- venus les Vers à soie présentés à la So- (1) Pour les livres, voir les pages 42, 186, 281, 330, 4#1 et 537. a (2) La Société a reçu, en outre, pour achats d'animaux, des dons pécuniaires de trois de ses membres , MM. le prince Anatole de Demidoff, A. de La Roquette et Sandoz, — 540 — NOMS DES DONATEURS. OBJETS DONNÉS. ciété dans la séance du 22 décembre, et toutes les graines que la Société a dis- tribuées dans le midi de la France, en Algérie, en Espagne et en Autriche. Le docteur CBENU, pro- Quatré AGouris, nés chez M. Chenu. fesseur d'histoire naturelle au Val-de-Grâce, membre de la Société. Le comte D'EPREMESMIL, secrétaire général de la Société. Jonxsox, membre de la Société. Deux CoLomses à large queue. Deux CHÈVRES D'ANGORA. Deux Lapins, dits de Sibérie. Deux Pouces be CocHINCHINE, indi- vidus de choix. John Le LoxG, consul gé-| Quinze Cocons vivants d’un Ver 4 néral de la République orien-|S01E, encore indéterminé, vivant au Bré- tale de l'Uruguay, membre|sil sur diverses térébinthacées. de la Société. La Société doit aussi à M. Le Long plusieurs “plantes qui ont été déposées dans les serres du Muséum d'histoire na- turelle, de la Faculté de médecine et de l'Ecole de pharmacie. Le comte Edgar Ney,pre-| Deux grandes Bicmes pu MaLarar mier veneur de S. M. l'Em-|(Cervus Aristotelis), nées dans le parc pereur, membre de la So-|impérial de Saint-Cloud d'individus pro- ciété. venant de la Ménagerie du Muséum d'histoire naturelle. 2: OBJETS DE COLLECTION. PRODUITS INDUSTRIELS, MODÈLES, OBJETS D'ART. Laines de Moutons Mérixos-Maucname. Ces laines ont été envoyées par la So- ciété à M. le docteur Millot, filateur, membre de la Société, pour des essais de filage et de tissage. Le MuséUM D'HISTOIRE NA- TURELLE. La SoctÉTÉ INDUSTRIELLE DE MuLRouUsE. Trois échantillons, de différentes qua- lités, de FILÉS DE poics D'YaKs, obte- nus par MM. Schlumberger, de Gueb- Willer, La matière première de cette fabrica- tion avait été donnée par M. de Montigny BULLETIN Pages. 180 36 536 230 279 298, 422 124, 438 — 541 — NOMS DES DONATEURS. Le docteur pe BEAUvOys. Mademoiselle Rosa Bon- HEUR. o MM. Le docteur CHEnu, mem- bre de la Société. E. Vaste, membre de: la Société. Guérin - MÉNEVILLE, di- recteur de la Revue zoolo- gique, membre de la So-|climatées à la Magnanerie expérimentale ciété. OBJETS DONNÉS, BULLETIN Pages. 229 à la Société zoologique d'acclimatation, qui l'avait envoyée à Mulhouse. Modele, en bois, d’une RuCHE de son invention. 280 Dessin fait par elle, de trois des YAKs ramenés par M. de Montigny. Le Conseil a décidé que ce beau dessin serait reproduit par les procédés de la gravure photographique. La gravure, qui sera distribuée aux membres de la So- ciété, est exécutée en ce moment, d'après un cliché fait par MM. Bisson frères, par M. et Mne Riffault, sous la direction de M. Niepce de Paul Victor. 179, 378, 433 Une queue d'YAK, prise en hiver et garnie de ses longs poils. Deux échantillons d’étoffes fabriquées avec la soie du ver à soie du chêne et avec celle des espèces du Bengale qui vivent sur le Ricin. 90 Série de Cocoxs des diverses races de VERS A SOIE ORDINAIRES, élevées et ac- de Sainte-Tulle, savoir : Races FRANÇAISES. — Cocons jau- nes : — 1. Race de Sainte-Tulle. Ra- ce d’origine italienne acclimatée et amé- liorée depuis 10 ans à Sainte-Tulle. — 2 à 10. Autres races françaises de l’Ar- dèche, du Gard, etc., etc. — Cocons blancs : — 11 à 14. Blancs d’Annonay, des Cévennes, du Gard et Sina. Races 1TALIENNES.— Cocons jaunes : |! — 15 à 31. Races de Briance, milanui- ses, de Côme, etc., etc.; Centurini de Turin, de Bione, etc., etc. — Cocons blancs : — 32 à 35. Races de Novare, Novi, Milan, etc., etc. Trevoltini jau- nes et blancs : — 36 à 40. Races de Mi- lan. — Bergame. — Padoue et Turin. Races EsPAGNoLEs. — 41 et 42. Es- pagnolets blancs et jaunes. NOMS DES DONATEURS. —_—_—_ Le même. Le même. Lebaron deMonTGeAUDRY, membre de la Société. De Monrieny, consul de France à Chang-Haï, mem-|bet avec la laine d'YaK. bre honoraire de la Société. Rexvor OBJETS DONNÉS. AU BULLETIN. Races DE Syrie ET DE GRëce. — Co-| Pages. cons jaunes : — 43 à 46. Races du Li- ban, — de Beyrouth, — de Salonique, etc., etc. — Cocons blancs : — 47-48. Races Dermidèche, — ridés blancs. Races DE LA CHINE. — Cocons jau- nes: — 49-50. Jaunes du Ministère. — Jaunes à éducations multiples. — Cocons blancs: — 51 à 54. Races Sina de Hedde. — Sau-cho-fo, — Tsaltsee, — etc., pe- tits blancs à éducations multiples. Trente échantillons de soie des diver- ses races françaises, italiennes, syrien- nes et chinoises VER A SOIE ORDI- NAIRE, élevées à Sainte-Tulle ; filés à la filature de la magnanerie expérimen- tale de Manocq érigée par MM. Buis- son et Eugène Robert. 34 Divers Bombyx exotiques et sauva- ges, Savoir : 1.Bombyx Atlas, de Chine. Lepapillon. 2. Bombyx du chêne, du Su-Tchuea; Chine. Le cocon. 3. Bombyx cynthia, avec son cocon ; Bengale. 4. B. mylitta (soie Tussah); Bengale. Le cocon. 5. B. cecropia, avec son cocon; Louisiane. 6. B. polyphemus, avec son cocon; Louisiane. 7.B. luna, avec son cocon ; Louisiane. 8. B. hesperus, avec son cocon; Brésil. 9. B. nyciimene, avec son cocon; Co- lombie. 10. B. mimiosæ, de Port-Natal. Le cocon. Ibid. 494, 522 et pl. vi. Modele, en carton, d’une ruche de son invention. Echantillon du prap fabriqué au Thi- 178 Echantillon d’une ÉTOFFE DE SOIE — 543 — RENVOI NoMs DES DONATEURS. OBJETS DONXÉS. AU BULLETIN. fabriquée avec la soie du Ver à soie| Pasts- qu'on élève en Chine sur le chêne. 185 Le même. Une caisse de Cocons du même VER A SOIE, provenant de la Mantchourie. Ces Cocons (3 kilog. 1f2) ont été parta- gés entre plusieurs filateurs pour divers essais industriels. 225 Le même. Poics £T LAINES D'YAKS, provenant des divers individus du troupeau ra- mené en France par M. de Montigny. Ces poils et laines ont été envoyés à Mulhouse et à Sedan pour servir à di-| 228, 422 vers essais de filage et de tissage. 424, 438 Le docteur Peyxoro, de| Quatre o1srAux préparés, rapportés Rio-Janeiro: par lui du Brésil, savoir : 2 Pénélopes (Penelope nigrifrons et P. Superciliaris); 1 Tocro roux; 1 Ti-| 531 Pomme, membre de lal*"" Lu di Société. Un Ternas Cupipon, préparé. Cet oiseau a vécu quelque temps en France, chez M. le baron James de Rothschild. RAMON DE LA SAGRA, député aux Cortès consti-| Deux cartes portant deux séries d'é- tuantes espagnoles , mem-|chantillons industriels de LAINE DE! 138 bre de la Société. CHÈVRE D'ANGORA. Le même. Un Coco ou Bomsyx Mapruno, es- pèce américaine dans laquelle un grand nombre de chenilles construisent en-| {5%4, 185 semble un cocon gigantesque. s Le Cocon offert à la Société par M. de la Sagra vient du Mexique et a 30 cen- "A Fee timètres de long. S Echantillons de LAINES DE CHÈvRE| 993 SAULNIER, membre de la on. Société. Deux jeunes Couins DE CALIFORNIE, préparés. Ces oïseaux sont nés chez M.| 531 é Saulnier. Weppecc, naturaliste voyageur du Muséum d'his- Echantillon de laines d’Alpaca, de Vi- toire naturelle. gogne et d’Alpa-Vigogne, race créée au Pérou par M. l'abbé Cabrera, mem- bre honoraire de la Société. 18% = di = INDEX ALPHABÉTIQUE DES ANIMAUX MENTIONNÉS DANS CE VOLUME. Abeilles, pag. 220, 239, 275- 277, 280, 425-496, 488- 497, 531, 533, 541, 5492. * Agami, 295. Agoutis, 180, 291, 294, 540. Akouchi, 294. ; Alouettes, 291. Alpaca, 39, 56, 89, 184; 298, 285, 291, 376-377, 390, 397, 517, 519, 534, 843. Alpa-Vigogne, 184, 343. Ane, x, 137, 159, 189, 287, 319, 381, 385-386, 470. Anguille, 393. ANIMAUX DOMESTIQUES, 1X- xX1, 7, 213-294, 233, 959- 267, 399-401. Arnis, 193. Autruche, 2492. Bécasse, 299. Becfigue, 291. Bengalis, 289. Bison, 191, 192. Bœuf, x, 38, 159, 161, 191, 213-216, 221-293, 939, 285, 287, 291. Bombyces. Voy. Vers à soie. Bombyx cecropia, 417-419, 542. Bombyx luna, 417-419, 549. Bombyx madruno, 154, 185, 543. ne ao 34, 417- 420, 542. Brachycères, 193. Brochet, 146. Bruant, 291. Buffle, 160, 191, 192, 193, 287, 313. Buffle à queue de cheval. V.Yak. Cabiai, 291. Cacatoès, 230. Caille, 62-74, 179, 181. Caille de la Chine, 144-145. Canards, 295. Canard ordinaire, 254-255. Canard musqué, 2. Canepetière, 295. Carpe, 393, 396. Centronote, 292. Cerfs, 189, 230, 345, 294, 400, 539, 540. Chacal, 161. Chameau, 161, 285, 396. V. aussi Dromadaire. Chat, 157, 158. Cheval, x ,159, 162-165,931, 239, 281, 287, 294, 379, 380-383, 435. Chèvre, x, 23-30, 36, 147- 453, 159, 161, 226, 268- 271, 291, 396, 471, 539. Chèvre d’Angora, 21-29, 93- 30, 33, 36, 138, 176, 188, 189, 230, 233. 268- 971, 291, 323, 324, 356-360, 105, 408, 432, 434, 439- 440, 444, 599, 593, 597, b28, 529, 535, 536, Ne” 540, 548. Chien, x, 157-158, 161, A 401. Cochon, x, 38, 159,216-218, 294, 539. Colins, 251. Colin de Californie, 226, 251, 303-305, 531, 543. Colin Houi ou de Virginie, 137, 247-250. Colombes, 230, 299, 540. Couagga, 379, 397. y Courlis, 292. Cygne noir, 409-414. Cyprins, 146. Cyprin doré, 393. Daim, 1x. Dauw, 379, 397. Dindon, 2, 257-260. Dorcas. V. Gazelle. Dromadaire, 297-302, 322, 452-469, 538. Dziggetai. V. Hémione. Eider, 191, 394. Eléphant, 156, 161, 242, 243. Eperlan, 393. Escargot, 244. Faisans, 2992. Faisan argenté, 160. Faisan à collier, 160. Faisan doré, 160. Faisan ordinaire, 1x, 70-74,160, Féra, 11, 17.. Gangas, 438. Gastérostée, 292. Gazelle, 230. Gouan, 2992. Grébe, 291. Grue, 244. Hanneton, 89, 90. Hémione, 137, 183, 189, 229, M 379-388, 397, 473, 539. Héron, 291. Hocco, 89, 123-126, 139- 143, 230, 292, 373, 394, 406-408. Hydrogallines, 292. |. INSECTES. V. Abeilles, Bom- byces, Vers à soie. Kakatoés. V. Cacatoës. Kangurou, X11, 53-55, 89, 390, 438. Lama, 39, 56, 298, 285, 288, 316-377, 390, 438, 517, 519, 534, 543. Lamproie, 337. Lapin domestique, x11, 252- 253, 540. Lapin sauvage, 1x, 291. Lavaret, 295. Lièvre, 244, 291. Lion, 241,222. Loir, 244. Loup, 157, 161. Marail, 139-143. Martin, 89. Mébari. V. Dromadaire. Mélipone, 180. Motacille, 291. Mouflon à manchettes, 230, 324. Moutons, x, 36,38, 89, 161, 218-290, 993, 2924, 985, 287, 323, 400, 471, 5920, 591, 532. Mouton mérinos, 3, 7, 56,159, 293, 293, 361, 380, 405, 445-451, 540. Nilgaut, 230. Oies, 255-257. Oie d'Egypte, 390. Oie à tubercule, 160. Ombre chevalier, 41, 17, 76, 295, 338, 482. Onagre, 189, 294, 381. Ouistiti, 289. Outarde, 295, 438. Ovibos, 191, 193. Paca, 294. Panthère, 241, 249. Paon, 160, 244, 292, Pécari, 294, 390. Perche, 393. Perdrix, 62-74,157, 179,233, 234, 9251, 272-274, 292; Pénélope, 531, 543. V. Marail. Perroquet, 289. Perruches, 230. Perruche ondulée, 58-61, 136, 137. Phalangers, xX111. Phascolome, x11, 390. Phoque, 397. Pigeons, 230, 292. Pigeon domestique, x, 159,. 253-254. Poissons, 11-13, 14-20, 35, 15-79, 80-87,S88, 127-135, 146, 179, 180, 181, 220, 233, 9234, 245-246, 289, 209, 331-339, -474-287, bag: Porphyrion, 438. Poules, x, 159, 261-277, 519. Poule de Bréda, 176. Poule de Cochinchine, 166- 176, 185, 263-265, 540. Poule de combat, 170, 262. Poule de Crève-Cœur, 176, 261, 265. Poule du Gange, 262, 265. Penne, 285, 288. Sanglier, 245, 291. Sangsues, 181, 182. Saumons, 11-13, 14-20, 76, 82-86, 338, 479-485. : Saumon du Danube, 11,19, 36, 16, 82-86, 198-135, 146. Scare, 244. Tapir, 31, 294. Tatou, 294. Téuwas251, 299, 995," 531, #43. Tigre, 242. Tinamous, 299, 531, 543. Tigre, 531. Tocro, 534. Tortue franche, 299. Tourterelle, 160. Tridactyle, 292. — 546 — Truite, 11-13, 14-20, 76, 83- 85, 128:135, 233, 334- 338, 393, 479-485. Vanneau, 2,2. Vers à soie, 43-592, 189, 306- 320, 344-350, 415-491, 533. Vers soie sauvages d'Amérique, 34, 35, 181, 415-4924,530, 933, 934, 536, 540, 549, 543. | Vers à soie sauvages de l'Inde et de la Chine, 34, 46-51, 89, 90.181, 5492. Ver à soie du Chêne de la Chine, 45-50, 88, 91-118, 119- 192, 185,-188,°295, 096, 233, 280, 288, 433, 438, 529, 543. Ver à soie du Mûrier, x, 38,39- 41, 160, 541. Ver à soie du Ricin, 34, 44, 306-320, 322, 324, 399, 340-343, 344-350, 350- 305, 366-368, 369-371, 313, 315-316, 497-430, 432, 433, 434, 435, 436, 439, 444, 498-499, 500- 002, 503-504, 517, 520, 527, 529, 530, 533, 539, 549. Vigogne, 184, 285, 287, 291, 394, 397, 397. p Yak ou Yack, 34, 36, 41, 56- 97, 177-178, 179, 180, 182, 185, 188, 189, 190- 219, 295,,999 981 078 279, 361-5655 372, 373, 429; 495, 439, 433, 435, 438, 444, 530, 531, 539, 540, 541, 5492. Zèbre, 294, 379, 397, 409- 405, 472-473, 532. TABLE DES MATIERES GÉNÉRALITÉS , NOTIONS HISTORIQUES. I. GEorrroY Saint-HiLaiRe. — Allocution prononcée dans la réu- nion préparatoire du 20 janvier 1854 Mio rive Le même, — Fragments sur la domestication et la culture des ani- maux. Ancienneté de la domestication des animaux en Orient. Ricanp (du Cantal). — Sur les productions des montagnes, com- parées à celles des plaines et des vallées. , . . . . . GEOFFROY SaixT-HiraiRe.— Fragments historiques sur la domes- tication et la culture des animaux. Second fragment: De la cul- ture et de l'éducation des animaux chez les Romains . L Jules Haime. — Note sur l’état de la pisciculture chez les anciens Romains RS à + 40. GEOFFROY Saint-HizaIRe.— Fragments historiques sur la domesti- cation et la culture des animaux. Troisième fragment : Vues émises par divers auteurs du dix-huitième siècle sur la natu- ralisation et la domestication des animaux utiles . ' Le même. — Quatrième fragment : Vues émises par quelques au- teurs du commencement du dix-neuvième siècle sur la natu- ralisation et la domestication des animaux utiles. sa Baron AucapiTaine. — Des études historiques sur les animaux. . MAMMIFÈRES. Sacc.— Note sur la Chèvre d’Angora. . . . . . . . . Ramon DE LA SaGRa. — Rapport sur. un projet d’acclimatation des Chèvres dites d’Angora. MERE. + . ae Lixpex. — Note sur le Tapir brésilien. . . . . Florent Prévosr.— De l’acclimatation du Kangurou. À fs Jouy.— Quelques mots à propos de l'introduction en France des Yaks de la Chine, et analyse de leur lait. . . . . . . BartTHéLemv-LaPommERAYE.— Sur plusieurs races de Chèvresre- marquables par les qualités de leur pelage. . . . . . Daumas : Le général). — Sur le Cheval d'Orient. — Lettre de l'émir D en. . . .. . ae Doverxox.— Rapport sur les Yaks transportés du Thibet à Chang- Haï, etde ce portchinois à Paris, par les soins de M. de Mon- PR EE … . .". . . Baron de Moxréaupny.— Rapport de la commission chargée de visiter l'exposition des animaux reproducteurs : races bovines, porcines, ovines, abeilles et poissons. Suivi de la liste des récompenses décernées par le Jury de l'exposition. . : . Jonxsox.— Observations pratiques sur les animaux de basse-cour. BourGeois.— Sur les Chèvres d'Angora et à duvet, et les avanta- ges qui pourraient résulter du croisement des races . . . Baron Aucariraine. — Sur les Chameaux d'Algérie, et particuliè- | Le EE MÉbari. 7 . . … à: . … … Haiti Général Daumas. — Sur la Chèvre d'Angora. . . : « à 356 — 548 — Ricaarp (du Cantal). — Instructions sur les moyens hygiéniques à suivre pour l’acclimatation des Yaks. ' Le même. — Rapport fait à la Société zoologique d'acclimatation, au nom de la commission nommée pour étudier l'Hémione ac- climaté au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Ramon pe La SaAGRa.— Note sur l'existence du Zebre en Espagne dans une époque reculée E. Douzrvs et N. ScazumserGer. — Sur des filés de poils d'Yaks obtenus à Guebwiller FocizLon. — Rapport fait à la Société sur les laines envoyées à à M. le Ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, par M. le consul de France au cap de Bonne-Espérance. Général Daumas. -- Du Chameau d'Afrique Antoine D'ABBADIE. — Sur divers animaux domestiques d Arabie, de Syrie et de Nubie u HT Doreau De LA Mazce. — Sur le Zèbre. OISEAUX. Jules Decon.— Note sur la Perruche ondulée. ALLAnY (L'abbé). — Note sur les moyens de faire produire à à la Caille de trente-cinq à quarante petits, et à la Perdrix de cin- quante-cinq à soixante (en domesticité). Barraécemy-LAarommerAvE.— Note sur l'acclimatation et la ‘do- mestication du Hocco ot ete Pomme. — Sur les Hoccos et les Marails : : : . . ‘ Emile Tasrer.— Note sur les Cailles Mme Passy.— Lettre sur l'éducation et les avantages de la Poule cochinchinoise. c Florent Prevosr.— Note sur l'acclimatation du Colin- Houi de l'A- mérique du Nord. Jouxsox. -—- Observations pratiques sur les animaux de basse-cour. BLoxoeau.— Note sur le moyen d'obtenir des compagnies de Per- drix nombreuses, sans prendre la ss d'élever des Per- dreaux. K Sauzxier. — Sur le Colin de la Californie et sa reproduction : BanTHeLeMy-LaPomMERAYE.— De la MR du Hocco en France. , ... PRE Le Presrre. — Observations sur le Cygne noir . - POISSONS... Cosre.— Acclimatation des Poissons. : Mizcer.— Observations sur la communication de M. Coste. Coste.— Observations sur une note insérée par M. Millet dans le premier numéro du Bulletin. Baron de Moxreauorv. — Observations sur la pisciculture Mizrer.—Réponse aux observations insérées par M. Coste dans le deuxième numéro du Bulletin de la Société FRE d’ac- climatation. VaLexcenxes et Frémv. — Note sur un procédé qui permet de 127 à mc nt ind. te à NÉ ES cn ot ds ce l — 69 — reconnaître la maturité des œufs de certains Poissons. . . Baron de Monréeaupry. — Rapport de la commission char- gée de visiter l'exposition des animaux reproducteurs, races bovines, porcines, ovines, Abeïlles et Poissons. . . Marquis de VigrayEe. — Observations sur la pisciculture. . 4 £. Poucaer.— Pisciculture. De l'hygiène et de l'alimentation des Poissons nouvellement éclos. : +: 27.15. 40e 11. 1h INSECTES. Guérin-Méxevicze. — Recherches sur les Vers à rise ra et domestiques. . . 4 Emile Tasrer.— Rapport au ‘nom de la commission chargée d'in- troduire en France les Vers à soie sauvages de la Chine et des œufs, de vers à soie ordinaires des meilleures races blanches et jaunes élevées dans ce pays. (Séance du 26 mai 1854). . Frédéric JacquemarT. — Rapport fait à la Société zoologique d’acclimatation, au nom desa Msn, sur les Vers à soie sauvages de la Chine. . . . Ramon DE LA Sagra.— Note sur les cocons du Bombyr madruno. De Beauvoys. — Sur le Lycoperdon et FR a on en peut faire pour engourdir les abeilles. : . :.... gs 4 ofilte Guér-Méevicue. — Recherches sur les vers à soie sauvages êt domestiques. — Introduction et acclimatation en Europe du Bombyx cinthia (Ver à soie du Ricin). : Mirxe Enwaros.— Lettre sur la première’ éducation ‘de Vers à soie du Ricin faite en France. .'.. bo Guémx-Ménevicze.— Recherches sur les Vers à | soie sauvages et domestiques. — Observations sur quelqués essais de dévidage des cocons du Bombyx ci Ee et Note additionnelle sur fa ponte des Papillons. . Griserr. — Sur l'éducation du Ver à à soie du Ricin, ses habitudes et la possibilité de le nourrir de laitue et de feuilles de saule, et Instruction sommaire: : : c Brancuarn. — De l'acclimatation des Bombyx qui produisent la soie, et particulièrement de trois'espèces américaines, Bombyx cecropia, Bombyx luna et Bombyx polyphemus. . De Beauvoys.— Nouvelles expériences sur l'anesthésie des abeilles. Hanoy: — Sur la naturalisation du Bombyx cynthia en Algérie Baron de Monréaupry. — Les Abeilles. UE Baaurr1. — Sur le Ver à soie du ricin (Bombyx cynthia) Guérin-Ménevicze.— Note sur le Ver à soie du Ricin (Gombys Cynthia). Monraens.— Sur le Ver àsoie du Ricin et la possibilité de nourrir cet insecte de Chicorée sauvage. . . RE LU VÉGÉTAUX. Pevix. — Note sur la culture du Ricin, , . . . . . . . 119 154 275 306 340 344 — 950 — EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX. Procès-verbaux des séances générales de la Société. Séance du 10 février 1854, pag. 32. — Séance du 24 février, 35. — Séance du 10 mars, 88. — Séance du 24 mars, 136.— Séance du 7 avril, 177. — Séance du 28 avril, 180. — Séance du 12 mai, 183. — Séance du 26 mai, 225. — Séance du 9 juin, 227. — Séance du 23 juin, 231. Extraits des procès-verbaux des séances du Conseil. Séances du 30 juin et du 12 juillet, 278. — Séance du 18 août, 321. — Séance du 2 septembre, 323. — Séance du 15 septembre, 372. — Séance du 11 octobre, 431. — Séance du 24 octobre, 434.— Séance du 8 novembre, 437. — Séance du 17 novembre, 517. — Séance du 24 novembre et du fe décembre, 519. — Séance du 8 décembre, 521.— Séance du 15 décembre, 523. Extraits des procès-verbaux des séances de la Société. Séance du 22 décembre, 524. DOCUMENTS RELATIFS A LA SOCIÉTÉ ZCOLOGIQUE D’ACCLIMATATION. HozLar5. — Avant-propos. Formation de la Société 200/0E HR d'acchmaion Cr le Vreuen SEINE de s Y Rérlement ICONS. 2 ee 4 do Lors POUSSE NE Règlement administratif. . SAP RENE Li Liste des membres de la Société au 22 avril1884. . . . 1 LXIX Ricaarp (du Cantal). — Rapport adressé à la Société au nom de la Commission d'organisation. . . 1 D'ErréMesniz. — Rapport fait à la Société sur sa situation au 23 juin 1854 . 187 Le même. — Compte-rendu dé Ja situation de la Société au 22 dé- cembre 1854. . . 433 État des animaux vivants, objets de collection, modèles et objets d'art, donnés à la Société du 10 février au 31 décembre 1854. 539 Index alphabétique des animaux mentionnés dans ce volume . . 544 COMITÉ DE PUBLICATION DU BULLETIN À POUR L'ANNÉE 1854 MM. Is. GEOFFROY SAINT-HILAIRE, DE L'INSTITUT, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ, Le Comte D'ÉPRÉMESNIL, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL; ÿ DUMÉRIL (Auguste); SECRÉTAIRE DES SÉANCES ; g DUPIN (E.); SECRÉTAIRE POUR L'INTÉRIEUR ; GUÉRIN-MÉNEVILLE , SECRÉTAIRE DU CONSEIL ; Le Baron DE MONTGAUDREY, SECRÉTAIRE POUR L’EXTÉRIEUR; JACQUEMART (Frédéric), MEMBRE DU CONSEIL ; PASSY (Antoine), VICE-PRÉSIDENT, MEMBRE DU CONSEIL; DE QUATREFAGES, DE L'INSTITUT, MEMBRE DU CONSEIL; RICHARD (du Cantal); VICE-PRÉSIDENT, MEMBRE DU CONSEIL; Le Baron SÉGUIER, DE L'INSTITUT, MEMBRE DU CONSEIL; : Le Marquis DE SELVE,; MEMBRE DU CONSEIL ; Le Comte DE SINETY,; MEMBRE DU CONSEIL; d LR JACQUES VALSERRES, MEMBRE DU CONSEIL Le Bulletin est envoyé gratuitement à tous les membres. Les personnes qui ne font pas partie de la Société impériale zoologique d'acclimatation peuvent souscrire au Bulletin. | Prix de l'abonnement annuel : RS PABEs nas Gr da 22 à eV OO NES Départements .. . . . . . .... . . . 44 - Prix du Tome premier. . . . . . .......... 12 Prix du Tome premier POUR LES NOUVEAUX MEMBRES. 9 he \ 1x 1 a 3742 — Paris, imprimerie Guiraudet et Jouaust, rue Saint-Honoré, 538. LS. : A'PAPAL 7 VAT is "RONTU LAN FRA ANNEE À} pa AN BORA AP ANA UR (Upon AURONT PARA EL AAA ji / é À \ RAA \ Æ NE ANA VA où CAR PE a \ fr" \/ PAM \ ÉAE LAON