\ p.cj39^ ^-^^ r ' BULLETIN D£ LA SOCIETE DE GEOGRAPHIE. Troisieiiie iSerie. TOME XX. BUREAU DE hA SOClfiTfi, (elections DC 12 MAI 1844.) Piesidvnt. Vice -Pre side iits. Sciiitiilenrs. Secretaire. M. le baron de Macrad , vice-ainiral et pair do France, miuistre de la marine. \ M. CocHELET.ancien consul geuci aide France en Kgx pie, etc. ' M. GniGNiAUT, membrc de I'lnstitnt. I M. n'AvEZAC, clief de hiircau an niinislcre dc la iii.irine. I M. de La Roqufttf. , ancien cnnsnl de France en Norve^'e. i\1. <:li. Texier , currespondant del'Instilul. Liste (les Preside/its Itonoi-aires dc la Societe , dcpiiis son nrigmc. MM. Le manpiis de Lapi.ace. Le ninr(piis de Pastoket. Le vicomlede rnATEAUBRi,\Nn. Le comte Chabrol de Voi.vrc. Fecquey. Le baron Alex, de Humboldt. l.e comte Chabrol de Crousoi.. Le baron Cuvier. Le baron Hyde de Neijville. Le due de noiiDEAuvii.i.E. J.-B, Eyriks. Le comte de Kiony. MM. DUMOKT d'UrVILLE. Le due Decazes. Le coinle dc Montalivet. Le barun de Raranie. Le liiuleiiaut-gencral I'eiet. GuiZOT. De Salvandy. Le baron Tupikier. Le comte dc Las Cases. V I M.EM A IS. CUN'P) (iuinAINE. Laniirid baion Rou.ssin. Correspondants etrangcrs i/aiis /'ordre de leur noiiiiiKition. MM. Le docteur J. Mease. ;i Philadelphie. H. S. Tanner, a I'biladilpbie. \V. \Y()odbrii)ge, a Boston. Le It-col. Kdward Sabine, a Londre.s. Le colonel Poin.sett, a Washington. Lecol. d'Abrahamson, a Copenhagne. Le pnifesscur Schl'macher, a Altona. De Navarkeie, a Madrid. -^^ Le dorteur I'ieinganum. a Berlin. Le capit. .sir J. Frankhn, a Londres. Le docteiir RiCHARr.soN, a I ondres. Le professeur Rafn, a Copenhague. Le capitaine Graah, a Co[Mnhagiie. AiN.swoRTH, a Edind)Ourg. Leconyeiller Adrien RAf.Di,aVieiuie. MM. LeeomteGRABEnG de HhiHso,aFloreiice. Le colonel Long, a Pliilailelphie. .Sir .lulin Harrow, a Loudrert. Le capitaine Macowochie , a Sidniv. Le capitaine sir John Ross, a Londres. Le conseiller de Macedo, .i Lislionne. Le prol'e.ssrur Kari. Ritter, a Berlin. J'.^iS. ^ Ponceau, a Pliiladelphie. Le capilniiie G. I'.ack. F. Duboi.sde MoNTPEREUX,a Nenlcbatel. Le cap. John Washington, a Londie-. Le col. Ferdinand "Visconti, a Naples. P. DE Angelis , a BuendS-Ayres. Le ddcleiir Kriegk, a Francfoil. Adolphe F.RMAN, a Birlin. i'aKis. - I SIP 11 1. Miv II IK w. 1)OUiii;oi;ne ki m\iiiinl:i, III! J .L.,|. . 30. BULLETIN DE LA f f SOCIETE DE GEOGRAPHIE Troisiente Serie* (Eomc beujficme. CHEZ ARTHUSBERTRAND, LIBRAIRE DE LA SOCI^Tlfe DE GEO GRAPH IK, RUE BADTEFEUILLE, N° 23. 1844. COMMISSION CENT II ALE. President. fice-Presideiits. Secretaire-general. M. Bertbelot. COMPOSITION Dl IIUREAC. (Election dii 5 Janvier 1844. !\I. ROUX DE ROCHEI.I.E. MM. le Baron Ruger , Daossy. Section dc Conespondance. MM. RajoJ. Callier. Corhelet. Desjardius. Diibuc. Jaiibert. LafuuJ. MM. C. Moieau. Noel-Desvergers. D'Orhigiiy. Texier. Thoniassv. VVardeu. Section de Publication. MM. AlliM'l-Moiilcnionl. D'Avezac. Deuaix. De Froberville. Gay. Oiiigniaiit. Juinaril. MM. Bai'un de l.adoiirelle. L)e Lareiiaudiere. De Monlrol. Le vicomte de Santarcin. Ternaiix-Comparis. Le baroii AValckeiiaer. Section de Comptabilite. MM. Ansart. Le roloiitil Coraboeiit'. Eyries. MM. Isambcrt. De la Roquelle. "Vivien. MM. Corlambert Coiithaud. Membres udjoints de la Commission centrale. M. Imbert des Motleletle». Comite charge de la publication du Bulletin. MM. Albtrl-Montenioni. Ansarl. D'Avezac. Rerlbelot. Callier. Coi helet MM. Daussy. Jomard. De la Ro(|UPtte. Roux de Kociielle. Texier, Tboraassy. M. Chapellier, uotaire, tresorier de la Sociele, rue Saint-Honore , 370. M. Noiriil, agenl-general ft bibliolhecaire de la Sociele, rne de I'llniver- %i»e , n" 2 5. . BULLETIN DE LA SOCIETE DE GEOGUAPHIE JUILLET 18^4. PREMIERE SECTION. MitMOlRES, EXTRAITS, ANALYSES ET HAPPOHTS. Rapport /«/^ « la Societe de geographie , dans sa seance du 19 juUlet 18Zi4 , snr une des voyages de Marco Polo du 19 jidllet iSZiA , snr une nonvelle edition anglaise L'ne traduction anglaise des voyages de Marco Polo vient d'etre publi6e a Ldimbourg par M. Hugues Mur- ray, qui a bien voulu en offrlr un exemplaire a notre Society de geographie. Cette edition est accompagnde de notes noinbreuses et instructives , destinees a ex- pliquer un grand nombre de passages ; et I'auteur , dont vous m'avez charge, messieurs, d'analyser bri6- vcment I'ouvrage , s'attache d'abord k 6tablir I'authen- ticit(!! des recits de ce voyageur. On avait longtemps r6voqu6 en doute la sinc6rit6 d'une partie de ses rela- tions, parce qu'elles s'6taicnt rdspandues dans un si^cle illettre et crddule ,que les versions ne s'accordaicnt pas (6 ) toujours entre elles , qu'on y admettait le bizarre et le merveilleux , et qu'enfin aucun autre voyageur n'avait fait la mOme route et n'avait v6rifid les premiers r6- cits. Mais tous ces doutes ont pu 6tre disslp6s par des observations plus r6centes. Les relations de Marco Polo ont m remises en credit, et Ton en a recherche avec soin les dilTerentes versions , soil afin d'y faire un choix, soit pour completer Tunc par Tautre cellcs qui inspi- raient le plus de confiance et qui laissaient quelques lacunes a remplir. Le nouvel 6diteur place au premier rang des manu- scrits qu'il a consult^s ceux qui furent publics en France en 1824, par la Soci^t6 de geographic. Le premier est en vieux francais , et Ton en a facilitc la lecture a I'aide d'un glossaire. M. Murray croit que le francais est la languc dans laquelle les r^cits de Marco Polo ont 6t6 originairemcnt Merits, etil appuie ses observations sur celles de M. Paris, savant 6diteur de plusieurs Chro- niques frangaises, et sur celles de M. le comte Bal- delli-Boni , qui a public une edition italienne de ce mfime voyage. Nous nous bornerons en ce moment k citer I'opinion qu'il exprime , et nous nous r^servons de traiter s6parement et dans un 6crit particulier cette question de langage , a laquelle pourront se join- dre quelques autres discussions de phllologic. Le second manuscrit, public par notre Soci^t^ de g^ographle, et consulte par M. Murray , est une version latine , plus ^tendue que celles qui ont paru dans la meme langue ; elle renferme quelques uns des chapi- tres additionnels qui se trouvent dans I'ddition fran- ^aise ; et Ton y voit 6galement le prologue, ou Marco Polo annonce que, se trouvant en 1298 dans les pri- sons de GSnes avec Rustician de Pise, il lui Ht rcrirc ( 7) la relation de tout ce qu'il avait vu ot enlondu dans ses voyages. Le nouvel 6dlteur regarde ce manuscrlt latin comnio mieux dispose enlivres et en chapitres , et comme de- gag6 de repetitions inutiles ; il annonce qu'il I'a pris pour base de son texte ; que toutefois il y a incorporc avec soin toutes les informations addltionnelles qui sc trouvaient dans la version fran^aise ; que meme il a prefer^ liabituellenient Tautoritd; de celle-ci lorsqu'il y avait quelque dissidence, et qu'il a retenu une grande partie de ses locutions , comme propres a donner au r^cit un caractere plus original et plus anim^. Quant a I'edition publi^e en 1559 par Ramusio , M. Murray fait observer qu'ellc ne comprend pas un certain nombre de chapitres inseres dans I'edition frangaise , mais qu'elle en renferme d'autrcs qui ne s'y trouvent pas. M. le comte Baldelli a cru devoir placer ces dcrniers supplements dans son edition italienne ; il croit que Marco Polo , apres son retour de Genes a Ve- nisc , voulut rcvoir et modeler de nouveau son ouvrage; qu'il y fit quelques additions, et qu'on put en avoir alors une copie plus complete. Cette opinion etait aussi cellc de Rlaproth ; mais M. Mui-ray ne la partagepas ; il presume que ces additions out ete interj)olees par une main eti'angere, et il y apercoit dos erreurs et des dis- cordances. Ccpendant comme plusieurs de ces remar- ques ont ete reconnues vraies par les orientalistes et les voyageurs modernes , quelques editeurs ont pense qu'elles ne pouvaient avoir ete faites que par IMarco Polo lui-meme , h I'epoque ou ellcs ont paru ; et M. Murray n'a pas cru devoir les supprimcr. Au reste, il a eu soin d'indiquer par des notes leurs intercala- (8) tions , et m6ine il les a s6par6es du texte , lorsqu'elle lui ont paru douteuses et peu dignes de foi. Aprt;s avoir montionnt^ les trois editions qui ont par- ticulicrcment scrvi a la composition de la sienne , M. Murray rend compte des autrcs versions qu'il a ega- lement 6tudiees , et qui meritent une attention sp6- ciale. II rappelle ensuite dans une introduction quelle ^tait la situation de la Tartaric , quelles furent les guerres de ses souverains , lours conquetes en Asie, et leurs sanglantes invasions en Europe , avant les pre- mieres ambassades qui leur furent envoydes par la cour de Rome , pom: les disposer a entrctenir avec rOccident de paisibles relations. L'auteur, en parcou- rant cettc partie de leurs annalcs , cite honorablement la savante introduction que M. d'Avezac , notre con- frere , a miso en tete de I'edition des voyages de Plan de Carpin, publics par la Society de geograpbio. II s'arrSte aux missions qui furent successivement rem- plies par Asselin et par Rubruquisj et cbacun de leurs voyages lui donne occasion de peindre d'une manidre plus d^velopp^e les moeurs des Tartares , et tous les evencments qui pr^cederent le r6gne de Kublai-Kan , prfjs duquel se rendit la famille de Marco Polo. Ici commence le texte des relations de ce voyageur. EUes remontent a I'epoque ou Nicolo Polo, son piire , et Maffeo, son oncle, entreprirent leur expedition d'O- rient , et se rendirent de Venise a Constantinople, vers le milieu du xiii'siccle. Ilsgagnirent ensuite la Crim^e, la grande Bulgarie , la Tartaric ind^pendanto , et ils termin6rent leur voyage a Karacoroun , ou dtait la cour du grand kan. Nicolo et Mafleo s'arret^rent plusieurs ann^es dans diverses residences; et Kublai-Kan leur ayant confie uno mission pour la cour de Rome , ils re- ( 9 ) vinrent du fond de I'Asie a Saint-Jean d'Acre en 1269, et se rendirent en Italie, ou Nicolo Polo trouva son fils, quidevaitbientotraccompagner dans sonnouveau voyage en Asie. Le saint-sidsge etalt alors vacant; il ne fut occup6 qu'en 1272 par Gregoire X; et les Polo ne partirent pour retourner en Orient qu'apres avoir recu pour Kublai-Ran une r6ponse du souverain pontife. L'empereur les recut honorablement ; il prit en ami- tie Marco Polo , I'attaclia a son service et lui confia plusieurs missions importantes. Ce Venitien apprit la langue tartare et celle des autres pays ou il residait : il avait un esprit observateur ; il recueillait avec soin tout ce qui lui paraissait dignc d'interet ; et son habilete, son z^le , lui concilierent toute la faveur du monarque. La famille Polo desirait , apres unelongue absence, revoir enfm sa patrie , et l'empereur, la voyant partir avec regret, voulut encore lui donner un temoignage de bienveillance : il la chargea d'accompagner en Perse une jeune princesse de la maison imperiale , qui devait 6pouser Argon, roide cette contr^e. Les troisV^nitiens remplirent leur mission , et ils se rendirent ensuite a Trebizonde, Constantinople, iN<^grepont et Venise , oil ils arriverent en 1295. Ce resume des voyages de la famille Polo pr^c^de la description des pays qu'elle a parcourus successive- ment; et M. Murray, au lieu de commencer par les regions qui ont ete traversees pour se rendi^e de I'Ar- menie a Caracoroun , decrit en premier lieu la cour de Kublai-Kan , et les evdnements de la guerre que ce mo- narque eut a soutenir contre Nay an , un de ses parents etde ses vassaux, qui s'6tait soulcv6 contre lui. L'(^diteur anglais joint lei plusieurs chapitrcs, empruntcs de Ra- musio , un sur los opinions de Kublai-Kan relatives a ( 10 ) la religion cliri^tienne ; un autre sur la inauvaise admi- nistration , la r^volte et le chatiment d'Acomat, un de ses minlstrcs ; un troisicme sur les astronomes dc Cam- biilu et sur la supputation du temps chez les Tartares; un quatriome sur leur religion et leurs coutumes. Marco Polo vlsite cnsuite un grand noinbrc dc villes, et s'arrfite aux principaux 6v(inements dont elles ont 6te le tli(ialre ; il parcourt les provinces du Tibet, celles du Mangi ou dc la Chine md-ridionale , les villes de Nan- kin , de Kinsay , de Zaitun , et beaucoup d'autres lieux dont il d^crit le site, les animaux et les produc- tions. Le texte de la version de Marco Polo est accompagn*^ d'un grand nombre de notes , ou M. Murray s'attache a bien fixer la situation des villes , et a dlstingucr leur designation veritable , au milieu des dillerents noms qu'elles ont successivement re^us. Ces confusions de mots r6sultent quelquel'ois des anciens noms que les habitants ont conserves, et de ceux que les Tartares leur ont donnas apres la conquete du pays. D'autres notes ont pour objet d'analyser les opinions exprim^es par quelqucs commentatcurs de Marco Polo , et parti- culi^rcment celles de M. Marsden , un de ses plus sa- vants editeurs. M. Murray explique par quelle raison il se rapproche ou s'eloigne des observations faites par ses predeccsseurs ; et lorsqu'il doit choisir entre Icurs remarques , les siennes ont toujours un grand carac- t^re d'impartialit6 et de sinc6rit6. M. Murray revient ensuite a Titin^raire que Marco Polo avait suivi avant d'arriver a la cour de Ivublai- Kan. II parcourt TArminie , la Georgie, Tauris, Bag- dad et diff^rentes villes de Perse , il rend compte de quolqucs traditions dn pays, et dc quolques prodiges ( 11 ) dont il n'est inform^ que par oui-dire ; il pc^nfetre dans le centre de I'Asie et sur le vaste plateau de la Tarta- ric , peint la ville de Samarcandc , la province dc Khotan , celles de Tangut , de Kliamil , la ville d'E- sina, celle de Raracoroun. Marco Polo remontc a des 6poques anterieures, et sa relation nous offre des de- tails sur Genghiskan, sur ses combats contre le Prfitre- Jean, Huang-Kan, qui fut tu6 dans une bataille, et sur les successeurs de Genghis jusqu'au regne de Kublai- Kan. II peint les moeurs des Tartares , d^ja esquiss6es dans plusieurs parties de sa relation , et p^n^tre dans d'autres regions septentrionales , que Ton designait alors sous le nom de contrees de Gog et de Magog. Cette partie des voyages de Marco Polo occupe une autre place dans les editions anterieures a celle de M. Murray, et nous desirerions qu'il eut suivi la clas- sification pr^cedente. Mais cette remarque, qui ne porte que sur une diff^i-ence d'arrangement , n'ote rien au m^rite reel de son ouvrage. La troisi^me partie des voyages de Marco Polo com- prend ses navigations a I'orient de I'Asie et ensuite dans I'ocean Indien. II d^crit la forme des vaisseaux, visite les iles du Japon ou Zipangu , celles des parages de la Chine et du Tunkin, les archipels de la Sonde , les iles d'Andaman et celle de Ceylan ; il rend compte de I'origine de la religion boudhiste , des coutunies et des superstitions des Indous , des opinions des brah- mines ; il visite quelques points de la cote des Indes , double le cap Comorin , reconnait les pays de Malabar, de Guzurate , de Cambodje, se rend aux Maldives, a Zocotora et sur quelques autres plages de TAfriquc orientale , longe les cotes d'Arabie, pdnetre dans le golfe Pcrsique, ot arrive enfin dans le Rurdestan. ( 12 ) Marco Polo d^crit les guerres de Kaidu , petll-neveu de Kublai-Kan , celles qui survinrent entre Argon et Achomat, comp(ititeurs au trone de Perse, et la der- ni(!'re bataillc oil Achomat fut d^fait , arr6t6 dans sa fuite ot mis a mort ; il raconlo les traditions qu'il a re- cuoillics sm" la region des ten6bres, donne la liste des princes tartares , docrit les guerres qui ont delate entre Baydu et Ghasan , entre Barka et Ilolagou , entre Toctai et Nogai , qui reraporte sur son ennemi une victoire decisive. L'estimablc version dont M. Murray vient d'enrichir la rdpublique des lettrcs a pour vous , messieurs , un intdret particulier ; elle doit vous faire paraltre plus pr^cieux I'ouvrage qui lui a servi de texte , et qui avait ^t6 publi(^ par vos soins. La relation d'un ancien voyage dans les contr(!ies centrales et orientales de I'Asie peut d'ailleurs attirer plus vivement I'attention generale, au- jourd'hui que les rivages et les conlrees de la Chine deviennent plus accessibles aux Europ6ens, et que les voiles myterieux qui envcloppaient le celeste Empire commencent a s'eclaircir. Le territoire , les moeurs , les coutumes de ses habitants deviennent autant de su- jets d'dlude pour les voyageurs qui obticndront d'y p<^netrer ; et de nouvelles recherches tendront peut- fetre a confirmer encore davantage rauthenticitc et la Justesse des observations et des recits qui nous ont et6 laisses par le ccJslebre voyageur vt^nitien. ROUX DE ROCHELLE. (13) Notice 5«rM. Dv VoycEW , president t/e ia Societe phi- losophiqne de Philadelphie , ef correspondont de la Societe de geograpliie. Lue dans la seance du 6 juillet i844- La Soci6t6 de g^ographie vient de faire une perte douloureuse par la moin de M. Du Ponceau , qui fut un de ses correspondants ; et vous m'avez invito, mes- sieurs, a vous entretenir de ses travaux , et a me rendre en cette circonstance I'interpr^te de vos regi'ets. S'il suffisait d'honorerle merite pour en parler digne- ment, d'aimer les sciences et les lettres pour apprecier a leur juste valeur ceux qui les cultivent , j'essaierais avec plus de confiance la Notice biograpliique que vous attendez de moi. D'autrespeindront mieux I'homme eclair^ que nous avons perdu : je me borne a consa- crer quelques pages a sa memoire. Pierre-Etienne Du Ponceau naquit dans I'ile de Re en 1759. II vint a Paris perfectionner ses etudes , se fit avantageusenient remarquer de quelques hommes de lettres, et devint, a I'age de seize ans , secretaire de Court de Gebelin , qui s'occupait alors de son grand ou- vrage du Monde priiuitif, dont il avait deja public une partie. Gebelin avait entrepris de retrouver les langues premieres et d'en suivre la filiation , en comparant entre elles leurs racines les plus simples, et celles qui ^taient communes a plusieurs idiomes. Son exemple in- flua sur les gouts du jeune Du Ponceau, I'entralna vers I'^tude des langues , et lui fit commencer une longue guite de recherches philologiques. S'il en fut quel- quefois d^tourn^ par les fonctions honorables qu'il cut ( lA ) a rcinplir pendant le cours d'une vie tres active, il y revint constamment dans tous les moments de loisir qu'il jnil consacrer a dcs travaux Htt(iraires. A I'c^poquc ou les Ltats-Unis proclam6rcnt leur in- dependance , et ou leur cri de guerre se fit entendre a I'Europo.Du Ponceau fut un des premiers Francais qui s'attachtjrent a cctle grande ot noble cause. Le baron de Steuben, ancicn g^ni^ral prussien , aliait se rendre en Amei ique ; il partit vers la fin de 1777, et Du Ponceau le suivit en qualite d'aide-de-camp. Steuben s'6tait form6 a I'^cole du grand Fr6d6ric : c'dtait un habile tacticien ; il connaissait dans tous ses details le sys- t^me de manoeuvres et d'instruction que le roi de Prusse avait introduit dans ses armees ; et I'oflrc des services de cet oflicier devenait utile aux milices amc^ri- caines. Apr^s son arriv6e a Philadclphie , il fut pr6- sent6 au congr^s qui s'assemblait alors dans cette ville, et il se rendit, le 27 fevrier 1778, au camp de Valley- Forge, ou Washington faisait hiverncr son armee, qui se reduisait alors a quelques mille hommes. Steuben avait exprim6 le d<^sir de servir comme simple volon- taire ; mais le congres auquel Washington le recom- manda le nomma inspecteur et major general , et Du Ponceau , plac6 sous ses ordres , le seconda avec zele dans tous ses travaux , soit pour assembler et instruire de nouvelles levies avant I'ouverture de la campagne , soit pour remplir digncmcnt toutes les autrcs fonctions d 'oflicier d'etat-major pendant le cours de la guerre. Sans nous arreter, comme nous I'avons fait dans un autre ouvrage , aux chances varices de cette memora- ble lutto entre la puissance de I'Angleterre et ses plus importantcs colonies ,nous arrivons aux combats ou les Am^ricains et les Francais r^unis allaient terminer la ( 15 ) guerre. Rochambeau , ilt^barqu^ dans le Rliode-Island, avec les regiments de Bourbonnais, Soissonnais, Sain- tonge et Royal-Deux-Ponts, s'etait joint le 6 juillct 1781 a I'arm^e commandee par Washington, qui avait quitt6 ses quartiers de West - Point pour aller reprendre rollensive en Virginic pres du James-River. Le comte de Grasse amenait des Antilles les regiments d'Ag(^- nois , de Gatinais et de Touraine , places sous les ordres du g6n6ral de Saint-Simon. Toutes ces forces se porterent vers Yorks-Town , oil I'armee anglaise etait rassemblee; et I'heureuxr^sultat de cette campagne fut la capitulation de lord Gornvvallis, dont les troupes furent faites prisonnieres. Ce grand 6venement decida du sort de I'Amerique. Les operations de la guerre se ralentirent a mesure que les negociations de paix fai- saient des progres ; et les troupes auxiliaii^cs envojdies par Louis XVI aux Americains rcvinrent en France vers la fin de la meme annee. Du Ponceau ne revint pas avec elles ; il desirait ne plus se separer du nouveau gouvernement dont il avait d^fendu la cause ; il obtint sa naturalisation, fut quelque temps sous-secr6taire d'Etat au d^partement des affaires etrangei'es , et s'ou- vrit ensuite dans le barreau une nouvelle carriere, ou il etait ajjpele a occuper un rang distingue parmi lesavo- cats et les orateurs. Ce jurisconsulte ne se borna point a connaitre les lois existantes qui doivent servir de regie aux tribu- naux ; ses travaux tendaienta les perfectionner, a les simplifier, a leur apj^liquer le caract^re de ce qu'il nomme la commune loi, cette loi qui est pour lui un type ideal debeaute.de raison, dejustice, auqucl il faut ramener sans cesse toutes les jurisprudences qui s'en ecartent. Ses remarques sur cette commune loi nous ( 16 ) paraissent egalement convenir k ce droit de la nature ot des gens qui devient le principe des liens sociaux. Ce droit sert de base aux rapports que les nations ont entre cllcs , a leurs institutions civiles et poliliques , a leurs lois maritimes et commercialcs. « Cost une regie bienfaisante qui p6netre partout; ses bornes sont incon- nues ; elle varie avec la succession des ages ; ellc prend sa couleur de I'csprit du temps, du savoir du siecle et des dispositions des juges ; elle a 6prouv6 de grands changements i differentes epoques, et Ton pr^voit qu'elle doit en 6prouver encore ; elle est de sa nature incertaine et flottante , quoiqu'aux yeux du vulgaire elle paraisse stationnaire et fixe : aussi , de tous les SYStemes do jurisprudence , la loi commune est celle qui se prete le mieux aux ameliorations ; elle est mal- leable ; elle se plie aux lemons de I'experience , et se murit avec la sagesse des si6cles. » Du Ponceau croyait I'organisation civile et judiciaire des differents Etats de rUnion am6ricaine favorable a ce genre d'ameliora- tion. Tous cos Etats particuliers ont des lois qui leur sont propres ; ils jouissent presque sans limites du pouvoir de les modifier, et la formation de leurs cours de jus- tice en donne egalement la facility. Cette commune loi transpire a travers les autres institutions des fitats- Unis. « C'est ellc , disait Du Ponceau , qui grave I'em- preinte de la liberty et de I'egalite sur tous les hommes qu'elle unit et qu'elle protege ; elle dont la puissance magique ouvre les portes des prisons , et delivre h I'instant ra6me les victimes de I'autorite arbitraire; elle qui a pour intcrpr^tes douze invisibles juges , que les yeux du corrupteur ne peuvent apercevoir , et que I'influence de I'homme puissant ne peut sdduire; car on ne les rencontre pas, jusqu'au moment ou la ba- ( 17 ) lance dc la justice etant mise dans leurs mains , ils enerit liora.)) « Que ne » puis-je, disait-il encore , passer quelquesmois aupres » de vous , et avec des hommes qui honorent la France » et le monde civilisi ; mais il est trop tard pour y )) penser; je ne puis etre avec eux que comme les » anges , c'cst-a-dire en esprit. » Au bas des lignes ou ces regrets sent si tendrement exprimes se trouvait encore sa signature, faitc d'une ( 24 ) main inal assurt^e. Son ame avail toiite sa force ; niai!> on sentait que la nature allait defaillir. L'homnie il- lustre et vertueux se disposait d^ja i rendre a Dieu Tame qu'il avait recue de lui ; il a pass6 dans une ineil- leure vie au mois de mai 184A. Sa mt^moire sera dignement C(il(^br6e dans la Society philosophique aniericaine de Phlladelphie : c'est la que ses travaux peuvent etre justemcnt appreci6s , et que les difforcntes actions de sa vie sont pr6scntes a to us les souvenirs. Du Ponceau Tut un dcs homines qui con- tribuerent le plus par leur merite et Icur exemple a I'illustration de cette Soci^td ; et si elle est appel^e tout enti^re a concourir a son apotli6ose , I'ixonneur que j'ai d'en etre membre correspondant m'autorise a me meler a ses disciples , a ses amis , a tous ceux qui garderont a jamais le souvenir d'un savant et d'un citoyen si recommandable. Les honneurs litteraires de Du Ponceau r^pondaient a r^tendue de ses connaissances. II etait president de I'Athen^e dePliiladelpliieet dc la Societe bistorique de Pensj Ivanie , membre correspondant de I'lnstitut de France , et associ^ , soit en Europe , soit en Am^rique , a d'autres academies. Tel est I'avantage des communi- cations etablies dans la republique des lettres, qu'elles rappi'ochent les uns des autrcs les hommes 6clair6s de tous les pays. Les observations que nous avons faltes sur les difl"6- rents ouvrages de M. Du Ponceau montrent que ses etudes ne s'6taient pas sp6cialement dirigees vers la geographic. Neanmoins on nc les consid^rcra pas comme etrangL'res a cette science , si Ton remarque a quel point la dilTerence des lieux occupes par diverses nations indue sur cellc de Icurs langages. La surface (25 ) dun continent se compose dun certain nombre de territoires , s^par^s les uns des autres par des limites naturellcs , telles que les bras de mer, les fleuves , Ics grands lacs , les chaines de montagnes : plus les com- munications deviennent difliciles entre ces diff^rentes enceintes , plus les idiomes de chacun de ces groupes de population tendent a se diversifier et a devenir dis- tincts les uns des autres. Les philologues ont ete sou- vent a port^e d'en faire la remarque , et ils ont ete conduits a nieler I'etude de la geograpliie aux reclier- ches qu'ils avaient a faire sur I'originc des langues, sur leurs analogies oulcursvaridites. Nous devons donccon- siderer Du Ponceau comme un des hommes qui firent de leurs connaissances geograjihiques une heureuse application a d'autres sciences , qui regarderent cette lumi^re comme un des flambeaux de I'liistoire , et qui la prirent pour guide dans leurs etudes sur les moeurs etla langue des nations qu'ils avaient a comparer entre elles. ROUX DE RoCnELLE. Note sur les antiquites de V Ahyssinic , par MM. GALINIER et FERRET. Les antiquites qu'on trouve en Abyssinie sont loin d'etre aussi considerables que celles qu'on voit dans I'Y^men , et surtout dans la vallee du Nil. Mais, si peu nombreux que soient aujourd'hui les monuments de cet ancien empire , ils n'en meritent pas nioins notre at- tention , parce que les inscriptions qu'ils portent sur lours flancs serviront sans doutc a ^claircir quelques ( 26 ) points de son histoire , que nous ne connaissons en- core que trg. h.) Nous avons trouv6 aussi chez le meme pretre I'in- scription suivante sur deux faces d'unc meme pierre. ( Voir la planclie , fig. 5. ) Ces inscriptions nous semblent 6crites en caracteres ydmanites , dont on trouve tant de traces en Arabic , sur les mines de.Saba. On salt que I'Abyssinie avait des rapports frequents avec cette contr^e , et que meme elle y a doming pendant longtemps. Voyage de remit- Abd-el-R\der dati.s /'est de rAlgcrie en 1839. L'emir (1) Abd-el-Rader ecrivit, en 1839, a Ben- Salem (2) pour le prevenir que son intention ^tait de visiter les montagnes de I'Est, et de pousser meme une reconnaissance jusquc sur les bauleurs de Bougie : « Donne-moi ton conscil sur ce voyage, ajoutait-il , et )) dis-moi s'il convicnt que jc le fasse a la tetc d'une » arm^e , ou seulement accompagne de quclques cava- » liers. » Ben-Salem lui repondit que si son intention dc vi- (i)Emir. Tousles Aiabes a celleepoque donnaiea Abil-el-Kadcr tantot le litre tie Sultan , tantot le titre d'Einir-cl-Mouineninn , qui veut dire Prince des Croyants. (a) Ben-Salem, kalifa d'Abd-el-Kader dans la province de Sabaovi- (31 ) siler I'Est 6tait bien arret^e, il lui conseillait de nc point pen^trer chez les Zouaouas (1) avec un entourage qui put faire croire a dcs pretentions belliqueuses , mais de s'y rendre , au contraire , avec une faible es- corte , en bote confiant , en simple pclerin qui va visi- ter des licux saints. C'estlale seulmoyen , lui disait-il, de parcourir surement le pays et de pouvoir faire des observations, sans ^veiller la susceptibility de ces mon- tagnards onibrageux. En Rab6aa-el-Tany 1255 (1839) , Vtimr se mit en niarcbe sans qu'on put soupgonner le but de sa course, et il parut loul-a-coup a Bordj-IIamza , escorte de cent cavaliers de I'Ouest. Ben-Salem s'empressa d'allerle saluer,puis il le con- duisit dans sa famille a Bel-Qreroub , ou il lui olTrit I'hospitalite de la nuit ; de la il le mena a Bordj-el- Boghrny, et de Bordj-el-Bogbrny a Si-Aly ou Moussa, Tous les Kabyles surent bientot que I'^mir Abd-el- Kader , le jeune sultan qui avait fait aux cbretiens une guerre acharnee , etait cbez eux. La presence d'un tel bomnie dans leurs montagnes fit une vive sensation , et les Maatekas , les Gueclietoulas , les B^ni-Zemanzar, les Beni-Abd-el-Moumen , les B6ni-Aayssy, les B6ni- Rateun et les Flissas vinrent le visiter. C'^tait quel- que cliose de curieux que cette reunion de Kabyles entoui'ant un Arabe. La tente de I'Luiir etait press^e par les Zouaouas qui le regardaient avec des yeux ^tonnes; aucun d'eux ioutefois n'osait y p6n6trer; les moins indiscrets , ac- croupis alentour, en relevaient les bords pour voir (i) Zouaouas. On donne le nom generinue ilc Zouaouas a tous les Kabyles qui s'etendoni guident. Vous savez au surplus ce que dit Ic Koran : « Que d'd'lephants ont ^t6 inquiries par des mouche- )) rons, et que de lions ont 6t6 tues par le dab (1) ! » Sacliez bien que si je ne m'6tais oppos6 aux em- )) pietements des Francais, que si je ne leur avals fait » connaltre leur impuissance , depuis longtemps deja » ils auraient nag(^ sur vous comme une mer en furie , » et vous auriez vu alors re que n'ont jamais vu ni les )) temps passes nl les temps pri^sents. Ils n'ont quitt^ » leur pays que pour conqu n'etes dou6s d'aucune intelligence , vous n'etes que » des Ironcs noueux et inflcxibles. » Alors se leva Ben-Aabbou, oukil de I'Emir, qui, gra- vement et sentencieusement , a la fa^on des Arabes , jeta ce proverbe a la foule : El uAdou ma iertijda sedigne On el-necjrida ma icrdjdu deyuiyue. L>nnemi ne devienl jamais ami ; I.e son lie devienl jamais farlne. Sans faire autrenient attention aux paroles de Ben- Aabbou : « Nous vous jurons, repondlrent les Kabyles » a TEmir, que nous sommes des gens senses; que .) nous connalssons toute chose ; et nous vous le r^pe- » tons, nous n'ontendons pas que personne s'initle a )) nos affaires, ou cherclie a nous imposer d'autres lois ») que les notres. )) Nous Savons encore ce qu'il nous convlent de faire )) en ce qui concerne les preceptes de la religion. » Comnie nous vous I'avons dlt , nous donnerons a » nos pauvres le zekkat ct I'achour; niais nous n'en- )) tendrons jamais que des etrangers en profitent. )' Quant aux chretiens, s'ils viennent jamais cliez nous. (36) » nous Icur apprendrons ce que peuvonl los Zouaouas » a la tete et aux pieds nus. » — Assez I assez ! interromplt Abd-cl-Kader ; le pe- )) lerin s'en retournera comme il est veiui. Que la vo- » lont^ de Dieu soil falte j » — Allczdoncenpaix, reprirent Ics Rabyles, puisque )) vous etes venu simplement nous visiler. Les polerins » et les voyageurs ont toujours 6t6 bien re^us cliez )) nous. Nous pratiquons riiospltallle ; nous avons de » la fierte , et nous craignons les actions qui peuvent » attirer sur nous le blame ou la deconslderation. » Lne autre fois pr6sentez-vous avec la splendour » d'un prince , tralnez a votre suite une arm^e nom- » breuse, et demandez-nous , ne fut-ce que la valeur » dun grain de moutarde , vous n'obtiendrez de nous )) que de la poudre. Voila notre dei'nier mot. >; Cost ici le lieu de donner quelques renselgnements surlesmceurs et les usages dos Rabyles del'Est, qui, sousle nom genirlque de Zouaouas, s'ctendent dcpuls Dellcus et TYsscur-jusques au-dela de Bougie. Toutcs les trlbus qui composent les Zouaouas sont commandoes par des aamines. Ces aamlnes sont 6lus par le peuple, qui precede a leurcholxdans de grandes assemblies que Ton nomme djemaa. La volonte gen6- rale peut-elle s'y faire connaitre? Oul; ot copondant commc partout ailleurs, la naissance, I'entourage , les rlcliesses et le courage y donnent de nombreusos cbances pour arrlver aux emplois. Lorsqu'unc tribu kabUe se compose de plusicurs fractions lni])ortant( s , cbaque fraction se nomme un aamlno. Tous cos aamlnes sont alors commandos par un aamine-ol-oumcna (aamlnedes aamines). L'oplnlon ])ubliquo le designe, le djomaa lo proclame. ( 37 ) La duree clu pouvoir pour les aamlnes n'est pas la meme clans toutes les circonscriptions territoriales. Chez certaines tribus , ils sont renouveles tous les six mois; cliez d'autres, tons les ans; mais, chez toutes, une mauvaise conduile peut apj^eler une destitution immediate, comme de grands services pcuvent auto- riser une prolongation. Dans tous les cas le people doit prononcer. Ce sont les aamines qui sont charges du maintien de I'ordre public, ainsi que de I'observance des lois ou coutunies. J'ai dit aussi coutumes , parce qu'elles jouent un role immense dans la vie kabyle. D'oii vien- nent-elles? Vous ne sauriez les trouverni dans le Koran ni dans les livres saints , quoiqu'ils suivent tous la religion musulmane. Sont-elles dues tout simplement au besoin que des hommes sages ont eprouve des le principe de maintenir energiquoment des populations vigoureuses ? Voila ce que nous ne saurions decider EUes existent , bornons-nous a les enumerer. Les de lits sont , en general , punis et reprim^s par des amendes. Ce sont les aamines qui les ordonnent et qui les percoivent. Quand elles d^passcnt une certaine somme , ils sont tenus den deposer le montant chez I'aamine-el-oumena, qui doit s'en servir pour acheter de la poudre. Cette poudre, au jour du danger, du combat , sera distribuee aux plus n^cessiteux de la tribu : voila son cmploi. L'aamine, quel que soit son caractere, ne peut ni faire du neuf ni taire de I'arbitraire; il a une marche a suivre pour tous les ev^nements ordin aires. Cette marche n'est 6crite nulle part : les vieillards , les sa- vants en ont les traditions, ct elle a force de loi. Ellc m'aparu assez curieuse pourne pas craindre d'enciter ( 38 ) Jesprincipales dispositions. Voici done ce code Strange: Tirer son yalagan, ni lis ne pas frapper 8 boudjous. Idem, el frapper IG Armer son fusil , ct nc pas lirer 10 Idem , el lirer 3<> lever son bSlon , el ne pas frapper I Idem , el frapper 3 £randir une faucille, el ne pa< frapper 2 Idem, el frapper 4 Faire le gesie de frn[>ppr aver line pierre 1 Idem, el frapper 6 Frapper a coups de poing I/-4 Parailre au tavoir di'> rctnnies 2 Un elraiiger a pu se Irumper, 11 ne paie rieu • Ne pas monter sa garde t Injuricr sans moiifs 4 lUre convaincu de vol 1(10 Kotrer dans une maison doiil le tiiaiire esl absenl lOO Tuer, — mourir, ou fuir en iaissaiil toul son bieii aux pareiils de la viciime. N'est-ce pas la le veritable Wliergeld , la composi- tion qui, chez les Germains, raclietait toutcs les pelnes? Le code bizarre des Kabyles se lit presquo en entier dans Tacite. Devons-nous en tirer cette consequence , que les memes lois , les memcs coutumes se retro u- vcnt dans toutesles societies a leur principe , alnsi que M. Guizot I'a si 6loquemment developpe? Ou devons- nous en deduiro que les Kabvlcs sont les descendants directs des \ andales qui londirent sur I'Afrique au V* siicle, et qui, accul(^s dans les apres montagnes du littoral , y ont conserve , avec le genie de leur farou- che indepondance , lOs lois de leurs vieux peres , les Germains? Contrairomenl aux id^es recues chez les Arabes , la bastonnade est unepunition honteusc chez les Kabyles, et nul chef n'oserait I'ordonnor daii< rt-londuc de son conunnndrinrnt. ( 39 ) A cote de rautorlte des aainines , chefs 6lus par le peuple, il en existe une autre extraordinairement puis- sante, celle des marabouts. Leur influence est telle que Ton est tente de taxer de mensonges tout ce que Ton en raconle. Les montagnards, dit-on , n'hesitcraient pas a ^gorger leurs proj^res enfants s'ils en rece- vaient I'ordre. Lorsque linimltie dlvise deux tribus, les marabouts seals ont le droit d'intervenir , soit pour r^tabiir la palx, soit pour obtenir une tr^veplus oumoins longue. Lorsqu'une tribu nombreuse a remporte un avantage sur une tribu plus faible, et que cette derniere est r6- solue a perir plutot que de ceder , les marabouts obli- gent la tribu victorieuse a se declarer vaincue. Avec un tel peuple , c'est le seul moyen qu'ils peu- vent employer pour decider le faible orgueilleux a ne pas se faire aneantir. L'on exprime cette action , qui se represente souvent, par le mot ikenaaou. Lorsque des circonstances graves necessitent une reunion de tribus , les chefs en ordonnent la publi- cation dans les marches. L'on y vient de trois ou quatre jours de distance, et, a I'exception des ma- lades, des vleillards, des femmes et des enfants, per- sonne n'y manque. Au jour d^signe, les marabouts choislssent un honime dou6 d'une voix sonore pour expliquer le but de la rc^union , et demander conseil aux tri!)us groupees s^par^mcnt. Le dernier berger peut dmettre son avis. Apres avoir recueilH les opi- nions diverses , les marabouts se reunissent en co- mite , et puis font connaitre leur decision au peuple par I'intermediaire du crieur public. Si aucune voix ne s'el6ve pour faire de nouvelles observations. Vow mvite alors I'assemblco a battre des mains en signe ( 40 ) (I'adheslon , ce qui u toujours lieu. Celte d^monslra- tlon, quand le rassombleuient est considerable , aquel- que chose d'imposant. A])res cette opt^ration , les Ka- bylcs font unc docharge g^n^rale de Icurs amies , -ce que Ton noninie el-meiz, la decisionr Le meiz s'cxdcute aussi toutes les fois que deux tri- bus se reconcilicnt. S'il n'a pas eu liou , I'lipprehen- sion de trahison est pcrmiso. Quand on se decide pour la paix , les ehcfs, en pre- sence de leur monde sous les armes , echangent un baton ou tout autre objet , le plus souvent un nioule a cartouches. II en est de ineme pour la gueri'e. L'on se previent , l'on se rend I'objet pric^deniment 6chang6 , et les hostilitds conaiiioncent toujours sans, prelude de trahison. Les causes principales de guerre . chez les Kabjlcs , sont le niepris de Taanaya , les insultes aux femines et les contestations de territoire. J'ai |)arle de I'aanax a , il laut expliquer ce que l'on entend par ce mot. L'aanaya peat se h'aduire quelquefois par treve , quelquefois par protection , souvent par sauf-conduit , et c'est la plus belle prerogative du Kabyle, I II lionime, a tort ou a raison, est oblige de fuirson village , sa tribii ; il obticnt un objet quclconque, mais connu , il'iin ami, dun marabout, d'un chef, d'un indiffc^rent , et , ce passeport etrango a la main , il peut \ojager sans crainte. S'iletail arrete ou meme insulle , lous les parents de celui qui a donn6 l'aanaya pren- draient fait et cause , et ccla deviendrail le sujet de luttes longues el sanglantes. La lettre d'un marabout hullil pour vous faire parcourir tout le pays dcs Kabyles sans accident. C'est le plus sur de Ions les aanayas. Le ( H ) noni de Dieu , invoque par an malheureux que Ion veut depouiller, ne le protege pas ; celui d'un marabout venere le sauve. Apres I'aanaya , nous devons , je crois , parler de la mani^re gen^reuse dont se donne I'hospitalite chex les Kabyles. L'^tranger, quelle que soit son orignie , est toujours bien recu , bien traite. Ces egards sont plus grands encore pourle refugie , que rien au monde ne pourrait forcer a livrer. Les Turcs, I'emir Abd-el- Kader ou ses kalifas I'ont plus d'une fols tente , mais toujours leurs deaiandes ou leurs elTorts dans ce genre ont 6te vains. A certaines 6poques de I'annee , il est perniis aux voyageurs d'entrer librement dans les jardins pour se rassasier de leurs fruits. Ces ^poques sont annoncc^es par les crieurs publics dans les marches. Je dois faire observer toutefois que, si Ton peut satisfaire librement son appetlt , il serait tres dangereux de pousser I'inde- licatesse jusqu'a vouloir emporter ce que Ton n'a pu manger ; cela pourrait couter la vie. De ce que les Kabyles vivent en republique , il ne faut pas en inferer qu'ils ne paient ni I'achour ni lo zekkat. lis sont musulmans , et suivent a cet egard les prescriptions du Koran ; seulement , au lieu de les verser entre les mains d'un sultan qu'ils n'ont jamais re- coniiu , ils les donnent a leurs zaouyas. Ces'zaouNas sont des cliapelles, dos lieux saints, des ecoles ou les marabouts et les thalebs (1) se reu- nissent soit pour prier, soit jjour enseigner les pre- ceptes de la religion. L'acliour et le zekkat, rccueillis par elles, servent u couvrir tous les frais de I'inslruc- (I) Tak'h, iiiuiifne icixiie haviini. ( '42 ) tion piihliqiie, comnio a soulagor Ics panvrcs ol los or- phelins. Partout les marches sunt lilnos oloxeinpls d'impots, taxes oil droits. Pour plus de garantle , lautorite des aamines y cede le pas a celle des marabouts, qui n'y tolerent ni arres- tations , ni vengeances , ni represaillcs pour quelque motif que ce soit. Le banqueroutier est signale dans les marches; il ne trouve plus a commercer. Chez quclqucs tribus kabjles il y a des receleurs privild- gies que Ton nomme oukal's. Les voleurs leur vendent a moitie prix I'objct d6robe, qui est ensuite rachet6 par les propricHaires un pou au-dessous de sa verita- ble valeur. On est etonne de trouver un parcil usage chez un peuple qui pousse a un si haut degre le sen- timent du juste et de I'injuste. Quand on en parle avec repulsion aux chefs kabjles, ils repondent : En prin- cipe vous avez raison ; et cependant nous sommes forces de tol6rer cet abus, parce qu'il nous permet de retrouver quelquefois des objets pri^cieux doiil nous ne pourrions jamais suivre la trace dans nos rudes montagnes. Tous les Kabylcs habitent des cabanes baties avec des briques de terre non cuite , et placecs grossiere- ment les unes au-dessus des autres. Le toit est convert en tuiles qu'ils confectionnent eux-memes. La cabane se nomme tczaka ; il y en a une pour la famille , et une autre pour les animaux. La reunion de ces caba- nes forme dans certaines localites des villages conside- rables. Ces villages sont partout entoures de jardins. Le ble est fort rare chez les Kabyles ; ils cultivent avec a pioclio , et solgnent Ires hii'ii lours lerres ensc- ( A3 ) menc^es. L'on ne mange du couscoussou que chez. les riclios. Le peuple se nourrlt avec des figues, de riuiilc , ot ne mange que rarement de la viande. Les glands sont aussi d'une grande ressourcc pour les Kabyles ; ils les font ou bouillir ou griller. L'on confectionne chez certaines tribus kabyles une esp6ce de galettequi, dit- on , contient beaucoup de principes nutritifs. Ellc so nomme metekobba. La fine fleur de frouient en fait la base, et Ton pretend qu'un morceau de cette galette de la longueur et de I'epaisseur de la main suffit pour nourrir un homme pendant vingt-quatre lieures. Lne plus forte dose entrainerait la mort, Elle altere beau- coup. En biver ils se regalent dime espece d'oiseau qu'on appelle zatoute (colombe). II en vient a cette epoque des quantites innomlirables; on Icspi^end au fdet. Ces oiseaux sont bouillls , sales et conserves comme provi- sions. Les Kabyles poss^dentpeude bceufs et de moutons; ces derniers sont chatres. En revanche ils ont beau- coup de chevres , d'anes et de poules. Les chefs seuis sont months. Le pays est si denude que la plupart du temps lis nourrissent leurs chevres avec des karkouch ou figues seches et avort(^es que Ton recueille avec soin. Les mulcts sont moins communs aussi qu'on no la cru jusqu'a present. Le mariage se consacrc par-devant le kadi, connne chez les Arabes , a I'exception que le futur achcte, pour ainsi dire, sa femme, moyennant une somme d'argentplus ou moins forte qu'il donne au pere. Cc pere recuperc ce qu'il avail donne hii-meme lors de ( hh ) sun maiiage. Partant do la, plus 11a dt; lilies, plus 11 est riche. La iKinc^e, armee d'un yatagan , d'un lusil, d'uiie pairc de pistolets, est promende dans tout le village. Los femnics iie se cachent pas la figure. Elles sont rc- nonini6es pour leur beaut6 et la distinction de leurs tonnes. EUos travalllent beaucoup au doliors, et occu- pont leurs loisirs a tisser les vetcments de leurs maris, heurnouss, liaiks (1), cheloukha , liahayas (2) et etuis do fusil. Les fdlos n'ont aucun droit a I'lK^ritage de leurs pa- rents. La raison qu'on en donne, c'est que la fonime, qui est forcee de suivre son mari , peut 6tre appel^e a augmenter les ressources d'un pays, qui d'amipeut de- venir ennemi. Dans cliaque tribu il \ a une musique compos^e de deux espoccs de clarinettes turques et do deux tam- bours. EUe parait dans toutos les noces ou circonci- sioiis. Les jours de fetes sont employes par les jeunes gens a s'exercer au tir a la cible. Los Kabyles portent pom- tout vetcmcnt la cheloukha , espece de caban qui vaut de 7 a 8 francs, la chachya ou fessy, et le boughrerous, espece de guctres. Ceux de I'interieur dcs montagnes vont latete d6couverte; dans les combats , ils entourent leurs tetes avec I'^tui de lours fusils. Les tribus kabyles qui avoisinent les plaincs parlent arabc; maiscoUes do rinleriourrignoront onllerement, et ne parlent que le kuobaylia. Le kuobaylia s'6crit toutefois avec les caract^res arabcs. (i) ll.iVk , piece d'oloffe en laiiie doiit si" tlrapent les Ar;il)es. (2) Olicloiiklia , liahayas, espece lie cli<>iiiise eii laine , Ires larjje ; \el(;incnl li.iliitml des Kabyles. ( A5 ) La vengeance passe pour une oljligation clioz les Rabyles. l)n homnic est assassin^ ; il laisse un fils en bas-age : sa mere lui apprend de bonne heure le nom du meurtrier ; puis , quand il est grand , elle lui re- met un fusil en lui disant d'aller venger la mort de son pere. Si au lieu d'un fils la veuve a it6 laissee avec une fdle, elle public qu'elle sera mai'iee sans dot, el qu'elle ne sera donnee qu'a celui qui tuera I'assassin de son mari. 11 existe trois villes oil Ion fabrique des amies ct de la poudre. Ce sont : Beni-Yaiinny , Oulad-Aly-ou- Hazsoun et Gaouaoua. Dans le voisinage de ces villes. Ton trouve des mines de plomb , de soufre et de sal- petre. II est demontr^ que cliez quelques tribus Ton fabri- que de la faussemonnaie avec une babilete incroyable. Le douro d'Es])agne est imite avec un bonbeur qui, du temps des Turcs, coutait souventla vie a celui qui ten- tait ti'op souventla fortune. LesKabyles ont I'elranger ou plutot la domination etrang^re en horreur , et ne pourraient se plier a une autre forme gouvernementale que la leur. Lorsqu'on leur demande des impots, ils en appellent aux amies. En general, ils ne se baltent pas dans les jilaines; ils n'aiment que les montagnes ou les lieux boises, oii ils peuvent appuyer leurs longs fusils. Lorsqu'ils sont forces de descendrc dans les vallees, cliaque fantassln s'associe s'il le peut un cavalier qui saura le prendre en croupe, etie tirer d'un pas difficile au besoin. Cbaque tribu a son drapeau : il est rouge ; celui dos fractions de tribus est ordinairement blanc. Quand il ( 46 ) s'agit de vcngcr une injure ou de repoiissor unc agres- sion, ctque le combat a 6t6 resolu, tout Ic mondo doit marcher, arme ou non. Ceux qui n'ont pas de fusils se tiennent a portt^e des combattants, ct lour devoir est d'emporter les morts et les blesses. Souvent memo los femmes assistent a ces drames sanglants pour encou- rager leurs frdres ou leurs maris. Si un lache vient a fuir, elles lui font avec du char- bon une large marque sur son bernouss ou sur sa che- mise de laine, et il devient aussilot I'objet du mepris general. Les Rabyles n'ont jamais subi Ic joug; les Flissas, Aamoraouas, Beni-Qrelfoun, Nezliouas, Oulad- cl-Atiziz, Beni-Sema\l et Marchaouas, faisaient cepen- dant aux Turcs , comnic a Ben-Salem , une esp^ce de soumission boiteuse, et cela pour pouvoir cultiver dans les plaines qui les avoisinent. Si Ton venait a leur par- lerde contributions, ils interrompaientimmediatement les relations commerciales , et se refugiaiont sur les pics les plus 6lev6s de leurs aprcs montagnes. Etaient- ils forces de donner quelque tribut passager au pouvoir du jour, les tribus eloignees les en punissaient aussi- lot, soit en les d6pouillant, soil on los llvrant au ridi- cule. Elles cherchaient ordinairement a s'emparor d'un Rabylc appartenanta la tribu qui avait prefer^ le mepris et le d^shonneur a la mort , lalTublaient du vetement complet d'une vieille femme, lui faisaient un collier avec les intestins d'un animal, etpuis le prome- naient ainsi dans leurs marches au milieu des hu^es centrales. Cet usage est encore en vigueur. Les Turcs , dont les ressources en infanterie d'taient tellement insufiisantes qu'ils ne pouvaicnt memo con- cevoir la pensee de tenter la conquete des Kabylos de ( A7 ) TEst , remplagaient par unc hal)ile politique ce qui leur manquait en force materielle. Convaincus que si cesvigoureux montagnardsetaient tei'ribles dans leurs pays accidentes, ils 6taient d'un autre cote bien peu rcdoutables en rase campagne , ils se contentaient de dominer a peu pr«^s ceux qui avoisinent les plaines, et laissaient les autres manger en paix leurs glands sauvages. Au moindre grief, les Arabes des vallees recevaient I'ordre d'empecher impitoyableraent les premiers de cultlver, les derniers de frequenter leurs marcb^s ; et cesmoyens, mis babilement en pratique, amenaient toujours de bonnes relations commerciales : on n'en voulait pas davantage. Les Turcs dtaient certains que si leur puissance de- vait un jour recevoir un echec, ce ne serait pas de la que le coup partirait. Pourquoi done se seraient-iis us6s a combattre sans aucune espece d'avantage un peuplc pauvre, guerrier et fortement attacb6 a ses idees d'independance ? Apres son entrevue avec les Kabyles a Sid-Aly ou Moussa, I'Emir monta a clieval pour se rendre a Bordj- Tiziouzou cliez les Ameraouas. II y passa la nuit, et tint aux Kabyles qui vinrent I'y trouver les memes dis- cours a peu pres qu'il avait tenus a leurs freres des niontagnes. S'il ne trouva pas cbez eux des gens com- pletement disposes a le seconder, il en recut pourtant des r^ponses beaucoup moins vebementes ; soit que la situation de leur pays dans le voisinage de la plaine eut un peu adouci lapiet^ de leurs mceurs, soit qu'en raison meme de cette situation ils cherchassent a se ma- nager au besoin la protection puissantedujeune sultan, lis lui dirent cpio si les tribus qui ^taient sur leurs ( A8 ) derrieres se soumettaicnt , ils se soumettraiont ogalo- ment. Le lendomain Ahd-ol-Rader so rendit a Dol- leus (1) qu'il ne connaissait pas; il y fut accompagn^ parSidi-Abdcrhaman, khalifa, ot parcntde Bcn-Salein. « Comniont pouvcz-vous voiisresoudre a hahiter une » \ille du liUoial? lui dil IKinir; quant a mol , je n'v » passei'ais pas une nuit sans int' faiie bien garder, pour )) n'v pas etre surpris par les chretions. » Sidi-Abder- haman lui repondit (ju il v rcstait sans inquietude , « parce que , au dire des gens du pajs, deux mara- » bouts , Sidi-Soussan et Sidi-vVbd-el-Kadcr , jirote- M geaient la ville contre les attaques des infideles , I'un » du cote de la terre, I'autre du c6t6 de la mer. — » titiez-vous present, demanda I'hmir a Sidi-Abderba- » man , lorsque ces marabouts firent les promesses » sur la foi desquelles vous dormez ? — Aon. — Eh » bien! negligez ces propos populaires , puisque rien » ne peut s'opposer a la volonte divine. Voyez Alger ! » Le marabout Sidi-Abd-el-Rader n'v a-t-il pas dit : » Lorsque ma ville aura de laboue jusqu'a mi-jambes, » les autres villes en auront par-dessus la tele ; et pour- » tant le contraire est arrive : la ville quo protegoait )> Sidi-vVbd-el-Rader est aujourd'hui enl'ouie dans la » vase, ot les autres en ont ete preservdes, Prenez done » vos precautions. Nous ne devons avoir aucune con- )) fiance dans le chretien ; il est perfide , ses fdets ne » sont tendus que pour nous prendre, et la paix ne pout » duror ! — Que Dieu nous prc^serve do lui I ropril ») Sidi-Abderliaman , et par I'intercession de vos ance- » tres. — Tenez-vous sur lo qui-\ive, ajouta TKmir ; » envoyez tous vos bagages a la montagno, et ne laissez (I) Delleus , Dellys, [jciii [oit, des premiers apres Alger daiislepnys kahyle. ( ^li> ) » ici que votre t'amillo ot votre clicval. » A quclques jours de la, Sidi-Abderhaman avait sui\i le conseil de TEnilr. Le lendemaln, 7Vbd-el-Kader alia visitei'le marabout de Bou-Berrak, dans le pays des Oulcd-Si-Omar-el- Clierif ; 11 y dejeuna, el alia passer la nuit a Haouch- el-Nahal, cbez les Isseurs. Les cliefs de cettc tribu \in- I'ent I'y ti'ouver; il les engagea a transporter tous leurs elTets sur les points culminants, et surtout a ne pas laisser leurs grains dans la plaine , mals a les enfouir dans des silos sauvages. II doima les memes conseils a toutes les tribus qui campaient dans les vallees. Ne croyez pas, leur disait-il, a la continuation de la paix ; bientot elle sera rompue. De Haouch-el-Nahal, I'Emir se rendit au marabout Bou-Merdass, aupres d'El-Djebil. C'etait an pic ilexe d'oii 11 pouvait decouvrir Alger. II se fit donner sa lon- gue-vue, et sonda la villc avec soin , s'informant de tous les points, et recueillant des observations minu- tieuses sur le pays qui s'offrait a ses yeux. Pendant qu'il etait occupe de ces details, Ben- Zekri (1), un doinestique et son negre prirentla fuite; quclques cavaliers voulurent les poursuivre : « Laissez- » les aller, leur cria-t-il ; ils s'en repentiront amere- » ment un jour. » De la I'Emir se transporta chez les Beni-Aaycha , fraction des Kracbenas. II y fut bien recu , et force coups de fusil y furent tiies en signe de rejouissance. Comme on pensait qu'il y passeralt la null, on lui pre- para la diffa; mais a la tombee du jour il partit , et alia coucber a Bou-le-Ferad. Le lendemain le vit de (1) Ben-Zekri est encore aiijourd'hui odlcier a noire service dans les spahis de Conslanline. H. JUn.M'.T. /|. li ( 50) bonne heure a Tamcdighrct , sous les Flissas, ou so trouvait le camp do Bcn-Salem. II y passa deux jours et deux nuits, et puis se rendit a Sidi-Naamann , cliez les Aamoraouas. Les gens do Ouad-cl-ISessa vlnrcnt lui olTrir dos presents conside- rables qui consistaient en figues, liuile, cire ct savon. Les deux aglias Bel-Casscm ou Kassy et Aomar-bcn- Mahhvdin lui donnerent chacununemule magnifique. Abd-el-Kader donna le savon a sa suite pour qu'clle lavat son linge , et la licencia apres avoir manifcste rintcnlion de se rendre seul chcz Ics Zouaouas. Les Aamcraouas, les Beni-Thour et les Ysser profi- t^rent de la presence de I'Emir pour lui porter plainte contre les pretendues spoliations de Ben-Salem. La veritable raison de cette denonciation calomnieusc etait qu'ils lui gardaient rancune de los avoir ecartcs des emplois, au benefice de ses amis particuliers, bien qu'ils eussentpuissamment concourua son av^nement. Abd-el-Kader fit venir son kalifa pendant la nuit , lui reproclia sa cupidite et la manierc indigne dont il exercait le conimandement qu'il lui avait confi6 , lui donnant a entendre qu'il s'etait tromp(^ en le prelerant a Sid-el-Iladj-Aly-Ould-Si Saady. Avant meme de savoir si Ben-Salem pouvait se lavor des imputations qu'on faisait pescr sur lui, I'entou- rage d'Ai)d-el-Kader n'eut rien de plus presse que d'aller annoncer a Si-Saady ce retour de fortune. Si- Saady emprunta 200 douros, et les fit distribuer aux officieux porteurs de la nouvelle.Aomar-ben-Mahbidin, ami de Sl-Saiidy, lui avan^a cette sommc ; mais Bel- Cassem ou Kassy, qui, au contraire, etait bien dispose pour Ben-Salem, se liata de porter /j,000 boudjous a ( 51 ) I'Emir, ea lo prlant de ne pas dostituer sou kalifa , dont I'eloignement serait funeste au pays. Abd-el-Kadcr recut la sommc; maisil la versa dans le tresor public (bit el mal). II fit ensuite appeler Bcn- Salem, le confinua dans son poste, ct fit jouer la mu- sique en son bounenr, en I'engageaut toutefois a etre moder^ dans los coinuiencements, pour no pas s'alienor Ics tribus. Si-Saady en fut pour ses 200 douros. Ces sortes d'accidents sont IVequents dans le gou- vernement arabe. La nianiere dont les Kabyles avaient regu rEmir a Sidi-Aly ou Moussa , chez les Maatekas , n'avait pas sufli pour le convaincre qu'il ne pourrait tirer aucun parti des populations energlques de ces montagnes. II voulutaller jusqu'au bout, etil ecrivit aBen-Zamoun(l) et aux aamines des Flissas jiour leur dire qu'il avait toujours I'intentlon de visiter en enlier le pays des Zouaouas, et de pousser meme jusque sur les liauteurs de Bougie ; il terminait en les invitanl a lui donner leur avis sur ce nouveau projet. La haute portee politique d'Abd-el-Kader lui faisait esperer, avec quelque apparence de raison, qu'il pour- rait trouver chez les Kabyles de Bougie, en guerre ha- bituelle avec les Chretiens, des proselytes plus ardents qu'il n'en avait rencontre jusque la. Les chefs montagnards so rendirent a son ajipel , et lui dirent : « Vous no sauriez penetrer de ce cote par la force. Vous avez deja pu voir quel est I'esprit de resis- tance des tribus voisines des plaines ; c'est bien autre chose encore dans ces montagnes. (1) Ben-Zaamouni est le clicf kabyle qui se distingua lors dc la prise d'Alger; il avait amend une armec de 16,000 hommcs. II est morl depuis trois ans. { 62 ) )) \ ous ne pouvez \ voyager qu'en pelorin , el sous Ja sauvegardc de laiinaya que nous vous donnerons. » — C'estbicn mon intention, ivpondit Ahd-cl-Kader : car si j'avais eu la pcnsde de recourir a la force , je ne se- rais venu ici qu'avec une arinee dix fois plus forte que celle avec laquelle j'ai r^duit les Zouatnas (1). Le Icndeniain , Ics chefs des Aumeraouas et des Flissas raccompagnerent aTamoda, pres de Ra/.-Oucd- el-Nessa ; de la il se rendit a Aakbou , de la a Zan , puis chez les Sidi-Hyab\a-Bou-IIatem , au-dessus des Beni-Ouglis , ensuite chez les Toudja , de l;'i chez les Tanizalet , dont le chef est Oulid ou Rahahh, puis chez les Beni-Bou-Msaoud , enfin chez les Sidi-Mohamed ou Rlaameur, sur I'Ouad Sahcul, en face de Bougie. Cette route nest pas directe ; mais les points 6non- ces sont les plus culminants, et I'Kmir voulait profiter du temps qui elait beau pour etudier le pa\s. Pendant lout le trajet, Abd-cl-Kadcr lul bicn Iraite ; plus dune fois il cut nierae a subir une tres importune quoique ires gen^reuse hospilalite. A peine arrive au gite , de nombreux Rabyles , tete nuo et le baton a la main , venaient lui presenter la dilTa de leur pa\s : enormes plats en terre ( djelToun ) remplis d'un mauvais cous- coussou a I'buile, parsem6 de quelques morceaux de viande s6che ctmaigre. Chacun deposaitson djefena(2) devant la lente de I'^mir, et le fouillait de son baton , on ci'lant a son bote : Mange ! c'est mon djcfena. Abd- ol-Kader, jiour ne pas faire de jaloux , fut ainsi forc6 (l)Zoualhnas.Uii an aiipaiivaiil, Alni-el-Kadcr avail f;iil une razzia sur une tiihu ilis Zuualliiias ft ra\ail presquc exlcrrniiit'C : il en vou- lait a eelte Iribu parce qu'dle 6tait d'originc lurque (.couroiiglis) , el (lu'ellc tendail a sc rapprocher des cbri^tien.>. (2) Djefena , singulier de djetToun. ( 53 ) de toucher aux plats sans nombre dont il etait entoure, car les Kabyles ne cessaient cl'y planter leurs batons jusqu'ace qu'il y cut fait honneur. Le CliicpT-JMoliamod -Amezyan etson frorc lo Chiqrr- Mcrad vinrent trouvcr TErair sur I'Ouad-Saheul ; il Icur tint a peu pres le nieme langage qu'il avait tenu chez les Maatekas, les engageant encore a nc pas compter sur la durde de la paix , et a ne rien laisser de leurs ricliesses dans les plaines. lis I'ecoutei-ent , lui promirent de harcelerles Chre- tiens ; mais, conimo les autres, ils lui refuserent toute esp^ce de conli'ibution. Abd-el-Rader parut se conten- ter de leurs protestations, ct s'engagca menie a leur en- voy er tout ce dont ils pourraient avoir besoin d6s qu'il serait rentre dans son gouvernement. Unenouvelle desertion dans la suite del'Emir eul lieu devant Bougie : I'un de ses n^gres gagna celte ville en lui enlevant son cheval. Les Francais , instruits de I'arriv^e d'Abd-el-Kader, lui envoyerent un courrier; et quoique rien n'eut transpire des propositions qui lui furent faites , les Mezaayas, excites par leur chef Mohamed ou Alv- Entegar, en prirent ombrage, et accuserent le voya- geur d'enti'etenir de secretes correspondances avec les Chretiens. Des menaces violentes eclaterent bientot, et I'Emir, effraye , partit subitement , poursuivi sur sa route par les imprecations des montagnards. Cette retraite fut une fuite veritable , une autre h^gire , et il ne s'ai'reta qu'a Tamzalct, ou il passa la nuit. Le lendeinain , toujours en fuyant , 11 arriva pres de rOued-Amasin , ou le Chiqrr Ben-Daoud lui barra le passage avec des forces considerables ; il y fut en danger ( 5A )_ do peidre la vie , et no dut veritablcment son sulut et celui des sicns qu'a rintcrvonlion doBen-Zanioun dcs Fllssas, do JJel-Cassom ou Kass) , d'Aonuir-bon-Mahlia- din dcs Aauioraoiias , ol principaloniont du Cliiqrr Amc/.yan-Ould-Rabahli. Apros avoir t'clia])po aux Kabyles , Abd-el-Rader so rendit a Orolil on Imiifcsar, toujours on longeant rOued-Amasin , ol fut coucbor cbez les Bcni-Brahhn, I'aisant ainsi dans un scul jour la marcbe dc irois jours. La, Bcn-Salcm le quitta apriis avoir recu ses instruc- tions. « Soyez bon avec vos administres , lui dil-il, car » vous n'obtiendvoz rion d'eux par la violence ; soyez, » patient surtout ; et si Ic Tout-Puissant allonge mon » existence , soyez persuade quo Jo saurai rodrcsser la )) marcbe tortucuse de ces montagnards. » Ben-Salem s'cn retourna chez lui avec les cbeis dos Flissas, ot I'Eniir, j)rot6ge par I'aanaya du Cliiqrr Aineyzan-Ould-Bababb , arriva a Bordj-ol-Bouyra (Ij, en passant derriere les monts Djurdjuras. II parcou- rut on longueur et largeur la plaino do Hamza, et d'uno seule traite il s'onfonca dans lo (iiiarb. Tel est I'ac- cueil qu'Abd-cl-Rador, aux plus beaux jours desa puis- sance , recut dans les niontagnes des Kabyles. Les deuxvoyages quo I'limir a fails dans I'Est sont, a vrai dire, deux ovonomonts poliliquos : Tun, celui dont la relation se rallacbe a la promioro parlio de col ouvrage , et I'autre , celui que nous venous d'^crire , avaicnl un triple but. C'etait d'abord de frappor dun coup terrible les tribus dont le pays est d'un acc6s facile , et qui no lui (l) l!onlj-L'l-I!oyra csl lo lii-u qui sui la carte est d6sign6 sous le noin lie Bordj-IIaiiiza. (55 J ^taient pas soumises encore; ensuitc de reveiller par sa voix puissantc et sa presence tie marabout le fanatlsme des populations pour les preparer a la guerre saintc , dont son esprit avait deja rnuri les liautes combiual- sons; il esperait , en fin , non seulement gagner lesKa- byles,mais encore en tirer des secours, que sa position ct ses projets rendaient cliaque jour plus urgents. Dans les deux premieres parties de son th^me , Abd- el-Kader reussit completement : il detruislt les Zoua- thenas, et ses predications savantes lui firent de noni- breux proselytes. Ainsi que nous I'avonsvu, il futmoins heureux pour la question des impots ; toutefois I'en- semblc de la combinaison lui fut favorable. La simpli- cite de ses mceurs , son affabilite , sa science , son tltre vener6 de marabout et de badj , sa brillante elocution de predicateur, et la r^jiutation de guerrier qu'il s'^tait deja acquise , lui gagnerent tons ceux qui le virent et I'entendircnt. Et, bien qu'il ait trouve une assez vive opposition cbez lesZouaouas, son voyage n'en fut pas moins un succes. E. Daumas. Aljjer , le !i mni i844- ( 56 ) Rapport sur les frai>ati.r fie r Association roynle inaritiiiic et rolonialc de Listjonnc , fait a la Societe cle geographic , par iM. If vicomio de SANTAREM. Mkssievrs , Dans une de vos derni6res seances, servant d'lnter- prdte a la Societci maritime el coloniale de Lisbonne , je vous ai tt^moign^ le dcsir qu'ellc avail d'cntror en relation avec la Societe de geographic ; non seulement vous avez accueilli cclte demande avec bicnveillance et empi'osscment , mais encore vous m'avez fait I'lion- neur de me charger de vous faire un rapport sur les travaux de cette association savante. Malheureusement le temps mc manque pour vous rendre un conipto de- taillc" dcs nombrcux documents dont cette Society a deja onrichi la science geographique. Plus tard , je me propose de mettrc sous vos ycux un vesum6 de ses travaux. Pour Ic moment, je me bor- nerai a dire que cette Societe, fondee il y a un pou plus de quatre ans, a df'ja public pres de cinq volumes de ses transactions , qui paraissont tons les mois sous le titre d'A/uines iiinriti/uof e coloniaes (Annales mari- times et colonialos ) . On V ti()u\c une serie de documents curicux , non seulement sur I'Asie et sur TAfrique, mais encore d'au- tres ([ui interessent la geographic et I'histoirede cette science, ainsi que cellc dcs colonies du Portugal, et d'autres nations de I'Europe. Je citerai : ,1° une serie de documents des xv*' el xvT sleilcs, tu(''s dcs archives du rovauino, placees maiute- uajil sous ma direction, documenls tons inedits , et ( 57 ) relatils aux navigations des Portugais. Telles sont Ics instructions donnces par les rois dc Portugal aux diU lerents niarins qui commandaient leurs flottcs, ainsi que les navires parlant pour I'lnde et pour d'autres pays ; des lettres et des rapports des memes , adresses au gouvernement , etc. Le dernier document qui a et6 public de cctte serie est date du 13 juillet 1509, so'usle regne du roi Emmanuel. Ces documents servent aussi a corriger les dates de plusieurs faits qui se trouvent alt^res par les differcnts liistoriens et geogrophes. Cette publication est due au zele eclaire dc M. da Silveira jeune , qui a un grand amour du travail reunit beau- coup de modestie. 2° L'Association a publie une serie de m^moires historiques et statistiques des etablissemcnts portugais en Asie et a Macao en Chine (1), Ccux qui concernent les possessions asiatiques sont dus a M. Louzada d'A- raujo , secretaire de la Societe , qui a reside longtemps dans rinde. Nous sommes charm^s depouvoir dire ici que nous ne connaissons pas de publication recente qui puisse mieux faire connaitre I'etat actuel des posses- sions portugaises en Asie , leur commerce, leurs res- sources , les lois , les inceurs et les usages des habi- tants , etc. 3° Nous citerons encore un travail tr^s curieux et erudit enlrepris par M. de Mattos Correa siir la prinritc des decouvertes faitcs par les Portugais stir les coles orientales de rJmerique du Nord. !l° Lne serie de documents originaux sur les explo- rations des Portugais daiis I'interieur de I'Afriquc m6- ridionalc en 180/j et en 1839. (l ) Menioiir -^ur ri'l.iiili^-ciiMiit i\<< I'diliionis ;i Mncnn et sur son eta I nr tni'l. ( 58 ) 5° I lie notice ciuieusc sur I'elat du commorcc uu Portugiil avcc ses possessions d'outro-iner, par M. Ta- varez do Macedo. Enliii la Socic'te public les ordonnanccs royalos et Ics arretes minislc^riels conccniant la marine porlu" gaiso , ics rapports laits par le ministre aux Chambres, la liste des navires dc guerre et des stations ou ils sc trouvent, les rapports fails dans quelques Academies elrangrres relativenient a la marine des autres nations , aux voyages, etc. , ainsi quo des extraits du Nautical Magazine. La Society a public une carle lopogra]iliique dcGoa. A I'instar des autres Societes , elle donnc dans son Bulletin mensuel les proc6s-verbaux des seances. En tcrminant ce rapport succinct, je crois pouvoir predire un brillant avenir a cette Soci^tc, qui conipte parnii ses membres plusieurs noms des plus recom mandables. Placee sous la protection immediate du gouverne- ment, elle tient tousles ans une seance gen^rale, quo la lamille royale vient toujours lionorer de sa prt^sonce. Paris , ce 17 inai i844- ExTRAiT . mars iS'J^. Monsieur, Vousm'avcz tellenient liabitue a voire bionvcillanco, que je suis assure de rinterel avec Icquol vous reccvroz des nouvelles de mon expedition. Apres bien des lati- gues et bien des privations , nous sommes arriv(^s ici , ( 5y j au centre tin Bi'esil , ct a pix's de /lOO lioues dans rinterlenr dc ce vasto empire. Partis dcRlode Janeiro, nous avons traverse la Serra d'Estrella, qui est une des branches des monts Organs; puis, entrant dans la province des mines , nous nous sommes diriges sur Barbacena, ou nous avons fait des series d'obsen aliens magnetiques, ensuitc nous avons atteint Ouro-Preto , la capitale de la province et le centre de la region auril'ere; nous avons visite les principalcs mines qui sont cntrc les mains des compa- gnies anglaises , elj'ai recueilli des renseignements in- teressants surleursproduits, etc. Icitout le monde nous conseillait de sejourner pendant la saison des pluies , et Ion nous representait le passage du desert dans cctte saison comme mortel, a cause des maladies qui se repandcnt des que le soleil vient darder ses rayons brulants sur des terres rendues vaseuses par les pluies tropicalcs. Je ne crus pas devoir me rendre a ces rai- sons;je n'ai qu'a m'en feliciter, car bien que nous ayons traverse des parties tres malsaines, nous sommes tous en bonne sante. Nous passames le Rio-San-Fran- cisco au port d'Abernard , et nous entrames dans la province de Goyazparl'Aldea indienne de Santa-Anna. II m'est impossible de vous dire combien j'ai a me louer du gouvernement bresilien ; partout Ion me donne des escortes, et mon expc^jdition est comblee de marques d'honneur et de consideration. La saison des grandes pluies ne nous permettant pas de continuer en ce moment notre voyage vers I'ouest , nous allons faire une grande expedition sur la riviere des Tocantins. Mon intention est d'entrepren- dre une chose qui n'a pas encore etc faite, de descen- dre celte riviere , et de revenir a Goyaz en remontant ( «0 ) TAraguax . Lc gouvornoiuont mo Tail prej)arer dcs ca- nols ; Ton me donne dcs ramcurs indicns , (>t une cs- corte do vinqt-cinq soldats. Nous sorons tout lo temps parmi les tribus Ics plus liostdes du desert. Jc m'occupc ici beaucoup do I'etudo des races in- diennes , et jo recuellle des vocabulaires ; je fals des porlraits, etc. Les Indiens les plus voisins sont les Charantes. De rctour a Goyaz, je me dirigerai sur Cayaba, qui est se^pai'c du point oil je suis par une forel de plus de 200 1ieues K. DI-: Castf.lnai. ExTR.viT (Vane lettre de i\I. Ilugli MnmAV (i M. Jom.viu). Edimbourg , ~ ju'" '844- Monsieur, J'ai riionneurdevousenvoyer une edition de Marco- Polo, que je viens de publier avec des notes, pour etre presentee a la Societe de geographie. Quoiqu'olle soil destinee pourl'usagepopulairc , j'ai fait de mon mieux pour Jeter de la lumiere sur la route et la relation de ce celebrc voyageur. Vouspourrez reraarquer lo grand cas que je fais de Tedition ])ubliee par la Societe de geo- grapliie , no doutant pas memo qu'elle no soil I'origi- nale , et ayant de grands doutes sur rauthcnticit6 do Ramusio , quant a tous les passages qui ne so trouvent pas dans celte premiere version. Je me flatte d'avoir eclairci quclques diflicultds, et promo quo la relation est plus r6guliore el continue qu'oUe n'a et6 generale- Miienl supposeo. Dans le voyage du Thibet (p. 15i)-(J0 ) ( 61 ) et dans celui de Sumatra (p. 281-7) , j'ai cru pouvoli tracer des routes toutes ditlercntes de celles qui sniit supposees par Mai-sdcn et autres ^crivalns. II me serail tres intercssant de savoir comment cos opinions sent cnvisag^es par les savants geographes de Paris. Je suis avec grande consideration , etc. , Hueli Murray. o ]']xTRAiT (rune Icttrc parlicidiere de M. le general M.\rky. (Communique par M. JOMARD ). Le general Marey , parti de Tiaret au mois de mai dernier, est alle avec son corps de troupes a Taguin , puis a Tedjmout , et jusqu'a Ayn-Madhi, dc la a El- Aghouat. Auparavant , il avait traverse le Grand Atlas, le Djebel-Amour et le Djebel-l'Agliouat. II s'est port§ ensuite , en rayonnant, a El-Assassia , a Rsir-el-Hiran, a El-IIoueta et autres endroits ; puis, il s'est avance a une grande distance dans le Sud. Le terrain partout est de bonne terre , recouverte d'unc legere couche de sable ; jusqu'a 120 licues d'Alger, il arelrouve encore le meme sol : c'est cependant ( a cette hauteur ) le Saliara de toutes les cartes, et ce qu'on appelle le desert; mais il n'a point aper^u de desert proprement dit : \g Sahara semhle reader a mesure qu'on avance (1). II est all6 ainsi jusqu'a Boudrin , a 80 lieues de Tiaret; partout il a trouve des tribus paisibles. II y a dc ce c6t6 des dromad aires d'une tres grande vitesse , faisant 50 a 60 lieues dans un jour. On appelle (i) Voy. Bulletin de fe'vrier 1844 ( loine I"-' , 3" sciie , pafje 142), la iicjie ?ur le Salinra. (62 ) cetlc osp6ce iiwUnoi\S Vr.YSSlMENNES ¥ % ^. I' rai'e J'tJ.J. I % % /^/. it T^ace \ 1 1 1 \ V^'- ^ lAF ly.s. UXCft(DhC0 f'Jl^MJ®!^ ////,.,/■ /. Oi;'l''i BULLETIN Dli LA r r SOCIETE DE GEOGRAPHIE AOUT \%hh. PREMIERE SECTION. MI^.MOritES, EXTRA.ITS, ANALYSES ET RAPl'OKTS. La Turquie d'Europe , on Observations siir la geogra- ■pfiie , la geologie , V histoire naturelle , la statistique , les nifvurs , les coutuiiies , Varcheologie , l' agriculture , r Industrie , le commerce , les gouvemements clivers, le clerge , V histoire et Vetat politique de cet empire ; par M. Ami Boui;;. h vol. in-8». Paris , ISZiO. ( Analyse par M. ALRERT-MONTftMOiNT ) L'ouvragc dont nous allons ici presenter I'analyse est une composition remarquable a la fois par I'eten- due des recherches, la prolondeur des apercus, la nou- veaut6 des decouvertes et le savoir du voyageur. La vaste contr^e qu'il a visit ) met. Le Montenegro doit son nom a la quantity de I'o- rets de coniftJies qui donnent a ces montagnes, vues do loin, une teinte foncee. En faisant dix a douze heures par jour, on peutparcourir cepays en six jours du midi au nord , et en cinq jours de I'ouest a Test. La princi- pale rivitre qui I'arrose , la Nahie de Moratslia , inot tir6 de inor, bleu ^ a cause de la couleur de ses eaux, est formee par la r(^union de deux torrents. La baic de Cattaro et les bouclies du Cattaro sont dominies du c6t6 de Monten(^gro par une niontagne escarp^e et nue qui conserve de la neige dans ses crevasses jusqu'en juin et juillet. Les montagnes n'offrent guere ici que des cliemins de pietons. Cetigne , bourg central du Montegreno , ou plus exactement reunion d'habita tions Isoldes parmi lesquelles sont groupes ensemble un convent, lamaisondu s6nat et I'unique aubergedu Montenegro , a un cliemin praticable pour les clievaux jusqu'a la ville de Cattaro. La Bosnie , dont le voyageur mettrait a parcourir le tcrritoire quinze jours dans sa longueur et six a liuit dans sa largeur, ot'fre un immense plateau de montagnes et de nombreuses vallees , ainsi que des coui's d'cau plus ou moins considerables , accidents naturels dont M. Boue passe une revue developp(^e. La ville de Bosna-Serai, assise sur les rives de la Migliazza ou Miliaska , est la capitale de cette province , qui touche a V Herzegoi'ine , pays forme par le prolonge- raent septentrional des trois ou quatre cretes du Mon- tenegro , qui sont paralleles a la grande chaine sur la frontiere bosniaque. line particularite de I'Herzego- vine est la frequence des cours d'eau qui se perdent dans des goutTres , et qui ont ainsi form^ jadis dc nombreuxlacs sans canaux d'ecoulement. Cet accident (70) gt^ologiquc se retrouve , du rosto, dans le Montc^n6gro occidental , dans la Croatic turque et la Bosnie. A Test (Ju Monttin(^gro est V Albanie , qui se divise en haute, moyenne et basse. La haute Albanie s'^tend jus- qu'a Elbassan ; la moyenne Albanie jusqu'aux mon- tagnes du Tomor el dc Skrapari , et la basse Alba- nie ou VEiJiie jusqu'en Acarnanie. Ce pays a une longueur de 78 lieues sur une largeur variable de 18, 20 , 2/i a 30, et il est horde au sud par la mer Adrialique. 11 y a de hautes montagnes et de petites rivieres. La capitale de I'Albanie est Janina sur le lac de ce nom , qui va verser ses eaux dans le golfe d'Arta. La Thessalie , dont la capitale est Larisse , n'est qu'unegrande plaine quadrangulaire entour(^e de lous les cotes de montagnes; celles de I'ouest se lient a celles de I'Epire. Parmi les ci'etes , figurent I'CM'^lta , rOlympc , le Pinde , le Kisavo , le Pelion ou Mavro- ^ouno, montagnes tres bicn boisees, Au nord de la Thessalie s'ollVe la iMticcdoine , j^ays montagneux , dont la capitale est Salonique, situee sur le golfe du memenom, et au pied du niont Koriach. Vers Test se pr^sente la Thrace, qui d(^veloppe ses fron- tieresau midi sur la mer tgee, le detroit des Darda- nelles et la mer de Marmara ; tandis qu'au nord de cetle province s'etend la liu'garie, vers les Balkans, et avec Sophia pour capitale , entre deux rivieres , I'lsker et la Nissava. Au centre de la Turquie se trouve un carre de pays montueux, ])lac6 entre six provinces, de mani^re a servir de passage de I'une a I'autre .: c'est la Moesie sitpcrieute , plateau couvert de rides , et contenant les hassins suporieurs dc plusieurs rivieres qui sortent des. ( 71 ) deiiles , dont ceiix du nord-est en envoient en Seivie , province s^paree des autres provinces turques par trois chaines montagncuses, pendant que son centre est tra- verse par une quatri^me partant de Belgrade , grandc et belle ville , jadis une des places les plus fortes de I'Europe. La Servie s'unit vers Test a la f^aJachie , dont la capitale est Bukarest, ville moderne, le Paris do la Turquic d'Europe. Cette province forme une prin- cipaute, ainsl que la Maldavie , dont la capitale est Jassy. Nous passons sous silence la Romelie propre- ment ditc, avec ses deux grandes villes , Andrinople et Constantinople , villes trop connues pour etre rap- pelees. D'aprtjs M. Boue , les systemes de montagnes se re- duisent en Turquie a sept ou huit , et aucun d'eux ne forme r^ellement une chaine centrale. Les points de jonction de ces systeraes sont marqu(!;s le plus souvent par de grandes cavites, dans quelques unes desquelles se trouvent des lacs. Les plus liautes cretes sont tou- jours pres des plus grandes cavites. II y a des cavites a fond tout-a-fait plat et a niveau 6lev6. Les plaines ou les grands bassins sont conime des vallees longitudi- nales relativement a I'un ou I'autre syst^me de rides. Au centre de la Turquie , et au pied meridional des cretes qui la Iraversent de I'ouest a Test, on remarque une suite de cavites. Les vallc^es transverales de la Tur- quie sont le plus souvent dirigees a angle droit de la direction des chaines. Enfin , le relief de la Turquie a encore le caractere particulier d'offrir beaucoup de fa- cility pour des routes qui la Iraversent a I'ouest et au centre , du nord au sud , ou du nord-ouest au sud- est , tandis qu'il presente loujours plus ou moins de dillicuUe pour celles (((Ton a 6tablies ou qu'on vou- ( -2 ) drait fairo de I'ouest a Test ou dii sud au nord dans la parlie oricntale. De ces g^n^ralites geographiques, M. Boue passe a la geologic et a la vegetation de la Turquie d'Europe. Les recherches et les observations du voyageur sont savan- tes et profondes ; mais leur examen nous eloigneralt trop de la specialite de cette analyse. Disons seulement que, dans I'cxpose des regions v^getales , on rcmarque nolamment des details curieux sur la vegetation fores- tiere , class^e en trois zones dlstinctes, savoir: celledes chenes, qui s'elevc jusqu'au -dcla de 1,060 mtjtres ; celle des hetres, qui setient, suivant les localites, entre 660 et 1,630 metres, et celle des pins, que Ton ren- contre entre 820 et 2,000 metres, pendant qu'il y a aussi desesp^ces qui descendentjusqu'ala mer. LaScrvie est avecla Bosnie le pays des bois de cliene par excellence; les sapins regnent dans la haute Bosnie et la haute Albanie. Le platanc se trouve en Thrace , vers le Bos- pliore et les Dardanelles. La flore de la Turquie euro- pecnne est aussi riche que variee. Parmi les mammiferes de la Turquie , on remarquc les chauves-souris , la musaraigne , i'ours brun , la taupe, la ijclette , le putois , le blaireau , la martre, la fouine , la loutrc , le ioup , le chacal , le renard , la genelte , le chat, le lynx, le rat, le sanglier, la gazelle , le chamois , le daim , etc. L'ours habite surtout les hautes montagnes boisties entre I'Albanie et la Mace- doine ; on le prend quclquefois avec un tonneau d'eau- dc-vie melee do miel ; il s'enivre avec cette liqueur, et s'epuise a force de danscr. Le Ioup est commun par- tout , et sauf dans les hautes montagnes, il n'est guere funeste alUeurs que pour les bergeries. Le sanglier se Uouve dans les forets des pays slaves, du Pinde, du { 73 ) Rhodope et de rAcarnanie. Le chamois parcourt en troupeaux les hauls patiirages des montagnes enhe la Valachie et la Transylvanie ; on en voit aussi en Bos" nie, en Herz^govine et en Macedome, Les chiens abon- denl en Turquie , surtout les races dites chiens de bergers , chiens loups et chiens dogues. Les grandes villes turques, excepte en Servie et en Valachie , pos- sedent toutes un nombre plus ou moins grand de chiens, qui n'appartlennent a personne, et qui mo- nent le genre de vie des chiens marrons de I'Am^rique, vivant en families, divises en quartiers , ne tolerant point le melange d'individus d'une famille etrangere , et s'entr'aidant pour se defendi^e contre leurs ennemis conimuns. Ces chiens font en Turquie, avee les oiseaux de proie, i'ofiice de balayeurs des rues. Leurs aboie- ments la nuit sont tres desagreables pour les voya- geurs , qui , dans les villages , sont ^galement exposes a I'attaque de ces betes incommodes. Les moutons sont les compagnons de I'homme dans toute la Tur- quie , et constituent la princlpale nourritui-e des habi- tants. II y a aussi beaucoup de chevres. Le buffle est frequent, surtout en Valachie, enBulgarie et en Thrace. Le cheval turc est de ,taille moyenne et dur a la fati- gue ; on nc le desselle jamais; il passe la nuit commc le jour avec la selle ou le bat , par suite de I'incurie ou de la nonchalance des conducteurs ou voyageurs indi- genes. Apres avoir consacre un chapitre a la met«^orologie , et resume la temperature moyenne de la Turquie , M. Boue aborde la partie ethnologique de son ouvrage, et traite des habitants, do leurs langues, de leurs ca- ract^res, de leurs mceurs, coutumes et usages. Suivons le voyageur dans ses rcmarques et descriptions les plus saillantes. ( 7/i ) HABITANTS. Lcs habitants de la Turqule d'Europc sont surtout des 5/«t^eA-, des l^alaques , des Sc/i/cipetares ou ^/ba- nais ct des Grecs. Les autres nations qui habitcnt aussi ce pays ne sont qu'entremelecs a ces quatre peu- ples, sauf dans la Bulgaria orientalo, la Thrace et le sud-ouest de la Alacedoinc , dont presque les seuls ha- bitants sont des lures. L'ensemble de cette population depasse quatorze millions d'habitants , non conipris le royaume de Grece etles lies de I'archipel. Les f^alaques ou Roumoins , groupes dans la Valachie ctla Moldavie , Torment pr6s de quatre millions. Les Slaves se divisent en Croates, Serbes , Bulgares et Cosaques-Dobrout- scha. Ces derniers , qui avoisinent la mcr Noire, sont peu nombreux. Les Bulgares ou Boulgares occupent la Bulgarie , la Mtesie ini'erieure et la plus grande par- tie de la Mojsie sup^rieure , en meme temps qu'ils Tor- ment le noyau principal de la population de la Mac6- doine. Leur nonibre excede quatre millions ct demi. Les Serbes comprennenl les habitants de la Servie , de la Bosnie, do lllerz^govine , du Montenegro et une partie de ceux des pachaliks de Pristina , d'Ipek et de Prisren. La Servie actuelle conipto pres d'un million d'amcs. Les Schkipetares ( habitants des rochors ) ou Albanais comptent environ un million 600,000 habi- tants , qui s'etendcnl dcpuis I'Kpire jusque dans la partie occidentale dc la Mcesic supei'ieure , ou ils se melent avec les Sci'bes dans la plaine entre Prisren et Ipek , entre Vrania et Mitrovitza, tandis qu'ils occupent presque a eux seuls , sous le noui d^ Arnaoutes , le pays aux sources du Leponatz , le sud-ouest de la [)lalui' (b- ( 75 ) Pristina , diverses petites contrees , et se nielent aux Bosniaques dans les montagnes entre I'Albanie ct la Bosnie. Lcs Albanais s'associent encore aux Bulgares , vers la IVontiere mac^donlenne. II y a aussi le pays des Guegucs dans la liautt; Albania ; puis les Albanais Toskes en Epire. Les Guegues sont catholiques, et les Toskes sontde la religion grccque. Cettc difference de culte fait que ces deux peuples ne se sont jamais asso- ci^?, sans se disputer, ct en venir meme a des col- lisions. Quant aux Grecs, ils forinent un melange heterogene de Slaves , d'Albanais , de Valaques , de Grecs byzan- tins et d'Asie : cependant cette nation commence a se reconstituer sous son gouvernement representatif dans la Gr^ce propi-e. Les autres Grecs demeures sous la domination turque babitent principalement la Thrace et la cbaine cotiere de la mer Noire ; oti compte en- viron 200,000 Grecs a Constantinople , 300,000 en Ma- cedoine , et ZiOO,000 dans lcs auties provinces. Enfm , outre les Grecs disperses, il y ales Zinzares, tribus va- laques , vivant isol^ment en famille , et se livrant sur- tout au commerce ; puis viennentles Tares , cpars dans toutc laTurquic, puisque ce sont eux qui romplissent presque toutes les charges importantes, et qu'ils for- nient les seigneurs de campagnc dans les pays Chre- tiens. Le plus grand nombre est rest6 concentrd dans la parlie orientale de I'empire, c'est-a-dire a Constanti- nople et a Andrinople, ainsi que dans quelques autres villes et villages de la Tiirace. Des statisticiens pensent que le nombre des Turcs bulgares, grecs et asiatiques, en Europe , est d 'environ 700,000 , c'est-a-dire environ le tiers de la population musulmane , ou plus du 10" de cclle qui est chreticnnc. M. Bou6 trouve ce nombre ( 76 ) petit, eu ugarcl a la population turquc de Constantino- ple , du Bospliore et d'Andrinople , qui est dt^ja de 3 a 400,000 individus; mais il ne donne pas lui-metne d 'Evaluation bien d<5termin6e. Enfin, aux peuples que nous vcnons de noramer, il convient d'ajouterlesBohdmiensde laTurquie, appelds Zingaies , et qui ne sent pas les Zinzares de la Vala- chie, dont nous avons parletout-a-l'heure. II parait que les Zingares descendent dcs Parias de I'lndostan, Icsquels avaient Emigre en 1/|08 et l/i09, lors de I'in- vasion de ce pays par Timour, et sont venus en Eu- rope par la Turquie d'Asie. Ce peuple nomade, actuel- lement au nombre de 200,000 individus , est mEprisE des Turcs et des chretiens , et on ne le trouve plus guere qu'en Bulgarie, en Valachie ct dans le Mou- sachE. Voici, en rEsum6, les nombres que donne M. Boue des diverses populations de la Turquie d'Europe. Peuples de la Turquie (V Europe. Population. Valaques : Valachie 2,(joo,ooo hatjitanls. — Moldavie i,4'95000 Seihes fie Servic 886,OOn Mnsuirnans en Servie io,4oo liosiiiacjues ^Oo,00o Ileraejjoviiiiens 5oo,ooo Cioates 200,000 Monlent"(5iin,s 100,000 Bulgares 4v''0°)000 Albaiiais 1,600,000 Grecs c)oo,ooo Zingares 3oo,ooo Turcs 760,000 Armeniens 100,000 Juifs 25o,ooo Zingares 1 5o,ooo Etraiijjers ou liuropccns 60,000 Total approximaiif.. . . 1 4,775,400 habitants. ( 77 ) Faisons suivre cetto evaluationrelativeau nonibrc des habitants de la Turquie par quclques traits priiicipaux sur leurs langiies , leurs caract^ros et leurs usages. La langue lurque est la plus repandue dans la Tur- quie d'Europe , puisqu'elle est celle des gouvernants. La plupart des Bulgares et des Grecs de'la Thrace et de la MactVloine la comprennent ; mais 11 n'en est pas de meme des Serbes ni des Bosniaques , et surtout encore moins des Albanais , qui affectent de ne pas la savoir. Le turc est une langue belle , expressive , br^ve , aisee a parler ; mais moins facile a ecrire. La langue slave est moins riche ; elle est parlee par ks Serbes. La langue bulgare se rapproclie davantage du russe , et est moins agreable a I'oreille que le dialecte serbe. Le serbe est aiix langues slaves ce que le latin est aux langues qui en sont derivees. Le dialecte alba- nais est restreint a TAlbanie. La langue valaque est un melange de latin et dc slave avec d'anciens mots illj'- riens. Les Zingares ou Boliemiens ont une langue a part et assez pauvre. Les Juifs de la Turquie parlent souvent I'espagnol ou I'italien ; une bonne partie de ces H^breux descendant d'exiles d'Espagne ou d'ltalie. Le fran^ais n'cst guere parle qua Bukarest, Constantino- ple et Salonique. L'allemand nest gu^re appris que par les Serbes , et le russe que par les Grecs ou les Slaves, qui commercent avec la Russie. Ln caracterc conunun a tous les peuples de la Tur- quie est la sobriety , comme aussi I'indifference pour les conmiodites de la vie. Le Turc a la tete bien con- lormee et les traits reguliers. Les femmes musulmanes sont en general fort blanches , parce qu'elles ^vitent les regards du soleil ; elles ont de belles formes, et ne portent ni corsets ni jaireti6res ; I'liabitude dime vie (78) S(klentaire contribue a leiir doiiner iiii oinboiipoiiil quelquefois trop grand. Lcs Turcs sonl naturelloment phlcgmatiques ; ilsont un grant! fond de bont6 , de generosity , de probite et de resignation aux ev^nements ; ils sont portds au fata- lismc. Les Bulgares sont de moyenno taillc ; ils sont bons , huniains, economes et laborieux , enclins k la jovialite ; les foninios bulgares sont petitcs et fort gracieuses. Les Albanais sont peut-etre la plus belle race de la Turquie ; ils se rapprochcnt plus des Grecs que des Slaves. Si I'.MbanaisjComme I'observe M. Bou6, a lesqualit6s desSuisstsct desTjroliens, s'ilestcomme cux un niarcheur intr^pide , escaladant, Ic fusil sur I'epaule , lcs niontagnes a I'instar des ch^vrcs, il a de plus qu'eux une vivacitd et unegaiete merldlonales r^u- nies a une perspicacity extraordinaire ct instantan6e. C'est, conime lcs Grecs, le peuple a reparties heu- reuses par excellence. L'orgueil national se monti'e dans les nioindres paroles des Schkipetares, dans leurs gestes , dans leurd^marclie leg6re ou memo tli^atrale. Le courage leur est inne , et civilises , au lieu d'etre les Suisses do I'Orient , ils en deviendraient les Francais, c'est-a-dire de ces pcuplcs auxqucls les conquetes sou- rient le plus. La vie aventureuse est un de leurs ele- ments. Le Bosniaque , le Serbc , le Bulgare , ont un caractere totalement oppose ; car, s'ils detestent toute domination etrang^re, s'ils.savent s'en defaire ou I'a- doucir dune maniere ou d'une autre, ils ne portent pas leurs vues au-dela des pays ou on parlc lour langue; ils ne se plaisent que parnii lcs leurs, tandis que I'Al- banais serait tente de recommencer des conquetes comme celles d'Alexandre-le-Grand , et aimerait a re- genter d'autres nations. On reproche aux Albanais , ( 70 ) ajoute M. Boue, une samagerie et une durclc!' innee dans le caractere ; mais ces particularites scmhlent rcsultei- bien plutot do leur genre dc vie que d'un type primitif; en effot, quoique le Serbe et le Bos- niaque musulman soieiit de la meme souche, ce der- nier aune ecorce bien plus rude que celle du premier. Parmi les tribus albanaises, on distingue surtout le Guegue et le Toske. On reconnait , observe M. Boue , que le Guegue , bien plus sauvage que le Clianiide , a en general quelques qualites superieures a celles des Toskes , et se i-approche en cela du Serbe. Les Alba- nais sent divises en clans, et gardent ainsi plus long- temps le souvenir de pai^entes fort ^loignees. Lorsqu'un Guegue a recu cliez lui un Stranger, qu'il a mang6 avec lui, ne fiit-ce que du pain et du sel , cet individu de- vient un ami, un frire qu'on doit defendre, tandis que pai^mi les Toskes maliometans la bonne foi n'existe pas toujours, et les lois de I'bospitalite nesont pas si sacrees. Un Toske refusera meme de vous loger, lorsqu'un Guegue s'empressera de le faire. Les Toskes brutalisent leurs femmes et leur rendent la vie dure , beaucoup plus que les Guegues; les uns et les autres sont egalement fort jaloux de leurs epouses et de leui's filles, et les derobent a la vue avec un soin parti- culier. Les Arm^niens sont laborieux , mais manquent de vivacite ; assez jaloux de leurs femmes , qui sont voileos ]>resque autant que les femmes turques ; ils ont beau- coup d'analogie avec les Ottomans par leur phlegme et leur patience, mais sans avoir leur courage. Ils sont , du reste, peu poi'tes a la revolte, et le negocc est leur element; leur soumission envers les Turcs va jusqu'a I bumilitc souvent la plus abjectC. A I'inverse dc I'Ar- ( 80 ) menicn, le Zingare est vil", elourtli, riis6, viiulicatit'et sensuel , sans aucun respect pour la decence; il prolite de tout ce qui se pr6sente sans avoir 6gard a la morale, et en se contentant d'etre assez fin pour n'6tre pas at- ti'ap6 ou ne pas s'exposer a des punitions. 11 change de religion avec autant de facilite que dc domicile , ou plutot il n'a pas de religion , et se moque meme de tout ce qui est v6n6re comme saint par d'autres peuples. 11 sait se plier a toutes les exigences dc sa position et de sa ne nomadc. En V alachie , les Zingares compo- sent en partie les domestiques et les gens de cuisine desboyards, et en Turquie ils sont surtout postilions , maquignons, charrons , marcichaux - ferrants , chau- dronniers, etameurs, mincurs, orpailleurs, musiciens, gendarmes et bourreaux. Ils ont le monopole de I'art musical en Tm-quie. Leurs femmes font dos vetements etdisent la bonne aventuro; quand clles sont jeunes, elles vendent leur corps au premier venu , et les meres memes envoient leurs fillcs bien vetucs s'offrir aux Strangers. Les enfants , de leur cote , poursuivent les voyageurs et leur demandent I'aumone. Tout divers que soient les peuples de la Turquie, ils ont des caract^res communs que n'olTrent pas les na- tions d'Europe ; chez tons , I'amour des enfants est si proeminent que les femmes steriles sont regardees g<^n6ralement avec mepris ; la st6rilit6 est un cas de divorce chez les Turcs, et en Servie un mariage ne se fait gufere par inclination , mais pour avoir des descen- dants cntre deux families amies. I. a mort d'un enfant peut affccter une mdre slave au point souvent de se de- truire elle-mfime. Ine femme grecque so livrera volon- tiers , si on lui donne une presque certitude de con- ception d'enfant. Les femmes slaves et albanalses ont ( 81 ^ unc tondrc amitie pour Icui's frferes , et celto amitic est quclqucfois plus vive que leur attachemont a Icurs maris. L'hospitalit6 est sacr6e chez les peuplcs turcs , et surtout chez les Slaves. Cette veitu est presque la sauvegardc des vojageurs dans les pays sauvages et montagneux de cet empire , et elle est pratiquee avec d6sint(^resscment. Cn ouvrier , unhomme, qui se con- tentent des mets les plus communs, peuvent traverser ioute la Turquie sans avoir bcsoin de debourser un cen- time : cependanl les Arnaoutos de la haute Mojsie sont moins hospitaliers, surtout quand on ne sait pas leur langue. Partout , une fois qu'on a re^u I'hospitalit^ de quelqu'un,unefois qu'on a mange a la table de son hote, on devient I'ami de la maison ; Thoto", surtout dans la Turquie occidentale , se considere comme le defen- seur naturel de I'etranger, ayant ainsi partag6 avec lui le pain etle sel. En Epire, on ^change ses armes et on se donne le baiser de paix ; cliez le Serbe , on devient comme deux amourcux lies par dos scrmcnts indisso- lubles. Outre ce lien d'amiti^ , les Slaves et les Monte- negrins ont des reunions formc^es sous serments pour des buts particuliers. Les musulmans respectent cet usage, et se lient aussi quelquefois en Albanie , en Bosnie et en Servie , meme avec des chretiens. Mais , apres ces sentiments affectueux , il en existe un autre tr^s funeste et qui , dans la plupart des con- tr^es turques, a unc grande Anergic : c'cst cclui de la vengeance systematique du sang. L'Albanais, le Mon- tenegrin vous dira froidement que telle action de- mande du sang. L'injure prouvee, et surtout le sang vcrs6 , se vengcnt par Ic sang de celui qui a commis TalTront ou le meurtre , et les hainos se perpeiuenl de generation en generation. II. AOl'T. 2. G (82 ) TouslesOriontauxontuneiinagination ])lusou nioins MW ; tous aiment la po^sie; mais k-s habitanls d'Her- zegovino, les Montenegrins , los Bosniens et les Serbes tiennent en ce genre le premier rang ; les inusulmans vicnnent cnsuitc, puis les Grecsjes Bulgares et les Alba- nais. Panni les Serbes, on entend sortirquclquefois des boil lies les plus communes des cbansons extremo- raent gracieuscs. Les recits bom^riquos plaisent beau- roup a ccspeuples, qui les ecouteraient pendant des journ6es entiercs. Les Bulgares de la Mcesie sup6rieurc et de la Macddoine ont presque les memes chansons que les Serbes ; s'ils ont moins de poemes ^piques , ils possedent peut-etre plus de chansons joyeuses et 6ro- liqucs. Les Albanais ont des poemes plus courts que rcux des Serbes et aiment les chants gucrriers. Les Va- laques ont des chansons pastorales; les Zingaros, de jolies chansons un peu grivoises ; les Grecs cliantent quolquofois en clioeur ; mais les Turcs n'ont qu'un chant monotone etnasillard, et semblent plus occupes du sexe et de la vo'.upte. Les instruments de musique, en Turquie , sont de la derniere simplicitc^ , depuis la cornemuse jusqu'a la guimbarde. La danso est fort goutee des Grecs et des Albanais ; mais presque toujours ce sont des femmcs seules et des liommes seuls qui I'exdcutent ; on voit rarement des reunions des deux sexes. A defaut d 'instruments, on s'accompagne de la voix. Chez les Serbes et les Bos- niaqueson danse souvent, hommes et femmes en hiver comme en ite, et meme sur la neige, Lc Turc ne danse presque jamais; il regarde cet exercice comme au- dessous de sa dignit(^ ; mais il aime a voir danser, soil chez lui , soil ailleurs. La danse des femmcs au harem est tres lascive. ( 8^^ ) Les Oririilaiix soul gcMieraleiru-nt portes a la supers- tition. L'astrologie est encore aujourd'liui en bonne renommee en Turquie, meme parrni les grands sei- gneurs , et le sultan a encore ses astrologues de la cour. On voit I'avenir dans le Koran , et ses commen- taires dans les miroirs; on consulte surtout les sor- ters pour les naissances. A Constantinople , on s'a- dresse encore au\ astrologues et aux devins a I'efTet de connaitre le jour favorable pour le coraniencenient de certaines entreprises, pour I'ouverture de certains eta- blissenients, la conclusion destraites, etc. En Turquie, le meilleur temps pour le mariage est celui oii la lune est dans le scorpion ; les meilleurs jours pour se cou- per les ongles sont le mardi et le niercredi. Les Turcs croient a des predictions renfei'mees dans les livres saints relativement a leur expulsion d'Europe. Les Slaves croient que les etoiles influent sur le sort des liommes. Les Zingares passent pour sorciers , et les vieilles juives pour sorcieres. L'ail est regards comme un preservatif coiilre leurs soitileges. Les niule- tiers diminuent leur fatigue a la marche en plagant des plerres dans des creux d'arljres. Les cliretiens ont des reliques et les niusulmans des talismans pour se preserver des malheurs. Les Turcs , si peu scrupuletix pour tuer un cbretien , ont une bonte outree pour les animaux, surtout pour les chiens et les chats. lis res- pectent aussi les clgognes, les hirondelles et les moi- neaux ; ils n'osent tuer ia vermine qui les ronge ; ils se contententde s'en debarrasser ; s'ils tuentun poulet pour le cuire , c'est en lui en demandant pardon. T-omme les Juifs, ils ne mangent pas de pore , et se- laient offenses a la vue d'un )and)on on d'un morceau (le eoclion. Ils ne louchent pas aux animaux tues sans ( 84 ) jos saignor aupuravant. Quant aii \in , mi bien graiul nombre (Ic Tiircs, scion M. Boui- , ne sc font aiicun scrupule d'cn boire; mais ils pr6f6rent, ajoutc-t-il, fort souvent de reau-dc-vie. Les Tares nc peuvent soulfrir qu'on los dossinc , parce qu'ils s'imagineiit que ces images reparaitront avec cux au jugoniont dernier , et qu'elles seront sans anie, ou quo leur anie sera parlag(io. 11 n'y a guc-rc que Ic sultan qui se soil mis au-dcssus de cc prt\jug(^. Les Turcs ne se servcnt pas de brosses, parce qu'elles sent faitcs do sole de cochon. Lc poil de chameau ou le cbiendont forme la brossc du richo. Bcaucoup do musulmans croient qu'il nc leur est pas pennis de prier au cafe , mais bien dans une aubcrge , parce que dans ce dernier lieu, on n'est cens6 que manger el coucher, tandis que lc cafe est dcslint; a la conversa- tion sur loutes sorles d'objets. In grand qui i^pouso une scEur du sultan ne pent ontrer dans lc lit nuptial que par les pieds , et il est oblig6 de sc proslerner de- vant sa feminc. L'no sultane fit un jour etranglcr un paclia seulement pour avoir rapport6 a son ("'pouso du sang ro)al un mouchoir brod6 qu'ellc avail laiss6 aux lioux d'aisancc. L'amour de la patrie est tr6s vif en Turquic. T/All)a- nais mcnie , qui aimc tanl la vie crrante, ne cesse do regrctter scs montagnes, et de comparer co qui I'en- toure avec les lieux de sa naissance. Le Sorbo ot lc Bos- niaque ne sc trouvenl nulle part vd'ritabloment bien (|uc dans leur pays , dont ils rappollent los sources abondanles, le miol delicieux , les gras troujicaux , les rianles v allocs et les bois louffus, Les Turcs aimonl les cnfants cl rospeclenl la vioillessc. Les c(»stumcs des liabilaiils do la Turquic sunt . dil ( 85 ) M. Bouc, aussi varies quo pitlorcsqucs ; h\ civilisation n'y a pas encore rdiduit, commochez nous, les vfitemonts nationaux prcsque h un soul modelo, Lc costume nii- litalre a scul il(S modifie, couime nous allons le dire. Les Ottomans n'ont guil-re qu'un ou deux costumes a lour disposition , parcc qu'il est cher , ot les Slaves n'ont aussi que lc strict necessaire en habilloment. Pcrsonne en Turquio no porte de bretelles ni de cra- vates, si co n'est quelquos officiors du Nizam. Cotnmc chez les Romains , nos boutons et boutonniores sont remplacd's par des agrafes. Les orncments en cordon- net cl les brodcries sont en grando mode. La chemise do toile ou do calicot du Turc est sans col , ct aussi longue qu'une de nos chemises do fomme. Les Turcs , ainsi que tous les habitants de la Turquio, honnnos et femmes , portent des calegons de toile do lin ou de coton , et couchent avec cet habillement. Au lieu de souliers , le Turc a des jiantoufles , et des chaussettos en place do bas. 11 a des bottes lorsqu'il est a cheval ; mais des qu'il arrive quelque part , il les quilte pour rcprendre ses pantouiles. On scmble croire on Europe, dit M. Bou6, que le sul- tan a roforme tollemcnt lo costume turc, qu'a rexcc])- tion du chapeau , I'liabillement curopcen est d'cvcnu a la mode; il n'enestrien : les rtiformes ne portent quo sur b's vetemenls des dignitairos de I'empire ; le leu sullan la simplifie , ct a costum6 aussi ses troupes a Teuro- p6enne ; mais apres samort, lesOulemas ontposc le less ou bonnet pour rcprendre le turban. De plus, aucun niusulman n'a jusqu'ici et de lui-meme adopt<5 I'habit europoen. Quant aux Chretiens, il n'y a guere , memo en Servic , (|ue des Grecs ou des Zingares qui aient pris notre costume. D'apros lc Koran, Its Tuics doi- [ 80 ; vent se raser la tete et les favoiis; ils ne conservent qo'une meche de cheveux au haul tic I'occiput : Us croieiit cette mc'clie n«!!cessairc pour que I'ange puisse les sortir du tonibeau , le jour du jugemcnt dernier. L usage ancien de se laisser croltre la barLe est extre- mement diniinue , et n'est qu'une mode des gens ag6s, des dervlches et des iiadgis ou des pcrsonnes ayant fait le voyage de la Mecque. Aucune femme en Turquie ne porte de corset. Les dames turques s'epilcnt tous les polls du corps au moyen de jucilange dc chaux el d'alun. Elles se partu- mont avec des huilos odoriferantes , et prennent hcau- coup de bains chauds ; elles se fardent et se teignent les ongles et les cheveux. Les femraes grecqucs font de meme , et ont le gout des broderies et des bijoux. Les jeunes fdles serbes ont les cheveux decouverts et tresses avec des fleurs. En V alachie , les femmes des paysans vont pieds nus en 6te, et lorsqu'il pleut ou qu'elles la- vent du linge , la pudeur ne parait pas leur defendre de se relever la chemise fort au-dessus du genou. L'ar- riv^e au march6 , de femmes bien baties , en cet 6tat , eveille singulierement I'attcntion et la surprise del'Eu- ropeen. Les parapiuies et les parasols ne sont pas en usage en Turquie. On ne s'y sert pas de ccndres ])our les lessives ; on hue simplement avec du savon , et plus encore a I'eau froide qu'a I'eau chaude. En Turquie, chez les gens riches ou ais^s, les repas commencent, comme chez nous , par le potage ; vien- nentensuite le ragout, Ic roti, les legumes et un plat doux : on tennine par le pillav , comme en Suede par la soupe , avant de passer au dessert , qui se compose de fruits. Les Turcs qui boivent de I'eau-de-vie out 1'b.abitudc de \idcr leur rarafon avanl (U) dhier pour ( 8/ ) s'ouvrir I'appetit , et ne boivent guere ensuite qu'un peu d'eau, et rai'ement un ou deux verres de vln. BeaucoLip ne couiprennent pas encore comment nous pouvons manger et bolre en meme temps. Dans les pays slaves, les diners s'ouvrent comme les dejeuners en Ecosse , par un vei're d'eau-de-vie de prunes que chacun boit a son tour dans le meme vase, apres le mai- tre de la maison. La politesse veut (|u'on vide le verre dun trait. Ensuite on mange un peu de fromage blanc et une gousse d'all. On prend le caf6, en general, sans Sucre, en reservant ce dernier ingredient pour honorer quelqu'un. Sous le rapport des habitations , en Turquic , colles des Valaques sont les moins elegantes , poiu" ne pas dire les plus mis^rables. Chaque habitation slave est entouree dun enclos ou treillage de branches d'arbres ou de palissades en bois. L'ameublement est tres mes- quin. A Constantinople, et dans d'autres grandes villes turques et serbes, la presque totalite des maisons sont baties sans caves , en traverses et poteaux de bois, dont les intervalles sont remplis de terre ou de chaux entrenielee de briques ou do petits morceaux de plerre. Les seules maisons en picrre sont des etablis- sements publics ou des habitations franques a Galala et Pera. La capitale est la seule ville en Turquie ou la grande majority des habitations soit a deux etages. Le premier 6tage avance plus dans la rue que le rez-de- chaussee , et il y a un grand nombre de fenetres gar- nies de jalousies. Des vitrages sans jalousies se voient siuHout dans les quartiers chretiens, hors de Constan- tinople. Dans les villes, les maisons des musulmans sonl di- visees en deux portions ou deux logemonts: I'un pour ( 88 ) lo liarcm, le gynecoc des Grccs , et rautrc pt)iir la re- ception , le selamllk ou Iricllnlum ties anciens. A Con- stantinople , un corridor lie ces parties de'lacht'es. Les salons consistent en des carr^s entour(is de trois cot^s d'un large divan el converts de tapis; un quadrilat^re pr^s de la porte sert a d^poser les pantouflcs, ct les domestiques s'j tiennenl. En general , les fent^tres descendent assez has pour qu'accroupi sur le canap6 et appuy(^ sur les coussins, le long du raur, on puisse regarder a travers , ct les pieces se trouvent parfaite- mcnt iclair^cs. On ne voit de cheminiJ^es que dans les salons des gens riches, et de pelits pixiles en tole que dans les maisons des Francs. Les auberges en Turquie s'appellent bans , et se di- visent en quatre classes : celles qui sont tenues a I'eu- ropdenne , les gi-ands caravanserails , les bans ordi- naires des villes, et les bans de villages. Les auberges a I'europiienne , c'est-a-dire avcc des cbanibre vitr^es , des lits, des tables et des cbaiscs, n'existent guire en Turquie que dans les grandes villes. A P6ra, il y a des hotels a table d'hote. On ne voit de grands bans ou ca- ravans(^rails qu'a Andrinople et a Constantinople. Les bans ordinaiies sont nombreux : cc sont des maisons ou les ecuries sont en has ou a c6t6 d'ellcs . et offrent au premier 6tage cinq ou six chambres plus ou moins babilables. line ou deux sont toujours garnicsdenattes. En Turquie , du moins dans la Thrace, I'Albanic , la Tbessalie tt la Macedoine , on est r6duit , lorsqu'il fait froid, a la cbaleur du mangala, ou bassin decendre chaude. Si le voyageur n'a pas son lit avec lui , on lui donne du foin , des nattes ,' et quelquefois un tapis. Dans les montagncs , les cbandelU's sont ri^mplac6cs par des laltrs do bois resineux. ( 89 ) En Turquie , il no taut pas s'attendro a rencoulnu' ties monuments autros que ties bazars, ties mosquiics, des bains, des fontaines et tj^uelfjues tombeaux tie sul- tans ou de visirs. Les Turcs no sentent pas la beautd; des obelisques, des colonnes, tics aqueducs et des arcs de triomphe ; voila pourquoi ils demolissent souvent d'anciens edifices grecsou romains, aulieud'aller clier- chor lours pierres dans les carricbrcsvoisines. A Ctjnstan- tinople, lo sol do riiippodromo est convert de plusiours metres de dt^conibros, de mani^re qu'on no peut plus voir ni le pied tie I'obelisque ni I'inscriptiun la- line. Les arches de I'aqueduc de Justinien servent u preserver de la pluie les barques turtjues. II n'y a que les fontaines qui soient bien ontretenues. Parmi les cinq cents fontaines de Constantinople il y en a quel- ques unes de fort belles et a bassin ; ces fontaines sont aliment^es par des I'^servoirs ^tablis dans la forfit tie Belgrade. En Turquie , les cimcti6rcs sont g6n6ralement a la sortie des villes et assez pros des villages , ou bien sur lesgrandes routes : cependant a Constantinople, et tlans quelques autres cit6s turqucs , il y en a au milieu do la villo. Cliacun , du restc , peut se fairo enterrer ou il lui plait. Les Turcs couvrent leurs tombes tl'unc grande pierre carr^e oblongue , et sans inscription. Les. gens riches de la capitale la remplacent quolquefois par une bi^re en pierre. On a en Turquie beaucoup tie respect pour les morts ; ce qui n'empeche pas , dans la capi- tale et a Scutari , do faire sorvir les cimetieres a des promenades publicjues. Los cypres y sont nombrcux ot 6normes; mais c'ost moins , dit M. Bou6 . coninie signc tie deuil t(ue pour mottro l(>s rares promeneurs k I'abri des fcux du soloil. ( 90 ) Les villes turquos occupent bicn plus d'cspacc que les notres, a cause des jardins ou carres plantes d'ar- bres qui s'y trouvent compris. Dans los grandes cites turques , TEurop^en est frapp6 de I'absence du tinte- incnt des cloches , du manque des voitures et des ba- layeurs derues, de I'absence de tout eclairage pour la nuit, de I'iiTi^gularite du trac6 des rues, de la quan- tity des ruelles , oii Ton nc voit pour ainsi dire que des murailles sans fenetres ; de la couverture de cerlai- nes rues au moyen de toits ou siuiploment de planches ou de toile , du tres petit noinbre de places publiques , de I'absence du nom dos rues et du numerotage des niaisons , de la mauvaise qualite du pave , s'll en existe, et de I'affluence des chiens, surtout a Cjonstan- tinople. Lne seule ville en Turquie a quelqucs rues eclairecs : c'est Smjrne , dans le quartier des Francs. Comme on n'est pas accoutume en Turquie a se prome- ner pour prendre de I'exercice , raais qu'on a toujours un but en sortant de la maison, il n'y a pas proprement de promenades publiques plantees expri's ou ontrete- nues; les licux de ce genre qui peuvent exister datent de I'empire grec , et encore plus souvcnt ils ne sont qu'un don I'ortuit de la nature , comme les belles pe- louses ornees de platanes aux Eaux-Douccs , ctdans la valine du Sultan sur le Bosphore. A ces details concernant les ma3urs , les usages, les costumes , les habitations , los monuments et autres , ajoutons quolques nouveaux traits sur la sociability et la vie des Orientaux. N'oublions pas qu'ils different lolalement d'avec nous par leurs idees, leur mise , leur genre de vie , leurs pratiques et leur culte. Ainsi, presque tous vont tete nue , sauf le turban , et souvcnt pieds nus ; ils ( 91 ) mangent avec Ics doigts ; lis s'accroupisscnt au lion de s'asseoir ; ils ne cultivent pas , ou cultivent fort peu, Ics arts d'agreinent, tels que la musique, la peinture, Ic chant; nos cliapeaux, nos habits leur paraissent ridi- cules, comineaussi notre manieredesaluer en nous de- couvrant la tete; ils nous taxent de malpropret6, ence que nous prenons place a table sans nous etre lav^s les mains, ce qu'ils font toujours; nos niaisons leur sont incommodes; nos theatres lour paraissent contraires a la deccnce ou au respect du au Grealeur; nos danses leur semblent un amusement de fous , et notre poli- tesse est a leurs yeux sans aucune dignite. Nos conver- sations banales sur la pluie et le beau temps leur pa- raissent inutiles ou frivoles ; enfin , en voyant nos societes, ils ne peuvent comprendre que nos dames ne soient pas toutes des filles publiqucs, a cause de leurs causeries avec les homraes ; et d'un autre c6t6 , tous etant eleves a peu pres de meme , et ayant les memes mcEurs, ils ne peuvent pas se figurer les divers eche- lons de notre 6tat social. Chez eux, le fakir le plus miserable ne craint pas d'adresser famili6rement la parole au plus riche seigneur, et celui-ci ne croit pas d^roger en causant avec un domestique ou un pauvrc comme avec son egal. Les dcttes de nos I^tats font pen- ser aux Turcs que nous avons une maniere d'adminis- trer fort vicieuse ; et les lenleurs de la justice en Occi- dent etfraicnt les musulmans, tout aussi bien que les surprennen tnos interminables proces et le nombre de nos gens de lois. La sociabilite turque , dit M. Boue , s'exei'cc pon- dant la journee dans des visiles les uns chez les autres, ou bien, j)our les honimes, a des rencontres dans les cates. Aucun peuple n'aimo plus que le Turc a res- ( »2) pircr I'lUr frais et i voir la bolle nature. Los fcmmcs , dans Ic jour, sc font cntrc dies aussl beaucoup tie \isilcs; et a cot cITet, pour n'6tro pas ol)lij;;(^cs do so inonlrer dans les rues, clles ont dcs portes d6rob(^es ou aucun homme ne pent, ne doit mfime passer. Lors- qu'il y a des pantoufles de femmc a la portc dc la chambre des femmes d'un Turc, ce dernier ne sc perinet pas d'y entrer. Dans certaines occasions et assemblies solennelles, ou Ics deux sexes peuvent 6trc riiunis, les femmes sont toujours derri^re des grillages ou tr6s voilies. Aux harems, on paie des danscuses do profession , qui executent les danses les plus volup- tueuses. Les liommes ont dcs joutes, des tirs, comme le disquc et le dgirit. Lc fatalismc des Turcs s'6tend c'l tous les rapports usuels d(! la vie et perp6tue ainsi parmi ce pcuple les prt^jugis les plus funestes, outre qu'il a aussi son cote lidicule. Si on demande a iin Turc ce qu'il pcnse d'un nuagc qui annonce la pluie , il repondra : Je nc sais , ou J)ieu le sait. II attend que I'averse tombc sur lui , pour reconnaitrc qu'il fait mauvais temps, Lc musul- man qui converse interrompt I'cntrelien pour fumer ou manger tranquillement, lorsqu'il nc lui vient a I'esprit ricn qui lui semble digne d'6trc ai'ticul6 ; la causerie est done tout-a-fait sans gene et comjitc dc frequents intervalles de silence ; elle est d'ailleurs toujours calmc , d(^pourvuo de gesticulations , de bruit et de vivacit6. Nous avons deja vu que chez les Turcs, les femmes sont tres subordonni^es aux hommes : les Serbes et les Armiiniens, les Albanais, les Bulgares et les GrcCs n'ont guere plus d'cigards pour lc sexc ; mais nulle part il n'est plus assorvi que chez les Valaqucs et les ( 98 ) Monttin6gi^ins. Ciioz ces pcuples, Ics fcmincs sont obligees d'elcver les enfanls, do filer , de Ussor la loile, de cuiro , do traire, et meme de partager les plus rudes Iravaux. Au retour de leurs jmaris , elles leur baiscnt la main, leur dtent lours souliers ot leurs bas, leur lavent les picds , les sorvent a table , et ne mangonl qu'apris oux, avec les enfants et les servantes , s'il y en a. En Orient, regarder fixcmenl une femmo ol lui parlor sans n^cessitd est un affront, lors mome qu'on ne pent apercevoir que ses yeux noirs ot quelquofois le nez. Cellesquimontrentlabouche etle menton no sont d6ja plus de mccurs pures. La mondiante porte lo voile commo la plus grande dame. Les blancbisseusos otcnt le leur pendant leur travail , mais elles lo ropronnent a la vue d'un liomme. II n'y a que dans la canipagnc oil Ton surprond quelquefois des femmes turqucs sans voile , ot a Constantinople oil Ton voit des osclaves noires a visage ddcouvert ; mais celles-ci memo vous prient do vous eloigner au plus vite. Les femmes turques, tout en a) ant pour de sc montror, ainient, pourtant, a regarder, si on ne les apercoit pas; elles vous observcnt par une porte enlr'ouverte, par un trou , une fendtre , etc. Si une femme turque a une liaison avec un chr^ticn, on la coud dans un sac ol on la noie. II n'y a pas"d'(!!Ooles pour les filles : aussi n'ont- ellos d'autre instruction que celle de leurs parents; au svirplus, les maris ne les prennent que pour en avoir dos enfants et non pour casiser avec elles. Le viol en Turquie est puni do la potence, s'il a eto^ comniis sur \me fdle musulmane; mais on no lo punil quo d'uno amende, s'il s'agil dune fille chretionne. Nous n'iHondrons pas ihnantago ces romarquos sur ( 94 ) ies habilanls tic la Turquic d'Europe; olles sulfiront , nous lo pensons , pour donncr, sous cc rapporl , une id6e de I'ouvragc de M. Boue. Nous terinineions notre analyse par quclqucs mots sur Tagriculture , I'indus- tric , le commerce, I'administration , la justice ct les cultes. ACnrCULTURE , INDUSTRIE , ETC. L'agriculturc turque est encore en grande partic a I'etat ou elle 6talt au moyen-age. On ne cnltive que juste le terrain n^cessaire pour les besoins du pays , €t Ton suit a cet 6gard une routine invarial)le. On la- boure g^neralement la terre tr^s peu profondement et avec de tres mauvaises charrues. Le mais sc plante comme dans la France meridionalc , c'est-a-dire sur dcs aligneinents eleves el s6par6s par des sillons ou fosses, alin que I'eau puisse s'y rassembler ct y cou- ler. Le ble se coupe moins pr6s de la terre que chez nous , parce qu'en general ou jettc la paille. Les vigno- bles sont sans echalas ou supports ; le ccp est rampant , et dans les contr^es meridionales aussi petit que dans les Pj ren6es-0rientales. II y a le long des routes, sur- tout dans la Turquie du sud , bcaucoup de vignes sau- vages a gros raisins , qui s'el6vent sur les arbres , et en retombent en pampres richement charges. Les oliviers ne sont jamais tailles ni emondes. Les pommes de terre ne se mangent guere que dans la Bosnie, la Ser- vie et rilerzdgovine. Celles que Ton trouve a Constan- tinople et a Srayrne viennent de Make ct d'Angleterre. Les legumes semblcnt inconniis a la presqnc totalite des Turcs. (95-) Les arts ct metiers exerc^s en Turquie sonl ires ar- riercs; on y manque d'lngenieiirs , d'arcliitectcs, de m(^caniclens ; ceux qu'on y rencontre viennent des pays etrangers ou sont fort mediocres. Les routes sont mauvaises, mal tracees ; ii y en a pen de pratlcablcs pour les voitures , et peu de pavees. Toutes les batisses sont extremement legeres et il y entre beaucoup de bois, ce qui rend les inccndies si dangereux en Tur- quie. Les paratonnerres sont inconnus. La plupart des ponts sont en bois et de construction grossiere ; s'il en existe en pierre, ils appartiennent a la domination romaine. La peinture, commc la sculpture, est tout-a- fait entre les mains des Grecs et des Armeniens. L'hor- logerie est peu connue en Turquie ; a Pera meme on ne pent citcr qu'un ou deux horlogers parfaits. Les liorlogers musulmans sont trtjs mediocres. La bijoute- I'ie est exploitee principalement par les Grecs , et il arrive beaucoup d 'articles de I'^tranger. Les Turcs possddentde nombreux cbaudronniers; ceux de Schou- mla et de Bosna- Serai 6galent en reputation leui's confreres de Saint-Flour. Les scrruriers turcs sont peu instruits dans leur art; mais les couteliers et les armuriei'S se montrent fort liabilcs. Les boulangers sont en meme temps restaurateurs ou rotisseurs , et les barbiers en meme temps cbiiairgiens. La Turquie possede encore la fabrication des soieries que les che- valiers normands ont transplant^e de ce pays en Eu- rope ; mais cette industrie souffre de la concurrence etrangere. Les chalcs ne se fabriquent pas dans la Turquie d'Europe, mais en Asic , et surtout a Damas. 11 y a des fabriques assez considerables de tapis, qui se font a la main sur une trame tendue verticalemenl. Ces ouvriigos roppcllent eclui des Gobelins ; mais on ( i>« ) nc travaillc pas a I'envers , ct I'ouvricr voit toujours ce qu'il fait. II y a on Turquie quclqucs fabriqucs d'otoffes inipriiTi(ics en colon , en moussoline , en organdine el ^lolTe dc sole. Les tanneries sont communes, et on livre ail commerce bcaucoup de peaux dc ch6vre. Labrodc- rie est parlout 1 'occupation des femmes. L'arl du potior est encore dans I'enfance. L'imprimeric n'existe encore qu'a Buckharesl, a Belgrade, a Conslanlinoplc et a Ce- tigno daus Ic Montenegro. Sauf a Buckharesl , on nc voit dans tout I'empire aucun libraire proprement dil. En Turquie , le commerce'est surtout cxerc6 par des Grecs, des Armeniens et des Juifs. Les ventes et les acliats se concluenl en se tapant mutucllement dans les mains devant t6moins ; des conlrats r^gulicrs el (Merits ne se font que raremont. Le taux de Tintdirt^t est bien plus 6lev6 que cbez nous; il alteint 12, 15 , 18 el meme25 p. 0 0. Le ierme moyen des prets est de 20 p. 0/0 M. Bou6 fail connailre les divisions poliliques el ad- minislrativcs de la Turquie ; niais on les retrouve dans les trait^s de geographic ainsi que les formes du gou- \ernement. II expose aussi I'^tat militaire dc I'em- pire , dans un cliapilre qui n'esl pas un des moins curieux dc son travail; viennent cnsuite les cbapitres de la justice de la police et du clerg6 et des culles , el enfin le tableau de I'instruction publique, a peu prds reduile a renseignement ^lemcnlaire. La partic his- lorique rcmplit le qualrieme et dernier volume , qui olfre 6 aloment , commc les autres, sa portion rcclle d'inler»y. 97 ) Notice sur le Georama de M. Ch. A. Guj^rin , sitae dans nn des car res ties Champs -Elysees ; par M. S BERTHELOT , secretaii e general dc la (iomniission r-entralc. Le Georama de M. Ch. A. Guerin est dispose dans une vaste enceinte splierique , et il a environ 32 metres de circonference. Des ccrcles de fer, qui tiennent lieu de meridiens el de paralleles, formenl la courbure de cet immense globe, dans lequel on pen^trepar une longue ouverture menag^e vers le pole austral. Ainsi , cette entree touche aux dernieres limites des mers naviga- bles,et la partie'spher ique retranchee , pour donner acces dans I'int^rieur du globe, ne supprime aucune indication geographique , les expjorateurs des mers antarctiques n'ayant pu s'avancer jusqu'a ce jour au- dela du 78" degre. Un escalier en spirale circule autour de I'axe du globe , et conduit a une galerie situee dans le plan de I'equateur. C'est de la que le spectateur pent prome- ner ses regards sur toute la surface concave du sph^- roide, dont le trac6 geographique , bien que restreint, d'apr^s les dimensions du globe, aux proportions de 1 metre pour 770,000, y permis neanmoins d'exprimer sur cette echelle, avec assez de v^rit(^ , tous les grands accidents du sol , et un bon nombre de details topo- graphiques. Le relief des montagnes est en g^ntiral bien senti, et le dessinateur a mis tous ses soins a en faire ressortir les elTets. Cette grande peinture du globe que nous habitons a et6 embellie en outre par le prestige de la couleur. Sa n. AOVT. 3. 7 (98 ) teinte est chaucJo ct Ijiillanlo dans la zone liopicale ; ellc se perd en des tons plus obscurs et plus froids a mcsure qu'on se rapproche des regions polaires. Ainsi, par cctte degradation de lumiero on peut se fairc une id6e des lois cliinateriques qui president a la tlistribu- tlon de la clialeur terrcstre. Sous Ic rapport de I'exac- titude du trac6 , de la precision des details et de la perfection do dessin , le nouveau Georama est une teuvre d'autant plus roniarquablc quVlle a il& execut6e en inoins de cinq mois, grace a Tactlviti^ et a I'intelli- gence de M. ^ ivien, un de nos collogues, et de M. Jodot , repetitcur a I'Ecole polj technique. La cooperation de ces deux g^ographes a 6t6 une bonne fortune pour le Georama, ct leur zele a puissamment seconds M. Guerin dans une enti'cprise pour laquclle il n'a epargnd aucun sacrifice. Nous avons remarque avec plaisir, M. Joniard et moi , que les d^couvertes les plus reccntes avaient 6t6 indiquecs par M. Vivien. Telles sont, par exomple, la partie du Bar-el-Abiad explor^e dans la derniere expedition aux sources du Nil, le lac Torrens , dans I'Australie meridionale, la belle recon- naissance des cotes septentrionales de I'Amcrique par MM. Dease et Simpson , ct les terres anlarctiques que nous onl revelees les courageuses explorations denotre infortune d'Ui'ville cl du capitainc James Ross. Quant a I'elTet gdndiral , I'ceil se familiarise aisement avec cette reprcisentation des terres et des mers figurt^es en sens inverse; imagination la comprend sans efforts; car le dessin n'est pas represente tel qu'il se verrail par transparence de I'intd'rieur a I'extericur, ainsi que plusiours pcrsonncs ont pu le croire, mais tel qu'on le voit exterieurcment sur les globes ordinaires, de ma- liic're a nc rieii cbanger dans les id6es recues , et que ( 9i) ) nous puisons sur les cartes. Aussi tons les problt'ins'S geographiques pcuvent elre parfaiterncnt etiulies et re- solus , malgre la fausse apparence sous laquelle ils sont repr^sentes. Prise en detail , meme sur los portions du globe de plusieurs degr^s , la concavite des surfaces est fort peu sensible, et ne nuit en rien a I'expression des reliefs ; prise dans son ensemble , cette concavity a I'avantage de laisser voir tout le d(§veloppeinent du spli^roide , en permcttant au spectateur d'embrasser d'un coupd'ceil les parties lesplus opposees, et d'en sai- sir tous les rapports. Considere sous ce point de vue , le Georama, fruit d'une pensee ingenieuse de M. Dc- langlard (1) , rendra de grands services aux etudes 6le- nnentaires. C'est dans ce but qu'il a deja et6 appr^cie par un geograplie plein de zfele , qui annonce I'inten- tion de meltre ce nouvel etablissement a profit en y ouvrant des cours. Ltiliser le Georama dans I'int^ret de I'instruction publique, c'est lui donner tout-a-coup une haute valeur, et le placer en quelque sorte sous le patronage des amis do la science. « Ce globe , oii sont » insri'its tant de noms , et qui peut dire tant de choses » (observe M. Mac Carthy dans son programme) , ne se- » rait qu'une machine inutile si Ion ne savait I'inter- )) preter, et I'idee qui lui a donne naissance a besoin )) du secours de la parole pour apparaitre dans toute sa » grandeur. » En effet, I'enseignement ne peut que gagner, devant cette representation fidele desdiffdrentes contr(^es de la ten:e , etudiees dans leurs correlations geographiques et dans les grandes voiesde communica- tion qui les lient cntre elles, aussi bien que dans leur (i) La p!eini('te kIcc (In Georoma est due a M. Delaiijjlard , (| ivalisa vers Taiinee 1824 l-e Georama qu'il tit conslrune an In vard (Irs C,T|mciiu'S avait plus dp 10 niotre-; de rayon. i|iii la Idle- ( 100 ) isolcuieiil au milieu des mers. Lesjeuncs iiilelligciicos, souvent rebcllesauxlongues definitions, arriveront tr^s promptrmcnt a une conception nettc et precise de la geographic ; car la distribution dcsterres ct des caux , la forme des continents, la position, la grandeur et les distances relatives des pays, leurs limites respectives, le gisement de ces lies lointaines presque pcrducs au sein des mers, I'immensit^ des oceans, tout ce que les cartes les plus etendues ne pcuvent donncr, tout cela , dis-je , est tellenient frappant , qu'il sufTit dc quolques lemons pour acqu(^rir les notions que les livres etles atlas ne procurent qu'a force d'etudos. Cortes, de pareils elements d'instruction , mis a la port^e de tous , doi- vent populariser la science. En resum^ , le Georama de M. Gu^rin me semble digne de Tint^rfel de la Soci(^t6 de goi ) INoTiCE siir les trai'aiLV de feii M. Denaix , nieiiibr,'. ile la CofU'n/ssion centrnie , par M. Roux de Rochellk. Lur dans la seance du 2 nout i844- M. Denaix, que la Societ(^de geograpliie vient de per- dre, et qui a de si justes droits a 110s regrets, 6tait un de ces 616ves del'Ecole poiytechnique que Ton retrouvcsi fr^quemment dans les honorables carrieres oil il faut du savoir, des lumiferes et I'amour du travail. II etait devenu, par son merite et ses services, colonel an corps royal d'etat-major et chef d'administration au Depot g^n^i^al de la guerre : il etait au nombre des fonda- teurs de la Societe de g^ographie , formee k Paris en 1821 , et il fut nomm6 membre de sa Commission cen- tralele 23 mars 1827. M. Denaix venait alors de faire paraitre les deux pre- mieres livraisons de ses Essais de geograpliie , et son but etait d'ameliorer I'enseignement de cette science ct de lui faire faire de nouveaux progres. D'abord il examine quelle est la distribution de la terre et des mers dans les differentes contrees du globe. Le plan de la surface des eaux est uniforme ; maiscelui des regions de la terre a une extreme vari^te : I'etude de leur relief est infmie , et Ton a besoin de la ramener a un systeme general qui puisse faire saisir I'ensemble et les details de I'orographie des differentes parties du monde. Pour offrir quelques uns des points les plus saillants du systeme de I'auteur, voyons les differentes donnees de son travail surl'Europe et sur les grandes divisions ( 102 ) naturelles (jui cu caractdrisent le sol et \ detenninent le partage et la direction des eaux. Una longue chaine de hauteurs, surmontees quolquolois de pics plus Ale- ves, s'^tend avec un grand nombre de sinuosit6s, de- puis le detroit de Waigatz jusqu'a celui de Gibraltar; elle partage en deux versants principaux les diff«irentes regions qu'elle traverse. Mais cette division ne se fait pas d'une raaniere semblable, et tous les fleuves ne prennent pas leur source dans cette longue s6rie de iiauteurs qui dominent I'Europe en la traversant du nord-est ausud-ouest. D'autres elevations de terrains se rattachent a cette ligne principale , et les montagnes qui en font partie ont des contre-forts et des embran- chemcnls. Plusiours syst6mes de hauteurs sont m6me entierement distincts de celui qui se prolonge de I'une a I'autre extr^mite de I'Europe. La chaine des monta- gnes de Scandinavie en olTre I'exemple. D'autres mon- tagnes Iraverseiit la Turquie europeenne, d'autres si- tendent dans la longueur de I'ltalie , et chacune de ces sommites particuli^res a des versants et des cours d'eau qui varient selon les inegalites et I'inclinaison (lu terrain. On est ainsi naturellement conduit a reconnaitre , non seulement une direction generale de hauteurs dans I'orographic de rEuroj)e, mais plusieurs syst6- mes di' montagnes qui s'en ecartent. Quelle que soit, au reste , cette exception a la pens^e dominante que M. Donaix a devcloppee , le j)lan d'etude qu'il pro- ]>ose s'applique egalement aux dilFerentes parties du relief de la terre ; 11 tend a les faire dependre les uncs des autres dans un ordre syst^maliquc , a parlager les versants el les basslns en diflerentes classes , et a slgna- !( r par des caract^res qui lour soient propres, les di- ( 103 ) visions naturelles de la terre et les diverses conligura- tions de sa surface. L'auteur a voulu I'endre plus sensibles les distinc- tions qu'il a etablies dans sa classification des monta- gnes, dans cello des fleuves qui y prennent leur source, dans celle des diil^rcnts bassins occupes paries rivieres piincipales ou par leurs affluents; el il a crtie de nou- veaux mots , qui peut-etre s'6cartent trop de la langue babituelle pour etre facilcuient admis , et qui pour- raient conipliquer un genre d'^tude dont il faut sim- plifier les principes. On comprend les designations de dorsales et de costales, qui sont enipruntees de la con- struction du corps liumain , et que l'auteur applique aux princi pales chaines de montagnes et a leurs con- tre-forts ; mais on cesse de concevoir des rivii'res np- pendicalaires, ou subintirmtes, ou axillnires, ou fnitieres : d'avitres mots plus usit(!!S seraicnt mieux entcndus. La geographic a deja son langage ; et s'il pent suflire , on doit cralndre des innovations qui tendraient a I'ob- scurcir. On ne pent trop rendre claires et naturelles les etudes que Ton voudiait popularlser : la gcograpliie est de ce nombre ; et comme elle s'adresse d'abord ado jeunes esprits, il faut toujours la tenir a leur port^e. Plus le systi;me g6ograpliique de M. Denaix devient utile a suivre , lorsqu'on veut avancer les progres de la science , plus il faut le degagcr de quelques formes qui paraisscnt etranges, et qui nuiraient peut-etre aux etudes elementaires , par ou Ton doit toujours com- mencer. Deja nous avons eu a rendre compte des premieres publications de M. Denaix ; et , a mesure qu'il d^velop- pait les differentes parties de son syst^mo , nous les avons suivics avec un vif inlcret. ( lOA ) Les reclierches de I'auteur sur I'orographie de I'Eu- rope, sur la diffc^rence des niveaux . des degr^s et des expositions , le conduisaicnt naturcllcment a d'autres observations sur les climats et les temperatures. 11 s'at- taclie ensuite a poindre la diversity des produits qui leur sont propres , soit dans le r^gne v^gital , soit dans le r^gne animal ; il parcourt les richesscs mlnciralogi- ques qu'olTrent los difforentes contr^es de I'Europe , et il montre renchainement dc ce genre de recherches avee celles de la g^ologie , science ^troitement liee a la geographic , puisqu'elle aide a expliquer les sou]6ve- ments oules depressions du sol, ses ondulations, son relieF et les causes qui I'ont produit , et qui peuvent le changer encore. Apr^s avoir etudie la terre , le geographe nous la montre couverte de ses habitants : il la partage en dif- ferents empires , assigne les limites que la nature leur avait donn6cs , et indique les modifications que leur fit eprouver la conquete. La mdme science s'unit bientot aux recherches de la statistique , a la connaissance de la population et aux ressources dont elle dispose. La g6ographie devient ci- vile et politique : elle- suit les changements qu'ont eprouv^s les empires , et signale les dilTdrentes epoques de leur existence. Nous croyons devoir indiquer d'une manifere plus precise les travaux de M. Denaix sur I'Europe , en rap- pelant les titres des cartes dont se compose cctte partie de son atlas. Elle comjirend une carte sur les divisions naturellcs , une sur les divisions politiques, une sur les climats, une sur la dish-ibution des peuples par families ou par langues, trois sur les lieux ceiebres par des sieges , des batailles ou des trait^s, une sur la ( 105 j th^orie de I'analyse g^ographique naturelle , deux sur la g^ograpliie ancienne et la geographic moderne com- parees , une sur les migrations des peuples , huit sur la division politique de 1' Europe en diffd rents temps, de- puis 590 jusqu'en 1815 ; une sur un tableau synop- tique et comparatif de Fimportance relative des Etats, a chacune des ^poqucs indiquees dans la carte prec6- dente , et enfin un tableau additlonnel pour les lieux cdlebrcs et pour les principaux personnages de I'liis- toire. En rassemblant des travaux si nombreux et si di- vers sur la description de I'Europe enti^re , I'auteiir nous la fait connaitre sous tons les rapports , et il a soin de s'attacher a un objet special dans cliacun des plans ou des tableaux de son atlas. Cette sorte de clas- sification pent sans doute faciliter les rechercbes ; mais elle a des bornes , et Ton aurait pu moins multiplier les divisions. 11 y a dans le cours des evtlsnements liisto- riques un grand nombre de details que le temps fait disparaitre : il ne conserve et il ne transmet a la pos- t^rite que les cbangements qui eurent le plus d'in- fluence sur le sort des nations , tels que ceux qui re- sulterent des conquetes des Romains, de celles des Arabes , de celles de Charlemagne , des regnes de Charles-Quint, de Napoleon, On vit , a ces diderentes 6poques , changer le partage d'une portion de la terre , et ces grandes revolutions de puissance doivent elre sp^cialement rappelees ; mais il est peut-etre superflu de constater par des cartes particulieres de simples cbangements de limites entre les empires , lorsque ces mutations se bornent a quelques morcellements de territoire. M. Dcnaix, apres avoir analyst la geograpbie de ( i06 ) I'Europe, penso que chacune dcs grandes regions dont elle sc compose doit etrc tiliidid'e avec le meme soin. Ce travail serait immense, et I'auteiir n'avalt pas I'in- tention d'en enibrasser toutes les parties; mais il I'avait cntrcpris pour la France, et il a indiqnd com- ment les aulres Ktats pourraient 6trc dt^crlts. Ce recucil de cartes et de documents chronolo- giques s'applique aux dilFiJirentes epoques de notre his- toire , et rend sensibles a nos yeux tous les change- ments que la France a eprouv pou- voir ! » Au meme instant les portes do la cath(^drale s'ou- vraicnt , tout le haut clerg6 , couvcrt de ses riches habits sacerdotaux, s'avancait en chantantdes hymnes sacrees pour apaiser la colere du Tr^s-Haut; et le peuple , a ce spectacle de son Empereur qui courbait sa tete devant le Dieu du ciel , s'humilia ; tous , comme frappes par le doigt de Dieu , se mirent a genoux , implorant leur pardon... Parnii les batimcnts curicux de Petersbourg, il faul mettre en premiere ligne le palais d'hiver, ainsi noinrae parce qu'il sert de residence a la cour pendant cette saison. Consume en 1837 par un incendie, il fut retabli en un an, comme I'avait voulu le Tsar; mais, 18 mois aprcs, la sallo du trone s'affaissa ct s'abima dans les caves. Une fois par an , le 31 decembre , les salles de cot immense et riche palais s'ouvrent au peuple ; tous les habitants munis de billets, dont il se distribue plus de trente mille,peuvent circuler aleur aise dans la somp- tueuse demeure de leur souverain : le Tsar re^oit son peuple; les gentilshomnies do la chambre , en grande tenue, sont charges den faire les honneurs, et jamais cette fete n'a ete troublee par le moindre accident , malgre la foule compacte qui se pressc dans toutes les parties de ce vaste edifice. C'est qu'en Russic encoi'e , de la part du peuple , tout ce qui tient au souverain est sacre ; ce n'est plus du respect, c'est une religion ; ce n'est pas seulemenl le Tsar, c'est leur Dieu Terrtstrc, comme ils I'appellent. L'Empereur le sait bien : aussi jamais il ne manque loccasion de se m^lor au peuple. Le voyageur est tout ( 112 ) SLirpris de voir le souverain se promener soul, a pied, dans los rues de sa capitale, en simple costume de ge- neral. Lc Tsar sail bicn en effet qn'il n'a rien a craindre dans la rue, car la est le peuple, qui I'adore , quel qu'il soil. Ln peu au-dessus du palais d'hiver est I'Ermitage, autre palais ou se ti'ouve la collection de tableaux la plus riche de Russie. Plus haut encore se trouve le jardin d'^t^ , dont la grille en fer est d'une grande magnificence. En face du palais d'hiver, de I'autre cot^ de la N6va . sur une ile formee par la grande et la petite N^va, s'^l^ve la sombre forteresse ou Ton enferme des pri- sonniers d'Etat et oix repose la cendre des souverains. Parlerai-je du vieux palais Michel, ou p^rit le mal- heureux Paul ; du pdais d'Anitchkofl", propri^t6 du grand-due Michel, frere de I'Empereur; du jardin de Tauride, de I'arsenal, des theatres, des superbes casernes 6lev6es par I'empereur Micolas, de I'acaddmie, de la bourse , des bazars , etc. ? Mais je n'ai pas la pre- tention de faire un livrc , et je ne veux oflVir que des observations plus ou moins incompletes. Et maintenant que je viens d'esquisser rapidement la physionomie cxt6rieure de la capitale russe, il n'est pas, je crois, sans interet de jeter un coup d'ocil sur sa physionomie morale. Sejour de la cour la plus fastueuse de I'Europe, ccEur de I'empire le plus vaste de la terre , oii vienncnt se concentrer les forces de la moiti^ d'un h^misphfere, babit<^ par tous les grands fonctionnaires de Russie, poss^dant dans son enceinte des corporations savantes de loute espece, des ecoles militairos pour loutes les amies, et uno garnlson dc 80,000 hommes, dont les I ii:n chefs sont la fleur cle la soci6te russe , Saint-Peters- bourg est sans contredit une dcs villes les plus somp- iLieuses de I'Eiirope. Qu'on joignc a tous ces elements de grandeur et de prosperite I'activit^ d'un port tr^s commergant , un concours imracnse d'etrangers qu'at- tire et retient I'amour du gain , les relations si actives du corps diplomatique avec toutes les contr^es du globe , et Ton comprendra comment la ville de Pierre- le-Grand , sortie des raarais glaces de I'lngrie en 1710, qui en 1750 n'avait encore que 60,000 habitants, en compte maintenant 450,000. A chaque instant des courriers S8 croisent dans les rues de la ville : celui-ci arrive de Tobolsk , cet autre du Caucase, celui-ci d'Astrakan, celui-la de Constantinople; d'autres portent les ordres du maitre aux points les plus recules de I'empire, pour leur donner le mouve- ment et la vie. De brillants magasins, qui soutiendraient la compa- raison avec ceux de Paris , etalent leurs richesses dans la perspective ou rue de Newski, la plus longue et peut- etre la plus belle de I'Europe : aussi le luxe est-il offr^ne. A Saint-Petersbourg, transpor tons-nous dans une de ces reunions choisies oii Ton peut juger superfi- ciellement, il est vrai , des hautes classes de la popu- lation d'un pays. Allons au theatre Michel , un des trois jours de la semaine r6serv6s aux representations de la troupe francaise. L'etude de notre langue 6tant un des apanages de la classe instruite , nous sommes siirs de I n'y trouver que I'elite de la soci6t6 russe et quelques etrangers etablis a Saint-Pelersbourg. Aussi, des Ten- tree, le theatre respire-t-il un air de bonne compagnie qu'on ne peut retrouver dans aucun fhdatre de Paris, 11. AOIT. h. 8 ( ll/l ) oil le pul)lio tst loiijours plus ou moins mele. Les pre- cautions Ics plus uiinut'u'uscs ont ct6 prises pour que le spcctateur n'y eprouve aucun dc ccs petits desagre- ments qui ne sont que trop frequents dansnos theatres. Ainsi la salle est parfaitemcnt close et chauff^e , d^s I'entrce , a une temperature de 13 a IZi degres; toutes les places sont numerot6es ; chacun, au parterre, a son fauteuil ou sa chaise particuli^re. Le billet d'entree portant Ic nuuiero de la place que vous devez occuper, vous etcs bien sur que cette place est a vous el que nul ne viendra vous I'enlever ; puis, ne pouvaut dis- tribuer qu'un nombre de billets egal au nombre des ])laces , I'adminislration ne s'avisera pas de parquer 1,000 individus dans un espace qui n'en peut conlenir que 500. Des vos premiers pas dans la salle , vous comprenez que ce theatre n'a ete construit que pour le riche , vos yeux eblouis ne renconti'ent quede brillants uniformes surcharges de croix et tout chamarrds d'or ou d'ar- gent ; et les toilettes les plus elegantes sont calqu6es sur les dernieres modes de Paris. Autour de vous on ne parle que la languc de Racine et de Moliere, et vous ne savez plus si vous etes en France ou en Russie. La toilc se- leve, et des artistes choisis parmi les meilleurs de Paris , attires a Saint- Pdtersbourg par la munificence imp^riale, transmettent (lux Russes les ceuvres de notre sc6ne dramatique. A ces applaudissoments spontands, a ce fou rire qui gagne toute la salle , vous voycz que le spectateur n'esl etranger ni aux beautes les plus males ni aux siiblilit(^s les plus delicates de notre langue : aussi Fillusion csl- elle complete , et si ce ne sont pas la les indices d'une civilisation en progr^s, je ne sais ou les trouver. ( ^^^ ) Mais pourquoi tout ce parterre de generaux ct irofli- olers vienl-il de se lever en inclinanl respectueusement la tete vcis la premiere logo d'avant-scene, a gauche du spectateur? C'est qu'un pcrsonnage en uniformc de general vient de s'y montrer. l;ne seule decoration brille sur sa poltrine, raais c'est celle de Saint-George, la plus estimee de toutes. D'une stature colossale, il semble avoir ^t6 tallle sur le niodele d'une belle statue antique. Quelques cbeveux blonds couvrent encore les cotes de la tete, mais deja le sommet en est degarni , ainsi que le front vaste et pleiu d'intelligence oii se dessine une large bande que le soleil des camps a forlement coloi'iee. Toute cette figure , baute ct fiere , porte rempreinte de la fermete ; les \eux, d'un bleu vif , doivent recevoir tout leur eclat d'une ame forte et energique. Cethomme, c'est I'Enipereur de toutes les Russies, souverain de 60 millions d'hommes , dispen- sateur de la vie et de la mort dans le plus vaste empire de la terre. Dans les moments d'oi^agc , on dit que cette figure s'assombrit , et que les plus braves n'en peuvent soutenir le regard. Pendant I'hiver, tous les joui's sent marques par A^^. brillantes soirees oi'i s'ctalent toutes les richesses d'un luxe souvent extravagant. II n'esl pas rare de voir figurer a un dessert au mois de Janvier d'enormes pla- teaux de cerises dont chacune coiite 1 franc. Le noble Russe se ruine avoc sang-froid, pour ne le ceder en magnificence a aucun de ses pairs. Tout le monde s'accorde a vanter Ihospitalite des Russes, mais a Petersbourg il perce dans cette liospi- iaWli un desir de briller qui en detruit tout le charme. C'est a Moscou, dans quelques families de la baute aristocratic, qu'il faut aller pour retrouver cette bospi- I 116 , lalile coidialo , franchise, pleinede grace et de siinpli- cite, qui nous rappelle les habitudes gt^nereuses des anciens Boiards. Si Lyon craint )e Rhone, Petersbourg ne redoute pas moins la N6va , cause cependant de tant de richesses. En autovnne , lorsque le vent d'ouest soufile avec vio- lence, il refoule les vagues du golfe sur la INt'va , dont les eaux, refluant alors vers leur source, inondent la ville et la menacent d'une destruction complete. Des vingt inondations a peu pr6s qui ont eu lieu depiiis la fondation de Petersbourg, celle du 7 novembre 1824 a ele la plus luneste. Toute la ville, a I'cxception de trois quarliers , I'ut sous les eaux, qui s'6leverent a plus de h meti'es au-dessus de leurniveau. Des vaisseauxfurent lances au milieu des rues ; 482 maisons furent detruites de fond en comble , pr6s de 400 furent plus ou moins endommag^es ; tous les ponts, excepts ceux en pierre, furent emport^s. En vovant sur les maisons des quais la ligne rouge indiquant la hauteur des eaux en 1824 , on ne peut s'empecher de fr6mir en pensanl qua rhaque automne , cette cite si populeuse el si liere peut etre engloutie sous les flots. Et pourtant la craintc d'une pareille catastrophe ne chasse personne de la ville. Ne dort-on pas au pied du Vesuve? D6s le mois de novembre , et quelquefois meme en octobre , la lN6'a est gel6e a 2 picds de profondeur, malgre la rapidity de son cours ; la navigation est fermee jusque vers le milieu d'avril. En d^cembrc et au commencement de Janvier, le soleil n'apparait au- dessus de I'horizon que vers 11 h. ; son disque est d'uii rouge sanglant, toujours enveloppe de brouillards , et ses rayons pales et obliques sont entirrement prives de chaleur. A 9 heures du matin, on est encorf ( 117 ) oblige d'avoir do la lumi^re , et des 3 heures les iiia- gasins sont (^clair^s. En revanche , la derni^re moitie de juin est constamment 6clairee , et fait de quinze jours un seul jour sans nuit. Rien de plus bizarre que Saint-Petersbourg a cette 6poque , vers 2 heures du matin. Lcs rues sont desertes, les boutiques fermees, le silence regne partout , et ccpendant il fait deja grand jour : on se croit transporte dans une ville en- chant^e dont une baguette du magicien aurait frappe de mort tons les habitants au milieu de leur sommeil. MOSCOU. 11 est peu de villes en Europe dont un Fran^ais up- proche avec autant d'emotion que de Moscou. Souve- nirs de gloire et de malheurs, pensees d'avenir et dc crainte , et je ne sais quoi de mysterieux qui se ratta- che a I'originalite et a I'eloigTiement de cette ville, tout contribue a faire battre le coeur a la premiei^e vue des domes qui couronnent le Kremlin, comme une aureole d'or. Les Russes eux-memcs ne peuvent se de- fendre de cette vive dsmotion, soit qu'ils arrivent a Mos- cou pour la premiere fois, ou qu'ils revoient cette ville apres uno lingue absence. Aussi , dans leur langago si energlque et si pittoresque, I'appellent-ils la ville sainte , In cite mix blanches niiirail'es , la mere de la Russie. Transportez-vous pour un instant sur la mon- tagne des Moineaux , le point le plus eleve des envi- rons de la ville , et voycz si, le soir, au couchcr du soleil, le spectacle magnifique de la grande cite n'est pas digne del'admiration que professent pour Mosrou tons ceux qui I'ont vue. Charmes d'abord par I'immensite du tableau , les ( lis- j youx n'en apergoivent que rensemble , puis insonsi- blement ils s'enquidrent des details. A vos pieds, coulc lentemcnt la Moskwa , riviere tortueuse qui , dans ses caprices, semblo d'abord entrer dans la ville pr^s du convent de Dievitcbie, puis s'en cloigne tout-a-coup, fait encore un long detour, vient baigner le pied de la raontagne oii vous etes , les jardins attenant a un pa- lais de I'imperatrice , les superbes bopitaux, se decide enfin a penetrer dans la ville et va caresser de ses ondes le quai du Kremlin. Devant vous, de I'aulre cote de la Moskwa , s'etendent de vastes prairies jus- qu'aux murs cr6nel6s et flanqu6s de tours qui, dans le moyen-age, defendaient le couvent de Dievitcbie contrc les attaques des Tartares. Au-dela, sur la nieme ligne , c'est la ville avec ses toils verts , ses vastes jardins , ses clocbers nombreux aux formes si bizarres, aux domes multiples dont les couleurs varices brillent aux ravons d'un beau soleil. Mais c'est un peu a droite que le spectacle est r^ellemeat magni- iique. De beaux edifices entoures de verdure, de jo- lies maisons s'avancent jusqu'aux murs du Kremlin. Ce quartler, sita6 au sommet d'une Eminence , est un carre d'un demi-kilometre fcrm^ de tous cot^s par des muraillcs ; il se dessine vivement sur I'borizon avec ses tours blciies ou grisatrcs, ses murailles blancbes et crc!;- nelees , avec son arsenal , son palais des Tsars, mo- derne et grave construction , son T6rema , antique demeure ct barem des anciens Khans; puis cnlin , s'eleve comme un geant le clocber d'lvan-V^eliki , sur- monte d'un dome dor6 qui semble 6tre une couronne et d'une croix d'or, embl6mes de la double puissance temporelle et spirituelle des Tsars. La cit6 tout entiere qui va se prolongeanlvers I'borizon, derriero le Krom - (119) lin , aussi loin que la vue peut s'etendre , ne parail etre la que pour lui servir de pi^destal. Et puis , que de grands et ti'istes souvenirs \iennent a la pensee I Napoleon, la grande armt^e , I'empire , I'incendie de Moscou , ce premier anneau de la longue chaine de malheurs qui aboutit a Sainte-Helene ! Le Kremlin est divise en deux parties separ^es par un mur intdrieur. Dans cclle qu'on nomme propre- mcnt Kremlin et qui aboutit a la Moskwa, se trouvent la cathedrale , I'arsenal borde d'une immense ligne de canons , le corps du senat , les tribunaux , le palais imperial que Ton reconstruit malnlenant et I'ancien chateau des Grands-Pi'inces , restaure par I'empereur Nicolas, et retabli tel qu'il a du etre sous ses ancetres. Toutes les traditions y ont 6ie religieusement conser- \(^es , et c'est r^ellement une des curiosites les plus in- teressantes de Moscou. C'est entre la cathedrale et le palais qu'est la fameuse cloche de Moscou , pesant 360,000 livi'es. C'est aussi dans cette partie du Krem- lin que se trouve un vaste batiment appele en russe graiun>itaiapalata, etque nous pouvons nommer musee national , a cause de sa destination. On y conserve tous les objets precieux appartenant a I'histoire de la Rus- sie. II s'y trouve une tr^s riche collection d'armes , la chaise sur laquelle on portait Charles XII a la bataille de Pultava, le grand drapeau des StreUtz , les bottes de Pierre-le-Grand, la couronne et le sceptre envoyes a Vladimir-Mono inaque , par Alexis Comnene , travail grec , d'une delicatesse et dun fini adniirables ; puis , quantity de vaisselles d'or et d'argent de toutes les epo- ques, et plusieurs housses et selles, enrichics de pier- rcries, presents olTertspar les sultans et les schahs aux souvcrains de laRussie. ( 120 ) L'autre j)artic; tlu Kremlin comprcnd le quartior chinois. C't'St la quo se trouvc le grand bazar de Mos- cou , immense carre entrccoupd d'arcades , dont Ics voiltes vitrees lalsscnt penetrer la lumiere dans cc la- byrintlie de boutiques. Tout ce bazar est subdlvis6 en lignes ou galcries dont chacune est consacr^e a una sorte de marchandise. Ainsi , 11 y a la ligne de la cou- tellerie , celle de la quincaillerie , de la tanncric , de replceric , etc. Jamais on n'y fait de teu , meme en hiver. Les mar- cliands nisses ne s'y tiennent que pendant la journee ; tous les soirs , au coucher du soleil , on ferme solide- menttoutes les portes du bazar, et chaque marchand re- vientaulogementqu'iloccupeen ville. Enveloppes dans leur pelisse en renard , recouverte de drap , ils se pro- menent devant leur petite boutique en attendant les aclieteurs.Le passant est arrets a chaque pas par les sol- licitations les plus obs^quieuses et les plus polies. Mais il faut entendre celadans lalangue russe qui abonde en diminutil's caressants et en formules pleincsde poli- tesses. Qui ne se laisstrait tenter ? Prenez garde cepen- dant, ce marchand si poll ne manquei'a pas de vous demander le triple de la valeur do I'objet que vous voulez acheter. Offrcz hardiment le tiers du prix voulu , le marchand russe ne s'en offusque pas ; il s'y attend , et c'est alors qu'il commence avec vous une lutte de paroles et de serments qui se lermine toujours k son ^^antage. La suite au nuiuero prochniri. ( 121 ) ExTRAiT d'urie letli-e ue avec les Patagons. — Qiielqiies renuuyiies a ce sujet. Ce matin de bonne lieure , le capitaine est alle a terre avec sa yole. II a ramene deux Patagons , un homme et sa femme. L'honime pouvait avoir 5 pieds 6 pouces do baut ; il avait une tr6s belle figure , le nez fort aquilin , les l^vres assez fortes , la bouche ar- quce , les deux coins tombant tres d(^daigneusement ; le front baut et droit , uni et large , d6bord6 largcment par les arcades zygomatiqucs, qui donnaient aux pom mettes une telle saillie , que Ton pouvait prendre on cet endroil le petit axe de I'ellipse forme par la pro- jection de sa face. lis avaient tous deux une ample provision de cheveux noirs scml)lables a des crins de clicval, et qui lombaieiil sur Icurs epaules. lis etaicnt ( 139 ) vetus de peaux de guanacos, dans lesquelles ils se drapaient a la nianifere de gens qui ont froid. Au bout d'un moment consacre a les considerer curleuscment , riiomme nous a dit en assez bon espagnol : « Que diable avez-vous a nous regarder? vous avez Fair de vrais sauvages. Que n'olb-ez-vous quelque chose a ma temme ? » lis ont ensuite bu et mange avec una bien meilleurc fagon qu'on n'aurait pu I'attendre de pareils retarda- taires dans la voic de la civilisation , se servant de cuilleres , portant le verre a leur bouche de leur seule main droite : seulement la femme lecbait impitojable- ment les assiettes lorsque le contenu etait absorbe. Le capitaine avait essays de faire marcbe avec eux pour du guanaco ; mais leurs pretentions etaient si exag^rees qu'il avait fallu y renoncer. Le sauvage qui 6tait a bord parlait, comme je I'ai dit, assez bien I'espagnol ; il I'avait appris a Monte- video, ou il avait 6te conduit pendant sa jeunesse par un capitaine de baleinier qui I'avait pris a son service ; il d^clara empliatiquement etre cbretien , et s'appeler don Casimir. Quand nous fiimes satures du sauvage et de sa moi- tie , et que leur odeur eut commence a infecter le carr6 des officiers , et jusqu'a leurs chambres , je tacliai de les entrainer a terre. Je me convalnquis promptement que si j'obtenais quelque chose de mon sauvage , ce ne serait que par de nouveaux dons; dc plus, il avait lui-meme peu de chose a m'offrir, et il nesc proposait guere que comme interpr6te dans mes marches, auxquels )c r^solus de rintcresser on lui promettant dos frais dc coinmissioii. Mais j'oblins I'ort peu dc viande , et olle me coiita ( m ) fort cher. Us sont trfes friands de piastres , de quelque timbre qu'elles soient ; et apr^s I'argent , la chose- contre laquelle ils ^changent le plus volontiers leurs viandcs, leurs peaux de guanaco, leurs plumes d'au- truclie , c'est le biscuit ; le rhum et I'eau-de-vie les tentent beaucoup , mais ne suflisent pas pour les decider a se d(^partir de leurs objets de premiere ne- cessity. Plusieurs d'entre eux que je pressais vivemenl de me cedcr quclques quartiers de guanaco pour du rhum, me demandaient du biscuit , et me montraient leurs families. Quant aux colliers et aux verroteries , ils s'en soucient presque aussi peu que nous-memes. La vieille Maria , dont parle si souvent le capitaine King , se trouvait la ; elle etait bien vieille , et il me parut que ses facultes s'en allaicnt; du reste , elle ne jouissait plus dans cette tribu d'aucune influence, ce qui peut 6tre un effet de son age , car il me sembla que les vieilles gens 6taient plutot tol6r6s que v6n6r6s. Maria me parla pourtant beaucoup , en mauvais espagnol , du capitaine King (captain Phillip) , et me demanda si je pourrais lui donner des nouvclles de son fils , M. Giloley-King , qui etait alors presque un enfant. Elle montra a ce sujet beaucoup plus de sen- timent qu'on ne pourrait croire en trouver chez une sauvage , surtout apres un si long intervalle; malheu- reusement elle termina en me disant quelle voudrait bien etre ivre , qu'il 6tait tres agreable d'etre ivre. Je demandai alors a Maria ce qu'etait devenu son pro- pre fils, qui etait cacique a cette ^poque; elle montra tristement le N.-E., et me dit qu'il etait parti avec une autre tribu , il y avait longtemps ; puis elle me fit voir la un jeune sauvage d'assez mauvaise mine, qu'elle me dit etre son fils aussi, et constamniful il a bien ete ( lAl ) pour inoi Ic })lus cnnuypux personnage do sa Iribii , sc roLirrant au milieu de tous Ics marches que je tachais de conclure dans son voisinage , et ou rien ne le regar- dait personnellement. Maria habitait sous le meme toit que don Casimir, pt une autre famille separ^e de celle-ci par une cloison en peau ; je prdisume pourtant que tous les habitants d'un meme toldo (1) ont entre eux de proches rela- tions de famille. Pendant ce temps, don Casimir, par les frequentes libations qu'il faisait avec le rhum que je lui avais donn6 , n'avait pas tard6 a me devenir completement inutile, etant entre dans un etat d'ivresse morne et stupide qui nuisait singuli^rement a son intelligence habituelle. Un moment avant , il m'avait dit en me montrant sa tente , que ceux qui I'habitaient ^taient chretiens. Du reste , ce toldo , ainsi que les cinq ou six autres qui etaient au bas de I'eminence situee la ^taient compa- rativemcnt 6troits pour le monde qu'ils renfermaient , el devaient sans contredit appartenir a la plebe de la Iribu. Dans un de ces derniers toldos , nous trouvames un Espagnol de douteux aloi, qui habilait la depuisquinze ans, nous dit-il. Nous le distinguames facilement a sa barbe, a sa petite taille , et surtout a ses yeux grands et clairs. II avait des enfants en grand nombre , et semblait avoir deja un peu oublie sa langue , que don Casimir parlait mieux que lui, et , chose bizarre, cet homme avait perdu le souvenir de I'appreciation des (i) Tons ces lolclos soul de p( aiix lie fjuaiiaco, soulemies par des perclies on forme de parallelipipede, Ironque par un plan incline virs roiu'-,t f|ui lorrne le toil ; l'ouverti\re toujours a Test. ( 142 ) annees ; car il s'cmbrouilla tellomont dans les epoques qu'il voulut nous citcr, memo ii deux ou trois ans de dale, qu'on cola je le trouvai presque seuiblable aux autrcs sauvages. II nous debita sur son sdjour en Pa- tagonie une histoire a doruiir debout , et nous restamcs persuades que c'^tait un diiscrteur de quelque navire , car il avail dans son toldo un assortiment d'objets de bord dent la presence en cc lieu n 'avail ricn de fort nalurel. Sur le liaut du monticule dont j'ai parli!; se Irouvaient deux loldos beaucoup plus spacioux que les autres et mioux conditionnos ; les pcaux en 6taient plus belles. On y faisait cuirc de la viandc dans une raarmite ; les pelletories, les plumes d'autruche y etaient en plus grandc abondance. Les maitres de ces deux toldos etaient deux liommos superbes , mdme chcz les Pata- gons, I'un d'euxsurtout, qui nous fut design^ commele cacique : c'6lail un jeune homme de vingt-cinq a trente ans , qui avail bien au moins 6 piedsde liaut , et d'une force probablcmcnt herculeenne. Je fis mcttre a c6t6 de lui plusieurs bommes de laille moyenne, qui, se le- vant sur la pointe des piods, arrivaient a peine a sa bouclie , ce dont il parutlres fjer. II etail bien fait; les epaules surtout , ainsi que danstoute la tribu , etaient nuignifiques; sculemenl les contours des membressont arrondis , comme chez les femmes , et ne pri^sentent pas les formes musculaires qu'ont , parmi nous , les liommes robustes, Ces deux proprietaires de toldos , que je prendrais volonlicrs pour les deux cbefs, dansla liierai'cliie de vi- gueur de la tribu, se distinguaient des autres par plus de gravity et de dignity ; or, ces deux qualites sonl tr^s romnumcs parmi cux. ( 14:^ ) Ces deuK tentes (non compris celle tie I'Espagnol defroque) sont les seules oil j'aie trouv6 des armes dc nos pays: c'etaient de vieux sabres de cavalerie d'un modele tout-a-fait primitif. Le cacique avait pour son cheval une esp^ce de bat orne de grelots , et pour lui un bizarre chapeau a larges bords , orn^ de feuillcs de laiton, qui etait sans doute reserve aux grands jours, car je le vis le lendemain a cheval sans aucune marque distinctive ; il avait plusieurs femmes , et une serie d'enfants qui n'en finissait pas. En somme, le nombre des gens de la tribu pouvait monter a plus de cent per- sonnes , tout compris. Le moment de leur repas apyirochait , leur viande rotissait sur des morceavix de bois fiches en terre au- tour du foyer; j'en goutai et la trouvai succulente; ils mangeaient aussi une racine crue qui, lorsqu'elle est fralche, rappelle la noix de coco. Enfin nous nous quittames assez peu satisfaits les uns des autres, eux de voir qu'on les croyait plus sau- vages qu'ils n'^taient, ot nous dt^sappointes de ne trouver que peu de viande , et bien plus cher que nous n'avions esper^. J'en emportai pourtant un repas pour tout r^quipage et les ofliciers ; mais cela couta /i piastres, deux bouteilles de rbum , douze biscuits, trois mouchoirs que j'avais par hasard sur moi, et au- tres babioles qu'il fallut donner aux femmes et aux enfants pour qu'ils ne s'opposassent pas a la conclu- sion des marches. Ces gens-la ont passe I'^poque des fantaisies , ils ont actuellement des besoins, et si Ton veut commcr- cer avec eux pour leurs pelleteries , leurs plumes, etc., je crois qu'il sera sage de se munir d'objets d'utilite reelle , tels que des chemises de laine , du biscuit. {■Uh ) du tabac , des liqueurs, etc. Nous leur avons trouv^ des pipes qui dataiont de la campagne du Beagle, et I'un d'eux nous montra son bras tatouc'; par un matolot de f Astrolabe , au nom du navire. Cette tribu s'appelle O'Keinkh^ ou Ksinkh6. Si O est un article , le kh sc prononce comme le X des Grecs. J'ai trouv6 de la resserablance entre ce nora et celui de Tekemice, donne par Fitzroy a une partie des babitants de la Terre de Feu. Peu de mots de son court vocabulaire patagon ont pu 6tre compris par eux. Ainsi pour cfiien ils n'ont pas compris warchies , ils disaient wahas; mais ils comprenaicnt tres bien le mot espagnol perro ; pour fcinme ils disent khi, etc., et ils ont aussi des mots que M. Fitzroy attribue uniquement a la Terre de Feu, telsque hanmanspourguanaco. Mais ils le disaient entre eux, et avcc nous ils se servaient in- differemment du mot to ou wernaco, Je distinguai aussi le mo\ yammer schoner , donnez-moi quelque chose, qui m'etait adresse par tous les petits enfants en passant pros de moi. II pourrait done se faire que les deux langucs n'eusscnt pas enli'e ellcs I'enorme difT^rence que semble marquor M. Fitzroy ; mais les Patagons ont retenu et corrompu une foule de mots espagnols dont ils se servent de prdjKrence avec les Strangers ; c'est ce qui a pu facilement induire en erreur. Ils ont, du reste, une incroyable facilite pour s'approprier des mots d'une autre langue. Le front est cbez eux g^n^ralement large, uni, bas et incline. Les facultes perceptives tr6s fortes , sans cependant bosseler I'arc sourcilier; les pommettes tres larges et assez saillantos; la partie post6rieure du crane large a la base , d^prime au sommct , dans la region des organes alfectifs. Le ncz souvent aquilin , ( l/l5 ) rarement epat^ ; mais rarement ou meme jamais large et carr(^ a la rapine. La bouche est epaissc , inais sans difTormitd's ; souvent vermeille et invariablement dedaigneuse ; les dents grandes , ^gales et d'une blan- clieur merveilleuse ; le teint cuivre , mais pen fonc6 et de meme nuance sur tout le corps; les pieds plutot petits que grands, ainsi que les mains, eu 6gard a leur haute stature ; ce qui rendrait fort surprenant le nom de Patagones (grands pieds), que leur donnferent les Espagnols , si Ton ne faisait attention qu'ils portent a cheval des esp^ces de bottes dont les dimensions sont peu soignees. Leurs jambes et leurs avant-bras sont greles, eu egard au reste du corps. Leurs iemmes sont de grandes et fortes creatures , qui seraient certai- nemcnt fort passables, meme aux yeux des Europeens les plus difficiles , si letu' fumet sauvage pouvait se tol6rer; leurs cheveux sont invariablement longs, durset plats comme des queues de cheval. lis se peignent avec une sorte de balai fort dru. Les traits les plus uniformes de leur visage sont les yeux petits et noirs comme du jais, la corn^e inject^e de rouge , les paupieres supe- rieures toujoui's recouvertes et cach^es par la peau inferieure de I'arcade sourciliere , et ils ont une expression sauvage qu'ilest aussi impossible d'analyser que d'oublier lorsqu'on I'a une fois rencontr^e. Cette tribu pouvait avoir environ AO chevaux , a moins que je n'aie pas vu tous ceux qu'ils avaient mis a paitre dans les plaines ondul^es, Ce qui me frappa dans ces animaux , ce fut leur taille au-dessous de la moyenne, leur poil long et laineux , le maxillaire in- f<^rieur tres developpe , toutes choses qui nuisent fort a leur elegance ; leur bouche est tres peu fcndue , fomparativement a nos rlievaux d'Europe ; ils sont 11. SJvPTFMBRK. 2. 10 ( ItiG ] soiivml flo cniiloiir pic , et il s'cn troiivc plus df totii hiancs quo d'auciine autre coulciir. Quant a leurs chiens, le nombro on ost a peine ral- rulaJilo ; il y en a par vlngtaine devant chaque wigwam ; ils ressemblcnt beaucoup aux chiens de bcrgcrs du nord de la France, et quelquefois un peu a ceux de Terre-Neuve, seulcment ils sont plus maigres et plus eftlanqucs. C-ependant on trome qk et la autour d s foldos quelques uns do ces potits chiens batards ([ui font ropprobre de leur race et de nos carrolours. Dii reste, tous ces chions sent fort bien 6lev6s ; ils aboient furieusemont aux etrangers, mals leurs mailros los reduisent promptement au silence. En resume, les Patagons ^taient los gens les plus commodes du monde. Leur apt^thie ne doit pas etre prise precisement pour de la bienveillance ; mais ils ont ccrtainement des dispositions tr^s parifiques a I'egard des etrangers. Aucun de nous n'eul a se plaindre de la molndro insulte ou molestation d'aucun genre; ils ne chercherent pas a voler, et lorsque le march6 ne se concluait pas, ils rendaient d'eux-memes I'objet d'echange sans qu'il filt besoin de le leur redemander. In d'eux, a qui j'oiTrais une demi-carotte de tabac et une gourde espagnole pour un petit quartierde guanaco ct deux tres beaux chiens, avait accepte I'echange; mais les femmes se jet^rent .sur le matelot qui em- portait les chiens , en poussant des lamentations tout- a-fait pitojables ; alers I'homme me tendit tristement lais apprllnit winter's bark (wiiitesaiia aiiiinnlira. ) ( 159 ) rl (le pins un detestable bois de mature, parco qu'il csl lourd et cassant. La navigation de Port-Famine a la bale Fran(^aise est facile ; il n'y a d'autre danger que les roches de la pointe S. Isidro , qu'il faut avoir soin d'ecarter a un mille. Le mouillage de la baie Francaise est un des meilleurs et des plus commodes du detroit, sous tous les rap- ports. Pour venir le prendre , on n'aura qu'a decou- vrir I'embouchure dela riviere de Gennes a gauche de I'ile, etpenelrer dans la baie entre la cote ouest et I'ilot, jusqu'a ce que ce dernier soit par la pointe de I'ile Nassau. II ne faudra pas se rapprocher bcaucoup plus de la riviere a cause d'une esp^ce de barre qu'elle pro- jette a son entree dans la baie ; mais on pourra mouiller avant d'etre rendu a ce rclevement par 10, 11 et 12 brasses. L'ile est a peu pres accore ; elle a un r^cif a sa pointe ouest; on le voit parfaitement. On trouve a toucher , !i brasses et h brasses 1/2 du c6t6 du large, 6 et 7 brasses partout ailleurs le long des rochers , dans les herbes. Pointe Nassau. N 50° E. n r _ . i r. • . ri I. ciQon i nelevements du Pomte Glascolt. SiyU. I •,, , ,>/ .. * , , „ 1 I • •- f mouillage du P/we- Emboucli" de la nviere , i i i • , ^ ^onof\ i^*"^" "^"s la baie de Gennes. N 67" U. Xt^ .... M lAoF ^rrancaise. He Brivoisin. 1\ lU" Jli. / On pourrait mouiller entre l'ile et I'embouchure de la riviere, a deux encablures de l'ile ; mais, en general, il sera inutile d'aller s'embarrasser la. L'aspect de cette baie est assez riant pour cette lati- tude ; il ne manque ni de pittoresque ni de grandeur. — Les chasseurs trouveront des canards et des oies sur l'ile et dans la riviere. ( 160) -I'ai ele observer sur Tile. La latitude que j'ai ob- tenue ne tlilTere de celle dos cartes anglalse^ que dans les secondes. 28 si'ptenibre. — Nous avons passe la journc^e, le ca- pitaine et moi , a faire un croquis hydrograpluqne de la bale pour servir de verification des travaux anglais. 29 septemhie. — Lass(^s d'attendre la brise , nous sommes partis avec vent debout. Si le temps est clair ( et il faudrait qu'il fut bien obscur pour s'y opposer), on a un excellent amer pourp arcr les dangers qui sont a la poinle nord-est de la baie Snug (1) , en ne fermant pas la baie que Ton vient de quitter, ou raieux, en gouvernant de ma- nlere a conserver la coupure de I'ile Nassau par les terres du cap San-Isldro. Du restc, le danger ne s'elend " pas a un mille, et on reconnait quon I'a d6pass6 dans I'ouest, lorsque le mont Tarn est cache par le pic des Novales. La brise d'oucst ayant fralchi , et portant avec clle des grains tres serr6s de pluie et de neige , ne nous a pas permis encore cette fois d'atteindre Vort-GnUant ; nous nous sommes done diriges sur le mouillage de Wood-Bay , sous le cap Holland. Ce mouillage est assez difficile a trouvcr lorsquon longe la cote. Le plan particuller de King esttroppeu etendu , et avant d'etre aux funds de 17 brasses qui y sont marques , si on suit la terre , on passera sur 14 , 13, 12, 11 brasses, enfm 10 et 9 1/2, a environ un mille de terre et 3 millos du cap Holland ; mais on (i) Lm l);iie sitiii'c ciitre \i\ l>^ii<- SainiNirolas et It c;i|) Fiowanl, et a lai|ijcllc M. de Hovi- doiine le num ilc Siiiij';, nest par ilenoinmee sur lii caitedu delioit , tandis qii'oii Irouve a I'ouest du capFrowaiJ une l)aie de Siiii;' . ((iii poife ai\ssi ee noiii dans Ihs iiisiructioiij. ( 161 ) j>oiirra tros bien mouiller sur la cote par 13 ct ih brasses avant d'arriver au niouillage mdique par le plan particuller. Le fond y est dc tres bonne teniie , et a molns d'etre au fond de la baie , qui est fort petite et d'un difficile acces, a cause du banc de la riviere et d'un danger sous le cap, on sera tout aussi bien raouille que si Ton etait sur le point deja mentionne. Le Pluicton y a mouille par 13 brasses 1/2 , et y a passe la nuit. Pic des Trois-Pointes , N. 60° O. \ relevement Cap Froward, N. SS'E. [ du Cap Holland. S. 87°0. ) niouillage. Le capitaine m'a envoye sonder. Arrive a 1 niillc; du navire, dans la direction du cap Holland , par 9 brasses 1, 2 de fond , lamer a grossi au point de me forcer a rebrousser chemin avec la yole ; et bien que I'endroit oii nous 6tions mouill6s parilt moins abrite , la mer a diminue comme je m'en rapprocliais, et ie I'ai retrouvee le long du bord comme je I'avais laiss^e ; la brise avail plutdt fralchi. Le cap Holland et le cap Froward sont des terres tres hautes, coupees presque a pic; ils sont formes par des rocliersd'un grisfonce, bauts de 600pieds environ. La cote entre les deux caps est tres haute , et les mouillages y sont indlques par la nature meme de la cote : lorsqu'elle presente un rivage incline ou une plage basse , il y a souvent , pour ne pas dire toujours, niouillage, 30 septeuibre. — La cote entre le cap Holland ot Port-Gallant est ties elevee. Apres s'etre un peu abais- see autour de la baie Saint-Michel, elle se rehausse encore aupres du Port-Gallant , qui est entoure de. Jiautes niontagnes. Pour parer les bancs qui sont (hu«ir) 11. siii'THMURi:. 3. 11 ( i62 ; le voisinage dc la hale Saint-Micliol , il laiit nc pas cacher lo cap Froward jiar Ic cap Holland , jusqu'a co qu'on pulssc voir la pointe Wig^vaIn (1). On peut entrer dans la bale Fortescue jusqu'a ce qu'on all la polntc Milagro, et celle qui reste au S.-E. aupres d'olle , Tunc par I'autre ; ccs deux polntes sont tres basses. On mouUlo alors en relevant la pointe ^N IgvvamE au Nord environ ; mais il no faut pas dcpasser Ic relevemcnt vers le N. N.-E. a cause des bancs qui avoisinent la presqu'ilc "NVigwam dans le N.-O. ct dans le Sud. Le mouillage est par 9 a 11 brasses ; 11 sera bon d'avoir une longuc tou6e , quolque le fond soit excellent , car on est sujel a recevoir de terrlbles raffalcs qui descendent de la montagne de la Cruz. Si on voulalt entrer dans A'/-N (5c/ ^/«/, 11 faudralt envoyer deux canots ballser la passe , car elle est fort etrolte. Cinq malheureux Fu^giens (habitants de la Terre de Feu) ont allume des fenx sur la pointe Mllagro , et nous ont fait des slgnaux en agltant en Fair des lam- beaux de peaux de veau marln. On a communlqu6 avec eux. Ce sont de mis^rables et stupides creatures , trcmblantes de IVold , hldcuses , chetlves , de petite tallle , gros ventre , mcmbres greles , bouche fendue jusqu'aux oreilles ; en somme , satires attristantes de la nature humalne , caricatures ignobles des Pntagons auxquels Us ressemblent cepcndant, Comme eux, ils rdpetont a sati6t6 : Tabac et gallcttas ; coinine eux, ils s'appliquent a imlter les sons qui sortent de votre bouche. On leur a donn6 qxielqucs biscuits qu'lls ont aussitot d^vores avec voracity. lis avalent cach^ leurs ^ij 1,'ile \Vi;;\v:iiii ii'cst pas line ile ; pile (lent ii l;i lene au S.O. par line pelite piaffe l)asse. ( 163 •) lemnies clans les brcussailles. lis sont timides ot fa rouclies , bici) differents en cela desPatagons, qui viennent tout de suite au-devant des changers avec plaisir et confiance. Le temps est devenu de plus en plus mauvais. Pendant la nuil, il a vente coup de vent; nous avons laisse toniber une seconde ancre. Pointe Milagro , S. 79° E./ r»elt!vemcnts du Pointc Wigwam, N. 6° E. i mouillageduP/?rt<- Pointe Sutl-ouest , S. 58° 0. 1 ton dans la bale P* Est de I'ilot de Wren, S. 7° 0. \ Fortcscue. 1" octobre. — Le vent d'ouest nous retient tou jours; il est accompagne de fortes averses de plule , de neige et de grele. Le jour, il mollit un peu ; mais, le soir , il recommence a venter coup de vent, et nous mouillop.s une seconde ancre. 2 octobre. — Le temps est decid^ment plus mauvais la nuit que le jour. Le soir , le capitaine et moi, nous sommes all^s faire une excursion dans I'interieur de Port-Galaiit. La passe est fort etroile, et les atterrisscmcntsde la i-ivitrc la retreciront sans doute encore. Le fond du port au N.-O. se termine par un banc fort etendu qui doit decouvrir a basse mer. Le rivage est jonche de ])]us de coquillages qu'il n'est possible d'en imaginer. Pamni les scliistes ardoisc's qui paraissent composer presque cnti^rcment les montagnes du deti^oit, nous avons trouv^ ici du talc en assez grande abondance , et des couches minces de tres beau quartz separent les strates de scliistes. 3 octobre. — Nous attendons toujours que le temps se calme. Ma journee s'est passee a guctter vainement I'apparition du soleil. h octobre. — A 5 beures du nialin , nous sommes ( 1«A ) partis tic la bale Fortescue : pluio , neige et vent de- bout ccpcnflant : nous trouvionscela , relativemenlaux jours precedents, tres supportable. Get endroit du di^trolt est Tort commode , il est sain , et do pins los ilots qui sont entre I'ile de Carlos 111 et celle de Charles I'"' fournisscnt d'excellents amors qui, a la rigueur , dispensent de sc servir du compas de rel^vement. Je romai'querai , copcndant, qu'il y a vraisembla- blement uneerreurdansla position de I'ilotMonmouth; car les amers que je pi-enais le matin on passant contra la cote opposce , no cadraient guere lorsque cet ilot y enlrait pour quclque chose. II m'a dgalement paru mar- qu6 plus petit qu'il n'est reellement. C'est une lerre Ires haute tout-a-faitremarquable. L'ilot James est has. T/ilo Rupert est plutot basse que haute. L'ilc Carlos III est tres haute, coupee do ravins profonds, ce qui pourrail la faire prendre pour un amas d'lles s^parees Aprds la grande ile de Carlos III , sur la gauche, commence a se montrer le Morrion, pointe tres re- marquable, tres noire, tres cscarpee ; il est impossible de la confondre avec aucune autre aux environs. Si Ton gouverne pour aller aumouillage de la baie(l) Borja, on verra bientot, quelque inauvais que soit le temps, une ile d'environ un quart de mille , detachee do la ierro. II faut alors continuer a gouvorner de mani6ro a garder le milieu de 1 ilo par la coupee du (i) Ce nioiiilIa{;r; est difficile a pretuire pour un navirc a voile, m cause (les rafales et (les variations lie brise occasionnt'es par les monlagnes. La fiPjjate anglaise le Filz'jard , (|ui y a passe' peu aprcs ijous, a couru pour alteindre le mouillage onze Lords, eta failli se mettrc autant (le fois a la cote. I'our un batimeul a vapeur, c'est tres facile, (Ml il m'y a jamais de uii-r. ( 165 ) double mainelon ; on ne tanlera pas a voir, sur la droite de I'ile , cinq petils I'ocliers qui obstruent la passe entre I'ile et la cote ouest ; au large, sur la gaucbc, se trouve un autre petit roclier elove d'une ])rasse au-dessus de I'eau. Or , le double mamclon , c'est le cap Quod , qui cbangera de forme a mcsure qu'on s'en appi'ocliera ; mais , pour le moment , si Ton veut entrerdansla baieBorja, illaut approciier jusqu'a une encablure de I'ile, puis venir en grand sur tribord, en ayant soin (vu les vents regnants) de rallier un peu plus la cote S.-O. que la cote N.-E., qui, du reste , de la hune, m'a paru passablement garnie de kelp. Nous allions mouiller dans la baie Boi-ja, lorsqu'une embellie dans le temps (toujours vent d'ouest) nous de- cida a passer outre. Maisde celte baie a celle de Playa- Parda, ily a peu de mouillagcs explores. La cote duSud olTre quelques abras ou coupees qui, d'apres cc qu'en dit le capitaine Stokes, sont peu rassurantes. En lace du cap Quod, il y a encore le bavre Swallow ; mais, a partlr de cetendi'oit, I'exploration anglaise est tout- a-fait incomplete. II y a , sans doute, un mouillage sous le cap Notch, et celui qui I'explorerait rendrait un veritable service a la navigation de ces parages ; car , de la baieBorja a Playa-Parda , I'etape est longue , et 11 serait dur, sur la fin de sa joui nee , d'etre oblige de laisser })orter de la pointe du Glacier pour allcr passer la nuit a Swallow. A 'partir du cap Quod , I'hydrographie des lieachs est faite bien moins exactemenl que celle de la pre- miere partie du detroit, qui est tres soignee. II est vrai de dire que, vu les temps que Ton trouve ordinairemenl dans ce passage, elle etait aussibien plus didicile. Quoi (16B) qu'il en soil, on IVra bien de veillcr , surtout le long tie la cote nord, ou Ton rencontre souvent dcs kelps. Les roches voisincs du cap Notch ne m'ont pas semble indiquees avec une exactitude tout-a-fait scrupuleuse. Lorsqu'on a depasse le cap Notch , et qu'on est arriv6 a la pointe du Glacier, si le temps permet d'y voir clair un instant , on aura , en se tournant vers le cap Quod , un dcs panoramas les plus curicux qui se puissent voir. La brume ajoute a la longueur de ce bras de mer parlaitement droit, et qui va se terminer au loin contre les hautes terres du MoiTion, en sorte qu'on ne voit nuUe issue. Depuis le cap Quod jusqu'au cap Notch, une dizaine do caps sont align6s, tous a peu pres a 6galc distance les uns des autres, tous avec des formes plus ou moins bizarres et pittorcsques , tous hauts et tallies a aretes saillanles et anguleuses; la cote du Sud oll're a peu pros le meme spectacle, si ce n'est qu'elle est plus haute , que ses pointes sont taillees moins raides et plus couvertes de neige. De temps a autre, entre deux montagnes , on voit brillerles magnifiqucs teintes bleues d'un glacier qui conti-aste avec la couleurgrise du ciel et du pays. Tout cela est admirable ; mais quel temps ! Dieu, quel temps ! De ma vie je n'avais vu un temps semblable, et j'elais bien loin de m'en faire une id6e. Depuis Port-Famine, nous trouvions que la salson s'6tait d^cid'Ament gatee , et que nous 6tions entres dans le mauvais col(^ du detroit; mais maintenant nous Irouvons que le temps de Port-Famine et de la baie Francaise ^tait d6li- cieux, semblable au printemps en toute chose. Depuis midi que je pris le quart , il n'a cessd de pleuvoir que pour neiger, et reciproquement. Chaque grain appor- taitun redoublement de brise, en sorte que, bien qu'il ( 107 ) n'y cut presque pas dc nier , ce devenait une question de savoir si nous atteindrions Playa-Parda , on noii. Et dans ce dernier cas, jc laisse a deviner ce que nous aurions pu faire. Passer la nuit a la vapeur, c'eut ete dur ; les terres des deux boi'ds sont bicn pr6s , et dc j)lus, il ne nous restait pas trop de cliarbon. Appareilkr a la voile? Autant et micux aurait valu mettre tout dc suite le pauvre Phaeton a la cote , en clioisissant une place. Les grains de neige ne manquaient pas cependant d'une certaine variete. Quelquefois la neige etait ])resque fondue ; niais un moment aprcs c'etait une neige petite, dure, si semblable a la grele, que ce n'etait pas la peine d'en faire la cUfference , tombant {Iruet serre, ou plutotne tombant pas, se transportant parallelcment a I'iiorizon dc toutc la vitesse du vent, augmentee de celle du Phaeton ; mais cette derniere etait peu de chose. L'ile Shelter est assez haute ; mais si le temps es t comma nous I'avons eu , on ne la vcrra (entre deux grains) qu'a partir de la pointe du Glacier. Quand on a depasse la pointe du Glacier, qui se re- connaitra facilemcnt au glacier qu'elle touche dans rOuest, au fond d'une crique, il faut gouverner sur File Shelter; puis, quand on a la pointe Sud-Est de Playa-Parda au N.-N.-O., on gouverncra droit sur la pointe Wooding, on mouille par 0 ou 10 brasses; mais a une longueur de navire au large du pi'emier fond de 10 brasses, on ne trouveia pas de fond a 15 brasses. C'est ce qui m'est arrive en allant sender avcc la yole, pour cherchcr un mouillagc plus sur que celui ([ue nous avions par babord sur I'ancrc de la carle an- glaise , ou nous n'avions pas notre evitagc, tcllcment nous etions jmcs dc terrc. ( 168 ) P' S. de Tile Sliolter, S. 33* 0. Rel^veraents P' Ouest do la I'ausse baie i dii dcuxieme Pla\a-Parda, S. 80° O. , mouilla'j;c du P" Est vue du mouillage, S. 65° E. \ Pluii'ton k V' Wooding, N. 86° 0. yPlaya-Parda. II y aurait peut-etre un moyen de s'y trouver bien ; ce scrait de jctcr une ancrc a 1/2 encublure de la cote, ontre la passe pour allcr au port , ct I'ouverture de la crique de 7 brasses , puis de continucr sur son air , el d'allcr un peu en dedans de la pointe Wooding; laisser tomber une autre ancrc par h brasses dans les kelps serres qui I'avoisinent. II est bon d'ajouter que pour allcr mouiller a Playa- Parda , il ne faut pas s'effrayer des kelps , car on est necessairemcnt oblige d'en traverser beaucoup ; mais s'ils devenaient trop denscs , on serait sur le banc de la poinle A^ ooding. En g6n6ral , depuis que nous somincs dans le dctix)it , j'ai toujours vu les kelps sur dc grands fonds. J'en ai vu au milieu des icacfis , en deux endroits ou la sonde n'apportait pas de fond a 25 brasses ; j'en ai vu sur les bancs voisins de la cote, maisje ne crois pas en avoir rencontr^ par moins de 3 brasses : ccpcndant coinme Ickelp [fticiis giganteiis) vient de preference sur les rocbcs, il faut le consideror comme balisant des licux ou il sorait tres dangcrcux de toucher. Do la pointe Glacier , on voit, comme je I'ai d^ya. (lit, tout le /^flc/i jusqu'au cap Quod, ct c'cst un ma- gnifique spectacle. Mais a droite , sur la cote sud , on ^oit (au S. hi" E. du compas) une ouverture marquee simplement Jbm sur la carte , et point du tout ex- plor^e. Cette ouverture laisse voir un bras de mer peut-etre plus ctroit, mais au moins aussi long que la partie du reach dont je parle , en sorte que la seconde lerre que Ton \oil au fond est au moins aussi 6loign^ ( 169 ) que le cap Quod , et que la cote noi'd de V^Lra qm est la cote sud du reachs parait une ilc. Or, il est tres pos- sible qu'elle soit en cfl'et une ile ; car cette Ahra, qui, d'apresla carte, parait avoir 6t6 a peine vue, doit com- muniquer avec le Snowy-Sound ou avec les passages non explores voisins de la baie Breaker, de I'autre cote de la Terre de Feu. Les Anglais ont conclu a peu pres la meme chose pour I'Abra de Sarmicnto , qu'ils n'ont pas plus explor^e que les deux dernieres. Mais, chose singuliere, on dirait a lire leurs relations qu'ils n'ont pas meme vu celle qui est en face de la poinle Glacier. Nous avons mouille a 5 h. 1/2; il etait temps, la journ^e avait ^t^ dure. Le barometre , dans I'apres- midi , est descendu a 0, 732. Pendant la nuit il est tomb6 pres de 1 pied de neige. 5 ociohre. —Nous sommes alles examiner le fond du port, et faire la chasse aux canards appeles steamers (1) Nos hommes ont fait du bois. On a ramass(^ aussi une grande quantlte de coquillages, dont un bon nombre de V^nus. Le port est tres petit, on y est aussi bien a I'abri que dans sa chambre ; mais entrer ct sorlir est une grande affaire, a cause du peu de largeur de I'entree, qui forme un goulet recourbi^. 6 octobre. — Nous sommes partis de Playa-Parda a h heures du matin. A partirde Playa-Parda, les cotes sont frequemment garnies d'une ceinture de roches tres peu avancees vers le large, qui sortent de I'eau, et qu'on pcut ap- procher. Mais ces roches ne sont pas toutes indiquecs sur la carte ; ainsi , par exemple , au N.-O. de la languc (») Viiir ! I nolc sur ccIlc espcce di <;iikiii1 ;i la fin, p. ijf'- ( 170 ) de terre qui forme la fausse bale de Playa-Parda, nous avons vu a un bon 1/2 mille de lorrc dcs rochers qui nc sont aucunemcnt marques sur la carte anglaise. En arrivant dans le Sea-Reach , nous avons eu sou- vent de la peine afairecadrer nos relevements. Mais en cet endroit le courant est pcu sensible, il n'y a guere dc dangers caches; toute ladifhculte se r(^cluit done a bicn reconnaitre les terres devant lesquclles on passe. Si Ton entre dans le ddtroit , la premiere terre qu'on vcrra sera probablement le cap Pilares , qui est une leri-e tres haute , les Evang6listes n'etant que d'une mediocre elevation , etje crois qu'en general 11 y aura moins d'inconvenient a atterir sur le cap que sur ces derniers ilots. Le capitaine Fitz-Roy a donne un profd du cap Pilares, lorsqu'on vient de I'Ouest; j'en ai pris un lorsqu'on est dans le Nord. De cettc position , Westminster-Uall rcste au N. 30° E. C'est un rocher tr^s haut et tres remarquable. Cupola rrste alors dans le M. 1/4 N.-E. Ce rocher , ainsi nomme proba- blement parce qu'il a la forme d'un dome, est au bout d'un ilot de mediocre hauteur qu'il domine, ctant lui- mSme deux fois plus haul. S'il n'a pas de nclge , il est d'un brun mele dc carmln. Westminster est beau- coup plus noir et le cap Pilares Test tout-a-falt. Mais, entre Cupola et Westminster-Hall (vu de la position indlqude), on vcrra une autre coupole de meme dimension et de meme coulcur, et meme plus unie et plus semblable a un dome que le rocher Cu- pola. Mais pour porter le relevement sur la carte, 11 faudra faire attention que celui des deux rochers qui porle cc nom est le plus ouest. Le cap Parker est reconnaissable en ce que, lorsqu'on le volt, 6tant a peu pres dans le Sud , 11 presente trois monticules ^chelonnes a pru pres dc meme hauteur. ( 171 ) Le cap Philippe ne montre gufere sa pointe d^tach^e de la terre a un navire qui range la Terre de Feu ; mais on peut prendre, pour les relevements , le pic Santa-Anna qui le surmonte, et qui est notablement plus conique et plus eleve que toutes les hauteurs en- vironnantes. L'ile Tamar est una haute terre qui parait tenir au cap de meme nom ; et lorsqu'on passe dans le Sud avec une certaine vitesse, la solution de continuite ne se montre que pendant un instant tres court. Quanl aux deux caps Victory (a la partie nord de la sortie), si on les voit (ce qui sera rare), ils pr^senteront en general une suite de montagnes neigeuses parmi lesquelles, aussi hien que dans I'archipel Narborough, il sera difficile de distinguer les points qu'on voudra relever, a cause de la quantit(^ de montagnes remar- quables qui ne sont point indiquees sur la carte. Lorsqu'on veut entrer au havre de Mercy, comme la cote est tres elev^e et tres saine , on pout la ranger jusqu'a la rencontre des ilots qui sont la marque du havre; on les laisse a tei're et on range la pointe sui- vante , derri^re laquelle on mouille. Le cap Cortado est une tres haute muraille de ro- chers tallies en falaise presque perpendiculairement j c'est peut-etre I'endroit le plus haut de cette cote, dcja si 6lev^e ; mais il fait peu de saillie. Le cap Cuevas ne se distingue que par induction; il y a la deux ou trois caps qui sont plutot des points de rep^re que des caps ; ils suivent presque la cote , qui est toute bossel^e de montagnes bizarres , herissee de pics elTrayants, talllee a aretes tranchantcs comme celles d'une pyramide triangulaire. La pointe Felix est rolaiivement basse ; on peut la reconnaUre a ce que, vue de I'Ouest , elle semblc une ile, etant stiparee ( J72 ) de la terre par une abm iion oxploi^e , et qui parait plus profonde que ne I'indique la carte. Entro la pointe F^lix et les caps dont je viens de parler , se trouve une espccc de baic, au fond dc laquelle on distingue avec peine un gvos ilot qui marque le mouillago \ alentyn, Je donne beaucoup d'espace a ces details de confi- gurulion des tcrres, parce qu'il nous a fallu bcaucouj) de peine pour nous les procurer par iious-memcs , et que nous eussions ete fort aises de les trouverecrits d'avance , car ils sont n^cessaires jjour savoir a tout moment le lieu oii Ion est. En somme, le travail des capitaines King , Stokes et Filzroy est admirable ; et s'il y a lieu de s'6tonncr de qiielque chose a leur sujet, ce n'est pas de ce qu'ils ont laisse a faire , mais bien plutot de tout ce qu'ils ont fait. Cependant on ne doit le considerer comme ccniplet que jusqu'au Crooked-lleacb (en venant de I'Esti; a partir de la, il y a encore beaucoup a faire. Si Ton consldere , en elFet, la relation de leur cam- pagne, on verra qu'ils n'ont gu6i"e fait que passer par cet endroit. Le capitaine Stokes , qui en etait speciale- ment charge, est le seul qui y ait fait, a proprement parler, de I'hydrographie pendant sa terrible expedi- tion de 1827; et encore il cut des temps si efTroyables, que , raalgi-6 son audacicuse tenacite , il se vit oblige de laisser bien des lacunes dans son ceuvre. Pourtant on aurait besoin dc connaitre quelques ancr ges de plus entre Swallow et le cap Tamar; car, dans la navigation du diitroit, cliaque matin, le pro- bleme a resoudre est de trouver pour le soir un mouil- lage oil Ion pulsse passer la nuit sans 6tre oblige de retrograder. Lorsqu'on vient de I'Ouest, le passage est plus facile, ( 173 ) on est toujours ou prcsquc toujoiirs vent arrlore : aussi peut-on dans ce cas le passer clans touts saison. Mais lorsqu'on vient do I'Est , c'ost bien different; les vents d'Ouost soufflent douzc jours sur quinze , et dcs lors Ic gain de chaque journee est petit; 11 lautprofitcr des marees , du crepuscule, de la lune , etc.; or, dans le long reach , il peut arrlver qu'un navire soit oblige de retourncr du cap Notch au cap Quod , faute de savoir ou mouiller la nuit , et ccla arrivora chaque fois qu'on partira de Borja ou de Swallow avec una jolie brise d'Ouest. Ccpendant , je le rejiete, il doit y avoir niouillage derriere le cap Notch, la pointe du Glacier, et les couples anonymes du Sud. Mais qui le sait? Quand le temps est beau, on n'a que faire de chercher un niouillage inconnu, si Ton n'cn pas est charge; et lorsqu'il estmau^ais, il est dur d'etre oblige de le faire par necessite. Le 6 octobre au soir, nous avons done vu defiler les dernieres terres du detioit ; et ce nest pas sans quelque peine, carc'etaient a chaque pas des spectacles admirables et une nature tellement differente de celle que nous connaissions , que , malgre son inflexible rigueur , elle a pourtant des charmes. Ce n'est pas sans peine aussi que nous avons vu s'evanouir I'espoir nourri depuis quelques jours de passer par les canaux qui conduisent au golfe de Penas. Certalnement, M. Maissin a fait sagement de ne pas s'aventurer dans les detroits dont I'hydrographie est inachev^e, n'ayant que tr^s peu de charbon et de vivres, et surlout avec un navire qui, mauvais marcheur a la voile, n'est susceptible d'aucune evolution ; mais il n'est pas nioins vrai qu'il etait dur de pcrdre une occasion sonil)lable de visitor des parages aussi curieux. ( 174 ) JOLRNAUX DE MOl.llJ.Ar.E VENTS DECRESJ I>ir«c(ion. Korce . CAP du Daviie. Courf. N. 45 E. ().8 » '7 Esi. 0.4 » 16 C3 E. S. E. 0.7 ia°B. 16 >3- n i.a » '7 0 )) 1.0 5° 13. 17 V S. E. i E. 0.9 11" B. -.2 0 .0 a 0 Est. 0.8 }) 20 Noid. 0.5 0. 20 (T » 0.5 0. 20 ""* » 0.8 i5° B. »9 Moiallage dans la baic de Possession, )8 septembre. 8 N.N.O. i 0. S. 0, 1.0 9 0.^.0. » i> 1.5 10 }> i) s. 0. 2.0 1 1 » » » 2.2 Minuit. - » » '•9 25 25 25 26 27 19 scplemlji'o. 1 0 N.O. 0 2 )j » 5 » » 4 Nord. 1 5 » » 6 )> u 7 8 « » » !) )> » 10 )) » 1 1 )i » lidi. )) u 1 2 0 uest. M 2 3 S.O 1.6 11 i.i> N. '9 '•9 » 1. 1 M 1.2 V.N.E. 1.2 N.O. i.(i » 1.0 X ..4 »• 1.8 » S.O. '•9 1 C| 1.5 Mouillage dans la bale Gregory, 19 sep'.cmbre. 9 N.N.E 10 N. 1 1 inuil. E.N.r; 27 27 26.5 2f.,5 27.0 27 27 l.T 25 to 2 5 o 25 V 25 ■s 26 a ■jfi 0 25 33 ( 375 ) JOURNAUX DE MOUILLAGE (suile,. VENTS. CAl' Ecirloiiieiil HADTEOll IlKUHES. ^^^ ^. ^-.^ ^ — ^ Cour;itit. dii b.iteau . Koice, (lu itdvire. di' l.ich. du fond. )) lectioii. Sui le dii Mon llage de la baio Gregory, 30 sppleii bre. I N.E. 6 Slid. m 1 0 ' o" 12 '""■■■-^'^ a ;) « E.S. E 0.5 60" B. 13 5 E.iVE. 5 i\.E. iE. o.o }> 1 1 4 Variable. 4 >» o.o J> 1 1 5 Ouesf. 4 N. :^N.O. 1.0 >t '1 ', 6 » » N.N.O. 1.5 » 12 7 )> » ») 1.3 U 12 i 8 » n N.O. iO. 1.3 55 U. 9 0. N. 0. 2 s. 0. J s. 1.0 }l lO lO " » )- 1.4 » 11 ») » » 1.8 il 0 Midi. » » i> '•9 » 0 1 Oucsl. 3 S.O. iO. 1.3 0° . . •« 2 )) it „ 1.4 )l '1 a T 1 1 0 0 )» » » 1.2 » ^ 4 )) " S.O. 8-0. O O >i 11 ^ 5 » 4 N. l.O » 12 6 » » » 1.2 H 12 7 n >t » 1.4 }> 12 8 0. 5 Oucst. 0.5 » 12 9 N.N. E. » N. o.G a lo » » N.N.O. 1.5 » 1 '» E. S. E. }; O.S.O. 1.2 )i Minuil. I 1 )i 2 1 septum l.O jre. » 1 S.O. 1 O.S.O. 1.2 0" 2 )) n S.O. i 0. 1.5 55" T. 11 V 3 .. i) » 1.5 100 T. 11^ 4 )) >' » 1.2 > 12 ^ 5 o.s.o. t) N.O. iN. 0. 1 700 B. " 0 » 0) 6 )J » 1) 1.2 » 7 » » )) 1.5 » " s 8 » j> )> 1.4 » s 9 o.s.o. 5 0. S. 0. i.a o» 0 11 ^ 10 " » S. 0. 0.8 » 1 1 " 1) S.O. { 0. 1.3 » 10 ^ Midi. » »J 1.5 » * a 10 i ( 170 ) JOURN'AUS DE MOD ILL, AGE (suiu). IIEURES. VENTS. HiAciion. For, CAP du naiirc. Couriiiit Kciilruieiil (ill b.il,.iii df lui'ti. UlCTEHB Ju fuud. 1 5 4 5 6 7 8 9 lo 1 1 Miiuiit, Oo » I Suite du luouillage tie la l)aie Grcgorj, 2i seplom!)!!'. lu. br; 1 1 lO 10 10 I I I 1 I I 1 1 1 1 1 I 1 1 1 1 O.S.O. Ouost. O.N O. N.E. O.N.O. O.S.O. s.o. 1.5 1-9 S 0. i 0. >-7 l.O » 0.0 X. i IN.E. 1.2 1.2 » 1.2 )> N.^ N.O. 0lle^t. O.S.O. l.O 0.3 0.8 0.4 o5o 15 S. io"o S. bi"') S. 3ioo o S3 22 scpU'inbt'e. I •2 5 4 5 6 N.O. ).s.o.;s 1.4 )) 1.5 )> l.D ») o o O.S.O. O.O ^■. i N.O. 1.2 12 i i3i i5 i5 Note siir nneespece de canard quon truuve dans le detroit. Le steamer-duck [canard-vapeui) etalt deja conmi sous le uom de canaid-coursier; il se sert de scs ailes comme dcs aubes d'une roue pour se pousser en avant. Ring, et avant lui beaucoup d'autres, en ont fait des descriptions assez detaillces; niais jo n'ai vu nulle part qu'on ait mentionne la forme singuli6re de scs ailes , qui sont denudees a la jondion dc I'humcrus et du cubitus, et armees en cet endroit de deux pro- tuberances semblables aux dents d'une roue a cngre- nages; elles sont de couleur jaune , comme le bee et les paltes. ( 177 ) De /'Oin'/-aj>e tie Fhancois Valkntyn si/r Ics Jmles orientctlcs. Le grand ouvrage de Francois Valentyn, en hollan- dals, sur les Indes orientales , compose de neuf parties in-folio avec une multitude de cartes et de figures, quoi- que public depuis cent dix-huit ans , el malgrc la richesse et I'exactitude dos notions qu'il rent'ermc sur I'archipel indien et les contr^es voisines, est en- core a present presque inconnu en France , faute d'avoir eii traduit dans notre langue ou dans qucl- que autre langue europ6enne. Cependanl le raerite de cet ouvrage est tel que, meme aujourd'hui , I'admi- nistration necrlandaise dans Ics Indes le considere comme un tableau fidele du pays , et digne d'etre consulte avec confiance : on ne saurait en fairc un plus bel eloge. M. le baron Van der Capellen , qui a g6re dix annees de suite le gouvernement dcs Indes neerlandaises , a declare plusieurs fois qu'il avait trouve les observations de V alentyn aussi exactes que celles qu'on pourrait faire de nos jours , et qu'il avait tii^e beaucoup de fruits de la lecture de son ouvrage, principalement pour ce qui regarde les Moluques. L'n autre teraoignage non moins imposant est celui du comte Vidua , le celeljre voyageur, mort dans I'lnde , qui rendit le meme hommage a la veracite et au savoir de I'auteur. Ajoutons que le Nestor de la geo- graphie en France, M. Eyries, le juge le plus compe- tent, rend le meme temoignage a I'ouvrage de Fran- cois Valentyn. Nous ferons connaitrc d'abord par une analyse Ires succincte en quoi consiste cet ouvrage; ensuitc nous U. SKPTiiMURi;. li. 12 ( 178 ) exposerons le plan de traduction franraisc qui vicnf d'etre concu a Haarlem par M. \ an de \ elden , ofTi- ci(^r (\c la marine liollandaiso , qui a servi dans I'lnde, auteur d'un nouvel ouvrage intitule : f^ites des hides neerlandaises , 1 volume in-fol. en hollandais, ct qui s'est associ^ M. \ alckenaer \ an Coppcnaal , jouno savant 6lev6 en France. I>e lectcur jugera par la dc I'jntdret que pr^sente I'ouvragc original , et des avan- tages qu'on pent attendre de la traduction francaise , sonmise toutcfois a de ccrtaines conditions. Disons d'ahord quelque chose de la porsonne de I'autour. Francois \ alcnlyn <^tait natif de Dordrecht. (Test en qualite de ministre du Saint-Evangile qu'il partit pour Batavia , en 1685, ag6 de vingt-cinq ans. II demeura prfes de vingt ans dans I'lnde, en dcuxi'ois ; il revint en Europe en 169/i , et rctourna a Bata\ia en 1706 jusqu'a 1714, epoque do son rctour dcfinitif au pays natal. C'cst en 1726 que ])arut la premiere partie de ce grand ouvrage, qui a, entrc autres merites. celui de nous donner, comme le remarque judicieusemcnt son docte biographe , M. Eyries, le Journal de voyage de Tasman ( par extrait ). Valentyn possedait si bien !a languc malaise qu'il prechait habituellement en malais , et qu'il a traduit la Bible dans cet idiome. BufTon a connu I'ouvrage de Valentyn , mais dc nom seiilement , et il la cit6 dans son Histoirc naturelle. Le president Dtbrosses I'acitt^aussi dans son llistoire des navigations aux terrcs australes, ct il a fait m^me quelques observations critiques. Feu Langles, dans son edition du \o\age de Thunberg, remarquait avec raison que cet ouvrage , qui renferme I'histoire naturelle , civile ct ecclesiastique, la plus complete qui existc snr cottc partie de I'lnde, et qui a fail con- ( 179 ) naitre en Europe les d^couvertes des Hollandais aux teri'es australes , 6tait a peu pr^s ignore en France. Ce n'est meme qu'en 1796 qu'il a et& Introduit dans notre grande Bibliotheque natlonale. Voici malntenant le detail de la composition du livrc dans I'edition la plus complete : Le litre general est comme il suit ; nous croyons devoir le rapporter in estenso. OuD EN NiEUW OosT-iNDiEN , Veivatteiida een nnau- keurige en nitvoerige verhnndeUnge van Nederlnnds mo- gentheyd in die gewesten , ... etc., door Francois f^a/en- frn un langs bedienaar des goddeliken woords in Jnihoina , Bandn , etc., in vyf deelen ; te Dordrecht, Amsterdam , 1726 ; c'est-a-dire , litteralement : « hides orienlnles anciennes et niodernes , comprenant un traits precis et detaill^ de la puissance hollandaise dans ces contr^es , en outre une description dtendue des Moluques, d'Amboine, de Banda, de Timor et de Solor , de Java et de toutes les autres iles comprises sous la meme denomination ; le comptoir hollandais a Surate et la vie des Grands Mogols; de plus, un grand traite de ce qu'il importe de savoir de Cjoromandel , Pegu, Arrakan , le Bengale, Moka , la Perse, Ma- lacca, Sumatra, Ceylan , Malabar, les Celebes, Ma- cassar, la Chine , le Japon , Tayouan ou Formose , Tonkin , Caiid)odje , Siam , Borneo , Bali , le cap de Bonne-Esperance et I'ile Maurice ; comprenant ainsi , ensemble , non seulemeiit une description tres precise de ce qui concerne I'inde hollandaise , mais encore les rapports principauxdes autres peuples europeens avec ces contiees ; enrichi de plus de mille cinquante estampes , le tout decrit tres exactemcnt en ce qui coucerne les pays, les villes, les forts, les mreurs des peuples, les arbres, les animaux de la terre et de la ( 180 ) mcr, les aclcs rdigieux , el les fails qui se sont passes ilepuis los leinps les plus recult^s jusqu'A nos jours ; accompagne d'un grand nombre dc cartes neccssaires pour r intelligence de I'ouvrage , par Francois \ alen- tMi, derniercment serviteur de la parole de Dieu a Amboine, Banda , etc. — En cinq voluuies , Dor- drecht, chez Jean Van Braani , et Amsterdam , chez Gerard Onder de Linden , 1726. » Les cinq volumes dont parle le litre precedent com- prennent on efTet neuf tomes ou parties , savoir , le premier, un seul tome , quoiqu'en deux paginations ; los quatro autres , composes de deux parties chacun , de manicure qu'on pourrait diviser Touvrage en dix tomes. Nous ne rapporterons pas les litres mis en tfite de cbacune des parties de I'ouvrage , mais nous don- ncrons une idee de leur contenu. A la suite du titre general que nous avons rapport^, viennent la dedicace du livre , la pri'face, le portrait de I'auteur avec une 6pilre latine, etc. ; puis une introduction pr^iminaire qui est comme un abrc^gd; des matii^'res contenues dans I'ouvi'agc , ou plutot I'oxpose du plan suivi par I't'crivain. C-etto introduction se partage en 3 livrcs ct 17 cliapitres, formant 316 pages. Ici commence I'ouvrage proj)rement dit , par la description delaillee des cinq IMoliiqiies. Cette descrip- tion donnc une idee tr^s elendue de I'ile de Ternatc , de Tidore, dc Bat-sjan, dc Makjan et de Motir, ct des ilos qui en dependent ; elle est suivie du rocit des principaux fails ct ^venements depuis les temps les plus reculcis , accompagne d'un grand nombre de dessins et de cartes qui so rapportonl a colte liis- toire complete des Moluques, cc qui donne lieu 4 ( 181 ) deii\ parties , I'une forinanl 2 livros ct 7 cliapitres en 125 pages , laatie 3 livres ot 22 chapltrcs conte- nant 303 pages. Lc second volume roule sur la descripilon d' Amboine et los tails dont Ainboino a ete le theatre. La pre- miere partie se compose de 5 livres et 21 cliapitres en 351 pages; elle donne lo tableau d'Amboine, et de toutes les lies qui en despondent , savoir : la grande lie de (lerani , Boero , Honimoa , Noessa- Laoet, Oma , Manipa , Bonoa , Kelang et autres lies , amplement decrites et accompagnees de cartes tres de- taillees , d'un recit des habitudes , des moeurs et des ceh'emonies de leurs habitants ; la deuxi6me partie se compose de 4 livres et 21 cliapitres en 282 pages. Cest une narration circonstanciee de tous Ics faits et evenements arrives a Amboine ct dans toutes les autres villes precitees depuis les temps le plus an- ciens. A la suite des aflfaires d'Amboine vient un chapitrft consacre aux ministres employes dans cette colonic. Le troisieme volume a encore pour objet Amboine ct les Moluques , mais avec d'autres devcloppcments curieux , et il traite notamment de son hlstoire natu- relle ; il est precede d'une preface. En outre, il donne une description do Banda, de Timor, des Celebes, de Borneo, de Tonkin, Cambodje, Siam,etc.; eniin,le re- cit des evenements arrives dans tous ces royaumes ct iles ; le tout enriehi de beaucoup de cartes et de figures. La I" partie , sur Amboine , se compose de 5 livros et 33 cliapitres, en 586 pages, y compris I'avant-propos. Elle est suivie d'une description detaillec des arbres , plantes et arbrisseaux, des oiseaux, des poissons, des coquillages et des plantes marines que Ton trouve a ( 182 ) Ainboine et dans les iles voisinos ; la II" se roinpose de 6 livres et 32 chapilres , en 259 et 9(5 pages ; elle traite en detail dc I'ile de Banda et dos ilos qui en de- pendent , alnsi que des iles de Timor et Solor, des Celebes et de !\Iacassar, de Borneo et de Bali , ainsi que des royaumes de Tonkin , de Canibodjo et de Siam. C'est dans ce volume, 2' part. p. liiS et suiv., que se trouve I'extrait du journal dc voyage de Tasman , document precieux pour I'liistoire des decouvertos. Le quatriemc volume est un des plus importants de I'ouvrage. II traite de la grandc lie de Java (Groot Java , Java-Major) et dc sa puissance , des lies gou- vernees par I'cmpereur de Java , Ic roi de Bantam , le prince de Balamboang et I'bistoire de ces princes. 11 contient un recit du royaume de Jakatra et de tous les pays appartenant a la Cunipagnie ucerlnndnise, en outre une description d6taill6e de la ville de Batavia , de ses faubourgs et de ses possessions, suivie de Tbistorique des gouverneurs generaux des Indes , et de d(^tails sur le comptoir des Hollandais a Suratc et la viedesGrands- Mogols. Ce volume contient encore le narrti des an dc Velden ot son collaboratcur, pourlui concilicr I'interet general ; lo travail d'aillcurs est immense et ie nou- veau plan nous parait judicieux : le lectcur en jugera. Le but qu'on doit se proposer n'est pas do traduire Valontyn d'un bout a I'autro et mot pour mot, sans en rien retranchor : MM. ^ an de \ elden et\ . de Coppcnaal I'ont bien compris. D'un c6t6, il y a des details super- tlus, comme tout ce qui regarde I'liistoiredesniinistres proteslants aux Indes Orientales et les affaires de la reli- gion (zaaken vandenGodsdienst); il y en a d'autresen- tierement surann^s, qu'on peut aujourd'hui remplaccr par des notions plus exactes et plus certaines. On sup- primera de I'ouvrage toutes les jjarties qui rentrent .ians ces deux categories. 11 en est de meme en partie des cartes qui , malgr6 le prix et I'interet qu'clles avaient en 1720 , ne peuvent plus aujourd'hui souffrir la reproduction entiere, el encore du plus grand nom- bre des figures de I'ouvrage. L'histoire naturelle de ces regions a faitde grands progr("'S ; les navigateursnatura- listes ontamplementmoissorme dans larcliipel Indion et sur le continent limitroj>he (1). Les descriptions et les faits sans valeur seront done sacrifi^s; mais en meme temps on ajoutera des notes et des observations con- formes aux decouvertes rhic (Ic r Isldnilc it (in Itrocnldiid, par CiiAni.i:s-C. R.\f> ; Cijiiiiuurii(jU(''e a la Sociric ile j;('!(j;;i a|iliio. Copeiiliague , It 20 aoi'it i84(- L'ouvragc intitule Islendlnga-Sogur, dont le prciniei volume vient d'6tre r^cemment public a Copenhague, par la Societe royalt des Jntiquaircsdu Nord, conticndra, dans I'ancien texte primitif, d'apies tous les nianuscrils existants , les sources aulhentiques islandaisos do I'histoire duNord del'Europeet de I'Aiudrique, surtoul on ce qui concerne I'lslande , ainsi que I'origine et les exploits dos Islandais, depuisle ix"= jusqu'au xiv' siecle, c'est-a-dire dcpuis la premiere decouverte et la colo- nisation de cette ile jusqu'a I'epoque de la veritable composition des sagas. Plusieurs de ces sagas n'avaient pas encore etc indites , ou I'etaienl d'une ma- niere tres incomplete, de sorte que le besoin d'une nouvelle edition ciitique avail depuis longtemps ete senti. Le premier volume renferme deux ouvrages du plus grand historiograplie do I'lslande, le pretro Are Tliorgilsson, surnomme Frode ou le savant (ne en 1068, et mort en 1148), savoir le petit ouvragc intitule Islen- dingabok ou SchcdcE de Isldiidia , et I'ceuvre importante qui a pour titre Lnndiiainabok ou Liber originuni Islan- dicc , ouvragc hislorico-g^ographique, dont I'lslendin- gabok peut 6tre consid^re commc I'introduction. Get ouvragc , (pii parait ici pour la premiere fois dans son ancienne forme primitive, trailo des premieres expedi- tions de d^couvortes, cnlreprises soit de Dancmark , spitdc Norvege et des lies Fenio , puis do I'l^'migratioa ( 189 ) des habitants de la Norvege qui allaient s'etablir en Islande et en d'autres pays, a cause des guerres suc- cessives que le roi Haraid a la belle clievelure faisait contrc les petits rois on larls de Norvege, guerres qui finirent par la conquete de tout le pays. La decouverte de rislande cut lieu vers le milieu du ix*" siecle; la pre- miere colonisation du pays est due a Ingolve, norvegien, qui s'etablit a Reykiavik en 874. Au bout de 60 ans toute I'ile etait completementbabitee. \,e Landnamabok offre un rapport detaille de la colonisation de I'lslande et des colons [landnamamenn) avec leur genealogie, II contient encore I'exacte indication du district dont cba- cun d'eux s'empara , en le partageant ensuite de difTe- rentes manieres, soit entre leux'scompagnons de voyage, soit enti'e leurs serviteurs. A peine cxiste-t-il un pays au monde qui possede sur sa premiere colonisation des renseignements aussi detailles que ceux du Land- namabok; il pourra etre consulte avec fruit, meme en- core aujourd'hui. Le volume est terminf!; par des suj)- plements empruntes a d'autres anciens manuscrits; ils servent a dclaircir les genealogies islandaises pendant les premiers siecles depuis la colonisation du pays , et font connaitre I'idiome et I'ortbographe usites j^endant le xii* siecle, ^poque a laquelle Are Frode redigea ses ouvragos. Parmi ces supplements, on distingue surtout comme un morceau d'un interet particulier un me- moire ecrit en 11/|3, du temps d'Are Frode, sur plu- sieurs pretres islandais d'originc indigene vivant alors, avec la liste des propriet^s de I'^glise de Rejkholt [Uey- kliolts mahhigi). Le cliapitre le plus important de ce document est la description detaillee des biens immeu- bles qui, dans ce temps-la, appartenaient a cctte egiise, ainsl qTie le chateau meme avec toutes ses dependances ( 190 ) et (los propriett'S siluties dans diuitics tcrritoires. C'est iin<> vt'ritablo iiialflni^i ou list(^ nutlientiryiie dcs hions (1(> I'rglisc, scinl)lal)les a ccllcs que Tliorlak Thorliallson, evcque de Skalholt (de J 178 a I'an 119;i). essayait d'acquerir pour Ics 6glises de I'lslande, en s'appuyanl sin- le droit canonlquc et I'ordre de I'ar- chevdque E\ stein. Jusqu'au temps de cet 6v6que, Us oglises de I'lslande etaient entierement sous la direc- jIou (Ic Ilius patrons qui, en qualite de premiers pro pri^taires et donateurs des terras des (liglises, s'etaienl engagers a maintenir i'etat de ces Oglises et a entretenir lo nombre necessaire de prelres et de diacres, en se re- servant le droit de disposer a leur gre dcs revenus des lerres et dcs proprietes des eglises. LViveque Thorlak voulut au contraire qu'une liste authentique, dite mdl- dagi , des proprietes de cliaque ^glise, lut redigee el sanctionn^e par un accord solennel cntre I'cveque et le tuteur des biens de I'egUse, lequel cessant alors d'etre le patron de cesbiens, on abandonna toute la direction a I'eveque. Le 2" cbapitre conlient I'acte de cession qui cut lieu de I'eglisc de Reykbolt et de ses proprietes aSnorre Sturlason, celebre historien, lorsque celui-ci y arriva de Borj;, I'an 1208. On trouve dans le 3° cba- pitre I'inventaire de I'eglise; on y raconle que Snorre et llalveig, sa femme , lui onl donne deux vicrgcs chantantes « [stuiitgniniar) », c'est-a-dire deux cloclies. Le 4' cbai)itre Iraite des droits maritimes de Teglisc, el le 5% des saints auxquels elle a eik consacr^e. Le vo- lume est cnriclii de quatre fac-simile des parcbemins qui ont servi a cetle edition. On y voil la liste des pi'etrcs de I'lslande de I'an 1143 , et quatre tables genealoglquos des auteurs du Landnamabok, de la famille de Sturlunc;ar et de celle de Melar. On v a ( 191 ) joint la carte cle I'ancienao Islaiidc a\ec I'indicatloii des colonies et la division en things, nom doiin6 aux grandcs juridictions. Cette carte, qui comprend I'es- pace dc temps ecoule dcpuis I'an 934 jusqu'a I'an 1000, a principalementete dress^e pours'^rvir d'eclair- cissement au Landnamabok. Les changements que le pays a subis jiendant les annees suivantes, on I 6te si peu considerables, qu'on peut tr^s bien se servir de cette carte pour toute la serie des sagas jusqu'a ia conclusion au xiv" sieclc. On pourrait meme en tircr parti pour les temps plus modernes , puisque les lieux qui sont aujourd'hui les plus remarquables I'etaicnt aussi dans I'antiquite , et surtout parce que la plu- part des noms donnes par les premiers colons, a des montagnes , a des proraontoires et a des vallees , a des rivieres, a des golfes et a des lacs , a des districts bal^i- t^s et a des maisons, subsistent encore. C'est en g6n^ral une cbose digne de remarque que les anciens noms de lieux se sont conserves en Islande de meme que la lan- gue, beaucoup mieux que dans aucun autre pays du monde. L'aclievcment des tables indispensables et la dilTiculte de I'impi-ession , ont apporte du retard a la publication de ce volume qui parces raisons n'a pu paraitre plus tot. Les manuscrits ont ete copies et collationnt^s par Ion Sigurdsson. La collation du texte , avec les anciens codex qui ont servi de base a la redaction, a ete faltc par C.-(l. Rafn ; la preface de I'ouvi-age est due a Finn Magnuscn. Les deux premiers volumes de I'ouvrage , intitule Gioiilaiurs hisloiislic Miiule.sniorker, ou monuments liis- toriques du Greenland , furent publics par la Soci^te royale des Antiquaires du Norden 1838, ct la premiere livralson dutroisieme volume parut en !8/j2. L'impres- ( 192 ) sion deco>olumo a ete conlinueo; cost cclul qui tormi- ncra I'ouvrago.On y Irouvedes c.rlraits des Amiales islan- doises till nioyen-agc sur I'liistoire tin Groonland, avec un rociicil tie dipjomos concornant le Groenland, deux collections dont la redaction est due a Finn Magnusen ; des notices geogrnphiques , recueillies pendant le moven- age sur le Groenland et ses environs, ot redigees par Finn Magnusen et C.-C. Rafn; enfm une traduction des relations des voyages des fr^resZeni dans leNord, avec des notes justificatives par S. H. Bredsdorll; tie plus, deux articles rediges parC. Pingel , qui a lui-meme visit<^ le Groenlantl ou il a fait ties voyages pentlant un assc? long Icnips. Ces articles contiennent tl'ahord un aperru des '}>ofnges les plus iniportants tjui, pendant les do niers siecles , ont6t(i entrepris du Danemark et de laNorv^ge pour retrouver les cotes perdues (\y\ Groenland et exa- miner la partie qu'on en a de nouveau d^couverte ; en- suitc une chorogrnphie , fondee surtout sur les voyages et les recherches arch^ologiques entrepris aux frais de la Soci^t^, pendant une s6rie d'anndies dans les golfes les plus considerables tlu Groenlantl. A la suite de ces articles, se trouvera un aperru de I'ancienne geographic du pays, fondle sur la comparaison faite des relations des anciens manuscrits avec les mines d'edilices trouves dans le pays, datant de I'ancienne colonisation europ^enne. Pour lacilitcr I'usage de I'ouvrage et pour eclaircir les faits , on y ajoutera la liste des 6v6ques, un releve historique des personnes remarquables qui V ont vecu , des index chronologiquos et gd'Ographi- ques , cnfin une table de matieres. Les diiTercntcs parties de I'ouvrage sont d(^jar(^digi^es; le dessin ainsi tjue la gravure de tlouze planches desti- nies a ce volume sont achcves. L'ouvragecontiendra ( 193 ) aussi deux cartes servant a faire mieux connaitre les voyages entrepris paries frirts Zeni; des dessinsrepre- sentant des sceaux groenlandais; les plans des ruines trouv^esalkigeit, Tessermlut, Igalikko et Kakortok ; la vue perspective de I'eglise ruinee qui se trouve sur le dernier golfe ; les dessins des inscriptions runiqueset de r^criture latine trouv^es dans le Groenland; deux cartes tr^s importantes , dent I'une reprc^sente le district de lulianehaab, oil la colonic orientale des anciens (Eys- tribygd ) 6tait situ^e, et I'autre, la partie du district de Godthaab qui est prt^sumee avoir et6 la colonic occi- dentale des anciens (Veslribygd) , savoir Baals Revier avec les golfes qui en dependent et le golfe d'Amaraglik. La premiere de ces cartes a m dvcssic d'apr^s une nouvelle revision de la carte du district de lulianebaab composee par le capitaine Graah, avec les materiaux dont il pouvait alors disposer, et publiee par les soins de la Society dans ines ylntiquitates Americame. Pour les corrections et les autrcs ameliorations adoptees dans cette nouvelle carte , on a soigncusement consult^ les cartes speciales et les descriptions des golfes dues aux voyages recemment entrepris par les soins de la Soci^te dans le Gi'oenland , ainsi que plusieurs rensei- gnements communiques par differents voyageurs qui ont visite ce pays. La seconde carle representant une partie du district de Godthaab, a ete dress^e par le lieutenant C. Mollcr qui a entrepris, aux frais de la So- ci^te, des recherches le long de la plupart des golfes de cc district, eta ete nomme recemment inspecteur royal de la partie septentrionale du Groenland, Ces deux car- tes ofTi'ent encore des secoiirs importants a I'etude do la geographic moderne du Groenland, quoiqu'elles doi- vent etre considerees plus spccialement comme des U. SEPTEMBRE. 5. 13 ( 194 ) cartos dcsliaees a representer I'etat ancien du pavs , puisquc loutes les ruines d'anciens edifices europeens que les voyageursy ont trouvt^es y soul indiqui^es par des signes particullers; do sorte qu'oii y volt clalre- ment conibien la colonisation du pays a 6t6 grande ct ^tendue pendant ces temps recules. Nous avons remar- qu6 en dernier lieu une Ictlre de recommandation fort remarquable, <^crite en latin, sous la date du VI Idas yi/iffiisti i^hi, parlfakon, eveque de Bergen en Norvege, en faveur du pretre Ivar Bardson, qui devail iaire un voyage dans le Greenland. C'est a ce m^mc Ivar Bar- dson que nous devons la description d^taillee de I'an- cien Groonland, publlee par nioi d'aboi'd dans les Jnliqiiitates Americaiue (p. 300-318), et plus tard dans les Monumcnls historiques du Greenland (vol. ill,: p. 2/i8-260). J'ai suppose , dansk'b intiquilntes Amerirana'[p.2S'2) , que Ivar, dont I'origino norvegienne a maintonant et6 constalec, vivait dans le xiv" siecle; cette conjecture se trouve confirmee par ia Icttre en question , de sorte que Ton connait a pre sent, avec certitude, la date d'un ancien document litt«''rairo, si important pour I'his- toire de la geographic du Greenland. ( l«-)5 ) ExTRAiT (rune lettrc de M. d'Arnaud a M. Jomard, ineinbre cle /'Jiistitiit. Alpxandrie , le i4 aont i844- Monsieur , Je vous remercie mille lois de tout I'int^ret que vous me t^moignez et dont vous venez de me donner une prcuve (Ijclatante , en faisant connaitre et concou- rir notre voyage aux sources du Nil, pour le prix an- nuel de la Society de Geographie, oii j'ai 6te assezheu- reiix pour remporter la belle m^daille , qui vient de m'etre remise par son Excellence Artin Bey, au nom de S. A. Mohammed ^Vli , vice-roi d'Egypte, accompa- gn^e d'un compliment tr^s fiatteur, termini par cette plirase : « Son altesse , mon maltre . me charge de 1) vous dire qu'elle compte toujours sur votre zele in- )) fatigable pour terminer la solution du probleme des » sources du Nil blanc , avec une dernifere expedition « ^gyptieane qu'elle ordonnera en temps opportun. » Apres la seance officielle , j'ai demande a S. E. si elle presumait que notre depart 6tait prochain, mais elle n'a rien pu assurer a ce sujet. J'ai recu ces jours passes une lettre de mon com- pagnon de voyage, M. Tliibaut (Ibrahim ElTendi), qui lait le commerce dans le Sennar, et je suis assez heureux pour annoncer que d^ja nos d^couvertes ont profit^ aux negociantsde ces pays : une petite expedition qui a (!;te jusqu'au?" degr^delatitude N., comjiost^e de six a sep! barques , est I'evenue avec un chargemcnt comple! I ItHV ) de defenses d'elepliants, et cnfin qu'iin autre pins con- siderable est sur Ic point do partir do Kliartoum , aux niemcs fins ; ellc est prosquo uniquemont composoe do na\ires des nd'gociants europoens; M. Tliibuut doit en faire partie; ils so proposent d'aller de nouveau Jus- qu'au h' degr<§ 42"' ct, si faire se pout, plus avan* encore. J'ai donn6 a ces Messieurs tous les documents qui pouvaieni l(*ur etre utiles; d'ailleurs M. Tliihaut sera avec eux. J'ai bien compris tous les points de votre lettre , je vais repondrc a votre dornioi-e question relative a I'af- fluont Quest qui tombc dans lo Grand Lac vers le 9" de- gro. En allant, en 1839, a la recborche dcs mines d'or, au sud du Courdofan , a une joui'nee de niarclie do Chcbony , les naturels nous dirent qu'a deux journees au-dela , se trouvait unc riviere qui venait du Darfour, et qui s'appelait Kcilak et que je rapportai en pointe sur la carte de Cailliaud; plus tard, lorsqueje rapportai, sur la meme carte, lo cours du flouve Blanc , notam- raent la journ^c de marche que nous limes dans un petit affluent, qui venait porter ses eaux au Grand Lac, je fus surpris de la parfaltc coincidence de ces douxro- sultats , qui se liont assoz bien avec le Missolad , cetto autre branclie quo Brown a dicouverte a I'Ouost du Darfour, ce qui me fit croire que c'6tait probablement la mome rivit;ro, Je regrettai beaucoup que le peu d'eau que fournis- sait cet affluent dans celte saison, no me permit pas de le romonter baut; car bien que tres petite a son d6boucb(^ dans le lac, donttout le contour est mareca- geuxaplusieurslicues, cettc riviere pourraits'accroitre, et pout etre dcvenir navigable lorsque toutcs ses eaux sonl vounios dans lo mon^pnt do la cruo. \/a dilVoroncc ( :H)7 ) lie I'fitlage aiix liautes eaux, dans le Grand Lac, n'est gu^re que de 0" 50 a 0'" 05. Le ill du tleuve Blanc, lui-meme, n'a plus, a son entree, coTume a sa sortie du lac, que 80" de largeur ; a tel point que sans la ligne blanche des eaux, nous aurions peut-etre beaucoup cherch)6 notre issue. ( lt»8 ) DEUXIEME SECTION. Actes de la Societe. EXTRAIT DES PROCES-VERBAUX DKS SEANCES. Pri^sidence de M. Roux de Rocuelle. Seance du 6 septembre 18/ii. Le proces-verbal de la derni^re seance est lu et adopte. M. d'Arnaud ecrit d'Alexandrie a la Society, pour la rcmercier de la UK^idaillc d'or qu'cllc lui a deccrnee pour SOS premieres decouvertes vers les sources du Balir- el-Abiad. S. A. levice-roi, en lui remettant celte m6- daille au nom de la Soci6te , lui a dit qu'elle comptait sur son zele pour achever , avec unc nouvelle expedi- tion eg} ptienne , la solution du problt^me des sources du Nil Blanc. M. le conseillcr de Macedo annonce qu'il a presente a r Academic royale des sciences de Lisbonne la Gram- mairc et le Dictionnaire berbers de Venture, et qu'il s'empressc de transmetlrc a la Soci^t^ les remercimenls de lAcadeniie. M. Warden ecrit a la Society pour lui oiTrirle 18' vo- lume de I'art de verifier les dates , contenant une des- cription geograpliique et bislorique des six provinces de I'Amerique du Nord , New-Vork, Pensylvanie , Ma- ( li>i^ ) ryland , les deux Carolines et la Georgle , jusqu'a I'e- tablissement de leur constitution respective comme (itats independants. M. Roux dc Roclielle est pri6 de rendre compte de ce nouveau volume. M. Thomassy presente un exemplairc de I'ouvrage qu'il vient de publier sur la vie de Gerson , autour de la vie de J,-C. ; il annonce son prochain depart pour I'lta- lie et se met aux ordi'es de la Sociele pour les services qu'il pourrait lui rendre pendant le cours de son voyage. M. Jomard fait part d'une lettre de M. Beke, en date du 1" aout : ce voyageur lui ecrit que, malgre les dou- tes eleves en Angleterre sur I'autlienticite du voyage de MM. Combes et Tamisier dans le Clioa et Gojam , il n'avait pour sa part jamais doute du fait, et que le pre- sident dela Societegeographiquede Londres vient d'eu rendre t^moignage. II ajoute que la cause dc ces doutes , selon lui, etait qu'ils avaient pris pour base la carte de M. Salt, laquelle est tr^s fautive. M, d'Arnaud 6crit au meme , en date du 14 aoiit, pour lui donner des renseignements sur la I'iviere ap- pelee Keilak (1) . Par une lettre adressee au meme, en date de Khar- toum, 5 mai 1844, M. Casteliy, cbirurgien-major a larm^e expeditionnaire de Nubie , ecrit qu'il vient de faire une excursion dans I'interieur a partir dc Siro, qu'il a visits les Founghis , les Bourouns , les tribus er- rantes d'Abourour jusqu'aux tribus les plus reculees desDyncas, sous le 1^ degrd; de latitude, que I'expedi- tion a pen6tre dans le Sud, non sans avoir comballu les peuplades, et est revenue jusqu'aux confins 0l) ) Gallas par cles routes nouvelles. M. Castell\ aimouce avoir fait line nonibrcuse collection en quadrup^des , oiseaux , reptiles et poissons. Par line autre lettre, du meme lieu, mais plus an- cienne, M. Thibaut (Ibraim Effendi) t>crit au nieme, au sujet du voyage au ]\il blanc, executd par M. Saba- tier, et reclame la part d'lionneur qui lui apparticnt. -M. Jomard fait rcmartjucr qu'il n'a pas attendu cette reclamation pour signaler les travaux etles longs voya- ges de M. Tbibaul, qui ont ete si utiles aux decouver- tes d'bistoire naturcUe et aux voyages scientiiiqucs , et il cite a cette occasion les n"' du Bulletin ou il men- tionne cct infatigable et intrepide voyageur, auquel on doit, entre autres , les premieres giraffes transpor- tees en Europe dans le si^cle present. Enlin M. Jomard annonce la presence de M. Marcus Porte , voyageur au Br6sil , recommande ]>ar le clian- celier de France a Bahia, qui vient d'amener deux jeu- nes Botocudos de I'un el de I'autrc sexe. La Commis- sion nomme MM. Jomard et \ ivien pour visiter ces Indiens et rendre compte de leurs observations a la Commission centrale. M. leprofesseur Rafn, secretaire de la Society royale des Antiquaires du Nord , adresse une notice sur I'an- cienne geograpbie liistorique de I'lslande et du Groen- land. Seance du 20 septemhrc 18i. Lg proces-verbal de la derniere seance est lu et adopts. M. Hippolyte Flury, consul de France a Barcelone , adresse a la Scci^te unr bistoire dcs comtes dp Barcc- ( 201 ) lone, publi^e par M, Prosper Bofarull, directeur en chef des anclennes archives d'Aragon ; M. Flury re- commande ce savant commc un correspondant utile. La Commission centrale decide que M. Bofarull sera porte sur la liste des candidats pour les places vacan- tes de. correspondant etranger. M. Robert Grcenhow, bibliothecalre et traducteur au d^partement des affaires etrang^res a Washington, ecrit a la Society pour lui envoyer un ouvrage qu'il vient de publior sur I'histoire et la geographic du ter- ritoire de I'Oi'^gon , de la Californie ct des autres con- trees de la cote Nord-Ouest de I'Amerique ; il rappelle qu'en 18^0, il a adresst^ a la Society , par I'entremise de feu M. Du Ponceau , un premier ouvrage sur ces contrees. M. Grecnhow appclle particulierement I'at- tention de la Societe sur les chapitres renfermant la relation des voyages executes par les Espagnols sur la cote Nord-Ouest d'Amerique ; sur les circonstances de la decouverte de la riviere Columbia et sur la carte qui accompagne son ouvrage. Cette carte est le fruit de nombreuses recherches et il pense n'avoir rien oublie de ce qui pouvait la rendre complete. M. Greenhow envoie egalement un memoire desci'iptif,historique et politique sur les iles Falkland. II fait observer que ce travail a ete public dc'S le mois de fevrier 1842. M. Grecnhow fait cette remarque a cause de la ressemblance parfaite de ce memoire avec celui publie en septembre 1842, par M. Grimblot , dans la Revue des deux Mondes. M. Greenhow offre d'adresser a la Societe tons les documents geographiques que ses fonctions et ses Etu- des le mettent a meme de se procurer. Les remer- clments de la Society seront adresses a M. Greenhow. M, le secretaire donne lecture de la liste des ouvra- [ 202 ) "OS oHerls a la Societ(i. La Commission vote des remer- cimcnts aux aulcurs et donateurs tt ordonne Ic depot des ouvrages a la Bibliothc^quo. M. Alexandre Lamotte,raaire de Conde-sur-Noireau, ecrit a la Socii^te pour lui annoncer que I'inauguration du monument que la ville de Cond6 fait (^riger a la memoire du contre-amiral Dumont d'Lrville , aura lieu le 20 octobre prochain, et il prie M. le President d'as- sister a cette solcnnite. La Commission centrale decide que M. de Larenaudiere, qui se trouve dans Ic meme arrondissement, sera invite a representor la Soci6t6 a I'inauguration de ce monument. M. Jomard communique unc Icttre de M. Fresnel , contenant quelques renseignements sur la geographic de I'Arabie meridionale. Le meme membre rend comptc de la visite qu'il a faite avec M. Vivien des deux jeunes Indiens Botocudos amends a Paris par M. Marcus Porte. II signale plusicurs usages de ces Indiens , qui cxpliquont ccrtaincs repre- sentations figurees , trouvees en Am6rique. M. Jomard annonce que M. Marcus Porte, a la demande des com- missaires de la Societe , va s'occuper de recucillir un vocabulaire aussi dtendu que possible de la langue de ces Indiens , et il communique a la Commission cen- trale le commencement de ce travail. MKMBRE ADMIS DANS LA SOCIKTlL Seance (hi 6 septembve ISA/i. M. Josd James Forrester , membre do rAcadimio des beaux-arts de Lisbonne. ( 203 ) OUVKAGES OFl'liUTS A LA SOCIJiTE. Seance dii 5 jtiillet. ParM. le miiiistre de r agriculture el da commerce : Documents sur le commerce exterieur, n"' 172 a 180. Par M. Hugh Murray : The Travels of Marco-Polo , greatly amended and enlarged from valuable early manuscripts recently published by the french Society of geography and Italy by cont Baldelli Boni with co- pious notes illustrating, the routes and observations of the author and comparing thein with those of more recent travellers. Edinburgh, i^hk, 1 vol. in-12. Par les auteuis et editeurs : Annales maritimes et co- loniales , juin. — Nouvelles annales des voyages , mal. — Annales de la propagation de la foi , juillet. — — Journal d 'education populaire , Bulletin de la So- ci6t6 pour I'instruction 6l6mentaire , avx-il. — Journal des missions evangeliques , juin, — Annales de la So- ciety d'agriculture du departement d'Indre-et-Loire >■ 23' liv. et 1 n° du tome xxiv , in-8. — L'Echo du monde savant. Seance du 19 j'ui/le/. Par M. Ic mini sire de la guerre : Tableau de la si- tuation des etablissements francais dans I'Algerie , 1842-18/13 , 1 vol. in-fol. Par M. Roux de Rochelle : L'Univers : histoire et description de tous les peuples. Villes ans(!!aliques , I vol. in-8. Par M. de Macedo : Memoria cm que se pcrtondc { 20A ) provar que os Arabes nuo conhecei'ao as Caiiaiias antes dos Poiluguezes. Lisboa , 18^4, 1 vol. m-li. Par M le comte Gmberg do Heiiiso : Lltimi progress! della geografia. Milano , 18/li , brocb. in-8. Par les anteiirs et editeiirs : Journal des missions evangc^liques , juillet. —Bulletin de la Soci6t6 mari- time , 12* cabicr. — Lettrcs de M. Marcc sur la condi- tion des mousses a bord des batiments de guerre fran- ^ais, sur I'accroissement du personnel maritime de la Franco, etc. , broch. in-8. — Bulletin mensuel de la Society d'abolition de I'esclavage , n" 5 ct 6. — L'6- cho du monde savant. Seance (lit '2 aoiit \<'>hh- Par M. Dubois de Moiitpeieux : Voyage en Crimee , au Caucase, en Armenie , etc. Atlas, 11" et dernit^'ro livraison. Par M. Hommnive de Hell : Les Steppes de la mer Caspienne , le Caucase , la Crimee et la Russie m6ri- dionale ; voyage pittoresque , bistorique et scicntifi- que , 8' et 9° livraisons. Par M. Ranuzzi : Annuario geografico. italiuno. Anno })rimo , I8/1/1, 1 vol. in-12. ParM. Dally : Apercu de lam6tbodc gcograpbicjuc, ou division naturelle de la surface de la tei-re , brocb. in-8». Par M. Maiiroy : Question d'Alger en I8/1/1 ; precedec d'un precis do la domination romaine dans le nord de I'Alrique, et suivie d'un apj)endicc sur le conuncrcc de rAlg- ( 208 ) moires dc la Socictc royale des Sciences dc Lille pouf 18/i2. — L'Investigateur, journal de I'lnstitut histo- riqiie , septembro. — Journal des Missions evangeli- ques ; seplembre. — Mt^norial encyclopedique ; juilld. — Recueilde laSocicte Polyteclmique ; aoiit. — L'Echo du monde savant. — Bidlclin de la Societe industriellc d 'Angers, numeros 4 et 5 , 184A. -,"«■ f,!TL'" ', \f 1 :.! ■ BULLETIN DE LA SOCIETE DE (.EOGI^IPHIE. OCTOBRE Ct NOVEMBRE 18/14. PREMIERE SECTION. MTilMOIRES, EXTRAITS, ANALYSES ET RAPPORTS. I^IUGURATIOIV M 0 N U M E N T PAR LA SOCIETY DE GI^.OGRAPHIE A LA MiMOIRE DU COJiTRE-AMIRAL DLMONT D'lIRVILLE, AU CIMETIERE DU SUD , A PARIS , le I"' novemhre i 844- L'inauguration du monument que la Soci^t^ de ge^- graphie a fait eriger a la m^moire du contre-amiral Dumont d'Urville a eulieu, le I'^^'novcmbre 18hh, au ci- metiere du Sud. MM. les membres de la Societe , MM. les ofTiciers de marine qui se trouvaient alors a Paris, plusieurs aulo- II. OCTOBRE et NOVEMBRE. 1. Ill ( 2H) ) rites du d^partemont de la Seine, des conscils et dcs municipalites de la capitale , avaient 6t6 invites a ccltc cerenionio; ot un t^rand nombre d'liabitants , painii losquels on ronuirquall dcs liomnios distlngues dans les sciences, les lettx-es et les arts, s'y sont ^galement rondus. Lc moniunent autour duquel vcnaientsc reiinir les liommos empresses de rendrc a I'atniral un nouvel horamage, etait encore couvert d'un voile ; plusieurs lances dorees soutonaient les guirlandos de lauricrs et d'lnaniortelles qui decoraient cetle enceinte. Tout-a- coup le voile s'est abaiss6 ; et M. Constant Dufeux, ar- chitecte du monument, en a fait la remise a la Society de g(iograplue en son nom ct au nom de M. Dantan aine , qui en execute les sculptures. II a lu a I'assem- bl(^e un i-apport sur la description de cet ouvrage d'art, sur les motifs qui en avaient deterniiui^ la forme, sur les sculptures en ronde bosse et en bas- relief dont il est orne , sur leur caractere symbolique et figuratlf , et sur I'cmjjlol et limitation des moyens dont les anclcns artistes avaient fait usage pour de- corer leurs monuments. I n dlscours d'inauguration a ete prononce, au nom de la Societo de geograpliie, par M. riouxdeRochelle, president de la Commission centrale. Sans entrer dans Icsdetails dela vie prlvec de Dumont d'l rville, I'auteur I'a suivl dans sa carrlere sclcntlfique et dans les grandes expeditions marltimes qui ont etabli sa celebrlte. jM. Albort-Montemont , membre de la Commission centrale, a fait lecture d'lme ode qu'll avalt composee pour cetto Inauguration. iVl. du Bouzet, capltaine de corvette, et compagnon de d'l rville dans ses dernie'res expeditions, a rendu bommage a la capaclte , au ddvouement, au merite du contre-amiral , dans une allocution toucbante , ou 11 etait en memc temps llnterprete des autres ofTiclers de rjstrolcibc ct do la Zclee, de tons les bommes d'e- quii)age , et du corps de la marine ; 11 a ensulte depose une couronne sur le buste du contre-amiral. Cet lionneur, qui lui a ete rendu aux acclamations des spcctateurs , termlnait llnaugiiratlon du monu- ment. M. le president a remercie I'assembl^e de son ( 211 ) empressoment a se rendre a cette solennlte ; il a fait sp^cialement remaiquer que M. le geiK^ral comman- dant de la garde nationale dc Paris s'etait fait repre- senter par M, Horace Vcrnet, et qu'aucun clioix ne pouvait etre plus agr^able aux amis des arts et aux ap- prociatours des grands talents. Lne pluie legere semblait contrarier la c^remonie ; mais on ne s'est apcrcu que du monument du contre- amiral et des hommages rendus a sa m^moire. PBONONCE PAR M. Constant Duffatx , Archilecle du Monumenl. MESSIF.rRS, Je viens, au nom de M. Dantan aine, sculpteur, et en men nom , commo arcliilccte , rcmettre a la Societe de geographic et a MM. les souscripteurs le monu- ment de Dumont d'Urville, dont on nous avait confif^ I'ex^cution. Ce n'est pas vm mouvement d'amour-propre d'au- teur qui me porte a prendre la parole sur cette tombe : je sens au contraire un certain embarras dont je ne puis me defendie , par le sentiment intime de ma faiblesse et de mon inexperience dans I'art d'(^crire et de parler; mais c'cst ici un devoir que je rem- plis. Je cede a I'invitation qui m'a ete faite par M. le pi'esident de la Commission ccntrale , et je viens exposer a la Societe de geographie et a MM. les sou- sci-ipteurs les considerations qui nous ont fait pro- poser a la Commission le projet du monument qui est sous vos yeux. ( 212 ) Nous avons pense (luil fallait d'ahord locherchcr quelle devait etre rexpression du monument. Plusieurs questions sc pr^sentaient naturellcment. Fallait-il faii'c un sarcophage destine a recevoir les Testes mortcis ? Devait-on clever un monument a la gloire dc I'amiral ? Ou bicn encore , dovait-on r^unlr le caractere funeraire au caractere licroique, et, dans ce dernier cas, auquel des deux donnerail-on la prepon- derance ? On s'est arrete a ce dernier parti Tuixte , en faisant dominer I'expression monumentale, pensant qu'apres avoir rendu aux depouillcs les justes hon- neurs qui leur 6taient dus, ce qu'il importait le plus, c'etait de faire ccnnaitre la belle vie ct les utiles tra- vaux du savant et intrepide navigateur , et , par la , de glorifier le plus convenablement sa mtlsmoire et son nom. C'est par ce motif que le monument se partage en trois zones distinctes. La premiere, celle qui repose sur le sol , est consacree a la tombe; la deuxieme au- dessus, de forme circulairc, est destinee a retracerla vie; et la troisieme , qui forme le couronnement, offre sa glorification , et si je puis m'exprimer ainsi , son apotheose. La premiere zone a 6t6 concue de forme quadran- gulaire, en vue de sa destination. Elle exprime dans le milieu un sarcopliage qui porte les deux inscriptions fund'raires de M. et uiadanic d'l rville. Sur les deux parties a droite et a gauche, toujours sur le front de r^difice , sont deux inscriptions pareilles pour leurs deux fds , dont Tun, mort en J 832, a ^te transport^ dans ce tombeau; etl'autre, victime de la catastropbe qui a frappe son pere et sa m6re, repose aussi a c6t6 d'eux. Nous avons cru , aver la Commission, fpTil rlail in- ( 213 ) dispensable d'impnmer le caiact^re d'un sarcopliagc a cette partie, qui, reposant siir le sol, est imm^dia- tenient en contact avec les caveaux dans lesquels sont deposes les quatre corps. L'ne proue arcliitecturale el caract^ristique est placee en bossage, et sert de lien avec la partie superieure, consacree a rappeler les principales actions de la vie de I'amiral. Cette deuxieme zone, sur plan circulaire, coni- mengant par un cippe pos6 immediatement au-dessus de la proue , porte le buste de Dumont d'Lrville , qui est dii au ciseau de M. Danlan aine. Nous avons adopte la forme d'un piedestal circu- laire , parce qu'elle nous donnait la possibilite de re- presenter dans un bas-relief continu toute la vie de I'aniiral. Nous esperions aussi qu'on y verrait une allusion synibolique aux meniorables voyages qui out illustre le navigateur auquel ce monument est con- sacr6. Enfm , et au risque de nous attacher trop mi- nutieusement a I'expression symbolique, nous avons dispose les sujets de telle sorte que le voyage au pole austral occupe dans le monument le point qui re- garde le sud. Cette legere attention ne nous privait pas d'ailleurs de I'espace convenable pour les autres voyages; elle concourait meme a les disposer dans I'ordre le plus naturel, partant a droite du cippe, ct finissant a gauche. Ainsi, nous avons cru pouvoir caracteriser la vie de I'amiral par un bas-relief circulaire, representant la mer ct une partie (les terrcs oil il a aborde : nous I'avons subdivise en quatre sections , en exprimant par des signes Merits , dessin(!!s et sculptes en creux , a la manicrc des hieiroglyplies . les quatic voyages de Du- mont d"l rviile. ( 2U ) Le premier , a droite du c'ippe , est indiqu6 par un batiment portant le nom de la Chevrette. Duinont d'Lrvllle, assis, montre de la main la V^nns de Milo. Au-dessous, entre deuxancres, onlitcette inscription : yenits de Milo , sigiialce. Cetfe circonstance de sa vie nous a paru , a nous artistes , devoir meriter une mention particuli^re sur le bas-relief. En effet , il est beau de voir le sentiment des arts s'unir au merite d'un savant ct d'un militaire. Nous devions d'ailleurs un liaut t^moignage de recon- naissance a Dumont d'Lrville pour avoir appcl6, le premier, I'attention sur un chef-d'oeuvre qui fait le plus bel ornement de notre Mus6e ; chef-d'cEuvre qui a deja exerce en France unc si favorable influence sur les arts. Le deuxi6me voyage, qu'il lit comma lieutenant de vaisseau u bord de la corvette la Coquille , est exprim6 par un baliment dans lequcl Dumont d'Urville est assis entoure de plantes et de fleurs , pour rappeler les travaux importants de geographic botanique dont il s'occupa plus particuli^rement dans cette expedition. A la proue , on voit le Papilio Durvilliaiuis, ct sur la barre du gouvernail, X Alecthe.lie de d^Liville. Dans les mers, un Cretndon ceton des lies Barabora et Ttaiti, un Tiiodon niacroptere des mers de I'ile Maurice, et un Pelor obscur de la Nouvelle-Irlande, servent a ca- racteriser les mers parcourues dans ce voyage autour du monde , fait sous le commandement de M. Isidore Duperrey. Quoique Dumont d'Lrvllle ne commandat pas en chef, la mention de ce voyage nous a paru indis- pensable , ainsi qu'a la Commission , en raison de scs immenscs travaux sciontifiquos, rappeles par cette ( 215 ) inscription placee entre deux ancres , Geographic ho- tdiiiqiw. Le troisieme voyage que nous avons represente est celui qu'il fit, ayant le grade de capitaine de fregate, a l)Oi'd de la Coqiiille, qui alors cliangea de noin et recut celui de V Jstrolabe , en memoire d'un des vaisseaux de la mallieureuse expedition de La P^rouse , donl il avait mission de rechercher les tristes debris. Bien que les trayaux scientifiques du capitaine d'Lr- viile aient eu une tres grande part dans cette expedition, nous avons pense que le trait le plus caracteristique et le plus interessant t^tait la decouverte et la transla- tion des debris du naufrage de La Perouse. Nous avons repr^scnt^ d'Urville appuye sur la barre , pour rap- peler qu'alors il commandait en clief. Sur I'avant du navire on a figure la pyramide de debris , conservee maintenant dans une des salles du Musee de la ma- rine. D'Urville abandonna Vanikoro, apres avoir eleve a la memoire de La Perouse un cenotaphe pyramidal qui a quelque analogic de forme avec celui-ci. Ce monument rappellera aux navigateurs que la j)alrie honore ses enfants, morts si loin d'elle dans ces tristes parages , oil les appelait le d^sir de se rendre utiles a riiumanit6. Au-dessous de cette partie du bas-relirf est gravee cette inscription, entre deux ancres : Debris du nau- frage de La Perouse , rapportes. Dans les mers sont indiques, pour les caracteriser, le Priacanthe aux grandes f^entrales de Sainte-IIi^jl^nc , le Friaticephale ponctuc de Vanikoro , et le Merou- Gaimard. Le quatrieme voyage , entrepris en 1837, est place, comme nous I'avons dcja dit, dans la partie du mo- nument qui regarde le sud. Dumont d'l'rville, parvenu ( 216 ) alors au graile de capitaine de vaisseau , dtait chef de I'expedition. EUe avail pour but I'exploration des mors polaires antarctiques , et la recherche d'un continent austral. Deux batiments, l' Astrolabe et la Zelev , lui avaient ct6 confies; il raontait C Astrolabe. Cette expedition, (jui a excit6 la sollicitudc du monde entier par les innombrables dangers que I'intr^pide marin allait braver, a eu les resultats les plus favo- rables; elle atteste le courage, la resolution et le savoir de Duinont d'Lrville; elle a mis le comble a sa gloire, par la decouverte de plusieurs points de terres polaires appel(!;es par lui terres Louis-Philippe , Joiiwille et Adelie. On a place les deux batiments, C Astrolabe et la Zelee ^ en vue de la terre Louis-Philippe , qui fut seule- ment reconnue , et sur laquellc on ne jnit descendre a cause des extremes dangers que pr^sentait le d^bar- quement. La terre est caract6ris6e par un Pingoin , et la mer par un Phoque. Au cote oppose de cette terre polaire, d'Lrville, plus heureux, parvint a d^barquer sur un point qu'il ap- pelle, du nom de sa femme , terre A(h'lie. Des Pingoins et un Dauphin caracterisent ces parages. Le bas-relief descriptlf de la vie du contre-amiral est couronn^ par une inscri])tion circulaire dans laquclle sont graves les noms des sciences qu'il a plus particulieremcnt cultivees : la ]Sai>igotion , la Geogra- phie , rUistoire iinturelle, la Philologie. Maintenant, et api'es avoir inscrit sur la pierre toute une vie laborieuse, nous arrivons a la troisieme zone, celle qui doit porter rinscri]Ulon votive et couronner le monument ; celle enfin qui est toute a la glorifica- tion de I'illustre marin. (217 ) Ici, le but que nous nous sommes propose etant un peu du domaine de I'imagination , on est oblige de se creer des donnees a soi-meme pour preciser et jus- tifier la forme qu'on adopte. Toutefois , et en parlant d'un motif vrai et positif, la glorijication , il nous a paru convenable que cette partie I'emportat en dimension sur les deux autres : aussi avons-nous fait venir un monolitlie aussi volumineux que les sommes mises a notre disposition le permettaient. Pour lui conserver son caractere d'unite , nous lui avons donne la forme la plus simple, le contour le plus contiuu que nous ayunstrouve, en evitantles lignes decoratives liorizon- tales qui auraient pu servir a dissimuler des joints, ou qui auraient fait soupconner leur existence. Enfm , pour conqjieter I'expression d'unite que nous voulions accuser, nous I'avons peint d'un seul ton rouge plein et fort. Nous avons' clioisi ce ton de preference , parce que de to us ceux de la palette il est le plus noble et le plus ficr. Nous avons adopte pour le contour du monolitlie la parabole ; cette couibe si belle, que decrit le projectile lance dans les airs, et qui nous a jiaru etre celle que I'ceil suit avec le plus de plaisir. Cette pierre parabolique, i^evetue comme d'une robe triomjjliale , rouge et dor6e , se dessinera fortement sur le ciel , comme la grande figure de Dumont-d'Ur- ville se dessine , dans notre imagination , sur les blanches cimes des r(igions polaires. Telles sont, messieurs les souscriptcurs , les consi- derations qui nous ont fait adopter la forme d'un cone , ou plutot d'un paraboloide , ct qui nous ont porte a le d^corer comme vous le voyez. Maintenant , une couronne plncee obliquement sur ( 218 ) le monolithe a pour but de rap])elcr la cd'r^monle qui nous rc-unit aujounl'liui. Cetlc couroniift est celle de I'inauguration du monument, comme rinscription en est la consecration. Jusqu'ici nous nous sommes born6 a unc simple description , a un simple enonc6 des motifs , laissant an public a les juger. Toutefois nous disons a I'avance, et nous confesserons que ccs formes, un pcu exccplion- nelles pour nous et pour notre temps , sont bien loin d'etre nouvelles; elles ^taient communes a toute I'an- tiquit(^. L'Egypte avait ses pyramidcs et ses ob^lisques, la Grece ses steles ; Ibtruric, les Romains de la r^pu- blique et de I'empire avaient aussi leurs tombeaux coniqucs, pareils a celui-ci; la Sardaigne a ses nur- hag; et jusqu'a notre vieille Gaule, qui, dans ses nom- breux monuments, appcld'S menhirs, a consacr^ aussi cette forme conoidc , qui delie les siecles. Temoin les grandes pierres levies , si nombreuses en Bretagne , comme celle de Locmariaker, et comme Ic menhir du champ Dolent, encore deboutpres Dol. En elTet, messieurs, quoi de plus durable qu'un monolithe ? Quoi de phis stable que la pyramide ou le cone ? Aussi , ayant cette riche unite dans notre construction, nous avons voulu I'accuser par la forme d'abord , puis ensuile par la coulcur. Aurons-nous besoin , messieurs, de juslifior aiqires de vous la coloration polychrome de notre monument ? Vouslesavez, nous n'avons fait que reproduire un usage g6n6ral en lilgyple, en Gr6ce , a Rome (1). Get usage reunissait les trois conditions fondamentales (i) Nous avons trouvc a Home , en i834, siir la coloniie Trajane, conslruite, comtiie oiis;iit, en inarbre, des traces, i|ui a nioi in'oiil parii cvi-lentes et inconiestables, des trnces de tons rouges sur Irs oves, et vertrs sur i|nelf[ne.< parlies des r.innrlnres snperieurc?. Nou« nou5 ( 219 ) d'une bonne architecture , cclles que Vitruve nomme Commoditas. Firmitas. Detectatin, que jc trackiis et, que je d^veloppe ainsl : Utilite clans la disposition. Utilite dans la construction . L til/ te dans la decoration. En effet , quoi de plus utile quo la couleur dans la disposition, prise dans le sens le plus etendu qu'on puisse donner a cet mot? Par la couleur, on pent ex- primer et completer ce que la sculpture est souvent impuissante a rendre. On peut aussi augmenter le caractere et I'expression par le choix des tons. II y a done utilite dans la disposition. Par la couleur, on ajoute une surface qui defend la pierre centre les ravages du temps , pour un temps limite il est vrai , mais qui pourrait etre rendu plus long, quand la science, venant en aide a un usage reconnu utile, secondera les artistes, en leur donnant des moyens de perfectionner les stucs, les enduits et les couleurs. Ici il y aurait encore utilite au point de vue de la construction (1). somnies fait descendre sur trois Fmccs de la colonne, celles on ne se Irouve point la poite , et nous n'avcns pn rien reconnailre de cer- tain sur les bas-reliefs de la s|)irale. lis portaient beaiicoup de traces jannes ; mais coiniiie ce ton est asse/. comniun sur les ni.irbres an- tiques, il n'avait rien de concluant. Mais, quant aux tons rouges et verts sur quelques parties des ornements du couronneniint , lis m'ont paru certains. Les deconvertes faites en Effypte, en Sicile cl en Grece, nc laissent plus maintenant aucun doiitr pource (|ui toucbc a la coloralion poly- tlnorne des moiiuinents dart de ces contrees. (l) Nous avons rttrouve sur les parois dn temple de Vesta a Tivoli pres de Rome, des vesti;;e^ dun stuc jaune, ayant I'cpaisseiir d un ou deux niillimetic>, fortement adlierent a la pierre de traveilin dont e. (2) Le totnbeau de Diimont d'lTrville, fait dans V\ cnuis de l'aiiii<;e , etaitdeja v25 ) avec ardcur et semble apercovoir, tl^s son entree dans la carriere, le rang qu'lldoit occupcr on jour; car la vue de I'esprit a une longue port^c ; elle lui montre la vole qu'il pourra suivre , et lui apprend le secret deses forces. D'lrville fut euvoye a Toulon en 1810. In sejour de huit annees dans ce port lui laissa Ic temps dc perfectionner les etudes dc tlieoric et de pratique ne- cessairesau marin , et celles de pliilologie et d'liistoire naturelle qui entraient dans ses gouts : il recueillit une flore de Provence , et joignit a la connaissancc des Jan- gues classiques celle de plusieurs langues vlvantes. Sa premiere navigation date de 181/i : il scrvait a bord du vaisseau la Fille ilc Marseille, qui rarnena de Sicile en France la ramiile d'Orleans. L'annee suivante il epousa ime jeune Provencale; et apres trois annees consaci"6esa de paisibles travaux, et embellies de bon- h€ur domestique, il fut atiache a I'etat-major du capi- taine Gauttier, qui s'occupait du relt^vement des cotes dc la M^diterranee, et qui allait poursuivre dans FAr- cliipcl le cours de ses operations. Le gout de d'Lirville pour I'archcologie s'etait developpe depuis quclquos annees dans un voyage a Rome. La , il avait etc frappe de la magnificence des ruines ; il I'avait ^te des cbefs- d'ceuvre deposes au Vatican, au Capltole; et Ics vives impressions que lui avaient fait rossentir ces merveillcs devaient se ranimer a I'aspect des monuments dela Grece, qui avaient offert a I'Europe ce premiei genre de perfection. Dlirville , en dcbarquant a Milo, y voit une precieuse statue dont un berger avait fait la dc- couverte : il est ravi de sa beaute ; il la depeint dans un ecrit, animc!; et colore par sa vive imagination , et bicntot il en entretient avec admiration le marquis de n. OCTOBRF. et NOVF.MBKE. 2. 15 ( -i-io ) Ilivi^re, amhassacleur a Constantinople. M. do Mar- ccllus, premier secr^taii'e d'anihassade , liomme de gout ot ami dos arts, fut alors cnvoyc aMilo pour ap- precicr aussi le merite de cotlc statue : elle fut acquise au nom du marquis de Riviere, qui en fit hommagc au roi, et la Venus de Milo devint un des premiers tre- sorsdenotre Museum. La Gr^ce paienne Tavait ador^c; elle ol)tlnt dans la France chretienne un autre genre d'hommages. Lesar ts cbangent quelquefois do reli- gion : une antique statue de saint Pierre , qui ornc do- puis longtemps la basiliquo de ce nom , n'avait-elle pas ete dans I'originc un .lupitor, arme de la foudre ? La reconnaissance des parages de la mer Noire et les excursions que le capitaine Gauttier cut a faire sur tous ses rivages en 1819 et 1820, permirent a Dumont d'Urvillc d'v taire de riches herborisations. 11 sut aussi profiler do ses autres eludes en histoire nalurelle et en geologic, pour s'instruire de la constitution du sol et de ses diverses productions; il visila les Lords de la Pro- pontide , la plupart des iles de I'AiThipel , les monu- ments d'Atlienes, les galeries souterraines de Milo. Pendant sa relache a Santorin , il en examina les pro- duits volcaniques, et suivit la trace des ph6nom6nes qui avaient autrefois souleve I'ile deThera, et qui s'e- taient renouveles depuis dans les memes parages. Toules les observations dont d'l rville avait eu a s'occuper pendant cette exploration des mers du Le- vant, lui avaient fait contractor inie habitude de re- chercbes et d'cxamcn qui dtnait cnsuite s'exercer sur un plus vastc theatre : cost I'Ocean tout enlier doni 11 va ernbrasser le domaine dans un voyage de circum- uavigation. Depuis les expeditions de La Perouse of d'Entr'^cas- ( 227 ) Icaux , qui , malgre les malheurs de leiirs entrepriscs , avaient cnricbi la g^ographie ot la science, il avail iallii attendrc longteinps pour renlrer dans cette car- riere de voyages scientifiques et dc decouvertes. Les e,ucxTes qui occuperent en France toutc la duree de la Fvevokition , du Consulat et de TEmpire , ne lurent in- terronipues que pardelaibles armistices; clles n'eurent un terme qu'en 1815, et la nier, qui n'avait et6 par- courue que par des vaisseauxennemis, put enfin ouvrir un libi'e cours a la navigation et au comuierce , rap- procher les peuples eloignes , agrandir Ic domainc de la civilisation , iaire niieux connaitre la physique de notre globe et I'bistoire naturelle de ses differentes r-egions , y transporter les productions ou les csp^ces vlvantes qui pouvaient s'y acclimater, et distribuer entre toutes les parties du niondc les connaissances , leslumieres, qui n'etaient pas encore g^neralement repandues. Rendons bommage a cet esprit d'emulation qui, des les premieres annees de la paix europeenne , a dirig6 vers ces grandes expeditions les vues des gouvernc- jnents les plus eclaiies. Quel cjue soit Tinterdt particu- lier c|ul ait pu faire entrejjrendre une partie de ces re- chercbes , on a du remarquer , soit en France , soit dans d'autres pays , qu'elles tendirent a propager les connaissances bumaines, qu'elles en acceler^rent les progres, et preparercntde iiombretises ctpaisiblescon- queles a I'ordre social. D'illustrcs voyageurs ont atta- cbe leur gloire a semer dans des regions sauvages cea principes de sociabilite, de inoralc et d'industrie qui , cultives avcc douceur et avcc constancc , tendent a se developper partout oil il y a des bommes. La bonte flivine a Fait luire pour tous Ic flambeau de la raisoK; ( 228 ) t't si quelques images leur en dc'Tobent encore la clart^, c'est aiix nations plus avancees a la d^gager de ses derniers \oiles. La religion, la soci^te, les sciences, les lettres , les arts ont leurs luissionnaires : ils ont com- mence cette grande ceuvre d'enseignemcnt moral ct civil qui a pour but de perfectionnir la race humaine, et de I'elever a toutes les verites, a toutes les connais- sances qui peuvent assurer son bien etre. Tels ^taient les principcs des instructions remises au capitaino de la corvette Ui Coquilie , (jui partit do Toulon le 11 aout 1821. M. Duperrey commandait I'exp^dition , ^et Dumont d'l rville fut plac6 comme lieutenant en premier a bord de ce batiment. Les na- vigateui's gagnerenl successivcmcnt les parages du Bresil , des Malouines, du (]bili, du Perou ; ils prirent \ers I'ouest leur direction entre les tropiqnes, visilerent une partie des iles de I'Oceanie , la ]Nouvello-Irlande, la Nouvelle-Guinee , I'Australie, les Moluques , et re- \inrent, le 23 mars 1825 , au port d'oii ils etaient partis. Sans affalblir snr aucun jioint lo nitrite et les ser- vices du commandant, nous devons reconnaitre qu'un grand nombre de travaux sur I'liistoire naturelle furent confies a Dumont d'l rville, et furcnl accomplis avec une rai-e habilete. II s'occupa sptk-ialement de la geo- grapbie botanique des arcbipels oil il s'etait arrets : il couimenca ses observations sur les difTdrentes races distributes dans I'Oceanie , et il devail uii jour repren- (lie a\ec ardeur ce nouveau genre d'etude, d'oii Ton pent liier tantde lumieres sur les vari^tes ou les res- semblances des lamilles bumaines, el sur la maniere dent se sont peoples les continents et les iles, tour a lour sej)ares par lesmers et rapprocbes par la naviga- J ( 229 ) tloii. D'Lirville rapporla de noinbreuses csps'-cos d'iii- sectes et de graines, forma de pr(^cieux hei'biers , et nous eni'ichit d'une florc des ilcs Malouines ; ses me- moires furent pidjlies dans les recucils de lAcadeinle des sciences, et Ic !j;oiivernement r^compcnsa ses sci*- \ices en le no?nmant capltalne de fregate, le 25 no- vembre 1825. Les travaux de d'Lrville et I'exp^rience qii 11 avalt acquise sous les ordres des capltalnes Gauttler et Du- perrey , le firent juger dlgne du comniandeinent d'une nouvelle expedition de d^couvertes. Sa carrlere allalt s'agrandlr , et , devenu responsable de tous les evene- ments que la prudence humalnc pouvalt ainener ou detourner, 11 n'oublla aucun de ses devoirs. II vlt qu'll etalt entoure d'liommes de courage et d'honncur : unc partle des equipages avalent deja frequente ces mers ^lolgnees , lis en avalent reconnu les courants regullers ou variables, les calmcs liabltuels ou les tempetes ; un grand nonibre d'ecuells avalent ete slgnales sur la route qu'lls avalent sulvle; mals comblen 11 restalt d'observatlons a falre pour determiner la position geo- graplilque des dllTerentes plages , pour sonder les passes, les d^trolts, les hauts-fonds qui barrent quel- quefols I'entree des rivl'ires et qui rcndent plus difli- ciles les atterrages ! D'UrvlUe avalt a sulvre la route qui lul ^ta'it tracee par ses Instructions, et a dinger vers les regions tro- plcales de I'Oceanle ses reclierclies et ses reconnais- sances : cctte direction etalt a peu pres celle que le capltalne Cook avalt sulvle en 1769, dans son premier voyage de d^couvertes. D'Urvllle s'etalt propose pour module ce grand navlgateur : unc notice qu'll avalt publico sur les trois expeditions de Cook, si doulou.- ( no ) reuscment torminees dans les iles Sandwich, iioiib montre qu'il reconnaissall on lui toutes les qualites de riiomme de nier, du chof toujours digne de sa haute mission , prdferant a tout autre hicn la gloire nol)lc- ment acquise; bon et juste envers ses equi])agcs; hu- main enverslcs naturels des ilcs qu'il visita, leur por- tant des plantes allmcntaires, des animaux domosti- ques , quelqups unes de ces premieres notions d'agri- culture et d'industrie qui conduisent les peuplcs sau- sages a la civilisation. Les m^mes principes de bienveillance avaient anime I'amiral de Bougaimille, et c'6tait aussi un des navi- gateurs dont d'lrville avail 6crit I'eloge et avait recom- mand6 I'exemplo. Ses propres inclinations le portaient a le suivre , et II ctait d'autant mieux disposd a entre- tenir des relations amicales avec les insulaires de I'O- ceanio , qu'il avait a suivre un grand nombre derecher- ehcs phiiologiques, deja commencees da«sses premiers voyages. Ce genre d't^tudcs I'oecupait depuis loTigtcmps : il etait verse dans la plupart des langues d'Europe; il avait appris plusieurs langues asiatiques , meme le chi- nois ; et d^s le moment oi'i il s'etait propose de voyager dans CCS nouveaux archi])els, il avait reconnu I'avan- tage de pouvoir en comparer entre eux les dilTerents idiomes. D'auties recherches sur Torigine et la conlorniite des families humaincs, ou sur les variet^s physifjues qui les caracterisent , allaient 6galemont occuj>er Du- mont d'lrville : 11 donna uno attention partlcullere a cette branche de la physiologie, persuade que, de toutes les connalssances qu'on peut acquerir, aucune n'a autant d'importance que cclles qui concernent la ^ace humaine. (231) Enlin d'Urville etait specialeinent charge de I'airc les plusacdves recherches poiu" retrouver quelques indices de I'expedition do La Perouse et des lieux oil elle s'e- tait mysterieusement arretee. Trente-huit ans s'etaieiit ecoules depuls son depart; sesdernieresnouvellesetaient datees du Port-Jackson : elles remontaient a I'ann^e 1788; et quoiqu'un silence si prolonge inspirat les plus vives inquietudes , neaninoins il s'y aielait encore un vague sentiment d'espoir, Ln naufrage avait pu briser ses navires sur les cotes de quclque ile in- coiniue : il se trouvait peut-etre abandonne et prison- nier au milieu des ilots. L'humanile voulait qu'on lit de nouvelles tentatives pour decouvrir sa solitude et retrouver les compagnons qui pouvaient lui rester , et Ion desirait pouvoir rendre a lour patrie quelques mallieureux exiles. Notre voyageur partit de Toulon , le 25 avril 1826, sur la corvette la CocjuiUe ^ qui prit le nom (\' Astrn- labc. Le lieu ou La Perouse avait fait naulVaiie etait encore inconnu; mais le capitaine anglais Danbv ve- iiait de publier qu'un navigateur ameincain avait vu cntre les mains de quelques habitants dun groupe d'iles entour^es de recifs, une croix de Saint-Louis et plusieurs m^dailles relatives a I'expedition de La Pe- rouse. Quelque vagues que lussent des renseiguements qui n'indiquaient ni la position des lies ni le nom du navigateur, on ne crut pas devoir les negliger, etd'Lr- ville Tut charge de fairc la recherche de ces parages inconnus. II ne relacha qu'un instant a Teneriffe et a Praya , reconnut I'ile de la Trinite , alia doubler le cap de Bonne-Esperance, se rcndit sur la cote nieri- dionale de I'Australie , traversa le detroit de Bass, et mouilla au Port-ffackson , oil allaicnt ((unnKMiccr ses ( 2.V2 ) graiules operations do reconnaissances. D'Lrville ex- ])lora ensuite une partle des cotes de la Nouvello-Z^- landc, se rendit aux iles des Anils, reconnut I'ar- chipel \ Iti , parsein6 d'ecueils dangoi'cux, la plupart des Nouvelles- Hebrides, les lies Loyalty, les recifs du nord-ouest de la Caledonio , la Louisiade , les lies Laughlan, une partie des cotes de la Nouvelle-Irlando, de la Nouvelle-Bretagne , de la Nouvelle-Guin^e ; enfm il se dirigea sur Amboinc, on il donna quelque ropos a ses cquipagos. Le 12 octobrc 1827, d'Lrvillc repril la nior , pour se I'endre a Hobart-Town , capitale de I'ilc de Diemen. La il apprit quo le capitaine anglais Dillon avait re- trouvc, le 7 soptcrabve , sur I'ilc de \ anicoro les dernic^res traces de I'expedition de La Perouse. Les naturels avaicnt fait entendre a Dillon , par un in- tei*pr6te europeen , jete fortuitement au milieu d'eux , qu'un grand navire s'etalt brisc depuis longtemps sur un ecucil voisin , qu'un autre avait naufrag6 sur la cote , et que les osprits qui le niontaienl avaiont con- struit une nouvelle niaison llottante, dans laquelle ils s'etalent embarquc^s, sans avoir reparu depuis. D'Cr- ville, eclaire par ce renseignement , partit d'llobart- ToAvn le 5 Janvier 1838; il se porta sur I'ile de Tu-. kopia, oudevait6tre encore le Prussien qui avait servi d'interprete au capitaine Dillon ; et s'ditant ensuite di- rlge sur Vanicoro, 11 moulUa , le 21 fevrier, entro les recifs sltues a Torient de cette ile. Des barques furent cxpidii^es vers differents points de la cote, et Ton fut conduit par quelques Insulaires sur le lieu oil se trou- vaient les debris du naufrage. La transparence des caux perniottalt d'apercovolr sur les hauts-fonds les canons, Icsboulets, d'autres pieces de metal employees ( 23S ) dans la construction et rarnienient d'unnaviie. Dillon en avait retire une partie du fond de la mer; d'autres canons, des ancres , divers fragments furent recueillis par le capitaine d'Urville , et ne laisserent aucun doute sur le lieu oii s'etaient perdus les vaisseaux de La Pe- rouse. Les hommes anciens se rappelaient que, depuis ce grand desastre, une generation d'liomines s'etait rc- nouvelee, que la terre avait repris bien des tois ses ileurs et ses fruits, et qu'eux seuls etaient parvenus a la vieillesse, sous I'abri de leurs forets qui s'etaient rajeunies tous les ans. Le monument simple que d'Urville erigea a La Pe- rouse , au milieu des recifs du naufrage, tut mis sous la protection des habitants de Vanicoro ; et r Astrolalie, chargee des depouilles qu'on venalt de recuclllir, reprit bientot la haute mer, pour gagner les iles Ma- rianes , la Nouvelle-Guinee, Araboine , Celebes, Gi- lolo ; elle parcourut en plusieurs sens les archipels de ees regions, et cingla ensuite vers le cap de Bonne-Es- perance, les parages de I'Afrique occidentale et la Mediterran^e. Ce voyage , termine a Toulon le 25 mars 1828, avait dure vingt-trois mois, et il avait donnc!; lieu a un grand nombre d'observations scientihques, les unes faites ci la mer, les autres sur diffdirentes plages oil le navire avait abord^. Les recherches du capitaine d'Lrville et des naturalistes qui I'accompagnaient ne s'etaient pas ralenties, et jamais de plus abondantes moissons ne furent recoltees pour le Museum et le riardin du Roi : le domaine de la botanique fut accru de plusieurs milllers de plantes. On reconnaissait, dans chaquc voyage , combien les tresors de la natui-e sont inepuisables : clle donne a chacune des regions du ( 23/i ) globe uue pliysiouoniie qui lui est piopro ; file \ariu saparure, on chaiigeanl do conliees, de distances, de cliinats : ct quelles hautes pensees se ri^sveillent et nous aiiiineiit, a la vue de cctte inervelllouse ahondance, de cette extreme diverslte dans les formes do la n ("ge- lation, (>t dans cellos do tous les corps organises ! La niO'nie vari^te se niontre dans les princlpes de la vie : les populations de la tone, do I'air et des eaux se sont niultlplieos ; I'observateur de la nature n'avait d'ahord connu (jue les plus grandcs esp6ces des etres \ivants, un inondo microscopiquo lui est aujourd'liui revelo. D'Lrvillo a I'ait de nonibreuses reclierclios on entomologie ; il a d^couvert de nouvellos families d'in- sectes, unies a cellos des plantos, et il avu quel accord se maiiifestait ontre los pli(^nom^'nes de la vj^getation et de la \io. Cliaque plante a sos liotes animes , qui s'attacliont a son soin iiinuTicior et qui vivont do sa substance , comme elle-meme em[)runte son accrois- semont des corps inorganiquos qui I'envii-onnent, des fluidos qui I'abreuvent, la penotront et s'assimilont a sa sove, a ses fdjres, a son tissu. D'autres rocliorches furent faites par d"l ivillc dans les profondeurs de FOcoan : il dt'couvrit plusieurs esp^ces de poissons qui n'avaient pas ete decritos, el a son retour on France il enrichit de leurs families notre museum, et fit connailro lour organisation, telle quo I'avaient analys6e les naturalistes de f A strain be . llonneur aux savants et courageux voyageurs qui s'uniront aux rocliorches de Dumont-d'L rville , et qui secondorent si bion ses travaux ! La science a des branches si nonibreuses et si divcrsos, qu'un honinie soul no pouri'ait jamais les embrassor : il lui laut d'liabiles auxiliaires, s'U veutse maintenir a la hauteur ( ^»5 ) de son slecle , sortlr des loutos deja parcourues , et s'attacher a toutes les obsei'vations, pi opres a di nner plus d'importance , d'lnteret et d'utilite aux relations de ses voyages. Les travaux de Diimont d'Li'ville avalent ce carac- tere : la publication en I'ut ordonnee par le loi, L'auteur vint so fixex- a Paris pour y donner tous ses soins ; et un sejour de neuf annees, uniquenient consacrees a I'etude et a des recherciies nouvelles , le mit a portee de perfectionner encore son ouvrage. Tel est I'avantage des centres de lumieres : et quelle autre capitale pourrait ofTrir plus de secours, et inspirer plus d'emulalion aux amis de la science! L'liomme instruit est jug6 par ses pairs, quelquefois par ses niodeles ; il c^de a leur autorite , il ecoute leurs conseils, pour acqut^rir le droit de leur etre un jour associ(^ : noble et brillante perspective qui lencourage a laire sans cesse de nouveaux elTorts. lis ne sont pas toujours couronnes de succes , et la bienveillante af- teclion de ses juges peut encore lui nianquer; mais s'il obtient du nioins la consideration publique , ses pi'emiers vceux ne sont-ils pas exauces, et a quel prix plus honorable pourrait-il pretendre? A cette epoque de sa vie, d'Lrville fitplusieurs rap- ports a la commission centrale de la Societe de geo- graphie , sur les decouvertes faites on publiees par d'autres voyageurs, sur la difiereiice des races de rOceanie, sur celle de leurs idiomes , de leurs usages, de leurs degres de civilisation . En 1835 , il tormina I'impression de son voyage dans cette I'^gion du globe, ot celle de son atlas bydrograpliique. Sa publication de rbnn'i'is pittmcsque remonte au memo temps : die lui \alut un grand nondjre de lecteurs , et rendit ( 236 ) plus populaire la connaissance de tous ces archipels eloigncs, qui n'^taient encore (]ue le doniaine des geograpbcs et dcs navigatciirs. Pour repondre a la faveur puMique et pour conti- iiiuT dignement sa carriere , d'Lrvllle deslralt cntre- preiulrc nn nouveau voyage d'exploration. Lc roi I'avait nomine capitaine de vaisseau ; F Astrolabe , qu'il avait commandee, fut remise sous ses ordres ; In Zclee, qui laccompagnait , avait pour commandant M. le capitaine Jaquinot; et tous deux partirent de Toidon, au mois de septembre 1837. lis arriverent, le 2 deccmbre, a I'entree du detroit de Magellan, on ils llrent quelques observations de marine et de geographie, et ils cinglerent ensuite vers le midi. Le temps elait alors favorable : d'lrville espei'ait faire quelquos dccouvertes dans celte direc- tion; et il reconnut en elTet, vers lc (J4' degre , les terres auxquelles il donna le nom de Louis-Plulippc; mais des barrit'res de glace rempecberent d'y altdrir. La riguour du froid (itait extreme ; on n'apercevait que des rocbers et des montagnes, que ne couvrait aucune vegetation, oula nature n'exbalait aucun soulUe de vie, ou les rayons du solcil s'eteignaient dans une brume epaisse. Apres avoir couru , pendant quarante-quatre jours , d'innombiables perils a travers les glaces flot- tantes, ddut il fallait parcourir les mobiles detroits, d'Lrville I'ut force de ramener ses deux navires vers des regions plus tomperees. Les equipages etaicnt attaqu^s du scorbut et de fievrcs pernicicuses ; plu- sieurs liommes avaient deja p(5ri; d'autres (^taient borsde service, etla maladie continualt ses ravages. Attacbons-nous a la situation p^nible du commandant do celle expedition , cliercbons a lire dans son ame , ( nj ) voyons dans tous ses traits I'improssion d'une douleur profonde, a I'aspect des progros de la maladie qui a decim^ les deux equipages. Les liommes qui lui res- tent sont presque tous atteints du meaie fleau ; ils de- vienncnt Irop faibles pour la manceuvre et languissent abattus; d'Llrville vcut prevenir leur decouragement; et pourtant il eprouvo lui-meinc de cruelles souf- frances, et lutte contre le mal qui va peut-etre I'acca- bler a son toui\ Dans une telle extremite, il clierclie a rassembler ses forces : la vigueur de son ame le ranime et le soutient : aucun signe de faiblesse ne le trahit; et ses compagnons de peril, attacbant sur lui leurs es- perances et leurs vceux , le regardent encore comme un protecteur, comme une seconde jjrovidencc. Ce- pendant ses yeux sont eteints : la violence de lagoutte, dont il avait dejaeprouve les acces , le force au repos, etcontracte malgre lui cette faible et fragile enveloppe d'une ame beroique : mais il dissimule encore cet etat d'angoisse; il n'en est pas attere, et montre a ses equi- pages comment on dolt souffrir, comment on peut vaincre la douleur. Le cours de ses observations scien- tifiques est a peine interrompu; il lespoursuit avec un nouveau zele, et, parvenu enfin a sortir des glaces, il gagne la cote du Cljill avec ses equipages epuises, et il s"y arrete assez longtemps pour les retablir et les re- mettre en (^lat de reprendre la navigation. Les routes qu'il va suivre a travers les diHerents ar- cbipels de I'Oceanie sont d'autant ])lus pcrilleuses, f[ue la plupart de ces parages n'ont pas encore ete completement explores, que les cartes de leurs Bon- dages sont imparfaites, que la mcr peut y cbanger de profondeur, et que les ecueils s'y multiplient, par la prolongation do ces brandies de zoopbytes , de madre- ( 238 ) pores, qui , s'attachaut aux terres sons-marines, s'lil^- vent par degrcs jusqu'a la surface des flots. Voila les fondemenls et I'edifice de ccs lies naissantes, qui se- ront un jour en ^tat de rcccvoir de nouvcaux habi- tants, lorsque les vagues y auront charri6 quelque limon , loi'sque le cours des vents et le passage des oi- seaux y auront seme les graines des archipelsvoisins , et que riiurnidlle et la chaleur les aura fait 6clore. La nature est encore en travail dans ces regions niari- tiines : elle y enfante des terres nouvelles, qui aug- mentent rii^ritage de la race humaine , et qui doi^(•nt etre explorees a leur tour. D'Lrvillc atlcint successivemont les iles deTarcliipol Gambicr, de Nouka-Iliva , de Pomotow, les Marquises, les iles de la Societe , les groupes d'Oinoa , de Tonga , de Viti, les Nouvelles-Hebrides et Vanicoro, ou il re- connait que le monument de LaPerouse a ^te respecte. II se rend ensuite aux iles Salomon , aux Carolines, a Ternatc , revientdanslaNouvelle-Guinee etl'Australie , retourne aux lies Celebes, s'avance jusqu'a Batavia, a Singapoor et va faire d'autrcs reconnaissances dans les Moluques et les iles de la Sonde. Depuis son depart du Ciilli, rien n'a\aitaltere I'etat sanltaire de sos equipages, leur ardcur a chcixher des decouvertes, et leur gaiete au milieu des perils; mais les plages marecageuses de Sumatra et les miasmes funestes qui s'en d6gageaient ^tendirent leur influence a bord des deux corvettes. La dysenteric se declara au milieu des equipages : 11 fallut les eloigner de ce foyer de contagion , et les ramener dans une region plus salubre. Le temperament de d'l i\ille, affail)li par l(^s acces de goutle qu'il avaitdeja eprouves plusieurs fois, avail a lutter de nouvcau contre de vi\es souffrances : { -239 ) le deiill elait a bord do ses navires; et aprcs avoir d6ja perdu viiigt liommes I'aniKlie pr^c^dente, il fut con- damne a voir encore p^rir autour de lui trois officiers et quatorze mateJots, avant de I'etourner a Hobart- Town. Tant de pertes mettaient a F^preuve la Constance de d'Urville , mais elles ne pouvaient le dd-courager; et ce capitaine ne I'enoncait point au projet de laire vers le sud quelques nouvelles tentatives , pour p6ne- trer k travers ces mcrs inconnues , jusqu'aux plus bautes latitudes australes ou pouvait s'etendre la navigation. Sa Majeste lui avait elle-menie present ce genre de rechercbes : elle dcslrait que la France eiit, sous son regne , I'bonnour de quelque grande decou- verte, et d'l rville etait dignc de la mission qui lui (^tait confine. Aucun voyageur n'avait visits avant lui cette partie des deserts de I'Ocean entre le 120" et le JOO" ineridicn : d'l rville va s'engager dans cette re- gion : ses deux corvettes remettent a la voile le 1" Jan- vier 18ZiO : ses olbciers , ses Equipages, ranim^s par I'esperance d'un gloricux peril , ont partage la con- fiance dont il est rcmpli ; et apres de longs efforts, qui eussent lass6 des boinmes moins intrepides , il atteint Ic rercle polairc , et decouvrc sous sa latitude et dans sa direction une terre nouvelle. Le noin iVJflelic qu'elle recoit appartient a uneepouse cb^rie , et trans- mettra aux siecles a venir le temoignage d'une affection que le temps et la distance n'avaient point affaiblie. Des liens de famille et do bonbeur etaient alors pre- sents a sa pensee , et il melait a I'amour de la gloire ses plus cbers souvenirs. Le courageux navigateur chercbalt encore a s'ouvrir de nouveaux passages vers le pole sud ; inais la terre ( 240 ) et dos l)an(jiiises continues I'on cmpccliiTonl : ses de- couvertes ne pouvaient aller plus loin dans les rcJsgions maritlnies qii il avail explorees ; il dul cherclicr a re- gagntr une mer pluslibre, ct il revint enfni a Ilobart- ToAvn , d'ou il partit pour la ^ouvclle-Zelandc, la Louisiade et la iVouvelle-Guinee. I ne plus rude epreuve I'attendait dans le d^troit de Torres , oil il faillit se briser sur des recifs qui n'elaient pas encore indiques dans nos carles marilimcs. Fau- dra-t-il perdre a la fois Ic fruit de tant de fatigues? D'Lrvllle aura-t-il sur quelque plage ignoree le funeste sort de La Perouse , ou reviendra-t-il en France par- tager, a la vie ct a la mort, la destinec de sa famille ? Des manoeuvres aussi hardies qu'intelligentes le dega- gcrent cnfin de cc peril ; il tourna cnsuite ses voiles vers roccidcnt, pour francliir Ics vastcs mers qui le separaient du cap de Bonne-Esperancc, d'oii 11 allait revenir en Europe. Cette dernierc partie de son voyage fut signalee par des observations de physique , de nieteorologie , de inagnitlsrae terrcstre, qui avaient deja occupe ce sa- vant cxplorateur dans ses precedentcs expeditions. La Society de geographic avait constamment sulvl de lapens^e les longues navigations de Dumont d'Lrville : elle avait appris ses perils, ses soullrances, ses d^cou- \ertes , toutes les vicissitudes de ses voyages. Elle se felicita de son heureux retour en France; et lorsqu'elle cut, en 18Z|2, a fairc un cholxentreles travaux g<^ogra- phlques les plus importants et les plus dignes de con- courir a son prix annuel, elle I'accorda a cct illustre navlgateur. La Commission centrale de cette soci^te le choisit blcntot apres pour son president ; et ses seances furenlfrequemmontauimeeset dignementremplicspar •( 241 ) les int^ressantes communications qu'ello ret^ul cle lui. Nous avons souvent eprouv*^ , en lisant les relations de d'Urville et cellcsdc ses pred(^cesseurs, et en suivant les progres de la geographic , combien le departeiTient de la marine avail de droits a notre reconnaissance. N'est-cepas a lui qu'appartiennentla plupart des grands voyageurs dont notre sieclo et notre pays s'honorent, et qui, en parcourant toutes les regions maritiines , ^tendent les communications et les echanges du com- merce , portent la civilisation aux pays sauvages , el font i-especter partout le pavilion de la France? Mous n'avons du, messieurs, vousenti'etenir aujourd'hui qua des travaux de Dumont d'lJrville ; inais combien de noms c61ebres n'aurions--nous pas eu a retenir, s'i\ n'avait pas iti etranger a notre sujet de rappeler toui les services rendus a la geographic , a la marine, a Is France, depuisles savants navigatours dont I'unadressd Jes cartes hydrographiques du Bresil , dont I'autre a public celles du Pcrou et du Chili, jusqu'a celui qui , apres avoir reinpli a Sainte-IIelene une solennelle et pieuse mission , a partage en Afrique, avec ses nobles freres , et en vrai fds de France, Thonneur de cher- cher les perils , de vaincre I'ennemi et de servir la patrie ! Le roi avait recompense les services de Dumont d'Urville en I'elevant, aussitot apres son retour en France, au grade de contre-aniiral : il ordonna la pu- blication de son dernier voyage ; et les premiers volu- mes en 6taient termines, quand le navigateur qui avait affronte si souvent les tempetes, p^rit, le 8 mai 18/i2,sur la route de Paris a Versailles, au milieu d'un epouvan- table desastre , qui enveloppa sa famille entlere , et ne laissa de lui que son nom et sa gloire. II. OCTORRE FT NOVEMBRE. 3. 16 ( 242 ) \ ous qui suivltes la fortune de Duniont d'Lrville el qui filtcs associes a ses expeditions, ne vcnez-vous pas dele reconnaitre dans nos paroles ?Lo r6cit d'une vie si pleine et si reinarquable est le seul eloge que nous lui avons accorde : son nom appartlent aux plus belles annalcs de la science et de la navigation, et sa m6- moiro sera toujours ch^re a la Society de geographic , dont vous ni'avez accorde la faveur d'etre I'intorprete. Le monument que vous inaugurcz est sans doute p^rissablc comme tous les ouvrages des hommes : il s'^lfeve ici dans una enceinte fun^raire, et il no repose que sur la cendre des generations; mais c'est la qu'aLoutisscnt la jeunesse , le courage , les plus hautes faveurs de la fortune : tout nous avertlt de leur fragi- lite ; et I'avenir se renfcrmerait pour nous dans de bien 6troites limites, si lem^rite n'attendait pas au-dela du tombeau une plus durable recompense. Homme illustre ! ce monument consarre aussi ton apotheose : je vois ton image s'elever vers le ciel et transporter avec toi ton Spouse et ton fds, les deux etres qui t'avaient fait aimer la vie et qui te suivent dans I'eternite. Tu t'echappes dun tourbillon de ■ lammes, et le monde est deja loin de toi. Mais au- dcssous de ccs formes acrienncs je vois ton buste co- lossal attirer aussi nos hommages; et quelques traits de ta carriere sont inscrits ou figures sur ce tombeau monumental. Puisse le souvenir de ta vie enflammer le zele des navigateurs qui te suivront, et lour rap- peler d'ago en age par quels trnvaux on s'elevo a la renommee ! ( -m ) DISCODRS PnONOXCK PAR M. DU BOIZET Capitaine de corvpltP. Messieurs, Bien des voix eloquentes aujourd'hui, comme apres la catastrophe du 8 mal , se sont cliargees d'etre les in- terpretes des douleurs de la France sur la tombe du c^lebre navigateur, ravi si prematurement a la marine et aux sciences. Je n'essaleral done pas de prendre la parole pour retracer Ics princlpaux falts de sa vie ; rnais c'est un devoir pour moi de remercler M, le pre- sident de la Commission centrale de m'avoir reserve I'honneur de couronner ce noble buste. J'eprouve aussi le besoin d'adresser des remercie- ments, au nom de la marine etdes anciens compagnons du conti'e-amiral Dumont d'UrvlUe , a messieurs les meml)res de cette soclete honorable , qui ont souscrit spontanement pour lui clever ce monument. La pensee qui vous dirigea, messieurs, fut grande et f^conde. Elle prouve que la France applaudira tou- jours a tous les devouements, et que I'lmmortalite est acquise a ceux de ses enfants qui contribuent a grandir son nom parmi les nations clvilisees. Honneur a vous, messieurs, qui vous etes charges de le prouver ! J'adresserai maintenant, aunomde tous ses anciens compagnons, un dernier adieu au chef qui m'honora toujours do son estime et de sa blcn\eillance. Adieu, ( Uh ) d'Urville, adioul Si tu fus priv^, en mourant, de la con- solation de transmettre ton nom a un fils qui I'aurait dignement porte etauquel tu laissais de si beaux exem- ples, ce nom inscrit glorieuseraent sur tous les points du globe a cote de ccux de Bougainville , Cook , La Pe- rouse, d'Entrecasteaux et de tous les navigateurs c6le- bres.sera rep6tt^ commelesleurs, d'ageen age, avec re- connaissance et attendrisseinent ; il enflammera le z^le de nos jeunes marins; corame toi , ils coinprendront que la culture des sciences, des lettres et des arts oc- cupe dignement les loisirs de I'onicier dc mer, que c'est par elle seulement qu'il peut se maintenir a Ja hauteur des progris que les d(^couvertes font faire a la marine et a la navigation, et acqu^rir les connais- sances n^cessaires pour bien reniplir toutes les mis- si ons que I'htat lui confie. Adieu , d'Lrville. Recois cette couronne : c'est la France qui te I'offre , et I'Europe applauditi Notices historinites et geogmpliiques snr les villes fit- Trinidad, Sancto-Espiritu , San-J iian-de-los-Remedios et lenrs juridiction.s. Coniiiiu!iii|ne(;s a la Sociele tie geographie par M. Francis Lavallee, vice- consul de Fr.iiire, iiietnlire de diverses Societes savantes, fran- caisi-s el ciranfjeres. Trinidad est une des sept villes iond^es dans I'lie de Cuba par \ elasqucz, en 1514. Elle est situcie dans I'ancienne province indiennc de Giiamuahara. Herrera dit dans sa premiere decade, livre X: « Diego « Velasquez done designa le liou ou la ville devait etre ( 2/10 ] » assise, a 9 ou 10 lieues du j)oit de Xagua , vers » I'oricnt, parce qu'il etait plus voisin des autresboui- » gades indiennes , et aussi parce qu'il y avait une es- » p6ce de port.bien qu'asscz niauvais, ou se perdirent » plusieurs navires. II voulut que cette ville s'appelut » Trinidad. II ordonna egalement la fondation d'uiie » autre ville dansl'int^rieur desterres, presque a egale y> distance des deux mers du Sud et du Nord , et il lui » donna le nom de Sancti-Spiritus, eto) — Onsaitque ce futa Trinidad que Velasquez, en 1518, voulut faire prendre Fernand Cortes, qui y reunissait du monde et se pr^parait a sa memorable expedition du Mexique ; que dans ce but il en envoya I'ordre formel au comman- dant Francois Verdugo, son boau-fiere et son lieute- nant dans cette ville, aucjuel il adjoignit les Iiabitants notables Diego do Ordaz, PVan^ois Morla et autres ; mais que Cortes sut si bion seduire ces derniers et tous ceux qui s'opposaient a I'ex^cution de son projet, que non seulement on le laissa llbrement s'embarquer et retourner a la Havane, mais encore que sa conduitc parut entierement justifiee. On se rappelle Egalement qu'en 1527, la flottille destinee a la memorable expe- dition de Panfdo deNarvaez fut en partie detruite dans le port de Trinidad par un ouragan. Depuis lors, on ne conserve aucun fait certain de I'histoire de cette \ille jusqu'en 1702, annee ou elle fut prise paries Anglais, quarante-sept ans apr6s la con- quete de la Jamaique par I'amiral Penn , en 1655 , sous le protectorat de Cromwell , epoque oii Trinidad fut saccagee et brulee. Mais au milieu de ces d^sastres, et apres blentot un si^cle et demi, la tradition conserve encore avec orgucil le souvenir de plusieurs actions he- r(»ies, fait sou (Trir les plantations tropicales, pai'ticuliere- nicnt les cannes a sucre et les bananiers. Dans nos montagnes, on observe une temperature proportionnelK'ment plus basse ; le Irais est constant a I'ombi-c, et les nuits sont I'roides jusqu'afaire baisser le barometre a z6ro. La grele n'est plus un phenomene geologique qui surprenne , et peu d'annc^es se passent sans qu'il en tombe , et quelquefois de tres grosse; car on a recueilli des grfilons du volume d'une olive et plus. La saison des vents du nord regne d^s la fin (l'octol)re jusqu'en mars : alors la Iievre jaune n'a aucune intensite , et semble avoir disparu. (les vents el ceux Inimedials a ce point cardinal de riiori/on ne soulTlent pas axec celtc imp<^- ( 253 ) tuosite qu'on remarque dans Jes aulres parties de I'ile, a cause des iiautes inontagnes qui doniinent ce territoire ; inais ceux qui viennent du S.-E. au S.-O. se font sentir une partie de I'annee, et sont humides , tempetueux, avec des intermedes d'un calme d^ses- perant. Trinidad est le point de I'ile le plus expos^ aux oura- gans , et on a remarqu^ (observation digne d'etre not6e), depuis plus d'un demi-siecle , que les plus I'u- rieux se succedent quasi de douze en douze anndes, en septembre , octobre et meme decembre. On n'y connait point les tremblemcnts de terre ; et bicn que la situation de la ville , entour^e de hautes inontagnes et assise sur un sol eleve et caverneux , puisse inspirer a ses habitants quelques justes craintes , jusqu'a present on n'a 6prouve aucune coinmotion se- rieuse. La culture de cette partie de I'ile se borne pour ainsi dire a celle de la canne a sucre , du cafe, du iabac et des plantes alimentaires des tropiques. Les trois premiers articles, surtout le sucre, torment la base de son com- merce maritime, lequel , en vingt ans, a eu un accrois- sement tres notable ; I'extraction de cette denree , ces dernieres annees, n'a pas etc moins de 70,000 caisses (125,000 quintaux), dont I'exportation avec la m6- lasse, le rbum et le lafia, le cafe, letabac, la cire, le miel , les cuirs crus, quelques bois de teinture et de construction et autres articles de peu d'importance , occupe annuellement une moyenne de 200 navires. En 18/13, les importations monterent a 75/i,066 pias- tres, et les exportations a 1,257,613, ce qui donne un mouvemcnt commercial de 2,011.679 piastres . plus de dix millions ot deml do francs. ( 25A ) De Casilcla,sui\antlac6te sous le vent, on compte pal- mer 15 lioiics a rcnlrie tie la baie deXagua, 55 aBata- bano ; ctau vent, 27 jusqu'au canal do Vertientcs, 45 au liavre do Sanla-Cruz, 65 a la ville de Manzanillo, et 95 au port de Cuba , en prenant la ligne la plus directs. De Trinidad a la llavane par terre , on compte 89 lieues et demie N.-O. C'est done la ville maritime la plus centrale de I'ile , et son avantageuse position geographique en face de la cote Ferme embrasse, dcpuis le cap Catoche jusqu'au golfe de Maracaibo, 680 lieues de cotes des nouvelles republiques du Mcxique , de Guatemala et de la Co- lombie. Cctte situation peut la rendre un jour, avec son beau port de Masio , une place de commerce de premier ordre, comme inarch^ et point d'entrepot de cette grande partie du continent americain. Mais ilfaut que le pays retrouve sa tranquillitc, et pourcclaqueles abolilionistes etrangers cessent leurs intrigues , qui ne tendent a lien moins qu'a perdre Cuba, en sacrifiant ses habitants et leurs riches propri^t^s. SAKCTI-Sl'IRITUS. De meme que Trinidad, Sancti-Spiritus, ou Santo- Espiritu, est une des sept villes fondles par Di^go Ve- lasquez , dans la meme ann^e 151/i , etablic une ou deux annees apres par Fernandez de Oviedo , d'abord k I'extrcmitd do la Hacienda , appelce Minns , dans la partie Est, sur le point connu aujourd'hui pour centre de ruebla-f^iejn, et appel6 Cayo de la Ig/esia ; mais huit ans apres , en 1522, son si6ge fut transfer!^ a 2 lieues plus a I'ouest , dans le lieu ou elle se trouve aujour- d'hui, et quifaisait partie de I'ancien territoire de l/c/- ( 255 ) ^o«, entre les trols provinces incliennes Gunmuahayn , Citbniuicaii et Ornofay , f]'aj)i'es I'erudil D. Jos^ Maria de la Torre. La chroniquc de ccs temps recules est tres incomplete; I'evenement le plus rcraarquable qui soit parvenu jusqu'a nous date de 1518, annee ou la tran- quillity fut alt^ree a Sancti-Spiritus par des motifs sera- hlables a ceux qui souleverent les fameuses commu' naut(^s de Castllle, Les membres du cabildo de cette ville naissante fausserent les elections, et Diego Velas- quez, pour retablir I'ordre , envoya \'asco Porcayo de Figueroa. Celui-ci, en pleine assemblee, interpella Her- nan Lopez, qui avait ete elu alcade, et lui notifia sa de- mission ail nom de I'empereur. Sa reponse fut de tirer son ep6e; mais Porcayo le prevint et le polgnarda. En- suite, il fit saisir tout le conseil, s'etant vu l"orc6 de re- pousser et combatlre un des I'egidors juscjue dans I'eglise. II sequestra tons les biens de WtyunhiDiiento et en fit prisonniers tous les membres, qu'il envoya a San- tiago de Cuba, au licencie Zuazo , pour etre juges. Apres un grand laps de temps , nous voyons que cette ville fut envabie par les Anglais en 1667 et 1710, epo- ques pendant lesquelles ses babitants souQrirent beau- coup et virentbruler une partie de leurs arcblves, dont le reste fut emport6 a la Jamaique. Ilsavaient done des raisons pour connaitre et bair cc peuple. Aussi, en 1762, quand la nouvelle de la prise de la Havane arriva a Sancti-Spiritus, avec I'intimation de se soumettre a la couronne d'Angleterre, le cabildo refusa avec fermetc et se prepara a la resistance. Passons malntenant a la description geograpbiquc. Sancti-Spiritus se trouve situee sur les bords de la ri- viere ) ayabo, confluent de Sazn, dans un coude qn'elle forme, en Tenlourant de toutes parts, excepte du rot^ ( 250 ) du nord, sous la latitude l)ori^ale de 21° 50', et sous le 73° 17' 30" de longitude O. du merldien de Cadix, pros dune si)acuuise ct ondideuso savane , agrtiable- ment accidentee par des points de vue charmants et tr^splltoresques, et parplusleurs rulsseaux d'eau cris- talline qui la fcrtlllscnt. Cette vUlc est le chef-lieu de son d'strlct, a la tete duquel se trouve un lleutenant- gouverneur , dependant do Trinidad, La figure de la villa est ellij)lique, prenant la torme du coude men- tionne; elle est divlsee en quatre quartiers et poss6de le meme nombre d'cgllses. La tour de la cathiidrale est remarquahle par sa hauteur et son hon style. On comptecinq places. Les rues sont peudroites; les prin- cipales sont ornees de quclques belles et solldes mai- sons en briques, dont pi sleurs a un ou deux etages , avee balcon et terrasse. Le th(^atre est assez spacieux, malsd'un mauvais goilt. Le pent qui Tavolslne est remar- quahle par sa solidlte et ses cinq arches , dans le style ancien; 11 fut constrult par un Francais, ainsl que la tour mentionnee. Nous slgnalerons redlTice de Yayiin- lainicnto et de la prison, dans la rue Royale. La ville manque de promenades , de lontalnes publiques et de marches convenables ; sa population est de 10,000 ames. Les habitants sont gineralement alTables , et Ton remarque chez les femmcs de beaux traits , (jui rappellent celles de Puerto-Principe, lieu ou le type de la beaut6 castillane s'est le micux conserve. Les dentelles brod^es que les femmes de Sancti-Spl- ritus travaillent avec gout et solidlte, meritent une mention particuliere ; cette Industrie, speciale a ce point de I'ile de (luba, reclame plus d'attention et de protection de la part des autoriles et des habitants. On assure quelle a et«i introduite par une famille francaise , ( 257 ) qui vint se fixer dans le pays au commencement de ce siecle. Bien que la proximite de la riviere soit souvent cause de quelques fi^vres periodiques et intermittentes, I'air de la ville est tres pur, ainsi que celui des campa- gnes envii'onnantes, gendralement agi^^ables et liien cultiv^es, excepte dans la partie septentrionale. On trouve a proximite , de tr^s bonnes carrieres de pierre a chaux, et des materiaux excellents de construc- tion. L'agriculture forme la base de son commerce , qui consiste principalement en Sucre et tabac, beaucoup de riz et toutes les plantes alimentaires des Antilles. On 6l6ve aussi et Ton engraisse dans ses spacieuses prairies naturelles et artificielles, de nombreux trou- peaux de boeufs et de pox'cs. Les moutons s'y el^vent difficilement ; comme dans toute File, ilsy degenerent, ils perdent leur laine, etleur chair est d'une mediocre qualite. Les chevaux et les mnlets y sont recliercli(^s et estlmes paries Strangers. Oncultlve un pen de cafe qui se consomme dans le pays, du coton d'une qualitS fr)ssilfs iriaritis, an itiilicii d'mi rnr \i( i\c plus de \n, Giia- dalnpe, Santa-Fe, Se'ibabo, Mayajigna , Sagua la Chica, Vega-Alta, San-Felipe, San-Jgastin, Cayharien et Gna- rflC(7i?/jrt,- chaque division ayant , commc dans toute I'ile , un capitaine et un lieutenant pris gen^ralement parmi les habitants , et plusieurs caporaux de ronde sous leurs ordres. Quoiqueccterritoire, surquelques points de savaste superficie,conlienne quelques endroits inutilesa I'agri- culture.parce qu'ils sont couverts de roches ou submer- ges, surtoul ceux qui avoisinent cette partie de la cote, qui court environ 27 lieues E.-O. , la plus grande par- tie est trfes fertile, et ofTre a I'agriculteur laborieux una admirable vdg6tation qui le recompense avec usure de ses peines. Cette circonstance , unie a celle de fournir Imulenr. Nous avans nold efjalemcnt .i Tallahoca , sue le choniin qui ronilMil a Sancti-Spiritus , un l)anc- de coquillfs marines fossiles, rioni les rrlianlill(in piivoyt^s an musce du .laidiii dps Plaiiles, a Paris. ( 262 ) une denrt^e sp^ciale , le cacao, rend cette juridiction une dcs plus int^rcssantes dc la province de Trinidad, k laquelle elle apparticnt. On y rencontre de profondes \ allies tr^s fertlles, des chaines de montagnes elevees, couvertes d'epaisscs fo- rets vierges, et de vastes savanes ou prairies naturelles, ou coulenl un grand nombre de ruisseaux ct quelques rivieres. Nous citerons Ic Jatibonico du (\ord, qui sert de limite juridictionnelle du colide Test au territoire de Sancli-Spiritus, et qui, avant de serpenter dans la plaine, traverse une caverne profonde , comme le Rio de Ay de Trinidad ; la riviere Sagiia-la-Clucn , qui sert de limite a I'O. , avec la juridiction de A ilia-Clara ; en- fin, celle de Las Calabazns , qui s6pare 6galcment ce district de celui de Sancli-Spiritus. La premiere de ces rivieres n'est navigable qu'une lieuc pour les clialou- pes; niais Sagua-la-Chica permet aux embarcations de 6 a 7 pieds de tirant d'cau , de la renionter 2 iicues et demie. Toutes contiennent plusieurs especes de pois- sons assez estimes. Les montagnes les plus dignes d'etre cities par leur elevation, sont cellcs qui sont connues sous les noms de las sierras de Jatibonico, Buena-f^ista ei Santa-Rosa ; et sous I'un des rameaux principaux de cette derniere, appele Cerro de Guajubana , on remarque trois belles cavernes tapiss^es de stalactites tri-s varices , form^es par les continuelles infdtrations de la voiite , ce qui donne un aspect vraiment curieux a ces lieux solitai- res, dont les seuls babilanlssont de nombreuses cliau- ves-soui'is et des tucutncus , esp6ce de petite cliouette. Du reste, ces cavernes ne sont pas rares dans I'ile; on en rencontre de plus ou moins spacieuses, de plus ou moins belles dans boaucoup de licux occupies par les ( 263 ) iTiontagnes. On admire plus loin, sur le cheniin de la hacienda Giieyba a celle de Buena-Vista, une jolle cas- cade formee par une petite riviere qui seprecipited'une hauteur de 90 pieds sur un lit de roches, et dont les eaux contlennent un grand nombre d'objets petrifies. Tous les chemins appel^s royaux et vicinaux sont tr^s penibles dans la saison pluvieuse ; et bien que , dans les autres rnois, ils olTrent plus de facilite au voya- geur, ils sont tres tortueux et traverses par de nom- breuses ravines. Mais on ne doit pas s'en elonner ici, quand les routes principales du milieu de I'lle, a quel- ques rares exceptions pres, offrent les memes inconve- nients, sans qu'on ait suivi, jusqu'a present, un syst^me quelconque de construction. La seuie ville de cette jurldiction est Scin-Tunn-Bau- tista-dc-los-Reinedios , on simplement Remedlos, chef- lieu militaire et maritime, situe sous les 22° 3' de lati- tude N. , et 72° 22' de longitude 0. de Cadix , et a 2 lieues et deniie S.-S -O. de la mer et de son port. Cette ville est batie sur un sol bas, cgal, de couleur I'ouge et ferme, bien que , dans les temps des grandes eaux , il deviennc humide. Cette situation, jointe au \oisinage d'une grande lagune d'eaux presque stagnantes, occa- sionne en septembre et octobre quelques fi^vres perni- cieuses; mais , apr^s cette ^poque , on y jouit d'une grande salubrite. Elle presente la figure d'un polygene irregulier de pres de trois quarts de lieue de perim6tre, divisee en quatre quartiers. Les rues ne sont point pa- vees; mais elles sont assez droites et d'une largeur convenable, et la place Mayor est spacieuse et regu- liere. On y compte environ 1,100 maisons , la plupart couverles en paille, excepte 121 en magonnerie , bri- ques et tuiles, toutes plac^es dans de vastes terrains se- ( 26A ) mes tl'arhres fruitiers et par6s dune verdure qui en rend la vue tr^s agr^able. Cette ville est priv(ie d'eaux courantes; mais les habitants y ont supplt'-i^ par de nombreux pults d'eau potal)Je, qui suffisent a leursbe- soins. San-Jitan-de-los-Remedios fut dtablie primitivement, d'apros la tradition, dcpuis \Mh jusqu'a la iiioitie du siccio suivant, sur un cajo ou ilot de la baie de Caiba- rien, trcs pr6s de la cote, dans lequol on conserve tou- jours le nom de El Cayo ; le meme nom designc en- core communenient cette ville. Mais les frequcntes irruptions dos llibustiers d(^termint'rent les premiers fondatcurs a s'eloigner un pou de la mer, en fixant leur residence dans le lieu ou elle se trouve aujourd'bui. La population totale est de 4,500 habitants, dont 1,300 de couleur, libres, et 600 esclaves. Le port de cette ville est au S.-S.-O. , a la distance d(!-ja mcntionnee de 2 lieues ct dcmie, sur la cote sep- tentrionale de I'ile de Cuba , et sous la latitude iN. 22"* 31', et la longitude O. du meridicn de Cadix , 73° 20'. II est ouvert au commerce eti'anger; maisilne pcut ad- mettre que des navires de moyenne grandeur, n'ayant pas plus de 12 a \Ix pieds de profondeur. Get inconve- nient determina, en 1828, I'autoriti^ sup^rieure a faire choix de la baie tr^s abritee de Caibarien , sur le bord meridional de laquelle un bourg a ete derni^rement bati ; il est habite aujourd'bui par 300 personnes des deux sexes, blanches et de couleur. Le commerce ex- t^rieur, qui se fait par ce littoral , est tres borne , et il est presque rdduit au traJic du cabotage avec la Havana et Matanzas, ct avec Puerto- Principe, ville de I'interieur, Moron et I'lle de la Providence. On n'y voit que tr6& varement quelques nuvires des Etats-Unis. ( 565) Le commerce int^rieur consiste seulement dans 1 'en- voi annuel a la Havana d'environ 2,000 bceufs , 3,000 pores, ct 300 chevaux et mulcts , vu que tous les au- tres pioduhs sont regulierement exportes par le cabo- tage, ainsi qu'il a ete dit. Apres la ville, nous n'avons a citer dans loute la ju- rldiction qu'un seul bourg et deux villages tres peu im- portants : Mayajii^un , bourg et paroisse a 9 lieues E. de Reinedios, sur le chemin royal de la cole du nord k Puerto-Principe, et a deux tiers de lieue seulement de la grandc clialne de Jatibonico, dans un terrain rouge, inegal, arrose de plusieurs ruisseaux fcrtiles ; et a une demi-lieue, on trouve un bain thermal d'eausulfureuse tr^s cfTicace, mais presque oubli^. L'air y esttr^s sain, et sa population est de 380 habitants , la plus gi'ande partie de couleur. Guaracahnya, village et cure, a 9 lieues 0. , situ^dans une spacieuse savane ou plaine qui traverse le chemin central de I'ile, avec de tr(^s bons terrains ; population , 200 habitants, la plupart blancs. Sagnn-Ia-CJiica, ou Enibarcndero, village situ6 sur la rive droite de la riviere de ce nom , et qui s'etend jus- qu'au point ou s'arretent les pctits navires caboteurs ; distance , 6 lieues et demie 0. de Piemedios ; popula- tion, 300 ames. Nous avons note la population partielle de la ville et celle de quelques bourgs et villages ; ilnous reste a r6- sumer celle de toute cette juridiction, qui est de 16,000 habitants, dont le tiers environ de couleur , moiti^ li- brcs, moitie esclaves. La principale richcsse de lout co territoire consiste essentiellement dans I'^ducation et I'ensirais des bes- tiaux et des pores, auxquels il laut ajouter un petit ( 266 ) iiomhrc de chevaux et de mulcts; les r^coltes de tabac peu estim(!', la cire, lemiol, les boisde construction etde teinture, et le cacao, grain que produit prcsque exclusive- ment cette parlie de I'ile. Bien qu'il ne soit pas aussi estim^ que celui de Guayaquil , il poui'rait devenir un produit important, s'il etait cultiv6 avec plus de soin. On y recolte dgalement un peu de cafe, triste reste des belles habitations qu'avaientformees des 6migr(^s francais de Saint-Domingue , et qu'ils se virent forces d'abandonnerlors des repr^sailles de I'annee 1809, qui s6virent dans toute I'ile, depuis la Havane jusqu'a San- tiago de Cuba. Ce pays se priva alors dc la partie la plus indus- trieuse de sa population et dune source feconde de ri- chesses, a peine recouvr^e aujourd'hui que nous ecri- vonsceslignes, trente-quatre ans apres. II n'y a pas de doute que, sans cc malheur , la juridiction de Reme- dies se trouverait parsem^e de sucreries et cafeteries, uniques (^tablissements agricoles qui puissent donner un heureux essor a I'agriculture ct au commerce mari- time, bases principales de la prosperite de Cuba, sige- n^reusement dot6e par la nature. Je conclurai en faisant remarquer que la propor- tion entre la population blanche, celle de couleur libre et les esclaves de toute I'ile, ne doit pas 6tre calculee d'apres les chiffres que nous prc^sentons dans cette no- tice ; car nous n'avons entretenu nos lecteurs que de la partie centrale de I'ile, qui poss6de, comparativement, tres peu de grands itablissements agricoles; mais dans les grands ccnlros de culture de la partie occidentale de rile , depuis le district de Filipinas jusqu'a Sagua- la-Grande inclusivement, auxquels il faut ajouter Tri- nidad et Santiago de Cuba , c'est-a-dire la plus grande ( 267 ) partie de leur territoire , le nombre des esclaves et des gens de couleur libres surpasse notablement celui de la race blancbe ; si bien que, dans toute son etendue, Cuba, d'apres le dernier cens de ISil, n'a qu'un tiers de blancs sur une population de pres dun million d'ames. Coup d'oeil ciiNfiRAL suf In topographie des plaiiies de la Russie meridionale , parW. X. Hommaire de Hell (1). Rien de plus triste et de plus saisissant au pre- mier abord que I'aspect des steppes de la Russie m(^ridionale. Dequelque cote que le voyageur etonne tourne ses regards, il ne dccouvre partout qu'une ligne parfaitement droite, dont rien ne vient briser la desolante monotonie ; ou bien si parfois il aper- 90it certains points saillants au-dessus de I'horizon , ce sont quelques cones de terre eleves par la main des bommes; mais, plus souvent encore, les objets de son attention ne sont que les rcsultats trompeurs du mirage. Ces plaines si horizontales , auxquelles , comme a la mer, I'mil ne saurait assurer de limites ; ces plaines si rcmarquables par leur complete nu- dite et I'absence totale de toute vegetation fores- ti^re, comprennent toute la zone qui s'dtend entre le fleuve Oural et les emboucbures du Danube, en des- cendant au midi, jusqu'au littoral de la mer Noire, et jusqu'au pied des montagnes du Caucase et de la Tau- ride. Sur toute cette etendue, embrassant pres de 22 degr^s de longitude, et plus de h de latitude, le sol conserve invariablement la meme pliysionomie. (l) Extialt inedit du voyage. Les Steppes de la mer Caspieiine , le (lauc'ase , la ("liiiiee et l,i Russie inc'iidinnale. ( 268 ) Partout r^gne l'unit'onnil(^ la plus absolue , et co n'est que de loin on loin que les grands fleuves qui decou- pent le pays viennont servir de lignes de repos d la prnsee, et'rappeler au voyageui qu'en avan^ant il change veritableraent de pays. Deux inimenses pentes se partagcnt les eaux qui ruissellent a la surface de cette partie de I'empire russe. La premiere , qui comprend le bassin du Volga et de rOural, se dirige vers la mer Caspienne ; la se- conde , la plus foi'te , s'incline vers la mer Noire, ou elle deverse ses eaux par la voie du Dniester, du Boug, du Dnieper et du Don. A part les grandes el larges vallees de fleuves que nous venons de citer, lous les autres mouvements du terrain se bornent a des rivieres et a des ravins sans aucune importance sous le rapport hydrograjiliique. En partant des embouchures du Danube, pour se dirigerversle N.-E., on traverse d'abordles plaines du Boudjiak , qui composent la partie la plus meridionale de la Bessarabie. Ces plaines, qui viennent se terminer le long de la mer Noire , en escarpcs argileuses de 15 a 20 metres de hauteur, presentent deja tons les ca- racteres des steppes de la Russie meridionale propre- ment dite ; aussi , comme ces dcrnieres, ont-elles et6 pendant plusieurs siecles le domaine de hordes no- mades exclusivement adonnees a I'el^ve du betail. Le seul trait qui semblc distinguer cette region de celle que nous allons parcourir, ce sont des vallees moins privies d'eau , moins profondes et a pentes plus douces que celles que Ton rencontre au-dela du Dniester. Ces conditions hydrographiqucs proviennent evidem- ment d'un |dateau nioins eleve au-dessus du niveau de la mer ; de la nature g(^n(^ralpment argileuse du ( 269 ) sol , ct eiifm du contact immediat de contrees presque montagneuses , ou dc nonibreuses sources trouvent leur origine. Les steppes deBoudjiak, limlt^s au midi par la mer Noire, a Test par le Dniester, eta I'ouest par le Prutli et le Danube, ont au nord pour limite topographique une ligne passant par Bender et par Kahonl. Au-dela de cette ligne, le pajs devient de plus en plus accident^ ; et aux plaines horlzontales , aux paturages des anciens Nogais , succedent des col- lines assez (^levees, que beaucoup d'ecrivains ont faus- sement consider^es comme les dernieres ramifications des Carpathes. Cette region montueuse, dontla hauteur moyenne peut etre evaluee a 160 metres, appartient depuis un temps immemorial aux Moidaves, popula- tion agricole qui trouve de vastes ressources, dans ses fecondes vallees, dans ses nombreux cours d'eau , et dans les magnifiques forets qui rccouvrent les col- lines. Sur les rives du Dnieper cessent toutes les contrees accidenl^es del'Europe continentale. Del'auti-e cote du fleuve commencent defmilivement les steppes incom- mensurables de la Russie m^ridionalc, qui vont se per- dre au-dela de lamer Caspienne, dans les contrees im- menses de I'Asie centrale. Entre les embouchures du Dniester ct celle du Dnieper, les falaiscs, tantot calcai- res, tantot argileuses, qui bordent le littoral de la mer, se maintiennent presque invariablement a 40 metres de hauteur. Cette elevation du terrain va ensuite en aug- mentant insensiblement dans la direction du nord, jus- qu'a ce que, sous le parailele d'Ekaterinoslav, situe au hautdes cataractes, 48''27'50", elle atteigne environ 100 metres au-dessus du niveau de la mer Noire. La rt^gion comprise outre les deux fleuves que noiisvenonsdenom- ( 270 ) mer forme, avec leterritoire du gouvernementd'Ekate- rinoslav, sitii6 a I'orient du Dnieper, et dont il sera question plus loin, le plateau le plus clove des steppes de la nouvollc Piussie. Aussi, quoiquo les lignes horl- zontalcs pr6dominent gcncralcment partout, i'on ren- contre neanmoins, de distance en distance, des ondu- lations assez sensibles, surtout dans le voisinage de la chaine granitique qui forme les rapidos du Dniester et du Dnieper. Mais ce qui donne v^ritablement un carac- tcre I'cmarquable a ces premieres plaines de I'Europe orientale, ce sont les larges et profondes vallees, appe- I6es Balkas par leshabitanls, dont elles sont sillonn6es . Ces valines, presque toujours a sec , et que le voyageur ne decouvre qu'au moment de les franchir, n'ont au- cune espece d'action sur le relief general du plateau, et constituent ainsi un type de pays ou, chose etrange, les accidents du sol, au lieu d'etre des proeminences, ne forment que des sillons, de veritables fissures plus ou moins profondes, el la phipart dirigees suivant le sens de la plus forte pente vers la mer Noire. Lorsqu'apres avoir long6 les cotes de la mer, on ar- rive au-dessous de Kherson, sur la rive droite du Dnie- per, ou, commenous I'avons d6ja dit, le steppe n'apas moins de /lO metres d'elevation , Ton est reellement frapp^ d'elonnement a I'aspcct du spectacle que la na- ture deploie aux regards. Au pied de I'escarpe, dans un immense bassin, coulcnt les eaux calmes du Dnieper, en formant une multitude de canaux et d'iles couvertes de saules et de peupliers. De I'autre cote du fleuve s'6- tend, aussi loin que I'ceil pent atteindre , une plaine basse 6lev6e de 3 ou h metres au-dessus des eaux , et dont la lignc est si parfaitcment horizontale , qu'elle srmble. an midi. se confondre avec celle de la mer. Cet ( 271 )• ^tage inf^rieur, d^lach^ du plateau general de la nou- velle Riissie, et dont le voyageur domine touterimmen- site du liaut de Feminence oil il est place , coinprend toute cette espece de peninsul situee cntre le bas Dnie- per et la cote de la mer Noire , qui s'etend depuis la pointe de Kinbourn jusqu'au-dela de la mer Putride, a I'extremitt!; septentrlonale de la languc d'Arabat. Sur toute cette surface , sauf quelques dunes de sables, le long du Dnieper, il n'existe pas le moindre accident de terrain. Les Balkas, les ruisseaux, les ondulations, tout a disparu, pour faire place a runiformite la plus deso- lante, a la nudite la plus absolue. C'cst au littoral de cette contree qu'appartiennent les deux famcuses iles de Tendra et de Djaril-Agatch, connues autrefois sous le nom de Course d'Acliille. Couvertes de bruyeres et de roseaux, ces iles servent quelquefols de lieu d'hiver- nage aux troupeaux voisins. En les voyant allonger en mer leur etroit ruban de sable incessamment baltu par les vagues, Ton est veritablenient etonne du caractere de stabilite qui les distingue depuis tantde siecles. Si niaintenant , abandonnant les cotes de la mer Noire et de la mer Putride, nous marchons vers le nord, nous nous eleverons insensiblementle long du Dnieper, jusqu'a ce que, dans le voisinage do Rakofka, a 120 ki- lometres de la mer, la rive gauche du Dnieper presente la meme elevation que la rive droite. A partir de la, il y a egalite parfaite de niveau entre les deux plateaux; etbientot apres, al'oi'ientcomme al'occidentdu fleuve, la contree ofTre de nombreuses Balkas et tous les carac- l^res que nous avons indiqu^s dans la description de la plaine superieure. Le long de la mer d'Azof, le passage au plateau eleve se fait dune mani^rp plus brusque. A peine a-l-on ( 272 ) quitte les bords du Sivach, que d^ja les steppes presen- tent d'importantes vallees, qui, le plus souvent, ne sont pas enlic'rement depourvues d'eau. Lon Irouvo ainsi la Moloclinia Nodi, laBerdaetle Kalniious. Cost le long des doux premieres rivieres, et sur leurs afTluents, que se sont etablies les riches colonies allemandes de la Souabe et de la Prusse, et que le comte iMaison, 6migr6 francais, est parvenu a fixer dans des demeuresles hor- des noniades des Tatars Nogais. Au-dela du Ralmious, on voitde nouveau une plaine basse se detacher du pla- teau general et former une Jisiere de 2 a 3 lieues de largeur le long de la mer d'Azof , entre Marioupol et Taganrok. A I'ouest de celte plaine , qui possode au plus 20 metres de hauteur, s'aper^oivcnt distinctement les versants irregulicrs de I'etagc supcrieur, qui, se ler- minant en veritablcs falaises, ressemblent parfaitement aux collincs que Ton remarque dans les environs de Sarepta, sur le Volga et laSaupa, et qui ont servi a Pal- las et a Gmelin pour leur travail sur les anciennes limi- tes de la mer Caspienne. Cette division en deux etages se remarque ^galement sur les bords du Liman , oii viennent se perdre les eaux de la Moloclinia \ odi. Chose digne de remarque, tandis que le plateau supc- rieur prescnte une surface fortement ondulCe , le se- cond ollre toute I'horizontalite qui caracterise les step- pes de la rive gauche des embouchures du Dnieper. Dans le voisinage de Marioupol viennent expirerles dernieres ramifications de la chaine granitique de la Russicmeridionale, que nous avons vues , se dirigeant a peu pres vers le parallele hS" 30', former successive- ment les rapides du Dniester, du Boug et du Dnieper. Jusqu'a ce moment, nous n'avons encore traversed, pn fait de terrain de sediment, que les assises parfaite- ( 273 ) ment horizontales du calcaire tertiaire et des alluvions ; nials a AO kilometres au nord du golfe de Taganrok, apparaissent d'autres formations plus anciennes et plus tourmentees. C'est d'abovd, avec quelqueslambeauxde craie, un vastc d^pot carbonifere , et avec ce depot le pays devient plus accidente; il est sillonne par une foule de ravins et de riviei'cs. Co sont les plus belles parties du gouvernement d'Ekaterinoslav et du pays des Cosaques du Don. L'on commence a apercevoir au fond des valleesctsur les versants abrites les premieres traces de la vegetation arborescente qui recouvre les provinces situ^es plus au nord. Les steppes reparais- sent neanmoins, de distance en distance, avec toute leur monotonie ordinaire. Le relief general du sol ne com- prend r^ellement ni cliaines ni collines bien caract^ri- sees. II se compose plutot d'une reunion de plames a inclinaison variable et irreguliere , dont la plus forte elevation ne depasse pas 150 metres. Cette configu- ration provient evidemment des inegalites produitcs par le soulevement des terrains houillers, que n'ont pu fairc disparaitre entierement les masses des argiles qui sont venues les r6couvrir. Le caractere topogra- pbique tel que nous venons de I'indiquer appartient a toute la partie septentrionale du gouvernement d'E- katerinoslav, ainsi qu'au territoire occidental du pays du Don, Au-dela du Donetz, affluent du Don, et qui sert g6ii6ralement do limite au d^pot carbonifere , se montrent les terrains cretaces , qui a Test s'etendent jusqu 'au-dela du Don , vers le Volga , etal'ouest pen6- trentdans les gouvernements de Rbarkof et de Poltava , traversent une partie de ia Pologne, et vont s'arreter brusquement dans le voisinage des Karpatbes. Nous arrivons ainsi aux plaines centi^ales de la Russio , qui II. OCTOBUE F.T NOVF.MRIU:. 5. 18 ( -^'4 ) so prolongeiit toujours vers lour pente dirigee du uord au Slid , jusqiie dans le voisinago do Moskou , oii dies sont liinitoos par ce qu'on appolle la petite cliaine du \aldai, vorilable arete ou viennent se rejoindre le plateau du midl et celui du nord. Cette cliaine n'a pas plus dc .SAO moires do hauteur au-dessus du niveau de rOc^an. Cost cette ligno di' I'Altai qui forme le par- tage des eaux entre la mer du iNord , la mer Caspienne et la mer Noire, et c'est dans son voisinage que pren- nent leurs sources tous les magnifiquos fleuves qui t ravorsent le sol de I'empire russe. Roportons dc nouvoau nos regards du cote du midi , \ors los embouchures duD on , oil se sont arrotoes nps etudes. A Rostof, comme sur les Lords duDnieper, le vovageur se trouve place sur les limitos dun plateau ^lev6, dontla hauteur malhdmatique est de Z|6 metres : la, comme a Kherson , il se trouve en face d'un grand riouve d^coupe par dos iles et des canaux, et au-dela duquel se d(^ploient a perto dc vuc les plainessi extra- ordinairement basses qui longcnt la rive gauche du JMa- nitch, scparent la mer Moire de la mer Caspienne, ot scmblcnt ofTectivement avoir sei'vi autrefois dc lien dc communication entre les deux bassins. Ici , plus encore que dans la p^ninsulc du Dnieper, Ton est frappe du caract^re oceanien, si je puism'exprimor ainsi, qui dis- tingue les immonsesdeserts que Ion domine , ot que Ton sait devoir se prolonger jusquauxconiinsde la mer Caspienne. Sur la rive gauche du Don , le steppe est si has, qu'au moment des crues printaniorcs, les eaux du fleuve refluent dans le bassin du iManitch , et siibmergont lonte la contree jusqu'a 25 myriametres de distance, ('.'est alors que ranoionnc capitale des Cosaques, so liou\o.sous los c;iux, que toutes les (275 ) communications par terre entrc les habitants sont rompues, et que lamer semble , en verite , vouloir reprendre possession de ses anciens domaines. Les plaines du Manitch se prolongcnt, invariables dans leur configuration, jusqu'a 80 kilometres de la mer Caspicnne, ou, a la suite d'une pente inappreciable a r(jeil,elles alteigncnt, d'apr>smes operations, 27 me- tres d'elevation au-dessus du niveau de la mer d'Azof. Au-dela , on descend dans le bassin de la mer Cas- pienne , et le plateau inferieur de la Russie meridionale atteint rapidement les derni^res limites de son abais- sement. Sur le littoral meme de la mer, il descend de 11 metres au-dessous du niveau de I'Ocean , et depuis les emboucbures du Volga jusqu'a celles du Terek, il jir^sente des plaines d'une elevation relative si faible, que leur niveau se perd compl(!!tement avec celui de la Caspienne : aussi les venls d'est etant prolong^s, font- ils refluer les eaux de lamer jusqu'a 3 et Zi,000 metres du rivage. Sans les dunes de sable qui bordent d'une mani^re irreguliere la cote, et qui sont comme la derni^re expression de I'aridit^ de cette region , le voyageur explorateur de ces steppes serait souvent expose a de veritables dangers. Au nord du Manilcb , parallelement a son cours, dans la direction de I'oucst a Test, se prolonge, sur plus de /jOO kilometres de distance, une ligne de petites escarpes de 10 a 12 metres d'elevation. Pres des sources de la riviere, elle se tourne brusque- ment vers le nord , augmente peu a peu de hauteur, et apr^s avoir suivi dans toute sa longueur la valine de la Sarpa , elle vicnt s'arreter au-dessous de Saritzin, sur les rives du Volga. Ces deux lignes, qui se coupcnt a angle droit , servent de limites a un plateau superieur ( 276 ) de forme triangulaire , born6 a louest par le Don, et lormant au nord le steppe elcve qui separe romplete- ment le bassin du Volga du cclui du Don. A I'orient de ce plateau , qui ne se distingue dc ceux du meme genre que par un relief encore plus monotone , sur les rives de la Sarpa, commcncent les plaines du ^ olga , veritable d^pendance de celles de la mer Caspienne , et oil disparaissent toutes traces de rivieres , de ruisseaux etde ravins. L'on arrive aussi par unepentc insensible a I'extr^mite du steppe , oil le voyageur se trouve ino- pinement en presence du meme spectacle qui I'a d(^ja si vivement impressionne sur les bords du Dnieper et du Don. Mais ici la nature d6ploie une grandeur plus frappante encore : c'est le Volga , c'est le plus beau fleuve de I'Europe , que Ton d(icouvre du baut de I'd- minence oii Ton est placd ; c'est le bassin le plus raagnifiquc qu'il soit possible d'imaginer, qui de- roule au regard scs innombrables lies et canaux ; ft au-dela , a ces plaines si basses, qu'elles semblent appartenir au niveau gc^^neral des ilos du fleuve, et oii ^iennentseheurter les derniers efforts de la civilisation ourop6enne , commencent les steppes des liordcs khirguises, dont les nombreux campements se pro- longent jusqu'aux frontieres de la Chine. Nous arrivons enfin a examiner les plaines les plus meridionales de I'empire russe, celles qui confment d'un c6t6 aux montagnes de la Tauride, et de I'autre a la grande chaine du Caucase. En sortant de la pe- ninsule du Dnieper pour entrer dans la Crimoe par I'isthme de P6r6cap , nul changemcnt ne se manifcste d'abord dans la nature du sol. Sur une longue distance, r'pst le meme type aussi trlste que celui qu'on a laisse derri^rcsoi; mais insrnsihlrmont le plateau sV'leve; des ( 277 ) montagnes se dessinent alhoiizoiijetaSOou Z|0 kiloni. en deca ds Sympheropol , c )mmencent les premieres ravines , les premieres ondulations , et bientot apres se montrcnt les collines secondaires qui entourent le chef-lieu de la province. Au-dela , Ion enlie deja en plein pays de montagnes. Au terrain horizontal ont succdde les mouvements les plus plttoresques ; aux steppes arides et prives d'eau, d'admirables vallees i6- condees par de inches cours d'eau. On se trouve , en quelquesorte, sans transition, au pied dii Tchatirdagh, quielevant oi'gueilleusement son sommet jusqu'a 1580 metres au-dessus du niveau de la mer, fonne le point central de cette ^troite chaine de la Taui'ide, dont les immenses dechirures hordent la cote, depuis la pointe de la Chersonese jusqu'a I'ancienne Cafla des Genois. A Test de CafTa (Theodosie), le steppe, qui vient s'inter- caler entre la mer d'Azof et la contree montagneuse, envahit tout le sol de la presqu'ile de Kertch. II y est cependanl plus accldente , plus irregulier que partout ailleurs, et sa topographic semble avoir ete considera- blement influencee par les grandes revolutions qui ont fait surgir le chaine de la Crimee, ainsi que par d'au- tres phenomenes geologiques dont il sera fait mention plus tard. Ce meme caractere , mais a un degre inferieur, se remarque ^galement de I'autre cote du detroit de Kertch, dans la presqu'ile de Taraan. Au-dela, dans In pays des Cosaques de la mer Noire, les steppes repren- nent tout leur empire. Toute la contree situee le long de la cote orientale de la mer d'Azof est si peu elevee, que les lits des ruisseaux, ou plutot les sillons par les- quels se deversent les eaux pluviales, deviennent com-- pletement invisibles pendant les clialeurs de I'^te. ( 278 ) Aussi, h I'c^poque de la fonte des neiges, ces valines ne pouvant suffire a recoulemcnt dos eaux , ccUos-ci d6- bordentde touscot^s, envahissent laplaine, et forment sur la cote de vastcs marais qui , s'avancant jusqu'a GOkllonielresdans rinterieurdu steppe, iiilerrompent ainsi presquetonjourslcs coninninicalionssur la route qui conduit dos rives du Rouhan vers le nord de Tcm- pire . Du littoi'al de la merd'Azof, le steppe se continue au nord duRouLan jusque dans le voisinage de Stauropol , chef-lion du gouvernenaent du Caucase. La se montre, suivant le 40"" degrede longitude, un plateau beaucoup plus 6leve quetous ceux que nous avons deja explores. II sert de ligne de partage des eaux entre la mer Cas- pienne et la mer Noire, et semble former un veritable cbainon avanc6 et d6tach6 du massif central du Cau- case. Au-dcla dccelte espece de cap, sur la rive droite de la Rouma, Ton alteint de nouveau le steppe, et de la jusqu'a la mer Caspienne , et jusqu'au Terek , se reproduisent toutes les conditions topograpliiques qui font du litoralnord-ouest do la Caspienne la contr^e la plus aride et la plus ddsol^e que I'imagination puisse concevoir. Nous arrlvons ainsi au pied dela grande chaine cau- casienne, rnuraille encore inaccessible jelee entre I'Europe et I'Asie , entre la mer Noire et la mer Cas- pienne et de\ant laquelle viennent s'arreter sans tran- sition, les plaines si (itrangement remarquables de k) Russie meridionale. ( 270 ) JiAi'i'onT fnit (I Id Sdcit'tc lie i^c(i^r(ij)}iit' , le 8 noveiiihiT 184/1, pnrW. Roux DE RocHELLE, sur le second volitiiw (Vuiie Chronoloi^ie historique des Etats Unix ,puhliee en 1844 par M. Warden. Le savant ouvrage publie par les religieux de la congregation tie Salnt-Maur sous le tilre tie l' Art de ve- rifier les dates , a eu des continuateurs , grace ati zele eclaire du marquis de Fortia. L'Amerique tout entit^re manquait a cet ouvrage: ellc etait, lorstju'il parut , partagee en un grand nombre de possessions colo- niales, et elle se trouvait naturellemont comprise dans riiistoiie des gouvernements europeens tjui avaient fait la conquete et avaient fontle les colonies du Nou- veau-Monde. Mais alors les evenements et les descrip- tions quiconcernaientspecialementrAmeritjue etaient rappeles et presentes d'une mani^re tres incomplete ; chaque puissance 6vitait, en general, de trop appeler i'attention des Strangers sur ccs possessions eloi2,neos : on se taisalt sur leurs ressources ; on voulait se re- server I'usage et souvent meme le monopole de leur commerce ; leurs relations avec la metropole res- taient enveloppees de m} stere , et il etait difficile aux voyageurs et aux savants tl'avoir acces dans leurs archives , jusqu'a I'epoque oii I'illustre de Humboldt put en consulter une partie, et appeler I'attention de I'Europe sur les richesses et la fecontlite tie ces vastes regions. Les Etats-Unis jouissaient depuis longtcmps des bienfaits de leur independance ; les colonies espa- gnoles allaient bientot obtenir leur emancipation ; et ces grandes contr^es devaient a leur tour prendre rang r 280 ) au nonibre des nations , ct faire entrer dans Ihistoire du monde Icurs proprcs annalos. Le soin dc recueillir celli's des dilT^rcntos regions dc I'Amerique avail ete confie par le marquis de Fortia k M. Warden , ancien consul general des Etats-lnis dans notre capitalc ; et ce savant et laborieux ^ci'lvain avail d6ja fail parailre ses publications sur rAmirique du Sud ct Ics principales ilcs du golfe du Mexique , lorsqu'il a commence ses utiles travaux sur les Etats- Lnis. L'autcur a compris dans un premier volume la chronologic bistorique de la Louisiane , de la Mrginie, du Massachusetts et du Maine ; et le second volume qu'il vientde publiercomjirond les Elats de New-York, de Pcnsjlvanie , de iMarj land , la Caroline du Sud , la Caroline du Noi'd et I'Etal de G6orgie. M. Warden remonte, dans chacune des divisions de son ouvrage, a la situation ancienne du pays, lorsque les Europ6ens sont venus s'y elablir, a la description des tribus sauvages qui I'liabilaient , aux guerres prin- cipales qui ont eclale , soil entre elles , soil avec les conquerants. II rapporte la plupart de leurs usages , de leurs traditions , de leurs croyances religieuses; il suit I'ordredes fails qui se sont accomplis dans chaque contree et qui sont assez imporlants pour irouver place dans riiistoire. Ainsi Ton voil se succ^der, dans les annales de I'Elat delNew-Yorkjde nomhreuses ohservations sur les anciens voyageurs qui avaient ddcouvert ou reconnu une partie de cette contrde : sur Verazzani , auquel M. Warden attribue ladecouverteduport de New-York; sur Henri Hudson, qui donna son nom au plus grand fleuve de eel Elat ; sur les 6tablissements que les Hol- landais \ avaient formes; sur leurs guerres, soil a\ec ^- ■. ( 281 ) les Indiens, soitavec 1<3S Anglais, qui s'en emparerent en 16(5!i ; sur le gouvernement que ceux-ci etablirent dans leur nouvelle colonic, et enfin sui' la suite des guerres qui eclaterent a plusieurs epoques entre Ics colonies de I'Angleterre et de la France , et quieurent pour theatre une partie de ce territoire. Lne succession d'^v^nements si nombreux et si di- vers ne pourrait pas etre analys^e : on perdrait de vue I'interet des dt^tails , qui doivent etre cberches dans I'ouvrage lui-meme, et qui ont assez d'iniportance pour qu'il soit utile d'en examiner la suite et I'enchai- nement , si Ton veut bien se rendre compte de ces annales, deja cbarg(^es de faits quoiqu'elles n'aient en- core qu'une duree de trois siecles. Les remarques generales que nous venons de faire s'appliquent egalenicnt aux aulres parties de I'ouvrage de M. Warden. Cliacun des Etats qu'il decrit a nean- moins des ev^nements qui lui sont propres : les cir- constances de la decouverte ne sont pas les memes ; d'autres revolutions se sont succed^ dans la forme du gouvernement : la legislation n'a pas eu partout un caractere uniforme; quelques cbangements se font re- marquer dans le caractere et les coutumes des dilT^- rentes nations indiennes, voisines des etablissements europeens et souvent en guerre avec eux. Ces variet^s de tribus aborigenes sont particulierement dignes d'etre ^tudiees. On a pu aisement les observer a une 6poque ou les anciens et les nouveaux habitants de I'Amerique dtaient frequemment aux prises, et oii les oppositions de mceurs pouvaient etre mieux remar- qu^es; mais les destinecs, les situations, les popula- tions meme ont cliange depuis, Bientot il faudra pour rencontrer des tribus indiennes, penetrer au loin ( 282 ) dans les conlr6es d'Occident, et nous rie retrouveroiis plus que dans les r^cits des historiens ces types origi- naux des anciennes families indicnnes, qui furent au- trefois dispersces sur tout Icsol americain qui vecuront dans scs forets et ses prairies, sur les rives de ses fleuves, de ses lacs, ou sur cellcs dc I'Occ^an , et que la civilisation semble avoir bannies et rejet^es de tous les lieux qu'elle a conquis. Rendons grace a M. Warden de nous avoir conserve des souvenirs si nombreux et si divers, dont les sujcts sent dignes d'interet et d'attention , et dont Ic temps a deja detruit uno partie. L'liistoire de la Pensjlvanie s'ouvre par un tableau touchant des rapports paisibles qui s'etablirent entre Guillaume Penn et los Indiens, Jorsqu'il vint aclieter d'eux le territoire ou il fonda sa colonie, et lorsqu'il menta d'etre aim6 et respecte par eux comme un p6re. La premiere constitution du pays fut son oii- vrage ; son autorite el son titre de proprletaire la firent longtemps maintenir : ses lois adoucirent Tesclavage des noirs qu'on introduisit en Pcnsylvanie ; les moeurs austeres des quakers ou dc la societ(^ des amis influx- rent sur la douceur du gouvernement : il rccut une forme populaire ; il la conserva au milieu des giierres oil il fut successivement entralne contre les Indiens, les colonies francaises, rAngletcrre; et lorsque les Etats-lnis eurent proclame ieur ind<^pcndance, la premiere assembl^e de leurs repr(^sentants vint se for- mer a Pliiladelphie. La colonie du Maryland , ou les Anglais ari'iv6rent en 1633 , 6tait d'abord la propriety de George Calvert, dont le frXre vint s'y elablir avoc un cei'tain nombre d'eiiiicrants :1a culture, lo rnmmerce , v attin^'rent ( 283 ) Lientot d'autres Europiens : un gouvernemeiit royal succeda en 1691 a celui des propri^taires ; ct Ton peut icl faiie remarquer qu'un clumgement analogue eut lieu dans d'autres Etats que les proprletaires avaient d'aboi'd goiivern^s. L'autoril6 royale pouvalt paraitre moins populaire ; mais du moins elle assuralt de plus puissants protecteurs a des pays souvent exposes aux incursions des sauvages , ou aux hostilit^s des nations voisines, lorsque la melropole etait en guerre avec elles. Dans la Clironologie historique de la Caroline, M. ^^ arden remonte aux premiers etablissements que les Francais y avaient lorm^s en 1562, mais qui n'eu- rent qu'une tres courte duree. Les Anglais n'y fond^- rent leur colonie qu'un sifecle apres. Elle appartint longlemps a ses proprletaires ; mais la couronne en fit I'acquisition en 1729, ct la partagea en deux pro- vinces, celle du nord, et celle du sud , qui eurent des ce moment deux gouvernements separ^s. Ce pays fut souvent en guerre avec les Creecks et avec les Cliero- kees ; il fut aussi expos^ plusieurs fois aux souleve- ments des esclaves noirs qu'on avait amenes dans la colonie, et qu'on apjjliquait specialement aux travaux des plantations. La colonie de Georgie fut fondec en J 732 par Ogle- thorpe, qui en obtint le gouvernement, et qui, pendant dix ans d' administration , vcilla avec un soin paternel aux interets de cet ^tablissement. II fitplusieurs trait^s d'alliance avec les Creeks , les Natchez , les Cherokees, commanda avec succ^s une expedition contre la Flo- ride , fonda plusieurs villes , y protegea le commerce, et agrandit la prosp^rite de la colonie. M. ^\ arden a cru pouvnir eomprendre dans cette (. 284 ) partie de sa cVironologie historique, un precis de dilTe - rents traites j)ar lesquels les Creeks et les Cli^rokees ont cede aiix Etats-l nis les vastcs tcrritoires qu'ils oc- cupalent, pour aller s'etablir dans d'aulres regions , sltuees a I'ouest des Etats du Missouri et de I'Arkan- sas; et il decrit, a cette occasion , une partie des usa- ges de ces nations indiennes, et desClierokees surtout, qui avaient fait de grands progr6s on agriculture , et qui dtaient assez avances dans I'ordre social pour a\oir un systeme d'^criture , et mOme une forme de gouvernement analogue a celui de quelques Etats r^- presentatifs. L'ouvragc de M. Wai'den se termine par un 6tat de la population des Etats-Lnis, qui, d'apr^s les dorniers d^nonibremcnts ordonnes par le congr^s, s'cilevalt en 18/iO au nombre de 17,068,666 habitants. De nou- veaux progres sont rd!serv(^s a cette population : il lui rcste a defricher d'immenses territoires , et les re- gions fertiles et les gouvernements moderns ont tou- joui's appel6 et accueilli de nouveaux habitants. Nous desirous vivementque M. Warden puisse con- tinuer et completer son travail , et que les encourage- ments donnes a cette entreprise par le marquis de Fortia soient imites par ses hcritiers. II avait attach^ son nom a la publication d'un bcl ouvrage : sa famille le regardcra sans doute comme un monument qu'il ne faut pas laisser imparfait. ( 285 ) ExTRAiT (rune lettre deW. Bertiielot, secretaire general de la Coniniission cenlrale , a M. Roux de Rochellf. , president de cette Co/iirnission. Cadix 29 octnlire 1 844- MON CHER ET estimable COLLOGUE , Depuis que je parcours I'Espagne meridionale , j'ai eu plusieurs fois I'intention de vous ecrire pour me rappeler a votrebon souvenir, maisj'ai toujoursajourne au lendemain ma resolution de la veille. C'est ce qui arrive asscz souvent en voyage, surtout lorsqn'on s'ar- rete dans chaque endroit et lorsque les excursions se succ^dent sans relache ; de nouveaux objets, d'autres motifs d'observations viennent a chaque instant vous distraire pour vous preoccuper d'autres pensi^es. J'ai ]>ass^ la fin du mois d'aout et les premiers jours du mois de septembre sur les cotes de la Catalogne ; un s^jour de neuf jours a Barcelonne et dans les environs m'a mis a meme d'observer en detail I'industrie cata- lane en mati^re de peclie. Les Catalans sont de hardis peclieurs , et I'Espagne possede sur ce littoral tous les elements d'une excellente marine , mais pour cela elle a besoin de s'organiser. A Barcelonne, le liasard m'a procure quelques vieux livres: lis sont relatifs a I'liistoirede I'Amerlque. Une autre acquisition bien plus precieuse est celle du grand Dictlonnalre des arts de peclie , avec des plan- ches et des notes , contenant les statuts des anciennes corporations des gens de mer, en 5 volumes in-f". M. de Navarotte, que nous venons de perdre . avail ( 286 ) appris , pen de jours avant sa mort , mon arriv6e a Barcolonne. C'est a sarecoinniandation quolo ministre do la marine m'a fait reuiettro iin cxeniplaire complct du bcl ouvrage dont je viens de vous parlor. J'ai rcru aussi du Depot h^drographique de Madrid Ics oxcel- lentes cartes de la cote, depuis le cap de Creus jusqu'a celui de Saint-Vincent. Ces cartes sont en six grandes feuilles; cllcs sont dress6es sur celles de Tofino ; mais on y a ajoute de nouveaux ronscigneinents, beaucoup de details ct quelques rectifications. Lcs sondages et les points de reconnaissance vus en mer, les aspects des cotes les rendent tres pri^cieiiscs aux navigateurs. J'ai ete a nicnie d'appr(!!cier lour exactitude ; elles ni'ont servi a visiter plusieurs points du littoral que j'aurais negliges si je ne les avals pas cues sous les \oux. Rion de plus interessant que cette navigation cote a cote a bord des pyroscaplies. Trois compagnics de ba- teaux a vapeur scrvcnt la llgne de Marseille a Cadix. J'ai pris et repris tour a tour ces dilTerents navires , /e Gaditanu d'abord , excellent marcbeur, qui m'a con- duit a Barcelonne; car , partis de Marseille a 7 lieures du matin , 8 lieures nous suffirent pour traverser le golfe duLion; au jour nalssant, la cole de Catalogne, si accident^e, si piltorosque , se devcloppait devant nous ; nous naviguions souvent presque a toucher la terre , et vers 10 heures du matin , nous mouillions sous le mont Jouy. Je vous parlerai a Paris des ar- chives d'Aragon que jo n'ai pas manque d'aller visi- tor. C'est bien I'otablissement le plus curicux que je connalsse, et quel ordre , quelle excellente classifica- tion ! Le savant D" Prospcro de Bofarull est un bomme vraiment etonnant; son erudition est vaste et pro- fonde ; il salt toules ses arcbives par cceur. J'ai vu la ( 287 ) des manuscrits du lomps de Charlemagne de la plus belle conservation. De Barcelonne je merendis a Valence sur le Pheui- c/ert, un de nos meilleurs pyroscaphes du coinmerce. Valence est une ville fort curieuse a visiter. Nous de- barquames au port de Grao et suiviraes pendant une demi-lieue un cliemin ombrage de grands arbres (chose rare en Espagne) qui conduisait a la ville , a la ville du Cid , comme Font appel(^e certains historiens. Ce fut aussi a I'hotel du Cid que j'allai loger; il est juste de fairehonneur au Cid Campeador, le heros de notre Corneille. J'ai vulaLonja de Valence , cette su- perbesalle a colonnes torses qui n'apas de pareille dans le nionde entier. La voute est cfuelque chose d'admira- ble. La i oiija de Valence sert de niarche public : c'est celuidela soie, un des plus riches produits de la cam- pagne de Valence. En face de Ja Lonja s'eleve une 6ghse njagnifiqvie qui renfeime plusieurs chefs-d'oeuvre , etsurtoutles belles fresques de Palomino; le Christ au torabeau, de Piibalta. Je ne vous dis rien maintenant des admirables peintures des peintres valcncicns ; I'ecole de Valence a produit de grands maitres. II est malheureux que M. Ic baron de Taylor ne se soit pas procure des tableaux de cette ecole. Nous aurons le temps, a Paris, de causer la-dessus. Je vous parlcrai des adntiirables ojuvres de Jean Juanes, d'Espinosa, du Padre Borras, de Piibalta surtout, si plein de verve, de Ribalta, qui joignit a la puret6 du dessin tout le pres- tige de la couleur. La maison de I'ayuntamiento, a Va- lence, est un edifice remarquable qui date de 1300 ; on y conserve I'epce du conquerant , le roi don Javmcs : c'est une forte lame. La cathedrale de Valence est digue (!<■ son i-enom ; mais c'est surtout la lluerta qui in'a ( 288 ) intdressd, la Huorta , cette belle campagne qui fait des environs de \ alence un jardin delicleux. Les Arabcs (^talent nos maitres en liortlculture ; Icur systeme d'ir- rigation est admirable et vaut la peine d'etre etudi6. I ne expedition a Beniniamet m'a et6 tr^s utile pour examiner la lluerta dans son ensemble et dans scs de- tails. J'ai assist^ a une stance du tribunal de I'Asiquia, singulier tribunal I II est compose detroisjuges choisis parmiles campagnards les plus importants. Les yMCce'.s^/e /'ngtia, lesjuges de I'eau, siegent tousles jeudis sous le portail de la calliedrale et jugent tous les diff(5rends en matiere d'irrigation. Les debats sont publics, en plein air; les jugcmcnts sans appcl , toujours justcs. Cette inslitulion patriarcale , qui s'est perpetuce dcpuls les Aralies jusqu'a nos jours , est des plus respectees. J'ai encore devant les yeux les trois venirables vieillards qui composaient le tribunal. Quelles belles tetes I quel regard p6n6trant ! J'ai bien legrette de n'etrc pas peintre, Mon excursion a Benimamet fut suivie d'une autre a I'Albufera, ce vaste marecage situe dans les en- virons de V alence , et dont les fertiles bords ont favo- rise la creation des rizieres qui font la principale ri- chesse du terroir. Les mar^cages d'Albufera forment vers la mer un grand etang , qu'on ra'avait design^ comme tr6s poissonneux ; il n'en est rien. Ces eaux, douces etbourbouses, contienncnt quclques belles an- guilles, avoc un poisson blanc qui fr^quente la grande lagune et penetre dans les canaux d'irrigation; mais cette esp^ce n'cst pas tr^s estimee. La cbasse d'Albu- fera est bien plus productive que la peclie. En liiver, pendant les temps orageux, il arrive souvontquela mer francbit la languc de tcrre qui borde le littoral et s^- pare I'etang. Alors , le degr^ de temperature qu'ac- ( 289 ) quierent les eaux des lagunes suffit pour donner la mort aux poissons qui les habitent. Le plus grand n om- bre va cliercher un refuge dans les canaux, et les gens des rivi'>res profitent de cette circonstance pour s'en emparei'. Mais cette peche ne constitue pas une bien grande Industrie. Dans le grand t^tang de Marmenor, situe pres ducap de Palos, a peu de distance de Car- thagene , la peche est bien plus iinportante et se fait d'une maniere r^guliere. C'est le systeme des Pheni- ciens qui s'est perpetue jusqu'a nos jours; c'est le la- bjrintbe de Ca-ete figure en roseaux; c'est la pocbe qui termine I'ingenieux dedale; c'est le Minotaure qui en- gloutit tout ce qui a eu I'imprudence de penetrer dans ses canaux. J'avais etudie ce systeme de peche dansnos etangs sales du Bas-Languedoc et de la Provence; tou- tefois Marmenor ma paru digne d'etre examine. A Marmenor, c'est la mer qui communique avec les eaux de I'etang ; a I'Albufera , c'est tout le contraii-e : les eaux de I'etang se dechargent dans la mer. Cette diffe- rence change tout-a-fait les conditions d'existence des poissons qui frequentent ces deux parages. Dans les la- gunes de Valence , les poissons d'eau douce perissent aussitot qu'ils sont en contact avec los eaux'salees ; dans le vaste etang de Marmenor, le polsson de la mer p^netre dans ce bassin aux eaux tranquilles et sauma- tres. II s'y plait, s'y nourrit abondammeni; il y depose son frai ; il y puUule. On peche souvent a Marmenor, dans la bonne saison, jusqu'a 100 quintaux de poisson par jour. Ce produit frais est vendu pour la consom- mation des populations maritimes ou des villes et villa- ges les plus rapproches de ce littoral , ou bien on le sale pour I'exp^dier dans I'int^rieur. Mais en voila as- sez sur Marmenor. Je revieiis a Valence , pour vous II. OCTOBRE ET NOVEMBRE. 6. 10 ( 290 ) dire un mot de sa population, dont le t)pe dominant in'a frapp^ d^s mon arrivj^e dans ce pays. Ce type de physionomie est celui des Berbers de race blonde, qu'un historien dont il est facile de couibalti'e I'opi- nion fait descendre des anciens Vandales. Dans la par- tie maritime du royaumede Valence, chezla moitie de la population au moins, la physionomie presonte un de ccscaractcres propres, spccifiqucs et dominants qui constituent le t}po national : \isagoplut6trcnd qu'ovale, front etroit, teint blanc, plus ou moins hale et marque de rousseurs, l^vres un peu ^paisses, barbe rare , yeux bleuatres , che\cux rouges , un peu crepus , taille moyenne, corps grele, sec et ncrvonx. Au premier as- pect, on croirait voir des gens de certaines tribus ka- byles de I'Algerie, ou bien de cette partie du Maroc oc- cidental, qui pouss6rent leurs migrations jusqu'aux iles Fortunees, et dont les descendants conscrvent encore de nos joui'sleur caractire originaire. Ce qu'il y a de curieux, c'est que le costume des \ alenciens a aussi beaucoup plus de rapport avec celui des Berbers du Maroc qu'avec celui des Andalous , qui out on partie imite le leur desArabes; car la veste andalouse , si bi- zarre dans ses ornements, est tout-a-fait dans le goiit oriental. A Valence , au contraire , c'est simplement la chemise berb^re serree aii poignet , frangee ou brodee sur la poitrine, puis le large cale^on de toile, la pi^ce de laine blanche ou bariol^e de couleurs jetee sur I'epaule, et dont on se drape au besoin , les jambes nues, la tete dcmeme, ou sculement coifTee d'un mou_ choir. Ces gens-la, soit qu'on les rencontre a pied, ar- mes d'un long baton, soit qu'on les voie passer montes sur leur 3ne ou sur leur mule , ont toutes les allure berheres. Dans plusieurs villages, j'auraispu me noire ( 291 ) au milieu des populations campagnaides des ties de TencrifTe , de Gom6re ou de Palma : ce sont des Sclielouks bien caracteris^s. 11 y a plus encore : sur vingt noms de lieux, dix au moins sont plntot Lerbers qu'arabes, et me rappc^llent cettc nomenclature topo- grapliique qui s'est conservec aux Canai'ics , et dont I'existence m'a servi commc de point de ropere pour jetcr quelque lumiere sur I'histoire des aborigines de cet interessant archipel. Dans le royaume de Valence, vous retrouvez Alcora, Jlchefe, Alfeche, Arttma, Artax, Aigiies, Aijadai-, Elche, Gaiidia , Tabernes , Tarrnteig , Trahigitern. A c6t6 de ccs nonis de lieux, ^videmment d'origine berb^re, vous remarquez Mnsannsa, Masania- grell, Masalaves, Mrisa/a/, qui rappcllent les noms pu- niques de Massinissa , de Mds.siisa et autres. II en est aussi qu'on peut considerer commc des noms arabes berbiJirises; il me sullira de citer Beneguida , Beneja- zet, Benctuzer, Bcniarjo (nom d'un prince canarien), Benifayo , Benibumeya et Benituga ( autres noms guaucbes). Je ne pretends pas que lo type arabe, et meme arabe pur sang, ne se I'etrouve dans le royaume de Valence; mais je tiens a demontrer que le type ber- ber y domine, et que Ics populations qui I'ont conserve habitent en masse les lieux que je viens de designer. C'est une question interessante d'origine et qui de- mande a etre approfondie. A Paris, j'aurai tout le loisir de le faire avec I'aidc des ancicnnes cbroniques de la conquete ; mais je n'ai pas voulu passer outre sans vous en dire un mot maintenant. J'ai assiste a une seance de la Socicic ecnuomique des Amis f- ///^ /r)///7/r£'.- c'est ainsi qu'il appelait une excursion de 400 iioues a travers la Hollande , la Beigique et la France, sans y comprendre sa lorigue caravane au- tourdelaP^ninsule hiberique. II s'etait rendu d'ltrecht ■A Bordeaux en < lieniin de fer el fii diligence,- il etail \fim ;'t Marseille par le canal flu Midi et l( s Boiielies- ( 293 ) tlij-Rhone, el il en etait lepartipour (joutliiuersa loui- nie en bateau a vapeur. J'ai vu et revu plusieurs fois ce brave bomine le long de ma route. Je le croyais deja loin, lorsque je le reti'ouvaia Malaga, revenant de Gre- nade, ou les merveilles de I'Alliambra I'avaient d^dom- mage de tous les desagrements de la route. Ses deux compagnes paraissaient moins satlsfaites ; les alFreux chemins de la Sierra-Nevada les avaientdesenchantees. A Gibraltar, a Cadix , nouvelles rencontres; a Seville, je le revis de nouveau, et cette fois , ce tut au sommet de la Giralda. Ces jours derniers encore , en poussant une course vers I'ile de Leon, j'ai retrouve mon voya- geur et sa famille dans un omnibus qui le ramenait de Chiclana. J'ai su plus tard qu'il s'etait cmbarque sur le paquebot de Lisbonne, pour se rendre aLondres, en touchant a Oporto et a Vigo. Des cotes d'Angleterre, il passera au Havre, en traversant la Manche; puis un autre pyroscaphe le ramenera en Hollando. II y a quinze ans, ce brave liomme, sa femme et sa fille auraient mis six mois pour lalre un pared ti'ajet. Vive la vapeur ! Pour moi , je vais plus lentement; a voyager conime une valise, 11 vaut niieux rester choz soi. J'ai vu Ali- cante; j'ai visite Cartbagene et son arsenal abandonne. Quelques barques de p6cbe, une felouque garde-cote, que mystifient les contrebandiers , voila tout ce qui reste de la grande marine de Cbarles 111. J'ai vu sous la pointe d'Europe une goelette de guerre, portant pa- vilion national, impitoyablement coulee par le canon de Gibraltar. Quelques jours apr^s, le journal de Cadix annonqait cet attentat, sans commentaire, comnie une simple reclame; mais il donnait a la suite un article liistorique, comme une fiche de consolation : c'etait une pompeuse description du fameux combat de L<^- panle, et I'orgueil espagnol paraissait satisfait. ( 294 ) Je reprends mon itineraire; ce fut le 16 septenibre- que je quittai Carthag^ne : notre pyroscaphe continua sa route en rangeant de fort pr6s le cap Thosa ct la plage d'Almazarron. Vers le soir, nous entrions dans la petite bale des Aigles. L'exploitation des mines de plouib argentifere a fait de celtc cote un point tres important. II y a quelques annees que le mouillage des Aigles 6tait a peine indiqu(^ sur la carte ; aujour- d'liui une petite ville s'eleve au pied des rochers. On y a construit deja de grands edifices, d'immenses ma- gasins, des fabriques, des usines. Ce fut au coucher du soleil que nous y arrivames : les montagnes des en- virons se coloraient de ces teintes chaudes qu'on ne voit que dans le Midi ; de toutcs ])arts dans cette baie ou nous vcnions de mouiller , les rocbers aOectaient des formes bizarres qui scmblaient cbanger d'aspect a mesure que le crepuscule se pcrdait dans I'obscuritd de lanuit. Alors la montagne, en projetant ses grandes ombres, nous apparut gigantesque , imposante. La mer^tait Iranquille , le silence regnait autour de nous; les feux qui eclairaient la cote , ks grandes lueurs qui s'ecliappaient des fourneauxou Ton grillaitlc minerai , la bcaule du ciel, la puret6 de Fair, la pliospbores- cence des eaux, tout cela formait un tableau que le pinceau ne saurait rcproduire , mais qui a laisse dans mon esprit un de ces souvenirs qu'on n'oublle pas. Nous quittames le mouillage des Aigles vers dix heures du soir, par un temps superbe; le plus beau clair de lune favorisait notre navigation. A cinq lieures du matin nous doublions le capde Gate, sireinarquable par sa roche blancbe , qui termine sa base ; et bientot apr^s , la plage de sable qui forme la partie orientale du golfe d'Alm^ric s<> deroula a nos yeux. A sept ( 295 ) - ^ heures du matin, nous 6tions a I'ancre devant la ville, pr^s la pointe de Torrejon. Alm^i'ie a tout I'aspect d'une ville niauresque; ses fortifications sent Iceuvre des Arabcs; le cliateau qui termine la ville conserve encore le nom d'El Casaba. En debarquant je courus au marche : c'est le premier endroit que je visite en arrivant dans un pavs que je ne connais pas. Piien de plus a propos qu'un marche pour juger d'un coup d'ceil de la population sous le rapport des differentes classes dont elle se compose. Rien de plus pittoresque surtout que cette r(^union de villageois qui cbaque jour vien- nent porter a la ville les produits des champs : c'est le veritable rus in iirbr. Hommes et femmes, vous les voyez la comme a la campagne , avec Icur costume , leur langcige , leurs manieres, avec toutes leurs al- lures en un mot. Le marche vous fait connaitre la ri- chesse du ten^oir ; il vous initie dans une foule de de- tails statistiques qui tiennent aux besoins de la vie , aux usages, aux habitudes du pays, a reconomie do- mestique en general. Yous rencontrez la loutes sortes de gens; vous remarquez les physionomlos les plus expressives, les figures les plus animees ; vous en- tcndez souvent les paroles les plus etranges ; et au mi- lieu de cette confusion, parmi tout ce monde qui s'agite, qui plaisante , qui dispute , qui s'emporte parfois , au milieu, dis-je, de tout ce bruit de mille eclats de voix quis'echappentde la cohue, I'observateur passe ignored comme un bon bourgeois de la ville, flaneur par etat , s'arretant devant chaque groupe , ^coutant les debats et faisant son profit de tout. Le marchd d'Almerie etait abondamment fourni; la mer et la terre lui avaient apport6 leur tribut ; j'y comptai une vinglaiue d'es- peces d'excellents poissons, tous au sortir del'eau, ( 29(5 ) c'est-a-dire pleins tie \ic' et cle IVaicheur; Ics fruits ^taient aussi trcis varies, cles melons delicieux, des pasteqiies d'une grosseur monstriieusc , d'exceJlcntcs oranges, de supcrbes grenades , des raisins plus su- cres que le miel , niais il y ava.t encore des figues IVai- chcs , des pomrncs rainettes , des palates douccs et des banancs en pleine maturitt^ ; je ne dis rien des herbages, ce serait une nomenclature a n'en plusfmir. Malgre la saison avanc6e , la terre sous ce beau climat se montrait encore prodigue de ses biens; et meme , dans le mois d'octobre , les marches de Cadix et de Seville, que j'ai visiles ensuite , n'dtaient pas moins bien pourvus. Je m'y rendais ordinaircment de grand matin. Ces sortes de promenades ont toujours eu pour moi beaucoup d'attrait. Le beau teiups favorisait mes observations ; les matinees 6laient delicieuses et me rappelaient les plus beaux jours du printemps. Nous quittames Alm^rie a cinqheures. J'avais eu le temps de voir le marcb6 , de parcourir les anciennes fortifications , de voir des jardins, des plantations, de visiter la cathedrale et d 'admirer les beaux marbres qui la d^corent. Ln vieux pecheur cbez lequel je m'6- tais arrete en d^barquant, m'avait donn6 quelques renscignements que je devais completer a Malaga. Je partais done satisfait de cette rclache, mais fort peu du batiment que j'avais choisi pour me transporter. Le nombre des passagers avait it^ en progression croissante depuis notre depart de Valence , et nous etions alorsl53 a bord du Baleatc. Dieu, quelle cohue! Marcliands , brocanteurs et touristes, olliciers , sol- dats , matelots , gens d'^p^e et gens d'^glise , employes et contrebandiers , grandesse et valetaillc, femmes de toutes les conditions , c'etail un brouhaha indelinis- ( -297 ) sable, line veritable tour de Babel. Je n'^ai vu de ma vie une pareille confusion do langues , un assemblage plus bizarre de costumes et de maniercs. Les cliam- bres ne pouvaient guere contcnir qa'une cinquantalue de passagers ; tout le reste etait etendu sur le pout , couclie pele-mele , homnies et femmes. C'etait fort plaisant a voir; heureusement le temps nous servait a merveille. Le soir, cbaque oiseau fit son nid , et cc fut alors un redoubknient de plaisanteries que rendait plus piquantes la verve joyeuse des Andalouses ; puis des oris , des eclats de rire , et au milieu de tout ce tapage , le cbant des ballades populaires et le son dis- cordant des mechantes guitares de quelques amateurs. Mais I'beure avancee de la nuitfit cesser ce bacchanal, et enfin cliacun s'endormit ou lit semblant. A une heure du matin, nous doublions le capSacratlf, et au point du jour nousmouillions dans le port de Malaga. On commence deja a jouir dans cctte ville de tout ce que la belle Andalousie renferme de gracieux et d'at- trayant. Le ciel , le climat , los fruits , les fleurs , les femmes, tout vous seduit , tout vous ravit. Si les rues de Malaga etaient mieux pavees , plus propres , moins etroites, plusregulieres, Malaga serait un petit Cadix; mais les maisons sont en general beaucoup plus pe- tites, moins eclatantes de blanclieur , moins ilL^gantes al'intirieur ; toutefois il y a deja dans la construction comme dans I'ornement de ces edifices d'un effct si pittoresque , quelque chose de ce gout que je serais tente d'appeler andalomanic. Que de coquetterie dans I'arrangement de ces balcons qui s'avancent comme des boudoirs sur la rue ! C'est la que les belles Mala- guenas passent leur vie nonchalante et jettent un (cil curieux sur les jiassants. Malaga, comme Babylonc. a ( 298 ) aussi ses jardins suspendus oil Ton cultive de jolis ar- bustes et de sujjerljes lleurs. Les gracieuses miinoses , les jasmins odorants, les Grangers de la Ctiine y tita- lent tout leur luxe, y repandenl tout leur parfum; de toutes parts ce ne sont ([ue festons et guirlandes de verdure qui montent , descendent , retomUentet ser- pentent des balcons aux terrasses et des terrasses aux balcons. Chaque fenetre a son petit jardin, ses ar- bustes qui Toinbragent, ses (leurs qui rembaument, son vert grillage qui la protege et la defend. L'lnt6- rieur de ces charmantes habitations a aussi son genre de luxe; les appartements sont peints a fresque et le dessin est d'assez bon goilt; pourtant tout cela n'est rien aupr6s de Cadix. L'otranger admire sans doute en entrant a Malaga toutes ses rues verdoyantes et fleurios ; mals a Cadix , a Cadix la ville des beaux bal- cons , il est dansle ravissement, dans Tenthousiasme. La les maisons sont grandes, spacieuses, presque monumentales; on dirait , a voir ces edifices si frais , si luxurianls de blancheur et de peinlure , qu'on les a decorespour un jour de fete. Peut-on rien imaginer de plus piltoresque , de plus agreable et de plus harmo- nieux que cclte \ariele de belles et elegantes maisons ? Oil trouver un plus admirable point de vue que celui qu'on d^couvre de la promenade de mer ? Mais je me souviens que j'en <^tais a Malaga, et me volla deja loin du delroit. Au lait , puisque les reminiscences m'ont emporti plus loin , je profite de I'occasion pour abreger mon r^cit ; je n'aurais eu du reste rien de bien inte- ressant a vous dire , il m'eut fallu vous parler peclie et poisson. Sachcz seulemcnt que je passai neuf jours fort agrcablcs a Malaga. J'en partis le 26 septembre a bord du Boynl-Georges , le plus beau pyroscaphe de la ( 199 ) M^diterran^e. Sa chanibre est doiee comme une cha- pelle ; Ics sculptuies de la boiserie sont dans le goiit de ]a renaissance : c'est tin luxe eblouissant ; inais on nieurt de falm au milieu de toutes ccs dorures, qui ne sont que vanitc, ostentation. La nourriture des passagcrs est comprise dans les frais de passage , qui sont exorbitants. Eh bien , cette faveur n'est qn'une mystification , un desappointement des jilus britanni- ques. Le BoynZ-Geuf^ex , comme les autres bateaux a vajieur qui servent la ligne de Marseille a Cadix , ne voyage que la nuit , et la nuit on ne mange pas. Au point du jour on se reveille ailame , mais rien ne pa- rait sur la table ; la tcrre est la pour vous restaurer. II faut done falre vos preparatifs de debarquement a jeun; vous quittez les enfants d'Albion pour tomber dans les mains de I'inexorable douane , et le soleil est deja a moitie de sa course quand vous arrivez a Iho- tel. Ileureusement que le Royiil-Georgen etait un excel- lent marclieur ; en six heures nous ai'rivames a Gi- braltar , oil je passai deux jours. Nous francbimes ensuite le detroit avec la meme rapidite , et quelques heures nous sufiirent pour atteindre Cadix. Lne partie de I'escadre du prince de Joinville 6tait encore sur rade , le pavilion national flottait au haut des mats , et j'arrivai a Cadix en saluant la I'rance; car, comme I'a si bien dit un de nos oraleurs , Ic dropeau ^ c'est la patrie. Je laissai mes 7\nglais pour aller prendre langue a bord d'un de nos navires ; les olliciers me re^urent a bras ouvcits. J'en avais connu plusieurs a Toulon, a Paris, en Afrlque ou ailleurs, car dcpuis trente ans nos marins sont partout. Vous devez comprendre qu'il fut question de Mogador, de nos succes , qu'on me parla beaucoup du prince qui a conduit si liabilcment ( 300 ) loute cette alTairc : mais ce que je iie saurais vous d6- crire, c'est rcnthouslasme qu'il inspire , c'est la haute ostinie qu'il a su acqu^rir. Le prince de Joinville est devonu I'ame de noire marine. Je prolongeai raon sejour a Cadlx pendant Irois se- niaines alin de visiter tous les environs de la baie ; j'avais des renseignements importants a prendre le long de cette cole, et la baie de Cadix etait pour moi un excellent poste d'observation pour m'«^clairer sur un des phenoinenes iclithyologiques les moins etii- di^s; je vciix parlcM- des migrations de ces poissons voyageurs que I'Ocean envoie dans la Mtkliterranee. Chaque annee , des bandes innonibrables de tbons , d'espadons, de boniles , des masses de maquereaux , de sardines el d'anchois \iennent alinienler nos pe- cheries du littoral. C'est vers le printemps que com- mencent ces passages periodiques, sur lesquels j'ai pu me procurer de nouvelles donnees, en m'dclairant de I'exp^rience et de la pratique des gens du metier. J'ai pris a Get egard des renseignements curieux quo j'es- pere publior bienlot. \ ous ne sauriez croii'c tout ce qu'il a fallu d'observation aux habiles pecheurs de ces parages pourconnaitrc les epoques de cesmvslerieuses migrations, varier avec une rare intelligence les arti- fices qui doivent les rendre maitres do leur proie , et modifier leur systeme de peche suivant la nature du fond , la profondeur, les instincts des especes qui les frequentent et les circonslances qui peuvenl les fa- voriser ou leur nuire. 11 est des pecheurs le long de cette cole quinecraignent pas de braver les plus ru;les bourrasqucs. Les Catalans viennenl de Barcelone , de Mataro , stationner un certain temps de I'ann^e a Ma- laga , a Algesiras , a Cadix. pour ^c livrerala p^chf? ( 301 ) ,uix ernbouchuros du detroit. Je les ai \us partir du port par un temps des plus orageux, et manceuvrer leurs voiles latines avec uiie ^lonnante adresse : j'ai suivi leurs barques legeres jusqu'au bout de I'horizon , et lorsque je n'apercevais plus que leurs blanches an- teiines , on les eiit pris pour des oiseaux de mer se jouant au milieu des flots. Les pecheurs d'A\ amonte ne sontpas moins intrepidcs: des embouchures delaGua- diana ils se dirigeat sur la cote d'AlVique. C'est surles atterrages du cap Spartel qu'ils vontpecher la curbina et le mero ; ils descendent ensuite jusque devant La- rache pour faire la peche des gades et des alozes. \oulant mettre a profit mon sejour a Cadix, j'ai pouss6 mon excursion jusqu'a Seville en remontant le Guadalquivir. Ce fut encore un voyage agreable a bord d'un bateau a vapeur. Deux jobs steamers, le Trajan. (t le Rcijjide , servent cette ligne. Deux ou trois bcures suffisent pour atteindreles embouchures du fleuve. On s'arrete quelques instants a San Lucar de Rarameda pour prendre des passagers, puis on continue sa route en longeant la rive, et ce n'est plus alors qu'une navi- gation paisible et des plus interessantes. Le Guadal- quivir serpente a travers des terres basses, souvent inondees ; a chaque dtHour ce sont de nouveaux points de vue, des offets de mirage conime en Egypte , des hrins d'herbe, des touffes de roseaux que les vapeurs fie Fatmosphere , combinces avec la reverberation d'un soleil eclatant, font apparaitre corinne des tours, des villages, des forets. Quclquefois ce phenomene aux magiques effets prend des apparences grandioses ; souvent meme la simple realite^ devient merveilleuse , fantastiquc. Ces illusions d'opli:jue ont lieu lorsque phisieiH's bandes de terre se trouvent interposees entre ( 302 ) (iiff^rents detours du fleuve. Alors , a la vuc de ccs troupeaux de cavales qui paissent sur I'autre rive , a I'aspect dcs grandes barques qui remontent ou rcdes- cendcnt le courant, des navircs a la voile qu'on aper- ^oit a travers la plaine , dc ces cliarrues qui soniblent sillonncr Ics caux , a la vuo , dis-je, de cette succes- sion alternative d'objets disparates, I'imagination se perd et s'egare , car Ton a peine a s'expliquer cc qu'on voit. Les bords du Guadalquivir etaient bien falls pour se- duire les iVrabcs. Le taurcau , le clieval, I'ardcnte et fougueuse cavale , se plaisent dans ces vastes solitudes qui rappellent le d6serl. Mais en se rapprochant de Se\illo, le paysage change d'aspect ; I'orgueilleuse Gi- ralda, cette tour mauresque si triginale, si bardie , se dresse a I'horizon ; on decouvre deja une masse de clocbers, de domes, de terrasses dont les I'ormes bi- zarres se ddcoupent sur I'azur du ciel. Des plantations regulieros d'orangers , de citronniers , de grenadiers , s'etendent sur les deux rives. Ces delicieux jardins, ar- roses par des fior-ga.s, sont isoles au milieu d'une cam- pagne sans arbres; lour contraste a quelque cbose de singulier. L'air est iinpr(^gne d'une odeur suave, pe- n^lrante, qui cnivre les sens, cl Ton aborde enfin a Seville dans la meilleure disposition d'esprit qu'on puisse ddsircr en voyage. En entrant dans la vllle i'aper^us I'Alcazar , ce palais des rois maures qu'ba- l)lta Pierre-le-Cruel. Je le visitai le lendemain , et j'ad- mirai tout ce que ce beau monument de rarcliltecture arabo renfcrme de souvenirs bisloriques et de nier- veilles de I'art. De I'Alcazar je passai a la cathedrale, monument d'une autre (^poque , mais non moins digne d'admiratlon. Les tableaux qui d^corent les dif- ( 30S ) ierentes chapelles sonl autant de chel's-d'ijeuvio de Miirilio, dlicrrora , dAlonzo Cano. On croit aux mi- racles devant le Saint Antoine de Padoue. A propos de tableaux et de peintures, il faut que je vous raconte le plus singulier episode demon vo\age; c'est une anecdote fort curieuse qui doit int^resscr plu- sieurs de nos collegucs, et plus particulierement en- core M. Jomard. 11 s'agit de Christophe Coloml), Vous vous rappellercz, pcut-etre que nous disculames dans une de nos stances sur Fauthenticilt^ dos dilTerents portraits du celebre navigateur. Ce fut, je crois , a I'occasion d'un tableau representant Tillustre amiral de la mer Oceane , que M. Jomard avait trouve en Italie et quivenait augmenter les nombrcuses variantes (\uc nous possedions deja. M. Jomard, desirant s'e- rlairer (!ans Its rechercbes qu'il avait entreprises sur ce sujct , m'avait pri6 d'ecrire a un de mes amis de Seville , pour avoir une copie fiddle d'un portrait de Colomb , preteadu autbentique , et qui, disait-on , ^tait conserve dans le Rlusee Colomblen. 11 n'existe pas de mus6e de ce nom a Seville; mais le portrait en question decore une des salles dumagnifique palaisdes arrbives des Indes. Or, comme mon ami ne m'avait pas repondu , j'ai profile de mon excursion dans la capitale de I'Andalousie pour voir par mes yeux et pour prendre les renseignements les plus precis sur I'authenticite de cette peinture. Eb bien , la question reste encore pendante , et nous ne sommes pas plus avances. Le portrait que j'ai vu aux arcbives est bien celui qui apparlient a la famillc des dues de ^ eragua, descendants naturels de I'illustre Genois;mais je sou- tiens que c'est un portrait apocryphe , et la preuve , la vfHci : d'abord cette peinture, d'assez mauvais goOt, ( 304 J lie paralt pas remonter au-dcla de deux cents ans, on leconnait le style du Dix-sEPTiiiME sifecLE; il y a plus , le prctendu personnage represente dans ce tableau est autre que Colomb. Si celte toilem'appartenait, Jevous dirals le nom du lieros , car une inscription existe au bas de ce portrait. Cctte inscription est couvcrle par un repeint. Toutefois , j'ai pu sui\re sa trace et decou- vrir meme jusqu'a trois lottres. Mais voici le plus cu- rieux : le guerrier qu'on a reprdsente , je dis guerrier, puisqu'll est en costume de guerre , c'est-a-dire con- vert d'une armure , le guerrier , dis-je , a le bras droit etendu , en signe de comnoandcraenl; plus tard , lors- qu'on a voulu en faire un Christophe Colond) , on a peint sous ce bras une sorte d'<^cusson sur lequel on a inscrit une legende biogi-apbique qui retrace les prin- cipaux faits relatifs al'amiral. Mais voici une preuve plus convaincante : le personnage qui figure dans ce tableau n'a ni les clievcux blonds , ni los ycux bleus, ni le front large, ni le nez aquilin qu'indique le lils de Colomb dans /« vie Je ramiial. Du reste, ce portrait represente un liomnie de quarante a quarante-cinq ans, dune figure assez commune; or, Colomb n'acquit de la ce- l(^brlt<^ en Europe qu'apres son premier voyage dans le INouveau-Mondc, voyage qu'il entreprit, si je ne me trompe, a I'age de cinquante-quatre ans. Avanl cette epoque, il d'tait reste ignor^, et vous savez que les liistoriens se sont donnc beaucoup de peine pour remplir a leur gre toute cette existence mysterieuse (jui dovanca I'epoque ou I'illustre G6nois vint tout-a- coup remplir le inonde de sa gloire et de sa re- nommee. Colomb, tel que nous I'a d^peint son fils, etait d'une baute stature; son visage etait noble et se- vere; son regard <^tait plein de leu; ses cheveux d'un ( 305 ) blond argent^, des rides soucieuses sillonnaient son large front, son telnt etait hale par Ic soleil du Tro- pique et par ses longues navigations. Je n'ai trouv6 auciin de ces signes caracteristiques dans le personnage du portrait. Ainsi riiomme cuirasse n'est pas I'amiral. Vers la fin du xv'' siecle, ua genie s:3 devoila au raonde etonn^; il partit de Textr^mite de I'Europe poui' traverser desmers inconnues et signaler ses routes nouvelles a travers un immense ocean ; il partit et trouva sur son clieinin un continent ignore. Mission- naire, arme de la boussole, il voulut conquerir a la foi des populations idolalres. La cuirasse et I'ep^e n'allaient pas a I'hoinme pieux qui se revetait souvent de riiabit des moines, qui logeait dans les convents, et signait du nom de Christophoie. Savant cosmo- gi'aphe , grand navigateur, philosop'ie profond , reli- gieux jusqu'a I'exaltation, Christophe Ciolomb fut tout cela : pourquoi en faire un guerrier? Ces refl'^ixions, je les iaisais tout haut en presence du portrait que j'avais devant mni, lors de ma premiere visite aux Archives des Indes. L'archiviste m'^joutait, et il parut convaincu. « Nousposs(^dons a Seville, me dit-il alors, » un autre portrait de I'amiral , et celui-la, selon moi, » est plus authentique. II a et6 fait sur des documents )) contemporains. » Je demandai aussitot des explica- tions, et j'appris que ce tableau faisait parlie d'une collection de j>orlraits qui ornaicnt la salle du Ca- bildo eccl<^siastique. Je cours aussitot a la cath«^drale, je m'informe, on me dcsigne la salle de la Biblio- tlieque, jemonte, et un des employes s'empresse de me montrer le tableau. Jugcz de ma surprise ; c'etait celui que j'avais fait faire a Paris, et qui fut expose , il y a six ans, au Louvre, mon Christophe Colomb, enun n. OCTOBRE F.T NOVEMBRE. 7. 20 ( 306 ) rucit, que jo saluai comme une vieille connaissance. \ oici 1 histoire de ce tal)leau : M. Lassalle , un de nos artistes les plus habiles, voulut exposer un portrait historiquo. 11 mc consulta , je lui proposal Cliristophe Colomb. el molTris de lui lournir tous les renseigne- inents necessairos. Je traduisis litteralement le portrait qu'en a fait le His, je ddsignal le costume. iM. Jomard eut la bonte de preter quelques objets precicux qui devaient servir d'accessolres au tableau, une aslrohibe du temps, rapporte d'Espagne, I'atlas de Bcnincasa, que Colomb pouvait a\oir consult6, et une vieille bous- sole. Je dcssinai moi-meme le globe de Martin Behem , que I'artiste plac^a pres de la table devant laquelle Colomb etait assis , meditant sa grande cntreprise et mesurant I'espace entre I'Europe et le Cathay. Ce portrait fit de TelTet au salon. Lassalle avail bien com- pris mon h6ros ; il y avait dans la tete de Christophe Colomb tout ce qn'on pouvait desirer pour la supposer celle d'un homme de genie ; inspiration 6tait peinte dans ce regard cjui penetrait au-dela des mers, la re- solution et I'audace se dessinaient largoment sur ce front meditatif. Le mouvcment, la pose et le sentiment qui animaient cette noble figure etaient en harmonie , la pensde el Taction en parfail rapport. M. Taylor s'en- thousiasma pour le Colomb de Lassalle et le fit acheter par le roi. J elais fier du succes de mon ami, son tableau me tenait a cceur, et ce fut avec regret que je le vis emporler de I'alelier par les agents de la liste civile. Depuis lors je n'en entendis plus parler ; M. Tavlor lui-meme ignorait ce qu'il etait dcvenu , et je ne m'attendais guere a le retrouver a Seville. Ce- pendant c'etait bien lui ; le numero de I'exposition 6tait resl6 attaclie a la toile . la signature de I'artiste ( 307 ) figurait au bas : Ewile Lasscdle 1839. Le bon biblio- thecaire avail prisma surprise pour de radiniration, et me disait d'un air de connaisseur : « Le Cabildo eccl6- siastique est redevable de ce tableau a la munificence de Sa Majest(^ Louis-Philippe. C'est une superbe cojiie d'un portrait conteraporain qui doit exister en France. » Je me detournai pour ne pasrire, et me gardai bien de desabuser mon cicerone; son desappointement Jul eut fail mepriser mon Colomb , et Ton tient a ses ceu- vres. Je Icrmine ma longue leltre par cette anecdote , car je m'apercois qu'en voila assez , peut-etre beaucoup trop. Du reste que pourrais-je vousdire encore sur Se- ville que vous ne sacliiez pas ? Je passai la majeure partie de mon temps aux archives des Indes , pendant mon sejour dans cetle ville , et repris ensuite ma route vers Cadix, en redescendanl le fleuve. Me voila depuis huil jours attendant une occasion pour la France. Toules mes dispositions sonl faites , je suis en appa- reillage , pret a lever I'ancre au premier signal. La belle saison louche a sa fin , la temperature a chang6 depuis mon retour ici ; le soleil se cache le matin el le soir, il fait presque fi'oid. Cos jours passes, la pluie tombait par torrents, le lonnerre a gronde , h; vent a fail furie , la mer elait terrible et Ics navires qui des- cendaienl le Gualdaquivir n'ont pu franchir la barre. Ces reactions atmospheriques sonl tres sensibles dans les climats m^ridionaux. Mais aujourd'hui voila le so- leil qui reparail , les nuages se dissipenl , la mer est caline , et leciel rcdevient d'un bleu d'azur, J'apprends en meme temps que plusieurs de nos batimeiils de guerre ont re^u I'ordre de rentrer en France , et je cours au port. J'oublie Cadix et son beau climat, Se- ( 308 ) ville et ses belles peintures et ses soniptucux monu- ments , je ne vois plus que la France , la patrie! Oh ! si vous saviezle respect, la veneration , rentliouslasme qu'inspire la France partout oil j'ai port<^ mes pas ; il faut entendre tout ce qu'en disent ccs Strangers qui en reviennent et qui regrettent de I'avoir quittee: il faut voir ce qui se passe hors de cette lerre clierie , juger, comparer Ics liommes et les clioses , et alors ie cceur s'cnorgueillitycn est ficr d'appartenir a la nation gen6- reuse qui remplit le monde de son nom et de sa gloire. Suite du rapport sur la noiwelle carte topngraphiqne flex F.tats continentnux (hi Rot de Surdaignc (I) . Resultats compares nvec ceiix de la {riangu/at/on francnise. DEStONATlON DES CdTES. VALEURS DtS C6l ES SEI.'IN I.A TniAKr.CI.ATII)!<. SABnE, B, de B.)rile:uix. Fru>C,MSE, B. (le Mcliin Colombier (Montjsifjnal. — Cret ! de lu Gouiti; Moni) sij^nnl. Sog^a.SS Gent've (Tour sud). — Cret de laGoulle 227i>5.57 Cret de In Goiiite, — La Dole] , (Monl) signal | 355G6. 17 La Dole. — Lau-nnne (Clocher i de la Calhedrale) | 425o2.5o Lausanne. — Mont Tendre (si-l gnal) 26171.70 9"' 3o 4'--"i^ 22704.80 35564.17 42501.26 26169.45 niFFE- RF.NCE. -\- 0.22 -1.37 — 2.00 - f.24 2.25 Azimuths geodesiques et astronomiques. Apr^s avoir donn6 la comparaison entre les resultats des cdt^sdes triangles et ceuxqui proviennentd'autres- (l)V"ii' !<■ >i" ' '" ''ii Rulletiii. fpviiiT iS.'jS. ( 309 ) triangulations, la notice offre la compaiaison des azi- muths de plusieurs sommets trigonometriques avec des resultals provenant des observations astronomi- ques failes sur ces sommets ou qui sent derives des triangulations de la France, de la Suisse et de la Lora- bardie. Cette coraparaison est etablie sur seize stations: nous nous bornerons a en citer huit d'entre elles qui nous paraissenl suffisantes pour montrer dans quelles limites sont renfermues les anomalies que Ton a I'en- contr^es dans les azimuths de divers sommets trigo- nometriques au moyen des operations g^od^siques provenant de Turin. A I Oliservatoire royal de Turin [('eiitre dii cercle vieiidieji). Aziiiiulli ilu centre de la coiipole ile Sn- Difference. peiga oliscrve tliiorleineiil , et compte till .Slid a I'oLiest 260" Sa' Sc;' 25 MM. les aslronoines Plana etCailini ont -j- o"'j5 trouve 260 33 o 00 A I'hospice du Mont-Cenis (^Observatoire provisoire dans le jnrdin). Azimuth geodesique du signal de Belle- combe 70°56' 8" 54 Id. aslrnnoniique mesure par MM. les — 6 1 "34 astronoines. 72 55 7 20 All Mont-Colonibier [Ohscrvaloire contigu au signal). A'Umiilli fjt'odi'sique dii signal duGinnier. 34i" 12' 1 6" 90 Id. astiouoiriique mesure par MM. les — 36"6o asliononies 344 ' • 4*^ -^o A Geneve i^Observatoire nouveau sur le bastion de Saint-Antoine ; centre du cercle in^ridien), AzimutVi {joodesique de la tour nie'ridio- nal.' d" Sauil-Pierre 11 3° I 3' 9" fi4 _ ^„ ^ ^ Id. a»ti<)iujuii(|ne , mesure din clement. ii3 12 52 20 ^ Id- geodesiqiie provenant de la trianyula- tion francaise Il3 12 49 '9 — 30 35 A Geneve (Tour meridionale de Saint-Pierre dite de la Cloche d'argejit). Azimuth geodesiqup du signal de cret de la Gouite 75°47' 42''2fi Id. geode'sique provenant de la triangu- — lO '5; lation francaise 75 47 '2' 89 ( U(t ) A Lausanne {Cloclurde la catliedrale). Difference. Aziiiuilli {;('i)(lesi(|uc (111 Munl-Tenclic. . . i07"59'3o"ii /(/. 1//. |)ri)veti:ml tie li ti ianp,iil,ilioii fVaii- •'"-o *?3'*fi 107 59 22 4' A Molcsson, s'ujnul sur le tenilolie Suisse. Aziir.nlli {Teoilesi(|ue du sifjnal de OI- '!'•"'">'" . 327° 10' 28" I 5 /slf|ue du clocher do Hii,lo. iai°55' 9"6l Id. astroiiomique , dcduit des oliserva- 28"2i tions d'O.iaiii i 2 1 54 4 1 4o Id. geodr'si(jue du cloclier du dome de Pa^'e • . . . . 5 38 16 o5 „ , /(/. aslionniniqtie , olv-erve par Oriaiii. 5 3; 5 1 i ""^ 9+ Id. a.srroin)iiii(|iii', ohserve par les iugi;- nieurs fraiuNiis i 3; 44 60 Id. geodt'sii|Ui" provenant de la iriangii- 3i"45 lalion francaise 5 37 46 36 Nota. La dilT(^rence — 70" 9h qui existe entre I'azi- muth g^odesiquo du clocher du dome de Pavie et I'azi- muth astronomique obseive par Oriani devrait se re- produire sur la ineme station dans la coniparaison qui est faite enlre raziinuth gcodosique du clocher de Busto et I'azimuth astronomique c/ednit dcs observa- tions d'Oriani : or la dlirerence n'est que de — 28 " 21. Nous trouvons dans la description geometrique de la France , premiere partie , page 463 et liQli , les an- gles sph^riques suivants a la station de Milan (coupole du dome) : Entre Busto et Vigorano 70g Sli!i6" 4 — \ igerano et Pavie 58 3570 7 — Busto et Pavie = 129c 2017" 1= 116° 16' 53" oh Si Ton ajoute ce dernier angle a I'azimuth astronomique de Pavie observe par Oriani , on aura pour I'azimuth astronomique de Busto deduit des observations d'Oriani 5 37 5 11 121° 53' 58" 65 ( 311 ) (au lieu de 121° 54' hi" hO mentionn^ ci-dessus) et la difference avec I'azimuth geod^sique devient — 70" 96. D'ou provient done la discordance entre deux com- paraisons rapportees au meme azimuth astrono- inique ? Nous reniarquerons que I'aziniuth astronomique observd par les ingenieurs geographes francais donne une difference moindre avec I'azimuth g6odesique que par les observations d'Oriani. Nous passons maintenant aux positions g^ographi- ques qui ont ete calcul^es g^odesiquement en partant de i'observatoire royal de Turin; parmi ces positions, il se trouve plusieurs points sur lesquels des obser- vations astronomiques avaient ete faites precedem- ment pour la dt^ttermination de leur latitude et de leur longitude, et dont la notice offre les comparaisons respectives sur vingt-sept stations : nous nous borne- rons a en presenter six. Nous remarquerons qu'cn verifiant les resultats des longitudes provenant de la France , de la Suisse et de la Lombardie , qui sont mentionnes dans ces compa- raisons, nous avons reconnu qu'ona fait usage , dans ces diverses deductions , pour la longitude de I'ob- servatoire nouveau de Turin rappoi'tee au meridien de Paris, duresultat— b^SO'bS" 81 au lieu de 5°2l'2Zi '75 que mentionne la notice (p. 12) comnie etant la longitude de I'origine des coordonnees des points de la carte. La longitude de I'observatoire nouveau de Turin que Ton a employee est precisement' celle que MM. Carlini et Plana ont adoptee dans leur beau tra- vail sur les operations geodesiques et asti'onomiques pour la mesure d'un arc du parallele moyen . savoir: — 5" 20' 58" 83. (Voyez T. II. p. 25Zi.) ( 312 ) POSITIONS Gf:()DESIQUES ET ASTRONOMIQUES. A i'hcspice dti Mont Cents. Difference. I-atitu.le {^rod.'-sique 45" 1 4' 8" 76 Id. astr:.noiiil.|ii.; 45 14 o 96 ~ 7 '^o Lonp,iliul<(',c'-u(l(''.sif|iic rappnrlL-e a Turin. -|- O 44 38 43 ^^ , Id. aslioiioinique par les signaux ile feu. o 45 20 25 "i"^' ^^ Au. signal du Colombier. Latitude freodesiqne 45° ■•.2' 49" 07 „ Id. astro, ,oi.n(|ue 45 52 4y 80 + "^ 7-* Id. fj('odcsii)ue piovenanl de la trianguia- tion fnincnise 45 52 56 60 + 7 73 Longiludejjeod.'-siriue (2 o oS A Geneve {Observatoire nouveau sur le bastion de Saint-Antoine). Latitude geodesique 46" 11' 52" 64 Id. astioiiomi(|ue di'duite des observa- _1_ 5"83 tions de >L Henry 46 I i 58 4; Id. id. deduite des oLseivations de M. Gau- ''<-■;• •, •. 46 12 2 44 -f- o 80 Id. giodi^iquH provenant de la France. . 46 1 2 o 3i 4- 7 67 Longitude iie.idesi jue (de Turin) -j_ 1 3, 5^ ^4 , Id. aslrouoinique i 32 16 18 f~ ^'r Id. geodesique provenant de la France. . i 32 <> Go + o -6 A Geneve {Tour meridionale de Saint-Pierre, dile de la Cloche d'argent). Latitude gpodesiqne 46° n' 56" 73 Id. geodrsi'jue provenant de la triangula- _L 8'3(, tiou siisse 46 12 5 o3 Id. id. id francaise 46 1 2 4 40 -(- 7 67 Longitude geod<;..ique de Turin) -j- 1 32 1 3 56 Id. id provenant de la triangulation Suisse. I Sa i 2 q6 ° 60 Id. id. id. francaise i 32 14 32 -}- o -6 A Milan , centre de la coupole du Dome. geodesique. . 45° 27' 42" 69 Id. astronomitjue deduite de I'ohserva- toire de Brera 45 27 34 yo Latitude — 7 79 ( 313) LatiUiile {;eiif)esiqiie proveiiaiit dc la Iriaii- giilation de la France 4^°27'5r'oo -j- 8'3i Longitude ge'odosiciue de Tmiii — i 3o 2.) 89 Id. aslr<)noini(|ne deduite de Toliserva- — 3i 49 toire de Rri-ra I 29 5i qo Id. gPodesi(|ii(' pioveiiaiit do la tiiaii;;ula- tion tVancaise 1 3o 23 10 — o 2.9 Resume des differences troiwees eiitre les resu/tats geodesiciites et astrononiiques. AUX STATIONS LPS LITITUMES. srit LES LONOnCDES. LKS AZIMI'THS. De Mont-Cenis Colombier Geneve Milan -^ 7"86 + 0 73 + 5.83 — 7 79 + 4'"8:. + 37.79 + .6.34 - 3.-49 — 6o"34 — 36. 60 — 17-44 — 7094 ■ ^ — Les anomalies qui ressortent de ces comparaisonset dont les eiTcurs d'observations ne forment qu'une bien faible partie , r^vejcnt evidcmmcnt des influences locales propres a faire connaitre le sensde la deviation du fil a plomb ; elles peuvent, par consequent , jeter quelques lumieres sur la constitution physique du terrain. Tels sont les curieux et utiles resultats que la trian- gulation generale du Piemont presente dans la com- paraison que Ton a etablie entre ses donnees et celles de la triangulation des pays limitrophcs ; comparaison qui manifeste avec Evidence I'habilctedes observateurs par le soin qu'ils ont apportddans I'ex^cution de leurs travauxpour obtenir sur toutes les determinations cette ( 314 ) rigoureuse exactiude qui caract^rlse de nos jours les operations fondatnentales d'une grande carte topo- graphiqno. La nouvelle carte orlglnale des Etats contlncntaux du roi de Sardalgne a etc dresseea rechelle du 50 inll- lidme ; une reduction en a ete faite au 250 mllll^me, pour etre grav^e et llvree a la publication : elle est coinpos^e de six feuUles. Cetle carte a ele gravee avec un soln bien remar- quable : I'exprcsslon gdnerale du terrain lalssc peu a d^sirer, mais on y rcmarquc , avec regret, I'absence de toute cote de liautcur , ce qui empeche de juger des dllTerents degris d'elovatlon du terrain. CORABOELF. Sur In base adoptee pour les calculs, ctsuria determination des altitudes dans la trian^ulation du Pieniont. Lorsque , pour assurer la compilation de la carle topograplilque des ttats contlncntaux de S. M. le rol de Sardalgne , on a propose de commencer par I'ex^- cution d'une triangulation g6n6rale embrassant toute I'etendue de ces ttals , I'lntention piemiere de celui qui devait s'en occnper etait de remesurer la base du P^re Beccarla , et , falsant dependre d'elle toutcs les operations trlgonometriques Interieures, d'arriver aux confins de la France, au cote Granier-Colonibier, et a ceux dela Lombardie, a la base du Tesin, avec des don- n6cs tout-a-falt indeiiibre 1844. M. Pou^iN Casaquy, avocat. (i) On sail fjue \v Ftilil est au suil-esl du W.iday ou Beijjou), vci s le ^r dejjre de latitude nord, et . ( 326 ) OUVnACES OFFERTS A I..V SOCltxii. Seance (III !x oclobre 1844. Par M. Challaye : Memoire sur reiiilgratlon ties Indiens ct sur le travail librc dans Ics colonies de Maurice et de Bourbon. Brocli. in-8. — Carte de la Chine proprenient dite avec un planisphere, en carac- ti:res chinois , une feuille. P(tr les aiiteiirs et editciirs : Annaies inaritimes et co- loniales , septembre. — Journal asiatique , aoOt. — llevue de I'Orient , septembre. — I'Echo du monde savant. Seance du 18 octobre. Par jM. le ntinistre de la marine : Pilote fran^ais , sixi^me partie , comprcnant les cotes septentrionales de France, depuis les roclies de Porsal jusqu'au phare des Ileaux de Brehat, levies en 1837 et 1838 par les ing^nieurs-hydrographes de la marine, sous les ordres de M. Beautemps-Beaupre, ing^nieur-hydrographe en chef, etc. 1 vol. in-fol. Par M. le ministre de P a gricidtiire et du commerce: Documents sur le commerce ext^rieur , n" 201 a 210 in-8. Par M. /owrz/v/ ; Reconocimiento del Istmo de Tc- huantepec practicado en los anos 1842 y 1843 con el objeto de una comunicacion oceanica, per la Comi- sion cientifica que nombro al efecto el empresario Don Jose de Garay. 1 vol. 8. Par M. Fontanier : Voyage dans I'lnde et dans le golfe Persique par I'Egypte et la mer Rouge, seconde partie. 1 vol. in-8. Par M. Duflol de Mofras : Exploration du lorritoire di' I'Ord'gon, des Californies ct de la Mor Vermeille , I ( 327 ) ex(!!cut6e pondant les nniK'os 18^0, I8/1I et 18/|2. Tome 1*^', 2" partie; tome II, l''« et 2« parties, in-8. Atlas, 1" et 2'' livraisoiis in-f. l^ar M. Dupeney : Ilediiction cles observations do I'inteiisite du magnetisme terrestre, laites par M. de Freycinet et ses colJaborateurs durant le cours du voyage de la corvette ITranie par M. L.-I. Duperrey , broch. in-Zi Par les outeiiis el cditdirs : Nomelles annalos des voyages, aout. — Journal de I'lnstitut historique , c c- tobre. — Bulletin mensuel de la Soci(^te d'abolition de I'esclavage, septembi'c et octobre. — Journal de la Societe Lollandaise d'abolition de I'esclavage ,n°h.~ L'Echo du monde savant. Sea/ice du 8 noveinbre. ]'(ir 3J. le Diinixlie de la Diarine : Tableaux de popu- lation , de culture , de commerce et de navigation , iormant. pour I'annde I8Z1I, la suite des tableaux in- s(!!res dans les notices statistiques sur les colonies fran- ^aises, 1 vol. in-8. — Notes statistiques sur la Guiane francaise, par M. Jules Itier, 1 vol. in-8. Paris, 18/iZi. Par M. E. lieiiou : Carte de I'empire de Maroc , par E. llenou, membi-e de la Commission scientifique d'Algerie, aout 184/1 , 1 feuille Pcir I'Jcadeiuiedes sciences de Berlin : Abbandlungen der Konigl : Akad : der Wissenschaften zu Berlin 18Zi2. 1 vol. in-/i. — Bericht iiber die zur Bekanntmacbung geeigneten Verliandlungen der Konigl : Preuss : Akad, Juillet 18/|3 a juin iSlih. I11-8. I'nr in Societe geogrnphique de Berlin : Monatsbc- riclite iiber die Verhandlungen der Gescllschaft fur Erd- ( 3-28 ) kunde zu Bt'rliu. Annoos 18/|(), 18/|l, 18/|2, 18/i3, et 1" paitie de 18/i/i. In-8. Par Id Societe philosophique Jnieiicaine. : Transac- lioMS of ihe Ameilcaii plillosopliical Society , hcldat PhlJadelplHa. vol. IX. part. 1. 1844. In-A, — Proceed- ings of the American philos)phical Society, n° 26. In-8. l'ar3J. Riisses^'er : I eber den Lauf dcs veissen Flus- ses, dcs Bacher el Abiad und iiber dieLage der Mond- berge. Tn-8. Par M. Meidinger : England und Wales in geognos- tischcr, und hydrographischer Beziebung. 1 vol. in-8. Par M. Jles. Lamotte, niciiie de Conde : Recueil dcs discours prononces a I'inauguration de la statue de Dumont d'Lrville a Condi-sur-Noireau, le 20 octo- brel8/i/i , broch. Jn-8. Par M. Albert Moiitt'iiKutt : Ode sur I'inauguration du monument 6rig^ a la m(^nioire de I'amiral Dumont d'Urville , au cimetiere du Sud , a Paris , par la Societe de geographic (h' novembre 1844). Par les auteurs et editcurs: Annales maritimes et co- lonialcs, octobre. — Annales de la propagation de la foi, novembre. — Recueil dcla Societe^ poly technique, septembre. — Boletin enciclopedico de la Socicdadcco- nomica de amigos del pais. Valencia, cahiersde juillet, aoiit et septembre. [La suite au prochain nnrnero.) Bui.Li:riL\ Vii LA SOCIETE DE GE()GIUl>HIE Di^CEMBRE 18A/i. DEUXifeME ASSEMBLtE G^NfiRALE. sou S LA P RESIDE NC E DE M. COCIIELET, Conseiller d'Etat , consul-fjeiieral de France, vice-president de la Socieie. Messieurs, Vous esperiez que cette seance serait presidee par M. le vice-amiral baron de Mackau , ministre secretaire d'Etat de la marine et des colonies. Honore de vos suf- frages dans I'Assemblee generale du 26 avril dernier, il aurait ite heureux de vous temoigner ici sa recon- naissance du cholx quo vous avez fait de lui , et sa pro- fonde sympathie pour tout ce que votre association a fait dans I'interet et la propagation de la science ; mais il s'est vu forc6 d'y renoncer a cause de ses im- porlantes occupations, et il a 6crit a notre digne Pre- sident de la Commission centrale , a que ses travaux , » toiijours nombreux . au moment de I'ouverture de la M. DiiCCAfiuii:. 1. 2'2 » session des Chambres, lul interdlsaicnl une mission » qu'il avail tenu a honnciir crarconiplir. » II a charge en outre M. Roux dc Rochelle , de vous lemoignoi tons ses regrets. Ap])ele par votre choix, dont j'ai dprouv6 une vivo reconnaissance , a I'honneur de suppleer M. le minis- tre de la marine et des colonies , j'ai cu tr^s peu dc temps pour m'y preparer. C'est pourquoi je vous prie, messieurs, de m'accorder toutc votre indulgence. Assez. d'liommes lionorables out pay<^ dans ces reu- nions solenncUes un constant tribut d'eloges a cet amour de la science , a ce concours actif et persev6- rant, quidepuisvingt-trois ans vous a fait saisirtoutes les occasions d'encourager les voyages lointains et de recomponscr les decouver tes utiles, quoiqu'avec des moyens tres born^s. Je ne reviendrai done pas sur tout ce qui a ete dit de juste et de bienvcillant a cet egard. Vous n'avez desire d'autre recompense de vos travaux que I'estime publique , qui est la plus douce de toutes les jouissances. Vous devez etre satisfaits, messieurs , car elle ne vous a jamais manque. On a beaucoup fait pour I'avancement des connais- sances g^ographiques , depuis que votre Soci6te est fondle , et cependunt il semblcrait qu'il reste encore beaucoup a faire. On ne chercbe plus a decouvrir de nouveaux mondes ; ce qu'on veut , c'est de rappro- cher enlre eux ceux qui sont connus ; c'est de les lier pour ainsi dire par les communications les plus fa- ciles et les plus directes, pour satisfaire ce besoin ira- p^rieux, que le commerce semble ^prouver chaque jour davantage , d'^couler vite et avec le moins de frais possible los ]irodults du sol et de I'industrie de chaque pays. I ( ^:^^ ) Plusieius grands projels Hxont maintenanl 1 allon- tion des gouvernemenls et des peuples. Celui dont Ic but est d'ouvrir une communication au centre de I'A- merique , entrc les deux oceans Atlantique et Paci- fique ; celui qui doit donner naissance au canal dc Kustendji, sur la nier Noire , et celui enfin plus im- portant peut-etre , qui melerait les eaux de la Mediter- ranee et de la mer Rouge par I'ancien canal de Suez. , ou donnerait plus d'activite, par un cliemin de fcr, a la voie de communication qui existe maintenant entre ce dernier port et le Caire. Je n'ai pas eu , messieurs , le temps moral nd'ces- saire pour traiter a fond ces grands projets, et ce n'est pas le moment de s'en occuper. II y a d'ailleurs dans le sein de la Society de geographic des hommes sp6- ciaux beaucoup plus competents que mol sur ces sortes de matik'es, qui se chargeront sans doute de les ap- profondir et pourront mieux fixer votre opinion. Je vous demanderai cependant la permission de vous en entretenir bi'ievement. Par un singulier rapprochement, j'ai eu Thonncur d'etre le representant de la France dans les pays oii les projets de ces grandes entreprises ont en quelque sorte pris naissance , et qu'ils interessent plus particu- lierement. J'en ai entendu parler au Mexique , en Va- lachie , en Egypte. J'ai done pour moi I'autorite des lieux et de mes anciennes fonctions. C'est quelque chose que de pouvoir dire ce que Ton a appris dans les pays memes oii les projets s'6laborent. Je vais vous raconter. messieurs, avec toutefois la mesure convp' ( 332) nable, ce quej'ai su alors de ceux dont il est question. Vous savez que, dans les temps anciens , on avait cru qu'il existait a travers rAmerique un passage qui faciliterait la grande route maritime de I'Europe avec I'Asie. Christophe Colomb le chercha longtemps. Dans les temps modernes , on a cu rid(!!e d'exi^cuter ce pas- sage dans Ic grand istlimo qui s^pare les deux Amc- riques par cinq points dilTerents , mais principalc- ment au Mexique par I'istlune de Teliuantcpec , en Colombia par I'isthme de Panama, dans I'Amf^srique centralc par Ic lac de Nicaragua ct la riviere San Juan. Ce dernier projet serablait offrir moins de diflicul- tes et une reunion d'avantages qu'on ne paraissait pas devoir trouver sur les deux autres points indiqu^s. Le lac de Nicaragua, disait-on , semblable a une vastemer, occupalt a lui seal la moitic de I'espace qui separe les deux Oceans. Des eaux abondantes ve- naient aflluer et se perdre dans son sein. Celles-ci pre- sentaient pour les travaux hydrauliques de I'entre- prise et le systdme general, sur lesquels ils seraicnt bases , des moyens assures d'etablir ces travaux, quelle que flit rcchelle de leur dimension. Des bois de con- struction , dont Ic pays abonde, et d'autres materiaux rapproches pourraient y etre employes. Une population assez nombreuse et convaincue des avantages qui de- vaient resulter pour elle du succes de cette entreprisc etait portee a I'aider de tous ses efforts. Des botes de sommc pour les transports, des vivres , produits des tropiques , en grande abondance , un climat salubre semblaicnt devoir coop^rer au succes de I'entreprise. J'avais eti accredite en aout 1831 , aupres du gou- vernemenlmoxicain , en qnalite do charge d'affainvs de ( 33.*^ ) France, et jc dlrigeais en mSrae temps la mission de rAmdrique centrale , ou nous n'avions pas encore eu d'agent , lorsque des n^gociations 6taicnt ouvertes dc- puis longtemps pour I'ouverture du canal de Nicara- gua. Des propositions avaient d'abord et6 faites par Ics maisons Barclay, Herring, Richardson et com- pagnie , de Londres; Aron et Palmer , de New-Yorck, pour obtenir la concession de ce canal; maisiln'y avail pas ete donne suite. Le roi des Pays-Bas s'etait rc^serve la gloire de I'entreprendre. Peneti'e de I'importance d'un tel projet , pour le commerce en general et celui de son royaume en particulier, puisqu'il devait faci- liter les relations de celui-ci avec le Japon , Batavia et la NouvcUe-Guinee , il s'y interessa vivement , et pa- raissait meine dispose a prendre le quart des actions qui seraient emises. Les negociations etaient en pleine activite. Ln plenipotentiaire hoUandais etait depuis longtemps a Guatemala, et un pli^nipotentiaire ameri- cain allait se rendre a La Haye. Tout etait au moment d'etre conclu, lorsque la revolution de la Belgique cut lieu. En compliquant les dlfficultes fmancieres de la Hollande , elle dut necessairement oter a son souve- rain et a ses capitalistes le desir et les moyens de se Jeter dans une entreprise qui cxigeait de grandes avances de fonds. II est a regretter, messieurs, que ce grand et si utile projet ait 6t6 aiTete au moment oii il allait probable- ment recevoir son execution qui paraissait alors la plus facile. II avait 6te concu dans des vues trfes liherales. La propri^te du canal devait appartenir enlierement a la r^publique de I'Anjerique cen- Iralc. II aurait pu avoir de 50 a 60 lieues , a travers les lacs de Grenada et de Nicaragua qu'il traverse- ( 33i ) rait. I. Ill" cle ses eiuboiieliures dcvait etre pies de la riviere San-Juan , ct I'autre clepuis lo golfc de Nicoya jusqu'a Reabjos. II devait donner passage a des bati- mcnts de commei'ce de 3 a 400 tonneaux. Les vais- seaux de guerre sculs etalent exceples. Les eaux memes a 20 lieues des deux embouchures dcvaientetre neutres. U etait question de construire sur les bords du canal uno espece de ville anseatique, qui se gouver- nerait munlcipalenicnt, EUe devait etre , ainsi que le canal, sous la protection des grandes puissances ma- ritimes de I'Europe , et enti^rement indepenilante du gouvernement de la republique du centre de I'Ame- rique. Voici , messieurs, oii en 6taient les clioses lorsquc j'ai qultterAmeriqtie. Depuis lors, de nouveauxprojets ont et6 congus et presentes pour un des points indiqu^s qui a paru preferable aux autrcs. Des ingenicurs fran- cais ont 6te envoyes a Panama; mais jusqu'a pr(^sent il n'a ^t^ fait que des etudes. Nous ponsons qu'on en reviendra a 1 'idee d'effectuer le passage des deux Oceans par le lac de Nicaragua. II serait bien digne de I'epoque ou nousvivons , qui donne naissance a de si grands travaux d'art et a des voies de communication si extraordinaires, d'ouvrir une route rapide au commerce des deux mondes , en partageant le continent de I'Ameriquc. Cette n^cessitd se fait surtout sentir davantage, depuis qu'un nouvel empire est ouvert a I'activit^ du commerce et i I'in- dustrie de I'Europe. Ce ne sont pas certes les ta- lents qui manquent pour I'exdcution , ni les capitaux pour couvrir les depenses. Nous savons que partout Us abondent ; mais c'est peut-etre parce qu'ils trouvent un silr et utile emploi dans leur pays et surtout en ( 335 ) France, qii'lls hesiteiit a se jeler dans des entreprises (Toutre-mer , qui ne pri^senteraient pas immediate- ment des avantages certains. Maintenant , messieurs , permettez-moi de vous dire quelques mols sur I'idee qu'on a cue et qu'on a peut-elre encore de retablir I'ancien canal remain qui aboutirait a Kustendji sur lamer Noire, afin de pouvoir se passer de Tembouchurc du Danube a Soulina. J'etais agent et consul-gi^n^ral dans Ics principautes de Valacliic et de Moldavie en 1836, lorsqu'il en t'tait deja question. Ce projet interesse toutes les nations qui commercent par le Danube avec les pays dont ce fleuve baigne les bords , mais principalement I'Autriche , I'Angleterre, la Sar- daigne , la Gr^ce et la Turquie , dont la navigation dans les ports d'Ibrail et de Galatz est Ires active. Dans I'etat actuel dos clioses , le traite d'Andri- nople a livr^ a la Russie I'entree du Danube. Depuis ce traite , un etablissement de quarantaine a ete forme recemment a Soulina. Cette quarantaine est st^iparee en deux sections ; I'une de pratique dans File de Lety , I'autre d'observation dans I'ile de Saint-Georges. La rive gauche dc cette branche est particulierement af- fectec a la station des navires en pratique ; la rive droite a ceux en etat de suspicion. Tout navire passant a Soulina doit s'arreter devant la quarantaine , afin de r^pondrc aux questions. Tout navire suspect qui communique avec la rive droite doit produire a rolTicialite etablie sur cette rive unepatente de sante , afin que le nom du navire etdu capitaine puisse etre enregistre. Les batiments ne sont obliges de faire la quaran- taine dans les ilcs de Lety et dc Saint-Georges , que danslc cas ou il aurail ete reconiui que la peste exist.e ( 336 ) a Lord, et re nest qu'alors que ties droits de quaran- taine peuvent 6tre reclames et legitimement per^us. Mais la situation dc remboucliure du Danube est telle . qu'elle occasionne a la navigation des frais con- siderables. En effet, cette cmboucliure , ou , lorsque les Turcs poss6daient le Delta du Danube, on trouvait encore un fond d'environ h metres iO centimetres , n'en avait plus en 1843 que 3 metres 20 centimetres. Par la convention sur la navigation du Danube,, signd'cle 13 juillet 1840, entre I'Autriche etla Russie , cette der- ni^re puissance s'est engag^e a faire creuser et nettoyer I'emboucbure de Soulina, la seule qui soit praticable , afin d'empecher les progr^s de rencombremcnt sur les ])ancs. Elle a effectivcment affourclie dans le port dc Soulina deux barques munies de branches ou pelles dc IVr et d'un organeau , a la fa^on des petlts bateaux dragucurs ; mais on assure que les travaux du nCt- loyage et du creusement n'ont fait aucun progres, et sont entierement negliges , quoiquc le fond du lit du Heuve soit tres mou et les deux bancs u supprimer d'une extension insignifiante. Dans cet (ital do choscs , tous les navires au long cours , qui ont a franchir la bouche de Soulina , sont obliges de transporter sur des alleges la moitie de leur cargaison , et quelquefois davantage, pourne pas tou- cher et se perdre sur les bas-fonds. Cette manipulation et cos manoeuvres, outre lours risques , la pcrte du temps, et les autres prejudices qu'elles entrainent, sont oxtromement couteuses, 'uu\6- pendaramont des droits de 10 a 15 francs pay6s par ies navires, selon leur tonnage , pour le curagc, et de celui de 5 francs pour lo faiial. II V a done uno veritable n^cessite de retablir uno ( 337 ) ligne de communication plus prompte, parce qu'elle serait plus courle , qui pennettrait aux baliments de commerce d'un fort tonnage d'entrcr dans le Danube sanstransbordements sur des alleges dont les frais sont enormes , et qui les delivrerait des mesures de fisca- lit6 et de police qui surcliargent et entravent la na- vigation a Soulina. L'Autriche est particuliercment int^ress^e acette nouvelle voie de communication, de- puis surtout que I'Angleterre lui a accords la naviga- tion directe de son pavilion, entre les ports du Da- nube et les ports britanniques. L'idee du canal de Rustendji n'est encore qu'a I'^tat de projet], et comme I'ex^cution depend en dt^finitive du gouvernement turc , il est a craindre qu'elle soit encore longtcmps et pent etre definitivement retard^e. J'arrive maintenant au projet le plus in;portant, celui de communications plus promptes et plus faciles entre la Mediterranee et la mer Rouge. Pendant les quatre ann(!;es que j'ai passees en figypte , depuis 1837jusqu'en 1841, j'en aibeaucoup entendu pai'ler, comme vous devez le penser, et la question n'^tait pas alors sujette a de grandes controverses. Tous les esprits s^rieux etpositifs, degag^sdes preoc- cupations politiques, ^taient parfaitement d 'accord, qu'a I'dpoque de civilisation ou nous sommes ari'iv^s, et avec les moyens de transport si expeditifs qui exis- tent sur la Mediterranee , la mer Rouge et les mers de rinde, ce serait un non-sens que de vouloir obliger, je ne dis pas les voyageurs et les correspondanccs pour lesquels cela ne fait plus aucun doute, mais encore les marcbandiscs, venant ou allant de I'lnde et de laCbine en Europe, et reciproqueraent, a doubler le cap do RoiMie-Espei-ance, lorsqu'il existc uuo voic si facile et ( 338 ) si (iirecte par I'tgyple. J'etais moi-meme telleuient convaiucu de riinpossibiliteactaolled'astreindre celles- ci tk un voyage plus long, que lors des hostilites de 1840, j'ai positivement insistd , ct ma correspondance de r^poque en fait foi, pour que les communications par I'Kgypte avec I'lnde ne fussent en aucune mani^re interrompues. Dans I'etat actuel des choses , il n'y a aucune difli- cult^ pour le transport des voyageurs qui est si I'acile et si prompt , que ceux qui partent do Marseille, pour- raicnt etre rendus en 28 jours a Bombay, s'ils rencon- trent Ic bateau a vapeur de Suez, precisement au mo- ment de leur arriv^e dans ce port; mais il n'en est pas de meme pour les marchandises. Le transport de celles- ci, et il n'en passe jusqu'a present que de tres pctites quantiteg, n'est pas encore parfaitementr^gl^. Ilsouffre meme quelques dlfficultes. II sci-a d'ailleurs fort dispen- dieux pour les fortes parties, a cause du fret dleve j usqu'a Suez, puis des d^cliargements et des transbordements sur plusicurs points avant d'arriver a Alexandrie. La question de leur transport, lorsque surtout les relations commerciales entre I'Europe etla Chine auront acquis cedegr6 d'activil6, qu'on doit esp^rer dans un avenir plus ou moins 6loign6 , est precisement ce qui doit mi- liter en faveur de la canalisation de I'isthme de Suez , dont les Etudes avaient 6t6 ordonn^es par Napoleon, et furcnt faites si consciencieusement, que le montant to- tal des devis s'^levait a moins de 18 millions de francs. Toutes les puissances de I'Europe sont interessdes a I'ouverture de ce canal, car elles doivent desirer que leur commerce ne soit plus grev6 de frais eleves , soit qu'iln'y ait rien de change a ce qui cxiste main tenant, soit qu'il y ait un chcmin de fcr a Iravers le desert , ( 339 ) dont les inconvenients, an milieu des sables, sont faciles a pr^voir, et qui n'obviera pas d'ailleurs aux frais de d^cliargement ct de transboi'dement des niarchan- dises sui' divers points. Pendant mon sejour en tgvpte , messieurs , j'ai ete vivement pr^occupe d'un autre projet, tout aussi im- portant peut-etre que celui de I'ouverture du canal de Suez, et dont I'ex^cution n'a pas dt^pendu de moi, ainsi que vous allez en juger. Tenioin depuis longtemps lie vos louables efforts pour encovu-ager les voyages dansl'interieur de I'Afrique, afm d'y faire pen^trer un jour la civilisation et d'etabllr des relations commer- ciales, je m'efforcai de faire partager ces idees a Meh6- met-Ali. Vous vous rappelez, messieurs, que dans le mois d'aout 1838, le vice-roi d'Egypte, apres avoir voulu declarer son independance, a laquelle les grandes puissances de I'Europe , et surtout la France , s'oppo- s^rent fortement, se decida a aller jusqu'a Fazoglou , ontre le 11' ct le 10" degre de latitude, pour y exploi- ter, disait-il, des mines d'or. Cette id^e n'etait pas nouvelle, DejaenJSll, lors de Tissue malhoureuse de sa premiere campagne contre les Wahabites, Mehemet- Ali, dont les finances ctalent alors fort oberees, et qui voulait lever une nouvelle arm^e, s'^tait decide a nom- mer une commission de huit a dix personnes, a la tete de laquelle il avait mis un de ses fds , et qui etait chargee d'aller faire des fouilles sur les frontieres de I'Etbiopie , et cela, parce qu'un cliarg6 d'affaires de Su^de, le chevalier Pablin lui avait donn6 connais- sance d'un passage de Diodore de Sicile, ou cet auteur indiquait le lieu des mines d'or des rois d'Egypte, aux confins de I'Ethiopie. Cette expedition n'eut pas plus de resultats que celle qui eut lieu vingt-neuf ans plus lard, Ji'in'elaislorlcineuloppobLsdaiiJjCetle dcriiicrcau voyage de JM(^hemet-Ali, parce que j'appr(^hendais pour lui, a I'age de soixante-dix ans qu'll avalt alors, Ics fa- tigues d'une aussi longue route , ct parce que j'etais d'avance persuade que ce voyage serait inutile. Lorsque je le vis bien decide a I'entreprendrc , je mc rappelai lesvceux que vous faisiez pour la science, ct jc cher- chaiafaire tourner cette expedition au profit dela civi- lisation , des connaissances geographlqucs et surtout du commerce. Je ne crois pas commetlre une indis- cretion diplomotique en vous lisant la lettre que j'6- crivis alors a M. le ministre secretaire d'Etat des aflaires ctrang^res, le 24 aout 1838. La voici : « Toutes les idees du vice-roi sont maintenant fixees sur son voyage en Ahyssinie. Nous en avons parle lon- guement, etje lui ai dit que je ne partageais pas ses illu- sions sur les r^sultats qu'il esperalt obtenir des mines de Faschiangora ; que j'avais pu me convaincro par une experience de trois ann6es de sejour au Mexique, com- bien on pouvait etre abus6 sur ces sortes d'exploita- tions; qu'il aurait du d'ailleurs, avant de se rendre en personne sur les lieux, envoyer des hommes experi- ment's qui auraient commence les travaux et lui au- raient fait connaitre ce qu'on pouvait en attendre; qu'alors seulcmcnt , il aurait pu juger si sa presence etait n'cessaire pour leur donner une plus grande impulsion , etc. » La determination de Mehemet-Ali paraissant bien arretee, je me suis attache a lui faire comprcndre I'im- portance et rutiilte de son voyage sous le rapport com- mercial. Dans I'etat actuel des choses, les relations de commerce cntre I'Abyssinie et I'ligyple sont irrs Ixti- ndcs. A Tcxccption d'une caravanc qui part cliaque an- ( 3/|l ) nee du Cairc vers le mois d'aout, et qui se rend vers Gondar , en remontant le Nil, on pent dire que tout le commerce de I'Abyssinie tend a se diriger vers les cotes de la mer Rouge. Par la situation limitrophe du pays qu'il gouverne, de ceux des petits souverains d'une partie de I'int^rieur de I'Afrique, Mch6met-Ali aurait de grandes facilitis pour faire refluer vers I'Egypte le commerce de I'Abyssinie, du Darfour, etc. II nc s'agirait que de lui donner protection et surete. II pourrait, comme je le lui ai dit, profiler de sa presence dansle Sennaar et le Cordofan, pour lier des relations d'ami- tie avec les princes ses voisins. II pourrait faire avec cux des trait^s de commerce qui permettraient aux caravanes d'Abyssinie et de I'int^rieur de I'Afrique d'arriver jusqu'au Nil, et de descendre tranquillement ce fleuve, afm d'cn vendre les cargaisons sia- les vastes marches de consommation du Caire et d'Alexandrie, oil on leur livrerait les produits et les marchandises de I'Europe. C'est ainsi qu'un vaste commerce d'e- change s'etablirait, entre les gommes , la circ , le cafe, I'ivoire, le muse, lesplantesm^dicinales, la pou- dre d'or, les plumes d'autruche, etc., de I'Afrique et les produits du sol et des manufactures de I'Eu- rope. C'est par ce commerce, plac6 sous la protection et la garantie deMehemet-Ali, que la cwilisation pourrait csperer de pcnetrer dans Vinterieur de I- Afrique; mais pourl'assurer, il faudrait que le gouvernement egyptien n'en fit pas un objet de speculation pour ses douanes et un nouveau moyen de fiscalite. )) J'ai dit a Mehdsmet-Ali que I'idee d'vm tel projet donnerait a son voyage im caractere de grandeur et d'importance qu'il n'a pas. Je lui ai dit que son exe- cution I'^levcrait encore dans I'opinion de rKmo])e, ( 3/1-2 ) t;t qii oiiJiii , los rt'sultats qu'il en oblicmliiiit , seraicnl bien supcrieurs a ceux qu'il attend de ses mines d'or. » Je dois dire que Mchemet-Ali a paru frappc do mon id6e. Boghos-Bey, qui 6tait present a ma conver- sation , et que J'ai revu depuis, m'a assure que le pa- cha lui en avait reparle avec interet. II est done proba- ble qu'il s'en occupera pendant son voyage. J'avoue que , sous ce rapport surtout , j'aurais mis un grand empressement a I'accompagner, si son absence n 'avait pas du etre aussi longue. Aux confins memes des Etats qu'il gouverne , j'aurais voulu le pen^trer de I'impor- tance qu'il y aurait, pour lui et pour I'Europe, a attirer en Lgypte le commerce de I'int^reur de I'Afrique. J'aurais voulu ramener a des id^es de paix et de civi- lisation , cct esprit guerrier qui ne s'approchera peut- etre de I'Abyssinie, que pour mleux savoir comment il pourra s'en approprier une partie. » Vous voyez, messieurs, que j'ai iti fidele a vos en- seignements, et que j'ai suivi les instructions que vous avez donn^es a tons ceux de nos collfegues, que leurs fonctions , I'amour des voyages et de la science, le gout des aventures et le d^sir de faire fortune ou d'ac- querir de la c6lebrit6 , conduisent dans les pays Stran- gers. J'Stais aussi stimule par I'exeraple de mes prSdeces- seurs. Je me rappelais que cent trente-six ans au- paravant , Benoit de Maillet , seigneur de Mezeray, consul-general de Louis XIV dans le royaume d'E- gypte , avait 6t6 chargS de porter une lettre de creance eu roi d'Ethiopie , et cette lettre , permettez-moi de vous la lire , parce qu'elle caractSrise I'Spoque. ( m ) Au Roi d'Ethiopie. Versailles , le i4juin 1702. « En cr^ance pourle S"' Maillet, consul-general de la » nation francaise dans le royaume d'Egypte , pour ») faire un traite de commerce entre les sujets de S, M. » et ceux d'Ethiopie ; » Tres haut , tres excellent , tres puissant , tres ma- » gnanime et invincible prince , notre tr^s cher et bon » ami ; » Nous voyons avec beaucoup de satisfaction par la )) lettre dont votre majeste avoit charge I'Ambassadeur, » qu'elle envoyoit aupres de nous, qu'elle esp^roit a la » vie eternelle par les merites et la misericorde d'un » seul Dieu en trois personnes , et nous sommes aussi )) bien aise de voir le d^sir que votre majesty marque )) d'etablir avec nous et nos sujets une bonne cor- » respondance par un traite de commerce. » Comme les dangers de la mer, depuis 'es troubles » qui se sont elev6s en Europe, auroient expose la )) personne et le caractfere de I'ambassadeur de votre » majeste, en le fesant passer aupres de nous et qu'un )) plus long retardement priverait mes sujets et les )) siens des avantages qu'ils peuvent esp^rer de la » prompte conclusion dun traite de commerce, nous )) avons cru ne pouvoir donner a votre majeste^ un )) t^moignage plus certain du desir que nous avons » d'y contrlbuer, qu'en fesant passer incessamment » aupres d'elle, noire am6 le S' Maillet, noire consul- )) g^n^ral dans le Royaume d'Egypte, dont la fid^lite , » le /.Me et la grande intelligence nous sont parfaito- » ment conn us, etc. , etc. » ( Wi ) Ainsi, messieurs, il y a prtJS d'un si^cle el deini que la France cherchait a ouviir des relations par Ic com- merce, avec I'interieur dc I'Afrique; mais tous les essais qui ont 6te falls alors et dcpuis pour I'attirer directo- nient do cette parlie du contiiK^nt sur les cotes de la M^diterranee sont restes a pcu pr6s infructueux. Nous serons sans doute plus heurcux en Algerie ou noire puissance s'accroit et so consolide cliaque jour davan- tage, Le bruit de nos succ^s a llsly, a Tanger et a Mo- gador aura du rctentlssement dans I'interieur de I'A- frique, el les peuples qui I'habitent, semblables sans doute a ceux des cotes , qui estiment avant tout la gloire militaire , en apprenant que nous n'abusons pas de notre force, et que la confiance s'etablit partout on Algerie , viendront probablement apporter lours produits sur ses marches. Cest alors seulement que nous pourrons avoir des notions plus precises sur des pays inconnus , ou des voyageurs courageux ont iti victimes de leur devouement a la science. Cest alors que la civilisation pourra commencer a pen^trer au- dela de I'Atlas. Vous aurez puissamment contribue a la favoriser et a I'dtendre , messieurs, par la publica- tion si importante de la grammaire et du dictionnaire Berbers de Venture , a laquelle les ministres de la guerre et du commerce ont gcin^reusement contribue, et qui permettra a des peuples, de races et de reli- gions si difT^rentes , de pouvoir se comprendre , et de se licr par les rapports qui fondent veritablement la prosperite dos Ktats , ceux de la civilisation et surtout du commerce qui en est I'agent le plus actif. ( :U5 j NoTiCK sur /('s 'Fnnuiu.r f:^ra/j/iifjiu:i pendant Vannee IS/j/j. Par M. L.VIVIEN DE SAINT-MARTIN. MESSlIiL'RS , C'est un noble et beau spectacle que celui tie I'in- telligence liumaine aspirant incessamment a s'ouvrir de nouvelles routes vers des spheres nouvelles, et a elar- gir le champ deja si vaste qu'elle remplit de son acti- vite. Mieux qu'aucun autre , un tel spectacle est fait pour elever Tame et la pensee. Et parmi ces grandes conquetes de I'esprit liumain sur les forces passives de la nature, en est-il qui I'emportent sur la connais- sance meme du globe que nous habitons? En est-il une plus vaste par son objct, plus merveilleuse par la variete de ses incidents, plus admirable par le nombre des difficultes vaincues, plus richepar la fecondit6 des resultats? C'est la surtout, c'est dans cette lutte pe- nible, ardente, infatigable, que riiomme a deploye et qu'il deploie chaque jour encore tout ce que Dieu a mis en lui d'energie, de perseverance, de puissance intellectuelle et de gen^reuse ambition. Depuis les plus anciennes pdriodes de I'histoire, ou les premiers habi- tants des hautcs regions du globe , ignorants et bar- bares comme les tribus actuelles des forets du Nouveau- Monde , ne voyaient, ne connaissaient rien au-dela de leurs vallees natales, depuis ces temps obscurs perdus dans la profondeur des ages primitifs jusqu'a notre epoque de haute civilisation, ou I'homme, roi de la natm-e, commande en maitre aux (!;l6ments dompt^s, U. D^CEMBRE. 2. 23 .I'lC) j que do dcgrcs parcourus et quel inloivallo Iranchi ! Cette carric'iv tramelioralion , ccpcndant, ni tousles peuples ni toutes Ics epoqucs nc s'y sont a\anc(^s d'un pas egal. Autant a cet egard I'Occident I'emportc sur Ics nations de I'Asie , autant Ics siccles modcrnes surpassent les temps anciens. Mais c'cst surtout I'epo- quc contemporainc qui a ^u sinon s'accomplir les plus grandcs dccouvertcs, du moins s'clTectucr les plus grands progrcs dans I'art des explorations. Les Co- lomb. Ics Garaa, ics Cook, n'avaicnt pas laissd apr6s cux sur la carte du globe dc grands vidcs a rcinplir ; mais ils avaicnt laissi; a leurs succcsseurs d'immenscs pert'ectionneuients a y apporter; aujourd'hui cc sont moins de longucs courses sur de vastes 6tendues de la surlace terrestre qui importent a la science, que 1 'etude attentive, exacte , approfondic des diverscs rc'gions extra-europcennes , meme de cellcs qui depuis trois siccles ont 6te parcourues par dc nombreux essaims de voyageurs. Tel est en elFet le caractere des explo- rations actuclles. La g^neralite des voyageurs, maintc- nant prf^paril-s par des Etudes fortes ct varices, rappor- lent de leurs excursions dans les contr^es 6trangcrcs d'abondantcs moissons d'observations savantes, qui, non seulcment nous font connaitre d'une manicre exacte ct precise les pays qu'ils ont ainsi ^tudi^s en quelque sorte pied a pied , mais qui contribuent en outre au pcrfectionnement des sciences naturelles et de la physique genc^rale du globe , non moins qu'a I'avancement des sciences historiqucs et cthnologi- ques, peut-etre encore plus n^glig^es dans la presque totalite des ancienncs relations. Celtc grande supc^rioritc scientifiquc des voyageurs actuels se r^ttache. Messieurs, a des causes dc plus ( '^hl ) dune soitc. On pent dive, an j)()iiit de vue lo plus ge- neral, qu'cUe est unc dcs suites nccessalres du progres universe! de la genei-alite dcs sciences depuis un dcmi- si6cle ; mais elle tient incontestaLlement aussi a une cause plus imniediale ct plus directe : nous voulons parler de I'etablissement de societes speciales insti- tuees depuis vingt-ciaq ans pour ravanccmcnt des sciences historiques et geograpluc[ues. Quiconque aura suivl les travaux de ces societes , ou aura par- couru leurs nombreuses publications , ne sera pas tente de revoquer en doute les services eminents qu'elles ont rendus aux sciences auxquelles elles se sont consacrees. Par les prix qu'elles ont fondes, jiar les instructions qu'elles ont repandues, par Taction morale qu'elles ont exercee, par I'impulsion qu'elles ont donnde aux voyages d'exploration , par I'interet qu'elles ont appeld sur ces grandes et fructueuses en- trepriscs, par les moyens de publicite qu'elles ont procures a'une foule de travaux utiles et de recherches savantes , qui sans cela seraient restes inutilemcnt en- sevelis dans le portefeuille de leurs auteurs, clles ont exerc6 une action puissante, et digneraent rempli les devoirs eleves que leur institution leur imposait. L'liis- toire de ces societes savantes depuis un quart de sidcle serait , on pent le dire , toute I'liistoire de la science. La votre surtout, Messieurs, tiendra une large place dans les archives contemporaines des explorations geographiques. Anterieurs, par la date de votre fon- dation, a toutes les autres societds-soeurs etablies de- puis en AngleteiTC, en Alleinagne et dans plusicurs autres pays de I'Europe , de I'Asie et de I'Amerique, vous n'avez vu dans cet avantage du droit d'alnesse que I'obligation de donner a des associations plus ( 3/iS ) jeuncs nil oxcniple do zeic ot tracli\i(6 quo toiifcs tint siiivi, qu'aiicune n'a pu surpassor. i\ol)lo ot fccondo omiilation quo mil sentimont impur n'a jamais tornic, qui ii'a rivalise que do dovouemcnt, ot n'a cliercho sa recompense que dans les progres momes qu'ollc a produits ! Dans cette suite ininterrompuc de voyages, d'^tudcs. de travaux detoute sorte ou chaquc ann6e a son Uun- apporlo son tril)ut, I'annee qui vient de s'^couler n'est rcstee au-dessous de cellos qui Ton pioccdoc ni par ^acli^it6 dos explorations, ni par I'importance dos resullats , ni par le nombre des publications. In ta- bleau complct des richesscs geograpliiques que I'an- nee IShh nous a donnees ou qu'ellc a rocuoillios . traile avec Tabondancc et la varit^te de developpo- mcnts que comporte un parcil sujet, dopasscrait de beaucoup leslimitesou ilconvient de nous reslroindre, lors memo que nous n'en serions pas d^tourno par le sentiment trop bien fond6 de notrc insulTisance. Nous devrons done nous borner. Messieurs, a vous on pre- senter unc esquisse sommairc, en nous attachant toutefois, dans nos rapidos indications, a no rion omcttre d'essentlol. C'est vers I'Asik , cette terre des vieux souvoniis , que so portent d'abord nos regards. La premiere con- tr6e qu'y foule lo pied du voyageur qui vient do tra- verser la M6diterran6e, V Asie-Mincure , etait restde longtemps, malgre sa proximite, prcsque enti^roment en dehors dos explorations europecnnes, Isolde du mondc civilise par les pr6jug6s religieux des popula- tions musulmanes contrc tout ce qui portait le nom de Franc , non moins que par I'ignorance et la rapa^ ( 3/19 ) i.it6 des autorit«^s turquos. Mais clcpuls la grande re- tornie op6ree, ou plutot tentee par le sultan Malimoud ilans les idees anti-europeennes de sa nation, I'acces des provinces asiatiques de I'empire est devenu plus facile, et nos voyageurs ont pu etudier en detail un pays qui int^resse a tant d'egards I'historien, le phi- lologue , I'antiquaire et le g^ograplie. Aussi , depuis vingt ans , de tres importantes explorations y ont eu lieu, et Ton pent dire que c'est a partir de cette epo- que seulement que I'Asie-Mineurc nous a t;te revelc'e. Des voyageurs francais, anglais el alleniands se sont partake cettc honorable tache. MM. dc Laborde et Ci'uulcs Texier, nos compatriotes, qui en avaient en qnelque sorte pris I'initiative, continuent les magni- liques publications ou sont deposees leurs observa- tions de loule nature. La vue de ces ouvrages splen- dides ne laisse qu'un regret : c'est qu'une aussi grande richesse d'execution ne se puisse concilier avec une publication plus rapide. La science gemit de ces lentours, que commande sans doute I'interet des arts. L'n de nos plus savants arclieologues , M. Phi- lippe /.e/'i'M', de rinstitut, a termine cette annee , par une excursion sur quelcjues points de I'ancienne Carie, la mission arch^ologique dans les parties meridio- nales de la Grfece dont il a (ite charge I'an dernier par le gouvernement iVangais. C'est encoi'e dans un but principal d'investigations archeologiques qu'un savant anglais, M. Ch. Fellows, forme a I'ecole de Chan- dler dont il a surpasse les travaux par ses belles explo- rations de la Lycie , est retourn(i cette annee sur le tlieatre de ses precedentes recherches, afin de les com- pleter par des eludes nouvelles poussees plus loin veis le nord, dans la direction des sources du Rhyndaquo. ( 350 ) La restitution de la g^ogi'aphie classiqiie de cos belles contr^es, ainsi que des epoquos do leur histoii'e an- terieures a la pi^riode hellenique, tire un grand profit de cette recherche savante des anciennes inscriptions et des vieux monuments dont est joncli6 oc sol que taut de revolutions ont agite. Un 6lt;ve-ingenieur de notre Lcole des mines, M. Eniile de Chancourtois , a \isite en geologue la haute region d'Erzerouni et la zone encore peu connue qui horde du c6t6 du nord lo plateau central de la Peninsule, Lcs travaux de M. Chancourtois se Ueront utilcnient aux observations antei'ieures de MM. Ainsworth et William Hamilton. La publication la plus importante de I'annee 1844 pour la geographic de I'Asie-Mineure , est celle de la belle carte prussienne de M. //. Kiepert, fondle en partie sur les observations personnelles de I'auteur, recueillies, de 18/11 a 1843 , conjointemcnt avec deux profosseurs de Posen et de I6na , MM. ^. Schonborn et A'. Koch , et sur celles dune premiere commission prussienne , composee du baron de JFincke , deM. Fis- cher et du baron de Moltke , en 1838 et 1839. Cette carte aura sixfeuilles, dont quatre sont publi^es ; les autres sont annoncees prochainement. Ces feuilles sont gra- vees sur pierre avec une rare habiletc par M. H. Mahl- mann. Par la richesse des details sur quclques unes des parties lcs plus iraparfaiteraent connues jusqu'ici de la Peninsule, telles, notamment, que le bassin de I'ancien Pyramus et les parties centrales de la Cilicie , par la grandeur de I'^chelle et par la beaute de I'execution, la carte de M. Kiepert laisso bicn loin en arriire toutes celles que Ton possedait jusqu'ici. Nous attendons avec impatience le memoirc oil les bases en seront soumises a une discussion analytiquc. Cette carte a etd repro- I ( :^5i ) duitc a unc t^chello moiiulre par M. Kieport lui-meine dans uno carle en 2 feuilles des provinces asiatiques de lempirc turc, publiee tout recemment a Berlin. La Prusse a pris depuis longtemps un rang elevd parmi les nations qui contribuent le plus activement par leui's travaux aux progres de la geographie : 1<' pays qui a vu naitre I'illustre Alexandre de Humboldl. lo plus grand des voyageurs des temps modernes , ne pouvait rester en arri^re dans cette voie des progr6s g(§ograpbiqiies. Nous venons de mcntionner deux expe- ditions prussiennes destinees a I'exploration de I'Asie- Mineure et du haut bassin de I'Eupbrate ; si nous re- montions de quelques ann^es en arri^i'e, nous aurions d enciter plusieurs autresfort importantes, dontle sou- venir est present a tous les amis de la science. Les noms de Minutoli, de Scbolz , de Schubert , d'Ehrenberg, de Hemprich, deRose, deLepsius, parmi d'autres que nous pourrions rappeler encore, ont pris rang honorablenient dans la noble j)lialange des voyageurs savants de notre ^poque. Le doctcur Koch, dont nous avons mentionnc lout-a-l'lieure le voyage en Asie-Mineure , de 18/rl a lSyi3, avec MM. Schunborn etKicpert, avail pr(icedem- ment visite le midi de la Russie et plusieurs parties de I'isthme caucasien ; rappele vers ccs regions alpines parl'attraitqu'elles presentent auvoyageur naturaliste, il y est retourne de nouveau dans les derniers mois de 18/i3, avec I'intention de pousser cette fois ses etudes ex- ploratrices jusqu'au fond des vallecssauvages du Kour- distan. Ln linguiste distingu^ , M. George Rosen , s'est associe au docteur Koch dans cette perilleuse excursion, qui promet ainsi de dolerl'Europc d'une riclie moisson de tails nouveaux pour la geographic physique et I VHhnologic do ccs apros contr6os des ancicns Gordiocii , ( 352 ) que Xiinophon le premier a fait connaitre par son ad- mirable relation de la retraitc des dix mille stipendiaires grecs apres la defaite de Cunaxa. LAcadcimie royale des sciences de Berlin a I'acilite de tout son pouvoir I'execution de cet interessant voyage, aux frais duquel S. M. le roi de Prusse a genereusemcnt concouru. Les premieres nouvelles re(;ues des deux voyageurs respon- dent deja completement aux esperances que leur sa- voir et leur zele avaient fait concevoir. Une leltre in- s^ree au Bulletin de la Soci^t6 de g^ograpliie de Berlin (I" vol. de la nouv. serie, p. 179), lettre reproduite en frangais dans le cahier de juin dernier des Aoiii'el/es Annates des Voyages, fournit des details du plus haut int6r6t sur la longue vallee que traverse le Tchorok et qu'habitent les tribus barbares des Lazes. Pas un seul voyageur europeen n'avait jusqu'a ce jour explore les parties de cette valine comprises entre Ispir et la mer Noire, ou le Tchorok debouche. Ce premier specimen des courses et des etudes des deux savants explorateurs nous assure done d6ja de precieuses acquisitions pour I'extension de nos connaissances sur la region du Cau- case. Cette region de montagnes, a laquelle se rattachent tant d'obscurs problemes d'liistoire el d 'ethnologic, aussi bien que de geographic naturelle, jouit aun haut degre du privilege d'eveiller la curiosity et d'exciter I'inleret. Cet int(!!ret et cette curiosite, de nombreuses explorations effectuees depuls le commencement du siecle n'ont pu les epuiscr. L'atlention que vous-memes y avez apportee s'est manifest(ie. Messieurs, par deux m^dailles succcssivement decernees a deux des voyages les plus remarquablcs qui y aient ete ex«^cutes, ceux lie MM. Dubois de Montpercux et Hommaire do Hell. ( 353 ) M. de Mo/i/pcreu.i atermin^ CGttc annt^e meme sa belle publication qui embrasse tout Ic pourtour du massif caucasien, et M. Hominaire dc //c// poursult activeinent la sienne, plus sp^cialement relative a la Russie meri- dionale et aux steppes qui s'etendent entre le Caucase et rextreniite meridionale de I'Oural. VOural , que nous venons de nommer, peut etre range pai'mi les acquisitions recentes de la g^ographie jjositive. Cette grande chaine meridienne , dont I'axc princijDal, regulierement dirige du sud au nord dans une grande partie de son etendue , forme la barriere orientale de I'Europe qu'elle s6pare dcs plaines sibe- riennes, n'etait,en effet, que bien imparfaitemcntcon- nue avant le voyage de MM. de Humboldt , Ehrenberg et Rose, en 1820, etcelui de M. lielmersen, dont la pu- blication ne remonte qu'a ISZjl. La seule carte un peu satisfaisante que Ton en poss^de encore en ce moment, construite en 1837 sur les observations de M. de Hum- boldt et sur celles de MM. Wischnewsky, Scbubert et Adolphe Erman, ne depasse pas au nord le GO"' degre de latitude ; de ce point a I'Ocean septentrional , I'inter- valle inexplore 6lait encore de plus de 10 degres, ou de 250 de nos lieues communes. Les Etudes recentes d'un gdologue anglais , M. Rodeiick Jmpej Mia-chison , font mis a meme de perfectionner notablement le pre- mier essai de 1837 dans une nouvelle carte qui se grave en ce moment aLondres, et qui fera partie du prochain volume que publiera la Geographical Society. Une es- quisse de toute la partie dc la cliaine comprise dans le gouvernement d'Orembourg, executee par oidre du general Perowski, ci-devant gouverneur general de cette province, ainsi que d'autrcs documents rcunis par les ofliciers russes des differenls etablissenients des ( 354 ) minos , out cle dun p,rancl secours pour la conslruc- lion cle cclte nouvello carte. II ne parait pas, toutofois, qu'elle doive s'otendrcau nord au-dola du 56"parallele. M. Murchisow lui-memc a fait devaiit laSoci^to gtiogra- pliique de Londres un tri^s intcircssant cxpos6 des ba- ses principalcs de son travail , et en m6me temps il a presentequelques apcrgus sur Ics parties Ics plus sep- tcntrionalesde la chaine, principalement fondes sur les reconnaissances toutes r^centes d'un autre geologue , M. le comtc do h'nser//iig, que le lieutenant Kriisen- stern , fils du celebre amiral russe, accompagnalt dans scs explorations. A partir du 61''dcgre environ jusquVi rOc6an arctique, la chaine principale de I'Oural , cou- verte de forets primitives entremel^es de cantons ma- ri^cageux, est faiblement peuplee de quelques Iribus cbetives et clairsemees de Vogouls, d'Ostiaks et de Sa- moiedes a demi sauvages. Cette portion extreme de la chaine n'a jamais ete occupee par les Russcs, et neces- sairement elle est tres pen connuc. L'Ecolc imperiale des mines a cependant charge dans ces dernieres an- n6es le capitaine Strajefski de pousser mie reconnais- sance sur la pente orientale , k partir des derniers ^tablissements russes du nord, situes par 65°. A cette hauteur, la ligne du pai'tage des eaux s'y maintient a environ 600 metres, couronn^e cu et la de pics et de groupes d'une beaucoup plus grande elevation. La portion exploree dans r»^t<^ de 18Zi3 par le comte de Keyscrling et le lieutenant Krusenstern est unc bifur- cation N.-O., qui se detache du tronc principal par 62", ct va se terminer an promonloire Kanin, qui doniine a I'E. I'entree de la mer Blanche. Cette branrhe secon- daire, que nul voyageur n'avait encore visitiie, porte dans la plus grande parlie de son etendue le nom de ( 355 ) Timans. Son oxlrtimitt!; soptentrionaledopasse la rt^gioii (les forets , ct Ic pays dt^sole oii clle sc proloiige n'est occupe que par un petit nombre de Samoiedes. Les observations astronomiques do MM. Keyserling et Kru- senstern ont, en outre, rectifie la position de beaucoup dc points et corrige le trace tr^s vicieux de la Petchora eC de tous ses affluents. Ces observations seront comple- tees par celles que MM. Scwehef et Ruprecht ont faites en 1841 dans la presqu'ile de Kanin etsur divers points du gouvernement d'Arklianglielsk , observations dont les resultats ont ete remis cette annee seulenient entre les mains de lAcademie imperiale de Saint-Petersbourg. Pour la premiere fois, ces IVoides regions du nord dc la Piussie vont prendre enfin sur nos cartes leur veritable aspect. Si I'exploration de contrees ensevelies sous d'^ter- nels frinias n'offre pas I'utilite directe et pratique que pr^sente I'etude des pays plus favorises de la nature , ces explorations ne sont pas d'un moindre int^ret aux yeux de la science. EUes completent la connaissance pbysique du globe terrestre; et quelque insignifiantes que paraissent d'ailleurs au statisticicn de miserables tribus disscjminees sur d'immenses etendues d'un sol im- productif.l'etude attentive de ces tribus iiolaircs.deleurs mceurs, de leurs usages, de leurs croyances , dc leur confoi'mation pbysique et de leurs idiomes, se lie sou- vent a d'importantes questions d'etlmologie gend^rale. Au point de vue le plus elevt^ de la science , comme au point de vue de la religion , I'liistoire de I'humanite ne fait abstraction d'aucune des branches de la grande famille, quelque difference que mettont entrc ellesles divcrsites d'habitation gf^^ograpbique et de civilisation. L'bislorien , le pliysicicn el le goographe rccueillcnt ( 356 ) done avec joie cos notions trop rares sur los Iribus <'l los pays arctiques, rendant grace aiix inliepidcs voya- gcurs qui les ont I'ocucillies, ainsi qu'aux gouvcrno- ments (iclaires qui on out provoque ou favoris6 la re- cherche. Le gouvemement russe a sous cc rapport bion m(^rit6 du nionde savant. De nombrcuscs expt^ditions, purement scientifiques, ont dopuis quelques annees sillonnc ses vastes possessions uUra-ouraliennes pour I'n otudicr le sol ot la geograpliio , los phononionos pliv- siques ct rothnographic. Colic de l\l. de 'Vcliihnichcjf a I'Allai oriental, terminec en 1852, est maintenant livr^e a I'impression. C'est a Paris, et dans notre lan- giie , que I'autour prepare cette hello publication , double honiinage rendu a I'universalite de la langue fran^aise et a la sup(!;riorite de nos artistes. In autre voyageur, M. Middendnrf, charg6 en 18/i3 , par I'Aca- demie imperiale , de I'exploration des parties los plus septentrionales de la Sibcrie, est aussi de rotour do sa penihlo mission. La relation personnellc do M. Mid- dondorf paraltra , nous le croyons, dans le journal de la Soci(L'lo de geographic de Londrcs, a laqucllo il en a /^ ot Cliiislophcr, a la Soclete Ethnologicpio do Londros, sur les babilants des Maldives; I'aulre, fourni par M. Barbot de Id Tresorierc , capitaine do la corvette irancaiso la Blonde , ot qui a et6 imprim^ dans Ic ca- hier do septembre des Annales Maritimes. L'Europearetenti, ilyatrois ans, du bruit d'un6v6ne- ment qui remplissait I'Asie d'etonnement et d'^motion: un desastrc improvu, une catastropbe cirroyable, ve- naient de frapper le drapcau britannique a I'ouest du Sindh, et d'an^antir, jusqu'au dcrnior soldat, une ar- raee enlierc chargee d'occuper VJfghanisuin , soumis depuis deux ans au prince que la politique et les ar- mes de I'Angleterre lui avaient impose. Get 6venemenl pouvait avoir des suites dangereuses pour la slabilite de I'cmpire anglais en Asie ; la vigueur du gouvernement de rinde et son hablleto les ont prevenues ou ditour- n^es. Une seconde exp(^dition dans lo Kaboul, ou plutot une promenade militaire qui n'a laisse apr^s elle quo des mines, a vengo I'bonneur du drapoauot contonu les populations belliquousos do rVlglianistan. Ces deux expt'ditions , ot los deux annecs d'occupation qui los ( 3<55 ) scparenl, non moins quo los voyages et les missioiib d 'observation qui los avaient precedees , pronicltaient a la geographic do riches acquisitions sur une contree que Ton pouvait compter jusqu'alors au nombre dos moins connues de I'Asie : cette attente n'a ete ni com- plotement romplie ni entierement trompie. Si de vas- tes etendues de cette region comprise entre I'lndus et la Perse restent encore en blanc sur nos cartes , des parties tres importantes du pays ont et6 parcourues, observees et decrites avec un detail qui ne laisse rien a desirer. L'excelient journal militaire du major Hough , entre beaucoup d'autres que nous aurions a citer, i-enferme une longue suite d'obsei'vations hypsomo- ti'iquos qui embrasse du Sud au Nord toute la largeur de rvVfghanistan, et nous donne le relief exact de cette extremit(^ oriontale du plateau de I'lran, sur lequel nous avions jusque la si peu de renseignements pre- cis. Ce document est au nombre des plus precioux qui nous aient ete fournis depuis longtomps sur la geo- graphie physique de I'Asle. M. Masson, I'explorateur des topes de I'Afghanistan septentrional , a complete ses trois prt^cedents volumes par un volume noaveau, contenant la relation d'un voyage a Kelat et dans Test du Belouchistan, en 1840 ; ce volume serait bien peu important pour la geographic , si Ton n'y trouvait en appendico unlongmemoire geographiqueet cthnologi- que qui pr^scnte sous une forme methodiqiie I'ensem- ble des notions rccueillies par I'autour depuis 1826, sur les Balouches et lour pays. Lne foule de journaux, de relations et do m^moires sp^ciaux, nes de ces ^ve- nements que nous avons rappeles, sortent par leur date du cadre ou doivent so renfermer nos indications ; niais colte ann^e I8A/1 a vu paroilre a Lon(h'os un livro ( 36(5 ) qui les resume en quelque sorte tous et y ajoute beau- coup ; c'estlo Gazetteer of the Countries adjacen'. to In- dia on the NorthJVest, dc M. Edward Thornton. Ainsi que son litre I'indique, cc livre est r6dig6 sous forme de dictionnaire ; mais la plupart dcs compilations que jieut rappeler a notro pcns^e cctte qualification de Dictionnaire gcograpliique , ne donneraient qu'une id6e trfes fausse de celui-ci. M. Thorunot , qui parait avoir pris pour type le c^lebre East-India Gazetteer de Walter Hamilton, a de beaucoup depass6 son module. Toutes les sources gen^raleracnt acccssibles ont 6t6 consult^es et depouillees, et cliaque article est accom- pagn6 de citations trds exactes qui permettent d'en apprecier la valeur parle clioix des autoril6s; mais en outre I'auteur a eu a sa disposition les riclies porte- feuillcs de la Cour des Directeurs de la Compagnic des Indes Orientales, et cette mine precieuse lui a fourni une multitude dc renseignemcnts incdits qui ajoutenl beaucoup a la valeur de I'ouvrage commo ;i son utilile. On peut aflirmer que le Gazetteer de M. Thornton est le meilleur des Dictionnaircs geographiques, meme sp6ciaux, qui aient jamais <^te publics. Nous ne de- vons pas omettre d'ajouter que la grandc et belle carte de MM. Walker, qui Taccompagne, est aussi la meil- leure que Ton posscdc jusqu'a present des pays que le Sindh separe de I'lndoustan. Nous pouvons encore viter un livre tout recent de M. Henri Thomas Prinsep sur les resultats historiqucs quo Ton peut deduire des decouvertes r^ccntes faitcs dans rAl'ghanistan [Note on the historical Resn/ts dedncible from recent discove- ries in JJghanistan); non que cet ouvrage ait trail a la geographic, mais parceque les decouvcrtes arch6o- logiques dont il ])res('nt(' Ic resume succinct occu ( 367 ) pent une grandc place dans los explorations donl I'Afghanistan a Hi le theatre depuls dix ans. Ajoutons n^anmoins que le litre du livre de M. Henri Prinsep semble peut-etre annoncer plus que le livre ne donne en effet, et que soit par I'etcndue des rcclierches , soil sous le point dc vue de la haute erudition , on nc sau- rait comparer ce livre aux beaux ouvrages ant^rieure- mcnt puldies sur le nieme sujet par deux orientalistes «^niinents, M. Lassen et le professeur Horace Wilson. La Perse, dont nous venons de toucher les frontieres orientales, n'a it6 cette annee I'objet que d'une seide publication de quelque importance, celle des voyages du baron Jugiistns de Bode, lesquels remontcnt a i^h\, et dont plusicurs extraits avaient deja paru dans le 13" volume du Journal de la Societe Geogra- phique de Londres. M. Victor Fontanier, dont vous avez pu apprecier depuis longtemps , messieurs , le haul talent d'observatoin et r»!!i-udltio)i geographique, a donn6 aussi depuis pen deux nouveaux volumes de ses longues per<^grinations en Asie , sous le litre de Voyage dans rinde et dans le Golfe pcrsiqne par f Egyple et la iner Bouge; mais la geographic proprement dite ■occupe dans ces deux volumes, d'ailleui's dignes de se ranger honorablement a cote de leurs devauciers , moins de place que des recherches et des considera- tions dun autre ordre, fort imporlantes sans doute pour qui voudra suivre les fluctuations de nos inlerets politiques et commerciaux en Orient, mais qui I'en- trent moins speclalement dans le cercle ordinaire de vos etudes. On y trouve neanmoins d'excellenles remarques sur le golfe Pei'sique et le Bas-Euphrate. Les magniliques livraisons du voyage artistlque de MM. Caste et Flandin en Perse se succedcnl a dc loiigs ( 368 ) inlei'valles; et tie nouvelles lettres de notre consul a Mossoul, M. Emile Botta, au sujet des fouillos qu'il a fait executor avec tant dc succes sur romplacement de Tantique Ninive , continucnt de tenir raltention de I'Europe savante en evcil sur ces belles d^couvertes aicli(^ologlques, destinees peut-etre a jeter de nou- velles et vives clartes sur I'ancienne liistoire de cette contree d'Assour, jadis si celebrc, aujourd'luii si de- chue. Nous noterons encore I'appaiition recente d'un nouvel ouvrage de M. WiUiuin Jinssvorth, auquel deux publications precedentes ont assigne uii rang emi- nent parmi les modei-nes explorateurs des pays de I'Euphrate et de I'Asie-Mineure; mais le litre de cet ouvrage. Travels in the track of' the Ten Thousand Greeks, ou Voyages sur la route suivie par les Dix-Mille, est tout ce que nous en pouvons rapporter, le livre lui- meme n'etant pas venu dans nos mains. \ous savez, Messieurs, de combien d'cxplorations importantes la Syrie a ete le theatre depuis dix ans, et quelle face nouvello ces grands travaux ont donn6e i la geographic physique du bassin de la mer Morte ; I'annee 18AA , moins feconde apr6s cette richc p6- riode, ne presente guere a I'attention des geographes que les notes envoyees de Bairout par le consul-ge- neral de Prusse , M. de Wiidenbruch. Ces notes frag- mentaires, qui ne sont probablement que le precur- seur d'un ouvrage plus important, ont ete publiees dans les Annalen de Bcrghaus et dans le Monntsberichte ou Journal de la Socielo Geograpliiquc de Berlin. L'itinc>raire d'une excursion de M. de Wiidenbruch de Bairout a Jalla en longeant la cote , et de Jaffa a Acre par rinterieur, a ete trace sur vme carte speciale inse- reo au /l' cahier de ce dernier recucii. ( S69 ) Liie seulo contree nous rcste a nientionncr pour tei-miner notre p^rlple du continent asiatique : c'est VArahie. Les interessantes recherches dont les parties meridionales de cette grande peninsulc sont I'objet depuis plusieurs annees ont ete poursuivies, et do nouveaux cxplorateurs entres dans la lice ajouteront probableinent bientot de nouvelles notions aux no- tions fournies par lours devanciers. IJn de nos corapa- triotes, M. Aniaiid , a eu enfin le premier le bonlieur de parvenir au cceur du Yemen , jusqu'a la ville de Mai'eb, I'anciennc Mariaba, ct il en a rapport^ beau- coup de dessins de monuments et de precieuses copies d'inscriptions , dont la publication se prepare. Un autre Francais, M. Fresnel , dont la decouverte de ce qu'il a nomme la langue liimyarite a eu tant de re- tentissement parmi les adeptes de la linguistique orien- tale, vous a communique. Messieurs, le recit som- maire d'une nouvelle excursion sur les traces de M. Arnaud , pour retrouver, non loin des vestiges de cette antique citti de Mariaba , les restes encore exis- tants de la digue autrefois renvers6e par une inonda- tion celebre dans les fastes de I'ancienne histoire des Arabes; et un savant voyageur allemand, M. le baron Adolphus de Wvedc , vous a tout recemment cnvoy6 du Caire la relation pleine d'interet d'une course aventureuse au milieu des valines inexploreos jusqu'ici du Iladramat. Une liste chronologique desrois bymia- rite qui complete celles que Pocockc a tii'^cs d'Aboul- Feda; de nouvelles inscriptions dans la langue an- ciennc du pays ; quatorze determinations asti'onomi- ques comprises entre A5''-48° longitude E. do Paris, et 1/|"-17° latitude N., ouUc bon nombro do dolei inina- tions d'altitudo; enliii I'esquisso d'une carlo des can- ( 370 ) tons renfennos dans cet espacc de 60 a 80 lieues environ dans les deux sens : tels sonl les Iruils prin- cipaux des courses de M. do Wr6de. Sa relation complete, dont I'edition allemande se prepare en ce moment a Leipsig, ne peut inanquer dajouler beau- coup a nos connaissances sur le midi de I'Arabie. Celles que nous possedions il y a dix ans a peine sur la partie de I'afriqiie dout la poiiile sud-est de I'Arabie n'estseparee que par I'entree de la mer Rouge, se sont depuis lors prodigieusement accrues. U^O/ssi- nie, eneffet, aete parliculi^rement favorisee acelegard. Aucun des points du globe ouverts a I'exploration de nos voyageurs n'a etc , dans une si courte periode , le but dun aussi grand nombi'e d'expeditions scienti- fiques, dont les resultats ont ete successivement ren- dus publics, ou. ne tarderont pas a I'etre. Dans ces dix ann^es d'acquisitions geogra])biques , I'annee dont nous atteignons le terme devra figurer pour une j)arl notable. Trois relations importantes, celles de MM. Isen- berg etKrapf, Harris et Jobnson, ont ete publiees dans le cours de I'annee; d'autres, plus importantes encore, nolamment celles de M. Lefevre, de MM. Ferret et Ga linier , du P. Sapeto et de M. Beke, se preparent pour la publication , et ne tarderont probablement ]nis a sa- tisl'aire limpatiencc >ivement exitee du monde savant. \ ous n'altendez pas de moi, Messieui'S, que, devan- ■Qant I'examen approlondi de ces differents voyages qui vous sera soumis bientot, lorsque vous aurez a peser at a comparer les titres de cliacun d'eux a votre grande medaille annuelle , j'expose ici , avec un detail que m'interdirait d'ailleurs I'espace oil je dois mc rcnfer- incr, I'analyse de ces nombrcuses expeditions, dont la ( 371 ) seule nomenclature est d^ja fort ^tenflue. Nous avons touch^ un grand nombre d'objets dans le voyage ou vous voulez bien me suivre , Messieurs; j'en apercois devant moi beaucoup encore, et je voudrais presser mes pas pour ne pas lasser votre attention. II nous suffira done d'esquisser un apercu tout-u-fait som- maire de cette longue suite de voyages d'Abyssinie dont I'annee ISlih nous a dotes, et qui eussent merite de nous arretor beaucoup plus longtenips si nous n'a- vions consult^ que I'importance de leurs resullats pour la science du globe. Si d'abord nous nous demandons , Messieurs, quelle impulsion a depuis dix ans dirige vers ce point de I'Afrique un pareil nombre d'explorateurs do di- verses nations europeennes, Francais , Anglais, Alle- mands et Beiges , se succedant sans interruption et a de si courts intei'valles , nous en trouverons la cause dans un int^ret dont se pr^occupent beaucoup , et avec raison , Ics gouvernements de I'Europe , I'interet com- mei-cial, L'Abyssinie a 6t6 signalee dc^s longtemps comme un marclie ou les produits de nos manufac- tures pourraient trouver un vaste ecoulement; et cette indication meritait assur^ment I'attention que plu- sieurs gouvernements lui ont donnee. Nous ne savons jusqu'a quel point I'avenir justifiera cette espt^rancc ; mais les fruits que la science a retires deja des tenta- tives qui en ont ete la suite , et ceux qui lui sont pro- mis encore, sont des r^sultats certains, qui ne pcuvent desormais nous etre ravis. La premiere expedition en date que nous ayons a mcntionner est celle dont M. Le/et're avait la direc- tion; elle remonte a 1839 , et ne s'est terminee qu'en 18il3. Oulrc M. Lefevre , qui s'etait particuli6rement ( 37-2 ) I'L'senii la poograpliio , cotto mission so coaiposail do deux naturalislos , MM. Dillon el Petit, el dun dossi- natcur, M. Vignnnd. La mort , qui a s6vi avec une ri- gueur peu ordinaire centre I'expedilion , a I'rappci les trois associ6s de M. Lefovre : deux ont succombe aux fatigues ct a la maladie ; le troisi6me a peri victimc d'un diiplorable accident. Rest^ seul dtipositalre de leurs papiers ct des siens , le chef de I'expt^dition tra- vaille activement a mettre en ordrc ces riches male - riaux , qui embrasscnt principalement les parties ineridionales de I'Abyssinie et uno portion consitlo- ble du pays des G alias qui lour est contigu au Sud. L'annee qui va comniencer en verra , nous I'espei'ons , la publication complete. La seconde mission frangaise , cello do MM. Ferret et Galinier , avait plus particuli6rement encore un caract^re geographique. Le voyage de ces deux jeunes ofliciers a dure dopuis 1839 jusqu'au commencement de l'annee actuelle. Mais leur sejour dans I'Abyssinie meme no se rapporte qu'aux annees 1841 ol 184'2. Pendant quo M. Lefovre ot sos compagnons etudiaiont I'Abyssinie meridionale, MM. Ferret ct Galinier de- vaient diriger leurs explorations vers les parties du Noi-d. C'est principalement le Tigr6 et le S6men qui en ont (^t6 le thc^-atre. Une carte complete et bien etudiee de ces deux vastcs provinces , aj)puy(^e dans ses points principaux sur neuf positions astronomiquement de- terniin^es ; de nombrcusos mosuros d'altitude ; une suite precicuse d'etudes goologicjues , d'obsorvations meteorologiqucs et de collections d'histoire naturello , sont les resultats principaux de ce beau voyage. Des resultats non moins importants paraisscnt avoir ^t!i//n , agent consulairo IVan^ais a Massoxa, (juc les int^rots dc notro commerce ont conduit a (ion- dar dans rann(^c 1842 ; cnfin , M. Rochet (rHericonrt . qui avait dc\ja fait en 1830 un premicrvoyage au royaumc de Choa par la route de Tajourrah et du pays d'Adel, et qu'uno mission du gouvernement franoais y a ra- ment'^ en 1842. Sauf quelques fragments et qnelques rapports detaclios, rien encore n'a ete rendu puhlic dos quatre dcrnieres expeditions que nous venons de nien- tionner , et cclle de M. Rochet d'llericourt n'est pas meme terminie. M. Karl ZiminctDinim a pnblie a Berlin une carte genirale de la rt'^gion sup^rieure du Nil et des contr6es adjacentes, depuislcsconfins orien- taux du Sahara jusqu'a la mer Rouge , on Ton voit trac6 avec soin I'itineraire de tous les voyageurs , qui , depuis les temps dc Poncet et de Bruce , ont explore celte r(^gion du continent , notamment rAbyssinle. A I'ouestde celte dcrniere contree, la hranche prin- cipale du Nil sup«5rieur, le Bahr-el-Abiad , fut il y a cinq ans, on le sait, le but d'une premiere exptVlilion exploratrice ordonnee par le chef du gouverncment actucl de I'Kgypte, laquelle fut suivie bientot aprc's d'une seconde expedition, dont un Francais, M d'Jr- iiniitl, avait la direction scientifique. Bien que ces deux expeditions, dont votre Bulletin a donn^ les relations detainees, se soient avanc^es beaucoup plus loin au Slid qu'aucune des ex])lorations precedentes , elles n'ont cependant pas atleint encore le but qu'on s'y eiait propose, les sources memes du fleuvc : cet an- tique problemc du caput Nili, que Bruce, et avant lui les missionnaires portugais , avaient cru resoudre, reste done encore ouvert aux recherches des futurs f 376 ) voyagcurs. Mchemet-Ali est loin, au surplus, dv avoir renonce. Son jn-ojet , rclarde seulement par des cir- constances cli'ang(^res , est d'y rcvenir dans un dolai prochain ; ct on reraetlant naguere a M. d'Arnaud la modaille que vous avez decernee, il v a six mois, a I'habilc voyagcur, il lui adrcssait ces paroles remar- quables : « Je compte sur votre zelo , monsieur d'Ar- » naud, pour achever avec unc nouvelle expedition » egyptiennc la solution du probleme des sources du » Ml Blanc. » En attendant, d'autres ofTiciers euro- p6ens attaches a I'arm^e (^gyptienne de la Nubie raet- tent a profit leur position pour acqut^rir de nouvelles notions sur les contrdes qu'arrosent les branches su- perieures du fleuve d'tgvpte. L'un d'cux, M. Castelly, ecrivait de Khartoum, le 5 mai dernier, qu'il venait de faire une excursion dans I'inlerieur a partir de Siro , qu'il avait visits les Founghis , losBoui'ouns, les tribus errantes d'Abourour jusqu'aux tribus les plus recul(ies des Dinkas, sous le 7° degre de latitude, que I'expedi- tion avait pt^n^tr^ dans le Sud , non sans avoir eu A combattre les peuplades riveraines, et qu'elle iiv\\ revenue jusqu'aux confins des Gallas par des routes nouvelles. Les relations suivies qu'entretient avec rfegypte votre savant et z6le confrere, M. Jomard , le racttent a meme d'etre tenu exactement au courant de tout ce qui est de nature a mteresser la geographic dans ces lointaines regions de I'Afrique interieure, et nous permettent d'esp^rer que nous en recevrons avant peu de nouveaux renseignements du plus haut int(^ret. Bien des doutes restcnt encore a lever sur la configu- ration du sol et le cours des eaux de la zone (iquato- rialc, oil d'immcnses contrees n'ont jamais et6 fou- I6es par un pied europeen. I ( 377) Le D' aulrlciiicn Russcs^-^rr poursuil la puhliraliou de SOS voyages, qui out ciiriclu la gcographie ct Ics sciences nalurelles de tant de fails importants. Celte annee 1844 a vii paraiti'e a Stuttgart la 2" partie de sun second volume, laquellc comprend ses explora- tions de 1837 dans ce qu'il noranie le Soudan oriental, c'est-a-dire dans Ic Rordofan et les contrees barbares qui se prolongent vers le Sud , a I'Oucst du Balir-el- Abiad, jusqu'au 10" degre de latitude. Le D' Lepsius , dont nous avons eu occasion deja de citer le noni parmi les savants voyageurs dout s'enorguelUit aujour- d'liui la Prussc, parait avoir acheve le cours de ses explorations archeologiques dans la Nubie el la Ilaute- Lgypte, ou il a trouvd; encore matiere a de nombreuses observations apres tant de voyageurs instruits qui de- puis quarante-six ans ont fouille ce sol de Meroe et des Pharaons si riche en vieux monuments. A I'autre extreinite de I'Afrique septentrionale, dans la region ou domine I'Atlas, la geographic positive des j)ays ranges sous notre domination gagne chaque jour du terrain a la suite de nos Irequentcs excursions con- tre les Iribus insoumisos. La Commission scientifique instituee pour preparer une description complete do i'Algerie reunit sans discontinuation les nombreux elements de ce grand monument geographiquc , qui doit etre pour le pays d'jVlger ce que fut pour I'Egypte le magnifique ouvrage dont les savants de I'expedition IVanraise avaient recueilli les materiaux. L'etude en- core pcu avancee des populations indigenes recevra un giand sccours de la derniere publication dont s'est augmcnle le recueil de vos mdmoires, celle du Oietion- iiairc Berbirede f' entiire de Paradis, dont le manuscrit etait rosle inedit jusqu'a ce jour. ISotre collegue II. UKCKMBRK. 4. 25 ( 378 ) M. d'.h'czoc, conjoinlcnu'iil iwcc plnsiouis saviints rollaboratcurs , a cniichl la collection de /'Unit'crs Pittorescjur d'un volume plein d'lnl6ret sur rhislolie ancicnne de la region nord-ouest de rAiViquc. L'expedilion recentc dirigcV centre Tempiro de Rla- roc n'a pas cu pour la g^ographie les resultats qn'aii- rait procures une plus longue dui'i^e de la guerre. N^anmoins, nos ing6nieurs niilitaircs ont 6tendu, au- tant qu'il leur a 6te possible, le cercle de leurs recon- naissances, et une carte de I'empire de Maroc, publiee recemment par un ingenieur des mines, M. Renoii , csl riche en nouveaux details sur les parties du nord. II ne faut pas cliercher de notions geographiques dans un livre public il \ a quelques mois a Londres par M. DntniDiond Hay, fds du consul-general d'Angletcrre a Tanger, sous le titre de If'csteni Bnrbary, its wild Tribes and savage animals. Ce livre n'a probablemcnt (111 qu'a la faveur des circonstances, ainsi qu'i son pcu d'etendue, I'honneur qu'il a re^u d'une traduction francaise. Une publication d'un tout autre intt^ret scientilique est celle que M. Willinm B. Ilogdson, ancien consul americain a Tunis, a fait paraitre recemment a Kevv- York, sur I'Afrique septentrionale , le Sahara ct le Soudan [ISotes on Northern Africa, the Sahara and Soudan, in relationto the ethnography, languages, history, political and social condition oj those cnnntnes). L'ou- vrage de M. Ilogdson est principalement ethnograplii- que. Son but est de fournir de nouveaux documents a r^tude de la race bcrbere dans ses dilT^rentes rami- fications; et sousrc rapport ilprendra utilement j)lacc i)res du iJictionnaire de Venture donl il vient d'etre question. Ces ramifications couvrent le Nord-Oucst du ( S79 ) continent africaia , c'est-a-dirc la moitie occidentale du Sahara et la region de I'Atlas; et des chainons con- tinus semblent les rattacher vers I'Est au bassin du Nil. Elles se partagent en deux grandcs classes , les Berbers de I'Atlas, connus, selon les localites, sous les noras de Kabiles ou Kabails , de Chouiah et de Chil- louks, et les Berbers du desert , qui portent le norn g^nerique de Touariks. Par la comparaison devocabu- laires etendus et le rapprochement des traits physi- ques, M. Hogdson montre I'identite des nombreuses tribus de ces deux classes de Berbers et leur parente avec les anciens Guanchcs des Canaries , en memo temps qu'il fait ressorlir les differences qui les separent des Tibbous, dont les tribus couvrent la moitie orien- tale du grand Desert, aussi bien que des peuples limi- trophes de Bornou, Haoussa, Ghouber et Tenbokto. Ces dernieres populations appartiennent a la race negre. M. Hogdson y ratlacbe aussi les Tibbous ; mais peut- 6lre cette derni^re assertion du savant auteurserait-elle susceptible de quclques restrictions. La plupart de ces faits d'etiniologie etaient d^ja connus ; mais M. Hogdson les fortifie de preuves qui lui sont propres, et y ajoute souvcnt de curieuses considerations. Ses observations sur I'histoirc primi- tive du nord de I'Afrique, et sur I'affinite do la soucho berbere avec les ancetres originaires des anciens Egyp- tiens, sont dignes d'etre meditecs. Au total, le livre do M. Hogdson resume plus completemcnt qu'on ne lavait fait encore les notions acquises jusqu'a ce jour sur les peuplades berberes, que le contact ou nous nous trou- vons aujourd'hui avec elles rend pour nousd'uninteret tout particulier parmi les populations africaines, et .'uignicnlo CCS notions d'un grand nombre do fails noti- ( 380 ) ^e;uix I H ciirit'iix cliapilre csl consacrt' aiix Toulalis . rotle rare mixtc ri'-paiuluc dans lontc la lonpuonr ul)lication de grande importance ne s'y presente a notre analyse ; mais plusieurs voyageurs qui en par- courent en ce moment diverses parties recueillent de nouveaux mat^riaux dont s'enrichira la science. Nous citerons deux dc nos compatriotes, M. Francois de Castelnau, d^ja connu de vous. Messieurs, par de s6- rieuses etudes sur la Floride, et un gdiologue franrais, M. (COsery, qui , I'un et I'autre, dans des buts diffd- rents, mais egalement dignes d'interet, ont entrepris rexploration de quelques unes des parties les moins connues du Bresil. In autre voyageur francais, M. Marcus Porte, a amene cette annee a Paris deux jeunes sauvages bo- tocudos, qu'il a souniis a I'examen des hommes sp6- ciaux, mcttant ainsi les ethnologues a memo de so former dc cette tribu, un des types les mieux pronon- tes des races americaines non melangdes , des idees plus precises et plus completes que ne leur en I'ournis- sent les relations d'ailleurs si exactcs ct si utiles des Saint-Hilaire, des Rugendas et desMarlius. Ln opuscule de pliysiologlc medicale, ri^cemment public a Munich par le dernier de ces voyageurs, merite cependant de lixer I'attention; on y trouve des details ct des obsei- vations du plus hautint^ret pour I'etude physiologiquf des indigenes americains en g^nc^ral , et de reux d\\ Hresil en particulier. M. Schoiiibiirgk, Ic c^lebrc explorateur de la Ctiiyafic luiglaisc, a termin*^, dans les deruicrs mois de 18/|3, lo long et perillfux vovage que depuis IS/il il iivail en- ( 385 ) Iropris pour la seconde fois dans ccs contrees sauvagcs, encore raarqu(^es des grands traits ]uiinilirs que la na- ture Icur imprima. La relation de ce nouveau voyage a et(^ publiec ; ct le president de la Soclete Geogi-aphlque de Londres , dans une occasion solennelle , a rendu recemment a son auteur une eclatante justice. « Peu d'hommessont mieux organises que le chevalier Schom- burgk, a dit M. Murchison , pour la tache diflicile de conduire des expeditions d'exploration dans les regions inconnues. Conciliant dans ses mani^res, et cependant plein de ferniete ; cahnc dans le consell et prompt dans Taction ; endurci aux privations et a la fatigue ; voyant d'un tell froid les difficultes et le peril ; a la fois ardent et persevd;rant : tel est son caractere moral. Et si nous ajoutons a ces qualites precieuscs les talents divers de I'astronome pratique, du botaniste et du na- turaliste, on ne pourra refuser a M. Schomburgk d'etre un des premiers voyageurs de I'epoque , un de ces rares voyagcui's, formes a I'ecole d'Alexandre deHuni- i)oldt, dont les reclierches et les observations embras- sent tout ce qui est dlgne d'attention, et qui nous font completement connaitre les regions qu'ils ont visilees. » Nous nous associons de grand cceur a cet bommage nierite paye a I'intreplde et savant explorateur dont les travaux feront epoque dans Ihistolre geograpblque du continent amcricain. Sans avoir, au point de vue geograpblque, le caractere (Mninent des relations de M. Scbomburgk, les notes statistiqucs dont M. Jnlcs Iticr, inspecteur des douanes, a recueilli les materiaux en 18A3, pendant une mission i\u'\\ rcniplissait ;'i Cayerme, seront d'une tres grande iitillte pour I'etude de la (i/na/w francabc. Ccs notes, li("'s etendues, I't qui onibrassenl non sculcment les ( 386 ) rulturos ct la production de celte colonic, mais encore laf^cologio, la niotcorologio, la topoi^raphio ot la po- pulation , ont (5lo successivement publides dans les ca- iiiers mensuels dcs Annales Marilimes et Coloniales. Une exploration du basAmazone a dte ex(icul(^e a la fm de 1843 par deux ofTiciers de la marine frangaise, MM. Tardy de Montravet et Serrec. Les Annales Mari- times en ont aussi donn6 la relation. Lne question d'un immense avenir commercial , la jonction des deux Oceans a travcrsr/.s//t par \L Michel Chevalier; la question y est cn\isagee et tiaitee dans son ensemble. Deux (luvragcs nous rostcnt a nicntionnn , (pii se ( 387 ) rapportenl on paitic aux uieiiies contrccs , ct qui tons deux sont au nombrc ties plus iiupoi'tants que I'ann^o ait vus paraitre : I'un est rHistoh^e de I'Or^gon ct dc la (lalifornie dc M. Robert Givenhotv, traducteui' et bi- bliothecaire du departement des affaires etrang^res aux Etats-Unis [T/ie History of Oregon and California , and the oilier Territories on the N. JV. Coast of North Jmerica. Boston, ISiZi.) ; I'autre est Y Exploration du tcrritoire de i' Oregon, des Californies et de, la nier Vermeille, dc 18/iO h 1842, par M. Ditflot de Mofras; Paris , ISi/i. Le premier est une oeuvre tout historique, basee sur les pieces et documents conserves aux Ar- chives de Washington ; ic second , comuie son titre I'indique, est, au moins en partie , un voyage d'cx- ploration. Le livre de M. Grcenhow ne laisse rien a desirer pour I'histoire geographique , non plus que pour I'histoire diplomatique de la region occidentale de Iximerique du Nord comprise entre les montagnes rochcuses 1 1 1'Ocean, a partlr des confms du Mexique ; c'est une oeuvre substantielle qui sera toujours lue avec interet et consultee avec fruit. Celui de M. Duflot de Mofras, quoique traitant avec etendue du tcrritoire de rOr^gon, se rapporte plus specialement aux deux Ca- lifornies. L'auteur, prec^demment attache a I'ambas- sade fran^aise a Madrid, se rcndit, en 1840, a Mexico avec la mission sp(^ciale de visiter les pays qui s'eten- dent au Nord jusqu'a la riviere Colombia, et d'etudier ces contrecs peu connues sous un point do vue prin- cipalement commercial. La relation que M. de Mofras en a donnee est pleine dc rccherchcs ajiprofondies et d'utlles renseignements ', mais on rcgrette que le voya- geur n'y ait pas trace plus nettement le journal dc ses explorations. On pcurrail ainsi (lisllngiier avec plus. ( 388 ) do ceililudo cc qui lui a[)parlu;nl on proprc do cc qui n'ost que do rochcrclios ot d'empruut. On comprond (juo , fjuollo que soil rorudition go()ti;raplii({uc d'un vojagour , I'aulorilo que colto oiuilitlon commando est d'un autre ordre quo colle qui s'altache a I'ol)- boi'vation directe. Un Iroisieme ouvrage, dont nous no pouvous que ciler le litre, a paru rdcemmcnl a Lon- dros sur los memes conlroos : c'est V IlLsloij of the Ore- j^oii Teiriloiy and British .\i)ilh ^liiicricdn jnr I'liule, liy John Dunn. In do nos plus zoles correspondants, M. Gnllntin, do Pliiladolpliie, nous a Iransmis uno carte manuscrito du terriloire do I'Orogon, on parlio conslruite sur dos n)aloriaux in^dits; notre intention est do fairo graver cette carle et de la publior. II nous I'aut mainlenant tra\ersor louto la loni^uour du grand Ocean , si mal nomme rOcoan Paciliquo , avant d'avoir a signaler dc nouveaux documents do quolque importance. Los deux groupes pittoresquos des Alarquiics et de Tniti, ou nous saluons en passant le drapeau national, peuvent 6vciller notre interot par los recents 6v6nements qui y ont eu lieu, mais n'of- iVcnt a nos investigations geographiques aucun rcn- seignemenl nouveau qui nous puisse arroter. Notre premiere station sera la JSniu'elle-Hollande. Quoique lannoe 18/i/i n'\ ail 616 marquee par aucun grand v(»\age d 'exploration , comparable a ceux des Mitchell ot des Eyre , nous y Irouvons cependant a notcr quol- (pies fails interessants pour I'liistoire de la geographic australienno. Le capitaino Froinc, ingenieur en chei'de rotablissement de South-Australia, a constate que co que le lieutenant Eyre, ilans sos explorations de 18iO ctl8/il, a\iiil cm oln' la poinlc S.-E. (Ui hic Torrens, ( ;^89 ) ii'est oil ollVl qiruii di'sort tie sable elovc de 300 plods anglais (91 niotros) au-dossus do la mcr, et que ])ai- coiirent ca ot la quclques rides sablonneuscs. Co desert, par refTot de la refraction de ratiiiosphore , ou de cc singulier plienomfene que Ton nomnie le mirage , avait oITert d'abord a M. Fromo, comme prec6demment au liculcnant Eyre, Tapparence trompeuse d'une prolon- gation du lac ; mais un examcn plus attentif fit eva- nouir I'illusion. Ce canton ai'ide, qui abonde en sources salees , et oil I'eau fraiclie n'est connue que par des pluios accidentelles, peut etre regarde , on a tout lieu de le craindre , coinine le type de vastes etendues de pays dans rinlericur de ce singulier continent; etcelte absence d'eaux couranles est un des grands obstacles qui se sont opposes jusqu'ici a ce que les voyages d'exploralion sy avancent plus rapidement vers los parties centrales. L'extremite meridioiiale de la grande cliaine meridienne qui court parallelement a la cole orientalo, depuis le detroit de Torres jusqu'au detroit deBass, a etc parcourue dans tous les sens ot ininu- tieusement otudi(!!e par un voyageur geologue , M. (\q Strzelecki , qui en a dresse une carte a grande echcllc, non encore publiee. Un naturaliste prussien, le docteur Hermann Koeler, a eu occasion d'etudier les indigenes do la cote orientale du goU'e Saint-Vincent. Ses obser- vations ontete publiees dans le premier cahier de ISM du Journal de la Societe Geograpliique de Berlin. Parmi les autres voyageurs qui ont donno roceinment sur I'Australie des relations dun caractere moins exclusi- vement scientifique , nous ne pouvons quo citcr les noms de M. llogdkiiison ot de niislress Charles Merc- dilh. IS'oublions pas de mentionner la reconnaissance l)}drograpliiquo du detroit de Torres, tant redoute des ( 390 ) aiavigalcurs, qui a ele exc'Culec en 18/13 par dos ulli- ciers de Ja marine britannique. C'est un triste privilege des iles situ(ies dans cette zone du grand Oc6an d'etre demeurees jusqu'a present au nombre des parties les moins connucs du globe. Cette ignorance absolue oii nous sommes encore de I'int^- deur de la Nouvelle-Hollande , s'etend pareillement sur la vaste etendue de terres qui se prolonge de I'autre c6t6 du d^troit de Torres sous le nom collectif de Notivelle-Guinee. Pas un seul voyageur n'a meme tent6 de pendtrer le myst^re qui enveloppe cette grande region insulaire, ou cliaque pas serait marque par une d^couverte. Bien des lacunes restenl mOme a remplir dans les releves successifs que les navigateurs ont faits des cotes. Les HoUandais ont cependant fonde depuis quclques ann6es, vers I'extr^mitc^ occidentale, un ^tablissement qui conduira pcut-elre a en attaquor I'exploration de cc cote. Quelqucs rcnscigncments bien faibles encore se rencontrent dans la relation toute r6ccnte d'un oflicier de la marine n^erlandaise. IM. Boudijk de Bastiadiise , qui a pratiqu6 pendant quinze ans et plus la navigation de ccs parages. M. de Bastiaanse fournit des notions intercssantes sur les iles d'Arrou , que I'amiral d'Urville a aussi visitees dans son dernier voyage , et sur plusieurs points peu connus de Celebes et des archipels voislns. Mais un in- teret plus vif s'attache a ce livre , que I'auteur a redig6 dans notre langue. Cetinteret, il le doit au nom du celebre et infortune comte de Vidufi. M. de Vidua, vous le savcz , Messieurs , parcourut dans le cours de I'annec 1830 une grande partie de I'Archipcl Asiati- que,6tudiant avec ce haut talent d'obscrvation dont il etait doue les iles sans nombre de ce vaslc Archipel, ( ."^^i ) et I'ecueillant partout une immense moisson do notes precieuses. Mais Tillustre voyageui* peril dans une de ses excursions aux terrains volcaniques de Celebes, victime , comrae autrefois le naturaliste Pline, de son ardeur immoderee pour la science, line chance heu- reuse permit a M. de Bastiaanse d'accompagner le comte de Vidua dans la presque totalitd de ses coiu'scs, ct il nous donne les dt^tails les plus circonstancies sur losderniers moments de cet homme remarquable. Un fait regrettable que nous ajjpi'end cctte relation, c'cst que M. de Vidua, par un acte de sa dcrniere volonte, d^fendit de livrer a la publicite aucune des notes qu'il avait reunies dans le cours de ses voyages, et qui n'e- taient destinees qu'a servir de base a I'ouvrage qu'il meditait. Esperons cependant que malgr6 celte inter- diction I'igoureuse, ces volumineuxmateriaux, dent sa patrie a Ueritd;, ne sont pas destines a un eternel oubli. Virgile aussi avait, a son lit de mort, condamne aux flammes les chants inacheves ou il celebre les Iravaux d'Enee. Si I'execution des derniercs volontes du poele eut prive la posterite d'un immortel chef-d'ceuvre , combien a plus forte raison devons-nous appeler de la sentence prononcee par le savant contre ses propres travaux! Les notes, meme informes , d'un observa- teur instruit ne sauraient etre in utiles au progrt;s de la science. On a autrefois reproche aux Neerlandais de derober a la lumiere une partie des riches documents que leur procuraient leurs navigations dans les contrees orien- lales; ce reprociie ne peul plus les atteindre. Sans parler du magniiique ouvrage de M. Sivbolil sur le Japon, et de bcaucoup d'autres relations de moindre proportion qui paraissent frequemmenl en lltjllandc sill- les (liverses parties de I'Archipel Asiatique, nous ( 392 ) inentlonnerons la belle carle, ou j)lul6l I'Allas eii luul leuilles des possessions ncierlanclaiscs dans les mors d'Asie , dont M. Derfelden de Ilinderstein a reconi- nicnt acheve la publication sous les auspices de son gouvcrnement. \ otre collogue M. Daussy, si profon- dement verse dans la connaissance hydrographique de toutes les mersdu globe, vous a pr6sent6 I'analyso de cet atlas. La connaissance encore Ir^s peu repandue de la langue necrlandaise chez les elrangers a ete pour bcaucoup sans doute dans cet isolement geographiquo longtemps roproclie aux Hollandais. Des ouvrages fort importants a peu pr6s ignores en Europe existaient cependant dans cet idiome. Ln de ces ouvrages , que les Hollandais regardent commc une de leurs gloires nationales, est celui du pasteur Valentyn, qui, apros un long sejour aux Indes orientales, publia en 1726 a Amsterdam, en huit volumes in-lol. , la description la plus detaillee et la plus exacte qui ait jamais oto donnee de ces contrees. Cet excellent ousrage etait reste si peu connu hors des Pays-Bas , que jusqu'a la fin du dernier si^cle on n'en aurait peut-etre pas trouve dix exemplaires dans toute I'Europe ; aujour- d'lmi encore il y est tres peu ropandu. Deux ofiiciers instruits de la marine necrlandaise ont concu I'utile projet de tirer Valentyn do cet injuste oubli , en le fai- sant passer dans notre langue avec tous les change- inonts , toutes les suppressions et toulos les additions (jue commando I'dlat actuel des coruiaissances ac- quises. Faisons des vcoux pour que ce projet, dont I'execution est mainlenanl commcnc(!!e, ait une com- plete reussite : ce sera un veritable monument elevo a la geographic des iles asiatiques. Avant do quitter ces lies , qui ioucnt un si grand role ( 393 ) depuis le commencoment du xvi° si6cle dans I'histoirP commerciale des peoples de I'Europe , n'omettons pas de mentionner I'intei'cssante relation que lo capi- taine Gabriel Lafond en a donnee dans le dernier volume , public cette annee , de I'ouvrage qu'il a inti- tule Voyages autour du inoiide. Vous connaissez , Mes- sieurs , celui que le meme auteur a precedemment publie sous le titre de Quinze ans de voyages , et vous avez appreci^ los qualites qui le distinguent. Le capi- taine Lafond abeaucoup vu et il decrit bien ; ses recits instruisent souvent et attacbent toujours. Les rensci- gnements que donne I'auteur, dansle volume que nous mentionnons , sur le commerce d'ecbange auquel se livi'ent les Bougbis de I'Arcliipel , et sur la position politique et commerciale des Anglais ct des Hollan- dais dans les mers de la Malaisie, sont d'un intcliret par- ticulier. M. Lafond s'attache surtout a recueillir des donnees exactes sur les relations que le commerce etablit entre les diCferentes nations du monde , ainsi qua faire connaitre tout ce qui pcut favoriser le deve- loppement de notre prosperite commerciale. Envisagoe sous ce point de vue , la geograpbie nest plus une science pnrement speculative; cllc remplit une de ses plus nobles missions, en faisant servir I'avancement de nos connaissances aux progres des arts utiles et de la haute industrie, ces deux sources fecondes de la prosperite des peuplcs. Nous venons de parcourir. Messieurs , le cercle complet des voyages d'exploration qui appartienncnl a I'annee 184Zi , soit par leur execution , soit par leur publication. Parmi ces grands travaux , dont quclqucs uns occuperont une place notable dans I'liisloire gt^o- II. uiiCiiMBni;. 5. 20 ( 394 ) giaphique de noire planetc , il n'on ist j)as im aiujiiol vous soyez (lciucur<^s etrangers. Plusicurs sont emands clc vous par une influence plus ou niolns dlrectc ; tous vienncnt aboutir a vous coaiine a un lover couj- mun d'activite geographique. A olre mission est grande , Messieurs, et vous la remplissez diguement. Voire corrcspondance suivie avcc toutcs les Societes sa- vantos du uionde , etablit entrc cllo et vous un rap- port constant de pensees et d'action ; votrc Linllctin , depositaire des travaux de vos memhres et d'une foulo de renseigncments geographiques qui vous sont adres- ses de tous les points du globe, est un utile inlerme- diaire enlre vous et tous les amis do la science. Vos Memoires, dont cette ann6o a grossi la collection d'un nouvcau volume consacre au dlctionnaire Berberc do Venture do Paradis , sont un corps d'archives ouvert seulement aux ouvrages d'une importance capitale pour I'bistoire de la connaissance de la tcrre. Vos seances, occupees par la lecture do votre volumineuse corrcspondance , par des rapports sur les j)iincipaux ouvrages dont s'enrichit votre bibllotliequo, par les frequentes communications des voyagcurs sur les pays qu'ils ont visiles et les peuples qu ils ont vus, enfin par des M6moircs de critique et d'6rudition , sont tou- jours remplies du vif inteiet que des lectures varices et des discussions instructives y doivent rcipandre. Vous n'avez pas oublle. Messieurs, la notice de votre collegue, M. I)(iii.s:sf , sur les glaces de I'li^misphere austral, ni le mdmoire de M. Kiii^cnc de Froben'ille sur riiistoirc geographique de Madagascar, ile dont il a fait une etude toute speciale;ni la note do M. Alexan- dre tie lluDibultIt sur le relour des eaux de I'Oxus dans i'ancjen lit qui les conduisait a la mer Caspienno; ni ( 395 ) la dissertation do M. d' Jvrzar suv un portulan catalaii du commencement du 16" si^cle, dissertation em- preinte de la solide erudition qui distingue toutes les recherchcs de notre savant collegue; ni la notice non moins instructive de votre respectable president , M, Ronx de Rochelle , sur une question r(§cemment soulevee dans une autre academic au sujct des meri- diens difTerents que les differentes nations ont adoptes depuis Ptol^mee comme point de depart pour la sup- putation des longitudes; ni les innombrables commu- nications si pleines d'interet que la correspondanco personnelle de M. Jomard le met fr6quemment a meme de vous faire, ni celles auxquelles ont donne lieu ses derniers voyages en Hollande el en Italie, ct les nombreux monuments de I'histoire de la geogra- phic du moycn-age qu'il y a observ(^s ou recueillis. Vous n'avez pas oubli^ non plus la discussion elev6e, a propos d'une observation recente, sur un fait curieux de geographic physique, sur la cause de la coloration accidentelle de la mer Rouge, et sur I'origine m6me de ce nom , qui semble derive de ce fait naturel. Notre savant collegue, M. Eyries . dont la vieille ex- perience geographique , si riche de faits et toujours si fraiche de souvenirs, est pour nous une mine in^- puisable, nous a hi la traduction d'un mt^moire du g^ographe allemand Reichard sur un point d^battu de la geographic ancienne du Nord de I'Afrique. La plu- part de ces communications, soit ecrites, soit verbales, sont consignees dans votre Bulletin, avec un grand nombre d'autres que je ne rappellerai pas a vos sou- venirs. Moi-meme, Messieurs, j'ai a vous remercier de la bienveillante attention que vous avez bien voulu ap- porter a plusieurs lectures sur nn snjet qui so recom- ( 39(5 ) luandait pri'S do \uiis par scni inleiul iiiemc, a dtifaut (111 talent do I'auteur, sur I'liisloiro goographique do I'Asie dcpuis lantlquite jasqu'a nos jours. Ce travail, qui so lio a un ouvrage etendu sur I'histoire g6nerale des docouvertes geograpliiques, est en ce moment sous presso et pourra bicntot vous elre olTei't. J'aurais, Messieurs, a m'acquitter du triste devoir de payer un dernier tribut de regrets a plusieurs de nos coll6gues ct de nos associ^s Strangers que la mort nous a ravis dans le cours de I'annee actuclle , si deja ce dernier devoir n'avait etd rempli dans vos reunions parvotre digne prjisident, M. Roux deRochelle. M. Du- ponceaii, Francais d'origine et president de la Soci^te Pbilosophique de Pbiladelphic, est auteur de plusieurs savanls traites relatifs aux langucs americaines, bien connus de tous ceux qui s'occupent de la science plii- lologique. Le colonel Denaix a laiss6 son nom attache a un important ouvrage, qui, sous le titre d' Essnis de Geogrnpkie, avail pour but principal d'anieliorer I'en- seigneinent de celte science. M. Feniand de JSmmrrete , directeur du depot hydrographique de Madrid, auleur d'une Collection des \ oyages et des Decouvertes des Es- pagnols, a cu en moui'ant le regret de laisser inachcv^ ce beau monument elev6 a I'histoire de la g(^ographio aux 15° et 16" siecles, autant qu'a la gloire scientiiique du people espagnol. La memoirc dun homme egale- raent distingu(i par le savoir du cabinet, I'habilete pratique du marin et Tintropidit^ do I'explorateur , la mc^moire de I'illustre ct msWxcurcux Dninont d'in'ille, u ete de nouveau, il y a peu de niois, I'objet d'un pieux hommage. Lc monument funeraire que \ous avez consacre a I'auteur de lant de Ijclles explorations, do lant de remarquables decouvertes, a et6 inaugun- par ( 397 ) vous le 1" novembre dernier. Trois annees n'ont pas dimlnue le vif sentiment de regrets caus6 par la morl si douloureuse du savant et de riiomme dc bien, non plus que le temps n'afTaiblira ses litres immortels A Tadmiration de la posterite. IJne lacune resterait dans cette rapide revue , Mes- sieurs, si j'omettais, en finissant, de mentionner divers travaux de cabinet , dignes de figuier honorablement dans I'histoire des progr^s de la science. Au premier rang, il faut metlre VErdkurule, ou Geographic univer- selle du professeur Carl Ritler , de Berlin, oeuvre co- lossale de proportions et d'^rudition, a laquelle I'ann^e 18/i4 a ajout6 un nouveau volume, le onzieme de I'ou- vrage et le dixieme de I'Asie. On salt que le premier tome a (^te consacr6 a I'Afrique. Un volume encore, et ia description de I'Asie sera terminee. L'Atlas de g6o- graphie physique du professeur Berghaiis , dont une edition anglaise tres amelior(!!e vlent d'etre publlee a Edimbourg , merlte aussi une mention speciale. Votre coUegue, M. Coulier , vlent de mettre au jour la premiere livraisond'un tres b el Atlas des Phares et Fa- naux , complement de travaux anterleurs dont la na- vigation a depuis longtemps apprecle la haute utlllto. Nous devons encore clter une suite de cai'tes physiques et geologlques du colonel Haiislab dc Vlenne , dont I'objet est de falre ressortlr netlement la distribution naturelle de la surface du globe en bassins oro- graphiques , hydrographlques et geologlques, alnsl qu'un long memoire dans lequol M. Bone s'est proposd de dlscuter et d'^tabhr les bases princl- palcs d'une carte geologlque du globe terrestrc. Ce memoire, Insero au Bulletin dt; la Socicte GeoK)gl- que d(> France , lonn- 1" de ISVl . louche a une foule ( 398 j do points subsidiaircs d'ethnologie el d'histoire gc'iie- I ale. L'lustoiicn ot retlinolo^ue n'adniettront peut- ctre qu'avec de grandcs restrictions heaucoup do \ues indiqu6es par M. Bou6 , heaucoup de ses consi- dc^rations et dc ses inductions; mais ce travail, memc abstraction faite de sa portoc p;6olof^iquc , qu'il nc nous appartient pas d'apprecier, a un in^rite qu'il iautre- connaltrc : U fait penscr. Ln tel nierite est rare , ol n'appartient qu'aux ceuvres d'une conception vdrita- hiement originale. Nous nous abstiendrons de toucher a une autre branche bien importante de I'histoire de la geographic, a la revue des Cartes publi^es depuis un an dans les dilTerents Etats de I'Europe. Cette revue va vous etre prt^sentee , d'une maniere plus complete que nous nc le pourrions faire ici, par notre coUigue , iM. Jomard , qui dirige avec tant de zele , d'activit^ et de savoir le d^partcment sp^citil des cartes a la Bibliollie(iue royale. Tel est, Messieurs, I'apergu du mouvement geogra- phique de I'annt^e IS/i/i , et celui dc vos iravaux inte- rieurs. Nul mieux que nous ne sent tout ce que cct aper^u a d'imperfections et de lacunes. Nous aurions voulu mieux faire. Messieurs; mais si I'application et le zele pouvaient, jusqu'a un certain point, suppleer a la puissance du talent, rien nc pouvait suppleer a une autre condition non moins essentielle dans un travail tout de faits et de rechorches , au manque de temps. Une voix plus ^loquente et mieux preparee devait vous tracer ce tableau que nous avons a peine ebauche. Designegica de Keilhau, suite, 1838 ; la Norvege, deBlom, 2 feuilles; la suite du Danemark, par Mansa; les environs de Copenhague , en danois , plusieurs feuilles; I'ile de Moen , la carte generale du '. -anemark par Olsen , en 2 feuillcs, 18/il : File de Rugen , en /| grandes feuilles ; 2° JUeinagne: la suite du Wurtoni- berg du professeur Memminger, 22 feuilles, 1 8/1/4 ; la carte du grand duchc' de Hesse , par Ictat-ma- ( /|02 ) jor licssois; la suite du Ilanovrc do Papcn , colic lie la carte topographlque du grand diich6 do Bade ; 2 I'cuilles dos environs do Carlshad ; le ducht^ de Nas- sau par Ravonstein , 1843 ; le plan nouveau de Mu- nich, par le Depot de la guerre havarois; la carte speciale de Moravie , en A louilles , par le bureau to- pographique de Vienne , 18A3; 4 cartes topogra- ])hiquos do la province de Westplialie , par I'^tat-ma- jor prussicn , en 7 feuilles ; 5 cartes murales des provinces de la Prusse , par Ohmann . 45 feuilles ; I3 duche de Carniole , par Freyer, en 4 feuilles; la nouvolle carte de Hongrie, par Zuccheri , en 4 feuilles, 1843 ; 3° halie. Suite de la grande description intituleo : Cnrografm dclP Italia , non encor.> tout-a-fait termi- n^c, mais qui approcho beaucoup de sa fin ( 83' li- vraison ). 4" Grece : le Peloponneso , par MuUor; la Hellade . l>ar lo memo , 1842. 5" Frame : independamuient des carles francaiscs . entrees en vertu du deji6t legal, un grand nornbro de cartes des diverses parties de la France qu'il serait trop longd'enumerer; la carlo speciale i\i^ la Gironde, carte statistiquo ourieuso , par M. Jouannet , 1844. l\)ur VJIriqiif : les cartes ])ubliees surl' Algeriopar lo Depot de la guerre; une carte de rAlg(^rio , avec les re- connaissances les plus recentes au midi et a Toricnt d'Ayn-el-Madhi ; I'Oberc Nilland , par Zimmermann . en 1 feuille , 1843, c'est-a-dlre la carle <\r la region superieuro du Nil, oil Ton a introduit les recentes ex- plorations do I'expedilion (igvplienno aiix rives du Nil- Blanc. Pour V .liiicriqiic : \-^[ C-i'iiti o AnieritpK . jiulilic'o on '1 louilles, a Bruxollcs ; liic d(> (luba . par la Commission royalo , en H grandes Couillcs . 1835; ( /iO;5 ) sur la memo ile tie Cuba , la Habana descritta , etc. , ou I'allas cle I'lle de Cuba, faisaiit partie do la description ofllcielle de cette ile par departements , publiee par I'administration espagnole , et qui sera lomposee d'cnviron 40 feuilles; les Ltats de Nicaragua, en 1 feuillo, carte non recente , mais utile pourl'^tude d'un pays a la fois si interessant et si mal connu ; une iiouvelle carte del'Amerique anglaise , par J. Arrows- smith, 1842; une carte nouvelledesEtats-Unis, par Mit- ciiell ct une carte par Eusign , 1844. Pour V Jsie : la suite del'AsicduD' Henri Berghaus,les Kirghiz-Kazaks, atlas de 11 I'euillcs, 1840; FAsic-Mineure de Kiepert , en 6 feuilles, 1844 (4 feuilles seulcment de cette inipor- tante carte out vu Ic jour) ; la campagne de Java , par le due Bernard de Saxe-Weimar , en 6 feuilles, 1834 ; la grande carte des Indes Neerlandaises , en 9 feuilles , par le baron de Derfelden de Ilinderstein , I'allas supplementaire deStieler; lemplre ottoman de Kie- pert, en 2 feuilles, 1844, remarquable surtout couunc carte allemande , ainsi que rAsie-Mincuro ihi meme , par la clarte et la nettete de la nomencla- ture, etc. , etc. , M. le marquis Fortia d'Urban avait forme une grande collection geograpblque , com- j)i-enant environ 1800 cartes ; la Bibliotheque royale en a fait I'acquisition. C'est un atlas uuiverscl en 21 volumes in-fol Elle a egalement acquis les collec- tions tie plusieurs de nos olficiers generaux , et enfin une bonne partie do la collection de Barbie du Bocage !e pcre , formant 1410 articles el environ 2500 pieces , ilont 500 manuscrites. Parmi celles-ci , on rcmarque beaucoupde cartes manuscrites ded'Anville, dontce sa- \ant etait I'lmique eleve, de Frerot . et de Barbie du Docago kii-meni*' , ct |)Iu^ d uik' pieces |)r'''(i('use oucu ( hOh ) rieuse , coiiime Ics cartes dress(^es pour les Voyages du comte de Choiseul Goufller, de Corance/. , pour lo Voyape d'Anacharsis, etc., el le nivcllemenl fait par or- dre de \ auban sur la rive de I'Escaut. Cette col- lection embrasse toutes les contrecs du globe, ainsi que toutes les brandies do la gendrcdi 20 de- cembre. Assemblee generale du 20 deceinbie 1844. La Societe de geographic a tenu sa deuxieme As- semblee generale de 184/j , le vcndredi 20 ddccmbre , a ITIotel-de-Ville . sous la prcsidence dc Al. Cochelel , conseiller d'Etat , un de ses vice-presidents. i\l. le President ouvre la stance par un discours dans lequcl il fait ressortir les avantages qu'offre aux rela- tions geogra2)hiques et commerclalcs rcxdcution de plusieurs grands projcts qui fixent aujourd'hui I'atlen- tion des gouvcrnements ct des peuples ; tels que celui dont le but est d'ouvrir une communication au centre de TAmerique , entre les deux oceans Atlantiquc et Pacifique ; celui qui doit donner naissancc au canal tie Kustendji , sur la nier Noire ; et celui enfin, plus im- portant peut-etre , qui unirait les eaux dc la Mediter- ranee et de la mor Rouge par I'ancicn canal de Suez. Le sejour que M. le President a fait en \ alachie , au Mexiquc ct en Egypte, oil il a etc succcssivemcnl le repr(!;sentant de la France, au moment oii ccs gi'andes \ ( /il5 ) ontreprises onl en (|Utl(|uc soiio |)iis naissance , lui a perinis de les (iludicr dans tons Icurs dotads , et do recueillir des renseigncnients utiles sur lours moyens d'ex6cution. M. d'Avezac , rcmpllssant Ics fonctions de secretaire do la Societe , lit In proces-verbal de la dernicre As- seinblee generale , et connnunique la liste des cartes et des ouvrages deposes sur Ic bureau. M. le Prcsidenl proclamc li's nouis des candidats prdsentes pour etre aduiis dans la Societe. M. le vice-amiral, baron de Mackau , ministrc de la marine et des colonies, President de la Soci6t6, ^crit qu'il regrette vivement que ses travaux , au moment de I'ouverturc de la session des Cbambres, ne lui per- mettent pas de presider I'Assemblee. M. le ministre ajoule qu'il sccondera avec beaucoup de plaisir les efforts de la Societti, et qu'ellc pourra conqiter sur son concours emjiresse , soil pour ce qui pourrait le con- cerncr personnellement , soil -pour ce qu'il y aurail lieu d'obtenir de la protection que le gouverncnienl accorde aux institutions utiles a la science. M. le secretaire de la Socl^td' g(^ograpbiquc de Bom- bay adrcsse Ic conqd(^ment de ses publications jusqu'a ce jour. M. Vivien de Saint-Martin , secretaire-general par interim d(> la Connnission centrale , lit la Notice aii- nucUe des travaux de la Soci6te et du progres des sciences geograpbiques pendant Tann^e iShll. Dans eotte Notice , il passe succcssivement en revue les principaux voyages executes cette ann6e dans les dil- lerentes contrdes du globe, et il prcsente une analyse lapide des ouvrages les plus importants , et (^ui oUrent lo pins d'interet geograpliique. ( M6 ) .M. le tresorier prdsente le com pte- rendu clos Ke- cettes et des Depenses de la Socic^te peiuhint I'aiinee L'hcurc avanc^e ne perniet pas a MM. Lf*l'el)vre et Lafond de lire, le premier, une Notice sur I'explora- tlon de la ri\i( re Mareb et sur la inort de M. Dillon , botaniste de I'cxpedition d'Abyssinie , et le second , un fragment de ses Voyages, relatif aux archipels Samoas et \'n\. L'Assemblee norame MM. C4ortambert , Couthaud et Imbert des Mottelettes aux Irois places vacantes dans la Commission centrale. La seance est \o\'^e a 10 lieures. MEMBRES ADMIS DAKS LA SOCIETli. Seance dii 6 decemhre 18Zi/i. M. Antonio-Xavier San Martin. Seance generate du 20 decemhre. S M. Lefebvre , oflicierde la marine rojak-. M LiGER DE LiBESSART, ollicier de la marine royale. M. Raffenel, commis de 1"= classe de la mai'ine. M. le comte Sokologorsky. ouvrages offerts a la sociicti';. Seance du 22 uovenibrc 18/i/|. Par M. V Intendant seneral de la lisle cii'He : Galeries hisloriques du palais de Versailles , tome VI , 1" part. Par M. d^Omaiius d'ilalluy : Note sur les divisions geographiques , brocli. in-8. Par Id Societe royale asiatifjuc de Londres : .loinnal de J a Soci^te, n°XV. ( 417 ) Par M. le i)icomte de Santarein : Atlas compose cle Mappemondes et cle cartes hydrographiques et histori- qiies depuis le xi" jusqu'au xvii* si^cle , pour la plupart inedltes, et tirees de plusieurs bibllotlieques de I'Eu- lope , devant servir de preuves a Touvrage sur la prio- rity de la decouvertc de la cote occidentale d'Afrique , au-dela du cap Bojador par les Portugais, etc. 2^ liv. in-fol. Par 31 Jshbel Smith : The Cerograpliical vVtlas of the United States, by Sidney, E. Morse, and Samuel Breese , in-fol. Par les aiiteurs et editeurs : Nouvelles annales des Voyages, septembre. — Revue de I'Orient : Bulletin de la Societe orientale , xix' cahier. — Journal asia- tique, septembre et octobre. — L'Investigateur, jour- nal de rinstitut liistorique , novembi'e. — Journal des Missions evangeliques, novembre. — L'Lclio du monde savant. Seance du 6 decemhre 1844. Pur I' Acndemie des sciences de Saint-Petersbourg : Memoires de I'Acad^raie ; sciences matliematiques , pbysiques ct naturelles , tome V, li" , 5° et 6*^ livrai- sons ; tome VI, 1"" livraison, sciences politiques , histoire , jjbilologie; tome \I , h^ , o" et 6' livraisons ; tome VII , 1'" , 2" et 3* livraisons. Recueil des actes de la seance publique de I'Academie tenue le 29 d^cem- bre 1843. Par M. Hodgson : Moles on Northern Africa the Sahara and Soudan. By AVilliam B. Hodgson. New- ^ork, 1844. in-8. Par M. Cortambert : The Gospel according to .Mat- thew translated into the chcrokce language and com- f I ( Alb ) pared with the translation of George Lowrey and David Brown, 1)\ S. A. AVorccster , et E. Boudinot. ^e^v Ecliola, J 832, iUp., 1 vol. in-32. Tlie Acts of the Apostles translated into the cherokee language, by S. A. Worcester et E. Boudinot, New Echota , 1833 , 128 p. — Select passages from the Holy scriptures, 24 p. — Cherokee hymns compiled from several au- thors and revised, by S. A. Worcester et E. Boudinot. New Echota , 1833 , Zi8 p. — The Osage first Book. Boston , 183/1 , 126 p. Par les aiiteurs et edifciirs : Ilecueil de la Societe po- lytechnique, octobre. — Bijdragen tot de Kennis der Nederlandsche en \ reemde Kolonien , n" 5. Seance du 20 decembrelSlili. Par y. le Mini.sire de la Marina : \'oyage autour du monde entrepris par ordrc du Iloi , sur les corvettes rUranie et la Physicieime , par M. Louis de Freycinel. M6t<^orolosie, 1 vol. in-A. — N oyage aulour du monde, execute ])cndant les annees 1836 ctl837, sur la cor- vette la Bonile, command6e par M. \ aillant. Physique, Observations magnetiques, t. I", 2" partie. Geologie et mineralogie, 1 vol. in-8. Zoophytologie , 1 vol. in-8. .^r/«.?. llistorique,9"etlOMiv. — Zoologie,13'liv.— Bo- tanique.lO* el 1 1" liv, — Voyage autour du monde sur la fregate la Fenns, pendant les annt^es 1836-1839, public par ordrcdu roi, par M. AbclDu Petil-Thouars. liistori- quc, t. IV. Physique, 4= et 5° v. Atlas, llistoire naturelle, 7"= et 8'' liv. — \'oyage au pole sud et dans I'Oceanie, sur les corvettes P Jstrolabe et la Zelee, execute par or- dredu roi, lundant les annees 1837, 38, 39et/i0, sous le commandement dc M. J. Dumonld'Lrville. llisloiredu voyage, lorn. VI. .illas. llistorique, 33' liv. Zoologie , ( 419 ) ll' et 12" liv. — Botaniquo , 8' liv. Anthropologic 1" el 2" liv. — Renseignements sur le Centre-Amerique , recueillis pendant le voyage de /n Melanie , 1823 , brocli. in-8. — Description nantique des cotes de Chine, d'Ainoy aiix iles IvAveshan, par MM. Kellct et Collinson, trad, par M. Darondeau ; broch. in-8. Cartes hydrographiques , publiees au depot general do la Marine, d'avril iShh a decembre. N°' lOlZi. Carte des iles Futuna et Alola. Carte des ilesWallis on Uvea. — 1015. Plan de la rade de Guay- mas (dans le golfe de Californie). — lOlG. Plan de I'ile Bonne bey (archipel des Carolines). 1017. Plandu port de Chin-bae. Plan du port de Chin-hae et de ia riviere de Ning Po ou Tahea. — 1018. Plan de la baie de Monterey (haute Californie). — 1019. Carte de la mer des Antilles, partie occidentale. — 1020. Plan de la baie de \ oheniar. — 1021. Carte de la cote nord de Taiti. — 1022. Plan des rades de Papeiti et deToanoa. et du chenal qui les joint (ile de Taiti). — 1023, IO2/4 et 1025. Carte des sondes de la Manche. —1026. Plan de la rade de Papeiti (a Taiti), — 1027. Croqul.s de plan de File de la Guadeloupe (basse Californie). — 1028. Positions des iles Hull, Mangia et Rarotonga. — 1029. Croquis de plan de I'ile de Paques. Croquis de plan des iles Juan Fernandez et Mas a Fuera. Par M. le ministre de P instruction pnblicjue : Descrqi- tion de I'Asic-Mineure faite par ordre du gouverne- ment francais de 1833 a 1837, par M. Ch. Texier, 32°, 33" et Zfi" livraisons. — Description de I'Armenie, la Perse et la Mesopotamie , par M. Ch. Texier , 9° el 10' livraisons. — Voyage dans I'Am^rique meridionale. par M. Alcide d'Orbigny, 72*^ a 77" livraisons. Par M. ("oz/Z/fv .- Atlas general des |)hares el fanaux ( Zl20 ) a I'usage des navigateurs, par M. Coulier, publlti sous los auspices de S. A. R. M" lo prince de Joinvlllc , 1" livraison ; Turquie , 30 feuillos, y corupris le texto. Par M. La fond de Lurcy : Voyage autour du mondc et naufragcs celebres ; six volumes de texto et un atlas. Par MM . d''Avezac et Z) Notice sur M. Dii Ponceau^ president de la Societe pliiloso- phique de Philadelphie, et correspondant de la Socip'te"de geographic, parM. Roux de Rochelle. — Liiedansia seance du 6 juillet 1844 "3 Note sur les antiquites de I'Abyssinie, par MM. Galinier et Ferret ^J Voyage de I'emir Abd-el-Kader dans I'Est de I'Algerie en i SSg. '.'>n Rapport sur les travaux de I'Association royale maritime et coloniale de Lisbonne , fait a la Societe de {'eographie, par M. le vicomte de Santarem ^^ ICxtrait d'une lettre de M. F" DE Castelnau a M. Jomard. . r>S Kxlrait d'une leltre de M. Hugh Mutirat a M. Jomard. . ■ ■ ')0 ( ll'2-l ) Kxtiait il'iliu' lilirt- ji.inii lllitrc ile M. Ic ;;i'nir,il M MiKY (Ciiiii- )iiiiiiifnii'' j>.ir M. JoDtitrd. ) til Ln Tiiicjuie (I'KuiopR , ou Observations siir la geojjrapliio, l.i geologic, riiistoire nalurelle, la siatistique, les inoours, Ics coulnines, rarclieolojjie, ragricultnre , rimlustric , le coiii- ineice , les gouverncineiils divers , Ic cleigi' , ! liistoire et I'eiat ItoliliqiK- a M. Jo??inr(/ , menihre de rinstilut 19.') Notices liistoriques et geograpliiques sur les villes de Trini- dad , Santo-l'lspiritu , San-Juan-de-los-llemedios et leins ju- ridictions, par .M. Fiia>cis Lvvali.ee, vice-consul i\c France, etc . . 244 Coup d'u'il general sur la lopograpliie des plaines de la Hus- sienieridionale, par M. X. Uommaire de IlELt 267 Kapport fait a la Societe de {leograpliie , le 8 novcinbre i844i par M. Rocx de Rocheli.e , siir le second volume d'une chronologie historique des ittats-Unis, publiee en l844 •> P"""" M. I'ardeu '.^-q I {m ) I'^xlrnit (I'lino lelire ili' iM. IIeiumki.ot , secrc'taiie - [jrnf^ml (le 1.1 ('(immissiDii louliiilc, a M. ftoux de Hoclicllf ^ presi- aliiuides d.ms la triaiifjulation du Piemout . par M. le colonel Ponr.ixo 3i4 INotc siir la carle des possessions Nt'ei landaises dans le [jranJ aicliipel d'Asii', de M. le Ijaion de Derfeldcn de Huulentein. 3i" DEUXIEME SECTION. ACTUS DE LA SOCI^TE. Inaufjuration du monument e'rige par la Societe de {;<-'o{ijra- pliie a la iii'moire du conti e-aniiial Dl'mont d'Uiivillk , au cimetiere du Sad, a Paris, le i''"' novembre i844' • ■ 209 Discours prononce par M. Coxsiant Doi-ei)x, architecte du moiHiiiii'iit 211 Discours prononce par M. Houx de Rochelle , president do la Commission centrale 223 Discours prononce par M. Du Bol'zet, capitaine de cor- vette 243 Asseinhlee (jeiierale dii 20 decembre i844- Discours prononce par M. Cochelet, coiiseiller dEtat, vice- president de la Societe Sag Notice annuelle des travaux de la Societe et du pro{;res des srietiees {jeographiques pendant I'annee i844i P'""' M. L. Vivien de Saist-Maiitin 34.'* Compte-rondu des Reretles et des Depenses de la Soeieli- pen- dant rexercice 1 843-1 844 4'2 f^ ( Irlh ) Pioces-veib.ll lie la suancc gent-rale ilu 20 tltconibie iS (4. . J 1 j Proces-veibaux des seances de la Commission centrale . 63, iiS, 198, 3i8 ot.{i3, Membres adiiiis dans la Societe 64 , 202 , 3,>5 et 416. Ouvrages offcrts a la Socieio. 2o3, 326 et 4 '6-