RE BULLETIN DE LA FS We - 4 4 « DES AN, TOME VI. — BULLETIN N° 43 —————— PRIX : 3 fr. 35 c. RTC RIDE masi Le | | Foi J pra FATELC RS OI CR TR EN a L'AUTRE 134 ES ? : LAUSANNE. -IMPRIMERIE DE F. BLANCHARD. Novembre 1858. r ) TA : L NUYE fs 4 Gie, Ts SOCIÈTÉ VAUDOISR SCIENCES NATURELLES TABLE DES MATIÈRES DU PRÉSENT NUMÉRO. PROCES-VERBAUL SN CREME RE EN TE SD RE DCE OR MÉMOIRES. Phénomènes de mirages, par M. Ch.-Th. Gaudin . Note sur les Erdburg du Vully, par M. Bessard . . . . . . . Note sur un nouvel exemplaire de l'Emys “te par MM. Pictet et Humbert. . . . : - Notice sur une nt bon Hé bée Fe tes reins don DU, par M. Schnetzler + … . . PR RE à cc: roi Les variations de la pression Drome a el ont- ne un effet sensible sur l’homme dans les Alpes ? par M.J.Delaharpe . . . : Dosage approximatif du limon charrié par l’Arno pendant les pluies, par M.Ch.-Th. Gaudin . . . . . Fossiles de Châtel S' Denys, par M. Ooster . : die Note sur le cône de déjection de la Tinière, par M. Ch. Dubé «Pos Roches perforées par l’Helix Mazzuli, par M. Ch.-Th. Gaudin . Note sur les mues du grillon champêtre, par M. Yersin . . . … : Inondation des vallées de l’Orbe et de la Broie, par M. Troyon . Sur les flores fossiles de l'Italie, par M. Ch.-Th, Gaudin. . . Tableaux météorologiques, par M. J. Marguet . He Re ner Ps dy y PE 133 SOCIÉTÉ VAUDOISE DES SCIENCES NATURELLES | 7h, PRHUREN S\ BULLETINS DES SÉANCES DE LA SOCIÈTÉ VAUDOISE DES SCIENCES NATURELLES. ir —— TOME VI. «Unnees 1858, 185ÿ & 1860. LAUSANNE. IMPRIMERIE BLANCHARD. 1861. At A4 ce UAY Hu PTT AUTRE EAU mn! hp. HAE tr au Len ska RSA 14 a 4! . un 41680, + Tome VI. N° 43. SOCIÉTÉ VAUDOISE DES SCIENCES NATURELLES. PROCÈS-VERBAUX. Séance du 6 janvier 1858. — Sur la présentation de M. L' Gonin, M. Gustave Bridel, ingénieur à Yverdon, est reçu membre ordinaire de la Société. Le Bureau propose que la Société fasse imprimer un nouveau Catalogue de la Bibliothèque pour le distribuer aux membres de la Société. Cette proposition est adoptée; le Bureau est chargé d'y pourvoir. Le Bureau demande s’il ne serait pas utile de rédiger un nouveau Règlement pour la Société, l’ancien Réglement étant suranné et l'édition épuisée. L'affaire, qui n’est point urgente, est laissée aux soins du Bureau. Le Président donne lecture du prospectus du XXV° congrès scientifique de France qui aura lieu à Auxerre le 2 septembre 1858. Les membres de la Société sont invités à assister à cette réunion scientifique. (Voir séance du 16 juin.) M. Zollikofer présente à la Société une portion de mâchoire de Castorien trouvée dans les lignites de Belmont; ce fossile est destiné au Musée cantonal. Le Secrétaire, au nom de M. Duflon, instituteur à Villeneuve, présente une poignée de grains de seigle renfermant 2248 grains parfaitement mürs et provenant d’une seule plante de seigle semée fortuitement dans une vigne. Plusieurs épis de la même plante restè- rent fous et un certain nombre de semences avortèrent dans les bons épis. M. Renevier entretient la Société de deux ouvrages publiés ré- cemment et qui traitent de la classification des terrains jurassiques. 2 SÉANCE DU 20 JANVIER 1858. Le premier, de M. Oppel de Stuttgart, examine la question avee un soin tout particulier. Le second, dû à M. J. Marcou, prof à Zurich, critique, dans deux lettres, les divisions et les dénomina- tions admises pour le terrain jurassique proprement dit. Les propo- sitions de M. Marcou ne sont pas toujours heureuses. M. L. Dufour, professeur, présente quelques débris de bois et de charbon de l’époque celtique recueillis à Villeneuve. (Voir la séance précédente. Communication de M. Morlot.) M. P. Delaharpe place sous les yeux de la Société les divers os du pied l’Anthracotherium magnum recueillis dans les houillères de Belmont; ils suffisent pour fixer la structure de ce membre. Depuis la dernière séance la Société a reçu : 1. De la Société des sciences naturelles de Bâle: Verhandlungen, ‘ete. 4° cahier. 1857. Séance du 20 janvier 1858. — M. E. Renevier annonce qu'il se ropose de communiquer à la Société une série d'observations pa- éontologiques et géologiques détachées. Il commence par la critique du genre Thétis et s'arrête plus particulièrement à une espèce de l'aptien. M. R. Blanchet lit un extrait du rapport qu'il a adressé à l’admi- nistration de l'exposition industrielle Suisse en 1857, sur les cuirs suisses. Il s'arrête aux seules questions qui offrent un intérêt scien- tifique, telles que l'influence de l’alimentation et du sol sur la qua- lité des cuirs; la production des écorces; la théorie du tannage ; l'application du microscope à l'appréciation des cuirs; l'insuffisance des substances proposées pour les remplacer, comme la gutta per- cha, le caoutchouk, etc. M. À. Chavannes ne pense pas que le sol ait une influence sur là nature du cuir autrement que par l'intermédiaire de la végétation ; or sous ce dernier rapport les soins économiques et l'éducation au- ront une action bien plus marquée que les agens naturels cités. M. J. Delaharpe ne voudrait pas nier tout-à-fait l'influence du sol; mais il pense qu'ici l’homme peut, par son travail et son in- dustrie, faire infiniment plus que la nature. M. Morlot entretient de rechef la Société du cône de déjection du torrent de Villeneuve (Bulletin N° 40, p. 212) et des fragmens de poterie appartenant, selon lui, à l’age de pierre, qui ont été trouvés dans ce cône. M. P. Delaharpe expose les résultats auxquels M. Falconer est parvenu en étudiant avec soin et persévérance les ossements fossiles d'éléphant connus jusqu'ici. Cette communication est extraite du Quarterly journal, N° 52, de la Société géologique de Londres. SÉANCE DU 3 FÉVRIER 1858. 3 M. Morlot exposé les conclusions auxquelles il à été conduit par l'étude des dépôts glaciaires du bassin du Léman. Ses observations établiraient qu'il y eut en Suisse deux époques glaciaires distinctes, séparées par un temps sans glacier. Il compte successivement: 1° un diluvium supérieur, dépourvu d’erratique; 2°-un glaciaire supérieur moins étendu que le diluvium, dont les morraines sont remaniées et ui eut une longue durée; 3° un diluvium inférieur d’une longue : s'étendant plus loin et plus puissant que le supérieur (200 à 250 pieds); 4° un glaciaire inférieur dépourvu de morraines connues, très élevé, avec de nombreux erratiques. La Société a reçu depuis la séance précédente : 1. De l'Institut géologique impérial et royal de Vienne: Jahr- bücher, etc. VII, N° 4, 1856. VIII, N° 1, 1857. 2. De la Société géologique de Londres: Quarterly Journal ; N°° 51 et 52. — Adresse anniversaire par le col. Portlock, prési- dent. 3. De la Société zoologique de Londres : Proceedings, etc., an. 1855 , fol. 121 à la fin; an. 1856 en entier et 1857 jusqu’à la page 176. 4, De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la séance du 4 décembre 1857. 5. Des élèves du prof" Zantedeschi à Padoue: Notice biographique sur le prof" f. Zantedeschi. Séance du 3 février 1858. — M. L. Dufour, professeur, exa- mine de rechef la question de l'influence de la température sur l’in- tensité du magnétisme. Il étudie en particulier, dans cette séance, l'influence des températures très élevées: 1° sur les barreaux d'acier non aimantés, mais trempés dans une orientation convenable ; 2° sur les mêmes barreaux aimantés. (Bulletin N° 42.) M. E. Renevier jette un coup d’œil sur quelques questions de l’histoire de la géologie, à l’occasion d’un ouvrage de Woodswould, publié à la fin du siècle dernier. M. Renevier fait un exposé critique des opinions de l’auteur sur l’origine des pétrifications. M. J. Delaharpe fait une première communication sur la météo- rologie des vents. Il établit d'abord l’insuflisance des moyens em- ployés jusqu'ici dans l'étude des vents sur le continent; puis il démontre que ces moyens sont d’ailleurs trompeurs. Dans une Dean séance il exposera les moyens qui lui paraissent préfé- rables. % séance DU 17 FÉvRIER 1858. Dans cette séance la Société reçoit : 1. De M. le prof" de la Rive à Genève: De l'électricité physiolo- gique et de ses applications à la thérapeutique. Extrait de la Biblio— thèque universelle de Genève, novembre et décembre 1857. 9. De la Société des sciences naturelles d’Arau : Tableaux météo- rologiques; de juin à décembre 1857. 3. De M. Hollard, prof" à Poitiers: Monographie de la famulle des ostracianides ; brochure. 1856. &. De la Société royale des Sciences à Coppenhague: Actes de la Société. Année 1856. 5. De la Société des sciences naturelles de Wurtemberg : Jahres- hefte; 14° année, cah. 1. Stuttgart 1858. 6. De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la séance du 20 novembre 1857. 7. De l’Académie royale de Munich: 1. Gelehrte Anzeige; vol. km. — 2. Mittheilung über metallische Superoxyde, par G.-F. Schônbein. Munich 1857. — 3. Ueber dus Verhalten des Bitterman- delôles zum Sauerstoffe, du même. — 4. Neue Beiräge zur Kenntniss der fossilen Säugethieren-Uebereste von Pilermi, par A. Wagner. Munich 1857. — 5. Einige neue Reihen chemischer Be rührungs-Wirkungen, par Schônbein, prof. Munich 1856. — 6. De mutationibus que contingunt in spectro solari fixo, par de prof Fr. Zantedeschi; Munich 1857. — 7. Ueber Bleisesquiphosphat, par le prof” D.-A. Vogel, junior et D.-G. Reischauer ; Munich 1856. — 8. Die statischen Momente der menschlichen Gliedermuassen, par le prof” D. Harless; Munich 1857. — 9. Ueber die Physik der Moleculärkräfte. Rede des D. Jolly. Munich 1857. Séance du A7 février 1858. — Le Secrétaire donne lecture d'une lettre du prof Zantedeschi membre honoraire de la Société, à Padoue, obligé de quitter son enseignement par suite de cécité et qui s’informe de l'arrivée de la brochure indiquée à la séance du 20 janvier écoulé. La Société, sur la proposition du secrétaire, adresse à ce savant la lettre suivante. « La Société Vaudoise des sciences naturelles a écouté avec un douloureux intérêt la lecture de la lettre que vous lui avez adressée sous date du 4 janvier écoulé, et a pris connaissance du resumé de vos nombreux et savants travaux que vos amis et disciples lui ont fait parvenir. L'épreuve particulièrement douloureuse qui vous à frappé et les pénibles conséquences dont elle a été la suite pour votre en- seignement ont été vivement ressenties par tous ceux qui connaissent votre dévouement et votre zèle pour l’avancement des sciences aux- séance DU 17 Février 1858. b) quelles vous avez dès longtemps consacré votre activité tout entière. Votre patrie, les hommes de science de tous les pays et la postérité parleront toujours avec respect et reconnaissance du prof". Zante- deschi de Padoue. La Société Vaudoise des sciences naturelles s’ho- norera d’avoir pu vous compter parmi ses membres honoraires; elle saisit cette occasion de vous témoigner toute son estime et de vous assurer des sentiments distingués et sympathiques qui l’unissent à Vous. » M. le pasteur Correvon, présenté comme membre ordinaire de la Société par M. Zollikofer, est admis à l’unanimité. M. Ch. Redard, officier d'artillerie à Echandens, présenté comme membre ordinaire de la Société par M. Ch. Yersin de Morges , est admis à l'unanimité. M. Guillemin entretient la Société de l'exploitation de la tourbe dans notre pays; après avoir décrit les divers procédés d'extraction, de dessication, de compression et de carbonisation, il propose de faire subir à la tourbe une préparation analogue à celle employée pour la houille. En l’amalgamant avec le goudron on obtient des pains qui donnent un très-bon combustible. M. Guillemin en présente un échantillon. M. L. Dufour rappelle qu’on a déjà amalgamé la tourbe avec le tan dans le même but. M. Ch. Dufour place sous les yeux de la Société deux photogra- phies de la lune, faites à Edimbourg, au diamètre du {/,, de cet astre et prises entre le 15° et le 30° degré de latitude sud. Trois cartes de la même région prises, au moment de la pleine lune, avant et après la nouvelle lune, donnent les divers aspects produits par les ombres projetées. À cette occasion, M. Ph. Delaharpe extrait d’une correspondance de M. C. Gaudin, une communication sur le même sujet. Ce dernier vit à Rome une série de photographies de la lune, faites essentielle- ment dans le but d'étudier ses volcans. On peut suivre aisément sur elles les lignes d’éruptions volcaniques. M. J. Delaharpe présente un énorme calcul du rein, pesant trois gros (poids pharmacien), évacué par les voies urinaires d’une femme. M. le D” Larguier en fait don au musée cantonal. M. Larguier et M. le D' Pellis rapportent à cette occasion leurs observations sur les calculs de la vessie dans notre pays et confir- ment leur extrême rareté: ils ne se forment chez nous que sur des corps étrangers introduits dans la vessie. M. J. Delaharpe fait une deuxième communication sur l'étude mé- téorologique des vents, s’attachant surtout à montrer comment il faut demander aux nuages les renseignements sur la direction et la 6 SÉANCE DU 3 MARS 1858. violence du vent. Ce n’est que par eux que nous pouvons étudier les couches de l'atmosphère et les mouvements divers qui les agitent, les ouragans, les vents régnants, les couches horizontales, les vents hauts et bas, etc. ‘ Dans cette séance la Société reçoit : 1. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Bulletin des séances du 8 et du 22 janvier 1858. 2. Du Club des naturalistes de Cotteswould : Proceedings, etc. , 1850-56. Séance du 3 mars 1858. — L'Institut impérial et royal de Venise adresse une livraison des Acta qu'il publie. Le Bureau propose que la Société se mette en rapport avec ce corps savant par l'échange de ses publications. Cette proposition est adoptée. Le President donne lecture de l'extrait d’une lettre de M. C. Gau- din, datée de Palerme, dans laquelle M. Gaudin décrit plusieurs ef- fets de mirage observés sur la mer durant l'hiver. Des dessins ac- compagnent cette description. (Voir les Mémoires.) M. L. Dufour, après cette lecture, analyse les phénomènes men- tionnés et les trouve en tout point semblables à ceux que l’on peut observer sur notre lac, depuis Villeneuve, surtout en automne. M. L. Dufour entretient la Société des courants d’eau qui alimen- tent le lac Léman. Il rappelle que M. Vallée prétend qu'il existe dans le bassin du lac des sources sous-lacustres. L'hiver actuel était très- favorable, par sa longue sécheresse, pour les expériences tentées dans le but d’élucider cette question. L'affaire essentielle était ici de jauger le Rhône à son entrée et à sa sortie du lac. M. Dufour, aidé de M. Burnier, s’est chargé de cette opération au-dessus de l’em- bouchure du fleuve dans le lac. Le jaugeage exécuté dans les con- ditions les plus favorables et avec un très-grand soin a donné 27 mètres cubes par seconde. Il est fâcheux que les expérimentateurs chargés de faire la même opération à Genève n'aient pu l’exécuter au même moment, car les changements survenus immédiatement après dans l’atmosphère et la chute de la neige, ont nécessairement changé le niveau des eaux affluentes au lac. M. R. Blanchet estime que M. Vallée va plus loin que ne le pense M. Dufour, puisqu'il croit que le bassin du lac est en communication souterraine avec des lacs ou de grands réservoirs ignorés. Il veut expliquer le phénomène des sèches par le déversement subit de ces bassins. M. L. Dufour pense qu'il faut jauger le Rhône à Genève et à { Cette communication paraîtra dans un numéro subséquent du Bulletin. SÉANCE DU à MARS 1858. 7 Noville, ainsi que les principaux affluents du lac, avant de se former aucune opinion sur ces sujets. M. R. Blanchet présente quelques fragments fossiles d'ossements ayant appartenu à de grands mammifères de l’époque quaternaire. Ces ossements ont été recueillis par un parent de M. Blanchet, à Bahia. Parmi eux est un fragment de mâchoire avec une molaire, provenant d’un mastodonte. D’autres fragments ont appartenu à des animaux plus petits. M. Dufour-Guisan lit un article extrait d’un journal anglais an- nonçant qu'en Angleterre l'hiver actuel est si doux que les grives nichent et couvent, et que même on voit les petits éclore. La végéta- tion a partout continué durant l'hiver ; on cueille des fleurs et on voit des papillons. M. J. Delaharpe explique à cette occasion que l'observation de papillons volant en hiver ne signifie pas grand'chose en fait de phé- nomènes périodiques, parce que, d’une part, il existe des espèces qui n’éclosent qu'en hiver, en novembre et en février par exemple, et que d'autre part il en est qui passent l'hiver dans les fentes et les cavernes pour en sortir toutes les fois que la température s'élève quelque peu. M. R. Blanchet rapporte que cet hiver la pêche si lucrative de la truite à l'Arnon (lac d'Yverdon) a complètement manqué, faute d’eau. Le poisson attend en vain que les torrents s’enflent pour pouvoir monter et frayer. Depuis la dernière séance la Société a reçu les ouvrages suivants : 1. De la Société géologique de France : Bulletin, t. XIV, feuille 24 à 32. 2. De la Société des sciences naturelles de Berne: Müttheilungen, 1857, n°° 385-407. 3. De l’Institut impérial et royal des sciences, lettres et arts de Venise: Atti, tom. 3, série 3, 1"° partie. &. De la Société impériale des sciences naturelles de Cherbourg : Mémoires de la Société de, etc., t. IV. 1856. 5. De la Société linnéenne de Normandie: Bulletin de, etc., pre- mier volume, année 4855-56. 6. De Ja Société d'agriculture, des sciences et arts de la Sarthe: Bulletins, etc., 3° série, t. IV. Le Mans. 1856. 7. De la Société d’émulation du Doubs : Mémoires de, etc., 2° sé- rie, 8 vol., 1856. 8. De la Société impériale d’émulation d'Abbeville : Mémoires de, ete., 1852-1857. 8 SÉANCE DU 17 mans 1858. Séance du A7 mars 1858. — M. Gabriel de Rumine, officier au service de sa majesté le Czar Alexandre, présenté par M. Ph. De- laharpe, est reçu membre ordinaire de la Société. M. de Ruminé est l’auteur d'articles sur l'exploitation de l'or en Sibérie. Le Président annonce la mort de M. Lardy, membre de la Société. M. Lardy fut l’un des fondateurs de la Société helvétique des scien- ces naturelles ; c’est à lui et à M. D.-A. Chavannes que nous devons l'établissement et l’arrangement actuel du Musée cantonal. M. Lardy était professeur honoraire de l'académie de Lausanne, vice-président de la Commission des forêts et membre de plusieurs sociétés savan- tes. Ses travaux en géologie sont assez connus. Le Président annonce que M. A. Jaccard du Locle fait don à la Société d’une série de fossiles de la localité qu'il habite, en retour d’une suite de Bulletins de la Société, qui lui a été adressée sur sa demande. Ces fossiles appartiennent à tous les terrains jurassiques et crétacés. M. Rtenevier prend occasion de cette communication pour entre- tenir la Société de divers points de la géologie du Jura Neuchatelois. « À° Comme preuve, dit-il, des services que la géologie peut être appelée à rendre à l’industrie on peut citer l'annonce faite à l'avance du lias sur le trajet du tunnel des Loges. Ce terrain s'y présente comine au tunnel du Hauenstein, par sa partie supérieure caracté- risée par l’ammon: opalinus. Cet étage du lias peut aussi bien être rangé dans l'oolite inférieure. 2° Morteau d’où nous viennent plu- sieurs fossiles de M. Jaccard, est fort intéressant pour la géologie à cause de la présence du terrain Wealdien ou plutôt du Purbeck. (Voir Bulletin n° 41, p. 259.) Dans cette localité le Purbeck est recouvert par le Valenginien, de sorte que sa position géologique est bien éta- blie. Plusieurs des fossiles qu'on y trouve ont un aspect tout-à-fait jurassique, ensorte que ce terrain sert de transition entre le jura et la craie. Chaque année on reconnaît de pareils passages d’un terrain à l’autre, et l’on voit que les coupures tranchées introduites par À. d'Orbigny dans la distribution des terrains de sédiments devenir de jour en jour moins saillantes; l’on admet toujours plus générale- ment que les périodes zoologiques se sont introduites graduellement et sont moins dues aux bouleversements de la croûte terrestre qu'on ne le croyait. 3° À Morteau on observe encore des couches remar- quables de calcaire jaune au-dessus des marnes de Hauterive ; les fossiles ont conservé leur test, comme d’Orbigny et plus tard Tribo- let l’ont observé. Ces calcaires représentent les néocomiens du bas- sin de Paris et de Bétancourt près St. Didier; car les néocomiens français n’appartiennent ni à notre urgonien, ni à l'aptien, mais for- ment une 3" zône entre les néocomiens moyens et supérieurs. &° La série des grès verts qui recouvrent l’urgonien à Morteau à parfaitement semblable au gault de la perte du Rhône et de Sainte- FOIX. SéANCE pu 17 mans 1858. 9 M. Bischoff communique les résultats d’une analyse d'ossements d'Anthracotherium magnum recueillis dans la marne qui accompagne le lignite de Belmont ; 1l y a trouvé: phosphate de chaux . . . . . . . 66,50 carbonate de chaux . . . . . . . 13,98 » magnésie °0, 12,999 L 411607 3,47 silice, pyrites et perte . . . ,. . , .' 2,61 matière organique (brülée) et eau . . . 13,39 ‘ 99,95 M. Delaharpe, père, revient sur la question des sources profondes et des lacs souterrains qui pourraient être en communication sous- lacustre avec le bassin du Léman, comme le prétend M. l'ingénieur Vallée. (Séance du 3 mars). L'hypothèse admise par ce savant ne trouve nulle part dans la géologie du bassin des faits propres à l'ap- puyer, loin de là. Tout l'encaissement de l'Est formé par les Alpes n'est pas construit de manière à favoriser la formation des sources profondes et souterraines ; aussi ne voit-on sourdre à ses pieds que de petites sources qui sont manifestement en rapport, non avec des amas d’eau invisibles, mais avec les neiges qui séjournent sur les sommets et les petits lacs qu'elles y alimentent. Les couches dans les Alpes voisines du Léman sont presque toutes fort inclinées au Nord-Est et à l'Est, ensorte que l'écoulement des eaux souterraines ne pourrait se faire que dans le sens de l'inclinaison. Cette inclinai- son étant partout forte, l'écoulement des eaux pluviales est prompt. On ne voit pas dans les Alpes comme dans le Jura des vallons sans torrents, ni des plateaux marécageux sans écoulement apparent. Les rochers des Alpes beaucoup plus compacts permettent difficilement aux eaux de pénétrer à une grande profondeur. Il existe bien ça et là quelques cavernes, quelques puits naturels, mais les eaux qui ont dû les creuser agissaient à une époque antérieure à l'état actuel du sol, et rien n'y laisse voir l’action des eaux, dans des temps plus modernes, comme dans le Jura. La portion du bassin du lac formée par les terrains tertiaires ne fournit aucune source profonde; ces ter- rains, peu brisés, renfermant des bancs nombreux de marne, ne laissent guère pénétrer les eaux. D'ailleurs ies molasses sont partout, sous le sol des parties basses et déclives, recouvertes par un lit non stratifié de marnes glaciaires fort compactes et presque imperméables. (Voir la note à la page 11.) La seule portion du bassin d’où pourraient provenir des sources souterraines est celle qui est dominée par le Jura ; mais ici il existe une digue fort épaisse de dépôts glaciaires qui arrète l'écoulement des sources souterraines et les force de jaillir au pied même de la montagne, assez loin du lac. Telles sont les sources de la Venoge, de l’Aubonne, de la Promenthouse ; ete. D'ailleurs le lac étant peu profond sur toute la côte voisine du Jura, s’il existait des sources sous-lacustres sur cette rive, elles auraient été dès longtemps si- gnalées. 10 SÉACE DU 7 AVRIL 1858. M. R. Blanchet pense que M. Vallée n'aurait pas eu l’idée de re- courir à l'hypothèse de sources sous-lacustres dans le bassin du Lé- man , s’il n’eût été témoin , à Genève, d’une sèche, sorte de marée assez rare, que cet ingénieur ne sut pas expliquer autrement. Il partage du reste l’opinion de M. Delaharpe. Toute la question attend une solution positive et celle-ci ne saurait intervenir tant qu'on n'aura pas exécuté un jaugeage simultané du Rhône à son entrée et à sa sortie, dans des circonstances favorables. M. Rambert annonce que la flore vaudoise peut enrégistrer trois plantes suisses qui n’avaient pas encore été recueillies dans le Canton. La 1" est le Silene rupestris, assez fréquent sur le sol des terrains cristallins. M. Rambert l’a collectée dans les Alpes de Bex, au-dessous de la pointe d'Argentine , sur la montagne du Cheval-blane. 2° Le Juncus Jacquini, propre aussi aux sols d’origine granitique, se trouve sous le glacier de Paneyrossaz et là sur le sol purement calcaire. 3° Enfin une espèce récemment connue, l’Agrimonia odorata, a été retrouvée au-dessus des Plans (de Bex) sur la montagne du Cheval- blanc. Cette plante fut signalée d’abord dans les environs de Genève. M. Ph. Delaharpe pense que l’on peut expliquer la présence des deux premières plantes qu’a mentionnées M. Rambert, par la présence dans les localités où elles eroissent d’une couche de grès siliceux ou grès de Taveyannaz, appartenant au terrain eocène. Dans cette séance la Société reçoit : 4. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Bulletin de, etc. séance du 19 février 1858. 2. De la Société des sciences médicales et naturelles de Malines : Annales de, etc. , 13° année, 3° livraison, 1856-1857. 3. De l’Institut impérial et royal des sciences, lettres et arts de Venise: Atti della, etc., an. 1857-58, 2° livraison. Séance du 7 avril 1858. — M. De la Cressonnière , présenté par M. Marguet, est reçu membre ordinaire de la Société. M. le prof” Marguet, fils, dépose sur le bureau cinq tableaux ré- sumant les observations météorologiques faites à l'Ecole spéciale de Lausanne dans l’année 1857. Après cette communication, M. Marguet demande si l’idée de cen- traliser en Suisse les observations météorologiques par la voie du télégraphe a reçu un commencement d'exécution. On répond que rien n’a été fait à cet égard. Après discussion, l'assemblée décide, sur la proposition de M. Marguet, de s'adresser à la Société helvé- tique pour lui rappeler les vœux émis par la Société vaudoise il y a deux ans. Le Bureau est chargé de correspondre sur ce sujet avec le Comité central de Berne. (Voir séance du 40 juin 1858.) SÉANCE DU 21 AvRiL 4858. il M. Ph. Delaharpe présente à l'assemblée deux fragments de mäâ- choire d’anthracotherium de petite dimension, découverts dans les houilles de Belmont. Cette mâchoire se rapproche à bien des égards de celle de l’anthracotherium velaunum. C'est la première fois que cette espèce est trouvée en Suisse. Il se pourrait qu'elle appartint à un animal distinct. M. R. Blanchet place sous les yeux de la Société la portion anté- rieure de la mâchoire supérieure d’un chien adulte de petite espèce, qui porte à la fois deux rangées de dents incisives, celle de la pre- mière et celle de la deuxième dentition. L'assemblée décide, après discussion, de réunir à Lausanne la Société en séance générale annuelle le 16 juin prochain. La Société de Durkheim (in der Pfalz) nommée Pollychia, offre, par l'intermédiaire de M. Blanchet, d'échanger ses publications avec celles de la Société vaudoise. Cet échange est accepté. M. AH. Dor, D' médecin, présenté par M. le prof” Dufour comme membre ordinaire, est reçu à l'unanimité. La Société reçoit dans cette séance : 1. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Bulletin de, etc., à février 1858. 2. De M. le prof” F.-J. Pictet, à Genève : Notice sur les poissons des terrains crétacés de la Suisse et de la Savoie. (Extr. des archives scientifiques de la Bibl. universelle. Mars 1858.) Séance du 21 avril 1858. — M. le D' Rossier, présenté par M. le D' Ph. Delaharpe, est reçu membre ordinaire de la Société. M. Ph. Delaharpe fait un exposé succinct de la constitution géolo- gique de la chaine collatérale à celle de la Dent-de-Morcles et Grand-Meuvran qui sépare le Canton de celui du Valais. La chaîne qu'il examine se détache à l'Ouest du massif de Morcles et court au N.-E. en se dirigeant du côté des Diablerets. Les renversements qu'elle présente sont des plus marqués. M. Bessart place sous les yeux de la Société quelques dents de requin fossiles provenant de la molasse marine des environs de Thierrens et des térébratules de S'° Croix. M. Delaharpe, père , attire l'attention de la Société sur une bro- chure qu'il vient de recevoir de M. Millières de Lyon. Cet entomo- ! L'auteur nous faisant espérer une seconde communication sur ce sujet, la publication est renvoyée à un n° futur du Bulletin. 12 SÉANCE pu © MAI 1858. logiste a communiqué à la Société Linnéenne de cette ville les obser- vations qu'il a faites sur trois espèces de lépidoptères appartenant à la famille des Psychides. Dans ces trois espèces, dont deux sont nou- velles, au dire de M. Millières, et dont la 3° appartient à la Psyche helicinella , H. $., l'auteur n'a jamais obtenu d'individus ailés, par l'éducation, quoiqu'il ait eu plusieurs générations successives dans les fourreaux des individus aptères'. Il en conclut que ces insectes sont probablement hermaphrodites ou unisexuels et qu'ils doivent former un genre à part, auquel il donne le nom d’apterona. Avant d'admettre ces conclusions, M. Delaharpe pense qu'il faut répéter les observations et les rendre plus décisives en décrivant les organes sexuels des espèces citées. Il est très-probable que M. Millières n’a jusqu'ici observé que des femelles et pas de mâles, et que la plu- raté des reproductions après une seule fécondation, si elle est cons- tatée, doit s'expliquer par une série de générations femelles terminée par une génération mâle, comme chez les pucerons. Ce fait, s’il est avéré, mérite toute l'attention des observateurs. Avant de se séparer, la Société décide de se réunir à Lausanne pour la séance annuelle et publique du mois de juin prochain. Dans cette séance la Société reçoit les ouvrage suivants: À. Société géologique de France : Bulletin de la, etc., tom. XVI, f. 33-38. 2. Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletins des séances des 5 et 19 avril 1858. 3. Institut impérial et royal des sciences, lettres et arts de Venise: Atti della, ete., v. 3, série 3, livraison 3. &. Société des sciences naturelles du Wurtemberg : Jahreshefte, an. 13°, 3° cahier, 1857. 5. Société zoologique et minéralogique de Ratisbonne : Corres- pondenz-Blatt der, ete., 11° année, 1857. 6. M. le prof. Wartmann : Sur l'éclairage électrique. Brochure. 7. Société royale de Londres: Proceedings of the: vol. VIT, n° 26. Séance du 5 mai 1858. — M. le professeur Pictet de Genève et M. Humbert adressent à la Société une notice sur une tortue fossile de la molasse Suisse, notice qui doit servir de note additionnelle à ‘ La larve des psychides vit dans un fourreau qu’elle ne quitte pas ; la fe- melle de l’insecte parfait est aptère, vermiforme et termine sa courte car- rière dans le fourreau de la larvé où elle est née. SÉANCE DU D MAI 1858. 43 la monographie des chéloniens que ces savants ont publiée dans les Matériaux pour la paléontologie helvétique. (Voir les Mémoires.) La Société diseute, article par article, le projet de règlement de la Société élaboré par le Bureau ; il est adopté en ces termes : « Anr. 4. La Société vaudoise des sciences naturelles a pour but l'étude des sciences physiques et naturelles et travaille à leur avan- cement. » Arr. 2. Elle se compose de deux classes de membres: les membres effectifs et les honoraires. » Arr. 3. Sont membres effectifs: 1° Toutes les personnes qui, présentées, par écrit, par un membre de la Société, obtiennent les suffrages des deux tiers des membres présents. 2° Les membres de la Société helvétique des sciences naturelles résidant dans le Canton. » Arr. 4. Les membres effectifs paient: 1° une finance annuelle de 5 fr. ; 2° une contribution annuelle, déterminée chaque année par la Société dans sa séance annuelle. » Arr. 5. La direction des travaux de la Société est confiée à un Bureau composé du Président, du Vice-président, du Secrétaire, du Caissier et du Bibliothécaire. » Le Bureau est renouvelé annuellement, au serutin secret, à la majorité des voix, dans la 1° séance de novembre. » Le Président seul n’est pas immédiatement réél gible. » Ant. 6. La Société se réunit à Lausanne, les 1° et 3° mer- credis de chaque mois, du 1° novembre au 14 juillet. » Le 5° mercredi de juin est consacré à une séance annuelle et publique, qui peut avoir lieu ailleurs qu’à Lausanne. » Arr. /. La Société publie un Bulletin. » Une Commission spéciale et permanente, composée du Secré- taire et de deux memures choisis par la Société, est chargée de sa rédaction. » Un règlement spécial détermine le mode de publication, le prix des abonnements et celui des n° isolés. » Arr. 8. Chaque membre de la Société reçoit un exemplaire du Bulletin gratis et franco. » Anr. 9. La Société posséde une Bibliothèque, dont tous les membres peuvent jouir. Un règlement spécial en détermine l’admi- nistration. » Art. 10. Les candidats à la Société helvétique présentés par la Société vaudoise, sont choisis parmi les membres effectifs qui se sont fait connaitre plus spécialement par leur zèle scientifique conformé- ment à l’art. 2, $ 1 des statuts de cette première Société. Leur dési- gnation a lieu à la majorité des membres présents. » Arr. 11. Les comptes sont présentés dans la séance annuelle, après avoir été examinés et approuvés par le Bureau. Membres honoraires. » Arr. 12. Les membres honoraires sont choisis parmi les hom- mes dont la réputation scientifique est établie. 14 SÉANCE DU D MA1 1858. » Arr. 43. Leur nombre ne peut dépasser 50. » Aucun Suisse, ni Vaudois, résidant dans le Canton, ne peut être membre honoraire. » Arr. 14. Tout membre effectif peut proposer la nomination d’un membre honoraire. La présentation a lieu par une lettre adres- sée au Président, dans laquelle sont exposés les titres scientifiques du candidat. » Le Bureau est appelé à donner un préavis sur cette nomina- tion, dans la prochaine séance annuelle. » La nomination à lieu à la majorité des membres présents. » Arr. 15. Toute proposition tendant à modifier le présent règle- ment doit être présentée à la Société qui la renvoie, si elle est ap- puyée, à l'examen du Bureau ou d’une Commission spéciale. » M. Guillemin, ingénieur, a la parole pour exposer le mécanisme d’une cible indiquant au tireur, sans le secours d’un marqueur, le point atteint par la balle. Un télégraphe électrique désigne sur une cible placée près du tireur le point atteint par la balle. Le méca- nisme assez compliqué de l'appareil ne se prête guère à une des- cription. M. L. Dufour dépose sur le Bureau une notice de M. Schnetzler relative à un calcul rénal du bœuf dont il a fait l'analyse qualitative. (Voir les mémoires.) MM. Ph. Delaharpe et Dufour rapportent qu'ils se sont transpor- tés sur le théâtre de l'accident qui a brülé 3 mineurs, il y a peu de jours, dans une mine de houille, au-dessus de Lutry. La galerie où avait paru le grisou n'en montrait pas la moindre trace. Un éboule- ment récent ne permettait du reste pas d'arriver au fond des travaux. M. Ph. Delaharpe ajoute quelques détails géologiques sur les cou- ches traversées par la galerie. Celle-ci n’avait point encore atteint le charbon. Pour y parvenir, elle doit traverser une couche épaisse de molasse rouge, puis une faille très-considérable , après laquelle, pénétrant dans la molasse grise par ses couches supérieures, elle parviendra au charbon situé assez profondément sur ce point. M. L. Pi entretient la Société des variations observées fré- quemment depuis peu d'années dans les étoiles fixes. Plusieurs étoiles de 8° et 9° grandeur ont disparu brusquement, tandis que d’autres ont paru sur d’autres points. Les astronomes signalent aussi de fréquents changements dans l'éclat et dans la grandeur de cer- taines étoiles. Ces faits méritent de fixer l’attention. S'ils existaient auparavant avec la même fréquence, ils n'avaient du moins pas été observés. M. L. Dutoit, prof, indique une curieuse propriété des nombres. Si, dit-il, dans une somme composée de tranches de 2 chiffres, dont le second est le double du premier, on renverse les chiffres, on SÉANCE DU D MAI 1858. 15 obtient par là l'intérêt de cette somme au 3 ‘/, p' °/,, pour 6 mois. Chacune de ces périodes ainsi renversées est du reste toujours di- visible par 7. M. Dapples dépose les observations ozonométriques continuées au S' Bernard pendant l’année 1857 et une partie de 1856. Les courbes obtenues sont entièrement semblables à celles fournies pré- cédemment dans la même localité ; elles se montrent toujours beau- coup plus irrégulières le jour que la nuit. (Voir Bulletin N° 40, page 214.) Voici du reste quels furent les chiffres obtenus au Grand-S'-Ber- nard pendant cet espace de temps : Nuits Jours. Octobre 1836 (en somme) . . 9252 189 Novembre » PA at and Dee it at -: 2141 Décembre » Ge Patrie ne NE del des - 225 Janvier 1007 06 UF: REY 216 Février » 29 PMU) EUR 130 Mars » Hoi Del nds : : 194% Avril » LORRAINE OU EUR EE 200 Mai » SN PF CREME. | 181 Juin » Mid ete. di 007 189 Juillet » NN: 172 MM. Renevier et P. Delaharpe signalent deux affleurements de molasse qui vont disparaître et faire perdre aux géologues un point de repère important pour la fixation de l’axe anticlinal de la molasse vaudoise. À Ouchy, sous Lausanne, les travaux de déblais néces- sités par la construction du grand hôtel de Belle-Rive, ont mis à dé- couvert 3 petits mammelons molassiques, arrondis, situés tous dans l'emplacement qu'occuperont les caves de l'hôtel. Ces mammelons sont formés de couches de grès tendre et de marnes, alternant en- semble, contenant quelques empreintes ligneuses, offrant en un mot tous les caractères de la molasse grise ordinaire des environs de Lau- sanne. Les couches sont inclinées par 35° à 40° au S. E. Ces mam- melons hauts de 1 à 1 ‘/, mètres sont recouverts par une marne grise très-dure (on la fait sauter à la poudre), empätant un grand nombre de blocs et de cailloux alpins, de toutes les grandeurs, ar- rondis, bien polis et striés. Ce dépôt diluvien nous représente sans doute un lambeau de morraine profonde. En admettant ce fait il est remarquable que le grand glacier n'ait pas nivellé et détruit ces petites proéminences de molasse tendre, au nombre de trois, sur une surface de 200 toises carrées environ. Les travaux pour la construction du nouveau quai d’Ouchy vont encore cacher pour jamais les couches inclinées que l’on obserye au bord du lac au-dessous de l’usine à gaz. C'était le point le plus oc- cidental où l’on eùt noté la molasse inclinée au S.-E., par consé- quent celui où les géologues suisses s’accordaient à faire passer l'axe anticlinal. 16 SÉANCE DU 19 mar 1858. Depuis la dernière séance la Société a reçu : 4. Du prof" Fr. Zantedeschi, à Padoue, une copie imprimée des lettres qui lui ont été adressées à l'occasion de sa démission de pro- fesseur. Padoue, 1858. 2. De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la séance du À avril 1855. > Séance du 19 mai 1858. — M. Bessard décrit le mode de forma- tion actuel de la plaine d’alluvion qui termine, au lac de Morat, la vallée de la Broye. Le lit du torrent qui offre 10 pieds de profon- deur un peu avant son embouchure, n'en présente plus que 2 ou 3 à celle-ci, sans s'être sensiblement élargi. Au devant de l'embouchure le lac a une profondeur de 3 à 400 pieds. Les vents du nord re- poussent les atterrissements du torrent au-devant de l'embouchure et y forment un banc qui circonscrit une lagune de chaque côté de l'embouchure. Les procédés d’atterrissement sont donc sur ce petit point — observe M. Morlot — semblables à ceux de l'embouchure des grands fleuves. M. Bessard décrit encore la structure des berges alluvionnaires qui existent au sud de la ville de Morat, au bas du champ de bataille bourguignon. Ces berges reposent sur la molasse qui se montre près de la dans le lac. Les atterrissements sont formés , sur une hauteur d'environ 40 pieds au-dessus du niveau actuel du lac, par des cou- ches de sables et de graviers stratifiés, inelinés d'environ 20 à 25° vers le lac et qui ont été déposés dans une eau tranquille. Ils sont le fait d’un petit torrent dont le lit est à peu-près sec maintenant, mais qui parait avoir été plus considérable autrefois, et indiquent en même temps que les eaux du lac furent à cette époque plus élevées de près de 40 pieds. M. Morlot rapporte qu'il a observé deux aurores boréales , l'une et l’autre à Coppenhague; une 1° eut lieu dans la nuit du 9 au 10 avril passé, une 2° dans celle du 11 au 12 du méme mois. Les au- rores boréales sont assez rares à cette époque de l’année. La 1" fut aperçue à Morges et ne présenta rien d'extraordinaire. La 2° formait un are lumineux qui subissait un continuel mouvement et ne pré- sentait pas de rayons. Une troisième eut lieu plus tard encore dans la nuit du 7 au 8 mai, mais elle ne fut visible que sur la Baltique et n'offrait rien de particulier. M. J. Delaharpe, père, entretient la Société des exagérations qui ont été publiées au sujet de l'influence que la pression barométrique doit exercer sur l’économie animale. Citant les observations faites lors d’une ascension récente au sommet du Chimborazo, il en conelut que cette influence est à peu-près nulle et en tout cas fort différente de celle que les auteurs indiquent. (Voir les Mémoires.) SÉANCE DU 19 mar 1858. 17 Une discussion s'engage sur ce point entre les membres présents. M. L. Dufour pense que l'équilibre entre la tension des gaz dis- sous dans le sang et l'atmosphère ne s'établit que lentement, ensorte que l'ascension à une grande hauteur doit avoir un effet sensible sur la circulation. M. Delaharpe observe que cet équilibre a bien le temps de s’éta- blir lorsqu'il s’agit de gravir une sommité élevée, et que le seul cas où il ne pourrait pas être rétabli assez promptement et amènerait des désordres dans les fonctions, serait peut-être celui d'une ascen- sion aérostatique. M. Morlot partage les opinions de M. Delaharpe et eite l'exemple des personnes qui descendent sous la cloche des plongeurs à la pro- fondeur de 100 pieds, c’est-à-dire sous une pression de près de trois atmosphères , sans éprouver aucun effet particulier dans leur respi- ration. Il a plongé lui-même à 20 pieds sous l’eau sans ressentir rien de particulier. Il a fait l'ascension non interrompue de 1100 pieds dans un puits sans autre gêne dans la respiration. M. Guillemin croit pouvoir expliquer par la pression barométri- que le bien-être que l’on éprouve à la suite d’un orage alors que le baromètre remonte. M. Delaharpe répond que cette impression peut mieux s'expliquer par les modifications hygrométriques , par le mouvement des cou- ches d’air et surtout par les différences thermométriques. M. E. Renevier n’a rien observé pour sa part dans les ascensions élevées qu’il a faites ; cependant il a constaté plus de légèreté dans la marche et d’entrain ; mais ces effets peuvent s'expliquer autrement que par la pression barométrique. M. Jsler place sous les yeux de la Société un fragment de tube de verre qui a été manifestement dissout par la vapeur d’eau, sous la pression d'une chaudière dans laquelle il pénétrait. M. Guillemin rapporte qu'il a fait quelques essais de fabrication de poudre à canon par un procédé économique. La proportion de 20 parties de soufre, 20 parties de sciure de bois et 60 parties de nitrate de soude lui a donné un mélange détonnant qui pourrait être utilisé dans les mines et coûterait moms que la poudre ordinaire. Cette poudre brüle en fusant. M. Chausson présente une médaille allégorique datant de 1666 qui représente sur chaque face, suivant sa position, le pape ou un diable, Luther ou un fou. M. Brélaz dit avoir observé dans le lit du Talent, près de Cha- vornay, un affleurement de calcaire au-dessous de la molasse. On 9 18 SÉANCE DU 2 JUIN 1858. . sait en effet qu'une couche de calcaire d’eau douce a été constatée dans la molasse des environs, à Goumoens, à Daillens, etc. Le Président fait lecture d’une lettre de M. E. Chavannes don- nant sa démission de membre des Sociétés helvétique et vaudoise pour cause de santé. Depuis la dernière séance la Société a reçu les ouvrages suivants : 4. Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la séance du 23 avril 1858. 2. Société géologique de France: Bulletin de la, ete.,t. XV, feuille 1-6; t. XIV, f. 39-45. 3. Société des sciences naturelles de Zurich : Verhandlungen, etc., 4856. An. I, n° 1-4, 1857; IL, n° 1-4, 1858; III, n° 1-2. Deux exemplaires de chaque numéro. 4. Académie impériale de Dijon : a) Journal d'agriculture et d'horticulture de la Côte-d'Or. Années 1841 à 45 (5° à 8° année); années 1850 à 57 (13° à 20° année). — b) Mémoires de l'académie de Dijon. Années 1851 à 56 (2° série, t. 1 à 5). — c) Description d'un nouveau genre d'Edentes fossile, par M. L. Nodot. Atlas. 5. M. W.-R. Wilde, secrétaire de l'académie royale d'Irlande :- Catalogue des antiquités du musée royal de l'académie. Dublin, 1857. Séance du 2 juin 1858. — M. C. Gaudin place sous les yeux de la Société des échantillons de farine fossile provenant de Castel del Piano. Il rapporte que l’on a tenté d’en fabriquer des briques; mais que ces essais n’ont pas réussi et fournissaient des matériaux trop fragiles. Cette terre est composée, comme l’on sait, de carapaces d'infusoires fossilisées. Le même membre présente des échantillons du Cyperus polys- tachius et de la Pteris longifolia qu'il a recueillis dans les fumaroles d’Ischia (Naples) où ces plantes ont été découvertes, il y a quelques années, par M. le prof” Tenore. L'existence à [schia de deux plantes exotiques, et particulièrement celle d’un Cyperus indigène dans l'Inde tropicale, avait engagé M. Tenore à supposer que leur présence remontait peut-être à l’époque géologique du terrain carbonifére. Cette supposition n’est évidemment pas admissible ; mais on pourrait se demander si ces plantes ne sont pas des restes de la flore ter- tiaire, bien plus rapprochée de nous et que l’on sait avoir eu un caractère presque tropical. On pourrait soutenir cette opmion en s'appuyant sur le rapport que la Pteris longifolia présente avec les Pt. pennæformis, Parschlugiana et Gaudini de notre molasse suisse. Malgré la ressemblance de ces quatre espèces de fougères, celle d’Ischia reste spécifiquement distincte des espèces fossiles citées , SÉANCE DU 2 Juin 1858. 19 lesquelles se rapprochent davantage encore de la Pt. cretica. Il est plus naturel d'admettre que les spores de la plante d'Ischia, qui habite aussi l'Amérique, l'Asie et l'Afrique tropicales, sont souvent transportées par les vents et qu'elles ne se sont développées dans les fumaroles des Gacciatoli que parce qu’elles y rencontraient les conditions de chaleur et d'humidité nécessaires à leur développement. Quant au Cyperus polystachius, ses graines plus pesantes ont pu, comme cela arrive fréquemment, s'attacher aux plumes de quelque oiseau voyageur et germer après avoir été déposées auprès des fu- maroles qui, sans doute, étaient plus nombreuses anciennement. M. R. Blanchet ajoute qu’il a reçu la même fougère des environs d'Alger, et qu'entre autres transports de plantes tropicales dans des régions froides, on a cité le Lycopodium densum qui prospère autour du cratère du sommet de Ténérife. M. C. Gaudin lit une notice sur la quantité de limon charié par la rivière de l’Arno , chaque printemps. (Voir les mémoires.) Le même présente un rameau de buis frais et cueilli dans le voi- sinage, dont des feuilles sont chargées de cochenilles blanches ; la pression en exprime une liqueur d’un pourpre intense. Cet insecte est la Psylla buxi bien connue des entomologistes. Il place enfin sous les yeux de l'assemblée deux épreuves de la flore fossile tertiaire de Heer, reproduisant des Légumineuses et des Rutacées. | M. H. Bischoff présente du Silicium qu'il a obtenu par le procédé de Deville, en petits cristaux octaëdriques d’un beau vert. Ce métal fond à une haute température et s’allie au cuivre ; l’alliage est d’un jaune blanc, malléable et très-tenace. M. Morlot lit une lettre de M. Oster, de Berne, relative à la déter- mination de fossiles des terrains crétacés, qu’il a recueillis en abon- dance et en place, dans le lit de la Veveyse, près Châtel-St.-Denis. Ces fossiles se rattachent pour la plupart aux néocomiens moyen et inférieur. La localité où ils ont été trouvés est particulièrement riche en fossiles jurassiques et crétacés. M. Ph. Delaharpe rapporte l'observation d’un halo irrisé, double, qu'il vit à 11 heures du matin. Les places du halo qui s’appuyaient sur des nuages étaient plus fortement irrisées. Le second cercle n'était visible que sur un point de la circonférence et se montrait aussi faiblement irrisé. Un autre membre de la Société avait aussi observé ce phénomène. Depuis la dernière séance, la Société a reçu : 1. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Mémoires et comptes-rendus des années 1856, cah. 1-4 ; 1857, cah. 1, 2 et 3. 2. De M. le professeur Wartmann, à Genève : a) Recherches expé- 20: SÉANCE ANNUELLE DU 16 Juin 1858. rimentales et théoriques sur la fiqure d'équilibre d'une masse liquide sans pesanteur, par J. Plateau (extrait des mémoires de l’Académie royale de Belgique). — b) Maittheilungen der naturforsch. Gesell- schaft in Zurich, AA feuilles. 3. De M. E, Renevier : Fossilès du terrain aptien du Jura et des Alpes, par MM. Pictet et Renevier, livr. 6-11, 1858. 4. De M. Venance-Payot : Observations météorologiques et ther- mométriques faites à Chamounix de 1855-57, sur les sources de la vallée de l Arve (extr. des mémoires de la Société impériale d’agricul- ture et d'histoire naturelle de Lyon, 1857). 5. De M. R. Blanchet: Rapport sur les cuirs, les habits et les matelasseries de l'exposition suisse en 1857 (extr. du rapport général sur cette exposition). Séance annuelle du 16 juin 1858. Présidence de M. Ph. Delaharpe, docteur. Le Président ouvre la séance en ces termes : « Messieurs, » Le G octobre 1815, quelques amis des sciences naturelles’se réunirent à Mornex, près Genève, chez le D' Gosse, et là posèrent les bases de la Société helvétique des sciences naturelles. De retour chez eux, les Vaudois ‘ présents à cette réunion fondérent une section de l'association helvétique sous le nom de Société vaudoise des sciences naturelles. Dès lors et pendant les 43 ans qui se sont écoulés jus- qu'à aujourd'hui, la vie et l’activité scientifiques n’ont pas cessé de se manifester du plus au moins dans son sein. » Durant les 36 premières années de son existence, les travaux les plus remarquables qui furent présentés à la Société furent publiés dans le journal rédigé par l’un des fondateurs de notre Société et du Musée cantonal, le père de l’un de nos membres, M. le prof'éD.-A. Chavannes. Aussi faut-il compulser les nombreux volumes de la Feuille du canton de Vaud, puis ceux du Journal de la Société vaudoise d'utilité publique pour retrouver les travaux de cette époque. » En décembre 1841, la Société des sciences naturelles se sentant plus forte, écouta les conseils de l’un de nos membres, M' le prof” Wartmann, et se hasarda à publier elle-même un Bulletin de ses séances. Le 1° volume, fort de 400 pages, ne fut terminé que 4 ans plus tard, en décembre 1845. Les années suivantes furent marquées par une augmentation d'activité scientifique, car le second volume ne comprend que les 3 années 1846, 47 et 48. 1 MM. Ch. Lardy, prof"; Levade, pharmacien à Vevey; de Charpentier, directeur des mines de Bex; Chavannes, D.-A.; de Dompierre, de Payerne, colonel. for SÉANCE ANNUELLE DU 46 suix 1858. 94 » Mais cet élan ne fut pas de longue durée. En 1849 les publications ne s’élevèrent pas à plus de 40 pages; et en 1850 elles tombèrent au minimum de 24 pages. À cette époque la Société se trouvait dans un état de langueur alarmant, plus d’un membre craignait qu'elle ne cessät bientôt d'exister. Les séances n'étaient plus fréquentées que par trois où quatre membres, plusieurs d’entre elles même n’eurent pas lieu, faute d’assistants. » Il serait utile de rechercher quelles furent les causes de cet état de langueur. Elles furent nombreuses. J'en relèverai iei une seule qui me parait particulièrement importante. » Pendant longtemps, plusieurs hommes éminents avaient par leurs travaux soutenu presque toute l'activité de la Société. [ls s'étaient accoutumés à ne présenter à la Société que des travaux complets, parfois volumineux, résultats d'observations nombreuses et assidues. Après eux, peu de personnes osaient s’avancer dans l'arène sans avoir un mémoire d'une certaine dimension. Des cir- constances particulières et diverses éloignèrent ces savants du pays. Sans eux la vie scientifique, telle qu’elle était alors, ne pouvait se manifester au même degré, et ainsi survinrent ces années de som- meil dans la Société. » En 4851 et 52, la Société reçut dans son sein plusieurs personnes qui firent les plus louables efforts pour la ramener à la vie. Deux moyens également favorables s’offrirent à elles pour atteindre ce but. Le premier fut de prouver à tous qu’une société semblable à la nôtre ne doit pas vivre seulement de longs mémoires et d’études approfon- dies, mais que dans nos séances les petites communications , les observations de peu d'apparence, les riens scientifiques doivent rem- plir une grande place. Ici encore des faits observés en courant, de petits détails font souvent plus pour la science que des volumes. » La géologie fournit le second levier. Cette science encore neuve dans son étude et dans ses applications à notre pays de montagnes, offrait un vaste champ de découvertes. Le champ fut bientôt attaqué sur plusieurs points , et le résultat de ce travail fut celui que vous connaissez tous. » À ces deux circonstances, joignez l'entrée d’un grand nombre de jeunes gens dans la Société, et enfin l'institution des séances an- nuelles dont nous célébrons aujourd’hui la sixième , et nous com- prendrons d'où provient le nouvel élan que reçut l'étude des sciences naturelles dans le canton de Vaud. » Dès lors le zèle s’est graduellement ranimé. Pour le prouver, il suffit de rappeler par quelques chiffres ce qu'ont été les publica- tions de la Société dans les sept dernières années : En 1851 elle publia 30 pages » 4852 » 74 » | tom. II. » RÉ » 120 » » 1854 » 175 » DC1855 02 » 969 à | tom.Iv. » 1856 » 200 >» environ V " AOÛT » 200 5 id De LQ 2 SÉANCE ANNUELLE DU 16 sun 1858. » Ge court relevé nous permet d'apprécier en même temps notre position actuelle. Satisfaisante à plus d’un égard, elle a toutefois cessé depuis deux ans de suivre une marche ascendante dans son activité. Pourquoi cette remarquable progression s’est-elle trouvée tout à coup arrêtée à la fin de 1855? Je crois pouvoir affirmer que la cause se trouve dans la diminution des petites communications , de ces riens, comme je les appelais tout à l'heure. De même que dans l'homme la vie ne se manifeste pas seulement par le grand acte de la respiration, mais éncore et surtout par les mille petits mouve- ments qui animent d'une manière presque incessante toutes les parties de notre être; de même dans une société, ce ne sont pas les grands travaux de quelques hommes qui font la vie, mais encore et plutôt les observations isolées, les faits détachés et sans apparence. Le savant qui s'éloigne des grands foyers de lumière pour se ha- sarder dans les obscurs domaines des questions scientifiques abstraites, est trop heureux de reconnaître sa route, grâce à la clarté répandue par les myriades d'étoiles que ses prédécesseurs ont semées sur leurs pas. » Le Secrétaire communique un aperçu statistique de la Société durant l’année 1857-58. Dès la dernière séance annuelle la Société est entrée en relation avec cinq nouvelles Sociétés étrangères à la Suisse, qui lui font parvenir leurs publications. Dès la même époque elle a reçu 117 publications de toutes dimensions et plus ou moins volumineuses; elle s’est accrue de 32 membres ordinaires. Elle a perdu 3 de ses anciens membres qui ont donné leur démission pour cause d'âge ou d’infirmité; elle regrette la mort du dernier de ses membres fondateurs, M. le professeur Lardy. Enregistrons encore un don fait par M. Jaccard, du Locle, de fossiles du Jura qui ont été déposés au musée cantonal. Le Caiïssier donne un résumé de la situation financière de la So- ciété à cette date, et présente ses comptes examinés et approuvés par le Bureau. Au 17 juin 1857, la Société avait en caisse . . fr. 179 10 Dès lors elle a perçu en contributions diverses . » 89% — Elle a reçu d’un anonyme . . . . . . » 200 — » pour abonnements au Bulletin . . » 113 85 Recette totale, fr. 1386 95 Elle a dépensé pour impressions en LÉO de ui fr. 407 Idem: en, 1857 PRRMRNEMRRR 1 CGR Pour lithographies, en 1857 » 137 » frais de séances » . . » 43 70 » ports et corresp., en 1857 » 33 70 » affranchiss., etc., » » 6L 85 frais divers . » 44 80 1292 05 A ce jour, solde en caisse, fr. 94 90 SÉANCE ANNUELLE Du 16 sux 1858. 23 Sur la proposition du Bureau, la contribution annuelle pour l'an- née prochaine est fixée à 6 fr., comme elle le fut pour l'année qui finit. Le Bibliothécaire , en annonçant la publication d'un nouveau ca- talogue de la bibliothèque, prévient les membres de la Société qu'il se trouve à la bibliothèque tous les samedis, après-midi. Les personnes suivantes sont reçues à titre de membre ordinaire de la Société. MM. Gabriel de Rumine , présenté par M. L. Dufour, prof. Gonin-Burnand » E. Renevier. Blanc, Aug., municipal à Vevey, présenté par M. Schnetzler. Schüssler, pasteur à Vevey, » » Ferderer, Ch., directeur du collége de Vevey, » Pouly, Ch., instituteur id, id. , Wirtz, Henri, Otto, id. id. » Jacob, id. id. » Favez, id. id. , Golliez, H., méd. à Lutry, présenté par M. Butin, pharm. Deux places de membre honoraire étant vacantes, M. Morlot propose pour l'une d'elles M. Japhet Steenstrup, professeur de zoologie à Copenhague; M. L. Dufour propose pour l’autre M. A Külliker, notre compatriote, professeur d'anatomie et de physiologie à Berlin. Ces deux Messieurs sont admis à l'unanimité. La Société décide de présenter comme candidats à la Société hel- vétique réunie à Berne cette année. MM. Bessard, Hri.-Fréd., instituteur à Moudon. Troyon, Fréd.-Ls., professeur, à Eclépens. Vionnet, P.-L., pasteur à Ste-Croix. Gonin, L.-A., ingénieur à Lausanne. La Société, consultée par le Bureau, décide d'accepter la réunion de la Société helvétique pour l’année prochaine dans le cas où Lausanne serait choisi pour lieu de réunion. Le Bureau propose à la Société de formuler plus nettement les propositions qu'elle croirait devoir adresser à la Société helvétique au sujet de l'emploi gratuit du télégraphe pour les observations mé- téorologiques. Après discussion, toute l'affaire est renvoyée au Bureau pour qu'il en décide selon sa prudence. Le Secrétaire donne lecture de la circulaire de convocation adressée à la Société par le congrès scientifique d'Auxerre , et communique l'extrait de l’ordre du jour en ce qui concerne les sciences naturelles. Les personnes qui voudront se rendre à Auxerre pourront s'adresser au Bureau. M. le prof” Pictet, de Genève, dépose sur le bureau le 1° volume 24 SÉANCE ANNUELLE DU 46 JuIN 1858. de ses publications, intitulées : Matériaux pour la paléontologie suisse, et en fait don à la Société; puis il présente une analyse des sujets traités dans ce volume. Le Président remercie M. Pictet de la part de la Société ; M. C. Gaudin se joint à ce témoignage de reconnaissance. M. Morlot expose divers échantillons qu’il a rapportés du Nord, et accompagne cette présentation de quelques détails. Ces échantillons se composent de minéraux, de roches polies et striées du Nord, d'armes et d'instruments divers de l’âge de la pierre. On remarque un fragment de lignite transformé en graphite par le contact de la lave; un conglomérat moderne, formé au fond de la mer, des ba- layurés de la ville d’Elsingür ; un fragment de fonte de fer converti en graphite et en oxide de fer par un séjour prolongé dans la mer, etc. M. Morlot présente ensuite le dessin, de grandeur naturelle, d’un fragment de tentacule appartenant à un céphalopode gigantesque recueilli sur le rivage de la mer du Nord. M. Morlot a vu le frag- ment conservé dans l'esprit de vin : il pense que l’histoire du moine marin de Belon se rattache à cet animal monstrueux. Le même membre place sous les yeux de l’assemblée l'essai qu'il a fait d'exprimer par une courbe algébrique l’activité scientifique des membres de la Société des sciences naturelles de Berne, dont il fait partie. Il revient enfin sur les faits observés sur le cdne de déjection de la Tinière, coupé par la tranchée du chemin de fer à Villeneuve (voir séance du 20 janvier 1858), et sur les dates que l’on peut en dé- duire pour fixer l'apparition de l’homme dans nos contrées et la durée des âges qui ont précédé l’époque romaine. M. C. Dufour conteste la validité des calculs de M. Morlot, d'abord parce qu'il lui est prouvé qu'à Villeneuve l'homme a tra- vaillé dans tous les âges à modifier le cours des eaux du torrent ; ensuite parce qu'il ne suflit pas de mesurer l'épaisseur d’un dépôt pour apprécier le temps employé à sa formation, puisque la surface augmentant sans cesse: en supposant même le cène régulièrement formé, ce qui n’est pas, il faut, avant tout, tenir compte de cette augmentation de surface produite par les accumulations de graviers. (Voir les mémoires.) M. C. Gaudin présente un fragment de calcaire très -dur, perforé d'un grand nombre de trous par un Helix qui s’y loge. Ils sont ma- nifestement dus au travail de l'animal et nullement à l’action des eaux. Du reste, la plupart de ces trous renferment encore le mol- lusque vivant : il appartient à l'Helix Mazzulii, Jan. var. retirugis Menke. (Charp. eat. inéd. helix, n° 726), propre à la Sicile. M. Gaudin l'a récolté dans les environs de Palerme. (Voir les mémoires.) M. Ph. Delaharpe, pensant que l'animal dont parle M. Gaudin sécrétait, peut-être, une liqueur acide qui lui servait à attaquer la SÉANCE ANNUELLE DU 16 sui 1858. 25 pierre, a essayé avec du papier de tournesol les mucosités qui en- tourent la bouche de l'animal, mais il n’a reconnu aucune trace de réaction acide. M. Buttin, pharmacien à Yverdon, entretient la Société du Col- chique d'automne et des préparations médicinales que l’on en tire. Après avoir donné une histoire abrégée de la vie de la plante, il af- firme que le bulbe ne possède toute sa vertu qu’en hiver; mais qu’à cette époque on ne peut le recueillir , puisque rien à la surface du sol n'indique sa présence. Force est donc d'employer les préparations extraites de la seule semence. Celle-ci doit être récoltée en juillet, époque où elle est ordinairement fauchée avec les foins, circonstance qui augmente encore les difficultés de se procurer la plante dans un état convenable. La préparation qui répond le mieux aux exigences de la médecine est une teinture vineuse préparée avec une partie de semences concassées, neuf parties de vin blanc et une d’alcool. M. Yersin fait passer sous les yeux de la Société une boîte conte- nant les orthoptères suivants, rapportés de Sicile par Messieurs de Rumine et Gaudin : Empusa egena, Charp. larve. — Bacillus Ross, Fab. larve. — Gryllus Burdigalensis, Latr. larve. — Truxalis nasuta, Lin. — Epacromia strepens, Latr. — Pachytylus migra- torius, Lin. (var. cinerascens, F.) — Acridium tartaricum, Lin. — Porthetis marmorata, Burm. larve. — Platyphyma Giornæ, Rossi. — 0Edipoda insubrica, Scop. De ces dix espèces une seule se trouve aussi en Suisse, le Pachy- tylus migratorius, toutes les autres appartiennent exclusivement au bassin méditerranéen ; elles ont donc pour nous un intérêt d'autant plus grand que plusieurs de ces espèces se rapportent à des genres ou même à des familles qui ne sont pas représentées dans le canton de Vaud ; telles sont l'Empusa, le Bacillus, le Truæalis, l’Acri- dium , le Porthetis et le Platyphyma. M. Yersin, en remerciant MM. de Rumine et Gaudin de leur ai- mable attention, fait remarquer qu’elle a d’autant plus de mérite que ces Messieurs , ne s’occupant pas d’entomologie, ont dû apporter à cette chasse une attention et y consacrer un temps d'autant plus pré- cieux qu'ils se livraient eux-mêmes à des recherches d’une nature différente. MEL. Dufour répète quelques expériences avec le gyroscope de Magnus et donne quelques explications sur les phénomènes produits par:son moyen. M. Bessard, de Moudon, présente un squelette de veau mons- trueux en partie articulé, dont M. Jossevel, vétérinaire, a donné la description dans un journal hebdomadaire. M. Bessard a cherché à articuler le squelette sans y parvenir complètement. La monstruo- sité du veau résultait d’une division longitudinale de l'animal dans 26 SÉANCE ANNUELLE DU 16 sun 1858. toute la longueur des cavités thoracique et abdominale, sur la li- gne médiane ventrale. Cette division avait mis à nu tous les viscères renfermés dans les cavités, lesquels flottaient dans l'utérus de la mère, et permis aux os des quatre membres et aux côtes de se ren- verser du côté du dos en se courbant en sens inverse de leur posi- tion normale. M. Gollier apprend à l'assemblée que ce veau monstrueux, qu'il a vu d’abord après sa naissance, n’avait atteint que le 6”° mois de la gestation lorsqu'il vint au jour. La torsion des membres leur avait non seulement fait décrire un demi-cercle autour du rachis, mais les avait renversés de telle sorte que le coude se fléchissait en avant et le genou en arrière. M. Yersin donne quelques détails sur les 8 à 10 mues auxquelles le grillon des champs est assujetti avant d’atteindre son complet dé- veloppement : il indique les caractères auxquels on peut reconnaitre l’âge de l'animal. (Voir les mémoires.) M. Gaudin met sous les yeux de l’assemblée quelques échantil- lons des roches fossilifères du Vésuve. Elles se rencontrent par frag- ments sur les pentes du volcan et particulièrement au Rivo di qua- glia, et ont été étudiées par divers géologues, et surtout par M. G. Guiscardi, de Naples. Ces roches se rangent en deux catégories; les unes sont composées d'un calcaire de sédiment blanchâtre et sans aucun élément volcanique. Elles sont antérieures aux éruptions du Vésuve et ont été arrachées à leur position primitive lors de l'appa- rition du volcan. Les roches de la seconde catégorie sont formées d’un tuf volcanique accompagné de cristaux de pyroxène; elles sont évidemment un produit de l’activité du Vésuve et postérieures à son apparition. Toutes deux appartiennent à l'époque contemporaine, car elles contiennent 93 espèces de la Méditerranée, dont une seule, la Nassa semistriata, est probablement éteinte. M. E. Renevier présente quelques ossements provenant de France, qu'il destine aux collections du Musée. Ce sont : une vertébre de Mastodonte des sables miocènes de la Touraine ; un fragment de mä- choire de Saurien de l’oxfordien du Calvados (vaches noires) ; deux Ammonites déformées, l’une appartenant à l'Amm. Lamberti porte sa carène de côté, ensorte que la coquille n’est point symétrique; l’autre présente un vice de conformation analogue. Semblable défor- mation s’observe souvent sur les helix qui ont été blessés. M. L. Dufour à construit pour l’époque comprise entre le 25 et le 30 mai passé une série de cartes météorologiques semblables à celles qu’il présenta l'an passé à pareille époque. (Voir séances du 17 juin et du 4 novembre 1857.) Ces cartes nous révèlent non seu lement des oscillations quotidiennes du baromètre très-prononcées, SÉANCE DU 7 JUILLET 1858. 27 mais encore l'existence d'une grande vague atmosphérique, venue du N. O0., qui aurait successivement produit un abaissement gra- duel du mercure dans la direction du N. O. au $. E. Le vent soufflait alors du $. O. et du S. La Société consultée laisse au Bureau le soin de désigner celui des membres de la Société qui sera chargé de représenter la Société vaudoise auprès de la Société helvétique réunie à Berne. M. Morlot présente le panorama des Alpes pris depuis le Signal de Lausanne et indique le procédé géométrique qu'il a employé dans sa construction. La Société reçoit dans cette séance : 1. De M. E. Renevier, membre de la Société : a) le volume des planches de Bellardi sur le Nummulitique de Nice. — b) Notice sur un sulfochlorure de plomb, par M. F. Gonin-Burnand (brochure). — c) Projet d'une association de cours publics pour le canton de Vaud (extr. du journal de la Société vaudoise d'utilité publique). 2. De l’Institut impérial et royal des lettres, sciences et arts de Venise : Actes de... ete. t. 3, série 3, livr. 4. 3. Det!la Société des Sciences naturelles des Grisons : Jahresbe- richt , nouv. série, ITT° année (1856-57). Séance du 7 juillet 4858. — M. Morlot propose à la Société de présenter à la Société helvétique, comme membre honoraire, M. le prof” Jap. Steenstrup, de Coppenhague, en remplacement du prof Oerstedt, décédé : il justifie cette présentation par l'exemple de la Société de Zurich. La proposition de M. Morlot est adoptée. M. René Guisan, étudiant de l’Ecole spéciale de Lausanne , pré- senté par M. L. Dufour , est reçu membre ordinaire de la Société. La Société des sciences naturelles de la Wétéravie annonce qu’elle célèbrera, le 11 août prochain, à Hanau, la 50° année de son exis- tence, et invite les membres de la Société vaudoise à assister à cette fête. M. Bessard décrit la composition du sol alluvionnaire de la vallée de la Broie , depuis Payerne jusqu'à l'embouchure de ce torrent dans le lac de Morat. Sous une première couche de terre arable , épaisse de 4 à 2 pieds, existe un dépôt de terre noirâtre renfermant des dé- bris de bois et çà et là, à sa partie inférieure, des troncs de chêne 28 SÉANCE DU 7 JUILLET 1858. entièrement noirs, À cette couche succède un banc de terre glaise blanchâtre, de 4 à 2 pieds d'épaisseur; puis vient une couche tour- beuse dont la puissance varie beaucoup et va de 3 et 4 pieds, à 4 pied et au-dessous. Sous la tourbe on trouve le sable, à la profon- deur moyenne de 10 pieds. La plupart de ces couches peuvent man- quer sur un point ou sur un autre. Maintenant que la Broie est ca- nalisée ces dépôts successifs cesseront de se produire; mais en re vanche il sera nécessaire de colmatter , si l’on veut éviter que le lit du torrent ne s’élève au-dessus de la vallée. — M. Bessard présenté des échantillons de toutes les couches qu’il énumère. M. Bessard a recherché dans la vallée de la Broie s’il existait des terrassements qui correspondissent à l'élévation antérieure de 40 Pieds environ des eaux du lac de Morat, dontil a parlé dans une précédente séance (19 mai 1858). Il n’a rien trouvé de semblable : du reste Payerne étant élevé de 40 pieds au-dessus du niveau actuel du lac, cette élévation des eaux ne pouvait amener des dépôts dans les environs de cette ville. Il n’a pas découvert non plus de vestiges de terrain erratique dans toute la plaine alluvionale ; d’où l’on doit conclure que cette plaine est moderne. M. Troyon prend la parole à l’occasion de la communication de M. Bessard pour attirer l'attention de ce dernier sur des faits obser- vés dans la plaine d’alluvion d’Yverdon. (V. une lettre de M. Troyon dans les mémoires.) M. Bessard répond que dans la vallée de la Broie on trouve des débris de poterie romaine et d'instruments au niveau de la couche qui renferme du bois, mais que l’on n’a pas trouvé d’autres restes pour attester la présence de l'homme. M, Morlot ajoute que le niveau des lacs peut avoir été modifié par des éboulements et qu'il à oui dire, par exemple , qu'il existait des traces d’un semblable événement dans la vallée de la Thièle au-des- sous de Bienne. M. J. Delaharpe, docteur, rappelle que dans ces dernières an- nées on a beaucoup discuté pour et contre l'emploi des solutions de cuivre comme réactif de la glucose. On à bientôt reconnu que la li- queur de Bareswyl (tartrate de potasse et de cuivre) était un réactif infidèle ; cependant d’autres chimistes, Schlossberger en particu- lier, aflirment qu’en chauffant l'urine renfermant du sucre de dia- bète et en ajoutant quelques gouttes de solution de sulfate de cuivre, puis une quantité suffisante de solution de potasse caustique , la ré- action est assurée. M. Delaharpe n’a pas trouvé cette assertion fon- dée; déjà précédemment il avait rencontré des urines diabétiques qui ne fournissaient point de précipité orangé par le procédé recom- mandé. Dernièrement encore ayant à examiner deux urines diabéti- ques , 1l obtint la réaction indiquée sur l'urine la moins sucrée, tan- dis qu'il ne put la produire sur une autre urine beaucoup plus dia- SÉANCE DU 7 JUILLET 1858. 29 bétique. M. le prof Bischoff ayant répété l'essai sur cette dernière urine arriva au même résultat. Ce chimiste eut alors l’idée de traiter préalablement l’urine sucrée par l’eau de baryte, additionnée d’un peu de nitrate de baryte. Après avoir fait bouillir le mélange et l'avoir filtré, il tenta la réduc- tion du cuivre qui eut lieu avec la plus grande facilité. — Il peut done exister dans les liquides animaux, qui renferment de la glucose, des principes qui mettent obstacle à la réaction de celle-ci sur l’oxide de cuivre. Quels sont ces principes? Sont-ce les phosphates que la baryte doit précipiter ? cela est fort douteux. Sont-ce des composés protéiniques indéterminés ? cela est plus probable. Du reste la pré- sence du principe qui neutralise l’action de la glucose sur le cuivre est tout-à-fait accidentelle, puisque peu de jours après une nouvelle expérimentation sur l'urine du même malade donna parfaitement et immédiatement la réaction de la glucose sur le cuivre. M. L. Dufour ajoute que les derniers travaux d’un chimiste alle- mand, M. Fehling (Annal. d. Chemie u. Pharm. o. Liebigu. Wôühler, avril 1858, p. 75), établissent que tous les réactifs employés pour doser la glucose sont imparfaits et sujets à erreur. Le cuivre, dit-il, ne peut pas servir à doser le sucre de diabète. Il serait fort à désirer dans l’intérét de la pratique médicale que l’on possédät un moyen expéditif pour y parvenir. M. Béranger, pharmacien, qui a été souvent appelé à examiner des urines diabétiques , préfère recourir à l’évaporation qui réduit l'urine en sirop et permet de reconnaitre la présence du sucre par le goût. M. Chausson dit que dans l'hôpital de Zurich on se borne, dans le même but, à faire bouillir l'urine avec de la potasse caustique qui la noircit si elle contient de la glucose. M. J. Delaharpe répond à M. Dufour que le dosage de la glucose ne peut en effet s'obtenir par le cuivre, mais que pour y parvenir il a recours au procédé suivant qui lui parait suflisant dans la pratique médicale. Il commence par déterminer la pesanteur spécifique de l'urine, puis il estime , au moyen de l’effervescence produite dans une petite quantité de la même urine par l'acide nitrique surchargé d'acide hypo-azotique , la quantité approximative de l’urée. Cette estimation est très-facile et très-sûre lorsque l’on prend pour cela un tube étroit et gradué et que l’on verse au moins autant d'acide sur une petite quantité d'urine. L’effervescence brusque qui soulève rapidement à une certaine hauteur le mélange en écume sert à cal- culer la quantité approximative de l’urée. Dans l’urine normale l’é- cume s'élève à 10 ou 12 fois la hauteur de l’urine employée. La présence du sucre, de l’albumine ou des urates ne modifie pas sen Siblement le résultat parce que leur décomposition est beaucoup plus 30 SÉANCE DU 7 JUILLET 4858. lente. Cela fait, si l'urine renferme peu d’urée et offre une pesanteur spécifique au-dessus de 1,010 à 4,015, il est fort probable qu’elle contient du sucre. Avec la même pesanteur spécifique et une dose normale d’urée, s’il y a du sucre il y en aura extrêmement peu. Con- naissant dès lors la pesanteur spécifique , la quantité approximative durée, l'existence du sucre étant démontrée par le cuivre, il est fort aisé de constater l'augmentation ou la diminution du sucre par celle de la pesanteur spécifique, la proportion d’urée restant la même. Du reste la pesanteur spécifique a déjà été utilisée dans ce but par les médecins allemands. On sait en effet que ni les sels, ni sur- tout l’albumine ne sauraient influer notablement sur la pesanteur spé- cifique de l'urine. De nombreuses observations ont prouvé au doc- teur Delaharpe que la pesanteur spécifique n’est sensiblement modifiée que par l’urée et par le sucre. Du reste, pour plus d’exactitude, on pourrait toujours doser d’abord l'urée par le procédé de Liebig ; mais le praticien a rarement le temps de se livrer à de pareilles expéri- mentations au lit du malade. M. C.-Th. Gaudin résume les observations qu'il a faites l'hiver passé en Italie sur les divers gisements de feuilles fossiles de l'époque tertiaire, et complète ainsi les indications qu'il donna dans la séance du 4°° juillet 1857. Bullet. n° 41, p. 330. (Voir les Mémoires.) M. Morlot présente deux échantillons de tiges ligneuses pétrifiées renfermées dans le lignite d'Oron; l’une d'elles paraît avoir appar- tenu à une fougère arborescente. M. Vionnet expose divers échantillons de roches et de pétrifications. 41° Un fragment de poudingue de la Valorsine détaché d’un bloc er- ratique déposé au- delà du Col-des-Etroits à Ste. Croix. Ce fait in- diquerait que le glacier a dépassé la chaîne principale du Jura, limite qu'on lui a assignée jusqu'ici; mais il est fort probable que sur ce point le glacier a franchi la chaîne du côté de Jougne , puis contourné les sommités voisines pour pénétrer dans les vallées cen- trales du Jura, jusqu'à Morteau, par exemple. Pareil fait s’observe encore dans la vallée de Fleurier. — 2° Un fragment de mâchoire supérieure de castorien provenant de la molasse des environs de Chène , au lac d’Yverdon. — 3° Une vertèbre de mammifère de la Meulière. — 4° Un fragment d'os long, de la même localité. — 5° Une belle dent de Rhinocéros recueillie dans le diluvium des en- virons de Cossonay. M. le prof Marguet, fils, annonce que l'Ecole spéciale a déplacé son observatoire météorologique et qu’en conséquence il a eru devoir clore, avec le semestre qui vient de finir, la série de ses observations pour reprendre une nouvelle série dans le second semestre de +858. Le nouvel observatoire se trouvera de 5 mètres inférieur au précé- dent. M. Marguet dépose le tableau suivant qui résume ces obser- SÉANCE DU 7 JUILLET 1858. 31 vations jusqu'au 4° juillet et donne quelques détails sur les parti- cularités qui ont signalé quelques phénomènes dans ce semestre ; il compare surtout la distribution de l’eau de pluie dans les divers mois de cette année à celle de l’année précédente. (Voir aux Mémoires les tableaux numériques et graphiques des observations météorologiques pour 1857 et le premier semestre de 1858.) Comparaison des années 1857 et 1858 sous le rapport de l’eau tombée. ne, 1953 1858 RAPPORTS ue EAU TOMBÉE EN Jours. | EAU rouBée EN JOURS. | 1838 à 1857 millim. jours. millim. | jours. | P'les quantités d’eau. JANVIER . | 28,625 | 10 9,425 | 5 0,33 FÉVRIER . 6,425 | 5 22,730 | 11 8,71 mars. ..| 22,550 | 12 58,900 | 16 2,61 avr ..| 178,650 | 47 | 97,100 | 14 0,54 MAI. . . . | 124,200 | 14 | 131,600 | 16 1,06 auiN . .. | 166,800 | 11 5,600 | 4% 0,03 | Totaux | 526,950 | 69 | 325,355 | 66 M. L. Dufour ajoute à cette occasion qu'il a déjà fait connaitre à la Société l'existence d’une grande vague atmosphérique venant du N.-0. et particulièrement sensible le 26 mai passé. (Voir la séance du 16 juin passé.) Depuis cette époque le baromètre s’est maintenu à peu-près stationnaire jusqu’à aujourd'hui, où une nou- velle vague survient de l’ouest. M. C. Gaudin place sous les yeux de l'assemblée une série de co- _quilles terrestres, offertes au musée cantonal par M”° de Rumine (150 espèces et variétés environ) et provenant de Sicile. UN EPEUASE ONE ee: si Cp Le U Mens tu Lre Terre ( Fig 2. J die du amoutieut e de lbglise de Cotte:d. FE ligne —\ us LAINE _ ap un, Nes TT À NU SU £ ÉLELIMUERKSS ( Î 10.9) Coupe sucpart AB. + —+——# + CEE TL C0 EMYS LAHARPI. 39 NOTE SUR UN NOUVEL EXEMPLAIRE DE L'EMWS# LAHARPEX, PICT. ET HUMB., DÉCOUVERT PAR M. DELAHARPE DANS LES LIGNITES DES EN- VIRONS DE LAUSANNE. Par MM. F.-J. Pictet et A. Humbert. (Séance du 5 mai 1858.) M. Ph. Delaharpe a trouvé dans les lignites de Rochette de nou- velles pièces de tortues qui se rapportent à l'Emys Laharpi, Pictet et Humbert, et il a bien voulu nous les communiquer. Quoique moins complètes que celles que nous avons décrites, elles permettent d'a- jouter quelques faits nouveaux aux caractères que nous avions as- signés à cette espèce «ans notre première description". Les dimensions de ce nouvel échantillon sont sensiblement les mêmes que celles du premier , sauf quelques différences qui tiennent à la compression. [l à été en effet également déformé par une très- forte pression verticale. Non seulement la carapace est devenue ho- rizontale, mais encore elle est collée contre le plastron d'une ma- nière si complète, qu’on ne voit aucune trace des orgames qui étaient contenus entre ces deux appareils osseux, pas même celle de la série des vertèbres dorsales. + Cette compression nous empêche de rien ajouter à ce qui concerne les formes générales. C’est à la même cause que nous attribuons l'élargissement plus grand de la première pièce costale, qui-est très- étalée dans le nouvel échantillon et qui, dans le premier, avait au contraire été diminuée par une fracture, ensorte que la terminaison de l'os s'était plus ou moins engagée sous le reste. Ce nouvel échantillon présente la partie gauche antérieure de la carapace bien distincte jusqu'à la fin de la seconde pièce vertébrale, un fragment plus complet de la continuation de la ligne médiane , et en outre une partie de la seconde pièce costale. Les détails nouveaux que ces débris permettent de constater , sont les suivants : Le bord antérieur de la carapace y est bien conservé; il forme une très-légère concavité , ensorte que l'extrémité antérieure de la ligne médiane se trouve un peu en retrait de la partie la plus saillante de la première écaille marginale. L'écaille nuchale est plus grande que dans le premier échantillon ; elle est large de 20 millimètres et longue de 16. Cette légère diffé- rence ne peut évidemment pas avoir une valeur spécifique, d’autant plus que la forme générale est la même. Les différences que présen- tent les autres écailles marginales et les pièces osseuses correspon- dantes sont insignifiantes et tiennent surtout aux fractures. Le bord postérieur de la premiére pièce osseuse vertébrale, que 1 Matériaux pour la Paléontologie suisse. Monographie des Chéloniens de lamolasse, par M. F.-J. Pictet et A. Humbert ; p.25. PI. IV et V. 40 EMYS LAHARPI. nous n'avions pas pu observer sur l’ancien échantillon, parait avoir été sensiblement convexe en avant; mais nous ne pouvons pas cer- üfier que la seconde pièce soit parfaitement en place et n’ait pas un peu empiété sur la première. Un fragment allongé, qui vient en continuation des précédents, comprend plusieurs pièces vertébrales et les débris de trois pièces costales ; mais il est confus et n'apprend rien de nouveau. Le plastron a glissé en avant de manière à dépasser la carapace ; il fournit un document important dans un épisternal bien conservé, car dans le premier échantillon les bords antérieurs de cet os étaient en partie cachés par la roche et nous n'avions pas pu décrire sa forme. Cet épisternal ressemble beaucoup à ceux que nous avions figurés dans la planché VII (fig. 2 et 3) de notre mémoire et il semble montrer, contrairement à l’opmion que nous avions manifestée alors, que ces derniers doivent être attribués à l'Emys Laharpi. On peut cependant constater une légère différence. Ce nouvel échantillon, autant du moins qu'on peut le déduire de la ligne médiane , qui n’est pas très-certaine , semble indiquer que le bord antérieur tronqué du plastron était presque droit, tandis que les pièces précitées l’imdi- quaient comme faiblement échancré. On ne trouve que des traces confuses de l'entosternal ; elles pa- raissent correspondre à ce qu'indiquaient les pièces de la planche VIT et de la planche V. La seconde pièce importante du plastron est un Ayosternal, qui correspond très-bien avec celui de l'Emys Laharpi, sauf dans quel- ques détails que nous relèverons plus bas. La suture avec l’entos- iernal et les épisternaux est mal conservée, mais l’échancrure hu- mérale est intacte ct ressemble tout-à-fait à celle de la planche V. On voit sur le bord extérieur les débris de trois pièces marginales semblables à celles de cette figure et un peu mieux conservées. La ligne de séparation de l'écaille humérale et de l’écaille pectorale est bien visible. On ne peut toutefois pas juger sur la pièce principale de la distance qui sépare son origine de l’entosternal, mais sur le côté opposé, conservé sur la pièce où existe l’épisternal; on peut l'apprécier à environ 9 millimètres, chiffre qui correspond bien à notre première figure. Cette ligne de séparation à du reste tout-à- fait la même forme ; elle est d’abord droite, puis fait une forte infle- xion en avant près de l’échancrure humérale, et s'infléchit ensuite en arrière pour passer sur le fond même de cette échancrure. Sur le côté droit (gauche de la figure) on peut observer le départ de cette mème ligne qui présente une petite irrégularité en étant plus oblique. La ligne de séparation de l’écaille pectorale et de l'écaille abdomi- nale est faiblement arquée en avant, rappelant plutôt celle du côté droit du premier échantillon (gauche de la figure) incomplétement conservée, que celle de la région gauche qui est plus arquée en avant. Nous avions dit, alors, que nous ne pouvions pas donner une mesure exacte des distances qui séparent cette ligne du bord posté- rieur de l’hyosternal, parce que la compression avait fait chevaucher EMYS LAHARPI. Li ces piéces les unes sur les autres. Ces distances sont un peu plus grandes qu’on ne pouvait le supposer par notre figure. Nous trou- vons sur cette nouvelle pièce environ 16 millimètres au bord mé- dian, 19 millimètres vers le sommet de la courbure et 7 millimètres au bord interne. La troisième pièce du plastron qui mérite quelque attention, est un fragment de æiphisternal. Cet os qui manquait tout-à-fait à notre premier échantillon , a été transporté vers le bord médian de l'hyos- ternal et se trouve sur sa face externe. Il est malheureusement très- incomplet, et ne donne qu'une portion du bord externe correspon- dant à l’endroit où aboutit la ligne de séparation de l'écaille fémorale et de l’écaille anale. Ce bord est faiblement échancré vers l'extré- mité de cette impression; en avant d'elle il se courbe en dehors d'une manière assez prononcée; il est droit en arrière. La ligne de séparation des écailles précitées forme un peu en dedans de ce bord une courbure assez prononcée, arrondie en arrière, puis s’inflé- chissant en avant, elle arrive très -obliquement sur l'échancrure dont nous avons parlé. Nous avons dû porter notre attention sur les rapports de l'Emys Laharpi et de l'Emys Charpentieri, et nous nous sommes demandé, -si les nouveaux détails que fournissent les pièces que nous venons de décrire pouvaient modifier la comparaison que nous avions faite entre ces deux espèces. Voici le résultat de cette analyse : Il faudra retrancher des différences que nous avions signalées, celle qui avait été tirée de la distance existant entre la ligne de sé- paration des écailles pectorales et abdominales et le bord postérieur de l'hyosternal. Il faudra par contre y ajouter la forme de la ligne de séparation des écailles fémorales et anales, qui est très - sinueuse dans l'Emys Laharpi et presque droite dans l'Emys Charpentieri. Les autres différences subsistent comme nous les avions indiquées. Nous devons encore ajouter, que si la fig. À de notre pl. VII se rapporte bien à l'Emys Charpentieri, il y aura un caractère à signa- ler dans les épisternax qui sont très-différents. M. Delaharpe nous a communiqué , en outre des pièces dont nous venons de parler, 5 fragments qui appartiennent peut-être à la même espèce, Sans que nous puissions en fournir des preuves directes. Les n°*° 1 et 2 sont des pièces marginales qui ont été aplaties de droite à gauche, c’est-à-dire en sens mverse de la compression des fragments que nous avons décrits ci-dessus. Le n° 1 porte la carêne ordinaire des flancs. Il mesure 33 mill. entre cette carêne et la suture margino-costale. L'autre face qui était horizontale a 18 millimètres entre la carène et sa suture avec le plas- tron. La compression empêche de juger sous quel angle ces deux faces se rencontraient ; mais ce qui subsiste de la carêne semble montrer qu'elle était assez saillante. La longueur de la pièce mesurée d'avant en arriére est de 36 millimètres. Les impressions des écailles y ont leur disposition normale. | 42 CALCUL RÉNAL D'UN BOEUF. Le n° 2 est trop aplati pour présenter aueune trace de carêne; il est haut de 45 millimètres et long de 54. Cette pièce est traversée dans son milieu par une impression d’écaille parallèle aux sutures qui l'unissaient aux autres pièces marginales. Cette impression forme dans son milieu un petit angle dirigé en avant , comme cela a lieu chez plusieurs espèces, angle qui correspond probablement à la place qu'occupait la carêne. Les dimensions de ces deux fragments indiquent une espèce chez laquelle les pièces marginales étaient passablement développées tant en dessus qu'en dessous de la carëne. Le n° 3 est composé de deux pièces marginales qui paraissent avoir été situées à gauche, pas loin de l'extrémité postérieure. Leur plus grande largeur , mesurée entre le bord et la suture costale, est de #7 millimètres ; la longueur de chacune d’elles est de 30 millim. La distance comprise entre la suture costale et la ligne de séparation des écailles costales et des écailles marginales a son maximum en avant, où elle atteint 13 millimètres. Les lignes de séparation des écailles marginales sont un peu plus près des sutures postérieures que des antérieures. A la face interne les écailles marginales se re- pliaient jusqu’à la distance de 26 millimètres. Les n°° #et5 ne fournissent aucun document important. Nous avons dit que nous n'avions aucun motif direct pour attri- buer ces pièces à l'Emys Laharpi'. Nous devons cependant ajouter, que leurs dimensions et leurs formes semblent lui convenir très- bien. Si cette association était justifiée , il faudrait ajouter aux ca- ractères de l'espèce, que les pièces marginales étaient bien dévelop pées au dessus d'une carêne sensible, et que le bord postérieur de la carapace était plus étalé que l’antérieur. NOTICE SUR UNE CONCRÉTION TROUVÉE DANS LES REINS D'UN BOEUF. Par M. s.-B. Schnetzler , à Vevey. (Séance du 5 mai 1858.) La concrétion extraite du rein d’un bœuf tué à la boucherie, se présentait sous forme d'une masse tuberculeuse à surface métalloïde d'un gris jaune doré; son poids était de 7 grammes. Sa structure in— térieure était feuilletée; autour d'un noyeau dur , granuleux, se trouvaient de minces feuillets arrondis , concentriques , d’un éclat 1 MM. Pictet et Humbert n'avaient pas été informés du fait que ces cinq derniers fragments ont été trouvés avec les premières pièces, dans le même bloc, les uns à côté des autres , de manière que sans aucun doute; toutes les pièces décrites dans cette Note ont appartenu au même individu. Pa. DELARAR?E. L PRESSION BAROMÉTRIQUE. 43 métallique. Par la trituration on obtient une poudre d’un gris jaune, renfermant de petites paillettes brillantes. L’acide nitrique dissout toute la masse, excepté quelques lambeaux membraneux, prove- nant de la matière organique de la concrétion. Pendant que la partie minérale se dissout il y a un très-fort dégagement d'acide carboni- que. La solution filtrée est jaune tirant sur le brun; elle contient de la chaux, de la magnésie, des traces évidentes de fer ; elle renferme des sulfates, phosphates, chlorures et des matières organiques. La partie minérale de la concrétion se composait principalement de car bonate et de sulfate de chaux. Nos eaux renferment en solution ces deux sels en quantité assez considérable. Dans les eaux des fontaines de Vevey le carbonate de chaux prédomine de beaucoup : tandis que dans l’eau des puits c’est le sulfate de chaux qui prédomine, Le bœuf d'où provenait la conerétion que nous avons examinée avait bu pen- dant les derniers mois de sa vie l'eau d’un puits. LES VARIATIONS DE LA PRESSION BAROMÉTRIQUE ONT - ELLES UN EFFET SENSIBLE SUR L'HOMME DANS LES ALPES ? Par 3. Belaharpe, docteur-médecin. (Séance du 19 mai 1858.) Les personnes qui visitent les Alpes ou qui écrivent sur l'influence d’un séjour dans les montagnes sont assez d'accord pour attribuer à la diminution de la pesanteur de l’atmosphère une grande influence sur l'organisme. A mesure que l’on s'élève, disent-elles, la colonne de mereure s’abaisse dans le baromètre , le poids de la colonne d'air que Supporte le corps humain diminue done dans la même propor- tion. Cette diminution de pression produit une plus grande liberté dans les mouvements des liquides en circulation et dans ceux du système musculaire. Il résulte de là que sur les Alpes on se sent plus léger, plus dispos; on respire plus librement, on se meut, on agit avec plus d’aisance, Tous ceux qui font des courses de montagnes ont éprouvé ces effets de la diminution de pesanteur de l'air; ceux qui gravissent des sommets élevés les ressentent plus fortement encore , et chez eux ils vont parfois jusqu'à rompre l'équilibre des fonctions et à causer une vraie indisposition. C'est ainsi que l’activité exagérée de la circulation cause des palpitations, des congestions , des tintements d'oreille et même des défaillances. Lorsaue l'ascension produit de pareils effets la fatigue fait bien vite place à l’agilité, la êne de la respiration au sentiment d’allégement dont on jouissait. . Un conçoit dès lors comment les indispositions dont nous parlons peuvent aller jusqu’à la maladie et produire des syncopes , des hé- morrhagies nasales, des crachements de sang, ete. — Ces faits sont k% PRESSION BAROMÉTRIQUE. si généralement connus qu'il deviendrait fastidieux de faire des citations. Sans élever aucun doute sur leur réalité (quoiqu'il fût aisé de le faire) on peut et l'on doit se demander si leur explication est fondée. Est-il bien sûr qu'il faille les attribuer à la diminution de pression atmosphérique? Longtemps je l'ai eru comme bien d’autres; aujour- d’hui l'expérience et la réflexion m'ont entièrement désabusé sur ce point. Aux faits cités pour justifier l'explication, on peut d’abord en op- poser de tout aussi concluants. J'ai interrogé les habitants des Alpes, je les ai observés dans maintes ascensions longues et pénibles; je me suis enquis des impressions des chasseurs de chamois; tous m'ont dit, qu'à part les effets ordinaires de la fatigue, ils n’éprou- vent rien de pareil à ce que racontent les touristes. Ils se fatiguent sans doute plus vite à la plaine qu’à la montagne, mais cela tient uniquement à la température plus élevée de la première et à une plus grande uniformité des allures sur les terrains plats. Hors les effets ordinaires de la fatigue, effets qui sont les mêmes à la plaine qu'à la montagne, je n'ai rien éprouvé, pour ce qui me concerne, de pareil à ce que racontent les livres; et cependant je me suis sou- vent élevé rapidement à la hauteur de 6, 7, 8 et 9000 pieds. - N'allez pas interroger sans prudence, sur ce sujet, les guides ha- bitués des touristes. Devinant bien vite votre propre pensée ils au- ront éprouvé tout ce que vous avez éprouvé vous-même, unique- ment afin d’être de votre avis. Ils savent d’ailleurs fort bien ce que disent les Messieurs dont il convient de flatter les opinions pour en être mieux payé. Une première course de montagne, surtout si elle a lieu sous un soleil ardent, cause aisément (je parle de mon expérience) des palpi- tations et des congestions cérébrales; mais ces symptômes se déve- loppent tout aussi bien, et plus vite encore, au pied de la montagne, à la plaine, que sur les sommités, chaque fois que l’on marche un peu rapidement alors surtout que l'on porte quelque fardeau ou que l'on est gêné par ses vêtements. — Quant aux vertiges, j'en ai été plus d'une fois fortement atteint; mais ils ne se montrent pas chez moi exelusivement sur la montagne, loin de là, et chaque fois que je les ai éprouvés ils reconnaissaient pour cause unique un embarras d'estomac, un arrêt de la digestion produit par la seule fatigue. Dès que mon estomac digérait mieux, — effet constant pour moi d'un séjour dans la montagne, — les vertiges disparaissaient, Je pourrais citer d’autres exemples semblables; mais je me bor- nerai à rapporter celui que je trouve inséré dans l’Institut du 28 avril 1858, art. Variétés. En novembre 1856 MM. J. Rémy et Brenchley firent l'ascension du Chimborazo et s’élevèrent à une hauteur que jamais homme n'avait atteinte sur les montagnes. Parvenus en peu d'heures et par une pente excessivement escarpée à la hauteur de 6543 mètres (19629 pieds suisses), ils n’éprouvè- rent, disent-ils, aucun des symptômes que l’on attribue à l'ascension des eimes élevées. PRESSION BAROMÉTRIQUE. 45 Peut-être objectera-t-on que les observations des aéronautes sont en contradiction avec ces faits? La position d'un aéronaute im- mobile dans sa nacelle et entrainé par un mouvement ascensionnel rapide ne saurait être comparée à celle d’un voyageur ou d'un tou- riste escaladant à grand'peine une sommité. Les malaises éprouvés par quelques-uns d’entr'eux s'expliquent d'ailleurs bien mieux par le vertige que par la diminution du poids de la colonne d'air, Beaucoup de personnes ne supportent pas la vue d'un précipice sans ébranle- ment nerveux ; d’autres qui la contemplent sans émotion, ne peuvent considérer l'abime vertical dès que le sol disparait à leurs yeux. Et que sera-ce encore pour le plus grand nombre, alors que tout m- termédiaire entre l'observateur et la terre disparait et que le point d'appui sur lequel le corps repose se balance au-dessus de l'immen- sité? L'homme le plus aguerri supportera bien rarement cette im- pression inaccoutumée sans être saisi par un bouleversement invo- lontaire , tout-à-fait indépendant du poids de l'atmosphère. Quoiqu'il en soit, répondra-t-on probablement, les faits existent et des voyageurs dignes de foi ont éprouvé les effets indiqués chaque fois qu'ils s'élevèrent à de grandes hauteurs sur les Alpes. Ces impressions peuvent être expliquées de diverses manières, suivant les dispositions particulières de ceux qui les éprouvèrent. Il est beaucoup de touristes qui éprouvent bien vite ce qu'ils s’attendent à éprouver. Ils ont lu des descriptions poétiques des Alpes , ils ont oui parler de palpitations, de vertiges, d’une plus grande facilité à respirer, il n'en faut pas davantage pour qu'ils s'imaginent ressentir tout ce qu'un amateur lettré doit éprouver en pareil cas. La plupart des observateurs, hommes de cabinet et habitants des villes, sont fort peu qualifiés pour semblables études; ils ne s’aperçoivent pas que le changement brusque de manière de vivre, l'ignorance des allures convenables à la marche dans les montagnes , les nuits d'in- somnie , l'exercice violent et tout-à-fait inaccoutumé , les journées commencées avant l'aube et cent autres circonstances ébranlent leur nature impressionnable et les exposent à des malaises dès que les modifications apportées à leur santé dépassent une certaine mesure. Tout naturellement ils préfèrent attribuer à la diminution de pesan- teur de l’air des impressions qui trahissent leur peu d'aptitude à sup- porter les fatigues physiques. — Encore quelques années et nos jeunes gens incapables de se déplacer sans le secours de la vapeur et des voitures, ne pourront plus gravir une colline sans tomber en pamoison ou faillir sous l'oppression et le vertige. Il est cependant un accident, ces tintements d'oreilles parfois assez désagréables , qu'il faut attribuer sans aucun doute à la diminution de pesanteur de l'air atmosphérique. Lorsque la trompe d'Eustache est encombrée par des mucosités, l'air renfermé dans la caisse du tympan ne peut s'échapper aisément, et, s'il n’y parvient pas, cause une pression pénible par sa dilatation. J'ai maintes fois éprouvé cette incommodité dans les Alpes parce que j'ai souffert à plusieurs reprises de catarrhe de la trompe d’Eustache. Mais à cela se bornent les effets 46 PRESSION BAROMÉTRIQUE. sensibles du changement de pression atmosphérique, aussi les éprouve-t-on aussi bien dans l’ascension que dans la descente. Par- tout ailleurs dans l'intérieur des organes une pareille rupture d’équi- libre entre la pression extérieure de l'air et la tension des fluides qui composent le corps humain ne peut exister au-(elà de quelques minutes, eu sorte que l'équilibre n'est pas plutôt rompu qu'il se ré- tablit aussitôt. Les cavités du corps qui ont des parois flexibles ne se prêtent évidemment pas à cette rupture, et celles qui en ont de so- lides comme le crane et la colonne épinière, n’ont pas de cavités aériennes. Les unes et les autres sont d’ailleurs parcourues par des liquides dont les gaz dissous se mettent incessamment en équilibre avec la pression atmosphérique par l'intermédiaire de la respiration et de la circulation. Si la diminution de la pesanteur atmosphérique avait, dans les li- mites de nos excursions alpestres , un effet quelconque sur les fone- tions de l’organisme , il faudrait nécessairement que la descente pro- duisit de son côté des effets imverses. Ces derniers devraient même être bien plus prononcés que les premiers, puisque la descente s’ef- fectue volontiers plus rapidement que la montée. Il est vrai que les personnes qui quittent les hauteurs pour gagner les vallées se plai- gnent souvent de sufloquer sous la pression de l'air qui les alourdit, Mais avant d'expliquer cet effet par l'augnientation du poids de l'air il faudrait préalablement en soustraire la part produite par les chan- gements de température et les modifications des courants atmosphé- riques. Quoi de surprenant si quittant une température de 3 à 4° pour passer à celle de 4 15 ou 20°, surtout si l'air est immobile, on éprouve du malaise et de la lourdeur dans les mouvements. Chacun sans quitter sa chambre en eût éprouvé, s'il eût subi en peu d'heures de pareilles variations. D'ailleurs ce malaise n'a point lieu lors- qu'après une descente rapide de # à 5000 pieds et plus, on s'arrête sur quelque col bien aéré ou dans quelque vallée fraiche. Il y a plus encore: en admettant que la diminution de poids de l'atmosphère produise diverses modifications de la santé, agréables ou désagréables suivant les cas, on est obligé de soutenir que son augmentation au-delà de la normale doit causer de vrais accidents, des symptomes de maladie. Les mineurs qui tous les jours descendent en Angleterre et ailleurs à 300 et 100 mèires de profondeur n'éprou- vent d'autres inconvénients que ceux dus à la température et à l'im- pureté de l’air ambiant. Les plongeurs sous-marins, qui sont soumis brusquement à une pression qui peut aller jusqu'à 2 et 3 atmosphè- res, n’en deviennent point malades. Un observateur fort attentif, M. le prof’ Morlot, qui a plus d'une fois plongé sous la cloche, m'af- firme n’en avoir pas été impressionné d'une façon ni d'une autre. Je citerai encore le fait des phthysiques traités en France par la eom- pression de l'air. Des médecins ont eu la bizarre idée de faire respirer à ces malades de l'air condensé : pour cela ils les enferment dans de grands vases hermétiquement elos dont l'air est graduellement com- primé par une pompe.— Je n’ai point eu l'occasion de me soumettre de LA « d PRESSION BAROMÉTRIQUE. 47 à cet appareil compressif, mais je tiens de personnes très-dignes de foi que les patients ainsi traités n'éprouvent aucun sentiment pénible, ni rien qui ressemble à de l’accablement. Les malades prétendaient même éprouver dans le tonneau une plus grande liberté de la respi- ration, un allégement marqué. Je me permets d'en douter. Tous les phthysiques s'imaginent obtenir chaque Jour une amélioration à leur état par les remèdes quels qu'ils soient qu'on leur preserit. I suffit de savoir qu'ils n'en sont point incommodés pour constater qu'ici encore l'équilibre entre la pression extérieure et la tension intérieure des gaz et des vapeurs s'établit trop promptement pour amener des symptomes maladifs. Si vous eussiez conduit ces mêmes phthysiques sur Ja montagne ils se seraient extasiés sur la légèreté de l'air et sur le bien-être qu'ils éprouvaient, comme nous le voyons tous les étés. Concluons done que les effets physiologiques attribués à la dimi- nution de pression de l'air atmosphérique, dans l'ascension des montagnes, Sont tout au moins hypothétiques. Lorsqu'ils se pré- sentent ils s'expliquent beaucoup mieux par d'autres agents modifi- cateurs de l’économie animale, tels que la température de l'air, son état hygrométrique, ses divers mouvements, eté. Il suit de là que pour déterminer la valeur hygiénique d’une localité, il faut avoir essentiellement égard aux eauses des variations de ces agents, telles que l'exposition solaire, le cours habituel des vents, l'état général du sol, la direction des vallées et leur structure, le voisinage des hautes sommités, la température moyenne de l'été ou de l'hiver prise sépa- rément'. La hauteur barométrique est ici de nulle valeur en tant qu’elle exprime le poids de la colonne d'air : elle peut bien indiquer d'une manière très-générale, et partant très-vague, la température moyenne de la localité, puisque la chaleur décroit en g'néral en raison directe de la hauteur. Mais sous ce rapport elle reste bien en arrière des données fournies par la végétation. Les zônes végétales seules ré pondent assez bien aux zônes «les climats. Et c'est précisément en les étudiant et en cherchant à des déterminer que l’on s'aperçoit bientôt combien elles différent de celles que fournirait la hauteur du mercure. Sous la même latitude, il y a telle contrée montagneuse qui, à la hauteur de 4000 pieds, offre la flore qui ne se montre qu'à 7 et 8000 pieds dans une autre peu éloignée d’elle. Il y a plus, 1 Les moyennes annuelles de température ne signifient rien du tout au point de vue hygiénique. Les Alpes ne connaissent que 2 saisons , l’hiver et l'été, aussi différentes l’une de l’autre que le climat de Berne l’est de celui de Paris. L'hiver a sa vie , son climat, ses phénomènes météorologiques et ses maladies complétement différentes de ceux de l'été. — Les effets hy- giéniques de l’un sont bien plutôt détruits que compensés , contrariés que complétés par l’autre, en sorte qu'en réunissant les observations de l’un et de l’autre sous un même chiffre , on arrive à des contradictions ou plutôt à zéro. C’est là du reste le résultat final de beaucoup de formules statisti- ques, numériquement exactes du reste. 48 LIMON DE L'ARNO. il existe au centre des Alpes des localités élevées de 1 et de 2 mille pieds dont le sol porte une végétation méridionale, tandis que bien au-dessous et jusqu'au niveau du Léman, la flore et la faune des Alpes se montrent sur d’autres points assez rapprochés. Nulle part, comme dans les Alpes, l'exposition solaire et la dis- position de la surface terrestre n’exercent une influence aussi étendue sur le climat. Chaque localité exige dès lors, pour être appréciée à ce point de vue, une étude topographique complète et judicieuse. Mais cette étude est encore à faire. La question de l’influence des climats est peut-être celle dont l'hygiène s’est occupée de la manière la plus vague et la moins scientifique". On possède un grand nombre d'observations éparses sur les effets des mœurs, des habitudes, des habitations, de l’alimentation, des travaux, des industries, chez les habitants des montagnes; on en a fort peu fait sur le climat lui-même. Comme ce dernier agent hygiénique devait nécessairement avoir son chapitre dans les ouvrages systématiques, leurs auteurs, manquant de renseignements, ont suivi la route ordinaire en copiant sans dis- cernement ou en recueillant tout ce que la chronique des touristes et des habitants des montagnes leur fournissait sur la matière. Ce qui nous manque surtout ce sont de bonnes monographies sur le climat d'une localité quelconque, d’une vallée ou d'une région cireonserite. Tant que nous n’en posséderons pas un certain nombre tout travail général ne peut être qu'imparfait pour ne rien dire de plus. — Peut-être même faudrait-il préalablement établir le mode d'observation et indiquer aux hommes, assez bien placés pour ob- server, les phénomènes qu'ils ont à noter, puis la portée et la signi- fication de chacun d'eux. — SE —— DOSAGE APPROXIMATIF DU LIMON CHARRIÉ PAR L'ARNO PENDANT LES PLUIES. Par M. Ch.-Th. Gaudin. (Séance du 2 juin 1858.) Les premiers jours de mai ont été assez pluvieux à Florence. L'Arno s'était élevé d’un mètre au-dessus de l’étiage et charriait avec des feuilles sèches, des morceaux de bois et des débris de toute espèce, une quantité de limon assez considérable pour lui donner cette couleur jaune qui a valu au Tibre l'épithète de flavus. Pour 1 M.le docteur J. Lamont, de Münich, a publié sous le titre de Resultate aus den an der künigl. Sternwarte veranstalteten meteorologischen Un- tersuchungen, nebst Andeutungen über den Eïnfluss des Klimas von München auf die Gesundheits-Verhältnisse der Bewohner (1857), un travail qui peut servir de guide en ce genre , etque nous recommandons à l’atten- tion de ceux qui s'occupent de météorologie appliquée. tt LIMON DE L'ARNO. 49 utiliser quelques instants perdus, nous résolümes , M. G. de Rumine et moi, de chercher à évaluer approximativement la quantité de ma- uüère emportée par le courant pendant un temps donné. Vis-à-vis de l'hôtel le fleuve court entre deux quais sensiblement parallèles ; nous mesurâmes une base sur l’un des quais et, ayant pris deux angles au moyen du clinomètre, nous trouvämes 139 mètres pour la lar- geur du fleuve. Le courant était assez exactement d'un mètre par seconde. Il n'était guères possible d'apprécier la profondeur dans cet endroit, aussi lorsque la crue eut diminué d’un mètre , nous nous rendimes au bac de Campiobbi, situé à deux lieues environ de Flo- rence. Là, mesurant la largeur du fleuve au moyen d'un mètre sur la corde tendue d'un rivage à l’autre, nous trouvâmes une largeur de 50 mètres; puis mesurant la profondeur à vingt et une reprises, nous trouvâmes à 2 mètres du rivage 0°. 95 de profondeur. 6 5 » » » À 5 » 6 » » » a 50 > 7 » » » : 30 » 9 1 » » » 9 45 » hein fur mn ge L'UTS. M VAS DU : SpA ne 23 » » 220910 n95 » 25 » » » ANR 151 » “ sh » » » 9 40 » 2 » > 1989190 » ce 1f » » Serhgi 76 » » » » 2 85 » 37 is » » » 9:95 » 40 » » » 21 D » É ne » » » 2. 80 » » » » 2 » 47 1, » » » 1 45 » ce qui donne une profondeur moyenne de 2".22 pour 23 points de repère, soit 22 tranches. Avec une vitesse d’un mêtre par seconde, il passait donc dans ce moment par seconde sx: 2 111 mètres cubes Ajoutant les 139 mètres cubes de crue extraordinaire qui précédemment s’écou- laient par seconde entre les quais de Flo- dl 139 » on obtient par seconde. . . . . . 250 mètres cubes Soitipar minute, MUR Li 15,000 » par heure. . «4uug).4100%:.::, -05.80n900,000 » en heures . + . : . . .: . 21,600,000 » 4 50 FOSSILES DE CHATEL ST. DENIS. Un barrage établi entre les quais retient la plus grande partie du sable=entrainé par le courant. Plusieurs barques et une cinquantaine d'ouvriers sont sans cesse occupés à retirer du fond de l’eau, au moyen de poches de fer, ce sable qui est utilisé pour la fabrication du mortier. Nous nous sommes bornés à évaluer la quantité de limon fn qui est entrainé vers la mer, et prenant au-dessous du barrage, à 24 heures de distance , deux verres d’eau dont le volume avait été préalablement calculé , nous avons laissé reposer 24 heures et dé- canté l’eau qui ne contenait plus qu'une quantité de matière assez minime en suspension. Le résidu parfaitement dessé- LIMON ché a été pesé et a donné pour kilogrammes gramm, milligr. 540 grammes d’eau . 1 soit par kilogramme RE 1 851 par métretübe] 068 4: 1 851 parésecondes Sue IE 462 750 par minute 9 en! es . 27,165 Darhebret. va corcORuE Me 1,665,900 ou'2 heures: CURE, 39,981 ,600 soit environ 40,000 tonneaux métriques de fin limon. C’est le char- gement de 40 vaisseaux de mille tonneaux. LETTRE DE M. V.-A. OOSTER À M. LE PROFESSEUR A. MORLOT , A LAUSANNE. (Séance du 2 juin 1858.) Sécheron , près Genève, 23 janvier 1858. Monsieur , Mon beau-frère, M. Fischer, m'ayant fait connaitre votre désir de recevoir la liste des fossiles que vous avez trouvés dans les environs de Chatel S' Denis, et que vous avez donnés au musée de Berne, je m'empresse de vous la communiquer ci-dessous, ayant terminé l’e- xamen de ces pièces , autant que leur état de conservation le permet, cet état (écrasement, donc déformation) laissant encore beaucoup à désirer. Vous verrez par l’ensemble de cette faune crétacée que vous avez là l'étage Néocomien et Urgonien selon d’Orbigny ; quelques pièces douteuses ressemblent , il est vrai, à des espèces d’étages su- périeurs, mais des recherches ultérieures fourniront peut-être de nouveaux échantillons qui permettront de les reconnaître comme es- pèces néocomiennes. Il ne faut cependant pas oublier que dans les Alpes bernoises un mélange de cette nature parait bien exister ; les caractères pétrographiques des roches sont comme identiques , et les exploitants ont toujours assuré que les pièces provenaient des mêmes FOSSILES DE CHATEL ST. DENIS. 51 couches. Les Meyrat n'étaient toutefois pas géologues , ils étaient même sans aucune notion de cette science, ce qui est infiniment re- grettable. J'estime qu'il serait fort utile pour la science et la connaissance de ces couches, de les exploiter plus complétement, à La Meyrat , mais par un géologque tel que vous, Monsieur , afin de reconnaitre s’il existe en effet melange dans une même couche où bien des cou- ches distinctes. Il serait encore infiniment désirable de posséder des individus complets de’ces céphalopodes à enroulements irréguliers, qui ne sont pas encore suflisamment connus , décrits ou figurés. Pour en avoir dans ma collection je serais disposé à contribuer aux frais , cas échéant. Cette localité doit en contenir, aussi bien que les environs du Gantrisch. Je place en tête de ma liste deux fossiles ju- rassiques qui faisaient partie des envois à Berne et Genève, indiqués par vous comme provenant du ravin de Chatel S' Denis (ou ses en- virons, ce dont je ne me rappelle pas exactement, ces 2 ou 3 pièces ne se trouvant plus entre mes mains , mais dans le musée de Berne.) Formation ou étage selon d'Orbigny. Belemnites hastatus Blainville. Callovien Oxfordien. Ammonites plicatilis Sow. .… Oxfordien. » Astierianus, d'Orb. et variétés. d’'Orb. tabl. 28, fig. 4 (terr. crét. I). (41 pièces etfrag. indiqués provenir de couches infér. au Néoc. de la Veveyse gauche près du pont de Fégire.) Néocomien. » subfimbriatus, d'Orb. (6 pièces fragm.) Néocomien. » cultratus, d'Orb. (1 fragment) (de la chaine de Jaman, pied des Arches, ravin Veveyse) Néocomien. » Carteroni, d'Orb. (4 fragment). Néocomien. » voisin de l’{ncertus, d'Orb. mais sans sil- lons (4 pièce incompl.) l Néocomien ? » macilentus, d'Orb.(2pièces, 1 fr.) Néocomien. » Thetys d'Orb. — semistriatus, d'Orb. (2 pièces, 1 fragment). (Ces échant. sont or- nés sur le moule de côtes flexueuses. ) (Comme chez le À. Velledæ, Michelin sur le test.) Néocomien ? » Rouyanus, d'Orb.—=infundibulum, d'Orb. (9 pièces et fragments). Urgonien. » difiicilis, d'Orb. (42 pièces etfr'*). Urgonien. » Cassida, d'Orb. (2 pièces). Urgonien ? © (Néocomien ? » Juilleti, d'Orb. (ou lepidus, d'O.) (4 pièce). ou | | Urgonien. - inæqualicostatus, d'Orb. (2 p.) Urgonien ? » quadrisulcatus, d'Orb. (1 pièce) Néocomien ? » ligatus, d'Orb. (À pièce, fragm'). Urgonien. 52 FOSSILES DE CHATEL ST. DENIS. Formation ou étage selon d'Orbigny. Ammonites latidorsatus, Mich. (ou esp. voisine) ar ? BEBE GAS Cénomanien? Ancyloceras (Grioceras, Léveillé) Duvali, Astier (3 fr.). Néocomien. » » Species — Quenstedt Cephalopoden, p. 278et 279. Tab]. 20, fig. 12,43, sous les noms de Cr. Duvaliet Cr, Villiersianum, dont ils différent ce- pendant. (3 p. fragm. sans crosse.) Néocomien. » » Species, voisin du précédent; les tours de spire ne paraissent être en con- tact que par l’écrasem'; ressemble à l’'Ammonites Matheroni, d'Orb. (1 pièce incomplète sans crosse.) Néocomien ? > » Species, fragm. de crosse, dont les côtes striées ressemblent à celles de l'Ammonites Agassizianus, Pictet, de l’Albinen. Néocomien ? | » Villiersianum (Grioceras, d'Orb.) Astier, (2 | pièces sans crosse). Néocomien. » Emerici, d'Orb. (2 pièces frag. sans crosse). Urgonien. » Jourdani, Astier (À bout droit et une crosse sans tours de spire). Néocomien ? » Seringei, Astier (4 bout sinueux, 2 frag"). Néocomien ? Ancyloceras } Morloti nov. sp.? Une grande crosse, Hamulina ?? resserrée par l'écrasement. (Ge n'est Hamites pas un ptychoceras. ) Sans tours de spire. Côtes et stries ressemblant à celles des deux espèces précéd. et de la Hamulina cincta, d'Orb. Néocomien ? Obs. Les lobes latéraux, MAL coNsERvÉS , semblent être composés de parties impaires, ce qui indiquerait le genre Ancyloceras. Hamites attenuatus, Sow. (ou espèce voisine). 4 pe- tits éch. (crosses) et 2 un peu plus grands (er.) Albien ? Ressemblent à la fig. 3, tabl. XIT de Sowerby chez Fitton (Transact. geol. Society) sans la crosse intérieure de cette fig. Ces pièces ressemblent aussi à la Hamu- linahamus d’'Orb., figurée par M. Quenstedt sous le nom de Hamites hamus (Urgonien). Ancyloceras } Fragment de tronçon aplati, orné de 2 Hamulina }? rangées de gros tubereules séparés Hamites par une côte transversale étroite. Es- pèce voisine des Hamites Raulinianus, d’Orb. et armatus, Sow. ? id. ? Crosse presque lisse, avec indices de quelques doubles côtes espacées. r am nd. TS RS CÔNE DE DÉJECTION DE LA TINIÈRE. 53 Formation ou étage selon d'Orbigny. Trigonellites (Aptychus.) Studeri mihi. Nov. spec. Un échant. reconnaissable. Néocomien. (J'en possède de beaux éch. des Alpes bernoises. ) (Indiqué: de la Veveyse gauche, près du pont de F.) Sidetes, Morloti mihi. Nov. spec. (1 pièce déformée) Néocomien ? Pecten, alpinus d'Orb. (A pièce). Urgonien. Les espèces nouvelles devront nécessairement être une fois pu- bliées, et dans ce but de meilleurs échantillons seraient bien néces- saires. Le Sidetes, car je crois bien que cela en est un, est une décou- verte curieuse, car on n’en connaissait jusqu'à présent qu'une seule espèce, le Sid. striatus, Giebel, du Salzburg, de Quedlinbourg (Cré- tacé). Je me flatte, Monsieur , d’avoir satisfait par cette communication au désir exprimé par vous à M. Fischer, et je saisis cette occasion pour vous présenter l'assurance de ma considération distinguée. V.-A. Oosrer. > PE =—— NOTE REMISE PAR M. CHARLES DUFOUR, pour faire suite à la communication de M. Morlot sur le cône de déjection de la Tinière. (Séance du 16 juin 1858.) Les conclusions de M. Morlot ‘ sont tellement importantes et telle- ment nouvelles, qu'avant de les admettre, il est bon d'examiner un peu sur quoi elles sont basées. — C’est ce que je me propose de faire ici. En écrivant cette note je n’ai pas sous les yeux les chiffres obtenus et énoncés par M. Morlot., Mais peu importe, j'accepte toutes ses données, j'admets sans contrôle ce qu’il nous dit de l'épaisseur des différentes couches de terrain, du temps qui s’est écoulé depuis l’é- poque où les débris romains ont pu être déposés à l'endroit où ils ont été retrouvés, etc. Je ne m'occupe que de son raisonnement. Mais si je fais cet examen sans avoir mesuré de nouveau l’épais- seur des couches en question et sans avoir recherché quelle peut être l'origine des antiquités qui ont été mises au jour, je ne le fais pas sans connaitre à fond la localité où elles ont été trouvées. En effet, contrairement à l'idée que quelques personnes ont eue peut-être après la communication de M. Morlot, je ne parle pas d’une localité qui me soit étrangère. Dans ma jeunesse , j'ai passé de nombreuses années à Villeneuve, j'ai parcouru des milliers de fois le cône de la 1 Voyez p. 2 et 24. 54 CÔNE DE DÉJECTION Tinière ; j'y ai travaillé, j'ai vu moi-même et avec détails une des grandes débâcles dont je me propose de parler. j En résumé, voici le procédé employé par M. Morlot pour déter- miner l'antiquité des débris celtiques. Il mesure la profondeur des dépôts romains au-dessous du sol actuel, et comme il trouve les dépôts celtiques à une profondeur (je crois) quatre fois plus considérable , il en conclut que le temps écoulé entre l’époque celtique et l'époque romaine est un temps qua- tre fois plus long que celui qui s’est écoulé depuis l'époque romaine jusques à maintenant. Et de cette manière il croit pouvoir assurer que des familles humaines habitaient, il y a environ 7000 ans, sur le terrain qui est à 3 ou 400 mètres au nord de Villeneuve, et à 7 ou 8 mêtres au- dessous de ée qui est à présent la surface du sol; en ajoutant, il est vrai, que des erreurs accidentelles pourraient bien causer une légère différence de 4 ou 500 ans, en plus ou en moins, sur l'âge qu'il assigne à l'époque celtique. Or tout ce raisonnement repose sur une hypothèse. Cette hypothèse consiste à supposer que, depuis l’époque celtique jusqu’à l’époque romaine et depuis l’époque romaine jusqu'aux temps actuels, l’exhaussement du cône de la Tinière a été continuellement régulier. Or je crois que c’est là une hypothèse radicalement fausse. * D'abord, par la suite des siècles, le cône de la Tinière s’est étendu, et par conséquent les débris se répandant sur une surface plus grande, ont dû exhausser de moins en moins chacun des points de cette superficie. Cette cause d'erreur rentrerait peut-être dans les éléments approximativement calculables. Toutefois M. Morlot n’en avait pas tenu compte, le 16 juin, en indiquant le résultat que j'ai rappelé. Mais, surtout, je crois qu’on ne peut faire aueune comparaison entre ce qu'ont été les débordements de la Tinière avant et après l’époque romaine. Ainsi les déboisements, malheureusement beaucoup trop considérables dans les temps modernes, ont dû modifier d’une manière très-notable le régime des eaux de ce torrent, ainsi que la quantité des débris qu’il charrie. Puis, rien ne prouve que pendant le temps qui s’est écoulé depuis l'époque celtique, la Tinière ait, siècle après siècle, très-régulière- ment déposé la même quantité de débris sur chacun des points de ce cône. Il en serait peut-être ainsi, sauf toujours la question des déboise- ments et quelques autres questions de ce genre, si pendant tout ce temps la Tinière avait toujours coulé dans le même lit et déposé ses matériaux sur les mêmes points. Mais l'étendue même de ce cône prouve qu'il n’en est rien , et pour comprendre de quelle manière les choses se sont passées, il n’y a qu’à observer comment les torrents des Alpes forment ces dépôts. L'eau ne s'étend pas en nappe bien tranquille, bien unie, déposant partout à la fois des alluvionsytrès-ré- Sulières. Voici ce qui arrive pour un torrent non digué. Supposons, pour fixer les idées, un cône torrentiel qui ait 1000 DE LA TINIÈRE. BH] mètres de contour à sa base. Pendant 10 ans peut-être, le torrent oceupe sur ce cône une largeur de 4 mètre, puis après une pluie abondante, il suflit d’une grosse pierre qui vienne barrer le passage, pour que le torrent s’en fasse un autre ailleurs, et peut-être que pendant 10 années encore, le torrent occupera sur une nouvelle gé- nératrice du cône, une largeur d’un mètre et ainsi de suite. Par con- séquent le torrent ne reviendra sur la même génératrice qu'au bout d'un temps probablement fort long ; temps qui ne s’appréciera ni par jours ni par années, mais par siècles, et peut-être même par centai- nes de siècles. Or, quand les choses se passent de cette façon-là, peut-on raison- nablement admettre comme probable qu'une période de 10 siècles amène sur un point donné une quantité de débris pareille à celle qui y a été amenée pendant les 10 siècles précédents ? M. Morlot croit qu’au bout d’un certain temps il y a compensation, et que l'on peut calculer ainsi ce que chaque point du cône recoit en moyenne pendant un siècle. Oui, si ce certain temps est un temps suflisant pour que le terrain soit revenu un grand nombre de fois au même point ; je veux dire un nombre de fois assez grand pour que les irrégularités inévitables en pareil cas soient sans influence sur les moyennes générales. Mais alors ee temps, comme je l'ai dit, de- vrait être un temps fort long. Pour la Tinière, par exemple, qui a fort peu d’eau, et dont le cùne est très-étendu, ce ne serait qu'au bout de milliers, peut-être de millions de siècles, que l'on pourrait établir des moyennes sérieuses. Il faudrait ce temps-là pour que l’on puisse admettre les raisonnements de M. Morlot. Or ce savant ne prétendra pas qu'il se soit écoulé un temps pareil depuis l'époque celtique. Dans tous les cas, depuis l’époque romaine le temps est beaucoup plus court, et cela suflit pour que l'on ne puisse accepter les résul- tats qui nous sont présentés. Puis enfin, j'ai dit que l'on ne pouvait faire aucune comparaison entre ce que la Tinière a dù déposer avant et après l’époque romaine ; car , abstraction faite des déboisements dont j'ai déjà parlé, depuis l'époque romaine il y a eu un grand fait, qui a complétement modifié le régime de la partie inférieure de ce torrent : c'est son diguement. Une fois le torrent digué, il conduit ses débris au lac; et ceux-ci ne se répandent pas, à droite et à gauche, sur le cône de déjection. Je sais bien que M. Morlot n'attribue aux digues aucune action efficace. Il dit que les travaux des hommes sont tout-à-fait im- puissants pour résister aux forces de la nature. Souvent cela est vrai. Mais voyons s’il en est de même dans le cas dont nous nous oc- Cupons : Vos digues, dit M. Morlot, durent un temps; cent, peut-être deux ou trois cents ans; puis arrive une catastrophe, une débâcle comme on n'en à jamais vu de pareilles, plus forte que tout ce que les ingénieurs des digues ont admis comme possible : alors l’eau re- prend son empire, le torrent couvre de ses débris le sol qui en était recouvert autrefois, et toutes choses sont remises dans l’état où elles 56 GÔNE DE DÉJECTION se seraient trouvées si jamais la main de l’homme n’eût exercé son action. Tout cela est bon en théorie ; mais voyons la réalité : Dans la 1° moitié du XIX° siècle, la Tmière a eu huit débâcles. La dernière et la plus grande, à été celle que j'ai vue le 1° juillet 1846. Il y en a eu de grandes en 1821 et 1824 ; on n’a pas pu m’in- diquer exactement la date des 5 autres. Mais celle du 1° juillet 1846 a été incontestablement la plus forte de toutes celles qui ont eu lieu entre 1800 et 1850. Ce jour-là, pen- dant les grosses eaux, la Tinière charriait énormément de matériaux qui, en grande partie , furent directement entrainés au lac. Néan- moins , il en resta des quantités immenses, certainement plusieurs milliers de mètres cubes, qui encombraient le lit du torrent, et qui n'auraient été enlevés qu'avec beaucoup de temps et beaucoup de peine. Mais quand il vint de nouvelles pluies, les eaux emmenèrent elles-mêmes au lac tout ce qui restait de la débâcle du 1° juillet, et une année après on n’en voyait presque plus aucune trace. Au dire des témoins oculaires, lors des débâcles précédentes, les choses se sont toujours passées à peu près de la même manière. Voilà done ce qui arrive avec un torrent digué. Maintenant, sup- primons les digues; au lieu de charrier dans le lac les matériaux qui encombrent un lit, dans lequel il est forcé de couler, le torrent se fraiera facilement un chemin ailleurs, et laissera ainsi sur le terrain qu'il occupait précédemment le sol chargé de plusieurs mètres de matériaux, sans compter ceux qui ont été entrainés au lac au moment des grosses eaux, et qui, sans les digues seraient en grande partie restés sur le cône de déjection. Nouvelle preuve, que malgré les as- sertions de M. Morlot, les digues ont une grande influence, en ce qu'elles donnent à l’eau plus de force, plus de courant, de façon que celle-ci peut entrainer dans les profondeurs du lae presque tous les matériaux qu’elle amène, au lieu de les laisser presque tous à la surface du sol. Par conséquent, l’on ne peut admettre que depuis l’époque romaine le cône de la Tinière se soit élevé autant que dans le siècle précédent, alors que les digues n’existaient pas. D'après les renseignements, naturellement bien imparfaits, que m'ont donnés quelques personnes, on peut estimer au moins à 100,000 mètres cubes les débris amenés par les 8 débäcles. Je dirai même que ce chiffre 8 pourrait bien être modifié, en plus ou en moins, car il est bien difficile de distinguer les petites débâcles de simples acei- dents, alors que les eaux du torrent ont sensiblement augmenté et que celui-ci charrie plus de débris qu'il ne le fait en temps ordi- naire. On voit de même que les 100,000 mètres cubes ne représen- tent pas même une grossière approximation, mais un minimun bien certainement dépassé, en tenant compte des débris qui sont entrainés directement au lac par les grosses eaux. Mais ces chiffres ne sont pas nécessaires pour mon raisonnement, Je veux seulement les prendre pour exemple, et ce que je vais dire restera vrai, quels que soient les nombres que l’on voudra substituer à ceux dont je me sers. { RÉ D à Less DE LA TINIÈRE. 57 Supposons , comme le pense M. Morlot, qu'au bout d’un certain temps, 300 ans si l’on veut, une débäcle effrayante renverse les di- gues et remette toutes choses dans l’état primitif. Eh bien ! les digues auront sans doute été impuissantes pour empêcher les vignes d'être ainsi colmatées par les cailloux de la montagne. Mais en attendant , les petites débâcles partielles auront été sans résultats. 200,000 mètres cubes de matériaux par siècle, 600,000 en 3 siècles, auront été ainsi charriés au lac, et diminueront d'autant la quantité de ma- tières qui, sans les digues, auraient été dispersées çà et là sur le cône. D'ailleurs, quand les digues cèdent l’eau ne recouvre pas uni- formément tout le cône de déjection, elle fait une trouée sur un ou deux points de la digue, et il se forme alors de nouveaux courants dans de nouveaux lits, mais le cône n’en est pas relevé dans sa gé- néralité. On trouve une preuve frappante de ce que je viens de dire, en considérant ce qui s'est passè le 6 août 1852, quand, vers les 5 ‘/, heures du soir, les eaux de la Veraie (qui passe près de Veytaux) ont atteint un volume énorme, bien supérieur à ce que l’on se rappelait avoir vu jusqu'alors. Les digues ont cédé, mais sur un point seule- ment, un peu au-dessous de la grande route. Par cette brèche a passé immédiatement un torrent qui a creusé le sol, et qui est allé droit au lac. Les traces de ce désastre sont encore assez visibles pour que je m'abstienne d'en faire une description. Mais, que l’on aille voir si ces eaux enflées, si ces digues brisées ont exhaussé autrement que sur une superficie de quelques mètres le cène de déjection. Maintenant, j'avoue bien qu'il peut arriver certaines catastrophes où les digues les plus solides sont emportées comme des barrières de roseaux, et où des collines de débris, charriées par des torrents impétueux, recouvrent les rives de manière à ne laisser aucune trace de ce qu'il y avait auparavant. J'accorde qu’en présence de débâcles pareilles les 600,000 mètres cubes dont je parlais il y a un instant, sont peu de choses et peuvent sans erreur sensible être négligés. On peut alors ne tenir aucun compte de l'effet des digues dans les calculs relatifs aux matériaux transportés. Mais les catastrophes pareilles sont heureusement fort rares, non- seulement dans une localité, mais sur toute la superficie du globe et pendant tous les temps historiques. On pourrait peut-être citer la débâcle de Bagnes en 1818, ou le volcan le Cotopaxi en Amérique, qui lors de son éruption en 1740 jeta des flammes immenses qui firent fondre sur la montagne des glaces et des neiges séculaires; il en résulta un torrent dévastateur qui renversa tout sur son passage ; des villages furent emportés , des centaines de personnes perdirent la vie. Or il n’y a rien de pareil, ni rien qui en approche, dans le bassin de la Tinière, qui, bien au contraire, paraît être dans les conditions ordinaires d’un torrent des Alpes. Et pour faire voir à M. Morlot que je ne suis pas le seul qui croie 58 ! CÔNE DE DÉJECTION encore à l'efficacité des digues d’un torrent pour arrêter l’exhausse- ment de son cône de déjection, je me permettrai de lui citer les pa- roles d’un géologue habile, M. Dausse, bien connu de plusieurs membres de la Société helvétique des sciences naturelles. Huit jours ne s'étaient pas écoulés depuis que M. Morlot, à Lausanne, niait l'in fluence des digues, quand M. Dausse, à l'Académie des sciences de Paris, s’exprimait comme suit : « De ce point (Gsteig) la Lütschinen qui charrie beaucoup, pro- menait son cours sur le cône formé de ses dépôts successifs et l’ex- baussait toujours, allant de droite à gauche et puis de gauche à droite, et ainsi sans fin, comme il arrive d'ordinaire et comme l’a observé l'éminent archevêque de Chambéry, Monseigneur Billiet. » « Un couvent d’Augustins ayant été fondé à Interlaker en 1130, on conçoit que les bâtiments et les cultures des moines eussent à souffrir des divagations et des crues du torrent. Ce fut pourquoi, vers le milieu du siècle suivant, ils fixèrent son cours contre le pied de la montagne de droite, de Gsteig à Bonigen, et ils le jetèrent dans le lac de Brienz. » Le canal ainsi ouvert à la Lütschinen a aujourd’hui plus de 3 kilo- mètres de longueur et de 20 à 22 mètres de largeur sur les deux premiers kilomètres ; en approchant du lae, il s’élargit peu à peu et les digues cessent à environ 300 mètres du rivage d'hiver. « L’allongement de ce canal depuis 1270 est considérable. Le lac, à cette extrémité, en est réduit de beaucoup, et continue à l'être d'année en année davantage. Mais les digues, moyennant un entre- tien convenable et un certain exhaussement et prolongements pro- gressifs, ont résisté et rempli leur objet: l’ancienne église du couvent est là pour attester ce long bienfait et rappeler ceux surtout qui en profitent encore à une juste reconnaissance envers ses auteurs. » (Comptes-rendu de l’Académie des sciences de Paris. Séance du 21 juin 1858, page 1188 et 1189). Voilà donc encore un exemple qui fait bien voir que, lorsqu'un torrent est digué, son cône de déjection n’augmente plus. J'admets volontiers que les objections précédentes perdraient beau- coup de leur valeur si le courant d’eau qui nous oceupe était comme le Nil un fleuve immense qui, après un trajet fort long, subit chaque année une crue régulière. Et comme, contrairement à ce qui arrive pour les torrents des Alpes, ces crues sont une source d'avantages pour les riverains, on a eu bien soin de ne rien faire pour les éviter, et pour empêcher le Nil de répandre sur les campagnes son fertile limon. De cette manière, aujourd’hui, le Nil recouvre les plaines de l'Egypte, comme il les recouvrait au temps des Pharaons et des Pto- lémées. Je crois bien alors que les dépôts de limon sont à peu près réguliers. Mais pour le sujet qui nous occupe, il n’y a rien au monde de plus dissemblable que les débordements du Nil et les débâcles d'un torrent des Alpes. Il suffit de faire ce rapprochement pour mon- DE LA TINIÈRE. 59 trer combien l'on se tromperait en appliquant à l’un le mode de rar- sonnement qui convient à l’autre. Maintenant est-il arrivé dans les derniers siècles que la Tinière rompant ses digues ait repris possession de son ancien domaine ? M. Morlot dit qu'il y a cent ans la Tinière coulait près de Villeneuve au lieu dit le Pré de la Cave, c’est-à-dire à l'endroit même où l’on à trouvé les antiquités qui ont donné lieu à la discussion actuelle. Sur ce point-là, M. Morlot se trompe certainement, car il y a cent ans, il y avait en cet endroit même une magnifique plantation d'énor- mes noyers qui souvent on fait l'admiration du grand Haller, Or de grands noyers n’ont pas pris leur accroissement en quelques an- nées. Donc alors il y avait déjà longtemps que la Tinière ne coulait plus là. M. Morlot, je le sais, suppose que ces noyers ont été dé- truits par un débordement postérieur du torrent. Mais cette supposition n’est pas exacte, car quelques-uns de ces beaux arbres ont été abattus par le terrible orage de 1770, qui dans le canton de Vaud fut bien le plus violent et le plus désastreux du XVII" siècle. Et ceux qui, en 1770, résistèrent au vent et à la foudre, furent coupés au printemps de 1800 par l'armée française qui se rendait à Marengo. Leur bois servit à faire le feu du bivouac. Et si M. Morlot doute de ce fait, il peut aller s’en assurer à Ville- neuve , où il trouvera encore plusieurs vieillards qui ont vu ces grands arbres, et qui m'en ont parlé. Je lui indique entr’autres le père Favre, äâgé de 87 ans, dont la mémoire est excellente ; il est d’ailleurs un des hommes qui se sont aidés à les couper. Ainsi les noyers n’ont pas été emportés par le courant. Du reste les mêmes vieillards ont été stupéfaits, lorsque je leur ai appris qu'au dire de M. Morlot la Tinière coulait au Pré de la Cave il ÿ a une centaine d'années. Il assurent tous que cela est tout-à- fait impossible. Ils croient bien qu'elle y a passé, mais dans une an- tiquité fort reculée. Car, disent-ils, le chemin de Longefan qui coupe le terrain dont nous parlons, était au temps de leurs aïeux comme il était dans leur jeunesse, et comme il était il y a deux ans, avant les travaux du chemin de fer, À droite de ce chemin, du côté Opposé aux noyers, il y avait en 1790 un magnifique verger de pommiers. Done le torrent n'y passait plus. En outre, on peut voir dans les anciens plans de Villeneuve, qui datent de 1759, que la Tinière y est représentée à l'endroit même où elle coule actuellement. Puis, au-dessus du Pré de la Cave, c'est-à-dire sur un point où la Tinière aurait dû nécessairement passer pour y arriver , est une grande vigne que le couvent de la Part-Dieu a vendue depuis les évé- nements de 1847. Le couvent possédait cette vigne depuis l’époque de la réformation ; il l'avait alors héritée d’une demoiselle Bontems de Villeneuve qui, étant restée catholique, n'avait cru pouvoir mieux faire que de donner ses vignes à un couvent. Done déjà au XVI° sié- cle, cette localité n’était plus le lit d’un torrent. 60 HELIX MAZZULLII. Enfin, la construction de l'Hôpital de Villeneuve, probablement dans le XIIF° siècle, montre bien qu’alors la Tinière ne venait plus à l'endroit où l'on à trouvé les antiquités ; sans quoi l'Hôpital aurait presque été sur la direction du courant. Il est donc certain qu’à cette époque même la Tinière ne coulait plus au Pré de la Cave, et il est probable qu’elle était déjà renfermée à peu-près dans le lit actuel. Ainsi done, je crois avoir surabondamment démontré par ce qui précède : 1° Que pour la Tinière il n’y à pas de proportions entre l’épais- seur des alluvions et le temps pendant lequel elles ont été déposées. 2° Que dans tous les cas l’on ne peut admettre que les alluvions du Pré de la Cave à Villeneuve se soient formées pendant tout le temps compris entre l'époque romaine et les temps actuels, puisque ces alluvions étaient déjà déposées au XIIT siècle. Donc la couche qui recouvre les débris romains à été formée peut- être en 3 ou 4 siècles, au lieu de 1% ou 15; ce qui bouleverse de fond en comble les chiffres de M. Morlot; et si son procédé de caleul avait été admissible, cela aurait suffi pour entrainer une différence de # à 5000 ans sur antiquité qu’il attribue à l’époque celtique. Je regrette d'avoir dû faire aussi longuement ce qui n’est qu'un travail de réfutation. Mais il m'a semblé nécessaire de combattre les idées de M. Morlot avant qu’elles aient été répandues parmi les per- sonnes qui ne connaissent pas la localité. ROCHES PERFORÉES PAR L'HELIX MAZZULLII. Jan. Phil. Sic. L, t. 8, f. 3. Par M. Charles-Th. Gaudin. (Séance du 16 juin 1858.) J'ai l'honneur de présenter à l'assemblée des échantillons de cal- caire des environs de Palerme, profondément perforés par l’Helix Mazzulli (retirugis de Menke). On a souvent discuté et toujours mis en doute l'opinion qui attribue à ce mollusque les nombreuses perforations que l’on remarque dans les rochers du Monte Pellegrino, du Gibel Forno, etc., depuis une certaine hauteur au-dessus du rivage jusqu'à 1000 à 1200 pieds d’élévation. J'ignorais complétement, pour ma part, ce fait de la perforation par des mollusques terrestres, et lors de ma première excursion au pied des rochers de Belmonte, je fus tenté d'attribuer ce fait à l'ac- tion de mollusques marins, à une époque antérieure à celle de l'é- | ROÔCHES PERFORÉES. 61 mersion de la Sicile au-dessus de la Méditerranée. En examinant la chose de plus près, j'ai dû reconnaitre que les perforations ne sont point disposées sur une ligne continue, ainsi qu'on pourrait s'y at- tendre de la part de mollusques marins qui ne peuvent ni dépasser une certaine profondeur, ni se rapprocher trop de la ligne de haute marée. Ces trous sont au contraire irrégulièrement agglomérés et çà et là donnent au rocher l'apparence d'une très-grossière éponge. Cette espèce de nid sert d’asile à toute une colonie d'hélices de tout âge. Jeunes et vieilles occupent des trous adaptés à leur taille et qui, pour un diamètre de 4 à 411 millimètres, atteignent parfois jusqu'à un décimètre de profondeur. Ces agglomérations d’hélices se rencontrent en abondance au Monte Pellegrino, depuis la base des rochers de Belmonte jusqu’à l'hermitage de S“ Rosalie. J'ai remarqué sur ces sommets un bloc isolé de rocher d'un demi-mètre d'épaisseur, per- foré de part en part et sur au moins deux décimètres de largeur à sa partie la plus étroite. On retrouve également l'Helix Mazzulli au niveau de la plaine, ou peu s’en faut, près de la grotte à ossements de Billième et à une grande élévation sur les crêtes arides du Gibel Forno que ces mollusques semblent préférer. C'est là qu'on peut se procurer les plus beaux échantillons. En examinant avec soin les localités, on abandonne bientôt l’idée d’une action due à des mollus- ques marins. L'opinion à laquelle m'avait conduit l'observation très-souvent répétée des nids à hélices m’a été confirmée par le naturaliste collec- teur Domenico Rejna, dont la sagacité est connue de tous les natu- ralistes siciliens. Cet homme m'a assuré que « au mois de mars, » lors des grandes pluies, les hélices qui préfèrent les pentes exposées » à la tramontane, se mettent à ronger la pierre (mangiano la pie- tra). Elles sécrètent alors une bave glutineuse abondante (tramanda » una bava glutinosa che corrode la roccia) et adhèrent à la roche » avec une ténacité telle qu'aucune force ne peut les enlever ; l'hélice » se laisse briser, elle se laisse écraser, mais elle ne se détache pas du rocher). » À d’autres époques je n’ai éprouvé aucune difficulté à sortir de leurs trous autant d'échantillons que j'ai voulu. Dome- nico Rejna m'avait offert de me rendre témoin du travail de l’hélice, mais les circonstances ne l'ont pas permis. Quelque extraordinaires que paraissent les renseignements ci-dessus, mes propres observa- tions me semblent les confirmer. J'ai vu plus d’une fois et recueilli à l'entrée du trou les détritus qui résultent de la perforation de la roche. Cette limaille de la pierre, s’il est permis de s'exprimer ainsi, se trouve plus ou moins dans la plupart des ouvertures; elle parait se mélanger avec la salive de l’animal et couler sous forme de lave ou de pâtée jusqu’au bas de l’excavation où elle se durcit lorsqu'elle se trouve à l'abri de la pluie. La direction du trou qui est toujours placé obliquement de bas en haut facilite cet écoulement. La coulée diminue d'épaisseur en avançant vers le fond du canal qui en est dépourvu. Une hélice en cheminant obliquement par rapport à la direction générale des trous vient-elle à rencontrer une autre perfo- 62 MUES DU GRILLON CHAMPÈTRE. ration, il arrive quelquefois que la pâtée, résultat de son travail, en descendant le long de l’ancienne perforation, peut couler sur une hélice au repos ou sur une coquille abandonnée et l’ensevelir com- plétement. J'ai rapporté avec une coulée durcie un échantillon pareil où une coquille de l'Helix Mazzullii se trouve prise dans une pâte calcaire très-dure et que j'ai dû enlever au marteau. Cette circons- tance me parait importante et en opposition directe avec l'opinion qui rattache les perforations à l'agence des mollusques marins. Au- eune humidité ne pénètre d’ailleurs dans les trous enfoncés oblique- ment dans une roche compacte. On ne peut expliquer par le moyen d’infiltrations la formation de cette espèce de stalactite, bien différente, du reste, par sa taille, sa forme et sa structure, de la stalactite ordi- naire. Ajoutons à toutes ces raisons la singulière netteté des découpu- res de la roche, les arrêtes extrêmement tranchantes que forme la ren- contre des divers trous et qui auraient été émoussées ou détruites par un séjour sous l’eau et par l'action du ressac. Je crois avoir démontré d’une manière assez évidente que la perforation est le fait de l'Helix Mazzulli, à laquelle on peut ajouter une ou deux espèces plus petites que j'ai observées à Palerme et sur les rochers qui dominent Amalfi. Faut-il attribuer cette perforation à une action purement mécanique ou, selon l'opinion de Rejna, à un acide que renfermerait la salive de ce mollusque, ou enfin à la réunion de ces deux agents ? c’est ce que j'espère découvrir avec le temps. Nous avons rapporté, M° de Rumine et moi, un certain nombre d'échantillons vivants et nous en attendons un plus grand nombre pour le printemps. Il faudra exa- miner la structure de la langue, celle du pied, analyser les résidus rapportés et surtout tâcher de les voir à l'œuvre au printemps. “ —— “ss (0 0 2———— NOTE SUR LES MUES DU GRILLON CHAMPÊTRE. Par A. Yersin, prof”. (Séance du 46 juin 1858.) Dans une note insérée dans les Bulletins de la Société, t. LIT, page 128, j'ai essayé de réunir les principaux faits que j'avais ob- servés sur les mœurs du grillon champêtre; dès lors j'ai cherché à compléter ce premier aperçu par diverses notes additionnelles", au- jourd’hui je viens présenter à la Société les faits relatifs aux divers âges ou changements de peau par lesquels passe l'insecte dès sa sortie de l’œuf à l’état parfait. ? Bulletins t. IV, p. 54 et p. 511. Pet es MUES DU GRILLON CHAMPÊTRE. 63 On sait que la ponte commence dans le courant de mai et se con- tinue pendant les mois de juin et de juillet; trois semaines ou un mois après le jeune grillon perce l'extrémité supérieure de son œuf et se fraie un passage dans la terre jusqu'à la surface du sol où il apparait avec des téguments testacés et si délicats que l’on s'étonne qu'il ait eu la force de traverser les 4 ou 2 centimètres de terre qui recouvraient l'œuf, Il arrive ainsi que les jeunes grillons se montrent en très-grand nombre à une époque où leurs parents sont encore en pleine vigueur ; et beaucoup de femelles continuent à pondre, que déjà l'on rencontre autour d'elles leurs descendants, ayant changé plusieurs fois de peau. Aussi observe-t-on une grande diversité dans la taille des larves de grillons qui fourmillent dans les champs vers le milieu de l'été. J'ai fait plusieurs tentatives pour suivre le développement de ces insectes pendant toutes les phases de leur accroissement, et je n’ai réussi qu'en partie dans ce travail. Les grillons élevés chez moi se sont toujours trouvés en retard de plusieurs semaines sur ceux libres dans la campagne, tellement, qu’en automne les larves dont j'avais obtenu l’éclosion et dont la croissance a marché le plus rapidement avaient encore à subir plusieurs changements de peau pour arriver à l’état de celles en liberté. Pour compléter cette étude j'ai pris dans la campagne des larves à leur cinquième âge et en les élevant dans mes bocaux, j'ai pu les suivre jusqu’à l’âge dans lequel elles doivent hiverner. J'ai eu ainsi un grand nombre de larves depuis leur sortie de l'œuf dans toutes leurs mues jusqu’à leur entier développement. Il semble done que je dois être à même d'indiquer le nombre exact de changements de peaux par lequel elles ont passé. Toutefois je ne puis le faire que d’une manière approximative. Les deux ou trois premières mues amènent avec elles des changements assez caracté- risés pour qu'il soit possible de reconnaître chaque âge à certains caractères particuliers ; il en est de même lorsque l’insecte approche de l'état parfait; mais il existe entre ces deux extrêmes une série de mues, dont le nombre n’est peut-être pas très-constant, et qui n’a- mènent, chez le mâle, qu'un simple changement de taille. Celle-ci varie avec les individus en raison de leur alimentation plus ou moins abondante, tellement que deux grillons du même âge peuvent étre de taille très-différente, de là l'impossibilité d’avoir recours à la taille seule pour les caractériser. Chez les femelles l’époque de l'ap- parition de l'oviscape et les diverses phases de son développement m'ont considérablement aidé dans cette étude. J'ai pu ordinairement m'assurer qu'un grillon avait changé de peau parce que je trouvais à côté de lui la dépouille qu'il venait de quitter. Ce moyen impor- tant de vérification manque quelquefois à cause de l'habitude qu'a l'insecte de manger la peau dont il vient de sortir. Pour éviter des redites inutiles je rappellerai‘, une fois pour toutes, que la mue a toujours lieu par une fente longitudinale sur le ? Bulletins t. IV, p. 511. 64 MUES DU GRILLON CHAMPÈËTRE. milieu du dos et que la peau abandonnée porte constamment des débris de trachées fixés aux stigmates du thorax. Dans les premiers instants après chaque changement de peau l'insecte est testacé, sural- longé et, dans les premiers âgès au moins, assez transparent pour que, pendant les premières heures, on puisse voir distinctement, au microscope, les mouvements du vaisseau dorsal et l'agitation qu'il communique au sang. Le griilon à sa sortie de l'œuf présente, comme tous les Orthop- tères, la forme générale qu'il conservera pendant le reste de sa vie, et il ne diffère de l’insecte parfait que par sa taille et parce qu’il est privé des organes du vol et de ceux de reproduction. Le premier âge est caractérisé comme suit : Longueur du corps, 3 à 3,3 millimètres. Entièrement testacé à sa sortie de l'œuf il se colore rapidement et au bout de quelques heures il est généralement noir. Les bords du pronotum, tout le mésonotum et les bords du dernier segment dorsal de l’abdomen jaune citron; base des cereis jaunâtre, bruns à leurs sommets. Le corps relativement plus étroit, les antennes et les cercis plus longs que dans l'insecte parfait. Le pronotum bordé antérieu- rement d’une rangée de poils, dirigés en avant, et postérieurement d’une seconde rangée, dirigée en arrière. Tous les autres segments dorsaux du thorax et de l'abdomen bordés postérieurement de poils. A la base interne de chaque cerei un seul poil claviforme distinet. Pièces terminales de l'abdomen identiques dans tous les individus. Une première mue a lieu huit à quinze jours après la sortie de l'œuf et elles se renouvellent à intervalles à peu près égaux, jusqu'à ce que l’insecte ait acquis le degrés de développement sous lequel il passe l'hiver. Dans le second âge le grillon mesure: Longueur : 4 à 4,3 millimètres. Pronotum même coloration que dans l’âge précédent ; mésonotum jaune, maculé de noir à la base de chaque poil, ce qui lui donne une couleur générale jaune sale. Poils fauves , assez nombreux pour si- muler obseurément deux ou trois séries transversales sur chaque segment dorsal de l'abdomen. De quatre à six poils elaviformes à la base interne des cercis. Pas de distinction sexuelle appréciable sur les pièces qui terminent l'abdomen. Troisième âge. Longueur, 4,5 à 5,0 millimètres". Pronotum entièrement noir; mésonotum noir antérieurement liseré de jaune à son bord postérieur et plus ou moins tacheté de cette der- nière couleur sur le dos et sur les flanes. La base des cercis jau- 1 Toutes les mesures de taille sont prises sur des grillons nés et élevés chez moi; je crois qu’à partir du troisième âge elles sont toujours un peu trop faibles à cause de la différence de taille entre les individus en capti- vité et ceux libres dans les champs. “ dit MUES DU GRILLON CHAMPÊTRE. 65 nâtre, le sommet plus foncé, (Les mêmes caractères de coloration se reproduisent d'une manière plus ou moins constante pendant les âges suivants, leur inconstance même leur faisant perdre toute im- portance comme caractère spécifique des âges, nous n’en ferons plus mention.) La villosité a augmenté et les poils épars sont assez nom- breux pour qu'il soit possible d'en compter trois ou quatre le long de la ligne médiane d’un segment dorsal de l'abdomen. Dé 40 à 46 poils en massue le long de la base interne des cereis ; le plus grand est le plus éloigné de la base de l'organe. Extrémités abdominales identiques dans tous les individus. C'est à partir de cet âge que commence l'incertitude et que les caractères sur lesquels on peut se fonder pour distinguer les mues deviennent d’une appréciation dificile. Pour les mâles la villosité et la taille augmentent à chaque changement de peau, les bords laté- raux du méso et du métathorax forment de petits lobes glabres de plus en plus développés ; quelques nervures peu distinctes, d'abord plus prononcées ensuite, révèlent dans ces organes les premiers vestiges des élytres et des ailes. Enfin ces lobes sur le prolongement des flancs et disposés de haut en bas, pendant les premiers âges se détachent et se replient de bas en haut, formant sur les côtés du thorax deux petites écailles ; celles du métathorax ou ailes rudimen- taires recouvrent celles du mésothorax qui deviendront les élytres. L'apparition des organes du vol sous cette dernière forme coincide avec le dernier changement de peau de l’année et a lieu dans le cou- rant du mois de septembre. L’insecte passe la saison froide dans cet état, aussi l'appellerons-nous âge d'hiver. Je ne puis encore que faire des conjectures sur le nombre exact de mues de la sortie de l'œuf à l'automne pour le mâle; toutefois en l’appréciant par com- paraison avec la femelle et par les dépouilles trouvées dans mes bo- eaux il n'est pas inférieur à neuf et s'élève peut-être à douze. Quatrième âge. Longueur , 6 à 7 millimètres J'éprouve un véritable embarras dans l'énoncé de caractères suffi- sants pour distinguer cet âge du précédent et du suivant. La villosité un peu plus dense sur le corps, les poils claviformes des cercis plus nombreux et difficiles à compter avec un peu de certitude, sont, avec la taille, mes seules ressources pour distinguer le quatrième du troisième âge. La taille, la villosité et l'absence de différences sexuelles entre les mdividus m'ont conduit à séparer le quatrième âge des sui- yants ; toutefois il ne me parait pas impossible que les individus sur lésquels je me suis basé pour l’établir fussent des mâles à réunir à ceux que je classe dans le cinquième âge, qui deviendrait ainsi le quatrième. Cinquième âge. Longueur, 7 millimètres. La dernière lame ventrale diffère dans les deux sexes. Chez le mâle elle est identique à celle des âges précédents et des suivants ; D) 66 MUES DU GRILLON CHAMPÈTRE. celle de la femelle est distinctement trilobée. Avec une forte loupe on découvre à son bord antérieur deux petites pointes distantes de 0,15 millimètre et longues de 0,06 millimètre , dirigées en arrière. Par leur position elles semblent plus encore appartenir à la huitième. plaque ventrale qu’à la neuvième; la base de ces deux appendices s'appuie, en effet, sur le bord postérieur de la huitième plaque et leur sommet s’avance sur la neuvième; ils constituent le premier vestige de l'oviseape. Tout le corps de l'insecte est couvert de ces poils fauves et fins qui donnent à la peau un brillant particulier et une couleur plus ou moins brune. On compte environ six de ces poils le long de la ligne médiane du dos sur chaque segment de l'ab- domen". Sixième âge. Les femelles sont essentiellement caractérisées parce que les rudi- ments de l’oviscape sont formés de quatre petits mamelons coniques et distincts les uns des autres. Les deux plus grands s'appuient à leur base sur le bord de la huitième lame ventrale et s’avancent en divergeant sur la neuvième ; les deux autres, fixés au bord pos- térieur de la neuvième lame, ont leurs sommets convergents et sont du reste moins éloignés que les premiers. La taille des individus chez lesquels je constate ces caractères varie assez pour que ceux qui sont nés chez moi aient 8 millimètres de long, tandis que ceux des champs mesurent 9 ‘/, millimètres. On peut compter environ neuf poils le long de la ligne médiane des premiers segments de l'abdomen. Septième âge. Les caractères que nous avons tirés de l’oviscape vont à leur tour perdre de leur précision et seront, eux aussi, entachés d’une cer- taine incertitude. En effet, j'ai pu suivre sur un certain nombre d’in- dividus toutes les transitions possibles, depuis la première apparition des quatre mamelons (6”° âge) jusqu'au moment où ils s’accolent sur la ligne médiane du corps en un organe qui a dès lors tous les caractères d’un oviscape raccourcit. Je donnerai donc avec doute comme signe du septième âge chez les femelles, l’état dans lequel les deux mamelons antérieurs, contigus à leurs bases, sont encore plus ou moins divergeants à leur sommet et assez longs pour attein- dre les deux mamelons postérieurs dont ils recouvrent en partie les bases. On découvre au bord antérieur de la huitième lame ventrale un sillon transversal flexueux qui dessine les premiers indices de la lame sousgénitale. Environ de dix à onze poils le long de la ligne médiane des segments supérieurs de l’abdomen. Les individus de cet âge élevés chez moi sont longs de neuf à dix millimètres. L'incertitude qui règne sur le septième âge s'applique également 1 Le nombre des poils comptés le long de la ligne médiane du dos est entaché d’une incertitude assez grande, j'ai essayé d’apprécier la villosité par d’autres procédés ; mais tous m'ont présenté des difficultés et une in- certitude au moins égale. AU MUES DU GRILLON CHAMPÈTRE. ° 67 aux deux suivants; nous essaierons néanmoins de les caractériser comme il suit : Huitième age. Longueur (individus élevés en captivité), 10 à 11 millim. » (indiv. pris dans les champs), 14,5 millim. Dans les femelles l’oviscape a ses quatre pièces contiguës, les pos- térieures qui sont en même temps les supérieures dépassent un peu à leur sommet les deux autres, l'organe entier n’a pas plus de 0,6 à 0,7 millimètre de longueur. La lame sous-génitale plus grande et plus distincte que dans l’âge précédent envahit une grande partie de la huitième lame ventrale. De douze à quatorze poils le long de la ligne médiane d’un segment dorsal de l'abdomen. Ordinairement des vestiges de nervures sur les lobes alifères du méso et du métanotum. Neuvième âge. Longueur, 16,5 millimètres (mesure prise sur des indivi- dus libres dans la campagne). L'oviscape est composé de quatre pièces contiguës ayant leurs sommets à peu près au même point; l'organe entier a environ un millimètre de longueur. Lame sousgénitale, conformée comme dans l'insecte parfait, recouvrant la base de l’oviscape. Les lobes latéraux du méso et du métathorax avec des nervures bien distinctes. Dixième âge ou âge d'hiver. Pour la première fois, depuis la naissance de l’insecte, les rudi- ments des organes du vol ne sont plus sur le prolongement des bords du méso et du métanotum, ils se séparent sous forme de lamelles ou d’écailles, couvertes de la même pubescence que le reste du corps. Ces pièces sont fixées par leur bord inférieur et appliquées de bas en haut sur les flancs du thorax. Les élytres rudimentaires , arrondies à leur sommet, dépassent d’un millimètre et demi le bord du prono- tum et se prolongent d’une quantité égale sous cet organe qui les recouvre ainsi en les cachant à demi. Leurs bords supérieurs sont distants sur le dos de deux millimètres au moins. Les ailes fixées un peu plus bas et en arrière , de forme triangulaire et longues de trois millimètres ; leur bord supérieur recouvre un peu les élytres. L'in- secte est long d'environ vingt millimètres. L’oviscape de la femelle dépasse l'extrémité de l'abdomen et sa longueur totale atteint quel- quefois deux millimètres. Nous avons déjà dit que le grillon des champs passe l'hiver sous cette forme. Profitons de ce temps d'arrêt dans son développement pour jeter un coup-d'œil rétrospectif sur les mœurs de cet insecte pendant la première période de son existence. à Le régime alimentaire des larves ne diffère pas de celui de l’in- secte parfait; elles sont essentiellement omnivores et mangent indif- féremment des substances animales et végétales. J'ai quelquefois surpris dans mes bocaux}, un jeune grillon dévoré par ses confrères au moment de la mue; ils aiment également l'herbe fraiche et tendre, 68 MUES DU GRILLON CHAMPÈTRE. la farine, le pain, ete. Ils plongent souvent leur bouche dans l’eau, sans doute pour se désaltérer. Dès leurs premiers âges les grillons s’assurent un refuge, les uns se rassemblent dans de vieux terriers abandonnés, les autres se pré- parent eux-mêmes une habitation. Très-souvent aux approches de l'hiver, ils se réunissent trois ou quatre dans une galerie ménagée sous une pierre. Cette galerie, toujours très-propre, ne permet pas de croire que cet insecte amasse des provisions pour l'hiver ; ainsi il est très-probable qu'il passe la mauvaise saison dans un sommeil léthargique ou dans un état d’engourdissement analogue. On commence à rencontrer des grillons femelles à leur dixième âge dans le mois de septembre et des mäles un peu plus tard. Lorsque le mois de novembre n’est pas trop rigoureux, beaucoup de ces ani- maux courent encore sur le sol dans les lieux exposés au soleil. Au premier printemps ils reparaissent avec cet astre et s’animent en raison de l'élévation de la température. Dès les derniers jours de mars ou les premiers d'avril les grillons ont une nouvelle mue. Onzième âge ou nymphe*. Cette mue, la dernière avant l’état parfait, la »ymphe de quelques auteurs, est caractérisée chez le mâle par le développement des élytres qui se touchent sur la ligne médiane et présentent ainsi que les aîles une nervation distincte. Chez la femelle les mêmes organes ont pris un développement correspondant ; toutefois les deux élytres, encore distantes d'un millimètre environ, ne se rencontrent pas sur la ligne médiane du dos. Dans ce sexe l’oviscape égale à peu prés la longueur des cereis et sa pointe est lancéolée. Les élytres et les ailes rudimentaires acquièrent ici un intérêt par- ticulier, parce que leur disposition permet, comme dans tous les Orthoptères ailés, de distinguer la larve et la nymphe de l’insecte parfait. Dans les deux sexes la partie visible des élytres est longue de trois millimètres ; elles divergent à leur sommet qui est arrondi. Les ailes sur les côtés du corps sont longues de cinq à six millimètres et de forme triangulaire, comme dans l’âge précédent; leur bord supé- rieur recouvre la partie extérieure des élytres. Cette disposition est précisément l'inverse de ce qui se voit dans l'insecte parfait où les élytres recouvrent et cachent complétement les aîles pendant le repos. La même inversion s’observe dans la distribution des nervures. Chez l’insecte parfait l'appareil de la stridulation du mâle occupe toute la largeur du couvre-dos, le couvre-flanc est traversé par des nervures obliques. Dans la nymphe les nervures qui affectent la disposition 1 J’adopte volontiers la dénomination de nymphe pour l’âge qui précède immédiatement l’état parfait; mais je répugne à l’appliquer à tous ceux chez lesquels on découvre les rudiments des organes du vol, parce que dans ce cas la similitude, déjà si faible, avec la nymphe des insectes à mé- tamorphoses complètes est encore diminuée et qu’ensuite il faudrait l'ap- pliquer à un nombre de mues différent suivant les espèces, au moins parmi les orthoptères. à INONDATION D'EBRODUNUM. 69 de l'organe stridulant sont rejetées sur les bords extérieurs, cachées en partie par les ailes, tandis que la partie de l’élytre, dont la struc- ture rappelle le couvre-flane, est placée le long de la ligne médiane. Les ailes présentent également des différences importantes. Chez l’in- secte parfait elles sont plissées en éventail et pendant le repos appli- quées sur les flancs. Dans la nymphe elles forment toujours une lamelle plane, nullement plissée en éventail, mais parcourues par des nervures divergentes de l'angle antérieur vers le côté opposé. L'insecte passe ordinairement de dix à quinze jours dans l’état de aymphe et 1l arrive à l’état parfait pendant la seconde quinzaine d'avril et la première de mai. Toutefois on trouve encore des nym- phes dans le mois de juin et plusieurs de celles que j'ai élevées n'ont pu arriver à l’état parfait. Les larves du grillon champêtre se distinguent aisément de toutes celles des espèces du même genre par leur couleur noirâtre et le rouge dont est lavée la face inférieure des cuisses. Le Gryllus ca- pensis, Fab., seul présente les mêmes caractères de coloration et atteint à peu près la même taille. Toutefois les deux espèces se dis- tinguent encore aisément outre l'habitat par la forme du pronotum arrondi sur les côtés dans le Gryllus campestris, tandis qu’au con- traire il est rabattu brusquement dans le Gryllus capensis. Dans cette dernière espèce la tête est à peine de la largeur du pronotum , dans la première elle est toujours un peu supérieure. Enfin dans les nymphes du Gryllus capensis les ailes rudimentaires sont relative- ment aux élytres beaucoup plus longues que dans le Grillus cam- pestris. (Séance du 7 juillet.) Monsieur le D' J. Delaharpe, à Lausanne. Eclépends, le 16 août 1858. Mon cher Monsieur, En réponse à votre aimable lettre du 3 courant, je vais essayer de résumer en quelques lignes les observations que j'ai eu l’avan- tage de présenter dans la Société vaudoise des sciences naturelles sur l'inondation qui a recouvert, dans le courant du 3°° siècle de motre ère, une partie des établissements romains du pied du Jura. Je vous laisse pleine liberté de faire ce que vous jugerez bon des lignes suivautes et vous prie de croire à toute l'estime de votre bien dévoué Frép. Troyox. INONDATION DES VALLÉES DE L'ORBE ET DE LA BROYE pendant la domination romaine en Helvétie. . M. Bessard, en étudiant les couches de la vallée de la Broye, ar- rivera sans doute à généraliser l'observation d'un fait qui n'est pas sans intérêt relativement à la série de ces formations. * 70 INONDATION D 'EBRODUNUM. L'histoire nous apprend que les établissements romains de l'Hel- vétie eurent à subir diverses dévastations, assez longtemps avant la chute de Rome. Les ruines d'Eburodunum donnent lieu, à cet égard, à des observations assez curieuses, en permettant de reconnaitre deux moments très-distincts dans l'existence de cette cité. Le pre- mier, de luxe, de grandeur et de sécurité; le second, de décadence et de défense militaire. Cette cité s'appelle d’abord Eburodunum, et, plus tard, elle prend le nom de Castrum eburodunense. Dans les fondements et les constructions de ce fort, on trouve les débris de grandes corniches, de sculptures diverses et d'inscriptions qui rappel- lent l'érection de statues, de portiques et de temples. On voit que le fort a été élevé avec des ruines dans le but de résister à de nouveaux flots d'invasion. Quand on fouille le sol sur l'emplacement des Jordils, à peu de distance du castrum, entre le Buron et la Thièle, on trouve de nom- breux débris romains dans une couche de terreau noirâtre, d'environ deux pieds d'épaisseur. Au-dessous, viennent des couches alluvien- nes, régulièrement stratifiées, sans traces d'objets d'industrie et par- faitement intactes, sauf les points où descendent les fondements des constructions de la dernière époque romaine. Sous ces alluvions, et à 4 pieds de profondeur, en moyenne, à partir de la surface du sol, apparait une forte couche de charbons et de terre brûlée, qui con- tient de nouveau des débris romains. Ces traces d'incendie, qui ne rappellent pas moins une catastrophe antérieure à la chute de Rome que les ruines jetées dans les fondements du castrum, présentent une particularité remarquable : c’est d’être recouvertes par les couches alluviennes mentionnées plus haut. Il en résulte donc qu'après une première destruction par le feu, le sol d'Eburodunum a été mondé, de manière à être recouvert d'environ 2 pieds d’alluvions. Je dois ajouter qu'on voit en outre sur les Jordils les deux pavés superposés d'une voie, dont le plus ancien est à la même profondeur que les traces d'incendie , tandis que l’autre a dû être exhaussé de passé deux pieds. La première question qui se présente est de savoir si ces allu- vions ont pu être déposées par le Buron et la Thièle ou, en un mot, par les cours d’eau qui se jettent à la tête du lac. Il est difficile, dans cette hypothèse, de se faire une idée d’un tel accroissement des eaux torrentielles, et cela d'autant plus que les constructions d'Eburodu- num s'élevaient sur une dune transversale, à peu près parallèle à la rive du lac, et naturellement plus haute que le sol voisin de la val- lée'. Ces alluvions auraient dû , semble-t-il, recouvrir les tourbes de la vallée avant d'atteindre la dune, et je n’ai cependant rien ob- servé de pareil dans les environs du castrum. Si le dépôt des alluvions mentionnées n’est pas dû à l'action des torrents, il doit alors provenir d’un exhaussement des eaux du lac, 1 Ilest probable que le nom d'£burodunum vient du Buron qui traver+ sait la cité et de la dune sur laquelle elle était construite. ste. te FLORES FOSSILES D'ITALIE. 71 exhaussement qui aurait été produit par un barrage de la Thièle, non pas au sortir du premier bassin, mais nécessairement au-delà de Nidau, à cause des plaines marécageuses qui s'étendent entre les lacs d'Yverdon, de Bienne et de Morat. Dans ce cas, le niveau des trois lacs aurait été élevé et l'inonda- tion se serait étendue jusques dans la partie inférieure de la vallée de la Broie. Cette hypothèse acquiert une certaine vraisemblance si l'on tient compte d'une découverte faite lors des travaux de canalisation, en aval de Payerne, à la suite desquels on a trouvé , en 1855, entre Missy et Domdidier, divers débris romains gisant à 3 pieds de pro- fondeur sous des couches statifiées, et par conséquent de formation postérieure à ces débris, qui consistaient en nombreuses tuiles ro- maines et en tenons en fer destinés à fixer des plaques de revêtement. De nouvelles observations montreront sans doute si ces couches ne résultent pas, en partie du moins, de l'inondation qui a recouvert les ruines des premiers établissements romains d'Eburodunum. Quoi qu'il en soit, les sables et graviers stratifiés qui séparent les deux couches de ruines des Jordils indiquent une inondation qui doit avoir eu de grandes proportions et une certaine durée, bien qu'il ne puisse être question de l'action de plusieurs siècles, ear il est certain que ce n’est qu'après la retraite des eaux qu’on a pu jeter les fon- dements du castrum et des habitations qui occupèrent encore l'em- lacement des Jordils, avant la fin de la domination romaine en elvétie. Si cette inondation a été produite par un exhaussement du niveau des lacs, il est possible qu'elle soit due aux barbares, qui n'étaient point étrangers à ce genre de ruse de guerre, et qui auraient ainsi “exercé une double dévastation par le feu et par l’eau. Dans tous les cas, il serait nécessaire d’avoir exactement la différence du niveau entre les eaux d'Yverdon et de Nidau, et de s'assurer si au-delà de cette dernière ville la configuration du sol ou l’encaissement de la Thièle permettraient de faire refluer les eaux jusques sur la dune des Jordils et sur le point mentionné vis-à-vis de Missy. Frép. Troyon. SUR LES FLORES FOSSILES D'ITALIE. par M. €.-r. Gaudin. (Séance du 7 juillet 4858.) a) Feuilles fossiles du pliocène italien. L'étude de la flore fossile des terrains pliocènes de l'Italie a pris un assez notable développement depuis les dernières communica- tions que j'ai eu l'honneur de faire à la Société. 72 FLORES FOSSILES D'ITALIE. M. le marquis C. Strozzi a continué avec succès les fouilles commencées dans diverses localités de la Toscane et particulièrement au Val d'Arno. Nous sommes maintenant en mesure de donner un catalogue plus complet des espèces bien déterminées et dont une partie va paraître cette année dans les Mémoires de la Société helvétique. CATALOGUE. Italie. Suisse. Etranger. *Sphæria italica, m. Val d’Arno. Glyptostrobus euro - pæus. A. B. Val d’A., Sienne. OEningen. Locle. Taxodium dubium. St. Val d'Arno. OEningen. Schossnitz. “Pinus Santiana, m. Sienne. Pinus vexatoria, m. Sienne. *— uncinoides, m. Val d’Arno. *— Strozzii, m. Sienne. *Cyperites Montalio- nis, M. Montajone. Liquidambar Euro - pæum. À. B. Montajone. OEningen. Schossnitz. Populus balsamoiïdes. P. Montajone. OEningen. Schossnitz. -— leucophylla. Ung. Montajone. Gleichenberg. Salix integra. Gp. Montajone. Schossnitz. — media. H. Montajone. OEningen. — Lavateri. A. Br. Val d'Arno. OEningen. Locle. Gunzhourg. Betula prisca. Ett. Val d'Arno. Schossnitz. Quereus drymeia. Ung. Sienne. Val d'A. OEningen. — serræfolia, Gp. Montajone. Schossnitz. *— Parlatorn, m. Montajone. — Gmelini. À. Br. Sienne. Lausanne, mol- Gunzbourg. lasse marine. Erdôbenye. Locle. Lausanne, moll. marine. — mediterranea. Ung. Val d'Arno. — myrtilloides. Ung. Val d'Arno. — pseudoilex. Kov? Val d'Arno. Erdôbenye. — Haïidingeri. Ett. Val d’Arno. OEningen. Gunzbourg. Castanea atavia. Ung. Val d'Arno. Gleichenberg. Carpinus pyramidalis. P. Montajone. OEningen. Fagus dentata. Ung. Montebamboli. — sylvatica. L. V.d’A. Argile sup. Alnus Kefersteini. Ung. V.d’A. Montajone. Platanus aceroides. Gp. V.d’A. Montajone. OEningen. Schossnitz. Planera Ungeri. Ett. Montajone. OEningen. Schossnitz. Ulmus minuta. Gp. Montajone. Sienn. OEningen. Schossnitz. * Espèces nouvelles. aéemet =. FLORES FOSSILES D'ITALIE. 73 Italie. Suisse. Etranger. — Bronnii. Ung. Val d’Arno. *— Cocchii, m. Montefiascone. Ficeus tiliæfolia. Ung. Sienne. Val d'A. OEningen. Laurus princeps. H. Montajone. OEningen. Locle. *— Guiscardi, m. Montajone. [ano. Persea speciosa. H. V. d'A. Val d'Era. OEningen. *Oreodaphne Heerii, m. V. d'A. mis ; Rhus Lesquereu- xiana. H. Val d’Arno. Locle. Ilex Vivianii, m. Val d’Arno. “Dryandroidestusca,m. Montajone. “Hedera Strozzii, m. Montajone. “Acer Ponzianum, m. Val d’Arno. *— Sismondæ, m. San Vivaldo. Sapindus falcifol. A. B. Montajone. OEningen. “Rhamnus ducalis, m. Montajone. Zizyphus tiliæfolius. Montajone. OEningen. Schossnitz. Rhamn. Decheni. O.W.Val d'Arno. *Juglans Strozziana, m. Val d’Arno. — bilinica. Ung. Montajone. OEningen. Gleichenberg. — acuminata. À. Br. Montajone. OEningen. ‘ Schossnitz. nux taurimensis. Br. “Pterocarya Massa - longi, m. Montajone. V. d'A. * Carya striata, m. Montajone. *Vitis Ausoniæ, m. Val d’Era. Cassia hyperborea.Ung. Val d’Arno. OEningen. — lignitum. Ung. V. d'A. Montajone. OEningen. — ambigua. Ung. Val d’Arno. OEningen. “Psoralea Vivianii, m. Val d’Arno. Robe des: vie 59 Espèces nouvelles . 21 Reste . ... 38, dont 23 à OEningen et au Locle, 11 à Schossnitz, 3 à Gunzbourg , 3 à Gleichenberg, etc. Il est évident qu'environ les */, de nos plantes de la Toseane se retrouvent à OEningen, et cette correspondance déjà bien remarqua- ble le devient encore plus par le fait que les couches à feuilles du Val d’Arno sont séparées du célèbre dépôt d’ossements par des dépôts d'argile et de sable d'environ 200 pieds de puissance. La flore fos- sile toscane forme donc le chainon qui relie OÉningen avec les charbons * Espèces nouvelles. 74 FLORES FOSSILES D'ITALIE. d'Utznach et de Durnten, où l’on trouve l'ELerxas ANTIQUUS et le Ranoceros LeprormiNus des couches supérieures du Val d'Arno. b) Flore fossile du Piémont. Les recherches faites en Piémont par MM. Gastaldi, de Sismonda, Capellini , etc., ont mis en lumière une flore presque aussi abon- dante que celle des terrains pliocènes de la Toscane. Les débris qui ont été étudiés par M. Heer proviennent de plusieurs localités : quel- ques-uns appartiennent à la formation oligocène de Cadibona (Ba- gnasco, Stella, Sta. Cristina, Casseria , etc.) où l’on retrouve avec l’Anthracotherium magnum des mines de Rochette , près Lausanne , la flore qui caractérise notre miocène inférieur (Monod, Rivaz, Ro- chette). La Superga, près de Turin, a fourni environ 25 espèces, et correspond à notre mollasse marine. Quant aux localités de Sarza- nello, Chieri, Guarene, Mona, etc. , elles paraissent appartenir au miocène supérieur et se rapprocher ainsi des localités toscanes que j ai eu le plaisir d'étudier avec M. le marquis Strozzi. Voici le tableau comparatif des espèces qui leur sont communes : Toscane. Piémont. Suisse. Pinus Haïdingeri. Chieri. Populus leucophylla. Montajone. Sarzanello. Platanus aceroides. SA DE jÈLE Sarzanello. OEningen. ontebamboli. Carpinus pyramidalis. Montajone. Sarzanello. OEningen. Laurus princeps. Montajone. Sarzanello. OEningen. Oreodaphne Heerii. Montajone. V.d’A. Sarz. Quarene. Hedera Strozzii. Montajone. Sarzanello. Rhamnus ducalis. Montajone. Sarzanello. Juglans nux taurinensis. Val d’Arno. Mona. — acuminata. Quarene. Pterocarya Massalongi. Montajone. V. d'A. Sarzanello. c) Flore des tufs anciens du Vésuve. Pendant notre séjour à Naples, nous avons, M. Guiscardi, M. de Rumine et moi, fait une excursion à Sainte-Anastasie dans le but exclusif d'examiner les feuilles que contiennent les tufs de la Somma antérieurs aux éruptions historiques. Ces feuilles sont situées à envi- ron trois mètres de profondeur dans des tufs recouverts par une cou- che de lapilli qui remonte probablement à l’éruption de Titus. Les feuilles que nous avons recueillies appartiennent toutes à des espèces vivantes et communes dans les environs du Vésuve, fait qui s'accorde parfaitement avec les données fournies par les coquilles fossiles du volcan. Ce sont surtout le fragon épineux (Ruscus acu- leatus) dont les branches et les rameaux sont parfaitement conservés ; le lierre commun ( Hedera helix, L.), les feuilles des rameaux à FLORES FOSSILES D'ITALIE. 75 fruits ; le sorbier (Sorbus domestica?), le chêne (Quercus robur), la fougère commune (Pteris aquilina) et un Gallium. Les plantes re- cueillies par sir Charles Lyell ont été examinées par M, Heer qui, de son côté, y a reconnu la Pteris aquilina, le Ruscus aculeatus, des fragments qui proviennent peut-être de feuilles de l'Erable de Montpellier (Acer monspessulanum). Le Rivo di Quaglia contenait dans des tufs encore un peu plus anciens le laurier noble (L. nobilis) et une foliole de Jégumineuse (Glycyrhiza glabra?). M. le professeur Gussone nous avait engagés à voir s'il ne se trouvait pas des troncs d'arbres dans les tufs de la Somma que l’on avait excavés pour chercher des filons d’eau destinés à alimenter les fontaines du palais de Portici. En parcourant ces souterrains nous avons reconnu qu'en plusieurs endroits des troncs d'arbres ont laissé dans le tuf des ca- vités correspondant à leurs dimensions, et que ces cavités qui plon- gent à des angles divers contiennent tantôt une menue poussière brune, résultat de la décomposition du bois, tantôt le bois bien con- servé d’une espèce de pin. L’écorce a laissé parfois une empreinte assez nette, mais les échantillons que j'ai rapportés n’ont pas encore été déterminés. d) Flore fossile des îles de Lipari. L'ile de Lipari qui sur plusieurs cartes géologiques a été indiquée comme une formation d'origine entièrement volcanique, paraît ren- fermer des roches stratifiées appartenant à l’époque falunienne. Ces couches renferment aussi des végétaux fossiles dont M. A. Escher de la Linth et M. Villanova de Madrid avaient déjà constaté la pré- sence. C’est à M. de Mandralisca que l’on doit la récolte d’un bon nombre d'empreintes qui fourniront des données importantes sur la flore d’une station aussi méridionale, quelle que soit du reste l’époque à laquelle l'étude prouvera qu'il faut rattacher ces débris. Parmi les échantillons que M. de Mandralisea a eu la bonté de m'envoyer, se trouvent un beau tronc de palmier , des fragments de feuilles d’un palmier en éventail, des feuilles bien conservées de smilax, de chêne vert (quercus ilex) , un laurier très-voisin du laurier des Canaries (L. Canariensis), une Aristoloche et quelques feuilles qui demande- ront une comparaison soignée lorsque le nouvel envoi promis par M. de Mandralisca me sera parvenu. e) Travertins de Massa Marittima. Quelques études nouvelles m'ont permis de déterminer d’une manière plus approximative la position de ce gisement. Les pièces qu'il contient sont : 1. Cyperites Anconianus, m., encore peu connu. 2. Callitris Saviana, m., espèce éteinte. 3. Quercus Meneghini, m., probablement simple variété d’espè- ces vivantes en Îtalie. 4. Quercus Dalechampiü. Ten., de la Calabre. 76 FLORES FOSSILES D'ITALIE. 5. Acer pseudoplatanus, L., var paucidentata ; variété d’une es- pèce européenne vivante. 6. Pavia Ungeri, m., très-semblable à la Pavia macrostachya , D. C., d'Amérique. | Les travertins d'Iano qui reposent sur les sables jaunes, avec le Faqus Vient ers L., le Quercus Dalechampii, Ten., et peut-être aussi l’Acer pseudoplatanus var paucidentata, renferment aussi des espèces de Montajone. C’est le même mélange d'espèces perdues et d'espèces vivantes que nous avons à Massa. Les travertins de Massa sont done probablement aussi postérieurs aux sables jaunes comme ceux de Iano, et c’est ce que semble indiquer l'aspect plus récent de cette flore. Les travertins postérieurs aux sables pliocènes sont encore recouverts par des graviers d’origine marine qui me semblent correspondre au drift des Anglais et aux couches où l’on rencontre ailleurs l'Elephas primigenius. Massa se trouverait donc placée entre l'Elephas antiquus et l'Elephas primigenius, à moins que la flore exotique pliocéne, ce qui est encore possible, ne se soit maintenue en Italie plus longtemps que sur le revers des Alpes. —— 9 07-02 ————— ) | NS S 4 N Ÿ WW $ Ÿ S'È = Î T LS ; Ÿ à | Èl Y EE Ligne therniorn etrique de) Cu À Ÿ 3 Fa Y® : “: . ÿ ' ñS À D en D = : L. Mi : ECOLE SPÉCIALE DE LAUSANNE Mparaisou Batouuétrique et Memouétrique es Täbleuu graphique N Lé "Z. auirees 1855, 18 56 cl 1851. Anr née 1857 E, 66 Ligue barorvetrique de 1857 64 74 774 de 16; MIA DT 14 74 de 1856 > FE Ligne thermom etrique de 100 ÉCNTL. 7714 de 10 77 . ; k O0 BEST, 774 de 1856 N Ve cxces Des f, aubteucs A ER HEeS suc PO out/2Pe/hottes eu Wtte pau deux au dessus De : lalique A.B. Sie à A1 À —————t— D À 3 l / 7 or 5 4 2 .— 9 $ Lan Ce .— 3 DEA Z Z S -3— 1e à — S CE NS aroguet Pr 6 Avril 165 Lük Blanchard, Lausanne lbleaudraphiqueN'£ PF Ligne des jours de pluve. PR bé. ii cl éd en 1056. NN. Ligne des 1. Jours de neige. BB Ligne des syours de broudtlards OO Ligne desjours d'orage oudeclaurs Lite. Hloncharta Lensenre ECOLE SPÉCIALE DE LAUSANNE Année 1857 Libleau graphiqueN£ Op . : ; te: PESes 00) routard toi Cchefles : PP Ligne des jours de plure = pour Ÿ jour de pluce P' PPT NT 774 err 1086 "4 cd. dene ge NN. Ligre des jou rs de rerge cd. d'eéclacrs ou dora ge BD Ligne des Jours de brouctlards ë ÆF pour 7 jour de broutilards 00 Ligne des ours d'orage ouwdéclarrs ? i i l (4 fe ES l i ï Le i VA ON à 5 5 E = >) 72, à - = FE = à = s Pa >} - 1 o 7 eo — s à eo on = # _ — 45 ES cs > En Pi — .— Ex ra é D 4 LS = _ E — CE > t— m1 > 1 ES _— et CG: = gn. _— eo = = FE or AE =) 21 À à st Re) - * + © 0 = RARES ueNT 4 RE NE RC ER ER PR PES = PAIE 2 Drap, 2» 1 o F6) Tableau mgmaden ne. en et RS MR EX Re RE É VE) ECOLE SPÉCIALE DE LAUSANNE. X( ne Der : 3 \ JCuunidiue selati ve, teusiou defaçapeux, eau touubecl Tibleau graphique LE L P a UN Ligne de lhumearee retative. Lchelle T#E pour 7 d'hunudite relatise. VAT, rgre de la tenseon de la vapeur eau. Echelle 4 pour de Lension . AP ligne del'eau tombee en plure. Echelle: Trpourt Ædhauteurdiau NY... «a. ca en neige Lehelle: uv... 774 ns Mequeuce relative des veut Z à 9 à : à à. 3 S \ VE L 1 A S S0 [1 NO o r) S _ ss o Se K£ Z À - , ; S æ ps à rs = + es à = 13 = s T1 Ligne de l'année 1857 | Le nombre-total des vents-100 à = ES s 2 ÉS 2 3 ë 4 £ x 2 à ue Ya | n Hire = 2 ” ” L) = e ra 5 £ PP il id 1666| estreprésentpar mal: S à 2 = = = S mm 8 UE = S > (ee) (D TZ 6 CE . 27> Ds ce . th Flenchnre 7 A 4] ; «7 A. 0 7 Ma r'Avet Prolesseur 6 Avril TZ 0. L N L. Au-dessus du lac 14539 IGUET, prof. » lamer520"50 hauteur du baromètre ———— | = F Nombre des jours où l'on a . E TEMPÉRATURES 5 observé 8 F extrêmes du mois ë PAPE EU x RE À £ 2 Re Ë ne Ep È = £ ë& ë EI A © — = 9 à eA 2 | Maxim. | Minim. Max. Minim. 2 % È AS = RM RE CEE RER es RE 0,76] +-5,2| —8,5] 15,7 | 4 51 20 0,00! -8,6| — 9,7] 18,5 | 26 7 2! 5 +4,05] 14,5] — 8,5] 22,8 | 45 12 CA RE DES 2 7,28] 17,0] — 1,0! 18,0 | 20 26 5 | 12 *1 | 3 42,96! 22,7] +2,41 20,5 | 20 5 14 8 | 4 | 45,79] 25,6! 6,11 49,5 | 28 | 9,44 11 BALLE 19,501. 29,9! 10,0| 19,9 | 21 4 S UN | NE | 37,77] 929,0! .9,5] 19,5 5 18 12 5 15,40| 91,1 8,4] 49,7 1 921 42 7 | | 10,65! 147,5] 5,8] 11,5 5 |23,928.530 10 An 2 4,67! 15,0] — 92.11 15.1 3 15 5 3 Ho 7,940] 11,9 | 6 | 5: 2|5| 2 9,041 147,6] 0,71 16,9 17 [106 | 8 | 55 | 46 jus les orages ou éclairs vus ou entendus à Lausanne. Orages sur la ville: le 46 mai; | d'Oche, , à Lausanne, nne : glace dans le vase évaporatoire. tenu sur le sol, à Lausanne. Tableau N°1. rs ÉCOLE SPÉCIALE DE LAUSANNE. Latitude Nord . . . .. «. 46° 51:93/1 ————————€0©02-—— Longitude Est de Paris . . 4° 47° 566 Au-dessus du lac 14539 Résumé des observations météorologiques de l'année 4857, par J. MARGUET, prof. RL hauteur du baromètre | re _ 5) HAUTEURS ; ; E lEMPÉRATURE ë | : HAUTEUR MOYENNE Ë rie TEMPÉRATURE MOYENNE É Dhs , & | rewrérarunes | FOR aus QUOUES arométrique en millimètres ES: ET DATE DU = . à 8 a Servêé | MOIS Me PAP 4 E © aux heures d'ob= en degrés centigrades. 5 des thermomè- Ÿ & Z [extrêmes du mois É DÉTEDU + éduite à 0 degré. = servation. 2 rographes. Do # Sie | Re £ L= er nt Eu 5 lens — £ —, ë Ë ë |£S = | 8h |M2h NOR UT IN E Maxim.| Minim. Max. | Min.| 8h. | 12h. | 2h | 4h. Set lin EN EE 0 NON CORTE Aer EE & ———..——.]. | |. ue es ne || | cs, | L=) ES Û Den | Se | Janvier . . . |711,66/714,57|741,22/711,26]741,45]725,79|695,05 19 | 45 |—1,54/+-0,40)+-0,62/+-0,25|— 0,02! 0,88 9,411 0,761 -5,2| 8,5! 15.7 | 41 515 | Février. . . |720,54/720,60/720,22/720,19/720,54[727,50|707,48 28 | 5 |—1,14/42,51/-2,71| 2,75) 4,66 1590! 5,90] 0,00! 8,6! — 9,7] 18,5 | 26 7 213 | Mars . . . . |714,84/714,70)714,26)714,26]714,511726,00!705,15| 2 1151 2,97) 5,95) 6,4) 6,32] 5,43] 7321070405! 14,5| — 8,5] 208 | 45 | 0 310153 à | Avril . . . . [742,46/712,211742,06/711,871712,071725,52|702,55 20 | 15 5,86| 7,65| 7,85] 7,78l 7,98 10,58, 5,99! 7,28] 17,0] — 1,0! 18,0 | 20 26 5 | 42 24 5 | Mai... .. |714,88/714,57/714,05/715,911744,55|722,57|707,19 16 | 25 | 15,42) 15,97] 16,60! 16,75] 45,69] 47,57] 8,54] 12,96] 92,7| +0,1l 205 | 20 5 44 a 4 Juin .... (745,25/714,97/714,72|714,47|714,85|725,68|712,09 26 | 50 | 16,65! 18,80) 48,97) 19,25] 48,411 90,45) 41,15] 45,70] 25,6! 6,1] 49,5 | 28 | 9,44 11 5 | 3 Juillet . . . |720,011719,741719,411719,271749,611725,101714,58 14 | 11 20,55] 22,88] 925,62) 95,58] 22,61! 94,58| 14,62] 19,50! 29,9! 10,0! 19.9 | o1 4 8 5 | 1 | Août . . . . [747,65/747,45/717,15/716,98|747,50|724,17/710,58 27 | 45 | 18,25] 90,42] 21,11] 91,08! 20,21! 91,91! 15,641 47,771 29,0! 9,5! 105 | 5 | 48 12 5 Septembre . |[719,07/718,85/718,40/718,20[718,65/726,92|712,58 17 | 10 | 15,44] 17,96] 18,15] 47,94] 17,57] 48,61| 19,20) 15,40] 91,1 S,Al 12,7 1 21 12 7 1 | Octobre. . . |716,82/746,841716,41/716,25[716,57|725,05|708,06 5 | 9 | 9,87] 42,61| 19,91] 12,60] 12,00! 15,27| 7,98 10,63| 17,51 5,8l 11,5 | 5 l25, 28.50 10 2| | Novembre . |[719,60/719,511719,16/719,091719,541727,55 | 704,65 2NIR97 5,89 6,52! 6,59] 5,90] 5,65! 5,661 35,691 4,67] 45,0| — 92.11 15.1 5 15 5 5 | Décembre . |727,72|727,62/727,22|727,24[797,45|752,51 |719,56 8 | 1 |+-0,64/+-2,27|+2,69| 4,99 1,89 a,59|— 0,450 4,19| 7,91 — 4,0! 119 | & 51 2| 5| 9 | Moyennes de an cé - . : : : nn 3 l'année . . |747,50/717,58/717,02/716,92[717,20/725,64/708,09] 17,55 S,76| 11.15) 11,51! 41,551 10.681 12.21! 5,87| 9,041 17,6 0,71 16.9 47 |106 8 | 55 | 16 A ñ = i i ées écoulées. ; É a. Comparaison des trois années € F s * On a marqué dans cette colonne tous les orages ou éclairs vus ou entendus à Lausanne. Orages sur la ville: le 46 mai; arometre. : Te 98 juillet; 44 août ; 2 et 10 septembre. Moyenne barométrique en 1855 . . 715,51 « | sr Jus 20 l » » en 1856 . . 716,55 Moyenne des trois années . . 716,41 Goctobre, première neige sur la dent d'Oche. pi 9 : k 2 en 1857 . . 717,20 13 novembre, première gelée blanche, à Lausanne, Movenne tl étrique en 1855 9,99 | Pérmomre: 44 novembre, première gelée, à Lausanne : glace dans le vase évaporatoire. moyenne tnhermome "Je . , : à En » en 1856 . 10,67 } Moyenne des trois années +. . 10,45 20 décenbre, première ncige qui ait tenu sur le sol, à Lausanne. É » » en1857 . 40,68 | ; = ES D a Tableau N° 2. ; 7 ÉCOLE SPÉCIALE DE LAUSANNE. ations météorologiques de l’année 185%, par J. MARGUEN, professeur. oo TENSION DE LA VAPEUR D'EAU & HUMIDITÉ RELATIVE Résumé des observy MOYENNES EXTRÊÈMES DE L'HUMIDITÉ. DATE DES EXTRÊÈMES. FRÉQUENCE RELATIVE DES VENTS, _ NE EAU TOMBÉE | £ = ; = _ D EE — = MOIS Sh. 42h. 2h. 4h. RES: TENSION d HUMIDITÉ RELATIVE à TENSION HUMIDITÉ RELATIVE le nombre total des vents étant représenté par 100. en millimètres. Fr aller le des Ne Ne Re z T H.R Œ H.R T H.R T H.R 1t H.R | Maxim. | Minim. = Maxim. | Minim. = Maxim. | Minim. [Maxim. | Minim. N | NE | E SE | S so | 0 | NO Neige. | Pluie. z Janvier. . . . | 5,47 | 81,65 | 5,75 |77,16 | 5,74 |76,45 | 5,71 |77,75 | 5,64 | 78,25 | 5,66 | 2,06 | 3,60 | 96,5 | 52,1 | 44,41 4 | 51 | 1 | 50 | 7,5 | 400 | 5,92 | 104 | 43 | a72| 52 | 4,5 | 3,2 | 95,4 Février. - . . | 5,57 | 82,81 4,11 |74,75 | 4,16 |75,50 | 4,06 | 72,04 | 3,97 |75,72 | 6,14 | 2,06 4,08 | 96,4 | 52,6 | 45,8 27 7 25 12 3,6 | 20,2 | 153,1 | 15,1 | 10,7 | 30,9 5,6 4,8 1,9 4,3 Mars . . . . . | 4,58 |77,70 | 4,86 | 67,59 | 4,90 | 66,52 | 4,81 | 65,87 | 4,79 | 69,32 | 7,67 | 1,87 | 5,80 91,2 | 59,3 | 51,9 15 12 10 5 9,7 | 18,5 1,4 | 94,7 | 44,8 | 95,8 72 5,4 3,0 | 49,6 Avrilerete cie 5,94 |72,41 5,63 |65,16 | 5,60 | 61,14 | 5,42 | 60,22 | 5,55 |64,23 | 8,07 | 3,05 5,04 | 89,6 | 40,1 | 49,5 8 24 1 19 4 412,4 4,2 | 46,7 | 2,31 4292| 44| 4,4 | 150 |1656 5 | 50 5 | 2,2! 8,6 | 4,4 | 12,9 | 45,0 | 50,5 | 5,4! 435,1 » |1949 0 6 9,57 | 60,50 115,54 | 4,45 | 8,91 | 95,9 | 52,9 | 610 | 8 | 15 9 | 926 | 6,7 | 20,0! oo | 45,6 | aa | ga | 44! 441 » |1668 Juillet . . . . [14,54 | 64,66 [14,07 |55,82 [10,66 | 49,54 140,26 | 48,27 l10,88 154,07 115,12 | 6,50 | 8,82 | 90,9 | 55,0 9 Mai. . . . . . | 8,55 | 72,55 | 8,55 | 62,95 | 8,57 |59,45 | 8,01 | 56,78 | 8,52 162,95 | 14,74 | 5,99 | 7,75 | 96,7 | 51,2 | 65,5 | 50 s) 5 Juin - 9,87 | 70,02 | 9,68 | 59,71 | 9,59 | 56,67 | 9,14 | 55,61 57,9 | 29 12 2 12 8,6 8,6 2,401"45,101 12,911 31,2. 146;1 5,4 » |*69,5 NEO C 11,51 | 75,91 111,75 | 66,51 111,59 | 65,55 111,51 | 61,79 [11,54 | 66,54 [14,91 | 7,61 | 7,50 | 90,5 | 54,5 | 56,0 | 24 8 17 1 5,4 | 17,9 4,4 1925 149;401N97,0 10442") 4,5 » (1) Septembre. . [10,76 | 82,17 [114,18 | 72,72 111,17 | 74,89 [41,14 | 72,64 | 11,06 | 74,85 | 14,09 | 6,87 | 7,22 90,6 | 50,4 | 40,2 9 19 25 19 5,6 | 42,2 |" 0,0 130,0" 13,5 1" 50,0." 6,71" 9,2 » |451,0 8 0 | 41,9 2 50 2 50 2,111 16,1 5,4 | 15,1 5,4 | 45,0 | 2,1 | 10,8 » |150,0 Novembre . . | 5,71 | 85,80 | 6,07 |79,75 | 5,98 |81,47 | 5,87 | 81,56 | 5,91 | 82,09 | 9,35 | 5,02 | 6,51 | 96,0 | 55,8 | 42,2 f 15 b] 15 8,4 | 56,4 | 4,5 | 18,2 4,2. | 25,0 |" 4,6.| 6,8 » | 65,0 9 Octobre . . . | 7,86 | 86,51 | 8,61 | 78,29 | 8,62 | 77,15 | 8,62 |78,25 | 8,45 | 80,00 |14,19 | 5,69 | 8,50 | 95,9 | 54, Décembre . . | 4,50 | 87,05 | 4,55 |85,25 | 4,54 | 81,57 | 4,48 | 85,52 | 4,46 | 85,84 | 6,15 | 5,04 | 3,09 | 94,6 | 55, 58,7 5 12 2 28 3,2 | 55,2 5,5 | 18,7 9,9 121 5,B | 9,9 » | 12,4 Moyennes de l'année. . . | 7,25 |78,08 | 7,47 | 69,95 | 7,41 | 68,19 | 7,25 | 67,84 | 7,54 | 71,01 |10,55 | 4,16 | 6,57 | 95,55] 44,15! 49,42 5016! 32185! 99! 3,5 | 5,6! 5,6 | 25,4 |055,6 ne Re RS PR Re | RC RE Re, RE CEE CR EE EL * Eau évaporée du 41 au 31 janvier. Vents. Quand il est tombé simultanément de la pluie et de la neige, on a compté la quantité d'eau tombée, moitié comme pluie et moitié comme neige. { Rapport des vents d'Ouest aux vents d'Est . . . . . . . . 0,98 be a EC En 1857 VER : Le | Rapport des vents du Sud aux vents du Nord . . + . + + 4,85 Eau évaporée pendant juillet et août. 1,7 () La quantité d'eau tombée pendant le mois d'août n'a pas été constatée. . 2 à l'Z : nu En 1856 DECEON EE a ë L'évaporation a été mesurée à l'aide d'un vase en fer-blanc circulaire ayant 24 centim. de diamètre et 2 centim. de profondeur. Ce vase est 1 0 ( Rapport CROIENT D EN NAME 5 01 9 A OM ON 1,4 placé au Nord sur une galerie ouverte. Résumé dmier semestre de 4858. | MOYENNES des maxima JOURS de pluie ou Es barom et 1. 8h. | es minima. EAU tombée ÉVAPORATION (millimètres). (millimètr®). À de neige. Janvier . . . 1 724,648 9,75 9,45 Février . . . |716,246 12,00 99,73 714,87 55,90 716,555 58,12 | 97,10 717,216 46,50 | 131,60 749,825 84,50 5,60 ‘ Résumé des observations météorologiques faites à l'École spéciale, pendant le premier semestre de 4858. MOYENNES MOIS. barométriques horaires à 0 degré. MOYENNES MOYENNES MOYENNES MOYENNES MOYENNES | 2% baromcotr. thermométriques horaires. thermom. des des QE al - — mb mensuelles." mensuelles Taxima inira Su. | 1h | 2n. ] 40 8h. | ah. | 2h | 4h IT PET A Janvier . . . | 724,64] 724,52] 724,04] 723,96] 724,29 |—5,71|— 116 —0 86] 1,05 — 1,70 | —0,41 | — 5,8 Février . . . [716,24] 736,15|715,70| 715,49) 715,89 |— 0,45|-1-2,05/-2,45) 9,35) 4,60 À 9,84 | 0,16 s . .. . 1714,87) 715,07| 714,74] 714,49) 714,79 |-9,75)+-5,511+-6,55, 6,55) 5,99 À 7,47 | Lo 92 716,55] 716,25] 715,711 715,50) 715,95 | 10,54] 13,52] 13,98] 14,02] 43,02 | 14,69 6,95 ER 717,21, 716,64 716,42! 716,28] 716,64 | 41,29) 13,12] 15,00| 15,75] 15,27 14,49 7,06 29 719,82] 719,091 719,01! 718,75] 719,16 | 90, 22,55] 25,01] 925,10] 22,95 | 95,79 13,95 MOYENNES des maxima et des miauna "s ES . DESIRE DEC 2 OI LE EE EEE EE CE AE TUE . ÉVAPORATION (millimètres) 98,12 46,50 Hauteur de la station : 145" au-dessus du lac Léman; 520" au-dessus de la mer. EAU tombée (millimètr®). 9,45 22,75 55,90 97,10" 151,60 5,60 Le BULLETIN n’est adressé qu'aux membres qui ont nequitté leur contribution annuelle. + Peur les personnes étrangères à la Société, le Prix d'abonnement au Bulletin est fixé à 6 fr. par année, payables d'avance. On s’abonne chez F. Blanchard, impr.-libraire , à Lausanne. RS SÉANCES de la Société vaudoise des sciences naturelles 1858-1859. 1838. Novembre. . . 35—17 | 4859. Avril . . . . Her » Décembre, . , À —15 D M SEE TE UE — 18 1859, Janvier . . . D—19 » Juin . N î 15 » Février. . . . 2—16 » » séance annuelle le.15 » Mars . . , . 2—16 » Juillet. . . 6 ‘€ Les séances ont lieu à 7 heures du soir , à l'hôtel de ville , salle. fe de la justice de paix. Les auteurs sont responsables des opinions qu'ils émattent: DE du am 3 Lam) &- TR RRÈE——— 4 w mi AVIS. Messieurs les membres de la Société qui désirent utiliser la Bibliothèque sont priés de s'adresser à l’archiviste, M. Victor Cérésole, à la Borde, Lau- sanne. — Lettres affranchies. RER PER R E aegs * LES. Æ 5 IENC sa 32 TABLE DES MATIÈRES DU PRÉSENT NUMÉRO. PROCÈS-YERBAUX Mémoires. Sur le terrain quartaire du bassin du Léman, par A. Morlot De la météorologie des vents et en particulier de celle du bassin du Léman, par J. Delaharpe Re : et Sur le décroissement de la température pendant V pou RE par C.-T. Gaudin - Sur un coup de foudre à Vufilens- le-Château , par c. Dufour ; thia, par À. Chavannes Sur la destruction des chenilles qui dévitent és arbies fruitiers Fo environs de Lausanne, par J. Delaharpe Dosage approximatif du limon de l'Arno, par C.-T. Gaudin Sur le glacier dilu vien de la vallée du Rhône , par Venetz père . Modifications apportées à la faune du val d’Arno, par C.-T. Gaudin . Sur quelques particularités dans le choc de la foudre, par H.-F. Bes- sard a LE # Climat de l’époque ue en Su ,par CT. Gaudin Examen d’un fruit de thuya fossile des travertins , par C.-T. Gaudin Sur l’extension géographique de la Saturnia mimosæ , etc. , Pa A. Chavannes . , : à , Sur les tombeaux des ina du LU par c. FT. Gaudia) ; Géologie de S' Maurice , en Valais , par Ph. Delaharpe . | J. Marguet . eve AE Fréquence relative des vents à nt par Fe même Vents observés pendant les années 1856 à 1858, par le même Sur les températures observées AR les années 1855 à1858, FAT le même OR CE RE . H Tableaux météorologiques pour 185, par le même. Pages 425) Sur les différentes espèces pres sous le nom de Safurnia PE +: . 499 13 454 455 À . 436 F | A 139 sous barométriques observées de 4855 à 1857 à Lausanne, par 14 h TOMAS A OA + 48. j; | ; F 4 77. so! 108. 122 RÉ AE GS Sd CE CS RSS a 124 196 130 PRET CCR aa) s SR Tome VI. N° 44. SOCIÉTÉ VAUDOISE DES SCIENCES NATURELLES. EE 7 2 PROCÈS-VERBAUX. Séanre du 3 novembre 1858. — M. Lude présente comme mem- bre de la Société M. Samuel Cuenoud, instituteur de mathématiques ; M. Silvius Chavannes présente M. Auguste de Meuron, de Neuchà- tel, et M. Dôübele, M. Eugène Buenzod, pharmacien. — Ces Mes- sieurs sont reçus membres effectifs de la Société. Le Bureau propose que sa nomination soit renvoyée à la prochaine séance. 2° de novembre, comme le voulait le précédent Réglement. Le Bulletin sous presse n'aya#@pas encore paru, le nouveau Règle- ment, qui y est inséré, n’est pas connu de tous les membres de la Société. — Cette proposition est adoptée. Dans le courant de l'été la Société impériale des naturalistes de Moscou écrivit à la Société vaudoise pour lui proposer l'échange réciproque des publications des deux Sociétés. Le Bureau, pour ne pas faire attendre une réponse qui ne pouvait être défavorable, a accepté cette proposition et a répondu à la Société de Moscou dans ce sens. Il communique le fait à l'assemblée qui approuve sa conduite. Le Président fait lecture d’une lettre de M. Boucher de Perthes, Président de la Société impériale d’émulation d'Abbeville, qui de- mande à la Société d'être nommé membre correspondant et lui adresse un exemplaire complet de ses œuvres. (Voir aux ouvrages reçus.) M. Boucher désirerait obtenir en retour une collection des Acta de la Société helvétique. On décide d'examiner de rechef la question des membres corres- pondants à l’occasion de la demande de M. Boucher. Le Bureau est chargé de donner un préavis. L’on répondra à M. Boucher, en le 78 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1858. remereiant de sa communication, que selon ses désirs ceux de ses ouvrages qui ne sont pas du ressort de la Société ont été déposés à la Bibliothèque cantonale. On lui enverra une collection des Acta de la Société helvétique telle que nous pouvons la livrer. La Société vaudoise d'utilité publique écrit à notre Société pour lui demander s'il ne pourrait pas se faire que les séances annuelles des Sociétés du canton eussent lieu en même temps afin que les membres de deux ou plusieurs de ces Sociétés pussent assister aux séances dans le même séjour à Lausanne. Le Bureau est chargé de répondre à la Société qu'il ne lui est pas possible de se lier actuel- lement à cet égard. La Société verra ce qu'elle pourra faire à l’ap- proche de la séance générale. Le Président donne lecture d'un extrait d’une lettre de M. le prof” Mousson à M. J. Delaharpe, dans laquelle il recommande aux mem- bres de la Société vaudoise les abonnements aux Denkschriften de la Société helvétique. Le canton de Vaud est l’un de ceux qui, eu égard à sa vie scientifique, offre le moims d'abonnés. La Société hel- vétique a droit à cette marque d'intérêt, d'autant plus que cette pu- blication est la seule par laquelle elle puisse se recommander auprès des Sociétés étrangères. M. Sylvius Chavannes à la parole au sujet d'un phénomène d'op- tique qu'il nomme pseudo -ombre. Dans la séance du 6 mai 1857 (Bulletin n° #1, p. 236), il avait entretenu la Société du même sujet et la Rédaction, sans mettre en doute le fait, avait émis l'opinion que M. Sylv. Chavannes, habillé probablement d'habits clairs, avait ob- servé sur l'ombre de son corps, l'ombre de son bâton produite par la réflexion de la lumière projetée par ses vêtements fortement éclai- rés. M. Sylvius Chavannes s'élève contre cette explication. Premié- rement, dit-il, ce jour-là il était habillé de noir; ensuite il a répété l'expérience à diverses reprises et avec un plein succès : il a vu l'ombre portée par le bâton qu'il tenait à la main, le soleil donnant derrière lui, se prolonger sur sa propre ombre. Celle-ci en était tantôt le prolongement direct, tantôt un prolongement brisé, suivant la position du bâton. Le même phénomène se reproduisait lorsque le bâton était porté par un tiers et placé en arrière de lui sans qu'il le pût voir. Le fait ne saurait donc être mis en doute. Comment l’ex- pliquer ? telle est la question. M. Delaharpe fils affirme en retour qu'avec la meilleure volonté du monde, il n’a jamais pu observer de pseudo-ombre dans les cir- constances indiquées par M. Sylv. Chavannes. M. L° Dufour répond que le fait ne saurait être mis en doute, mais qu'il appartient à la classe des phénomènes optiques subjectifs et non objectifs. Cette ombre est du même genre que le mince rayon de lumière, prolongé au-delà de ses limites, lorsqu'il est vu d'un lieu obseur et qu'il se projette sur une paroi sombre. La pseudo- FE SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1858. 79 ombre et le rayon lumineux prolongé sont des impressions de la ré- tine et ne correspondent pas à des faits extérieurs. M. L° Dufour répète sous les yeux de l'assemblée l'expérience que voici: si l'on prend une plume d'oie à écrire et que l’on ploie le tuyau de manière à lui imprimer une entorse visible, la trace pro- duite par elle ne peut plus disparaître; mais si l’on plonge cette plume dans l’eau bouillante, puis après cela dans l’eau froide , le tuyau de plume se trouve avoir repris son aspect normal. Que se passe-t-il dans ce cas? M. J. Delaharpe pense que la plume, comme la corne, étant sus- ceptible de se fondre à une basse température, la demi-fusion des parties froissées leur permet de revenir spontanément à leur pre- mier état. M. C. Gaudin citant une lettre de M. Michelotti, en infère l’exis- tence d’un décroissement progressif de température durant l'époque tertiaire. (Voir les mémoires.) M. Morlot place sous les yeux de la Société un ornement en bronze trouvé , il y a quelques années, dans un tumulus des environs de Berne. Le Président présente à la Société une liste d'ouvrages de chimie que M. S. Baup de Nyon offre à la bibliothèque de la Société. Le Bureau est chargé de faire un choix sur cette liste et de remer- cier le donateur. Depuis la dernière séance la Société a reçu les ouvrages suivants : 1. De l'Institut impérial et royal de Venise: Afti, etc. (Actes de l'Institut), dès novembre 1857 à octobre 1858, tome III , Série 3, livraisons 7, 8, 9 et 10. 2. De l'Observatoire royal de Munich : a) Meteorologische Beobach- tungen, aufgezeichnet an der küniglichen Sternwarte bei München . in den Jahren 1825-1837. — b) Annalen der künigl. Sternwarte bei München. Volume X, 3. De la Société d'histoire naturelle du Duché de Nassau : Jahr= bücher, etc., cahier 12. &. De la Société géologique de France : Bulletins de, ete, t. XIV, feuilles 46 à 57; t. XV, f. 24 à 31. 5. De la Société géologique de Londres : a) Quarterly Journal , vol. XIV, part. Let 2, n°53, 54. — b) Journal de la Société géo- logique de Dublin, vol. Il, HE, IV, V, VI, 1839-1856. Dublin. 6. De la Société des sciences naturelles de Fribourg (Brisgau) : Bulletin de, etc., n°° 28 et 29, 1858. 7. De la Société des sciences naturelles du grand-duché de Lu- xembourg: Bulletins de, etc., t. IV, année 1855-1856. 80 SÉANCE DU 3 NOVEMBRE 1858. : 8. Du prof" Zantedeschi de Padoue : Huit mémoires d'acoustique, savoir : De la théorie du troisième son. — De la consonnance, etc. _— De l'unité de mesure, etc. — De la limite des sons, etc. — De la loi fondamentale des sons harmonieux , etc. — De l’empiétement des ondes correspondantes , ete. — De la longueur des ondes aériennes, ete.-— Etudes critiques et expérimentales, ete. — Vienne, 1857-1858. 9. De la Société des sciences naturelles de Bâle : Verhandlun- gen, etc., vol. I, cah. 1. 10. De la Société des ingénieurs civils de Paris : a) Mémoires et compte rendu, etc., cah. 4, octobre-décembre 1857; cah. 1 et 2, janvier-juin 4858. — b) Bulletin des séances des 4 jum, 46 juillet, 20 août et 17 septembre 1858. 11. De l’Académie royale de Munich: Gelehrte Anzeigen, vol. XLV. 12. De l’Académie royale des sciences et lettres d'Amsterdam : a) Rapport et communications littéraires, 3° part., 1°, 2° et 3° livr. Rapport et communications des sciences naturelles, T° partie, 1°, 2° et 3° livr. — b) Annuaire de, etc., année 1857-58. — c) Catalogue de la bibliothèque de, etc., 1" part, 1° livr. 1857. — d) Mémoires de, etc., vol. IV, V et VI in 4°. 43. De M. J.-A. Kerklots, conservateur du musée de Leyde : Notice pour servir à l'étude des Pennatulites (Polypiers nageurs). planches. Amsterdam 1858. 44. De M. J. Delaharpe, doct.-méd. à Lausanne : Tortricides de la faune suisse, (extr. des Denkschriften de la Société helvét.), 1858. 15. De l’Académie des sciences, lettres etarts de Belgique : a) Bul- letin de, ete., 2° sér., t. 1, Il et II. 1857. — b) Mémoires de, etc., t. VII, in 8°. 1858. — c) Annuaire de, etc. 1858. 16. De la Société impériale d’émulation d'Abbeville: Mémoires de, etc., années 1836 à 1857, 6 vol. 47. De M. Boucher de Perthes, d’Abbeville : Ses œuvres. a) An- tiquites celtiques et antediluviennes, 2 vol. Paris 1857. — b) Misére, émeute et cholera, broch. — c) Du vrai dans les mœurs, br., 1856. — d) Chants armoricains, 2° édit., 1831. — e) Nouvelles, 1832. — f) Satires, contes, etc., 2° édit., 1833.—g) Romances, ballades, ete., 2° édit., 1849. — h) Emma; lettres, etc., 1852. — 1) Petites solu- tions de grands mots, 1848. — k) Opinions de M. Christophe, AS3L. — 1) Voyage en Danemark, en Suède, etc., 1858. — m) Voyage à Constantinople, 2 vol., 1855. — n) Hommes et choses, ete., 4 vol., 1851. — 0) De la création, ® vol., 1844. — p) Deux numéros de l’Abbevillois, septembre 1858. 18. De M. G. de Rumine , à Lausanne : a) Neues Jahrbuch der Mineralogie, Geologie, v. Leonhard et Bronn, années 1833-1849, 47 vol. —b) Mittheilungen geographischen Inhalts v. Perthes, 1856, XI, XII. ot 3 séaANcE pu 17 Novemgre 1858. 81 19. De M. O. Heer, professeur à Zurich : a) Quelques mots sur les noyers (trad. de l’allemand). — b) Les charbons feuilletés de Dürn- ten et d'Utznach (trad. de l'allemand) [extr. des archives des sciences de la bibliothèque universelle de Genève, août 1858]. 20. De M. C.-Th. Gaudin: Mémoire sur quelques gisements de feuilles fossiles de la Toscane, br. (ext. des Denkschriften de la So- ciété helvétique des sciences naturelles, 1858). Séance du 17 novembre 1858. — Conformément à la décision prise dans la précédente séance, l'assemblée s'occupe d’abord de la nomi- nation du Bureau ; après plusieurs tours de scrutin sont élus: Pour président annuel, MM. Renevier. » vice-président annuel, Th.-C. Gaudin. » secrétaire » J. Delaharpe. » caissier » H. Bischoff. » archiviste (bibliothécaire) ann., V. Cérésole. M. L° Dufour, prof, présente comme membre effectif de la So- ciété, M. Paul Vuillet, étudiant à Lausanne. M. Soldan, prof, pré- sente de même M. L° Schneider, de Magdebourg, à Lausanne; et M. E. Renevier M. C. Boiceau, étudiant à Lausanne, — Ces trois Mes- sieurs sont admis à l'unanimité. L'assemblée consultée par le Bureau décide de renvoyer à une prochaine séance l'examen de deux projets de Règlement, ainsi que l'affaire des membres correspondants. Le Bureau choisira le moment opportun. M. C. Dufour rapporte les observations qu'il a faites à l’occasion d'un coup de foudre qui a frappé le 14 août passé une maison près du château de Wuflens. (Voir les mémoires.) | M. J. Delaharpe cite à cette occasion quelques localités qui ont le malheureux privilége d'être fréquemment atteintes par la foudre, sans que leur situation puisse expliquer le fait. M. L° Rivier observe que la foudre frappe souvent très-oblique- ment et qu'alors il ne faut pas être surpris si les faits ne répondent pas aux théories basées sur la supposition d’une action verticale. M. L° Dufour présente à l'assemblée un relief en carton-pierre d’une portion de la lune. Ce relief, fait par les soins de M. Monnietti à Genève, reproduit d’une manière très-exacte le cratère de Copernic et ses alentours. En faisant tomber sur lui un rayon de lumière, placé dans diverses positions, on reproduit parfaitement, pour la simple vue, les impressions perçues par la lunette dans les diverses phases du satellite. M. L‘ Dufour pense qu’en contemplant de la sorte cette image de la lune on est conduit à conclure, avec quelques 82 SÉANCE pu 17 novemBre 1858. astronomes, que les actions volcaniques proprement dites n’ont pas agi sur la lune de la même manière que sur la terre. Les cratères de la lune ont plutôt l’air d’avoir été formés par des déjections pâteuses ou semi liquides qui ont pu laisser après elles, par le refroidisse- ment, des enfoncements plus profonds que la surface du sol; choses qui ne s’observent point dans nos éruptions ignées. M. C. Gaudin ajoute quelques mots sur le même sujet. Il pense que les phénomènes volcaniques de la lune ne doivent pas avoir été très-différents de ceux que l'on remarque actuellement à la surface de notre globe. C’est aussi l'opinion de M. Ponzi , savant distingué, qui étudie depuis 30 ans les terrains volcaniques de la campagne de Rome. On sait que lorsque la période de grande activité d’un volean commence à décroitre, 1l se forme sur les flancs du cratère principal des cratères plus petits et que l’on nomme adventifs ou parasites. M. Ponzi a reconnu que dans la campagne de Rome ces cratères ad- ventifs se trouvent toujours sur la ligne des grandes fissures du sol. Appelé à prêter au rév. père Sacchi, qui étudie avec tant de persé- vérance la constitution physique de notre satellite, le secours de son expérience dans des phénomènes volcaniques de la campagne de Rome, M. Ponzi a reconnu sur la croute lunaire l'existence de era- tères adventifs qui doivent probablement correspondre à des fissures analogues à celles de notre globe. Dans l'un des cas cette fissure se remarque assez bien sur le bord du cratère primitif. (Voir séance du 17 février 1858.) M. E. Renevier croit que les éruptions lunaires ont plutôt l'appa- rence d’éruptions plutoniques, semblables à nos éruptions grani- tiques, qu'à des éruptions volcaniques. M. C. Gaudin présente des fragments d’anthracite qu’il a détachés d’un bloc de poudingue de Vallorsine, trouvé près de Lausanne. Ce fait doit être rapproché de l'existence d'empreintes de végétaux du terrain carbonifère , sur ce même poudingue. M. Ph. Delaharpe place sous les yeux de l'assemblée quelques échantillons d'insectes fossiles, provenant des carrières de gypse d'Aix en Provence. Il rappelle en même temps qu'il est maintenant démontré, par l'examen des flores, que les couches à insectes d'Aix en Provence ont leur équivalant dans notre molasse grise d’eau douce ou miocène moyen. Dans cette séance la Société reçoit : 1. De la Société des Ingénieurs civils de Paris : Bulletin des séances des 1°" et 15 octobre 1858. 2. De l’hoirie de feu M. le prof. Lardy : a) Acta de la Société hel- vétique des sciences naturelles de 1816 à 1852 (1847 manque) et de 1856 à 57. — b) Journal de la Société vaudoise d'utilité publique, années 1844 et 45. — c) Catalogue raisonné d'une collection de RE ER TS SÉANCE DU 17 NOVEMBRE 1858. 83 roches du Jura et des Alpes; par L. de Buch (manuserit). — d) Cours de géognosie et de littérature minéralogique ; d'après Werner (ma- nuscrit). — e) Eisenhütten-Kunde (cours manuscrit). — f) Notes pour un cours de minéralogie et de géologie ; par G. Lardy (manus- crit). — g) Diverses descriptions minéralogiques (manuscrit alle- mand), 3. De M. E. Renevier, membre de la Société: a) Anatomie de la Cyclostoma elegans ; par M. Claparède. — b) Systeme der Kri- stallen; par Frankenheim. — c) Notice historique sur les travaux de l’Académie des sciences de Turin. — d) Sur la Saturnia Cynthia ; par E. Cornalia. Milan. — e) Des branchies transitoires des embrions de Plagiostomes ; par E. Cornalia. — f) Recherches sur la tempé- rature du lac de Thoune ; par MM. Fischer-Ooster et Brunner. — g) Diverses bauteurs barométriques des Alpes du Valais: par B. Studer. — h) Anatomie de la Terebratula flavescens ; par M. Owen. — i) Mémoire sur l'augmentation des eaux de la ville de Lausanne par les sources du Jorat ; par M. Pilichodi. — k) Sur la répartition des végétaux dans la Gironde ; par M. Delbos. — 1) Sur le Nautile flambé ; par M. Vrolick. — m) Monographie et anatomie du G. Ac- tinia; par M. H. Hollard. — n) Sur l'organisation générale des Pecten; par M. Humbert. — 0) Ueber Actinophris Eichornii ; par M. Claparède. — p) Notice sur le musée conchyliologique ; de M. B. Delessert. — q) Sur l'Helix frigida ; par A. Villa. — r) Notice sur le G. Melania; par les frères Villa. — s) Nouvelle espèce du G. Euchlornis; par M. Cornalia. —t) Mémoire sur la famille des céta- cées zyphioides ; par M. P. Gervais. — u) Sur Les yacks transportés du Thibet à Schang-aï ; par M. Duvernoy. — v) Molusques terrestres et fluviatiles de la province de Venise et du Tyrol méridional; par M. de Betta. — w) Sur la rotation et la translation de la terre; par M. Cornwell. — x) Nouvelle méthode pour diviser les pièces de terre ; par M. Mestivier. — y) Untersuchung der Soolen Wurtembergs, ete. ; par M. Feeling. — z) Description du bathomètre ; par M. Fischer- Ooster.— aa) Note sur le fau électrique ; par M. Wartmann. — bb) Analyse chimique du Libenerite ; par M. OEllacher. — cc) Ana- tomie de la Neritina fluviatilis ; par M. Claparède. — dd) Sur la nidification des quêpes ; par M. de Saussure. — ee) Sur le mouve- ment vibratile; par M. Cornalia. — f) Catalogue du musée Chalande. — gg) Discours sur le squelette des vertébrés ; par M. Rütimaier. — bh) Excursion dans les mines du Haut-Faucigny ; par M. van- Berchem. 4. De la Société d'histoire naturelle de Fribourg (Brisgau): Bul- letins n°° 30 et 31, vol. I, 1858. 5. De la Société physique et médicale de Würzbourg : 'Abhand- lungen, ete., vol. VIE, cab. 3; vol. IX, cah. 4. 6. De M. Hollard, prof, Etude sur les Gymnodontes. Broch. E : la Société des sciences naturelles de Neuchâtel : Mémoires, tome IF. 34 SÉANCE DU 1°" bÉCEMBRE 1858. 8. De l'Institut impérial et royal de géologie à Vienne : Jahrbü- cher, ete., avril-décembre 1857, 3° livraison. La Société a fait l'acquisition pour sa bibliothèque : 1° des n°* 46 à 24, 26 à 30, 32 à 34 et 42 à 49, 1829 à 1837, des Proceedings de la Société géologique de Londres. — 2° Du vol. XVI, 2° série, des Denkschriften de la Société helvétique des sciences naturelles, année 1858. Séance du 1°" décembre 1858. — M. L. Curchod, ingénieur et di- recteur des télégraphes suisses à Berne, donne sa démission de mem- bre effectif de la Société, vu son éloignement de Lausanne. M. Ph. Delaharpe rapporte quels sont les effets produits sur des monceaux de débris extraits des houillères, par la combustion de la houille qu'ils renferment. [l présente un fragment de marne bleue compacte, transformée en brique rouge fort dure ; puis il énumère les produits de cette combustion lente qui dure depuis près de cinq années. M. le prof” A. Chavannes rend compte à la Société des essais qu'il fait depuis quelques années pour acclimater plusieurs saturnies séri- gènes exotiques. Les essais d'éducation faits avec les saturnia cyn- thia et milita n'ont pas été heureux. Les accouplements ont toujours été difficiles même en liberté, et la température de nos climats a nuit à la fécondation en frappant probablement les œufs de stérilité. Des accouplements tentés cette année en chambre chauffée ont produit quelques œufs ; nous verrons ce que nous pourrons en obtenir l'été prochain. Il est d'autant plus à désirer que l’essai réussisse que M. Chavannes s’est assuré que la chenille peut aussi s’élever sur des arbres indigènes, entre autres sur le néflier et le coignassier. M. Chavannes termine sa communication en traçant les caractères distinetifs de deux saturnies réunies par Boisduval sous le nom de saturnia cynthia et qui forment deux espèces distinctes, la saturnia cynthia et la saturnia Ailanthi de Guérin. (Voir les mémoires). M. J. Delaharpe, après avoir fait l’histoire de la phalène brumeuse (larentia brumaria, des auteurs) et rappelé les ravages que sa che- nille cause sur nos arbres fruitiers, remet en mémoire les moyens mis en usage avec succès pour la destruction de l’insecte. (Voir les mémoires.) M. C. Gaudin rappelle que dans le mémoire publié par M. Strozzi et lui, sur les plantes fossiles de la Toscane”, il s’est basé (page 21) sur l’absence de végétaux propres aux régions intertropicales pour en déduire l’abaissement graduel de la température, à partir du mio- * Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, 1858. CO ÉORP e . SÉANCE DU À°' DÉCEMBRE 1858. 85 cène inférieur jusqu'à l’époque glaciaire. L'absence dans le pliocène du Val-d’Arno et de Montajone des palmiers et du genre Cinnamo- num, si fréquents à l’époque miocène , justifiaient cette manière de voir. Cette opinion a toujours une certaine valeur, bien que, lors de ses recherches nouvelles, M. Strozzi ait recueilli une feuille de Cin- namomum Buchii, Heer, dans les argiles brûlées. Le Pansino qui leur est supérieur et dans le voisinage duquel on trouve les mammi- fères pliocènes ordinaires (Mastodon arvernensis, Elephas meridio- nalis, etc.) a fourni deux feuilles de Cinnamomum. Il n’en reste pas moins vrai que ce végétal n’est plus dans le pliocène le végétal ca- ractéristique (Leitbaum) comme dans le miocène. En outre les pal- miers n’ont pas encore fait apparition et dans les terrains supérieurs on retrouve des espèces bien décidément européennes. Le même membre annonce qu'il a reçu un nouvel envoi de l'Helix Mazzulii de Palerme et quelques renseignements sur les mœurs de ce singulier mollusque. D’après Dominico Rejna l’'Helix quitte deux fois par année les trous qu’elle a faits dans la pierre, en septembre et octobre, puis en mars. Au mois d'avril elle y rentre de nouveau, au dire de Rejna. Elle fait sa principale nourriture des bulbes et des feuilles de la Scille maritime, de l'Euphorbe arborescente et de la Rue officinale. M. Claparède , prof à Genève, a bien voulu examiner la langue de l'Helix Mazzulii, en la comparant à celle de l’Helix pommatia ; les différences qu'il a signalées sont peu considérables et n’expliquent pas la perforation des pierres par le premier. — M. Rappart à Wa- bern à préparé cet organe avec un soin remarquable; enfin M. Yersin a étudié le pied du mollusque et l’a trouvé garni, à son pourtour, de tubercules rétractiles dont l'usage est encore ignoré. M. L. Dufour présente une série de cartes météorologiques sem- blables à celles qu'il a présentées précédemment (voir la séance du 16 juin 1858), destinées à relever, sur la earte de France, les va- riations de température, observées à l’époque de l’arrivée brusque des premiers froids de novembre. Toutes les observations sont prises à 8 heures du matin. On constate aisément par ce relevé thermomé- trique que l'abaissement s’est produit sur une zône qui traverse la France du nord-est au sud-ouest et qu'il ne s’est point montré sur les côtes ouest et nord-ouest de cet état. Lausanne s’est trouvé dans le milieu du courant et sur son point le plus froid. S'Pétersbourg et Vienne sont restés en dehors de lui et à l’est. M. J. Delaharpe désirerait qu'il fût possible de noter simultané ment sur les mêmes points la direction et la force du vent du nord- est qui soufflait alors avec véhémence, puisque son influence sur DAnsrement de la température a été, ici comme toujours, très-ma- nifeste. M. L° Dufour répond que les observations sur les vents sont trop 86 SÉANGE DU 15 DÉCEMBRE 1858. vagues dans leur énoncé, pour qu’il soit possible de les faire entrer dans un travail de quelque exactitude. À M. £. Renevier entretient l'assemblée de quelques faits géologiques, observés par lui cette année dans la chaine d'Argentine (district d’Aigle), intermédiaire aux chaines des Meuveran et du Diableret. Le nummulitique, surmonté du crétacé, qui forme le sommet de cette chaine, s'appuie sur des calcaires, probablement jurassiques, sous- jacents et courant sur le flanc sud-ouest de la chaine dans toute son étendue, depuis Bovonnaz jusqu'aux pâturages d'Enseindaz; au cen- tre de ce dernier point ce calcaire s'élève en voûte. Les couches du jurassique sont extrêmement tourmentées vers le milieu de la chaine d'Argentine, au-dessus de Solalex, ensorte qu'il est difficile de déter- miner leur inclinaison. Des fragments peu déterminables d'ammonites ne permettent pas de les ranger dans le crétacé dont elles sont d’ail- leurs séparées par le nummulitique. MM. Delaharpe qui ont étudié les mêmes couches du côté des Plans et de la Dent de Morcles, pour- ront peut-être donner quelques renseignements plus complets à leur sujet. La Société reçoit dans cette séance : 1. De la Société des Ingénieurs civils de Paris : Bulletin de, etc., séances des 4° et 15 octobre 1858. 2. De la Société des sciences médicales et naturelles de Malines : Annales de, etc., 13° année. ; 3. De l'Académie de Stanislas à Nancy : Mémoires de l’année 1857. Séance du 15 décembre 1858. MM. Jules Piccard, commis" gén., présenté par M. Morlot ; Ch. Deloës , ingénieur civil, » Ph. Delaharpe ; Keller, pharmacien, » E. Renevier; Alex. Vulliemin, » id. sont admis au nombre des membres effectifs de la Société. L'assemblée discute et adopte le Règlement suivant : RÈGLEMENT POUR LA PUBLICATION DU BULLETIN. Arr. À. La Commission de rédaction publie un numéro du Bul- letin dès qu’elle possède des matériaux suffisants. Arr. 2. Il n’est rien déterminé sur la forme à donner au Bulletin, ni sur la disposition des matières qu’il renferme. La Commission de rédaction fait droit aux propositions et aux observations que la So- ciété lui adresse. Elle ne modifie pas la forme ou la rédaction du Bulletin sans consulter la Société. À Sr" . SÉANCE DU 45 DÉCEMBRE 1858. 87 Arr. 3. Chaque numéro du Bulletin peut être vendu séparément. Le prix est déterminé de la manière suivante : a) chaque page d'impression. . . . . à 2 centimes. b) » planche, en dehors du texte . . . 25 » €) » tableau compliqué, en dehors dutexte 25 » d) » cliché intercalé autexte . . , 5 » Ce prix est inscrit sur la couverture ; il est réduit d'un tiers pour les Sociétaires et la librairie. Akr. 4. L'abonnement au Bulletin est fixé à 5 fr. par année civile. Arr. 5. Le bibliothécaire ne peut plus vendre de Bulletins séparés dès que leur nombre est réduit à 20 exemplaires. Deux exemplaires restent en tout cas déposés à la Bibliothèque. Ant. 6. Les personnes reçues au nombre des membres effectifs de la Société avant le 1° août, payent la contribution de l’année ci- vile courante et reçoivent les Bulletins qui paraissent dans l’année. Celles qui sont admises après cette époque ont la faculté de ne payer de contribution que pour l’année civile suivante et ne reçoivent pas alors les Bulletins publiés dans l’année de leur admission. Arr. 7. La Commission de rédaction reproduit en tout ou en par- tie dans le Bulletin les notes et les rédactions qui lui sont fournies par leurs auteurs, sans y rien changer. Elle s'entend avec les auteurs sur les modifications qu’elle juge utile d'apporter aux articles qui lui sont remis, si ces auteurs sont à sa portée. Arr. 8. Les auteurs peuvent faire tirer, à leurs frais, autant de tirages à part de leurs mémoires qu’ils le désirent. Sur la proposition de M. Morlot on décide de faire imprimer à la prochaine occasion le catalogue des membres de la Société, ainsi que la liste des Sociétés scientifiques avec lesquelles elle correspond. (Voir à la fin du Bulletin.) M. Ph. Pellis, membre de la Société, résidant à Bordeaux, donne sa démission vu son éloignement de la Suisse pour un temps encore assez long. M. C.-T. Gaudin prévient la Société qu’il communiquera inces- samment une rectification à l’une des données qu'il a publiées der- nièrement dans sa note sur le limon de lArno. (Voir le dernier Bul- letin et les mémoires.) M. Morlot place sous les yeux de l'assemblée deux profils de la molasse d'Oron, fournis par deux galeries de mine, dont l’une (su- périeure) a près de 1260 pieds de long et l’autre environ 4100 pieds. Ges profils sont relevés à l'échelle de ‘/,,,. L'inclinaison moyenne des couches étant de 45°, l'épaisseur perpendiculaire des couches traversées est d'environ 1000 pieds; cette épaisséur est comprise 88 SÉANCE DU 15 DÉCEMBRE 1858. tout entière dans la molasse grise ou molasse à lignites qui, dans le district d'Oron, offre une grande puissance, Ces couches ren- ferment généralement peu de fossiles dans cette localité; quelques Helix, des Unio et des Planorbes. Une couche de marne avec de très-belles empreintes de feuilles y à été signalée. Il serait à désirer que des relevés pareils fussent exécutés dans toutes les exploitations de mines qui s’y prêtent et qu’en particulier le profil commencé de Rochette püt être complété. M. J. Delaharpe, D', présente à l'assemblée une partie des im- sectes (Lépidoptères, Hymenoptères, Nevroptéres) que M” de Ru- mine à fait venir de Palerme pour les collections du musée cantonal, et accompagne cette exposition de quelques observations sur l'in fluence du elimat méridional sur les Lépidoptères”. M. Ph. Delaharpe lit un rapport adressé à la Commission des mu- sées cantonaux en sa qualité de conservateur pour la géologie. Ce rapport qui constate l'état actuel de nos collections minéralogiques et géologiques , fait mention des améliorations qu'elles réclament et de l'emploi qu'elles peuvent recevoir. M. L. Dufour prend occasion de cette communication pour rap- peler à la Société qu'elle a un devoir à remplir à l'égard de nos col- lections scientifiques publiques en contribuant, autant qu'il est en elle, à les rendre accessibles au public et par conséquent utiles à l'instruction. Plusieurs membres se joignent à M. Dufour pour invi- ter le Bureau à s'occuper des moyens d’y parvenir. M. Morlot fait encore quelques observations de détail sur le rap- port lu par M. Ph. Delaharpe. M. Brélaz attire aussi l'attention de la Société sur le manque total de bons manuels français de géologie et de minéralogie, adaptés aux besoins de nos écoles moyennes. M. Morlot place sous les yeux de l'assemblée une ébauche de relief géographique des environs de Lausanne, dressé au ‘/,,55+ Il serait à désirer, dit-il, que quelques personnes se cotisassent pour faire les frais d’un relief définitif semblable à celui que l’on possède pour les environs de Berne. M. L. Dufour présente des cristaux de soufre en aiguilles qu'il a recueillis en Rochette sur des monceaux de débris de houille en com- bustion lente. (Voir à la séance précédente). M. Chausson rapporte que l'OEdipoda migratoria qui a paru cette année sur les bords de notre lac avait déjà été observée dans le Bas- Valais pendant l'été 1854. À cette dernière époque il en recueillit * Dès que les insectes auront tous été déterminés, les observations de M. D. accompagneront la liste qui sera publiée dans le Bulletin. SÉANCE DU D JANVIER 1859. 89 quelques exemplaires dans les environs de Villeneuve. En 1852, il l'avait déjà aperçue dans le Bas-Valais aux environs de Martigny. Le vol d'OEdipodes qui s’abattit sur Lausanne l'été passé s’éleva des environs de Chessel (Villeneuve); il monta d’abord en tournoyant jusqu’à une grande hauteur, puis il se dirigea à l’occident; une partie tomba à la Tour-de-Peilz, une autre à Cully et la queue du vol poussa jusqu’à Lausanne. Parties vers les 3 heures du soir de Ches- sel les sauterelles arrivèrent à Lausanne après 8 heures et restèrent ainsi environ 5 heures en l'air. Le même membre présente un fragment d'os long (femur?) re- cueilli dans les lignites de Käpfnach. M. Bessard rapporte l'histoire de trois coups de foudre survenus dans les environs de Moudon et qui présentèrent des circonstances exceptionnelles. Des arbres ou des bâtiments élevés, placés tout à côté des points frappés, ne les préservèrent point, comme on devait s’y attendre. L’étincelle, dans un cas, parcourut en zig-zag tous les recoins d’une maison , frappée par l’un de ses côtés. Depuis la dernière séance la Société a reçu : “De la Société des Ingénieurs civils de Paris: Bulletin du 5 no- vembre 1858. Séance du 5 janvier 1859. — M. le prof” Kenngot, de Zurich, assiste à la séance. Le Président donne lecture d’une lettre de M. Quatrefage qui re- mercie la Société de l’avoir nommé membre honoraire et fait ob- server que son diplôme ne lui est point encore parvenu. M. E. Renevier communique un article d’un journal politique qui annonce l'intention du Conseil fédéral d'établir une statistique de toutes les associations existantes en Suisse. Le Bureau s’empressera de fournir les renseignements qui seront demandés. M. C.-J. Gaudin présente à l'assemblée un fragment de schiste avec pétrifications de feuilles, provenant de Rivaz, et sur lequel il a découvert l'empreinte presqu'entière d’un très-petit poisson. Ce fait est unique jusqu'ici. La tête du poisson manque. Il place ensuite sous les yeux de la Société quatre épreuves de planches, destinées à accompagner un second mémoire qu'il se pro- pose de publier sur les plantes fossiles de la Toscane. Celles qui sont représentées proviennent de Massa-Maritima. Le même membre expose encore trois individus du Chelifer Cimi- codes qu'il a surpris occupés à dévorer ensemble une mouche. t Le Secrétaire fait lecture d’une lettre de M. Bieler, médecin-vété- rinaire à Rolle, accompagnant l'envoi d’un flacon de calculs urinaires du bœuf. Ces calculs ont une analogie apparente, dit M. Bieler, avec x 90 SÉANCE DU D JANVIER 1859. ceux décrits par M. Schnetzler, dans la séance du 5 mai dernier ; mais autant qu'il a pu en juger, ceux-ci ne lui paraissent pas aussi calcaires. Ces concrétions sont assez fréquentes chez le bœuf et il n'en parait pas autrement incommodé. On ne les rencontre guères que sur les animaux nourris au sec, ceux qui mangent de l'herbe n'en ont pas. M. Bieler place en outre sous les yeux de l'assemblée des concré- tions argileuses de forme tubulaire et annulaire, provenant de l'argile glaciaire des environs de Perroy. Ces anneaux paraissent s'être for- més autour de racines qui ont disparu de leur centre. Un échantillon de bois non fossilisé accompagne ces concrétions et provient d'une couche de limon supérieure aux marnes glaciaires. Dans les environs de Rolle, le tracé du chemin de fer a entamé de fortes couches de limon glaciaire, détrempé d'eau , d’où jaillissent des sources abon- dantes, et la semi fluidité de ce limon a causé de grands affaissements de terrain partout où elles étaient attaquées. Les sources de cette localité, étudiées par M. Bieler , lui paraissent dépendre d’affluents profonds, car leur abondance et leurs époques d’affluence ne coin- cident point avec celles des sources voisines. Il est cependant loin de leur attribuer les proportions indiquées par M. Vallée (voir séance du 47 mars 1858), mais à raison de leur nombre il croit que ces eaux devraient compter pour quelque chose parmi les affluents du lac. Une carte de la localité accompagne la communication de M. Bieler. M. le D° Ph. Delaharpe a examiné les calculs envoyés par M. Bieler ; il les a trouvés formés de couches concentriques fort minces, fragiles, ayant à l'extérieur un aspect métallique. Leur noyau parait être un très-petit cristal ou un globule plus dense et blanc. Ils se dissolvent entièrement et avec effervescence dans l'acide hydrochlo- rique, en laissant un petit nuage. Du reste l'analyse a constaté, il y a longtemps, que les calculs d'herbivores se composent en majeure partie de carbonate et de phosphate terreux. M. J. Delaharpe, D”, ne pense pas que les sources observées au- dessus de Rolle soient inférieures aux marnes glaciaires très-abon- dantes sur ce point et presque partout où existent des dépôts glaciaires sur les rives du Léman. Des sources accompagnent ces marnes, parce que d’une part elles sont à peu près imperméables et que de l’autre elles sont fréquemment recouvertes de dépôts limoneux et sabloneux considérables , formant autant d’éponges ou de réservoirs énormes, pour les eaux pluviales. C’est sans doute là une des circonstances à laquelle nos campagnes doivent d’être généralement bien pourvues de fontaines. Les sources profondes qui surgissent en dessous des marnes glaciaires ont de tout autres allures; le pied du Jura en compte un bon nombre. Celles-ci commencent par former un entonnoir après avoir perforé la marne; si elles ont été assez puissantes elles n'ont pas tardé à se déverser par dessus les bords de l’entonnoir et à se creuser un lit au travers du terrain glaciaire. Ce lit est alors formé SÉANCE DU D JANVIER 4859. 91 par des blocs erratiques et des galets diluviens, à moins que le tor- rent ou le ruisseau qui en résulte ne parvienne jusqu'aux couches de marne subjacentes qui apparaissent alors ça et là dans son lit, sous les blocs erratiques. Ainsi se sont formés les lits de la plupart des cours d’eau qui jaillissent du pied du Jura au travers du glaciaire. Lorsque ia puissance des sources n’a pas été suffisante pour en- tamer les bords de l’entonnoir en se déversant, elles se sont bornées à rejeter périodiquement , à la fonte des neiges, la marne qu’elles entrainaient de la profondeur. Ces éjections boueuses de marne ont exhaussé peu à peu les bords de l’entonnoir en forme de cratère aplati, en même temps qu'elles ont excavé plus profondément le fond de l’entonnoir. Celui-ci à fini par former une sorte de puits ou d’étang profond dans lequel l’eau séjourne. Au printemps l’eau du puits s'élève et se trouble de boue qu'elle déverse de part et d'autre; le reste de l’année l’eau reste stagnante et chaque année le puits augmente de profondeur. Lorsque la couche de marne glaciaire est située près de la surface du sol, et non recouverte par des dépôts de graviers , les sources forment des espèces de petits volcans pério- diques de boue, découpés en forme de cratère; au centre de ce der- nier existe une pyramide de déjection en miniature. Ces divers faits peuvent s’étudier dans la plaine du village de Bière où ces sources sont connues sous la dénomination de bonds. Lorsque ces bonds viennent à jaillir non loin des ravins qui bordent la plaine, elles ne tardent pas à éroder les bords de l’entonnoir du côté du ravin et à se creuser un lit par lequel elles s’écoulent à l’époque de la fonte des neiges du Jura. Toutes ces sources, du reste, viennent au jour près du pied du Jura; aucune d'elles ne traverse la masse consi- dérable de glaciaire qui revêt ce pied jusqu'au bassin du Léman; il est fort peu probable qu’elles le puissent jamais à cause de la - présence des marnes glaciaires subjacentes , très compactes et im- perméables. Encore moins peut-on admettre, comme le voudrait M. Vallée, des cours d’eau souterrains, partant du Jura pour abou- tir dans le bassin du lac, en passant par dessous les dépôts glaciaires qui en forment les rives. Dans le lac de Neuchâtel où le Jura forme une partie des rives, on peut avec raison admettre de pareilles sources sous-lacustres. M. L. Dufour, prof”, revenant à la question des calculs urinaires adressés par M. Bieler, demande comment on pourrait expliquer leur éclat métallique. M. Ph. Delaharpe répond que les sels de chaux prennent aisément … un aspect nacré par le frottement, témoin les coquilles d’huitres, et - qu'ici l'éclat de laiton peut s'expliquer par la présence de la matière colorante de l'urine. M. Ph. Delaharpe place sous les yeux de la Société une boule de la grosseur d’une pomme, formée d’une substance végétale et qui a été recueillie par M. Dufour-Guisan sur les bords de la Méditerranée - près de Cette où elles sont fort communes. 92 SÉANCE DU D JANVIER 1859. M. C. Gaudin explique que les botanistes y ont vu des racines de Zostera. I ne faut pas confondre ces boules avec les bézoards de bœuf que les vagues rejettent assez souvent sur les bords de notre lac et qui proviennent des boucheries. M. S. Chavannes présente une carte des chemins de fer allemands, stéréotypée sur toile, publiée par l’administration des postes de Berlin et sur la planche de laquelle on peut, au fur et à mesure des besoins , introduire les changements survenus. M. Morlot expose une carte des environs de la ville de Villeneuve, destinée à reproduire les observations qu'il à communiquées à la Société à diverses reprises. M. C.-T. Gaudin recommande aux amateurs de recherches archéo- _ logiques l'étude de nos étymologies. M. Pfister qui s'occupe d’anti- quités celtiques lui a dit, par exemple, que Morges signifiait en langue celtique village dans l’eau (Morsee). M. Morlot fait une première lecture sur les recherches géologico- archéologiques, auxquelles il s’est livré en Danemark. M. Gaudin exprime le désir que le travail de M. Morlot soit im- primé dans le Bulletin de la Société. Plusieurs membres se joignent à M. Gaudin; M. Morlot accède à ce vœu. M. Gaudin présente comme membre effectif de la Société M. l’avo- cat Rieu de Genève. — M. Rieu est admis. La Société a reçu depuis la dernière séance : A, De la Société des sciences naturelles de Neuchâtel: Bulletin de la, ete., t. [V, cah. 3, 1858. 2. De la Société des Ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la Séance du 49 novembre 1858. 3. De la Société d'agriculture , des sciences et arts de la Sarthe : Bulletin de la, ete., t. XIE, cah. 6, 1858, 3° trimestre. 4. De la Société de physique et d'histoire naturelle de Genève : Mémoires de la, etc., t. XIV, 2° part., 1858. — T. X, 2° part., 1844 (ce dernier volume nous manquait). 5. De la Société géologique de Londres: Quarterly Journal, etc., n°° 55 et 56. 6. De l'Institut impérial et royal des sciences, lettres et arts de Venise : Atti del, t. IV, 3° série, À" livraison , 1858-1859. 7. De la Société royale des sciences de Danemark : Oversigt det Forhandlingen, 1857. 8. De M. Cérésole, membre de la Société : a) Questiones que anno 1858 proponuntur a Soc: reg. Danica scientiarum. —b) Les ue Et 7" SÉANCE pu 18 JANvIER 1859. 93 prairies d'Amérique ; par L. Lesquereux (ext. de la Revue suisse). — €) De la pisciculture ; par le D'Junod (broch.). — d) De la limite supérieure du polis glaciaire dans les Alpes: par Desor, Neuchâtel 1855, — e) Compte rendu de l'exposition universelle de 1855, pour la photographie; par la Société photographique de France. —f) His- toire et progrès de l'électricité. Dissertation inaug. de M. Milani. 9. De M. le prof" Dufour, membre de la Société : Discours sur la physique du globe (ext. de la Bioliothèque universelle de Ge- nève) 1858. Séance du 18 janvier 1859. — La Société discute, puis adopte le Règlement suivant relatif à sa Bibliothèque. RÈGLEMENT POUR LA BIBLIOTHÈQUE. Arr. 1”. Le Bibliothécaire tient à jour deux registres : a) un journal d'entrée des livres; b) un registre de sortie. L'un et l’autre sont tenus par ordre de dates. Arr. 2. Tous les sociétaires et les membres honoraires jouissent de la Bibliothèque. Les livres leur sont confiés contre récépissé. Arr. 3. Les membres de la Société qui désirent obtenir des livres s'adressent au Bibliothécaire , lettres affranchies. Arr. 4. Les ouvrages sont retournés , franco , à la Bibliothèque, sur la demande du Bibliothécaire. Dix jours après la première demande, une seconde demande est adressée s'il y a lieu, et les retardataires payent une amende de 75 centimes au profit de la Bibliothèque. Arr. 5. Du 1° septembre au 31 octobre la Bibliothèque est fer- mée. Les livres doivent tous rentrer pour le 4°" septembre. Après la rentrée le Bureau procède à la révision de la Bibliothèque. Arr. 6. Les livres égarés ou dégradés seront remplacés aux frais des détenteurs. Arr. 7. Le Bureau est chargé de tout ce qui tient à l’entretien des livres. La Société allemande de géologie à Berlin (deutsche geologische Gesellschaft) propose à la Société vaudoise l’échange mutuel des pu- blications des deux Sociétés ; cette proposition est acceptée avec em- ressement. Le Bibliothécaire adressera à la Société allemande toute a portion de la collection du Bulletin dont il pourra disposer. M. Ph. Delaharpe fournit une liste de Sociétés scientifiques avec lesquelles notre Société ne soutient pas encore de relations. Le Bu- reau est invité, sur la proposition de M. Morlot , à adresser succes- 2 9% SÉANCE DU A8 JANVIER 4859. sivement des demandes d'échange de publications à celles de ces Sociétés qu'il choisira. M. V. Cérésole présente M. Emile Cherbuliez, étudiant à Lau- sanne, comme membre effectif de la Société. — M. Cherbuliez est unanimement admis. M. L. Dufour rappelle d’abord à l'assemblée que l'état physique des corps (tel que leur division extrême) peut avoir une grande in fluence sur leur manière de se comporter au contact d’autres corps. L'état de grande division du fer, par exemple, le rend très-facile- ment oxidable. M. Dufour reproduit quelques expériences dans les- quelles ce métal, réduit en poudre impalpable , brûle avec éclat au simple contact de l’air atmosphérique. M. Morlot place sur le Bureau des échantillons très-riches en iode provenant de la corgneule iodurée de Saxon. M. Morlot donne lecture d'une note de M. Venetz, père, sur le glacier diluvien de la vallée du Rhône. (Voir les mémoires.) Le même membre présente les courbes qu'il a obtenues en recher- chant la vitesse moyenne des convois de chemins de fer dès l’année 1824 à l'année 1853. M. C.-F. Gaudin annonce, d’après une lettre de Florence, que M. Falconer, après avoir visité le Val-d’Arno, a dû modifier la liste des mammifères fossiles de cette localité. (Voir les mémoires.) La même lettre de Florence rapporte que le soi-disant volcan sous- marin du port de Livourne, dont les journaux ont parlé, s’est réduit à l'émission d’une certaine quantité de gaz. M. C. Gaudin donne encore lecture d’un fragment de lettre de M. O. Heer sur le climat de la Suisse à l’époque tertiaire. (Voir les mé- moires.) Il communique enfin l’analyse d’un fruit fossile des tufs de Massa, appartenant à une conifère. (Voir les mémoires). M. Ph. Delaharpe faït part des dernières observations qu'il a re- cueillies sur le trajet des lignes des chemins de fer d'Oron et de Ve- vey, actuellement en construction sur divers points. 1° Au-dessous de Lausanne le chemin de Vevey coupe une couche de molasse inclinée, placée sur le grand axe anticlinal de nos mo- lasses suisses. 2° Au-dessus du village de Pully, la ligne d’Oron met à nu la molasse rouge sur un point où elle ne paraissait pas et confirme ainsi l'exactitude des observations de M. Morlot sur la position de la mo- lasse inférieure relativement à la molasse à lignite, à l’orient de Lau- sanne. M. le prof” À. Chavannes présente une ceinture formée par des cocons vides d'un ver-à-soie (saturnia), enfilés sur deux fils. Gette | | | SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1859. 95 ceinture provient des naturels habitant les bords de la rivière Orange dans l'Afrique méridionale. Ces cocons offrent un intérêt parce qu'ils révèlent l'existence en Afrique d’un insecte serigène qui pourrait être utilisé. Le cocon appartient à la Suturnia mimosæ, très-commune dans la plus grande partie de l'Afrique australe. Les indigènes se servent dès longtemps de la soie qu'ils en retirent; car on à trouvé sur les bords du lac N’gami des étoffes moitié soie et moitié laine. M. Chavannes se propose d'extraire la soie des cocons qu'il possède. (Voir les mémoires.) M. Morlot lit la suite de son mémoire sur les antiquités du nord. (Voir la séance précédente et la suivante.) La Société a reçu les ouvrages suivants : 1. De la Société des Ingénieurs civils de Paris : Procès-verbal de la séance du 3 décembre 1858. 2. De M. Morlot, membre de la Société : a) Quelques renseigne- ments sur la géologie et l'histoire naturelle des environs de Lausanne, à l'usage des étrangers ; par M. Morlot, Lausanne 1858 , (broch.). — b) Rapport sommaire sur les phénomènes géologiques, observés en 1858 dans la Styrie inférieure ; par M. Zollikofer, membre de la Société. 3. De la Société des sciences naturelles à Aarau: Observations météorologiques mensuelles faites à Aarau , en 1858. 4. De MM. Pittet, prof", et de Loriol à Genève : Matériaux pour la paléontologie. Terrain néocomien des Voirons ; avec atlas. Ge- nève 1858. Séance du 2 février 1859. — M. Morlot rapportant divers faits, observés par lui, cite entre autres des fragments de marbre poli qui renferment des Ammonites, appartenant à M. Doret et provenant de la Tinière (Villeneuve). Le même membre continue la lecture de son mémoire sur les faits archéologiques et géologiques , observés dans le nord de l’Europe. (Voir les mémoires au numéro suivant du Bulletin.) M. C. Gaudin communique les réponses qu'il a obtenues des mis- sionnaires du Labrador au sujet des tombeaux des Esquimaux. (Voir les mémoires.) M. L° Dufour donne et développe la formule par laquelle on peut doser la densité de la solution d’une quantité connue de sel. Cette question faisant partie d’un travail plus considérable trouvera sa place dans les mémoires avec la publication de celui-ci. M. Ph. Delaharpe rapporte que durant un séjour qu'il dut faire l'an passé à S' Maurice (Valais), il put recueillir quelques pétrifica- 96 SÉANCE DU 16 FÉvVRIER 1859. tions caractéristiques qui lui permirent de déterminer l'âge des ro- chers au pied desquels cette ville est bâtie. (Voir les mémoires.) M. C. Gaudin présente un feuillet de marne des houillères de Ro- chette, convertie en brique par le feu et qui porte une fort belle em- preinte de feuille de Nymphea , ainsi qu'un Cyperites. M. Ph. Delaharpe manifeste la peme qu'il a éprouvée à la lecture du Bulletin de la Société géologique de France, déposé sur le bureau. Il rappelle que M. Renevier a communiqué à la Société vaudoise (voir Bulletin n° 42) les conclusions auxquelles il est arrivé en exa- minant les fossiles du prétendu terrain Wealdien des Brenets et a montré qu'ils appartenaient au Purbeck. À ce sujet M. Coquant, qui s’est aussi occupé de cette question et a partagé l’opmion géné- ralement admise jusqu'ici, se livre, on ne sait pourquoi, à une sortie déplacée contre M. Renevier, tout en partageant ses opinions. Depuis la dernière séance la Société a reçu : De la Société géologique de France: Bulletin, 2° série, t. XV, feuilles 32 à 42. Séance du 16 février 1859. — Le Secrétaire donne lecture d’une Jettre qu'il a recue du Secrétaire de la Société de Darmstadt für die Erdkunde, en réponse à une proposition d'échange de publications présentée par l’obligeance de Mr. le prof” Wiener. Par cette lettre la Société de Darmstadt accepte l'offre qui lui a été faite. Le Bureau est chargé de lui faire parvenir la portion disponible de nos publi- cations. M. Joly, préfet à Moudon, présenté par M. Morlot, est admis comme membre effectif de la Société. M. Marguet, fils, prof" à l'Ecole spéciale de Lausanne , dépose sur le Bureau le résumé des observations météorologiques faites à l'Ecole pendant le second sémestre de 1858, ainsi qu'un tableau résumant les observations sur les vents pendant la même année. M. Marguet donne quelques détails sur les résultats auxquels il a été conduit en comparant ses observations avec celles faites à Lausanne sous les auspices de la Société d'émulation dès 1763 à 1772. (Voir les mémoires.) Le même membre présente à l'assemblée un fragment d'une étoffe nommée tapa et fabriquée par les insulaires de Nuka-hiva avec l'écorce du Broussonetia papyrifera à ce qu'aflirme M. Gaudin. Cette étoffe sera déposée au musée cantonal. M. Bischoff, prof, répète devant la Société l'expérience de la pré- paration du gaz hydrogène silicié spontanément inflammable. Il rap- pelle les circonstances qui avaient fait supposer à Wôhler l'existence SÉANCE DU 2 MARS 1859. 97 de ee composé et l'avaient conduit ensuite à trouver les conditions de sa production. [l indique les détails de la préparation de la matière première nécessaire à cette expérience qui est le siliciure de magne- sium, lequel décomposé par l'acide hydrochlorique laisse dégager l'hydrogène silicié. Ce gaz s'enflamme avec explosion au contact de l'air en donnant des couronnes de silice. M. Bischoff rapporte enfin les observations de M. Wôhler sur les propriétés chimiques de ce gaz et parle entre autres de son action réductrice sur les dissolutions de plusieurs sels métalliques. M. Morlot annonce que M. 0. Heer à reçu par l'entremise de M. Steenstrup une série d'empreintes de plantes fossiles, provenant du terrain miocène d'Islande. Il sera très-intéressant de connaitre les rapports qui existent entre cette flore et la nôtre. En Islande les feuilles fossiles existent sur un schiste qui accompagne une couche de lignites. M. E. Renevier fait une deuxième communication sur la géologie des Diableréts et indique de nouveaux gisements fossilifères venus à sa connaissance depuis l'époque où il en fit l’'énumération devant la Société. (Bulletins n°° 25 et 26.) M. C. Redard présente quelques objets trouvés à Echandens dans une carrière de sable : ce sont 1° une lame de sabre de l’époque hel- véto-celtique ; 2° quelques ossements brisés et indéterminés ; 3° un andouiller détaché du bois d’un cerf de grande dimension; 4° quel- ques fragments de poterie celtique. La Société a reçu depuis la dernière séance : 1. De la Société d'histoire naturelle du Würtemberg : Jahreshefte, An. XV, 1°" et 2° cah. 2. De l'Institut impérial et royal de Venise: Atti, etc., t. IV, 3° série. Séance du 2 mars 1859. — La Société accepte avec empresse- ment l'échange de ses publications avec l’Atlantis publié par l'uni- versité catholique d'Irlande. M: C. Gaudin étudie les caractères fossiles fournis par la nerva- tion des feuilles, en s’attachant spécialement à celles du G. Platanus ; puis il donne une énumération abrégée des arbres et arbustes des régions méditerranéennes qui fleurissent ou fructifient autour de Lausanne. M. Bruzelius, prof" à Lund (Suède), donne d'intéressants détails sur les découvertes faites en Suède et en Autriche (à Halstadt) d’an- tiquités se rapportant au premier âge du fer. Dans ces localités le fer et le bronze se sont rencontrés ouvrés et accompagnés de mon- naies romaines des premiers empereurs. 98 SÉANCE pu 2 mans 1859. M. C.-J. Guudin annonce qu'il étudie en ce moment les pilotis sous-lacustres de Cour (Lausanne): il a retiré du lac divers osse- ments, la plupart appartenant au bœuf, Sur ce point on observe trois rangs de 10 pilotis chaque. - M. Ph. Delaharpe indique quelles sont les couches traversées par les pilotis enfoncés actuellement pour la construction d’un pont sur la Thièle, à Yverdon. Le chemin de fer de l'Ouest, dit-il, fait cons- tuire sur la Thièle à Yverdon un pont sur pilotis. M. H. Rosset a bien voulu recueillir les indications qui suivent sur la nature du sol traversé par les pieux. Au niveau de 59",60 des eaux de la Thièle et du lae de Neuchà- tel on rencontre : 4° 3° d’eau; 2° 2,50 limon, ou sable très-fin ; 3° 2° de tourbe; 4° un sol très-dur où 900 coups de la sonnette à vapeur sur un pieu n’ont pu le faire entrer d’un centimètre. Il paraîtrait done qu’à une époque fort reculée le niveau du lac de Neuchâtel a été de 7 mètres au moins plus bas que maintenant, puisqu'au-dessus des marnes dures qui arrêtent le pilotage il existe une couche de tourbe, et comme la couche de tourbe a une épaisseur de deux mètres, il faut croire que les eaux ont conservé ce niveau inférieur pendant bien des siècles. Peut-être les grands trones de chêne, transformés en jayet, que l’on trouve sur plusieurs points dans le lac de Neuchâtel, datent-ils de la même époque. Le lac de Bienne et tout le Seeland a dû se trouver aussi à ce ni- veau inférieur de 7 mêtres au même moment, et la même couche de tourbe se retrouvera probablement au Landeron, à Bienne , à Aneth et peut-être même dans la portion inférieure du bassin de la Broie. M. Bessard dit à cette occasion que l’on n’a pas observé de tourbe à Salavaux dans les travaux de canalisation. MM. Morlot et S. Chavannes font remarquer que la tourbe peut fort bien se former sous l’eau. M. Morlot appelle l'attention de la Société sur le guide des étran- gers dans les environs de Lausanne, dont il est l’auteur. M. À. Chavannes, prof', entretient la Société de divers faits rela- tifs à la zoologie. Il a observé, par exemple, que la Locusta viridis- sima ne se nourrit point exclusivement de végétaux comme on le croit, mais qu’elle dévore surtout des chenilles et des chrysalides. Les tétards aussi ne sont pas herbivores, comme on l’a dit, mais bien carnivores; ils s’attachent de préférence aux matières animales en décomposition, telles que les limaces noyées, etc.; cet animal est d’ailleurs doué d’odorat. M. Bessard demande que les séances commencent à heure fixe et si possible à 7 ‘/, heure, Cette observation est adoptée. SÉANCE DU 2 MARS 1859. 99 M. Cérésole, bibliothécaire , annonce que le local occupé par la Bibliothèque est absolument insuffisant. M. Brélaz voudrait que la Société s’adressàt pour un local à la ville de Lausanne. L'affaire est renvoyée au Bureau. Depuis la dernière séance la Société a reçu : 1. De la Société d'agriculture de la Sarthe : Bulletins de la, etc., années 1857-58, le Mans., 1858. 2. De la Société des Ingénieurs civils de Paris: Bulletin des séances des 7, 21 janvier et 4 février 1859. 3° De M. Boucher-de Perthes : L’Abbevillois, n° 14, 1859. 4° De l'Université catholique d'Irlande : The Atlantis, n° 3, jan- vier 1859. London. 5° De M. le prof Kenngott à Zurich: Uebersicht der Resultaten mineralogischer Forschung in den Jahren 1856-57, Leipzig 1859. 4 % Ç k è Un és “Qi A ne: ; ue Pen. n : ” mn ee d , js ; Hé saûns “ ag one" cl ceusbatallèvest blavat mur 4 \ : { nil 4 : . Easy ren “à sr. cut SD Etie TANT A0 1e AMEN ñ et * Lé } A] RD TN + ‘90 i : (1 ï u 0 | t 14 « ot : 4 1» tes ! 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Martins et Gastaldi, dans leur essai sur les terrains superficiels de la vallée du Pà?, avaient signalé comme surprenant, que les collines au midi de Turin présentaient des blocs erratiques alpins, tandis que la plaine diluvienne de Turin elle-même en était complètement dénuée , jusqu’au pied des Alpes, où paraît, reposant sur le diluvium, le système des moraines. En admettant deux époques glaciaires ce fait, en apparence si singulier, trouve une explication facile. Les blocs des collines de Turin datent de la première époque glaciaire, lorsque les glaciers ont eu un beau- coup plus grand développement qu'à la seconde époque glaciaire, ainsi que l’établissent les observations faites en Suisse. Puis est venu l’époque diluvienne, dont les dépôts puissants et parfaitement régu- liers excluent l'intervention de la glace dans leur formation, mais dont les matériaux sont principalement empruntés au charriage du premier glacier. Après le très-long laps de temps, nécessaire pour la formation de ce diluvium, un nouvel envahissement par les glaces, moins considérable que le premier, mais de très-longue durée , ! Bull. soc. géol. de France. Déc. 1856, p. 207. ? Bull. soc, géol. de France. Mai 1850, p. 554. 102 TERRAIN QUARTAIRE DU LÉMAN. comme en Suisse, a alors amené la formation des grandes et nom- breuses moraines au débouché des vallées alpines dans la plaine du Pà. L'ensemble des faits observés en Suisse et hors de Suisse concor- daient très-bien avec l'hypothèse de ces deux époques glaciaires, séparées par une époque diluvienne non glaciaire, semblable à l’é- poque actuelle, sauf que le continent étant un peu plus bas, les cours d’eau occupaient un niveau relativement plus élevé qu’aujour- d'hui, marqué par les terrasses diluviennes. Il restait pourtant, pour le bassin du Léman, une difficulté, signa- lée déjà dans le Bulletin de la Société vaudoise des sciences natu- relles du 15 novembre 185%. Si le diluvium était intermédiaire entre les deux glaciaires, comment se faisait-il, que certaines terrasses diluviennes, correspondant à d'anciens niveaux plus élevés du lac, parfaitement bien dessinées et conservées, ne présentaient à leur surface aucun vestige de dépôts erratiques quelconques , quoique le second glacier eût certainement envahi leur domaine? Cela donnait à penser. Îl était évident, qu'il y avait là quelque chose d’obscur, qui restait à éclaircir. Pour ce qui concerne le bassin du Léman, une partie des faits aurait aussi pu s’expliquer par l'hypothèse de deux époques diluviennes, séparées par une époque glaciaire. Car il s'était bien trouvé sur certains points du diluvium sur du glaciaire et sur d’autres points du glaciaire sur du diluvium, mais une succes- sion de tous les trois étages, en superposition directe, dans la même coupe, n'avait pas été observée, ce qui, du reste, n’était point sur- prenant, vu la nature si meuble de ces terrains. Le point, qui devait évidemment présenter le plus d'intérêt dans le bassin du Léman, c'était la gorge de la Dranse près de Thonon. Là les énormes dépôts glaciaires et diluviens sont coupés transver- salement sur une grande hauteur et en quelques endroits la roche alpine apparait au fond du ravin. Cette gorge de la Dranse a effecti- vement fourni, dans l’automne de 1857, la solution du problème. Sur uu point, d'accès tant soit peu difficile , situé un peu en amont de la fabrique de plâtre, sur la rive gauche de la Dranse,"à environ 40 pieds de hauteur au-dessus de celle-ci, mais distinetement visible depuis le chemin sur la rive droite, on voit, dans une dépression de la roche alpine en place, un dépôt, d’une douzaine de pieds d’épais- seur, de boue glaciaire compacte, bleue, empätant des cailloux striés de caleaire alpin et des roches du Valais. Ce dépôt est recouvert im- médiatement par la grande masse du diluvium, d'environ 150 pieds d'épaisseur, au moins. Ce diluvium est formé de cailloux bien ar- rondis, de grosseur assez uniforme, qui ont été déposés en assises régulières et horizontales. Comme ce diluvium est plus ou moins congloméré , il forme paroi presque verticale et il surplombe d’une dixame de pieds le dépôt erratique inférieur, ensorte qu'il ne peut y avoir le moindre doute sur sa position normale et sur la superposi- tion en question. Le diluvium est à son tour recouvert par une masse eonsidérable du glaciaire supérieur. Celui-ci présente sur quelques TERRAIN QUARTAIRE DU LÉMAN. 103 points des traces de stratification, indiquant son passage au diluvium glaciaire, comme cela a dû effectivement avoir lieu dans cette région et à cette hauteur. La présence de boue glaciaire avec cailloux striés et celle de blocs erratiques établissent cependant de la manière la plus certaine l'origine de ce dépôt supérieur, qui fait partie de la grande moraine latérale gauche du second glacier du Rhône, lequel n’oceupait que le bassin du Léman. Maintenant, sur ce point-là on ne voit pas d'autre diluvium que celui dont il a été fait mention et il serait bien difficile qu'un autre dépôt diluvien se fût logé dans cette gorge. Mais en débouchant de là vers le lac, on voit paraitre une série de terrasses en gradins des plus belles, à des niveaux respectifs d'environ 20 , 50 , 100 et 150 pieds au-dessus du lac. Ces terrasses s'appuient en amont contre uné masse de glaciaire, boue compacte bleue avec cailloux striés. Elles y sont distinctement superposées, comme on le voit au bord de la Dranse. Elles ne se trouvent ainsi en aucun rapport direct avec le diluvium intercalé entre les deux glaciaires plus en amont dans la gorge. Mais il est aisé de voir qu'elles ont une tout autre formation. D'abord leur niveau est considérablement inférieur à celui de cet autre diluvium. Puis leur composition intérieure met en évidence une abondance de roches cristallines du Valais, qui manquent à l’au- tre diluvium , lequel est composé des matériaux tirés du bassin hy- drographique de la Dranse. Elles ne sont pas non plus conglomérées dans leur intérieur, comme l’autre diluvium. Mais le fait le plus significatif, c'est l'absence de tout vestige de dépôt glaciaire quel- conque sur ces terrasses. Or, comme le glaciaire supérieur se trouve tout à côté en amas si considérables , il devient évident, que les ter- rasses en question sont de formation postérieure à toute époque gla- ciaire. Ceei est confirmé par leur parfaite conservation. Leurs bords sont aussi nettement dessinés, aussi bien conservés, que si le lac et la Dranse ne venaient de quitter leurs anciens niveaux que hier, ce qui ne se concevrait pas facilement, si un glacier avait passé dessus. Nous avons donc dans les environs de Thonon en superposition directe un glaciaire inférieur, par-dessus un diluvium inférieur ou ancien , recouvert par un glaciaire supérieur. Par la combinaison de données moins directes, mais suffisamment concluantes, nous avons enfin un diluvium supérieur, celui des terrasses en gradins, qui ter- minent la série des dépôts quartaires (quaternaires) et dont l’époque de formation, d'assez longue durée, s’intercale ainsi entre la seconde époque glaciaire et l'époque moderne. Il ne faut pas s'attendre , à trouver les quatre subdivisions indi- quées des dépôts quartaires en superposition directe sur le même point, dans la même verticale. C’est déjà beaucoup d’en voir trois dans la même verticale. Le diluvium supérieur, étant limité à une faible hauteur au- dessus du niveau du lac et en général au-dessus des eaux courantes actuelles, ne saurait aller couronner l’accumu- lation des trois autres étages, surtout comme le diluvium inférieur alteint un niveau plus élevé que lui. 104 TERRAIN QUARTAIRE DU LÉMAN. Dans certains cas on pourra distinguer le premier glaciaire du second et le diluvium inférieur ou ancien du diluvium supérieur , dans d’autres cas on ne le pourra guëres. Ainsi, quand on aura un diluvium recouvert par un glaciaire, il est évident, que ce sera le diluvium inférieur et le second glaciaire. Mais quand on aura un di- luvium sur un glaciaire, on ne saura par là même pas lesquels des étages l’on a devant soi, à moins que d’autres circonstances ne viennent éclaircir la question. Dans les environs de Lausanne c’est la composition minéralogique des dépôts, qui fournira un bon guide. Lors de la première époque glaciaire, qui était celle de leur plus grande extension, l'emplacement actuel de Lausanne se trouvait compris dans la zône centraie des moraines superficielles du glacier du Rhône, qui y amenait alors les roches si caractéristiques des vallées de Saass et de Zermatt. Mais lors de la seconde époque glaciaire, lorsque le glacier du Rhône ne dépassait pas le bassin hydrographique du Léman, le site de Lau- sanne se trouvait dans la zône latérale droite du glacier, qui n’y transportait alors que les roches de la rive droite du Rhône. Ce sont ces dernières, qui composent exclusivement, avec quelques maté- riaux empruntés au terrain molassique, le grand dépôt en moraine de Monthenon jusqu'à la Péraudette. Les euphotides et les serpentines du Valais méridional ne se rencontrent qu'en dehors de la moraine, lorsqu'on s'élève au-dessus de Lausanne. Or l’église d'Ouchy est assise sur une terrasse diluvienne, qui se trouve composée de maté- riaux de la rive droite du Rhône en Valais, il est donc évident qu’elle appartient au diluvium supérieur. Sur le plateau irrégulier de Cossonay on remarque à environ 1950 pieds au-dessus de la mer’, soit à environ 700 pieds au-dessus du niveau actuel du Léman, un dépôt diluvien considérable et en couches bien régulières, renfermant, lorsqu'elles passent au sable fin, des mollusques terrestres et fluviatiles. Les matériaux dont se compose le dépôt sont alpins et proviennent du Valais , ils sont done empruntés à un glaciaire antérieur, car autrement ils n'auraient pu franchir la grande dépression du lac. Quand on pourrait observer la base du dépôt, surtout là où il y aurait quelqu’enfoncement dans les couches de la molasse , on y trouverait peut-être le glaciaire de la première époque encore intact. Dans la grande gravière de la ville et sur quelques points près de là on voit que le diluvium en question est recouvert par une masse plus ou moins puissante de limon gla- claire jaunâtre, non stratifié, empâtant des cailloux striés et des blocs alpins. C'est le dépôt de la seconde époque glaciaire. Voilà donc, sur le même point, la succession du glaciaire inférieur, du diluvium inférieur ou ancien et du glaciaire supérieur, établie indirectement pour ce qui concerne l'étage inférieur et directement pour les deux étages supérieurs. On ne pourrait s'attendre à trouver ici le dilu- vium supérieur, car le point est trop élevé. Il faut descendre dans L Pieds suisses. À pied suisse —= 3 décimètres. TERRAIN QUARTAIRE DU LÉMAN, 105 la vallée de la Venoge pour le rencontrer. On le voit là former une terrasse d'environ 50 pieds de hauteur au-dessus du fond de la val- lée, qui est lui-même à 1450 pieds environ au-dessus du niveau de la mer, le Léman étant à 1250 pieds. Le même cas se répète au Bois de la Bâtie, près de Genève. On voit là le glaciaire supérieur, reposant sur le diluvium inférieur très- largement développé et contenant entre autres des roches du Valais. Il y a cependant cette différence, que, vu sa position, le diluvium ancien de Cossonay pourrait, à la rigueur, être rapporté au diluvium glaciaire de la seconde époque glaciaire, ce qui serait inadmissible pour ce qui concerne le diluvium du Bois de la Bâtie. Le ravin artificiel de la Kander, à son embouchure dans le lac de Thoune, met en évidence un puissant dépôt du diluvium inférieur, recouvert par le glaciaire supérieur, qui constitue la moraine laté- rale gauche de l'ancien glacier de l'Aar, En-dessous du pont de la Kander, sur la route de Thoune à Interlaken, les couches du dilu- vium sont régulièrement inclinées vers le lac, preuve qu'elles appar- tiennent ici à la partie sous-aquatique de l’ancien delta de la Kander. Ces couches forment un conglomérat, qui sur un point, rive gauche, a été poli et strié par le second glacier, les stries courant parallèle- ment à la direction moyenne du lac de Thoune. Cette gorge de la Kander rappelle beaucoup celle de la Dranse, seulement on n’y voit pas le glaciaire inférieur, mais aussi la roche en place n’y apparait- elle pas, comme près de Thonon. Dans le fond des vallées méridionales du Valais, comme en Anni- viers et dans le val d'Hérens, on remarque un puissant dépôt stra- tifié, faisant terrasse plus ou moins régulièrement et parallèlement au cours d’eau actuel, mais dont les matériaux sont empruntés à un terrain glaciaire, souvent très-peu remanié, ainsi que cela se conçoit aisément dans ces régions. Ce diluvium sert à son tour de base à des dépôts glaciaires, qui lui sont superposés. Ainsi la vieille tour en ruines près de Vex, sur le chemin conduisant à Hermence, est située sur un lambeau bien marqué de la terrasse diluvienne, sur le bord extérieur de laquelle repose une accumulation de bloes erratiques anguleux. Le diluvium de ces vallées avait d’abord donné beaucoup à pen- ser. On ne pouvait pas bien le classer avec le diluvium ordinaire, c’est-à-dire avec celui des terrasses en gradins, que nous savons maintenant être postérieur à la seconde époque glaciaire, car son niveau était trop élevé, atteignant bien 800 pieds au-dessus du fond de la vallée. De plus la surface de ce diluvium, soit la ligne de démarcation générale de son niveau le long de la vallée, quoiqu'ap- parente, n'avait pas cette régularité parfaite et mathématique du diluvium ordinaire. Maintenant qu'on est arrivé à distinguer deux diluvium, les diflicultés disparaissent; l’on reconnait, qu'on se trouve là en présence du diluvium inférieur. Dans le bassin du Léman les gradins des dépôts diluviens de la seconde époque, marquant d'anciens niveaux du lac, ne dépassent 4 106 TERRAIN QUARTAIRE DU LÉMAN. guères de 150 à 180 pieds au-dessus du niveau actuel du lac, tandis qu'à Cossonay, par exemple, le diluvium de la première époque marque un ancien niveau du lac de 700 pieds plus élevé que le niveau actuel. Il n’est également plus étonnant, si le niveau général des dépôts diluviens de la première époque est plus ou moins irré- gulier, puisqu’un second glacier a passé dessus et y a souvent laissé des amas de matériaux glaciaires. Nous avons donc la succession suivante des sous-divisions du terrain quartaire , en marchant de bas en haut. A. Premier glaciaire. Epoque du plus grand développemént des glaciers. Celui du Rhône, par exemple, atteint au Chasseron, près d'Yverdon, la hauteur énorme de 4800 pieds au-dessus de la mer et a presque franchi le faite du Jura pour envahir la France. Il est bien entré sur le territoire français en traversant les gorges. Ainsi ses blocs ont traversé le défilé du Fort de l’Ecluse, puis aussi le col de Jougne, par où ils sont arrivés jusqu'à Morteau. Un gisement ex- trême de blocs erratiques du Rhône à été observé récemment par le prof Lang de Soleure. Il en a trouvé dans la petite vallée de la Dün- nern, sur le revers septentrional de la chaine du Weïissenstein, au- dessus de Herbetswyl, à 3020 pieds au-dessus du niveau de la mer. C’est à cette première époque glaciaire que doivent se rapporter les blocs erratiques des collines au S.-E. de Turin. Comme boue glaciaire de cette époque, dans le bassin hydrogra- phique du Léman, une masse très-compacte, argileuse et de cou- leur généralement bleuâtre. B. Diluvium inférieur ou ancien‘. Les glaciers ont disparu, non seulement dans les régions basses, qu'ils occupaient, mais jusque fort loin dans l’intérieur des montagnes. Le glacier du Rhône, par exemple, avait évacué toute la partie inférieure des vallées d’Anni- viers et d'Hérens. Le continent était plus bas, d'environ un millier de pieds et les cours d’eau occupaient par conséquent, jusque très- loin dans l’intérieur du pays, un niveau beaucoup plus élevé qu'au- jourd’hui. On ne connait pas de terrasses en gradins de cette époque. Elephas antiquus (Falc.) dans le dépôt de cette époque, à Utznach, canton de S' Gall. C. Second glaciaire. Les glaciers envahissent de nouveau toutes les vallées des Alpes et débouchent dans le bas-pays molassique, mais sans atteindre, à beaucoup près, leur ancienne étendue. Celui du Rhône, par exemple , ne débordait pas le bassin hydrographique du Léman, qu'il a entouré d'immenses dépôts, soit en forme de moraines proprement dites, soit comme diluvium glaciaire, lorsque les eaux qui affluaient latéralement et auxquelles il opposait un grand barrage, se combinaient avec l’action de la glace pour accumuler des 1 MM. Necker et Favre l'ont très-bien décrit. sous le nom d'’alluvion an- cienne. Etudes géologiques dans les Alpes par M. Necker. Paris 1841, I, p. 232. Considérations sur le mont Salève, par A. Favre. Genève 1843, p. 65. mile ont ai RE me qupe TERRAIN QUARTAIRE DU LÉMAN. 107 dépôts partiellement stratifiés. À ce genre de formation a été rap- portée la plaine de Bière, entre le pied du Jura et Aubonne, mais elle pourrait bien être composée , en partie du moins , du diluvium inférieur. Cette époque doit avoir duré fort longtemps, à en juger par les moraines nombreuses et parfois vraiment gigantesques, qu'elle a vu s’accumuler. Le glacier, en se retirant, a fait toute une série de sta- tions intermédiaires fort prolongées et marquées par autant de mo- raines. Moraines des Vosges, d'après M. Ed. Collomb, qui les a vues assises sur un diluvium inférieur. Moraines du pied méridional des Alpes, au débouché des vallées des deux Doires, d’après MM. Mar- tins et Gastaldi, qui ont reconnu en-dessous le diluvium inférieur. En général toutes les moraines paraissent appartenir à cette seconde époque glaciaire. La boue glaciaire de cette époque, dans le bassin hydrographique du Léman, est un dépôt médiocrement compacte, plus limoneux qu’argileux et généralement de couleur jaunâtre. En Suisse végétation correspondante à celle d'aujourd'hui, d’après les observations de M. Heer. D. Diluvium supérieur. Les glaciers se sont retirés, vraisembla- blement à peu près dans leurs limites actuelles, mais le continent étant un peu plus bas qu'aujourd'hui, les cours d’eau occupent un niveau relativement plus haut qu'actuellement, quoique bien moins élevé, qu'à la première époque diluvienne. Terrasses en gradins, dessinées avec une netteté remarquable et d'une régularité de niveau mathématique. En Suisse on connaît trois principaux gradins , à des hauteurs d'environ 50, 100 et de 150 à 180 pieds au-dessus du cours actuel de l'eau. Le plus développé de tous ces gradins dans le bassin du Léman est celui de 100 pieds. Ces gradins ou terrasses marquent autant de points d'arrêt, de plus ou moins longue durée, dans le mouvement ascentionnel du conti- nent. À Montreux un cône de déjection torrentiel intermédiaire, éta- blissant un passage graduel entre le niveau de 100 pieds et celui de 50, prouve que ce changement de niveau ne s’est pas opéré subi- tement. À en juger d’après la puissance des dépôts correspondants, chacune des trois sous-divisions principales de cette seconde époque diluvienne doit avoir duré au moins aussi longtemps que ce qui s’est déjà écoulé de l'époque moderne. Elephas primigenius (Blum.) dans la terrasse de 100 pieds à l’em- bouchure du Boiron, près de Morges. Sur le même point coquilles palustres d'espèces vivant encore actuellement dans la contrée’. E. Formations modernes. Le continent a pris son niveau actuel ensuite de quoi les cours d’eau se sont creusé un lit plus profond dans leurs attérissements anciens, dont les restes, plus ou moins étendus, selon les circonstances locales, demeurent suspendus en l'air, sous forme de terrasses. ! Bull. soc. vaud, des sciences naturelles, IV, p. 60. 1854. 108 MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. L'homme apparait en Europe, d’abord comme sauvage, ne con- naissant l'usage d'aucun métal et ne travaillant que la pierre, l'os et le bois. Les progrès prodigieux de sa civilisation pendant une série de plusieurs mille ans l'aménent à s’imaginer, qu'il est le roi de la création. Ce qui est plus évident, c’est qu'il est devenu l'historien de sa planète, dont il reconstruit le passé par le moyen de la géolo- gie, à laquelle se rattache tout naturellement l’histoire de sa propre espèce , soit l’archéologie. DE LA MÉTÉOROLOGIE DES VENTS ET EN PARTICULIER DE CELLE DU BASSIN DU LÉMAN. Par 3. Delaharpe , Dr méd. (Séances des 3 et 17 février 1858.) L'étude des vents est peut-être celle de toutes les parties de la météorologie qui laisse le plus à désirer. L'observation des courants athmosphériques n’est sans doute pas difficile en pleine mer; là ce- pendant elle reste encore incomplète, puisque leur intensité et la hauteur des couches d'air mises en mouvement reste toujours très- difficile si ee n’est impossible à saisir et à estimer. Sur les continents, là précisément où existent les stations météorologiques, de nom- breuses causes locales de perturbation rendent les observations er- ronées et conduisent à des résultats trompeurs. En observant une grande masse d’eau en mouvement, celle d’un grand fleuve, par exemple, on est surpris de voir combien les dispositions et le relief du sol sur lequel elle se meut, la direction et les contours des rives qui la contiennent, la profondeur et la température de la masse, la force et la direction des affluents, influent sur les mouvements géné- raux et locaux du liquide. Vouloir exprimer par le caleul chacun des tourbillons particuliers, déterminer en chiffre chaque remou, chaque tournant, chaque mouvement oblique, ondulatoire ou autre, puis réunir sous une seule formule tous ces éléments pour obtenir une résultante exprimant le mouvement général du courant, serait chose impossible. Il en est de même pour l'atmosphère. — Que pen- ser alors d'observations recueillies par les observatoires disséminés sur les continents et qui sont aux courants atmosphériques ce que serait un gravier du lit d’un fleuve comparé à la masse de ses eaux? Que conclure de phénomènes isolés, constatés sur des points exces- sivement restreints et dont la position, relativement au bassin sur le lit duquel se meuvent les courants , n’est pas même bien établie ? On étudie généralement les courants atmosphériques d’une ma- nière trop indépendante de la position géographique des observa- toires, parce qu'on oublie combien est grande l'influence des reliefs MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. 109 terrestres sur les mouvements des couches inférieures de l'atmos- hère, les seules du reste que l’on observe. Si la structure du bassin ‘un fleuve ou d'un détroit a une grande influence sur la direction des courants d’eau, à plus forte raison en a-t-elle sur ceux de l'at- mosphère. Lei la chaleur joue un rèle bien plus étendu que dans les masses aqueuses. La nature du sol, son revêtement, son exposition solaire modifient fortement les mouvements des couches d'air par l'intermédiaire de la chaleur reflétée ou absorbée, Est-ce à dire que l’étude des vents sur les continents et spéciale- ment dans les pays de montagnes doive être abandonnée; que les difficultés dont l’observation des phénomènes est entourée sont in- surmontables ; que les causes d'erreur sont trop diverses et trop puissantes pour qu’on puisse jamais les signaler et les éviter ? Certes non. Concluons plutôt qu'il faut redoubler de zèle et d'attention, multiplier et varier les observations, voir et noter plus et mieux, ou même trouver de nouveaux moyens d'investigation. Ne conviendrait-il pas, pour élucider les questions qui se rat- tachent à l'étude des vents, de procéder par monographies comme on le pratique pour d’autres partis de l'histoire naturelle? Etant donnée, par exemple, une contrée plus ou moins accidentée, déter- miner par voie d'observation, quelles sont les modifications que subissent les grands courants athmosphériques en parcourant cette contrée; étudier les courants locaux ou purement accidentels ; dé- terminer les relations des uns avec les autres. Noter la fréquence, la direction, la hauteur, la vitesse des courants en rapport soit avec les saisons soit avec les phénomènes diurnes. Tenir compte des in- terruptions et des inflexions des courants dues aux accidents de la surface terrestre. Dresser enfin au moyen de toutes ces observa- tions, la statistique de la localité, en décrivant avec soin la position _et la structure du plateau, du bassin ou de la vallée. De la multipli- cation et de la comparaison de pareilles monographies jailliraient, sans aucun doute, des résultats importants et peut-être inattendus. Il ne faut pas se dissimuler que pareil travail rencontrerait des difficultés de plus d’un genre. Pour observer il faut tout d’abord être en mesure de le faire; or ce sont précisément les moyens qui font ici défaut. Il ne suffit pas ici de s'orienter, puis de consulter une girouette plus ou moins bien construite. Cet instrument ne donne que l’élé- ment le plus aisé à saisir, la direction du vent; il ne vous dira pas autre chose. Puis encore ne vous relèvera-t-il que les mouvements des couches les plus basses de l'atmosphère, mouvements qui peuvent être fort différents de ceux qui se passent à quelques centaines de mètres plus haut. La girouette est évidemment très-insuffisante et souvent trompeuse. Un autre élément de la question, plus difficile à saisir, est celui fourni par la vitesse du vent; heureusement qu'il est le moins im- portant, On a cherché à l’exprimer par les nombres 4, 2, 3, 4, etc. ; 3 110 MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. mais cette appréciation arbitraire ne vaut pas mieux que les expres- sions vagues de faible, ordinaire, fort, très-fort ou violent. Tous les instruments proposés dans ce but, à supposer même qu'ils soient pratiques, ont le grand inconvénient d'estimer la vitesse du vent telle qu’elle existe à la surface du sol: or il suffit d’avoir quelque peu étudié les mouvements des nuées pour se convaincre qu’à une hauteur de 2 ou 300 mètres le courant peut être très-vif tandis qu'à la surface du sol il est à peine sensible et que le contraire peut de même avoir lieu. Les courants légers, ceux qui nous apportent les bruits lointains de cloches, de sifflet de locomotive ne sauraient être appréciés ; ce- pendant ce sont eux qui nous annoncent le plus sûrement les chan- gements de direction des grands courants atmosphériques. Certains courants violents, ceux du nord, chez nous, soufflent volontiers par rafales ; comment obtenir une moyenne de vitesse en pareil cas? L'observation des nuages prouve encore ici que ces rafales n'existent pas à une certaine hauteur. On pourrait essayer de déterminer la vitesse des nuages par le temps qu'emploie leur ombre à parcourir sur le sol ou sur l’eau un espace connu quelconque ; mais ce moyen ne peut trouver son appli- cation que sur une plaine et dans des circonstances relativement rares. On peut encore, comme je l’ai fait plusieurs fois, comparer le mouvement de masses nuageuses, situées sur un horizon dont la distance est connue, avec les points saillants de cet horizon. Mais cette estimation ne nous donne aussi que des termes wagues. Mieux vaut, jusqu’à nouvel ordre, laisser cet élément indécis et ne l’admettre que dans certains cas extraordinaires et exceptionnels. Le seul moyen un peu exact que nous possédions pour établir le régime des vents d’une localité est le cours des nuages. Ce moyen a du reste déjà été indiqué et appliqué en divers lieux. Avec un peu d'habitude il donne des résultats sûrs et complets ; car il est peu de circonstances où il ne soit pas possible d’en faire usage. Les mouvements des nuages sont ordinairement aisés à constater et cela sans qu'il soit nécessaire de les comparer à quelque point immobile comme le serait la sommité d’une montagne, un clocher, un arbre, un astre, ete. Ce qui est un peu moins facile est la déter- mination exacte de la direction de leur mouvement. Pour cela, après s’être bien orienté, il faut choisir de préférence les nuées placées au zénith. Lorsqu'il n’en existe pas sur ce point les nuages placés à l'horizon et dans le sens opposé au vent du moment, fournissent les plus sûrs indices. À Lausanne, par exemple, où il n’existe guères que deux courants dominants, le S.-0. et le N. ou N.-E., les nuages qui rasent les sommités des Alpes à l’orient ou du Jura à l'occident, révèlent bientôt le mouvement existant dans l'atmosphère. Si les nuées se meuvent dans une direction perpendiculaire à celle de la chaîne, ils ne tardent pas à s’en éloigner en s’élevant sur l'horizon. On peut aussi tirer parti de la stratification et de la forme des nuages de l'horizon. Lorsqu'ils sont imbriqués ou couchés les uns MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. Ill sur les autres, on peut en conclure que le vent les ineline dans cette direction comme les épis de blé dans un champ. Ge dernier signe n’est pas infaillible; un courant rasant le sol et agissant de bas en haut, peut donner aux nuées le même aspect qu'un courant élevé soufflant en sens inverse. On évite la méprise en tenant compté d’au- tres circonstances, Les eumulus si fréquents en été sur les montagnes fournissent aussi des indications. Ces masses s'élèvent parfois à une très-grande hauteur. J'en ai observé qui dépassaient de beaucoup la hauteur du Mont-Blanc puisqu'ils étaient encore dorés à leur sommet par le soleil couchant alors que cette sommité ne l'était plus depuis un grand moment. Ces cumulus, nés de courants ascendants, se forment toujours dans un air assez tranquille; mais ils ne tardent guères à se déplacer lentement et le sens dans lequel ils le font indique celui du courant général de l'atmosphère. Lorsqu'ils restent immobiles on voit parfois un ruban se détacher de leur sommet et indiquant l'existence et la direction du courant qui l’entraine. Les nimbus, les vapeurs opaques, les toiles d’araignée qui, partis d’un point de l'horizon, s’étendent rapidement sur le ciel, peuvent aussi servir à indiquer la direction des courants, parce que le vent court toujours dans le sens où ils se propagent, quoique peut-être on n’aperçoive en eux aucun mouvement apparent. Les nuages moutonnés, ordinairement très-élevés, sont rarement immobiles et servent beaucoup, en observant le sens dans lequel ils marchent ou se propagent, à déterminer la direction des courants supérieurs. Lorsque le ciel est sans aucun nuage (ce qui est moins fréquent en pays de montagnes) on doit admettre que le vent domi- nant n’a pas changé; car dès qu'un changement de courant se pré- pare, l'atmosphère perd sa limpidité et les nuées ne tardent pas à annoncer d'où proviendra le vent qui doit survenir. Lorsqu'un petit nuage se montre à l'extrémité d’une cime élevée et isolée et qu'il s'attache latéralement au sommet de la montagne sans le dépasser, il faut en conclure que le courant, sur ce point, vient du côté opposé au nuage. Les montagnards savent parfaitement le vent qui va se lever et prédire la pluie ou le beau temps suivant que le petit nuage se place au nord ou au midi de telle ou telle sommité. D’autrefois le ciel est entièrement occupé par une couche épaisse de nuages, formant une voüte immobile. Encore alors est-il possible de constater les mouvements qui entrainent la masse. Certains gros nuages plus foncés se déplacent; les éclaircies surviennent d'un côté ou de l’autre du ciel. Ces éclaircies sont surtout importantes à noter, car elles apparaissent presque toujours du côté où le vent souflle. Le chemin qu'elles parcourent dans le ciel peut aussi révéler la direc- tion du courant. Lorsque le ciel est occupé en entier par un brouillard uniforme, à plus forte raison lorsque ce brouillard descend sur le sol, il peut 1142 MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. paraitre impossible de constater le cours réel des vents dominants. Cependant lorsque l’on connaît les conditions dans lesquelles les brouillards se forment dans la localité, on peut en déduire la direc- tion du vent régnant. À Lausanne, par exemple , où il n’existe pas de plaines marécageuses, les brouillards ne se montrent que dans deux circonstances : 1° En hiver, surtout en novembre et en décem- bre, ils couvrent à la hauteur de 50 à 200 mètres, le bassin de nos lacs, tandis que la partie supérieure de l'atmosphère jouit d’un splendide soleil, sous l'influence de légers vents du nord. 2° Au printemps, par un dégel subit ou après des pluies froides, un brouil- lard passager couvre nos collines; mais il ne tarde pas à se dissiper sous le souflie des vents du sud ou de l’ouest. Les résultats de l'observation des vents, obtenus par l'examen du mouvement des nuées, sont très-différents de ceux auxquels on arrive par l’observation ordinaire des courants inférieurs. Îl suflira pour s’en convaincre de comparer le tableau qui résume les observations que j'ai faites à Lausanne durant l’année 1858, avec celui que publie pour le même espace de temps l'Ecole spéciale de cette ville, dont les observations sont faites avec tout le soin désirable. Ce tableau est compris dans l'aperçu du régime des vents du bassin du Léman qui termine cette notice!. Hauteur des nuages. Il pourra paraitre extraordinaire d’attacher une importance à l'élévation des nuées dans l'atmosphère. Cette appréciation serait assez inutile, en effet, si elles occupaient indiffé- remment toutes les hauteurs. Mais ce n’est point là ce qui a lieu. L'observation démontre qu’elles se distribuent par zùnes horizontales, se stratifient et que cet état de stratification est leur état normal. Ce point mérite quelques détails. L'existence de grandes couches dans l'atmosphère est facile à constater sur les Alpes élevées qui encadrent le bassin de notre Lé- man. Lorsque par un temps calme, surtout si la pureté du eiel a duré plusieurs jours successifs, on s'élève sur une montagne de 2000 à 3000 m. de hauteur qui domine un horizon assez vaste, on s'aperçoit que l’on passe successivement au niveau de plusieurs couches atmosphériques distinctes. Ce passage est indiqué par la différence de transparence des couches. On croit assez généralement que la transparence des couches d’air va graduellement en augmen- tant du pied de la montagne à son sommet ; cela peut bien être dans certains cas, mais le fait est loin d'être constant. L'inverse peut arriver, et les couches inférieures être plus transparentes que les moyennes ou les supérieures. Il existe d’ailleurs ordinairement entre les diverses couches des lignes de démarcation assez tranchées, l’opacité graduellement croissante d'une couche passant brusque- ment à une couche très-limpide. — Durant l’été 1857, dans un moment où l'atmosphère jouissait d’un calme parfait à la fin d’une 1 Pour le tableau de l'Ecole spéciale voir à la fin des mémoires de ce numéro. Le, MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. 113 longue série de beaux jours, je m'élevai à la hauteur de 2500 m. environ. Jusqu'à ce niveau l'atmosphère offrait une teinte enfumée et les objets éloignés se baignaïent dans une brume tenue. À mesure que l’on approchait de la limite supérieure la brume devenait plus sensible; mais aussitôt qu'on la dépassait elle cessait subitement et faisait place à un atmosphère d'une limpidité parfaite où le regard plongeait dans un ciel bleu foncé. Au bout de quelques instants de petits nuages se formèrent sur tous les points de l'horizon occidental, à la même hauteur, celle de la limite indiquée entre les couches brumeuses et les limpides. Ces nuages répandus sur un horizon de vingt lieues s’appuyaient tous sur la couche opäque sans y plonger et appartenaient à la partie inférieure de la couche transparente. Lorsque l'atmosphère est semé de nuages la disposition horizon- tale des couches d'air est encore plus facile à constater, car alors, si l’on fait abstraction des nuées ascendantes des pentes alpines qui peuvent exister simultanément, on verra les nuages disposés à une égale hauteur sur le Jura, sur les Alpes de la Savoie et sur celles du Valais, quel que soit le vent régnant. La hauteur des cimes et des arêtes des hautes parois formant le bassin du Léman est assez connue pour qu'il soit aisé d’après elle de déterminer celle des nuées voi- sines. Il n’est pas rare d’ailleurs d'observer deux couches de nuages correspondant à la partie inférieure de deux zùnes horizontales, occupant une grande partie du ciel et se mouvant ordinairement dans des sens différents et même opposés. Hors le cas où se forment des foyers d'orage , la limite inférieure des couches de nuages est toujours bien déterminée ; la supérieure ne l’est souvent pas du tout. On dirait que les nuages sont plongés dans une couche fluide d’égale densité et qu’arrivés, par leur propre pesanteur , à la limite inférieure de la couche, ils reposent sur l’m- férieure qui les soutient. Ceci n’est sans doute qu’une apparence, mais elle exprime un fait dont il n’est point facile de se rendre compte. Du reste il va sans dire que cette horizontalité est souvent détruite au contact des hautes sommités par les courants ascendants ; je n’ai jamais observé les effets de ces courants dans d’autres circonstances sauf dans la formation des eumulus et des foyers d'orage. L'horizontalité des couches de nuages persiste avec les vents les plus violents, tant qu'il ne se forme pas de foyers d'orage. S'il s’en forme on voit à chaque bourrasque qui part du foyer les nuages s'abaisser d'autant plus que la bourrasque sera plus forte. La bour- rasque passée, les nuages se retrouvent à la hauteur qu'ils avaient auparavant. Les couches inférieures de nuages sont assez souvent soumises à l'influence des vents locaux; il n’en est pas de même des couches élevées : celles-ci n’obéissent qu'aux vents généraux, aussi peut-on prédire la chute du vent régnant à la surface lorsqu'une couche éle- vée de nuages se meut dans un sens opposé, a moins, toutefois , qu'une barrière infranchissable, comme le sont pour nous les massifs 114 MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. orientaux des Alpes centrales, ne permette pas au vent qui règne dans les parties supérieures de s’abaisser. Les vents froids abaissent ordinairement la couche inférieure des nuages et les vents chauds l’élèvent; cependant il y a de nombreuses exceptions. La température de l'air a bien moins d'influence qu'on pourrait le croire sur les couches horizontales, dès que l’on s'éloigne des pentes de montagnes. Les vents du nord abaissent généralement la couche inférieure des nuages, ce qui les a fait envisager comme des courants descendants. On a dit le contraire des vents du sud; mais il existe de fréquentes exceptions ; l'horizontalité permanente des couches de nuages sur toute l'étendue de notre bassin ne permet pas d'admettre des cou- rants ascendants ou descendants généraux. Les nuages ne tourbil- lonnent pas dans l'atmosphère comme la poussière, soulevée par le vent; ils s’écoulent, lorsqu'ils ne rencontrent pas d'obstacles , comme le ferait une vaste nappe liquide sur un plan horizontal, (le cas d’orages toujours excepté). Les vents généraux commencent, disons-nous, dans la hauteur puis s’abaissent plus ou moins promptement. Il arrive cependant aussi qu'à la suite d’orages ou d'un refroidissement brusque dans l'atmosphère, le mouvement débute par les couches inférieures, tandis que les couches supérieures obéissent encore à un mouvement différent. Dans ce cas le courant local précède le mouvement géné- ral et semble l’entrainer; ou plutôt, une série de mouvements locaux successivement produits par la même cause, s'ajoutent les uns aux autres et prennent les proportions d’un courant général. Les chaines et les massifs de montagnes ont une grande influence sur le cours des vents et cette influence démontre assez que les mou- vements atmosphériques qui constituent les vents occupent, relati- vement parlant, les régions inférieures de l'atmosphère. Non seule- ment ces obstacles peuvent modifier complétement la direction des courants, ils peuvent même les intercepter en entier. Nous aurons à citer des exemples de l’un et l’autre fait en parlant des vents du bas- sin du Léman. La détermination de la hauteur des couches nébuleuses n’est, avons-nous dit, pas difficile lorsqu'on est placé, ainsi que nous le sommes , en face d’un rideau de sommités élevées ; partout ailleurs elle est à peu près impossible. Ce n’est point à dire que l’on ne puisse point faire d'erreur et qu’il n’y ait pas de précautions à prendre. En voici des exemples. Les nuées qui s'élèvent sur les flancs des montagnes en obéissant à des courants ascendants, ne doivent pas être employées comme mesure de la hauteur des couches. Un peu d'habitude les fait bientôt distinguer : elles ne forment pas de strates horizontaux mais s’étalent en divers sens, surtout après la pluie, sur les croupes et dans les gorges ; si elles sont entrainées un instant horizontalement par quel- que courant, elles ne tardent pas à s'élever jusqu’à ce que les courants horizontaux les atteignent dans leur mouvement ou qu’elles se dis— MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. 115 sipent. Il en est de même des cumulus qui se transforment en lames horizontales en atteignant des couches en mouvement; ou bien ils se dissipent, ou bien encore ils deviennent des foyers d'orage. En comparant une couche de nuages avec les hauteurs voisines il faut prendre garde de ne pas se tromper sur la distance et la position réelle des nuées. On évite l'erreur en se plaçant autant que possible en rase campagne, ou sur un point élevé, puis en cherchant à l'ho- rizon les nuages les plus rapprochés des montagnes. Il est rare qu'une couche à nuages n'en compte qu'un petit nombre; il en existe presque toujours sur divers points de la couche et ceux-ci sont alors tous au même niveau; la détermination exacte de la hau- teur de l’un d’eux donne celle des autres. Ce fait est à nos yeux l’un des mieux établis par l'observation , il l’est surtout dès qu'il s’agit de vents généraux, parce que les grands courants sont toujours hori- zontaux. Le fait de l'horizontalité des couches de nuages n’est pas facile à expliquer. En pays de plaines et sur mer les grands courants at- mosphériques (à part le cas d'orage) doivent être, on le conçoit, pa- rallèles à la surface qu'ils parcourent et l'atmosphère former autour du sphéroïde terrestre une série de couches concentriques, c'est-à- dire horizontales. Dans ces conditions-là le rayonnement du calo- rique ne peut avoir qu'un effet très-limité et ne saurait troubler sensiblement les mouvements horizontaux. Avant que les couches inférieures plus chaudes ne soient élevées de quelques cents mètres elles ont pris la température de la masse et sont entrainées par le mouvement général horizontal, comme nous le voyons tous les jours pour la fumée d’un steamer. De là vient aussi que l'horizontalité se conserve d'autant mieux que le vent régnant est plus sensible. Mais sur un sol accidenté comme celui de la Suisse où les inégalités ont une influence si prononcée sur les courants, il devrait en être tout autrement. Les couches à nuages devraient s’infléchir, s'élever ou s’abaisser suivant les ondulations de la surface ; ici devrait se pro- duire une cascade de nuages, plus loin les masses devraient éscalader les collines, franchir les cols comme un torrent: or il n’existe rien de semblable. Le vent du nord, par exemple, en arrivant sur le bas- sin du Léman, franchit le Jorat dont le relief est d'environ 300 m. Le courant ne l’a pas plutôt dépassé qu'il se précipite dans le bassin et en certains endroits forme de vraies cascades. Les nuages ne suivent point ces mouvements et continuent leur course horizontale jusqu'au côté opposé, aux Alpes de la Savoie qui leur opposent une barrière. Le courant vient se heurter contre ce mur, haut de 2000 m. en moyenne et y subit diverses inflexions. Une partie du vent est déjetée à l’orient et s’engouffre dans la vallée du Rhône valaisan en suivant sa direction. Une grande portion franchit l’obs- tacle où parfois on la voit soulever en tourbillons les neiges fraiche ment tombées. La majeure partie s’infléchit à l'occident pour suivre la direction de la vallée du Léman et du Rhône descendant. Les nuages n'obéissent point à ces divers courants; tous s’écoulent uni- 116 MÉTÉOROLOGIR DES VENTS. formément et à la même hauteur au S.-0., après s’être un instant arrêtés devant l'obstacle. A quoi tient la persistance de cette horizontalité au milieu de eir- constances qui devraient la détruire à chaque pas? Je ne saurais hasarder qu’une seule explication, la faiblesse d’action des modifiea- teurs locaux divers, comparée à la puissance des agents généraux de mouvement. L’atmosphère est fort rarement immobile; dans nos climats du moins. Souvent ses mouvements sont peu sensibles, il est vrai, ou se passent hors de la portée de notre observation; mais ils n'en existent pas moins. Ils sont le fait de plusieurs causes. Les plus puissantes se trouvent dans le mouvement de translation du globe, dans la différence de température entre les pôles et les régions équatoriales, dans les variations annuelles des saisons, dans la dis- position des grands continents eu égard aux mers qui les baïgnent, etc. etc. Ces causes agissant sur de grandes masses atmosphériques leur impriment un mouvement horizontal, le seul d’ailleurs qu’elles puissent prendre. Ce mouvement ayant lieu sur de grandes masses, ne saurait être sensiblement modifié par les causes locales. Les couches d’air n’adhérant pas les unes aux autres, comme celles des liquides, et l’impulsion qu'elles reçoivent les unes des autres variant suivant la densité et d’autres causes, il en résulte qu’elles tendent sans cesse à se mouvoir par couches plus ou moins mdépendantes , et dès là même à se feuilleter, si je puis m’exprimer ainsi, tout comme les schistes se sont feuilletés sous l'influence des courants marins. Les causes locales qui seules pourraient troubler cette stra- tification en produisant des mouvements ascendants ou descendants, n’agissant que par la chaleur, perdent leur influence aussitôt que l'équilibre se produit. Or cet équilibre s’établit si promptement que ces derniers mouvements ne sauraient s'établir. De cette facon les influences locales, trop limitées dans leur action, disparaissent promptement absorbées par les grands mouvements horizontaux. De là vient peut-être que les années se distribuent ordinairement par périodes plus ou moins longues d'années humides ou sèches, chaudes ou froides, dans une même région, parce que le régime des grands courants une fois établi tend toujours à se conserver iden- tique jusqu’à ce que l'équilibre soit rompu sur une large échelle. Il est encore un phénomène assez fréquent et que le mouvement des nuées peut seul révéler, je veux parler des courants se mouvant simultanément en sens différent où même contraire, mais à des hau- teurs différentes. [l va sans dire qu'il ne faut pas voir des courants de ce genre dans les inflexions et les remous souvent bizarres que peut subir un même grand courant dans nos pays de montagnes, ni s'en laisser imposer par les mouvements locaux, ordinairement diurnes, ni par les coups de vent provenant d’orages. Il s’agit ici de courants généraux, plus ou moins élevés et indépendants de la con- figuration du sol. L'existence de ces courants croisés ne saurait être mise en doute. Elle démontre une fois de plus la disposition stratifiée Vase MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. 117 des couches atmosphériques , disposition qui leur permet de se mou- voir d’une manière indépendante les unes des autres. Le cas le plus fréquent est celui où le vent du nord, ou du nord- est, occupe les régions inférieures de l'atmosphère avec obstina- tion, tandis qu’à une grande hauteur de petits nuages et des nimbus sont poussés par le vent d'ouest ou de nord-ouest. Dans ce cas les deux courants se eroisent perpendiculairement à leur direction. En janvier 1858 et à plusieurs reprises, sous le règne exclusif des vents du nord, j'ai vu s'élever à l’est des nimbus et des nimbo-stratus poussés par un courant fort élevé du sud-est, provenant des plaines de la Lombardie où ce vent glacé couvrait alors le sol de neiges et de frimats. J'ai vu encore, mais plus rarement, le nord-est occuper les régions inférieures à 1000 et 1500 m. de hauteur; tandis qu'à 3000 ou 4000 m. et plus peut-être, le S.-0. poussait les nuées. Le vent supérieur alors ne tarde pas à prendre le dessus; ce qui n’a pas tou- jours lieu lorsqu'il s’agit de l'O. ou du N.-0. L'étude de ces courants croisés offrirait un grand intérêt, lorsqu'on pourrait comparer des observations faites sur des points éloignés de 20 ou 30 lieues les uns des autres; à condition toutefois que l'on ne tint compte que du mouvement des nuages et des courants généraux. On parviendrait ainsi à déterminer les zônes habituelles des courants atmosphériques et par là la vraie statistique des vents d’un conti- nent. Des vents continus et intenses peuvent fort bien ne régner que sur une bande asssez étroite. Lorsque les vents du N. soufflent à Lausanne ils se font ordinairement ressentir en même temps sur tout le cours du Rhône inférieur et jusqu’à la Méditerranée ; tandis qu'à Paris ou sur la Manche le calme peut être complet. Le régime des vents généraux du bassin du Léman n’est pas le même que celui du Valais et de la Suisse centrale. La différence est encore plus marquée si l’on compare le versant occidental et nord des Alpes avec leur versant oriental et méridional. Le régime des vents à Munich est en- tièérement différent du nôtre. La Suisse offrirait sous ce rapport un champ très-favorable d'ob- servations, parce que nulle part on ne peut mieux déterminer la hauteur relative des couches nébuleuses, ni l'influence des chaines de montagnes. Les vents d'O. et du N.-0. qui franchissent aisément le Jura, s'arrêtent devant la première chaine des Alpes. Les vents d'E. ont le même sort dans le sens opposé. Les vents du S.-E. ar- rivent plus aisément lorsqu'ils sont très-violents jusqu’au bassin du Léman; mais ils n’atteignent pas le Jura, ni la partie occidentale de ce bassin. Pour peu qu'ils inclinent à l'E. leurs derniers tourbillons nous arrivent du N.-E. comme le fait, par exemple, le Fühn. Nous aurons occasion de revenir sur ces faits. Coup-d’œil général sur les vents du bassin du Léman. Pour déterminer le régime des vents d’une contrée, il importe d ou exactement sa topographie et surtout la disposition de son relief. 118 MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. Le bassin du Léman représente un croissant dont la convexité est tournée au nord et les deux extrémités sont, l’une à l’orient, l’autre à l'occident sous le même parallèle’. Les contours du croissant sont très-accidentés et fort divers. La concavité est, dans sa moitié orien- tale, bordée par une chaine de montagnes élevées de 1500 à 2500 m. formant un rempart continu. Ce rempart n’est interrompu par au- eune vallée, quoique plusieurs pénètrent dans son intérieur et s’y terminent par des cols élevés. À partir du milieu du croissant cette chaine se contourne au S.-0. en s’abaissant; quelques vallées la traversent de part en part. A l'extrémité occidentale du bassin elle n'est plus élevée que de 6 à 700 m., ne forme plus de rideau continu et se trouve profondé- ment coupée par la gorge du Rhône qui met le bassin du Léman en communication avec les plaines de la France. Le côté convexe ou nord du croissant, à sa partie orientale, est bordé comme son vis-à-vis par un rempart continu de montagnes de la même élévation, qui court du S.-E. au N.-0. et intercepte les courants du N. Arrivée au tiers du bassin, la chaine l’abandonne pour se diriger au N.-E. jusqu’au lac de Thoune. Les deux autres tiers de la convexité se divisent en trois parties. La première pré- sente une série non interrompue de collines élevée de 200 à 350 m. au-dessus du lac (Jorat) et courant de l'E. à l'O. de manière à for- mer un nouveau , quoique léger abri, contre les courants du nord. Ces collines occupent à peu près le centre de la convexité du crois- sant. Entre elles et le Jura se place une seconde partie plus étroite que les deux autres où les rives s’abaissent et forment un vaste et large débouché à la vallée des lacs suisses qui court au pied du Jura, entre celui-ci et le Jorat. La troisième partie enfin est formée par le Jura, élevant un mur continu à l’O., et courant du S.-0. au N.-E. Cette disposition des bords du bassin modifie considérablement les courants atmosphériques qui se dirigent sur lui. Une seule issue se présente à l’orient, porte étroite dont les deux piliers rapprochés s'élèvent à plus de 3000 m. au-dessus de la vallée. Les vents du S.-E. et de l'E. s’engoufreraient par ce passage pour se précipiter sur le lac, si à peu de distance à l’orient une masse considérable de montagnes ne le fermait complétement?. Aussi arrive-t-il très-rare- ment que les vents généraux de l'E. et du S.-E. franchissent cette barrière; s'ils y parviennent ils durent peu et atteignent à grand peine le Jura, placé vis-à-vis de l’autre côté du bassin. Les courants 1 S'Maurice est situé sous la même latitude que Genève. Le bassin du Lé- man est fermé à l'E. par l’étranglement de St Maurice et à l'O. par celui du sort de l’Ecluse. ? M. J. Lamont, dans ses meteorologischen Untersuchungen (Abhandl. d. bayer. Acad., B. VIII, Abth. I), se trompe lorsqu'il trouve dans la vallée du Valais un long chenal conduisant les courants chauds du midi sur l’Alle- magne méridionale. Il oublie que cette vallée est fermée à ses deux extré- mités par d'énormes massifs qui interceptent complétement les courants inférieurs , les seuls chauds. MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. 119 constants venant du S.-E., observés dans la vallée d’Aigle et par- courant l'extrémité occidentale du lac, appartiennent tous à des vents locaux. Au midi les courants atmosphériques trouvent à l'extrémité oc- cidentale du bassin, une issue large et facile dont ils profitent pour s'étendre de là à l'E. et au N.-E. Les courants directs du midi ne s’observent qu'à une grande hauteur de l'atmosphère; car les Alpes de la Savoie ne leur livrent pas de passage. Tous les vents du S. et du S.-0. prennent sur le lac de Genève la dernière de ces directions; arrivés vers son extrémité orientale ils s’infléchissent de plus en plus à l'E. et dans la vallée d’Aiïgle ils courent même du N.-0. au S.-E. Le courant du S.-0. à sa plus grande force le long du Jura dont il suit la chaine jusqu'au Rhin; de là vient que, sous son empire, les précipités atmosphériques sont plus abondants dans cette direction. A l'ouest les vents rencontrent un premier obstacle dans la chaîne du Jura ; mais elle n’est ni assez élevée, ni assez escarpée du côté de la France pour les intercepter : ils la franchissent done aïsément mais brisés et singulièrement affaiblis. Les précipités qu'ils produisent dans l'atmosphère sont toujours abondants ; mais leur influence ne s'étend pas au-delà des premières chaines des Alpes, au pied des- quelles ils viennent expirer. Les vents du nord sont plus favorisés que les autres par la dispo- sition du sol; aussi sont-ils fréquents et souvent violents, sans at- teindre jamais cependant l’impétuosité de la Bora à Trieste ou du Mistral à Nimes. Venant du midi de l'Allemagne ils trouvent une large issue au travers de ce que l’on appelle la plaine suisse, com- prise entre les Alpes et le Jura. Suivant le cours de lAar, qu'ils remontent, ils arrivent jusqu'au Jorat insuflisant pour les arrêter dès qu'ils sont un peu vifs. La vallée de la Venoge leur ouvre d'ail- leurs un passage facile du bassm du lac d'Yverdon à celui du Léman. Marchant dès ce moment toujours dans la direction du N.-E., ils se précipitent sur Genève avec d'autant plus d’impétuosité qu’ils y sont plus resserrés entre le Jura et les Alpes. Les vents du nord sont ceux qui se prêtent le mieux à l’étude des modifications des courants sous l’influence des accidents du terrain. Lorsqu'ils sont légers, les collines du Jorat suflisent pour en préser- ver la portion du bassin qu’elles abritent; le courant prend alors d’autres directions ; il suit d’abord la vallée de la Venoge et le pied du Jura en se dirigeant sur Genève. Une autre portion s'écoule le long du pied des Alpes et vient descendre, à peine sensible, sur l’ex- trémité orientale du lac; un troisième courant plus faible, en débou- chant de la vallée de la Venoge se dirige à l'E. et se répand sur le lac. De là vient que suivant les heures de la journée le même eou- rant se perçoit à Lausanne, tantôt au N.-E., tantôt à l'O., et tantôt au S.E. Il arrive même, lorsque le vent du nord fraichit, qu'un re- mout assez fort survient sur une portion du bassin et souffle directe- ment du S. pendant quelques heures. L’observateur qui ignore ces 120 MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. variations ne manquera pas de noter à chaque fois un vent différent quoique le nord n'ait pas cessé de souffler. Lorsque le courant du nord est plus intense il n’est plus arrêté par le Jorat, il le franchit et se précipite dans le bassin du lac en formant des cascades dont la direction change suivant les localités , soufflant ici du N.-0., là du N., plus loin du N.-E. Il est même un point du lac où deux courants, l’un du N.-E., l’autre du N.-0. se rencontrent et entrent en lutte au grand détriment des embarcations qui ont à subir à la fois ces deux courants convergents. C'est aussi dans les mêmes circonstances que l’on voit le vent du N. descendre la vallée de la Venoge du N. au S.; un peu plus à lorient, se fléchir brusquement à l'E. puis au S.-E. en se heurtant contre les parois des Alpes; tandis qu’à l'occident il prend la direc- -tion S.-0. Voilà comment dans la vallée d’Aigle des vents opposés, comme le N. et le S., soufflent à peu de chose près dans la même direction ; tant il faut tenir compte, en pays de montagnes, de la direction des chaines et des vallées. Le tableau suivant, dressé pour l’année 1858, donne une idée du régime habituel des vents dans le bassin du Léman. J'ai mis à sa construction un soin particulier en consultant presque toujours le cours des nuées pour déterminer les vents. Il suffira de le comparer à celui qui résume pour la même année les observations faites à l'Ecole spéciale de Lausanne‘, pour se convaincre combien les résul- tats obtenus par les deux procédés sont différents et combien par conséquent les bases de l'observation des vents sont encore arbi- traires. MOIS. N. |IN.E.| E. |S.E.| S. |S.O0.| O. |N.0.|Calmes Janvier 9,67141,93| O0 4,83 0! 4,83| 6,43132,25| 2 jours Février 23,21| 5,37 » 8,93| 3,55126,79121,43|10,70| O Mars 143,80115,52| » 0! 3,45136,20113,80/17,24| 2 1/2 » Avril 12,07145,52| » 1,70! 7,00131,00| 7,00117,20 3 1/ » Mai 19,20! 4,84| » 1,60|14,52138,55| 8,00113,00| 2 » Juin 11,11/41,66| » 0| 5,50122,22113,90| 5,50/13 » Juillet 7,54| 1,90| » 3,77137,73132,07| 1,90/15,09 41 » Août 24,07/11,11 » 1,90114,81124,07120,37| 3,70| 4 » Septembre|37,90| 3,45| » 0| 5,17134,50110,34| 6,90! 117, » Octobre 33,721143,56| » 3,939! 1,70122,03| 5,08120,34| 3 » Novembre |37,50119,64| » 0|14,28125,00| 1,79] 1,79| 217, » Décembre | 8,20145,90| » 0| 1,64132,80| 1,64| 9,83| 0 Moyennes |19,83118,36| 0 2,17| 9,11127,50| 9,47|12,79 CRT à EE OR SE mere prete £ Voir à la fin de ce numéro. MÉTÉOROLOGIE DES VENTS. 124 OBSERVATIONS EXCEPTIONNELLES ,- suivant les mois. Janvier. Règne presque exclusif des vents du N, Le S.-E. appa- rait deux ou trois fois à une grande hauteur au midi, tandis que le N.-E. règne dans le bas. Les courants du S.-0. et de l'O. sont acci- dentels et ne se montrent qu'un moment. Février. Trois fois tandis que le N. souffle dans le bas le S. ou le S.-0. se montrent dans la hauteur. Retour plus fréquent des cou- rants du $. Mars. Un jour, le 13, trois courants se montrent simultanément à des hauteurs différentes. Le $S. et le S.-0. continuent contre l’ha- bitude de la saison. Avril et mai. Assez semblables. Deux fois on observe simultané- ment deux courants opposés. Ceux du $. alternent avec ceux du N.; mais les premiers dominent. Juin. Stabilité atmosphérique remarquable. 26 jours de calme. Vents presque tous locaux. Grandes chaleurs. 9 Juillet. Les vents du $. dominent presque sans interruption. Août. Courants du N. dans la première moitié, du S.-0. et de l'O. dans la seconde. Les vents d'O., fréquents en juillet, se montrent fort tard cette année. Septembre. Deux séries de sept jours chaque, d’abord de vent du N. puis de vent du S.-0. Octobre. De sept en sept jours l'alternance des vents continue ; mais à la fin le N. conserve la prééminence. Novembre. Nord violent, presque continu : courtes périodes in- tercalées de vents du $. et du S.-0. Décembre. Deux séries; la première de vent du N., durant quinze jours, avec brouillard à 100-300 m. de hauteur; soleil radieux au-dessus (habituel dans cette saison). — Deuxième série de onze jours de vent du S.-0. qui clos l’année. NOTES, 1° Les observations qui ont servi de base au tableau ont eu lieu deux fois par jour, dans la matinée, puis le soir. Je n’ai pas choisi pour cela une heure fixe afin de laisser à l'observation toutes les chances désirables de justesse. 2° Les journées et demi-journées parfaitement calmes ne sont pas comp- tées dans le chiffre des vents. 3° Les chiffres expriment le rapport pour 100 entre le nombre des obser- vations d’un même vent et Le total de celles du mois. &° Dans la construction du tableau j'ai adopté le cadre de l'Ecole spéciale de Lausanne, afin de le rendre comparatif. Dans notre localité, je crois, que ce modèle ne répond pas à l’état général des vents. Chez nous, en effet, il 122 DÉCROISSEMENT DE LA TEMPÉRATURE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. n’existe que deux courants généraux tour à tour dominants; l’un du N. l’au- tre du S.; mais l’un et l’autre ne soufflent pas souvent directement, surtout dans les basses régions de l'atmosphère. Le Nord, suivant son intensité, se montre d’abord au N.-0., puis au N. et enfin au N.-E. Ces trois directions n’en font proprement qu’une; aussi le peuple dit-il que le N.-O. tient la bise par la main. Les vents du S. sont presque toujours perçus du S.-0.; le Sud direct est exclusivement élevé; Le S.-0. est souvent précédé du S.-E. qui n’en est alors que le premier souffle. Les vents d’E. n’existent pas sur notre bassin; s’ils parviennent à franchir les Alpes, ils soufflent du S.-E., quelquefois même du N.-E. (le Fübhn par exemple). be Les vents d’O. ne sont pour l’ordinaire que des courants transitoires ou locaux ; ils passent vite au N.-0. — Cependant ils apparaissent certaines années, en été, comme vent dominant. Sur le lac ils inclinent au S.-O. 5° En modifiant letableau d’après les données précédentes nous arrivons auxmoyennes suivantes : Courants du nord ; (N.— N.-E. et N.-0.) 50,98 pour 100, ou la moitié des vents observés dans l’année. Courants du Sud : (S. et S.-0.) 36,61 pour 100, soit environ le tiers des vents notés ; mais si l’on ajoute une partie des courants de l’O. et du S.-E., la proportion irait bien jusqu’à 40 pour 100. Le reste des observations se partagerait entre les vents d’O. et du S.-E. vrais. Les époques de calme complet et prolongé ont lieu sous l'influence insen- sible des vents du N. Ces résultats diffèrent considérablement de ceux obtenus par M. le Dr La- mont, à l’observatoire de Münich. Dans cette localité ce sont les courants de l'E. et de l’O. qui sont les plus fréquents ; après eux viennent ceux du N.et en dernière ligne ceux du S. — Il est probable que les vents du N. y sont souvent représentés par ceux de l’E. et ceux du S. plus souvent encore par ceux de l’O. La disposition du relief terrestre doit expliquer ces différences. NOTE SUR LE DÉCROISSEMENT DE LA TEMPÉRATURE PENDANT L'ÉPOQUE TERTIAIRE PROUVÉ PAR LES FAUNES FOSSILES DE L'ITALIE. Par M' €.-T. Gaudin. (Séance du 3 novembre 1858.) Après avoir lu le mémoire sur quelques gisements de feuilles fossiles de la Toscane, M. l'avocat Giovanni Michelotti, de Turin, m'a envoyé une note destinée à confirmer par une série d'observa- tions différentes, la diminution graduelle de température que l'on observe dans le climat tertiaire et qui se révèle par le nombre tou- jours décroissant d'espèces végétales propres aux régions intertropi- cales et par l'apparition d'espèces qui pourraient supporter nos climats tempérés. « Une telle idée, dit M. Michelotti, trouve ici une autre preuve qui n’est pas moins importante. Dans nos bancs du miocène infé- COUP DE FOUDRE À VUFFLENS. 193 rieur, on rencontre des couches à polypiers fissipares auxquels sont dus les récifs à coraux propres à la zône intertropicale. Cette année, j'ai reconnu de nouveau à Sassello l'existence de ce groupe de récifs madréporiques, et je vous assure qu'ils ont produit sur moi la même impression qu'avait déjà produite l'étude que j’ai faite en 1855 des polypiers des Antilles. » Dans le miocène moyen les coraux sont encore nombreux, mais » 1° Ils ne forment pas de véritables bancs, ainsi que cela se voit dans le miocène inférieur. » 2° On ne trouve plus aucun des polypiers fissipares dont se composent essentiellement les banes de madrépores de la zùne inter- tropicale. » Si du miocène moyen, on passe chez nous au miocène supé- rieur, On trouve : » 1° Qu'il n'y à plus environ que le tiers des espèces observées dans le miocène moyen. » 2° Ce sont, sauf quelques rares exceptions, des polypiers isolés, c'est-à-dire de ceux qui se produisent par ovules et qui sont so- litaires. » Ce tableau change davantage dans la faune pliocène, car » 1° On n'y trouve pas la dixième partie des espèces que l’on rencontre dans le miocène supérieur. .» 2° On commence à y trouver quelques espèces qui sont encore vivantes. » É . NOTE SUR UN COUP DE FOUDRE A VUFFLENS-LE-CHATEAU. Par Ch. Dufour, profr à Morges. (Séance du 17 novembre 1858.) Pendant un violent orage, le 14 août 1858, vers 10 heures du soir, la foudre est tombée sur une cheminée au village de Vufflens- le-Château, district de Morges. Le feu s’est immédiatement déclaré dans la maison et quatre bâtiments ont été détruits par cet incendie. Ce coup de foudre est remarquable à deux points de vue. D'abord, le point frappé est à une distance extraordinairement faible du château de Vufilens, dont la tour élevée aurait dû , sem- ble-t-il, faire paratonnerre et prévenir l’accident. Voici les mesures que j'ai prises sur place, quelques jours plus tard , avec les élèves de la première classe de l'école moyenne de Morges. Le sommet de la grande tour est élevé au-dessus du point frappé de 45 mètres 50 centimètres. En projection horizontale, les mêmes points sont distants de 55"80 centimètres. Entre la grande tour et le point frappé, se trouve une petite tour dont l'élévation du som- 124 SATURNIA CYNTHIA. met au-dessus de ce point est de 24 mètres 30 centimètres, la distance des mêmes points en projection horizontale est de 29"70 cent. Toutefois, je ferai observer ici que la différence de hauteur des points que j'ai considérés n’est probablement pas très-exacte, parce que la cheminée frappée ayant été en partie démolie par la foudre et par l'incendie, il m'a été impossible de connaître exactement la hauteur qu'elle avait avant l'accident. J'ai dû m'en rapporter pour cela aux indications du propriétaire de la maison. Cependant, il restait un pan de mur qui allait presque jusqu'au sommet foudroyé, par conséquent l'erreur que j'ai pu faire n’est pas bien grande ; elle n’est dans tous les cas pas d'un mètre. Il n’en est pas moins établi que le 1% août 1853, la foudre a frappé à Vufllens un point dont la distance à une tour élevée, mesurée en projection horizontale, n'excède pas 1,23 fois la hauteur de cette tour. Le second point que je voulais signaler, c'est la fréquence des coups de foudre dans le voisinage du château de Vufflens. En effet, en moins d’un quart de siècle, le météore y est tombé quatre fois sur une surface qui n'excède pas demi-hectare. D'abord, il y a une vingtaine d'années, dans une vigne à une petite distance du château (on n’a pas pu m'indiquer exactement la place foudroyée.) Il y a une dizaine d'années, sur une maison située à quelques mètres de celle qui a été atteinte le 14 août. Cet accident n’a pas eu d'autre suite. Plus récemment encore la foudre est tombée sur le sommet . même de la grande tour du château et n’y à causé que des dégats insignifiants. Enfin l'accident du 14 août 1858, dont je viens de parler. , Le village de Vufflens-le-Château est situé sur une pente qui . descend insensiblement jusqu'au lac; mais au bord d’un précipice rapide et profond, au fond duquel coule le torrent de La Morges. NOTE SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES COMPRISES SOUS LE NOM DE SATURNIA CYNTHIA. Par M’ A. Chavannes. prof’. »°P (Séance du 1° décembre 1858.) Jusqu'en 1858, les entomologistes croyaient qu'il n'existait qu'une espèce sous le nom de Cynthia. Aujourd’hui on doit séparer spéci- fiquement de la Saturnia Cynthia qui vit au Bengale, la Sat. Ailanthi qui vit à la Chine; peut-être quand les premiers états seront mieux connus faudra-t-il encore séparer sous un autre nom la Sat. Cynthia de Port-natal, indiquée par Boisduval dans le voyage de Delegorgue. Les différences qui existent entre la Sat. Cynthia du Bengale et la Sat. Aïlanthi de la Chine sont assez nombreuses, nous allons les énumérer. SATURNIA CYNTHIA. 125 Oeufs. Ceux de la Sat. Cynthia sont entièrement blancs; ceux d’Ailanthi sont blanes aussi, mais parsemés des débris d’un pigment noir, déposé irrégulièrement sur la coque. Chenille. Avant la seconde mue les jeunes chenilles sont très-sem- blables. Elles sont d’un jaune sale avec de petits points noirs, la tête est également noire. Au troisième âge le Cynthia est d’un blanc de crême , l’Ailanthi est verdâtre avec le dos passant au blanchâtre. Au quatrième et au cinquième âge la Cynthia est blanc bleuâtre avec un liseré bleu, plus prononcé sur les pattes membraneuses et sur le bord du chaperon de l'anus, l'Aïlanthi au contraire a ces mêmes lignes d’un jaune serin, sa couleur générale est d'ailleurs verdâtre avec le dos blanchâtre. Les épines ou tubercules sont aussi plus longs, souvent jaunâtres à leur extrémité. La tête d’Aïlanthi est aussi jaunâtre. Les deux chenilles vivent indifféremment sur l’Ailanthe glanduleux (vernis du Japon) et sur le Ricin. Cocon. Ils ont la même forme, mais celui de l’Aïlanthi est attaché aux branches par un pédieule mieux formé que celui de la Cynthia ; ce dernier est fauve rougeâtre, tandis que celui de l’Aïlanthi est d'un gris rosâtre, presque blanc à l’intérieur du cocon. Papillon. L’Ailanthi est généralement plus grand que le Cynthia ; le fond du premier est plus couleur olive, celui du Cynthia plutôt gris-noirâtre. D’autres caractères particuliers séparent encore les deux espèces. 1° Dans le Cynthia, le collier et le front sont pres- qu'entièrement blanes, dans l’Aiïlanthi on remarque à peine quelques poils blancs sur ces parties. 2° La tache ocellée, à l'angle externe des ailes supérieures, est beaucoup plus noire dans l’Aïlanthi que dans le Cynthia. 3° La ligne blanche en V à la base des supérieures n’attemt pas par sa pointe la bande transversale rose des ailes supé- rieures ; dans le Cynthia elle est toujours atteinte. 4° Le trait obscur qui longe le bord externe un peu avant la frange est très-arrêté et étroit sur les quatre ailes de l'Ailanthi, il est beaucoup moins net dans le Cynthia. Telles sont les différences constantes des deux espèces distinctes , mais assez rapprochées pour pouvoir s’hybrider facilement, comme l'a constaté Guérin-Meneville. Sous le rapport industriel l'Ailanthi surpasse le Cynthia. Il est probable que la culture de la Sat. Aïlanthi se généralisera, dans un avenir peu éloigné. FSI 126 DESTRUCTION NOTE SUR LA DESTRUCTION DES CHENILLES QUI DÉVASTENT LES ARBRES FRUITIERS DES ENVIRONS DE LAUSANNE. Par M' 3. belaharpe, D'. (Séance du 1°’ décembre 1858.) Depuis quelques années les arbres fruitiers et particulièrement les pommiers des environs de Lausanne, sont dévastés par la chenille d’une phalène bien connue, la Larentia brumaria. Au mois de juin et de juillet ces arbres, dans certaines localités , sont tellement dé- pouillés de feuilles et de bourgeons , que les cultivateurs les disent brülés. Ils en accusent, comme c’est l'ordinaire, une maladie. Depuis que les pommes de terre et la vigne ont été visitées par certains champignons, le publie voit des maladies partout où la végétation est en souffrance et cette explication le satisfait plemement. Que les feuilles de la vigne se crispent en rougissant, au mois de jun, sous l'influence du parasite problématique, appelé Erineum vitis, les jour- naux de l'endroit ne manquent guères d'annoncer l'invasion de la maladie. Que les cerisiers perdent à la même époque leurs feuilles à la suite de quelque changement brusque de température ou d’un coup de vent du S.-E., c’est encore la maladie : qu'une forêt de me- lèze se dépouille de ses feuilles sous la dent meurtrière d’une larve; c'est toujours la maladie. On pourrait sans grand inconvénient accep- ter la commode explication, si l'erreur n’avait aucune conséquence pratique. Que l’on explique certains accidents naturels par une ma- ladie spéciale ou que l'on y découvre telle autre influence occulte et mystérieuse du brouillard ou de la rosée, peu importe. Comme il n’est pas possible de mettre jamais le public en état d'interpréter exactement les mille et un phénomènes qui passent sous ses yeux et qu'il préfère cent fois une explication quelconque à l’aveu de son ignorance, à quoi bon diseuter avec lui la valeur d'explications dont il ne peut pas plus apprécier la justesse que la fausseté. Il n’en est plus de même sitôt que les erreurs conduisent à l'emploi de moyens absurdes pour combattre le mal, ou, ce qui pis est, entrainent l’homme à rester spectateur inactif d'accidents qu'il pourrait prévoir et combattre avec succès , s’il était mieux renseigné sur leur prove- nance. Les ravages causés par la chenille de la phalène brumeuse sont précisément dans ce dernier cas. La plupart des agriculteurs, satis- faits d'y avoir découvert une maladie, passent outre en soupirant médiocrement sur l'absence de fruits dans l’année. D'autres, plus attentifs, examinent les rameaux dépouillés et y découvrent les che- nilles dévastatrices. Mais d’où vient cette vermine et comment la dé- truire ? L'un d’eux se mit un jour à asperger son verger au moyen d’une pompe à feu, avec un liquide corrosif: vains efforts ; les che- nilles, retirées sous leur treillis soyeux, méprisaient l’aspersion meur- DE CHENILLES NUISIBLES. 127 trière et continuaient leurs ravages l’année suivante. Un autre raela ses arbres jusqu’à l'aubier, l'automne suivant, dans la pensée que l’insecte se réfugiait sous les écailles de l'écorce durant l'hiver; nou- velle déception; on détruisit force araignées, eloportes, forficules plus utiles que nuisibles par la guerre qu'ils font aux autres insectes, et la phalène continua ses dévastations. Des renseignements plus exacts sur les mœurs de l’animal que l’on voulait détruire eussent évité ces mécomptes et démontré que sa destruction est chose très-facile, très-sûre et très-connue. Quel- ques mots sur ce sujet ne seront point déplacés quoiqu'ils se trouvent déià consignés dans maint recueil scientifique. La phalène brumeuse apparaît sous la forme d’insecte parfait, dans la dernière quinzaine de novembre et la première de décembre. On la voit surtout en abondance le soir, à la nuit, lorsque l'atmosphère est doux, humide et brumeux. Le mâle vole de part et d'autre en ce moment cherchant sa femelle. Celle-ci, privée d'ailes et semblable à une mouche, sort du gazon et grimpe avec agilité le long du tronc et des branches des arbres fruitiers où le mâle ne tarde pas à la ren contrer. Après la fécondation la femelle va déposer ses œufs, un à un , sur l'extrémité des rameaux , dans le voisinage des bourgeons ; ils yrestent jusqu’au mois de mai suivant où la chaleur les fait éclore. Aussitôt les petites chenilles se mettent à l’œuvre et dévorent tout autour d'elles, bourgeons, feuilles, fleurs et jeunes fruits. On les trouve toujours réfugiées sous un paquet de feuilles ou de fleurs ron- gées, plus ou moins desséchées et retenues ensemble par la soie que file l’animal. Leur couleur est le vert pâle, grisâtre et même bru- nâtre. Une bande brunâtre plus ou moins saillante occupe le dos; les flancs portent trois rayes blanchâtres ou jaunâtres; le ventre est vert-uni et les anneaux séparés par un trait jaunâtre. Ces chenilles ont cinq paires de pattes dont trois antérieures rapprochées de la tête, et deux postérieures situées près de l'anus. A la fin de juin et au commencement de juillet elles ont atteint tout leur développement et se laissent choir en terre où elles se trans- forment en chrysalide sous le gazon et y demeurent ensevelies jus- qu'en novembre. On compterait en vain sur les gels précoces pour la destruction des insectes prêts à éclore; l'animal sous toutes ses formes résiste parfaitement à un froid de plusieurs degrés. J'ai vu plus d’une fois le papillon plein de vie courir sur la neige fortement gelée. En no- vembre 1858 un froid intense congela le sol à quelques pouces de profondeur au moment où l'insecte devait éclore; néanmoins, peu de jours après, lorsque le dégel survint, les papillons fourmillaient dans nos vergers. Le moment favorable pour leur faire la chasse est celui de l’éclo- sicn. La femelle dépourvue d’ailes ne peut s'élever sur les arbres qu'à l’aide de ses pattes ; il suffit dès lors de s'opposer à son ascen- sion, en lui fermant le passage. Dans quelques contrées de l'Allemagne on se borne à placer au- 128 DESTRUCTION DE CHENILLES NUISIBLES. tour du tronc des arbres fruitiers une ceinture de coton cardé. La femelle arrivée sur le coton embarrasse ses jambes dans les filaments et ne peut passer outre. Le matin on la trouve arrêtée sur la cein- ture où il est aisé de la tuer. Mais s'il survient de la pluie le coton lavé et affaissé par elle, n’est plus capable d'arrêter l'animal. Pour rendre l'obstacle plus infranchissable on a proposé d’enduire la ceinture de coton (d’étoupe, de chanvre, de paille, etc.) avec un corps gluant, tel qu'un mélange semi liquide de poix de char, de goudron ou de thérebentine commune, mêlée de résine fondue. La composition de la matière glutineuse peut varier, l'important est qu’elle ne coule pas trop aisément et reste fixée sur la ceinture. La glu serait excellente, mais elle est chère et très-rarement de bonne qualité. | Ces compositions visqueuses ont malheureusement l'inconvénient de perdre une bonne partie de leur efficacité par la pluie, et comme il importe qu’elles la conservent pendant deux à trois semaines il faut, lorsqu'il a plu, visiter les arbres avec soin et les enduire, s’il y a lieu, de goudron frais. On peut aussi rendre la composition moins altérable par l’eau, en y ajoutant une petite quantité de suif, pendant sa préparation. Le procédé suivant me paraît mériter la préférence, sous tous les rapports. On se procure une quantité suffisante de cordons de paille semblables à ceux que l’on employe pour tresser les nattes ordi- naires. Avec ces cordons on décrit autour du tronc des pommiers et des cerisiers (les poiriers sont rarement attaqués, les pruniers moins encore) à la hauteur la plus commode, un premier cercle bien hori- zontal. Pardessus cette première ceinture on en place une seconde de telle façon qu’en débordant le niveau supérieur de la première, elle laisse entre elle et le tronc une sorte de canal cireulaire, profond de quelques lignes. Ge canal sera rempli de goudron résineux. On évite que la composition gluante s'écoule en bouchant les espaces vides en- tre l'écorce et le cordon avec de la mousse ou de la terre et en tendant la ceinture autant que possible. Un collet serré de ficelle sert à arré- ter les deux extrémités coupées du cordon de paille et une forte pointe de Paris, plantée dans l'écorce, à tenir l'appareil solidement en place. Le résultat de cette chasse est d'autant plus assuré que l'ennemi une fois détruit ne reparaitra que difficilement et longtemps après. La femelle du papillon, privée d’ailes, ne peut se transporter à quel- que distance du point qui l’a vu naître; anéantie sur un point, elle n'y reparaitra que lorsque d’autres femelles, arrivant de proche en proche, par les haïes ou d’un arbre à l’autre, auront réintroduit l’es- pèce dans le verger. DOSAGE DU LIMON DE L' ARNO. 129 Rectification. DOSAGE APPROXIMATIF DU LIMON DE L'ARNO. Par M° €.-T. Gaudin. (Séance du 15 décembre 1858.) On m'a reproché de n'avoir pas mis assez d’exactitude dans mon essai de dosage du limon de l’Arno (Bulletin n° 43, p. 48). Ce re- proche est fondé, car j'ai basé mon évaluation sur la vitesse superfi- cielle, ce qui entraine une exagération assez notable dans le résultat définitif. Je m'empresse donc de réparer cette erreur en ajoutant que je n’entends pas fournir ici une donnée rigoureusement scientifique, mais une évaluation très-approximative et que je serais charmé de voir controlée par les personnes mieux placées que moi pour ce genre de recherches. La section de Campiobbi est de 113 m. 93 e., soit 114 m. carrés. En admettant une vitesse superficielle de À m. on aura une vitesse moyenne de O m. 80 c. et un débit de 91 mètres cubes par seconde. A Florence, lors de la crue et avec une vitesse superficielle de 1 m., on peut admettre pour une section de 139 mètres carrés, ne s’ap- puyant pas sur le fond, une vitesse moyenne de O m. 9 e., ce qui donne un débit de 125 mètres cubes : en somme , au moment de la erue, 216 mètres cubes par seconde. L k. 85 c. de limon par mètre cube donne : ent. | RTRNER 399 k. 8. HO MSPOS 9 PUUTUT GENS ES 23988 k. en À heure . . . . . 14439280 k. en 24 heures . . . . . 34542790 k. soit 34000 tonneaux métriques au lieu de 40000. NOTE SUR LE GLACIER DILUVIEN DE LA VALLÉE DU RHÔNE. Par M° venetz , père, ingénieur. (Séance du 18 janvier 1859.) A la troisième extension des glaciers diluviens , celui du Rhône a presqu'atteint le bassin actuel du lac Léman. Les collines entre Chessel et Noville sont, à mon avis, des moraines de ce glacier. Mais MM. de Morlot et Troyon les attribuent à l’éboulement du Mont- Taurus. De prime abord cette supposition offre quelque probabilité à cause de la hauteur de la montagne qui domine cette contrée. On peut done supposer qu'au moment de la chute du Mont-Taurus l'embouchure du Rhône se soit trouvée dans cette contrée et qu'il 130 GLACIER DILUVIEN DE LA VALLÉE DU RHÔNE. soit tombé si rapidement dans le fleuve et dans le bord du lac, qu’une partie en ait rejailli avec des débris du mont, du sable et du gravier, à la distance où se trouvent ces collines. Mais les débris des roches éboulées s'arrêtent ordinairement au pied du mont duquel la roche s’est détachée. Ils y forment un demi- cône dont la base est entourée des blocs les plus volumineux de l’é- boulement. Cependant le cours actuel du Rhône et une petite plaine séparent ces collines du pied de la montagne. Il se trouve bien dans cette contrée un demi-cône de pierres ébou- lées au pied duquel se trouve le village des Evouettes ; mais il est à la sortie d'un vallon et traversé par le torrent de Tovet. La largeur entre le pied de cette accumulation et les collines entre Chessel et Noville est d'au moins 1300 mètres. Je n'ai pas eu occasion d'examiner cette question de plus près ; mais plusieurs de ces monticules me paraissent être des moraines évi- dentes. On m'objectera qu'ils ne renferment pas de pierres appartenant aux hautes montagnes du Valais. Mais il s’en trouve à Vouvry où l'église, située à 1000 m. de Chessel, est bâtie sur un demi-cène de pierres et de gravier renfermant d'énormes blocs de granit. Sur le canton de Vaud on peut suivre la trace du dépôt que le gla- cier a formé depuis le cimetière de Chessel jusqu'à Roche. Le vil- lage de Vervei est bâti sur une accumulation de débris de pierres et de gros blocs calcaires qui paraissent avoir fait partie d'une bande glaciaire interrompue par une crevasse dans laquelle ces matériaux sont tombés. La moraine latérale de ce glacier se retrouve sous Yvorne, et près d'Aigle, au midi de la maison Doret, elle supporte un gros bloc arrondi qui semble devoir tomber sur la grande route. Cette moraine remonte contre les rochers abruptes qui dominent la route des Ormonts à l'entrée de cette vallée. MODIFICATIONS APPORTÉES PAR M! FALCONER À LA FAUNE DU VAL D’ARNO. Par M° €.-r. Gaudin. (Séance du 18 janvier 1859.) J'ai reçu du D’ Falconer des détails intéressants sur ses nouvelles études paléontologiques. Ces études jetteront, nous l’espérons, quel- que jour sur les rapports des charbons feuilletés de Dürnten avec les gisements contemporains d'autres pays. Le savant paléontologue anglais, en explorant les cavernes du Glamorganshire , y a découvert les restes nombreux d’un Rhinoceros distinct du Rh. leptorhinus, du Norwich Crag, et du Rh. tichorhinus MODIFICATIONS À LA FAUNE DU VAL D'ARNO. 131 des dépôts glaciaires. Le Rhinoceros que M. Falconer nomme A4. hemitæchus, à cause de la demi-cloison nasale qui le caractérise, est associé à l’Elephas antiquus dans les cavernes du Glamorganshire ; il se rencontre à Gray's Thurrock et dans d'autres dépôts du nouveau pliocène de la Tamise. Il y est toujours associé avec l'Elephas anti- quus et l’Hippopotamus major, tandis que dans les couches plus anciennes de la côte du Norwich l'Elephas meridionalis et le Rh. leptorhinus se trouvent toujours ensemble. On trouve au musée de Pise le Rk. leptorhinus et le Rh. hemitæ- chus, toutes les molaires d'éléphant qui y sont conservées appar- tiennent à l'Æl. meridionalis, sauf une seule qui est douteuse et qui appartient peut-être à l'EZ. antiquus. L’éléphant des cavernes de Palerme est l'El. antiquus qui se trouve associé à l'Hippop. major et à l'Hippop. Pentlandi, espèce plus petite, qui ne s’est pas encore trouvée sur le continent italien. Tels sont les résultats des recherches de M. Faiconer. On pourra facilement juger de leur importance si l’on se souvient que l'étude que, M. Strozzi et moi, nous avons entreprise de la flore du val d'Arno, a montré que dans cette vallée on rencontre une flore exo- tique, associée entre autres au Rh. hemilæchus, à l'ET. antiquus, au Rh. leptorhinus, et à l'El. meridionalis. À Dürnten, au contraire, nous avons une flore actuelle, associée à l'E. antiquus et, disait-on, au Rh. leptorhinus. Il y avait là une énigme incompréhensible, mais dont M. Falconer nous fait entrevoir la solution. En effet, il attribue le Rh. hemitæchus et l'El. antiquus à un terrain plus récent, à celui du nouveau pliocène , et le Rk. leptorhinus et l'El. meridionalis à un terrain plus ancien, le pliocène proprement dit. Il paraît dès lors probable que les ossements du Val d’Arno, qui ont été recueillis à des époques fort différentes et sans que l’on tint compte des couches qui les fournissaient, appartiennent probablement à des terrains dif- férents. Le Rh. leptorhinus et l'El. meridionalis se trouvent dans le Pansino avec une flore exotique (Glyptostrobus europœus, Cinnamo- num, etc.), tandis que le Rh. hemitæchus proviendrait des sables jaunes supérieurs et probablement aussi cette molaire douteuse du musée de Pise. Il est vraisemblable que l’on trouvera une flore ac- tuelle, associée à ces ossements. Remarquons encore que le Rhino- ceros de Dürnten que l’on regardait comme étant le Rh. leptorhinus est mal conservé et que c’est peut-être au Rh. hemitæchus qu'il fau- drait le rattacher. C'est ainsi que l'accord se trouverait rétabli entre la flore et la faune des deux versants des Alpes. 132 COUPS DE FOUDRE SINGULIERS. NOTE SUR QUELQUES PARTICULARITÉS DANS LE CHOC DE LA FOUDRE. Par M' H.-F. Bessard, à Moudon. (Séance du 15 décembre 1858.) La plupart des coups de foudre qui depuis quelques années ont éclaté aux environs de Moudon présentent des particularités dignes d’être signalées. Voici quelques détails sur les plus remarquables. En 1850, la foudre frappa la cime d’un poirier, située à 10 mètres au-dessous du faite du bâtiment voisin , et n’en étant éloigné que de 8" en distance horizontale. Il semble que la maison aurait dû servir de paratonnerre. Ce coup de foudre paraît encore plus singulier si l'on examine la configuration du terrain environnant. En effet, ce bâtiment (la filature Maillardet) est situé au fond du petit vallon et sur la rive gauche de la Mérine; la rive droite de ce ruisseau est formée par un rocher assez escarpé de 25 à 30 mètres d’élévation; le plateau étroit et allongé qu’il supporte est occupé par la plus an- cienne rue de Moudon, nommée le Bourg. C’est vis-à-vis de la filature que se trouvent les principaux bâtiments, dont l’un porte une tour d'horloge surmontée d’une girouette, mais n’ayant point de paratonnerre ; le sommet de cette girouette est éloigné de l'arbre foudroyé en hauteur 6,4" rs 476 6 distance horizontale 99,9" ( 4 2,107 Un autre est le château de Carouge. C’est un grand bâtiment muni de deux paratonnerres. Les distances du plus rapproché au sommet de l'arbre foudroyé sont : hauteur 63,9" | h bee. d'71 2,25 L'un des coins de la terrasse du château est occupé par une tour dont la toiture très-eflilée est surmontée d’une tige de paratonnerre, éloignée 129 mètres du paratonnerre précédent et de l'arbre fou- droyé en hauteur 4975 ) h 1 en distance horizontale OUT SE ann 2,32 Les rapports des hauteurs aux distances horizontales indiqués ci-dessus montrent que le cercle de protection de ces paratannerres ne s'étend pas au-delà de l'espace qui aurait un rayon double de leur hauteur. Cependant, vu la configuration très-accidentée du terrain, et surtout la présence de la Mérine, gros ruisseau coulant presque au pied de l’arbre foudroyé, la conclusion ci-dessus, quelque précise qu’elle soit, ne peut être regardée comme s’appliquant à tous les paratonnerres. distance horizontale 143",55 Fi COUPS DE FOUDRE SINGULIERS. 133 Près de la filature Maillardet, au bord de la route d'Echallens, se trouvaient deux peupliers d'Italie éloignés de 6,9", hauts de 18". Le 6 septembre 1857, un petit orage accompagné de vent et de pluie se termina par un violent coup de tonnerre. Le nuage orageux était de peu d’étendue et son élévation au-dessus du sol n'était que d’en- viron 12” ; c’est pourquoi celui des deux peupliers qui reçut la dé- charge fut frappé aux deux tiers de sa hauteur, En cet endroit, sa tige fut fendue et la plus faible des parties brisée au-dessous du bouquet de branches de la cime (le lendemain, celle-ci fut jetée à terre par un coup de vent qui causa la rupture de l'autre moitié); l'écorce fut fortement lacérée de distance en distance suivant une ligne décrivant un demi-tour de spirale commençant au point frappé et se terminant dans la partie supérieure d'un tas de terre qui se trouvait au pied de l'arbre. On se demande pourquoi aucun des nombreux noyers du voisi- nage ne fut atteint; la cause en est sans doute dans la forme plus ou moins irrégulière du nuage orageux qui se trouva complétement dissipé après l'explosion. | Un laitier était justement arrêté entre les deux peupliers; son âne avait, selon son habitude, appuyé son museau contre le tronc de celui qui fut foudroyé : il se trouva ainsi sur le passage de l'étin- celle électrique et fut tué du coup. L'homme qui était à 3,6 de l'arbre, sentit une commotion dans les genoux, et quant au lait, près duquel un violent courant électrique avait passé, il ne donna à l’ébul- lition aucun signe d’acescence. Pendant l’été de 1858 , une maison voisine de Thierrens fut fou- droyée. L'étincelle électrique suivit d’abord la paroi de la cheminée, puis parcourut l'étage et ensuite le rez-de-chaussée, traversant en diagonale presque toutes les pièces, trouant les cloisons, détachant des boiseries, etc., toutefois, sans provoquer d'incendie. Lucens a été le théâtre de phénomènes électriques analogues à ceux que M° Dufour a signalés pour les environs du château de Vufflens. (Voir à la page 123.) : Le château de Lucens est bâti sur une éminence qui domine tout le village; toutes ses tours sont munies de girouettes, mais n’ont point de paratonnerre. Et cependant, on ne se rappelle que d’un seul coup de foudre qui frappa le sommet de la grande tour, il y a une trentaine d'années, tandis que des arbres et des maisons situés dans les environs ou au pied même du château sont foudroyés assez fréquemment. C’est ainsi qu’en juillet 4852, et pendant un violent orage, la maison Comte fut incendiée par un coup de foudre qui tomba sur un pommeau en fer placé à l'extrémité du faite la plus éloignée du château. Les distances de ce point au sommet de la grande tour sont : hauteur 84,6" | 4 1 distance horizontale 145,2" { d — 1,716, 134 CLIMAT DE L'ÉPOQUE MOLASSIQUE EN SUISSE. L'année suivante, à la même époque, la foudre détruisit le clocher de la chapelle, qui avait déjà été foudroyé quelques années aupara- vant; les distances de son sommet à celui de la grande tour du château sont : hauteur Ab LE 2 distance horizontale 99,3" ( 4 1,71658. Les particularités remarquées sur le passage du courant électrique sont celles que l'on observe ordinairement, c’est-à-dire qu'il suivit les parties métalliques, fendit des fils de fer, ete. Il résulte du premier et des derniers faits rapportés, qu’un édifice quelconque ne sert pas de paratonnerre aux objets environnants. Il n’y a pas lieu de s’en étonner , car il est évident que, fût-il même mouillé par la pluie, il n’est pas à comparer, sous le rapport de la conductibilité électrique, avec un paratonnerre bien établi. Il se présente encore une question dont la solution est d’une cer- taine importance. Quand on établira un paratonnerre sur le château de Lucens , protégera-il efficacement les maisons du village situées dans un cireuit d’un rayon double de sa hauteur? — Non, car d’après l'exemple du peuplier foudroyé aux deux tiers de sa hauteur, et vu les grandes longueurs, tant en hauteur qu’en distance horizontale, il se peut qu'un nuage orageux soit beaucoup moins élevé que le paratonnerre du château et passe au-dessus de ces maisons qui alors auront tout à craindre si elles ne sont pas munies de l’appareil pro- tecteur. EXTRAIT D'UNE LETTRE DE M. 0. HEER À M. C.-T. GAUDIN SUR LE CLIMAT DE L'ÉPOQUE MOLASSIQUE EN SUISSE. (Séance du 18 janvier 1859.) « Îl est un indice important et dont il faut tenir compte dans l’ap- préciation du climat de la Suisse à l’époque tertiaire ; c’est celui du rapport qui existe entre la floraison et la frondaison des arbres. Dans notre climat, le salix fragilis fleurit un mois avant que les platanes commencent à épanouir leurs feuilles; a Madère, au contraire, la floraison des saules (du salix canariensis, par exemple, qui a beau- coup de rapport avec le salix fragilis), cette floraison a lieu à la même époque que la frondaison des platanes. Il en était exactement ainsi en Suisse à l’époque tertiaire, car à la Schrotzbourg, à côté des chatons du salix varians fossile qui a beaucoup d’analogie avec les salix fragilis et canariensis ; nous trouvons aussi des feuilles de platane parvenues à leur entier développement. Nous y trouvons aussi les chatons de peuplier et les fleurs du camphrier (Cinnam. polym.), ce qui porterait le moment de la floraison à la fin de mars. FRUIT DE THUYA FOSSILE. 155 C'est à ce moment, en eflet, que le camphrier fleurit à Madère (à Florence fin d'avril et premiers jours de mai), que le platane se couvre de feuilles et que l’on trouve encore des saules et des peupliers en fleurs, bien que ces deux arbres commencent déjà à fleurir plus tôt. Sur les mêmes fragments de rochers et à côté des fleurs nous trou- vons les feuilles complétement développées du liquidambar, du charme, des ormeaux. Elles nous disent qu’à l'époque tertiaire les arbres se couvraient de feuilles plus tôt que cela n’a lieu mainte- nant, et que, comme cela a lieu à Madère, la saison de leur vie latente, celle où ils étaient dépouillés de feuilles ne durait point aussi long temps qu'aujourd'hui. — En résumé, la végétation , les animaux terrestres de toutes les classes, ceux qui habitaient les mers, tout concourt à donner au climat miocène de l’époque tertiaire un carac- tère sous-tropical et une température moyenne de 20-22° centigrades. Depuis le moment où se formaient les dépôts de charbons des bords de la Paudèse, jusqu'à celui des dépôts d'OEningen qui est supérieur à la molasse marine de notre Jorat, ce climat paraît n'avoir baissé que de deux à trois degrés, mais après le soulèvement des Alpes et à l’époque où se formaient les charbons feuilletés de Durnten et d'Utznach, où l’on trouve cependant encore des éléphants et des rhi- nocéros avec les végétaux actuels, le climat avait perdu de 8-10° de température moyenne. On voit que nous avancions vers l’époque des glaciers. » Ces considérations sont développées de main de maitre dans le résumé de la Flore tertiaire du savant professeur de Zurich. EXAMEN D'UN FRUIT DE THUYA FOSSILE DES TRAVERTINS DE MASSA MARITTIMA. Par M' €.-T. Gaudin. (Séance du 18 janvier 1859.) Je me suis livré récemment à des recherches plus suivies sur une plante fossile de Massa, indiquée dans le Bulletin de la Société vau- doise sous le nom de Callitris Saviana. En sciant dans plusieurs directions, le moule d’un fruit trouvé au milieu des rameaux , et en prenant l'empreinte au moyen de la gutta-percha, je suis parvenu ‘à m assurer que ce fruit appartient très-probablement au genre Thuya et que cette espèce en particulier est très-voisine du Thuya occiden- tahs. Le fruit du Thuya Saviana (Callitris Saviana olim.) présente une forme ovoide ; il est composé de trois verticilles, chacun de deux écailles opposées. Ses écailles les plus extérieures sont en forme d'amande, un peu bombées, rugueuses, mucronées; elles s'appliquent 136 VERS À SOIE D AFRIQUE. sur la ligne de contact des deux écailles du second verticille, Celles- ei ont la forme de deux nacelles, appliquées bord à bord et qui laissent passer entre elles les écailles grèles et allongées d'un troisième ver- ticille, qui n’est peut-être pas le plus intérieur. Cette configuration se retrouve dans les fruits du Thuya occiden- talis qui ont tantôt cinq, tantôt quatre, parfois seulement trois ver- ticilles de la même forme. Le fruit fossile est cependant plus grand du tiers. Le feuillage présente une différence assez frappante ; la feuille du milieu, dans chaque verticille du Th. occidentalis dépasse les feuilles latérales d’une quantité assez notable; elle est pointue et munie d’une glande. Dans le Thuya Saviana la feuille du milieu est au ni- veau des deux autres, elle est plutôt obtuse et ne porte pas de glande. M. Gaudin profite de cette occasion pour donner le résultat de ses recherches sur les autres plantes de ce même gisement. On sait qu'avec le Thuya Saviana les travertins renferment la Pavia Ungeri, m., très= voisine de la Pavia macrostachya. Ces deux plantes exo- tiques se trouvent mélangées à des espèces décidément européennes. D'après M. le D' Kotschy, de Vienne, et M. le prof" Gussone, de Naples, à l'obligeance desquels M. Gaudin a eu recours pour la dé- termination de ces espèces, ce sont les Quercus pyrenaica var. lobu- lata Lam. et le Quercus Thomasii Ten. Il y a aussi dans les tra- vertins de Massa deux autres espèces à cachet européen, ce sont le Hedera helix, L. et\’ Acer pseudoplatanus, L. var.paucidentata. Gaud. Les travertins de Jano qui paraissent être de la même époque et reposent sur les sables pliocènes, renferment les Quercus Cupa- niana Guss. et Q. æsculus Dal. mêlés à des espèces exotiques. NOTE SUR L'EXTENSION GÉOGRAPHIQUE DE LA SATURNEA VMEIMOSE ET LES USAGES DE SON COCON. Par M' A. Chavannes, prof'. (Séance du 18 janvier 1859.) Un fait assez frappant de la faune d'Afrique est la grande extension géographique de plusieurs espèces. Parmi les mammifères, le zèbre, la giraffe, l'hippopotame se retrouvent du Nord jusqu'au Sud, ce qui laisse supposer qu'il n’existe pas à l’intérieur de ce grand conti- nent de barrière infranchissable. Les insectes africains offrent aussi des exemples de cette grande extension; la famille des Saturnies en présente trois. La Saturnia Mythimnia, West., se retrouve à Port- Natal et au Sénégal; Saturmia arata, West., habite le pays des Achantis, Sierra Leone et Port-Natal; enfin la Saturnia Mimosæ est très-commune à Port-Natal. Les Amazoulous, d’après ce que VERS À SOIE D'AFRIQUE. 137 rapporte Delegorgue, se servent de son cocon comme d'une taba- tière. Cette Saturnie se retrouve sur la côte ouest de l'Afrique , elle paraît être très-abondante sur les bords du Nourse-River, par 18° de latitude sud. Les tribus nombreuses des Muæimbas utilisent les co- cons comme ornements et instruments de musique. Ils en font des ceintures, des colliers et des bracelets. M. Henri Doge de Vevey, qui a parcouru cette contrée presqu'entièrement inconnue aux Euro- péens, a rapporté un de ces colliers. Il est formé de trente trois cocons, juxtaposés verticalement en forme de chapelet; deux ficelles grossières en fibres d’aloës traversent l'une l'extrémité antérieure, l’autre l'extrémité inférieure des cocons et les maintient en place. Ces cocons ont été vidés des débris de la chrysalide, à leur place on y a introduit de petits grains de quartz et quelques grains dures de la grosseur d’un grain de moutarde. Les fils de l'extrémité du cocon, disposés en nasse, ont été refoulés à l’intérieur, de sorte que les grains ne peuvent s'échapper. Lorsqu'on agite le collier, tous ces grains produisent un bruissement assez fort qui accompagne les danses dont ces peuples sont si avides. Lorsqu'on réduit ces cocons en bourre de soie, on obtient un fil presque blanc, qui a beaucoup d'élasticité, d'éclat et qui est fort résistant. Cette soie égale en qua- lité les meilleures soies de Saturnies; nous avons signalé dans les bulletins de la Société d'acclimatation, l'introduction de cette espèce commune pouvant être précieuse. Ces cocons étant très-communs dans l'Afrique australe, il devient assez probable que c’est leur soie qui entre dans les étoffes de laine et soie, fabriquées dans les environs du lac Ngami, dont plusieurs voyageurs ont parlé. S'il en est réellement ainsi, ce ne serait pas seulement dans l’Indo-Chine où les peuples primitifs auraient décou- vert et utilisé la soie, mais encore sur deux autres points du globe, dans l’intérieur de l'Afrique et au Mexique. D’après M. de Humbolt, on fabriquait au Mexique, avant l’arrivée des Européens, des étoffes de soie. C'était la soie d’une Saturnie voisine de l'Ethra , peut-être la Saturnia d'Orbignyana. Cette industrie a été presqu'anéantie après la conquête, cependant elle existe encore dans quelques provinces, puisqu'en 1846 j'ai vu moi-même deux balles de cette soie à la douane de la Nouvelle Or- léans. Le fait de la découverte et de l'emploi de la soie sur trois points différents du globe est intéressant, et nous prouve que l'homme, à mesure qu'il se civilise, sait tirer parti des produits naturels, et n'a pas même besoin pour en arriver là d’une civilisation bien avancée. 158 TOMBEAUX DES ESQUIMAUX. NOTE SUR LES TOMBEAUX DES ESQUIMAUX DU LABRADOR. Par M' €.-T. Gaudin. (Séance du 2 février 1859.) M' J.-L. Micheli, de Genève, a bien voulu écrire, à ma prière, aux missionnaires du Labrador pour en obtenir quelques renseigne- ments sur les tombeaux anciens de cette contrée et des données qui pussent servir de point de comparaison avec les tombeaux anciens de notre pays. Peut-être pourrons-nous obtenir par ce moyen quel- ques objets de l'industrie des premiers habitants du Labrador et quelques crànes pour notre musée. Voici le résumé des réponses reçues. D'Hébron , station la plus septentrionale : Il se trouve un assez grand nombre d’antiques tombeaux sur la pente de presque tuutes les collines, loin de la mer. Ce sont d'énor- mes tas de pierres qui recouvrent les ossements. A côté du squelette on trouve volontiers des ustensiles en os, des fragments de kajaks, de traineaux. — Les Esquimaux payens ensevelissent encore au- jourd’hui de cette manière et accompagnent le corps du mort de la plupart de ses outils. De la station d'Okkuk : Les tombes antiques ne sont pas creusées. Le corps est déposé sur la terre, cousu dans des peaux de phoque, la tête tournée tantôt du côté de l’est, tantôt du côté de l’ouest et du sud, sans qu’on ait paru attacher aucune importance à cette orientation. Un carré de muraille sèche de 1 ‘/, pied de haut, de longueur et de largeur proportionnée au corps et couvert par d'épaisses dalles, forme la chambre sépul- crale. Souvent un tas de pierres roulantes, jetées par-dessus, com- plète le rempart dont on a voulu entourer le corps contre la dent des ours et des loups. Ces tombeaux antiques sont tous loin de la mer et parfois même assez élevés sur la pente des montagnes. Parmi les ustensiles ensevelis, 1l n’y a pas trace de métal quelconque. Ils sont d'os et de pierre. De Naïn, troisième station en partant du nord: Il n’y a point d’antiques tombeaux ici. Naïn est une place choisie par les missionnaires où les Esquimaux sont venus s’établir autour d'eux, mais ce n'était pas comme à Okkak et Hébron un lieu d’éta- blissement pour les générations précédentes. D'Hoffenthal, la plus méridionale des stations, on ne répond rien. Le missionnaire dit seulement : Quant à des empreintes de végé- taux dans la pierre ou toute autre espèce de fossiles, d'animaux ou de végétaux, je n’en ai jamais aperçu trace depuis douze ans que j'habite le Labrador. » Le court séjour du vaisseau dans ces parages n’a pas permis aux missionnaires d2 faire des réponses plus étendues cette année. GÉOLOGIE DE S' MAURICE. 139 GÉOLOGIE DE S' MAURICE, EN VALAIS. Par Ph. Delaharpe, D'. (Séance du 2 février 1859.) J'eus l'occasion dans l'été dernier de parcourir les environs de la petite ville de St. Maurice. On sait qu’elle est située dans la vallée du Rhône, au bord de ce fleuve, à la frontière des cantons du Valais et de Vaud, dans la coupure profonde qui sépare la Dent de Morcles de la Dent du Midi. A St. Maurice la vallée du Rhône est barrée par un massif de rochers qui part de Sous-Vent, près Bex, pour aller se perdre sous la Dent du Midi, vers le village de Vérossaz. Ce massif est coupé en deux portions inégales par le lit du Rhône : l’une à l’est est vaudoise, l’autre à l’ouest est valaisanne. L’une et l’autre sont formées de roches exclusivement calcaires. Le massif occidental sur lequel la Dent du Midi semble reposer est élevé de plus de 400 mètres au-dessus du lit du Rhône. Il se termine brusquement au S.-E. par une paroi perpendiculaire de rochers. Au pied est bâti St. Maurice. Au nord le massif s’abaisse rapidement et finit par se perdre sous le sol de la vallée près de Massonger, à une demi-lieue seulement de St. Maurice. Dans cette portion les couches présentent une demi-voûte brisée à son centre : elles s'élèvent brus- quement du sol près de Massonger, puis leur inclinaison diminue en s'avançant au S., et elles sont complétement horizontales lors- qu'elles ont atteint la paroi de rochers derrière St. Maurice. Vue des environs de la ville, la paroi de rochers se montre divisée en 5 ou 6 bancs superposés et épais d'environ une trentaine de mètres chacun. C’est dans l'espace qui sépare deux de ces bancs que se trouve un ermitage , placé comme un nid d’aigle au milieu du pré- cipice. L'élément minéralogique qui forme ces rochers est partout le même, c'est un calcaire compacte très-dur, sonore, gris à l'exté- rieur et noir à l’intérieur et dont la texture varie, tantôt cristallin, tantôt oolitique (à la base), tantôt à grain très-fin et à cassure con- choïde. Le tunnel du chemin de fer d'Italie traverse le banc inférieur composé presque uniquement de calcaire noir oolitique. Malgré la grande surface de roc à nu, malgré les carrières nom- breuses, malgré les travaux du tunnel, on n’a rencontré de fossiles ue sur un seul point, savoir: au-dessous du pont de St. Maurice, LES les rochers qui bordent la rive gauche du Rhône, et le seul fossile que j'y aie rencontré est la Caprotina Lonsdalù, d'Orb., caractéristique du terrain urgonien. En se fondant sur l'identité miné- ‘ralogique des divers bancs, il est permis de les rapporter tous au même terrain. Au-dessus de la paroi urgonienne le sol s'élève par gradins jus- qu'au village de Vérossaz, et change en même temps de nature. La $ 140 GÉOLOGIE DE S' MAURICE. roche devient un calcaire gris-brun à l'extérieur et bleu-foncé à l'intérieur, ordinairement marneux ou sableux, semé parfois de rognons durs et proéminents. Ce calcaire, divisé en couches en général minces, quelquefois feuilletées, contraste singulièrement avec les bancs épais sur lesquels il repose. Le fossile unique que j'y aie rencontré et en grande abondance, est le Toxaster complanatus, Agass., habituellement mal conservé, aplati ou déformé, toujours difficile à extraire. Cependant sa déter- mination ne peut laisser de doute et l’âge néocomien des couches qui le renferme peut être regardé comme assuré. M. Favre, de Genève, vient encore de me confirmer le fait : lui aussi a trouvé les mêmes fossiles il y a plusieurs années, et il les a déterminées de la même manière. Ajoutons encore que la roche qui les contient est exacte- ment celle qui partout dans les Alpes (sauf dans la chaîne du Stockhorn) représente le néocomien moyen et celle que M. Studer a si bien décrite à la page 66 du Il° vol. de sa Geologie der Schweiz. J'insiste sur ces détails à cause de l'importance des déductions que nous avons à en tirer. En effet, la paroi de rochers et les calcaires en gradins qui repo- sent sur elle, sont en couches parfaitement horizontales , et concor- dantes. La paroi est d'âge wrgonien, tandis que les gradins qui la recouvrent sont néocomiens : Nous avons ici un renversement, un sens-dessus-dessous complet. Je ne sache pas que pareille chose ait été observée jusqu'à présent. Les géologues suisses Studer, Escher, Desor, Grepin, Jaccard, ete. etc., sont sans doute accoutumés à des renversements de couches, le Jura et les Alpes en présentent d'assez fréquents exemples, mais dans les renversements observés jusqu'à présent les couches conservaient une inclinaison très-marquée qui permettaient de les ramener facilement par la pensée à leur position primitive et naturelle. Du côté vaudois, le massif qui s’étend de St. Maurice à Bex parait avoir la même composition ‘. En effet, au bord du Rhône, des deux 1 Le système renversé de couches que je viens de décrire ne paraît pas s'étendre jusques au pied immédiat des Alpes voisines et d’après les obser- vations récentes de mon père, il se terminerait avant la Tour de Duin. Celle- ci est, en effet, construite sur un calcaire très-dur et compacte, veiné de blanc et renfermant de nombreux rognons siliceux. Or ce calcaire dans cette portion des Alpes paraît appartenir aux terrains jurassiques. Il y a plus, ce calcaire est recouvert derrière la tour de Duin par un schiste noir, contre lequel vient s'appuyer un large banc de gypse formant la continuation de celui qui se montre au jour sous les rochers de Javernaz, au pied de la mon- tagne, non loin de l'embouchure du torrent de l’Avançon. Derrière cette tour le gypse ne vient nulle part au jour, mais l'aspect du terrain, les nombreuses dépressions et les entonnoirs que l’on observe disent suffisamment que le gypse est enfoui sous le sol. Cette masse gypseuse qui se dirige du côté du village de Lavey se perdrait en s’enfonçant de ce côté (Est) sous le pied des Alpes, comme le font, du reste, tous les gypses sur la rive gauche de la vallée du Rhône. Li | 1 GÉOLOGIE DE S' MAURICE. 141 côtés du fleuve on retrouve les mêmes couches. Les fortifications construites sur la rive vaudoise reposent toutes sur un roc calcaire compacte, noir, très-dur et sonore, à structure oolitique ou à grain fin, identique à celui que traverse le tunnel de St. Maurice. Je n’y ai pas rencontré de fossiles. Près du Rhône ses couches sont aussi horizontales que celles du massif valaisan ; à mesure qu'on s'éloigne du fleuve elles paraissent s’incliner au N. En suivant la route de St. Maurice à Bex, après avoir quitté les fortifications, l'observateur remarque à sa droite une longue et haute paroi de roc à pic, dont les couches semblent horizontales. Cette paroi est formée par un calcaire compacte, très-dur, à texture cris- talline , brunâtre à l'extérieur, à l'intérieur trés-foncé, gris-verdâtre ou violacé, semblable à la diorite. On y rencontre çà et là des restes d’un oursin arrondi, à test lisse, mais que l’on ne peut extraire de la roche à cause de sa dureté. Ces caractères sont encore ici ceux d’une des variétés du calcaire néocomien alpin. Une petite gorge remplie par des débris erratiques sépare ces rochers brunâtres du calcaire noir et empêche de constater le fait, du reste indubitable , de la superposition du calcaire néocomien sur l'urgonien. Arrivée à l'extrémité de la paroi de rochers, la route contourne pour se diriger en ligne directe sur Bex et au moment de quitter le massif qui nous occupe, elle passe au pied de la campagne de Sous- Vent, construite sur un mornticule isolé dont les couches fortement redressées reposent directement sur le calcaire urgonien. Le monticule de Sous-Vent est formé par un calcaire gris à l’exté- rieur, gris-clair et veiné de blanc à l'intérieur, plus friable que les précédents. Ces caractères sont ceux que présente la portion inférieure du calcaire néocomien alpin, celle qui renferme comme fossile ordinaire la Gryphea Couloni et que l’on observe, par exemple, au pied du and Meuveran et sur divers points de la chaine entre la Dent de orcles et les Diablerets. M. Lardy a recueilli à Sous-Vent quelques débris de fossiles agglomérés et indéterminables, mais qui rappellent par leur forme générale la Gryphea Couloni jeune. Ces données sont très-imparfaites, nous l’avouons et le regret- tons ; mais dans nos Alpes, et surtout à leur pied, le géologue est pour l'ordinaire obligé de se contenter de quelques fragments de fossiles écrasés ou déformés dans tous les sens. Les roches qu'il a devant les yeux ont subi également des modifications profondes ensuite de la pression énorme et du métamorphisme. Au milieu de tant de circonstances défavorables , il en est cepen- dant deux qui l’aident singulièrement à trouver l'issue dans les dif- ficultés sans cesse renaissantes qu'il rencontre. La première, c'est que nos Alpes sont divisées en un certain nombre de zônes paral- lèles, dirigées du S.-0. au N.-E. Or chacune de ces zônes présente une conformation presque identique sur toute son étendue. Il en LU J 142 OBSERVATIONS résulte que lorsqu'on peut étudier d’une manière satisfaisante les roches, les fossiles, et la stratification sur un point quelconque d'une zone on possède la clef qui sert à résoudre les difficultés qui se pré- senteront sur tout autre point. Une seconde circonstance est, qu’en général, les fossiles caracté- ristiques sont peu nombreux; une ou deux espèces pour chaque terrain. Aussi le moindre débris prend-il une importance très-grande. En résumé, nous avons constaté : 1° que les collines qui barrent la vallée du Rhône, de Vérossaz par St. Maurice jusqu'à Bex, sont formées à leur base de calcaire urgonien ; 2° que sur lui reposent les couches néocomiennes à spatangues , et 3° que par dessus le tout on rencontre à Sous-Vent un caleaire qui rappelle le néocomien infé- rieur alpin. Nous avons vu aussi qu'à St. Maurice le renversement était parfait (180°), et que près de Bex et près de Massonger le renversement était plus grand encore (200° à 215°). Je n’ajouterai aujourd'hui aucune réflexion au fait que je viens de signaler : il parle suflisamment par lui-même. Attendons que de nouvelles recherches viennent sanctionner ces observations , ou peut-être les infirmer. L'avenir nous l'apprendra. 0 0——— — NOTE SUR LES HAUTEURS BAROMÉTRIQUES, OBSERVÉES PENDANT TROIS ANNÉES , DE A855 À 14857, A L'ÉCOLE SPÉCIALE DE LAUSANNE. Par M' 3. Marguet. Hauteur de la station au-dessus du lac : 445". | Heures des observations : » » de la mer : 520%. | 8 h. du matin, midi, 2 h. et 4 h. du soir. Pendant ces trois années on a trouvé pour hauteur maximum, 732""31, le 8 décembre 1857 ; pour hauteur minimum 691,37, en mars 4855. Ce qui donne pour l’amptitude des oscillations baro- métriques 40""9%, c’est-à-dire un peu plus de # centimètres. La hauteur moyenne, déduite des trois années, est de 716,41. La moindre hauteur moyenne a eu lieu pour 1855 en février. » » » 1856 » janvier. » » » 1857 » janvier. C’est donc vers le milieu de l'hiver que le baromètre se tient le plus bas. La plus grande haut. moy. s’est montrée : pour 1855 au mois d'août. » » » 1856 » d’octob. » » » 1857 » décemb. C’est donc en été et en automne que le baromètre s'élève le plus. Les oscillations les plus prononcées ont eu lieu en 1855 en mars. » » » 1856 » décemb. » » , 1857 » janvier. le second semestre de 1858. s de la mer. MOYENNES JOURS de pluie MOYENNES EAU des maxima 2 tombée des at et ou minima. ÉVAPORATION (millimètres). (millimètr®). des minima, e neige. 62,75 | 265,80 A1 12,40 15,79 49,00 | 149,90 9 S] 12,80 15,81 32,25 99,00 9 C 8,30 10,47 17,75 | 153,70 15 N 0,00 2,05 16,00 | 124,25 12 EL 0,19 1,70 11,25 85,40 12 | le plus chaud cette année, a aussi donné la plus (el lu 12, qu’il est tombé le plus d’eau en 24 heures : sec, et après lui janvier. ê était indispensable pour rendre les hauteurs comparables. Dans la série décennale, faite de 1763 à 1772, à 521 mètres au- dessus de la mer, on trouve pour hauteur maximum 72863, pour hauteur minimum 682,39 et pour hauteur moyenne des dix ans 712,47 seulement. En 1783 M. le D' Verdeil notait 730,89 pour hauteur maximum etil signalait le fait comme exceptionnel. La hauteur minimum était pour cette même année 696,49. Et cependant son baromètre n’était élevé que de 489,21 au-dessus de la Méditerrannée, c’est-à-dire qu'il était de 31 mètres environ en contre bas du baromètre de Résumé des observations météorologiques faites à l'École spéciale, pendant le second semestre de 14858. Nouvelle station élevée de 140" au-dessus du lac et de 315" au-dessus de la mer. TE : / 1ermom. des des PREND tombée | de Pluie | 8 h. | 19 h. | 2 b. | pp, Jrensuelles. | PE | a | gp, mensuelles. | maxina. D'minima, À nee, É 2 | (uiltimète). | ne à Juillet 716,48) 716,28] 716,01) 715,751 746,15 | 14,51] 16,45! 17.04) 17,14 16,28 17,86 12,04 14,95 62,75 | 265,80 14 Août . . . . 1718,49,/718,511718,05| 717,59 | 748,11 | 15,42] 17,67! 18,59] 18,621 17,58 19,19 12,40 15,79 49,00 | 149,90 9 Septembre . [721,10] 720,91] 720,47] 720,281 720,69 | 15,09! 17,32] 18,17! 18,59] 17 ,24 18,82 12,80 15,81 92,25 99,00 9 Octobre. 718,29, 717,90! 717,75 717,611 747,88 | 10,501 11,79] 12,14) 14,82] 11,56 12,64 8,30 10,47 17,75 | 155,70 15 Novembre 715,901 715,811715,25| 715,27} 715,55 1,44|/ 3,43| 5,69! 5,06 9,91 4,07 0,00 2,05 16,00 | 124,25 12 Décembre 718,51, 718,411 718,04] 717,98! 718,24 1,59 2,56| 2,76] 4,99 2,17 5,21 0,19 1,70 11,25 85,40 12 | D Ra eee Re EL |. 1. 2er On a recueilli de l’eau dans le pluviomètre, , pendant 431 jours qui ont donné 1201,405 millimètres d’eau, soit ou de grêle 1=,20 de hauteur. Le mois de mai compte le plus de jours où l’on a de l’eau. Le mois de juillet est celui qui donne le plus d’eau; la quantité d’eau évaporée à été de 403,375 millimètres. sous forme de pluie, de neige OBSERVATIONS. 61,5 millimètres. du 11 au 12, Le mois de juin, qui a été le plus chaud cette année, forte évaporation. C’est en octobre, Juin a été le mois Le plus sec, et après lui janvier. a aussi donné la plus qu’il est tombé le plus d’eau en 24 heures: MÉTÉOROLOGIQUES. 143 L'hiver présente donc les plus grandes variations barométriques Les plus faibles oscillations ont été constatées pour 1855 en mai. » » » 1856 » juin. » » » 1857 » juillet. D'où il résulte que dans l'été 1l y a les plus faibles variations ba- rométriques. Ces résultats déduits d’un petit nombre d'années s'accordent très- bien avec ceux qui ont été mis en évidence par une série de 10 an- nées d'observations faites à Lausanne de 1763 à 1772, dans une station élevée seulement de 1 m. au-dessus de la nôtre. (Voyez le mémoire du D° Verdeil, tome [°" des mémoires de la Société des sciences physiques de Lausanne). L'hiver est la saison dans laquelle se manifestent les extrêmes des hauteurs barométriques , le plus souvent en janvier, quelquefois en décembre. A propos des hauteurs barométriques des dernières années, je dirai un mot de la hauteur barométrique du mois de janvier de cette année (1859). Au commencement du mois passé on a signalé dans les trois jour- naux de Lausanne la hauteur exceptionnelle du baromètre, le 9 jan- vier. Eh bien! c’est le 10, vers 8 heures du soir , et non le 9, que le maximum a eu lieu. Ce jour-là, j'ai suivi le baromètre d'heure en heure pour saisir le plus haut point et j'ai trouvé, à 8 heures du soir, une hauteur de 733"°37, nombre supérieur de 4 millimètre au maxi- mum des dernières années. | Il semble que nous traversons une période où l'élévation du baro- mètre va en croissant graduellement à en juger par les moyennes des années 1855, 1856, 1857 qui ont donné 715,51 ; 716,53; 717,20, et par les hauteurs maxima des 5 dernières années qui sont: En 1855, 729,84 le 8 janvier. 1856, 730,27 le 21 décembre. 1857, 732,31 le 8 décembre. 1858, 731,29 le À janvier. 1859, 733,20 le 10 janvier. Ces hauteurs correspondent aux heures d'observation, et pour les années 1858, 1859, à cause du changement de station , j'ai ramené les résultats à ce qu'ils auraient été à la hauteur de l’ancienne sta- tion, élevée de 520 mètres au-dessus de la mer. Cette correction était indispensable pour rendre les hauteurs comparables. Dans la série décennale, faite de 1763 à 1772, à 521 mètres au- dessus de la mer, on trouve pour hauteur maximum 728""63, pour hauteur minimum 682,39 et.pour hauteur moyenne des dix ans 712,47 seulement. En 1783 M. le D' Verdeil notait 730,89 pour hauteur maximum etil signalait le fait comme exceptionnel. La hauteur minimum était pour cette même année 696,49. Et cependant son baromètre n’était élevé que de 489,21 au-dessus de la Méditerrannée, c’est-à-dire qu'il était de 31 mêtres environ en contre bas du baromètre de A4 OBSERVATIONS l'Ecole spéciale, ancienne station. M. Verdeil affirme d’ailleurs que son baromêtre a été construit avec la plus scrupuleuse exactitude selon tous les principes donnés par M. de Luc, et il dit qu'il croit pouvoir répondre de la perfection de cet instrument. Les observa- tions avaient lieu à 8 heures du matin, 2 heures après-midi et à 9 heures du soir. Les observations de la série décennale se faisaient quatre fois par jour : deux fois dans la matinée et deux fois dans l'après-midi; M. Verdeil n'indique pas les heures. Fréquence relative des vents en 4858. (Le nombre total des vents étant représenté par 400). 36,95 Février 0 28,58 | 10,71| 19,05! 8,33] 21,43] 5,95] 5,95 Mars 3,22 | 11,83 0 15,05 | 13,98 | 36,56| 7,53| 11,83 Avril 7,78| 7,78| 14,11] 21,11 | 10,00 | 34,44] 8,89| 8,89 Mai 5,38 | 15,05| 1,08 | 19,35] 4,30| 45,16| 92,15| 7,53 Juin 5,75 | 19,54 0 18,39| 8,05| 29,88| 5,75| 12,64 Juillet 4,30] 10,75! 2,15] 13,98 | 9,68 | 36,56| 3,23| 19,35 Août 0 16,12 0 23,65| 1,08| 45,16| 1,08 | 12,90 Sept. 0 17,78 | 4,11] 20,00! 1,111 42,22] 5,56| 12,22 Janvier Octobre 2,151 34,41| 3,23| 6,45] 4,30] 33,33| 1,08 | 15,05 Nov. 2,22| 44,45|. 3,33| 14,11| 1,11] 20,00| 6,67 | 11,11 Déc. 10,75 | 23,66| 10,75 | 17,20! 2,15] 5,38| 7,53| 22,58 Moy. de l’année 3,64| 22,24| 3,15] 17,08] 5,70! 30,81| 5,16| 12,58 ( Rapport des vents d'Ouest aux vents d'Est. . . . . 1,13 En 1858 | Rapport des vents du Sud aux vents du Nord ... 14,41 MÉTÉOROLOGIQUES. 145 NOTE SUR LES VENTS OBSERVÉS PENDANT LES 3 ANNÉES 1856, 1857, 1858. Rapport de l'Ouest à l'Est. Rapport du Sud au Nord. mon 17. LL, 2 AUOT 7 L'OOJO8OEEI … . 1 1. TY'UTAES 0 Paoioine 0" Mr. : 10e Chaque année les vents de l'Ouest et du Sud sont plus nombreux que les vents d’Est et du Nord. En 1857, il y a eu presqu'autant de vents d'Ouest que de vents d'Est. Les vents régnants à Lausanne sont les vents du S.-0. et du N.-E., et le vent souffle toujours plus fréquemment du S.-0. que du N.-E. Le’vent qui souffle le plus rarement est le vent d'Est. En effet, sur 100 vents observés, on a noté : 80) NE. E. Après les deux vents principaux, pat viennent le S.-E., l'O. et le N.-0. nn 2,7 Les vents du N.-E. dominent dans 1857 31,3 21,6 3,2 les mois de décembre, janvier et fé- dar vrier, c'est-à-dire en hiver. En1856, M0, ,22,24, 342 le N.-E. a dominé en mars. Le vent du S.-0. domine généralement pendant le reste de l'an- née. Quelquefois , en novembre, il y a plus de N.-E. que de S.-0., c’est ce qui est arrivé en 1857 et 1858. Le véritable vent régulier est donc le S.-0. Il est bon de noter que ces résultats ne s'appliquent qu'aux ob- servations faites pendant la journée , de 8 h. à # h. du soir. En été, le vent du N.-E. commence souvent à la nuit et succède au S.-0. qui a soufflé pendant le jour. Si l'on tenait compte de la direction du vent à 8 h. du soir, peut-être trouverait-on que le vent du N.-E. souffle annuellement au moins autant de fois que le S.-0. Les résultats généraux qui précèdent s'accordent bien avec ceux e la série décennale d'observations faites à Lausanne de 1763 à 4772. NOTE SUR LES TEMPÉRATURES OBSERVÉES PENDANT LES ANNÉES 1855, 1856, 1857, 1858. La température moyenne annuelle a été en s’élevant depuis 1855; les températures moyennes des années 1856 et 1857 ne différent que de ‘/,5, de degré ; celle de 1858 est seulement de 5/,, au-dessus de l’année précédente. La moyenne des 4 années est { Année 1855 9,99 de 10 degrès ‘/,, environ. | 1856 10,67 Mo yenne génér. . De 1708 à 1722, pendant 10 | 1857 10,68 Du" ans, On a trouvé pour temp. moy. 1858 10,94) 9d.cent. 375, soit 9,4. Températures extrêmes. Moyennes mensuelles. EE - Difrér. PE 1855 126,6 Juillet|—15,7 Déc.| 42,3 120,56 Août |—1,28 Déc. 1856 |28,1 12 Août |—9,5 14Janv.| 37,6 121,66 Août | L1,87 Déc. 4852 [29,9 21Juillet| —9,7 7Févr.| 39,6 [22,61 Juillet —0,02 Janv. 4s5s 127,3 14 Juin |—10,5 29Jan.| 37,8 122,23 Juin |—1,70 Janv. maxima minima maxima minima moy. 27,975 —411,35 39,325 La plus grande chaleur se manifeste dans les deux mois situés au milieu de l’année, juin et juillet, quelquefois en août. L'année la plus chaude a été 1857, et le maximum de température, ainsi que la plus haute moyenne mensuelle , a eu lieu en juillet. En 1858, juin a été le mois le plus chaud. Dans cette même année, la moyenne de juillet a été de 6 degrés environ au-dessous de la moyenne de Ju, et les moyennes d'août et de septembre n’ont pas différé de plus de 3 dixièmes de degré. C’est une singularité de l’année 1858. Car, à l'ordinaire , les températures des mois de juin, juillet et août diffé rent peu les unes des autres, et la température de ce dernier mois diffère notablement de celle du mois de septembre. Les mois les plus froids sont décembre et janvier, plus souvent janvier que décembre. Le plus grand froid des quatre dernières an- nées a eu lieu en décembre 1855 , dans ce mois le thermomètre s’est abaissé de 15,7 au-dessous de zéro. La plus grande variation de température s’est montrée dans cette même année, et s’est élevée à 424,3. Dans la période décennale de 1763 à 1772, la plus grande chaleur moyenne a été de 30,875 la moindre chaleur moyenne . . . . —13,75 En juin 1764 le thermomètre est monté à 35 degrés centigradés. " at r , Bureau de la Société pour 1858-59. " (Poe LT A ET CAD Va ÉE: ReNeviEn, président. ESS ChTh. Gauvin, vice-président. | Je Deranarrr, père, secrétaire. Biscnorr, prof., ( Victor Cérésour , archiviste. x: . 404 L ; É Ca pare VS » Le BULLETIN n’est adressé qu'aux membres qui ont acquitté leur contribution annuelle. en Pour lés personnes étrangères à la Société, le Prix d'abonnement au Bulletin est fixé à 6 fr. par année, payables d'avance. On s’abonne chez F. Blanchard, impr.-libraire , à Lausanne. SC SE AS SEANCES SU: 0 de la Société vaudoise des sciences naturelles Po 1858-1859. NH oo 1958. Novembre . . . 3—17 || 4859. Avril . . . . 6—20 » Décembre. . , 1 —15 » Mai. . . . . 4—480 7, 1859. Janvier . . . 5—19 » . Suin . -. 115000 » Février. . . . 2—16 » » séance annuelle le 22 | » Mars . . , . 2—16 » Juillet. . . . 6 ; Les séances ont lieu à 7 heures du soir, à l'hôtel de ville , salle de la justice de paix. & Les auteurs sont responsables des opinions qu'ils émettent.- RS —— AVIS. | ee sanne. — Lettres A anchies. AUDOISE SAT? AT, 4104 273 ' bon £ HET TEA tt AY PC . ».2 U Je! S BULLETIN N° 45. , ni ke k II A 4 Ke7 [TR 1, r ‘in LA PRET 1 A , À | : 5 Sas s + Cat L + d ut FA A #e sou ] c ‘ ‘hs 2 : IERIRSM. 00 G 2 R RR ' ROVARE s = 4 + AS . t ‘ : à CHARD, TABLE DES MATIÈRES DU PRÉSENT NUMÉRO. PROCÉSVERRAUX de RAR NN SET ANTEUr, MÉMOIRES. Sur la forme et la provenance des chiffres servant à la numération décimale , par M. Piccard . . . . NP NE RTE Sur la formation du volcan de Jorullo, par M. mn de Saussure . . Sur le gisement des Unio , aux Brûlées, sur Lutry, par M. E. Re- HEVIEr Eee - Mie 2e AN TIE RES Résumé d'obsctr ons ébéoral etes faites More pendant les années 4850 à 4854, par M. C. Dufour . . . . . . … - Sur le jaugeage du Rhône à Genève, par MM. Perey et Traxler . Sur Se comme séjour d’hiver pour les valétudinaires, par M: C. Nicati, ET TR OCT E fs Esquisse se de la RS F Meten par MM. J. etP.De- laharpe- an. 2" EN 0 Sur les dégats te par Se RUES Fr la vallée du HoDes par Ma Vera ee ë : DE Sur le dessèchement des marais d l'Orbe par \. L. CHE 1-4 Conclusions les plus importantes d’un mémoire sur les maladies rè- gnantes du ver-à-soie, par M. A. Chavannes, D’. Lignites d'Algérie, par M. C.-T. Gaudin. : ph Sur les tortues d’eau douce dans la faune suisse SUN. par M. J. B. Schnetzler . Tome VI. Ne 45. SOCIÉTÉ VAUDOISE DES SCIENCES NATURELLES. TRE SÈ SES ——————— PROCÈS-VERBAUX. Séance du 16 mars 1859. — Messieurs J. Leuthold, médecin- vétérinaire à Cossonay, présenté par M. Morlot, et Alex. Chatela- nat, étudiant, présenté par M. G. de Rumine, sont reçus membres effectifs de la Société. M. Morlot place sous les yeux de l'assemblée deux cartes ; l’une est due à M. J. Zollikofer, membre de la Société ; l’autre, destinée à reproduire graphiquement la statistique de l'industrie suisse, est composée par lui-même sur la carte de la Suisse de M. Ziegler. M. Ph. Delaharpe annonce qu’en visitant la tranchée du chemin de fer d'Oron, au-dessus de Pully, il a recueilli dans les marnes de la molasse rouge, entamée sur ce point, quelques échantillons de Heliz Ramondi, fossile caractéristique de la molasse lacustre. Ces mêmes marnes renferment des lames de gypse fibreux. Ainsi rien n'autorise encore, à part la coloration rougeâtre des dépôts, à tra- cer une limite entre la molasse rouge et la molasse grise pour en faire deux étages distincts. M. C.-Th. Gaudin donne de nouveaux détails sur les essais de pêche lacustre qu'il a fait sur les rives du Léman, au-dessous de Lausanne. Ces essais n’ont jusqu'ici amené au jour aucun vestige d’art ou d'industrie antique. Les ossements recueillis dans le voisi- nage paraissent être tous modernes. Le même membre fait mention des restes de pommes séchées et des fruits de Prunus padus renfermés dans un pot de terre cuite de l'époque celtique, trouvés dans le lac d'Yverdon, à Cortaillod. 148 SÉANCE DU 16 mars 1859. M. L° Dufour, prof", manifeste des craintes au sujet des déductions plus ou moins hypothétiques auxquelles se livrent Messieurs les archéologues lorsqu'ils recueillent divers débris au fond de nos lacs. M. Gaudin, tout en approuvant les réserves de M. Dufour, ré- pond que l’archéologue ne procède pas autrement que ne le fait tous les jours le naturaliste dans ses déductions. M. Dufour distribue aux personnes présentes un compte-rendu, en français, de la session de la Société des naturalistes allemands qui eut lieu à Carlsruhe en 1858. M. C.-Th. Gaudin rapporte qu'une faucille antique en bronze doit avoir été trouvée près de Morat. M. Bessard s’enquerra du fait, afin qu'elle soit déposée au musée cantonal, si possible. Le secrétaire donne lecture du relevé statistique de la Société, qu'il adresse à la chancellerie fédérale. La Société s’occupe de la question de l'introduction dans son sein de memwbres correspondants. La discussion révèle chez les membres présents des divergences de vues nombreuses ; elle est dès lors ajournée indéfiniment. Ouvrages reçus depuis la séance précédente : 1. De la Société helvétique des sciences naturelles : a) Verhand- Lungen der Schw. nat. forsch. Gesels. im Bern, 1859. — b) Topo- graphische Karte der Schweiz, fol. 19-24. Titre. 2. De l’Académie royale de Prusse, à Berlin : Monatsbericht. Janvier-juin 1858. 3. De la Société géologique de France : Bulletin de, etc. 2° série, t. XVI, feuilles 1-6. k. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Procès verbal de la séance du 18 février 1859. 5. De la Société des sciences naturelles de la Wetteravie: Abhand- lungen. 11 août 1858. 6. De l’Académie royale de Bavière à Munich : a) Gelehrte An- zeige, vol. XLVI et XLVIL. —b) Beiträge zur Hygrometrie, v. Vogel. — c) Vorgänge in der Nervensubstanz, v. Harley. — d) Beiträge zur Geschichte des Sauerstoffs. v. Schoenbein. — e) Beaträge zur Urweltliche Fauna, v. Wagner. — f) J. Müller, Festrede, v. Bis- choff. 7. De M. le prof" J. Marcou, à Zurich: a) American Geology. Zu- rich 4858. — b) Le Neocomien dans le Jura, etc. Genève 1858. 8. De M. le prof Massolongo : Synopsis flore fossilis senogalh- censis. Vérone. 9. De l'Observatoire royal de Munich: Untersuchungen uber die SON séance pu 6 Avril 1859, 149 Richtung und Stärke des Erdmagnetismus, par M. le docteur J. Lamont. Munich 1858. 10. De la Société des sciences naturelles de Berne : Mittheilungen, n° 408-423. Berne 1858. 11. De M. L. Dufour, prof" à Lausanne : Compte-rendu de la 34° réunion des naturalistes allemands à Carlsruhe. Séance du 6 avril 1859. — Lecture est faite d’une lettre de M. Haïdinger, professeur à Vienne (Autriche), qui remercie la So- ciété de sa nomination de membre honoraire. M. Morlot entretient la Société des cailloux roulés fluviatiles et lacustres, les premiers de forme ellipsoide, les seconds globuleux. Ceux du lac Léman sont généralement arrondis ; au haut de la grève s'accumule souvent un lit de galets applatis, triés des arrondis par la vague. Les applatis sont toujours à la surface. Ceux du Nagel- fluhe de Lavaux sont globuleux comme ceux des diluvium ; ils sont aussi tantôt ovoides et tantôt arrondis. M. E. Renevier présente des échantillons d’Anodonta flabellata, Gidf. Il fait remarquer qu'il y en a de plus petits qui n’ont pas de plis sur la coquille. Ceux qui ont atteint leur complet développe- ment sont tantôt renflés, tantôt applatis et avec des plis plus ou moins marqués. Dans la localité où ces pétrifications ont été re- eueillies (Corsy sur Lutry) on rencontre une autre Anodonta, de forme presque triangulaire, avec de nombreux plis remontant jus- qu'au crochet. (Voir les mémoires.) M. Morlot donne un résumé des caractères qui, selon lui, distin- guent la molasse rouge de la molasse à lignite ou grise, superposée. M. Piccard annonce que le syndic de Corsier, près Vevey, de- mande à l'autorité compétente une concession de mine de houille pur exploiter une couche qui doit avoir, dit-il, environ 2 pieds ‘épaisseur!!! M. Morlot fait remarquer qu'en Europe on ne retrouve pas d'an- tiquitès se rapportant à un àge du cuivre, qui se placerait entre celui de la pierre et celui du bronze. Ce fait confirme que la civilisation de l’époque du bronze a été apportée, tout établie, de l'Asie. Dans l'Amérique septentrionale on trouve un âge du cuivre accompagnant une civilisation fort avancée, quoique complétement oubliée. Le cui- vre provenait de la région des grands lacs, où ce métal abonde. Cet âge précède, dans ce pays, l'âge du bronze mexicain qui forissait au temps des Cortès. 150 SÉANCE DU 20 avriz 1859. Ouvrages reçus depuis la dernière séance : 1. De la Société géologique de France : Bulletin, etc., 2° série, t. XIIL, feuilles 7 à 14. 2. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Bulletin de la séance du 48 mars 1859. 3. De la Société de la Hesse HUE pour les sciences natu- relles et médicales : Bericht…. . Giessen 1859. L. De la Société libre d’ SRE du Doubs : Mémoires de, etc., 3° série, 2° vol. 1857. 5. De la Société impériale des sciences naturelles de Cherbourg : Mémoires. 1. V, 1857. 6. De l'Institut impérial et royal de Venise : Atti d'ell..…… t. IV, 3° série, livraison 4°. 7. De M. J.-J. D'Omalius de Halloy : Des races humaines, ou éléments d'ethnologie. 4° édit. Paris 1859. 8. De M. le prof B. Studer, à Berne: Einleitung in das Stu- dium der Physik und Elemente der Mechanik. Berne 1859. 9. De M. leprof' Riess, à Berlin : Die Lehre von der Reibungs- Electricität. 2 vol. in-8°. Berlin 1853. Séance du 20 avril 1859. — M. Piccard fait une première lec- ture d’un mémoire sur les chiffres arabes, considérés sous le rapport de leurs formes et de leur provenance. (Voir les mémoires.) M. le D' Marcel présente des pièces de monnaie savoyardes et épiscopales trouvées à Montbet, près Chabray, dans un Erdbourg. M. Morlot lit un paragraphe de son mémoire sur les habitations lacustres des Celtes ; cette communication se rattache à celles qu'il a faites sur l'archéologie du nord de l’Europe. (Voir séance du 19 janvier 1859.) M. L. Dufour en prend occasion de demander comment on peut expliquer chez les habitants des villages lacustres, encore barbares, l'existence d'industries telles, par exemple, que celle d’enfoncer des pieux dans l'eau, ce qui indiquerait sur ce point une civilisation beaucoup plus avancée. M. Brélaz pose aussi cette question : « Le niveau du lac n'a-t-il pas changé depuis l’époque des villages lacustres ? » M. Morlot répond à M. Brélaz que ce niveau a peu changé, puis- que les fragments de poterie, tombés à l'eau, n'ont pas été roulés par la vague. be... 77 SÉANCE pu 20 avriz 1859. 151 M. C.-T. Gaudin rapporte que M. le prof O. Heer, à Zurich, ayant examiné les plantes fossiles reçues d'Islande (voir séance du 16 février 1859) y a retrouvé une flore analogue à celle de nos ter- rains tertiaires. Les couches fossilifères y sont recouvertes par les basaltes. M. Lesquereux écrit aussi à M. Heer que des plantes fossiles de la même époque et portant les mêmes caractères, ont été trouvées dans l'Orégon et dans l'ile de Vancouvert. M. Lesquereux a aussi découvert des plantes fossiles à Orléansville. M. L. Dufour rappelle à cette occasion que M. Decandolle, dans sa géographie botanique, affirme qu'il est à peu près impossible d'établir un rapport strict entre le facies de la végétation et la tem- pérature moyenne ; qu'il n'existe pas de lois qui règlent ces rapports. S'il en est ainsi pour notre époque, que pouvons-nous affirmer pour celles que nous n'avons pas pu observer ? Les incertitudes doivent être telles, sur ce point, qu'il soit impossible de s'arrêter à des chif- fres. M. Gaudin répond à M. Dufour que l'existence de palmiers, de campbriers, de dattiers, sous les latitudes actuellement tempérées et même froides, restera toujours un fait positif et suffira dès lors pour établir, sinon des chiffres, du moins la température sous la- quelle ces végétaux peuvent non seulement végéter, mais encore fleurir et fructifier, et par conséquent se perpétuer. M. Rivier pense qu'il ne faut pas non plus exagérer la portée des oscillations observées dans les rapports entre la végétation et la tem- pérature. Des recherches très bien faites ont démontré qu'il existe pour chaque végétal une quantité totale et fixe de chaleur, néces- saire à son complet développement; que dans le Nord la longueur des jours compense la diminution de la chaleur moyenne et qu'ainsi une légère augmentation générale de la température de l'enveloppe page peut suffire pour amener un très grand changement dans a flore. M. Ph. Delaharpe présente des concrétions provenant des marnes glaciaires des environs de Bussigny. Ces petites masses forment des nodosités plus ou moins arrondies, fusiformes ou semblables à des tubercules. Leur centre présente toujours un petit tube, tantôt rem- pli de carbonate de chaux cristalisé, tantôt vide. De ce noyau tubu- laire on voit parfois rayonner des ramifications de même genre. On pourrait en conclure que ces concrétions se sont formées autour de certaines racines pivotantes. M. Rivier fait observer que les concrétions formées autour des roseaux roulés, les priapolites, sont dus à l’agglomération des limons marneux autour d'un centre organique qui à disparu et que les con- crétions de Bussigny pourraient avoir une origine semblable. 152 SÉANCE DU 4 MAI 4859. M. E. Renevier rappelle les observations de M. Morlot sur la fré- quence des agglomérations limoneuses autour de tous les corps or- ganiques pétrifiés, dans les terrains anciens comme dans les moder- nes. Ouvrages reçus depuis la dernière séance : 1. De la Société des Ingénieurs civils de Paris : a) Mémoires et Comptes-rendus, 3° et 4° trimestres, 1858. — b) Bulletin de la séance du 1° avril 1859. 2. De M. le D' Smith, à Londres : Recherches sur les phénome- nes de la respiration. (Extr. du British medical journal.) 3. De M. L.-R. de Fellenberg, à Berne : Note sur un aréomètre pour les densités peu élevées au-dessus de celle de l'eau. Analyse de l'eau de Schnittweyer, près Stäffisbourg. ( Extr. des Verhandlun- gen de la Société des sciences naturelles de Berne.) &. De M. E. Renevier : Observations zoologico-anatomiques sur un nouveau genre de crustacées isopodes (Gygesbranchialis), par E. Cornalia et P. Panceri. Turin 1858. Séance du 4 mai 1859. — M. Piccard continue l'exposition de ses recherches sur l’origine historique des chiffres arabes; il exa- mine la numération des nations orientales, l'histoire du développe- ment de notre système numérique, et présente un tableau synopti- que de la formation idéale de nos 10 types générateurs. (V. les mém.) M. Morlot saisit cette occasion pour donner quelques renseigne- ments sur les modifications qu'a subie l'écriture romaine à l'époque burgonde. L'assemblée s'occupe de la réunion annuelle de 1859. Après dis- eussion, on décide de fixer cette réunion au 4° mercredi (22) de juin, au lieu du 3"°, et l’on choisit la ville de Nyon dans ce but. M. Morlot lit une portion d’un mémoire de M. le prof” Steenstrup sur la théorie alternante de la génération. M. Piccard, rappelant la question posée par M. L. Dufour dans la séance précédente, sur les procédés employés par les habitants des villages lacustres pour enfoncer les pieux sur lesquels reposaient leurs constructions, expose comment, privés de nos engins modernes, nos ancêtres ont pu cependant, sans trop de peine, les fixer solide- ment dans le sol de nos lacs. Ouvrages reçus depuis la séance précédente : 4. De l’Institut impérial et royal de Venise: Aft d'ell... 1. IV, 3° série, n° D, 1858-1859, sÉANCE DU 18 mar 1859. A à 2. De la Société d'agriculture, des sciences et arts de la Sarthe : Bulletin de la, etc., t. XIV, 1° trimestre 1859. 3. De la Société für die Erdkunde, à Darmstadt: Notizblatt, n° 21-26, janvier-mars 1859. — Collection du journal de 1850 à 1858. é Séance du 18 mai 1859. — M. Edouard Süllig, étudiant, pré- senté par M. L. Dufour, est admis au nombre des membres effectifs. M. C.-T. Guudin communique les résultats de l'éducation de l'Helix Mazzulii de Palerme, faite à Lausanne. Ses efforts n'ont pas été couronnés de succès ; les pluies froides du printemps lui sont nuisibles ; quoi qu'on lui offre, il refuse de manger, même sa nourriture ordinaire. Lorsque le soleil donne sur lui il se cache et s'enferme. Notre elimai lui est trop contraire et il faut se résigner à étudier ses mœurs dans son pays natal. Le même membre expose quelques fossiles d'OEningen que lui a adressé M. le prof” Heer. On remarque parmi eux les fruits d’une légumineuse voisine des Tamarins, dont on possède maintenant les feuilles, les gousses et même les semences en état de germination. Les fruits fossiles du Cinnamonuwm attirent aussi l'attention de l’as- semblée. M. Heer présente un daguerréotype de la plage d'Ouchy sur la- quelle apparaissaient naguères les couches inclinées de la molasse grise, prise sur son axe anticlinal. Ces couches vont maintenant dis- paraître sous des terrassements. M. Chausson rapporte avoir observé, par un jour de calme parfait, l’eau d’un fossé aboutissant au lac, près de Noville, s'élever et s’a- baisser successivement, de 10 en 10 minutes environ, sans qu'il pût se rendre raison de ce va et vient périodique. Ce mouvement n'était point accompagné d'une ondulation de l'eau. M. le D' Mayor dit avoir observé semblable phénomène dans le canal qui joint en été la lagune des Pierrettes au lac, près Lau- sanne. . M. le D'J. Delaharpe a observé semblables oscillations sur la rive du lac, lors même qu'il existait de petites vagues. M. Gaudin a vu la même chose sur l'Océan, dans l'ile de Wight, _ où ce phénomène, bien connu des marins, prend des dimensions colossales ; mais, ajoute M. Dufour, dans ce cas il existe un ras de marée, généralement attribué à des soulèvements sous-marins. Sem- blable cause ne saurait expliquer les oscillations du bassin du Lé- man. Peut-être se lient-elles aux courants ou lardières, habituels sur notre lac et dont l'intensité n’est pas uniforme, 154 SÉANCE DU À°° Juin 1859. M. L. Dufour entretient l'assemblée des découvertes récentes de Widmann sur les rapports directs qui existent entre l'intensité ma- gnétique et la force de torsion appliquée à un barreau aimanté, puis entre l'élévation de la température et la force de torsion, comparées à l'intensité magnétique. Depuis la dernière séance la Société a reçu : À. De la Société centrale pour l’agriculture, à Lyon : Bulletin de, etc., 2° année, 1858. 2. De M. R. Wolff, prof’, à Zurich : a) Taschenbuch f. Mathema- tik uw. Physik. Berne 1852. — b) Taschenbuch f. Geodesie u. Astro- nomie. Berne 1856. — c) Mittheilungen über Sternschupen u. Feuer- kugeln. Zurich 1856. — d) Mittheilungen über die Sonnenflecke (Extrait des mémoires de la Société des sciences naturelles de Zu rich) 1856. — e) Catalogue de la bibliothèque du polytechnicum de Zurich, et Programme des cours en 1856 et 1857. 3. De l’Institut impérial et royal de géologie à Vienne: Jahrbuch, janvier-juin 1858, n°° À et 2. &. De la Société impériale d'agriculture, d'histoire naturelle et des arts de Lyon : a) Mémoires de l'Académie des sciences de Lyon, vol. II-VIIT, 1853-1858; sciences et lettres. — b ) Mémoires de la Société Linnéenne de Lyon, 1. I-IV. — c) Mémoires de la Société d'agriculture de Lyon, 4" série, t. [, VIE, VITE, IX, X et XL; t. I, 4° et5° livraisons ; t. IE, 5° et 6° livraisons ; t. IV, 6° livraison; t. V, 1° livraison; t. VI, 3°, 4° et 5° livraison; 2° série, t. Il et VIIT; 3° série, t. L. Séance du À° juin 4859. — M. Aug. Rochat, étudiant en méde- cine, présenté par M. Chausson, est reçu membre effectif de la So- clété. Lecture est faite d’une lettre de la Société allemande de géologie, à Berlin, remerciant pour la réception du Bulletin et annonçant l'envoi de ses publications. M. L. Dufour, prof’, entretient la Société d'une nouvelle méthode, annoncée dans les journaux, pour extraire un petit corps engagé sous les paupières. M. Morlot lit l'introduction qu'il se propose de placer en tête de son mémoire sur l'archéologie du Nord (voir la séance du 5 janvier 1859 et les suivantes). Sur sa demande, la Société l’autorise à la faire paraitre partout ailleurs, selon ses désirs. M. L. Dufour annonce que l’on a trouvé en Hongrie un aérolite renfermant des matières organiques (hydrogène carburé), fait fort extraordinaire. SÉANCE DU 22 juin 1859, 155 M. J. Delaharpe remarque que la présence de matières organi- ques au sein des substances minérales n'est pas si extraordinaire qu’elle parait, témoin l'existence de la barégine dans les eaux ther- males. M. Morlot rappelle aussi que l’on a constaté la présence de ces matières dans des cristaux de feldspath, dans des géodes, dans les matières volcaniques; quant aux matières des aérolites, il faut sur- tout remarquer que l’on y a retrouvé les 18 corps simples qui se trou- vent répandus sur tout le globe. M. Béranger, fils, place sous les yeux de l'assemblée deux bo- caux renfermant des crustacées, des poissons et des sauriens qu’il a recueillis sur les bords de la Méditerranée. M. Yersin annonce que malheureusement les sauterelles migran- tes sont nées en grand nombre sur les bords du Rhône, près de Chessel et de Noville. M. Morlot invite les membres de la Société à recueillir tous les renseignements qu'ils pourraient se procurer au sujet de l'Emys eu- ropea vivante encore çà et là dans notre pays, afin qu'il soit décidé si elle appartient réellement à cette espèce. Depuis la dernière séance la Société a reçu : 1. De la Société géologique de France : Bulletins de, etc., 2° sé- rie, t. XV, feuilles 43-51 ; &, XVI, feuilles 15-23. 2. De l'Association florimontane d'Annecy : Bulletin de, etc., avril-décembre 1858, n° 2. 3. De l'Institut impérial et royal de Venise : Atti d’ell..... t. IV, 3° série, n° 6, 1858-1859. 4. De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la séance du 6 mai 1859. D. De la Société Linnéenne de Normandie : Bulletin de, etc., 3° vol., année 1857-1858, Séance annuelle du 22 juin (à Nyon) 1859. — Le secrétaire dé- pose la note suivante, en l'absence du caissier : Etat des finances de la Société vaudoise des sciences naturelles au 21 juin 1859. Au mois de juin 1859 il restait en DANSE PE 2 OURS CINE ER Re EEE RENT Il a été perçu en contributions . . » 639 — , pour bulletins, ete. , » 83 95 Total Fr, 817 85 156 SÉANCE DU 22 Juin 1859. Report Fr. 817 85 [l a été payé pour impressions . . Fr. 500 — » frais de séances . » 16 — » ports de lettres et paquets . . » 29 30 » un volume mémoi- res helvét, .. » 12 — , annonces et me- NUS ITAIS Not 7 10 » note de M. Rivier et de l’archi- viste, p' ports et divers "5 97 — Total Fr. 661 40 Reste en caisse Fr. 150 45 Fr. 399 45 Il faut ajouter à ces Fr. 156 45} Contrib. non acquit. » 243 —| Mais il reste à payer à l'imprimeur et » 280 30 p' qq autres frais Reste donc un boni de Fr. 419 45 ou excédant de recettes. La Société approuve les comptes présentés et décide, sur la pro position du Bureau, de conserver à 6 fr. le chiffre de la cotisation annuelle pour 1859-1860. Passant au ballottement des personnes présentées pour devenir membres effectifs, la Société admet en cette qualité : MM. Rosin, à la Prairie, près Nyon, présenté par M. Gonin-Burnand. Bonnard, Francois, à Nyon, » id. Rissler, E., à Calève, près Nyon, » Roux, pharm. Gonet, procureur, à Nyon, » id. Dumur, A., D' m. à Lausanne, » Morlot. Buvelot, Vict., institut", à Vevey, » Schnetzler. Galanda, J., c. arp., à Lausanne, » L. Gonin. Péter, Em., pharm., à Aubonne, » Marcel, D’. Panchaud, E., D'-m., à Lausanne, » Delaharpe fils. Payod, Venance, à Chamounix, » Gaudin. M. H. de Saussure, de Genève, place sous les yeux de l’assem- blée un panorama de la vallée de Jorullo (Mexique) et du volean du même nom. Ce savant, qui a étudié ce volcan avec le plus grand soin, déduit des faits qu'il a observé une théorie de sa formation très différente de celle donnée par M. Humbold. (Voir les mémoires.) La théorie de M. de Saussure ne s'applique du reste pas au Jorullo seul, car on rencontre dans le Mexique d’autres cônes basaltiques, plus anciens, qui ont été évidemment formés de la même manière, SÉANCE DU 22 juin 1859. 157 M. Yersin, de Morges, entretient la Société des migrations du Pachytylus migratorius, ou sauterelle du désert, observées dans le canton du Valais et dans le nôtre, ces dernières années. Il en con- clut que nous avons peu à redouter les ravages de ces insectes. (Voir les mémoires.) M. J. Delaharpe faït part à la Société d’un singulier renversement des couches de l’éocène, du crétacé et du jurassique observé par son fils et par lui dans la chaine alpine du Meuvran, frontière des can- tons de Vaud et du Valais. Ces géologues expliquent l'interversion des couches par un énorme plissement latéral de la croûte terrestre, dù à l'émission des masses cristallines centrales, agissanten manière de coin. (Voir les mémoires.) M. C. Dufour, professeur à Morges, résume 5 années d'obser- vations météorologiques faites à Morges par Messieurs Burnier et Yersin, et par lui-même: il compare les chiffres obtenus avec ceux fournis par les observatoires voisins. (Voir les mémoires.) M. le prof" Chavannes, D'-médecin, montre à l'assemblée de très beaux exemplaires des Saturnia Ailanthi et Cynthia nés récemment, sous ses soins, à Lausanne, et dont les cocons peuvent fournir de la soie, L'éducation de ces insectes a d'autant plus d'importance que la maladie du ver-à-soie ordinaire ne paraît point devoir cesser de sitôt. Dans un travail sur cette maladie M. le D Chavannes indique le traitement rationnel à lui opposer d’après la nature du mal, qu'il estime avoir déterminée. (Voir les mémoires.) M. le prof” Claparède, de Genève, expose en quelques mots les opinions diverses qui se sont fait jour au sujet de la valeur morpho- logique et physiologique à assigner aux éléments des yeux com- posés chez les Arthropodes. Johannes Müller considérait les cônes cristallins, situés en arrière des facettes de la cornée, comme des organes dioptriques et donnait le nom de rétine à tout ce qui se trouve placé entre ces organes et le ganglion optique. M. Leydig, au con- traire, n'admet pas d'autre organe d'optique que la cornée et consi- dère les cônes cristallins comme étant de nature nerveuse. Du reste, cet observateur se range à la théorie ingénieuse et bien connue par laquelle J. Müller a cherché à rendre compte de la vision chez les Arthropodes. Il pense que chaque facette n'admet que le rayon lumineux axial et absorbe ou renvoie tous les rayons latéraux. L'œil composé serait alors, dans le fait, un œil unique donnant lieu à des images en mosaïque, non renversées. M. Leydig pense pouvoir comparer la partie nerveuse de chaque division de l’œil composé à à un bâtonnet de la rétine chez les vertébrés. M. Claparède estime pouvoir élever quelques doutes au point de vue morphologiques sur l'exactitude des homologies que M. Leydig a tenté d'établir. Les conules et les bâtonnets de la rétine, c'est-à- dire les plus petits éléments sensibles à la lumière dans l'œil des 158 SÉANCE DU 22 Juin 1859. vertébrés, sont des éléments morphologiques très simples. Les par- ties nerveuses de chaque division de l'œil composé sont-elles aussi simples ? Cette question doit se résoudre par la négative. Par l’étude de l'évolution de l'œil chez certains insectes, en particulier les nym- phes de coléoptères et les chrysalides de lépidoptères, M. Clapa- rède montre que les cônes eristallins et les parties nerveuses propre- ment dites de chaque division de l'œil composé sont des organes très complexes, offrant le caractère particulier d'être formés par des éléments cellulaires disposés par groupes de quatre ou de multiples de quatre. M. Claparède produit une série de dessins à l'appui. M. Claparède pense du reste qu’au point de vue physiologique on peut concevoir déjà a priori des doutes sur la théorie de la vision par les yeux composés telle que Müller l'a expliquée. En effet, la conséquence de cette théorie est que les insectes devraient être non seulement très myopes, mais encore incapables de distinguer des objets d’une certaine dimension à une distance même peu considé- rable. 11 calcule qu'une abeille n'ayant pas plus de 4000 facettes à la cornée, devrait être incapable de distinguer l'ouverture de sa ru- che à une distance de quelques pieds ; qu'un insecte qui, comme mainte fourmi, n’a que 50 facettes à la cornée, est incapable de dis- cerner le moindre objet et ne peut que distinguer la lumière de l’obs- curité, De tels résultats, évidemment en contradiction avec l'expé- rience de tous les jours, montrent que le calcul part d'une base fausse, c'est-à-dire que la théorie de Müller, quel que soit le génie qui l’a dictée, n’est pas en harmonie avec les faits. — M. Claparède pense donc que chaque division de l’œil composé doit être considé- rée comme un œil complet. M. C.-T. Gaudin lit une notice sur les plantes des tufs volcani- ques de Lipari qui lui ont été communiquées par M. de Mandralisea, de Céfalu. Ce travail est destiné à paraitre dans les mémoires de la Société helvétique. L'auteur constate que les iles de Lipari renfer- ment, dans un tuf volcanique grossier et dans un grès calcaire par- couru par des veines de silex, des plantes vivantes actuellement et particulières à la région méditerrannéenne, et d’autres qui évidem- ment n'appartiennent plus à l'Europe. L'étude d’un nouvel envoi, qu’atteud M. Gaudin, lui montrera si ces dernières appartiennent à des espèces encore vivantes ou à des espèces perdues. Par ce mé- lange de plantes européennes et exotiques, le gisement de Lipari pa- rait être contemporain de celui des tufs de Massa - maritima que M. Gaudin place dans l'époque diluvienne. ‘Le même membre communique une lettre qu'il a reçue d'Algérie au sujet de lignites avec impressions de feuilles. (Voir les mém.) M. Schnetzler entretient la Société des faits qui se rapportent à la présence de l'Emys europea dans le Canton. Tschudy et Vuillemain font mention de sa présence. On sait positivement qu'elle a été trou- vée à Morges, à Nyon età Vevey. (Voir les mémoires.} LL 1 d SÉANCE DU 22 Jun 1859. 159 M. le D' Nicaty, médecin à Aubonne, lit un mémoire sur le climat de l'Algérie comme séjour d'hiver. (Voir les mémoires.) Il dépose ensuite quelques fossiles recueillis dans les montagnes de la province d'Oran. (Voir ci-après.) M. le prof” Decandolle fait observer que la Trapa natans, dont les fruits ont été trouvés dans le fond du lac de Moosseedorff, n'existe pas en Suisse de temps immémorial. On a recueilli aussi un fruit de cette plante dans les environs de Genève; d’où provenait-il ? Haller affirme qu'elle existait près de Bâle, dans les marais actuellement desséchés de Reinfelden. On a cité le lac de Zurich, mais elle en a disparu aussi. Pourquoi ne la trouve-t-on plus dans nos lacs suisses ? La tempéra- ture de nos eaux a-t-elle baissé? ou bien les fruits ont-ils été suc- _ cessivement mangés ? On sait que cette plante préfère les climats plus chauds que le nôtre. M. Troyon explique que les fruits de Trapa ont été trouvés à Moosseedorff, mêlés avec des débris d'armes et d’ossements celti- ques; mais ils ont pu être importés comme aliment de l’homme à cette époque. M. Renevier, qui a examiné les fossiles d'Oran, déposés par M. Ni- caty (voir plus haut), y reconnait quelques échantillons de la craie blanche, mais surtout des fossiles du miocène moyen, correspondant à notre molasse marine. M. Thury, prof à Genève, présente à la Société une coupe du lit du Rhône qui représente graphiquement les mesures qu'il a prises pour effectuer le jaugeage de ce fleuve. Un mémoire accompagne cette planche. (Voir les mémoires.) M. Jaccard, du Locle, expose un échantillon d’une nouvelle es- pèce d'Emyde, découverte dans le jurassique, lors du percement du tunnel des Loges, près la Chaux-de-Fonds. Cette tortue est remar- quable par ses grandes dimensions. | M. L. Gonin, ingénieur, à Lausanne , donne des détails sur le tracé du canal de desséchement que l'Etat fait établir dans les marais de l'Orbe. (Voir les mémoires.) : M. Duval fils, de Vevey, présente des échantillons, remarquable- ment bien préparés, de chenilles en peau, qu'il a reçus de Berlin. M. E. Renevier fait connaître à la Société les couches fossilifères . les plus anciennes qui aient été jusqu'ici signalées dans notre Canton, et dont la découverte est due à M. Chausson de Villeneuve , D'en médecine. Il y a environ une année que M. Chausson exploita près de Villeneuve, dans le ravin du Pissot, à un endroit appelé le Saut du Pissot, des marnes schisteuses contenant des coquilles qui furent M. Renevier a reconnu dernièrement que ces soit-disant Mytilus ( prises pour des Mytilus, du terrain Krmmeridgien. ; 160 SÉANCE DU 6 JUILLET 1859, étaient des Gervilies, et se trouvaient associés avec diverses petites coquilles et entre autres avec des Avicules appartenant à l’Av. con- torta, caractéristique des couches de Kôssen (Kôüssenerschichten) que quelques géologues placent à la partie supérieure du Trias, tandis que d’autres auteurs les considèrent comme formant l’étage le plus inférieur du Lias, appelé par quelques-uns /nfrahias. Ces mêmes couches avaient déjà été signalées à Meillerie par MM. Escher et Mortillet, et étudiées plus en détail dernièrement par M. A. Favre, mais on ne les connaissait pas encore dans notre Canton. Ouvrages reçus dans cette séance : 1. De la Société géologique de Londres: a) Quarterly Journal, ete., vol. XV, n°57, 58, mai 1859. — b) Extrait des Proceedings, n°°4-29, 57-59. — c) Adresse à l'assemblée générale en 1858. 2. De l'Académie royale de Savoie : Mémoires de, etc., 2° série, t. III. Chambéry 1859. 3. De la Société des Ingénieurs civils de Paris: a) Bulletins des 20 mai et 5 juin 1859. — b) Mémoires et comptes-rendus, 1°" tri- mestre 1859 4. De la Société de la Wetteravie, à Hanau : Jahresbericht, 1855- 1857. 5. De la Société « für die Erdkunde », à Darmstadt: a) Beiträge zur Geologie des Grossherzogthums Hesse-Darmstadt, 1858.—b) Bei- träge zur Land-Volks u. Staatskunde, 2° cahier. — c) Notizblatt, n° 1-40, 1855-1856. Nouv. série, n° 1-22, 1857-1859. 6. De la Société physico-médicale de Wurtzbourg : Journal de, etc., 9° vol., cahiers 2 et 3, 1859. 7. De l'Ecole des mines (geological Survey) de Calcutta : Me- moires de, ete., vol. I, 2° partie, 1858. 8. De M. Alph. Favre, prof à Genève : Mémoire sur les terrains liassiques et leupériens de la Savoie. Genève 1859. Séance du G juillet 1859. — Le président présente M. le prof Claparède, à Genève, comme membre effectif de la Société. M. Cla- paréde est admis à l'unanimité. M. V. Cérésole annonce que, vu son éloignement de la Suisse pour un temps illimité, il doit résigner ses fonetions de bibliothécaire. La Société choisit provisoirement pour le remplacer M. René Guisan. La nomination définitive aura lieu au mois de novembre. L'assemblée vote des remerciements à M. Cérésole. M. E. Renevier relève quelques assertions émises par M. J. Dela- harpe, dans la séance précédente, au sujet de la géologie de la Dent- du-Midi. Îl estime que le tracé qui en a été donné dans le Bulletin (bulletin n° 36, p. 261) doit être conservé sans modification. SÉANCE pu 6 quirer 1859. 161 M. J. Delaharpe répond qu'il n’a parlé de la géologie de la Dent- du-Midi que très en passant et que sa rédaction définitive satisfera sans douté M. E Renevier. M. J. Deluharpe présente à la Société, à l'occasion d’un envoi de lépidoptères de la Sicile, quelques considérations sur la coloration des espèces méridionales. [l expose quelques espèces nouvelles que renfermait cet envoi. M. Morlot place sous les yeux de la Société les résultats d'un nivellement géodésique et barométrique fait entre la rive du lac et l'hôtel de Glion (Montreux), dans le but de soumettre à l'épreuve la formule généralement reçue et particulièrement la constante donnée par Laplace. Le nivellement a donnè : Mètres. Montreux. Pont dans le village. Sommet du parapet, au-dessus de l’écusson suisse . . . . 439,524 Eglise, seuil de la grande voûte gothique extérieure, sous la tour NÉ 455,667 Sommet de l'ouverture de cette voûte . 459,682 Veytaux. Pont dans le village, sommet du parapet . 444,837 Glion. Rigi vaudois. Chalet-pension, construit par M. Mirabeau; surface de la marche en granit inférieure, de l'entrée principale tournée vers le nord . . . . . . 687,058 Rigi vaudois. Croix de la plaque en laiton clouée dans l'embrasure de la première porte à gauche en entrant . . . . . 689,000 M. Morlot revient encore sur la constitution du cône torrentiel de la Tinière pour justifier ses allégués et répondre aux objections de M. C. Dufour. (Bulletin n° 43, p. 53.) M. C.-T. Gaudin place sous les yeux de la Société les moules et les empreintes des machoires supérieures et inférieures du Rhinoce- ros minutus trouvées à Rovéréaz, dans la molasse. Deux molaires ont été conservées intactes. Le même membre présente : 1° du papier lumineux, servant à la photographie ; 2° 12 lames de verre, exposées à la lumière, enfer- mées depuis 7 ans et portant toutes les traces du journal dans lequel elles étaient enveloppées; 2° des élytres de Bupreste, servant à or- nementer de petits meubles , aux Indes orientales. Ouvrages reçus depuis la dernière séance : 1. De M. Venance Payod, à Chamounix : Observations météoro- logiques, ete. 2° envoi. 2. De M. le prof" Studer, à Berne, membre honoraire : Uber die Hügeln bei Sitten, etc. (Extrait du protocole de la 34° réunion des naturalistes allemands.) D QC LA FM Cat + D ra titls PC D ne Lis 0m a À go x. ue LATE ne | rér san 20fra (an, vi à, pieiraend. se Loue Li, ; Gigi” . ets 4 | “pbye Le: EN AUX LE À our {4 en GEAR con ee Lab sipologs Alert linge ll ang ni tite ha brie 4 80 38 tu 354.16 A forte, 2. MENU AEUIUR de cg PT HRCITELE CR ‘k 7 | NN & aq at or Le. 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Quelle est l’origine de la forme des dix chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, O, connus sous le nom de chiffres arabes, actuellement en usage dans notre système de numération dé- cimale, et quelle est leur provenance? | Quelques personnes rapportent, par tradition, que, dans les types primitifs, il y avait, dans chaque chiffre, autant de lignes droites que ce chiffre devait représenter d'unités. Qu'y a-t-il de vrai dans cette assertion ? À Notre tableau À (voir la planche) représentant les chiffres euro- péens dans l'hypothèse ci-dessus, est-il le résultat du pur hasard qui aurait amené des formes de chiffres où cette idée püût coincider aussi bien ? Faut-il attribuer cette combinaison aux Européens, aux Arabes, aux Indiens, aux Chinois ou à Pythagore ? Eafin, y a-t-il eu des types primitifs d'où ceux des autres nations dérivent tous ? Cette question nous conduira nécessairement à exa- miner les chiffres des nations de l'Asie et de l'Afrique. Nos recherches paraissent confirmer, du moins en bonne partie, la coïncidence entre la forme des chiffres et le nombre des unités qu'ils représentent, ainsi que la provenance locale des chiffres de 164 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. chaque nation pris dans les lettres de leur alphabet, puis ensuite mo- difiés pour les distinguer des lettres, avec de rares emprunts faits aux chiffres des peuples voisins. 2. Chiffres grecs. Les anciens Grecs ont eu deux systèmes de nu- mération écrite et de chiffres. Dans le plus ancien, qui fut encore em- ployé sur les marbres de Paros gravés deux et demi siècles avant J.-C., ils ont exprimé les 9 premiers chiffres au moyen de deux lettres de leur alphabet. Le 1ôta, répété jusqu'à 4 fois, servait à re- présenter les nombres de L à 4; le 5 était représenté par la lettre pi, première lettre du mot grec exprimant cinq. Le 1ôta ajouté, à la droite du pi, une fois, deux, trois et quatre fois, indiquait succes- sivement les nombres 6, 7, 8, 9. Ils représentaient 10 par la lettre delta, 100 par H, 1000 par K, 10,000 par M, en prenant ainsi la première lettre du mot qui expri- mait le nombre. Dans le second système de numération que les Grecs ont tiré des Phéniciens, dont bien des siècles auparavant ils avaient déjà adopté l'alphabet, ils assignèrent une lettre à chacun des chilires de 1 a 9, une autre lettre à chaque dizaine, une à chaque centaine, à chaque mille, ete. Ordinairement la myriade ou dizaine de mille, comme nouvelle unité, servait a exprimer les nombres supérieurs ; les autres nombres intermédiaires se formaient par addition. Cela facilita beau- coup leurs calculs et constitua un grand progres : ils employatent ou _ les lettres majuscules ou les minuscules, mais ces dernières avec un accent au-dessus à droite pour les distinguer des lettres ordi- naires ; pour les mille l'accent se plaçait sous la lettre. Les Hébreux, de même que les Phéniciens, avaient le même système de numé- ration écrite au moyen des lettres de leur alphabet; ils plaçaient les chiffres les plus élevés à droite et les plus faibles à gauche, ce qui fut aussi imité par les Grecs qui employèrent ensuite indifféremment les deux méthodes , de droite à gauche et de gauche à droite, et se décidèrent enfin pour celle que nous employons aujourd'hui. Cette numération grecque s’est maintenue en occident, même chez les Romains, concurremment avec les lettres romaines ou chiffres qui n'étant qu'au nombre de 7 rendaient la numération romaine écrite moins commode. À ce sujet Trithème rapporte, dans sa Polygraphie (Cologne 156%) sur le témoignage de Bede, qui vivait dans le VIFF® siècle, que les Normands, à l’époque de leurs premières invasions dans les Gaules, pratiquaient leur numération avec les lettres grec- ques, en assignant une lettre à chacun des nombres de 1 à 9, une autre lettre à chaque dizaine, etc., exactement comme les Grecs. La tigure 333, dans les renvois du tableau B, indique le nombre 3009 dans le système grec; la lettre F indique 3, mais avec la vir- gule en-dessous elle signifie 3000, puis la lettre à droite vaut 9, le tout fait 3000 plus 9. 3. Chiffres romains. Les Romains imitèrent les Grecs dans leur premier système de numération, en répétant la lettre [, jusqu'a quatre | SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 165 fois pour les 4 premiers nombres. Cinq était représenté par V, ce qui pourrait provenir de la figure que fait la main avec le pouce, En ajoutant l'{ au V, on formait les autres nombres jusqu’à 9. Dix était représenté par X, ce qui peut venir de la figure que forment les deux mains superposées obliquement, ou de la réunion de deux V joints ar leur sommet, ce qui forme la lettre X; L représentait 50 ; C va- ait 100 ; D exprimait 500 ; 1000 était représenté par deux D réunis, les parties convexes tournées en dehors, ce qui formait un cercle partagé par un trait du haut en bas, qu'on représentait aussi sous cette forme CI), et, pour abréger, sous celles de > et o , mais le plus souvent on représentait 1000 par M. Deux cercles concentriques partagés par un trait du haut en bas, ou CCI99, formaient ainsi la réunion de quatre D, ce qui désignait 1000 multiplié par 10, ou 10,000, et la moitié de cette figure indiquait 5,000 ; trois cercles concentriques séparés par un trait formaient 6 D, pour 100,000 ou 1000 multiplié par 100 et la moitié de ce signe exprimait 50,000. Quatre cercles concentriques exprimaient un million. Les autres nombres intermédiaires s'obtenaient par addition et quelques-uns par soustraction, tels que 4, 40, 400, 9, 90, 900 en plaçant un chiffre plus faible à la gauche d’un plus fort dont il devait être déduit. La figure 332, tableau B, indique le nombre 3009 dans le système romain. &. Numération chez les anciens. Du fait que les Romains em- ployaient les lettres V, L, D exprimant 5, 50, 500, pour indiquer par addition les nombres supérieurs et de celui que les Grecs, ainsi que les Chinois, comme nous le verrons plus tard, exprimèrent les nombres 6, 7, 8 et 9 en prenant le chiffre 5 comme clef ou unité de second ordre, en y ajoutant par addition les chiffres 4, 2, 3 et 4, on peut présumer, ainsi que de beaucoup d'autres faits consignés dans l’his- toire, que la plupart des peuples dans leur enfance ont pratiqué la numération pentenaire, dont la base était 5. M. de Humboldt a re- marqué qu'en Amérique le nombre 5 s'exprimait généralement par le même mot qui signifiait main, et qu'on pouvait faire un rappro- chement analogue dans la langue persanne. D’autres systèmes de numération ont été mis en usage : les Thraces, par exemple, sur le témoignage positif d'Aristote, pratiquaient la numération quater- « naire; mais celui dont la base était 5, provenant des 5 doigts de la main, fut le plus répandu, enfin celui basé sur les 10 doigts prévalut et constitue notre système décimal actuel qui n’est qu'un redouble- “ment de l'ancien système pentenaire dont les chiffres romains assignés aux nombres 5, 50, 500, ont gardé le souvenir. Dans les langues de 4h peuples de l'Amérique on a retrouvé une numération par Les anciens Grecs et Romains connaissaient bien que les différents ordres successifs d'unités de leur numération décimale augmentaient Suivant une progression décuple; qu'une unité de mille valait 10 unités de centaines, qu’une unité de centaine valait 10 unités de 166 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. dizaines, etc. ; leurs nombres écrits en chiffres étaient ordonnés, comme les nôtres, suivant l'ordre décroissant de gauche à droite, mais ils ne présentaient pas une combinaison de chiffres, ils formaient des polynomes comme dans nos quantités algébriques où l'ordre et le nombre des termes ne formaient pas la base, c’est-à-dire que leurs chiffres se présentaient de gauche à droite exactement comme dans la numération parlée. Les anciens ne connaissaient pas le chiffre auxiliaire zéro au moyen duquel on conserve le rang qui appartient à chaque chiffre effectif. Ce chiffre n'a été introduit dans l'occident que dans le XITI° siècle de notre ère, par nos relations avec les Arabes qui le tenaient de l’arithmétique indienne qu'ils ont introduite chez eux entre le IX° et le X° siècle. Les anciens n'avaient aucune idée de l'immense utilité pratique qu'on pouvait retirer, pour la numération écrite et pour les calculs à effectuer, en donnant aux chiffres une valeur de position ; en limi- tant les chiffres effectifs de la numeration à ceux affectés aux 9 pre- miers nombres naturels de À à 9, en y ajoutant le chiffre auxiliaire 0; en placant dans chaque nombre écrit autant de chiffres que ce nombre comportait d'orures différents d'unités, qui croissaient eux- mêmes suivant la progression décuple de droite à gauche. Ainsi done notre système actuel de numération décimale peut être défini comme suit : l'un de ses éléments est une progression géomé- trique dont le premier terme à droite est 1 et la raison 10, ce qui donne pour les autres termes les nombres 10, 100, 1000, 10,000, etc., et dont l’autre élément est la valeur absolue de chaque chiffre placé dans les différentes colonnes ou tranches de un chiffre dont un nombre est composé. Ce système est tel que, dans un nombre donné en chif- fres, chaque chiffre effectif représente, conventionnellement par sa po- sition, une somme égale au produit du terme qui lui correspond dans la progression par la valeur du chiffre effectif : réciproquement un nombre donné en chiffres pourrait être décomposé en autant de nombres partiels qu'il comprendrait de chiffres effectifs, quand cha- un d’eux séparément serait suivi d'autaut de zéros à sa droite qu'il avait lui-même de chiffres à sa droite dans le nombre donné, et la somme de ces nombres partiels serait égale à ce nombre donné. Les anciens ne pouvaient done point exécuter promptement comme nous les opérations arithmétiques : les réductions partielles et réitérées dans les grandes opérations devaient les entrainer dans beaucoup de difficultés et dans une grande perte de temps. Les chiffres des Grecs étaient trop nombreux, un pour chaque ordre d'unité, mais ils présentaient cependant cet avantage sur ceux des Romains, c’est qu'un nombre écrit dans le système grec était re- présenté par autant de lettres ou chiffres que ce nombre aurait de chiffres elfectifs dans notre système actuel. Le nombre des chiffres romains, par contre, était insuffisant, souvent deux et trois signes réunis étaient nécessaires pour représenter les nombres dans chaque ordre d'unité. SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 167 Trouver, pour la numération écrite, un système de notation, au moyen d'un nombre restreint de chiffres, de manière à pouvoir exprimer facilement les plus grands nombres, abréger beaucoup les opérations, mettre un ordre parfait et symétrique dans la numé- ration, rendre celle-ei facile, amusante et accessible à tous, tel était le problème à résoudre par les anciens et la condition indispensable du progrès dans les mathématiques , cet auxiliaire indispensable de toutes les sciences. On attribue à Pythagore, vivant dans le VI siècle avant J.-C., l'honneur d'avoir résolu la partie principale du problème, la valeur de position des chiffres et d'avoir restreint ces derniers à 9 types re- présentant la valeur des neufs premiers nombres naturels de 1 à 9, en imaginant un tableau dont nous allons parler sous le nom d’abacus; mais il restera à savoir de quelle manière Pythagore peut avoir été amené à cette découverte et, enfin, si elle peut lui être attribuée en entier. D. Del'abacus. Le mot abax des Grecs, abacus des Romains et aba- que des modernes dérive du mot phénicien abak, poudre, poussière, et désignait chez les anciens, dès une époque très reculée, antérieu- rement à Pythagore, une petite table couverte de poussière ou de fin sable, sur laquelle ils faisaient leurs calculs et traçaient leurs fi- gures ; ce mot signifiait aussi un casier, une table à jeu; dans le magasin d'un marchand il désignait le comptoir. Un auteur dit que Gerbert, archevêque de Rheims, élu pape en l'an 999, sous le nom de Sylvestre IT, apporta d'Espagne , en 992, les chiffres arabes ou indiens. Ce point est contesté ainsi que son voyage en Espagne, mais un fait certain, c'est que Gerbert contribua puissamment à répandre en Europe, dans le X° siècle, l'usage de l’abaeus dont nous allons parler. Boëce ou Boëthius, sénateur et philosophe romain sous Théodoric, roi d'Italie, vivait à la fin du cinquième siècle et mourut en l’an-595 ; il dit, dans son livre de géométrie : « Des Pythagoriciens, pour » éviter de se tromper dans leurs multiplications, divisions et me- » sures (car ils étaient en toutes choses d’un génie inventeur et » subtil), avaient imaginé pour leur usage un tableau qu'ils appe- » lèrent, en l'honneur de leur maître, table de Pythagore, parce que, » ce qu'ils avaient tracé, ils en prenaient la première idée de ce phi- » losophe. Ce tableau fut appelé par les modernes Abucus. » Par ce moyen, ce qu'ils avaient trouvé par un effort d'esprit, » ils pouvaient en rendre plus aisément la connaissance usuelle et » générale en le montrant pour ainsi dire à l’œil. [ls donnaient à ce tableau une forme assez curieuse, qui est représentée ci-dessous. » (Woïr au bas du tableau B, fig. 331.) ! Dans plusieurs manuscrits de Boëce, se trouvait, en dessous de ces citations, une table de multiplication, connue sous le nom de tab'e de Pythagore. Mais M. Chasles, dans son aperçu historique sur l'ori- gine et le développement des méthodes en géométrie, pense que 168 : SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. cette table de multiplication a été placée là mal à propos, par des copistes, et qu'il s'agissait au contraire d’un nouvel abacus ou ta- bleau indépendant de la table de multiplication, au moyen duquel Pythagore, qui devait connaître la valeur de position des chiffres, opérait comme nous les règles de l’arithmétique. La véritable table ou abacus à colonnes de Pythagore, prétend M. Chasles, aurait été retrouvée dans un manuscrit plus correct de Boëce dans la bibliothèque de Chartres, mais ne contenant aucune trace d'opération effectuée. Ce tableau était divisé en colonnes ver- ticales, fig. 331, l'une pour les unités, celle à sa gauche pour les dizaines, celle plus à gauche pour les centaines, etc. , ce qui sup- pléait entièrement à l'absence du zéro. D’après ce dernier manuscrit, le passage de Boëce qui avait tou- jours paru inintelligible, quand on l'appliquait à la table de multipli- cation, devint très “clair pour la table soit abacus à colonnes. Nous continuons à citer Boëce. « Voici, dit Boëce, comment ils se servaient » du tableau qui vient d’être décrit. Ils avaient des apices ou carac- » tères de diverses formes. Quelques-uns s'étaient fait des notes » d’apices telles que... (voir le tableau B, fig. #1 à 49). Quelques » autres, pour faire usage de ce tableau, prenaient les lettres de » l'alphabet, de manière que la première répondait à l’unité, la se- » conde à deux, la trois'ème à trois, et les suivantes aux nombres » naturels suivants. D’autres enfin se bornaient à employer dans ces » opérations les caractères usités avant eux pour représenter les nombres naturels. Ces apices (quels qu'ils fussent), ils s'en ser— » vaient comme de la poussière ; de manière que s'ils les plaçaient » dans la colonne des unités, chacun d'eux ne représentait toujours » que des unités. . Plaçant deux sous la ligne marquée dix, ils » convinrent qu'il “signifierait vingt; que trois signifierait érente ; » quatre, quarante ; et ils donnèrent aux autres nombres suivants ke es significations résultant de leur propre dénomination. En plaçant » les mêmes apices sous la ligne marquée du nombre cent, 1ls éta- » blirent que deux signifierait deux cents ; trois, trois cents ; quatre, » quatre cents ; et que les autres répondraïent aux autres dénomi- » nations. Et ainsi de suite dans les colonnes suivantes ; et ce sys- » tème n'exposait à aucune erreur. » Ces paroles sont bien claires, dit M. Chasles, et l’on ne peut se refuser à y voir le principe de notre système de numération, la va- leur de position des chiffres croissant suivant une progression dé- cuple, en allant de droite à gauche. Le système des colonnes dans cetie dernière table de Pythagore, non dans celle de multiplication, permettait donc de se passer du zéro et d'effectuer les opérations arithmétiques aussi facilement que nous, sauf l'embarras de tracer préalablement des colonnes chaque fois qu'ils s'agissait de chiffrer. . Du système de l'abacus à colonnes, à l'invention du zéro, il n'y avait plus qu'un pas. Ne peut-on pas supposer que des chiffreurs se passaient souvent de tracer des colonnes et qu'ils remplaçaient celles-ci par des points chaque fois qu'il manquait des chiffres effec- SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 169 tifs ; que les points auront été employés pendant longtemps avant qu'on les considéràt comme types dans la numération ; qu'enfin le point qui n’était pas assez apparent aura été remplacé par le zéro actuel chez les Hindous , inventeurs de ce type, tandis que les Ara- bes ont gardé le point en place du zéro. La fig. 331 indique le nombre 3009 dans le système de l’abacus de Pythagore, au moyen des figures 43, #9 de Boëce ; enfin au bas du tableau on voit le nombre 3009 en chiffres actuels avec deux zéros qui remplacent les colonnes de l'abacus. On sait que les Grecs, qui aspiraient à un haut degré d'instruction, l avaient l'habitude d'entreprendre des voyages, même lointains, dans ) ce but. Il serait done parfaitement possible, et même très probable, que Pythagore, vivant dans le VI° siècle avant J.-C:, grec d'origine, avide de s'instruire, qui pareourut effectivement, dit l’histoire-, l'Egypte, l'Asie mineure et la Chaldée, même l'Inde, selon quelques auteurs, eût appris des Chaldéens, soit des Babyloniens, comment avec 9 chiffres seulement et en leur donnant une valeur de position, on pouvait exprimer toutes les quantités, tout en suppléant à l'absence du zéro, qui n’était point connu à cette époque. Pythagore aurait per- fectionné le système des Chaldéens et imaginé l'abacus à colonnes dont parle Boëce. A cette époque Babylone était florissante, l’astro- nomie y était cultivée et en honneur, et devait avoir formé des hom- mes au calcul. Voici quel aurait été le système de numération des Chaldéens, d’après Georges Henisch, dans son livre De numeratione, Augs- bourg, 4605. Chacun des 9 chiffres chaldéens se compose d'une barre horizontale commune (fig. 321-329), sur laquelle on place les chif- fres. Une même barre peut recevoir 4 chifires, et, suivant qu'ils-sont placés en dessus ou en dessous de la barre, à une extrémité ou à l’autre, ils indiquent des unités, des dizaines, des centaines ou des mille. Le chiffre des unités se place au-dessus de la barre à gauche, celui des dizaines au-dessous, celui des centaines au-dessus de la barre à droite et celui des mille au-dessous. La fig. 330 indique le nombre 9999, où l'on voit le signe 9 occupant successivement la po- sition des unités, des dizaines, des centaines et des mille. La fig. 320 indique le millésime de 1860; la place des unités étant vacante cela tient lieu du zéro ; la fig. 319 indique le nombre 3009, dans lequel la place des dizaines et des centaines reste vacante, comme dans le système de l’abaeus (fig. 331) avec les chiffres de Boëce. Les Chaldéens avaient sans doute imaginé des méthodes pour re- présenter des nombres supérieurs. à 4 chiffres, mais ce que nous avons indiqué suflira pour reconnaitre une numération ne se servant que de 9 chiffres, la valeur de position de ces derniers suivant une progression décuple, tout en suppléant à l'absence du zéro. La table ou plutôt l'abacus à colonnes de Pythagore, où les unités se plaçaient dans la 1" colonne à droite et les unités supérieures en suivant sur la gauche, quel qu’en fût le nombre, fut un grand per- fectionnement du système chaldéen et l’origine de notre système de É r 170 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. numération écrite, à laquelle il ne manquait que le zéro, auquel l'abacus suppléait. Le système chaldéen devait se prêter difficilement aux grandes opérations arithmétiques, car leurs signes numéraux, concentrés dans une même figure, formaient, pour ainsi dire, des hié- roglyphes qui facilitaient plutôt l'inscription des nombres que les opé- rations arithmétiques. Enfin Pythagore peut avoir imaginé des apices, soit chiffres de fantaisie, pris dans les lettres grecques ou romaines, en les modifiant pour en faire des signes particuliers, ainsi que Boëce lui en attribue l'honneur ; cependant la forme des ch'ffres est un ob- jet tout-à-fait secondaire, comparativement à l'invention de l’abacus à colonnes qui permettait de limiter les chiffres à 9, mais à la condi- tion de leur donner une valeur de position d'où dépendait tout le système. Avec l’abacus à colonnes on pouvait aussi opérer avec les lettres grecques et romaines, malgré qu'il y eût plus ou moins de 9 chiffres ou lettres. On pouvait aussi opérer avec des jetons sans chiffres. Ce qui donne encore plus d'autorité à l’idée de l'invention de l'a- baeus à colonnes par Pythagore, c'est précisément l'existence du système défectueux des Chaldéens, qui n’était commode que pour l'inscription des nombres et non pour les opérations à effectuer, Si les Chaldéens eussent connu l’abacus à colonnes ils auraient placé leurs différents ordres d'unités sur une même ligne horizontale, dans l'ordre de la progression décuple, au lieu de superposer les uns aux autres des chiffres d'ordre différent, comme dans la fig. 330. Il n’y a donc pas de rapport entre l’abacus des anciens Grecs et Romains, et celui à colonnes de Pythagore ; le premier était une ta- ble avec sable, tandis que le second était une invention nouvelle, un très grand progrès dans la science mathématique. Le nouvel abacus à colonnes de Pythagore (toujours dans la suppo- sition qu'il en soit l’auteur) ne reçut probablement pas une grande extension ; il est peut-être resté dans le cercle de ses adeptes et des amateurs de mathématiques, mais Archimède, deux siècles après Pythagore, doit nécessairement avoir connu l'abacus à colonnes malgré que l'histoire n’en fasse pas mention. On pense rarement à décrire à la postérité les choses qu'on regarde comme usuelles, preuve en soit le seul auteur Boëce, qui nous a mis sur la voie du fait historique intéressant de l’abacus à colonnes dans le sixième siècle de notre ère, et qu'on regardait comme une invention an- cienne attribuée à Pythagore. Nous verrons plus tard que, à cette époque, les Arabes ne possédaient pas encore les chiffres qu'ils ont actuellement, ni l’arithmétique qu'ils ont tirée des Hindous entre le IX° et le X° siècle. Il ne faut donc pas dire que notre système actuel de numération ne fut pas connu en occident avant l'introduction du zéro par les Arabes, puisque l’abacus était basé sur l'emploi de 9 chiffres et sur leur valeur de position dans les différents ordres d'unités représentés par les colonnes. La difficulté qui restait encore à résoudre consistait dans le fait vicieux que les nombres placés dans SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 174 l’abacus ne pouvaient pas être présentés, sous la même forme, dans la numération écrite, à cause de l'absence du zéro. On donnait aussi le nom d'abacus, dans le moyen-âge, à toute espèce de tabelles servant aux calculs, soit qu'elles fussent ou ne fussent pas divisées en colonnes comme dans le tableau de Pytha- gore, soit qu'on effectuät les opérations sur le sable, avec des apices ou signes spéciaux , des lettres grecques, romaines ou des jetons. Il est même possible qu'on ait calculé sans abacus, avec des jetons ayant des marques distinctes pour chaque ordre d'unités, soit au moyen de chiffres peints sur les jetons, soit au moyen de couleurs différentes. Chaque peuple avait son abax, abacus ou abaque, surtout depuis le X° siècle: celui des Chinois s'appelait Souan pan; celui des Russes s'appelait stchote, ce qui veut dire calcul, et aujourd'hui les petits marchands russes s'en servent encore, ainsi que les Chinois et les marchands des iles de la Sonde et sans doute encore les autres peu ples de l'Asie. Cet abaque des Russes se compose d'une planchette munie de petites tringles, à chacune desquelles il y a 10 petites bou- les mobiles, comme les perles d’un collier, qui représentent 10 . unités ; la tringle de droite sert aux unités, celle de gauche aux di- zaines, celle encore plus à gauche aux centaines ct ainsi de suite. Les boules qu'on arène d'un côté de la planchette entrent dans le calcul qu'on effectue, tandis que les autres boules restent en pro- vision du côté opposé, en attendant leur emploi, à peu près à la ma- nière de compter les points au jeu du billard. Tous ces abaques rentrent dans le système de celui de Pythagore. {l parait que Gerbert, dont nous avons déjà parlé, fut un zélé propagateur de l’abacus dans le X° siècle ; il en avait fait établir en employant des jetons ou dés sur lesquels les chiffres de 1 à 9 étaient gravés. Un problème historique à résoudre est celui de constater l'époque de l'emploi du plus ancien abacus à colonnes, afin de savoir, par les dates, si cette utile invention peut étre attribuée à Pythagore qui pourrait en avoir tiré l'idée des Chaldéens. Aucun pays ne se prête mieux à cette recherche que la Chine, dont l'accès aux Européens fournira bientôt une source féconde, où l'histoire pourra puiser et éclaircir bien des choses encore voilées pour nous. Les abacus ont continué à être employés en Europe jusqu’au XIII° siècle, parce qu'ils suppléaient à l’absence du zéro, mais depuis cette époque l’arithmétique arabe tirée des Hindous, qui était em- ployée depuis le IX° ou X° siécle par les Arabes et les Maures d’Afri- que et d'Espagne, avait introduit l'emploi d'un signe spécial ou chiffre mayant aucune valeur par lui-même, et qui servait à conserver le rang des chiffres sans faire de confusion ; nous voulons parler du Zéro. Ce système, que tous les auteurs arabes reconnaissent avoir tiré des Hindous entre le IX° et le X° siècle, passa peu à peu chez les chrétiens , par leurs relations de commerce ; il fut surtout étudié et décrit par Fibonacchi de Pise, dans son livre latin sur l’abacus, de D 172 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. l'an 1202. Peu à peu le vieil abacus, qui devenait inutile par lem- ploi du zéro, a été mis de côté et presque entièrement oublié. A cette époque le mot abacus désignait non seulement la tabelle à chiffrer, mais aussi l’arithmétique elle-même. Le mot chiffre pourrait venir de l'hébreux sepher, compter, ou de l'arabe tsiphron zeron donné au 40° chiffre de la numération et qui signifiait {out à fait vide. De la sont venus les mois : hiffres donnés improprement aux 10 signes de la numération dans l'occident, et le mot zéro donné au nouveau chiffre qui a complété notre système actuel de numération. Ealin, on a donné, à tort, le nom de chiffres arabes aux 40 signes de la numération en Europe, quoique aucun ne vienne des Arabes, comme nous le verrons plus tard. Dans le XII siècle, cette nou- velle manière de calculer ave: nos anciens apices en y ajoutant le zéro, était appelée arithmétique arabe ou indienne, ce qui à con- tribué à faire croire plus tard, que les chiffres avaient la même origine. La nouvelle arithmétique était un objet de curiosité, surtout dans les monastères, pour les religieux qui cultivaient les mathématiques, et qui avaient conservé le fatble flambeau des lumières pendant le moyen-âge. Cette nouvelle arithmétique se répandit assez rapide- ment, parce qu'elle rentrait dans Le système de l'abacus qu'elle rem- plaça, mais elle contribaa surtout à faire entrer les chiffres dans la numération écrite, de la même manière qu'ils se présentaient dans les opérations numériques, en donnant, à l’aide du zéro, une valeur de position à chaque chiffre. Le nouveau système fut mis en évidence en Angleterre au XIIT° siècle, d'abord par Sacro-Bosco, mathématicien anglais, qui mourut en France en 1256, et par Roger Bacon, franciscain anglais, appelé le docteur admirable en 1278, astronome, ch'miste et mathématicien, qui mourut en 129%. D'abord après l’Angleterre, l'Fialie adopta la nouvelle arithmétique, puis l'Allemagne au XIV siècle et la France au XV°, mais la forme des chiffres n'a été bien arrêtée que dès l'an 1534, ce qu'il faut sans doute attribuer à l'imprimerie, qui dut géné- raliser des signes aussi importants que ceux de la numération. Les chrétiens dans toute l'Europe, sauf peut-être les Grecs, sui- virent les chiffres dits arabes de Sacro-Bosco , fig. 71 à 80 , et de Roger Bacon, fig. 81 à 90, tandis que les Arabes-Persans, les Tures et les Maures suivirent les types transmis par le moine grec Pla- nude, fig. 201 à 210, à la fin du XIE siècle, et par le poète arabe Al-Séphadi, fig. 211 à 220. Ces types se trouvent dans l'ouvrage de Montucla, Paris 1799. D'entre les plus anciens millésimes en chiffres dits arabes, sur nos monnaies et médailles, nous citerons les suivants: d’Aix-la-Cha- pelle, 1373, 1405; sceau de la vallée d'Urseren, canton d'Uri, 1410; de l'abbé de St. Gall, 1424; de Bourgogne, 1471, 1474; de l’évêque de Lausanne, 1477 ; de Flandre, 1478,1489; de Bâle, 1 491 ; de Berne, 1492; d'Angleterre, 1492, 149%; d'Anne de Bretagne, 1498 ; de Sion, 1493; des rois de France, 1532, 1549 ; de Hollande, 1574, 1581. an SUR LES CHIFFRES REX 173 “ II. Des chiffres d'Europe. À. Des langues et des alphabets. Les chiffres affectés à la numération chez tous les peuples civilisés ayant ét: pris dans leur alphabet, il importe d'examiner un moment la question des langues et des alpha- bets. Dans les anciens âges, avant les temps historiques, la première science que les peuples pasteurs cultivèrent fut l'astronomie. La con- templation des astres, sous un beau ciel comme celui de l'Egypte, par exemple, porta la vive imagination de ces néo-astronomes à re- connaitre, dans la forme bizarre et infiniment variée des constella- tions, la figure l’animaux et d'êtres existant sur la terre. La repré- sentation grossière de ces objets, pour rappeler les phénomènes cé- lestes, fut l’une des occasions qui donna naissance aux hiéroglyphes, qui parlaient directement à l'imagination sans le secours des sons. Si les dessins étaient trop imparfaits, s’il fallait expliquer les hiéro- glyphes à des adeptes, on était appelé à prononcer les noms de tous les signes; de là deux impressions, l'une produite par un dessin ou la représentation d’un objet rappelant à l'esprit une idée ou un fait, et l’autre rappelant conventionnellement le nom des ob.ets représen- tés. Si un Mméroglyphe figurait, par exemple, un animal désigné dans le langage par un nom monosyllabique, cette figure pouvait aimsi rappeler à l'esprit soit lo jet représenté ou son caractère, soit le son du nom par lequel on le désignait. De là sera née l'idée de repré- senter tous les sons par des signes conventionnels, en abandonnant peu à peu les hiéroglyphes-figures pour y ajouter des signes phoni- ques conventionnels, comme Île font les Chinois. Le passage des hié- roglyphes à l'écriture se voit encore dans l'alphabet samaritain, qui a conservé la figure d'animaux pour deux de ses lettres. Lorsque les Scythes envoyèrent à Darius le présent consistant en une souris, ‘un oiseau et cmq flèches, c'était un langage hiéroglyphique pur, une communication d'idées entre gens de langage différent, dont les uns ne savaient pas représenter des objets par le dessin et encore moins communiquer leurs idées par l'écriture. Les Phéniciens passent pour les inventeurs de l'écriture, mais cet honneur pourrait revenir aux Egyptiens. De ces peuples l'écriture se répandit en Grèce et dans les autres contrées déjà civilisées, à moins qu'un autre peuple, au pied de l'Himalaya, ne dispute à l'Egypte le berceau des sciences. Le nombre des diverses langues que l’on parle sur la terre est . bien inférieur à celui des alphabets, ou réunions des caractères avec lesquels on les écrit ; car les mêmes servent souvent à plusieurs langues qui ont une origine différente. Le sanscrit, ou langue sacrée et savante de l'Inde, ne se parle plusaujourd’hui ; elle fut la source d’une partie des langues de l’Hin- doustan. Cette langue a un alphabet dont la forme des lettres est 17% SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. très correcte, présentant du rapport avec les lettres carrées des Hé- breux. Ces lettres sont chacune surmontées d’une barre horizontale commune, ce qui fait que cette écriture présente toujours des lignes continues, en dessous desquelles les lettres sont comme suspendues ; elle a un aspect grave, très régulier : il y a lieu de croire que les lignes horizontales se traçaient d'avance et que les lettres, en partie rectangulaires , en partie arrondies, ne faisaient que se souder par dessous aux lignes horizontales. Les chiffres sanserits ou indiens dérivent des lettres du sanscrit et du zend. C'est dans l'écriture zend que Zoroastre, ce rénovateur de la religion en Perse, un siècle après Pythagore, à la fin du V° siècle avant J.-C., sous Darius fils d'Histaspe, doit avoir écrit le zend- avesta ou livre sacré des mages. La ressemblance du zend, ‘avec l'écriture grecque minuscule, fait supposer la combinaison de l'alpha- bet grec avec une écriture persane ou avec l'écriture sanserite. Les relations entre la Perse et la Grèce, à cette époque, étaient fréquen- tes, témoin l'expédition de Xénophon en Perse en faveur de Cyrus le jeune. La langue grecque fut la première qui reçut la plus grande exten- sion, Elle la dut aux colonies fondées par les Grecs, aux conquêtes d'Alexandre et à ses successeurs, mais surtout aux productions litté- raires dont elle enrichit le monde. Un des dialectes grecs a donné naissance au latin qui, à son tour, a formé le français, l'italien, l'espagnol et le portugais. Le slavon a donné naissance au russe et au polonais ; l'allemand à produit l'anglais, le hollandais, le danois et le suédois. Toutes ces langues se servent des caractères dérivés de l'alphabet grec, moditié par les Romains, même l'allemand, qui a conservé les formes gothiques du XIL° et XIL° siècle. L'alphabet des Phéniciens à donné naissance aux caractères grecs qui ont reçu la forme régulière que nous leur connaissons. [ls pré- sentent cette particularité, que si l'on a sous les yeux toutes les va- riantes des lettres phéniciennes et samaritaines, on voit que les let- tres grecques, ou majuscules ou minuscules, ont été retournées de ‘gauche à droite. Les lettres servaient de types numéraux ; les chif- fres actuels représentent encore ces lettres avec quelques déforma- tions. Les langues arabe et persane sont les plus répandues actuelle- ment dans l'Orient; elles appartien ent, ainsi que l'hébreu, le phé- nicien, le syriaque et le chaldéen, à la famille des langues araméennes, dont le départ est Aram, 5° fils de Sem, habitant la Mésopotamie. L'alphabet de ces diverses langues, ainsi que celui du grec, a une origine commune, l'alphabet phénicien; le nombre des lettres varie un peu de l'un de ces alphabets à l’autre, mais le nom «les lettres est bien reconnaissable dans ces différents alphabets. L'ancien alphabet phénicien, syriaque, samaritain et hébreu était a-peu-près le même, mais ce dernier s’est sensiblement écarté de la souche phénicienne, pendant la captivité des Juifs à Babylone, ce qui, depuis leur retour, SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 175 forma l'alphabet hébreu moderne, qui présente, en apparence seu- lement, beaucoup de différence avec les lettres qui dérivent de l'al- phabet phénicien, comme les lettres grecques. Les peuples qui habitent maintenant la Turquie, la Perse, l'Inde, la Crimée, Madagascar, les Maures d'Afrique, se servent de l’alpha- bet arabe qui dérive de l’alphabet syro-hébraïque , qui vient lui- même de l'alphabet hébreu; on peut voir le passage des uns aux autres en comparant les alphabets de Kufa sur l'Euphrate , l'al- phabet appelé communément africain et celui de Mauritanie ou du Maroc. Nous verrons plus tard, que c'est dans l'alphabet syro- hébraïque et dans ceux ci-dessus mentionnés qui eu dérivent, et qui étaient usités dans les IX° et X° siècles , que les Arabes ont pris leurs chiffres, au moment où ils adoptèrent l’arithmétique indienne de 9 chiffres effectifs, en y ajoutant le zéro. Cette digression, sur les langues et alphabets, nous était néces- saire pour expliquer pourquoi plusieurs chiffres, à peu près de même forme, sont communs à différentes nations et ont souvent été appliqués à des nombres différents. En effet, avant l'adoption du zéro des Indiens, chaque nation employait toutes les lettres de son alphabet pour signes numéraux, sauf les Romains qui n’en faisaient intervenir que sept. À mesure que l’arithmétique indienne prévalut chez chaque nation, avec dix chiffres y compris le zéro, il fallut faire un triage des lettres que l’on conserverait pour chiffres. La logique ne présida pas beau- coup à ce choix, cependant, en général, on choisit, pour les premiers chitfres surtout, des lettres dont la forme pouvait rappeler la valeur des nouveaux types ; d’autres fois on garda pour chiffres quelques- unes des lettres qui leur correspondaient dans l’ancien système. De là est sortie une confusion de chiffres, parce que, pour prendre 10 types sur 24 ou 28 lettres, dans des alphabets qui avaient beaucoup de rapport entr'eux (puisqu'on suppose avec raison qu'ils ont eu une origine commune), il arriva souvent que l'on fit choix de lettres à peu prés semblables pour exprimer des chiffres de valeur diffé rente. C'est pourquoi, quand on consulte le grand nombre des alpha- bets qui ont servi à tant de nations différentes depuis 2000 ans, on ne doit pas être étonné d'y retrouver tous les chiffres numéraux actuels d'Europe et d'Asie. Enfin, on modifia quelquefois sensiblement les lettres prises pour chiffres, pour leur donner une forme différente des lettres ordinaires, tout en cherchant à rappeler le nombre des unités qu’elles repré- sentaient. Par exemple, dans la lettre E, fig. 245, que les Arabes em- ployèrent pendant quelque temps pour le chiffre 5, on créa un jam- bage à droite en remontant, ce qui douna 5 lignes, comme dans la figure 305 ; cette intention est évidente dans la figure pentagonale de la case 245 qu'on voit sur des monnaies arabes, qui représente iA lettre ain de l'alphabet samaritain, laquelle correspond à notre ettre 0. 4176 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 2. Origine des chiffres d'Europe. (Tableau A.) Nous avons com- mencé nos recherches dans l'idée préconçue que la forme de nos chif- fres pouvait être le résultat d’une combinaison ingénieuse, où, dans l'origine, on aurait fait entrer autant de lignes droites que le chiffre représentait d'unités et dont on aurait ensuite dévié. Cette idée était vraie en partie, comme dans les 5 premiers chiffres chinois (ta- bleau C, fig. 181 à 185), où l’on reconnait un système hiéroglyphique qui se voit à première vue, jusqu’au chiffre 5 où l’on compte bien cinq lignes. Comment se fait-il que nos chiffres du XV[° siecle, fig. 31 à 40, qui dérivent pourtant de ceux du tableau B, de Boëce et de Sacro- Bosco, coïincident aussi bien avec ceux des fig. 21 à 34, ce qui ferait croire à une combinaison générale, en vue d'indiquer le nombre des unités dans chacun de nos chiffres, même le zéro qui représente un polygone d'un nombre infini de côtés. Nous devons reconnaitre, ou plutôt avouer, que dans la plupart des chiffres de ce tableau, un hasard singulier est venu coincider pour faire tomber dans ce piége, surtout quand on voit les premiers chiffres chinois, on pourrait s’at- tendre à découvrir cette loi de formation jusqu'au chiffre 9; puis quand on voit notre chiffre 7, fig. 27, reproduit sur une médaille de l'abbé de St. Gall de l'an 1667, fig. 167, sur une monnaie de Corse de 1768, fig. 469, et dans notre 7 manuscrit, fig. 257; enfin quand on voitle 9, fig. 29, reproduit dans notre 9 manuscrit, fig. 259. Afin de ne pas anticiper sur l'examen des chiffres dans l’ordre chronologique, nous ne pousserons pas plus loin l'examen du ta- bleau A, la suite devant compléter ce que nous pouvons omettre relativement à ces chiffres hypothétiques. 3. Chiffres de Boëce. VI siècle. (Tableau B.) Trois séries sont indiquées dans notre tableau B : la première nous est donnée par M. Chasles, dans le texte d’un manuscrit de Boëce tiré de la Biblio- thèque de Chartres ; la seconde vient du même manuscrit, mais d’après des types placés en dehors du texte, avec des dénominations placées au-dessus qui paraissent venir de l'hébreu * ; la troisième # Plusieurs personnes se sont occupées sans résultat de découvrir la pro- venance des mots placés sur ces chiffres en dehors du texte, qui sont : Igin, Andras, Ormis, Arbas, Quimas, Cattis, Zenis, Temenias, Celentis, Sipos. Nous croyons pouvoir mettre ces personnes sur la voie à ce sujet. Duret, dans son livre sur l’origine des langues, indique que les mots assignés à chaque lettre de l’alphabet hébreu, formentune invocation qui pouvait faciliter aux enfants d'apprendre l’alphabet; de même, dans deux alphabets attribués aux Sar- rasins, mais que Duret croit loniens, chaque lettre est désignée par un nom de fantaisie, commençant par la lettre que ce nom rappelle. Mais ces noms sont ceux d'îles, de villes, de rivières, avec quelques noms propres, d’où l’on peut conclure que les noms donnés à ces chiffres sont aussi des noms de fantaisie, Par exemple, Jgin, placé sur le chiffre 1, n’est pas étranger à la lettre I représentant un ; Catlis, placé sur le chiffre 6, serait un double C ou G, ce qui dans la numération grecque vaudrait 6; Quimas, placé sur le 5, a du rapport avec le mot cinq en latin ; Zenis, placé sur le 7, se rapporte à la lettre hébraïque zaïn qui représente 7 dans la numération des Hébreux. SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 177 série est extraite de l'ouvrage de Montucla. Les différents types maauscrits de Boëce varient donc quelque peu, suivant les copistes par lesquels ils ont été reproduits. Boëce dit que ces apices ou chiffres sont attribués à Pythagore ou à ses successeurs, ce qui voulait dire que les Romains, qui s'oc- cupaient de mathématiques, avaient suivi l'exemple donné par Py- thagore, plusieurs siècles auparavant, en prenant des apices plus commodes que les lettres romaines pour calculer avec la table de Pythagore, soit abacus à colonnes, pour effectuer promptement leurs calculs et pour obvier à l'absence du zéro. Toutefois, les chiffres grecs et romains, au moyen des lettres de leur alphabet, ont conti- nué à être employés jusqu'au XIF° et XIE siècle. Le chiffre 1 de Boëce, fig. #1, est l’I des Romains, représentant 1 ou le iôta des Grecs, qui a d'abord indiqué { et ensuite 10. Le chiffre 2, fig. 42, a la forme de la lettre beth, deuxième de l'alphabet syro-hébraique, fig. 132 à gauche , et d'un alphabet de Jérusalem , fig. 442, mais retournées, qui différent peu de la même lettre de l'hébreu moderne : la même lettre de l'alphabet du roi Sa- lomon, fig. 132 à droite, a beaucoup de rapport avec ie chiffre de Boëce. On sait que les lettres beth des Hébreux et béta des Grecs représentaient 2 dans leur numération. Il faut rappeler ici que dans plusieurs alphabets la seconde et la troisième lettres sont souvent représentées, l’une par deux li- gnes et l’autre par trois, comme si la forme des lettres eût dû coïn- cider avec la série des nombres naturels. Il est aussi nécessaire de faire remarquer que presque tous les chiffres européens actuels se retrouvent dans plusieurs alphabets anciens de l'Orient, bien antérieurement à la domination des Arabes, ce qui semble confirmer pleinement le fait que Pythagore aurait puisé ses apices soit en Egypte, soit en Syrie ou en Chaldée. Le chiffre 3, fig. 43, représente exactement la lettre gamma, troi- sième de |’ alphabet coptique, de Coptos en Egypte; sur les marbres Farnèse, on voit aussi un gamma à peu près semblable, mais cou- ché sur la droite, fig. 133. Le chiffre 3, fig. 53, est semblable au 2, fig. 52, mais tourné dans un autre sens, avec un jambage de plus au milieu, pour représenter trois unités; ce pourrait aussi être un M, dont le troisième jambage arrondi relie les deux premiers. Enfin, le chiffre 3, fig. 63, est bien un » renversé. [l faut rappeler ici, en passant, que, dans un des alphabets étrusques anciens, la lettre B était représentée par un espèce de N, et le C, troisième lettre, par un M. Dans ce système, il eùt été logique de représenter le chiffre 2 par “un U ou un N; mais, daus l’un et l’autre cas, on voulait éviter l'i- “entité de forme avec les lettres ordinaires. Dans la numération grecque, gant tree 3. Le ah fre 4, fig. 44, parait être le redoublement du béta de la figure 42, mais renv ersé ; la figure 13% en indique la formation; ce serait, Re ce Cas, un béta double qui indiquerait bien quatre uni= tés : plus tard, les copistes en auront fait un B simple, droit où cou- 178 . SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. ché, comme dans les figures 54 et 64. Les Grecs représentaient 4 par la quatrième lettre delta. Le chiffre 5, fig. 45, est de provenance romaine et grecque bien constatée ; c'est un V ou un U déformé, et aussi l'upsilon grec, comme on en voit sur les monuaies byzantines du Vl° siècle, sous la forme des figures 135, 145, 155, pour indiquer le chiffre 5’. La lettre française U, jusque dans le XVII siècle, remplaçait la lettre V, tout comme chez les Romains le V remplaçait souvent l'U. La cinquième lettre hé, dans un alphabet samaritain et dans un autre du roi Salo- mon , était représentée par une figure semblable à celle de la case 155 à droite. La lettre E des Grecs, correspondant au hé des Hé- breux, représentait 5. Le chiffre 6, fig. 46, est l’inverse du 5, fig. 45 : c’est, dans ce cas, un signe conventionnel ; cependant on voit cette figure sous la lettre vau, sixième d’un alphabet chaldéen , fig. 156 à gauche, mais avec la boucle tournée en bas, ainsi que dans un alphabet égyptien sous lettre K. Le chiffre 6, fig. 56, indique bien six lignes, c'est le chiffre appelé cattis en dehors du texte de Boëce; celui de la figure 66 semble être la lettre grecque gamma, fig. 136, mais renversée, qui représentait 3 chez les Grecs. Ainsi donc la figure 56, qui ac- cuse six lignes serait formée de deux cattis ou gattis, ou deux gamma entrelacés, comme dans la figure 446, tout comme la figure 44 se compose de deux fois la figure 42. Il serait enfin possible que la lettre vau, sixième de l’alphabet syro-hébraique , fig. 156 à droite, qui a la forme d'un 9 européen, eùût formé, en la retournant, la fig. 96, tout en l’adaptant à représenter six unités. Les Grecs représen- taient 6 par la lettre stigma, remplaçant chez eux, pour la numéra- tion seulement , la lettre vau des Phéniciens, lettre que les Grecs n'ont pas admise. Le chiffre 7, fig. 47, 57, vient de la lettre Z, septième dans les alphabets syro-hébraiques : c’est ce qu'on appelait chez les Ro- mains le zéfa imperfectum et chez les Grecs zéta ellipés, servant à certaines notations. Le zaën, septième lettre des alphabets de Salo- mon et des dix tribus révoltées contre Jéroboam, fig. 137, a exac- tement la forme de notre 7 moderne; enfin, la septième lettre d'un alphabet hébreu, fig. 147 à gauche, représente bien notre 7 moderne, fig. 257. Le zéla des Grecs qui représente 7, fig. 147 à droite, qui est la septième de leur alphabet en y ajoutant le vau des Phéniciens qu'ils n’ont pas admis comme lettre, rappelle bien aussi la forme de notre 7 moderne. Les Arabes ont puisé leur 7 à la: même source que nous, mais ils en ont tourné l’ouverture contre le haut. Le chiffre 8, fig. 48, vient de la lettre hheth, huitième de l'alpha- bet phénicien et samaritain, sous figures 158, dont celle de gauche ressemble bien au 8 moderne: on y compte huit lignes, y compris les quatre prolongements , et dans la figure de droite on reconnait deux carrés juxta-posés. Cette dernière figure phénicienne a donné #* Voir journal de numismatique, Genève, 1853, page 214, pl. XII. À < D dc SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 179 _ naissance à la lettre H, fig. 148 à gauche, qui, chez les Grecs, ex- _ primait 8. La fig. 148 à droite indique la huitième lettre de l'alpha- bet des dix tribus ; enfin, la figure 458 à droite indique une variante de la huitième lettre grecque, le vau compris, dans laquelle on re- connait huit unités, les quatre bras de la croix et les quatre points. La huitième lettre de l'alphabet étrusque était aussi représentée par la lettre H, fermée par le haut et par le bas, tout comme aussi par une figure bien arrondie comme notre 8 moderne, fig. 158 à gauche. Du reste, il faut remarquer que la figure employée pour notre 8 est très-répandue dans les alphabets ; elle se retrouve dans le grec pour y indiquer la réunion des lettres O et U ; pour représenter l'omega et le nombre 1000 dans la numération romaine, mais couchée ; en- fin, dans les alphabets de l'Ombrie, étrusque, chaldéen, syriaque, zend, coptique, birman, pali-cinghalais et autres, ainsi que dans les chiffres indiens. Le chiffre 9, fig. 59, parait venir de la neuvième lettre de l'al- phabet phénicien-samaritain, fig. 139 à gauche, qui, étant retournée, peut former le 9 des figures 49, 69. Notre 9 peut aussi venir de la neuvième lettre grecque théta, le vau compris, fig. 140, qui se voit sous ces deux formes et qui représentait 9 chez les Grecs. Enfin, le 9 pourrait aussi venir de la neuvième lettre de l'alphabet de l'ange Raphaël, fig. 139 à droite. La lettre th, dans l'écriture zend, est semblable à la fig. 59. Le signe circulaire, fig. 60, n’est pas un zéro, mais il représente un jeton dont on se servait pour chiffrer du temps de Boëce et plus tard encore, avec la table de Pythagore ou abacus à colonnes : c’est cette figure qui est appelée sipos, en dehors du texte de Boëce, dans le manuscrit de Chartres. De ce qui précède, on peut donc conclure avec certitude, que les chiffres de Boëce procèdent des lettres syro-hébraïques et grecques pour la forme, ayant la même valeur numérique que les lettres hé- braïques et grecques correspondantes dans la numération de ces deux peuples, ce qui n’est pas étonnant, puisque les Grecs ont pris des Phéniciens leur dernier système de numération. Nous verrons plus tard que, si les chiffres arabes 7 et 9 ont à peu près la même forme que ceux de Boëce, cela vient de ce qu'ils ont pris origine dans les mêmes lettres. Enfin, on voit que les chiffres de Boëce, d'où les nôtres proviennent, n’ont pas été empruntés aux Arabes, qui, du temps de Boëce, dans le V°et le VI° siècle, commençaient à peine à se faire connaitre comme nation. Les apices de Boëce étaient donc des chiffres de fantaisie, dont le nombre était limité à 9 et auxquels on donnait une valeur de position sur l’abacus pour les opérations arithmétiques. k. Chiffres de Sacro- Bosco et de Roger Bacon. XIIT° siècle. Avec l'introduction du zéro des Arabes ou plutôt des Indiens, dans le XH!° et le XIIL° siècle, les calculateurs praticiens purent abandon- ner l’abacus et ses colonnes, ainsi que les lettres grecques, romaines, 3 eo 180 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. hébraïques, arabes et autres servant à la numération. Dans l'Occi= dent, on adopta, pour les neuf chiffres effeetifs, les anciens apices de Boëce qui avaient été employés jusqu'alors par les amateurs seu- lement, avec l'abacus de Pythagore. Les chiffres de Sacro-Bosco” et de Roger Bacon sont ceux de Boëce, sauf le 3 et le 4, avec une modification du 6. Examimons-les rapilement. Le chiffre À ne présente pas d'intérêt. Le chiffre 2 de Sacro-Bosco, fig. 72, est à peu près le même que celui de Boëce; mais le 2 de Roger Bacon, fig. 82, se rapproche déja de la forme du Z donnée plus tard à notre 2 dans le XV°siècle. Le chiffre 3, fig. 73, pourrait aussi venir du 3 de Montucla, fig. 63, en faisant reposer ce chiffre sur son côté gauche, en prenant la figure 23 pour intermédiaire. Un alphabet samaritain réprésente la troisième lettre de cet alphabet par la figure 143; un alphabet d'Ambrosius, en ancien grec, représente la même lettre par la figure 153 à gauche; un alphabet jacobite donne pour sa troisième lettre la fig. 153 à droite, de même qu'un alphabet chaldéen. Enfin, si ce chiffre devait être d'origme étrangère, il viendrait des chiffres indiens, avec lesquels les nôtres du XIH° siècle ont beaucoup de rapport, surtout les chiftres 2, 3, 4 et 5. Une chose digne de remarque, c’est que deux lettres grecques majuseules, le zéta et le æi, formées chacune de 3 lignes, sont re- présentées, dans plusieurs alphabets grecs et samaritains, par une figure semblable à notre 3 moderne, c'est pourquoi il n’est pas éton- nant que ce type ait été choisi pour remplacer là figure de Boëce, fig. 43, qui a trois lignes. Ainsi la septième lettre ou le zéta de l'al- phabet coptique est représenté par un 3 moderne, ainsi que le chiffre 7 des Normands qui se servaient des lettres grecques dans leur nu- mération. Le chiffre 4, fig. 74, ne vient pas de Boëce, mais il pourrait avoir été tiré de la partie supérieure du 8, en prolongeant un peu les extré- mités inférieures, pour rendre ce chiffre bien différent du 0, comme dans notre figure 14. Si ce chiffre ne vient pas directement du delta des Grecs, qui représentait 4, et dont on aurait prolongé deux de ses côtés comme dans la fig. 24, il viendrait alors du delta 4° lettre des alphabets phénicien, tyrien et samaritain , fig. 144 et 15% à droite, ou du chaldéen, fig. 154 à gauche. Cette quatrième lettre de l'alphabet phénicien figurait un triangle monté sur un pied , ce qui représentait bien unités, ainsi que la fig. 15% à droite où le trian- gle était arrondi, type qui pourrait avoir donné naissance au 4 de Sacro-Bosco. Ainsi donc, dans les XHL°, XV° et XVT° siècles, on se serait rap- *# Pour la forme des chiffres de l’époque, on pourrait consulter les ou- vrages de Sacro-Bosco, Sphæra mundi et De computo ecclesiastico, ainsi que les traités. d’arithmétique écrits par les Arabes dans les XI°, XIIe et XIIIe siècles, afin de confronter leurs chiffres. Il y a de semblables manuscrits arabes dans la bibliothèque de Leyden. SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 181 proché de la source phénicienne dont le 3 et le 4 de Boëce déviaient. nfin, dans les variantes du 4 grec, on voit aussi ce chiffre repré- senté par un carré, ce qui rentre dans le système du tableau À et des chiffres chinois, de même que nous avons vu que la 8° lettre, chez les Phéniciens, se représentait par deux carrés superposés, fig. 138, à droite. Le chiffre 5, fig. 75, vient de Boëce ; nous n’ajouterons rien à ce que nous avons déjà dit sur ce chiffre. Le chiffre 6, fig. 76, vient, sans doute, du chiffre correspondant de Boëce, mais en se rapprochant de son origine qui est la lettre vau, 6° de l'alphabet syro-hébraïque, fig. 156 à droite, mais en retournant cette lettre. Les chiffres 7, 8 et 9 sont les mêmes que ceux de Boëce. Le chiffre zéro introduit dans notre numération dans le XII siè- cle a déjà été traité. On remarquera que, en genéral, les chiffres de Sacro-Bosco et de Roger Bacon constituent une amélioration sur ceux de Boëce, en pre- nant moins de place et en se prêtant à une formation plus rapide. 5. Chiffres des monnaies. XV° siècle. Les nouveaux chiffres fu- rent admis assez facilement sur les monnaies, à cause du peu de place qu’ils demandaient pour y indiquer le millésime, ce qui était difficile avec les lettres romaines. Ces chiffres, sur les monnaies, sont ceux de Roger Bacon, de forme un peu roide, avec modifica- tion du 5 qui tendait à se transformer. Le chiffre 2, fig. 92, s’est transformé en un Z, présentant deux traits forts, reliés par un trait faible, comme pour donner raison à notre tableau A, fig. 22. Cette forme nouvelle du chiffre 2 se rap- proche de sa source, qui est la seconde lettre hébraïque, beth, figure 142, en donnant à ce chiffre plus de symétrie et de facilité pour la gravure. | Le chiffre 3, fig. 93, est formé d’un Z, dont le trait fort, inférieur, . est prolongé pour former une boucle inférieure souvent peu pro- noncée. Le chiffre 4, fig. 9%, est intéressant ; il se présente, sur les mon- naies, tantôt sous la forme d’une boucle arrondie, fig. 84, tantôt avec la boucle carrée, fig. 94, enfin avec une boucle triangulaire, fig. 24. Un & curieux est celui de la figure 151, sur le sceau de la communauté - de la vallée d'Urseren, dans'le canton d’Uri, de 1410; un 4, avec la boucle triangulaire tournée en bas, se voit sur une monnaie de Vabbé de St. Gall de 1424, fig. 149. Plus tard, le chiffre 4 s’est re- dressé, ce qui se voit sur une monnaie d'Anne de Bretagne de 1498, en ramenant ce chiffre à la forme de la 4° lettre phénicienne, c’est- àä=dire à son point de départ. Le 4, à boucles arrondies, est à peu près le 4 retourné des Indiens. Le chiffre 5, fig. 95, dans les monnaies de cette époque, est an- guleux ; c’est le 5 de Roger Bacon, mais en voie de transformation : ce chiffre se remarque sur les monnaies du duc de Bourgogne de 1475. 182 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. Le chiffre 6 est le même que celui de Roger Bacon. Le chiffre 7, fig. 97, est aussi semblable à celui de Roger Bacon, il se présente sous cette forme sur des monnaies de Bourgogne, ainsi qu: sous celle de la figure 57 ou 157 à gauche. Ce chiffre s’est redressé insensiblement pour prendre une position plus gra- cieuse, et, déja sur une mounaie de Flandre de 1478, on le ‘voit sous la forme de la figure 159 revenant ainsi à sa forme primitive, c’est-à-dire la 7° lettre de l'alphabet chaldéen, de Salomon et des 10 tributs. Le chiffre 8, fig. 98, sur les monnaies, avait quelquefois la bouele supérieure aplatie, en forme de triangle. On voit ce chiffre sous cette forme sur une monnaie de Flandre de 1489 et dans un millé- sime de 1585, sur la colonne de la fontaine de la Palud à Lausanne, sous figure 165. Le 8, avec la boucle supérieure aplatie, a donné naissance, en supprimant une ligne, à un 7 curieux, dans le millé- sime d’une médaille de l'abbé de St. Gall de 1667, dont nous avons déjà parlé, fig. 167, et sur une monnaie de Corse de 1768, fig. 169. Ainsi le 7, avec 7 lignes, se rapprochant de la fig. 27 de notre ta- bleau À, serait donc plus ou moins moderne, au lieu de se trouver à l'origine phénicienne de ce chiffre. Les chiffres 9 et 0 sont les mêmes que ceux de Roger Bacon. 6. Chiffres manuscrits. XV° siècle. Nous n'avons eu à notre dis- position qu'un seul manuscrit du XV° siècle, un volume des Décré- tales de 1446, sur lequel le chiffre 5 était en voie de transformation et où les chiffres 4 et 7 se trouvaient déjà redressés, tandis qu'ils ne l'étaient pas sur des monnaies postérieures que nous avons citées. À ce sujet, on peut faire cette question: ce manuscrit ne peut-il pas être une copie de date postérieure à l'année 14467? Les figures 101 à 110 représentent les chiffres de ce document. Le chiffre À, fig. 101, ne présente rien de particulier sauf ses extrémités. Le chiffre 2, fig. 102, se rapproche de notre fig. 22 et de son origine, la lettre beth, fig. 142. Le chiffre 3, fig. 103, se présente sous deux formes, l’une déri- vant du chiffre 2 précédent et l'autre arrondie. Le chiffre 4, fig. 104, est redressé; il est revenu aussi à sa forme originelle, la 4° lettre phénicienne et chaldéenne, fig. 144 et 154 à gauche. Le chiffre 5, fig. 105, se présentait sous deux formes. On ne peut pas dire si la boucle du 5 moderne a été tournée contre le bas ou si ce changement a été graduel, sa forme intermédiaire serait la figure 105 à droite. Un 5 assez curieux est celui qu'on voit dans le millé- sime de 1513 d'une maison à Lausanne, rue St. Laurent, n° 22, re- présenté sous figure 1614, et un autre de 1579 sur les murs de la ville, sous les casernes, fig. 163. Nous ne pouvons préciser l'année où le 5 a pris la forme actuelle, ce doit être dans les premières an- SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 183 nées du XVI° siècle: ce chiffre avec le trait horisontal supérieur est devenu plus gracieux. Les chffres 6, 7, 8, 9 ne présentent pas de changement, sauf le 7, fig. 107, qui est déja redressé dans ce manuscrit, ce qu’on voit aussi sur une monnaie de 1478, fig. 159, comme nous l'avons déja dit ci-devant. 7. Chiffres de l'imprimerie. XVF siècle. C'est depuis l'an 1534 que les chiffres ont reçu une forme définitive, tandis qu'auparavant elle était très variable. Les chiffres 4, 2 et O ont conservé pendant longtemps une hauteur inférieure à celle des autres chiffres, circonstance qui rapprochait ces chiffres de notre tableau A. Le chiffre 1, fig. 111, ne présente pas d'intérêt, cependant, a cette époque, on le voit quelquefois, dans les millésimes, sous la forme de la figure 131, presque comme le 1 indien, fig. 291. Les figures 141 et 151 présentent le un gothique. Le chiffre 2, fig. 112, est un Z semblable à la lettre de même forme. Le chiffre 3, fig. 113, procède du 2, cependant la boucle infé- rieure était souvent très peu prononcée, se joignant presque à la ligne supérieure horisontale. Le chiffre 4, fig. 114, redressé au milieu du XV° siècle, est formé de trois lignes droites, comme la 4° lettre phénicienne, fig. 144. Le chiffre 5, fig. 115, qui a reçu la ligne supérieure horisontale dans les premières années du XVI siècle, a souvent la boucle infé- rieure peu prononcée, se rapprochant beaucoup de la ligne supé- rieure. Le chiffre 6 n’a pas changé. Le chiffre 7, fig. 117, ainsi que le 4, ont été redressés dans le milieu du XV° siècle, comme nous l'avons déja dit. Dans l’impri- merié on voyait quelquefois le 7 sous la forme de la figure 157 à ‘mo en se rapprochant ainsi du zéta grec et de notre tableau A, g. 27. Le chiffre 8, fig. 118, n’a pas changé, cependant, dans quelques ouvrages allemands anciens, on le voit avec 8 lignes, comme dans notre fig. 18, mais cela tient à la forme gothique. Les chiffres 9 et O n'ont pas changé. La faible hauteur des chiffres 1, 2, O a été cause que les autres chiffres dépassaient la portée des plus petits, tantôt en dessus et tantôt en dessous ; le 6, cependant, toujours en dessus et le 9 en _ dessous. … 8. Chiffres du XIX° siècle. Dans l'imprimerie du XIX° siècle, on a adopté, en général, les chiffres d’égale hauteur. Le chiffre 1, fig. 121, présente au-dessus une petite modification qui le distingue de la lettre [. Le chiffre 2, fig. 122, a abandonné la forme supérieure du Z, 184 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. pour se rapprocher aussi de son origine, la seconde lettre de l’alpha- bet syro-hébraïique, fig. 432 à gauche, arrondie au-dessus. Le chiffre 3, fig. 123, aplati au-dessus, reparait quelquefois dans l'imprimerie avec la boucle supérieure arrondie, comme le 3, figure 253, mais le trait fort du milieu a disparu, en se rapprochant de celui de Roger Bacon. Le chiffre 5, fig. 125, a perdu le trait fort du milieu ; du reste les autres chiffres n’ont pas changé, sauf les boucles des chiffres 3, 5, 6, 9 qui sont terminées par des points. Les chiffres manuscrits, placés au bas du tableau D, sous les chif- fres arabes, fig. 251 à 260, dans le but de faire reconnaitre la va- leur numérique des chiffres supérieurs et inférieurs, différent peu de ceux de l'imprimerie. Le chiffre 3, fig. 253, a toujours les deux boucles arrondies; le chiffre % est ouvert par le dessus; le chiffre 7, fig. 257, est celui qui se présente sous les formes les plus diverses, on en peut compter environ 12 modifications ; celui sous fig. 257, encore maintenu au- jourd'hui par quelques personnes , se rapproche de la 7° lettre d’un alphabet hébreu, fig. 447 à gauche, et de notre 7 fig. 27. Le chiffre 9 est celui de tous les chiffres dont la partie inférieure persiste à dé- passer la portée en dessous, ou par un grand prolongement ou par une boucle déliée, comme pour donner raison à notre figure 29 et 259. Mais, de ce qui précède, il n’en reste pas moins démontré que le chiffre 9, ainsi que le 5 et le 7, ne proviennent point d'une combi- naison première entre leur forme et le nombre des unités qu'ils re- présentent; il n’en est pas de même du 8, qui vient bien de la réunion de deux carrés juxta-posés, fig. 133 à droite. C’est donc bien par hasard que notre tableau A à permis de sup- poser une combinaison première dans laquelle on aurait fait entrer, pour les chiffres européens, autant de lignes que d'unités, et dont les Arabes, avec leurs ornements rectilignes, auraient été les archi tectes. III. Des chiffres d'Asie. 4. Des chiffres chinois. (Tableau C.) La nation chinoise, qu'on peut classer en même temps parmi les peuples anciens et modernes, parce qu’elle a, dès son origine, continué d'exister comme nation, et qu'elle a gardé religieusement ses traditions ainsi que les traces de toutes les parties de sa civilisation, offre, parait-il, la meilleure source où l’on puisse aller puiser l'origine de la forme des chiffres, dégagée de la forme des lettres, l'époque de l'emploi de leur abacus ou souan pan et celle de l'introduction du zéro dans leur numération, afin de savoir positivement si ce dernier chiffre est dû aux Indiens et l'abaeus à colonnes à Pythagore. Tous les peuples d'Orient et d'Occident, Phéniciens, Hébreux, Grecs, Romains, Arabes, Indiens, etc., les Chinois exceptés, jusqu'à C3 ns SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 185 une époque assez rapprochée de nous, se servaient des lettres de leur alphabet pour types de la numération ; les millésimes sur les mon- naies de ces peuples ne paraissent qu'au commencement du XIV° siéele, et plus tard encore sur les monnaies indiennes. Les Chinois, au contraire, déja avant notre ère, avaient des monnaies frappées avec des chiffres dont ils se servent encore aujourd'hui. Tableau C, fig. 181 à 190. Les chiffres chinois sont les seuls qui offrent une combinaison réelle entre leur forme et le nombre des unités qu'ils doivent repré- senier, mais cela seulement jusqu’au chiffre 5. Comme ces signes sont des hiéroglyphes ils devaient rappeler à l'esprit leur valeur, c'est pourquot les 5 premiers chiffres chinois ont chacun autant de lignes droites que le chiffre doit représenter d'unités, ce qui fait qu'ils ont nécessairement un grand rapport avec notre tableau A. Dans un sujet restreint à 10 types les points de contact devaient être nombreux. Au-delà du chiffre 5, nous n'avons pu découvrir une loi satis- faisante de formation, qu'en supposant, dans plusieurs chiffres, la suppression de deux lignes : nous avons rejeté ces combinaisons, pour nous en tenir à un système qui est fourni par les Chinois eux- mêmes, dans leurs chiffres du commerce, servant aussi aux besoins journaliers, fig. 191 à 200. D’après ces derniers chiffres, extraits de la grammaire chinoise d’Abel Rémusat, on voit que les Chinois, dans leurs chiffres du commerce , à l’imitation des Romains, disaient : à plus 1, 5 plus 2, 5 plus 3, 5 plus 4 pour exprimer les nombres 6, 7, 8 et 9, en prenant ainsi le nombre 5 pour clef, représentée par un point placé au sommet du signe, auquel on adjoignait succes- sivement les premiers chiffres 1, 2, 3 et 4, fig. 191 à 194. D’après cela nous avons supposé que le chiffre 6, fig. 186, est formé de l'unité ou barre horisontale, surmontée d'un point repré- sentant 5, comme l'indique la figure 176 : les deux accents en-des- sous de ce chiffre n’auraieni ainsi pas d'autre signification que celle de désigner un type numéral. Le chiffre 7, fig. 187, serait formé comme le 6, avec l'adjonction d'une unité de plus, comme dans la fig. 177 ; mais, dans la pratique, le jambage inférieur aurait été recourbé à droite, ce qui donne à ce chiffre la forme d'un t, pour le rendre différent de la croix affectée au nombre 10. | Le chiffre 8, fig. 188, serait formé comme l'indique la figure 178, mais, dans ce chiffre, la clef représentant 5 serait omise. Le chiffre 9, fig. 189, serait formé d'un carré représentant 4, surmonté de la clef représentant 5, fig. 179; mais, dans la pratique, . on aurait laissé le carré ouvert par le bas. Cependant, malgré l'ap- … parence favorable de cette loi de formation, elle pourrait bien, au fond, ne pas avoir une grande valeur, comme nous le verrons plus Moin en comparant les chiffres chinois aux lettres hébraïques. La figure 190 n'indique pas le chiffre zéro, qui n’était pas connu en Chine avant J.-C., mais elle marque le nombre 10. A cet égard, 186 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. il est curieux de faire remarquer que, dans l’alphabet servien, le dixième type est une croix qui ne servait pas comme lettre, mais qui était spécialement affectée au nombre 10 comme en Chine. D'autres signes étaient affectés aux nombres 100, 1,000, 10,000 100,000, ete. Ordinairement on n’employait ces signes que jusqu’à celui de 40,000, et l’on décomposait les nombres plus grands en dizaines de mille, c’est-à-dire qu’au lieu de noter, par exemple, cent-trente-cinq mille, on inscrivait treize dizaines de mille et cinq mille. Les Chinois ont encore d’autres chiffres d’une forme beaucoup plus compliquée que ceux sous figures 181 à 190, ils s’emploient quand on veut éviter les méprises ou les altérations frauduleuses. Dans le commerce et pour les besoins domestiques, on fait usage, comme nous l'avons déjà dit, de chiffres plus simples, produits par l’altération des chiffres anciens ou historiques; ces chiffres sont tr par les figures 191 à 200, y compris le zéro des [n- iens. Dans ces chiffres, les types 4, 2, 3, fig. 191, 192, 195, ne dif- fèrent des anciens que par leur position verticale, à la manière des Romains. Le chiffre #, fig. 194, est exprimé par le croisement des diago- nales d’un carré, ce qui est assez naturel. Le chiffre 5, fig. 195 à gauche, ést représenté par une figure sem- blable au 8 européen ouvert par dessus, d’après Abel Rémusat, tandis qu’un autre auteur indique pour le 5 un Ÿ comme les Indiens, fig. 275, ce qui montrerait les relations de commerce entre les Chi- nois et les Indiens. Le chiffre 6, fig. 196, est l’ancien chiffre de la figure 186, en sup- primant les deux accents inférieurs, ce qui nous a fait supposer que le eo sur la barre horizontale servait de clef représentant le nom- bre 9. Les chiffres 7, 8, fig. 197, 498, répondent bien à cette hypothèse ; mais le chiffre 9, fig. 199, présente une anomalie : la partie supé- rieure représente le chiffre 6 et la partie inférieure désigne 4, ce qui ferait 10 au lieu de 9. Ou le chiffre 9 du commerce a une ligne A trop (la ligne horisontale) ou cette ligne manque au 4 de la figure 194. Le chiffre zéro, fig. 200, vient, parait-il, des Indiens; mais il s'agirait de constater la date de son introduction en Chine. Une chose à remarquer, c’est la ressemblance du chiffre chinois 6, fig. 186, avec une des variantes de la sixième lettre de l'alphabet samaritain, fig. 316; celle du 8, fig. 188, avec la huitième lettre hé- braique, fig. 148 à droite; enfin celle du 9, fig. 189, avec la neu- vième lettre de l'alphabet de l'ange Gabriel, fig. 139 à droite. Ces faits expliquent la ressemblance du 8 arabe avec le 8 chinois. Une chose curieuse, c’est que les Chinois, malgré l'introduction du zéro dans leur numération, ce qui leur permettait de limiter leurs chiffres à A0, ont conservé les signes spéciaux pour 40, 100, 1000, SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 187 etc., en sorte que le zéro ne fait que tenir la place des chiffres effec- tifs qui peuvent manquer dans les différents ordrés d'unités. Enfin, dans leur numérätion écrite, ils rappellent la valeur de position de chaque chiffre, tandis que cette valeur est sous-entendue ou conven- tionnelle dans la numération des autres peuples, ce qui dénote, chez cette nation, l'amour des longueurs ou l'esprit de défiance dans les innovations. Ainsi, pour exprimer le nombre 54,618, ils placent premièrement le signe de 10,000 surmonté du chiffre 5, puis le signe 1,000 surmonté du chiffre 4, ensuite le signe 100 surmonté du ehif- fre 6, après le signe 40 surmonté du chiffre 4, enfin le signe 8. C’est le chemin de l’école. Les Chinois ont-ils maintenant abandonné ces longueurs inutiles, qui caractérisent parfaitement les mœurs de ce peuple singulier ? Ne peut-on pas dire, à ce sujet, que la forme de l'écriture peint le ca- ractère des nations et des individus ? 2. Des chiffres arabes-persans. Examen préliminaire. (Tableau D.) Les Arabes, dès le commencement du VI° siècle, se font con- naître, comme nation naissante, par leurs ravages en Palestine et en Syrie. Se mettant à la tête de divers peuples et de tribus isolées, ils attaquent, les unes après les autres, les provinces de l'empire romain, qui était lui-même en butte, dans le centre de l'Europe, aux invasions des peuples venus du nord et de l’Asie. Les Arabes, pen- dant leurs invasions, sont désignés particulièrement sous le nom de Sarrazins. Au commencement du VII siècle, Mahomet se constitue le chef de leur religion; plus tard, il s'empare de toute l'Arabie. Ce peuple entreprenant conquit successivement la Syrie, la Perse, l'Egypte et l'Afrique. Dans le VII siècle, les Sayrazins ou Maures, venus d'A- frique, entrent en Espagne où ils se maintiennent pendant 700 ans ; ils étendent leurs conquêtes sur les iles de la Méditerranée et sur les provinces méridionales de l'empire romain. Les califes ou chefs des Sarrazins établissent leur résidence à Damas et ensuite à Bagdad ; leur empire, dans le milieu du VII siècle, s’étendait depuis les In- des jusqu’en France et en Espagne, et leurs relations commerciales ou Canton en Chine. Après avoir renversé plus de vingt trônes, es Arabes se trouvant en même temps en contact avec les Grecs, les Goths , les Indiens et les Chinois, devinrent les dépositaires de toutes les sciences connues et les transportèrent dans l'Occident. Dans le IX° siècle, Theophanes rapporte que lorsque Walid, ca- life des Sarrazins à Damas, au commencement du VIII° siècle, de- fendit l'usage des caractères grecs, il en excepta les chiffres, à cause des difficultés qu'offrait l'ancienne arithmetique arabe. Ce passage … de Theophanes prouve d’abord que les chiffres de Boëce du VF Siècle ne viennent pas des Arabes, et ensuite que ces derniers ne connaissaient pas encore les chiffres indiens ou plutôt l'arithmétique indienne. De quelle ancienne arithmétique arabe Theophanes veut- il parler? Les Arabes devaient avoir la même arithmétique que les 188 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. Grecs, en employant toutes les lettres de leur alphabet comme les Hébreux. Nous supposons donc que les Arabes, dans leur adminis- tration et dans leurs rapports avec les provinces, auront défendu l'usage de l'écriture grecque. En cela ils pouvaient bien être obéis, mais s'il s'était agi de prescrire les chiffres qu'on devait employer dans le commerce, la chose devenait alors d’une grande difficulté, ce qui fait que le vainqueur a dû laisser libre l’usage des chiffres dans chaque localité. C’est dans ce sens que nous interprétons le passage de Theophanes, dont, du reste, nous ne connaissons pas le texte précis, ne l'ayant pas lu nous-mêmes dans cet auteur. C'est cependant dans le courant du IX° siècle que les Arabes ont dû apprendre la nouvelle arithmétique indienne, puisque Alkindi, un de leurs éerivains, composa alors un traité sur l’arithmétique des Hindous. Jusqu’alors, les Arabes, comme tous les peuples conqué- rants, ne S étaient point occupés de seiences; mais, au Commence- ment du IX° siècie, sous le calife Al-Mamoun, qui aimait fort les sciences, ils s'appliquèrent à l'étude de la philosophie, de l'astrono- mie et des mathématiques, Enfin, aux environs de l'an 4000, Mah- moud fut le premier conquérant mahométan qui forma des établis- sements permanents dans l'Hindoustan. Jusqu'au VII ou [X° siècle, les Arabes, à limitation des Hébreux, avaient fait usage de toutes les lettres de leur alphabet pour chiffres de la numération. La forme de leurs lettres était grossière, il est vrai, comme on peut le voir dans les alphabets de Kufa sur l'Eu- phrate, dans lalphahet de Mauritanie ou du Maroc, et dans celui ap- pelé communément alphabet africain, qui dérivent tous de l'alphabet syro-hébraique et celui-ci de l'alphabet hébreu. Il serait possible, mais non vraisemblable, que les Arabes, depuis le règne de Walid, eussent fait usage des lettres grecques pour leur numération, ce qui parait expliquer, dans leurs chiffres actuels, un mélange de lettres grecques et de lettres syro-hébraiques ; mais cette ressemblance est plutôt le résultat de l’origine commune des alphabets et du long con- tact des Arabes avec les Grecs avant l'adoption de l’arithmétique in- dienne. C'est donc dans l'alphabet grec, mais surtout dans ceux em- ployés par les Arabes eux-mêmes, dans le IX° siècle, que nous re- trouverons l'origine de leurs chiffres au moment où ils adoptèrent, non les chifires, mais bien l’arithmétique indienne de neuf chiffres effectifs avec le précieux zéro, en donnant, conventionnellement, une valeur de position aux chiffres, comme Pythagore dans son abacus à ” colonnes. Les chiffres tures, ne différant des arabes-persans que dans de légères modifications, rentrent dans ces derniers dont ils forment une variante. 3. Chiffres de Planude et d'Al-Séphadi. XII° siècle. Ces chif- fres, fig. 201 à 220, soni extraits de l’ouvrage de Montucla : ceux d'Al-Séphadi pourraient être postérieurs au XIIT° siècle. Le chiffre 4, fig. 201, est semblable au chiflre 1 des Romains, SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX, 189 mais aussi à la première lettre de l'alphabet arabe moderne, qui est une simplification de la lettre hébraïque aleph. Le chiffre 2, fig. 202, vient de la lettre hébraïque beth, dont nous avons déja parlé, fig. 142,en la redressant, [l est à remarquer que, dans quelques alphabets, la seconde lettre a la forme d’un N, ce ui a lieu dans l'alphabet étrusque et dans celui d'Ethiopie. Il serait de même possible que les chiffres arabes 2 et 3 eussent pris leur origine dans les lettres grecques », m, sous fig. 301, 311, qui vien- nent des lettres phéniciennes et samaritaines, fig. 302, 312. Le chiffre 3, fig. 203, peut done venir, comme nous l'avons dit, de la lettre grecque », fig. 314, ou de la lettre samaritaine fig. 312, ou enfin de la lettre arabe sinu, fig. 303, qui cerrespond à la lettre grecque majuscule æi, qui se dessine par trois barres super- posées. Îl faut observer que la lettre sinn, dans les alphabets syrien, babylonien , samaritain , africain et du Maroc, se distingue par trois jambages , il n'y aurait donc rien d'étonnant qu'on l’eût choisie pour représenter trois unités, sans suivre toujours l'ordre des lettres de l'alphabet. Le chiffre 4, fig. 204, est remarquable parce qu'il se prête à une figure ayant quatre lignes, comme on le voit dans le 4 de la fi- gure 22%, qui est le % particulier à l'Hindoustan, et dans la figure 244 à droite, qui est aussi une variante du # arabe. Le 4, fig. 20%, parait venir de la quatrième lettre de l'alphabet de Mauritanie ou du Maroc, sous figure 304, auquel on a ajouté la petite boucle à gauche qui est devenue un jambage descendant comme dans la fig. 244 à droite. Le chiffre 5, fig. 205, s'explique de deux manières satisfaisantes. Ce peut être la lettre hé, cinquième des alphabets samaritain, chal- déen et d'Abraham, ressemblant à la lettre grecque epsilon, à la- quelle on a ajouté un jambage à droite, comme daas la figure 245 à gauche, jambage qui exécuté un peu rapidement en remontant, pre- nait la forme du 4 de Planude, fig. 205. Il est plus probable cepen- dant que ce chiffre vienne de la lettre arabe ain, fig. 315, qui a la forme d’un epsilon grec, mais qui, dans l'alphabet samaritain, prenait aussi la forme d'un zéro, d'un triangle, d'uncarré et d'un pentagone, fig. 245 à droite : c'est sous cette dernière forme que ce chiffre se présente dans quelques monnaies arabes. Le chiffre 5 d’Al-Séphadi, fig. 215, est une imitation imparfaite de la figure 245 à gauche, qui est la véritable forme du premier 5 arabe, qu’on peut ramener n me figure rectiligne, fig. 305, ayant cinq lignes, comme la figure Le chiffre 6, fig. 206, pourrait venir de la lettre vau, sixième de l'alphabet samaritain et phénicien, qui a la forme d’un Y, fig. 306, car, dans les autres aiphabets employés par les Arabes en Afrique, en Syrie, en Babylonie, la sixième lettre vau a la forme d'un 9 eu- ropéen , fig. 156 à droite. Le chiffre 7, fig. 207, vient de la lettre hébraïque zaën, septième de cet alphabet; dans celui de Salomon, c’est un 7 européen, fig. 190 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 437 à gauche; dans celui d'Abraham, c’est un V dont l'ouverture est tournée à droite, et dans celui de Kufa sur l'Euphrate, fig. 307, l’ouverture est tournée à gauche. Les Arabes auront donc jugé à propos de tourner l'ouverture en haut, à cause du chiffre 8 qui est semblable, mais avec l'ouverture tournée contre le bas. Le chiffre 8, fig. 208, vient de la lettre hébraïque hheth, huitième de l'alphabet, fig. 148 à droite; cette même lettre, dans l’alphabet africain, est représentée sous fig. 308, et dans l'alphabet d'Abraham sous fig. 318. Enfin dans les alpbabets de Kufa et du Maroc, cette letire est formée par la rencontre de deux lignes inégales, présen- tant leur ouverture à gauche. Par opposition au chiffre 7, et dans un but de symétrie, les Arabes auront tourné l'ouverture de cette lettre ou de ce chiffre contre le bas, comme la huitième lettre hébraïque, fig. 148 à droite. Le chiffre 9, fig. 209, vient de la neuvième lettre de l'alphabet africain, fig. 309, et de celui de Kufa, fig. 310; ainsi que de la même lettre de l'alphabet de l'ange Raphaël, fig. 139 à droite. Le chiffre 0, fig. 210, vient des Indiens depuis le IX° siècle; mais les Arabes n’ont pas conservé longtemps ce chiffre, qu'ils ont rem- placé par un gros point, fig. 220, depuis qu'ils ont donné au chiffre 5 la forme du zéro, fig. 225, qui représente la lettre hé, cinquième lettre de l'alphabet africain. &. Des chiffres arabes réquliers. Ces chiffres ne sont eux-mêmes que ceux de Planude et d’Al-Séphadi, sauf le 4 et le 5. Le chiffre 4, fig. 22%, est bien formé de quatre lignes ; il est sur- tout employé dans l’Hindoustan. Si ce chiffre avait donné naissance à la figuce 204, cette dernière figure ne viendrait alors pas de la qua- trième lettre de l'alphabet de Mauritanie, fig. 304; il est probable que cette dernière lettre a été modifiée et amenée à la forme donnée au chiffre de la figure 224 à droite. Le chiffre 5, fig. 225, qui est le zéro des Indiens et des Euro- péens, est aussi la lettre hé, cinquième de l'alphabet africain; c’est donc là que les Arabes ont pris leur 5 actuel. La lettre arabe aën, fig. 315, sous la forme d’un epsilon grec, qui représentait le 5 du temps de Planude, a donc été remplacée par la cinquième lettre de l’alpha- bet africain, à la fin du XIIF siècle. Le 5 arabe, sous forme du zéro européen, est donc postérieur a celui sous la forme d’un E. : Une remarque à faire, est la ressemblance des chiffres 7, 8, 9 arabes avec les correspondants chaldéens. 9. Des chiffres turcs. Ces chiffres ne différent presque pas de ceux des arabes-persans, comme nous allons le voir. Les chiffres 2, 3, fig. 232, 233, se distinguent des chiffres arabes correspondants par l'enfoncement moins prononcé entre les jamba- ges supérieurs. Le chiffre 4, fig. 234 à gauche, rentre dans la forme du 4 de Pla- SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 191 nude 2t dans celle de la figure 244 à droite, qui dérive de la forma- tion en quatre lignes en supprimant les petites boucles. Le chiffre 4, fig. 234 à droite, est celui usité actuellement en Turquie; il vient de la quatrième lettre de l'alphabet des Sarrazins ; il se fait remarquer par ses quatre lignes bien prononcées. Le chiffre 6, fig. 236, ressemble plutôt à la lettre vau, sixième de l'alphabet hébraique moderne, qu'au chiffre 6 de Planude, fig. 206. Les chiffres arabes indiqués dans le tableau D, sous le nom de va- riantes, sont surtout ceux qui se trouvent dans leurs monnaies, prin- cipalement le 5 de la figure 245 à gauche. 6. Des chiffres indiens. Examen préliminaire. (Tableau E.) Nous ne pourrons traiter les chiffres indiens que très brièvement, attendu que les alphabets d’où ils ont été tirés ne nous sont pas biens connus. Nous avons eu recours aux lettres du sanscrit et du zend , aux alpha- bets du Birman et Pali-Cinghalais, à la grammaire sanscerite de Bopp, et surtout aux monnaies indiennes. On doit aux Hindous ou Indiens l'invention du système de numéra- tion écrite, dont les Européens se servent aujourd'hui, au moyen de 9 chiffres effectifs et du zéro. Tous les auteurs arabes sont d'accord sur ce fait, c’est qu'ils tiennent leur système de numération des In- diens, aux environs du X° siècle; cependant il est à présumer que cette importation date du IX° siècle, puisque Alkindi, auteur arabe de cette époque, cômposa un traité sur l’arithmètique indienne. Ce témoignage des auteurs arabes est péremptoire, puisqu'il n’est pas à l'avantage de ceux qui l'ont émis en nous rapportant la vérité. Le système indien est le même que celui de Pythagore, au zéro près, signe qu'il remplaçait par les colonnes de l’abacus quand des chiffres effectifs venaient à manquer dans les différents ordres d'unités, pen- dant les opérations ou calculs. Nous avons déja dit que l'usage du zéro pouvait être né de l'emploi de l’abacus. En effet, des calcula- teurs, pour éviter le tracé préalable des colonnes, peuvent les avoir remplacées par des points chaque fois que des chiffres’ effectifs ve- naient à manquer, et ces points auront été remplacés par un nou- veau signe admis comme type numéral, qui est le zéro. Si c’est des Chaldéens que Pythagore à appris à donner aux chiffres une valeur de position, ces premiers ne connaissaient pas le zéro dans le V[° siècle avant J.-C., lors du voyage de Pythagore, puisque l’abacus était destiné à remplacer le zéro. L'abacus a été un perfectionnement important sur le système chaldéen, qui n'était pas propre à faciliter les opérations arithmétiques, mais seulement à l'inscription des nom- bres. Les chiffres et le système que Georges Henisch, dans son ou- — vrage De numeratione, Augsbourg, 1605, attribue aux Chaldéens, ont-ils été pris à une source sûre et quelle est-elle? C'est ce qu'il faudrait examiner, car ces chiffres chaldéens n'ont aucun rapport avec ceux des Indiens, ce qui constitue deux systèmes tout diffé- rents. — Un mémoire inséré dans le Journal of Bengale, 1838, 192 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. relatif au sujet que nous traitons, en ce qui concerne l'Inde, doit fournir des lumières précieuses sur cette question : nous n’avons pu nous le procurer; il éclaircirait peut-être des points importants sur l'histoire de l’arithmétique indienne”. Notre tableau E indique quatre séries de chiffres indiens. La pre- mière est extraite de l'ouvrage de Montucla; la deuxième, de la grammaire sanscrite de Bopp; la troisième, des monnaies du Népaul, et la quatrième des monnaies d'Assam”. T. Chiffres indiens de Montucla. Les chiffres indiens, sous fig. 261 à 2/0, reproduits dans l'ouvrage de Montucla, paraissent avoir été recueillis par Tavernier dans son voyage en Asie : ils ne pré- sentent pas beaucoup de confiance, par le fait que les chiffres 4, 7 et O y sont presque de forme identique; enfin, ils diffèrent sen- sensiblement des trois séries suivantes qui sont authentiques; c’est pourquoi nous ne nous y arréterons pas davantage. 8. Chiffres sanscrits. Ces chiffres indiens fig. 271 à 280, sont ex- traits de la grammaire sanscrite de Bopp, qui n'indique pas leur date. Il est certain que ces chiffres dérivent des alphabets du sans- erit et du zend, dans lesquels, eroyons-nous, on ne connait pas l’or- dre des lettres, ce qui fait qu'on n’a pu comparer le rang des chif- fres avec celui des lettres des alphabets. Le chiffre 4, fig. 271, ne se trouve pas dans les alphabets du sanscrit et du zend, mais bien dans ceux du Birman et Pali-Cingha- lais, sous lettre R, fig. 281, 297. Le chiffre 2, fig. 272, parait être un diminutif du chiffre 3 sui- vant: il a beaucoup de rapport avec les figures 282 et 298. Le chiffre 3, figure 273, est la lettre [ du sanserit et la lettre gha dans un alphabet zend; enfin c’est la lettre da du Pali-Cin- ghalais. Le chiffre 4, fig. 274, se retrouve dans les alphabets du sanscrit, du Birman et Pali-Cinghalais, mais couché. Il est à remarquer que les Chinois ont pris ce type pour leur chiffre 5 du commerce. Le chiffre 5, fig. 275, pourrait être la lettre Y du sanscrit. Il est curieux de voir que ce chiffre corresponde pour la forme et pour la valeur aù V ou à l'U des Romains, fig. 145 à droite et 155 à gauche. Enfin, ce chiffre a aussi été emprunté des Indiens par les Chinois pour leur chiffre 5 du commerce. À Le chiffre 6, fig. 276, est la lettre E du zend et la lettre B du Pali-Cinghalais: ce chiffre est l'inverse du 3 pour la position. Il faut # M. Cantor, dans-la réunion des naturalistes allemands à Carlsruhe, en 1858, doit avoir présenté un travail sur l’histoire des chiffres : nous regret- tons de n’avoir pu profiter des lumières du mémoire qui a été lu dans cette réunion. #* Relativement aux monnaies indiennes, il serait nécessaire de consul- ter Ariana antiqua, par Wilson, Londres 4842, comprenant tout ce que l’on sait sur les médailles de l’Inde. SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. 193 rémarquer ici que les chiffres 3 et 6 de Montucla sont tournés à l'in- verse de ceux que nous examinons. Le chiffre 7, fig. 277, parait être la lettre ph des alphabets du Birman et de Pali-Cinghalais, ou la lettre p du zend, fig. 317, tour- née dans un autre sens. Le chiffre 8, fig. 278, présente la ligne horizontale supérieure du sanserit ; il a une grande ressemblance avec les chiffres corres- pondants des autres séries, même avec la figure 298 en la retour- nant, C'est aussi la lettre queh d'un alphabet en vieux persan, fig. 314 ; c’est enfin le vau d'un alphabet chaldéen. Le chiffre 9, fig. 279, a exactement la forme de la lettre na de l'alphabet Pali-Cinghalais ; c'est aussi la lettre pa d'un alphabet en vieux persan, fig. 513. Le chiffre O0, tig. 280, serait donc la source de notre zéro euro- péen. Ce chiffre se trouve dans les alphabets Pali-Cinghalais et du Birman sous lettre V. 9. Chiffres du Népaul. Ces chiffres sont fournis par les monnaies de la province du Népaul, fig. 281 à 290, Les chiffres 1, 2, 5, 4, 6, différent peu des chiffres correspondants supérieurs. Le chiffre 5, fig. 285, est douteux comme appartenant au Népaul sous cette forme , ce que nous n'avons pu vérifier. Le chiffre 7, fig. 287, sous forme d'un 9 européen, pourrait ve- nir du chiffre sanserit supérieur; toutefois il représente les lettres D et K du zend. Les chiffres 8 et 9, fig. 288 et 289, ne présentent pas de ressem- blance avec des lettres connues. | 10. Chiffres d'Assam. Ces chiffres sont aussi extraits des mon- naies de la province d'Assam. Le chiffre 1, fig. 291, ressemble au 1 gothique que l’on voit sur quelques millésimes du XVIi° et du XVHil' siècle, sous fig. 131; du reste, ce chiffre parait être l'inverse du 7, fig. 297, ainsi que du 4 des trois séries supérieures. L Le chiffre 2, fig. 292, diffère peu du 6, fig. 296. Le chiffre 5, fig. 295, est une déformation du ‘chiffre supérieur correspondant. Le chiffre 4, fig. 29%, se distingue du correspondant en ce qu'il est fermé par le dessus comme le 8 européen. Le chiffre 5, fig. 295 à ganche, parait être un croissant ; ce signe se retrouve dans les alphabets du Birman et Pali-Cinghalais. Nous ne sommes pas certains que la figure 295 à droite, ressemblant à un - 5 européen, appartienne aux chiffres d'Assam: ce chiffre pourrait venir de la lettre Z du zend. Le chiffre 6, fig. 296, se retrouve dans un alphabet indien dérivé du persan et dans un alphabet de Palmyre. 194 SUR LES CHIFFRES DÉCIMAUX. Le chiffre 7, fig. 297, est l'inverse du 4, fig. 291; c’est la lettre R dans les alphabets du Birman et Pali-Cinghalais. Le chiffre 8, fig. 298, pourrait être la lettre d'a du Birman, ou la lettre R du zend en lui ôtant le crochet inférieur. Les chiffres 9, fig. 299 et 289, ont la même forme que des hiéro- glyphes indiens tirés des 9 étoiles principales de la constellation du Dauphin. Les chiffres indiens présentent encore plusieurs variantes qu'il se- rait inutile d'examiner, puisque leur provenance parait très variée et le plus souvent douteuse pour nous. On voit que les chiffres indiens n'ont point de rapport avec ceux des Arabes et des Chinois, et s'ils en présentent avec les chiffres de Sacro-Bosco pour le 3 et le5, ce doit être un cas fortuit, qu'il est cependant bon de noter. 11. Conclusion. De ce qui précède on peut conclure : 1° Que les chiffres de Boëce , attribués à Pythagore, ont été pris dans les neuf premières lettres de plusieurs alphabets dérivés de l'alphabet phénicien, toutes les lettres servant alors de types nu- Méraux ; 2° Que les chiffres de Boëce qui s’étaient écartés, pour la forme, de la souche phénicienne, s’en sont rapprochés au XIIF siècle et plus tard encore; 3° Que la forme des chiffres, jusqu’au chiffre 5, se rapproche en général d’une formation où il y a autant de lignes que le chiffre représente d'unités, ce qui se remarque surtout dans les cinq pre- miers chiffres chinois et un peu moins sensiblement dans les chif- fres arabes ; 4° Que les chiffres européens, dans leurs modifications plus ou moins modernes, se sont rapprochés, par un hasard singulier, d’une forme qui montre, presque partout, autant de lignes que le chiffre représente d'unités, comme dans le tableau A. 5° Que les chiffres européens, dits arabes, dérivent des chiffres de Boëce et n’ont point été tirés des chiffres arabes du XIIL° siècle, à l’exception du zéro qui est d’origine indienne ; 6° Que les chiffres arabes dérivent des alphabets dont ce peuple se servait dans le IX° et X° siècle, et qui ont leur source dans lalpha- bet syro-hébraique et celui-ci dans l'alphabet hébreu , ce qui établit une certaine relation de forme entre les chiffres arabes et les chiffres européens ; 79 Que les chiffres indiens ou sanscrits paraissent dériver des alphabets indiens anciens, qui n'ont pas de rapport direct avec l'al- phabet phénicien, ce qui explique la dissemblance entre les chiffres indiens et ceux des Arabes et des Européens”. *# Nous devons à l’obligeance de M. Fréderic Soret, à Genève, la commu- nication des chiffres extraits des monnaies arabes et indiennes, ainsi que plusieurs observations qui nous ont été très utiles. ms | HS D'AMNIE ET D'AFRIQUE. Origine J À | chinoi chinois . C DE 11% 180 = +  ä + Origine Jp oJee 186 187 183 1169 DT | Chiffres em Lo es [= se ; à ! LR | LÉ rm CE 1 ! 198 |i9 ral oi 1 | ee + la Chr eJ du EE | a Com nier ce, . , perdams d lunes. D 210 CRE À 6 (208 æ TS ice B LA | V | A | 9 | (os |Planude moine grec 216 217 218 219 210 F ; d 17 F AU -Séphadi ‘à = a q | A q 5 D otse Q Êt La 226 221 228 229 SW IyIvVIA Q ? Ÿ 237 128 239 Ch offres luxes Variantes Chi res d'Europe = - Roger d L, | 9 mari eus places ict 1 6 | 8 |:€ [pour compa val) on AV°YS Monnies indiens. 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ARenvois | EP AO LE SE CET TO 14 D) à) T | ( £ U L Er | A | * v0g | : ue À CHR id A RU Fe = Chiffres > =— Ve 2 | Le F4, Chaldeens VOLCAN DE JORULLO. 195 NOTE SUR LA FORMATION DU VOLCAN DE JORULLO (MEXIQUE). Par M. H. de Saussure , de Genève. (Séance du 22 juin 1859.) Il y a cette année précisément un siècle que la belle vallée de Jorullo a vu s’opérer le terrible changement qui a transformé son sol, et qui a substitué aux champs d’indigotiers et de cannes à sucre une nappe aride de lave lithoïle. Selon la tradition des lieux, le seigneur de Jorullo ayant refusé l’aumône aux moines quêteurs de Patzcuaro , ceux-ci lancèrent leur malédiction contre cette vallée impie et chargèrent le ciel de la consumer de ses feux, pour ensuite la faire disparaitre sous une épaisse couche de glace. Le premier de ces événements ne se fit pas attendre, car des flots de lave in- candescente, peu de semaines après, sortirent des entrailles de la terre et se répandirent sur toute l’étendue des plantations. Comme l'indique Humboldt, le refroidissement graduel du volcan est aux yeux des populations le symptème certain de l’acheminement au second acte de la malédiction des moines. La catastrophe qui dévasta la vallée de Jorullo eut pour effet de créer un volcan parfaitement caractérisé. Une nouvelle montagne avait subitement surgi à la surface du globe, et la rapidité inouie de sa formation, en même temps que la grandeur de sa masse, fit de son apparition un phénomène qui n’a son semblable nulle part. L'importance de ce phénomène , au point de vue géologique, est très grande, vu les conclusions qui en découlent; aussi ne saurait- on mettre trop d'attention à en bien étudier les causes et le mode de développement. La cause est toute connue, puisqu'elle se trouve dans la volonté des moines! Quant au mode de développement, quant aux effets auxquels sont dus la formation du Jorullo, ils ont été mal interprétés, et ont servi d'appui à des théories tout-à-fait mal fondées. Humboldt, qui a visité le volcan 43 ans seulement après son apparition, l’a considéré comme étant le résultat d'un soulèvement. Selon lui, l'immense nappe de lave qui entoure la montagne est la suite d’un ramollissement du sol par les gaz, et d’un boursouffle- ment en vessie, accompagné de soulèvement. Les bords de ces nappes de lave seraient la tranche de soulèvement de l'espèce de table que l’action souterraine aurait soulevée. Cette opinion a servi d'argument en faveur de la théorie des cratères de soulèvement de . De Buch et à celle qui assigne aux cônes volcaniques le même mode d’origine. Mais la première inspection des lieux montre qu’une sem- blable opinion ne peut plus avoir cours dans l’état actuel de la science. Le Jorullo, selon mon opinion, n’est le résultat d'aucun soulèvement quelconque, et il a pris naissance uniquement par voie de débordement et d’entassement. Les nappes de lave, ou malpais, ne sont autres que de vastes écoulements de matières incandeseentes & 196 VOLCAN DE JORULLO. qui ont tapissé la vallée, en formant des golfes et des promontoires, comme le ferait une masse de plomb fondu qu'on verserait sur une surface rugueuse. Les bords du malpais , élevés de 30 à 80 pieds, ne sont pas une tranche de soulèvement, imais seulement le culot terminal de coulées de lave. Le cône qui forme la montagne pro- prement dite, n’est que de simple résultat d'entassements successifs de cendres, graviers et scories rejetés par l’orifice principal. Le volcan de Jorullo se compose : 1° de la mer de lave, qui est le résultat de plusieurs débordements de lave successifs à travers des crevasses ; ces débordements, de plus en plus restreints, se sont superposés et ont formé quatre gradins principaux, de plus en plus élevés; 2° du cône central élevé par dessus ces laves après qu'elles eurent cessé de couler, et par l’action des éruptions gazeuses ; 3° d’une grande et dernière coulée partie du sommet du cône, et qui est descendue en contournant la montagne. Cette coulée est due à ua retour de lave qui a eu lieu après la période purement gazeuse, à laquelle on doit la formation du cône. Ensuite, la lave qui n'a pu déborder est restée prise dans le creux du cùne comme dans un bassin, et elle s’est peu à peu effondrée à mesure que l’action sou- terraine cessait et que la lave de la cheminée retombait ; 1l en est ré- sulté un abaissement par ruptures concentriques qui ont formé le vaste entonnoir du cratère. Outre le cône principal, il existe encore une série de petits cônes placés sur une même ligne, et qui ne sont que des monceaux de sable accumulés par les éruptions gazeuses, dépourvus de toute coulées. Leur disposition montre que l'éruption s’est faite selon un axe très net qui court N-$., et cet axe est évidemment déterminé par une fissure locale, à travers laquelle les matières volcaniques ont été forcées, mais il n’y a pas trace de soulèvement de couches selon cet axe, ce qui semble prouver que la pression volcanique n’a pas rompu les couches sous-jacentes, mais qu'elle s’est simplement fait jour à travers une faille par laquelle les matières liquide et fluide ont pu s'échapper. D'autres petits cones de cendres sont semés à une plus grande distance du cône principal. Le plus grand se voit sur le versant op- posé de la vallée, entièrement au dessus de l'axe principal. Le cône principal et ses annexes reposent sur une base de lave déjà fort élevée. En effet, le malpais va s'élevant très rapidement jusqu'au pied des cônes. Ce point culminant du malpais forme, pour Humboldt, le sommet de la vessie de lave et du soulèvement de la plaine. Je ne crois pas qu'on doive envisager ainsi la structure de la montagne. Et d’abord disons que le mot de plaine employé par Humboldt d'une manière vague pour désigner la vallée, par opposition aux montagnes qui la bordent, a été pris trop au pied de la lettre. La vue insuffisante du Jorullo publiée par l'illusire voyageur à corroboré cette erreur dans l'esprit des géologues. Le sol au milieu duquel le volcan a fait éruption est celui d'une vallée très-accidentée ; de plus, ce n’est pas dans le fond de la vallée que Ü Re UNIO DE LA MOLASSE. 197 s'est ouvertè la crevasse, d’où sont sortis les basaltes qui ont ta- pissé les districts environnants, mais c’est au contraire sur le ver- sant oriental de la vallée, sur les pentes qui s’abaissent vers le fond de cette dernière, et l'axe volcanique est lui-même parallèle à ce fond. Il en résulte que les laves ont coulé sur ces pentes et les ont tapis- sées, ensorte que la grande élévation de leur partie culminante tient à la structure du sol sous-jacent, et s'explique sans l'intervention d'aucun soulèvement. Il faut ajouter que cette partie culminante du malpais est rendue plus saillante encore par la superposition de plusieurs nappes de lave successives, qui ne s'étendent pas jusqu’à ses limites extrêmes. On voit que le volcan de Jorullo est formé de toute autre manière que par un soulèvement , et que son apparition, loin de plaider en faveur de l’action soulsvante des forces volcaniques, montre, au contraire, que les plus grands effets volcaniques peuvent se produire sans déranger les couches du sol. Il serait trop long d’entrer dans les détails relatifs à la structure des laves, des scories, des petits cônes de boursoufflement ou hor- nitos. La nature minéralogique est purement basaltique. Je révoque en doute le morceau de syénite trouvé par Humboldt sur le malpais, et je suppose qu'il y a là une confusion entre la syénite et le trachyte à baguettes de pyroxène, dont j'ai aussi trouvé quelques débris. L'examen du cratère, des coulées, des tufs, etc., nous entraine- rait trop loin aussi; tous ces faits se trouveront mentionnés dans le mémoire qui doit paraitre prochainement. NOTE SUR LE GISEMENT DES UNIOS, AUX BRULÉES, SUR LUTRY. Par M. E. Renevier. (Séance du 6 avril 1859.) Il y a déjà plusieurs années qu’on avait extrait, au milieu des champs , un énorme bloc de mollasse, qni s’était trouvé contenir un nombre considérable de coquilles fossiles appartenant presque toutes au genre Unio. Le même fait vient de se reproduire. Le bloc extrait récemment était situé un peu plus bas et au S-0. sur le penchant de la colline. Au dire des cultivateurs d’autres blocs ont été extraits ces dernières années encore un peu plus bas, dans la même direction, mais je - n'aipas pu savoir s’ils contenaient aussi des fossiles. Tous ces blocs paraissent avoir été alignés dans une direction parallèle au ravin de la Lutrive, et parallèle par conséquent à la direction de toutes ces collines du Jorat. Dés lors il devient fort probable que tous ces blocs appartiennent à une même couche dont l'affleurement serait caché sous les terres cultivées. Il faut toutefois observer que 198 UNIO, DE LA MOLASSE, les cultivateurs qui ont fait sauter ces pierres m'ont assuré, qu'à chaque extraction, les blocs s'étaient trouvés complétement isolés dans la terre, ce qui pourrait faire penser qu'ils ne sont point en place, mais proviennent d'un autre point d'où ils auraient glissé jusqu'aux Brülées. Il se pourrait faire cependant que les extracteurs aient pris pour de la terre quelque couche de marne sur laquelle le banc de mollasse repose peut-être. Il reste donc encore quelqu'incertitude sur la question de savoir si la couche à Unios existe bien réellement en place aux Brülées, ou si ces blocs ont été amenés là par glissement. La première alternative me paraît toutefois la plus probable, et y eüt-il même glissement, la couche d’où ils proviennent ne pourrait pas être bien éloignée. ILest malheureusement fort difficile de dire auquel des étages de notre mollasse doivent appartenir ces couches. D'après leur position stratigraphique probable, et en supposant, qu'il n'existe aucune faille entre le ravin de la Paudèze et celui de la Lutrive on doit penser qu'elles sont de beaucoup supérieures aux couches de lignite à Anthracotherium magnum, qu'on exploite dans le premier de ces ravins. Font-elles encore partie du système à lignite (étage ton- grien), ou sont-elles déjà comprises dans la mollasse d'eau douce de Lausanne (étage falunien)? C'est une question qui reste à ré- soudre, car la stratigraphie et les fossiles nous laissent également en défaut. Ces derniers, en effet, se composent d’un petit nombre d'espèces dont aucune ne se rapporte d’une manière parfaitement certaine à quelqu'une des coquilles des lignites ou de la mollasse de Lau- sanne. Ces fossiles sont les suivants : 1° Helix. Une espèce qui parait assez voisine, si elle ne lui est pas identique, de celle qu'on trouve assez fréquemment dans les couches de marnes dépendant de la mollasse d’eau douce de Lau- sanne. Elle est par contre très distincte de l'H. Ramondi des h- gnites, qui a les tours beaucoup plus bombés et les stries d’accrois- sement beaucoup plus fortes. Elle est du reste fort rare; je n'ai pu en récolter que deux échantillons assez mauvais. 2° Planorbis. Une espèce très voisine de celle qu’on trouve fréquemment dans les couches à lignite de la Paudèze. On y distingue également bien les stries d’aceroissement et quelques bourrelets, provenant des bouches provisoires. Je suis porté à croire que c’est bien l'espèce des lignites, mais je n’ai pas assez de bons échantillons pour que ma certitude soit complète. 3° Ampullaria ? Une petite espèce atteignant parfois la taille d’une noisette, et présentant tout-à-fait la forme des Natices. Elle ne pourrait être qu'une lymnée à bouche très évasée, ou une am- pullaire; sa forme de natice me fait pencher vers la seconde alter- a MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 199 native. Cette petite espèce se trouve assez fréquemment avec les Unios des Brüûlées, mais elle est rarement bien conservée. Je ne la connais d'aucune autre de nos localités fossilifères. … &° Unio, voisine de l'Unio flabellatus, Goldf. (I, p. 482, pl. 132, f. 4 à 6) des lignites de Käpfnach (canton de Zurich), mais qui parait s’en distinguer par une forme plus allongée, par une plus grande épaisseur, ete. — Abondante à la base des blocs en question, elle semble former une véritable couche, dans laquelle les coquilles se touchent pour ainsi dire presque toutes. — Je ne la connais que de cette localité. — Les flabellations manquent sur les jeunes indi- yidus qu'on pourrait quelquefois être tenté de prendre pour une autre espèce. Les adultes présentent aussi quelques variétés assez remarquables, que je n’oserais toutefois pas encore ériger en espèces. Les unes sont plus étroites et plus allongées, d’autres au contraire ont une forme plus cylindrique. Les unes présentent de fortes flabellations sur l'extrémité du bord palléal, et de beaucoup plus faibles et plus serrées sur le bord cardinal ; d’autres paraissent ne présenter que les premières. Il se pourrait fort bien que par une étude plus complète on parvint à distinguer deux espèces. 5° Unio. Autre espèce parfaitement distincte de la précédente, presque aussi large que longue, à forme presque triangulaire, et recouverte de fortes flabellations sur tout le côté anal, qui couvrent presque la moitié de chaque valve, et se propagent, en devenant de plus en plus petites, jusque immédiatement sous les crochets. Je ne possède et ne connais qu'un seul échantillon de cette curieuse espèce, que j'ai trouvé dans ma dernière excursion aux Brülées, associé à l'espèce précédente. C’est un fossile entièrement nouveau pour notre pays, et probablement encore inédit, car je ne connais jusqu’à présent aucune figure ni description auxquelles il puisse se rapporter. Ces cinq espèces, comme on le voit, laissent la question encore pendante. Il me parait toutefois plus probable que ces couches doivent être associées au système à lignites. —— 00 ————— RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS MÉTÉOROLOGIQUES FAITES À MORGES PAR MM. BURNIER, CH. DUFOUR ET YERSIN, PENDANT LES ANNÉES 1850, 1851, 1852, 1855 er 1854. Par Ch. Dufour, professeur. & (Séance du 22 juin 1859.) Les observations météorologiques dont je viens ici rendre compte ont été faites pendant 5 ans, dès le 1° novembre 1849 jusqu’au 30 novembre 1854. Elles furent commencées d’abord par MM. Burnier et Yersin, 200 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. mais je me joignis à eux quand je vins demeurer à Morges dans l’année 1852. Morges est situé au bord du lac Léman, par 46° 50’ de latitude nord, et 4° 9’ de longitude à lorient de Paris. Nos heures d'observation ont été 8 heures du matin, midi, 4 et 8 heures du soir; toutefois pendant la première année, à 8 heures du soir le thermomètre seul a été observé. En outre, chaque jour nous avons constaié la température maxi- mum et la température minimum, la quaniité d’eau tombée et les va- riations du niveau des eaux du lac. Puis nous avons tenu note des orages, des halos, des couronnes lunaires , ete, en un mot de tous les phénomènes météorologiques qui parvenaient à notre connais- sance. De plus, pendant une année, dès le 1% août 1854 au 34 juillet 1852, nous avons constaté la température du lac, aussi souvent que le temps le permettait. Voici maintenant les principaux résultats que nous avons obtenu par ces différentes recherches. Baromètre. Le baromètre observé était un Fortin, construit par M. Secretan à Paris ; la cuvette était à 8,42 mètres au-dessus du niveau moyen du lac Léman, soit à 383,37 mètres au-dessus de l'Océan. Cet ins- trument avait été comparé avec celui de l’observatoire de Genève, Les hauteurs observées ont été corrigées de la température de l'instrument et de son équation, de façon que notre résumé indique la hauteur absolue du mercure réduite à zéro. Voici les hauteurs moyennes du baromètre rangées par mois et par heure : 8 h. matin. Midi. 4 h. soir. 8 h. soir. Janvier 729,26 729,12 728,63 729,21 Février 28,87 28,87 28,20 27,97 Mers 30,23 29.95 29,11 29,42 Avril 27,52 27,11 26,34 27,36 Mai 26,90 26,48 25,84 26,72 Juin 28,92 28,57 27,96 28,20 Juillet 29,47 29,09 28,44 28,74 Août 29,97 29,64 29,07 29,6% Septembre 30,87 30,53 29,82 30,44 Octobre 28,14 27,80 27,31 28,57 Novembre 27,49 27,18 26,81 26,47 Décembre 31,05 31,43 30,85 31,20 Moyenne des5 ans 729,10 728,81 728,20 728,63 “ MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 201 Enfaisant observer toutefois, que pour 8 heures du soir on a pris seulement la moyenne des # années dès le 1° décembre 1550 au 40 novembre 1854. Nous ne pouvons pas voir exactement quelle est ici la variation diurne, puisque nous n'avons observé ni à l'instant du maximum ni à celui du minimum. Cependani, on peut observer que la baisse de 8 heures du matin à 4 heures du soir qui est de 0”",63 au mois de janvier, est de 1,18 au mois d'avril, de 1°°,05 au mois de septembre, etc. Pour la moyenne de l’année, cette baisse est de 0”",90, savoir 0,29 pour la baisse entre 8 heures du matin et midi, et une nouvelle baisse de 0"°,61 entre midi et 4 heures du soir. De 4 à 8 heures du soir le baromètre monte en moyenne de 0°”,43. Le plus haut point auquel nous ayons observé le baromètre est 747°%,52 le 27 janvier 1854, à 8 heures du matin; le point le plus bas est 702"°,5û le 10 février 1853, à 4 h. 45" du matin. La baisse remarquable du 10 février 1853 n’a pas été seulement un minimum momentané; pendant plus de 24 heures, le baromètre ési resié au-dessous de 706”, comme le montre le tableau suivant : 9 Février. 10h. matin. © Midi. 2h.soir. %h.s. 6h.s. 705°,53 704,72 704,24 704,66 704,14 8 h. soir. 10 h. 11h. Minuit. 703,08 703,37 702,96 702,94 10 Février. Ah.matin. 41h.15m. 4h.30m. 41h.45m. TER 702,78 702,67 702,60 702,56 2h. matin. 2h. 15m. 7h.30m. 8h. matin. 702,57 702,58 703,85 704,19 10h. matin. Midi. 705,60 706,00 Température. Les thermomètres dont nous nous sommes servis étaient fixés dans un cage à jalousies, ouverte du côté du Nord, et placée elle- même dans le jardin de M. Burnier. Ces instruments étaient à 4" ,40 au-dessus du sol environnant, soit à 6",63 au-dessus du niveau des . eaux du lac. Les thermomètrographes indiquaient seulement les-degrés , mais les thermomètres ordinaires étaient divisés par cinquièmes de degrés centigrades, ce qui permettait d'apprécier à coup sûr les dixièmes de degrés. 202 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. Tous ces instruments ont été vérifiés plusieurs fois, soit en les plaçant dans la glace fondante, soit en les comparant avec deux thermomètres étalons, construits par Fastré. Ces étalons étaient comparés entre eux et leurs points extrêmes avaient été au préalable soigneusement vérifiés. Lors de la réduction des observations, nous avons toujours eu égard à l'équation des thermomètres, plusieurs fois obtenue, comme je viens de le dire. Pendant les 5 années, le thermomètre a été ob- servé 4 fois par jour, à 8 heures du matin, midi, 4 et 8 heures du soir. Nous avons enregistré aussi les températures maximum et mi- nimum des 24 heures, telle qu'elle était indiquée par les thermomè- trographes destinés à cet usage. Le point le plus haut que le thermomètre ait atteint pendant ces 5 ans est 30°6, le 17 juillet 1852. Il ne sera peut-être pas sans intérêt de connaitre quelles sont les températures maxima observées pendant les mois d'été. 1850. 1851. 1852. Date|Tempér.||Date|Tempér.||Date|Tempér. 1853. 1854. Date|Tempér.|Date| Tempér. Mai 34 | 240,7 || 24 | 220,6 || 24 | 270,0 || 27 | 230,6 || 12 | 220,8 Juin 28 | 290,7 || 30 | 290,7 123 | 290,2 || 29 | 300,5 || 26 |:280,8 Juillet 417 | 290,8 || 4 | 280,1 || 17 | 300,6 || 28 | 300,4 || 22 | 300,5 Août 91280,7 || 71280,1|| 1|260,4 || 9 | 290,6 || 44 | 270,1 Septembre || 20 | 239,8 || 13 1 240,7 || 18 | 230,3 || 4 1 230,4 || 16 | 270,5 ES Se Quant aux minima observés pendant les différents mois d'hiver, ce sont : HIVERS DE 1849-1850 11 1880-1851 || 1851-1859 || 1832-1853 || 1853-1854 Date | Tempér. ||Date|Tempér.||[Date|Tempér.||Date| Tempér.||[Date] Tempér. Novemb.|| 28 |—140,5| 46 |—30,8|| 24 |—70,3|| 29 | 00,2] 26 | — 40,1 Décemb.|| 31 |—10°,4| 26 |—50,2|| 29 |—80,8| 7 |— 40,8] 30 | —120,5 Janvier 4 |—110,6| 15 |—60,0|| 3 |—50,4] 26 |— 30,9] 1 |—140,0) Février || 14 |— 40,9] 49 |—_60,5|| 20 |—70,1| 25 |—110,2|| 45 |—1430, Mars 19 |— 70,8] 31—90,5| B|—50,9! 5|— 80,8] 6/|— 49,3 Le moment le plus froid a donc été le 1° janvier 1854, où le thermomètre est tombé à — 14°,0. Toutefois nous avons pu cons- tater que cette température, bien qu'enregistrée comme le minimum observé le 1” janvier, avait cependant eu lieu la veille, 31 décembre 1853, vers les 9 heures du soir. Ce froid exceptionnel a duré quel- ques heures seulement et il a été suivi le 1° janvier 1854 d'une très forte chute de neige, accompagnée d'un vent violent du S-0. [Il y a donc une différence de 44°,6 entre les températures extrêmes constatées à Morges pendant 5 ans. On peut observer ici que les mois de décembre 1851 et 1853 ont MÉTÉOROLOGIE: DE MORGES, 203 été l’un et l’autre très froids. Pour chacun d’eux, il y a eu 30 jours pendant lesquels la température minimum a été négative. En 1851 la seule de ces températures qui soit restée au-dessus de zéro est celle du 12 décembre, qui a été 0,6, et le 17 décembre 1853 le mi- nimum à été 0,4. Aucun autre mois n'a présenté une aussi forte proportion de jours de gelée. Maintenant, quelle marche fallait-il suivre pour déterminer d’après nos observations la température moyenne de Morges ? Souvent, pour obtenir la température moyenne d'une journée, on se contente de prendre la moyenne entre le maximum et le mini mum. M. Kæmtz dit que le résultat ainsi obtenu, bien que voisin de la température moyenne, ne l'exprime pas exactement; il recom- mande un autre procédé. Selon lui, il faut prendre la différence entre le maximum et le minimum, multiplier cette différence par un coefficient déterminé, et ajouter le produit à la température minimum. À l'observatoire de Genève, on suit une autre marche, qui certai- nement donne avec une grande approximation la moyenne véritable, puisqu'on observe le thermomètre de 2 en 2 heures, sauf pour quel- ques heures de la nuit, dont on peut obtenir la température assez exactement par des formules d’interpolation. Mais ce procédé n’est applicable que lorsque, comme à Genève, on a la possibilité de faire des observations nombreuses de 2 en 2 heures. Néanmoins, à cause de la faible distance qui sépare Morges de Genève (43 kilomètres), j'ai pensé pouvoir utiliser les observations de cette dernière ville, et sa température moyenne déterminée comme je viens de le dire, pour rechercher quelle était dans notre climat la meilleure manière d'obtenir la température moyenne, soit au moyen des températures maxima et minima, soit au moyen des températures observées à 8 heures du matin, midi, # et 8 heures du soir. Ainsi done, pour la détermination de cette température moyenne, j'ai essayé trois procédés : . 1° Prendre simplement la moyenne entre les maxima et les mi- nima. 2° Ajouter à la température minimum, la différence entre le maxi- mum et le minimum multipliée par un certain coefficient (procédé de M. Kæmtz). 3° Rechercher, pour chaque mois, quelle quantité il fallait re- trancher à la moyenne des températures observées à 8 heures du matin, midi, # et 8 heures du soir, pour obtenir la température moyenne des 24 heures. De ces trois procédés, le second m'a paru le plus exact, en mo- difiant toutefois un peu les coefficients indiqués par M. Kæmtz. Ce changement de coefficient ne me parait pas extraordinaire, puisque ceux de M. Kæmtz ont été conclus d'observations faites dans quatre villes, Padoue, Halle, Gœttingue et Leith, et il est fort possible que la marche de la mais Ste dame EE D gen mets ru si gro able pd le 2 : simple méthode suivante : Soit température Waximum à CHENE Hi L'éuÿérilte uiañem: Cle’ éooficidet & T là wmpérature moyenne obtenue par la moyenne des obser- vatons fuites de 2 en 2 heures, on à : EE Foie Or T, m et M étant esaaus, C se calcule aisé er se int Cp ie mais vous déterminez les cvavenables : € estadire eus qui vous donaai la em he og gta il n'est pas éionnant qu en renver— li question, vous retrouviez uas température moveane plus M ue Somereih, Sans doute, si je n'étais contents de procéder ainsi, eeite marche aurais été absurde: mais jai déterminé le coefficient € d': la movense des 5 aus peint où avi ass observé à et en apphquant alors ce a année en ainsi qu'à d'autres années en dehors de la période 1849-54, j'ai pur me convaincre que l'os chienut aus: la wmpérature plus exaciement que par les autres procédés. Voivi pour les différenis mois les valeurs de € que j'a voarées pour Genève, et que j'ai adoptées pour Morges. Val. de C. Val. de C. laavier 0,488 Juillet. 0,182 Février Q,475 Août 0,466 Mars ou Septembre 0,470 Ari Q158 Outobre 0,466 Mi O9 Novembre 0,468 Juin o,u78 Décembre 0,477 : na serait pout-être pas sans intérès d'indiquer ans quan dl faut retrancher à la moyenne des tempéraiures observées à 8 heures du matin, mu, % et $ heures du soir, 26m d'obtenir la température moyenne des 2% heures, d'aatant plus que l'an pourrait Le are mi quelqueluis ce prochié, quami on n'a pas ob ls dermumrugraghns, par exemple quand an. veut miser MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 205 Val. à retrancher Val. à retrancher en degrés. en degrés. Janvier 0,4 Juillet 1,9 Février 0,6 Août 1,7 Mars 1,3 Septembre 1,3 Avril 15 Octobre 0,9 Mai 1,5 Novembre 0,5 Juin 1,7 Décembre 0,4 Pour comparer la valeur de ces divers procédés, j'ai calculé, pour chaque mois, la température moyenne de Genève de 4 manières: 1° Par la moyenne entre les maxima et les minima. 2° Par la moyenne des observations à 8 heures du matin, midi, 4 et 8 heures du soir, avec les corrections que je viens d'indiquer. 3° Par le procédé de M. Kæmtz avec les coefhicienis qu'il donue. 4° Par le même procédé, en prenant pour coefficients les valeurs de C indiquées ci-dessus, et qui m'ont para plus exactes pour nos contrées. Puis, j'ai comparé chacun de ces résultats, avec la moyenne véri- table, obtenue en considérant toutes les températures qui ont eu lieu de 2 en 2 heures, J'ai déterminé ainsi tous les écarts sans avoir égard au signe. Voici maintenant l'écart moyen, ce qui peut donner une idée de la valeur du procédé pour rechercher la température moyenne d’un mois ou d'une année en particulier. Ecart moyen Par la moyenne entre le maximum et le minimum 0°,22 Par les observations de 8 h. matin, midi, 4et8 h. soir 0°,19 Procédé de M. Kæmtz, avec ses coefficients . . . 0°,19 » *» avec les nouveaux coefficients 0°,14 Ce dernier procédé étant donc préférable, je l'ai employé, et voici le ‘résultat auquel je suis arrivé pour la température moyenne de Morges. 3 Année 1850 9,10 | » 1851 8,62 cl » 1852 9,86 | , 1853 8,91 | »__ 1854 9,54 La température du mois de décembre 485% a été caleulée d’après la température du même mois à Genève. Les chiffres précédents donnent 9°,19 pour la température A Es de Morges. comme à Genève, la moyenne de ces cinq années a été 8°,66 206 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. au lieu de 8°,86, conclue des observations des vingt-ans 1836- 1855 ; on voit que la moyenne des cinq ans est de 0°,20 inférieure à la moyenne générale, ce qui donnerait 9°,39 pour la température moyenne de Morges pendant les vingt ans 1836-1855. Pour avoir la température des différents mois, j'ai suivi une mar- che analogue; c’est-à-dire j'ai déterminé de combien, pour Genève, la température de chaque mois, pendant les einq années 4850-1854, avait été au-dessus ou au-dessous de sa température moyenne cal- culée pendant les vingt ans 1836-1855. En appliquant la même correction pour Morges on obtient les chiffres suivants pour la tem- pérature moyenne de cette ville : Janvier 0,2 Juillet 18,5 Février 1,7 Août 127 Mars k,9 Septembre 14,4 Avril 8,7 Octobre 9,7 Mai 153,1 Novembre 5,0 Juin 17,4 Décembre 1,8 Moyenne de l’année, 9°,4. Si l'on voulait utiliser ces chiffres pour tracer les lignes isothermes qui passent dans nos contrées, il faudrait observer que Morges est à 583 mètres au-dessus de la mer, ce qui correspond à une diminution de température de 2° à peu près. Ainsi donc la température de Morges, rapportée à ce qu'elle serait au niveau de la mer, devient 11°,4. Une question qui n’est pas sans importance pour la détermination du climat d’un pays, est celle du nombre des jours de gelée perma- nente, et du nombre des jours pendant lesquels il n’a pas dègelé. Le dépouillement de nos registres donne à cet effet : TT JOURS DE GELÉE (minimum au-dessous de zéro). HIVERS. Octob.| Nov. | Déc. [Janvier| Févr. | Mars. | Avril. | Mai. 1829-2850! | 3: | 923 |28 | 15 | 20 | 0 | 2 50-51 | 5 | 6 | 17 | 48 | 45 12) 3 | 2 51-52 | 0 | 20 | 30 | 20 | 43 | 25 | 5 | 0 52-53 | O | Oo fus |1@ 1 23 | 24 | 4 | 4 53-54 | O | 5 | 30 | 26 | 22 | 18 | 3 | 0 0 a 54-55 A hf eg ns 1,0 | 8,6 | 22,6! 20,2] 17,6] 19,8] 2,4 | 1,0 | 93,2 Il y a un peu d'incertitude pour le mois de mars 1854, à cause d’un dérangement momentané du thermomètre minimum. Le chiffre indiqué pour ce mois est peut-être un peu trop faible. On n'a pas observé durant les mois d'octobre et de novembre 1849; on n’a pas observé non plus depuis la fin de novembre 1854. MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 207 Voici maintenant, pour chaque hiver, lenombre des jours pendant lesquels il n’a pas dégelé. JOURS DE NON DÉGEL (maximum au-dessous de zéro). HIVERS, Novemb.|Décembre.| Janvier. | Février.| Mars. | Somme. 1849-1850 » 12 14 0 0 50-51 3 D) 0 Î 51-52 2 10 3 0 .! 52-53 0 0 il 2 2 D3-54 0 11 5) 6 0 54-55 0 » » » » Moyenne 0,4. |, 7,2 4,8 | 1,6.| 0,8 Si l’on compare la température de Morges avec celle de Genève, on trouve qu'en général à Morges il fait plus chaud qu'à Genève à 8 heures du matin, midi et # heures du soir, mais qu'à 8 heures du soir au contraire 1l fait presque toujours plus froid à Morges. Ainsi sur 64 mois d'observation, il y en a 57 pendant lesquels la tempé- rature est plus basse à Morges ; À (janvier 1850) pendant lequel elle est égale, et 5 (janvier 1851 et décembre 1851 et 1852), pendant lesquels elle est plus élevée, sans que nous sachions à quoi attribuer cette anomalie qui, on le voit, ne s'est présentée qu'en hiver. Si je voulais énumérer quelques faits bizarres, je pourrais dire que parfois au mois de juillet, nous avons vu le thermomètre plus bas que pendant certains jours du mois de janvier, ainsi le 11 juillet 1850, le thermomètre minimum a indiqué 4°,8. Cette année-là, les 9, 10, 11, 12 et 43 juillet les minima ont tous été compris entre 4°, 8et 7°,9; tandis que le 17 janvier 1852 le thermomètre maxi- mum a atteint 11°,7, le minimum lui-même est resté à 6°,8. M. de Candolle, dans sa Géographie botanique, fait ressortir com- bien il est important de connaitre pour une localité, non pas seule- ment la température moyenne, mais aussi comment cette chaleur est répartie pendant l’année ; entre autres combien de jours la tem- pérature est au-dessus de 5°, de 6°, etc., et en additionnant alors la température moyenne de chacun de ces jours, quelle somme de degrés de température on obüent de cette manière. J'ai fait cette recherche pour Morges, voici les résultats auxquels je suis arrivé : Température Somme des températures au-dessus de moyennes de chaquejour pendant ce temps. 1° Dèsle 1° Février au 21 Décembre 3430 degrés. 2° 31,17 CA VE » 338Dynes 3° » 26 » » 2 » 3347 » 4° » 6 Mars » 23 Novembre 3300 » 5° A NE x » A5 » 3210 > 208 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. Température Somme des températures au-dessus de Ç moyennes de chaque jour pendant ce temps. 6 Desle24 Mars au 8 Novembre 3127 degrés. 7° » 2 Avril » 3 » 3049 » 8° » | 8 » _» 26 Octobre 2935 » 9° » 17 de One 3 2810 » 10° » 24 » » Â4 » 2686 » 11° >» | 47 Mae 17 » 2553 » 12° DEP » » À > 2403 » 15° » Â4 » _» 24 Septembre 2221 » \ 44° DA » » 17 » 2021 » 15° » 30 > ga AO, 2 1806 » 16° » 6 Juin » 1 » 1579 » Ces résultats ont été obtenus en construisant la courbe de la marche annuelle de la température à Morges (fig. 1), et en recher- chant quels étaient les jours de l'année où cette courbe franchissait les abscisses de 1°, 2°, etc. Voici maintenant quelle a été en moyenne la marche de la tem- pérature aux différentes heures de la journée pendant les cinq années d'observation : " 8h.mat. Midi. 4%h.soir. 8h.soir. Max. Min. Janvier —0,3 2,8 2:2 0,6 4,2 14,6 Février —0,2 3,9 3,7 0,9 5,7 —1.7 Mars 1,9 6,9 6,9 2,4 9,1 —1,3 Avril 791.142,2,4.42,8 8,2 14,7 3,9 Mai 424 © 46,2:45,7 07441 746,5 7,1 Jun 16,2 -19,9”, 20,3: 155 228 | F0 Juillet 1839,:49290 008 :147,2,3 29.013228 Août 15,7 21,0 21,3 16,0 25,5 * 12,2 Septembre 1207 PATEA, Lo PAM. AJ, 8,6 Octobre 892 429 41,4 6,0 15,3 5,6 Novembre A de An Qi End L:0, : ‘8.0 TRE Décembre —0,7 1,9 0,9 —0,3 2,9 —1,8 Moyen° ann°° 80 1419 141,7 8,0 140 4,7 Je ferai observer ici que les chiffres que j'ai indiqués pour la température moyenne de Morges, ne sont pas comparables à ceux qui ont été obtenus dernièrement, pour la température moyenne de MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 209 Lausanne, par M. le professeur Marguet, à cause de la différence de méthode employée pour déterminer cette température moyenne. (Bulletin de la Société vaudoise des Sciences naturelles, Tome VI, tableau météorologique, et Bibliothèque universelle, cahier de sep- tembre 1859, page 41.) — J'ai utilisé les maxima et minima, tandis ue M. Marguet a pris la moyenne entre les observations faites à heures du matin, midi, 2 et 4 heures du soir. Comme nous n'avons pas fait les observations de 2 heures après-midi, il m'est impossible de calculer quel serait pour Morges le chiffre correspondant à celui de Lausanne. En outre, il y aurait à tenir compte de ce que les années d'observation n’ont pas été les mêmes. Du reste, à présent que l’on possède plusieurs années de bonnes observations à Lau- sanne et à Morges, la comparaison de la température de ces deux villes pourra faire le sujet d’une communication subséquente. Ciel. L'état du ciel a été observé quatre fois par jour, et chaque fois nous avons estimé combien de dixièmes de la surface du ciel étaient recouverts par les nuages. Ainsi, un ciel couvert 10 était un ciel totalement couvert; un ciel clair O était un ciel tout-à-fait clair ; un ciel à moitié couvert par les nuages était indiqué par le chiffre 5. En combinant ces diverses observations par mois, on voit que c'est durant les mois de novembre, décembre et janvier que le ciel est le plus couvert. C’est en mars, en septembre et en juillet qu'il est le plus clair. Et pour chaque mois, le chiffre qui indique le nombre de dixièmes du firmament recouverts par les nuages est : Janvier 7,8 Juillet 4,8 Février 6,4 Août 5,2 Mars 4,4 Septembre 4,7 Avril 6,3 Octobre 6,9 Mai 6,4 Novembre 1,5 Juia 6,2 Décembre 7,9 La moyenne annuelle est 6,2, ce qui revient à dire qu'à Morges, en moyenne, les 0,62 du ciel sont couverts par les nuages, et les 0,38 sont serins. En combinant ces chiffres par heure, on trouve pour le nombre de dixièmes couverts : 8 h. matin. Midi. &h. soir. 8 h. soir. 6,4 6,1 6,2 6,0 En les combinant par année, on trouve qu'en moyenne durant l'année : 210- MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. En 1850, les 0,62 du ciel ont étè couverts par les nuages. » 1851, » 0,64 » » » » » » 1852, » 0,60 » » » » » 5 1853, » 0,67 » » » » » » 1854, » 0,53 » » » » » Toutefois, il serait imprudent d'inférer de ce qui précède, qu'à Morges le ciel est plus clair à 8 heures du soir qu'aux autres heu- res de la journée. Il pourrait bien y avoir ici une erreur d'observa- tion, mais qui, dans tous les cas, ne peut pas avoir grande influence sur le résultat général, Pendant neuf mois de l’année, on fait de nuit l’observation de 8 heures du soir, et il peut se faire alors que plu- sieurs nuages passent inaperçus, surtout quand ils sont près de l’ho- rizon. Ce qui donne quelque poids à cette supposition, c’est que nos observations semblent indiquer le ciel plus clair à 8 heures du soir, précisément pendant les neuf mois durant lesquels l'observa- tion a été faite de nuit; tandis que le résultat n’est plus le même pour les mois de mai, juin et juillet. Pendant les 6815 observations que nous avons faites sur l'état du ciel, dès le 1° janvier 1850 au 30 novembre 1854, nous avons trouvé : Que le ciel avait été complètement clair 1041 fois. AE à » » couvert 2621 » Ces chiffres se répartissent suivant les heures de la manière sui- vante : Nombre de clairs 0. Nombre de couverts 10. 8 heures du matin 232 732 Midi 233 634 L heures du soir 238 668 95e » 339 0 587 Ainsi done, sur 4000 fois que l’on considère le ciel, on trouve qu'il est - Tout-à-fait clair 153 fois. Nuageux 463 » Complètement couvert 384 » Ces observations sur l’état du ciel m'ont permis de calculer pen- dant combien d'heures, durant une année moyenne, on voyait briller le soleil. Le calcul donne : en nc cé a MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 211 Heures pend'! lesquelles Heures-pend'! lesquelles le soleil le soleil est visible. est au-dessus de l'horizon, mais caché p' les nuages. Janvier 61 heures. 216 heures. Février 103 183 » Mars 205 161 » Avril 150 256 » Mai 168 299 » Juin 181 290 3 Juillet 248 229...» Août 243 226 » Septembre 200 177 » Octobre 103 229 » Novembre 70 SALE » Décembre 65 195 » Total 1767 heures. 2678 heures. Ainsi donc, à Morges, il y a année moyenne 1767 heures pendant lesquelles on voit briller le soleil, et 2678 pendant lesquelles il est voilé par les nuages. Ces chiffres et ceux qui précèdent font voir combien est restreint pour nous le nombre d'heures pendant lesquelles le ciel est serein, Janvier Février Mars Avril Mai Juin — décembre. 74 heures. 118 282 227 153 108 surtout si on le compare au ciel des pays plus méridionaux, qui souvent demeure sans nuages durant des mois entiers. L'année 1854 à présenté seule un nombre d'heures d’insolation bien supérieur à la moyenne. Pour cette année exceptionnelle, les chiffres précédents deviennent : Juillet 277 heures. Août 241 » Septembre 311 » Octobre 142 Novembre 19,2 Décembre n’a pas été observé. Ainsi il y a eu 2009 heures de soleil, sans compter le mois de - Cette augmentation a surtout été sensible pour les mois de juillet, - août, septembre et octobre. Au point de vue agricole, elle a proba- blement été d’une grande importance. 242 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. Vents. Considérations générales sur les vents locaux. Les vents locaux que l’on constate à Morges, sont essentiellement celui du Nord et celui du Sud ou du S-E. Ils sont dus au voisinage du lac, et ils sont analogues aux brises de terre et de mer sur les bords de l'O- céan ; ils reconnaissent aussi les mêmes causes. Leur régularité leur donne une certaine importance pour la navigation sur le lac, et ils ont reçus des riverains des noms particuliers. La brise du soir qui souffle exactement du Nord au Sud avec une intensité assez grande et beaucoup de régularité, est appelée le morgeais. Elle commence ordinairement dans les beaux jours d’été un peu avant le coucher du soleil, et dure toute la nuit. En hiver, dans les temps de brouil- lard, elle se prolonge pendant la plus grande partie de la journée, et cesse dès que le soleil dissipe les vapeurs et réchauffe la terre.— La brise du jour, moins constante dans son intensité et dans sa di- rection, fréquemment interrompue par des intervalles de calme, est connue des bateliers sous le nom de rebat ou de séchard. Ce vent commence quelques heures après le lever du soleil, et finit une heure ou deux avant les premiers souffles du morgeais. Il arrive parfois que deux vents règnent en même temps pendant le jour, celui du Nord, le long du rivage, marche à l'encontre du vent du Sud qui souffle au large. Il arrive souvent alors à une embarcation sortie à pleine voile du port par le vent du nord, de se trouver quel- ques instants après dans une région où règne un vent diamétrale- ment opposé. La vauduire, ou vent de l'Est, est rare à Morges. Enfin, le joran, ou vent de l'Ouest, est également rare, et ne dure guère plus d’une demi-heure. Ses violentes rafales, beaucoup moins fréquentes que sur le lac de Neuchâtel, ne sont pas moins redoutables. Pendant les orages, la direction du vent est excessivement va- riable, et il semble que le plus souvent le courant s’établisse du point de l'horizon où l'orage gronde avec le plus d'intensité vers la ville. On pourra juger de la rapidité avec laquelle ont lieu les changements de direction par les exemples suivants : Le 20 mai 1853, un orage voisin de la ville dure de 2 heures à 2 h. 55 min. A 2 h. avant que l'orage n’éclate vent E-S-E. AN 2 0e SU Re C0 N-E. nb: D iote-var Létis thuciel 0 N. sb Go, #91 0900, pee N-0. D DAUIN, + Sue e (Sin N-E. SAR On. : le, Er 0 0. “RO TS MAIERREST AS 25 ee CR S-E. te te MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 243 Le 31 août 1853, l'orage passe de la Savoie sur la ville; il com- mence à 5 h. 30 m.; à 6 heures il passe sur Morges ; à 6 h. 20 m. il se dissipe. À & h. du soir le vent est de VE. » 5 h. 30 m. » » » N-E. » 5h. 50m. »° » » N. » 6h. » » 0. » Gh. 05m. » » » O-S-0. » Gh. 15m. » » S-0. » 6h. 20m. » » » S-E. Le 4 juin 185%, un orage suit les Alpes et règne aussi sur le lac, allant de l'Ouest à l'Est. À 7 h. 30 m., vent S-S-E, » 7h. 40 m., » S-E. ' » 8h. » E. Résultat des observations faites de 1850-1854. Nous avons apprécié la force du ventcomme on le fait à Genève, par les chiffres 0, 1,2 et 3, correspondant aux qualifications de calme, vent faible, vent fort, vent violent. Mais je suis convaincu que nos observations étaient trop impar- faites, pour qu'il soit possible de calculer la résultante des vents. Par exemple, quand on appréciait le vent par 2, il est bien pro- bable que la quantité d'air déplacé était beaucoup plus du double de ce qu'elle était pour un vent L; et pour un vent 3, la différence était encore plus grande. Je préfère comparer entr'eux, suivant les heures, suivant les mois et suivant les directions, les vents faibles, les vents forts et les vents violents. De cette comparaison, il résulte d'abord que le vent du Sud tend en général à se lever vers midi; mais il est bien probable que c’est là un phénomène purement local, parce qu'à Morges le vent du midi est un vent du lac qui souffle sur la terre quand celle-ci com- mence à être réchauffée par les rayons du soleil. Néanmoins, il en résulte ce fait que l'air est plus souvent calme le matin qu'à midi, et que les vents du $. et du S-0. sont aussi moins forts et moins fréquents le matin que vers le milieu du jour. Ainsi, pour les 5 années 1850-1854, voici les chiffres qui indi- — quent les nombres de ces différents vents : Calme. N ou N-E faibles. N ou N-E forts. S-0 faibles. S-0 forts. 8 h. matin 568 507 230 359 94 Midi. . 391 240 226 711 145 214 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. . Mais si nous cherchons, en outre, à déterminer la fréquence rela- tive des vents qui soufflent à Morges, on trouve que sur 1000 ins- tants pris au hasard dans l’année et dans la journée, On a le calme 331 fois. » N. ou N-E. faible 209 » » » fort 197 » » » très fort 43 » » S-N. faible 250 » » » fort 61 » , » très fort & » Vents divers, etc. 5 » Total 41000 fois. Aux personnes qui pourraient être étonnées de ne voir figurer sur 1000 que 13 violentes bises et 4 vents d'Ouest violents, je ferai observer que nous n'avons indiqué par le chiffre 3, c’est-à-dire vent trés fort, que les vents qui étaient d’une violence excessive, alors qu'ils soulevaient sur le lac des vagues énormes, et qu'ils rendaient toute navigation impossible, excepté parfois celle des grands bateaux à vapeur. Afin de faire voir comment ces vents sont répartis dans le cours de l’année, j'ai fait le tableau suivant, qui indique pour chaque mois combien de fois sur 100 cas on a le calme, ou les vents de direction et d'intensité diverses. J'ai réuni ensemble les vents d'intensité 2 et 3; ce sont dans tous les cas des vents forts. Calme. N ou N-E faible. N ou N-E fort. S-0 faible. S-O fort. Janvier 41 29 6 17 7 Février 29 25 17 20 8 Mars 24 27 22 22 5 Avril 27 19 17 31 6 Mai 26 15 19 JD 4 Juin 28 13 12 37 9 Juillet 35 14 6 39 5 Août 40 14 Al 27 7 Septembre 35 16 21 22 6 Octobre 42 18 10 20 9 Novembre 33 30 14 16 7 Décembre 36 36 12 A1 5 La courbe de la planche II représente ces chiffres; elle montre, par exemple, que le plus grand nombre des calmes a lieu dans les MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 245 mois de janvier, juillet, août, octobre et décembre ; que les fortes bises sont les plus fréquentes en mars et en septembre ; que les forts vents, bien moins nombreux que les fortes bises , sont assez égale- ment répartis dans l’année, toutefois qu'ils sont les moins fréquents en juillet et en décembre. Le vent du S-E., connu sous le nom de vaudaire, qui souffle parfois avec tant de violence dans la partie orientale du lac, surtout à Vevey, se fait sentir rarement à Morges, et toujours d’une ma- nière bien faible. Seulement, quelquefois les vagues soulevées à l'extrémité du lac nous arrivent avec une assez grande puissance. Ainsi le 2 juin 1855, ces vagues de vaudaire ont presque détruit un mur nouvellement construit: mais c’est là un fait qui n'avait peut- être pas eu lieu de mémoire d'homme. Un vieux batelier de Cully m'a dit qu'entre Cully et Morges il n’y avait pas eu de pareilles va- TE causées par la vaudaire depuis la dernière semaine d'avril 1813. D'un autre côté, j'ai remarqué souvent que l’air était calme à Villeneuve (a l'extrémité orientale du lac Léman), tandis qu’à Mor- ges soufflait un vent d'intensité 2 ou 3. C'est un fait assez curieux que ces vents violents qui cessent de se faire sentir à une distance de 30 kilomètres, bien qu'entre les deux stations il n’y ait qu’un lac, et par conséquent aucun obstacle naturel. Peut-être pourrait-on l’attribuer à l'existence des montagnes ra- pides et élevées auxquelles Villeneuve est pour ainsi dire adossé, et qui, en arrêtant le mouvement de l'air voisin de la surface du lac, obligent le vent à prendre une direction oblique à l'horizon, pour passer sur les arêtes élevées de 12 à 1400 mètres au dessus du ni- veau de l’eau. On comprendrait alors que l’on puisse trouver au pied de ces montagnes un certain espace où l’air demeure calme. Quelquefois aussi, le vent du S-E. souffle violemment à Vevey, et le vent du S-0. violemment à Morges. On voit alors, à mi-dis- tance entre ces deux villes, le lac agité à la fois par deux systèmes de vagues, dont les directions sont perpendiculaires l’une à l’autre, ce qui cause des espèces d'interférences assez curieuses. La bise (vent du N. ou du N-E.) la plus violente qui ait soufflé pendant nos cinq ans d'observation, est incontestablement celle du 25 avril 1854. M. Burnier a mesuré sa vitesse au moyen du che- min que parcourait l'ombre des nuages, et il a trouvé à peu près 25 mètres par seconde. En suivant un procédé différent que j'ai dé- veloppé dans l'Annuaire météorologique de France pour 1852, j'a- . vais trouvé à Orbe 20 mètres par seconde, pour la très forte bise du 4 mars 1851. On à indiqué 25 à 30 mètres par seconde pour la vitesse du vent, lors de la terrible bourrasque qui fit tant de ravages sur les côtes de Crimée, le 14 novembre 1854, pendant le siége de Sébastopol. Nous n'avons jamais été à même de mesurer, même d’une manière approximative, la vitesse du vent du S.-0. Dans la nuit du 26 au 27 janvier 4850, il y a eu vers les 2heures 216 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. du matin un changement remarquable dans la direction du vent, Un vent très fort du S.-0. a passé brusquement au N-E., très fort aussi ; naturellement, ce changement subit a causé des sinistres sur le lac. Une modification aussi rapide et aussi prompte dans la direc- tion d’un vent violent est très rare. Cependant, nous en avons eu en- core un exemple le 8 juin 1859, Ce jour-là, à 4 h. 45 m. du soir, la bise soufflait légèrement; 2 minutes plus tard, cette légère bise était remplacée par un vent du S-0. d’une violence extraordinaire, qui ne dura que demi-heure à peu près, mais qui,néanmoins, causa encore quelques accidents. Hygromètre. Nous avons observé l'humidité de l’air au moyen d’un psychro- mètre, ce qui nous permettait de calculer ainsi l'humidité relative de l'air et la tension de la vapeur d’eau. Voici le résumé de ces cal- culs : Humidité relative de l'air à Morges. Moyenne des résultats obtenus dès le 4° novembre 1849 au 30 novembre 1854. 8h.matin. Midi. 4h.soir. 8h.soir. Moyenne de la journée. Janvier 90 80 83 88 85 Février 84 72 72 80 77 Mars 78 62 59 jp 68 Avril 75 65 62 69 68 Mai 78 66 65 78 72 Juin 77 65 63 78 74 Juillet 78 66 65 82 73 Août 82 69 68 85 76 : Septembre 82 69 69 83 76 Octobre 89 76 79 89 83 Novembre 88 77 81 8% 82 Décembre 90 81 85 89 86 Moyenne ann! 83 74 74 81 76 Tension de la vapeur. Moyenne des résultats obteuus dès le 1” novembre 1849 au 30 novembre 1853. (On n’a pas calculé la ten- sion de la vapeur pour la période comprise entre le 30 novembre 1853 et le 30 novembre 1854.) 8 h. matin. Midi. kh. soir. 8 h.soir. Janvier Am 4m GS 4mm Go 4mm 67 Février 4,07 4,70 4,62 4,02 Mars 4,41 4,71 4,97 4,08 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 217 8h.matin. Midi 4h.soir. 8h.soir. Avril 6,17 7,13 6,72 5,88 Mai 8,21 9,06 8,61 7,65 Juin 10,80 11,55 - 11,38 10,26 Juillet 12,23 15,39 15,16 11,89 Août 11,9% 15,18 13,22 11,86 Septembre 9,10 10,08 10,07 9,06 Octobre 7,29 8,10 7,91 7,45 Novembre 5,42 6,04 5,89 5,42 Décembre 4,23 4,65 L,5% Lk,49 Moyenne annuelle 7,31 8,10 7,9% 7,23 L'air a été rarement au-dessous de 0,40 de saturation. Voici les jours pendant lesquels nous avons constaté les degrés de saturation les plus faibles : 0,28 le 27 Avril 1852, à 4 heures du soir. 0,26 » 28 » » & » 0,26 » 16 Avril 1854 0,25 » 10 Avril 1852 0,22 » 14 » » 0,19 » 24 Mars 1854 ER » » » » > » » » On peut observer que toutes ces sécheresses extraordinaires ont eu lieu au printemps et à 4 heures du soir. Le mois d'avril 1852 a été surtout extrêmement sec. Voici pour ce mois le degré de saturation de l’air aux différentes heures du jour: 8h. matin. Midi. & h. soir. 8 h. soir. 0,63 0,56 0,48 0,55 On voit que ces chiffres sontibien inférieurs aux moyennes géné- rales. Au moment de la plus grande sécheresse que nous ayons obser- vée, le 24 mars 1854, à 4 heures du soir, le thermomètre sec était à 13°,6, et le thermomètre dont la boule était entourée d’un linge mouillé marquait 5°,2. Notre pluviomètre était placé sur le toit de la maison de M. Bur- nier, à une hauteur de 12 mètres au-dessus du sol environnant, soit à 17 mètres au-dessus du niveau du lac. L'eau était conduite dans un réservoir voisin du pluviomètre ; là chaque jour, plus sou- vent s’il était nécessaire, on mesurait la quantité de pluie qui était tombée dans le réservoir. 218 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. Voici la quantité d'eau recueillie ainsi pendant les 5 années d’ob- servation : En 1850 "770,2 1851 901,3 1852 1142,9 1853 908,3 1854 873,1 ce qui donne 919°",1 pour la moyenne annuelle. Nous avons continué à mesurer l’eau de pluie, encore quelque temps après avoir cessé la généralité de nos observations : voilà pourquoi nous avons pu indiquer la quantité d’eau tombée pendant toute l’année 1854. Mais pendant ces 5 ans d'observation, il est tombé à Genève en moyenne 793%°,2 de pluie, c’est-à-dire 33°" de moins que 826” qui est la moyenne générale; en admettant aussi pour Morges la même correction de 33°”, on arrive à 952" pour la quantité d'eau qui tombe annuellement à Morges. Au Grand Saint-Bernard , il en tombe pendant le même temps 1226"",7. À Morges, de 1849 à 1854, la plus grande quantité d’eau tombée en 24 heures a été 71°°,8 le 28 juin 1854. En # jours , du 26 juin 4854 au matin, jusqu'au 30 au matin, nous en avons recueilli 108"",8. Tandis qu’au mois de septembre 1852, époque de grandes inondations dans quelques parties de la Suisse et dans les pays voi- sins , il en est tombé 69,8 le 47 septembre, et 102°”,8 dans les & jours compris entre le 45 septembre au matin et le 19. Mais les mois précédents avaient été très pluvieux , entr'autres août qui avait donné 230°",8. Toutefois, aucun des mois que nous avons considéré pendant nos 5 années d'observations régulières, n’a donné autant d’eau que le mois de mai 1856 pendant lequel il en est tombé 285”. Mais si l’on formait une année des 12 mois compris entre le 4° août 1852 et le 31 juillet 1853, on trouverait que pendant ce temps, il est tombé la quantité énorme de 1°,333 de pluie. Quant au nombre des jours de pluie, il a été En 1850 de 143 jours. » AS5l » 137 » » 1852 » 132 » » 1853 » 145 » » 1854 » 107 » Ce qui donne une moyenne annuelle de 133 jours. Ces chiffres sont répartis dans les différents mois de l’année de la manière suivante : Janvier 9,4 Mai 15,0 Septembre 9,6 Février 8,4 Juin 13,0 Octobre 13,8 Mars 4 Juillet 12,0 Novembre 10,6 Avril 12,2 Aoùt 14,2 Décembre 7,2 MÉTÉOROLOGIE DE MORGES. 219 Durant 5 ans le mois de septembre 1854 est le seul pendant le- quel il ne soit pas tombé une goutte de pluie. Pendant les 5 mêmes années , il n’y a eu qu’une seule chute de grêle, c’est le 29 août 1853, à 4 h. 05 min. du soir, les plus gros grélons pesaient 8 grammes. Tonnerres. Dans les 5 années 1850-1854, il y a eu 114 jours pendant les- quels on a entendu le tonnerre, savoir : En 1850 17 jours. » 1851 16 » » 1852 29 » » 1853 28 » » 1854 24 » Soit 22,8 jours en moyenne par année. Ce chiffre se répartit comme suit entre les différents mois : Avril 1,2 Août 5,4 Mai 3,4 Septembre 4,2 Juin 3,6 Octobre 0,8 Juillet 6,8 Novembre 0,4 On n’a jamais entendu le tonnerre durant les mois de janvier, fé- vrier, mars et décembre. Température du lae à Morges. Les observations sur la température du lac ont été faites pendant une année de la manière suivante : Chaque jour, lorsque l’état du lac le permettait, on plaçait un ou deux thermomètres suspendus à un flotteur, ensorte que l'instrument restât à un mètre de profondeur. . Quelquefois on trainait le thermomètre à la suite du bateau; ce qui donnait la température de la surface même. Ces observations ont été faites à une distance suffisante du bord s ce dont on s’est assuré directement. On à observé au mois d'août 4851, le matin et le soir, aux mo- ments présumés du maximum et du minimum. La variation diurne moyenne a été trouvée de 0,7. Dés lors, on s'est contenté d’une seule observation, vers le milieu du jour, ordi- .nairement entre À et 2 heures après-midi. . Nous avons constaté que la température à la surface et à 4 mètre de profondeur sont identiques. Nous avons constaté aussi, que l’ac- di tion directe du soleil sur un thermomètre plongeant à 1 mètre et en- - veloppé d’un linge, peut être considérée comme nulle. ë | maintenant les moyennes mensuelles de ces températures lu lac ; 220 JAUGEAGE DU RHONE. 1851 1852 Août 19°,0 Janvier 5°,6 Septembre 15,2 Février 5,5 Octobre 13,2 Mars 557 Novembre 9,1 Avril 7,0 Décembre 6,5 Mai 11,6 Juin 14,6 Juillet 19,8 Moyenne annuelle 14°,4. Nous ne parlerons pas ici des observations limnimétriques faites aussi pendant 5 ans, puisqu'elles ont déjà fait le sujet d'une commu- nication de M. Burnier à notre Société dans la séance du 22 juin 185%. Nous ne répéterons pas non plus les résultats obtenus, en obser- vant chaque mois et pendant une année, la température des lacs de la Vallée, de la Source de Vallorbes, de celle de la Lionne et de l'Aubonne; parce que cette partie de nos observations a déjà été insérée dans le Bulletin de la Société vaudoise des sciences natu- relles, séance du 6 décembre 1854. 0 <————— SUR LE JAUGEAGE DU RHONE, FAIT A LA COULOUVRENIÈRE, PRÈS GENÈVE, le 30 juin et le 2 juillet 1853, sous la direction de M. THURY, professeur à l’académie de Genève, par MM. Perey et Traxler, étudiants. (Séance du 22 juin 1859.) Lorsque l’on veut appliquer les lois connues de la physique à l'explication des phénomènes naturels, le point de départ se trouve toujours dans quelques résultats numériques fournis par l’observa- tion immédiate. Ces résultats entrent comme termes constants dans les formules générales , qui par cela cessent de n'être que des sym- boles abstraits, pour s'appliquer à la réalité des choses. Les consé- quences que l’on déduit de ces formules mixtes trouvent à leur tour confirmation ou infirmation dans d’autres résultats numériques que l'observation doit également fournir. C’est là ce qui explique l'intérêt que les physiciens accordent à de simples déterminations de chiffres, lorsqu'elles sont faites avec soin et que l’objet en a été convenablement choisi. Dans l'étude de la physique du globe, le grand obstacle est l'iso- lement des observations, qui, n'embrassant point la totalité des phé- nomènes, n'exprimant que des résultats locaux , n’ont souvent par cela même qu'une utilité bornée. —-—} l DL Combe: sentant la marche PART : Br e moyenne à Mboiyes, Le ; 2 l'indication des ji S/0UTS entre = —- — é Celle Lenperature moyen 4 ee veau-dessus des d}férents de LA LA TIRER COPTLS à ertre Lee 16! # L2 TR Fr open Le = _. | Fa PRE EN M He j D } FES des | | G: ut | Cale represertart la marche de li tem- oO < raser ( [ ï 1 + Cd Di LE, SN RE | Fe Ut cp jperalure 1noyenre à Morges, 10 Sept, de PRE avec l'indication des jours entre Sept: Æc CL 4° lesquels cette temperature moyen : CSSS ?Lerippe AE 71 9 Sep 2 me 710-2804 dessus des fronts Ve: MORE er rue 12° -gres compris entre Lee 16° s JO PE c 21 Arf Oh ——_—— 70 AT Aoil 20 Oeu = 2 — ! . + 10 : TR + if 26 de Se mu () = 0 = Auf SA en ee + a ! 10 —94 A Las Ô Voov- eo pv O { x (NN k Fi) L Le 116 Mars mie ee | Do | De 16 Mos L 26) bo _————.—1| # SELS LUS 10 Re | Le) Es ad | l'es =) 12a Re 22 ‘09 | : | | Res Re rie Re se eS © | = 1 À 1S© Ed 1 % | i 11 ES ñ Hat? > : oO |3 Fe AS PSS LE is ES RTS RS l BE 1) ES S |9 > SSAT Les rapports entre l« be des fortes bises. des bises d'intensité queloong: be’des gros vents du Sud. des yènts dla, ua d'éntens. ait de des calmes. Courbe ca blissant Les rapports entre la = fregu ence’ des différents L'erus que soufflent à N borde ù, d'après À ds annees d'observation 1080-1852 . #P Courbe des/ortes bises. DES des bises d'intensite gu eleong: V’Courbe des. gros verts due Sud. 4 des vents duSud. d'intensité quele 2 Courbe des calrnes. \ / à au vrer = s$ (S S F - : à = | == = É É $ E _ J | .s : $ 2 > 13 à SE > 5 | LC De 2 T+ 2 ca S e o mere s S | L a EE EE D = ET GS =) g 67 4) ES G) 2 JAUGEAGE DU RHONE. “ 2921 Il convient donc de préférer entre tous, pour en faire l’objet de détermations numériques, ceux de ces phénomènes qui offrent un caractère de totalisation, qui expriment et résument ce qui se passe dans de grandes étendues ou dans de longues périodes de temps. La quantité d’eau qui passe dans chaque section d’un grand fleuve remplit en partie les conditions précitées, puisqu'elle exprime la quantité totale de pluie qui tombe dans la partie du bassin du fleuve immédiatement supérieure à la section que l'on considère, cette quantité étant dimmuée des effets de l’évaporation et de ceux de l'absorption souterraine. Or, la part de ces deux derniers éléments peut être assez bien déduite de la comparaison des mesures qui se rapportent à plusieurs sections successives jaugées dans le même temps. Tels sont les motifs qui me déterminérert à faire quelques expé- riences sur le jaugeage du Rhône. Mais les expériences de ce genre ne ressemblent en aucune ma- nière aux expériences du physicien tranquillement assis dans son cabinet; elles présentent des difficultés toutes spéciales qu'il faut d'abord apprendre à vaincre. Une campagne d'essai, une épreuve réelle de la valeur des ins- truments placés dans des conditions nouvelles, une étude pratique des procédés d’expérimentation jugés a priori les meilleurs, mais que l'expérience montrera peut-être comme devant être modifiés ou complétés ; tout ce travail devient nécessaire, si l’on tient à n'enre- gistrer que des chiffres sûrs. C'est uniquement le résultat d'un tel travail préparatoire que je viens offrir aujourd'hui, dans le seul but de réclamer l'utile con- cours des membres de la Société vaudoise pour des recherches ulté- rieures, plus complètes et plus satisfaisantes. Alors, il deviendrait ossible, grâce à leur bonne intervention, de jauger de nouveau le hône, simultanément à son entrée et à sa sortie du lac, de jauger aussi les principaux affluents lacustres , et de jeter quelque lumière sur une question de géographie physique encore obscure aujour- d'hui. L'essai dont je vais rendre compte a été fait sous ma direction, par deux jeunes étudiants à l'académie de Genève, dont le zèle et la persévérance méritent tout éloge. Nous avions choisi la section d’épreuve dans le faubourg de la Coulouvrenière, 16 mètres ‘/,, au dessous du mur sud-ouest de l’u- sine du gaz. Dans ce point, la largeur du fleuve se trouve réduite à 67 mètres 16. Le cours de l’eau est assez bien réglé, mais la ri- wière.est à la fois profonde et rapide, ce qui constitue, comme on le pense bien, une dilliculté de plus pour l’expérimentation. Notre pre- mière perche de sondage fut immédiatement brisée par la force du Courant ; il n'était pas possible de tenir ces perches avec les mains. Pour éviter une traction trop considérable, et afin que la vitesse du courant ne fût pas modifiée d'une manière sensible, à quelque dis- tance, par la présence du bateau, nous dûmes employer une nacelle 292 JAUGEAGE DU RHONE. à fond plat, où ne montaient que les personnes strictement néces- saires pour l'opération. La marche à suivre était évidente. Il fallait d’abord mesurer exactement une section transversale du fleuve. Ensuite, fixer la vitesse de l’eau dans tous les points de cette section. Lorsque ces deux opérations sont terminées, si l'on multiplie chique vitesse ou l’espace que décrit l’eau dans une seconde, par la fraction de la section totale que l’eau animée de cette vitesse traverse, la somme de tous les résultats partiels ainsi obtenus exprime le débit du fleuve, ou la quantité d’eau qui s'écoule dans une seconde. Pour obtenir une coupe transversale exacte, on a tendu fortement d'un bord à l’autre du fleuve, hors de l’eau, perpendiculairement au courant, un cordeau divisé de deux en deux mètres et por- tant un numéro bien visible à chacun des points de division. Chaque fois que, à l'aide de moufles, on tendait fermement le cordeau (jusqu'à le rendre presque rectiligne), on notait la posi- tion des numéros extrêmes, par rapport aux bords du fleuve, et la distance des deux rives ayant été mesurée trigonométriquement avec eyactitude, il devenait facile de caleuler la position absolue de chaque numéro, quel que fût le degré de tension ou d’allongement de la corde. Ce premier résultat obtenu, il restait à mesurer la profondeur du fleuve, à chacun des numéros de la corde. Dans une eau tran- quille, ou dans un courant peu rapide, des sondages de quelques mètres n'eussent offert aucune difficulté. Mais ici, la violence du courant entraine les perches ou les lignes plombées, qu'il devient impossible de maintenir verticales. Pour surmonter cet obstacle, nous avons dû construire un appareil très solide, consistant dans un tube vertical fixé au bateau et muni de galets à l’intérieur. Ce tube servait à retenir et à guider la perche de sondage. En outre, à l’ex- trémité inférieure de cette perche on avait attaché une corde qui aboutissant à l’autre extrémité du bateau sur un treuil, contribuait puissamment à maintenir la perche contre l’effort de l’eau , à rendre ses mouvements faciles et à détruire ses vibrations qui, dans l’opé- ration suivante, eussent rendu à peu près impossible la mesure des vitesses à de grandes profondeurs. La perche de sondage était cylindrique, de 6 centimètres de dia- mètre et de 5 ‘/, mètres de longueur, divisée circulairement de déci- mètre en décimètre et numérotée à chaque division. Elle recevait à sa partie inférieure une sorte de disque (le patin) destiné à prévenir l’enfoncement du hout de la perche dans le sol du fond. Pour les grandes profondeurs, on fixait au bas de la perche une allonge en fer de 2 ‘/, mètres terminéee par un élargissement. Tout cet appareil, qui devait servir également aux mesures de vitesse, a très bien rempli son but; il rend la manœuvre facile et rapide; il permet ainsi de multiplier beaucoup les observations, et l’on sait combien cela influe sur l'exactitude finale. Toutes les mesu- JAUGEAGÉ DU RHONE. 223 res de profondeur prises de deux en deux mètres ont été répétées deux fois, et l'opération n’a exigé qu'un temps très court. Les sondages achevés, 1l fallait mesurer les vitesses. Pour cela, on a fait usage du rhéomêtre, ou moulinet, de Woltmann, qui est de tous les appareils pouvant fonctionner sous l’eau, à différentes profondeurs, celui qui donne les résultats les plus exacts, parce que l'échelle de ses indications peut être étendue à volonté, en prolon- geant la durée de l'expérience, et parce qu'il donne le chiffre moyen des vitesses pour le temps de chaque essai. Chacun sait que le moulinet de Woltmann est semblable à un très petit moulin à vent, qui, plongé dans l'eau et convenablement orienté, tourne d'autant plus vite que le courant est plus rapide. Le nombre des tours du moulinet, enregistré par l'instrument lui- même, à partir de l'instant où l'observateur tire un fil d'embrayage, mesure la vitesse du courant. Des expériences préalables font connaître le rapport qui existe entre la vitesse du courant et le nombre de tours que le moulinet accomplit dans un temps connu, dans une minute, par exemple. L'établissement de cette graduation indirecte n’a pas été la partie la moins laborieuse de notre travail. Pour l'obtenir, pour faire en quelque sorte la taxe de l'instrument, nous avons essayé deux mé- thodes. L'une consiste à transporter le rhéomètre avec une vitesse connue, dans l’eau en repos; la seconde à noter les indications du rhéomètre immobile, dans an courant dont la vitesse est mesurée directement à l’aide de flotteurs. L'opération suivant la première méthode, fut conduite ainsi : on avait marqué en plein lac une base d'environ 500 mètres, mesurée trigonométriquement depuis le rivage. Les extrémités de cette base étaient indiquées par deux vessies flottantes, retenues par des cordes fixées à des boulets de 12, lesquels reposaient sur le fond. Le rhéo- mètre fut placé a l'avant d'un petit bateau à vapeur à hélice, à une distance du navire et à une profondeur que l’on crut suffisantes pour que l'instrument ne fût point influencé par les remous. Les choses étant ainsi disposées, on fit courir le bateau à vapeur d’une vessie à l'autre, une fois en allant, une fois en revenant, On règlait facilement la vitesse du bateau à l’aide de la détente de vapeur. L'expériénce montra que quelle que füt cette vitesse, entre certaines limites, le rhéomètre faisait toujours en moyenne le même nombre de tours, d'une extrémité à l’autre de la base, ce qui prouve que le nombre des tours du rhéomèêtre demeure constamment proportion- nel à la vitesse. Toutefois, bien que nous eussions fait trois campa- gnes d’épreuve, les résultats ne furent point assez concordants pour nous assurer de la bonté de ce premier mode d’expérimentation. C'est alors que nous eûmes recours à l'essai du rhéomètre immo- bile dans le courant bien réglé d’un canal. Ici, les conditions de l’é- preuve se rapprochent davantage de celles de l'expérience défini- tive, puisque c'est l'eau qui se meut ; et les résultats qui furent obte- nus à différentes vitesses et dans des jours différents concordèrent 224 JAUGEAGE DU RHONE. assez, pour nous engager à adopter ces derniers chiffres à l’exelu- sion des premiers, obtenus par le premier mode. Sur le fleuve, nous placions le rhéomètre à l'extrémité inférieure de la perche de sondage, et par ce moyen il pouvait être maintenu sans peine à différentes profondeurs, aussi longtemps que cela était , nécéssaire pour les expériences : le cordon d'embrayage passait dans un canal creusé le long de la perche, ce qui est indispensable pour éviter que l’effet du courant sur le fil n'embraye avant le temps. Une première série de mesures de vitesses, à la profondeur tou- jours la même de 0,88, fut opérée d’un bord à l’autre du fleuve. On trouva la plus grande vitesse, d'environ 2 mètres par seconde, à 21 mètres de la rive droite, à peu près au tiers de la largeur, et très peu au-delà de l’endroit le plus profond. A partir de ce point, la vitesse diminue graduellement, mais non pas uniformément , à mesure que l’on se rapproche des rives ; la courbe AA exprime la loi suivant laquelle cette diminution s'opère. Le 2 juillet, nous entreprimes de mesurer des vitesses d’un bord à l’autre, à toutes les profondeurs. Les épreuves furent combinées de manière que, si l'opération venait à être interrompue par quel- que accident, on püt tirer le meilleur parti possible des observa- tions déjà faites. Bien nous en prit, car avant la fin des expérien- ces projetées, un objet que chariait le fleuve, ou bien un poisson, vint heurter le moulinet et briser l'axe de laiton de l'instrument. Nous dümes alors, non sans regret, mettre fin à nos recherches. laissées incomplètes. Nous avions cependant mesuré des vitesses dans 45 endroits de la section du fleuve, à différentes distances du bord et à différentes profondeurs, et le nombre total de nos mesures s'élevait à plus de 150. Nous pouvions donc obtenir le résultat cherché avec un degré d'approximation égal à celui dont la plupart des observateurs se con- tentent. Toutefois, l'impossibilité de vérifier l’mstrument après la fin des expériences, comme cela doit toujours se pratiquer, me fait un devoir de n’offrir qu'avec réserve les chiffres qui se déduisent de nos essais, et qu'il me reste maintenant à rapporter. La plus grande profondeur de la rivière est de 487, à 20"30 de la rive droite. L’étendue superficielle de la section totale que nous avons mesu- rée est de 341 mètres carrés. La plus grande vitesse à la surface est de 2,04. La plus grande vitesse près du fond, de 1",34. La vitesse moyenne générale est de 1",12. La vitesse moyenne est donc à la vitesse maxima dans le rap- port de À à 1,8. En d’autres termes, si l'on connaissait la vitesse maxima, pour en conclure la vitesse moyenne, il faudrait prendre la moitié et ajouter ‘/, du résultat. Partout la vitesse diminue à peu près uniformément à mesure que l'on descend au-dessous de la surface; mais la quantité de cette diminution varie d’un point à un autre de la largeur du fleuve. | Courbes À 3 ssant les rapports "Pub: VAT nt it & Nbotq es, d aprés k: à _2s d'observation, 150-854. Medes fortes bises. | des bises d intensité queloong: : le des gros penës de Ju. Li2 Ê ouh eo cablissant Les rapports entre la /requence des dférents ends que ee a Mbcraes, d' apres Je Le , 5 D 4) » années «'observatr on JOSO0-LS52 . VA Courbe des/ortes be ses. } des bises d'inten été que eloong: J Le ourbe des. OT0S percs du 4 74 : dv , desventsdaSud d'intenst té quele C'Courbe des calmes. /B d VA / s ol 7 LE x = 7 ÿ : S 14 ” % a À S ES 5 a e— S = € (e E 2 | ES F (2 & (25 ës L'ALGÉRIE, SÉJOUR D'HIVER. 225 Dans le tableau joint à ce mémoire, on a tracé la forme exacte de la section mesurée, avec les cotes de profondeurs. La distribution des vitesses dans la masse de l’eau se trouve ex- primée par une série de lignes courbes, dont chacune passe par tous les points où la vitesse estla même. Ces courbes d'égale vitesse sont celles de 2", 4°,75, 1,50, 1",25, 17,00, 0",75 et 0", 50. Ces lignes ont été obtenues par des interpolations. On peut déduire des éléments relatés dans ce tableau, et des chif- fres qui précèdent, que le volume d’eau qui passe dans une seconde est de 269 mètres cubes. Dans un jour le fleuve remplirait une coupe hemisphérique de 446 mètres (1373 pieds de roi) de large, et de 223 mètres (686 pieds) de profondeur, ou bien un cube de 285 mètres (878 pieds) de côté. Il était facile d'obtenir la force mécanique du fleuve en multipliant chaque vitesse par elle-même et par la moitié de la masse de l’eau qui en est animée. La septante-cinquième partie de la somme de tous les résultats ainsi obtenus, exprime, comme on le sait, en che- vaux-vapeur la force du fleuve. Nous l'avons trouvée de 355 che- vaux-vapeur, soit environ 670 chevaux effectifs travaillant huit heures par jour. "RL — NOTICE SUR L'ALGÉRIE CONSIDÉRÉE COMME SÉJOUR D'HIVER POUR LES PERSONNES VALÉTUDINAIRES DU NORD ET DU MILIEU DE L'EUROPE. Par ©. Nicati, D' méd. et chir. à Aubonne. (Séance du 22 juin 1859.) Introduction. Quand nous considérons le nombre toujours erois- sant des personnes qui cherchent dans un climat plus doux la gué- rison, ou tout au moins le soulagement des maladies diverses qui les affectent, nous ne pouvons nier que le changement d'air ne soit un moyen thérapeutique efficace, ce que confirme, du reste, l’expé- rience de tous les praticiens. Sans doute, pour les habitants du nord de l'Europe, la différence de leur climat avec celui de Montreux, de Cannes, de Nice, ou de toute autre localité à la mode, est assez grande pour qu'ils éprouvent un bon effet des hivers passés dans le midi; mais pour les habitants de contrées aux hivers moins sévères, ce séjour ne produit pas toujours l'effet désiré. C'est imbu de cette idée que je me décidai, il y a deux ans, a conduire en Algérie une personne de ma famille depuis longtemps souffrante, et réduite à un état d’anémie et de faiblesse des plus in- quiétants. Ma malade passa trois mois dans la province d'Oran, avec un succès complet pour le rétablissement de sa santé. En présence de cet heureux résultat, je crois devoir attirer l’at- tention sur les effets salutaires du voyage et du séjour en Algérie. 226 L'ALGÉRIE, Je crois que ce pays possède des avantages majeurs sur les contrées envisagées jusqu'ici comme les seules convenables aux valétudi- naires du nord de l'Europe et de notre Suisse. Cette conviction a guidé ma plume et servira, j'espère, d’'excuse à la faiblesse d’un tra- vail, qui n'a pour base que mes souvenirs et quelques renseigne ments puisés dans mes relations avec un médecin de l’armée d’A- frique. Du climat. Le climat de l'Algérie, comme celui des régions in- tertropicales, n'offre en réalité que deux grandes saisons. Celle des pluies et celle des chaleurs. La première comprend de novembre à avril. Dans ce semestre, il y a cependant de nombreuses séries de beaux jours, puisqu'on ne compte guère en moyenne que 50 à 60 jours pluvieux. La saison chaude dure de mai à octobre. Pendant ce semestre, on a presque invariablement le beau fixe et de la cha- leur. Ge n'est pas l’époque favorable pour visiter l'Algérie. Durant la saison pluvieuse, le long du littoral, le thermomètre se maintient, en moyenne, entre 10° et 15° C.; il ne descend pas à zéro. Pendant les chaleurs, il accuse parfois à l'ombre 35° à 40°, et en moyenne 23° à 25°. Ce qui donne pour la température moyenne de l’année 17° à 19°. La quantité de pluie tombée annuellement à Alger, est évaluée à 880 millimètres, dont les $/, de novembre à avril, pendant lesquels on compte environ 40 jours et 30 nuits pluvieux, contre 10 jours et 2 nuits seulement, de mai à octobre. C'est vers la fin d'octobre que l'atmosphère se refroidit presque subitement. Le refroi- dissement, coincidant avec le vent d'ouest, est un signe certaiu de l'approche des grandes pluies, que d’épaisses nuées ne tardent pas à répandre par flots. Ces pluies battantes de décembre se reprodui- sent parfois en janvier et février. Je les ai vu tomber en mars 1357, avec une abondance exceptionnelle, changeant les moindres cours d’eau en torrents impétueux, et couvrant de débris des plaines inon- dées qu'elles transforment en de vastes marais. Pendant que la pluie envahit ainsi le bas pays, il neige dans les zônes montagneuses. Au cœur de l'hiver, la neige en permanence recouvre fréquemment le petit Atlas, à partir d’une limite de 5 à 600 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les pics les plus élevés restent blancs de no- vembre à mars; quelques-uns même plus longtemps, comme dans le Jurjura dont les cimes argentées s’aperçoivent d'Alger jusqu'au milieu de mai. Il est très rare qu'il neige sur les collines du littoral et dans les plaines du Sahel, où le gel est un phénomène presque inconnu. Les orages de grêle, par contre, éclatent souvent avec une grande violence. En mars et avril, les pluies deviennent moins fréquentes; le so- leil est rarement voilé, les journées sont déja chaudes et le ciel d'une pureté admirable; puis arrive le mois de mai, le plus beau de l’année en Algérie, plus que partout ailleurs. Sa première partie jouit encore de la suave température du printemps, tandis que les derniers jours ne le cèdent parfois en rien aux plus chaudes journées de l'été, surtout SÉJOUR D'HIVER. 297 lorsque souffle le sirroco assez fréquent à cette époque de l’année. Alors on goûte, peu avant le lever du soleil, une fraicheur relative très agréable, mais qui n’est pas de longue durée. Dès que brillent les premiers rayons du soleil, la chaleur commence et devient plus in- commode à mesure que l’astre monte au-dessus de l'horizon. Après midi, la température s’accroit encore, puis, vers trois ou quatre heures, les feux du jour commencent à diminuer ; le soleil reste chaud jusqu’à la fin de sa course. Pendant le crépuscule, qui ne dure guère plus d’une demi-heure, on a le moment le plus agréable pour prendre l'air; mais à peine la nuit est-elle tombée, qu'un abon- dant serein devient incommode et dangereux. La rosée du matin est encore plus forte et pénètre comme une véritable pluie. Sur le littoral et jusqu'au versant nord de la première région montagneuse, les ardeurs du jour sont notablement adoucies par la brise de mer, qui, toutes les fois que le vent n’est pas au sud, se lève régulièrement de 9 à 11 heures du matin et souffle du nord une partie de la journée. A la brise de mer, qui se calme quand le soleil commence à baisser, succède pendant la nuit la brise de terre. Il n'y a pas de vent dans la première partie de la matinée, ensorte que le plus souvent c'est à 8 heures que la chaleur est la plus acca- blante. Ces phénomènes météorologiques donnent au climat de l’Algérie un cachet particulier ; mais de tous, le plus extraordinaire, celui qui fait de l'atmosphère africaine un milieu inconnu dans nos con- trées, et dont on ne saurait se faire une une juste idée sans l’avoic ressenti, c’est le sirroco, le vent du désert. Dès qu'il souffle, un sen- timent de chaleur brülante parcourt tout le corps; l'air sec et chaud crispe la peau, dessèche les muqueuses ; la circulation est en souf- france et l’on éprouve un malaise général; toutes les positions de- viennent incommodes et une volonté ferme ne surmonte pas tou- jours l’accablement qui vous affaisse. Heureusement le sirroco ne dure en général que peu de jours ; il se fait rarement sentir en hiver. Un avantage de la côte algérienne bien digne d’être mentionné, car elle lui doit sa salubrité, est sa position géographique. Faisant face au nord, elle se trouve exposée en plein au vent venant du pôle. Ce vent, dans nos contrées et sur les côtes septentrionales de la Mé- diterranée, arrive sec et froid ; il a contracté en traversant un large continent une sécheresse et une âpreté fort nuisibles aux personnes nerveuses et à celles atteintes d’affections des organes respiratoires, mais qui conviennent aux Constitutions relàchées et débiles, récla- mant un air vif et tonique. En Algérie, par contre, le vent du nord en traversant la Méditerranée, s'est chargé jusqu’à un certain point de chaleur et d'humidité. Il fait sur nos organes une tout autre im- pression que chez nous, car il a perdu son äpreté et son action irri- taute, et conservé cependant une partie des propriétés toniques que nous lui connaissons. Cette exposition de la côte d'Afrique à un vent du nord tempéré et humide, lui donne une supériorité incontestable 6 228 L'AFRIQUE, sur les contrées méridionales de l'Europe où la bise et le mistral détruisent trop souvent les bons effets d'une douce température. Dans l’intérieur, sur les plateaux de l’Atlas et surtout au-delà de la chaîne, l'influence de la mer ne se fait plus sentir; elle est rempla- cée par celle du grand désert, le climat est extraordinairement sec et chaud en été, variable et froid en hiver. Il résulte de cette esquisse bien incomplète du climat de l'Algérie, que l’on doit conseiller aux personnes qui iraient en Afrique pour leur santé, de ne pas y passer la saison chaude, mais de s’y rendre pour l'hiver seulement, aux premiers froids de nos pays, dans les mois de novembre ou décembre, et de revenir en Europe au plus tard à la fin de mai; ou même de se borner à un séjour des trois ou quatre mois les plus rigoureux de la mauvaise saison, et enfin de se se fixer dans le voisinage de la mer et non dans l'intérieur du pays. Considérations médicales. Nous venons de voir que le climat du littoral de l’Algérie réunit à un haut degré, pendant l'hiver, les con- ditions de douceur et d’égalité de température, d'absence de vents secs et froids que recherchent généralement les malades qui recou- rent à un changement de climat. L'expérience des médecins de l’ar- mée d'Afrique va nous montrer jusqu’à quel point le séjour de l’Al- gérie est avantageux aux valétudinaires, puisqu'ils admettent comme acquis à la science les points suivants” : 4° La phthysie pulmonaire, sans être inconnue en Algérie, y est bien moins fréquente qu'en Europe. 2° Les Européens, qui n’apportent pas en Afrique le germe de la phthysie, n’y contractent presque jamais cette maladie. 3° Ceux qui y apportent une disposition aux tubercules et à la toux, échappent à la maladie sous l'influence du climat et d’un ré- gime convenable. 4° Dans une période plus avancée, la phthysie peut souvent gué- rir, ou tout au moins rester stationnaire, ou ne faire que des progrès très lents. 5° Lorsque les tubereules sont en voie de ramollissement, l’action du climat algérien n’est plus aussi favorable. Elle cesse même d’a- gir au bénéfice des malades dans la dernière période de l’étisie. 6° La marche promptement fatale du mal s’observe surtout pen- dant les plus grandes chaleurs. 7° Les phthysiques au premier et deuxième degré, en quittant l'Eu- rope avant les premiers froids et arrivant en Afrique vers la fin de septembre, sont dans les meilleures conditions pour recevoir l'in- fluence salutaire du climat. 8° Le maximum d'action de cette heureuse influence se fait sur- tout ressentir pendant le premier hiver passé en Algérie. 9° Elle se soutient encore pendant les années suivantes à un degré moindre. * Voyez Armand, l'Algérie médicale. À vol. in-8°. Paris 4854, p. 379. - SÉJOUR D'HIVER. 229 10° Cettte influence devient presque nulle pendant les grandes chaleurs; celles-ci sont mêmes contraires aux phthysies très-avan- cées et souvent précipitent leur fin. D’après ces effets du climat algérien sur la phthysie, il sera facile à chaque praticien d'apprécier ce que l’on est en droit d'espérer de son influence sur les autres maladies qui réclament un changement de climat. Manquant de renseignements sur ce point je ne m'éten- drai pas davantage, laissant à chacun le soin de déduire les consé- quences qui découlent des données précédentes. Considérations accessoires. Peut-être devrais-je me borner à faire ressortir l'efficacité du climat de l'Algérie sous le point de vue médical; mais comme les personnes qui se décident à passer l'hiver en pays chaud, tiennent à y rencontrer les distractions et les agré- ments de la vie sociale, à y jouir d’un certain bien-être, et même à remporter d'agréables souvenirs de leur voyage, je veux encore montrer que sous ces points de vue l'Algérie vaut mieux que sa ré- putation, ce que du reste les Anglais, bons connaisseurs en pareille matière, commencent, dit-on, à apprécier, car depuis un an ou deux ils ont fixé leur résidence,temporaire dans la capitale de l'A- frique française. Personne n'ignore que, grâce à la vapeur, l'Algérie est, pour ainsi dire, à notre porte; trois jours suflisent pour se rendre de Genève à Alger, et quatre pour arriver à Oran. Dans la saison que je conseille, les traversées sont généralement faciles, et un petit voyage sur mer ne peut mauquer d'exercer une heureuse influence sur les habitants de l’intérieur des terres. Ce moyen curatif, souvent mis en pratique dans l'étranger, est trop négligé chez nous. Il pro- duit cependant des effets avantageux dans bien des occasions. Il est par exemple un spécifique contre le goitre. Une fois débarqué en Algérie, le malade cherchera les localités qui lui offriront les meilleures conditions de salubrité et le plus de ressources matérielles. À cet égard , la ville d’Alger et ses environs méritent la préférence. Il est difficile de se figurer une contrée plus riante, une ville plus pittoresque et sous un plus beau ciel. On trouve à Alger les ressources et les distractions d’une grande ville française, d’un port de mer animé, avec un cachet d'originalité tout oriental. La vie y est facile et point trop dispendieuse. Les environs offrent des points de vue et des buts de promenade multipliés. A Alger, plus qu'ailleurs, les facilités pour faire des excursions en voiture ou à cheval, des promenades en bateau ou à âne, se trouvent sous la main et à la portée de chacun. Les hôtels et les pensions sont nom- breux ; on trouve en abondance pendant tout l'hiver les légumes et les fruits de nos étés, sans parler de ceux propres au pays; le pain est de bonne qualité ; la viande et le poisson laissent peu à désirer ; le laitage, par contre, y est rare. Il ne doit pas être difficile de faire des cures de lait d’änesse, et de se procurer des bouillons d’escar- gots ou de tortues si avantageux dans certains cas. N'oublions pas ‘230 L’AFRIQUE ; SÉJOUR D'HIVER. de mentionner encore que les nombreuses villas qui entourent le golfe d'Alger, peuvent offrir la vie de campagne aux personnes dési- reuses d'en jouir, et nous serons forcés de convenir qu'un voyage et un séjour à Alger sont aussi faciles et aussi agréables que dans toute autre contrée plus à la mode, tandis que par son climat et par sa position, cette ville l'emporte sur toutes ses rivales européennes. Oran, que j'ai visité, est moins bien partagé qu'Alger; la campagne environnante n'a pas l'aspect riant ni la fraicheur de celle d'Alger ; des montagnes volcaniques arides et sévères , entourent la ville de très près et plongent à pic dans la mer. Oran, cependant, par sa po- sition, sa population bigarrée, son voisinage de l'Espagne, est bien en droit d'attirer les étrangers ; il n’est d'ailleurs pas dénué de cer- taines ressources. En s’éloignant des côtes, les villes mauresques de Blidah, au pied du petit Atlas, et de Mascara, sur le versant méridional de la chaine, à la même hauteur que Lausanne au-dessus de la mer, m'ont paru de- voir aussi attirer les Européens valétudinaires. Ils ytrouveront, avec la même température, une exposition un peu inontagneuse, mais moins de ressources que dans les chefs-lieux. Quant aux nombreux cen- tres de colonisation française, quoiqu'il y en ait plusieurs de fort bien exposés, les diflicultés de la vie matérielle empêcheront longtemps encore qu'on aille y chercher le rétablissement de sa santé. : Contre-indications. On m'accuserait, avec raison, de partialité et d'inexactitude, si, après avoir esquissé le beau côté du climat algé- rien, je laissais le mauvais tout-à-fait dans l'ombre. Les fièvres qui déciment la population de l'Algérie ne sont que trop connues; à la vérité, elles ne sévissent guère que dans la saison chaude, et elles sont moins graves et moins fréquentes sur le littoral que dans l'inté- rieur ; mais elles existent, et il est difficile d'échapper à leur atteinte. Si donc l'Algérie se recommande par l’heureuse influence qu’elle exerce sur les maladies de l'appareil respiratoire , il n’en est plus de même dès qu'il s’agit de maiadies ayant leur siége dans d’autres organes, et suriout dans ceux de la digestion; et si, dans la saison pluvieuse, l'Afrique française est une contrée généralement salubre, il en est autrement durant les chaleurs. On voit alors se développer sous l'influence d'une température excessive des jours et sous celle non moins fàcheuse de la fraicheur et de l'humidité des nuits, le fléau des pays chauds, les fièvres intermittentes sous toutes leurs formes, depuis les plus bénignes jusqu'aux plus pernicieuses. Le caractère intermittent vient compliquer presque toutes les maladies et persiste avec une ténacité inconcevable. D’autres affections se développent aussi dans la saison chaude, les diarrhées, la dyssenterie, les affec- tions du foie, le choléra, les ophthalmies, les congestions cérébrales, etc., etc.; en un mot, on voit en Algérie toute la série des maladies des pays chauds, avec l'accompagnement d'accidents divers et de faiblesse générale, qui rendent le séjour de ces contrées pernicieux aux Européens. GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN, 231 Je ne saurais done conseiller une prolongation de séjour en Afri- que jusque dans la saison chaude, aux personnes qui y auraient passé l'hiver pour leur santé. Tire ESQUISSE GÉOLOGIQUE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. Par MM. 3. et P. Delaharpe. (Séance du 22 juin 1859.) Les géologues suisses sont maintenant assez accoutumés à ren- contrer sur leurs pas des terrains placés dans l’ordre inverse de celui de leur déposition. M. le prof” Studer les en a prévenus le pre- mier lorsqu'il a écrit ces lignes : « Depuis le Sanetsch jusqu’à la Gemmi, les montagnes calcaires ».et schisteuses présentent des ploiements énigmatiques. Au sommet » de la montagne, les couches sont presque horizontales ; en s’ap- » prochant de son bord septentrional , elles se recourbent, puis de- » viennent perpendiculaires, et s’abaissent en servant ainsi de revé- » tement à la paroi verticale de la chaîne. Au pied de celle-ci elles se » recourbent encore et vont plonger sous la montagne. L’are de » cercle formé par les couches extérieures aurait une corde verticale » longue d’un kilomêtre environ. » Tout le long de la paroi septentrionale de la chaine, depuis » Gsteig, au pied du Saneisch, jusqu’à Adelboden, on voit, vers le » pied de la montagne, ou quelquefois à une certaine hauteur, le » grès nummulitique plonger sous la montagne, au-dessus parait le » calcaire à rudistes, ou même le calcaire jurassique. Ce n’est qu’en » arrivant au sommet que l’on retrouve ces mêmes formations dans » leur ordre naturel de superposition, le nummulitique au-dessus, » l’urgonien au-dessous”. » M. Escher a observé des renversements analogues dans le Vorarl- berg. | Depuis lors, la plupart des géologues qui ont parcouru nos Alpes ont observé des faits semblables. L'un de nous constata, l'an passé, à St. Maurice, à la base même du massif de la Dent-du-Midi, un renversement complet du néocomien par lequel le calcaire à toxaster repose horizontalement et en couches concordantes sur l’urgonien”. MM. E. Renevier et Ph. Delaharpe présentèrent, il y a quatre ans, à la Société vaudoise des sciences naturelles, une notice sur la géologie de la Dent-du-Midi, accompagnée de plusieurs coupes. L'une de ces dernières , celle du pitton de la dent elle-même (voir Bulletin, n° 36, année 1855, p. 277, coupe n° 4), indiquait un ren- # Studer. Geol. der Schweiz, vol. IL, p. 69. ** Bulletin de la Société vaudoise, n° 44, p. 139. 232 GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. versement tout-à-fait inattendu des couches qui composent le som- met du massif de la Dent. Par ce renversement, l’éocène se trouvait à la base, tandis que les terrains crétacés s’étageaient régulièrement au-dessus de lui dans un ordre renversé, pour être couronnés de rechef par les mêmes couches, mais dans leur ordre normal. Ces messieurs ne se doutaient pas alors que ce renversement s'é- tendait à toute la chaine qui, de Bostan et de l'extrémité de la val- lée de Sixt, s'étend jusqu'à Cheville et au Sanetsch, et que le ren- versement observé en Valais, aux frontières de la Savoie, se reliait presque sans interruption à celui que M. le prof" Studer avait ob- servé dans les Alpes bernoises, au-delà des Diablerets. Une étude attentive de la chaine du Grand-Meuvran” faite pendant trois étés successifs, nous a permis d'établir qu'ici encore le même renversement se reproduit. Les fossiles recueillis à grand'peine dans presque toutes les couches qui composent cet énorme massif, ont démontré que depuis la Dent-de-Morcles jusque au col de Cheville et sur les deux chaines parallèles qui circonscrivent les vallées de Nant et de l'Avare, l’éocène est recouvert par le gault, celui-ci par le calcaire à caprotines, que recouvre à son tour le calcaire à Ho- laster complanatus, puis le calcaire à Ostrea Couloni, et enfin le ter- rain jurassique. Dans la chaine du Meuvran, le renversement a pris des propor- tions considérables ; il ne s’agit plus de quelques couches, mais de plusieurs terrains successifs et d’âges fort différents; ce n’est pas une courbure limitée à quelques centaines de mètres, mais un con- tourüement occupant environ 3 lieues d’étendue sur une largeur de À à 2 lieues; nous avions donc devant nous une zùne entière de montagnes élevées en moyenne de 3000 mètres, renfermant une vallée limitée par deux chaines élevées. Pareil phénomène révélait l'existence d’une cause de première grandeur. Nous n'avons point l'intention, pour le moment, d'étudier avec détail les mouvements et les déplacements partiels qu'ont subi cha- eun des terrains qui entrent dans la composition de la chaine du Meuvran. Nous renvoyons ce travail jusqu’au moment où la déter- mination exacte de la nature de toutes les assises nous permettra de donner la géologie complète de la contrée. Pour le présent, nous nous bornerons à examiner la question soulevée, celle de la cause de ces renversements, à son point de vue général , et nous cherche- rons à en déduire quelques-unes des conséquences du même genre. Pour aborder ces questions , peu importe, en effet, que telle ou telle couche reste encore indéterminée, ou que la position d’un étage in- termédiaire offre quelques doutes, lorsque le fait général, l'interver- sion de la série normale, est bien établi. Or, ce dernier point ne sau- rait offrir le moindre doute. Que l’on prenne, par exemple, la coupe verticale haute de près de 1500 mètres, présentée par l'escarpement * Pour abréger, nous désignerons la chaîne qui, de la Dent-de-Morcles, s’étend jusqu’à Cheville, par sa principale sommité, celle du Grand-Meu- vran. a Lui es MD GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. 233 occidental du Meuvran : là les couches se suivent sans interruption, depuis l’éocène jusqu'au néocomien inférieur. À partir de ce dernier terrain, le manque de fossiles crée des incertitudes ; mais celles-ci cessent, dès qu'on s'élève quelque peu, avec l'apparition des fossiles caractéristiques du terrain jurassique moyen (oxfordien). Les cou- ches nummulitiques sont parfaitement connues et déterminées par de nombreux fossiles. Celles du gault le sont aussi sur plusieurs points importants. Les néocomiens supérieurs et moyens n’offrent , sans doute, qu'un très-petit nombre de fossiles; mäis au moins ceux qui ontété reconnus appartiennent à des espèces caractéristiques, comme la Caprotina ammonia, le Toæaster complanatus, la Gryphea Cou- loni , etc. La présence du néocomien inférieur représenté par des couches puissantes, est un peu moins assurée peut-être; cependant le petit nombre de fossiles découverts laisse peu de doutes sur sa présence. Les terrains jurassiques supérieurs, comme nous l'avons dit, sont encore à reconnaitre; quelques ammonites peu déterminables pour- raient bien lui appartenir. Les Ammonites Lamberti, plicatilis, etc., et les belemnites nombreuses, ne permettent aucun doute sur la pré- sence de l’oxfordien’. L’inclinaison et la direction générales des couches rend encore leur renversement plus palpable. Si l'on part du pont de Nant, point le plus bas où elles apparaissent, au pied de l’escarpement indiqué, on les voit d'une part, sortir du dessous du massif sous une inclinai- son de 15 à 20°, traverser la vallée pour gagner à l'occident la chaine opposée, en se redressant graduellement ; de l’autre, se diri- ger du côté du sud (Dent-de-Morcles) vers le haut de la vallée en se relevant assez fortement pour que les terrains subjacents, jusqu’à l'éocène, viennent successivement au jour. Une courte orographie de la contrée rendra ces faits plus saillants encore. La chaine qui s'étend des Dents-de-Morcles et de Fouly au col de Cheville, se dirige presque directement du sud au nord. A son extrémité sud, point où la chaîne principale est coupée. par la cluse de St. Maurice, elle se bifurque immédiatement en deux bras presque parallèles, l’un occidental, l’autre oriental, circonserivant une vallée étroite et élevée. Cette vallée, dont la direction est la même que celle des chaines qui la renferment, ne verse pas ses eaux, comme c’est l'ordinaire, à l’une de ses extrémités, mais s'ouvre latéralement vers son milieu par une dépression qui donne issue aux eaux. De ces deux chaines, l’orientale plus élevée, plus puissante, donne successivement la Dent-Noire, la Pointe au Favre, le Petit-Meu- vran, le Grand-Meuvran, les frêtes de Darbon, les frêtes de Pa- neyrossaz, la tête à Pegnat et les sommités qui dominent à l’orient le pas de Cheville. Cette première chaîne très dentelée et déchirée, n'est coupée par aucun col : aucune faille apparente n’en rompt la * Bulletin de la Société, 1, III, n° 26, p. 138, 234 GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. continuité, et les couches mises à nu peuvent se suivre sans grandes difficultés sur toute sa longueur. Sur son revers oriental et à son extrémité sud, elle s'appuie sur les gneiss de Morcles et contre le terrain anthracifère d'outre-Rhône et de Fouly qui s'élève presque verticalement de la base de la Dent-de-Morcles. Dans le reste de son étendue, elle se continue avec les contre-forts jurassiques de Cha- moson, de Darbon et du haut de Cry que termine la vallée de la Luzerne, Son revers occidental est abrupte dans toute sa longueur et souvent coupé à pic; des érosions profondes, des fissures le sil- lonnent en facilitant encore l'étude des couches. La chaine orientale, moins élevée et moins puissante, forme une longue arête, déchirée et souvent aiguë, qui s'étend du pied du pit- ton de Moreles, de la Grand-Vire jusqu’à la montagne d'Enzeindaz. Elle est coupée vers son milieu , comme nous l'avons dit, par une fissure étroite, produite en majeure partie par érosion et qui donne issue aux eaux. Dans son parcours, on compte du sud au nord le Périblane, la pointe du Martinet, les Dents-Rouges; de l’autre côté de la fissure, la pointe et les frêtes d'Argentine, et enfin les Essets qui relient cette chaine avec celle du Meuvran au glacier de Paney- rossaz. | Les pentes de cette chaine sont partout abruptes sur son flanc oriental, et ses couches sont d'un facile accès; il n’en est pas de même du revers occidental qui, appuyé sur une zône différente, se confond presque partout avec elle. La fissure pratiquée dans son milieu met à nu les tranches successives fortement redressées de l’éocene, du gault, du calcaire à caprotine et du calcaire à to- xaster. La vallée resserrée comprise entre ces deux chaines porte le nom du Richard et de l'Avare dans sa portion septentrionale , et de val- lon de Nant dans la méridionale: celle-ci se termine au glacier des Martinets. À chacune de ses extrémités, la vallée se termine par un cirque, où 1l est aisé de constater la continuation des couches de l’une des chaines à l’autre. Elle forme donc un bassin allongé et étroit, troué sur son côté occidental et creusé dans l'épaisseur même de la chaine, parallèlement à sa direction. Les couches renversées se dégagent, comme nous l’avons dit, de dessous le pied du Grand-Meuvran-et se relèvent de trois côtés : d’abord au nord contre Paneyrossaz, et au sud du côté de la Dent- de-Morcles ; dans un troisième sens , à l’ouest, elles s’avancent vers la chaine d'Argentine et dés Dents-Rouges en se redressant davar tage, et viennent se terminer aux arêtes de cette dernière chaine qu'elles couronnent de leur tranche. La disposition relative des couches et leur concordance, à partir de l’éocène jusqu'au jurassique, offre encore des faits à noter. — En contmuant par la pensée la grande courbe formée par l’éocène et une partie du crétacé, on arrive à construire une demi-ovoide GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. 235 dans lequel le jurassique occupe les parties centrales’. Autour de lui, les terrams crétacés et éocènes se succèdent régulièrement en s’enveloppant les uns les autres , ainsi qu'on peut le constater sur certaines coupes du Richard et de l'Avare. Le néocomien inférieur en particulier, très développé sur ce point, après s'être dégagé de dessous le massif central, se relève brusquement, se dresse , puis se réfléchit à sa partie supérieure en sens inverse de sa première direction. Le jurassique (oxfordien) forme vers le centre de la coque un contour brusque et court, en se repliant sur lui-même et montrant au sommet de sa masse les mêmes couches qui se présentaient à la base. Coneluons de là que nous avons sous les yeux, dans la chaîne du Meuvran, les restes d’un immense pli qui embrasse toute la chaîne et dans lequel les reliefs actuels du sol ont été taillés par des fissu- res, des ruptures et des érosions. Une coupe générale théorique rendra le fait plus saisissable. On voudra bien comprendre que dans cette coupe nous avons dû faire abstraction des courbures et des inflexions locales très nombreuses, et donuer aux grandes courbes des contours réguliers qu'elles ne présentent pas en réalité. (Voyez la planche ci-après.) Ces faits posés, surgit la question de savoir comment et par quelles forces combinées a dû se produire un pareil pli de terrain, et, par conséquent , l’interversion des couches actuellement exis- tantes. Admettre qu'un soulèvement vertical dont l'axe aurait été placé en dehors et à l’est du centre du bassin, aurait élevé à une grande hauteur une immense voñte; que cette voûte se serait brisée vers son centre, et que la moitié occidentale continuant à être poussée, aurait fini par perdre l'équilibre pour basculer, en se renversant, sur les terrains adjacents, serait tout-à-fait inadmissible. Indépendamment de l'invraisemblance , il faudrait qu'il existât à l'est de la chaine des sommités beaucoup plus élevées qu'elle et plus anciennes, qui, formant un immense cône, eussent pu impri- mer aux masses soulevées un mouvement aussi gigantesque de demi- révolution sur elles-mêmes. Or, iln’existe aucune sommité pareille, les massifs cristallins centraux sont encore fort éloignés de là. Le gneiss apparait bien à l'extrémité méridionale de la chaine du Meu- vran. C'est à sa présence que l’on doit selon toute probabilité l'ex- haussement graduel des couches à mesure que l’on s’avance vers la Dent-de-Morcles, dont il occupe la base. Mais à l’est, la chaine s'appuie, comme nous l'avons dit, un peu contre l’anthracifère, sur- tout contre le jurassique, l’un et l’autre beaucoup moins élevés æ L'existence de l’albien à Darbon , sur le revers oriental de la chaîne, établie par des fossiles caractéristiques rapportés de cette vallée, confirme l'explication que nous donnons ici, EEEEEELEE— GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. 237 qu'elle. Où faudrait-il d’ailleurs chercher l’autre moitié de la voûte rompue ? Mais il y a plus : si le renversement observé était dû à un mou- vement de bascule, il est évident que les couches soulevées eussent été rejetées sur elles-mêmes, de telle sorte qu'au-dessous d'elles les terrains se répéteraient dans leur ordre normal. L'éocène marin for- mant la coque du pli devrait, au pied du massif du Meuvran, recou- vrir l’éocène et celui-ci le crétacé, jusqu’au jurassique. Or, ce n’est point là ce qui a lieu. Il faut donc nécessairement admettre, pour expliquer le renverse- ment, tout autre chose qu'un simple soulèvement. L'action d'une force latérale de plissement, agissant sur une grande échelle , peut seule donner la clef des phénomènes. Cette force latérale devait agir d'orient en occident, et pousser les couches les unes sur les autres, en les froissant comme une étoffe ou en les brisant comme la glace sur une rivière au moment du dégel. Cette explication est confirmée encore par la courbure des couches les unes relativement aux autres. Tandis que les terrains plus modernes qui forment le revêtement extérieur du pli, présentent des segments de courbes d’une très grande dimension, les couches plus anciennes formant le noyau de l'ovoide, sont repliées et contournées en segments de courbes beaucoup plus petites ; au centre du noyau elles sont doublées sur elles-mêmes. Le plissement donna lieu sans doute ‘à de larges et profondes erevasses, ainsi qu'à une grande quantité de débris. Les neiges et les glaces qui, à l'époque glaciaire, emportèrent tous ces débris, les entrainèrent avec elles comme elles le font encore de nos jours. Plus tard, les érosions des eaux. et plus encore le frottement des glaciers, broyëèrent et usèrent les surfaces dénudées et réduisirent peu à peu la masse ancienne à ce que nous voyons aujourd'hui. Ainsi se formèrent ces sommités et cette vallée dans l'épaisseur de la masse. La longue durée de l’époque glaciaire explique suffisam- ment ce gigantesque travail d'érosion et de déblayement. Où trouver maintenant le point de départ, la cause de cette im- pulsion latérale, si ce n'est à l'orient de la chaine du Meuvran, dans l'éruption des masses cristallines centrales ? On sait, en effet, que les masses centrales du Mont-Blanc, des Aiguilles-Rouges, des Alpes valaisannes et bernoises, ont une direction exactement parallèle avec la ligne de renversement qui nous occupe; qu'elles ont percé la croûte schisteuse et calcaire du sol, non pas sur des points isolés à la manière des volcans, mais par des fissures ou déchirures lon- gues de plusieurs lieues. On sait enfin que les gneiss, les protogynes et les autres roches feldspaltiques dont elles sont composées, pré- sentent assez bien la forme d’un éventail ou d’un coin, enfoncé dans une fente de la croûte terrestre. Mais on a raison de s'étonner avec M. Studer’, que les plisse- ments, les bouleversements les plus considérables, se soient pro- * Geol. der Schweiz, t. II, p. 2. 238 GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. duits, non point dans le voisinage des masses centrales, mais dans une zône qui en est fort éloignée. Pourquoi les voûtes renversées et brisées comme au Meuvran, ou non brisées comme dans la Suisse orientale, ne se sont-elles pro- duites que dans la zne où se trouvent réunis les terrains nummuli- tiques et crétacés ? Pourquoi, à lorient de cette zône, toutes les couches semblent-elles régulièrement soulevées, et appuyées sans dislocation, sur les masses centrales, de manière que leur escarpe- ment fait face aux roches primitives ? Pourquoi, à l'occident de cette même zène, ces escarpements regardent-ils tous la plaine ? et pour- quoi les massifs sont-ils tous imbriqués de telle façon que le pre- mier recouvre le pied du second, celui-ci le pied du troisième jus- qu'à l’axe anticlinal de notre molasse vaudoise ? Autant de questions qui attendent encore une solution. Il serait d’un haut intérêt de les discuter, en s’aidant des nouvelles lumières que les géologues ont jeté sur la constitution de nos Alpes. Mais ce travail nous entrainerait bien au-delà des limites que nous nous sommes posées. M. Studer a d’ailleurs traité cette question avec une grande habileté dans sa Géologie de la Suisse. Avant d'aller plus outre, touchons à une seconde question, celle de l’époque à laquelle ces prodigieux mouvements se passèrent. Cette question n’en est sans doute plus une pour les géologues suisses, mais il n’en est pas de même pour tous les géologues étrangers ; c’est le seul motif qui nous engage à nous y arrêter. D’après ce que nous avons dit plus haut, il est évident que le nummulitique formant la couche la plus moderne de nos Alpes’, devait être déposé à l’époque cherchée. C’est done au plus tôt dans le courant de l'époque miocène que le soulèvement eut lieu. Si nous embrassons dans leur ensemble la disposition des cou- ches de nos Alpes, à partir des masses centrales, nous observerons qu’elles paraissent avoir toutes subi simultanément le choc d'une dernière impulsion latérale, qui les a laissées dans la position qu'el- les occupent actuellement. Toutes les zones successives, à partir de l’anthracifère de Fouly jusqu'à la molasse, toutes, à l'exception d’une seule contre laquelle s'appuie le pli du Meuvran, présentent des couches régulièrement inclinées à l'est. Toutes s'imbriquent suc- cessivement et se recouvrent réciproquement, de telle manière que les couches moins anciennes qui forment les arêtes, s'enfoncent sous de plus anciennes. Les lignes de fracture de même, plus ou moins parallèles à la chaine , dessinent toutes des arêtes dont les escarpe- ments regardent l’ouest et les pentes l’est. Mais la même disposition imbriquée des couches se reproduit au delà des Alpes, dans la zône de la molasse contiguë aux Alpes. Dans ce terrain, des lignes de fracture successives dirigées parallèlement # Nous ne faisons pas ici mention des flysch des Ormonts, parce que leur âge précis est encore indéterminé; ils appartiennent à l’époque ter- tiaire. Un jour viendra sans doute où nous saurons s’ils ne représentent pas la molasse dans nos Alpes. GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. 239 aux Alpes,-ont brisé et imbriqué les couches du miocène jusqu’à la grande ligne anticlinale. Les fragments se sont aussi abaissés à l'o- rient pour se relever du côté opposé. Les couches du crétacé ou du jurassique (suivant les lieux), qui forment la limite des Alpes, obéis- sant à la même impulsion latérale, ont été poussées sur le miocène et en recouvrent complètement le pied en maint endroit. Comment se refuser dès lors à voir dans cette imbrication, qui s'étend jusqu'au mioeène moyen dans notre canton et jusqu'au supérieur dans le nord dela Suisse, un seul et même phénomène se rattachant à une cause nique, l'éruption des masses cristallines centrales. Et si ces déduc- tions sont exactes, comment n'en pas conclure que cette éruption eut lieu vers la fin de la période tertiaire. Il existait sans doute avant cette époque riche en bouleversements, des terrains émergés dans la région oceupée actuellement par nos Alpes, puisque le nummulitique ne recouvre pas tous nos terrains alpins et ne s'y montre qu'égrené ou en zùne étroite. Mais dire ap- proximativement quels reliefs ils formaient alors , est chose impos- sible. L'abondance des dépôts limoneux de la période tertiaire, leur extension simultanée sur des lagunes, des bras de mer, des bas- fonds, des marais tourbeux et des plaines couvertes de grande végéta- tion ; l'abondance, l'aspect et la nature des cailloux roulés qui com- posent nos nagelfluhe; l'étendue et l'épaisseur des dépôts qui ont formé ces conglomérats; tout nous fait présumer que les relève- ments du sol de cette époque n'étaient pas assez prononcés pour ar- rêter les courants qui versaient leurs eaux de lorient à l'occident, sur le bassin suisse. D'où descendirent ces courants; quelles chai- nes limitèrent leurs vallées; où puisèrent-ils leurs eaux boueuses et les graviers qu'ils chariérent pendant une longue période? c'est ce quil est impossible de soupçonner. Quoiqu'il en soit, si l'élévation des Alpes est, chez nous du moins, en majeure partie le résultat d'un immense refoulement latéral de la croûte terrestre, il est évident qu'il n'est pas possible de conclure de l’état actuel du relief à l'orographie de la contrée dans l’époque qui précéda nos grands mouvements. Les couches qui figurent ac- tuellement sur nos sommités ayant subi une translation considérable de l’est à l'ouest, ont dû occuper, avant leur déplacement, une po- sition assez éloignée de la place où elles existent maintenant. L'é- ruption des masses centrales aurait donc eu pour effet non d’aug- menter, comme ailleurs, . l'étendue des surfaces en ondulant la “= * Nous n’ignorons pas que de très habiles géologues étrangers ont trouvé plus commode de nier ce dernier fait que de prendre la peine de le constater. Lorsqu'on a construit de grandes théories, on se résout difficilement à les voir menacées de ruine. Pour ne pas sortir des limites du Canton, nous leur indiquerons une coupe qui décidera parfaitement la question. Qu'ils re- montent la branche orientale du torrent de la Veveyse, à l’est de Châtel- St. Denis, jusqu'au delà du pont de Fégire ; là ils verront d’abord la molasse rouge recouverte par la molasse grise et celle-ci à son tour par l’oxfordien, en couches parfaitement concordantes et en conservant toutes la même incli- naison au nord-est. 240 GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. croûte, mais au contraire de la diminuer en poussant de côté leurs fragments et en les forçant à chevaucher les uns sur les autres. Si ces déductions résument, comme nous le pensons, les phéno- mènes de soulèvement observés dans nos alpes vaudoises, elles doivent nous expliquer aussi toutes les anomalies que présente leur structure géologique, comparée à celle des autres contrées. En les admettant, nous serons moins surpris des difficultés que l’observa- teur rencontre à chaque pas lorsqu'il cherche à relier entr’eux les fragments disloqués d’un même terrain. Nous nous hâterons moins aussi de conclure, indépendamment des fossiles, de la superposition. de deux couches à une différence d'âge et de formation. Dans un précédent mémoire sur la géologie des environs de Saint- Maurice (Bulletin n° 44, p. 139) l’un de nous faisait observer , qu'à défaut de fossiles dans nos Alpes, le géologue peut recourir pour la détermination des terrains, à la connaissance des diverses zônes calcaires qui les composent. Ces zùnes de soulèvement sont la plupart parallèles entr'elles et peuvent étre suivies souvent à de grandes distances. La carte géologique de MM. Studer et Escher les indique généralement avec précision. Ce qui frappe dans plusieurs d’entr’elles est leur étroitesse com- parée à leur longueur. Leur nombre ne peut pas encore être fixé avec exactitude; quelques-unes se confondent à leurs limites, ou semblent empiéter sur leurs voisines; d’autres attendent la découverte des débris organiques qui seuls peuvent déterminer leur âge. Nous ne parlerons pas ici de l’anthracifère, quoiqu'il forme à l’ouest des massifs centraux une sorte de ceinture qui suit les con- tours de leurs bases, parce qu’il ne touche les Alpes vaudoises que par un point très restreint (la Dent de Fouly); sa distribution , ses limites, ses rapports avec le jurassique sont d’ailleurs loin d’être complètement déterminés. L'action du métamorphisme l'a si fort transformé sur certains points qu'elle l’a rendu méconnaissable. Ajoutons que les dislocations profondes qu’il a subies partout où il était pressé entre les massifs cristallins et les terrains plus modernes, rendent aussi son étude fort difficile. À partir de l’anthracifère , la première zône qui se présente est celle qui fait le sujet de ces lignes : c’est aussi la seule qui paraît avoir subi un véritable pli en glissant sur elle-même. Les autres zônes subirent des fractures plus ou moins nombreuses. Ces frac- tures divisèrent toute l'épaisseur des terrains superposés, quelle que fût leur composition géologique , et laissèrent intacte le parallelisme des couches composant les fragments. De là vint qu'à partir du lias ou du trias(?), qui généralement forme la base visible des fragments, jusqu'au flysch, les couches uniformément superposées subirent si- multanément les mêmes inflexions et les mêmes redressements. D'où l'on doit conclure que jusqu'au moment où elles subirent les grands mouvements de la fin de l’époque tertiaire, leurs rapports primitifs n'avaient pas été notablement altérés. Notre première zône, la plus tranchée soit par sa structure, soit ‘ru ÉD GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. 241 par sa composition, peut s'appeler zne nummulitique , parce qu'en dehors d'elle les couches à nummulites ne paraissent pas se montrer dans nos alpes. Refoulée du S-E. par l’anthracifère qui se dresse derrière elle et par le soulèvement des massifs centraux, elle se dé- versa sur la zône suivante et la recouvrit en partie. Ses limites orientales ne nous sont pas bien connues ; peut-être faut-il les chercher jusqu’à l’anthracifère de la grande vallée du Va- lais. Au N-0. ses limites sont mieux déterminées. En partant de la base du pitton de Morcles on les suit obliquement sur le haut des montagnes de Javernaz et d'Ausonnaz : de là elles descendent au haut du vallon des Plans de Frenières, remontent, en suivant l'arête, jusqu'au Pianards de Bovonnaz, au-dessous de l’arête d'Argentine, et dès ce point la suivent jusqu'au col de Cheville. Un fragment dé- taché de cette zne forme le massif des Diablerets en y subissant d'inextricables dislocations. Le terrain le plus ancien reconnu dans cette zûne, celui qui occupe le noyau du pli, est l’oxfordien; au- tour de lui s’enroulent les terrains plus modernes jusqu’au nummu- litique. À la zûne nummulitique succède une petite bande fort étroite, qui s’en distingue principalement par l’inclinaison de ses couches au nord- ouest. Cette seconde zùne, composée essentiellement de calcaires à couches plus minces et de schistes pseudo -ardoisiers, renfermant des calcaires très tourmentés, est malheureusement dificile à carac- tériser par suite du manque de fossiles déterminables. Les recher- ches persévérantes de M. Renevier et de l’un de nous ont amené au jour quelques ammonites, baculites et belemnites du néocomien à criocères. Parties des bains de Lavey, ses couches remontent auprès du village de Morcles, traversant obliquement le bas de la montagne de Javernaz, plongent dans le vallon des Plans au-dessus de Frenières, et se relèvent de l’autre côté pour former la montagne de Bovonnaz, partout adossées à la zône nummulitique. De Bovonnaz en suivant le pied des escarpements d'Argentine elles gagnent les pâturages d'En- zeindaz où elles forment la sommité de la tour d'Enzeindaz. Dans cette localité on a trouvé quelques fossiles du néocomien à eriocères, Amonites Tethys, am. Rouyanus. Plus loin elles disparaissent sous le massif des Diablerets. ; A la base occidentale de cette deuxième zône se place une série de bancs minces , de calcaire compacte , sous lesquels se dégagent, en divers points, les gypses de Bex que nous rattachons à une troisième zône. Celle-ci, beaucoup plus large que les deux précédentes et beau- coup plus étendue que la dernière, pourrait être divisée en deux portions parallèles, celle des flysch et celle des gypses ; mais comme ces deux roches se montrent sur ce point constamment as- sociées et entremêlées, nous préférons n’en faire qu’une seule afin de ne préjuger aucune des questions relatives à l’âge des unes et des autres. La zùne des gypses et des flysch ou troisième zône est assez 2492 GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. bien limitée sur ses deux bords. A l’orient elle part des collines qui séparent Bex du village de Lavey, derrière la Tour de Duin, puis de là s'étend en ligne directe, suivant le fond de la vallée de l’Avançon, jusqu'aux premiers contreforts des Diablerets, sous lequel elle disparait, pour se montrer de rechef de l’autre côté de la mon- tagne à la source de la Grande-Eau et enfin au col du Pillon. Son bord occidental suit à son tour la vallée de la Grande-Eau jusqu'au Sepey, d'où elle se porte plus à l'occident, sur les Mosses, l’Etivaz et Château-d'OEx. Dans l'espace compris entre ces deux lignes les gypses prédominent du côté de Bex, tandis que les flysch occupent la principale place dans les Ormonts et le Pays d'Enbaut. Les gypses et les corgneules qui les accompagnent forment plusieurs bandes (4 à 5), séparées par des calcaires, qui toutes convergent en diminuant de puissance vers le col du Pillon. Les flysch descendent jusqu'au Sepey et forment entre Ormont-dessus et l'Etivaz une chaine élevée, dont les couches sont inclinées à l'E. comme celles du gypse. Les couches calcaires qui accompagnent les gypses fournis- sent près de Bex des fossiles du lias, et sur les arètes supérieures quelques belemnites et ammonites du jurassique. Les couches des flysch n’ont offert jusqu'ici que des empreintes de fucoïdes. Leur composition varie considérablement. Des schistes et des grès trés divers, renfermant des galets anguleux ou roulés, isolés ou agglomérés et souvent fort gros ; des conglomérats de tout grain, depuis le grès fin jusqu'aux blocs amoncelés qu'aucune pâte ne parait lier, depuis le flysch d'aspect molassique jusqu'au pou- dingue le mieux caractérisé. Tout cet ensemble de couches qui se succédent diversement, en grand nombre et sans ordre , rappelle involontairement le miocène du pied occidental des Alpes. Dans la vallée du Rhône aux gypses succède une quatrième zône, essentiellement jurassique, comprise entre la vallée de la Grande- Eau et Villeneuve. Le gypse et le lias se montrent à sa base près de Villeneuve ; mais ses sommets paraissent formés en majeure partie par le portlandien : dans l'intervalle on a signalé l'oxfordien et le corallien (?). Cette zône est fortement brisée et le redressement de ses couches est plus prononcé que dans la précédente : l'inclinaison générale reste toujours à l'E. — En s’avançant du côté du Simmenthal elle se ré- trécit et enferme une longue et étroite bande de flysch qui rappelle à quelques égards les dépôts tertiaires des vallées du Jura. Au- dessus d’Yvorne une couche de gypse, peu puissante, paraît se rat- tacher à cette zûne plutôt qu’à la précédente et se continuer avec le gypse de la Lécherette et de l'Etivaz. Les limites de cette quatrième zùne, assez bien dessinées à lorient par celles de la précédente, le sont beaucoup inoins à l'occident. Les nombreux accidents du ter- rain n'ont pas encore permis de déterminer avec quelque soin les couches oxfordiennes et portlandiennes du côté de Rossinières. Nous renfermons dans une cinquième zône tout l’espace com- pris entre le col de Chaude, au-dessus de Villeneuve, et la molasse. ds TE nt rom tie GÉOLOGIE DE LA CHAINE DU MEUVRAN. 243 Elle comprend surtout les sommités de Naye, de Jaman, la chaine des Verraux et du Moléson et les calcaires de Châtel-St.-Denis. L'oxfordien s’y montre surtout fréquent ; en quelques endroits il est couronné par le néocomien à criocères, qui rappelle par ses beaux fossiles la chaine du Gantrisch et du Stockhorn. Le lias apparait au pied de la zùne au-dessus du village de Montreux ; le gypse se montre près de l'Alliaz et un peu plus loin le flysch son fidèle com- pagnon. L'inclinaison générale des couches reste ici la même que pour les zônes précédentes. En s’approchant du tertiaire on la voit diminuer peu à peu, tandis qu’elle conserve ses allures redressées partout où les brisements se multiplient et où les fragments se rapprochent en s’imbriquant. Les fossiles deviennent iei plus nombreux, moins dé- formés que dans les zônes précédentes, ce qui permet de supposer que la pression latérale des massifs centraux fut iei moins considé- rable. En terminant cette énumération des zônes calcaires qui nous pa- raissent composer nos Alpes vaudoises, nous devons rappeler qu’en les délimitant notre but n’a point été de construire la carte géologique de la contrée. Nous désirions faire comprendre comment le refoule- ment latéral de l'écorce terrestre avait pu transformer en bandes allongées les bassins plus ou moins arrondis que l’on observe partout ailleurs. Nous n’émettons d'ailleurs ces considérations que sous forme d'essai, désirant avant tout attirer par elles l'attention des géologues, les aider dans leurs investigations et provoquer leurs re- cherches. Le moment n’est point encore venu où nous pourrons sans hésiter mettre la main à la construction définitive de l’édifice géologique compliqué que présentent nos Alpes. Pour se rendre raison de l'aspect général de la surface, il fallait préalablement déterminer de quelle impulsion il était le résultat. Maintenant nous comprendrons mieux ces chaines entassées et entrecroisées , cette fragmentation multiple, ces recouvrements in solites de lambéaux disloqués et cette apparente incohérence qui rend si difficile le travail du géologue. En contemplant l'immensité des dépôts glaciaires répandus sur toute la surface du pays, nos regards se porteront sur ces Alpes d’où ils descendirent un jour et comprendront comment les neiges et les glaces trouvèrent dans les ruines entassées qui les recouvraient, les matériaux tout préparés qui devaient former au loin le sol arable de nos plaines et de nos vallées ; comment encore ce soulèvement des Alpes transforma une région tempérée, recouverte d’une végétation luxuriante et sillonnée de courants d’eau, en montagnes élevées, sé- jour des neiges et des frimats, autour desquelles devait plus tard prendre pied la faune et la flore des régions boréales. 244 SAUTERELLES DANS LA VALLÉE DU ‘RHONE. NOTE SUR LES DÉGATS PRODUITS PAR LES SAUTERELLES DANS LA VALLÉE DU RHÔNE, ? pendant les années 1858-1859. Par M. Yersin, professeur à Morges. (Séance du 22 juin 1859.) L'une des sauterelles les plus connues par ses longs voyages et les dégâts effrayants qui accompagnent ses pérégrinations, estle Pa- chytylus migratorius, Lin. Cette espèce est fort répandue dans le nord de l'Afrique, l'Asie occidentale et le midi de l'Europe. Elle se trouve aussi dans les vallées profondes et chaudes des Alpes, où elle se développe, de temps à autres, au point de rappeler ce qui se passe dans l’orient; c’est en particulier le cas du Valais où plusieurs fois déjà ce phénomène à été signalé. L'année 1837 toutes les récoltes, dans le voisinage de Viége (Haut-Valais), furent mangées par ces insectes. En 1858 les mêmes faits se sont reproduits, mais sur un autre point de la vallée, près des villages de Vionnaz et de Vouvry (Bas-Valais). L'automne de 1857 avait été chaude et sèche, les Pachytylus se trouvèrent dans d'excellentes conditions à l’époque de la ponte, et déposèrent, sans qu'on y prit garde, un très-grand nombre d'œufs. L'année suivante, à la fin de mai, tous ces œufs, qui avaient traversé l'hiver sans s’al- térer, fournirent autant de jeunes sauterelles ; qui eouvrirent com- plétement plusieurs points de la plaine comprise entre le Rhône et le canal Stockalper. Après avoir séjourné quelques semaines dans cette région, en dévorant les roseaux et les avoines ; elles traver- sèrent, en colonnes serrées, un pont sur le canal, et pénétrèrent sur: une autre partie de la plaine, mieux cultivée et couverte de mois- sons. Les sauterelles étaient déjà assez grandes pour que leur appétit devint si redoutable que quelques heures leur suflisaient pour:faire disparaitre un champ d'avoine. Les habitantsieffrayés se hâtèrent dé récolter les froments, à peine mûrs, pour les:soustraire à‘da-voracité de ces insectes. Puis, au moment où l'alarme était au comble, les: criquets achevérent leurs métamorphoses , prirent des ailes et eom-" mencérent leurs voyages, en vols mnombrables. Les sauterelles ne s'éloignent que peu de leur lieu d’origine pen- dant les deux ou trois premières semaines qui suivent leur dernière métamorphose. Chaque jour, dès les 9 ou 10 heures du matin, elles: partent toutes ensemble, s'élèvent à une grande hauteur et parcourent une étendue plus ou moins considérable ; elles volent ordinairement en ligne droite, un jour dans une direction , le lendemam dans une autre, ou même décrivent de grands cercles, à une hauteur de plus de 100 mètres. Vers le soir, ces insectes s’abattent sur un même point et s’entassent, les uns sur les autres, de manière à couvrir le sol d’une épaisseur de près d'un décimètre. En peu de temps les «lieux sur lesquels ils se posent sont entièrement dévorés. Dans les premiers jours d’août les excursions des sauterelles pri- rent une extension beaucoup plus grande; au lieu de demeurer con- SAUTERELLES DANS LA VALLÉE DU RHONE. 245 finées sur la rive gauche du Rhône, elles passèrent ce fleuve, s’ar- rêtèrent sur la rive droite et peu après poussérent leurs voyages plus loin encore. L'un de ces vols suivit la pente de la montagne en la remontant et se posa à une grande hauteur sur les Alpes. Le lende- main toutes ces sauterelles furent trouvées mortes sur le sol; elles n'avaient pu résister à la fraicheur des nuits à cette élévation. D’au- tres vols parcoururent en ligne droite, dix à quinze lieues en un jour, et s’abattirent sur Lausanne, Genève et, dans une autre direction, arrivèrent jusqu’à Berne et même à Aarau. Les sauterelles, en se dis- séminant ainsi sur une grande étendue de pays, furent assez clair semées pour rendre insensibles, dans ces nouvelles localités, les pertes qu'elles ont pu faire subir à l’agriculture. Après le départ successif de ces différents vols on pouvait espérer qu'il ne resterait que bien peu de ces insectes dans les lieux de leur naissance. Néanmoins ceux qui demeurèrent étaient encore si nom- breux et les pontes furent si abondantes, dans les terrains légers et sablonneux, qu'il n’était point rare de trouver 250 à 300 œufs dans une motte de terre de la grosseur du poing. Au printemps de 1859 les agriculteurs préoccupés des dégâts de l’année précédente, s’aperçurent bien vite que les œufs avaient tra- versé la saison froide sans souffrir des gelées et que tout faisait pré- sumer de nouveaux désastres, En effet, dès les premiers jours de juin, les bords du Rhône se couvrirent de myriades de jeunes saute- relles noirâtres et de la grosseur d'une mouche, qui demeuraient groupées ensemble et présentaient tous les caractères d’une invasion redoutable. » Tandis qu'en 1858 ces insectes ne s'étaient montrés en colonnes que dans les territoires de Vouvry et de Vionnaz, cette année-ci (1859), elles couvraient de grandes étendues sur la rive gauche du Rhône entre Colombay et le lac Léman. Sur la rive droite du fleuve, l’éclo- sion n'a été abondante qu’à Chessel et près de l'embouchure du Rhône. On pourra juger du nombre des Pachytylus au milieu des roseaux de cette dernière localité par le fait suivant. A la fin du mois de juin ils étaient près d'achever leurs métamorphoses et par consé- quent déjà assez grands ; la plupart mesuraient trois à quatre centi- mètres de longueur. A cette époque le Rhône enflé par la fonte des neiges et des glaciers se répandit au milieu des marais. Les habitants de la contrée espéraient que les sauterelles qui s’y trouvaient seraient toutes noyées; mais il n’en fut rien. Elles grimpèrent sur les roseaux en si grand nombre que chaque plante en portait de trente à qua- rante. Pressées par la faim, après avoir complétement dévoré les feuilles des végétaux qui leur servaient de refuge, elles nageaient sans trop de difficulté d’une plante à l’autre et avancèrent ainsi, au milieu de l'inondation, ne laissant après leur passage que des tiges entièrement dénudées de feuilles. Avant d'indiquer par quel moyen on a réussi à détruire le plus grand nombre de ces insectes nous rapporterons les deux observa- tions suivantes : 246 SAUTERELLES DANS LA VALLÉE DU RHONE: Les sauterelles avaient déposé leurs œufs dans plusieurs sortes de terrains tels que les sables, les prairies artificielles et les champs cultivés. De tous ces terrains les sables et les lieux qui ne com- mencent à se couvrir de végétation qu'au mois de juin furent les seuls dans lesquels il y eut une éclosion abondante. Au contraire les champs labourés après la ponte et les prairies hâtives et assez touf- fues dès le commencement de mai, pour entretenir une certaine frai- cheur dans la terre, ne virent naître que peu ou point de sauterelles. - La colonne de ces insectes qui apparut sur le sable près du pont de Chessel, après avoir mangé tous les roseaux à sa portée dut pé- nétrer dans une prairie artificielle, pour y chercher sa nourriture. Au bout de 3 à 10 jours tous ces insectes d'sparurent, ce qui sem- blerait indiquer que les légumineuses ne leur conviennent pas. Sur tous les autres points où les jeunes Pachytylus trouvèrent suffisamment de roseaux ou de graminées leur croissance fut rapide et les dégâts d'autant plus sensibles que les insectes étaient plus grands. Les gouvernements des cantons de Vaud et du Valais exi- gèrent que les communes, sur lesquelles ces insectes se montraient en si grand nombre, s’occupassent à les détruire. Une instruction populaire fut publiée pour recommander certains procédés, suivis dans les pays où ces invasions se renouvellent fréquemment. On conseillait entre autres de tirer parti de l’habisade qu'ont ces insectes, de voyager en troupes nombreuses pour les réunir et les écraser sous des rouleaux. La nature accidentée du sol et la taille des in- sectes, d'un tiers ou d’un quart inférieure à celle des mêmes espèces dans les contrées méridionales de l'Europe, a conduit à modifier ce procédé et à remplacer les rouleaux par un feu de paille ou de ro- seaux secs. Pour rassembler les Pachytylus et faciliter leur marche, on fauche rapidement tout l'espace qu'ils occupent, puis on recouvre de paille une étendue circulaire de trois à quatre mêtres de diamètre. Cim- quante à cent personnes armées de branchages forment alors un grand cercle dont la paille occupe le centre. A un signal donné, elles commencent à marcher lentement vers ce point, en frappant le sol de grands coups avec leurs branches. Les sauterelles les plus rap- prochées se portent vers l’intérieur et communiquent, peu à peu, à toutes les autres un mouvement dans le même sens. Elles finissent par se presser en si grand nombre sur la paille, que celle-ei dispa- rait complétement. On met alors le feu tout auiour et, en un instant, les insectes sont consumés ou étouffés par la fumée. La combustion achevée, le sol reste couvert d’une couche épaisse de corps rougis, par l’action du feu, qui ne tardent pas à entrer en décomposition. Aussi est-il arrivé dans les lieux où ils étaient le plus nombreux que l'air s’est trouvé chargé de miasmes putrides pendant plusieurs jours. On comprend que plus les sauterelles sont jeunes et par consé- quent petites, plus on en brûle à la fois sur une même étendue de paille, aussi convient-il de faire les feux, dès qu’elles se présentent en nombre suflisant pour qu'il soit possible d'opérer sur de grandes masses. DESSÉCHEMENT DES MARAIS DE L'ORBE. 247 Il est rare qu'une première opération suflise, il faut la répéter une seconde et même une troisième fois pour détruire la ptupart des insectes qui ont échappé au premier feu; après cela ceux qui sur- vivent n'ont plus d'importance et peuvent être négligés. Dans les localités inondées, on a dû faucher les roseaux, pour enlever aux Pachytylus leur dernier refuge et les entourer d’un bas- sin assez large, pour qu'il leur fût impossibie de le traverser sans se noyer. Les résultats obtenus par ces procédés sont des plus satisfaisants, aussi l’année 1859, si menaçante au début, s’est-elle achevée sans que les dégâts des sauterelles se soient étendus au-delà des roseaux les plus voisins du Rhône. Un petit nombre de ces insectes seulement a pu prendre des ailes. Il n'en à pas été de même sur le territoire de Colombey ou quel- ques vols peu nombreux se sont montrés. Il faut attribuer cette ex- ception à la négligence des habitants de cette localité qui ne se sont occupés à détruire les sauterelles que lorsqu'elles commençaient à voler. ADS — NOTE SUR LE DESSÉCHEMENT DES MARAIS DE L'ORBE. par M. L. Gonin, ingénieur. (Séance du 22 juin 1859. Dans l'espérance que l'étude que je vais avoir l'honneur de com- muniquer à la Société vaudoise des sciences naturelles pourra inté- resser quelques personnes et faire voir une application utile de la géologie aux travaux de l'ingénieur, je crois devoir poser la marche que j'ai suivie pour déterminer les dimensions à donner au grand canal de desséchement de la zône orientale des marais de l'Orbe. Afin de ne pas allonger, je renverrai pour de plus amples détails sur la configuration extérieure de la plaine de l'Orbe et sur les travaux que l'on se propose d'y exécuter, à une note qui a paru dans le Journal des Tribunaux du 10 juin 1859, 1. Description du canal oriental. Sa position géographique. Son but. Le canal oriental prend naissance à Entreroches et se compose sur la première moitié de son parcours de l’ancien canal d'Entrero- ches. Vis-à-vis du village de Chavornay , il rencontre la rivière du Talent sous laquelle il s'écoule au moyen d'un aqueduc. C’est à 1500 mètres environ en aval de la route d'Orbe à Cliavôrnay que le canal d'Entreroches est dévié sur la droite pour aller rejoindre à peu près vis-à-vis d'Essert-Pittet, dans le bois des Vernes, un an- cien fossé d'assainissement, connu sous le nom de canal dela Dounaz. C'est aussi dans le bois des Vernes que viendra se joindre au ca nal oriental, un autre canal d'assainissement désigné sous le nom 248 DESSÉCHEMENT DES MARAIS DE L'ORBE. d’embranchement des Grands-Prés, qui lui amènera l’eau des ma- rais compris entre le Nozon et les coteaux d’Arnex et du Devin. A partir de ce point la direction du canal devient plus ou moins parallèle à celle de l'Orbe ; puis il finit par aboutir au lac en traver- sant Yverdon sous les ponts de la Fayencerie, du Château, de la Place d'armes et du chemin de fer. La direction du canal oriental est en général du sud au nord. Sa longueur est de 16 kilomètres 530 mètres, soit d'environ 3 ‘/, lieues. Le but du canal est d’assainir tout le marais supérieur et la partie du marais inférieur qui s'étend sur la rive droite de l’Orbe. 2. Marche à suivre pour déterminer le volume d'eau qui sera dé- bité par le canal dans les crues. Nous ne possédons malheureuse- ment aucune donnée précise sur les quantités d’eau qui pourront être amenées au canal par ses différents affluents ou par les surfaces de terrain dont il recevra l'écoulement. Il est d’ailleurs facile de voir que pour déterminer par des jau- geages le débit futur d’un canal, qui sera alimenté par des masses d’eau dont l’écoulement a lieu aujourd’hui dans plusieurs directions différentes ou qui restent stationnaires, il eût fallu des observations très longues et très détaillées, sôuvent répétées, pour avoir quelques chances d'exactitude. De plus on eût été obligé d'éliminer du résultat les eaux prove- nant du déversement de l'Orbe, déversement auquel il sera obvié plus tard par l’endiguement de cette rivière. Cette marche était donc impraticable. Le seul moyen qui puisse nous conduire à un résultat utile, est de considérer le canal comme l’effluent d’une certaine étendue de pays et de rechercher quelle sera, dans les temps de forte pluie, la quantité d’eau que ce bassin enverra au canal dans un temps donné. 3. Eléments qui entrent dans cette recherche. Les éléments que nous aurons à déterminer sont les suivants : a) La superficie du bassin hydrographique dont le canal oriental …, est l’effluent ou l’émissaire. b) La hauteur d’eau moyenne qui tombe sur la terre en 24 heu- res dans les jours très pluvieux. c) La portion de cette eau qui est absorbée par le sol: le reste devant S'écouler à la surface dans un temps plus ou moins court. d) Le temps employé par les eaux non absorbées pour se réunir en masses dans le thalweg du bassin. k. Evaluation des surfaces qui forment le bassin général du canal oriental. La carte hydrographique ci-jointe, extraite de la carte fé- dérale, fait voir l'étendue des bassins de tous les cours d’eaux af- fluents à la plaine de l’Orbe. Les bassins secondaires dont les eaux se rendent au canal oriental sont les suivants : DESSÉCHEMENT DES MARAIS DE L'ORBE. 249 kilomètres carrés. N° 2 Côtes de Gressy, superficie 2,90 3 Ruisseau de Belmont 1,37 & Côtes de Chalamont 2,56 8 Versant de Chavornay | 2,50 10 id. de Bavois 5,35 11 Crystallin 2,02 12 Versant de Mauremont 3,18 1% Ruisseau des Vaux (lac d’Arnex) 7,75 15 Versant de Villard (Devin) 4,40 23 Partie orientale du marais inférieur 6,31 24 Marais supérieur 6,45 Superficie totale, kil. car. 44,79 Soit 44 millions 790,000 mètres carrés ou, en mesure suisse, en- viron 2 lieues carrées. Les bassins des ruisseaux d'Ependes, des Combes et de Sadaz ne sont pas compris dans cette superficie, vu que ces ruisseaux pour- ront être conduits à l’Orbe en franchissant par des aquedues le ca- nal oriental. 9. Evaluation de l'intensité moyenne des fortes pluies. Si l’on voulait établir le canal de desséchement dans des proportions telles qu'il puisse suffire au débouché des plus hautes eaux connues, on arriverait à proposer des ouvrages si considérables et si coûteux que l'on manquerait le but de l’entreprise, qui doit avant tout être celui-ci : faire disparaître avec un minimum de dépenses la plus grande proportion possible des inconvénients qui résultent pour la contrée de la chüte de fortes pluies. Quand il surviendra des pluies extraordinaires et exceptionnelles, il faudra donc subir une accumulation d’eau momentanée, mais la durée de l'inondation sera de beaucoup diminuée. Il n'existe pas d'observations pluviométriques faites pour une longue série d'années dans les environs de la Plaine de l’Orbe. C’est donc aux observations faites à Genève et publiées dans les Archives de la Bibliothèque universelle, que j'ai eu recours. J'en ai extrait le tableau suivant avec l’obligeant concours de M. le capitaine Bur- nier, membre de la Commission des travaux publics, qui a bien voulu m'éclairer de ses avis dans l'étude de cette question : 250 DESSÉCHEMENT DES MARAIS DE L'ORBE. Hauteur maxima en 24 heures, Années. Mois. Millimètres. 1846 Mars 39 1847 Mars et Décembre 30 1848 Juin 82 1849 Juin 44 1850 Mai 43 1851 Mars 35 1852 Octobre 60 1853 Septembre 59 1854 Juin 74 1855 Octobre 81 1856 Mai 81 1857 Août 39 Somme 667 = 99,6 soit 56 millimètres. La moyenne entre les deux quantités extrêmes 30 et 82 est aussi 56 millimètres. La moyenne fournie par ce tableau a ceci de particulier qu’elle est aussi bien la moyenne des 12 années que la moyenne entre le nombre le plus faible et le nombre le plus fort, et que de plus on trouve dans le tableau 6 nombres plus forts que cette moyenne et 6 nombres plus faibles. C’est pourquoi nous pouvons admettre ce ré- sultat comme l'expression assez approchée de la vérité. [l faut remarquer de plus que les pluies les plus fortes consignées dans le tableau ont fourni en 24 heures une couche d’eau épaisse de 81 à 82 millimètres, soit environ À ‘/, fois plus forte que celle qui sera admise pour base de nos calculs, et que ce maximum a eu lieu 3 fois dans l’espace de 12 ans. 6. Evaluation de la quantité d'euu absorbée par les terres. L’é- paisseur de la tranche liquide versée par les fortes pluies d’intensité moyenne sera de 56 millimètres, mais les terres absorberont une notable partie de cette eau. Dans quelle proportion aura lieu cette absorption? c’est là un point d'une grande importance, sur lequel il existe le moins de don- nées précises; on ne possède à peu près pas de mesures exactes sur la faculté absorbante des terres. Il pourra y avoir une très grande diversité entre les terres suivant leur formation géologique, suivant l’inclinaison de leur surface, sui- vant les circonstances physiques dans lesquelles elles se trouveront à un moment donné, DESSÉCHEMENT DES MARAIS DE L'ORBE. 251 Nous elasserons les terrains qui composent le bassin du canal oriental en trois catégories sous le rapport de leur perméabilité : 1° Terrains imperméables, lesquels laissent écouler la plus grande partie de l’eau tombée à leur surface ; ce seront surtout les versants de la rive droite dont le sous-sol est formé de molasse et d'argile, 2° Terrains alternativement perméables et imperméables. Je fais entrer dans cette catégorie le marais proprement dit. Lors- u’il sera sec, sa nature plus ou moins spongieuse lui permettra ‘absorber facilement une tranche d’eau supérieure même à 56 mil- limètres. Lorsqu’après une saison pluvieuse il sera au contraire sa- turé d'humidité, il est facile de voir qu'aucune parcelle d’eau ne sera plus absorbée et que tout le surplus devra s’accumuler à la surface ou s’écouler par l’émissaire du marais. 3° Terrains perméables. Ces terrains sont ceux qui absorbent une notable partie de l’eau tombée à leur surface. Ils comprennent prin- cipalement les terrains de calcaire fendillé du Mauremont et de la rive gauche du marais supérieur. MM. Dalton, Dickinson, Charnock et Milne ont fait quelques re- cherches sur la proportion d’eau qui s’infiltre dans les terres. Mais les résultats de leurs expériences sont insuffisants pour nous éclairer dans le cas présent et leur procédé d’expérimentation n'inspire pas une confiance suffisante parce qu'il ne s'applique pas à des terrains dans leur état naturel. Il'est un autre moyen qui, sans être absolument certain ; peut servir à comparer les divers terrains sous le rapport de leur per- méabilité et peut même jusqu’à un certain point en donner la me- sure. | M. Belgrand , ingénieur des ponts et chaussées de France, a pu- blié dans les Annales des ponts et chaussées, années 1846 et 1852, des articles fort intéressants sur l'hydrologie du bassin dela Seine. C'est aux données contenues dans ces mémoires que j'ai eu recours. Il résulte de ses observations qu'un terrain imperméable exige À ‘/, mètre carré de débouché mouillé par kilomètre carré de bassin. En prenant le section des aqueducs construits sous une route pour mesure de la quantité d’eau qui s'écoule à la surface des terrains Situés en amont, on se borne à une certaine appréciation, car pour être rigoureux il faudrait encore tenir compte de la pente et de dif- férentes circonstances. J'ai mesuré la section de tous les aqueducs construits sous la route d'Yverdon à Entreroches le long de la rive orientale du marais. La somme de ces sections donne un débouché total de 10 m. car.,05; la superficie totale des versants auxquels ils donnent écoulement est de 10 kil. car. 96, ce qui donne une section mouillée de O"car., 92 par kilomètre carré. Si nous représentons par l'unité la quantité d’eau qui tombe sur une surface entièrement imperméable nous trouverons par la proportion suivante la fraction qui s'écoulera à la surface des versants de la rive droite du marais : 1,50 : 1::0,92 :x, x—=0,614 252 DESSÉCHEMENT DES MARAIS DE L'ORBE. En conséquence nous pourrons admettre que sur les versants de la rive droite, sur un mètre d’eau tombée, il y a 614 millimètres d’eau qui s'écoule à la surface et 386 qui sont absorbés par le sol. [l'est moins facile de déterminer le coefficient d'absorption du ma- rais proprement dit; il peut varier, ainsi que nous l'avons dit plus haut, entre 0 et l'unité : afin de rester dans des conditions moyennes, nous prendrons la valeur 0,50 comme l'expression approchée de la vérité. Pour déterminer la perméabilité des terrains de la rive gauche, J'ai mesuré aussi la section mouillée de tous les aqueducs établis sur le chemin qui longe cette partie du marais. La surface des bassins correspondants à ces aquedues se trouve être de 12 kil. car. 15. La section mouillée totale est de 3 m. car. 09, soit par kilomètre carré 0," ce. 254. L'écoulement superficiel nous sera donné par la proportion sui- vante : 1,50 : 1-::0,254 : 0,170 c'est-à-dire que sur un mètre d'eau tombée sur ces versants, 170 millimètres s’écouleront à la surface et 830 seront absorbés. Pour éviter un mécompte j'ai admis cependant un chiffre un peu plus faible, savoir 0,75 pour coefficient d'absorption des terrains perméables de la rive gauche du marais. | La moyenne générale du coefficient d'absorption dans l’ensemble du bassin devient égale à 0,542, ainsi qu’il résulte du tableau sui- vant ‘: Superficie. (Coefficient d'absorption. Produits. Bassins imperméables 16,70 0,386 6,49 id, perméables 15,33 0,750 11,49 id, de marais 12,75 8,500 6,38 44,79 Coet. moy. 0,542 24,36 Sur un mètre de l’eau qui sera tombée sur le bassin, 542 milli- mètres seront absorbés, 458 s’écouleront à la surface. Si la couche d’eau est. de 56 millimètres, la hauteur de la tranche qui s’écoulera à la surface sera de 56"">x<0,458—25"",6 soit 26 millimètres ; les 30 autres seront absorbés. 7. Temps nécessaire pour que les eaux s'accumulent dans le thal- weg. La durée de l’écoulement des eaux pluviales à la surface de Ja * Pointsde comparaison. , 4 Mesures de la perméabilité. Lac de Grand-Lieu ——=— 0,57 L l (VALLÈS) Ras de la Seine 0,72 Marais d'Arles 0,50 id. , Garonne 0,48 Marais Pontins 0,33 id. du Pô 0,36 (PRoNY) (vaLLès, inondation.) Marais de l’Orbe 0,54 — N DESSÉCHEMENT DES MARAIS DE L'ORBE. 253 terre dépend de la nature et de la configuration du sol, de la pente du terrain, de l’espèce et de la quantité de végétation qui le couvre. Ilest fort difficile, ou plutôt impossible, d'apprécier exactement l’in- fluence de ces diverses circonstances ; il faut donc se baser seule- ment sur quelques observations générales. D’après les renseignements que j'ai obtenus de diverses personnes habitant la contrée et dignes de toute confiance, on voit les eaux s’ac- cumuler dans la plaine au bout de 12 à 24 heures après le moment où la pluie est tombée avec le plus de force. Le temps qui paraîtrait s'approcher le plus de la moyenne serait une durée de 20 heures. Îl est évident que plus cette durée sera courte, plus le volume à débiter par l’émissaire sera considérable. Si donc la pluie qui est tombée sur les versants en 24 heures, descend au thalweg en 20 heures , le volume à débiter par le canal devra être augmenté dans la proportion de 24 à 20 soit de 1 ?/,,. 8. Quantité d'eau qui coulera par seconde dans la partie infé- rieure du bassin. La superficie du bassin général du canal est de 44 millions 790,000 mètres carrés, la hauteur d’eau à écouler en 24 heures est de 26 millimètres; le volume total est de 4% millions 790,000><0,026—1 million 164,540 mètres cubes. Cette quantité augmentée de ‘/, en raison de ce qui a été dit plus haut devient 4 million 397,448 mètres cubes ; c’est le volume à dé- biter en un jour de crue. 1,397,418 | 864,00 Il faut donc établir le canal dans les dimensions nécessaires pour pouvoir débiter 16 mètres cubes, 250 litres, soit 602 pieds cubes par seconde. Mais il faudra s'attendre à ce que ce volume puisse être dépassé, car la quantité de pluie que nous avons prise pour base peut être la moitié plus forte, et nous n'avons pu faire usage que de données peu précises en elles-mêmes dans la solution de cette question. Le volume par seconde devient — 16. cb.,249,. 9. Formule donnant la relation entre la section mouillée, le péri- mètre mouillé du profil, la pente du canal et le volume d'eau débité par seconde. La formule la plus usuelle pour déterminer la section à donner à un canal, dont on a déterminé le débit et dont on connaît la pente, est celle-ci : Q=K. SV/_St ; formule dans laquelle P Q représente le débit en mètres eubes par seconde, S » la section mouillée, en mètres carrés, p » le périmètre mouillé, en mètres linéaires, i » la pente du canal par mètre courant, K un coefficient à déterminer par expérience. D'Aubuisson dans son traité d’hydraulique donne au coefficient K la valeur 51, valeur qui est dérivée de la formule d'Eytelwein, 254 MALADIES HÉGNANTES DU VER A SOIE. M. Nadault de Buffon le fixe à 50; il résulte cependant de beaucoup d'observations que ce chiffre est trop fort. J'ai adopté la valeur 46 qui a été trouvée par M. l'ingénieur La Nicca dans des expériences faites sur le canal de la Linth. Quelques observations que j'ai faites dans les marais de l'Orbe m'ont conduit à des résultats analogues. 10. Description du profil type adopté. La pente du canal dans la première partie de son cours, celle la plus voisine du lac, est de 45 lignes sur 1000 pieds soit de 0,00045. Le profil en travers qui a été adopté, en amont de la ville d'Yver- don, se compose d'une cuvette de 4°,50 de largeur au fond sur 0",66 de profondeur et de deux banquettes de 4°,38 de largeur chacune. Les talus sont inclinés à 4 ‘/, de base pour À de hauteur. Les motifs qui font préférer cette disposition à celle qui consisterait en un simple profil trapezoïdal sont les suivants : 1° Dans les temps de basses eaux, l’eau conservera plus de vi- tesse et de force dans le lit resserré de la cuvette pour entrainer au lac les matières vaseuses ; les curages annuels se trouvent donc di- minués par ce fait. 2° La largeur occupée par le canal n’est pas entièrement sous- traite à la culture. 3" Les terrassements à faire dans l’eau sont restreints à un cube minimum. &° Les dégradations éventuelles dans les talus auront moins d’im- portance. 11. Les écrits où j'ai principalement puisé des lumières pour cette étude sont ceux déjà cités de M. Belgrand et ceux de M. Vallès, ingénieur des ponts et chaussées. (Desséchement du lac de Grand- Lieu. Annales 1848 et Etudes sur les inondations. Couronné par l'Académie de Bordeaux.) Si j'ai pu réussir à encourager quelques membres de la Société à observer les faits relatifs à l'écoulement et à l'absorption des eaux de pluies sur le sol, faits dont l'importance est si grande, j'aurai suffisamment atteint mon but. ed à" NRNRNNRNS CONCLUSIONS LES PLUS IMPORTANTES D'UN MÉMOIRE SUR LES MALADIES RÉGNANTES DU VER A SOIE. Par M. A. Chavannes, docteur. (Séance du 22 juin 1859.) 1° Le sang des chenilles, chrysalides et papillons Ge lépidoptères à l’état sauvage, est transparent et alcalin. Il ne contient que des globules normaux arrondis, et aucun corpuscule cristallin vibrant. En se desséchant il ne laisse cristalliser ni acide urique , ni acide hippurique, Cite explicative Wessechement Marais de lOrbe. 79 79, 4! LL — = Re .° . Fr Ed l Brasase 3 A rex + } \ Gnal ceccdental de desséckement W \ Æ 4 On Pa prier // A Susceraz 7 La Pesste Toile | Canal Te dé : “Belmont , Gress y / / / À +": Bavois (11/4 NU A! Li y \Z . (l Échelle à Soc L "“ | havornayÀ \ A \ s », . Cxplicalious. A 2e TAAAE it ages Plus Obt INAOUIIS S'ét émersilles B Hein lu de Bey supprime € MWuveau Lit du 74 LÉ achanP dans le lac D Ancien lit d'u Mayon suppruneé E Muveus Let du Maya débouchant dans Le Lac Lac lu de Puren SUPPIUTE, UT 2) utilisé des La ville ILECA lac veus le Cart vrierita : sa , ; 1 H raie lat dax OUT de ssant à la Joncéter des routes d'Lehallens st de yerne d 4 le 7/14 "4 occ «dental de desses Lentent débouchant dansle lacprenant #0! Ole Au TPANRIES Urbe. un’ é / la (14 oriental de £ eSsechie ri ct utilisant Le canal d’Lntreroches supérieur puit le vanal We la Dariria sous Lpentrs et le crnal das Chatnettes rés d'Jverdor À rte in Brieure ds canal d'Éntrerochassupprimée Z Ancien lé du Talent supprimé . ;, ; : M Nouveau litdu Talent passant pardessus un canal de desstchement. et débouchant dans l'Orbe enament de son ANA confluerd - r #7 J Ayuedue du Talent var dessus Le canal oriental soit canal d'Entreroches 7 Let du Neon rares tit , ’ LA ‘ (4 P lnel nouveau derrière Le Nozon so embranchement des gran prés, V121727/2 sous le nouveau lét du Ten prés du point Met débeuchant dansge canal ortentat L Q Pière de l'Orbe too la Nuële maintenue suivant son cours général. L 1243 Pints ot ont été exécutés Les sondxges en Mars 1859 J Blandard lithà Lausanne _ | 0 è è = ar t= « Eat ” 4 me 9 Le -F . PORTE Len Lu ur « ? À m6 dé du 2 e. 0 , ‘ à | \ + 4 % E . ” n L AT 7 r , | - f à - >» K > a — —"s— à 1 + nm om ——— pm £ L fi « \ ’ CA Ce ’ An À | L k gmbnyas enogesbonog #8 | (ee TEA Re A one DR sonde s RO D | quan vos w agapé 100 2 20) ey 08, 49 ? / 02.104, p PAQOULRU)) 70 OI 7P æ1 pre LE he 2 snofue Q se alu 20 CNMOI jo avr 0 CMD VIN ”E. Vpibts DOPNUIIDI D À," 409) QUI ANPU aa hot V7 0287 4 d û 2h] d D OL) 0 SNSSYOND QE PTE PVR ER ON] d \ 0Y PLAT) 2)q0e 2 = à Ca STL) Jeuc, IL) EST 5 t 22e spochmos 97 QUE) LA = , i 46 6 p. nn 202 med 20 ec Ha 2 JJ°6 , en D eyes sel Ë 7e ço2$ med uw ere AE L 2 16 : —0g Cr ççorb As OCT AC avodl mere )7 ph} 96, rem 4? ETEpe 2ç9w20 EVENT dE GX QUE EX CRCRES 2procmos 294 D LATE #76 nayolomeg mehr 20 - atorççoabe aMoQ, TS: 5 Qu 2M04 /2m0 (Î| 2 — 7 PRO EN O) ‘an à apochnos 20 Lo Ü pe] — 23 rap agonge envobnor ei a : 08 n { VALLE UE CALE oui no qabano 23e, 72 £ ‘ npodwos DNOUW/222/21 Ve GENE) ego 202972 10m sub 22226) sgmorxe cobac00 1 er 2 Ë ! \ 1272 ayprochuos CENT erLeQ agmoeg cebusg OZ « pv dumos tu amréonf Ë — 4 2e 6 cor (oser trs are 66h020 22020) AV92 19 M2] epbz9 PARMI 86 CPE a à sarcc0%kr S vw tard 2ersonbmejgege RAR Re (PRES -e 9 o AREAS enbnemd nb mmjgagee ec CENT rçsob 27729 : AS () { d *P24) : mag ON lg DORE nc L am aan] 4e amonacvw]bens Lutu K em) APTE Ÿ Ze © ps — 2p0chmos CRERERDETES 20) eyorebes PR, | açoo2b vec| nm robes 2220 il al 20v PUOp > 8£/99%1 pes £ ‘ça GRAS) ‘ A UE) Ky.4 J'Ud el - Pt PEUT E) 9p 20448] 7 7P PUPUIS1049 274 EL# 971 LP, E97L . ‘GAQUa do % ‘+ COUR Ci NDVISSHII I GA 20 HR ONE) Le 77, NOGSS PPDA) 74 VJU9H) f000) #2 PUAULISIO10 AIR 770 QUOULPS TOI va Var 124 PL 229 2 D à 2 À COLLE 4 LPS PRO À) aa GC?FO) 93°C PAPE C3 PC RP ET) LIGNITES D’ALGÉRIE. 255 2° Le sang des vers à soie, chrysalides et papillons réputés sains, est transparent; il contient outre des globules normaux (sur- tout lorsqu'on examine celui des chrysalides et des papillons), des globules étoilées et quelques corpuscules cristallins vibrants : il est acide et laisse apparaitre lors de sa dessication des cristaux d'acide urique, en forme de gerbes. 3° Le sang des vers, chrysalides et papillons malades, particuliè- rement celui de ces derniers, est jumenteux, plus ou moins opaque, chargé de corpuscules cristallins vibrants, qui sont très probablement formés d'urates et d'hippurates d'ammoniaque. L'acide hippurique cristallise, dans les gouttes desséchées de ce sang, sous diverses formes. 4° Les principales maladies des vers à soie sont dues à ces élé- ments urineux, régressifs, qui vicient le sang. Elles ne sont point contagieuses de leur nature. Ce sont des wrémies et hippurémies qui se présentent sous trois formes principales : 1. Hippurémie phthysique ; — donne lieu aux passis. 2. Hippurémie hydropique ; — les jaunisses, les gras. 3. Hippurémie tachetée; — la gattine, pébrine ou pattes grillées. 5° Les papillons malades transmettent par hérédité, aux œufs et aux vers qui en naissent, une grande prédisposition à contracter ces maladies. 6° Les éducations pour graine, faites en plein air, sur les arbres mêmes, au moyen de manchons en treillis métalliques, dans lesquels sont placés les vers, régénèrent en peu de temps les races malades. Ces éducations employées comme remède mettront fin aux maladies régnantes, et continuées dans l'avenir, donneront aux éducateurs une certitude de réussite presque complète. LIGNITES D'ALGÉRIE. Par M. C.-T. Gaudin. (Séance du 22 juin 1859.) M. C.-T. Gaudin ayant appris par le bulletin de la Société géo- logique de France, l'existence en Algérie de bancs de lignite, avec impressions de plantes, fit aussitôt une tentative pour obtenir des feuilles fossiles qui pussent, avant l'achèvement du grand ouvrage de M. Heer, jeter du jour sur la flore tertiaire d’un point aussi mé- ridional, comme la végétation fossile de l'Islande en a jeté sur les forêts tertiaires de ces hautes latitudes. M. le capitaine Serijiats, du 256 LIGNITES D'ALGÉRIE. bureau arabe d'Orléanville, auquel il s’est adressé sans même avoir l'avantage de le connaitre, a mis un empressement digne d’éloges à faire explorer, malheureusement sans succès, les marnes qui avoi- sinent les lignites. Voici un extrait de la lettre du capitaine en date du 4 juin 1859 : « Monsieur, » À la date de ma dernière lettre, nous étions en ramadan et j'ai dû attendre que l’époque du jeûne fût terminée. J'ai employé cet m- tervalle à écrire au garde-mine de Tène, M. Badynski, qui est fort savant et versé dans la connaissance des fossiles. Il a eu la complai- sance de se rendre à mon invitation, et nous nous sommes tous deux transportés au Beled-boufrour qui se trouve à environ 18 ki- lomètres d'Orléanville. J'avais donné rendez-vous sur les lieux au Caïd de la tribu qui s’y trouvait avant nous, avec quelques travail- leurs. | » Les lits de lignite s’aperçoivent des deux côtés d’un petit ravin, à bords encaissés et qui est creusé par les eaux dans un terrain de marnes argileuses, affectant la forme d’un plateau à pente assez forte. Dans plusieurs endroits, la teinte du banc eharbonneux mis à nu naturellement, tranch2 par un noir excessivement vif sur la couleur jaune de la roche encaissante. Ayant choisi un endroit qui parut convenable, nous mimes quelques hommes à l'ouvrage pour abattre en paroi verticale la marne qui recouvre le banc de lignite. Nous: avons alors essayé de fendre au marteau les blocs détachés, mais nous n'y avons pu réussir. Cette marne est extrêmement argileuse et elle était de plus mouillée par les infiltrations des pluies précé- dentes, La terre cédait donc sous le marteau sans se rompre. Dans les endroits où l’action du soleil l’avait séchée, elle se réduisait en poussière sous l’action du marteau, et nous n'avons pu dans aucun cas obtenir de séparation en feuillets. » J'ai fait alors ouvrir le banc de lignite lui-même, à l'endroit où il affleure les parois verticales du ravin, et j'ai emporté quelques échantillons pris le plus profondément possible, vu le peu de temps dont nous pouvions disposer. Mis au feu, ils se sont convertis en brique, tant est grande la proportion d'argile qu'ils contiennent. » Voici donc le parti auquel je me suis résolu. » J'ai donné l’ordre de faire ouvrir une tranchée ou vaste fossé de manière à mettre la face supérieure du banc à nu, sans toutefois l’entamer lui-même, sur une longueur d'environ 8 mètres et dans une direction perpendiculaire au ravin. De cette façon les eaux vont s’écouler facilement. Ce travail assez long va être incessamment ter- miné, et je m'y transporterai aussitôt pour faire de nouvelles re- cherches. .» de ne dois pas vous cacher que d’après l'avis de M. Badynski, ces recherches seront probablement stériles à cause de la nature de la marne argileuse encaissante. Je vous assure cependant que je n'ai pas été découragé par cet avis peu favorable. De semblables | TORTUES DE LA FAUNE SUISSE ACTUELLE, 257 conjectures se trouvent souvent contredites par les faits. Il m'a du reste promis de revenir lui-même et de continuer à m'aider dans mes recherches. » 000 E————— SUR L'EXISTENCE DE TORTUES D'EAU DOUCE DANS LA FAUNE SUISSE ACTUELLE, Par 3.-B. Schnetzler, professeur. (Séance du 22 juin 1859.) L'existence, dans la faune suisse actuelle, de tortues appartenant à la famille des Emydae à été affirmée et niée, sans que la question ait été résolue d’une manière définitive. Il est assez difficile de dé- montrer la disparution complète d’une espèce de la faune d'un pays ; d’un autre côté, il n’est pas toujours facile de décider si une espèce, devenue excessivement rare à l’état sauvage, est réellement sauvage ou si seulement elle a échappé à la domesticité. Il est bien démontré que des tortues d’eau douce ont existé en Suisse depuis que ce pays est habité par l’homme; parmi les débris des habitations lacustres découvertes en Suisse, on a rencontré des carapaces de tortues'. Bridel (Conservateur suisse, V, 32) rapporte qu’on a trouvé des tortues d’eau douce à l'embouchure du Rhône. Elles existaient autrefois dans le Weidensee, canton de Zurich. Dans la vallée de la Reuss, canton d'Uri, on a rencontré à plusieurs reprises des individus appartenant à l'Emys europæa*. En 1846, une émyde fut trouvée sur les bords du lac Léman près de Nyon, après une forte tempête”. Dès que j’eus rappelé ce fait pendant la séance annuelle de la Société vaudoise des sciences naturelles, qui eut lieu à Nyon au mois de juin 1859, M. le pharmacien Roux, de Nyon, en présenta une à la Société, qui en effet avait été trouvée dans cette localité‘. Pendant la séance annuelle de la Société vau- doise à Lausaune, en 1856, M. le prof” Yersin, de Morges, fit voir un jeune individu d'Emys europæa trouvé près de Morges. Vers la fin du mois de février 1859 on en trouva près de Vevey, à environ: un kilomètre au-delà de l’église de St. Martin, un jeune individu qui était endormi dans une vigne, sous un tas de feuilles. Pour par- venir dans cette vigne depuis la ville ou depuis une des campagnes voisines, notre tortue aurait dù franchir des obstables à peu près in- 1 Bibl. univ. Mai 1857, p. 52. s 2 Tschudy. Thierleben, p. 59. $ Vuillemin. Canton de Vaud, p. 240. 4 Elle doit avoir été donnée au Musée cantonal? (Non. Réd.) 258 TORTUES DE LA FAUNE SUISSE ACTUELLE. . . \ . surmontables pour elle. À un peu plus d’un kilomètre de l'endroit indiqué se trouve le marais des Toveyres, où la tradition faisait ha- biter autrefois des tortues. Au moment où elle fut trouvée notre petite émyde pesait exacte ment une once. D’après les observations de Maregraf à Berlin, faites sur de jeunes émydes, les individus de quatre ans pesaient une once ; il en résulte que la petite tortue trouvée près de Vevey pou- vait avoir cet âge. Rapportée à la maison par le propriétaire de la vigne, M. Papon, de la Tour de Peilz, elle se réveilla peu à peu; elle prit même une certaine vivacité toutes les fois qu’on la mettait en contact avec l’eau; malheureusement elle périt pendant le prin- temps. Ce n’est certes pas le climat qui l’a tuée, car nous trouvons cette espèce en Allemagne, en Russie et en Pologne dans des régions dont la température n’est pas plus élevée que sur les bords du Lé- man. so TNT » | LE r LL nt. ; por, Dre tEn "2 cphi Délamanes, D’, vice-président. de J. DeLanaRrE, père, secrétaire. ; | Buscmorr, prof., caissier. Fa . “he : René Guisan archive. | Les er | ME P, Per este F BULLETIN n’est adressé qu'aux membres qui ont acquitté FE leur contribution annuelle. * Pour les personnes étrangères à la Société, le Prix d'abonnement ren au Bulletin est fixé à 6 fr. par année, payables d'avance. On s’abonne chez F. Blanchard, x impreibraie. * à Lausanne. STE SD ———— SÉANCES 5 de la Société vaudoise des sciences naturelles cn | 1859-1860. we 4859. Novembre . . . 2—16 || 4860. Avril . - . . 4—18 » Décembre, . . 7—921 | » Mat . . . . 2—16 1860. Janvier . . . 4—18 » Juin . 6—920 » Février. , . . 1—15 » » séance annuelle le 20 D» Mars . . . . 7—JA » Juillet 4 Les séances ont lieu à 7 heures du soir , à l’hôtel de ville , salle de la justice de paix. Les auteurs sont responsables des opinions qu'ils émettent, TOR — AVIS. La bibliothèque de la Société est actuellement rue de a 44, : 4°? étage. Elle est ouverte le mercredi et le samedi de 9 à 42 heures, les autres jours de 2 à 5 heures. Messieurs les membres de la Société qui désirent utiliser la Bibliothèque 5 sont priés de s'adresser à l’archiviste, M. René Guisan , rue d’Etraz, far AL: sanne. — Lettres affranchies. k BULLETIN DE LA : XN? DES Sd ORTMUM TUNIS VU San TAN Vote Ro “a : SCIENCES NATURELLES. ÉXAR 4; EAU un AU, 2 pa PT = uuLEmN N° 46. : 77 TABLE DES MATIÈRES DU PRÉSENT NUMÉRO. MEMORRE. | Page Etudes géologicu-archéologiques en Danemark et en Suisse, par A: Morlot 7.2 abs ne 2 pet ne Ne 267 . Tome VI. N° 46. SOCIÉTÉ VAUDOISE DES SCIENCES NATURELLES. (Séances des 5 et 19 janvier, 20 avril et 4er juin 1859.) 2 Q 5 9 9-0e———— ÉTUDES GÉOLOGICO-ARCHÉOLOGIQUES EN DANEMARK ET EN SUISSE, par A. Morlot, Tout ce que l'intelligence humaine peut saisir et s'appro- prier ne formequ'une seule, vaste science et il n'existe point de limites naturelles entre les différentes branches, que nous étudions séparément , parce que nous ne pouvons saisir que si peu à la fois. BERZELIUS. Lausanne. Mars 1860. AVIS. Le présent mémoire a été rédigé à Berne pendant l'automne de 1858, l’auteur ayant passé au commencement de la même année quinze jours à Lund en Suède et trois mois à Copenhague. Le mé- moire fut présenté à la Société vaudoise des sciences naturelles à Lau- sanne en Janvier 1859; il fut ensuite revu, pour ce qui concerne le fond, par MM. Steenstrup, Herbst et Hindenburg à Copenhague, N. G. Bruzelius à Lund, Troyon à Eclépens et Rütimeyer à Bâle, et, pour ce qui concerne plus particulièrement la forme, par MM. L. Béranger à Morges, Ch. Gaudin et S. Cbavannes à Lausanne et L. Rochat à Yverdon. L'auteur lui-même n'a épargné ni peine, ni temps pour bien soigner son œuvre, car il désirait témoigner sa reconnais- sance envers les Savants du Nord Scandinave, en contribuant à po- pulariser leurs magnifiques travaux. TABLE DES MATIÈRES. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES Ï. KIOEKKENMOEDDING Aperçu général x Distribution géographique = Conformation . . . . . Flore Faune L'homme et les produits de son industrie . . . . IL. MARAIS TOURBEUX Kjaermose . Lyngmose . , . Skovmose de smorts = Région centrale. : Zône extérieure . Archéologie des marais tour- beux . SARA ENST fe III. QUESTION Des RACES . Races humaines . Manière antique de manger . Couteaux antiques Races domestiques IV. CHANGEMENTS PHYSIQUES Danemark Pages. 263 272 272 273 274 276 276 282 286 286 287 287 288 289 291 292 292 29% 295 298 300 300 Diminution dans la salure de Mer 1 20e me Niveau des terres . . Suède . . Antiquité géologique ‘de l'homme . . V. COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE . . . He: Habitations lacustres . Raison des habitations la- CUSITES" tue QUE Age dela pierre . . Age du bronze Ier âge dufer . . . Races humaines . . Races domestiques et espèces sauvages . DR ce VI. QUESTION CHRONOLOGIQUE Etat de la question Relations commerciales anti- ques . . Civilisation antique du Nord Chronologie absolue . Cône de la Tinière Additions et corrections Pages - FIGURES. La fraction entre parenthèses auprès de chaque figure indique la réduction de la grandeur naturelle. Fig. 1 Page 271. Ornement en bronze d’usage inconnu. Danemark. 2 — 971. Poignée d'épée en bronze avec lame en bronze. Dane- mark. 3 — 271. id. 4 — 984. Coinouhachetrès grossière en silex. Kjoekkenmoedding du Danemark. 5 — 284. id. 6 — 284: Eclat en silex des Kjoekkenmoedding du Danemark. 7 — 293. Cràne type de l’âge de la pierre. Danemark. 8 — 293. Un crâne du premier âge du fer. Danemark. 9 — 296. Couteau-hache en néphrite de l'établissement lacustre de l’âge de la pierre à Moosseedorf. Suisse. 10 — 296. Hache en serpentine destinée à être emmanchée. Suisse. 11 — 296. Hache en pierre percée. Danemark. 12 — 297. Couteau-hache en bronze. Danemark. 13 — 298. Couteau-hache en bronze des habitations lacustres du lac de Bienne. Suisse. 14 — 298. Hache en bronze dite Paalstab en Danemark. 15 — 298, Hache en bronze dite Celten Danemark. 16 — 310. Hache en serpentine emmanchée au moyen d’une branche coudée. Suisse. 17 — 310. Eclat de silex formant scie emmanché dans du bois et fixé au moyen de goudron. Suisse. 48 — 314. Ornement en bronze, trouvé dans un tumulus du premier âge du fer à Græchwyl près de Berne. Suisse. 49 — 315. Vase en bronze du premier âge du fer, trouvé à Him- lingoeie en Danemark. 20 — 316. Cimier de casque en bronze, du premier âge du fer. Danemark. C4 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Un siècle à peine s’est écoulé depuis les temps où le public n’au- rait pas cru, qu'il fût possible de développer l’histoire de notre globe antérieure à l'apparition de l’homme. Mais ce passé antéhumain im- mense, s’il n'a pas eu ses historiens contemporains, a laissé un en- semble bien coordonné de traces significatives. Les populations ani- males et végétales, qui ont successivement paru et disparu ont accu- mulé leurs restes fossiles dans la série des couches successivement formées. Ainsi a été composée lentement et à la longue, au fur et à mesure que les événements se déroulaient, une histoire de la créa- tion, qu'on peut dire, avoir été tracée par la main même du Créa- teur. C’est un grand livre, dont les feuillets sont les roches strati- fiées, superposées dans l’ordre chronologique le plus rigoureux et dont les chapitres sont les chaînes de montagnes. Ce grand livre a longtemps été scellé pour l’homme. Mais la science, étendant toujours son domaine et perfectionnant constamment sa méthode d’induc- tion, a enseigné à consulter ces merveilleuses archives de la création, et voilà le géologue, qui va déroulant le passé de notre globe avec une ampleur de détails et une certitude de résultats bien propres à nous étonner et à nous réjouir. Le développement de l'archéologie présente les plus grands rap- ports avec celui de la géologie. Il y a bien peu de temps aussi, qu’on aurait assez généralement souri à l’idée de reconstruire le passé de notre espèce antérieur aux origines de l'histoire proprement dite. On comblait la lacune d’une part en représentant cette antiquité an- téhistorique comme de fort peu de durée et d'autre part en exagérant la valeur et l’âge de ces souvenirs vagues et confus, qui constituent la tradition. Pour l'humanité il en est, paraît-il, comme pour nous individus. Le souvenir de notre première enfance est entièrement effacé, jus- qu'à quelque événement particulier, qui nous avait vivement frappé et qui laisse à lui seul une image ineffaçable au milieu du vide envi- ronnant. Aussi, à part l’idée d'un déluge, c’est-à-dire d’une catas- 1 264 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. trophe par l'intervention de l’eau, idée, qu’on retrouve chez tant de peuples et dont l’origine paraît donc antèrieure à la migration de ces peuples, l'enfance de l'humanité, du moins en Europe, s'est passée sans laisser de souvenirs , et l’histoire fait ici complétement défaut, car l’histoire n’est autre chose que la mémoire de l'humanité, Mais avant les commencements d’une histoire transmise jusqu'à nous, il y a eu une vie matérielle et une activité industrielle, dont il est resté des monuments divers et de nombreux débris enfouis dans le sol, comme le sont les dépouilles des créations anciennes dans les couches de l’écorce du globe. Les antiquités jouent ici le même rôle que les fossiles. C’est pourquoi, si Cuvier appelle le géologue un an- tiquaire d’un nouvel ordre, on peut en renversant cette parole remar- quable, désigner l’archéologue comme un géologue, appliquant sa mé- thode à reconstruire le passé humain antérieur à tout souvenir, à faire l’histoire antébistorique. Voilà ce qui constitue l'archéologie pure et proprement dite. Mais l'archéologie ne saurait s’arrêter absolunient aux origines de l’histoire. Car plus on recule dans le passé historique, plus les don- nées en deviennent incomplètes, laissant entre elles des lacunes, que l’étude des restes matériels aide à combler. L’archéologie continue done son cours parallèlement à celui de l’histoire, et les deux sciences se complètent dès lors réciproquement. Cependant, avec les progrès de l’histoire l'importance de l'archéologie tend à diminuer, jusqu'à ce qu'enfin l'invention de l'imprimerie vienne à peu près clore la série des recherches de l’antiquaire. Pour saisir la raison du passé géologique, il faut d’abord observer l’état présent de notre globe et suivre les changements, qui s’opèrent actuellement à sa surface, c’est-à-dire commencer par la géographie physique. Cela fournit un fil d'induction, qui nous guide sûrement dans nos recherches sur le passé inconnu de notre planète, ainsi que l'a si admirablement mis en évidence Lyell !. Car les lois, (jui régis- sent la création organique et la nature inorganique, sont aussi im- muables, que les résultats de leurs combinaisons et permutations sont infiniment variés ; ici comme partout la science nous révélant la sta- bilité dans le principe avec la mobilité dans la forme. De même, pour comprendre le passé de notre espèce, faut-il eom- mencer par prendre connaissance de son présent, en suivant l'homme partout où il a traversé les eaux et foulé la terre-ferme. Il faut étu- dier les différents peuples, qui habitent actuellement la surface du globe et cela sous le rapport de leur industrie, de leurs mœurs, de leurs usages et de toute leur manière de vivre. Ainsi l’on arrive à reconnaître à peu prés tous les degrés de civilisation, depuis le point le plus élevé jusqu'à un état à peine supérieur à celui de la brute. L’ethnographie nous fournit de cette façon comme qui dirait une échelle de développement à échelons fixes et contemporains , tandis ! Les Principes de Géologie de Lyell sont un de ces chefs-d’œuvre, aux- quels il faut souvent revenir, pour en hien apprécier l'excellence. ’ CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 265 que l'archéologie s'occupe d’une échelle de développement à terme mobile, parcourant successivement les différents échelons *. L'ethnographie est done pour l'archéologie ce que la géographie physique est pour la géologie, savoir un fil d'induction dans le laby- rinthe du passé et un point de départ et d'appui dans cet ensemble de recherches comparatives, qui ont pour but la connaissance de l’homme et de son développement à travers la série des âges. En suivant les principes exposés, les savants du Nord scandinave sont arrivés à démêler les traits caractéristiques du développement de la civilisation antéhistorique en Europe et à distinguer les trois phases principales, qu'ils ont nommées âge de la pierre, âge du bronze et âge du fer *. On doit cette belle conquête dans le domaine de la science surtout aux travaux de M. Thomsen, directeur des musées ethnographiques et archéologiques de Copenhague * et à ceux de M. Nilsson, profes- seur de zoologie à l’université florissante de Lund en Suède #. Cesillustres vétérans des antiquaires du Nord ont établi, que notre Europe, si civilisée aujourd’hui, à d’abord été habitée par des peu- plades ne connaissant aucun métal et dont l'industrie et toute l’èco- nomie domestique devaient présenter une grande analogie avec ce qui se voit maintenant encore chez certaines tribus sauvages. L’os, la corne et surtout le silex (pierre à feu , quartz) tenaient alors lieu de métal pour la fabrication des instruments tranchants et ‘des armes. C'était Pâge de la pierre, qu'on pourrait nommer la phase primitive de la civilisation. Il parait que l’homme, en se répandant en Europe, apportait avec lui Part de faire le feu. On peut très-bien battre feu par le choc de la pyrite de fer contre du quartz, mais ce moyen doit avoir été d’un usage exceptionnel, et il n'a guère été observé que chez une tribu de la Terre-de-Feu *. La méthode la plus généralement employée pour se procurer du feu a évidemment été le frottement de deux morceaux de bois, l’un contre l’autre ; mais en considérant cette méthode de plus 1 Certaine école de naturalistes croit voir une correspondance du même genre entre l’embryogénie et l'anatomie comparée, car elle considère l’em- bryon humain comme parcourant dans son développement les ‘divers degrés de l’échelle animale, ou du moins comme passant par les divers états des embryons des divers degrés de la série animale. 2 L'histoire de l'archéologie danoise a été esquissée par M. Hindenburg. Voir Dansk Maanedsskrift. vol. 1. 1859. 3 Ledetraad tit nordisk Oldkyndighed. Kjæbenhavn 4836. Edition alle- mande : Leitfaden zur nordischen Alterthumslunde. Kopenhagen 1837. Ham- burg bei Perthes. Edition anglaise par Lord Ellesmere: À guide to northern antiquities. London 1848. + Nilsson. Skandinaviska nordens urinvonare. Lund, 1838—1843. 5 Weddell. À voyage towards the South Pole in 1822-1824. London 1827. p. 167. 266 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. près on voit, que son invention a dù être très-difficile et que dans tous les cas elle doit avoir été préparée et précédée par la connais- sance et par l'emploi du feu, emprunté soit aux effets de la foudre, soit à l’action volcanique. L'âge de la pierre aura donc vraisembla- blement débuté par une époque, peut-être assez longue, pendant laquelle l'homme ne savait pas encore faire le feu, ce qui, d’après M. Flourens, désignerait pour la patrie primitive de l'espèce humaine un pays chaud *. L'invention de produire le feu artificiellement a été un des plus grands exploits de l'homme. Le feu est le point de départ de pres- que toute industrie ; il sert au sauvage à couper les arbres, comme il sert à l’homme civilisé à fondre les métaux. Son importance est si grande, qu'on se sent presque tenté de dire, que sans le feu l’homme se distinguerait à peine de l'animal. C’est ce que les An- ciens ont déjà compris, témoin la fable de Prométhée. Quant à leur feu sacré perpétuel, il est difficile de ne pas en faire remonter l’ori- gine aux temps, où la peine de faire le feu par le frottement devait nécessairement porter à le conserver constamment allumé. En Europe l’âge de la pierre se termina par l'introduction du bronze. Ce mètal est un alliage d'environ 9 parties de cuivre pour 1 partie d’étain?. [l se fond et se moule bien; la masse coulée en se refroidissant lentement acquiert une dureté assez considérable, mfé- rieure à celle de l’acier, il est vrai, mais supérieure à celle du fer doux. On conçoit donc, que le bronze ait servi pendant longtemps à la fabrication des instruments tranchants, des armes et de nombreux ornements et objets de parure. Aussi les savants du Nord ont-ils très-justement appelé cette seconde grande phase dans le développe- ment de la civilisation en Europe l’âge du bronze. Les objets en bronze de cette époque n’ont pas été forgés, ils ont été coulés, souvent avec la plus grande habileté. Même les lames d'épées ont été coulées et l’on n’employait le marteau (en pierre) que pour durcir encore plus le tranchant de l'arme. L'âge du bronze a donc eu une industrie minière, ce qui a entiè- rement fait défaut à l’âge dela pierre. Or, l’art du mineur est un élé- ! Flourens. De la longévité humaine. Paris 1835, p. 127. « Par son esto- » mac, ses dents, ses intestins, l’homme est naturellement et primitivement » frugivore, comme les singes. Or le régime frugivore est de tous les régimes » le plus défavorable, parce qu'il contraint les animaux qui y sont soumis, à » ne point quitter les pays, où ils trouvent constamment des fruits, c’est-à- » dire les pays chauds. Mais une fois que l’homme a su amollir, attendrir, pré- » parer également les substances animales et végétales par la cuisson, il a pu » se nourrir de tous les êtres vivants et réunir ensemble tous les régimes. » L’homme a donc deux régimes ; un régime naturel, primitif. énstinchif, et » par celui-là il est frugivore; et il a un régime artificiel, dû tout entier à son » intelligence, et par celui-là il est omnivore. » 2 Le bronze sert encore à fondre les cloches, descanons et certaines pièces de machines. Il ne faut pas le confondre avec le laiton, qui est un alliage de cuivre et de zinc, beaucoup moins dur et ne paraissant qu’à l’âge du fer. ME tot de 7 Cm nes — 4 | CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 267 ment si important de la civilisation, que sans lui le monde ne serait peut-être peuplé que de sauvages. Il vaut donc la peine de consi- dérer de plus près l’origine du bronze. Le cuivre n’était pas très-difficile à obtenir. [l se trouve d'abord parfois natif, c’est-à-dire à l’état métallique pur. Puis les minerais, qui le contiennent en combinaison avec d’autres éléments , sont, ou bien fortement colorés, ou bien d’un éclat métallique frappant, ce qui les rend aisément reconnaissables. [ls sont en outre assez faciles à fondre et à réduire par le feu, pour en extraire le métal. Enfin les minerais de cuivre ne sont point rares ; ils se trouvent dans les ter- rains anciens de la plupart des pays. L’étain ne se trouve pas natif, mais son minerai est très-pesant, presque noir et très-facile à fondre et à réduire pour en obtenir le métal. Si le cuivre est assez répandu dans la nature, l’étain en re- vanche est rare et ne se rencontre que sur peu de points. Ainsien Eu- rope il n’y a que deux seules localités qui le fournissent actuellement, savoir le Cornouailles en Angleterre et les montagnes de l'Erzge- birge et du Fichtelgebirge en Allemagne. Mais avant d'arriver à allier le cuivre et l’étain pour en former le bronze, n’a-t-on pas dû passer par un degré intermédiaire et com- mencer par employer le cuivre pur, puisque l’étain indispensable à la fabrication du bronze est si rare? On aurait eu dans ce cas un âge du cuivre intermédiaire entre l’âge de la pierre et l’âge du bronze. Eu Amérique il en a effectivement été ainsi. Lors de leur décou- verte par les Espagnols les deux centres de civilisation, le Mexique et le Pérou, possédaient tous les deux le bronze composé de cuivre et d’étain et s’en servaient pour fabriquer des armes et des instru- ments tranchants, à défaut du fer et de l’acier qui étaient inconnus dans le nouveau monde. Or cet âge du bronze avait été précédé par un véritable âge du cuivre, qui doit avoir duré assez longtemps. Les maguifiques recherches de MM. Squier et Davis sur les antiquités de la vallée du Mississipi ‘ ont fait revivre une civilisation ancienne bien remarquable, caractérisée par l'emploi du cuivre natif pur, tra- vaillé à froid, et non pas fondu. Ce travail à froid, au marteau, né- cessairement en pierre, a sa bonne raison d’être; c’est que le cuivre . pur fondu coule mal et se montre peu propre au moulage. Un carac- tère particulier du métal employé, celui de contenir quelquefois des cristaux d'argent natif, trahit son origine et prouve, qu'on le tirait des environs du lac Supérieur. Ces parages , surtout l'Ile Royale, sont encore actuellement riches en cuivre natif, dont on trouve des masses atteignant un millier de quintaux. On a même découvert dans une exploitation antique un gros bloc de cuivre, que les anciens n'avaient évidemment pas pu diviser, ni lever du fond de la mine et 1 Squier and Davis. Ancient monuments of the Mississipi- Valley. Smithso- nian Contributions to Knowledge. Washington. 1848. vol. I. — C’est un des plus beaux travaux archéologiques, qui ait jamais vu le jour. 4 268 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. qu’ils avaient abandonné, après en avoir péniblement enlevé, à coups de haches en pierre, les angles les plus saillants ‘. La date de cet âge du cuivre de l'Amérique septentrionale est in connue ; on voit seulement, qu’elle doit remonter au moins à dix siècles, car c’est le temps qu’on estime nécessaire au développement des forêts vierges, établies maintenant sur les restes de cette civilisa- tion antique, dont la population indienne actuelle de ces régions n’a conservé aucun souvenir, pas même sous forme de tradition. Il est enfin important de signaler, que la race des mound-buil- ders, ainsi que les Américains appellent ce peuple de l’âge du cuivre, a évidemment précédé et préparé la civilisation mexicaine, bou- leversée par l’arrivée des Espagnols. Car, en marchant du Nord au Midi, on remarque un passage graduel des constructions antiques de la vallée du Mississipi à celles du Mexique, avant la découverte de l'Amérique. En Europe les traces d’un âge du cuivre manquent. On trouve bien ici et la, comme grande rareté, une hache en cuivre, mais ces cas exceptionnels s'expliquent facilement par la plus grande rareté de l'étain, qui ne s’obtenait ordinairement que par un commerce à distance et par conséquent sujet à interruption, tandis que le cuivre se trouvant un peu dans tous les pays, faisait moins souvent défaut. Puisque l’Europe n’a pas vu se développer un âge du euivre, il parait, comme le fait remarquer M. Troyon, que l'industrie du bronze a été apportée du dehors et que la fabrication de cet alliage a été découverte et inventée ailleurs. C’est sans doute quelque partie de l’Orient, fournissant à la fois le cuivre et l’étain, qui aura d'abord vu se produire le bronze et où il se trouvera vraisemblablement aussi les traces d’un âge du cuivre, antérieur à l’âge du bronze. On pourrait élever ici une objection en apparence assez grave et demander, comment l’on pouvait ouvrir des mines sans le secours de l’acier. Ceci s'explique aisément par la circonstance , qu'on peut attaquer les roches les plus dures à l’aide de la chaleur. Un grand feu, allumé contre une paroi de roc, la fendille, la fissure et la désa- grège, de façon à la rendre beaucoup plus facile à entamer. Cette méthode a été très en usage, lorsque le bois était à vil prix et elle est encore actuellement usitée sur un point en Allemagne, au Rammels- berg dans le Hartz, où elle aide à attaquer une roche d'une tenacité inouie. Ce métal gris et de pauvre apparence, mais plus réellement pré- cieux que l'or ou le diamant, le fer, vient enfin imprimer un essort prodigieux à la marche progressive de l'humanité et caractériser la troisième grande phase du développement de la civilisation en Eu- rope, appelée à juste titre âge du fer. Notre globe ne fournit jamais le fer à l’état natif, pour la bonne rai- son, que ce métal est trop facilement oxydable. Mais parmi les aéro- lites, ou pierres tombées du ciel, il y en a, qui nesont autre chose 1 Lapham. The antiquities of Wisconsin. Smilhsonian Contributions to Knowledge. 1855. p. 76. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 269 que du fer métallique, allié avec un peu de nickel, ce qui ne change dureste ni son aspert, ni ses qualités. Ainsi la célèbre masse de fer météorique de 1600 livres, que Pallas trouva en Sibérie, avait fourni aux forgerons des environs du métal maléable à froid *. On a même vu cette matière travaillée par des tribus ne possédant pas le fer ordinaire. Ainsi Amérie Vespuce, qui a donné son nom à l’Amé- rique, mentionne des sauvages près de l'embouchure de La Plata, qui s'étaient fabriqué des pointes. de flèches avec du fer tiré d’un aé- rolite ?. Ce sont là des cas extrémement rares , il est vrai, mais qui ont pourtant leur portée, soit pour faire comprendre comment l'homme a d’abord pu faire connaissance avec le fer, soit pour expli- quer la présence exceptionnelle, si toutefois elle est bien constatée, de traces de fer dans les tombeaux de l’âge de la pierre. Il n'en est pas moins évident, qu'une exploitation régulière de mi- nerais de fer d’origine terrestre a nécessairement dû servir de base à l'âge du fer. Or, les minerais de fer se trouvent à peu près dans tous les pays, mais ils ont ordinairement l’air de cailloux quelconques, qui ne se distinguent ni par leur couleur ni par leur poids. De plus leur réduc- tion exige un feu bien plus violent que celle des minerais de cuivre ou d'étain, ce qui rend le fer beaucoup plus difficile à produire que le bronze. Mais même, lorsqu'on eut trouvé le fer, combien de tâtonnements et d'expériences lentement accumulées n’aura-t-il pas fallu, pour arriver à fabriquer à volonté le fer doux ou l'acier! Le hasard, si tant est que hasard il y a, peut bien avoir été pour quelque chose là- dedans. Mais comme il ne profite qu'à ces mortels privilégiés, com- binant l'esprit d'observation avec la réflexion et avec le sens prati- que, l'invention n’en était pas moins difficile et n’en a pas moins de mérite. I n’y a done pas lieu d’être surpris, en voyant l'homme ar- river assez tard à la fabrication du fer et de l'acier, qui fait encore journellement de si grands progrès. En Carinthie on a observé les traces d’une fabrication du fer tout à fait primitive et qui doit avoir consisté dans le procédé suivant. Sur un terrain en pente on faisait un creux, dans lequel on allumait un tas de bois. Quand le feu commençait à baisser , on jetait sur la braise ardente des fragments d'un minerai de fer très-pur (hydro- xyde), puis on entassait par-dessus une nouvelle pile de bois. Quand celle-ci était entièrement consumée, on trouvait dans les cendres quelques petits morceaux de fer *. On se passait ainsi de toute souf- flerie, dont l’usage complique tant les procédés métallurgiques, parce qu’elle met en réquisition la mécanique. Ainsi certaines peu- plades du Midi de l'Afrique, quoique fabriquant le fer et le travail- * 1 Pallas. Voyages en Russie. Paris 1793. T. 4. p. 595. 2 Smithsonian Contributions to Knowledge. Vol. 2. Art. 8. p. 178. 3 Communication verbale faite à l’auteur par des employés dans les mines de fer de la Carinthie. 270 CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. lant assez bien, n’ont pas su s'élever à la construction de nos souf- flets de cuisine , en apparence si simples : elles donnent le vent pé- niblement, en soufflant par un tube, ou bien au moyen d’une vessie fixée au bout d’un tuyau. Les Romains ont produit le fer par la méthode dite Catalane, et les restes d’une usine romaine de ce genre ont été reconnus dans la Haute-Carniole en Autriche ‘. La forge à la Catalane est encore de nos jours en usage dans les Pyrénées, où elle fournit d'assez bons résultats, seulement elle consomme passablement de charbon, exige beaucoup de vent et ne peut s'appliquer qu’à des minerais très-purs, qu'il suffit de réduire, sans avoir à scorifier beaucoup de parties terreuses. Car le procédé consiste en une simple réduction avec soudure ou agglutination des parties réduites, sans fusion du métal. On obtient ainsi à volonté, suivant qu'on dirige l'opération, du fer doux ou de l'acier. Cette méthode directe dispense de passer par l’in- termédiaire du fer de fonte, qui était inconnu aux anciens et qui constitue aujourd’hui la base de la production en grand du fer. En compagnie du fer parait en Europe, du moins dans le Nord, l’argent, tandis que l'or avait déjà fait son entrée pendant l’âge du bronze. C’est assez naturel, car l’or se trouve le plus souvent natif, tandis que l'argent se présente bien plus rarement à l’état métallique et doit ordinairemeut être extrait de minerais divers par des procédés métallurgiques plus ou moins compliqués, témoin celui de la coupel- lation du plomb-d’œuvre. Avec le fer paraissent aussi pour la première fois en Europe le verre, puis la monnaie, ce puissant levier du commerce, et enfin l’alphabet, vraie monnaie de l’esprit, amenant une augmentation immense de la cireulation et de l’activité de la pensée ? et suffisant à lui seul pour caractériser une nouvelle et grande ère de développe- ment. Aussi voyons-nous dès lors poindre les origines de l’histoire et des sciences, en particulier de l'astronomie. Les beaux-arts présentent également en Europe avec l’introduc- tion du fer un élément nouveau d’une grande importance et signa- lant un progrès frappant. Dès l’âge de la pierre et surtout pendant l’âge du bronze le sentiment du beau se manifeste dans les ornements divers, prodigués à la poterie et aux objets én métal. Ces ornements consistent en chevrons, en points, en cercles, en lignes brisées ou 1 Jahrbuch der k. k. geologischen Reichsanstalt. Wien. 1850. Cahier Il. p. 199. La Haute-Carniole et la Carinthie faisaient partie de la Norique, pro- vince romaine célèbre pour son fer. ? « La circulation des idées est pour la pensée ce que la circulation des es- pèces est pour le commerce, une véritable source des richesses.»— L'homme du Midi et l’homme du Nord, par C.-V. de Bonstetten, Genève. 1826, p.175, CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. 9271 contournées en spirale et en S. Ce sont des figures et des combinai- Fig. 1. (1/4) Fig. 2. (4) Fig.3. (1) sons de formes géométriques, d’un goùt pur et d’une beauté réelle dans son genre, quoiqu'il manque toute représentation d'objet vi- vant, soit plante, soit animal. Ce n’est qu'avec l'introduction du fer, que l’art, prenant un essor bien autrement grand, s’est élevé à la re- présentation de la plante, de l’animal et de l'homme. Aussi ne con- naît-on point d'idoles de l’âge du bronze ni de l’âge de la pierre en Europe. Il est à présumer, que le culte du feu, du soleil et de la lune a rêgné dans la haute antiquité, du moins pendant l’âge du bronze, peut-être aussi dès l’âge de la pierre. Les pages qu'on vient de lire constituent une esquisse, sans doute bien grossière et bien incomplète, du développement dela civilisation. Il en résulte cependant d’une manière éclatante le fait d’un progrès lent, mais constant et immense, quand on songe au point de départ. La cons- titution physique de l’homme en a tout naturellement subi l'influence. Les détails exposés dans le corps du mémoire, auquel les présentes Considérations générales servent d'introduction, établissent, que la race humaine à constamment gagné en vigueur et en force, depuis la plus haute antiquité". Même les races domestiques, le chien d’abord, puis le cheval, le bœuf, le mouton ont participé à ce développement phy- sique. Enfin iln’y à pas jusqu'à la terre végétale, qui ne se soit gra duellement bonifiée dès l’âge de la pierre, du moins en Danemark. Mais c’est surtout dans le monde moral etintellectuel, que le per- fectionnement à été et est encore le plus frappant. Quel progrès mer- veilleux, par exemple, dans la liberté des opinions au profit de la science! [Il y a peu de temps, que le savant risquait d’être brülé comme sorcier ou persécuté comme hérétique ; aujourd’hui il peut tranquillement venir exposer le fruit de ses veilles, sans avoir à craindre l’animadversion de qui que ce soit. Et cependant il y a encore des personnes qui nient le progrès et ne voient partout que décadence; témoin ce pessimiste, du reste fort brave homme, qui s’écriait: « Voyez comme l’homme est dégénéré, il ne ressemble plus même au singe ! » ! Ce résultat s'accorde parfaitement avec les données de la statistique. Voir: Quételet. Sur l'homme et le développement de ses facultés. Paris 1838. II. p. 271. Cet ouvrage de premier ordre touche de tout près à l’archéologie. 279 KJOEKKENMOEDDING. [L. KIOEKKENMOEDDING. Aperçu général. Sur certains points du littoral danois il se trouve des amas, parfois énormes, de coquillages marins, qu'on avait d’a- bord pris pour des dépôts naturels, indiquant un ancien niveau de la mer plus élevé qu'aujourd'hui, ou, pour parler plus correctement, un niveau des terres fermes inférieur à leur niveau actuel. Mais dans les dépôts côtiers naturels on observe un assemblage d'individus de tout âge, jeunes et vieux, appartenant aux nombreu- ses espèces, qui représentent la faune mollusque littorale, tandis qu'ici les jeunes manquent et que l’on n'y voit figurer que des in- dividus adultes d’un très petit nombre d'espèces, lesquelles n’ont pas même toutes le même habitat, comme lhuitre et la littorine, et ne sauraient par conséquent se rencontrer réunies naturellement. L'arrangement des matériaux n'était point non plus conforme à ce que l’on observe dans les dépôts naturels, où il y a toujours plus ou moins de stratification et de triage d’après le volume et le poids. En examinant de plus près ces amas de coquillages , on ne tarda pas à y découvrir des ossements concassés d'animaux sauvages di- vers, entre autres d'espèces maintenant éteintes , puis des éclats de silex (pierre à feu, quartz) avec de grossiers instruments de la même matière, de la poterie très grossière, des charbons et des cendres. En même temps les fouilles les plus vastes et les recherches les plus minutieuses constatèrent dans ces amas l'absence complète de tout métal, soit fer, soit même bronze, ainsi que de toute espèce animale domestique, excepté le chien. On se trouvait donc, à ne pas s’y méprendre, en présence des débris de repas, gisant pêle-mêle avec les rebuts de l’industrie primitive d'un peuple, qui avait fré- quenté les bords de la mer dans la plus haute antiquité, vivant de pêche et de chasse. Ces débris et rebuts, accumulés sur place ‘ pendant une longue série de siècles, ont été appelés par les Danois Kjoekkenmoedding, de Kpoekken cuisine et Moedding * rebuts, dé- bris, ordure. Les Kjoekkenmoedding * présentent un intérêt particulier, parce que leur nature même exclut la présence de tout objet de date pos- térieure. À moins que le terrain n’ait été remué depuis, ce qu'il est toujours facile de reconnaitre et ce qui, sur beaucoup de points, 1 Les coquillages marins fournissent énormément de rebuts, pour la rai- son toute simple, que l’animal est petit et son enveloppe solide, grande. 2 Ce terme se retrouve en Angleterre dans le Yorkshire sous la forme de Midding et exactement avec le même sens. 3 Le pluriel danois fait Kjoekkenmoeddinger, en français l’on pourrait écrire Kjoekkenmoeddings. Dans le cours du présent mémoire les termes étrangers seront conservés invariables, sans changement de terminaison au pluriel. DR CL KJOEKKENMUEDDING. 273 maintenant très à l'écart des habitations, n’a jamais eu lieu, on est sûr, que tout ce que l'on tire de ces dépôts appartient bien réelle- ment à la haute antiquité et n°y a pas été introduit plus tard. Les Kjoekkenmoedding sont done de véritables musées zoologiques de la population animale, de la faune , que l'homme a trouvée en arri- vant dans le pays et ils forment ainsi un anneau reliant le passé géo- logique de notre globe avec le présent historique. Voilà pourquoi les savants danois se sont mis, depuis une dizaine d'années (1847), à étudier les dépôts-en question avec un esprit d'investigation, qui leur fait le plus grand honneur et qui n’a pas manqué de conduire à des résultats d’un singulier intérêt. Et cependant le sujet en lui-même pourrait paraître quelque peu vulgaire à ceux, qui ne songent pas, que tout dans ce monde est susceptible d'être fertilisé par le vrai génie. Afin que la question püt être saisie sous toutes ses faces, elle fut attaquée par les forces réunies d’une association bien heureusement composée de M. Forehhammer, le père de la géologie du Danemark, de M. Worsaae, une des plus grandes célébrités archéologiques du Nord, et de M. Steenstrup, zoologue et botaniste, bien connu de tous ceux qui s intéressent à la grande et curieuse question de la généra- tion alternante et à celle non moins importante de la formation des marais tourbeux. Ces Messieurs , tous trois professeurs à l'université de Copenha- gue, ont publié sur leurs recherches six rapports annuels (1850- 1856) adressés à l’Académie des sciences de Copenhague et signés collectivement par tous les trois. Ils ont aussi peu à peu réuni une collection, qui compte entre autres une dixaine de mille échantillons d'ossements, dont chacun porte l'indication de sa provenance, et dont chacun a été soigneusement déterminé. Enfin, avec un choix de ces matériaux ils ont monté au musée des antiquités du Nord, création admirable de M. Thomsen, une représentation des Kjoekken- moedding, imposante par sa grandeur et par l'esprit de son arran- gement. Entrons maintenant dans les détails de leurs recherches. Distribution géographique. Les Xjoekkenmoedding ont été observés dans le Seeland, surtout le long de l’Isefjord, dans les iles de Fyen, de Moen et de Samsoe, puis en Jutland, le long du Liimfjord, du Mariagerfjord, du Randersfjord, du Kolindsund et du Horsensfjord. Les régions plus méridionales du Danemark n’ont pas encore été ex- plorées. . On ne trouve guère les Kjoekkenmoedding que le long des fjords et des bras de mer, là où l’action des vagues est peu puissante. Le long du littoral de la mer ouverte, là où les vagues rongent et em- piètent peu à peu sur le rivage, l’on n’en trouve point. Or, comme ils doivent nécessairement avoir existé là aussi, on peut en conclure, que dans ces parages il doit y avoir eu en général envahissement de la terre ferme par la mer. Cela ne saurait surprendre, car le Dane- mark étant composé en bonne partie de terrains fort meubles et peu 9274 KJOEKKENMOEDDING. élevés au-dessus du niveau de la mer, l’action de la vague ronge et entame facilement les côtes. Ordinairement les Kjoekkenmoedding sont situés immédiatement au bord de l’eau. Sur certains points cependant on les rencontre à une distance du rivage actuel allant jusqu’à deux milles géographi- ques , mais dans ces cas-là on peut prouver, que la terre ferme a gagné sur la mer, soit par des ensablements et des attérissements, soit par l'empiétement de la tourbe. Les coquillages n’ont jamais été transportés dans l’intérieur du pays, à distance du rivage ancien. Quant à la hauteur, à laquelle sont situés les Kjoekkenmoedding, il est à remarquer, que sur les côtes si basses du Danemark ils se trouvent pourtant hors de portée de l’action des vagues par les gros temps, soit à une dixaine de pieds au moins au-dessus du niveau actuel de la mer ‘. Lorsque les côtes sont plus élevées on trouve les Kjoekkenmoedding aussi à une plus grande hauteur. Il est évident, que des dépôts correspondants aux Kjoekkenmoed- ding du Danemark se trouveront dans un grand nombre de pays. Ainsi M. Bruzelius, conservateur du musée d’antiquités de Lund, vient de trouver quelque chose de semblable sur ies côtes de la Suëde, près de Kullaberg en Scanie. M. Forel de Morges a découvert au bord de la mer, près de Men- tone (golfe de Gênes) des grottes avec des dépôts renfermant beau- coup de coquillages d'espèces comestibles, des ossements concassés d'animaux, des charbons et des éclats de silex, façonnés précisé ment comme dans le Nord°. On a donc là des Kjoekkenmoedding de l’âge de la pierre, comme dans le Nord 5. Cette observation est d'autant plus intéressante, qu’on entend parfois refuser au Midi son âge de la pierre, parce que les classiques grecs et romains n’en par- lent pas. Comme si un enfant pouvait raconter ce qu'il aurait vu avant sa naissance! Enfin Lyell, Darwin et d’autres ontindiqué des dépôts de ce genre, dus aux pratiques de tribus sauvages sur les côtes de l'Amérique septentrionale, sur le littoral de la Terre-de-Feu et ailleurs *. Conformation. Les Kjoekkenmoedding présentent ordinairement une épaisseur de 3 à 5 pieds. Il est cependant des points, comme à 1 Un pied danois vaut 0,31376 mètre. 2 Les grottes et les cavernes ont été très ordinairement habitées dans la haute antiquité. Elles méritent donc une attention toute particulière de la part des archéologues. 3 M. Steenstrup, qui a examiné la collection déposée par M. Forel au musée de Turin, trouve cette correspondance complète, seulement il n’a pas pu remarquer de marques de couteaux sur les ossements, qui sont du reste fendus et ouverts pour entirer la moëlle, comme dans le Nord. 4 Lyell. À second visit to the U. States of N. America. London. 4850. I. 338. II. 1406, 135. Charles Darwin. Journal of researches. London. 1840. 298, KJOEKKENMOEDDING. 275 Meilgaard et à Kolindsund, où la puissance de la masse atteint jus- qu'à 10 pieds. Leur étendue varie, elle va jusqu'à plus d’un millier de pieds en longueur, sur une largeur irrégulière, n’excédant guères de 150 à 200 pieds. Dans le cas de ces grands dépôts on voit, que leur surface est ondulée, la masse s'étant accumulée davantage sur certains points que sur d’autres. Parfois, comme au moulin de Ha- velse, près de Fréderikssund , le dépôt entoure irrégulièrement un espace, qui est resté libre et où était évidemment située l'habitation des mangeurs de coquillages. Si ces habitations n’ont pas laissé de traces, il ne faut pas s’en étonner, car ce devaient être de bien pau- vres huttes, L'intérieur des dépôts en question ne présente aucune trace de stratification. On remarque seulement sur certains points la prédo- minance de certaines espèces de coquilles, indiquant des circons- tances particulières de saison et de pêche. On trouve ainsi des mil- liers de cœurs (cardium) entassés sur la même place, à l'exclusion de toute autre espèce. Ce qui a étéditse rapporte au type normal des Kjoekkenmoedding, lorsque les matériaux ont été accumulés sur les lieux d'habitation même. À part ces points, il s'en trouve d’autres, situés sur le rivage et dans le domaine de l’action des vagues, où les matériaux ordi- naires des Kjoekkenmoedding sont mêlés avec du sable et du gra- vier et où toute la masse est plus ou moins nettement stratiliée, comme l’on en voit un exemple classique à Bilidt, près de Fréde- rikssund. Il est évident, que sur ces points les anciens cuisaient leurs repas sur la plage même, en quittant leurs embarcations. Les débris divers qu'ils laissaient étaient ensuite remaniés par la pro- chaine grosse mer, qui en roulait les matériaux et les faisait entrer dans la composition des dépôts côtiers. On voit alors comment les foyers, composés d’un pavé de cailloux gros comme le poing, ont résisté à l’action de la vague et sont restés en place, tandis que les matériaux plus menus ont été roulés avec le sable et le gravier. Une circonstance très singulière, c’est que les Kjoekkenmoedding, formés en dehors de l'atteinte des vagues, présentent quelquefois à leur surface un dépôt peu épais de matériaux roulés et stratifiés. Mais cela ne s'observe que jusqu'à une hauteur extrême de 14 à 18 pieds au-dessus du niveau actuel de la mer et uniquement sur le revers du terrain tourné du côté de la mer. A Oesterild, dans le Jütland septentrional, ce recouvrement stratifié atteint une épaisseur d'un pied et contient des cailloux, allant jusqu'à la grosseur d’un œuf d'oie. Au-dessus de cette couche stratifiée on ne trouve plus rien, elle n’est jamais recouverte par de nouvelles aceumulations de coquillages. fl paraît donc, que l’âge des Kjoekkenmoedding a été clos par quelque catastrophe, qui a violemment agité les eaux de la mer, laquelle a fait alors irruption jusqu’à une hauteur peu considé- rable au-delà de son domaine habituel. Il se pourrait, que cet événement eût eu lieu à une époque quel- conque postérieure à la fin de l'âge des Kjoekkenmoedding. Cepen- 276 KJOEKKENMOEDDING. dant M. Steenstrup est disposé à le considérer comme marquant le terme même de cet âge. Flore des Kjoekkenmoedding. Le règne végetal n’y a laissé que peu de débris déterminables. On y trouve des charbons et des cen- dres en abondance. On a recueilli des charbons , afin de déterminer les essences auxquelles ils appartiennent, mais cette étude n’est pas encore achevée. Il est à remarquer, qu'on n’a trouvé dans les Kjoekkenmoedding ni blé carbonisé, ni trace de céréale quelconque. On observe quelquefois, moins dans la masse même des K)oekken- moedding, que sur le terrain tout auprès, des dépôts parfois assez considérables d’une matière charbonneuse et pulvérulente, résultant évidemment de la carbonisation de substances végétales, qui n'étaient cependant pas du bois et qui paraissent avoir été lessivées. L’ana- lyse chimique y fit reconnaitre une forte proportion de manganèse, qui, d’après les recherches de M. Forchhammer, se trouve égale- ment en assez grande quantité dans les cendres de l'alque marine (zostera marina, L.) Or il n'y a guère que deux siècles, que l’algue marine servait encore à l'extraction du sel. On ramassait ce végétal en tas, auxquels on mettait le feu, puis on arrosait ce qui restait avec de l’eau de mer et il se produisait à la surface des efflorescen- ces salines qu'on recueillait. Le produit était un sel assez bon et dont on devait être avide, quand on n’en avait pas d'autre. Il parait done, que la population primitive du Danemark pratiquait la fabri- cation du sel par l’incinération de l’algue marine. Faune des Kjoekkenmoedding. Les quatre espèces de coquillages, qui composent en majeure parte les dépôts en question, sont : l'huître (Ostræa edulis, L.) le cœur (Cardium edule, L.) le moule (Mytilus edulis, L.) la littorine (Littorina littorea, L.) Ces quatre espèces, indiquées ici dans l'ordre de leur fréquence, sont toutes représentées par des individus généralement grands et d’un développement vigoureux. Or l'huitre, qui est l'espèce la plus abondante dans les Kjoekkenmoedding et qui les compose souvent presqu’en entier, a maintenant disparu de tous les parages situés plus intérieurement que le Kattégat, et plus au midi que le littoral septentrional du Seeland. Dans le Kattégat lui-même on rencontre par ei par là des huitres vivantes isolées. Mais il n’y à qu'un seul point, savoir entre l'ile de Laesoe et la pointe septentrionale du Jüt- land, où un bane d’huitres soit régulièrement exploité. C’est de là que la ville de Copenhague est actuellement en partie approvision- née. Au commencement du siècle on péchait encore quelques hui- tres à l'entrée de l'Isefjord, maintenant on ne les connait plus sur ce point ‘, à plus forte raison n’en trouve-t-on pas dans l'intérieur 1 Il est bon cependant de signaler, que sur ce point ce fut un grand ac- croissement numérique de l'étoile de mer, asterias rubens, L., qui amena au commencement du siècle présent la destruction des dernières générations d'huitres. KIOEKKENMOEDDING. 277 du fjord même. Et pourtant dans l'antiquité les huitres y étaient abondantes et cela dans toute son étendue. La pêche peut bien avoir contribué à faire diminuer le nombre des huitres, mais elle n'aurait jamais pu les faire disparaitre entièrement. D'ailleurs, la présence dans l'Isefjord de bancs d’huitres mortes en place prouve bien, que ce n'est pas la pêche qui les a détruites. Leur disparition dans les localités en question doit donc être attribuée à une diminu- tion de la salure de l’eau, qui serait devenue un peu plus douce de- puis les temps antiques. Cette observation est confirmée par ce qui se remarque relative- ment aux cœurs et aux littorines. Ces deux espèces se trouvent or- dinairement encore vivantes dans le voisinage des Kjoekkenmoedding intérieurs au Kattégat; mais elles y sont aciuellement plus chétives, elles n'y acquièrent plus le développement vigoureux, qu'elles attei- gnaient dans l'antiquité sur ces mêmes points. Les quatre espèces de coquilles mentionnées sont toutes comesti- bles et servent encore actuellement à la nourriture de l'homme. Elles paraissent par exemple toutes les quatre sur le marché de Londres. L'huitre est cependant de beaucoup la meilleure, il n'y a guëres qu'elle qui soit admise à la table du riche. Aux quatre espèces indiquées viennent s’en ajouter quelques au- trés, qui n'apparaissent qu'exceptionnellement dans les Kjoekken- moedding, sans doute parce qu'elles constituent une nourriture bien inférieure et aussi parce qu'elles sont moins abondantes dans les eaux du Danemark. Ce sont les espèces : Buccinum reticulatum, L.". Buccinum undatum, L. Venus palustra, Mont. En fait de crustacés on ne trouve que peu de débris de crabes. Les restes de poissons, en revanche, sont nombreux. Le hareng (Clupea harengus, L.) est le plus fréquent, mais les es- pèces suivantes ne sont pas rares : le cabliau (Gadus callarias, L..). la limande (Pleuronectes limanda, L.). l'anguille (Murena anguila, L.). L'abondance des restes de ces poissons prouve, que la population primitive allait aussi pêcher en pleine mer. Et cependant les embar- cations ne pouvaient guères consister qu'en eanots, formés chacun d’un seul tronc d'arbre creusé à l’aide du feu. Du reste les coquilles, surtout les huitres, ne pouvaient s’obtenir que par la pêche au moyen d'embareations, car la mer ne les rejette pas vivantes sur la côte. Par rapport à l’anguille, il est assez intéressant de remarquer, que ses restes antiques sont surtout abondants dans les localités, que Lopese affectionne encore aujourd'hui, comme aux environs d’Aal- org. + 1 Buccinum = Nassa. 278 KJOEKKENMOEDDING. Parmi les oiseaux ce sont les espèces aquatiques et palustres, qui abondent. On trouve surtout-plusieurs espèces de canards et d'ores sauvages. La présence du cygne sauvage (Anas cygnus, L.) prouve, que les Xjoekkenmoedding étaient en voie de formation aussi en hiver, car ce n'est qu'en hiver qu'il parait en Danemark. A l'approche du printemps le cygne sauvage retourne dans les régions plus septen- trionales. C'est alors surtout, qu'il fait entendre son chant harmo- nieux, tenant du son des eloches lointaines et de la harpe éolienne, d’où, sans doute, le mythe de son chant de mort. Le cog de bruyère (Tetrao urogallus, L.) est représenté par de gros individus d'un développement vigoureux. On voit, que l'espèce prospérait dans ces contrées ; mais comme elle se nourrit principa- lement des bourgeons du pin, il s’en suit, qu'anciennement le litto- ral était garni de forêts de pins, tandis qu'à présent ces arbres ne eroissent plus naturellement en Danemark. Nous reviendrons plus tard sur cette circonstance, en traitant des marais tourbeux. Une espèce, qu'on fut très surpris de trouver dans les Xjoekken- moedding et qui fut fort difficile à identifier, parce que les musées n'en contenaient que des peaux empaillées sans squelettes, c’est le grand pingouin de Buffon (Alca impennis, L.). Cet oiseau, de la taille d’une oie, se trouvait dans l’incapacité absolue de voler, n'ayant que de tout petits ailerons ou bras dépourvus de pennes pro- pres au vol. [l n’habitait par conséquent que les petites iles sans car- nassiers terrestres. Au moyen-àge le grand pingouin se trouvait dans les îles des côtes de Terre-Neuve et du cap Cod, aux Etats- Unis, puis dans les iles des côtes méridionales de l'Islande, aux iles Feroe et à S. Kilda, à l’ouest des Hébrides. Dans d'anciennes rela- tions de voyages aux iles Feroe on lit, que les habitants de ces con- trées avaient l'habitude de vider un pingouin , d'introduire une méè- che dans la cavité de son estomac, d'y mettre le feu et de laisser brûler ce singulier appareil en guise de lampe, tellement l'oiseau était gras et huileux. Sur une petite ile des côtes de Terre-Neuve on brülait faute de combustible ces oiseaux comme des büches de bois et l’on faisait ainsi cuire un individu au moyen de son cama- rade. L'espèce était tellement abondante sur les iles des côtes de l'Amérique, que les navigateurs comptaient très souvent dessus, pour refaire leurs provisions épuisées par la longue traversée. On en rapportait souvent des chaloupes pleines à bord. Il est cependant aussi arrivé, que des équipages, ne rencontrant pas l'oiseau désiré, ont été jusqu’au cannibalisme. Eh bien! cette espèce, qui a été tel- lement nombreuse il y a peu de temps et dont on possède encore quelques exemplaires empaillés dans les musées, parait maintenant être entièrement détruite et éteinte, gràce à l'intervention multivore de l’homme. On soupconnait, qu’elle pourrait encore se trouver sur une petite ile au sud-ouést de l'Islande, car c'est un rocher presque inabordable, à cause des brisans. Mais une expédition qui vient d’être entreprise par M. Wolley, pour aller voir ce quien est, n'a KJOEKKENMOEDDING. 279 pu retrouver l'enfant perdu. Temminck dit bien dans son grand ouvrage sur les oiseaux, et on le répète souvent après lui, que le grand pingouin est commun au Groenland. Mais les Danois, qui sont assez bien renseignés sur leurs colonies dans ces parages, n'en sa- vent rien ‘. On n'a pas trouvé notre poule domestique (Gallus domesticus) dans les Kgoekkenmoedding. Quant à l'absence bien constatée des deux espèces d’hirondelles, habitant actuellement les constructions de l’homme en Danemark, l'hirondelle de cheminée (Hirundo rustica, L.) et l'hirondelle de fenêtre (Hirundo urbica, L.), puis celle du moineau (Fringilla domestica, L.) et de la cigogne (Giconia alba, Bel.), elle n'a rien de bien surprenant. Les quadrupèdes dont on retrouve le plus de restes sont : le cerf (Cervus elaphus, L.) le chevreuil (Gervus capreolus, L.) le sanglier (Sus scrofa, L.) Ces trois espèces ne manquent nulle part; elles constituaient évi- demment la nourriture principale de la population primitive en fait d'animaux terrestres. L'urus (Bos urus ou primigenius), le castor (Castor fiber, L.) et le phoque (Phoca gryppus, Fabr.) sont également des espèces fréquentes, qui ont constamment servi de nourriture à la population primitive. Or, le castor a entièrement disparu du Danemark , le phoque se voit encore dans le Kattégat, quoique bien rarement, et l'urus est une espèce éteinte. A propos de ce dernier, il ne sera pas inutile d'entrer dans quelques détails sur le genre bœuf, car on confond souvent les espèces. Bien des per- sonnes croient, par exemple, que le bœuf sauvage de la Lithuanie est l’urus, tandis que c’est le bison. On peut, en écartant les bœufs réellement fossiles, distinguer les espèces suivantes : 1° Bos prümigenius (Boj.) Bos urus (Nilsson). Bos primigenius (Owen). Thur, Ur et Urochs proprement dit des Allemands. Espèce actuellement éteinte, mais qui doit avoir existé en Suisse encore au X° siècle de notre ère, car elle figure au nombre des mets, qui pa- raissaient à cette époque sur la table des moines de St. Gall. Le ma- nuserit * mentionne l'Urus, le Wisent et un bœuf sauvage, qui 1 M. Steenstrup a publié tout un traité sur le grand pingouin dans les communications scientifiques des réunions d'histoire naturelle de Copen- hague. 1855. ? Benedictiones ad mensas Ekkehardi monachi Sangallensis. Mémoires de la société des antiquaires de Zurich, vol. III. Voici le passage en question : Signet uesontem benedictio cornipotentem Dextra dei ueri comes assit carnibus uri Sit bos siluanus sub trino nomine sanus. Sit feralis equi caro dulcis in hac cruce Christi. Cependant veson cornipotens et urus ne pourraient bien être ici que des synonimes de la même espèce, C’est du moins l'opinion de M. Steenstrup. 2 280 KJOEKKENMOEDDING. v arait n'avoir été qu'un rejeton du bœuf domestique retourné à l'état de liberté, et qu'on aurait encore chassé au XVI° siècle, d’a- près Tschudi *. 2° Bos bison (Auct.). Urus nostras (Boj.). Bison europæus (Leidy). Aurox proprement dit des Français. Le Wisent et Bison des Alle- mands et le Zubr des Polonais, Bonasus des anciens.Espèce ancien- nement répandue dans toute l'Europe; ne se trouvant actuellement plus que dans les forêts de Bialowice en Lithuanie, où ilen existe un troupeau de sept à huit cents têtes, qui doit sa conservation aux ukases des empereurs de Russie. Le squelette de l’urus est plus ramassé, plus trapu et beaucoup plus fort. Son atlas atteint la largeur énorme de 27 centimètres (mu- sée de Lund). Le bison est plus élancé, il est de plus muni d'une épaisse fourrure et d’une forte crinière, qui paraissent avoir manqué à l’urus, d’après ce qu’en disent les anciens. 3° Bos frontosus (Nilsson) ?. Ne parait avoir vécu en Dane- mark qu’à l’état domestique, pendant l’âge du bronze et pendant les premiers temps de l’âge du fer, jusqu'au commencement de l'ère chrétienne, environ. Il y en a des restes nombreux dans les marais tourbeux du Danemark. Cette espèce se distingue des autres par la manière dont les cornes sont implantées sur une proéminence laté- rale du crâne et par la gibbosité de son occiput. 4° Bos taurus (L.). Correspond peut-être au Bos longifrons d'O- wen. C'est l'espèce généralement répandue, eomme race domesti- que, au moyen-âge et aujourd'hui. Seulement elle atteint maintenant un développement plus vigoureux qu’anciennement. Le bœuf sau- vage du pare Hamilton en Ecosse, (white urus) est la même espèce, mais à l’état sauvage. Les quatre espèces mentionnées ne présentent pas seulement des différences de race, ce sont bien des espèces distinctes. Ce n’est que la première, l’Urus proprement dit, qu’on a trouvée dans les Kjoek- kenmoedding. La seconde, le Bison, manque, mais elle se rencontre, quoique très rarement, dans les dépôts tourbeux du Danemark. L'élan (Cervus alces, L.) et le renne (Cervus tarandus, L.) n'ont pas encore été observés dans les Kjoekkenmoedding. On les y ren- contrera sans doute, car on a recueilli de leurs ossements parmi les restes de l’âge de la pierre en Danemark. On trouve encore dans les Kjoekkenmoedding : le loup (Canis lupus, L.) le renard (Canis vulpes, L.) le Zynx (Felis lynx, L.) le chat sauvage (Felis catus, L.) la marte (Mustela martes, L.) et la loutre (Lutra vulgaris, Erxl.) Ces espèces se rencontrent plus rarement que les précédentes, elles ont cependant aussi servi à la nourriture de l’homme. 1 Tschudi. Les Alpes. Berne. 1859. ? Nüilsson. Scandinavisk fauna, Ile édit. Lund. 1847, p. 55b. (l KJOEKKENMOEDDING. 281 Le hérisson (Erinaceus europœus , L.) et le rat d'eau etre amphibius, L.) ont été trouvés accidentellement dans les Kjoekken- moedding, où lon rencontre aussi des ossements rongés par ces rats. Il ne s’est pas trouvé la moindre trace du lièvre (Lepus timidus) dans les Kjoekkenmoedding. Mais cela s'explique , quand on pense, que les Lapons et divers autres peuples éprouvent une sorte de ré- pugnance superstitieuse pour le lièvre et ne le mangeraiïent qu'à la dernière extrémité de la famine. Ainsi qu'il a déjà été dit, les Kjoekkenmoedding n'ont fourni au- eun animal domestique quelconque, excepté le chien. Encore ne pouvait-on savoir a priori, si les ossemenis de chien, qu'on trouvait, avaient appartenu à une race domestique ou à une race sauvage. Voici comment l'on a pu résoudre indirectement la question : Il était surprenant de ne trouver, en fait de dépouilles d'oiseaux, que la partie moyenne des os longs, dont les têtes avaient été enle- vées fort irrégulièrement. Tandis que, numériquement, les os longs forment à peu près le cinquième de la totalité des os de l'oiseau , ils sont dans les Xjoekkenmoedding de 20 à 25 fois plus nombreux que les autres. — D'où provenait cette singulière prépondérance des os longs ? — On pensa d'abord, que les anciens n'avaient consommé sur place que les membres des oiseaux, réservant les carcasses pour provision de bouche en mer. — C'était chercher un peu loin. — M. Steenstrup s’avisa d'enfermer des chiens, auxquels il donna pen- dant quelque temps des oiseaux à manger. Il se trouva alors, que tout ce que les chiens laissaient étaient les mêmes os longs, tels que les présentent les Kjoekkenmoedding. Tout le reste avait été croqué. Quelqu’autre carnassier, comme le loup ou le renard, pourrait, à la rigueur, en faire autant, quoique le loup, par exemple, entraine or- dinairement son butin et ne le dévore pas sur place. Mais comme ces nombreux débris d'oiseaux, ainsi rongés, se trouvent partout, dans tous les Kjoekkenmoedding qu'on a examinés et dans toutes les par- ties de chacun de ces dépôts ‘, il s’en suit, que l’homme était ac- compagné par un carnassier domestique , pour lequel il ne-.se pré- sente que le chien. Cette induction est confirmée par l'abondance des ossements rongés de quadrupèdes. Presque toutes les parties cartilagineuses et plus ou moins tendres des os ont été irrégulière- ment enlevées. Souvent la marque de la dent, qui a rongé l'os, est nettement accusée. On trouvera ainsi rarement une omoplate , qui n'ait pas été rongée, ou une côte, dont les extrémités soient entières. Les marques de couteaux qu'il a observées sur les ossements du chien, ont amené M. Steenstrup à conclure que la population primi- tive mangeait cet animal, comme cela se pratique encore sur plu- sieurs points du globe, en Amérique, en Océanie, en Afrique et, à ce qu'il parait, même en Europe. M. Forel de Morges a constaté, que dans la Riviera de Gênes on mange le chien, et que le rat y est considéré comme une friandise. | : 1 On en a examiné minutieusement une quarantaine. 282 KJOEKKENMOEDDING. On n’a point encore découvert dans les Kjoekkenmoedding de traces de ces jeunes oiseaux aquatiques. qu'on prend dans leurs nids et dont on fait actuellement une grande consommation, dans le Jüt- land par exemple. C'est un met recherché et abondant dans certains parages et il y a telles petites iles, du reste entièrement stériles, où le fermage de la récolte en œufs et en nichées d'oiseaux produit de fort jolies rentes. On aurait pu être tenté de conclure de cette ab- sence de débris de jeunes oiseaux, que la population primitive s'ab- sentait des localités à Kjoekkenmoedding depuis le mois de Mai jus- qu’en Août. Mais il est plus vraisemblable , que les chiens auront fait disparaître jusqu'à la dernière trace des jeunes oiseaux, puis- qu'ils ne laissaient des oiseaux adultes que la partie moyenne très dure des os longs, dont les esquilles risquaient de les étrangler. L'homme lui-même y était sans doute aussi pour sa part, car l'on voit encore aujourd’hui des personnes manger des cailles entières, sans se donner la peine d’en séparer les os. Le séjour de l’homme sur les emplacements à Kjoekkenmoedding pendant l’automne, l'hiver et le printemps est aussi indiqué par le degré de développement des bois de cerf et de chevreuil ainsi que par celui des embryons et des jeunes individus de ces espèces et du sanglier, qui ont été mangés et dont on retrouve les débris. Ici aussi la saison de l’été n’est pas encore nettement constatée, mais puisque la population primitive habitait les bords de la mer en hiver, ainsi que nous l'avons vu, en parlant du cygne sauvage, il est très vrai- semblable, qu’elle y passait aussi la bonne saison, pendant laquelle elle devait s’y trouver bien mieux sous tous les rapports. L'homme et les produits de son industrie. Les Kyoekkenmoedding n’ont jamais présenté d'ossements humains. On peut bien y rencon- trer des squelettes, mais alors ce sont de ces sépultures, souvent très modernes, que l'habitant des côtes accorde au corps de quel- que pauvre naufragé, rejeté par la mer. Jamais sépulture antique dé l’age de la pierre n’y a été observée, et l'on comprend en effet, que la population primitive n’ensevelissait pas ses morts dans de pa- reils emplacements. D'ailleurs les nombreux tombeaux le l'âge de la pierre en Danemark témoignent assez, par leurs proportions sou- vent gigantesques, ainsi que par leur contenu, du respect qu'on avait pour les morts. Il importe de remarquer ici, qu'on n'a jamais observé en Dane- mark, ni dans les Kjockkenmoedding, ni ailleurs , de trace de canni- balisme, car un antiquaire a cru en voir dans une caverne de la Belgique'. S'il avait bien vu, on pourrait s'attendre à observer le même fait ailleurs en Europe. On trouve quelquefois dans la masse intérieure des Kjoekkenmoed- ding non stratifiés, comme dans les dépôts stratifiés du rivage, des foyers formés tout simplement d’un pavé de cailloux de la grosseur du poing environ. Quand on a une coupe bien fraiche et nette d'un ! Académie royale de Belgique. T. XX. Nos 14, 12. KJOEKKENMOEDDING. 283 dépôt non-stratifié on voit parfois des deux côtés du foyer une petite bande noire, allant en se perdant. C’est le charbon, qui avait été balayé, quand on avait voulu allumer un nouveau feu. Ces foyers ne sont pas grands , ils sont plus ou moins ronds et leur diamètre est ordinairement de deux pieds environ. Des fragments d’une poterie très grossière ne sont pas rares. Les vases ont été façonnés à la main et non au tour et l’argile a toujours été pétrie avec du sable , évidemment pour que les vases n’éclatent pas aussi facilement au feu. Cet artifice est encore pratiqué par cer- taines tribus sauvages en Amérique; on les voit même, quand le sable leur fait défaut, le remplacer pour cet usage par des tests de coquillages pilés. Une circonstance avait frappé les archéologues danois, c’est que les grains de sable, empâtés dans cette poterie, sont anguleux , tandis qu'on ne trouve dans le pays que du sable bien arrondi par l'action des vagues. On remarqua alors, que les pierres granitiques des foyers, lorsqu'elles avaient subi l’action du feu , se réduisaient facilement en grossier sable anguleux, corres- pondant tout-à-fait à celui de la poterie. M. Emilien Dumas de Sommières (département du Gard), géo- logue très estimé et grand connaisseur en poterie , a observé les matériaux les plus divers, mélangés à la pâte de la poterie antique. Ces substances semblent varier suivant la nature minéralogique de la contrée. C’est ainsi, que dans les départements du Gard, de Vau- cluse et des Bouches-du-Rhône, les poteries antiques contiennent vénéralement de petits fragments rhomboïdaux de chaux carbonatée blanche spathique. En Auvergne , en Vivarais et même à Agde près Montpellier , où il existe aussi des traces d’anciennes éruptions vol- caniques , le spath calcaire est remplacé dans les poteries antiques par de petits fragments de scorie volcanique (peperino). Enfin, en Corse, on faisait entrer , il y a encore quelques années, l'amiante dans la fabrication des poteries communes , ce qui leur donnait beau- coup de liant et de tenacité et leur permettait de résister d’une ma- nière très efficace aux effets du choc ou d’une dilatation irrégulière. L’amiante se trouve égalen.ent répandue dans la pâte de quelques vases chinois de fabrique commune. On sait aussi, que les murs de Babylone et certaines constructions de l’ancienne Egypte sont éta- blies avec des briques cuites au soleil. En les fabriquant on avait ajouté à l'argile sableuse , qui les compose, de la paille hâchée , et même des fragments de jones ou d’autres plantes de marais, afin de donner plus de solidité à la masse. Du reste cette nécessité de l'ad- dition de la paille, pour lier l’argile trop maigre , est bien établie par le chapitre V de l'Exode, où il est question du refus, que le roi d'Egypte fit aux Israélites, de leur fournir la paille nécessaire à cette fabrication. 3 L'âge de la pierre est, comme on le sait, caractérisé surtout par la présence d'armes et d'instruments en silex, ou en quelqu'autre pierre, et qui sont souvent d’un très beau travail, surtout dans les iles du Danemark. Or, dans les Kjoekkenmoedding on trouve bien 284 KJOEKKENMOEDDING. une assez grande abondance d'instruments en silex, mais ils sont tellement grosssiers et informes, qu'on les prendrait facilement à première vue pour des cailloux quelconques. Cependant avec un peu d'attention et de comparaison il est aisé d'y reconnaitre des coins ou haches , des ciseaux et surtout de ces éclats longs et étroits, appelés couteaux. Tous ces objets sont simplement taillés au choc, Fig. 4. Fig. 5. Fig. 6. Coins très grossiers. Eclat. en frappant avec une pierre sur celle qu’on voulait façonner; ils sont beaucoup plus grossièrement travaillés que nombre d'objets en silex trouvés ailleurs , surtout dans les tombeaux. Cela a fait penser , que les Kjoekkenmoedding pourraient bien se rapporter à un premier âge de la pierre, qu'on distinguerait d’un second, auquel appartiendraient les belles pièces, si fréquentes dans le Nord, pièces qui témoigne- raient d'un progrès général de la civilisation. Il est possible, qu'il en soit effectivement ainsi, mais il n’y a pas encore de raison déci- sive en faveur de cette opinion. Si l’on ne trouve que des objets très grossiers dans les Xjoekkenmoedding , ce n’est que tout naturel , an- ciennement, pas plus qu'aujourd'hui, l’on ne semait les objets de valeur parmi les balayures , où l’on ne trouvera donc que les rebuts de l’industrie. D’autré part on a effectivement trouvé dans les Kjoekkenmoedding quelques rares pièces d’un beau travail. Ce sont une pointe de lance en silex, une pointe de trait en silex et une petite hache en trapp (espèce de roche plutonique) régulièrement faconnée et très proprement percée, ce qui n'indiquerait certes pas une indus- trie à son premier début. Enfin les ossements des animaux, qui ont servi de nourriture à la population primitive , témoignent d’une ma- nière positive de l'emploi d'instruments bien travaillés. Ils ont été taillés et coupés de diverses manières, soit quand on dépéçait l’ani- mal, soit quand on en mangeait les parties et qu’on enlevait la viande, en s’aidant de couteaux. Or, en examinant ces marques avec atten- tion , l’on reconnait, que la population primitive s’est servie d'ins- truments bien aiguisés et effilés, qui ont entamé l’os aussi nettement, que le ferait un bon couteau d'acier. Un simple éclat de silex, quel- que tranchant qu'il soit, pourvu qu’on ne l’aiguise pas, laissera une Set) 1 antenne cr dé KJIOEKKENMOEDDING. 285 marque, portant le caractère de la scie, c'est-à-dire, qu’on y dis- tinguera facilement à la loupe une quantité de stries parallèles. Donc à l'époque des Kjwekkenmoedding on avait déjà des instruments en silex bien travaillés, seulement on ne les jetait pas au rebut, mais on les soignait d'autant plus, qu'ils devaient coûter bien plus de travail que nos imstruments en acier. Outre les grossiers instruments en silex déjà mentionnés, on trouve dans les Kjoekkenmoedding une assez grande quantité de cailloux tail- lés, mais de manière tellement informe , que l’on ne pouvait évi- demment avoir eu d'autre intention, en les préparant ainsi, que de leur donner des arêtes vives et des angles. Or, si l’on songe, qu’un caillou anguleux blesse bien autrement qu’une pierre arrondie, il de- vient très vraisemblable, que l’on se trouve ici en présence des projectiles de la population primitive. On trouve souvent des cailloux ainsi façonnés dans les tourbières du Danemark. Ils ont probable- ment été lancés dans l’antiquité, soit à la main, soit à la fronde, con- tre des oiseaux aquatiques et ont depuis été englobés par la tourbe en voie de formation sur ces points. Notons enfin , que dans les sa- lines de Hallein , en Autriche , on a trouvé avec une hache en bronze une petite besace en peau contenant deux projectiles comme ceux dont il est question". Les Kjoekkenmoedding fournissent passablement de bouts de bois de cerf, qui ont été coupés , taillés et cassés. Ce n’était naturellement que le rebut, qu'on jetait, aussi les pièces fabriquées et finies man- quent-elles. Cependant ces rebuts témoignent assez positivement de l'usage de ciseaux en silex bien aiguisés et de l'habileté avec laquelle ils ont été maniés. On à aussi rencontré dans les Kjoekkenmoedding de l'os travaillé. On en avait fabriqué des alènes , des ciseaux et même une espèce de peigne très proprement façonné, qui parait avoir servi à la confec- tion de cordelettes en tendons. Une circonstance à signaler, c’est que tous les os pleins, non creux, de quadrupèdes sont entiers, tandis que ceux, qui sont creux, se présentent presque sans exception cassés, montrant souvent la marque du coup qui les a ouverts. La population primitive était évidemment avide de la moëlle, qu'elle prenait partout où elle se trouvait, soit pour la manger, soit pour l'employer avec la cer- velle dans la préparation des peaux, comme le font les sauvages de l'Amérique septentrionale*. Les canons (os metacarpi et meta- tarsi) de ruminants , tels que le cerf et le chevreuil, présentant une cloison longitudinale, qui sépare plus ou moins la moëlle en deux parties , ont toujours été pourfendus transversalement à cette cloison, dans le sens de leur longueur. Cela mettait à découvert d’un seul coup les deux compartiments à moëlle, dont l'extraction immédiate 1 Ces objets sont conservés au musée de Salzburg. ? Hearne. Voyage du Fort du Prince de Galles à l'Océan Nord en 1769- 1772. Paris. an VII, p. 243. « Les Indiens préparent les peaux avec une les- sive de cervelle et de moëlle.» 286 MARAIS TOURBEUX. se trouvait ainsi facilitée. Le même procédé est actuellement encore en usage chez les Lapons et chez les Groenlandais , pour lesquels la moëlle, encore chaude de la chaleur naturelle de d'animal, est une des plus grandes friandises et un morceau d'honneur, qu'ils présen- tent à l'étranger et aux employés du gouvernement. La dextérité avec laquelle ces peuples ouvrent ainsi les os de renne, est, dit-on, surprenante. [l est cependant à remarquer, qu'ils fendent bien les canons de renne longitudinalement, mais parallèlement à la cloison médiane, qui est très peu développée chez cette espèce. Une autre circonstance vient encore témoigner du sens pratique de la population primitive en Danemark. C’est que, pour la fabri- cation des instruments et objets en os elle a habilement su choisir et profiter de la partie du squelette animal, dont la matière osseuse présente le plus d'épaisseur et de force, savoir du côté intérieur du radius. IT. MARAIS TOURBEUX. Les Kjoekkenmoedding ont fourni de riches données pour l'étude de la faune antique du Danemark, mais on a vu, qu’ils offrent bien peu de ressources pour l'étude de la flore ancienne du pays. Ce qu'ils sont pour le règne animal les marais tourbeux le sont pour le règne végétal. M. Steenstrup a fait de ceux-ci l'objet d’une étude toute spé- ciale et cela depuis une vingtaine d’années'. En voici les résultats principaux : Le Danemark est très riche en tourbe et l’on y distingue plusieurs espèces de marais tourbeux, suivant les circonstances d’emplace- ment, détendue et de composition intérieure. Ge sont: 1° Les Kjaermose ou Engmose des Danois, Wiesenmoor des Alle- mands, 6e qu'on peuttraduire par marais-prairies. Ce genre de ma- rais oceupe surtout les bas-fonds des larges vallées, Le long des cours d’eau et les régions basses, bordant souvent les lacs. Ils envahissent aussi volontiers le fond des anses et des fjords peu profonds, d’où la mer se retire alors peu à peu. Les Kjaermose sont formés principa- lement des restes de roseaux et de plantes herbacées avec peu de mousses. Îls présentent des parties de formation infra-aquatique ou submergée et des parties supra-aquatiques où émergées. Les pre- mières doivent leur origine aux plantes croissant au fond de l’eau. Les Kjaermose sont en général de moindre épaisseur que les autres marais tourbeux ; ils n’ont ordinairement que de 5 à 12 pieds de pro- fondeur. 1 Le principal travail de M. Séeenstrup sur ce sujet se trouve dans les mé- moires de l’académie des sciences de Copenhague, Vol. IX. 1842. Un excel- lent ouvrage en français sur la même matière est : Quelques recherches sur les marais tourbeux, par L. Lesquereux. Neuchâtel 1844, MARAIS TOURBEUX. 287 2° Les Lyngmose, Svampmose ou Hoeimose des Danois, Heidemoor ou Hochmoor des Allemands, ce qu'on peut traduire par marais à bruyéres où hauts-marais. Ils occupent souvent de vastes étendues en plaine. Ils sont de formation supra-aquatique , sont composés de mousses (sphagnum et hypnum) et finissent régulièrement par être envahis par les bruyères. [ls ont ordinairement de 8 à 10 et jusqu'à 1% pieds de profondeur. 3° Les Skovmose des Danois, ce qu'on peut rendre par Waldmoor en allemand et par marais à forêts en français ‘. Ce sont les plus in- téressants et ils méritent d'être traités en détail. Les Skowmose occupent dans les terrains quartaires (quater- paires) du Danemark de singuliers enfoncements arrondis et de peu d’étendue, quand il n’y en a pas plusieurs de rèunis, mais d’une pro- fondeur, qui atteint jusqu’à 30 pieds et plus. Ces terrains quartaires sont en bonne partie des dépôts d’origine erratique, formés de boue glaciaire compacte, empâtant des cailloux et blocs d’origine suédoise. Ceux-ci sont fréquemment polis et nettement striés, comme cela se remarque souvent sur la surface des gros blocs, formant les salles sépulerales, dans l'intérieur des tumuli de l’âge de la pierre. Ces dé- pressions subites du sol dans un pareil terrain sont assez surpre- nantes et difficiles à expliquer. Il y en a, qui doivent peut-être leur origine à des effondrements, qui auraient eu lieu dans les roches cal- caires sousjacentes. Dans ses voyages en Islande M. Steenstrup a remarqué, que des blocs de glace détachés. des grands glaciers se mêlaient quelquefois avec les matériaux de la moraine et produisaient alors, par leur fonte, des dépressions de la surface, fort analogues à celles dont il est question en Danemark. Les Skovmose présentent la composition intérieure suivante. Com- me leurs bords étaient plus ou moins escarpés, les arbres qui y erois- saient, finissaient, quand ils devenaient bien grands, par perdre leur équilibre et par s’abattre dans le marécage, où ils se conservaient et s’accumulaient ainsi. On n'avait d’abord eru y voir que l’action d'un coup de vent, mais un relevé soigneux d'une tourbière fit recon- naître, que sur tout le pourtour du marais les troncs étaient couchés plus ou moins régulièrement vers son centre. Quelquefois le Skov- mose est si petit, que les arbres le traversent d’un côté à l’autre. Sou- vent les troncs sont aceumulés en si grande quantité, qu'on les croi- rait artificiellement et habilement entassés et enchevètrés, de façon à en introduire le plus grand nombre possible dans le moins d'espace possible. Quand le marais n’est pas assez petit pour être ainsi encom- bré de part en part, sa région centrale est occupée par la formation tourbeuse proprement dite. Il faut ainsi distinguer dans les Skoumose une zône extérieure forestière et une région intérieure où centrale, tourbeuse. Cette dernière est de formation identique à celle des Lyng- mose, car ceux-ci se distinguent des Skovmose seulement par l'ab- sence de la région extérieure forestière, qui ne pouvait se former ! Skov signifie forêt et mose marais, 288 MARAIS TOURBEUX. à cause des bords généralement trop plats, trop peu inclinés, des Lyngmose. Aussi y a-t-il passage graduel des Lyngmose au Skov- mose, ces derniers pouvant être considérés comme des Lyngmose très rétrécis, mais profonds. Région centrale des Skovmose. Sa composition est fort régulière. Le fond du bassin, occupé par le marécage, est formé par une cou- che argileuse, produite par le lavage des parois de la dépression. Vient par dessus une couche horizontale de 1 /, à 2 pieds, dans les cas extrêmes de 3 à 4 pieds d'épaisseur, de tourbe amorphe, formant bouillie avec l’eau et dans laquelle on peut bien reconnaitre à la loupe la présence de parties végétales, mais sans en distinguer les espèces. Dans les tourbières normales la tourbe amorphe est très pure et sans mélange de substances étrangères. Mais, suivant que les eaux étaient chargées de matières minérales, il s’est souvent formé dans cet étage inférieur des dépôts siliceux, composés de carapaces d’infusoires, ou bien des dépôts de tuf calcaire, ou bien aussi des couches d’un mélange des deux matières. Ces dépôts représentent des précipités, par lesquels l’eau s’épurait. Pendant qu'ils se fai- saient, la formation de la matière tourbeuse devait se trouver plus ou moins ralentie et arrêtée, pour reprendre avec vigueur plus tard, lorsque les eaux étaient devenues plus pures. A la tourbe amorphe succède une couche, ordinairement de 3 à 4 pieds d'épaisseur, d’une tourbe, qu'il est facile de reconnaitre comme étant composée de mousses (hypnum). Alors paraissent parfois des troncs de pin (pinus silvestris), qui ont cru en place et qui ont quel- quefois formé forêt sur le marécage. Mais ce sont des pins rabougris, tortueux et à anneaux d’accroissement tellement resserrés, qu'on en compte jusqu’à 70 sur un pouce d'épaisseur. On voit, que la sta- tion ne leur était pas propice, ce qui ne les a pas empêché de vivre jusqu’à 3 et même # siècles. Dans les grands marais on trouve jus- qu’à 2 et 3 couches superposées de ces troncs de pins en place, avec leur base et leurs racines bien conservées. Amesure que le terrain allait en s’élevant et en se desséchant par l’accroissement de la tourbe, les espèces de mousses qui avaient d’a- bord paru se remplaçaient par d’autres, les sphaïgnes (sphagnum), et enfin les bruyéres prenaient pied. C’étaient en premier lieu la canneberge (vaccinium oæycoccos, L.), le vaccinium uliginosum (L.) et l’erica tetralix (L.), en dernier lieu l'erica vulgaris (L.). La vé- gétation arborescente des pins était alors remplacée par des bouleaux blancs (betula alba, L.) et ensuite par des aulnes (alnus glutinosa, L.) etpar des noïsetiers (corylus avellana, L.). Ce dernier étage à sphagnum atteint de 3 à 10 pieds d'épaisseur, suivant les circonstances. [l elot la formation des Skoumose, dont la surface finit par devenir plus ou moins solide et ferme. Il va sans dire, que le développement bien complet de tous les étages indiqués ne s’observe que dans la région centrale des marais, là où la profondeur était suffisante. Vers le bord des marais, la for- MARAIS TOURBEUX. 289 mation est plus comprimée et resserrée dans des hmites d'épaisseur plus restreintes. «& On ne possède encore aucune donnée sur le temps, qu'il a fallu à ces tourbières pour atteindre leur dernier degré de développement. M. Steenstrup estime, que pour former un de ces amas de tourbe de 10 à 20 pieds d'épaisseur il a fallu au moins 4000 ans, mais il re- connait, que ce pourrait bien n'être que la moitié ou le quart du temps nécessaire. On conelut souvent à une croissance plus ou moins rapide de la tourbe, parce qu'on voit les fosses d'extraction se combler à nou- veau dans un laps de temps plus ou moins court. M. Steenstrup a reconnu dans ce phénomène l'effet, moins de la croissance de la tourbe, qui est extrêmement lente, que celle d’un remplissage par en bas, par la pression hydrostatique du marécage environnant. Aussi les tourbières s’épuisent-elles bel et bien à la longue, comme le Danemark en fait actuellement l'expérience. Zône extérieure, forestière, des Skovmose. Au-dessus du dépôt ar- gileux mentionné, qui constitue le fond du bassin renfermant le ma- récage, apparaissent d’abord les troncs couchés du pin (pinus silves- tris), en grande quantité. Ils atteignent un diamètre de 3 pieds avec une longueur correspondante et leur magnifique port prouve d'une part, qu'ils trouvaient des conditions d'existence tout à fait favora- bles à leur développement et d'autre part, qu'ils croissaient bien serrés, formant des forêts d’essences pures, où ne se mélaient pas d'autres espèces, car quand les pins ne sont pas ainsi serrés ils ne prennent pas ce port droit et élancé. L'espèce était bien celle du pin actuel, seulement les cènes étaient en moyenne un peu plus petits et l'écorce était plus épaisse qu'aujourd'hui. Cette présence du pin dans les tourbières du Danemark a d'autant plus surpris, qu'actuellement l'espèce a entièrement disparu du pays, les pins qui s’y trouvent maintenant, ayant tous été, sans exception, introduits dans les temps modernes. Ceci est si vrai, qu'aucune donnée historique, ni même traditionnelle, ne fait la moindre allu- sion au pin, comme ayant cru naturellement en Danemark, où l’es- pèce avait donc entièrement disparu depuis fort longtemps. Quant au sapin (Pinus abies) il n’est jamais venu naturellement en Danemark, pas même dans les temps anciens. On commence à le planter dans le pays depuis la fin du siècle passé. Notons ici, qu'il y a des points, où les pins de la zùne extérieure entrent dessous et sont partiellement recouverts par une couche su- périeure des pins en place de la région tourbière centrale. _ En s’élevant dans la série des formations de la zdne extérieure des Skovmose, on trouve, que les pins disparaissent peu à peu etsont peu à peu remplacés par des chênes, qui finissent par dominer ex- elusivement. [ei encore les arbres présentent un beau port, accusant une croissance vigoureuse, car les trones atteignent souvent 4 pieds de diamètre. C’est le chéne rouvre (quereus robur sessiliflora de Smith, Wintereiche des Allemands), qui se trouve généralement 290 MARAIS TOURBEUX. ainsi dans les Skovmose. Quant au chêne pédonculé (quercus peduncu- lata d'Ehrhard, Sommereiche des Allemands), que Koch et d’autres botanisies considèrent comme spécifiquement différent du premier, il n’a pas encore été reconnu dans les parties inférieures des Skovmose, tandis qu'il parait dans la couche supérieure avec le bouleau verru- queux, l’aulne et le noisetier. À propos de ces deux formes de chêne on a remarqué, en Suède par exemple, que le chêne rouvre affec- tionnait les terres ineultes et qu’il tendait de lui-même à disparaitre et à faire place au chêne pédoneulé quand le sol se bonifiait par une culture prolongée augmentant la proportion d'humus. Or, le chêne à son tour est en voie de disparaitre du Danemark. On le trouve bien encore ici et là, surtout en Jütland, dans les régions peu peuplées etincultes, et encore n'est-ce presqu'exelusivement que le chêne pédonculé qui se rencontre ainsi. Mais la végétation arbores- cente du Danemark produit maintenant de préférence le hétre (fagus silvatica), et cela si luxurieusement, que le Danemark est à juste titre célèbre pour ses forêts de hêtres, les plus belles, dit-on, du monde entier ‘. L’étranger ne sera pas moins frappé de la beauté de ces fo- rêts de hêtres, surtout sur les rives riantes du Sund, que de l’admi- ration profonde des Danois pour cette parure de leur intéressant pays. Si le chêne n’a pas encore entièrement disparu du Danemark, le hêtre y a depuis longtemps déjà pris pied, témoin l'opinion populaire, qui tenait les forêts de hêtres pour de toute antiquité dans le pays. Le hêtre manque cependant complétement dans les Skoumose, même dans leurs parties supérieures. On ne pourrait pas en conclure, qu'il manquait dans le pays, car cette station particulière , sur le bord des marais, ne lui convenait pas plus anciennement qu’elle ne saurait le faire aujourd’hui. Mais la présence mentionnée du coq de bruyère dans les Kjoekkenmoedding prouve, qu'ailleurs aussi le pin dominait dans la haute antiquité. On arrive done à reconnaître, qu'il y a eu trois périodes distinctes de la végétation arborescente en Danemark, une première période du pin, une seconde période du chêne et enfin une troisième période, du- rant encore, du hêtre. À quoi peuvent tenir ces changements, qui n’ont évidemment pas été subits, mais qui se sont opérés peu à peu, sans l'intervention de rien de semblable à une catastrophe, à un cataclysme de la nature ? Le climat n’a guères changé depuis la première apparition de l'homme dans le pays, car les espèces mollusques terrestres, qu'on trouve accidentellement dans les Kjoekkenmoedding, et les mollusques fluviatiles qui se rencontrent en plus grand nombre dans les couches marneuses des marais tourbeux, sont sans exception identiques aux espèces vivant actuellement dans le pays, et l’on sait quel bon eli- matomètre sont les escargots (helix). Notre hélice vigneronne (helix pomatia, L.) manque, il est vrai, à l'antiquité du Danemark, tandis 1 Voir le mémoire de Vaupell sur l'invasion du hêtre dans les forêts du Danemark. Annales des sciences naturelles. Paris 1857, T. VII. N° 4, 2. MARAIS TOURBEUX. 294 qu'elle se trouve maintenant dans le pays ; mais il est connu, qu’elle y à été introduite au moyen-âge par les moines. La succession du pin, du chêne et du hêtre paraît tenir tout sim- plement à un desséchement graduel du sol et à une amélioration graduelle du terreau. Car c’est le pin, qui supporte le terrain le plus humide et le moins fertile, tandis que le hêtre veut le terrain le plus sec et en général le meilleur. Notons ici, que le tremble (populus tremula, L.) traverse toute l’époque tourbière, depuis son commencement, et qu'il prospère en- core actuellement dans le pays. Il n’en est pas de même du bouleau blanc (betula alba, L.), qui se trouve dans les couches inférieures des tourbières, où il est représenté par de grands individus d’un beau port, mais qui est remplacé dans les couches supérieures par le bou- leau verruqueux (betula verrucosa, Ehrh.) qui prospère encore au- Jjourd'hui en Danemark. Archéologie des marais tourbeux. Les tourbières du Danemark fourmillent d’antiquités de tout genre et de tout âge, ainsi que les musées en font foi. M. Steenstrup estime, qu'il n’y a guëres un pi- lier vertical d’un mêtre carré de base, pris où que ce soit, dans tel marais tourbeux que ce soit du pays, où l’on ne trouve au moins un objet antique. Les traces de la présence de l’homme ne se poursuivent cependant pas jusqu’au fond des Skovmose, qui sont en général les marais tourbeux les plus anciens et d’autant plus an- ciens, qu'ils sont moins étendus, mais plus profonds. Il n’y a point d’antiquités dans la tourbe amorphe, mais l’homme apparaît de bonne heure dans la couche à pins de la zône extérieure des Skoumose et cela établit la haute antiquité de la population primitive en Dane- mark. On à trouvé divers objets en silex, caractérisant l’âge de la pierre, dans la couche à pins, M. Steenstrup en a retiré de sa pro pre main de dessous des troncs de pins. Parmi les troncs de cette couche on en a remarqué, qui avaient été coupés à l’aide du feu et l'on en conserve des échantillons au musée de Copenhague. Le pin avait à peu près disparu avant la fin de l’âge de la pierre en Danemark, car des indices de celui-ci s’observent encore dans la couche à chînes. Il est très possible, que l’homme lui-même ait contribué à faire disparaitre le pin, car c'était un bois facile à travailler et agréable à brûler ; puis, la partie intérieure de son écorce, convenablement pré- parée, fournit une bouillie fort comestible. Les Lapons en sont en- core actuellement assez friands. Quand ils s’en préparent un repas, ils écorcent l'arbre jusqu'à une certaine hauteur sur tout son pourtour. Celui-ei en meurt, et ainsi les voies de passage en La- ponie se marquent par une zône de pins morts, qui va toujours en s'élargissant. On conçoit comment, dans un pays aussi accessible dans toutes ses parties que le Danemark, le pin aurait ainsi pu sen- siblement diminuer, par suite de l’aceroissement de la population pri- mitive. La diminution du chêne tient certainement aussi en quelque mesure 292 dUESTION DES RACES. au progrès de l’industrie, car elle à été très apparente depuis 4 à 5 siècles et surtout depuis le siècle passé. L'on sait assez, comment l'établissement des chemins de fer contribue au même résultat dans le reste de l'Europe. Cette intervention directe de l’homme n’expliquerait cependant pas suffisamment le développement de nouvelles essences, et Le fait d’un changement graduel et naturel de la végétation arborescente en Da- nemark n’en reste pas moins acquis à la science. A ce propos il y a quelqu'intérêt à rendre ici la remarque sui- vante d'un bon observateur: « Le sapin ne prospère actuellement pas en Danemark, il y est toujours petit et souffrant et il s’épuise en branches, dont les plus longues restent collées à terre. Cela lui donne la forme d'un cène à large base, qui ne s'élève jamais au- dessus de 25 à 30 pieds. Ce n’est qu'en Suède et en Norvège, que le sapin reprend son élan et sa beauté ‘.» Quant aux relations de synchronologie qui peuvent exister entre l’âge du bronze et l’âge du fer, d’une part, et le développement de la végétation arborescente du Danemark, d'autre part, on n’a pas en- core de données suffisantes pour les établir. Tout ce qu'on sait là-des- sus, c’est que l’âge du bronze doit avoir commencé après la fin de l’é- poque du pin et après le commencement de l’époque du chêne. On sait aussi, que l’époque du chêne correspond, du moins en partie, à cet àge, car on a trouvé des pièces de l'âge du bronze, les magni- fiques boucliers en bronze du musée de Copenhague, dans un Kjaer- mose se rapportant à l’époque du chêne. Enfin l’on sait, que l’âge his- torique, y compris celui de la tradition, c’est-à-dire l’âge du fer, appartient essentiellement à l’époque du hêtre. IT. QUESTION DES RACES. Les races humaines, qui se sont succédé dans la série des siècles, à commencer par cette population primitive, qui a accumulé les ma- tériaux des Kyoekkenmoedding sur les côtes du Danemark, préoccu- pent maintenant les savants du Nord, tant les antiquaires, que les naturalistes. En l'absence de toute donnée historique ou même lin- guistique, il faut se tourner vers l’histoire naturelle etse mettre à re- cueillir les restes solides des anciennes populations, surtout les crânes, afin d'arriver au résultat par la méthode de comparaison. Cette étude forme, depuis nombre d'années déjà, la spécialité du savant profes- seur Retzius à Stockholm et elle n'est point négligèe à Copenhague. Le dernier mot n’est pas encore dit là-dessus, mais les recherches se poursuivent et la question commence à s’éclaireir. 1 Ch. V. de Bonstetten. La Scandinavie etles Alpes. Genève 1826. p. 70. Sous le terme du langage ordinaire, sapin, l’auteur entend vraisemblable- ment le pin des botanistes. . QUESTION DES RACES. 293 On est maintenant en possession de bons matériaux pour l’âge de la pierre, car la population primitive du Nord inhumait dans des salles sépulerales, soigneusement construites en gros blocs bruts, et il a été facile de recueillir de nombreux cränes, dont on a pu établir le type. C’est une tête petite, remarquablement arrondie en tous sens, mais avec un angle facial assez grand et un front, qui ne porte point le cachet d'une intelligence peu développée. Ce type rappelle celui du Lapon, sans qu'on puisse précisément aflirmer, qu'il lui soit iden- tique. Il faut encore poursuivre l'étude du Lapon, pour le mieux connaître et pour voir, s’il n'aurait pas quelque peu changé dans la série des siècles. Cependant on ne saurait nier, que l'ensemble de ce qui est connu, ne tende à faire considérer les Lapons comme les der- niers restes, les descendants de la population primitive du Danemark et vraisemblablement du reste de l'Europe, car des crânes antiques du même type ont été signalés en France, en Irlande et en Ecosse‘. D'autre part on considère le Lapon comme une ramification extrême de la race mongole, à laquelle aurait donc appartenu la population primitive de l’âge de la pierre en Europe. Fig. 7. (4/,) ù Fig. 8. (4/,) Type de l'âge de la pierre, Un crâne des premiers temps de l'âge du fer. Danemark. Danemark. Si les matériaux ne manquent pas, pour établir le type du erâne de l’âge de la pierre en Danemark, ils font grandement défaut pour l’âge du bronze, car les populations de l'âge du bronze dans le Nord brûlaient ordinairement leurs morts. Mais, comme avec le bronze on voit paraître en Danemark les animaux domestiques, cheval, bœuf, mouton, chèvre, cochon, cela porte tout naturellement à croire à l'invasion d’un nouveau flot de population, à l'immigration d’une nouvelle race, venue d'Orient. Avec l'introduction du fer reparaît dans le Nord l’inhumation, mais on ne fait que commencer à recueillir les crânes de cette épo- que. La figure 8 en représente un trouvé à Sanderumgaard, dans l'île de Fyen. Ici l’on se trouve en présence d’une toute autre forme. Le crâne est remarquablement allongé d'avant en arrière et le front est quelque peu fuyant. C’est la forme, quoique moins prononcée, 1 Retzius. Académie de Stockholm. 1847. N° 1. 294 QUESTION DES RACES. qui domine encore aujourd'hui en Europe. C'est aussi, d’après Re- tzius, la forme longue-ovale, qui est le type celtique proprement dit. La race humaine de l’âge de la pierre, ou pour abréger, la race de la pierre, paraît d'après ses analogies avec les Lapons, avoir été la plus pe- tite et sans doute aussi la plus faible. Il nous manque la charpente os- seuse de la race du bronze, mais nous avons une mesure de sa main dans les poignées de ses épées et l’on connaït assez les proportions si petites de celles-ci ‘. Comme la race du bronze l’a évidemment emporté sur celle de la pierre et l’a supplantée, il est vraisemblable qu’elle lui était supérieure, non-seulement par l'emploi du métal, mais aussi par l'ensemble de sa civilisation et par son développe- ment physique. Avec le fer apparait enfin une race grande et forte, ainsi que le témoignent le squelette et les armes. Avec le progrès gé- néral de la civilisation il y a done eu développement physique pro- gressif de l'humanité. On s’émerveille souvent à la vue de certains ouvrages vraiment gigantesques de l'antiquité et l’on s’imagine, que les races anciennes doivent avoir été plus fortes que la nôtre. Mais un peu de réflexion fera facilement sentir la différence qu'il y a entre les effets de la pa- tience combinée d'adresse et les résultats de la force obéissant au savoir, ce qui n'exclut, du reste, ni la patience, ni l'adresse. Il n’y a guère de construction antique de l'homme, qui soit plus grande pro- portionnellement à la taille de l’ouvrier, que certaines fourmilières. D'autre part, la grande pyramide de Chéops est une merveille plus facile à admirer qu'un chronomèêtre, mais au fond moins étonnante, même sous le rapport des forces mises en jeu pour son exécution ?. Manière antique de manger. Indiquons ici, à propos des races hu- maines, une particularité intéressante de la population primitive du Danemark. Les peuples modernes se servent de leurs incisives pour trancher, couper, à la manière d’une paire de ciseaux. Les dents de devant se croisent à cet effet et il en résulte nécessairement une usure de ces dents d’une nature correspondante et d'autant plus facile à reconnaitre, que l'individu est plus âgé. Non-seulement les incisives se ressentent de ce mode de manger, mais, comme dans la région des molaires les deux mâchoires se correspondent exactement, c’est- à-dire que les molaires supérieures donnent diectemenrt sur les infé- rieures, tandis que les incisives se croisent, il s’en suit, que les deux mâchoires elles-mêmes se croisent en deux points, savoir aux deux angles de la bouche, d’où une usure plus ou moins irrégulière sur ces points. Or, quand on examine avec soin des rateliers humains La même chose s’observe aujourd'hui chez les Indous. La poignée de leurs sabres est trop petite pour la main anglaise. Pritchard, the natural his- tory of man. London. 1843. vol. I. p. 129. ? Qu'on songe aux hauts-fourneaux, aux martinets, aux laminoirs, avec leurs accessoires de machines à vapeur et autres engins, servant À préparer les matériaux et les instruments employés par l’horloger. QUESTION DES RACES. 295 bien conservés de l’âge de la pierre en Danemark, ayant appartenu à des individus qui avaient dépassé au moins la cinquantaine, on voit que les deux mâchoires entières s'appliquent directement et entière- ment l’une sur l’autre. La surface de masiüication de la mâchoire su- périeure joint parfaitement sur celle de la mâchoire inférieure, et cela pour tout le pouriour du ratelier. Les incisives ne se croisent pas, maïs se touchent par leurs couronnes comme les molaires, et sont done usées tout auirement que les nôtres ‘. En même temps l'usure des couronnes dans les angles de la mächoire antique est plus régulière et quand la vue rase la surface de mastication, on reconnait, que celle-ci constitue un plan presqu'entièrement droit. Done la race primitive mangeait autremeni que nous, elle se servait de ses incisives, non pour trancher les aliments, comme nous le faisons, mais pour les saisir, les pincer et pour les broyer. Aussi distingue-t-on quelquefois, suivant ce que l'individu avait mangé en dernier lieu, des stries transversales à l’axe de la bouche sur les facettes de masiicaiion des incisives. Les Groenlandais, entre autres peuples du Nord , présentent la même particularité. Quand ils mangent de la viande, après l'avoir dégagée de l’os par un bout, ils la saisissent avec les incisives et l’arrachent partiellement , puis coupent la bouchée à fleur de lèvres avec leur couteau. Leurs enfants pratiquent déjà cette méthode de manger avec une dextérité que les Européens ne savent pas imiter. Couteaux antiques. Une circonstance , qui n’est pas sans impor- tance géologique, c’est que pour manger et en général pour les be- soins de leur mdustrie les Groenlandais ne se servent pas du couteau à tranchant longitudinal, comme le nôtre. Leur couteau est propre- ment un ciseau, dont le tranchant est dirigé transversalement, vo- lontiers obliquement à l'axe longitudmal de l'mstrument. Cela peut expliquer pourquoi l’on trouve dans le Nord une si grande quantité de coins ou haches en pierre. Ces pièces n’ont pas 1 I1 se trouve exceptionnellement des personnes, qui usent maintenant leurs dents à la façon antique. Cuvier a reconnu le même mode d'usure des incisives chez les anciens Egyptiens. Il dit: « Les incisives des momies sont toutes tronquées et à couronne plate.» Anatomie comparée. Edition de Bruxelles. 1838. Tome I. p. 405. Les crânes des reines danoises Dagmar, morte en 1216 et Beengjard, morte en 1221, dont on examina les tombeaux en 1855, présentent aussi cette usure régulière antique. Voir Kongegravene i Ringstedkirke. Kjoebenhavn. 1858. Il y a des anatomistes qui considèrent l’u- sure irrégulière des rateliers comme un effet du croisement des races dans les temps modernes ; mais d’après M."Steenstrup cette opinion est inadmis- sible. 296 QUESTION DES RACES. toutes servi de haches, bon nombre n'étaient autre chose que des couteaux à la mode groenlandaise. Aussi en trouve-t-on souvent Fig. 9. (/3) Fig. 40. (1h) Couteau-hache en néphrite. Moosseedorf. Hache à emmancher. Suisse. avec le tranchant particulièrement arqué, quelquefois oblique. Ils sont alors assez ordinairement faconnés plus ou moins en pointe vers l’autre extrémité, ce qui les rendait éminemment impropres à toute emmanchure, tandis qu'ils devenaient ainsi plus agréables à manier à la main. C’étaient évidemment les couteaux. Il y en a même, qui sont nettement caractérisés comme ayant servi à des droitiers. C’est le cas de la belle pièce en néphrite, fig. 9, car, saisie de la main droite avec l’obliquité du tranchant tournée vers soi, la face À, qui est alors intérieure, se trouve être presque plane, tandis que la face opposée extérieure est beaucoup plus convexe. Ce serait l'inverse en saisis- sant la pièce de la main gauche, mais en gardant naturellement l'obliquité du tranchant tournée vers soi. On remarque en même temps, que la pièce saisie ainsi va beaucoup mieux à la main droite qu’à la gauche. Il est donc évident, que ce couteau-hache à été fait avec intention et réflexion pour l'usage de la main droite. D’autres coins, à formes plus prismatiques, à tranchant plus droit, terminés à l’autre bout, non par une pointe, mais par une surface perpendiculaire à l’axe longitudinal de la pièce, étaient évidemment destinés à être emmanchés, pour servir de haches proprement dites. Enfin les haches en pierre, percées transversalement pour y Fig. 11. (}:) Hache en pierre. Danemark. introduire une emmanchure dans le genre de nos cognées, pourraient bien avoir été destinées à quelque usage particulier, car elles se trouvent beaucoup plus rarement que les autres. F DR ASS Sd éme QUESTION DES RACES. 297 On peut, du reste, prouver directement, que les couteaux de l'âge de la pierre étaient, du moins en partie, de ces coins : ce sont, sauf les ciseaux et les gouges , les seuls instruments en silex à tranchant roduit par la meule à aiguiser ‘, et nous avons vu, que les marques es couteaux sur les ossements des Kjoekkenmoedding provenaient d'instruments aiguisés , qui étaient donc nécessairement les coins en question. Les éclats de silex, ordinairement appelés couteaux, pa- raissent avoir servi de scies. Îl paraît, que le couteau à la groenlandaise était encore en usage pendant l’âge du bronze, car certaines pièces tant de l'Italie que de la Suisse et du Nord, n'ont, en guise d’ailerons, que de très petits rebords, mais courant à peu près tout le long de la hampe et ayant évidemment eu pour but de rendre cette dernière plus pro- pre à être maniée à la main, sans aucune emmanchure. Aussi re Fig. 12. (4) Couteau-hache en bronze. Danemark. marque-t-on, que leur tranchant offre en général une convexité plus forte, allant parfois jusqu’à former le demi-cercle, ce qui rapproche ces pièces du couteau en demi-lune des selliers. Le tranchant des haches en bronze proprement dites estgénéralement beaucoup moins convexe et plus droit. Du reste, grâce à leur poids et à la direction de leur tranchant, les couteaux à la groenlandaise en pierre et en bronze pouvaient ! La haute antiquité ne connaissait que la meule dormante, qu'on retrouve souvent. La meule tournante ne paraît que plus tard. 298 QUESTION DES RACES. très bien servir à la fois à couper, trancher et à hacher. Ils consti- tuaient ainsi un instrument, qu'on pourrait appeler couteau-hache, qui devait avoir ses grands mérites, et qui nous manque aujourd'hui. fi call | 0 Fig. 43. (1) Fig. 44. (1h) Fig. 45. (1) Couteau-hache en bronze. Suisse. (paalstab) (celt) Haches en bronze à emmanchure. La question des races domestiques marche de front avec celles des races humaines et n’est pas moins intéressante que celle-ci. Il est extrêmement remarquable, de constater également un dévelop- pement physique progressif chez les animaux, qui ont subi l'influence de l’homme. Le chien en fournit l'exemple le plus frappant. En Danemark on a eru reconnaitre trois types distincts de races de chiens, correspondant à chacun des trois âges archéologiques. Or, la race canine de la pierre est la plus faible et la plus grêle dans ses membres, la race du bronze est sensiblement plus forte, mais c’est la race du fer, qui l'emporte sur les deux précédentes *. La différence des trois types est entre-autres marquée par les propor- tions de l’'apophyse coronoïde. Cet os est plus eourt dans le chien de la pierre, il est sensiblement plus long dans le chien du bronze et plus long encore dans le chien du fer. Le mouton manque en Danemark à l’âge de la pierre et ne parait qu'avec le bronze. Mais ce mouton du bronze a des membres telle- ment grêles, qu’en le déterminant d’après certains os, on nele pren- drait pas pour la même espèce que notre mouton actuel. On savait, que les bruyères du Jütland nourrissaient autrefois une race de moutons très chétifs. Au bout de trois années de recherches 1 Ilest digne de remarque, que les chiens indiens étaient renommés chez les anciens Grecs. | | PS I EE QUESTION DES RACES, 299 M. Steenstrup réussit à s’en procurer un exemplaire, mais dont la race avait subi des croisements. Les os des membres de cet exem- plaire sont bien plus grêles que ceux du mouton actuel, ils tiennent environ le milieu entre le mouton du bronze et le nôtre. La race pure des bruyères du Jütland parait ne plus exister depuis environ deux siècles. Il n’y avait pas d'intérêt matériel à la conserver, car elle était petite et sa toison fournissait une laine grossière et peu abondante. Le bœuf domestique ne paraît en Danemark qu’à l’âge du bronze, mais cette race antique était moins forte que la nôtre. Le cheval ne parait également en Danemark qu'avec le bronze, mais le cheval du bronze est aussi plus petit que notre cheval actuel. Ce n'est, à ce qu'il paraît, qu’assez tard qu’on s’est mis à se servir du cheval pour la monture, du moins pour les usages de la guerre. Ainsi les Grecs ne paraissent avoir commencé à se servir de cava- lerie que vers le VII siècle avant notre ère :. Les autres espèces domestiques, le cochon et la chèvre, sont en- core à étudier. On sait seulement, comme nous l’avons déjà vu, qu’elles ont été introduites en Danemark avec le bronze. En général on n’a pas encore, en Danemark, pour l’âge du bronze ce que les K)oekkenmoedding fournissent pour l’âge de la pierre, savoir de véritables musées zoologiques bien clos, où l’on est sûr de rencontrer rassemblés environ tous les animaux de l’époque, sans aucun mélange d’une autre faune, soit antérieure, soit posté- rieure. Cependant on a déjà trouvé sur trois points dans les couches inférieures de la tourbe au bord de Kjaermose des accumulations assez considérables d’ossements, représentant les débris et rebus de repas et se rapportant, d'après divers objets qui les accompagnent, à l’âge du bronze. C’est surtout d’après ces trois trouvailles qu’ont été déterminés les animaux domestiques de l’âge du bronze, et ce sont évidemment les espèces domestiques les plus anciennes du Da- nemark, à l'exception du chien. D'après des documents arabes, que le professeur d’arabe, à Co- penhague, M. Meeren, a communiqués à M. Steenstrup, celui-ci nous apprend, que l'on s’est mis à apprivoiser le chat en Orient vers le VII siècle. Îl n’y était pas encore généralement répandu au IX° siècle et il parait avoir passé en Europe peu après, à cette époque remarquable, lorsque la civilisation européenne a de nouveau reçu une puissante impulsion de l'Orient. On croit souvent reconnaitre la souche de notre chat domestique dans le chat sauvage de l'Europe, mais ce n’est pas la même espèce, quoique très rapprochée et assez difficile à distinguer sur le squelette. Aussi les connaisseurs affirment-ils, que notre chat sauvage ne se croise pas avec le chat domestique. 1 Minutoli. Abhandlungen vermischten Inhaltes. Berlin. 4831. Vol. I p. 129. 300 CHANGEMENTS PHYSIQUES. [V. CHANGEMENTS PHYSIQUES. Le règne animal et le règne végétal ne sont pas les seuls, qui aient eu leurs vicissitudes. La nature physique a aussi subi des variations sensibles dans le Nord. Danemark. Nous avons vu, que la distribution géographique des Kjoekkenmoedding indiquait un empiètement de la mer sur une bonne partie des côtes extérieures , qui auraient été rongées et gra- duellement englouties. Cette action parait avoir été assez considéra- ble dans certaines régions. Nous avons vu, que, sur d’autres points les Kjoekkenmuedding indiquent un envahissement par la terre- ferme sur le domaine des eaux, soit par des atterrissements, des ensa- blements et des alluvions en général, soit par les empiétements de la tourbe. Ces derniers ont été très considérables , tant dans le do- maine des eaux douces, que dans celui de l'eau salée, dans les fjords, bras de mer, anses et autres bas-fonds de ce genre. ù On a ainsi reconnu, que le Jütland avait été anciennement traversé de part en part par plusieurs fjords et bras de mer, qui faisaient alors de cette région un archipel, composé de nombreuses iles in- dépendantes les unes des autres. Aujourd'hui il n’y a plus que le Limfjord, qui traverse le pays depuis le Kattégat jusqu’à la mer du Nord, et encore son embouchure dans cette dernière, le canal d’Ag- ger, est-il très étroit et peu profond, ne livrant passage qu’à de pe- tits navires ; il a même menacé de se fermer complètement le prin- temps de 1859. Le Seeland aussi était entrecoupé par des fjords et des bras de mer. Ainsi au moyen-àge on naviguait jusqu'à Slangerup, qui était alors un port de mer. Maintenant le bras de mer est remplacé par un ruisseau, coulant de Slangerup, sur une distance de 7 kilomètres, avant de se jeter dans l'Isefjord, près de Fréderikssund. La tradition rapporte, qu'il ya eu un combat naval là où est à pré- sent le lac de Tiis, dans le Seeland. Les flottes y seraient arrivées du Nord et du Sud-Ouest, car ce point devait alors faire partie d’un ford, traversant de part en part la région occidentale du Seeland. Maintenant le lac de Tiis ne communique avec la mer que par un ruisseau. Dans ce cas, comme dans celui de Slangerup, ce sont les marais tourbeux du genre des Kjaermose, qui ont amené le change- ment. Le grand marécage appelé Lille Vildmose, situé à l'embouchure orientale du Liümfjord, côté méridional, a donné lieu à une obser- vation curieuse, consignée dans le mémoire déjà cité de M. Steens- trup sur les marais tourbeux. Son emplacement doit avoir formé dans l'antiquité un bas-fond marin, car on trouve des huitres mortes en place sous la tourbe. Plus tard ce bas-fond fut séparé de la mer CHANGEMENTS PHYSIQUES. 301 ar un cordon littoral, que cette derniére éleva. Cela retint l'écou- ement des eaux et forma une lagune, où la tourbe gagna si bien, que le tout finit par se convertir en un vaste marais tourbeux d’eau douce. En 1760 on perça le cordon littoral pour laisser écouler les eaux, qui revinrent ainsi à leur ancien niveau. L'emplacement de plusieurs petits lacs fut par là mis à sec et il se trouva, que ceux-ci représentaient autant de petites iles anciennes, sur lesquelles la tourbe n'avait pas pu prendre pied et qui maintenant étaient limitées sur tout leur pourtour, par une paroi de tourbe de 6 à 10 pieds de hauteur. Mais ce qu’il y a de plus curieux, c’est qu'on trouva sur ces anciennes iles des tumuli de sépulture, se rapportant à l’âge du bronze. Ce n’est pas seulement sur ce point que la formation d’un cordon littoral par l’action des vagues a été de quelqu’importance, Elle doit avoir joué un grand rôle dans l'histoire des changements du sol en Danemark, particulièrement dans le Jütland, où elle s’est combinée avec la formation de dunes. Diminution dans la salure de la mer. Nous avons vu, qu’elle était prouvée pour les eaux intérieures au Kattégat par les mollusques des Kjoekkenmoedding. Elle peut tenir à deux causes différentes. D'abord à ce que la communication entre le Kattégat et la mer du Nord a sensiblement diminué par les atterrissements dans le Jütland, dont il a été question. Mais cela peut aussi tenir à la grande masse d’eau douce versée continuellement dans la Baltique par les fleuves, car il n’y a pas de mer, qui ait, proportionnellement à ses dimensions, une affluence d’eau douce aussi considérable. Cette circonstance éta- blit une différence sensible entre les bains de mer extérieurs etceux qui sont intérieurs au Sund. Plus on s'éloigne du Sund et des Belt, en s’avançant vers l’intérieur de la Baltique, plus la salure de la mer diminue. Ainsi à Rostock elle n’est déjà plus que la moitié de celle de la mer du Nord à Aurich ‘ et au fond du golfe de Bothnie elle est à peine saumâtre. Dans le Sund et dans les Belt on remarque des courants prononcés. Dans le Sund, qui est le mieux connu de ces détroits, il y a en moyenne 12 jours de courant sortant de la Bal- tique, pour 5 jours de courant rentrant. Cet excédant sera sans doute compensé, partiellement du moins, par les courants du grand Belt, Mais il se pourrait bien, que le débit de la Baltique l'emportât assez sur la rentrée, pour qu'à la longue la salure de ses eaux allât en diminuant. On pourrait chere que si cet effet s'était rendu si sensible de- puis l'apparition de l’homme dans le Nord, les eaux auraient dû se dessaler bien davantage pendant les derniers âges antéhumains, en- sorte que la population primitive n’aurait déjà plus trouvé d’huitres intérieurement au Kattégat. A cela on peut répondre, qu’autrefois il 1 Les données hydrologiques sont tirées de l’excellent ouvrage : Der da- nische Staat von À. v. Baggesen. Kopenhagen. 1845. 302 CHANGEMENTS PHYSIQUES. y avait communication entre la mer Blanche et la Baltique, lesquelles n’ont peut-êire pas été séparées bien longtemps avant l'arrivée de l'homme. Niveau des terres. L'emplacement des Kjoekkenmoedding prouve qu'il n’y a pas eu de changement permanent de quelqu'importance dans la hauteur générale des terres fermes en Danemark, depuis la venue de l’homme. Car si les Kjoekkenmoedding non stratifiés, dont bon nombre descend jusqu’à seulement 10 pieds au-dessus du ni- veau actuel de la mer, avaient jadis été de quelques pieds plus bas, ils auraient éié aüeints par les vagues, lors des gros temps, et leur intérieur serait partiellement stratifié sur ces points. D'autre part, si la côte avait été plus élevée qu'aujourd'hui, les Xjoekkenmoedding de rivage, à structure stratifiée , n'auraient jamais pu être attemts par la vague. Les savants danois sont cependant disposés à admettre un léger mouvement ascensionnel du sol, parce que sur certains points, comme par exemple à Bilidt, près de Fréderikssund , les Kjoekkenmoedding stratifiés sont maintenant en dehors de l'atteinte des vagues. — Mais à Bilidt ces couches sont bien près du rivage actuel et il se pourrait que les ensablements de l'Isefjord y eussent rédait l'intensité des mouvements de la mer. Pour ce qui concerne les poinis en dehors de l'Isefjord il importe de considérer ce qui suit. Actuellement la marée ne produit une différence de niveau que de 1 ‘/, pieds dans le Kattégat *. Sur les côtes du Nord-Ouest du Jütland cette différence va à 2 pieds et sur le littoral occidental du Schleswig et du Holstein elle atteint 9 pieds. Mais l’action des venis et des tempêtes l'emporte de beaucoup sur celle de la marée. Ainsi les vents d’Ouest, en re- foulant les eaux de la mer du Nord dans le Katiégat, produisent des différences de niveau, qui atteignent dans le Sund jusqu'à 4 pieds. Sur l’ile de Fœhr (côte occidentale du Schleswig), les mêmes causes produisent parfois un abaissement des eaux de 4 pieds en-dessous de leur niveau moyen, tandis que sur le même point il y eut en 1825 une erue de la mer (Siurmfluth) de 25 pieds au-dessus du niveau moyen. Somme totale 29 pieds de différence de niveau sur ce point, due à l’action des vents. Or, la pointe septentrionale du Jütland est comme une digue, un éperon, protégeant, partiellement du moins, le Kattégat contre la violence des eaux de la mer du Nord. Mais anciennement le Jütland était un archipel, livrant un passage facile à la mer et établissant une communication, maintenant mterceptée sur ces points, entre la mer du Nord et le Kattégat. Il se pourrait donc bien, qu'il y eut eu jadis une plus grande solidarité entre les mou- vements de ces deux mers, avec domaines dépendants. Suède. On a voulu conclure, qu'à Malmoe, en face de Copenha- gue, il y avait eu affaissement du sol, parce qu'on y trouvait des pa- vés de rue superposés. Mais cette répétition de pavés s'explique fa- 1 Baggesen. Déjà cité, RC 14 into ot ni LS CHANGEMENTS PHYSIQUES, 303 cilement par les vicissitudes de la guerre. Lorsqu'après un siége et une dévastaiion partielle on reconstruisait une ville, on ne se don- nait pas la peine d'emporter les décombres ; on nivelait le sol et l’on reconsiruisait sur les ruines des établissements antérieurs. De là une vériiable superposition de couches en ordre chronologique régulier, comme pour les terrains dont est composée l'écorce du globe. On a aussi parlé de tourbières avec antiquités de l’âge de la pierre et recouvertes par des digues de formation marine (Jaeravall) dans le Midi de la Suède. Mais il paraït, que le fait demande à être con- firmé, tout comme celui de la cabane recouverte par 60 pieds de dépôt marm, qu’on aurait découverte en creusant le canal de Soe- derielje, près de Siockholm. Antiquité géologique de l'homme. On en a déjà souvent voulu trouver des preuves dans d'autres pays, mais toujours avec peu de de bonheur. Ainsi la découverte, fatie par Lund, dans les cavernes du Brésil, de crânes humains avec incisives à tranchant parallèle, au lieu d’être transversal à l'axe de la bouche, lesquels crânes se seraient trouvés associés à des espèces animales maintenant éteintes, repose sur un mésentendu ‘. C’est ce qui résulte des recherches du D' Reinhard, que le musée royal de Copenhague envoya sur les lieux pour compléter les observations de Lund sur la faune vivante et fossile du Brésil. Il paraîtrait, du reste, que l'annonce de ce sin- gulier fait serait due au rapport d’un tiers , qui aurait mal rendu ce que Lund lui-même n'avait sans doute pas bien exposé. La découverte, faite dans l'Etat du Missouri par Koch, l’exploi- teur du Hydrarchos et du Zeuglodon, des restes d’un Mastodonte, qui aurait été iué par l’homme, pourrait bien s'expliquer par les pratiques des Indiens modernes, qui se servent souvent d’ossements quelconques, ainsi que de pierres, pour établir leurs foyers et autres constructions de ce genre *. On a parlé de sépultures antiques trouvées sous un recouvrement intact de lave à Marino, près d'Albano, dans les Etats de l'Eglise, quoiqu'il n'y ait maintenant dans cette contrée que des volcans éteints. Mais il parait, que ces tombeaux avaient été creusés en ga- lerie en entrant latéra'ement sous l’ancienne couche de lave. Telle est du moins la manière de voir de M. le professeur Ponzi à Rome, géologue de grand mérite, et de M. Pietro Rosa, archéologue fort es- timé des Allemands 5. Les cavernes à ossements de la France et de la Belgique ont donné lieu à de longues discussions, à cause du mélange qu’elles paraissent présenter, de débris humains antiques et d’ossements dits fossiles. Le fait qu'elles ont de tout temps, et surtout à l’âge de la pierre, 1 Mémoires de la société des Antiquaires du Nord. 1843—1847. p. 49. D'Archiac. Histoire des progrès de la géologie. II. 382. ? L'auteur a eu l’occasion de questionnereM. Koch en personne. * Communiqué par M. C. Gaudin, à Lausanne, 304 CHANGEMENTS PHYSIQUES. servi de lieux d'habitation et de refuge à l’homme, complique singu- lièrement la question, qui n’est pas encore tranchée d'une manière générale. | Les cavernes ossifères du midi de la France, entre autres celle de Mialet (Basses-Cévennes) ont été soigneusement explorées par M. Emilien Dumas, qui est arrivé aux conclusions suivantes : 1° que l'homme, l'ours (ursus spelœus, Blum) et l'hyène (kyœæna spe- lœæa, Goldf.) n’ont certainement pas habité ces cavernes en même temps ; 2° que les débris les plus anciens de l’industrie qu’on y ren- contre sont des silex, taillés en forme de petites haches, et de la très grossière poterie tout-à-fait semblable à celle des habitations lacus- tres de l’âge de la pierre en Suisse. On a enfin beaucoup parlé d’ossements humains , trouvés sous le produit d’une éruption de la montagne de Denise, volean éteint du Puy-en-Velay, en France.La discussion roulait surtout sur la déter- mination des ossements, qui ont fini par être reconnus appartenir bien réellement à l’homme. Mais il paraît, que leur enfouissement sur ce point est postérieur à l'époque d'activité du volcan et qu'il s'explique par un éboulement. Du reste les volcans de l'Auvergne et du Vivarais ont dû fonctionner encore à une époque géologique très peu reculée. Car dans le diluvium de la vallée du Rhône M. Emilien Dumas ne trouve que du basalte péridoteux provenant des anciens filons, et point de basalte feldspathique, spécial aux volcans à cra- tères et à coulées. Comme preuve d’une antiquité prodigieuse de l’homme on cite aussi quelquefois le fait suivant, observé par M. Nilsson. Ce savant a déposé au musée de Lund une pointe de lance en silex de l’âge de la pierre, qui a été retaillée déjà dans l'antiquité, ce qui, du reste, se remarque fréquemment. Mais, ce qui ne s’était pas vu jusques-là, c’est qu'avant d'avoir été retaillée et après avoir été fabriquée elle avait blanchi à la surface, comme cela est souvent arrivé aux pièces antiques. Or, on croyait que le silex exigeait un temps très long pour blanchir ainsi, et l'on en coneluait que cette pointe de lance de- vait déjà être très ancienne, quand elle fut retrouvée et retaillée en- core pendant l’âge de la pierre. Mais M. Steenstrup a observé des cas nombreux de silex fortement blanchis en quelques années, pour ainsi dire sous ses yeux et par voie naturelle. Cela ne dépend que des conditions locales et particulières de gisement. La pointe de lance en question ne prouve donc rien. COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE, 305 V. COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE ‘. Il ne saurait être question de faire ici un traité sur l’archéologie suisse; il s’agit seulement de faire ressortir les traits de ressem- blance et de correspondance assez remarquables, que la Suisse pré- sente avec le Nord. En Suisse, les trois âges de la pierre, du bronze et du fer sont tout aussi bien représentés qu'en Scandinavie, mais les découvertes les plus importantes dans cet ordre de choses sont de date assez ré- cente. Habitations lacustres. Il y a quelques années qu'on a trouvé dans les lacs de la Suisse, sur certains points, où l’eau n'a guère que de 5 à 15 pieds de profondeur, des pilotis rongés et usés, quelquelois jusqu'à fleur de fond et donc très anciens. Sur ces emplacements le fond de l’eau est jonché et semé d’antiquités diverses, parfois pres- que comme les vitrines d'un musée en désordre. Quand on examine quelque peu attentivement l’ensemble des faits, on reconnait aisé- ment, que l'on se trouve en présence des restes d’antiques habita- tions lacustres, d'établissements, de villes ou villages, bâtis sur pi- lotis, puis détruits et oubliés depuis longtemps. On a de ces habita- tions lacustres de l’âge de la pierre pur, où parmi des centaines d’ob- jets de pierre, de corne, d'os et de bois, il ne s’est pas trouvé le moindre vestige d’un métal quelconque, soit fer, soit même bronze. Tel est par exemple l'emplacement à pilotis dans la tourbe littorale du très petit lac de Moosseedorf, près de Hofwyl, à 2 lieues de Berne, exploité avec grand talent par le B° Uhlmann à Münchenbuchsee ?. 1 Au musée de Copenhague il y a dans les divisions correspondantes des séries spéciales d’antiquités suisses de l’âge de la pierre, de l’âge du bronze et du premier âge du fer, propres à une étude comparative. En Suisse les collections de M. Troyon et de l’auteur présentent de quoi établir les mêmes rapprochements. On peut aussi se faire une idée du sujet par l’étude des deux ‘ouvrages suivants : G. de Bonstetten. Recueil d’antiquités suisses. Berne 1855. Folio. et Worsaae. Afbildninger fra det kongelige Museum for Nordiske Uldsager. Kjoebenhavn 1854. ? A, Jahn und J. Uhimann. Die Pfahlbaualterthümer von Moosseedorf, Bern, 1857, 306 COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. Tel est aussi le pilotage très étendu à Wangen dans le lac de Cons- tance, près de Stein, découveri et exploité par un paysan fort intel- ligent de la localité, lequel avait été spécialement instruit et dirigé par le D’ Ferdinand Keller, l'âme de la société des antiquaires de Zurich. C’esi aussi M. Keller qui a publié le premier travail général sur les habiiations lacusires de l'antique Helvétie, en décrivant le pilotage de Meilen au lac de Zurich, et qui a ainsi frayé la voie dans cette direciion *. La localité de Meilen présente le même ensemble d'objets, le même caractère que Moosseedorfet Wangen et appartient donc aussi à l’âge de la pierre. Mais la présence de deux pièces en bronze, un pauvre petit bracelet en bronze bien simple et un couteau-hache en bronze, des plus légers, prouve, qu'ici l'établissement lacustre de la population primitive a duré jusqu’au commencement de l'intro— duction du bronze en Suisse. Meilen a également fourni un très petit nombre de haches en pierre percées pour recevoir un manche, pièces qui font complètement défaut à Moosseedorf, où les haches en pierre non percées sont abondantes, ainsi qu'à Meilen. Ailleurs on a des pilotages de l’âge du bronze, dans tout son dé- veloppement. Un des points les plus remarquables de cette catégorie est situé dans le lac de Bienne, entre Bienne et Nidau. Il est appelé le Steinberg par les pécheurs, qui le connaissent depuis longtemps, comme en général tous ces pilotages antiques, parce qu'ils ne peu- vent y jeter leurs filets, qui s’y déchireraient. Le Sieinberg a été explolié par le plus actif des collecteurs en Suisse, le colonel Schwab à Bienne. Un autre point remarquable est le pilotage de l’âge du bronze à Morges, exploié par M. Forel. On pourra se faire une idée de la richesse de ces localités, quand on saura, que le Steinberg, à lui seul, a fourni 500 épingles à cheveux en bronze et qu’on a pêché à Morges 40 haches en bronze, sans compter beaucoup d’autres ob- jets du même méial. Enfin une découverte toute récente de M. Schwab fait présumer, qu'il y a eu dans le lac de Neuchâtel des habitations lacustres du commencement de l’âge du fer. L’infatigable collecteur y a trouvé avec l'épée gauloise en fer des haches en fer de la forme de celles en bronze et qui sont évidemment une survivance de l’âge du bronze, caractérisant les premiers temps du fer. L'existence d'établissements lacustres en Europe, après l'intro- duction du fer, est confirmée par le récit suivant d’Hérodote : « Les » Paeoniens du lac Prasias (vraisemblablement aujourd'hui le lac » Takinos dans la province de Roumélie, Turquie d'Europe) ne » purent être entièrement subjugués (par Mégabyze, vers 520 avant 1 F. Keller. Die Keltischen Pfahlbauten in den Schweizerseen. Mémoires de la société des antiquaires de Zurich. 1854. F. Keller. Pfahlbauten, Zweiter Bericht. Mémoires de la Société des an- tiquaires de Zurich. 1858. Voir aussi le VIIIe article de M. Troyon dans l’Indicateur d'histoire et d’antiquité suisse. Zurich. Juin 1858. x COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. 307 » J.-C.). Leurs maisons sont ainsi construites. Sur des pieux très » élevés, enfoncés dans le lac, on a posé des planches jointes en- » semble. Un pont étroit est le seul passage qui y conduit... Ils » ont chacun sur ces planches leur cabane avec une trappe bien » jointe, qui conduit au lac, » (Herod. V. 16.) Des restes d'habitations lacustres antiques ont été retrouvés dans le lac d'Annecy en Savoie. L'Ecosse et l'Irlande présentent quelque chose d’analogue. En Irlande, on connaît sous le nom de crannoges, des établissements affectant la forme d’iles plus ou moins artificielles, qui ont servi de lieux de refuge en temps de troubles politiques jus- qu'au XVIF siècle ‘. De pareilles iles artificielles antiques ont aussi été observées en Suisse. Il y en a une au centre du très petit lac d'Inkwyl, entre Herzogenbuchsee et Soleure*. Il y en a aussi une au centre du lac également très petit de Nusshaumen, à une lieue au midi de Stein, en Thurgovie. On doit avoir trouvé des restes d’ha- bitations lacustres dans le Brandebourg et dans les tourbières du Hanôvre et l’on parle même de leur existence au Canada. Ils pa- raissent indiqués en Danemark par l'abondance des antiquités dans les tourbières, dont beaucoup ont commencé par être des lacs peu Lan Dans une tourbière en particulier (à Vangede-Brogaard, à 3 lieues de Copenhague) M. Steenstrup a observé non-seulement des instrumenis antiques divers, mais aussi des fragments de poterie, des charbons et des ossements concassés portant la marque des couteaux. Îl en avait conclu, que l’homme avait dû vivre là sur place. Comme le point était jadis un lac peu profond , il est presque évident, qu'il y à eu là une habitation lacustre. Enfin MM. Herbst et Steenstrup viennent de faire des observa- tions tendant à faire présumer , qu'il y a eu à l’âge de la pierre des habitations sur pilotis dans la baie marine de Noer près de Korsoer en Seeland. Cela n’a pas lieu de nous surprendre, puisque Dumont d'Urville décrit et figure des villages construits sur pilotis dans la mer au hävre de Doreï, Nouvelle Guinée 5. Lorsque l'homme s’établissait ainsi sur pilotis, tous lés rebuts de son industrie et les débris de ses repas allaient naturellement au lac, où ils se sont particulièrement bien conservés , surtout quand ils étaient peu à peu enfouis par la tourbe ou le limon. Ces localités représentent donc pour la Suisse les Kjoekkenmoedding du Nord et, à certains égards, encore mieux , puisque la conservation des ma- tières y est meilleure et qu'il y a souvent passé, non-seulement du simple rebut, mais aussi nombre de belles et bonnes pièces. Quand un pareil établissement était surpris et brülé par l'ennemi, ce qui devait parfois arriver, quelle quantité d'objets divers ne se trou- Ten pas alors engloutis dans les eaux, au profit de l’archéo- ogie | 1 Wilde. Proceedings of the Royal Irish Academy. April, 4836. p. 220. ? Le lac et son Île sont fort bien visibles du chemin de fer, qui passe auprès. # Dumont d'Urville. Histoire. IV. p. 607. 308 COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. Raison des habitations lacustres. On se demande souvent, quel motif assez puissant pouvait engager les populations antiques de la Suisse à s'établir ainsi sur les eaux à grands frais de peine et de labeur. Sans prétendre trancher la question fort embarrassante, il ne sera peut-être pas sans quelque imtérêt de signaler les circonstances suivantes. Les Romains doivent avoir introduit au nord des Alpes l’art de la maçonnerie avec pierre et mortier et celui de cuire la brique et la tuile, car on ne trouve en Suisse rien de semblable se rapportant aux temps antérieurs. Avant l'invasion de l'élément romain (58 avant J.-C.) on en était donc réduit aux constructions en terre et en bois, telles que César les trouva effectivement chez les Gaulois, dont la civilisation était la même que celle des Helvétiens. Mais de pareilles constructions sont toujours plus ou moins faciles à surprendre ou à incendier. Or, une habitation lacustre, dès qu'on interceptait le pont étroit, qui la reliait à la terre-ferme , n’était plus abordable qu'au moyen d'embarcations, dont l'approche était aisée à empécher par des estaccades ou des rangées de pilotis à fleur d’eau. Gela devait transformer les établissements en question en citadelles presque inexpugnables et bien plus sûres que toute construction de ces temps-là sur terre-ferme. Lorsque l'eau venait à geler en hiver, on pouvait facilement entretenir une zône de glace cassée tout à l’entour. Cela barraiït le passage aux animaux sauvages, plus dangereux pen- dant la mauvaise saison, tandis que chez les peuplades sauvages, aussi bien que chez les nations civilisées, les hostilités s’exercent de préférence en été. On conçoit done la grande importance, que de- valent avoir les habitations lacustres dans la haute antiquité. En renversant la question, on sera conduit à voir dans l'abondance en Suisse des établissements lacustres de l’âge de la pierre et de l’âge du bronze un indice, que pendant ces temps la population du pays était divisée en une multitude de tribus indépendantes et sou- vent en guerre entre elles. Avec l’âge du fer une organisation so- ciale bien supérieure et une certaime centralisation ‘ paraissent avoir fait disparaître en Helvétie les petites guerres intérieures pour y substituer de plus grandes entreprises au dehors ?. Dès lors les ha- bitations lacustres perdaient beaucoup de leur importance ; aussi Les voyons-nous devenir fort rares à cette époque. Si des établissements analogues se sont maintenus plus longtemps en Irlande, c'est que là les hostilités intestines ont désolé le pays fort tard et peut-être plus que partout ailleurs en Europe. Age de la pierre. Voyons ce qu'ont produit les emplacements des habitations lacustres de cet âge en Suisse. 1 Uneinscription romaine, conservée à la maison-de-ville à Lausanne, fait mention d’un parlement helvétien (conventus helvetiorum). 2 Témoin la remarquable expédition des Helvétiens, qui vint sitristement échouer à la bataille de Bibracte devant le génie irrésistible de César, l'an 58 ayant l’ère chrétienne. | COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE, 309 Le pilotage de Moosseedorf a fourni une abondance d’ossements concassés d'animaux. On voit qu'ici, comme dans le Nord, l'homme a ouvert tous les os creux, pour en extraire la moëlle. Seulement les canons de ruminants, dont l'intérieur est partagé en deux par une cloison longitudinale, ne se présentent pas ici fendus dans le sens de leur longueur , transversalement à cette cloison, comme c’est le cas dans les Kjoekkenmoedding du Danemark; ils sont ou- verts irréguliérement et d’une manière quelconque. Beaucoup de pièces portent la marque de l'instrument avec lequel le gibier a été dépécé quand on le mangeait; mais on voit, que ces instruments ne comportaient pas un aussi bon tranchant, que celui des couteaux et coins de l'habitant primitif du Danemark. Effectivement, il manque en Suisse le beau silex du Nord, il était remplacé pour les haches et les coins par des roches serpentineuses et dioritiques. Cela n’em- pêche pas, que les pointes des pilotis de Moosseedorf, qui montrent chaque coup de hache, comme s’il venait d’être porté à l'instant même, ne témoignent de l'habileté avec laquelle l'instrument en gere était manié et de l'effet qu'on pouvait produire par son moyen. n croirait parfois voir des coups de hache d’acier, si l’on ne savait pas ce qui en était. L'ensemble des instruments et ustensiles de Mosseedorf ‘ corres- pond généralement bien avec ce que l’on trouve dans le Nord. Ge sont surtout les mêmes haches en pierre, grandes et petites, puis les mêmes éclats de silex. Seulement la Suisse, étant très pauvre en silex propre à être façonné, les éclats antiques qu'on y rencontre, tant à Moosseedorf qu'ailleurs, sont souvent de provenance étran- gère et ont évidemment été importés de contrées lointaines, entre autres, selon toute apparence, du Midi de la France. Cette circons- tance tend à établir, qu’il y a eu, déjà à l’âge de la pierre, des rela- tions commerciales entre les différentes parties de l’Europe. À Meilen, au Steinberg de Bienne et à Moosseedorf on a même trouvé quel- ques hachettes ou coins d’une espèce de néphrite, qui parait être étrangère à l'Europe et qui pourrait bien provenir de l'Orient. Le même fait se reproduit dans d'autres pays. Ainsi un tumulus de la Normandie a fourni une hache également en népbrite orientale ®. A Moosseelorf on trouve encore une abondance de ciseaux, alènes et poinçons divers en os, puis du bois de cerf travaillé, de la très grossière poterie, des charbons et enfin des cailloux informes, mais cassés de manière à présenter des arrêtes et des angles, évidémment des projectiles, comme ceux du Nord. Le même ensemble d'objets se reproduit à Wangen, au lac de Constance 5. 1 Le musée de Berne en possède une belle collection. Le Dr Uhimann, à Münchenbuchsee près de Berne , en a aussi une bonne collection. ? Montfaucon. Antiq. expl. T. V. p. II. p. 194. Cité par F. Keller. La né- phrite devait être très recherchée, parce qu’elle combine une grande dureté avec une tenacité plus considérable que celle du silex, qui éclate si facilement. 3 Collection d’objets de Wangen au musée de Zurich, où se trouvent aussi des séries de Meilen. 310 COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. Les têtes de lances en silex, si communes dans le Nord, manquent à Moosseedorf et à Wangen. En revanche on y trouve des pointes de flèches en silex, quelquefois même en cristal de roche, seule- ment elles sont en général moins délicatement façonnées que dans le Nord, où l’art de travailler le silex a éié poussé au plus baut degré de perfection, sans doute parce que la matière première sy trouvait de toute beauté. A Moosseedorf de petits coins en pierre, emmanchés longitudina= lement dans des andouillers de cerf, pointus à l’autre bout, consti- tuaient de bezux couteaux à tranchant transversal, à la mode groen- landaise. Des coins plus forts, pris dans un bout de gros bois de cerf, dont l’autre extrémité avait été taillée en moriaise, pour être à son tour emmanchée transversalement dans une pièce de bois, re- présentaient des haches proprement dites. A Wangen il s’est aussi présenté de ces coins, emmanchés simplement dans des bouts de ra- cines ou de branches coudées. Une pièce semblable,' de conservation Fig. 16. (/8) Fig. A7. (1/2) Hache emmanchée, Suisse. Eclat emmanché. Suisse. parfaite, a été trouvée dernièrement près de Halle en Prusse et se voit au musée de cette ville *. Des éclats de silex de Wangen et de Moosseedorf, emmanchés la- téralement dans du bois, dans la fente duquel ils étaient fixés au moyen de goudron encore conservé, représentent évidemment la scie. Ils sont, sinon nettement dentelés, du moins ordinairement crénelés, ce qui les rendait aussi propres à scier, qu'impropres à couper ou trancher. Du reste il ne se trouve en Suisse rien d'autre qui eût pu servir de scie, tandis que l'os, le bois de cerf et même la pierre s’y présentent souvent avec la marque de cet instrument. Dans le Nord la scie est souvent représentée par des pièces de silex en forme de croissant, d’un beau travail, quelquefois à dents bien accusées, mais ce genre manque tout-à-fait en Suisse. Iei en re- vanche les éclats de silex sont fréquemment crénelés, tandis que dans les musées du Nord on les voit parfois à tranchant naturel bien vif et frais, comme s'ils n'avaient pas encore servi. À Wangen et à Moosseedorf on a trouvé des haches et coins en pierre, serpentine surtout, portant la marque de la scie. Comme la roche n’éclatait pas au choc, à la facon du silex, on à été obligé d’avoir recours à l'usage bien plus pénible de la scie pour la façon- 1 Communiqué par M. Silvius Chavannes. DENISE NTI EEE EN DR COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. 311 ner. Des pièces commencées et d’autres à demi-finies mettent le pro- cédé suivi en évidence. Ayant choisi un caillou roulé de la roche voulue, on débutait par y scier des rainures de quelques millimètres de profondeur, ce qui déterminait autant de cassures passablement régulières par le choc. On continuait souvent à dégrossir au pic par le moyen d’un caillou quartzeux pointu et enfin l’on finissait à la meule dormante de différents numéros de finesse. Des marques de ce procédé à l’aide de la scie ne paraissent pas encore avoir été observées dans le Nord, où la matière première, le silex, se dégrossissait et se façonnait si bien, simplement par la taille au choc, ne laissant à la meule dormante que le soin de finir cer- taines pièces. Les huttes ou cabanes des établissements lacustres paraissent avoir été de forme ronde, et construites en treillis ou clayonnage, enduit de terre glaise à l’intérieur; car l’on a retrouvé des fragments plus*ou moins grands de cet enduit intérieur cuit, sans doute par l'incendie, et très bien conservé , de façon à montrer l'impression des branchages entrelacés. Le même mode de construction était en- core en usage chez les Gaulois du temps de César; il se trouve re- présenté parmi les bas-reliefs de la colonne antonine. A Wangen des bouts de corde et des lambeaux de tissus en matière végétale difficile à déterminer rigoureusement, mais ressemblant au chanvre et au lin, établissent la culture antique d’une plante textile. Le tissu étant natté et non pas fabriqué au métier du tisserand, il parait, que ce dernier n'était pas encore inventé. Une circonstance bien inattendue , mais parfaitement constatée, c’est la présence de blé carbonisé à Moosseedorf, et cela jusque tout au fond de la couche tourbeuse à objets antiques, exclusivement de l’âge de la pierre. A Wangen même découverte de blé carbonisé et en grande quantité sur un point qui parait avoir été l'emplacement d’un grenier antique incendié. Le professeur Oswald Heer à Zurich, auteur d’un des plus beaux ouvrages sur la flore fossile, a étudié ce blé de Wangen et y a reconnu le froment commun (triticum vulgare), le blé amidonnier ou la grande épeautre (triticum dicoccum) et l'orge à deux rangs (kordeum distichon). Donc la population de l’âge de la pierre, occu- pant les habitations lacustres de la Suisse, cultivait les céréales *. Ce fait pourrait porter à admettre un second âge de la pierre, postérieur à celui des Kjoekkenmoedding , s'il était prouvé, que la 1 On a aussi trouvé à Wangen des quartiers de la pomme et de la poire sauvage (pyrus malus et pyrus communis). Ils avaient été carbonisés par le feu, ce qui avait assuré leur parfaite conservation. A Moosseedorf M. Uh]- mann a trouvé la chataigne d’eau ou macre flottante (trapa natans L.), qui a maintenant à peu près disparu en Suisse. Quant à la présence à Wangen de faine ou fruit de hêtre {fagus silvatica), de graines de pin (pinus silvestris) - et de graines de la framboise et du meuron (rubus idaeus etrubus fruticosus), elle n’a rien de surprenant. Mais le fruit le plus abondant des habitations lacustres de l’âge de la pierre en Suisse c’est la noisette (corylus avellana), 4 ‘ 312 COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. population, qui a accumulé ces dépôts de coquillages sur les côtes du Danemark, ne connaissait pas l’agriculture. Age du bronze. Pour ce qui concerne cet âge, les objets en métal, qui le caractérisent dans le Nord, présentent la plus grande analogie avec ceux de la Suisse, Ce sont les mêmes haches et couteaux- haches, les mêmes épées, les mêmes bracelets et avec les mêmes ornements ; sauf quelques légères variations locales, comme l’on en observe partout. On reconnait évidemment une civilisation assez uni- forme pendant cet âge-là dans tout le centre de l'Europe. Et cela se conçoit, puisqu’un commerce régulier devait nécessairement fournir aux populations de l’Europe l’étain, qui ne se trouve que sur si peu de points, et qui, avec environ 10 fois son poids de cuivre, constitue le bronze antique, ainsi qu'on l’a déjà vu dans les Considérations générales. I” âge du fer. L'âge du fer antéromain, c’est-à-dire antérieur à l'introduction de la civilisation romaine dans le pays, et que nous appellerons avec les antiquaires du Nord le premier âge du fer, a été reconnu en Suisse il n’y a que quelques années. La découverte la plus importante, se rattachant à cette époque, a été faite à la Tiefenau près de Berne ‘. Une large tranchée dans ce qui a évidemment été un champ de bataille y a fait déterrer une abondance d'objets en fer, comme ferrements de chariots, y compris des cercles de roue, puis des armes diverses, entre autres près d’une centaine d’épées gauloises, longues, droites, à deux tranchants, à extrémité arrondie et sans garde ni croisière, puis des lambeaux de cottes-de-mailles en fer, des mors de chevaux et des garnitures de barnais, mais point de fers de chevaux, quoique les ossements de ces animaux n'aient pas fait défaut. Il y avait en outre des objets en bronze, comme agrafes de manteaux ou fibules, de la verroterie, de la poterie assez grossière, mais faite au tour, une petite meule de moulin à bras et enfin une trentaine de monnaies, qui ont donné une valeur particulière à l’ensemble de la découverte. Ce sont des pièces en bronze, fondues, puis frappées de Marseille, du beau temps de l’art grec (tête d’Apollon laurée à gauche, sur le revers le superbe taureau cornupète, sous lequel on lit en toutes lettres MAZZAAIHTON) puis des pièces en argent, frappées, marseillaises- grecques (oboles), des pièces en argent frappées, gauloises-barbares, à prototype macédonien et marseillais, et enfin des pièces en potin fondues , barbares, parmi lesquelles il y en a-qui paraissent bien être helvétiennes. La présence de ces monnaies, combinée avec l’ab- sence de tout objet de style romain, ne laisse aucun doute sur l’âge antéromain de la trouvaille ?. 1 Collection de ces objets au musée de Berne. 2 Voir l'excellente notice de M. Jahn dans les mémoires de la Société historique du canton de Berne, IL. 350, et dans Le Jahrbuch des Vereines von Allerthumsfreunden im Rheinland XXI. 135. COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. 313 La Tiefenau n’est pas le seul point ayant fourni des objets de cette époque, lesquels sont loin d’être rares en Suisse. Ainsi plu- sieurs tumuli de sépulture, qui s'y rapportent, ayant été soigneu- sement fouillés par MM. Keller et Troyon, ont révélé l'usage des sacrifices humains chez les anciens Helvétiens, qui partageaient donc les mœurs sanguinaires des Gaulois. Il importe de remarquer ici, qu'outre les monnaies étrangères marseillaises et gauloises on en trouve aussi d'indigènes de cette époque. Elles sont du genre des pièces gauloises barbares, mais elles portent des noms de chefs helvétiens, parmi lesquels on re- trouve celui d’Orgetorix, si bien connu par le récit de César. Les légendes de ces monnaies, ainsi que quelques rares inscriptions la- pidaires sont en caractères grecs ou étrusques ‘. L’on sait, du reste, que César trouva l'alphabet grec en usage chez les Helvétiens. Il n’y a aussi que quelques années, que les savants archéologues danois, MM. Herbst et Worsaae, sont arrivés de leur côté et indé- pendamment à reconnaitre ce premier âge du fer dans le Nord*°. La correspondance, qu'il y a entre les antiquités de cette époque en Danemark et en Suisse, est vraiment remarquable. Seulement on n’a pas encore trouvé dans le Danemark de médailles grecques. C’est assez naturel, car étant déjà passablement rares en Suisse, elles le seront encore bien plus dans le Nord, où elles pourraient cependant finir par se trouver. Les seules médailles, qui s'y soient jusqu’à présent présentées avec des objets de cette époque, sont quelques pièces romaines du [°' et du Il” siècle de notre ère. Du reste c’est dans le Nord la même épée en fer, sans garde ni croi- sière, la même hache en fer de la forme de la hache en bronze, le même mors de cheval et jusqu’à la cotte-de-mailles, comme en Suisse. Une circonstance remarquable, c’est que les armes en fer de cette époque présentent dans le Nord un travail de forge d’une rare per- fection, et qui n’a peut-être jamais été surpassé depuis. L'on re- marque ainsi des épées en acier parfaitement damassé *. Il y a même telles pièces, comme des fers de lance, qui sont ornés de traits en chevrons, parfois d’imerustations d'argent, le tout dans le style des pièces correspondantes de l’âge du bronze, ce qui dénote bien le commencement de l’âge du fer. En Suisse on remarque aussi un travail supérieur chez certaines pièces de cette époque. Ainsi un des fragments de cotte-de-mailles de la Tiefenau est formé d'anneaux, qui n’ont que 5 millimètres de diamètre et qui sont forgés avec la plus grande régularité, et les épées en fer, que M. Schwab a trouvées dans le lac de Neuchâtel avec des haches en fer de la forme des haches en bronze, ont des fourreaux en fer admirablement ornés, 1 Mommsen. Nordetruskische Alphabete. Mémoires de la Société des an- tiquaires de Zurich. VII. 1853. ? Worsaae. Afbildninger fra det Kongelige Museum for nordiske Oldsager. Kjoebenhavn. 1854. 3 Communiqué à l’auteur par M. Strunk, l’un des savants et aimables con- servateurs du musée des antiquités à Copenhague. 314 COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. dans un cas même avec incrustation d’argent ‘. C’est du reste le même genre de garnitures et de fourreaux que ceux de la Tiefenau, où l'on n’a cependant pas trouvé la hache en fer de la forme de la hache en bronze. Enfin l’on trouve depuis le Midi de l'Italie , à travers la Suisse et l'Allemagne , jusque dans le Nord certains vases en bronze, ornés de figures animales, supérieurement bien exécutées et plus rarement de figures humaines , moins parfaites, le tout dans un style jusqu'à un certain point étrusque ou archaïque, si l’on veut, et représentant un art, une civilisation, qui a évidemment précédé le développement romain. Cela ne veut pas dire, que cette civilisation soit antérieure aux premiers temps de Rome, lesquels y rentrent vraisemblablement, mais seulement, que dans les pays où elle se présente, elle est anté- rieure à l'invasion de l’élément romain proprement dit. Elle aurait immédiatement précédé celui-ci et aurait été remplacée par lui, ensorte qu'on devra la trouver parfois en contact immédiat avec l'élément romain lui-même. Fig. 18. (?/,) Bronze de Græchwyl. Suisse. La pièce la plus curieuse de ce type étrusque, trouvée en Suisse, est le bronze de Græchwyl, conservé au musée de Berne et décrit 1 Voir le second mémoire de M. Keller déjà cité sur les habitations lacus- res. Mém. Soc. ant. de Zurich. vol. XII. Cahier 3. Planche III. EME té" 4 y COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. 315 par M. Jahn ‘. C'était un ornement rivé à un vase en bronze, dont il restait des débris. Il présente des traits de ressemblance avec le style assyrien, car le dessin des muscles dans les jambes des lions et celui de la crinière de ces animaux est dans le genre de celui des taureaux de Ninive. Comme exemple de pièces de l'Allemagne on peut citer le vase en bronze de Mayence, conservé au musée de Copenhague et orné d’une chasse, gravée sur son pourtour, puis un autre vase du même genre trouvé dans le Hanovre et très bien décrit par M. Emfeld *. Le Danemark lui-même a fourni son contingent de pièces de ce type, témoin le vase en bronze de Himlingoeie en Seeland, conservé au musée de Copenhague. On peut également faire figurer ici le ei- Fig. 19. (1/3) Vase en bronze de Himlingoeie. Danemark. mier de casque en bronze, trouvé dans la tourbière de Viemose près d’Allesoe dans l'ile de Fyen avec une grande quantité d’objets divers 4 À, Jahn. Etruskische Alterthümer gefunden in der Schweiz. Mém. Soc. ant. de Zurich. vol. VIIL cahier V. Zurich. 4852. Voir aussi Gerhard. Ar- chäologische Zeitung. Berlin 1854. p. 177. 2? Brochure indépendante sans date, 316 COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. du premier âge du fer, mais aussi avec quelques monnaies romaines des deux premiers siècles de notre ère. Fig. 20. (2) : Cimier en bronze. Danemark. Enfin le musée des antiquités du Midi à Copenhague contient des vases en bronze rapportés d'Italie, qui réunissent les caractères des pièces de Græchwyl avec ceux des vases de Mayence, du Hanovre et de Himlingoeie. On y voit les mêmes animaux très bien exécutés, les figures humaines d’un dessin moins habile quoique expressif, le casque grec, la palmette étrusque et les ornements correspondants. Il paraît done, que le premier âge du fer en Suisse et dans le Nord se rattache à l’époque de civilisation de la grande Grèce, qui a pré- cédé les temps de la splendeur romaine. Races humaines. La grande question des races humaines antiques n'est pas bien avancée en Suisse. Îl n’y a guère que M. Troyon, qui ait recueilli des matériaux pour sa solution. En examinant sa collection, qui contenait des échantillons , allant depuis le premier àge du fer inclusivement jusqu’au XV° siècle de notre ère, M. Retzius a groupé ces crânes en séries diverses, dont chacune représente un peuple à part. Il s’y est trouvé ainsi des Etrusques, des Celtes, des Goths, puis des Slaves et des Huns. Les Goths, dans lesquels ren- trent les Burgondes, sont en nombre à peu près égal à celui des Celtes et des Romains. Les Celtes sont plus nombreux que les Romains. Les Etrusques, les Slaves et les Huns ne sont qu'exceptionnels. Ces peuples sont précisément ceux, que M. Troyon avait déjà re- connus , Comme ayant anciennement habité le pays, en ne consi- dérant que les débris de leur industrie et sans avoir égard à leurs crânes . ! Communication de M, Troyon, M Le tn cs mnt. té idées COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. 317 Depuis la visite de M. Retzius en 1857 la collection de M. Troyon s’est augmentée de quelques crânes de l’âge du bronze, trouvés dans les environs d’Aiïgle et de Sion. Ils représentent le type arrondi de l’âge de la pierre. Mais d'autre part la découverte sur les mêmes points de nombreuses tombes cubiques ‘, si caractéristiques pour l’âge de la pierre et contenant pourtant une abondance de bronze, avait amené M. Troyon à conclure , que sur ces points de la vallée du Rhône la race primitive de la pierre avait continué à subsister pendant l’âge du bronze, dont eile aurait adopté la civilisation, sauf ce qui concernait les usages religieux de l’inhumation ?. Avec l'introduction du fer en Suisse paraît correspondre l’arrivée de cette même race, qui aurait apporté la civilisation du fer dans le Nord. C'est plus ou moins indiqué par la remarquable analogie de style dont il a été question entre les objets de l’époque antéromaine du fer en Suisse et ceux du Nord. Puis, un crâne humain bien con- servé, provenant d’un tombeau de la Tiefenau et nettement carac- térisé par les objets trouvés avec, comme appartenant à ce premier âge du fer, présente précisément le même profil que le crâne de Sanderumgaard, fig. 8. La hauteur du crâne suisse est identique- ment la même et sa longueur est encore un peu, savoir de 5 milli- mètres, plus grande que celle du crâne danois. Ce crâne de la Tie- fenau se trouve au musée de Berne avec un second du même âge, moins complet, mais présentant le même allongement d’avant en arrière. Si les cas de survivance de la race humaine primitive sont de rares exceptions, c'est que l'introduction de la civilisation du bronze paraît s'être effectuée, moins par des relations purement pacifiques, que par le moyen d’un grand bouleversement social, comme cela a déjà été indiqué, à propos de l'apparition des animaux domestiques. On aurait donc dans la trouvaille d’Aigle ot de Sion un de ces cas bien prononcés d’une population antique, se maintenant dans les montagnes, tandis qu'elle disparaissait dans les pays ouverts, où elle était supplantée par de nouveaux venus. Il se pourrait bien, qu'en Europe la succession des trois âges de la pierre, du bronze et du fer correspondit à la succession de trois races humaines distinctes, qui se seraient successivement supplantées sans se mêler ni se fondre, à peu près comme il en arrive de nos jours dans l'Amérique septentrionale, où la race blanche supplante la race cuivrée. Car, si la distance qui sépare ces deux races est plus grande que les distances qu’on peut supposer avoir existé entre les 1 Tombes en dalles brutes avec un vide intérieur de 2 à 3 pieds de lon- gueur, sur à peu près autant de largeur et de hauteur, et dans lequel le corps a été placé reployé, soit assis. 2 Troyon. Statistique des antiquités de la Suisse occidentale, IVe Article. Indicateur d'histoire et d’antiquité suisse. Zurich. Mars 1856. 3 Monsieur N.-G. Bruzelius a observé en Scanie un cas semblable d’une sépulture de l’âge du bronze avec crâne du type de l’âge de la pierre. Annaler for nordisk Oldkyndighed og Historie. Kjoebenhavn. 1854. 318 COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. races qui se seraient succédé en Europe, cette circonstance aurait vraisemblablement été largement compensée par la plus grande fé- rocité des mœurs dans l'antiquité, amenant des antagonismes de race suffisants pour expliquer l’extermination des populations an- ciennes par les envahisseurs. Enfin la question se complique de cette autre question non encore résolue scientifiquement, savoir de l'unité du genre humain. Car, selon les observations de savants de grand mérite, les types bien distincts des races humaines, comme la blanche, la cuivrée et la nègre, ne produisent pas en se croisant de race in- termédiaire de fusion, qui se propagerait et se maintiendrait en vertu de sa propre fécondité. A propos de ce qui se passe actuellement en Amérique rapportons ici le passage suivant, emprunté à un ouvrage récemment publié *. « La civilisation qui s’approche n’a point de prise sur ces peu- plades (peaux-rouges des Etats-Unis), elle les refoule et elle étemt le peu de vie qui leur reste. {l y a près de Vancouver un territoire, où florissait naguère une tribu puissante. La charrue est venue un jour creuser des sillons dans ce sol, que n'avait jamais ouvert le travail de l’homme ; aussitôt les fièvres se sont répandues dans le district et la population indienne presque tout entière a succombé. Tel est le sort que la civilisation réserve aux peaux-rouges. Repoussé par l'invasion européenne, abruti par les spiritueux, que lui appor- tent les blancs, l’Indien remontera vers le Nord; il fuira jusqu'à ce qu'il se trouve acculé aux glaces éternelles du pôle; là, après avoir jeté ses inutiles filets et lancé dans le vide sa dernière flèche, n'es- pérant plus que dans l'hospitalité promise par le Grand-Esprit, il se couchera sur la neige, qui l’aura bientôt couvert de son linceul, et, avec lui, toute une race aura disparu à jamais de la surface de la terre. » Races animales domestiques et espèces sauvages. La question des espèces et des races animales antiques est plus avancée en Suisse que celle des races humaines. On a recueilli bon nombre d'osse- ments , à l'étude spéciale de laquelle s’est mis le savant professeur Rutimeyer à Bâle. Voici le résumé des résultats qu'il a obtenus jus- qu'à présent ?. Les pilotages de l’âge de la pierre de Wangen (W.) au lac de Constance, de Wauwyl (WW.) dans le canton de Lucerne * et de Moosseedorf (M.) près de Berne, ont fourni en fait d'animaux évi- demment domestiques : 1 Paul Kane. Wanderings of an artist among the Indians of North America. London 1859. Revue des Deux-Mondes du 15 Août 1859. On voit que c’estun artiste qui peint ; il colore vivement, ce qui ne veut pas dire, que ses con- tours soient faux. 2 Mémoires de la Société des antiquaires de Zurich. XIII. Janvier 1860. 3 Exploité avec un soin minutieux par le colonel Suter à Zofingue. cn nd | | | ‘ ; COMPARAISON DU NORD AVEC LA SUISSE. 319 Chien. Une race très constante et uniforme dans les diverses lo- calités, elle était assez petite, sa taille tenant le milieu entre le chien courant et le chien d'arrêt. Chèvre Mouton Vache. Une petite race à cornes fortement arquées. Partout. Les mêmes trois localités ont fourni les animaux sauvages suivants : Ours brun (Ursus arctos, L.) M. Blaireau (Meles vulgaris, Desm.) M. WW. Fouine (Mustela foina, Briss.) M. WW. Marte (Mustela martes, L.) M. WW. Putois (Mustela putorius, L.) M. WW. Hermine (Mustela herminea, L.) WW. Loutre (Lutra vulgaris, Erxl.) M. Loup (Canis lupus, L.) W. WW. Renard (Canis vulpes, L.) Partout. Chat sauvage. (Felis catus, L.) M. WW. Hérisson. (Erinaceus europæeus, L.) M. Castor. (Castor fiber, L.) M. WW. Ecureuil. (Sciurus europœus, L.\ M. WW. Sanglier. (Sus serofa ferus, L.) M. WW. Cochon des ‘tourbiéres. (Sus scrofa palustris, Rut.) Une race sauvage très particulière, établie par M. Rutimeyer, qui n’en fait cependant pas encore une espèce à part ‘. Dans toutes les trois lo- petites races. Dans toutes les trois localités. calités. Elan. (Cervus alces, L.) Partout. Cerf. (Cervus elaphus, L.) Partout. Chevreuil. (Cervus capræolus, L.) Partout. Urus. (Bos primigenius, Boj.) M. Bison. (Bos bison.) WW. Bœuf sauvage. (Bos taurus ferus.) M. Autour. (Falco palumbarius, Gmel.) M. WW. Epervier. (Falco nisus, Gmel.) M. Ramier. (Columba palumbus, L.) M. Canard sauvage. (Anas boschas, L.) M. WW. Sarcelle. (Anas querquedula, L.) M. Héron gris. (Ardea cinerea, L.) M. Tortue d'eau douce. (Cistudo europæa, Dum.) M. Grenouille. (Rana esculenta, L.) M. WW. Saumon. (Salmo salar, L.) M. Brochet. (Esox lucius, L.) M. WW. Carpe. (Cyprinus carpio, L.) M. Vandoise (Cyprinus leuciscus, L.) M. Il est bien digne de remarque, que le lièvre (lepus timidus) manque ici complètement, comme dans les Kjoekkenmoedding du Nord. Cela parait indiquer, que les habitants primitifs de la Suisse, comme ceux ? M. Rutimeyer va la publier dans les mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles, sur des souris. Le cochon domestique et le cheval paraissent manquer à l'âge de la pierre eu Suisse, Quelques faite isolés ot douioux mn parmi ces pièces du Sieiubers une méchoire de ehien, correspondant, an le. vu til brouze eu Danemark, Î y avait aussi le cochon domestique ; puie des ve louge des membres du mouLoR, Eu prémune de fit À hou vraivandabie, les ans entre ne Laniens ee D 9 Site à ee Le ee m'est, d'après e qu'on à pu voir, que parce qu'ils s'y sont malin euux dovout les cordons de Visas, qu et les Lapons nomades qui élevent Le rene, On vonvewrait 1 M. Troyou « trouvé à Echallens das des Lombes burgondes du Vees du VIS siècle de notre dre des chevaux de le taille de wos plus grauds ‘heveas aus. s. QUESTION CHRONOLOGIQUE. 321 done aisément, que le fait de l'introduction d'une race bovine do- ique eût pu amener la destruction du renne dans les régions tempérées de l'Europe, où il a existé, non-seulementen Danemark, comme on l’a déjà vu, mais aussi en France, en Belgique ‘, en An- Eee * et en Suisse *. [l'est cependant bon de Se gl que restes de renne trouvés jusqu'à présent en France, en Belgique, en Angleterre et en Suisse pourraient bien tous dater de l'époque | ner et donc être tous antérieurs à l'apparition de l'homme en uvpe On peut donc pressentir, quel singulier intérêt, au point de vue de l'antiquité, les régions polaires et les régions alpines doivent pré- senter et quelles grandes questions y trouveront encore leurs solu- tions. VI. QUESTION CHRONOLOGIQUE. Etat de la question. La chronologie générale des trois grandes bases dans le développement de la civilisation en Europe, appelées de la pierre, âge du bronze et âge du fer, est purement relative, . comme la chronologie des terrains en géologie. On ne sait pas quand l'âge de la pierre ou celui du bronze, ou méme celui du fer a com- mencé, ni combien de temps chacun d'eux a duré. On saït seulement 1 ce qui concerne l'âge du bronze a succédé à l'ordre de choses l'âge de la pierre et a précédé cet événement, si important pour les destinées humaines, l'introduction de la fabrication du fer, C'est déjà beaucoup, car il y a bien peu de temps qu'on ne savait rien du tout de ce qui s'était passé antérieurement à l'âge présent du fer. Mais on est tellement habitué aux dates précises dans ce qu’on a jusqu'à présent entendu sous histoire, du reste sans beaucoup s'in- quiéter, si le chiffre Em était vrai ou purement imaginaire, qu'on ne peut pas au premier abord se faire au genre des données simple- ment ives de l'archéologie, à une histoire sans dates absolues. Les dates figurent avantageusement méme en poésie, témoin les cé- lèbres vers de V. Hugo, sur Napoléon II : Mil huit cent onze ! — À temps, où Les peuples sans nombre Attendaient prosternés sous un nuage sombre, Que le Ciel eut dit oui! 4 Pictet. Traité de paléontologie. Genève. 1853. 1. 356. [4 rm A history of british fossil mammals and birds, London. 1846. p- 479. 3 Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles, Décembre 1859. 322 QUESTION CHRONOLOGIQUE. On s’est bien habitué aux dates relatives en géologie , où l’on n’a et où l’on n'aura encore de longtemps autre chose. Il faudra aussi s’y faire en archéologie, car l’histoire avec dates positives et directes ne remonte pas bien haut. Les données chronologiques réelles les plus anciennes ne remon- tent pas au-delà de l’ère des Olympiades (776 avant J.-C.) et les inscriptions grecques les plus anciennes, qu'on connaisse, ne vont pas plus loin. Les dates antérieures sont computées en séries généa- logiques de générations, ou de noms de rois ou de noms de prêtres, dont rien ne garantit l'authenticité. Ainsi l'historien Hécatée de Milet, qui vivait vers 500 avant J.-C., fixait l’époque, à laquelle les dieux se croisaient encore avec les hommes, à 16 générations ayant lui, ce qui ferait environ 9 siècles avant l’ère chrétienne. Il est vrai qu'il trouvait des contradicteurs ; les uns ajoutaient un certain nombre de générations à sa donnée, d’autres, plus rationalistes, se permet- taient de douter que les hommes fussent issus des dieux ‘. Cela peut donner une idée de la valeur des dates grecques antérieures à l’ère des Olympiades. Quant aux monnaies frappées, considérées comme les plus an- ciennes, ce sont des pièces grecques en argent d'Egine et de Cyzique en Asie-Mineure, sans date et sans légende aucune, mais qu'on es- time être de la fin du VII siècle avant J.-C. ?. Or à cette époque le fer devait être en usage et depuis quelque temps déjà, car les monnaies en question doivent avoir été frappées au moyen de coins en acier, gravés avec des burins en acier, et ce n'est pas par là qu'on débute dans l'emploi du fer. On peut donc estimer, que le fer était connu dans le Midi au moins un millier d'années avant l’êre chrétienne, c’est-à-dire il y a envi- ron 30 siècles. On entend souvent dire, que la connaissance des métaux s’est répandue très lentement du Midi vers le Nord, où elle ne serait ar- rivée que fort tard. Mais ceci n’est qu’une pure et simple conjecture, à laquelle on peut opposer les considérations suivantes. Relations commerciales antiques. La présence de matières miné- rales étrangères , silex et néphrite, parmi les restes de l'âge de la pierre en Suisse, indiquerait des relations de commerce à distance déjà dès la plus haute antiquité. Cela ne saurait surprendre, quand on voit les Indiens des Etats-Unis, appartenant par leurs mœurs à la civilisation de l’âge de la pierre, être grands amateurs de voyages et répandre la belle pierre à pipe rouge de Côteau-des-Prairies à de grandes distances de son gisement. 1 Hérodote. II. 143. 2 Ces pièces n’ont d’effigie que d’un côté. C’est lun animal ou seulement une tête d’animal sans inscription. De l’autre côté se trouve la marque de l’enclume, sur laquelle on posait la pièce, pour lui donner la frappe, le qua- dratum incusum. Les monnaies romaines frappées les plus anciennes sont de 269 avant J.-C. Ce sont des pièces en argent, US ss dm QUESTION CHRONOLOGIQUE. 3923 On invoquera peut-être l'exemple de ces Indiens des Etats-Unis en faveur de l'opinion, que l’usage de la pierre et des métaux pour instruments tranchants aurait pu exister simultanément dans le même pays, ensorte que la différence de ces matières en Europe pourrait provenir, non d’âges différents, mais de degrés différents de eivili- sation ou de richesse à la même époque et chez le même peuple. Mais le cas en question prouve plutôt le contraire. car ces [ndiens se sont si bien hâtés d'adopter le fer, qu'ils ne se servent plus de leurs anciens instruments en silex qu'en qualité d'amulettes et qu'ils ne savent plus même les fabriquer. Ces objets ont ainsi déjà passé chez eux dans l’ordre des antiquités. Pendant l’âge du bronze un commerce régulier doit, comme nous l’avons vu, avoir nécessairement existé entre les différentes parties de l'Europe, où régnait alors une civilisation assez uniforme, pour ce qui tient aux arts techniques du moins *. A combien plus forte raison de pareilles relations commerciales et une pareille uniformité et contemporanéité dans les éléments les plus importants de l'industrie ne doit-il pas y avoir eu en Europe dès les premiers temps de l’âge du fer. Pour ce qui concerne le Nord en particulier , il parait qu'à cette époque il entretenait des relations commerciales non-seulement avec le Midi, mais peut-être même avec l'Orient. Car les vases en bronze, dont il a été question, présentent entre autres des figures si animées de lions , qu'ils doivent, semble- t-il, sortir de la main d'artistes ayant eu ces animaux sous les yeux. Un autre article, que le Midi, peut-être l'industrie phénicienne, a fourni au Nord, sont les Millefiori *, dont on a trouvé quelques exemplaires en Danemark et en Suède. En revanche le Nord a fourni à l'ancienne Grèce l’ambre de la Baltique. L'on sait aussi, que les parages de la mer du Nord ont été visités au [V° siècle avant l’ère chrétienne par des navigateurs grecs, qui doivent avoir atteint une latitude de 64 à 66°, car ils y indiquent une durée de 2 à 3 heures pour la nuit la plus courte. Ils ont peut- être même poussé jusqu'au cercle arctique, dont ils ont dans tous les cas eu une connaissance directe ou indirecte, puisqu'ils savaient, que le jour y mesure 24 heures au soistice d'été *. Or, ils n'auraient pas manqué de rapporter un fait aussi extraordinaire, que celui de l'emploi du bronze, au lieu du fer, pour les armes et les mstruments 1 Le musée de Copenhague contient une série d’antiquités italiennes de l'âge du bronze, correspondant très bien avec ce que l’on trouve dans le Nord. ? Boules de verre avec un noyau intérieur en mosaïque de verre coloré, soit d’'émail. Elles se rencontrent dans les sépultures étrusques et égyptiennes, Minutoli. Uber die Anfertigung und Nutzanwendung der farbigen Gläser bei den Alten. Berlin. 1836. 3 Lelevel, Pytheas de Marseille et la géographie de son temps. Bruxelles. 1836. Edition allemande : Hoffmann. Pytheas und die Geographie seiner Zeit. Leipzig. 1838. 324 QUESTION CHRONOLOGIQUE. tranchants, puisqu'ils ont su décrire, entre autres, comment l’on battait le grain dans des granges couvertes, à cause du climat plu- vieux. Enfin les Sagas et les traditions les plus anciennes du Nord jouent toutes dans l’âge du fer et ne savent rien d’un âge du bronze . Civilisation antique du Nord. Le Nord, surtout le Danemark, est riche en silex d’une très belle qualité, particulièrement propre à être façonné par la taille simplement au choc. Cela facilitait extrémement le travail et permettait d'établir à peu de frais des instruments d’un usage assez bon, car le silex est encore plus dur que l'acier ?. Cette circonstance toute matérielle doit avoir contribué, et peut-être pour beaucoup, à amener un développement supérieur de la civilisation primitive dans ce pays. Aussi certains poignards en silex d’une seule pièce et à manche orné, qu’on trouve dans le Danemark, sont- ils les plus beaux objets de ce genre, qui aient jamais été observés où que ce soit, dans le monde entier. La civilisation de l’âge du bronze paraïtrait aussi avoir atteint son point culminant précisément dans le Nord, à en juger du moins par le contenu des musées. Enfin, pour ce qui concerne le premier âge du fer, les données archéologiques directes et indirectes font entrevoir, que le Nord a eu à cette époque une civilisation assez avancée, quoique indépen- dante de celle de Rome. On ne s’en doutait généralement guères, mais l'attention du public lettré avait été tellement absorbée par l’é- lément romain, que celui-ci était arrivé à voiler, pour ainsi dire, tout un développement antérieur extrêmement remarquable et qui commence maintenant à se dessiner à l’horizon *. Il paraîtrait, que les parages de la Baltique avec leur archipel da- 1 Munch. Die nordisch-germanischen Vôülker. Lubeck. 1853. p. 7. 2 Si le silex n’était pas si cassant et qu’il eût la tenacité de l’acier il serait d’un usage supérieur à celui-ci. 3 Actuellement le Nord scandinave possède unc culture intellectuelle, dont on ne se fait pas toujours une idée bien nette dans le Midi. Voici quelques faits significatifs : Le professeur Ursin a publié il y a une vingtaine d’années à Copenhague une astronomie populaire. pour la traduction islandaise de laquelle il a eu en Islande 600 souscripteurs, parmi lesquels figuraient de simples domestiques de ferme des deux sexes. En 1840 la lecture des paysans islandais était une traduction nouvelle et fort bonne, non point du Juif errant d’Eugène Sue, mais de l'Odyssée d’Homère. Le professeur Berlin de Lund a publié en 1852 sur les sciences naturelles un traité populaire, dont 20,000 exemplaires ont été placés en Suède et 40,000 en Norvège. Quant au Danemark, sa capitale passe pour être l’Athènes du Nord, tant pour ce qui concerne les sciences, que pour ce qui touche aux arts de la scène, de la mu- sique, de la peinture et surtout de la sculpture. L’excellence du caractère scandinave a été bien comprise par un bernois de la génération passée. Voir le remarquable ouvrage de Ch. V. de Bonstetten : L'homme du Midi etl’homme du Nord. Ile édition. Genève 1826. mntn utihtes té sms. te te QUESTION CHRONOLOGIQUE. 325 nois, dont le sol est si fertile, ont représenté anciennement un centre de civilisation, comme les contrées de la Méditerranée avec leur ar- mel grec. out cela ne tend certes pas à établir, que la connaissance des métaux soit arrivée fort tard dans le Nord scandinave. L'ensemble des faits porte au contraire à considérer toutes les parties de l'Eu- rope comme ayant vraisemblablement traversé à peu près simulta- nément d'abord l’âge de la pierre, puis l’âge du bronze et en dernier lieu le premier âge du fer. C’est assez naturel, car dans une partie du monde à la fois si petite et si entrecoupée par les mers, par con- séquent d'accès si facile, les grandes révolutions industrielles et so- ciales, préparées à l’avance dans l'Orient, devaient rapidement s’in- troduire et se répandre. Chronologie absolue. Si l’on ne sait rien sur la date absolue de l’âge de la pierre et de l’âge du bronze, on reconnait du moins à l'accumulation considérable de leurs restes, qu'ils ont chacun d'eux duré très longtemps. En Danemark les tombeaux de l’âge de la pierre se trouvent en quantité prodigieuse et souvent ce sont des ouvrages vraiment gigantesques. L'établissement lacustre de Moosseedorf doit évidemment avoir duré très longtemps, à en juger d’après la quantité de tourbe, qui s’est formée dans l'intervalle et qui a englobé des dé- bris de l’industrie de l’âge de la pierre. Quant aux cités lacustres nombreuses et souvent fort étendues de l’âge du bronze, qui ont existé dans le lac de Bienne et dans celui de Genève, elles n’ont guère été construites pour être immédiatement abandonnées. Les savants danois estiment, que l’âge de la pierre remonte au moins à 4000 ans, peut-être beaucoup plus haut. Effectivement, l'apparition de l’homme de bonne heure dans la couche à pins des Skovmose lui assigne une antiquité très haute en Danemark, ainsi que nous l'avons déjà vu. Mais de pareilles estimations ne peuvent pas aboutir à des résultats positifs. Pour arriver à des dates en archéologie il faudra recourir à l'intervention de la géologie, tout comme l'on ne pourra obtenir des données de chronologie absolue en géologie , qu'avec le secours de l'archéologie , en partant d’une connaissance suffisamment appro- fondie de ce qui s'est passé depuis l'apparition de l’homme sur la terre. Les deux sciences sont appelées à se compléter ainsi récipro- quement. Voici une observation de ce genre géologico-archéologique, qui vient d'être faite en Suisse. L Cône de la Tinière. La cône de déjection torrentiel (Schuttkegel en allemand) de la Tinière ", là où ce torrent se jette dans le lac Léman à Villeneuve, est coupé transversalement par les travaux du chemin 1 Pour des renseignements sur ce genre de formations voir : À. Surell. Etudes sur les torrents des Hautes-Alpes. Paris 4841. in-40. C’est un fort bon travail, seulement les cônes éteints de l’auteur appartiennent au Diluvium et non aux formations modernes. 326 QUESTION CHRONOLOGIQUE. de fer. La tranchée ainsi produite a mis au jour l’intérieur du cône sur une longueur de 500 pieds environ et sur une profondeur allant jusqu’à près de 23 pieds. Il s’est trouvé là à 4 pieds (exactement à 1,1% mètre, mesuré jusqu'à la base de la couche) de profondeur sous la surface du sol, bien régulièrement parallèle à celle-ci et cela sur une grande étendue, tant en longueur qu’en largeur (1500 mè- tres carrés, au moins), un ancien sol de 4 à 6 pouces (12-18 centi- mètres) d'épaisseur, avec fragments anguleux de tuiles romaines et avec une monnaie romaine assez fruste , mais paraissant antérieure au bas-empire. À 10 pieds (exactement à 2,97 mètres, mesuré jus- qu’à la base de la couche) de profondeur sous la surface moderne du sol et encore régulièrement parallèle à celle-ci, sur une grande étendue en longueur et en largeur (2500 mètres carrés environ), s'est montré un second ancien sol de 6 pouces (18 centimètres) d'épaisseur, caractérisé comme appartenant à l’âge du bronze par la présence d’un objet en métal bien conservé ‘ et par des fragments anguleux de la poterie de cette époque. Enfin à 19 pieds (exactement tà 5,69 mètres) de profondeur sous la surface actuelle, la terre végé- ale superficielle atteignant sur ce point, par suite de circonstances particulières, une épaisseur de 1 ‘/}, pied (0,45 mètre), a été mis à découvert sur un espace encore assez étendu (350 mètres carrés en- viron) et toujours parallèlement à la stratification générale du dépôt une couche d’ancien terreau de l’âge de la pierre de 6 à 7 pouces (20 centimètres) d'épaisseur, avec de nombreux fragments anguleux de poterie très grossière, avec charbons abondants et avec ossements concassés d'animaux, dont plusieurs avaient été rongés par un car- nassier. Evidemment l’homme avait vécu là sur place et pendant assez longtemps, car les charbons se trouvaient encore dans une couche graveleuse inférieure, à 20 pieds (exactement à 6,09 mètres) sous la surface actuelle du sol. Il ne sera pas inutile de signaler, que les trois couches en ques- tion de 4 pieds, de 10 pieds et de 19 à 20 pieds de profondeur, re- présentent bien autant d'anciens sols en place. Car si elles avaient été formées et déposées par le torrent telles qu'on les trouve, les fragments de poterie, qu'elles contiennent , seraient arrondis et non pas anguleux et l’on n’y verrait pas dans toutes les trois de fragiles coquilles d’escargots, parfaitement intactes et bien conservées *. Maintenant, en déduisant trois siècles pour l'effet des diguements modernes, en fixant le début de l’époque romaine en Suisse au com- mencement de l’ère chrétienne et sa fin à l’an 563 après J.-C., date de l’éboulement du Tauredunum qui ravagea cette localité, on arrive à admettre, qu'il a fallu de 10 à 15 siècles pour enfouir la couche 1 Pincette, soit épilatoire en bronze coulé, du style de l’âge du bronze et conservé dans la collection de M. Troyon à Eclépens. 2 Le musée de Copenhague et celui de Lund possèdent chacun un relief en plâtre représentant le cône de la Tinière avec la tranchée du chemin de fer et les couches en question. QUESTION CHRONOLOGIQUE. 327 romaine sous à pieds (exactement 0,92 mètres, en déduisant 0,15 m. pour l'épaisseur de la couche romaine et 0,07 m. pour l'épaisseur du gazon) d’alluvion torrentielle. On peut aussi admettre, d’après l’uniformité et la régularité dans la composition intérieure du cône, que celui-ci à eu un terme d'accroissement assez constant, du moins dès que l’on considère, comme nous le faisons ici, des séries de plu- sieurs siècles. Seulement cet accroissement devait aller en se ralen- tissant peu à peu, parce que le volume d'un cône augmente comme le cube de son rayon. En ayant égard à cette circonstance , en pre- nant 900 pieds, soit 270 mètres, pour rayon du cône actuel (ce qui est un minimum) et #° comme inclinaison de sa surface dans la ré- gion en question (d’après 40 mesures basées sur les nivellements des ingénieurs du chemin de fer) on arrive à donner de 29 à 42 siè- cles d’antiquité à la couche appartenant à l’âge du bronze et de 47 à 70 siècles d’antiquité à la couche datant de l’âge de la pierre. Par le même caleul on trouverait de 74 à 110 siècles pour l’âge total du cône entier, ce qui est évidemment un minimum plutôt qu'un maxi- mum. La date ainsi trouvée de la couche de l’âge du bronze ne s'accorde pas si mal avec ce qui a été dit sur l’antiquité du fer. Quant à la date de la couche de 19 à 20 pieds, si l’âge du bronze a eu une longue durée, ainsi que tout porte à le croire, combien de temps n’aura-til pas fallu à l’homme, pour arriver des débuts de sa civilisation primi- tive jusqu'au bronze. Les progrès de l'humanité dans son enfance ne devaient-ils pas être extrêmement lents ! On sera peut-être surpris, de ce que les couches intermédiaires du dépôt torrentiel n'aient pas aussi fourni des antiquités. D'abord, il n’est pas dit, que l'emplacement ait constamment été habité ; au contraire, il doit parfois avoir été abandonné pendant longtemps, à la suite des ravages du torrent. Ensuite, ce ne pouvait être qu’exceptionnel- lement, que le torrent, en se déversant à droite ou à gauche, laissait subsister la couche de terre végétale, qui pouvait s’y être formée depuis les dernières débâcles. Il devait pour l'ordinaire commencer par l'enlever et la balayer entièrement ; ce n’est que quand il la re- couvrait subitement par une nouvelle couche de gravier, amené sans trop d’impétuosité, qu’elle était conservée. Aussi les couches de terreau ancien se perdent-elles entièrement, en approchant de l'axe central du cône, où l’eau a toujours eu plus de violence, comme le confirme l'accroissement graduel du volume des matériaux de trans- port dans cette direction. Sur un point de cette région il s’est trouvé ans le gravier, mais encore à 10 pieds de profondeur, un couteau- hache en bronze assez oxydé et une hache en bronze bien conser- vée, qui n'avait donc pas été roulée. Sa nature pesante l'aura fait rester sur place, tandis que le terreau, qui l’entourait, était enlevé par le torrent, Il va sans dire, que chacun des anciens sols en question ne re- présente pas la durée totale de chacun des âges correspondants, mais seulement une portion quelconque de chacun de ces âges. Il se pour- + 328 QUESTION CHRONOLOGIQUE. rait cependant, que la présence de chacun de ces anciens sols soit la conséquence d'autant de diguements, qui en arrétant les débor- dements du torrent de ce cté-là, auraient permis au terreau de se former et d'atteindre une certaine épaisseur. Dans ce cas chacune des trois couches en question marquerait plutôt la fin que le com- mencement de chacun des âges correspondants. Ceci est confirmé, pour ce qui concerne la couche de l’âge du bronze, par le beau tra- vail de la pincette en bronze, qui y a été trouvée et qui ne saurait guères appartenir aux débuts de son âge. Quant à la couche de ter- reau à la surface actuelle du sol, sa faible épaisseur normale de 2 à 3 pouces (6 à 9 centimètres) seulement, y compris l'espace occupé par les radicules du gazon, prouve qu’elle n’est pas de date bien an- cienne. s Le cône de la Tinière a été depuis trois ans l’objet d’études sui- vies, dont les détails seront livrés au public. Les résultats, qui vien- nent d’être exposés , paraissent assez satisfaisants, mais il importe maintenant, d'arriver à les comparer avec d’autres faits du même genre, obtenus dans d’autres localités. Dans tous les cas c’est une chance singulièrement heureuse, de trouver ainsi des couches des trois âges dans la même coupe et le résultat obtenu, quelque peu absolu et certain qu’il puisse paraitre, vaut assurément mieux que l'absence complète de toute donnée sur le sujet. Aussi faudra-t-il bien se contenter pour le moment de cette première approximation, faute de mieux *. 1 Des objections contre ce qui a été dit du cône de la Tinière ont été soulevées dans le sein de la Société vaudoise des sciences naturelles. Voir le Bulletin de cette société du 16 juin 1858. Mais le contradicteur n'ayant pas cru nécessaire de vérificr les observations de l’auteur, ni même de tenir compte de ses résultats numériques, celui-ci s’est cru dispensé de répondre autrement que par le silence. de. 2 “mire ADDITIONS ET CORRECTIONS. Une édition anglaise des Considérations générales a paru à Londres, en Février 1860, dans le journal The Geologist. Page 268, ligne 22 à 25. Cette remarque sur l’origine du bronze est attri- buée à tort à M. Troyon; elle est dûe à l’illustre archéologue danois, M. Worsaae. Voir Worsaae. Zur Alterthumskunde des Nordens. Leipzig. 1847. p. 62. Page 295, ligne 25. Au lieu de géologique, lisez archéologique. Page 295. Note. Au lieu de Kongegravenei, lisez Kongegravene i. Page 311. M. Heer vient de reconnaitre des fruits carbonisés du lin. (Li- num usitatissimum) des établissements lacustres de l’âge de la pierre à Wan- gen et à Robenhausen (lac de Pfæffikon) et des fragments bien caractérisés de pain carbonisé extrêmement grossier, trouvés par M. Messikommer à Ro- benhausen. Page 305, ligne 10. La découverte par le Dr F. Keller des habitations la- eustres en Suisse (à Meilen) date de Janvier 1854. Page 309. A Moosseedorf et à Wauwyl la couche de tourbe englobant les débris de l’industrie des habitations lacustres de l’âge de la pierre, repose immédiatement sur un dépôt marno-calcaire tufeux et blanchâtre, renfermant une abondance de coquilles palustres mais sans traces de l’homme, si ce n’est les pointes des pilotis, qui ont souvent élé chassés dans ce dépôt infé- rieur. Page 311. La supposition que les Kjoekkenmoedding sont antérieurs aux habitations lacustres de l’âge de la pierre en Suisse est aussi appuyée par la présence dans ces dernières d'animaux domestiques (voir page 319), qui manquent dans les Kjoekkenmoedding. Page 313 et 323. Des monnaies grecques de Cyzique, d’Egine et d'Athènes, dont plusieurs de la frappe la plus ancienne, décrite dans la note 2, page 322, trouvées dans le grand-duché de Posen en Prusse, appuient fortement ce qui est avancé à la page 313 et confirment ce qui a été dit à la page 323 des relations commerciales antiques du Nord avec le Midi et l'Orient, Voir Levezow. Mémoires de l’académie de Berlin. 1833. p. 204. Page 319. Le cochon des tourbières se trouve encore, à ce qu'il paraît, comme race domestique dans le canton des Grisons (Suisse). Ce même canton possède aussi des races très petites du bœuf, de la chèvre et du mouton, dont l'étude, que va entreprendre M. Rutimeyer, ne pourra manquer d’être fort intéressante. Page 319. César rapporte, que les Britanni ne mangeaient ni le lièvre, ni la poule, ni l’oie. De bello gallico. V. 12. Un troisième mémoire avec planches de M. F. Keller à Zurich sur les ha- bitations lacustres va sortir de presse dans le courant du mois (Mars 4860). Il renfermera une notice en français sur les habitations lacustres de Concise et des environs d’Yverdon par M. Louis Rochat et une autre notice également en français sur les habitations lacustres d'Estavayer par MM. Rey et de Vevey. TR A QE Riu PARU L rer LE ct À ntf a jen Sat {AA NC eue br 70e UNE NP LE ADAR M -ci vo vb ia UTe hinato hate 400 NOTES F out pt ti " AMEN ; UE Ale + : ra | sf ant vue © ! CR } ; AOC UE h 77! Bureau de la Société pour 1859-20 5 >. MM. Lure : prof” ; président. Ph. DeLauarpe ; D', vice-président. J. DELARARPE ; père, secrétaire. Biscaorr, prof., PALOEr | René Guisax , archiviste. A vendre : Cabtloque is plantes ébène du Canin de aud. Prix : 60 cent. — S adresser franco au DH: ve3 vyisstt Er à PEINE. MLes personnes qui auraient en mains des N°° égrenés du Bulletin, spécialement les N°° 11, 13, 16, 19 et 41, sont priées de les parvenir au Bureau , qui les recevra avec reconnaissance. UE CEe SPP L Lt) L'n : 01 ARR UAD "Hi » 1 ; ir : L'r' 44e hi à Le BULLETIN nest adressé qu'aux. membres qui ont nonnteh ”Æeur esntribution pe fon À A ; 14 î ; it Res Pour les personnes étrangères à la Société, Je Prix d'abonnement | au Bulletin est fixé à 6 fr. me année, payables d avance. 4 1AEMAJ | CE On s’abonne chez F. Bahia” apte, à à Lausanméz-i09 4104 ,110H)818 ÿ 1 Ju 1991 | f STE SES k Ÿ | Æ : = ie rue . SÉANCES F de 1 Société pes des sciences s naturelles SAT “1850. 1860. IF TT NET SEE Ha PA LA: — \\1n99 OX AMEN 1859, Novembre. . . 946 | 1860. “avr 5 + à 4 MAS » Décembre. . . 7—921|---» mai :. . . . 2—16. 1860. Janvier . . . 4—18 | » Juin . . DR | Di Février. 22000104 248 dns 00 ÿdiséance! ‘añnuèlle! le 201. » Mars 4.721...) duillet, 1 eù APT Les séances ont lieu à 7 heures du soir, à l'hôtel de ville , salle TE il Léman code la justies de paix. | eol:eb 298i1a dr FN 40 QELSE LEP EE NT e0E te lisisdda ï { : EYE PLAIT D Les auteurs sont responsables des bitiohe qu'ils émettent. ) AVIS. La bibliothèque de la Société est actuellement rue de Bourg, 14, au \ 1° étage. Elle est ouverte le mercredi et le samedi de 9 à 12 heures, les autres jours de 2 à 5 heures. a"? 4 Messieurs lesmembres de la Société qui désirent utiliser la Bibliothèq: sont priés de s'adresser à l’archiviste, M. René Guisan , rue d'a, Lan sanne. — Lettres affranchies. De Mae TOME VI. ue PL | GI ENCES NA’ URELLES. BULLETIN N° 47. na = Le TABLE DES MATIÈRES DU PRÉSENT NUMÉRO. PROGÈS-VERBAUX . « + + MÉMOIRES. Instructions pour l'observation de la scintillation des étoiles, par M' Ch. Dufour . . ZA Mémoire pour servir à l'hypsométrie du bassin du Léman, par s° Michel . ARE Pre bee RARE GRAS ALES C0 Notes de Me F. Te RE ele VAR ASP ee à ESS PAT) PUS 18 Contributions à la faune de la Sicile, par Mr J. Delaharpe Coupe de l’axe anticlinal au-dessous de Lausanne, par MM. C. Gaudin et G. de Rumine . AUS Flore de Chamounix, finille des éhense ne M Payot s Evènements principaux qui intéressèrent la vigne de 4800 à 1840, par M'° Demierre . . Nouveau gisement de feuilles fossiles À et par M° Ch: T. Gaudin Notes météorologiques, par MM. L. Dufour et J. Delaharpe Flore des travertins toscans , par M° Ch.-T. Gaudin . . . . : Corne de renne du diluvium , par M° Ph. Delaharpe . . AE Silex ouvrés du dépôt quartaire des bassins de la Somme et de la Seine, par M° E. Collomb . . . Jap Procédé pour calquer des empreintes de feuilles fossiles, ‘par M° Ch.-T. Gaudin. . . A CU BA 0 à Goniobates Agassizi, par M R. Blanchet . * : Note sur l'acide hypermanganique , par M'H. Bischoff Recherches sur la congélation de quelques dissolutions ee par M° L. Dufour . À propos de l’éclipse de soleil äu 18 juillet 1860, par M té Marguet Note sur l’étendue du cercle de protection des RE par M° H.-F. Bessard . . . Note sur les plantes fossiles de la Provence, par M° Gaston de se porta. . LE . De la température moyenne de Lausanne et comment on peut la dé: duire d’une série de 5 années d’observalions , par M° J. Marguet Tableaux météorologiques , par M° J. Marguet. Page 515. Tome VI. N° 47. SOCIÉTÉ VAUDOISE DES SCIENCES NATURELLES. PROCÈS-VERBAUX. Séance du 2 novembre 1859. — Monsieur C.-T. Gaudin présente comme membres effectifs de la Société MM. Alphonse Favre, prof de géologie à Genève; James Briggs, de Blackburn (Lancashire), et J.-D. Mitchell, de Hurricane (Warren County, Mississipi). M. L. Dufour, prof", présente de même M. Marc Dufour, étudiant à l’Aca- démie de Lausanne; M. Roux, de Nyon, et M. de Loriol, étudiant à Paris. Ces messieurs sont reçus à l’unanimité. Le président donne lecture d’une circulaire de la Société d'histoire naturelle d'Offenbach (Offenbacher-Verein für Naturkunde), annon- çant sa formation et le désir d'entrer en relation avec d’autres so- ciétés savantes ; elle joint ses règlements. — Le Bureau est chargé d'offrir à la Société d'Offenbach d'échanger ses publications avec les nôtres. Le président communique une lettre de la Société littéraire et phi- losophique de Manchester (Literary and philosophical Society of Manchester), qui propose à la Société vaudoise d’entrer en relation d'échange avec elle. Elle donne la liste de ses publications dispo- nibles. — Le Bureau est chargé de remercier la Société de Man- chester et d'accepter ses offres. Lecture est faite d’une cireulaire de la Société des naturalistes de la Nouvelle-Grenade, à Bogota, sous date du 9 juin 1859, annon- çant son entrée en activité et adressant ses règlements. — Le Bureau est chargé de répondre dans le même sens qu'aux Sociétés précé- 332 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1859. dentes. Son adresse est: E. Uricoechea, Care of Trubner et C°, 60, Paster-Noster-Row, London. Le Bureau informe la Société que la bibliothèque a été transportée dernièrement au second étage de la maison Blanchet, rue de Bourg, n° 14, sur le derrière. I lui fait part enfin d’une pétition qu'il a adressée, au nom de la Société, au Conseil d'Etat du Canton, pour obtenir de lui la publica- tion d’une carte du canton de Vaud avec les lignes de niveau, au moyen de la reproduction lithographique de la carte avec ombres, qui se grave actuellement. Passant à la nomination annuelle du Bureau, l'assemblée nomme : pour son président M. E. Rambert, professeur; vice-président » Ph. Delaharpe, docteur ; secrétaire » J. Delaharpe, » caissier » H. Bischoff, professeur ; bibliothécaire » R. Guisan, étudiant. y 2 L 2 23 M. C. Dufour entretient la Société de l’étude de la seintillation des étoiles, assez négligée jusqu'ici, maintenant observée sur divers points du globe, à des hauteurs différentes et sous des latitudes très- diverses. Une instruction a été rédigée dans le but de rendre ces observations comparables. (Voir les mémoires.) M. Rochat, prof à Yverdon, fait part à la Société des résultats obtenus à Concise par les fouilles opérées dans le lac de Neuchâtel. Des antiquités celtiques lacustres avaient été signalées à Concise, à Corcelette, à Clindy, à Cheseaux, aux Utins et à Estavayer. Les fouilles de Concise ont fourni au musée d’Yverdon: a) des débris d'animaux ; des ossements de chien, de cerf, de chevreuil, d’élan, de porc, de sanglier, de castor, de blaireau, de fouine et de belette; quelques rares débris humains. — b) des objets d'art, la plupart en corne de cerf, tels que des emmanchures de haches et de marteau, de petits vases, des aiguilles, des broches; des bracelets en lignite ; des dents taillées, percées ou aiguisées; des broches, des aiguilles et des couteaux en os ; des poinçons divers et des instruments pour fabriquer la poterie semblables à ceux employés aujourd’hui. — c) des objets en pierre, tels que haches de toutes dimensions, taillées, usées ou piquées ; des lances, des limes, des scies, des pointes de flèche en silex; des pointes de lance, de flèche et de harpon en os. Le bronze a fourni deux couteaux et quelques épingles à cheveux. M. Michel , ingénieur, présente à la Société une corne de cerf de grande dimension, mise au jour par la tranchée du chemin de fer, appartenant probablement au renne et trouvée, croit-il, à 3 mètres de profondeur dans une marne glaciaire remaniée, au-dessous d'E- pesses. (Voir séances suivantes.) Le même membre dépose sur le bureau la carte de nivellement du réseau du chemin de fer de l'Ouest-Suisse. Cette carte est offerte à SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1859. 333 la Société par l'Administration. M. Michel veut bien se charger de remercier l'Administration dont il fait partie. M. Morlot présente à la Société des échantillons de fac-simile d'armes et d'instruments anciens très-bien faits et exécutés par M. Rochat. M. L. Dufour entretient la Société du diapason normal et des mo- tifs qui ont engagé dernièrement le gouvernement français à le bais- ser et à fixer le /a normal à 870 vibrations par seconde. Il présente un diapason ancien et un moderne et les compare au diapason légal. M. E. Renevier présente une photographie de la montagne d’Ar- gentine (Bex), vue de l'Ouest. M. C.-T. Gaudin expose la moitié d’une dent d'Elephas primi- genius trouvée dans le gravier près Cossonay. M. Ph. Delaharpe présente de la part de M. S. Chavannes un . échantillon d'Helix Ramondi (fossile), recueilli sous Bois-Bougy près Nyon, dans les marnes de la mollasse rouge. M. E. Renevier voit dans ce fait une confirmation de l'identité des deux mollasses, rouge et grise. Depuis la dernière séance la Société a reçu : 1. De la Société géologique allemande à Berlin : Zeitschrift. Col- lection complète. Vol. 1 à X; vol. XI, 1° cahier. | 2. De la Société géologique de France: a) Bulletin de, etc. ; 2° série, t. XVI, 1. 24-59, 3° livraison. — b) Liste des membres de la Société. 3. De l'Association smithsonienne de Washington: a) Rapport annuel du Comité directeur pour 1858. — b) Procès-verbaux de l'Académie des sciences de Philadelphie, 1858. — c) Récit mosaïque de la création: broch. J.-C. Fischer, M. D. — d) Adresse aux cra- miographes. 3. Aïtken Meigs, M. D. &. De M. le docteur Gould à Albany : a) Justification de l'Obser- vatoire Dudley. Albany, 1858. — Réplique sur le même sujet, par M. B. Apthorp Gould jun. Albany, 1859. 5. De l’Université catholique d'Irlande: L’Atlantis, n° IV, juil- let 1859. 6. De la Société impériale des naturalistes de Moscou: Bulletin, n°° 1-4, 1858-59. 7. De la Société impériale d’agriculture de Lyon: Annales des sciences physiques et naturelles, 3° série, t. Il, 1858. 8. De l’Académie impériale des sciences, lettres et arts de Dijon : Mémoires de, ete. ; 2° série, t. VI, 1857. 334 SÉANCE DU 2 NOVEMBRE 1859. 9. De l'Académie de Stanislas à Nancy : Mémoires de, etc. ; 1858. 10. De la Société des sciences médicales et naturelles de Malines : Bulletin de, etc.; 13° année, 1857. 11. De M. Moïse Paic, à Semlin : Pasigraphie au moyen des chif- fres arabes. Semlin, 1859. 2 exemplaires. 12. De la Société des naturalistes de la Nouvelle-Grenade, à Bo- gota : Réglement de la Société et circulaire, 1859. 13. De la Société des sciences naturelles de Bâle: Verhandlungen, 1°" cahier, 1854 ; 2° partie , 2° et 3° cah., 1859. 1%. De la Société paléontologique de Belgique: Bulletin, t. 1, fl. 1-4. Anvers, 1859. 15. De M.-C. Ladrey, prof’ à Dijon : La Bourgogne, revue æno- logique et viticole, 1" livraison. Dijon, 1859. 16. De la Société des sciences naturelles de Wetteravie : Jahres- bericht ; 1857-58. Hanau, 1858. 17. De la Société des sciences naturelles des Grisons: Jahres- bericht, nouvelle série, IV, angée 1857-58. Coire, 1859. 18. De l'Académie royale des sciences de Bavière : a) Monumenta secularia, etc., 1859. — b) Untersuchung über die Lichtstärke der Planeten Venus, Mars, Jupiter und Saturn, vx. L. Seidel, Munich, 1859. — c) Discours académique, p. V. Martins, 1859. — d) Dis- cours académique, par V. Maurer, 1859. — e) Almanach de l’'Aca- démie, pour 1859. 19. De l'Observatoire royal de Munich : Untersuchungen über Erdmagnetismus, ete., par le D'J. Lamont. Munich, 1859. 20. De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletins des séances du 17 juin, 15 juillet, 19 août et 16 septembre 1859. 21. De la Société pour l’étude de la terre à Darmstadt: Baiträge zur Landes- Volks- und Staatskunde, 1°’ cahier, 1850. 22. De M. Marcou, prof" à Zurich: Réplique aux critiques de J. Dana. Zurich, 1859. 23. De M. C.-T. Gaudin, à Lausanne : Contributions à la flore fossile italienne, 2° et 3° mémoire; — Le val d’Arno ; par M. C. Gaudin et le marquis C. Strozzi. Zurich, 1859. 24. De M. E. Renevier, à Lausanne : a) L'Industriel suisse, février 1859, n°5, 2° année. —b) The Geologist, magasin populaire, Vol. IL, 4859, n° 16-20. — c) Proceedings of the geological Society. London, 1854-57; 12 numéros égrénés. — d) Rapport d'enquête sur les grades scientifiques à l'Université de Londres, 1857. SÉANCE DU 16 novemBre 1859. 335 Séance du 16 novembre 1859. — Le président fait lecture d’une lettre de la Société académique de Maine et Loire, proposant à la Société vaudoise d'entrer avec elle en relation et d'échanger nos pu- blications. — La demande est acceptée. Le Bureau est chargé de répondre dans ce sens. M. Rambert, prof", nommé président, écrit à la Société pour lui annoncer qu'il ne peut accepter. La Société passe immédiatement au remplacement de M. Rambert et choisit à cet effet M. Lude, prof’. M. Michel dépose sur le bureau 2 exemplaires de 2 cartes du che- win de fer de l’Ouest-Suisse, donnant le nivellement de la voie et les cottes des courbes de Genève à Yverdon et de Villeneuve à Bex. Il y joint deux exemplaires du dessin du viaduc d’Aubonne. M. Michel annonce ensuite qu'il s’oceupe d'un travail sur les re- pères de niveau établis le long des bords du Léman. Ce travail sera adressé à la Société et publié dans le bulletin après qu'il aura été revu par M. le capitaine Burnier. (Voir les mémoires.) M. Bessard observe que dans les environs de Moudon la limite entre la mollasse d’eau douce et la mollasse marine n’est point en- core bien déterminée. Jusqu'ici les fossiles ont fait défaut pour l’éta- blir. Il en a découvert quelques-uns dont il importe de prendre note. Dans la mollasse de Cremin il a recueilli des dents de squales, un fragment de carapace de tortue marine et desvenus. À Moudon même la mollasse du lit de la Broye, considérée comme d’eau douce infé- rieure , lui a fourni des empreintes de coquilles marines. M. L. Dufour fait remarquer combien ont été grandes les varia- tions barométriques de la fin d'octobre et du commencement de ce mois de novembre. Pendant cette: période il y a eu des hausses et des baisses exceptionnellement fortes et exceptionnellement rapides. En comparant avec les deux années précédentes l'importance de ces perturbations devient très-sensible. Du 10 octobre au 10 novembre, la hauteur moyenne a été, à Lausanne (observations de l'Ecole spé- ciale), de 718°"83 en 1857, 718°°73 en 1858 et 714°"04 en 1859. C’est autour de cette dernière moyenne, plus basse que les précé- dentes, que la colonne barométrique a éprouvé de fortes oscillations. Du 17 au 21 octobre, la baisse a été de 18°. Du 28 au 29, le ba- romètre a passé de H-3""3 à —5""6. Du 31 octobre au 2 novembre de —8""8 à +5""6. Du 4 au 7 novembre de —5 à +9""5, ete. — Des courbes représentant les observations en 1857, 1858 et 1859 sont mises sous les yeux de la Société par M. L. Dufour qui fait ob- server, en terminant, que cette période si troublée du 10 octobre au 10 novembre a été signalée par un grand nombre de tempêtes et d'ouragans violents, dans l'occident de l'Europe et dans les mers voisines. 336 SÉANCE DU 16 NOVEMBRE 1859. Le même membre place sous les yeux de la Société un fragment, d'un pied de long, détaché du cable électrique transatlantique. Il fait encore observer que l’on vend actuellement des photogra- phies de la lune en système double, faites pour le stéréoscope. L'effet produit par là est des plus frappants, mais on a généralement exa- géré les images; ce n’est plus alors de la science, maïs de l’industrie. Ces photographies nous viennent de Paris. Puisque M. Dufour est sur la question des réclamations, il doit encore rendre attentifs ses collègues aux erreurs que l’on a admises dans certaines déterminations des équivalents chimiques , pour les accommoder à des théories préconçues. On peut lire à ce sujet dans les Annales de Poggendorff (juillet 1858), les résultats des recherches de M. Schneider qui rétablissent les chiffres erronés, donnés par M. Dumas. M. Morlot en prend occasion de se plaindre des étalons divers, reçus de Paris, et qui sont généralement inexacts, de quelque fabri- cant qu'ils proviennent. M. Ph. Delaharpe et M. Michel entretiennent la Société de la corne de renne , découverte près de Cully (voir les mémoires et la séance précédente). Le premier conclut à l’origine glaciaire de cette corne, qui serait alors contemporaine de l'ours des cavernes et du mam- mouth. M. J. Delaharpe fait observer à ce sujet que l’existence du renne dans nos régions, à l’époque glaciaire, accompagné du mammouth et de la marmotte , établit l’analogie entre la faune de la Laponie et celle de notre pays. Il est fort probable qu'à cette époque les flores des deux pays étaient aussi identiques. [l faut dès lors remonter jus- que là pour expliquer l'existence sur nos hautes alpes d’un très-grand nombre d'espèces propres à la Laponie, (saxifrages, gentianes, ca- ryophillées, carex, ete.). Une fois les glaciers disparus, les deux régions furent séparées par de larges bandes de plaines tempérées où les espèces glaciaires ne purent plus se multiplier. Les sommités des hautes alpes conservant seules le climat des régions boréales , purent continuer à donner à ces plantes celui qui leur convenait; car désormais le transport des semences des régions polaires aux hautes alpes n’était plus possible. Il est donc fort probable qu'à l'époque glaciaire la faune et la flore boréale ont occupé une grande partie de l'Europe, après que les derniers débris des faunes et des flores ter- tiaires eurent disparu devant les glaces. M. le prof À. Chavannes compare les nombreux fragments de bois de cerf, recueillis à Goncise dans le lac d’Yverdon, avec le bois de renne de Cully. Malgré le séjour dans l’eau des premiers, dès l’époque celtique jusqu’à aujourd’hui, le bois n’est point modifié dans sa texture, comme celui du renne qui est sous nos yeux. Celui-ci, au contraire, a subi la même altération que la défense d’éléphant, SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1859. 337 trouvée près de Morges, quoique sa dureté fût bien plus considéra- ble. Il est donc évident qu'il s'est écoulé un temps infiniment plus long depuis que ce bois de renne a été déposé que depuis l’époque où les bois de cerf de Concise ont été jetés à l’eau. MM. C.-T. Gaudin et G. de Rumine placent sous les yeux de la Société un relevé très-exact du profil offert par la tranchée du che- min de fer au-dessous de Lausanne. Ce profil acquiert une grande gporiuee parce qu'il nous donne une coupe complète de l'axe an- ticlinal de la mollasse. (Voir les mémoires.) M. Gaudin demande que la Société intervienne auprès de l'Etat pour qu'il publie enfin le catalogue des mollusques de la collection de M. de Charpentier , ainsi qu'il y est engagé. Il présente encore à la Société des fragments de silex ouvrés qui lui ont été envoyés par M. Boucher de Perthes, d’Abbeville. Ces ob- jets tirent une grande importance du fait qu'ils ont été trouvés en dessous du diluvium stratifié, avec des débris de l’Elephas primi-- genius et que MM. Prestwich et Lyell ont retrouvé des dépôts con- tomporains en Angleterre. M. Morlot présente à l'assemblée un fragment de tourbe prove- nant du canton de Lucerne (Wauwyl). La tourbe y recouvre un tuf calcaire. En la comprimant on obtiendrait un fragment de nos lignites. Ouvrages reçus depuis la dernière séance : 1. De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la seance du 21 octobre 1859. 2. De la Société d'agriculture , des sciences et arts de la Sarthe : Bulletin XIV, 2° trimestre 1859. 3. De M. J. Capellini: Catalogue des oscabrions de la Méditer- ranée. 4. De la Société. de physique de Genève : Mémoires, t. XX, 1"° partie. . 5. De M. l'ingénieur Michel, membre de la Société: Etude sur la navigation du Danube. (Extrait du Bulletin de la Société.) Séance du 7 décembre 1859. — MM. Alex. Rosset, étudiant, et Théod. Vellaur, instituteur à Nyon, présentés comme membres effec- tifs de la Société, sont reçus. On lit une lettre de M. Michel, donnant quelques renseignements sur le vrai gisement du bois de renne, près Cully, et prenant congé de la Société. — M. Michel témoigne en outre le désir qu’un des exemplaires de la carte du réseau de l'Ouest soit destiné à dresser 338 SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1859. une carte géologique de la contrée parcourue par la ligne. (Voir aux séances précédentes). — Le Bureau proposera une commission de cinq membres, chargée de répondre aux vœux de M. Michel. M. C.-T. Gaudin fait passer sous les yeux de l'assemblée l’avant- dernière planche de la flore tertiaire fossile de M. O. Heer. Puis il lit une note sur un nouveau gisement de plantes fossiles, découvert au- delà de S'Saphorin et qui a fourni 47 des espèces trouvées au Monod. Le même membre, après avoir communiqué un fragment d’une lettre de M. Boucher de Perthes, d'Amiens (voir la dernière séance), présente des fragments d’ossements fossiles contemporains des haches en silex antédiluviennes de cet auteur. M. Gaudin, continuant ses communications sur la flore fossile d'Italie, annonce que la flore de l’époque quaternaire contemporaine de l’Elephas primigenius et du Rhinoceros tichorrhinus, examinée à Massa (Toscane) et à Canstadt (Wurtemberg), n’est pas complète- ment identique avec la flore actuelle; quelques espèces ont disparu. (Voir les mémoires.) Enfin il présente quelques outils en pierre, emmanchés d'os, pro- venant des Esquimaux du Labrador. M. J. Delaharpe présente à l'assemblée un lézard ordinaire (Lacerta agilis), provenant des Alpes de Bex, entièrement noir. Ce fait vient encore à l'appui de ceux déjà cités sur l'influence des climats froids et la coloration noire de certains animaux (Insectes et Reptiles). M. À. Chavannes, prof’, entretient la Société, à cette occasion, des causes présumées de la coloration foncée des animaux et des transitions qu’elle subit par le défaut probable d'oxydation du car- bone dans l'acte incomplet de la respiration. MM. Brélaz et L. Dufour font plusieurs objections à la théorie de M. Chavannes. M. G. de Rumine dépose sur le bureau la coupe de l'axe anticli- nal de la mollasse, prise au-dessous de Lausanne. (Voir à la der- nière séance.) Une discussion s’engage sur l'existence ou la non-existence d’une faille à l'endroit de l’axe lui-même. M. J. Delaharpe croit à un re- foulement de l'Est. M. Ph. Delaharpe admettrait plutôt une faille par abaissement des fragments refoulés, puis inclinés, à l'Est. Un abais- sement à l'Orient se montre sur tous les points où l’on a constaté l’existence de failles dans la mollasse; ici il est très-prononcé. M. L. Gonin, ingénieur, communique les résultats de quelques sondages, opérés dans les marais de l'Orbe, à l’occasion de la cons- truction d’un canal. Une carte donne un relevé des sondages. (Voir les mémoires du n° 45.) SÉANCE DU 21 nÉcEMBRE 1859. 339 M. L. Dufour ajoute quelques détails sur les difficultés que pré- sente encore en France la question du diapason légal. (Voir les séances précédentes.) La séance est close par la présentation comme membres effectifs de la Société de : MM. W. Jeft, de New-York, présenté par M. Ph. Delaharpe. Chessex, Clément, ingén., L. Gonin. Amey, de Rolle, » Troyon. P. Mayor, fils, ingénieur, » Ph. Delaharpe. Ouvrages reçus depuis la dernière séance : 1. De la Société impériale des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille: Mémoires .….. années 1847 à 1858. 2. De la Société des ingénieurs civils de Paris: a) Mémoires et comptes-rendus, avril à septembre 1859. — b) Procès-verbal de la séance du 4 novembre 1859. 3. De M. le prof Studer, à Berne : Programme du 25° anniver- saire de l'Université de Berne. — Discours sur la géographie de Berne et de ses environs, 1859. 4. De l'Administration de l'Ouest Suisse, par M. Michel, ingén': a) Carte du réseau actuel de l'Ouest ; 2 exemplaires. — b) Mémoire, manuscrit, sur la détermination du plan de comparaison pour les nivellements, etc. (Paraitra dans le Bulletin.) 9. De l'Observatoire de Munich: a) Jahresbericht, p. 1858. — b) Observations metéorologiques faites à Munich de 1825 à 1856. 3° vol.; supplément. Séance du 21 décembre 1859. — Le président donne lecture de diverses communications, faites à la Société par le Comité pour la fondation Humbold, à Berlin, et par l'Académie de Berlin sur cette fondation. Cette affaire est renvoyée au Bureau pour préavis. M. Ph. Delaharpe donne lecture du rapport annuel qu'il adresse à la Commission des musées cantonaux sur l’état et les progrès des collections de géologie et de minéralogie en 1859. M. C.-T. Gaudin présente à l'assemblée une superbe coupe en argent, ciselée, offerte à M. O. Heer, à Zurich, par des amis des sciences des cantons de Vaud et de Genève, en souvenir de la termi- paison de sa grande flore helvétique tertiaire. Le même expose deux cränes d'Esquimaux du Labrador, déposés pour le moment chez M. Troyon. M. À. Chavannes explique que ces crânes appartiennent certaine- ment à la race mongole par leur face, mais non entièrement par la 340 SÉANCE DU 4 JANVIER 4860. forme du crâne. La crête sincipitale y est très-développée. Les dents sont fort usées et plus que l’âge des sujets ne le comporte. M. Bessard rapporte qu'il a exécuté des sondages sur le lac de Morat et expose les procédés dont il s’est servi; puis, présente une carte du cône de déjections de la Broye dans ce lac. M. E. Renevier expose un tableau paléontologique de sa compo- sition, destiné aux leçons et classé non dans l’ordre de l'apparition, mais d’après l’ordre zoologique. M. Burnier raconte comment il a été témoin d’une tympanite chez une femme, qui a occasionné la rupture des téguments du ventre et la mort. M. J. Delaharpe est surpris d’une pareille terminaison de la tym- panite, attendu qu'il l’a vue produire la rupture des aponévroses et fascias internes, puis l’emphysème genéral, sans rupture des tégu- ments. M. Ph. Delaharpe présente un calcul salivaire de la dimension d'un haricot qu'il a extrait du conduit de Warton chez un adulte. Le même expose deux dents d'Equus fossilis provenant des tour- - bières de la Broye, près Avenches; il rectifie à cette occasion l’asser- tion de Bronn (Lætea), qui l’mdique dans la mollasse. Jamais les débris de l'Equus fossilis ne furent trouvés dans la mollasse, mais seulement dans les tourbières, M. R. Blanchet fait admirer un fruit de Magnolia qui a müri l'été passé au-dessous de Lausanne. Ouvrages reçus depuis la dernière séance: 1. De M. Venance Payod, à Chamounix, membre de la Société : a) Observations météorologiques de 1855 à 1857, (3° envoi). — b) Guide du botaniste au jardin de la Mer de glace, par V. Payod.— ©) Cataloque de roches du Mont-Blanc. 2. De l'Institut impérial et royal de Venise, lettres, sciences et arts: Atti, etc., t. IV, série 3. 3. De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la séance du 18 novembre 1859. Séance du 4 janvier 1860. — M. S. Chavannes présente deux insectes qu'il a pris sur la neige au col des Mosses (4000’), au mo- ment d'un dégel passager, peu de jours après le 1°’ janvier 4860. L'un est une phrygane et l’autre une nymphe d’aptère ? M. L. Dufour entretient de rechef la Société des phénomènes que présentent les dissolutions salines, au moment de leur congélation. SÉANCE DU 4 JANVIER 1860. 344 (Voir séance du 2 février 1859.) Une solution de 40 °°/,, de nitre dans l’eau présente quelques cristaux de glace à —3; il se forme bientôt une croûte de glace sur la liqueur; entre —3 et —X la tempé- rature cesse un instant de baisser et la congélation s'opère. Le triage du sel n’a point lieu, comme on l’a dit. Une solution semblable d’azotate de soude présente les mêmes phénomènes. La solution de chlorure de potassium présente entre —4 et—5 quelques cristaux flot- tants; il ne se forme pas de croûte à sa superficie, mais à cette tem- pérature l’abaissement du thermomètre s’arrête et le liquide se prend en une masse poreuse. Le chlorhydrate d'ammoniaque se comporte comme le précédent sel; la glace apparait à —5; l'arrêt de refroidis- sement se fait à—6. Le chlorure de sodium présente les mêmes phé- nomènes. Le chlorure de barium se congèle à —2 avec formation de croûte. Une solution de 6 °°/,, de sulfate de potasse se gèle déja à —1 ; à —1,5 il y a arrêt de refroidissement, formation de croûte et congélation en masse. Une semblable solution de sulfate de soude se conduit de la même manière. Une dissolution de 10 °°/,, de sul- fate d'ammoniaque commence à cristalliser à —2,5; il se forme croûte; l’état stationnaire survient à —3 avec la congélation géné- rale. Les sulfates de cuivre et de fer, dissous à 10 °°/,,, fournissent des cristaux de glace à —0,5, puis une épaisse croûte de glace. Il existe donc des différences entre les diverses solutions; d’ultérieures recherches nous apprendront si l’on peut déduire des faits des lois générales. M. C.-T. Gaudin donne lecture de la lettre suivante, adressée par M. le prof O. Heer à ses amis de la Suisse française. (Voir la séance précédente.) An die Freunde der Naturwissenschaften in Lausanne. Zürich, den 26! December 1859. Hochgeehrteste Herrn! Als ich vor vielen Jahren zum ersten Male von den Hühen des Jorat nach Lausanne hinabkam und die unvergleichlich schône Land- schaft vor mir sich ausbreitete, wurde mein Herz aufs freudigste be- wegt und es hob sich meiïne Brust bei dem Gedanken: auch diese Perle ist ein Theil meines Vaterlandes. Und als später mir das Glück zu Theil ward mit den Bewobnern dieser Stadt bekannt zu werden, stieg mein Hochgefühl, denn ich sah, dass nicht nur die Natur über dieses Land all ihren Zauber ausgegossen hat, sondern auch edle Menschen da wohnen, welche an allem was der Menschengeist Schôünes und Grosses in Kunst und Wissenschaft hervorbringt, das regste Interesse nehmen und diess mit einer seltenen Wärme und 342 SÉANCE DU 4 JANVIER 1860. Lebhaftigkeit bethätigen, wie wohl kaum in einem andern Theile unseres Landes. Es war mir diess wohl bekannt; allein nie hätte ich mir träumen lassen, dass meine geringen Leistungen im Gebiete der Wissenschaft hier eine solche Theïlnahme finden würden; ich kann daher nicht sagen, wie gross meine Ueberraschung war, als mir ein so prachtvolles und auf das sinnigste und kunstreichste ausge- schmücktes Geschenk und damit ein so überaus werthvolles Zeichen Ihres Wohlwollens überreicht wurde. Es ist schon an und für sich für mich von hohem Werthe, doppelt aber noch, weil es mir von einem Kreise hochachtbarer Männer zugedacht wurde. Ich bin glück- lich einem Lande anzugehôren in welchem das redliche Streben der Wissenschaft zu dienen eine so grosse Anerkennung findet; hier freilich in einem Masse, welches weit über mein Verdienen hinaus- geht. Ich fühle es tiefes ist nicht mein Verdienst, sondern allein Ihr grosses Wohlwollen und wohl auch Ihre Anhänglichkeit an unser Schweizerland, welchem meine Arbeiten gewidmet sind, die mir eine der glücklichsten Stunden meines Lebens bereitet haben. Es wird diess für mich ein neuer Sporn sein voll freudigen Muthes meine Kräfte der Wissenschaft und meinem Vaterlande zu weihen, Ihnen allen aber und jedem Einzelnen von Ihnen sage ich meinen innigsten und wärmsten Dank , der sich jedesmal in mir erneuern wird, wenn ich diesen prachtvollen Becher und die wunderlieblichen Bilder , mit denen er geschmückt ist, betrachten werde. In herzlichster Dankbarkeit Tbr hochachtungsvollst ergebener OswazD Her. M. Gaudin reprend la question des haches antédiluviennes d’A- miens et pense que l'existence de l'homme, à l’époque où l’Atlantide existait encore (quartaire), pourrait un jour se démontrer. Il pense que ce continent s’est affaissé dès lors et que c’est à l'union qu’il établissait entre les deux continents de l’Europe et de l'Amérique qu'il faut attribuer le mélange de plantes européennes et améri- cotes encore vivantes en partie, constaté au val d’Arno et ailleurs en Jtalie. Une discussion s’engage sur cette question. M. À. Chavannes ob- serve que si les flores présentent des transitions d’un continent à l'autre, il n’en est pas de même des faunes; ce qui n’est pas en faveur de l'existence de l’Atlantide. SÉANCE DU 4 JANVIER 1860. 343 M. J. Delaharpe estime qu'on ne peut méconnaitre une très-grande analogie entre les deux flores à l'époque miocène; à cette époque il est probable que l'Europe et l'Amérique formaient un seul continent. Dans l’époque suivante la séparation des deux continents s’est opé- rée et dès lors quelques espèces communes ont persisté durant l’é- poque quartaire, qui ont fini par disparaître à leur tour. Il n’est pas besoin pour expliquer le mélange des espèces des deux continents dans l’époque quartaire de recourir à la présence d’un continent in- termédiaire : quelques espèces des anciennes flores persistèrent de part et d'autre et se mélangèrent peu à peu avec des espèces nou- vellement venues. M. E. Renevier pense que si le midi de l’Europe, à l’époque quar- taire, a pu être habité par des espèces des climats chauds, les anciens grands courants de la mer rouge pouvaient y contribuer , alors que l'isthme de Suez n'existait pas encore. M. L. Dufour fait observer que le grand courant dont parle M. Renevier irait d'orient en occident, ce qui ne peut guère être admis, puisqu'il est généralement reconnu que les grands courants marins sont dus à la rotation terrestre et vont d’occident en orient. Il doute très-fort que l'existence d’un continent intermédiaire à l'Europe et à l'Amérique septentrionale eût pour effet d'élever la température du premier de ces continents. Les vents qui auraient passé sur l’Atlan- tide ne s’y seraient pas réchauffés ; le voisinage des mers ne réchauffe pas, il est vrai, mais introduit une plus grande égalité de température qui rend ainsi le climat plus doux. Du reste ces questions sont très- complexes. M. C.-T. Gaudin convient que M. 0. Heer ne considère point la question comme décidée et qu’il a rencontré des difficultés insolubles. M. Piccard démontre par des procédés graphiques un certain nom- bre de problèmes géométriques qui peuvent intéresser l’histoire na- turelle par leurs applications. ; M. S. Chavannes rapporte que le jour de Noël (1859), à 5 PRE du soir, il a observé, à Ormont-dessus, un météore de grande dimen- sion. Le ciel était un peu couvert; les nuages petits et très-élevés : un vent chaud souflait avec force. Un globe de feu parut au midi , se dirigeant au nord; l'éclat qu'il jetait était très-marqué; sa trace dans l'air était formée par des étincelles semblables à celles d’une fusée. Le globe se mouvait au-delà des nuages et ceux-ci diminuaient son éclat et lui formaient une auréole et une queue. Ses dimensions paraissaient être celles du poing. M. E. Renevier présente trois coupes géologiques : 4° l’une, idéale donnant approximativement l'épaisseur relative de la croûte terres- tre, de l’athmosphère, des plus hautes montagnes et des plus grandes profondeurs connues de la mer; 2° une coupe des bords du Rhône, 344 SÉANCE DU 4 JANVIER 1860. à Bellegarde; 3° une du tunnel du Hauenstein, mettant en regard les résultats réels, obtenus par le percement, et ceux fournis a priori par la géologie. M. le D' Burnier présente un œuf humain, âgé de 6 semaines. Ouvrages reçus depuis la dernière séance : 4. De la Société de physique médicale de Würzbourg : Verhand- Lungen, vol. X, cah. 1. 1859. 2. De M. le prof Haïdinger , à Vienne, membre honoraire de la Société : Une série de 65 brochures extraites, pour la plupart de publications périodiques ; leurs titres sont: 1° Palæokrystalle durch Pseudomorphose verändert. — 2° Die Farben des Mausits — 3° Die Austheilung der Oberflächen-Farben am Mürexid. — 4° Pleochrois- mus an einigen zweiaxigen Krystallen. — 5° Die grüme Farbe der Oxalsauren-eisenoxydalkalien und die weisse des Eisenoxydalaune. — 6° Niedrigste Hôhe von Gewitterwolken. — 7° Die Lôweschen Ringe. — 8° Jod-chinin-Verbindung , in optischer Bezichung. — 9° Üeber die Anordnung der kleinsten Theilchen in Krystallen. — 10° Ueber den Eliasit von Joachimsthal. — 11° Pleochroïsmus an mehreren einaæigen Krystallen. — 12° Ueber Senarmont's gefärbte Krystalle. — 13° Ueber den Felsôbanyt. — 14° Tabelle der Eisbe- deckung der Donau, bei Galatz, v. 1836 bis 1853. — 15° Beitrag zur Erklärung der Farben der Polarisationsbüschel durch Beugung. — 16° Ueber die Natur der Polarisationsbüschel. — AT° Ueber das optische Schachbrettmuster. — 18° Die Richtung der Schwingungen des Lichtäthers im polarisirten Lichte. — 19° {Der Partschin von Olaphian. — 20° Dauer des Eindruckes der Polarisationsbüschel auf die Netzhaut. — 21° Note über gewundene Bergkrystalle. — 22° Die konische Refraction am Diopsid. — 23° Die Lichtabsorption des Cad- mantits. — 24° Die Krystalle des essigsauren Manganoxzydüls. — 25° Das Schwefelhaltige Bleierz von Neu-Sinka.— 26° Die Formen des Kalichlorcadmiates.—27° Vergleichung von Augit und Amphibol. — 98° Ueber Decken’s neue geologische Karte von Rheinland-West- phalen. — 29° Neue Karte des üsterr. Kaiserstaates, von Scheda. — 30° Bericht über den Asterismus des D' Volger. — 31° Die geogra- phische Gesellschaft in Wien. — 32° Ein optisch -mineralogischer Aufschraube-Goniometer. — 33° Das Stauroscop. — 34° Das Eis der Donau bei Wien und des Rheins bei Koblenz. — 35° Ueber kry- stallinische Structur im geschmiedigen Eisen. — 36° Herapathit- Zangen von Nôrrenberg. — 37° Die zwei Hypothesen der Richtung der Schwingungen des Lichtäthers. — 38° Dre Brechungs-Exponente am Glimmer und Pennin. — 39° Die Interferenz-Linien am Glimmer.. — 40° et 41° Graphische Winkel-Messungen kleiner Krystalle, und vereinfachte Methode. — 42° Form und Farbe des Welizienits. — k3 Pleochroïsmus einiger Augite und Amphibole. — 44° Oberfläche und Kürperfarben von Wohler’s Jod-Tellur-Methyl. — 45° Das Inter- ferenz-Schachbrettmuster und die Farbe der Polarisationsbüschel. — SÉANCE DU 18 JANVIER 1860. 345 46° Bericht über die geognost. Uebersichts-Karte der ôsterreich. Mo- narchie. — 47° Ueber den Eisgang der Flüusse. — 48° Der Kenngottit von Felsübanya. — 49° Die hohlen Geschiebe aus dem Leitha-Gebirge. — 50° Ueber das Verkommen von gediegenen Kupfer zu Recsk in Un- garn. — 51° Drei neue Localitäten von Pseudomorphosen nach Stein- salz in den nordüstlichen Alpen. — 52° Ucber einige neue Pseudomor- phosen. — 53° Ueber Lüweit. — 54° Ueber Cordierit, — 55° Der rothe Glaskopf, eine Pseudomorphose. — 56° Pleochroismus der Kry- stalle. —57° Ueber das Eisenstein bei Pitten. — 58° Ueber Magnet- Eïisenstein, Pseudomorphose nach Glimmer. — 59° Quecksilber aus Fahlerz bei Smôlnitz. — 60° Kalkspath-Krystalle von Agnes-Stollen bei Moldowa. — 61° Das Schallphenomen des Monte Tomatico bei Feltre. — 62° Zwei Schaustufen von Braun-Eïisenstein mit Kernen von Spath-Eïisenstein. — 63° Barytkrystalle als Absatz der Quelle in Karlsbad. — 64° Zur Erinnerung an L. von Buch. — 65° Die Wernerfeier am 25 Seplember 1850. 3. De l’Institut impérial et royal de Vienne : Jahrbuch, IX° année, 3° et 4° trimestre, juillet-décembre 1858. &. De l’Institut impérial et royal des sciences, lettres et arts de Venise: Afti, t. 5, série 3, 1" livraison. 5. De l’Académie royale de Belgique : a) Annuaire pour 1859. — b) Table du recueil des bulletins, 1"° série, t. 1 à 23. 1832 à 1856. — c) Bulletins de l'Académie, 2° série, t. 4 à 6. 1858-1859. — d) Mémoires couronnes et autres. Collection in 8, t. 8. — e) Obser- vations des phénomènes périodiques. — f) Mémoires couronnés et me- moires des savants étrangers, t. 29, 1856-58 ; t. 31, 1859. 6. De la Société des sciences naturelles de Neuchâtel : Bulletin, t. V, 1‘ cahier. 7. De M. C.-T. Gaudin: Extrait d'un mémoire sur l'Etna, par M. Lyell, traduction française, (Archives des sciences, de la Biblio- thèque universelle). 8. De M" de Rumine : Flore tertiaire de M. O. Heer, t. 3, livr. 7 et 8. Conclusion. Séance du A8 janvier 1860. — M. Morlot, en présentant un mé- moire de M. Zollikofer, membre de la Société, recommande ce tra- vail à l'attention de Messieurs les géologues (voir aux ouvrages reçus). Le diluvium et l’erratique du pied méridional des Alpes y sont sur- tout étudiés avec soin. Le même membre place sous les yeux de la Société : 4° des copeaux taillés par une hache de bronze antique; 2° deux fruits de hétre ; 3° un cône de pin, le tout provenant d'habitations lacustres du can ton de Zurich. Une casserole en cuivre, tournée, de l’époque romaine, est encore présentée à la Société par M. Morlot; sa provenance reste un mystère. 346 SÉANCE DU Â8 JANVIER 1860. M.-C.-T. Gaudin rapporte que le vase romain, trouvé au-dessous de Lausanne et déposé au musée, est identique pour la forme à ceux qu'il a vus à Naples, venant de Pompeï. Le même membre décrit les moyens dont il se servit pour fabri- quer du papier à empreintes qui püût relever exactement les dessins des feuilles fossiles des tufs d’ftalie. (Voir les mémoires.) M. C.-T. Gaudin présente encore de très-belles molaires infé- rieures du Palæotherium magnum , trouvées dans le sidérolitique du Mauremont. M. L. Dufour expose un œuf cuit qui s’est éclaté dans l’eau bouil- lante par sa petite extrémité et d'une manière très-régulière. Un opereule parfaitement rond s'est soulevé et a donné issue au blane de l'œuf durei. Les bords de l’opercule ne portent la trace d'aucune rupture : il fallait done que la coquille portât un segment presque détaché. Ce segment terminal, parfaitement symétrique serait-il le résultat d’une soudure ? M. L. Dufour invite la Société à se réunir pour la prochaine séance à l'auditoire de physique, afin d'assister aux expériences qu'il se propose de faire sur la lumière électrique dans les gaz raréfiés et dans divers liquides. M. R. Blanchet présente de rechef un spécimen fossile de palais de raie, provenant de la mollasse de la Meulière , et que M. Agassiz rattache au genre Goniobates. Le pavé que représente cette pièce est formé par deux rangées de dents imbriquées et placées obliquement comme les barbillons d'une plume sur leur tige. Il serait à souhaiter qu’un dessin de ce fossile fût publié. (Voir les mémoires.) Le même membre rapporte que les constructions d’une nouvelle rue dans la ville de Lausanne ont mis à nu une plate-forme de mol- lasse assez grande, marquée de stries glaciaires. M. Ph. Delaharpe, en rappelant la communication de M. E. Rene- vier sur les Unio des Brüûlées (voir bulletin n° 46), dit qu'il a pu s'assurer que les Unio y sont bien en place : le banc qui les renferme est actuellement exploité. M. Ph. Delaharpe demande l'explication du fait suivant: Dans deux différents orages de l’été passé la foudre a frappé des maisons où se trouvait un baromètre. Après l'accident, on a trouvé cet ins- trument vidé en presque totalité de mercure, sans qu'il eût été en quoi que ce soit déplacé, ni touché. Le tube était intact. M. L. Gonin dépose une pièce de monnaie romaine, trouvée en démolissant un vieil édifice à Lausanne. M. R. Blanchet présente des œufs de ver-à-soie, rapportés der- nièrement de la Chine par son fils; ils paraissent en grande partie éclos ou desséchés. SÉANCE DU 1° FÉVRIER 1860. 347 Ouvrages reçus depuis Ja dernière séance : 1. De la Société royale de Londres : a) Proceeding's, vol. VIE, IX etX, n°° 23 à 25, 27 à 36.— b) Liste des membres, année 1857-58. — €) Discours du président, novembre 1858. — d) Rapport sur la distribution des médailles, 1834. — e) Discours de S.-H. Davis. — f) Rapport du Comité pour les Observatoires. 2. De M. Zollikofer, membre de la Société: Beiträge zur Geo- logie der Lombardei. Vienne. (Extrait des mémoires de l’Académie impériale et royale des sciences de Vienne.) Séance du 1° février 1860. — M. Ch. Doxat, étudiant, présenté par M. C.-T. Gaudin; M. Laurent-Gonin, ingén', présenté par M. Doxat; M. Decoppet, étudiant, présenté par M. L. Dufour , sont ad- mis comme membres effectifs. M. Ph. Deluharpe expose une série de fossiles de Châtel-S'-Denis, appartenant à l’oxfordien et au néocomien à criocères. M. E. Renevier ajoute quelques détails sur le deuxième de ces terrains et sur l'importance de son étude, vu les incertitudes qui existent encore sur sa véritable place dans la série géologique. M. L. Dufour, prof, fait une série d'expériences sur la lumière dégagée par les courants induits, traversant des gaz divers raréfiés dans des tuhes de verre, et des solutions végétales. La Société a reçu depuis la dernière séance : 1. De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin du 6 janvier 1860. 2. De l'Association florimontane d'Annecy: Revue savoisienne , 1"° année, n° 1, 1860. 3. De M. Pyrame Morin à Genève: L'eau minérale de Saxon, 1" partie. (Extrait de l'Echo médical de Neuchâtel.) 4. De M. Ebray, ingénieur, membre de la Société : Etudes géo- logiques sur le département de la Niévre, fascic. 1-5. 1858-59. 5. De la Société géologique de Berlin : Zeitschrift, vol. XE, 2° cah., février-avril 1859. 6. De l'Académie des sciences de Berlin : a) Monatsbericht, juillet- décembre 1858, 5° livraison. — b) Résumé d'observations météoro- logiques faites à Berlin, de 1855 à 1858. 7. De M. le prof’ Wolf à Zurich: Müttheilungen über die Sonnen- Flecke, n° [ à X, 1856-59. 348 SÉANCE Du 15 FÉvRIER 1800. Séance du 15 février 1860, — M. L. Dufour, prof, dépose sur le bureau et distribue aux membres présents une brochure extraite des Archives scientifiques de la bibliothèque universelle de Genève, destinée à résumer les recherches remarquables, faites par MM. Bun- sen et Roscoe sur l’action chimique de la lumière. (Voir les Annales de Poggendorf de la fin de 1859.) M. L. Dufour présente à l'assemblée, de la part de M. J. Mar- guet, prof", deux tableaux représentant deux courbes des variations horaires du baromètre, observées il y a peu de jours. Le baromètre a subi à la fin de l’an passé et au commencement de celui-ci des oscillations brusques et très-fortes qu’il pouvait être utile de noter pour servir de terme de comparaison. Ces oscillations accompa- gnèrent de violents coups de vents, avec orages, éclairs, grésil, etc. La première courbe est tracée pour l’espace compris entre le 21 et le 30 décembre ; la seconde, plus frappante, s'étend du # au 6 jan- vier. Les phénomènes athmosphériques concomittants sont notés avec soin. (Voir la fin des mémoires.) M. J. Delaharpe rapporte une observation météorologique ana- logue aux précédentes, dans laquelle une bourrasque du S.-0. fut annoncée par une tourmente observée, par un temps clair et magni- fique, au sommet du Mont-Blanc. Les oscillations du baromètre en même temps furent, dans ce cas comme toujours, la conséquence du mouvement que subirent les couches de l’athmosphère. (Voir les mémoires.) M. R. Blanchet cite un cas semblable où une violente tempête fut annoncée par les tourbillons de neige des sommités qui bordent le bassin du Léman. Ces faits sont du reste bien connus des bateliers. Ce dernier membre place sous les yeux de l'assemblée deux œufs provenant de poules métis de Cochinchine, qui renferment chacun un second œuf. Le premier œuf ne contenait que le blanc et pas de jaune. Îl ignore si le second (intérieur) ne renfermait que le jaune. M. Ph. Delaharpe rapproche cette observation de celle communi- quée à la séance du 18 janvier dernier, d’un œuf dont une portion de la coquille s’était soulevée sous forme de disque. Il pense que dans l'un et l’autre cas le phénomène repose sur les mêmes condi- tions de structure et qu'il serait intéressant d'étudier à fond les faits de ce genre. M. R. Blanchet présente une carte du lac Léman, dressée par M. De la Bèche, sur laquelle sont notés les sondages opérés par ce sa- vant. Îl serait fort à souhaiter que ces mesures de profondeur pussent établir une carte complète du relief du fond de ce bassin. Le même membre dépose sur le bureau une série d'observations æœnologiques et viticoles faites par M. Demière, de Chardonnes, dès 1800 à 1846. Quelques passages de ces observations sont lus à l'as- semblée. (Voir les mémoires.) SÉANCE DU 19 FÉVRIER 1860. 349 M. E. Renevier présente à la Société un tableau des espèces miné- rales qu'il a construit il y a quelques années, mais qui n'a pas été publié. Ce tableau résume et rend plus apparents les rapports des minéraux entre eux au point de vue de leur composition chimique. Les classifications minéralogiques, basées sur la composition, sont de deux sortes, d’après le principe électro-positif, ou d’après le prin- cipe électro-négatif. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. Si certains rapports entre les minéraux sont mieux rendus par fa première, d’autres le sont plus complètement par la seconde. Le tableau de M. Renevier a le grand avantage de rendre compte simultanément de tous les rapports de composition qui existent entre les minéraux, aussi bien au point de vue de l’élément électro-positif que de l'élément électro-négatif. Dans ce tableau chaque Radical (arsenic, plomb, fer, aluminium, calcium, etc.) occupe une colonne verticale, tandis que chaque combinaison (oxide , sulfate, silicate , sulfure, chlorure, etc.), et dans celle-ci chaque formule générale (R remplaçant le Radical) occupe une ligne horizontale sur laquelle se place dans chaque colonne le minéral qui s’y rapporte. En lisant le tableau colonne après colonne, on a la classification des minéraux d’après leur principe électro-positif. Si au contraire on le lit ligne après ligne, on obtient la classification d’après le principe électro- négatif. M. Piccard soumet à l'assemblée l’idée de détruire les taupes au moyen de l'acide sulfureux que l’on insufMerait dans leurs terriers. M. E. Renevier demande à M. Piccard s’il peut donner à l'assem- blée quelques détails sur les résultats des démarches faites auprès de l'autorité pour obtenir une carte du canton avec les courbes de niveau. (Voir séance du 2 novembre 1859.) M. Piccard répond que la proposition des pétitionnaires a été agréée et que l’on s'occupe actuellement des moyens d'exécution. Le graveur conseille de recourir à la galvanoplastie pour reproduire le trait des planches gravées et qui n’ont pas reçu les ombres. Depuis la dernière séance la Société a reçu : 1. De la Société Linnéenne de Normandie: Bulletin de ..…. 4° vol., ann. 1858-59. 2. De M. le prof Studer à Berne : Zur Kenntnisse der Kalk-Gebirge von Lauterbrunnen und Grindelwald. Ann. 1859. 3. De la Société des sciences médicales et naturelles de Malines : Annales, 13° année. &. De la Société de géologie de Stuttgard : Jahreshefte, 16° année, 1° cahier. 5. De la Société des ingénieurs civils de Paris: Bulletin de la séance du 20 janvier 1860. 390 SÉANCE DU 7 MARS 1860. Séance du 7 mars 1860. — Le procès-verbal de la précédente séance est lu et adopté. Présentations: M. Jules Duperret, présenté par M. Ph. Delaharpe. » Meley,'capit de gend"* » L° Dufour. » M. Häussler, étud. à l'école spée. R. Guisan. Ces trois candidats sont admis comme membres effectifs. Le president annonce que le Bureau a composé la commission, appelée à rédiger la carte géologique du réseau du chemin de fer de l'Ouest-Suisse, de MM. Morlot, C.-T. Gaudm, E. Renevier, Ph. Delaharpe et S. Chavannes. Il propose à la Société, au nom du Bureau , d'adresser à chaque membre une cireulaire destinée à leur recommander l'institution Humbold de Berlin, en s’offrant d’être auprès de l’Académie de cette ville l'interprète de leur concours. Cette proposition est adoptée. Le Bureau demande enfin à l'assemblée de l’autoriser à entrer en relation d'échanges scientifiques avec la Société d'histoire naturelle de Strasbourg, présidée par le prof” Schimper. Cette autorisation est accordée. M. le prof L. Dufour entretient la Société des expériences ré- centes de M. le prof" Jamin à Paris, sur les effets de l’action capillaire s’exerçant dans des corps ou des masses spongieuses ou pulvéru- lentes. M. Jjamin a démontré que cette action pouvait, dans certains cas, s'élever jusqu’à équilibrer la pression de quatre athmosphères. M. Dufour a répété avec des appareils plus simples quelques-unes de ces expériences qu’il reproduit en partie, séance tenante. Une masse d’amidon bien séché, par exemple, placé et tassé dans un vase que l’on plonge par sa partie inférieure dans l’eau, absorbe ee liquide, qui soulève une colonne de mercure à diverses hauteurs. On conçoit aisément que la théorie de ces faits doit s’appliquer à plu- sieurs phénomènes connus, tels que l'ascension de la sève, celle de l’eau dans les murs, la dilatation du bois sec par l’eau, ete., dans lesquels on faisait jouer à l’endosmose un rdle peut-être trop impor- tant. C’est un sujet à étudier et qui promet de conduire à d'importants résultats. nue conversation s'engage sur ce sujet entre les membres de l’as- semblée. M. R. Blanchet, en plaçant sous les yeux de la Société une série de deniers genevois à partir de l’an 600 environ jusqu'à 1826, fait remarquer que la vue seule de ces pièces de monnaie met en relief la dépréciation graduelle que les monnaies ont subie, suivant les âges, par le fait des spéculations fiscales. M. Rieu fait observer qu’il ne suffit pas dans les grandes séche- resses d’arroser les racines des plantes et qu’il convient de les hu- mecter en entier. À Paris, dit il, on arrose avec soin, sur les boule- vards, les troncs des grands arbres. SÉANCE DU 7 MARS 1860. 51 Il place ensuite sous les yeux de l'assemblée une greffe de plante grasse sur un cactus, expérience qui se fait fréquemment maintenant en horticulture. M. J. Delaharpe fat observer à l'appui de ce que dit M. Rieu que la nature n’agit pas autrement dans l’arrosement indispensable qu'elle prodigue aux végétaux qui couvrent les pentes sèches et chaudes de nos Alpes; arrosements sans lesquels elles périraient bientôt. Ces plantes supportent la sécheresse extrême et la chaleur du sol, grace aux énormes rosées qu’elles reçoivent chaque jour. On les voit cour- bées et flétries le soir, puis redressées et pleines de fraicheur le len- demain matin, quoique le sol conserve sa sécheresse et une grande partie de sa chaleur. M. L. Dufour annonce que des expériences faites, semble-t-il, avec tout le soin désirable sur des plantes en vase, par M. Duchätre, démontreraient précisément le contraire des faits cités par M. J. De- laharpe. Les conditions de l'expérience ne sont sans doute pas sem- blables dans les deux cas. M. R. Blanchet explique que l’arrosement des troncs des arbres plantés sur les boulevards de Paris est destiné à hamecter leur écorce seulement. Il a été prouvé que les gros arbres transplantés périssent en majeure partie par la dessication de l’écorce. Quant -aux greffes dont parle M. Rieu, ce n’est pas précisément une greffe, mais plutôt une sorte de parasitisme. M. J. Delaharpe lit une lettre de M. le pasteur Authier, à la Sarraz, relative aux œufs doubles qu'il a communiqués à M. R. Blanchet. (Voir la séance précédente.) L’œuf intérieur, dit M. Authier, conte- nait un jaune et un blanc comme tout autre œuf; l’œuf extérieur (enveloppant) n’avait que le blanc. Le phénomène ne s’est pas re- produit. M. R. Blanchet ajoute que M. Dugué, instituteur au collége can- tonal, a obtenu un œuf triple. Le 1° (extérieur) ne renfermait que le blanc ; le 2° avait son blane et son jaune; le 3° fort petit, n'a pas été examiné. Tous ces œufs emboités ont la coque ordinairement irrégulière et bosselée et proviennent de poules métis Cochinchine. M. Venance Payod adresse à la Société un catalogue systématique des lichens de Chamounix et des environs. Ce catalogue, qui ren- ferme des données intéressantes de géographie botanique, sera im. primé dans le Bulletin. M. le prof" Rivier a observé que lorsqu'on retourne un tube ba- rométrique rempli de mercure huilé, le mercure reste adhérent au sommet du tube et la colonne suspendue bien au-dessus de la hau- teur barométrique normale. Dans ses expériences, la hauteur obtenue, dans un tube de sept millimètres de diamètre, a été de huitante-neuf 359 SÉANCE DU 7 MARS 1860. centimètres; encore a-t-il fallu une secousse assez forte pour déta- cher la colonne du sommet du tube. — M. Rivier attribue cet effet à la cohésion de l'huile qui aurait pénétré les espaces intermolécu- laires du mercure. M. G. de Rumine distribue à l’assemblée une brochure extraite du Bulletin êèt accompagnée d’une coupe de l'axe anticlinal de la mollasse, prise au-dessous de Lausanne. (Voir les mémoires.) M. E. Renevier, prof, présente à la Société : 1° la carte géologi- que de la montagne d'Argentine (Alpes vaudoises), destinée à pa- raitre plus tard dans le Bulletin, accompagnée d’un mémoire. 2° Une carte géologique de la perte du Rhône, construite sur un principe différent de celui qui sert de base à la carte de la même contrée, pu- bliée par lui en 1854. (Mémoires de la Société helvétique, t. XIV). Sur cette dernière, l’auteur ne fit figurer que les lambeaux du ter- rain sédimentaire tels qu'ils se montraient au jour; le reste se trou- vant recouvert par l’erratique indiqué sur la carte partout où il exis- tait. Sur la carte que M. Renevier expose maintenant, il a fait abs- traction de l’erratique et tracé, sans les interrompre, les affleure- ments de la mollasse et du crétacé. Cette carte donne ainsi une idée très nette des érosions du Rhône et de la Valserine. Le même membre fait voir d’autres cartes encore et des coupes destinées à ses cours de géologie. M. Ph. Delaharpe attire l'attention de l'assemblée sur quelques faits mentionnés dans les Proceedings de l'Académie de Philadelphie (7 juin 1859). D’après ces faits les sables quaternaires des environs de Charlestown renfermeraient des débris du chien, du cheval, du mouton, du pore, à l’état fossile ; tous animaux européens qui avaient disparu de l'Amérique à l’époque de sa découverte. Ces ossements s’y trouvent en compagnie du Megatherium, du Mylodon, de l'Hy- potherium et du Mammouth, espèces de l’époque quaternaire, qui ont disparu. Le tapir, espèce américaine actuelle, se retrouve dans les mêmes terrains. (Proceedings, 1859, juillet 12.) Depuis la dernière séance la Société a reçu : {. De l'Association florimontane d'Annecy : Revue savoisienne ; 1"° année, N° 2. 2. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Bulletin des séances du 3 et du 17 février 1860. 3. De l’Institut impérial et royal de Venise : Atti, ete., t. V; 28° et 37° cah. L. De la Société des sciences naturelles d'Arau : Observations météorologiques pour 1859. £ 5. De M. G' de Rumine : Coupe de l'axe antichinul de la mollasse, près Lausunne. (Extrait du Bulletin n° 47.) SÉANCE DU 21 Mars 1860. 353 6. De la Société « für Naturkunde » dans le Grand-duché de Nassau : Jahrbuch, 13° cah. 1858. 7. De l'Institut Smithsonnien de Washington: a) Smithsonian Report. 1858. — b) Direction pour les observations météorologi- ques, 1858. — c) Catalogue des ouvrages publiés par l'Institut. 8. Des Etats-Unis d'Amérique : Coast Survey. 1859. 9. De l'Etat du Jowa : Géologie du Jowa, t. I. part. À et 2. 10. De l'Etat de l’Arkansas : Rapport sur la géologie de l'Ar- kansas, 1858, par M. Howen. 11. De l'Académie des sciences de Philadelphie : Proceedings; ann. 1859. Séance du 21 mars 1860. — Le Bureau dépose sur la table le programme des prix proposés par l'Académie de Lille. M. L. Dufour, professeur, a la parole pour ajouter quelques faits à ceux qu’il à exposés dans la séance précédente, au sujet des li- quides absorbés par les corps poreux et pulvérulents, faits qui dé- montrent en outre l'absence d’endosmose en ces cas-là. C’est ainsi, dit-il, qu'une solution concentrée de sucre ajoutée à l’amidon ne provoque nullement de courant à travers la membrane perméable. M. Dufour a de plus constaté, à cette occasion, un fait déjà men- tionné, celui d’un dégagement de chaleur durant l'absorption de l’eau par l’amidon : le thermomètre s'élève de 4 à 1 ‘/,°. Le même membre ajoute de nouveaux renseignements aux re- cherches qu'il poursuit sur la solidification des dissolutions salines par le froid. (Voir séance du 4 janvier 4860.) Le fait de l'arrêt de température pendant tout le temps que s'o- père le passage à l’état solide est maintenant établi par un grand nombre d'expériences. Cet arrêt a constamment lieu au même point pour une même dissolution. On observe cependant des variations dans le phénomène, à un certain moment; s’il existe dans la dissolu- tion un magma congelé, alors, aux derniers instants de la congéla- tion, il se produit un léger abaissement de température dû à la con- ductibilité du magma. L'aspect et la consistance de la glace obtenue varient suivant les dissolutions. Elle est toujours plus lourde que l’eau pure, mais moins que la dissolution dont elle provient. Elle est tantôt dure, compacte ; tantôt molle, pâteuse; — elle est dure pour les solutions de sulfate de fer, de sulfate de cuivre, de chlorure de barium , etc., — molle pour celles de chlorure de calcium, d’ammonium, de fer, ete. La glace molle se forme à une température plus basse (3 à 6°) que la dure. Dans certaines dissolutions, celles, par exemple, de sulfate de euivre et de fer (à 20 °/,,), de chlorure d’ammonium, la congéla- tion se montre sous forme de croûte sur les parois du vase. Sur la surface de cette croûte apparaissent des taches blanches, de l'aspect 354 SÉANCE DU 18 avriz 1860. de la cire, qui s'étendent rapidement et envahissent la surface. La démarcation entre ces taches et la croûte de glace plus ou moins transparente, reste toujours tranchée. Sous le microscope, rien ne distingue ces taches des autres portions de glace, à part l'aspect. La quantité de sel renfermé dans ces deux espèces de glace est identi- que. Sur la solution de chlorure d’ammonium il se forme, dans la congélation et sur la croûte de glace, des plaques blanches qui s’é- tendent, puis se dissipent rapidement et à plusieurs reprises : d’où vient ce phénomène ? La glace des dissolutions de sucre, de dextrine, de glucose a l'aspect de l'acide stéarique ; elle est blanche, onctueuse, plus ou moins cornée. Si l'on examine, même à un fort grossissement, la glace obtenue, pour y découvrir les cristaux du sel dissous , on ne peut rien dé- couvrir et les sels colorés (sels de chrème, par exemple) ne sont pas plus visibles que d’autres. Les dissolutions gazeuses, l’eau de seltz factice, par ex., en se congelant, laissent échapper le gaz dis- sous. Si l'on opère à vase bien clos, le gaz se dégageant en même temps que les cristaux se forment, il en résulte une sorte d’ébulli- tion et la glace se boursoufle. La glace obtenue est spongieuse, rem- plie de bulles; placée sous la pompe pneumatique elle laisse dégager du gaz en abondance, Cette glace est naturellement fort légère, en- viron 0,754; l'augmentation de volume produite par le gaz va jus- qu'à ‘/, du volume de l'eau primitive. M. C.-T, Gaudin lit deux fragments de l’ouvrage de Darwin sur l'orisine de l’espèce et les variations des types, dans lesquels l’auteur cherche à établir leur instabilité et à expliquer comment les types se sont spontanément modifiés. Une discussion s'engage sur ce sujet controversé. Le même membre entretient l'assemblée de la faune et de la flore fossiles des terrains pliocènes du midi de la France, comparée à ceux d'Italie et de la Suisse. Depuis la dernière séance la Société a reçu : 1. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Bulletin de la séance du 2 mars 1860. — Mémoires, 4° trimestre de 1859. 2. De l'Académie royale des sciences de Berlin : Monats-Berichte, janvier à décembre 1859. 3. De la Société des sciences naturelles de Berne : Mittheilungen, 1859, n° 424 à 439. 4. De la Société florimontane d'Annecy : Revue savoisienne ,* V'* année, n° 3. Séance du 18 avril 1860. — Le Président consulte l'assemblée sur le lieu choisi par elle pour la prochaine séance annnelle, Lau- sanne est désigné. SÉANCE DU 18 AvriL 4860. 355 M. C.-T. Gaudin donne lecture d’une note intéressante de M. de Saporta sur la géologie des environs d’Aix et de Marseille. (Voir le bulletin.) Il présente un moule d’une dent d'Elephas meridionalis. M. L. Dufour entretient la Société des raies noires, ou de Frauen- hofer, du spectre solaire, reproduites par la photographie. Cette re- production a démontré que l’action chimique des rayons lumineux dans le spectre s'étend au-delà des limites des couleurs visibles; car les raies noires se produisent sur l'image photographique au- delà des parties éclairées; il existe donc en quelque sorte des por- tions obseures dans le rayon lumineux que l'œil ne perçoit point, mais dont l’action chimique est manifeste. M. Dufour fait circuler des photographies qui représente le phénomène. M. Ph. Delaharpe fait un court rapport verbal sur la 1" séance de la commission chargée de relever la carte géologique du parcours de la ligne de l'Ouest. M. le D'° Marcel place sous les yeux de l’assemblée deux queues de renard extraites de conduits d'eau. Ces excroissances appartien- nent, l’une, aux racines du saule, l’autre, à celles du prunier. Il de- mande si elles ne pourraient pas s’introduire dans les drains et les obstruer. M. J. Delaharpe répond qu'il ne le pense pas, parce que les drains sont plutôt des conduits d'air que d’eau et que ces excroissances ne se développent pas hors de l’eau. M. Marcel exprime le vœu que la commission pour la géologie du réseau de l'Ouest, étende ses travaux géologiques aux lignes voi- sines telles que le Franco-Suisse , le Jura industriel et la ligne d’Ita- lie. Ce vœu est renvoyé avec recommandation à la commission. Le secrétaire donne lecture d’une lettre adressée à la Société par M. Bérard, instituteur à Villard-Bozon, au sujet des taches de la lune. M. le professeur Dufour se charge de répondre à M. Bérard. en lui faisant connaître les opinions admises sur ces taches. M. Piccard apprend à l'assemblée que la demande faite au Con- seil d'Etat par les membres de la Société, dans le but d'obtenir la carte du canton avec zônes de hauteur (voir séance du 15 février 1860) a été adoptée. Des essais de reproduction se font actuelle- ment par la galvanoplastie. La question de l'éloignement des courbes n'est pas encore définitivement arrêtée, parce qu'il paraît évident que leur distance ne peut être la même en plaine et sur les monta- gnes. La Société a recu depuis la dernière séance les ouvrages suivants : 1. De la Société géologique de Dublin : a) Note sur les mines de Prlande, N° 3. broch. — b) On the evidence afforded by fossil plants as to the boundary line. — e) Notes sur la minéralogie, N°3. — d) Sur les granits de l'Irlande. —e) Notes minéralogiques, N°7. 350 SÉANCE DU 2 MAI 1860. — f) Sur les mines de fer de Cornarvon. — g) Analyses de roches. — h) Sur les couches inférieures du carbonifère de Hook. — 1) Jour- nal de la Société. Vol. Ï, 3° part. —Vol. IF, part. 4, N°°1-4, 1844, — part. 2,n° 1-3, 1845. — part. 3 , n° 1-3, 1846. — part. 4, n° 1-3, 1847. — Vol. IV, part. À et 2. — Vol. V, part. 1-3. — Vol. VI, part. 1 et 2. — Vol. VIF, part. 1, #, 5. — Vol. VII, part. 2. 2. De la Société géologique de France : Bulletin, t. XVT , f. 60- 64. —t. XVI, f. 4-6. — Compte-rendu de l'Administration. 3. De M. Humpbhr. Lloyd, membre honoraire de la Société : On the light reflected and transmitted by thin plates. Dublin, 1859. — Sur l'influence magnétique directe d'un luminaire éloigné, ete., broch. (Extr. du philosoph. Magaz. 1858.) 4. De la Société d'agriculture, sciences et arts, de la Sarthe : Bulletin, t. XIV, 1859. 5. De l’Institut impérial et royal de Venise : Afti, t. V, sér. 3, 4° livraison. 6. De M. le prof de la Rive, membre honoraire de la Société : Sur les aurores boréales. (Extr. de la Bibliothèque universelle.) 7. De l’Académie royale des sciences de Munich : a) Festrede, à l’occasion du 101° anniversaire de l Académie, par J. Liebig. — b) Sur l'importance de l'étude du sanscrit ; par W. Christ. 8. De la Société des ingénieurs civils de Paris : Bulletin de la séance du 16 mars. 9. De la Société des sciences médicales et naturelles de Malines : Bulletin, 1857. 10. De MM. Burnier, Dufour et Yersin, membres de la Société : Observations météorologiques faites à Morges de 1849 à 1854. Séance du 2 mai 1860.— M. le docteur Castan, présenté comme membre effectif par M. Ph. Delaharpe, est admis. M. Piccard, ingénieur-géographe, présente à l'assemblée deux planimètres et donne la démonstration de leur application à la me- sure des aires des surfaces planes. Il fait précéder son exposition d’un récit abrégé des modifications successives que ces instruments ont subies. M. L. Dufour donne lecture d’une note sur un phénomène mé- téorologique qu’il a observé. (Voir les mémoires.) Le même membre rappelle que dans certaines circonstances con- venäbles on peut refroidir l’eau bien au-dessous de 0, avant qu’elle gèle. Mais c'est une expérience délicate et de réussite toujours dou- teuse. M. Dufour à trouvé que certaines substances organiques SÉANCE bu 2? maI 14860. 397 communiquent à l’eau cette propriété du retard de la congélation, d’une façon très sûre et très facile à constater. L’acide citrique à ‘/,,, le sucre de cannes, le sucre de raisin et surtout le sucre de lait sont remarquables sous ce rapport. Cette propriété de quelques subs- tances organiques a sans doute son importance dans les végétaux et est probablement pour une bonne part dans le fait bien connu de la résistance au gel des liquides renfermés dans les végétaux, malgré l’abaissement de la température bien au-dessous de 0. Pour les dé- tails de l'expérience, voir le mémoire de M. Dufour, qui paraitra incessamment. M. J. Delaharpe pense que des expériences analogues faites sur les liquides animaux donneraient probablement des résultats inté- ressants. Il est beaucoup d'insectes qui supportent immobiles et sous fre de nymphe ou même d’insecte parfait, des froids considéra- bles. M. Ph. Deluharpe demande à M. Dufour si la nature du vase a quelque influence sur ces phénomènes. M. Dufour n’a pas encore étudié ce point. M. L. Dufour attire encore l'attention de l’assemblée sur une note de M. Lartet, tirée des comptes-rendus de l’Académie des sciences de Paris, en date du 23 avril 1860, et relative aux silex antédilu- viens de M. Boucher de Perthes et aux ossements de cette époque, trouvés marqués de coups de hache, par M. Lartei. M. J. Delaharpe cite comme exemple des inconséquences com- mises par certains observateurs à l’endroit des caractères spécifiques, une monographie des Rubus, insérée dans le journal de la Société allemande Polychia. M. Müller, auteur de cette monographie, compte dans l'Europe centrale 235 espèces, au moins, de Rubus. La pres- que totalité de ces espèces est créée aux dépens de deux espèces lin- néennes. M. Hegetschweiler, dans sa flore suisse, en substituant la notion indécise de race à celle d'espèce et créant un grand nombre d'espèces au moyen de variétés, avait déjà commis une faute sem— blable ; mais il avait encore observé des bornes et reconnaissait que ses espèces se fondaient les unes dans les autres. La monographie des Rubus ne fait pas ces restrictions et oublie totalement que l’exis- tence de l'espèce ne repose pas sur tel ou tel caractère, quelle que soit sa valeur apparente, mais uniquement sur la constance de ces caractères d’une part et sur leur reproduction par génération de l’autre. Or l'établissement de ces caractères pour certaines espèces exige souvent de longues recherches et de nombreuses observations, pour lesquelles des herbiers ou d’autres collections ne suflisent pas. M. Piccurd, revenant sur la lecture de M. Dufour, demande si les coups de hache notés sur les ossements par M. Lartet ne seraient pas plutôt des coups de dents d’autres animaux. M. Ph. Delaharpe répond à M. Piccard que la distinction entre les coups de hache et ceux de dents est aisée à faire et a été faite à plusieurs reprises. 398 SÉANCE DU 16 mai 1860. M. Ph. Delaharpe rend compte d’une visite qu'il a faite avec M. C.-T. Gaudin à la grotte d’Agiez, près Orbe, et en donne une courte description. Elle ne renferme aucun ossement, ni débris d'a- nimaux, comme c’est du reste le cas dans toutes les cavernes des régions recouvertes par les glaciers à l’époque glaciaire. M. C.-T. Gaudin rapporte que M. Falconer lui écrit que M. Hooker a trouvé dans les lignites de Torkay (Angleterre) un fruit recueilli fréquemment dans notre mollasse à lignites des environs, et déter- miné par M. O0. Heer; ce fruit accompagne aussi en Angleterre les feuilles de palmier; ce fait suffit pour établir le parallélisme des ne formations et en même temps l'importance de la botanique ossile. Ouvrages reçus depuis la derniere séance : 1. De la Société géologique de France : Bulletin, tome XVII, f. 7-12. 2. De la Société Polychia de la Bavière rhénane : a) Jahrbücher, a 16 et 17. —b) Dissertations botaniques, de MM. Schulz frères, 1859. 3. De l’Académie royale d'Amsterdam : a) Lerrres : Communi- cations, vol. IV, fase. 1-3, 1858 et 59. — b) Journal 1858. — SCIENCES NATURELLES, vol. VIII et IX, 1858-59. L. De M. F, Zantedeschi, professeur à Padoue : Sur l'influence de l'électricité, sur les paragrèles, ete. 1860. 5. Revue savoisienne, 1"° année, n° 4. 6. De l'Institut impérial et royal de Venise : Atti, t. V, 3° série, 9° cah. Séance du 16 mai 1860. — M. L. Dufour continuant à examiner les phénomènes de la congélation des liquides (séance du 21 mars 1860) a été conduit à étudier la question de la densité de la glace ordinaire. Les auteurs sont loin d’être unanimes sur le chiffre de cette densité. Dumas l’estime à 0, 950; Berzelius à 0,916; Osan à 0,920; Plucker 0, 920; Brunner 0,918; Kopp 0,908; les physi- ciens français en général à 0,930. M. Dufour a dû d’abord examiner la valeur des procédés employés dans ce but; celui auquel il donne la préférence consiste : 1° à composer un mélange d’eau et d'esprit de vin refroidi au-dessous de 0°, dans lequel un fragment de glace flotte sans s'élever ni s’abaisser; — 2° à congeler de l’eau parfaite- ment exempte de bulles d'air; — 3° à déterminer par le flottement le point où le mélange d’eau et d'alcool commence à laisser tomber la glace et celui où elle commence à s'élever. La densité du mélange dans ces deux moments donne un maximum et un minimum entre lesquels est comprise la densité de la glace elle-même. Une série de 12 expériences choisies fixe la densité de la glace entre 0,9170 et SéANCE Du 16 mar 1860. 359 0,9180, ou en moyenne à 0,9175. Ce résultat concorde avec celui de Brunner, résultat d'autant plus remarquable que ce physicien a apporté un soin particulier à l'examen de cette question et a fait usage de procédés très différents. Aïnsi done 1 volume d’eau con- verti en glace devient par sa dilatation 1,096, c’est-à-dire que son volume augmente d'environ '/,,°. M. £. Renevier communique quelques observations géologiques, faites par lui, sur les tranchées de la voie ferrée d'Oron, dans les environs de Rochette. Un peu avant le viaduc de la Paudèze, le che- min de fer entre en tranchée et coupe des couches qui plongent uni- formément au S.-E., avec une inclinaison d'environ 30°. De bas en haut, on observe d'abord une succession de couches marneuses, grises, jaunes, rouges, violettes, bigarrées, entremélées de couches de mollasse tendre ; le tout appartenant à la mollasse rouge. Ces cou- ches renferment l'Helix Ramondi et de petites veines de gypse. (Séance du 16 mars 1859.) Au-dessus d'elles se présente une cou- che de calcaire bitumineux, reposant sur une marne noirâtre, ren- fermant de nombreux débris de Planorbes et de Lymnées. Ce eal- calcaire est à son tour recouvert par un banc brisé de mollasse grisä- tre, plus dure, au-dessus duquel n'apparait plus que la boue gla- ciaire, qui remplit une grande dépression où doivent se placer les couches du système à lignite. Après l'érosion de cette partie du ter- rain, ces dernières couches apparaissent dans la tranchée; les infé- rieures contiennent des Unio de petite dimension; celles qui les sui- vent, une mince couche de lignite ; elles sont encore toutes bien in- férieures à l'épais banc de mollasse dure contenant des Helix Ra- mondi, qui aboutit au pont de Rochette. De l’autre côté du viadue la voie commence de rechef par une tranchée qui coupe ce dernier banc de mollasse et les couches sub- jacentes, qui toutes conservent la même inclinaison que celles de l'autre côté du ravin, dont elles ne sont d’ailleurs que la continua- tion. En continuant à suivre la voie, on arrive à une nouvelle tran- chée où les couches présentent une toute autre disposition, car elles s’inclinent du côté de l'O. sous une inclinaison de 40° environ ; quel- ques pas plus loin le terrain est disloqué, puis un peu plus loin encore, les couches reprennent leur première inclinaison, qu’elles conservent jusqu’au torrent de la Lutrine. Il résulte de là que la rangée de collines situées entre Corsi, Eche- rin et le château de Bochat forme un 2° axe anticlinal parallèle au grand axe qui passe près de Lausanne et qu'entre ces deux axes se trouve une faille ou ligne synclinale, suivant à peu près le petit ruisseau qui coule entre Belmont et Corsi. M. Ph. Delaharpe explique que l'espèce de faille et de ligne anti- clinale notée par M. Renevier se rattache à une dislocation peu éten- due des couches à lignite, dislocation qui s'étend en triangle élargi au N. terminé en pointe du côté du lac, entre Belmont et Corsi. 360 SÉANCE DU 6 JuiN 1860. Cette dislocation n’est point très profonde, car le lignite se trouve des deux côtés de la faille, mais à un niveau différent. M. Piccard pense que cette dislocation signalée à la surface par M. E. Renevier correspond à une faille de la couche de lignite bien connue des mineurs de la localité. M. Bermont, qui à fait le relevé de cette couche signale deux failles , l’une peu considérable, l’autre beaucoup plus forte. Cette dernière correspondrait-elle à l'axe anti- clinal de M. Renevier ? M. Bessard démontre le mécanisme d’une machine à calculer ve- nant de Turin, qui lui a été confiée. Un système d'engrenage effectue les additions et les soustractions. M. C.-T. Gaudin rapporte qu'il a trouvé dernièrement, à Ro- chette, dans la marne, deux empreintes de folioles de Woodwardia, fougère recueillie précédemment à Rivaz et à Radoboë. M. Gaudin en prend occasion d'exposer les trois systèmes de nervation qui s’observent dans les fougères et servent à caractériser les subdivi- sions de la famille. Le même membre présente des débris lacustres de l’époque celti- que recueillis à Robenhausen ; ils se composent de graines diverses, de pommes séchées, de pain carbonisé, etc. 4 espèces différentes de Nymphea existaient à cette époque ; deux d’entr’elles ont disparu. M. Gaudin annonce encore que M. Gosse à trouvé à Paris, dans les environs du puits de Grenelle, des haches en silex, accompa- gnant les débris d'éléphant de l’époque diluvienne. Cette découverte est venue confirmer les faits de M. Boucher de Perthes et les pré- somptions qu'il avait émises sur l'existence de ces haches dans le bassin de Paris. M. Bischoff, prof”, expose le résultat des recherches qu'il vient de terminer sur l'acide hypermanganique et la composition chimique de l’hypermanganate ferreux. (Voir les mémoires.) M. Piccard continue son exposition sur un 3° planimètre plus simple que ceux dont il a démontré l'application dans la séance pré- cédente. Messieurs L. Dubois, instituteur à Lausanne, présenté par M. Bes- sard, et Adolphe Flaction, médecin à Yverdon, présenté par M. le docteur Cordey, sont admis comme membres effectifs de la Société. Séance du 6 juin 1860. — M. Rieu entretient la Société de l’éta- mage des glaces, et des tentatives faites jusqu’à ce jour pour rem- placer le mercure. Parmi ces tentatives, il en est une fort importante, parce que le métal employé est inaltérable , c'est le platinage. Ce procédé consiste à recouvrir la surface du miroir d’un très grand SÉANCE DU 6 sui 1860. 361 nombre de couches de chlorure de platine dissous dans de l’essence de lavande, puis échauffé pour vaporiser l'essence. M. Rieu a fait plusieurs essais de ce procédé avee M. L. Rivier sans cependant réussir : il présente un spécimen de miroir platiné. M. le prof L. Dufour rapporte qu'il a répété les expériences de Schrüder et de Hoffmann sur l'effet de l’air filtré au travers du coton dans la préservation de la moisissure et de la fermentation. Il pré- sente à l'appui deux éprouvettes renfermant depuis 36 jours le même bouillon de viande; dans l’une d'elles, le bouillon est recouvert d'une épaisse couche de moisissure ; dans l’autre, il n’y en à pas, et l’on voit encore à la surface les gouttelettes de graisse. Les deux éprouvettes avaient été soumises à l’ébullition d'un bain-marie d’eau salée, pendant une heure; mais la 1" n'avait pas été préalablement tamponée par du coton, tandis que la 2° l'avait été. M. Morlot, qui a pu entendre causer M. Schrüder sur ce sujet, rapporte que la première idée de l'effet du coton lui a été suggérée par le fait que le coton se charge mieux que toute autre substance des miasmes de la peste. Il paraïtrait, d'après M. Schrüder, que le tamponage par du coton a quelque effet sur le degré de la congéla- tion de l’eau, ainsi que sur les formes cristallines des sels dans les dissolutions salines recouvertes de coton. M. L. Dufour présente une série de feuilles de Syringa persica, (Lilas de Perse) passant par des gradations insensibles de la feuille ovo-lancéolée parfaitement entière, à la feuille pinnée, composée de 4 folioles latérales et une terminale. Ces dernières reproduisent en- tièrement le type des feuilles du genre Jasmin. La série exposée pro- vient d’un seul et même pied; les feuilles disséquées paraissent se présenter de préférence à la base des rameaux. M. Piccard continue son exposition sur les divers planimètres. (Voir les séances précédentes.) Il fait en présence de l’assemblée l'application de celui de Amsler. M. Cuénoud donne la démonstration par l’analyse de cet instru ment, démonstration différente de celle donnée par son inventeur. M. Piccard ajoute à cette démonstration des développements graphi- ques crane à rendre sensible la marche de l'instrument, sans le calcul. M. Morlot lit une lettre de M. E. Colomb de Paris sur l’examen qu'il a fait des terrains quaternaires des environs de Paris, dans les- quels on a découvert des haches en silex contemporaines des osse- ments d’elephas primigenius. (Voir les mémoires.) M. Morlot pense qu'il faut être sur ses gardes et ne pas adopter, sans mür examen et preuves suflisantes, les allégués de M. Boucher de Perthes et de tous ceux qui n’ont vu que par ses yeux. Les exem- 362 SÉANCE Du 6 sui 1860. ples de supercheries savantes ne sont pas nouveaux dans le départe- ment de la Somme. Les ouvriers savent très bien imiter l'antique et donner des indications qui trompent les plus habiles ; nous avons vu ce qu'ils savent faire sous nos propres yeux dans les trouvailles ar- chéologiques de Concise. M. Colomb n'a pas vu lui-même les haches en place et n'en a pas trouvé dans les environs de Paris. M. Gosse, fils, qui les a trouvées, n’est pas une autorité suffisante. Tout parait encore fort sujet à caution. M. C.-T. Gaudin cherche à justifier M. Boucher de Perthes ainsi que Messieurs Lyell et Prestwich qui ont examiné les allégués du premier ; il pense que s’il y a supercherie , elle doit être bien habile pour tromper de pareils hommes. Ouvrages reçus depuis la dernière séance : 1. De M. le D' C. Lurati à Lugano : Etude sur les eaux minéra- les de la Suisse italienne, Lugano, 1858. 2. Du « geological Survey of India : » Mémoires, vol. [, part. 3. — Annual Report, Calcutta, 1858-59. 3. De la Société des ingénieurs civils de Paris. Compte-rendu des travaux, janvier à mars 1860. — Résumé des travaux ; séances des 27 avril et 18 mai 1860, &. De l'Association florimontane d'Annecy : Revue savoisienne, n° 5. 1860. 5. De l’Institut impérial et royal de Venise ; Ati, etc., t. V, 5° livraison. 6. De l'Association Smithsonienne de Washington : Liste des so- ciétés correspondantes en 1860. 7. De la Société géologique de France : Bulletin, etc., t. XVII, fl. 13-20. 8. De la Société Linnéenne de Londres. — Journal de la, etc.: parties zoologique et botanique, n°° 7 à 15 de chaque. — Supple- ments pour la partie botanique, n°1 et 2.—Discours du Président et liste des membres, 1858 et 1859. SRE EIER MÉMOIRES. INSTRUCTIONS POUR L'OBSERVATION DE LA SCINTILLATION DES ÉTOILES. Par Ch. Dufour, profr à Morges. (Séance du 2 novembre 1859.) Le 23 janvier 1856, je communiquai à la Société les premiers résultats auxquels j'étais arrivé par mes recherches sur la scintilla- tion des étoiles. Dès lors plusieurs personnes à l'étranger m'ont ma- nifesté le désir de faire aussi des observations pareilles, et m'ont demandé de leur envoyer quelques instructions, soit afin de profiter de l’expérience que j'ai acquise sur cette question, soit pour que ces observations soient faites partout d’une manière uniforme, et restent comparables avec les observations plus anciennement commencées à Morges. Ce sont les instructions rédigées à cet effet que je viens communiquer. Jusque dans les derniers temps, la scintillation des étoiles n’a fait le sujet d'aucune série d'observations. On trouve bien par çi par là quelques renseignements isolés, et quelques personnes qui ont pro- posé diverses explications de ce phénomène, mais on n’avait fait aucune série d'observations sérieuses. Je suis le premier qui ait entrepris un travail de ce genre. Mes observations commencées à Morges en 1852 ne furent d’abord qu’une série de tâtonnements. Mais depuis octobre 1853 jusqu’au moment actuel, je ne laissai pas passer une seule des soirées pendant les- quelles on pouvait apercevoir suffisamment les étoiles, sans observer avec soin la seintillation ; maintenant après 6 ou 7 ans de travail, je suis convaincu que cette étude est importante et mérite de prendre place parmi les observations météorologiques. Pour que les résultats fussent plus généraux et plus complets, il fallait que l’on entreprit ailleurs, dans d’autres climats et dans d’au- tres circonstances météorologiques , des séries analogues à celle que j'ai commencée. Dans le moment actuel, voici quelles sont, sur le globe, les stations sur lesquelles on peut espérer de voir commencer ou continuer quelque travail de ce genre. 3 304 SCINTILLATION 1° Morges (Suisse), par 46°,30° de latitude boréale et 4°,9’ de longitude à Forient de Paris. Depuis 1853 j'ai fait à Morges près de 24000 observations de seintillation. Les principaux résultats obtenus jusqu'à présent par ces nom- breuses observations ont été publiés dans les Comptes-rendus de l’Académie de Belgique, dans ceux de l’Académie de Paris, dans les Notices de la Société astronomique de Londres, enfin dans le Bulle- tin de la Société vaudoise des sciences naturelles (séance du 23 jan- vier 1856). 2 Le Grand S' Bernard, à une altitude de 2480 mètres. Les religieux qui demeurent toute l’année dans ces régions élevées , au bord des neiges éternelles, ont bien voulu continuer les observations que j'y ai commencées dans l’été de 1856, pendant un séjour que je fis au milieu d'eux. 3° Le Caire, où M. Mahmoud-Effendi, directeur de l’cbservatoire, a commencé ou commencera incessamment une série analogue à celle de Morges. &° Le Pic de Ténériffe. Dans l'intérêt de la science M. Piazzi Smyth, directeur de l'observatoire d'Edimbourg, a déjà passé une fois plusieurs mois sur le Pic de Ténériffe. Or M. Piazzi Smyth m'a promis que si, comme il en a l'espoir, il peut encore continuer ses recherches sur cette montagne isolée, la scintillation des étoiles sera une question qu'il étudiera avec un soin particulier. 5° La Havanne, où M. Poey a fondé un observatoire. Dans le courant de mars 1859, M. Poey m'a manifesté le désir d'observer la scintillation à la Havanne comme je le fais à Morges, il m'a prié de lui donner à cet effet les directions convenables. Il est probable qu'au moment actuel une série d'observations analogues à celle de Morges y est en voie d'exécution. 6° Quelques observateurs en Russie. L'année dernière la Société géographique de S' Petersbourg décida de publier des instructions pour l'observation de tous les phénomènes météorologiques. M. Käemtz, chargé de diriger cette publication, me pria de rédiger ce qui concerne la scintillation, et actuellement j'ai tout lieu de croire que l’on a commencé à observer conformément à ces instructions , dans plusieurs localités de la Russie. Mais, on le voit, ces stations sont encore bien éloignées sur la sur- face du globe. Il est certains pays et certains climats pour lesquels les renseignements seraient fort précieux, par exemple, la zône tor- ride. Les observations de la Havanne sont les seules qui se fassent sur cette zûne. Îl serait à désirer que l’on pt trouver un plus grand nombre de stations pareilles, car il est important de savoir comment scintillent les étoiles pour les observateurs placés entre les tropiques, dans les contrées les plus chaudes et probablement les plus humides du monde. DES ÉTOILES. 365 L'hémisphére austral. Les observations faites sous le ciel de l’autre hémisphère seraient aussi d’un grand intérêt, car non seule- ment l’observateur serait placé dans des conditions météorologiques notablement différentes, mais il pourrait observer certaines étoiles toujours invisibles pour nous, entr'autres Acharnar et Canopus. Les belles étoiles de cet hémisphère, Sirius et Rigel, que nous voyons seulement en hiver, sont visibles au Sud de l’équateur pendant la saison chaude; puis ces étoiles passant aussi plus près du zénith, il serait intéressant de voir comment la scintillation est modifiée par cet ensemble de circonstances. Les contrées boréales sont surtout celles où l’on pourrait faire des observations précieuses. Il serait important de savoir comment on voit scintiller les étoiles sur les mers polaires, pendant ces longues nuits qui durent plusieurs mois consécutifs. Je recommande particu- lièrement cette étude aux voyageurs qui pourraient être appelés à passer quelques hivers au milieu des glaces du pôle. Je regrette beau- coup que mes observations n'aient pas commencé dix ans plus tôt ; il aurait été possible d'indiquer ce genre de recherches aux nom- breux navigateurs qui, à la recherche de Sir John Franklin, ont passé plusieurs hivers au delà du cercle polaire. De pareilles expé- ditions peuvent se renouveler et se renouvelleront probablement. Je me permets d'appeler l’attention de ces futurs explorateurs sur ia scintillation des étoiles ; il peut y avoir là pour eux un ordre de re- cherches fécond en résultats. Il serait important de savoir aussi comment scintillent les étoiles pendant les nuits si froides et si sereines de la Sibérie orientale, ou même de la Russie d'Europe. Mais j'ai lieu d'espérer que ces ren- seignements pourront être obtenus par les observateurs russes dont j'ai parlé plus haut. Pour éviter aux observateurs des tâtonnements inutiles et les mettre à même de profiter de l'expérience que j'ai acquise par les nombreuses observations que j'ai faites à Morges, aussi bien que pour rendre les indications d’un observateur comparables avec celles d'un autre observateur , je crois devoir donner les directions sui- vantes : 1° Manière d'observer. J'ai essayé plusieurs scintillomètres, tous ceux indiqués par Arago et même un nouveau que j'avais proposé moi-même ; mais en définitive j'ai pu me convaincre que tous ne valaient pas les observations faites à l'œil nu. Il est facile dès que l’on y est un peu habitué, d'apprécier assez exactement si une étoile scintille plus ou moins qu’une autre étoile ; et on peut indiquer cette scintillation par un chiffre, comme en mé- téorologie on apprécie par un chiffre l’état du ciel ou la force du vent. Pour mon compte j'ai désigné par O une scintillation nulle, et par 40 les scintillations qui me paraissaient les plus fortes. De telles scintillations se rencontrent rarement, seulement quand les étoiles sont près de l'horizon, qu'elles paraissent sautiller, changer de cou- 366 SCINTILLATION leur et parfois même disparaître. Avec un peu d'habitude, on par- vient même à distinguer encore des degrès entre les scintillations Oeæl,1et2,etc. On peut alors apprécier la seintillation avec plus d’exactitude , et la désigner par exemple par 0,4; 4,6, etc: Toute- fois, il n’est guère possible de pousser ces subdivisions de degré au delà des scintillations 4 ou 5. Cette division peut paraitre fort arbitraire, il semble qu’il soit dif- ficile d'estimer par un chiffre un phénomène tel que la seintillation ; cependant ce procédé est indiqué par plusieurs savants, entr'autres par un des observateurs les plus exacts, les plus consciencieux, de Saussure, qui appréciait de la même manière l'intensité du célèbre brouillard sec de 1783. De Saussure estimait cette intensité tantôt à 3, tantôt à 4, tantôt à 9, etc. , et à ce sujet il donne l'explication suivante : « Cette échelle est une division imaginaire, que j'emploie dans » l’estimation des phénomènes dont nous n'avons aucune mesure » réelle. Je suppose que le plus haut degré du phénomène soit 10, » le plus bas 1, et je tâche de déterminer les intermédiaires, ou pour » l’intensité même de la sensation, ou en employant des secours » tirés de quelques circonstances du phénomène. Cela me semble » présenter des idées plus précises que les qualifications vagues de » fort, faible, médiocre. Ainsi je mettrais au 8° degré la vapeur du » 3 juillet 1783. » (De Saussure : voyages dans les Alpes, 3° voyage, chap. 2.) J'ai expliqué quelle était ma notation et mon échelle. Un autre observateur peut en faire une à sa convenance. Tous les chiffres peuvent être changés, mais on verra que les rapports demeureront sensiblement les mêmes. Ainsi, en comparant mes appréciations avec celles d’autres personnes, j'ai pu constater que nous étions toujours d'accord sur la question de savoir si une étoile scintillait plus ou moins qu'une autre étoile, si la seintillation, pendant une série, était plus forte ou plus faible que pendant une autre série. Or c’est là le point important, car puisque toutes les observations ne peuvent pas être faites par la même personne, il sera souvent difficile de savoir si la scintillation est exactement de même intensité au Caire, à la Nouvelle-Archangel, sur le Pic de Ténériffe ou à Morges. Dans un instant je ferai voir par quels moyens on peut, dans de certaines limites, obvier à cet inconvénient; mais dans tous les cas, en suivant le mode d'observation que je viens d'indiquer, il sera possible de savoir comment dans chacune de ces stations la scintillation varie d’un jour à l’autre et si cette variation paraît être en rapport avec quelque perturbation météorologique. Il est inutile d'ajouter ici qu’il faut toujours connaître ou du moins qu'il faut toujours pouvoir déterminer la hauteur de l'étoile qui scin- ülle. Mais au lieu d'observer directement cette hauteur, il est plus simple de la calculer d’après l'heure de l'observation, et pour abré- ger les calculs on peut faire d’avance une table, destinée à indiquer quelle est, pour la latitude où l’on se trouve , la hauteur des étoiles DES ÉTOILES. 307 que l’on observe aux différentes heures sidérales. Ma table donne ces hauteurs pour Morges de demi-heure en demi-heure. Une pa- reille table est suflisante, car dans l'intervalle d’une demi-heure on peut interposer avec toute l'exactitude nécessaire , puisque ici il est inutile de connaître la hauteur de l'étoile à quelques secondes près, il suffit de la connaître avec l'approximation d'un degré ou d'un demi-degré. 2° Réduction des observations. Il est surabondamment prouvé que toutes choses égales d’ailleurs, la scintillation est d'autant plus faible que les étoiles sont plus rapprochées du zénith. D’après cela il peut sembler impossible de comparer les observations, si elles n’ont pas toutes été faites à la même hauteur. En comparant moi-même un grand nombre d'observations, faites dans de très-bonnes conditions, alors qu'il n’y avait eu aucune perturbation atmosphérique appa- rente, ni dans les jours précédents, ni dans les jours suivants , j'ai reconnu que la scintillation décroit réellement quand l'étoile s’ap- proche du zénith et que pour une hauteur quelconque, la scintillation est sensiblement proportionnelle au produit obtenu en multipliant lépaisseur de la couche d’air que traverse le rayon lumineux , par la réfraction astronomique, pour la hauteur que l’on considère. Désignons ce produit par P. En représentant par 1 la hauteur de l’athmosphère et en comptant les réfractions par secondes sexagési- rer on trouve que pour les différentes hauteurs les valeurs de sont : Hauteur de l’étoile. Valeur de P. Pers mb bte En à à: Aotio hoeagnatuoinar s0ne310 1886 BD 6H A ANRT O8 SOA TUE DE on de SN AIT NS A sogetéenanin 0) eviilhut cotsustr: 806,9 AG) SIG RON UN ZE HIEUEL SUN HEC ue UE D 0 Dhs mgenenrin.-otas dbrand mio 07 GOrrens sv différer 0 cmt OL 1198 UP A SL CE D AR EL Ode al de A de la ballastière de Cully ne fait que commencer. J'ai donné des » recommandations spéciales pour les découvertes qu’on y pourrait » faire à l'avenir. » Mais malgré les soins des personnes qui dirigeaient l'exploitation on æ’a rencontré aucun nouveau débris fossile jusqu’à ce jour (16 juillet 4860). 4 Dans la caverne de Schandon, le renne se trouve associé à l’Elephas primigenius, aux Ursus spelaeus et arctos; à Ballybetagh au Cervus megaceros. SILEX OUVRÉS. 463 SILEX OUVRÉS DU DÉPÔT QUARTAIRE DES BASSINS DE LA SOMME ET DE LA SEINE. Lettre de M. E. Collomb, ingénieur. (Séance du 6 juin 14860.) La découverte de silex taillés et façonnés à la main, faite par M. Boucher-de-Perthes, près d’Abbeville, dans les dépôts quar- taires, en compagnie des restes de l'Elephas primigenius, a déjà plus d’une fois occupé la Société vaudoise. Les questions qu'elle soulève ont une telle importance et deviennent l’ocasion de débats si sérieux, que nous devons recueillir avec empressement tous les faits bien établis qui arrivent à notre connaissance, Sous ce rapport la lettre de M. Ed. Collomb, adressée à M. le prof Morlot, mérite une attention très particulière; aussi nous empressons-nous de la re- produire, après avoir obtenu l'autorisation de l'auteur. Paris, le 26 mai 1860. « Mon cher ami, » Jai reçu il y a quelques jours avec grand plaisir un exemplaire de vos belles études géologico-archéologiques comparées, en Dane- mark et en Suisse, je vous en remercie. Je me suis aussi occupé dans ces derniers temps de ces questions-là, mais (seulement dans ce qui se rattache à l’âge de la pierre. Vous savez que nous avons dans les environs de Paris, dans les carrières de sable et graviers de Cli- chy, de Grenelle, de Bicètre, puis dans le département de l'Yonne et surtout dans celui de la Somme, à Abbeville et à Amiens, de nombreux restes authentiques et irrécusables de l’âge de la pierre. On s'en occupe beaucoup depuis quelque temps ic à Paris. Si les pu- blications sur ce sujet sont jusqu’à présent peu nombreuses cela tient en partie à ce que les savants ofliciels, l’état major géologique et archéologique, n'ose pas se lancer dans cette voie, la vérité leur fait peur , le progrès les effraie, les nouvelles découvertes ne sont pas accueillies avec faveur; ensuite, il y a la question religieuse, la Genèse, presque la question romaine, qui viennent se méler indis- crètement à tout cela ; il en résulte que les notes, mémoires, publi- cations sur ce sujet n’ont pas encore un caractère véritablement scientifique. Cependant il y a plus de 10 ans que M. Boucher-de- LG SILEX OUVRÉS. Perthes, d’Abbeville, à publié un beau travail en 2 volumes sur les restes trouvés dans son pays, qui est peut-être aussi riche que le Danemark ; travail vrai et consciencieux qu’on a pensé étouffer dès sa naissance. M. Pictet a rendu compte de ces différents travaux dans une note très intéressante qu’il vient de publier dans la biblio- thèque universelle (Genève, mars 1860). » Aujourd’hui, mon cher ami, je viens seulement vous donner quelques détails sur ce que j'ai vu de mes propres yeux. Pour rendre la chose plus claire et plus courte je vous donnerai simplement les coupes des terrains que j'ai relevés en visitant les lieux, et pour que vous sachiez de suite à quoi vous en tenir relativement à ma ma- nière de voir, je vous dirai que je commence à croire que l'homme a vécu sur la terre en même temps que l'Elephas primigenius, l'Ur- sus speaelus, le bœuf, le cheval, le renne, le rhinocéros, et nombre d’autres espèces éteintes, qui ont vécu dans nos contrées au com- mencement de l’époque quartaire; l’homme serait par conséquent antérieur et contemporain de la première apparition des anciens glaciers, il aurait assisté à leur naissance, à leur grand développe- ment, à leur fusion successive et à tous les phénomènes qui les ont immédiatement précédés, accompagnés et suivis. Cette opinion est partagée du reste par mon ami E. Lartet, très compétent dans ces matières; il a commencé à publier quelque chose et je pense qu'il va continuer dans cette voie. » Voici d'abord un petit croquis représentant quelques-unes des haches en silex taillées de main d'homme, que nous avons recueil- (a) Silex taillés de main d'homme, de St. Acheul (Somme). lies M. Lartet et moi, à St. Acheul, près d’Amiens (Somme), dans la partie inférieure du diluvium inférieur. 465 la coupe du terrain où nous les avons trouvés à Saint- i Acheul (Somme) : SILEX OUVRES “ouiuou,p uw op SOI) XOIIS 49 UY o[{8S op Solijuor 2048 sJorneud ‘su oçqes “oSnoi ojqes *SIPUOIIE Jo XNO[NÈUL XO]IS Op eyonoo ojmod À “xnoriüue 9%nou ojqes “sonbuq sep uonejodxe,] snod gaoquo 50 wo of ‘os à *SOUJEUIOY—OF(P2) SOQUIOY SOUUOJONY "JOLI QUIQU €] suep osud odno oxny ‘snossop-n8 sonjou sonbjonb e 150 oqourq ojeuo ef “SE E[ & OUUIOUP UTU OP SO[E) XO[IS S0p JuouostÀ : Somoi ‘OreJo E[ 0p XxoIS op ormmed opuesÿ ue spsodwos ‘sortis : *suê ojqes << “Xnopnâue j9 1pUONT xONIS op eyonoo oyod # De à 0SE t 007 ‘sus oçqes Ds RTS "Mnopäue jo xnoutnuoy 08n04 oqqus K< 09 v 0 ‘{puoure 39 xnoqnäue xopS Jpjod op oyonoo CU) ‘sonbuiq «mod oyoydxo ‘unaiq ‘xnoutänuoy ‘ xnari$xe uqo “019804 oo) » Voic = RE == == = ‘Ju09 QE UOJAUD 38: Sn +5 8 ge LES S.SS E Se > Sr ESS ES a © 2 pe Cast) lex taillés SI pendamment des » Indé férieure, on y récolte aussi des den bois de cerf, etc. A cette occasion M. Lartet a In 466 SILEX OUVRÉS,. bien son importance: parmi ces bois de cerf on en remarque qui sont travaillés de main d’homme, coupés, entaillés, sciés évidem- ment avec des instruments, des outils en silex, travail qui ne peut avoir été exécuté que par les hommes de cette époque. Qo > .# ne ES AND CTINE PE NES SES S£S2 © per AE EE > ED . 2 5 © E 0502 Et 225; = à Ep Du +] = £a e = LS CARO 4 0 je dés ME] + HE ire 47 95° 5 SE © | 100 £ | AEUS v2 , sit ® æe = ; ee RQ = © is , æ DS 5 la Somme à me, q 3 xù dE LM © 4, © 20}e C1 00, le, _ FX UA mn LIL 58%) > pre” HAL » - EN s» ch =. ex D PA » Arrêtons-nous un instant sur cette coupe. D'abord la contrée tout entière, c’est-à-dire presque tout le nord de la France, comme au surplus tous les pays de la plaine, se trouve dans les conditions les plus favorables, les plus normales pour l'étude des terrains quartaires, parce que pendant cette longue période il ne s'est point passé dans cette région d’évé- nements extraordinaires ; il n’y a point eu de grands cataclismes , de soulèvements brusques, de dislocations , de glaciers qui auraient pu re- manier le sol et changer l’ordre régulier de su- perposition des couches. En Suisse vous avez eu les anciens glaciers, les cônes d’éboulement, les cônes de déjection, les dépôts torrentiels qui ont labouré ou encombré la surface du sol. En Auvergne les volcans et leurs produits ont re- couvert souvent ou disloqué les dépôts quar- taires. Dans les cavernes à ossements, où ces dépôts sont mêlés avec des ossements d’ani- maux éteints et des produits de l’industrie hu- maine, on ne sait pas bien comment les choses se sont passées, tandis que dans le nord de la France, les dépôts de sable et de graviers, sur- tout sur les plateaux en dehors du périmètre mouillé actuel, sont restés intacts ; leur strati- fication est solide, elle a traversé la série des siècles dans toute son intégrité primitive; la preuve en est que les silex taillés de main d'homme, du commencement de cette époque, que l’on ne trouve jamais qu’à la base du dépôt, ont conservé le plus souvent leurs angles et leurs arêtes vives comme mes échantillons ei- dessus ; ils ne sont nullement émoussés par le transport, ils ont été taillés sur place, c’est évi- dent. » Voici une coupe plus générale, sans les dé- tails, qui vous donnera une idée de la position des choses. » Dans le département de l'Yonne, dans les grottes d’Arei, M. de Vibraye vient de trouver une mâchoire humaine et des produits tra- vaillés, associés à une tête d’Ursus spelaeus et cela dans la partie in- férieure du dépôt qui se compose comme suit : SILEX OUVRÉS,. 467 Partie supérieure. Lehm argileux. Partie moyenne. Sable et graviers calcaires provenant des mon- tagnes voisines. Partie inférieure. Dépôts à éléments provenant de pays lointains, des montagnes du Morvan; mâchoire hu- maine et tête d'Ursus. » J'ai vu les objets : M. de Vibraye poursuit ses recherches, il va publier une note sur sa découverte , mais comme je vous le disais tout-à-l'heure, je crois que les résultats des recherches dans les grottes et cavernes sont moins concluants que ceux des pays de plaine et de larges vallées. » Passons maintenant à Paris, allons à Joinville (Seine), nous y trouvons la coupe suivante de M. d'Orbigny : Semen 0! végétal. ——— 0, 30 c. — = loess. 0, 70 à ; Rs 4 diluvium rouge. 0, 75 sable non coquillier. 0, 50 diluvium gris. ; sable marneux avec coquilles 0, 70 lacustres. diluvium gris à blocs errati- + Ge tiques. » À Grenelle, la coupe est la même, seulement le lehm et le dilu- vium rouge sont enlevés , dénudés, probablement par la Seine mo- derne; elle n’a respecté que le diluvium gris, c’est là que l’on trouve les silex taillés et les dents d’éléphant. M. Gosse y a récolté dernié- rement une hache et d’autres objets taillés, en bon état. Les dents d'éléphant n’y sont pas très rares. » Je pourrais multiplier les coupes pour vous faire voir que notre terrain quartaire, si l’on supprime les détails, se compose de trois dépôts distincts : Le supérieur, de lehm, plus ou moins argileux. Le moyen, de sables et graviers peu roulés, dont l’origine n'est ordinairement pas très éloignée : il porte le nom de diluvium rouge. L'inférieur, de graviers roulés, qui paraissent provenir de contrées plus éloignées : j'y ai récolté de temps en temps des fragments de granite roulés du Morvan; on l'appelle ordinairement diluvium gris. » Maintenant je vais essayer de vous démontrer comme quoi l’homme a vécu sur la terre avant et pendant la première apparition des anciens glaciers; pour cela il faut nous transporter dans les plaines d'Alsace, dans la vallée du Rhin, et ensuite faire une excur- 468 SILEX OUVRÉS. sion dans les montagnes des Vosges.Nous n’y trouverons pas homme, mais nous y trouverons des termes de comparaison, des analogies et des synchronismes frappants. Voici d’abord la coupe du diluvium de la vallée du Rhin, coupe adoptée depuis longtemps. Partie supérieure. Lehm. Partie moyenne. Graviers roulés, dont l’origine est facile à reconnaitre; ils proviennent, sur la rive gauche, de fragments venant des Vosges, sur la rive droite, de la Forêt-noire et en amont du bassin, des montagnes du Jura. Partie inférieure. Graviers roulés, beaucoup plus puissants que les précédents; ils sont exclusivement com- posés de roches venant des Alpes. Dans ces trois dépôts, absence complète de gros blocs et de galets rayés. ratiques et galets striés. graviers de petit volume, sans blocs, ni moraine caractéristique, aveo blocs et- galets striés. terrain de transition ou granit. Coupe en travers de la vallée. Coupe en long. Coupes dans l'intérieur d’une vallée des Vosges. SILEX OUVRÉS, 469 Réunissant maintenant la plaine et la montagne, nous avons la coupe suivante : » Remarquez que dans la plaine il en ÿ est ici comme dans le nord de la France, < les dépôts sont régulièrement stratifiés , 5 ils n’ont pas subi de dislocation posté- E rieure, Pour moi, le lehm de la plaine És correspond synchroniquement aux mo- 3 raines glaciaires de l’intérieur des vallées: 3 j'en ai donné les motifs et presque les 2< preuves dans un travail publié il y a une 3 10° d'années. ä N 5 » Donc en rapprochant le nord de la Les = France de la vallée du Rhin, je trouve # 5 les relations suivantes : © Dans le nord de la Dans la vallée du France. Rhin. -25N04mMN € UIUU 2[ À Lebhm, Lehm. 5 Dépôt moyen de Dépôt moyen; gra- & sables et graviers, viers composés de à = connu sous le nom matériaux ne pro- p: ŸS de diluvium rouge. venant pas d’une #8 Vallée delaSom- grande distance, ve- 2% me, de la Seine, de nant des montagnes 2È la Marne, etc. voisines : Vosges , N re Forêt-noire, Jura. » 52 Antérieur aux an- La 5 ciens glaciérs des _ N : S Vosges. 4 Dépôt inférieur. Dépôt inférieur. Graviers provenant Graviers exelusive- d’un transport loin- ment composés de tain, avec fragments cailloux d’origine al- = de granite du Mor- pine. Antérieur aux £ van. Dépôt renfer- anciens glaciers des 2 mant à sa base les Vosges. Æ silex taillés de main = d'homme et des os- 1 \ s £ sements d’éléphant, “ £2 d'ours, de cerfs,etc. æ 28 et d’autres espèces n £ éteintes. e L=] sé i » J'ai soin de mettre : antérieur aux an- \ : ciens glaciers des Vosges; je ne m'engage des Alpes, parce qu'i pas à dire : antérieur aux anciens glaciers l n’est pas prouvé qu'ils aient disparu en même 270 SILEX OUVRÉS. temps des deux contrées: ils peuvent très bien avoir persisté dans les Alpes pendant des milliers d'années après la disparition de ceux des Vosges, à cause des différences orographiques et des différences d’altitude ; ils peuvent de même, en renversant la proposition, avoir existé bien des milliers d'années avant ceux des Vosges. Ainsi, quant aux Alpes, les termes de comparaison sont moins certains, tandis qu'entre la plaine du Rhin et les anciens glaciers des Vosges mes coupes éclaircissent la question et peuvent jusqu’à un certain point établir un synchronisme exact. » Vous voyez par la comparaison de ces coupes, que les débris de l’industrie des hommes de l’âge de la pierre, de la vallée de la Som- me, correspondent au diluvium inférieur de la vallée du Rhin, dilu- vium qui est antérieur de beaucoup aux anciens glaciers des Vosges, puisqu'il en est séparé par le diluvium moyen du Rhin ou diluvium rouge de la vallée de la Seine. » Ces coupes sont exactes, quelques-unes même sont publiées et acceptées depuis longtemps, les analogies et les synchronismes je les déduis de leur comparaison d’une contrée à l’autre, cette méthode se pratique tous les jours en géologie, surtout à l’aide des fossiles qui sont toujours le meilleur guide chronologique. Ainsi donc quand je vous disais en commençant que j'étais entrainé à croire que l’homme a fait son apparition sur la terre en même temps que le mammouth, que l’ours des cavernes et autres espèces disparues, non- seulement du pays mais de la création, et qu'il a pu assister au com- mencement et au développement des anciens glaciers, je ne fais autre chose que de tirer les conclusions naturelles des faits observés. » Votre tout affectionné, Ed. CozzLoms.» La lettre de M. E. Collomb ne parut pas entièrement concluante à M. Morlot ; celui-ci fit part à son ami de Paris des doutes qu'il con- servait encore. M. Collomb répondit en ces termes : Paris, le 29 juin 1860. « Mon cher professeur, » Je commence par vous remercier du bon accueil que vous avez fait à ma lettre du mois dernier. Si je ne vous ai pas répondu plus tôt c’est parce que j'ai fait de nouveau quelques explorations dans le &i- luvium de la Seine et dans celui de la Somme. Je vois bien positive- ment qu'il n’y a pas grand’chose à changer à mes coupes. Vous pou- vez même les admettre telles qu’elles, elles représentent bien l'état des choses, les différences de détail sont peu importantes, vous savez que dans les matériaux de transport les épaisseurs varient d’un ins- tant à l’autre, c’est donc un point sur lequel nous sommes d'accord. » Quant aux silex, ceux que j'ai récoltés sont bien évidemment tail- lés de main d'homme, là il n’y a pas de doute non plus. Reste main- tenant la grande question de savoir, si, 1° bien positivement ces si- lex sont dans leur situation normale, dans le diluvium inférieur ? À EMPREINTES DE FEUILLES FOSSILES. 471 » 2° S'ils n’ont pas été déposés là par les ouvriers, par supercherie ? » 3° s'ils n'ont pas été introduits après coup par des causes natu- relles, par un remaniement local des galets, du sable, des graviers ? » Quant à la première question, je crois bien certainement d'après ce que j'ai vu et récolté sur place, pouvoir répondre affirmativement. » La seconde question, même réponse aflirmative, attendu que j'ai dans ma collection des exemplaires de haches en silex dont la couche superficielle est recouverte d’un enduit blanc mat, d'une es- pèce de vernis, d’une oxidation, ou hydratation si vous voulez, qui ne se produit qu’à la suite des siècles et qui est postérieure à la taille du silex. Le troisième doute, savoir s'ils n’ont pas été introduits après coup, me parait également, d’après ce que j'ai vu, être résolu négativement. » Dans les coupes, croquis, ou notes que je vous ai envoyés je n’ai absolument rien pris à M. B. de P. , ils sont le résultat de mes propres recherches, en compagnie de M. Lartet, ainsi vous pouvez y avoir confiance. » Votre tout dévoué, E. CocLoms. PROCÉDÉ POUR CALQUER LES EMPREINTES DE FEUILLES FOSSILES. Par M. C.-T. Gaudin. (Séance du 18 janvier 1860.) Lorsqu'il s’agit de dessiner des empreintes de feuilles fossiles, 1 y à une immense économie de temps et de travail à en calquer les contours et les nervures les plus apparentes. On atteint en même temps une fidélité beaucoup plus grande. Le vernis suivant m’a paru remplir les conditions voulues pour donner au papier végétal ou pa- pier à calquer les plans, un haut degré de transparence : Sur 150 grammes de sandaraque choisie et bien blanche, on verse 120 gram- mes d'esprit de vin rectifié à 36°; la sandaraque en partie dissoute, on décante dans une bouteille à vernis; on verse sur la même san- daraque 120 autres grammes d'esprit de vin qu’on décante égale- ment. Cette opération doit être répétée jusqu’à complète dissolution de la sandaraque. On ajoute alors 15 gr. de camphre et 30 gr. de térébenthine. Si le vernis est trop épais, il faut l’étendre d’un peu d'esprit de vin. Appliqué au pinceau sur les deux faces d’une feuille de papier à calquer non huilé et aussi mince qu’on pourra le trouver, il séchera rapidement et donnera au papier une transparence égale à celle du verre. Le crayon ordinaire ne marque pas sur lui, mais on peut employer avec succès les petites mines bleues de Faber. Une fois les 472 GONIOBATES AGASSIZI. contours et les nervures de la feuille indiqués, on les calque de nouveau sur une feuille de papier végétal non verni et au moyen de la mine de plomb ordinaire. Il est facile de compléter les détails qui auraient échappé. Lorsque la roche est assez dure, il y a avantage à commencer par renforcer au crayon les contours et les nervures sur l'empreinte fossile elle-même, car on ne voit guère toutes les ner- vures à la fois, mais elles apparaissent successivement et selon l’é- clairement. Une fois le calque terminé, un peu de mie de pain rend au fossile son aspect primitif. GONIOBATES AGASSIZT. Par M. R. Blanchet. (Séance du 18 janvier 1860.) Monsieur Agassiz a tracé, au chapitre 31 de son grand ouvrage, pag. 17, les caractères du genre Myliobates, il a divisé ce genre en Myliobates, Ætobates, et Zygobates. Nous possédons en Suisse et dans la canton de Vaud, l’Ætobates arcuatus, Ag. et le Zygobates Studeri, Ag.; ces deux espèces se trou- vent quelquefois dans le grès de la Molière. Cette dernière espèce a été figurée dans le Pisciwm querelue et vindiciae de Scheuchzer , au bas de la planche 3, sous le nom de mandibula cujusdam piscis. Je crois que c’est aussi ce Zygobates qui est représenté dans l'ouvrage de Razoumowsky , histoire naturelle du Jorat, tome second , plan- che 1, figures 1 , 2 et 3. M. Agassiz n'a pas figuré ces espèces suisses; il mentionne un assez bel exemplaire de l’Ætobates arcuatus dans la collection du Musée de Berne, mais il a déterminé ces deux espèces dans ma col- lection particulière. L'année dernière (1859) Mr. Agassiz est venu à Lausanne ; je lui ai fait voir un bel exemplaire de mâchoire de poisson que je croyais appartenir au genre Æfobates: ce fossile avait une certaine analogie avec l'Ætobates sulcatus. Ag. figuré planche 46 , N° 4 et 5 du grand ouvrage sur les poissons; mais M. Agassiz me dit : cette mâchoire appartient à un nouveau genre que j'ai publié sous le nom de Gonio- bates ; je n’en connais point en Suisse. L'état de sa santé ne lui a pas permis de s’oceuper de la détermi- nation ultérieure. Examinant donc seul ce nouveau fossile , je trouve que les chevrons, arrondis dans le genre Ætobates, sont coudés, presque à angle droit, dans le nouveau genre. La suture des pièces se fait au moyen d’une dentelure régulière et sur un plan incliné RU en arrière : la partie inférieure de la mâchoire est tout-à-fait isse. foxiste pas » { qui je KO a z rade Fo Jean en rs Le vod 220 Ve Cars » ï Re ro " us t a Ve lisse htc or dt. d'au dés soc! 4 Lo A. 11 842466 pb TÈMé + die Der so ne F: * à : RS ù SN = SS LS < RS & ES ÈS SES SNS DR << SS RS = IR JSK S à DRTESS SE SE == D ACIDE HYPERMANGANIQUE, 473 Cette espèce étant nouvelle, je lui donne le nom de Goniobates Agassizi, en l'honneur de mon ancien ami. Elle a été trouvée dans le grès de la Molière ; dans la même localité et à la même époque on recueillait des fragments de mächoire inférieure de Dauphin; ces fragments ne sont pas assez bien conservés pour être reproduits, L'autre espèce figurée appartient au genre Wiliobates; c'est pro- bablementune des plaques dentaires centrales de M. jugalis ou M. to- liapicus, planche 4 de l'ouvrage d’Agassiz. Cet exemplaire est par- faitement conservé, il peut donner aux géologues une idée précise de la forme de ces dents qui sont fréquentes, mais ordinairement roulées et dans un mauvais état de conservation. On voit très bien que la partie antérieure de la dent s’appuie sur la dent placée devant elle, les dents latérales et postérieures entrent dans une espèce de rainure que l’on observe autour de cette dent; la partie inférieure est couverte de lamelles qui se fixaient dans la partie cartilagineuse de la mâchoire. EXPLICATION DE LA PLANCHE. I, a. Mâchoire de Goniobates, vue en dessus. I, b. Partie inférieure de cette mâchoire, côté qui repose sur les cartilages. Il, a. Plaque dentaire de Miliobates. II, b. Partie inférieure de cette plaque. IT, c. La même, vue de profil. 82 — NOTE SUR L’ACIDE HYPERMANGANIQUE, Par M. H. Bischoff, professeur. (Séance du 46 mai 1860.) Dans un mémoire présenté à l’Académie des sciences (voir Comptes- rendus 1860, n° 14), M. Phipson annonce que l'acide hypermanga- nique n'existe pas et que ce qu’on a pris pour de l’hypermanganate de potasse KOMn*07 n’est que du bimanganate KOMn°0$. M. Phipson n'a pas fait connaître le moyen qu’il a employé pour déterminer le rapport entre le manganèse et l’oxigène. Il existe pour cela un moyen simple et sûr, c’est de déterminer exactement la quantité de manganèse contenue dans un certain volume d'une dissolution dé cette combinaison, dont le titre a été établi au moyen d’une dissolution de sel ferreux. Si l’acide hypermanganique existe on devra trouver entre les équi- valents du manganèse et du fer le rapport de 4 à 5; si M. Phipson a raison, le rapport de 1 à 4. | 474 CONGÉLATION Si l'on fait cet essai sur la dissolution de caméléon usuelle dans les laboratoires, ou sur une dissolution du sel fourni par les fabriques, on trouvera peut-être, comme cela m'est arrivé, un rapport intermé- diaire : j'ai trouvé celui de 4 à 4, 3; mais cela peut tenir à du man- ganate en mélange ou à l’existence de la combinaison 3KOMn‘0'5 signalée par M. Gorgen. En faisant l’essai sur des eristaux bien purs et choisis d’hyperman- ganate de potasse, j'ai trouvé le rapport de 4 à 5, 005. Les cristaux n'avaient été désséchés que dans le vide sur de l’acide sulfurique et contenaient encore une petite quantité d’eau. L'hypermanganate de potasse existe donc réellement. Ce sel, d’après M. Phipson (et d’autres auteurs), se change en manganate par l’action de la potasse caustique, et la dissolution de- vient alors verte. J'ai pu me convaincre que cela n'arrive que lorsque la potasse caustique contient des matières organiques ou d’autres agents ré- ducteurs. RECHERCHES SUR LA CONGÉLATION DE QUELQUES DISSOLUTIONS AQUEUSES. par M. L. Dufour, professeur de physique à l’Académie de Lausanne. (Séances des 21 mars, 16 mai 1860, etc.) Le phénomène de la congélation dans les dissolutions aqueuses a été étudié déjà à diverses reprises et par divers auteurs ; mais on est encore loin d’avoir des renseignements un peu complets sur un bon nombre des faits qui s’y rattachent. ; à 3 On peut citer, entre autres, les travaux de Nairne *, qui soutint que l’eau salée abandonne son sel en gelant; puis, plus tard, ceux de Marcet®?. Les recherches antérieures de Blagden ont porté sur la 1 Transactions philosophiques, LXVI, 1776. ? Annales de chimie et phys., XII, p. 226. DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 475 température de congélation dans diverses dissolutions. Erman en 1827! s’occupa de la densité des dissolutions salines à diverses températures et de leur maximum de densité; mais ce fut surtout M. Despretz qui traita plus tard ce sujet d’une manière remarqua- ble. Ses recherches précises * ont mis hors de doute l'existence d’un maximum de densité pour toutes les dissolutions salines, et elles ont appris, en même temps, plusieurs faits importants relatifs à ce maximum et à la température de congélation de ces dissolutions. Les recherches qui suivent ont eu pour but d'ajouter quelques renseignements aux notions déjà acquises sur cet ordre de faits. — En 1855 {Bulletin de la Soc. vaud. des sc. natur. année 1855), quelques expériences bien imparfaites m’avaient permis de soutenir que, dans la congélation de l’eau salée, il n'y à sûrement pas une séparation complète du sel et de l’eau, et je mettais en doute les as- sertions relatives à ces glaces parfaitement douces produites par la solidification de l’eau de mer. Je me promis, dès lors, de reprendre cette question d’une façon moins incomplète et d'étudier, à ce point de vue, la congélation de plusieurs dissolutions salines. En même temps, je fis des observations relatives aux caractères mêmes et à la température de la congélation. IL. Les dissolutions examinées étaient obtenues en dissolvant dans une certaine quantité d’eau distillée (ordinairement 50 grammes) un poids déterminé aussi de matière solide. Malheureusement, je me suis assuré trop tard que si je pouvais compter sur la parfaite pureté des substances employées, je ne pouvais pas me fier à leur état de dessiccation, Plusieurs absorbent rapidement l'humidité de l'air et cela modifie naturellement la dose de substance proprement dite contenue dans un poids déterminé. Cette circonstance m'obligera, pour certaines dissolutions, à ne donner avec exactitude que la densité. La détermination de la densité se faisait en pesant dans la disso- lution un morceau de verre, en forme de cône de pin, suspendu à l’aide d’un cheveu au plateau d’une balance de précision. Ce frag- ment (que je nommerai V dans la suite) pesait 25. 246 à l'air et Agr. 841 dans l’eau distillée à 10°. Son poids dans les diverses dissolutions permettait d'obtenir, à l’aide des calculs connus, la den- sité du liquide. * La congélation s’effectuait dans un vase de platine en forme de creuset, pouvant contenir environ 400 centimètres cubes ; elle était produite par un mélange réfrigérant de glace et chlorure de calcium 1 Annales de chimie et phys., t. 38. ? Annales de chimie et phys., t. 70; Comptes-rendus, t. V, p.21. 10 476 CONGÉLATION qui enveloppait le vase. Durant la congélation, le liquide était con- tinuellement agité à l’aide du thermomètre ou d’une baguette en verre, et lorsqu'une portion du liquide, variant de un quart à trois quarts du tout, était solidifiée, on séparait la partie deméurée liquide de la glace formée. Cette séparation se faisait plus ou moins facile- ment dans les divers cas. Tantôt la glace était assez compacte et sè- che, tantôt au contraire elle demeurait mouillée de liquide et on opérait alors une rapide filtration ou bien l’on pressait avec précau- tion la glace entre quelques feuilles de papier gris. Le liquide non gelé et celui provenant de la fusion de la glace étaient ensuite exa- minés quant à leur densité lorsqu'ils étaient revenus sensiblement à la température que possédait la dissolution primitive. Ces expériences et ces mesures pratiquées sur des dissolutions diverses et sur des dissolutions semblables à doses différentes d’un même sel, donnaient seulement la densité. Il aurait été fort précieux de connaitre toujours la proportion de substance dissoute (pour 100 d’eau) et de voir comment cette proportion varie dans la portion non gelée et dans celle qui gèle. Voici comment j'ai pu passer, dans certams cas, de la densité mesurée à la dose de sel. On sait que les sels, en se dissolvant, provoquent une augmenta- tion du volume du liquide ; cette augmentation toutefois est inférieure au volume même du sel qui se dissout; il y a donc en définitive une sorte de contraction, étudiée par divers auteurs et entre autres avec beaucoup de soin récemment par M. Kremers ‘. Soit 4 l'augmenta- tion de volume que subit 1€ d’eau par la dissolution de 1 pour 100 de substance. Soit a le nombre de cc d’eau employés ou de grammes et x la proportion de substance qui est en solution pour 100 d’eau. Il est évident que le volume a d’eau pure deviendra a + a n k de dissolution. Le poids sera, en grammes, a +- n Donc, la densité de la dissolution sera, en général : j n ñn _aQ+ mw_! Fiate: a({—Enk) 1+Enk On tire aisément de là les deux formules suivantes : (1) n = ei SL (al 1-100 % d. n-100 (4-1) 100 x. d La première permet d'obtenir la fraction de substance en disso- lation pour 100 d’eau lorsqu'on connait 4 et la densité. La seconde permet de calculer # lorsqu'on connait la dose de sel que comprend une certaine dissolution de densité d. Ces formules sont d’un calcul fa- (2) = 1 Poggendorf’s annalen, mai 1858. 5 2 DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 477 cile et la première aboutit à une sorte de dosage rapide et simple, pourvu que l'on connaisse k et la densité de la dissolution. — Mais la quantité Æ est-elle constante ? Est-ce que l'augmentation de vo- lume qui résulte de la dissolution de À pour 100 dans 4e de li- quide est toujours la même quelle que soit la proportion de sel qui se dissout? On ne peut point le dire a priori; mais il est facile de s'assurer que k ne varie, en tout cas, que de quantités assez faibles, et que ces variations deviennent tout à fait insensibles lorsqu'on com- pare des volumes qui se rapportent à des doses peu différentes de substance dissoute. Ainsi, k obtenu à l'aide de (2) et pour des dis- solutions où n est, par exemple, 6, 7 et 8, se trouve très sensible ment le même. Il se manifeste quelques écarts lorsqu'on cherche cette sorte de coeflicient d'augmentation de volume pour deux disso- lutions à doses très différentes ; ou, en d’autres termes, l’augmen- tation de volume n’est pas rigoureusement proportionnelle à la quan- tité de substance dissoute ; mais la différence est insignifiante pour des doses voisines. — Voici d’ailleurs quelques vérifications des formules (4) et (2) et quelques preuves à l'appui des assertions pré- cédentes. M. Despretz‘ indique deux dissolutions de chlorure de sodium, la première renfermant 24,69 de sel pour 997,45 d’eau, sa densité est 1,018 ; la seconde renfermant 37,039 pour 997,45 d'eau, a pour densité 1,0269. En appliquant la formule 2 on trouve pour la pre- mière dissolution 4 — 0,0027 et pour la seconde, 4 — 0,00269, valeurs sensiblement égales. — M. Kremers * donne 1,030 et 1,061 pour les densités de deux dissolutions de nitrate de potasse renfer- want 5,12 et 10,6% pour 100 d'eau. On trouve 4 — 0,0040 pour ces deux dissolutions à l’aide de la formule (2). Si maintenant on ap- plique la formule (1) à déterminer la dose du même sel dans une dissolution dont la densité était 1,092, on trouve 16,33 pour 400. Cette proportion était en réalité de 16,34. — Suivant le même au- teur, une dissolution de sulfate de potasse à 4,98 pour 100, a une densité de 1,0385. On en déduit 4 — 0,0022. Une autre dissolution à 10,21 pour 100, à densité 1,076, donne # — 0,0023. — On voit donc que # étant connu pour un certain sel, il sera possible de cal- culer, à l’aide de (4), la proportion de ce sel renfermée dans une dis- solution dont on pourra déterminer la densité, Si cette densité dif- fère beaucoup de celle qui a servi à établir #, le résultat sera plus ou moins approximatif; mais il sera très sensiblement exact si on applique le calcul à des densités voisines. Or ce dernier cas est le seul qui se présente dans la suite. Malheureusement, les valeurs de k ne peuvent être vbtenues avec exactitude qu’à l’aide du sel pur et parfaitement sec. J'ai déja dit comment la plupart de mes matériaux ne m'inspirent pas assez de confiance sous ce dernier rapport pour que je puisse m'en servir 1 Mémoire cité, p. 58. ? Mémoire cité, p. 121. 478 CONGÉLATION dans la recherche de k. Les déterminations de MM. Despretz et Kre- mers fournissent quelques indications qui ne sont cependant pas toujours parfaitement concordantes. Ainsi, pour le chlorure de so- dium, les observations de Kremers donnent # — 0,0031 ; celles de Despretz, 0,0027. Les mesures relatives à la température ont été faites à l'aide d'un excellent instrument de Dürffel. La cuvette a 9"° de diamètre, la graduation, sur échelle en ivoire dans enveloppe en verre, porte des degrés Réaumur de 3", 7 divisés en cinq parties de 0"", 7 cha- cune, La colonne de mercure se détache très nette sur le fond blanc, on partage sûrement à l'œil chaque division en quatre et on appré- cie ainsi ‘/,, ° Réaumur. Je me suis servi dans quelques cas d’un thermomètre Fastré plus sensible que le précédent. La tige est par- tagée en divisions arbitraires valant chacune 0°,128 centigrade. Le degré comprend 4°”, 1. On partage sûrement à l’œil la division en 5 et on apprécie ainsi 0°, 0%. — Dans la suite, toutes les indications thermométriques sont en centigrades. J'arrive maintenant aux détails des expériences. Je les décrirai d'abord au point de vue de l'influence du changement d'état sur la composition de la dissolution et ensuite au point de vue de la tem- pérature. JUL. Dans mon vase de platine entouré d’un mélange réfrigérant, la congélation de l’eau pure commençait toujours par la formation d'une couche de glace dure et compacte, adhérente aux parois du vase. Cette croûte augmentait d'épaisseur de plus en plus lentement et le liquide intérieur demeurait parfaitement limpide, sans cristaux de glace flot- tants, jusqu’à ce que le croûte eût envahi toute la masse. Quant au thermomètre agité dans le liquide, il baissait promptement, puis un peu après que la première croûte de glace était formée, il arrivait à un point qui demeurait fixe jusqu'à la fin. Les diverses dissolutions salines présentent une märche souvent différente dans leur congélation. La glace n'est jamais aussi dure, jamais aussi compacte, jamais aussi limpide que celle de l’eau pure. La croûte est parfois très molle, d'autrefois plus dure, et enfin il arrive très souvent que la congélation se produise un peu partout dans le sein de la dissolution, de telle façon que le vase métallique ne renferme plus qu'une sorte de magma qui s’épaissit et se durcit de plus en plus. — Ces caractères divers dépendent, comme on va le voir, de la nature du corps dissout et de sa proportion plus ou moins grande. Nitrate de potasse (NOSKO). Dissolution renfermant 9,69 °/, de sel. Poids de V dans la dissolution : 1er, 672; densité : 1,056. DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 79 La congélation commence par des plaques blanchâtres adhérentes au vase, puis une croûte molle s’épaissit de plus en plus. La liqueur est continuellement agitée ; puis, lorsque la moitié à peu près est devenue liquide, on sépare rapidement la glace uu peu molle, on la presse entre du papier gris à plusieurs reprises. Un fragment de cette glace nage sur la dissolution et s'enfonce au contraire dans l’eau pure. Le liquide non gelé et revenu sensiblement à 10° est porté sous la balance. Sa densité est 1,067. Le liquide provenant de la portion gelée a une densité de 1,053. En apliquant la formule (2) à des observations de Kremers ‘ je trouve que pour ce sel 4 — 0,0040, A l'aide de la formule (1) j'obtiens alors 11,9°/, comme dose du sel dans la portion non gelée, et 9,4 °/, comme dose du sel dans la partie qui a gelé. Nitrate de potasse. Deux solutions renfermant, la première, 2,9 °,, de sel, et la seconde 5,8 °/,. Leur congélation donne lieu à une glace plus compacte que la précédente, dure, plus légère aussi que la dissolution correspondante, mais plus lourde que l’eau. Nitrate de potasse. Autre dissolution à 14,6 °/, de sel; densité, 1,066. Il se forme très rapidement sur les parois des croûtes très blanches qui augmentent en même temps que des cristaux flottent dans la masse du liquide. Lorsque la moitié est gelée, il y a une croûte presque uniformément blanche et assez dure, semblable à l’acide stéarique, aussi sèche que la glace de l’eau pure. Cette glare donne, par sa fusion, un liquide dont la densité est 1,063, et qui renferme par conséquent 10,6 °/, de sel. Nitrate de soude (NO*NaO). Dissolution de 9,38 °/, de sel. Den- sité : 1,059. La congélation donne une glace plus molle que celle du nitrate de potasse, sans plaques blanches adhérentes aux parois. Des cristaux flottent dans la masse. On sépare aussi rapidement et aussi complétement que possible les parties solides de celles de- meurées liquides à l’aide de papier à filtrer. La portion demeurée liquide a pour densité 1,066; celle qui a gelé : 1,056. En appli- quant la formule (2) à des observations de Kremers, je trouve que our cetle substance k — 0,0035. — On en déduit facilement pour a première partie 10,5 °/, de sel et pour la seconde partie 8,64 °/,. La glace était aussi plus lourde que l’eau. Nitrate d’ammoniaque (NOSNHS+-H0). Solution dans laquelle V pèse sr, 691. Densité: 4,041. La congélation donne une glace molle, nullement blanche, d’un gris nacré. Des cristaux flottent dans la masse qui devient un magma enveloppé d’une croûte molle. On sépare comme précédemment la partie demeurée liquide. Ea glace molle étant fondue fournit un liquide dont la densité est 1,036. La portion demeurée liquide a pour densité 1,042. ulfate de fer (SOSFeO-L7HO). Solution dont la densité est 1,073. La congélation donne une croûte jaunâtre assez dure, quel- ques cristaux flottants. Glace plus lourde que l’eau. Sulfate de fer. Autre dissolution dont la densité est 1,094. La con. 1 Mémoire cité, p. 124, 480 CONGÉLATION gélation fournit une croûte d’un blanc jaunâtre, douce, compacte, qui se propage rapidement à l'intérieur des parois du vase. La cou- che de glace s’étant augmentée, on y distingue une première partie plus rapprochée de la paroi, plus dure, sèche, semblable à de l'acide stéarique, et une autre partie intérieure, moins blanche et humide. On sépare entièrement les fragments durs et compacts qui se lais- sent tailler au couteau ; ils sont plus légers que la dissolution, mais plus lourds que l’eau. Par leur fusion, on obtient un liquide dont la densité est 1,091. La glace intérieure molle et humide fournit une densité de 1,096. Sulfate de fer. Autre dissolution à densité 1,048. Les deux liqui- des résultant de la séparation de la portion gelée et de celle demeu- rée fluide ont une densité 4,055 et 1,046. Sulfate de cuivre (SOSCuO+-5H0). Dissolution à 1,062 de den- sité. La congélation donne lieu aux mêmes remarques que pour le sulfate de fer. Il se produit aussi des croûtes d’un blanc bleuâtre, cornées , parfaitement sèches et dures. Cette glace, séparée de la partie demeurée fluide au centre, donne un liquide dont la densité est 1,055. La partie demeurée fluide a pour densité 1,070. Sulfate de potasse (SOSKO). Dissolution renfermant 5,6 °/, de sel. Sa densité est 1,043. La valeur de k — 0,0022 (Kremers). La con- gélation ne manifeste rien de remarquable: croûte de glace blanche et dure ; cristaux en lamelles flottantes. La portion gelée et fondue à pour densité 1,037, ce qui correspond à 4,8°/, de sel. La partie non gelée a pour densité 1,051 ou 6,6 °/, de sel. Sulfate de soude (SOSNa0+10H0). Première dissolution à 4,036 de densité. Congélation semblable à celle du sulfate de potasse. La portion non gelée du liquide a pour densité 1,042; la portion qui a gelé donne, après sa fusion, un liquide dont la densité est 1,034. Sulfate de soude. Autre dissolution à 1,031 de densité. La congé- lation partielle fournit une partie liquide : 1,034, et une partie deve- nue solide : 1,026. Sulfate d'ammoniaque (SOSNH5HO). Dissolution présentant une densité de 1,050. La congélation fournit une glace assez molle qu'on dessèche promptement avec du papier à filtrer et qui donne un liquide à 1,047 de densité. La portion demeurée liquide a pour . densité 1,058. Sulfate d’alumine (3SOSAO05-H18H0). Dissolution de 4,041 de densité. La congélation donne une glace assez dure qu’on sépare du reste du liquide et qui, après fusion, présente une densité de 4,044. La portion demeurée liquide a pour densité 1,038. ulfate de mugnesie (SO*Mg0O+-7H0). Densité de la dissolution primitive, 1,045. Par la congélation, il se forme une glace dure et compacte, blanche, qu'on sépare parfaitement du liquide. Après sa fusion, on trouve pour densité 1,044. La portion demeurée fluide a pour densité 1,049. Sulfate de zinc (SO5ZnO--6H0). Densité de la dissolution, 1,053. Il se forme une glace très dure, blanchâtre, sans cristaux DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 481 flottants dans la liqueur. Cette glace séparée donne un liquide à den- sité 1,050. La portion demeurée fluide a pour densité 1,056. Carbonate de soude (CO®NaO—-10H0). Dissolution à 1,0116 de densité. La congélation fournit une glace dure et semblable à celle de l’eau pure; elle se sépare complétement de la portion liquide. La portion liquide isolée laisse déposer bientôt quelques granula- tions blanchâtres qui semblent être du carbonate de soude séparé. Sa densité est 1,008, c'est-à-dire moindre que celle de la dissolu- tion primitive. La glace fondue donne un liquide dont la densité est 1,007. Il y a aussi un léger dépôt. Chlorate de potasse (CI0O*KO). Densité de la dissolution primitive, 1,0075. Il se forme une glace compacte et dure. La fusion fournit un liquide dont la densité est trouvée exactement 1,0075. Quant à la portion demeurée fluide, le flotteur V y pèse Agr, 725, ce qui correspond à une densité de 1,012; c’est évidemment trop fort et l'expérience est entachée de quelque erreur. hlorure de potassium (CI K). Dissolution renfermant 9,17 °/, de sel. Densité : 1,055. La congélation ne fournit qu’une glace molle qui forme d’abord une croûte grisâtre le long des parois. Des lam- beaux de glace flottent au sein du liquide. On sépare par une filtra- tion et par une pression rapide entre du papier la glace et les parties demeurées liquides, Ces dernières ont pour densité 1,063, La glace fondue donne un liquide à 1,049 de densité. En appliquant la formule (2) à des observations de Kremers, on trouve que pour ce corps k = 0,0038. D'où l’on déduit facilement 40,5 et 8,15 °/, pour les proportions de chlorure renfermées dans la portion liquide et dans la portion gelée. Chlorure de sodium (C\Na). Première dissolution à 2,62 °/, de sel. Densité : 1,019. La congélation donne une croûte peu compacte, blanchâtre, qu’on sépare facilement et complétement de la partie liquide. La portion non gelée a pour densité 1,021 ; la partie gelée, 1,019. En se basant sur les déterminations très précises de M. Despretz, relatives à cette substance, on trouve 4 — 0,0027 : d’où l’on déduit à l'aide de la formule (4) 2,89 °/, comme dose de sel dans la portion demeurée liquide, et 2,62 dans la portion qui a gelé. En rapprochant ces chiffres du contenu de la dissolution primitive, on aperçoit qu'il y a nécessairement quelque erreur. Malgré cette erreur, en tout cas faible, ilest bien évident que le sel ne s’est pas séparé durant la congélation. Chlorure de sodium. Autre dissolution renfermant 5,24°/, de substance. Densité : 1,0365. La glace est plus molle que k précé- dente, un peu grise, nacrée. On la sépare cependant parfaitement de la portion liquide et on la dessèche à l’aide de papier à filtrer. Portion liquide : densité, 1,043 ; portion gelée : 1,031. Les doses de sel correspondantes sont (en prenant 4 — 0,0027), 5,98 et 4,30 pour 100. Chlorure de calcium (C1 Ca), Dissolution à 1,041 de densité, ren- fermant 4,98 °/, de substance. La glace qui se produit est molle, un 482 CONGÉLATION peu nacrée, semblable à celle du chlorure de sodium. On sépare la partie gelée et on la dessèche aussi complétement que possible à l’aide de papier. Densité de la partie demeurée liquide, 1,046 ; den- sité de la portion qui a gelé,1,035. En basant la formule (2) sur des mesures de M. Despretz, je trouve 4 — 0,0017 et j'en déduis faci- lement 5,59 et 4,24 °},, comme expression de la quantité de chlo- rure dans ces deux parties de la dissolution primitive. Chlorure d'ammonium (CIH NH°). Dissolution à 1,025 de densité. La congélation, qui se fait à une température plus basse que pour tous les corps précédents, donne une glace très molle avec de nom- breux cristaux flottant au sein du liquide. On sépare et isole le mieux possible la glace qui, par sa fusion, donne un liquide à 1,023 de densité. La portion demeurée fluide a pour densité 4,030. Chlorure d'ammonium Autre dissolution renfermant le double de sel; densité 1,047. Congélation à une température fort basse (voir lus tard). Glace très molle ; mais il y a formation d’une eroûte par- aitement blanche, adhérente au vase et tout autre d'aspect que la masse générale du magma. Cette croûte ressemble à celle du ni- trate de potasse et du sulfate de fer. On l’isole le mieux possible d’une autre portion comprenant ce qui est demeuré fluide et la glace molle. On trouve pour densité des liquides correspondants 1,045 et 1,046. Il y a évidemment une petite erreur, mais on voit dans tous les cas que les portions gelées ou demeurées liquides ne diffèrent guère au point de vue de leur contenu en sel. Chlorure de strontium (C1 St1-GH0). Densité de la dissolution, 1,050. Glace moins molle que pour le sel précédent. Portion non gelée : densité, 1,055 ; portion gelée : 1,045. Chlorure de fer (CIFe-6H0). Densité de la dissolution, 4,049. La congélation donne une glace molle avec des cristaux assez abon- danis, nageant au sein du liquide. On sépare et dessèche compléte- ment la glace qui est colorée exactement de la même teinte jaune que la dissolution elle-même. Cette glace donne un liquide dont la densité est 1,042. La partie demeurée fluide a pour densité 1,054. Chlorure de zinc (CI Zn). Densité de la dissolution 1,080. La con- gélation ne donne qu’une glace molle, formant magma au sein du liquide. On isole le mieux possible la glace et la portion demeurée fluide. Leur densité sont 1,076 et 1,088. Chlorure de baryum (CI Ba--2H0). Densité, 1,067. 11 se forme promptement par la congélation une croûte dure et blanche sur les parois. Cette couche semble du sel même déposé. On sépare la par- tie gelée et celle demeurée fluide. La densité de la première est 1,065 ; celle de la seconde, 1,070. Potasse (KO). Dissolution à 1,044 de densité, renfermant 5,15 °}, de substance. La congélation donne une glace assez dure, blanche, adhérente aux parois du vase. Cette glace fondue fournit un liquide à densité de 1,040 ; la portion demeurée fluide a pour densité 1,047. En appliquant la formule (2) à des observations de M. Despretz, je trouve pour cette dissolution # — 0,001%. On en déduit facilement DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 483 que # pes qui a gelé renfermait 4,69 °/, d’alcali, et l'autre 5,51 our 100. s Soude (NaO). Première dissolution à 1,048 de densité. Glace plus molle que pour la potasse, cristaux abondants au sein du liquide. On sépare et dessèche la glace formée qui donne une dissolution à 1,047 de densité. La partie demeurée fluide a pour densité 1,052. Soude. Autre dissolution renfermant le double de base. Densité, 1,079. La congélation ne produit qu'une glace très molle et pà- teuse, dont on élimine le mieux possible tout ce qui est liquide. Den- sité de la portion gelée, 1,078; densité de l’autre partie, 1,081. Soude. Dissolution faible, 1,024 de densité. Glace molle donnant un liquide à 1,023 de densité. Portion demeurée fluide, 1,026. Acide chrômique (CrO®). Dissolution à 1,059 de densité. Glace en croûte le long des parois, un peu molle, d’un rouge jaunäâtre. Sa fu- sion donne un liquide dont la densité est 1,054. La densité de la por- tion demeurée fluide est 1,065. Sucre (C'*H‘‘0:'). Première dissolution renfermant 6 °}, de substance. Densité, 1,016. La valeur de Æ est 0,0071. La congéla- tion qui se produit déjà un peu au-dessous de 0° donne une glace assez dure, blanche. Densité de la portion gelée : 1,019 (6,8 °/,). Densité de la portion demeurée liquide : 1,015 (5,7 °/,). Sucre. Autre dissolution à 15°/,. Densité, 1,049. % — 0,0064. Ainsi diminue à mesure qu'on prend une dissolution plus con- centrée; en d’autres termes, l'augmentation de volume qui résulte de la dissolution du sucre est relativement plus faible lorsqu'on dissout des doses de plus en plus fortes de substance. J'ai trouvé, par exemple, que pour une dissolution renfermant 3 °/, de sucre, k = 0,0079; pour une à 10°/,, & — 0,0066. On ne pourrait évi- demment pas, avec une de ces valeurs de k et en employant la for- mule (1), déterminer la dose de matière dans une dissolution dont la densité serait fort éloignée de celle qui a servi à trouver k; mais on pourra toujours s’en servir très approximativement pour des densi- tés voisines. — La dissolution à 45 °/, donne une glace d’un blane de lait, semblable à l'acide stéarique. On la sépare facilement du li- quide ; elle donne une densité de 1,046 (13,9 °/,). La partie demeu- rée fluide a pour densité 1,051 (45,5 °/,). Dextrine (C'*H'°0!°). Dissolution à 1,030 de densité. Glace pro- duite très peu au-dessous de 0”, dure, compacte, un peu cornée, ressemblant à du sucre d'orge. Sa fusion fournit un liquide dont la densité est sensiblement 1,030, c’est-à-dire la même que celle de la dissolution primitive. Sucre de raisin (G'*H'*0'*). Dissolution à 10 °/,; glace cornée et blanchâtre, sèche et dure. Elle est plus lourde que l’eau pure. Acide tartrique (CSH*0'°2H0). Dissolution à 4,041 de densité. Glace molle fournissant un liquide dont la densité est 1,039. La den- sité de la portion demeurée fluide est 1,042. Acide citrique (C'*HS0**5H0). Dissolution à 1,0315 de densité. Glace plus lourde que l'eau. 184 CONGÉLATION Sucre de lait (C®*H?‘0°*). Glace dure, blanche, plus lourde que l’eau. Sulfate de quinine ((CSH?*N°0*H0)2S05-L8HO). Densité de la dissolution : 4,011. Glace d’un blanc laiteux, ne manifestant rien de particulier quant à la lumière, quoique la dissolution présentât la fluorescence connue. La glace est plus lourde que l’eau. Le tableau suivant résume les données numériques des observa- tions précédentes : A) Substance dissoute. B) Quantité de la substance dissoute p. 100 d’eau. C) Densité de la dissolution. D) Densité de la portion non gelée. E) Densité de la portion gelée. F) Quantité de la substance dissoute dans la portion non gelée (pour 100 d’eau). G) Quantité de la substance dissoute dans la portion gelée (pour 100 d’eau). A. | B. | C. | D. | E. | F. | G. Nitrate de potasse. . 9,6] 4,056 | 1,067 | 1,053 |11,9| 9,4 LE ones LÉ LT 1,063 10,6 Nitrate de soude . . |9,38| 1,059 | 1,066 | 1,056 | 10,5! 8,61 Nitrate d’ammoniaque 1,041 | 1,042 | 1,036 Sulfate de fer . . . 4,094 | 1,096 | 1,091 (Fi A RER Mel 1,048 | 1,055 | 1,046 Sulfate de cuivre . . 1,062 | 1,070 | 4,055 Sulfate de potasse. . |5,6 | 4,043 | 1,051 | 1,037 | 6,6 | 4,8 Sulfate de soude . . 1,036 | 1,042 | 1,034 id, age 1,031 | 1,034 | 1,026 Sulfate d’ammoniaque 4,050 | 4,058 | 1,047 Sulfate d'alumine . 1,041 | 1,044 | 1,038 Sulfate de magnésie . 1,045 | 1,049 | 1,044 Sulfate de zinc. . . 1,053 | 1,056 | 1,050 Carbonate de soude . 1,012 | 1,008 | 1,007 Chlorate de potasse . | 1,007 | 1,012 | 1,007 | Chlorure de potassium 19,17! 1,055 ! 1,063 ! 1,049 110,518,15 DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 485 C. | D. | E. Le. le. A. B. Acide chromique . 1,059 | 1,065 | 1,054 Chlorure de sodium . |2,62| 4,019 | 4,021 | 1,019 | 2,89]! 2,62 , id, . 5,07! 1,037 | 1,043 | 1,031 | 5,98] 4.30 » de caleium . |#4,981 1,041 | 1,046 | 1,035 |5,59] 4,24 » d'ammonium 1.025 | 1,030 | 1,023 » id, 1,047 | 1,046 | 1,045 » de strontium 1,050 | 1,055 | 1,045 , de fer 1,049 | 4,054 | 1,042 ; de zinc . 1,080 | 1,088 | 1,076 » de barym 1,067 | 1,070 | 1,065 Potasse 5,15] 1,044 | 1,047 | 4,040 15,541 4,69 Soude 1,048 | 1,052 | 4,047 id. 1,079 | 4,081 | 1,078 id. 1,024 | 1,023 | 4,026 Sucre 1,016 | 4,019 | 4,045 | 6,8 | 5,7 id. | 15 | 1,049 | 1,051 | 1,046 | 15,51 13,9 Dextrine 1,030 | 1,030 | 1,030 Acide tartrique : . | 1,041 | 1,042 | 1,039 Les recherches qui précèdent montrent évidemment que, en gé- néral, la congélation d'une dissolution saline, alcaline, acide, orga- nique n’aboutit point à séparer la partie aqueuse de la substance dissoute. Jusqu'ici, l'incertitude sur ce point se manifestait surtout à propos des dissolutions de sel ordinaire et de l’eau de mer. Dans le siècle passé, Nairne ‘ aflirma que l’eau salée abandonne son sel dans la congélation ; il trouva 1,001 comme densité de l’eau provenant d’un glaçon d'eau de mer à 1,026 de”densité. Le D’ Marcet?, qui fit geler de l’eau salée semblable, obtint une glace donnant par sa fu- sion une eau à 1,015 de densité; la partie demeurée fluide avait pour densité 4,035, et il conclut que la séparation du sel est moins complète que le prétendait Nairne. Lors de l'expédition arctique de 1857, D. Walker” , fit plusieurs déterminations de densité sur l’eau provenant de la fusion de la glace 1 Trans. philos., v. LXVI. 2 Ann. de ch. et phy., t. XII, p. 295. 3 Proceed. of the R. S. of Lond. V. IX. n° 34. 486 CONGÉLATION de l'eau de mer. Il a obtenu, entre autres, des valeurs 1,0078; 1,005; 1,07 et 0,7 p. ‘/, de sel et il pense que l’eau douce que l’on prétend avoir obtenue par la fusion de glaçons marins provenait en réalité de glaçons d’eau de pluie ou de neige. Dans les expériences que j'ai décrites ci-dessus, le liquide était continuellement agité durant la congélation et on laissait cette congé- lation se poursuivre jusqu’à ce qu’une fraction variable de la masse fût gelée. C'était tantôt plus tantôt moins de la moitié. Les chiffres obtenus montrent que pour tous ces corps, pour les dissolutions fai- bles comme pour les plus concentrées, pour les substances peu so- lubles comme pour celles qui le sont beaucoup, les cristaux de glace, en se formant et en s’agglomérant, retiennent en grande partie la matière dissoute dans l’eau.—Pendant que la congélation se produit, les portions encore liquides doivent, si elles ne sont pas saturées, dissoudre quelque peu de la substance saline qui vient de se solidi- fier, en quelque sorte, au milieu des particules de glace; de là une augmentation qui peut être plus ou moins considérable de la densité des portions les dernières liquides. On conçoit que cette augmenta- tion, aux dépens du sel emprisonné dans la glace, dépendra de la so- lubilité de ce sel, du degré de concentration de la dissolution elle- même, de la température à laquelle la congélation se produit et enfin de l’état d’agitation ou d’immobilité du liquide. Il est très possible qu'un glaçon d’eau de mer, longtemps lavé et agité par l’eau même durant sa formation, puisse perdre une certaine quantité du sel qui y demeurerait sans cela enfermé et donner par suite une eau moins dense que celle qui s’obtenait dans mes expériences sur une petite échelle. La dissolution de chlorure de sodium à 2,62 p. °/, de selet 1,019 de densité m'a donné, en effet, une glace dont le sel n'avait pas été éliminé d'une manière appréciable, tandis que pour l’eau de mer et dans les circonstances de la nature la glace donnait à M. Wal- ker une eau à 1,0078 de densité. Il est évident que cette eau étant fondue puis gelée de nouveau partiellement finirait par fournir une glace à peu près débarrassée de sel. Ces fusions et ces congélations successives peuvent-elles peut-être se produire parfois à la surface ou sur les côtes des mers polaires? Je l’ignore ; mais elles constituent, en tout cas, le seul moyen par lequel je conçois la formation de gla- çons donnant de l’eau douce et provenant originairement de l’eau de mer. La congélation de l’eau tenant des matières solides en dissolution n’est sans doute pas sans analogie avec la congélation de l’eau tenant un gaz en dissolution. Si l’on soumet de l’eau chargée en excès d'a cide carbonique à une température inférieure à 0°, on voit sur la croûte de glace qui se forme des bulles de gaz se produire tout à coup, comme les bulles d'hydrogène sur un morceau de zine qu’on plonge dans l’eau acidulée. Une partie de ces bulles se dégage, ce sont ordinairement les plus volumineuses; une autre partie demeuré emprisonnée dans la glace qui forme bientôt une masse poreuse, DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 487 d'un blanc neigeux et d’un aspect semblable à celui de [a moelle de sureau. Cette glace est bien plus légère que celle qui provient de l’eau pure et la densité de trois fragments que j'ai déterminée était 0,745, 0,760 et 0,757. — Je me figure que dans la congélation des dissolutions étudiées ci-dessus, la matière solide se comportait à peu près comme les bulles d’acide carbonique de l’eau gazeuse. Au moment où une particule d’eau change d'état, la substance saline s’en sépare et reprend son état solide; tantôt le petit cristal demeure enveloppé dans les cristaux de glace, tantôt il arrive de nouveau au contact d’une portion encore liquide de la dissolution et il rentre dans cette dissolution qui se concentre ainsi quelque peu. La plus grande partie de la substance solide demeurant dans la glace, la glace prend naturellement quelques caractères nouveaux. Elle cesse généralement d'être transparente, elle prend la teinte du sel lui- mème (voir le sulf. de cuivre, l'acide chromique, etc.), elle prend un aspect corné, stéariné (voir le sucre, la dextrine, ete.) et enfin elle est toujours plus lourde que la glace ordinaire et même que l’eau pure. Ce dernier caractère, que j'ai omis d'indiquer pour cha- cune des expériences, est absolument général ; toujours la glace sa- line ou alcaline ou acide est plus lourde que celle de l’eau, donc elle contient le sel, l’alcali, l'acide, dans son intérieur; toujours aussi elle est plus légère que la dissolution elle-même, done il y a une dilatation lors du passage à l’état solide comme pour l’eau pure. J'ai essayé de voir directement les cristaux de la matière solide au milieu de la glace. Des dissolutions d’acide chrômique, de chlo-- rure de fer et de sulfate de cuivre ont été gelées et ont fourni une glace colorée sensiblement comme la dissolution qui l'avait produite. Des fragments de cette glace étaient placés sur une plaque de verre reposant sur un mélange réfrigérant puis disposés sous le micros- cope, à l’air libre dont la température était —5°.—La glace de l'acide chrômique est plutôt jaunâtre et moins rouge que la dissolution elle- même. Cette glace ne laissa distinguer aucun cristal isolé d'acide ; les fragments de glace apparaissent uniformément jaunâtres sous le microscope sans qu'il soit possible d’apercevoir quelques formes qui rappellent les cristaux d'acide chromique. Les mêmes observations furent également infruetueuses pour le sulfate de cuivre et le chlorure de fer. La glace du sulfate présente des aiguilles fines, comme soyeu- ses, appliquées les unes contre les autres, mais légèrement teintées de bleu comme si le sel de cuivre était répandu, disséminé et infini- ment divisé dans la glace même. Je crois pouvoir résumer les recherches qui précèdent par ces 5 conclusions : 1° Dans la congélation d’une dissolutiou aqueuse de corps solide, il A à jamais une séparation complète de la matière solide et du li- quide. 2° Les proportions de substance qui se trouvent dans la glace ou dans la portion demeurée fluide dépendent des circonstances de la congélation, du degré de concentration de la dissolution, ete. 488 CONGÉLATION 3° La proportion de substance que renferme la glace est généra- lement un peu moindre que celle de la dissolution elle-même. 4° La glace formée présente un aspect, une coloration, une den- sité qui dépendent de la substance qui s’y trouve. Elle est toujours plus dense que celle de l'eau pure. 5° La matière solide parait être disséminée entre les cristaux de glace ; mais cette dissémination est trop complète pour qu'on puisse l'y reconnaitre par une observation microscopique ordinaire. IV. Il était naturel de profiter des expériences précédentes pour exa- miner aussi ce qui concerne la température de la congélation dans les dissolutions aqueuses. On possède déjà sur ce point divers ren- seignements et entre autres les déterminations de M. Despretz; ce- pendant, il y a encore beaucoup de dissolutions qui n'ont pas été étudiées sous ce rapport et j'espère ajouter, par les détails suivants, quelques faits nouveaux à ceux déjà connus. On sait que, pour l’eau pure, le passage à l’état solide se produit sensiblement à une température constante (0°) ct c’est seulement dans quelques cas très exceptionnels que la température du liquide peut s’abaisser de plusieurs degrés au-dessous de O. On sait combien de précautions délicates il faut pour obtenir cet abaissement anormal du thermomètre dans l’eau et combien cet état d'équilibre au-dessous du point de congélation est facilement détruit. Il en est autrement dans les dissolutions salines. La plupart et probablement toutes, du plus au moins, donnent assez facilement lieu à ce refroidissement in- férieur à la température de congélation. Quelques-unes d’entre elles présentent ordinairement cet abaissement exagéré du thermomètre et permettent de réaliser avec une extrême facilité ce qui est toujours fort difficile à l’aide de l’eau pure. Dans mes expériences, les dissolutions étaient refroidies dans un vase métallique plongé dans un mélange réfrigérant, un thermomètre plongeait continuellement dans le liquide et l’agitait; enfin, les disso- lutions n’avaient généralement pas été bouillies avant qu'on provo- quât leur congélation. Aussi, dans la grande majorité des cas, je n’ai pas constaté l’abaissement exceptionnel du thermomètre la dissolu- tion étant encore liquide ; j'obtenais, au contraire, un refroidissement régulier jusqu’au moment où une légère croûte de glace commençait à paraitre sur les parois du vase et, à partir de ce moment, le ther- momètre ne descendait plus. Si le refroidissement exceptionnel au- dessous du point vrai de congélation s’était produit, on s’en aperce- vait parce que, à un certain moment, des paillettes solides apparais- saient tout-à-coup au sein du liquide et au même instant le thermo- mètre remontait de quelques dixièmes de degré. La congélation se DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 489 poursuivait alors régulière. Il va sans dire que je n'ai considéré comme température de la congélation que la température à laquelle le thermomètre se maintient sensiblement constant pendant que la glace augmente et à partir du moment où il y a déjà de la glace formée dans le liquide. Dans la plupart de mes expériences, à partir du moment où la congélation avait commencé, le thermomètre demeurait constant et souvent la croûte de glace pouvait augmenter notablement d’épais- seur sans que la colonne mercurielle éprouvât plus de changement que pendant la congélation de l’eau pure. Cette température fixe dé- pend de la nature du corps dissous et du degré de concentration de la dissolution. En répétant les expériences avec des dissolutions semblables, j'ai toujours retrouvé exactement le même point fixe du thermomètre pendant leur solidification. Ainsi, une dissolution de corps solide à aussi une température de congélation constante comme l'eau pure; cette température, inférieure à 0°, varie notablement d’une dissolution à l’autre. Lorsqu'on produit la congélation d’un volume limité de dissolu- tion — et c'était le cas dans mes expériences, — les conditions chan- gent évidemment quelque peu après qu'une portion de la dissolution est devenue solide. Il résulte des expériences décrites dans les pages qui précèdent que la dissolution se concentre un peu à mesure que la glace se forme. Le tableau (1) le montre dans presque tous les cas. La conséquence de cette variation dans la densité de la dissolu- tion doit être évidemment une variation dans la température puisque c’est un liquide de plus en plus concentré qui gèle. Dans toutes mes expériences, en effet, j'ai toujours vu, à partir du moment où ‘/, ou 1}, du liquide était gelé, le thermomètre qui n’avait varié que d'une manière insensible jusque là baisser lentement, faiblement; mais d'une façon très visible à mesure que la partie liquide se réduisait davan- tage. Cet abaissement qui n’était souvent que de‘/,, à */,, de degré ex- prime donc, me pärait-il, la différence entre la température de con- gélation de la dissolution primitive et la température de congélation de la portion demeurée liquide (densité : colonne D du tableau I). Ainsi, par exemple, la dissolution de potasse à 1,044 de densité a gelé lorsque le thermomètre se maintenait constant à —4°; tandis que, au bout d’un certain temps, à la fin de l'expérience, la dissolution ui demeurait liquide avait 1,047 de densité et le thermomètre s'était abaissé peu à peu à —#4°,2. — Dans plusieurs cas, ainsi qu’on le verra ci-dessous, j'ai laissé la congélation se poursuivre jusqu’à ce il ne demeurât plus qu’un faible reste liquide, un magma très fluide au centre du vase. Il est évidènt qu’alors la densité de ces der- nières portions liquides était sensiblement plus forte que celle de la dissolution primitive et le thermométre baïssait sensiblement aussi. L'effet était plus ou moins prononcé suivant la substance dissoute. Pour des corps qui abaïssent notablement la température de congé- lation, cette variation du thermomètre a parfois dépassé 1°. J'ai dit que le retard exceptionnel de la congélation se produit plus 490 CONGÉLATION aisément dans les dissolutions aqueuses que pour l’eau pure; les di- verses dissolutions paraissent cependant être très inégalement propres à présenter ce retard. De nombreux essais ont surtout attiré mon attention sur certaines dissolutions organiques. Si l'on prend, par exemple, de l’acide citrique, de l’acide tartrique, du sucre, du sucre de raisin, du sucre de lait, du sulfate de quinine, puis qu’on fasse bouillir un instant la dissolution de ces corps pour en chasser l’air, puis enfin qu’on provoque la congélation dans une éprouvette à l’aide d'un mélange réfrigérant, le retard de la congélation sera plutôt la règle que l'exception. Une dissolution d’acide citrique à 1,0315 de densité gèle à —0,9 ou —1° dans les circonstances normales ; mais si cette dissolution est refroidie sans agitation violente, quoique au contact de l'air, elle s’abaissera souvent à —2° —3°, etc. jusqu’à —8 et 9° même sans geler ; puis tout à coup la solidification se pro- duira dans toute la masse et le thermomètre remontera à —1°. Une dissolution de sucre de raisin gelant à —0°,7 dans les conditions or- dinaires s'abaisse très facilement à — #4 et 5°. Une dissolution de sucre de lait à 1,033 de densité gèle à —0°,8; mais très souvent, ordinairement même, le retard se produit, le thermomètre baisse jus- qu'a —6°, —7° avant que la solidification ait lieu. Cette sorte d'inertie de l’état liquide, dans les dissolutions dont je parle, est vraiment remarquable. On sait combien est fragile, en quelque sorte, ce maintien exceptionnel de l’état fluide pour l’eau pure ou pour une dissolution refroidie et concentrée de sulfate de soude; on sait qu'un grain de sable jeté dans le liquide, un frémis- sement du vase, un cristal surtout provoquent immédiatement la so- lidification. Pour le sucre de lait, l’acide citrique, etc., cet état liquide exceptionnel est beaucoup plus stable. J'ai agité vivement dans une éprouvette ouverte à l’air libre une dissolution de sucre de lait à —5°, je l’ai agitée avec une baguette en verre, j'y ai projeté du sable, des cristaux de chlorure de sodium, etc. sans y provoquer la congéla- tion; mais un seul fragment de glace arrivant dans le liquide est bientôt le centre d’une cristallisation qui envahit promptement toute la masse *. Cette propriété remarquable de quelques dissolutions organiques 1 Ces dissolutions d’acidecitrique, de sucre de lait, de sucre deraisin, etc., pourront être employées avec beaucoup d’avantages pour montrer ces retards de congélation à tout un auditoire. On échoue trop souvent lorsqu'on veut agir avec l’eau pure et on a au contraire beaucoup de chances de réus- site et des manipulations bien plus faciles en prenant une de ces dissolu- tions dont la congélation normale est d’ailleurs très voisine de 0°. On pourra, par exemple, placer la dissolution dans une éprouvette ordinaire en verre, puis après l’avoir fait bouillir quelques instants (10 secondes) la laisser re- froidir dans de la glace jusqu’à 00. Pendant ce temps, on placera un flacon à large ouverture et rempli d’alcool ou d’eau alcoolisée dans un mélange ré- frigérant de manière à abaisser sa température à —10 ou —15°. On placera enfin l’éprouvette dans ce flaçon (sorte de bain-marie froid). Grâce à la par- faite transparence des milieux, on pourra suivre très bien l’abaissement du thermomètre et voir la production toujours si intéressante de cette cristalli- sation subite qui envahit à un moment donné tout le liquide. DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 491 appartient probablement à un plus grand nombre et cette espèce de résistance à la solidification qu’elles présentent à un si haut degré, n'est peut-être pas sans importance dans l’économie de la nature.On sait que les végétaux gorgés de sucs, les fruits, supportent parfois des températures bien inférieures à 0° sans qu’il se produise de con- gélation dans leur intérieur. La distribution capillaire des liquides dans les plantes est sans doute pour une bonne part dans cette con- servation de l’état liquide, car de nombreuses expériences ont appris que dans des tubes de petite dimension l’eau ne gèle qu'au-dessous de 0°; mais il est fort possible aussi que les dissolutions végétales, à peu près immobilisées dans les tissus de la plante, possèdent là leur propriété de retarder la congélation. Si cette cause intervient, elle expliquerait peut-être pourquoi, dans des circonstances sembla- bles, on voit souvent une plante ou un organe de plante qui a sout- fert du froid à côté d’autres demeurés intacts. Dans cette partie du végétal, les dissolutions organiques qui imbibent les tissus peuvent avoir gelé tandis que dans tel autre l’état liquide se sera maintenu. Il peut y avoir, sous ce rapport, dans les circonstances naturelles les mêmes irrégularités que celles que nous observons dans un labora- toire où des causes inappréciables et à coup sûr minimes, suffisent pour provoquer la congélation ou pour conserver l’état liquide dans des conditions en apparence parfaitement semblables. J'arrive maintenant à quelques détails très brefs sur les expériences elles-mêmes au point de vue de la température de leur congélation. Nitrate de potasse. Solution à 2, 9 p. ‘/, ; 1,017 de densité. Le ce 0 vai demeure assez longtemps à —1°,5 ; baisse vers la fin à —1°,6. Nitrate de potasse. Solution à 5,8 p. °/,; densité, 1,034. Congé- lation à —2°,3. Nitrate de potasse. 9,69 p. °/,; densité, 1,056. Thermomètre assez longtemps à —3°,2; baisse vers la fin à —3°,5. Nitrate de potasse. 11,6 p. °/,; densité, 1,066. Le thermomètre se maintient sensiblement à —3°,4 pendant la congélation d'environ la moitié du liquide. Nitrate de soude. Solution à 9,38 p. °/, ; densité, 1,059. Congé- ms —k". Le thermomètre descend petit à petit jusque vers —4°,5. Nitrate d'ammoniaque. Solution à 1,021 de densité. Congélation à —2°,5. Baisse vers la fin de l'expérience à —2°,7. Nitrate d'ammoniaque. Solution à 1,041 de densité. Le double de substance de la précédente. Congélation à —4°,6. Plus tard, le thermomètre descend à —4°,7, —4°,9. Sulfate de fer. Solution à 1,048 de densité. La première couche de glace se forme alors que le thermomètre est à peine à —0°,2. Il s'arrête sensiblement à —0°,4 ou —0°,5. Sulfate de fer. Autre solution renfermant */, fois plus de sel que la précédente; densité, 1,073. Congélation à —4°. Lorsque le liquide 11 492 CONGÉLATION est presque entièrement gelé, le thermomètre plongeant dans les dernières portions liquides baisse à —1°,2. Sulfate de fer. Deux fois plus de sel que la première solution ; densité, 1,094. Congélation à —1°,5. Le thermomètre indique vers la fin —4°,7. Sulfate de cuivre. Dissolution à 1,062 de densité. Congélation à —0°,7 Sulfate de cuivre. Dissolution renfermant ?/; fois plus de sel que la précédente, Densité, 1,091. Congélation à —1°,2. Sulfate de potasse. Dissolution à 5,6 p. °/, d’eau; densité, 1,043. Congélation à —1°,5. Légère baisse plus tard. Sulfate de soude. Densité, 1,0315. Congélation à —0°,7. Sulfate de soude. Autre. Densité, 1,036. Congélation à —4°,4; un peu plus tard —1°,6. Sulfate d'ammoniaque. Densité, 1,050. Légère croûte de glace à —2°,5. Le thermomètre se maintient longtemps constant à ce point ; il baisse à la fin à —2°,8. Sulfate d'alumine. Densité, 1,041. Thermomètre constant à —0°,2 pendant la congélation. Sulfate de magnésie. Densité, 1,045. Congélation à —1°,4. Ther- momètre baisse quelque peu plus tard. Sulfate de zinc. Densité, 1,053. Formation d'une glace dure à —1°. Lorsque plus de la moitié du liquide est gelé, le thermomètre baisse légèrement. Carbonate de soude. Densité, 1,012. Thermomètre à—1°, —1°,3 pendant que se produit une glace dure et compacte. Chlorate de potasse. Densité, 1,0075. Congélation à —0°,6. Oxalate de potasse. Dissolution renfermant environ 1 p. °/, de sel. On n’examine pas sa densité. Congélation à —0°,4. Borate de soude. Dissolution dont on n’a pu examiner la densité ; à peu près À ‘} p. ‘/, de sel. Congélation à —1°,2. Chlorure de potassium. Dissolution à 2,7 p. ‘/,; densité, 1,017. Le thermomètre se maintient à —1°,5 ; —1°,6 pendant la congéla- tion. Chlorure de potassium. 5,4 p. °/, de substance ; densité, 1,033. Première croûte de glace lorsque le thermomètre indique —2°,8. Pendant que la congélation se poursuit et envahit la plus grande partie du liquide, il descend lentement jusqu'à —3°. Chlorure de potassium. 9,17 p. °/, ; densité, 1,055. La première glace sur les parois du vase apparait à —4°,5. Le thermomètre se maintient longtemps constant puis baisse peu à peu jusqu'à —4°,9. Chlorure de sodium. Dissolution à 2,02 p. °/,; densité, 4,049. Thermomètre assez constant à —2° durant la congélation; baisse vers la fin à —2°,2. Même dissolution. Première glace à —1°,7 ; le thermomètre baisse assez rapidement à —2° et y persiste longtemps. Descend à —2°,2 plus tard. Chlorure de sodium. 5,24 p: ‘,; densité, 1,037. Un peu de glace DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 493 molle sur les parois à —3°,7. Le thermomètre arrive à —4° et y demeure pendant la plus grande partie de la congélation ; il baisse vers la fin à —4°,3. Chlorure de sodium. 8,73 p. °/,. Densité, 1,060. Quelques traces de glace déjà à —4°; mais le thermomètre continue à baisser et se maintient assez longtemps à —6°,2. Au bout d’un certain temps, la plus grande partie du liquide étant gelée et le reste rempli de glace molle et flottante, il baisse à —6°,5. Chlorure de sodium. 13,10 p. °/,. Densité, 1,092. Quelques pla- ques de glace molle à —8°,7. Le thermomètre baisse constamment et lentement; mais il se maintient vers —10°, —10°,2. Lorsque le centre est à l’état de magma de glace, —10°,5. Chlorure de calcium. Dissolution à 4,98 p. °/,. Densité, 1,041. Le thermomètre se maintient assez constant à —3°,5 pendant la con- gélation; baisse légèrement vers la fin. Chlorure d'ammonium. Dissolution à 1,016 de densité. Le ther- momètre persiste de —4° à —#4°,2 durant la plus grande partie de la congélation. Lorsqu'il n'y a plus qu'un peu de liquide rempli de glace flottante au centre, le thermomètre indique —5°. Le tout est solidifié quoique très mou : —5°,8, puis —6,5: Chlorure d'ammonium. Densité, 1,025. Première glace molle vers —D°; mais le thermomètre baisse bientôt à —6,5 puis —70 et se maintient assez longtemps à ce point-là. Lorsque le centre devient un peu magma, il baisse de nouveau à —7°,4. Chlorure d'ammonium. Densité, 1,051. Le thermomètre arrive à — 12°,5 sans qu'il y ait trace de congélation. Premiers cristaux vers —13°. La colonne mercurielle se maintient assez constante vers —13°,7, —14°. Vers la fin, alors qu'il y a un magma complet, baisse de 2 à 3 dixièmes de degré. Chlorure de strontium. Densité, 1,050. La congélation se produit à —2°,5. Chlorure de fer. Densité, 1,049. Première glace à —3°, puis le thermomètre baisse et se maintient fort constant à —3°,3 durant la congélation de la moitié au moins du liquide. Chlorure de zinc. Densité, 1,080. Aucune glace le thermomètre étant à —3°,7. Cristaux à —4°,2 où le thermomètre persiste long temps. Il baisse un peu vers la fin à —4°,4. Chlorure de baryum. Densité, 1,067. Le thermomètre se maintient à —2° durant la congélation de la moitié au moins du liquide. Potasse. Dissolution renfermant 5,15 p. °/, de base. Densité, 1,044. Congélation à —4° ou —%°,1. Vers la fin le thermomètre baisse à —4°,5. Soude. Première dissolution à 1,024 de densité. Première glace à —1°,5, puis le thermomètre baisse et se maintient à —2°,4. Soude. Autre renfermant deux fois plus de substance que la pré- cédente. Densité, 1,048. Température fixe durant la congélation, —4°,5 ; vers la fin baisse à —5°. Soude. Autre dissolution ; densité, 1,079. Pas trace de glace à 494% CONGÉLATION —5°,5. Thermomètre très constant à —7°,1 pendant la congélation; légère baisse vers la fin. Acide chrômique. Dissolution à 1,059 de densité. Congélation à —3°,1. Un peu de baisse vers la fin. Mélange en parties égales d'acide chrômique et de chlorure de fer. Densité, 1,057. Congélation à —3°,2. Sucre. Dissolution à 3 p.°/, de substance; densité, 1,006. Légère croûte de glace sur les bords du vase, le thermomètre étant à 0°. Baisse jusqu'a —0°,2, —0°,3 qui demeure le terme constant jus- qu'à ce que la plus grande partie du liquide soit gelée. Sucre. Dissolution à 6 p. °/,. Densité, 1,016. Le thermomètre se maintient constant à —0°,5. Sucre. Dissolution à 10 p. ‘/. Densité, 1,0315. Congélation à —0°,8; très constant. Sucre. 15 p.°/,. Densité, 4,049. Congélation à —1° ou —14°,14, Température très constante. Dextrine. Dissolution à 1,030 de densité. Dès que la première croûte de glace a commencé, le thermomètre baisse lentement de 0° à —0°,3 et se maintient constant à ce dernier terme. Sucre de raisin. Dissolution à 1,032 de densité. Congélation à —0",7; température très constante. Sucre de lait. Densité, 1,033. Thermomètre constant à —0°,8 durant la congélation. Acide tartrique. Densité, 1,041, Congélation à —1°,5. Acide citrique. Densité, 1,0315. Congélation régulière à —1° ou —1",1. Le thermomètre baisse un peu lorsque plus des trois quarts de la dissolution sont gelés. Sulfate de quinine. Environ 5 p. ‘/, de sel. Dissolution à 0,007 de densité. Congélation à — 0°,5. Baisse un peu vers la fin. Dissolution d'acide carbonique. J'ai, à diverses reprises, tenté de voir à quelle température gèle l’eau chargée d'acide carbonique (eau de seliz ordinaire). [£n versant l'eau dans le vase métallique, beau- coup de gaz se dégage ; il en reste cependant dans le liquide un excès qui se dégage encore en partie à mesure que la croûte de glace aug- mente. Le thermomètre se maintient sûrement plus bas que dans la congélation de l’eau pure, mais le résultat variait d'une expérience à l’autre, sans doute suivant la proportion de gaz demeurée dans l’eau. Dans une expérience, le thermomètre se maintenait très constant à —0°,2. Une autre‘lfois —0°,16; une autre fois, il était entre O° et —0°,08. Sêve de vigne. De la sève recueillie pendant la nuit du 16 au 17 juin fut congelée le lendemain. Environ 40 grammes gelèrent, le thermomètre se maintenant au-dessus de —0°, 1 et très voisin de 0°. Dans ces expériences, on voit souvent que la première couche de glace se formait le long des parois du vase avantque le thermomètre eût atteint le point indiqué comme constant. Cela tient évidemment à ce que les couches liquides voisines des parois étaient plus promp- DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 495 tement refroidies que le thermomètre non en contact avec ces parois : l'instrument prenait done un peu plus tard la vraie température de la congélation et lorsque tout le liquide y était arrivé.—Dans certains cas (chlorure de sodium, à 13,05 p. °/,; chlorure d’ammonium , à 1,025 de densité, etc.) le thermomètre s’abaissait notablement vers la fin. Il s'agit alors d'expériences où on laissait la congélation en- vahir jusqu’au centre même du vase et où la cuvette du thermomètre s’agitait dans une glace molle. Cette glace pouvait évidemment jouer le rèle de corps conducteur entre les parois du vase et le mélange réfrigérant d'une part et le thermomètre d’une autre part, Ce refroi- dissement particulier ne se produisait jamais lorsque le thermomètre s’agitait au sein d'une portion encore liquide de la dissolution. Le tableau suivant résume les principaux résultats numériques des expériences précédentes. A) Nom des substances en dissolution. B) Proportion de substance p. °/, d’eau. C) Densité de la dissolution. D) Nombres proportionnels aux quantités absolues dissoutes d'une même substance, lorsqu'il y a plusieurs dissolutions de cette substance-là. E) Température de la congélation. M A. B. | C. | D. | E. Nitrate de potasse . . . 2,9 | 4,017 1 —1°,5 id. id. SRE 5,8 |1,034| 2 —2°,3 id. id. OUT E 9,69 | 1,056 | 3 'L | —3°,2 id. id. Le LE 11,6 | 1,066! 4% | —3°,% Nitrate de soude LE 1,059 49 Nitrate d’ammoniaque 1 L,021 1 —2°,5 id. id. Nr à 1,041 | 2 —4°,6 Sulfate de fer . AE, 1,048! 1 —0°,% id. id. nt PEL he 1,075 | 47, | —1° id. id : EME 1,094] 2 —1°,5 Sulfate de cuivre 207 of 1.062 | 1 —0°,7 id. id. FAR, | 1,091 | 417, | —1°,2 Sulfate de potasse ES 5,6 | 1,043 —19,5 Sulfate de soude . . . . 1,031 | 1 —0°,7 TT Ram 1 À PMR | 1,036 | 1°, | —1°,4 Sulfate d'ammoniaque 1.050 —2°,5 496 CONGÉLATION A pe Lo Gob] pere un Sulfate d’alumine . . . 1,041 —0°,2 Sulfate de magnésie . . . 1,045 —1°,4 STD HE AHIC Sd SE UE 1,053 —1° Carbonate de soude . . . 1,012 —1°,3 Chlorate de potasse . . . 1,007 —0°,6 Chlorure de potassium . . 2,7 |1,047| 1 —1°,5 id id “td: 5,4 |1,033|. 2 —3° id. id. #4". 9,17 | 1,055 | 314 | —4,5 Chlorure de sodium . . . 2,62 | 1,019! 1 —2° id. id. nicetiett 5,24 | 1,037 | 2 —2° id. I) ec dit 8,73 | 1,060 | 3}, | —6°,2 id. ide, 2 un 48M0t;092eb 56 —10°,1 Chlorure de calcium . . . 4,98 | 1,041 —3°,9 Chlorure d’ammonium . . 1,016 1 —h°,1 id id 4,025 | 1°} | —7° id id 1,051 | 3 '/, —13°,8 Chlorure de strontium . . 1,050 —2°,5 Chlorure de fer . . . . 1,049 —3°,3 ida__ de zinc, La". 1,080 —4°,2 id. de baryum. . . 1,067 —2° Potasse. © “L- .u . LG f. 5,45 | 1,044 —4° Sondes fe : on Lung pe 1,024 1 —92°,4 HAS 0 URL. 1,048 | 2 —4°,5 | ME 2h Ut en hipte re 1,079 | 3}, | —7°,1 | Acide chrômique . . . . 1,059 —3",1 Suéreg bia: à pee: 3 1,006 1 —0°,2 id 6 1,016 | 2 —0°,5 id 10 |1,031 | 34 | —0°,8 id 15 |1,049| 5 —1° Dextrine. ue, larme, 1,030 —0",3 DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 497 A. oo Suere de raisin . . . . 1,032 | —0°,7 PAC RCE EN 2 ue 1,033 —0°,8 Acide tartrique . . . . 1,041 —1°,5 id, citrique . . . . 1,031 —l° Sulfate de quinine . . . 1,007 —0°,3 Il y aurait lieu maintenant de rechercher quels rapports peuvent exister entre l'influence de chaque substance dissoute sur la tempé- rature de la congélation et les autres propriétés ou les autres carac- tères de cette substance-là. Des tentatives et des rapprochements nombreux, faits dans ce but, ne m'ont guère amené à des rapports bien certains ; il faudrait pouvoir baser une semblable étude sur des observations beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus variées que celles qui précèdent. — Je me contenterai de présenter, en ter- minant, quelques rapprochements et quelques remarques. Ensuite d'expériences déjà anciennes, Blagden conceluait que l’a- baissement du point de congélation est proportionnel à la quantité de substance dissoute (pour les dissolütions semblables ). Cette loi jest souvent indiquée dans les auteurs. M. Despretz, après ses remarquables travaux sur ce sujet, dit que « l’abaissement de » la congélation au-dessous du zéro et l'abaissement du maximum » au-dessous de 4° sont sensiblement proportionnels à la quantité de » matière ajoutée à l’eau. » — Les chiffres du tableau précédent montrent que cette loi est, en effet, sensiblement exacte pour quel- ques substances; mais elle ne me parait pas pouvoir s'appliquer à toutes. Ainsi, pour le chlorure de sodium, les quatres dissolutions renfermant des quantités de substances 1, 2, 3 ‘/, et 5 abaissent la température de congélation de 2°, 4°, 6°,2 et 10°1; les chiffres exac- tement proportionnels seraient : 2°; 4°; 6°,6 et 10°. La loi est ainsi convenablement satisfaite. Pour le chlorure ammonique, les chiffres observés sont : 4°,1; 7° et 13°,8; la loi rigoureuse exigerait 4°,1; 6°,8 et 13°,6. C’est encore assez satisfaisant. Pour le sucre, les températures observées sont 0°,2; 0°,5; O°8 et 1°; la loi exigerait 0°,2; 0°,4; 0°,7 et 1°. Dans ces cas-là, et d’autres encore, on peut admettre que la loi signalée se réalise sensiblement, surtout si l'on se souvient, en présence des petits écarts ci-dessus, combien il y a de causes qui peuvent modifier la vraie indication du thermomètre plongeant dans une dissolution qui gèle. Mais pour certaines disso— lutions, cette proportionnalité ne me parait pas se produire. Quatre dissolutions de nitrate de potasse renfermant des doses 4, 2, 3 ‘/, et 4 de sel ont gelé à 1°,5; 2°,3; 3°,2 et 3°,4, La loi de proportion nalité eût exigé 10,5; 3°; 5°; 6°, c’est-à-dire des valeurs toutes plus considérables que celles qui ont été observées. Le même fait se re- 498 CONGÉLATION produit pour le nitrate de soude. Les trois sulfates de fer, de cuivre et de soude donnent tous, au contraire, un abaissement plus consi- dérable que celui indiqué par la loi de proportionnalité, Ainsi pour la sulfate de fer : 0°,4; 1°; 1°,5, au lieu de 0°,4; 0°,6 et 0°,8. En comparant les diverses substances dissoutes, on aperçoit im- médiatement que les différences de densité seules des dissolutions sont loin d'expliquer les grandes différences d’abaissement du point de congélation. Une dissolution de sulfate de fer de 1,070 de densité abaisse de 1° et une autre de chlorure d’ammonium, 1,025 de den- sité, abaisse de 7°. La nature de la matière eu dissolution a une in- fluence essentielle. Pour établir complétement cette influence, il faudrait pouvoir com- parer un groupe de dissolutions ayant la même proportion de subs- tance étrangère, puis un autre groupe ramené à la même densité. Mes expériences sont malheureusement insuflisantes pour faire cette étude. Je l'ai dit en commençant, le degré de dessiccation de plusieurs des sels que j'employais m'ayant laissé des doutes après coup, je n’ai osé indiquer que les densités des dissolutions. En tenant compte de ce dernier caractère, on voit immédiatement comment les sels d’am- moniaque (nitrate, sulfate, chlorhydrate) présentent, chacun dans leur groupe , le maximum d’abaissement. On voit aussi que les ni- trates abaïssent le point de congélation plus que les sulfates; mais que ce sont surtout les chlorures d'ammonium, de sodium, de cal- cium et de potassium qui l’abaissent notablement. [Il en est de même des dissolutions de potasse et de soude. Enfin, les dissolutions des sucres, la dextrine ne modifient que plus faiblement la température de congélation. Les acides tartrique et citrique ne l’abaissent aussi que d’une faible quantité. Au point de vue de la solubilité des diverses substances, on peut remarquer que les nitrates et les chlorures, très solubles, ont géné- ralement abaissé le point de congélation plus que les sulfates moins solubles. Cette remarque ne peut évidemment s'étendre aux subs- tances organiques qui, quoique très solubles, donnent des dissolu- tions qui gèlent près de 0°. Il pourrait être intéressant de rapprocher les chiffres du tableau IT de ceux qui expriment l’abaissement de température produite au moment de la dissolution. Suivant MM. Favre et Silberman, Gra- ham, etc. en dissolvant À de sel dans une quantité suffisamment grande d’eau, il y a absorption des quantités suivantes de chaleur (en calories): Sulfate de potasse 39 » soude 49 » ammoniaque 11 » fer 11 » Zinc 15 Chlorure de potassium 52 » sodium 89 » d’ammonium 65 DES DISSOLUTIONS AQUEUSES. 499 Chlorure de strontium 25 Nitrate de potasse 70 » soude 45 » d'ammoniaque 66 On voit que, pour les sulfates, il ne parait guère y avoir de rela- tion entre la chaleur de dissolution et l'abaissement du point de con- gélation. Dans les chlorures, le chlorure d’ammonium à la plus forte chaleur latente de dissolution et abaisse aussi le plus le point de solidification. D'une autre part, ce rapprochement n’est pas possible pour le chlorure de sodium. On peut se demander si peut-être chaque substance dissoute dans l'eau n’a pas la propriété plus ou moins prononcée de maintenir l’état liquide tout aussi bien dans le passage à l’état solide que dans le passage à l’état gazeux. On peut comparer, en d’autres termes, le retard du point d'ébullition avec le retard du point de congélation. Cette comparaison malheureusement n’est pas possible dans les ter- mes précis où elle devrait être faite parce que les chiffres que l’on possède sur le retard du point d’ébullition se rapportent à des pro- portions inégales de substance dissoute. — M. B. Babington ‘ a cherché à déterminer quelle influence exercent divers sels dissous sur la quantité d’évaporation à l'air libre pendant un temps déter- miné. En prenant des dissolutions à doses égales et semblablement disposées, il trouve que l’évaporation, pour les nitrates de potasse, de soude et d'ammoniaque pouvait être exprimée par les chiffres 24, 25 et 26; pour les sulfates correspondants, 30 , 37 et 29; pour les chlorures enfin, 17, 18 et 19. On voit donc que les sulfates retar- dent le moins l’évaporation et parmi ces sels, c’est le sulfate d’am- moniaque qui exerce le plus grand retard : on se souvient des mé- mes conclusions à propos du point de congélation. Si l’on compare les chlorures avec les nitrates, on trouve que les rapports sont en- core les mêmes que pour le point de congélation ; mais ces rapports sont intervertis si l’on compare les nitrates et les chlorures entre eux. En examinant, eufin, s’il y a quelque rapport entre le phénomène qui nous occupe et la proportion plus ou moins grande d’eau de cristallisation dans les sels, on ne trouve aucune relation qui mérite d’être signalée. En résumant cette seconde partie, on peut poser (v. page 487 les conclusions de la première partie) les conclusions suivantes rela- tives aux 51 dissolutions qui ont été l’objet des recherches précé- dentes. 1° La température de la congélation est un terme fixe pour cha- que dissolution. Ce terme est inférieur au 0° de l’eau pure. 2° Ces dissolutions peuvent, d’une manière exceptionnelle et plus ou moins facilement, demeurer liquides au-dessous de leur point de congélation. Certaines dissolutions organiques (acide citrique ,. sucre de lait, etc.) sont surtout remarquables sous ce rapport. ! Archives des Se. phys. et nat, Juillet 1860, pag. 235, 500 CONGÉLATION, 3° L’abaissement du point de congélation, ponr des dissolutions à doses inégales d’une même substance, est souvent sensiblement pro- portionnel à la quantité de substance dissoute. Il y a toutefois des ex- ceptions à cette loi (nitrate de potasse, sulfate de fer, ete.). &° L’abaissement du point de congélation ne dépend nullement de la densité de la dissolution. 5° L’abaissement du point de congélation varie avec la nature du sel. Il est généralement plus prononcé pour les chlorures et pour les nitrates que pour les sulfates. Dans ces trois groupes, les combi- naisons ammoniacales abaissent le plus fortement le point de congé- lation. Les dissolutions organiques n’influent que plus faiblement. 6° Il ne parait pas possible (à l’aide des expériences ci-dessus décrites) d'établir un rapport certain entre l’abaissement du point de congélation et les caractères sûivants des substances dissoutes : solubilité, chaleur latente de dissolution, influence sur l’évaporation de l’eau, eau de cristallisation. de En même temps que je poursuivais les recherches dont il est ques- tion dans les pages précédentes, j'ai exécuté un certain nombre d’ex- périences dans le but de déterminer la densité de la glace. La diver- sité des indications des auteurs sur ce point important a seule pu m’engager à aborder cette étude que des expérimentateurs plus ha- biles ont diverses fois entreprise. — J'ai déjà rendu compte de cette partie de mon travail dans les Archives des sciences physiques et na- turelles de Genève, Juin 1860. Je me bornerai, en terminant, à en reproduire ici les conclusions : 1018 « En prenant les vingt-deux résultats qui peuvent inspirer quelque confiance, et en cherchant la valeur moyenne , on trouve, comme densité de la glace, 0,9175. L'écart moyen est Æ0,0007; l'écart maximum, --0,0020; l'écart minimum, —0,0003. D’après ce chiffre, un volume d’eau 1 à 0° produit, en gelant, un volume très- approximativement 1,090 de glace ; ou bien, l'augmentation au mo- ment de la solidification est °/,,,, sensiblement ‘/111 du volume à 0°. » La valeur 0,9175 est supérieure à celle (0,908) que donne H. Kopp dans le travail le plus récent sur ce sujet. Le résultat 0,9175 est au contraire fort voisin de celui de Plücker et Geissler (0,920) et trés-approæimativement le même que celui de Brunner (0,918). Cette dernière coïncidence peut inspirer quelque confiance, puisque la méthode de ce savant était fout autre que celle que j'ai employée. » Je crois done que l’on peut très sensiblement admettre 0,9175 comme densité de la glace à 0°, 4 étant celle de l’eau à la même température. L'expansion au moment du gel est ainsi ‘/,, du vo lume de l’eau à 0°.» écLipse pu 18 ruizzer 4860. 501 À PROPOS DE L'ÉCLIPSE DE SOLEIL DU À8 JUILLET 1860. Par M: le prof" 4. Marguet. Cette éclipse, totale en Espagne , devait, d’après les calculs faits pour la ville de Morges par MM. Burnier et Charles Dufour, pré- senter les circonstances suivantes : Commencement; 2h. 20 m. du soir, temps moyen de Morges, Plus grande phase ; 3 h. 28 m. Fin ; & h. 31 m. Le premier contact aura lieu à 24° au-dessous de l’extrémité oc- cidentale du diamètre horizontal du ©. Au moment de la plus grande phase, les $5/,,, du diamètre du soleil seront cachés par la lune, et la surface brillante du soleil ne sera plus que les ‘?/,,, de la surface totale de cet astre. Le temps moyen de Morges retarde sur celui de Lausanne de 34°, et sur celui de Berne de 3"41°. Nous avons dans les lois de l'astronomie et dans l’habileté des ho- norables calculateurs une confiance telle que je suis certain que les choses se sont passées rigoureusement selon le programme scienti- fique, et c'est ce qui me console un peu d'avoir été privé du plaisir de la représentation céleste attendue avec tant d’impatience par la foule des savants et des ignorants. Malheureusement, au moment où dans la bonne ville de Lausanne, tous les habitants, exacts au rendez-vous de la science, avaient les yeux en l’air et à l'abri des verres noircis, un épais rideau de nuages est venu voiler impitoyablement à tous les spectateurs les mystères du passage de la lune devant le soleil. Il semble que la Météorologie, jalouse de sa sœur ainée l’Astronomie, ait voulu lui ravir les honneurs de la journée. A la place d’une belle éclipse nous avons eu deux orages splendides. Obligé, bon gré mal gré, de m'occuper de l'atmosphère et de la terre, au lieu de contem- pler les merveilles du ciel, je me suis rabattu, pour calmer ma mau- vaise humeur, sur mes thermomèétres et mon baromètre pour voir ce qu'ils disaient du grand phénomène dont ils devaient ressentir l'influence quand même. Le but de cette notice est de consigner leurs réponses et l’état de l'atmosphère pendant la durée de l’éclipse. Voici mon journal mé- téorologique du 18 juillet. Le matin, le ciel semble sourire aux ob- servateurs lausannois et leur promettre une belle journée; le vent du sud-ouest souffle dans les hautes régions, et vers le milieu du jour, des cirrus souvent précurseurs de l'orage dans cette saison, se pressent dans l'atmosphère d’une manière inquiétante. Vers 2 heures je me rends à l'observatoire de l’école spéciale à tout événement; je ramène l'index du thermomètre à minima pour avoir le minimum de température pendant l’éclipse ; je prends, comme tout le monde, mon verre noire et Je puis observer à 2 h. 49 m. le contour et la pre- mière échanerure du soleil par la lune. Mais bientôt les cirrus pous- 502 ÉCLIPSE DU Â8 juizzer 1860. sés par le sud-ouest, s’abaissent et forment un réseau de plus en plus serré, et des cumulus se formant dans l'air donnent à l'atmosphère une opacité qui rend les deux astres invisibles et l’éclipse. . ... est perdue pour Lausanne. A2h. 15 m. le minimum marque 24°,6. 2 h. 24 m. commencement de l’éclipse; le thermomètre ordinaire indiquer p5.toic08 NOM. 6e comte) 2,40 Ms num don dullétne. entente SRE ON UE ST, nee D ne LS EC ON bee ASS SU LD. un Life res en rdear ABB E rie e let JAP DORA Mennatt cyyabe pirante se ef 4 Er ANRT CT ER SRB ne do er atid crie L'AbuiN AE SRE BAL. 25 fer die le ae ne des 7 A ES D Ve Min glen Lo ré NOIRS RER PAM UNE ci mu <'pfspe ne te do 0e @YANTES D MERDE 0 AS: Dane lis ete lte ue te RER Lai: pd ii taloede Mes : ler AN ME RS nette te ent CE PAS qu ei SP ue Pia se tee te à MONET EU SERRES A AI nue eos ane: AfUE UN de Wa @/ ÉNNEMETESS ROM TE. ne pute de muet n da Lac vénieateté) 1 GS St RP k h, 45 m. DE mt ON Es AREAS L'index du minimum s’est arrêté à 17°,9. On voit par le thermométrographe que l’abaissement de tempé- rature pendant l’éclipse a été de 24,6—17,9—6°,7, et par les ob- servations du thermomètre ordinaire de 24,4--17,8—6°,6. Cette variation considérable de température en 2 h. 21 m. ne doit pas être attribuée à l'influence de l'écran lunaire seul, mais aussi au voile épais de nuages et à la pluie qui est tombée en grande abondance pendant ce temps. Il est difficile de faire une part équita- ble à chacune de ces deux causes de refroidissement. Que se passait-il dans l'atmosphère pendant ces deux heures ? Au commencement de l’éclipse, le ciel avait pris du côté de Ge- * nève un aspect menaçant; tout annonçait un orage formidable et prochain. À 2h. 37 m. le tonnerre se fait entendre ; à 3 h. 5 m. le ciel se couvre uniformément; à 3 h. 15 m., l’orage poussé par un vent du sud-ouest plus fort, s'approche avec une vitesse croissante, les éclairs sillonnent les nuées, et à 3 h. 22 m. l’orage éclate sur le lac; à 3 h. 28 m. violent coup de tonnerre et forte averse; à 3 h. 32 m. l’orage se déchaine dans toute sa force ; une teinte sombre se répand sur tous les environs éclairés par une lumière blafarde ; éclairs magnifiques précédant de quelques secondes à peine des détonna- tions puissantes ; à 3 h. 35 m. bourrasque de O-NO., accompagnée de grêle pendant quelques instants; à 3 h. 45 m. la pluie tombe moins serrée, l'orage a passé sur la ville et gronde encore au NE. ; à 3 h. #7 m., le vent, marqué par la girouette, qui avait toujours soufflé du NO. saute au NE. et souffle violemment, tandis qu’en haut règne toujours le SO. ; à 4 h. 5 m., la pluie a presque cessé CERCLE DE PROTECTION DES PARATONNERRES. 503 entièrement, mais non les roulements du tonnerre au NE. Le baro- mètre qui avait fléchi avant le commencement de l'orage remonte vers 3'/,h. A 4h. 15 m. le tonnerre se fait encore entendre à l'est-nord-est, le vent ne soufle plus en bas, la pluie tombe faible- ment; c’est l’entr'acte. Le ciel se couvre de nouveau au sud-ouest et annonce le second orage qui se prépare comme le premier. En haut, toujours le vent du sud-ouest. À 4 h, 25 m., la pluie recom- mence, le tonnerre retentit au loin sur le lac; à 4 h. 45 m., l'orage se rapproche; nombreux éclairs très-vifs ; vent très fort de N-NE,. A 5 h., le second orage est arrivé sur la ville; coups de tonnerre violents et pluie. Il est tombé en deux heures, environ 28 millimètres d’eau. Tel est le spectacle imprévu dont j'ai été le témoin à Lausanne. Si les habitants de cette ville ont perdu celui qu'ils attendaient , ils euvent néanmoins être contents d'avoir contemplé l'un des plus DS orages que l’on puisse voir dans le magnifique bassin du Léman. D'autres, plus compétents, diront plus tard ce que l’éclipse a fourni d'observations curieuses et utiles pour la science, moi j'ai donné simplement mon modeste rapport d'amateur en météorologie. ee Q 0 0-—— — NOTE SUR L’ÉTENDUE DU CERCLE DE PROTECTION DES PARATONNERRES. Par M' H.-F. Bessard, profr à Moudon. Chacun sait qu’à la fin du siècle dernier, le physicien Charles, se fondant sur diverses observations, a posé comme règle qu'un paratonnerre bien construit protège eflicacement autour de lui un espace circulaire d’un rayon double de sa hauteur. Cette règle a été répétée depuis par tous les auteurs qui ont parlé de cette question. Pouillet se contente de l'indiquer en l’accompagnant d’un exemple explicatif. Ganot fait de même; dans sa physique purement expéri- mentale, publiée en 1859, il ajoute : « Par suite, plus le paraton- » nerre est élevé, plus il a d’eflicacité » (page 476). — M. de la Rive dit: « Quant à la règle relative aux hauteurs, elle est loin d’être ab- » solue, car elle varie avec la forme de l'extrémité du paratonnerre, » avec la nature du bâtiment, etc. » (tome IT, page 161). — Les faits que M. Arago cite à ce sujet dans sa notice sur le tonnerre (Annuaire du bureau des longitudes pour 1838) sont peu concluants, et en définitive, il se range à peu près à l'opinion généralement reçue. — L'Académie des sciences a donné une consécration officielle à cette loi dans ses instructions sur les paratonnerres, publiées en 1823 et en 1854; mais elle ne croit pas pouvoir l’admettre pour les édifices élevés , et dit: « Il sera prudent d'armer les églises de » paratonnerres, en admettant que ceux des tours et des clochers » ne protègent eflicacement autour d'eux qu'un espace d’un rayon 504 CERCLE DE PROTECTION DES PARATONNERRES. » égal à leur hauteur au-dessus du faitage de leur toit. » — Deux notes insérées dans le n° 44 du bulletin de notre Société citent des chiffres qui montrent que cette restriction a sa raison d’être. Maïs pourquoi un paratonnerre, placé à une grande hauteur au- dessus des constructions environnantes , protège-t-il un espace rela- tivement plus petit que celui qui est moins élevé? Je n'ai trouvé nulle part la réponse à cette question, et l’instruction de l'Académie ne dit pas un mot qui puisse justifier théoriquement les faits observés. Cette lacune pourrait bien provenir de ce que Za position du nuage orageux et sa hauteur au-dessus du sol ont été complètement lais- sées de côté. Pour peu qu'on y réfléchisse, on se convaincra que cet élément est trop essentiel pour être négligé. Si, comme on l’ad- met implicitement dans la plupart des ouvrages de physique, les nuages orageux étaient toujours à une grande hauteur, ce sont les objets élevés , tours, clochers, édifices situés sur les collines, qui seraient le plus exposés aux coups de foudre, et dont les paraton- nerres auraient le plus d'efficacité. Mais il n’en est nullement ainsi : la foudre frappe dans les plaines et dans les vallées aussi bien que sur les montagnes. M. Arago cite un grand nombre de faits prouvant que dans tous les pays les orages éclatent à des hauteurs très di- verses. [l peut donc très bien arriver que, soit une densité plus grande, soit la différence d'électricité, fasse descendre le nuage jus- qu'à quelques centaines de pieds et peut-être plus bas encore. Alors, comme cela a sans doute été le cas à Vuflens-le-Château et à Lu- cens, le nuage électrique peut être plus éloigné des édifices construits sur la colline que de ceux qui en entourent le pied et qui par con- séquent seront les plus exposés à être foudroyés. Si, à ce qui précède, on joint l'observation faite par chacun, que dans notre pays les orages nous sont généralement amenés par les vents du sud-ouest, on comprendra que si une fois les circonstances se sont trouvées telles que les bâtiments du pied de la colline aient été foudroyés plutôt que ceux du sommet, elles pourront se repro- duire plus ou moins exactement dans un nouvel orage, ce qui expli- querait la persistance des coups de foudre dans certains lieux et conduirait à la conclusion paraissant paradoxale au premier abord, que dans certains cas ces maisons-là servent de paratonnerre aux édifices situés sur la colline. Sans vouloir rien aflirmer encore, on est forcé de reconnaitre que la position du nuage orageux exerce une influence sur le choix de la foudre, et qu’il importe de savoir exactement à quoi s’en tenir à ce sujet; c'est pourquoi je me permets de le signaler à l'attention de la Société et de prier les personnes qui auraient l’occasion d'observer des coups de foudre, de noter non seulement les traces de son pas— sage, mais encore, ce qui est plus difhicile et bien plus important (vu le peu d'observations précises que l’on a faites à ce point de vue), tout ce qui a rapport à la situation du nuage orageux, à sa hauteur au-dessus du sol et à la direction du vent qui l'a amené. PLANTES FOSSILES DE LA PROVENCE. 505 NOTE SUR LES PLANTES FOSSILES DE LA PROVENCE. Par Mr le comte Gaston de Saporta*. (Séance du 18 avril 4860.) Les plantes fossiles de Provence se rapportent jusqu'ici à trois flores distinctes, séparées l’une de l’autre par de longues lacunes , que mes recherches n’ont pas encore réussi à combler. Deux de ces flores appartiennent à la période éocène, la troisième et la plus ré- cente est celle des tufs pliocènes, analogue par les éléments prinei- paux et la position stratigraphique à celle des dépôts de travertins que vous décrivez dans votre troisième mémoire. Des deux flores éocènes la plus ancienne et la plus remarquable par la netteté de son caractère est celle que j'ai observée dans les couches du terrain à lignites des environs de Fuveau près d’Aix. Ce terrain a toujours été rangé dans la division éocène la plus an- cienne ; il se lie au crétacé qui lui est inférieur par une transition pour ainsi dire insensible et donne l'exemple de la végétation tertiaire la plus reculée. Cette flore comprend jusqu’à présent 30 à 40 espèces provenant toutes, à très peu d’exceptions près, d’une seule localité nommée S' Zacharie, où les lignites sont exploités à proximité de l’ancien ri- vage secondaire. Les Protéacées dominent dans une proportion considérable par le nombre et l'importance de leurs espèces, dont on peut compter douze à quinze. Toutes m'ont paru nouvelles, quoique plusieurs rentrent naturellement dans le genre Dryandroides, Ung. Après les Protéacées ce sont les Ficus et les Laurinées qui attirent le plus l'at- tention par leur importance. Ces deux groupes comptent chacun quatre espèces. Aucun Ficus n’a de feuilles palmatinerves. Une lau- rinée rappelle déjà par sa nervation le g. Oreodaphne, une autre par sa grandeur et sa nervation le Laurus princeps, Heer. Je n'ai re- marqué que des traces éparses du genre Daphnogene, mais ces traces, suflisantes pour faire croire à l’existence de ce type destiné plus tard à un si grand développement, sont en même temps un indice qu'il ne jouait alors qu'un rôle insignifiant. Ainsi les laurinées de cette première époque rappelleraient plutôt par leur forme celles de l’âge pliocène. Les Conifères sont des Cupressinées, appartenant aux genres Widdringtonia et Callitris, et le Cullitris me parait identique avec # Extrait d’une lettre à Mr Charles-Th. Gaudin. 506 PLANTES FOSSILES le C. Brongnarti, si répandu à l’époque des gypses d’Aix. Les Monocotylédonées peu nombreuses en espèces se rappportent aux genres Flabellaria et Smilax ; une troisième espèce très remarquable m'a révélé l'existence d’un groupe tout-à-fait nouveau, destiné à prendre place auprès des Rectiacées et des Eriocaulées du monde actuel. J'ai donné à ce groupe , dont les espèces se multiplient dans l’âge suivant , le nom de Rhizocaulées. Les genres Carpinus, Quercus, Ulmus, Nymphœa, Acer, Juglans, sont représentés, le premier par deux espèces, les autres par une seule. L'Ulmus à un fruit analogue à ceux de l’Ulmus prisca, Ung., mais les feuilles différent. L’un des deux Carpinus est analogue par la forme de son fruit au C. producta, Ung., l’autre très remarquable porte un mvolucre orbiculaire à nervures flabellées, irrégulièrement incisé sur le bord. Le Quercus est à feuilles entières, linéaires; l’Acer retrace le type de l’A. trilobatum. De toutes ces espèces deux seu- lement, le C. Brongnartii, End. et le Nymphæa que j'ai nommé N. eocenica passent dans la flore suivante, où on les retrouve très fré- quemment répandues. Le C. Brongnartii prolonge même plus loin son existence et se montre encore hors de Provence dans des forma- tions , sinon pliocènes , du moins très voisines de cette dernière pé- riode. J’ajouterai cette observation commune aussi à la plus grande partie des plantes de la flore suivante, que les Ulmus, Acer, Car- pinus, etc., de ces temps anciens paraissent avoir été pourvus de feuilles persistantes, dont le tissu était même plutôt ferme et résis- tant que tout-à-fait simple et mince. Il ne faudrait donc pas inférer de la présence de tous ces genres encore aujourd'hui européens, que le climat éocène admit dès lors une végétation composée en partie d’essences à feuilles caduques; la conséquence me paraîtrait d’au- tant moins rigoureuse, que même actuellement on peut observer dans le Népaul, en Chine et ailleurs, des espèces de quelques-uns de ces mêmes genres dont les feuilles sont persistantes, et qui redou- tent le froid de nos hivers. D'un autre côté le caractère de cette pre- mière flore, qui n'a rien de plus tropical, bien au contraire, que la suivante, serait loin d'indiquer l'existence d’un abaissement progressif de la température de notre continent depuis les temps secondaires jusqu’à nos jours. En effet il me semble que dans l’époque tertiaire le refroidissement du climat ne devient sensible par son effet sur la végétation ancienne que vers le déclin des temps miocènes. Jusqu'a- lors, sauf des exceptions dues à des circonstances locales, il y a eu plutôt succession d'espèces analogues se substituant les unes aux autres, qu'introduction régulière et progressive de formes propres aux pays tempérés, aux dépens des formes tropicales. La flore suivante, séparée de celle que je viens de décrire par une longue série de puissants dépôts, évalués à plus de 800 mêtres d'épaisseur, semble confirmer cette conjecture; car elle renferme un plus grand nombre d'éléments évidemment analogues à ceux de la végétation des tropiques. nr PE DE LA PROVENCE. 507 Serait-il possible que la grande époque de la craie, de même que la tertiaire eût été clôturée par une période glaciaire ou plutôt par une période de refroidissement proportionnel, analogue à celle qui a précédé la végétation actuelle Mais je me heurte ici au domaine de l'hypothèse et je me hâte d’en sortir. La seconde de mes trois flores est celle du terrain gypseux, éocène supérieur de plusieurs auteurs , étage immédiatement mférieur à la mollasse marine. Je vous dirai tout de suite que la place que vous avez assignée à Aix, dans votre tableau Chronologique des flores, e 19 de votre premier mémoire, me parait très exacte, c’est-à- dire parallèle à Sotzka, Hœring, Ralligen, etc. La flore du terrain gypseux est la plus riche et la mieux connue des trois; elle com- prend jusqu’à présent environ 130 espèces classées. Les Protéacées dominent comme dans la première , vingt espèces environ appar- tiennent à ce groupe; la plupart sont nouvelles. Je pourrai vous signa- ler en fait d'espèces déjà décrites les Dryandroides longifolia, Heer. (Banksia longifoliu, Ett.) et Dr. banksiæfolia, Heer, et plusieurs autres espèces de la même section, analogues aux Banksia Ungeri et hæringiana , Et. , dont la détermination n’est pas assez complète pour ôter toute incertitude, En outre plusieurs espèces, indiquant une section différente, rappellent par leur nervation les Hakea et les Grevillea. Les Laurinées sont aussi très multipliées dans cette flore et sur- tout les Daphnogene dont le type présente beaucoup de modifica- tions, quelques-unes paraissent nouvelles. Les plus répandues semblent se confondre avec les Cinnamomum polymorphum, À. Br. et lanceolatum, Ung. alors si diffuses dans l'Europe tertiaire. Les Conifères appartiennent aux genres Juniperites, .Cullitris (C. Brongnartii, Endl.), Widdringtonia, Glyptostrobus, Pinus, Po- docarpus. Parmi les fougères je distingue le P£. æningensis, Ung. bien reconnaissable. Les Amentacées fournissent plusieurs espèces de Quercus très remarquables et parmi elles une forme voisine du Q. Drymeia, Ung., mais qui m'en paraît distincte , à moins que cette espèce polymorphe ne s'éloigne encore davantage à Aix de son type ordinaire, en devenant plus large et non prolongée en une longue pointe au sommet. Les Légumineuses, les Anacardiacées, Rhamnees, Pomacées, Myrtacées, Combrétacées, Saxifragacées (cunoniées), Ri- bériacées , toute famille du groupe des Calyciflores dont vous aurez remarqué l'absence caractéristique dans la première flore, sont re- présentées dans celle-ci par des espèces nombreuses ou remarqua- bles et parfaitement caractérisées. Le groupe des Malvacées me présente un Bombaæ à grandes fleurs bien conservées et un Dombeiopsis. Les Acérinées comprennent deux espèces avec feuilles et ait Le Nymphæa eocenica déjà signalé reparaît et acquiert un grand développement; tous les dépôts du terrain gypseux en renferment des traces. C'était une très-grande 12 508 PLANTES FOSSILES espèce aux feuilles peltées, mais profondément fendues, articulées à la base, denticulées sur les bords et pourvues outre la médiane de plus -de trente nervures rayonnantes, divisées par dichotomie au sommet. . Les Gamopétales déjà assez nombreuses offrent des Composées , feuilles et fruits ; des Éricinées, des Apocynées et enfin un Solanum bien reconnaissable à sa corolle encore garnie de ses étamines. Les Monocotylédonées sont des Graminées encore en petit nombre, comprenant des fragments d’épillets seulement, des Rhizocaulées très mulipliées, et toujours reconnaissables à leurs tiges pleines non fistuleuses , garnies de nœuds, pourvues de racines aériennes , adventives, caduques et laissant après leur chute l’épiderme des tiges parsemé de cicatrices irrégulièrement disposées; à leurs feuilles linéaires ou rubanées, amplexicaules , non engainantes, dépourvues de nervure médiane et parcourues par des nervures fines, égales ou mêlées de plus fines et de plus saillantes selon les espèces; les ner- villes transversales sont très nombreuses sur les feuilles dont les nervures sont égales et plus rares dans les autres. Ce groupe pré- sente une grande variété d'espèces et peut-être donnera lieu, lors- qu'il sera mieux connu, à plusieurs coupes génériques ; aujourd'hui je l'ai compris en entier dans le g. Rhizocaulon, dont la fructifica- tion connue par une seule espèce consiste en épillets panicules, allongés , pédicellés, composés de paillettes nombreuses, étroites, imbriquées de tous côtés, rappelant beaucoup par leur forme et leur disposition l’inflorescence de plusieurs Restiacées. Les autres Mo- nocotylédonées appartiennent aux genres Smilacites, Dracænites, Sparganium. Les Palmiers sont ke Sabal Lamanonis et le S. ma- jor, Heer. J'arrive maintenant anx considérations que fait naître cette flore par le caractère général de son ensemble et les particularités qui la distinguent. Elle porte, comme je l'ai avancé, un caractère plus tropical que la précédente, beaucoup plus ancienne cependant; mais ce caractère éclate bien davantage dans le dépôt des pla- trières d'Aix. Là se retrouvent principalement les formes vraiment tropicales Bombacées, Anacardiacées, Palmiers. Les formes les plus voisines de celles qui depuis sont demeurées européennes sont un Cercis très nettement caractérisé, un Cratrægus voisin de l'oxya- cantha par la forme, mais évidemment à feuilles persistantes, un Ribes et un Syringa douteux; en revanche point d’Alnus, de Salix certain, de Populus, de Platanus, de Liquidambar, ni même de Carpinus et de Betula ou de Fagus. Je possède de cette localité une seule feuille d'Ulmus ; mais ce genre se montre constamment. dans tous les dépôts éocènes. Enfin à Aix les espèces déjà signalées dans d’autres dépôts tertiaires sont loin d’être nombreuses. À la Callitris| | à Brongniarti, Endl. et à la Pteris æningensis déjà citées, on peut ajou:| ! à ter probablement les Cinnamonum polymorphum et lanceolatum, k le Laurus primigenia , la Getonia petreæformis, Ung., le Zizyphu DE LA PROVENCE. 509 Ungeri qui s’y montre très communément et peut-être aussi le Cera- topetalum hœringianum, Eu. , le Pinus Saturni et deux ou trois Pro- téacées, mais ces derniers rapprochements sont encore douteux. Il en est autrement à Manosque (Basses Alpes), localité appartenant à la même formation , mais où les empreintes se recueillent vers la partie moyenne et supérieure des couches, tandis qu’à Aix c’est plutôt vers la base qu’on les rencontre , au milieu des gypses. A Ma- nosque , chose bien remarquable pour un dépôt à peu près contem- porain de celui d'Aix, puisque tous deux se rapportent à un étage immédiatement inférieur à la mollasse marine miocène, sont à peine distants d’une douzaine de lieues, et que la liaison des couches sans solution de continuité marque qu'elles ont été autrefois déposées au fond d'un même bassin lacustre, on n’observe que très peu de plantes communes aux deux localités. La Nymphœa eocenica et un Daphno- ene sont les seules que l’on puisse signaler d’une manière certaine. ‘ensemble de la flore de Manosque indique une transformation ou révolution en voie de s’accomplir ; c'est-à-dire l'éloignement partiel de plusieurs formes réellement tropicales et l'introduction conco- mittante de types plus spécialement miocènes et même déjà pliocènes. En effet, à Manosque le Glyptostrobus europœus ou une forme très voisine s’y présente à l’exclusion des Cupressinés d'Aix; un A/nus voisin du nostratum, un Carpinus très multiplié, un Populus que je crois le P. mutabilis var. crenata, le Planera Ungeri, le Laurus prin- ceps, enfin l'apparition d'une forme très analogue au Platanus ace- roides, dont je n'ai malheureusement qu'une seule empreinte mu- tilée, des Cornus, des Graminées, dénotent dans la végétation de cette localité ancienne une tendance à revêtir un caractère plus tem- péré et une affinité plus grande avec les temps miocènes proprement dits, et même avec OEningen. Le nombre des espèces déjà signalées et surtout de celles qui se trouvent dans la mollasse suisse, encore assez restreint dans le dépôt d'Aix, comme je viens de le dire, augmente dans une proportion considérable. En voici l'énumération : Glyptostrobus europœus, À. Br., Alnus nostratum, Ung., Fagus Castaneæfolia, Ung., Laurus styracifolia, O. W., Laurus primigenia, Ung., Laurus princeps, H., Cinnamomum lanceolatum, Ung., Dryandroïdes banksiæfolia , Planera Ungeri, Ett., Platanus aceroides, Gp., Populus mutabilis, Berchemia mutabilis, Pterospermites vagans, Cornus studeri, Dyos- piros brachysepala , Cassia phaseolites , etc. Cette liste destinée à s’augmenter encore par suite de déterminations postérieures s’ap- plique à un dépôt bien moins connu que celui d'Aix et comprenant des, espèces moins nombreuses de moitié. Vous voyez, Monsieur, que la même liaison que vous avez cru re- marquer dans les travertins de Massa entre les types pliocènes et les nôtres actuels, se retrouve ici entre les types éocènes et ceux de l'époque suivante; car il ne faudrait pas croire non plus que la flore de Manosque se trouve dépourvue de types éocènes ; au contraire, 510 PLANTES FOSSILES les Protéacées et parmi elles le Dr. banksiæfolia, Heer, espèce carac- téristique, y jouent encore un très grand rôle. J'y ai recueilli un fruit de légumineuse tout-à-fait tropical par sa forme et ses grandes dimen- sions; enfin vous avez vu que le Nymphæa evcenica y formait un trait d'union entre ce dépôt et les flores antérieures. Les fragments même du Gallitris, quoique très rares, n’y sont pas tout-à-fait inconnus. Après cette flore, il existe en Provence une lacune immense, que mes efforts n’ont pu combler jusqu'à présent, les terrains exclusivement marins, connus sous le nom de mollasse qui suc- cèdent au terrain gypseux, ne renferment nulle part de débris de plantes, leur texture grossière s’y oppose encore plus que leur ori- gine salée, les couches marneuses y sont très rares, les grès coquil- liers dominent. Cette grande formation comprend plusieurs étages; elle correspond à votre mollasse marine de Suisse , et peut-être en partie aux marnes subappennines d'Italie; de sorte qu’en retrouvant des débris végétaux dans les £ufs caverneux qui surmontent immé- diatement ces terrains marins, et se lient même avec eux sur quel- ques points, on se trouve en présence d’une flore déjà plus moderne que celle d'OEningen et qui me semble en partie au moins contem- poraine de celle des travertins de Massa. C'est ici, Monsieur, que mes recherches ont marché parallèlement aux vôtres et que nous avons obtenu tous deux des résultats tout-à-fait analogues, sinon identiques. Dès le premier moment où j'ai exploré ces terrains, J'ai été frappé comme vous du mélange de formes évidemment disparues et de formes voisines de celles qui vivent encore dans le pays. Il est vrai qu'il m'a été souvent presque impossible de découvrir une différence sensible entre les espèces anciennes, similaires des nôtres et celles-ci. J'ai pourtant hésiié et j'hésite encore à recon- paitre leur identité. J'avoue qu'elle parait probable, et je crois même qu'on pourrait avancer hardiment que dès lors quelques- unes de nos espèces des bords de la Méditerranée existaient déjà et ont persisté depuis à habiter la même région; mais de là à recon- naitre d’une manière certaine que les espèces pliocènes , pareilles aux nôtres par leurs feuilles, sont bien les mêmes que celles-ei, 1l y a toute la distance qui sépare une affirmation générale, rendue probable par une foule d'indices, d'une assertion spéciale bien diffi- cile, sinon impossible à préciser, puisque nous ne possédons jusqu'à présent qu'une partie des organes de chaque espèce et que par con- séquent les moyens réels de comparaison nous échappent. L'étude du monde actuel, comme celle du monde passé, montre avec une entière évidence que Le même moule a servi à la nature pour en for- mer une série d'empreintes simultanées ou successives, qui repro- duisent plusieurs fois le même type avec des variations spécifiques plus ou moins saillantes , quelquefois à peu près nulles: et ce phé- nomène se présente dans le temps comme dans l’espace. DE LA PROVENCE. 511 L'Amérique, la région de l'Himalaya, comparées à l’Europe nous offrent des espèces similaires des nôtres que l’on a d’abord confondues avec elles, puis séparées spécifiquement. Les terrains anciens pré- sentent également dans certains groupes nombreux de longues séries de répétitions du même type, sans que pourtant on puisse croire à une identité complète de ces formes entre elles, quelque analogues qu'elles paraissent au premier abord ; enfin il existe même une gra dation dans la marche des formes spécifiques, qui fait que dans chaque époque chaque espèce est souvent précédée et suivie d’une série d'espèces qui s'en rapprochent d’autant plus qu’elles l'ont pré- cédée ou suivie de plus près. Les Protéacées maintenant tout-à-fait éteintes en Europe présentent de curieux exemples de ce phénomène, de même que les Daphnogene, et il est souvent aussi difficile de distinguer l’une de l’autre deux Protéacées ou deux Laurinées des Fe anciennes, qu'un Quercus pliocène d’avec nos chênes actuels. Une autre considération s'oppose encore, selon moi, à cette assi- milation si naturelle qu’elle paraisse au premier abord. Cette consi- dération est particulière à la région que j'ai explorée. J'ai bien re- marqué que le mélange de formes éteintes et de formes modernes existait déjà dans les tufs les plus anciens, de manière à former dans quelques dépôts une alliance bizarre au premier aspect. Mais lors- qu'il existe des tufs d'un âge plus moderne quoique toujours anté- rieur au diluvium, je n'ai pas remarqué dans ceux-ci une prédomi- nance réelle et définitive annonçant l'avènement prochain et exclusif de la végétation moderne. L’apparence exotique diminue, il est vrai, de plus en plus; les Laurinées tendent à disparaitre, mais les Pinus qui surviennent de même que plusieurs genres de dicotylédonnées particulières à cette période annoncent l’existence d’une végétation qui, n'ayant plus rien de tropical ou d’exotique, diffère cependant beaucoup, par la composition de ses éléments, de l'association végé- tale qui domine aujourd'hui dans le pays. Ajoutons encore que je n'ai jamais rencontré de traces des Q. ileæ et coccifera si caractéristiques aujourd'hui sur tous les bords de la Méditerranée. Il se pourrait done que toutes ces espèces si voisines des nôtres en apparence les aient seulement précédées immédiatement et que les modernes en soient de véritables répétitions de la même façon que le Callitris quadrivalvis, Vent. reproduit fidèlement de nos jours le C. Brongniartii, Endl. et que deux Quereus (es platrières d’Aïx se rapprochent énormément des Quercus chlorophylla et dry- meia, sans que l’on puisse pourtant cesser de douter si cette res- semblance équivaut à une complète identité. J'ajouterai, Monsieur, que ces réflexions n’ont rien d'absolu, que je me suis toujours laissé entrainer vers l’opinion en faveur e laquelle vous penchez vous-même et que je cherche, non à la combattre, mais à rencontrer des preuves et des raisons péremp- toires qui permettent de l’adopter. 512 PLANTES FOSSILES Je vais maintenant finir par quelques notions qui vous intéresse- ront peut-être sur la flore que j'ai observée dans nos tufs pliocènes. Elle comprend #40 espèces environ , recueillies sur divers points : à Meyrargues près d'Aix, aux Aygalades près de Marseille, aux Ares près de Trans, à Belgentier près de Toulon, ceux-ci paraissent les plus modernes. Aux Aygalades on peut en distinguer de deux âges ; ceux de Meyrargues paraissent être les plus anciens. I. A Meyrargues j'ai observé deux Pinus (cônes) l’un d’eux est en fragment, l’autre dans son intégrité, petit, ovoide, très obtusément arrondi à la base; la forme des écailles le rapprocherait du P. pa- roliniana. Des tiges de Cyperus et des chaumes de Graminée. Alnus, que j'ai nommé éntegrifolia. Carpinus, fragments de feuilles, voisin de votre C. pyramidalis. Ulmus, à feuilles petites, étroites et grêles, allongées. Sahix angusta, À. Br. Populus voisin, mais bien distinet du leucophylla, très-belle es- pèce que j'ai nommée P. albifolia. Quercus, voisin du Q. cerris, à feuilles variant beaucoup de forme, tantot profondément lobées, roncinées, tantôt simplement ondulées, presque entières, les lobes ne se terminent jamais par un contour arrondi, mais plutôt par une pointe obtuse. Celtis, très difficile à distinguer du C. australis. Ficus tiliæfolia, Heer, feuille. Laurus, voisin du L. Furstembergü , Heer. Acer, analogue par la forme des lobes à l'A. angustilobum , Heer. Acer, autre espèce, fragments, foliis subquinquelobis. Rhus, très voisin du cotinus. Rhamnus ou Celastrus, plusieurs espèces. Clematis? .… Folioles détachées. Cornus, voisin du C. sanguinea, L. Hedera, feuille trilobée, voisine de l’H. helix. IL. Aux Aygalades, dans la partie la plus ancienne on observe les espèces suivantes : Celtis, le même qu’à Meyrargues. Ficus, grande espèce, voisin du F° carica. Laurus nobilis. Laurus canariensis, Sm., les points verruqueux sont bien visi- bles, à l’aisselle des grandes nervures. Phæbe barbusana, Webb. Dans les parties qui paraissent moins anciennes j'ai observé un très beau Pinus que j'ai nommé P. massiliensis, il est à deux feuilles, DE LA PROVENCE. 513 le cène que j'ai pu mouler est allongé, elliptique , il porte des apo- physes à crêtes saillantes, à partie supérieure très bombée, terminée par une protubérance relevée en saillie. Cette espèce est bien dis- tincte de toutes celles dont j'ai pu la rapprocher. Populus, fragments de feuilles, cordato-deltoideis, margine sinuato repandis. Salix angusta, À. Br., très commun. Quercus, feuilles lobées à lobes obtusément arrondis, pareil au Q. pubescens, Wild. Laurus ut supra. Tilia, ne différant pas du T. microphyllu. Acer, voisin de l'A. Monspessulanum, mais différant par des lobes plus obtus et moins divergents. Malus, très voisin du Malus baccata de Sibérie , espèce très ré- pandue et nettement caractérisée. Cornus, voisin du sanguinea. LUN ES ARR Les espèces qui précèdent à l'exception du Laurus et du Populus sont particulièrement associées et proviennent du même bloc. III. Aux Ares près de Trans (Var.), le Laurus nobilis et les Quercus reparaissent associés à un Salix de la section des capræa. IV. A Belgentier, localité qui paraitrait plus moderne, je n’ai plus remarqué de Laurus, ni aucune forme exotique, mais les espèces suivantes : Alnus , très voisin de l’A. Kefersteinii. J'avais rapporté cette es- pèce au g. Corylus qu'elle retrace par sa forme et sa nervation, mais cette espèce comme la plupart de celles des tufs n’ont pas en- core subi de ma part un examen définitif. Ulmus , à grandes feuilles, voisin de l’U. grandifolia actuel. Acer, à grandes feuilles, à cinq nervures et à cinq lobes, voisin des Acer pseudoplatanus et neapolitanum. Tilia, voisin du Til. europæa et de la var. grandifolia. Plusieurs espèces non encore déterminées qui pourraient bien se rapporter à des folioles détachées d’une feuille ailée, folioles en- tières sur les bords. Voilà, Monsieur, sur notre flore fossile quelques notions trans- erites à la hâte, elles sufliront pour vous donner une idée de ce que je possède et surtout de l'aspect que présente notre végétation plio- cène. 514 PLANTES FOSSILES DE LA PROVENCE. Terrains à feuilles fossiles des environs de Marseille. NORD SUD & % 3 1 SE © = ® 4 oœ = ss S> = Æ F 2% ë & « 2 & me T = SA = = ë CE 5 ë E1 Terrains gypseux. EE Néocomien. PA Tufs. Poudingues et bréches. Marnes et :rgiles miocènes. OUEST VALLON DES AYGALADES. EST ë = Fa Fu S 5 5 < F _ a 5 È o © æ Ê i 1 l ! : { ! [ £ L : U L LU ! Tufs avec empreintes. = Argile marneuse. Tufs av —ê s S à sr Poe Quercus, peut-être plus Poudingues pliocènes. Marnes tufacées. BE Marnes et argiles miocènes, TEMPÉRATURE MOYENNE DE LAUSANNE. 5415 DE LA TEMPÉRATURE MOYENNE DE LAUSANNE ET COMMENT ON PEUT LA DÉDUIRE D'UNE SÉRIE DE TROIS ANNÉES D’OBSERVATIONS , (1855, 1856, 1857) faites à 8 heures, midi, 2 h.et #h., dans l’ancien local de l'Ecole spéciale. Par M. 3. Marguet, professeur. Avant de procéder à la détermination de la température moyenne, j'ai fait le dépouillement des registres et pris les moyennes qui cor respondent aux heures d'observation, et j'ai obtenu les résultats suivants, que j'extrais en grande partie d’un article publié, l’année dernière, dans le n° 21 des Archives des sciences physiques et na- turelles. La moyenne des températures observées à 8 heures, midi, 2 h. et 4 h., dans la journée, pendant les trois années de 1855 à 1857, a été de 10°,45 centigrades. La température à augmenté de 1855 à 1857; 1856 et 1857 ont à peu près la même moyenne. Les moyennes horaires ci-dessous montrent que la température s'élève de 8 h. à 2 h. et s’abaisse légèrement à 4 h., en donnant une variation de 2°,64. Moyennes. 8 h. | midi. 2h. | &h. 8°,60 | 10°,84 1 41°,24 | 41°,11 Si l’on prend la moyenne mensuelle des trois ans, on constate : 1° qu’elle n’est jamais descendue au-dessous de zéro; 2° que les températures de décembre et de janvier sont à peu près les mêmes; 3° que la chaleur augmente rapidement de février à juillet, époque du maximum, et reste à peu près la même en août; #° qu'à partir du mois d'août elle décroit rapidement. L'année la plus chaude a été 1857 ; la moins chaude, 1855. Les thermométrographes accusent un minimum de —15°,7 le 21 décembre 1855, et un maximum de 29°,9 le 21 juillet 4857. Ce qui donne un écart de 45°,6 centigrades. En prenant pendant les trois années les moyennes des minima et celles des maxima, on reconnait : 1° qu’à Lausanne le thermomètre descend au-dessous de zéro pendant six mois de l’année, et reste au- dessus de zéro pendant les mois de mai, juin, juillet, août, septem- bre et octobre; 2° que les mois de mai et de juin sont ceux qui pré- sentent la plus grande différence entre les maxima et les minima, ensuite viennent mars et avril. En mai, l’écart moyen est de 20°,5; l'écart moyen minimum constaté en octobre est de 12°,8, 516 TEMPÉRATURE MOYENNE Pour terminer ce rapide résumé des faits relatifs à la tempéra- ture, je consigne ci-dessous deux tableaux indiquant pour les trois ans, les jours de gelée, c'est-à-dire ceux pendant lesquels le mini- mum s’est trouvé au-dessous de zéro, et les juurs de non-dégel pen- dant lesquels le maximum est resté au-dessous de zéro. JOURS DE GELÉE (minimum au-dessous de zéro). Années. 5 ..|-Janv.. | Févr. . | Avril. [Somme 1855 1856 1857 Moyenne 9,7 121,0 120,0 115,0 Années. Novem.|Décemb.| Janvier.| Février. 1855 0 13 11 3 1856 | 1 5 2 0 1857 0 5 Al 9 | Moyenne 0,3 7,7 8,0 4,0 Ces tableaux confirment ce qui a été dit ci-dessus. DE LA TEMPÉRATURE MOYENNE. [l'est évident que la température de 10°,45 que j'ai déduite des observations faites pendant le jour à 8 heures, midi, 2h.et4h., ne saurait être la température moyenne, c'est-à-dire celle que j’au- rais trouvée si j'avais pu obtenir des observations du thermomètre d'heure en heure pendant les 24 heures de chaque jour dans la pé- riode des trois années. Tout le monde comprendra que cette tem- pérature est supérieure à la température moyenne réelle. Comment est-il possible d’arriver à cette température moyenne, à l’aide des données fournies par nos observations restreintes ? C’est ce que je me propose de montrer dans cette note. DE LAUSANNE. 517 Marche suivie pour obtenir la température moyenne. Lorsqu'on ne peut, dans une localité déterminée, enregistrer par jour qu'un petit nombre d'observations du thermomètre, qu’on ne se décourage pas pour celà! Il y a un moyen, et même plusieurs moyens, de déduire des nombre recueillis, la température moyenne, avec une assez grande approximation. Les météorologistes emploient trois procédés pour arriver à ce but. Les voici : 1° Corriger la moyenne des résultats obtenus aux heures d’obser- vation pour la ramener à la vraie moyenne. Cette correction se fait pour Lausanne, à l’aide de nombres caleu- lés par comparaison entre la moyenne des heures d'observation et la vraie moyenne, dans les pays voisins où l’on a l’avantage de posséder des observations horaires ou bihoraires, comme à Halle, Gættingue, Padoue et Genève. 2° Prendre la moyenne des maxzima et des minima de chaque jour. 3° Corriger cette moyenne à l’aide d’un coefficient convenable, calculé aussi par comparaison dans les mêmes pays qui ont servi à faire l'application du premier procédé. J'ai employé ces trois procédés et j'indiquerai bientôt les résultats qu’ils m'ont donnés. Auparavant, il est bon que je fournisse quelques détails et des tableaux qui, je l'espère, inspireront au lecteur la confiance que je le prie de m’accorder. J'ai recherché d’abord, en m’appuyant sur l’autorité puissante de M. Kaemtz, ce qu'il faut retrancher à la moyenne des températures de 8 heures, midi, 2 h. et 4 h., prises à Halle, Gættingue et Padoue, pour obtenir dans ces trois villes la véritable moyenne diurne, et j'ai pris comme correction, pour chaque mois, la moyenne des trois corrections, selon le conseil de Kaemtz qui dit que cette moyenne peut servir pour des points situés sur le continent et dans les zones tempérées. Les corrections mensuelles obtenues sont consignées dans le ta- bleau À ci-dessous. Tableau À. Valeur à retrancher Valeur à retrancher en degrés. en degrés. Me. © COOL Rien te ét POteR ges POOE RP RIMOUSRRRE : , 90 Mars 4:21... + 4,66 | Septembre .… …. «.. 2,52 MAMA ANT ee RSI OPEN RER Er La (ii 11 cie RP" T0 DOUR © : :4 280!8ÿ 1 DPrémbre 212: :. MOST Correction moyenne : 2,03. En raison de sa proximité de Lausanne, Genève pouvant paraître préférable aux trois villes précédentes pour le calcul des correc- tions, j'ai encore fait un travail analogue pour Genève et j'ai dressé le tableau B, 518 TEMPÉRATURE MOYENNE Tableau B. Valeur à retrancher Valeur à retrancher en degrés. en degrés. Jane .ne sut cames dei QU LIGIIeRt ae es ROBE curineolette-sa bite AIDE ci anti ASE Mars ice. nv. GES tou Septembre nr, 2 2e AS né tac muet 0 Ociqhre.e ee AE MAD: 4 + :i cond lovemnre SE UNE LOT CERN EN 1 2,61 | Décembre . . . . 0,78 En moyenne : 1,78. Les tableaux À et B m'ont servi à faire une double application du premier procédé. Pour utiliser le second, il a suffi de prendre les moyennes des maxima et des minima, extraites des résumés annuels ordinaires. Pour l'application du troisième procédé, j'ai fait comme pour le premier une double opération. J'ai d'abord emprunté à Kaemtz sa table des coefficients par lesquels on doit multiplier l'excès du maæi- mum sur le minimum diurne pour obtenir un produit qui, ajouté au minimum, donne pour somme la température moyenne diurne. Tableau de Kaemtz. C, Coeffcients. Coefficients. JANET 7, CU G SOS I THE. UE N UD 99 Rep Févridr. ©..." 07476 | AGût 200 = OI PROS Mare. . < . : 0275 | Sépiéiiré | 00) THOSe AMAR UV 2.06") Octbbre "27700 ONE Mar... 200 1010/4560"! Novembre ‘102 10496 JOIE es le 0,453 | Décembre. . . . 0,521 Coefficient moyen : 0,470, Enfin, j'ai mis à profit les nouveaux coefficients calculés par M. le professeur Charles Dufour, coefficients qui lui paraissent plus exacts que les précédents, pour nos contrées. Tableau de M. Ch. Dufour. C, (Extrait des Archives, n° du 20 mars 1860.) Coefficients. Coefficients. Janvier. à cu sit0, 488 ILgiilet : 260, 5 266 105488 HéNTier boue ooogvt 0470 1 Aonité > js vi 120970 107808 Mars . . . . . (0,465 | Septembre . . . 0,470 ANAL range 4404 0,É68x1r Qetobre saura. 0,466 Mai . : . . . 0,469 | Novembre . . . 0,468 Juin d 0,478 | Décembre. . . . 0,477 Coefficient moyen : 0,473. ra 4 L { #. à. # res LL à 11 ANT L = (° » : Fe ; “gire tepreseutalie des variations bar cruettiques, avaub et apres 11 forte Baisse du) 26 Qcomt, 185. 110 2 js me 7 D. Z À ; Ce Cévañons/netes Æ ITS TV LT aœit-aesttes ne PP2CP: Ale Pée-ate- patte AS x Lausanne ? M f C « ç : | Fa Se Moao uef Jrofesseux ne Morote Spéciale’. Ü C£ Pa g V2 LPS PAS A ge ne ; 5 e È ; 7 27 : ; C PRELRE ME CCI CE ailort ME Ce Cegre ee CertotoCe api CE ut asus ae À BP Ce ouctle als CHCES ed Culéd teñtéderlent (ed letcées, à tatSor AIR LD Aeures Nat ANT 7 Z . € Peubuis fortes. Cétpud duce CH Pelé ete ES 2247 BG SEL 2 DRE PELIE 4 LORS SE (RS ERAERRE 2 ” À Yps Ÿ. Of ANT Rs RS RÉCOLTER TE = Le Ce Dr 1 l S (l il © : 1 1 LS à At } S SENS $ NUS RS ! À RES S S. à [l D OK $ k à À | ll i 1 | ner ! l ! j ! [l &—-- Ï 1 ! i il [ 12) ’ | Ù ï ï DAT ! Ï ! | GITE [ : 2 2 LcsromztcsrmhkÀ 68 107 2 1 6 4 10122 4 6 g1012 2 4 C8 10 4 6 81012 2 4 6 rod À 6 4/01 ? z 6 & w1% À 4 6 a l122 à 6 a rw à 4 6 8 10122 4 esnbki scans 2 Lean 2 6 81012 2 4 6 4 ni2È L 6 &'s0 : . L î € 3 / 2 ; 71 ; 7» « = y etre Flu Lin € plusceut rs Fe Beaucou 4] de CITUS wars le Crrus Crelbrurmeus: dt 18 Curus Halo pendant 4 ES — Ace fort pentdansle sou’, Gel nuageux dans lepour Gresil ebplu æÆ vers 4 Dans Puce ed vent ussezf0rt de Gel très nuageux OX (4 LS ASS, rise£ SE faible ccel. SE freiêle de Jour; clair lesoir.N. Efauble | nue Violente tempoete ax \apecredoublementée :plure purdans læsorée. Calme |læsorrée grant penteS0. | SO ecteNO asser fort _ sr À EE ET t à 7 o à : 7 C CE furhls a Taüvre: Vent NO fuële d 0 fact dans là Juurree ; 29 23 2 25 1859. 26. 21 28 29 30 Décembre. Gotte Cause est CE fulut forée que Con ar oliet ét prenant Carrée 1929 "0 À sussns Leon” 125 1860. AU Let EoDe/ Sud-Ouest Des 4 à 5,6 a A ap) [Nu : » Éateu don 11990)0 din 1991 Mao 1 MITA 1 EAST 397), duo ï :& ic : “+ Fi ah. Sant, nNTÉE ARR. YA ae atout Re" mi Per, Hl.of dowufilh, roivefx HOT 22814, CRT AU RUE | Lee. 07 0 énbilge D, ALOTT can | où bé; PEU ARTE pre J . Ad FU a NE 1 ELU VAE ñ ca à cal Re m2 split ag AT A Ur, ba 29 ENS au AAA SIT A PUITS H CAE | ACT ea PA TTE Ho y 204 peu L AE Ji RIT Jen, pl ai D. | ne +) ANSE k CR TT RTE “ bush} | y de De gai dl y ol irg Ub aout | 1: o#lhipes aline of 60 | ap" HELD re | À à Av PACORTEUT +4 ; wii ‘agbrrinifs ‘Aou a art | NU ni 4 CTN doté Saad Ph: wi AUS Let ‘a gt | | “tt 340 de 15% ps Le je tek Saair: , eo fr rie 24 ar, - : Bureau de la Société pour 1939-60. MM. Lune, prof”, président. Ph. Deranarpg, D’, vice-président. J. DeLanarpe , père, secrétaire. Biscnorr, prof., caissier. René Guisan , archiviste. Pes- * < Fe A vendre : Catalogue des plantes vasculaires du Canton de Vaud. Prix : 60 cent. — S’adresser franco au Bibliothécaire. + + 54 Le R bas Acta de la Société helvétique des sciences naturelles-seront | ladressés gratuitement aux membres qui désireront les posséder. Le BULLETIN n'est adressé qu'aux membres qui ont acquitté * leur contribution annuelle. k . Pour les personnes étrangères à la Société, le Prix d'abonnement au Bulletin est fixé à 6 fr. par année, payables d'avance, On s’abonne chez F. Blanchard, impr.-libraire , à Lausanne. TRS RS SÉANCES de la Société vaudoise des sciences naturelles 1859-1860. 1859. Novembre . . , 2—416 || 4860. Avril , . . . 4—18: » Décembre. . . 7—91 » Mail . . . . 246. 1860. Janvier . . . 4—18 » Juin . 6—920. » Février. . . . 1—15 » » séance annuelle le 20% » Mars . . . . 7—91 » Juillet U' Les séances ont lieu à 7 heures du soir , à l'hôtel dé ville , Salle | dé la justice de paix. d Les auteurs sont responsables des opinions qu'ils émettent, TT RSORE———— — 4 AVIS. 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